^!l ARCHIVES DB ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE TARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE DARCET, ". ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIEES SOUS LA DIRECTION DE HENRI DE LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE l'iNSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR d'aNATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF (FINISTÈRE) in- DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR MER ( PYRÉNÉES-ORIENTALES) (Laboratoire Arago) DEUXIEME SERIE TOME SEPTIÈME 1889 PARIS LIBRAIRIE DE C. REINWALD 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 Tous droits réservés. NOTES ET REYUE I ÉTUDES SUR LE SANG, SON ROLE ET SA FORiMATION DANS LA SÉRIE ANIMALE, DEUXIÈME PARTIE. INVERTÉBRÉS. Note préliminaire; Par L. CuÉNOT. Docteur es sciences naturelles, préparateur à la Faculté des sciences de Paris. Cette note est le résumé d'un travail qui paraîtra prochainement, et sur lequel j'ai publié précédemment deux notices \ J'appelle amibocytes les corpuscules amiboïdes du sang (corpuscules blancs, leucocytes des Vertébrés) ; ils renferment des granules réfringents, diverse- ment colorés, que je désigne sous le nom de granules albuminogènes ou fer- ment albuminogène . Ce sont les amibocytes, et surtout les granules qu'ils con- tiennent, qui sont chargés, à mon avis, de la formation de l'albuminoïde du sang (albumine du sérum des Vertébrés), quel que soit celui-ci. Je renvoie d'ailleurs à ma première note pour plus de détails sur cette nomenclature. Les amibocytes sortent des glandes lymphatiques, remplis de granules albu- minogènes ; ceux-ci s'usent peu à peu; le protoplasma même de la cellule dis- paraît, et enlin celle-ci est réduite au noyau, qui se dissout à son tour : telles sont les phases constantes de l'évolution de ces éléments. Céphalopodes. — Le sang des Céphalopodes renferme un albuminoïde dis- sous, l'hémocyanine, chargé à la fois de la respiration et de la nutrition des x^ tissus, comme l'a démontré M. Fredericq. Les seuls éléments figurés qu'il contienne sont des amibocytes, tout à fait typiques, dont le noyau est sou- vent contourné, bilobé, comme celui des globules blancs chez les Vertébrés. La glande lymphatique chargée de la formation de ces amibocytes est une glande blanchâtre, arrondie, appendue au cœur branchial (appendice branchio- cardiaque, glande péricardiale, Grobben); elle reçoit de nombreux vaisseaux du creur branchial ; chacun d'eux se divise en petites branches, toutes revê- tues d'un épais manchon conjonctivo-cellulaire, figurant ainsi une sorte d'épongé. Dans ces manchons, on trouve de nombreux noyaux qui s'entou- 1 Même titre (Archives de zoologie expérimentale, Noies et Revue, p. xliu, 2<= sér., t. V, 1887). — Sur les glandes lymphatiques des Céphalopodes et des Crustacés déca- podes [Comptes rendus de l'Académie des sciences, L GVIII, u" 16, 23 avril 1889). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. -— T. VU. 1889. A V / 7 ? f; . h Il NOTES ET REVUE. rent de granules albuminogènes, forment de véritables amibocytcs et passent ensuite dans le courant circulatoire. La glande branchiale (Joubin) n'a aucun rapport avec la production des amibocytcs; son rôle est encore mal déterminé. Gastéropodes. — Le sang renferme de l'hémocyanine, plus ou moins colorée, sauf dans le genre Planorbis, où il y a de l'hémoglobine (Ray-Lankester) ; les amibocytcs sont normaux. La glande lymphatique des Doris est placée sur les ganglions cérébroïdes {blood-gland de Bergh) ; elle est richement vascularisée par l'artère cérébrale, et formée d'un lacis conjonctif enfermant dans ses mailles de nombreux noyaux, qui évoluent en amibocytcs. Chez le Pleurobranchiis aurantiacus, VOscanius memhranaceus, le Plenro- branchœa Meckclii, c'est une grosse glande placée sur l'aorte antérieure, tout près du cœur, et découverte par M. de Lacaze-Duthiers (glande indéterminée), qui remplit la fonction lymphatique; son histologie est identique à celle de la Doris. Chez la Philine aperta, la glande lymphatique est placée à la pointe du cœur, et reçoit des rameaux des aortes antérieure et postérieure ; c'est la glande rouge de M. Vayssière. Chez les Pulmonés terrestres (Hélix, Arion, Limax), les gros vaisseaux du poumon sont entourés d'un manchon conjonctif fort épais, où se trouvent de nombreux noyaux destinés à se transformer en amibocytcs ; chez le Planorbis corncus, les amas lymphatiques sont plus spécialement localisés dans les trois grandes crêtes qui parcourent le poumon ; chez la Lymnea slagnalis, ils sont intimement intriqués avec les vaisseaux pulmonaires, si bien qu'on ne peut les distinguer que sur les coupes. Chez les Pectinibranches, c'est dans la branchie même que se trouve la glande lymphatique ; les lames branchiales [Paludina vivipara) renferment une anse vasculaire en forme d'n, dont les branches sont séparées par un rachis conjonctif, bourré de noyaux qui évoluent en amibocytcs. On retrouve plus ou moins nettement ce rachis lymphatique chez beaucoup d'autres Pec- tinibranches. Chez les Trochus, il y a dans chaque lame branchiale un rachis lymphatique, comme chez la Paludine ; chez VUaliotis, eu dessous de chaque branchie, au nombre de deux comme l'on sait, se trouve dans le manteau une glande mal limitée, parcourue par un réseau veineux allant se jeter dans le vaisseau bran- chial clTérent, et dont les cellules ont nettement la signification lymphatique. Chez la Fissiirclla reticulata, c'est dans le vaisseau efférent même que se trouve la couche glandulaire, directement baignée par le sang qui retourne au cœur. Lamellibranches. — L'hémocyanine, rarement bien caractérisée, existe chez la plupart de ces Mollusques j deux d'entre eux, YArca tctraijona et le Solen Icfjumen (Ray-Lankester), ont à la fois des amibocytcs et des hématies à hémoglobine. La glande lymphatique n'est pas, à proprement parler, une glande ; elle est diffuse et fort difficile à mettre en évidence ; on la trouve dans tous les cas \" NOTES ET REVUE. m au voisinage du vaisseau l)rancliial afférent, sur le trajet du sang qui va res- pirer. Chez VArca tetragona, elle forme à la fois des hématies et des amibo- cytes; elle est donc homologue à la rate des Vertébrés. TuNiciERS. — Chez les Ascidies, le sang ne renferme qu'une petite quantité d'albuminoïde dissous ; pour suppléer à celte infériorité, les amibocytes accu- mulent à leur intérieur des produits de réserve très variés ; chez toutes les espèces, on trouve des corpuscules renfermant de nombreux granules de graisse, accompagnés très souvent par d'autres bourrés d'albuminoïdes; enfin une troisième variété contient des granules d'un rouge orangé, décolorablcs par l'eau bouillante et l'alcool, de nature inconnue, qui sont assez abondants pour donner leur teinte à certaines Ascidies {Ascidia menlula, Phallusia san- guinolenta). En somme, le polymorphisme des éléments sanguins est fort grand, mais je crois qu'on peut tous les rapporter à des amibocytes ayant fabriqué différents produits nutritifs. Chez un certain nombre d'espèces (no- tamment Ctenicella appendiculala), on trouve en outre de grandes vésicules incolores,, que je rapporte à des hématies. Je ne suis point parvenu à trouver la glande lymphatique; j'ai examiné no- tamment la glande prénervienne ; elle n'en présente pas suffisamment les caractères pour que je puisse me prononcer avec certitude. Bryozoaires. — Les amibocytes renfermés dans les loges sont formés par le funicule, comme l'a démontré Joliet ; on sait que c'est le funicule qui forme les œufs, en grande partie les spermatoblastes, et enfin les statoblastes et les bourgeons. Nous sommes donc en présence d'une glandclymphatique forma- trice des produits sexuels ; nous en trouverons ailleurs d'autres exemples. Crustacés. — Chez les Décapodes, le sang renferme de l'hémocyanine et des amibocytes très normaux^, à gros granules albuminogènes. Il y a deux ordres de glandes lymphatiques ; l'une est située dans la branchie même, soit entre les vaisseaux afférent et efférent (Crabes, Pagures), soit dans l'un de ceux-ci (chez l'Écrevisse, dans le vaisseau efférent) ; l'autre est formée par un développement du péricarde qui, sur les côtés, se dilate en deux poches, faci- lement injectables par les vaisseaux branchio-cardiaques, et bourrées d'amas lymphatiques et de produits de réserve. Elles sont beaucoup mieux dévelop- pées chez les Crabes que chez les Pagures et les Macroures ; ces poches péri- cardiques sont situées dans la cavité branchiale, de chaque côté du cœur. Pyci^ogoinides. — Chez ces animaux, outre les amibocytes normaux, à gra- nules albuminogènes, on trouve de nombreuses hématies incolores (ballons de Dohrn). Je n'ai pas trouvé la glande lymphatique. Arachnides. — Le sang renferme souvent de l'hémocyanine (Scorpions), parfois un albuminoïde jaunâtre, très différent {Epeira diadema). J'ai trouvé la glande lymphatique chez les Scorpions; elle est accolée à la chaîne ner- veuse ventrale du préabdomen (glande annexe, de Blanchard et Houssay) ; elle est constituée par une fine trame conjonctive, bourrée de noyaux et cellules, dont la transformation en amibocytes est facile à constater. Insectes. — Le sang des Insectes peut renfermer beaucoup de produits diffé- rents ; la chenille du Saturnia pyri présente le plus haut point de complica- tion : le sang oxydé à l'air laisse déposer des granules noirâtres que Kruken- IV NOTES ET REVUE. berg désigne sous le nom (TUranidine, et dont le rùle et la composition sont inconnus ; il renferme encore de la fibrine, un albuminoïde primitivement jaune qui devient noirâtre à l'air, et que j'ai appelé hémoxanthinc; enfin, en le traitant par l'alcool, on en retire une lutéine jaune, très voisine de la xan- tliopliylle végétale, sinon identique avec elle (Poulton). Les alhuminoïdes, parl'aitement homologues à l'hémoglobine et à l'iiémocyanine, sont surtout très variables dans leur teinte et les phénomènes d'oxydation qu'ils présen- tent: on trouve ainsi l'/iémop/i^me (type : Dyliscus, Blaps, etc.), ïhémoprasinc (type : chenilles des Pieri-! brassicx et rapx), Vhémocrocine (chenille Salurnia cynthia), Vliémochlorine (chenille Harpygia vinula), etc., et enfin l'hémoglo- bine chez la larve du Chironomus plumosus . Pour arriver à définir les alhumi- noïdes, il faut les séparer de tous les corps accessoires : fibrine, lutéine, ura- nidine, quand ils existent ; ces détails ne peuvent trouver place ici. Les éléments figurés du sang sont des amibocytes; chez les Chenilles, ils accumulent une grande quantité de produits de réserve, surtout des alhumi- noïdes, pour la phase chrysalide. Chez la chenille du Cossus ligniperda, il se forme à l'intérieur des amibocytes, des cristalloïdes protéiques, incrustés d'acide urique et de carbonate de chaux, qui se répandent ensuite dans le sang où on les trouve en grand nombre. La glande lymphatique est constituée par le tissu itéricardial (Pericardial- zellen) ; c'est un amas de petits lobules placés autour du cœur, notamment sur les muscles aliformes ; ces lobules sont remplis de protoplasma et renfer- ment de nombreux noyaux ; ceux-ci s'entourent de granules albuminogènes, deviennent amiboïdes et passent par diapédèse dans la cavité générale dont ils constituent les amibocytes. Chez les Léjjidoptères, on trouve, dans les lobules péricardiques, de gros noyaux mesurant jusqu'à 50 p., qui sont les centres de formation des nouveaux noyaux. Chez les autres Insectes, les nucléus sont tous de même taille et se reproduisent par simple segmentation . La larve du Chironomus plumosus, déjà intéressante par la présence de l'hémoglobine, n'a pas de corpuscules figurés dans le sang; ils sont remplacés, quant à leurs fonctions assimilatrices, par des granules réfringents, accumulés dans le corps adipeux, notamment dans sa partie céphalique colorée en vert clair; ces granules correspondent au ferment albuminogène habituel des ami- bocytes. Annélides polychètes. — On peut étudier séparément le liquide cavitaire et l'appareil vasculaire. Les amibocytes du premier sont formés par de petites glandes, placées sur les septums, souvent au voisinage de l'entonnoir néphri- dien ; elles ont été signalées pour la première fois par Meyer. Je les ai retrou- vées chez les Polycirrus, l'Aphrodite, l'IIermione, le Chétoptère, etc. Chez nombre d'Annélides sédentaires, ce sont les chloragogènes {Spirogra- plus, rsygmobranchus) qui donnent naissance aux amibocytes ; on voit ces cellules, bourrées de granules colorés, devenir amiboïdes, se détacher des vaisseaux qu'elles recouvrent et passer dans le liquide cavitaire. Il y a des hématies à hémoglobine chez les Glycères, les Capitellides, le Polycirrus hcmatodcs et la Lcprea lapidaria (Claparède). Chez les Glycères, elles tirent leur origine d'un amas cellulaire placé autour de la chaîne ner- NOTES ET KEVUE. v veuse ventrale, et formé d'hématies en voie de développement ; chez le Dasy- branchus caducus, de deux tubes placés également sur les côtés du cordon nerveux, et dont le contenu est pareillement formé de jeunes hématies. Chez quelques knnéi'idQS [Aphrodite aculcala, Hermione hijslrix, Chelopterus variopedalus, Marphysa), les produits génitaux se forment aux dépens des glandes lymphatiques; au milieu de celles-ci, les œufs naissent et se dévelop- pent jusqu'à complète maturité. C'est un exemple tout semblable à celui des Bryozoaires. L'appareil vasculaire renferme de petits amibocytes, différents de ceux de la cavité générale, destinés à former l'albuminoïde qu'on y trouve (hémoglo- bine, chlorocruorine, etc.). Les glandes formatrices sont bien nettes chez ies Térebelliens, les Cirratuliens, etc., où elles sont représentées par le corps cardiaque ; ceiui-ci est formé de cordons irréguliers, vivement colorés, rem- plis de noyaux, qui évoluent en amibocytes et s'échappent dans le liquide vasculaire en emportant quelques granules des cordons. La glande renfermée dans le cœur du Polyophtalmus ^nctus (Uqyqv) est éga- lement une glande lymphatique. Enfin les pseudo-valvules des vaisseaux chez la Nereis DumeriUl, constituées par une tige conjonctive portant une ou deux cellules, n'ont d'autre rôle que de former des amibocytes. Oligochètes.— Chez les Oligochètes, notamment le Lombric, le tube diges- tif et les vaisseaux adjacents sont recouverts de grandes cellules, bourrées de gros granules jaunes, réfringents, que Claparèdea appelées Cellules chlorago- gènes. Au moyen de réactifs appropriés, on constate que les granules sont formés d'une matière albuminoïde. Ces chloragogènes se détachent, tombent dans la cavité générale et y deviennent amiboïdes ; leurs granules sont peu ù peu utilisés pour la nutrition, et finalement on a des amibocytes incolores, très différents comme taille de la forme originelle, ' Les chloragogènes absorbent donc les produits de la digestion, les conver- tissent en albumine, qu'ils vont répandre ensuite dans la cavité générale ; elles représentent une glande lymphatique, dont les fonctions sont plus impor- tantes encore que d'habitude. HiRUDi.NKES. — Chez les Hirudinées supérieures [Hirudo, Aulastoma^ Ne- phelis), l'appareil vasculaire tout entier correspond, non pas à celui des autres Annélides, mais bien à la cavité générale, comme le prouvent l'embryologie et l'anatomie comparée. Sur les vaisseaux se trouvent des tubes creux, par- courus par le sang, très pelotonnés, et revêtus intérieurement d'une couche de grandes cellules à granules jaunes très réfringents : ce sont les tubes ho- thryoidaux (Ray-Lankester), très développés chez les Nephelis, un peu moins chez flirwdo et Aulastoma; ils ne sont pas intracellulaires, comme ledit Bourne dans son beau travail sur les Hirudinées ; ce sont des prolongements vasculaires en cœcum, qui se revêtent postérieurement de cellules granu- leuses. Dans ces tubes, outre les cellules, il y a des amas de noyaux qui don- nent naissance aux amibocytes de l'appareil vasculaire. Outre les tubes bothryoïdaux, on trouve encore, sur ies tractus conjonctifs qui parcourent le corps, des accumulations de ces mêmes granules jaunes, formant ainsi un réseau de fibres pigmentées très ramifiées, surtout très ser- VI NOTES ET REVUE. rées près de l'inlestin ; c'est ce que Ray-Lankester a appelé tissuvnso-fibreux. Il n'a aucun lien avec les tubes bothryoïdaux : c'est un système tout à lait distinct. Au milieu des tubes botbryoïdaux et des tractus vaso-ûbreux se trouvent de nombreuses cellules qui accumulent à leur intérieur des granules protéiques ; ce sont des cellules de réserve, comme je l'ai démontré en les nourrissant artificiellement avec une solution de peptone. Je pense que les granules jaunes des tubes et des tractus représentent aussi une matière de réserve fa- briquée dès les premiers temps du développement, et dérivée peut-être de l'hémoglobine. Chez les Hirudinées inférieures {Pontobdella,Clepsine),ii\ec la cavité géné- rale plus ou moins différenciée en vaisseaux il coexiste le véritable appa- reil vasculaire, mais très réduit. A la place des tubes bothryoïdaux et des tractus granuleux on trouve de grandes cellules bourrées de granules jaunes, comme précédemment, et accompagnées comme toujours par les cellules pro- téiques de réserve. Géphykiens.— Les Géphyriens inormes (Phnscolosoma, Sipunculus) présen- tent des particularités très intéressantes : le liquide périviscéral renferme, outre les produits génitaux, des amibocytes à granules albuminogènes, d'au- tres qui ont accumulé des granules albuminoïdes (amibocytes de réserve), des hématies renfermant un albuminoïde dissous, oxydable à l'air, que Kruken- berg, tout en méconnaissant sa composition, a appelé héménjlhnne. Chez le Sipunculus nudus, on trouve aussi des urnes, org-anites ciliés monocellulaires, qu'on a souvent rapportées à des Infusoires parasites; je les ai retrouvées chez divers Phascolosoma du la Méditerranée, mais cette fois pluricellulaires, com- posées d'une trentaine de cellules, ce qui tranche tout à fait la question du parasitisme. Les urnes et coupes ciliées n'ont d'autre but que de brasser le liquide périviscéral ; ils viennent ainsi en aide aux cils vibratiles, beaucoup plus développés chez les espèces dépourvues de ces organites ciliés. Enfin on trouve dans le sang de grandes vésicules, creuses, mono ou pluri- cellulaires, dont l'origine et la signification me sont tout à fait inconnues. La glande lymphatique est représentée par ce qu'on appelle communément Vappareil vasculaire; il est formé d'un boyau ca'xal, qui court sur la portion rectiligne de l'œsophage, du côté dorsal, et qui communique avec la cavité des tentacules ; il y a souvent aussi un boyau ventral conformé de même {Sipunculus nudus). Ces boyaux, dont la cavité est traversée par de petits sep- tums conjonctifs revêtus de houppes vibratiles, renferment une zone cellulaire qui produit les hématies et les amibocytes; ceux-ci se détachent, continuent leur développement dans l'intérieur du vaisseau et enfin sortent dans la cavité "énérale par rupture de sa paroi. Le prétendu appareil vasculaire a donc en grande partie la signification d'une glande lymphatique. Les urnes ciliées du Siponclc se forment sur la paroi externe du boyau dorsal • elles ont d'abord la forme d'une vésicule creuse, pédiculée, fixée sur la paroi, qui se segmente ensuite en deux : le segment supérieur prend la forme d'une urne et se détache dans le liquide ambiant ; le segment inférieur se divise à nouveau ou se détache à son tour, et ainsi de suite. A part toute NOTES ET REVUE. vu autre considération, on voit qu'il n'y a rien là dedans qui puisse ressembler ù un développement d'Infusoire. Chez les Géphyriens armés {Bonellia viriclis), les choses sont toutes diffé- rentes; le liquide périviscéral, tout à fait incolore, ne renferme que des ami- bocytes parfaitement normaux. La glande lymphatique est représentée par des manchons cellulaires qui entourent le vaisseau ventral et ses branches inférieures, et leur donnent un aspect glandulaire parfaitement décrit et figuré par M. de Lacaze-Duthiers, dans son travail classique. Ces manchons renfer- ment de nombreux noyaux, qui s'entourent de ferment et forment ainsi des amibocytes, qui émigrent dans le cœlôme. Il est à noter que l'ovaire est formé sur le prolongement du manchon lymphatique ventral ; nous sommes encore en présence de la formation des œufs par un tissu primitivement lymphatique, comme chez les Bryozoaires et les Annélides. ÉcHiNODERMES. — Chcz les Oursins, le liquide périviscéral renferme une très petite quantité d'albuminoïde dissous et de très nombreux corpuscules sq rattachant tous aux amibocytes, qui accumulent à leur intérieur différents produits de réserve, graisse ou albumine. Les amibocytes, tels qu'ils sortent des glandes lymphatiques, sont incolores ou renferment quelques granules jaunes, qu'on retrouve en abondance dans beaucoup d'organes (tube digestif, mésentère, glandes lymphatiques) et dont j'ignore la nature (substance excrémentitielle ou matière de réserve?). Dans un grand nombre de ces corpuscules, il s'accumule des granules protéiques, incolores, qui finissent par les envahir complètement; ils rentrent alors les pseudopodes, ne se déplacent plus qu'en masse, en rampant pour ainsi dire, et prennent le nom de corpuscules mûriformes. Beaucoup d'autres fabriquent de la graisse, sous forme de granules d'un rouge brun, bien connus de tous ceux qui ont étudié les Oursins; Mac-Munn a appelé ce corps échinochrome, et lui a attribué, ainsi que Geddes, un rôle respiratoire.. l'ai reconnu que c'était une graisse parfaitement caractérisée qui est mise en réserve, absolument comme chez les Ascidies. Les amibocytes à granules protéiques ou à échinochrome, uqe fois formés, passent par diapédèse dans tous les tissus et servent ù leur nutrition, sup- pléant ainsi à l'insuffisance du liquide périviscéral. En outre de ces diverses variétés d'amibocytes, on trouve des corpuscules vibratiles, ressemblant tout à fait à des spermatozoïdes, qui errent librement dans le liquide cavitaire ; comme les urnes ciliées des Sipunculides, ils ont pour fonction de brasser les amibocytes, venant ainsi en aide aux cils vibratiles. Les amibocytes incolores sont formés par la glande oyoïde (Prouho phez Dorocidaris) et les vésicules de Poli, qui sont des glandes lymphatiques parfai- tement caractérisées et non pas des organes excréteurs, cofnme on l'a pré- tendu récemment (Hartog, frères Sarazin). Chez les Crinoïdes (Comatule), la cavité générale renferme des amibocytes normaux, ù granules de ferment albuminogène, dont un grand nombre se remplissent de granules protéiques jaunes et passent ensuite dans les tissus pour les nourrir, l^a seule glande lymphatique est la glande ovoïde (orgqne axial). vm NOTES ET REVUE. Chez les Astérides et les Opliiurides, les amibocytes renferment seulement des granules de ferment; il n'y a pas d'amibocytes de réserve, aussi le liquide périviscéral renfenne-t-il une quantité beaucoup plus grande d'albumine dis- soute. Les glandes lymphatitjues sont fort nombreuses chez les premiers; ce sont notamment la glande ovoïde et les cordons génitaux, les corps de Tiede- mann et les vésicules de Poli ; chez les seconds, la glande ovoïde et les vési- cules de Poli. Il y a aussi des hématies à hémoglobine chez VOphiaclis virens (Fœttinger). On sait que chez les Crinoïdes (Perrier), les Astérides et les Ophiurides (Cuénot), et peut-être chez les Oursins, la glande ovoïde donne naissance à des prolongements sur lesquels bourgeonnent les organes génitaux. Nous sommes encore une fois en présence de la formation des produits sexuels par les cel- lules lymphatiques, comme chez les Bryozoaires, les Annélides et la Bonellie. Chez lesHolothurides, il y a de nombreux amibocytes incolores, dont beau- coup accumulent des matières de réserve sous forme de granules protéiques. On trouve aussi des hématies à hémoglobine chez la Cucumaria Planci, la Thyonella gemmala (Howell) et la Thyone auranliaca. Les vésicules de Poli sont des glandes lymphatiques destinées à former seulement les amibocytes incolores; on trouve aussi chez les Holothuries, comme chez les Oursins et la Comatule, des amas de granules jaunes, notamment dans le mésentère et les vésicules de Poli, dont beaucoup sont englobés par les amibocytes nouvel- lement formés. Considérations générales. — Le milieu intérieur des Invertébrés mérite le nom de sang, aussi bien que le liquide rouge des Vertébrés ; souvent c'est le même albuminoïde qui sert à la fois à la respiration et à la nutrition, comme l'ont démontré Ray-Lankcster et Fredericq(hémoglobine, hémocyanine, hémo- phéine, hémoprasine, etc.). Chez beaucoup de types, il y a des hématies par- faitement caractérisées, renfermant soit de l'hémoglobine ou de l'hémerythrine (Géphyriens), soit des albuminoïdes incolores, difficiles à caractériser (Asci- dies, Pycnogonides). Entin, chez un grand nombre d'espèces, la respiration s'opère par simple osmose et l'albuminoïde du plasma ne joue plus qu'un rôle nutritif. Très souvent le liquide sanguin est suppléé ou aidé dans ses fonctions nu- tritives par les amibocytes eux-mêmes, qui accumulent à leur intérieur des granules protéiques, plus rarement de la graisse (Ascidies, Oursins). Ces ma- tériaux nutritifs sont utilisés soit pour les besoins courants de l'animal, soit à une époque particulière de la vie (chenilles des Lépidoptères). La fibrine a un rôle hémostatique des plus nets ; elle n'existe que chez les Arthropodes, animaux à téguments durs, et dont les blessures, sans la fibrine, ne pourraient jamais se fermer d'elles-mêmes, vu la rigidité des tissus. On la rencontre surtout chez les Crustacés décapodes, les Aranéides, les Scorpions, la Liniule, les Myriapodes et quelques Insectes. Il est à remarquer que chez les Oursins, animaux à tégument rigide et dépourvus de fibrine, les amibocytes forment par leur réunion un pscudo-coagulum qui bouche très bien les bles- sures de petite dimension. Je ne puis parler ici des expériences que j'ai insti- tuées à ce sujet; elles trouveront leur place dans le mémoire détaillé. NOTES ET UEVUE. ix Les hématies existent cliez un grand nombre d'Invertébrés, soit constantes dans tout un groupe (Pycnogonides, Sipunculiens), soit accidentelles (Mol- lusques, Ascidies, Annélides, Échinodcrmes). Les aniibocytes sont des organites d'une importance capitale, très rarement absents (larve de Chironomus plumosus, Aphrodite aculeata) ; dans ce cas, ils sont remplacés par des glandes bourrées de granules de ferment (corps adi- peux dans le premier cas, glandes des septums dans le second). Leurs rôles sont multiples : 1" normalement, c'est à eux qu'il faut attribuer la formation de l'albuminoïde du plasma, quel qu'il soit ; si les expériences directes sont difficiles, en revanche les observations anatomiques confirment absolument cette hypothèse ; 2" ils jouent souvent le rôle de cellules de réserve, par l'ac- cumulation à leur intérieur de graisse et d'albuminoïdes; chez les Annélides polychètes, ils remplissent aussi les fonctions de cellules vitellines, en fabri- quant le vitellus destiné aux œufs ; 3° ils constituent des matériaux toujours prêts pour la réparation des tissus blessés; le coaguluni de fibrine qui bouche les blessures chez les Arthropodes et qui représente le tissu cicatriciel en renferme toujours une grande quantité, incluse mécaniquement; 4° ils défen- dent l'organisme contre l'invasion des microbes (Metschnikoff) et se chargent de l'absorption des tissus dégénérés ou qui doivent disparaître, ce qui leur a fait donner le nom de phagocytes. Enfin, pour compléter cet exposé, je rappellerai que les glandes lympha- tiques donnent souvent naissance aux produits génitaux, soit que ceux-ci se forment à leur intérieur (Bryozoaires, quelques Annélides), soit sur des pro- longements émanés des glandes (Bonellie, Echinodcrmes). Les glandes lymphatiques sont construites pour la plupart sur le même type ; c'est un lacis conjonctif rempli de noyaux, qui évoluent en amibocytes, et quittent alors la glande par diapédèse. Les seules exceptions à noter sont les chloragogènes des Oligochètes et des Polychètes sédentaires, qui forment une couche unique à la surface de vaisseaux ou du tube digestif; les corps de Tiedemann des Astérides, véritables glandes en tube dont l'épithélium cubique se détache pour former les corpuscules amiboïdes, et la thyroïde des Verté- brés, formée de sphères creuses revêtues d'une couche interne de cellules aplaties. En somme, le sang et ses organes formateurs jouent un rôle des plus im- portants dans la physiologie et l'anatomie des animaux inférieurs; je serais heureux si j'en avais démontré toute l'importance. NOTES ET REVUE. II OBSERVATIONS TÉRATOLOGIQUES SUR UN T.EiVJA SAGLYATA A SIX VENTOUSES ET DE FORME TRIQUÈTRE; Par le docteur L. Trabut, Professeur ù l'École do médecine d'Alger. Le tîcnia qui fait l'objet de cotte note a été rendu par un officier venant du Tonkin. La longueur de la chaîne d'anneaux qui m'a été remise est de 2 mètres ; mais, à la forme des derniers anneaux, on voit (ju'il manque au moins la moitié inférieure de l'animal complètement développé. Ce ver attire immédiatement l'attention par sa forme insolite ; ce n'est plus un ver plat, mais un ver triquètre. La coupe en travers d'un anneau est assez bien représentée par un Y romain ; tous les orifices sexuels sont situés sur l'arête qui correspond à la branche inférieure de \'Y. Dans le courant de cette note nous appellerons ce côté la « lame porifère » ou la « lame double », qualifiant les deux autres de « lames simples ». 11 est difficile d'orienter ce ver, qui ne présente plus la symétrie Ibilatérale du type normal. On ne peut y reconnaître la face mâle de la face femelle. Mais, comme nous pensons le démontrer, nous sommes en présence d'une diplo^enèse ; ce ttenia représente deux vers à demi-unis par leur face mâle. Une des trois lames (lame porifère, lame double) est formée par les parties coalescentes des deux vers, tandis que les deux autres lannes représentent chacune une moitié de ver non soudée. La tète est très noire et présente six ventouses semblables à celles d'un T. sagimta normal. Les anneaux conservés dans l'alcool sont blancs, mais les cucurbitains rendus présentaient une coloration gris-ardoisé. Le pigment situé profondément (testicules) est, en effet, masqué par l'opacité commu- niquée aux couches plus externes par l'alcool. Les œufs, semblables en tous points à ceux du T. saginata, oniii) u. dans leur grand diamètre. A l'ensemble de ces caractères et en tenant compte des modifications évi- demment téralologiques, on peut déterminer ce cestode : Tœnia saginala Golze, var. nigra Davaine, avec monstruosité par diplogenèse. La tête présente six ventouses égales, une correspondant à chacune des six faces, limitant les trois lames convergentes de chaque anneau. Le sommet de la tète légèrement déprimé est blanc ; cette teinte rayonne jusqu'aux six ven- touses également blanches (fig. 2 et 1'}, mais circonscrite par une zone noire intense, limitant ainsi une étoile blanche à six rayons sur le sommet du scolex (fig. 2). Les premiers anneaux du cou sont très étroits, nettement triquètres. Une coupe d'un proglottis (fig. 4) de la région inférieure se présente sous la forme d'une étoile à trois branches. Les muscles transversaux forment trois lames, parallèles aux trois faces externes. Vers l'extrémité libre de chacune de ces trois branches se trouve un canal excréteur (fig. 4, ce), et, plus en dehors, un NOTES ET REVUE. XI cordon nerveux. Entre ce canal excréteur et l'utérus, sur la branche qui cor^ respond à la moitié double, on trouve, sur la ligne médiane, un groupe de teS' ticules, remarquables par de grosses granulations pigmontairos qui les accom' pagnent;ce petit îlot est représenté sur les deux lames simples par une ligne de testicules allant d'un canal excréteur à l'autre et occupant uniquement la région dite dorsale, sur un anneau normal. Ce fait a une certaine impor- tance pour l'interprétation de l'anomalie; il s'explique très bien par une demi' coalescence dos à dos de deux tœnias ; les parties homologues se sont fu» sionnées comme c'est la règle. En résumé, ce tœnia tératologique doit être considéré comme un monstre par diplogenèse. 11 est probable que l'embryon hexacanthe, après être devenu vésiculeux, a Fig. l, tùte, grandeur naturelle. — 2, tète à six ventouses. — 3, un anneau iiîolé. — 4, Coupe d'un anneau au niveau du pore génital ; 7nt, muscles transversaux ; n, système nerveux ce, canal excrôlcur ; ut, utérus; t, testicules. produit l'ébauche de deux têtes ; que ces deux têtes se sont à demi-fusion- nées, ainsi que la double colonie qui en est issue par blastogonèse. C'est à une semblable anomalie qu'il convient de rapporter les Tœnia ca- pensis de Kûchenmeister, T. lophosoma Cobbold, T. hybride de Brera, les cas de Lavacher, Zencer et de Vaillant. Dans toutes ces observations de ta;nia triquôtrc la tête n'avait pas été vue, et la structure du proglottis incomplète- ment décrite ; mais la forme du proglottis me paraît suffisante pour assimiler ces formes à celle dont je relate ici l'observation. XII NOTES ET HEVUR. 111 FORMATION DES FEUILLETS DU BLASTODERME ET DE LA CORDE DORSALE CHEZ LA GRENOUILLE; Par 0. ScnuLTZE. Analysé par F. Houssay'. La formation des feuillets chez les Batraciens et le développement de la cliorde dorsale ont été parmi les questions les plus controversées dans ces dcrinères années. L'intérêt de la discussion est d'ailleurs considérable; car la généralité de la théorie de la Gastrula est en jeu, et il s'agit de savoir si elle s'applique ou non à cet important groupe des Vertébrés. Gotte a d'abord établi que le mésoblaste se développe entre les deux pre- miers feuillets, comme une lame continue, existant même sur la ligne mé- diane dorsale, Calberla, au contraire, prétend que le mésoblaste est inter- rompu le long de l'axe et que la corde doit se développer aux dépens de l'hypoblaste, par un processus qui le distingue du mésoblaste restant. Scott et Osborn confirment cette manière de voir, vers laquelle Balfour incline, et qu'il soutient de son autorité, malgré les énergiques protestations de Gotte. Enfin, l'auteur dont nous analysons le travail s'accorde tout à fait avec Gotte. Ses recherches sont très précises, très exactes. Je dois dire que le même travail snr VAxolotl m'a conduit à la constatation de tous les faits qu'il avance; mais je ne puis souscrire à l'interprétation qu'il en donne. 11 estime qu'ils portent atteinte à la théorie de la gastrula, je pense au contraire mon- trer qu'ils la confirment. Le point important est de bien s'entendre d'abord sur ce qu'il convient de considérer comme invagination. Tous les auteurs qui ont traité de l'embryo- logie des Amphibiens, disent : « A la lin de la segmentation, l'œuf étant composé de cellules de deux sortes : les supérieures, petites, appelées « ecto- dermiques»; les inférieures, grosses, dites « vitellines », il arrive que du côté dorsal les petites cellules s'enfoncent dans l'intérieur des grosses, le long d'une ligne d'abord droite ; puis qui prend la forme d'un fer à cheval, enfin d'un anneau enfermant quelques cellules vitellines qui constituent le bouchon de Eckcr. » 0. SchuUze parle aussi de cette lam.î ectodcrmique qui s'enfonce. Arrivées dans l'intérieur, ces cellules, naguère extérieures, vont former la paroi dorsale de l'intestin, les côtés et la face ventrale de celui-ci demeurant vitellins. Cette paroi dorsale est appelée hypohlasle d'invagination et distinguée par son origine de toutes les autres cellules vitellines. On admet d'ailleurs des intermédiaires entre les unes et les autres, ce qui me paraît assez contradictoire ; les cellules viennent du dehors ou n'en viennent pas, il n'y a pas de milieu. Notre auteur est bien plus explicite que tous ses devan- 1 Die Eniwickehmg der Keimblaller und dcr chorda donalis von Rana fusca [Zeils. fur Wiss. ZooL, 1888). NOTES ET REVUE. xiii cicrs en disant : « Les cellules ectoblastiques, d'abord à la place de la future queue de l'embryon, sont poussées en avant et se trouvent à la (in de la gas- trulation au niveau de la future tête. » L'inestimable avantage de cette grande clarté est de beaucoup faciliter la discussion. Donc, pour 0. Schultze, la gastrulation finit seulement quand la paroi dor- sale de l'intestin est tout entière formée ; cette conception lui permet de dire : « Lorsque l'invagination du canal alimentaire est finie, l'embryon possède déjà les trois feuillets ; en sorte que si l'on considère la gastrula comme un orga- nisme formé par deux couches de cellules, les Batraciens ne passent pas par ce stade ; le mcsoblaste est différencié déjà quand le blastopore a la forme de faucille. » J'accorde que tous ces faits sont exacts, sauf une réserve : la paroi dorsale de l'intestin ne s'enfonce pas de l'extérieur dans l'intérieur, mais est diffé- renciée sur place; de plus, je m'écarte de l'auteur pour l'interprétation. Reconnaissant, avec lui, les trois feuillets dans le temps du blastopore en fer à cheval, je dirais nettement : ce n'est pas une gastrula; mais au lieu d'in- firmer une théorie dont la généralité a fait ses preuves, je préférerais dire : Puisque, à ce stade, la gastrula est dépassée, c'est qu'elle a eu lieu avant ; et je trouve en effet une époque où la gastrula n'a que deux feuillets. 0. Schultze paraît avoir laissé échapper ou négligé les débuts de l'invagi- nation, ou bien, pour ne pas adresser une critique à ce consciencieux travail, il est possible que, chez les Anoures, les phénomènes soient plus rapides et moins faciles à saisir que chez l'Axolotl où je les ai étudiés. A mon avis, et sans modifier profondément les données de Gotte et de Schultze, voici comment l'on peut comprendre la gastrula des Batraciens. On saisira facilement l'analogie avec les ganoïdcs (W. Salensky, Développement du sterlet. — Archives de Biologie, 1881) ; je vais, d'autre part, faire la compa- raison avec l'Amphioxus, puisque c'est le cas le plus net que nous connais- sions. Prenons un œuf d'Axolotl au moment où le blastopore est en ligne brisée, avant la forme en fer à cheval. Nous ne trouvons que des cellules de deux sortes, et une invagination dans les grosses cellules. Il n'y a encore aucune différence entre les deux parois de l'intestin primitif réduit à une fente, et il n'y a pas trace de mésoblaste. Les deux schémas suivants établissent le paral- lèle entre la gastrula de l'Amphioxus et celle des Amphibieiis. J'appelle «hypoblaste » chez l'Axolotl toutes les sphères vitellines. L'hypo- blaste, comme aussi l'épihlaste, ont plusieurs épaisseurs de cellules, ce qui tient à des conditions mécaniques particulières faciles à déterminer, qui s'op- posent à l'action phylogénétique, sans la rendre pourtant impossible à re- trouver. Telle est la gastrula. Elle est terminée à une phase de l'évolution où Schultze et les auteurs antérieurs placent son début. Tous les phénomènes suivants : formation du mésoblaste, formation du canal alimentaire se pro- duisent après que le stade gastrula est déjà dépassé. J'avance ici beaucoup de faits sans les prouver ; je le ferai plus tard à l'aide de figures. La diljncncialion de la paroi dorsale de l'intestin se fait in situ dans les cellules vitellines. Je m'oppose tout à fait à la manière de voir de XIV NOTES ET REVUE. O.Scliultze et de ses prédécesseurs prétendant qu'elles sont venues du dehors. Leur origine n'a rien d'cctoblastique. Le pigment qu'elles contiennent ne pro- vient pas de la couche noire du pôle supérieur de rœuf,et ne les rattache pas à répiblaste. Il s'est développé sur place, à la suite des modifications chi- miques survenues dans les cellules vitellines à cet endroit, présage des modi- fications de forme qu'elles vont présenter. Elles n'offrent pas en effet immé- diatement l'aspect des cellules ectodcrmiques, preuve qu'elles ne viennent pas du dehors. La formation de l'intestin n'est donc pas l'invagination ; il lui est consécutif. 0. Scliultzc décrit de la façon la plus exacte l'apparition du mésoderme. Clvivi>bi0*.it^ etjtavVt , Après les remarques précédentes, la présence de ce troisième feuillet ne porte aucune atteinte à la théorie de la gastrula. Au contraire, ce mésoderme, bande unique, pleine, diiférenciée à la périphérie de l'hypoblaste (sph. vitel- lines) d'arrière en avant, me paraît tout à fait homologue de l'ensemble formé par les trois évaginalions creuses de l'intestin primitif de l'Amphioxus. Le point de départ est bien, chez les Amphibiens, la partie que je considère seule comme intestin \)r'nm[iï {urmundlippe des auteurs). Il y a entre eux la diiïérence générale d'une évagination creuse des rori- gine à un bourgeon plein qui se creuse ensuite, différence qui n"a jamais arrêté une homologie. De plus, la bande, primitivement divisée en trois chez l'Amphioxus, ne se divise que plus tard chez l'Axolotl ; c'est de peu d'impor- tance. Enlin, chez ce dernier, l'hypoblaste aussi bien que l'épiblaste sont for- més par plusieurs épaisseurs de cellules au lieu d'une seule, comme chez rAinphioxus ; et, chez le Batracien, cette couche interne n'est pas creusée NOTES ET REVUE. xv par l'intestin primitif qui n'a pas pénétre si loin. L'intestin secondaire con- sécutif qui s'y produit n'est pas figuré sur ce schéma. Celui-ci représente une coupe faite au-dessus de sa terminaison et contenant néanmoins le méso- derme. Ces points très importants rectifiés dans le mémoire de 0. Schultzejedois ajouter qu'il montre, de la façon la plus nette : l'existence d'une ligne primi- tive, comme chez les Vertébrés supérieurs, la formation mésodermique de la chorde ; qu'il réfute complètement les données de Calberla relativement aux Anoures. Il montre l'abandon nécessaire du nom de chordaentoblast dans le sens que lui attribue Hertwig. Pour terminer cette analyse, 0. Schultze, parti de faits très justes, a négligé un stade antérieur; ce qui ne nous permet pas d'admettre ses attaques contre les théories de la Gastrula et du Cœlome. IV LA MISSION DE M. FRANÇOIS, Docteur es sciences naturelles, maître de conférences de zoologie dans les facultés des sciences. L'une des causes qui s'opposent à ce que beaucoup de jeunes savants fran- çais entreprennent des voyages en des pays lointains, est, il n'en faut pas douter, la crainte qu'ils ont de ne pouvoir assurer leur avenir, lorsque, après une longue absence, ils rentrent et trouvent toutes les situations occupées. Si quelque part le proverbe : Les absents ont tort, est vrai, c'est certai- nement en France au point de vue dont il s'agit ici. Aussi, dès que notre jeunesse a pris ses grades universitaires, ce n'est pas vers une mission loin- taine, pouvant lui procurer et des moyens de travail et des titres scientifiques, qu'elle tourne ses regards, mais elle court bien plutôt du côté des places; et lorsqu'elle est parvenue à son but, tout au plus se contente-t-elle d'aller dans une station maritime travailler tranquillement et paisiblement, étant assurée de ne rien risquer, de ne pas aventurer sa situation comme celui qui, parti dès longtemps, trouve en rentrant tous les débouchés fermés. En Angleterre et dans d'autres pays il n'en est pas ainsi. Il est bien peu de savants zoologistes en renom qui, avant d'avoir occupé une grande situation, n'aient tenté une série d'explorations lointaines. Cela s'explique certainement par la différence des conditions de recrutement du professorat. Ailleurs qu'en France, le proverbe est peut-être moins applicable que chez nous. Aussi on ne saurait trop louer M. le ministre de l'instruction publique et M. Liard, le sympathique et dévoué directeur de l'enseignement supérieur, d'avoir accordé à M. François, maître de conférences de zoologie dans les Facultés des sciences, une mission qui se prolongera, sans que pour cela sa situation et ses appointements soient modifiés ou perdus. XVI NOTES ET REVUE. La science gagnera certainement beaucoup à ce qu'un homme habitué aux recherches, rompu aux procédés de pêche et aux manœuvres de la mer, après avoir passé plusieurs saisons dans les stations maritimes de France, ayant déjà enseigné et par cela même pouvant juger des lacunes qui existent dans la branche de la science par lui cultivée, puisse observer longuement sur les lieux mêmes où ils vivent tant d'êtres intéressants qui ne nous sont, le plus souvent, connus que par les spécimens mal conservés et recueillis au pas de course dans un voyage d'exploration. La zoologie purement descriptive est d'un autre temps; elle doit sans doute être toujours cultivée, car, sans elle, comment arriver à se reconnaître dans les catalogues immenses de la nature? Mais elle n'est pas tout et à côté d'elle, les études sur le développement et l'évolution des êtres ont conquis des droits primant aujourd'hui tous les autres; ce n'est pas dans une excursion rapide et en courant, pour ainsi dire, que des recherches destinées à constituer la zoologie telle qu'il faut l'entendre peuvent s'accomplir. M. François, tran- quille sur son avenir qui est assuré, puisqu'il ne perd rien de ses droits pendant son absence, certain qu'il est en outre de se créer des titres scien- tiliques d'une valeur incontestable, doit pouvoir travailler dans les mers éloi- gnées aussi assidûment et sans plus de préoccupations que s'il était parmi nous, dans un laboratoire maritime. N'est-ce pas là pour un jeune savant, désireux de produire de bons travaux et de trouver des choses nouvelles, les conditions les plus avantageuses, les plus désirables? Il faut l'espérer, le jeune et ardent missionnaire actuel du ministère de l'instruction publique ne sera pas le seul pour qui des avantages aussi pré- cieux seront sollicités et obtenus. Son exemple sera certainement suivi, et il encouragera nos zoologistes qui seront assurés, lorsque des conditions sem- blables et aussi enviables leur seront faites, que les absents auront moins tort qu'autrefois. On a beaucoup écrit sur les bancs des Polypiers du Grand Océan, sur les îles de rOcéanie; mais les observations longtemps prolongées, accomplies par des hommes rompus aux recherches embryogéniques et anatomiques, sont moins nombreuses que les descriptions rapides faites currente calamo. M. François devait s'installer à Tahiti ; mais il avait le choix delà station la plus propice <à ses études. Muni de tous les instruments et réactifs nécessaires, il est parti poi\r aller étudier pendant plusieurs saisons la durée de l'accroissement des récifs, îles ou ceintures de coraux. Familier avec tous les procédés délicats de la technique hislologique, au courant des questions importantes de l'embryogénie, plein d'ardeur et de courage, chercheur infatigable, aimant la zoologie avec passion, doué d'une santé et d'une constitution u toute épreuve, qui lui ont permis de passer des heures sous l'eau dans les scaphandres du laboratoire Arago et d'afl'ronter les fatigues de longues explorations, il a pensé, avec raison, qu'une étude métho- dique et longuement poursuivie de l'accroissement des bancs de Zoophytes, reprise avec les moyens dont disposent aujourd'hui les zoologistes, devait NOTES ET REVUE. xvil offrir le plus grand intérêt, et bravement il s'est mis en route à la recherche du point où auraient le plus de chance de réussite ses études. Le ministère de l'instruction publique, l'Association française pour Tavan- cement des sciences, l'Académie des sciences ont encouragé le jeune et zélé zoologiste. Enfin, par l'intermédiaire de l'amiral Cloué, toujours dévoué aux progrès de la science, et qui lui-même s'était déjà occupé de l'accroissement des bancs de coraux, il a eu de grandes facilités du côté du département de la marine. A ce point de vue encore, notre jeune professeur a vu sa mission rendue facile, et elle n'en sera que plus fructueuse, car tout, on le voit, le favorise. 11 nous a paru intéressant de faire connaître aux lecteurs des Archives, et les conditions particulières de cette mission et les impressions du voyageur. A ce dernier titre, une partie de sa correspondance trouvera heureusement place dans les Noies et Revue, en attendant que ses mémoires, qui seront cer- tainement aussi nombreux qu'importants, soient publiés dans le corps du recueil avec tous les développements qu'ils comporteront. Nous serions heureux, on le sait d'ailleurs, que l'exemple fût suivi et que des demandes de^missions semblables fussent présentées, soutenues et accep- tées. Que la lecture de ces lettres oii les marques de la plus vive admiration et de l'étonnement si vrai qu'a fait naître la vue des beaux pays du Grand Océan puisse inspirer à d'autres le désir d'aller admirer, en les étudiant aussi complètement que possible, les merveilles que présente une nature peu explorée ou qui ne nous est connue que par les relations toujours succinctes des naturalistes voyageurs, souvent moins experts qu'il n'eût fallu pour des recherches semblables. 11 serait désirable que les lettres qu'on va lire fissent naître dans l'esprit de nos jeunes naturalistes le goût des voyages, destinés à faire connaître, non plus seulement des espèces nouvelles augmentant nos catalogues, mais bien les conditions du développement et de l'évolution de tant d'êtres qui nous sont à peine connus par des descriptions courtes et faites rapidement à un seul moment de leur existence. 11 faut encourager les jeunes hommes pleins d'ardeur et surtout pleins de savoir qui, ayant une instruction solide, ne craignent pas d'aller au loin cher- cher du nouveau. On n'arrivera à avoir des missionnaires dans ces conditions qu'en leur assurant un avenir à leur rentrée en France, et pour cela, le moyen le plus sûr est celui qui vient d'être mis en pratique à l'égard de M. François. Ainsi sera accordée la récompense juste et légitime de travaux longs et pénibles, souvent bien difficiles à conduire à bonne fin, qui permet- tront de poursuivre tranquillement plus tard une carrière honorablement conquise et légitimée. Ces travaux d'ailleurs feront, sans nul doute, honneur à la science française. Le directeur : H. de L,-D. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VII. 1S89. xviii NOTES ET REVUE. CORRESPONDANCE DE M. FRANÇOIS. Première lettre. Melbourne, 13 septembre 1888. Mon cher Maître, Je vous avais promis, avant de partir, de vous écrire d'Aden pour vous conter mes impressions zoologiques sur la traversée en général et la mer Rouge en particulier. Mais à ce moment j'aurais eu fort peu de chose à vous dire, et ma lettre aurait pu se résumer dans ces deux mots : Quelle chaleur! Aujourd'hui que je n'ai plus la même cause, je m'empresse, de l'autre bout du monde, de vous envoyer de mes nouvelles. Nous sommes partis de Marseille le i"'^ août à quatre heures et avons fait dans la Méditerranée la plus charmante des traversées. Après avoir passé les détroits de Bonifacio et de Messine, nous avons eu la chance de voir une éruption aux îles Lipari. De Port-Saïd à Suez, la traversée du canal est fort intéressante; nous en avons fait une partie le jour, l'autre la nuit avec des fanaux électriques autour desquels volaient des milliers de papillons blancs, argentés, semblables à des étincelles; le soir, nous avons vu des chacals! A Suez on ne reste que trois heures, très loin en rade, le temps seulement de faire l'échange du courrier; personne ne peut descendre à terre. Je me suis seulement informé des moyens de communication avec Djeddah. Il y a un vapeur turc qui fait le service entre Suez, Djeddah et Aden. Au retour, je tâcherai de le prendre, si c'est en hiver, car la mer Rouge n'est pas tenable en été : nous en avons eu la preuve. De Suez à Aden, quatre jours de traversée avec la chaleur augmentant pro- gressivement, une chaleur toute spéciale, puisque le thermomètre n'est pas arrivé à plus de 3u degrés et que, par cette température relativement peu élevée, nous avons eu à bord des accidents graves. Le dernier jour, le vent de terre s'est levé soufflant comme d'un four; l'air était chargé d'une sorte de brume épaisse qui n'était autre chose que du sable; beaucoup de personnes ne pouvaient plus respirer et étaient sérieusement incommodées; nous avons eu même, chose plus grave, trois insolations, dont une suivie de mort. Le pauvre diable, qui était allé sur le gaillard d'avant avec un petit chapeau de feutre gris, au soleil, est tombé comme une masse ; en une heure il est mort, sans avoir repris connaissance, malgré tous les soins du docteur. On l'a jeté à l'eau dans la nuit. C'était un Écossais se rendant à Maurice. Aden, tout le monde le sait, est un rocher noir, calciné, oi^i on chercherait vainement un brin d'herbe. Il y a cependant de beaux moutons blancs, à tête noire et à queue grasse comme celle d'un castor. Ils se nourrissent, à ce qu'il m'a sem- blé, en suçant les cailloux de la plage ; et pourtant, lorsqu'on touche lesdits cailloux, on éprouve la sensation que l'on ressentirait en caressant une barre de fer surchaufl'ée. Je n'ai guère eu le temps, à Aden, de voir à la côte si on aurait des chances d'y rencontrer quelques richesses zoologiques, le peu d'heuresque nous sommes restés à terre a été consacré à visiter les magnifiques citernes où il ne NOTES ET REVUE. m manque qu'uno cliose : l'eau ; la ville d'Aclen et celle de Stcamcr-Point, où notre bateau était en rade. La population, composée d'Indiens, d'Abyssins et de Somalis, a beaucoup de caractère et est très intéressante à observer ; il y a beaucoup de mouvement. On voit des caravanes de chameaux et de bœufs indiens, chargés d'outrés, qui vont chercher l'eau douce à la distillerie pour la porter en ville, et un grand ordre, grâce à la police anglaise, règne partout. D'Aden à îilahé, nous avons eu une traversée un peu rude : vent debout, à partir de Guardafui. Des marins eux-mêmes ont été rendus malades par le tangage. Que dire des passagers? Mais voici, au bout de cinq jours, ce petit coin de paradis qu'on appelle Mahé. C'est aujourd'hui ce qu'était l'île Maurice au temps de Paul et Virginie : un bouquet tropical au milieu de l'océan Indien. 11 faut voir là le fameux coco de Seyclielles sur l'arbre qui le produit, les bois de cocotiers, les arbres 9 pain [Artocarpus incisa), les arbres du voyageur, les bananiers, les hibis- cus couverts de fleurs. Que ne suis-je botaniste pour vous décrire toutes ces merveilles! Mais nous pouvons parler de la zoologie. Mahé a une ceinture de récifs, et, dans la rade même, des bancs de coraux à fleur d'eau découvrent aux grandes marées. Ce sont des Madrépores, des Pocilloporos, des Porites surtout, et un grand nombre de genres d'Astrées. Les assises des quais et des rares maisons en pierre sont faites de ces pauvres coraux. En me promenant sur la plage, j'ai vu des débris de Fongies et d'un grand nombre deMollusques, des crabes terrestres (Tourlourous) dont le ventre et les pattes sont rouges, ce qui leur donne l'air d'avoir pris prématurément un bain de siège dans le court bouillon. J'ai observé, là aussi, un petit poisson très bizarre ; c'est un Blennius, je crois. Il passe son temps hors de l'eau, perché sur les pierres. Lorsqu'on le chasse, il se jette à la nage et bondit, non pas dans l'eau, mais sur l'eau, où il prend un point d'appui avec ses nageoires et gagne, par une série de petits sauts, un autre caillou sur lequel il monte en s'aidant de sa queue. La faune terrestre de Mahé est également très riche ; il y a des insectes étonnants ; un orthoptère appelé dans le pays la mouche-feuille, chez lequel le mimétisme est poussé à ses dernières limites ; des araignées énormes, un grand nombre d'hyménoptères, de jolis lézards, etc., etc., sans parler des fameuses tortues. On met les tortues de terre dans des fosses, avec les cochons. Quant aux tortues marines, il y en a d'énormes dans des parcs qui communiquent avec la mer. On en débite tous les matins au marché ; elles donnent des soupes excellentes. Nous avons aussi, à Mahé, péché un superbe rémora; il y en avait des quantités fixées sur les énormes requins qui rôdaient autour du bateau. De Mahé à la côte d'Australie quatorze jours de mer, sans voir autre chose que des poissons volants et, à la fin, quelques oiseaux de haute mer. Pas ren- contré un seul bateau. Vu un jour deux superbes cachalots. Notre première escale australienne est Albany, dans la baie de King-George- Sound. Là, j'ai eu la chance de me trouver à marée basse, j'ai pu faire un tour à la grève ; j'ai marché de surprise en surprise, et tu des choses fort intéressantes. Il y aurait des volumes à publier rien que sur la faune des xs NOTES ET REVUE. pieux du Warf; j'ai trouvé là des éponges et des ascidies prodigieuses. Dans les grèves, de curieuses synaptes pleines d'embryons, un ver plat extrême- ment curieux dont je n'ai eu malheureusemcnl que des fragments; beaucoup d'annélides, que je compte envoyer à M Pruvot, à la première occasion. La l'aune terrestre est aussi bien intéressante à Albany; celle ville est toute neuve et elle a poussé en plein pays vierge. On trouve encore des kanguroos en quantité à quelques milles des maisons, et d'admirables oiseaux beaucoup plus près. Les maisons sont plantées en plein bush, comme on dit ici. Et quelle végétation bizarre! quelle profusion de fleurs étonnantes ou superbes ! quelle jouissance pour un amoureux des choses de la nature que de voir ce pays étrange, que nous connaissons si mal par les descriptions ! Albany est un point otj je voudrais revenir travailler. Le pourrai-je? Notre seconde escale australienne me laisse encore la môme impression. A Adélaïde, je n'ai rien vu, nous sommes arrivés à la nuit et repartis avant le jour ; mais un naturaliste de l'endroit est venu me trouver à bord pour me vanter la richesse en coralliaires de la rade d'Adélaïde, qui est en effet fort abritée et m'a paru nourrir en tout cas des quantités de marsouins. 11 nous a été donné même d'assister à une chasse acharnée donnée par un espadon à ces pauvres cétacés... J'ai promis de revenir à Adélaïde!!! Si cela continue jusqu'à la fin de mon voyage, ce n'est pas deux ou trois années qu'il durera, mais dix pour le moins. Enfin me voici à Melbourne, au milieu d'une ville de commerce et de spé- culation; on se croirait plutôt à Paris ou à Londres qu'en Australie. Depuis notre arrivée, les invitations pleuvent de tous les côtés. Je dois aller, le 20, m'établir à Governmmi- Bouse (chez le gouverneur), oiJ je recevrai l'hos- pitalité pendant quelques jours. D'ici là, j'ai accepté quelques invitations pour aller, dans l'intérieur, chasser le kanguroo, le cygne noir et l'oiseau-lyre, et voir les fameux eucalyptus de 400 pieds de hauteur. Je vais voir là la nature australienne dans toute sa spleiuleur, et je collectionnerai sans doute quel(]ues-uns des magnifiques insectes que j'ai vus dans les vitrines de l'Ex- position. Aujourd'hui je vais rendre visite au ministre de l'instruction publique, et probableuient au professeur de zoologie de l'Université. Malgré tout ce mouvement et toutes ces fêles, il me tarde d'être à la Nou- velle-Calédonie, en pays français, et de pouvoir parcourir la grève au milieu des récifs de coraux. Excusez, mon cher maître, celte longue lettre. Agréez, mon cher maître, l'expression de mon profond respect et de ma sincère reconnaissance. Ph. François. Deuxième lettre. Nouméa, 14 novembre 1888. Mon cher Maître, Me voici enfin au pays des coraux et en pays français. Je suis resté deux mois en Australie, et arrivé à Nouméa avant-hier, je m'empresse de vous donner de NOTES ET REVUE. xxl mes nouvelles et de vous demander des vôtres; le bateau qui m'a amené emportera cette lettre. Je crois que, dans la lettre que je vous ai écrite à bord du Sydney, je vous ai raconté mon voyage jusqu'aux côtes d'Australie. Je vais reprendre mon récit où je l'ai laissé. Le premier point australien où nous avons touché a été Albany, au fond de la baie de King-George-Sound. Nous avons pu passer une journée à terre ; j'ai employé la matinée à voir un peu la campagne, qui est complètement vierge sur ce point-là et couverte de la bizarre végétation australienne. C'était le commencement du printemps, et l'on ne voyait de tous cotés que fleurs curieuses ou très belles. Le pays est très riche en gibier ; à quelques kilo- mètres de la ville, on peut tuer des kanguroos ou autres marsupiaux, et beaucoup de beaux oiseaux. L'après-midi a été consacré à la grève. Là j'ai vu des choses bien intéres- santes, et, si je n'avais pas dû arriver à Melbourne le plus rapidement pos- sible, j'aurais certainement abandonné le bateau et je serais resté quelque temps dans ce pays merveilleux pour un zoologiste. Il y a de quoi occuper la vie d'un naturaliste, rien qu'à faire la faune des pieux du Warf où viennent accoster les bateaux ; ils sont couverts d'épongés surtout, aux couleurs les plus splendides, et aussi de nombreux tuniciers et échinodermes. Dans le sable, outre de nombreux mollusques et quelques annélides que j'enverrai à M. Pruvot un de ces jours, j'ai trouvé une sorte de synapte très curieux et un immense ver plat et transparent dont je n'ai pu malheureusement avoir qu'un fragment, et qui ne ressemble à rien que je connaisse. M. Boutan a, je crois, l'intention de retourner en Australie; je vais lui signa- ler Albany comme un point important pour la zoologie, tant marine que terrestre. A Adélaïde, nous avons fait seulement une escale de nuit; je n'ai rien pu voir, mais j'ai appris par un naturaliste du pays, qui était venu me faire visite en apprenant ma présence à bord, que la rade est des plus riches, qu'il y a en particulier beaucoup de coralliaires. A Melbourne, deux mois de séjour. Là j'ai rempli ma mission, qui consis- tait à recevoir l'hospitalité du gouverneur, chez lequel j'ai reçu l'accueil le plus empressé et le plus cordial ; puis j'ai profité de ma situation officielle et des facilités qu'on mettait à ma disposition, pour voir tout ce que la colonie de Victoria présente d'intéressant. J'ai vu les mines d'or de Sandhurst et Bal- larat, j'y suis descendu à 1200 pieds sous terre; j'ai vu, sur les bords du Murray, les plaines où on élève des millions de moutons. J'ai été dans les régions montagneuses où poussent des eucalyptus de 400 pieds de hauteur, sous lesquels croissent des fougères arborescentes, grandes comme des coco- tiers; j'ai chassé à peu près tous les gibiers du pays, et j'ai tué des kanguroos, opossums, phascolarctos, cygnes noirs, oiseaux-lyres, des kyrielles de perro- quets, etc. J'ai beaucoup chassé encore: insectes myriapodes, arachnides, etc., et j'ai ramassé pas mal de choses. Ce que j'ai trouvé de bien intéressant pour moi, ce sont des sangsues ter- restres dont on est couvert aussitôt qu'on s'arrête dans un bois un peu frais. xxu NOTES ET REVUE. et d'admirables planaires terrestres qu'on trouve un peu partout, sous les troncs pourris et les pierres ; il y en a qui ont jusqu'à V6 centimètres de long. J'en ai recueilli de deux genres différents ; je vous enverrai probablement une note à leur sujet, si je puis me procurer ce qui a été écrit sur elles. Je n'ai pas fait i)eaucoup de zooloi^ie marine en Victoria. La rade de Port- Philipp, au fond de laquelle est Melbourne, a des côtes peu riches, et les autres points que j'ai vus ne l'étaient guère plus, sauf peut-être Portland, petit port entre Melbourne et Adélaïde, où il y a de belles plages et quelques cailloux à retourner. Là j'ai vu les pieux du Warf couverts de Boltenies grandes comme des tulipes portées comme elles sur leur longue tige, et se balançant au gré de la lame. En résumé, j'ai passé à Melbourne deux mois qui peuvent compter parmi les plus agréables de ma vie ; j'ai beaucoup vu et bien vu. De Melbourne à Sydney et de Sydney à Nouméa, nous avons fait une tra- versée superbe et rapide. A Sydney, une journée seulement d'arrêt, que j'ai emplovée à visiter la ville et l'admirable baie de Port-Jackson, une des plus belles du monde, dit-on. Enfin avant-hier matin, de bonne heure, nous voyions les montagnes de la Nouvelle-Calédonie. Trois heures après, je distinguais, non sans émotion je vous assure, la grande barrière de brisants, la ceinture de coraux, qui va être mon champ de travail; c'était un décor admirable. Je venais de quitter l'Australie, son climat tem- péré,et je tombais sans transition en pays tropical. La lumière éblouissante, la mer bleue, la ligne blanche des coraux, le panorama de Nouméa dans le fond, la petite passe étroite, etc., toutes les descriptions de l'Océanie que j'ai lues se résument là, devant moi. La ceinture est loin de la côte ici , il y a une heure de la passe à la rade. Mais quelle heure charmante ! Enfin me voici en pays canaque. J'ai retrouvé un certain nombre de con- naissances faites sur le paquebot qui m'a amené de France à Melbourne; c'est heureux, parce que de Nouméa se dégage une tristesse terrible. Dans la rade, pas grand'chose à faire zoologiquement et surtout impossibilité do trouver, même à prix d'or, une installation confortable au bord de la mer. Ajoutez à cela qu'il commence à faire pas mal chaud ; nous sommes au printemps, et il n'a pas plu depuis six ou huit mois. Aussi, suivant un conseil qui m'a été donné, ai-je demandé et obtenu rautorisation d'aller m'établir au phare qui est sur le récif, à 14 milles au large. Il y a des constructions, on mettra à ma disposition deux ou trois chambres; il y a cinq ou six gardiens, des pilotes et des Canaques : je serai tranquille. Loin de Nouméa, par conséquent pas de distractions, et les matériaux à mes pieds. Maintenant il est possible que d'ici là j'aille faire une excursion aux Nou- velles-Hébrides. Le croiseur le Fabert, qui est en rade en ce moment, va partir prochainement pour y faire une tournée; je vais aller, aujourd'hui ou demain, voir le commandant et lui demander à l'accompagner. C'est une occasion unique de voir un archipel bien curieux, où je pourrai recueillir des observations intéressantes. Le prochain dép-:\rt pour Tahiti sera en janvier ; j'ai donc deux mois encore I NOTES ET REVUE. xxiu au moins à rester ici. Et même, si au moment de ce départ j'avais un travail important en train, je resterais. Répondez-moi, mon clier maître, donnez-moi de vos nouvelles surtout et de ce qui se passe à Paris. Cette lettre vous arrivera vers le lo^ janvier, j'en profite donc pour vous adresser tous mes vœux de bonne année. Agréez, etc. Pli. François. Troisième lettre. Nouméa, 19 janvier 1889. Mon cher monsieur Comettant ', Je vous ai promis, lorsque nous nous sommes séparés à Melbourne, de vous tenir au courant de mes pérégrinations océaniennes. Ce m'est un plaisir de le faire aujourd'hui en même temps qu'une occasion de vous prier de me donner de vos nouvelles, de me dire comment vous avez fait le voyage de retour sur l'Océanien, et enfin comment vous avez retrouvé ce cher Paris que je dois être encore si longtemps sans revoir. Je ne vous dirai rien de Sydney, que vous êtes certainement allé visiter avant de quitter l'Australie ; je ne vous parlerai pas davantage de Nouméa : M. Ropra a dû vous en parler ou vous en écrire longuement. Quant à la Nouvelle-Calédonie en général, je vous avouerai que je n'en ai encore presque rien vu. A mon arrivée, j'apprenais que le croiseur leFabert allait partir en tournée aux Nouvelles-Hébrides ; j'obtins de faire partie de cette expédition. Depuis la convention dite « des Hébrides », cet archipel, qui ne doit appar- tenir ni à la France ni à l'Angleterre, est sous la surveillance des deux nations ; et cette fois, le Fabert et le croiseur anglais VOpal devaient aller de conserve châtier des indigènes peu délicats, dont les uns avaient massacré et mangé un pauvre Suédois naufragé sur leur côte, tandis que les autres, à peu près à même époque, convertissaient en bifteck un colon anglais. Notre excursion dura trente-quatre jours ; les Canaques mangeurs de blancs reçurent une bonne leçon. Je n'ai malheureusement pas pu avoir avec eux des relations assez intimes pour savoir si le bifteck anglais avait une supé- riorité quelconque sur celui de Suédois. C'est là un point d'histoire naturelle culinaire que j'aurais aimé à éclaircir ; mais j'ai fait en revanche quantité d'observations intéressantes, et rapporté une riche moisson de notes et docu- ments de toutes sortes. Je veux vous conter aujourd'hui l'une des scènes les plus saisissantes et certainement la plus remplie de couleur locale auxquelles il m'a été donné d'assister. C'était au début de notre campagne, à l'île de Mallicollo,le Fabert et VOpal mouillés dans la jolie rade de Port-Sandwich, auprès des établissements de la Compagnie française des Nouvelles-Hébrides. Nous avions chassé toute lu * M. V. Comettant a bien voulu m'envoyer la lettre qui lui était adressée et qu'on va lire. Je l'en remercie. H. de L.-D. I XXIV NOTES I-:T revue. matinée, et, vers une heure de l'après-midi, il faisait grand chaud. Au carré du Fabert, les uns dormaient, les autres lisaient ou jouaient une bouteille de bière en cinq points d'écarté; personne ne parlait de descendre à terre. Moi, nouveau venu dans le pays sauvage, dans la fièvre de mes débuts en Océanie, j'étais resté sur le pont, contemplant le magnifique panorama de montagnes "boisées qui nous entourait ; j'étais surtout fortement intrigué par un bruit de chants, avec accompagnement de grosse caisse, qui semblait venir d'un village canaque que nous avions visité la veille. N'y tenant plus, et bra- vant le soleil d'aplomb sur nos têtes, je décide le commissaire, M. Z..., à m'ac- compagner, et le youyou nous porte à terre munis de notre pacotille d'échanges. Aux Hébrides, les villages canaques, c'est-à-dire les petites agglomérations de deux ou trois familles auxquelles on donne ce nom, sont généralement espacés le long et à proximité de la côte, bien dissimulés sous bois, avec un étroit sentier conduisant au bord de la mer ; de telle sorte que, du large, on ne voit pas une seule habitation, même dans les îles les plus peuplées. Le chemin naturel pour aller aux villages est donc la plage. Celle que nous suivions à Port-Sandwich est une étroite grève de débris de coraux blancs, resserrée entre la mer et une forêt vierge impénétrable. Nous enfonçons à chaque pas dans ce sol mouvant ; et cette grande bande d'un blanc éclatant qui s'allonge devant nous, entre le bleu foncé de la mer et Tombre de la forêt, nous éblouit et nous aveugle, pendant que le soleil nous rôtit les épaules ; aussi poussons-nous un soupir de soulagement en arrivant au petit sentier qui conduit au village oi:i nous entendons les chants accompagnés de boum-boum sonores. Là, nous trouvons un jeune sauvage qui vient de ramasser la base élargie d'une feuille de cocotier et la taille à sa convenance... avec ses dents. 11 répond à nos questions que les Ta'ios^ sont en train de faire le Tsim-tsim à Mériver (c'est le nom du village). Nous avions entendu parler de cette cérémonie, mais entérines assez vagues, par les rares colons résidant dans le pays; aussi nous engageons-nous avec empressement dans le sentier à la suite de notre jeune Canaque, nous courbant pour passer sous d'énormes hibiscus couverts de leurs grandes belles fleurs rouges, et, au bout de quelques pas, nous débou- chons sur la place du village, consacrée à la célébration du Isim-tsim. Figurez-vous, sous la splendide végétation tropicale qui couvre toutes ces îles des Hébrides, six à huit misérables liuttes enfumées entourant une grande piste circulaire de trente à quarante pas de large, au milieu de laquelle se dressent une douzaine de grands bonshommes sculptés. Ce sont d'énormes troncs d'arbres, évidés par une fente longitudinale, terminés par une tête monstrueuse, avec de grands yeux ronds et plats comme des assiettes, un nez épaté traversé par un morceau de bois; de petits bras terminés par des petites mains, grossièrement fouillés en bas-relief et réduits hors de toute propor- tion, viennent s'étaler sur le ventre immense qui constitue la caisse sonore sur laquelle deux indigènes debout tapent de toutes leurs forces avec un gros « Nom que l'on doone en Océanie aux indigènes. NOTES ET REVUE, xxv bâton. Ces personnages considérables, dont la figure taillée à coups de hache a un air de béatitude goguenarde, rendent, ainsi sollicités, un son sourd qui s'entend de fort loin. En même temps, deux jeunes gens, celui qui vient de nous conduire, entre autres, assis par terre, cognent sur des bûches creuses qui donnent une note beaucoup plus haute. Notre jeune introducteur, au moment oîi nous l'avons rencontré, était en train de renouveler son archet. Sur un côté de la place, au pied d'un gigantesque banian, et abritées sous un petit toit en bambou, sont deux autres statues semblables à celles du milieu, mais plus colossales encore. Celles-ci sont peinturlurées en blanc, vert, bleu, rouge, de la façon la plus grotesque ; ce sont les divinités du lieu, sans doute, des tabous. Personne ne leur tape sur le ventre ; d'abord parce qu elles s'en formaliseraient sans aucun doute, et puis, n'étant pas creusées, elles ne feraient pas assez de bruit. De l'autre côté de la place, trente ou quarante guerriers rangés cinq ou six de front sur six ou sept files de profondeur marquent le pas en cadence, en chantant à pleine poitrine un couplet qui ne manque pas d'une certaine har- monie. Us sont en armes et en grande tenue, c'est-à-dire fraîchement peints, car, à part une ceinture en écorce et un lambeau de feuille de bananier, des anneaux en coquillage ou en dents de cochon aux bras, aux poignets et aux oreilles, ils sont complètement nus. Mais quels mirifiques maquillages ! Leur chevelure poudrée de chaux vive soit complètement, soit par régions, est sur- montée d'une touffe de plumes blanches ou d'un pompon de plumes de poule Sauvage ; ou bien encore garnie çà et là de ces belles fleurs rouges d'hibiscus. L'un a le front peint en blanc, le reste de la face en noir ; l'autre, le côté droit de la chevelure noir et le côté gauche de la figure blanc, etc., etc.; ils ressemblent à des clowns bien grimés ; un troisième s'est couvert du haut en bas de points blancs, rouges et verts; il a l'air de s'être fait im complet avec des pains à cacheter. Ce sont pour la plupart des gaillards bien découplés, admirablement proportionnés; nous remarquons surtout un jeune homme de dix-huit à vingt ans, à peau plus claire que les autres. C'est un modèle d'ana- tomie ; tous ses muscles font de fortes saillies sous la peau, et ses mouvements sont empreints d'une souplesse et d'une vigueur étonnantes. Presque tous portent la barbe, pas de moustaches; des traits assez réguliers, pas négroïdes, et, en somme, ils auraient de belles têtes, sans le front déprimé et fuyant qu'ils se font en déformant la tête des enfants nouveau-nés. A la queue du bataillon, deux vieux tout cassés. Ceux-ci semblent manquer de conviction et d'entrain, ils ne chantent que par-ci par-là, se contentant de marquer la cadence du bout du pied et causent tranquillement entre eux, sans doute de leurs petites affaires. Tous sont en armes ; la moitié environ a des fusils, les autres des arcs et des paquets de flèches empoisonnées, et quelques-uns de beaux casse-tête finement travaillés, pendus à l'épaule par une grosse tresse en fibres de coco. Au premier rang, un grand personnage, le chef le plus élevé en grade sans doute, vu les ornements et les feuillages bigarrés qu'il porte, marque la mesure en battant l'un contre l'autre deux bambous fendus ; les autres exécutants l'accompagnent en frappant leurs paquets de flèches contre leur arc ou leur XXVI NOTES ET REVUE. casse-tête. Ils chantent à deux parties, et les notes hautes sont données très juste par deux ou trois ténors à voix un peu criardes et éraillées; les basses sont sonores et vibrantes. Le couplet se termine par un tambourinage vigoureux et répété ; tandis que les chanteurs semblent vouloir briser leurs armes à force de les frapper, les instrumentistes cognent à tour de bras sur les boum-boum. Puis, à peine terminé, le couplet recommence, et toute la troupe se met en marche comme un seul homme, bien en mesure, en scandant le pas avec une flexion du jarret chaque fois que le pied se pose à terre, et tourne lentement autour de la place. En marche, tous gardaient une attitude plus digne encore qu'au repos, les yeux lixés devant eux, affectant de ne pas s'occuper de notre pré- sence, ayant tous l'air absolument convaincus du sérieux et de l'importance de la cérémonie. Mon compagnon et moi nous étions dans le ravissement, et nous nous étions assis tranquillement à terre auprès d'une vieille case en ruines, pour ne pas perdre un détail du spectacle et assister à notre aise à ce superbe défilé. Pour ma part, j'étais un peu intrigué et presque inquiet de ne voir ni femme ni enfant alentour, car je savais qu'on a coutume de les éloigner lorsqu'on prépare une expédition guerrière, et toutes ces flèches empoisonnées ne me disaient rien qui vaille. Mais le couplet terminé, la troupe s'étant arrêtée après un certain nombre de tours au point précis d'où elle était partie, ces messieurs daignèrent s'aper- cevoir de notre présence et nous adresser des sourires et de petits signes ami- caux ; de notre côté, nous répondîmes par des « bonjour, Taïo », «good day, Taïo », la glace était rompue. Puis la cérémonie recommença : d'abord le couplet chanté au repos, repris ensuite en marche, une troisième fois, puis une quatrième encore; ils ne sem- blaient pas se lasser, et pourtant il y avait pas mal d'heures déjà que la céré- monie était commencée. Comme on se lasse même des meilleures choses, et que celle-là commen- çait à nous sembler monotone, nous profitâmes d'un moment de repos pour dire au revoir aux Taïos et continuer notre promenade. Notre départ du reste ne sembla pas plus les troubler que no l'avait fait notre arrivée, et pendant longtemps encore, en suivant la plage maintenant couverte d'ombre, nous entendîmes leurs chants et les boum-boum qui les accompagnaient... Comme nous repassions une heure plus tard auprès du même village, nous nous trouvâmes tout à coup inopinément en présence de nos guerriers ; ils marchaient à la file indienne, de ce pas silencieux et rapide du sauvage qui sait en marchant sous bois ne pas déranger une feuille, ne pas faire craquer une branche morte sous son pied. Ces hommes nus se glissant sans bruit sous les arbres, leurs armes à la main, formaient un tableau plus saisissant encore que la scène à laquelle nous avions assisté une heure avant. Nous les voyions allant ainsi surprendre une tribu voisine, mettant tout à feu ot à sang, puis, qui sait? peut-être ensuite faisant un festin des membres palpitants de leurs victimes. Oh! oui, c'était bien là des cannibales partant pour une de leurs hideuses expéditions. NOTES ET REVUE. xxvii Eh bien, non, tranquillisez-vous, ce n'était que des braves gens qui ren- traient chez eux après avoir fêté l'époque de la plantation des ignames. De bons paysans revenant de la fête du village, heureux de se dire que dans quelques mois ils auraient une bonne récolte de pommes de terre ! Ils s'arrêtent pour nous dire bonsoir, ils regardent mon fusil en poussant des petits sifflements admiratifs ; nous distribuons force poignées de main et quelque peu de tabac, et la troupe s'enfonce en serpentant sous la forêt. Nous traversons le village, maintenant silencieux ; quelques femmes sont accroupies à la porte des cases en train de préparer le repas du soir ; dos enfants se sauvent comme des moineaux effarouchés par notre approche, et les grands tabous, avec leurs petites mains béatement croisées sur leurs gros ventres, nous regardent passer, et semblent nous suivre de leurs yeux ronds et plats comme des assiettes. Voilà une de ces journées qui font époque dans l'existence d'un voyageur, et dans bien longtemps je me souviendrai encore et j'aurai toujours devant les yeux ces grands sauvages bariolés et ces gros boum-boum sculptés au milieu du village de Mériver. Dans ma prochaine lettre, je vous parlerai probablement des îles Loyalty ; j'y suis déjà passé en revenant des Hébrides, et j'en ai rapporté une si bonne impression que je vais y retourner incessamment, peut-être même m'y établir pendant quelque temps. Je suis à Nouméa pour pas mal de mois encore ; écrivez-moi quand vous aurez un moment de libre, je me doute que vous devez être bien occupé. Votre bien dévoué. Ph. FnANCois. Quatrième lettre. Nouméa, 18 février 1889. Mon cher Maître, Que devenez-vous donc? Depuis six mois et demi que j'ai quitté la France, je suis sans nouvelles de vous. Écrivez-moi à Nouméa, vous me rendrez bien heureux. Je vous disais, dans ma dernière lettre, que j'allais profiter de l'occasion d'un vaisseau de l'État, le Fabert, pour faire une excursion aux Nouvelles- Hébrides ; c'est ce qui a eu lieu en effet. Pendant trente-quatre jours, j'ai parcouru non seulement tout l'archipel des Hébrides, mais encore les Loyalty, les Banks, Vanikoro et Santa-Cruz, tout près des Salomon. Je voulais voir des barrières de coraux et des sauvages; et j'ai vu les récifs où s'est perdu La Pérouse, et d'excellents Canaques qui s'offrent encore de temps en temps, lorsque l'occasion s'en présente, un bifteck d'homme blanc. Je vous avoue que je m'attendais à avoir, à mes débuts en Océanie, quelque bonne déception. J'avais lu tant de descriptions enthousiastes que je crai- gnais fort de trouver la réalité inférieure à ce que je me figurais. Eh bien, c'est le contraire qui a eu lieu. Rien ne peut peindre la splendeur de ces îles océaniennes et le charme xxviii NOTES ET REVUE. qui s'en dégage ; moi, pour ma part, je me déclare parfaitement incapable de le faire. Les Nouvelles-Hébrides sont encore fort peu connues ; l'intérieur de toutes les grandes îles est complètement inexploré et peuplé d'un très grand nombre d'indigènes absolument sauvages. C'est là une mine pour un natura- liste. J'ai essayé, dans le rapide voyage que je viens de faire, de recueillir le plus de renseignements possible, et j'en ai quelques-uns de fort inté- ressants. La flore est d'une richesse inouïe; la végétation tropicale dans toute sa splendeur revêt ces îles, du sommet jusque dans la mer; c'est quelque chose comme ce que l'on rencontre aux îles de la Sonde ou à Madagascar, sinon plus riche encore. Mais, hélas! je ne suis pas botaniste, et il faudrait un spé- cialiste pour mettre en œuvre toutes ces richesses. Un minéralogiste trouve- rait aussi certainement beaucoup à faire dans ces îles, où nous avons vu un bon nombre de volcans on activité. Je ne vous parlerai que de la faune, qui présente un grand intérêt; elle est déjà beaucoup moins pauvre que celle de la Nouvelle-Calédonie, elle rappelle par plusieurs traits la faune de la Nouvelle-Guinée dont elle semblerait être un prolongement méridional. Il n y a de mammifères terrestres que les grandes chauves-souris, les roussettes, analogues à celles de Calédonie ; mais, en revanche, on rencontre fréquemment sur les côtes un intéressant sirenide, le dugong, qui est même très commun dans certaines îles basses, sur la côte de Mallicollo. On lui fait une chasse acharnée, et j'ai pu apprécier que les côtelettes de dugong con- stituent un plat absolument recommandable. Des colons m'ont raconté que les femelles viennent souvent en grand nombre, le soir, à la côte, avec leurs petits ; elles font entendre un grogne- ment particulier et nagent sur le dos pour allaiter leurs babys au nombre d'un ou deux, en les tenant avec leurs nageoires à l'aisselle desquelles se trouve la mamelle. Les Canaques, peu sensibles à ces touchantes scènes de famille, profitent de ce moment pour les cribler de flèches et de sagaies. Les oiseaux sont mieux représentés que les mammifères. Avec le docteur du Faberl, qui s'occupe un peu d'ornithologie, nous avons dressé une liste d'une trentaine d'espèces que nous avons vues ou qui nous ont été signalées par les colons. Ce qui domine, ce sont les colombides ; nous en avons tué sept espèces. Peu de rapaces. Nous n^avons vu qu'un seul épervier. Peu de grimpeurs Une perruche, un martin-pêcheur, un très petit martin-chasseur. Un certain nombre de très petits passereaux, un corvidé et une salangane Une dizaine d'échassiers de rivage, un canard, une poule d'eau, un pion geon d'eau douce. Je ne parle pas des oiseaux de mer (fous, sternes, frégates, phaétons), qui se trouvent dans tout le Pacifique. Il y a le coq sauvage, et on distingue deux variétés : le coq proprement dit, semblable au petit coq de Cochinchinc, et le coq domestique échappé, devenu marron. NOTES ET REVUE. xxix Il j a encore un gallinacé intéressant et sans doute peu connu : c'est un mégapode de la taille d'une petite pintade, noir, à fortes pattes jaunes, à tête nue, avec caroncules rouges; cet oiseau pond cinq ou six œufs (j'ai pu m'en procurer) énormes vu sa taille, et les enterre en les recouvrant de bois pourri. Les Canaques racontent à ce sujet une histoire assez drôle. La femelle, disent- ils, lorsqu'elle a recouvert ses œufs, plante sur le nid un petit morceau de bois, puis elle abandonne le tout. Mais au bout d'une vingtaine de jours, elle revient, retire le morceau de bois indicateur avec son bec, gratte pour voir si ses œufs sont sur le point d'éclore,puis les recouvre et replante la bûchette. A partir de ce moment, elle revient tous les jours, jusqu'à ce que les petits étant nés, elle les emmène avec elle. Ces sauvages sont de fins observateurs; il doit y avoir un bon fonds de vérité dans cette légende. Enfin, il existe encore dans certaines de ces îles un oiseau que je n'ai pu voir, mais que je ferai certainement tous mes efforts pour me procurer. D'après un colon qui en a tué souvent, c'est un oiseau qui ne vole pas, qui a de grosses pattes à Varrière, un grand bec et des plumes qui ressemblent à du poil. Un croquis que j'ai fait faire séance tenante accompagnait cette description, dans laquelle il me semble reconnaître un aptéryx. Ce n'est pas impossible ; il y a bien un dronte vivant dans une des îles Samoa. En tout cas, il faut le voir, et je ne négligerai rien pour cela. Les reptiles nous présentent aussi des faits intéressants ; sans parler des tortues et serpents de mer, il y a, aux Hébrides, au moins deux espèces de ser- pents terrestres venimeux, fort redoutés des indigènes, puis plusieurs espèces de lacertiens et de platydactyles. Dans les rivières, plusieurs espèces de poissons, probablement spéciales, mais je n'ai pu m'en procurer. Les mollusques terrestres et fluviatiles sont nombreux, et les quelques genres dont je vous envoie la liste renferment beaucoup d'espèces nouvelles. Les côtes et les récifs sont riches en espèces, la plupart recherchées par les Canaques qui en font leur nourriture et donnent les coquilles en échange de tabac; j'ai eu ainsi un grand nombre de nautiles, toutes de l'espèce ombi- liquée. Les crabes terrestres sont nombreux. Le crabe des cocotiers entre autres, et plusieurs autres, et on est tout surpris de rencontrer, au milieu des bois, ces personnages grimpant le long des arbres. Comme arachnides, j'ai trouvé quelques belles araignées, puis un scorpion et une lélyphone. il y a aussi, paraît-il, une grosse araignée, large comme la main, disent les colons, dont la piqûre est mortelle. Quoique la saison ne fût guère favorable (c'était la fin de la saison sèche), j'ai pu recueillir quelques insectes, de grands et beaux lépidoptères et plu- sieurs formes intéressantes de coléoptères (curculionides, scarabœides, bu- prestides et cerambycides); c'est chez ces insectes que Ton voit surtout com- bien la faune des Hébrides s'éloigne de celle de la Calédonie et de la Polynésie. %tx NOTES ET REVUE. Quant à la faune marine, c'est tout autre chose; les récifs sont constitués comme ceux que j'ai vus aux environs de Nouméa et aux Loyaity, c'est-à-dire présentent une richesse prodigieuse de coralliaires, mais d'une recherche difficile. Ce sont surtout des madrépores, porites, seriatopores, pocillopores et astraes qui constituent la masse ; là-dessus par-ci par-là on rencontre des représentants de presque tous les genres, et quelques échinodermes. C'est surtout à terre qu'il faut chercher les faits nouveaux. Mais j'allais oublier l'animal le plus intéressant de tous, l'indigène lui- même, le fier Canaque, qui se promène gravement, son arc et ses flèches ù la main, vêtu d'un petit bâton dans le nez. Sur celui-là, il y en aurait long à vous conter ; c'est ce que je ferai probablement lorsque j'aurai fait une seconde tournée pour compléter mes renseignements. Ici nous sommes en plein hivernage, c'est-à-dire pluie et chaleurs avec coups de vent; aussi exploration du récif presque impossible; et pourtant comme il est alléchant, ce récif, seulement un peu loin, à 14 milles de terre. Je vais faire en Calédonie un séjour beaucoup plus long que je ne l'avais pensé d'abord, car je me suis convaincu que j'ai ici beaucoup plus de res- sources comme matériaux et facilités de travail que je n'en aurai à Tahiti. Malheureusement, je suis arrivé juste après ce que l'on appelle la floraison du corail, c'est-à-dire, je crois, l'époque de sa reproduction ; mais les occupa- tions ne manquent pas malgré cela. Je termine ma lettre comme je l'ai commencée en vous priant, mon cher maître, de me donner de vos nouvelles adressées à Nouméa, poste restante, et de croire toujours, etc. Ph. François. P. S. Si vous pensez que les quelques renseignements que je vous envoie sur ma tournée des Hébrides puissent avoir de l'intérêt pour les lecteurs des Archives ou d'un autre périodique, faites de ma lettre et de toutes celles que vous recevrez de moi tel usage quevous jugerez convenable. GENRE DE MOLLUSQUES RECUEILLIS AUX NOUVELLES-HÉBRIDES PENDANT LA CAMPAGNE DU «FABERT»,DU 24 NOVEMBRE AU 28 DÉCEMBRE 1888 CEPHALOPODES Nautilus umbilicatus. GASTÉROPODES 1° Marins. Strombiis. Conus. Trochus. Pteroceras. Plt'urotoma. Monodonla. Terebellum. Volula. Delpliinula. Murex. Mitra. Imperalor. Tanella. Cypr;pn. Solarium. Trito. Ovulum. Piicopsis. Cynodonta. Nalica. Patelia. NOTES ET REVUE. xxsr Terebra. Nassa. Purpura. Ricinula. Columbella. Oliva. Pyramidella. Sigaretus. Cerilhium. Littorina, Nerita. Tuibo. Patelloïdes. Siphonaria. Bulla. Tornatella. 20 Terrestres ou fluviaiiles. Bulimus. Melania. Partula (ou Diplomorpha). Neritina.. Hélix. Navicella. Pecten. Spondilus. Arca. Avicula, Pintadina. Lithodomus. Lamellibranches. Pectunculus. Chama. Hippopus. Tridacna. Cardium. Scai-abns. Melampu?. Hydrochœa. Lucina. Venus. Cyttuirca. Donax. Tellina, etc. * Cinquième lettre. Nouméa, 18 mai 1889. Mon cher Maître, Vos deux lettres qui me sont arrivées presque coup sur coup m'ont fait le plus grand plaisir, et comme un bonheur non plus qu'un malheur n'arrive jamais seul, elles ont été le signal d'une série de chances et de bonnes nou- velles que j'ai eues successivement. Je veux vous faire savoirtout ce que j'ai fait, et oii j'en suis. Eh bien, je suis obligé de l'avouer, je n'en suis encore qu'au commencement, à l'installation ; et voici pourquoi je vais vous confier un secret que je vous prie de garder scrupuleusement dans la crainte que la chose n'arrive aux oreilles de mes parents qui pourraient s'inquiéter ; ma mère est surtout très prompte à le faire. A mon premier voyage aux Nouvelles-Hébrides, j'ai fait connaissance avec les coraux, et les premiers rapports ont manqué d'aménité : je me suis fait, en marchant sur les récifs, une écorchure au-dessus de la malléole interne gauche, laquelle écorchure a dégénéré en un ulcère qui, au retour à Nouméa, m'a obligé de garder deux mois la chambre. A peine guéri, je suis reparti aux Hébrides, Loyalty et sud de la Calédonie. J'arrivais de ces excursions lorsque j'ai reçu vos deux lettres. Cette fois je n'ai point eu d'ulcère aux pieds, mais un petit à la main droite, qui pendant une quinzaine m'a beaucoup gêné, m'empêchant même d'écrire. Aujourd'hui il est en bonne voie de guérison ; j'ai même pu aller à la grève les après-midi d'hier et d'avant-hier, pour pro- fiter delà grande marée... 1 mètre!!! Vous me direz : « Pourquoi toutes ces excursions? Pourquoi ne pas rester tranquille à travailler à Nouméa ou au phare ? » 1» Le transport qui devait 1 Tous ces genres soat également calédoniens, mais quelques espèce» diffèrent. xxsn NOTES ET REVDE. m'apporter une partie considérable de mon matériel au mois de décembre (les Messageries n'avaient voulu emporter ni alcool ni produits cliimiques) avait tout laissé à l'arsenal de Brest ; je vais seulement le recevoir ces jours-ci par un voilier. 2° Avant de me fixer déliiiitivemcut sur un point, je voulais en connaître un grand nombre, pour pouvoir déterminer à coup sûr le plus avan- tageux et ne pas m'exposer ensuite à avoir des regrets. Aujourd'hui tout est arrêté et arrangé au delà de tout ce que je pouvais espérer. Le commandant directeur de l'artillerie (arsei.al et ateliers de con- struction et réparation) a mis à ma disposition un laboratoire de chimie qui ne servait à personne et où je suis installé mieux que je ne pourrais l'être dans plus d'une faculté de France. En bas de mon laboratoire, il y a une jetée, et des embarcations de l'artil- lerie entièrement à ma disposition. Tous les matins, on me monte dans un tombereau un tonneau d'eau de mer, qui me suffit pour alimenter les aquariums que je suis en train de construire. J'ai emporté tout ce qu'il-faut pour cela. De plus, je suis lié avec les officiers de la Saône (l'aviso qui est en station à iSouméa). Le commandant m'a demandé de diriger des dragages qu'il fera avec son canot à vapeur, et il a mis un scaphandre à ma disposition. Mais, sans tout cela, je n'ai qu'à descendre à marée basse avec mes seaux en toile et je trouve, au pied de mon laboratoire, des bancs de coraux superbes; ou bien en me faisant porter à cinq minutes plus loin, sur les récifs qui découvrent ou les îlots qui forment la rade, je fais des récoltes magni- fiques. Les espèces sont peut-être ici liioins brillantes et moins grandes qu'aux Loyalty et aux Hébrides, mais qu'importe! Ici elles sont plus nombreuses, d'un accès plus facile et j'ai des facilités de travail, grâce aux relations que je me suis créées et à l'obligeance surtout du commandant d'artillerie, que je n'aurais nulle part ailleurs, sans compter que les Hébrides où j'avais pensé à aller sont assez malsaines et presque inhabitées par les blancs. Aux Loyalty, il n'y a pas d'eau douce et l'on y rencontre beaucoup de dif- ficultés d'installation. Aussi vais-je me fixer à Nouméa, y faire le gros de ma mission ; je n'irai à Taliiti et dans les archipels de l'Est que pour faire une tournée comparative et une excursion. Vous me demandez des détails par le prochain courrier, dans quinze jours je vous enverrai une description détaillée avec plans de mon installation et des lieux de pèche. Je tâcherai d'y joindre des photographies. Je vous enverrai aussi quelque chose sur la race et les mœurs des indigènes de ces îles. Enfin je tâcherai de vous décrire un récif de coralliaires, mais cela plus tard, car c'est bien difficile. Vos conseils et vos exhortations me font grand bien, ne me les ménagez pas. Je réponds à quelques-unes de vos questions. Les pintadines sont rares et petites en Galédonie ; mais on en trouve aux Loyalty, qui sont pour les mol- lusques un des points, sinon le point le plus riche d'Océanie. Là aussi les NOTES ET REVUE. xxxin Nautiles sont communs. Je pourrai vous en procurer, car j'y ferai des excur- sions et je m'y créerai un correspondant. Je n'ai pas encore trouvé de Placunes. On trouve très communément ici un marteau qui n'a pas la forme typique. Je vous en enverrai. J'ai trouvé à la grève, hier, un Nudibranche extrêmement beau et des quan- tités d'une sorte d'Aplysie très bizarre, qui vit à moitié enfoncée en terre ; elle K un faux air d'Holotliurieet même de Tunicicr, car, lorsqu'on la voit en place, on ne distingue qu'une masse informe avec deux trous (formés par les bords du manteau), l'un aspirant, l'autre rejetant l'eau. Du reste, ici, tout ce qui est animal sans coquille doit être à peu près inconnu. Il y a des Alcyonnaires et des Actinies absolument prodigieux; envoyez-moi donc deux ou trois natu- ralistes pour m'aider. Il y aura de la besogne pour tous. Je suis passé en vue de Vanikoro et j'ai eu beaucoup de renseignements. L'histoire des Bracliioiiodes couvrant les roches comme des moules est à relé- guer, je le crains, avec celle des canards poussant sur les arbres. 11 n'y a jamais eu de naturaliste s'étant établi à Vanikoro. L'île est entourée de l'anneau de récifs le plus net et le plus complet que l'on puisse voir, laissant seulement deux petites passes très étroites et très difficUes. La côte est maré- cageuse et couverte de Palétuviers. Le commandant Bénier(un ami de l'amiral Cloué), qui commandait le Faberl, avec lequel j'ai fait toutes mes excursions, m'a donné ces renseignements. Cest lui qui est allé, il y a quelques années, à Vanikoro, chercher les débris du naufrage de La Pérouse. Mais il y a en Calédmiic, je le sais, des Téiébratules grosses comme des noix. Je n'ai pas encore mis la main sur le nid, mais je le trouverai bien cer- tainement. Quant aux Tridacnes, je puis dès aujourd'hui vous en procurer, et je ferai tout ce que vous voudrez sur eux. Lorsqu'on se promène à marée basse soit sur le récif, soit sur des tables rocheuses, on trouve des Tridacnes de différentes tailles. Les petites font saillie en dehors du substratum ; au contraire, généralement, les grosses sont complètement enfoncées. A mesure qu'elle devient plus grosse, la Tridacne s'enfonce dans ledit substratum. Lorsqu'elle est sur le récif, les coraux qui sont autour d'elle con- tribuent, par leur croissance, à l'enfouir ; mais ce fait n'est plus admissible lorsque la bête est fixée, comme je l'ai vu, à la surface d'un marbre très dur. Là elle l'attiique évidemment. Quel que soit le procédé, toujours est-il qu'il arrive un moment oii la Tri- dacne, complètement enfoncée dans une logette, ne montre plus que la fente dentée de ses valves, par où. sort le rebord du manteau, hérissé d'une multi- tude de tentacules oculifères. La coquille dans cet état continue à croître indéfiniment et est obligée pour cela de creuser le calcaire autour d'elle, puisque la petite Tridacne qui était grosse comme ie poing (plus ou moins), lorsqu'elle a été englobée dans le récif, arrive à la taille des bénitiers de Saint-Sulpice ou à celle de coquilles que j'ai vues à bord du Fabert et qui provenaient des îles Gilbert : près de l mètre ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VU. 1889. G xxxiv NOTES ET RllVUE. de grand diamètre, au moins 15 centimètres d'épaisseur à la charnière. Une valve seule faisait la charge d'un homme vigoureux. Le pauvre diaole qui, se promenant sur le récif, engagerait sou pied dans cet étau formidable, aurait la jambe coupée net. Mais il arrive parfois que de jeunes Tridacnes imprévoyantes vont se fixer sur une roche cristalline ou volcanique; alors la malheureuse est obligée, ne pouvant creuser sa loge, de se soutenir pendant toute son existence fixée par son pied. On trouve aussi ici des Hippopus qui sont très voisins, mais qui, même jeunes, n'ont jamais d'orifice produit par i'écartement des valves. J'aurai du reste à revenir sur les Tridacnes, car je vais faire tout ce que vous m'indiquez. Continuez à me diriger et à disposer de moi. Votre, etc. [Ph. François. V ilECUERCHES SUR LES ORGANES DE L'EXCRÉTION, Par A. KovALEVSKY. Ein Beitràge ziir Kenntniss der Excretionsorgane Sonderabdruck aus dent iiologischen Centralblalt, Bd. IX, 2, 3, 4, V6 Marz, 1 uiid 15 April 1889. L'idée de ces recherches a son origine dans les travaux bien connus de Heindenhain, Chrxonsczewsky et Wittich, desquels il résulterait qu'il existe, dans l'appareil urinaire des Vertébrés, deux parties distinctes au point de vue fonctionnel : les glomérulcs de Malpighi qui sécrétendent l'eau et les sels les plus solubles, tels que le chlorure de sodium, et les Tubuli contorli, qui sécréteraient l'urée, et peut-être l'acide urique et ses sels. Ces deux parties de l'organe se comportent, d'après ces auteurs, différemment, à l'égard des diverses matières colorantes; ainsi, le carminate d'ammoniaque est excrété par la première, et l'indigosulfute de soude (carmin d'indigo}, par la seconde. Les recherches des auteurs précédents, relatives aux seuls Vertébrés, n'ont été que fort peu étendues aux Inverlébrés. E. Schiadler * a étudié, sous ce rapport, les Insectes, et B. Solger^ les Céphalopodes. Ces auteurs ont con- staté que, chez les animaux en question, le carmin d'indigo injecté dans le corps s'élimine, chez les premiers, par les vaisseaux de Malpighi, et chez les derniers, parles appendices veiueux. E. Metschnikolf' a expérimenté sur di- vers crustacés (Daphnides, liranchipus et Eslhcria), en les nourrissant avec du 1 Beitràge zur Kennhiiss der malpighischen Gefdsse der lnseclen(ZeU. f. Wiss. ZooL, Bd. XXX, 1878, p. 587). 2 Zur Physiologie der sogenannlen Venenanhiinge der Cephalopoden {Zool. Ans., 1881, n" 88). 3 Communication verbale. NOTES ET REVUE. xxxv carmin en poudre; des essais semblables ont été tentés par l'auteur lui-même sur des larves de mouches S et par Hugo Eisig^, dans son grand travail sur les capitellides. Mais ce sont là des essais isolés et un travail d'ensemble sur cette question était à faire. L'auteur n'a pas cru devoir s'astreindre, dans cet exposé, à suivre, soit l'ordre chronologique de ses recherches, soit l'ordre systématique de la classi- fication des animaux. Sa méthode d'investigation est la suivante : comme matière colorante, il a employé le carmin en poudre, le carminate d'ammoniaque, le carmin d'indigo (indigo-sulfate de soude), le bleu d'alizarine, et, sur le conseil de M. Metsch- nikoff, le tournesol. Les animaux de taille suffisante ont été injectés, les plus petits, nourris avec la matière colorante. Les organes ont été observés frais et en coupes. CRUSTACÉS. Si l'on injecte un Astacus avec une solution de carminate d'ammoniaque à i centième, on trouve que, après quelques heures, la vésicule terminale' des glandes antennaires se colore peu à peu et de plus en plus en rouge. Au bout de deux ou trois jours, la coloration a atteint son maximum, et si l'on examine à ce moment les cellules de la vésicule terminale, on les trouve pleines de granulations rouges. Le noyau reste incolore; seules, les granulations sont rouges. Dans la cellule, ces granulations sont éparses; mais à son extrémité libre, c'est-à-dire tournée vers le centre de la vésicule terminale, elles se groupent en amas qui se séparent de la substance de la cellule et tombent dans la cavité, tout à fait de la même manière que le produit normal de sé- crétion, d'après les observations de M. Grobben (fig. 12, de son mémoire). Si l'on injecte du carmin d'indigo, la couleur bleue est absorbée et excrétée uniquement par les canaliculcs urinaires, et la vésicule terminale reste entiè- rement incolore. L'excrétion du carmin d'indigo a lieu seulement dans les canaliculcs urinaires qui forment les parties superficielles de la glande; les parties centrales de celle-ci restent incolores. Le mode d'excrétion est tout à fait différent de celui du carminate d'ammoniaque, par la vésicule terminale. Le noyau de la cellule est toujours incolore ; sous les cellules, on trouve une épaisse couche de cristaux bleus de carmin d'indigo; les cellules elles-mêmes sont en général incolores, à l'exception de quelques-unes dont le protoplasma est traversé par des filaments bleus; ces filaments bleus, composés vraisem- blablement de granulations, se groupent en faisceaux vers la partie de la cellule tournée vers la cavité de la glande, et là, se jettent dans une épaisse couche bleue qui représente évidemment le produit de sécrétion. La plupart ' Zum Verhallen des Ruckengefàsses und des guirlandenformigen Zellenstranges der Musciden wdhrend der Métamorphose {Biolo^. Centralbl., Bd. VI, p. 75). 2 Die Capielelliden in Fauna u. Flora des Golfes von Neapel, XVl° Monographie. Berlin, 1887. * D'après la terminologie adoptée par Grobbea dans son travail sur les Glandes antennaires des Crustacés. xxxYi NOTES ET REVUE. des filaments bleus s'arrêtent au niveau du noyau, mais quelques-uns arrivent jusqu'à la base de la cellule plongée dans lacouclie des cristaux. Si l'on injecte un mélange de carmin d'indigo et de carminate d'ammoniaque rendu absolument intime par l'agitation et par une coction des deux substances ensemble pendant plusieurs jours, la glande urinaire fait une séparation exacte des deux matières colorantes : la première se retrouve uniquement dans les canalicules glandulaires; la deuxième, dans la vésicule terminale. Cette expérience confirme absolument les vuesdeWeissmann* et de Grobben^ qui considèrent la vésicule terminale des glandes antennaire et coquillière, comme correspondant physiologiquement aux glomérules de Malpighi, et les tubes glandulaires aux canalicules urinaires des vertébrés. Après cela, l'auteur a injecté les animaux avec les matières colorantes recom- mandées par P. Ebrlicb ", en particulier avec le bleu d'alizarine et Vindophénol blanc. La première de ces substances lui donna seule des résultats ; avec elle, les vésicules terminales se colorèrent en bleu, et les tubes glandulaires en brun; dans ces derniers, la couleur était semblable à celle de cette substance, à l'état humide ou en solution récente. D'ailleurs, on ne peut admettre qu'elle ait été excrétée telle qu'elle était injectée dans le corps, car, a[>rès l'injection, elle devient bleue dans le corps, et redevient brune dans les canaux sécré- teurs. Ensuite il a injecté, par petites portions et en plusieurs jours, une so- lution faible de cblorure de fer dans un Asiacus. Plus tard, en ouvrant l'animal et en traitant les glandes antennaires par une solution acidifiée de prussiate jaune de potasse, il vit se colorer en bleu intense la vésicule terminale et la partie superficielle des tubes glandulaires, c'est-à-dire les mêmes parties qui sécrètent le carmin ammoniacal et le carmin d'indigo. Il faut remarquer que, dans ces circonstances, le réactif ferro-potassique tuait les cellules et permet- tait à la substance colorante contenue dans les cellules de colorer le noyau. Enfin, il injecta une solution concentrée de teinture de tournesol ; la vési- cule terminale se colora en rouge, qu'une faible addition d'alcali fit virer au bleu. Cette expérience montre que la réaction dans les cellules est acide. Les canaux de la glande ne prennent pas la teinture de tournesol. Chez les Astacus, la coloration de la vésicule terminale par ce réactif est faible et nullement à comparer avec la coloration rouge intense que Ton obtient chez le Palœmon. 11 est à noter encore que la sécrétion du carmin d'indigo et du fer, par les canaux de la glande, a lieu spécialement dans cette partie voisine de la vésicule terminale désignée sous les noms de bande verte ou de sac, par Vassilielî*, et de portion claire, par Grobben. Le reste de la glande, désigné par 'Vassiliefl", sous le nom de bande blanche transparente, et par Grobben, sous celui de portion large et jnile, ne prend aucunement part à cette sécrétion. De là, ou i)eut conclure qu'il y a, dans la glande antennaire de l'écrevisse, ^ UeberBau und Lcbens erscheinungen von Leptodora liyalina {Zeit. f. wiss. ZooL, Bd. XXIV, p. VJ\). 3 Die Anlmnendriisen der Crustaceen {ârb. aus dem zool. Instit., in Triest, Bd. III, p. 12). 8 Dns Sauersluffbediirfniss des Organismus. Berlin, 1885, p. 21. Sur les rems de l'écrevisse (eu russe). Varsovie, lb79. NOTES ET REVUE. xxxvii trois parties physiologiquement distinctes: i" la vésicule terminale à réaction acide; 2° la première portion des canaux glandulaires, où se sécrète le carmin d'indigo et où, comme nous le verrons plus tard, la réaction est alcaline, et enfin, 3° la bande blanche de la glande, qui est indilTérente aux substances sus- mentionnées. Cependant, dans les injections abondantes et de longue durée, quelques parcelles de carmin d'indigo arrivent jusqu'à cette dernière portion. Pour les particularités relatives à chaque groupe de crustacés, nous ren- voyons au mémoire de l'auteur. INSECTES. En 1886, l'auteur publia, dans le Blologischer Cenlralblatt (vol. VI, p. 75), quelques-unes de ses observations sur le rôle des cellules péricardiales et des cordons festonnés de cellules, chez les Muscidés. 11 démontra que l'une et l'autre de ces formations cellulaires sont composées d'éléments qui ont pour fonction de purifier le sang, d'en extraire les substances étrangères nocives, d'absorber ces substances dans leur protoplasma, et de les enlever ainsi à la circulation dans l'organisme. Comme ces cellules n'ont aucun conduit excréteur pour épancher leurs produits au dehors, elles doivent le conserver dans leur sein jusqu'à leur mort, c'est-à-dire jusqu'à leur destruction, qui arrive au moment de la métamor- phose, où elles sont mangées par les Phagocytes. Ces recherches lurent étendues par l'auteur, en 1886, à d'autres insectes, et donnèrent le même résultat (larves de différentes espèces de Culex, larves de Chironomus, de Corethra et d'Ephémères). Pour les larves de Chironomus et de Culex, il suffit de mettre dans l'eau, où elles vivent, du carmin finement pulvérisé ou du bleu de méthylène, ou de la vésuvine, pour obtenir, au bout de deux ou trois jours, une belle et intense coloration des cellules péricardiales. Pour les larves de Corethra, il faut user d'artifice. Elles restent incolores dans l'eau additionnée des substances précédentes, mais si on y met des Daphnies, celles-ci absorbent la couleur dans leur intestin, et, par elles, les larves de Corethra se colorent aussi. C'est l'intestin qui se colore le premier; puis la couleur passe dans le sang, et, de là, dans les cellules péricardiales. Diverses granulations se colorent aussi dans les cellules musculaires, intesti- nales, trachéennes, hypodermiques, et dans les globules sanguins. Quant aux cellules péricardiales, elles se colorent si fortement, qu'elles deviennent noires. Cette absorption si intense de la matière colorante finit même par les tuer; elles prennent un contour irrégulier et peu à peu se résorbent. Les larves privées de leurs cellules péricardiales peuvent vivre encore, mais l'auteur ne peut préciser combien de temps. Pour les chenilles des papillons, on ne réussit pas en saupoudrant ou teignant les feuilles qu'elles mangent avec les matières colorantes. Il faut leur injecter le liquide colorant dans la cavité générale; on obtient alors les résultats habituels. Chez la larve d'Athalia spinarum, le tissu péricardial qui se colore, entoure non seulement le corps, mais se prolonge aussi autour du tube di- xxxvm NOTES ET REVUE. gestif et dans la paroi du corps. Les mêmes réîHiltats ont été obtenus avec divers orthoptères : Forficula, Blatta, Priplanela, Acridium, Gryllolalpa, di- verses espèces d'Anoplia, des larves d'Oryctes, Un autre réactif peut être employé pour ces mêmes expériences. Ce sont les sels de fer, en particulier le FeCP, injecté, en solution à i centième, dans la cavité générale. Après avoir ouvert l'animal, on l'arrose de prussiate jaune de potasse acidifié. Les parties qui se teignaient en rouge, avec le carmin, devien- nent bleues, ce qui montre qu'elles ont absorbé le fer; mais d'autres organes aussi prennent la coloration, les muscles, par exemple, et parfois aussi les glandes séricigènes. Un troisième réactif, très intéressant dans ce genre d'expériences, est celui dont E. Metscbnikoff a eu le premier l'idée, à l'occasion de ses recherches sur la nutrition intracellulaire. C'est une émulsion de tournesol bleu. Quand on l'injecte, les cellules péricardiques deviennent rouges comme avec le carmin, ce qui prouve, en outre, que la réaction est acide dans ce tissu, mais légère- ment, car il suffit d'exposer l'organe aux vapeurs d'ammoniaque pour le ra- mener au bleu. Ce réactif, appliqué à la plupart des insectes dont il a été parlé ci-dessus, a toujours donné les mômes résultats. Plateau a montré que, dans le tube digestif des insectes, il y a des parties acides et d'autres alcalines. L'alimentation avec le tournesol permet de pré- ciser les limites des régions acides et alcalines. Ainsi, dans les larves de mou- ches, l'estomac suceur, l'œsophage, le proventricule avec son appendice caecal, sont toujours bleus, c'est-à-dire alcalins; l'intestin moyen est bleu aussi dans sa partie supérieure, mais sa moitié inférieure est fortement rougie, c'est-à-dire acide; l'intestin postérieur est alcalin. Chez la mouche adulte, ces régions diverses ont la même réaction que chez la larve, mais les poches rectales présentent une particularité. Le contenu est d'abord bleu, mais si on les abandonne quelque temps sur la platine du mi- croscope, la couleur passe au rouge, en commençant aux papilles rectales, pour s'étendre peu à peu. Chez les larves de Tenebrio molUor, il y a aussi, à la partie inférieure de l'intestin moyen, une région acide. En ce qui concerne les tubes de Malpighi, l'auteur a refait les expériences de E. Schindler^ avec l'indigo-carmin, mais il a examiné les tissus vivants. Il a trouvé, comme lui, que l'indigo-carmin se déposait sous forme d'aiguilles cristallines dans les tubes de Malpighi, d'oii il passe peu à peu dans l'in- testin postérieur. Mais, à l'inverse de Schindier, il a toujours trouvé les noyaux des cellules incolores. Qu'on les examine à l'état frais ou dans l'alcool fort, le résultat est le même; mais, quand on les met dans l'alcool faible, la substance colorante se redissout et se fixe sur les noyaux, comme cela a lieu d'ordinaire dans les tissus tués. Les noyaux vivants ne se colorent j.imais. Enfin, si l'on injecte un mélange aussi intime que l'on peut le faire de carminate d'ammoniaque et de carmin d'indigo, constamment le premier est 1 Beitràge zur Kenntniss der malpighisclien Ge fasse der Insecten (Zeit.f. Wiss.ZooL, Bd. XXX, 1878, S. 587). NOTES ET REVUE. xxxix absorbé par les cellules péricardiales, et le second par les tubes de Malpighi. Jamais Fin verse n'a lieu ; le triage est parfait. Si l'on compare maintenant les Insectes aux Crustacés, on peut dire que, chez les insectes, la fonction mixte de la glande antennaire ou de la glande coquillière est séparée et remplie par deux organes distincts: la fonction des canaux urinaires est remplie par les tubes de Malpighi, et celle de la vésicule terminale, par les cellules péricardiales. MOLLUSQUES. Un Pecten, injecté avec le mélange intime de carmin et de carmin d'indigo, a montré, au bout de quelques heures, le corps de Bojanus coloré en bleu et les appendices des oreillettes décrites par Grobben\ sous le nom de glandes féricardiales, colorés en rouge. Dans le corps de Bojanus, la substance bleue était déposée, sous forme de petites aiguilles cristallines, dans la vacuole des cellules sécrétantes, autour du granule de substance excrémentitielle qui y était déjà contenu. L'excrétion du carmin d'indigo a donc lieu dans le point précis où a lieu aussi la sécrétion urinaire. Le carmin, au contraire, était dé- posé dans les cellules des glandes péricardiales, sous forme de granules dis- séminés dans le protoplasma cellulaire. Si, au lieu de ces substances, on injecte de la teinture de tournesol, elle se fixe dans les glandes péricardiales et y devient rouge, ce qui prouve que la réaction est acide dans ces glandes. En les exposant aux vapeurs d'ammo- niaque, on les ramène au bleu. Avec les Cardium, Venus, Tellina, on obtient le môme 'succès. Avec les Unio et Anodonla, le résultat se fait attendre plus longtemps, mais, au bout de trois ou quatre jours, il est atteint. Chez les Gastéropodes, le résultat est un peu différent. Des Eeliœ, Paludina vivipara, injectés avec le mélange violet de carmin et de carmin d'indigo, de- viennent d'abord violets, puis rouges, par le fait que le carmin d'indigo est seul excrété. Il est absorbé par le corps de Bojanus, et de la même manière que chez le Pecten, sous forme de petits cristaux, autour de la concrétion con- tenue dans la vacuole des cellules de l'organe. Avec le temps, la couleur rouge disparaît à son tour. Chez les Haliolis, Wegmann ^ a décrit deux corps de Bojanus, un droit et un gauche. Ce sont deux glandes bien différentes au point de vue physiolo- gique. La droite est le véritable organe de Bojanus; elle absorbe le carmin d'indigo. La gauche est une glande spéciale, munie de prolongements en doigts de gants qui flottent dans le courant sanguin et qui rappellent les appendices veineux des Céphalopodes. Il m'est arrivé souvent de remplir ces papilles de carmin. Chez les Céphalopodes, les résultats sont aussi très nets. Le cœur branchial 1 Grobben, Die Pericardialdrûsen der Lamellibranchien {Ârb. aus dem Zool. Instit. zu, Wien, Bd. VII, 1888). * Archives de zoologie expérimentale, 2" série, t. II, p. 326. XL NOTES ET REVUE. lixe le carmin et devient ronge, les appendices veineux absorbent le carmin d'indigo et se colorent en bleu. Si l'on injecte du tournesol, il se fixe dans le cœur braneliial où il prend une couleur ronge que l'on peut faire virer au bleu au moyen de vapeurs ammoniacales, Cbez les Denlatium, les expériences ne réussissent qu'incomplètement. Les deux glandes désignées par de Lacaze-Dutbiers, sous le nom d'organes de Bo- janus, ne fixent que rarement le carmin d'indigo, et cette substance se retrouve dans les cellules sous forme de granules et non sons forme de cristaux, comme cbez les autres Mollusques. D'ailleurs, on sait que les cellules de ces glandes ne possèdent pas ici la vacuole caractéristique avec la concrétion urinaire. En somme, cbez les Mollusques, le carmin d'indigo est excrété par la glande urinaire, et au point même ofi a lien, dans les cellules de cette glande, le dépôt des urates. La glande urinaire a toujours une réaction alcaline. Les Mollusques possèdent deux organes distincts qui correspon- dent pbysiologiquement aux corpuscules malpigliiens et aux tululi contorli des Vertébrés. VERS. Les expériences ont été exécutées principalement cbez la Nereis cultrifera et chez le Lumbricus. Cbez la première, le carmin ammoniacal, injecté seul, se fixe dans le canal contourné de l'organe segmentaire. La couleur rouge se retrouve sous forme de granulations dans les cellules. Le tournesol est ab- sorbé par les UKUTies cellules et les teintes en rouge, en raison de leur réaction acide. Les vapeurs d'ammoniaque font virer la couleur au bleu. Si l'on injecte le mélange de carmin d'indigo et de carm.in, le carmin se fixe dans les points indiqués; quant au carmin d'indigo, il est absorbé par les globules sanguins, et surtout par des groupes de glandes cutanées unicellulaires, qui sont dis- posées métamériquement à la face dorsale du corps. Chez le Lumbricus^ le carmin se dépose dans une partie restreinte de l'or- gane segmentaire, celle qui est désignée par la lettre d, ou celle comprise entre les lettres /et /, dans la figure 1 de la planche XII, du travail de Gugenbaur, sur les prétendus organes respiratoires du ver de terre (in Zeil. f. Wiss., Bd. IV). Le carmin d'indigo ne paraît pas se fixer dans i'organe segmentaire, bien que, parfois, il soit bleui par de la substance bleue entraînée à son intérieur. Les cellules chloragènes se colorent en vert, par suite de la combinaison de la matière bleue, avec leur couleur naturelle qui est jaune. Les vaisseaux sanguins sont colorés en bleu intense comme s'ils étaient injectés. Le tournesol se fixe au même point des organes segmentaires que le carmin et y devient rouge, et aussi dans une autre région du même noyau, celle désignée par Gegenbaur, par les lettres a' a". Chez les Apliroilites et Polynœ, le carmin e^t absorbé par les organes seg- mentaires, tandis que le carmin d'indigo n'est point absorbé. Les l'hascolosoma et Aspidusiphon injectés avec le mélange de carmin et de carmin d'indigo ont montré leurs deux organes segmentaires colorés en bleu, NOTES ET REVUE, xu peu intense, tandis que les cellules péritonéales qui recouvrent l'intestin terminal sont devenues rouges. Le tournesol se fixe au même point que le carmin et y devient rouge. Les Bonellies ont montré une réaction acide des appendices brancliiformes de l'intestin postérieur. Les entonnoirs ciliés sont toujours restés incolores. L'auteur n'a pu avoir aucun exemplaire de Sipun- culus nudus. HIRUDINÉES. Chez les Hirudinées, les résultats ne sont pas très nets {Clepsine, Nephelix^ Hirudo). Le carmin est excrété par les cellules du canal segmentaire. Mais, diverses cellules éparses dans le corps se colorent aussi. Avec le carmin d'in- digo, les vaisseaux se teignent en bleu, comme chez les Lumbricus, mais certaines cellules de la cavité générale se colorent aussi. ÉCHINODERMES. Les animaux soumis à Texpérience étaient VAstropecten aurantiacus, VA. pentacanlhus, VEchinus micmlubercuJalus, et le Strongylocentrotus lividus. Le liquide a été injecté tantôt par un ambulacre, tantôt dans la cavité géné- rale. Dans le premier cas, le système ambulacraire devient tout rouge, mais, au bout de peu de jours, la couleur se localise dans les organes de Tiedemann, dont les cellules se garnissent chacune de gros globules rouges. Gela s'applique au carmin, naturellement. Quant au carmin d'indigo, l'auteur n'a pu le re- trouver dans cet organe. Le tournesol ne donne pas de résultats bien nets. Le prétendu cœur ne se colore pas avec le carmin. En injectant par la cavité générale, les corps de Tiedemann restent incolores. Les Échinides ont été injectés seulement par la cavité générale. Dans ces circonstances, la glande du canal du sable se colore en rouge, mais les corps de Tiedemann restent incolores. En somme, la glande du canal du sable paraît être l'organe excréteur de la cavité générale, et les corps de Tiedemann, celui de l'appareil aquifère. Ces deux organes paraissent avoir l'un et l'autre une réaction acide. Chez les Echinides, l'auteur a observé de véritables pulsations, quoique non régulières, de la glande ovoide. ASCIDIES. Les formes examinées sont la Phallusta me.ntula et une espèce de Molgula. Tous les organes sont, comme on sait, noyés dans un parenchyme où abondent les vésicules composées de cellules, dans lesquelles on trouve une ou plusieurs concrétions. Le carmin d'indigo se fixe dans ces cellules sous la forme de petits cristaux en aiguilles, autour du noyau, exactement de la même manière que dans le corps de Bojanus des Mollusques. Le carmin injecté avec le carmin d'indigo colore des globules sanguins, des muscles, mais aucun organe qui puisse être considéré comme chargé de l'excréter. Chez les Molgules, qui ont un organe urinaire spécial, composé de cellules qui se chargent des concrétions et les déversent ensuite dans la cavité de l'or- XLii NOTES ET REVUE. gane, le carmin d'indigo suit exactement le même chemin que les produits excrémentitiels normaux. Quant au carmin, je n'ai pu voir comment il était excrété. L'organe urinaire des Ascidies correspond pliysiologiquement aux canalicules urinaires des Vertébrés. Quant à la glande liypophysaire, qui a été considérée comme un organe excréteur, et que Julin ' compare au rein céplia- liquc, elle ne saurait représenter que la partie correspondant aux glomérules des Vertébrés, ou à la vésicule terminale des Crustacés, ou encore à la glande péricurdiale des Mollusques, puisque l'autre partie de l'appareil excréteur, la partie alcaline, a son siège ailleurs. Les résultats précédents ne sont que des constatations préliminaires, et l'auteur a l'intention d'approfondir ce sujet. APPENDICE. L'auteur a nourri un chien, possédant dans son foie des vésicules d'Echino- coques, avec des aliments mélangés de carmin. Le système aquifère du Tœnia echinococcus a été coloré, principalement les deux grands vaisseaux longitudinaux. En nourrissant longtemps une Térébcllide [Mellita adriatica) avec du carmin, l'auteur a pu colorer l'anse interne de l'organe segmentaire. Cette anse, qui a d'ailleurs une structure spéciale, serait donc la partie acide de l'ap- pareil excréteur. Chez les Scorpions, l'auteur a constaté que la partie médullaire (Lankester)'' de la glande coxale absorbait le carmin. Chez des Vertébrés, Souris, Chiens, Pigeons, injectés avec le tournesol, l'urine ou les sédiments urinaires deviennent rouges en quelques minutes et passent au bleu par l'addition d'un alcali. Chez une Souris, le rein était tout bleu, et cette coloration était donnée par les granulations des cellules des ca- nalicules urinaires. Les noyaux étaient tous incolores. Des têtards de Biifo cinerea ont donné le même résultat que cette Souris. L'auteur s'explique ce résultat de la manière suivante: le tournesol bleu excrété par les glomérules acides passe au rouge ; celui qui est excrété par les canalicules reste bleu dans les cellules, mais passe aussi au rouge dès qu'il est tombé dans l'urine, par suite de l'excès d'acidité de celie-ci. Je puis ajouter au résumé de ce remarquable travail, que j'ai vu moi-môme à Odessa, plusieurs préparations et expériences de M. Kovalevski, et que j'ai été frappé de la netteté des résultats. Yves Delage. 1 liecherches sur V organisation des Ascidies simples {Arch. dshiologîe, t. II, 1881). s The coxal glandes of Limulus, Scorpio and Mygale {Quarleriij Journal of Mikr. Science, vol. XXIV, 1884, p. 156 and Taf. VIII, fig. 7). NOTES ET REVUE. XLiii VI SUR LA STRUCTURE DU PROTOPLASMA, Par BuTSCHu. (Ueber die Struklur des Protoplasmas.) Étant de passage à Heidelberg, j'ai eu l'occasion de voir les très intéres- santes préparations du professeur Bùtschli, relatives à ses essais de fabrication de protoplasina artificiel. Ces expériences ont été l'objet d'une communi- cation préliminaire dans les Verhandlimgen des Nalurhist. Med. Vcreins zu Heidelberg, N. F., Bd. IV, Heft 3, 3 mai 1889; mais ce petit recueil est si peu connu, que très probablement les lecteurs des Archives n'en auraient pas eu connaissance avant la publication du travail m extenso de l'auteur. Aussi, profiterai-je avec empressement de l'autorisation que le professeur Bùtschli a bien voulu me donner d'en présenter ici un résumé. D'après les observations de Kuppfer, Fromann, Heitzmann, Klein et autres, le protoplasma aurait une structure réticulée; il serait formé d"une charpente d'une substance plus consislante formant un réseau dans les mailles duquel serait une substance plus claire. Dès 1878, M. Bùtschli a exprimé l'opinion que cette structure réticulée n'était pas réelle et que la vraie structure de la sub- stance vivante était vacuolaire, comparable à celle de la mousse de savon. Dans ses recherches ultérieures, il s'est de plus en plus fortement convaincu de la structure vacuolaire du protoplasma et l'a de plus en plus énergiquement défendue ^ Dans un travail récent^ il a même tiré de cette structure vacuo- laire cette conclusion que le protoplasma ne saurait s'accroître par intussus- ception comme on l'a cru jusqu'ici. Tout cela l'a conduit peu à peu à l'idée qu'il serait possible de fabriquer des substances qui auraient la même struc- ture que le protoplasma et, comme conséquence de cette structure, un certain nombre des propriétés caractéristiques de cette substance. Il s'agissait d'obtenir une substance formant mousse, avec des vacuoles de dimensions semblables à celles du protoplasma. Après de nombreux essais infructueux, M. Bùtschli est arrivé à obtenir une mousse à éléments relative- ment très fins, en agitant fortement et longtemps une solution épaisse de savon avec de la benzine ou du xylol. La paroi des vacuoles formant la char- pente de soutien est formée par la solution de savon, et le contenu des vacuoles par la benzine ou le xylol. Cette mousse est très durable ; dans un flacon bouché, elle peut se conserver plus de deux mois sans que ses éléments se séparent; elle serait suffisante pour l'examen microscopique, mais il est pos- 1 Einuje Bemerkungen ueber gewisse Organisationsverhùllnisse der sog. Cilioflagella- ten und der Noctiluca {3Iorphol. Jahrbuch., Bd. X, 1883). — Kleine Beitràge sur Kenntniss mariner Rhizopoden{Ilid., Bd. XI, 1884). * Mussen wir ein Wackstkum des Plasmas durch Intussusceplion annehmen? {Biol. Centralblatt, 1888). XLiv NOTES ET REVUE. sible d'en fabriquer de bien meilleure à vacuoles beaucoup plus petites ayant tout à fait la structure du protoplasma et n'offrant pas l'inconvniiient qu'a celle-ci, de ne pouvoir être étudiée que dans la benzine ou dans un véhicule analogue. Les travaux deQuincke', où cet auteur montre que des liquides aqueux peuvent diffuser à travers l'huile grasse, ont donné à M. Bûtscbli Tidée d'une nouvelle méthode pour fabriquer une mousse à éléments très petits et pouvant se conserver dans des liquides aqueux. On commence par pulvériser aussi fin que possible du sucre de canne ou du sel de cuisine; on ajoute de l'huile d'olive vieille et on mélange intimement de manière à ol)tenir une bouillie bien homogène. On prend, de cette bouillie d'huile et de sucre ou d'huile et de sel de cuisine, de toutes petites gouttes, de 1 dixième à 5 dixièmes de milli- mètre de diamètre que l'on fait tomber sur un couvre-objet, on garnit d'un peu de cire ou de paraffine les quatre coins du couvre-objet de manière à éviter Técrasement de la parcelle de bouillie et on le renverse sur le porte- objet dans une petite goutte d'eau. Le but de cette manipulation est de placer la gouttelette de bouillie dans 1 eau de manière que celle-ci, appelée par le sucre ou le chlorure de sodium, diffuse à travers l'huile et transforme chaque particule de ces substances solides en une solution aqueuse, en sorte que l'on doit avoir à la fin une mousse formée par la réunion d'une multitude de globules microscopiques formés chacun d'une paroi d'huile et d'un contenu aqueux (solution concen- trée de sucre ou de chlorure de sodium). L'expérience réussit complètement. Après vingt-quatre heures de séjour dans la chambre humide, les gouttelettes de bouillie sont transformées en une mousse parfaitement opaque, blanche comme du lait. La structure vacuolaire est parfaitement reconnaissable au microscope. Mais l'opacité de la prépara- tion est un inconvénient sérieux auquel il faut absolument remédier. Pour cela il suffit de remplacer l'eau dans laquelle baigne la goutte de mousse par de la glycérine. Celle-ci diffuse comme avait fait précédemment l'eau et prend peu à peu sa place dans les vacuoles qui deviennent ainsi tout à fait transparentes. Ces gouttes de mousse transparente sont parfaitement liquides; elles se mettent en boule dèsqu'elles sont abandonnées à elles-mêmes et ii faut les comprimer entre la lame et la lamelle pour les étudier commodé- ment. Les vacuoles de ces gouttes spumeuses ont donc une paroi d'huile et un contenu de glycérine aqueuse; leur petitesse est telle, qu'à certains en- droits il faut un objectif à immersion homogène pour les distinguer. Par places même, la structure vacuolaire devient impossible à définir, et il faut chercher des points de la préparation où les vacuoles soient moins fines pour la recon- naître; mais il n'y a pas le moindre doute que cette structure vacuolaire n'existe aussi là où on ne peut la voir. La structure est tout à fait celle de la 1 Ueber periodische Ausbreilung an Flussigkeilsoberflàchen und dadurch hervorge- rufene Bewegungserscheinungen {Ânnalen der Physik utid Chenue. N. F., Bd. XXXV, S. 580-642). NOTES ET REVUE. xlt mousse de savon, mais à. vacuoles extrêmement petites. Comme dans la mousse de savon, les vacuoles ont une forme polyédrique, variable à l'infini dans le détail. Naturellement la paroi huileuse est un peu plus épaisse dans les points où elle est commune à plusieurs vacuoles contiguës, et ces endroits épaissis offrent l'apparence des points nodaux d'un réticulum. Si Ton examine la préparation sans apporter une attention très grande, ces points nodaux sont vus à l'exclusion des parois plus minces et moins visibles, et l'aspect est tout à fait celui d'un protoplasma granuleux (microsomes du protoplasma). Mais, en examinant avec plus de soin, on arrive à voir, comme dans le pro- toplasma, ies parois des vacuoles et ù discerner la structure vraie de l'en- semble. L'examen des parties périphériques de la goutte de mousse apporte un nouveau fait en faveur de l'identité de structure entre cette goutte et le pro- toplasma. La couche périphérique est différenciée en une sorte de membrane assez bien délimitée en dehors et même en dedans. Cette couche se montre finement striée en direction radiaire; elle est formée d'une seule rangée d'alvéoles rangées radiairement les unes à côté des autres et constitue une vraie couche cutanée. Pour peu que l'on connaisse la structure des organismes uniceliulaires, on ne pourra manquer d'être frappé de la parfaite ressemblance entre cette couche alvéolaire superficielle et la couche protoplasmique péri- phérique des organismes en question. L'existence d'une couche périphérique différenciée du reste du protoplasma a été signalée par Strasburger dans le plasmodium des Myxomycètes et dans les zoospores des algues, et par M. Bùtschli lui-même chez certains Flagellâtes, chez beaucoup de Ciliés (couche alvéolaire des Ciliés) et, tout récemment, chez A mœba proteus et chez un autre Rhizopode. Chez ces derniers Protozoaires, la couche alvéolaire est extrêmement mince, mais on peut cependant la reconnaître en employant les plus forts grossisse- ments. Il n'est pas douteux que cette couche périphérique des gouttes de mousse ne soit de même nature que celle du protoplasma des Protozoaires. 11 y a cependant une différence très fréquente et qui doit être signalée. La couche superficielle d'alvéoles des gouttes de mousse est entièrement liquide; rompue, elle se reforme, et les gouttelettes s'y meuvent sans détruire l'arrangement de ses parties. Cet arrangement est un simple phénomène mé- canique provenant de ce que les cloisons qui partent de la couche superficielle sont perpendiculaires à la surface. Dans le protoplasma, au contraire, il y a toujours au moins une mince couche superficielle solide, ce que l'auteur appelle la Pellicula. Vraisemblablement, il y a aussi des parties solides dans les régions immobiles du corps des Amibes et des organismes semblables. Les remarques que nous venons de faire au sujet de la surface extérieure s'ap- pliquent aussi aux surfaces intérieures qui limitent les grandes vacuoles aussi bien dans les mousses que dans le Protoplasma. Le mode de formation des vacuoles des mouses a été expliqué plus haut par la simple substitution de l'eau, puis de la glycérine aux particules de sucre ou de sel marin dans la bouillie faite avec l'huile et ces substances finement pulvé- risées. Mais, malgré tout le soin apporté à la pulvérisation, les particules de xLvi NOTES ET REVDE. sucre ou de sel marin sont relativement grosses, et il est à croire qu'un autre phénomène intervient. Si on laisse une gouttelette d'huile grasse entre lame et lamelle dans une solution faible de sel marin, on voit peu à peu la gouttelette se troubler et finalement s'émulsionncr tout à fait. Elle se montre remplie de gouttelettes minuscules delà sohition saline. La même chose arrive à la longue avec l'eau simple et aussi pour des huiles grasses différentes telles que l'huile d'amandes ou l'huile de foie de morue. Diverses considérations ont amené l'auteur à penser que ce phénomène était dû à la présence dans l'huile d'une minime quantité de savon. L'expérience a confirmé cette idée, car si l'on .njoute à de l'huile d'olive chauffée au bain-marie une petite quantité de savon de Venise ou de savon gras, les gouttelettes de cette huile s'émulsionncnt dans l'eau beaucoup plus rapidement. De là, l'auteur conclut que l'eau, diffusant à travers l'huile, va dissoudre les particules de savon et forme ainsi des gouttelettes d'une solution aqueuse de savon qui, n'étant plus solubles dans l'huile, restent isolées à son intérieur et forment l'émulsion. L'auteur a cherché à tirer parti de ces phénomènes pour obtenir des émulsions encore plus fines. Pour cela, il fait une bouillie avec quelques gouttes d'huile d'olive et du carbonate de potasse finement pulvérisé et met des gouttelettes de cette bouillie dans Teau entre lame et lamelle. Son attente n'a pas été déçue, et en vingt-quatre heures environ il a obtenu une émulsion parfaite dans laquelle il a substitué à Teau de la glycérine étendue de un demi à un tiers d'eau. Quand l'expérience a bien réussi, lesgouttes se montrent composées de vacuoles extrêmement petites avec une couche périphérique à vacuoles radiaires, bien reconnaissables, mais d'une petitesse extraordinaire. Mais la propriété la plus remarquable de ces gouttelettes n'est pas leur structure, c'est leur motilité. Dès qu'elles sont formées, elles se mettent en mouvement dans la glycérine, tout à fait comme une Amrcba Umax ou une Pelomyœa. On observe un mouvement intérieur et un mouvement de trans- lation. Le premier se manifeste sous la forme d'un courant assez vif qui tra- verse la goutte dans le sens d'un rayon et qui, arrivé à la surface, se divise en deux courants opposés qui se détournent l'un à droite, l'autre à gauche, parallèlement à la surface. Ces deux courants diminuent progressivement de vitesse et rentrent peu à peu dans l'intérieur de la goutte, l^es plus grosses gouttelettes ont deux ou plusieurs centres de mouvements semblables. Les particules étrangères qui viennent par hasard se coller à la surface sont en- traînées par ces courants. La ressemblance de ces courants avec ceux des Amibes simples est parfaite. Le mouvement de translation a lieu dans le sens du courant principal. Parfois, on voit deux gouttelettes se rapprocher dans leur mouvement, s'accoler l'une à l'autre, cheminer quelque temps ainsi, puis brusquement se fusionner. Le mouvement dure vingt-quatre, quarante-huit heures même, en s'amoindrissant progressivement et, lorsqu'il est près de s'arrêter, on peut encore lui rendre de l'activité en élevant la température. La température optima pour exciter les mouvements des gouttes est entre 30 et 50 degrés centigrades, et des gouttes complètement inertes se mettent parfois en mouvement, lorsqu'on les porte à cette température. Une goutte de b NOTES ET REVUE. xlvu grosseur moyenne, modérément comprimée, a montré à cette température de remarquables changements dans la direction des courants qui, en dix minutes, cliangèrent plusieurs fois de direction, ce qui donnait à la goutte une ressem- blance parfaite avec une amibe. L'addition de glycérine n'est pas une condition indispensable de la produc- tion des mouvements. Les gouttes bien réussies, lorsqu'on les examine sans pression, montrent déjà dans l'eau de faibles changements déforme; on voit tantôt dans un point, tantôt dans l'autre, une saillie peu accusée se former puis rentrer et ainsi de suite, en même temps que l'ensemble se déplace. L'opacité de la goutte ne permet pas de suivre les courants à son intérieur, mais on peut cependant s'assurer que ces saillies et les changements de forme sont dus à des courants locaux semblables à ceux que l'on observe dans les gouttes trans- parentes. Si l'on examine des gouttes libres, nullement comprimées dans la glycérine, on observe ordinairement un courant semblable à ceux que nous avons décrits; mais ce courant ne détermine pas de mouvement de translation. Cela tient à ce que le courant monte dans l'axe de la goutte en suivant la verticale, arrive au pôle supérieur, descend le long de la surface vers l'équateur, puis vers le pôle inférieur en rentrant peu à peu à l'intérieur. Pour comprendre cela, il faut bien se rendre compte que ces gouttes d'émulsion étant beaucoup plus lourdes que des gouttes d'huile, s'étalent beaucoup plus sur le porte- objet. Après les expériences de Quincke (loc. cit.), l'explication de ces courants n'est pas très difficile. Les vacuoles sont remplies, comme nous l'avons vu, d'une solution de savon d'abord dans l'eau, puis dans la glycérine. Si, en un point quelconque de la surface, un de ces vacuoles vient à éclater (ce qui serait presque impossible à constater avec les plus forts grossissements tant elles sont petites), aussitôt la solution de savon se répand sur la surface en- vironnante qui est, comme on sait, formée d'une couche d'huile. Il en résulte une diminution de la tension superficielle au point correspondant, aussi se forme-t-il en ce point une petite saillie; les vacuoles voisines se déplacent pour la former, et le mouvement se propage de proche en proche jusqu'au centre. Cet afflux vers le point superficiel détermine larupture d'une nouvelle vacuole; cette rupture reproduit les mêmes phénomènes et ainsi de suite, en sorte que le courant commencé continue tant que rien ne vient le déranger. On pourrait aussi penser que la diffusion de la solution savonneuse vers la surface suffit pour produire les courants. Comme en ce point le courant apporte toujours de nouvelles vacuoles dont le contenu n'a pas été modifié par la diffusion, il en résulte que la diffusion est plus active en ce point que partout ailleurs. La longue durée de ces courants s'explique suffisamment de l'une ou de l'autre manière. Les effets de la chaleur s'expliquent par le fait, qu'à une température plus élevée, l'huile est plus liquide et plus mobile. Les expériences sur l'action de l'électricité sur les courants n'ont pas donné encore de résultats bien positifs. Entre les pôles d'un courant constant, les gouttes immobiles entrent en activité, et le point où le courant apparaît à la XLViii NOTES ET REVUE. surface est toujours du côté du pùle négatif. Mais, comme des gouttes d'huile simple sont, dans ces mêmes conditions, le siège des courants faibles et peu durables, la qucslion réclame de nouvelles expériences. Comme conclusion, l'auteur déclare que, selon lui, les courants ci-dessus décrits ont une ressemblance non superficielle, mais londamentale avec les mouvements amiboïdes du protoplasma. Ses recherches inédites sur VAmœha proleus le confirment encore dans cette opinion. Mais dans le mouvement ami- boïde, c'est seulement à Textrémité des pseudopodes que la surface est liquide; partout ailleurs, le protoplasma est limité par une membrane très délicate, mais solide. En voulant refaire lui-même ses expériences avec la même vieille huile d'olive qui lui avait précédemment servi et du carbonate de potasse, il n'a pu arriver à unrésultatsatisfai^aut. Quand ce petitreste d'huile fut complètement épuisé, il en acheta de nouvelle, mais alors le succès lui tout à fait nul. Loin de pouvoir obtenir des courants, il ne put même pas faire une émulsion conve- nable. Même insuccès avec Thuile d'amande et avec l'huile de foie de morue médicinale, soit telle qu'on l'achète, soit épaissie au bain-marie. Ainsi les huiles ne sont pas toutes convenables, et leur différence n'est pas déterminée. Les iiuiles anciennes, longtemps conservées, paraissent les plus convenables. L'addition d'acide oléique ou de suif à une huile rebelle pa- raît inutile. Par contre, l'auteur a remarqué que l'huile de lin cuite du commerce, additionnée de carbonate de potasse, produit des émulsions convenables; mais les courants sont faibles à la température ordinaire, vraisemblablementà cause de la trop grande viscosité de cette huile. A une température plus élevée (40 à bO degrés centigrades), les courants sont beaucoup plus marqués. Si Ton fait un mélange à volumes égaux de cette huile de lin cuite etd'huile d'olive rebelle, on obtient un liquide beaucoup plus lluide que l'huile de lin cuite et convenable pour les expériences ; les émulsions se font bien, les courants sont nets à la température ordinaire ; mais rien n'a pu donner d'aussi bons résultats que cette vieille huile d'olive qui avait servi aux pre- mières expériences de l'auteur. Dans une noie pui»lit'eau moment des dernières corrections de cette analyse, l'auteur annonce {Verhandl, des NiUurhist. M éd. l'ereins zu Ilnldetbci (j, A', F., IV, 8 juin 18S0) qu'il a trouvé un moyen de rendre une huile d'olive quelconque tout à fait propre aux expériences. 11 suffit de l'épaissir par un séjour de dix jour dans une étuve à 54 degrés centigrades et de l'additionner de KOCO- humide. Yves Delage. Le directeur : H. de Lacaze-Dutuiers. Le gérant : C. Reinwald. I» ^ ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ^ ET GÉNÉRALE ETUDES '# SUR * LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES DANS LA SÉRIE ANIMALE (première partie ; vertébrés) PAR *• L. GUÉNOT Préparateur au Laboratoire de zoologie expérimentale de la Sorbonne, docteur es sciences naturelles. INTRODUCTION J'ai entrepris ce travail à la suite d'études sur les Échinodermes, qui m'ont révélé des faits intéressants et nouveaux sur la formation des corpuscules du sang; j'ai recherché ensuite les glandes forma- trices chez divers animaux et j'ai été assez heureux pour les décou- vrir. Remontant ainsi de proche en proche, des Invertébrés jusqu'à l'Homme, j'ai pu constater la parfaite généralité de mes recherches, ayant pour point de départ l'observation détaillée dei'anatomie des Étoiles de mer. Les fonctions sont les mômes, depuis le bas de l'échelle animale jusqu'au sommet; mais les appareils destinés à les accomplir sont ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — i*^ SÉRIE. — T. VU. 1889. 1 2 L. CUÉNOT. plus simples chez les animaux inférieurs et, par suite, se laissent plus facilement comprendre et interpréter; il est bien certain que c'est par l'étude de ces derniers que l'on arrivera à résoudre nombre de problèmes relatifs aux organismes supérieurs. Le présent mémoire comprend surtout l'étude des éléments figu- rés du sang, leur formation et leur rôle chez les divers Vertébrés, ainsi que leurs rapports avec les vaisseaux qui les renferment (sys- tème lymphatique, système sanguin); j'ai complètement laissé de côté tous les faits relatifs à la composition chimique et à la coagu- lation du sang; j'y reviendrai d'ailleurs à la suite des études sur les Invertébrés, car c'est chez eux seulement qu'on peut trouver la solution des problèmes qui divisent les physiologistes au sujet du liquide nourricier. La deuxième partie de ce travail, relative aux Invertébrés, est résumée dans une note préliminaire parue dans les Archives de zoo- logie expérimentale (t.V, S'user., 1887, Notes et Revues, p. xlii); en la comparant avec le présent mémoire, on pourra avoir un tableau assez général, quoique fort incomplet dans les détails, de la produc- tion des éléments figurés du sang et de leur rôle dans la série animale. Avantdepasser à l'exposé de mes recherches, il est nécessaire que je dise un mot de la rédaction de ce travail; j'y ai abordé les trois questions les plus controversées de la science moderne: lorigine des lymphatiques, l'évolution des globules blancs et celle des globules rouges. On trouvera peut-être que c'est beaucoup à la fois; à mon avis, ces trois questions sont inséparables; si l'on sait se dégager des questions de mots ou d'école, et se borner uniquement à l'ob- servation consciencieuse des laits, aidée d'une technique microsco- pique appropriée, elles ne paraîtront pas si inabordables et si ob- scures ; c'est ce que j'ai essayé défaire. Pour cela, j'ai eu deux guides sûrs : la morphologie et l'anatomie comparée. Quand, par suite de circonstances favorables, j'avais constaté nettement un luit chez un type quelconque, je cherchais ù le reconnaître chez d'autres ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 3 Vertébrés, et presque toujours ma recherche était couronnée de succès, tant les lois d'évolution demeurent constantes dans un grou- pement naturel comme celui des Vertébrés; d'autre part, j'ai tou- jours cherché à me rendre compte du rôle des diverses disposi- tions anatomiques en m'éclairant par la comparaison de types suc- cessifs. Je me suis borné dans ce travail à exposer les résultats que j'ai obtenus et mes idées personnelles; on y trouvera peu ou point d'historique, pour deux raisons : la première ^ c'est qu'il m'aurait fallu, et bien inutilement, tripler ou quadrupler le contenu du mé- moire; d'ailleurs, ces ciuestions sont magistralement traitées dans nombre de recueils, auxquels je renvoie ' ; la seconde, c'est que j'ai surtout cherché à, être clair, à remonter à la source plutôt qu'à dé. fendre les idées de tel ou tel savant; enfm à laisser au lecteur une impression nette, ce qui n'aurait pu être s'il avait fallu soutenir ou réfuter les nombreuses théories en cours dans la science; je n'ai parlé que de celles qui sont le plus souvent adoptées ou qui parais- sent résumer le mieux l'opinion générale. Dans les innombrables travaux publiés sur le sang, bien des faits de détail ont été découverts; je me suis trouvé forcé d'en répéter bon nombre, soit qu'ils aient été contredits, soit qu'ils n'aient pas trouvé suflisamment de créance, afin de pouvoir présenter un en- semble satisfaisant sur les globules du sang et leur évolution. Je le répète, la rédaction de ce travail dilfère sensiblement de celle des mémoires de zoologie, où l'on complète seulement les données pré- cédemment acquises à la science et acceptées sans discussion, tandis qu'à propos du sang il n'y a pour ainsi dire pas de fait, si élémentaire qu'il soit, qui ne donne lieu à des controverses plus ou moins vives. Qu'on me pardonne donc mes omissions en considéra- tion de la difficulté du sujet! ' Dictionnaire de Dechamhre, 2» série, t. II, art. Leucocyte; t. III, art. Lympha- tique ; 3e série, t. VI, art. Sakg ; Analomie descriptive, de Fort^ Paris, 1887, 3 vol.; Nouveaux éléments de physiologie humaine, de Beaunis, etc., etc. 4 L. GUÉNOT. COiNSlDÉRATIÛNS GÉNÉRALES SUR LE SANG. Le sang, que Bordeu appelait chair coulante et Claude Bernard w/- lieu intérieur, mérite également ces deux noms; le premier rappelle que le sang est le véritable fluide nourricier; qu'il reçoit les pro- duits de la digestion pour les transmettre aux cellules sous une forme assimilable ; le second fait allusion i\ la fonction respiratoire et excrétrice du sang, qui reçoit les excréta cellulaires, tant gazeux que solides, pour les transmettre au milieu extérieur; il se débar- rasse des produits gazeux (acide carbonique) par la respiration (en rapportant en échange de l'oxygène), et des produits solides en fil- trant à travers les organes excréteurs (reins). Si le trajet des excréta cellulaires est purement passif, s'opérant par simple dissolution dans le liquide sanguin, il n'en est pas de même des deux autres fonctions, assimilation des produits de la di- gestion et absorption de l'oxygène, qui sont dévolues à des organites spéciaux, nettement diflerenciés chez les Vertébrés et flottant dans le liquide sanguin; les uns, connus sous le nom de corpuscules blancs ou leucocytes, et caractérisés par leurs mouvements amiboïdes, contiennent un ferment*, le ferment albuminogcne, qui transforme les peptones de la digestion en albumine du sérum; les autres, les cor- puscules roufjes ou hématies, contiennent un albuminoïde spécial, V hémoglobine, qui se combine à l'oxygène en proportion déterminée pour aller ensuite le perdre au contact des tissus. La fonction respiratoire des globules rouges est connue depuis longtemps dans ses moindres détails; mais il n'en est pas de môme de la fonction assimilatrice des globules blancs. Je vais donner quel- ques explications à ce sujet. Les peptones, immédiatement après leur absorption dans le tube digestif, se transforment en albumine ordinaire, car ni dans le sang » 11 est bien entendu que je prends le mot ferment dans le sens d'un ferment non organisé, au môme titre que la pepsine, la diastase ou la trypsine. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 5 ni dans le chyle on ne trouve de corps analogues aux peptones en quantité correspondant à la quantité absorbée [Nouveaux Éléments de physiolorjie humaine de Bcaunis, t. I, p. Toi). Donc leur transfor- mation commence des leur absorption, c'est-à-dire dès leur arrivée dans le sang ou le chyle. Si l'albumine a besoin d'un ferment (suc gastrique ou pancréa- tique) pour se transformer en pcptone dialysable, il faut également un autre ferment pour retransformer cette peptone en albumine du sérum. Gela étant posé, c'est bien aux globules blancs qu'il faut attribuer cette transformation; en effet, Albertoni • a montré qu'en injectant des peptones dans le sang du chien (15 centigrammes par kilo- gramme d'animal), on le rend incoagulable à la sortie des vaisseaux; ce phénomène étant d'autant moins sensible qu'il y a plus de glo- bules blancs dans le sang. Normalement le chyle, peu coagulable à l'origine des vaisseaux chylifères, le devient davantage après avoir traversé les ganglions mésentériques et plus encore dans le canal thoracique (Robiu), C'est également l'opinion d'IIofmeister '. Dans toutes les coupes des organes formateurs de globules blancs (thymus, thyroïde, ganglions lymphatiques, follicules clos, rate), on voit des coagulums d'albumine, alors que les vaisseaux environnants en contiennent beaucoup moins. Gela 'est surtout très net dans la thyroïde, dont les vésicules renferment une albumine tellement concentrée qu'on la désigne souveut par le terme de matière colloïde. On peut remarquer aussi que les organes producteurs de globules blancs sont (au moins les plus importants parmi ceux-ci) tous fi proximité du tube digestif: les follicules clos dans son épaisseur môme, les ganglions lymphatiques sur le péritoine, de façon à être traversés par les liquides provenant de l'absorption intestinale. C'est une relation qui reste constante chez tous les Vertébrés. » Albertoni, Ueber die Peptone [Cenlralblall fur die Med. Wiss., n» 32, ISSO). 2 HoFMEiSTEUj Ucher das Schicksal des Pépions im Blute {Zeitsch. f. }ihys. Clicmir, t. V, p. 127). ,j L. CUÉNOT. La foncUon assimilatrice étant ainsi dévolue aux globules blancs, il est naturel de lui donner comme cause effective les granules qu'ils contiennent. La présence de ceux-ci, avec les mêmes caractères chez tous les animaux, depuis l'Échinodermc jusqu'à l'Homme, leur relation constante avec les organes digestifs et le sang qui les bai- gne, m'ont amené à leur attribuer la signilicalion d'un ferment albuminogène, que toutes les expériences ont ensuite confirmé. Nous verrons dans l'étude des éléments figurés du sang que le globule blanc n'a d'autre raison d'exister que comme véhicule du ferment, et qu'il disparaît dès que celui-ci est usé. Les éléments figurés du sang se trouvent, chez les Vertébrés, dans deux appareils vasculaires, les vaisseaux sanguins et les lymphati- ques, ainsi que dans la cavité générale et ses dépendances (sacs lym- phatiques). Le premier appareil est en rapport direct avec une seule glande formatrice, la rate. C'est le deuxième qui fournit le plus grand nombre d'éléments, avec les follicules clos, les ganglions lymphatiques, les thymus et la thyroïde. Quant à la cavité générale, les éléments qu'elle contient proviennent des vaisseaux sanguins et lymphatiques, dont ils se sont échappés par diapédèse. Avant d'étudier en eux-mêmes les corpuscules sanguins, il convient de définir les appareils dans lesquels ils sont renfermés ; les vaisseaux sanguins et leurs connexions avec les tissus sont connus depuis longtemps dans leurs plus intimes détails, mais il n'en est pas de même pour les lymphatiques. ORIGINE DES LYMPUATIQUES. Il n'est pas de question dans la science qui ait soulevé plus de discussions que l'origine des lymphatiques, et il faut le dire, la polémique a porté beaucoup plus sur des mots et sur des hypothèses que sur des faits bien observés. On peut dire qu'actuellement il y a trois opinions bien tranchées au sujet de l'origine des lymphatiques. La première fait commencer ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 7 les lymphatiques par dos réseaux fermés à leur origine (Bclajeff, Dybkousky, Robin, Gohnheim, etc.). La deuxième, représentée surtout par M. Sappcy, admet que les réseaux d'origine communiquent par des canaux très Ans avec les capillaires sanguins. M. Sappcy admet en outre des lacunes et des capillicules précédant les réseaux. J'examinerai plus loin la valeur de ces formations. Là troisième, celle de l'école allemande, la plus généralement adoptée, fait du tissu conjonctif le point de départ des réseaux lymphatiques, ceux-ci dépendant soit des corpuscules conjonctifs étoiles (Virchow, Briicke, Bowmann, Leydig, Chzonszczewsky, etc.), soit d'un réseau de canalicules (fibres lamineuses à sucs plasmati- yqUes de Recklinghausen et de Schweigger-Seidel). Aucune de ces opinions ne me paraît renfermer la vérité entière. Je vais apporter à l'appui de mon dire deux séries de preuves : les unes directes, résultant de l'observation ; les autres indirectes, mon- trant lès erreurs d'interprétation qui ont conduit aux théories pré- cédentes. A mon avis, les lymphatiques ont deux origines diffé-^ rentes : i° Ils naissent par des réseaux très fins, homologues aux capillaires sanguins et limités par une mince membrane endothéliale dont on peut déceler les cellules par le nitrate d'argent ; on trouve ce mode d'origine très bien caractérisé dans la thyroïde, l'intestin (villosités) et d'autres organes, dans les lymphatiques do la queue des poissons, des têtards, dans la peau, etc., etc. 2» Ils naissent dans certaines glandes lymphatiques par un réseau varié de forme, qui s'ouvre dans les interstices des cellules de ces glandes, ou plus exactement ce sont les interstices cellulaires qui se régularisent pou à peu, se munissent d'une paroi endothéliale et finissent par former à la périphérie de la glande des capillaires lym- phatiques bien limités. On trouve ce deuxième mode d'origine dans le thymus, la rate, les follicules clos, isolés ou agminés (plaques de Peyer). •• 8 L. CUÉNOT. Dans aucun cas, les lymphatiques n'ont de connexion avec les cellules conjonctives ou les capillaires sanguins. Premier mode d'origine des lymphatiques iiar réseaux dos. A, 1. J'cti pu observer avec une évidence absolue les réseaux d'oriyinc dan^ la queue de jeunes poissons appartenant à l'espèce Carasslus auratus. Sur des jeunes de 5 à 6 millimètres, vivants, les lymphatiques sont injectés naturellement par de petits granules jaunes, réfringents, qui les remplissent complètement ; leurs arborisations sont donc faciles à distinguer au milieu du tissu conjonctif et des capillaires sanguins remplis d'hématies. Ces poissons présentent pour ainsi dire un schéma de 'origine des lymphatiques, montrant avec la plus grande évidence la séparation de ceux-ci et du tissu conjonctif. Voici comment on fait l'observation : on met l'embryon sur une lame de verre avec une goutte d'eau ; le simple poids d'une lamelle couvre-objet suffit pour lixcr l'animal sans l'écraser, la circlilation du sang continuant pendant longtemps ; on cherche avec un objectif faible les lymphatiques, qui apparaissent sous forme d'arborisations jaunes, très abondantes et excessivement touffues ; à la queue, ces arborisations se séparent, se placent sur un plan horizontal unique et si mince qu'on peut facilement les observer avec un objectif à immersion. A la base de la queue, ou voit donc une arborisation lymphatique au milieu du tissu conjonctif et cartilagineux (pi. I, fig. d), absolu- ment remplie de petits granules jaunes, réfringents, et limitée par une mince membrane endothéliale ; cette arborisation se Icrmrne de toutes parts par des extrémités en caecum, arrondies.il n'y a donc pas le moindre doute, l'origine lymphatique est absolument indé- pendante et du tissu conjonctif et des capillaires sanguins, puisque la ligne de démarcation des caecums d'origine est très marquée et qu'on ne trouve pas le moindre granule jaune en dehors de ceux-ci. Les branches cccales se réunissent les unes aux autres, de façon à former des troncs très fréquemment unis en réseau. Bien qu'avec plus de peine, en raison de la complication des ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 9 réseaux, on peut observer ce modo d'origine dans tous les lympha- tiques périphériques du jeune^ poisson. Il est probable que d'auti'ês embryons doivent présenter une facilité analogue à l'observation; mais le Carassius auratus^ d'ailleurs si facile à élever et à se procurer, montre avec lîne telle évidence ce fait si discuté de l'origine des lymphatiques qu'il est presque superflu ào, tenter d'autres démons- trations. f» •♦, D'où proviennent les granules jaunes qui remplissent ces vais- seaux? Ils ne peuvent évidemment se former que sur place. Huant t\ leur nature, je les crois identiques aux granules de ferment albumi- nogèiie que l'on trouve dans les globules blancs ordinaires ; il fau- drait reprendre cette étude et la généraliser pour permettre l'affir- mation. 4t Dans la figure 1, planche I, on voit un réseau montrant nette- ment plusieurs caîcums d'origine; la figure 2 montre une de ces extrémités caecales fortement grossie, à paroi très nette, complète- ment distincte du tissu conjonctif environnant. 2. Dans la thyroïde, on observe le môme mode d'origine, mais Ifi j'ai pu injecter le réseau au nitrate d'argent et imprégner nettement l'endothélium ; le réseau est limailles larges et irrégulièfes (pi. Il, fig. 5), dont la forme est celle des intervalles laissés entre les vési- cules thyroïdes. Je renvoie d'ailleurs à l'étude du corps thyroïde pour des détails précis et circonstanciés sur la disposition des lym- phatiques. 3. Dans l'intesUn grêle du Surmulot et du Hérisson, ou peut observer très facilement, tout à fait à la surface interne, un réseau lymphatique, à mailles serrées, semblable à celui qui est représenté pi. III, fig. 3, /, et qui couvre des espaces considérables ; les canaux ont des dimensions peu variables, environ 40 à SO [;,, et par places se réunissent pour former des troncs d'un calibre plus considérable. Ce réseau intestinal est évidemment le réseau d'origine des lympha- tiques de cette région ; or, par des colorations appropriées et cà des grossissements suffisants, on décèle facilement les noyaux endothé- m lu L. CUÉNOT. liaux ; il est très évident qu'il n'y a aucune connexion entre le réseau et le tissu conjonclif. Dautre pari, les parois limitantes sont fort nettes, et ne donnent naissance à aucune lormalion d'un calibre plus petit. Les fixations à l'acide osmique, puis la coloration au picrocar- min montrent que c'est bien là le terme ultime des lymphatiques, leur point d'origine en un mol. ♦ Belajeff, Robin, Teichmann, Sappey i ont signalé bien d'autres réseaux d'origine dans toutes les parties du corps et dans les mêmes conditions de simplicité, soit qu'ils les aient injectés au nitrate d'ar- gent (Belajeff, Robin), soit qu'ils les aient décelés par divers réactifs, et toujours ces réseaux se terminent par des parois propres, endo- théliales et n'ayant nul rapport avec les cellules conjonctives. Le mode d'origine en réseaux clos ne me semble donc pas douteux. En somme, je puis montrer d'une façon nette et appréciable l'ori- gine des lymphatiques dans trois cas très différents où le doute n'est pas possible ; ils n'ont aucune connexion avec le tissu conjonclif ni avec ses cavités, ni avec ses cellules. Examinons maintenant les arguments de la théorie que je combats en ce moment. B. 1 . Kolliker y avait apporté un appoint considérable par l'étude du développement des lymphatiques, où il avait cru démontrer que ceux-ci étaient formés de cellules conjonctives réunies bout à bout et confondant leur cavité. Mais ce résultat a été reconnu faux par M. Rouget 2, qui, dans un beau travail sur le développement des capillaires sanguins et des réseaux lymphatiques, a montre d'une façon certaine que ces deux ordres de vaisseaux naissaient absolu- ment de la même façon, en se creusant à l'intérieur de filaments protoplasmiques, émis par des cellules spéciales (cellules à vacuoles, Rouget) et que les cellules conjonctives ne prenaient aucune part à leur formation. » M. Sappey représente dans son grand ouvrage sur les lympliatiques des réseaux clos parfaitement nets et correspondant à la description précédente (pi. I, fig. XX, et pi. XVII). 2 Ch. Rouget, Mémoire sur les capillaires sanguins et lymphatiques [Arch. de phy- siologie de Brown-Séquard, 1873, t. V). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 11 2. Si l'on admettait que le système lymphatique est invariable- ment lié au tissu conjonctif, s'il en était pour ainsi dire une dépen- dance, une continuation, comment expliquer ce fait que les parties conjonctivo-cellulaires du corps humain sont entièrement dépour- vues de lymphatiques, alors qu'il existe dans leur épaisseur de nombreuses cellules étoilées (Sappey)? Mais, si l'on admet, comme tous lesfaits physiologiques l'enseignent, que le système lymphatique est un appareil vasculaire destiné à ramener le sérum épanché en dehors des capillaires sanguins, on comprendra facilement que les réseaux lymphatiques se montrent toujours superposés à ces der- niers, et qu'il n'en existe pas dans le tissu cellulaire, oii ne se rami- fient ni veines ni artères. Les organes les plus riches ou les plus pauvres en vaisseaux sanguins sont aussi riches ou pauvres en lym- phatiques ; le système des capillaires et'des veines est constamment superposé au système lymphatique et comme quantité et comme distribution. Enfin si l'on admettait, comme l'école allemande, que la cellule étoilée conjonctive est l'origine des lymphatiques, on devrait re- trouver chez les Invertébrés oiîi existent ces cellules au moins des traces de ceux-ci, ce qui n'est pas, 3. M. Sappey, dont on connaît les magnifiques travaux sur le sujet qui nous occupe, admet que les lymphatiques sont réunis aux capillaires sanguins par des canaux très fins ( 1 [t.) laissant passer les liquides, mais non point les éléments figurés du sang. Quelque grande que soit mon admiration pour les recherches de M. Sappey, il m'est impossible d'accepter cette théorie; l'observation du Caras- sius auratus montre o priori qu'il n'en est rien, puisqu'on voit par- faitement la netteté et la continuité des parois du réseau lympha- tique, et leur complète indépendance des capillaires. Pour soutenir son opinion, M. Sappey se base d'abord sur les injections : après avoir injecté du picrocarmin dans les artères, il a vu que l'origine des lymphatiques en était imprégnée; ce qui au- rait été étonnant, c'est qu'il en fût autrement : le picrocarmin 12 L. CUENOT. marque la roule suivie par le sérum sorti des capillaires, il gagne les intervalles du tissu conjonctif; puis, étant donnée sa diffusibilité très considérable, le réseau lymplialique le reprend par endosmose, comme il reprend le sérum sur le vivant; la môme chose se produit dans les injections de gélatine. M. Sappey condamne lui-même son opinion quelques lignes plus loin, en avouant que les injections de matières impalpables en suspension (telles que chromate et car- bonate de plomb avec gomme et gélatine) ne sortaient pas des vais- seaux sanguins et ne gagnaient pas les lymphatiques, tandis que la gomme et la gélatine pénétraient ces derniers par voie de transsu- dation. Si ténus que soient les canaux de communication, ils de- vraient laisser passer des particules aussi fines que celles des pré- cipités précédents. M. Sappey rapporte deux observations pathologiques où il a ob- servé des hématies dans les lymphatiques d'origine ; il admet que les fins canaux de communication se sont assez élargis pour laisser passer les hématies; il est bien plus raisonnable d'admettre qu'il s'est fait une communication locale et accidentelle entre un foyer hémorragique ou un capillaire d'une part, et le réseau d'origine d'autre part. Chez les Poissons, M. Sappey déclare que la communication des capillaires veineux et des vaisseaux lymphatiques est démontrée par la présence très fréquente d'hématies dans les premiers radicules de ceux-ci, et par l'injection simultanée des vaisseaux lymphati- ques et veineux. La présence des hématies ne prouve rien, car il me paraît bien difficile de préparer un réseau lymphati(iue absolu- ment intact, tel qu'aucune hématie ne puisse y pénétrer; d'ail- leurs la diapédèse des globules rouges peut expliquer bien des faits, surtout chez des animaux retirés de leur milieu naturel; chez les Grenouilles, j'ai vu souvent, après M. Ranvier, des hématies traver- ser la paroi des vaisseaux pour passer dans les lymphatiques périar- tériels; c'est là une diapédèse qui s'opère seulement dans des con- ditions anornudes, comme celles où sont placés des Batraciens et ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 13 des Poissons retirés de l'oau et exposés soit à l'air, soit à raction de divers réactifs. Tous ceux qui ont pu observer des lymphatiques sur des poissons vivants sans rien blesser (Wharton Jones, On the caudal heart of the Eel, Phil. Trans., d868, p. 673), comme je l'ai fait sur le jeune de Carasûm auralus, ont parfaitement vu qu'il n'y a au- cune hématie dans les radicules lymphatiques. Quant aux injec- tions, elles ne me paraissent pas plus probantes que pour l'homme; les mêmes observations leur sont applicables. D'ailleurs on peut se demander à quoi serviraient ces canaux de communication si réduits; le réseau lymphatique reprend par en- dosmose le sérum épanché, et c'est là son seul rôle; qu'aurait-il besoin de sérum venant directement du vaisseau sanguin? En outre de ces canaux si ténus, faisant communiquer les capil- laires sanguins et les réseaux lymphatiques, M. Sappey décrit aussi pour ces derniers une origine compliquée : entre les réseaux on verrait de petits espaces étoiles dont lesbranches rayonnantes sejct- teraientdans ceux-ci; je ne doute pas que M. Sappey ait bien vu, mais il a été induit en erreur par ses procédés d'étude ; dans des re- cherches aussi délicates, on ne doit faire agir aucun réactif que lors- qu'on connaît bien son mode d'action; or M. Sappey emploie l'acide arsénieux, l'acide chlorhydrique, la macération poussée jusqu'à ce que l'épiderme se détache naturellement du derme, et que les ré- seaux lymphatiques soient remplis de bactéries ou de cellules végétales; on conçoit que les préparations obtenues par ce procédé ne doivent guère reproduire l'aspect véritable ; il est probable que les lacunes et capillicules de M. Sappey (espaces étoiles) ne sont que des cellules et fibres conjonctives remplies des mêmes bactéries que les réseaux lymphatiques adjacents et paraissant par suite en for- mer la véritable origine. Chez les Poissons, M. Sappey dit de même que les réseaux lym- phatiques sont en communication avec des cellules étoilées, bien qu'il ne les figure nulle part; quant aux réactifs employés, ils ne sont pas non plus à l'abri de tout reproche; ce sont un mélange M, L. GUÉNOT. d'acide chlorhydriquc cl d'acide chromique, une solution de chlo- rure de sodium, ou encore la liqueur de Millier additionnée d'acide acétique. Il est très vrai que ces réactifs rendent les lymphatiques apparents, mais on ne peut guère avoir confiance en eux pour les fines investigations histologiques. En employant des procédés plus rigoureux, la fixation à l'acide osmiquc, les colorations et les coupes, j'ai pu constater avec certi- tude dans l'intestin de divers Mammilôres, aux environs des plaques de Pcyer (pi. 111, fig. 3) que les réseaux d'origine {Ironcules et lacs de M. Sappcy) ne communiquaient nullement avec des espaces étoiles ; la thyroïde fournit le même résultat, et enfin l'obser- vation du Carassius auratus montre à n'en pas douter que les ré- seaux d'origine sont bien comme je les ai décrits et pas autre- ment. Ce premier mode d'origine des lymphatiques, à savoir par des réseaux qu'on peut appeler capillaires lymphatiques, homologues des capillaires sanguins, limités comme eux par un endothéhum con- tinu, me semble donc irréfutable; il a été constaté sur le vivaut, puis par des injections de nitrate d'argent et des coupes, enfin par l'étude du développement (Rouget, Robin). Les procédés d'étude connus fournissant le même résultat et les arguments opposés étant réfutés, cette manière de voir me semble avoir beaucoup de preuves en sa faveur. Deuxième mode d'origine des lymphatiques par réseaux ouverts. — Un grand nombre de lymphatiques naissent d'une façon tout à fait dilTérente, qui est en rapport avec leurs fonctions; les lymphatiques chargés d'apporter les éléments figurés à l'appareil circulatoire nais- sent par des branches ouvertes dans les interstices cellulaires des glande:^ lymphatiques ; on rencontre ce mode d'origine seulement dans les fullieulcs clos, intestinaux et autres, les plaques de Peyer et le thymus, qui n'est lui-même qu'un gigantesque follicule clos. On voit naître de la périphérie de ces glandes des canaux lympha- tiques plus ou moins volumineux (pi. lll, fig. 3) limités par nu ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 15 endothélium ; ces canaux plongent clans la glande, se ramifient et là s'ouvrent à plein canal entre les interstices cellulaires. Comme les glandes lymphatiques ne sont que des amas locaux de noyaux conjonctifs, limités il est vrai par une membrane fibreuse, mais qui virtuellement sont en continuation avec les cavités con- jonctives environnantes, on pourrait dire à la rigueur que le sys- tème lymphatique n'est que le prolongement des interstices con- jonctifs qui peu h. peu s'endiguent, deviennent plus réguliers et fmissent par constituer des vaisseaux; sans doute ce serait vrai dans le cas précédent, mais cela n'a aucune portée morphologique; d'abord ce n'est qu'un mode d'origine accidentel pour les lympha- tiques, en rapport avec la fonction spéciale de ceux-ci, comme nous l'avons vu précédemment ; il ne serait pas plus raisonnable de soutenir cette théorie pour les lymphatiques qu'il ne le serait pour l'appareil circulatoire, qui offre précisément le même mode d'origine dans la rate, en rapport avec la môme fonction (pi. IV, fig. H et 12); en effet, comme on l'a démontré depuis longtemps, les capillaires veineux et artériels s'ouvrent à plein canal dans la rate et sont par conséquent continus avec les interstices cellulaires de cette glande, comme les lymphatiques le sont avec les lacunes du thymus et des folUcules clos. Ce mode d'origine spécial est donc en rapport avec la fonction de ces glandes, qui produisent les élé- menls ligures du sang et de la lymphe, et n'a pas la significali(jn morphologique qu'on pourrait lui attribuer. ÉLÉMENTS FIGURÉS DU SANG ET DE LA LYMPHE. Nomenclature. — Maintenant que nous connaissons bien les rap- ports des systèmes vasculaires, il convient d'examiner leur contenu. Parmi ce contenu, les seules parties qui nous occupent en ce moment « sont les éléments figurés. Chez les Vertébrés et un petit nombre d'Invertébrés (Sipunculides, Ascidies), il y en a deux espèces : globules blancs ou leucocytes, IG L. CUÉNOT. """I^ globules rouges ou hématies. Je ne m'occuperai mainlcnant de ces éléments que chez les Vertébrés. Le globule blanc, caractérisé par ses mouvements amiboïdes, a reçu les noms les plus variés, entre autres celui de leucocyte (Robin), terme assez généralement adopté; il est cependant mauvais à certains points de vue. D'abord Robin n'appliquait ce terme qu'au corpuscule amibo'ide arrivé à la lin de son évolution; il n'en connaissait pas la forme adulte et mûre ; ensuite, les corpuscules blancs ne sont pas blancs; ils sont même parfois très colorés, en jaune chez tous les Échinodcrmes et les Vers, en brun chez les Térébelles, parfois en violet chez un Stelléride, la Ci'ihella oculala, etc., etc.; chez les Ver- tébrés, il n'est pas possible de dire que la forme adulte soit blanche ; enfin, ce nom ne rappelle pas le caractère vraiment typique de cet élément ligure, caractère qui le différencie nettement et au premier abord de l'hématie, c'est-à-dire ses mouvements amiboïdes, que l'on trouve depuis l'Echinoderme jusqu'à l'Homme. Ce nom de leucocyte doit donc être abandonné ; je propose de le remplacer par celui d'à- mibocyte, qui rappelle le trait constant de cet élément figuré; l'em- ploi de ce néologisme aura encore l'avantage de supprimer toute la confusion causée par le mot leucocyte qui a été appliqué à la fois à des éléments embryonnaires et à d'autres en voie de régression. (Juant au nom d'hématie, je le conserverai, car il ne consacre aucune erreur et ne cause aucune confusion; la caractéristique de cet élément figuré, qu'on peut opposer nettement à celle de l'ami- bocyte, estd'êtrc vésiculaire et absolument dépourvu de mouvements amiboïdes. AMIUOCYTE (globule BLANC, LEUCOCYTE). Structure de ramibocylc. — Quand on examine du sang humain frais, à un fort grossissement (oc. o, obj. 9 imm. Nachet), on dé- couvre facilement au milieu des hématies les amibocytes reconnais- sablés à leur réfringence spéciale; les plus gros et les plus brillants ETUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYxMPIIÂTIQUES. 17 sont les globules mûrs et adultes ; ce sont donc ceux-là seuls qui nicritcut en ce moment notre attention. Ces amibocytcs (pi. I, fiy-. 4) ont une forme assez variable, à peu près sphérique ; ils mesurent de 8 à iO [j.; on voit de petits gra- nules excessivement fins, très réfringents, qui en couvrent une partie en laissant souvent de un h trois espaces clairs; ces espaces clairs sont le noyau, et les granules réfringents forment le contenu de l'amibocyte, contenu que je désignerai sous le nom de ferment albwninogène, terme dont j'ai déjà donné l'explication dans les con- sidérations générales ; on voit aussi les changements de forme, peu rapides, qui caractérisent cet élément. Pour en apprendre plus long, il faut avoir recours aux réactifs. Avant de poursuivre j'ouvre une parenthèse ; dans l'étude des élé- ments du sang, il est de la plus haute importance de se méfier extrêmement des réactifs; les globules sont très délicats, et se mo- difient beaucoup sous l'action des agents étrangers; bien des théories sur l'origine du sang n'ont pour cause que l'emploi irréfiéchi des matières môme les plus usitées en histologie; je montrerai plus loin que l'opinion généralement adoptée sur le développement des hé- v maties n'est nullement justifiée par l'étude du vivant, et que c'est simplement l'action du picrocarmin et de l'acide osmique qui a été mal interprétée. Ce n'est pas pour rejeter l'emploi des réactifs, mais avant de s'en servir il convient d'examiner avec précision leur mode d'action; ils serviront alors de moyens de vérification précieux des études faites sur le sangfrais.Pour cela, il y a un moyen bien simple : on examine du sang frais à un fort grossissement et quand on a trouvé un élément bien isolé, on le dessine et on le mesure exacte- ment; puis on fait arriver sous la lamelle le réactif jusqu'à l'élé- ment examiné, de façon que celui-ci ne quitte pas le champ du mi- croscope, ce qui n'est pas très difficile à obtenir, vu l'adhérence des amibocytes; on voit alors les diverses modifications qu'il éprouve sous l'action du réactif. Voici quelques-uns des résultats obtenus par cette méthode : l'acide osmique à 1 pour 100 laisse les éléments ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE — T. VII. 1889. 2 f 18 L. CUÉNOT. absolument inlacls, en accciiluaiiL louloibis leurs contours; le pi- crocarmin seul ou le picrocarmin après l'acide osmique, (jon^e le noyau d'une façon très sensible ; on voit en un instant le noyau se colorer, s'cclaircir et se gonfler parfois du simple au double; le gon- flement du noyau s'arrête lorsqu'on ajoute delaglycérine.Ensomme, l'acide osmique, le picrocarmin, puis la glycérine, constituent encore les seuls réactifs auxquels on puisse accorder quelque confiance, pourvu qu'on soit prévenu du gonflement du noyau, qu'il est bien difficile d'éviter pour la plupart des cléments; les granules réfrin- gents des amibocytes deviennent plus apparents et se colorent légè- rement en jaune. La glycérine seule, l'eau, l'acide acétique, le sulfate de rosaniline (Ranvier), lacochcnille dissoute dans l'alcool faible, la fuchsine, etc., rétractent le noyau d'une façon considérable et font disparaître les granules réfringents. Quand on emploie les trois derniers réactifs, le noyau rétracté est fortement coloré en rouge vineux. En résumé, le noyau est fortement osmotique pour le carmin, qu'il absorbe en se gonflant, tandis que les réactifs qui contiennent une petite quantité d'eau attirent à eux les parties solubles du noyau qui se rétracte. Maintenant que nous avons précisé l'action des substances usitées en histologie, nous pouvons maintenant examiner la constitution intime de l'amibocyte. Il comprend un noyau, un protoplasma très réduit, et un contenu formé par les granules de ferment. 1. Quelques auteurs ont cru devoir nier le noyau (llobiu) ; c'est une grosse erreur; rien n'est plus facile à voir que le noyau d'un amibocyte; ainsi dans la figure 4, planche I, toutes les parties qui ne sont pas formées de fins granules appartiennent au lun au, (jui est par conséquent assez volumineux ; la plupart des auteurs qui l'admettent, le décrivent comme formé de deux, trois ou quatre petits noyaux accolés ; en effet, dans la ligure 4, on pourrait penser que le noyau est formé de deux ou trois lobes ; si l'on fait agir l'acide osmique, le carmin et la glycérine, l'amibocyte se colore en ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 19 masse ; si on le fait rouler ensuite dans le liquide, on voit facilement que le noyau est unique ; d'un côté il paraît divisé, grâce aux bandes granuleuses qui le recouvrent, mais sur l'autre face il est parfaite- ment entier. Après avoir employé le picrocarmin, qui atténue les saillies du noyau en gonflant celui-ci, employons la fuchsine qui les accentuera en rétractant le noyau ; nous constaterons la même unité (pi. I, fig. 3); le noyau est formé d'une masse lobée, plus ou moins irrégulière et dont toutes les parties sont parfaitement continues entre elles. Enfin, dans les vieux amibocytes, quand les granules ont disparu, on voit parfaitement un noyau arrondi, abso- lument unique. Tandis que chez l'Homme le noyau est simplement lobé et peu profondément, il est véritablement contourné chez d'autres Ver- tébrés, les Batraciens par exemple (pi. I, fig. 10); on peut le voir facilement sur le vivant ; il obéit à tous les mouvements du protoplasma en le suivant dans tous ses changements de forme; comme M. Ranvier l'a signalé, chez les Batraciens, le noyau semble être vésiculairc, car il a un double contour ; mais ce n'est qu'une apparence, caries réactifs le colorent d'une façon tout à fait homo- gène : on voit à l'intérieur quelques lignes ou saillies peu accusées. Si, chez un Triton ou une Grenouille, nous employons successive- ment le carmin osmiqué et la fuchsine, nous constatons les mômes faits que chez l'Homme; le premier réactif rendra le noyau sphé- rique ou ovoïde en le gonflant; le second le montrera encore plus contourné qu'il n'est en réalité en le rétractant. Enfin, chez quelques Vertébrés (Zenascws, Lézard, Couleuvre, Pigeon, Moineau), le noyau de l'araibocyte n'est pas lobé et a une forme à peu près sphérique. Sur le vivant (Batraciens) et après l'action de quelques réactifs (acide acétique), on pourrait croire qu'il y a deux ou trois noyaux séparés dans chaque cellule; c'est une erreur d'optique ; on ne voit que les saillies qui, se présentant sous une plus grande épaisseur, sont plus réfringentes, ont des contours nets et semblent former des nodules séparés; mais si l'on fait varier très doucement la vis micro- 20 L. CUÊNOT. mciriquc, ou môme plus simplement si l'on suit l'amibocyte dans ses mouvements, on voit facilement ([u'il n'y a qu'un seul et môme noyau ; enlin l'emploi des réactifs colorants lève tous les doutes. Quant à la constitution du nucléus, elle est très simple; il paraît parfois constitué par une masse homogène, se colorant fortement; parfois aussi le picrocarmin fait apparaître un ou plusieurs nu- cléoles (pi. I, lig. 6); mais je crois que le rôle des nucléoles est encore fuit mal déterminé et qu'ils n'ont aucune valeur morpholo- gique; en effet, à côté d'amibocytes à nucléole très net (Grenouille, Epinoche, Couleuvre, Lézard), on voit chez le même individu d'autres qui en sont absolument dépourvus ou (jui présentent à la place deux, trois ou quatre fines granulations. Le nucléole, irrégulier dans sa forme et sa distribution, est toujours une masse de proto- plasma plus condensé que celui du noyau et joue probablement un rôle dans la nutrition de celui-ci, la constitution du noyau variant sensiblement des individus anémiés aux bien portants (I). Le noyau peut fournir un indice de grande valeur pour déceler les glandes lymphatiques; chez un animal donné, les noyaux cellulaires de divers organes ne sont pas semblables; ainsi le noyau d'une cel- lule pancréatique sera différent du noyau d'un amibocyte, par exemple; on peut constater, par deux préparations comparatives, que les cellules des glandes lymphatiques présentent toujours, chez tous les animaux, un noyau identique (comme taille et comme nu- cléoles) au noyau des amibocytes; c'est là une preuve indirecte dont la valeur est considérable; elle m'a souvent été d'un grand secours, surtout chez divers Invertébrés, pour rechercher les glandes lym- phatiques dans des organismes où elles sont absolument inconnues. • Jt> rappellerai que MM. Strassburgcr et Guignard, dans leurs belles éludes sur les cellules végétales, considèrent également le nucléole comme une réserve nutri- tive. M. Guignard dit (p. 3G1): « Le fait qu'il (le nucléole) se sépare du filament dès que le noyau possédant toutes ses parties constitutives arrive îi l'état de repos, pour être repris par lui aux premiers stades de la division, permet de le considérer, avec M. Strassburger, comme une sorte de réserve. » {Is'onvclles recherches sur le noyau cellulaire et les phénomènes de la division communs aux végétaux el aux animaux, in Ann.Sc. Nat., t. XX, 1885, p. 310.) C'est aussi l'opinion de M. Garnoy. ÉTL'DES SUR LR SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 21 2. Le protoplasma de ramibocyte est très réduit, surtout chez l'Homme; c'est lui qui émet les pseudopodes caractéristiques de cet clément figuré; eu général, les cellules mûres ne sont que peu actives; c'est surtout sur leur déclin qu'elles deviennent très ami- boïdcs, comme on le constate bien chez les Batraciens (pi. I, fîg. il). Le protoplasma émet tantôt des pseudopodes très fins (pi. I, fig. i |), tantôt de grosses expansions lobées qui rampent sur les parties envi- ronnantes et dans lesquelles roulent les granules de ferment (pi. I, fig. 9). Le protoplasma est surtout fort net dans les amibocytes âgés, très amibo'ïdes qui ontperdu leurs granules ; il est alors très clair et d'une réfringence spéciale, qui lui donne une teinte verdàtre, qu'il faut avoir vu pour s'en rendre compte, et qui marque bien la fin de l'existence de l'amibocyte; le noyau est alors apparent (pi. I, fig. H). 3. Le protoplasma renferme des produits variés, formés dans son jeune âge, ou résultant de transformations ultérieures; ce sont le ferment albuminogène, de la graisse et parfois du pigment. Le ferment albuminogène est le contenu obligé et constant des corpuscules amibo'ïdes; si on le trouve parfois lorsque ceux-ci n'exis- tent pas (larve de Chironomus plumosus, Hirudinées), jamais on ne trouve d'amibocyte sans ferment; sitôt que les granules sont usés, l'amibocyte disparaît peu après dans le liquide ambiant. Comme je l'ai dit précédemment, le ferment albuminogène se pré- sente sous la forme de petits granules très réfringents; il devient plus accusé encore après l'action du carmin osmiqué, qui lui donne une légère teinte jaune et rend sa réfringence encore plus considérable. Chez l'Homme et le Surmulot, les granules sont très fins (pi. I, fig. 4 et G); chez le Chien, ils sont beaucoup plus gros (pi. I, fig. 5), ainsi que chez les Vertébrés ovipares (Oiseaux, Reptiles, Batraciens, Poissons) ; le type où on les voit le plus facilement est le Triton vid- garis (pi. I, fîg. 9 et 40). Les granules ont une légère teinte ver- dàtre, qui est due à leur réfringence; quand l'amibocyte se déplace. 22 L. CUÉNOT. on voit, surtout chez les Batraciens, les granules suivre le mouve- ment duprotoplasma et rouler les uns sur les autres. On voit fréquemment des globules graisseux à l'intérieur des ami- bocytes, ce qui montre que ceux-ci sont le siège d'importantes trans- formations; à. la vérité, on n'en trouve point constamment chez tous les animaux; j'en ai rencontré assez souvent chez divers Batra- ciens, les Ascidies, un Mollusque nu [Doris tuberculata)\ do même chez certaines Hirudinées (genre Glossrphonia), des cellules grais- seuses sont mêlées aux cellules à ferment al])uminogcne. Tantôt il n'y a qu'une grosse goutte de graisse {Triton, pi. I, fig. 8), tan- tôt un amas de petites gouttes séparées qui n'arrivent pas à se réunir en une seule. Chez les Batraciens, où on en rencontre dans presque tous les examens du sang, on peut observer que la graisse apparaît lorsque le ferment n'existe plus, uo est du moins sur le point de se dis- soudre complètement; il n'y a pas coexistence du ferment et de la graisse dans le même amibocyte, ce qui montre que cette graisse, à tout prendre, est plutôt un produit de régression qu'un produit de l'activité propre de la cellule, et en effet on en trouve plus souvent sur des animaux anémiés ou malades que sur des animaux parfai- tement sains. Enfin, assez rarement, on trouve du pigment dans l'amibocyte; je n'ai constaté ce fait que chez les Batraciens (surtout Triton vulgaris) ; on trouve dans la cavité générale et même dans les systèmes vascu- laires, do nombreux globules blancs renfermant des granules noirs pigmentaires qui forment un amas plus ou moins compact et consi- dérable (pi. 1, fig. 8). On sait d'ailleurs que souvent des globules blancs sortent des vaisseaux dans lesquels ils circulent, passent dans les tissus environnants et forment des cellules pigm.cnlaires (chro- matophores) ; cette diapédèse est bien plus marquée pour les artères que pour les veines, en raison de la pression plus considérable qui règne dans les premiers vaisseaux; aussi chez les Batraciens (Triton, Grenouille, Crapaud), un grand nombre d'artères sont-elles entourées ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 23 d'un manchon noir de cellules pigmentaires (pi. I, fig. 20; pi, II, fig. 3, ar). La figure 8 de la planche I montre unamibocyte delà cavité géné- rale du Triton vulgariSy contenant en môme temps une gouttelette de graisse et de nombreux grains de pigment. Il esta peine utile dédire que l'arrivée du pigment est un signe de dégénérescence, et qu'il ne coïncide jamais avec le ferment albuminogène. Evolution de Vamibocyte. — L'amibocyte mûr, sortant des glandes lymphatiques, n'a qu'une vie très limitée; aussi trouve^-t-on dans le sang des globules blancs à tous les stades de leur évolution (pi. I, fig. 9 à 12). D'abord remplie de granules de ferment, à tel point que le protoplasma n'est pas visible, la cellule en contient de moins en moins, ceux-ci s'usant à chaque digestion nouvelle; son protoplasma qui jusqu'alors n'émettait que de courts pseudopodes devient alors trèsamiboïde (surtout chez les Batraciens) : à ce moment, le globule blanc se compose d'un noyau plus ou moins contourné et de proto- plasma; ce dernier disparaît peu à peu en se dissolvant dans le liquide ambiant et finalement il no reste plus que le noyau sphé' rique, assez clair et complètement nu (pi. I, fig. 12). Certainement le noyau disparaît aussi, mais il doit se dissoudre très rapidement, car, pas plus chez les Vertébrés que chez les Inver" tébrés, je n'ai pu reconnaître nettement la fin de son évolution!; on trouve bien quelques débris déchiquetés nageant dans le sang(héma- toblastes de Hayem chez l'Homme), mais ils ne sont pas assez caraC' térisés pour qu'on puisse dire avec certitude que ce sont les débris des noyaux d'amibocytes. En anticipant un peu sur les études ultérieures, je puis dire que jamais le noyau des amibocytes ne se transforme en hématie; les auteurs qui ont avancé ce fait ont été trompés par une similitude avec le noyau des hématies primitives. Chez tous les animaux qui pos- sèdent des amibocytes, depuis l'Échinoderme jusqu'à l'Homme, on voit ceux-ci suivre les diverses phases que je viens d'énuraérer, jus- qu'au noyau isolé qui disparaît à son tour dans le sang. 24 L. CUÉNOT. , Quels sont les produits de la dissolution dos amihocytes ? Les étudier serait sortir du cadre anatomiquc que je me suis tracé ; aussi bien je ne les ai point recherchés. Je pense qu'il sérail facile de les découvrir dans le sang de divers Invertébrés, où on a quel- quefois signalé des corps analogues à la fibrine, qui représente pro- bablement le produit de la dissolution finale des amihocytes; l'étude de ce corps serait le premier pas à faire pour établir avec certitude la composition du plasma sanguin qui a donné lieu à tant de dis- cussions. D'après Mantegazza, la fibrine du sang serait un produit de sécrétion des globules blancs; d'après A. Schmidt, ceux-ci don- neraient naissance par leur destruction à la substance fibrino- plastique et au ferment du sang, et seraient les agents essentiels de la coagulation. On voit qu'il y a là un sujet de recherches, qui amènera probablement à des résultats très importants. La plupart des auteurs qui ont étudié les globules blancs ne connaissant ni leur rôle ni leur anatomie, n'ont pas reconnu A leur évolution ; Robin, entre autres, a tait des classes spéciales de chaque stade important; ses leucocytes granuleux correspondent aux éléments mûrs ; ses variétés, cellule à noyau et cellule sans noyau, sont dues à des accidents de préparation , et enfin ses globulins représentent la phase ultime de l'amibocyte réduit au noyau. Division des amibocytes. — Comme toutes les cellules nucléées, ils peuvent se diviser, mais cela est tout à fait accidentel et très rare. M. Ranvier a vu s'opérer sous ses yeux la division du noyau dans un globule blanc d'Axolotl, mais cela n'a pas grande significa- tion; c'est en réalité la rupture du noyau en deux parties sous la traction du protoplasma qui l'entoure. On sait que le noyau se plie ;\ tous les mouvements du globule, surtout chez les Batraciens; souvent je l'ai vu bien près d'être rompu, sans avoir pourtant jamais assiste à sa division complète; il n'y a rien d'étonnant à ce qu'il se divise parfois; cela ne peut arriver, remarquons-le bien, que lorsque l'amibocyte a perdu son ferment, qu'il est très mobile et en voie ETUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. -2S de régression ; sa division ne peut donc avoir aucun résultat utile, et de fait, elle est complètement accidentelle. Klein et Stric- kc)' l'ont signalée les premiers ; M. Ranvier l'a constaté une fois chez un Axolotl; dans mes nombreuses préparations de sang, je n'ai jamais trouvé que deux amibocytes à noyau double (un chez un Lézard, le second chez un Crapaud). Celte division n'a donc aucun rapport avec la karyokinèse normale et n'est en réalité qu'une scis- sion accidentelle du noyau. Globules du pus. — Je ne puis quitter les globules blancs sans dire un mot des globules du pus; depuis longtemps on a reconnu leur identité avec les premiers (Robin). Si on examine du pus (provenant d'une plaie de la main, par exemple), soit sans le traiter par aucun réactif, soit en le fixant au carmin osmiqué, on voit que dans le liquide nagent une quantité considérable de cellules qui présentent absolument les caractères des amibocytes (noyau volumineux, granules réfringents de fer- ment), et qui se trouvent à tous les états différents d'évolution que nous avons signalés dans le sang; il est donc à peu près certain que les globules du pus résultent d'une multiplication sur place des amibocytes provenant des lymphatiques ou des vaisseaux sanguins intéressés par la plaie. Outre les amibocytes normaux qui forment la grande majorité des globules du pus, on trouve un certain nombre de formes alté- rées qui en dépendent, mais qui ne se rencontrent pas dans le sang normal, ainsi que des hématies plus ou moins déformées. Quel est le rôle exact des globules du pus? On n'est pas parfai- tement d'accord à ce sujet; d'après l'opinion la plus généralement adoptée, et qui paraît être la seule vraie, le pus, loin d'être utile à la cicatrisation, la retarde et peut causer de nombreux accidents, les globules empruntant les matières nutritives aux tissus environ- nants ; par l'emploi judicieux de la méthode antiseptique, on peut presque toujours empêcher la multiplication des amibocytes, et éviter la formation du pus. 20 L. GUÉNOT. HÉMATIE (globule ROUGE). Tandis que la mobilité du protoplasma et sa nudité complète caractérisent l'élcment précédent, l'hématie se reconnaît à sa forme constante, régulière, et à sa membrane d'enveloppe. Il y a bien des controverses sur la véritable composition du globule rouge ; en réalité, c'est une vésicule limitée par une membrane spéciale, munie ou non d'un noyau et remplie d'hémoglobine dissoute el liquide. Gomme nous l'avons fait pour l'amibocyte, voyons d'abord les preuves que peut apporter l'étude de l'élément frais : choisissons, par exemple, des hématies de Batraciens et particulièrement de Triton; vu leurs grandes dimensions, elles se prêtent bienà Tobser- vation. On peut voir dans les jeunes hématies, qui présentent une hémo- globine aussi foncée en couleur que les éléments adultes, un cer- tain nombre de granulations réfringentes qui sont animées d'un vif mouvement brownien à l'intérieur même de l'hématie (pi. IV, fig. G ; fig. 8, (jb) ; on voit ces granulations aller du noyau à la paroi, s'y coller, puis se détacher peu après pour reprendre leurs mouvements rapides; cela prouve deux choses : iMe contenu do l'hématie est absolument liquide, car sans cela ces granulations ne pourraient s'y mouvoir aussi facilement ; ^2° il y a une paroi in- franchissable, puisque les granules ne sortent jamais de la vésicule hématique. Enfin, il y a plus, j'ai vu dans une jeune hématie de Triton marmoratus, le noyau lui-même se déplacer sous l'impulsion de ces petits granules; chaque fois que l'un d'eux le choquait, il tournait sur lui-même d'une façon très sensible au microscope. Il ne peut donc pas y avoir d'hésitation sur la nature de l'hématie ; j'ajoute qu'on peut répéter sur n'importe quel Vertébré inférieur les observations précédentes ; il n'y a à l'intérieur de l'hématie au- cun stroraa protoplasmique ou autre, le contenu est entièrement liquide. ETUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 27 On dit souvent que l'hémoglobine que l'on connaît dans la na- ture à l'état de dissolution (larves de Chironomus plwnosus, Anné- lides, Planorhis) ne saurait exister à cet état dans l'hématie, car elle paraît trop concentrée : c'est une erreur. L'hémoglobine des héma- ties n'est guère plus concentrée que l'hémoglobine d'une Hirudinée ou d'une larve de Chironome; quand on mélange du sang de Ver- tébré inférieur avec le sang de l'un de ces animaux, au microscope, la différence n'est que peu sensible ; enfin, les observations précé- dentes sont absolument probantes. Nous allons voir également que, pour les réactifs, l'hématie se comporte absolument comme une vésicule pleine d'un albuminoïde dissous. L'acide osmique ne la déforme aucunement et la laisse comme vivante; si l'on ajoute du picrocarmin, outre la coloration, il se produit souvent un gonflement du noyau facile à constater sous le microscope; le gonflement s'arrête lorsqu'on ajoute delà glycérine. Ainsi une préparation fixée à l'acide osmique et colorée au picrocarmin présente toujours des hématies à noyaux gonflés ; dans quelques-unes, le noyau a presque envahi la cavité vésiculaire en absorbant et picrocarmin et hémoglobine, de sorte que la zone hémoglobique paraît très petite. C'est une erreur ainsi produite qui a amené plusieurs auteurs à considérer ces hématies comme des formes jeunes, alors qu'il y avait simplement des noyaux gonflés par le carmin. Toutefois, ce procédé constitue encore le meilleur moyen d'étude, car il y a toujours des hématies qui restent nor- males, soit qu'elles aient été mieux fixées, soit plutôt que le picro- carmin ne les ait que peu atteintes; seulement il faut être prévenu du gonflement du noyau. Quant à l'action des autres réactifs, on peut presque la prévoir a priori, en se rappelant les lois de l'osmose et les propriétés des albuminoïdes ; en réalité, l'hémoglobine est séparée de l'albumine du sérum dissoute dans le même liquide salin par une mince mem-* brane qui permet facilement à l'osmose de s'opérer; sur le vivant, l'hémoglobine ne s'échappe pas de l'hématie, car le liquide externe 28 L. CUKNOT. est aussi saturé que le liquide interne; dès qu'on ajoute une petite quantité d'eau au premier, l'équilibre est détruit c\ l'hémoglobine sort de l'hémalie; c'est ce qui arrive lorsqu'on traite le sang d'un Vertébré quelconque par l'eau, le sulfate de rosaniline, la cochenille, la fuchsine, etc. L'hématie devient incolore, tandis que la paroi, cachée jusqu'ici par la réfringence de l'hémoglobine, devient fort nette. ;\ double contour ; si l'on a pris du sang de Vertébré ovipare, le noyau hématique se rétracte en se colorant par la fuchsine, la cochenille et le sulfate de rosaniline (Ranvier) ^ L'éther et le chlo- roforme ont la même action que les liquides aqueux, c'est-à-dire qu'ils détruisent l'équilibre en diminuant la saturation du milieu extérieur. Quand on voit une hématie ainsi traitée, on est forcé d'avouer que c'est une simple vésicule rempHe de liquide, et que le stroma interne n'existe pas. Si l'on ajoute de la glycérine pure au sang, la concentration du liquide externe reste sensiblement la même, de sorte que l'hé- matie ne change pas do constitution. On sait que les albuminoïdes dissous sont précipités de leurs dis- solutions par les acides et l'alcool ; si l'on traite du sang par ce dernier corps, on voit nettement l'hémoglobine se rétracter à l'inté- rieur de la vésicule, se trouer de vacuoles, en un mot, se coaguler. Lorsqu'on emploie de l'alcool saturé d'acide picrique, le liquide se coagule en masse et l'hématie tout entière se rétracte. Tous ces procédés dont on peut prévoir le mode d'action ne mon- trent jamais rien de plus que ce que nous avons vu précédemment dans l'hématie ; il faut donc abandonner complètement les idées de stroma, de filaments radiaires (Faber, Briicke et Krause), qui ne sont que des erreurs d'interprétation ou des hypothèses gratuites. ISalure de la membrane hématique. — Il est tout à fait facile de mettre en évidence la membrane de l'hématie, en traitant celle-ci par tous les réactifs colorants dissous dans l'eau et l'alcool faible 1 Recherches sur les élémenls du sang {Archives de \)hysv)lorjle, 1,S75\ ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPIL\T1QUES. 29 (carmin, fuchsine, cochenille, etc.); aussi bien chez les Vertébrés ovi- pares que chez les Mammifères, la vésicule se réduit à son enveloppe. De même, dans le développement, on peut facilement trouver des hé- maties incolores, non encore munies d'hémoglobine (pi. IV, fig. 6 et fig. 8) ; mais, si les faits précédents ne sont pas niables, il faut préciser la nature et les propriétés de la membrane limitante ; elle n'est point comparable à une enveloppe de cellulose ou de cartilage (cellules cartilagineuses des Annélides, des Hydraires, etc.); c'est simplement du protoplasma condensé, comme on le verra bien dans l'étude du développement. L'hémalic est comparable à une cellule contenant en son centre une vacuole énorme, qui aurait refoulé le protoplasma à la périphérie , sous la forme d'une mince membrane, le noyau restant central ou disparaissant ; la vacuole, par suite de transformations chimiques dont j'indiquerai l'agent actif, se remplit d'hémoglobine ; c'est bien de cette manière qu'il faut comprendre l'hématie, ef, quand on la suit depuis son premier stade jusqu'à son état parfait, on voit que c'est une vacuole pôrinu- cléaire qui, se développant de plus en plus, devient la cavité du globule rouge adulte. La nature protoplasmique de cette enveloppe explique les pro- priétés singulières qu'on lui avait reconnues. Ainsi, lorsqu'on déchire des hématies en abaissant et relevant successivement le couvre- objet, on voit qu'elles prennent des formes bizarres sans qu'une goutte d'hémoglobine s'échappe et sans qu'on voit trace d'enveloppe déchirée dans le liquide. Ce fait, qui avait amené Rollett à nier la membrane hématique, s'explique très facilement, car le protoplasma se soude à lui-même lorsque deux faces internes sont mises en contact par la contraction du globule ; la face externe, plus condensée ne jouit pas de cette propriété, ou du moins ne peut adhérer à son congénère qu'à un degré très faible (ce qui produit chez l'Homme les piles d'hématies). On a vu parfois le noyau hématique traverser la membrane sans qu'on puisse voir aucun orifice de sortie; ce phénomène est abso- 30 L. CUÉNOT. lument semblable à celui que l'on constate pour les capillaires san- guins ou lymphatiques, qui laissent également passer des globules sanguins sans qu'on puisse trouver d'orifices préformés (diapédèse) ; les propriétés d'autosoudure du protoplasma expliquent très logi- quement ces diverses expériences. Forme et division des hématies. — On sait que les hématies des Mammifères, dépourvues de noyaux, ont la forme de disques biconcaves (ovoïdes chez les Caméliens, circulaires chez les autres), tandis que celles des Vertébrés ovipares, pourvues de noyaux, ont la forme de lentilles ovoïdes (circulaires chez les Gyclostomes) bicon- vexesj présentant un renflement central où est logé le noyau. La raison d'être de ces formes trouvera naturellement sa place à la suite du développement. Les hématies se divisent-elles à l'état adulte? On peut répondre par la négative. Dans mes nombreuses préparations de sang, soit fraîches, soit traitées par divers réactifs, jamais je n'ai trouvé une seule hématie normale en voie de division ; on en voit parfois dont le noyau est plus ou moins étranglé, mais il est facile de constater que l'hématie a été déformée par le contact soit de l'air, soit d'un réactif; jamais je n'ai vu une hématie présenter nettement un phé- nomène de karyokinèsc. En tout cas, la division n'aurait aucune utilité, puisqu'elle n'aug- menterait pas la quantité d'hémoglobine ; elle serait d'ailleurs impos- sible chez les Mammifères, puisque les hématies n'ont pas de noyau; l'observation et la morphologie sont donc d'accord pour nier com- plètement la division des hématies (à l'état adulte). Evolution des hématies. — il est probable que les hématies, quoique beaucoup plus durables que les amibocytes, finissent aussi par dis- paraître dans le plasma sanguin; toujours est-il que dans le sang on ne trouve que difficilement les formes d'hématies en régression (hématoblastes colorés de Hayem chez l'Homme); si la destruction a lieu, ce qui est probable, puisqu'il y a production correspondante d'éléments, elle doit s'opérer complètement dans l'intérieur d'un ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 31 organe (peut-être le foie), si bien qu'il n'en paraît pas de traces au sortir de celui-ci. GLANDES LYMPHATIQUES. Maintenant que nous connaissons les appareils et leur contenu, nous devons examiner le développement des éléments figurés ; ils se forment dans un ensemble de corps à apparence glandulaire, auxquels on a donné pour cette raison le nom de glandes closes ou glandes vasculaires; ce dernier terme est vague, car les cap- sules surrénales sont aussi des glandes vasculaires et pourtant n'ont pas de rapport avec la formation des éléments figurés du sang; le premier terme n'est pas exact, car les glandes ne sont nullement closes ; elles sont pourvues de canaux excréteurs qui sont, soit des vaisseaux lymphatiques, soit des vaisseaux sanguins. J'emploierai donc uniquement le nom de glandes lymphatiques ; chez les Mammi- fères, elles sont très nettement définies. On peut les ranger en deux groupes : d'une part, celles qui sont le point d'origine des lympha- tiques, à savoir la glande thyroïde, les thymus, les follicules clos (isolés ou en plaques de Peyer); d'autre part, les glandes qui sont simplement interposées sur les trajets vasculaires, à savoir les gan- glions lymphatiques et la rate. Seule, la dernière de ces glandes produit à la fois des amibocytes et des hématies ; toutes les autres forment seulement les premiers de ces éléments. GLANDE THYROÏDE. Chez tous les Vertébrés, la glande thyroïde apparaît primitivement sur la face ventrale du pharynx, au niveau du second arc branchial, ©t immédiatement en avant du point où se forme la langue ; elle est par conséquent unique à l'origine; elle garde cette forme chez les Reptiles (Lacerticns, Ophidiens, Chéloniens); souvent elle s'étire, se scinde en deux lobes qui restent réunis ensemble par un isthme (Homme, Rongeurs, Ruminants, Daman), ou se séparent complète- 32 L. CUÉNOT. ' menl et .s'écartent beaucoup (Carnassiers, Édenlés, Monotrèmes, Marsupiaux, Oiseaux, Batraciens). Ce dédoublement qui apparaît chez certains types pour manquer chez d'autres très voisins, n'a eu réalité qu'une minime importance ; parfois il se produit téralo- loyiquement, et vice versa, des espèces à deux thyroïdes rcni'er- mant des individus chez lesquels les deux lobes sont réunis par un isthme. Mammifères. — Je vais prendre le Chien comme type de la descrip- tion de la thyroïde pour les Mammifères. Chez un Bouledogue adulte, on découvre facilement de chaque côté de la trachée les deux glandes thyroïdes, parfaitement séparées ; ce sont deux corps oblongs, assez éloignés l'un de l'autre, lisses, d'un rouge brunâtre particulier, et qui reçoivent à leurs extrémités des veines et artères assez volumineuses. Chez un jeune Chien, je les ai trouvées encore réunies par un isthme étroit, mais parfaitement net, situé vers leur partie inférieure; c'est là un cas tératologique, car chez presque tous les Carnassiers (Putois, Chat, Ours, etc.) il y a deux thyroïdes bien séparées. Quand on coupe un corps thyroïde, on voit fort bien qu'il est com- posé de vésicules claires, très petites, qu'on distingue facilement à la loupe; ces vésicules contiennent un liquide qui s'échappe lorsqu'on les entame. Le meilleur procédé pour étudier la texture du corps thyroïde est d'enlever sur l'animal fraîchement tué (surtout bien nourri et en bonne santé) une tranche mince que l'on traite par l'a- cide osmique, le picrocarmin et la glycérine. La tranche, examinée de champ, montre beaucoup de vésicules entières, non entamées jjar la coupe et renfermant encore leur Hquide interne ; on peut donc les examiner avec toutes les garanties désirables. La thyroïde est parcourue par une fine trame conjonctive peu com- pliquée, par des veines et des artères qui donnent un riche réseau capillaire à chaque vésicule; enlin tous les intervalles laissés entre les vésicules, la trame conjonctive et les réseaux vasculaires sont occupés par un réseau lymphatique dont nous verrons tout à l'heure ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 33 la disposition. La partie importante est la vésicnle close; c'est donc par elle que nous allons commencer. La vésicule peut être comparée à une sphère creuse de 50 à 100 i;- environ de diamètre, dont la paroi interne estrecouverte de cellules serrées les' unes contre les autres et la paroi externe d'un endothé- lium lymphatique (pi. Il, fig. 7)-, la sphère est remplie d'un liquide albumineux (matière colloïde) qui n'est autre qu'une dissolution concentrée d'albumine du sérum ; on trouve en suspension dans ce liquide un nombre plus ou moins grand d'amibocytes mûrs, produits par la desquamation de la couche cellulaire interne(pl. Il, fig. 7, a). Cette dernière est formée de cellules très nettes après l'action de l'acide osmique et du picrocarmin, donnant une mosaïque polygonale assez régulière par le nitrate d'argent (pi. II, fig. 6, g) ; elles mesurent en moyenne H \j.]\e noyau assez volumineux, faisant une saillie pro- noncée à la surface, occupe une grande partie de la cellule; le reste est formé d'un protoplasma clair renfermant quelques granules réfringents de ferment albuminogène. De place en place, on voit des cellules parfaitement mûres (pi. II, fig. 8, a), remplies de granules de ferment et tout à fait comparables aux amibocytes mûrs que nous avons décrits dans le sang; presque toujours les cellules mûres sont par groupes de trois ou quatre, au voisinage d'un capillaire sanguin, là où la nutrition est plus facile. Ces cellules mûres se soulèvent un peu, tandis que les cellules voisines s'allongent en dessous d'elles; enfin elles se détachent tout à fait et tombent dans la cavité de la vésicule. Dans la préparation faite comme je l'ai indiqué précédem- ment, on voit facilement dans les vésicules les cellules flottantes, car elles restent incolores, ne pouvant être atteintes par le picro- carmin, puisqu'elles sont suspendues au milieu d'un sérum assez concentré. On pent se convaincre qu'elles sont identiques aux ami- bocytes pleins de granules; il y a production et desquamation d'élé- ments cellulaires dans les vésicules thyroïdes; cela est absolument indiscutable. Quand les cellules mûres se sont ainsi détachées de la paroi interne, AHCII. DE ZOOL. EXl'. ET GÉN. — 2'^ SÉRIE. — T. VU. 1889. 3 34 L. GUtNOT. remplacement qu'elles occupaient reste vide, et forme un Irou plus ou moins grand (pi. II, fig. U); les cellules qui l'enlourcnL se divi- sent et bientôt la paroi interne redevient continue. Chaque vésicule thyroïde est complètement enserrée d'un riche réseau capillaire sanguin dispose plus ou moins régulièrement (pi. II, fig. 4); les capillaires ont un calibre assez réduit (6 [x), par- fois ils ne laissent guère passer de front qu'une ou deux hématies; ils m'ont paru renfermer un nombre d'amibocytes plus considérable que dans l'appareil vasculaire général. La trame conjonctive de la glande est assez réduite ; elle est com- posée de longues fibrilles qui portent un noyau fusiforme de 11 {i environ ; ces fibrilles sont accolées aux vésicules qu'elles rehent ainsi les unes aux autres. 11 nous reste à examiner le réseau lymphatique interposé entre les vésicules ; pour le déceler, il faut avoir des glandes thyroïdes tout à fait fraîches et opérer peu après la mort de l'animal ; avec une fine canule de Pravaz, on fait une injection interstitielle de nitrate d'ar- gent à 1 pour 100 ; on voit alors la thyroïde sur laquelle on opère se gonfler d'une façon très sensible : c'est le réseau lymphatique qui se remplit. Lorsque la réduction de l'argent est terminée, on coupe la glande en petits morceaux, parmi lesquels on recherche les plus noirs; on transfère dans l'eau distillée, puis on colore au picrocarmin ; on di- lacère enfin dans la glycérine. C'est par ce procédé qu'on a obtenu les préparations représentées planche II, ligures 5 et 6. L'endothélium lymphatique est formé de cellules très sinueuses, fort longues (jus- qu'à 52 \i) dont je n'ai pu parvenir à voir le noyau; cet endothé- lium est accolé intimement à la paroi cellulaire des vésicules, qui s'imprègne d'argent en môme temps; il y a donc contact, presque sou- dure entre ces deux couches. L'endothélium forme de larges nappes (pi. II, fig. S), irrégulicres, qu'on obtient par lambeaux plus ou moins considérables recouvrant les vésicules. A proprement parler, les lymphatiques ne constituent pas un réseau autonome; en réalité, tous les intervalles compris entre les vésicules et la trame coujonc- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 3S tive sont recouverts d'un encloUiélium très net, et ce n'est qu'à la sortie de la glande que ces intervalles se munissent d'une paroi autonome pour former de véritables vaisseaux; je comparerai volon- tiers la thyroïde à un amas de boulets, dont tous les interstices formeraient le réseau lymphatique d'origine, les boulets figurant les vésicules. L'injection interstitielle de la thyroïde montre bien qu'il en est ainsi; en effet, sous la poussée du liquide introduit la glande se gonilo uniformément, par suite de la dilatation des intervalles lym- phatiques. La méthode des coupes donne des résultats parfaitement compa- rables à ceux fournis par la méthode précédente; on voit facilement la paroi cellulaire, les cellules détachées et flottant dans les vésicules ; celles-ci sont remplies d'un coagulum légèrement jaunâtre, dïi à la coagulation de l'albumine du liquide interne sous l'action de l'alcool ; les intervalles lymphatiques, interrompus de place en place par le contact des vésicules, sont remplis du même coagulum. M. Sappey a injecté les lymphatiques; je renvoie à la figure qu'il en donne [Anatomie des lymphatiques, pi. XLVI, fig. i ; fig. 2 pour l'Ours), qui montre les troncs terminaux se dirigeant l'un en bas, l'autre en haut, en passant chacun dans un ganglion lymphatique avant de poursuivre leur route. Chez les Mammifères, j'ai examiné non seulement le Chien que j'ai pris comme type, mais aussi deux Rongeurs, le Surmulot {Mus decumanus) et le La\ïin{Lepus cuniculus) ; il n'y a que des diflérenccs de détail liées surtout à la dimension des vésicules, qui sont plus petites et plus écartées chez le Lapin. Oiseaux. — Chez les Oiseaux, il y a deux thyroïdes bien séparées et assez éloignées l'une de l'autre ; la séparation est très précoce, elle commence chez le Poulet à quatre jours et demi (de Meuron). Chez un Moineau [Passer dorneslicus), les thyroïdes fort petites (I millimètre et demi environ), assez faciles à découvrir, sont pla- cées entre les carotides et un petit tronc artériel qui s'en détache à angle aigu, un peu au-dessus de la bifurcation de la trachée (pi. 11, .'{0 L. GUÉAOT. fig. I); ce sont de petites sphères composées d'un nombre considé- rable de vésicules de oO [j. environ de diamètre (maximum); ces vésicules sont serrées les unes contre les autres, de sorte que les intervalles lymphatiques sont assez réduits; au point de vue histo- logique, il n'y a aucune diflerence avec les Mammifères, aussi ne m'y arrêtcrai-je pas plus longtemps, Jîe/itiles. — Chez les Chéloniens, Ophidiens, Sauriens, la glande thyroïde est unique, soit qu'elle constitue une petite sphère comme dans les deux premières familles, soit une bandelette aplatie comme chez les Lézards. Chez ces animaux, on remarque déjà une tendance qui ira toujours en s'accentuant ; le nombre des vésicules thyroïdes va en diminuant, leur diamètre devenant plus considérable. La Couleuvre à collier [TropidonoLus ??a?r?".r) constitue un excellent type pour l'élude de la thyroïde et même pour une étude générale; la glande qui nous occupe a la forme ovoïde ; elle est placée contre la carotide, presque au contact du cœur, au devant de la trachée. Après l'action de l'acide osmique, du picrocarminct de la glycérine, on peut facilement, en la frottant avec un pinceau, séparer toutes les vésicules absolument intactes; en effet, la trame conjonctive est excessivement réduite, les vésicules n'ont que peu ou point de cohé- rence entre elles ; aussi peut-on facilement les isoler ; la figure 11, pi. II, représente un groupe de vésicules ainsi préparées, ce qui per- met d'étudier leurs différents caractères sans crainte d'erreur. Les vésicules qui ont depuis O'^^jTSO jusqu'à 0""',0o2, présentent une enveloppe capsulaire, amorphe, excessivement mince, qui porte à i-a face interne les cellules habituelles ; dans la figure 11, la grande vésicule de gauche montie 1res bien cette capsule {/), dont la couche cellulaire a été séparée par un accident de préparation ; (juand on la regarde de profil, on voit facilement dans l'épaisseur de cette capsule des noyaux fusiformes, allongés, de IG \}. environ, dessi- nant une légère saillie (pi. II, fig. rj, /), La couche cellulaire interne ne présente pas de particularités ; comme chez le Chien, on voit de place en place des cellules parfaites remplies de granules de ferment ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LY.Ml'llATlQUES. 37 et en d'autres points des espaces vides, déterminés par la chute d'éléments mûrs. Le liquide interne de la vésicule renferme en sus- pension, non plus des amibocytes isolés, mais un véritable plasrno- (^mm* formé par la réunion d'un nombre considérable de cellules mûres (pi. II, fîg. H, a). Souvent ce plasmodium contient au centre une concrétion de carbonate de chaux; dans presque toutes les vésicules, surtout dans les plus grandes, on trouve une, parfois deux concrétions minérales ; dans le deuxième cas, il coexiste deux plasmodiurcs ayant chacun comme centre une des concrétions. Celles-ci (pi. II, fig. 13) mesurent de 27 à 33 \j.; elles ont sou- vent la forme de deux boules irrégulières, accolées ; parfois leur forme se complique par l'adjonction de petits amas arrondis de cal- caire; elles se dissolvent facilement dans l'acide azotique, sans effer- vescence sensible et sans laisser de résidu, ce qui montre qu'elles n'ont pas de trame organique; en comparant la figure 13 de la planche II avec celles de Robin et Verdeil [Chimie anatomique cl physiologique, atlas^ pi. XV, fig. 4), on pourra se convaincre de leur identité avec les concrétions calcaires de l'Homme. Le réseau capillaire qui recouvre les vésicules est moins serré et moins compliqué que chez le Chien; il est placé entre la couche cellulaire interne et la membrane capsulaire. Chez la Couleuvre, le système lymphatique prend bien le caractère d'un vaste sinus limité par les vésicules elles-mêmes ; bien que je n'aie pas fait d'impré- gnation à l'argent chez cette espèce, je ne doute pas que la mem- brane capsulaire ne soit homologue à l'endothélium lymphatique que j'ai décrit chez le Chien ; les noyaux qui y sont inclus seraient par suite des noyaux endothéliaux. Chez la Couleuvre, j'ai pu voir comment se multipliaient les vési- cules ; sur la paroi de l'une d'elles, de grande taille, les cellules pro- 1 Comme M. Michel l'a fait remarquer {Comptes rendus, n" 22, t. G VI), les ami- bocytes ne forment pas des plasmodiums parfaits, c'est-à-dire que, même associés, ils conservent toujours leur individualité et peuvent se séparer; ù vrai dire, ce ne sont que des pseudo-plasmodes. 38 L. CUÉNOT. lifèrent de façon à former un peliL amas cellulaire plein, qui fait saillie à la surface de la vésicule mère (pi. II, lig. il, y')\ ce pro- cessus s'arrondit, devient sphériquc, puis se creuse au centre d'vme cavité, tandis que les cellules forment une couche unique à la surface interne de la capsule : une nouvelle vésicule est ainsi con- stituée ; elle se séparera plus tard de celle qui lui adonné naissance. Chez le Lacertastirpium, Daudin, la thyroïde forme une handelette irréguliôre do 2 millimètres environ, posée transversalement sur la trachée, un peu au-dessus du cœur (pi. II, fig. 2); la seule par- ticularité qu'elle présente est un développement considérable de pigment noir sur la trame conjonctive ; chaque vésicule est ainsi entourée d'une espèce d'auréole irrégulière qui la rend fort nette ; ce pigment se dispose en lignes ondulées, formant vaguement un réseau; il est constitué par de petits grains, très réfringents, amon- celés les uns sur les autres et d'un noir franc à la lumière réfléchie; comme chez le type précédent, on peut assez facilement séparer les vésicules intactes, recouvertes de leur réseau capillaire. J'ai constaté avec grande netteté chez le Lézard la formation des cellules mûres surtout au voisinage des capillaires, ce qui est d'ailleurs logique, puisque l'apport des substances nutritives y est plus considérable ; les vésicules ont environ de 80 à 160 jj-. Batraciens. — Chez les Batraciens, la thyroïde est séparée en deux parties, assez éloignées l'une de l'autre. Chez la Grenouille, chacune de ces glandes est située dans l'angle formé par les grandes cornes et le corps de l'os hyoïde ; chez le Triton vulgaris, on trouve les thyroïdes au voisinage de la grande corne de l'os hyoïde; en raison de leurs petites dimensions (1 millimètre), elles sont fort difficiles à trouver; aussi vais-jc indiquer le procédé qui m'a réussi chez ce type ; après avoir enlevé la peau qui recouvre la partie inférieure de la tête, on cherche les grandes cornes de l'os hyoïde incluses dans le plancher musculaire qui relie les deux branches de la mâchoire inférieure ; on enlève avec les ciseaux les grandes cornes et ce qui les entoure ; on les porte sous le microscope dans une goutte de ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 39 lymphe extraite de la cavité générale ; on découvre alors assez facile- ment sur le bord interne de la grande corne et non loin de son extrémité inférieure une petite sphùre placée entre l'artère et la veine linguales (pi. II, fig. 3, Ty), qui longent également l'os hyoïde. Avec des aiguilles, on isole facilement la thyroïde et les vaisseaux adjacents ; on peut alors l'examiner dans une goutte de lymphe, ù un fort grossissement, ce qui permet de voir les éléments encore vivants. Les vésicules, peu nombreuses, mesurant parfois 0'"'",520, re- couvertes d'un réseau capillaire très lâche, renferment un liquide albumineux qui tient en suspension quelques amibocytes mûrs, pro- duits par la couche cellulaire interne ; celle-ci est formée de cellules de 10 à 16 [x, serrées les unes contre les autres, réduites au noyau et à une mince couche de protoplasma (pi. II, fig. 14) ; par places, au voisinage des capillaires, on voit les noyaux entourés de gra- nules de ferment, d'abord de petite taille et peu réfringents, puis augmentant de volume et de pouvoir dispersif. Les cellules mûres dont le protoplasma est rempli de granules (a), se détachent alors pour tomber dans la cavité de la vésicule, d'oii elles passent dans les intervalles lymphatiques. Chez les Batraciens, s'accuse tout à fait une tendance que j'ai déjà signalée : le nombre des vésicules diminue pendant que leur dia- mètre reste sensiblement le même ; il y a donc h ce point de vue une infériorité signalée chez les Vertébrés inférieurs, dont la thyroïde est ainsi beaucoup moins active que celle des Mammifères ; cela est surtout très net chez les Tritons, le Proteus vidgaris (Leydig) où le nombre des vésicules descend jusqu'à une dizaine. Physiologie. — Maintenant que nous connaissons exactement la constitution de la thyroïde, il convient d'examiner son fonctionne- ment : r Formation des amibocytes. •— Comme on l'a vu, les cellules de la couche interne, surtout les plus rapprochées du réseau capillaire, se remphssent peu à peu de granules de ferment ; une fois mûres, 40 L. CUÉNOT. ■ ' elles présentent des mouvements amiboïdes peu accentués, se dé- tachent et tombent dans le liquide de la vésicule. Comment gagnent- elles les vaisseaux lymphatiques de la glande? Nous avons vu que les vésicules sont limitées par un revêtement endothélial, appartenant aux lymphatiques; les cellules de la couche interne se détachent généralement plusieurs à la fois, par petites plaques, de façon à laisser des places vides ; on voit que les amibocytes n'ont qu'à perforer le revêtement endothélial pour pénétrer dans les lymphatiques; on sait que celui-ci se prête très facilement à la diapédèse ; souvent, dans mes préparations j'ai vu des amibocytes en train de sortir de leur vésicule : c'est, à mon avis, un fait incontestable. La production d'amibocytes se règle sur la demande qu'en fait l'organisme ; les animaux \igouvcux, surtout bien iiourris, présentent un grand nombre de cellules développées ou en voie de développe- ment ; plus la nutrition est active, plus la production est grande ; les animaux anémiés, privés de nourriture depuis longtemps, ontdes vésicules absolument inactives. Aussi si l'on veut étudier avec fruit la thyroïde, il faut choisir des animaux bien nourris et de préférence avant le repas. La vésicule est remplie de liquide albumincux ; je n'en parlerais guère si l'on n'avait émis sur son origine les hypothèses les plus fantaisistes ; ce n'est pas un liquide anormal, un signe de dégéné- rescence (Poincarré), ce n'est pas non plus un contenu colloïde, c'est tout simplement du sérum exsudé des capillaires, de la lymphe si l'on veut ; on s'explique facilement pourquoi il contient une pro- portion d'albumine assez considérable, étant situé dans une glande qui produit des cellules à ferment albuminogène; on notera le même fait pour toutes les glandes lymphatiques : la lymphe y est toujours très concentrée et donne un coagulum compact sous l'action de l'alcool. Enfin, dans les coupes, on peut remarquer que le contenu des vésicules et celui des lymphatiques excréteurs sont identiques. Nous avons vu la disposition des lymphatiques, formés en réalité parles intervalles vésiculaires; cela explique pourquoi, quand on ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LViMPHATIQUES. 41 pousse une injection interstitielle, on voit la thyroïde se gonfler uniformément d'une façon très sensible; une pression considérable dans les capillaires sanguins amenant un apport de sérum dans les lymphatiques aura exactement le même effet; c'est ce qui se pro- duit dans certaines circonstances physiologiques ou pathologiques, notamment dans l'effort. On sait que dans l'efforL, il y a compression des veines du cou, amenant la rougeur de la face; la pression aug- mente considérablement dans les capillaires artériels, ce qui produit par suite le gonflement de la thyroïde. THYMUS, L'origine des thymus est assez difl'érente de celle de la thyroïde ; en effet, tandis que ce dernier organe apparaît sous la forme d'un diverticule unique de la paroi du pharynx, du côté ventral, les rudi- ments des thymus se trouvent sur les fentes branchiales du côté dorsal et débutent toujours par un épaississement solide de l'épi- thélium. Les thymus des Mammifères font seuls exception à cette règle; les portions dorsales solides jouent un rôle effacé, et la ma- jorité de l'organe provient d'un caîcura ventral do la troisième poche branchiale (de Meuron) K On sait que les thymus, très bien développés chez les fœtus et les jeunes animaux, diminuent de volume à mesure qu'ils avancent en âge et finissent par disparaître à peu près complètement chez les adultes pour de nombreuses espèces (Homme, Chien); très actifs chez les jeunes, les thymus sont en réalité suppléés dans leurs fonctions par de nombreuses glandes d'apparition plus tardive (rate, ganglions lymphatiques, follicules clos de l'intestin) ; devenus inutiles, ils se résorbent en tout ou en partie ; on les trouve encore très nets chez les Batraciens anoures, les Reptiles (Couleuvre), les Oiseaux (jeunes Pigeons), quelques Mammifères (Surmulot, Hérisson, Daman); ce ne 1 De Meuron, Sur le développement du thymus et de la glande thyroïde {Uecueil zoo- logique suisse,, t. III, n° 4, 1886, p. 517). 42 l- CUKNOT. sont donc point des organes embryonnaires, comme on le dit sou- vent. Toujours pairs à l'origine, il arrive souvent qu'ils se segmentent en plusieurs petites glandes échelonnées; cela est surtout net chez le Canard, le Moineau, l'Alouette, les Fringillides (Ecker), le Pigeon, la Couleuvre, le Surmulot. Mamnufèi'cs. — Comme je l'ai fait pour la thyroïde, je vais étudier en détail le thymus chez un Mammifère facile à se procurer, qui le présente à un haut degré de développement; c'est le Surmulot {Mus decumanus) que je vais prendre comme type. Chez tous les jeunes Surmulots et chez un grand nombre d'adultes (pi. I,fig. 13), après avoir ouvert la cavité thoracique, on voit au-dessus du cœur une grosse masse lobée, d'un blanc rosé, qui s'attache en haut de la trachée, bien au-dessous de la thyroïde, et qui recouvre le cœur et la partie supérieure des poumons : c'est le thymus (7'//), qui offre un développement considérable, puisque son volume est presque égal à celui du cœur; en le disséquant avec précaution, on voit qu'il est formé de deux parties reliées ensemble par des lames conjonctives, qui s'étendent seulement sur le côté ventral de la cavité thoracique. Chez le Daman, KauUa et George signalent aussi un thy- mus assez gros, égalant envolumele tiers du cœur; il est ainsi bien moins développé que chez le Surmulot; chez le Hérisson {Erinaceus europœus),\c groupe des thymus a cnvironle môme volume que chez le Daman. Mais les thymus ne se présentent pas sous cette forme chez tous les Surmulots ; chez un certain nombre d'adultes, sans qu'on puisse trouver la raison de cette différence, ils sont divisés en un certain nombre (quatre à six) de petits lobes, placés dans les environs du cœ.ur, toujours sur la face ventrale (pi. ï, fig. 1-4, 77^); on voit que la segmentation des thymus n'a en réalité aucune valeur morpho- logique. Si l'on étudie d'abord par le procédé des coupes un des gros thy- mus décrits précédemment, on peut facilement observer les faits suivants : cette glande est absolument compacie, ne renferme aucune ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 43 cavité ^ l'état normal et sain ; elle est soutenue par un squelette con- jonctifjtrès irrégulier, dont la figure io, planche I, donne une bonne idée; ce squelette formé de substance fondamentale et de fibrilles conjonctives, très ramifié, détermine des lobules très irréguliers et toujours incomplets, c'est-à-dire que les lobules circonscrits ne sont pas isolables, ne sont pas entourés de toutes parts par une enveloppe conjonctive ; dans la figure 15, on voit que le lobule de droite est ou- vert sur l'une de ses faces, en continuité de substance avec les lobules environnants; si j'avais figuré la coupe immédiatement inférieure à celle du dessin, on aurait pu voir que les lobules ne se continuaient pas plus loin ; tantôt on a une coupe assez large et entièrement dé- pourvue de tissu conjonctif, tantôt Ton voit des pseudo-lobules comme ceux que je viens de décrire. En résumé, et c'est un point essentiel à établir, les thymus sont des glandes compactes, conti- nues, parcourues par un squelette conjonctif très ramifié qui porte en môme temps les vaisseaux sanguins ; dans son ensemble, chacun des thymus peut être assimilé à un follicule clos de l'intestin. 1 Les veines et les artères cheminent sur le réseau conjonctif où on les trouve facilement dans les coupes; elles émettent des capillaires qui plongent dans la substance comprise entre les tractus conjonc- tifs ; la figure classique de Frey {Traité d'histologie, 1871, fig. 388, d'après His) rend assez exactement ce qui se passe dans les points où l'on voit des pseudo-lobules, comme figure 15, planche I. Des gros tractus conjonctifs faciles à voir au microscope, se déta- chent une foule de fibrilles anastomosées qui forment un fin réticu- lum tout à fait semblable à celui qui est représenté figure 7, planche III ; c'est sur ce réseau que sont amoncelées les cellules du thymus, de moins en moins serrées à mesure que l'on s'écarte des gros tractus squelettiques. Lorsque le thymus est divisé en petits lobes (pi. I, fig. 14), cette structure subsiste, quoique un peu moins nette; à peine quelques gros tractus parcourent le lobe thymique ; les cellules sont amon- celées sur un fin réticulum conjonctif comme précédemment et de 4 44 . L. CUÉNOT. place en place laissent des espaces un peu plus clairs qui sont le dé- part des lyni[)hati(iues. Evolution des cellules. — MainlcnauL que nous connaissons la dis- position microscopique du thymus, il convient d'examiner les cellules qu'il contient; le meilleur procédé à employer est de traiter succes- sivement un très petit fragment par l'acide osmique (5 minutes), le picrocarmin (13 minutes) et la glycérine; on dilacère et on examine à un fort grossissement (oc. 3, obj. 9 imm. Nachet). Les formes ini- tiales sont des cellules de 6 à 8 \}., formées d'un noyau parfois nucléole, entouré d'une mince zone de protoplasma à contours nets ; ces cellules parfois isolées, sont le plus souvent amoncelées les unes sur les autres, de façon à se comprimer réciproquement (pi. I, fig. IG) ; dans la zone protoplasmique, on voit s'accumuler peu à peu le ferment albuminogène, d'abord formé de gros granules incolores, qui se segmentent et deviennent plus réfringents, de façon à enve- lopper complètement le noyau; la cellule thymique {a) est trans- formée alors en amibocyte parfait, prêt à quitter la glande formatrice pour passer dans l'appareil circulatoire. En opérant comme je lai dit, rien n'est plus facile à voir que cette transformation ; il ne peut donc y avoir aucun doute sur la fonction lymphati(]ue du thymus. Outre ces cellules de petites dimensions, ;\ toutes les étapes de leur évolution, on trouve aussi des cellules plus grandes, jusqu'à 1"2 et 18 iJ.; ce sont de petites plaques protoplasmiques (pi. I, tig. IG, d)^ renfermant un ou deux noyaux semblables aux noyaux précé- dents; parfois ces grandes cellules contiennent du ferment albumi- nogène, mais je crois qu'elles servent bien plutôt à la formation de nouvelles cellules, connue le prouve la présence fréquente de deux noyaux, accolés comme s'ils provenaient d'une karyokinèsc récente. J'ai trouvé aussi assez souvent de grandes cellules de 15 [j. environ, renfermant le noyau habituel et en outre, quelques gros granules clairs qui ne ressemblent point au ferment albuminogène. Est-ce une substance préparatoire du ferment ou est-ce un résidu de fabrication? ETUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 45 Je ne veux émettre aucune hypothèse, ne me rendant aucunement compte de leur rôle. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas oublier que les deux dernières formes que je viens de décrire constituent une infime minorité; les cellules caractéristiques sont celles qui se développent en ami- hocytes; ce sont les seules qu'on puisse homologuer à celles de la thyroïde. Li/mphatiques. — Quand on coupe un thynms frais, on voit suinter quelques gouttes d'un liquide trouble, que la plupart des auteurs appellent suc thymique ; c'est tout simplement la lymphe contenue dans la glande, qui s'échappe en entraînant un certain nombre d'a- mibocytes mûrs et de cellules thymiques. L'existence des lympha- tiques, à mon avis, est indiscutable; j'ai vu bien souvent dans mes coupes, accolées aux vaisseaux sanguins, des cavités remplies d'un coagulum granuleux qui appartiennent certainement au système lymphatique; mais ne disposant pas d'un matériel suffisant, je n'ai point tenté d'injections montrant le trajet externe des lymphatiques qui, pour le thymus, restent encore à décrire. Toujours est-il qu'ils naissent de la périphérie de la glande et se perdent immédiatement dans son épaisseur en se divisant en un certain nombre de petites branches; ces petites branches s'ouvrent dans les espaces clairs, à cellules écartées, dont j'ai déjà parlé, et c'est par cette voie que peuvent s'échapper les amibocytes produits par le thymus. Oiseaux. — Chez les jeunes Pigeons, qui constituent de bons types pour l'étude du thymus, on découvre facilement de chaque côté du cou, entourées de corps adipeux, unechaînede petites glandes (cinq ou six) qui s'étend depuis la partie inférieure de la tête jusque près la bifurcation des bronches (pl.I, fîg. 17, Th) ; ce sont les thymus qui se sont divisés en plusieurs lobes, parfois réunis entre eux par un pont de substance thymique, parfois bien séparés. Les lobes accom- pagnent la veine jugulaire et le pneumogastrique, ce qui les rend faciles à trouver ; ils sont rosés et parcourus par de nombreux vais- seaux sangums. 46 L. GUf'NOT. Chez les jeunes Moineaux, les Ihymus sont formés de cinq ou six glandes, cachées en grandeparliesouslc jahot;deux de ces glandes, tout à fait cervicales, placées symélriquementàrorigine du cou, sont fort grosses et très faciles h trouver. Enfin, on pourra trouver dans Wiedershcim [Lehrbuch dev Verfjlei- chendenA)iatoviie,i^.o3^,i\S-'S8\,E) une honne ligure des thymus d'une jeune Autruche. Gomme chez le Surmulot, ces thymus assez volumineux sont sou- tenus par un réseau conjonctif qui offre exactement la môme appa- rence que figure 15, planche I ; c'est sur ce réseau formant de petites alvéoles irrégulières que cheminent les vaisseaux sanguins qui, sur les échantillons injectés, rendent fort nette la disposition alvéolaire du squelette conjonctif. Les cellules fort petites, de 5 à 6 p., sont formées d'un noyau ren- fermant un nucléole ou des granulations et d'une mince couche protoplasmique, souvent difficile avoir; elles présentent toutes les phases de transformation en amibocyles,cn s'entourant de granules de ferment, d'abord gros et incolores, puis devenant très réfringents et diminuant de taille. On voit assez souvent des formes de division ou cellules à deux noyaux. Couleuvre [Tropidonotus natrix). — Le long de la trachée, sur une bande conjonctive s'étendant depuis l'extrémité de l'os hyoïde jus- (ju'au cœur, on voit deux petites glandes allongées, très étroites, placées sur le côté ventral du conduit aérien : ce sont les thy- mus. Souvent ils sont divisés à leur extrémité en petits lobes (pi. 1, fig. 18) ; c'est la tendance à la division, si accusée chez le Pigeon, qui se dessine ici. Les thymus sont parcourus par une fine trame conjonctive qui ne présente aucune disposition régulière ; il n'y a pas là de lobules dé- finis, encore moins que chez les types précédents. On trouve des cellules de 8 à 12 \}. à zone protoplasmique minime (pi. I, fig. 19), à tous les stades de leur transformation en amibocytes; comme chez leSurniulut,ily a des plaques cellulaires à un, deux ou trois noyaux, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 47 destinées à la reproduction des cellules ; en somme, rien de nouveau à signaler. Batraciens. — Chez les Crapauds [Bnfo vuUjarà] adultes et de grande taille, il n'est pas très difficile de trouver les thymus ; ils sont situés sur les côtés de la tête, immédiatement sous la peau, un peu en arrière et au-dessus du tympan, sur le muscle depressor mandi- biilw; on peut en voirune bonne figure dans Wiedersheim {Lehrburch der Vergleichenden Anatomie, p. 352, fig. 381, A). Ce sont de petits corpuscules jaunâtres, irréguliers, de 2 milli- mètres environ , qu'il est facile d'isoler et de porter sous le micro- scope, 011 on peut les examiner après traitement par le carmin osmiqué. Chacun des thymus porte sur l'une de ses laces une artère (pi. I, fig. 20, ar) pigmentée en noir, entourée de son lymphatique habituel, et sur l'autre face une veine : l'artère se divise en un grand nombre de capillaires qui enserrent la glande pour aller rejoindre la veine de l'autre côté. Leydig en a donné une description tout à fait erronée : il n'y a ni lobules ni cavité centrale; en réalité, c'est une glande compacte, soutenue par un réseau conjonctif très irrégulier et bourrée de cellules à tous les stades de leur évolution. Les amibocytes produits par le thymus gagnent le lymphatique péri-artériel et arrivent ainsi dans l'appareil circulatoire. Au point de vue histologique, les thymus sont remplis de cel- lules de 10 \). en moyenne, formées comme toujours d'un gros noyau nucléole et d'une mince zone protoplasm^ique réfringente; on trouve aussi un grand nombre de cellules de 14 \). renfermant deux et même trois noyaux, qui sont les formes dévolues à la reproduction. Dans les échantillons que j'ai étudiés, j'ai trouvé un très grand nombre de cellules thymiques envoie de division, ce qui démontre, contrairement aux opinions généralement reçues, que les thymus sont des organes lymphatiques très actifs. 4S L. CUÉNOT. FOLLICULES CLOS. Si les thymus et la thyroïde sont des glandes nettement définies, constantes comme origine, comme rapports et comme anatomie, il n'en est plus de môme des glandes qui vont suivre: follicules clos et ganglions lymphatiques; celles-ci ont un caractère de variabilité qui contraste vivement avec la fixité des glandes précitées. Comme nous le verrons dans l'étude morphologique générale, cela s'explique par leur développement : tandis que les thymus et la thyroïde ont une origine lixc et bien déterminée, les follicules clos sont des amas locaux de cellules conjonctives qui se sont spécialisés en glandes lymphatiques ; d'un individu à l'autre, dans la même espèce, le nombre et la position des follicules clos varient dans des limites assez grandes. Les follicules clos sont de petits corps arrondis, visibles à l'œil nu ou h la loupe, mesurant jusqu'à 2 millimètres ; ils sont disséminés dans tout l'organisme ; on en trouve à la base de la langue, dans les amygdales, mais leur lieu d'élection est l'intestin, où on les trouve, soit isolés, soit réunis par groupes plus ou moins considérables, for- mant les plaques de Peyer. Plaques de Peyer. — On peut les étudier facilement dans l'intestin grêle du Surmulot {Mus decumanm), où les plaques de Peyer sont formées d'un petit nombre de follicules clos (8 à 10). On détache le fragment d'intestin où se trouve la plaque ; on fixe et on colore au carmin osmiqué. Après avoir examiné la pièce de champ, on peut ensuite en faire des coupes horizontales qui complètent les résultats fournis par l'étude précédente. La plaque de Peyer, d'environ 8 millimètres, est entourée d'un réseau lymphatique assez serré (pi. III, fig. 'À, l), qui se trouve immédiatement en dessous de l'épilhélium intestinal ; on voit faci- lement qu'au niveau de chaque follicule clos, les lymphatiques se jettent dans celui-ci et se perdent bientôt dans son épaisseur. Dans les magnifiques planches que M. Sappey consacre aux plaques de ETUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LVMPHATinUES, 49 Peyer {Anafomic el Iconographie dea lymphatiques, pL I, iig. 18; pi. XXXII), on verra également que les lymphatiques partent des follicules, qui constituent leur lieu d'origine, bien que les dispositions anatomiques soient notablement différentes chez l'Homme et le Surmulot. Par les coupes, on constate que le follicule clos a la forme d'une lentille biconvexe, faisant légèrement saillie à la surface de l'intestin et abordée par les lymphatiques suivant son plan diamé- tral. Ceux-ci naissent à la périphérie de la glande, comme les lym- phatiques du thymus, et ne pénètrent pas bien avant à l'intérieur, lis forment un réseau serré, dont les canaux ont environ 30 \}. de diamètre, et contiennent, après l'action de l'alcool et d'autres réactifs, un coagulum et d'assez nombreux amibocytes provenant évidemment des follicules clos dont ils dépendent. Les plaques de Peyer sont richement vascularisées ; les veines et les artères se divisent en capillaires qui forment une auréole irrégulière sur le pourtour de chaque follicule clos. Le follicule clos est soutenu par une trame conjonctive très fine, un peu plus lâche vers le centre, qui soutient les cellules (pi. III, fig. 7,/"). En somme, la constitution est identique à celle du thymus, à cela près que ce dernier, étant plus volumineux, nécessite un squelette conjonctif plus résistant. D'ailleurs, quand le thymus est divisé en petits lobes, comme cela arrive chez le Surmulot, chacun de ceux-ci est presque identique à un follicule clos. (Juant aux cellules, elles sont tout à l'ait semblables à celles du thymus; on rencontre toutes les phases de transformation, depuis le noyau, entouré d'une mince couche protoplasmique, jusqu'àl'ami- bocyte parfait, rempli de granules de ferment albuminogène; Je ne m'y arrêterai donc pas plus longtemps. La distribution des follicules clos dans l'intestin présente des par- ticularités très intéressantes ; comme je l'ai dit plus haut, ils sont remarquables par leur variabilité. Chez un grand nombre de Sur- mulots, on trouve seulement trois plaques de Peyer, une sur le duodénum, une a l'extrémité du caecum et la troisième sur le rectum ; AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÊ>-. — 2<^ SÉRIE- — T. VII. 188^. 4 m L. (UTft.\OT. mais il est des individus chez lesquels ou ne peuL eu trouver une seule et d'autres qui en possèdent quatre, à des places différentes. Chez les Lapins et les Lièvres, Rongeurs pourtant assez voisins du Surmulot, les follicules clos sont disposés dune façon toute diffé- rente : au point où l'iléon s'abouche avec le caîcum, on voit une poche arrondie, proéminente, de 3 centimètres de haut, qui est formée d'un nombre considérable de follicules clos pressés les uns contre les autres; c'est ce que les anciens anatomistes appelaient sacculus rutundus. Le caecum, qui, comme on le sait, est fort volu- mineux et très long (45 centimètres chez le Lièvre) chez ces Rongeurs, se termine par une portion cylindrique ', d'environ \~2 centimètres de long, blanchâtre, lisse, tranchant nettement par sa couleur avec le reste du caecum ; cette partie terminale n'est qu'une gigantesque plaque de Peyer, formée de follicules volumineux, richement vascu- larisés, qui, d'après un calculforcémentapproximalif.sont au nombre cronviron ^JîOOO (chiffre certainement bien au-dessous de la vérité). Bien qu'ayant toujours pour base le follicule clos typique, la struc- ture du .sacc/.^/ws ro^w^f/ws et de la portion terminale du ciecum dif- fère notablement de celle d'une plaque de Peyer comme je l'ai glande en forme de bouteille à col court, simple inva- gination de l'épithélium intestinal; en effet, ({uand on regarde de champ la paroi interne du caicum, on voit un petit orifice au-dessus de chaque follicule clos. L'épithélium intestinal, d'abord forme de cellules assez hautes (pi. 111, fig. ;2, e) dessine une espèce de tourie (qu'on me par- donne la comparaison en faveur de son exactitude), dont le fond serait soulevé par le follicule clos ; sur ce fond, les cellules intesti- ' Voir dans l'ouvrage do M. Bappey, pi. .\XXIII, lig-. 3 et 4. ftTUDES SUR LE SANfr KT LES GLANDES LVMPFI VTIQUE^. H| nales reposant immédiatement sur le substiatuni conjonctif du folli- cule sous-jacent, sont beaucoup moins hautes , presque cul)iques. Ces cellules, examinées à l'état frais ou après l'action du carmin osmiqué (pi. III, fig. 2, e), renferment un gros noyau ovoïde et de nombreuses granulations jaunâtres, réfringentes, qui ont cer- tainement un rôle dans la digestion cœcale ; elles portent un épais plateau très net , et sont solidement unies entre elles, en se moulant les unes sur les autres, ce qui explique l'irrégularité deleurs formes; elles reposent immédiatement sur le tissu conjonctif sous-jacent. Cette glande ceecale ou intestinale est donc une glande en tube, à une seule rangée de cellules. Les follicules clos sont séparés les uns des autres par des piliers conjonctifs, ayant sur la coupe une forme triangulaire et à l'intérieur desquels cheminent les lymphatiques et les vaisseaux sanguins. Sui' h peu près la moitié de leur hauteur, les follicules ne sont plus libres, mais bien plongés dans du tissu conjonctif très fibreux, richement vascularisc; enfin, par leur fond, ils reposent sur les deux couches musculaires de l'intestin, recouvertes du péritoine. Les vaisseaux sanguins donnent des capillaires qui, comme ceux des plaques de Peyer, se disposent en couronne autour de chaque follicule clos, ce qui rend leurs limites faciles à distinguer. Quant aux lymphatiques, ils sortent du follicule surtout vers le milieu de sa hauteur, puis ils remontent vers un réseau superficiel tout à fait semblable à celui des plaques de Peyer ordinaires'. H est presque inutile de dire que ces follicules clos ont la dispo- sition habituelle : fine trame conjonctive couverte de cellules, qui montrent très nettement toutes les phases de transformation en amibocytes parfaits. Chez le Hérisson {Erinaceus europseus), l'intestin présente un petit nombre de plaques de Peyer (cinq ou six), mais remarquablement belles et grandes (jusqu'à 3"='", 5 de longueur), comprenant de 30 à • Frey a décrit les lymphatiques des follicules clos du Lapin; mais je crois que sa description n'est pas parfaitement exacte. m h. CUÊNOT. 360 follicules clos; chez runique individu que j'ai disséqué, elles étaient placées sur le duodénum et surtout sur le gros intestin. Tout ce que j'ai décrit pour le Surmulot peut s'appliquer exactement au Hérisson ; les lymphatiques forment un réseau serré, très net entre les divers follicules, et dont les branches aboutissent à ceux-ci, comme planche III, figure 3. Gomme chez le Surmulot et le Lapin, le nombre des follicules clos isolés est très petit; la disposition lypique des glandes lymphatiques dans Tinteslin est évidemment la plaque de Peyer. Vertébrés inférieurs. — On trouve encore des follicules clos, soit isolés soitagminés en plaques de Peyer, chez les Oiseaux(Pigeon)et chez les Reptiles ; mais ils disparaissent complètement chez les Batraciens. A mon avis, il existe pourtant, dans l'intestin de ces animaux, d'im- portants appareils qui produisent des amibocytes, mais qui ne sont pas spécialisés en follicules. Si l'on fait des coupes dans le duodé- num d'un Crapaud ou d'un Triton, par exemple, là où la paroi est blanchâtre, assez épaisse, on peut être certain de trouver des amas de cellules conjonctives qui présentent différentes phases de trans- formation ; la figure 4, planche III, représente une coupe ainsi pra- tiquée, montrant l'épithélium intestinal, formé de hautes cellules à plateau, surmontant une épaisse couche conjonctive, limitée en bas par les muscles circulaires de l'intestin. Cette zone moyenne, très vasculaire, montrant surtout les capillaires destinés à la nutrition de Képithélium intestinal (c), contient aussi des cavités que je rapporte au système lymphatique, le tout est plongé dans une masse de fibrilles conjonctives et de noyaux identiques, comme taille et comme caractères, aux noyaux des amibocytes; de place en place, on en voit qui sont entourés d'une couche plus épaisse de protoplasma granuleux; ce sont des cellules mûres, prêtes à passer dans la circu- lation. Quand on regarde de champ cette même partie de l'intestin, par la face interne, on voit, surtout chez le Triton, que ces noyaux ne se disposent pas en follicales ; toutefois ils forment par places des ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 53 amas irréguliers, qui sont les premiers indices d'une concentration, d'une difTérenciation plus grande. GANGLIONS LYMPHATIQUES. Jusqu'ici les glandes lymphatiques que nous avons examinées ont pour caractère commun d'être un lieu d'origine pour les vaisseaux excréteurs; il n'en est plus de même pour les ganglions lympha- tiques, qui sont simplement situés sur le trajet de vaisseaux, qui s'ouvrent à leur intérieur. Cette différence, d'ordre morphologique, a une certaine influence sur l'anatomie des ganglions, comme nous le verrons tout à l'heure. Comme pour les follicules clos, nous pou- vons noter une grande variabilité comme position et comme nombre. Les ganglions lymphatiques se présentent sous deux formes, très dissemblables en apparence, identiques quant au iond. Tantôt ils sont très nombreux et fort petits, ramassés par groupes ou isolés : l'Homme fournit le meilleur type de cette conformation ; tantôt ils sont peu nombreux, mais d'une taille parfois considérable : le Sur- mulot {Mus decumanus), le Hérisson {Erinuceus eiiropaeus) et le Chien, nous fournissent un excellent exemple de cette disposition, qui est probablement la plus fréquente chez les Mammifères, car on la si- gnale aussi chez le Daman (Meckel et George), les Antilopes (Gegen- baur), le Phoque et le Dauphin ; elle existe à un degré moins accentué chez les Lièvres et les Lapins, où on trouve souvent un mélange de petits ganglions (comme ceux de l'Homme) et de gros, comme ceux du Surmulot. Chez le Surmulot (pi. III, fig. 8, y), on trouve, sur le mésentère et parallèlement au côlon, un groupe de glandes volumineuses en- tourées de tissu adipeux : ce sont les ganglions lymphatiques, tou- jours peu nombreux (cinq ou six) -, la disposition que j'ai représentée n'est naturellement pas constante; chez quelques individus, on trouve le groupe remplacé par un seul ganglion très allongé et unique de 8 centimètres de long ; ce qui est une taille au moins U L. GUriNOT. égale à celle des ganglions humains* (malgré l'énorme difl'érenee de volume du Surmulot et de l'Homme). Outre ces ganglions mésenlé- riques, on en trouve encore un groupe de deux sous le rectum, bien au-dessous des reins ; d'autres sur l'épiploon gastro-spléniquc ; d'autres encore, très volumineux, à la région cervicale. Je le répète, ces glandes sont absolument différentes, comme aspect, de celles de l'Homme, et on a peine à croire, au premier abord, que ce soient des ganglions lymphatiques. Chez le Hérisson (^rmacews europœus), on trouve sur le mésentère, entre le côlon et le duodénum, une longue glande, légèrement noi- râtre, assez irrégulière de forme, d'environ 5 centimètres de long, qui représente la chaîne de ganglions que nous venons de décrire chez le Surmulot ; elle est accompagnée par quelques petits gan- glions de 2 à 5 millimètres situés près de l'estomac. Tous les gan- glions des parois du corps sont également assez volumineux et légèrement pigmentés en noir. Le Hérisson montre donc à peu près la môme disposition que le Surmulot, avec une concentration encore plus grande des ganglions mésentériques. Chez le Lièvre (Ze/j^s vulgaris)^y,i\ Irouvé aussi sur le mésentère un groupe de trois ou quatre gros ganglions, mesurant 2'"', 5, rappelant I Oit à fait ceux du Surmulot ; la disposition est moins accentuée chez le Lapin, où les ganglions augmentent de nombre en même lemps qu'ils diminuent de volume ; chez cette dernière espèce, on (iu trouve aussi de forts petits (1 millimètre), identiques à ceux de l'homme. Chez le Chien, où ils sont connus depuis longtemps, les ganglions mésentériques forment une masse volumineuse allongée, qu'un a appelée bien improprement/jancreas d'AselU; il en est de môme pour les Antilopes, le Phoque et le Dauphin. Chez un jeune Chien, j'ai vu deux gros ganglions lombaires, comme chez le Surmulot. Anatomie des ganglions lymphatiques. — Nous allons d'abord étudier ' Les ganglionslymphatiques de l'Homme mesurent depuis un quart de millimètre jusqu'à 2<:"',7. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLÂNDI-S LYMPHATIQUES. 55 le type le plus fréquent, les ganglions volumineux, comme ceux du .Chien et du Surmulot, dont l'anatomie est d'ailleurs plus lacile à élucider. Quand on regarde, sur l'animal frais ou sur le vivaul, un des gros ganglions mésentériques de l'une de ces espèces (pi. III, fig. 8, g), on voit qu'ils sont richement vascularisés ; les capillaires sanguins dessinent à la surface de ces organes des aréoles irré- gulières, qui rappellent vaguement les plaques de Peyer, mais l'ana- logie s'arrête là ; nous verrons tout à l'heure à quoi tient cette appa- rence lobée des ganglions, plus ou moins accentuée suivant les individus. Si on fait le même examen lorsque l'animal est en pleine diges- tion, on voit alors très bien les lymphatiques aflerents et efïerents remplis de chyle blanc ; le ganglion est lui-même injecté de chyle dans toute son épaisseur. Quand on le coupe rapidement, on cons- tate que le chyle n'est pas répandu uniformément dans la masse, mais suit au contraire un trajet irrégulier, aréolaire, qui corres- pond à peu près à celui des capillaires sanguins. C'est tout ce que peut nous apprendre l'examen sur l'animal frais, il faut avoir recours au procédé des coupes, qui sont très faciles à prati- quer (fixation à^l'alcool picrique, coloration au picrocarmin de Ran- vier, durcissement et inclusion dans la paraffine). La figure 5, planche III, qui se rapporte au Surmulot, montre un type véritable- ment caractéristique: le ganglion, enveloppé par une couche de tissu conjonctif aréolaire appartenant au mésentère et contenant les vais- seaux sanguins et lymphatiques, présente des zones très colorées, plongées dans un tissu beaucoup plus lâche et beaucoup moins teinté; ce mélange de deux parties si différentes saute aux yeux au premiei' abord. Les rognons colorés, très irréguliers comme volume et comme forme, mais beaucoup plus nombreux à la périphérie qu'au centre du ganglion, sont des amas de cellules lymphatiques ras-, semblées presque toujours autour d'un vaisseau sanguin : ce sont les parties véritablement actives du ganglion, c'est là que se déve- 56 l. aiENOT. loppeiit en grand nombre» les amibocytes; enfin la nnlrilion y Cbt plus active qu'ailleurs, en raison de la riche vascularisation de ces. rognons. Les parties plus lâches et moins colorées représentent le trajet de la lymphe (ou du chyle); c'est un tissu conjonctif aréo- laire, qui porte aussi des cellules lymphatiques, mais qui, au point de vue de la formation des amibocytes, est incomparablement moins actif que les rognons colorés. La lymphe, et c'est là un point important sur lequel je désire appuyer, la lymphe, dis-Je, ne pénè- tre point dans les parties compactes, elle suit le trajet dessiné par les parties lâches interposées, trajet mal endigué, mais constant, comparable au cours du sang dans les lacunes du corps d'un Ar- tiiropode ; les amibocytes mûrs formés dans les parties compactes passent de celles-ci dans les parties lâches où ils sont emportés par la lymphe efférente; ce trajet se fait de leur propre mouvement ou par une vis à lergo spéciale, absolument comme pour les amibo- cytes de la thyroïde, du thymus ou des follicules clos, qui passent de même dans les lymphatiques excréteurs. Sur l'animal tué en pleine digestion, on peut facilement se convaincre de la vérité de mon assertion : on voit parfaitement le chyle suivre un trajet aréo- laire, en circonscrivant des espaces irréguliers qui ne sont autres que les parties compactes dont je viens de parler ; sur les coupes, on trouve de même dans le tissu lâche un coagulum granuleux qui correspond au chyle, tandis que dans les rognons compacts on voit de l'albumine analogue à celle des vésicules thyroïdes et formée dans le ganglion même: il n'y a donc pas passage de la lymphe dans les parties pleines, mais seulement imbibition par contact. Si l'on considère comme centi-e le vaisseau sanguin, qui est généralement l'axe de l'amas de cellules, on pourra dire que les cellules mûres suivent une direction (centrifuge pour se rendre dans le tissu aréo- laire, tandi-^ que l'imbibition partant de ce dernier suit une direc- tion centripète. Rapports des lymphaliques. — On a longtemps discuté pour savoir si les lymphatiques s'ouvraient dans les ganglions, ou si, au con- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 57 traire, ils s'y pelotonnaient sans perdre leur paroi ; il suffit d'une injection ou plus simplement encore d'examiner un ganglion chez un animal en digestion, pour se convaincre que le chyle se répand bien dans les interstices du tissu aréolaire ; les lymphatiques afle- rents perdent leur paroi presque aussitôt entrés dans le ganglion, vers la périphérie ; la lymphe qu'ils contiennent suit le trajet des- siné par le tissu aréolaire interposé entre les parties compactes, en entraînant les globules mûrs qui y sont arrivés, puis passe dans les lymphatiques elTérents, dont la paroi se reforme plus ou moins profondément dans le ganglion. Comme l'a remarqué Robin, le chyle, peu coagulable à l'origine des vaisseaux chyhfères, le devient davantage après avoir traversé les ganglions mésentériques. Cela est tout naturel, si l'on pense à la fonction albuminogène du ferment des amibocytes, ferment qui se forme en abondance dans les ganglions lymphatiques. Histologie. — 11 est à peine besoin, je pense, d'insister sur la com- position histologique du ganglion. Les rognons compacts sont for- més d'une trame conjonctive très fine, bourrée de cellules lym- phatiques; la figure 7, planche 111, montre cette trame très grossie, avec un peu moins de cellules qu'en réalité. Le tissu aréolaire est formé d'une trame beaucoup plus lâche, qui porte aussi de nom- breux noyaux. Les cellules sont toutes semblables et identiques à celles que nous avons déjà vues dans les follicules clos et le thymus du Surmulot : noyau contenant un ou plusieurs nucléoles et en- touré d'une mince zone protoplasmique réfringente; il est très fa- cile de constater, par le traitement au carmin osmiqué, le dévelop- pement en amibocytes et l'accumulation autour du noyau des granules de ferment albuminogène; je n'insisterai donc pas plus sur ce point. Comparaison avec divers Mammifères. — L'anatomie des ganglions lymphatiques, si bien caractérisée chez le Surmulot, s'étend facile- ment aux autres animaux; chez le Lapin, les rognons compacts ne sont pas si distincts, mais forment une masse très contournée, per- S8 l. CUÉNOT. cée et entourée de toutes parts par le tissu aréolaire, trajet suivi par la lymphe, (-lie/ le Hhien et le Hérisson, dans les gros ganglions du pancréas d'Asclli (pi. III, fig. 6), la disposition est plus sem- blable à celle du Surmulot; les parties compactes forment une épaisse zone périphérique, puis se divisent vers l'intérieur en très nombreux et très petits rognons. Les petits ganglions lymphatiques (Homme, Lapin) ont une struc- ture identique; comme dans les gros ganglions, la lymphe ne les remplit pas entièrement, mais suit un trajet irrégulier, en épar- (jnaat de place en place des parties actives. Comme nous l'avons vu (Chien, Hérisson, Surmulot), il arrive sou- vent que les parties compactes sont plus serrées à la périphérie du ganglion qu'au centre, ce qui a fait croire à l'existence d'une zone médullaire centrale, ce qui est absolument erroné ; ce nom ne ré- pondant à rien d'exact, il serait utile de l'abandonner. Origine et homologies des ganglions lymphatiques . — Les ganglions lymphatiques sont des amas de cellules lymphatiques, s'accumulant en divers points du corps au voisinage des lymphatiques, qui plus tard s'ouvrent à leur intérieur, de manière à former des vaisseaux ati'érents et elférenls : c'est le même mode de développement que pour les follicules clos : donc un ganglion est homolo- gue à un follicule clos, quel- les que soient les différen- ces de taille et de composi- tion. Seulement, tandis que Cl', dei'uier constitue un lieu d'origine pour les lympha- tiques, le ganglion est sim- plement interposé sur le trajet de ceux-ci ; cette difl'érence n'est pas si considérable ni si im- portante qu'on pourrait le croire; il y a bien des cas où il est impos- sible d'établir une ligne de démarcation absolument nette ; ain^i /• Ganglion méscntérique de Laiiiii. c, capillaires; /, lymplialique ; m, mésenlt";i'C .'/. ganglion. ÉTUDES SUR LE sXnG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 59 dans la ligure du texte qui représente un petit ganglion mésenlé- rique (l»") du Lapin, il est bien évident qu'il n'y a pas de lympha- tiques allerents, et que les vaisseaux qui sortent du ganglion pour se jeter dans le chylifère {l) qui le longe, y prennent bien leur ori- gine : ce ganglion est donc identique à un follicule clos. D'autre part, il y a bien des follicules clos (plaques de Peyer du Surmulot, du Hérisson, etc.) qui sont simplement interposés sur le trajet de lymphatiques (pi. 111, lig. 3, g]. Toutefois la distinction en follicules et ganglions, quoique inexacte au point de vue morphologique, est très utile à conserver pour la commodité des descriptions gé- nérales. Vertébrés inférieurs. — On sait que, chez les Oiseaux, les ganglions lymphatiques disparaissent à peu près complètement; on ne trouve plus qu'un groupe cervical sur les côtés de la tête, qui, à la vérité, est fort actif et m'a montré nettement la formation des amibocytes. Chez les autres Sauropsidés, les Batraciens, la plupart des Poissons, on ne trouve plus de ganglions; chez les Batraciens, j'ai trouvé une disposition qui les remplace et qui n'existe jusqu'à présent que chez ces animaux. On sait que chez les Grenouilles, les (^a-apauds, les Tritons, etc., les lymphatiques, comme Rusconi l'a reconnu le premier, entourent la plupart des artères, de sorte que dans une vue de champ (pi. IV, lig. 1, /) on voit de chaque côté de l'artère une ligne peu distincte qui marque la limite du lymphatique périvasculaire. Ceci posé, si on examine soit un mésentère sur l'animal vivant, par divers procédés clas- siques,soit un mésentère --^^^^"""^M^ an lixé à l'acide osmique et _/ -*.--»=^ colore au carmin, ce qui Coupc transverse d'une artère (ar) entourée de sa coucho „„. 1 , -, lymphatique (o) ; i, lymphatique; m, mésentère. estplus commode, on voit 4 v»/ . . j ^ 4 . . que la paroi artérielle présente une épaisseur exceptionnelle; elle est hmitéeparl'endothéhumhabitueletpaî'une mince couche musculaire à noyaux fusiformes, allongés dans le sens de l'artère; puis, en dehors, 60 " L. CUENOT. se trouve une couche de tissu conjonclifet de noyaux (pi. IV, fig.2, anguins, on voit que ce sont des groiipeinenls compacts de cellules lymphatiques, généralement réunies autour d'un vaisseau sanguin axile; ces corpuscules de Malpighi s'unissant les uns aux autres, sont excessivement irréguliers de forme (pi. IV, fig. 12, g) et sont entourés d'un tissu plus lâche, aux cellules moins nom- breuses, qui est exclusivement parcouru par le courant sanguin. Qu'on compare maintenant avec le ganglion lymphatique : le chemin suivi par la lymphe est homologue à celui que parcourt le sang; les rognons compacts des ganglions correspondent exactement aux cor- puscules de Malpighi de la rate ; c'est dans les parties lâches du gan- glion que s'ouvrent les lymphatiques; de même, pour la rate, c'et dans la pulpe rouge que s'ouvrent les artères et les veines. Ce qui a rendu si obscurs l'anatomie et le rôle des corpuscules de Malpighi delà rate, c'est l'emploi de procédés de préparation dépour- vus de toute rigueur ; on prétend souvent, et les figures qui le repré- sentent sont classiques (Frcy, Traité d'Histologie, fig. ;J89), que les corpuscules précités sont de petits corps arrondis, suspendus aux artères et formés par une expansion particulière de leur membrane celluleuse; effectivement par le lavage de la rate et une longue ma- cération, on arrive à détacher les artères portant de petits corps irré- guliers (bien plus qu'on ne le figure), qui ne sont nullement dos corpuscules autonomes différenciés, mais bien des amas de pulpe blanche groupés autour du vaisseau qui assure leur nutrition (comme nous l'avons vu pour les ganglions lymphatiques). Ce qu'on obtient par un procédé aussi artificiel et donnant des résultats aussi faux que la macération, on ne pourrait pas en voir la moindre trace en agis- sant soit sur le frais, soit sur des échantillons fixés d'une manière rigoureuse. Leydig avait déjà vu que ces corpuscules ne pouvaient être facilement isolés, qu'ils se fondaient pour ainsi dire, quand on essayait de les porter sur une lamelle ; en effet ces amas sont con- tinus avec la pulpe rouge et ne sont nullement entourés d'une mem- brane distincte. C'est pourquoi je trouve que le nom de corpuscules de Malpighi, qtii ne répond à rien d'exact, doit être rejeté ; il est 61 L. CUÉNOT. bien préférable de se servir du lerrae de pulpe blanche, qui ne donne prise à aucune ambiguïté. En résumé, la rate présente absolument la structure d'un ganglion lymphatique, quoique plus difficile à élucider: elle est parcourue par un courant sanguin, non endigué, irrégulier, mais constant (c'est- à-dire que chez un individu donné, le sang suit toujours le même trajet dans la rate), qui épargne de place en place des amas irrégu- liers de cellules, généralement groupés autour d'artères, qui cons- tituent la pulpe blanche {alias corpuscules de Malpighi). On conçoit que la proportion de la pulpe blanche et de la pulpe rouge varie presque àliiifini; tandis que la première forme d'assez gros nodules chez le Surmulot, elle est divisée en petits grains chez le Chien, le Hérisson (on peut remarquera peu près le même rapport p(Mir les ganglions lymphatiques de ces animaux). Je ne m'arrêterai pas sur la structure de la charpente conjonctive de la rate; très serrée et très fine dans la pulpe blanche, elle est plus lâche et plus aréolaire dans les parties parcourues par le sang. Le Chien offre un développement remarquable du tissu conjonctif de la rate, qui est dure et résistante au loucher; dans les coupes (pi. IV, fig. 12, /) on aperçoit toujours de gros piliers conjonctifs très solides, généralement parcourus par les vaisseaux sanguins, qui traversent la rate en tous sens ; quand on lave l'organe par un fort courant d'eau, tous les éléments cellulaires ayant disparu, il reste une sorte d'épongé, très élastique et résistante, formée par la trame con- jonctive. Artè7^es, veines, lymphatiques. — 11 est absolument prouvé que les veines et les artères, après s'être divisées un certain nombre de fois, s'ouvrent dans la pulpe rouge par des orifices latéraux et par leurs extrémités, comme on peut le constater sur h; vivant chez le Triton ; leur endothélium s'arrête aux bords de l'orilice, leur tunique cellu- leuse se continue avec les trabécules ([o la rate, de sorte qu'une injection poussée dans la pulpe rouge passe toujours dans les veines. Pour les détails, je renverrai aux dilférenls travaux qui ont traité de ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES, m la rate (W. MiillGr, Frey, Stieda, Poiichet et, spécialement pour les Poissons et les Batraciens, au travail de M. Phisalix'). Quant aux lymphatiques, les uns périphériques, les autres pro- fonds, il est bien certain qu'ils ne s'ouvrent pas dans la pulpe rouge, puisqu'ils ne contiennent aucune hématie; quand on pousse avec force une injection dans la rate, de façon à ce que celle-ci se gonfle, il ne passe pas une goutte de liquide dans les lymphatiques, tan- dis que les veines et les artères sont entièrement injectées. Mais il est bien probable qu'il y a des lymphatiques profonds qui ont comme origine quelques rognons de pulpe blanche, avec lesquels ils ont les mêmes rapports qu'avec un follicule clos ; j'ai vu dans une coupe, sur les côtés d'un amas de pulpe blanche, une lacune lymphatique qui reformait sa paroi un peu plus loin. Toutefois cette question n'a jamais été parfaitement élucidée; en tout cas, elle n'a qu'une impor- tance tout à fait secondaire, la rate étant uniquement parcourue par le courant sanguin. Evolution des éléments cellulaires de la rate. — Gomme je l'ai dit précédemment, la rate a une double fonction: d'une partielle forme des amibocytes, comme toutes les glandes lymphatiques, d'autre part des hématies, dont elle est, à mon avis, la source exclusive. C>e?, deux sortes d'éléments se trouvent dans Va pulpe blanche et dans la pulpe rouge, les hématies se formant peut-être plus abondamment dans la seconde de ces parties. Traiter de Pévolution des éléments spléniques, c'est étudier aussi le développement des globules rouges; or, cette question est si con- troversée, qu'on ne saurait procéder avec trop de méthode et de précision; je vais prendre comme types deux Batraciens, le Triton et la Grenouille, chez lesquels les éléments figurés du sang, vu leur grande taille, sont plus faciles à étudier. Si l'on prend une rate entière de Triton vulgaris et qu'on examine les éléments après l'action du carmin osmiqué et de la glycérine, on 1 De la raie citez les [clUhyopsidœ {Afchives de zoologie expérimentale, 2= série, t. III, î88o,p. 369). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉrV. =- 2f SÉRIE. — T. VU. 1889. S V yc L. cuénot. voit que le conleiiii (à pari les hématies du courant sanguin) est en- tièrement l'orme de noyaux entourés d'une zone très minime de protoplasma et mesurant de 8 à 16 ;j. (pi. IV, tlg. 8, n; lig. 9, n) ; ces noyaux sont très réfringents sur le vivant et se colorent à peu près uniformément par le carmin; le protopiasma qui les entoure a un contour net, très souvent anguleux (probablement par compression avec les cellules voisines). Souvent l'on trouve des cellules en voie de division (pi. IV;, fig. 9, n'), ce qui avait été remarqué auparavant par MM. Bizzozero etPhisalix; cela n'a rien qui puisse nous surprendre; il en est de même dans toutes les glandes lymphatiques ; mais il faut bien noter que la division des cellules ne se fait que lorsque celles-ci sont encore jeunes, n'ont encore subi aucune différenciation en hé- matie ou en amibocyte; à mon avis, contrairement aux assertions de MM. Phisalix et Bizzozero, il n'y a jamais division de cellules lorsqu'elles ont commencé à fabriquer du ferment albuminogène ou lorsque leur protopiasma s'est étalé en disque. MM. Bizzozero et Torre^ paraissent surpris du nombre considérable de noyaux en voie de division qu'ils trouvent dans la rate du Triton ; il n'y en a pas plus chez cet animal que dans la rate d'un Oiseau ou d'un Mam- mifère quelconque, et pas plus que dans n'importe quelle glande lymphatique, le thymus du Crapaud, par exemple; la rate du Triton ne présente donc rien d'exceptionnel sous ce rapport, pas plus que pour le développement des hématies, comme nous le verrons tout à l'heure. Ces noyaux, presque semblables, vont évoluer de deux façons dif- férentes; les plus petits, de 8 à 10 [>., qui ont un contenu très réfrin- gent et très contourné, paraissant même verdâtres, quittent la raie tels quels, emportés par le courant sanguin ; nous verrons ce qu'ils deviendront dans le sang. Les plus gros, de 10 ;'i 16 [x, qui ont un double contour et paraissent moins réfringents que les premiers, s'en- tourent peu à peu de granules réfringents dcfcrmenl albuminogène 1 De l'origine des corpuxcules sanguins dans les différentes classes de Vertébrés {Arrliives ilalioinrs de biologie, IHSS). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 6? (pL IV, fîg. 9 et 10), acquièrent des mouvements amiboïdes et finissent par se transformer tout à fait en amijjocytes ; quand ils sont parfaitement mûrs, ils quittent la rate et s'en vont dans le sang ac- complir les fonctions qui leur sont dévolues. Tous les auteurs précédents, Bizzozero, Phisalix, Pouchet, Malassez disent que les globules rouges se forment dans la rate; à l'appui de leur opinion, ils décrivent ou ils figurent tous les passages entre la cellule splénique et le globule rouge adulte : « ... avec un peu d'at- tention, on reconnaît autour de ce noyau (celui de la cellule splénique) une zone étroite de protoplasma peu réfringent, d'une coloration jaunâtre légère, mais très nette, surtout si l'on a employé lo picro- carmin... Cette zone liémoglobique augmente peu à peu à mesure qu'elle se différencie davantage et il se forme de véritables globules sanguins dont le noyau diminue progressivement (Phisalix, p, 44G). » En réalité il n'en est pas ainsi, c'est le procédé d'étude employé par la plupart des auteurs précités qui les a induits en erreur ; en effet, nous avons vu que si l'acide osmique fixait bien les cellules, le picro- carmin avait l'inconvénient grave de gonfler considérablement le noyau des hématies; pour le cas particulier qui nous occupe, il a encore une autre propriété dont il faut être prévenu : il colore en jaune le protoplasma de la cellule splénique et lui donne une réfrin- gence comparable à celle d'une zone hémoglobique; les auteurs pré- cités ont comparé les hématies normales du sang de passage dans la rate et les éléments propres de celle-ci; ayant d'un côté des cellules spléniques colorées en jaune, de l'autre des hématies à noyaux gon- flés (ce qui diminue d'autant la zone hémoglobique), il n'est pas dif- ficile de trouver artificiellement tous les passages entre la cellule splénique et l'hématie. Je résume, en disant queyamaîs on ne trouve dans la rate d'intermédiaires directs entre la cellule splénique et l'hématie, comme l'ont décrit à tort MM. Bizzozero et Torre; et que les procédés qui tendent à les établir sont absolument artificiels. En effet, si on étudie une rate dilacérée dans la lymphe, sans l'action d'aucun autre réactif, on ne verra que les deux sortes d'élémcnls que 68 L. CUÉNOT, j'ai décrits : IMes noyaux qui se développent en amibocytes ; 2° les noyaux un peu plus petits et plus réfringents, qui s'en vont tels quels dans le sang. Je puis le dire tout de suite, ces derniers sont les noyaux des fu- tures hématies; il suffit de prendre une goutte de sang, en quelque partie du corps que ce soit, de l'étendre sur une lamelle qu'on lute ensuite, afin de l'examiner à un fort grossissement (oc. 3, obj. 9 imm. Nachet), pour suivre phase par phase toutes leurs transfor- mations, qui sont fidèlement représentées planche IV, figure 8. On se souvient que le sang contient des amibocytes à toutes les phases de régression, depuis la cellule parfaitement mûre, pleine de granules de ferment, jusqu'au noyau entouré d'une mince couche protoplasmique; il est assez singulier de constater que les deux espèces d'éléments figurés s'y trouvent représentées, les unes par toutes les transformations descendantes (amibocytes), les autres par toutes leurs transformations ascendantes (hématies). Tandis que l'amibocyte quitte les glandes lymphatiques et la rate à l'état de ma- turité parfaite, l'hématie sort de ce dernier organe à l'état de noyau. Il n'est pas toujours très facile de distinguer dans le sang le noyau lymphatique (dernière phase de famibocytc) du noyau splénique (première phase de l'hématie) ; en effet, le premier est revenu par régression au point d'où il était parti et d'où part également le second, à savoir le noyau entouré d'une mince couche protoplasmi- que. Toutefois, avec un peu d'habitude, on remarque que le pre- mier noyau (amibocyte) moins réfringent et à contenu moins bos- selé que le noyau hématique, a une taille un peu plus grande (12 [). au lieu de 9 p.); tandis que le premier est entouré d'une mince zone protoplasmique, émettant quelques fins pseudopodes, le second a une enveloppe plus lisse et plus claire. Si, au point de vue histolo- gique, il n'est pas toujours très facile de séparer les deux noyaux, nous verrons qu'il n'en est pas de môme au point de vue physiolo- gique, et que Jamais le noyau de l'amibocyte n'évolue en hématie. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 69 Prenons donc ce noyau hématique, que nous avons trouvé en abondance dans la rate et qui est aussi très fréquent dans le sau"-, et étudions son évolution (pi. IV, fig. 8, «) : d'abord entouré d'une très mince zone protoplasmique, parfaitement lisse, on voit peu à peu celle-ci s'écarter du noyau, de façon à figurer une len- tille aplatie de forme circulaire ou elliptique ; à la surface du nucléus, se forment de petits granules réfringents [gb) qui s'en détachent pour tomber dans la cavité cellulaire, où ils se déplacent avec de vifs mouvements browniens. On voit qu'à ce moment, on peut comparer la jeune hématie à une cellule dont la couche protoplasmique est devenue périphérique et fort mince (membrane hématique) et dont le noyau central est entouré d'une vacuole circulaire. Le développement continue ainsi; il se détache toujours du noyau de nouveaux granules, réfringents, très mobiles dans la cavité de l'hématie, qu'ils parcourent en tous sens; à mesure qu'il se détache de nouveaux granules, le noyau di- minue naturellement d'autant. Enfin, quand la future hématie a atteint environ 25 [x, parfois bien avant ce stade, commence la sé- crétion de l'hémoglobine dans la cellule, qui a tout à fait l'aspect d'une hématie adulte, moins la couleur, et qui présente toujours son noyau réfringent et ses granules browniens ; on voit apparaître une teinte générale, aussi légère qu'on puisse l'imaginer, qui est le pre- mier indice de l'hémoglobine. Cette teinte se fonce graduellement et on arrive enfin à une hématie bien colorée (//.") ayant cependant son noyau réfringent, bien diminué de volume et ses granules browniens; ceux-ci se déplacent toujours dans la cavité pleine d'hé- moglobine, ce qui montre que celle-ci est dissoute et qu'il n'y a aucun stroma interne; j'ai même vu, dans une jeune hématie de Triton marmoratm, le noyau tourner sur lui-môme chaque fois qu'il était heurté par les petits granules en mouvement. Enfin, l'hématie atteint sa taille adulte (27 \}. environ) ; les granules browniens ont entièrement disparu ; l'hémoglobine a sa teinte nor- male, mais le noyau garde toujours sa réfringence et son aspect 70 L. CUÉNOT. spécial (pi. IV, fig, 8, A'); son rôle étant terminé, il se laisse en- vahir peu à peu par rhémoglobine, devient à peu près incolore en diminuant encore do volume ; l'hématie est arrivée alors à sa forme parfaite. Plnjsiolofjie. — L'étude extérieure du développement étant ter- minée, examinons maintenant les phénomènes intimes qui se passent dans rhématie ; lorsque celle-ci est encore incolore, la cavité où se déplacent les granules réfringents est évidemment remplie de li- quide, qui n'est autre, d'après les lois de Fosmose, que la partie liquide du sang plus ou moins moditiée, mais contenant surtout l'albumine du sérum. Les petits granules browniens, formés par le noyau, ont un rôle des plus importants dans l'hématie, puisque je les ai trouvés chez tous les Vertébrés inférieurs, depuis les Poissons jusqu'aux Oiseaux; chez les Mammifères, ils sont remplacés par la substance même du noyau. C'est en grand nombre qu'on les voit se détacher du noyau avant la formation de l'hémoglobine, pour dis- paraître lorsque celle-ci est entièrement formée. Pour moi, il est évident que les granules browniens (qui ne sont au fond que des parties du noyau) jouent un rôle actif dans la production de l'hémo- globine ; mais, de là, à descendre plus intimement dans l'étude du phénomène, il y a encore beaucoup de chemin à faire. On sait que l'hémoglobine résulte de la combinaison d'un albumi- noïde (96/100) avec l'hématine, pigment qui contient tout le fer. Les granules sont-ils les agents de la combinaison de l'albumino'ide et du pigment, ou se combinent-ils eux-mêmes à l'albumine du sérum, en apportant tout le fer du noyau, pour former l'hémoglobine ? 11 est difficile de répondre avec certitude ; toutefois, il est infiniment probable que la seconde hypothèse est la seule vraie, et que tout le fer du noyau passe dans l'hémoglobine de l'hématie. Sans cette supposition, il serait fort difficile de s'expliquer la diminution considérable qu'éprouve le noyau, et à plus forte raison, sa dispari- tion complète chez les Mammifères. Toujours est-il, et il est néces- saire de bien appuyer sur ce point, que l'hémoglobine apparaît toute ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 71 formée dans un liquide primitivement incolore et qu'elle se con- centre peu à peu à mesure que les granules browniens disparaissent. Observations. — On voit que j'ai suivi point par point toutes les transformations, depuis le noyau splénique jusqu'à l'hématie par- faite ; on peut les suivre dans le sang d'un Triton, pris en n'importe quel endroit du corps ; naturellement le sang sortant de la rate est plus riche en noyaux spléniques que le sang qui y entre. J'ai pris le Triton comme type, car la plupart des auteurs qui l'ont étudié le désignent comme un bon exemple du développement direct dans la rate ; j'ai montré précédemment les erreurs d'inter- prétation qui avaient conduit à cette théorie ; il n'y a pas de déve- loppement direct dans la rate, mais bien divers stades de transfor- mation qui s'opèrent dans le sang, comme je viens de le décrire. Chez les Batraciens, j'ai examiné le sang des Triton vulgaris, cris- talus et marmoratus^ du Bomhinator igneus, du Bufo vulgatis et de la Jîana esculenta, ainsi que les têtards des deux dernières espèces; chez tous, j'ai retrouvé le même mode de développement des hé- maties*; je n'ai donc rien à ajouter à la description précédente. Si le procédé d'étude est simple, l'observation des hématies in- colores est souvent extrêmement difficile, en raison du peu de ré- fringence du disque; je conseille de faire cette recherche par une bonne lumière, à un fort grossissement, surtout chez les Batraciens anoures. Origine du noyau initial des hématies. — Comme je l'ai déjà dit plusieurs fois, les noyaux initiais des hématies sont des noyaux splé- y^ niques, qui sortent tels quels de la rate pour passer dans le sang; mais j'ai fait également remarquer qu'il y avait une ressemblance assez grande (quoique incomplète) entre le noyau hématique et le noyau résultant de la régression des amibocytes ; cela se comprend, « Les hémalics incolores ont été vues, chez la Grenouille, par VuIpian.Golubew et Hayem; Fuchs et Slricker les ont signalées également, mais aucun de ces savants n'en a recherché à fond l'origine et le développement. .M. Pouchet, dans ses remar- quables travaux sur 1p sang, en a donné une excellente description, précisément chez le Triton. 72 L. CUÉNOT. CCS noyaux ont la niCmc origine cl sonl au môme stade, l'un suivant une marche ascendante, l'autre une marche descendante ; il est vrai que quelques diflorences tirées de la taille, de la réfringcucc et des mouvements protoplasmiques, les séparent assez nettement ; cepen- dant on pourrait se demander si ce ne sont pas les noyaux des amibocytes qui se développent en hématies; comme celte théorie a été longtemps admise et l'est encore, il est indispensable delà ré- futer une fois pour toutes par deux arguments principaux : i" Si nous ne pouvons pas opérer artificiellement la séparation des noyaux hématiques et des noyaux d'amibocytcs, chez beaucoup de types, cette distinction se trouve parfaitement réalisée ; en effet, les sacs lymphatiques (Batraciens), la cavité générale, les lymphatiques contiennent seulement des amibocytes et pas une seule hématie (il faut naturellement prendre beaucoup de précautions pour extraire le liquide sans entamer de vaisseaux sanguins) ; les amibocytes s'y trouvent à toutes les phases de leur évolution, y séjournent long- temps, y disparaissent mcuie ; on y voit de nombreux noyaux, dernier stade apparent de l'amibocyte, et pas un seul ne se déve- loppe en hématie. Les sacs lymphatiques et la cavité générale re- çoivent des glandes formatrices leurs éléments figurés, et ces der- niers y séjournent sans pouvoir retourner dans les vaisseaux ; en effet, il arrive souvent que le contenu de ces derniers est différent de celui du sac, où les amibocytes, par exemple, sont presque tous pigmentés en noir; donc les globules blancs subissent bien toute leur évolution dans les cavités précitées, et cependant aucun glo- bule rouge ne s'y trouve. Je crois que le fait est assez concluant. 2° Un second argument qui, à mes yeux, a peut-ôlre encore plus de force que le premier : chez presque tous les Invertébrés , existent des amibocytes semblables à ceux des Vertébrés; ces éléments sui- vent la môme évolution, se réduisent à leur noyau, puis disparaissent dans le liquide sanguin : si donc les noyaux d'amibocytcs des Ver- tébrés dépassaient ce stade pour reformer des hématies, il y au- rait une iiiiVaclion flagrante aux lois de la morphologie, qui nous ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 73 moiUro toujours les éléments homologues subissant le même sort. Eulln, il serait illogique que le noyau, après avoir suivi une ligne descendante (régression de l'amibocyte), se développe en un nouvel organile, l'hématie. Pour ma pari, je suis absolument convaincu que lesnoyaux héma- tiques proviennent exclusivement de la rate et qu'ils nont aucun rapport avec ceux des amibocytes, sauf une ressemblance facilement explicable. Ablation de la rate. — Les phénomènes qui se produisent après l'ablation de la rate confirment en tous points les conclusions précé- dentes. D'après Tauber \ l'ablation de la rate provoque de l'anémie; le nombre absolu elle nombre relatif des amibocytes augmentent beaucoup, tandis que les dimensions et le nombre des hématies di- minuent. Ces conclusions sont également celles de Zésas et Crédé. Puis, après une période descendante, le nombre des globules rouges augmente, puis redevient normal, par suite de la suppléance de la rate par un autre organe. Zésas pensait que ce pouvait être la glande thyroïde, je crois bien plutôt que les nouvelles hématies sont entièrement dues à des rates de nouvelle formation, telles que les ont si bien décrites MM. Griffini et Tizzoni, chez le Chien, et M. Phisalix, chez l'Anguille, le Triton et la Grenouille. Si les globules rouges provenaient des noyaux d'amibocytes, il n'y aurait pas de raison pour que leur nombre diminue après l'a- blation de la rate. On répète souvent (c'est même une notion presque classique) que la rate n'est pas un organe de première utilité, et qu'on peut l'en- lever sans que les fonctions générales en soient sensiblement alté- rées (Malpighi, Dupuytren). Sans doute l'organisme peut s'en passer pendant un temps très court, en s'anémiant, mais elle est rapidement remplacée par des rates de nouvelle formation, comme l'ont démontré, dans tous les cas examinés, les expériences récentes. > A. Tauber, Zw Frage von der phyxiologischen Bezichung der Schilddriise zur MHz {Archives de Vircliow, 1884-, l^f fasc, p. 29-36). 74 L. CUÉNOT. Sa constance remarquable dans; la série des Vertébrés, son renri- placement par des formations homologues, me font au contraire penser que la rate est un organe indispensable, qui ne peut être suppléé dans ses fonctions par aucun autre. Poissons. — (yhez le petit nombre de Poissons de rivière, pris au hasard, que j'ai étudiés, j'ai reconnu que les hématies se dévelop- pent par le même procédé que chez les Batraciens*. Chez le Leuciscus alburnits, par exemple, si on examine une goutte de sang à un fort grossisscmenl, on trouve assez facilement des noyaux spléniques, très réfringents, de petite taille (7 \j. environ), nettement distincts des noyaux d'amibocytes; les premiers présen- tent toutes les phases de passage à l'hématie parfaite, s'entourant d'un disque incolore qui se munit peu à pou d'hémoglobine. Chez ce type, on voit fort bien de petits granules faire saillie à la surface du noyau, puis s'en détacher pour tomber dans la cavité de l'hématie où ils séjournent, soit immobiles, soit animés de vifs mouvements browniens. La réfringence du noyau diminue à mesure que rhémoglobinç se forme, si bien ({ue dans l'hématie parfaitement mûre, il n'est pas très facile de le distinguer. Reptiles. — J'ai étudié la Couleuvre à coWicv {TropidonoUis natrix), les Lacerta stirpiumeiocellala, chez lesquels la rate est blanchâtre, ce qui s'explique par la prédominance de la pulpe blanche sur la pulpe rouge. Chez le Lacerta stirpium, la rate étant traitée par le procédé ha- bituel (acide osmique, picrocarmin, glycérine), on voit beaucoup de cellules, de 4 à 10 p., formées d'un noyau souvent nucléole et d'une miuce zone protoplasmique, nette et réfringente (surtout après l'action du ])icrocarmin); ces cellules se moulent sur la char- pente conjonctive qui les supporte, ce (jui Iciu- donne souvent une forme plus ou moins ctoilée (pi. IV, lig. T, n). Les gros noyaux, ' Je puis (Hciidrc ce résullaL .î VAnguiUa vulgaris, Musielus vulgaris, etc. C'est un fait que je puis présenter comme général pour les Poissons. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPILATIQUES. 7S de 7 à 10 [A, se transforment en amibocytes ; on voit, en effet, le ferment albuminogène s'accumuler autour du noyau, d'abord sous la forme de gros granules clairs (pi. lY, fig. 7, a), puis sous forme de petits granules réfringents, colorés en jaune par l'acide osmique et le picrocarmin («); les cellules ainsi développées de- viennent rapidement amiboïdes et passent, dans le sang. Les petits noyaux, de 4 à 7 ;x, très réfringents, à contenu bosselé, paraissant verdàtres par la lumière transmise, quittent également la rate pour passer dans le sang où ils se développent en hématies. Le processus est identique à celui que j'ai décrit pour le Triton, je n'ai donc pas à insister; on voit (pi. IV, fig. 6) le disque s'é- taler peu à peu, pendant que les granules browniens se détachent du noyau. I^orsque le grand diamètre de l'hématie arrive à 10 [x (//'), l'hémoglobine commence à apparaître dans le disque, le noyau se contracte alors sensiblement, pendant que les granules brov^'niens disparaissent peu à peu. Enfin, au stade de 12 \>., l'hématie est par- faite, sauf le noyau qui est toujours réfringent {h') ; ce dernier devient incolore, s'allonge, en se pénétrant d'hémoglobine, et l'hé- matie (de 14 à 16 \j) est alors tout à fait normale (A). Comme chez les Batraciens, il y a une différence sensible entre le noyau de l'amibocyte et le noyau splénique : le premier a un diamètre minimum de 5 \}. et demi, le second un diamètre maxi- mum de 4 [.;. et demi. Si Ton examine le liquide de la cavité générale, on voit un nom- bre considérable d'amibocytes à tous les degrés de leur évolution, depuis les cellules mûres jusqu'aux noyaux, et pas une seule héma- tie. Pas plus que chez les Batraciens, le noyau lymphatique ne se développe en hématie, le noyau splénique est le seul qui soit l'ori- gine de cet élément figuré. Oiseaux. — Chez les Oiseaux, la rate est très colorée, vu la prédo- minance de la pulpe rouge; elle contient les mêmes éléments que précédemment, destinés les uns à former des amibocytes, les autres des hématies; les premiers noyaux, de forme sphérique, sont les plus 76 L. GUÉNOT. grands, de 5 à 7 jx environ, chez le Pigeon [Columba lioia); les se- conds, légèrement allongés, sont sensiblement plus petits, A \i en moyenne. Le développement des amibocyles est identique à celui que nous avons décrit chez les types précédents, notamment le Lacerta stir- pium. ^B Le développement des hématies est absolument le môme chez les Oiseaux que chez les Reptiles, les Batraciens et les Poissons ; on voit les disques incolores, avec leurs granules browniens, se charger peu à peu d'hémoglobine (au stade de 10 [j. environ). La figure 6 de la planche IV convient aussi bien aux Oiseaux qu'aux Reptiles; je renvoie donc aux descriptions précédentes. Mammifères. — Jusqu'ici, chez les Vertébrés inférieurs, les hé- maties sont toutes munies d'un noyau assez réduit, vestige du noyau splénique ; chez les Mammifères, le noyau ne se contracte pas sim- plement, il disparaît tout à fait, de sorte que l'hématie est une simple vésicule biconcave remplie d'hémoglobine ; nous verrons dans l'étude du développement l'explication de ce fait. 11 y a encore une autre différence qui va trouver tout à l'heure son explication : tandis que chez tous les Vertébrés inférieurs, on trouve, dans le sang, des hématies h tous les degrés du développe- ment, il n'y a, chez les Mammifères, que des hématies parfaites, remplies d'hémoglobine et dépourvues de noyau; en d'autres ter- mes, tandis (jue, chez les premiers, le noyau hématique quitte la rate sous forme de noyau et poursuit son évolution dans le sang même, chez les seconds, Thématic se développe entièrement à l'in- térieur de ia rate, et ne quitte celle-ci que lorsqu'elle est parfaite- ment constituée. Si, dans la rate du Surmulot {Mus decumanus), on prend un frag- ment de pulpe blanche et (ju'on le traite par l'acide osmique, le picrocarmin et la glycérine, on reconnaîtra facilement, à un fort grossissement, l'existence de deux éléments cellulaires différents : 1° des cellules de 8 \). et au-dessus, formées d'un noyau contenant ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 11 un nucléole ou des granulations nucléaires, et d'une mince couche protoplasmique nette et réfringente (pi. IV, fig. 3, n) ; 2° de petites cellules de 4 et 6 [^., semblables aux précédentes, sauf la taille (pi. IV, fig. 4, n). Les premières évoluent en amibocytes, leur zone protoplasmi- que se remplissant peu à peu de granules de ferment, suivant le processus que nous avons vu déjà tant de fois; souvent une cellule parfaitement mûre est accolée à des cellules non développées, comme planche IV, figure 3, ce qui montre bien que ce sont les éléments spléniques mômes qui se transforment en amibocytes. Les secondes évoluent en hématies, mais par un processus un peu différent de celui que nous avons décrit pour les Vertébrés infé- rieurs; en effet, tandis que, chez ceux-ci, l'hématie normale a un diamètre beaucoup plus considérable que le noyau qui lui a donné naissance (dans le rapport de un à trois, Triton, Lézard), l'hématie des Mammifères a à peu près la même taille que la cellule splénique initiale'. Dans les préparations obtenues par le procédé habituel, on voit de nombreuses hématies qui possèdent la réfringence et la cou- leur des hématies normales (pi. IV, fig. 4), mais qui renferment un noyau en leur centre; ce noyau se fendille, devient irrégulier; la coloration carminée qui permettait de le distinguer au milieu de la vésicule s'affaiblit de plus en plus; on ne voit souvent qu'un léger nuage au milieu de la teinte hémoglobique; enfin le noyau finit par se résorber complètement, tandis que la vésicule se remplit d'hémo- globine de plus en plus concentrée. Si, au lieu de servir de réactifs, on exprime sur une lamelle le contenu de la pulpe rouge (mélange de sang normal et d'éléments en voie de formation) provenant d'une rate bien fraîche, en opérant rapidement, on pourra voir des hé- maties présentant un noyau incolore entouré d'hémoglobine ; à cette phase, elles correspondent parfaitement aux hématies de Vertébrés ' C'est pour celle raison que les noyaux spléniques quitlenl la raie, pour se déve- lopper dans le sang, chez les Vertébrés inférieurs; la rate étant une glande assez compacte, les disques trouveraient difficilement la place suffisante pour s'étaler. 78 L. CUKNOT. inféneurs représentées planche IV, ligures (i et H {h'). L'hémoglobine pénètre peu à peu le noyau, dont on distingue encore les contours; ceux-ci finissent par s'effacer, et il est facile de se convaincre que, dans le globule rouge adulte, il ne reste aucune trace du noyau cen- tral: c'est à ce moment seulement, lorsque l'hématie est parfaitement normale, qu'elle tombe dans le sang de la rate, d'où elle passe dans l'appareil circulatoire. J'ai constaté ce mode de développement chez le Chien^ le Surmulot {Mus decwnanus), le Hérisson {Erinaceus euro- pxus) avec des caractères identiques. Quel est le rôle du noyau hématique dans la production de l'hé- moglobine? Fournit-il à la fois le fer et les matières albuminoïdes nécessaires à la formation de celle-ci, et l'agent transformateur? Il a bien certainement le premier rôle, puisque, primitivement d'un volume presque égal à celui de l'hématie adulte, il se dissout entiè- rement; quant au second rôle, mômes doutes et mêmes incertitudes que pour les Vertébrés inférieurs. En somme, chez ces derniers comme chez les Mammifères, la formation de l'hémoglobine coïncide avec la régression du noyau, partielle chez les uns, et totale chez les autres. On voit que, chez les Mammifères, le noyau se détruit peu à peu, en contribuant à la formation de l'hémoglobine; c'est un stade un peu plus avancé que celui des Vertébrés inférieurs, où il reste toujours un vestige du noyau ; les deux classes sont parfaitement liées entre elles, et, au fond, le processus est le môme. Les théories que l'on a imaginées dans ces derniers temps pour rendre compte de la formation des hématies sans noyau, me semblent peu exactes; M. Malassez pense que c'est un bourgeon protoplas- mique détaché de la cellule hémoglobique (fixée dans la rate), qui se développe ultérieurement en hématie ; Hindlleisch pense que le noyau quitte la cellule. Ce serait, à bien considérer, des phénomènes bien extraordinaires et assez exceptionnels pour des cellules ; je crois avoir démontré que l'évolution est beaucoup plus simple et beaucoup plus naturelle que ne le feraient supposer les travaux des aulcurs précités. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 79 Si nous comparons maintenant le développement des éléments spléniques chez un Mammifère et chez un Batracien, par exemple, nous trouverons l'explication de la forme même des hématies. Chez les deux types, la cellule splénique a, sur une coupe idéale, une ap- parence fusiforme, le noyau étant central et déterminant une protu- bérance (fig. du texte, n) ; chez le Batracien , le disque s'étend de plus en plus autour dunoyau,enserem- plissant d'hémoglobine, de telle façon que l'hématie adulte garde la forme d'un fuseau assez allongé , , Comparaison de l'hématie avec le noyau [h, a gauche); chez le Mammifère, spiénique, i„ j. ''i 1 X 1 , T I, chez un Batracien : U, chez un Mammifnire. le disque s étale très peu, tandis que le noyau se résorbe; en se contractant, il entraîne avec lui les parois inférieure et supérieure qui lui sont accolées, de sorte que celles-ci se rapprochent de plus en plus jusqu'au contact; l'hématie prend définitivement la forme d'une lentille biconcave. Si ces particularités sont facilement explicables, il n'en est pas ainsi pour le contour des globules rouges. Pourquoi les hématies d'un grand nombre de Mammifères et des Gyclostomes sont-elles circulaires, tandis que celles des Gaméliens et des Vertébrés inférieurs sont elliptiques ? J'avoue que la raison d'être de ces différences m'é- chappe complètement. VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES DES GLOBULES SANGUINS. Étant donnés leur origine, leur mode de formation et leurs fonc- tions, on peut presque prévoir a priori les variations apportées dans le nombre des globules sanguins par certaines circonstances physio- logiques. Animaux anémiés. — Chez des animaux anémiés (par exemple Tri- ton, Crapaud, Couleuvre), on remarque une assez grande abondance d'amibocytes mûrs et très peu d'hématies en voie de formation. Parfois, lorsque l'animal est très anémié, les noyaux des globules 80 L. CUÉNOT. rouges et blancs affectent certaines apparences qu'on peut consi- dérer comme pathologiques. Les faits précédents sont faciles à expliquer; l'animal étant ané- mié, les échanges respiratoires diminuent d'activité, et, par consé- quent, une production active de nouvelles hématies est absolument inutile; les amibocytes du sang ne peuvent user leur ferment, puisque l'organisme ne leur fournit pas de peptonesàtransformer;ils restent donc dans l'état où ils se trouvaient au sortir de la glande lymphatique. Animaux bien nourris. — Chez les animaux nourris abondamment [Triton vulgar'ts), on remarque un nombre tout à fait considérable de noyaux spléniques et d'hématies en formation ; par contre les ami- bocytes mûrs sont relativement rares. La quantité relative de ces deux éléments s'explique par des raisons inverses de celles que nous avons précédemment exposées. Je ne fais qu'esquisser là quelques variations du sang qui pourrait fournir à ce point de vue une étude des plus intéressantes, surtout si on l'examinait avant et après le passage dans un organe donne ; il est probable que l'on trouverait ainsi des faits nouveau.t et du plus grand intérêt. Outre ces variations d'ordre général, il en est qui s'opèrent chez un même animal; ainsi la digestion doit amener une destruction considérable des amibocytes qui, dans les intervalles des repas, sont remplacés par de nouveaux produits des glandes lymphatiques; n'ayant pas de compte-globules à ma disposition, je n'ai pu étudier l'inlluence de la digestion sur le nombre des amibocytes mûrs. Naturellement, toutes les variations du sang retentissent sur les glandes lymphatiques; chez les individus anémiés, on ne trouve qu'un nombre insignifiant de cellules mûres dans les glandes, quelles qu'elles soient; chez les individus vigoureux et bien nourris, au con- traire, il y a abondance de formes en voie de division et de cellules mûres. C'est pour cette raison que l'on doit faire les recherches rela- tives aux fonctions des glandes lymphatiques sur des animaux bien ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 81 nourris et bien portants ; les différences que l'on constate d'un ani- mal anémié à un animal bien nourri sont parfois très considérables et pourraient faire conclure à la non-activité d'une glande qui, dans lescirconstances normales, a un rôle important. ORIGINE ET MORPUOLOGIE DES ÉLÉMENTS FIGURÉS DU SANG. ' Arrivé au terme de nos études sur la formation des globules blancs et rouges, nous avons vu qu'ils dérivaient toujours de glandes lym- y phatiques, thyroïde, thymus, follicules clos, ganglions lympha- tiques et rate. On s'est souvent demandé s'il n'y avait pas continuité entre les cavités du tissu conjonctif et les lymphatiques, en se basant sur la ressemblance des cellules conjonctives et des amibocytes [ayant perdu leur ferment), ou, en m'exprimant d'une façon différente, si ces premiers éléments ne passaient pas dans les vaisseaux sous forme de globules blancs : c'est à peu près la conception du tissu lym- phoïde de His. L'anatomiste allemand admettait que le tissu conjonctif aréolaire avec cellules interposées (péritoine, par exemple), était, en petit, une glande lymphatique, et que, par une simple condensation et multiplication de ces cellules, il donnait soit le follicule clos, soit le ganglion lymphatique. Cette conception, qui a quelque chose de vrai, n'est pourtant aucunement générale ; il y a bien des glandes lymphatiques qui n'ont aucun rapport avec le tissu lymphoïde (thy- roïde, thymus); ensuite, je n'ai jamais vu de cellule conjonctive, en dehors des glandes formatrices, se développer en amibocyte par l'addition de granules de ferment albuminogène ; ceux que l'on a pu voir dans les cavités cellulaires sont des éléments émigrés hors des vaisseaux, et non point formés sur place. Pourtant on ne peut nier qu'il n'y ait un certain rapport entre la cellule conjonctive et l'amibocyte; cela n'a rien d'étonnant, ce sont des éléments qui, au fond, ont !a même origine : les cellules con- jonctives représentent des éléments embryonnaires qui, n'étant pas utilisés dans la formation des muscles, des libres ou des épithé- AHCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉK. — 2« SÉEIE. — T. VU. 1889. C 82 L, CUÉNOT. liums, peuvent subir les sorts les plus divers ; les unes se chargent de pigment (chromaiophorcs, cellules pigmentaires des Batra- ciens, etc.) ; les autres se réunissent par places, et en se multipliant presque indéfiniment, forment des amas cellulaires dans lesquels s'ouvrent des capillaires lymphatiques ou sanguins; les cellules s'entourent de granules de ferment albuminogène et deviennent amiboïdes pour passer ensuite dans les systèmes vasculaires ; c'est ainsi que se forment les follicules clos, les ganglions lymphatiques, la rate. D'autres cellules conjonctives, enfin, se chargent de graisse (tissu adipeux). Malgré les innombrables variétés qui peuvent dériver de ce type primitif, on peut presque toujours reconnaître une parenté entre la cellule conjonctive etl'amibocyte (Échinodermes, Ilirudinécs^ In- sectes, Crustacés, etc.); la seule différence qui les sépare est l'évo- lution différente de l'élément; tandis que la cellule conjonctive, réduite parfois au noyau, reste inactive ou se charge soit de graisse, soit de pigment, la cellule destinée à devenir amibocyte se charge de ferment albuminogène. Le corps adipeux des Insectes n'est formé que de cellules conjonctives inutilisées dans le développement em- bryonnaire, et qui, réunies en masse, fabriquent de la graisse ; il est superposé intimement à la glande lymphatique qui entoure le cœur de ces animaux. Chez les Crustacés, ou voit manifestement la glande lymphatique (qui se trouve dans la branchie) se continuer avec le revêtement conjonctif de celle-ci; mais tandis qu'un noyau de revêtement restera toujours semblable à lui-même, le noyau de la glande lymphatique s'entourera de protoplasma et de granules de ferment. Le point sur lequel je veux appuyer, c'est que la glande lympha- tique n'est pas uniquement le résultat de la concentration et de la multiplication des cellules conjonctives dans un endroit donné, mais qu'elle est duc à une véritable spécialisation qui peut atteindre des cellules autres que celles du tissu conjontif (thyroïde, thymus). D'où il s'ensuit que les cellules conjonctives ordinaires peuvent ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 83 avoir plus oumoins de ressemblance avec les cellules lymphatiques, mais qu'elles n'arriveront jamais à former, comme ces dernières, des éléments figurés du sang. On voit donc que j'admets la parenté de l'amibocyte et de la cel- lule conjonctive; elle est parfaitement réelle; mais ce que je re- proche au tissn lymphoïde de His, c'est de ne représenter rien d'exact; le tissu conjonctifaréolaire portant des cellules conjonctives ne formera jamais d'amibocytes, sauf dans des cas anormaux (abla- tion des glandes lymphatiques avoisinantes), car ces cellules sont adaptées à une autre fonction; il ne manque pas, chez les Inverté- brés, de tissus analogues qu'on pourrait également appeler lym- phoïdes (trame calcaire des Échinodermes, trame conjonctive du manteau des Lamellibranches, etc.), mais qui remplissent un tout autre rôle que celui de produire les éléments figurés du sang. Ce mot de lymphoïde est parfaitement inutile, et il n'est nullement nécessaire de l'acclimater en France; le tissu conjonctif a des rôles multiples : ici, il constitue la charpente d'un organe, là, un magasin de graisse; autre part, il formera une glande lymphatique, etc. Une partie quelconque de ce tissu, une fois adaptée à sa fonction, la garde, sauf en quelques circonstances exceptionnelles (traumatisme, inflammation) ; il n'y a donc pas lieu de distinguer un tissu lym- phoïde, désignation qui ne répond à rien de précis. Il n'y a pas que la cellule conjonctive proprement dite qui puisse donner naissance aux glandes productrices de globules sanguins ; il arrive, assez rarement à la vérité, que des cellules d'une tout autre origine prolifèrent pour former des amibocytes ; ainsi, chez les Astérides *, on trouve, sur l'anneau ambulacraire oral, de petites glandes en tubes, les corps de Tiedemann, tapissées par un épithé- lium cubique qui se détache pour former des amibocytes ; ces corps de Tiedemann représentent un bourgeonnement de l'anneau ambu- lacraire oral, et leur épithélium est homologue à l'épithélium vi- * L. CuÉNOT, Contributicns à l'élude analomique des Astérides {Archives de zoologie expérimentale, tome supplémentaire, 2° série, t. V bis). 84 L. CUÉNOT. bratilc interne des tubes et vaisseaux ambulacraires. Chez les Ver- tébrés, la thyroïde représente un épaississement de l'épithélium du pharynx embryonnaire; les thymus dépendent de l'épithélium des poches branchiales \ On voit donc que les glandes lymphatiques se forment aux dé- pens de divers tissus, c'est le meilleur argument contre le tissu lymphoïde de His, RÉFLEXIONS GÉNÉRALES. J'ai réuni dans ce mémoire tous les documents que j'ai pu re- cueillir sur des questions aussi controversées que l'origine et l'his- tologie des éléments du sang; j'ai cherché à être aussi clair et aussi rigoureux que possible en ne me laissant pas abuser ou égarer par des questions de mots ; l'avenir dira si j'ai réussi. Mais combien de points importants ai-je été forcé de laisser de côté ! Les produits de dissolution des amibocytes, qui conduiront à l'étude rationnelle d'un élément du plasma sanguin (fibrine?); la bourse de Fabricius des Oiseaux, que Leydig croit être une glande lymphatique ; les organes lymphatiques des Poissons, que je n'ai pu étudier. Enfin comment sont représentés, chez les Sauropsidés, les ganglions lymphatiques qui manquent absolument en tant qu'or- ganes, mais qui doivent être certainement remplacés au point de vue fonctionnel ? Je n'ai pas même effleuré la question du rôle hématopoiélique de la moelle des os; MM. Neumann, Bizzozero, Torre et bien d'autres l'admettent sans restriction; en fait, il n'est aucunement démontré. MM. Bizzozero et Torre, qui sont les plus ardents promoteurs de cette théorie, repoussent absolument la production d'hématies aux dépens des éléments spléniques, sauf chez les Batraciens Urodèles [Trilon). J'ai montré que chez tous les Vertébrés, la rate donnait nais- 1 D'après Hcttercr, les follicules clos des amygdales auraient aussi une origine épithéliale. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYiMPHATIQUES. 85 sance aux hématies par un procédé spécial qui n'avait pas encore été signalé ou, du moins, généralisé. Or, MM. Bizzozero et Torre décrivent pour les hématies dérivées de la moelle un mode de dé- veloppement tout à fait dissemblable ; comme il est illogique qu'un même élément histologique, ayant le même point de départ, se développe suivant deux processus très différents, j'en déduis que les auteurs précités ont été induits en erreur, par leurs procédés histologiques défectueux, pour la moelle osseuse, comme ils Font été pour la rate du Triton. Il faudrait démontrer pour la moelle osseuse : 1° Qu'il y a formation de ferment albuminogène autour des noyaux des futurs amibocytes; 2° Qu'il y a un développement de globules rouges comparable à à celui que j'ai décrit pour les noyaux spléniques; 3° Qu'il y a un chemin suivi par les globules blancs et rouges pour passer dans l'appareil circulatoire. Aucun de ces trois points n'a été établi; tout est donc à refaire dans l'étude du rôle hématopoiétique de la moelle. Pour mon compte, me basant sur diverses raisons tirées tant de l'observa- tion directe que de considérations morphologiques, je n'y crois pas beaucoup. J'ai surtout cherché dans le présent mémoire à élucider les fonc- tions et l'anatomie des organes qui ont donné lieu à tant de con- "^ troverses, thymus, thyroïde, rate, etc.; je remets à un travail ulté- rieur le soin de compléter cet ensemble par l'étude des différents desiderata que je viens de signaler. 86 L. CUÉNOT, EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. FiG, 1. Réseau lymphatique (i) de la queue d'un embryon de Carassius auratus, montrant les caecums d'origine ; f, tissu conjonctil interposé (sur lo vivant). 2. Portion terminale en caecum d'un lympliatique précédent, plus grossie, remplie de granules réfringents, 3. Amibocytes de l'Homme (sang du doigt), traités par la fuchsine, montrant leurs noyaux contractés, 4. Amibocytes mûrs de l'Homme (sang du doigt); n, noyau (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 5. Amibocyte miir d'un Chien bouledogue (8 y.), après l'action de l'acide os- mique et du picrocarmin. C, .\mibocytes de Surmulot {Mus decumanus), de 10 [j.; mêmes réactifs, 7. Amibocytes, l'un mûr, l'autre arrivé à sa dernière phase, examinés sur le vivant, Lacerta slirpium ; n, noyau, 8. Amibocyte d'un Triton vulgaris (sac lymphatique ventral), renfermant du pigment noir et une goutte de graisse (13 p.), sur le vivant. 9. 10, 11 et 12. Les diverses phases de l'évolution des amibocytes, chez le Triton vulgaris, examinées dans le sang frais. 13. Cou et cavité thoracique de Surmulot {Mus decumanus), montrant la thy- roïde Ty et les volumineux thymus T'A; C, cœur; Po, poumon ; ar, artère thyroïdienne; grandeur naturelle. 14. Cou et cavité thoracique d'un autre Surmulot, montrant les thymus (77(j, divisés en petits lobes ; grandeur naturelle. 15. Coupe de thymus de Surmulot (thymus conformé comme figure 13); /", réseau conjonctif soutenant l'organe; g, tissu glandulaire bourré de cellules ; v, vaisseaux sanguins. 16. Éléments cellulaires des thymus de Surmulot; n, cellules lymphatiques non développées; a, cellules mûres (amibocytes); d, grandes cellules des- tinées à la division. 17. Thymus {Th) d'un Pigeon, du côté droit; v, veine jugulaire; ad, tissu adi- peux entourant le thymus. 18. Thymus de Couleuvre îi collier {Tropidonotus nalrix), vus dans leur partie terminale ; gr. 3 fois. 19. Éléments cellulaires des thymus de Couleuvre; f, réseau conjonctif sup- portant les cellules; a, amibocytes mûrs. 20. Thymus du côté droit d'un Crapaud de grande taille (Bufo vulgaris) ; ar, artère du thymus entourée de jùgment noir; l, lymphatique venant du thymus; v, veine du thymus; gr. 20 fois. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 87 PLANCHE It. FiG. l . Thyroïde du côté gauche de Moineau {Passer domesikus); ar, artère caro- tide ; gr. 7 fois. 2. Thyroïde de Lézard des souches (£,acer/a s/îrpmm), montrant les vésicules entourées de pigment noir ; gr. 27 fois. 3. Thyroïde {Ty) du côté gauche, Triton vulgaris; ar, artère linguale ; u, veine linguale ; hy, grande corne de l'os hyoïde (épibranchial) ; ca, car- tilage s'appuyant sur l'hyoïde (kératobranchial) ; gr. 11 fois. 4. Vésicules thyroïdes de Surmulot {Mus decumanus), isolées pour montrer eur réseau capillaire c; v, veine; gr. 620 fois. 5. Vésicule thyroïde {g} d'un Chien bouledogue, isolée après injection de ni- trate d'argent; l, endothélium lymphatique. 6. Imprégnation au nitrate d'argent dans la thyroïde (Chien bouledogue); l, endothélium lymphatique; g, épithélium d'une vésicule voisine. 7. Coupe optique d'une vésicule thyroïde d'un Chien bouledogue, après l'action de l'acide osmique, du picrocarmin et de la glycérine; g, vési- cules thyroïdes voisines; /, intervalle lymphatique ; /, trame conjonctive; a, amibocytes mûrs flottant à l'intérieur de la vésicule (oc. 3, obj. 3, Nachet). 8. Paroi de vésicule thyroïde (Chien bouledogue), vue de champ, après l'action de l'acide osmique, du picrocarmin et de la glycérine; a, groupe de cellules parfaitement mûres ; gr. 1 000 fois. 9. Paroi de vésicule vue de champ, montrant l'orifice a, laissé par la chule des cellules miires; gr. 1000 fois. 10. Cellules mûres (amibocytes),Qottante3 à l'intérieur des vésicules thyroïdes du Chien. 11. Groupe de vésicules thyroïdes de la Couleuvre ii collier [Tropidonotus na- tria.), isolées au pinceau ; celle de droite montre son réseau capillaire c; dans celle de gauche, la paroi cellulaire interne s'est détachée de la cap- sule l; a, plasmodium de cellules mûres, flottant dans le liquide des vésicules ; cr, concrétion de carbonate de chaux, placée au centre du plasmodium ; f, trame conjonctive de la thyroïde ; g', vésicule en voie de formation ; gr. 40 fois. 12. Paroi d'une vésicule thyroïde de la Couleuvre à collier, vue de profil; g, couche cellulaire interne ; i, noyau endothélial de la capsule, 13. Concrétions de carbonate de chaux, trouvées dans les vésicules thyroïdes de la Couleuvre à collier (30 (a en moyenne). 14. Paroi de vésicule thyroïde de Triton vulgaris, vue de champ, l'organe étant examiné frais dans de la lymphe; a, cellules mûres (oc. 3, obj. 9 imm, Nachet). PLANCHE III. FiG . 1 . Coupe transversale de la portion terminale du ctecum de Lapin (Lepus cuni- cidus); g, follicule clos; e, épithélium intestinal; l, lymphatiques ren- 88 L. CUÈNOT. contrés dans la coupe; u, vaisseaux sanguins; /", tissu conjonctif pé- nétrant dans le centre du follicule clos; F', tissu conjonctif séparant les follicules; me, couches musculaires du Ctnecum; gv. 50 fois. FiG, 2. Portion supérieure du follicule clos^ recouverte par répilhélium intesti- nal (e), chez le Lapin ; f, réseau conjonctif du follicule; n, cellules lym- phatiques (oc. 3, obj. 9 imm. Nachet). 3. Plaque de Peyer du Surmulot {Mus decumanus), vue de champ par la partie supérieure; g, follicule clos; e, réseau lymphatique partant de celui-ci ; gr. 25 lois. 4i Coupe transversale du duodénum de Bufo vulgaris; e, épithélium intes- tinal ; c, capillaires sanguins; g, couche lymphatique; /, coupe d'un lymphatique; mCj, muscles circulaires; p, péritoine; gr. 200 fois. 5. Coupe longitudinale d'un ganglion lymphatique mésentérique de Surmulot {Mus decumanus); ar, artère; l, coupe d'un lymphatique; m, mésentère; g, parties compactes, bourrées de cellules; il, trajet de la lymphe entre les parties compactes; gr. 25 fois. 6. Portion d'une coupe longitudinale de ganglion lymphatique mésentérique (pancréas d'Aselli) do Chien (mêmes lettres que précédemment) ; gr. 28 fois. 7. Réticulum de la partie compacte d'un ganglion lymphatique de Surmulot (sur des coupes, avec un peu moins de cellules qu'en réalité) ; c, ca- pillaire sanguin; f, réseau conjonctif ; a, cellules mûres (amibocytes) ; 71, cellule en train de se diviser (oc. 3, obj. 9 imm. Nachet). 8. Intestins de Surmulot, étalés de façon à montrer les ganglions lympha- tiques g; m, mésentère; CO, côlon et ses valvules conniventes ; C, ceecum; P, plaques de Peyer; grandeur n&turelle. PLANCHE IV. FiG. 1 . Artère splénique {ar) de Triton vulgaris, vue de champ après l'action de l'acide osmique, du picrocarmin et de la glycérine; m, mésentère; /, lymphatique périartériel; g, couche cellulaire lymphatique de l'artère. 2. Coupe optique de la paroi d'une artère mésentérique, Triton vulgaris ; h, hématies; a, amibocyte; g, couche lymphatique de l'artère. 3. Rate de Surmulot (il/ws decumanus); cellules qui se développent en ami- bocytes; n, cellules non développées; a, cellules mijres (amibocytes) (oc, 3, obj. 9 imm. Nachet). /i. Rate du Surmulot, développement des hématies ; n, cellule splénique non développée; h, hématie parfaite, (oc. 3, obj. 9 imm. Nachet). 5. Amibocytes de Lacerta stirpium, dans le sang, arrivés ?i leur dernier stade et réduits à leur noyau et à une mince couche protoplasmique (5 fx). G. Développement des hématies dans le sangdu Lacerta stirpium, de I îi VII; h", hématie commençant îi renfermer de l'iiômoglobine; h', hématie mûre îi noyau réfringent ; h, hématie normale et parfaite. 7. Éléments cellulaires de la rate de Lacerta stirpium ; n, cellules non déve- loppées ; a, cellules mûres (amibocytes); a', cellules développées, pleines de gros granules clairs, non réfringents. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 89 FiG. 8. Développement des hématies dans le sang du Triton vulgaris ; m, noyau provenant de la rate : gb, granules à mouvements browniens ; h", hé- matie à granules browniens, commençante renfermer de l'hémoglobine; h', hématie remplie d'hémoglobine, mais présentant encore en son centre un noyau réfringent. 0. Cellules de la rate du Triton vulgaris ; n, cellule non développée ; n', ceU Iule divisée à deux noyaux. 10. Cellules de la rate d'un têtard de Bufo vulgaris (à la phase Salamandre), montrant le développement des amibocytes ; n, noyau non développé ; a, cellule mûre. 11. Rate de Triton vulgaris, examinée sur l'animal vivant; m, mésentère ; ar, artère splénique entourée d'un tronc lymphatique ; v, veine splénique ; Voyez, pour la descriplioii de cet organe, de Lacaze-DuUiicrs, Organisation du Dentale {Annales des sciences naturelles, 4» série, t. VI, 1856, p. 265). 104 IIERMANN FOL. bonne lentille à immersion homogène, il est facile de constater dans les cellules de l'épilhélium hépatique une texture à part que je vais chercher à décrire. Le sarcode a une texture tout à fait spongieuse. Sur une coupe (pi. VIII, fîg. 4G} on voit un système de grosses mailles dont les tra- hécules ont eux-mêmes un aspect irrégulier et déchiqueté. Cet aspect vient de ce que ces trabéculcs eux-mêmes sont percés d'un système de cavités plus petites, comme dans une éponge. Dans les grandes mailles de la partie moyenne de la cellule et du voisinage du noyau, se voient des globules (fig. 16, gh) assez réfringents et de grandeur assez uniforme. Dans les mailles de la partie plus superfi- cielle on ne voit rien ou tout au plus un petit globule par-ci par-là. Cette sorte de sécrétion interne ressemble beaucoup à celle qu'on observe dans les cellules hépatiques des vertébrés, ce qui ne veut pas dire que la nature chimique de la sécrétion soit la même. Elle pourrait différer du tout au tout sans que le processus visible de la sécrétion en fût affecté. Entre les cellules hépatiques développées s'en trouvent d'autres plus petites, appliquées contrôla membrane qui enveloppe l'organe, dont le sarcode à peine réticulé se charge volontiers de carmin. Ce sont sans doute des cellules hépatiques jeunes ou de rempla- cement. Le noyau est à peu près sphérique, muni d'une enveloppe à double contour et renferme presque toujours un seul gros nucléole et une substance chromatique en forme de cordons irréguliers (pi. VII, fig. 15).Les morceaux de cordon un peu longs décrivent des méandres, les plus petits sont des fragments ressemblant à des virgules, à des J5 et à des C. Avec une foi robuste on y pourrait voir un boyau con- tinu, mais cette vertu nous manque et nous ne pouvons y recon- naître que ce qu'on voit, à savoir des fragments plus ou moins longs. L'intestin est tapissé d'un épithélium on partie glandulaire, en partie vibralile. 11 décrit une courbe compliquée que l'on comprend SUR L'ANATOMIE MICROSCOPIQUE DU DENTALE. -jûj facilement par la simple inspection des figures dede Lacaze-Dulhiers^ et mieux encore par la lecture du texte. Nous n'avons pas à y re- venir. Il se termine par un anus situé dans la cavité palléale, au njilieu de la face ventrale de l'animal, et qui reçoit les canaux excré- teurs d'une glande, déjà vue par de Lacaze-Duthiers- et dont nous devons indiquer la structure histologique. Il ne s'agitpas d'une glande unique nettementdélimitée, mais d'une masse glandulaire enveloppant, comme un manchon, l'intestin rectal. Le terme de manchon n'est pas tout à fait juste, car l'organe est presque nul sur la face supérieure ou orale du rectum et fait poche sous la face inférieure, celle qui regarde vers le sommet de la coquille. A première vue il semble que ce soit une masse compacte, mais l'étude comparée des dessins des coupes successives nous apprend qu'il s'agit en réalité d'une série de glandes s'ouvrant dans le rectum par au moins six canaux excréteurs distincts. Chacun de ces canaux correspond à un amas de petits acini disposés en grappe. Les acini enfin (pi. V, fig. 4) sont de petites poches arrondies formées de cellules épithéliales qui remplissent aux trois quarts la poche. Chacune de ces cellules porte un faisceau de cils vibratiles (fig. 4, c) longs et forts, et tous ces cils s'étendent à travers l'espace libre de la pochette glandulaire jusque dans le canal excréteur. Les cellules épithéliales n'ont pas un caractère glandulaire marqué; d'après le simple examen au microscope, il est impossible d'indiquer ce que leur sécrétion peut être, ni même d'affirmer que leur fonction soit de sécréter quelque chose. Si nous avons donné à l'organe le nom de glande, c'est uniquement à cause de sa forme générale ; car nous n'avons aucune preuve que son rôle physiologique soit celui que ce terme implique. Le contenu des poches et des canaux est d'une nature fort inat- tendue : l'on y trouve des produits génitaux. Chez les mâles, ce sont * Organisation du Dentale (Annales des sciences naturelles, 4* série, t. VI, pi. VIII, fig. 1, et p. 270). - Loc. cit., t. VII, p. 42 et suiv. 106 HERMANN FOI.. des paquets de zoospernies, les uns à peu près mûrs, les autres en voie de développement (pi. V, fig. 4, z). L'état de maturité incom- plète de la plupart des éléments mâles s'accuse par la forme des têtes et par le groupement en faisceaux. Chez les femelles on trouve, mais rarement, des œufs peu nombreux et arrivés déjà à ce point de développement oîi la vésicule germinative a disparu. Cette constatation devait conduire à rechercher si cet organe ne serait pas en relation avec les voies d'expulsion des produits génitaux et cela d'autant plus que je n'ai pas réussi à trouver de canaux per- manents pour cet usage. Mais le résultat de cet examen a été né- gatif. La glande est close de toutes parts sauf du côté de l'intestin. L'explication se trouve sans doute dans une observation faite par de Lacaze-Duthiers qui a vu l'anus exécuterdes mouvements alternatifs semblables à ceux de la déglutition. En ajoutant du carmin à l'eau, ce savant éminent a vu les particules colorées pénétrer dans le bulbe rectal et ses appendices sans jamais aller au delà. Il se peut donc fort bien que les produits génitaux soient aspirés avec l'eau de la cavité palléale par les mouvements de déglutition de l'anus. Mais leur état de maturité souvent incomplète en ce qui concerne les zoospermes attend son explication. Si le rectum, avec ses appendices, joue le rôle d'organe respiratoire, comme le suppose de Lacaze-Duthiers, et rien dans la structure de ces parties ne s'oppose à cette interprétation, la présence des pro- duits génitaux dans les poches dépendant de l'intestin terminal serait purement fortuite; je m'étonnerais seulement de la constance avec laquelle je les ai rencontrés dans cette situation. Si cet organe sert à introduire de l'eau dans l'organisme, comme le pense aussi de Lacaze-Duthiers, il doit posséder des orifices internes que je n'ai jamais vus et les produits génitaux auraient pu y parvenir par une autre voie. Dans toute l'étendue de l'intestin, de la bouche jusqu'à l'anus, l'épilhélium intestinal repose sur une membrane anhiste, apparem- ment très élastique et assez épaisse pour présenter un double con- SUR L'ANATOMIE MICROSCOPIQUE DU DENTALE. 107 tour. Très facile à voir dans les endroits où l'intestin est contracté, cette lamelle continue demande une lentille puissante pour être suivie dans les parties dilatées)» mais elle existe partout. Autour de la membrane vient une gaine de composition variable suivant les endroits, et formée de tissu conjonctif et de muscles. Seulement ces muscles ne constituent pas une tunique musculaire continue ; loin de là, ils n'accompagnent l'intestin que par places, par petits faisceaux aplatis qui comprennent chacun cinq à dix fibres dirigées dans les sens les plus divers. 11 n'y a donc pas une superpo- sition de fibres longitudinales et de fibres transversales. Ces faisceaux, après avoir accompagné l'intestin sur une certaine longueur, le quittent souvent pour traverser le tissu conjonctif et se porter soit sur une autre anse intestinale, soit pour aller rejoindre les muscles de la paroi du corps ou ceux du diaphragme, ou bien encore ceux de la base du pied. De là ces nombreuses brides qui rendent si dif- ficile la dissection de l'intestin, ce dont de Lacaze-Duthiers se plai- gnait à bon droit*. Les intervalles entre les faisceaux de fibres sont remplis par un tissu conjonctif qui ressemble au tissu conjonctif des embryons des vertébrés. Ce même tissu recouvre les portions de la surface intestinale qui sont dépourvues de muscles. La musculature intestinale n'est puissante qu'à l'anus, où elle forme un sphincter, et autour de la poche de la radulo ; les muscles puissants qui mettent cet organe en mouvement ont été décrits par de Lacaze-Duthiers avec autant de soin que de justesse. LE SYSTÈME NERVEUX. Je n'ai pas à revenir sur la disposition générale des ganglions, si bien décrite Q\a.ns\'Organisation du Dentale^. Mais je dois insister sur leur structure histologique que personne n'a encore fait connaître. ' De Lacaze-Duthiers. Organisation du Dentale [Annales des sciences naturelles, 4e série., t. YI, p. 272). - Loc. cil., t. VI, p. 360 et suiv. i08 IIGHMANN FOL. Les ganglions nerveux sont composes de trois tissus : 1° les grosses cellules ganglionnaires; 2" les petites cellules ganglionnaires et 3" le tissu fibrillaire. Ces trois tissus comprennent les éléments nerveux et du tissu conjonctif dont la disposition varie pour s'adapter à celle des cel- lules nerveuses. Ces trois sortes de tissus nerveux ne sont pas entremêlées, mais se répartissent suivant des règles déterminées que nous allons esquisser. Les deux ganglions cérébroïdes ne sont en réalité qu'un seul gan- glion subdivisé par un étranglement situé dans le plan sagittal. S'ils n'étaient reliés entre eux que par la substance fibrillaire, nous devrions les considérer comme deux ganglions distincts ; mais, la substance à grosses et à petites cellules ganglionnaires s'étendant sans interruption d'un ganglion à l'autre, nous sommes obligés d'y voir un organe unique, subdivisé mais non pas divisé. Il en est de même des rapports des ganglions cérébroïdes avec leurs prolongements postérieurs que Plate prétend séparer du reste du ganglion sous le nom de ganglions pleuraux*; cette donnée est évi- demment erronée et la description de de Lacaze-Dulhiers a été atta- quée fort à tort par l'auteur cite. Le tissu à grosses cellules ganglionnaires forme la couche corti- cale sur la face ventrale, les faces latérales et les côtés inférieurs de la masse ganglionnaire. Son épaisseur moyenne est égale au quart environ du diamètre du ganglion. Le tissu à petites cellules ganglionnaires occupe la face dorsale, en y comprenant les parois du sillon vertical qui règne sur cette face; il s'étend jusqu'au bord inférieur des ganglions et jusqu'à leur bord supérieur, recouvrant môme toute leur extrémité supérieure. Laté- ralement il ne s'étend qu'à la moitié de la distance qui sépare le sillon du bord latéral. Mais une bande détachée de ce même tissu occupe le bord latéral sur presque toute sa longueur et interrompt, 1 Plate, loc. cit., p. 510. SUR L'ANATOMIE MICROSCOPIQUE DU DENTALE. i09 en cet endroit, la couche des grosses cellules. L'épaisseur de la couche des petites cellules est inégale; elle atteint son maximum le long des parois du sillon, où elle occupe la moitié ou les trois quarts de l'é- paisseur totale, et son minimum dans les bandelettes latérales. La substance fibrillaire qui correspond à la substance blanche du cerveau des vertébrés, occupe tout l'intérieur des ganglions et vient interrompre la substance corticale partout où un nerf ou une com- missure prend naissance, car elle est en continuité avec le tissu fibrillaire du nerf. Elle occupe toute la partie axiale du détroit qui relie la moitié droite à la moitié gauche du ganglion céré- broïde. Du côté ventral (pi. YII, fig. 10) elle occupe le fond du sillon de séparation, car la couche des grosses cellules ne s'étend pas sans interruption d'une moitié à l'autre du ganglion. Il n'en est pas de même du côté dorsal, où la couche des petites cellules ganglion- naires est commune aux deux moitiés de l'organe. Dans les ganglions pédieux (pi. VIII, fig. M) il n'y a pas la même distinction de deux sortes de tissu ganglionnaire. Toute la couche corticale, sauf aux points de sortie des nerfs, est constituée par des cellules ganglionnaires de grandeur moyenne, et tout l'intérieur est occupé par de la substance fibrillaire. Cette dernière est la seule qui s'étende sans interruption d'un ganglion à l'autre et qui forme la commissure. Il s'agit donc ici d'une véritable paire de gan- glions. Les autres ganglions ne méritent pas ce nom au point de vue histologique. Ils n'ont point de couche corticale continue, mais seu- lement quelques cellules ganglionnaires dispersées, comme on en rencontre aussi dans les gros troncs nerveux et en divers points de bifurcation des nerfs. Ce sont sans doute ces cellules qui ont trompé Plate et lui ont fait affirmer que les fibres nerveuses sont nucléées\ La couche corticale à grosses cellules du ganglion cérébroïde est formée de belles cellules ganglionnaires pyriformes ou légèrement * Plate, loc. cit., p. oll. MO IIEKMANN FOL. étoilées (pi. VII, lig. 10, Plate, loc. cit., p. blO. SUR L'ANATOMŒ MICROSCOPIQUE DU DENTALE. 111 certitude plus de deux ou trois fois. Je n'ai remarqué aucune diffé- rence de calibre entre les deux branches à leur point de départ. Les cellules ont un protoplasme d'aspect mat, granuleux, surtout dans la partie qui entoure le noyau, et sans membrane distincte à la surface. Le noyau est relativement très gros, muni d'une enve- loppe bien nette, d'un nucléole unique assez gros et très constant, et d'un contenu où la chromatine se dispose par petits fragments courbés qui font penser à du vermicelle brisé ou à un tas d'asticots (pi. VII, fig. 10, n). Entre les cellules nerveuses se voient d'autres éléments d'aspect tout différent. Ce sont de petites cellules étoilées (pi. VII, fig. 10, ny), à prolongements longs et irréguliers. Le corps de ces cellules est homogène et sans granulations ; le noyau est petit et rempli d'une masse à peu près homogène de chromatine qui ne prend pas forte- ment le carmin. Elles sont nombreuses dans le voisinage de la surface extérieure de la couche ganglionnaire et près de sa limite avec la substance fibrillaire interne. Il y en a aussi quelques-unes au milieu de l'épaisseur de la couche corticale, mais clairsemées. Entre les cellules ganglionnaires se voient des fragments membraneux, des lignes dichotomisées qui sont la coupe optique de ces lambeaux. En les suivant attentivement, on les voit très souvent se relier aux prolongements des cellules étoilées, en sorte qu'il n'est guère dou- teux que tout ce système de trabécules membraneux soit simple- ment la dépendance des cellules étoilées. Ces dernières, en re- vanche, sont totalement indépendantes du système des fibrilles nerveuses. Nous pouvons dpnÇj^ sans crainte d'erreur, les tenir pour delà névroglie. La substarice, à petites cellules ganglionnaires, présente en somme la même structure que l'autre, mais d'une façon moins nette. Les cellules nerveuses plus petites se confondent facilement avec celles de la névroglie qui conservent partout les mêmes dimensions. Leur arrangement moins régulier ne permet pas de voir si facilement qu'elles sont unipolaires. Enfin le nombre plus grand des fibrilles ne 112 HERMANN FOL. m'a pas permis d'en suivre une jusqu'à son point de bifurcation ; mais je me garde d'attribuer une importance quelconque à ce ré- sultat négatif. Pour s'y retrouver, il faut d'abord étudier à fond une substance corticale à grosses cellules. Les analogies deviennent alors frappantes, et l'on reconnaît que la substance à petites cel- lules ganglionnaires ne diffère de l'autre que par les proportions. La substance fibrillairc est uniquement composée de fibrilles dont les faisceaux se croisent en tous sens. Les cellules de la névroglic en sont totalement exclues et les réactifs colorants démontrent l'ab- sence totale de toute espèce de noyaux, excepté celui de quelque cellule ganglionnaire hors rang. Les fibrilles sont pâles, dépourvues de toute espèce de gaine et de grosseurs assez uniformes. Ces mêmes fibrilles se retrouvent dans les troncs nerveux ; elles ne présentent pas de différences appréciables suivant les régions et la nature musculaire ou sensorielle des organes auxquels elles sont destinées. Les ganglions sont enveloppés d'une membrane épithéliale formée de cellules plates, comme un dallage (pi. VII, fig.iO, d), et losangées. Les noyaux, comme ceux de la névroglie, ont pris cette texture ho- mogène qui dénote les éléments dont la faculté de reproduction est abolie. Par places, comme par exemple dans le sillon ventral (pi. VII, fig. 10, ds), cet épithélium se relie par des traînées de cellules au tissu conjonctif de la cavité du corps. Il est facile de suivre les nerfs sur les séries de coupes ; j'ai pu vé- rifier ainsi et reconnaître l'exactitude de la description de de Lacaze- Duthiers. Il eût été même facile de poursuivre les dernières ramifi- cations dans les organes beaucoup plus loin que ne l'a fait l'auteur que je cite ; mais il ne m'a pas semblé que la science y gagnerait quelque chose d'utile ou de proportionné à la peine que coûterait ce travail. LES MUSCLES. Au point de vue histologique, toutes les fibres musculaires du Dentale, à quelque organe qu'elles appartiennent, ont toujours la SUR L'ANÂTOMIE MICROSCOPIQUE DU DENTALE. H3 môme structure. Ce sont de très longues fibres, de section ovale ou circulaire, que la pression réciproque rend plus ou moins polyé- driques. Leur longueur seule varie ; très longues dans les organes de la locomotion, elles sont plus courtes lorsqu'elles accompagnent l'intestin. Leurs extrémités sont effilées et se terminent entre les cellules conjonctives. Elles adhèrent entre elles plus que par un simple contact, car j'ai démontré déjà en i88o * que les fibres mus- culaires dissociées, après avoir été bien fixées, présentent à leur bord de fines dentelures (pi. VIII, fig. 18 et 19, 7q)les rendus de l'Acad. des sciences, t. C, p, i;io2, T6 mai J883). - Ikinerkuugen, elc. [loc. cil.], p. 311. SUR L'ANATOMIE .MICROSCOPIQUE DU DENTALE. 135 toutes ces structures, les tentacules rudimentaires n'en présentent aucune, bien qu'ils ne soient pas inférieurs en nombre h ceux qu'on vient de décrire, mais garnissent au contraire toute la face interne du bouclier à l'exception de peu d'endroits. Ils sont très courts, ren- flés également en massue à leur extrémité libre, pas creux à l'intc- rieur — mais à l'exception de la massue terminale — remplis par une colonne de cellules étroites, superposées comme les pièces d'une pile d'écus. Les nerfs, les muscles et les cils leur manquent. « Au bord dorsal et ventral de l'écusson, là donc où les faces externe et interne se rejoignent, l'on rencontre aussi certaines formes de transition entre les deux sortes de tentacules, sur lesquelles je n'in- siste pas ici. En revanche, il faut relever que dans la massue termi- nale des tentacules véritables se trouvent des organes des sens, d'un genre particulier. Derrière le ganglion déjà mentionné, à la base de la massue, sont situées encore environvingt grosses cellules à granu- lation serrée, de nature nerveuse. Elles s'allongent en avant, en un filament qui se renfle en massue allongée immédiatement avant la fossette allongée du côté ventral du filament. L'extrémité épaisse du prolongement traverse la cuticule et porte ainsi une épaisse gar- niture de petites baguettes sensorielles. Nous avons ici, devant nous, un organe du toucher, comme on n'en a pas, à ma connaissance, décrit de forme semblable chez les Mollusques. » Cette description est, on le voit, très explicite et nous facilitera la tâche de démêler les observations justes et les erreurs qu'elle ren- ferme.D'abord, il n'y a pas deux sortes de tentacules; il n'y en a qu'une. Ils sont plus ou moins avancés dans leur développement, plus ou moins formés, voilà tout. Et, comme les jeunes tentacules bourgeonnent constamment au bord médian de la face antérieure ou ventrale du bouclier (pi. V, fig, 2, ft') pour reculer ensuite vers le bord latéral à mesure qu'ils prennent forme, il en résulte une sorte de localisation par âges suc- cessifs, qui a induit Plate en erreur. Il est faux du reste que la face ventrale du bouclier ne porte que s i^f> HERMANN FOL. des tentacules jeunes, la face dorsale que des tentacules formés. Il peut en avoir été ainsi sur l'exemplaire mis en coupes par Plate et l'on voit de suite le danger d'écrire avant d'avoir fait des comparai- sons. Cet exemplaire étail-il jeune? ou était-il en train de se refaire ses tentacules après les avoir rejetés, comme il arrive aux exem- plaires malades ? Peu importe, car il suffit d'examiner quelques exemplaires bien fixés au moment oii l'on rentre de la pèche pour voir le véritable état des choses. Un individu adulte et qui n'a pas souffert en captivité, présente seulement quelques bourgeons en voie de développement au rebord interne et médian de l'écusson, et cela surtout à l'extrémité posté- rieure dudit rebord ; tout le reste de la face ventrale et dorsale est garni de tentacules entièrement formés (pi. V, fig. 2, //)• Les bourgeons les plus jeunes sont très courts et composés d'un blastème uniforme de cellules embryonnaires. Ils s'allongent, et les cellules de la surface s'arrangent en une couche épidcrmique dis- tincte du reste de la masse. Puis cet épiderme s'entoure d'une cuti- cule continue, sauf sur une face où elle' est perforée par les cils vibratiles qui sont disposés en une bande longitudinale. Les cellules épidermiques s'allongent dans un sens perpendicu- laire à l'axe du tentacule, formant ainsi une série d'anneaux in- complets et les noyaux de ces cellules ont tous leur grand axe dirigé transversalement (pi. VI, fig. 9, pp). La cuticule, moulée sur l'épi- derme ainsi disposé, formera une série de plis annulaires qui per- sisteront et constitueront la striure transversale déjà remarquée par de Lacaze-Duthiers. Mais les cellules épidermiques s'atrophient après avoir sécrété la cuticule, leur noyau diminue et devient homo- gène, si bien (jue, chez un tentacule entièrement formé, il faut bien chercher pour le retrouver. Les cellules qui portent les cils vibratiles de la bandelette longitudinale se conservent mieux que les autres. L'on voit aussi le long du tentacule, surtout au voisinage de la massue, des cellules en forme de fioles dont la partie renflée s'en- fonce entre les fd)res musculaires, taudis que le col semble débon- rfflS N*RJ^ «a. ©^ ^ Î5> - JSr^^i'/:;; /J.^oé Los filaments tentaculiformcs du Dentale, figures un peu schématisées. FiG. 1.— Coupe longitudinale sagittale, passant par le fond de la fossette, de l'extrémité renflée en massue. FiG. 2. — Coupe transversale de la partie cylindrique du filament. FiG.3. — Coupe transversale de la base de la massue. FiG. 4. — Coupe longitudinale faciale parallèle au fond de la fossette comprenant le ganglion pt ses nerfs. — Ac, anneau cartilagineux ; Ca, canal axial du tentacule; Cp. les deux cavités paires sous-ganglionnaires; /?;«', épidémie; Epi, épitliélium interne; Glm, glandes mu- queuses; ^r^/j, ganglion nerveux; i/, liln-os musculaires ; iV, tilires nerveuses; pe, pores excré- teurs des glandes muqueuses; Tn, terminaisons nerveuses dans la cupule de la ventouse. 13S HEUMANN FOL. ch(M- à la surface [jil. VI, lii^-. S, cp); ce sont dos cellules épitbéliales qui jouent probablomenl le rôle de petites glandes muqueuses, un diminutif en quelque sorte des vingt glandes muqueuses unicellu- laires de la massue. Elles dérivent apparemmentde la couche épider- miquc. Cette atrophie de l'épiderme ne concerne que la partie cylin- drique du filament. A l'extrémité renflée en massue ou plutôt en cuillère, l'épiderme se conserve non seulement, mais encore une partie de ses cellules semble prendre un développement remar- quable sous forme d'éléments glandulaires. Mais achevons d'abord la description du filameiU proprement dit, avant de faire celle de la cuillère terminale. Les cellules sous-jacentes à celles de l'épiderme s'allongent dans un sens perpendiculaire à ces dernières, c'est-à-dire parallèle à l'axe du filament, et dans leur partie superficielle se montrent des fibres réfrin- gentes qui s'allongent et constituent bientôt les fibres musculaires portant à leur face intérieure les noyaux des myoblastes. Ces fibres sont au nombre de douze environ sur les sections de la partie allongée du filament tcntaculiforme, et disposées en cercle régulier (p. 137, fig. 2, M, et pi. VI,fig. 8, m). De Lacaze-Dulhiers avait sans nul doute ces muscles sous lesyeux lorsqu'il a parlé d'une striation longitudinale. Enfin l'épithélium interne reste à l'état de cellules à noyau rond, affectant elles-mêmes des formes variables suivant l'état d'allonge- ment ou de contraction du filament (p. 137 et pi. VI, fig. 8, epi). L'une des faces du filament porte, disions-nous, une bandelette vibratile longitudinale. Celle face aplalie,mcmelégcrementrentrantc, correspond à la cavité de la cuillère terminale (p. 137, fig. 2 et 3). Sous celte bandelette , entre les fibres musculaires , mais dans la partie extrême do la gaine que forment ces fibres, se trouvent avec constance non pas un filet nerveux, comme le veut Plate, mais bien deux filets égaux juxtaposés et parallèles (p. 137, fig. 1 et 2, yV). En approchant de l'extrémité libre, ces filets nerveux se multiplient, et, à côté des deux filets décrits, on en voit un troisième puis un quatrième situés de part et d'autre cl séparés des premiers SUR L'ANATOMIK MICROSCOPIQUE DU DENTALE. 139 par la largeur d'une fibre musculaire. Ces filets nerveux externes proviennent d'une division des deux filets médians, comme on peut s'en assurer en suivant de coupe en coupe un même filament. L'extrémité des filaments tentaculiformes présente une série de particularités anatomiques dignes d'une description spéciale. Tous les auteurs ont décrit le renflement en massue de cette extrémité, ainsi que l'excavation allongée qu'elle présente d'un côté ; seulement, ils n'ont pas remarqué que cette fossette se trouve du même côté que la bandelette vibratile et en constitue, en quelque sorte, la ter- minaison. L'épiderme se conserve mieux dans cette région que sur le reste de la surface. Dans la fossette, il se présente comme un épithélium en palissade portant de gros et nombreux cils vibratiles. La surface convexe est munie de cils plus courts. La gaine musculaire présente, sur les sections transversales, vers la base du renflement terminal, un nombre croissant de fibres mus- culaires. J'en aï compté une quarantaine à l'endroit où le tentacule commence à grossir, et, plus loin, ce nombre s'accroît encore. Mais, malgré cette multiplication, lacouche, dans son ensemble, n'est guère plus puissante, parce que les fibres diminuent en proportion de leur nombre. 11 s'agit d'une ramification et non d'une multiplication. Le parenchyme de la massue terminale est traversé par des fibres musculaires qui partent de la base du renflement, à son pourtour, et vont s'insérer sous l'épiderme du fond de la fossette. Ces fibres se voient avec évidence sur une coupe longitudinale passant par le milieu de la fossette et de la face convexe (p. ISljfig. 1). La plupart des fibres partent de la face convexe, traversent le parenchyme sous un angle obtus, et viennent se terminer presque perpendiculairement dans le fond de la fossette. Le nombre total de ces fibres peut être estimé ù une vingtaine. Plusieurs d'entre elles se continuent avec évidence dans les fibres de la hampe, dont elles ne sont que la terminaison. Pour d'autres, qui sont munies d'un noyau propre, cette continuité est douteuse. iiO HERMANN FOL. Du côté concave, les fibres forment un angle très aigu et vont s'insérer dans la fossette, plus prés du sommet du tentacule que les précédentes ; ces deux groupes de fibres se croisent donc à angle aigu. Les fibres du côté concave sont, du reste, beaucoup moins nombreuses que les premières. Plate ne dit pas un mot de ces structures, bien frappantes pourtant. Cette disposition anatomique prouve clairement que nous avons affaire à des ventouses, interprétation confirmée par les observa- tions de de Lacaze-Duthiers, relatives à l'usage que l'animal vivant fait de ses filaments tentaculiformes. Ce sont, avant tout, des organes de préhension, fonction qui n'exclut pas d'autres usages et qui ne peut exercer, du reste, aucune infiuence sur la conception morphologique de ces parties. A l'intérieur du tube constitué par les muscles se trouve l'épithé- lium interne, dont les cellules entourent un canal axial de forme irrégulière. A l'endroit où le tentacule commence un peu à se ren- ficr, cet épithélium fait place, du côté opposé k celui qui porte la bandelette ciliaire, à une double rangée de cellules cinq fois plus grosses, à noyau moins riche en chromaline, à contenu incolore, mais constitué par de grosses granulations transparentes. Leur aspect tout à fait particulier les fait distinguer à première vue (p. 137, Gbn). Ce sont les «vingt grosses cellules à granulation serrée, de nature nerveuse » que Plate décrit « à la base de la massue ». Le doute n'est pas possible; Ton ne trouve pas, dans tout le tentacule, une autre catégorie de cellules au nombre do vingt et fi granulation serrée. Seulement, elles ne sont pas de nature nerveuse. Déjà leur simple aspect, comparé à celui des cellules ganglion- naires, aurait dû garantir Plate contre cette erreur. Les éléments nerveux ont un sarcodc compact, finement ponctué, aussi dificrent que possible de celui des cellules qui nous occupent. Il n'est pas difficile de trouver dans le corps du Dentale des cellules semblable- ment constituées, ce sont les glandes muqueuses unicellulaires du manteau. SUR L'ANATOMIH MICHOSGOPIQUE DU DENTALE. H\ Mais il n'est pas nécessaire d'avoir recours aux analogies pour en déduire la fonction probable de ces éléments, puisque l'observation directe suffit à trancher la question. Chaque cellule est munie d'un pore excréteur débouchant à la surface de l'épidémie (p. 137, pe). Ces pores sont tous situés sur deux lignes longitudinales. Si nous appelons ventrale la face ciliée du filament tentaculiforme, la face opposée ou convexe serait dorsale ; ces faces seraient reliées par les faces latérales. Eh bien, tous les pores excréteurs se trouvent sur les côtés de la face dorsale, à l'endroit où elle passe aux faces latérales. Sur les coupes transversales de cette région du tentacule, le tube musculaire semble interrompu en deux endroits correspondant pré- cisément aux bords de la face dorsale ; les fibres musculaires s'écartent en ces points pour livrer passage aux canaux excréteurs. Sur ces mêmes coupes on voit que l'épithélium du canal interne continue à régner dans cette région, sur les côtés et à la partie ven- trale du canal; il ne cède la place aux glandes muqueuses que du côté dorsal, et encore pas complètement^ car ses cellules se re- trouvent, aplaties par compression, entre les éléments glandulaires. Je présume, mais sans en avoir des preuves suffisantes, que les cellules glandulaires dérivent del'épiderme et s'enfoncent dans l'in- térieur du tentacule, passant entre les fibres musculaires et repous- sant devant elles les cellules de l'épithélium interne. Je le présume parce que sur les tentacules jeunes du bord interne du bouclier, on voit, près de la massue terminale, des cellules épidermiques s'en- foncer de la sorte; mais ces cellules n'ont pas encore des caractères qui permettent d'y reconnaître des glandes. Leur identité avec les cellules muqueuses n'est donc qu'une supposition très plausible. De Lacaze-Duthiers a déjà remarqué que les tentacules s'entourent d'une mucosité et, avant lui, Glarck leur attribuait la fonction de la sécrétion d'une salive. La découverte des éléments sécréteurs n'a donc rien d'inattendu. 11 est seulement curieux que les orifices se trouvent du côté convexe et à la base de la massue ; on les aurait plutôt cherchés dans la cavité de la ventouse. U-2 HEKMANN FOL. La connexion que. Plaie a cru pouvoir étal)lir entre ces cellules et les cônes sensoriels de la ventouse, par rinterniédiaire de longs pro- longements, n'est pas seulement improbable, elle est fausse et pure- ment imaginaire. Ce sont, sans doute, les fibres musculaires que cet auteur aura pris pour des filaments nerveux conneclifs. Au-dessus des glaudes muqueuses, répithélium interne change de caractère; il se montre composé de cellules à parois épaisses, avec un corps cellulaire régulièrement ovale et homogène et un noyau homogène aussi. Ces cellules, sur quatre ou cinq de hauteur, forment un anneau complet. Ce tissu rappelle celui qu'on désigne communément du nom de cartilage chez les animaux inférieurs, et qu'il serait peut être plus juste de comparer au tissu cellulaire rigide des plantes. Il ne semble pas avoir d'autre fonction que la rigidité ; c'est un organe de soutien. Cet anneau cartilagineux à la base de la massue terminale, qu'aucun auteur n'a encore décrit, est un élément important dans la détermination de la fonction de l'organe, car l'on retrouve un an- neau de support dans presque toutes les ventouses véritables. Le canal du tentacule ne s'étend pas au delà de l'auneau cartila- gineux dont l'orilice semble entièrement fermé par des cellules épi- tjiéUfiles ordinaires. Au-dessus de l'anneau viennent deux cavités symétriquement placées à droite et a gauche, et qui paraissent closes sur elles-mêmes ; du moins, je n'ai pas réussi à trouver une communication entre celles-ci et le can&l axial. Ces deux cavités supporleul et embrassent entre elles un amas ho- mogène, l'inemcnt pondue, dont la ressemblance avec la substance des cellules ganglionnaires frappe à première vue. L'on n'y distingue guère les limites des cellules, mais ou vuil, à la base, deux uuyaux, et une dizaine d'autres, sur U;s côtés, qui pourraient bien être les noyaux des cellules composant le ganglion. Et, en effet, je crois pouvoir i)flirmer ({aïl s'agit bien ici d'un gan- glionnerveuxvéritable. Voici mes preuves, i^i suivant allcnUscuiunl, SUR L'ANATOMIE MICROSCOPIQUE DU DENTALE. M 3 découpe en coupe, un même tentacule, je suis arrivciime convaincre quelesdeux filets nerveux médians, qui accompagnent la bandelette, quittent la surface au-dessus du bord de l'anneau cartilagineux et, décrivant un demi-tour l'un autour de l'autre, viennent se perdre dans la base du ganglion, tout près de chacun des deux noyaux déjà mentionnés. De plus, je vois nettement une série de filaments de substance ponctuée, partir de la partie supérieure du ganglion pour se rendre chacun à une cellule sensorielle de la cupule. Je présume que ce ganglion est bien le même organe que Plate désigne de ce nom, que ses cellules sensorielles correspondent bien aux miennes, et que cet auteur s'est seulement trompé sur les con- nectifs. Méconnaissant les filaments qui vont du ganglion aux ter- minaisons nerveuses, i\ en a décrit d'imaginaires, qui se rendraient aux glandes muqueuses 1 Toute la partie du ganglion qui n'est pas enfoncée comme un coin entre les deux cavités, se trouve noyée dans l'amas terminal des cellules épithéliales, qui forme le parenchyme de la ventouse, et que traversent les fibres musculaires et les filaments nerveux. Ces derniers présentent, sur une coupe transversale de Textrémité de la ventouse, une disposition à peu près régulière de fer achevai, dont la concavité répond à la cupule de succion. J'en ai compté 24 sur un tentacule entièrement développé. Les organes sensoriels se présentent sous la forme de cônes allon- gés, colorables à l'acide osmique et même ^u parmin.La base du cône est appliquée intérieurement contre la cuticule, sa pointe se conti- nue insensiblement dans le filet nerveux qui le reUe au ganglion. 11 ne renferme point de noyau (p. 137, fig. 1, Iji). Ce n'est donc pas un élément histologique , mais le prolongement superficiel d'un élément qu'il faut sans doute chercher parmi ces cellules nucléées adhérentes à la surface du ganglion. La terminaison sensorielle se trouve eu dehors de la cuticule. Parmi les cils, dont la toison serrée recouvre celte cuticule, j'en dis- tingue quelques-uns qui se colorent comme la subtance des cônes, 144 HliRMANN FOL. et qui ont le môme aspect pointillé. Comme chaque groupe de ces cils fait constamment face à un cône, je n'hésite pas à le considérer comme la terminaison dernière de l'organe sensoriel. Plate décrit cette terminaison comme une épaisse garniture de baguettes sensorielles. Je ne conteste pas ce résultat; je me borne à observer que, moins heureux ou moins habile que l'auteur cité, je n'ai pas réussi à discerner ces nombreuses baguettes, et que ce que j'ai vu ressemblait plutôt à des cils estampés. Et pourtant mes obser- vations ont été faites avec un objectif apochromatique à immersion homogène de S""* de foyer, sortant des ateliers de Zeiss. Quant à la nature de la sensation que Plate déclare être le toucher, je préfère rester dans une réserve que le lecteur appréciera sans nul doute. 11 ne me reste plus, en terminant cette trop longue description, qu'à jeter un coup d'ceil sur les homologies générales de l'organe dont nous avons approfondi l'anatomie microscopique. De Lacaze-Duthiers n'a pas abordé cette question; la discussion des motifs qui ont fait désigner l'organe du nom de branchiC;, de glande salivaire ou de filaments tactiles, sont discutés au point de vue exclusivement physiologique. Or, nous avons vu que toutes ces fonctions sont réunies et qu'il faut encore y ajouter celle de la préhension. Mais qu'importe au point de vue des homologies? La position et les rapports des filaments font songer involontaire- ment à une branchie et la comparaison avec les jeunes filaments branchiaux tels que de Lacaze-Duthiers les a si bien décrits pour les embryons de la moule, * est certainement très tentante. Le point d'origine, dans le fond du repli, entre le manteau et le pied, est le môme dans les deux cas. Mais les filaments tentaculiformes du Dentale reçoivent leurs nerfs des ganglions cérébroïdes, taudis que les branchies des bival- ves sont innervées par le ganglion postérieur. Cette considération rend assurément l'horaologie branchiale très problématique, et éta- 1 Sur le développement des branchies des Mollusques {Annales des sciences naturelles, 4" série). SUR L'ANATOMIE MICROSCOPIQUE DU DENTALE. -lio blirait plutôt un rapprochement entre les filaments et les tentacules buccaux des Lamellibranches et de divers mollusques. Mais alors leur point d'origine, assez loin en arrière de l'orifice buccal, surgit comme une difficulté sérieuse. L'on pourrait expliquer les faits connus en ayant recours à l'hy- pothèse d'un type ancestral commun aux Solenoconques et aux Bivalves. Ce type aurait été pourvu d'une longue série d'appendices creux et ciliés, s'étendant de la bouche à l'anus dans le fond du repli du manteau. De tous ces appendices, les Lamellibranches n'au- raient conservé que les plus antérieurs et ceux de la partie posté- rieure, comme tentacules buccaux et comme branchie. Le Dentale au contraire n'aurait conservé que ceux de la région post-buccale. Les appendices postérieurs des Lamellibranches se seraient ensuite multipliés et étendus secondairement en largeur et en avant. Cette hypothèse, qui rendrait compte des faits d'innervation, ne laisserait subsister, entre les filaments tentaculiformes des uns et les filaments branchiaux des autres, qu'une homologie sériale; il n'y aurait pas homologie directe. Ce n'est là qu'une pure hypothèse. La question morphologique ne nous semble pas mûre et, dans cet état de choses, nous croyons préférable d'employer une dénomi- nation qui ne préjuge rien. A ce titre, le nom de cirrhibranches, qui a été proposé pour les Dentales, nous paraît mériter la condamnation qu'il a subie par de Lacaze-Duthiers, et je constate avec satisfaction que la connai- sance approfondie que j'ai acquise de ce type remarquable me per- met de confirmer de tout point la position que l'éminent anato- miste lui a assignée dans le système. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 2>^ SÉHIE, — T. VU. ISS'J. 10 14G IIEKMANN FOi. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE V. FiG. 1 . Coupe transversale de Dentalium entale adulte à la hauteur de la partie apicale élargie du pied avec les extrémités des filaments tentaculiformes et le manteau. Durcissement à l'alcool absolu, coloration au carmin- borax. Grossissement, 24 diamètres. 2. Coupe transversale près de la base du pied avec le bulbe buccal et l'écusson qui porte les filaments tentaculiformes entièrement développés {fl) et les jeunes {ft'). Traitement et grossissement comme ci-dessus. 3. Quelques cellules de l'épithélium rénal présentent des espaces (e) où étaient logés les globules jaunes. Fixation à l'acide picro-chromique, additionné, au début, d'acide acéto-osmique; coloration au carmin-borax. Grossis sèment, .312 diamètres. 4 . Un ctecum de la glande ou poche anale avec ses cellules ciliées (c) et des zoospermes (s). Traitement et grossissement comme ci-dessus. Explication des lettres. b, abajoues. Ig, le lobe gauche du pied. bm , bourrelet glandulaire moyen du m, le manteau. manteau. inc, muscles circulaires du pied. c, cils des cellules de la glande anale. mf, muscles de l'écusson qui se proion- cm, cavité du manteau, gentdans les filaments. d, lobe dorsal du pied. ml, muscles longitudinaux du pied, pro- D, côté dorsal de l'animal. longement du muscle rétracteur. e, espace des cellules rénales où se trouve mi', couche externe de fibres longitu- leur sécrétion. dinales. en épiderme. mtr, muscles transversaux ou diagonaux. /■<, filaments tentaculiformes entièrement n, noyaux de cellules. développés. œ, œsophager fl\ filaments tentaculiformes en voie de si, écusson qui porte les filaments. développement. V, côté ventral de l'animal. Id, le lobe droit du pied. s, zoospermes. PLANCHE VI. FiG. b. Portion de la région médiane, du côté dorsal, d'une coupe du pied de Dentalium entale adulte passant au-dessous des expansions latérales, fixée à l'alcool absolu, colorée au carmin-borax; grossie 96 fois en diamètre. 6. Coupe longitudinale sagittale par le bord supérieur du manteau et son bourrelet; fixation au mélange d'acides, coloration au carmin-borax; grossie 55 fois en diamètre. 7. Petite portion de la région supérieure de la coupe précédente; grossie plus fortement (150 fois en diamètre) pour montrer la forme des deux espèces de glandes unicellulaires. SUR L'ANATOIVIIE MICROSCOPIQUE DU DENTALE. 147 FiG. 8. Portion voisine de la ventouse de la partie cylindrique d'un fdament ten- taculiforme entièrement développé, coupé obliquement. Fixation au mélange d'acides picro-chromique et acéto-osmique, coloration à la gly- cérine hématoxylique ; grosaisseraent, 400 environ. 9. Coupe oblique à travers un filament tentaculiforme en voie de dévelop- pement, pour montrer la disposition des éléments épidermiques. Trai- tement comme ci-dessus; grossissement, 300 environ. Explication des lettres. bm , bourrelet glandulaire moyen du gp^ glandes hyalines ou ponctuées du manteau. bourrelet. e, portion conjonctive et sans muscles gpn, noyau cellulaire des glandes liya- du manteau. Unes, ep, cellules épidermiques. m, fibres musculaires des filaments. epi, épithélium interne des filaments. me, muscles circulaires du pied. fc , fibres musculaires circulaires du ml, muscles longitudinaux du pied on mante au. continuité avec le muscle rétrac- fl, fibres longitudinales du bourrelet du tour. manteau. mtr, muscles transversaux ou diagonaux gm, glandes granuleuses du bourrelet du du pied. »( manteau. PLANCHE VII. Toutes les figures se rapportent à des tissus fixés avec les mélanges d'acide pi- crique, chromique, acétique et osmiquc, puis colorés au carmin-borax extrait ensuite par l'alcool acidulé, et montés au baume. FiG. 10. Portion voisine de la ligne médiane du bord ventral des ganglions céré- broïdes, montrant la substance à grosses cellules ganglionnaires. Gros- sissement, 520 diamètres. 11. Épithélium du repli entre l'œsophage et les abajoues, montrant la limite de l'épithélium cilié et de l'cpithélium glandulaire. Grossissement, 260 diamètres. 12. Épithélium de la poche buccale dans la partie située entre les deux abajoues ; grossi 390 fois. 13. Épithélium glandulaire de l'estomac avec les masses de sécrétion plus ou moins détachées des cellules. Grossissement, 390 diamètres. 14. Tissu de la poche de la radule avec son épithélium à palettes^ sa couche musculaire et le tissu cartilagineux; grossi 390 fois. 15. Noyaux de cellules hépatiques montrant la disposition des filaments chromatiques. Grossissement, 390 diamètres. 'Explication des lettres. ca, tissu cartilagineux. cg, cellules épithéliales glandulaires, ce, cellules épithéliales ciliées. cp, cellules épithéliales à palettes. lis HEKMANN FOL. cr, cori)Uscules chromatiques à la base f, tissu fibrillairc du ^'angiiou. des cils. m, muscles de la mastication. clr, couche transparente sur laquelle les n, noyaux des cellules ganglionnaires. cils sont implantés, ng, cellules de la névroglic. d, épithélium en dallage qui enveloppe p, palettes de l'épilhélium de la poche de les ganglions cérébroïdes. la radule. ds, cellules aplaties conjonctives du tissu s, masses sécrétées par les cellules épi- situéeutre les ganglions cérébroïdes. théliales glandulaires. PLANCHE VIII. FiG. 16. Trois cellules hépatiques en coupe extrêmement mince, montrant les fila- ments sarcodiques et les globules de sécrétion. Fixation au liquide de Flemming, formule de l'auteur, coloration au carmin aluniquc. Gros- sissement, 390 en diamètre. 17. Coupe à travers la partie moyenne d'un des ganglions pédieux, montrant, la répartition des substances fibrillaire et ganglionnaire. Fixation à l'al- cool absolu, coloration au carmin-borax. Grossissement, 17o diamètres, 18 et 19. Deux fibres musculaires du muscle rétracteur isolées par dissociation et colorées à l'hématoxyline. Grossissement, 900 diamètres. 20. Ovule jaune, avec une couche encore plus épaisse de lécithe fixé à l'acide picro-chromique et coloré au carmin alunique ; grossi 433 fois en dia- mètre. 21 . Ovule plus avancé avec un lécithe considérable, mais avec son noyau et ses nucléoles intacts; fixé, coloré et grossi comme ci-dessus. 22. Ovule ovarien parfaitement mûr, le noyau et les nucléoles complètement dispersés; fixé et coloré comme les précédents; grossi 300 fois en dia- mètre. 23. Zoospermes mûrs, a à l'état vivant; h traités par le vert d'iode légèrement acidulé d'acide acétique. Grossissement, 730 diamètres. Explication des lettres. bl, substance blanche ou iibrillaire du m^ couche muqueuse enveloppante de ganglion. l'œuf, d, denticules qui unissent les fibres mus- n, nucléoles de l'ovule. culaires voisines. - r, substance réticulée du protoplasme f, fibrilles musculaires, des cellules hépaliques. gr, substance grise ou ganglionnaire, • t, tache claire qui occupe, chez l'ovule gh, globules de sécrétion hépatique. mûr, la place du noyau. /, lécithe des ovules. LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS PAR E. MAUPAS Conservateur adjoint de la Bibliothèque d'Alger. I. INTRODUCTION HISTORIQUE. Parmi les nombreuses et grandes questions dont la biologie mo- derne poursuit avec persévérance la solution, il n'en est certes pas de plus importantes que celles se rapportant aux phénomènes im- médiats de la vie cellulaire. Rechercher et étudier toutes les formes que la cellule vivante peut revêtir, l'analyser dans ses parties élé- mentaires essentielles, éclaircir et mettre en évidence les structures intimes de ces éléments, suivre les métamorphoses et les transfor- mations que ces éléments et ces structures éprouvent pendant les phases delaviecelUilaire,décomposercelle-cidanssesfonctionsprin- cipales en rattachant chacune d'elles à celles des parties élémentaires qui leur servent de substratum organique^déterminer avec précision les forces et les produits de ces fonctions, en un mot scruter sous toutes les formes et dans toutes leurs manifestations la morpho- logie et la physiologie cellulaires, tel est le vaste et beau problème que la cytologie contemporaine s'est posé. Avec un programme aussi compréhensif, cette jeune science, la dernière apparue parmi les autres branches delà biologie, emprunte ses renseignements et ses matériaux d'étude au monde vivant entier. La botanique et la zoologie, dans toutes leurs divisions, embrassant la série entière des êtres vivants depuis les plus élevés en organi- ISO E. MAUPAS. salion jusqu'aux plus inférieurs, sont ses tributaires. Mais, dans la seconde de ces sciences, le groupe des Protozoaires est bien certaine- ment un de ceux qui lui fournissent les sujets d'étude les plus riches et les plus variés. Les Infusoires ciliés, ces êtres si profondément et si essentielle- ment unicellulaires dans tous leurs éléments et toutes leurs struc- tures, sont les représentants les plus élevés de ce groupe des Proto- zoaires. Aussi ont-ils été les plus souvent observés et étudiés par les cytologistes. Chez eux, en effet, la vie élémentaire de la cellule se manifeste avec une variété de formes et une puissance d'activités physiologiques, qui ne sont égalées nulle part ailleurs. Adaptée à la vie animale libre, la cellule unique, constituant leur organisme, s'est différenciée morphologiquement etphysiologiquement de façon à répondre aux besoins les plus divers et les plus élevés de cette existence indépendante. Parmi les fonctions relevant de la vie cellulaire, la fécondation dite sexuelle a toujours vivement sollicité la curiosité des cytolo- gistes. Dans ces dernières vingt années surtout, de nombreux tra- vailleurs se sont efforcés d'en expliquer les véritables causes et effets. Grâce aux progrès de la technique micrographique et des appareils optiques, de belles et brillantes découvertes sont venues enrichir cette partie de la science. Les recherches consacrées spécialement aux Infusoires ciliés y ont apporté un contingent notable de faits et d'observations intéressantes. C'est à passer le plus rapidement possible en revue ces dernières recherches que vont être employées les quelques pages de cette introduction. Je pourrai être d'autant plus concis, qu'on en trouve déjà d'excellents exposés historiques dans les publications de Bal- biani ', de Stein^ de Blitschli^ et de Entz*. Je ne ferai donc qu'ef- 1 Phénomènes sexuels des Infusoires , 1861, p. 2-15, et surtout Journal de microgra- })/i!e, 1S81 et 188-2. - Der Organismus der Infnsionslhiere, t. II, 18G7, p. /i 0-1 40. 3 Protozoa, 1888. Partie historique consacrée aux Infusoires ; passim. '* Studien uber l'rolisten, l'"^ partie, 1888, p. 429-'i55. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. \5i fleurer la longue série d'observations inexactes, do fausses interpré- tations et do conceptions erronées, par lesquelles la théorie de la fécondation des Ciliés a dû passer avant d'arriver à une formule nette et exacte. Dans les travaux antérieurs, je chercherai surtout à mettre en évidence les faits et les interprétations, qui trouvent naturellement et sans effort leur place dans les cadres de la con- ception, suivant laquelle nous comprenons actuellement ces phé- nomènes. Je n'entreprendrai pas l'exposition détaillée des obser- vations do chaque auteur, d'autant moins que, plus loin, à propos de chacune des espèces étudiées par moi, on trouvera un résumé aussi exact que possible des faits déjà constatés par d'autres pour ces espèces. Les recherches sur la fécondation des Ciliés peuvent se diviser en deux sections : IM'étude des phénomènes externes; 2" l'étude des phénomènes internes. Déjà les plus anciens observateurs, tels que Leuwenhoek, Baker, Joblot, Gleichen, observèrent des syzygies de Ciliés et les inter- prétèrent comme des accouplements sexuels [coitus). Mais, trompés par l'imperfection des instruments dont ils se servaient, ils confon- dirent fréquemment de simples divisions fissiparesavec les véritables accouplements. Aussi beaucoup de leurs successeurs immédiats n'acceptèrent-ils leurs observations qu'avec défiance, ou même les repoussèrent catégoriquement. O.-F. Millier lui-même, dansles pre- mières années de ses études, était complètement sous l'impression de cette défiance et il commença par affirmer que tous les cas d'ac- couplements signalés par ses prédécesseurs n'étaient que des divi- sions binaires. Mais plus tard, lorsqu'il eut observé directement la conjugaison du Paramecium aurella [caudatum), qu'il l'eut vu durer pendant plus de douze heures et qu'il eut constaté que les individus en syzygie étaient généralement de petite taille*, il se fit un revire- ment complet dans ses idées, et O.-F. Millier se prononça, sans hési- 1 Animalcula infusoria, etc., 1780, p. 87, pi. XIL 1o2 E. MAUPAS. talion, pour un acte d'accouplement sexuel. Il se montra tout aussi aflirmatif pour la syzygie de Cliilodon cucullulus. Les contradictions qui existent dans les diverses parties du texte du savant danois s'expliquent par la publication posthume de son livre. 11 était, en effet, loin d'être achevé, lorsque le vieux micrographe mourut, et fut publié par son ami Fabricius, à l'aide de notes et de fragments non coordonnés par l'auteur. On réimprima môme en tête, sans y rien changer, une introduction qui avait déjà paru treize ans auparavant dans une autre des publications de Miiller. Le savant danois devançait ainsi beaucoup son époque et il nous faudra maintenant attendre jusqu'aux premiers travaux de Balbiani, avant de voir de nouveau les syzygies de Ciliés interprétées exacte- ment. Les contemporains et les successeurs immédiats de Miiller ne tinrent pas compte de son observation, si bien vue et si exactement décrite, et persistèrent dans la vieille erreur. S'autorisant des belles observations de Trembley,dc Spallanzani et de Saussure sur la multi- plication lissipare, ils considérèrent le rapprochement longitudinal desCiliés comme un état de division,difrérantdela division transver- sale uniquement par la direction. Plus tard, l'influence néfaste d'Eh- rcnberg, avec sa théorie imaginaire de l'hermaphrodisme, de l'au- tofécondation et de l'oviparité des Infusoires, venant encore s'ajouter à cette défiance générale, il devint avéré pour tout le monde que là où Miiller et quelques-uns de ses prédécesseurs avaient cru voir un accouplement, il n'y avait que des divisions longitudinales. Cette longue persistance el celte universalité danslerreur méritent que nous nous y arrêtions un instant. Elle nous prouve combien les idées préconçues peuvent fausser le jugement et endormir la sagacité des meilleurs esprits. L'interprétation exacte d'une syzygie est, en effet, une des observations les plus aisées à faire, si aisée, que O.-F. Miiller y avait parfaitement réussi, avec les instruments si défectueux de son époque. Elle exigeait, en effet, seulement un peu de patience; qualité qui bien certainement ne faisait pas défaut ;\ des observateurs du mérite d'Ehrenberg, de Dujardin, de Perty, de LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. d^3 Stein, deLachmann et de Glaparède, qui consacrèrent de si nom- breuses années de labeur à l'étude des Infusoires. Tous cependant, aveuglés par de fausses idées préconçues, passèrent à côté de la vérité et laissèrent à Balbiani l'honneur de la rétablir. Malgré cette profonde erreur sur la signification des syzygies, l'idée d'une reproduction sexuelle chez les Ciliés ne fut pas aban- donnée pour cela. Nous avons déjà fait allusion plus haut à la théorie d'Ehrenberg. Cette théorie, basée sur un ensemble de confusions, d'hypothèses et d'affirmations sans preuves, a été si souvent discutée et s'éloigne si complètement de la réalité, qu'il est inutile d'en re- commencer la critique ici. Elle eut d'ailleurs fort peu de succès auprès de ceux qui la virent naître. Battue en brèche par les nom- breux adversaires d'Ehrenberg, elle ne tarda pas à être abandonnée, même par ceux qui se disaient les élèves et les continuateurs du micrographe de Berlin. La débâcle des exagérations et des fausses hypothèses d'Ehrenberg entraîna à sa suite une réaction en sens inverse, qui, à son tour, alla trop loin. L'on vit, en effet, des observateurs de la valeur de Dujardin (1842), de de Siebold (1845), de Perty( 1852) nier, chez les Infusoires, l'existence de toute espèce d'organes ou de phénomènes sexuels. Il s'écoula alors une période de quelques années, pendant lesquelles il semblait s'être fait un accord unanime pour refuser aux Ciliés la sexuahté sous quelque forme que ce fût. Toutefois, quelques observations isolées, faites dans les groupes zoologiques voisins, vinrent de temps à autre réveiller les esprits indécis. Telle fut la découverte de la conjugaison chez les Acinétiens, par Stein (i 849) et surtout celle de ces prétendus embryons que de Siebold, Focke, Eckhard, 0. Schmidt, Cohn et Stein observèrent, vivants, à l'intérieur de plusieurs espèces de Ciliés. Aucun de ces observateurs n'avait réussi à suivre la véritable origine de ces em- bryons (reconnus plus tard pour être des parasites); mais alors tout portait fi croire que leur production devait se faire ;\ la suite d'un acte sexuel. C'est à ce moment (1856) que le grand physiologiste iU E. MAUPAS. allemand, Joh. Millier, vint annoncer à l'Académie de Berlin* qu'il avait constaté à plusieurs reprises dans le nucleus du Paramecium aurelia la présence de. corps liliiormcs, ressemblant à des sperma- tozoïdes. Il ajoutait en môme temps que ses élèves, Claparède, Lach- mann et Licberkiihn, avaient lait des observations semblables sur le nucleus du Chilodon cucuUulus et le micronucleusdu Colpoda ren. Le célèbre professeur, très prudent, mit quelque réserve dans ses expressions; mais elles n'en laissaient pas moins voir que, pour lui, ces productions filamenteuses devaient très probablement représenter les spermatozoïdes des Ciliés. La question de la sexualité des Infusoires se réveillait donc de nouveau et sous une nouvelle forme. L'existence d'éléments fécon- dateurs entraînait avec elle, comme conséquence forcée, celle d'une fécondation sexuelle et de produits dérivant de cette fécondation. Il s'agissait maintenant de savoir de quelle nature étaient ces produits et comment s'opérait cette fécondation. C'est alors que Balbiani vint donner une réponse complète en apparence à ces questions. Au mois de mars 1858, il présenta à l'Académie des sciences de Paris ^ une note dans laquelle il affirmait que les Infusoires ciliés se propagent à l'aide de sexes. Il démontrait, par ses observations sur le Paramecium hursaria, que les syzygies longitudinales de cette espèce, considérées comme des divisions, représentaient un véri- table accouplement; dans cet accouplement, suivant lui, le nucleus devait jouer le rôle d'ovaire et le micronucleus (nucléole) celui de testicule. Il affirmait que ces êtres hermaphrodites se fécondaient réciproquement et que du produit de cette fécondation naissait un embryon acinétiformc qui, en se métamorphosant, revotait plus tard la forme typique de l'espèce. Cette note, à côté de nombreuses et grosses erreurs, contenait une découverte importante. En effet, depuis son apparition, il est devenu constant pour tout le monde 1 Monatsberichte der Berliner Acad. 18a6, p. :i90-92. 2 Comptes rendus^ t. XLVI, 1858, p. G28, et Journal de la physiologie, t. I, p. 347, pi. IV. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 153 que les syzygies de Ciliés représentent un accouplement et non une division longitudinale. Dans ses autres publications, qui se succé- dèrent rapidement', Balbiani étendit cette démonstration à un assez grand nombre d'espèces. Puis vinrent les travaux d'Engelmann^ et de Stein^ confirmant ceux du savant français et les complétant par la belle découverte, faite par Stein, de la formation des microga- mètes ^ et de leur accouplement avec la macrogamète, chez les Vor- ticellides. Les phénomènes externes de la conjugaison se trouvaient dès lors connus dans tous leurs traits essentiels. Restaient à faire connaître les phénomènes internes. C'est encore à Balbiani que revient l'honneur d'avoir été le premier à entrevoir exactement quelques-uns de ces phénomènes internes. Dès sa première publication, il décrivit et figura l'aspect et la struc- ture fibreuse que le micronucleus prend pendant l'accouplement et annonça qu'il pouvait se diviser à deux reprises successives. Mal- heureusement il confondit encore ces états fibreux avec les corpus- cules filamenteux observés par J. Millier et ses élèves. Mais il ne tarda pas à corriger lui-même cette erreur et, dans son Mémoire sur les phénomènes sexuels ^ démontra. que les filaments de J.MuUer étaient dus à la présence de parasites de l'ordre des Bactériacées. 1 Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XLVII, 1838, p. 383, et fiec/ierc/ies sur les phénomènes sexuels des Infusoires {Journal de ta physiologie, 18G1, t. IV , p. 102-13D ; 194-220 ; 431-448 et 465-520, pi. VII-IX.) — Réimprimé également en tirage à part, d'après lequel je ferai toutes mes citations. 2 Zeitschr. filr VViss. Zool., t. XI, 1861, p. 347-393, pi. XXVIII-XXXL 3 Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 40-140. * Stein et tous les auteurs ultérieurs, à sa suite, se servent des termes micro- et macrogonidie pour désigner les deux vorticelles d'une conjugaison. J'ai préféré ceux de micro- et macrogamète, dont le sens étymologique correspond beaucoup mieux aux faits, puisque la conjugaison, au point de vue morphologique, se réduit îi un acte de copulation nucléaire, ou karyogamie sans génération et procréation d'au- cune sorte. Ces termes d ailleurs sont employés depuis longtemps par les botanistes pour désigner des phénomènes analogues. Par extension, j'appellerai gamètes, \cs individus en conjugaison d'une espèce quelconque. s Loc. cil., p. 116. 156 E. MAUPAS. Balbiani se débarrassa encore de bonne heure d'une autre fausse notion, qu'il avait d'abord également partagée avec tout le monde. Il s'agit de ces prétendus embryons acinéliformes, dont nous avons parlé plus haut et dont il affirmait, dans son premier travail, avoir suivi le retour à la forme normale. Dès 1860 \ il rectifia cette erreur, en démontrant que les embryons en question étaient des parasites de la famille des Acinétiens. Mais s'il réussit à déblayer la science de ces idées erronées, il introduisit d'autres erreurs tout aussi graves et qui, pendant près de vingt ans, pèseront lourdement sur le progrès de nos con- naissances, autant par leur fausseté même que par la conception inexacte de l'organisme des Ciliés, qui en était la conséquence né- cessaire. Trompé par une fausse idée de leur organisation qui, sui- vant lui, devait répondre à un assez haut degré de complexité, il rechercha dans les phénomènes sexuels des Ciliés des analogies avec ceux des animaux supérieurs. Il décalqua, pour ainsi dire, sa théorie de leur sexualité sur celle de ces êtres supérieurs, telle qu'on la con- cevait à cette époque. C'est ainsi que les états fibreux du micro- nucleus et de ses produits devinrent des capsules spermatiques ren- fermant des spermatozoïdes. Cependant personne ne pouvait être mieux préparé que lui pour éviter cette erreur.Ces prétendues capsules spermatiques ne sont, en effet, que des états de division du micro- nucleus, et Balbiani avait publié, dès 1860 -,un excellent travail, dans lequel il décrivait avec la plus grande exactitude ces divisions du micronucléus pendant la bipartition fissipare. Mais il fallait à sa théorie des spermatozoïdes, et les mômes phénomènes reçurent des interprétations absolument différentes. Des ovules pourvus d'une vésicule germinative furent également décrits et ces ovules dérivés du nurleus, considéré comme ovaire; tandis qu'en réalité les pro- duits en question appartenaient à révolution du micronurleus. La fécondation devait s'effectuer au moyen de l'échange réciproque 1 Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. LI, 18P)(t, p. 319. 2 Journal de la physiologie, t. lll, ISûO, p. 71-87, pi. III. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 157 d'une capsule spermatique entre les deux conjoints, échange non observé directement bien entendu, puis par la dissolution de cette capsule et l'imprégnation de l'ovule par les spermatozoïdes ainsi mis en liberté. L'œuf fécondé ne se développait pas dans le corps delà mère ; mais était pondu au dehors. Balbiani affirmait même avoir assisté à une de ces pontes. Telle est, dans ses traits essentiels, cette théorie de la sexualité des Ciliés, dont le mérite, comme in- vention, est assez faible, puisque, comme je l'ai déjà dit, elle ne fait que suivre pas à pas les connaissances acquises à ce moment sur la reproduction sexuelle des Métazoaires. Présentée avec art, dans un mémoire dont la méthode dogmatique d'exposition ne permettait que très difficilement d'en saisir les points faibles, elle fut accueillie à peu près sans réserve par pres- que tous les contemporains. Stein seul éleva la vois contre elle, non pas pour la contester et la battre en brèche dans ses bases essentielles, mais simplement pour la modifier dans quelques points accessoires *. Stimulé, comme Balbiani, par les observations de Miiller sur les prétendus sperma- tozoïdes, il s'était activement mis à l'œuvre et avait aperçu les états fibreux du micronucleus en même temps que Balbiani. Il adopta donc la même opinion que ce dernier et considéra cet organe comme un testicule. Mais au lieu de regarder les syzygies comme un accouplement avec fécondation réciproque des deux conjoints, il prétendit que ces unions avaient simplement pour but d'éveiller l'activité des organes sexuels, et que la fécondation n'avait lieu qu'après la disjonction, chaque conjoint se fécondant lui-même. Ainsi que Balbiani, il considérait le nucleus comme représentant Torgane femelle; mais au lieu d'en faire un ovaire producteur d'œufs, il voulut y voir un simple germigène (Keimstock) donnant naissance à des sphères germinatives, lesquelles, en se développant^ se transformaient en sphères embryonnaires,, puis celles-ci, finale- 1 Loc. cit. — Voir surtout p. 77, 137. 158 E. iMAUPAS. ment, en embryons acinétiformes. Stein, en effet, est resté toute sa vie victime du parasitisme, et il ne sut pas écarter de sa théorie ces sphères embryonnaires et ces prétendus embryons, que Balbiani avait éliminés, comme facteurs étrangers. Tnutilcd'ajouter que jamais Stein n'avait vu un de ces embryons acinétiformes reprendre la forme normale. Les corps qu'il appelait sphères germinatives étaient les œufs de Balbiani, et, comme nous l'avons dit plus haut, appar- tenaient à l'évolution du micronucleus, dans laquelle ils correspon- dent à notre stade H^. Les idées de Stein trouvèrent peu d'adhérents, et, par le fait, étaient déjà fortement compromises dans le moment même où leur auteur les formulait. En effet, sans compter la note de Balbiani citée plus haut sur le parasitisme des prétendus embryons, et dont Stein crut à tort ne pas devoir tenir compte, dès 1864, Mecznikoff ' démontra que les embryons du Paramecium aurelia étaient des acinétiens parasites, appartenant au genre Sphserophrya. Mais le coup de grâce ne leur fut porté que par les deux mémoires d'Engelmann * et de Bûtschli ^. Ces deux savants, par des expériences très habile- ment conduites, infestèrent à volonté, de ces parasites, des Infusoires conjugués et non conjugués qui, auparavant, n'en montraient pas la moindre trace. La théorie de Balbiani, plus généralement acceptée, dura égale- ment un peu plus longtemps. Kœlliker ', dans ses recherches sur la conjugaison du Paramecium caudatum, l'admit à peu près sans réserve, et fit même des efforts peu heureux pour l'adapter à la théorie de l'unicellularité des Infusoires. Mais, en 1873, Biitschli ^ éleva des doutes très sérieux contre elle, et contesta la nature d'éléments fécondateurs mâles aux fibres des capsules striées, ou capsules sper- > Archiv fiir Anatomieund Physiologie, 1864, p. 258-01, pi. VII A. 2 Morphologisches Jahrbuch, L I, 187G, p. 584-002. ^ Htudien, etc., 1S7G, p. 131-143. * Icônes histologicae, 1854. s Archiv fur Mikr. Analomie, t. IX, 1873, p. 66S. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 159 matiques. Deux ans plus tard', le môme auteur résuma, dans une communication préliminaire, une longue sériede recherches, qui fu- rent publiées intégralement l'année suivante ^ et qui, avec un mémoire d'Engelmann ^ paru simultanément, acheva de mettre à néant la théorie de Balbiani. L'apparition de ces deux beaux mé- moires, écrits dans la plus complète indépendance l'un de l'autre, représente la date la plus importante dans l'histoire de la sexualité des Cihés. Il nous faut donc nous y arrêter et en donner une ana- lyse critique aussi exacte que possible. Nous commencerons par celui d'Engelmann, qui est le moins complet et le moins précis. Engelmann, disciple de Stein, avait, dans ses premières pubhca- tions, adopté complètement les idées de son maître sur les soi-di- sant embryons. Dans son nouveau travail, ainsi que nous l'avons déjà dit plus haut, revenu de cette erreur, il la réfute avec une vé- ritable surabondance de preuves. Débarrassé de ce facteur étranger, il suit la conjugaison chez plusieurs espèces, et partout voit le nucleus se diviser en un grand nombre de fragments. Il voit également le micronucleus se diviser une ou deux fois, en revêtant un état fibreux. S'il ne réussit pas à comprendre la véritable signification de cette structure fibrillairc, il lui dénie cependant tout rapport avec celle de spermatozoïde. Après la disjonction des gamètes, il suit la formation et le développement dans leur corps des sphères germi- natives de Stein (œufs de Balbiani), et les fait dériver de l'ancien nucleus. Il admet, par pure hypothèse et sans la moindre preuve positive à l'appui, qu'il y a échange entre les deux conjoints d'un des corpuscules micronucléaires fibreux, et que celui-ci agit sur les fragments de l'ancien nucleus de son nouvel hôte comme un élé- ment mâle fécondateur. C'est, suppose-t-il, sous l'infiuence de cette » Zeitschr.fur Wiss. Zool, t. XXV, 1875, p. 426-441. 2 Studien iibcr die ersten Entwicklungsvorgdnge der Eizelle, die Zelltheilung und die Conjugation der Infusorien, publié dans les mémoires de?- Senckenburgiichen natur- forschenden Geselhchaft, band X, et tiré à part eu 1 volume in-4". Francfort, 187G. 3 Morphologisehes Jahrbuch, t. I, 187G, p. 573-633, pi. XXI et XXII. 160 E. MÂUPAS. fécondalloM que les fragments se condensent, s'accroissent, se transforment en sphères germinatives, et finalement reconsti- tuent un nouveau noyau. Engelmann ignore totalement d'où peut provenir le nouveau micronucleus. Si incomplètes et même si erronées que puissent être quelques- unes de ses observations (origine des nouveaux corps nucléaires), il interprète cependant avec beaucoup de sagacité ce qu'il a vu. La conjugaison des Infusoires n'est plus un mode de propagation, mais un simple processus de réorganisation. Cette réorganisation, ce rajeunissement y se manifeste surtout dans la destruction et la ré- génération du nucleus (ce qui est exact), et dans le renouvellement des appendices des Euplotides et des Oxj'trichides (ce qui est inexact). Ses idées sur le rôle réciproque du nucleus et du micronu- cleus sont moins justes, le premier, selon lui, représentant un élément femelle, le second un élément mâle; ce qui ne l'empêche pas de conclure, avec raison, que le nucleus puis le micronucleus sont homologues au noyau cellulaire ordinaire. Comme il n'a pas réussi à s'assurer avec certitude de l'existence du micronucleus chez les Vorticellides, toutes ses considérations sur la sexualité de ce groupe sont entièrement manquées. Les recherches de Biitschli sont beaucoup plus étendues. La plus belle de ses découvertes est bien certainement sa démonstration inattaquable que les états fibreux du micronucleus et de ses pro- duits répondent à de simples états de division de cet organe. Il suivit ces divisions dans toutes leurs phases et fît voir que ces phases correspondaient exactement à celles que lui et Strasburger venaient de découvrir dans les phénomènes de la karyomitose des noj-aux ordinaires. Cette démonstration entraînait par contre-coup celle de la véritable nature du micronucleus, toujours restée douteuse. 11 i'allail désormais le considérer comme un simple élément nucléaire. Biitschli, comme Engelmann et comme Balbiani et Stein eux-mêmes l'avaient déjà fait, observa les divisions successives du micronucleus et la fragmentation de l'ancien noyau. Mais, plus heureux que ses LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 161 prédécesseurs, il put établir et démontrer que les nouveaux corps nucléaires dérivaient des produits du micronucleus et non pas des fragments de l'ancien noyau. Cette nouvelle découverte était pres- que aussi importante que celle de la mitose ' du micronucleus. Elle démontrait, en effet, que les phénomènes dits sexuels des Ciliés se résumaient en un processus, évolutif d'éléments micronucléaires. La véritable origine du nouveau micronucleus ne fut pas nettement constatée. m Les interprétations de Biitschli sont marquées au cachet de la pru- dence et de l'esprit exempt de système qu'il apporte dans tous ses travaux. Pour lui, la conjugaison ne conduit à aucun phénomène de propagation. 11 le démontre, comme Engelmann l'avait d'ailleurs également fait, en isolant des ex-conjugués et les suivant jusqu'à leur retour à l'état normal. Le but final de la conjugaison est un rajeunissement, se mani- festant plus spécialement par le développement et la réorganisation d'un nouveau noyau. Ce nouveau noyau doit être le résultat d'une fécondation sexuelle, que Biitschli n'a pas plus réussi à voir que ses prédécesseurs, et qui, par conséquent, demeure un des points faibles de sa théorie. Il conçoit hypothétiquement cette fécondation comme un simple échange de corpuscules micronucléaires, sans pouvoir préciser quel est le sort ultérieur de ces corpuscules échangés. Voulant comparer cette fécondation avec celle des animaux supé- rieurs, Biitschli rapproche et assimile à tort l'élimination de l'an- cien noyau des Infusoires avec celle des globules polaires de l'ovule fécondé. Le dimorphisme des gamètes, chez les Vorticellides^ attire tout particulièrement l'attention de Biitschli. Avant lui, la conjugaison de ce groupe avait, comme nous l'avons dit, été étudiée par Stein, puis ensuite par Greeff (1870), et par Everts (1873), mais unique- ' Flemming a proposé, pour désigner les phénomènes de la division indirecte du noyau, les termes de karyomitose et, par simplilication, de mitose. Je les emploierai constamment avec ce sens, ainsi que leur adjectif mitosique (division mitosique). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2« SÉRIE. — T. VU. 1889. Il J62 E. MAUPAS ment dans ses phénomènes externes. En 1873, Balbiani ^ observa quelques-uns des phénomènes internes, mais en les expliquant par les idées erronées de sa théorie. Biitschli, dans un appendice à son grand mémoire, publie quelques observations qui lui permettent d'affirmer que la conjugaison se termine encore ici par une simple rénovation nucléaire. Mais il interprète inexactement le rôle réci- proque des gamètes, en considérant la macrogamcte com.me une femelle et la microgamète comme un mâle ; tandis qu'au point de vue sexuel, elles sont entièrement équivalentes. Telle est, dans ses traits généraux, la théorie de Biitschli. Elle constitue un immense progrès sur les travaux antérieurs, et place Fétude de la fécondation des Ciliés sur un terrain solide, dégagé de toutes les fausses hypothèses et interprétations arbitraires qui l'avaient encombrée jusqu'ici. Elle ne fut pas acceptée sans réserves par tout le monde, et des juges compétents^ lui adressèrent des cri- tiques, les unes justes, les autres inexactes. On pouvait, en effet, se demander si les observations du savant micrographe étaient bien complètes et si, comme nous en aurons la preuve plus tard, il ne lui était pas échappé quelques stades importants dans l'évolution micronucléairc. Ses observations et ses conclusions sur la fécondation manquaient de précision. Le rôle réciproque du nucleus et du mi- cronucleus, ainsi que la véritable différenciation existant entre eux, n'étaient pas suffisamment éclaircis.Sa théorie générale de la sexua- lité des Ciliés et son rapprochement avec celle des Métazoaires, un peu vague, laissaient place à de nombreux doutes. Enfin ses idées sur le rajeunissement manquaient elles-mêmes de preuves; car la nécessité de ce rajeunissement n'était démontrée par aucune de ses observations. Ce sera l'œuvre de ses successeurs de combler ces lacunes. Les premiers en date sont Itees (1877), dont je n'ai pu me pro- î Comptes rendiiS de l'Académie des sciences, t. LXXXI, 1873, p. 676. "- UALUNGEUctDRYSDALE,clanslc joui'iial anglais Nature, t. XVI, 1877, p. 203 206, LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 463 curer le travail, et ensuite G. Entz '. Ce dernier auteur a étudié la conjugaison d'une seule espèce, le Loxophtjllum fasciola; mais ses observations sont très peu exactes. Ses interprétations se rattachent à celles de Biitschli. Dans une série de leçons, professées, en 1882, au Collège de France ^, Balbiani a fait une histoire critique complète des recher- ches sur la conjugaison des Ciliés, en y ajoutant quelques observa- tions personnelles. Ces nouvelles observations ne font que répéter celles de Biitschli en les confirmant, et nous apportent assez peu de chose de nouveau, en faits positifs. Eclairé par les travaux de son prédécesseur, Balbiani abandonne toute son ancienne théorie des organes sexuels, et, en ce qui concerne la morphologie de ces orga- nes, adopte complètement les vues du savant allemand. Mais, en revanche, il combat sa théorie du rajeunissement et édifie une se- conde théorie sexuelle qui, à l'instar de la première, est toujours un simple décalque des phénomènes sexuels chez les Métazoaires, décalque mis au courant des progrès faits pendant les vingt der- nières années. Lui, qui a si énergiquement combattu la théorie embryonnaire de Stein, retrouve des embryons chez les Stentors ^. La microgamète des Vorticellides représente un spermatozoïde, et la macrogamète, l'élément femelle. Nous avons déjà vu combien cette manière de voir, émise antérieurement par Engelmann et Biitschli, est inexacte, puisqu'elle ne repose que sur de fausses ana- logies extérieures. Empruntant à Hcrtwig une autre idée, tout aussi inexacte, il considère le nucleus comme un noyau femelle perma- nent et le micronucleus comme un noyau mâle ou noyau sperma- tique. Les Infusoires ciliés sont donc des cellules hermaphrodites, contenant un noyau mâle et un noyau femelle, vivant côte à côte t Veber eînige Infusorien des Salzteiches su Szamosfalva, p. S, pi. VIII, fig. 3-G. - Journal de micrographie, 1882. ' Ces prétendus embryons n'ont rien de commun avec les Stentors et appartiennent au nouveau genre Lieberkuehnia créé par Biitschli [Proloz'ja, p. 11 Ai, pi, LXIX, fig. 5). 164 E. MÂUPAS. sans jamais s'unir et se confondre. La fccondaLion s'effectue par l'échange d'un corpuscule micronuclcaire, échange qu'il suppose simplement, ne l'ayant pasobservé directement. Balbianiignorecom- mcnt ce corpuscule échangé, ce pronucleus mâle, une fois arrivé dans son nouvel hôte, achève déjouer son rôle fécondateur. Enfin le ré- sultat final de cet échafaudage compliqué d'hypothèses, basées sur des analogies presque toutes erronées, consiste simplement à déterminer chez les ex-conjugués une surexcitation de la faculté fissipare, surexcitation que Engelmann etBiitschli avaient également admise, mais à tort, comme je l'ai démontré dans un travail antérieur *, et comme nous le verrons dans la suite de celui-ci. Le nouvel essai d'explication deBalbiani n'est donc pas beaucoup plus heureux que le précédent, et le savant professeur du Collège de France se mépre- nait complètement, lorsqu'il croyait - avoir ainsi élucidé les parties obscures et incomplètes de la théorie de Biitschli. Loin d'être un progrès, sa nouvelle théorie est un recul dans le domaine des hypo- thèses arbitraires et stériles. Après Balbiani, nous trouvons une courte note de Jickeli ^ qui affirme avoir observé nettement l'échange des pronucleus mâles chez le Paramecium caudatum. Il est possible que son affirmation soit exacte, mais, comme son travail n'est pas accompagné de figures, il peut se faire également qu'il ait simplement vu des états sembla- bles à ceux signalés et figurés par Balbiani et Biitschli, et bien insuf- fisants pour démontrer le mouvement d'échange des pronucleus. Cette preuve était en effet si peu établie que, deux ans plus tard, Grubcr*, faisant une étude de la conjugaison de la môme espèce, nie formellement cet échange, en s'appuyant sur de nombreuses figures. Mais je dois ajouter de suite que Jickeli avait raison contre Gruber, cet échange ayant bien lieu, comme nous le démontrerons 1 Archives de zoologie, 1S8S, t. VI, p. 2.'vi. 2 /.oologischer Anzeiger, t. VI, 1883, p. 192. 3 Id., t. VII, 1884, p. /.94. '' l>erichtedi.'r natwfor. Gcsellschaft zu l'i\ibivg. i. U, t. II, ISSG, p. 7-^2'i, pi. I et II, LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUR CHEZ LES CILIÉS. 165 plus loin. Gruber a été victime d'images défectueuses, obtcmies par un mauvais procédé de préparation. Selon lui, quatre corpuscules micronucléaires viennent deux à deux et successivement s'affronter dans l'ouverture buccale, se copulent, sans se mélanger complète- ment, puis se séparent, pour rentrer dans le corps de leur gamète mère. La fécondation se réduit donc à un simple acte de contact entre des noyaux. Gruber affirme bien qu'il y a échange de substance entre ces noyaux, mais tout ce qu'il décrit s'y oppose. Pour le reste de la conjugaison, Gruber en suit à peu près exactement les phases dans le cadre tracé par Biitschli et Balbiani. Inutile d'analyser et de discuter les considérations générales que le savant allemand échafaude sur des observations aussi incomplètes et aussi inexactes. La même année Ludwig Plate * publie un travail assez intéressant sur la Spirochona germnipara, ce type aberrant si curieux. Les phé- nomènes externes de la conjugaison y sont décrits avec beaucoup de soin et démontrent ce fait très intéressant que, chez cet Infusoire, une des gamètes joue, par rapport à l'autre, un véritable rôle de microgamète, en se fusionnant totalement avec elle, bien qu'aupa- ravant rien, dans son apparence extérieure, ne semblât l'y prédesti- ner. Cette observation nous prouve que la réduction de taille des microgamètes des Vorticellides n'est qu'un phénomène accessoire, sans relation essentielle avec la conjugaison. Malheureusement, les observations de Plate sur les phénomènes internes sont des plus incomplètes, et le peu qu'il nous en fait connaître me paraît fort improbable. Je ne m'arrêterai donc pas à discuter ses longues théo- ries, basées sur des faits aussi douteux. Passons maintenant à l'examen de deux petits mémoires de Schneider-, le premier sur la conjugaison de VAnoplophrya circu- lans, le second sur quelques individus ex-conjugués du Nyctotherm cordifonnis, La conjugaison du premier Infusoire nous est présentée souo une forme si différente de celle que nous connaissons partout « Zeit. fur Wiss. Zoolooie, t. XLIII, 188C, p. 203 et ato, pi. VIL 2 Tablettes zoologiques, t. I, 188C, p. 78 et 84, pi. XV-XVII et XXI-XXIL 1G6 E. MAUPAS. ailleurs, que je ne puis m'cmpôcUer de suspecter l'exactitude des observations. Schneider fait diviser deux fois le micronucleus, puis ignore le rôle joue par les quatre corpuscules résultant de cette double division; quant aux nucleus, loinde se désorganiser, comme chez les autres Infusoires, ils se rapprochent l'un de l'autre, finissent par passer de part et d'autre par moitié dans la gamète opposée, puis se coupent en deux, et chacune des gamètes, à la disjonction, emporte avec elle deux moitiés, dont l'une lui appartient, l'autre venant de son conjoint. Que deviennent ces deux moitiés nucléaires et comment se reconstitue ic nouveau noyau de rajeunissement? L'auteur ne sait pas nous le dire. Ses figures, fort nombreuses, me font croire qu'il a confondu les états de fragmentation et de désorganisation de l'ancien noyau avec les phases d'accroissement des nouveaux corps nucléaires. C'est ainsi, par exemple, que j'in- terpréterais sa figure 19, planche XVII, dans laquelle je verrais deux gros fragments, deux nouveaux corps nucléaires moins volumineux et plus pâles, et deux micronucleus encore plus petits. H ne nous reste plus à signaler qu'un nouveau et tout récent tra- vail de Plate \ dans lequel il a étudié la conjugaison de deux Lage- nop/trys, du Paramecium putrinum (caudatum) , d'un Epistylh et du Slylocometes digitala. Ses observations sont des plus incomplètes et des plus défectueuses. L'évolution micronucléaire n'a été suivie chez aucune espèce, et chez quelques-unes même il en nie l'existence. Pour lui, il n'y a aucun échange d'élément nucléaire entre les con- joints. Ses idées sur la fécondation sont confuses, et il semble ad- mettre qu'elle consiste en une diffusion de chromatine dans le cy- toplasme. Le nouveau noyau de rajeunissement dérive tantôt d'une cristallisation de substance nucléaire diffuse, tantôt d'un produit du micronucleus antécédent,tantôt enfin de fragments de l'ancien macronucleus. Ses conclusions générales sont à l'avenant de ses ob- servations. La conjugaison est un phénomène très variable dans ses 1 Zoologischer jahr bûcher, t. 111, 1888. LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIES. 167 processus. Ne connaissant rien, ou à peu près rien, des phénomènes internes essentiels ; il s'efforce de démontrer cette variabilité, en décrivant les formes diverses des phénomènes externes qui, eux, sont en effet assez variables, mais d'importance tout à fait acces- soire. Pour lui, la conjugaison des Ciliés est un phénomène très différent et éloigné de la fécondation sexuelle des Métazoaires. Mais, en retour, il assimile à cette dernière les copulations, avec fusion totale de gamètes, observées autrefois par Engelmann ' sur des stylonichies et par lui, récemment, sur des Paramécies. A mon avis, le véritable sens de ces copulations, toujours fort rares, est encore très douteux. Arrivé au terme de cette esquisse historique^ je dois encore citer les notes préliminaires publiées par moi ^ depuis deux ans, et dans lesquelles j'ai résumé les résultats les plus importants de mes re- cherches, à mesure que je les obtenais. C'est à les développer et à en démontrer les détails que va être consacré le mémoire actuel. Si nous résumons les pages précédentes, nous voyons qu'aujour- d'hui presque tout le monde est d'accord pour considérer la conju- gaison des Ciliés comme un accouplement sexuel. Mais lorsqu'on demande en quoi consistent les phénomènes intimes do cet accou- plement, on obtient presque autant de réponses que d'auteurs. Le même observateur décrit les phases de révolution fécondatrice de façons différentes, suivant les espèces dont il s'occupe. L'organe essentiel de la conjugaison n'est pas encore reconnu avec une pré- cision suffisante et la fécondation, entrevue ou supposée, prend les 1 Zeit. f Wiss. ZqoL, t. XXI, 1802, p. 334, pi. XXVIII, fig. 12-14 ; p. 357, pi. XXIX, ilg. 4-0 et p. 366, 2 Le manuscrit, complètement achevé de ce mémoire, était remis entre les mains de l'éditeur quelque temps avant l'apparition du fascicule des Protozoa de Butschli, contenant le chapitre sur la conjugaison des Ciliés. Je n'ai donc pu utiliser ce dernier pour ma rédaction. Mais je ne saurais trop engager mes lecteurs à lire cet exposé si savant et si complet. Ils y trouveront une abondance de renseignements, dont je regrette vivement de ne pas avoir pu profiter moi-même, plus tôt. s Comptes rendus de L'Académie des sciences, 1886, t. Cil, p. 1569; t. CUI, p. 482 ; 1887, t. CV, p. 17U, 3o6 et 9jn; ISSS, t. CVI, p. 1007. 1G8 E. MAUPAS. formes les plus diverses, suivant chaque auteur et même suivant les espèces. Personne ne considère plus ces phénomènes comme abou- tissant à une propagation, et, cependant, par je ne sais quelle inco- hérence d'idées, on voit encore reparaître sous la plume de certains auteurs les termes de reproduction et de génération. On n'est donc pas complètement d'accord sur le but final de ces phénomènes, et les savants qui défendent la théorie la plus exacte, ou celle du rajeunissement, n'ont pas su donner une explication suffisante de la nécessité de ce rajeunissement, laissant ainsi fort indécise sa pro- fonde signilication physiologique. Si l'on veut bien m'accorder que j'ai réussi à combler quelques-unes de ces lacunes et à éclaircir certaines de ces obscurités, ce sera pour moi la meilleure récom- pense des longues heures de labeur, que ce travail m'a coûté. II. MÉTHODE DE RECUEHCUE. Tous les autours qui se sont occupés avec suite do recherches sur la conjugaison des Ciliés sont unanimes à se plaindre de la rareté de cet état d'accouplement, et, par suite, de la difficulté de se pro- curer des matériaux suffisants. Balbiani, Stein, Biitschli reviennent fréquemment sur cette difficulté et la présentent à leurs lecteurs comme la meilleure excuse de l'état incomplet et fragmentaire de leurs travaux. Cette excuse est, en etiet, des plus légitimes, car je ne crois pas qu'il existe, en biologie, de phénomènes où le grand nombre de sujets à observer soit de nécessité plus absolue, pour y arriver à une élucidation parfaite. Vouloir étudier une conjugaison de Ciliés avec un petit nombre de couples est, comme nous le ver- rons plus loin, chose matériellement impossible. La première préoccupation, dans cet ordre d'études, doit donc être de se procurer des accouplements à volonté et en très grand nom- bre. Se fier au hasard pour les obtenir est s'exposer à de grandes déceptions et à des pertes de temps non moins grandes. Heureuse- ment qu'en procédant convenablement, on peut échapper à ces LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 169 inconvénients. Pendant deux années entières, j'ai travaillé à re- cueillir les observations, dont les résultats sont contenus dans le présent travail ; pendant ces deux années, je me suis procuré des accouplements de Ciliés en si grande abondance, que j'en ai été constamment débordé. Malgré un travail incessant, j'ai toujours eu une surabondance de couples préparés, attendant souvent plusieurs semaines leur tour de passer à l'examen microscopique. Voici com- ment il faut procéder. On recueille, dans les eaux stagnantes, des algues, des conferves, mélangées de débris de feuilles mortes et autres détritus végétaux. Ces matières sont déposées dans des cuvettes, avec une quantité d'eau proportionnée de façon qu'elles forment macération, et qu'une fermentation putride s'y déclare. Il faut avoir soin de recouvrir les cuvettes d'une lame de verre, pour éviter l'évaporation et les pous- sières. La fermentation putride se manifeste plus ou moins rapide- ment suivant la température ^ Les quelques Ciliés contenus dans cette eau, trouvant alors une abondante nourriture de Bactériacées, se multiplient en très grand nombre. Lorsqu'ils pullulent ainsi, on les enlève avec une goutte d'eau et les dispose en préparations sur porte-objet, telles que je les ai décrites dans mon travail sur la multiplication des Ciliés ^ Ces préparations sont mises en cham- bre humide. Les Infusoires continuent à s'y accroître et s'y multi- plier; mais, vu leur grand nombre, ils ne tardent pas à épuiser la 1 Les pays chauds, comme l'Algérie, où je travaille, sont beaucoup plus favorables a. ces recherches que les pays tempérés et froids. C'est en grande partie grâce à cet avantage que j'ai pu, en un laps de temps relativement court, réunir une masse d'ob- servations beaucoup plus considérable que mes devanciers. Dans mon cabinet de travail, le thermomètre ne descend jamais au-dessous de 13 degrés, et, en été, atteint le maximum de 28 degrés. Cette température moyenne de 20 à 22 degrés est des plus favorables au développement des Ciliés. Dans les pays froids, on pourrait se procurer le même avantage, en tenant les Infusoires dans des étuves à chaleur con- stante. •'! Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 180. — Je renvoie ici une fois pour toutes à ce travail, dans lequel on trouvera, détaillées, les méthodes do culture et d'isolement que j'ai suivies. 170 E. MAUPAS. nourriture Iransporléo avec eux dans la goutte d'eau. Quand les derniers restes d'aliments ont disparu, on les voit alors, la plupart du temps, se rechercher et s'accoupler. J'ai dit la plupart du temps, car il peut arriver parfois qu'il ne se forme aucune conjugaison. Dans ce cas on recommencera pendant deux ou trois jours successifs des préparations tirées de la môme cuvette, et si elles continuent à demeurer stériles, il faudra alors abandonner cette culture. En tenant simultanément ainsi en culture trois ou quatre cuvettes, garnies avec àC^ eaux et des dé- bris pris en des endroits divers, on sera toujours certain d'en trou- ver au moins une féconde en conjugaisons. Cette fécondité, après une abondante multiplication des Infu- soires, finit toujours par s'épuiser. La nourriture s'épuisant elle- même, les Infusoires deviennent de plus en plus rares. Il faut donc profiter des périodes d'abondance pour multiplier les préparations en chambre humide, et se procurer ainsi de nombreux accouplements. On réussit encore assez souvent à raviver une culture épuisée, en y jetant quelques petits débris de mie de pain. Leur présence dé- termine un nouveau développement de Baclériacées, et, par suite, une nouvelle multiplication d'Infusoires, avec lesquels on obtient une seconde période de conjugaisons. Cette méthode est, on le voit, basée sur un fait d'observation, qui peut se formuler ainsi : les Ciliés, le plus ordinairement, s'accouplent après une abondante multiplication, suivie d'un épuisement de leurs aliments. C'est la disette de nourriture qui excite chez eux les appé- tits conjugaux. Les épidémies de conjugaison, dont parlent les au- teurs, ne s'expliquent pas autrement. Je n'insiste pas ici plus lon- guement sur ce fait, dont j'ai vérifié l'exactitude maintes et maintes fois. Nous y reviendrons d'ailleurs, en le précisant plus rigoureuse- ment, lorsque nous essaierons, au chapitre XIX, de déterminer exac- tement toutes les conditions physiologiques delà conjugaison. Dans la méthode d'isolement de groupes d'Infusoires sur des préparations tenues en chambre humide préconisée ici, on ne fait que multiplier LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. Mi et faire apparaître successivement les conditions d'épidémie conju- gante, qui se seraient développées en une seule fois dans les vases de culture. Quand il s'agit d'espèces rares, ne se multipliant pas en grand nombre dans les petits aquariums, on peut isoler deux progéniteurs. pris à des sources différentes, les faire multiplier sur des prépara- tions tenues en chambre humide, puis effectuer des mélanges de leurs descendants. C'est par cette méthode que j'ai obtenu de nom- breux accouplements d'Onychod)'07niis grandis et de Leucophrys pa- tiiln. Aux chapitres concernant la conjugaison de ces doux espèces, on trouvera des détails plus circonstanciés sur ce procédé. L'isolement de groupes d'Infusoires, en préparations sur porte- objet, offre encore un précieux avantage. On peut, en effet, les exa- miner fréquemment au microscope et saisir les premiers accouple- ments dès leur début. Un premier fait important qu'on y remarque, c'est que, chez beaucoup d'espèces, les unions s'effectuent surtout vers la fm de la nuit et pendant les premières heures de la matinée. Cette règle n'est pas absolue, mais elle a cependant une très grande généralité. Il en ressort immédiatement une méthode pratique, d'une très grande utilité, pour se procurer tous les stades de la conjugaison, sur des préparations tuées et préparées avec les réac- tifs. Il suffit, en effet, d'avoir soin d'effectuer une série de ces pré- parations, en les espaçant ù. des heures successives, choisies suivant la durée de la conjugaison de l'espèce étudiée. Prenons comme exempleleParmneciumcaudatum, se conjuguant par les longues jour- nées du mois d'août, avec une température de 24 à ^5 degrés cen- tigrades. Dans ces conditions, la période conjuguée durera de douze à quatorze heures. Elle commencera le plus généralement entre quatre et six heures du matin. Jusque vers dix heures, on ne ren- contrera que des couples au stade A, ce stade de début prenant ù lui seul presque la moitié de la période unie. La disjonction de cette espèce s'effectue pendant le stade F. Il en résulte que les stades intercalaires B, C, D, E durent chacun une bonne heure et demie. in E. MAUPAS. Hion n'est donc plus aisé que de calculer le moment de la journée, pendant lequel on aura le plus de chance de rencontrer un quel- conque de ces stades. Quand on aborde l'étude delà conjugaison d'une nouvelle espèce, la première chose à déterminer est la durée de la période conju- guée, avec la température courante. Cette détermination est des plus aisées avec la méthode décrite ici; puisqu'il suffit d'extraire un ou plusieurs couples observés au début de leur union et de les iso- ler, en les surveillant ensuite, pour saisir le moment de leur dis- jonction. Cette première donnée acquise servira à préciser la suite des recherches. Nous avons vu, en efïet, avec le Paramecium cauda- tum, que le stade A absorbe à lui seul plus d'un tiers de la durée totale de la syzygie, et que, pour trouver l'heure des stades sui- vants, il faut diviser le reste de cette durée par les nombres cinq ou six, suivant que la disjonction s'effectue au stade F ou au stade G. Comme nous le verrons dans la suite de ce travail, cette durée to- tale varie considérablement, suivant les espèces et suivant la tem- pérature, chez la même espèce. L'isolement de couples et d'individus est indispensable dans ces recherches, surtout pour l'étude des phénomènes postérieurs à la disjonction. On ne conçoit môme pas qu'on ait pu espérer mener à bonne fm cette étude, sans recourir à ce procédé. Aussi les criti- ques que Bûtschli ' adresse à Stein à ce sujet sont-elles des mieux justifiées. Malgré le temps considérable que Stein consacra à étu- dier la conjugaison des Ciliés, il ne lui vint jamais à l'idée d'isoler des couples. L'oubli de cette méthode est en bonne partie la cause de ses nombreuses erreurs. Balbiani, le premier, isola des couples, mais sans en tirer grand profit. Engelmann suivit son exemple et Biitschli préconisa énergiquement cette méthode, qu'il a largement prati- quée. Il n'en a cependant pas encore tiré tout le parti possible, n'ayant pas su trouver une nouniturc appropriée à chaque espèce, « Stttdieti, etc., 1870, p. GO. LE RAJEUNlSSEiMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 173 et n'ayant, par conséquent, pas réussi à cultiver et faire développer tous ses infusoires isolés. J'ai fait connaître ailleurs les procédés * d'isolement et de cul- ture suivis par moi. Je n'y reviendrai donc pas ici. J'ajouterai seulement que, pour l'étude de la conjugaison, chaque couple doit être isolé à part. Cet isolement absolu seul permet, dans nombre de cas et pour une foule de questions, d'obtenir des résultats et des observations d'une certitude parfaite. On peut, par exemple, tuer les deux ex-conjugués d'un même couple à des moments différents et suivre ainsi, avec une précision rigoureuse, l'évolution succes- sive des phénomènes. On devra aussi, pour la solution de certains problèmes, isoler à part les deux ex-conjugués d'un même couple. L'isolement et la culture des isolés constituent donc des pratiques indispensables à l'observateur, qui veut étudier les phénomènes de la fécondation chez les Ciliés. Bùtschli recommande l'observation sur le vivant, pratiquée avec des Infusoires légèrement comprimés. Je n'ai jamais usé de ce procédé, et je ne le crois d'ailleurs que d'une faible utilité. On ne peut, en effet, espérer suivre, sur le vivant, l'évolution si complexe et si déli- cate de l'appareil micronucléaire. Il est beaucoup plus simple et plus sûr de préparer des couples tués à des heures successives de la période de conjugaison. D'ailleurs, Bulschli avoue lui-même que la compression sur le vivant ne réussit qu'assez difficilement et sur de rares espèces. L'étude des phénomènes internes doit donc être faite sur des couples tués et fixés à l'aide de réactifs convenables. Je n'entrerai pas ici dans une discussion sur le fort et le faible des nombreux réactifs fixateurs, dont l'arsenal de micrographie s'est enrichi dans ces dernières années. Je les ai essayés presque tous et, finalement, je me suis arrêté au bichlorure de mercure, qui avait déjà été employé avec succès, dans le même but, parKœlliker, dès 1864.- Le sublimé, 1 Loc. cit, 2 /cônes hislologicae, irc partie, p. 77 et pi. IL S 174 E. MAUPAS. dilué à 1 pour 100, est, à mon avis, le lixalcur par exceiieucc de l'appareil nucléaire et de ses produits, chez les Ciliés. Aucun desautres réactifs ne m'a donné des images aussi parfaites et aussi nettes. Sa supériorité consiste surtout dans la différence considérable de réfringence qu'il donne aux éléments nucléai- res les plus fins, par rapport au cytoplasme ambiant, et en môme temps, dans la fidélité avec laquelle il fixe et conserve leurs structures les plus délicates. Je ne crois pas que, sans lui, j'eusse jamais réussi à suivre sans lacunes l'évolution micronucléaire de certaines petites espèces, et surtout celle des Vorticcllides. Un dernier avan- tage de ce réactif est que les noyaux fixés par lui conservent entiè- rement toute leur électivité pour les matières colorantes, et se colorent admirablement avec toutes les teintures nucléaires recom- mandées jusqu'ici. Pour obtenir de bonnes images, il est nécessaire que le réactif agisse le plus rapidement possible et que les Infusoires, une fois tués, n'aient plus à subir aucun changement dans leur position et l'état de compression, où ils ont été saisis. Ces deux conditions, quel que soit le réactif fixateur employé, sont rigoureusement né- cessiaires. C'est faute de les avoir remplies, qu'un observateur de l'habileté de Gruber a pu être trompé par des images aussi défec- tueuses que la plupart de celles publiées par lui, dans son travail sur la conjugaison du Paramecium aurelia {caudatum) ^ Ses figures 8 à 14 représentent des déformations causées, par la mauvaise mé- thode de fixation employée. Voici comment je procède pour faire mes préparations. Les Infu- soires, enlevés à l'aide d'une pipette, sont déposés dans leur goutte d'eau au milieu d'un porte-objet. La goutte est un peu étalée, et, sur son pourtour, je dispose de petites calles, formées de poils fins, d'une épaisseur en rapport avec le volume de l'espèce étudiée. Les Infusoires doivent être, en effet, assez comprimés, mais pas écrasés. 1 Der Conjugations process bei Paramecium aurelia [Berichteder Safurf. Ges. zu Freiburg i. B., t, II, 1S8G). LE RAJEUNISSEMENT KAIIYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 175 A l'aide d'une pince fine, je laisse alors tomber doucement le cou- vre-objet sur la goutte d'eau, et, le plus rapidement possible, je dépose le réactif sur un des côtés delà préparation, puis l'aspire par le côté opposé, à l'aide d'un morceau de papier buvard. Dans cette dernière manœuvre, il faut avoir bien soin de ne causer aucun ébranlement ou déplacement au couvre-objet. Au début de mes recherches, je colorais les Infusoires, ainsi fixés, à l'aide du picrocarmin et les enfermais ensuite dans le baume du Canada. Plus tard, je reconnijs que ce milieu donnait une trop grande tnuisparence à certaines structures délicates et en rendait l'observation difficile et môme impossible. Je renonçai donc au baume du Canada et éclaircis mes préparations avec la glycérine. Celle-ci est, en effet, bien supérieure au baume pour rendre dis- tinctes et perceptibles les fines structures.Plus tard, enfin, je rempla- çai le picrocarmin lui-même par le vert de méthyle dans l'acide acétique à 2 pour 100, employé, bien entendu, après fixation par le sublimé. Le vert de méthyle acidulé est d'un emploi plus rapide et tout aussi sûr que le picrocarmin. Je possède des préparations ainsi faites il y a près de deux ans, et sur lesquelles on peut encore au- jourd'hui étudier les détails les plus délicats, aussi sûrement que les premiers jours. Le micronucleus, chez beaucoup de petites espèces, contient fort peu de parties colorables. On doit éviter l'emploi des teintures co- lorantes avec ces espèces, et se contenter de les éclaircir avec la glycérine. En les traitant par les teintures, les fragments du noyau primitif, fortement colorés, masquent les éléments micronucléaires à peine teintés. Cette observation s'applique tout particulièrement aux Vorticellides, dont il serait à peu près impossible de suivre une conjugaison sur des préparations colorées. Une dernière recommandation. Il est parfaitement inutile d'es- sayer l'étude d'une conjugaison, si on ne possède pas un puissant objectif à immersion homogène. Mes recherches ont été faites avec un dix-huitième de pouce de la maison Bezu-Hausser, dont je ne puis 176 E. MAUPAS. que louer les grandes qualités optiques. Avec des grossissements plus faibles, il serait impossible de suivre, môme cbez les espèces les plus favorables, tous les détails et tous les stades de l'évolution micronucléaire. Il faut encore illuminer son microscope avec un bon appareil d'éclairage. Celui de Dujardin perfectionné, tel que les constructeurs parisiens le vendent depuis de longues années déjà, est très suffisant. lli. DESCRH^TION DE LA CONJUGAISON CUEZ LES DIVERSES ESPÈCES. Le phénomène principal de la conjugaison, le seul même que l'on puisse considérer comme essentiel, est l'évolution que traversent le micronucleus et ses produits. C'est donc à bien connaître et dé- crire cette évolution que nous devons surtout nous appliquer. Elle se compose d'une série de développements et de divisions assez complexes, et dont la succession peut, au premier abord, sembler un peu difficile à suivre. Afin d'aplanir cette difliculté, j'emploierai, simultanément avec les figures des planches, des schémas synthé- tisant d'une façon claire et simple l'ensemble de cette évolution. Ces schémas se composent de points blancs et noirs, et d'un sys- tème de lignes les reliant entre eux. Les points blancs indiquent les corpuscules micronucléaircs destinés à disparaître par résorption, les noirs, ceux qui persistent et continuent à évoluer, les gros points noirs enfin, ceux qui se transforment en nucleus. Les lignes rehaut entre eux tous ces points marquent la filiation réciproque des cor- puscules. Dans l'ensemble de cette évolution on peut distinguer huit stades principaux, que j'ai désignés par les huit premières lettres de l'al- phabet. Le premier stade, ou stade A, correspond ix un accroisse- ment du micronucleus. J'ai ligure, sur les schémas, cet accroisse- ment par deux lignes légèrement divergentes aboutissant à un point noir un peu plus volumineux. Les trois stades qui viennent ensuite, B, C, D, sont des stades de division du micronucleus et de ses pro- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 177 duits. Le cinquième stade, E, correspond à l'échange et à la copu- lation des pronucleus. Les stades F et G sont de nouveau des stades de division du nucleus de copulation. Enfin le dernier stade H ré- pond à la période de reconstitution du nucleus et du micronucleus des ex-conjugués, et se termine par la première bipartition fîssipare de ces derniers. On peut encore pousser plus loin l'analyse schématique de cette évolution et distinguer, dans chacun des huit grands stades pri- maires, des phases secondaires successives. En effet, le micronucleus et ses produits, pendant les cinq stades de division, traversent une série de formes, parmi lesquelles il est facile d'en séparer cinq prin- cipales, caractéristiques chacune d'une phase secondaire. Tout le monde est d'accord aujourd'hui, pour considérer ces états succes- sifs du micronucleus en division, comme répondant aux phases de la karyomitose, telle que les derniers travaux des cytolo- gistes nous l'ont fait connaître. Poursuivant un autre but, je n'ai pas fait de recherches spéciales et précises pour vérifier cette con- cordance. Je ne l'en crois pas moins parfaitement certaine. Aussi me suis-je efforcé de faire marcher mes phases secondaires de la conjugaison parallèlement avec les phases principales de la mitose. Dans la première phase, les corpuscules micronucléaires apparais- sent sous la forme de petites sphères (pi. IX, fig. 14; XVIII, fig. 18; XIX, f. 2 e et 3e), à texture d'une extrême finesse, se colorant uniformément et fort peu parles teintures. La fine texture fondamentale, chez beau- coup d'espèces, se traduit seulement sous l'aspect d'un pointillé extrêmement ténu. Mais, chez d'autres espèces, on entrevoit un enchevêtrement de filaments délicats, dont les mille replis s'emmê- lent et se pelotonnent sur eux-mêmes. Cet état correspond évidem- ment à la phase pelotonnée, ou le spirem de Flemming. — Dans la phase suivante, le micronucleus prend la forme d'un fuseau gros et court (pL IX, fig. 9; XVIII, fig. 19; XIX, fig. 4 e), composé de bâtonnets assez nombreux, disposés longitudinalement.Ges bâtonnets sont rela- tivement épais et leur substance se colore assez vivement par les ARCH. DE ZOOI. EXP. ET GÉN. ~ £<^ SÉRIE. — T. VU. 18S9. 12 178 E. MAUPAS. teintures. Us occupent toute l'étendue du fuseau, sans que cepen- dant chacun d'eux paraisse se prolonger d'une extrémité à l'autre. Nous avons ici la phase rayonnante, ou Vaster de Plemming. — Le fuseau micronucléaire s'allonge (pi. IX, lig, iO;XVIIl, fig. 10 et H), les bâtonnets de chromatine se raccourcissent, en se condensant dans la région équatoriale. Leur propriété absorbante des teintures est de- venue encore plus énergique. Les extrémités polaires du fuseau sont occupées par de Ans filaments, ne se colorant jamais. Sous cette troisième forme nous reconnaissons immédiatement la phase de la plaque équatoriale, ou métakinèse de Flemming. — Dans la qua- trième phase, les éléments chromatiques de la plaque équatoriale se divisent en deux groupes, qui s'écartent l'un de l'autre, en se diri- geant vers les pôles (pi. IX, fig. H ; XYIII, fig. 12 et 13; XIX, fig. 5 e, ee).lls sont reliés les uns aux autres par des filaments connectifs in- colores.L'ensemble de la figure continue à s'allonger dans le sens des pôles. Cette phase correspond à la forme étoilée des noyaux filles, ou dyaster de Flemming. — Enfin, dans la cinquième et dernière phase (pi. IX, fig. 12-14; XVIII, fig. 14-16; XIX, fig. 7 e,8e), la figure totale continue son élongation, en écartant de plus en plus l'un de l'autre les deux groupes d'éléments chromatiques. Ceux-ci prennent des formes sinueuses et s'enchevêtrent les uns dans les autres, en se tassant de plus en plus. Ils se colorent très vivement par les teintures. Leurs deux groupes sont toujours reliés par des filaments connectifs inco- lores, qui tantôt s'étranglent au milieu, tantôt, au contraire, sont enveloppés dans un gros boyau connectif, renflé dans sa région moyenne. Ces filaments et ce boyau connectifs finissent par dispa- raître par résorption dans le cytoplasme ambiant , et les deux noyaux filles deviennent complètement indépendants l'un de l'au- tre. Cette cinquième phase répond à la forme pelotonnée des noyaux filles, ou dispù-em de Flemming. En prenant le numéro d'ordre de ces phases et le plaçant en exposant en tête dos lettres indicatrices des stades primaires, on peut faire connaître avec la précision la plus rigoureuse le point LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 179 exact de l'évolution d'une conjugaison. Si, par exemple, parlant de deux couples, on dit que l'un est en G* et le second en F*, cela si- gnifiera que le premier est au stade C, avec les produits micronu- cléaircs à l'état d'aster, et le second au stade F avec le nouveau nucleus mixte à l'état de dyaster. On peut également distinguer des phases assez nettement sépa- rées dans les trois autres grands stades primaires. Je les divise en quatre phases, toujours basées sur l'évolution du micronucleus et de ses produits. Dans le stade A, ou stade d'accroissement, la pre- mière phase (pi. IX, flg. \; Xll,fig. 1; XIV, f. 1; XV, fig. 39) est caracté- risée par le micronucleus à l'état de repos, sous sa forme ordinaire. — Pendant la seconde phase il se gonfle sans changer beaucoup de forme (pi. IX, fig. 2; XII, flg. 2; XIV, fig, 2;XV, fig. 40-41; XIII, flg. 4-5). — La troisième phase correspond à un nouvel accroissement de vo- lume, accompagné de changements de forme très marqués et très différents, suivant les espèces (pi. IX, fig. 3-6; XII, fig. 3-5 ; XIII, fig. 1 a, fig. 2 a; XIV, fig. 3-5; XV, fig. 42- i4; XVI, fig. 31 ; XVIII; fig. 6-8; XXII, fig. 3, 4 6, o 6). — Enfin, dans la quatrième phase, le micronucleus diminue de volume, se condense pour ainsi dire et se prépare à passer dans le stade de division B (pi. IX, fig. 7-8; XIII, fig. 3 a, 4 a; XIV, fig. 6; XV, fig. 45; XVlII, fig. 10). Dans le stade E, ou stade de copulation nucléaire, on voit, à la première phase, les deux pronucleus raâles placés près du point où s'opérera leur échange (pi. X, fig, 28-30; XII, fig. 14; XV, fig. 53; XVI, flg. 36; XVII, flg. 5; XVIII, fig. 25; XX, fig. 18-19). — A la seconde phase, l'échange est fait, et ils ont pénétré dans le corps de leur nouvel hôte (pl.X, fig. 31; XII, fig. 15 ; XIV, fig. 9 etl5 d; XV, fig. o4;- XVI; fig. 37 ; XVUI, fig. 26). — Pendant la troisième phase ils arrivent en contact avec les pronucleus femelles (pi. X, fig. 32-33 ; XII, fig. 16; XV, fig. 55; XVII, fig. 6; XVIII, fig. 26).— Enfin, avec la quatrième phase, leur copulation et fusion s'accomplissent (pi. X, fig. 34; XIV, fig. 10; XV, fig. 56; XVI, fig. 38; XVII, fig. 7 ; XVIII, 27-28). Dans le stade H, ou stade de reconstitution, à la première phase, 180 E. MÂUPAS, les nouveaux corps nucléaires de rajeunissement sont représentés par de petits corpuscules tous semblables, dans lesquels on ne distin- gue pas encore de différenciation en nucleus proprement dit et micro- nucleus (pi. XI, fig. 44-45 ; Xlll, iig. 23 ; XV, fig. 60; XXII, fig. 23). — A la seconde phase, cette différenciation est accomplie ; mais les nou- veaux nucleus sont encore petits (pi. XI, fig. 46 ; XIII, fig. 24 ; XIV, fig. 19-20; XV, fig. 61 ; XXII, fig. 24-23; XXIII, fig. 38). — Pendant la troisième phase, les nucleus se sont très accrus; mais se colorent peu ou pas du tout par les teintures (pi. XI, fig. 47-48 ; XIII, fig, 23 ; XIV, fig. 13 ; XV, fig. 62 ; XXII, fig. 26). — Enfin, la quatrième phase est caractérisée par un nouvel accroissement des nucleus, qui absor- bent avidement les teintures. Les ex-conjugués sont prêts à exécuter leur première bipartition fîssipare (pi. XI, fig. 49-50; XIII, fig. 26-27; XIV, fig. 23-24; XV, fig. 65-66; XXII, fig. 29). Toutes ces phases constituent donc trente-sept étapes de l'évolution fécondatrice, dans le cadre desquelles tout fait, bien observé, doit toujours venir se classer. A première vue, le nombre de ces divisions pourra sembler exagéré et sans utilité. Mais on verra plus loin com- bien leur distinction facilite l'exposé des observations, et surtout combien elle rend simples et claires l'appréciation et la critique des travaux des autres auteurs. Il suffira, par exemple, de dire que les stades A% G*'', F*, G*, H* ont été constatés, pour que l'on voie im- médiatement en quoi se résument les observations d'un travail donné. Maintenant que nous tenons ce fil conducteur, nous pouvons passer avec sécurité à la description détaillée des observations spé- ciales. Nous commencerons par la conjugaison du Paramecium cau- datum, première espèce chez laquelle j'aie réussi à suivre toute une fécondation, sans la moindre lacune. LE RAJEDNISSIiMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 181 IV. PARAMECIUM CAUDATUM '. PI. IX à XII, fig. 1-64. Cet Infusoire est un des Ciliés les plus favorables à l'étude de révolution fécondatrice. On en obtient sans peine de grandes multipli- cations dans les petits aquariums de chambre et, en outre, il se cul- tive aisément sur porte-objet. Son micronucleus est un des plus volumineux connus, et, par conséquent, lui et ses produits se prêtent très bien à l'examen microscopique. J'ai étudié sa conjugaison à l'aide de préparations fixées par le sublimé, colorées par le vert de méthyle acidulé et éclaircies dans la glycérine. Ces préparations se sont bien conservées et après une année et demie de durée sont encore très propres à l'étude. Je me suis procuré des accouplements en aussi grand nombre que j'en ai eu besoin, en suivant la méthode décrite plus haut. Au mois d'août 1886 j'avais obtenu, dans un de mes petits aquariums, une multiplication extrêmement abondante de cette espèce. Tous les jours j'en ai extrait des groupes que j'ai isolés sur des préparations placées en chambre humide. Ces paramécies isolées, venant à man- quer de nourriture, se sont accouplées en grand nombre, tandis que celles restées dans l'aquarium, où elles trouvaient toujours une nourriture abondante, n'ont formé que quelques rares syzygies. Pen- dant un mois, que cela a duré, j'ai pu préparer plus d'un millier de couples et d'ex-conjugués qui, tués à des heures convenablement choisies, m'ont permis de suivre pas à pas tous les stades primaires et toutes les phases secondaires de la conjugaison. C'est avec cette espèce, que j'ai constaté, pour la première fois et de la façon la plus nette, l'influence de l'heure de la journée sur le moment de la formation des syzygies. Sur mes préparations vivantes tenues en chambre humide, les accouplements se sont toujours faits ' Au sujet de la distinction spécifique de cette espèce et du Paramecium aurelia, voir Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 230. 182 E. MAUPAS. vers la fin de la nuit et pendant les premières heures du jour. L'examen dos trois préparations suivantes tuées le matin, le prouve surabondamment. Sur la première, faite à neuf heures du matin, j'ai trouvé 24 couples dont 2 en A- et 22 en A^ ; sur la seconde, tuée à la môme heure, 19 couples dont 1 en A*, 4 en A', 10 en A^ 1 en A* et 3 en B^ ; sur la troisième enfin, tuée à neuf heures et demie du matin, 27 couples dont ? en A\ 5 en A-, 14 en A' et 1 en B^ Ainsi, sur ce total de 70 couples, quatre seulement avaient dépassé le stade d'ac- croissement A et venaient d'entrer dans le stade B. Afin de com- pléter cette démonstration en gros j'ai isolé vivants, chacun à part, 10 couples extraits, le matin, de préparations sur lesquelles je n'avais trouvé la veille au soir aucune syzygie. J'ai assisté par observation directe à la disjonction de sept de ces couples : deux à deux heures du soir, une à quatre heures du soir, une à cinq heures du soir, une à cinq heures et demie du soir, une à six heures du soir, et la septième à sept heures du soir. Quant aux trois autres couples dont je n'ai pu observer directement la disjonction, ayant été hors de chez moi pendant toute la journée de leur isolement, je les ai trouvés désunis i\ dix heures du soir. Enfin, je mentionnerai encore com.me troisième et dernière preuve que, sur mes préparations vi- vantes tenues en chambre humide, j'ai constamment vu de nombreux couples pendant la matinée et le milieu de la journée, tandis que le soir ils y étaient devenus fort rares, les syzygies se disjoignant pendant les dernières heures du jour. Cette influence des heures de la journée a, comme on vient de le voir, une très grande généralité. Elle n'est pas cependant complète- ment absolue; car j'ai quelquefois trouvé des couples au stade A, au milieu de la journée et jusque dans l'après-midi. Ces retardataires sont toujours isolés et peu nombreux. S'il s'en forme encore le soir, ils doivent être fort rares. Il ne faut pas oublier que toutes les ob- servations mentionnées ici ont été faites au mois d'août, par une chaleur de 25 à 26 degrés centigrades et qu'avec cette température, la syzygie du /^ caudalum dure environ douze heures. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 183 Cette influence de l'heure du jour se fait sentir aussi bien sur les Infusoires à l'état libre dans les petits aquariums, que surceux tenus en captivité sur les préparations en chambre humide. C'est évi- demment pour l'avoir ignorée, que Gruber n'a jamais ren- contré les belles formes en croissant du micronucleus au stade A\ formes qu'il a le grand tort de considérer comme des productions anormales ^ Il a dû sûrement toujours se mettre au travail et faire ses préparations à des heures où cette phase, qui a cependant une longue durée, était ou bien non encore commencée, ou déjà passée. La température a une très grande influence sur la durée de la syzygie. Je n'ai pas d'expériences comparatives chez le Paramecium caudalum et ne l'ai observé qu'avec la température de 25 à 26 degrés centigrades. Avec cette chaleur, ainsi que je l'ai dit plus haut, la conjugaison dure une douzaine d'heures. Il est possible qu'il y ait de petites variations individuelles, mais je n'ai pas d'observations assez précises, à cet égard, pour être plus affirmatif. En tout cas, je suis certain que ces variations, pour la température indiquée ici, ne dépassent pas une à deux heures. Balbiani - parle d'une durée totale de trois à quatre jours. Il est de toute évidence que ces chif- fres sont fort exagérés et basés sur des observations inexactes, quelle que puisse avoir été la température, qu'il n'a pas eu le soin de noter. La position réciproque des doux conjoints pendant l'accouplement est bien connue depuis le vieux micrographe danois 0. F. MuUer qui, dans son œuvre posthume de 1786 ^, en avait déjà donné de bonnes figures. Les deux gamètes s'accolent longitudinalement> bouche contre bouche, l'extrémité postérieure du corps seule de- meurant libre. Cet accotement s'efl'ectue à la suite de manœuvres 1 DerConjugationsprocess bei Paramecium aurelia {Berichte der Nalurf. Gess. zu Freiburg i. Br., t. II, 1886, p. 49. 2 Phénomènes sexuels, p. 113. 3 Animalcula infusoria, 1786, p. 87, pi. XII, fig. 10-12. 184 E. MADPAS. qui durent plus ou moins longtemps, et pendant lesquelles on voit ces Infusoires s'approcher, s'écarter, se toucher par leurs extrémités antérieures, tourbillonner les uns sur les autres, puis enfin se saisir définitivement. Lorsque l'union est complète, les corps adhèrent l'un à l'autre par une soudure organique de leurs membranes tégu- mentaires. Stein' et Jickcli ^ ont quelquefois vu trois individus unis ensemble. J'ai également observé une syzygie de trois et une de quatre. Tous les observateurs qui se sont occupés de la conjugaison du Paramecium caudalum, ont signalé la petitesse de taille des indi- vidus accouplés. Celte observation est très exacte. Je n'ai^ en effet, pas vu de gamète en syzygie dépassant 2-2o \x, tandis qu'il n'est pas rare de trouver des individus de cette espèce atteignant une lon- gueur de 300 et môme 320 \j.. C'est entre 180 et 210 [j. que l'on rencontre le plus grand nombre d'accouplements. Les conditions externes de la conjugaison ainsi connues, nous pouvons passer maintenant à la description des phénomènes inter- nes, et plus particulièrement à l'évolution du micronucleus. Cet organe est toujours unique. De forme ovoïde, il peut atteindre une longueur de 10 à 11 \}. avec un diamètre transversal de 7 à 8 [).. Il est enveloppé d'une fine membrane périphérique, toujours facile à distinguer (fig. 1). Sa substance fondamentale, à l'état de repos parfait, offre un aspect granuleux irrégulier et est quelquefois va- guement fibreuse longitudinalement. Elle ne se colore bien par les teintures que dans une de ses moitiés, l'autre demeurant toujours hyaline. Le passage de la moitié colorée à la moitié incolore se fait graduellement. Il existe donc dans celle substance fondamentale deux matières distinctes : l'une, la chromatine, avide de substances colorantes, l'autre, le hyaloplasme, ne se colorant pas. La région chromatinifère est toujours notablement plus étendue que la région hyaline. • Der Organismiis, etc., 18G7, \>. 76. » Zoologischer Anzeiger, t. VU, 1884, p. 493. "î'^r* Bipartition ■ , , , , ^ 2 LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 185 Dès que l'union des gamètes est effectuée, le micronucleus com- mence son évolution et entre dans les phases du stade A, ou slade d'accroissement. Considérant l'état de repos comme la première phase, nous appellerons A^ l'état suivant, pendant lequel on le voit se gonfler, en prenant une forme plus arrondie (fig. 2). Ses deux diamètres atteignent respectivement H et 16 \).. Sa substance fon- damentale se répartit plus uniformément dans sa cavité, et y forme une trame spongieuse, dans laquelle on distingue déjà une tendance vague à se disposer en traînées, dirigées dans le plus grand axe. Ces traînées plasmiques sont finement granuleuses, et la chromatine y est répartie uniformément dans toute leur étendue et non plus localisée dans une région, comme à la phase A». Cet accroissement se continue, mais beaucoup plus dans le sens du grand axe que dans celui de l'axe transversal (fig. 3). On peut dès lors distinguer àla figure micronucléaire un pôle fixe (à) et un pôle d'extension {b) . Le premier est encore tron- qué, tandis que le second a déjà une forme pointue. Les traînées plasmiques in- ternes ont pris une dispo- sition très nettement longi- tudinale et ressemblent à des courants de matière qui, partant du pôle fixe, vont en divergeant et se ramifiant vers le pôle d'ex- tension. La substance de ces traînées est plus dense vers le pôle fixe. A un moment plus avancé de cette phase, le pôle fixe lui- même s'étire en pointe (fig. 4, 13), et le pôle d'extension, effilé en pointe aiguë, commence à s'incliner de côté. Les traînées plas- miques suivent le mouvement d'extension de la figure totale , mais en devenant cependant de moins en moins riches en sub- 186 E. MAUPAS. stance dans la région du pôle d'accroissement. Nous arrivons maintenant à la phase A^, pendant laquelle la membrane micronu- cléairo continue à s'accroître considérablement. Dans cet accrois- sement elle se gonfle en se recourbant de côté (fig. 5) et en pre- nant la forme d'un croissant irrégulier. Pendant ce gonflement, le plasma interne reste attaché au pôle fixe et au côté interne du croissant. Comme il ne s'est pas accru en même temps que les membranes, il en résulte qu'en outre de ces traînées, la cavité mi- cronucléaire renferme un vaste espace clair, dans lequel on ne dis- tingue aucun corps figuré quelconque, et qui très probablement est occupé seulement par un suc micronucléaire absolument limpide. Le croissant micronucléaire achève son développement, en se re- courbant de plus en plus, de sorte que ses deux pôles en arrivent presque à se croiser (fig. 6 et 16). En même temps, les traînées plas- miques se sont allongées, et maintenant s'étendent d'un pôle à l'autre, en formant une bande irrégulicre et plus ou moins étroite le long du bord interne du croissant. De ce moment nous entrons dans la phase A*, pendant laquelle nous voyons le croissant micronucléaire se transformer, en redressant sa courbure (fig. 7), et diminuant en même temps de volume. La bande plasmique en- vahit toute la cavité micronucléaire. La chromatine se condense en fines granulations sphériques, disséminées assez régulièrement dans toute l'étendue de cette cavité. Le hyaloplasme, lui, com- mence à se différencier en filaments longitudinaux ;\ contours très nets. Ces filaments ne s'étendent pas dans toute la longueur du micronucleus. La condensation et le raccourcissement de la figure micronucléaire se continuant, les deux pointes polaires s'ef- facent l'une après l'autre (fig. 8) et le micronucleus revient à sa forme primitive ovoïde, mais avec des dimensions doubles, puisque ses deux grands axes peuvent mesurer respectivement de 12 à 14 \i, et de 20 à 24 \).. Pondant cette dernière transformation, les traînées plasmiques ont continué à se condenser en filaments longitudinaux, encore reliés entre eux par des anastomoses, mais à contours très net- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 187 tement difFérenciés. Ici se termine le stade A, etiemicronucleus est prêt à entrer dans la phase 2 du stade B. Ce stade d'accroissement A est de beaucoup le plus long de la période syzygienne. Dans les conditions de température oii j'ai ob- servé le Paramecium caudatum, la syzygie durait une douzaine d'heures, desquelles le stade A en prenait au moins quatre à cinq. La disjonction s'effectuant vers la fin du stade F, il ne restait que sept à huit heures pour les stades B, G, D, E, F. Si l'on admet, comme je le pense, que la substance du micronu- cleus, à la fin du stade A, possède une densité égale à celle qu'elle avait tout au début de cette longue évolution, nous devons accepter que cette substance s'est accrue d'une quantité, que le calcul * per- met d'estimer dans le rapport de 1 à 8. Le micronucleus est, en effet, devenu huit fois plus volumineux. D'où vient toute cette nou- velle substance? Jickeli ^ prétend que, pendant ce stade d'accrois- sement, le protoplasma ambiant fait irruption dans le micronu- cleus par une ouverture de la membrane. Cette ouverture serait formée à la suite d'une déchirure de la membrane micronucléaire qui, primitivement soudée en continuité de substance avec celle du niicleus, se déchirerait en leur point de jonction, au début de la conjugaison, afin de permettre au micronucleus de s'écarter. Pour moi, je n'ai jamais vu de soudure exister entre les membranes pé- riphériques du nucleus et du micronucleus. Ces deux organes sont simplement juxtaposés^ sans coalesccnce de leurs parties externes confinantes. En second lieu, j'ai examiné avec le plus grand soin de nombreux micronucleus pendant les phases du stade A, et jamais 1 Afin de simplifier ce calcul, je l'ai ramené à un rapport de volumes sphériques. Additionnant'ensemble les deux grands diamètres respectifs 7 et 10 d'une part, 12 et 22 d'autre part, puis divisant ces deux totaux par 4, j'ai obtenu les chiffres 4 et 8 représentant très approximativement les rayons de deux sphères d'un volume égal au micronucleus avant et à la fin du stade A. Les volumes des sphères étant entre eux comme les cubes de leurs rayons, 512 cube de 8 divisé par 64 cube de 4, nous donne le chiffre S. * Zoologischer Anzeiger, t. VII, 1884, p. '594. 188 E. MAUPAS. je n'y ai aperçu la moindre déchirure ou solution de continuité quelconque. Le micronucleus demeure parfaitement clos pendant toute cette évolution. A aucun moment, je n'ai vu la moindre indi- cation d'une communication et continuité de substance entre le plasma intra-micronucléaire et le cytoplasme ambiant. Je crois donc devoir repousser l'explication de Jickeli, basée sur des observations défectueuses. Je ne puis voir dans cet accroissement qu'un phéno- mène de nutrition, ou autrement dit d'apport par endosmose de substances à l'état de dissolution. Toutes les parties du micronu- cleus, la membrane, la chromatine et le hyaloplasme, s'accroissent simultanément. Le cytoplasme ambiant ne contient évidemment pas ces trois éléments préformés, à l'état solide et figuré. Il en four- nit seulement les principes qui, à l'état liquide, traversent la mem- brane par dialyse et viennent ensuite se condenser et se précipiter chacun en leur place et forme définitives. La rapidité de cet accroissement pourra peut-être sembler surprenante. Mais nous ne devons pas oublier que le micronucleus est enveloppé de toutes parts par le cytoplasme, et que, par conséquent, les apports nutritifs lui arrivent par toute sa périphérie, et en outre que les matières nutritives elles-mêmes doivent être là toutes prêtes par avance, dès que le courant de dialyse vient à s'établir. Dès au sortir de la quatrième phase du premier stade, le micro- nucleus se trouve déjà entré dans la deuxième phase du stade B (fig.9, 17). G'estqu'en réalité entre le stade d'accroissement ou ceux de division qui se succèdent immédiatement, il n'existe pas d'interrup- tion ou point neutre, que l'on puisse considérer comme limite exacte entre les deux stades. Le micronucleus, en voie d'évolution continue, passe sans arrêt d'un stade à l'autre, et la phase dispirem d'un stade antérieur devient nécessairement la phase spirem du stade suivant. Ces deux phases se superposent donc et se confondent pour ainsi dire. La phase dispirem ne se distingue bien du spirem qui la suit, que par l'existence des fils et boyaux connectifs en voie de ré- sorption, et encore plus ou moins bien conservés entre les deux LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 189 noyaux filles. Dans le passage de A en B, la phase A^ avec le micro- nucleus en voie de condensation et le karyoplasme uniformément distribué dans sa cavité (flg. 7 et 8), pourrait tout aussi bien être considérée comme la première phase du stade B. Au début de ce stade B on rencontre fréquemment, près du nu- cleus, un corpuscule nucléaire, se colorant fortement par les tein- tures microchimiques et renfermé dans une vacuole claire (fig. 17). Les premières fois que je l'observai, ce corpuscule m'intrigua vive- ment, parce que je le prenais pour un des corpuscules de rebut, dont nous parlerons plus loin, et qui n'apparaissent qu'aux stades D et F. La position des deux micronucleus, toujours éloignés de la bouche chez les deux conjoints, ne permettait pas de considérer cet état comme représentant une des phases de D. Je ne pouvais non plus y reconnaître une phase de F, car tous les couples ainsi obser- vés étaient solidement unis, tandis qu'en F la disjonction est toujours en voie de s'effectuer. Enfin ces corpuscules nucléaires étaient toujours un peu plus volumineux que les vrais corpuscules de rebut. Cette incertitude cessa enfin, lorsque, ayant rencon- tré un état un peu plus jeune, je vis s'isoler un petit fragment du nucleus, encore relié par un filament avec la masse de ce der- nier. Ce fragment avait conservé la structure nucléaire et n'était pas encore transformé en une masse homogène, comme chez les corpuscules plus avancés. Ces corpuscules représentent donc des fragments de nucleus, qui s'en détachent pour une cause que je n'ai pas su déterminer, et qui très probablement tient au mode de fixation de cet organe dans le corps des Paramécies. Ils disparaissent rapidement par résorption. Leur signification ne peut avoir aucune importance, car on n'en trouve pas dans le plus grand nombre des couples, et le plus souvent il n'en existe que dans un seul des con- joints d'un môme couple. Si j'ai insisté sur leur description, c'est afin d'éviter la confusion qu'on en pourrait faire avec les vrais cor- puscules de rebut. Les stades B et C sont, ainsi que nous le savons, des stades de 190 lî. MAUPAS. division du micronucleus et de ses produits, divisions à la suite des- quelles on trouve deux et quatre corpuscules micronucléaires dans le corps de chaque conjoint. Je n'entrerai pas ici dans la descrip. tion détaillée des phases successives de ces divisions. Il me suffira de rappeler, que toutes les divisions micronucléaires de la conju- gaison s'eflectuent toujours en suivant les phases de la karyomi- tose. Les figures 9, 10, H, 12, 13, 14, feront d'ailleurs saisir immé- diatement les formes que le micronucleus et ses produits affectent pendant ces divisions. Je désire cependant appeler un peu l'attention sur les longs boyaux connectifs des phases B^ et G^ (fig. 14, 19 et 20), reliant entre eux les noyaux filles. Quels sont l'origine et le rôle de ces tubes ? Lorsqu'on examine les corpuscules micronucléaires dans les phases antérieures (fig. 12, 13 et 18), il semble impossible de voir autre chose dans ces tubes qu'un développement et une transforma- tion de la membrane périphérique du micronucleus. Cette mem- brane, à toutes les phases de la division, m'est toujours apparue très nettement différenciée, et je crois qu'elle ne disparaît à aucun moment, pour permettre au cytoplasme ambiant de pénétrer dans l'espace micronucléaire, ainsi que Guignard * et Strasburger ^ l'ont si bien démontré dans la karyomitose des végétaux supérieurs. Se conservant ainsi intacte, elle s'allonge avec le micronucleus en division, et lorsque les éléments chromatiniens des deux noyaux filles se sont séparés et s'écartent lentement les uns des autres, elle continue à les envelopper et s'étire en longueur pour obéir à cet écartemenl. Tout d'abord, il existe, dans la lumière du boyau mem- braneux, des fils connectifs reliant les deux noyaux filles. Mais à mesure que ceux-ci s'écartent et que le tube s'allonge, ces fils dis- paraissent et semblent se fondre dans la paroi du tube. Un do ces filaments persiste souvent très longtemps, presque jusqu'à l'élon- ' Annales des sciences naturelles, botanique, t. XX, 1885. * Ueber Kern und Zelltheilung im l'flanzenreiche, 1888, p. 7G et 158. LE RAJEUNISSEMENT KAUYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. -191 galion totale du Jjoyau. Celui-ci, à ce dernier moment, s'étrangle au point de jonction avec les deux noyaux filles, qui dès lors devien- nent entièrement indépendants l'un de l'autre. Le boyau se résorbe alors rapidement et disparaît dans le cytoplasme. Chacune des divi- sions du micronucleus et de ses produits est donc accompagnée de la formation et du développement d'un appareil connectif sembla- ble, destiné à disparaître par résorption, une fois la division ache- vée. Ce développement, à mon avis, se fait par un processus chi- mico-physiologique, semblable à celui dont nous avons déjè parlé dans le développement des grandes formes en croissant du stade A. Les matériaux de ce développement sont toujours empruntés au cytoplasme ambiant, mais d'une façon indirecte , par métamor- phose et non plus immédiatement, comme cela paraît avoir lieu chez les végétaux supérieurs. Quant au rôle de ces tubes, il est clair que leur fonction est avant tout d'écarter l'un de l'autre les deux noyaux filles et, dans certains cas, d'imprimer à ces noyaux une direction particulière, en vue de les conduire vers des points déterminés, où les appelle leur fonc- tion. Ce rôle de gubernaculum a déjà été fort bien compris et décrit par Balbiani * dans la division flssipare, oii ces boyaux connectifs apparaissent avec un développement encore plus grand. Il ressort d'ailleurs si naturellement de la vue des faits, que le docteur Stras- burger, à qui j'avais le plaisir et l'honneur de faire voir mes croquis et mes préparations, me le suggéra immédiatement, bien qu'il ne connût pas le travail de Balbiani. Ce rôle directeur n'est pas aussi nettement indiqué à tous les stades de division. Ainsi dans les deux stades B et G, dont nous nous occupons actuellement, il ne semble même pas intervenir du tout. On y trouve, en effet, les noyaux filles disséminés dans le corps avec une grande irrégularité, et les tubes connectifs repliés et contournés sans règle apparente (fig. 19, 20). 11 semblerait que pendant ces deux stades, ces appareils connectifs i Journal de la physiologie de lirown-Sequard, t. 111, 1860, p. 81-83. 192 E. MAUPAS. soient livrés à l'abandon aux courants de la cyclose intracellulaire, et y prennent toutes les positions possibles, suivant les hasards de cet entraînement. Mais nous verrons qu'il n'en est certainement plus de môme dès le stade suivant D, et pendant le dernier stade de division -• Le rôle directeur des tubes connectifs y devient, en 2 effet, d'une évidence complète. Vers la fin du stade C et tout au début du stade D, les quatre corpuscules micronucléaires , avons-nous dit, sont disséminés sans ordre apparent dans le corps des conjoints (fig. 20, 21). A ce mo- ment je les ai étudiés chez plusieurs couples avec tout le soin pos- sible, pour rechercher si j'apercevrais quelque différence d'une na- ture quelconque chez l'un d'eux. Mais je n'ai jamais pu y distinguer rien de particulier, ni dans la forme, ni dans le volume, ni dans la structure. Il nous faut donc admettre que tous quatre sont parfai- tement semblables entre eux, et qu'aucun ne se trouve prédestiné par avance à continuer l'évolution micronucléaire. Cette évolution se fait d'abord sentir sur tous ces corpuscules. Ils prennent, en effet, tous la forme de fuseaux renflés, à structure fibreuse longi- tudinalement, caractéristique de la phase 2 du nouveau stade, comme s'ils devaient encore se diviser une fois tous quatre. Cette continuité d'évolution chez les quatre corpuscules jusqu'à ce mo- ment est très intéressante à noter. Elle nous démontre, en effet, que même encore à cette phase de l'évolution fécondatrice, aucune action, aucune influence élective, différenciant spécialement l'un d'eux, n'est intervenue. Mais ici s'arrête cette communauté de dé- veloppement. Un seulement d'entre eux va continuer à évoluer, tandis que les trois autres disparaîtront par résorption. A partir de ce moment on trouve toujours dans le corps des con- joints, pendant toute la durée du stade D, des corpuscules micro- nucléaires en voie de se résorber. Cette résorption s'effectue de la manière suivante. Les fuseaux micronucléaires paraissent s'allonger un peu, en se rétrécissant beaucoup (fig. 22). La structure fibreuse LE RAJEUNISSEMENT KAUVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS, 193 disparaît et est remplacée par des granulations irrégulières, se co- lorant par les teintures microchimiques. Un peu plus tard, ces longs fuseauîf se condensent en une petite masse sphérique com- pacte, enveloppée d'une vacuole (fig. 22, 23, 24). Ce corpuscule sphérique, d'apparence homogène, se colore très vivement par les teintures. Plus tard enfin, il se résorbe et disparaît, laissant les va- cuoles complètement vides. Celles-ci ne tardent pas à s'effacer à leur tour. Tous ces phénomènes rappellent la marche suivie par la digestion des ingesta ordinaires, renfermés dans une vacuole di- gestive. Cette dégénérescence régressive et cette dissolution ne suivent pas une marche parfaitement synchronique chez tous les corpus- cules. Elles se font sentir plus rapidement sur les uns que sur les autres et, par conséquent, on peut rencontrer tous les degrés de la régression dans un même conjoint. Il en résulte que ces corpus- cules ne disparaissent pas simultanément et qu'il n'est pas rare d'en rencontrer les débris d'un et quelquefois deux jusque pendant le stade E (fîg. 30). . ^ ^ Nous avons vu que le quatrième corpuscule, destiné à survivre, ne se distinguait en rien extérieurement des trois autres. Avant que les phénomènes de résorption aient commencé leur effet, ils sont tous quatre absolument identiques les uns aux autres. Il nous faut donc renoncer à rechercher l'explication de cette différence de des- tinée dans une cause interne, inhérente au corpuscule même. Je suis persuadé que cette différence n'est due qu'au hasard. C'est la position des corpuscules, par rapport à la bouche, qui décide de leur destinée. Celui d'entre eux qui, par une chance quelconque, se trouve le plus rapproché de la bouche au moment décisif, est élu et va continuer l'évolution. Ce rapprochement de la bouche ne sem- ble d'ailleurs être préparé par aucune disposition, ou artifice d'au- cune sorte. Du moins je n'ai rien observé de tel, malgré l'examen le plus minutieux. Vers la fin du stade C et au commencement du stade D (fig. 21-24), on aperçoit toujours un corpuscule, dans AUCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. VU. 1S89. 13 194 E. MAUPAS. chaque conjoint, plus rapproché que les trois autres de l'orifice buccal. Bien que, comme nous l'avons déjà dit, il ne difTcre encore en rien dans son aspect extérieur de ses trois congénères, on peut cependant déjà aflirmer que son sort est fixé. Je crois le corpuscule complètement passif dans ce mouvement de rapprochement vers la bouche. Si j'ai raison, il nous faut nécessai- rement placer l'impulsion directrice et l'action élective dans le cy- toplasme. Celui-ci jouerait donc ici un rôle actif d'une extrême importance. Parle fait, il doit constamment intervenir pendant toute révolution fécondatrice. Dès le début de la conjugaison, c'est seule- ment par son intermédiaire que les micronucleus peuvent recevoir la première impulsion, qui les fait entrer en évolution. C'est encore le cytoplasme qui, pendant chaque division, alimente le micronucleus et ses produits, et leur apporte les matériaux destinés à la production des filaments et tubes connectifs. Il doit donc exister constamment des actions et réactions réciproques entre le micronucleus et le cytoplasme. Nous allons voir d'ailleurs, dans la suite de l'évolution micronucléaire , des phénomènes d'élection locale , analogues à celui que nous discutons en ce moment et qui ne sauraient éga- lement s'expUquer que par une influence déterminante, partant du cytoplasme. Son rôle actif ici me semble donc indispensable. Com- ment et par quel mécanisme s'exerce cette intervention? C'est ce que je ne saurais dire. Mes observations ne m'ont, en effet, fourni aucun fait positif, pouvant servir à un essai d'explication. Je préfère avouer mon ignorance, plutôt que de recourir à une hypothèse. Le corpuscule persistant se rapproche de plus en plus de la bou- che et va même se fixer par sa pointe antérieure à la paroi interne du corps, immédiatement au-dessus de l'orifice buccal. Ainsi placé, il entre immédiatement en évolution. Il paraît tout d'abord se gonfler un peu, car on le trouve presque toujours avec sa mem- brane périphérique soulevée et détachée de la masse interne. En- suite, il s'allonge et traverse les phases régulières d'une division par karyomitosc (fig. 25-27). Cette division ne diffère en rien LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 19b d'essentiel des divisions précédentes. La seule dilTérence intéres- sante à noter est la direction spéciale et fixe imprimée aux noyaux filles, par suite du développement du tube connectif. Ainsi que je l'ai dit, le corpuscule, au début de cette division, s'est fixé par son extrémité antérieure. Dans l'allongement accompagnant la division, cette extrémité fixe ne bouge plus, d'où il résulte que l'autre extrémité seule s'avance dans la cavité générale du corps. Lorsque les deux noyaux filles sont séparés et s'écartent l'un de l'autre par suite du développement du boyau etdesfilsconnectifs, cet appareil directeur se recourbe, toujours avec une concavité tournée en avant (fig, 26). Cette courbure s'accentuant de plus en plus, à mesure que le tube connectif s'allonge, le noyau fille interne se trouve finale- ment ramené au voisinage de son congénère, à une petite distance de la bouche (fig. 27). Le tube connectif joue donclà un rôle direc- teur bien évident et dont nous allons bientôt comprendre l'extrême importance. Les deux noyaux frères, résultant de cette division, sont absolu- ment semblables entre eux et rien, dans leur mode de formation et leur structure apparente, ne permet de les distinguer l'un de l'autre, ou d'y voir des noyaux autrement constitués que ceux qui les ont précédés. Ils se colorent de même par les teintures microchi- miques et, au début de leur évolution ultérieure, on les voit suivre exactement la même marche que les corpuscules micronucléaires antérieurs. Ils prennent, en effet, immédiatement la forme de fu- seaux à structure fibreuse longitudinalement, et cette structure est déjà nettement accusée, même avant qu'ils ne soient complètement détachés de leur tube connectif. Celui-ci, comme tous les tubes connectifs antérieurs, se résorbe et disparaît dans le cytoplasme. La seule différence entre eux et les noyaux antérieurs, qu'on puisse mentionner, est leur moindre volume. Mais cette différence s'ex- plique d'elle-même par la rapide succession des trois divisions, dont ils sont le résultat final. Chacun d'eux ne représente par le fait que la huitième partie du micronucleus primitif. Cet amoindrissement 198 E. MÂUPAS. de volume devrait cire encore bien plus marqué si, pendant touic cette évolution, le cytoplasme ne leur eût pas constamment apporté par endosmose de nouveaux matériaux. Malgré cette identité apparente avec les noyaux antérieurs, ils sont cependant destinés à jouer un rôle physiologique et à suivre une évolution ultérieure, d'un caractère absolument nouveau et unique. L'un d'eux, celui en contact avec la bouche, va en effet jouer le rôle de pronucleus mâle, ou élément fécondateur; l'autre, au contraire, le rôle d'élément fécondé, ou pronucleus femelle. Je me contente de signaler ici ceUe différence de fonction si essentielle, me réservant d'y revenir aux chapitres des résultats généraux. Nous allons donc continuer à suivre l'évolution de ces deux nou- veaux corpuscules micronucléaires, en passant au stade E, ou stade d'échange et de copulation nucléaires. Mais auparavant, afin de bien saisir l'échange des deux pronucleus mâles, nous remonterons vers la fin du stade D, alors que les deux noyaux frères sont encore reliés l'un à l'autre par le tube connectif (fig. 27). Nous remarque- rons à cette phase, que le futur pronucleus mâle du conjoint de droite apparaît toujours superposé au futur pronucleus mâle du conjoint de gauche. Cette remarque très importante va nous per- mettre de démontrer l'échange réciproque de ces deux pronucleus. Dans leur transport respectif de droite à gauche et de gauche à droite, ils demeurent jusqu'au bout ainsi superposés l'un à l'autre. Tant que cette superposition dure^ on est donc toujours certain que celui de dessus est issu du conjoint de droite, et celui de des- sous du conjoint de gauche. Ceci bien établi, suivons la marche de l'échange. Les pronucleus mâles, une fois détachés de leurs tubes con- nectifs, prennent la forme de fuseaux longs et étroits, à structure ■fibreuse longitudinale (fig. 28-30). Le tube œsophagien des deux conjoints ayant disparu, ces deux fuseaux apparaissent d'abord dans l'ouverture des deux bouches appliquées l'une à l'autre, avec leurs axes longitudinaux se croisant légèrement, l'axe du pronu- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 197 cleus de droite, ou pronucleus supérieur, incliné de droite à gau- che, celui du pronucleus de gauche, ou pronucleus inférieur, incliné de gauche à droite. Cette inclinaison opposée des axes pro- vient de ce que l'extrémité postérieure des deux fuseaux devance toujours l'extrémité antérieure dans le mouvement d'échange. Ils glissent ainsi l'un au-dessus de l'autre, en inclinant leur axe longi- tudinal de plus en plus vers la bouche du conjoint opposé. J'ai ob- servé un couple, dont le pronucleus de droite avait encore conservé, attaché à son extrémité postérieure, un bout du tube connectif (fig. 29). Ce fragment de tube, entravant le mouvement du pronu- cleus, l'avait contraint à se courber. Ce mode de transport s'explique par le fait, dont j'ai parlé plus haut, que l'extrémité antérieure des deux pronucleus d'échange est fixée à la paroi supérieure de l'ou- verture buccale. Cette attache ne se défait qu'assez tard, et Ton peut voir des pronucleus déjà complètement passés dans le corps du conjoint opposé, avec leur extrémité antérieure toujours fixée au même point (fig. 31). Pendant que cette sorte d'oscillation pendulaire des pronucleus mâles s'effectue, les pronucleus femelles demeurent immobiles au voisinage de la bouche. Pronucleus mâles et pronucleus femelles, à ce moment, éprouvent une sorte de gonflement, qui soulève leur membrane périphérique, en la détachant d'une façon plus ou moins irrégulière du corps central fibreux. Celui-ci paraît comme enfermé dans une large vacuole, formée par la membrane (fig. 29-31 a). Les pronucleus mâles, en continuant leur mouvement pendulaire, finissent par rencontrer les pronucleus femelles, et ils entrent en contact l'un et l'autre par leur extrémité postérieure. Ils s'unissent par le côté, leurs extrémitéspostérieures se fusionnant d'abord (fig. 32 et 33), en laissant leurs extrémités antérieures encore hbres. Puis la fusion progresse d'arrière en avant, formant ainsi un gros nucleus mixte, encore étiré en pointe obtuse par rextrémité antérieure (fig, 34). Cette pointe elle-même s'efface, et le nouveau nucleus prend une forme ovoïde fibreuse longitudinalemont, prélude d'une 198 E. M AU PAS division par karyomitose (flg. 35). A ce moment la fécondation est complètement achevée. Comment devons-nous comprendre cette copulation des pronu- cleus? Devons-nous la concevoir comme une fusion intime de leurs éléments chromatiques, se mélangeant et se fondant ensemble, comme les molécules de deux gouttes liquides qui se confondent ; ou bien n'y devons-nous voir qu'une juxtaposition, un entrelace- ment de ces éléments chromatiques, conservant leur individualité et leur autonomie dans le corps nucléaire commun, où ils se trouvent maintenant réunis? Je me contente de poser ici cette question, qui me paraît insoluble par l'observation directe des faits. Les éléments chromatiques sont beaucoup trop nombreux et trop tenus, pour qu'on puisse les suivre avec sûreté dans l'entrelacement des bâton- nets fibreux du fuseau nucléaire. Tout ce que je puis dire, c'est qu'au . début du stade F, le faisceau de ces bâtonnets, réunis ainsi en un seul noyau, apparaît parfaitement simple, sans la moindre trace de son origine binaire. Le nouveau nucleus mixte, aussitôt constitué, entre immédiate- ment en évolution pour traverser le stade de division F. On pour- rait même dire que cette nouvelle division était déjà en voie d'exé- cution, avant la copulation et la fusion des pronucleus. Leur sub- stance avait, en effet, déjà pris la forme de bâtonnets longitu- dinaux, caractéristique de la phase 2 de la karyomitose, et c'est sous cette forme qu'ils se sont juxtaposés et unis en un faisceau commun. C'est pendant ce stade F, que s'effectue la disjonction des gamè- tes. On rencontre, en effet, fréquemment des couples, dont les deux conjoints ne sont plus fixés l'un à l'autre que dans la région buc- cale (fîg. 35-37). Le nouveau nucleus mixte peut se trouver à une des phases quelconques de la karyomitose. J'ai niômc observé un couple à cet état de disjonction, chez lequel les deux pronucleus, déjà réunis sous une membrane commune, avaient encore leurs masses fibreuses nettement distinctes. On peut donc dire que la dis- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 199 jonction commence immédiatement après l'échange des pronucleus mâles et se termine pendant la durée du stade F. Pendant la période à l'état de syzygie, les deux conjoints dimi- nuent de taille, d'une façon assez notable. Voici des mesures prises sur un couple isolé avec de la nourriture à sept heures du matin, le 6 août, par une température de 25 degrés centigrades. Au moment de l'isolement, les gamètes mesuraient 207 [x, à trois heures du soir, 225 \j., à sept heures du soir, 210 [x, à dix heures du soir, un peu après la disjonction, 165 [x, et le lendemain à six heures du matin, 180 \x. On les voit donc commencer par s'accroître un peu. C'est qu'il continuent à absorber de la nourriture pendant les pre- miers stades de la conjugaison. Leurs bouches sont encore lar- gement ouvertes et le tourbillon alimentaire ne cesse pas d'y en- traîner des corpuscules alibiles. Balbiani* affirme qu'ils cessent de prendre des aliments depuis le début de la conjugaison ; mais c'est une erreur. Nous les voyons ensuite décroître de taille. C'est qu'en effet, il arrive un moment où leurs bouches, intimement accolées l'une à Tautre, ne leur permettent plus d'absorber de la nourri- ture. Je n'ai pas déterminé, par observation directe, à quel moment exact cet arrêt commence ; mais je crois pouvoir affirmer que ce doit être vers la fin du stade D, alors que les deux conjoints vont se disposer à faire échange de leurs pronucleus mâles. Enfin huit à dix heures après la disjonction, nous voyons la taille des ex-conjugués recommencer à s'accroître. Ils peuvent, en effet, reprendre de la nourriture quelques heures après la disjonction. c c Les trois stades F,—.— (fig. 35-43) répondent à trois divisions successives du nouveau nucleus mixte, et par conséquent aboutissent à la production de huit nouveaux corpuscules nucléaires. Ces trois nouvelles divisions s'effectuent, comme les trois précédentes des stades B, C, D, par karyomitose et ne nous présentent rien de parti- culier à signaler. J'ajouterai ici seulement une remarque, s'appli- ' Phénomènes sexuels, etc., 1861, p. 07. 200 E. MAUPAS. quant d'ailleurs également bien aux six stades de division. On a pu voir par les dessins de ces stades, que les corpuscules micronu- cléaires ne se suivent pas toujours avec un synchronisme parfait dans leur évolution mitosique. On les trouve, en effet, à des phases de développement différentes dans les deux conjoints d'un même couple et jusque dans le corps des cx-conjugués. J'ai choisi, il est vrai, de préférence ces figures pour les reproduire ; mais je dois dire que, bien qu'en minorité, elles ne sont cependant pas rares. Cette absence de synchronisme m'a semblé ne jamais dépasser les limites d'une mitose. Je n'ai, en effet, jamais observé de stades pri- maires empiétant les uns sur les autres. J'ai considéré la troisième division des produits du nucleus de copulation comme un simple redoublement du stade G, et ne lui ai pas attribué de lettre spéciale. Cette troisième division manque, en effet, chez beaucoup de Ciliés, et on ne la retrouve pas chez des espèces aussi voisines que les Pamrnecium aiirelia et Paramecium biD'saria. Elle paraît, au contraire, être la règle chez les vorlicel- lides. Alafinde cette troisième division, les huit nouveaux corpuscules nucléaires se trouvent, par suite de la formation de tubes connec- tifs d'une longueur exceptionnelle, répartis en deux groupes de quatre, situés l'un tout à l'extrémité antérieure, l'autre à l'extrémité postérieure du corps des ex-conjugués (fig. 43). A aucun des autres stades je n'ai observé des tubes connectifs aussi développés et tou- jours orientés aussi régulièrement dans l'axe longitudinal du corps. Cette disposition et ce développement exceptionnels ont bien cer- tainement un but spécial. En décrivant la conjugaison de plusieurs autres espèces nous verrons que dans la dernière division du nu- cleus mixte, les tubes connectifs sont toujours ainsi orientés et que, des corpuscules nucléaires qu'ils unissent, ceux de l'avant sont toujours destines t\ former les nouveaux nucleus de rajeunissement, tandis que ceux de l'arrière s'arrêtent dans leur développement et demeurent à l'état de micronuclcus. Il en doit ôtrc de même chez LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 201 le Paramecium caudatum. Les quatre corpuscules antérieurs conti- nuent à se développer et forment les quatre corps nucléaires, dont nous parlerons plus loin ; tandis que, des corpuscules postérieurs, trois s'atrophient et disparaissent, le quatrième survivant, comme nous le verrons, à l'état de micronucleus. Chez cette espèce, il est difficile de vérifier directement ce fait ; car la cyclose intracellu- laire ramène et confond ensemble les deux groupes de corpuscules nucléaires, avant que l'évolution ultérieure de chacun d'eux soit indiquée par une différenciation quelconque (fig. 45, a). Ainsi mé- langés, on ne sait plus les distinguer par groupes originels. Mais nous verrons plus loin que cette distinction redevient possible plus tard . Jusqu'ici nous ne nous sommes pas occupés du macronucleus primitif des gamètes. Maintenant que nous voici arrivé au seuil du stade H, ou stade de reconstitution, il est temps de voir ce qu'il de- vient. Balbiani^et Btitschli ^affirment que, peu de temps après le commencement de la conjugaison, il commence à s'accroître et à développer à sa surface des replis et des circonvolutions, rappelant celles de la surface d'un cerveau de mammifère. On trouve bien, en effet, dès les premiers stades, des nucleus montrant des fentes et des sinuosités, comme Balbiani l'a très bien figuré sur sa planche VII, figure 6. Mais en cherchant bien, il n'est pas rare de voir des nucleus d'un aspect parfaitement semblable, chez des individus non conju- gués. Il n'y a donc rien de surprenant à retrouver cette disposition chez le couple figuré par Balbiani, couple dessiné au stade D^, c'est- à-dire dans la première période de la syzygie. Quant à moi, j'ai toujours vu les macronucleus absolument inertes jusqu'au moment delà disjonction, pendant le stade F. Alors seulement-^ commencent à apparaître à leur surface des replis, les déformant plus ou moins profondément. Tout d'abord leur forme générale en est peu modifiée. ' Phénomènes sexuels, p. 92. 2 Studien, etc., p. 90, 9 Stein avait déjà très bien vu cela {Der Organismus, t. II, 1867, p, 89), 202 E. MAUPAS. ( fig, '►37-39 ). Mais quand on arrive en -,ils s'étirent alors en lam- 2 beaux plus ou moins irréguliers (fig. 40-42). Ces lambeaux, conti- nuant à s'allonger, forment à la fin de ce stade de longs rubans plus ou moins entrelacés et anastomosés entre eux (fig. 43). Finalement, au début du stade H, ces rubans se divisent par simple étrangle- ment en de nombreux fragments, qui prennent la forme de petits corpuscules sphériques (fig. 44-45). Le nombre de ces fragments nucléaires, lorsque la division en est complètement achevée, ne dépasse pas les chiffres de 50 à 60 et assez souvent même s'élève seulement à 40 ou 45. II nous faut reprendre maintenant l'évolution des noyaux de nouvelle formation, issus du nucleus mixte de copulation. Nous les avons laissés au début du stade H, sous la forme de huit corpus- cules sphériques, absolument identiques les uns aux autres et d'un diamètre mesurant 7 à 8 jx (fig. 44-45). Ils se composent d'une mem- brane périphérique nettement apparente et d'une masse centrale granuleuse. Cette masse centrale ne remplit pas complètementtoute la cavité délimitée par la membrane; car, à son pourtour, il reste tou- jours entre elle et cette dernière une zone claire, vide de granulations et ne contenant probablement qu'un suc liquide. Il semble que, dans ces corpuscules en voie de rapide accroissement, la membrane s'accroisse plus vite que la masse centrale. Cette dernière est com- posée de quelques granulations de chromatine, se colorant par les teintures microchimiques et d'une quantité beaucoup plus grande de granulations demeurant incolores. Ces granulations font sans doute partie d'une trame plasmique; mais d'une structure trop fine pour ôtre résolue avec les moyens optiques à ma disposition. L'état que je viens de décrire répond à la phase H* et a été observé sur des individus tués quatre à cinq heures après la disjonction. Dans la phase IP, que nous pouvons observer sur des individus tués trois heures plus tard, c'est-à-dire huit heures après la disjonc- tion, nous constatons une difîérenciationdcjàtrèsmarquée, apparue LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQDE CHEZ LES CILIÉS. 203 parmi les corpuscules nucléaires (fig. 46, a). Quatre d'entre eux se sont notablement accrus. Leur forme est toujours sphérique avec un diamètre de 13 [jl, ce qui représente un volume quatre fois plus grand qu'à la phase antérieure. La zone claire hyaline et la mem- brane seules paraissent avoir pris part à cet accroissement. La masse nucléaire centrale n'a subi aucune modification. Ces quatre corpuscules, ainsi accrus, représentent l'état rudimentaire des futurs corps nucléaires. Quant aux quatre autres corpuscules, ils sont demeurés inertes et ne.se sont pas accrus. Ici, j'appellerai l'attention sur la position réciproque de ces deux groupes de quatre corpuscules. Les trois figures 44, 45 et 46 du stade H* et H^ ont été relevées à la chambre claire, avec la plus scru- puleuse exactitude.' Sur la première, représentant un ex-conjugué tué quatre heures après la disjonction, nous voyons les corpuscules disposés en deux groupes, l'un antérieur et l'autre postérieur, nette- ment distincts. Sur la figure suivante, représentant la même phase une heure plus tard, les corpuscules se sont rapprochés, et, comme ils se ressemblent tous, il est impossible de dire duquel des deux grou- pes proviennent chacun d'eux. Ces deux groupes sont cependant de- meurés distincts; car, sur la troisième figure, nous représentant la phase suivante trois heures plus tard, nous retrouvons les corpuscu- les diff"érenciés, disposés en deux groupes nettement séparés. Un des corpuscules accrus, seul, est demeuré isolé en avant, preuve que lui et ses similaires dérivent des corpuscules primitifs anté- rieurs. Je crois que cette démonstration matérielle, ajoutée aux preuves par analogie citées plus haut (p. 200), ne nous permet plus de douter de l'origine antérieure des corps nucléaires et de l'origine postérieure du micronucleus. Pendant la phase H^ les quatre corps nucléaires continuent leur évolution. La masse granuleuse interne subit une profonde trans- formation, en s'accroissant considérablement. Elle prend une tex- ture tellement fine, qu'elle apparaît absolument homogène, avec les grossissements les plus forts. En même temps elle remplit presque 20-i E. MAUPAS. toute la cavité de la membrane périphérique et se creuse au centre d'une petite vacuole (vésicule germinative de Balbiani), contenant quelques fines granulations (fîg. 47,). Toute cette masse homo- gène ne se colore plus du tout par les teintures microchimiques. Un peu plus tard, ces corps nucléaires s'accroissent encore en volume. Dans leur masse homogène apparaissent quelques grosses granula- tions, en même temps que la petite vacuole centrale s'efface (flg. 48,). Les quatre corpuscules d'origine postérieure poursui- vent également leur évolution. Trois d'entre eux s'atrophient et se résorbent. Cette résorption se fait par condensation de leur masse centrale dans une large vacuole (flg. 48, v), comme nous l'avons vu pour les corpuscules de rebut. Le quatrième corpuscule, au con- traire, s'accroît et devient presque aussi volumineux que les corps nucléaires (fîg. 48, m). Il se compose alors d'une membrane péri- phérique très distincte et d'une masse en occupant toute la cavité, sous la forme de traînées plasmiques spongieuses et peu denses. Les teintures microchimiques y colorent des granulations de chromatine isolées et éparses. Ce corpuscule, ainsi développé, représente le nouveau micronucleus, duquel dériveront par divisions binaires les micronucleus de tous les futurs rejetons de l'ex-conjugué. J'ai suivi cette évolution du nouveau micronucleus sur près d'une centaine d'ex-conjugués, toujours avec les mêmes résultats ^ Nous arrivons ainsi à la phase H*, dernière étape de cette longue évolution. Pendant cette phase, les corps nucléaires s'accroissent encore un peu (flg. 49,) et leur substance fondamentale acquiert ' Butschli, au contraire (Sludien, etc., p. 91-95, et Protosoa, p. 1625-26), décrit cette évolution d'une façon tout autre. Mais cette divergence s'explique aisément, par une confusion du savant professeur d'Heidelberg, qui a introduit dans la conjugaison du P. caudatum des individus appartenant îi la conjugaison du P. aiirelia. Pour moi, les figures 16 et 17, pi. XV de son grand Mémoire, représen- tent cette dernière espèce pendant et après la première bipartition post-zyzygienne et correspondent à mes figures 27 et 29, pi. XIII. Il me semble d'ailleurs assez im- probable, que de jeunes macronucleus, arrivés au développement de la phase H', puissent rétrograder et retourner îi l'état antérieur de micronucleus. Toutes mea observations, chez leg nombreuses espèces 6lu4i^cs par moi, sont en désaccord LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 203 la faculté de se colorer par les teintures microchimiques, mais cependant avec une intensité moins grande, qu'elle ne le fera plus tard. La masse centrale du micronucleus se condense un peu plus. Arrivés à ce terme, les ex-conjugués, lorsqu'on a eu soin de leur donner une abondante nourriture, sont prêts à exécuter leur pre- mière bipartition fissipare post-syzygienne. Cette première division, dans les conditions de température où j'observais (25 degrés centigra- des), s'est effectuée chez plusieurs isolés entre vingt-quatre et trente heures après la disjonction. Les Paramécies commencent, en effet, à reprendre de la nourriture trois à quatre heures après la dissolu- tion de la syzygie, et l'accroissement végétatif de leur corps devient bientôt apparent. On remarquera cependant la lenteur de ce pre- mier accroissement; car une Paramécie ordinaire, placée dans les mêmes conditions, se serait fissiparée au moins trois fois. La seconde bipartition arrive également assez lentement. Chez plusieurs isolés, elle ne s'est effectuée que vingt à vingt-quatre heures après la pre- mière. Dans cette première bipartition, le micronucleus unique se divise en deux, et chacun des rejetons emporte avec lui deux des gros corps nucléaires (fig. SO). A la bipartition suivante, nouvelle division du micronucleus et attribution d'un des corps nucléaires à chaque rejeton. Pendant la période entre la première et la seconde biparti- tion, ces corpsnucléaires se sont fortement accrus (fîg. 51,52) et ont repris les dimensions normales des nucleus. Les deux rejetons, en sortant de cette seconde bipartition, peuvent donc être considérés complet avec cette manière de voir. En outre, Balbiani, dans ses recherches de 1882 [Journal de micrographie, t. VI, p. 112-115), était arrivé à des résultats qui concor- dent parfaitement avec ceux que j'ai décrits plus haut, en m'appuyant uniquement sur mes observations personnelles. Je dois cependant ajouter que Bûtschli, à propos du P. bursaria {Studien, p. 85) décrit, comme positivement observée par lui, une rétrogradation nucléaire semblable. Cette observation, à mon avis, demande à être vérifiée, et, si l'avenir doit la confirmer, je crois qu'en même temps on reconnaîtra que cette évolution rétrogressive avait pour cause le manque de nourriture, dont les Infusoircs isolés par Bûtschli me paraissent avoir beaucoup souffert. 206 E. MAUPAS. comme des Paramécies revenues à l'état d'organisation normale de leur type. On trouve encore dans leur corps des fragments nucléaires, provenant du nucleus primitif, quelque temps après cette seconde bipartition ; mais ils ne tardent pas à disparaître complètement, comme le prouve la ligure 52, représentant un individu tué quatre- vingt-dix heures après la disjonction et vingt-quatre heures après la seconde bipartition. Il peut arriver parfois que, dans la première bipartition, il n'y ait pas répartition égale des nouveaux corps nucléaires entre les deux rejetons. Ainsi, voici figures o3eto4, les deuxrejetons d'un ex-conju- gué,qui ont été tués quelques heures après la première bipartition. Dans l'un nous ne trouvons qu'un gros corps nucléaire, et dans l'autre, trois corps un peu plus petits. Les fragments nucléaires, encore tous présents, sont au nombre de vingt dans le second et de vingt- quatre dans le premier. Comment s'effectue la disparition de ces fragments ? Pour ré- pondre clairement à cette question, il nous faut distinguer deux cas. Dans le premier cas, pris pour type de la description générale précédente, les Paramécies, abondamment pourvues de nourriture, s'accroissent et se fissiparent assez rapidement. Les fragments nucléaires disparaissent par résorption et peut-être aussi par élimi- nation avec les fèces. Cette élimination exige un temps assez long, puisque nous retrouvons encore des fragments nucléaires dans le corps des rejetons à la seconde génération, plus de soixante heures après la disjonction ( lig. 51 ).La preuve, qu'il y a bien élimination et non réincorporation des fragments avec les nouveaux nucleus, est fournie par la figure 50, représentant un rejeton de la première bipartition, quarante heures après la disjonction. Nous comptons, en effet, à l'intérieur de son corps trente fragments nucléaires, chiffre représentant la moitié de la quantité maximum à la([uelle ces frag- ments peuvent atteindre. Il est donc bien certain que chez ce rejeton les nouveaux nucleus se sont accrus et développés jusqu'à ce moment, sans rien emprunter aux fragments. Je n'ai pas vu trace LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 207 d'incorporation de ces derniers sur d'autres rejetons, tués à des âges encore plus avancés. Il n'en est plus de même avec les ex-conjugués placés dans un milieu dépourvu de nourriture, comme cela arrive le plus ordinaire- ment dans les épidémies de conjugaison, apparaissant dans nos petits aquariums. Ces épidémies, nous le savons, ne se développent que par suite de l'épuisement des aliments. Dans ce second cas on peut s'assurer, avec toute l'évidence possible, que de nombreux fragments nucléaires viennent s'accoler et s'incorporer aux nouveaux noyaux (fig. 55, 56). Tous ne suivent cependant pas ce sort, car on en trouve également en voie de résorption dSns une vacuole digestive (fig. 55, 56 v). Les fragments conservés s'accolent aux noyaux, puis s'enfoncent dans la substance de ces derniers tout d'une pièce. Ils ne s'y fusionnent qu'après quelque temps, de sorte qu'on peut obser- ver des noyaux contenant plusieurs de ces fragments encore nette- ment distincts, comme dans les exemples dessinés ici. Le manque de nourriture exerce encore une autre influence modificatrice sur la marche de la dernière phase du stade H. Cette disette d'aliments retarde, en efi"et, indéfiniment la première bipar- tition ; ce retard n'empêche pas le développement des quatre nou- veaux corps nucléaires, qui, comme nous venons de le voir, absorbent et s'incorporent une grande partie des fragments du nucleus primi- tif. Ils peuvent ainsi atteindre à leur accroissement normal ; mais ensuite, comme la division fîssipare de la Paramécie qui les contient, ne se produit pas, ils se tassent les uns contre les autres, en s'acco- lant, et finissent par s'unir complètement et se fusionner (fig. 57, 58). Cette fusion de noyaux n'a rien d'anormal et de pathologique, ainsi que Balbiani le croit * . Elle est simplement le résultat d'un retard dans l'accroissement végétatif et ,1a multiplication par fissipa- rité. Les Paramécies, avec noyaux ainsi fusionnés, replacées dans un milieu riche en aliments, s'accroîtraient et se multiplieraient en 1 Journal de micrographie, t. VI, 1882, p. 113. 208 E. MAUI'AS. suivant la marche régulière et habituelle de ces phénomènes. Les cas de fusions nucléaires ne sont d'ailleurs pas rares dans le monde vivant. Il suiTit de rappeler ceux que Strasburger a si bien décrits dans la formation de l'endosperme des végétaux supérieurs ^ . Ces cas peuvent d'autant mieux se comparer à celui des Paramécies, qu'ils sont également le résultat d'un arrêt de développement. Nous retrouverons d'ailleurs des copulations nucléaires semblables chez les ex-conjugués de VEuplotes patella. Nous voici arrivés au terme de cette longue évolution fécondatrice» Je crois l'avoir observée et suivie pas à pas, dans toutes ses phases, sans y laisser la moindre lacune. 11 me reste à décrire quelques cas anormaux, qui me paraissent mériter d'être signalés. Le 4 septembre, je tuai et préparai les deux ex-conjugués d'un même couple, le premier quatre heures un quart et le second cinq heures après la disjonction, c'est-à-dire en H*. Dans le premier je trouvai seize corpuscules nucléaires nouveaux (flg. 59), et dans le second, le chiffre normal huit. On peut s'expliquer les seize corpuscules du premier de deux façons : 1" en admettant que le stade de division G s'est répété trois fois au lieu de deux, et dans cette alternative le développement normal ultérieur est très possible ; 2" en supposant qu'il n'y a pas eu copulation et fusion entre les pronucleus et que chacun d'eux a évolué normalement pour son compte. Que le pronucleus fe- melle isolé puisse ainsi évoluer, nous en trouverons plus loin la preuve, en décrivant les accouplements avortés chez VEuplotes patella. Que le pronucleus mâle, après son introduction dans son nouvel hôte soit, pour une cause quelconque, demeuré isolé et ait cependant continué à évoluer et à se multiplier, cette hypothèse n'a rien d'inadmissible. On pourrait d'ailleurs l'appuyer sur des observations parfaitement analogues faites par Fol - et les frères « Zellbildung und Zelltheilimg, 3' édit., 1880, p. 24-27, 31(i, 340 et 35G. — /(/., Ueber Kern- und ZelUheilung im P/lanzenreiche, 1888, p. 48. 2 Recherches sur la fécondation, etc., 187!), p. 110 et 197. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAiMlQUE CHEZ LES CILIÉS. 200 Hertwig* sur les noyaux spermatiques des Aslérides et des Oursins. Mais je suis persuadé que, dans le cas des Paramécies comme dans celui de ces Métazoaires, ce premier essai de développement ne tar- derait pas à s'arrêter et aboutirait finalement à la mort de l'ex- conjugué, par atrophie totale de l'appareil nucléaire. Il n'est pas très rare, en effet, de trouver dans les vases où de nombreuses conjugaisons ont eu lieu des Paramécies semblables aux deux dont je reproduis le dessin ici (fîg. 60, 61). Chez la première, le nucleus, réduit en fragments, existe seul, et, chez la seconde, un seul fragment subsiste encore. Impossible de distinguer chez l'une ni l'autre la moindre trace du micronucleus ou de ses produits. Pour moi, ces deux individus sont des ex-conjugués à fécondation avortée et qui allaient périr lentement par atrophie nucléaire complète. Mais je n'insiste pas plus longuement ici sur ces atrophies de noyaux, au sujet desquelles il nous faudra revenir dans les résultats généraux. Le couple dessiné figure 62 peut nous aider à comprendre ces avortements. Dans le conjoint de droite on voit, près de la région buccale, deux éléments micronucléaires dont l'un, le plus gros, a co mplètement l'aspect et les dimensions d'un noyau mixte de copu- lation, tandis que l'autre ressemble à un pronucleus mâle. Dans le conjoint de gauche existe un seul élément micronucléaire parfai- tement semblable à un pronucleus femelle, attendant la fécondation. Je pense donc qu'il y a eu fécondation chez le premier conjoint, mais que son propre pronucleus mâle n'a pas été échangé et que, par conséquent, l'autre conjoint est demeuré non fécondé. Ce dernier, après la disjonction, aurait été nécessairement condamné à périr par atrophie nucléaire, comme les deux individus décrits plus haut. Voici encore, figure 63, un autre couple, chez lequel il semble que les pronucleus mâles se soient copules et soudés l'un à l'autre. Il est fort probable que cette conjugaison eût également avorté. 1 Ueber den Befruchlungs und Teilungsvorang des tierischen Eies unier dem Einfluss àusserer agentien, 1887. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2c SÉRIE. — T. VII. ISS'J. 14 210 E. MAUPAS. Quand on étudie une épidémie de conjugaison d'une durée un peu longue, on remarque que, vers la fin de cette durée, les cas de conjugaisons avortées deviennent de plus en plus fréquents. Ainsi, dans celle que j'ai étudiée, les premiers accouplements apparu- rent dans les premiers jours d'août. Pendant les trois à quatre premières semaines, tous les couples, que j'isolai et que je tuai, se comportèrent normalement. Mais il n'en fut pas de même à partir des derniers jours d'août et des premiers de septembre. Je trouvai alors de nombreux couples, avec tous les caractères précurseurs de l'avortement. Je cite, comme exemple, trois couples isolés le 4 sep- tembre et dont les six ex-conjugués furent tués respectivement : un immédiatement après la disjonction, deux après une demi-heure, un après une heure et demie, un après trois heures et un après sept heures. Chez tous les six je trouvai le nucleus primitif à un état d'évo- lution correspondant avec l'heure à laquelle je les avais sacrifiés ; c'est-à-dire que, chez les plus jeunes, il était au début de son dépelo- tonnement et, chez le plus âgé, la fragmentation était complètement achevée. Quant au micronucleus et ses produits, il n'en existait pas la moindre trace chez aucun d'eux. Nous reviendrons plus tard sur ces faits, qui relèvent évidemment de la dégénérescence sénile. Je terminerai cette série d'anomalies, en mentionnant encore un cas observé sur un des ex-conjugués d'un couple isolé le 15 août. Les deux ex-conjugués furent tués environ soixante-cinq heures après la disjonction. Leur développement avait été lent, puisqu'à ce moment ils auraient dû avoir effectué au moins leur première bipar- tition. Chez l'un d'eux, d'une taille plus grande que son conjoint, je trouvai quatre gros corps nucléaires d'aspect normal, mais ne se colorant pas. Le micronucleus était bien développé. Chez le second (fig. 64) il y avait six corps nucléaires, ayant le même aspect que ceux du premier, mais un i)cu plus petits. Ils étaient également demeurés incolores. Le micronucleus était bien constitué et on voyait un huitième corpuscule en voie de résorption. Chez les deux ex-conjugués, le nucleus primitif était à l'état de fragmentation LE RAJEUNISSEMENT KARIOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 211 complète. Par cette absence de coloration des nouveaux noyaux il semblerait que ces deux Paramécies en étaient encore à la phase H'. Mais ce qui nous intéresse surtout, c'est l'existence de six nou- veaux noyaux chez l'une d'elles. Ce fait meparaît,en effet, démontrer, qu'il peut arriver dans certains cas que des corpuscules nucléaires d'origine postérieure évoluent et se développent dans le même sens que ceux d'origine antérieure. Le cas est anormal, mais il n'en prouve pas moins qu'il n'existe pas une différence absolument essen- tielle entre les corpuscules antérieurs et postérieurs. Ici se termine l'exposé de mes observations personnelles sur le Paramecium caudatum. J'ai tenu à les décrire dans leurs détails les plus minutieux, afin de présenter un type complet de l'histoire d'une conjugaison. Nous pourrons être plus bref avec les espèces qui sui- vront. Mais, avant d'y procéder, il nous faut encore jeter un coup d'œil rapide et critique sur les travaux de mes devanciers. h& Paramecium caudatum, sous le nom inexact de/*, aurelia, est, en effet, l'espèce qui a servi jusqu'ici le plus souvent pour l'étude de la conjugaison. Dès 1786, le vieux 0. F. Millier observe cette conjugaison et la figure exactement* dans son aspect extérieur. Il ne se trompe pas sur son interprétation et la considère comme un accou- plement sexuel. Ehrenberg % comme Millier, n'en connaît que les phénomènes externes; mais, par une erreur d'interprétation qui va peser sur la science pendant près de trente années, il considère ces phénomènes comme répondant à une bipartition longitudinale. Les observateurs qui suivent, y compris Stein lui-même dans ses premiers travaux, adoptent cette fausse idée. C'est à Balbiani ^ que revient l'honneur d'en avoir débarrassé la science d'une façon définitive et d'avoir démontré pour toujours l'exactitude de l'interprétation de iMilUer. C'est également lui le 1 Animalcula infusoria, 178G, p. 87, pi. XII, lig. 10-ia. 2 Die Infusionslhierchcn, etc., 1838, pi. XXXIX, fig. VII, 3. 3 Phénomènes sexuels, etc., I8t5i, [i. (36-67, 91-l(il, 110-1 la, pi. VII. ûlî Ê. AlAUPAS. premier, qui ait abordé d'une façon un peu approfondie l'étude des phénomènes internes. Il observa et figura très exactement les stades A (fig. 2 et 12 de son mémoire), B* et B=^ (fig. 4 et3),D- (lig. 6),E' (fig. 5), 2! et - (fig. 7 et 8) H- et H' (fig. 9 et 10). Mais, par une erreur . d'interprétation, non moins malheureuse que celle d'Ehrenberg et tout aussi néfaste pour le progrès de la science, il considéra toutes les formes évolutives du micronucleus et de ses produits, comme représentant le développement de glandes sexuelles mâles et femelles, donnant naissance à des spermatozoïdes et à des ovules. Les nouveaux éléments nucléaires de rajeunissement dérivent, suivant lui, de l'ancien noyau. C'est sous l'influence de ces fausses idées, que furent publiées les observations de Kœlliker ^ sur les figures duquel nous pouvons reconnaître les phases A*, A' (fig. 4 et 7), B* (fig. 5), C^ (fig. 6) etH', H* (fig. 10-16). Stein, dans l'introduction du second volume de son grand ou- vrage ^, consacre d'assez longues pages à la conjugaison du P. eau- datum. Malheureusement ses descriptions ne sont pas accompagnées de figures. H nous affirme cependant avoir vu toutes les phases repré- sentées par Balbiani pendant l'état de syzygie. Quant à la période de reconstitution H, il est trop peu précis, pour nous permettre de savoir bien exactement ce qu'il en a vu. Sa théorie sexuelle, bien qu'un peu différente, est aussi fausse que celle de Balbiani. Biitschli, en réagissant énergiquement contre les théories de Bal- biani et de Stein et en les réfutant, s'est occupé à deux reprises dif- férentes du P. caudatum ; une première fois, en 1873 ^ et la seconde, dans son grand mémoire de 1876 *. Comme il n'a pas publié toutes les figures de ses observations, il n'est pas toujours facile de déter- > Icônes hislologiccB, ISG'i, p. 18-19, pi. II, fig. 4-16. 2 Der Organismus, t. H, 18G7, p. 8S cl suiv. 3 Archivfùr Mikr. AnaL, t. IX, 1873, p. 662, pi. XXVI, flg. 8 et 9. * Studien, cLc, 1870, p. 87-98, pi. XV, fig. 8-1 G. V LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 213 miner exactement ce qu'il a vu. En combinant les descriptions de son texte avec ses figures publiées, il m'a paru qu'il devait avoir c r* observé une partie, sinon toutes les phases des stades A, B, C, - , _ et H. Mais, comme nous l'avons déjà dit dans l'introduction histori- que, son plus grand mérite est d'avoir reconnu, dans ces phases, de simples étapes de divisions nucléaires et d'avoir ainsi réduit à néant toute la théorie sexuelle de Balbiani. Engelmann a publié*, simultanément avec Butschli,des observa- lions assez détaillées sur notre infusoire. Elle ne sont malheureuse- mentpas accompagnées de figures. Sa description est diviséeenpetits paragraphes numérotés, chacun des numéros indiquant l'ordre de succession des phases, tel qu'Engelmann l'a compris. Je rétablis ici l'ordre réel, en montrant la concordance des numéros d'Engelmann avec mes stades. lia observé A*, A*, A^ (numéros \, 2, 4), B'^ (nu- méro 3) C», C* (numéro 3) D' (numéro 6) D'^ (numéros 3 et 7). Quant à ses numéros 8 à lA, qui correspondent aux phases après disjonc- tion, il est assez difficile de préciser leur ordre exact; car Engel- mann n'y a pas su distinguer les produits du nouveau nucleus mixte de copulation. Tout ce qu'on en peut dire, c'est qu'il faut les placer dans les stades G et H. Balbiani est revenu de nouveau, en 1882, à l'étude de notre infu- soire -. Éclairé par les travaux de Biitschli et d'Engelmann, il a revu tous les stades constatés par ces deux observateurs et n'apporte de nouveau que quelques détails accessoires dans le stade II. Il affirme l'échange entre les deux conjoints d'un corpuscule micronucléaire; mais sans en fournir la preuve. En 1884, Jickeli publie dans le Zoologischer Anzeiger ' une note assez intéressante, dans laquelle nous trouvons de nouveau l'affir- mation d'un échange de corpuscules micronucléaires. Sa descrip- « Morphologisches Jahrbuch, 1876. t. I, p. G04-G12. 2 Journal de micrographie, t. VI, IS82, p. 110, 3 Zoologischer Anzeiger, t. \[l, IS8'., p, 494 214 E. MAUPAS. tion est trop courte, pour savoir s'il a réellement observé ce phéno- mène important. La démonstration de Jickcli était, eu effet, si peu convaincante, que, deux ans plus tard, nous voyons Grubcr, sur la foi d'obser- vations nouvelles \ soutenir énergiquement le contraire. Le travail de Gruberest accompagné de nombreuses figures, d'après lesquelles nous pouvons voir qu'il a observé la première phase de A (fig. 1, 2, 3), B* (fig. 4), Cl, C^ G* (fig. ]A, 5, 15), B\ D' (fig. 2R, 29, 30). Ses figures 6 à 12 appartiennent très probablement au stade E, mais sont déformées par le mode défectueux de préparation. Nous trouvons ensuite — , ^(fîg.l6, 17), puis toutes les phases de H (fig. 18-27). . En terminant cette revue historique j'ajouterai encore une remar- que générale, s'appliquant à tous les travaux cités ici. Dans tous, sans aucune exception, les stades de division antérieurs à l'échange des pronucleus sont confondus avec les stades de division postérieurs à cet échange. 11 en résulte que, si nous voulions ré- sumer sous forme schéma- tique tous ces résultats, tels que les auteurs de ces re- cherches les ont conçus eux-mêmes, voici le schéma qui y répondrait : On voit immédiatement combien ce schéma dif- fère de celui que j'ai pu- blié pour la première fois au mois de septembre d8(S6 ^ et sur lequel toute l'évolution fécondatrice se trouve figurée sans la- cune. Sur le schéma ici présent, les stades D, F, - manquent tota- 1 Berichte der Natiirf. Geselts. zu Freiburg im B., t. 11, l., avec des formes plus ou moins anguleuses (fig. 25). La membrane d'enveloppe est toujours très nettement distincte et séparée par une mince zone claire de la masse centrale. Celle-ci est devenue plus dense et plus opaque, et ne se colore plus par les LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIOUE CHEZ LES CILIÉS. 223 teintures microchimiques. A cette troisième phase je n'ai pas ob- servé de petite vacuole centrale, semblable à celle que nous avons décrite chez le P. caudatum, au même moment. Il est fort possible cependant qu'elle existe, car je n'ai examiné qu'un petit nombre d'individus en cet état, et la vacuole aura bien pu m 'échapper. A cette phase, les micronucleus viennent toujours se grouper auprès des deux nouveaux noyaux. Enfin, pendant la quatrième et dernière phase, les nucleus, conti- nuant à s'accroître, arrivent à atteindre un diamètre de 18 \j. (fig. 26 et 27). Leur membrane est toujours légèrement séparée delà masse centrale par une zone claire. La masse centrale est devenue colo- rable par les teintures. Quelquefois on trouve sa région centrale occupée par des granulations assez fortes et également colorées ; d'autres fois elle est homogène dans toute son étendue, sauf quel- ques granulations plus fortes disséminées irrégulièrement dans toutes ses parties. La durée de cette phase, ainsi que nous l'avons dit plus haut, peut se prolonger plus ou moins longtemps, suivant la température et surtout suivant les conditions d'alimentation où se trouveront placées les ex-conjuguées. Avec la fin de cette phase, les Paramécies sont prêtes à exé- cuter leur première bipartition fîssipare. Par une température de 16 degrés centigrades et avec une bonne alimentation, cette première division arrive quarante-cinq à cinquante heures après la disjonction.. l'ai dessiné, figures 27 et 28, deux de ces ex-conjuguées, tuées pendant leur division. Chez la première, nous voyons déjà les deux bouches nettement distinctes. Les deux micronucleus ont pris la forme de longs fuseaux fibreux, tandis que les nouveaux nucleus paraissent être demeurés inertes. Aucun étranglement circulaire du corps n'est encore visible. Chez la seconde, la division est beaucoup plus avancée. On voit un étpangiemcnt circulaire très marqué. 0 Les deux bouches se sont très écartées l'une de l'autre. Les mi- cronucleus, au nombre de quatre, sont groupes deux à deux à chaque extrémité. Ce groupement est le résultat de la division en 224 K. MAUPAS. deux des deux micronuclcus primitifs. Les deux nouveaux nucleus tendent à se répartir un dans chaque moitié. Chaque rejeton em- porte donc un des nouveaux noyaux de rajeunissement avec lui, ainsi que nous le constatons sur la figure 29. Elle représente un des rejetons de la première bipartition d'une ex-conjuguéc. Ce rejeton a été tué environ vingt-quatre à vingt-huit heures après cette pre- mière bipartition et soixante-douze heures après la disjonction. Le nucleus s'est encore accru et mesure 35 \>. dans son plus grand dia- mètre. Avec ses deux raicronucleus accolés sur son côté, il a com- plètement l'aspect d'un nucleus ordinaire. Ses dimensions seules sont encore trop faibles. Ce n'est qu'après la seconde bipartition, qu'on retrouve des rejetons avec des nucleus à dimensions normales, mesurant 50 à 60 \i. Cette seconde bipartition se produit, avec une température de 16 degrés centigrades, trente-deux à trente-trois heures après la première. Ce laps de temps est encore fort exagéré, car un P. aurelia, à l'état ordinaire, ne sortant pas de conjugaison, se bipartitionncrait au moins deux fois dans ce temps. La marche habituelle des bipar- titions reparaît avec la troisième. Je crois que la longue durée entre les deux premières bipartitions a pour cause l'état encore rudimen- taire des nouveaux nucleus. Il semble, en effet, fort probable que les divisions s'effectuent seulement lorsque les nouvelles masses nucléaires ont pu atteindre à un volume donné. A leur point de départ pour la seconde et surtout pour la première bipartition, elles sont réduites à des dimensions beaucoup au-dessous de celles de l'état végétatif ordinaire; elles ont donc besoin d'un temps beau- coup plus long pour s'accroître jusqu'au volume propre à susciter une division. Non pas que je veuille dire que l'impulsion primitive de la fissipa- rité parte directement du nucleus. L'intlucnce de ce dernier agit plutôt d'une façon indirecte, comme organe directeur et excitateur de l'assimilation nutritive du corps cellulaire et, par suite, de son développement végétatif. Cette action doit évidemment être d'autant LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 225 plus énergique et active, que le nucleus est plus développé. Mais lorsque le corps cellulaire, autrement dit l'organisme unicellulaire, est arrivé à son maximum d'accroissement, il se divise de lui-même, le nucleus ne jouant plus dans cet acte qu'un rôle passif et consé- cutif. Les premiers signes de la division du corps cellulaire appa- raissent, en effet, toujours assez longtemps avant que le noyau laisse voir la moindre modification. Lorsqu'une division fissipare doit se produire, c'est donc du cytoplasme que part la première impulsion. Les deux nouveaux nucleus demeurent-ils toujours indépendants l'un de l'autre et ne peuvent-ils pas, dans certains cas, se fusionner ensemble, comme nous l'avons constaté chez le P. caudatum? Je n'ai pas d'observation directe répondant à cette question. Ce qui est bien positif, c'est qu'ils peuvent rester longtemps isolés l'un à côté de l'autre, sans se fusionner. Ainsi j'ai dessiné, figure 30, une ex- conjuguée dans cet état, et dans le corps de laquelle il n'existait plus un seul des fragments du nucleus primitif. La disparition totale de ces derniers démontre que cette ex-conjuguée, insuffisamment nourrie pour se fissiparer, devait vivre à l'état libre depuis au moins six jours. Nous verrons, en effet, plus loin que cinq à six jours après la disjonction, on retrouve encore des fragments nucléaires dans le corps des rejetons, descendants d'une ex-conjuguée. Jusqu'ici nous n'avons encore rien dit du nucleus primitif des gamètes. Il est temps de remonter en arrière et voir ce qu'il devient. Dès les stades B et C, il apparaît tout mamelonné à sa surface, comme s'il était en voie de bourgeonnement (fig. 7-9). Ces mamelons, continuant à s'accroître, prennent pendant le stade D la forme d'excroissances de formes rubanaires, à contours sinueux et repliées sur elles-mêmes, avec les dispositions les plus variées et les plus irrégulières (fig. 10-12). Cette transformation en cordons sinueux s'accentue encore plus fortement pendant le stade E (fig. 14-17), à la fin duquel toute la masse du nucleus ne représente plus qu'un en- chevêtrement confus de cordons repliés et contournés sur eux- mêmes. Cet état pelotonné peut, dans certains cas, se prolonger ARGH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2« SÉRIE. — T. VII. 1889. 13 226 E. MAUPAS. jusqu'à la fin du stade F (fig. 20) ; mais, dans d'autres cas, j'ai vu la fragmentation, qui le suit, commencer des le stade E. Cette frag- mentation s'effectue rapidement par simple étranglement, et, dès la fin du stade G (fig. 21, 22), le nucleus n'est plus représenté que par des fragments de forme sphérique ou un peu oblongue. Le nombre de ces fragments varie beaucoup d'une ex-conjugu6c à l'autre, et j'ai rencontré tous les chiffres possibles depuis 25 jusqu'à 57. Quel est le sort de ces fragments? Sont-ils tous éliminés? Je n'ai jamais observé de cas démontrant l'incorporation de quelques-uns d'entre eux aux nouveaux nucleus, avec l'évidence que nous avons constatée chez le P. caudatum. B\ui autre côté, des individus, comme celui dessiné figure 26^ mesurant 210 [j. , c'est-à-dire arrivé au maximum de sa taille et évidemment très près de fissiparer, et contenant encore quarante-sept fragments nucléaires, chiffre des plus élevés que j'aie compté, cet individu, dis-je, prouve bien que les nouveaux nucleus peuvent aller jusqu'à la première bipartition, sans s'incorporer aucun des fragments, La môme démonstration ressort encore de l'observation suivante. En juin 1886, je tuai les quatre rejetons, résultant de la première bipartition des deux ex-conjuguées d'un même couple. Je trouvai les nombres suivants de fragments nucléaires chez ces quatre Paramécies : 1° 19 — 2° 24 — 3° 24 — 4° 29. Additionnés, nous avons quatre-vingt-seize frag- ments qui, divisés par deux, nous donnent quarante-huit fragments pour chacun des conjoints primitifs, chiffre le plus élevé que j'aie jamais observé. Il est donc bien évident, que les nouveaux nucleus de ces quatre rejetons se sont reconstitués et développés, sans que les fragments nucléaires y aient pris part. En est-il encore de même dans les périodes d'accroissement végé- tatif, succédant à cette première division, et en particulier lorsque l'alimentation est peu abondante et que les Paramécies ne s'accrois- sent qu'avec lenteur? Je n'oserais plus être aussi affirmatif. J'ai, en effet, constaté que les fragments nucléaires peuvent persister long- temps dans le corps des Paramécies, en conservant leur structure LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 227 parfaitement intacte. Ainsi, le 6 décembre, j'ai tué et préparé neuf des seize rejetons issus de la quatrième bipartition d'une ex-conju- guée, disjointe le 1" décembre, c'est-à-dire cent vingt heures aupa- ravant. De ces neuf rejetons, quatre n'avaient plus trace de fragments, deux en avaient un ; un, deux, et deux, trois. Une ex-conjuguée, maintenue dans de l'eau pure, sans nourriture et sacrifiée cent quinze heures après disjonction, contenait encore trente-trois frag- ments nucléaires, les nouveaux nucleus étant bien développés. Il peut donc se faire que quelques-uns des fragments se réincorporent aux nouveaux nucleus. Je n'en crois pas moins que la grande majo- rité d'entre eux est éliminée sous forme de fèces, ou peut-être encore par désorganisation et résorption directe. Voulant m'assurer expérimentalement si les Paramécies, sortant de conjugaison, jouissaient d'une puissance de multiplication plus grande, j'ai fait des cultures : d'une part avec des ex-conjuguées, dont l'une a été suivie jusqu'à la quarante-sixième génération; d'autre part, avec des Paramécies extraites de vases, dans lesquels n'était encore apparue aucune syzygie. Les unes et les autres, placées dans les mêmes conditions de température et pourvues des mêmes aliments, se sont accrues et multipliées, sans qu'il me fût possible de constater la moindre différence dans la marche successive de leurs bipartitions. Il n'y a donc pas accroissement de la faculté fissipare après la conjugaison. Arrivés au terme de la conjugaison du P. aurelia, il ne nous reste plus qu'à examiner quelques cas anormaux, qui m'ont paru assez intéressants pour être signalés. La ligure 31 représente une ex-conjuguée au stade H*, avec quatre nouveaux nucleus et quatre micronucleus. On peut expliquer cette anomalie, en supposant que, dans ce cas, il y a eu, comme chez le P. caudatum, redoublement du stade G et que les huit corpuscules, en résultant, ont évolué suivant la marche normale de rospèce. La figure 32 représente un couple que je considère au stade D*. Le conjoint de droite ne contient plus que des corpuscules micro- 228 E. MAUPAS. nucléaires en voie de régression; l'autre, au contraire, en outre de ces derniers, renferme deux beaux corpuscules à la phase 4 de leur division. Je crois expliquer cette anomalie, en admettant qu'il s'est produit un mouvement d'échange anticipé, entraînant, du con- joint de droite dans celui de gauche, les deux corpuscules micro- nucléaires du stade D. Enfin, avec la figure 33, nous voyons un couple au début de la conjugaison, dont les deux conjoints renferment chacun deux nu- clcus. Ce cas me paraît assez embarrassant, à moins d'admettre qu'il représente deux ex-conjuguées, n'ayant pas effectué leur pre- mière bipartition par faute de nourriture, et s'étant de nouveau unies. J'avoue que deux accouplements se succédant ainsi directe- ment, et avant que l'effet du premier soit complètement achevé, me paraissent chose bien surprenante. Je n'ai pas d'historique de travaux antérieurs à faire ici, car avant la Note, que je communiquai à l'Académie dans sa séance du iQ septembre 1886', personne n'avait encore fait d'observations sur la conjugaison du P. aurelia. VI. PARAMECIUM BURSARIA. PI. XIII et XIV, fig. 1-21. Mes observations, sur cette espèce, ne sont malheureusement pas aussi complètes que chez les deux précédentes. Je n'ai étudié sa conjugaison qu'une fois, accidentellement et assez longtemps avant que j'eusse commencé mes recherches méthodiques et suivies sur la fécondation des Ciliés. Je ne pratiquais pas encore les méthodes d'isolement et d'élevage que j'ai suivies plus tard. Je n'eus d'ailleurs qu'un nombre relativement faible de syzygies à ma disposition. De là l'état incomplet et fragmentaire sous lequel je présenterai cette conjugaison. Mes préparations furent fixées avec l'acide chromiquc ù 2 pour 100, > Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CIII, l^SG, p. .'i82. LE RAJEUNISSEMEiNT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 2^29 colorées au picro-carmin, puis incluses dans le baume du Canada, après déshydratation par les alcools gradués. Aujourd'hui encore, après plus de quatre ans, elles sont aussi propres à l'étude que le premier jour. Biitschli recommande vivement le P. bursaria comme une des espèces les plus favorables à l'étude de la conjugaison. Son micro- nucleus est, en effet, encore plus volumineux que celui de P. cau- datimi, et la partie chromatique y est également plus développée. Il en résulte que toutes les phases de la mitose du micronucleus et de ses produits y sont plus faciles à distinguer que chez aucun autre Cilié. Cet avantage est encore augmenté par l'évolution fort simple du nucleus primitif, qui ne se développe et ne se fragmente pas, comme chez les deux autres Paramécies. Mais, d'un autre côté, comme le P. bursaria a une puissance de multiplication beaucoup plus faible' que ses deux congénères, je doute qu'on puisse s'en procurer aisément des accouplements en aussi grand nombre. D'après Balbiani, la syzygie de cette espèce durerait cinq à.six jours. Butschli a parfaitement raison de trouver ces chiffres fort exa- gérés. 11 estime cette durée, d'après ses observations faites au mois de mai, entre vingt-quatre et quarante-huit heures. Je puis encore préciser plus exactement cette donnée. Au mois d'avril, avec une température de 20 degrés centigrades, les accouplements duraient de trente à trente-quatre heures. Voici une observation qui semblerait démontrer que les pulsations de la vacuole contractile sont activées pendant la conjugaison. Sur une préparation se trouvaient quatre couples, avec une douzaine en- viron d'individus libres. Chez les quatre couples, les pulsations se renouvelaient toutes les quatorze secondes, tandis que chez les Para- mécies libres, il s'écouIaiL dix-neuf secondes entre chaque systole. La température était de 20 degrés centigrades. N'ayant renouvelé cette observation nichez cette espèce ni chez aucune autre, je la donne ici telle quelle et sans commentaires. ï Archives de zoologie expérimentale, t. "VI, 1S88, p. 235. 230 1^". MAUPAS. « La cyclosc de l'endoplasme se continue pendant presque toute la durée de la syzygie, avec la même activité qu'à l'état libre. On la voit s'arrêter seulement quelque temps avant la disjonction, puis elle recommence environ deux heures après cette dernière ; c'est-à-dire, comme nous le verrons plus loin, lorsque le sex-conjuguées ont t-epris leur forme normale et reconstitué leur bouche. Je pense, sans pou- voir le certifier autrement, que cet arrêt de la cyclose coïncide avec un phénomène général de rénovation de l'organisme, après la copu- lation des prouucleus. Dans cette rénovation, ainsi que nous le ver- rons plus loin, la bouche se réorganise et reprend sa structure nor- male. Ce serait également avec cette rénovation que coïnciderait le dernier stade de division des nouveaux éléments nucléaires, division à la suite de laquelle s'établit la distinction entre les futurs nucleus et les futurs micronucleus. Je crois que ces trois phénomènes se tiennent et s'enchaînent les uns aux autres par des liens de causa- lité, dont la raison m'échappe, mais qui ne m'en semblent pas moins fort probables. En tout cas, cet arrêt de la cyclose nous donne une explication mécanique très simple de la disposition longitudi- nale que prennent toujours les longs boyaux connectifs, qui repous- sent aux deux extrémités du corps les noyaux dédoublés de cette dernière division. La cyclose, en se continuant, eût forcément en- traîné dans son courant ces boyaux, et les quatre petits noyaux, nllachés à leurs extrémités, se seraient trouvés dispersés sans ordre dans l'endoplasme. Nous ne retrouvons pas ici, pour les individus conjugués, une réduction de taille aussi nettement marquée que chez les deux espèces précédentes. A l'état d'individus libres j'ai mesuré des lon- gueurs variant entre 60 et 155 jx. Ces deux chiffres extrêmes sont rares, et les longueurs les plus communes oscillent entre 90 et 120 p.. A l'état conjugué j'ai mesuré des individus de 88 à 145 \j. ; mais les longueurs les plus fréquentes sont entre 100 et 120 \j. ; c'est-à-dire correspondent exactement aux tailles les plus communes des indi- vidus non conjugués. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 231 Le micronucleiis du P. bursaria est très probablement le plus volumineux connu chez les Infiisoires ciliés. Aussi a-t-il été le premier observé par de Siebold en 1845. Sa forme est celle d'un gros fuseau allongé, pouvant atteindre, en longueur, de 12 à 14 [x, et transver- salement jusqu'à 5 ]}.. Assez souvent une de ses extrémités est tron- quée obtuse, tandis que Tautre demeure effilée en pointe assez aiguë. Il se compose d'une fine membrane périphérique, toujours très nettement apparente et d'une masse centrale, ayant le plus souvent uiie structure fibreuse. Cette masse centrale est constituée par un mélange dehyaloplasme et dechromatine, assez intimement fondus entre eux. LA chromatine est toujours en forte proportion, de sorte que le micronucleus se colore beaucoup par les teintures microchimiques, et devient ainsi des plus faciles à distinguer, même avec de faibles grossissements. La coloration étant toujours beau- coup moins vive dans une des extrémités du fuseau que dans l'autre, semble indiquer que le hyaloplasme prédomine dans la première et la chromatine dans là seconde. Je n'ai pas observé les deux premières phases du stade d'accrois- sement A ; mais elles ne doivent probablement guère différer de celles que nous avons décrites chez les deux précédentes Paramécies. Avec la troisième phase nous retrouvons les grandes et belles formes en croissant, dont le plasma s'est condensé le long du bord -interne du croissant (fig. I, 2, a). Pendant la quatrième phase (fig. 3, 4, a) les croissants se redressent et le plasma interne se distribue dans toute leur étendue sous la forme de traînées, formant un ré- seau délicat, coloré faiblement et uniformément dans toutes ses parties. Pendant cette quatrième phase, les deux extrémités en pointe sont encore très marquées. Avec la phase suivante, qui est la première du stade de division B, les deux cornes se sont complètement effacées et le micronucleus prend des contours ovoïdes (fig. 5, a). Le plasma forme toujours un réseau interne, occupant toute la cavité enveloppée par la mem- brane ; mais les mailles de ce réseau tendent de plus en plus à 232 E. MAUPAS. prendre une orientation longitudinale. Le micronucleus est prêt à entrer dans sa première karyomitose. 11 s'est fortement accru et mesure, dans ses deux grands diamètres, respectivement 17 et 24 i;.. En comparant ces dimensions avec celles d'un micronucleus du vo- lume le plus ordinaire, c'est-à-dire mesurant 4 et 10 i^., et en faisant le calcul, d'après la méthode indiquée plus haut page 187, nous retrouvons encore un accroissement de volume dans le rapport de là 8. Avec la figure 6 nous passons au premier stade de division B. Chez un des conjoints, la division est complètement achevée, chez l'autre, fort avancée. Je n'ai pas observé de couples au stade de divi- sion suivant C ; mais nous en trouvons une bonne figure dans le premier Mémoire de Balbiani, planche IV, figure7', sur laquelle nous voyons quatre corpuscules micronucléaires dans chaque con- joint. Ces quatre corpuscules dérivent évidemment du dédoublement des deux corpuscules obtenus dans le stade précédent. Je considère ma figure 8 comme représentant le stade D; ou stade de différenciation des pronucleus mâle et femelle. Nous y voyons, en effet, dans chaque conjoint, deux corpuscules de très faible vo- lume, encore reliés l'un à l'autre par un long filament connectif. Ainsi rattachés l'un à l'autre, ils aflectent complètement la dispo- sition que nous avons reconnue, à la même phase, chez les autres Paramécies ; les deux pronucleus mâles voisins l'un de l'autre près de l'ouverture buccale. Quant aux trois autres corpuscules de la fin du stade C, ils répondent aux corpuscules de rebut et ont disparu par résorption. Cette résorption me paraît démontrée par la figure 7, représentant un couple, dont chacun des conjoints contient un gros corpuscule à structure fibreuse, et par conséquent en voie d'évolution, et à côté une petite masse irrégulière et amorphe de chroma Une vivement colorée. Je considère cette dernière comme un corpuscule de rebut • Journal de la physiologie de Brown-Séqiiard, t. I, 1858, p, 347. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 233 désorganisé et en voie de résorption. Quant au corpuscule fibreux, il représenterait la phase de début du stade D. La seule difficulté, à cette interprétation, est la position de ce dernier corpuscule qui, en ce moment, devrait déjà être venu se placer au voisinage de la bouche. Peut-être cette difTérence, avec les deux espèces précé- dentes, tient-elle à la plus grande lenteur des phénomènes chez le P. bursaria. Avec ma figure 9 nous nous trouvons au début du mouvement d'échange des pronucleus mâles. Le conjoint de gauche contient encore un corpuscule de rebut en voie de résorption. La figure 10, empruntée à Balbiani, représente la conjonction et la copulation des pronucleus mâle et femelle. Dans le conjoint de droite, les deux pronucleus viennent de se rencontrer et sont encore distincts l'un de l'autre dans toute leur étendue. Dans le conjoint de gauche, ils sont déjà unis et fusionnés dans leur partie postérieure. La copula- tion des pronucleus suit donc ici, encore, la même marche que chez les deux Paramécies précédentes. Je manque complètement d'observations sur le stade F ; mais en revanche les deux figures 11 et 12, représentant la dernière phase du stade G, nous permettent d'affirmer, par induction, l'existence de ce stade. Sur ces deux figures nous voyons, en effet, quatre cor- puscules encore reliés deux à deux par de longs filaments connectifs. Ces quatre corpuscules sont, de toute évidence, les produits des deux stades de division successifs F et G. Ces deux figures, nous apprennent encore que nous sommes arrivés au moment de la disjonction qui, chez cette espèce, s'effectue donc pendant le stade G. Quand on observe cette séparation sur le vivant, on voit d'abord les deux conjoints rester encore assez longtemps dans la position conjuguée, unis seulement par de minces cordons de protoplasme, qui les rattachent l'un à l'autre dans les régions anté- rieures et postérieures de leurs corps. Ces cordons s'étirent peu à peu et finissent par se rompre, laissant ainsi les deux Infusoires complètement libres. 234 E. MAUPAS. Ils demeurent assez longtemps à côté l'un de l'autre, à peu près immobiles. Leur corps, fortement raccourci, est comme ramassé sur lui-môme et à contours irrcguliers. La large et profonde gouttièi-e prébuccale n'existe plus. La bouche elle-m6me n'est plus repré- sentée que par une fente étroite, en arrière de laquelle on ne voit plus trace de tube œsophagien. En dedans de cette fente buccale et sur son côté gauche, on distingue une bordure membranoïde étrdite, qui ondule lentement comme une membrane vibratile. Les cils péri- buccaux s'agitent encore avec une grande lenteur, mais sans déter- miner de tourbillon. La cyclose de l'endoplasme est complètement arrêtée. Cet état dure environ une demi-heure à trois quarts d'heure, puis le corps commence à se rallonger lentement. Une heure ou une heure et demie plus tard, il a repris sa forme et ses contours nor- maux. Un individu qui, sous sa forme ratatinée, mesurait 83 \i, attei- gnit une heure plus tard, lorsqu'il eut repris sa forme naturelle, une longueur de 107 \x. La bouche s'est alors entièrement reconsti- tuée et la cyclose intracellulaire a repris son cours. A la fin du stade G (fig. 12), les quatre corpuscules sont refoulés, deux à deux, aux deux extrémités du corps, par les longs filaments connectifs, qui caractérisent cette dernière division. Sans en avoir la preuve directe, je crois cependant, par analogie avec les espèces précédentes, que les deux corpuscules antérieurs représentent les futurs nucleus, et les deux postérieurs les futurs micronucleus. Tant que ces quatre corpuscules conservent une forme et une struc- ture identiques, ils représentent la première phase du stade H. A la phase suivante (fig. 13 et 14) nous les voyoiis se différencier deux à deux. Deux d'entre eux, en effet, conservent et conserveront jusqu'à la fin une forme allongée en fuseau aigu par une de ses extrémités, obtus par l'autre. Il y a donc arrêt de développement chez ces deux corpuscules qui, dès maintenant, ont revêtu la forme et la structure micronucléaires. Les deux autres corpuscules, au contraire, conti- nuent à évoluer et tout d'abord se ramassent sur eux-mêmes, en dr- rondissanl leurs contours. Ils représentent ainsi la première étape LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 233 de développement des futurs noyaux. En même temps, ces quatre corpuscules se rassemblent et se réunissent au voisinage du nucleuâ primitif. Pendant' la troisième phase du stade H (fig. 15), les deux nouveaux noyaux s'accroissent beaucoup et leur structure se mo- difie profondément. La membrane périphérique s'est comme gonflée, en se détachant de la masse centrale. Celle-ci a pris une structure d'apparence finement granuleuse, avec une petite vacuole centrale. En outre, elle n'absorbe plus les teintures microchimiques. Enfin, nous arrivons à la quatrième phase (fig. 16 et 17), pendant laquelle les nouveaux nucleus continuent encore à s'accroître. La membrane périphérique, toujours gonflée, demeure détachée de la masse cen- trale. Celle-ci a perdu sa vacuole et repris la faculté de se colorer. Quelques grosses granulations, simulant de faux nucléoles, com- mencent à apparaître dans sa substance. Nous sommes arrivés ici à la fin de toute cette évolution, et les ex-conjuguées sont prêtes à effectuer leur première division fissipare. Je n'ai pas d'observation sur cette première division ; mais je ne doute pas qu'elle ne se fasse comme chez le P. aurelia, et que chacun des rejetons n'emporte avec lui un des nouveaux nucleus et micro- nucleus. Telle est, en eff'et, la marche qui me semble la plus pro- bable, avec des Paramécies bien nourries et efi"ectuant leur première bipartition, dans le délai le plus court possible. Mais avec des Paramécies mal nourries, les choses suivent peut- être une marche assez différente. J'ai, en eff'et, observé (fig. 17 et 18) des ex-conjuguées avec deux corps nucléaires et un seul micronu- cleus. Je suppose que dans ce cas un des micronucleus a disparu par résorption et que le survivant, au moment de la première bipartition fissipare, se divisera en deux. Il nous reste maintenant à examiner ce que devient le macronu- cleus primitif. On le retrouve depuis le commencement jusqu'à la quatrième phase du stade H (fig. 1-16), avec sa forme et sa structure tout à fait intactes. Qu'advient-il ensuite? Disparaît-il, ou bien se fusionne-t-il avec les deux nouveaux nucleus? L'ex-conjuguée des- 23G E. MAUPAS. sinée figure 17 semble démontrer que, dans certains cas, il disparaît intégralement. Nous y voyons les deux nouveaux nucleus accompa- gnés de leurs deux nouveaux micronucleus et à côté d'eux quelques débris ressemblant assez à une substance nucléaire désorganisée et en voie de résorption. Mais je dois ajouter que Balbiani et Biitschli, s'appuyant chacun sur leurs observations personnelles, croient à sa persistance et à sa fusion avec les nouveaux nucleus. Je n'essayerai pas de contester cette manière de voir, qui n'a rien d'improbable contre elle. Nous avons déjà vu, en effet, à propos du P. caudatum, que les deux alternatives en question peuvent se réaliser, suivant les circonstances de bonne ou de mauvaise alimentation. Je terminerai en appelant l'attention sur les deux cas anormaux dessinés figures 20 et 21. Cesdeuxex-conjuguéesensontau stade H\ Chez la première nous remarquons le macronucleus primitif accom- pagné de trois nouveaux nucleus et trois micronucleus ; chez la seconde, l'ancien macronucleus, plus quatre nouveaux nucleus et quatre micronucleus. On peut expliquer ces anomalies par un redou- blement du stade de division G. Chez la première ex-conjuguée, ce redoublement se serait fait sentir seulement sur deux des quatre corpuscules, tandis que chez la seconde, il les aurait dédoublés tous quatre. Cette anomalie ne ferait donc que répéter ce qui est de règle chez le P. caudatum. Balbiani' paraît être le premier observateur qui ait étudié la con- jugaison du P. ôursaria. Ses premières recherches sur la sexualité portèrent même sur celte espèce, qu'il ne paraît plus guère avoir étudiée depuis. Ces observations étaient excellentes et pouvaient le conduire immédiatement à la solution complète du problème, s'il n'eût pas été imbu d'idées fausses sur l'organisationdes Int'usoires. C'est ainsi qu'il vit et dessina exactement les stades B' (fîg. 5), G* (fig. 8), D' (fig. 7), E' et li» (fig. H et 6), H- (fig. 15). Malheureuse- 1 Journal de la physiologie de Broiun-Sèquard, t. I, IS.ïS, p. 3t7, pi. IV; Phéno- mènes sexuels, p. 37, 100, 109, llo et 120; Journal de micrographie, t. VI, 1882, p. 110. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 237 ment ses idées préconçues faussèrent si bien ses interprétations, qu'il ne comprit rien à la plus importante de ses observations. En effet, c'est à peine si, dans ce premier mémoire, il s'occupe en passant de sa figure 6, représentant la copulation des pronucleus. Dans ses travaux ultérieurs, il l'oublie complètement. Inutile d'in- sister sur l'importance de la découverte de cette copulation, à ce moment, et de faire remarquer combien elle eût épargné à la science de tâtonnements et d'erreurs. Dans ses publications postérieures à ce premier mémoire, Balbiani ne nous offre plus rien de nouveau sur cette espèce. Les observations de Stein' sur la conjugaison de cette espèce sont des plus incomplètes, et comme elles ont été publiées sans figures, au cours d'une discussion critique des travaux de Balbiani, il est assez difficile, sinon impossible, de déterminer exactement les stades observés par lui. Engelmann s'est occupé, à deux reprises différentes % de la con- jugaison du P. bursaria. Ses observations sont décrites sans figures. Il paraît avoir vu les stades B et G. Mais, dans son second travail, il confond avec le P. bursaria une espèce, dont le nucleus se développe en cordons sinueux et finalement se fragmente en nombreux cor- puscules. Je ne sais à quelle espèce rattacher ces observations ; mais elles n'appartiennent certainement pas au P. bursaria. Biitschli a également étudié avec beaucoup de soin celte espèce 3. C'est surtout avec elle qu'il arriva aux résultats les plus complets de ses recherches. Il observa avec une grande précision les phases de développement du micronucleus et de sa mitose. C'est ainsi qu'il vit A^ (fig. 1), A' (fig. 2), B^ (fig. 3), B^ (fig. 8), B^ (fig. 4), C^ (fig. 5, 6, 7), ainsi que les autres phases de ce stade qu'il décrit sans les figurer, H* (fig. 9), H' (fig. 10), H' (fig. 11). A partir de cette phase, Butschli 1 Der Organismus, t. II, 1867, p. 37, lûO, 109, 115 et 120. 2 Zeit. fur wiss. Zool., t. XI, lSG-2, p. 348 ; Morphologisches Jahrbuch, t. I, 1^70, p. 609-Gll. 3 Studien, etc., 1876, p. 77-87, pi. VII, fig. 1-19. 238 E. MAUPAS. décrit des phénomènes, qui ne me paraissent pas répondre à l'évo- lution normale. Les Paramécies isolées par lui devaient être mal nourries, puisqu'il nous parle d'observations faites dix à vingt jours après la disjonction. D'après lui, trois jours après la séparation des gamètes, les deux micronucleus disparaîtraient ; un peu plus tard un des nouveaux nucleus prendrait une structure fibreuse et se transformerait en micronucleus. Cette métamorphose régressive, en complet désaccord avec toutes mes observations, me semble bien douteuse K Enfin, le second nouveau nucleus, après dix à vingt jours, s'unirait et se fusionnerait avec l'ancien macronucleus, con- servé intact depuis le commencement jusqu'à la lin de la conju- gaison. J'ai moi-même fait à l'Académie des sciences une communica- tion- sur le P. buraaria, dans laquelle je résumais les observations décrites plus haut. Vil. COLPIDIUM COLPODA ET C. TRUNCA.TUM. PI. XIV et XV, fig. 1-38. Ces deux espèces sont des plus communes; bien que la seconde n'aitété reconnue que tout récemment par Stokes^comme une forme distincte. De nombreux observateurs avaient dû la rencontrer ; mais en la confondant avec la première, dont ils la considéraient comme une variété de petite taille. On les trouve d'ailleurs souvent mé- langées dans les mêmes cultures. La taille de la première est tou- jours beaucoup plus grande et varie entre 60 et 430 ij., tandis que 1 Dans le fascicule de ses Protozoa, paru tout récemment, Butsclili maintient l'exactitude de ses observations (p. 1623-1624),. et s'en sert quelques pages plus loin (p. 1626) pour contester les miennes, sur l'origine du nouveau micronucleus, chez le Paramecium caudatum. A mon avis, le savant professeur d'Ileidolberg est dans l'erreur, et je renvois à la note précédente p. 204, où j'ai déj?i discuté sa manière de voir. '^ Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CV, 1887, p. 9oo-9y7. 5 American Journal of S'ience, t. XXIX, 1885. LE RAJEUNISSEiMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 239 celle de la seconde est limitée entre 45 et 60 [x. La position et la forme du nucleus constituent encore un bon caractère distinctif. De forme ovale régulière et logé de côté, près de la bouche, chez le C. colpoda, il est toujours plus central et de forme variable et irré- gulière, chez le C . truncatum. Les deux Colpidium s'élèvent très facilement dans les infusions et peuvent s'y multiplier en très grand nombre. Lorsqu'on désire s'en procurer des conjugaisons, il faut en isoler des groupes en prépara- tions sur porte-objet et les placer en chambre humide. Lorsque ces petits groupes ont épuisé la nourriture contenue dans leur goutte d'eau, on les voit, le plus souvent, former de nombreux accouple- ments. Je dois cependant dire que ce procédé ne réussit pas tou- jours, surtout avec la seconde espèce. J'ai été, en effet, assez long- temps avant de réussir à me procurer des conjugaisons du C. trun- catum. Le C. colpoda est, au contraire, un des premiers Ciliés, dont j'ai étudié la conjugaison d'une façon à peu près complète. C'est avec lui que j'ai reconnu pour la première fois la double série de divi- sions des éléments micronucléaires, avant et après l'échange des pronucleus. Je vais donc commencer par décrire à part mes obser- vations le concernant; puis, en finissant, nous dirons quelques mots du C. truncatum, dont je n'ai d'ailleurs pas fait une étude aussi complète. Mes préparations du C. colpoda ont été fixées avec le sublimé à 1 pour 100, colorées au picro-carmin et finalement enrobées dans le baume du Canada. Aujourd'hui, après bientôt deux ans d'existence, elles sont toujours aussi propres à l'observation qu'aux premiers jours. Je n'ai point fait d'observations précises sur la durée de la syzygie; mais je crois pouvoir aflirmer qu'elle marche avec la même rapidité que chez les Paramecium caudatum et P. aurelia. Mais, comme la disjonction s'effectue seulement à une phase déjà assez avancée du stade H, la période d'union doit s'en trouver forcément prolongée. 2i0 K. MAUPAS. Les conjoints ne sont nnis et soudés l'un à Taulrc que par la portion du corps un peu bombée, antérieure à la bouche, et que, dans les descriptions, on désigne sous le nom de front. La bouche et toute la région postérieure du corps demeurent complètement libres. Les deux gamètes n'en paraissent pas moins accolées l'une à l'autre longitudinalement, comme les Paramécies. Dans cette attitude, la partie frontale soudée du conjoint de droite apparaît toujours un peu superposée à celle du conjoint de gauche. Cette superposition est importante à constater, pour saisir avec évidence et suivre le mouvement d'échange des pronucleus mâles. Les unions les plus fréquentes se font entre individus, dont la taille varie entre 90 et 105 [x, longueurs qui sont également les plus communes parmi les individus libres. Il n'y a donc pas une réduc- tion de taille, précédant la conjugaison, comme chez les Paramécies. J'ai observé quelquefois des individus d'une taille encore plus faible et descendant jusqu'à 60 [x; d'autres, au contraire, atteignent 115 jj.. Ce sont les longueurs extrêmes rencontrées par moi. Le micronucleus, toujours unique, a la forme d'une petite sphère d'un diamètre de 3 à \\}. (fig. 1 d), à l'état de repos. Sa substance, d'un aspect finement granuleux, se colore d'une façon diffuse par les teintures microchimiques, et elle se compose sans doute d'un mélange de hyaloplasme et de chromatine, confondus entre eux sans ordre. La membrane périphérique est si fine et délicate, qu'on ne la distingue pas. Elle existe cependant, comme le prouvent les développements ultérieurs du stade A. Le micronucleus est toujours placé en avant du macronucleus et logé dans une petite fossette creusée sur son bord antérieur. Dès le début de la conjugaison, le micronucleus s'écarte et s'isole du macronucleus. En même temps, il s'accroît d'abord sans changer de forme et on ne tarde pas à lui voir mesurer jusqu'à 8 [x en diamètre. Son plasma interne devient moins dense et prend la structure d'un réseau à mailles fines. Avec la deuxième phase de ce stade, le micronucleus change complètement de forme, en passant r." Blpartitlo.1 LE RAJEUiNlSSEMENT KAUVOGAMIQUE CHEZ LES CILIES. 2-il d'abord par celle d'un ovale plus ou moins irrégulier (fig. 2 d), puis s'ailongeant beaucoup et s'effilant en pointe par ses deux extrémités (fig. 3 d). Sa membrane s'est beaucoup gonflée et le plasma s'est disposé en traînées longitudinales qui, partant de l'extrémité posté- rieure, comme centre d'émission, s'étalent en éventail vers l'extré- milé antérieure, en devenant de moins en moins denses. A cette disposition succède la troisième phase, avec des formes en croissant (fig. 4 d), dont le plasma s'est condensé le long du bord interne. Plus lard, ces croissants se redressent (fig. 5, 6 et 8 d), en se raccour- cissant et prenant la forme d'un gros fu- seau, avec le plasma interne condensé en une colonne compacte, tendue d'un pôle à l'autre du fuseau. Enfin, dans une quatrième et dernière phase, que je n'ai pas observée, ces fuseaux doivent se raccourcir encore, en ellaçant leurs pointes et devenir ainsi ovoïdes, avec le plasma distribué dans toute leur ca- vité en un réseau à mailles dirigées longitudi- nalement. Ici nous sommes au seuil du premier stade de division B Pendant les deux stades de division B et G qui suivent (fig. 7, 9, 10, Il d), on constate encore fréquemment, comme chez les Para- mécies, une absence de synchronisme dans la marche de la mitose des éléments micronucléaires, et il n'est pas rare de trouver, jusque dans le môme conjoint, des corpuscules à des états de division fort différents. Mais je n'ai jamais vu cette absence de synchronisme faire empiéter un stade sur l'antre. Gomme chez les Paramécies également, on voit à la fin de chaque karyomitose les longs tubes connectifs, abandonnés par les deux noyaux filles (fig. 1 1 d), se perdre dans le cytoplasme en se résorbant. A la fin de cette seconde division nous trouvons dans chaque conjoint quatre petits corpuscules microuucléaires de forme sphé- rique (lig. t2 d), parfaitement semblables entre eux. Gomposés tous ARCII. DK ZOOr,. EXP. ET GÉN. — 2" SÉRIE. — T. YII. 1889. IG 242 E. iMAUl'AS. (jiialre d'une fuie iiicinbranc périphérique, eiiveloppanl une trame plasmique dclicale, d'aspect granuleux, lieii dans leur structure, leur volume ou leur forme ne les distingue les uns des autres. L'un d'eux, que le hasard de la dernière poussée des tubes conneclifs a plus rapproché que les autres de la région frontale soudée des gamètes, ne tarde pas à s'accroître assez notablement; tandis que les trois autres, situés plus en arrière, éprouvent un mouvement de régression et diminuent lentement de volume. Leur sort réciproque est dès lors fixé. Les trois derniers vont devenir des corpuscules de rebut et disparaître, en se résorbant, tandis que le premier conti- nuera à évoluai^ et se diviser de nouveau (stade D). On le trouve bientôt, en effet, d'abord avec la forme de fuseau fibreux (lig. 13 d), représentant la seconde phase du nouveau stade. Les deux petits noyaux, résultant de cette troisième division, sont toujours dirigés, par le tube connectif de la cinquième phase, de façon à prendre la disposition que j'ai dessinée ligure 14. L'un d'eux est refoulé en arrière dans le cytoplasme et représente le pronucleus femelle; l'autre, au contraire, le pronucleus mâle, est poussé en avant, au point de soudure des deux gamètes. Gomme le front de la gamète de droite est toujours, ainsi que nous l'avons dit, superposé à celui de la gamète de gauche, le pronucleus mâle de droite apparaît toujours, également, au-dessus du pronucleus mâle de gauche. Ce dernier, chez le couple figuré ici, était déjà complète- ment détaché de son tube connectif, et on le voit au-dessous de l'autre, sous la forme d'un petit corpuscule étroit et très allongé. A cette première phase du stade d'échange L on rencontre très fréquemment les deux pronucleus mâles détachés de leur tube connectif, avec cette forme allongée, et, toujours, l'un superposé à l'autre. Leur structure est celle d'une fine trame d'aspect granuleux. Ils ne sont, par conséquent, pas encore différenciés en fuseaux fibreux, comme cela a lieu chez les Paramécies à cette phase; mais ils ressem- blent plutôt ù des micronucleus à l'état de repos. C'est sous cette forme et avec celte structure que s'effectue le mouvement d'échange. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 243 La paroi du corps des deux gamètes, àleur point de soudure, finit par disparaître, et les deux pronucleus glissent lentement, l'un à droite, l'autre à gauche. Ils peuvent déjà avoir presque entièrement émi- grés dans le corps de leur nouvel hôte et cependant encore con- server leur rapport primitif de superposition, celui passé à gauche apparaissant à un niveau un peu plus élevé que celui passé à droite (tig. 15 d). A cette phase, les pronucleus femelles se sont un peu rapprochés, en cheminant doucement vers le point d'échange. Leur structure est également composée dune trame délicate d'aspect finement granuleux, et rien dans leur forme et leur volume ne les distingue des pronucleus mâles. L'allongement de ces derniers, pendant l'échange, est une simple déformation, déterminée sans doute par la pression qu'ils subissent dans ce mouvement. Je n'ai rencontré sur mes préparations aucun couple fixé pendant la phase de copulation des pronucleus. La résorption des corpuscules de rebut marche assez lentement, et on les retrouve dans les conjoints pendant toute la durée des stades D, E et même jusque dans le stade F (fig. 13-16 d). Ils se présentent sous l'aspect de petits corpuscules sphériques, de taille réduite, plus ou moins granuleux et se colorant de moins en moins par les teintures microchimiques. Le nouveau nucleus de copulation, continuant l'évolution, va tra- verser maintenant les deux stades de division F et G. La première de ces divisions s'effectue toujours dans la moitié antérieure du corps des gamètes (fig. 16 d). Mais dès que les deux petits noyaux, qui en résultent, se sont détachés de leur tube connectif, ils reculent vers la région postérieure, dans laquelle on les retrouve, parcourant toutes les phases de la seconde division (dg. 17 et \8d). A la dernière de ces phases, deux des nouveaux nucleus sont refoulés en avant par les tubes connectifs, jusqu'au niveau du macronucleus primitif; tandis que les deux autres sont repoussés en arrière, jusqu'à l'ex- trême limite du corps. Les deux premiers représentent les futurs nucleus, et les deux derniers, les futurs micronucleus. 244 E. MAUPAS. Ceux-ci demeurent assez longtemps comme immobilisés dans leur situation en arrière (fig. 19-21 d). L'individu représente sur la der- nière de ces figures a été tué trois heures après la disjonction, et nous y voyons les nouveaux nucleus déjà fort développés. Les deux micronucleus commencent à peine à s'écarter, en remontant en avant. Leur développement est complètement achevé, du moment où ils se sont détachés des tubes connectifs et, dans toutes les phases suivantes, ils ne vont plus changer ni de volume, ni de struc- ture. Celle-ci est la même, que nous avons décrite tout au début du stade A, et la petite sphère égale 3 à 4 [j- en diamètre. Les deux nouveaux nucleus demeurent également à peu près im- mobiles dans la région médiane du corps ; mais ils s'accroissent rapidement (fig. 19, 20 d) et, trois heures après la disjonction, nous les trouvons déjà avec des diamètres de 12 à 13 \}. (fig. 21 d). A cet état de développement (H') ils se composent d'une membrane en- veloppant une substance disposée en cordons relativement assez épais, pelotonnés et enchevêtrés, en décrivant les replis et les sinuosités les plus variés. Ces filaments sinueux sont tassés les uns contre les autres et remplissent toute la cavité de la mem- brane. Les teintures microchimiques ne les colorent pas. A cette phase, les nouveaux noyaux des Paramécies avaient une structure compacte, avec une petite vacuole centrale. Nous retrouverons, chez les Oxytrichides, des structures analogues à celle du Colpidium. C'est pendant les phases 2 et 3 du stade 11 , que s'eflectue la dissolution de la syzygie. Les ex-conjugués se désunissent avec une taille assez réduite. Leur corps est devenu comme opaque, noi- râtre ; la bouche et sou long œsophage ont complètement disparu. La dépression extérieure, au fond de laquelle s'ouvre la bouche, s'est elle-même effacée, et la saillie dite frontale, si caractéristique du genre, n'est plus apparente. Les ex-conjugués vivants, en cet étal, se reconnaissent immédiatement au milieu de leurs congénères. Ils paraissent inertes et ne se mouvoir que lorsqu'ils sont dérangés par l'aglialion des autres Infusoires. Ils ne prennent, tout naturel- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 24S lement, aucune nourriture. Cet état de repos et d'inertie végétative peuvent se prolonger assez longtemps. Un ex-conjugué isolé au mo- ment de la disjonction, par une température de 15 à 16 degrés cen- tigrades, reconstitua sa bouche et recommença à manger trois jours et demi plus tard ; un second, isolé avec une température semblable, resta huit jours et quelques heures avant de reprendre de la nour- riture.L'un et l'autre exécutèrent leur première bipartition flssipare, environ dix-huit à vingt heures après avoir recommencé à manger. Nous avons laissé les nouveaux noyaux à la troisième phase de leur développement. En entrant dans leur quatrième phase (Gg. 22 et 23 (/) ils se modifient beaucoup. Leur substance fondamentale reprend peu à peu la propriété de se colorer. La membrane péri- phérique se soulève, en laissant un vide entre elle et la masse cen- trale. En même temps^ les deux micronucleus sont venus les re- joindre et se fixer à leurs flancs. En cet état, les ex-conjugués sont prêts à exécuter leur première bipartition. L'individu représenté figure 2i d a été tué tout au début de sa fissiparité. Extérieurement, cette fissiparité ne se dénotait que par la présence d'une seconde vacuole contractile (ve), placée un peu en avant de la ligne médiane transversale, et représentant la vacuole du futur rejeton antérieur, Intérieurement, les nouveaux nucleus et micronucleus se sont ré- partis deux à deux en deux groupes, l'un en avant, l'autre en arrière. Chez un autre individu, oii la fissiparité était un peu plus avancée, puisqu'on pouvait déjà la reconnaître à un sillon extérieur, coupant le corps transversalement en deux moitiés, les nucleus et micronucleus étaient encore réunis en un groupe, logé dans la moitié antérieure. Ces deux observations sont fort intéressantes et démontrent pé- remptoijfement que le nucleus, au moins chez les Infusoires, ne joue aucun rôle directeur ou initiateur dans la division cellulaire. Les deux nucleus et les deux micronucleus existent isolés et indé- pendants dès longtemps à l'avance. Lorsque, après avoir repris de la nourriture, l'ex-conjugué atteint la taille devant amener une bipar- 246 E. xMAUPAS. tition, les nucleus et micronucleus s'écartent simplement les uns des autres en deux groupes et vont se placer dans chacun des nou- veaux rejetons, dont les nouvelles parties sont déjà ébauchées de- puis assez longtemps. Cette division cellulaire, en outre, s'effectue sans la concomitance d'aucune division nucléaire directe ou indi- recte. Nous devons donc, de toute nécessité, admettre que sa pre- mière impulsion et sa force directrice émanent uniquement du cyto- plasme, et queles éléments nucléaires n'y jouent qu'un rôle passif. Il nous faut maintenant remonter en arrière et voir ce que devient le noyau primitif. De forme oblongue ovale et de structure uni- forme il ne paraît éprouver aucune modification jusqu'au stade D. A partir de ce moment il se ramasse sur lui-même, en prenant une forme sphcrique et en diminuant lentement de volume. Il traverse, sous cette forme sphérique, les stades E, F, G et arrive jusqu'à la phase 2 du stade H, en conservant sa texture intime d'aspect granuleux. Mais à partir de H^ il subit encore une nouvelle conden- sation et sa substance se désagrège, se fond pour ainsi dire, en une masse homogène absolument amorphe, se colorant vivement par les teintures microchimiques (fig. 20 d). En même temps il ne tarde pas à abandonner la position centrale qu'il avait gardée jusqu'ici, et on le trouve très fréquemment repoussé à l'extrémité postérieure du corps (fig. 21 d). Dès lors, sa résorption marche rapidement, et on ne le retrouve bientôt plus qu'avec la forme d'un petit corps, de volume fort réduit (fig. 22 rf), souvent à contours irréguUers, et quel- quefois même finement dentelés. Il ne se colore plus par les teintures. Bientôt enfin il disparaît sans laisser de trace. Cette résorption est constante, et, dans aucun cas, je nai vu l'ancien noyau se conserver en totalité, ou en partie. J'ai voulu m'assurer expérimentalement si les individus sortant de conjugaison jouissaient d'une faculté de reproduction fissiparc 1 BoYERi {Jenaist'he /eitschrifl, t. XXII, 1888, p. 8G2-8G4) a observé dans l'œuf de VAscaris megalocephala des divisions cellulaires sans noyau. Voir plus haut (p. 224) mes observations sur la inemièro bipartition de Paramecium aurelia. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 247 plus élevée que les individus non conjugués depuis longtemps. J'ai donc institué deux cultures d'ex-conjugués, dont j'ai suivi jour par jour les descendants, chez l'une jusqu'à la seizième génération, chez l'autre jusqu'à la vingt-quatrième. Simultanément j'observais les descendants issus d'un individu non conjugué, pris au hasard dans une cuvette et dont j'avais complé et enregistré près de deux cents générations successives. Les trois cultures étaient tenues dans les mêmes conditions de température et de nourriture. Je n'ai pas cons- taté entre elles la moindre différence dans la marche des bipartitions fissipares. Chez toutes trois elles se sont succédé avec une égalité parfaite. La conjugaison ne détermine donc aucune suractivité dans la faculté fissipare de cet Infusoirc. Nous avons encore à signaler quelques cas anormaux. J'en ai ob- servé un assez grand nombre ; mais je ne décrirai que ceux qui m'ont paru les plus intéressants. La figure 25 représente un couple au stade IP, près de la disjonction par conséquent. Le conjoint de gauche contient quatre gros nucleus nouveaux, plus quatre autres corpuscules plus petits, situés dans la région postérieure et ayant l'aspect de nouveaux micronucleus. L'ancien noyau est h un état avancé de régression. Le conjoint de gauche, lui, n'a plus absolu- ment que son noyau primitif, également en voie de régression avan- cée. A mon avis, dans ce cas, les deux pronucleus mâles et les deux pronucleus femelles ont été entraînés dans le conjoint de droite, et y ont suivi leur évolution normale. Le conjoint de gauche, après la disjonction et la résorption complète de son ancien noyau, se serait trouvé complètement énucléé et eût fatalement péri. Les deux individus figurés sous les numéros 26 et 27, sont les deux ex-conjugués d'un môme couple, isolés à l'état de syzygie. Ils ont été sacrifiés quarante-deux heures après leur disjonction. Chez le premier nous voyons un gros corps nucléiforme, bien coloré par le picrocarmin et d'une structure normale ; en arrière, un corpus- cule pâle, mal défini, ressemblant vaguement à un noyau à l'étal de régression; chez le second, quatre corps nucléiformes et quatre 248 E. MAUPAS. corpuscules micronucléaires, tous bien conformes, et, en arrière, un petit corpuscule à peine apparent, ressemblant au noyau primitif, arrivé à un degré extrême de régression. L'explication donnée dans le cas précédent, pour le conjoint de droite, pourrait s'appliquer au second de ces ex-conjugués ; mais je ne vois pas quelle interpréta- tion donner au premier. La figure 28 représente un ex-conjugué, avec huit corps nucléaires bien constitués et tous semblables entre eux. La disjonction devait être récente; car l'ancien nucleus, en voie de régression, est encore assez volumineux. Ce cas pourrait peut-être aussi être rattaché aux précédents, en admettant une absorption, par cet individu, des quatre pronucleus d'une conjugaison et, finalement, d'une évolu- tion uniforme des huit corpuscules qui en seraient résultés, aucun d'eux ne s'étant arrêté à l'état de développement micronucléaire. Avec le numéro 29 nous voyons un ex-conjugué possédant quatre beaux noyaux bien conformés et deux micronucleus. Peut-être sommes-nous toujours en face du même cas. Deux des huit corpus- cules de la fin du stade G se seraient résorbés et les six autres au- raient évolué comme nous les trouvons ici. Enfin le numéro 30 nous représente un ex-conjugué en voie d'é- nucléation absolue. L'ancien nucleus n'existe plus que sous la forme d'une petite masse à peine colorée ; dans le corps on re- marque de fines granulations colorées. Ces énucléations ne sont pas très rares et j'ai observé plusieurs individus, chez lesquels les traces d'anciens nucleus, du cas actuel, n'existaient môme plus. Je considère cette destruction complète de l'appareil nucléaire, comme le résultat de conjugaisons avortées. Tous ces Colpidiums énucléés sont inévitablement condamnés à périr quelques jours après la dis- jonction. L'hisloriiiue des travaux antérieurs est très court. Ehrenberg, Balbiani, Engelmann et Stein ont observé des accouplements, mais sans nous faire rien connaître des phénomènes internes. Biitschli s'est occupé à deux reprises de la conjugaison de celte LE RAJEUNISSEMENT KARVOCAMIQUI': CHEZ LES CILIÉS. 249 espèce '. Il a observé les stades A^ (fig. 9), H"^ (fig. 10) et H^ (fig. 11). Mais dans ces dernières phases du stade H, les nouveaux micro- nucleus lui ont échappé. 11 affirme l'expulsiou par l'anus de l'an- cien nucleus. Oue les choses puissent se passer ainsi, je n'oserais le nier. Maisj'ai observé de nombreux cas, où la résorption intra-cel- lulaire était absolument certaine. D'ailleurs expulsion ou résorption aboutissent également au même résultat. Bulschli a observé des ex-conjugués isolés, qui se sont comportés comme je l'ai décrit plus haut, et n'ont recommencé à manger qu'après sept jours, puis se sont fissiparés le lendemain pour la première fois. Dans une note présentée à l'Académie des sciences ^ j'ai donné le schéma de la conjugaison de celte espèce. J'avais déjà reconnu l'échange des pronucleus mâles, mais n'avais pas observé la persis- tance des pronucleus femelles. Colpidiwn truncatum Stokes. — J'ai préparé cette espèce, en la fixant par le sublimé à 1 pour 100 et l'ai éclaircie par la glycérine, sans la colorer. Ce procédé donne des préparations très claires, sur lesquelles on démêle aisément les éléments micronucléaires fort dé- licats. La marche de la conjugaison est absolument identique avec celle de l'espèce précédente. Les gamètes se soudent également seule- ment par leur région frontale prébuccale. Le micronucleus unique y parcourt une évolution répétant, phase par phase, celle que nous venons de décrire. Je n'en ai pas observé tous les stades, mais ceux que j'ai dessinés nous montrent avec l'évidence la plus parfaite cette identité. Ainsi la figure 31 représente A^ 32 B^ 33 C^ 34 G-, 35 G\ 36 IP, 37 H^, 38 H*. Je n'insisterai pas plus longtemps sur ces observations, qui sont communiquées ici surtout comme ser- vant à corroborer les précédentes. Je me contenterai de faire remar- quer qu'avec cette espèce encore, nous ne constatons aucune ré- 1 Arch. fur mikr. Arialomie. t. IX, 1873, p. 6G7 ; Studien, etc., 1870, p. 100, pi. IX, fig. 7-11. 2 Comptes rendus de l'Acad('mie des sciences, t. Cil, 188G, p. 1569. 250 E. MAUPAS. duction de taille chez les individus conjugues. Ceux que j'ai ob- servés variaient entre 43 et 53 [a, chiffres représentant les longueurs les plus ordinaires de ce tj'pe. VIII. LEUCOPHRYS PATULA, GLAUCOMA SCINTILLANS, CHILODON UNCINATUS. PI. XV, fi g. 39-82. Leucnphrys patula. — Cette espèce, bien qu'assez commune, peut cependant aisément échapper aux recherches, lorsqu'on ignore son habitat préféré. J'ai été moi-même fort longtemps avant de la ren- contrer. Ayant eu l'idée de mettre en infusion des débris de cresson acheté au marché, quelques jours plus tard, lorsque l'infusion commença à entrer en putréfaction, je trouvai d'assez nombreuses Leucophres. Depuis lors, j'emploie le môme procédé, lorsque je veux me procurer cet Infusoire, et il est fort rare qu'il ne me réus- sisse pas. La Leucophre habite les eaux vives où croît le cresson, et il s'en trouve toujours quelques individus enlevés et transportés dans les petits paquets de ce végétal, tel qu'on l'apporte sur les marchés. Mais, lorsqu'onveut étudier la conjugaison, il ne suffit pas de l'avoir ainsi dans les petits aquariums. Les paquets de cresson servent également de véhicule à plusieurs espèces d'acinétiens, qui vivent aussi de préférence dans ces mêmes eaux. Ces acinétiens, dévorant les Leucophres, se multiplient en raison du nombre de celles-ci et les exterminent jusqu'à la dernière, en peu de jours. Pour échapper à cet inconvénient j'isole des Leucophres en pré- paration sur un porte-objet, placé en chambre humide, suivant la méthode que j'ai décrite \ Les premières Leucophres ainsi isolées doivent ôtre prises à des lieux d'origine différente, et il faut tenir bien à part chacune des cultures. Comme nourriture je donne des cryplochilum nigricans et fais ainsi multiplier les Leucophres. Lors- qu'elles sont devenues nombreuses, j'en enlève à l'aide de pipettes » Archives de zoologie, t. VI, 18SS, p. 17V. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 231 un assez grand nombre, prises à deux préparations d'origines diffé- rentes, et les mélange sur une nouvelle préparation, pourvue d'une abondante nourriture de cryptochilum. Cette préparation, ainsi disposée, est placée en chambre humide. Les Leucophres mélan- gées, trouvant d'abord une riche proie, continuent à s'accroître et multiplier. Mais, lorsque cette nourriture vient à s'épuiser, elles se métamorphosent et se mettent à fissiparer rapidement et à plusieurs reprises, pour donner naissance à des rejetons de plus en plus petits. Je n'ai pas à refaire ici l'histoire de la formation de ces pe- tits rejetons et me contente de renvoyer au travail déjà cité plus haut, dans lequel on trouvera tous les détails nécessaires. Je rap- pellerai seulement que chaque Leucophre, suivant sa taille, se fissi- pare transversalement en quelques heures, trois, quatre ou cinq fois, et donne ainsi naissance à huit, seize ou trente-deux petits re- jetons. Ceux-ci, dépourvus de bouche, ne mangent pas, circulent avec une grande agilité, et ce sont eux qui s'accouplent. Jamais je n'ai vu une Leucophre de grande taille et de forme normale, pour- vue de bouche, former une syzygie. C'est par cette méthode de cultures sur porte-objet que je me suis procuré de nombreuses conjugaisons, qui m'ont permis de suivre sans lacune toute l'évolution fécondatrice de cette espèce. Au 1" février 1887 j'avais isolé une Leucophre, que je mis en culture méthodique, afin de connaître la marche des générations de ses des- cendantes. Le 10 mai suivant, ayant rencontré des Leucophres d'une nouvelle origine, j'en isolai une et la mis également en culture. Quelques jours plus tard, lorsque j'eus de nombreux individus des deux origines, je commençai à en faire des mélanges. Pendant toute la durée de ce mois et jusqu'au 15 juin, j'exécutai ainsi une série de onze mélanges, qui, tous, me fournirent des centaines et même des milliers d'accouplements. Le nombre de générations des descen- dantes de l'isolée du 1"' février, qui, au premier mélange, atteignait déjà trois cent cinquante, s'éleva pendant cette période jusqu'au chiffre de quatre cent quatre-vingt-quinze. Quant aux nombreux in- 2ri2 E. MAUPAS. dividus, laissés non mélangés sur les préparations mères et aban- donnés sans nourriture, ils se métamorphosèrent également en petits rejetons, mais sans jamais contracter une seule union. Je continuai ces mélanges et en exécutai encore sept du 23 juin au ti juillet; mais ils demeurèrent tous stériles. Je crois pouvoir expliquer cette stérilité par le grand âge, la vieillesse des descen- dantes de l'isolée du 1" lévrier. Au 23 juin elles étaient déjà arrivées à leur 540*= bipartition depuis le commencement de cette culture. D'ailleurs leur dégénérescence sénile s'accusa d'une façon évidente pendant le cours du mois de juillet, et, le 23, la culture s'éteignit tout entière et d'elle-même, après avoir atteint un total de six cent soixante générations. Afin de jeter un peu plus de lumière sur cette intéressante ques- tion des mélanges, j'en ai fait un certain nombre, en variant les con- ditions d'origine des Leucophres. Ainsi, du i3 juin au 10 juillet, je fis cinq mélanges de descendantes de l'isolée du 1" février avec des descendantes d'une ex-conjuguée. Les premières en étaient respec- tivement, à chaque mélange, à leur 485% 540% 580% 610^ et 620" gé- nération, les secondes à leur 38% 91% 131% 163*= et 174'= génération depuis l'accouplement de leurs progéniteurs. Ces mélanges ne me donnèrent aucune conjugaison. Du 9 juin au 3 août j'ai fait sept mélanges des descendantes de l'isolée du 10 mai mentionnée plus haut, avec les descendantes d'une ex-conjuguée. J'ignore le nombre des générations des pre- mières ; mais les secondes étaient issues d'une ex-conjuguée isolée le o juin, et, respectivement à chaque mélange, en étaient arrivées à leur 18% 28% 70% 131% 193% 204= et 271* génération. Tous ces mé- langes demeurèrent stériles. Du 8 au 29 juin j'ai exécuté dix mélanges entre les descendantes de deux ex-conjuguées, provenant d'un même couple. Dans ces dix mélanges, le nombre des générations depuis l'accouplement des deux progéniteurs a varié depuis douze jusqu'à cent vingt-deux. Aucune conjugaison ne se produisit. Enfin, deux mélanges faits avec LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 2o3 les descendantes de deux ex-conjuguées, provenant de couples dis- tincts et ayant de douze à quatre-vingts générations depuis la dis- jonction, sont également demeurés stériles. Si nous essayons de résumer ces nombreuses expériences, nous trouvons onze mélanges féconds contre trente et un mélanges par- faitement stériles. Les onze mélanges féconds ont été faits avec des Leucophres provenant, d'une part, d'une culture isolée suivie pendant de nombreuses générations (3o0à49o);issues,d'autre part, d'une nou- velle culture, commencée avec un progéniteur d'une origine dille- rente. Les trente et un mélanges stériles peuvent, quant à l'origine des Leucophres, se diviser en deux groupes. Nous trouvons d'abord une série de sept mélanges, eii'ectués avec des animaux très vieux par le nombre de leurs générations. Dans les vingt-quatre autres, au contraire, interviennent toujours des Leucophres n'ayant qu'un faible nombre de générations depuis l'accouplement de leur progé- niteur. Les unes paraissent donc trop vieilles, les secondes au con- traire trop jeunes. A ces trente et un mélanges stériles il faut encore ajouter les préparations mères, trois à quatre fois plus nombreuses, d'où ont été extraites toutes les Leucophres mélangées, et sur les- quelles j'ai toujours laissé vivre de nombreux individus non mé- langés, en les abandonnant sans plus leur donner de nourriture. Ces individus, toujours issus d'un progénitcur commun et n'étant séparés entre eux que par quinze à vingt générations au plus, ne se sont jamais conjugués. Les conséquences logiques de ces expériences paraissent bien évidentes et il semblerait qu'on puisse les résumer dans la formule suivante : les Leucophres ne se conjuguent pas entre proches pa- rentes, et, après un accouplement, il doit s'effectuer plus de deux cent cinquante à trois cents générations fissipares avant que les des- cendante d'une ex-conjuguée soient aptes à contracter une nou- velle union. Cette loi, avec son apparence de simplicité, est faite pour plaire à l'esprit. Mais cette simplicité pourrait bien n'être qu'un leurre, et 2:)i E. xMAUPAS. je dois mainlenant faire connaître trois autres expériences, qui semblent la contredire. Les 26 et 28 mai je fis deux mélanges avec les descendantes de deux ex-conjuguées, provenant de deux couples distincts. Les Leu- cophres en étaient à leur 21® et ^S*" bipartition, depuis l'accouplement des deux progéniteurs. Il se forma de nombreux couples dans ces deux mélanges. Du premier mélange j'isolai cinq couples, en leur donnant de la nourriture. Un d'eux effectua régulièrement sa dis- jonction. Des deux ex-conjuguées, l'une, après avoir recommencée manger, ne tarda pas à s'arrêter, puis péril après deux jours. L'autre ex-conjuguée se comporta d'abord beaucoup mieux. Se nourrissant avidement, elle se fissipara une première fois vingt-quatre à vingt- cinq heures après la disjonction. Les descendantes de ces deux rejetons se fissiparèrent encore trois fois, puis alors cessèrent de prendre de la nourriture, s'atrophièrent et périrent. Les quatre autres couples succombèrent sans se développer. Les gamètes n'ar- rivèrent même pas à se disjoindre, et la mort survint trois à quatre jours après l'accouplement. — Du second mélange j'isolai quatorze couples. Tous avortèrent comme les précédents. Deux ou trois ex-conjuguées seulement commencèrent à reprendre de la nourri- ture ; mais aucune d'elles ne réussit à sedévelopper, et toutes mou- rurent avant d'arriver à leur première bipartition. Enfin, le 2 juin, je fis un troisième mélange de descendantes d'une ex-conjuguée, arrivées à leur 30^ génération, avec des descendantes de l'isolée du 10 mai, déjà mentionnée plus liaul. Ce mélange fut en- core très fécond. Mais, en ayant isolé huit couples, je les vis se com- porter de la façon suivante : cinq avorlèrent totalement, les dix ex-conjuguées ayant péri sans se réorganiser; chez le sixième, une ex-conjuguée mourut sans se réorganiser, la seconde recommença à manger, puis cessa et périt avant d'arriver à sa première bipartition; chez le septième couple, les deux ex-conjuguées reprirent de la nourriture, puis l'une mourut avant de se fissiparer, la seconde au contraire réussit à se fissiparer deux fois, mais les quatre rejetons LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 2o5 s'atrophièrent et moururent. Enfin, chez le huitième couple, les deux ex-conjuguées se développèrent régulièrement, et j'ai pu suivre leurs descendantes pendant près de trois cents générations successives. Comment accorder ces trois mélanges féconds d'ex-conjuguées récentes, avec les résultats opposés des nombreuses autres expé- riences? Le fait semble d'abord assez embarrassant. Mais cependant, si l'on réfléchit à l'avortement à peu près constant de ces conjugai- sons (dix-huit sur dix-neuf}, cette apparente contradiction se trouve fortement atténuée. On devrait admettre que, dans certains cas mal définis, il peut y avoir conjugaison entre les descendantes d'ex- conjuguées récentes; mais que ces accouplements avortent presque toujours et entraînent la mort des gamètes. Les cas de conjugai- sons avortant régulièrement ne sont pas rares, et nous aurons, dans la suite de ce travail, plus d'une fois l'occasion d'en signaler. Mais je n'insiste pas plus longuement ici sur cette question des mélanges, puisque nous devons y revenir plus tard d'une façon plus complète. Les éléments micronucléaires sont assez délicats et souvent diffi- ciles à voir. Après avoir essayé de divers procédés de préparation, je me suis arrêté au suivant : fixer par le sublimé à 1 pour 100 cl éclaircir lentement et immédiatement par la glycérine. Dans quel- ques cas, après avoir étudie les préparations ainsi faites, j'ai lavé la glycérine, puis coloré par le vert de méthyle acidulé et finalement éclairci de nouveau par la glycérine. Ces préparations ainsi colorées peuvent parfois être de quelque utilité pour les phases du stade H. Je n'ai constaté aucun rapport entre les heures de la journée et le moment de la formation des syzygies. Je les ai, en effets vues commencer à toutes les heures du jour et de la nuit. Avec une température de 20 à 21 degrés centigrades, la période d'accouplement dure environ vingt-quatre heures ; mais il ne faut pas oublier que, chez celte espèce, la disjonction s'effectue fort tard, jusque pendant la troisième phase du stade H. La durée de la sy^ygie, ramenée aux six ou sept premiers stades seulement, de- vrait donc être beaucoup raccourcie. 256 II. MAUFAS. Les conjoints se soudent seulement par leurs extrémités anté- rieures et se tiennent aiusi parallèlement l'un à l'aulre, comme nous l'avons déjà vu pour le C, colpoda. La surface de coalescence paraît cependant relativement un peu plus étendue que chez celui-l. XXXVJ, fig. VU, a-10. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 267 Biitschli' a vu les stades A^ (flg. 20), B* et B=' (fig. 22, 23), et H* (fig. 21). Les deux formes de conjugaison, dont il parle dans ses Protozoa (p. 1606), existent bien réellement; mais l'une appartient au Chilodon cucullulus (sa fig. pi. 01,1 b], l'autre à notre Ch. imci- natus (sa fig. pi. 61, \ c). Les observations de Balbiani n'ont pas été publiées par lui-môme, mais par un de ses amis, M. Binet-. Aussi, ignorons-nous jusqu'à quel point, nous devons les considérer comme exprimant la véritable manière de voir du célèbre micrographe. M. Binet, en effet, aura pu laisser échapper quelques inexactitudes, en interprétant et repro- duisant des travaux étrangers à ses études personnelles. En tout cas, il s'est fortement mépris, en croyant nous donner le tableau com- plet de la conjugaison du Chilodon cucullulus. Sa figure A représente le stade A tout à son début; sa figure B, le stade B^ ; sa figure C, le stade G^ et non pas la copulation des pronucleus ; enfin, ses figures D et E,les phases 3 et 4 du stade H. , Ces observations de Biitschli et de Balbiani nous démontrent que • l'évolution fécondatrice suit, chez les deux Chilodons, une marche parfaitement identique. IX. CRYl'TOCUILUM NIGRICANS, CYCLIDIUM GLAUGOMA, COLEPS HIRTUS, LOXOCEPHALUS GRANULOSUS. PI. XVI, fi{ï. 1-lS. Je réunis ces quatre petites espèces, parce que leur évolution fécon- datrice suit, dans toutes ses phases, une marche parfaitement iden- tique. Je n'ai d'observations complètes pour aucune d'entre elles. Celle que j'ai la plus étudiée est le Cryptochilum nigricans; c'est donc avec lui que nous commencerons, en le prenant pour type^ 1 Studien, etc., 1876, p. lOo, pi. VII, fig. 20-23. 2 A. Binet, Éludes de psychologie expériinenlale, Paris, Doin, in-12, 1888, p. 182. 3 Bûtsohli, dans ses Protozoa (p. 1706, pi. LXIV, fig. 1), a cru devoir confondre le Cryptochilum nigricans avec VUronema marina de Dujardin. C'est une erreur, car ces deux espèces sont bien distinctes. La première est à la fois d'eau douce et # 268 E. MAUPAS. Rien n'est plus aisé que de se procurer des conjugaisons du Cryp^ toch'dum nigrlcam, et je ne crois pas qu'il existe un autre Cilié, se rencontrant plus fréquemment en syzygie. Comme il pullule par- tout, il suffit de préparer une infusion quelconque, pour être à peu près sûr de le rencontrer. Dès qu'on en possède une riche culture, il faut en isoler des groupes, sur préparations tenues en chambre hu- mide et, aussitôt que la nourriture y sera épuisée, on le verra pres- que à coup sur s'accoupler. Si je n'en ai pas fait une étude plus com- plète, c'est que j'ai préféré m'atlacher à l'observation d'espèces de plus grande taille. L'extrême délicatesse de ses éléments micronucléaires est, en effet, une grande cause de difficulté dans cette étude. Après avoir essayé de divers réactifs, je me suis arrêté au mode de préparation suivant, comme me donnant les meilleures images. Je tue et fixe par le sublimé à 1 pour 100. Lorsque j'ai le temps d'étudier immé- diatement ces préparations, je les ferme de suite dans cet état. Mais il faut que leur examen microscopique ne dure pas plus de trois à quatre jours, car après ce temps elles s'altèrent. Lorsque je tiens à les conserver plus longtemps, je laisse la glycérine pénétrer lente- ment et remplacer le liquide fixateur. Dans ce nouveau milieu, les images, encore bonnes, perdent cependant un peu de leur netteté et sont d'une étude plus difficile. Les gamètes s'unissent et se soudent l'une à l'autre uniquement par la portion de leur corps antérieure à la bouche, celle-ci et tout le reste du corps restant toujours libres. J'ai observé quelques cas de triples conjugaisons. La taille des gamètes varie entre 22 et 30 \).. Ces longueurs sont également les plus ordinaires chez les indi- marine,la seconde uniquement marine. Celle dernière, pour èlre exactement définie, exigerait un travail assez long, car il y a plusieurs formes très voisines par leur taille et leur organisation, dont il faudrait préciser les diagnoses. Quant au Cryptuchiium nigricanSj je crois lavoir assez exactement décrit et figuré (Archives de zoologie, t. I, 1883, p. 1i'4, pi. XIX, fig. lo-19)ponr qu'on puisse le distinguer aisément, par- tout où il se rencontrera. Mobius a donné tout récemment [Ar-chiv fur Naturges- chich'.e, 1888, t. I, pi. X, fig. 12-20) des figures assez exacles de VUronema marina. LE RAJEUNISSEAJENT KAKIOGA-MIQUE CHEZ LES CILIÉS. 2G9 . vidus libres. On en rencontre bien quelquefois pouvant atteindre jus- qu'à 40 et 50 \J. ; mais ce sont de rares exceptions. Le micronucleus est toujours unique et accolé, en un point quel- conque, sur le pourtour du macronucleus. Sa forme est celle d'une petite sphère, mesurant environ 2 [x. Examiné avec un fort grossis- sement, il a un aspect granuleux et se colore assez bien par les teintures microchimiques. Pendant le stade A (fig. 1), le micronucleus s'accroît fortement et prend des formes en longs tubes rubanaires, semblables à celles que nous avons vues chez les espèces précédentes. Avec le slade B (fig. 2], nous le trouvons raccourci en fuseau et en voie de division. Je n'ai pas observé de couples dans les stades G, D et E. La figure 3 repré- sente un couple en F^ avec le nouveau nucleus mixte ayant à peu près achevé sa première division. Avec la figure 4, nous voyons un G^ . , . . . , G' couple en —, et avec la figure 5 un ex-conjugué en —. La disjonc- tion s'effectue donc entre ces deux stades. Les quatre fuseaux nu- n cléaires de -, par leur troisième et dernière division, donnent nais- sance à huit corpuscules (fig. 6), comme chez le Paramecium cauda^ tiim. Nous sommes ici au début du slade de reconstitution H. Ces huit corpuscules sont tout d'abord parfaitement identiques entre eux. Ils ont la forme de petites sphères, mesurant à peine 2 [j., et se composent d'un contenu central, enveloppé d'une membrane périphérique. Sous cette forme, ce sont de véritables micronucleus. L'un d'eux, subissant un arrêt de développement, s'arrête et se fixe en cet état micronucléaire. Les sept autres, au contraire, s'ac- croissent et ont bientôt doublé leur diamètre (fig. "), en prenant l'aspect de noyaux en voie de développement. Plustard, leur nombre diminue et on trouve des ex-conjugués avec six, cinq, quatre, trois et deux noyaux (fig. 8-12). En même temps, leurs dimensions s'ac- croissent considérablement, puisque partis d'un diamètre de 2 [x, ils arrivent à atteindre des diamètres de 5 [j., ce qui représente une aug- mentation de volume dans le rapport de 1 à 13. Mais je crois que, . 270 E. iMAUPAS. sous leur dernière forme, les noyaux ne sonl pas parfaitement sphé- riques, mais aplatis dans un sens. Il en résulte que ce rapport est un peu forcé. Quoi qu'il en soit, cet accroissement est toujours fort grand. Je crois qu'il se fait en grande partie par la coalescence et la fusion des noyaux entre eux. Je dois déclarer que, sur mes prépara- lions, je n'ai jamais observé cette fusion d'une façon bien évidente. Mais comment expliquer sans elle la diminution graduelle du nombre des noyaux et leur accroissement de volume concomitant ? Je ne vois pas d'autre explication possible. D'ailleurs il n'est pas rare de voir des ex-conjugués, comme celui de la ligure 10, chez lesquels les noyaux présentent entre eux des différences de volume assez sensibles. Les plus gros sont évidemment le résultat d'une fusion. Le retour à l'état normal, avec un noyau unique, se fait-il tou- jours ainsi par voie de copulations nucléaires ? C'est ce que je ne saurais dire, n'ayant point fait d'expériences pour m'en assurer. Mais il n'y a rien d'improbable à ce que, dans certains cas, la pre- mière division fissipare arrive avant la fusion totale de tous les noyaux et qu'il y ait répartition par moitiés égales, entre les deux rejetons, des noyaux existants à ce moment. Nous démontrerons plus loin que les choses se passent ainsi chez les Vorticellides. L'ancien noyau paraît demeurer sans changement pendant les pre- miers stades de la conjugaison. Au stade F (fig. 3), nous le trouvons fortement étiré en long. Sa substance s'est comme raréfiée et on ne distingue ses contours qu'avec difficulté. Enfin, arrivé aux phases du stade H, il disparaît en totalité sans laisser de trace. En terminant, je crois devoir décrire deux cas anormaux, qui m'ont paru assez intéressants. Le premier (fig. 17) était représenté par un couple uni et soudé presque jusqu'à l'extrémité postérieure des deux gamètes, par conséquent bien en arrière de la bouche. La surface de coalescence occupait donc une longueur trois fois plus grande que dans les cas ordinaires. Dans les corps de cette syzygie existaient quatorze noyaux de nouvelle formation et deux micronu- cleus. 11 ne restait plus trace de l'ancien macronucleus. Les nou- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 271 veaux noyaux avaient des structures et des dimensions semblables à ceux de l'ex-conjugué dessiné figure 9. Tous ces noyaux formaient un groupe unique, occupant tout le centre de la syzygie, les corps des deux conjoints étant en communication libre et complète dans toute l'étendue de leurs surfaces de coalescence. Je crois que cette anomalie s'explique par un excès de coalescence des gamètes, qui n'ont plus réussi à se désunir, quand le moment de la disjonction est arrivé. Dans le second cas (flg. 18), nous avons affaire à un unique ex- conjugué, arrivé à peu près à la même phase de développement que le couple précédent et contenant à lui seul seize corpuscules nu- cléaires de nouvelle origine, dont huit plus petits, à structure com- pacte et se colorant vivement par les teintures microchiraiques; les huit plus gros, au contraire, se colorant peu et à texture finement granuleuse, comme des noyaux en voie d'accroissement. Ce cas est assez embarrassant, à moins d'admettre que les huit petits corpus- cules sont le produit du pronucleus mâle non échangé^ et que les huit gros dérivent du noyau mixte de copulation. Le Coleps hirtus, tout au contraire de l'espèce précédente, ne semble se conjuguer qu'assez rarement. Bien qu'il se soit déve- loppé dans mes cultures à plusieurs reprises en très grand nombre, je n'ai jamais eu occasion de l'observer à l'état de syzygie. J'ai seu- lement rencontré par hasard, sur mes préparations, quelques ex- conjugués, chez lesquels j'ai pu constater une reconstitution nu- cléaire, semblable à celle que nous venons de décrire chez le Cryp- tochilum nigricans. Je n'ai représenté (fig. 13) que la phase avec sept noyaux et un micronucleus ; mais j'ai également observé les phases suivantes avec six, cinq, quatre, trois et deux noyaux de plus en plus volumineux. Du Cyclidium glaucomâ,]Q. n'ai également vu que des ex-conjugués pendant leur période de reconstitution nucléaire. J'ai figuré (fig. 14) la seule phase de début avec sept noyaux et un micronucleus ; mais, comme chez le Coleps, j'ai rencontré les autres phases avec six, 272 E. MAUPAS. cinq, quaire, trois el deux noyaux, croissants de volume avec la diminution de leur nombre. Mes observations sur le Loxocephalus rjramdosus sont presque aussi incomplètes. J'ai cependant vu plusieurs couples au stade A'(fig. 15). Les gamètes sont unies et soudées l'une à l'autre uniquement par la portion du corps antérieure à la bouche. J'en ai mesuré ayant des longueurs de 35 à 50 [j.. Comme cet Infusoire ne dépasse guère une longueur de 60 \)., on peut dire qu'il se conjugue sans réduction de taille préalable bien sensible. Le micronucleus, toujours unique, prend, pendant le stade d'accroissement A, des formes rubanaires semblables à celles des espèces précédentes. Je n'ai observé aucun autre des stades de la période de syzygie. En revanche j'ai vu toutes les phases de la période de reconstitution nucléaire, depuis le début avec huit corpuscules nucléaires identiques entre eux et mesurant 3 [x, puis la phase suivante avec un micronucleus et sept noyaux (fig. 16), et enfin successivement six, cinq, quatre, trois et deux noyaux de plus en plus volumineux, les derniers d'un diamètre de 7 \}.. Balbiani, Engelmann et Stein ont vu des Coleps hirtus et des Cycli- dium glaucoma à l'état conjugué, mais sans l'aire aucune observa- tion intéressante sur les phénomènes internes, X. PRORODON TERES, ENCHELYS FARCIMEN, DIDINIUM NASUTUM. PI. XVI, fig. 19-28. Mes observations sur ces trois espèces sont fort incomplètes. Je les publie cependant telles quelles, en les réunissant ensemble, à cause d'un fait assez intéressant et qui leur est commun à toutes trois, ainsi qu'à la Leucophrys palula, décrite plus haut. Je veux parler de la formation de gamètes de petite taille, par une série de bipartitions rapides et successives, précédant l'accouplement. Nous commencerons par le Prorodon, sur lequel j'ai réuni les observations les moins incomplètes. J'ai obtenu un certain nombre LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 273 de conjugaisons de cette espèce. Le Prorodon s'était multiplié en assez grand nombre dans un de mes petits aquariums. J'eus recours à l'isolement par groupes, sur des préparations placées en chambre humide. Quand la nourriture de ces préparations fut épuisée, je vis les Prorodons se multiplier, en se fissiparant rapidement et en de- venant de plus en plus petits. Cet Infusoire est de grande taille et peut atteindre une longueur de 360 [j.. Les petits rejetons mesu- raient seulement de 80 à 120 [>.. Lorsqu'ils furent descendus à cette taille minimum, ils se recherchèrent et s'unirent, en s'accouplant bouche contre bouche (fig. 19). J'ai pu préparer et étudier une vingtaine de ces couples. Je les ai tués et fixés par le bichlorure de mercure à 1 pour 100, puis éclair- cis par la glycérine. Après les avoir étudiés dans cet état, j'en ai coloré quelques-uns par le vert de méthyle acidulé, suivant la méthode décrite pour les espèces précédentes. Le micronucleus est presque toujours unique. J'ai observé un seul cas oti il était double. A l'état de repos, il a la forme d'une petite sphère d'aspect granuleux, mesurant environ 5 [x et se colo- rant d'une façon diffuse et peu intense par les teintures microchi- miques. Pendant le stade A, il se détache et s'isole du macronucleus, au- quel il était accolé, et s'accroît sous une forme tout autre que celles décrites chez les espèces précédentes. Cet accroissement con- siste dans une extension, à peu près uniforme dans toutes les direc- tions, de sa membrane périphérique. Quand ce gonflement atteint son maximum, il en arrive à mesurer 16 [x en diamètre (fig. 19), ce qui représente un volume environ trente fois plus grand qu'au début. La substance granuleuse interne ne s'est pas accrue dans la même proportion que la membrane. Elle forme un amas central assez dense, duquel partent en rayonnant dans tous les sens des traînées peu denses, allant aboutir à la paroi interne de la membrane. Le vide, entre ces traînées, est occupé par un suc liquide parfaitement hyahn. Plus tard, ces grosses sphères micronucléaires se condensent ARCH. DE ZOOL. F.XP, ET GÉN. — '2^ SÉRIE. — T. VU. 1889. 18 274 E. MAUPAS. un peu et se Iransforment directement dans les fuseaux de division du stade B. iMais je n'ai pas d'observations suffisammenl complètes, pour décrire avec détail cette transformation. Pendant toute la durée du stade A, l'appareil buccal, avec ses ba- guettes œsophagiennes, conserve sa disposition et sa structure nor- males. Il semble seulement un peu élargi et distendu. Mais dès qu'on entre dans le stade B, il se disloque et les baguettes se dissé- minent dans le cytoplasme, d'abord par paquets (fig. 20), plus tard isolées irrégulièrement dans toutes les parties du corps (fig. 21 et 22), où elles finissent par se résorber et disparaître, sans laisser de trace. Nous avons vu, au contraire, l'appareil buccal du Chilodon uncinatus se conserver intact et, après la disjonction, revenir occuper sa position normale. Les Prorodon sortent donc de la syzygie avec leur bouche complètement désarmée et ne représentant plus qu'une petite fente incapable de saisir et d'absorber aucun aliment. Pendant les stades B et G (fig. 20 et 21), le micronucleus donne naissance à quatre corpuscules. Du stade D, je n'ai recueilli qu'une observation, dont je donne la figure ici (fig. 22), sans trop savoir com- ment l'exphquer.On y voit, sur la ligne de coalescence des gamètes, quatre corpuscules affrontés deux à deux. En outre, la gamète d'en bas contient deux autres corpuscules dans sa région postérieure, tandis que celle d'en haut n'en montrait aucune trace. Ces deux cor- puscules sont'ils des corpuscules de rebut, non encore résorbés chez la gamète inférieure, tandis qu'ils auraient déjà disparu chez celle d'en haut? C'est ce que je n'ose affirmer. D'un autre coté, que signi- fient ces quatre corpuscules affrontés deux à doux? S'il n'y en avait que deux, on pourrait les considérer sûrement comme des pronu- clcus mules, tout au début de leur mouvement d'échange. Mais ce chiffre de quatre, avec cette disposition, me semble, pour le mo- ment, inexplicable. Toutes ces difficultés ne pourront être résolues qu'à l'aide d'observations plus nombreuses, Je n'ai rien ol)servé des stades E, F et G. Les figures 23 et 24 nous représentent, au contraire, deux ex-conjugués pendant le stade H, La LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 275 première est celle d'un cx-conjugué,tué dix à douze heures après la disjonction. Nous y voyons deux petits corpuscules, ayant l'aspect de micronucleus, et deux corpuscules plus gros, représentant des noyaux en voie de développement. L'ancien nucleus est intact, dans sa forme et sa texture. Un autre ex-conjugué, non figuré et que j'avais tué trente-quatre heures après la disjonction, avait ses or- ganes internes exactement dans le môme état. Ni l'un ni l'autre ne montraient trace de l'appareil buccal. La seconde figure n» 24 re- présente un ex-conjugué, tué six jours et demi après la disjonction. La bouche et son œsophage sont reconstitués et le Prorodon, ayant recommencé à manger, s'est accru. Quant à l'appareil nucléaire, il se trouve toujours à peu près dans le même état, avec cette seule différence, qu'ici nous trouvons trois nouveaux noyaux en voie de croissance et un seul micronucleus. L'ancien nucleus est toujours présent, sans trace de désorganisation. Ces observations, si incom- plètes qu'elles soient, nous permettent d'affirmer que la période de reconstitution, chez cette espèce, est fort lente et dure très long- temps. Je considère, comme très probable, que l'ancien nucleus finit par se résorber et disparaître. J'ai représenté sur la figure 35 un cas anormal intéressant. C'est un ex-conjugué déjà ancien, puisque l'appareil buccal est bien re- constitué. On voit dans le corps sept nouveaux noyaux en voie de développement, un micronucleus et l'ancien nucleus. Il y aura eu probablement, chez cet ex-conjugué, redoublement du stade de division G, comme chez le Paramecium caudatum. Stein ' paraît avoir observe des ex-conjugués, chez lesquels il dit avoir aperçu quatre sphères claires, très probablement les trois nouveaux noyaux et l'ancien macronucleus. Enchelys farcimen. — Je n'ai fait qu'une seule observation sur cette espèce. Je la transcris, telle que je la trouve consignée dans mes notes. Ayant rencontré dans un de mes petits aquariums un ' Der Organismus, etc., t. II, 18G7, p. 81. 27G E. AlAUFAS. assez grand nombre d'individus de cette espèce, j'en isolai environ une centaine sur une préparation, que je plaçai en chambre humide. Elles eurent bientôt épuisé le peu de nourriture contenue dans leur goutte d'eau, et alors se mirent à se fissiparer rapidement. Le len- demain, leur nombre avait plus que quadruplé ; mais leur taille, qui, la veille, mesurait de 90 à 400 \j., était tombée à 40 ou 50 [x. l^es bi- partitions cessèrent alors, et ces petits rejetons entrèrent en conju- gaison. Le soir, ils étaient tous accouplés deux à deux. Comme la nourriture vint aussi à manquer dans le petit aquarium, les mêmes phénomènes s'y passèrent également. Les gamètes s'unirent bouche à bouche, mais en repliant leurs corps de côté et parallèlement (fig. 26). Les syzygies durèrent à peine une journée, car^ dès le lendemain soir, elles étaient toutes disjointes et les Enchelys circulaient isolées, avec un gros corpus- cule central transparent. La température, pendant cette observa- tion, était de 25 degrés centigrades. Didinium nasutum.— J'ai recueilli quelques observations sur cette espèce, au cours d'un voyage en Normandie. N'ayant qu'un outillage microscopique incomplet à ma disposition, je n'ai pu tirer tout le parti utile des syzygies que j'ai vues. Ayant isolé sur une préparation un individu, je le vis, dans un espace d'environ dix heures de temps, lui et ses descendants, se iis- siparer à quatre reprises successives et par conséquent donner nais- sance à seize petits rejetons. Le progéniteur primitif mesurait JGO [}. en longueur et 120 \}. en largeur ; les petits rejetons, 88 \}. en longueur et 80 en largeur. Ces petits individus se recherchèrent immédiatement pour seconjuguer, et, une heure plus tard, ils étaient tous unis deux ù deux. Ainsi accouplés (fig. 27), les deux conjoints se tiennent en oppo- sition, accolés l'un à l'autre uniquement par leur extrémité buccale. Ils ne sont jamais placés dans le prolongement exact de leurs axes longitudinaux, mais toujours, au contraire, un peu inclinés sur un des côtés. Cette inclinaison provient de ce que la bouche n'est pas LR RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 277 rigoureusement située à l'extrémité polaire du rostre; mais un peu déviée de côté, comme cela a lieu également chez les Enchelys. Les couples, ainsi unis, ont perdu leur pouvoir de locomotion et les battements de leurs couronnes ciliaires ne réussissent plus qu'à produire un mouvement de giration, autour d'un axe vertical à l'axe longitudinal des deux gamètes. Ils ressemblent ainsi complè- tement à un moulin à deux ailes. Cette giration est à peu près continue et ne cesse qu'à intervalles assez rares, pendant lesquels on voit les couples demeurer immobiles. Ces accouplements s'étaient effectués entre onze heures du matin et midi ; le lendemain matin, à sept heures, je les trouvai tous dis- joints. La période de syzygie n'avait donc pas duré plus de dix-huit à dix-neuf heures, la température étant de 16 à 17 degrés centi- grades. Les ex-conjugués, laissés sur la préparation, y vécurent d'abord en menant une vie assez active; mais, après deux ou trois jours, ils périrent tous les uns après les autres. J'attribue leur mort à leur union entre très proches parents, qui avait dû empêcher une fécondation normale et la réorganisation complète de leur ap- pareil nucléaire. Je tuai et préparai avec le chlorure d'or à 1 pour 100 quelques ex-conjugués, provenant d'autres couples, qui s'étaient formés dans un petit aquarium. J'ai reproduit, figure 28, un de ces ex-conjugués. L'ancien nucleus a complètement disparu. Il est remplacé par deux noyaux de nouvelle origine, en voie de développement, accompa- gnés de deux micronucleus. Cette observation unique suffit pour nous démontrer que la fécondation du Didinium doit suivre une marche semblable à celle du Colpidium colpoda. Balbiani et Stein ont vu des couples de Didinium, mais sans nous faire connaître aucune observation intéressante. 278 E. MAUPAS. XI. LOXOPHYLLUM FASCIOLA ET L. OBTUSUM. PI. XVI, ng, 29-44. Dans mon travail sur la Multiplication des Jnfusoires ciliés S j'ai précisé la distinction spécifique de ces deux iormes. Leur mode d'accouplement constitue, comme nous allons le voir, encore un excellent caractère difïerentiel. Comme mes observations sur le Loxophyllum fasciola sont de beaucoup plus complètes que celle sur son congénère, c'est par lui que nous commencerons. Je me suis procuré de nombreux accouplements du L. fasciola par la méthode des mélanges. Le 1" juin 1887, j'avais isolé un individu, afin d'étudier la puissance de multiplication de cette es- pèce. Quelques jours plus tard, ayant rencontré un nouvel individu, provenant d'une source complètement différente, je l'isolai égale- ment et le fis multiplier, en lui donnant des Cryplocliilum nigricans pour nourriture. C'est en mélangeant les descendants de ces deux progéniteurs d'origines distinctes, que je me suis procuré tous les couples, qui m'ont servi à en étudier la conjugaison. Sur chacun des mélanges, que j'ai ainsi faits au nombre de sept à huit, il s'est toujours produit de nombreux accouplements, tandis que, sur les préparations non mélangées, je n'en ai vu aucun, bien que ces pré- parations se trouvassent finalement dans des conditions biologiques absolument identiques à celles portant les mélanges, et que les Loxophylles y fussent tout aussi nombreux. Les préparations, destinées à l'étude microscopique, ont été tuées et fixées avec le sublimé à 1 pour 100, puis simplement éclaircies par la glycérine, arrivant lentement. Les colorations au carmin et au vert de mcthyle sont inutiles et rendent les images moins nettes. Pour bien réussir ces préparations, il faut caler le couvre-objet avec de simples fils de vers à soie. Lorsqu'on emploie des cales plus épaisses, les Loxophylles sont entraînés par les courants. 1 Archives[de zoologie expérimentale, t. VI, 188S, p. 2.'i9. LE RAJEUNISSEMEiNT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 279 Je n'ai pas d'observations précises sur la durée de la syzygie, mais je puis cependant affirmer qu'elle s'effectue dans des délais à peu près semblables, sinon identiques, à ceux de la Leucophrys patula. Les gamètes s'unissent, en se soudant longitudinalement par le côté, sur les deux tiers de leur longueur, leurs extrémités posté- rieures seules demeurant libres. J'ai vu nombre de fois des conju- gaisons triples (fig. 32). Dans ces cas, deux seulement des gamètes sont unies comme je viens de le dire, la troisième n'étant soudée que par son extrémité antérieure, à la partie correspondante du corps d'une des deux gamètes intimement unies. Les premiers stades de l'évolution fécondatrice suivent une marche identique chez ces trois gamètes. J'ai, en effet, étudié une de ces triples syzygies, tuée vers la fin du stade D, et trouvé chez les trois conjoints le nucleus et le micronucleus à un état d'évolution réguher et parfaitement semblable. J'ignore ce qui en advient plus tard, et si, comme cela me semble probable, deux seulement des gamètes sont fécondées, la troisième demeurant stérilisée et finissant par périr sans se réor- ganiser. Ce Loxophylle se conjugue avec une forte réduction de taille. Elle oscillait, en effet, chez les gamètes observées par moi, entre 30 et 80 [j., tandis que les individus à l'état végétatif ordinaire peu- vent atteindre jusqu'à 180 i^., et que les longueurs les plus ordinaires varient entre 110 et ISO i^. Je crois, sans cependant en avoir la preuve certaine, que cette réduction de taille est, comme chez les espèces précédentes, le résultat d'une série de bipartitions rapides et successives. Le micronucleus, à l'état de repos (fig. 29), a la forme d'une petite sphère, mesurant environ 2 \h en diamètre. Il se compose d'une masse centrale, se colorant assez vivement par les teintures microchimiques et d'une fine membrane périphérique. Le plus souvent il est unique, mais j'ai cependant rencontré quelques gamètes qui en avaient deux et même trois. Lorsqu'ils sont ainsi 280 L'. MAUPAS. en nombre multiple, ils prennent tous part aux stades A, B, G. J'ai, en efTet, observé un couple tué au stade D, dont un des conjoints avait sept corpuscules granuleux destinés à se résorber et un hui- tième à l'étal de division ; le second conjoint ne montrait que trois corpuscules granuleux et un en voie de division. L'accroissement du micronucleus, pendant le stade A, se fait, comme chez le Prorodon teres, par une extension régulière, ou gon- flement uniforme de toute sa périphérie. Il conserve donc sa forme sphérique. Tout d'abord (fig. 30), le plasma central occupe toute la cavité délimitée par la membrane, sous la forme d'une fine trame d'un aspect granuleux. Plus tard (fig. 31 et 32), quand l'accroisse- ment atteint son maximum de développement, il apparaît comme un amas central, autour duquel rayonnent dans tous les sens de fines tramées, allant aboutir à la paroi interne de la membrane. Un suc parfaitement hyalin occupe les vides existants entre ces traî- nées rayonnantes. A son maximum d'accroissement, le micronu- cleus mesure de 6 à 7 \i en diamètre, ce qui représente un vo- lume environ trente fois plus fort qu'au début. Pendant les stades B et G (fig. 33 et 34), le micronucleus, se divi- sant deux fois, donne naissance à quatre corpuscules. Nous trou- vons ici, pour la première fois, dans ces mitoses, une forme d'appa- reil connectif, dont nous rencontrerons plus tard, spécialement chez les Oxytrichides, de nombreux exemples. Le tube connectif (fig. 33), au lieu de se renfler dans sa région médiane, s'y étrangle au contraire. Tout d'abord les deux nouveaux petits noyaux sont munis chacun d'un débris du tube connectif, en forme de cône pointu ; mais cet appendice conique ne tarde pas à disparaître par résorption et laisse les noyaux libres et isolés. Je n'ai observé qu'un couple au début du stade I), à une phase permettant de déterminer la position primitive et par suite l'ori- gine du corpuscule destiné ù continuer l'évolution fécondatrice. Ghez les deux conjoints de ce couple, ce corpuscule était situé dans la région postérieure du corps et représentait évidemment un LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS, 281 des deux corpuscules refoulés en arrière par le développement des tubes connectifs. Ceux-ci, en effet, sont toujours dirigés plus ou moins exactement parallèlement à l'axe longitudinal du corps des gamètes. Je ne saurais dire si toujours, et dans tous les cas, c'est un de ces deux corpuscules postérieurs qui continue à évoluer pen- dant le stade D. Les trois corpuscules de rebut ont la forme de petites sphè- res, à aspect granuleux (fig. 35-39). Leur résorption se fait assez lentement, et on les retrouve encore assez peu modifiés jusque pendant le stade F. Le tube connectif qui, à la cinquième phase du stade D, écarte l'un de l'autre les deux pronucleus de chaque conjoint, atteint une assez grande longueur, avec la structure renflée au centre et étran- glée aux deux extrémités (fig. 33). Le pronucleus femelle se trouve ainsi refoulé loin en arrière et le pronucleus mâle en avant, au ni- veau de la région buccale. En ce qui concerne le pronucleus mâle, le rôle directeur du tube connectif semble clair, puisque l'échange des pronucleus se fait dans la région buccale. Mais ce rôle n'est plus aussi net avec le pronucleus femelle, car, loin de le rapprocher de cette région et de favoriser ainsi sa rencontre avec le pronucleus mâle, cédé par le conjoint opposé, il l'en éloigne de toute sa lon- gueur et semble ainsi plutôt contrarier qu'aider la rencontre et la copulation des pronucleus mâle et femelle. Mais, d'un autre côté, si, pour une cause inconnue, le corpuscule d'évolution du sladeD est toujours un des deux corpuscules postérieurs, comme nous l'avons vu chez le couple cité plus haut, le tube connectif, en s'allongeant d'arrière en avant et refoulant le pronucleus mâle à la hauteur de la bouche, assure son échange, et par conséquent joue encore un rôle directeur nécessaire et très important. Les quatre pronucleus, en se détachant de leurs tubes connectifs (fig. 36), prennent la structure de petits corpuscules, composés d'une masse centrale compacte, vivement colorée par les teintures microchimiques et enveloppée d'une mince zone claire, renfermée t 282 E. MAUPAS. elle-même dans une membrane nettement apparente. Leur diamètre est d'environ 2 \>^, c'est-à-dire celui du micronucleus au repos, avant la conjugaison. Les pronucleus sont tous parfaitement identiques entre eux. Les deux pronucleus mâles viennent s'affronter l'un, près de l'autre dans la région buccale, en s'aplalissant et refoulant la paroi du corps. Je no crois pas que l'échange se fasse par l'ouverture buc- cale même, mais en un point peu éloigné et par une déchirure faite dans la membrane tégumentaire, sous la poussée des pronucleus. Ceux-ci ne se transposent pas toujours simultanément. Sur la ligure 37 nous voyons, en effet, un couple dont le conjoint de droite a déjà reçu, depuis un bon moment, le pronucleus mâle de gauche, tandis que le sien propre est en retard et toujours en place. Peut-être que, dans cette syzygie, si elle eût vécu, la gamète de gauche serait restée infécondée. Dès que les pronucleus mâles ont pénétré dans le corps de leur nouvel hôte, ils y changent de structure, et leur masse plasmique interne se différencie en bâtonnets. Le même changement s'opère simultanément chez les pronucleus femelles (flg. 37). C'est en cet état fibreux, que pronucleus mâles et pronucleus femelles se ren- contrent» et effectuent leur copulation (flg. 38). Pour arriver à se rejoindre, ils ont cheminé les uns au-devant des autres, les premiers marchant en arrière et les seconds remontant en avant. Leur ren- contre se fait donc assez exactement dans la région médiane du corps. Leurs membranes se résorbent à leurs points de contact, et leurs contenus fibreux se rapprochent et s'entremêlent sous une membrane commune. La fécondation est achevée et le nouveau nucleus mixte est constitué. Cet état fibreux représente d'ailleurs le commencement d'une nouvelle division, et on peut dire que les pronucleus copulcnt, tout en traversant la première phase du stade F. Nous avons déjà constaté des faits analogues chez le Paj^a- mecium caudatum. Jai observé le stade F (fig. 39), avec le nouveau nucleus mixte à LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 283 la troisième phase de sa première division; mais je n'ai pas vu de couples pendant la division suivante, correspondante au stade G. Elle existe cependant sûrement, comme le prouve l'ex-conjuguô dessiné figure 41, chez lequel nous voyons deux noyaux et deux micronucleus. Du stade H, je n'ai vu que des phases déjà avancées (fig. 40 et 41). Sur la première de ces figures, qui nous représente un couple en voie de se disjoindre, nous apercevons deux noyaux se développant et déjà relativement assez gros. Je n'ai pu distinguer les micronu- cleus au milieu du fouillis de fragments nucléaires. La disjonction s'effectue donc assez tard. Sur la seconde figure, nous avons un ex-conjugué complètement libre, avec ses deux noyaux encore plus développés et à côté deux micronucleus. Je n'ai pas d'observation sur le retour à l'état normal végé- tatif, mais il est fort possible qu'il se fasse directement par atro- phie d'un des micronucleus, ou bien tous deux persistants, puis- qu'il n'est pas rare de trouver cet infusoire avec deux et trois micronucleus. Le nucleus est toujours composé au moins de deux corps distincts, état semblable à celui des phases de développement du stade H. L'ancien nucleus, qui le plus souvent est composé de deux corps, mais peut cependant être déjà quelquefois divisé en trois et même quatre corps distincts, commence à se fragmenter dès le stade D (fig. 3o). Cette fragmentation est précédée d'une désorganisation de sa substance, qui devient absolument homogène, et elle dégénère rapidement en véritable émiettement (fig. 36-41), pulvérisant le nucleus en particules mesurant à peine 1 \i.. Ces particules se résorbent et disparaissent peu à peu, sans laisser de trace. J'ai ob- servé des ex-conjugués venant à peine de se disjoindre, chez les- quels elles étaient déjà presque toutes résorbées. En terminant, j'appellerai encore l'attention Sur l'ex-conjugué dessiné figure 42. 11 contenait quatre nouveaux noyaux et un micro- nucleus. 284 E. MAUPAS. Ehrenberg i a vu et figuré des couples. Engelmann - en a éga- lement vu, mais sans rien observer des phénomènes internes. G. Entz ^ a tenté d'étudier plus exactement la conjugaison de cette espèce, mais sans y réussir beaucoup mieux. Tout ce qu'il nous dit des micronucleus et de leur fusion est inexact. Il a été plus heu- reux en affirmant la désorganisation et la disparition de l'ancien nucleus. Loxophjllum obtusum. — Je n'ai eu que peu de couples de cette espèce et les ai étudiés, en les préparant par la même méthode que ceux du L. fasciola. Les gamètes mesurent entre 45 et 60 [i.. Elles s'unissent (fig. 44), en se soudant l'une à l'autre longitudinalement par un de leurs côtés, mais avec leurs extrémités en opposition, l'ex- trémité antérieure de l'une correspondant à l'extrémité postérieure de l'autre. Elles sont ainsi soudées, environ sur les deux tiers de leur longueur. Dès que la syzygie est bien établie, les corps des gamètes, d'oblongs qu'ils étaient auparavant, se raccourcissent en s'arrondissant. Cette attitude dans l'accouplement est encore, comme je l'ai dit plus haut, un très bon caractère pour distinguer cette espèce de la précédente. Les triples conjugaisons ne sont pas rares (fig. 43). Dans ces cas, deux seulement des gamètes sont soudées entre elles sur une large étendue, la troisième n'étant unie à une d'entre elles que par un point limité et qui, je crois, peut varier de situation. Ainsi j'ai vu un cas, dans lequel la troisième gamète était soudée par son extré- mité antérieure à l'extrémité postérieure d'une des deux autres. Dans le cas que j'ai dessiné, la soudure paraîL s"êlre faite par les deux extrémités antérieures. La figure 43 représente une triple conjugaison vers la fin du stade A, avec les micronucleus fortement accrus et gonflés ; la fi- 1 Die Infusionslhierchen, etc., 1838, pi. XXXVIII, fig. III, 12-14. * Zeil. fiir wiss. Zoologie, t. XI, 18G1, p. 330. ' Ueber einige Infusorieti des Salzteiches zu Szamosfalva, 1878, p. l-l'i, pi. VIll, fig. 3-fi. LE RAJEUxNISSEiMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 28S gure 44, un couple en B^ avec les micronucleus devenus fibreux et se préparant à la division. Avant de passer à la description des espèces du groupe des Hété- rotriches, je vais résumer quelques recherches de mes prédéces- seurs sur des Holotriches, que je n'ai pas eu occasion d'observer par moi-même. Je ne m'occuperai que de ceux, au sujet desquels il a été fait quelque observation sur les éléments micronucléaires. Âmphileptus mas. — Balbiani * figure une syzygie de cette espèce au stade B\ Paramecium putrinum. — Cette espèce a été étudiée à deux re- prises différentes par Biitschli \ L'évolution fécondatrice paraît y suivre, jusque dans ses derniers détails, une marche complètement identique à celle du Paramecium caudatum. Voici comment je rat- tache les figures de Biitschli au schéma de l'espèce précédente. Il a observé le début du stade d'accroissement A (fig. i, 1876); le stade B* (12 (fig. 2, 1876); le stade — avec l'ancien nucleus dépelotonné (fig. 1, 1873); le stade H' (fig. 5, 1873 et fig. Il, 1876), moment où paraît s'effectuer la disjonction. Les figures 13 à 20(1876) représentent les phases d'accroissement des nouveaux corps nucléaires. Ceux-ci sont au nombre de quatre, puisque, dans les deux rejetons représentés figure 12 a et 12 6 (1876), après la première bipartition, il en existe encore deux dans chacun d'eux. L'ancien nucleus se déroule et se fragmente comme chez son congénère, et les figures 21-25 (1876) me paraissent démontrer que les fragments, dans certains cas, peu- vent persister et s'incorporer au nouveau noyau de rajeunissement. Les figures 2, 3 et 4 de 1873 sont assez difficiles à expliquer et ré- pondent peut-être, ou bien à des préparations mal réussies, ou à 1 rynomènes sexuels, 1861, pi. IX, fig. 15. 2 Ârchiv fur mikr. Analumie, t. IX, 1S73, pi. XXV; Studien, etc., 1876, p. 87, pi. Vin. 28G E. MAUPAS. des anomalies. La gamète de droite, sur la figure 2, pourrait par exemple représenter un avortement par dégénérescence sénile. Dans un travail tout récent \ Plate nous a donné sur une Para- mécie, qu'il croit être le P. putrinum, des observations fort inexac- tes. Pour moi, sa figure 62, représentant un ex-conjugué mesurant plus de 200 [j,, appartient au Paramecium caudatwn. Jamais le P. pu- trinum n'atteint cette taille. Toutes les autres figures, dessinées sans mensuration et sans grossissement déterminé, doivent égale- ment appartenir à la première espèce. Les observations de Plate sur l'évolution nucléaire de la conjugaison ne valent pas mieux que sa détermination d'espèce. Il n'a rien vu de rechange et de la copu- lation des pronucleus. D'après lui, le nouveau micronucleus dérive des fragments de l'ancien macronucleus. L'évolution micronucléaire doit être variable suivant les individus. La nucléine des fragments de l'ancien noyau se dissout dans le cytoplasme, pour aller ensuite se recondenser dans les nouveaux noyaux, etc., etc. Inutile de discuter toutes ces erreurs. Cyrtostomum leucas. — Etudié également par Biitschli -, qui a vu C-, avec six corpuscules micronucléaires (fig. 9); puis à l'état dis- joint H* (fig. 10 et 11), avec quatre petits corpuscules semblables. Anoplop/wya circulans. — La conjugaison de cette curieuse Opa- linide a été observée par Schneider '. Malheureusement le texte et les figures sont très peu clairs et il est assez difficile de rattacher les faits décrits à ce que nous connaissons. Les figures fort nom- breuses (il n'y en a pas moins de 63) sont jetées sur les planches sans ordre déterminé, et l'auteur lui-même ne semble guère savoir quelle devrait être leur véritable suite naturelle. L'intercommunica- tion et le partage des macronucleus entre les deux gamètes me paraît fort improbable. Si cette observation venait à se confirmer, nous au- rions là des phénomènes d'une nature bien différente de ceux qui 1 Zoologische Jahrluiher, t. III, 1888, p. 180, pi. V. « Studien, etc., p. 99, pi. XIII, fig. 9-11. 3 Tablettes zoologiqnes, t. I", 1S8fi, p. 7.S, pi. XV-XVII. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 287 nous sont connus. Il est regrettable que Schneider n'ait pas décrit ou figuré plus exactement une des divisions de l'organe qu'il appelle nucléole, afin de nous garantir sa nature de vrai micronucleus, se multipliant par karyomitose. XII. SPIROSTOMUM TERES, CLIMACOSTOMUM VIRENS. PI. XVIL Je me suis procuré d'assez nombreux couples du Spirostomum teres, à l'aide d'une seule préparation, tenue en chambre humide. Cette préparation contenait des débris de toutes sortes et un grand nombre deSpirostomes. Je leur donnai une abondante nourriture de farine cuite. Deux ou trois jours plus tard, tous se fissiparèrent ; puis la nourriture venant à manquer, un certain nombre d'entre eux se conjuguèrent. J'enlevai et préparai ces couples, puis redonnai de la nourriture aux individus libres, restés sur la préparation. Les mêmes phénomènes d'accroissement et de multiplication végétatifs suivis d'accouplements se renouvelèrent. Je répétai jusqu'à trois fois ces manœuvres et pus ainsi tirer de cette unique préparation près de 200 couples, sur lesquels furent faites les observations con- tenues dans ce travail. Les préparations, pour l'étude microscopique, ont été fixées avec le sublimé à i pour 100 et éclaircies lentement par la glycérine. On peut, dans certains cas particuliers, après avoir fait l'étude de ces préparations, les colorer par le vert de méthyle acidulé, qui donne quelquefois des images utiles; mais la première méthode est plus rapide et le plus souvent ne laisse absolument rien à désirer. Il m'a semblé, sans cependant avoir recueilli d'observations par- faitement certaines, que les accouplements s'efi'ectuaient surtout dans les premières heures du jour. Leur durée est fort longue, la plus longue que j'aie observée chez aucune espèce. Le 31 décembre, j'isole un couple, qui vient de se conjuguer. La disjonction s'effectua le 7 janvier à midi, c'est-à-dire 173 heures (7 jours 1/4-) après le 288 E. MAUPAS. début, la température étant de 13 degrés centigrades. Un autre couple isolé le 2 janvier, avec une température semblable, se désunit le 7 à une heure du matin, c'est-à-dire après 160 heures (6 jours 1/2). Enfin un troisième couple isolé le \\ janvier, par une température de 14 degrés centigrades, se sépara le 16 à deux heures du matin, après une durée de 138 heures, ou 5 jours 3/4. Avec des températures semblables, des Paramécies ou des Stylonichies se- raient restées unies de trente-deux à trente-six heures seulement. Cette lenteur de l'évolution fécondatrice, chez le Spirostome, con- corde, d'ailleurs, avec la lenteur de son développement végétatif. J'ai, en effet, démontré ailleurs ' que l'accroissement de cet Infu- lusoire était un des plus lents connus. Il existe évidemment un rapport entre ces deux ordres de phénomènes, et leurs rapidités de marche doivent être corrélatives l'une de l'autre. Quand on étudie la conjugaison de ce Spirostome, il faut bien prendre garde à cette lenteur d'évolution, si l'on veut rencontrer tous les stades du phénomène. Au début, avant de connaître ce fait, comme je tuais mes couples un et deux jours seulement après le commencement de la syzygie, je les trouvais toujours au stade A. Ce ne fut qu'après avoir laissé vivre jusqu'à la disjonction un cou- ple isolé que j'appris à saisir les moments favorables à l'étude de tous les stades. Lorsqu'on veut iso'er des couples, il faut, avant de leur faire subir cette manipulation, bien prendre garde que leur union soit com- plète. 11 m'est, en effet, arrivé plusieurs fois d'isoler des couples unis seulement par le premier quait antérieur de la suture conju- gale, et de voir ensuite toutes ces syzygies se désunir. Le trouble causé par les manipulations de l'isolement arrête les phénomènes conjugaux et les deux gamètes, au heu de continuer à se souder, tendent à se séparer. Cette séparation prend plusieurs heures pour s'effectuer. La bande de coalescence décroît peu à peu jusqu'à ce ' Archives de zoologie, etc.j t. VI, 1888, p. 230, LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIES. 289 que les Spirostomes finissent par ne plus tenir l'un à l'autre que par un fil. Pendant tout ce temps, ils font, h d'assez nombreuses reprises, de grands efforts de traction, tirant chacun de leur côté, comme pour déchirer le lien qui les attache. Ces faits, à mon avis, démontrent que la conjugaison n'est pas un phénomène épidémique et en quelque sorte fatal, comme on l'a affirmé. Elle dépend beau- coup plus de la volonté des individus qui s'unissent. Un simple dé- rangement physico-mécanique suffit pour modifier cette volonté et lui faire prendre une direction opposée. Ce qui démontre encore bien cette liberté, c'est que, chez les Spirostomes disposés sur une préparation contenant de nombreux individus, on n'en voit tou- jours qu'une minorité se rechercher et s'unir, les autres ne mani- festant pas la moindre tendance à s'accoupler. Tous sont cependant de môme origine, de même âge et de même développement. Chez VEuplotes patella et le Paramecium caudatum, placés dans les mêmes conditions, on observe des phénomènes identiques. Les gamètes s'unissent en s'accolant péristome contre péristome, et par conséquent se présentent à l'observateur chacun par une face opposée. La coalescence embrasse un peu plus du tiers antérieur des corps et descend un peu en arrière de la bouche, le reste du corps demeurant toujours libre. Dans cette attitude, les deux con- joints nagent parallèlement l'un à l'autre. Quand ils ne sont pas inquiétés ou dérangés par d'autres Infusoires, ils restent immobiles la plupart du temps. Cet Infusoire s'accouple toujours avec une taille assez fortement réduite. A l'état végétatif, les individus isolés peuvent atteindre jus- qu'à 500 [t-, tandis que les gamètes observées par moi ont varié entre 270 et 3(50 \i. Je n'ai point fait d'observation précise pour déter- miner par qu'elle voie s'effectuait cette réduction de taille. J'ai cependant quelques raisons de croire qu'elle est simplement le résul- tat d'une dernière division fîssipare, précédant presque immédiate- ment l'accouplement et, par conséquent, non suivie d'accroissement végétatif. Les Spirostomes ne prennent plus, en effet, aucune nour- AKCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2= SÉRIE. — T. VU. 18S9. 19 290 E. MAUPAS. riture dès qu'ils sont unis, ou, pour parler plus exactement, ils s'unissent, lorsque la nourriture est épuisée dans leur milieu am- biant. Les syzygies triples et même quadruples ne sont pas rares. Dans les premières, une des gamètes est soudée avec les deux autres, lesquelles demeurent entre elles complètement indépendantes. Dans les secondes (fig. 1), deux gamètes sont soudées avec deux, et les deux autres avec une seulement. Les coalescences, comme on le voit sur la figure donnée ici, restent toujours beaucoup moins étendues que dans les syzygies doubles ordinaires. Je n'ai point fait d'observations pour déterminer quel était le sort final des ex- conjugués issus de ces accouplements triples et quadruples, j'ai seulement pu constater que les premiers stades de l'évolution fé- condatrice y suivaient leur cours régulier. Le micronucleus, à l'état de repos, a la forme d'un petit corpus- cule ovoïde, mesurant 2 à 3 p. dans son plus grand diamètre et d'ap- parence parfaitement homogène. Il peut être unique, double, triple et même quadruple. Sa substance se colore assez vivement par les teintures microchimiques et, par conséquent, contient une assez forte proportion de chromatine. Dès que l'activité fécondatrice entre en action, les petits micro- nucleus, accolés jusqu'ici sur le pourtour du macronucleus, s'en détachent et s'en isolent. En même temps, ils s'accroissent en se gonflant régulièrement sur toute leur périphérie et, arrivés à leur accroissement maximum, ils représentent des sphères mesurant de 7 à 9 IX, c'est-à-dire que leur volume s'est augmenté de trente à quarante fois ce qu'il était à l'origine. Sous cette forme, les micronu- cleus secomposentdunemembranepériphériquenetlementdistincte (fig. 1) et d'une masse centrale d'aspect granuleux, avec une zone claire occupée par un suc hyalin entre ces deux parties. C'est, comme nous le voyons, la même structure déjà rencontrée à la même phase, chez plusieurs des espèces précédemment décrites. l*uis un peu plus lard, ces sphères deviennent lét^èrement ovales LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 291 (fîg. 2 «). De longues fibres de hyaloplasme s'étendent d'un pôle à l'autre, et la région équatorialo est occupée par une bande transversale de granulations de chromatine. Nous sommes arrivés ici à la pre- mière phase du stade de division B. Pendant cette division, ainsi que pendant celles qui suivent, l'ap- pareil connectif affecte une disposition assez différente de celle que nous lui connaissons chez les Paramécies. Après la séparation en deux groupes des éléments chromatiniens de la plaque équato- riale et le mouvement de recul aux pôles de chacun de ces groupes (fig. il a), les fibres de hyaloplasme, qui ont servi à diriger cette évolution, se rapprochent en un paquet axillaire, s'étendant entre les deux nouveaux noyaux (fig. 2 b). La membrane périphérique persiste toujours, détachée et gonflée, enveloppant le tout. Les fila- ments connectifs, pendant ce rapprochement, paraissent subir une sorte de torsion; car on les voit presque toujours décrivant dans leur parcours une spire très allongée. Un peu plus tard, le paquet de filaments s'est encore allongé (fîg. 9 a) et commence à s'étrangler dans sa partie médiane. La membrane périphérique a suivi aussi ce mouvement d'étranglement, et elle n'existe plus à l'état d'enveloppe libre que sur les deux extrémités de la figure. En dernier lieu, enfin, les filaments connectifs, devenus encore plus longs (fig. 14), s'étran- glent complètement dans leur milieu. La membrane périphérique a complètement disparu. Chacun des nouveaux noyaux porte, atta- ché sur un des côtés, un appendice conique, représentant la moitié de l'appareil connectif étranglé et divisé en deux. Ces appendices se résorbent rapidement et disparaissent sans laisser de trace. Pen- dant toute cette période d "étranglement et de résorption des fila- ments connectifs, la chromatine des deux noyaux filles est telle- ment tassée sur elle-même et condensée, qu'elle apparaît comme une petite masse compacte d'une homogénéité absolue. Les stades B et G sont représentés par mes figures 2 et 3. Sur cette dernière, nous voyons deux fuseaux micronucléaires à la troi- sième phase de leur division et un corpuscule en voie de résorption. 292 E. MAUPAS. Chez le Spiroslome, la production et rélimination des corpuscules de rebut suit une marche un peu différente de celle décrite chez les espèces précédentes. Leur éUmination se produit, en effet, à deux reprises successives, une fois après chacun des deux stades de divi- sion B et G ; mais la moitié seulement des corpuscules résultant de la première division B disparaît par résorption; tandis que, après la division G, ils se résorbent tous, à l'exception d'un seul, suivant la marche déjà connue. Nous retrouverons encore, chez les Oxytri- chides^ cette résorption anticipée de corpuscules à la lin du stade B. Les corpuscules de rebut du Spirostome étant fort petits et en outre disparaissant assez rapidement, sont d'une constatation assez diffi- cile. J'ai cependant observé une demi-douzaine de couples, sur les- quels j'ai réussi à les voir avec certitude. L'appareil conneclif du stade D est peu développé. Celui que j'ai représenté ligure 4, était arrivé à son maximum d'élongation, et les pronucleus commençaient déjà à s'en détacher. Il m'a semblé qu'ils s'en isolaient, sans que le cordon connectif subisse un étranglement médian préalable. Les pronucleus, à ce moment, ont la forme de petits corpuscules ovoïdes d'environ 3 \). en longueur, avec leur sub- stance d'apparence absolument compacte, et se colorant vivement par les teintures. Plus tard, lorsque les deux pronucleus mâles sont venus s'affron- ter sur le lieu d'échange (fig. 5), on peut, avec de forts grossissements, y distinguer (lig. 5 a) une membrane d'enveloppe et une masse centrale à trame serrée, isolée de l'enveloppe par une zone claire étroite. Ils se sont déjà un peu accrus et mesurent A [)^. Les pronu- cleus mâles, sous l'influence de la pression du mouvement d'échange, ont pris une forme oblongue, tandis que les pronucleus femelles de- meurent sphériques. Cette phase de rechange doit avoir une assez longue durée, car, sur mes préparations, j'ai trouvé d'assez nom- breux couples en l'état figuré ici. Le plus souvent, les pronucleus mâles sont superposés l'un à l'autre, mais il peut arriver aussi que l'un soit placé un peu en avant de l'autre. Le point où se fait l'é- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 293 change est toujours situé à peu près au milieu de la ligne de coa- lescence des gamètes et, par conséquent, assez loin en avant de leurs bouches. Dès que l'échange est effectué, les pronucleus mâles reprennent la forme sphérique et cheminent vers les pronucleus femelles. Lorsqu'ils se rencontrent (fig. 6), les uns elles autres se sont encore accrus et mesurent 6 \}.. Ils sont tous parfaitement identiques entre eux et se composent d'une membrane largement soulevée et déta- chée d'une masse centrale à trame serrée, de laquelle partent des traînées rayonnantes vers la paroi interne de la membrane (fig. 6 a). Le pronucleus mâle et le pronucleus femelle, en se rencontrant, s'accolent d'abord l'un à l'autre, puis, leurs membranes disparaissant par les surfaces de contact, leurs cavités et leurs contenus entrent en communication (fig. 7 et 7 a). La fusion se fait d'abord par les zones hyalines périphériques, les masses centrales demeurant en- core distinctes. Puis, celles-ci s'unissent à leur tour et se fondent en une masse commune. Le nouveau nucleus mixte de copulation prend alors une forme sphérique, avec un diamètre de 8 à 9 (a. La fécondation est complètement achevée. Le nouveau nucleus, poursuivant son évolution, se prépare à la division du stade F, en modifiant sa texture intime. La masse plasmique centrale, si compacte, se dilate pour ainsi dire et remplit toute la cavité délimitée par la membrane. Avec les forts grossisse- ments, elle apparaît sous l'aspect de minces filaments sinueux con- tournés et pelotonnés sur eux-mêmes. A cette disposition, nous reconnaissons immédiatement la première phase (spirem) de la future karyomitose (fig. 8 et 8 a). Tous les phénomènes d'évolution micronucléaire, décrits jusqu'ici, se sont effectués dans la région du corps antérieure à la bouche. Mais, à ce moment, le nouveau nucleus émigré vers l'extrémité pos- térieure, où il rejoint l'ancien noyau, qui s'y était rendu dès le stade D (fig. 4). C'est dorénavant dans cette région postérieure que le nouveau nucleus va continuer son évolution. La première de ses 294 E. MAUPAS. divisions s'achève même tout à l'exlrémité, près de la vacuole con- tractile (tig. 9). Ses produits remontent ensuite un peu en avant (fig. 10-14), mais en restant cependant toujours quelque peu en arrière de la bouche. Pendant le second stade de division G, un des deux corpuscules nucléaires devance toujours l'autre dans sa karj'-omitose (fig. lÔ, 11). J'ai essayé, mais sans y réussir, de déterminer lequel des deux noyaux filles, issus de la division F, prenait ainsi l'avance sur son congénère. Mais, par analogie avec les espèces étudiées antérieu- rement, et surtout par analogie avec ce que nous verrons plus tard chez les Oxytrichides, je pense que ce corpuscule est toujours celui des deux qui, à la fin de la division F, se trouve situé le plus en avant. C'est que, en effet, j'ai pu m'assurer sur plusieurs prépa- rations que les produits du corpuscule nucléaire, en avance de ka- ryomitose pendant le stade G, s'accroissaient et se transformaient en corps nucléaires, tandis que les produits du corpuscule retarda- taire s'arrêtaient dans leur développement et se transformaient en micronucleus. Au début du stade H, chaque gamète (fig. 12) con- tient donc quatre petits corpuscules, dont deux, avec leur structure composée d'une membrane isolée par une zone claire d'une masse centrale, ont complètement l'aspect de noyaux rudimentaires en voie d'accroissement. Ils vont, en effet, augmenter de volume pen- dant toute la durée de ce stade. Les deux autres, au contraire, peu- vent tantôt s'arrêter là, tantôt se diviser encore une fois (fig. 13 et 44), et donner ainsi naissance à quatre micronucleus (fig. 15). La disjonction n'a pas toujours lieu au même moment de l'évo- lution. Ainsi, j'ai observé un ex-conjugué encore seulement à la troisième phase du stade F et celui, dessiné à la même phase du stade G (fig. 10), avait été tué deux heures après la désunion, tandis que, d'un autre côté, la figure 12 nous représente un couple en H* en voie de se séparer, et l'ex-conjugué, dessiné figure 13, était encore réuni à son conjoint par un mince filament protoplasmique, quand je l'ai sacrifié. Il résulte donc de ces quatre observations, que la dis- LE RAJEUNISSEMENT KÂIIYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 295 jonction peut se produire depuis le milieu du stade F jusqu'au mi- lieu du stade H. Les ex-conjugués, en se séparant, sont dépourvus de bouche et ont perdu la moitié postérieure de la bande adorale des membranelles péristomiques (fig. 10, H, 13-16). L'ancien nucleus n'éprouve aucun changement jusqu'à la fin du stade C; mais, pendant le stade D, il émigré h l'extrémité posté- rieure du corps. Il demeure dans cette nouvelle position, sans mo- dification apparente, jusqu'à la seconde phase du stade H; mais à ce moment il perd sa structure élémentaire et sa substance se transforme en une masse amorphe, se colorant à peine par les tein- tures (fig. 13 et 14). Sa résorption marche alors rapidement et il ne tarde pas à disparaître, sans laisser de trace (fig. -15 et 16). J'ai isolé plusieurs ex-conjugués, sans réussir à leur voir faire re- tour à l'état végétatif normal. Celui dessiné figure 16 a été sacrifié quatorze jours après la disjonction. La bouche et la portion man- quante du péristome ne s'étaient pas encore reconstituées. D'autres, que j'ai laissé vivre, ont fini par périr d'eux-mêmes, sans avoir non plus réorganisé leur appareil buccal. Un a vécu ainsi, en dépéris- sant lentement, du 9 janvier au 8 février ; deux autres, du 16 janvier au l"' février; trois autres enfin, du 19 janvier au 6 février. Je ne sais comment expliquer ces insuccès, à moins d'admettre que, chez tous ces individus, la fécondation avait manqué, et que leur appareil nucléaire ne s'était pas régénéré normalement. Quoi qu'il en soit, nous pouvons aisément nous représenter la marche qui doit être suivie pour [le retour à l'état normal. L'ex- conjugué réorganise sa bouche et son péristome, puis se remet à prendre de la nourriture. Arrivé à un certain accroissement, il se fîssipare, les micronucleus se divisant et chacun des rejetons em- portant un des deux nouveaux corps nucléaires. Balbiani ' est le seul auteur qui ait observé le Spiroslomum teres à l'état de conjugaison. 11 semble avoir vu les stades B' et H*. * Becherehes sur les phénomènes sexuels, 1861, pi. IX, fig. 1-6. 296 E. MAUPAS. Climacostomum virens. — Je n'ai eu qu'un petit nombre de cou- ples de cette espèce. Je les ai obtenus à l'aide de préparations vi- vantes, tenues en chambre humide. Le sublimé à 1 pour 100, puis la coloration par le vert de méthyle acidulé, suivie d'éclaircisse- ment par la glycérine, donnent d'excellentes préparations pour l'é- tude microscopique. La durée de la syzygie, chez cette espèce, est également fort lon- gue. Chez un couple, que j'ai sacrifié au moment où il était en voie de se séparer (fig. 20), elle avait persisté pendant soixante à soixante- cinq heures, la température étant de 20 degrés centigrades. Le dé- veloppement végétatif est également fort lent, car des individus isolés, avec une abondante nourriture et la même température, ne se sont fissiparés qu'une fois par vingt-quatre heures. Les gamètes s'unissent par leur région antérieure, péristome contre péristome, et se soudent l'une à l'autre, à peu près sur un tiers de leur longueur totale. Leur taille varie entre 110 et 140 ja, tandis que les individus libres, à l'état végétatif, mesurent ordinaire- ment de 200 à 240 \k. Le micronucleus, à l'état de repos, est représenté par de petits corpuscules sphériques d'un diamètre de 3 [x au plus, et en nombre variable, depuis trois jusqu'à sept. Ces corpuscules se composent d'une membrane périphériqus nettement visible et d'une masse centrale, se colorant légèrement par les teintures microchimiques. Bien que placés au voisinage du macronucleus, ils peuvent cepen- dant en être un peu distants. Ces micronucleus, pendant le stade A (fig. 17), se gonflent régu- lièrement sur toute leur périphérie et atteignent ainsi un diamètre de 7 à 8 \x, c'est-à-dire que leur volume s'accroît de plus de vingt fois ce qu'il était à l'origine. J'ai observé le stade B (fig. 18), mais n'ai rien vu des stades C, D, E, F, G. Avec la figure 19, nous nous trouvons en H^ Nous y voyons, dans chaque gamète, deux gros corps nucléaires en voie de déve- loppement, ne prenant aucune coloration par les teintures et de LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 297 petits micronucleus disséminés irrégulièrement. Le couple, dessiné figure 20, a été tué environ douze heures plus tard que le précédent. L'état est à peu près le même, à la seule différence qu'une des ga- mètes contient trois corps nucléaires. Ce couple était en voie de se disjoindre, au moment où je l'ai sacriflé. Cette observation nous fait donc voir que la disjonction peut, chez cette espèce, comme chez la précédente, s'effectuer fort tard dans l'évolution. Le nucleus primitif, qui tout d'abord a la forme d'un ruban long et étroit (fig. 17), se raccourcit, en s'élargissant et en prenant la forme d'un fer à cheval (fig. IS) dès le stade B. Il demeure dans cet état sans aucun changement jusqu'en IP (fig. 19), puis sa substance perd sa structure élémentaire, semble pour ainsi dire se liquéfier, et on le voit fondre et disparaître en peu de temps (fig. 20), sans laisser de trace. Les gamètes, au [sortir de la syzygie (fig. 21), ont une forme assez différente de celle de l'état végétatif ordinaire. La bouche et une partie des membranelles péristomiques ont disparu. Le corps lui-même s'est comme rétracté et, dans la moitié postérieure de la face ventrale, il n'est plus représenté que par une lamelle mince et transparente. Les deux nouveaux corps nucléaires apparaissent au centre, comme deux larges taches claires. En cet état, ces ex- conjugués ne prennent aucune nourriture et demeurent en place à peu près inertes. J'en ai tenu quelques-uns en observation pendant plusieurs jours, mais sans réussir à les voir se réorganiser et faire retour à l'état normal. Malgré tout ce qu'il y a d'incomplet dans ces observations, je crois cependant qu'elles suffisent pour nous permettre d'affirmer que l'évolution fécondatrice, chez le Climacostomum, suit une mar- che parfaitement semblable à celle décrite chez le Spiroslomum te) es. Stein * a vu et dessiné un couple de Climacostomum. Il a éga- ' Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 214, pi. IV, fig. 9. 298 E. MÂUPAS. lement observé un ex-conjugué avec ses deux sphères centrales claires. J'ajouterai encore ici un résumé des observations faites par mes prédécesseurs sur quelques espèces du groupe des Hétérolrichcs, que je n'ai pas étudiées par moi-même ; mais en ne tenant compte que de celles, au sujet desquelles il a été recueilli quelques faits sur l'évolution micronucléairc. Stentors. -— Balbiani * a observé et figuré le stade d'accroisse- ment A (fig. H) et une phase déjà avancée du stade de reconstitu- tion H (fig. 12). Cet ex-conjugué contenait deux gros corps nucléaires nouveaux, en voie d'accroissement (œufs nouveaux de Balbiani) et quelques-uns des fragments de l'ancien noyau, non encore éliminés. Balbiani n'a rien vu des nouveaux micronucleus. Ces deux obser- vations nous permettent d'affirmer que la conjugaison des Stentors suit une marche identique à celle que nous avons décrite chez le Spirostomum teres. Après la fécondation, le nucleus mixte de copu- lation se divise d'abord deux fois, donnant ainsi naissance à quatre petits corpuscules semblables, dont deux s'accroissent et se trans- forment en corps nucléaires de rajeunissement, tandis que les deux autres se redivisent encore un certain nombre de fois, pour engen- drer les micronucleus multiples de l'espèce. L'ancien nucleus sem- ble disparaître entièrement par résorption. Les nouveaux noyaux recouvrent la forme normale, soit avant, soit après la première bi- partition. Blepfiarisma lateritia.^ Les micronucleus de cette espèce, à l'état de repos, sont des plus difficiles à distinguer, i\ cause de leur extrême petitesse. Ils ne mesurent que 1 ;jl en diamètre. Leur nombre est très variable et je ne l'ai pas vu dépasser le chiffre cinq; mais Bûtschli ' en a vu jusqu'à onze, comme le démontre la syzygie re- 1 Phénomènes sexuels, etc., 1861, pi. IX, ûg. 11 et 12, et Journal de micrographie, t. VI, 1882, p. 161. 2 Studien, etc., 1876, p. 102, pi. XIII, fig. 1-S. LE RAJEUNISSEMENT KAIlYOGA.MIQUE CHEZ LES CILIÉS. 299 présentée par lui au stade A (fig. 1), avec les micronucleus en voie d'accroissement. Il a observé en outre un ex-conjugué au stade G^ (flg. 2) et deux autres pendant les phases du stade H (fig. 3 et 4). L'évolution est identique à celle des Spirostomes et des Stentors, et l'ancien noyau est entièrement éliminé. Bursaria truncatella. — Les observations de Biitscbli ' sur cette espèce sont bien défectueuses. Tout ce que nous pouvons en dire de certain, c'est qu'il a vu le stade d'accroissement A (fig. 18). L'ex- conjugué qu'il représente figure 16, ne nous permet pas de rétablir les dernières phases de la conjugaison. Nyctotherus cordiformis. — Schneider ^ a observé et figuré quel- ques états du stade H, chez cette espèce. De ses observations, il ré- sulte que, suivant les individus, il peut se développer tantôt un, tantôt deux nucleus de rajeunissement. Ceux-ci, enll^, se montrent avec une structure filamenteuse pelotonnée très prononcée. Le nou- veau micronucleus n'a pas été vu. L'ancien noyau semble disparaître par résorption. XllI. ONYCUODROMUS GRANDIS. PI. xvin. Pour l'étude microscopique, je fixe cette espèce avec le sublimé à 1 pour 100, la colore par le vert de méthyle acidulé, et l'éclaircis par la glycérine, arrivant lentement. Les préparations ainsi faites sont très claires et très nettes. Cet Infusoire ne paraît pas être très commun. Je ne l'ai encore rencontré que deux fois et à l'état d'individus isolés : la première fois, au mois de janvier 1887, et la seconde, au mois de mars de la même année. Dans les deux cas, les individus vivaient dans des eaux de lavage de cresson acheté au marché; j'avais conservé une infusion de débris de cette plante, avec l'eau ayant servi à la net- • Lac. cit.. p. 109, pL XI, flg. 11-20. » TaUeties zoologiques, t. I, 1886, p. 84, pi. XXI et XXII, Cg. 4-8. 300 E. MAUPAS. loyer. L'individu, trouvé en janvier, fut isolé en culture sur porte- objet, placé en chambre humide. Je lui donnai, à lui et à ses des- cendants, une abondante nourriture de Crijploc/nlum nigricans. Ils se multiplièrent très bien et je pus suivre la marche de leurs géné- rations. L'individu, trouvé en mars, fut traité de la même façon. Dès que j'eus de nombreux descendants de ce nouveau progéni- teur, j'en fis des mélanges avec ceux issus du premier isolé. Ces mé- langes réussirent parfaitement et me fournirent les nombreux ac- couplements, à l'aide desquels j'ai pu faire une étude complète de la conjugaison de cette espèce. Je les répétai huit à neuf fois et vis toujours des centaines d'individus s'accoupler sur chacune de ces préparations de mélangés. Il n'en fut pas de même sur les deux préparations mères, où de nombreux individus non mélangés et, par conséquent, proches parents restèrent toujours sans s'accoupler et finirent par s'enkyster. Je dois cependant mentionner ici un fait assez intéressant. Lors- que j'observais ces préparations de non mélangés dans les condi- tions ordinaires où s'effectue la conjugaison des mélangés (c'est- à-dire lorsque toute la nourriture est épuisée), je voyais alors très fréquemment des Onychodromes se rechercher, comme pour s'unir. Ils prenaient, deux à deux, la position du début de la conjugaison (fig. \), front contre front, et y persistaient quelquefois plus d'un quart d'heure, en se tâtant et se palpant doucement avec leurs cirres antérieurs. Mais ils finirent toujours par se séparer sans con- tracter d'union. Il y avait donc, dès ce moment chez ces non-mé- langés, une forte impulsion à l'accouplement, impulsion qui sem- blait contrariée et annulée par l'état de proche parenté de ces individus. Cette tendance n'est pas spéciale à l'Onychodrome, car j'ai fait nombre de fois la même observation avec la Slrjlonichia piistulata. Les mélanges féconds ont duré pendant une période s'étendant du 20 mars au 1" mai. Mais ayant voulu les continuer après cette date, tous ceux que j'eflectuai demeurèrent stériles. Je n'y vis plus LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 301 se former un seul couple. Je remarquai alors que, sur la culture isolée du mois de janvier, se trouvaient de nombreux avortons, por- tant tous les caractères de la dégénérescence sénile, que j'ai décrite dans un travail antérieur •, J'en conclus que cette culture n'était plus propre à fournir des individus aptes à la conjugaison, et je la supprimai vers la fin du mois de mai. Mais, désirant encore poursuivre plus avant cette intéressante question des mélanges, j'en exécutai d'autres entre les descendants de l'isolé de mars et ceux d'un ex-conjugué, mis en culture méthodique, enregistrée depuis le 10 avril. Jusqu'au 22 juin, c'est-à-dire jusque vers la cent cinquantième génération des descendants de l'ex-conjugué, il ne se produisit aucun accouplement dans ces mélanges, dont une douzaine furent échelonnés à des dates successives, du 25 avril au 22 juin. A partir de celte dernière date, s'ouvre une période féconde s'étendant jusqu'au 15 juillet, et pendant laquelle les sept à huit mélanges exécutés fournirent tous de nombreux accouplements. J'isolai quelques-uns de ces couples ; ils se comportèrent normale- ment et les ex-conjugués se réorganisèrent bien. Mais après le 15 juillet, cette fécondité sembla diminuer rapidement, et sur les quelques mélanges que j'effectuai encore jusqu'au 1" août, je ne vis plus que quelques rares conjugaisons. Cette stérilité était pro- bablement causée par le grand âge des générations des deux cul- tures, les descendants de l'ex-conjugué en étant alors à leur deux cent trentième à deux cent quarantième bipartition, et ceux de l'isolé de mars à leur trois centième depuis leur mise en culture. Pendant la durée de cette dernière, il se forma, à quatre ou cinq reprises, quelques couples sur les préparations de non-mélangés. Ainsi, dès le 19 juin, je trouve deux de ces couples qui, isolés, ont fini parle dépérissement et la mort des ex-conjugués, le surlende- main de la disjonction. Le 8 juillet, encore quelques couples. J'en isole un, dont voici l'histoire. La disjonction a lieu le 9 juillet, à 1 Archives de zoologie expérimentale, t. VI, 1888, p. 2'?1. 302 H. MAUPAS. 7 heures du soir. Le 1 1 , ù 4 heures du soir, les deux ex-conjugués re- constituent leur bouche et recommencent à manger. Le 12, à6 heures du matin, le numéro 1 effectue sa première bipartition, tandis que le numéro 2 n'y arrive que le lendemain 13, ù 9 heures du matin. Les deux rejetons de ce numéro 2 sont peu vigoureux, ne prennent pas de nourriture et finissent par périr le 15 et le 16. Les rejetons du nu- méro 1, au contraire, bien portants, s'accroissent et se multiplient rapidement, et, le 16, en sont déjà à leur quinzième bipartition. J'abandonne ici cette expérience. Il est fort possible qu'en la prolon- geant plus loin, j'aurais bientôt vu les descendants du numéro 1 s'étioler à leur tour. Enfin le 16 juillet, le i" et le 6 août, j'observe encore des cou- ples, au nombre d'une douzaine chaque fois, sur ces préparations de non-mélangés. J'en tue cinq et les prépare pour l'étude micros- copique. D'après l'état de leur nucleus, ils ont été sacrifiés dans les premières heures de la conjugaison, c'est-à-dire au moment où les micronucleus sont les plus apparents. Sur aucun d'eux je n'en puis voir la moindre trace. Il en est de même d'ailleurs des nom- breux individus non conjugués qui se trouvent également sur cette préparation. Ces conjugaisons se sont donc effectuées entre proches parents, mais affectés d'atrophie micronucléaire par dégénérescence sénile. Elles seraient inévitablement demeurées stériles et auraient abouti à la mort des ex-conjugués. En résumé, il ressort assez nettement de toutes ces expériences que les accouplements ne sont nombreux et féconds qu'entre indi- vidus descendants de progéniteurs distincts et arrivés au moins de la cent quarantième à la cent cinquantième génération fissipare, depuis la conjugaison de leur ancêtre primitif. Cet état fécond peut durer, dans un cycle de générations, pendant un temps que je n'ai pas exactement déterminé, puis est remplacé de jiouveau par un état d'infécondité, causé évidemment par la dégénérescence sénile. Les quelques accouplements, que l'on voit encore s'effectuer pendant celle dernière période et qui peuvent se faire même entre individus 1 LE RAJEUNISSEMENT KARyOGAMlQUE CHEZ LES CILIÉS. 303 proches parents, sont fatalement condamnés à la stérilité et entraî- nent la mort des gamètes. Sur les préparations tenues en chambre humide, où je place les Onychodromes mélangés, les unions n'ont jamais commencé à s'ef- fectuer avant que toute la nourriture [disponible n'y fût complète- ment épuisée. Celte loi est absolue, et jamais je n'ai vu un seul couple, tant que les Onychodromes avaient encore à manger. Ils attendent même, pour s'accoupler, assez longtemps après avoir fait disparaître ladernière de leurs proies et jeûnent ainsi au moins une bonne demi-journée. C'est seulement après cette longue abstinence que l'on commence à les voir se rechercher. 11 suffit donc, pour les empêcher de se conjuguer, d'avoir soin de toujours tenir de la nourriture à leur disposition. En ne négligeant jamais ce soin, on peut leur faire traverser un cycle entier de générations et les ame- ner jusqu'à l'extrême limite de la dégénérescence sénile, sans que leur appétit conjugal s'éveille à aucun moment, quels que soient leur diversité d'origine ou l'âge de leurs générations agames. Dans un très grand nombre de cas, il a semblé y avoir un rap- port absolu entre le moment de la conjugaison et les premières heures de la journée. Voici le détail d'un de ces cas, qui mettra ce rapport en évidence, mieux qu'aucun autre. Le 21 avril, j'avais fait un mélange, dont toute la nourriture se trouva épuisée dès les pre- mières heures de l'après-midi. Le 22, à cinq heures du matin, le jour n'étant pas encore levé, je trouvai déjà quelques couples complè- tement unis et d'autres plus nombreux en voie de s'effectuer. Les accouplements continuèrent ainsi à se faire pendant toute la matinée et ne s'arrêtèrent que vers midi. 11 se trouva alors au moins deux cents couples sur la préparation. Il était cependant resté encore un grand nombre d'individus libres qui, pendant l'après-midi, ne bou- gèrent plus. Mais le lendemain 23, aux mêmes heures, ils s'unirent à leur tour et il se forma une centaine de nouveaux couples, dont l'u- nion était achevée avant midi. Vers une heure de l'après-midi com- mencèrent les disjonctions des couples unis la veille. Tous étaient 304 E. MAUPAS. désunis le soir entre huit et dix heures. Le lendemain 24, les cou- ples du 23 eflecluèrenL également leur disjonction dans l'après- midi. Ainsi donc, chez cette espèce, les accouplements paraissent presque toujours s'effectuer à partir des dernières heures de la nuit jusque vers le milieu du jour. J ai dit presque toujours, car, sur un de mes mélanges, la marche a été tout autre. Cette préparation avait été faite le 23 avril, et dans la journée même les Onychodromes eurent absorbé toute la nourriture disponible. Ils passèrent les jour- nées du 24 et du 25 sans manger et sans s'unir. Le soir seulement du 25, entre huit et neuf heures, j'aperçus quelques couples en voie de se joindre, et à dix heures, je constatai l'existence de trente à quarante, complètement unis. Le lendemain matin, au point du jour, les couples étaient fort nombreux, et ils continuèrent à se produire pendant toute la matinée. Je ne sais, pour le moment, quelle explication donner à cette unique observation contradic- toire. La durée de la période de syzygie varie avec la température. Je l'ai vue durer de trente-deux à trente-quatre heures avec une tem- pérature de 17 à 18 degrés centigrades, et de dix-huit à vingt heures avec 24 à 25 degrés centigrades. Ces durées, qui paraissent relative- ment plus longues que chez les Paramécies, n'en diffèrent cepen- dant en rien. La disjonction, en effet, chez les Onychodromes, a toujours lieu à une phase d'évolution beaucoup plus tardive (fig. 34), jusqu'à un état déjà avancé du stade H. Les Onychodromes, lorsqu'ils se recherchent pour s'unir, se pla- cent longitudinalement sur un môme axe (fig. 1), en s'affrontant par la région antérieure de leur corps. Chacune des gamètes replie un peu en dehors le bord extérieur de son péristome, de façon à faciliter le contact réciproque de la région médiane évasée de cet organe. C'est, en effet, par la partie centrale nue du péristome que les deux conjoints commencent à se souder l'un à l'autre. Cette soudure ne se fait d'abord que sur une étendue très hmitée de part et d'autre. Lorsqu'elle est solidement assurée, une des gamètes se LE RAJEUiMSSEiMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 303 replie de côté, en étirant un peu et tordant le cordon d'union, et vient ainsi se placer parallèlement à l'autre (fig. 2). A ce moment, on distingue encore la bouche et la portion postérieure des mem- branelles adorales de la gamète de droite, ainsi que ses membra- nelles frontales, La gamète de gauche a déjà perdu ces dernières, ne conservant qu'une longue écharpe de membranelles buccales. La coalescence, en se continuant et s'étendant jusqu'au delà du milieu des corps (fig. 20), fait disparaître la bouche de la gamète de droite. En même temps, elle rapproche les portions de zones adorales conservées sur chacune des gamètes, de sorte que, finale- ment, un nouvel arc vibralile complet se trouve reconstitué, com- posé dans sa moitié antérieure des membranelles frontales de la gamète de droite, et dans sa moitié postérieure des membranelles buccales de la gamète de gauche. Ce nouvel arc vibratile, de com- position mixte, fonctionne à l'instar de ceux dont il est le démem- brement, et son tourbillon alimentaire précipite les proies vers la bouche conservée de la gamète de gauche. Les couples, ainsi com- plètement unis, peuvent, en effet, encore prendre de la nourriture pendant les deux ou trois premiers stades de la conjugaison. Tous les cirres latéraux de la gamète de gauche disparaissent par résorp- tion dans cette coalescence. Celle-ci ne s'étend jamais au delà des trois cinquièmes antérieurs des corps, qui demeurent toujours en- tièrement libres dans leurs deux cinquièmes postérieurs. J'ai montré ailleurs ' combien variait facilement la taille de l'O- nychodromus, et qu'en changeant la nature de ses aliments, on pouvait voir sa longueur passer du simple au double. Les accou- plements se font toujours et exclusivement entre individus de taille réduite. Non pas que ces petites gamètes soient descendues à cette réduction de taille par suite d'une dégradation organique fatale et immuable. Il suffirait, au contraire, de les empêcher de s'accoupler, en leur donnant une nourriture convenable, pour les voir en deux * Archives de zoologie expérimentale, etc., 2^ série, t. VI, 1888, p. 218, ARCH. l'E ZOOL. UXP. ET GÉN. - - 2^ SÉRIE. — T. VU. 1SS9, 20 306 E. MAUPAS. ou trois générations remonter au type de grande taille ; mais, en même temps, elles perdraient tout appétit conjugal. Je n'ai, en effet, jamais vu ces formes de grande taille se rechercher, pour former des syzygies. La longueur des gamètes, observées par moi, a varié entre 120 et 150 \J., tandis que les grandes formes peuvent atteindre et même dépasser 300 [i. L'Onychodrome s'accouple normalement avec deux micronucleus. On trouve cependant quelquefois des gamètes n'en montrant qu'un, mais ce sont des individus en voie de dégénérescence sénile qui, chez cette espèce, se fait sentir d'assez bonne heure par une atro- phie graduelle, puis complète du micronucleus. Les micronucleus, à l'état de repos, ont la forme de petits corpuscules sphériques, d'aspect parfaitement homogène (fig. 3), se colorant vivement par les teintures micro-chimiques et d'un diamètre mesurant entre 4 à 5 [JL. Le premier indice de l'action de l'accouplement sur les micronu- cleus se manifeste par le gonflement de leur membrane qui, pour ainsi dire invisible à létat de repos, se soulève et se détache de la masse qu'elle enveloppe (fig. A). Cette masse centrale, elle-même, se dilate peu à peu et perd son aspect compact. En se distendant ainsi, elle envahit tout l'espace délimité par la membrane gonflée (fig. 5). Dans cet état, les micronucleus représentent des sphères pleines d'un diamètre de 8 [x et dont la substance fondamentale a un aspect finement granuleux. Mais, pour moi, cet aspect granuleux n'est que l'expression de filaments extrêmement délicats, repliés et contour- nés sur eux-mêmes, dans un pelotonnement serré. La coloration est alors moins vive et diffuse. Cet état correspond à la phase A*, la phase A' étant représentée par l'état de repos, — Pendant la phase A^ (fig. 6 et 7), les micronucleus continuent à s'accroître par un nouveau gonflement de la membrane périphérique, et leur diamètre en arrive ù mesurer de II à 12 i^-. La substance fondamentale s'é- tire alors, sur un de ses côtés, en minces et nombreuses traînées, qui s'en vont, en rayonnant, aboutir à la paroi interne de la mem- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 307 brane. Cos traînées, qui, tout d'abord, serrées les unes contre les au- tres, formaient un faisceau parallèle, s'étalent peu à peu, en s'écar- tant vers la périphérie, et leurs rayons envahissent toute la cavité du micronucleus. Celui-ci, vu à ce moment (fig. 7) par le pôle d'é- mission des traînées, représente une sphère avec un noyau central, duquel partent de tous côtés de nombreux rayons. Ce noyau cen- tral et ces rayons ont tous un aspect granuleu?: et se colorent uni- formément d'une façon diffuse. — Enfin, pendant la phase A*, les mi- cronucleus atteignent leur maximum d'accroissement, leur dia- mètre mesurant 14 \j., ce qui représente un volume une trentaine ^e fois plus grand qu'au début. Leur substance fondamentale s'est différenciée en un petit amas d'aspect granuleux, occupant le pôle d'émission, et de nombreux et minces filaments homogènes et hya- lins partant, en rayonnant, de ce pôle d'émission et se dirigeant vers le pôle opposé. Beaucoup- d"entre eux se terminent encore sur la paroi interne de la membrane peu au delà de l'équateur, et par conséquent n'atteignent pas ce pôle opposé. Ceux d'entre eux qui dépassent l'équateur, portent tous attachés et collés sur leur lon- gueur de fines granulations nettement délimitées et distinctes. Ces granulations, ainsi que l'amas polaire, se colorent vivement par les teintures micro-chimiques:(fig. 8 et 20), tandis que les filaments de- meurent parfaitement incolores. Un peu plus tard (fig. 9), tous les filaments hyahns courent sans interruption d'un pôle à l'autre. Le pôle d'émission est encore indiqué par un petit amas granuleux, très réduit de folume. Les granulations de chromatine du pôle op- posé ont remonté le long des filaments hyalins et se sont tassées en une bande équatoriale. Nous sommes ici au dernier terme du stade d'accroissement A et sur le seuil du premier stade de division B. Pendant les phases A' et A\ on peut aisément reconnaître sur le vivant, même avec un faible grossissement, les couples qui y sont arrivés. Les micronucleus y apparaissent dans le corps sous la forme de taches claires, ressemblant tout à fait à des vacuoles creusées dans l'épaisseur du cytoplasme. Celui-ci est toujours plus ou moins 308 E. iMAUPAS. opaque, par suite de la présence de gianules de zooaniylum et de corpuscules d'urate de soude. Avant de continuer à suivre l'évolution micronucléaire, je tiens à entrer dans quelques détails sur la l'orme que la karyomitose revêt chez cette espèce, ainsi d'ailleurs que chez toutes les Oxytrichides. Cette forme, pendant les phases de développement de l'appareil connectif, diilere assez notablement de celle que nous connaissons chez les Paramécies. La première phase [Spirem — fig. 18) est représentée par cet état de pelotonnement de la masse filamenteuse micronucléaire, dont les éléments sont si lins et délicats, qu'avec les plus forts grossisse- ments, ils apparaissent bien plutôt sous l'aspect de granulations que sous celui de filaments continus. Cette phase correspond à la phase de peloton lâche des botanistes, le peloton serré étant repré- senté par l'état primitif compact du repos. Dans cette première phase, la masse micronucléaire se colore faiblement et d'une façon diffuse. Dans la seconde phase {Asie?' — fig. 19), le micronucleus s'al- longe en fuseau épais et sa substance se différencie en fibres ou bâ- tonnets relativement épais, dirigés suivant l'axe longitudinal. Ces fibres ne s'étendent jamais d'un pôle c\ l'autre. On ne peut les suivre guère au delà de moitié de la longueur des fuseaux, puis elles disparaissent, leurs extrémités se glissant sous leurs voisines. Ces libres ou bâtonnets se colorent déjà assez vivement par les teintures. Pendant la troisième phase {Métakinèse — fig. 40-12), le micronu- cleus affecte, suivant les stades, une forme ovale (stade B, fig. 10)> ou conserve sa forme en fuseau (stade C, D, G, fig. 11 et 12). La chromatine, fortement colorée, s'est condensée en bâtonnets for- mant une plaque équatoriale et de minces filaments incolores et hyalins s'étendent d'un pôle à l'autre. Dès la fin de cette phase (fig. 12), les fuseaux éprouvent une légère torsion. Dans la quatrième phase [Diaster— fig. 13-15), les éléments chromatiques, après s'être divisés, forment deux groupes, qui se sont écartés l'un de l'autre vers les pôles. Ces deux groupes d'éléments chromatiques repré- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIOUE CHEZ LES CILIÉS. 309 sentent la substance fondamentale des deux noyaux filles. Ils sont toujours reliés entre eux par les filaments hyalins du fuseau, qui commencent à s'allonger, en s'élirant et à se transformer ainsi en filaments connectifs. En s'étirant, le mouvement de torsion signalé plus haut s'est maintenu. Je dois mentionner ici un détail assez curieux, particulier au stade B (fig. Mi et 14). Dans la région équa- toriale, entre les deux groupes chromatiniens, on voit une bande de substance granuleuse se colorant légèrement par les teintures. On dirait un résidu de matière chromatique qui aurait été aban- donné là, quand les deux groupes se sont éloignés de l'équateur. Plus tard, pendant la phase suivante, ce résidu fond et dispa- raît, sans laisser de trace. Les éléments chromatiniens des deux noyaux filles arrivent jusqu'aux pôles (fig. 14) à l'état de bâtonnets nettement distincts. Mais ils ne tardent pas (fig. 15) à se souder, en s'anastomosant les uns aux autres, et forment ainsi une trame déli- cate à mailles fines. Dans la cinquième phase ewV\ïi{Dispirem — fig. 16 et 17), la trame chromatinienne se condense fortement et n'est plus représentée que par deux petites masses presque entièrement compactes, très vivement colorées par les teintures. Nous avons là de véritables micronuclcus à l'état de repos. En même temps, le fais- ceau de filaments connectifs s'est fortement allongé, repoussant ainsi loin l'un de l'autre les noyaux filles. Dans sa partie médiane, il s'ef- file en s'étranglant (fig. 16), et cet étranglement finissant par se rompre, chaque noyau fille demeure isolé, emportant avec lui un appendice conique hyalin, composé de la moitié des filaments con- nectifs (fig. 17). Cet appendice lui-même ne tarde pas à disparaître par résorption, laissant le nouveau noyau libre et prêt à recom- mencer une nouvelle évolution. Telles sont les principales phases de la karyomitose chez les Oxy- trichides. Les différences avec les Paramécies, dans le développe- ment de l'appareil connectif, sont assez intéressantes, mais ne doi- vent pas être considérées comme ayant une importance essentielle. Il existe , en effet , des espèces, comme le Loxophyllum fasciola 310 E. MAUPAS. (pi. XVI, fig. 33 et 35), chez lesquelles les deux formes peuvent coexister, suivant les stades. Reprenons maintenant la suite de l'évolution micronucléaire, que nous avons laissée à la fm du stade A. Les micronucleus passent im- médiatement et sans transition de la phase A* à la phase B^ (fig. 10 et 21); du moins, sur les nombreuses préparations examinées par moi, je n'ai rencontré aucune forme de transition. Dans ce passage, les micronucleus subissent une i^-"^' Bipartition contracliou asscz marquée et UB mesurent plus que 10 i^. Pendant le stade C (fig. 22), deux seulement des quatre cor- puscules micronucléairesj issus de la division du stade B, con- tinuent à évoluer. Les deux au- tres se désorganisent, leur chro- matine se condense en une pe- tite masse compacte se colorant vivement, et ils constituent ainsi une première génération de cor- puscules de rebut. Dès ce stade G, on constate constamment, entre les deux gamètes, une différence dans la rapidité de marche évolutive des corpuscules. Ceux de la gamète de gauche sont toujours en avant sur ceux de la gamète de droite. Ainsi, sur le couple dessiné figure 22, les deux corpuscules de droite en sont encore en G\ tandis que ceux de gauche sont déjà en G^ Chez le couple de la figure 23, la gamète de droite est arrivée en G*, avec deux corpuscules de rebut, tandis que celle de gaucho est déjà en D', avec quatre corpuscules de rebut. En effet, à la fin du stade G, deux des quatre nouveaux petits noyaux s'arrêtent dans leur évolution et constituent ainsi la seconde géné- ration de corpuscules de rebut. Les deux autres^ au contraire, con- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 311 tinuent à se développer et se divisent une troisième fois pendant le stade D. Sur la figure 24, la gamète de droite nous montre ces deux corpuscules à la cinquième phase, et à côté d'eux quatre corpus- cules de rebut ; sur la gamète de gauche, oîi l'évolution est plus avancée, la différenciation des pronucleus, issus de la mitose D, est déjà effectuée, et à côté d'eux nous voyons cinq corpuscules de rebut. Il devrait y en avoir six, puisque les quatre corpuscules des deux premières générations, réunis aux quatre nouveaux issus de la division D, nous donnent un total de huit ; mais il est fort possible que l'un d'eux fût déjà complètement résorbé ou bien que, mas- qué par les corps nucléaires, il ait échappé à ma vue. Ainsi donc, des quatre nouveaux petits noyaux issus de la division D, deux seu- lement continuent à vivre, les deux autres s'atrophiant et se résor- bant. Les deux corpuscules survivants représentent les pronucleus mâle et femelle. Ces pronucleus ont la forme de petites sphères d'un diamètre de 6 [j. (fig. 25 a). Leur structure est d'apparence finem.ent granu- leuse et correspond à la première phase de division, ou phase de pelotonnement lâche. Ils sont parfaitement identiques entre eux et on ne saurait y discerner aucune différence de volume ou de struc- ture quelconque. Les pronucleus mâles, dans les deux gamètes, sont toujours placés en avant des pronucleus femelles. Celui de la ga- mète gauche (fig. 24 et 25) est même refoulé en avant jusqu'au delà de la bouche, et c'est dans cette région antérieure du corps qu'il exécute son passage de gauche à droite. Le pronucleus de droite, au contraire, ne s'avance guère plus loin que la limite pos- térieure de coalescence des corps. C'est également en ce point qu'il passe de droite à gauche. En arrière de celui que j'ai dessiné sur la figure 20, on voyait dans le cytoplasme des tramées fibreuses, comme si, en exécutant son mouvement d'échange, il avait étiré la substance plasmique à travers laquelle il s'avançait. Lorsque les pronucleus mâles sont passés dans le corps de leur nouvel hôte, ils cheminent en arrière, pour aller rejoindre les pro- 312 E. MAUPAS. nucleus femelles. Ceux-ci remontent également un peu en avant. La rencontre se fait au milieu de la région postérieure du corps (fig. 26-28). A ce moment, pronucleus màlcs etpronucleus femelles ont déjà profondément modifié leur structure, qui est devenue libreuse longitudinalement (fig. 26 a) et correspond par conséquent à la deuxième phase de division. C'est en cet état que leur copula- tion s'effectue (fig. 27 a et 28 a). Ils s'accolent Pun à l'autre, tantôt par un de leurs côtés, tantôt par une de leurs extrémités. Les mem- branes périphériques se résorbent aux points de contact, et les deux masses fibreuses fondamentales se rapprochent et se confondent sous une enveloppe unique (fig. 28 b). Le nouveau nucleus mixte apparaît toutj de suite (fig. 29 a) dans la seconde phase de division du stade F. Son aspect est celui d'un gros fuseau fibreux longitudi- nalement. La fécondation est complètement achevée. Les six corpuscules de rebut sont assez longtemps à se résorber, et on en retrouve encore quelques-uns jusqu'à la fin du stade F. Revenons un peu en arrière pour tâcher de comprendre un fait, qui, de prime abord, paraît assez singulier. Nous avons vu que, pendant le stade D, deux des quatre nouveaux corpuscules issus de la divi- sion C continuaient à évoluer et se divisaient à nouveau. J'ai con- staté le même dualisme de ce stade chez VEuplotes patclla, et il est fort probable qu'on le retrouvera chez toutes les Oxytrichides et les Euplolides ; tandis que chez toutes les autres espèces étudiées jus- qu'ici nous n'y avons jamais vu qu'un seul corpuscule survivre et évoluer. Cette double survivance d'ailleurs est parfaitement inutile, puisque la division d'un seul corpuscule suffit à la production du pronucleus mâle et du pronucleus femelle, qui sont toujours uni- ques, aussi bien chez les Oxytrichides que chez les autres espèces. Comment alors expliquer ce dualisme chez les premières, dualisme qui aboutit à ce singulier résultat de donner naissance à une troi- sième génération de corpuscules de rebut, quand il semble bien établi, par toutes mes autres observations, que les stades B et C seuls sont destinés à la production de ces corpuscules? Je considère ce LE RAJEUNISSEMENT KARIOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 313 dualisme comme une simple superfétation sans importance et dé- terminée par une cause dont nous avons déjà parlé. Nous avons vu, en effet, chez les Paramécies, que le choix du corpuscule, des- tiné à continuer l'évolution pendant le stade D, était le résultat du hasard de la position. Aucun des quatre corpuscules issus du stade G ne possédait, inhérente à son essence, la faculté de survivre et d'évo- luer; mais cette faculté est donnée à l'un d'eux uniquement par le fait de s'être trouvé placé en un point spécial du corps. Eh bien, je crois que, chez les Oxytrichides et les Euplotcs, au début du stade D, deux corpuscules au lieu d'un se trouvent ainsi placés dans ce point spécial et en subissent l'influence, qui les entraîne l'un et l'autre à une nouvelle division. Si celte influence se fait sentir sur deux et non pas sur un seul, c'est peut-être simplement parce que les développements et les divisions des corpuscules micronu- cléaires se font ici dans un espace beaucoup plus étroit et plus confiné que chez les espèces antérieures, et que les produits de ces divisions demeurent toujours beaucoup plus rapprochés et pour ainsi dire tassés les uns sur les autres. Je présente cet essai d'ex- plication sans y insister autrement. Reprenant maintenant la suite de l'évolution micronucléaire, nous voyons le nouveau noyau de copulation se diviser deux fois pendant les stades F (fig. 30) et G (fig. 31). Mais nous remarquerons avec soin que, pendant ce dernier stade, un des corpuscules, celui placé en avant, devance toujours beaucoup, dans sa mitose, l'autre placé en arrière. Cette observation est importante, car c'est du corpuscule antérieur que dérive toujours le nouveau corps nucléaire, et du corpuscule postérieur, les deux nouveaux micronucleus défini- tifs. En effet, sur la figure 32, au centre du corps et près du cor- puscule postérieur à la cinquième phase de sa division, nous dis- tinguons un petit corps nucléaire d'un diamètre de 4 i^. et demi, de structure finement granuleuse et présentant ainsi tous les carac- tères d'un noyau en voie de développement. Plus en avant, existe un petit corpuscule compact, vivement coloré ; c'est le noyau frère 'SU E. MAUPAS. du précédent. Mais au lieu de continuer à vivre, il va disparaître par résorption. Chez rOnychodrome, il ne se développe jamais qu'un seul nou- veau corps nucléaire, et c'est toujours le postérieur. Nous retrou- vons donc encore ici, nettement accusée, l'influence détermi- nante de la position sur le sort et le rôle des nouveaux éléments nucléaires. Aucun d'eux ne renferme, inhérent à sa nature propre, le principe de son évolution future. C'est au hasard seul de leur naissance, qui les fait apparaître en telle ou telle région du corps des gamètes, qu'ils doivent l'un de se développer en corps nu- cléaire, l'autre de disparaître par résorption, et les deux derniers, de se figer pour ainsi dire et de s'arrêter à l'état de micronucleus. Le cytoplasme ambiant doit bien certainement jouer ici un rôle capital de sélection. Par quelle voie, par quel moyen mécanique ou chi- mique exerce-t-il cette action directrice? C'est ce que je n'essayerai pas de dire, toute base positive nous faisant défaut pour tenter un essai d'explication. Le nouveau corps nucléaire s'accroît rapidement (fig. 33). Lors- que les gamètes en arrivent à se disjoindre (fig. 34), il apparaît déjà avec un diamètre de 13 à 14 [i, et, sur le vivant, produit l'effet d'une tache ronde claire, située au centre du corps. Celui-ci est devenu de plus en plus opaque par le tassement et l'accumulation des granules de zooamylum et des corpuscules d'urate de soude. Les granules de zooamylum* sont de beaucoup les plus nombreux, et c'est surtout à leur présence qu'est dû l'aspect noirâtre opaque des gamètes à cette période de la conjugaison. Ils représentent une substance de réserve, destinée à cire utilisée plus tard, et non pas un produit de combustion, comme le prétendent Biitschli 2 et 1 Dans le cours do co travail, j"ai loujours emiiloyc, pour désigner ces granulcp, le terme zooamylum do préférence à celui de paraglycogèiie, proposé par Butschli. Leur substance, en effet, par tous ses caractères physico-chimiques, les rattache, dans la série des productions amylacées, bien plutôt à l'amidon qu'au glycogènc. (Voir Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. Cil, 18SG, p. 120.) 2 Studien, etc., 1876, p. 209. LE RAJEUN[SSEMENT KAUYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 31b Balbiani *. Bien loin qu'il y ait, chez les Infusoires à l'état de syzygie, une surexcitation des mouvements d'échanges nutritifs, il semble tout au contraire que les phénomènes d'assimilation et de désassi- milation éprouvent, sinon un arrêt complet, du moins un très grand ralentissement. Comment, en effet, expliquer autrement la persis- tance et la survie des gamètes qui, par exemple chez l'Onycho- drome en question ici, doivent, avec une température de 47 à 18 degrés centigrades, passer cinq à six jours sans prendre aucune nourriture? Ces gamètes, comme nous le verrons, décroissent sen- siblement de taille, ce qui prouve que l'usure physiologique agit tou- jours un peu ; mais elles n'en résistent pas moins à ce long jeûne, ce qu'elles ne feraient pas s'il y avait surexcitation et non pas ralen- tissement des mouvements d'échange de matière. En outre, l'exa- men physico-chimique démontre, sans conteste possible, la nature amylacée de ces granules ^, et dès lors, il devient de toute impossi- bilité de les considérer comme des produits de régression orga- nique. Tout récemment (mai 1889), j'ai pu vérifier la même com- position physico-chimique sur les granulations de Stylonichia my- tilus sortant de conjugaison, et j'ose affirmer que l'on retrouvera cette substance de réserve partout où les gamètes prennent cet aspect noirâtre, opaque, pendant les dernières phases de la con- jugaison. A l'appui de cette affirmation, j'invoque ce fait d'obser- vation, que cette opacité se constate surtout, sinon uniquement, chez les espèces soumises à un long jeône après la disjonction. Chez ces espèces, tout l'appareil buccal a disparu et, lorsque le moment de la réorganisation arrive, ces substances de réserve sont utilisées et pourvoient aux échanges de matières nécessaires à cette réorganisation. On peut voir, en effet, le corps des gamètes s'éclaircir beaucoup, simultanément avec la reconstitution de la bouche. Nous sommes donc arrivés au moment de la disjonction. Les ex- conjugués (fig. 35 et 36) contiennent, au centre de leurs corps, un » Journal de micrographie, 1882, p. Ia7. s Archives de zoologie expérimentale, 2" série, t. VI, 1888, p. 219, 316 E. MAUPAS. gros corps nucléaire sphérique, en voie d'accroissement et deux non. veaux nnicronuclcus. L'accroissement du corps nucléaire se conti- nue encore pendant quelque temps, puis tout semble s'arrêter et entrer dans une période de repos, qui durera jusqu'au moment de la reconstitution de la bouche. La durée de cette longue pause est, comme celle de la période de syzygie, sous l'influence de la tempé- rature. En comptant depuis le moment de la disjonction, je l'ai vue se prolonger pendant quatre-vingt-seize heures avec 17 à 18 degrés centigrades, tandis que, avec 24 à 25 degrés, elle ne durait plus que cinquante-quatre à cinquante-six heures et quarante-six heures seulement avec 26 degrés. Le nouveau nucleus subit, pendant cette longue phase, une élaboration particulière dans sa structure intime. Tout d'abord, il avait cet aspect finement granuleux, expression du pelotonne- ment serré et de l'enchevêtrement de filaments d'une extrême finesse et à contours et replis tassés les uns contre les autres. En cet état, il se colorait légèrement et d'une façon diffuse. Plus tard et jusque peu de temps avant la transformation accompa- gnant la reconstitution de la bouche, ces filaments pelotonnés se sont fortement épaissis, et alors on les distingue très nettement dans leurs sinuosités et leurs replis (fig. 38), môme avec un grossisse- ment de moyenne force. Ils se colorent fort peu par les teintures micro-chimiques. Cet état correspond h la phase H^ avec laquelle, on se le rappelle, nous avons également observé des noyaux non colorables chez les Paramécies. Cette phase se termine avec la reconstitution de l'appareil buc- cal, et alors nous entrons dans la dernière phase H*. Plusieurs ex- conjugués que j'ai mesurés à ce moment, avant qu'ils n'aient encore pris de nourriture et recommencé leur accroissement végétatif, avaient des longueurs variant entre 90 et 100 [)., c'est-à-dire au moins 30 à 40 i^ de moins qu'au début de la conjugaison. Simultanément avec la reconstitution de la bouche, le nouveau nucleus éprouve une nouvelle et dernière modification. Il s'allonge LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 317 dans le sens du grand axe du corps, puis s'étrangle en son milieu et forme ainsi un noyau composé de deux corps, reliés par un mince cordon connectif (fig. 39). Ces deux corps nucléaires sont tantôt simples, tantôt coupés en deux par une cloison transversale. Les Onychodromes ex-conjugués, à ce moment, ont dans toutes leurs parties et tous leurs éléments une organisation absolument iden- tique à celle des Stylonichies. Cet état, par une température de 17 à i8 degrés centigrades, dure environ vingt-quatre heures, pendant lesquelles les ex-conjugués se nourrissent avidement et s'accrois- sent. La substance du nucleus est encore peu compacte, mais prend déjà très nettement les teintures micro-chimiques. Elle paraît comme spongieuse et vacuolaire, et certaines parties s'y colorent à peine. Quelques heures plus tard, enfin, ce nouveau nucleus, conti- nuant à s'accroître avec l'Infusoire, reprend la forme typique divi- sée en quatre corps reliés par des commissures (fig. 40). La sub- stance de ces quatre corps nucléaires est devenue plus dense et se colore plus vivement. On y voit encore cependant des régions d'un aspect vacuolaire, remplies par une trame plasmiquenon colorable. L'individu que j'ai dessiné, comme exemple de cet état, avait été sacrifié trente-deux à trente-quatre heures après la réorganisation de la bouche et, par conséquent, était tout près d'effectuer sa pre- mière bipartition fissipare. Il mesurait 195 [x. Les Onychodromes et toutes les Oxytrichides, je crois, se trouvent donc ramenés à leur état d'organisation normale par la simple évolution des organes et sans le concours d'une fissiparité, comme cela a lieu chez les Para- mécies. Cette quatrième phase du stade H, de la réorganisation de la bouche à la première bipartition, varie aussi en longueur sui- vant la température. Je l'ai vu durer treize heures avec 26 degrés centigrades, quinze à seize heures avec 24 degrés, et enfin vingt- cinq heures avec 17 à 18 degrés. Yoici résumé en un tableau les durées horaires des trois périodes signalées au cours du texte, avec les températures correspon- dantes : 24 degrés. 17 degrés. 20 heures. 32 heures, 56 — 96 — 16 — 25 — 92 heures. 153 heures 318 E. MAUPAS. 20 degrés. 1" période 15 heures. 2* période 46 — 3» période 13 — Totaux 74 heures. La première période, on se le rappelle, correspond à l'état de syzygie ; la seconde va de la disjonction à la réorganisation de la bouche, et la troisième de ce moment à la première bipartition. Que devient l'ancien noyau? Son histoire est fort simple. Il se compose, on se le rappelle, de quatre corps unis par des commis- sures. Au début, ces corps nucléaires montrent une structure sim- ple et uniforme. Dès le stade B (fig. 21), la chromatinc commence à se condenser en amas homogènes, formant comme de petits nu- cléoles compacts, disséminés dans la masse nucléaire. Pendant les stades suivants (fig. 22 et suivantes), cette condensation va progres- sant et chaque corps nucléaire paraît alors composé d'une masse centrale compacte et d'une zone périphérique, structurée en une trame fine et légère. Très souvent le corps nucléaire antérieur de la gamète de droite se fragmente en deux parties. Les autres restent toujours simples. Cet état dure ainsi jusquà la seconde phase du stade H, au moment de la disjonction. Alors la condensa- tion devient générale dans toute la substance nucléaire (fig. 34-36). Chaque corps ne représente plus qu'une petite masse de chroma- tine amorphe, vivement colorée par les teintures et dans laquelle existent souvent une ou plusieurs petites vacuoles. Ces masses de chromatine se résorbent peu à peu pendant toute la durée du stade II (fig. 39 et 40) et, lorsque arrive la première bipartition, elles ont complètement disparu sans laisser de trace. Il nous reste maintenant à décrire les mues subies par l'appareil ciliaire au cours de toute cette évolution. Ces mues sont au nombre de trois, en y comprenant celle qui accompagne la première divi- sion fissipare. Elles se font en suivant une marche et un mode d'é- volution presque entièrement semblables à ceux qui sont connus LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 319 depuis longtemps pour les mues concomitantes de la division fissi- pare. Une nouvelle zone adorale rudimentaire apparaît d'abord dans la région médiane du corps de chaque gamète. Cette zone adorale se développe en arc de cercle, et sur l'aire interne embrassée par cet arc croissent et se développent des cirres rudimentaires destinés à remplacer les anciens. La première de ces mues commence pendant le stade E (flg. 25) et, au moment de l'échange despronucleus,on distingue déjà nette- ment les membranelles rudimentaires de la nouvelle zone adorale. Pendant le stade F (fig.29), apparaissent les nouveaux cirres, massés dans l'arc de cercle de la zone adorale. Enfin, pendant le stade G (fig. 32), les bandes intercalaires de cirres marginaux rudimentaires font également leur apparition. Dès lors, tous les nouveaux éléments de la mue sont formés. Il ne leur reste plus qu'à se développer et à remplacer peu à peu les anciens. Cette évolution s'effectue pendant la fin du stade G et le commencement du stade H (flg. 32 et 33). Au moment de la disjonction (fig. 34), elle est presque com- plètement achevée. Nous voyons, en effet, à ce moment, les nouvelles zones adorales, épanouies et remontées en avant, occuper la région antérieure des deux gamètes, tandis que les anciennes membranelles ont presque entièrement disparu. Les nouveaux cirres se sont beau- coup accrus et ont déjà pris la distribution régulière en cirres laté- raux, cirres ventraux et cirres transversaux. Les nouvelles rangées de cirres marginaux ont suivi le mouvement d'accroissement et on ne voit plus en avant et en arrière que quelques-uns de leurs homo- logues anciens. Sur le devant existent encore deux ou trois anciens cirres latéraux et aux extrémités postérieures les vieux cirres trans- versaux et les deux cirres ventraux voisins sont encore présents. Enfin, lorsque la disjonction est complète (fig. 35), tous les anciens appendices ont disparu, à l'exception des cirres transversaux, tou- jours intacts sur une sorte de prolongement caudal. Ce prolonge- ment se résorbe à son tour (fig. 36) et la mue est achevée. Elle dif- fère des mues de division fissipare, en ce que la portion antérieure, 320 E. MÂUPAS. ou frontale de la zone adorale seule se régénère. Les membranelles buccales et la bouche elle-même ne reparaîlrouL que plus tard, à la fin de cette longue période de repos apparent, dont nous avons parlé plus haut. C'est, en efîet, à ce moment que se place la seconde mue, qui doit compléter l'organisation extérieure des ex-conjugués. Cette nouvelle mue (fig. 37) suit une marche semblable à la précédente, avec la seule difTérence que la nouvelle zone adorale rudimcntaire représente uniquement la moitié postérieure de l'arc vibratile, ou autrement dit les membranelles buccales non développées dans la première mue. La moitié antérieure, formée dans la première mue, persiste, en effet, sans changement. Cette nouvelle moitié postérieure vient, en se développant, se relier à la moitié antérieure et l'arc vibratile se trouve complété. Simultanément la bouche et sa mem- brane vibratile se sont reformées. Tous les cirres subissent un second renouvellement intégral. Après l'achèvement de cette seconde mue^ les ex-conjugués se remettent immédiatement à manger. De la troisième et dernière mue, je n'ai rien de particulier à dire, puisqu'elle ne diffère en rien de celles qui accompagnent toutes les divisions fissipares. La première de ces mues, accompagnant la conjugaison chez les Oxytrichides, observée pour la première fois par Stein, niée par Bal- biani, mais nettement réobservée par Engelmann et, depuis lors, acceptée par tout le monde, a été considérée comme un des argu- ments les plus concluants, à l'appui de l'opinion, considérant la con- jugaison comme un phénomène de réorganisation ot do rajeunisse- ment. Leur signification, à mon avis, est tout autre et de bien moindre portée. Je les considère comme de simples régénérations^ semblables à celles qui ont toujours lieu chez les Oxytrichides, lors- que ces Infusoires ont subi quelque grosse lésion. Que l'on coupe en deux une Stylonichie, chacune des moitiés, en se réorganisant en un individu complet, régénérera ses appendices par une mue totale, identique à celles que nous venons de décrire. Les deux mues LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAiMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 321 de la conjugaison sont également de simples régénérations de même ordre et relèvent uniquement de cette faculté spéciale à l'organisme des Oxytrichides. Par le fait matériel de la coalescence des gamètes pendant l'accouplement, leurs appendices ont éprouvé de fortes lésions. Les mues servent h réparer ces lésions et à régénérer les appendices perdus. Il n'y a donc là qu'un phénomène accessoire, sans lien profond avec l'essenceintime de la conjugaison. D'ailleurs, nous n'avons trouvé dans la zyzygie des îParamécies aucun phé- nomène que nous puissions rapprocher de ces mues. Elles sont donc particulières aux Oxytrichides et se rattachent uniquement à l'organisation spéciale de leurs appendices. Voulant m'assurer si lesex-conjugués, au sortir de la conjugaison, jouissaient d'une faculté de reproduction plus élevée que les an- ciennement conjugués, j'ai institué deux cultures d'cx-conjugués et les ai poursuivies et enregistrées, l'une jusqu'à la trente-neuvième génération, la seconde jusqu'à la deux cent cinquante et unième. Simultanément, je cultivais et j'enregistrais les générations issues d'une vieille culture, commencée avec un progénileur non con- jugué. Je n'ai constaté aucune différence dans la marche des géné- rations, sur ces trois cultures. Elles ont même été assez notablement moins rapides chez les ex-conjugués que chez l'autre. Mais je ne vois là qu'une simple différence individuelle, semblable à celles dont j'ai parlé dans un autre travail '. Personne avant moi n'ayant observé la conjugaison de l'Onycho- drome, je n'ai à signaler que ma note des Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences % dans laquelle j'avais résumé les faits décrits avec détails ici. XIV. STYLONiCniA PUSTULATA, OXYTRICHA FALLAX. PL XIX, fig. 1-23. J'ai préparé la Stylonichia pustulata en la tuant avec le sublimé à ' Loc, cit., p. 236. 2 Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CV, 1887, p. ]7o. ABGH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 2» SÉRIE. — T. VU*. 1889. 21 322 E. MAUPAS. 1 pour lOOeten la colorant tantôt par le picro-carmin puis inclu- sion dans le baume du Canada, tantôt par le vert de méthyle aci- dulé et inclusion dans la glycérine. Ce dernier mode de coloration donne des images très nettes et préférables au premier. Il est en outre beaucoup plus expéditif. La St. puslidata est peu favorable à l'étude de la conjugaison et si je n'avais pas eu mes observations sur l'Onychodrome pour me guider, j'aurais été très embarrassé à en démêler toutes les phases. Les difficultés proviennent de plusieurs causes différentes. La pre- mière consiste dans la grande petitesse des micronucleus qui, à l'état de repos, ne mesurent que 3 \j. en diamètre. Leurs produits, pendant l'évolution fécondatrice, sont donc très ténus et difficiles à distinguer. Cette difficulté de visibilité est encore accrue par c fait, que la St. pustulata se conjugue souvent avant épuisement total de la nourriture ambiante et tout en continuant à capturer des proies. Il en résulte que les corps, à moitié digérés de ces dernières, masquent les éléments micronucléaires déjà si peu apparents. Enfin, une troisième cause de difficulté provient de la facilité avec la- quelle cette espèce s'unit entre proches parentes et surtout entre individus affectés de dégénérescence sénile qui, comme nous le ver- rons plus loin, imprime un cours anormal à ces phénomènes. 11 m'est arrivé de trouver des épidémies de conjugaison entières, uni- quement composées de ces dégénérées et de perdre un temps con- sidérable à rechercher inutilement, sur les couples préparés, des éléments disparus par atrophie sénile. Je ne connaissais pas encore ces dégradations par dégénérescence et je n'ai pas oublié le décou- ragement que me causaient ces longues journées où, penché du matin au soir sur le microscope, je ne récoltais pas une seule ob servation. Les corps de toutes les gamètes étaient vides d'éléments micronucléaires. Par compensation à ces difficultés, rien n'est plus aisé que de se procurer des conjugaisons de Si. puslulaia. (Vcst un des Ciliés que l'on rencontre le plus fréquemment à l'état de syzygic. Comme il LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 323 est répandu partout, il suffit d'organiser des infusions avec des dé- bris quelconques, puisés dans des eaux stagnantes, pour l'y voir multiplier, et presque toujours ces cultures se termineront par des conjugaisons, surtout si Ton a soin de faire des préparations sur porte-objet tenues en chambre humide. On peut encore se procurer des couples, en cultivant des isolées provenant d'origines différentes et en effectuant des mélanges deUeurs descendantes. C'est surtout en pratiquant cette méthode que j'ai ob- tenu les accouplements avec lesquels j'ai pu conduire mon étude à bonne fin. J'en ai fait un assez grand nombre au cours des deux longues cultures décrites dans mon travail sur la multiplication des Ciliés*. Les étrangères que je mélangeai avec les Stylonichies de ces longues cultures, étaient prises au hasard dans mes petits aqua- riums. J'en isolais une, je la faisais multiplier, puis j'effectuais le mélange. Il eût été préférable d'isoler dès le début, chacune à part, deux ou trois ex-conjuguées et de faire ces mélanges avec leur? descendantes. Mais lorsque j'entrepris ces expériences, je n'avais pa* encore bien saisi toute leur portée et, depuis lors, je n'ai pas eu le temps de les reprendre. Examinons maintenant ceux de ces mélanges qui furent faits au cours de la culture, dont j'ai publié le journal complet, et qui avait été inaugurée avec une ex-conjuguée. Si nous nous reportons à ce journal, nous voyons que, jusqu'au 26 avril inclusivement, six mé- langes furent eifectués sans donner une seule conjugaison. Les des- cendants de l'ex-conjuguée étaient arrivés, sur ces mélanges, res- pectivement à leur 70", 75% 85", 93% 106" et 120« génération, depuis la conjugaison de leur progéniteur. A partir du 1" mai, c'est-à-dire de la 130° bipartition, commencent les mélanges fé- conds. Les accouplements deviennent fort nombreux avec la 455* et la 164* génération. 3Iais, de ce moment, commence un nouveau fait. Jusqu'alors, les Stylonichies restées sur les préparations' mères » toc. cit., p. 196. Sn E. MAUPAS. non mélangées avaient toujours fini par s'enkyster, ou par mourir d'inanition. On les voit maintenant s'accoupler entre elles; ces accouplements, d'abord peu nombreux, se multiplient beaucoup dès la 174* génération et vont se continuer ainsi jusqu'à la fin de la culture. Ils se produisent encore nombreux à la 307^ génération, c'est-à-dire à la veille de l'extinction de la culture, dont les der- nières survivantes, arrivées au terme extrême de la dégénérescence sénile, périssent quelques jours plus tard, à la 310'^ génération. J'ai isolé, à plusieurs reprises, un assez bon nombre de ces couples ainsi formés de proches parentes non mélangées. Tous ces couples, ainsi d'ailleurs que ceux demeurés sur les préparations mères, ont fini par le dépérissement et la mort des ex-conjuguées. Nous y re- viendrons plus loin, en décrivant la marche de ce dépérissement. 11 résulte donc bien évidemment de ces expériences que, dans le cycle d'évolution des descendantes d'une ex-conjuguée, la maturité karyogamique ne commence à se faire sentir que vers la 130^ généra- tion. Cette maturité, jusque vers les 160'^ à 170^ générations, ne donne lieu qu'à des unions fécondes avec des étrangères. Mais, à partir de ce moment, le besoin de conjugaison surexcité à l'excès, détermine des accouplements, môme entre proches parentes, amenant fatale- ment la mort des conjoints. Tout cela est parfaitement d'accord avec ce que nous avons déjà constaté chez l'Onychodrome. La cause est également la môme et a son origine dans la dégénérescence sénile. La durée de la période de syzygie varie sous l'iniluence de la tem- pératureet en sens inverse de sonélévation. Avecunetempératurede 12 degréscentigrades, je l'ai vue persister pendant trente-neufheures; avec IS^OjVingt-huithcures, et vingt-deux heures seulementavec 18°, 5. Pour apprécier exactement ces chiffres, il ne faut pas oublier que la disjonction est tardive et reculée jusque pendant la seconde phase du stade H. La Shjlonicfiia puslulala ne paraît pas subir une réduction de taille bien sensible, avant de s'accoupler. J'ai mesuré des gamètes dont la longueur variait entre \ 15 et iGO \j.. Ces tailles sont les plus ordinaires LE RAJEUNISSEMENT KAUYOGAiMlQUE CHEZ LES CILIÉS. 325 chez cette espèce à l'état libre. Je ne l'ai, en effet, jamais vue dépasser 165 [i'. Stein parle d'individus de 225 [j-, mais je crois qu'il aura con- fondu quelque espèce voisine. A la fin de la conjugaison, lorsque les gamètes viennent de réorganiser leur bouche et n'ont pas encore pris de nourriture, leur taille a beaucoup diminué. Ainsi, un indi- vidu qui, au début, mesurait 155 \i, n'en avait plus que 120 à ce moment ; il avait donc perdu un peu plus d'un quart de sa longueur, pendant la longue période de jeûne accompagnant sa conjugaison. Ce jeûne avait duré un peu plus de six jours. Les gamètes s'unissent en exécutant les mêmes manœuvres et prenantles mêmes attitudes que celles décrites pour l'Onjchodrome. Inutile donc d'y revenir. Chez la. S tylonichiapustulatay y ai également vu fréquemment des individus, non encore arrivés à leur maturité fécondatrice, se rechercher, en s'affrontant péristome contre péris- tome et se palpant avec leurs cirres antérieurs, puis se quitter et s'é- loigner, sans contracter d'unions définitives. Les gamètes, une fois unies, continuent encore à prendre de la nourriture pendant les premiers stades de la conjugaison. J'en ai observé à l'état de syzygie depuis plus de dix heures et qui dévoraient encore des Cryptochilums. Leur cytoplasme était complètement bourré des corps de ces proies à moitié digérées. J'ai préparé et étudié un très grand nombre de couples et réussi à observer toutes les phases de la conjugaison, presque aussi com- plètement que chezl'Onychodrome. Comme la marche de l'évolution est absolument identique à celle décrite chez ce dernier, je n'ai re- produit dans mes dessins que quelques-unes des phases principales. Je serai également bref dans la description, en me contentant de quelques explications pour chacune de ces figures. Les unions se font presque toujours entre individus ne contenant que deux micronucleus ; une seule fois, j'ai observé une gamète avec quatre. Le nombre deux répond donc à l'état de maturité fécondatrice. Il en résulte qu'on peut considérer cet état de matu- rité comme une première étape de la dégénérescence sénile. .126 E. MAUPAS. Celle-ci, nous le savons, a pour principal effet, chez cette espèce, la réduction graduelle, puis l'atrophie complète du micronucleus qui, chez les individus appartenant à do jeunes générations, est souvent représenté par cinq u six corpuscules. Par cette réduction au chiffre de deux, il a donc déjà subi une très forte dégradation. Ces corpuscules, à l'étal de repos (flg. i), ont la forme de petites sphères, d'aspect compact et homogène, se colorant assez vivement par les teintures et d'un diamètre tout au plus de 3 [x. Pendant lo stade A, ils s'accroissent, en suivant la môme marche que chez l'Ony- chodrome et arrivent ainsi à atteindre un diamètre de 10 [j. (fig. ^2), ce qui représente un volume environ trente fois plus grand qu'au début. Avec la figure 3, nous nous trouvons au stade B^, et avec la figure I au stade E^, c'est-à-dire au moment de la rencontre et de la fusion des pronucleus. Ceux-ci (fig. 4 a et 4 6) ont déjà pris une structure fibreuse et s'unissent, en s'accolant longitudinalement. La figure 5 représente le stade F* et la ligure 6 le stade G, avec lo corpuscule nucléaire antérieur en avance d'évolution sur le postérieur. Les figures 7 et 8 nous conduisent au moment de la disjonction, avec le nouveau nucleus en voie d'accroissement au centre du corps et les micronucleus au nombre de deux à son voisinage. La première mue est presque achevée sur la figure 8, qui représente un individu immédiatement au sortir de la disjonction. Sur la figure 9, au con- traire, nous voyons, avec son aspect vivant et naturel, une ex-con- juguée quarante heures après la disjonction. Le corps, bourré de granules de zooamylum et de corpuscules d'urate de soude, est opaque et noirâtre. Au centre, formant une tache claire, le nouveau noyau, et à côté, deux taches également claires, mais plus petites, répondant aux fragments du nucleus primitif en voie de régression. J'ai reproduit l'individu de la figure 10, parce qu'il nous montre un cas assez fréquent chez la Stylonkhia piistulata. Il contient, en effet, deux nouveaux nucleus et deux micronucleus. Ces cas, avec deux nouveaux nucleus, s'exphquent par la persistance et l'accroissement LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMiQUE CHEZ LES CILIÉS. 327 des deux petits noyaux, issus de la division du corpuscule antérieur pendant le stade G, tandis que, ordinairenient, celui placé en arrière seul continue de vivre, l'autre se résorbant. Plus tard, au moment de la réorganisation normale complète, ces deux corps nucléaires doivent se fusionner. Enfin, les figures H, 12 et 13 nous font voir la dernière phase et la réorganisation à l'état normal, précédée de la seconde mue. Le nouveau nucleus s'allonge, s'étrangle et reprend ainsi la forme typique de l'espèce. La bouche, complètement recon- stituée par la seconde mue, permet àl'ex-conjuguée de recommencer à prendre de la nourriture. L'ancien nucleus se fragmente, suivant les individus, tantôt en trois, tantôt en quatre. Cette fragmentation est déjà achevée dès le stade B (fig. 3). Les fragments se désorganisent et se résorbent exac- tement comme chez l'Onychodrome (fig. 4-8). On en trouve encore quelquefois des traces, presque jusqu'au moment de la seconde mue (fig. 11). Je réunis ici, sous forme de tableau, quelques observations desti- nées à faire voir l'influence de la température sur la durée totale de l'évolution fécondatrice. Je divise celle-ci en trois périodes : la première allant du début à la disjonction; la seconde, de la disjonc- tion à la réorganisation de la bouche; et la troisième, de ce dernier moment à la première division fissipare. ( 120 39 heures. 1" période l IS^o 28 — ( 1803 22 — / 9"6 2o4 — i l|o5 137 — ^'Pé'-iode , ,^„ ^jg _ I605 100 — 13» 34 — 3* période ^ lo" 27 — l Sludien, etc., ]S76, p. 112-121. 2 Journal de mkrogya]ihie, t. VI, 18.S2, p. 117 et 156. ARCn. DE ZOOL. lîXP. ET GÉN. — 2« SÉRIE. — T. VII, !8S9. 22 338 E. MAUPAS. à celle que nous avons constalée chez la Stylonicliia /nislulala. Le nombre deux est très probablement le plus fréquent, et si l'on ren- contre quelquefois des gamètes avec trois à quatre micronucleus, elles sont toujours assez rares. Les corpuscules micronucléaires, retrouvés par Balbiani, modiliés légèrement ou simplement un peu tuméfiés, ne pouvaient être autre chose que des corpuscules de rebut, à des degrés de régression plus ou moins avancés. Les micro- nucleus en voie de division, s'arrètant sans achever leur mitose, sont une pure illusion. XV. EUI'LOTES PATELLA, EUPLOTES CUARON. PI. XIX-XXI, fig. 1-48. VEiiplotes patella, qui m'a servi à cette étude, est la variété eu- ''vjstomm\ de Wrzesniowski. Très commune ici, en Algérie, j'ai pu m'en procurer en grand nombre, en garnissant de petits aquariums avec des débris végétaux, pris dans des eaux stagnantes. Lorsque mes aquariums semblaient s'épuiser et que les Euplotes y deve- naient un peu rares, j'y ajoutais quelques fragments de mie de pain et, quelques jours plus tard, j'obtenais de nouveau une abon- dante multiplication. Pendant six semaines, j'ai entretenu ainsi une riche culture, dans laquelle j'ai puisé tous mes sujets d'ob- servatiou. Mais, pendant ces six semaines, je n'ai pas trouvé un seul couple, tiré directement de cette culture en aquarium. Les Euplotes y étant toujours pourvuesd'une abondante nourriture, ne s'y sont pas conjuguées. Tous les couples étudiés par moi ont été obtenus sur des préparations placées en chambre humide. Tous les jours, je fai- sais quelques-unes de ces préparations, en y déposant un assez grand nombre d'Euplotes. Celles-ci avaient bientôt fait d'épuiser les * Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 227. — A la synonymie proposée à ce renvoi, on devra ajouler VHimanlophorus Charon d'Elironberg qui, j'en ai la conviction, est toujours la même variété d'Euplote. l,E UAJEUNlSSEMEiNT KAUYOGAiilQUE CHEZ LES CILIÉS. 339 aliments disponililes dans cet espace confiné, et alors elles se re- cherchaient et s'unissaient. J'ai eu ainsi des centaines de couples. Les préparations pour l'étude microscopique ont été fixées avec le sublimé à 1 pour 100, colorées au picrocarmin, puis lavées et éclaircies dans la glycérine. J'en ai inclus quelques-unes dans le baume du Canada; mais il donne une trop grande transparence aux éléments micronucléaires qui, à certains stades, deviennent impos- sibles à distinguer dans ce milieu. J'ai pu constater pour cette espèce, comme nous l'avons déjà fait pour plusieurs autres, l'influence des heures de la journée. Presque tous les couples se sont unis aux premières heures du jour. Les couples formés dans l'après-midi ont été fort rares. La période de syzygie varie avec la température. Je l'ai vue du- rer douze heures avec 24 degrés, quinze heures avec 22 degrés et vingt heures avec 20 degrés. La disjonction, s'etiectue rapidement après l'échange des pronucleus, et on trouve fréquemment des ex- conjuguées complètement libres, dès les premières phases du stade F. Elle est toujours achevée avant la fin de ce stade. Cette facilité, cette promptitude à se désunir proviennent de ce que les Euplotes ne se soudent pas entre elles aussi complètement que les Oxytrichides. Les parties en coalescence sont toujours peu éten- dues et la coalescence elle-même assez superficielle. Cette difi'é- rence avec les Oxytrichides s'explique par le mode différent suivant lequel se fait l'échange des pronucleus mâles. Chez les Oxytrichides, ils cheminent et s'échangent, en traversant les parties des corps soudées entre elles. Ici, au contraire, comme nous le verrons plus loin, ils sortent du corps de leur générateur par une ouverture particulière et pénètrent dans celui de leur nouvel hôte par un orifice spécial, après un petit parcours libre entre ces deux points. Dans ces conditions, il n'est pas utile que les corps des deux ga- mètes contractent de larges et profondes coalescences. Lorsque les Euplotes se recherchent, elles s'afi'rontent par leurs extrémités antérieures et on peut les voir souvent, ainsi rapprochées. 340 E. M AU PAS. se toucher et se palper avec leurs cirres antérieurs, pendant assez longtemps, avant de s'unir définitivement. Lorsque cette union s'effectue, elles se renversent l'une sur le dos, l'autre sur le ventre et se juxtaposent ainsi par leurs moitiés gauches (fig. 9 e), péris- tome contre péristome. J'ai mesuré des gamètes avec des longueurs variant depuis 125 jusqu'à 210 [x. Cette dernière longueur étant la taille maximum à laquelle V F uplotes patella atteigne, il en résulte que la conjugaison s'efïcctue sans réduction préalable dans les dimensions du corps des gamètes. Le micronucleus est toujours, sans aucune exception, représenté par un corpuscule unique qui, à l'état de repos (fig. 1 e), est très petit. De forme sphérique, il mesure à peine 3 [x. Sa substance est compacte et d'aspect homogène. Elle se colore bien par les teintures microchimiques. Je crois avoir distingué une membrane périphé- rique; mais, elle est si fine et si délicate, que souvent on hésite pour savoir si elle existe réellement ou non. J'ai reproduit, à un fort grossissement, les diverses formes évolu- tives du micronucleus, caractérisant les cinq phases de chaque stade de division. Les figures 2 e et 3 e représentent la première phase {spircm); la figure 4 e, la seconde phase (aster); la figure 5 e, la troi- sième phase. Cette dernière figure, par le fait, devrait plutôt être classée dans la quatrième phase, répondant au diaster ; mais comme je n'ai pas vu une seule fois un micronucleus à l'état de vraie métaki- nôse, j'ai adopté cette forme pour caractériser la troisième phase. La quatrième [diaster) est représentée par la figure G e et la cinquième [dispirem), par les figures 7 e et 8 e. Avec ces deux dernières figures, on voit clairement comment le tube connectif s'étrangle et s'isole des deux noyaux filles, pour disparaître ensuite par résorption. Chez les Euplotes, le début de la conjugaison n'est pas marqué par un accroissement du micronucleus, comme nous l'avons vu chez toutes les espèces étudiées jusqu'ici. Cet organe entre immé- diatement en division (fig. 9 e) et donne ainsi naissance à deux LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 3U petits corpuscules (fig. 10 e), d'un diamètre de 4 [j,. Ces deux cor- puscules ont la structure ordinaire de la phase spirem (fig. 12 a) ; mais, au lieu d'évoluer immédiatement dans le sens d'une nouvelle mitose, ils conservent cette structure et s'accroissent considérable- ment de volume, puisque finalement ils arrivent à atteindre un dia- mètre de 10 [;- (fig. 12 et 12 b), c'est-à-dire que leur volume est devenu seize fois plus grand. A la fin de cet accroissement, on distingue toujours dans leur substance, avec une position plus ou moins ex- centrique, un petit nucléole très nettement différencié. Cette phase, comme le stade d'accroissement des espèces précédentes, est tou- jours relativement très longue. Aussi, sur les préparations, trouve- t-on de nombreux couples, avec ces deux micronucleus à un état de développement plus ou moins avancé. Le stade A, chez les Euplotes, est donc représenté par une division, suivie d'un accrois- sement des deux produits de cette division. Bien que la forme de cet accroissement soit assez différente de celles étudiées jusqu'ici, elle n'en aboutit pas moins au même résultat, qui est d'augmenter considérablement la substance micronucléaire. Quant à la division préalable du micronucleus, nous verrons plus loin qu'elle se pro- duit également chez la microgamète des Vorticellides, et que, par conséquent, elle ne constitue pas un phénomène anormal et isolé. Après cet accroissement, l'évolution micronucléaire se poursuit comme chez une espèce pourvue au début de deux micronucleus. En effet, pendant le stade B (fig. 13), les deux corpuscules accrus se divisent en quatre et en huit, pendant le stade C (fig. 14 et 15). De ces huit corpuscules, six s'arrêtent ici, se ratatinent et se transforment en corpuscules de rebut, destinés à disparaître par résorption (fig. 16). Cette résorption dure quelque temps, et on retrouve encore trace des corpuscules de rebut, jusque pendant le stade F (fig. 17-22). Les deux autres, au contraire, continuent à évoluer et entrent dans une nouvelle mitose, correspondant au stade D(fig. 17). De ces deux corpuscules persistants, un appartient 342 E. MAUPAS. toujours au groupe antérieur, l'autre au groupe postérieur, formés par l'allongement des tubes connectifs, à la fin du stade G. La mitose du stade D donne naissance à quatre nouveaux corpus- cules, dont doux se ratatinent et disparaissent avec les corpuscules de rebut. Les deux survivants représentent le pronucleus mâle et le pronucleus femelle. Ils s'accroissent un peu et prennent la struc- ture d'apparence granuleuse correspondant à la phase spirem (fig. 18). J'ai essayé de déterminer l'origine de ces deux pronucleus par rapport aux deux corpuscules mères du stade û , mais sans y réussir, avec les préparations dont je disposais. La seule chose que j'aie constaté sûrement, c'est que l'un est toujours d'origine anté- rieure et l'autre d'origine postérieure. Mais dérivent-ils d'un seul et même corpuscule mère, ou bien chacun des deux corpuscules primi- tifs donne-t-il naissance à l'un d'eux? C'est ce que je n'ai pas réussi à voir. Je penche cependant, par analogie avec ce qui a lieu à la fin du stade G, pour la première alternative, et je pense que le corpus- cule antérieur de la mitose D est le seul continuateur de l'évolution, l'autre ne se divisant que par une simple superfétalion, sans impor- tance. D'ailleurs, tout me fait croire qu'ici encore, comme chez lèses- pèces antérieures, c'est le hasard de la position qui décide du sort et de l'avenir des corpuscules. Je n'ai, en effet, jamais constaté chez aucun d'eux la moindre différence de structure, de forme et de vo- lume, pouvant servir d'indice sur des différences dans leur valeur morphologique et physiologique. Au moment de leur formation, ils sont bien certainement parfaitement équivalents entre eux. Ce n'est que plus tard que les uns reçoivent du milieu ambiant l'impulsion qui les pousse en avant, tandis que les autres sont arrêtés, puis ré- sorbés. Ici, le micronucleus et ses produits sont confinés dans un espace si limité, qu'il est assez difficile de dire quel point jouit de cette propriété déterminante, dans l'élection du corpuscule persis- tant. Je crois, cependant, qu'on doit le rechercher vers l'endroit où le pronucleus mâle trouvera son issue, à son départ pour le mou- LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. .143 vement d'échange; c'est-à-dire dans l'aiiglo antérieur gauche de la gamète. C'est donc, suivant moi, un des quatre corpuscules placés dans cet angle, à la fin du stade C qui, par sa position particulière, se trouve prédestiné à servir de générateur aux deux pronucleus. A la fin du stade D, le pronucleus mâle est toujours situé on. avant et le pronucleus femelle en arrière. Ici l'infiuence détermi- nante de la position ressort d'elle-même. Les deux pronucleus ne montrent aucune différence extérieure entre eux. Ce sont de petits corpuscules d'apparence granuleuse et légèrement colorés par les teintures. Leur forme est sphérique, ou un peu ovoïde. Le pronucleus mâle, logé dans l'angle gauche antérieur de la gamète, se rapproche du sommet de cet angle et 1;\ se fraye une issue au dehors, par laquelle il s'étire, en entraînant avec lui une assez forte masse de plasma (fig. 19 et 19 a). Une fois hors de sa gamète mère, il chemine en arrière et rencontre, dans la face ven- trale de la gamète opposée, un orifice de formation récente', dont nous décrirons plus loin la genèse. Il s'enfonce, avec sa masse plas- mique, dans cet orifice et pénètre ainsi dans le corps de son nouvel hôte (fig. 19 b). Tel est le chemin que suit le pronucleus mâle dans sa migration. Suivant moi, la masse plasmique, qui accompagne et enveloppe le pronucleus, est l'agent moteur dans ce mouvement. Elle doit jouer un rôle d'entraînement, semblable à un pseudopode qui sortirait, en s'allongeant, de la première issue, et irait pénétrer dans l'orifice opposé, en entraînant avec lui le pronucleus mâle. D'ailleurs, cette communication pseudopodique, entre l'orifice de sortie et celui de pénétration, peut être établie même assez long- temps, avant qu'elle n'entre enjeu comme véhicule du pronucleus. J'ai, en effet, observé deux couples qui n'étaient encore arrivés qu'en D^, et dans l'orifice de pénétration desquels on voyait déjà un cordon plasmique. ' BuTSCiiLi {Prolozoa,p. 1G11), ne connaissant que mes noies préliminaires, a cru devoir contester l'existence de cet orifice particulier. J'espère que les détails des- criptifs, contenus ici et plus bas, le convaincront de sa réalité. 2U E. MAUPAS. Pour moi, cette masse plasmique accessoire n'a et ne peut avoir d'autre signitication que son rôle de véhicule pour le pronucleus. J'insiste tout particulièrement sur cette manière d'envisager la chose, afin qu'on n'aille pas la considérer comme un élément né- cessaire et important de la fécondation. Les pronucleus seuls jouent ce rôle essentiel; tout le reste n'a qu'une signification secondaire, destinée à les aider à accomplir leur œuvre. Le chemin parcouru par les pronucleus mâles, chez les Euplotes, quelque hizarre qu'il paraisse, est cependant le plus simple et pro- bablement le seul possible, étant donnée l'organisation externe de ces Infusoires. En effet, avec leur tégument durci et consolidé en cuirasse rigide, le passage des pronucleus, à leur sortie et à leur entrée, ne pouvait s'effectuer que par des points spécialement ;pré- parés. Le point de sortie, à l'angle antérieur gauche, par suite de la résorption des membranelles fronto-buccales, qui l'occupaient d'abord, devait offrir une issue facile. Quant à l'orifice de pénétration, il se trouve nécessairement préformé par le mode de développement du futur arc vibratile frontal, comme nous allons le voir plus loin. L'obstacle, présenté par l'état rigide du tégument à la sortie et à l'échange des pronucleus, est donc tourné et évité très simplement. Le pronucleus mâle, dès qu'il a traversé l'orifice de pénétration, ne tarde pas à rencontrer le pronucleus femelle. Celui-ci, en effet, dès sa première apparition, se trouve placé au voisinage de cet orifice (fig. 47-20) et y demeure immobile. Sur aucune de mes préparations, je n'ai observé le contact et la copulation des pronucleus ; mais, à plusieurs reprises, j'ai vu des individus avec un gros corpuscule unique, résultant évidemment de la fusion des deux pronucleus (fig. 20 le conjoint de gauche et fig. 21). Ce nouveau nucleus de co- pulation avait l'apparence granuleuse (fig. 20 rt) de l'état ^pelotonné. La copulation et la fusion des pronucleus s'elfectue donc à cette première phase de la mitose du futur stade F. La disjonction, comme nous l'avons déjà dit, a lieu presque immé- diatement après la copulation pronucléaire et, pendant toutes les LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. M"> phases du stade F, on trouve des gamètes libres et isolées (fig. 22). Pendant le stade F, le nouveau nucleus de copulation se divise en deux (fig. 23) et en quatre pendant le stade G (fig. 24). Dès avant la fin de cette seconde division et lorsque les quatre petits noyaux, qui en résultent, sont encore reliés deux à deux par les tubes connectifs (fig. 24), on peut distinguer ceux d'entre eux destinés à se transformer en nucleus et micronucleus définitifs. En effet, on constate qu'une des deux figures, formées par la réunion de ces petits nucleus et de leur tube connectif,est toujours placée un peu en avant de l'autre et que ses deux corpuscules tendent à s'accroître, tandis que ceux de l'autre, au contraire, se flétrissent et se ratatinent. Plus tard, lorsque les tubes connectifs ont disparu laissant les quatre petits noyaux libres, ceux-ci conservent leurs positions respectives (fig. 25) et on voit alors, d'avant en arrière, un premier noyau d'aspect finement granuleux, puis un petit corpuscule ratatiné, d'aspect compact, ensuite un second noyau semblable au premier et, enfin, un second et dernier corpuscule ratatiné. Des deux noyaux, le second est le futur micronucleus définitif, qui se trouve dès maintenant complètement constitué; le premier repré- sente le futur macronucleus définitif qui, lui, au contraire, va se développer et s'accroître rapidement. Les deux corpuscules ratatinés et en voie de régression se résorberont et disparaîtront, sans laisser de trace. De cette observation, il résulte que, dès la première mitose du noyau de copulation ou division du stade F, les nouveaux macro- nucleus et micronucleus sont déjà virtuellement distincts, et con- tenus dans le corpuscule antérieur de cette division. J'ai constaté cette disposition, sans aucune exception, sur toutes les ex-conju- guées, observées à cette phase. Il est de toute évidence que c'est la position qui a joué le rôle déterminant sur l'avenir des deux petits noyaux issus de la division F. Si, en effet, on les examine à la fin de cette mitose (fig. 23), il est impossible de trouver la moindre dif- férence de volume, de forme ou de structure entre eux. Plus tard, à la fin du stade G, c'est encore la position qui décide que le corpus- .'îîS E. MAUPAS. Cille antérieur continuera à s'accroître et deviendra un macronu- cleus, tandis que le corpuscule postérieur s'arrêtera à l'état de micronucleus. Nous retrouvons donc toujours et parfaitement con- stante cette iniluence de la position. Le nouveau macronucleus, tout à son début, lorsqu'il vient de se détacher de son tube connectif, est représenté par un petit corpus- cule sphériquo, d'apparence granuleuse, d'un diamètre environ de 5 [j. (fig, 25). A ce moment, nous nous trouvons environ trois heures à trois heures et demie après la disjonction, la température étant de 20 degrés. Le macronucleus ne tarde pas à rétrograder de sa position en avant et vient rejoindre le micronucleus (fig. 26). En môme temps, il s'accroît rapidement et atteint des diamètres de 8 [i (fig. 26), 10 IX (fig. 27) et 12 \j. ifig. 28). J'ai vu cette dernière di- mension environ deux heures après le point de départ et cinq heures après la disjonction. En cet état, il se colore d'une façon plus ou moins diffuse par les teintures microchimiques. Plus tard, conti- nuant à s'accroître, il arrive à mesurer jusqu'à 36 [a (flg. 29) et alors se colore peu, ou pas du tout. Son aspect à ce moment, chez les ox-conjuguées à l'état vivant, est celui d'une large tache claire, res- semblant aune vacuole. En outre, on le trouve passé de gauche à droite dans le corps. Il est alors arrivé à la fin de sa période d'accrois- sement et prêt à effectuer la dernière évolution, qui lui fera prendre la forme et la structure normales. J'ai vu arriverce moment cinquante- trois heures après la disjonction, par une température de 24 degrés; soixante-quinze heures, par 22 degrés, et quatre-vingt-cinq heures par 20 degrés. C'est également le moment où les ex-conjuguées reconstituent leur bouche et recommencent t\ prendre de la nourri- ture. Le macronucleus qui, avant cette dernière évolution, avait fou- jours conservé la forme sphérique, s'allonge maintenant peu à peu, en deux sens opposés (fig. 30 et 31) et prend la forme rubanaire caractéristique du genre. Pendant cet allongement, sa substance apparaît peu dense et spongieuse ; mais elle ne tarde pas à se con- LE RAJEUNISSEMENT KAUYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 347 denser, en prenant sa structure normale et définitive. En même temps, elle redevient très colorable. L'évolution du macronucleus est alors complète et le micronucleus va occuper sa position nor- male, en avant à gauche. Les ex-conjuguées ont repris dès ce moment la forme et l'orga- nisation typique de l'espèce. Leur taille seule s'est un peu réduite et elles ne mesurent plus que de 130 à IGO ix. Mais, comme elles re- commencent à manger avidement, elles ne tardent pas à s'accroître et à se préparer à leur première bipartition post-syzygienne, que j'ai vue arriver trente- deux heures plus tard avec une température de 24 degrés, trente-quatre heures avec "22 degrés et jusqu'à cin- quante-six heures avec 20 degrés. Dans ce dernier cas, il a dû y avoir une cause particuhère de retard, qui m'aura échappé. Je résume ici en un tableau, comme pour les espèces précédentes, mes observations sur l'influence delà température. Toute l'évolu- tion fécondatrice est divisée en trois grandes périodes : !° du début à la disjonction ; 2° de la disjonction à la reconstitution de la bouche ; 3° de la reconstitution de la bouche à la première bipartition. 1" période. 2" période. 3= période. Totaux. 20 degrés 20 heures. S5 heures. 56 lieures. 161 lieures. 22 degrés lij — 73 — 34 — 124 — • 24 degrés 12 — 33 — 32 — 102 — L'influence accélératrice de la température apparaît nettement. Que devient l'ancien macronucleus? Il s'étrangle et se divise on fragments. Cette fragmentation peut commencer plus ou moins tôt et, dès le stade G, on observe déjà quelquefois un étranglement dans sa région médiane (fig. U). Pendant les stades suivants, cette frag- mentation s'accuse de plus on plus. Le nombre des fragments peut varier de quatre à six (fig. 22-28). Cette fragmentation s'opère tou- jours par simple étranglement, sans aucune différenciation ni mo- dification d'aucune sorte dans la substance du macronucleus. Le sort final de ces fragments varie suivant deux cas distincts. Lorsque les cx-conjuguées sont bien nourries et que la première 34R E. MAUPAS. bipartition arrive dans le délai le plus court possible, la plupart d'entre eux se désorganisent et disparaissent par résorption. Dans cette désorganisation, leur substance perd sa structure d'apparence finement granuleuse, se condense, devient compacte, et, colorée par les teintures, ressemble à une goutte liquide épaisse et homo- gène, fortement teintée. Kn cet état de régression, ils sont déjà morts. On peut observer des ex-conjuguées, bien nourries pendant leur troisième période, chez lesquelles ces masses nucléaires amorphes existent encore plus ou moins volumineuses et persistent môme quelquefois jusqu'au moment (lig. 34) et après la première bipartition. Mais ces processus de régression n'attaquent pas toujours tous les fragments, surtout chez les ex-conjuguées mal nourries. Dans ce second cas, ces fragments conservent intacte leur structure nor- male et, lorsque le nouveau nucleus s'allonge, en prenant la forme typique de l'espèce, eux-mêmes s'allongent également en rubans qui, tantôt demeurent indépendants (fig. 32), tantôt se soudent avec le nouveau macronucleus (fig. 33) et, réunis ainsi, constituent un macronucleus unique, de forme et de dimensions monstrueuses. Ces monstruosités se régularisent seulement au moment de la première bipartition, par la condensation et la fusion qui s'opèrent dans toutes les parties du nucleus (fig. 34), réunies en une masse unique cen- trale. Je ne crois pas qu'il arrive jamais que tous les fragments survivent et se réincorporent au nouveau nucleus. Mais, d'après l'examen de quelques ex-conjuguées, à nucleus monstrueux, et ramifié, j'ai la certitude qu'au moins trois fragments peuvent per- sister dans certains cas. Cette persistance des fragments de l'ancien noyau n'a rien de surprenant, puisque nous avons déjà fait des observations analogues chez d'autres espèces. Il nous faut encore revenir une fois en arrière, pour suivre les modifications qu'éprouve l'appareil ciliaire pendant la conjugaison. Cet appareil est assez bien connu sans que j'aie besoin d'en don- ner une description détaillée, il me suffira de rappeler qu'il se com- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUK CHEZ LES CILIÉS. 359 pose d'une large et puissante zone adorale, de neuf cirres latéraux, cinq cirres transversaux et quatre cirres marginaux, ces derniers insérés sur le bord de la région postérieure. La première modification consiste dans la destruction de toute la portion de la zone adorale, que j'appellerai buccale. Toutes les mem- branelles de cette zone, depuis l'angle gauche antérieur du corps jusqu'à la bouche, éprouvent une désorganisation complète. Elles sont entraînées à l'intérieur du corps par lambeaux (fig. Ile) plus ou moins volumineux, et là, y disparaissent peu à peu par résorp- tion. Cette désorganisation commence et s'achève pendant la longue phase d'accroissement micronucléaire du stade A. Mais on peut encore retrouver, dans le cytoplasme, des fragments de membra- nelles juqu'au stade D (fig. 16). La bouche elle-même et la rangée de cils prébuccaux qui l'accompagne, subissent le même sort. Après cette œuvre de destruction achevée, il ne reste plus de la zone adorale que la portion antérieare, ou frontale (fig. 12 et suiv.). Celle-ci persiste encore longtemps. En même temps que cette destruction s'elTectue, on voit, à peu près au centre de la face ventrale de chaque gamète, se creuser une ouverture, qui perfore le tégument, sous la forme d'un orifice étroit et oblong (fig. Ile). Le pourtour de cet orifice apparaît, tout d'abord, vaguement strié, à stries convergentes vers le centre. Cette nouvelle production représente, à l'état rudimentaire, l'ouverture de pénétra- tion du pronucleus mâle; elles stries périphériques, les premiers ru- diments d'une nouvelle zone adorale. Ces membranolles rudimen- taires ne naissent pas à la surface externe du tégument, mais sur le plancher d'une fossette, qui se creuse à cet effet au-dessous de lui. Le tégument s'ouvre seulement par un mince orifice, au-dessus de cette petite chambre. Ce mode endogène de développement des membranelles adorales est constant chez VEuplotes paiella, aussi bien dans le cas actuel, que lors de la formation de la zone adorale du rejeton postérieur dans la division fissipare ordinaire. L'orifice de pénétration du pronucleus mâle n'est donc point une création 350 E. MAUFAS. nouvelle, spécialeinenl affectée à la fécondation. C'est, au con- traire, une disposition particulière à la division fissipare et qui est utilisée dans la conjugaison, pour éviter la perforation du tégument rigide. Remarquons encore, que ce développement endogène delà zone adorale, au-dessous du tégument, nous explique la facilité avec laquelle le pronucleus mâle, au début de sa migration, se fraye une issue de sortie, à travers l'emplacement des membranelles détruites. La paroi du corps ne peut, en effet, lui présenter que peu de résis- tance en ce point, et peut-être même, est-ce à la suite du processus de résorption des membranelles, que le plasma de cette région a acquis la propriété de pouvoir se transformer en un pseudopode convoyeur du pronucleus. Suivons maintenant le développement de cette nouvelle zone de membranelles vibratiles. La petite bande striée périphérique ne forme pas un cercle continu, mais ressemble plutôt à un fer à che- val, avec louverture dirigée en avant et à droite (fig. Ile, 12 et 13). Plus tard, vers le stade D, le fer à cheval se redresse, et la bande striée affecte maintenant la forme dun arc très peu courbé (fig. 1-4). L'orifice se trouve un peu déplacé et rejeté 5 l'extrémité postérieure, sur le côté droit. Dès ce moment, les petites membranelles sont bien différenciées, et on peut les voir osciller doucement sur leur base d'insertion. Elles sont toujours recouvertes par une lame tégumen- taire et en communication avec l'extérieur seulement par le petit orifice, long et étroit. Cet état dure, sans modifications bien appa- rentes (fig. 15-i'J), jusqu'au moment de l'échange des pronucleus. Alors l'orifice s'élargit un peu (fig. 20-22). Après la disjonction, la bande vibratile, qui jusque-là avait conservé une position parallèle à l'axe longitudinal du corps, tend de plus en plus à se placer en travers (fig. 22-24). En même temps, la lame de tégument, faisant toit, se résorbe et disparaît. Les membranelles se trouvent donc libres. Elles se développent peu à peu, en s'écartant et allongeant ainsi leur zone. Pendant ce développement, toute la zone est en- traînée graduellement en avant (fig. 25-27]; simultanément, l'an- LE RAJECiNISSEMENT KAllYOGAMIQUH CHEZ LIÎS CILIÉS. 3M cienne bande des membranelles frontales tend à s'efTacei" et à dispa- raître. Ces membranelles rentrent dans le corps, où elles sont résorbées, comme précédemment celles de la portion buccale. Lors- qu'elles ont complètement cédé la place à la nouvelle zone, celle-ci vient occuper toute la portion antérieure du corps, qui se trouve ainsi pourvu d'une zone frontale de nouvelle origine (fig. 28 et 29). De la boucbe et des membranelles buccales, il n'existe encore rien. Avant de passer à leur reconstitution, il nous faut décrire la mue des cirres. Ce n'est qu'au stade C qu'on voit apparaître les premiers rudi- ments des nouveaux cirres (fig. 14 et 15). Ils se développent vers le milieu de l'aire latérale. Tout d'abord, on n'en distingue que trois petits isolés et sortant chacun d'un point d'émergence distinct. A ces points d'émergence, le tégument s'entr'ouvre pour les laisser passer. Un peu plus tard, pendant le stade D (fig. 10 et 17), les points d'émergence sont au nombre de cinq, rangés transversalement côte à côte. Des deux premiers, à droite, sortent deux cirres rudimen- taires, et des trois autres, trois cirres rudimentaires; total, treize nouveaux cirres. Ils sont destinés à remplacer les anciens cirres laté- raux et transversaux, dont le total (neuf cirres latéraux et cinq cirres transversaux) est de quatorze. Nous verrons plus loin comment se complète ce chiffre de quatorze. Ces petits cirres s'accroissent peu à peu, et, dès le stade F, on voit s'effectuer le départ entre les cirres transversaux et les cirres latéraux, les premiers reculant en arrière et les seconds s'avancant vers la région antérieure (fig. 21-23). Si- multanément avec leur accroissement, commence et se continue graduellement la résorption des anciens cirres. Ainsi le dernier cirre latéral de gauche disparaît dès le stade E (fig. 18-20). Son voisin le suit bientôt, pendant le stade G (fig. 2-1). A mesure que les nouveaux cirres latéraux remontent en avant, leurs prédécesseurs dis- paraissent les uns après les autres, d'arrière en avant, pour leur faire place. Ce double mouvement, de résorption d'une part, d'accroisse- ment de l'autre, se continue encore pendant les deux premières 352 E. .MAUPAS. phases du stade H(fig. 25-28), où l'on voit les nouveaux cirres venir occuper peu à peu leur position définitive. Les derniers survivants de l'ancien appareil ciliaire sont deux cirres transversaux, que l'on voit persister encore assez longtemps, pendant le stade H (fig. 28). Des cirres marginaux, les deux de droite, à extrémité fimbriée, seulement disparaissent. Ils sont remplacés par leurs deux congé- nères de gauche, qui s'éloignent peu ;\ peu de leur ancienne posi- tion, pour venir occuper la leur. Eux-mêmes sont renouvelés par deux cirres de nouvelle création, qui apparaissent un peu en avant sur le côté gauche, et, dans leur développement, descendent gra- duellement en arrière (fig. 22-28). En cet état (Jig. 29), l'appareil ciliaire de nouvelle formation, caractérisant la période inerte de re- constitution du noyau, est au complet. Mais il lui manque encore la bouche, les membranelles buccales et un des cirres latéraux anté- rieurs, pour répondre au type normal de l'espèce. Ces parties complémentaires apparaissent et se développent si- multanément avec la dernière évolution du nouveau noyau, pen- dant laquelle lui-môme reprend sa forme normale. On voit d'abord se creuser la bouche, sous la forme d'une fossette, et, à côté d'elle, une zone de membranelles rudimentaires (lig. 30). E'une et l'autre s'accroissent (fig. 31), et finalement la nouvelle zone de membra- nelles buccales va rejoindre et se relier à la zone de membranelles frontales précédemment formée. Le côté droit de la bouche se complète en même temps, ettoutcetappareil péristomique, entrant en fonction immédiatement, dirige vers la bouche un vigoureux tourbillon alimentaire. Le neuvième cirrc latéral se développe ù côté et en arrière du cirre latéral situé le plus en avant et à gauche. Je ne suis pas certain s'il est de création nouvelle, ou simplement un dédoublement de son congénère, près duquel on le voit d'abord très rapproché (fig. 31). Dès lors, le type normal se trouve entière- ment reconstitué, et les ex-conjuguées s'accroissent rapidement en prenant de la nourriture. Chez les Euploles, il n'existe donc qu'une seule mue de l'appareil LE RAJEUNISSEMENT KARïOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 3o3 ciliaire et non pas deux, comme chez les Oxytrichides. La seconde mue, qui accompagne la reconstitution de la bouche chez ces der- nières, manque chez les premières. C'est encore une nouvelle preuve que ces mues ne sont que des phénomènes accessoires dans la con- jugaison et se rattachent à des dispositions particulières dans la structure de l'appareil ciliaire de ces espèces. Chez les Euplotes, comme chez les Oxytrichides, l'état normal se trouve rétabli sans le concours d'une première bipartition flssipare. Celle-ci s'effectue donc comme toutes les autres et n'offre rien de particulier à signaler dans ses phénomènes morphologiques. Elle exige simplement, comme nous l'avons vu plus haut, un temps d'accroissement végétatif antérieur beaucoup plus long. Dans les durées que nous avons fait connaître, et avec les températures con- signées, des Euplotes ordinaires se seraient fissiparées au moins deux fois. J'ai cultivé jusqu'à la vingtième génération une ex-conjuguée et ses descendantes. 11 ne s'est montré, dans la marche de ses géné- rations;, aucune différence avec celle des générations d'Euplotes an- ciennement conjuguées. La conjugaison ne détermine donc aucune suractivité dans l'accroissement végétatif et la division fissipare. A l'époque, où je fis l'étude de la conjugaison de cette espèce, je ne connaissais encore ni les processus de la dégénérescence sénile, ni môme son existence. Je consignai cependant dans mes notes un certain nombre de faits anormaux et d'avortements, qu'à ce moment j'expliquais par des arrêts de développements tératologiques. Mais plus tard, lorsque j'eus appris à bien connaître les effets de la sé- nescence, mes observations s'éclairèrent d'un jour tout nouveau. Ainsi que je l'ai dit au début de ce chapitre, tous les couples étudiés par moi furent puisés dans un seul petit aquarium et succes- sivement pendant six semaines durant. Pendant les quatre premières semaines, toutes les conjugaisons suivirent un cours normal. Mais, pendant les deux dernières, je rencontrai fréquemment des couples, dans lesquels un, où les deux conjoints n'avaient point formé d'ori- ARCII. DE ZOOL EXP. ET GÉN. — 2= SÉRIE. — T. VII. 1889. 23 334 E. MAUPAS. fice de pénétration et de nouvelle zone adorale (fig-35 et 36). Il est de toute évidence que, dans ces conditions, le pronuclcus mâle n'avait pu pénétrer et que, par conséquent, la fécondation n'avait pas eu lieu. Ce défaut de fécondation n'empêche pas le pronucleus femelle de commencer à continuer seul son évolution. Ainsi, sur la figure 35, arrivée au stade F% nous le voyons, dans la gamète de droite, gonflé avec une auréole rayonnante dans le cytoplasme ambiant. C'est Tunique cas, parmi les milliers d'observations faites par moi sur les diverses espèces de Ciliés, dans lequel j'aie vu le cytoplasme sembler prendre une part apparente et figurée à l'évolution des éléments micronucléaires. Dans la figure 36, arrivée à la fin du stade F, la gamète de droite n'a également pas été fécondée et, cependant, son pronucleus femelle, après s'être divisé une première fois, est sur le point d'achever une seconde division; tandis que son conjoint fé- condé finit seulement sa première division nucléaire. Enfin, avec la figure 37, nous voyons une ex-conjuguée récente non fécondée et dont les produits du pronucleus femelle passent à une troisième division. Ces gamètes non fécondées finissent toujours par périr. Voici, en particulier, l'histoire d'un couple isolé, dont une gamète fécondée et l'autre non fécondée. Après la disjonction, la première évolua régulièrement, achevant normalement sa mue et reconstituant toutes les parties de l'appareil ciliaire, à l'exception, bien entendu, de la bouche et des membranelles buccales. Je la sacrifiai trente-huit heures après la disjonction et lui trouvai un nouveau noyau, me- surant déjà 25 \}., un micron ucleus et deux fragments de l'ancien noyau. La seconde, au contraire, se montra maladive depuis le moment de la disjonction. Elle restait immobile, dans une position renversée, comme si elle eût perdu la faculté de se tenir en équi- libre. On aurait pu la croire morte, si on n'eût pas vu de temps à autre s'agiter quelques-uns de ses cirres. La mue ciliaire s'était ef- fectuée régulièrement, en ce qui concerne les cirres; mais, tout na- turellement, l'ancienne zone de membranelles frontales ayant suivi LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 355 le mouvement de résorption des anciens cirres, rien n'était venu la remplacer et toute la région antérieure du corps avait disparu (fig. 38), Il en résultait pour cet individu une forme ratatinée et triangulaire. Je le sacrifiai également trente-huit heures après la disjonction et lui trouvai deux gros corps nucléaires nouveaux, mais de structure anormale. Leur substance avait un aspect peu dense et spongieuse. A côté d'eux, on voyait quatre fragments de l'ancien noyau. J'ai suivi plusieurs fois à l'état vivant et jusqu'au bout des individus atrophiés, comme le précédent, et les ai toujours vu, après plusieurs jours, finir par périr et disparaître par dissolution totale de leur être. Ces anomalies sont fort curieuses, en ce qu'elles prouvent que les pronucleus isolés et non fécondés n'ont pas encore perdu toute faculté évolutive. Mais cette faculté conduit seulement à des multi- plications qui demeurent sans résultat. Leurs produits sont inca- pables de se développer et s'arrêtent fatalement dans leur évolution. Il leur manque un primum movens, que la fécondation, par copulation et fusion de pronucleus d'origines différentes est seule capable de leur imprimer. Aussi les individus, dans lesquels s'effectue cette évo- lution avortée, ne recevant plus l'action impulsive et directrice d'un noyau régénéré, ne tardent pas à s'atrophier complètement et à périr. Cette mort est donc le résultat d'une véritable énucléation par suite de fécondation avortée. La cause de cet avortement, selon moi, doit être attribuée à la dégénérescence sénile. Je ne possède malheureusement pas d'expé- riences sur les processus de la sénescence chez cette espèce, pour donner des preuves indiscutables à Tappui de cette manière de voir. Mais, comme je l'ai dit plus haut, ces conjugaisons avortées n'ont commencé à apparaître qu'assez tard, c'est-à-dire lorsque la bonne période de maturité karyogamique devait déjà s'épuiser. En outre, ces avortements sont caractérisés par une prolifération de l'élément micronucléaire, phénomène observé dans la dégénérescence sénile de la Stybmkhia mytilus et d'une Oxytriche* et par l'arrêt de déve- 336 E. MAUPAS. loppemenl de la nouvelle zone vibralile frontale, phénomène égale- ment observé dans la'sénesccnce de la Stylonichia pustulata et de VOnycliodromm grandis^. Il existe entre tous ces faits une concordance qui semble in- contestable et, jusqu'à preuve du contraire, je considère les conju- gaisons avortées, observées par moi en assez grand nombre, comme s'étaut produites chez des individus atteints d'un commencement de dégénérescence sénile. Euplotes charon. — Je n'ai point fait une étude complète de la conjugaison de cette espèce. Je tiens cependant à communiquer mes observations, parce qu'elles serviront de contrôle et de confir- mation pour celles de l'autre Euplote. La marche de l'évolution fé- condatrice est, en effet, absolument identique chez les deux espèces. V Euplotes charon, observée par moi, est la forme d'eau douce. Je me contenterai de passer rapidement en revue les quelques figures que j'ai données. Chez cette espèce, comme chez la précédente, le micronucicus est toujours unique et représenté par un corpuscule sphérique encore plus petit. Avec la figure 39, nous nous trouvons à la division prélimi- naire du stade A . La figure 40 représente la seconde période du même stade, ou période d'accroissement, vers sa iin, lorsque les deux cor- puscules micronucléaires ont atteint leur plus grand développement. Cet accroissement est considérable, puisque ces corpuscules, partant d'un diamètre de 3 [.»., arrivent à en mesurer 7 ; c'est-à-dire sont doveniis douze à treize fois plus volumineux. Un observe également un petit nucléole dans leur substance. Cette période dure fort long, temps ; car, sur les préparations, on trouve de nombreux couples y correspondant. Tout cela est, on le voit, parfaitement identique avec ce que nous avons déjà décrit chez V Euplotes patella. La ligure 41 représente un couple à la fin du stade B, chez un des conjoints, et au commencement du stade C, chez l'autre conjoint. ' Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 215 et 224. 2 Loc. cil., p. 210 et, 2-21. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 357 A côté et en arrière des éléments micronucléaires, on aperçoit la nouvelle zone rudimentaire de membranelles frontales et l'orifice de pénétration pour le pronucleus mâle. Les premiers rudiments des nouveaux cirres commencent aussi à se développer. Avec la figure 42, nous sommes arrivés au moment précédant la sortie des pronucleus mâles. Ils sont placés à l'angle antérieur gauche des gamètes, prêts à se frayer une issue au dehors. Les pro- nucleus femelles se trouvent en arrière, au voisinage de l'orifice. A côté de chacun d'eux, on distingue deux corpuscules de rebut. Les nouveaux cirres rudimentaires se sont multiphés. En 43 et 43 a les pronucleus mâles, à la fin de leur migration, pénètrent dans l'orifice. Les pronucleus femelles attendent à côté. En 44 est représentée la phase suivante, après la copulation et la fu- sion des pronucleus en un noyau unique, qui, par son gros volume, dénote immédiatement son origine binaire. Son apparence est fine- ment granulée. Les nouveaux cirres continuent à s'accroître et les anciens commencent à disparaître. Avec la figure 45, nous sommes à la fin du stade F, le nouveau nucleus de copulation divisé en deux. La figure 46 représente une ex-conjuguée, récemment disjointe et déjà arrivée à la fin du stade G. On y voit quatre corpuscules, dont deux encore reliés par un tube connectif ; ce sont les futurs micronucleus et macronucleus définitifs. Les deux autres corpuscules sont ratatinés et envoie de résorption. L'ancien macronucleus s'est fragmenté en trois tron- çons. La mue des cirres se continue et la nouvelle zone frontale tend à se développer. Avec la figure 47, nous nous trouvons à une phase un peu plus avancée. Les nouveaux macronucleus et micro- nucleus sont placés l'un à côté de l'autre et nettement différenciés. La nouvelle zone frontale est remontée presque jusqu'à l'extrémité antérieure et, en arrière, on ne distingue plus que quelques-unes des anciennes membranelles. La mue des cirres est de plus en plus avancée. Enfin, avec la figure 48, nous voyons le nouveau macro- nucleus déjà fortement accru. La mue des cirres est complètement 358 E. MAUPAS. achevée, et l et 5^, le micronucleus atteint à son maximum de développement. Il sest étiré en un long fuseau irrégulier et la substance plasmique interne s'est condensée, en un cordon épais et compact, autour duquel on distingue quelques traînées grêles et floconneuses. Ces formes allongées se condensent ensuite en fuseaux fibreux, caractérisant ainsi la seconde phase de la mitose du stade B (fig. 6). Lorsque ces fuseaux se présentent debout, verticalement, ils sont assez difficiles à distinguer et ont l'apparence d'un corpuscule sphé- rique, à granulations fines et peu serrées (fig. 6, microgamète). Ils se divisent en deux (stade B), et leurs produits, par une nouvelle division (stade C), donnent naissance à quatre corpuscules chez la grande gamète et à huit chez la petite (fig. 7-9). On remarquera sur les figures, que, jusqu'à ce moment, les éléments nucléaires et 366 E. iMAUPAS. micronucléaircs do la macrogamète étaient rassemblés en amas, placés dans la région antérieure du corps, au-dessous du disque vibratile et, par suite, loin de la région postérieure, où se trouve iixée la microgamète. 11 se produit alors un phénomène particulier, ayant pour but de rapprocher les éléments nucléaires de la macrogamète de ceux de la microgamète. Je n'ai pas suivi sur le vivant ce phénomène chez la V. monilata. Mais, à l'aide des ligures d'individus morts et des ob- servations sur le vif faites chez la V. nebulifera, j'en puis rétablir la marche. La Vorticelle commence par fermer sonpéristome, en se contractant énergiquement et d'une façon définitive. Puis, alors, il se produit une grande accumulation d'eau entre la paroi supérieure du corps, le disque vibratile et jusque dans le tube vestibulaire (fig. 10-16). Cette eau forme une vacuole de très grand volume qui, avec le concours de la compression générale, causée par la contrac- tion du péristome, refoule en arrière tout le contenu du corps. Je n'ai pas constaté directement par quel mécanisme se fait cette ac- cumulation d'eau, mais je crois qu'elle provient de la vacuole con- tractile. Celle-ci, malgré la fermeture du péristome, continue ses pulsations et déverse dans le vestibule l'eau, qui dialyse perpétuel- lement à travers le cytoplasme, par suite de l'osmose entre ce dernier et le milieu extérieur. Les éléments micronucléaires des deux gamètes se trouvent donc ainsi rapprochés les uns des autres, et ne sont plus guère séparés que par l'épaisseur de la paroi commune des corps. Un d'entre eux, de chaque côté, vient s'accoler à cette paroi, en se plaçant l'un vis-à- vis de l'autre (lig. 10). Dans cette position, ils prennent un accrois- sement assez notable. Simultanément, les autres corpuscules, au nombre de trois chez la macrogamète et de sept chez la microga- mète, disparaissent, en se résorbant sans laisser de trace. Jusqu'ici, les deux gamètes et les deux corpuscules persistants sont séparés les uns des autres par une paroi commune. Celle-ci ne tarde pas ii disparaître, soit qu'elle se déchire iious la pression LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 367 de plus en plus grande de la vacuole refoulante, soit plutôt qu'elle s'eiTace par résorption. Dès lors, le contenu des deux gamètes entre en communication, et les deux corpuscules persistants se trouvent en contact (lig. 11). A ce moment, ils se présentent sous l'aspect de fuseaux fibreux, répondant par conséquent à la seconde phase d'une mitose. Cette nouvelle mitose (stade D) se poursuit effectivement chez les deux corpuscules placés côte à côte et parallèlement. Pendant les phases quatre et cinq de cette mitose, les tubes connectifs repoussent en arrière, dans l'intérieur de la microgamète, deux petits [noyaux qui demeurent toujours écartés et séparés l'un de l'autre. Les deux petits noyaux antérieurs, au contraire, s'accolent de plus en plus intimement, et finissent par se souder l'un à l'autre, pour se fusionner ensuite complètement (fig. 12-16). Cette fusion repré- sente la copulation des pronucleus mâle et femelle, un des noyaux provenant de la macrogamète, l'autre de la microgamète. Quant aux deux petits noyaux postérieurs, ils se désorganisent bientôt (fig. 16) et disparaissent par résorption. La fécondation est achevée. Constatons, encore une fois ici, l'influence déterminante de la po- sition, sur le rôle et la destinée des éléments microiiucléaires. Dans la mitose du stade D, quatre petits noyaux sont produits, parfaite- ment identiques entre eux de forme, de volume et de structure (fig. 14). Les deux restés en avant, dans le corps de la macrogamète, se rapprochent, se soudent, se fusionnent et continuent à évoluer. Les deux autres, refoulés en arrière, dans le corps de la microga- mète, tendent à s'écarter l'un de l'autre, se désorganisent et dispa- raissent. Quelle action dirigeante règle ces destinées si différentes ? Selon moi, elle provient du milieu ambiant, ou autrement dit du cytoplasme, qui doit jouer dans tous ces phénomènes un rôle actif, rôle dont les processus et le mécanisme échappent malheureuse- ment à nos moyens d'investigation. Malgré cela, nous voyons par- tout l'intervention active de cet agent. La formation et le dé- veloppement de la vacuole refoulante en sont encore une preuve 3G8 E. MAUPAS. manifeste. Le cytoplasme, comme élément matériel et morpholo- gique, n'a aucune part dans la fécondation. Mais c'est lui qui en dirige la marche, et, sans son concours, les éléments fécondateurs ne réussiraient pas à suivre le chemin si compliqué qu'ils ont à parcourir. Les pronucleus s'élant copules et la fécondation étant achevée, la vacuole refoulante devenue inutile se vide. Le cytoplasme de la macrogamète remonte en avant et celui de la microgamète, suivant ce mouvement, passe dans le corps de la macrogamète, abandon- nant au dehors sa membrane tégumentaire. Celle-ci se ratatine et se déforme (fig. 17 et 18), puis, après un temps plus ou moins long, se détache ettombe dans l'eau, où elle se perd. Le nouveau nucleus mixte de copulation apparaît immédiatement sous l'aspect d'un fuseau fibreux (fig. 16), répondant à la deuxième phase d'une mitose. Les pronucleus mâle et femelle étaient déjà, en effet, en voie d'évolution mitosique, pendant leur rapprochement et leur fusion. Cette nouvelle mitose continue son cours (stade F, fig. 17) et est suivie de deux autres (stades -^ct _, fig. 18-22), à la fin desquelles la Vorticelle renferme huit nouveaux petits corpus- cules nucléaires , tous semblables entre eux (début du stade H, fig. 23). De ces huit corpuscules, un arrête ici son évolution, s'allonge en fuseau et revêt la forme et le caractère d'un micronucleus (fig. 24). Les sept autres, au contraire, arrondissent leurs contours et se met- tent à s'accroître rapidement. Tout d'abord, on distingue encore dans leur intérieur quelques fibres pâles, restes de l'état fibreux gé- néral antérieur (fig. 24). De fines granulations sont disséminées entre ces fibres. Celles-ci disparaissent plus tard avec l'accroisse- ment des nouveaux corps nucléaires (fig. 25), tandis que les granu- lations se multiplient et donnent un aspect plus compacte aux cor- puscules. Cet accroissement se continuant toujours, la membrane périphérique se trouve détachée et isolée de la masse centrale par LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIES. 369 une zone claire (lig. 26). La masse plasmique est devenue encore plus dense et plus compacte. En cet état, si les Vorticelles sont bien nourries, elles sont prêtes à effectuer leur première bipartition. Je ne l'ai pas observée directement, mais j'ai trouvé l'une à côté de l'autre les deux Vorticelles représentées figures î27 et 28, l'une avec quatre corps nucléaires, et la seconde avec trois seulement. Il est de toute évidence que ce sont deux rejetons sœurs, provenant de la première bipartition. Le micronucleus s'est divisé également en deux. Les fragments de l'ancien nucleus sont bien moins nombreux dans ces deux rejetons que dans les autres Vorticelles avec sept corps nucléaires. Il y a, en effet, eu un partage par moitié. Enfin, j'ai encore observé l'individu représenté figure 29, avec deux gros corps nucléaires et un micronucleus. Il n'y avait plus trace de fragments nucléaires primitifs. Cet individu était évidemment le résultat d'une seconde bipartition d'une ex-conjuguée, réduite à trois ou à quatre corps nucléaires par la première bipartition. Ces gros corps nucléaires se colorent vivement par les teintures, et, à leur centre, on voit un nodule plus compact. La membrane périphérique est très distincte. Je n'ai pas suivi plus loin le développement de cette espèce et le retour du nouveau nucleus à la forme normale et typique. Il ne nous reste plus qu'à dire ce que deviennent les anciens ma- cronucleus. Nous les voyons commencer à se fragmenter par simple étranglement, dès les débuts du stadeA(fig. 2). Cette fragmentation s'accentue rapidement de plus en plus et les pulvérise, pour ainsi dire, en une poussière de corpuscules minuscules, qui persistent jusqu'à la première bipartition (fîg. 2-28). Ceux de la microgamète sont toujours un peu plus petits que ceux de la macrogamète. Finale- ment, tous ces petits fragments disparaissent par résorption (iig.29). Vorlicella nebulifera. — Mes observations sur cette espèce, moins complètes que chez la précédente à certains égards, leur servent cependant de complément sur quelques points assez importants. Je n'ai point suivi directement la formation des microgamèles. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. VII. 1889. 24 370 E. MÀUPAS. Mais, comme dans l'épidémie de conjugaison, où j'ai puisé mes ma- tériaux d'étude, je n'ai pas observé une seule division inégale gem- miforme, semblable ù. celles de la V. microstoma, j'en conclus que, chez la V. nebulifera, les microgamètes sont le résultat d'une simple division égale qui, pour les individus de grande taille, se répète peut-être une seconde fois. Le micronucleus, encore plus petit que celui de la V. monilata, lui ressemble entièrement pour la structure et la conformation. J'ai observé nombre de fois la phase d'accroissement du stade A (fig. 46). La syzygie représentée ici était pourvue de deux microga- mètes. Ces cas de double accouplement, chez cette espèce, ne sont pas rares, et j'en ai rencontré plusieurs. La figure 47 représente B'j la figure 48, C^ ; et la ligure 49, D^ Sur cette dernière, nous voyons les deux corpuscules micronucléaires persistants en voie d'accrois- sement, et placés face à face, au point de soudure des conjoints. Dans la microgamète, on distingue encore trois des corpuscules de rebut en voie de régression. Les figures 40-45 doivent venir s'intercaler ici. Elles représentent, observée sur le vivant, la période des stades D et E, ou période de fécondation. Ces figures ont toutes été esquissées d'après une même syzygio, suivie sans interruption depuis sept heures du matin jusqu'à une heure du soir. La figure 40 représente la syzy- gie à sept heures et demie, avec son péristome complètement épanoui et sa double couronne ciliaire, produisant un éner- gique tourbillon alimentaire. A sept heures trois quarts (fig. 41), se produit un changement considérable. Le péristome commence à se fermer et, les cils devenus immobiles, le tourbillon alimen- taire s'arrête. Cet état dure environ trois quarts d'heure, pendant lesquels on voit de temps à autre le péristome s'ouvrir brusquement, pour se refermer à moitié immédiatement. A huit heures et demie (fig. 4!2), le péristome est entièrement fermé d'une façon définitive. Dans le sinus, existant entre sa paroi interne ot le disque vibratile, commence à s'accumuler de l'eau. On dislingue encore les cils vi- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 371 brailles, qui s'agitent lentement clans ce milieu liquide, et paraissent en voie de résorption. La microgamèle qui, à la phase antérieure, avait déjà commencé à s'allonger, est devenue encore un peu plus longue et amincie. On distingue sans peine les fragments nucléaires dans son intérieur. A neuf heures (fig. 43), l'accumulation d'eau a transformé le sinus et le vestibule, qui lui fait suite, en une spa- cieuse vacuole, refoulant en arrière tout le contenu du corps de la macrogamcte. A neuf heures trois quarts (fig. 44), la grande vacuole a disparu. Le péristome est cependant encore contracté. Au-dessous de lui, le sinus est représenté maintenant par une simple fente, dans laquelle on voit un grouillement de cils vibratiles. Ces derniers ont un aspect rudimentaire et bien certainement sont d'origine nou- velle pour remplacer les anciens, qui se sont résorbés pendant les phases antérieures. Tl y a donc là une mue de l'appareil vibratile, mue que l'on peut comparer à celle que nous connaissons chez les Oxytrichides. Le vestibule lui-même, placé à droite sur la figure, est représenté par une petite cavité^ à côté de la vacuole contractile. Celle-ci puise très lentement et irrégulièrement. La microgamète commence alors à se vider. Le passage de son contenudans le corps de la macrogamète se fait d'un mouvement lent et dure un bon quart d'heure. Le tégument de la microgamète se contracte et se rétrécit, à mesure que le transvasement s'effectue. A dix heures un quart, le péristome se rouvre, mais les cils ne sont pas encore complètement réorganisés, lis restent la plupart du temps immobiles, et, quand ils entrent en mouvement, ils produi- sent une seule ondulation qui, partant d'une extrémité de la spirale, se propage successivement et lentement jusqu'à l'autre extrémité, puis ils rentrent au repos. Peu à peu ces ondulations se succèdent de plus en plus fréquemment. Enfin, à dix heures trois quarts, les cils reprennent toute leur activité et rétablissent le tourbillon ali- mentaire. J'assiste à la formation du premier bol alimentaire. A onze heures (fig. 45), le corps est déjà rempli de nombreux bols alimentaires. Le bourrelet péristomique porte de nombreuses dente- 372 E. MAUPAS. lures, qui très probablement persistent jusqu'à la première bipar- tition, car je les ai encore vues plusieurs heures plus tard. J'ai également constaté leur présence chez tous les individus, après la réouverture du péristome. La microgamète, complètement ratatinée, est réduite à l'état d'un long boyau étroit, couvert de longues et minces épines. Ce boyau est composé uniquement par le tégument, et les épines correspondent à ses plis transversaux. Ce débris de la microgamète reste encore ainsi attaché pendant deux à trois heures, puis tombe dans l'eau et y disparaît. Ces observations ont été faites par une température de 45 à 16 de- grés. Elles nous prouvent que, chez cette Vorticelle, la préhension des aliments, pendant la conjugaison, cesse seulement durant trois heures (de sept heures trois quarts à dix heures trois quarts). Cette cessation n'est évidemment causée, que par l'adaptation particuHère du péristome, à la formation d'une grande vacuole refoulante et par la désorganisation de l'appareil vibratile, qui en résulte. La mue n'est donc qu'un phénomène accessoire, consécutif de cette adap- tation. Revenant maintenant à la suite de l'évolution micronucléaire, nous voyons dans la figure 50 un individu en F^, dans la figure ot ni un individu en , avec le squelette de la microgamète encore atta- ché à son flanc, et dans la figure 32 un autre individu en — Nous passons ensuite à la ligure 53, qui nous conduit au début du sLade H, avec huit corpuscules, dont un ayant déjà pris la forme et l'aspect d'un micronucleus; les sept autres au contraire se trans- forment en corps nucléaires en voie de s'accroître. Avec la ligure 54-, nous trouvons cet accroissement déjà fort avancé, et les ligures 55 et 56 nous montrent la première bipartition en voie de s'efl'ectuer. Sur la première, l'étranglement annulaire du corps est encore peu avancé et les deux micronucleus de chaque moitié sont reliés par un long tube connectif, développé à la suite de la division du micro- nucleus unique primitif. Sur la seconde, la division est presque LE RAJEQNISSEMENr KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 373 entièrement achevée, un des rejetons emportant avec lui quatre des nouveaux corps nucléaires et l'autre trois. La figure 37 nous conduit à une phase plus avancée : cet individu, issu d'une première bipartition, contient quatre gros corps nu- cléaires, pourvus chacun d'un ou deux nodules centraux. Les frag- ments du nucleus primitif ont complètement disparu. La figure 58 nous représente un état, que nous avons déjà vu chez la V. monilata. 11 n'y a plus que deux gros corps nucléaires. Cet individu se trouve évidemment après la seconde bipartition. Enfin, avec la figure 59, nous voyons une dernière phase, pendant laquelle un corps nu- cléaire unique s'allonge en ruban, pour reprendre la forme typique de l'espèce. Nous sommes arrivés au point extrême de cette longue évolution. Les nucleus primitifs, comme chez l'espèce précédente, se frag- mentent dès le début de la conjugaison (fig. 46). Ces fragments persistent jusqu'au moment de la première bipartition (fig. 50), puis disparaissent sans laisser de trace. Vorticella cucuUus, Fromentel. — Ce n'est pas sans une certaine hésitation que j'ai déterminé ainsi l'espèce, dont nous allons nous occuper maintenant. Mais comme, entre toutes les Yorticelles dé- crites et figurées par les auteurs, celle de Fromentel me paraissait lui ressembler le plus exactement, je lui ai emprunté sa dénomina- tion spécifique. D'ailleurs, si d'autres observateurs en étudient la conjugaison après moi, ils pourront toujours la reconnaître au mode particulier de fragmentation des deux nucleus primitifs. Faute de place, je n'ai pas reproduit les croquis des stades ob- servés par moi. Je n'en ai d'ailleurs vu que quelques-uns. Je vais donc me contenter de les énumérer dans leur ordre de succession. J'ai rencontré une syzygie en B'^ avec deux micronucleus dans la microgamète et un seul dans la macrogamète. Nous pouvons donc en conclure que, chez cette espèce comme chez les précédentes, le micronucleus de la petite gamète se divise en deux, par une mitose préliminaire à son accroissement. Ensuite, j'ai observé les stades C' 374 E. MAUPAS. et G^, ce dernier avec huit corpuscules niicronucléaires semblables dans la petite gamète et quatre dans la grande; les stades F^ et H'. Chez ce dernier, on comptait sept corps nucléaires, en voie d'ac- croissement et un micronucleus, comme chez les espèces déjà étu- diées. Les macronucleus primitifs se fragmentent dès le début de la conjugaison. Mais cette fragmentation ne conduit plus h une pulvé- risation de cet organe. Les fragments sont toujours relativement très volumineux (fig. 02) et je ne les ai pas vus dépasser le nombre de sept. Chez certains individus, il n'y en avait même que trois. J'ignore le sort de ces gros fragments et ne saurais dire s'ils dispa- raissent en totalité par résorption, ou si quelques-uns d'entre eux persistent et se fusionnent plus tard avec le nouveau noyau. Sur la figure 62, j'ai reproduit un cas anormal, dans lequel on comptait seize nouveaux corps nucléaires. Cette anomalie n'est très probablement que le résultat d'une réduplication de la mi- tose -î 2 Vorlicella micro&toma. '— Mes observations sur cette espèce sont encore moins complètes que pour la précédente. J'ai suivi la formation des microgamètes par division inégale gem- miforme. Les auteurs qui ont observé ce phénomène, le consi- dèrent comme un véritable cas de bourgeonnement, mais selon moi, à tort. Il n y a point bourgeonnement d'un nouvel individu sur la mère; mais simplement division inégale de celle-ci. Les pro- cessus, que suit le nucleus dans cette division, démontrent cette ma- nière de voir. 11 se condense, en effet, d'abord au centre du corps do la Vorticelle primitive, comme cela a lieu chez toutes les Vorticellcs pendant la division. Ensuite, il s'allonge transversalement, mais d'une façon irrégulière, c'est-à-dire que le prolongement, du côté de la prétendue gemme, est toujours moins volumineux et moins épais, que celui du côté opposé. Finalement, il s'étrangle selon la ligne d'étranglement du corps des deux rejetons. Le micronucleus, LE RAJEUNISSEMENT KAllVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 375 également, suit, dans sa division, une marche absolument identique à celle des divisions ordinaires. Rien, dans tout cela, ne ressemble à un bourgeonnement. p De la conjugaison, je n'ai observé que le stade -, avec quatre cor- puscules en voie de division, et le stade H d'unefaçon assez complète. A son début, on trouve dans le corps de la Vorticelle huit petits cor- puscules semblables, finement granuleux et peu compacts. Plus tard, un de ces corpuscules a pris le caractère d'un micronucleus, pendant que les sept autres s'accroissent et se transforment en corps nucléaires (fig. 60). J'ai rencontré toutes les phases de cet accroisse- ment, puis des individus résultant des première, deuxième et troisième bipartitions et necontenant plus que quatre, deux et finale- ment un de ces corps nucléaires, devenus de plus en plus volumineux, à mesure que leur nombre décroît. Enfin (fig. 61) j'ai observé des individus avec ce corps nucléaire unique s'allongeant en ruban, et en voie de reprendre la forme normale et typique de l'espèce. L'ancien nucleus se fragmente ; mais, en suivant une marche un peu difi'érente de celle que nous connaissons par les espèces précé- dentes. Il commence par s'étirer en longs et minces rubans sinueux, contournés sur eux-mêmes et remplissant presque tout le corps de leurs nombreux replis. Cet état rubanaire peut persister fort tard, puisque je l'ai encore rencontré presque intact .jusqu'au stade G. Finalement, il se résoud en un grand nombre de petits fragments disséminés dans le corps. Ces fragments, à leur tour, persistent à l'état isolé, fort longtemps, et on en retrouve encore d'intacts tout à la fin de l'évolution, après la troisième bipartition (fig. 61). Ils ont alors un aspect particulier et ne ressemblent nullement à des frag- ments envoie derégression. Ils secomposent tous d'un nodule cen- tral, compact, et d'une zone périphérique moins dense d'apparence et structurée normalement. Ces petits fragments peuvent quelque- fois être rassemblés en masses plus volumineuses de même structure (fig. 60, a) et pourvues d'une membrane périphérique, isolée par 376 E. MAUPAS. une zone claire hyaline. Pour moi, ces fragments nucléaires per- sistent et finissent par se réunir el s'incorporer avec le nouveau nu- cleus. Je n'ai pas vu directement une de ces incorporations ; mais les nodules, que nous voyons dans le nouveau noyau de la ligure 61, ne peuvent avoir une autre origine et proviennent de fragments ré- cemment incorporés et non encore complètement fondus dans la masse générale. J'ai, d'ailleurs, observé ces nodules dans d'autres nouveaux nucleus, non encore allongés en ruban. Nous aurions donc, chez la Vorticella microstoma, un phénomène de persistance de l'ancien nucleus semblable à celui que nous avons décrit chez le Paramecium caudal um. Vorticella putrina, O.-F. Miiller. — Cette jolie petite espèce marine ne paraît plus avoir attiré l'attention d'aucun observateur, depuis le vieux micrographe danois. En tout cas, la forme que S. Kent donne comme synonyme, n'a aucun rapport avec elle. Les microgamètes se forment par division binaire égale. J'ai observé des individus, au stade H, avec sept corps nucléaires et un micronucleus ; puis d'autres individus avec quatre, trois et deux corps nucléaires de plus en plus volumineux. L'ancien nucleus se fragmente de très bonne heure en très petits fragments, qui semblent persister assez longtemps. Peut-être môme quelques-uns d'entre eux finissent-ils par se réincorporer au nouveau noyau. Carchesiumpolypinum. — Cette grande espèce coloniale est une des plus favorables pour l'étude de la conjugaison, et si je n'ai pas réussi à en suivre l'évolution complète, cela tient au nombre fort restreint que j'en ai eu à ma disposition. Quand on a un grand nombre de colonies avec syzygies, rien n'est plus aisé que d'en isoler sur des porte-objets non couverts, tenus en chambre humide et ensuite de les tuer et préparer successivement, à des heures espacées convenablement, pour avoir chance de rencontrer tous les stades. Le mode de formation des microgamèles, par divisions binaires LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 377 égales répétées, est bien connu aujourd'hui. Mais, comme Balbiani, je n'ai vu que des rosettes de quatre petits individus, tandis que Stein et GreefF prétendent en avoir observé de huit. Le micronucleus est relativement plus volumineu.K que chez les espèces de Vorticelles, décrites plus haut. La forme et la structure sont toujours les mêmes, c'est-à-dire celles d'un fuseau, composé d'une membrane périphérique et d'une masse centrale compacte (fig. 30, macrogamète). La longueur du fuseau est de 7 \j. et son diamètre équatorial de 2 [t.. Lorsqu'un de ces fuseaux se présente verticalement, il apparaît comme un petit corpuscule sphérique. Le mode de fixation de la petite gamète sur la grande a été très bien décrit par Balbiani. Elle s'attache d'abord sur le pédoncule de cette dernière, un peu au-dessous de l'insertion du corps (fig. 30), puis elle remonte peu à peu sur un des côtés de la région postérieure du corps et alors se soude intimement avec lui (fig. 31). On ren- contre quelquefois deux microgamètes unies à une seule macroga- mète (fig. 32). Dès que la petite gamète s'est attachée au pédoncule de la grande, et avant même d'être en contact avec le corps de celle-ci, son mi- cronucleus entre en évolution mitosique (fig. 31), pour se diviser en deux. Cette division préliminaire, spéciale à la microgamète, est donc constante, chez toutes les Vorticellides étudiées par moi. Viennent ensuite le stade d'accroissement A (fig. 31), les stades de division B (fig. 32) et C (fig. 33), et, à la fin de ce dernier, huit cor- puscules dans la microgamcte et quatre seulement dans la macro- gamète. Je n'ai rien observé des stades D,E et F ; mais, avec les figures 34 p et 35, nous nous retrouvons au début du stade , la première portant sur le côté le tégument vide de la microgamète, la seconde contenant encore deux des corpuscules de rebut, en voie de régression. La figure 36 répond au stade —et les figures 37, 38 et 39, aux premières phases du stade H, tout d'abord avec huit corpuscules fusiformes 378 E. MAUPAS. semblables ; ensuite, sept de ces corpuscules arrondis en corps nu- cléaires, le huitième conservant la forme de fuseau, ou de micro- nucleus, et, en dernier lieu, les corps nucléaires assez notablement accrus. Je n'ai pas rencontré d'états plus avancés. Inutile de faire remarquer combien toutes ces observations concordent parfaitement avec ce que nous avons décrit chez les espèces précédentes. Quant aux anciens nucleus, nous les voyons commencer à se fragmenter dès le stade A (fig. 31). Ces fragments, d'abord assez volu- mineux, se subdivisent à leur tour et toute la masse du nucleus ne tarde pas à être réduite en un amas de petits corps sphériques (fig. 32 et suiv.). N'ayant point observé les dernières phases de l'évolution complète, je ne saurais dire ce qu'il advient en dernier lieu de cette poussière nucléaire ; mais je suis très disposé à croire qu'elle disparaît en totalité par résorption. Résumons maintenant l'ensemble de ces observations sur les Vor- ticellides. Les phénomènes essentiels de l'évolution fécondatrice paraissent avoir une uniformité complète chez les espèces de ce groupe. Partout où il nous a été donné de l'observer, nous avons constaté l'existence de la division préliminaire du micronucleus, chez la petite gamète; puis la série ordinaire et normale des stades, que nous avons appris à connaître, chez les autres Ciliés. Cette série se termine toujours par trois divisions postérieures à la fécondation, donnant naissance à huit nouveaux corpuscules nucléaires, dont un se transforme en micronucleus. Chez toutes les espèces, nous avons vu l'état normal se rétablir après trois bipartitions. Toute cette évolution ne diffère en rien d'essentiel de celle des autres Ciliés. Nous y retrouvons les mômes stades et les mêmes phases, se suc- cédant dans le môme ordre. Le dimorphismc des deux gamètes, lui-môme, n'affecte, en rien d'essentiel, cette concordance. L'une et l'autre, au point de vue de la karyogamie,ontune organisation équi- valente et jouent, l'une par rapport à l'autre, un rôle parfaitement identique. Rien, dans leur origine, ne les distingue l'une de l'autre. Les divisions successives et répétées, déterminant la petite taille des LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 379 microgamètes, peuvent être rapprochées de ce qui se passe, chez cer' taines espèces, comme la Leucophre et le Didinium, pour les deux gamètes. L'une et l'autre possèdent un micronucleus hermaphrodite, jouissant des mêmes propriétés évolutives et donnant par consé- quent naissance à des produits complètement équivalents*. Cette si- mihtude de rôle et de destinée s'arrête seulement au moment de la fécondation, c'est-à-dire après la première moitié de ces processus. A partir de ce moment, la microgamète est frappée de stérilité et, après avoir apporté un concours actif à la régénération et au rajeu- nissement de son conjoint, elle ne bénéficie pas de cet acte suprême de la fécondation. Les pronucleus mâle et femelle, qui lui échouent en partage, se trouvent comme paralysés, et au lieu de s'unir et de continuer leur évolution, entrent dans une voie de régression et dis- paraissent. La substance elle-même de la microgamète perd son indi- vidualité et, par une véritable copulation des cytoplasmes, va se perdre et se confondre avec celle de la macrogamète. Cette absorp- tion et cette fusion ne peuvent avoir ici d'autre signification que celle d'un aliment, s'incorporant et s'assimilant au corps de la ma- crogamète, pour contribuer à son accroissement végétatif. Malgré l'identité et l'équivalence parfaite d'organisation, le rôle de la microgamète est donc, on peut le dire, un rôle de sacritice complet et d'abnégation. Pourquoi cette différence avec la macro- gamète? On pourrait être tenté d'en rechercher la cause dans l'état de fixation des Vorticellides. Mais cette raison n'est pas suffisante, car j'ai observé certains acinétiens, tout aussi fixés et encore plus immobiles que les Vorticelles, et dont cependant les deux con- joints poursuivaient jusqu'au bout leur évolution fécondatrice dans des conditions semblables et finissaient par se disjoindre et se sé- parer, après s'être fécondés et rajeunis réciproquement. La vérita- ble cause de cette différence nous échappe pour le moment, et, très probablement, ne se laissera saisir, que lorsque nous connaîtrons 1 JiCKELi [Zoologischer Anzeiger, t. VII, 1884, p. 49o) a observé chez ['Ophrydium versatile des oonjngaisoiis cnlre micrognmètes. 380 E. MAUPAS. bien l'évolution fécondatrice, chez un plus grand nombre de types qu'aujourd'hui. Historique. — 11 ne nous reste plus qu'à passer en revue les tra- vaux antérieurs. Je profiterai de l'occasion, pour résumer toutes les recherches faites sur les Vorticellides, môme à propos d'espèces non étudiées par moi. Dans cet historique, je ne m'occuperai que de la conjugaison gemmiformeet laisserai complètement de côté les phénomènes qu'on a baptisé du nom de conjugaison latérale entre individus égaux. Je n'ai jamais observé un seul cas de cette conju- gaison latérale et ne pourrais donc en parler que d'après les autres. Du reste, elle n'est encore bien connue que dans ses phénomènes extérieurs. Sa véritable signification s'éclaircira seulement, lorsqu'on saura comment lesnucleus et micronucleus des conjoints se compor- tent. Le peu que nous en savons par Stein ', laisse cependant sup- poser que cette conjugaison latérale entraîne à sa suite des phéno- mènes internes, semblables à ceux que nous connaissons dans la conjugaison gemmiforme inégale. Si l'avenir venait à confirmer cette conjecture, nous devrions considérer les cas assez rares, où cette conjugaison latérale se manifeste encore aujourd'hui, comme une réminiscence, ou plutôt comme une survivance de la forme pri- mitive, sous laquelle toutes les Vorticellides s'accouplaient autre- fois. La conjugaison gemmiforme représenterait seulement une forme d'origine secondaire et dérivée, à laquelle les Vorticellides se seraient, dans leur évolution phylogénique, adaptées peu à peu, pour répondre à quelque nouveau besoin. Mais, je le répète, actuelle- ment nous ne pouvons parler de ces phénomènes qu'avec la plus grande réserve, car il pourrait encore bien se faire qu'ils relèvent de la tératologie, plutôt que de la physiologie normale des Ciliés. La conjugaison gemmiforme, prise par les anciens observateurs pour une multiplication par bourgeonnement, est connue depuis longtemps. D'après Claparède ^ Spallanzani la décrivait déjà en 1876. < Der Organismus, t. Il, 1867, p. 114. ' Éludes, Ole, 2c partie, p. 237. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LHS CILIÉS. 381 Ehrcnberg, sur la planche XXVI de son grand ouvrage, figure assez exactement une syzygie de Carchesium polypinum. Plus tard, Busch représente également ' un accouplement de la Tnchodinn pediculus. Claparède et Lachmann en observèrent chez une dizaine de Vorti- cellides, appartenant aux genres Voiiicella, Carchesium, Zootham- m'u77i, Epistylis et Cothurnia ^, et suivirent très exactement la forma- tion des microgamètes de V Epistylis plicaiUis. Mais c'est à Stein que revient l'honneur d'avoir reconnu et dé- montré la véritable nature de ces prétendus bourgeonnements. Il étudia ce phénomène par une longue série d'observations, publiées dans le second volume de son grand ouvrage ^ et le constata chez dix-sept ou dix-huit espèces, appartenant à divers genres de la grande famille des Vorticellides. La formation des microgamètes, leur co- pulation et leur fusion avec la macrogamète y sont très exactement décrites. Malheureusement, il ne sut rien voir de l'évolution interne des éléments nucléaires. Aussi, ses interprétations sont-elles entachées d'erreurs capitales. C'est ainsi que la microgamète est censée jouer un rôle de mâle, et la macrogamète, celui de femelle ; que le nucleus de la première doit produire des éléments fécondateurs qui, en s'unissant avec le nucleus de la seconde, transforment celui-ci en un placenta, ou embryogène, dans lequel se développent des sphères germinatives qui, finalement, deviennent des sphères embryonnaires. Ces dernières, comme les recherches antérieures de Balbiani per- mettaient déjà de le supposer, et comme celles d'Engelmann l'ont démontré plus tard, étaient des parasites, vivant ù l'intérieur des Vorticellides. Engelmann s'est occupé à deux reprises de la conjugaison gem- miforme. Dans son premier travail *, il décrit la forme extérieure des syzygies de cinq espèces, appartenant aux genres Epistylis, Car- 1 MuUer's Archiv, 1855, p. 360, pi. XIV, fig. 3. « Lqc. cit., p. 174 et 230, pi. VII, fig. 14 et 15. ' Der Organismus, élu., t. il, 1807, p. 99-140. * Zeïl. f. wiss. Zoologie, t. XI, 1801, p. 370 cl suiv. 382 E. MAUPAS. chesium, et Zoothamnium. Dans le second ', il nous donne quelques bonnes observations sur la conjugaison de la Vorlicella microsloma iii âcVEpistylis piicatilts. l\ n suivi très exactement la formation dos microgamctcs, par division binaire inégale gemmiforme chez la première espèce, et par division binaire égale, répcléc deux fois chez la seconde. Il a également vu la copulation de ces petites ga- mètes avec les grandes. Ses observations sur l'évolution interne sont très incomplètes. Il a bien vu la fragmentation des nucleus, mais il va jusqu'à nier l'existence du micronucleus. Malgré cela, ou reconnaît sur ses figures (pi. XXII, fig. 3-10) les dernières phases de la conjugaison de la Vorticella mkrostoma ; mais la véritable ori- gine des nouveaux corps nucléaires lui échappe totalement, puis- qu'il les fait dériver des fragments de l'ancien noyau. Kn 1870, Greeff publia - quelques observations intéressantes, sur quatre espèces des genres Vorticella, Fpistijlis et Carchesium. Il reconnut exactement la formation des microgamètes, par division binaire simple chez les Vorticelles et par division binaire répétée deux ou trois fois, dans les deux autres genres. Leur copulation et leur fusion avec la macrogamôte sont bien décrites, mais il n'a rien vu de l'évolution interne. Everts, en 1873 ^ suivit les phénomènes extérieurs de la conju- gaison chez la Vorlicella ncbulifera, sans rien voir des phénomènes internes. Ses interprétations, sur les causes et la signification de ce phénomène, ne supportent pas l'examen. En 1873, Balbiani fit connaître quelques observations sur la con- jugaison du Carchesium pohjpinum''. Il suit exactement la formation des microgamèles et leur copulation, puis leur absorption par la macrogamèle; mais les phénomènes internes lui demeurèrent à peu près inconnus, à part la fragmentation du nucleus, duquel il fait 1 Mor-pUologischei Jahrbuch, t. I, 1876, p. 578 et 621, pi. XXI, fig. 16-22 et XXII. ^ Archiv fur Naturgeschichte, 1870, t. II, pi. V, VI et VII; M., 1871, t. I, p. 208-214. 3 Zeit. f. wiss. Zoologie, t. XXUI, 1873, p. 575, pi. XXX, fig. 44-47. * Comptes rendus de C Académie des sciences^ t. LXXXI, 1875, p, 676. LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 383 dériver les nouveaux corps nucléaires de la fin de la conjugaison. Ses interprétations sont donc complètement erronées. Enfin nous arrivons au travail de Biitschli ', dont les observations ont porté sur les Vorticetla campanula, V. nebulifera et Carchesium polypinum. De la première espèce, il n'a vu que des phases extrêmes après la première (fig. d), la seconde (fig. 3) et même la troisième bipartition (fig. 2). Chez les deux autres espèces, les premiers stades lui ont entièrement échappé. Ses figures b qX c répondent au stade - et toutes les autres aux diverses phases du stade H, ainsi qu'aux première, seconde et troisième bipartitions et au retour à la forme normale du nouveau nucleus. Malgré le décousu et l'incom- plet de ces observations, l'ingénieux micrographe a très bien inter- prété les faits constatés, et ses observations sur les Carchesium, à la fin du stade H et pendant les bipartitions qui lui succèdent, se rattachent admirablement aux miennes, en leur servant de complé- ment. Je ferai une seule critique, au sujet du nombre de quinze nouveaux corps nucléaires qu'il admet comme chiffre normal ini- tial. Il n'a observé qu'une seule fois ce nombre et a vu au contraire un grand nombre d'individus avec sept corps nucléaires seulement. Ce dernier chiffre est le nombre normal, qu'on retrouve chez toutes les Vorticellides. Le nombre quinze était une anomalie, comme celle que j'ai décrite chez la Vorticella putrina. Au sujet du nouveau micronucleus, Biitschli s'est totalement trompé sur son origine. Il nous reste encore à examiner deux mémoires récents de Plate. Dans le premier ^ l'auteur s'occupe de l'accouplement de la Spiro- chona gemmipara. Bien qu'il n'y ait pas de différence de taille entre les deux gamètes, l'une d'elles joue cependant un rôle identique à la microgamète des Vorticelles et se fusionne entièrement avec l'autre. Les observations de Plate, sur l'évolution des éléments nu- cléaires, sont très incomplètes et bien certainement erronées sur 1 Studien, etc., iHlG, p. 126, pL X, fig. 1-3 et p. 232 et suiv., fig. a-m. 2 Zeit. f. wiss. Zoologie, t. XLIII, 188G, p. 203 et 215, pi. VI, (ig. 19-30. 384 !•:. .MAUPAS. beaucoup de points. Il fait fusionner entre eux, et deux à deux, d'une part, les nucleus, et d'autre part, les micronucleus des deux gamètes. Les anciens noyaux seraient intégralement conservés, sans production d'un nouveau nucleus de rajeunissement. Tout cela me semble complètement improbable et je crois même reconnaître, sur sa figure 28, ce nouveau nucleus marqué d'un x et indiqué comme une vacuole. On peut donc le dire, l'histoire des phénomènes internes est encore tout entière à faire pour cette espèce; aussi je n'insisterai pas plus longtemps sur les considérations à perte de vue que Plate échafaude sur des observations aussi défectueuses. Je me contenterai de relever un de ses procédés de raisonnement. Il a besoin, pour sa théorie, de l'existence d'Infusoires dépourvus de micronucleus, et n'ayant pas su voir (ce qui cependant n'est pas difficile) ceux des Stentors, il conteste mes observalions, confirmées cependant par Gruber. Dans son second mémoire', Plate a étudié la conjugaison de deux Lagenophrys et d'un Epistylis, vivants sur les branchies du Gamma- rus pulex. A tort ou à raison, il décrit ces trois formes comme nou- velles. Ses observations sur leur conjugaison sont très incomplètes et très mauvaises. Il confond des phases de la conjugaison (fig. 32, 33 et 34) avec la production de microgamètes par division inégale gemmiforme. Il n'a rien vu de toute l'évolution micronucléaire, car ce qu'il décrit et figure comme fuseaux micronucléaires, chez les Lagenophrys (fig. 38 et 39), sont quelques-uns des produits ultimes de cette évolution, déjà transformés en noyaux de rajeunissement, en voie d'accroissement. D'après lui, son Epistylis simulans serait com- plètement dépourvu de micronucleus, et ses nouveaux noyaux de rajeunissement dériveraient des fragments de l'ancien macronu- cleus. Au mois de juin 1888, j'ai publié moi-même une note prélimi- « Zoologische Jahrbucher, t. ill, 1888, p. 163-167, 168-171, pi. IV, fig. 32-45. LE RAJEUNISSEMENT IvARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 385 naire S résumant mes observations, décrites en détail dans le présent chapitre. XVII. ACINÉTIENS. J'avais d'abord eu l'intention de publier ici, avec tous les détails et toutes les figures nécessaires, mes observations sur la conjugaison des Acinétiens ; mais comme je n'ai pas encore réussi à voir une évolution micronucléaire sans lacune cl que les phases principales de la formation et de la copulation des pronucleus me manquent, je réserve cette pubUcation pour plus tard. Mais, afin qu'on ne puisse plus» comme l'ont fait quelques auteurs, interpréter la conjugaison des Acinétiens comme un phénomène d'une nature différente de celle des Ciliés, je vais donner ici un résumé très succinct de ce que j'ai pu voir jusqu'ici. Mes observations ont été faites sur la Podophrya fixa et sur la Podo])knja cyclopum. Leurs gamètes s'unissent et se soudent l'une à l'autre par des prolongements ou excroissances, naissant en un point quelconque de leur corps; mais, chez la première espèce, il y a disjonction après la fécondation, tandis que, chez la seconde, il y a fusion complète et définitive entre les deux gamètes, sans que rien extérieurement désigne l'une plutôt que l'autre à un rôle de microgamète. Chez les deux espèces, les gamètes sont pourvues d'un micronu- cleus unique. J'ai observé, chez la Podophrya cyclopum, le stade d'ac- croissement A, puis les stades B, C, le début de D, F, G et presque toutes les phases de H. Le plus souvent, un seul des quatre petits corpuscules nucléaires semblables, du début de ce dernier stade, se développe et se transforme en noyau de rajeunissement; quelquefois cependant j'en ai vu deux. Des autres corpuscules, je crois, sans en avoir la certitude, qu'un seul également persiste à l'état de micro- nucleus, le ou les deux autres se résorbant. Les deux anciens noyaux se désorganisent et disparaissent. Chez la Podophrya fixa, j'ai ob- ' Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CVI, p. 1607. ARCH. DE ZOOI.. EXP. ET GÉN — 20 SÉRIE. — T. VII. 1889. 25 386 E. MAUPÂS. serve les stades A, B, G et II. Pendant ce dernier stade, je n'ai jamais vu qu'un seul nouveau corps nucléaire et un seul micronucleus. Je ne serais donc pas étonné que la seconde division du nucieus mixte de copulation, correspondant au stade G, ne se produise pas chez cette espèce. L'ancien noyau se désorganise et disparaît. Je n'ai pas besoin d'insister pour démontrer combien tout cela concorde parfaitement avec la conjugaison des Ciliés. Il est donc inutile de vouloir rechercher, chez les Acinétiens, un type de conju- gaison sans micronucleus. Dans les cas où quelques auteurs ont cru à l'absence de cet organe, nous pouvons affirmer qu'ils n'ont pas su le voir. Il est, en effet, toujours beaucoup plus tenu que chez les Giliés et sa substance se colore fort peu par les tein- tures microchimiques. De là, avec d'autres causes qu'il serait trop long d'énumérer ici, les grandes difficultés de sa mise en évidence. Elles sont, en effet, si grandes, que je considère l'étude d'une de ces conjugaisons d'Acinétiens, comme une des recherches les plus péni- bles qu'un micrographe puisse entreprendre. Schneider ^ et Plate - sont les seuls auteurs qui, dans ces der- nières années, se soient occupés de la conjugaison des Acinétiens. Ils ont fait leurs observations sur le Denârocometes paradoxus et le Slylocometes digitata ^ Celles de Plate sont un peu moins incom- plètes que celles de Schneider. Ni l'un ni l'autre n'ont su voir le micronucleus de leurs animalcules; aussi n'ont-ils rien compris à ce phénomène. Ils ne craignent pas d'affirmer la non-existence de cet organe. Cependant les deux corps, marqués de la lettre k sur la ligure 17 de la planche VI de Plate, démontrentirréfutablement l'exis- tence d'un micronucleus, chez le Denârocometes paradoxus. Ces corps représentent, en effet, de nouveaux noyaux de rajeunisse- 1 Tablelles zoologiques, t. I, 1886, p. 82-84, pi. XIX et XX. » Zeit. f. wiss. Zoologie, t. XLIII, 1886, p. 191-197, pi. VI, fig. 14-18, et Zoologischc Jahrbiicher, t. III, 1888, p. 152.1 3ii, pi, III, fig. lo-l'J. » Ce genre a été créé en 1867 par Steiii {Der Organismus, t. II, p. 144). Les nou- veaux noms Asdiicola, proposé par Plate, et Pericomctes, proposé par Schneider, sont doue inutiles. LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 387 ment en voie d'accroissement, lesquels ne peuvent dériver que de la copulation d'un pronucleus mâle et d'un pronucleus femelle. 11 était donc inutile de recourir à une théorie de cristallisation nucléaire (Plate), pour expliquer l'origine du nouveau noyau, ou bien, nou- veau phénix, de le faire renaître de ses propres débris (Schneider), Malgré l'opinion contraire de ces observateurs, une continuité, entre le micronucleus primitif et le nouveau noyau de rajeunissement, existe bien certainement aussi parfaite et absolue, chez ces Aciné- tiens, que chez tous les Ciliés étudiés par nous. XVIII. LE MICRONUCLEUS, SA GÉNÉRALITÉ ET SA MITOSE. Le micronucleus est l'organe essentiel de la fécondation, chez les Ciliés et les Acinétiensi.On peutdonc, apriori, affirmer saprésence universelle et permanente chez tous les membres de ces deux grou- pes, où l'on observera des conjugaisons suivant une évolution sem- blable à celle que nous avons décrite dans les pages précédentes. Cependant les plus grandes divergences régnent entre les auteurs, au sujet de l'existence de cet organe, qui est tantôt affirmée, tantôt contestée, et cela quelquefois chez une seule et même espèce. Ces désaccords ont pour cause la grande difficulté que présente souvent la constatation de ce petit organe. Chez beaucoup d'es- pèces, il est, en effet, des plus difficiles à distinguer, et les meilleurs observateurs se sont souvent vus obligés d'avouer leur impuissance. Une des plus grandes causes de ces difficultés provient de l'extrême petitesse à laquelle les corpuscules micronucléaires descendent assez souvent. Prenons comme exemple le micronucleus du Ble- pharisnia latcritia, qui est peut-être un des plus difficiles à recon- 1 Suivant Bergii {Morphologisches Jalirbuch, t. VII, 1881, p, 258), un Péridinien, le Polykrikos auricularia, posséderait également de trois à six micronucleus. L'ob- servation du savant danois semble bien exacte, car il a vu plusiraurs fois ces corpus- cules à l'état de fuseaux fibreux, eu voie de division mitosiqiie. Actuellement, ce Péridinien est l'unique Protozoaire, en dehors des Ciliés et des Acinétiens, chez lequel cet organe ait été constaté. 388 E. MAUPAS. naîLrc.BalbianiJc premier', aflirme son oxislcncc cl le ligure à l'état de repos et à l'état de division. Mais, chose surprenante, surtout dans le second état, il n'en aperçoit qu'un seul accompagnant le noyau. Après lui, Engelmann et Stein déclarent que, malgré tous leurs efforts, ils n'ont pas réussi à en distinguer la moindre trace, Biitschli également -, sur les individus ordinaires, ne parvient pas à l'apercevoir ; mais, chez les individus en syzygie, pendant la phase d'accroissement du stade A, il en voit toujours un nombre multi- ple, qui peut s'élever jusqu'au chiffre de onze. Ce nombre multiple est, en effet, normal et constant. J'ai réussi à m'en assurer sur des individus non conjugués, colorés par le vert de méthyle acidulé. Ces micronucleus ont la forme de petites sphères, mesurant un peu moins de 1 \j.. Ils se composent d'une enveloppe diaphane et d'une masse centrale opaque, colorée par les teintures. Comme ces minus- cules globules sont toujours immédiatement accolés au pourtour du noyau, il est impossible de s'assurer de leur nombre exact. On ne peut distinguer que ceux placés sur les bords ; mais ceux qui se trouvent dans le plan du noyau, soit en dessus, soit surtout en dessous, échappent à la vue. J'ai cependant pu quelquefois en voir quatre et cinq, chiffres bien au-dessous des onze constatés par Biitschli. Le groupe des Hétérotriches paraît être celui chez lequel les cor- puscules micronucléaires sont généralement de la plus petite taille. Ainsi, chez les Spirostomum ambigman et Sp. tires, ils ne mesu- rent que 2 à 3 [x; chez le CUmacostonnnn virens, 3 [j.; et chez les Stentor cwruleus et St. fiœselit, 2 \j.. Cette extrême petitesse est com- pensée par leur grand nombre, qui, chez le Stentor cœru/eus, peut s'élever jusqu'à 21 , et chez le Steiitor Rœselii, jusqu'à 28. Chez les Acinétiens, les micronucleus sont égalemeul d'un très petit volume. Aussi ont-ils échappé pendant longtemps à l'attention des observateurs. Mais Biitschli et moi avons déjà démontré leur > Journal de ta physiulûfjie, t. III, 1860, pi. III, fig. 30-3:'. " Studicn, etc., 1«7G, p. 103, pi. XIII, fi;,'. 1. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CilEZ LES CILIÉS. 389 présence chez quatre h cinq espèces, et je ne doute pas qu'en les cherchant convenablement, on ne réussisse à les trouver chez tous les membres de ce groupe. Plate * et Schneider^ se sont donc sû- rement mépris, lorsqu'ils ont cru trouver, dans leurs observations sur le Dendrocomeles paradoxus, un exemple de conjugaison sans le concours d'un micronucleus. Ils n'ont pas su voir cet organe qui doit exister, comme le démontre la figure 17 de Plate. Nous y voyons très exactement figuré et indiqué par la lettre k un noyau de rajeu- nissement, lequel ne peut dériver que d'une évolution aiicronu- cléaire, semblable à celle des Ciliés. Heureusement que, chez beaucoup de Ciliés, le micronucleus at- teint une plus grande taille et devient beaucoup plus aisé à discer- ner. C'est ainsi que chez les Paramécies, qui possèdent les micronu- cleus les plus volumineux connus, il arrive à mesurer 5 \). en épaisseur et !4 \]. en longueur chez le Paramecium bursaria, et 7 [i. en épaisseur et M en longueur chez le Paramecium caudatum. Aussi est-ce chez la première de ces espèces, que cet organe fut découvert en l8/io par de Siebold. Une seconde cause de grande difficulté empêchant de constater la présence du micronucleus provient de la structure même de sa substance constitutive. Chez beaucoup d'espèces, le micronu- cleus est représenté, dans sa partie essentielle, par une masse de substance compacte, dépourvue de structure apparente, et n'éprou- vant aucun gonflement sous l'action de l'acide acétique, réactif qui jusqu'ici a le plus souvent servi à la mise en évidence de cet organe. Cette masse compacte est, en même temps, très avide des matières colorantes et se colore vivement par les teintures microchimiques. C'est en me fondant sur ces propriétés physico-chimiques, que j'a- vais préconisé, il y a quelques années, une méthode de préparation', qu'à ce moment je croyais infaillible pour tous les micronucleus- 1 Zeil. f. luiss. Zoologie, t. XLIII,1SS6, p. 191-197, pi. VI, fig. 14-18.. 2 Tablettes zoologiques, l. I, 1880, p. 82-84, pi. XL\.etXX. * Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. LXXXVIII, ls79, p. 1274. 390 E. MAUPAS. Cette méthode consistait surtout dans la fixation à l'aide d'un des bons réactifs fixateurs connus, ensuite coloration par le picro-car- min, puis, après lavage, éclaircissement à l'aide d'un mélange par moitiés égales d'acide acétique pur et de glycérine. Avec les micru- nuclcus, constitués comme ceux dont je viens de parler, ce procédé donnait d'excellents résultats. Mais, j'ai dû reconnaître depuis qu'il existe un assez bon nombre d'espèces avec lesquelles le même procédé, non seulement ne pré- sentait aucun avantage, mais rendait môme les micronucleus si transparents, qu'ils en devenaient complètement invisibles. Ce fui, trompé par des résultats erronés de celle espèce, que, dans mon travail sur la morphologie des Ciliés \ j'affirmai l'absence com- plète de micronucleus, chez des espèces comme le Lagynus ehmgatus et VIJolosticha multinucleata, ainsi que chez toutes les Opalinides. Je n'ai pas eu occasion d'étudier à nouveau les deux premières es- pèces, mais je n'en suis pas moins persuadé de l'erreur de mon affirmation. En ce qui concerne les Opalinides, je me suis très peu occupé de ces parasites depuis celte époque ; mais j'ai cependant eu occasion de voir dans VAnoplophrya slriata, et chez une .Opaline inédite, vivant ici dans l'intestin de VOelosoma Hemprlchu, et se mul- tipliant par segments successifs, comme YOpalina proliféra de Cla- parôde et Lachmann, j'ai eu occasion de voir, dis-je, un micronu- cleus fort bien développé. Il est impossible de mettre en doute sa véritable nature; car, chez la seconde espèce, dont j'ai observé de nombreuses divisions fissipares, j'ai vu tontes les phases de la ka- ryomilo.se du micronucleus. Stein, d'ailleurs ^ avait déjà constaté l'existence d'un micronucleus chez VIJoplilojjhri/a falcifera, et Schnei- der chez VAnoplophrya branchiarinn. Comme je l'ai dil, les résultats erronés de mes premières obser- vations avaient pour cause l'état d'organisation du micronucleus 1 Archives de zoologie, l. I, 18S3, p. Cj9. » SUzimysherichlc dvr KOnig. bùinnisclien Gesells. der Wiss. in Prag., 1861, t. I p. U. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAIMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 391 chez certaines espèces. La substance fondamentale de ces micro- nucleus, au lieu d'être compacte, est composée d'un réseau plus ou moins serré et d'aspect général finement granuleux. La matière constituante de ce réseau se colore presque toujours fort peu, et je crois même quelquefois pas du tout, par les teintures microchimi- ques. En outre, elle ne résiste pas à l'action de l'acide acétique et se gonlle, comme toute la masse cytoplasmique du corps cellulaire. Ces caractères physico-chimiques nous expliquent comment ces micronucleus s'effacent et disparaissent complètement à la vue, avec les anciennes méthodes de préparation *. Pour réussir à les voir, je les fixe par le bichlorure de mercure à 1 pour 100 et, sans la co- lorer, j'éclaircis la préparation, en laissant pénétrer très lentement de la glycérine. Les micronucleus ainsi structurés ne sont pas rares chez les Vorticellides, groupe chez lequel on a, en effet, assez sou- vent nié la présence de cet organe. Le micronucleus du Coleps hirtus, qui appartient h la même catégorie, est toujours très difficile à dis- tinguer. Je le cite ici, afin de corriger une erreur commise par moi dans un travail antérieur-. J'avais, en effet, cru pouvoir affirmer qu'il se trouvait inclus en dedans de la membrane du macronucleus, disposition qui eût été tout à fait exceptionnelle. De nouvelles observations m'ont fait reconnaître que j'avais été trompé par des préparations mal réussies et qu'il est toujours accolé intimement à la surface extérieure de la membrane macronucléaire. En résumé, grâce aux travaux de Balbiani, de Stein, de Biitschli et aux miens, on peut dire qu'actuellement le micronucleus a été démontré à peu près partout où on a pris la peine de le chercher convenablement. Je dois cependant avouer que, dans ces derniers 1 JicKi-Li avait dôjà constaté (Zoologischer Anzeifier, t. VU, ISS'i, p. 472) la varia- bilité, suivant les espèces, du micronucleus, au point de vue do sa faculté d'absorption des matières colorantes. Il affirme, en outre, avoir rencontré des espèces dépourvues de;micronucleus, mais sans nous faire connaître quelles sont ces espèces. A mon avis, cette affirmation repose sur quelque erreur d'observation, semblable à celles signalées plus haut. 2 Archives de zoologie expérimentale, t. III, 1885. 302 E. MAUPAS. temps, j'y ai encore échoué chez YOpallna ranarum et YOpalina dimi- diata, bien qu'armé des meilleurs appareils optiques et en em- ployant les procédés de préparation les plus exacts. Tout en ne voulant pas affirmer l'absence complète de micronucleus chez ces espèces, je considère cependant sa présence comme assez douteuse. Du reste, je ne veux pas insister sur cette exception, qui n'est peut-être qu'apparente. Avant d'en rien conclure, il faudrait recom- mencer une étude complète de ces deux espèces et surtout vérifier si Balbiani a eu tort ou raison d'affirmer l'existence de phénomènes de conjugaison chez la première ^ Nous avons vu, dès les premières pages de ce travail (p. IGO), que, depuis les belles recherches de Biitschli, tout le monde était d'accord pour voir, dans les phases de division du micronucleus et de ses produits, des phénomènes complètement analogues à ceux de la karyomitose des noyaux de cellules ordinaires. Il eût été in- téressant de compléter les observations du savant micrographe et de voir jusqu'à quel point il y avait concordance parfaite entre la mitose des micronucleus et les formes typiques de ce phénomène, telles que les travaux de Flemming, de Guignard, et surtout le der- nier mémoire de Strasburger "- nous les ont fait connaître. Mais, poursuivant un but tout autre, il ne m'a pas été possible de donner à ces questions si délicates une attention assez suivie pour les traiter dans leur ensemble. Je vais donc me contenter d'insister un peu sur un ou deux points, dont la connaissance exacte importe iM'étude de ces phénomènes, dans leurs rapports avec l'évolution fécondatrice des Ciliés. (Juand Biitschli publia ses recherches, l'élude de la karyomitose en était encore à ses débuts, et beaucoup de questions, que les cyto- logistes actuels débattent ardemment, n'étaient même pas encore 1 Tout ce qui précède était rédigé depuis plus de trois mois, quand j'ai reçu les livraisons 50-52 des Prolozoa de Biitschli. En comparant nos deux textes, on pourra voir que nous sommes arrivés, indépendamment l'un de l'autre, îi des résultats et des conclusions complètement identiques. ' Ueber Kern und Zdlthcilung im Pflansenreiche, 1888. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 393 posées. En outre, ses observations de détails furent surtout faites à l'aide àw Paraniecium bursaria. Cette espèce, qui, avec son volumi- neux micronucleus, est très avantageuse pour l'étude de certaines phases de la mitose, me semble au contraire défavorable pour celle des dernières phases. C'est évidemment sous l'influence de ces mauvaises conditions, que le savant cytologiste affirme' que les éléments chromatiques, après s'être divisés en deux groupes dis- tincts, conservent leur structure en bâtonnets, et reconstituent di- rectement des corpuscules fusiformes fibreux; autrement dit, pas- sent sans transition de la phase dyaster à la phase aster, supprimant ainsi la phase spirem. Je dois avouer que, sur les quelques prépa- rations du Parcunecium bursaria en ma possession, les faits semblent bien d'accord avec cette manière de voir. Les corpuscules, résultant de la division du micronucleus, m'ont toujours apparu avec cet as- pect fibreux, même lorsqu'ils sont encore reliés Tun à l'autre par un long boyau connectif. Mais je dois ajouter que le nombre de mes préparations était assez faible, et qu'il est fort possible que la phase dispirem se produise assez tôt, lorsque l'appareil connectif est encore peu développé. Elle aura ainsi très bien pu nous échap- per, à Bûtschli aussi bien qu'à moi. En outre, on sait que, chez cette espèce, le micronucleus, à l'état do repos, conserve souvent une structure fibrillaire assez nettement accusée. Cette particularité contribue peut-être encore à masquer la phase dispirem, en la rcn dant plus difficile à distinguer. Quoi qu'il en soit, j'ai constaté très nettement l'existence de cette phase dispirem chez un certain nombre d'espèces, et il est fort pro- bable qu'elle est universelle et constante. Ainsi, chez le Paramecium caudatum (pi. IX, fig. 14), on trouve fréquemment les deux nouveaux noyaux encore réunis par leur boyau connectif et avec une struc- ture uniforme, d'apparence finement granuleuse et répondant par- faitement à l'état de spirem. Bien que je ne les aie pas dessinés à une échelle suffisante pour être reconnus, je dois dire que les petits 1 Sludien, etc., 187G, p. 147 et 193. 394 E. MAUPAS. noyaux, reliés par un long filament conncclif, de mes figures 7 et 9, planche XII, appartenant au Paramecium aurelia, correspondent également à la phase spirem. Chez le Colpidiiim colpoda, les figu- res 11 d, 12 a, 14 d et 15 d, pi. XIV, représentent aussi des noyaux à l'élat de spirem. Je puis encore citer la Leucophnjs patula {])\. XV, fig. 52-oG cL 59), le Cryplochilum nigrkans (pi, XYI, Ilg. 3), ainsi que VEuplotespatella (pi. XiX, fig. 8 e). Chez toutes ces espèces, l'état spirem a un aspect finement granuleux, et il se colore uniformé- ment, mais toujours avec peu d'intensité. Cette apparence granu- leuse correspond évidem.ment à des filaments extrêmement ténus, pelotonnés et tassés les uns contre les autres, et dont nos moyens optiques ne nous permettent pas de suivre le cours. Chez d'autres espèces, comme le Loxopkyllum fasciola (pi. XVI, fig. 33), le Spirostomum (ères (pi. XVII, fig. 2, 2 /;, 4, 9 a, 13 et 14), V Onychodromus grandis (pi. XVIII, fig. 16, 17,22-24), et VàStylonickia pustulata (pi. XIX, fig. 6), l'état de spirem est toujours précédé par un retour à l'état compact homogène, vivement coloré par les tein- tures et correspondant à l'état de repos ordinaire du micronucleus chez ces espèces. La phase spirem (pi. XVIII, fig. 18et2o a), avec sa structure fine et délicate, succède immédiatement. Quand on suit la marche de cette condensation de la partie chromatique des nouveaux corpuscules micronucléaires (pi. XVIII, fig. 16 et 17), on se trouve forcément entraîné à considérer ce phénomène, comme une sépara- tion complète entre les éléments chromatiques et le hyaloplasme du corpuscule mère. Cette dernière substance est éliminée dans le cordon conncctif qui, comme nous le verrons plus loin, ne se réincorpore pas aux noyaux filles, mais disparaît par résorption. Ces petits noyaux compacts sont donc composés de chromaline pure', ce qui nous explique l'intensilc avec laquelle les teintures les > BovERi {Jenaiscbe /.eilschrifl, l. XXII, ]S88, p. 72'i) n'admet pas l'existence d'éléments composés de cliromatine pure et affirme qu'ils doivent toujours con- tenir, ou une couche corticale achromatique, ou une substance fondamentale achromatique, les pénétrant de toutes parts. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 395 colorent. Plus lard, lorsqu'ils repassent à l'état spirem, une nou- velle trame de hyaloplasme se développe, en s'intercalant entre leurs éléments et les écartant; alors, ils perdent en grande partie cette puissante faculté de coloration. Cet état homogène et compact n'est point un phénomène parti- culier au micronucleus des Ciliés. On en trouvera de nombreux exemples, appartenant au règne végétal et au règne animal, énu- mérés dans l'ouvrage de Strasburger cité plus haut'. L'appareil connectif, qui se développe après chaque mitose entre les deux nouveaux noyaux et les écarte, en les repoussant dans des directions opposées, prend, suivant les espèces, deux formes assez distinctes : 1" la forme en tube ou boyau ; 2° la forme en cordon. La première forme (pi. IX, fig. i4, 19, 20 ; pi. X, fig. 27 ; pi. XI, fig. 43 ; pi. XIII, fig. 21, 22 ; pi. XIV, fig. 11 f/, IG d, 18f/, etc.) se re- trouve surtout chez les Paramécies, les Colpidium, Leucophre, Cry- tochylum, Prorodon, Euplotes. La seconde forme (pi. XVI, fig. 33 ; pi. XVII, fig. 2 6, 9 a, 14; pi. XVIII, fig. 13-17, 30, 31, etc.) se ren- contre chez les Spirostomes et les Oxytrichides. On trouvera, pages 190, 291 et 309, des descriptions détaillées de ces formes ; je n'ai donc pas besoin d'y revenir ici. Les deux formes ont donc une même origine et dérivent de la membrane et des fibres hyalines du fuseau. Ces deux éléments, après la séparation et le recul vers les pôles des éléments chroma- tiques constitutifs des deux nouveaux noyaux, s'allongent fortement. Dans la forme en tube, la membrane se gonUe dans la région mé- diane et se rétrécit vers les deux extrémités, au point de jonction avec les noyaux. Pendant cette élongalion et ce gonflement, les fibres hyalines primitives du fuseau disparaissent, en se fondant dans la membrane et contribuent ainsi à son accroissement. Très souvent il en persiste cependant une dernière, qui parcourt le boyau con- nectif d'un bout à l'autre (pi. IX, fig. 19 et 20 ; pi. XIX, fig. 7 e, 8 e). I Loc. cit., p. 2'i7 et 248. 396 E. MAUPAS. Chez certaines espèces, l'appareil coimcctif, arrivé à son maximum d'extension, se trouve réduit à cette filsre unique (pi. XIII, fig. 20; pi. XIV, fig. 8, 11 et 12), le tube s'étanl effacé, soit en se résorbant, soit en cédant sa substance à ce mince cordon. Dans la seconde forme d'appareil conae-Gtif, la membrane reste toujours appliquée immédiatement sur le paquet des fibres hyalines et les enveloppe comme une gaine. Le sort final des deux formes est le môme, c'est-à-dire la dispa- rition par résorption totale, mais en suivant une marche un peu dif- férente. Avec la première forme, les nouveaux noyaux se détachent du tube connectifpar un étranglement àleur point d'insertion. Onren- contre donc fréquemment (pi. IX, fig. 20 ; pi. XIII, fig. 23 ; pi. XIV, fig. Il d) des tubes conneclifs encore parfaitement intacts, desquels l'un ou les deux noyaux sont déjà détachés. Ces tubes isolés dispa- raissent ensuite rapidement par résorption. — Avec la seconde forme, le cordon connectif s'étrangle au milieu de sa longueur (pi. XVII, fig. 14; pi. XVIU, fig. 16 et 17) et, tout d'abord, chacun des nouveaux noyaux emporte à sa suite une moitié du cordon, qui lui forme, sur le côté, une sorte d'appendice conique. Cet appendice se résorbe rapidement, laissant ainsi le petit noyau isolé et libre. Chaque mitose est donc accompagnée d'une perte de substance pour les noyaux relativement considérable. Ici je me trouve en com- plet désaccord avec Biitschli^ Suivant lui, les deux noyaux filles emportent, chacun par moitié, la totalité de la substance du noyau mère. Les faits d'observation, sur lesquels il appuie sa manière de voir sont, à mon avis, bien défectueux. Ces observations se rappor- tent à des mitoses du Paramecium bursaria et du Colpidium colpoda (pi. VU, fig. 5-7, et pi. X, fig. 26-28 de son mémoire). Les états représentés ici répondent à dos dcfornialions, causées par le mode de préparation. Biitschli les a, en effet, obtenus en faisant diffiuer, par écrasement dans l'eau, le corps des Infusoires. Ce procédé, par « Sludkn, elc, p. 194-195. ^w LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 397 trop primitif, ne pouvait donner que des images irrégulières, faus- sant les véritables rapports des choses. Cette destruction, à chaque mitose, d'une assez grande portion des noyaux, nous prouve que les éléments chromatiques seuls repré- sentent la partie essentielle de leur substance. Seuls ils se retrou- vent dans leur intégrité, divisés par moitiés égales dans les deux noyaux filles. La membrane, le suc nucléaire, le hyaloplasme se transforment, jouent des rôles divers et accessoires, puis finissent par disparaître, pour se renouveler de toute pièce, par un procédé d'endosmose, à la prochaine mitose. Nous aurons plus d'une fois à revenir sur cette profonde différence entre ces divers éléments con- stitutifs du noyau : les uns jouissant d'une stabilité absolue, les autres dans un état de fluctuation perpétuelle. D'ailleurs, des pertes de substance analogues, pendant la mitose, ont déjà été constatées par Strasburger' sur les noyaux des végé- taux en général, par Berthold ^ sur les noyaux du Codium, par Flemming' sur les noyaux des spermatocytes de Salamandre et par Boveri * dans la formation des corpuscules polaires, chez ï Ascaris megalocephala. Ce phénomène, s'il n'est pas universel, a cependant une grande généralité. Flemming est disposé à lui attribuer une haute signification physiologique et pense que les parties, ainsi em- pruntées au noyau, vont s'incorporer dans le cytoplasme, transmet- tant à cette partie de la cellule les prédispositions héréditaires, dont le noyau est le substratum. Quant à moi, je suis complètement d'accord avec Strasburger pour repousser cette interprétation. Les tubes et cordons connectifs ne sont que des résidus de l'activité nucléaire pendant la mitose, exactement comme les corpuscules de rebut sont des résidus de l'activité fécondatrice du micronucleus. La substance des premiers a eu son rôle utile, pendant les premières 1 Zellbildung nnd Zelltheilung, 3^ édit,, tSSO, p. 20:j ; Id.; Ueber Kern und ZelUhei- lung,elc., 1888, p. 159-160. 2 Miltheilungen aus der Zool. St. zu Neapel, t. II, 1880, 3 Archiv fur mikr. Anatomie, t. XXIX, 1887, p. 424 et 433. » * Jemische Zeitschrift, t. XXII, 18S8, p. 714, pi. XIX, fig. 12-17. nos E. MAUPAS. phases de la milose; celles-ci achevées, elle est devenue inutile, le noyau l'écarté et s'en débarrasse. Conservant encore en grande partie sa structure priniilive, celte substance de résidu tombe dans le cytoplasme, où elle l'ond et disparaît, absorbée très probablement par un phénomène d'assimilation, identique àrassimilalion ordinaire de la nutrition. Hien donc de figuré et d'organisé, provenant de ces tubes et cordons connectifs, ne survit dans le cytoplasme. Gomment les noyaux filles réparent-ils cette perte de substance? Guignard et Strasburger, dans leurs belles recherches sur la mitose des noyaux chez les plantes, admettent la pénétration, l'invasion du cytoplasme ambiant, fournissant ainsi au noyau la substance des fibres hyalines du fuseau. .le dois déclarer, qu'en ce qui concerne les micronuclcus des Ciliés, je n'ai jamais observé aucun fait qui, de plus ou moins loin, puisse se rattacher à une pénétration d'éléments figurés et organisés dans leur cavité. A tous les moments de leur existence et de leur évolution, on les trouve toujours très nettement délimités et séparés du cytoplasme ambiant. Leur membrane enve- loppante, pendant toute la prophase, est toujours nettement exis- tante et apparaît môme d'autant plus clairement différenciée que les noyaux sont dans une période plus active d'accroissement. Suivant moi, cet accroissement ne se fait pas par l'introduction et l'incor- poration de substances figurées, préformées; mais bien plutôt par des phénomènes d'endosmose, qui doivent nécessairement exister en tout temps entre le noyau et le cytoplasme. Celui-ci cède ainsi, sous forme liquide, ù. l'état do dissolution, des matériaux qui, arrivés à l'intérieur des noyaux, s'y précipitent et s'y organisent.il y a donc là un simple phénomène de nutrition par dialyse. C'est par ce pro- cessus physico-chimique que les noyaux réparent leurs pertes après chaque mitose et reconstituent les éléments nécessaires à une nou- velle évolution. Dans la série de mitoses qui constituent l'évolution karyogamique des Ciliés, les processus de réparation sont loin de compenser intégra- lement les déficits, causés par chacune des divisions. Aussi voyons- • LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 399 nous le volume des corpuscules micronucléaires décroître graduel- lement, pendant les trois mitoses qui précèdent et amènent la formation du pronucleus. Les divisions se succèdent, en effet, trop rapidement pour qu'entre chacune d'elles il y ait régénération com- plète des parties perdues. La dialyse nutritive réussit seulement à pourvoir les noyaux des parties nécessaires à la suite de révolution micronucléaire, mais ne leur permet pas de s'accroître. Tout ce que nous avons dit plus haut sur l'élimination de l'appa- reil connectif, et surtout sur les petits noyaux à structure compacte semble bien démontrer que la seule partie essentielle du micronu- cleus, celle qui sert de substratum à ses propriétés fonctionnelles, est la chromatine. Cette conclusion ressort déjà d'ailleurs du fait de l'existence de micronucleus à l'état de repos, dans lesquels on ne constate rien autre chose qu'une petite masse compacte de chroma- tine. Ces micronucleus, on le sait, ne sont pas rares chez les CiHés. Cette petite masse de chromatine renferme donc en elle le principe de toutes les propriétés du micronucleus. Lorsque celui-ci doit entrer en activité, elle se développe et s'accroît, en modifiant sa structure et s'incorporant des éléments hyaloplasmiques, avec les- quels, cependant, elle ne se mélange pas, mais dont le concours lui permet d'accomplir ses fonctions. Mais je ne veux pas insister plus longuement ici sur ces considérations, au sujet desquelles nous aurons à revenir, lorsque nous serons arrivés au chapitre de la fécon- dation'. » Depuis la rédaction de ce chapitre, j'ai reçu les livraisons des Protozoa de Butschli, dans lesquelles (p. 1532 et suiv.) le savant professeur d'Heidelberg résume ses idées sur la mitose des micronucleus. 11 y reproduit les opinions que j'ai criti- quées plus haut ; mais, ce qui est une erreur plus grave, il décrit les formes du stade d'accroissement A de la conjugaison, comme une phase de la mitose, et confond ainsi deux évolutions complètement différentes. Les formes variées, que les micro- nucleus, en 8'accroissant, prennent au début de la conjugaison, n'ont rien ^ voir avec les phases de leur mitose et, vouloir les faire rentrer dans la série de phénomènes évolutifs de cette dernière, entraîne nécessairement des confusions inextricables. C'est ce qui est arrivé à Butschli, qui s'étend longuement sur des formes et des déve- loppements étrangers à l'évolution mitosique. Il en résulte que sa description des premières phases de cette évolution est très inexacte. Pour donner une description 400 K- MAUPAS. XIX. CONDITIONS ET CAUSES DÉTERMINANTES DE LA CONJUGAISON. Balbiani' qui, sous l'inuflence de ses idées préconçues, recherchait à tout prix des analogies avec les phénomènes sexuels chez les ani- maux supérieurs, affirme dogmatiquement que les infusoircs obéissent également aux variations de la température et aux changements des saisons et, par conséquent, ont des époques de Tannée exclusi- vement réservées à l'exercice de leurs fonctions dites sexuelles. Il nous promet même d'abondants détails sur cette intéressante ques- tion. Mais il oublie si bien sa promesse qu'il n'en souflle plus mot, ni dans le travail cité ici, ni dans les suivants. Stein, au contraire^ et avec raison, refuse toute influence aux sai- sons de l'année, et par suite, aux variations annuelles de la tempé- rature, sur l'apparition de ces phénomènes. On rencontre, en effet, des conjugaisons pendant tous les mois. Mais il se trompe, en suppo- sant que des circonstances extérieures, plus ou moins favorables et encore inconnues, agissent d'une façon particulière pour chaque espèce. Il se trompe également, en affirmant^ que les épidémies de conjugaisons peuvent apparaître à un moment quelconque du déve- loppement des infusoires et que, par conséquent, tous les individus, quels qu'ils soient, sont aptes à contracter des accouplements. Slcin n'avait par devers lui aucune expérience, pouvant servir de base à cette manière de voir et la simple observation des épidémies, telles qu'elles apparaissent dans nos petits aquariums, eût dû suffire pour éveiller ses doutes. typique et complote d'une mitose micronucléaire, il ne fallait pas prendre comme modèle celle du stade B, venant après l'accroissement du t=lade A. Elle est, on effet, un peu modifiée dans sa première phase, et le passage de A en B est assez difficile à démêler.Mais en choisissant un quelconque des autres stades de division, celle diffi- culté se trouvait écartée et la série régulière des phases de division s'y reconnaît sans peine. » Phénomênps sexuels, 1860, p. 56 et 57. ' Der Organismus, etc., t. II, J867, p. 67. 3 Der Organismus, etc., t. II, 1867, p. 49. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 401 Everts*, voulant éprouver l'influence de l'évaporation lente sur la conjugaisondesVorticelles, institua quelques expériences qui, mieux interprétées, Tauraient conduit à une découverte intéressante. Il puisait dans son aquarium une petite quantité d'eau contenant des Vorticelleset laissait cette eau s'évaporer lentement. Ces isolements, répétés plusieurs fois, eurent toujours pour résultat final une abon- dante production de conjugaisons, tandis qu'aucun couple ne se montra dans l'aquarium. Everts en conclut que la raréfaction de l'eau était la cause de ces accouplements et bâtit là-dessus une théorie de la conjugaison, si erronée, qu'il est inutile de la discuter aujour- d'hui. Son erreur n'était guère moindre en attribuant à l'évaporation de Teau une influence sur la formation des conjugaisons. Gomme nous le verrons plus loin, ses Vorticelles se conjuguèrent beaucoup, parce que, placées dans un milieu étroit, elles en eurent bientôt épuisé la nourriture disponible. L'absence d'aliments, et non l'évapo- ration de l'eau, fut la cause occasionnelle déterminant leurs accou- plements. Everts fit encore quelques autres expériences en élevant ou abais- sant la température, qui, naturellement, ne lui donnèrent aucun résultat. Biitschli, de tous les observateurs, est celui qui s'est le plus préoc- cupé des causes et conditions de la conjugaison-. Il expérimenta pour vérifier l'influence de la lumière et n'en obtint rien. Supposant, avec beaucoup de sagacité, que la diversité d'origine pouvait jouer un rôle important, il fit des mélanges d'infusoires pris en des sources différentes. Mais ces mélanges ne lui donnèrent aucun résultat, parce que quelques-unes des autres conditions, nécessaires à la conjugai- son, ne s'y trouvaient pas remplies. Enfin, une expérience fort inté- ressante faite par lui avec le Paramecium putrinam, le conduisit à admettre une alternance entre la multiplication fissipare, se pour- suivant pendant une série de générations indéterminée plus ou 1 Zeit. f. wiss. Zoologie, t. XXIII, 187;^, p. 610. » Studien, etc., 1876, p. 54. ARCH. LE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2° SÉRIE, — T. VII. 1889. 26 402 E. MAUPAS. moins longue, et la conjugaison, venant de temps à autre inter- rompre ces séries. Cette idée d'une alternance cyclique entre les géné- rations agames fissipares et une génération dite sexuée, considérée comme cause et raison d'être de la conjugaison, n'était pas nouvelle. Nous la trouvons déjà très nettement formulée par Glaparède et Lachmann*, ainsi que par Balbiani^; mais seulement à litre d'hy- pothèse et sans preuve expérimentale. Voici en quoi consiste Texpérience de Biitschli. Le 9 novembre IST^, il isola, réunis dans un verre de montre, avec une petite quantité d'eau, quelques couples encore conjugués du Paramecium pulrinum et leur donna pour nourriture de petits fragments de fibres muscu- laires. Le 10, les syzygies se désunirent et, le 11, commencèrent les premières bipartitions, qui se succédèrent rapidement les jours sui- vants, amenant une grande multiplication d'individus. Le 14, réappa- rurent de nombreuses conjugaisons. Quatre de ces nouveaux couples furent encore isolés, puis se multiplièrent, et le 24, parmi les cen- taines d'individus existants, apparurent une seconde fois quelques accouplements. L'alternance entre les générations fissipares et la conjugaison ressort nettement de cette expérience, sur laquelle nous reviendrons encore plus loin. Cet aperçu historique nous permet déjà d'affirmer que les influences physiques extérieures ne jouent aucun rôle déterminant dans l'appa- rition delà conjugaison, autrement dit, que le rajeunissement karyo- gamique des Ciliés est complètement indépendant des conditions extérieures. 11 s'agit donc maintenant d'éclaircir et de préciser les conditions internes qui président à ses manifestations* De ces conditions internes, l'une est simplement occasionnelle, les autres sont organiques. Nous allons commencer par l'étude de la première. Nous connaissons déjà cette première condition pour en avoir parlé 1 Annales des sciences naiurelleSi Zoologie^ t. VIII, 1857, p. 240-241 ; Id., Études, etc., 2» partie, p. 271-272. « Comptes rendus de l'Acad('mie des sciences, t. L, 1860^ p. H94. LE RAJEUNISSEMENT KAKVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 403 dans le chapitre sur les méthodes de recherches. Elle peut se for- muler ainsi: les infusoires, arrivés à maturité karyogamique, s'accou- plent seulement lorsqu'ils sontprivés de nourriture.On peut, en effet, les empêcher indéfiniment, et à toutes les périodes de leur existence, de contracter des accouplements^ en les plaçant dans des milieux tou- jours abondamment pourvus d'aliments. C'est ainsi que, dans mes études sur leur multiplication', j'ai réussi, chez plusieurs espèces, à les faire se reproduire pendant plusieurs centaines de générations agames et à les conduire finalement à un épuisement sénil complet, entraînant fatalement leur mort. Quand, au contraire, j'ai voulu obtenirdes conjugaisons, il m'a suffi de prendre des individus remplis- sant les autres conditions que j'appelle organiques, de les isoler et de les laisser jeûner, pour les voir immédiatement se rechercher et s'unir. J'ai constamment usé de ce procédé, pour me procurer toutes les syzygies qui m'ont servi dans le présent travail. Je puis donc af- firmer que l'expérience a été renouvelée des centaines de fois et tou- jours avec le même succès et le même résultat. On n'a, d'ailleurs, qu'à revoir, à chacune des espèces dont j'ai étudié la conjugaison, comment je m'y suis pris pour me procurer les matériaux de travail et on sera immédiatement édifié sur la généralité absolue de cette condition occasionnelle. Jusqu'ici, je n'ai, eneffet, pas rencontre une seule espèce y faisant exception. On doit comprendre maintenant pourquoi j'appelle occasionnelle cette première condition. C'est à la suite, à l'occasion d'une disette de vivres, que les Infusoires s'accouplent. Cette disette ne doit évi- demment modifier, en rien d'essentiel, l'état organique interne des Infusoires en expérience, pas plus d'ailleurs que la condition oppo- sée, c'est-à-dire une abondante et riche alimentation. Mais, dans le premier cas, ils s'accoupleront de suite et, dans le second, ils s'y refuseront complètement. La privation d'aliments agit donc indi- rectement et occasionnellement sur leur activité karyogamique. Une * Archives de soologie, t. VI, 1S88, p. IGS-âTT» 404 E. MAUPAS. riche alimentation endort l'appétit conjugant; le jeune, au contraire, l'éveille et l'excite. En quoi consiste et de quelle nature est cette excitation? Dans l'état actuel de nos connaissances, je crois que nous ne possédons aucune donnée positive nous permettant de tenter une explication tant soit peu plausible. Il vaut donc mieux, pour le moment, se contenter de poser le problème et laisser à l'avenir son explication. Mais, en attendant, nous pouvons toujours faire, avec les phénomènes analogues, des rapprochements, qui démontreront leur grande gé- néralité dans le monde vivant. Depuis longtemps, en effet, les bota- nistes cl les horticulteurs savent' que les plantes trop abondam- ment nourries tendent à pousser trop en bois et en feuilles et ne fleurissent pas si tôt, ou donnent peu de fruits ; tandis que les indi- vidus de la même espèce, moins abondamment nourris, ont souvent plus de disposition à fleurir. Les jardiniers, pour combattre la ten- dance exagérée à l'accroissement végétatif au détriment de la pro- duction des fruits, retranchent des racines, ou bien font de larges incisions sur le tronc et, en réduisant ainsi l'alimentation, ils réus- sissent à faire multiplier les fleurs et les fruits. Le docteur Eidam a étudié- un curieux petit champignon de la famille des Entomophto- rées, le Basidiobolus ranarum. Lorsqu'il semait ses conidies dans un milieu riche en aUments, elles développaient beaucoup de mycélium et produisaient à la fois des conidies et des zygospores ; mais lors- qu'elles germaient dans un miUeu épuisé, leur mycéUum, extrême- ment réduit, donnait immédiatement et exclusivement naissance à des zygospores, formées par la copulation de deux gamètes. Enfin, je citerai encore les curieuses expériences de Kellcr sur le Phyl- loxéra^, auquel il fait prendre, bien avant l'époque normale, la forme ailée et sexuée, en lui supprimant les aliments. Ces faits, parfaitement concordants, empruntés à des êtres appar- ' A. P. DE Candollë, Physiologie végétale, 1832, t. II, p. 409. 2 Beilrage sur lUulogie der Pjlanzen, voii Kohii, t. IV, 1887, p. 224. 3 Zoulogisclier Anseiger, t. X, 18s7, p. u83. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAiMIQl'E CHEZ LES CILIÉS. 405 tenant à des groupes si éloignés les uns des autres, prouvent bien que nous nous trouvons en face de phénomènes d'une grande géné- ralité et qui, par conséquent, doivent avoir une profonde significa- tion physiologique. Minot ^ pense nous en donner l'explication, en affirmant que la nutrition et la reproduction sont opposées l'une à l'autre et que la nutrition insuffisante détermine l'effort de la repro- duction. Mais cette prétendue explication ne contient qu'une simple définition des faits observés et ne nous apprend rien sur leurs causes intimes et essentielles. Ce jeûne, préalable à la conjugaison des Ciliés, explique tout natu- rellement un phénomène qui, à mon avis, a été mal compris jus- qu'ici. Il s'agit de la taille réduite des gamètes chez certaines espèces. On a considéré cette réduction de taille comme un signe de l'affai- blissement de l'organisme, causé par la succession des générations agames. Pour justifier cette interprétation, il eût fallu d'abord prouver la généralité de cette diminution de taille. Mais il est beau- coup d'espèces, chez lesquelles on ne constate rien de tel, et même chez quelques-unes des espèces, où elle s'accuse très nettement, il n'est pas rare de rencontrer des gamètes ayant conservé la taille normale. Afin d'éviter les répétitions inutiles, je renverrai ici aux articles consacrés à chacune des espèces étudiées par moi, et l'on y verra que cette réduction de taille n'existe pas chez le Paramecium bursaria, le Colpidium colpoda, le Glaucoma scintillans, le Chilodon uncinatus, le Cryptochilum m'gricans, la Stylonichia pustulata et VFu- plotes patella ; tandis qu'au contraire elle est très marquée chez le paramecium caudatum, le Paramecium aureh'a, le Loxophyllum fas- ciola, le Spirostomum teres, le Climacostomum virens, VOnychodromus grandis, et surtout chez la Leucophrys patula, le Prorodon teres^ le Didinium nasulum et VEnchelys farcimen.Ces quatre dernières espèces, qui, de toutes celles étudiées jusqu'ici, montrent ce phénomène de réduction de taille sous sa forme la plus accentuée, vont nous per- 1 Bulletin scientifique du département du Nord, 1884-85, p. 64. Trad. du journal Science, t. IV, 1884, New-York. 406 E. MAUPAS. mettre de comprendre et d'expliquer la marche du processus chez toutes les autres. Nous nous rappelons, en effet, que, lorsque, poussées parla disette de vivres, elles se disposent à la conjugaison, elles commencent par se fissiparer jusqu'à quatre et cinq fois de suite, et donnent ainsi naissance à des rejetons de taille naine, destinés à jouer le rôle de gamètes. Je suis persuadé, sans en avoir la preuve expéri- mentale, que chez les autres espèces, comme les Paramécies, la fis- siparité intervient également avec le jeûne, chez les individus prêts à la conjugaison. Mais, au lieu d'une série de divisions, il ne s'en produit qu'une seule, non suivie, bien entendu, d'accroissement vé- gétatif. Cette unique division est assez difficile à constater par l'ob- servation directe ; mais elle suffît pour rendre compte de la diminu- tion de taille de ces espèces. Elles ont d'ailleurs amplement le temps de l'effectuer pendant la période de jeûne, car celle-ci dure toujours assez longtemps et, chez VOmjchodromus grandis, je l'ai vue se pro- longer au delà de vingt-quatre heures. Je considère donc comme une loi générale, chez les Ciliés, l'existence d'une ou plusieurs divi- sions fissipares non suivies d'accroissement végétatif, servant de préambule à la conjugaison. La formation des microgamètes, chez les Vorticellidcs, est encore une des conséquences de cette loi. Ces microgamètes sont les homo- logues des petits rejetons de la Leucophrys, du Didinium et de VEn- chehjs. Si, chez les Vorticellidcs, un seul des conjoints doit son ori- gine à ces divisions successives et répétées, la cause en est due probablement à une adaptation particuhère de cette loi, causée par l'état de fixation des Vorticellidcs. Cette multiphcation de petites gamètes mobiles facilite et assure leur rencontre avec les grosses gamètes immobiles. Nous arrivons maintenant à l'examen des causes et conditions organiques de la conjugaison. Elles peuvent se résumer sous les trois chefs suivants : 1° l'évolution en cycle des générations; 2" la maturité karyogamiquc ; 3° la fécondalion croisée. LE RAJEUNISSEMENT KAHVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 407 L'idée d'une évolution alternante enveloppant les générations des Infusoires dans un cycle est, comme nous l'avons vu plus haut, déjà assez ancienne et paraît avoir été émise pour la première fois par Claparède et Lachmann. Biitsclili, avons-nous également vu, est jus- qu'ici le seul observateur, qui ait apporté une expérience probante à Bon appui. Cette idée était des plus justes, et dans mon travail sur la multiplication des Ciliés^ cité plus haut, je crois en avoir dé- montré surabondamment l'exactitude. Les Infusoires se multiplient par voie agame, au moyen de la division flssipare. Mais ce mode de propagation ne peut se prolonger indéfiniment. Après un certain nombre de ces générations agames, l'organisme se détériore et s'use ; la dégénérescence sénile attaque l'un après l'autre ses organes essentiels, en affaiblissant de plus en plus les générations succes- sives, puis finalement les fait descendre dans un état de dégradation si profond, qu'elles perdent toute faculté de s'entretenir et dispa- raissent par dissolution totale de leur être. Cette dissolution repré- sente la mort par vieillesse des Infusoires. Chez cinq espèces, j'ai suivi jusqu'au bout ces séries de générations agames, en observant les dégradations concomitantes de la dégénérescence, et je les ai ainsi conduites jusqu'à leur mort naturelle. Si les Infusoires ciliés n'avaient donc d'autre moyen de maintenir leur espèce que la division fissipare, ils seraient disparus depuis longtemps sans laisser de trace. Mais c'est ici qu'intervient la con- jugaison, complétant le cycle de leur évolution. Elle ne se produit d'une façon utile et féconde qu'aux époques de maturité karyoga- mique. 1 Toutes mes expériences et mes observations me font, en effet, admettre comme bien prouvé l'existence, dans la série des généra- tions agames, d'une période de maturité karyogamique, de puberté, si l'on veut. C'est pendant cette période seulement que peuvent s'ef- fectuer les accouplements féconds. A l'appui de cette manière de voir, je renverrai plus haut à mes nombreuses expériences sur la Leuco- phrys patula (p. 2oi-S3), VOnycJwdromus grandis (p. 300-302) et la 408 E. MAUPAS. Sti/lonichia pustulataip. 323). On y verra les accouplements féconds apparaître seulement après la 300'' génération chez la première de ces espèces, après la 140" chez la seconde et après la 130" chez la troi- sième. Avant ces époques, on peut disposer ces Infusoires, en leur fai- sant remplir toutes les autres conditions favorables à la conjugaison, sans leur voir contracter d'unions. A partir, au contraire, de cette époque.s'étend une période de durée variable avec chaque espèce, où, les autres conditions remplies, on obtient de nombreux accouple- ments féconds. Mes observations m'ont permis d'estimer que cette pé- riode eugamique se prolonge chez la Leucophrys pa^w/o jusque vers la 450^ génération, chez VOnyckodromus vers la 230^ génération et chez la Stylonichia pustulata vers la HO'' à ISO"^ génération. Ces chiffres limites sont des chiffres minima, et il est possible et même probable que, pour beaucoup d'individus, la période favorable persiste encore pendant un certain nombre de générations, tandis que, pour beau- coup d'autres, elle est irrémédiablement échue. Les dégradations de la dégénérescence sénile, qui mettent fin à cette période eugamique, ne se font pas, en effet, sentir avec une simultanéité absolue chez tous les représentants d'un même cycle de générations. Chez la Stylonichia pustulata, où j'ai suivi la marche de cette dégénérescence avec le plus de précision \ j'ai pu constater la présence de quelques dégénérées dès la 100'' génération ; mais elle est devenue générale seulement après la 200^ La limite extrême de cette période eugamique est d'autant plus difficile à préciser, qu'il est des espèces, comme les trois précé- dentes, qui, bien que devenues impropres au rajeunissement, n'en continuent pas moins à contracter des accouplements, lesquels, bien entendu, demeurent stériles et entraînent la mort des gamètes. J'ai étudié ces unions stériles chez l'Onychodrome et plus particulière- ment chez la Stylonichia pustulata (p. 301 et 329), où je les ai vues se continuer jusqu'à la veille de l'extinction suprême d'un cycle. La 1 loc. cit., p. 210. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 409 première apparition de ces conjugaisons stériles peut cependant être constatée avec assez d'exactitude. Elles s'effectuent, en efl'et, aussi bien entre individus appartenant à un même cycle ou proches pa- rents, qu'entre individus étrangers l'un à l'autre et provenant de cycles différents. Lors donc que, dans une culture isolée, on voit apparaître, sur les préparations non mélangées, ne contenant que des individus proches parents, des conjugaisons entre ces individus, on peut affirmer que la dégénérescence sénile a commencé son œuvre de dégradation dans cette culture. Existe-t-il quelque caractère morphologique particulier au début de la bonne période de maturité fécondatrice ? Jusqu'ici, je n'ai rien observé de tel chez la plupart des espèces étudiées. Mais il m'a semblé que, chez les Oxytrichides, la réduction des micronucleus au chiffre de deux était caractéristique de cet état. Je l'ai constaté ainsi chez YOnychodromus et la Stj/lonichia pustulata, tandis que, de son côté, Biitschli l'a également remarqué chez la Stylonichia mrjtilus. Ces trois espèces peuvent avoir jusqu'à six à huit micronucleus, mais se conjuguent extrêmement rarement avec plus de deux. Sans en avoir fait la vérification expérimentale, je crois cependant que cette réduction s'opère graduellement pendant les générations pré- cédant la période eugamique. D'un autre côté, il est bien établi par les observations de Balbiani, de Biitschli et les miennes, qu'aucune réduction de cette espèce ne se produit chez les Hétérotriches. Quant à la fin de la période eugamique, elle est toujours marquée par des dégradations organiques, dont la description détaillée se trouve dans mes études sur la dégénérescence sénile et ses effets. La théorie de la maturité karyogamique, telle que je viens de la présenter, est, comme on a pu levoir, basée sur d'assez nombreuses expériences, toutes parfaitement concordantes entre elles. Mais je dois rappeler que j'ai recueilli moi-même trois expériences, faites sur la Leucoplirys palula (p. 25i), un peu en désaccord. Des mélanges, composés d'ex-conjuguées peu anciennes, ont donné des accouple- ments pour la plupart stériles, il est vrai, mais dont un fut l'origine m. 410 E. MAUPAS. de cycles de générations fécondes. En outre, l'expérience de Butsclili avec le Paramec'mm putrinum, mentionnée plus haut, est également un peu contradictoire. Le temps écoulé entre chacune de ses expé- riences de conjugaison et la suivante est bien court, et, entre la pre- mière et la seconde, il n'a pas dû se produire plus de io à 20 géné- rations fissipares et 30 à 35 entre la seconde et la troisième. Ce sont là des cycles d'une brièveté bien extraordinaire, comparée à la longue durée des cycles chez les espèces étudiées par moi. Aussi, dois-je avouer que, tout d'abord, doutant de l'exactitude de cette observation, j'ai écrit à M. Butsclili, pour lui demander s'il avait la certitude de ne pas avoir introduit, dans ses verres de montre, des individus non conjugués, à côté des couples qu'il isolait. Les des- cendants de ces individus nous auraient alors donné une facile explication de la seconde et de la troisième épidémie de conjugai- son. Mais le savant professeur m'a assuré qu'il avait pris le plus grand soin d'écarter tous les individus non conjugués. Dès lors, il nous faut bien tenir compte de cette expérience et avouer que si l'existence d'une alternance cyclique entre les générations agames et la conjugaison est indiscutable, des recherches sont encore néces- saires pour bien connaître l'étendue de ces cj'cles et leur mode d'évoluer. Il n'est pas douteux que leur longueur varie d'une espèce à l'autre, et peut-être aussi devrons-nous admettre que, dans cer- taines conditions encore mal connues, ils peuvent être considéra- blement abrégés chez une même espèce. Il nous reste encore à dire quelques mots de la troisième condi- tion organique : la fécondation croisée. Les expériences, sur les- quelles je me suis basé pour formuler cette loi, sont au nombre do plusieurs centaines parfaitement concordantes, mais ne portent que sur les quatre espèces suivantes : la Leucophrys patula, VOnychodro- mus grandis, la Slylonichia pustidata et le Loxophyllum fasciola. On n'a qu'à relire les chapitres qui leur sont consacrés et on y trouvera le détail de ces expériences. Tant que ces Infusoires ont été aptes à contracter des unions fécondes, ils ne se sont jamais conjugués LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 411 qu'entre individus mélangés appartenant à des cycles distincts. Sur les nombreuses préparations d'individus proches parents et non mé- lano-és, le jeûne auquel je les soumettais s'est toujours terminé, ou bien par l'enkystement, ou bien par la mort par inanition. Ce ne fut que plus tard, lorsque la dégénérescence sénile eut commencé à atta- quer mes cultures, que je vis apparaître des syzygies, sur ces prépa- rations de proches parents. Mais toutes ces dernières conjugaisons aboutirent à la mort des ex-conjugués qui, après s'être désunis, ne réussirent pas à continuer leur évolution et à se réorganiser. Ces accouplements sont donc des phénomènes pathologiques causés par la dégénérescence sénile. Cette fécondation croisée répond-elle à une nécessité générale et absolue chez tous les Ciliés? Je ne vou- drais pas l'affirmer. Il faudrait pour cela avoir expérimenté sur un beaucoup plus grand nombre d'espèces. Il n'en est pas moins constant que nous pouvons affirmer, chez les Ciliés, l'existence de cette loi du croisement des éléments fécondateurs d'origines dis- tinctes, dont les effets et l'importance ont été si bien étudiés parles botanistes. Maintenant que nous connaissons les causes et conditions déter- minantes de la conjugaison, nous pouvons essayer de donner une explication de son mode d'apparition, sous forme épidémique. Tous les observateurs, en effet, qui se sont occupés de ce phénomène, ont constaté qu'elle se développait tout à coup dans leurs petits aquariums, en se généralisant très rapidement. La veille, on ne ren- contrait pas une seule syzygie ; le lendemain elles sont nombreuses et, le surlendemain, la grande majorité des individus est accouplée. Voici comment je comprends ce phénomène. Lorsque nous voulons nous procurer des Infusoires en grand nombre, nous disposons un petit aquarium en y mettant macérer, soit des substances sèches à infusion, telles que du foin, soit des dé- bris végétaux, recueillis au dehors dans les eaux stagnantes. Ces substances organiques se décomposent rapidement et donnent lieu à un riche développement de Bactériacées. Les Infusoires, présents #j» ^ 412 E. MAUPAS. dans l'eau de l'aquarium, se nourrissent de ces micrnphytes et se multiplient à leur tour. Tout d'abord il s'établit une concurrence vitale entre les espèces représentées. Cette concurrence se termine par le triomphe des mieux armées pour la lutte, qui arrivent ainsi à pulluler dans ce milieu étroit. Mais bientôt après, la source des aliments n'étant pas renouvelée, ceux-ci deviennent de moins en moins abondants, pour finir par manquer totalement. A ce moment, on peut se trouver en présence de plusieurs alternatives. Ou bien la multitude d'Infusoires présents descend d'un progéniteur unique et, par suite, tous ces individus étant proches parents ne se conju- gueront pas. Ou bien encore, cette multitude descend de progéni- teurs appartenant à des cycles distincts, mais non encore arrivés à maturité karyogamique,et les conjugaisons feront également défaut. Cette absence de conjugaison, même après le plus riche dévelop- pement d'une infusion, est bien connue de tous ceux qui ont re- cherché des matériaux pour l'étude de ces phénomènes. Enfin, dans une troisième alternative, cette multitude, provenant de cycles dis- tincts, sera arrivée à maturité karyogamique, et alors nous obtenons une épidémie de syzygies. On le voit, les effets consécutifs de la pri- vation d'aliments, de l'alternance cyclique, de la maturité karyoga- mique et de la fécondation croisée, découlent les uns des autres dans un enchaînement parfait. XX. PHÉNOMÈNES EXTERNES DE LA CONJUGAISON. Lorsqu'un groupe nombreux d'Infusoires de la même espèce se trouve remplir les conditions déterminantes de la conjugaison, on voit ces animalcules se livrer à des mouvements et entrer dans une agitation, dont on a beaucoup exagéré la portée. Balbiani, en effet, toujours en quête d'analogies avec les animaux supérieurs, nous a donné • une description animée de ces mouvements, à laquelle l'imagination poétique a contribué au moins autant que ' Phénomènes sexuels, 1861, p. UG, el Journal de micrographie, t. V, 1881, p. 476. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 413 l'observation exacte et scientifique. Cette description a eu le plus grand succès auprès des philosophes et des psychologues * qui s'en sont emparé, pensant retrouver là, chez ces microzoaires, les rudi- ments d'instincts et de facultés psychiques des êtres supérieurs. Comme il y a beaucoup d'inexactitudes et d'exagérations dans tout cela, il n'est que temps de calmer cet enthousiasme et de ramener les faits et leur interprétation à une mesure plus exacte. En réalité, Balbiani n'a observé les mouvements en question que chez le Paramecium {aurelia] caudatum. J'ai également suivi moi- même cette espèce nombre de fois pendant les apprêts de l'accou- plement. Elle manifeste, en efifet, à ce moment, une assez grande agi- tation. On la voit aller, venir, changeant rapidement de direction. Elle s'approche et se heurte à ses congénères, s'arrête près d'eux, les palpe un instant avec ses cils, puis les quitte, prend les positions les plus variées, et finalement, quand deux individus également prêts à l'union viennent à se rencontrer, ils s'affrontent par leurs extrémités antérieures, puis les deux corps se rapprochent, en s'ac- colant dans toute leur longueur, à l'exception des extrémités posté- rieures, et l'union se trouve ainsi définitivement effectuée. Ces ma- nœuvres ne durent jamais bien longtemps, tout au plus un quart d'heure ou une demi-heure, entre individus à maturité karyoga- mique parfaite. Mais, jamais tous les individus d'un groupe ne se trouvent dans ce cas simultanément. De là les tentatives d'accouple- ment que Ton voit échouer et se terminer par la séparation d'indi- vidus, allant chercher ailleurs un autre conjoint. Tels sont les phénomènes dans lesquels on a prétendu reconnaître une manifestation d'instinct sexuel, analogue à celle qui carac- térise, chez les animaux supérieurs, la période du rut. Le mot y est. Il fallait réellement le vouloir à tout prix pour retrouver là de pa- reilles analogies. Le rut, dont nous ne connaissons les manifesta- tions extérieures et psychiques un peu exactement que chez les * BiNET, Revue philosophique, t. XXIV, 1887, et Études de psychologie expérimentale. Paris, 1888, in-18, p. 172 et suiv. m E. MAUPAS. mammifères, est un phénomène réllexe concomitant et probable- ment consécutif à la maturation de la vésicule de de Graaff. C'est donc un phénomène particulier et spécial aux femelles du groupe le plus élevé de la série animale. 11 n'y a pas de rut pour les mâles qui, eux, sont toujours prêts à ressentir l'excitation sexuelle dès qu'ils se trouvent en contact avec une femelle tombée dans cet état. Quel rapport, quelle ressemblance peuvent bien exister entre ces phénomènes, résultats et conséquences d'une haute organisation, et l'agitation de nos Infusoires unicellulaires? Pour moi je les cher- che en vain et ne puis en trouver aucun. Cette agitation s'explique d'ailleurs des plus naturellement. Dans le chapitre précédent, nous avons vu que les Infusoires, même en pleine maturité karyogamique, ne se recherchent et s'accouplent qu'après un assez long jeûne, causé par l'épuisement des aliments de leur milieu ambiant. La disette d'aliments, tel est le seul et véritable motif de la grande agitation dans laquelle on les voit alors. Tous les Infusoires sans aucune exception, même les plus sédentaires, et à quelque moment de leur existence qu'on les prenne, entrent ainsi dans une vive agitation, dès que la famine se fait sentir dans les petits aquariums, où nous les cultivons. Lorsqu'une infusion riche- ment peuplée commence à s'épuiser, les animalcules se rassemblent toujours en formant ces nuages blanchâtres qu'on nous décrit comme les préambules de la conjugaison ; et cependant, si les autres conditions d'une épidémie de conjugaison ne se trouvent pas rem- plies, il ne se formera aucun couple. La faim est donc la cause pre- mière et unique de cette agitation. Plus tard seulement arrivent les véritables manœuvres de la conjugaison, lesquelles ne sont jamais bien longues. Deux gamètes, dans leurs mouvements de vive agitation, se rencontrent, entrent en contact, se touchent un instant en pa- raissant, pour ainsi dire, se tâter avec leurs cils oucirres vibratiles, se mettent en position en s'affrontant par leurs extrémités anté- rieures : tels sont les seuls vrais préludes de raccouplement. Tout LE RAJEUNISSEMENT KARYOGâMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 41S cela dure quelques minutes et, après un quart d'heure, on les trouve déjà dans l'altitude de l'union définitive. Mais à ce dernier moment même, tant qu'il ne s'est pas encore établi une solide soudure organique entre les deux conjoints, il suf- firait de leur donner une abondante pâture pour les voir se séparer immédiatement et recommencer une nouvelle période d'accroisse- ment végétatif et de multiplications agames. Ce prétendu instinct supérieur qui, dit-on, les pousse irrésistiblement à. contracter des unions dites sexuelles, disparait et s'évanouit dès qu'ils trouvent à satisfaire leur appétit. Je l'ai démontré expérimentalement dans mes recherches sur leur multiplication^ on peut, en leur donnant cons- tamment une abondante nourriture, les empêcher de jamais songer à s'accoupler et les conduire ainsi jusqu'à la dégénérescence sénile, qui les voue irrémédiablement à la mort. En résumé, on a beaucoup exagéré la puissance et l'énergie de l'impulsion dite sexuelle, chez ces petits êtres. Cette impulsion existe bien incontestablement, mais elle ne revêt aucune des formes sous lesquelles nous la voyons se produire chez les animaux supé- rieurs. Ses manifestations sont beaucoup plus simples et en rapport d'ailleurs avec la simplicité de leur organisation. Sur l'attitude que prennent les gamètes pendant la syzygie, je n'ai pas grand'chose à ajouter à ce qu'en ont dit Balbiani*, Stein^ et Biitschli^ On trouvera, d'ailleurs, à chacune des espèces étudiées par moi, des détails circonstanciés pour chacune d'elles. Je veux sim- plement ici appeler l'attention sur un point assez important, qui me paraît avoir échappé à mes prédécesseurs. Chez tous les Ciliés observés jusqu'ici en syzygie, le premier point de contact et de coalescence se trouve toujours sur, ou près de l'ex- trémité antérieure du corps. La position de la bouche n'a aucune 1 Phénomènes seœwds, 1861, p. 57 et suiv, ; Journal de micrographie, t. V, 1S3I, p. 474. 2 Der Organismus, t. II, 1807, p. 08-74. 3 Sludien, 187G, passimi i^..- 416 E. MAUPAS. action déterminante sur ce point de coalescence. Si, chez les espèces à bouche terminale, comme les Didinium, les Enchelys, les Proro- dons, les gamètes s'unissent bouche contre bouche, c'est uniquement parce que cet orifice occupe l'extrémité antérieure du corps. Chez beaucoup d'espèces à bouche latérale, comme les Golpidium, les Gryptochilum, les Glaucomes, les Spirostomcs, etc., etc., la coa- lescence se fait seulement parla région du corps, placée en avant de la bouche et laisse celle-ci complètement libre pendant toute la syzygie. Get orifice ne joue un rôle dans la conjugaison qu'acciden- tellement et probablement assez rarement. Les espèces qui, comme les Paramécies, l'utilisent pour l'échange des pronucleus mâles, ne paraissent pas nombreuses. Je ne sais pas même si c'est lui qui sert à cet usage chez les espèces à bouche terminale. Un état, comme celui du Prorodoa, représenté figure 22, planche XVI, me fait croire qu'au moins chez cette espèce, la bouche ne joue aucun rôle. Mais il faudrait des observations plus complètes pour être tout à fait affîr- matif. En tout cas, il est bien certain que nous ne devons pas consi- dérer la bouche commejouantun rôle important dans la conjugaison. La coalescence par l'extrémité antérieure paraît, au contraire, être de loi absolument générale. Les VorticeUides elles-mêmesy obéissent. En m'appuyant sur des considérations morphologiques qu'il serait trop long de développer ici, je suis arrivé depuis longtemps à consi- dérer les VorticeUides comme des Ciliés fixés parleur extrémité anté- rieure^ et à bouche postéro-terminale. Leurs gamètes, en se ren- contrant et se soudant l'une à l'autre dans la position que nous leur connaissons, ne font, comme je viens de le dire, que se confor- mer à la loi générale. En outre, il parait fort probable que la néces- sité d'obéir à cette loi a dû, en partie, contribuer à la formation des microgamètes mobiles. Les VorticeUides, fixées sur leur pédoncule » BuTscnn {Morpliolugisches Jahrbuch, t. XI, 1886, p. 553) est arrivé de son côté à une opinion un peu semblable. Les faits d'observation sur lesquels je me base sont entièrement différents de ceux qui ont servi au savant professeur d'Hei- delberg et je les crois également plus probants. J'espère avoir prochainement occa- sion de les compléter et de les publier. LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 417 par leur extrémité antérieure, n'auraient que très difficilement réussi à entrer en contact et à se souder par cette extrémité. Avec les mi- crogamètes, cette difficulté n'existe plus. Le degré d'union des gamètes n'est pas le même pour toutes les espèces et varie, depuis une simple juxtaposition, jusqu'à une pro- fonde coalescence, entraînant une soudure intime des deux corps. Ces différences paraissent être la conséquence des divers modes, suivant lesquels se fait l'échange des pronucleus mâles. Chez les Euplotes, où les pronucleus sortent d'un conjoint et rentrent dans l'autre par deux orifices distincts, la coalescence est extrêmement réduite et à peine superficielle. Aussi leur disjonction s'effectue-t- elle rapidement, presque immédiatement après cet échange. Chez les Paramécies, où l'échange se fait par les orifices buccaux, la coalescence est plus étendue afin de bien mettre en communica- tion ces orifices; mais elle demeure toujours superficielle, la soudure n'ayant lieu que par les surfaces en contact des téguments. La dis- jonction, un peu plus tardive, se fait cependant encore assez tôt. Chez les Colpidium,lesLeucophres, lesLoxophylles, les Spirostomes^ etc., où l'échange s'effectue à travers les parois du corps dans la région en coalescence, la soudure est beaucoup plus profonde et la disjonc- tion se trouve très retardée. Enfin, nous trouvons les soudures les plus complètes et les plus profondes chez les Oxytrichides etles Vor- ticellides où nous voyons la substance même du corps entrer en union et continuité intimes, mettant ainsi en communication directe l'intérieur des deux gamètes. C'est, en effet, par ces parties intime- ment soudées que se font les échanges de pronucleus. La disjonc- tion est toujours très tardive chez les Oxytrichides et n'a même plus lieu chez les Vorticellides, puisque la macrogamète absorbe la sub- stance de la microgamète. Toutes les coalescences dont nous venons de parler ne se font nullement, comme on l'a prétendu, au moyen d'une exsudation de substance glutineuse, mais par une simple sou- dure organique, comme toutes les substances protoplasmiques vivantes peuvent en contracter entre elles. AROH. DE 200L. EXP, ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VII. 1889, î7 418 E. MAUPAS. Au cours de mes descriptions particulières, j'ai signalé, chez plu- sieurs des espèces étudiées, des cas de syzygie triple et même qua- druple. Ces cas ne sont, en effet, pas rares et tous les observateurs qui ont étudié la conjugaison des Ciliés en ont rencontré. Stein affirme môme avoir vu jusqu'à quatre à cinq microgamètes de Vorti- cellidc soudées à une seule macrogamète. Dans ces triples et qua- druples conjugaisons, les premiers stades de l'évolution fécondatrice suivent leur cours normal dans chaque gamète. Mais il ne saurait plus en être de même après le stade E, car elles ne peuvent pas être toutes fécondées. Pour préciser par un exemple, je suis persuadé que, dans la quadruple conjugaison du Spirostomum teres représentée par moi (pi. XVII, fîg. 1), les deux gamètes du milieu seules auraient achevé régulièrement leur évolution; tandis que les deux autres, n'ayant pu être fécondées, auraient péri sans réussir à se réorganiser. Jusqu'ici on ne possédait que des idées fort inexactes sur la durée dessyzygies. BalbianidonneS à cet égard, des chilTres d'une grande inexactitude. Cette durée est très variable suivant les espèces et pour la même espèce suivant la température. Les différences spécifiques dépendent de deux facteurs distincts : 1° le mode de coalescence des gamètes ; 2° le tempérament particulier de chaque espèce. En ce qui concerne le premier facteur, il est inutile d'insister pour faire comprendre qu'une espèce à coalescence superficielle, se désu- nissant dès le commencement du stade F, comme YEuplotes palella, devra avoir une syzygie de plus courte durée que les Oxytrichides, dont la profonde coalescence ne permet la disjonction qu'au cours déjà avancé du stade H. Ces différences de durée peuvent déjà avoir une étendue assez importante ; mais celles causées par les diffé- rences de tempérament sont beaucoup plus considérables. Il me suffira de renvoyer aux observations particulières à chaque espèce et plus spécialement à celles ùu Spirostomum teres (p. 287), où nous voyons la syzygie de cette espèce durer de six à huit jours, quand, ' Journal de micrographie, t. V, 1881, p. 476. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 419 avec la même température, elle n'eût duré que de trcnle-deux à trente-six heures, s'il se fût agi de Paramécies ou de Stylonichies. D'ailleurs, le Spiroslomum tei'cs est l'espèce à conjugaison la plus lente que j'aie observée. Celte lenteur, dans l'évolution fécondatrice, semble concorder avec la lenteur semblable dans l'accroissement végélatif, constatée également par moi* chez la même espèce. Il est donc fort probable que le tempérament spécifique agit de la même façon sur ces phénomènes, en apparence d'ordres si différents. Quant à l'influence de la chaleur sur la durée de la syzygie et de toute l'évolution fécondatrice, elle est également très grande. La durée est toujours en raison inverse de la température. Avec l'élé- vation de celle-ci, elle se raccourcit, et s'allonge au contraire avec son abaissement. Afin de ne pas entrer dans des répétitions inutiles, je renverrai à chacune des espèces étudiées par moi, et plus particu- lièrement au /'a^'amea'iim awre/îa (p. 216), à Y Onychodromiis grandis (p. 318), à la Slylonickia pustulata (p. 327) et à VEuplotes palella (p. 347). Chez ces quatre dernières espèces, j'ai noté des observations comparatives qui mettent très nettement en évidence cette influence. Je mécontente de citer le Paramecium aurelia, dont la syzygie, avec 25 degrés centigrades, dure douze heures, et vingt-quatre heures avec 15 degrés centigrades. La température exerce donc, sur l'évolution fécondatrice des Ciliés, une influence tout aussi intense que celle dont j'ai démontré l'énergie sur leur développement végétatif. Ces ani- malcules, dans la marche de tous leurs phénomènes biologiques, sont de véritables thermomètres d'une très grande sensibilité. Pour terminer ce chapitre sur les phénomènes externes, il me reste encore à dire quelques mots des mues, qui accompagnent la conjugaison chez les Hypotriches. Ces mues, découvertes par Stein -, fort bien décrites et comprises par lui, ont été niées jusque dans les derniers temps par Balbiani ^ Elles avaient cependant été revues et » Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 230. 2 Der Organismus, t. II, 1867, p. 77. 3 Journal de micrographie, t. V, 1881, p. 47ij. 420 E. MAUPAS. figurées avec une grande exactitude par Engelmann*. Ce dernier auteur a voulu même leur attribuer une importance et une signifi- cation qu'elles n'ont point. Les rattachant à sa théorie du rajeunis- sement par la conjugaison*, il les considérait comme une des ma- nifestations les plus évidentes de la réorganisation générale que le corps des Infusoircs conjugués devait éprouver à la suite de leur union. C'était beaucoup exagérer leur signification. Si, en effet, elles avaient eu ce profond sens physiologique, on devait se demander pourquoi des mues semblables n'existaient pas chez tous les Ciliés. En outre, lorsqu'on les étudie depuis leur début, on les voit com- mencer de très bonne heure, avant même que le micronucleus soit arrivé aux stades essentiels de son évolution fécondatrice. Stein avait mieux compris ces mues, en les considérant comme un simple re- nouvellement des appendices, semblable à celui qui se produit chez les mêmes espèces pendant la division fissipare. Il n'y a donc là qu'un phénomène d'adaptation particulier à ce groupe de Ciliés, ne se manifestant pendant la conjugaison que d'une façon secondaire et accessoire. Par la position que les gamètes prennent dans la syzygie,un certain nombre de leurs appendices se trouvent détruits. Le rétablissement de ces appendices disparus entraîne le renouvel- lement total, ou la mue ciliaire des deux gamètes. XXI. PnÉNÔMÈNËS INTERNES DE LA CONJUGAISON. Les phénomènes internes de la conjugaison se résument dans l'évolution du micronucleus et l'élimination partielle ou complète de l'ancien macronucleus. L'évolution micronucléaire se déroule en parcourant une série de stades que nous avons toujours vu reparaître avec une régularité et une constance parfaites, che^ toutes les espèces étudiées jusqu'ici. 1 7.e\l. f. wiss. Zoologie, t. XI, 1861, p. 353, pi. XXVIII. » Alorpho'.ogisches Jahrbuch, t. 1, 187C, p. G28. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAxMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 421 Elle débute par le stade d'accroissement A, suivi des deux stades de division B et C, destinés à préparer l'élimination des corpuscules de rebut. Vient ensuite un troisième stade de division D, ayant pour but la différenciation du pronucleus mâle et du pronucleus femelle. Le stade E, qui lui succède, correspond à l'écbange réciproque entre les conjoints de leurs pronucleus mâles et à la copulation de ce dernier avec le pronucleus femelle de son nouvel hôte. Ici se ter- minent les stades de la fécondation proprement dite. Le rôle de ceux qui suivent est la réorganisation de l'appareil nucléaire. Ils sont d'abord au nombre de deux stades de division F et G, pendant lesquels le nouveau noyau de copulation et ses produits se divisent deux fois. Enfin vient le huitième et dernier stade H, ou stade de reconstitution, pendant lequel les produits homogènes des deux précédentes divisions se différencient les uns en micronucleus, les autres en macronucleus. Ces derniers s'accroissent et revêtent le volume et l'aspect de l'ancien macronucleus, dont ils prenne.nt la place. Telle est, en résumé, cette évolution en apparence si complexe. De ces huit stades, il en est sept dont je crois pouvoir assurer la généralité et la constance absolue, parce qu'ils sont la conséquence de nécessités organiques, inhérentes au mode d'être de la féconda- tion chez ces Microzoaires. Le huitième, qui est le stade G, n'est peut-être pas aussi universel. J'en ai constaté l'existence chez la grande majorité des espèces étudiées par moi ; c'est pour cela que je l'ai admis dans le schéma typique de l'évolution micronucléaire- Mais nous avons vu également quelques espèces, comme les Vorti- cellides, le Paramecium caudalum, le Cryptochilum nigricans, etc., chez lesquelles il subit un redoublement et, ce qui est bien plus significatif, nous avons constaté sa suppression complète chez le Chilodon uncinatus [p. 2Q6) et chez \vl Podophrya fixa {p. 386). Ce sont encore les deux seuls cas où cette abréviation de l'évo- lution micronucléaire ait été reconnue ; mais l'avenir en fera peut-être découvrir d'autres. Ce stade peut donc varier dans sa 422 E. MAUPAS. manière d'être et môme ôtre totalement supprimé. Cette sup- pression n'a rien qui doive nous surprendre ; car, dès la fin de la mitose F, les ex-conjugués possèdent le nombre de nouveaux éléments nucléaires nécessaire pour leur réorganisation. Ce qui a bien plus lieu de nous étonner, c'est que l'existence de ce stade G soit, pour ainsi dire, devenue la règle générale et que, chez beaucoup d'espèces, il soit môme redoublé. Celte tendance au redoublement ne s'arrête quelquefois pas [là, mais peut être suivie d'une troisième division, comme nous l'avons constaté dans quelques cas anormaux chez le Paramecium caudalum (p. 208) et chez la Vortkella cucullm (p. 374). Ces phénomènes de duplication et de reduplication nucléaires sont parfaitement inutiles chez ces espèces. On peut donc les consi- dérer comme de simples superfétations, ayant pour cause une ten- dance générale à la multiplication, particulière aux jeunes éléments nucléaires des Ciliés, tant que ces éléments conservent encore la structure et l'état de micronucleus. Pour moi, en effet, ces multi- plications superflues sont de même nature et homologues à celles qui conduisent à la mulliplicité raicronucléaire des Spirostomes et des Stentors. La seule différence consiste en ce que, chez ces der- nières espèces, tous les nouveaux éléments micronucléaires ainsi produits persistent; tandis que, chez les premières, un seul survit, les autres s'atrophiaut et disparaissant par résorption. Cette persis- tance chez les uns et cette résorption chez les autres, sont évidem- ment le résultat d'adaptations particulières de l'appareil micronu- cléaire ; adaptations sans importance profonde et essentielle. Une modification du schéma de l'évolution micronucléaire plus embarrassante à expliquer est la division préliminaire au stade d'accroissement, que nous avons observée chez les microgaraètes des Vorticellides et chez les deux gamètes des Euplotes. Quelle signi- fication peut bien avoir cette mitose préliminaire, qui paraît abso- lument constante dans ces deux groupes de Ciliés? C'est ce que je n'essaierai pas de dire pour le moment. Quand nous connaîtrons LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 423 l'évolution fécondatrice complète chez un plus grand nombre d'es- pèces, cette difficulté s'éclaircira peut-être d'elle-même. Le stade d'accroissement A, avec les formes singulières et variées suivant les espèces que le micronucleus revêt dans son développe- ment; est un phénomène fort bizarre et pour le moment paraissant unique dans le monde vivant. Nous verrons au chapitre suivant jus- qu'à quel point on peut tenter de l'homologuer avec des phénomènes connus chez d'autres êtres vivants. Contentons-nous de rappeler la longue durée de ce stade, qui, à lui seul, absorbe presque la moitié du temps écoulé depuis le début de la syzygie jusqu'au moment de la fécondation à la fin du stade E. Pendant les stades B et G, l'évolution du micronucleus peut suivre deux marches un peu différentes. Dans la première {Parainécies, Cofpidnim, Euplotes, etc.), tous les produits de la mitose B persis- tent et prennent part à la seconde mitose G ; d'oîi il résulte que les corpuscules de rebut sont éliminés d'une seule fois après cette der- nière mitose. Avec le second mode [Oxylrichides^ Spirostomes)^ la moitié seulement des produits de la mitose B persiste et prend part à la mitose G. L'autre moitié est éliminée par résorption. 11 en ré- sulte que, chez ces espèces, l'élimination des corpuscules de rebut se fait à deux reprises différentes, une fois après chacune des mitoses. Cette petite différence n'affecte en rien le principe essentiel d'une double division préparatoire, destinée spécialement à l'élimination des corpuscules de rebut. Au cours des descriptions particulières consacrées à chacune des espèces, j'ai insisté tout particulièrement afin de bien faire consta- ter l'identité parfaite do tous les corpuscules micronucléaires pro- duits à la fin de la mitose C. Rien, en efl'et, ni dans leur forme, ni dans leur volume, ni dans leur structure, n'en distingue aucun d'eux, comme prédestiné à continuer l'évolution et à devenir le généra- teur des pronucleus mâle et femelle. C'est le hasard de la position qui décide le sort de ce corpuscule privilégié. Nous avons, en effet, vu chez toutes les espèces, que l'élu est toujours celui qui, à ce mo- 424 E. MAUPAS. ment, se trouve le plus rapproché du point par où se fera l'échange des pronucleus. Il continue à évoluer, tandis que les autres, con- damnés par leur position éloignée, sont frappés d'inertie et tombent en régression. On peut donc affirmer que, si le hasard de la position l'eût permis, tous ces condamnés auraient tout aussi bien pu con- tinuer l'évolution que le corpuscule élu ». Cette importante observa- tion semble bien démontrer que, dans l'expulsion des corpuscules de rebut, il y a une élimination de substance simplement quantitative et non pas qualitative ; autrement dit que cette élimination a pour but unique de réduire la quantité de substance des éléments micro- nucléaires, et non pas d'en extraire et rejeter au dehors une substance particulière, impropre à la continuation de l'évolution karyoga- mique. Je sais bien que ceux qui voudront défendre cette dernière hypo- thèse pourront toujours soutenir qu'il n'est pas nécessaire de com- prendre une élimination qualitative comme une extraction, une épu- ration absolue, triant et séparant complètement l'une de l'autre deux substances distinctes ; mais bien plutôt comme une réduction de la substance défavorable. Celle-ci serait mélangée intimement avec la substance micronucléaire fondamentale et diminuée de moitié après chaque division; elle se trouverait réduite au quart de sa quantité primitive dans le corpuscule persistant. Après cette diminution des trois quarts, les influences défavorables auxquelles elle sert de support se trouveraient neutralisées. Tout cela est bien compliqué, et cette substance qui sommeille dans le micronucleus en l'imprégnant pendant de longues séries de générations agames, puis qui, tout d'un coup, au moment de la fécondation, doit être écartée en partie; cette substance défavorable, dis-je, me semble une chose bien bizarre. Aussi, tout me porte à ne voir dans l'élimi- » BovEHi {Jenaische Zeitschrift, t. XXI, 1887, p. 47G et 496) a vu, dans certains cas paiiiciiliers, chczVAscaris megalocephala, les noyaux de rebut demeurer dans l'œuf, au lieu d'être expulsés au dehors et s'y transformer en véritables pronucleus de structure et de conformation normales. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 42S nation des corpuscules de rebut qu'une simple réduction quantita- tive, réduction portant en totalité sur la substance micronucléaire, considérée comme simple. On me demandera, il est vrai, quelle signification il faut accorder à cette diminution de quantité et de volume? J'avoue que, pour le moment, il est impossible de faire une réponse précise à cette ques- tion. Nous nous trouvons ici en présence des phénomènes les plus intimes et les plus délicats de la biologie. Les forces moléculaires jouent bien certainement un rôle important dans ces phénomènes. De quelle nature est ce rôle et quelles en sont les conditions ? Nous ne le savons pas. Mais il nous est toujours permis de supposer qu'une diminution, dans la quantité des éléments matériels, doit agir effi- cacement sur ces forces moléculaires pour les modifier, en les atté- nuant et donnant plus de délicatesse à leur jeu et à leurs effets. C'est une simple supposition ; mais elle n'a rien d'illogique et d'ab- surde. Reprenons la suite de notre revue générale de l'évolution micro- nucléaire. Au sujet du stade D, nous aurons à faire les mêmes observations que ci-dessus. Les deux nouveaux petits noyaux issus de cette mi- tose sont parfaitement identiques entre eux et ne montrent pas la moindre différence ni dans la forme, ni dans le volume, ni dans la structure. Chez les douze espèces oh j'ai réussi à les bien étudier, je les ai toujours vu se comporter avec la plus parfaite similitude, sous l'action des réactifs fixateurs et colorants. Il faut donc les considérer comme possédant une équivalence morphologique absolue. La dif- férence de position seule décide du sort si différent auquel ils sont réservés. Celui qui, à la suite du développement du boyau connectif, se trouve refoulé en dedans du corps, celui-là jouera le rôle de pro- nucleus femelle. L'autre, qui demeure fixé près du point d'échange, prendra le rôle de pronucleus mâle. On le voit donc, ces qualifications de mâle et de femelle n'impli- quent aucune différence de structure ou morphologique. Elles n'ont iW E. MÂUPAS. de sens qu'au point de vue de la détermination du sort futur des deux pronucleus, dont l'un, le femelle, demeure immobile au sein du corps de la gamète mère, tandis que l'autre, le mâle, est échangé et passe dans le corps de l'autre gamète. Considérés en eux-mêmes, les deux pronucleus ne sont ni mâle ni femelle et je ne doute pas que, le cas échéant, ils pourraient être substitués l'un à l'autre sans inconvénient. 11 résulte de tout cela que, lorsqu'on arrive à l'étude de ces éléments ultimes et essentiels de la fécondation dite sexuelle, les termes de mâle et de femelle n'ont plus de sens. Les différences, appelées sexuelles, portent sur des faits et des phénomènes pure- ment accessoires de la fécondation. Celle-ci, réduite à ses traits in- times et essentiels, se trouve dépouillée de tout caractère sexuel. Elle consiste uniquement dans la réunion et la copulation de deux noyaux semblables et équivalents, mais provenant de deux cellules distinctes. Cette différence d'origine, jointe à la réduction préalable de quantité, me paraissent être les seuls facteurs nécessaires à la production d'éléments fécondateurs. Comment ces derniers, à la suite de processus en apparence aussi simples, se trouvent-ils investis des merveilleuses propriétés de ré- génération et de rajeunissement que nous leur connaissons ? C'est ce que nous ignorons et que nous ignorerons probablement encore longtemps. La solution de ce problème se rattache à des questions de structure moléculaire intime qui, pour le moment, échappent entièrement à nos moyens d'investigation. Peut-être faudrait-il ac- corder une action importante à la constitution physico-chimique des pronucleus? Mais, inutile d'insister et d'aller nous perdre dans le champ illimité des suppositions non contrôlables. Une conséquence singulière, qui découle des considérations pré- cédentes, c'est que les Infusoircs ciliés en conjugaison, tout en se livrant à un acte dit sexuel, ne possèdent cependant ni organes, ni produits sexués dans le sens vulgaire du mot. Chez eux, la féconda- tion s'effectue par un procédé dit sexuel, mais elle agit sur des élé- ments dépourvus de toute sexualité. Lechanged'un élément fécon- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 427 dateur caractérise, en effet, très nettement la sexualité du procédé ; mais l'élément fécondateur et l'élément fécondé sont entièrement homologues et dépourvus de toutes différences sexuelles. Ces considérations qui, de prime abord, peuvent sembler plus subtiles qu'utiles, ont cependant leur intérêt. Elles nous conduisent à voir, dans la fécondation des Ciliés, une des formes les plus simples et les plus élémentaires de cette fonction. Chez ces animalcules, nous la trouvons, en effet, débarrassée de tous les phénomènes ac- cessoires, qui donnent à ses processus une si grande complication chez les êtres supérieurs et qui en masquent la véritable essence. Ici elle est, pour ainsi dire, réduite au phénomème fondamental, qui en constitue l'essence même, c'est-à-dire à lakaryogamie ou copu- lation de deux éléments pronucléaires. Je considère, en effet, les pronucleus comme les seuls agents essentiels de la fécondation. On pourra, sans doute, toujours prétendre que, pendant le mouvement d'échange des pronucleus mâles, le cytoplasme prend part à ce mouvement, et que les cyto- plasmes des deux gamètes doivent alors entrer en communica- tion directe. Ils pourraient donc à ce moment échanger réciproque- ment une petite quantité de leur substance. Que les cytoplasmes des deux gamètes entrent en contact direct, le fait est bien démon- tré par le mode d'union des Oxytrichides, dans lequel nous les voyons même contracter entre eux une véritable soudure organi- que. Que des parties de cytoplasme d'une gamète peuvent même passer dans le cytoplasme de l'autre et s'y réunir en se mélangeant intimement, ce fait est encore incontestable. Chez les Yorticcl- lides, nous voyons tout le cytoplasme de la microgamète attiré et absorbé par la macrogamète. Chez les Euplotes, nous avons éga- lement constaté que le pronucleus mâle, dans sa migration, est toujours accompagné d'une petite masse de cytoplasme, qui pénètre avec lui dans son nouvel hôte. Chez les Paramécies également, où l'échange des pronucleus se fait par les orifices buccaux, je crois avoir aussi constaté des faits d'intercommunication entre les cyto- 428 K. M4UPAS. plasmes des deux gamètes. Mais chez les nombreuses espèces, comme les Colpidium, les Cryplochilum, les Glaucomes, les Loxo- phylIes,lesLeucophres, lesSpirostomes,où réchange des pronucleus ne s'effectue pas par un orifice préexistant, mais se lait par le mi- lieu de la surface de coalescence des gamètes, en refoulant et tra- versant la paroi commune des deux conjoints; chez ces espèces^ je n'ai jamais aperçu le moindre indice d'une communication directe entre les cytoplasmes, et j'ai la ferme conviction qu'elle n'y existe pas. Cette diversité de dispositions est la meilleure preuve de la signi- fication accessoire de l'échange de parties du cytoplasme, lorsque cet échange a lieu. Les cytoplasmes, en effet, n'entrent en échange réciproque qu'à titre de véhicules des pronucleus mâles, et cela seulement chez les espèces où, par suite de la disposition particu- lière des syzygies, les pronucleus ne pourraient effectuer seuls leur migration. Les parties de cytoplasme ainsi échangées ne jouent plus aucun rôle dans le corps de leur nouvel hôte et s'y perdent en se fusionnant avec leur homologue, ou peut-être même en dispa- raissant par résorption *. De ce que je refuse au cytoplasme toute espèce de rôle dans l'acte suprême de la fécondation, il ne faudrait pas croire que sapart d'action, dans l'ensemble des processus de l'évolution fécondatrice, soit insignifiante. Elle est au contraire fort grande et on peut con- stater son intervention active à tous les stades de celte évolution. Dès le début de la conjugaison, c'est évidemment de lui que le mi- cronucleus reçoit la première impulsion, qui le fait entrer en évo- lution. Pendant toute la durée de cette évolution, c'est encore lui ' STn^sBURGEn (fy^ewe Untersuchungen ùber den Befruchlungsvorgangbei denPha- nerogamen, etc. Jena. G. Fischer, in-S», 1884, p. 82) était arrivé éjjalement à des conclusions parfaitement identiques chez les végétaux. Il existe, d'ailleurs, entre mes conclusions et celles du savant botaniste de Bonn, un bon nombre d'autres concordances qui, pour moi, sont une précieuse garantie de leur exactitude. Les objets sur lesquels nous avons travaillé sont, en eiïel, si éloignés dans les classilica- tions, que nos rencontres et nos coïncidences prouvent bien que nous devons avoir saisi exactement des lois et des phénomènes généraux. LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 429 qui fournit constamment, au micronucleus et à ses produits, les nouveaux matériaux nécessaires à leur développement et les débar- rasse de leurs parties devenues inutiles. Aux phases que j'appellerai critiques, c'est-à-dire à la fin des stades C, D et G, quand il s'agit de faire prendre à des corpuscules micronucléaires tous semblables et équivalents entre eux des rôles distincts et très différents, c'est évidemment encore lui qui intervient comme agent directeur. Enfin, nous l'avons vu plus haut, chez plusieurs espèces, il sert de véhicule aux pronucleus mâles dans leur migration. Son influence est donc constamment présente et active. Les pronucleus, au moment de leur échange et pendant leur co- pulation, peuvent se trouver à des états de développement diffé- rents. C'est ainsi que, chez les Colpidium colpoda, Leucophrys patula, Spiî'ostomum teres, Euplotes patella et Euplotes Charon, l'échange et la copulation s'effectuent à l'état de spirem ; chez les Loxophylles et les Oxy^rtcAïrfes, l'échange à l'état de spirem et la copulation à l'état d'aster; enfin, chez les /*a?'flmec«es et les Fo?'<îce//«(/es, l'échange et la copulation à l'état d'aster. Ces différences n'ont évidemment aucune importance et prouvent simplement que la copulation et la fusion des pronucleus peuvent s'effectuer également bien pendant les deux premières phases de la mitose. Cette copulation et cette fusion sont de règle absolue, j'en ai pu faire la constatation sur toutes les espèces étudiées par moi. D'ail- leurs, étant données les conditions essentielles de l'évolution fécon- datrice chez les Ciliés, il est impossible de concevoir qu'il en puisse être autrement. Nous devons donc considérer cette fusion de pro- nucleus comme le point culminant et nécessaire de toute cette évo- lution. C'est en elle que se résume la phase ultime de la féconda- tion. Celle-ci a pour but final la conjonction et le mélange de deux éléments nucléaires ; mais éléments nucléaires provenant de deux origines distinctes et préparés à jouer ce rôle fécondateur par une évolution préalable toute spéciale. Bien que, par toute leur mor- phologie et leur structure apparente, ces noyaux fécondateurs ne 430 E. MAUPAS. diffèrent en rien des noyaux ordinaires, nous devons cependant, étant donnée leur origine particulière, les considérer comme doués de propriétés spéciales qui ne réussiront à se manifester et à pro- duire leurs effets naturels qu'à la suite de leur copulation. Sans cette copulation, ils demeurent stériles et ne tardent pas à perdre toute faculté évolutive, tandis que, par le fait de leur union, le pro- duit de cette fusion se trouve investi de ces merveilleuses propriétés régénératrices que nous lui connaissons. Il est donc impossible de les considérer comme des noyaux ordinaires complets. Ce ne sont pas des noyaux ordinaires, toute leur genèse et leurs propriétés fécon- datrices latentes le démontrent péremptoirement; ils ne sont pas complets, puisque chacun d'eux a nécessairement besoin du con- cours d'un congénère pour continuer normalement son évolution. Pris isolément, il leur manque à chacun quelque chose d'inconnu, mais qui n'en est pas moins essentiel. Cet inconnu leur est apporté par leur copartenaire, et de leur réunion résulte un noyau complet et parfait. Ces considérations me paraissent parfaitement justifier l'em- ploi du terme pronucleus* emprunté à Ed. van Beneden, pour dési- gner ces noyaux fécondateurs. Les qualifications de mâle et femelle sont, comme nous l'avons vu plus haut, moins bien appropriées. Mais, comme il est cependant nécessaire de distinguer le noyau d'échange de celui non échangé, qu'en outre, le fait de cet échange et celui de ce non-échange correspondent en partie aux phénomènes que nous qualifions de maies et femelles dans la sexualité des ani- maux supérieurs, je continuerai à me servir de ces deux termes, en 1 Strasburger {Neue Vntersuchungen, etc., p. 78) repousse l'emploi de ce terme spécial sous le prétexte que, par leur structure, leur conformation et toute leur constitution morphologique apparente, ces noyaux fécondateurs ne diffèrent en rien des noyaux végétatifs ordinaires. Je me sépare complètement de lui sur ce point; car, îl mon avis, le rôle et les facultés spéciales de ces noyaux justifient déjà cette dénomination particulière. En outre, personne ne niera qu'îi ces propriétés particu- lières doivent correspondre des structures et des états morphologiques spéciaux et parfaitement réels, bien qu'ils échappent à nos moyens d'investigation. Stras- burger lui-même on fait l'aveu. (Ibid., p. 132-133.) LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 431 priant de ne pas oublier qu'il ne s'agit ni de mâle ni de femelle au sens propre de ces mots. La copulation des pronucleus s'effectue de la façon suivante. Ils entrent d'abord en contact par leurs membranes qui, à ce moment, sont toujours plus ou moins soulevées et détachées de la masse plasmiquc interne. A ce dernier point de vue, les pronucleus, à cette phase, ressemblent un peu aux éléments nucléaires en voie d'ac- croissement au début du stade H. Il semble qu'une grande quantité de suc nucléaire se soit accumulée au-dessous de la membrane, en la détachant des parties figurées internes. Les membranes en con- tact se résorbent, et les cavités des pronucleus entrent en commu- nication. Ici les choses se continuent de deux façons un peu diverses, suivant qu'il s'agit de pronucleus à l'état pelotonné de spirem ou à l'état de fuseau fibreux. Dans le premier cas, les deux masses pelo- tonnées entrent en contact, d'abord par quelques filaments, se rap- prochent en se tassant de plus en plus et finissent par former une masse compacte et uniforme sous l'enveloppe périphérique. Dans le second cas, les deux masses plasmiques, à un état de diflerenciation plus avancé, se rapprochent l'une de l'autre par un de leurs côtés longitudinaux, s'accolent, en se tassant de plus en plus, et, finale- ment,ne paraissent plus former qu'une masse fibreuse unique, enve- loppée parla même membrane périphérique. Cette copulation et cette réunion des pronucleus est-elle suivie d'une fusion, au sens littéral, des éléments figurés de leurs masses plasmiques, ou bien ceux-ci conservent-ils leur indépendance et leur autonomie primitives, au sein du nouveau noyau mixte, en se juxta- posant et s'intercalant les uns entre les autres? C'est là une question fort délicate, à laquelle je n'essaierai pas de donner une solution précise. Les pronucleus des Infusoires, avec leurs structures com- pliquées, ne se prêtent guère à ces difficiles recherches. On sait que Ed. van Beneden et Boveri ont adopté la seconde alternative, en s'appuyant sur des observations faites avec les œufs fécondés de l'Ascaris megalocephala. D'après eux, les éléments chromatiques rcs- 432 E. MÂUPAS. tcnt toujours distincts, non seulement après l'union des pronucleus, mais encore dans toutes les générations cellulaires qui suivent. Les pronucleus, lorsqu'ils entrent en contact, sont composés, dans leurs éléments figurés, de deux substances distinctes, le hyaloplasme et la chromatine. Ces deux substances, nous les connaissons comme représentant les parties constitutives du micronucleus à l'état de repos et nous avons vu que, chez certaines espèces, comme les Para- mécies, on les y discernait toujours parfaitement distinctes l'une de Tautre, tandis que, chez d'autres espèces, comme les Euplotes, la chromatine, à l'état dense et homogène, semblait constituer à elle seule toute la masse du micronucleus. Cette faculté de la chroma- tine de pouvoir s'isoler et représenter à elle seule toute la matière constituante du micronucleus, démontre avec toute évidence que c'est également en elle que résident les propriétés essentielles de cet organe et qu'elle est le substratum, la base physique, de ses éner- gies fonctionnelles spéciales. Le hyaloplasme, lui, représente une partie accessoire nécessaire, en tant qu'il fournit la matière consti- tuante des mécanismes adjuvants, sans lesquels la chromatine ne pourrait remplir son rôle ; mais il ne possède aucune des propriétés physiologiques de celle-ci. Ce rôle secondaire du hyaloplasme est bien démontré par le mou- vement de flux perpétuel, de va-et-vient pour ainsi dire, dans lequel cette substance se trouve pendant l'évolution micronucléaire. C'est elle, en effet, qui constitue la membrane, les filaments du fuseau, ainsi que les cordons et le tube connectifs, parties qui, d'ailleurs, ne sont que le développement et la continuité les unes des autres ; les filaments du fuseau devenant les cordons connectifs et la membrane se transformant en tube connectif. Nous avons vu ces parties s'ac- croître, se développer, puis finalement disparaître par résorption à chaque stade de l'évolution, pour reparaître et se renouveler au stade suivant. Sa quantité proportionnelle varie donc constamment depuis un minimum, dans lequel elle semble pouvoir être réduite à zéro (phase ultime de la mitose chez le Spirostome et les Oxytri» LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 433 chides), jusqu'à un maximum où elle représente une masse dépas- sant de beaucoup celle de la chromatine (cordons et tubes connec- tifs). Sa structure et son rôle mécanique, eux-mêmes, se modifient constamment. D'ailleurs, toutes ces modifications n'aboutissent, dans leurs effets apparents, qu'à mettre en mouvement et à déplacer les éléments chromatiniens, pour les diriger et leur faire prendre les dispositions propres à l'exécution de leurs fonctions. Le rôle se- condaire dubyaloplasme est donc indiscutable K Le rôle spécial et fondamental de la chromatine ressort, au con- traire, de tout ce que nous venons de dire. Cette substance se main- tient immuable pendant toute l'évolution micronucléaire, avec toutes ses propriétés physiques et très probablement aussi avec sa struc- ture initiale, quelque effacée que celle-ci puisse paraître à certains moments. Elle subit bien une réduction quantitative, dans l'élimi- nation des corpuscules de rebut ; mais cette réduction, dont la vraie signification est encore fort problématique, constitue une des phases essentielles de l'évolution fécondatrice. En outre, chez certaines espèces, comme les Loxophyiles, les Spirostomes et lesOxytrichides, nous la trouvons constituant, à elle seule, toute la masse des pronu- cleus au moment de leur première différenciation, précédant leur échange et leur copulation. De toutes ces considérations, il résulte donc que la chromatine est la substance fondamentale, jouant le rôle essentiel dans la fécondation. A ce point de vue, celle-ci se ré- sume dans le rapprochement et la réunion, dans le cadre d'un noyau commun, d'éléments chromatiniens, provenant, par moitiés égales, de deux noyaux germinatifs, appartenant à deux cellules distinctes. Est-il possible de pousser encore plus loin l'analyse de ces phéno- mènes, et de rechercher comment et pourquoi cette chromatine spéciale, cet idioplasme nucléaire, comme on l'appelle de l'autre côté du Rhin, se trouve ainsi investi de ses propriétés fécondatrices? Dans l'état actuel de nos connaissances, la solution de cette ques- 1 Les observations de Boveri [Jenaische Zeitschrift, t. XXI, 1888, p. 693) sur les œufs de V Ascaris megalocephala, conduisent exactement à la même conclusion. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉ^'. — 2« SÉRIE. — T. VII. 1889. 28 434 E. MAUPAS. tioii me semble inabordable et le sera peut-être d'ailleurs à tout ja- mais. Elle confine, en effet, aux problèmes touchant l'essence des choses et se trouve placée sur un terrain où nos spéculations man- quent trop souvent d'assises solides et positives, pour que nous puissions espérer d'y édifier des notions utiles et durables. Plus tard, lorsque la physique et la mécanique moléculaires seront arri- vées à constituer un ensemble de connaissances bien coordonnées, peut-être, alors, les biologistes de ce temps pourront-ils y puiser des éclaircissements sur ces hautes questions. Pour le moment, sachons nous contenter d'avoir reconnu avec certitude la connexion exis- tant entre la chromatine et ses propriétés fécondatrices, en tâchant de bien préciser l'importance et l'étendue de ces dernières. En quoi donc consistent bien exactement ces propriétés, autre- ment dit quel est le suprême but fonctionnel de la fécondation? Si nous nous en tenons uniquement aux Infusoires ciliés, qui consti- tuent l'objet spécial de ce travail, la réponse à cette question res- sort clairement et sans difficulté de toutes les recherches exposées dans les pages précédentes. Le but suprême de la fécondation est la rénovation, la recoiistitution d'un noyau de rajeunissement, formé par la copulation de deux noyaux fécondateurs d'origines distinctes et dont les éléments chromaliniens représentent la partie essentielle. Ce nouvel appa- reil nucléaire agit sur tout l'organisme, auquel il appartient, comme une sorte de ferment régénérateur, lui restituant, sous leur forme parfaite et intégrale, toutes les énergies vitales caractéristiques de l'espèce. Cet être se trouve donc rajeuni dans le sens httéral et absolu du mot. 11 peut dès lors redevenir le progéniteur d'un nouveau cycle de multiplications agames, dont toutes les générations successives seront douées des mêmes facultés rajeunies, jusqu'à ce que celles-ci s'usent et s'affaiblissent peu à peu, par leur exercice même, et en arrivent ainsi à ressentir le besoin réparateur d'une nouvelle pé- riode d'activité fécondatrice. Ce rajeunissement se fait sentir d'une façon apparente spéciale- ment et uniquement sur l'appareil nucléaire. Toutes les autres ma- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 435 nifestations qu'on a prétendu lui rattacher, ou bien sont erronées, ou bien constituent des phénomènes accessoires, non constants et résultant d'adaptations biologiques particulières à certaines espèces. C'est ainsi que nous avons démontré, à plusieurs reprises, dans un travail antérieur* et dans celui-ci, l'erreur des auteurs qui ont pré- tendu qu'à la suite de la conjugaison, la faculté de multiplication fissipare se trouvait accrue. Par des expériences directes, instituées avec le Paramecium au7'elia {p. 221), la. Leucoph^y s patula [p. 261), VOnychodromus gi^andis (p. 321), la Stylonichia pustulata (p. 328) et VEuplotes pateUa{p. 353), nous avons pu faire voir que rien de tel n'existait et que, anciennement et nouvellement conjugués, ces Infu- soires se flssiparaient et se multipliaient de la même façon. Nous avons également combattu l'idée erronée de ceux qui ont voulu voir dans les mues ciliaires, accompagnant la conjugaison des Oxytri- chides et des Euplotides, une manifestation des phénomènes de ra- jeunissement. Aux descriptions particulières, consacrées hYOnycho- dromus grandis (p. 320) et à VEuplotes patella (p. 349), nous avons démontré que ces mues n'étaient que des phénomènes secondaires, sans lien intime et essentiel avec le rajeunissement karyogamique. Nous pouvons donc le répéter, le seul organe affecté d'une façon directe et apparente dans ces phénomènes est l'appareil nucléaire. Il en résulte que la fécondation, chez les Ciliés, se résume en une simple rénovation nucléaire, entraînant à sa suite le rajeunissement de l'être^ auquel appartient ce noyau renouvelé. Ce n'est pas, en effet, un des résultats les moins surprenants des recherches sur la fécondation des Ciliés, devoir que son évolution et ses manifestations si complexes n'aboutissent à la multipHcation ou à la reproduction d'aucun être nouveau. Chez tous les êtres supé- rieurs, l'accouplement sexuel et la fécondation sont inévitablement suivis d'une production d'individus nouveaux, et on s'est habitué à considérer la fécondation et la reproduction comme deux phé- ' Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 254. 436 E. MAUPAS. nomèncs indissolublement liés l'un à l'autre. Chez les Ciliés, cette connexité n'existe plus, et les deux processus, loin d'être [rattachés par un lien causal, semblent plutôt être en opposition l'un à l'autre. Nous avons, en effet, vu plus haut (p. 403) qu'il suffisait de pour- voir constamment les Infusoires d'une abondante nourriture, et par suite, de provoquer leur multiplication indéfinie, pour empêcher chez eux toute espèce de manifestations conjuguantes et, inverse- 'ment, que celles-ci apparaissent des que ces animalcules, privés d'aliments, ne peuvent plus s'accroître ni se fissiparer. Cette oppo- sition se manifeste encore d'une façon plus apparente dans un autre fait. La période d'évolution fécondatrice arrête, chez les individus conjugués, toute espèce d'accroissement et, par conséquent, sup- prime les multiplications fîssipares qui auraient pu se produire pen- dant cette période. Afin de préciser, prenons l'exemple de VOnycho- dromus grandis, se conjuguant par une température de 17 à 18 degrés centigrades. Dans ces conditions, toute son évolution féconda- trice, depuis le début de la syzygie jusqu'à la première bipartition, durera six jours et demi. Pendant cette durée, le même individu, non conjugué et bien nourri, aurait pu se fissiparer treize fois et, par conséquent, donner naissance à 7 000 ou 8000 descendants, au lieu des deux rejetons de l'ex-conjugué. La reproduction, toujours agame chez les Ciliés, est donc parfaitement distincte et indépendante de la fécondation. Cette dernière, dans ses effets, a pour but de sauvegarder l'es- pèce. La reproduction par division fissiparc ne peut pas, en effet, se continuer indéfiniment. Nous l'avons surabondamment démontré dans notre travail sur la multiplication des Ciliés*, et nous y ren- verrons, sans reprendre ici tout l'appareil de preuves dont nous avons accompagné notre démonstration. Il nous suffira de rappeler que la biologie des Ciliés est renfermée dans un cycle, composé d'une série de générations agames, alternant avec une phase d'évolution » Lqc. cil. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 437 fécondatrice. La série des générations agames possibles est limitée et varie pour chaque espèce. Lorsqu'elle se prolonge outre mesure, elle a pour conséquence, chez les nouveaux rejetons ainsi produits, une dégénérescence et une désorganisation de l'appareil nucléaire qui, après un délai plus ou moins long, entraînent la mort de ces individus et de tous leurs descendants. Cette dégénérescence, je l'ai comparée à la décrépitude causée par la vieillesse chez les organismes supérieurs et l'ai appelée dégénérescence sénile. C'est en arrêtant son action délétère et en neutralisant ses effets, que le rajeunisse- ment nucléaire de la fécondation intervient. Les dégradations et les ravages de la première sont donc constamment annulés et réparés par l'action régénératrice de la seconde, et ce que l'une détruit est réédifié par l'autre. Dès lors, les cycles évolutifs des Ciliés peuvent se succéder à l'infini, dans leur perpétuelle alternance de période d'usure (divisions fissipares) et de phase réparatrice (conjugaison), assurant ainsi la continuité de l'espèce. En outre de cette haute propriété régénératrice, la chromatine en possède encore une seconde non moins importante et sur laquelle il a été beaucoup écrit dans ces dernières années. Il s'agit du pou- voir de transmission, par hérédité, de toutes les propriétés particu- lières de l'espèce, propriétés tant physiques que psychiques. La réalité de cette transmission héréditaire est indiscutable, puisque c'est d'elle que dépend la conservation des formes typiques et des facultés particulières qui caractérisent les espèces et les races, et que nous voyons ces conformations et ces facultés se maintenir intactes et se transmettre de générations en générations, sans la moindre altération. Autrement dit, c'est l'hérédité qui règle le dé- veloppement particulier de toutes les formes spécifiques et en assure le maintien et la perpétuité. L'hérédité est donc une des propriétés physiologiques les plus importantes des êtres vivants. Aussi les bio- logistes les plus éminents, Naegeli, Strasburger, Hertwig, Ed. van Beneden, Kœlliker, etc., se sont-ils efforcés, dans ces dernières an- nées, de déterminer et de préciser les conditions dans lesquelles 438 E. MAUPAS. cette fonction s'exerce. Leur principal effort a porté surtout sur la détermination d'un substratum particulier, servant d'organe à cette faculté, et, en s'appuyant sur les découvertes les plus récentes de la fé- condation dite sexuelle, on est arrivé à admettre que l'hérédité devait résider dans une substance particulière, un idioplasma localisé dans les noyaux. Cet idioplasma, on l'a assimilé à la chromatine, et je crois avec raison. Mes observations sur les Ciliés semblent bien dé- montrer, en effet, que la chromatine seule peut servir de substra- tum aux facultés héréditaires. Toutes les autres parties constituantes des noyaux fécondateurs sont instables et inconstantes; seule, elle se maintient invariable avec toutes ses propriétés et sa structure élémentaire, pendant toute la durée de l'évolution karyogamique. En outre, nous avons déjà vu plus haut, que chez certaines espèces, comme les Loxophylles^ les Spirostomes et les Oxylrichides, au début de la formation des pronucleus, elle constitue à elle seule toute leur substance. Dans ces cas, le pronucleus mâle échangé n'apporte à son nouvel hôte aucune autre substance figurée, et il faut de toute nécessité admettre que la chromatine qui le constitue est le support des nou- velles propriétés régénératrices et évolutives, qui vont se déve- lopper à la suite de sa copulation avec le pronucleus femelle. La chromatine répond donc parfaitement aux conditions de constance et de continuité que doit nécessairement posséder un substratum matériel de propriétés se transmettant, par hérédité, de génération en génération. Maintenant que nous avons résumé le plus exactement possible les conditions et les effets de la fécondation, il nous faut reprendre la suite de notre revue des phénomènes internes de la conjugaison. Nous l'avons laissée à la fin du stade E, c'est-à-dire à la fin de la copulation des pronucleus. A ce moment, la fécondation est entiè- rement achevée et les processus qui suivent n'ont plus d'autre but que le rétablissement du dualisme nucléaire spécial aux Ciliés. Ce rélablissemcnt s'cïï'cctue au moyen de nouvelles mitoses (stades F LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMÎQUE CHEZ LES CILTÉS. U9 et G), suivies d'une différenciation et d'un accroissement des pro- duits de ces mitoses (stade H). Le nouveau noyau de rajeunissement entre, en effet, immédiate- ment en évolution ; mais, comme nous l'avons vu au commence- ment de ce chapitre, les stades et le nombre des produits de cette nouvelle évolution varient considérablement d'une espèce à l'autre. Les mitoses peuvent, suivant les cas, être au nombre d'une seule (Chilodon), de deux [Paramecium bursaria et aureh'a, Colpidimiiy Oxy- trichides, etc.), de trois {Paramecium caudatum, Cryptochilum, Vorti- cellides) et même de quatre dans certains cas anormaux [P. cauda- tum, Vortîcella cucuUus). Les produits de ces mitoses varient dans la même proportion et, suivant les espèces, sont au nombre de deux, de quatre, de huit ou de seize. Nous constatons encore la même va- riabilité, dans la marche suivie, par chaque espèce, pour revenir à l'état normal. Chez les Chilodon, ce retour se fait immédiatement par la simple différenciation des produits de l'unique mitose, dont l'un s'arrête à l'état de micronucleus et l'autre s'accroît en macro- nucleus. Chez les Oxytrichides,\Q retour est également simple ; avec cette petite différence cependant, qu'un des quatre produits des deux mitoses disparaît par résorption, tandis que deux autres se trans- forment en micronucleus et le quatrième en macronucleus. Chez le Paramecium aurelia^ le Colpidium, le Glaucome, etc., le retour à l'état normal ne s'effectue qu'après une première bipartition ; chez le Pa- ramecium caudatum, après deux bipartitions ; et chez les Vorticellides, après trois bipartitions. Ces variations représentent les formes régulières et normales de cette évolution pour des Infusoires placés dans de bonnes conditions alimentaires. Mais d'autres variations peuvent encore se produire, lorsque les ex-conjugués manquent de nourriture, sans que pour cela le résultat fmal en soit modifié. Nous avons vu, en effet (p. 207), qu'en privant d'aliments le Paramecium caudatum, au sortir de la conjugaison, cet Infusoire faisait alors retour à l'état normal par une simple fusion des quatre nouveaux corps nucléaires, Je crois, 440 E. MAUPAS. d'ailleurs, que cette fusion de noyaux s'effectue encore très fréquem- ment chez les Cryptochilum, les Cyclidium et les Colcps, où leur nombre est toujours de sept, comme chez les Vorticellides. Cette fusion de noyaux végétatifs n'est pas un phénomène particulier aux Ciliés. Strasburger * en a signalé d'assez nombreux cas dans le règne végétal. La seconde moitié de la conjugaison se distingue donc de la pre- mière par l'extrême variabilité de ses processus. La première, bien que s'effectuantau début avec des organes en nombre très différents, suivant les espèces, est toujours renfermée dans des stades stricte- ment limités dans leur nombre et dans leurs effets. Le résultat final, production, échange et copulation des pronucleus, est d'une identité absolue chez toutes les espèces. Cette uniformité nous dé- montre que nous sommes là en présence de phénomènes d'une signi- fication et d'une importance générales, dont chacune des phases, d'une rigoureuse nécessité, est réglée par les lois supérieures, sinon universelles, du moins fort générales de la fécondation. Dans la se- conde moitié, nous voyons tout le contraire. Le point initial est le môme pour toutes les espèces; mais, dès la seconde étape, tout de- vient changeant et variable avec chacune d'entre elles, et même pour une seule espèce, suivant les conditions de milieu où elle se trouve placée. Cette variabilité est la preuve de l'importance secon- daire et particulière de cette seconde partie des processus. Leur but est, en effet, le retour à l'état normal des ex-conjugués. Comme cet état normal varie, suivant chaque espèce, les processus de retour peuvent et doivent également varier. Ces derniers processus sont tout à fait particuliers aux Ciliés et résultent de l'état de dualisme de leur appareil nucléaire. A la fin du stade G, nous avons constaté, chez toutes les espèces. 1 Zellbildung und Zelliheilmg, 3" édit., 1880, p. 24-27, 42, 316, 340 et 356, Id., Ueber Kern und Zelllheilung iin Pflanzenreiche, 1888, p. 48. — Voir également Beh- TUûi-D, Milthcïlungen aus der Zool. Station zu Neapel, t. II, 1881, p. 77. Fusion de noyaux dans le jeune sporange des Derbesia. LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 441 l'influence directrice du cytoplasme, sur l'évolution ultérieure des nouveaux corpuscules nucléaires. Il sont, en effet, tous semblables entre eux et rien dans leur forme, leur structure ou leur volume, ne fournit le moindre indice sur la différence d'évolution, à laquelle ils vont être appelés. Ceux de la région postérieure du corps seront frappés d'arrêt de développement et se transformeront en micronu- cleus, tandis que ceux de la région antérieure continueront à se dé- velopper et s'accroîtront, en prenant le volume et la structure des noyaux végétatifs ordinaires. Chez les Oxytrichides, cette influence directrice du cytoplasme se fait sentir dès la lin du stade F. En effet, bien que les deux noyaux filles, résultant de cette première mitose, se redivisent l'un et l'autre pendant le stade G, le nouveau corps nucléaire dérive toujours de celui de ces deux premiers noyaux filles qui était situé le plus en avant. La différenciation des nouveaux micronucleus s'effectue par un véritable arrêt de développement. Absolument identique à leurs congénères de l'avant, au moment de leur première formation, ils se fixent dans cet état rudimentaire, et, au lieu d'évoluer et de s'ac- croître comme les autres, ils éprouvent plutôt un léger mouvement de régression. Chez beaucoup d'espèces, en effet, leur chromatine se tasse et se condense en prenant la structure compacte caractéristique du micronucleus au repos chez les Infusoires. Figés, pour ainsi dire, dans cet état rudimentaire, ils demeureront désormais inactifs dans les phénomènes de la vie végétative de leur hôte, attendant le retour d'une nouvelle période d'activité fécondatrice. Les termes de noyaux d'attente, ou encore de noyaux latents, comme les appelle M. BinetS sont donc parfaitement exacts. Dans cette différenciation des micro- nucleus, nous retrouvons encore une variabilité tout aussi grande que celle décrite plus haut pour l'ensemble de la seconde période de conjugaison. En effet, chez les Colpidium, les Paramecium bursa- ria et aurelia, etc., les deux petits noyaux postérieurs revêtent la ' A. BiNET, Études de psychologie expérimentale, Paris, 1888, p. 181. i42 E. MAUPAS. forme de micronucleus ; chez \e Parameciioncaudation, un seul per- siste en micronucleus, tandis que les trois autres disparaissent par résorption ; chez les Oxytrichides, deux persistent et un disparaît ; enfin chez les Vorticellides, les Cryptochilinn^ les Coleps, un seul cor- puscule se transforme en micronucleus, tandis que les sept autres évoluent et s'accroissent en nouveaux macronucleus. 11 eût été inté- ressant de déterminer exactement le point de départ de cette diffé- renciation chez ces dernières espèces; mais je n'y ai pas réussi. La différenciation et le développement des nouveaux corps nu- cléaires pendant le stade H paraissent, dans leurs traits généraux, s'effectuer d'une façon assez uniforme chez toutes les espèces. Cet accroissement de noyaux est un phénomène tout particulier et d'une extrême importance pour la connaissance de la structure intime des nucleus et des rapports, entre eux, de leurs éléments constitutifs. Il méritait une étude approfondie et toute spéciale, que je n'ai pas eu le temps de lui consacrer. L'esquisse que je vais en tracer ne fera donc qu'effleurer quelques-unes des questions, que son étude com- plète comporterait. Ainsi que nous l'avons déjà dit plusieurs fois, tout au début du stade H, les futurs micronucleus et les futurs macronucleus sont, dans leur forme, leur volume et leur structure, absolument iden- tiques entre eux. Ils ont une origine commune et représentent deux à deux les moitiés égales d'un même noyau mère, divisé pendant la mitose G. Leur forme est celle de petites sphères, mesurant 2 à 3 iji, et composées d'une fine membrane périphérique, enveloppant une trame plasmique délicate, qui remplit uniformément toute la ca- vité délimitée par cette membrane. La trame plasmique est assez dense et paraît composée de filaments déliés, repliés sur eux-mêmes en contours sinueux et peut-être anastomosés et enchevêtrés en un peloton serré. A ce moment, les teintures microchimiques y décè- lent nettement la présence d'éléments chromatiniens ; la coloration générale obtenue est toujours assez faible. Il semble donc que le hyaloplasme l'emporte beaucoup en quantité. Sous quelle forme et LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 443 avec quelle disposition cetle chromaline se trouve-t-elle dans ces petits noyaux rudimentaires ? C'est ce qu'il est assez difficile de dire, étant donnée l'extrômc finesse de ces structures. Quelquefois, j'ai cru la voir sous la forme de fines granulations; d'autres fois il m'a semblé qu'elle imprégnait, à l'état diffus, les filaments de la trame générale. La première modification apparente des nouveaux corps nucléai- res consiste dans un accroissement de leur volume. Cet accroisse- ment se fait par une sorte de dilatation de la membrane périphéri- que, qui se gonfle de toutes parts, en se détachant et s'écartant de la trame plasmique interne. Celle-ci, en effet, ne paraît tout d'abord pas bouger. Le vide^ ainsi créé entre elle et la membrane, se rem- plit d'un suc liquide hyalin, dans lequel, par conséquent, le peloton plasmique baigne de toutes parts. Lorsque, à la suite de cette accu- mulation de suc intranucléaire, les petits noyaux ont doublé ou môme triplé de diamètre, le peloton plasmique s'accroît à son tour, en envahissant peu à peu toute la cavité nucléaire. Pendant cette première période de son accroissement, il conserve l'aspect et la structure que nous lui avons décrite au début. Mais, un peu plus tard, cette trame plasmique continuant à s'ac- croître, se tasse en devenant de plus en plus dense, et finit même, chez quelques espèces (Paramécies), par prendre un aspect si com- pact, qu'elle en paraît tout homogène, à l'exception toutefois d'une petite vacuole centrale contenant quelquefois de fines granulations, vacuole que Balbiani avait prise pour la vésicule germinative de ses prétendus œufs. Chez d'autres espèces, au contraire (Oxytrichides), la trame conserve son aspect filamenteux, mais les filaments se sont fortement épaissis, en se tassant les uns contre les autres dans leurs nombreux replis. En cet état, les noyaux ne se colorent plus du tout par les teintures micro-chimiques. 11 semble que la petite quantité de chromatine du début ait disparu. Je crois plutôt qu'elle est toujours présente ; mais que ne s'étant pas accrue, tandis que le hyaloplasme, au contraire, a beaucoup augmenté son volume, elle est répandue à l'état diffus dans ce hyaloplasme, mais en trop AU E. MAUPAS. faible proportion pour le rendre colorable d'une façon sensible*. Quoi qu'il en puisse être, à celle phase incolore en succède une dernière, pendant laquelle les noyaux reprennent peu ;\ peu leur propriété colorable. Cette propriété s'accentue graduellement de plus en plus, et finit par atteindre le degré normal de l'espèce. Simultanément, la masse fondamentale plasmique revêt la structure normale des noyaux. La vacuole centrale des Paramécies s'efface, elles gros filaments des Oxytrichides s'amincissent, en s'étirant. Le volume de ces noyaux s'est encore accru. A ce moment, ils sont arrivés à maturité, et on les voit alors reprendre la forme typique et caractéristique de chaque espèce. Il y a cependant, dans ce re- tour à la forme normale, quelques différences notables, suivant les espèces. Ainsi, chez les Oxytrichides et les Euplotes, il se fait im- médiatement, tandis que chez les Vorticellides, il ne s'effectue qu'après deux et trois bipartitions. Mais ces variations, comme toutes celles de la seconde période de la conjugaison, n'ont qu'une importance secondaire. L'accroissement des nouveaux macronucleus, tel que nous venons de le décrire, a pour conséquence un fait extrêmement important, et pour le moment parfaitement inexpliqué. Ces noyaux, en effet, perdent la faculté de se diviser par karyomitose, et dorénavant ne se multiplieront plus que par simple étranglement. En même temps, leur fonction, devenue purement végétative, se bornera à présider à la nutrition, à l'accroissement et à la multiplication agame. Ils ont perdu toute faculté de karyogamie rajeunissante. (Juel lien peut bien exister entre cette modification régressive de structure et cette ' Inutile d'insister pour faire remarquer combien toute cette description est opposée aux idées de Gruber {Berichie der nalurfor, Gesellschafl zu Freilurg i. C, t. II, 188G, p. 20) et de Plate [Zoologische Jahr/nicher, t. III, ISSS, p. 187). — D'après eux, le développement du nouveau macronucleus se ferait par l'absorption du plasma macronucléaire primitif, dissous pendant la conjugaison. Cet accrois- sement, au contraire, ne peut être qu'un accroissement ordinaire par inlussuscep- tion. Les fragments nucléaires, en se dissolvant, sont digérés et leur substance assi- milée perd totalement sa nature nncléaire. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 44o spécialisation fonctionnelle? C'est ce qu'il est impossible de dire actuellement. Nous retrouvons toujours la môme variabilité dans la durée de ce stade H. Nous avons, en effet, vu que, chez les Parameciimi eau- datum, P. aurelia, Leucophrys patula et les Vorticellides, les ex- conjugués recommencent à prendre des aliments dès les premières phases du stade H, et par conséquent quelques heures seulement après la fécondation. La première bipartition, chez ces espèces, se pro- duit donc dans un délai un peu variable suivant la température, mais ne dépassant jamais beaucoup vingt-quatre heures après la disjonc- tion. Chez d'autres espèces, au contraire, comme les Colpidium, les Prorodon, les Loxophylles, les Spirostomes, les Oxytrichides et les Euplotes, il s'écoule toujours plusieurs jours entre le moment de la fécondation et celui où les ex-conjugués recommencent à prendre de la nourriture. Pendant cette longue période, ces animalcules vivent dans un état d'inertie complète au point de vue végétatif, et, quand ils se trouvent isolés sans que rien vienne les tourmenter, ils demeurent immobiles la plupart du temps. J'ai essayé de trou- ver la raison d'être de différences aussi considérables. Tout d'abord ayant constaté ces longs états d'inertie chez des espèces du groupe des Hétérotriches et des Hypotriches, je pensai que leur cause pouvait résider dans l'organisation de l'appareil buccal et son mode de régénération par des mues. Mais plus tard, quand je les eus éga- lement reconnus chez une espèce aussi voisine des Paramécies que le Colpidium colpoda, je dus renoncer à cette hypothèse. Je crois plutôt que la véritable raison doit en être recherchée dans le mode d'élimination de l'ancien noyau. Nous constatons, en effet, que chez toutes les espèces à longue période d'inertie végétative, ce noyau, en outre de la fragmentation, se désorganise en totalité de bonne heure. Il en résulte qu'au moment de la disjonction, il n'existe plus qu'à l'état de débris amorphes en voie de résorption. Ces Infusoires sont forcés d'attendre que les corps nucléaires de rajeunissement aient atteint un développement suffisant, pourpré- 446 E. MAUPAS. sidcr aux phénomènes craccroissement végétaLif. Chez les deux Paramécies citées plus haut, au contraire, les fragments nucléaires conservent longtemps leur structure intime, et, comme nous le savons, peuvent même venir se réincorporer de toute pièce aux nouveaux noyaux de rajeunissement. Ces fragments nucléaires con- tinuent très probablement à jouer leur rôle directeur des phéno- mènes végétatifs, et permettent ainsi aux Paramécies de prendre des aliments et de s'accroître, avant que les nouveaux noyaux soient encore assez développés pour présider à cette fonction. J'ai la cer- titude que certaines Vorticellides se comportent comme les Para- mécies et en ce qui concerne la Leucophrys patula, nous ne devons pas oublier que sa disjonction est très tardive et s'effectue à une époque où les nouveaux noyaux sont déjà très développés. Nous voici arrivés à la fin de l'évolution micronucléaire. Une nous reste plus, pour achever le résumé des phénomènes internes, qu'à dire quelques mots du rôle et du sort de l'ancien raacronucleus. Celui-ci, comme nos recherches l'ont démontré, est destiné à s'effa- cer et à disparaître pour céder la place au nouveau noyau de ra- jeunissement. Ce remplacement constitue môme le principal effet de la conjugaison, envisagée au point de vue de sou évolution mor- phologique. L'élimination de l'ancien noyau s'effectue, suivant les espèces, de façons un peu différentes. Chez les Colpidium, Leuco- phre, Glaucome, Cryplochilum, Cyclidium, Prorodon, Spirostome, Climacostomum, il se désorganise tout d'une pièce et fond peu à peu par une résorption lente, ressemblant à une véritable digestion. Chez les Oxytrichides, les Loxophylles, les Kuplotes et les Vorticel- lides, cette résorption est précédée d'une fragmentation; enfin chez les deux grandes Paramécies, la fragmentation elle-même est pré- parée par un déroulement préalable de la masse nucléaire, qui s'é- tire en longs rubans. Ces différences de processus n'ont aucune importance, puisqu'ils aboutissent tous au même résultat: l'élimination de l'ancien noyau. Je crois même que, dans certains cas, cette élimination peut, comme LE RAJEUNISSEMENT KAKYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 447 quelques auteurs l'ont affirmé, se faire par le rejet des fragments nucléaires avec les fèces. Cette élimination est absolue et se répète en totalité à chaque conjugaison, chez la plupart des espèces étudiées par nous. Il en est cependant quelques-unes, comme VEuplotes patella, le Paramecium caudatum, pour lesquelles nous avons la certitude que, le plus sou- vent, elle peut n'être que partielle, et que des fragments de l'ancien noyau conservés viennent se fondre et s'incorporer avec le nouveau. Ces exceptions qui, tout d'abord, peuvent sembler embarrassantes, n'ont cependant rien de surprenant. Les Infusoires, lorsqu'ils se con- juguent en pleine maturité karyogamique,bien qu'à la veille d'entrer dans la période de dégénérescence sénile, n'ont encore subi aucune de ses dégradations irrémédiables. Leur ancien noyau jouit donc de toutes ses propriétés vitales, et si les conditions occasionnelles de la conjugaison ne s'étaient pas rencontrées, il eût continué, pendant des générations agames encore assez nombreuses, de pré- sider à leur développement végétatif. Dès lors, on conçoit sans peine que, dans certains cas particuliers, quelques-uns de ces frag- ments nucléaires puissent échapper à l'influence désorganisatrice, exercée par la conjugaison sur le macronucleus primitif, et qu'a- près s'être ainsi maintenus, ils viennent se fusionner avec le noyau de rajeunissement. Cette fusion ne diffère en rien de celle que nous avons constatée chez le Paramecium caudatum entre les nouveaux corps nucléaires, dans les cas de disette d'aliments. En terminant ce chapitre, il est encore une question que nous devons poser. Cette évolution fécondatrice, telle que nous venons de la résumer dans ses traits généraux, se répète-t-elle uniforme et constante chez toutes les espèces de Ciliés? Pour répondre d'une façon absolument rigoureuse à cette question, il faudrait avoir étudié la fécondation chez toutes les espèces. J'ai fait le relevé de celles rencontrées jusqu'ici à l'état de syzygie par les divers observateurs, et j'en ai compté 119, dont 52 Holotriches, 29 Péri- triches, 23 Hypotriches, 13 Hétérotriches et 2 Ohgotriches, aux- 448 E. MAUPAS. quels on peut ajouter 13 Acinétiens. Malheureusement, pour la grande majorité de ces 119 Ciliés, nous ne savons absolument rien des phénomènes internes, et ceux chez lesquels nous les connais- sons à peu près exactement, se réduisent à 16 Ilolotriches, G Hypo- triches, 3 Péritriches et 3 à 4 Hétérotriches. Mais, d'un autre côté, chez les 25 à 30 espèces étudiées, ces phénomènes internes se répè- tent avec une uniformité parfaite. En outre, cette uniformité sem- ble découler nécessairement du dualisme de l'appareil nucléaire de ces Protozoaires. Pour ces raisons et en nous conformant aux lois de l'analogie, je crois que nous pouvons affirmer la constance et l'uniformité de celte évolution chez toutes les espèces ou ce dualisme nucléaire existe. Dans un chapitre précédent (p. 387), nous avons prouvé que ce dualisme est de règle absolue chez tous les Ciliés, à part une ou deux exceptions douteuses, portant sur des espèces parasites. Il est donc permis de croire que, chez tous ces êtres, l'évolution fécondatrice suit un cours uniforme. Rappelons encore ici les nombreux cas de conjugaisons avortées que nous avons observés chez certaines espèces {Slylonichia pustu- lata, Omjchodi'omus grandis^ Euplotes palella, Leucophrys patula)^ qui continuent à s'accoupler, bien qu'arrivées à un degré de dégénéres- cence sénile très avancé '. Dans ces accouplements tardifs, la destruc- lion de l'ancien noyau suit la marche normale, et le micronucleus, s'il existe encore au début, impuissant à parcourir son évolution fé- condatrice, disparaît également. Il en résulte que les gamètes, au sortir de la conjugaison, se trouvent bientôt complètement énucléées. C'est ainsi que s'expliquent les cas d'Infusoires sans noyau, déjà signalés plusieurs fois par Biitschli ^, Balbiani, Jickeli et Gruber. Moi-même j'ai rencontré à plusieurs reprises, sur mes préparations, des Paramecium caudatuni, Colpidium colpoda et Cryptochilum ni- gricans dépourvus de toute trace d'appareil nucléaire. Ces Infusoires énucléés ne se nourrissent plus et ne tardent pas à périr, comme ' Archives de zoologie, t. VI, 1S88, p. 259. 2 Protozoa, p. 1491. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. U9 nous l'avons décrit pour les gamètes avortées de la Stylonichia puftulata (p. 329) et de VEuplotes patella (p. 353). La destruction nucléaire causée ici par l'avortement de la fécondation, place ces gamètes exactement dans la môme situation où Gruber, dans ses célèbres expériences \ mettait ses Stentors énucléés artificiellement. Dans ces deux cas, d'ailleurs, les résultats sont exactement les mêmes ; ces Infusoires énucléés sont devenus incapables de se régé- nérer et de maintenir leur existence. Mes observations viennent donc confirmer, par une voie toute différente et naturelle, les ingénieuses expériences du savant professeur de Fribourg qui, d'ailleurs, avaient été répétées par Balbiani ^ avec des résultats parfaitement semblables . En résumé, ces études expérimentales sur la conjugaison des Ciliés jettent un grand jour sur le rôle et les fonctions de l'appareil nucléaire en général. Chez les Ciliés, où cet appareil s'est dédoublé sous l'influence d'une division du travail physiologique, nous le trou- vons constitué par deux organes de structures différentes et prési- dant chacun à des fonctions distinctes et spéciales. Le macronucleus a sous sa direction toutes les fonctions destinées à l'entretien et à l'accroissement des individus. C'est lui qui préside au bon fonction nement des organes de la vie végétative et à la conservation des formes individuelles. Sans lui, le cytoplasme perd toute faculté de vivre et de réparer les lésions accidentelles ou les déchets des échanges de la circulation vitale. Le micronucleus, au contraire, veille à la conservation de l'espèce et a pour fonction principale l'entretien des puissances vitales générales. C'est en lui que réside la faculté de rajeunissement qui permet aux Infusoires de se pro- pager indéfiniment. C'est encore lui qui sert de substratum aux pro- priétés héréditaires et veille ainsi à la transmission des qualités et facultés particulières qui constituent les espèces et les races. 1 Biologisches Cenlralblatt, t. IV, 1884-85, p. 717, et t. V, 1885-86, p. 137. — /6., Berichle der naturf. Gesellschaft su Freiburg i. B., t. 1, 1886. * BiNET, Revue philosophique, t. XXIV, 1887, p. 602, ei Études de psychologie expé- rimentale. Paris, Doin, in-12, 1888, p. 213. ARCII. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 2» SÉRIE. — T. VU. 1889. 29 m 450 E. MAUPAS. XXII. ESQUISSE d'une THÉORIE GÉNÉRALE DE LA FÉCONDATION. Nous avons suivi les phénomènes de la fécondation chez les Ciliés dans tous les détails de leurs processus et de leurs effets. 11 nous faut maintenant rechercher en quoi ils se rapprochent ou diffèrent des mêmes phénomènes chez les autres êtres vivants, tels qu'ils sont actuellement connus. Cette comparaison pourra servir à confirmer ou à éclaicir quelques points douteux et, par contre-coup, jettera quelque lumière sur les lois générales de la fécondation. Si nos connaissances sur les conditions de la fécondation dite sexuelle eussent été plus étendues et plus avancées, on eût pu entre- prendre cette comparaison, en suivant une marche méthodique, basée sur les probabilitésd'ordre évolutif de ces phénomènes et elle eût ainsi acquis un beaucoup plus grand intérêt. Tout, en effet, nous engage à croire que ces conditions ont varié, qu'elles ont parcouru une évolu- tion, dont il sera possible de retrouver les diverses étapes, lorsque les phénomènes fécondateurs seront intégralement connus chez des re- présentants des groupes les plus divers des êtres vivants. En outre, cette comparaison méthodique aurait permis de faire la distinction dans ces phénomènes, entre ceux qui constituent Tessence même de la fécondation générale et ceux qui, d'ordre secondaire, sont venus s'y ajouter par des adaptations particulières. Malheureusement nous sommes loin d'approcher de cet idéal et nos connaissances actuelles sont tellement insuffisantes et fragmentaires, qu'il est des groupes d'êtres vivants entiers chez lesquels on discute -même l'existence d'un rajeunissement karyogamique; que, chez d'autres groupes assez nombreux, on n'en connaît que les manifestations extérieures, et enfin que le nombre de ceux, chez lesquels les phénomènes fécon- dateurs ont été étudiés dans leur ensemble, est en réalité assez faible. Étant donné cet état des choses, je mécontenterai de suivre Tordre des classifications, en commençant d'abord par les animaux et ter- minant par les végétaux, et afin de ne pas allonger ce Mémoire outre M LE RAJEUNISSEMEiNT KARÏOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 4bl mesure, je ferai ces comparaisons les plus brèves possibles. Nous n'insisterons un peu que dans les cas où les phénomènes intimes, connus avec quelques détails, peuvent donner lieu à des rapproche- ments intéressants. Dans le groupe des Protozoaires, nous trouvons, chez les Rhizo- podes, les Héliozoaires et les Gregarinidiens, quelques cas dans lesquels on a observé des copulations avec fusion définitive et com- plète des individus, ou bien de simples conjugaisons suivies de sépa- ration. Les phénomènes externes seuls sont connus. La véritable signification de ces copulations et conjugaisons est donc bien difficile à préciser. Dans l'ordre des Flagellés, on connaît un certain nombre de faits, dans lesquels la fécondation s'affirme d'une façon assez nette. Elle se manifeste par des copulations et fusions de gamètes, tantôt égales, tantôt inégales. Dans ce dernier cas, la gamète la plus grosse est considérée comme jouant le rôle d'ovule, l'autre celui de sperma- tozoïde. On a constaté en outre, chez deux ou trois espèces, la fusion des deux noyaux. Mais on ignore totalement si ces noyaux sont le produit d'une filiation particulière. Les conditions physiologiques de ces copulations de gamètes, ainsi que leurs rapports avec les générations agames, sont également inconnus. On peut donc le dire, l'essence de ces phénomènes, dont les différenciations sexuelles extérieures sont si claires, est encore fort obscure. Il est donc inutile d'en essayer une comparaison, avec ce que nous connaissons chez les Ciliés. Avec les Métazoaires, nous pénétrons sur un terrain beaucoup mieux exploré. Une série de brillantes découvertes, inaugurées, il y a déjà plus de quinze ans, par Biitschli et continuées par les travaux de Hertwig, de Fol, d'Ed. van Beneden, de Platner, de Carnoy et de Boveri, nous ont fait connaître les phénomènes intimes de la fécon- dation dans ses détails les plus minutieux. Nous trouverons donc là de riches et intéressants objets de comparaison. Ces comparaisons ne pouvant avoir de signification qu'entre élé- ments homologues, toute une partie des phénomènes de la féconda- 45-2 E. MAUPAS. tion chez les iMélazoaires ne trouve rien de correspondant chez les Ciliés. Nous savons, en effet, qu'ils sont complètement dépourvus d'organes sexuels et que même les cellules dites sexuées (ovules et spermatozoïdes), chargées spécialement de la fécondation chez les Métazoaires, n'ont ici aucun équivalent. Il est cependant, dans la conjugaison des Ciliés, unprocessus essen- tiel, qui jusqu'à un certain point, peut se comparer à quelques- uns des processus sexuels des Métazoaires. Il s'agit de l'acte même de la conjugaison, du rapprochement et de l'union des deux gamètes. Cette union ne correspond évidemment pas complètement à l'accou- plement des êtres supérieurs. Celui-ci a, en effet, pour but le rap- prochement et la mise en contact de cellules sexuées, qui n'e.xistent pas chez les Ciliés. Mais, d'un autre côté, la conjugaison de ces derniers permet l'échange des pronucleus et, en ce sens, représente un accouplement réel. On peut encore mieux la rapprocher de la copulation des cellules sexuées des Métazoaires, tout en formulant certaines restrictions. Ces dernières, en effet, sont différenciées sexuellement, et leur copulation est définitive, tandis que, chez les gamètes des Ciliés, il n'existe aucune différenciation et que leur copulation, chez la plupart des espèces, est momentanée. Cependant, dans les deux cas, le but essentiel et final de ces unions est le rap- prochement et la fusion des pronucleus mâle et femelle. En outre, les différenciations sexuelles des cellules fécondatrices des Métazoaires n'ont qu'une importance secondaire, puisque la cellule spermatique, en tant que cellule, est presque toujours réduite à un minimum extrême de volume et que de plus elle est destinée à disparaître dans la fécondation, son rôle unique étant de servir de véhicule au pro- nucleus mâle. On ne saurait donc refuser absolument à la syzygic des gamètes de Ciliés un caractère sexuel. Ce caractère sexuel s'affirme encore plus nettement dans l'action que la syzygie exerce sur le micronucleus. Ce noyau spécial, comme toute la suite de ce chapitré le démontrera, est l'homologue du noyau des cellules germinalives, produites par les glandes géni- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUI': CHEZ LES CILIÉS. 433 taies des Métazoaires. On peut donc le considérer comme im \ér\- i^hle noyau germinalif, contenant en puissance tout le devenir de l'espèce. Inactif dans toutes les phases de la vie végétative, il entre immédiatement en évolution, dès que deux gamètes viennent à s'unir. La conjugaison exerce donc sur cet organe une excitation particu- lière, excitation qui, évidemment, appartient à la série des processus qualifiés de sexuels. La fécondation des Ciliés, tout en conservant encore un caractère sexuel, se trouve pour ainsi dire réduite à ses éléments les plus simples et les seuls essentiels : les noyaux fécondateurs ou noyaux germinatifs. C'est donc avec l'évolution et le rôle de ces noyaux chez les Métazoaires que nous devrons surtout établir nos comparaisons. Le micronucleus, pendant le stade d'accroissement A, peut être homologué au noyau de la cellule œuf pendant l'ovogenèse et, à la fin de son développement, avant d'entrer dans le stade B, il corres- pond à la vésicule germinative arrivée à maturité, et prête à l'élimi- nation des globules polaires. Cette comparaison, en outre des raisons empruntées à l'analogie de situation évolutive, peut encore s'appuyer sur les similitudes de structure élémentaire. Le micronucleus à la fin du stade A, ainsi que la vésicule germinative à maturité, repré- sentent des noyaux très gonflés de suc nucléaire et à réseau plas- mique interne toujours peu serré ^ La longue durée de la période d'accroissement du stade A, corres- pond aux phases de développement de l'ovogenèse, pendant les- quelles les cellules germinatives primitives arrivent à se transformer en œufs mûrs. Il ne serait même pas surprenant que, plus tard, lorsqu'on connaîtra ces phénomènes d'ovogenèse chez un plus grand nombre de types, on ne retrouve, dans l'accroissement de la vésicule germinative, des phases présentant des formes plus ou moins analo- 1 Les noyaux des cellules germinatives primitives, tels que Hamanti les décrit {Jenaische Zeitschrift, t. XXI, 1887, p. 518 et 521), avec leur volume considérable et leur structure vésiculeuse, claire, et contenant une proportion énorme de suc nu- cléaire, par rapport à la faible quantité de chromatine, correspondent parfaitement au micronucleus du stade A. iU E. MAUPAS. gués à celles qui caractérisent d'une façon si curieuse ce stade chez certains Ciliés. Je crois qu'il est encore possible d'aller plus loin et de comparer les cas de multiplicité micronucléaire des Oxytrichidcs, des Hété- rotriches et de tant d'autres espèces, aux cas si nombreux d'ovoge- nèse, dans lesquels plusieurs cellules germinatives sœurs se fusion- nent soit pour constituer un seul œuf (Hydraires% cellules anticlines des Angiospermes^), soit pour constituer le follicule ovarien (Chito- nidcs ^), fusion accompagnée de la résorption de tous les noyaux primitifs à l'exception d'un seul, qui se transforme en vésicule germinative. Je suis persuadé que tous ces noyaux primitifs sont parfaitement équivalents entre eux et que si l'un d'eux seulement persiste et continue l'évolution, il ne le doit qu'au hasard d'une situation pri- vilégiée, qui détermine son sort, exactement comme cela a heu dans plusieurs phases de l'évolution micronucléaire des Ciliés. Ces noyaux primitifs multiples sont donc les équivalents des micronu- cleus multiples des Ciliés. L'unique différence entre eux est que leuj élimination se fait, chez les Métazoaires, à une phase plus précoco que chez les Ciliés. L'origine de ces noyaux, provenant de cellules distinctes, ne s'oppose pas à ce rapprochement, puisque en premier lieu , ces cellules sont toutes sœurs entre elles et que, descendant d'une cellule germinative primitive unique, leurs noyaux sont entre eux dans le môme rapport gônésique que les micronucleus multiples des Ciliés, et qu'en second lieu, l'absorption et la fusion des cyto- plasmes entre eux n'ont aucune importance essentielle dans la fécondation. Cette homologie du micronucleus avec la vésicule germinative des Métazoaires ainsi présentée, néghge un caractère important et essentiel du premier de ces organes. Le micronucleus, en effet, re- 1 Kqrotneff, Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 21, pi. 1 et II. 2 Van Tiegiiem, Traité de botanique, 188't, p. 834, flg. 542 et 543. 3 Garnault, Archives de zoologie, t. VI, 1888, p. 83, pi. VI et VII. L,E RAJEUNISSEiMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 455 présente un appareil fécondateur hermaphrodite ' réunissant, con- fondus dans sa substance, les éléments des deux futurs noyaux fécondateurs. Il correspond donc à la vésicule germinative plus le noyau spermatique des Métazoaires. Cette réunion n'a rien qui doive nous surprendre et rien de contradictoire avec l'homologie défen- due ici. En effet, comme le dit Balfour -, s'il existe des formations dont l'identité soit hors de doute dans tout le groupe des Métazoaires, ce sont à coup sûr l'œuf et le spermatozoïde. Cette identité est si parfaite, que, chez certaines espèces (Huîtres, Gastéropodes pulmonés, Synaptes'), les deux produits sexuels peuvent dériver de l'épithélium d'un même follicule de la glande génitale unique. Chez ces êtres à organisation complexe, cet hermaphrodisme est devenu cellulaire, et le môme organe , sous l'influence de circonstances accessoires (époques diverses de maturité), produit tantôt des cellules germina- tives mâles, tantôt des cellules germinatives femelles ; mais leurs noyaux n'en sont pas moins dans un rapport génésique très intime, puisqu'ils dérivent tous d'une source commune. Chez les Ciliés, l'hermaphrodisme est resté simplement nucléaire. Le micronucleus répond donc à la totalité des noyaux germinatifs d'une glande gé- nitale hermaphrodite de Métazoaire. llemarquons, en outre, com- bien cette homologie bien établie apporte un puissant argument à la théorie de l'identité des noyaux germinatifs mâles et des noyaux germinatifs femelles. Un autre point de ressemblance du micronuleus avec la vésicule germinative est la continuité ininterrompue d'individualités que ces deux organes conservent pendant toute l'évolution des processus de la fécondation. Pendant assez longtemps, on a cru qu'au mo- 1 Le terme hermaphrodite, employé ici, n'a et ne peut avoir aucune signification sexuelle, puisque, comme nous l'avons déjîi dit (p. 425), le micronucleus et ses pro- duits sont toujours dépourvus de toute espèce de sexualité. Il signifie seulement que cet organe contient en lui-môme et engendre simultanément un pronucleus d'échange (pronucleus mâle) et un pronucleus non échangé (pronucleus femelle). * Traité d'embryologie, trad. française, t. II, p. G82. 3 Hamann, yenaisc/ie Zeitschrift. t. XXI, 1887, p. 517. 456 E. iMAUl'AS. ment de ce phénomène, la vésicule germinalive disparaissait, en se dissolvant en totalité dans le protoplasme de l'œuf, ilaîckel avait même basé sur cette prétendue disparition toute une théorie phy- logénique d'un retour atavique des Métazoaires à un étal monérien, dépourvu de toute espèce de noyau, au début de l'onlogénie. Au- jourd'hui encore, quelques auteurs ont peine à se défaire de cette fausse idée \ dont l'illogisme est cependant assez évident. En effet, il est bien établi maintenant que les processus de la fécondation sont des phénomènes essentiellement nucléaires. Ils n'ont pu apparaître et se développer qu'après que les Monères primitives (si elles ont existé) se furent élevées à un degré d'organisation supérieur, et eurent passé de l'état de cytode énucléée à l'état de cellule nucléée. Les êtres, dont l'ontogénie procède d'une fécondation, n'ont donc pas à re- passer, dans leur développement, par un état placé en dehors des limites ataviques de leur évolution actuelle. Au point de vue phy- logénique, un stade monérien n'a pas de raison d'être dans leur ontogénie. Cette prétendue phase monérienne était cependant basée sur un fait d'observation réel, mais mal vu. La vésicule germinative, pen- dant les prophases des deux mitoses polaires, subit une profonde modification et perd une grande partie de sa substance. Sa mem- brane, son réseau hyaloplasmique, ses nucléoles, fondent en se dis- solvant pour ainsi dire dans le cytoplasme ambiant ^ Elle est alors extrêmement difficile à distinguer. Mais elle n'est pas disparue pour cela ; car les éléments détruits ne représentaient que les parties accessoires et variables de sa structure. Les parties essentielles, celles auxquelles est attaché son caractère personnel, les éléments chromatiques, demeurent toujours présentes et intactes, et servent de centres à la formation successive des deux fuseaux polaires, et finalement du pronucleus femelle. Tous les derniers travaux de » Henking, Zeit. f. wiss. Zoologie, t. XLV, 1SS7, p. 86 (OEuf des Phalaiigides). « KuLTSGHiTZKi, Afcltiv f. milcv. Analomie, t. XXXII, 1888, pi. XXVI, fig. 11-15, et pi. XXVII, fig. 21 et 25. LE KAJEUiNISSEiMENT KAKYOUAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 457 Strasburger, de Ed. van Beneden, de Boveri, de Blochmann et de Kultschitzki démontrent, avec l'évidence la plus complète, la per- manence et la continuité parfaite des éléments chromatiques, pen- dant toutes les phases des processus de la fécondation. Chez les Ciliés également, nous avons reconnu que ce sont eux seuls qui jouissent de cette permanence et qui établissent la continuité ma- térielle ininterrompue pendant tous les stades de l'évolution micro- nucléaire. Nous pouvons donc l'affirmer en pleine certitude, les noyaux fécondateurs conservent toujours, et sans la moindre lacune, leur personnalité, laquelle est attachée aux éléments chromatiques, seule partie essentielle de leur structure. L'homologie des stades de division B et G est encore plus évidente que celle du stade A et saute pour ainsi dire aux yeux. Ils corres- pondent aux deux divisions de la vésicule germinative, ayant pour but l'élimination des globules polaires. Il semble bien établi par les travaux de Blochmann et de Weismann * que cette double élimi- nation est de règle invariable pour les œufs fécondés chez tous les Métazoaires, et la parfaite concordance de toutes mes observations, chez les Ciliés, vient encore fortement corroborer cette loi. Les insectes avaient paru longtemps faire exception à cette règle, mais le premier des observateurs cités plus haut a démontré, l'an- née dernière ^, que cette prétendue exception reposait sur des ob- servations défectueuses. En outre, il a décrit, chez la Muscavomitoria, un mode de formation des noyaux polaires qui nous intéresse tout particulièrement, et qui vient d'être confirmé par une observation concordante de Platncr ' sur le Liparis dispar. La vésicule germi- native se divise d'abord une première fois ; puis chacune des moi- tiés, une seconde fois. Des quatre corpuscules nucléaires ainsi pro- duits, un, le pronucleus femelle, se rend au centre de l'œuf, les 1 Berichle nalurfors. Gesellschaft zu Freiburg i. B., t. III, 1888, p. 1-44. 2 Biologisches Cenlralblalt, t. VU, 1887, p. 108. — Id., !\]orphologisches Jahrbucli, t. XII, 1887, p. 536, pi. XXVI, fig. 23-38. » Biologisches Centralblatt, t. VIII, 1888, p. 321. \-)S E. MAUPAS. trois autres demeurent à sa périphérie, dans une couche de plasma clair sans globules vitellins, ou ils se fusionnent en une masse uni- que, puis se désorganisent en granulations et finissent par dispa- raître. Il n'y a donc là aucune formation de globules polaires au sens ordinaire du mot, mais une simple élimination de noyaux po- laires, comme les appelle Blochmann. Ce mode de formation et d'é- limination est complètement identique à ce qui se passe chez les Ciliés. Tout, en effet, s'y ressemble, jusqu'à la division redoublée des deux premières moitiés nucléaires, tant celle de qui va dériver le pronucleus femelle, que celle destinée à une élimination et à un anéantissement complets. D'ailleurs cette seconde division de cha- cun des noyaux issus de la première mitose semble avoir été au- trefois la règle générale chez tous les Métazoaires. J'interprète, en effet, comme une survivance de cette loi, la division que le premier globule polaire éprouve fréquemment, surtout chez les Hirudinées et les Mollusques, après sa complète expulsion. Il est donc fort pro- bable que les Ciliés et certains Insectes n'ont fait que conserver la forme primitive et générale de ce processus. Ces observations ont une haute importance et jettent une grande lumière sur la véritable signification de ces productions. Mais avant d'entrer dans ces nouvelles considérations, il nous faut encore pousser plus loin notre examen de l'homologie de ces corpuscules, et la suivre jusque dans les détails minutieux de leur mode de for- mation. On sait que Ed. van Beneden, à l'appui de sa théorie de la bisexua- lité des noyaux germinatifs, a prétendu que le mode de division, suivi par la vésicule germinative dans l'élimination des corpuscules polaires, différait profondément de la karyomitose ordinaire K D'a- près ses descriptions, cette division s'effectuerait dans un plan per- pendiculaire à celui de la mitose normale, d'où il résulterait, pour les éléments chromatiques, qu'au lieu de se retrouver tous dans les » Archives de biologie, t. IV, 1883, p, 603. LE RAJEUNISSEMENT KAUYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 439 noyaux filles, simplement diminués d'une moitié de leur volume ils seraient, au contraire, distribués in toto, par moitiés égales, dans ces deux noyaux. La mitose formatrice des corpuscules ne repré- senterait donc pas un dédoublement égal de chacun des éléments chromatiques, mais leur répartition dans leur totalité en deux moi- tiés équivalentes. Cependant les nouvelles recherches de Boveri * et de Kullschitzky 2 ont démontré que van Beneden s'était trompé, et que la mitose des corpuscules polaires suivait la marche ordinaire, ame- nant finalement le dédoublement de chacun des éléments chroma- tiques et la répartition dans chacun des noyaux filles d'une de ces moitiés jumelles. Les noyaux des globules polaires chez les Mé- taozaires sont donc, par leur origine et leur mode de formation, des noyaux ordinaires. Chez les Ciliés également, nous n'avons constaté aucune différence entre les mitoses des stades B et C et celles que le micronucleus éprouve, soit dans les stades F et G, soit dans la division fîssipare. Je n'ai pas, il est vrai, poussé l'étude de ces mitoses à fond, comme les auteurs précités, et n'ai pas vu la phase la plus importante, le dédoublement des éléments chromatiques ; mais il y a une si par- faite concordance pour toutes les autres phases entre toutes ces mi- toses, que je n'hésite pas à affirmer qu'elles s'effectuent suivant un seul et même type. Les petits noyaux de rebut des stades B et C sont donc, par leur origine et leur mode de formation des noyaux ordi- naires, exactement comme ceux des globules polaires des Méta- zoaires. L'homologie de ces corpuscules bien étabhe va nous permettre de les envisager à un autre point de vue et de résoudre une nouvelle question : Quelle est la partie essentielle des éléments qui les cons- tituent, autrement dit quel est l'élément que leur formation a pour but principal et essentiel d'éhmincr? Chez tous les Métazoaires, les 1 Jenaische Zeitschrifl, t. XXI, 1887, p. 427, pi. XXV-XXVIII. 2 Archiv f. mikr. Anatomie, t. XXXI, 1888, p. 572, et t. XXXII, 1888, p. 677 et suiv. 460 E. MÂUI'AS. corpuscules polaires se composent d'éléments chromatiques, repré- sentant un noyau, et d'une faible couche enveloppante de cytoplasme. Aussi a-t-on considéré le processus général de leur production comme une division cellulaire inégale. Jusqu'ici on ne connaît d'ex- ceptions à cette disposition que celles de la Musca vomitoria et de la Liparis dispar, citées plus haut. Pour moi, ces deux cas, corroborés par mes observations sur les Ciliés, nous donnent la réponse à la question posée au commencement de ce paragraphe. La seule partie essentielle éliminée dans la formation des globules polaires et des corpuscules de rebut est celle représentée par les éléments chroma- tiques. Ces deux mitoses successives, envisagées au point de vue morphologique, n'ont d'autre but que de réduire \a. quantité de chro- mâtine, contenue dans la vésicule germinative et dans le micronu- cleus. Chez la Musca vomitoria, chez la Liparis dispar et chez les Ciliés, l'observation directe démontre que rien autre chose n'est éliminé. Chez les Métazoaires, avec expulsion au dehors de l'œuf des globules polaires, la petite quantité de cytoplasme, qui enveloppe le noyau, n'est là qu'à titre de véhicule, servant à entraîner ce petit noyau et à le pousser au dehors. Je partage l'opinion d'Ed. Van Bencden et trouve qu'on a beaucoup exagéré l'importance de cette couche cyto- plasmique, en s'appuyant sur sa présence pour assimiler l'expulsion des globules polaires à une véritable division cellulaire. Il y a divi- sion de noyau, mais elle n'est accompagnée que d'un simple étire- ment et étranglement du cytoplasme. Cette manière de voir me paraît bien démontrée par les derniers travaux d'Ed. Van Beneden^ et de Bovcri -. Ces habiles observateurs ont décrit le rôle impor- tant que les sphères attractives (archoplasma et centrosome, Boveri) jouent dans les divisions de l'œuf fécondé. Pendant la formation et l'expulsion des globules polaires, rien de ces organes n'existe ^ • Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. XIV, 1887, n» 8. î Jenaische Zciischrifl, t. XXII, 1S8K, p. 7'i3 et suiv. 2 Boveri, Ibid., t. XXI, 1887, p. /iV». — Bôhm également n'a vu ces organes appa- raître dans l'œuf du Pelroviyzun Planeri qu'après l'expulsion des i,'lobulL's polaires. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 461 Les premières sont des divisions cellulaires complètes; les secondes, de simples mitoses nucléaires, suivies de l'étranglement d'une petite expansion amiboïde de cytoplasme. Cette démonstration peut encore servir d'argument à l'iiomologie de ces corpuscules chez les Méta- zoaires et chez les Ciliés ^ Nous voici arrivés au dernier terme de ces comparaisons et il ne nous reste plus qu'à établir l'homologie des pronucleus fécondateurs. Elle est encore plus claire que celle des corpuscules de rebut et per- sonne ne contestera que le pronucleus d'échange doive s'assi- miler au noyau spermatique et le pronucleus non échangé au noyau ovulaire, après l'expulsion des globules polaires. Le premier repré- sente donc bien, comme nous l'avons admis jusqu'ici, le pronucleus dit mâle ; le second, le pronucleus dit femelle. Leur structure, leur rôle fonctionnel, tout vient confirmer cette assimilation. Nous n'y insisterons donc pas plus longuement. Nous ne nous arrêterons un instant que sur un point particulier d'un intérêt général. Dans le chapitre précédent, je me suis appliqué à démontrer que, chez les Ciliés, la chromatine était la seule substance qui, dans la fécondation, parût jouer un rôle essentiel. La même démonstration me semble bien ressortir des belles recherches sur l'origine et la formation des pronucleus mâle et femelle, poursuivies par Platner^ chez VArwn empiricorum^ ainsi que par Ed. Van Beneden et par Bo- veri ^ chez l'Ascaris megalocephala. Il existe, en effet, pour les deux lors de la formation de la première mitose de segmentation [Archiv f. mikr. Analomie, t. XXXII, 1888, p. 640). > Au mois de février dernier, Giard a présenté à la Société de biologie {Comptes rendus hebdomadaires, 1889, p. 116-121) un travail sur la signification des globules polaires. Lui toujours si bien informé, même des publications les plus exotiques, paraît ignorer totalement la série de communications présentées par moi à l'Aca- démie des sciences pendant les années 1886-1888. Sa théorie de la formation des globules polaires, comme rappelant ontogéniquement le stade protozoaire dans révolution des Métazoaires, était, en effet, jugée et condamnée d'avance par mes recherches sur les Ciliés, puisque ceux-ci produisent des noyaux polaires absolu- ment identiques à ceux des Métazoaires. * Archiv f. mikr. Anatomie, t. XXVII, 1886. 3 "Voir les deux Mémoires cités plus haut. 4G2 E. MAUPÂS. pronucleus, an début de leur accroissement, un moment pendant lequel les éléments chromatiques seuls constituent toute leur masse, exactement comme nous l'avons reconnu chez quelques-uns de nos Infusoires. Plus tard, ces éléments se développent et s'accroissent, en s'assimilant des parties nouvelles. Mais la valeur accessoire de ces nouveaux matériaux, au point de vue du phénomène intime et essentiel de la fécondation, est évidente, puisqu'ils dérivent, pour les deux pronucleus, d'un seul et même cytoplasme. C'est, en effet, le cytoplasme de l'ovule, qui enveloppe et alimente le pronucleus mâle aussi bien que le pronucleus femelle. Il n'est pas admissible que ce cytoplasme unique et commun fournisse à ces pronucleus, en voie d'accroissement, des matériaux de nature et de qualité différentes. Les nouveaux matériaux, doués de propriétés semblables et qui vien- nent ainsi s'incorporer aux pronucleus pendant leur accroissement, ne peuvent donc entrer dans leur structure qu'à titre d'éléments secondaires et, sans doute, comme parties constituantes de méca- nismes adjuvants, permettant aux éléments chromatiques d'exercer leur fonction fécondatrice. Quant au protoplasma, au suc cellulaire, au hyaloplasme et autres parties que l'élément mâle peut introduire dans l'organisme de son nouvel hôte, vouloir, comme le font certains auteurs *, leur attri- buer un rôle important et essentiel dans la fécondation, ne me sem- ble môme plus discutable, après les travaux des trois auteurs précités et les miens. J'ai, en effet, bien établi que, chez certains Ciliés, le pronucleus mâle, au moment de sa migration, était uniquement composé de chromatine. Les trois habiles micrographes ont égale- ment démontré, avec une véritable surabondance de preuves, que, chez les Métazoaires,ile noyau seul du spermatozoïde conservait en tout temps son autonomie, et que, pendant une longue phase, ce noyau était uniquement composé de chromatine à l'état dense et compact. Toutes les autres parties protoplasmiques du spermatozoïde fondent 1 Waldeyer, Ârchivf. mikr. Anatomie, t. XXXII, 18S8, p. 94. LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 463 et disparaissent dans le cytoplasme de l'œuf, par un processue de résorption, ressemblant aune véritable digestion. Gomment admettre que ce mode d'incorporation, ou plutôt d'assimilation, puisse ré- pondre à un phénomène physiologique de haute valeur ? Pour moi, il démontre, avec l'évidence la plus complète, la signification secon- daire et accessoire des parties ainsi résorbées, et cette interprétation est encore corroborée par tout ce que nous avons dit plus haut du rôle de ces mêmes parties, dans la formation des globules polaires. En outre, nos études sur les Ciliés prouvent que la fécondation, au point de vue morphologique, est un phénomène purement et essen- tiellement nucléaire. Il est donc inutile et illogique d'aller demander aux cytoplasmes, enveloppant les noyaux fécondateurs, autre chose que le concours d'une activité appliquée à des rôles secondaires et accessoires. On a discuté pour savoir quel était le moment précis de la fécon- dation et deux opinions un peu différentes se trouvent en présence. D'après la première, soutenue par Ed. Van Beneden ', la féconda- tion est accomplie dès que les deux pronucleus existent dans le corps protoplasmique de l'œuf, et il est absolument indifférent, pour la suite du développement, que ces pronucleus se confondent en un noyau unique, ou qu'ils restent séparés et écartés l'un de l'autre. Le savant belge appuie sa manière de voir sur le fait que, dans l'im- mense majorité des œufs de l'Ascaris megalocephala, les pronucleus restent séparés l'un de l'autre, pendant les prophascsdela première figure karyomitosique et paraissent, par conséquent, dès ce moment, jouir de toutes les propriétés évolutives nécessaires au développe- ment embryonnaire ultérieur. Cette conclusion me semble aller au delà de la signification des faits observés. Ceux-ci, pour moi comme pour Strasburger% démontrent simplement que les pronu- cleus peuvent se rapprocher et se fusionner à des phases différentes de leur évolution mitosique. Aux preuves alléguées par le savant 1 Bulletin de V Académie royale de Belgique, t. XIV, 1887, p. 27. * Ueber Kern und Zelltheilutig im l'flanzenreiche, etc., 1888, p. 226. 464 E. MAUPAS. botaniste allemand, je puis en ajouter de plus nombreuses et de plus péremptoires, fournies par les Infusoires. Nous avons, en effet, vu plus haut (p. -4-29) que le moment de la copulation des pronucleus variait suivant les espèces, mais s'effectuait toujours au cours de la pre- mière mitose. Chez l'Ascaris également, cette réunion finit toujours par se réaliser pendant cette première mitose, et les figures de Yan Beneden et de Boveri nous montrent les éléments chromatiques groupés des la phase môlakinésique en une seule plaque nucléaire, comme éléments constituants d'un seul noyau en voie de division. Ces éléments chromatiques restent distincts les uns des autres ; mais ils sont dès maintenant entrés dans le cadre d'un noyau simple, dont ils feront désormais parties intégrantes, avec l'équivalence de rôle et d'évolution la plus parfaite. Or, comme je l'ai déjà dit plus haut (p. 433), c'est à cette réunion d'éléments chromatiques d'ori- gines distinctes dans un même noyau, que, pour moi, se résume le phénomène essentiel de la fécondation, envisagée au point de vue morphologique. Que celte réunion se fasse un peu plutôt ou plus tard, ce n'est là qu'une circonstance variable et accessoire, sans impor- tance. D'ailleurs, le fait que les pronucleus, encore isolés et indépendants l'un de l'autre, puissent entrer en évolution mitosique et en traverser les prophases, n'a rien à voir avec la fécondation. Chacun des pro- nucleus possède en lui-même une faculté évolutive, limitée il est vrai, mais qui lui permet d'entrer en voie de développement, sans le concours de son congénère. Les frères Hertwig l'ont bien prouvé ', en faisant voir, dans leurs expériences, que le noyau des spermato- zoïdes, engagés dans des fragments d'œufs dépourvus de vésicule germinative, évoluait seul et accomplissait une mitose. Boveri égale- ment^ a observé un œuîd'Ascaiis megalocephala non fécondé et dont le pronucleus femelle, après l'élimination des deux noyaux polaires, 1 l'elcr den Defruchliings U7ii Theilungsvorgang des licrischen Eies, etc , 1887, p. 107. » Jenaische Zeitschrift, t. XXI. 18S8, p. 8o3, pi. XXIII, li;,'. 9i. LE RAJEUNISSExMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 465 continuait à évoluer seul pour effectuer la première mitose de seg- mentation. Nous avons, de notre côté, constaté, dans nos observa- tions sur les conjugaisons avortées de VEuplotespatella (p. 354), que le pronucleus femelle non fécondé pouvait encore se diviser jusqu'à deux et même trois fois. Les évolutions pronucléaires précoces, chez certaines espèces, sont donc des phénomènes indépendants de la fécondation proprement dite. La seconde opinion, sur le moment réel où elle s'effectue, est celle défendue par les frères Hertwig * et par Strasburger ^ D'a- près ces savants, la fécondation devient réelle et effective seule- ment après que les pronucleus se sont intimement pénétrés et fondus ensemble. C'est également à cette manière de voir que toutes mes observations sur les Infusoires m'ont conduit. Afin de mieux préciser, j'ajouterai encore que je conçois cette fusion, non pas comme la réunion de deux gouttes liquides, dans laquelle toutes les molécules se mêlent et se confondent, mais comme le rapproche- ment et la réunion dans un même cadre nucléaire d'éléments chro- matiques d'origines distinctes. Quant aux autres parties variables et accessoires des pronucleus, la membrane, le suc nucléaire, le hyalo- plasme, je suis très disposé à admettre leur mélange et leur fusion intime, molécule à molécule. Mais ce mélange est un phénomène d'ordre secondaire, n'appartenant point à l'essence même de la fécondation et n'ayant d'autre but que de faciliter le rapprochement et la réunion des éléments chromatiques. En un mot, ces parties continuent là leur rôle multiple et changeant de mécanismes acces- soires adjuvants, que nous leur connaissons dans la karyomitose. Les éléments chromatiques, ainsi groupés et renfermés dans ce nouveau cadre nucléaire, y conserveront-ils indéfiniment leur person- nalité et leur indépendance morphologique ? C'est là une question ouverte, dont la solution affirmative semble se corroborer de plus en plus par les beaux travaux d'Ed. VanBeneden, de Boveri et de Stras- * toc. cit., p. 144-145. > Loc. cit., p. 226. ARCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. • - 2c SÉRIE. — î. Vil. 1889. 30 I 466 E. MAUPAS. burger sur ha mitose des œufs fécondés et des cellules végétales. Mais peu importe pour le point de discussion que nous cherchons à élu- cider ici. Il nous suffit de bien établir que la fécondation est seule- ment effective, lorsque les éléments chromatiques sont rapprochés et réunis dans un même noyau. C'est, en effet, uniquement à partir de ce moment que les deux demi-noyaux antécédents se sont com- muniqués réciproquement une propriété nouvelle inconnue^ qui investit le noyau complet, résultant de leur copulation, d'une faculté de développement normale et indéfinie. Nous avons suivi pas à pas les phénomènes morphologiques des processus de la fécondation chez les Ciliés et chez les Métazoaires et nous avons réussi, me semble-t-il, à en démontrer la parfaite homologie et la similitude complète, jusque dans les détails les plus minutieux. Il est un fait général, d'une haute importance, qui se dégage immédiatement de cette étude comparative : la fécondation n est pas un phénomène (l'évolution cellulaire, mais uniquement et essen- tiellement un phénomène d'évolution nucléai7'e. Autrement ûit,lesnoyâux fécondateurs seuls jouent un rôle essentiel dans ces processus et seuls en éprouvent des effets et des modifications profondes, affectant leurs propriétés et leur nature intimes; le cytoplasme^ au contraire, ne prend part à ces phénomènes qu'à titre d'élément constitutif de mécanismes accessoires, et sa nature essentielle n'en reçoit aucune empreinte, la modifiant profondément. Je me contente pour le moment de bien poser ce résultat, me réservant d'y revenir plus loin, lorsque nous essayerons de formuler une théorie générale de la fécondation. Nous voici arrivé, dans notre étude comparative, à la seconde partie de l'évolution micronucléaire, à la série des phénomènes qui suivent la constitution du nouveau noyau de copulation, équiva- lent et homologue du noyau embryonnaire {Furchungskerne des Allemands) chez les Métazoaires. Les faits de cette seconde période de la conjugaison n'ont point d'équivalents chez les Métazoaires. Ils sont particuliers aux Ciliés et dérivent du dualisme nucléaire LE RA.IEUN1SSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 467 spécial à ces microzoaires. Dans le chapitre précédent, nous leur avons consacré tous les développements utiles à les bien faire con- naître ; nous n'avons donc plus à y revenir ici. Notre comparaison avec les phénomènes fécondateurs chez les animaux est achevée, il nous reste à jeter un coup d'œil rapide sur ceux des végétaux. Chez les Thallophytes, les phénomènes de la fécondation se mani- festent sous deux formes assez distinctes, mais qui cependant peu- vent se ramener à un type général commun. Dans certains cas, les deux cellules qui s'unissent sont identiques entre elles ; dans le second cas, elles sont différentes. On a appelé les premières homogames, les secondes hétérogames. En outre, les cellules fécondatrices homogames ne se distinguent des cellules végétatives ordinaires, ni dans leur ori- gine, ni dans leur morphologie, par aucune différence appréciable à nos moyens d'investigation. Les cellules fécondatrices hétérogames, au contraire, se distinguent toujours des cellules végétatives, soit par leur mode de genèse, soit par leur forme, et souvent par ces deux caractères réunis. Quoi qu'il en soit, le but final de l'acte fécondateur aboutit toujours à l'union et à la fusion des deux cellules, dites de sexe opposé, en une cellule unique, correspondant à un œuf fécondé. Les botanistes ont publié d'admirables recherches pour faire connaître les dispositions si variées et si complexes, destinées à effectuer ce rapprochement et cette union des cellules sexuées. Malheureuse- ment leurs études sont loin d'être aussi avancées pour les phéno- mènes internes, et le plus souvent ils ignorent totalement l'évolu- tion et le rôle des noyaux fécondateurs. L'essence même de ces phénomènes sexuels leur échappe donc. Dans quelques rares cas seulement, comme chez les conjuguées, nous savons que les noyaux des deux gamètes se fusionnent en un noyau unique *. Le docteur Eidam a décrit récemment un cas plus intéressant chez le Basidio- bolus ranarum *. Les noyaux des gamètes, au moment de l'union de * Klebahn, Berichte der deutschen botanischen Gesellac, t. VI, 1888^ p. 160. * Beitrage ;:ur Biologie der PHamen von Colin, t. IV, 1887, p. 221. pi. XI. 468 E. MAUPAS. ces dernières, se divisent en deux. Une des moitiés de chacun d'eux reste enfermée dans une sorte de cellule de rebut et périt avec elle. Les deux autres moitiés se rapprochent et entrent en contact dans la cellule unique, ou zygospore, résultant de la copulation des deux gamètes. Malheureusement, Eidam n'a pu s'assurer qu'il y eut fusion réelle entre ces deux pronucleus, et quelques-unes de ses observations semblent même démontrer le contraire. Nous avons là un com- mencement d'évolution nucléaire, rappelant en partie celle des GiUés ; il est donc bien regrettable que nous ne la connaissions pas plus complètement. Dans les groupes des Muscinées et des Cryptogames vasculaires, nous sommes heureusement mieux renseignés au point de vue des phénomènes de la fécondation. Grâce surtout aux belles recherches de Janckzewski * sur l'origine et le développement des archégones, les phénomènes intimes préparatoires, servant à l'élaboration et à la différenciation du pronucleus femelle, sont connus très exactement. La formation des cellules du canal de l'Archégone doit, en effet, être considérée comme un phénomène correspondant à la production des globules polaires chez les Métazoaires et, par conséquent, ces cellules sont les homologues des noyaux de rebut des Infusoires et des globules polaires des animaux supérieurs. Cette assimilation, proposée déjà par Strasburger % me semble d'une évidence com- plète. Nous allons essayer de la démontrer. Quels sont, en effet, les caractères essentiels des globules po- laires? 1° Ils dérivent d'une cellule germinative,se préparant à jouer le rôle d'ovule ; 2° ils existent toujours au nombre de deux et sont formés par deux divisions successives de la cellule germinalive mère ; 3° ces divisions ne répondent pas à de véritables divisions cellulaires ordinaires, car le cytoplasme des globules est toujours » Bolanische Zeilung, 1872. ' Neue Untersuchungen iiber tien /Befruchtungsvorgang bci den Phanerogamcn, 1884, p. 9'. et lUO, 4 LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 469 beaucoup moins volumineux que celui de la cellule germinative ; A" ils se détruisent et disparaissent par résorption après la fécon- dation, n'ayant plus aucun rôle à jouer. Tous ces caractères, nous les retrouvons complets et sans la moindre modification chez les cellules du canal des Archégones. En effet, lorsque la cellule mère de l'Archégone, après plusieurs divisions successives, a ébauché le premier rudiment de cet organe en le constituant d'une enveloppe continue de cellules spéciales, renfermant une cellule unique centrale, nous voyons cette dernière prendre un développement particulier et revêtir tous les caractères d'une cellule germinative. Cette cellule germinative s'accroît beau- coup et atteint à un volume bien plus grand que les cellules am- biantes de l'archégonc. Elle correspond alors à l'ovule animal, avant l'expulsion des globules polaires (1°). Cette oocytc, comme les botanistes devraient la dénommer dès maintenant, se divise alors successivement à deux reprises (2"). Ces deux divisions se font toujours dans un même plan tangentiel à la surface de l'archégone, et les deux segments superficiels sont toujours bien moins volumi- neux que le segment profond (3°). Ces deux segments superficiels correspondent au premier et au second globule polaire, et portent^ chez les botanistes, les noms de cellule du col du canal et cellule ventrale du canal. Quant au segment profond^ il représente l'œuf mûr non encore fécondé, mais prêt à recevoir l'imprégnation du spermatozoïde. Les botanistes admettent que les cellules du canal jouent un rôle dans ce dernier phénomène. Elles occupent en effet la lumière du canal par lequel les spermatozoïdes doivent pénétrer pour arriver jusqu'à l'oocyte. Les cellules du canal ouvrent le pas- sage en se désorganisant, et peut-être en sécrétant des sub- stances spéciales, agissant à distance sur les spermatozoïdes, pour les attirer et les diriger vers le micropyle, ou orifice de l'arché- gone. Quoi qu'il en puisse être de ce rôle directeur accessoire, le fait important pour nous c'est que ces cellules se désorganisent et disparaissent dès ce moment (4°), exactement comme les globules 470 E. MAUPAS. polaires des Métazoaires. Le parallélisme entre ces productions est donc complet et parfait jusqu'à la fin. On peut cependant le poursuivre encore un peu plus loin. On sait, en effet, que chez beaucoup d'animaux (Insectes, Mollusques, Hirudinées, Infusoires), le premier élément polaire est susceptible d'une nouvelle division, tandis que le second demeure toujours simple'. Il en est de même pour la cellule primaire du canal, ou cellule du col. Chez beaucoup d'espèces de Cryptogames, elle peut se diviser une et, dans certains cas, jusqu'à quatre fois, tandis que la cellule ventrale, ou cellule seconde, demeure toujours simple et unique. Il me semble qu'après cette série de rapprochements, tous si par- faitement concordants, il est difficile de ne pas admettre l'homo- logie des cellules du canal avec les globules polaires. Sur le rapprochement et la copulation des noj^aui fécondateurs, nous ne savons rien. Ce phénomème ultime de la fécondation n'a pas encore été observé chez ces végétaux. Les recherches de Stras- burger ^ nous ont cependant appris qu'un seul spermatozoïde pé- nètre dans l'oosphère et se fusionne avec elle. D'ailleurs il semble bien que ce soit une loi générale dans le m.onde vivant, partout oîi les cellules fécondatrices sont nettement différenciées en cellules dites mâles et cellules dites femelles, qu'un seul et unique élément mâle intervienne dans les fécondations normales. Cette loi a été vérifiée dans le règne végétal, depuis les Thallophytes jusqu'aux Pha- nérogames supérieures, et, dans le règne animal, les récentes recher- ches en démontrent, tous les jours, de plus en plus la généralité. Cette généralité n'a pas lieu de nous surprendre, maintenant que nous savons que le but suprême et essentiel de ces unions se résume dans la copu- lation et dans la fusion de deux noyaux équivalents, mais d'origines » Bloclimann (Morphologisches Jahrbuoh,i .XV, 1889, p. 88, pi. V, fig. 7 et 8) croit cependant avoir observé une nouvelle division du second noyau polaire dans l'œuf des Abeilles. Son observation me semble encore un peu douteuse. * Pringsheims Jahrbiicher fur wiss. Dotanik, 1. VII, 1869, p. 405. 4 LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 471 distinctes. Bien que cette copulation n'ait pas encore été constatée directement chez les Cryptogames supérieures, nous pouvons cepen- dant affirmer a priori qu'elle s'y produit, comme dans tous les autres groupes du monde vivant. Si nous passons maintenant aux Phanérogames, nous entrons sur un domaine beaucoup mieux exploré, grâce surtout aux nombreux travaux de Strasburger^ et de Guignard ^ Chez les Gymnospermes, dont l'appareil fécondateur femelle rappelle entièrement l'archégone des Cryptogames vasculaires, on n'a trouvé jusqu'ici qu'une seule cel- lule du canal dans les familles des Conifères et des Gnétacées et pas même une dans celle des Gycadinées. Ces discordances, qui tout d'abord peuvent paraître embarrassantes, s'expliquent sans difficulté. Rappelons-nous que, d'après nos recherches sur les animaux, les pro- cessus éliminatoires, préparant l'œuf à la fécondation, sont, avant tout, dans leur essence, des phénomènes nucléaires, destinés à écar- ter et faire disparaître une partie de la vésicule germinative et que cette élimination peut s'accompHr tantôt par expulsion au dehors de globules polaires, tantôt par simple résorption interne de noyaux de rebut. Ceci étant posé, je suis persuadé que les deux modes d'éli- mination co-existent chez les Gymnospermes. Suivant moi, le second noyau de rebut des Conifères et des Gnétacées disparaîtrait par résorp- tion interne et, très probablement, c'est ce second noyau que Goros- chankin et Strasburger^ ont vu dans l'œuf du Pinus pimii'lio et du Picea vulgarà. Quant aux Cycadinées, les deux noyaux de rebut doi- vent y être éliminés par résorption interne. J'appuie cette manière de voir sur une observation de Treub, citée par Strasburger '*. Le botaniste hollandais aurait, en effet, vu dans l'œuf des Cycadées jusqu'à quatre noyaux. Pour moi, ces quatre noyaux dérivent de 1 Veber Befruchtung und Zelltheilung, 1878; Zellbildung und ZelUheilung, 3* édit., iSSO; Neue Untersuchungen ûber den Befruchlungsvorgang bei den Phanerogatnen,e[c., 1884 ; Ueb-if Kern und ZelUheilung irn Pflarizenreiche, etc., 1888. 2 Annales des sciences nalurelles (Botanique), t. XII, 1881, et t. XIII, 1882. 3 Neue Untersuchungen, etc., p. 49. * Ibii., p. 94. ■in E. iMAUPAS. deux divisions successives du noyau primitif de l'oocyte. Nous avons donc là un phénomène identique à ce qui a lieu chez les Tnfusoires et chez certains Insectes. Chez les Angiospermes, ces rapprochements ont paru jusqu'ici plus difficiles, et Strasburger lui-même ' se refuse à y rien voir de commun avec l'élimination des noyaux de rebut. Malgré la haute et si juste autorité du savant botaniste de Bonn, je ne puis partager son avis. A mon sens, les processus évolutifs nucléaires qui s'effec- tuent dans le sac embryonnaire des Angiospermes sont concor- dants et assimilables avec la formation des cellules du canal et des globules polaires et ne peuvent même pas s'expliquer autrement. Ne perdons pas de vue que, dans ces phénomènes préparatoires de la fécondation, il s'agit essentiellement d'une évolution nucléaire. Cette évolution, chez les Angiospermes, se complique par l'appari- tion d'une production accessoire, le rudiment de l'endosperme, qui se développe et se différencie simultanément avec les noyaux spé- ciaux de la fécondation. Voici comment je la comprends. Dans la première division du noyau primordial, celle de ses moitiés qui va occuper l'extrémité supérieure du sac représente le noyau germi- natif; celle qui se rend à l'extrémité postérieure, le premier noyau de rebut. Dans la seconde division, commune aux deux noyaux frères, le noyau supérieur élimine le second noyau de rebut ; le pre- mier noyau de rebut, suivant son habitude, se partage en deux. Enfin la troisième division a pour but la différenciation des noyaux générateurs de l'endosperme. Cette manière de voir, qui est basée sur la description et les beaux dessins de Strasburger 2, présente bien une difficulté assez sérieuse. Les deux noyaux des synergides y dérivent, en effet, du second noyau de rebut, que nous n'avons jamais vu se diviser ailleurs. En outre, le pronucleus femelle lui- même serait le générateur d'une moitié du noyau de l'endosperme. Ces deux phénomènes insolites, sans être inadmissibles, peuvent 1 Neue Unlersuchungen, etc., p. 94, et Ueber Befruchlung, etc., p. 80. « ZeUbildung und Zelltheilung, 3* ôdit., iSSO, p. 39, pi. IV et V, Cg. 119-128. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 473 sembler embarrassants. Si j'osais, je proposerais de tourner cette difficulté, en supposant une autre marche dans cette évolution. La première division différencierait le noyau germinatif du noyau générateur de l'endosperme et les deux autres divisions auraient pour but l'élimination des deux noyaux de rebut, dont le pre- mier, suivant son usage, se rediviserait, une de ses moitiés engen- drant une synergide et l'autre allant se fusionner avec le noyau en- dospermique. Je livre cette interprétation à la critique des botanistes, pour voir si elle s'accorde réellement avec les faits. D'ailleurs, qu'on adopte l'une ou l'autre de ces deux manières de voir, cela n'aqu'une importance secondaire. Nous savons, par nos étu- des sur les Infusoires, que tous ces noyaux, dérivés du nucleus germi- natif primordial, doivent,au moment de leur formation, être tous équi- valents entre eux et que la différence de destinée, qui les attend, est déterminée par la différence de position qu'ils occupent. Dès lors la similitude de cette évolution nucléaire avec celle des globules polaires n'estplusdiscutable. Nousy trouvons, en effet, les deux divisions élimi- natoires réglementaires, plus une troisième division supplémentaire. Celle-ci, comme nous l'avons dit, répond à une adaptation particu- lière des Angiospermes, dont le rudiment de l'endosperme se diffé- rencie seulement à ce dernier moment. Chez les Infusoires également, nous connaissons une troisième division, celle qui différencie les deux pronucleus ; elle représente aussi une adaptation spéciale de l'organisme de ces Protozoaires. La copulation et lafusion des pronucleus ont été observées nombre de fois chez les Phanérogames. Il est de règle absolue qu'un seul pronucleus mâle pénètre dans l'oosphère et s'y unisse avec le pro- nucleus femelle. Ce pronucleus mâle est amené au contact de l'oos- phère par le cytoplasme du tube poUinique, sans qu'aucune partie de ce dernier l'accompagne dans sa pénétration. La fécondation est donc un phénomène uniquement et essentiellement nucléaire, dans lequel les cytoplasmes des deux cellules sexuées ne jouent que des rôles accessoires. 474 E. MAUPAS. Ce rôle accessoire était d'ailleurs déjà, sinon mieux, du moins aussi bien démontré par l'évolution nucléaire du sac embryonnaire. Celui-ci, au début, correspond à une simple cellule uninucléée. Huit noyaux s'y forment par trois partitions successives do ce noyau pri- mitif. C'est alors seulement que le cytoplasme commun à ces huit noyaux se partage et se délimite pour constituer les corps cellu- laires des deux synergides, de l'oosphère, des antipodes et de la pre- mière cellule endospermiquc. Les noyaux de ces éléments cellulaires distincts et à destinées si diverses étaient déjà différenciés, que le cytoplasme demeurait encore simple. Toute cette élaboration nu- cléaire préparatoire s'effectue donc dans la plus complète indépen- dance du cytoplasme. Jusqu'ici nousne nous sommes occupés que de l'évolution prépara- toire du noyau de la cellulegerminative femelle. Existe-t-il une élabo- ration préliminaire, plus ou moins analogue, pour le noyau de la cel- lule germinativc mâle ? Je crois que nous pouvons en affirmer apriori l'existence. D'une part, en effet, l'identité homologique entre les deux éléments fécondateurs n'est plus discutée par personne et, si quelques doutes pouvaient encore subsister, la connaissance com- plète des phénomènes de la karyogamie, chez les Ciliés, les ferait disparaître. D'un autre côté, la généralité bien établie de l'élabora- tion préparatoire du pronucleus femelle nous démontre que ce phé- nomène doit avoir une profonde signification physiologique. Dès lors, il n'est guère admissible que son homologue, le pronucleus mâle, se développe et s'apprête à la fécondation, sans suivre une évolution semblable. Malheureusement nos connaissances sur l'origine et le développe- ment de l'élément mâle sont loin d'être aussi avancées que pour la cellule œuf. Les Ciliés, avec leur noyau germinatif hermaphrodite, ne peuvent rien nous apprendre. Chez les Métazoaires, malgré les nombreux et beaux travaux publiés dans ces dernières années sur la spermatogenèse, on est encore loin d'être arrivé à éclaircir com- plètement tous ses processus. Quoi qu'il en soit, des aperçus ingé- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 475 nieux permettent déjà d'entrevoir la solution prochaine de ce pro- blème. C'est ainsi que Ed. Van Beneden et Julin * ont décrit dans la formation des spermatozoïdes de V Ascaris megalocephala des cor- puscules résiduels, ressemblant beaucoup aux globules polaires. Tout récemment encore, Flemming signalait ^ dans la spermato- genèse de la Salamandra maculosa la présence de granules chroma- tophiles, qui pourraient bien n'être autre chose que des noyaux de rebut. On trouvera, indiquées dans ce dernier travail, quelques obser- vations antérieures, qui très probablement se rapportent à des for- mations analogues. Quant au noyau accessoire [nebenkern) que certains auteurs (Weismann, Waldeyer) voudraient également clas- ser dans la même catégorie, cela ne me semble guère admissible. On a décrit jusqu'ici sous ce nom de noyau accessoire des produc- tions si diverses, qu'il est bien difficile pour le moment de préciser la véritable signification morphologique de chacune d'elles. En ce qui concerne le noyau accessoire des spermatogonies et des sper- matocytes, Platner a démontré ' qu'il ne pouvait avoir aucun rap- port avec une élimination de noyaux de rebut. Strasburger, étudiant la maturation et le développement du pollen des Phanérogames, y a observé et décrit * des productions et élimi- nations nucléaires qui doivent évidemment être assimilées à l'éli- mination des noyaux de rebut. Le noyau primitif unique du pollen s'y divise successivement quelquefois jusqu'à trois fois, mais le plus souvent deux fois seulement. La première division est toujours ac- compagnée d'une division inégale du cytoplasme, la seconde, au contraire, est simplement nucléaire. La partition cellulaire accom- ' La Spermatogenèse chez i'Ascaris megalocephala {Bulletin de l'Académie royale de Belgique, t. VU, 1884). 3 Archiv f. mikr. Anatomie, t. XXXI, 1887, p. 87. s Archiv f. mikr. Anatomie, t. XXVI, 1886, p. 343. — Le même auteur a publié tout récemment une note fort intéressante sur les liomologies probables entre les spermatocytes et leurs produits d'une part, et la vésicule germlnative éliminant ses deux globules polaires d'autre part [Biologisches Cenlralhlatt, t. VIII, 1889, p. 720). * Neue Untersuchungen, etc., 1884, p, 5, 10, 15, 17, G6. 476 E. iMAUPAS. pagnant la première mitose nucléaire a une importance si secon- daire que tantôt elle persiste, tantôt les deux cytoplasmes finissent par se fusionner de nouveau. Des noyaux ainsi produits par le grain de pollen, un seul, comme nous l'avons dit, joue le rôle de pronu- cleus mâle, les autres se détruisent et disparaissent. Nous retrou- vons donc ici, dans cette production de noyaux de rebut, les deux modes d'élimination connus, par isolement dans une pseudo-cellule et par résorption nucléaire directe. Nous voici arrivés à la fin de notre revue générale des phéno- mènes morphologiques internes de la fécondation. Nous y avons reconnu que les processus de l'évolution micronucléaire des Ciliés étaient identiques à ceux constatés jusqu'ici pour les noyaux des cellules sexuées, chez un grand nombre d'êtres vivants, tant ani- maux que végétaux. Cette vaste répartition, chez des êtres si éloi- gnés les uns des autres dans les classifications, prouve évidemment la haute importance de ces processus. Nous est-il permis dès main- tenant de conclure à leur universalité? Je ne le crois pas, et cela pour plusieurs raisons. La première de ces raisons réside dans l'état incomplet de nos connaissances. Malgré la grande généralité de ces processus, il existe encore de vastes et nombreux groupes d'êtres chez lesquels rien de tel n'a été observé jusqu'ici. Affirmer d priori qu'on les y retrou- vera me semble imprudent et aller au delà de ce que permettent les lois de l'analogie. Une seconde raison résulte de la complication même de ces processus. H n'est guère admissible, en effet, qu'ils soient apparus dans le monde vivant avec cette forme complexe. Nous devons donc nous attendre à rencontrer des modes d'évolu- tion nucléaire fécondatrice plus simples et plus primitifs *. Enfin une troisième raison résulte de l'ignorance dans laquelle nous sommes encore sur la véritable signification d'une partie de ces ' Il semblerait bien que nous ayons une de ces formes primitives dans la conju- t^aison liomogame des Spirogyres, avec réunion et fusion des noyaux des deux gamètes. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 477 processus. Le sens physiologique réel de rélimination des noyaux de rebut nous échappe encore complètement, et je suis persuadé que nous arriverons à le bien saisir, seulement lorsque l'évolution des noyaux fécondateurs nous sera intégralement connue dans tous les principaux groupes d'êtres vivants. En exprimant cette dernière opinion, je me place en contradic- tion avec d'éminents biologistes qui, plus hardis, n'ont pas craint de proposer des théories explicatives de ces productions. Après avoir étudié minutieusement, chez quelques espèces, la formation des éléments de rebut, ils ont cru pouvoir en donner une explication physiologique. A mon avis, ces tentatives sont prématurées, et leurs auteurs ont commis une faute de méthode semblable à celle où l'on tomberait en prétendant déduire la phylogénie de groupes d'êtres distincts de l'ontogénie d'un seul être. Nous allons d'ailleurs analyser et discuter leurs théories, mais auparavant il nous faut résumer les résultats morphologiques bien acquis actuellement. Ce résumé, je le ferai tel qu'il me semble résulter des travaux réunis et condensés de 0. Hertwig *, Ed. VanBeneden, Strasburger, Boveri et des miens. Afin d'abréger, je n'exposerai pas les opinions particulières et de détail plus ou moins divergentes de chacun de ces auteurs. Les plus importantes de ces divergences ont d'ailleurs été analysées et discutées dans les pages précédentes. 1" La fécondation envisagée au point de vue morphologique est un phénomène spécialement et exclusivement nucléaire. Seuls les noyaux germinatifs fécondateurs y jouent un rôle essentiel, aussi bien pendant l'élaboration préparatoire que dans l'acte suprême de la copulation. 2o II y a toujours continuité morphologique absolue dans l'évo- lution des noyaux germinatifs fécondateurs. Pendant toutes les phases de leur développement, ils conservent toujours leur indivi- 1 0. Hertwig, Dus Problem der Befruchtung und der Isotropie der Etes [Jenaische Zeilschrift, t. XVIII, 1884).— Les Mémoires dea auteurs suivants sont constamment cités dans les pages précédentes. 478 E. MAUPAS. dualité. Le retour des cellules sexuées à un état monérieu éiiucléé, affirmé autrefois par Hfeckel et aujourd'hui encore par quelques auteurs, n'a jamais été démontré. 3° L'élaboration préparatoire consiste dans une réduction de la substance nucléaire qui, à la suite de deux mitoses normales et suc- cessives, se trouve diminuée des trois quarts. Les parties à éliminer disparaissent, soit sous la forme de simples noyaux de rebut résorbés dans le cytoplasme maternel, soit par expulsion au dehors, sous la forme de globules polaires. Rien, pour le moment, ne nous permet de voir dans cette élimination autre chose qu'une réduction quantitative. Le premier noyau de rebut conserve encore souvent la faculté de se diviser ; le second demeure toujours simple. Cette double élimi- nation de noyaux de rebut paraît être de règle, aussi bien pour les noyaux germinatifs des cellules sexuées mâles que pour ceux des cellules sexuées femelles. 4° Les noyaux de rebut et le noyau persistant sont absolument équivalents entre eux. Rien dans leur structure et leur volume ne les distingue les uns des autres. Le hasard seul de la position déter- mine leur sort définitif. 5» Les uns et les autres, d'ailleurs, après la double mitose ré- ductrice, ne représentent plus des noyaux complets. Ils sont passés à l'état de pronucleus, jouissant encore de quelques facultés de dé- veloppement, mais incapables de présider à une évolution complète et normale. 6^ Les pronucleus doivent donc leurs caractères spéciaux à la double mitose préparatoire subie par les noyaux germinatifs primitifs dont ils dérivent ; mais leurs propriétés fécondatrices ne se mani- festent qu'à la condition qu'ils s'unissent et se fusionnent avec un autre pronucleus provenant d'une cellule germinalive différente. 7° Pour que cette copulation nucléaire soit normale et féconde, il n'y doit entrer que deux pronucleus. 8° Les deux noyaux copulateurs, bien que d'origines distinctes, sont équivalents entre eux. Rien d'essentiel ne les distingue l'un LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUR CHEZ LES CILIÉS. 479 de l'autre. Ils jouent donc, l'un par rapport à l'autre, dos rôles abso- lument identiques. Dans cet acte suprême de la fécondation, il n'y a plus ni mâle ni femelle, et les diCFérenciations sexuelles, si in- tenses et si variées que nous connaissons dans le monde vivant, re- présentent des adaptations accessoires, destinées seulement à faci- liter et à provoquer le rapprochement de ces deux noyaux dépourvus de toute sexualité. La fécondation, en dernière analyse, est un phé- nomène distinct et indépendant de la sexualité. 9° Les développements considérables, pris par les processus sexuels accessoires, prouvent la haute et profonde importance phy- siologique de la copulation nucléaire fécondatrice. dO° La chromatine est la seule partie essentielle des noyaux fé- condateurs. Les autres parties soumises à des métamorphoses continuelles et à un mouvement de destruction et de rénovation répétées, ne jouent que des rôles accessoires. La chromatine à elle seule représente donc la personnalité permanente des noyaux. 11" La fécondation n'est complète et achevée que lorsque les élé- ments chromatiques des deux pronucleus se sont rapprochés et réunis dans un noyau unique. Cette réunion peut s'effectuera des phases d'évolution nucléaire un peu différentes. 12° Il est assez probable que les éléments chromatiques des deux pronucleus, tout en se groupant dans un noyau unique, y conser- vent cependant leur autonomie. Il n'y aurait de véritable fusion qu'entre les sucs nucléaires et les hyaloplasmes, parties accessoires, sans rôle essentiel dans la fécondation. Celle-ci se résumerait donc en un rapprochement et une incorporation dans un noyau simple d'éléments chromatiques, provenant de deux origines distinctes. Tels sont, à grands traits, les résultats morphologiques acquis sur les phénomènes intimes et essentiels de la fécondation. Il nous reste maintenant à les interpréter et à en rechercher la signification physiologique. Pour que cette interprétation fût complète, elle de- vrait remplir les trois conditions suivantes : i" expliquer le sens des deux mitoses réductrices préparatoires; 2° faire comprendre l'ori- 480 E. MAUPAS. gine et la cause des nouvelles propriétés évolutives acquises par le noyau mixte, résultant de la fusion des deux pronucleus ; 3° rendre compte du rôle et des effets de la fécondation dans la biologie gé- nérale. Jetons un rapide coup d'oeil sur les divers essais d'explica- tion tentés jusqu'à ce jour. Les produits des deux mitoses préparatoires sont connus déjà depuis longtemps. Aussi les théories émises sur leur signification sont-elles nombreuses. Les noms variés qu'ils ont reçus : globules polaires, cellules polaires, corpuscules directeurs, corpuscules de rebut, ne sont que l'expression de ces interprétations multiples. Inutile de revenir aujourd'hui sur celles de ces explications formu- lées avant qu'on ne connût la véritable nature morphologique de ces productions. Nous ne nous occuperons donc que de celles pro- posées dans les dix à quinze dernières années. La première en date de ces interprétations est la théorie sexuelle de Sedg. Minot * et Ed. van Beneden ^ Proposée en 1877 par le pre- mier de ces savants, elle a été développée et précisée avec une grande force par le second. La voici résumée dans ses traits essen- tiels. Toutes les cellules, y compris l'œuf avant sa maturation, sont hermaphrodites. Dans cet état d'hermaphroditisme, l'œuf n'est pas susceptible d'être fécondé. Les mitoses préparatoires ont pour but d'éliminer les anciens éléments mâles qui entrent dans sa struc- ture, de le réduire à ses éléments femelles, et ainsi de le rendre apte à se combiner avec un nouvel élément mâle, le spermatozoïde. — Pour rendre cette théorie admissible, il eût fallu démontrer que les parties éliminées dans les globules polaires étaient d'une nature spéciale, différente de celle des parties demeurées dans l'œuL Ed. Van Beneden l'a bien essayé, en attribuant à leur mitose une forme particulière ; mais nous avons vu plus haut qu'il s'était trompé et • Proceedings Bost. Soc. nnt.hisl., t. XIX, 1877, p. 165-171, et American Naturalist, 1880, p. 96-lOS. — La première de ces notes a été traduite et reproduite par Sabatier dans la Bévue des sciences yiaturelles de Montpellier, t. III, 1?83, p. 4 46-448. 2 Archives de biologie, t. IV, 1883, p. 528 et 611, LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 481 que les mitoses polaires, s'effectuant suivant le cours de toutes les mitoses ordinaires, ne pouvaient donner naissance qu'à des moitiés nucléaires semblables et équivalentes. D'ailleurs la réduplication de ces mitoses polaires demeure complètement inexpliquée dans cette théorie, puisqu'on ne saisit pas la nécessité de deux élimina- tions successives, pour rejeter l'ancien élément mâle. En outre, nous avons vu par nos recherches sur les Ciliés que cette élimination re- présentait un processus uniquement nucléaire, dans lequel les termes mâle et femelle n'avaient plus aucun sens. Enfin, comme Strasburger l'a fait remarquer ', nous avons une preuve directe que les propriétés spécifiques mâles ou femelles ne son! pas seule- ment représentées par les noyaux provenant du père ou de la mère, puisqu'il y a possibilité d'une transmission héréditaire de pro- priétés sexuelles entre la grand'mère paternelle et sa petite-fille d'une part, et entre le grand-père maternel et son petit-fils d'autre part. L'hypothèse proposée par Balfour -, moins précise dans sa for- mule, offre aussi moins de prise à la critique. Suivant le savant an- glais, « dans la formation des globules polaires, une portion des parties constituantes de la vésicule germinative, indispensables pour qu'elle fonctionne comme un noyau complet et indépendant, est rejetée pour faire place à l'accès des parties nécessaires qui lui sont rendues par le noyau spermatique ». Cette formule est plutôt une définition des faits morphologiques observés qu'une explication. Mais Balfour, s'appuyant sur les avantages connus de la féconda- tion croisée, la complète en ajoutant : « Que la faculté de former des cellules polaires a été acquise par l'œuf dans le but exprès de prévenir la parthénogenèse. » Ainsi donc, suivant lui, l'élimination des noyaux de rebut n'a d'autre raison d "être que de rendre le noyau germinatif de Fovule incapable de développement sans le concours d'un second noyau germinatif étranger.— On peut objecter 1 Neue Unlersiichungen, etc., 1884. p. 154. « 2 Traité d'embryologie, Irad. française, t. 1, 1883, p. 69-72, AHCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 'i.'^' SÉRIE. — T. VII. 1889. 31 482 E. iMAUPAS. à celte hypothèse qu'elle ne rend aucun compte de la nécessité d'une double mitose préparatoire. Elle n'explique pas pourquoi le pronucleus femelle devient incapable de développement à la suite de ces deux mitoses réductrices. Enfin des observations récentes nous ont appris que les œufs parlhénogénésiques éliminent égale- ment au moins un noyau de rebut (Blochmann et Weismann), et peut-être même deux (Platner), comme les œufs fécondés. Pour Strasburger * la réduction nucléaire préparatoire par deux mitoses successives n'est pas un phénomène général et constant. Dès lors sa signification n'a qu'une valeur secondaire. Lorsqu'elle existe, elle a pour but de diminuer de moitié la quantité d'idio- plasme contenue dans les noyaux germinatifs. Les phénomènes pré- paratoires essentiels de ces noyaux consistent bien plutôt dans des transformations de substance modifiant leur constitution intime. Le cytoplasme lui-môme des cellules germinatives, en se débarrassant de certaines de ses parties, acquiert de nouvelles propriétés, qui agissent en afl'ectant d'une façon spéciale la nutrition des noyaux fécondateurs.— Tout cela est bien vague et peu en accord avec nos connaissances actuelles sur l'élimination des noyaux de rebut, con- naissances qui, nous devons le dire, étaient loin d'être aussi pré- cises, lorsque le savant botaniste de Bonn rédigeait son mémoire. D'après Kœlhker ^, le rejet de certaines parties de la vésicule germinative est un simple phénomène de réduction, destiné à dimi- nuer le volume du noyau germinatif femelle, et à rendre son con- tenu en idioplasma égal à celui du noyau germinatif mâle. Nos observations sur les Ciliés suffisent pour mettre à néant cette inter- prétation, puisque, chez eux, il n'existe plus aucun motif nécessi- tant une réduction de cette nature. Il nous reste à analyser la théorie de Weismann ', beaucoup plus • Neue Untersuchutigen, etc., 1S84, p. 103, 133 et 152. * Zeit. f. wiss. Zoologie, t. XLII, 1883, p. 10. 3 Uebcr die Zahl der liichtungskurper und uber ihre Bedeutung fur die Vererbung, Jcna, iii-s», 1887. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS, m longuement développée. Le savant professeur de Fribourg prend son point de départ en s'appuyant sur l'idée d'une substance for- matrice spéciale, chargée de présider au maintien et au développe- . ment des propriétés spécifiques. Cette conception est empruntée à Naegeli, qui donna le nom à'idioplasma à ce substratum matériel des propriétés héréditaires. Naegeli concevait son idioplasme sous la forme d'un réseau diffus dans toutes les cellules du corps. Mais, après lui, 0. Hertwig, Strasburger et Kœlliker le localisèrent dans les noyaux. Tous ces auteurs n'admettent qu'une seule sorte d'idio- plasme. Pour Weismann, au contraire, les idioplasmes sont aussi nom* breux qu'il existe d'espèces de cellules et de tissus. Ainsi il distin- gue un idioplasme musculaire^ un idioplasme nerveux, un idio- plasme épithclial, etc., etc. Ce sont ces divers idioplasmes qui impriment à chaque cellule et à chaque tissu son caractère spéci- fique. Chacun d'eux possède une structure moléculaire spéciale et peut se séparer et s'isoler matériellement de ses congénères. Tous ces idioplasmes particuliers dérivent ontogénétiquement d'un idio- plasme primordial ou plasma germinatif, qui réside dans le noyau de l'ovule. Pendant l'ovogenèse, ce noyau, à côté de son plasma germinatif, contient encore un autre idioplasme spécial, histogène, lequel pré- side au développement et à l'accroissement de l'ovule. Lorsque ce dernier est arrivé à maturité, ce plasma ovogène lui devient inutile et nuisible. La première mitose polaire a pour but de l'éliminer. Ainsi diminué de moitié, le noyau ovulaire se trouve réduit à son plasma germinatif primordial. Celui-ci correspond au plasma héréditaire et, suivant Weismann, se compose de plasmas ances- traux groupés ensemble et dérivant de ceux qui, au début de l'on- togenèse précédente, étaient contenus dans le pronucleus mâle et le pronucleus femelle. Ces plasmas ancestraux de deux origines distinctes, ainsi rapprochés au début de chaque ontogenèse, se conservent intacts pendant tout le cycle ontogénétique. D'une 484 E. MAUPAS. génération à l'autre, leur nombre va donc s'accroissant en pro- gression géométrique, et si rien n'intervenait pour arrêter cette progression, le nombre de ces plasmas ancestraux se multipliant ainsi rapidement, tandis que la quantité totale de plasma germinatif ^ reste toujours la même, il arriverait bientôt que la masse de chacun d'eux se trouverait réduite aune quantité inlinitésimalo, tombant au-dessous de la molécule même. Il est donc nécessaire qu'à chaque génération, le noyau ovulaire expulse une partie de ces anciens plasmas ancestraux, pour faire place aux nouveaux apportés par le pronucleus mâle. C'est à cette élimination réductrice que préside la seconde mitose polaire. Telle est, résumée aussi brièvement que possible, la théorie de Weismann sur la formation des globules polaires. Jusqu'ici elle n'a été accueillie qu'avec la plus grande réserve. Elle complique, en effet, tellement toutes les lois de développement et d'évolution des êtres vivants, qu'on se demande comment son auteur n'a pas reculé devant un pareil dédale. Tous ces idioplasmes spéciaux ne tendent à rien moins qu'à introduire dans la biologie des entités distinctes rappelant, par de nombreux côtés, les fluides de l'an- cienne physique. Je n'ai ni le temps ni la place pour discuter en détail cette partie de la théorie, et renvoie à l'excellente critique qui en a été faite par Kœlliker '. Je vais donc me borner à mettre en évidence quelques-unes des contradictions et des impossibilités matérielles non résolues par Weismann. Les deux mitoses polaires étant, suivant lui, avant tout des pro- cessus de réduction qualitative et non pas quantitative, ne sau- raient s'effectuer suivant le cours des mitoses ordinaires qui, elles, ont pour but principal une répartition de la masse nucléaire en deux moitiés égales, tant au point de vue de la qualité que de la quantité. Aussi Weismann se rôfère-t-il aux observations d'Ed. Van Beneden sur l'œuf de ï Ascaris megalocephala, observations dont » Zeit. f. îvhs. Zoclogie, f, XLÎV, IS.sG p. 229, LE IlÂJEUiNlSSEiMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 48o l'inexactitude, avons-nous dit plus haut, a été démontrée depuis lors par Boveri, La théorie de Weismann est donc en défaut par le même côté que celle de Van Beneden, et, pour sortir d'embarras, le savant professeur de Fribourg est obligé de recourir à des suppo- sitions problématiques, véritables hypothèses de second degré. En outre de cette difficulté majeure, nos observations sur les Ciliés sont parfaitement contradictoires avec cette théorie. Chez ces Proto- zoaires, il n'y a plus d'ovogenèse, et par conséquent il ne peut plus y être question d'une élimination de plasma ovogène. Ajoutons en dernier lieu que Weismann avait été conduit à considérer le pre- mier globule polaire comme une expulsion de plasma ovogène^ à la suite des observations de Blochmann et des siennes sur les œufs parthénogénésiques qui, d'après eux, ne devaient jamais en former qu'un seul. Weismann assimile ce globule unique à la première mitose réductrice des œufs fécondés, la seconde, affirme-t-il, n'ayant pas de raison d'être. Mais, d'après des observations toutes récentes de Platner * sur le Liparis dispar, les œufs parthénogénésiques et les œufs fécondés de ce Lépidoptère, expulsent les uns comme les autres et successivement, deux noyaux de rebut. Les bases positives de la théorie de Weismann se trouvent donc fortement ébranlées, sinon renversées. Tous ces essais d'explication sont, comme on vient de le voir, assez peu satisfaisants. Incomplets, ou en contradiction avec les faits d'observation positive, nous ne devons les considérer que comme des tentatives ingénieuses, mais encore éloignées de la vé- rité. Nous pouvons cependant en retenir un fait général, qui semble définitivement bien acquis. Tous les auteurs de ces théories sont, en efifet, d'accord pour voir dans la production des noyaux polaires l'expulsion et l'élimination d'une quantité de substance nucléaire 1 Biologisches CenlralUatt, t. VIII, 188S, p. 521. — Blochmann lui-même, dans un travail tout récent, a démontré que les œufs parthénogénésiques des abeilles, don- nant naissance à des mâles, produisent deux globules polaires (Morphologisches Jahrbucli, t. XV, 1889, p. 83-96). -iRfi E. MAUPAS. inutile au développement normal des cellules gcrminalives. La nécessité de cette réduction nucléaire est désormais indiscutable. Aussi avons-nous couramment adopté dans ce travail les termes de noyaux de rebut pour désigner ses produits. Malheureusement il semble bien difficile d'aller plus loin, et pour le moment je ne vois guère de notions positives, à l'aide desquelles nous puissions essayer d'expliquer pourquoi ces parties nucléaires sont devenues inutiles et comment, à la suite de leur expulsion, les pronucleus acquièrent la propriété de noyaux fécondateurs. D'autres plus ingénieux et plus compétents y verront peut-être plus clair. Mais, en ce qui me concerne, j'avoue d'autant plus volontiers mon impuissance que, pour le moment, les tentatives de ce genre me paraissent prématurées. Nous avons déjà vu, par la critique des précédents essais, que leur côté faible provenait presque toujours de l'état insuffisant des connaissances positives, et que chaque pro- grès, apporté par de nouvelles recherches, renversait tout l'édifice laborieusement construit. Je suis persuadé que nous n'arriverons à bien comprendre la véritable nature de ces phénomènes, que lorsque nous connaîtrons d'une façon complète l'évolution des noyaux fé- condateurs chez un plus grand nombre d'êtres, et surtout chez ceux des Protophytes et des Protozoaires, oii cette évolution semble dif- férer assez profondément de celle étudiée dans ce travail. C'est en comparant les diverses formes prises par cette évolution, que nous réussirons à saisir la loi de son développement et par contre-coup la vraie signification physiologique des processus complexes qui nous préoccupent actuellement. A l'avenir de nous apporter la solution du problème ainsi posé. Il nous faut avouer la même impuissance au sujet de la seconde condition formulée plus haut, à savoir : Quelles sont les causes et Torigine des nouvelles propriétés évolutives du noyau mixte de co- pulation? Cette nouvelle incapacité est, d'ailleurs, une conséquence nécessaire de la précédente. Il n'est, en effet, guère possible d'espé- rer comprendre les nouvelles propriétés du noyau mixte, si aupara- LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 487 vant on ne possède pas le sens réel et complet de l'élaboration préparatoire, que traversent les deux pronucleus. L'intelligence des premières doit nécessairement dériver de celle de ces derniers. Jusqu'ici il a été fait très peu d'efforts dans ce sens. On ne sau- rait, en effet, considérer comme des essais d'explication celles qui se contentent de dire que les deux pronucleus, en se copulant et se fusionnant, se complètent et reconstituent un noyau parfait. Il reste, en effet, toujours à nous apprendre en quoi les pronucleus étaient incomplets, et ce qu'ils se sont apporté Fun à l'autre, pour que, de leur union, résulte un noyau parfait. Affirmer avec Weismann \ que cette copulation de pronucleus a pour but principal de rétablir l'équilibre des plasmas ancestraux, détruit par l'expulsion du second globule polaire, est parfaitement inadmissible dans l'état actuel de nos connaissances. Nous venons, en effet, de voir que les idées de ce savant sur la formation des glo- bules sont inconciliables avec les faits d'observation positive. En outre, sa théorie sur la continuité du plasma germinatif, qui sert de base à tout ce système d'interprétation, se heurte à des diffi- cultés si ardues, que les meilleurs juges hésitent à l'accepter. En troisième lieu, dans ce système, la fécondation se trouve réduite à un simple processus de transmission de propriétés héréditaires. Ce rôle, personne n'en doute, lui appartient bien réellement ; mais elle n'en jouit qu'à titre accessoire et secondaire, sa fonction primor- diale et essentielle étant de pourvoir à la perpétuation de l'espèce. C'est cette faculté de perpétuation, cette propriété de renouveler et rajeunir les sources de la vie, qu'il s'agirait avant tout d'expliquer, et sur laquelle on ne nous apporte jusqu'ici aucune lumière. Il est bien certain que la diversité d'origine des pronucleus, que l'élabo-. ration préparatoire subie par eux, que leur âge, autrement dit leur situation dans la série des générations agames antécédentes, que toutes ces conditions doivent influer sur leur nature et contribuer à * Ueber die Zahl der Richlungskôrper, etc., 1887, p. 74. 488 E. MAUPAS. leur imprimer le caractère spécial de noyaux régénérateurs. Mais tout cela est bien insuffisant pour éclaircir complètement l'origine de leurs vertus régénératrices, et, pour cette question, comme pour la précédente, c'est seulement par le progrès des recherches ulté- rieures que nous. pouvons espérer voir dissiper ces obscurités. Nous voici arrivés à l'examen de la troisième condition formulée plus haut : Quels sont le rôle et les effets de la fécondation dans la biologie générale? Les réponses données jusqu'ici h cette question peuvent se classer sous trois chefs différents : 1° l'interprétation vul- gaire et courante, d'après laquelle la fécondation a pour but la repro- duction et la multiplication ; 2° l'hypothèse de Weismann, pour qui elle représente un simple processus de transmission des propriétés héréditaires, et devient l'agent par excellence des variations indivi- duelles ; 3° la théorie de Butschli, Engelmann, lîensen et Ed. Van Be- neden, qui la considèrent comme un simple phénomène de rajeunis- sement. La théorie vulgaire, considérant la fécondation comme un phéno- mène de reproduction, a été longtemps seule régnante et, d'ailleurs, était la seule possible, tant qu'on ne connaissait cette fonction que dans ses processus extérieurs et superficiels. L'expérience courante, en effet, constatait que chaque acte de fécondation était suivi d'une reproduction, et le rapport de cause à effet entre ces deux phéno- mènes semblait indiscutable. 11 y avait bien le développement agame parthénogénésique, qui constituait une exception fort embarras- sante pour cette théorie ; mais on le rattachait tant bien que mal aux procédés de génération agame proprement dite, et, en face de l'immense généralité de la génération sexuelle, on passait outre. Ce n'est que dans ces dernières années, quand l'analyse microscopique a permis de suivre les processus de la fécondation jusque dans leurs détails les plus intimes, que de nouveaux points de vue se sont ouverts et qu'on a pu se demander sérieusement si la reproduction et la fécondation étaient deux phénomènes indissolublement liés l'un à l'autre. LE RAJEUNISSEMENT KÂRYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 489 Pour moi, je les considère comme parfaitement distincts, et leur union actuelle n'est évidemment due qu'à une adaptation postérieure à leur origine et d'ordre secondaire. Le seul mode primordial de mul- tiplication est la division, et très probablement, en dernière analyse, c'est encore aujourd'hui le seul réel. Les arguments positifs à l'ap- pui de cette manière de voir ne manquent pas. Rappelons, avant tout, les résultats de nos recherches sur les Ciliés (p. 436), où nous avons établi péremptoirement que la reproduction était non seule- ment indépendante de la fécondation, mais que ces deux fonctions paraissaient même en opposition l'une à l'autre. La conjugaison des Ciliés n'est suivie, en effet, de la production d'aucune individualité nouvelle, et, pendant sa longue durée, elle empêche les multiplica- tions végétatives. Chez lesVorticellides mêmes, par suite d'une adap- tation particulière, un des individus conjoints, la microgamète, est entièrement supprimé. Cette suppression d'une des individualités conjointes est d'ailleurs de règle générale dans presque tout le règne végétal et chez tous les Métazoaires. La cellule germinative de ces êtres, qui se transforme en cellule mâle ou spermatozoïde, re- présente, en effet, une individualité de même ordre que la cellule germinative femelle, ou ovule. Dans la fécondation, elle joue le même rôle que la microgamète des Vorticellides et y sacrifie également son individualité. Dans tous ces cas, loin de contribuer à la multiplica- tion des individus, la fécondation en fait, au contraire, disparaître la moitié. La reproduction de ces êtres n'est assurée que par suite de l'adaptation spéciale de leur organisme, qui leur permet de produire des générations presque innombrables de cellules germinatives. La parthénogenèse elle-même est encore une preuve excellente de l'indépendance de ces deux fonctions. Elle nous démontre, en effet, que, dans certains cas, dont les conditions réelles ne sont pas encore suffisamment bien connues, des cellules germinatives femelles peu- vent se développer, sans le concours d'un élément mâle. Ces œufs asexués, ou pseudova, entrent immédiatement en développement par accroissement et multiplication cellulaire. Au contraire, les œufs 400 E. MAUPÂS. fécondés, qui, chez ces ôtrcs parthénogénésiques, alternent de temps à autre avec les pseudova, commencent toujours par traverser une assez longue période de repos, avant de reprendre leur développe- ment. Citons ensuite, comme autre argument, les cas, si nombreux dans le règne végétal (Algues, Champignons, Gymnospermes), oîi une seule oosphère fécondée, au lieu de se développer directement, com- mence d'abord par se diviser plusieurs fois, et donne ainsi naissance à un certain nombre d'individus représentant une seule et même génération. La multiplication des individus, ici, est postérieure à la fécondation. Ajoutons enfin que, chez de nombreux protoorga- nismes (Flagellés, Conjuguées, etc.), l'oosphère fécondée, loin d'éprouver une suractivité de multiplication, entre, au contraire, dans une période de léthargie physiologique, qui dure souvent long- temps. Ce n'est qu'après ce long repos, causé par l'action féconda- trice, que les phénomènes de multiplication reprennent leur cours. De tout ce qui précède, il résulte bien évidemment que la fécon- dation et la reproduction sont non seulement des phénomènes par- faitement distincts, mais môme souvent en opposition l'un à l'autre. Une autre conséquence est la démonstration de l'erreur profonde dans laquelle sont tombés les auteurs qui, comme Rolph*, ont cherché à assimiler la fécondation à un acte de nutrition. Pour ces savants, la copulation et la fusion des deux éléments de sexes op- posés représenteraient une sorte d'isophagie, dans laquelle la cellule femelle ferait sa nourriture de la cellule mâle, en l'absorbant et se l'assimilant. Cette conception répond à une vue bien superficielle des faits. La nutrition, en effet, est la condition première et essen- tielle de la multiplication. Or, nous venons de voir que cette dernière était indépendante et même en opposition avec la fécondation. Il est donc impossible d'assimiler collc-ci àun phénomène dénutrition qui, dans cette hypothèse, aurait, suivant les cas, des actions abso- lument inverses l'une de l'autre. 1 Biologische Problème, 2^ édit,, 1884, p. 136 et 148. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 491 Nous passons maintenant à l'examen des idées de Weismann*. Pour lui, la fécondation sexuelle ou, suivant l'expression d'Hceckel, la reproduction amphigone, a pour but principal et unique le mé- lange des tendances héréditaires et par suite la création des diffé- rences individuelles, au moyen desquelles la sélection forme de nouvelles espèces. Elle est un des agents essentiels de la variabilité. Chez les Métazoaires et les Métaphytes, les qualités individuelles acquises ne sont pas transmissibles héréditairement et ne repré- sentent que des propriétés passagères. Seules les propriétés spéciales héréditaires du plasma germinatif passent d'une génération à l'autre et, en se combinant à l'infini par les unions amphigones, créent le matériel, d'où dérivent toutes les espèces de variations. Finalement Weismann refuse à la fécondation tout rôle dans le maintien et la conservation des espèces. Pour lui, la faculté illimitée d'assimiler et de se reproduire est un attribut primordial de la matière vivante, qui lui est inhérent, comme la force à la matière, et avec lequel le mode de reproduction, soit sexué, soit asexué, n'a rien à voir. Telle est à grands traits la théorie longuement développée par Weismann. Elle dérive des idées du même auteur sur la continuité du plasma germinatif, considéré comme agent matériel unique de transmission des propriétés héréditaires et sur la non-hérédité des propriétésindividuelles acquises. Ne me sentant nullement préparé à aborder une discussion à fond de ces délicates questions, je dois me contenter de rappeler que très peu de biologistes encore acceptent entièrement les opinions de "Weismann, contre lesquelles s'élèvent de nombreuses objections. En outre, mes observations sur les Ciliés me semblent assez difficilement conciliables avec sa théorie. Ses idées, en effet, sur les rapports de la conjugaison des Protozoaires et de la fécondation sexuelle des Métazoaires sont inexactes et con- fuses. Il semble croire (p. 52-53) qu'il existe une différence essentielle entre la conjugaison, suivie de la fusion définitive des deux gamètes » Die Bedeutung der sexuellen Fortpflanzung fur die Seleklions- Théorie, 1886. 492 E. MÂUPAS. et celle des Ciliés, se terminant par la disjonction et la séparation des conjoints. Suivant lui, cette dernière se rapprocherait plus que la première de la fécondation des Métazoaires. Il commet ainsi une confusion d'individualité, assimilant le corps de l'Infusoire à celui du Métazoaire. En réalité, c'est de la conjugaison fusionnante que la fécondation des Métazoaires se rapproche le plus ; puisque dans les deux cas il y a union et fusion des éléments sexuels. La conju- gaison suivie de disjonction est une forme de fécondation dérivée, causée par le dualisme nucléaire spécial aux Ciliés. En dernière analyse, ces trois formes de sexualité se réduisent à un processus essentiel identique, la copulation de deux noyaux ger- minatifs. Nous n'avons aucune raison de croire que leur rôle et leur signification physiologique puissent être différents. Weismann n'hésite pas cependant à le faire et, par une supposition sans preuves, attribue à la conjugaison fusionnante une simple influence de ren- forcement vital, et à la fécondation des Métazoaires un rôle spécial et essentiel dans la variabilité. La conjugaison des Ciliés, suivant lui, aurait également cette seconde signification, et cela uniquement parce qu'après la fécondation accomplie, les deux gamètes se sé- parent. On voit immédiatement combien cette manière de voir est superficielle et méconnaît complètement l'essence même du phé- nomène. L'histoire de la conjugaison des Ciliés constitue l'argument le plus fort contre quelques-unes des idées de Weismann et le plus favorable à la troisième théorie générale, ou théorie du rajeunisse- ment, que le savant professeur de Fribourg a vivement combattue dans son travail. Avant de réfuter ses objections, nous allons exposer brièvement ce système qui, on se le rappelle, est celui que nous avons adopté dans les conclusions du chapitre précédent. La théorie du rajeunissement a été présentée pour la première fois et simultanément par Bùtschli • et par Engelmann - dans leurs deux 1 Sludkn, etc., 187i;, p. 907. > Moryhologisches Jahrbucli, t. I, 1876, p. 628. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 493 grands mémoires sur la conjugaison des Ciliés. Elle a été ensuite adoptée par Hensen » et Ed. Van Beneden ^ Pour ces savants, la fé- condation n'est pas une génération; mais un simple processus de rajeunissement. Le seul mode de reproduction connu est la division. Mais les phénomènes vitaux ne peuvent s'entretenir d'eux-mêmes indéfiniment. L'accroissement végétatif et la multiplication agame finissent par s'épuiser, si la fécondation n'intervient pas de temps à autre, afin, pour ainsi dire, de remonter le ressort vital détendu. (( Il semble, dit Ed. Van Beneden, que la faculté que possèdent les cellules de se multiplier par division soit limitée : il arrive un mo- ment où elles ne sont plus capables de se diviser ultérieurement, à moins qu'elles ne subissent le phénomène du rajeunissement par le fait de la fécondation. Chez les animaux et les plantes, les seules cellules capables d'être rajeunies sont les œufs; les seules capables de rajeunir senties spermatocytes. Toutes les autres parties de l'in- dividu sont vouées à la mort. La fécondation est la condition de la continuité de la vie. » Par elle, les cellules germinatives et leurs produits échappent à la mort, maintenant ainsi et perpétuant l'espèce qui, autrement disparaîtrait avec les simples individus. Telle est cette ingénieuse théorie, à laquelle il ne manquait qu'une démonstration expérimentale pour être inattaquable. Elle a été vivement contestée par Weismann^ Nous allons examiner et réfuter ses objections et en même temps fournir la preuve expéri- mentale requise. Weismann reproche à la théorie du rajeunissement d'être indé- terminée, obscure et de mal se concilier avec nos conceptions ac- tuelles physico-mécaniques de la vie. En quoi est-elle plus obscure, ou plus indéterminée qu'aucune de nos autres théories biologiques? C'est ce que je ne réussis pas à voir. Elle me paraît au contraire d'une simplicité et d'une clarté admirables. Comme toutes les 1 Hermann's Uandbuch der Physiologie, Iheil II, Physiologie der Zeuguug, p. 236. s archives de biologie, t. IV. 1SS3, p. 620. s Die Bedeulung der sexuellen Fortf/lanzung. etc., p. 44 et suiv. 494 E. MAUPAS. théories scientiiiqucs sérieuses, elle est sortie de l'expérience et de l'observation. Partout où la sexualité est connue, on a constaté l'action nécessaire et indispensable de la fécondation, renouvelant et rajeunissant la vitalité des cellules gerrainatives. En quoi con- siste l'essence de ce rajeunissement? C'est ce que nous ne savons pas; pas plus que nous ne connaissons l'essence d'aucun phéno- mène primordial. Mais cette ignorance ne nous empêche pas d'en saisir nettement les conditions secondaires, qui constituent le déter- minisme scientifique accessible à notre intelligence et nous per- mettent d'affirmer l'exactitude de nos conceptions. Mais Weismann affirme que l'expérience n'est pas d'accord avec celle que nous défendons ici et que la parthénogenèse à elle seule suffit à la renverser. A cette objection, on peut répondre que les conditions complexes et les processjis de la parthénogenèse sont encore trop mal connus, pour permettre d'en tirer des déductions solides. En outre, Weismann prétend que chez certains êtres la parthénogenèse a supplanté complètement la reproduction sexuelle. Je lui demanderai sur quelle preuve expérimentale indiscutable il appuie cette assertion, qui me paraît bien risquée. On a observé, en effet, quelques rares espèces de Crustacés et d'Insectes se repro- duisant parthénogénésiquement pendant un certain nombre de géné- rations; mais, à mon avis, la durée de ces expériences est bien insuffisante pour affirmer que ces générations agames se seraient perpétuées indéfiniment ; surtout quand, chez de nombreuses es- pèces voisines, nous voyons la parthénogenèse alterner réguHère- ment avec la génération karyogamique. Loin d'être inconciliable avec les idées physico-mécaniques géné- rales, comme le prétend Weismann, la théorie du rajeunissement s'accorde au contraire parfaitement avec elles et semble môme en découler logiquement. Tout le monde est d'accord aujourd'hui pour admettre que la vie, dans la forme avec laquelle elle s'épanouit, est la résultante des forces physico-mécaniques actives à la surface de notre planète. Or, nous voyons ces forces dérouler leur activité LE RAJEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 49b dans des périodes alternantes, formant des cycles fermés. La lumière et l'obscurité alternent successivement, les saisons chaudes et les saisons froides se succèdent régulièrement, les périodes de sécheresse et les périodes d'humidité se suivent, partout règne l'alternance périodique dans ces grands facteurs de la vie. Qu'y a-t-il d'étonnant que celle-ci se soit modelée sur cette périodicité cyclique? Ne serait- il pas plus surprenant, au contraire, qu'elle n'eût reçu aucune em- preinte de ce caractère important, réglant l'évolution de ses facteurs, et qu'elle jouît d'une continuité indéfinie, quand ceux-ci sont soumis à des alternances régulières ? Pour moi, je considère l'allernancc des générations agames avec la fécondation karyogamique comme une loi primordiale de la vie, assurant son maintien et sa perpétuité. Cette loi dérive de ses rapports intimes et nécessaires avec les grands facteurs physico-mécaniques qui ont présidé à son apparition et sont toujours la source à laquelle elle va puiser ses énergies spéciales. La preuve de ce rapport de cause à effet est évidente, puisque la grande majorité des êtres vivants suit encore, dans son évolution cy- clique, un cours parallèle à celui de l'évolution des grands facteurs physiques. Chez beaucoup d'êtres vivants, en effet, la période démul- tiplications agames et le retour de la fécondation karyogamique sont réglés par la marche des saisons. Primitivement, cette loi a dû être universelle pour tous les êtres vivants. Ceux d'entre eux qui y échappent aujourd'hui, le doivent à des adaptations particuhères, acquises secondairement. Il est donc des plus probables que les cycles évolutifs des êtres vivants étaient d'abord déterminés et li- mités uniquement par l'alternance des saisons et que ce ne fut que plus tard, qu'ils s'émancipèrent de cette influence primitive, pour re- lever plus spécialement de la constitution intime, du tempérament particulier de chaque espèce. Suivant Weismann, il est impossible de faire la preuve que la divi- sion flssipare agame est inapte à se perpétuer indéfiniment, chez les espèces oti elle constitue l'unique mode de reproduction (p. 46 et 49). Cette preuve, je crois cependant l'avoir donnée indiscutable dans i96 E. MAUPAS. un travail antérieur ', pour les cinq Infusoires ciliés suivants : Sty- lonichia pustulata (p. 206), Slylonichia mylilus {j^. 213), Onyckodromus grandis (p. 221), Oxilricha ? (p. 223), Leucophrys patida{p. 242). Elle n'était d'ailleurs pas difficile à établir, puisqu'un peu de patience y suffisait. J'ai démontré chez ces cinq espèces, que la multiplication fîssipare ne pouvait pas se prolonger indéfiniment, que l'organisme s'aû'aiblissait graduellement sous l'action de la dégénérescence sénilc et que la fécondation karyogamique était nécessaire à des périodes déterminées pour lui restituer ses énergies primitives. Je renvoie aux pages citées de ce travail, pour l'étude détaillée de ces processus de dégénérescence. Dans le travail actuel, nous avons complété le précédent, en décrivant et suivant jusque dans leurs plus menus détails les processus de rénovation, engendrés parla fécondation. La preuve est entière et le cycle évolutif complet d'un groupe d'êtres vivants a été suivi pas à pas, sans une lacune. Il est donc désormais indiscutable que la fécondation, chez les êtres où nous la connaissons, est avant tout un phénomène de ra- jeunissement. C'est à elle que ces êtres doivent la faculté de pouvoir maintenir et perpétuer indéfiniment leur espèce. Sans elle, ces or- ganismes succomberaient rapidement sous les attaques incessantes delà sénescence et auraient disparu depuis longtemps. C'est donc elle qui donne aux cellules germinatives la faculté d'échapper à la mort, à laquelle sont voués tous les autres éléments. Primitivement, elle devait être partout entièrement distincte et indépendante de la reproduction, comme nous la voyons encore chez ces Protozoaires, Ce fut plus tard, seulement,que ces deux fonc- tions s'unirent et se confondirent presque, à la suite des différen- ciations et de la division du travail, qui se produisirent chez les Mé- tazoaires et lesMétaphytes et qui entraînèrent leur locahsationdaus des cellules spéciales et communes, les cellules germinatives. Malgré cette union intime, l'analyse scientifique réussit encore au- 1 Archives de zoologie expérimentale, 1. VI, 1888. LE RAJEUiNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 497 jourd'hui à les distinguer et à séparer les uns des autres les processus fécondateurs des processus reproducteurs. Une autre conséquence, résultant nettement de mes études sur les Ciliés, est la distinction entre la fécondation et les phénomènes sexuels. La première est,en effet, complètement distincte et différente des seconds. Toutes les formes si variées et si caractéristiques que ces derniers revêtent, toutes ces différenciations si intenses, ces organes si différents et à structures si complexes, ces instincts si puissants, toutes ces adaptations particulières représentent simplement des phénomènes accessoires, sans rôle essentiel dans l'acte intime et pri- mordial de la fécondation. Celle-ci, tout en conservant sa forme la plus complexe, peut cependant s'effectuer sans le concours de ces accessoires multiples, et se montrer ainsi dépouillée de tout carac- tère sexuel. C'est de cette façon que nous l'avons vue, chez les Ciliés, suivre pas à pas les mêmes processus compliqués que chez les Méta- zoaires, sans que nous ayons pu découvrir, chez ces Protozoaires, aucun phénomène réel de sexualité. Je crois donc que nous sommes autorisés à considérer cette forme comme tout à fait primitive, tan- dis que les variations et les différenciations particulières et multiples de la sexualité ne doivent être regardées que comme des adaptations d'origine secondaire, destinées simplement à faciliter l'acte de la fécondation. Leur mulliphcité et l'intensité avec laquelle elles agis- sent sur les organismes prouvent simplement l'importance de cette dernière, qui les a suscitées pour assurer son rôle et son bon fonc- tionnement. Rappelons encore qu'en outre de sa haute fonction de rajeunis- sement, la fécondation est également, comme nous l'avons dit dans le chapitre précédent (p. 437), la fonction qui préside à la transmis- sion des facultés héréditaires. C'est, en effet, par son intermédiaire unique que les propriétés et facultés individuelles et spécifiques passent d'une génération à l'autre. Weismann, avons-nous vu plus haut, lui attribue un troisième rôle essentiel dans la variabilité des individus et des espèces. Sans admettre entièrement ses idées sous ARCH, DE ZOOL. EXP. EX GÉN. — t^ SÉaiE- — T. VU. 13S.9. 32 498 E. MAUPAS. leur forme exclusive, il semble cependant qu'elles contiennent un fond de vérité important, et que le savant professeur de Fribourg aura le mérite d'avoir été le premier à attirer l'aLlention des biolo- gistes sur un facteur de la variation resté inaperçu avant lui. En terminant, il nous resterait encore à examiner la question de savoir si la fécondation est absolument universelle et nécessaire dans le monde vivant.Comme nous avons déjà examiné cette question dans le travail cité plus haut \ nous y renverrons, en rappelant qu'après mûr examen nous sommes arrivé simplement à la conclusion que, dans l'état actuel de nos connaissances, il était impossible de donner une solution satisfaisante à ce problème de biologie. Ajoutons cepen- dant que, si nous tenons compte de la grande généralité et de la grande uniformité des phénomènes de fécondation dans les deux règnes or- ganiques, si surtout nous considérons la parfaite conformité de leurs processus chez les Métazoaires d'une part, et chez les Infusoircs uni- cellulaires d'autre part, cet ensemble de faits parfaitement concor- dants et ces considérations nous obligent à regarder la fécondation comme une fonction d'origine primordiale. Elle a donc dû apparaître et se développer presque à l'aube de la vie chez les 3Ionoplastides pri- mitives, et se perpétuer, à titre de facteur biologique nécessaire, au travers de toutes les transformations et métamorphoses que la ma- tière vivante a subies, depuis lors, dans son évolution générale et progressive. APPENDICE. Le travail sur la multiplication des Ciliés, que j'ai publié - l'année dernière, a été l'objet de quelques critiques, auxquelles je crois indispensable de répondre. Ce mémoire, en eflet, doit être considéré comme la préface de celui-ci, et mes lecteurs ont pu constater que je me suis constamment appuyé sur les faits et les résultats, qui y ' Loc. cit., p. 268 et siiiv. » Archives de zoologie expérimentale, t. VI. 18SS, p. 1G5-277. pi. IX-XII. LE RA.IEUNISSEMENT KARVOGAMIQUE CHE2 LES CILIÉS. 499 sont contenus. Si, conformément à l'opinion de mes censeurs, ces faits et ces résultats sont inexacts, les références et les conclusions que j'en ai déduites ici se trouveraient, ipso facto, également fausses. Voyons donc, le plus rapidement et le plus succinctement possible, quelle valeur et quelle portée possèdent ces critiques. Les unes s'adressent aux méthodes ou à des faits de détail ; les autres, au contraire, s'attaquent aux résultats généraux et aux con- clusions. Nous examinerons d'abord les premières, pour finir ensuite par celles de la seconde catégorie. Butschli {Protozoa, p. 1591) ne s'explique pas comment j'ai réussi à compter exactement les Infusoires vivants sur mes préparations de culture, et considère comme impossible de faire le recensement de neuf cent trente-cinq Stylonichia puslulata sans les tuer. Rien, cependant, n'est plus aisé et j'en ai compté souvent des chiffres dépassant quinze cents individus, sans me tromper de plus de deux à trois dizaines. Ces Infusoires viennent se ranger sur le bord des préparations, y formant une bande étroite et contmuc sur tout le pourtour. Lorsqu'ils sont suffisamment nourris, ils demeurent assez tranquilles et changent très peu de place. Dans ces conditions, parlant d'un point fixe et déterminé, on fait, sous le microscope, le tour de cette bande, en comptant deux, quatre, six, huit, etc., et on arrive ainsi rapidement à un résultat, qui, je le répète, sur un nombre de quinze cents individus, ne sera en erreur que de deux à trois dizaines. Avec des chiffres de deux cents à trois cents indi- vidus, l'erreur pourra n'être plus que de quelques unités. Comme dans mes recherches, il s'agissait uniquement du nombre des bi- partitions, on conçoit immédiatement que ces erreurs de deux à trois dizaines d'individus n'ont pu avoir aucune influence sur mes résultats. Le même critique {Protozoa^ p. 1588) exprime le regret que mes cultures n'aient pas été soumises à une température constante et, supposant que celle-ci subissait de grandes fluctuations diurnes, il croit que le chiffre unique de mes tableaux n'exprime pas la véri- 300 E. MAUPAS. table température moyenne, avec laquelle ont vécu mes Infusoires. Cette critique n'est pas plus fondée que la précédente; mais je dois avouer que j'aurais dû la prévenir moi-même, en donnant, dans mon premier mémoire, les explications suivantes. Jamais, pendant l'hiver, il n'a été allumé de feu dans la pièce où se trouvaient mes cultures. En outre, cette pièce, étant orientée au nord-nord-est, ne reçoit que très peu le soleil en été. Enfin, elle est placée immédiatement au bord de la mer, dont le voisinage atténue considérablement les écarts quotidiens de température. Dans ces conditions, la tempé- rature y varie très peu pendant le cours d'une journée. J'en ai fait le contrôle avec des thermomètres à maxima et à minima et, dans l'immense majorité des journées, cette variation ne dépassait pas 1 degré. Il fallait un temps exceptionnel, marqué par quelque forte perturbation météorologique, pour qu'elle atteignît à 2 ou 3 degrés. Les chiffres de mes tableaux expriment donc une tempé- rature moyenne stable et exacte. Fabre-Domergue {Annales de micrographie, t. 11, 1889, p. 237) critique les méthodes employées dans mes cultures. Il ne saurait comprendre comment neuf cent trente-cinq Stylonichics peuvent trouver les gaz nécessaires à leur -vie, dans une masse d'eau de 100 milhmètres cubes. D'après lui, les multiplications obtenues sur mes porte-objets n'auraient été que des multiplications hyper- trophiques, semblables, dit-il, à celles qui seproduisent dans certains organes ; hypertrophies qu'il néglige de préciser plus exactement et que j'avoue totalement ignorer. Enfin, il résume ses critiques, en prétendant que mes conclusions sont hâtives et que la question do la sénescence des Ciliés, loin d'avoir été démontrée par moi, a besoin d'être reprise par des procédés plus rigoureux. La seule chose qui me paraisse hâtive dans tout cela, ce sont les reproches de mon contradicteur. Car, enfin, il me semble oublier trop facilement que mes conclusions s'appuient sur des expériences, qui ont duré pendant presque deux années entières. Fabre veut bien me reconnaître les qualités d'un observateur consciencieux. Je dois lui i LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 501 déclarer que je suis plus exigeant que lui. 'Jamais jene pourrais me résoudre à'adresser pareil compliment àun observateur qui, ayant eu sous les yeux des faits pathologiques, pendant deux années durant, aurait été assez aveugle pour les confondre avec des phénomènes normaux. Mais que Fabre se tranquillise ! Mes cultures se sont toujours développées dans les conditions normales et régulières les plus par- faites. Mon jeune censeur eût pu s'en assurer lui-même, en refaisant quelques-unes de mes expériences. Elles sont des plus faciles à exécuter et n'exigent qu'un peu de patience. En outre, un peu plus de réflexion pouvait encore lui faire voir de suite le mal fondé de ses critiques. Il est facile, en effet, de se rendre compte que les Infusoires de mes cultures n'ont jamais été confinés et ont toujours eu, en abondance, l'oxygène nécessaire à leur respiration. Placés sous le couvre-objet, ils viennent tous im- médiatement se grouper sur le bord de la préparation, où ils trouvent de l'eau suffisamment aérée, et neuf cent trente-cinq Stylonichies peuvent très aisément vivre ainsi, dans d'excellentes conditions respiratoires. En effet, calculant l'espace occupé par une Stylonichia pustulata de grande taille (160 [x en longueur et 65 \x en largeur), nous obtenons le chiffre de 10400 [j- carrés. Prenant maintenant une mince bordure de 1,5 millimètre (= 1 oOO \j.) sur le pourtour des couvre-objets de 18 millimètres de côté (= 18 000 \j.), employés dans mes expériences, et multipliant 18000 par 4, ensuite ce résultat par 1 500, nous obtenons, pour la superficie totale de cette bor- dure, le chiffre de 108 000 000 de [k carrés. Divisant ce dernier chiffre par 10 400, nous trouvons 10 384 superficies égales à celle d'une St. pustulata. 11 faut encore doubler ce chiffre, car les Stylo- nichies vivent tout aussi bien suspendues à la paroi inférieure du couvre-objet, que posées sur le porte-objet. Nous avons donc là, pour placer nos Stylonichies, une surface disponible 22 fois plus grande que celle représentée par neuf cent trente-cinq individus. Chacun d'eux y peut disposer d'un espace 22 fois plus grand que celui 502 E. MAUPAS. qu'il occupe. Ajoutons encore quo, dans celte bordure du pourtour, l'eau, constamment agitée par le tourbillon vibralile des Infusoires, est en mouvement de circulation continue et que la couche du bord, sans cesse attirée en dedans, y apporte l'oxygène nécessaire à la respiration des Infusoires. En résumé, je crois, jusqu'à preuve expérimentale du contraire, avoir le droit d'affirmer que les Infusoires de mes cultures se sont développés normalement et que les phénomènes de dégénérescence sénilc, par lesquels ces cultures se sont terminées, n'étaient que la suite régulière et non pathologique de ce développement. J'attendrai donc des objections mieux fondées que celles de Fabre, avant de re- noncer à mes observations sur la sénescence des Ciliés. En terminant, je ferai encore remarquer au même critique que je n'ai nullement négligé, comme il l'affirme, l'influence des Bactéries sur la vie des Infusoires. Je l'ai constatée nombre de fois et n'ai pas manqué de la signaler page 203 de mon mémoire, en m'en servant, comme d'un argument important, pour expliquer certaines varia- tions dans la multiplication des Ciliés. Biitschli {Protozoa, p. 1590) met en doute l'importance de cette influence. Elle peut cependant être fort grande, ainsi que j'espère le démontrer, en relatant l'expérience suivante. J'avais préparé une infusion de petits pois verts écrasés, et j'y avais introduit une cen- taine de Glaucoma pyriformis. Quatre à cinq jours plus tard, une couche do zooglaîa couvrait la surface de l'infusion, et des milliers de Glaucomes s'en nourrissaient. J'introduisis quelques individus de la Leucoplirys patula, qui, se nourrissant dos Glaucomes, y prospé- rèrent, en se multipliant beaucoup. J'y transportai alors plusieurs centaines de Stylonichia mytilus; mais elles ne réussirent pas à vivre dans cette infusion et disparurent sans laisser de traces. La St. my- tilus se nourrit cependant fort bien du Glaucoma pyriformis, comme je l'ai reconnu maintes fois sur mes préparations en chambre humide. En outre, elle n'a rien à redouter de la Leucophrys patula, cette dernière finissant toujours par devenir sa victime, lorsqu'elles LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 503 sont isolées ensemble. Je suis donc convaincu que, dans le cas actuel, les Stylonichies ont disparu uniquement parce que les Bactériacées, développées dans cette infusion, leur étaient défavorables. Si ces microphytes peuvent arrêter ainsi complètement le développement d'une espèce, à plus forte raison devons-nous admettre, comme je l'avais affirmé dans mon précédent travail, qu'ils l'affaibliront dans d'autres cas et causeront ainsi de grandes variations dans la multi- plication des Infusoires. J'ai insisté particulièrement sur ce point, parce que Biitschli {Pro- tozoa, p. d590);, s'emparant des variations notées dans mes tableaux de culture, en tire la conclusion que mes chiffres de moyennes man- quent d'exactitude. D'après lui, la puissance de multiplication d'une espèce peut varier d'une génération à l'autre. A l'appui de cette ma- nière de voir, il emprunte, à mon journal de culture de la Styloni- cAîa/jwi/u/a^a, les chiffres de bipartitions obtenues sur le premier iso- lement, qui a duré six jours. Les variations y sont, en effet assez grandes, bien que la température soit demeurée uniforme. Les deux premiers jours, il ne s'est fait qu'une bipartition par vingt-quatre heures ; le troisième, trois ; le quatrième et le cinquième, deux ; le sixième , une. Mais ces variations s'expliquent très aisément. La Stylonichie isolée sortait de conjugaison; de là le retard de son développement pendant les premier et second jours. Nous l'avons constaté antérieurement, chez toutes les espèces étudiées, les deux premières bipartitions post-syzygiennes s'effectuent toujours avecune grande lenteur. L'unique bipartition du sixième jour s'explique éga- lement très bien par le grand nombre d'individus tenus sur la pré- paration. Ils devaient s'y gêner réciproquement pour la préhension des aliments, qui ont pu aussi devenir insuffisants. Quant aux iné- galités dans l'énergie de multiplication des rejetons de certaines Vor- ticeUides coloniales, que le savant professeur d'Heidelberg m'objecte encore, je suis persuadé qu'il faudrait en rechercher la cause dans la différence de position et, peut-être aussi, dans la différence de volume initiale, dont lui-même parle. Je persiste donc à soutenir S04 E. iMAUPAS. que, tant que la dégénérescence sénile n'est pas intervenue, tous les individus d'un même cycle de générations jouissent d'une puissance de développement parfaitement égale. J'ai affirmé, en outre, que cette puissance de multiplication se maintient régulière et égale pendant le cycle entier, sans qu'il se produise un affaiblissement graduel depuis la première génération post-syzygienne, jusqu'au retour d'une nouvelle période de maturité karyogamique. Autrement dit, je nie que les Infusoires, au sortir de la conjugaison, jouissent d'un faculté de reproduction plus énergique que plus tard. Biitschli {Prolozoa, p. 1592) a vivement protesté contre cetleconclusion,etcroitmêmeavoirtrouvéla preuve ducontraire dans mon propre travail, dont il cite un passage. J'avoue volontiers que la phrase citée peut prêleràune facile ambiguïté, car,enrécrivant,j'avais surtout en vue les atrophies et les dégradations morphologiques de la sénescence, réduisant la taille des individus et les amenantpeu à peu à l'incapacité complète d'entretenir leur existence. Je ne pensais nul- lement à la faculté de reproduction, comme Biitschli l'a compris. Je reconnais que la faute en est à ma rédaction défectueuse; mais, en même temps, je tiens à rappeler la netteté de mes affirmations contenues plus loin, ainsi que l'importance des expériences sur les- quelles je les appuyais. Car ces expériences ont porté, non pas seu- lement sur une seule espèce, comme Biitschli le dit à tort, mais bien sur cinq. Aujourd'hui encore, je persiste dans ma manière de voir, malgré les objections de mon savant contradicteur. Je suis convaincu que si, dans les générations d'un cycle, il se produit un ralentissement, celui-ci se fait sentir seulement dans la période affectée de dégéné- rescence sénile; c'est-à-dire, lorsque les Infusoires sont devenus incapables de rajeunissement karyogamique. Voici, par exemple, une Slylonichia pustulata sortant de conjugaison, qui, par une température moyenne de 16 degrés centigrades, a mis quatorze jours pour effectuer les bipartitions 3 à 29; tandis qu'une autre Stylonichic, prise à sa 150'= bipartition, par une température de LE RAJEUNISSEMENT KARVOGÂiMlQUE CHEZ LES CILIÉS. oOb 14", 5, a exécuté 2o bipartitions pendant la même durée. En outre, le chiffre maximum de 5 bipartitions, dans les vingt-quatre heures, a été constaté aussi bien avec une vieille Stylonichie, arrivée à sa 268« bipartition, la température étant de 24 degrés, qu'avec une jeune observée après sa deuxième bipartition, la température étant de 23 degrés. Ces faits, me semble-t-il, doivent primer toutes les raisons théoriques, la question relevant avant tout de l'observation et de l'expérience. En somme, la multiplication fissipare n'est pas toujours absolument corrélative de l'accroissement végétatif. Je l'ai démontré par l'histoire de la formation des rejetons nains de la Leucophrys patula et par les dernières multiplications des rejetons dégénérés et informes de la Stylonichia pustulata. L'accroissement végétatif, en ce qui touche la taille des individus, peut donc fort bien se trouver affaibli par la sénescence, sans que la puissance de multiplication en éprouve aucune influence débilitante. J'arrive maintenant à des critiques d'une portée plus générale, qui m'ont été faites par le professeur Gruber (de Fribourg). Le jeune et savant micrographe a consacré à mon travail un long compte rendu [Blologisches Centralblatt^ t. IX, 1889, p. 14-23), dont je saisis l'oc- casion de le remercier*. D'accord avec moi sur quelques-unes de mes conclusions, il repousse énergiquement les critiques que j'ai formulées contre la théorie de la prétendue immortalité potentielle des Infusoires. Élève et ami de Weismann, auteur de cette théorie, il va jusqu'à m'accuser d'ingratitude à l'égard de ce savant, dont je respecte infiniment le talent et le génie, mais auquel je crois rendre honneur, comme il le mérite à tant de titres, en lui disant la vérité, uniquement et simplement telle que je la conçois. Gruber, sans contester la réalité des phénomènes morphologiques de la dégénérescence sénile, tels que je les ai décrits, nie cependant énergiquement que j'aie démontré l'existence, chez les Ciliés, d'une mort naturelle, causée par la sénescence. Il me permettra, d'abord, * J'adresse les mêmes remerciements au docteur Korschelt, de Berlin, pour son compte rendu dans la Naturivissenschaftlichcn Rundschau, t. IX, 1889, p. 344-347. 506 E. MAUPAS. de lui faire remarquer que, s'il a raison, ces phénomènes de dégé- nérescence demeurent en l'air, sans explication. 11 ne peut, en effet, croire en avoir donné une suffisante, en affirmant que mes expé- riences ont seulement démontré que les Infusoires ciliés privés de conjugaison éprouvent des modifications pathologiques, entraînant leur destruction. Comparer et assimiler les dégradations de la sé- nescence à de simples phénomènes pathologiques est jouer sur les 'mots, et confondre des choses profondément différentes. Qui oserait jamais soutenir que les processus morbides des maladies sont de même nature que les dégénérescences débilitantes de la vieillesse, et que la mort lente et graduelle du vieillard, causée par l'épuise- ment de toutes ses énergies vitales, est identique à l'extinction ra- pide et violente des victimes d'un contage pathogène? Inutile d'in- sister sur la profonde erreur contenue dans une pareille confusion. Gruber cependant s'y enfonce encore plus avant, et, comparant ensemble la disparition des Infusoires affectés de dégénérescence sénile avec celle des œufs non fécondés, il va jusqu'à prétendre que ces morts sont l'une et l'autre simplement accidentelles. La com- paraison contenue dans la première partie de cette assertion est exacte; mais l'assimilation de la mort de ces deux organismes aux morts dites accidentelles est une profonde erreur. Ces morts, à mon avis, sont avant tout et essentiellement naturelles. Elles sont inhé- rentes à ces deux organismes et dérivent de leur essence même. L'œuf non fécondé et le Cilié dégradé par la sénescence meurent par incapacité naturelle et fondamentale de vivre. Ces morts ont leur principe dans la constitution môme de ces êtres. L'œuf, se désorganisant et se détruisant par manque de fécondation, meurt de mort naturelle, exactement comme l'infusoire et le corps du Métazoairc rongés par la décrépitude sénile. Ces deux morts n'ont donc rien de commun avec les morts dites accidentelles, par maladies, ou autres causes extérieures à l'organisme. Gruber, en les assimilant, a commis une confusion, qui nous explique comment il a pu croire retrouver dans mes propres expé- LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. bÛ7 riences la preuve de l'immortalité des Ciliés. Suivant lui, en affirmant que l'action délétère de la sénescence est compensée et annulée par le rajeunissement karyogamique, j'aurais en même temps démontré cette immortalité, puisque la substance des individus rajeunis échappe à la mort. Cette objection qui, de prime abord, peut sem- bler assez spécieuse, est fondée sur une interprétation bien super- ficielle des faits. Voyant un Infusoire, au sortir de la conjugaison, recommencer à vivre de la vie végétative avec un corps semblable à celui avec lequel il s'était accouplé, mon contradicteur affirme qu'il y a continuité parfaite et identité absolue entre ces deux corps. Il oublie ainsi tous les profonds changements et toutes les rénovations qui viennent de s'effectuer dans cet ex-conjugué : l'ancien macro- nucleus désorganisé et éliminé ; le micronucleus rejetant également au dehors la majeure partie de sa substance, pour s'unir avec un autre micronucleus d'origine étrangère et ayant subi les mêmes modifications ; le nouveau macronucleus et le nouveau micronucleus, enfin, se développant aux dépens de ce noyau mixte. U y a donc non seulement des modifications dans les parties élémentaires et la substance de l'individu primitif ; mais, ce qui est beaucoup plus important, il y a apport et introduction d'un élément étranger, qui s'incorpore et s'unit à son homologue. Cette incorporation s'ef- fectue, non par une assimilation nutritive précédée d'une dissolution, mais se fait directement, l'élément étranger conservant sa structure intime et ses propriétés particulières. Plus encore, c'est uniquement sous l'influence de l'introduction etdel'incorporation de cet élément étranger, que l'Infusoire ex-conjugué se trouve investi des nouvelles énergies vitales, que lui confère le rajeunissement karyogamique, Peut-on dire, après tout cela, que cet ex-conjugué est identique à la gamète primitive? Évidemment non, puisqu'ils diffèrent essen- tiellement l'un de l'autre, non seulement par leur puissance phy- siologique, mais encore matériellement par l'incorporation d'un élément substantiel étranger, sans le concours duquel sa propre substance eût été condamnée à une mort inévitable, ou mort na- SOS E. MAUPAS. turelle. Ce n'est donc que par une vue fort incomplète et super- ficielle de ces faits, que Gruber a cru pouvoir en déduire la preuve de l'immortalité des Infusoires. Cette mortalité naturelle par sénescence, des Ciliés, constitue, contre la célèbre théorie de la continuité d'un plasma germinatii immortel de Niisbaum et ^N'eismann, une difficulté qui me semble insurmontable. En effet, il n'existe chez ces Protozoaires aucune partie, aucun élément qui, par lui-même et par ses propres facultés seules, puisse se maintenir et vivre indéfiniment. Le micronucleus, dont la principale fonction semble bien être le maintien et la con- servation de l'espèce, et qui, par conséquent, devrait être considéré comme le véritable substratum du plasma immortel, loin de jouir d'une jeunesse éternelle, paraît au contraire être afl'ecté d'une caducité plus grande et plus prématurée que celle des autres par- ties de l'organisme. Dans mes expériences sur la Stylonichia pustu- lata et VOnychodromus grandis S j'ai pu démontrer que, de tous les organes, c'était le micronucleus qui s'atrophiait et disparaissait le premier sous l'influence de la dégénérescence sénile. Cette caducité prématurée des noyaux et cellules germinatifs se constate d'ail- leurs également chez les Métazoaires supérieurs. On sait en effet que, chez eux, c'est la fonction de la génération qui s'aff'aiblit la première et qu'ils deviennent stériles longtemps avant que les au- tres fonctions aient subi une dégradation un peu sensible. Tous ces faits nous conduisent à la conclusion suivante : loin que les élé- ments germinatifs jouissent d'une jeunesse inaltérable et échap- pent à la dégénérescence sénile, ils sont, au contraire, les premiers à en éprouver les effets délétères. Ils ne lui échappent que par la fécondation karyogamique, qui les renouvelle et leur redonne une vitalité nouvelle. Ce rajeunissement les modifie profondément, puisque d'orga- nismes voués à une mort fatale et prochaine, elle en fait des êtres ' Archives de zoologie, etc., t. VI, 188S, p. 208 et 221, LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIES. 509 capables d'une longue vie et de se multiplier pendant une longue série de génération s. Affirmer que, dans ce phénomène, il y a une sim- ple continuité des substratums matériels et identité parfaite entre eux avant et après leur karyogamie, me semble aussi inadmissible que si l'on prétendait que les éléments d'un acide et d'une base, fusionnés ensemble pour constituer un sel, se retrouvent encore avec leur personnalité dans ce sel. Au point de vue moléculaire, il y a bien identité et par conséquent continuité ; mais au point de vue chimique, il y a transformation et métamorphose. Dans le cas, la métamorphose est la chose essentielle, puisque c'est d'elle que dérivent les nouvelles propriétés et les nouvelles forces actives du nouvel être. Chaque copulation de deux pronucleus d'origines cellulaires dif- férentes doit donc être considérée comme la création d'un centre d'énergies biologiques nouvelles, d'un nouveau foyer d'activités physiologiques qui, évidemment, étaient à l'état latent dans les mi- cronucleus primitifs, mais sous une autre forme. En quoi consiste l'essence de cette création? Nous ne le savons pas. Mais, ce qui est bien incontestable, c'est que, par son effet, ces nouveaux noyaux rajeunis ont acquis une virtualité nouvelle qui n'existait pas aupa- ravant. Cette virtualité est donc un résultat, une création de toute pièce, et il est impossible ici de parler d'une continuité sans lacune. Gruber prétend encore que je n'ai pas réussi à réfuter Weismann, lorsqu'il affirme l'égalité physiologique absolue et indéfinie des re- jetons issus par bipartition d'une Monoplastide. J'avoue ma grande surprise à la lecture de cette critique, car il me semblait avoir donné une réfutation inattaquable de cette thèse, en décrivant toutes les modifications et les dégradations dont souffrent les générations d'Infusoires tombées dans la dégénérescence sénile. Mon contradic- teur considérerait-il donc une Stylonichia pusiulata de la 250* gé- nération, avec sa taille réduite, son micronucleus entièrement atrophié et son incapacité du rajeunissement karyogamique, comme BIO E. MaUPâS. physiologiquemcnt égale avec un individu de la même espèce sor- tant de conjugaison ? Gruber, enfin, n'admet pas de comparaison et dhomologie entre l'évolution en cycle des Protozoaires et celle des Métazoaires. D'a- près lui, l'œuf fécondé n'est pas assimilable à l'infusoire conjugué, parce que, dit-il, le cycle des polyplastides doit se compter de l'œuf à l'œuf suivant, et que ce cycle est toujours fermé avant que les cellules du corps, ou cellules somatiques, aient cessé de se multi- plier. Je lui répliquerai qu'il en est parfaitement de même chez les Ciliés. En effet, les individus arrivés à maturité karyogamique sont homologues des cellules germinatives, ou œufs non fécondés. Peu importe que chez certains êtres, probablement assez peu nombreux d'ailleurs, ces cellules germinalives se dinérencient des cellules so- matiques dès le début de l'ontogénie, puisque chez un grand nom- bre d'autres êtres, comme les végétaux par exemple, cette différen- ciation précoce n'existe pas. Les Gihés, parvenus à maturité, peuvent ne pas se conjuguer et continuer à se multiplier comme de simples cellules végétatives, ou cellules somatiques. (Jes multiphcations se continueront même encore après l'épuisement et Tannulation de cette maturité karyogamique, et alors nous aurons des générations d'Infusoires placées complètement en dehors du cycle, exactement comme celles des cellules somatiques des Métazoaires à différen- ciation germinative précoce. Il y a donc similitude parfaite entre le cycle du Cilié et celui du Métazoaire. Eu résumé et quoi qu'en ait pu dire mon savant contradicteur de Fribourg, je considère encore aujourd'hui les conclusions et les dé- ductions théoriques de mon travail comme parfaitement légitimes, et solidement assises sur la base de mes observations empiriques, auxquelles il veut bien accorder une valeur sûre et inattaquable. En terminant, j'aurais encore dû examiner les critiques formu- lées par Niisbaum '. Mais il ne m'a pas été possible de me procurer 1 Sitzungsberichle der nicderrheinischen Gesellschaft fiir Natur ttnd Heilkunde in Bonn, jaiiuar 1889. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 511 son article, et je le connais seulement par le court résumé qui se trouve dans le compte rendu de Korschelt, cité plus haut. Si j'en juge par ce résumé, Nûsbaum me paraît être tombé dans des confusions semblables à celles de Gruber ; confusions sur lesquelles s'appuie sa prétendue réfutation des preuves de la mortalité des Ci- liés, contenues dans mon travail. EXPLICATION DES PLANCHES. Les contours des syzygies sont représentés tels que je les ai observés sur mes pré- parations fixées par les réactifs. J'ai hésité d'abord pour savoir si je ne devais pas leur restituer la forme plus réelle de l'état vivant; mais j'y ai renoncé, voulant avant tout me conformer à la plus scrupuleuse exactitude et ne figurer que ce que j'ai vu. Je me suis départi de cette règle seulement pour les syzygies du Spiroslomum teres, dont les longs corps si rétractiles se tordent et se contorsionnent de mille façons sur les préparations. Tous mes croquis originaux ont été faits à la chambre claire, avec des grossissements beaucoup plus forts que ceux avec lesquels je les reproduis ci, après les avoir réduits au pantographe. PLANCHES IX-Xn, FiG. 1-62. Conjugaison du Paramecium caudatum. Gross. 210, à l'exception de l-li, 28a-34a, 44a-50a, dont les grossissements sont de 900. 1. Micronucleus à l'état de repos. 2-8. Phases de son stade d'accroissement A. 9-14. Phases de sa mitose. 15-16, Syzygies pendant le stade A. 17-21 . Stades B et G. 22-27. Stade D et désorganisation des corpuscules de rebut. 28-34. Stade E, montrant toutes les phases de l'échange des pronucleus mâles et de leur copulation avec les pronucleus femelles. 35-37. Stade F et disjonction de la syzygie. p» ni 38-43. Stades —, —, avec le dépelotonnement de l'ancien noyau. 1 2 44-49. Phases du stade H; accroissement des nouveaux corps nucléaires et fragmentation de l'ancien noyau. 50-52. Ex-conjugués après la première et la seconde bipartition ; retour à l'état normal. 53-54. Les deux rejetons d'un ex-conjugué, dont l'un n'a emporté qu'un des nouveaux corps nucléaires et l'autre trois. 55-58. Ex-conjugués tenus dans un milieu dépourvu de nourriture, pour faire voir la réincorporation des fragments de l'ancien noyau, ainsi que la jonction et la fusion des nouveaux corps nucléaires. 59-04. Anomalies expliquées dans le texte, p. 208. 512 E. MAUPAS. PLANCHES XII-XIII. FiG. 1-33. Conjugaison du Paramecium aurelia. Gross., 300, sauf 1-5, gross., 900. 1 . Microuucleus à l'état de repos. 2-5. Phases de son accroissement au stade A. 6. Syzygie pendant le stade A. 7-10. Stades B et C. 11-13. Stade D ; résorption des corpuscules de rebut. 14-17. Stade E ; échange et copulation des pronucleus. 18-20. Stade F et disjonction de la syzygie. 21-22. Stade G. 23-26. Stade II ; accroissement des corps nucléaires de rajeunissement. 27-29. Première bipartition et retour à l'état normal. 30. Un ex-conjugué mal nourri, avec ses deux corps nucléaires de rajeunisse- ment en voie de fusion. 31-33. Anomalies; voir le texte, p. 227. PLANCHES XIII-XIV. FiG. 1-21. Conjugaison du Paramecium bursaria. Gross., 210, sauf ia-ôa, gross., 420, 1-4. Syzygies pendant le stade A. 5-6. Stade B. 7-8. Stade B et résorption des corpuscules de rebut. 9-10. Stade E; échange et copulation des pronucleus. 11-12. Stade G et disjonction de la syzygie. 13-19. Phases du stade H. 20-21. Anomalies expliquées dans le texte, p. 236. PLANCHES XIV-XV. PiG. 1 rf-24 d, 23-30. Conjugaison du Colpidium colpoda. Gross., 290, sauf 1 rf-7 d, gross., 900. 1 d. Micronucleus à l'état de repos. 2 d-7 d. Phases de son accroissement au stade A. S d. Stade A. 9d-12d. Stades B et C. 13d-14 d. Stade D. 15 d. Stade E. 16d-18d. Stades F et G. 19 d-23 d. Stade II. 24 d. Première bipartition tout à son début. 25-30. Anomalies ; voir le texte, p. 247. FiG. 31-38. Conjugaison du Colpidium truncatum. Gross., 290. 31. Stade A. 32-33. Stades B et C. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUI': CHEZ LES CILIÉS. 513 FiG. 34-35. Stade G. 36-38. Stade H. FiG, 39-6G. Conjugaison delà Lencophryspalula.GT05S.,W,so.viï3Q-'tG, gros?., 920. 39. Micronucleus à l'état de repos. 40-46. Son accroissement pendant le stade A. 47. Stade A. 48-49. Stades B et C. 50-52. Stade D. 53-56. Stade E; écliange et copulation des pronucleus. 57-59. Stades F et G. 60-G6. Stade H et retour à l'état normal. FiG. 67-72. Conjugaison du Glaucoma scinlillans. Gross,, 400. 67. Stade A. 68-69. Stades B et C. 70. Stade D. 71. Stade G. 72. Stade H. Fjg. 73-82. Conjugaison du Chilodon uncinalus. Gross., 450 73. Stade A. 74. Stade B. 75-79. Stades D et E. 80. Stade F. 81-82. Stade H. PLANCHE XVI. FiG. 1-12. Conjugaison du Cryptochi'.uni nigricans. Gross., 900. •l. Stade A. 2-4. Stades B et C. p 5. Stade -. 2 6-12. Stade H. 13. Stade H du Coleps hirlus. Gros?., 600. 14. Stade H du Cydidium glaucoma. Gross., 900. 15 et 16. Stades A et H du Loxocephalus granulosus. Gross., 600. 17-18. Anomalies du Cr y plochilum nigricans. FiG. 19-25. Conjugaison du Prorodon teres. Gross., 220. 19-21. Stades A, B et G. 22. Stade? 23-24. Stade H. 25. Anomalie. FiG. 26. Une syzygie à l'état vivant de VEnchelys farcimen. Gross., 420. FiG. 27. Une syzygie à l'état vivant du Didinium nasutum. Gross., 210. ARCn. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. Vil. 1889. 33 514 11. WÂUPAS. FiG. 28. Fin du stade II de la même esp&ce. 29-42. Conjugaison du Loxophyllumfasciola.Gvoss.,'tGQ,sa.\i{ 29-31, gross., 920. 29. Micronucleus ù l'état de repos. 30-31. Son accroissement pendant le stade A. 32-34. Stades A, B et C. 35. Stude D. 3G-38. Stade E, échange et copulation des pronucleus. 39. Stade F. AO-42. Stade H. Fio. 43 et 44. Stades A et B de laconjugaison du Loxophijllim obtusum. Gross., 4G0 PLANCHE XVII. FiG. 1-10. Conjugaison du Spirostommi ieres. Gross,, 210, sauf les numéros avec a et b, gross., 900. 1. Quadruple syzygie au stade A. 2 et 2 a et 6. Stade B. 3. Stade C. 4. Stade D. 5-8. Stade E; échange et copulation des pronucleus. 9-11. Stades F et G. 12-16. Stade H. FiG. 17-21. Conjugaison du C/imacos/omumuireHS. Gross., 195. 17-18. Stades A et B. 19-20. Stade H. 21 . Un ex-conjugué à l'état vivant. PLANCHE XVIII. FiG. 1-40. Conjugaison de ÏOnychudromus grandis. Gross., 220, sauf 3 19,23a-29a, gross., 90C, et 38, gross., 300. 1-2. Début de la conjugaison à l'état vivant. 3. Micronucleus à l'état de repos. 4-9. Son accroissement pendant le stade A. 10-19. Phases de sa mitose. 20-22. Stades A, B, C. 23-24. Stade D. 25-29. Stade E; échange et copulation des pronucleus. 30-32. Stades F et G. 33-35. Premières phases du stade H et disjonction. 3G-37. Période d'accroissement du noyau de rajeunissement. 38. Un noyau de rajeunissement arrivé à son accroissement complet avec sa structure filamenteuse pelotonnée. 39-40. Retour fi l'état normal. LE RAJEUNISSEMENT KARYOGÂMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 31^5 PLANCHE XIX. FxG. 1-22. Conjugaison de la S/y/onicWa pws^Miaia. Gross., 225, sauf 1,2, gfoss., 900, et 4 a, 4 b, gross., 580. 1 . Micronucleus à l'état de repos. 2. Son accroissement maximum. 3. Stade B. 4. Stade E. 5-6. Stades F et G. 7-8. Disjonction et premières phases du stade H. 9-11. Période d'accroissement du noyau de rajeunissement; 9, à l'état vivant. 12-13. Retour à l'état normal. 14-22. Conjugaisons stériles sous l'influence de la dégénérescence sénile. FiG. 23. Une syzygie de Y Oxy tricha fallax au moment de la disjonction. Gross., 173. PLANCHES XIX-XXl. FiG. 1 e-11 e et 12-38. Conjugaison de VEuplotes patella. Gross., 210, sauf 1 e-8 e, 12 a, b, gross., 900 et 19 a, b, 20 a, gross., 420. 1 e. INIicronucleus à l'état de repos. 2 e-8 e. Phases de sa mitose. 9 e. Début de la conjugaison et première division préliminaire du micro- nucleus. 10 e-12. Accroissement des micronucleus complétant le stade A. Première apparition des nouveaux orifices pour l'échange des pronucleus, d, et destruction de l'appareil vibratile buccal, f, fig. 11 e. 13-15. Stades B et C. 16-17. Stade D. lS-21. Stade E; échange et copulation des pronucleus. 22-24. Stades F et G. 25-29. Stade G et accroissement du nouveau noyau de rajeunissement. 30-31. Retour à l'état normal. 32-33. Ex-conjugués chez lesquels des fragments de l'ancien noyau se sont conservés et fusionnés avec le nouveau. 34. Première bipartition d'un de ces ex-conjugués. 35-38. Conjugaisons stériles d'individus affectés de dégénérescence sénile. Fig. 39-48. Conjugaison de VEuplotes charon. Gross., 230, sauf 43 a, gross., 920. 39-40. Division préliminaire des micronucleus et leur accroissement ultérieur pendant le stade A. 41. Stade B. 42-44. Stade E. 45-46. Stades F et G; disjonction. 47-48. Stade H et accroissement du noyau de rajeunissement. PLANCHES XXII-XXin. Fig. 1-29. Conjugaison de la Vorticella monilata, h l'exception de 3 appartenant ?i Vot'ticella nebulifera, et 5 au Carchesium polypinum. Gross., 290, sauf 3j gross., 900, 4, gross., 580, et 5, gross., 420. 516 K. MAUPAS. FiG. 1. Début de la conjugaison et division {U'éliminairc du micronucleus de la microgamète. 2-5. Accroissement des micronucleus complétant le stade A. 6-7. Stade B. 8-9. Stade C. 10-16. Stades D et E. 17-22. Stades F, -, -. 12 23-26. Stade H. 27-28. Les deux rejetons de la première bipartition d'un ex-conjugué. 29. Un antre rejeton après la deuxième bipartition. FiG. 30-39. Conjugaison du Carchesium polypinum. Gross., 210, 30. Début delà syzygie. La microgamète est encore fixée sur le pédoncule de la macrogamèto et son micronucleus en voie de se diviser. 31 . Période d'accroissement des micronucleus complétant le stade A. 32-33. Stades B et C. ^ , G G 34-36. stades — et - . 1 2 37-39. Stade H. FiG. 40-59. Conjugaison de la Vorticella nehulifera. Gross., 375. 40-45. Période des stades D et E, observée sur le vivant. 46. Stade A pendant l'accroissement des micronucleus. 47-48. Stades B et C. 49. Stade D. 50-52. Stades F et -. 1 53-54. Stade H. 55-56. Première bipartition. 57-58. Deux individus, l'un après la première bipartition, l'autre après la seconde. 59. Un individu au moment du retour du nouveau nucleus à la forme nor- male. FiG. 60-61. Vorticella microstoma. Gross., 450. 60. Stade H. 61. Retour du nouveau noyau îi la forme normale. FiG. 62. Vorticella cucidlus. Gross., 450. Début anormal du stade H avec seize jeunes nouveaux corps nucléaires. LE RAJEUNISSEMENT KAIIYOGAMIQUE CHEZ LES CILIÉS. 517 TABLE DES MATIERES. 1 . Inlroduction historique l/,9 2. Métliodes de recherches 1G8 3. Description de la conjugaison chez les diverses espèces 170 4 . Paramecium caudalum 1 SI 5 . Paramceium aurelia i215 C . Paramceium bursaria 228 7 . Colpidium culpoda et Colpidium truncatum 238 8. Leucophrys palula, Glaucoma scinlillans et Cliilodon uncinalus 250 9. Criptochilum nigricans, CycHihim glaucoma, Cokps hirlus et Loxucephalus granulosus 267 10. Prurodon leres, Enchelys farcimen et Didinium nasutum 272 1 1 . Loxophylluin fasciola et Loxophyllum obtusum 278 12. Spirostomum teres et Climacoslomum virens 287 13. Onyclwdromus grandis 299 1 4 . Stylonichia puslulata et Oxylricha fallax 321 15. Euplotes palella et Euplotes charon 338 16. Vorticellides 359 17. Acinéliens 385 18. Le micronucleus, sa généralité et sa mitose 387 19. Conditions et causes déterminantes de la conjugaison 400 20. Phénomènes externes de la conjugaison 412 21. Phénomènes internes de la conjugaison 420 22. Esquisse d'une théorie générale de la fécondation 4aO Appendice 408 Explication des planches 511 ÉTUDES ANATOMIQUF.S ET ZOOLOGIQUES SUR LES GYNTHIADÉES PAR DE LACAZE-DUTHIERS et YVES DELAGE. I LA GLANDE PYLORIQUE. Les zoologistes sont loin d'être d'accord sur les fonctions, les connexions et môme sur l'existence, chez certaines Ascidies, de la glande dite pylorique, glande qui se retrouve aussi chez les Tuniciers inférieurs, sous le nom d'organe liyalin ou réfringent, Albany Han- cock ' la considère comme un foie ; Ghandelon - comme une glande digestivc spéciale ; Huxley a voulu voir en elle un appareil absorbant, Krohn un rein; Kuppfer % qui croit l'avoir injectée par l'appareil circulatoire, en fait une dépendance de cet appareil ayant la double fonction d'absorber le chyme et de fournir au sang certains de ses éléments figurés; M. Giard \ sans se prononcer sur ses fonctions, se demande si l'on ne pourrait l'homologuer à la tige cristalline des Acéphales. Chez un partisan de la fixité de l'espèce, qui ne voit pas 1 On ihe Analomy and Phtjsiology of Tunicuta {Journ. of Ihe Linnean Soc. Zool. vol. IX, '18G8, p. 309, 346). 5 Recherches sur me annexe du tube digestif des Tuniciers [Butlelin de l'Académie royale de Belgique, 2° série, t. XXXIX, p. 911. Bruxelles 1875). 3 Zur Entw. der einfachen Ascidien [Arch. Mikr. Anat., t. "VIII, p. 381). * Deuxième étude critique des travaux d'embryogénie relatifs à la parenté des Tuni- ciers et des Vertébrés, in Archives de zoologie expérimentale et générale, t. I, 1872, p. 410, et Recherches sur les Synascidies, in Ibid., p. 530. 520 DE LACAZE-DUTlilEllS ET YVES DELAGE. dans les relations généalogiques des êtres la base nécessaire des homologies de leurs organes, cette opinion se concevrait. Mais, dans le cas contraire, elle peut paraître singulière, car elle suppose la pré- sence de cet organe chez tous les ascendants directs des Tuniciers et des Acéphales jusqu'à l'ancêtre commun. Enfin, tout récemment, M. Roule ^ a décrit de nouveau ce même organe comme un rein. M. Roule a étudié surtout et bien représenté les canaux de la glande et les renllements piriformes qui constituent les culs-de-sac d'origine chez une Pulijcarpa, mais, et c'est là ce qui l'a induit en erreur, il n'a pas reconnu que tous les canaux de la glande se grou- pent peu à peu, traversent le ligament conjonclif qui unit le pylore à l'intestin, et s'ouvrent par un seul canal Irès petit dans le cul-de- sac terminal de la gouttière stomacale, non pas au fond du cul-de- sac, mais sur la paroi tournée vers la branchie. Ces faits avaient été cependant reconnus dès 1868 par Albany Hancock. D'autre part, A. Hancock n'avait pas reconnu l'existence de la glande pylorique chez les Cynlhla proprement dites pourvues d'un foie distinct, et ne la retrouvant que chez les formes privées d'un foie, il avait été amené à considérer la glande comme représentant le foie lui-même. Or, le fait qui sert de base à cette opinion est inexact. M. Roule a reconnu, chez les Cyntkia vraies, l'existence de canaux glandulaires sur le tube digestif. D'ailleurs, pas plus ici que chez les Styélinées, il n'a reconnu dans ces tubes la glande pylo- rique ; n'ayant pas vu leur ouverture dans l'intestin, il les a consi- dérés, ici aussi, comme constituant un appareil rénal sans commu- nication avec le dehors. 11 résulte de nos recherches que la glande pylorique existe chez toutes les Cynthiadées, aussi bien chez les Cynthinées qui ont un foie distinct, que chez les Styélinées qui en sont dépourvues, et que 1 Recherches sur les Ascidies simples des côtes de Provence, in Annales des sciences naturelks, G'' série, t. XX, liSSG. ÉTUDES SUR LES CYNTHIADÉES. 521 chez toutes, la glande s'ouvre dans ce tube digestif par un orifice indiscutable. Chez les Styélinées (voyez ci-dessous, fig. 1 et 2), l'estomac (e) est nettement limité, et le foie n'est représenté que par une couche jau- nâtre qui revêt les plis stomacaux. Dans l'estomac, règne, le long du JDord concave, une profonde gouttière (g) qui se termine au pylore par un polit cul-dc-sac. De la base de ce cul-de-sac part un fort liga- Fig. 1. Polycarpées. Fig. 2. Styélinées, s. str. Tube diRCSlif cl. glande pylorique des Styélinées. a, anus; œ, œsopliage coupé; e, estomac; //, gouttière stomacale; /i, sillons hépatiques de l'ostomac; i, intestin; /, ligament pylorique allant du pylore à Tintestin ; o, oriûce do la glr.ndu pylorique dans l'intestin. Les canaux de la glande pylorique sont représentés par des filets noirs. ment conjonctif (/) qui sous-tend comme une corde la courbe intestinale, et se jette sur l'intestin («), à bonne distance du pylore. Le canal excréteur de la glande se détache non du fond mais d'un point du cul-de-sac voisin de sa base (o), et se porte immédiatement dans le ligament qu'il traverse pour se rendre à l'intestin. 11 mesure seulement 5 à 6 centièmes de millimètre de diamètre, et son calibre intérieur, déjà plus étroit que le diamètre total, est encore rétréci à l'embouchure dans l'intestin. Déjà, dans le ligament, le canal com- mence à se ramifier. Arrivé à l'intestin, il se divise en branches o22 DE UGAZK-nUTIlIERS ET VVES DELAGE. très nombreuses qui se répandent sur le tube digestif et l'enve- loppent comme un filet serré, les uns en remontant vers le pylore, Bans l'atteindre toutefois, les autres, beaucoup plus nombreux, en descendant vers l'anus. L'estomac est toujours dépourvu de ces tubes glandulaires. Chez les Cynthinées (voyeji ci-dessous, fig. 3), il existe un foie dis- tinct (/<),mais pas de gouttière stomacale ; l'estomac {e) est mal déli- mité et la région pylorique est indécise. Il n'y a point de ligament in- testino-pylorique. Le point (o) où débouche le canal excréteur de la glande, est situé un peu plus bas que chez les autres Gynthiadées. Il correspond à peu près au milieu de la pre- mière branche de l'anse digestive et s'ouvre sur la face branchiale du tube digestif. Il se détache à angle droit, puis se ramifie parallèlement à la surface. Ici encore la majorité des ramifications se dirige vers le rectum, et les dernières peuvent être suivies jusqu'au voisinage de l'anus. Mais un nombre relativement considérable re- montent sur l'estomac, se répandent sur les lobes du foie, enveloppent l'estomac lui-môme, et quelques-unes peuvent être suivies jusqu'à l'œsophage. M. Roule figure nettement la disposition particulière des culs-de-sac d'origine chez les Polycarpa. Ces culs-de-sac sont renfles, piriformes, et leur base s'appuie précisément sur l'épilhélium intestinal. Mais il croit à tort que cette disposition est spéciale aux Polycarpa. Nous l'avons retrouvée au môme degré chez les autres Styélinées et, à un degré moindre, chez les Cynthia. Chez ces dernières, c'est seulement au niveau du coude que forment les deux anses intestinales qu'on l'observe nettement. Nous avons remarqué aussi que les tubes de la glande ont une Tube digestif et glande pylorique des Cyntliinées. h, foie. Les autres lettres comme aux figures 1 et 2. ÉTUDES SUR LES CYNTHIADÉES. 52.^ grande tendance à se grouper autour des sinus sanguins. Mais nous avons toujours constaté, contrairement à l'opinion de Kuppfer, l'absence de communication entre les deux systèmes. Tubes et ampoules terminales sont formés d'une membrane basale et d'une couche de cellules petites et cubiques dans les pre- miers, plus larges et plus basses dans les dernières. Les ampoules mesurent i5 à20 h- sur -40 à SO [x ; les canaux qui leur font suite ont un calibre intérieur extrêmement réduit qui, souvent, ne dépasse pas 4 à 2 p.. Les dispositions particulières de l'appareil, dans chaque genre, les caractères de l'épithélium dans les différents points, sont rendus suffisamment intelligibles par les figures des pages 521 et 322, et par celles de la planche XXIV, accompagnée d'une explication détaillée, pour qu'il soit inutile de les décrire ici plus longuement. Les fonctions de cet appareil ne se laissent pas facilement dé- duire de sa structure. Son ouverture dans l'intestin, au pylore, sem- ble montrer qu'il sécrète des sucs digestifs à la manière d'un pan- créas. Mais cela n'exclut pas la possibilité d'une fonction excrétrice. Les tubes de Malpighi des insectes, le foie des Vertébrés excrètent des produits de désassimilation, bien qu'ils s'ouvrent fort haut dans le tube digestif. D'autre part, les caecums d'origine ont tout à fait la disposition qui conviendrait à un appareil absorbant. Cette fonction d'absorp- tion paraît au premier abord incompatible avec l'ouverture du canal commun dans le tube digestif, mais les relations des canaux de la glande avec les sinus sanguins pourraient à la rigueur rendre les échanges possibles. Néanmoins, nous ne pensons pas que cette fonction existe réellement, et la disposition des caecums d'origine peut fort bien n'avoir aucune signification physiologique. L'opinion la plus plausible est que la glande pylorique est une glande digestive spéciale, distincte du foie et cumulant peut-être, avec ses fonctions principales, celles d'un organe excréteur. Nous avions pensé, pour résoudre celte question, à injecter dans 524 DE LACAZE-DUTHIKKS ET VVES DELAGE. la cavité générale de l'animal du carmin d'indigo, du carmin ou surtout du tournesol. L'expérience ne peut manquer de donner des résultats intéressants. Mais comme M. Kovalcvsky s'occupe actuel- lement de cette question, non pas spécialement pour les Ascidies, mais pour l'ensemble du règne animal, et qu'il a communiqué person- nellement ses résultats à l'un de nous, nous croyons de notre devoir de lui laisser l'avantage de faire lui-même ce travail. M. Kovalcvsky a publié un premier aperçu de ce travail dans les Diologisches Central- blatt, et l'un de nous en donne un résumé dans les JSotes et Revue de ce volume uiOme des Archives. II LES CARACTÈRES AN ATOMIQUES ET LA CLASSIFICATION. En créant le genre Cynlhia, Savigny avait déjà commencé le dé- membrement que les zoologistes ont achevé après lui. 11 divisait ses Cynihla en Cyntlilx svnplices, C. cœsirœ, C. styelx et C. pandociœ. R. Hertwig ^ a montré que les C. pandociœ sont des Polycarpa et doivent être rattachées aux C. styelx; d'autre part, les C.Cxsirxsont fort probablement, comme l'indique M. Roule ^ des Molgules; en sorte que les Cynthia de Savigny doivent être réduites aux Cynthix simplices et styelx. Ces deux groupes ont été élevés au rang de sous-familles, celle des Cynthinées et celle des Styélinées, et décom- posés en plusieurs genres. Dans les Cynthix simplices, Heller * a dis- tingué les genres Cynthia (Sav.)[s. str.] el Microcosmus [lleWer); dans les Cytithix styelx, il a séparé des Styela (Macleay) [s. str.] les Poly- carpa (lleller). Ce sont là les quatre genres principaux de la famille, nettement 1 Jenaische Zeitschrifl, Bd. VII, p. SI, 1873. « Recherches sur les Ascidies simples des côtes de Provence {Annales des sciences natu- relles, C<= série, t. XX, iS86, avL u" 1). 3 Vnlersuchungen ùber die Tunicaten des adriatischen Meeres und Mittelmecres, III, 7 taf., in Iknkschriftin dur kaiserlichen Akademie der Wisscmchaften. Math, nalurw.. Classe 73», Bd. I, Ablli. S., 241-272. Wien, 1877. ÉTUDES SUR LES CYNTHIADÉES. 52S caractérisés et universellement admis. A côté d'eux, les auteurs ont créé un certain nombre de genres secondaires dont quelques-uns paraissentpouvoir être définitivement admis, tandis que d'autres, éta- blis sans caractéristique anatomique suffisante et sans dessins à l'ap- pui,ne sauraient être acceptés sans réserves. Citons-en quelques-uns. Traustedt* a créé le genre Styelopsis pour des formes voisines des Styela, mais ne possédant qu'une glande génitale, celle du côté opposé au tube digestif, et n'ayant à la branchie qu'un seul repli méridien situé du côté opposé à la glande génitale. Goodsir et Forbes - ont proposé un genre Pelonaia caractérisé par l'absence de repli dans le sac branchial et par une certaine dis- position des organes génitaux qui n'est pas au fond très différente de celle des Styela. Citons encore le genre Challengérien Batkyoncus créé par Herd- mann ^ pour une Styélinée dépourvue de stigmates dans les mailles du treillis vasculaire qui forme le squelette de la branchie. Ces trois genres paraissent suffisamment caractérisés. Herdmann* a réuni, sous le nom dePobjstyelidœ, un certain nom- bre de genres qui appartiennent bien aux Cynthiadécs par la forme des orifices et par tous les caractères anatomiques, mais qui offrent la particularité de former des groupes d'individus soudés les uns aux autres par la tunique ; et il sépare les Polystyélinées des Cyn- thiadécs pour les joindre aux Synascidies. Cette opinion pourrait être acceptée si ces groupes d'individus étaient de vraies colonies s'accroissant par bourgeonnement. Mais, de l'aveu de tous, ce bour- geonnement n'est pas démontré. Chacun sait que les Ascidies se » Vestindiske Ascidîœ simplices, in VidenskabeUge Meidelelser fra Naturhislorisk Forening i Kjoienhavn, 1882. — Voir aussi, Ibid., 1884. 2 J. Goodsir and Forbes, On Pelonaia a new genus of Ascidian Mollusca, in Report of the IQ^ Meeting of Ihe JJrit. Association oflhe advencement of science (Glascow, IS'iO). London, 1841, 2« part., p. 137-139). 3 Report on the Tunicata collected durîng the voynge of H. M. S. Challenger, etc., part, I; Ascidiœ simplices, in Challenger Report, vol. VI, 1882. * Id.; Ascidiœ compositœ, lbid.,\o\. XXIV, 1888. 520 DE LACAZE-DUTMIERS ET YVES DELAGE. soudent l'acilement les unes aux autres. Que la soudure soit plus ou moins intime, que la substance tunicale soit parcourue par un plus ou moins grand nombre de prolongements vasculaires, tout cela est secondaire tant que l'on n'a pas constaté la continuité vas- culaire d'un individu à l'autre ou le fait du bourgeonnement. Il est hors de doute que les prolongements vasculaires de la tunique des Ascidies simples sont homologues aux stolons, mais tant qu'ils ne fonclionnenl pas comme stolons, l'Ascidie qui les porte reste une Ascidie simple. Jusqu'à plus ample informé, le groupe des Polys- tyélinées ne saurait donc être accepté sans réserves ni comme fa- mille des Synascidies, ni comme subdivision des Cynthiadées. Parmi ces Polystyelida; [Tliilacium (V. Carus), Goodsiria (Cunn.), Oculinaria (Gray), Chorizocoi^mus (Herdm.), Pohjstyela (Giard), Syn- styela (Giard)], certains genres paraissent solidement établis, mais d'autres ne nous sont connus que par des diagnoses si incomplètes au point de vue anatomique, qu'il est impossible de savoir s'il ne s'agit pas simplement de formes appartenant à des genres déjà dé- crits et caractérisées tout au plus spécifiquement par le groupe- ment particulier des individus. Tel est, entre autres, le cas pour les deux genres créés par M. Giard '. L'auteur n'a point constaté le bourgeonnement; il n'a point vu les organes génitaux, il trouve la branchie et le tube digestif semblables à ces mêmes organes chez les Styela^ en sorte qu'il ne reste, comme caractère générique, que la soudure des tuniques, ce qui est peut-être insuffisant. L'étude attentive des nombreuses Cynthiadées que nous avons recueillies à Roscotf nous a montré que la classification actuelle mont admise est incomplète en bien des points et fautive en quel- ques autres. Ainsi, un nombre de replis branchiaux égal au plus à quatre de chaque côté est considéré comme caractéristique des Styélinécs et comme marchant toujours de pair avec les autres traits d'organi- 1 Hotc sur quelques jioints de Icmhryogénk des Ascidies^ {Associalion française pour L'avancemenl des sciences, 3« session, Lille, 1S74). ÉTUDES SUR LES CYNTHIÂDÉES. 527 sation de ce groupe : tentacules simples, absence de foie distinct, membrane du raphé dorsal continue, organes génitaux disposés en tubes contournés ou en polycarpes {venia verbo). Or, noiis avons trouvé une forme fort abondante qui offre tous les caractères d'un Cynthia (s. str.) : tentacules ramifiés, anse intestinale longue, estomac non renflé, sans replis intérieurs, foie très distinct^ glandes génitales lobées, l'une dans l'anse du tube digestif, l'autre en face du côté opposé, raphé dorsal orné de nombreuses languettes, etc,^ et qui a très nettement quatre méridiens à la branchie de chaque côté comme une Polycarpa ou une Styela. Dans une autre Cynthiadée qui rappelle les Siyela\s^v tous les ca- ractères de la branchie et de l'appareil digestif, nous trouvons une modification remarquable des organes génitaux. De chaque côté du corps se trouvent deux longues glandes en forme de boudins contour- nés, munies chacune d'un canal excréteur unique et convergeant vers le cloaque. Ces quatre glandes sont exclusivement des ovaires. Les testicules sont formés de nombreux follicules indépendants, allotl- gés, rétrécis à la base, renflés en massue au sommet, implantés sur la paroi du corps et flottants dans la cavité péribranchiale. Ils ressemblent beaucoup à ces vésicules désigtiées par divers auteurs sous le nom bien mauvais d'endocarpes, que l'on trouve communé- ment à la même place chez les Slyela et les Polycarpa, ainsi que dans le genre dont nous parlons et qui n'ont aucune fonction re- productrice. Ils en diUerent en ce qu'ils sont plus grands, plus ren- flés, d'un blanc mat et remplis de sperme. Nous n'avons pu leur découvrir aucun oriflce naturel, et le sperme que l'on trouve fré- quemment épanché et coagulé en flocons épais dans la cavité péri- branchiale se continue avec le contenu de ces testicules par une large rupture située au sommet. Cette espèce est armée '. Une autre espèce, très voisine de la première et armée comme 1 Voir DE Lacaee-Duthieus et Yves Delagk, les Cynlhiadées des côtes de France ; type Cynthia murus {Co)nptes rendus de l'Académie dei sciences, t. CI, séance du 19 octobre 1885). 828 DE LACAZE-DUTHIKRS ET YVES DELAGE. elle, n'a qu'un ovaire de chaque côté; mais chacun est double, car il possède deux petits oviductes distincts. Les testicules ne ressem- blent nullement à ceux de l'espèce précédente; ils forment des masses irréguliôres mamelonnées qui paraissent, ici aussi, dépour- vues d'orifice excréteur préexistant. Ces deux formes nous paraissent légitimer la création d'un genre nouveau. Un autre type intéressant, représenté par deux espèces, montre quelque ressemblance avec le genre Styelopsis, de Traustedt. La tunique réfléchie est inerme. La glande génitale très allongée est unique et située du côté opposé au tube digestif, tout près du bord ventral, le long de l'endostyle. Cette glande est constituée par un grand ovaire rouge-brique, muni d'un seul oviducte s'ouvrant à l'extrémité cloacale de la cavité péribranchiale, tout près de l'œso- phage. L'ovaire est bordé de chaque côté d'une rangée de follicules testiculaires piriformes, d'un blanc mat, dont les canaux très fins se réunissent par petits groupes et vont s'ouvrir sur le dos de l'ovaire par un petit orifice microscopique. Ces petits pores forment une rangée longitudinale unique régnant sur toute la longueur de l'o- vaire ; chacun correspond à deux petits groupes de testicules, l'un d'un côté, l'autre de l'autre. Ce type se distingue des Styelopsis par les caractères de la branchie ; il n'y a aucun méridien formant un vrai repli que l'on puisse soulever et qui ait un bord libre flottant; on trouve de chaque côté trois ou quatre méridiens imparfaits, simples groupes plus serrés de sinus longitudinaux saillants; le premier méridien dorsal du côté de la glande est le plus accusé; le symétrique du côté opposé l'est un peu moins et, les deux ou trois autres de chaque côté de moins en moins à mesure qu'ils se rap- prochent de l'endostyle. Les vraies PoJycarpa ont, comme on sait, les organes génitaux nombreux et épars sous la forme de petits mamelons saillants dans la cavité péribranchiale. Chaque mamelon est hermaphrodite et formé de deux parties : 1° un ovaire central ordinairement coloré, ÉTUDES SUR LES CYNTHIADÉES. 529 constituant la plus grande partie de la masse, muni d'un ovi- ducte en forme de courte cheminée conique, tourné vers le cloa- que ; 2» d'une bordure de petits follicules testiculaires d'un blanc mat dont les fins canaux excréteurs se réunissent pour aller s'ou- vrir derrière l'oviducte par un petit pore commun à peine saillant. Il faudrait peut-être séparer de ces Pohjcarpa vraies une forme de grande taille que nous croyons déjà connue^ mais qui n'a pas été suffisamment décrite sous le rapport de la constitution des organes reproducteurs. Ces organes, au lieu de former des mamelons sépa- rés, sont comme des boudins demi-cylindriques ramifiés et anasto- mosés qui rampent sur toute la surface interne de la paroi du corps, à demi engagés dans son épaisseur. Les orifices excréteurs sont tou- jours associés par deux : un femelle, en forme de petit croissant; un mâle arrondi, situé dans la concavité du précédent. Ces petits orifices sont épars sur la face libre des boudins glandulaires et assez distants les uns des autres. A chacun correspond un certain dépar- tement glandulaire sans limites extérieures définies. La disposition est la môme que si, dans une Polycarpa normale, les mamelons s'étaient allongés et soudés les uns aux autres par leurs extrémités, de manière à former des cordons continus. Quant au fait que les cordons génitaux sont plus engagés dans la substance de la paroi du corps que ne sont les glandes des autres Styélinées, il est, selon nous, de peu de valeur. Toutes les Polycarpées sont inermes, sauf une espèce qui a de fort petits spicules et qui se distingue aussi des autres par la loca- lisation des glandes génitales. Ces organes forment seulement deux rangées parallèles ventrales, l'une à droite, l'autre à gauche de l'en- dostyle. Ce n'est pas là une Polycarpa franche, c'est une forme aber- rante et faisant le passage aux types suivants. Les types auxquels nous faisons allusion sont au nombre de deux. Ils sont inermes. Ils ont l'un et l'autre moins de quatre méridiens à la branchie. On en compte deux à droite et trois à gauche. Ces mé- ridiens ne sont pas de vrais replis ; mais, comme dans un des cas pré- ARGH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2e 3ÉKIE. — T. VU. J fS89. 34 K30 DE LACAZE-DUTHIERS ET YVES DELAGE. cédcnts, de simples côtes saillantes formées par un groupe plus serre de sinus longitudinaux. Dans le premier, les glandes génitales forment deux rangées de petites masses, l'une à droite, l'autre à gauche de l'endostyle. Parmi ces masses, les unes sont mâles, les autres hermaphrodites. Les premières sont formées d'un groupe de petits follicules testicu- laires disposés en étoile, au centre duquel s'élève un long et assez gros canal déférent, commun à tous les follicules du groupe et qui flotte librement dans la cavité péribranchiale. Les masses herma- phrodites sont composées d'un groupe testiculaire semblable au précédent, mais muni d'un canal déférent bien plus long et bien plus volumineux, et d'un petit ovaire dans lequel on trouve, outre les ovules jeunes, un seul gros œuf bien développé, prêt à sortir par un gros et court oviducte, muni d'un très large orifice en forme de trompette. Il est possible que ces masses génitales présentent un her- raaphroditisme successif. Dans le second type, les glandes génitales forment deux petits groupes de petites masses sphériques rouges, l'un en haut et à gauche, l'autre en bas et à droite. Au premier abord, ces deux groupes semblent formés des mêmes organes; mais un examen plus attentif montre que le groupe situé du côté du tube digestif est formé exclusivement de testicules et l'autre exclusivement d'ovaires. 11 y a là une séparation des glandes assez rare chez les Cynthiadées. Les testicules portent un long canal excréteur filiforme qui se détache du pôle libre ; les ovaires sont munis d'un court et gros oviducte qui part de la base et remonte en se dilatant en forme de trompette. Il y a dans ces deux dernières espèces des caractères qui rappel- lent ceux des Synstiela. La seconde a la taille, la couleur, l'associa- tion en groupes compacts, dont parle M. Giard ; mais les individus ne sont ni déprimés ni pourvus d'orilices sessiles, comme l'indique cet auteur; ils ne ressemblent nullement à la S.ynsLiela figurée par Herdmann, et leurs organes génitaux n'ont rien de commun avec ceux qu'il représente. Les testicules ligures par lui se rapporteraient ÉTUDES SUR LES CYNTIIIADÉES. S31 pliilôl à ceux du premier de nos deux types ; mais les ovaires sont tout à fait différents et les caractères extérieurs de l'animal ne con- cordent point avec ceux que donne M. Giard. 11 est regrettable qu'en créant son genre Synstieloy M. Giard n'ait pas donné une caracté- ristique anatomique suffisante pour qu'on puisse le reconnaître sans hésitation. 11 résulte de ce qui précède que la classification des Cynthiadées doit être remaniée. Les anciennes coupes, les anciennes caracté- ristiques ne s'appliquent plus aux formes nouvelles que nous avons trouvées ou aux espèces déjà connues, dont nous avons étudié l'organisation avec plus de détail. Dans l'ancienne diagnose différencielle des Gynthinées et des Styélinées, on ne peut plus faire intervenir le nombre des replis branchiaux, à moins que l'on ne crée une sous-famille pour notre Cynthinée à quatre replis. Les Styélinées ont toujours quatre replis au plus ; mais les Gynthinées peuvent aussi n'en avoir que quatre. La diagnose établie sur la forme simple ou ramifiée des tentacules reste exacte ; mais c'est là un caractère bien secondaire pour une coupe si importante, et il nous semble que la première place doit être donnée à l'appareil digestif, qui est tout aussi caractéristique et qui imprime un faciès spécial à l'animal tout entier. Les Gyn- thinées ont un foie distinct, l'estomac non renflé, sans limites pré- cises, sans côtes fortement saillantes à l'intérieur, sans gouttière stomacale, sans ligament intestino-pylorique livrant passage au con- duit ^excréteur de la glande pylorique ; ce canal excréteur s'ouvre directement sur la paroi du tube digestif; l'anse digestive, très grande, s'étend presque jusqu'au niveau de l'orifice inspirateur; elle est formée de deux portions à peu près verticales et parallèles dans une bonne partie de leur étendue. Elles sont toujours fortement armées. Le raphé dorsal est orné de languettes ou d'une lame continue. Ghez les Styélinées, au contraire, il n'y a pas de foie distinct; l'estomac est renflé, nettement séparé de l'œsophage et de l'intestin, pourvu 532 DE LACAZE-DUTHIEUS ET YVES DELAGE. de côtes intérieures fortement saillantes et d'une gouttière pro- fonde terminée en un cul-de-sac dans lequel débouche le canal excréteur de la glande pyloriquc, venu là en suivant le ligament intestino-pylorique ; lanse intestinale, presque transversale, ne s'étend guère au delà du niveau de l'orifice cloacal. Les Styélinées sont ordinairement inermes, parfois légèrement armées. Le raphé dorsal est toujours orné d'une simple lame continue. Dans les Cynthinées, on a distingué avec raison les Cynthia à raphé dorsal orné de languettes, et les Microcosmus à raphé dorsal muni d'une lame continue; il faut ajouter un troisième genre à raphé pourvu de languettes et caractérisé par la présence de quatre méri- diens seulement à la branchie. Dans les Styélinées, où le nombre des genres est déjà assez grand, nous aurons à discuter l'opportunité de la création d'espèces et de genres nouveaux pour quelques-uns des types remarquables dont nous avons seulement indiqué les caractères anatomiques ; mais cela nous entraînerait hors des limites de notre cadre. Nous le réservons pour le grand travail, accompagné de vingt planches coloriées, qui va être publié dans les Mémoires de l'Académie des sciences. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXIV. Lettres communes à toutes les figures. c, canal eollecLeur de la glande pyloriqiie formé par la réunion de tous les canaux de la glande et se jetant dans la gouttière stomacale; e, épilhélium intestinal; 5», canaux excréteurs de la glande pylorique ; /, lacunes sanguines; 0, orilicc du canal collecteur dans l'inlestin ; ;;, partie terminale de la gouttière sto- macale; p, cul-de-sac terminant cette gouttière; a-, caicumst erminauxde la glande. FiG. 1 à 7. Genre Pùlycarpa.— Fig. 8 à H. Genre Cynthia.— FiG. 12 à \o. Genre Styela. GENRE POLYCAHPA. FiG. 1. Coupe transversale de l'intestin montrant la forme arquée de la cavité pro- duite par la forte saillie de la côte intestinale et la disposition de diverses parties de la glande pylorique. Sous l'épitliéiium représenté par un trait noir épais [e) se voient, régulièrement rangés côte à côte en couche con- linue, les ca'.cums terminaux [s) de la glande. Quelques-uns montrent le ÉTUDES SUR LES CYNTHIADÉES. b33 commencement du canal excréteur qui lui fait suite. Plus loin, ces canaux perdent leur direction radiaire et se coudent à angle droit pour courir parallèlement k l'axe, ce qui fait qu'on les rencontre en coupe transver- sale {g) (X16). FiG. 2. Coupe transversale de la région pylorique de l'estomac un peu au-dessus du point 0 de la figure 1 de la page 522. On voit les replis de la mu- queuse stomacale, et, en p, la coupe de la gouttière pylorique. Dans le tissu conjonctif qui forme la paroi se voient de nombreuses lacunes san- guines (/) et quelques rares tubes glandulaires (^) (x 11). 3. Portion de la figure précédente plus grossie, montrant le canal collecteur coupé obliquement avec son épithélium cubique non cilié, se continuant îi l'embouchure (o) avec l'épithélium cylindrique cilié (e) du caecum pylo- rique fx 140), 4. Dessin au même grossissement que la figure 2 d'une des coupes suivantes montrant la gouttière pylorique qui s'est séparée de la cavité de l'estomac pour former son CtTcum terminal (p'), et le canal collecteur (c) de la glande pylorique coupé obliquement à son embouchure dans le caecum p' [X 11). 5. Un des canaux excréteurs g des figures 1 ou 2 plus grossi pour montrer les caractères de l'épithélium (x 230). 6. Coupe transversale du ligament stomaco-intestinal (/ dans la figure 1 de la page 522), montrant au centre une lacune sanguine et, îi la périphérie, un cercle de canaux excréteurs (Z) de la glande pylorique, non loin du point oîi ils vont se réunir pour se jeter, par un tronc unique, dans le caecum pylorique (x 12). 7. Portion de la figure 1 plus grossie pour montrer l'épithélium intestinal avec ses cellules cylindriques ciliées, et, dans le tissu conjonctif rare sous- jacent, les caecums terminaux (s) de la glande pylorique, coupés suivant leur axe, rangés régulièrement côte à côte en couche continue. On voit leur disposition radiaire, leur épithélium large et bas non cilié, et les canaux excréteurs (g) qui leur font suite avec leur lumière presque entiè- rement effacée, tant leur finesse est grande, par l'épithélium qui les revêt intérieurement (X 370). GENRE CYNTHIA. FiG. 8. Point d'abouchement du canal excréteur de la glande pylorique dans le tube digestif (x 160). Celte figure est une portion plus grossie de la coupe d'ensemble que repré- sente la figure 10. On y voit les caractères difîérents de l'épithélium intes. final (e) cylindrique élevé et de celui du canal excréteur cylindrique, mais plus bas. Les figures 8', 8" et 8'" nous montrent au même grossissement que dans la figure 10 (4 0 diamètres) comment se comporte le canal, quelques coupes plus bas. En 8', on le voit se détacher de la paroi ; en 8", il s'en éloigne et se détourne de manière à se montrer en coupe transversale; en 8'", on le voit coupé de nouveau en long et s'écartant de l'épithélium intestinal pour se ramifier dans l'épaisseur de la paroi. r)3.4 DE LÂGAZE-DUTIllERS ET YVES DELAGE. FiG. 9. Portion grossie d'une coupe transversale de l'intestin au niveau du coude que forme l'anse ascendante avec l'anse descendante. On y voit, appuyés contre lépilhélium intestinal (e), les cuis-do-sac terminaux {s) de la glande pyloriquo. Ces cnis-dn-sac se conlinueut avec de longs et très fins canaux cxcrétiuirs que l'on retrouve plus lins en coupe transversale {g). Plus bas encore (plus près de la périphérie) se trouvent les coupes de canaux collecteurs plus gros {g, celui du bas) (x 160). 10. Coupe transversale de la région pylorique passant par l'embouchure du canal excréteur (point o de la figure 3 do la page 523). L'épithélium intes- tinal (e), représenté par une ligne noire épaisse, se continue avec celui du canal excréteur (c) coupé obliquement. Dans l'épaisseur de la paroi intesti- nale, au milieu du tissu conjonctif représenté par une teinte plate, parsemée de points noirs qui sont les noyaux, on voit de nombreuses lacunes san- guines (/), les canaux excréteurs de la glande (g) en coupes transversales et obliques et quelques culs-de-sac terminaux [s). La coupe montre le mé- sentère et une portion de la paroi du corps avec quelques muscles (x 40). M . Un cul-de-sac terminal de la figure 9 grossi pour montrer la forme et les caractères de son épithélium (x 225). GENRE STYELA. FiG. 12. Coupe transversale de l'intestin et de l'estomac passant par le cul-de-sac qui termine la gouttière stomacale (la coupe passe horizontalement entre les points o et l de la figure 2 de la page 522). L'estomac montre en coupe les replis que forme la muqueuse. A droite, un de ces replis (p) se dis- tingue des autres par sa forme plus carrée et par sa situation dans le li- gament stomaco-intestinal. C'est la coupe de la partie terminale de la gouttière stomacale. Au-dessus et h. droite se voit la coupe du canal collecteur de la glande pylorique. Ce canal, en raison de ses sinuosités, a été coupé d'abord transversalement, puis obliquement, puis presque parallèlement à son axe. On le voit se diviser en deux branches, une pour la face concave, une pour la face convexe de l'intestin. L'intestin se montre aplati, sa lumière courbée en demi-cercle par suite de la saillie que forme la côte intestinale. Le centre de la côte intestinale est occupé par une lacune sanguine (/). Partout, dans l'épaisseur de la paroi, au sein du tissu conjonctif, se montrent les canaux excréteurs {g) de la glande. Au contact de l'épithélium, les culs-de-sac terminaux de la glande {s), régulièrement rangés côte h côte, forment une couche continue (X 50). Î3. Portion plus grossie d'une coupe voisine montrant le canal (c) qui s'est rap- proché de la gouttière stomacale (x 105). 14, Portion d'une coupe voisine au point même où le canal collecteur (c) se jette non au fond, mais sur un point de la paroi ^jitérale de la gouttière sto- macale (x 105). 15. Partie de la coupe de la figure 12 comprenant une portion de l'épithélium intestinal avec les culs-de-sac terminaux de la glande pylorique [s). L'un d'eux se continue aveo son canal excréteur {g). Comparer avec les figures 7 et 9 (x 450). RECHERCHES SUR LES HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE PAR EDGARD HÉPtOUARD. Préparateur i la Faculté des sciences de Paris. INTRODUCTION. Depuis que Pierre Belon', en l'an 1553, indiqua l'existence de VHolothuria tuhulosa, en la désignant dans son langage pittoresque sous le nom de Génitale marinum, le champ que cet illustre compa- triote avait ouvert aux investigations des chercheurs n'a été ex- ploité, en France, que par un bien petit nombre de zoologistes; de- puis le travail de M. de Quatrefages sur la Synapta inhœrens, qui date de 1842, nous ne comptons qu'un essai de M. Baudelot ^ sur le système nerveux, et, au point de vue histologique, un travail de M. Jourdan^ En Allemagne, au contraire, nombreux sont les chercheurs qui ont exploité ce sujet, tant au point de vue anatomique qu'histolo- gique,' depuis les travaux célèbres de Tiedemann '', que l'Institut » Bellonius Petrus, De Aquatilibus, lib. II, Paris, 1553, - Baudelot, Élude générale sur le système nerveux des Échinodermes {Arclàves de zoologie expérimentale, 1872), 3 JouRDAN (Et.), Recherches sur l'histologie des Holothuries {Amiales du Musée d'histoire naturelle de Marseille, 1883). ^ Tiedemann, Analomie dcr [iohren Holothuries, des pomeranzenfarligen Sessierns und Stein-ieeigels,\0 lafeln. Landsliut, ISilG. 536 EDGARD HÉROUARD. de France a jugés dignes d'être couronnés ; mais la plupart de ces travaux ont trait surtout aux Aspidochirotes et aux Synaptes, et ce qui a rapport aux Dendrochirotes n'y a été le plus souvent qu'effleuré. Par contre, les auteurs qui se sont occupés de la description d'es- pèces nouvelles se comptent par centaines, ce qu'explique la diffi- culté que présente la détermination de ces animaux. Leur diagnosc, basée le plus souvent sur la forme et l'aspect extérieurs exclusive- ment, est, en effet, tout à fait insuffisante par suite de leur grande contractilité, et si grande est la contractilité chez les Holothuries, qu'un même animal observé étendu et contracté présente deux aspects entièrement différents. La couleur de la robe est elle- même d'un faible secours ; nous voyons, par exemple, la Cucumaria Kirschbergn, décrite par Heller dans l'Adriatique, présenter dans cette localité une couleur d'un brun grisâtre, tandis qu'à Ban^'^uls, cette espèce, quej'ai trouvée en assez grande abondance sur les fonds vaseux de la baie, a changé cette parure trop sombre en une robe du plus beau rouge. Aussi, la synonymie des espèces s'est-elle accrue jusqu'au jour où les auteurs ont employé, comme critérium principal de la détermi- nation, la forme des parties solides, qui, elle, pour les animaux adultes, n'est soumise, pour une même espèce, qu'à de légères variations. Cette difficulté dans la détermination est assurément une cause de l'abandon auquel l'étude anatomique de cette classC;, qui présente cependant tant d'intérêt, semble être vouée; mais elle n'est pas la seule. Il faut compter, comme une des raisons principales, l'impossi- bilité d'obtenir certains d'entre ces animaux dans un état de con- servation suffisant pour l'étude. Les Aspidochirotes, qui, en raison de leurs grandes dimensions, se prêteraient le plus facilement à l'étude anatomique, possèdent le fâcheux pouvoir d'expulser par l'anus la presque totalité des organes contenus dans leur cavité générale, et cela aumoiudro contact inaccoutumé. Il arrive souvent HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 537 que cette expulsion ayant lieu dans le filet même qui sert à les cap- turer, ils n'arrivent entre les mains des zoologistes que sous forme de sacs absolument vides. Les Synaptes présentent un inconvénient d'un autre ordre; elles s'autotomisent transversalement en un point quelconque de la longueur du corps. Les Cucumaria seules consentent à vivre dans les aquariums à eau courante ; mais la contractilité de la paroi du corps est telle, chez ces animaux, qu'il est souvent difficile d'obtenir des exemplaires en état d'extension suffisant pour l'étude. J'ai trouvé dernièrement un moyen de fixation devant lequel tombe cette diffi- culté, et qui, s'il m'avait été connu au début de mes recherches, m'aurait épargné bien des ennuis. Ce moyen consiste à saisir l'Ho- lothurie en lui fermant l'anus avec des pinces, de façon à l'empô- cher de se contracter et à la plonger dans une solution de chloral à 1 pour 100, portée à une température de 40 degrés centigrades. Si nous ajoutons à toutes ces particularités que les organes internes sont d'une très grande délicatesse, nous comprendrons que toutes ces difficultés matérielles aient rebuté bien des chercheurs. Telles sont, sans doute, les principales causes qui ont fait délaisser la classe des Holothuries pendant si longtemps. Par suite de l'établissement des laboratoires sur les bords de la Méditerranée et de l'Océan, il est à présent permis d'aborder des recherches qu'il eût été jadis impossible de faire sans être taxé de témérité. Mon illustre maître, M. H. de Lacaze-Duthiers, ayant bien voulu m'admettre dans ses laboratoires de Banyuls et de Roscoff, et m'ayant donné ainsi toutes les facilités pour me procurer les animaux nécessaires à une étude de ce genre, je n'ai pas cru devoir me ranger à l'opinion de certains auteurs alle- mands qui jugent que les travaux anatomiques sur les Holothu- ries sont maintenant suffisants. Pour se convaincre du contraire ; pour voir, en un mot, tout le vague qui règne encore sur certaines parties de l'anatomie, soit que les descriptions aient été incomplètes, soit que l'étude n'en ait pas été suffisamment approfondie, point 538 EDGARD HÉROUAKD. n'est besoin d'apporter à l'étude des travaux qui ont été écrits sur cette question une bien grande exigence. Ces raisons, jointes à l'intérêt que présente la classe dos Holothu- ries au point de vue phyiogénétique, m'ont déterminé ii entre- prendre quelques recherches sur ce sujet. C'est le résultat de ces recherches que je vais exposer dans ce travail. MŒURS. — UABIÏAT. Les Holothuries sont des animaux essentiellement marins, univer- sellement répandus dans les mers et se rencontrant depuis le niveau de l'eau jusqu'aux plus grandes profondeurs. Celles des grands fonds appartiennent pour la plupart ;\ un ordre spécial, l'ordre des Élasipodes, qui est considéré, dans la classifica- tion, comme tenant le milieu entre l'ordre des Pedata et celui des Apoda, dont les représentants sont abondamment répandus à des profondeurs facilement accessibles aux moyens ordinaires de re- cherches. Les Élasipodes présentent, d'après ce qu'on en peut juger par ce que l'on en connaît, une organisation remarquable ; mais ce sont là morceaux do rois, qu'il n'appartient pas à tous de pouvoir se procurer; aussi restreindrons-nous nos études pour cette raison majeure aux ordres contenant des animaux accessibles à tous, en faisant des vœux pour que ceux des privilégiés de la science qui sont en possession de telles raretés, nous fassent bientôt connaître le résultat de leurs intéressantes recherches. D'ailleurs, j'espère, si j'arrive au but que je me propose d'atteindre, montrer que les plus vulgaires des Holothuries ne sont pas dépourvues d'intérêt. Si on se basait uniquement sur le genre de vie, on pourrait en quelque sorte diviser celles des Holothuries dont nous allons nous occuper, en errantes, aberrantes et sédentaires, divisions qui corres- pondraient à peu près respectivement à celles plus scientifiques de Aspidochirotes, Dendrochirotes et Apoda. Les Stichopus et les Holothuria se déplacent en effet avec assez HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 839 de rapidité; elles semblent glisser à la surface du sol, et les tenta- cules et les tubes ambulacraires du trivium servent seules à cette locomotion. On les rencontre à des profondeurs variables; VHolo- thuria tubulosa, par exemple, se tient parfois si près de la surface de l'eau, que, dans la Méditerranée, où le phénomène des marées est à peine appréciable, on peut cependant souvent les prendre à la main sous les pierres submergées du rivage ; mais ce sont surtout dans ce cas les anses abritées des vents du large qui offriront aux chercheurs les plus abondantes récoltes. A des profondeurs de \0 mètres à 30 mètres, dans la baie de Ba- nyuls, on trouve par place de véritables bancs de Stichopus regab's vivant là en compagnie d'Holothuria et de Gucumaria diverses. Dans cette localité, les Aspidochirotes se rencontrent en bien plus grande abondance qu'à Roscoff où ils sont rares. Les Ocnus, Gucumaria et ïhyone qui appartiennent à la famille des Dendrochirotes, ne se déplacent que lentement et puisant dans l'eau ambiante, à l'aide de leurs tentacules, les particules nutritives destinées à leur subsistance; ils ne sont pas soumis aux mêmes nécessités ambulatoires que les Aspirochirotes ; aussi demeurent-ils parfois assez longtemps au môme endroit. Nous voyons, par exem- ple, les espèces qui vivent sur les rives de l'Océan, où elles sont sou- mises au phénomène des marées, s'insinuer entre les fentes des rochers, au milieu de la vase qui y est contenue, et le panache ten- taculaire seul vient se développer à l'extérieur. On les trouve à des profondeurs variables. Les Synaptes ont le corps entièrement enfoncé dans le sable, la couronne tentaculaire venant seule s'épanouir à fleur du sol. Aussi est-ce surtout sur les rivages sableux de l'Océan, dans les parties découvrant à mer basse, que ces animaux se rencontrent. La diversité que ces animaux présentent dans leur genre de vie, fait prévoir que les procédés qu'on doit employer pour s'en emparer sont variables, suivant les espèces qu'on désire se pro- curer. b40 EDGAHD HÉ!\OUARD. Dans les laboratoires de Roscoff et de Banyuls, on trouve tous les engins de pêche nécessaires et des marins exercés qui, conduits par les patrons, MM. Marty et Bonafos, auxquels j'adresse ici tous mes remerciements pour le zèle qu'ils ont déployé pour me pro- curer des animaux au delà de mes désirs, connaissent le secret des abondantes récoltes. Dans la Méditerranée, la pêche au chalut est de beaucoup la plus fructueuse. On a peine à se figurer la quantité innombrable d'Holothuries de diverses espèces ramenées par cet en- gin du travers de la base de Banyuls. Les Sticopus regalis^ les Cu- cumaria Planci et les Holothuria tuhulosa forment la presque tota- lité des espèces qu'on y trouve par cette méthode; mais il faut cependant aussi compter avec elles des espèces moins communes, telles que des Cucumaria Kirschsbergii, des Thyone aurantiaca, et de plus la Semperi'a Bavoisii, qui n'avait jamais été trouvéequ'une seule fois à Concarneau. L'emploi de la drague et du faubert donnera des résultats heu- reux, tant à Roscoff qu'à Banyuls. Avec la drague, on trouvera les Synaptes et les Thyones qui vivent enfoncées dans le sable et dans les algues calcaires, qu'on ramènera à l'aide de ces deux instru- ments; on pourra se procurer des Ocnus qui s'y trouvent parfois eu fort grand nombre. Enfin, dans l'Océan, où on bénéficie du phénomène des marées, le plus sûr moyen est de s'armer d'une solide pince en fer et d'aller explorer les fentes des rochers ;\ marée basse. C'est ainsi qu'à Ros- coff, avec l'aide du patron, M. Marty, j'ai pu me procurer un bon nombre d'exemplaires intéressants. Quant aux Synaptes, on pourra, en explorant les plages sablon- neuses à l'aide de la bêche, en faire une ample moisson. 11 est superflu d'ajouter que le scaphandre peut être d'un grand secours pour la recherche de ces animaux qui, étant privés d'un moyen de locomotion rapide pour la fuite, se laissent facilement prendre à la main. Un fait intéressant qui mérite d'être noté : c'est que l'époque pa- HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 541 raît avoir, pour la capture de certaines espèces, une influence capi- tale. Toutes les Tliyone aurantiaca qui ont été prises à Banyuls pendant plusieurs années de suite, ont toujours été ramenées à Taide du chalut dans les premiers jours du mois de mars de chaque année. Doit-on voir là un simple effet du hasard, ou penser que ces animaux qui vivent ordinairement enfoncés dans la vase en sortent à cette époque pour accomplir des fonctions particulières? Ces ani- maux présentant une papille génitale très développée, en forme de pénis, ne s'accoupleraient-ils pas? Les Holothuries des côtes de France paraissent être en butte aux attaques de peu d'ennemis; leurs téguments coriaces semblent être un sûr garant de leur tranquillité. En revanche, un grand nombre d'animaux divers viennent chercher, soit dans la cavité des organes, soit dans l'épaisseur de la paroi du corps, un abri protecteur. C'est ainsi qu'on rencontre des Poissons vivant dans l'organe arbores- cent des Holothuria et des Stichopusj des Mollusques (Entoconcha); des Crustacés logés dans le tissu conjonctif de la paroi du corps, et dont certains se sont développés dans cette paroi même ; des Annélides qui se faufilent entre les tubes ambulacraires, surtout chez les Thyone ; des Nématodes dans la cavité générale et des Protozoai- res en abondance. Cependant des animaux qui s'accomodent de mets peu délicats, comme certains Crustacés par exemple, sont à redouter pour les Holothuries. Quand celles-ci vivent dans un mi- lieu qui n'est pas approprié à leur genre de vie habituelle, le tissu conjonctif de la paroi du corps tombe en dégénérescence, se désa- grège, et les Crustacés se nourrissent de ses débris. C'est ainsi que des Pagures tenus en captivité en compagnie de Sllchopus finis- sent par dévorer la surface dorsale de ceux-ci. Les Holothuries sont, en effet, des animaux passifs très mal ar- més pour la défense, car ce rôle qu'on avait attribué aux organes de Cuvier ne leur appartient pas, comme nous le verrons à propos de ces organes, et d'ailleurs ils n'existent que chez un très petit nombre d'espèces. 542 EDGARD IIÉKOUARD. Pour qui a visite l'aquarium de Banyuls, point n'est besoin de signaler avec quelle vitalité certaines espèces, les Cucuman'a Planci par exemple, peuvent être conservées en captivité. C'est merveilleux, en effet, de voir ces animaux qui, contractés, ont l'aspect d'une masse presque informe et de couleur terreuse, étaler un superbe pa- nache de tentacules ne le cédant en rien, par sa gracieuseté et sa légèreté, à ceux qu'on rencontre chez les Annélides. Quand parfois un de ces panaches se trouve dans la direction du jet servant au renouvellement de l'eau du bac, on croirait voir un arbre aux dé- licates ramifications se laissant bercer par la brise. Les Cucumaria et les C. Planci en particulier semblent être les seules qui consentent à supporter ce genre de vie. Cependant celles- ci vivent à des profondeurs souvent plus considérables que les Ho- lothuvia, qui, elles, vivent et se rencontrent souvent au niveau de l'eau; mais ce fait n'a plus lieu de nous étonner depuis que MM. les docteurs Joubin et Prouho nous ont fait connaître que la Cranie et le Dovocidaris papillata, qui vivent normalement à des profondeurs de 100 mètres, se contentent parfaitement d'une colonne d'eau de quelques centimètres de hauteur. L'élevage des animaux en capti- vité, dans des conditions anormales, oûVirait certainement des sur- prises à celui qui voudrait s'y adonner. J'ai vu, par exemple, à la Sorbonne, le gardien du laboratoire, M. Joseph Jezequel, dont le zèle est connu de tous, conserver des Cerianlhes, des Actinies, des Amphioxus et d'autres animaux, pendant de longs mois, dans un bocal d'eau de mer non renou- velée. Peut-être doit-on voir aussi une explication de la rési- stance des Cucumaria à la captivité dans la ténacité de leur tégument. Chez les autres genres, le tégument est, il est vrai, parfois beaucoup plus épais {Holothuria, Slichopus), mais il n'offre jamais la ténacité de celui des Cucumaria ; parfois même il est gélatineux, comme cela se trouve chez les espèces comestibles (Trépang), mais ces dernières n'existent pas sur nos côtes, elles appartiennent ù la mer de Chine oii elles sont hautement HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 543 appréciées pour les propriétés aphrodisiaques qu'on leur at- tribue. Sur nos côtes, jamais je n'ai ouï dire que l'iiomme se servît d'aucun de ces animaux comme d'aliments; cependant Delle- Chiaje rapporte qu'en Italie, les pêcheurs pauvres se nourrissent des muscles de Y Hololhuria tubulosa. A Banyuls, les pécheurs n'em- ploient ces muscles que comme amorce pour la pêche de la dorade. Tout le monde sait combien sont appréciés, par les gourmets, les Oursins sur les côtes de la Méditerranée. Les organes génitaux du Toxopneusles lividus constituent en effet un met. savoureux; j'ai voulu m'assurer si ceux des Holothuries ne jouiraient pas de pro- priétés semblables. Je me suis adressé pour cela au Cucumaria Planci, et j'ai constaté que les organes génitaux de ces animaux ne laissent rien à envier comme goût à ceux des Toxopneustes. Peutr être y aurait-il là, pour le pêcheur, un enseignement utile. Tandis que les Oursins ne peuvent se prendre que par un temps calme, alors que la surface de l'eau, peu agitée, permet à l'œil de sonder la profondeur ou nécessite une pèche spéciale, les Holothuries constituent actuellement, dans la pêche quotidienne^ un élément de rebut qui, trouvant acheteur, serait pour le pêcheur un bénéfice inattendu. EXTÉRIEUR. ~ TÉGUMENTS. Les Holothuries des côtes de France présentent en général une couleur terne ; on en rencontre cependant qui sont revêtues de couleurs vives, comme, par exemple, la Cucumaria Kmchsbergii, de Banyuls, elle Çolochirus Lacazil, de Uoscoli", qui présentent, la pre- mière, une cpuleur rouge cru, et la seconde, une blancheur de lait. Quant à la forme du corps, elle varie d'une façon notable pour un môme individu, suivant que les tentacules sont développés ou non, et aussi suivant Tétat de contraction de l'animal ; mais, 544 EDGARD HEROUARD. en général, elle est cylindrique, plus ou moins atténuée vers ses extrémités. Dans les descriptions qui vont suivre, nous supposerons toujours que l'axe du corps est placé verticalement la bouche en haut et la face ventrale en avant. Si nous considérons un Colochirus Lacazii ayant les tentacules développés, nous voyons que l'extrémité supérieure du corps pré- sente un aspect différent de l'extrémité inférieure, qui, elle, possède une étendue beaucoup plus considérable. Celle-ci occupe, en effet, la presque totalité de la surface ; elle est de couleur blanche, pré- sentant cinq bandes de tubes ambulacraires, tandis que l'extrémité supérieure est noire ou jaunâtre, complètement dépourvue de tubes et la peau en est plus délicate ; on a donné à cette dernière partie, en raison de la position qu'elle occupe, le nom d'aere tentaculaire. Lorsque l'animal rentre ses tentacules, celte partie disparaît entiè- rement à l'intérieur du corps, ce qui explique le nom de trompe qui lui a été donné quelquefois, et le nom de lèvre externe, par lequel Cuvier désignait son bord inférieur, qui, quand l'animal se contracte, occupe le pourtour de l'orifice supérieur du tube digestif. Entre les tentacules, qui sont au nombre de dix, disposés en cercle à l'extrémité supérieure du corps, se trouve la bouche, occu- pant le centre de l'aire tentaculaire, tandis que l'anus est situé à l'extrémité inférieure. Le corps présente une surface dorsale et une surface ventrale très apparente, permettant de déterminer facile- ment le plan de symétrie bilatéral. L'orifice génital est placé entre les deux tentacules dorsaux, situé par conséquent dans l'aire ambu- lacraire et disparaissant quand l'animal, en se contractant, déter- mine l'invagination de celle-ci. Les téguments (pl.XXVIll, lig. i) offrent un assez grand intérêt, en ce qu'ils contiennent, dans leur épaisseur, les organes les plus com- pliqués qui se rencontrent chez ces animaux, et qui, quoique ayant été déjà le sujet de bien des recherches, ne sont encore, de nos jours, qu'imparfaitement connus. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 545 M. de QuatrefagesS dans l'étude qu'il fît de la Synapta inhœrens, ut un des premiers qui donna des indications suffisamment précises sur la succession des différentes couches qui composent la paroi du corps, indications auxquelles celles des auteurs qui suivirent se rattachent pour la plupart. Il indiquâtes couches suivantes en allant de dehors en dedans : épiderme, derme, tissu conjonctif élastique, muscles transversaux, muscles longitudinaux, épithélium interne. ^ Il fut ainsi amené à comparer l'ensemble des couches qui succè- dent au derme à l'ensemble des muscles et du squelette des ani- maux supérieurs; en un mot, à désigner l'ensemble de ces couches, comme constituant essentiellement le corps de la Synapte. Dans la paroi du Colochirus Lacazii, on distingue trois zones prin- cipales : \° une zone externe comprenant de dehors en dedans une cuticule, un épithélium (pi. XXVIII, fig. 1, c), et une couche con- jonctive puissante (/) ; 2° une zone moyenne formée de tissu con- jonctif gélatineux, contenant une quantité considérable d'éléments cellulaires (m), et dont la région profonde, par suite des éléments nerveux qui y sont contenus, peut être regardée comme une couche nerveuse ; 3° une zone interne comprenant des fibres musculaires circulaires {m'), cinq bandes musculaires longitudinales [m) au ni- veau des ambulacres, et enfin l'endothélium. Zone externe. —Ainsi que l'indique M. Jourdan ^ dans son inté- ressant travail sur l'histologie des Holothuries, et comme l'avaient signalé Leydig\ Selenka^ et Semper^ il existe à la surface du corps une cuticule {Structurloses Hciutchen), mince et transparente, qui, au niveau des orifices, se continue directement avec celle du tube 1 De Quatrefages, Mémoire sur la Synapte de Duvernoy [Annales des sciences natu- relles, 2« série, vol. XVII, 1542, p. 19-93, pi. II-V). - JOURDAN, lOC. cit. 3 Leydig (Fr.), Analomische Notizen uber Synapla digilata [Midi. Archiv, 185-2. p. 507-520, pi. XIII, fig. 4-11). * Selenka (E.), Beitrage zur Anatomie und Systemaiik der Holothurien, ia Zeils. f. Wiss. Zool., Bd XVII, 1867. » Semper, neisen im Archipel der Philippinen {Zweiter Theil, Erster Band. Holothu- rien. Wiesbaden, 18G8). ARGH. DE ZOOL. EXP. ET GÉ.N. — 2» SÉRIE- — T. VU. J 889. 33 546 EOGARD IIÉROUARD. digestif. Il est facile de la détacher en fixant l'animal étendu et en le laissant quelques jours dans la liqueur de MuUer. Examinée au microscope, elle ne présente pas de structure apparente ; mais elle est criblée de points noirs^ qui représentent sans doute les pores de sortie pour la sécrétion des cellules glandulaires sous-jacentes. Les noyaux de l'épithélium, qui vient ensuite, paraissent sur les coupes comme empilés les uns sur les autres, et la dissociation est seule capable de faire comprendre la forme des cellules auxquelles ils appartiennent. En opérant ainsi, nous les trouvons entremêlés à des cellules en forme de poires, dont la queue, tournée du côté externe, aboutit à la périphérie du tégument (pi. XXV, fig. 3, a, h ; fig. 4, a, h). Par suite de la longueur variable de la partie effilée de ces cellules, les noyaux, qui sont toujours situés dans la partie renflée, sont placés plus ou moins profondément et semblent ainsi appartenir à des cel- lules formant un épithélium stratifié ; mais ce n'est là qu'une simple apparence. Cet épithélium présente immédiatement sous la cuticule une partie claire et granuleuse, dans laquelle sont situés les corpus- cules calcaires superficiels (Bindekorper), et non pas, comme on l'a prétendu, dans la couche conjonctive sous-jacente. Les cellules cpithéliales contiennent des granules pigmentaires qui contribuent à donner à l'animal la couleur qu'il présente. Dans l'espèce qui nous occupe, les cellules épidermiques sont entremêlées à un grand nombre de cellules glandulaires groupées d'une façon particulière. Ces cellules glandulaires ne sont pas répandues uniformément ; elles sont séparées en îlots par des travées conjonctives, et, dans une coupe transversale de la paroi, ces îlots semblent contenus dans des sortes de loges creusées dans le tissu conjonctif sous-jacent (pi. XXVIII, fig. \, c). A quoi sont destinées ces loges? Ont-elles un rôle dans la sécrétion des cellules glandulaires ? La chose est pro- bable ; mais des expériences sur la physiologie de ces organes se- raient nécessaires pour élucider cette question. Derme. — Le tissu conjonctif, qui vient ensuite, présente un dé- veloppement considérable. C'est à lui qu'est due la presque totalité HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 547 de l'épaisseur de la paroi ; aussi la plupart des auteurs ont-ils cherche à se rendre un compte exact de sa constitution ; mais son étude n'est pas plus aisée chez les Holothuries que chez les animaux supérieurs, et il suffit de se rappeler à quelles attaques ont été en butte les idées de Kôlliker et de Virchow sur le tissu conjonctif de ces derniers animaux, pour comprendre combien sont difficiles ces observations; aussi a-t-on été longtemps à connaître la structure exacte de celui qui nous occupe. Les recherches de Jourdan ' et d'Hamann ^, sans exclure celles de Baur *, Semper et Teuscher, nous ont particulière- ment renseignés à ce sujet. Dans les téguments du Colochirns Lacazii, nous trouvons plusieurs des formes du tissu conjonctif. Au-dessous de l'épiderme, nous voyons un tissu aréolaire, qui n'est pas du tissu conjonctif réticulé, comme on pourrait le croire tout d'abord, mais bien du tissu conjonctif fibrillaire (pi. XXVIII, fig. 1). Ce sont les corpuscules calcaires, qui, situés là, maintiennent écartées les fibres conjonctives et changent ainsi l'aspect qu'offre d'ordinaire ce tissu ; aussi le voyons-nous se rapprocher de plus en plus de sa forme typique en nous éloignant de l'épiderme, c'est-à-dire à mesure que les corpuscules calcaires dimi- nuent en nombre, et bientôt, quand ces corpuscules ont complète- ment disparu, nous trouvons ce tissu formé de fibres conjonctives ondulées (pi. XXYIII, fig. 1, /), disposées parallèlement les unes aux autres, présentant l'aspect du tissu conjonctif fibrillaire. Zone moyenne. — La zone moyenne pourrait être à la rigueur réunie à la précédente (pi. XXVIII, fig. 1, u). Elle est constituée par un tissu conjonctif très lâche, dans lequel abondent les éléments cellulaires appelés, par Teuscher*, Zerstreutzellen, et, par Hamann^ * Jourdan, loc. cit. * Hamann (0.), Beitràge zur Histologie der Echinodermen [Zeils. f. Wiss. Zool., t. XXXIX^ 1883), et Beitràge zurllistologie der Echinodermen, Hel't 1 ; Die Holothu- rien, léna, 1884. * Baur (A.), Beitràge zur Naturgeschichte der Synapla àigitala, 1864. * Teuscher (R.), Beitràge zur Analomie der Eclwwdertnen, ia Jenaische Zeits. f. Naturw., Bd X, 1876. *" Hamann, loc. cit. 548 EDGARD IlÉROUARD. Plasmaivandei'zellen. Gciie zone appartient en réalité au système lacu- naire, comme nous le verrons en étudiant celui-ci, et en contient les éléments. Les cellules parsemées, comme les appelait Teuscher, se rencontrent aussi dans la substance conjonctive de la zone ex- terne, mais elles y sont beaucoup plus rares. Dans la région profonde de la zone moyenne, nous trouvons les fibres conjonctives plus nombreuses, entremêlées avec une quantité de filets, nerveux au dire des auteurs, dont l'ensemble forme ce que nous avons appelé la couche nerveuse. On trouve dans la zone externe et dans la zone moyenne une quantité de granulations pigmentaires, qui, ainsi que Ta indiqué M. Jourdan, sont souvent disposées en file le long du trajet des filets nerveux. Ces granulations proviennent de la destruction des cellules parsemées arrivées à leur fin. La disposition de ces granu- lations en files résulte tout simplement d'une action mécanique ; les contractions de la paroi déplacent ces granulations dans les lacunes du tissu conjonctif jusqu'à ce qu'elles se trouvent dans une position stable. Aussi les trouvons-nous disposées le long des troncs et filets nerveux, là où les contractions ont le moins d'effet. Zone interne. — l^^Uc est formée d'éléments musculaires, les uns transversaux, les autres longitudinaux du côté interne par rapport aux précédents. Tandis que les premiers se rencontrent sur toute la paroi du corps, sauf au niveau des ambulacrcs, ceux-ci n'existent qu'au niveau des ambulacrcs, où ils forment cinq cordons saillants sur la face interne de la paroi. Chez les Ilololhuria, ces cordons sont formés chacun de deux faisceaux pjirallcles, symétriques par rapport au plan radial ; mais, dans l'espèce qui nous occupe, et chez les Dendrochirotes en général, ces faisceaux se sont accolés pour n'en plus faire qu'un seul. Les caractères histologiques de la fibre musculaire ont été donnés par MM. Jourdan et Hamann. Ajoutons que, sur des coupes colorées au carmin, le vert de méthyle peut servir à dillérencier avec la plus HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCR. S49 grande netteté le tissu conjonctif du tissu musculaire. Celui-ci reste coloré en rouge vif, tandis que celui-là se teint en violet. La disposition des fibres musculaires est intéressante ; elles sont, pour ainsi dire dissociées ; le tissu conjonctif forme de longs cylin- dres, à la face interne desquels les fibres musculaires sont acco- lées séparément et parallèlement les unes aux autres. La face interne de la zone interne est recouverte par l'endothélium de la cavité générale. Nous voyons donc que les divisions données par M. de Quatre- fages sont exactes dans leur ensemble. La zone moyenne seule avait été mal interprétée; elle avait été prise par lui pour du tissu fibreux élastique; mais, on ne s'en étonnera pas, si l'on songe qu'actuel- lement encore on discute sur la nature des éléments conjonctifs des Échinodermes, malgré les nombreux travaux qui ont été écrits sur cette question depuis l'époque où parut le travail sur la Synapte. Depuis que Yalentin et Leydig* (p. 310) indiquèrent la ressem- blance entre le tissu conjonctif des Échinodermes et celui des Ver- tébrés, les opinions ont souvent varié. MM. Jourdan^ et Hamann* sont les derniers auteurs qui aient donné leur avis en ce qui concerne les Holothuries. Le premier ne se prononce qu'après une certaine hésitation (p. 13). « L'étude à l'aide des coupes et des dissociations, dit-il, nous autorise cependant à admettre que le tissu conjonctif des Holothuries possède une structure semblable à celui des Vertébrés. » Mais plus loin (p. 55), il reconnaît que « ce tissu conjonctif, qui correspond évidemment à un derme, offre des particularités histochimiques propres au groupe tout entier, permettant de le considérer comme sensiblement diffé- rent du tissu conjonctif des animaux supérieurs. » Malgré ces res- trictions, M. Jourdan écarte toute idée de tissu élastique. « La na- 1 Leydig, loc. cit. 2 Jourdan, loc. cit. ' IIamann, loc. cit. 550 EDGAKD HÉKOUARD. ture fibreuse des éléments que nous venons de décrire, dit-il (p. 13), ne saurait être considérée comme douteuse. » Hamann, dans le travail qui parut la môme année, pose cette ques- tion, à laquelle il répond négativement: « A-t-on réellement le droit, chez les Échiuodermes, de parler d'un tissu conjonclif qui repré- sente morphologiquement celui des Vertébrés? » En réalité, le tissu élastique ne se rencontre pas chez les Holothu- ries. On trouve chez ces animaux un tissu anatomiquement et phy- siologiquement semblable au tissu conjonctif des Vertébrés ; mais qui en diffère, comme l'a montré M. Jourdan, par ses caractères histochimiques. Ce qu'il faut surtout noter dans le court exposé que nous venons de donner du tégument des Holothuries, est l'existence et la consti- tution de la zone moyenne, sur laquelle nous aurons à revenir à propos du système lacunaire. 11 est d'ailleurs facile de mettre cette zone en évidence en se servant simplement du scalpel. Si nous me- nons, en effet, une incision longitudinale dans un interradius, de façon à n'intéresser que la zone externe, il nous sera facile de sou- mettre l'animal à une sorte de décortication en soulevant les bords de la section ainsi faite, car la zone externe adhérant faiblement à la zone moyenne par suite de la structure de celle-ci, s'en détache facilement. On peut, en agissant ainsi et avec précaution, décortiquer entièrement l'animal et s'assurer que la zone moyenne existe sur toute la surface du corps, y compris celle des tubes ambulacraires et des tentacules, et s'assurer que la zone externe n'adhère à lin- terne qu'au niveau des ventouses et des orifices. Nous n'indiquerons les homologies de ces différentes couches avec celles des téguments des autres Échinodermes que quand l'étude des organes radiaux nous aura donné une base sobdc sur laquelle nous pourrons asseoir nos déductions. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. B51 CORPUSCULES CALCAIRES \ Si, après avoir fait mourir une Cucumaria Planci de petite taille dans un état d'extension suffisant pour que les éléments qui com- posent la paroi, étendus sur une grande surface, présentent la plus faible épaisseur possible, nous enlevons un lambeau de la zone externe de la paroi, nous verrons par transparence que cette zone contient, au milieu des éléments conjonctifs qui la forment, de petits corps que l'acide acétique dissout avec dégagement de gaz et qui présentent des trous les traversant départ en part, disposés plus ou moins irrégulièrement, ainsi que des nodosités formant saillies à leur surface ; ce sont les corpuscules calcaires. Nous verrons, de plus, que ces corpuscules sont entièrement séparés les uns des autres, et que tous n'ont pas une forme identique ; mais, parmi toutes ces formes, nous pourrons facilement distinguer deux types : l'un représenté par des corpuscules petits, sans nodosités, placés superficiellement ; l'autre formé d'éléments plus volumineux et très noduleux, situés plus profondément. Si maintenant, au lieu d'enlever la zone externe de la paroi tout entière, nous n'enlevons plus que l'épiderme, nous verrons que celui-ci contient les éléments du pre- mier tj'pe, à l'exception de ceux du second, et réciproquement. Nous en concluons donc que les corpuscules calcaires sont dispo- sés sur deux couches différentes : l'une superficielle ou épidermique (Bindekôrpcr), et l'autre profonde, située dans le derme. Cette disposition existe chez presque tous les Dendrochirotes, mais n'est pas absolument générale. Chez les Thyone, par exemple (pi. XXXII), on n'en trouve plus qu'une seule couche ; morphologi- quement cependant, ces deux types existent encore, car, comme nous le montrerons, la forme unique des Thyone doit être consi- dérée comme résultant de la soudure des deux formes que nous avons trouvées chez les Cucumaria. • HÉROUARD (E.), Noie sur la formation des corpuscules calcaires, in Compl. rend., 1887, 7 novembre. S32 EDGARD HÉROUAKD. Chez certaines espèces, cependant, contrairement à ce que pensait Selenka \ toute trace de corpuscule a complètement disparu dans la paroi du corps. Chez les Aspidochirotcs, nous verrons que les cor- puscules turriformes qu'on o])serve peuvent être aussi ramenés à être considérés comme formés par la soudure des deux couches. Occupons-nous d'abord des corpuscules calcaires profonds. Chez les animaux vivant en captivité, dans de l'eau non aérée, la zone conjonctive de la paroi n'ayant plus à sa disposition les élé- ments nécessaires pour conserver son énergie vitale, est frappée de mortalité; les faisceaux conjonctifs se dissocient et leurs débris, sollicités par leur propre poids, tombent au fond de l'eau dans laquelle est contenu l'animal, et y forment des amas de couleur blanche et d'aspect nacré et soyeux, en entraînant avec eux les cor- puscules calcaires. Prenons une partie de ces débris et traitons-la par le carmin acétique, chez une Cucumaria Planci. Nous voyons, sous l'action du réactif, le corpuscule calcaire disparaître et être remplacé par un réseau hexagonal à peu près régulier, coloré en rouge, et au centre de chacune des mailles de ce réseau, un noyau ; ces noyaux occupant précisément la place oîise trouvaientprimitive- ment les trous du corpuscule (pi. XXV, fig. 5). Ces noyaux sont ceux des cellules formatrices du calcaire. On observe, en efîet, chez le jeune, ainsi que l'a montré Semon (R.) -, des cellules ressemblant auxamœbocystcs, à l'intérieur desquelles existe un petit tétraèdre de carbonate de chaux. Le développement du corpuscule est facile à comprendre. Le cal- caire se dépose le long des parois de contact de quatre de ces cel- lules accolées l'une à l'autre et donne une production en forme à'x (fig. A, p. 553). C'est là le centre du développement, la charpente en quelque sorte du corpuscule. Les choses n'en restent en général pas là; quatre autres cellules placées symétriquement dans les 1 Selenka, loc. cit. a Semon (R.), Beilràge sur Naturgeschichle des Sijnaptiden des lUittelmeeres, in iMU- theilungen. Neapel, 1887. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANGE. 553 angles formés par la réunion des quatre premières entrent en jeu ; elles déposent à leur tour du calcaire sur leurs parois de contact avec les précédentes et on obtient ainsi un corpuscule de la forme re- présentée figure B ci-dessous. D'autres cellules occupant les angles formés par ce groupe de huit cellules, entrant en jeu à leur tour, il se formera par le même processus de nouvelles branches, et nous aurons ainsi la forme de la figure E, et ainsi de suite. Les branches du réseau calcaire, d'abord délicates, s'épaississent Schémas montrant la formation des corpuscules calcaires. graduellement par suite de l'augmentation du dépôt, et les orifices des mailles diminuant de plus en plus, tendent à disparaître ; mais la présence des noyaux des cellules les empêche de s'oblitérer tota- lement, et c'est à la présence de ceux-ci qu'est due l'existence des trous dans le corpuscule. Pourquoi les quatre cellules primitives ne se disposent-elles pas symétriquement par rapport à un centre, mais bien par rapport à un axe ? Cela tient sans doute à la contractilité de la paroi ; les cellules qui y sont contenues, plus comprimées dans un sens que dans l'autre, alors que le dépôt calcaire n'est pas encore formé, s'orientent en symétrie bilatérale. 55i RDGARD IIÉROUARU. L'existence du corpuscule résultant des quatre premières cellules, et auquel nous donnerons le nom de corpuscule calcah^e fonda- mental, présente un intérêt capital au point de vue do la détermi- nation ; car, plus la formation se complique et plus la régularité théorique du réseau salière. Aussi, chez un même individu, les cor- puscules compliqués se présentent-ils parfois avec un aspect tout différent l'un de l'autre en apparence; mais toujours, parmi les mailles du réseau, celles qui ont formé le corpuscule fondamental restent constantes dans leur forme, dans leurs dimensions relatives et dans les aspérités qu'elles présentent. C'est sur le corpuscule fon- damental qu'il sera donc surtout utile d'insister dans les descrip- tions. Ce mode de formation nous donne, en outre, le moyen de faire entrer la mensuration dans leur étude, fait dont on saisira toute l'importance si on se souvient que le corpuscule calcaire sert pour ainsi dire de base dans la distinction des espèces entre elles. Si nous nous reportons au corpuscule calcaire fondamental idéal (fig. E, p. 553), il nous sera facile de mesurer la longueur des axes ao! et h U. Il semblerait que sur un corpuscule réel, par suite de l'épaisseur des branches du réseau et de l'existence des nodosités, la délimita- tion des axes soit moins aisée ; c'est là une erreur, car c'est préci- sément le centre des nodosités qui représente les nœuds du réseau, comme nous le verrons tout à l'heure. Après ces principes de formation établis, il est facile, en figurant un réseau hexagonal et en prenant dans ce réseau quatre mailles adjacentes représentant les quatre cellules de formation du corpus- cule calcaire fondamental, de marquer le numéro d'ordre de cha- cune des cellules qui entourent celles-ci et de former ainsi une ligure générale à laquelle on puisse se reporter, pour assigner aux différents trous d'un corpuscule calcaire quelconque le numéro d'ordre qui lui convient. Marquons dans cette figure (p. 555) l'axe vertical V V, l'axe hori- zontal II ir, et indiquons, en outre par Dj,Dg,D,,D^, les diagonales en zigzag des quadrants ainsi formés. Plaçons dans chaque maille le HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 555 numéro d'ordre qui lui convient; nous voyons ainsi que ce réseau se compose de : quatre cellules de premier ordre ; quatre cellules de deuxième ordre ; six cellules de troisième ordre ; dix cellules de Roseau théorique des corpuscules calcaires. quatrième ordre ; dix cellules de cinquième ordre ; douze cellules de sixième ordre; seize cellules de septième ordre, etc. Le nombre des mailles s'accroîtra donc comme les termes d'une progression arithmétique dont le premier terme est 2 et la raison 2, et dans laquelle les termes de 3 en 3 sont augmentés de deux à partir du premier. Convenons, pour indiquer une maille quelconque du réseau, de faire suivre la lettre indiquant l'axe ou la diagonale à laquelle elle SS6 EDGAKD lilCUOL'AKD. appartient de son numéro d'ordre; nous aurons ainsi le moyen d'indiquer dans les descriptions la composition exacte des corpus- cules calcaires. Nous indiquerons, par cette méthode, le corpuscule du C. Lacazii (fiy. 15, A, pi. XXXI) par la notation (V : 1 + V : 1). Quand le cor- puscule fondamental est complètement représenté comme dans la ligure 2, a (pi. XXXII), il n'est pas nécessaire d'indiquer sa notation (H : 1 +V : 1+ V m- H' : l),il suffit, si l'on veut, dans ce cas spé^ cial, d'indiquer ce corpuscule par son nom qui ne prête à aucune amphibologie; ainsi, pour la figure 5 (pi. XXXI, E),nous indiquerons la composition de la façon suivante [Corp. fond. + D, : 3) ; pour la ligure G (page 553), qui devient plus compliquée, par [Corij. fond. + Dj : 2 et 3 + D^ ; 2 et 3 + D^ : 2 et 3). Pour les saillies et les nodosités qui occupent toujours, ainsi que nous le verrons tout à l'heure, la place des nœuds du réseau, nous pourrons employer une notation analogue. Puisque, en effet, un nœud est formé par la juxtaposition de trois mailles, il suffira de désigner les trois mailles qui entrent dans sa composition pour que sa position soit parfaitement assignée. Exemple : dans la figure G (page5o3),/j sera désigné par (V: 1 :i : l)jlenœudp'par ^V: 1 13:3); le nœud y" par (D^ : 1 ; 1 .* 2), etc. De même, pour un côté, on in- diquera les deux mailles adjacentes. Nous venons d'exposer la formation du corpuscule calcaire telle qu'elle se présente normalement. Montrons maintenant que ceux d'entre eux qui semblent s'écarter de cette règle ont néanmoins pour base une formation identique. Nous voyons par exemple (pi. XXXI, B, fig. 2) une maille a qui n'occupe que la moitié de la place qu'elle devait occuper normalement. La maille (II' '. 3) n'est représentée en un mot que dans sa moitié supérieure. Ce fait est dû à ce que la cellule normale de formation s'est divisée secondai- rement en deux cellules que j'appellerai cellules dérivées, et qu'une seule de celles-ci s'est incrustée de calcaire pour former la maille a. L'existence de ces mailles dérivées explique aussi la formatiou des HOLOTHURIES DES COTES DE FRANGE. 5S7 deux pointements s'avançant dans les mailles (II : 1) et (H' : 1), (fig. C, p. 553). C'est aussi dans ce cas que rentrent les corpuscules crépus (pi. XXXI, A, fig. 11, et pi. XXXII, fig. 10). L'existence de mailles dérivées entraîne avec elle la présence de nodosités dérivées qui ont une origine analogue aux nodosités nor- males. Les corpuscules calcaires, abstraction faite des nodosités, ne sont pas toujours plans ; ils suivent la courbure générale de la paroi qui les contient. Ce fait s'observe bien dans les tubes ambulacraires pour la paroi desquels la courbure est beaucoup plus accentuée que pour la paroi du corps. Ici, en effet, par suite des fonctions de ces organes, les corpuscules doivent répondre à des conditions parti- culières. Aussi voyons-nous qu'ils sont arqués suivant la courbure du tube, et qu'ils sont développés seulement dans le sens transversal du tube pour ne pas gêner celui-ci dans sa contraction; on recon- naît cependant encore, avec la plus grande facilité, qu'ils se sont dé- veloppés suivant les mêmes lois que les corpuscules de la paroi du corps, mais toutes les mailles qui concourent à leur formation ap- partiennent à l'axe VV. Dans la figure F, page 553, par exemple, qui appartient aux tubes ambulacraires des Thyone, nous voyons nettement que ce corpuscule répond à la formule {Corp. fond. _l_ Y ; 4 _]_ y : 4). Le même fait s'observe pour les tentacules qui ne sont d'ailleurs que des tubes ambulacraires transformés. Voyons maintenant à quoi sont dues les saillies de la surface. Si nous considérons la figure A, page 553, nous remarquons qu'aux points de bifurcation des branches de Vx, les parois de trois cellules différentes sont en contact. On comprendra que chacune de ces trois cellules agissant pour son propre compte, le dépôt calcaire qu'elles forment en ce point soit plus considérable ; aussi y voyons - nous se dresser tantôt une tige calcaire, tantôt une proéminence en forme de nœud. Ce que je viens de dire pour la bifurcation de pre- mier ordre du réseau existe de môme pour les bifurcations de deuxième, troisième... n^'^^ ordre, c'est-à-dire pour chaque nœud 558 ÈDGARD HÉROUARD. du réseau; mais, en général, ces saillies sont d'autant moins déve- loppées qu'elles sont d'un ordre plus élevé. Disons en outre que ces nodosités peuvent exister sur les deux faces de la lame calcaire. Les corpuscules calcaires superficiels des Dendrochirotes ont un réseau de formation hexagonal comme celui des corpuscules pro- fonds. Ils affectent en général la forme de corbeille, mais tandis que, chez les corpuscules profonds, la concavité est tournée vers l'axe du corps de l'animal, chez ceux-là, elle est tournée vers l'extérieur. Je n'ai pu m'assurer si ces corpuscules superficiels dé- pendaient du môme groupe de cellules de formation que les corpuscules profonds; mais si l'on considère les corpus- Schcmas représentant dans l'espace la constitution culCS turriformeS dCS Aspido- gcomélriquc des corpuscules calcaires des Thyone " et des Aspidochirotes. i. • i i j rm, „ ., ^ chirotcs et ceux des Thyone qui sont des formes de passage, la chose paraît problable. La base de formation d'un corpuscule turriforme des Aspidochi- rotes est un corpuscule fondamental dans lequel la branche calcaire centrale comprise entre (H ; 1) et (H' : 1) a disparu par coalescence des deux nœuds qui la terminent, comme le montre la figure D (page 553) comparée à la figure E (page 553), d'où s'ensuit l'appari- tion normale des mailles dérivées sur l'axe IIII', entraînant avec elle la symétrie du réseau par rapport à un centre. Si nous représentons (fig. A, p. 558) dans l'espace les quatre cel- lules théoriques du corpuscule calcaire fondamental, nous com- prendrons facilement la formation des apophyses qui surmontent les corpuscules des Thyone, ainsi que la présence des quatre pointes qui les terminent (pi. XXXII, fig. 11, /}; il nous suffira pour cela de comparer cette figure à la figure A (page 558). La figure B nous montre avec la môme évidence que la tourelle des corpuscules turriformes des Aspidochirotes dérive d'un pro- cessus analogue ; mais là ce sont les quatre nœuds (D ; 1 ; I I 2) qui HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 359 portent les tiges, et les nœuds correspondants d'un plan supérieur qui forment les huit pointes qui se trouvent à leurs extrémités. On observe entre les tiges des apophyses et des tourelles des bâtons transversaux qui, chez beaucoup d'espèces, donnent à ces formations l'aspect d'une échelle. Ils résultent de ce que plusieurs plans de cellules superposés ont pris part à la formation. Quant aux corpuscules en forme de boucle des Aspidochirotes, ils représentent nettement une calcification qui s'est faite seule- ment dans les cellules d'une même diagonale. Semon *, dans son étude sur les corpuscules calcaires, a bien mon- tré l'apparition sous forme de tétraèdre, mais pour lui l'accroisse- ment se ferait suivant une sorte de cristallisation organique ne dé- rivant d'aucun système cristallographique connu. Il se base, pour arriver à cette conclusion, sur ce que les angles du réseau calcaire sont tous de 120 degrés, mais nous avons vu que ce fait résulte de ce que les cellules de formation (cellules calcigènes) étant hexago- nales, leurs angles, comme dans toute cellule hexagonale, sont de 120 degrés, et que la présence des noyaux rend compte de l'exis- tence des ti'ous de la plaque calcaire. Les disques calcaires qui se trouvent à l'extrémité des tubes am- bulacraires se forment, comme l'a fait remarquer Scmper, de la même façon que les corpuscules ordinaires, et résultent parfois de la soudure de plusieurs de ces formations. La couronne calcaire elle-même rentre dans le plan général. La ligure 3, planche XXXII, nous montre un morceau d'un des fleurons de la couronne d'une jeune Thyone présentant en place la plupart des noyaux des cellules calcigènes. Chez l'animal adulte, le calcaire envahissant toute la surface de la cellule se transforme en une lame calcaire compacte qui dissimule le mode de formation originel. J'ai remarqué que, chez les animaux jeunes, les corpuscules cal- caires sont en général plus compliqués que la grande majorité de > Semon (R.), loc. cil. 560 EDGARD HÉROUARD. de ceux qui se rencontrent chez l'adulte. Prenons par exemple une Thyone subvillosa de 8 millimètres de longueur; nous voyons que les corpuscules sont percés de trous d'un ordre assez élevé, tandis que, chez les grands exemplaires, la presque totalité de ceux-ci pré- sente la forme simple du corpuscule fondamental, et de place en place on rencontre, disséminés dans l'étendue du tégument, les cor- puscules plus compliqués qui ont appartenu au jeune. Ce fait curieux est si apparent chez le Colochirus Lacazii que, à l'état jeune, alors que les tubes ambulacraires sont encore disposés en zigzag, on serait tenté d'en faire une nouvelle espèce d'Ocnus, /, d'autant plus que l'anneau calcaire lui-même présente une très grande différence, et le tégument un tout > autre aspect que chez l'adulte. J'ai pu, grâce à la \ série des animaux de différents âges que j'ai trouvés i^. 'I' ij *^ à Roscoff en septembre 1888, constater que ces petits Extrémité Ocnus u'étaicnt à coup sûr que de jeunes Colocliirus du radius. Lacazii. Il est probable que, pour cette raison, bien des petites espèces devront être rapportées plus lard à d'autres décrites sur des individus de plus grande taille. Outre les corpuscules que nous avons cités précédemment, on ren- contre encore, chez certaines espèces, des plaques calcaires spéciales, disposées autour de l'anus comme pour en garder l'entrée. Ces pla- ques sont disposées en cinq groupes semblables et les plaques com- posant chacun des groupes sont imbriquées et forment deux lignes convergentes vers l'extrémité du radius, offrant ainsi dans leur ensemble l'apparence d'un V (fig. ci-dessus), dont la pointe seule fait saillie sur le pourtour de l'anus, à l'extrémité de l'ambulacre, entre les deux tubes ambulacraires qui terminent le vaisseau aqui- fère. Cette pointe est occupée à cet effet par une plaque calcaire unique, qui est la véritable deut (pi. XXXll, fig. 9). Cette dent pré- sente la forme d'un triangle isocèle à côtés plus ou moins profondé- ment échancrés ; les deux angles de la base donnent insertion aux deux moitiés des muscles longitudinaux, et la contraction de ceux- HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. ÎJGI ci éloigne le sommet de la dent de l'axe du corps par un mouve- ment de bascule. Les extrémités des branches des V en contact se confondent sur une plus ou moins grande étendue, et l'angle qu'elles forment s'ouvre comme une charnière, quand l'anus se dilate; l'ap- pareil périanal prend alors l'aspect d'une guirlande formée de cinq festons interradiaux. Cet appareil estune production, non pas de lazone externe comme les corpuscules calcaires ordinaires, mais de la zone interne de la paroi du corps. Il suffît, pour s'en assurer, de décortiquer l'animal ; on reconnaît ainsi que les plaques qui forment cet appareil restent adhérentes à la zone interne, tandis que la zone externe qui les recouvre emporte avec elle les corpuscules calcaires ordinaires. La formation des corpuscules calcaires n'appartient pas exclusi- vement à la paroi du corps ; on trouve aussi parfois ces éléments dans la paroi des organes internes, le long des muscles longitudi- naux, dans la paroi du tube digestif, dans celle des organes géni- taux. Ils se forment là, comme ceux de la paroi du corps. L'abondance des corpuscules calcaires est très variable suivant les espèces. Chez la Cucumaria brunea, par exemple, nous trouvons ces éléments serrés les uns contre les autres, sur une épaisseur presque égale à celle de la zone externe, tandis que chez le C. Lacazii^ ils sont fort disséminés. Parfois môme, chez certaines Thyone, ils disparaissent complètement. Il est à remarquer, contrairement à ce qu'on aurait pu croire, que le peu d'abondance avec laquelle ils existent, n'est pas en rapport avec l'épaisseur du tégument. Les corpuscules calcaires doivent être considérés tout à la fois comme organes de protection et comme organes de soutien. Nous voyons en effet qu'outre les pointes saillantes des corpuscules su- perficiels, les orifices ou organes importants donnant à l'extérieur sont entourés d'éléments dont la disposition particulière ne laisse aucun doute sur leur rôle protecteur. Les dents anales des Tyone dont les extrémités hérissées de pointes aiguës viennent faire saillie autour de l'orifice postérieur, offrent un obstacle aux animaux qui ARCH. DE ZOOL. E.\P. ET GKN. — a« SÉRIE. — T. VU. ISS'J. 30 LiG2 EDGARD IIKIIOUAHD. voudraient tenter de pénétrer dans le cloaque. Les bords de la ven- touse des tubes ambulacraires sont en général garnis de corpuscules imbriqués l'un sur Tautre, à crêtes saillantes qui, lorsque le tube se contracte, viennent former autour de son disque une épaisse cou- ronne d'épines; aussi l'animal, au moindre attouchement d'un corps étranger, contracte-t-il ses ambulacres afin d'opposer une résistance plus efficace. Les ancres des Synaples, avec leur appareil musculaire leur permettant de se redresser en présence du danger, donnent d'ail- leurs la confirmation la plus éclatante du rôle protecteur des cor- puscules calcaires. Semper' pense qu'ils sont destinés à augmenter le pouvoir tactile de la peau; cette idée peut parfaitement se conci- lier avec celle d'organe de protection. Chez la plupart des Échinodermes, la formation du calcaire s'ef- fectue comme chez les Holothuries; mais la présence du corpuscule fondamental est masquée par la soudure des éléments entre eux. Si cependant on s'adresse à des exemplaires suffisamment jeunes, chez lesquels les éléments calcaires commencent à paraître (Lud- wig ^ Fewkes *, voir les figures), on reconnaît encore^ comme pour les Holothuries, les quatre mailles fondamentales du réseau hexagonal dans chaque centre de formation. Chez les Holothuries, ces divers centres restent isolés ; aussi ne retrouvons-nous pas, dans la plupart des cas, de plaques volumineuses comme chez les autres Échinodermes. Nous traiterons les homologies quand nous connaîtrons le sys- tème nerveux, qui nous donnera un point d'appui pour les dé- duire. 1 Semper, loc. cit. 2 LuDwiG, loc. cit. 3 Fewkes (W.), On the Development of the calcareous ptates of Aslerias, ]u\\ 18 88 in Bull, ofthe Mus. of Comparative Zoologyat Harvard Collège, vol. XVII, ii" 1. Cam- bridge. HOLOTHURIES DES COTES DE FKÂNGE. ;J63 COURONNE CALCAIRE. La couronne calcaire des Holothuries a été connue des premiers observateurs qui se sont occupés de ces animaux. Bohadsch», en llGi (p. 90), en donne la description; mais, par suite d'une erreur d'observation, il n'y reconnaît que cinq dents au lieu de dix. Voilà ce qu'il dit, en effet, au chapitre des Hydres : « Intra cavum oris, ad inilium prœfatorum quinque musculorum, annulus osseus ex quin- que dentibus convexo-concavis concatenatus occurit, mediantibus duobus latis ligamentis ad ambitum oris circulariter affixus, ila ut ligamentum superius in marginem oris, inferius in œsophagi exter- nam faciem abeat. » O.-F. Muller- (p. 2) la décrit chez VHolothuria elegans. Cuvier ^ (p. 546) rappelle son existence et indique qu'elle ne peut servir à la mastication, Tiedemann* (p. 26-27) montre sa constitution chez VHolothuria tubulosa. M. de Quatrcfages ^ décrit et figure les particularités qu'elle pré- sente chez la Synapla inhaerens. Viennent ensuite J. Muller ^ Leydig, Baur Selenka et Semper, qui font connaître sa constitution histologique et les formes variées qu'elle présente dans les différentes familles. Parmi toutes ces formes, celles qui se rencontrent dans la famille des Dendrochirotes présentent la plus grande complexité. Dans cette famille, en effet, les culs-de-sac tentaculaires qui, chez les Aspido- chirotes, pendent librement dans la cavité générale, sont encastrés 1 BoHADSCH, De quibusdam animalïbus marinis , eorumque proprieladbus, orbi litte- rario vel nondum vel viinus notis. Dresde, 17G1. * Muller {0. Fr.), Zoologka danica, 1779-1784. 3 Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, publiées par Duraérilj 1836-1 838-1849. * TiEDEMANN, lOC, Cit. ^ QUATREFAGES (de), lOC. Cit. ® Muller, loc, cit. 564 EDGARD IlÉROUARD. dans la couronne calcaire, et si bien dissimulés qu'ils semblent parfois ne pas exister. Je crois donc qu'il n'est pas hors de propos de donner une description plus précise pour un type de cette famille. Si nous prenons une Cuciimaria Plancl ayant les tentacules con- tractés et que nous menions une incision longitudinale suivant l'in- terradius dorsal droit (pi. XXV, fig. ■!), nous trouvons, appendue à l'extrémité supérieure et faisant saillie dans la cavité générale, une masse ovoïde de laquelle partent cinq bandes musculaires longitu- dinales (pi. XXV, fig. 1 m). Le tube digestif (e) traverse cet ovoïde suivant son grand axe, et sur sa zone équatoriale se présente une partie blanche dont le contour élégant donne assez, dans son en- semble, l'aspect d'une couronne : c'est la couronne calcaire généra- lement appelée anneau calcaire (pi. XXV, fig. d, et pi. XXVIII, fig, 2, A /■'). Cette couronne est composée de dix pièces distinctes auxquelles on a l'habitude de donner le nom de dent. Ce mot, qui est employé chez les Oursins pour désigner des pièces qui ne sont nullement les homologues de celles-ci, demande à être changé, car l'esprit étant toujours porté à établir un rapprochement entre des organes por- tant le môme nom chez des animaux de deux classes voisines, il peut en résulter une confusion fâcheuse. De quel nom les appeler? Un mot se présente tout d'abord à l'esprit : c'est celui d'auricule. Le rapport des dents radiales avec les nerfs et les vaisseaux radiaux semble, en effet, montrer une certaine homologie entre les pièces radiales de la couronne calcaire des Holothuries et les auricules des Oursins, ainsi que l'ont indiqué déjà Baur* et Semper% contraire- ment à l'opinion de Muller^ qui voyait l'homologue de cette cou- ronne dans la lanterne des Échinides. Mais tout en admettant une certaine homologie entre les pièces radiales des Holothuries et les i Baur, loc. cit. - Semper, loc. cit. ' MULLER (J.), loc. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 565 auricules des Oursins, on est bien forcé d'admettre que, chez les Dendrochirotes, l'extrémité apicale de la dent représente seule la voûte de l'auricule des Oursins, et que le reste, qui acquiert un développement relativement considérable, n'est pas représenté chez ceux-ci, ou tout au moins ne l'est pas par l'auricule. Aussi, pour ne pas nous servir d'une expression qui pourrait engager à voir des homologies là où elles n'existent pas, et pour rester fidèles à l'expres- sion dont nous nous sommes servis pour désigner l'ensemble des pièces calcaires, les nommerons-nous les fleurons de la couronne. La couronne est donc composée de dix fleurons calcaires. De ces dix fleurons, cinq appartiennent aux radius (pi. XXVIII, fig. 2, f) et cinq aux interradius (/"'), c'est-à-dire qu'en faisant le tour de la couronne, on rencontre successivement un fleuron de chaque espèce. La forme des fleurons radiaux est différente de celle des interra- diaux. Occupons-nous d'abord des premiers. Un fleuron radial est situé au niveau de l'équateur de la masse ovoïde et de plus dans un plan radial. Si nous considérons un tel fleuron dans son ensemble, nous voyons qu'il a la forme d'une pyra- mide quadrangulaire dont l'axe est parallèle à celui du corps de l'animal et dont le sommet est tourné supérieurement. La base de cette pyramide a la forme d'un trapèze isocèle dont la médiane est située sur le plan de symétrie radiale. Elle est creusée d'une large gouttière suivant son axe et est en rapport par toute sa surface avec la portion dilatée du vaisseau aquifère radial (pi. XXVI, fig. 8, q'). Des quatre faces de la pyramide, celle qui correspond à la grande base du trapèze est la seule qui soit visible quand la couronne cal- caire est en place (pi. XXVIII, fig. 2, /). Elle présente dans son ensemble la forme d'un triangle isocèle qui est creusé, suivant sa ligne médiane, d'une gouttière, qui, profonde au sommet, s'atténue graduellement et finit par disparaître à la base. C'est au fond de cette gouttière que viennent s'insérer les muscles longitudinaux et les muscles rétracteurs (pi. XXVIII, fig. 2, r, m). 566 EDGAHl) IIÉKOUAKD. Les faces qui correspondent aux côtés du trapèze servant de base à la pyramide sont semblables entre elles et plus étroites que la pré- cédente. Si nous considérons l'une d'elles, nous voyons que son bord inférieur présente une surface rugueuse qui est une facette articulaire par laquelle elle se met en rapport avec le lleuron adja- cent (pi. XXVI, fig. 8, f). De plus, son aire est partagée en deux parties par une ligne transversale oblique de baut en bas et de dedans en debors. La partie de la face située au-dessous de cette ligne est concave; elle est en rapport avec le cul-de-sac tentaculaire. La por- tion située au-dessus forme une gouttière dirigée parallèlement à l'axe de la pyramide ; elle est en rapport avec le canal du tentacule dont les muscles longitudinaux viennent prendre insertion sur la ligne oblique. La face de la pyramide tournée du côté de l'œsopbage présente aussi la forme d'un triangle isocèle, mais la gouttière médiane dont elle est creusée s'étend du sommet jusqu'à la base. C'est dans cette gouttière que vient se loger le canal aquifère radial (pi. XXVI, fig. 8, q"). A peu près vers le milieu de sa bauteur, cette gouttière envoie de cbaque côté une petite gouttière transversale courant jusqu'au bord du triangle, où elle aboutit au-dessus de la ligne oblique de la face latérale (pi. XXVII, flg. 3, o). La gouttière médiane de cetle face se continue supérieurement sur le sommet de la pyramide qui, par suite, paraît bifurqué. C'est précisément cette bifurcation, dans laquelle viennent passer le canal aquifère, la lacune et le nerf radial, qui représente bien, d'après ses rapports, la voûte de l'auricule des Oursins. Les deux branches de la bifurcation seraient les piliers de Tauricule qui, chez les Oursins, vont se souder au test; chez les Holothuries, le test n'existant pas, la fourche reste ouverte, si ce n'est chez quelques Synaptes où le lleuron radial est percé d'un trou dans lequel passent le vaisseau et le nerf. Dans ce cas particulier, peut-être pourrait-on voir dans le fleuron le représentant de l'auricule des Oursins avec la portion du test auquel il s'attache. HOLOTHUHIRS DKS COTES DE FRANCE. .T)7 John Millier* est arrivé à des conclusions toutes différentes en ce qui concerne les homologies fft la couronne calcaire. Pour lui, cette couronne correspondrait à la lanterne des Oursins ; le fleuron radial serait Thomologue de la faux, et le fleuron interradial celui des deux morceaux de la base de la mâchoire qui s'articulent avec la faux. C'est Baur^ (p. iS] qui, en se basant sur les rapports qui existent entre eux et les vaisseaux et nerfs radiaux, rectifia l'erreur que Mullcr avait commise. Revenons maintenant aux fleurons interradiaux. Le fleuron inter- radial (pi. XXVIII, fig. 2, /■') est à peu près semblable au radial, mais la gouttière creusée sur la face externe ne donne plus insertion aux muscles longitudinaux, et la face tournée du côté de l'œsophage ne présente plus les gouttières qui, dans le fleuron radial, étaient des- tinées i loger le vaisseau aquifère et les branches qui s'en détachent pour aller aux tentacules. Les faces latérales présentent les mômes particularités que celles du fleuron radial. Quant à la base de la pyramide du fleuron interradial, elle n'est plus en rapport avec le canal aquifère radial, mais avec les œils-de- bœuf qui, ainsi que nous le verrons plus tard, dépendent de la cavité générale (pi. XXVIII, fig. 2, w). De môme que l'extrémité des fleurons radiaux correspond aux auricules radiales des Oursins, on peut admettre par homologie que les fleurons interradiaux correspondent de la môme façon aux auricules interradiales de ces animaux. Chez la plupart des Dendrochirotes et chez la Cucumaria Planci en particulier, la couronne calcaire présente une irrégularité très marquée. Le fleuron du radius ventral médian est bien encore sem- blable à ceux des autres radius, mais les dimensions en sont plus restreintes. Il en résulte que les fleurons interradiaux adjacents ont subi une déformation correspondante qui les a rendus asymétriques. On rencontre aussi parfois une soudure existant, non plus entre 1 MuLLER (John), loc. cit. 2 Baur, loc. cit. 568 EDGAHD HÉROUAKD. les trois fleurons médians ventraux, mais entre les ventraux médian et latéral, par suite de l'atrophie du fleuron interradial compris dans leur intervalle. Cette soudure est un caractère qui, en j^énéral, est fixe pour l'espèce. Cependant j'ai rencontré à Banyuls des Thyone aurantiaca (pi. XXXII, fîg. 13) qui présentaient la déformation que je viens de citer en dernier lieu, tandis que d'autres ne la présentaient pas. La couronne calcaire du Cucumaria Planci e^i formée de carbo- nate de chaux déposé sous forme de branches, qui, par suite de leur enchevêtrement, laissent difficilement reconnaître l'origine hexago- nale de leur formation. Cette origine, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, se laisse nettement reconnaître chez les jeunes Thyone subvillosa (pi. XXXII, fig. 3). Malgré l'épaisseur assez considérable de la couronne calcaire, le carbonate de chaux qui la forme est si friable, qu'il est le plus souvent inutile, pour y pratiquer des coupes, de décalcifier préalablement. En opérant ainsi, on voit, outre les sections des branches calcaires qui la composent, les noyaux des cellules. APPAREIL AQUIFÈRE. L'appareil aquifère des Holothuries est connu dans son ensemble depuis la description qu'en a donné Tiedemann *; mais malgré les données nouvelles qu'apportèrent à la description de cet auteur, Krohn^ Muller, Baur, Sempcr^ et à une époque plus récente ïeuscher, Jourdan et Hamann*, les détails de sa construction ne sont encore qu'imparfaitement connus. Si nous prenons une Cucumaria Planci ouverte suivant l'interra- dius dorsal droit (pi. XXV, fig. 1), ainsi que nous Pavons déjà indi- 1 Tiedemann, loc. cit. 2 Kroiin (A.), Ueher die Anordnung des Nervensyslems der Echiniden und lloîothu- rien im AUgemeinen. Mullers' Archiv, 1841. 3 Muller (J.), Baur, Semper, loc. cit. * Teusciier, Jourdan, Hamann, loc. cit. IIOLOTHUIUES DES COTES DE FRANCE. 369 que, nous voyons à la base du bulbe aquo-pharyngien, sous la cou- ronne calcaire, un canal annulaire volumineux {q), distendu par le liquide contenu et au milieu duquel passe le tube digestif (e). C'est précisément là l'organe central de l'appareil aquifère qu'on a l'ha- bitude d'appeler simplement Vanneau aquifère. Histologiquement, l'anneau aquifère est formé d'un épithéliuni qui tapisse sa lumière, auquel succèdent une couche de fibres mus- culaires circulaires, une couche de fibres conjonctives et enfin l'cn- dothélium de la cavité générale. Semper considère la couche mus- culaire comme faisant suite à la zone musculaire de la paroi. Mais on doit la considérer comme se rattachant plutôt au système mus- culaire propre de l'appareil aquifère, système qui se présente dans toutes les parties de celui-ci avec une constitution spéciale sur laquelle nous allons nous arrêter un instant. L'épithélium qui tapisse la cavité des vaisseaux est formé, sur tous les points où la paroi de ceux-ci contient une couche musculaire, de cellules alfectant la forme de pyramides, dont les bases, placées jointivement sur un même plan, limitent la lumière des vaisseaux, tandis que les sommets (pi. XXVII, fig. 5 à 8), tournés vers l'exté- rieur, sont continués par un prolongement filiforme. Ces prolonge- ments vont tous aboutir sur une couche de tissu conjonctif cou- rant concentriquement à la lumière de l'organe, de telle sorte qu'entre la lumière du vaisseau et cette couche conjonctive, il existe une lacune sous-épithéliale dans laquelle pénètrent les sommets des cellules pyramidales et que traversent leurs prolongements. Ces prolongements appartiennent-ils réellement à la cellule? Ils en ont toute l'apparence. D'ailleurs, ce qu'il importe surtout de savoir, c'est que l'épithélium n'est pas appliqué contre la couche conjonctive sous-jacente et qu'il n'est en rapport avec elle que par de minces prolongements rayonnant tout autour du vaisseau. C'est, en effet, dans cette lacune sous-épithéliale, que les fibres musculaires (pi. XXVII, fig. 5 à 8, m) sont disposées parallèlement et séparément les unes des autres. Ces fibres musculaires, qui sont rubanées, sont 570 KDGAIID Hf'UOUARn. simplement accolées, soit par un de leurs bords, soit par une de leurs faces, les unes sur la couche conjonctive^ les autres sur les prolongements des pyramides. 11 ne semble pas y avoir de péri- mysium interne propre à chaque fibre musculaire. La couche conjonctive qui vient ensuite dans la paroi de l'anneau aquifère est d'abord deiiso, l'ormco de fibres courant circulaire- ment ; elle devient lacunaire à mesure qu'on s'avance vers l'exté- rieur, par suite de l'écartement de ses fibres, cl on rencontre dans ces lacunes une grande quantité d'éléments figurés du sang. Cette couche conjonctive n'a pas la même importance sur toute la périphérie de l'anneau aquifère. Sur la face inférieure et interne de celui-ci, elle offre un volume plus considérable (pi. XXV, fîg. i, et pi. XXVI, fig. 8, Ih), et l'ensemble des lacunes qui y sont creusées représente morphologiquement l'anneau sanguin qui, chez les Holo- f/twia, est mieux délimité, et qui, quoique n'étant pas encore admis par certains auteurs, avait été parfaitement décrit par Tiedemann*, qui l'avait injecté dans VHolothuria tubulosa. Quant à l'épithélium externe, nous y reviendrons en parlant de celui de la cavité géné- rale, duquel il fait partie. Le côté externe et le côté interne de cet anneau sont entièrement dépourvus d'orifices; toutes les branches qu'il fournit sortent soit par son bord supérieur, soit par son bord inférieur. Les orifices du bord supérieur sont toujours au nombre de cinq, chez toutes les Holothuries de la famille des Dendrocliirotcs et des Aspidochirotes. Ce sont les origines des vaisseaux courant dans les radius, tandis que les orifices du bord inférieur, qui sont plus étroits, sont en nombre variable, suivant les espèces auxquelles on s'adresse, et même parfois selon les individus; mais pour l'espèce qui nous occupe, ils sont toujours au nombre de deux. L'un, placé dans le plan de séparation bilatérale et du côté dorsal, représente l'origine du canal du sable (pi. XXVUI, fig. 2, s); et l'autre, placé à gauche de * TiEDEMANN, lOC. CU. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 571 celui-ci, est l'orifice où débouche la vésicule de Poli (pi. XXVIII, fig. 2, v). Occupons-nous d'abord de ces derniers organes. Canal du sable (pi. XXV, fig. \ , s, et pi. XXVIII, fig. 2, s). — Les pre- miers auteurs qui le décrivirent lui donnèrent les attributions les plus différentes. Tiedemann', qui l'étudia chez les Holothuries, où ce canal est beaucoup plus rapproché des organes génitaux que chez les Dendrochirotes, le prit pour le testicule. Délie Chiaje* l'appelle corps en forme de pénis ; pour von SiebokP, ce serait une glande salivaire appendue au pharynx, où elle déboucherait ; Frey et Leuc- kart, sans préciser ses fonctions, pensent aussi qu'il débouche dans le tube digestif. C'est Krohn '' qui indiqua le premier qu'il est en réalité suspendu à l'anneau aquifère, duquel il dépend, et les auteurs qui vinrent après lui, confirmèrent cette manière de voir^et donnèrent des détails sur sa constitution histologique. Chez la Cucumaria Planci, il n'existe qu'un seul canal de sable (s). Normalement, il se présente sous forme de tube sinueusement ondulé, qui se détache de la face inférieure de l'anneau aquifère au point que nous gavons indiqué plus haut, et se recourbe de bas en haut et de dedans en dehors, en contournant l'anneau aquifère et en restant dans le plan de symétrie bilatérale. Il est enfermé entre les deux feuillets de la lame raésentérique dorsale de l'intestin (p), et son extrémité supérieure aboutit sur le bord d'une échancrure que présente cette lame entre la base de la dent interradiale dorsale médiane et l'anneau aquifère. Son sommet est coiffé d'une pièce calcaire plus ou moins contournée, reiniforme dans son ensemble (fig. XXVIIl, fig. 2, s). Ce canal ne se présente pas chez, tous les individus avec autant de 1 TiEDEMANN, ioC. cH. 2 Belle Chiaje, Blemorie sulla storia p nolomia denli animaii, ptc. Napoli. 3 SiEBOLD (von). Lrlirbuch der vergleichcnden Analomie der ivirbellosen Tlùere, 1848. * Krohn, loc. cit. 572 EDGAIU) HÉROUARD. symétrie. Il peut être plus ou moins contourné. Son extrémité, au lieu de venir aboutir juste sur le bord de l'échancrure de la lame mésentérique, peut traverser directement une des faces de cette lame et faire saillie dans la cavité générale sur une longueur plus ou moins grande de son trajet. Le canal du sable est en rapport antérieurement avec la partie dorsale médiane de l'anneau aqui- fèrc, auquel iil est rattaché par unlmésentère ; inférieurcmcnt, pos- térieurement et supérieurement avec les organes génitaux, auxquels il est rattaché par une autre portion du même mésentère, et, laté- ralement, il est en rapport avec la 'cavité générale, dont il n'est séparé que par les deux feuillets de ce mésentère. La paroi ne contient pas de fibres musculaires ; elle est simple- ment formée par une couche conjonctive recouverte sur ses deux faces par un épithélium. L'épithélium qui tapisse la lumière est très élevé ; il est composé d'une seule couche de cellules fusiformes ciliées, ainsi que l'a indiqué Hamann ; cellules dont les noyaux, placés à différentes hauteurs, forment dans leur ensemble une bande dont la largeur est à peu près les deux tiers de la hauteur totale de l'épithélium. De plus, cet épithélium n'est pas de la même épaisseur sur tout le pourtour de la lumière du canal ; il est en quelque sorte excentrique. La couche conjonctive est lacunaire dans la partie moyenne de son épaisseur et contient des corpuscules calcaires, qui forment, par leur grande, abondance, la plaque madréporique, à l'extrémité supérieure de l'organe où le canal se subdivisant vient déboucher par des orifices dont le nombre varie avec l'âge de l'animal, et sur la paroi desquels l'épithélium de la lumière, s'abaissant graduelle- ment, se continue avec l'épithélium externe, qui fait partie du revê- tement de la cavité générale. La plaque madréporique de la Cucu- maria Planci n'a pas la forme d'un bonnet calcaire coilfanl l'extré- mité du canal et distinct de la paroi de celui-ci, comme Ilamann ^ » Hamann, loe. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 573 l'a indiqué pour VHolothuria tubidosa, eL Muller * pour la Synapte. 11 paraît exister, ù l'orifice inférieur du canal du sable, une dispo- sition rappelant celle que présentent les orifices des tubes tentacu- laires. Une injection poussée avec précaution dans le canal aquifôre ne sort jamais par le madréporite. Cette sortie n'a lieu que si, par une pression exagérée, on arrive à forcer la fermeture. 11 arrive 'parfois qu'on trouve des canaux du sable aboutissant en un point quelconque de l'anneau aquifère ; c'est là une anomalie, sans doute un souvenir ancestral; mais, en règle générale, chez toutes les espèces, le point d'attache de ces organes à l'anneau aqui- fère est situé, comme chez la Cucumaria Planci, dans le plan de symétrie bilatéral. Vésicule de Poli (pi. XXV, fig. 1, et pi. XXVIII, fig. 2, v), — Cet organe, par son volume, occupe une place importante dans la cavité générale. C'est une outre fusiforme gonflée de liquide, à grand axe vertical et situé en regard de l'interradius dorsal gauche. Depuis que Strussenfeld - l'indiqua, en 1763, tous les auteurs qui s'occu- pèrent des Holothuries en ont dit quelques mots. Aussi sait-on que sa paroi est formée de deux épithéliums, entre lesquels il existe une couche de muscles circulaires, et une de tissu conjonctif lacunaire extérieure à la précédente. Revenons cependant sur l'épithélium interne. C'est, à proprement parler, un endothélium, qu'il est parfois diflicile de voir en place, car il se détache facilement, et on trouve alors dans le coagulum de la vésicule des groupes composés d'un plus ou moins grand nombre de cellules, adhérant encore entre elles (pi. XXVI, fig. 10, é) ; on y arrive cependant en choisissant un moyen de fixation qui ne laisse pas à l'animal le temps de se livrer à des contractions trop brusques au moment de la mort. En em- ployant alors le carmin acétique, on met en évidence un épithélium, tel qu'il est représenté (pi. XXVI, lig. li), et on voit, de place en ' Muller (J.), loc. cit. s Strussenfeld (A.)- Beschrcibung eines Seelhiers, Seegespenst gênant {Psolus phan- tapus), in Abkandl d. scliwed. Akad., Bd. 27, 1765. 57i EDGARD HÉROUAUD. place, des orifices ovalaires résultant de la chute de cellules. C'est qu en effet cet épilhélium est doué de fonctions plaslido-génétiques ; c'est lui qui crée certains éléments figurés, comme nous le verrons en nous occupant de ceux-ci. Cette vésicule, par sa disposition, est naturellement le chemin le plus commode pour faire pénétrer une injection dans le système aquifère. Le crochet indiqué par C. Vogt et Yung ', à rextrcmilé libre de la vésicule, rcsuUe de ce qu'elle n'était pas complètement distendue par le liquide interne. Il n'y a pas lieu d'y attacher d'importance. Orifices du bord supérieur de l'anneau aquifère. — Vaisseaux aqui- fères radiaux ou ambulacraiy'es. — Ces orifices ont le môme diamètre que l'anneau aquifère lui-même. Les cinq vaisseaux qui s'en déta- chent se comportent identiquement de même les uns et les autres. 11 nous suffira donc d'en étudier un d'entre eux pour les connaître tous cinq. A son origine, un vaisseau aquifère radial conserve le même dia- mètre que son orifice (pi. XXVI, fig. 8, q'). 11 se dirige de bas en haut directement sur le plan de base du fleuron radial f, contre lequel il vient buter et, ne pouvant par suite continuer sa course, se rétrécit considérablement et poursuit alors sa marche en sappliquant dans la gouttière médiane de la face interne du fleuron q". Comme on peut le voir (pi. XXVI, fig. 8, q', et pi. XXV, fig. I, q'), ce rétré- cissement n'est pas régulier; il se fait seulement au détriment du côté externe du vaisseau. Tandis que le côté interne continue sa marche en ligne directe, le côté externe se moule sur la base et sur la face interne du fleuron radial, de telle sorte que ce côté du vaisseau qui, au début, est situé à la périphérie du bulbe aquo- pharyngien, se coude brusquement pour aller s'appliquer sur la base, et de là, par une nouvelle courbure, sur la face interne du fleuron. Le vaisseau aquifère radial, après avoir subi ce rétrécissement con- sidérable, continue sa course (pi. XXVI, fig. 8, q") jusqu'à l'extrémité ' Vogt (C.) «t YuNG, Traild d'anatomie comparée pratique. Paris. HOLOTHUUIES DES COTES DE FRANCE. 375 supérieure de la gouttière du fleuron où il s'infléchit de dedans en dehors, passe entre les deux branches de la fourche qui forme le sommet de celui-ci et pénètre alors dans la paroi du corps. Là, il poursuit directement sa marche jusqu'à l'extrémité inférieure sans présenter de différences notables. On peut donc diviser le vaisseau aquifère radial en trois parties (pi. XXVI, fig. 8). La première ou portion dilatée, allant de Panneau aquifère à la base du fleuron radial {q')\ la deuxième ou portion coronale allant de la base au sommet du fleuron radial (9"), et la troisième ou por- tion ambulacraire proprement dite, du sommet du fleuron jusqu'à l'extrémité inférieure du corps [q'"). Voyons la forme et les rapports de chacune de ces parties prise séparément. La première a la forme d'un tronc court, à section transversale ovalaire, et dont le petit axe est placé dans le plan de symétrie ra- diale (pi. XXVII, fig. 2, q'). Elle est en rapport, par sa base inférieure, avec l'anneau aquifère avec lequel elle s'abouche ; du côté interne, du côté externe et latéralement, avec la cavité générale et ses dépen- dances; mais du côté interne, elle en est séparée sur la ligne médiane par une lacune creusée dans sa paroi, la lacune radiale (pi. XXVII, fig. 2, A, et pi. XXVI, fig. 8, a) ; par son extrémité supérieure avec la base du fleuron qu'elle recouvre entièrement et dont elle moule les sinuosités décrites à propos de la couronne calcaire (pi. XXVI, fig. H, f). La deuxième portion, ou portion coronale, est un vaisseau de petit volume, prismatique, à section triangulaire, à sommet externe (pi. XXVII, fig. 3 et 5, q'). Elle est en rapport, par son extrémité inférieure, avec le bord supéro-interne de la première portion ; par sa face interne, c'est-à-dire par celle tournée du côté de l'axe du corps, avec le sinus périœsophagien (Â;), dépendance de la cavité générale, duquel elle est séparée sur sa ligne médiane par la suite de la lacune radiale (a) ; les deux faces externes font un angle dièdre moulant celui de la gouttière de la face kiterne du fleuron radial; 576 EDGAllD HÉROUARD. son extrémité supérieure est en continuité avec lu troisième por- tion. Le point de raccord de ces deux portions est en rapport supé- rieurement avec l'extrémité supérieure du canal subnervien et infé- rieurement avec la fourche du sommet du fleuron. La troisième portion, à son début, possède encore la l'orme pris- matique triangulaire de la seconde, mais s'aplatit bientôt pour former un vaisseau rubané, élargi tangentiellemenl ù l'animal (pi. XXYII, fig. 1, 8, q'). Elle est en rapport, du côté externe, avec le canal subnervien (a') dont elle est séparée sur la ligne médiane par la lacune radiale (X), et latéralement par les extrémités des muscles circulaires (pi. XXVIII, fig. 1, m'), du côté interne avec les muscles longitudinaux {?n). Elle est donc comprise entre les deux plans mus- culaires de la zone interne delà paroi. Comme particularités histologiques, la première portion du vais- seau présente, dans la paroi du côté externe, des fibres musculaires circulaires parallèles à celles de l'anneau aquifère, tandis que, pour celles du côté interne, les fibres musculaires de l'anneau aquifère se sont recourbées et se continuent dans le vaisseau en y courant longitudinalement (pi. XXVII, lig. 2, m' m). La deuxième portion ne contient pas de fibres musculaires, tandis que, dans la troisième portion, nous trouvons, comme dans la première, un plan de fibres longitudinales sous l'épithélium de la lumière dans la paroi du côté externe (pi. XXVIll, fig. 3, m). En résumé, le côté du vaisseau opposé à la cavité générale propre- ment dite est seul pourvu de fibres musculaires longitudinales; mais il faut se rappeler que toute la troisième partie du vaisseau est en rapport, du côté interne, avec les muscles longitudinaux de la paroi du corps et peut, par suite, bénéficier du jeu de ceux-ci. L'absence do muscles dans la deuxième portion n'a pas lien de nous étonner, car la présence du fieuron radiai rendrait leur existence inutile. Dépendances du vaisseau aquifère radial. — Le vaisseau aquifère radial présente sur ses bord latéraux des orifices par lesquels il com- HOLOTHURIES DES COTES DE FKANCE. S77 munique avec les cavités des tubes ambulacraires. Ces orifices ne sont distribués d'une façon régulière que sur la longueur de la troisième portion, sauf cependant l'aire tentaculaire qui en est dé- pourvue. La deuxième portion n'en présente plus que deux, situés symétriquement dans sa partie moyenne en regard des deux gout- tières transversales de la face interne du fleuron, et la troisième portion en est absolument dépourvue. Voyons de quoi se compose un tube ambulacraire. C'est à pro- prement parler un vaisseau cylindrique fermé à ses deux extrémités et dans lequel on ne peut accéder que par un orifice situé dans la partie moyenne. Ces tubes sont disposés perpendiculairement à la paroi, traver- sant de part en part sa zone interne, faisant ainsi saillie d'un bout dans le milieu extérieur, et par l'autre bout dans la cavité géné- rale; aussi appelle-t-on respectivement ces deux parties : tubes am- bulacraires externes et tubes ambulacraires internes. L'externe est cylindrique, terminé par une ventouse ; l'interne est en forme d'am- poule plus ou moins allongée. Ces tubes sont disposés de chaque côté du vaisseau radial en deux rangées parallèles ; mais les tubes qui composent ces deux rangées ne sont cependant pas placés en re- gard les uns des autres, symétriquement par rapport au plan radial, si ce n'est pour ceux de la deuxième portion du vaisseau, c'est- à-dire pour les tentacules. C'est cette disposition des tubes qui donne au radius, vu de l'extérieur, l'aspect d'une promenade bordée de deux rangées d'arbres qui lui a fait donner le nom d'ambula- craires [ambulacrum). Si nous enlevons la zone externe de la paroi comme nous l'avons indiqué en parlant de celle-ci, nous savons que cette zone porte les empreintes des tubes externes. C'est qu'en efl'et la portion externe du tube ambulacraire repousse devant elle la zone externe de la paroi dont elle se forme une gaine à laquelle elle n'adhère que par son extrémité distale; la continuation de la zone moyenne de la paroi formant sur tout son pourtour une gaine iso- lante empêchant son contact avec celle de la zone externe. En un ARCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — S" SÉRIE. — T. VU. 1889. 37 578 EDGARD HfiROUÂRD. mot, si nous faisons une coupe transversale d'un tube ambulacraire externe, nous trouvons identiquement les mêmes zones que dans la paroi, et nous voyons que, du côté du plan radial, c'est-à-dire sui- vant la directrice de ce tube tournée vers la chaussée de l'arabulacre, la couche nerveuse présente un renflement analogue à celui qui se rencontre dans la coupe de la paroi au niveau du radius. La seule différence qui existe entre cette coupe et celle de la paroi, c'est que, dans la zone interne, les muscles circulaires ne sont pas représentés ; on n'y rencontre que la couche musculaire longitudinale sous-épi- théUale (pi. XXVIII, fig. 4- m) que nous avons signalée tout à l'heure sur le côté externe du vaisseau radial lui-même. Mais, tandis que, dans ce vaisseau, cette couche se présentait seulement sur le côté externe, dans le tube ambulacraire, elle existe sur tout le pourtour de la lumière. A l'extrémité externe du tube, les fibres musculaires (pi. XXIX, fig. 1 m) se terminent au disque calcaire qui s'y trouve. Là où le tube ambulacraire traverse les muscles circulaires de la paroi du corps, il existe un étranglement qui sépare nettement le tube externe du tube interne (pi. XXIX, fig. 8) ; à ce niveau, les fibres musculaires du tube se réfléchissent pour courir parallèlement aux muscles circulaires de la paroi (pi. XXVlll, lig. 1). Le tube ambula- craire interne est semblable au tube externe réduit à sa zone in- terne; sa paroi se compose en effet d'une couche de muscles lon- gitudinaux sous l'épithéliun de la lumière, couche beaucoup plus faible que celle du tube externe, et d'une couche conjonctive mince revêtue par l'endothélium de la cavité générale. La zone externe et la zone moyenne du tube externe, y compris la couche nerveuse, sont représentées ici par une mince couche conjonctive recouverte par l'endothélium de la cavité générale. 11 existe une si grande analogie entre la constitution d'un radius et celle d'un tube ambulacraire, que les partisans de la polyzoïe chez les Échinodermes auraient pu pousser leur théorie jusqu'à l'individualité du tube ambulacraire lui-même. Le tube externe re- présentant la deuxième et la troisième portion du vaisseau aquifère HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 579 radial et le tube interne, la troisième portion de ce vaisseau avec la vésicule de Poli correspondante, car il existe chez certaines es- pèces une vésicule de Poli en regard de chaque vaisseau ambula- craire. En résumé, on aurait eu dans chaque radius un individu de pre- mier ordre le long duquel auraient été échelonnés des individus de deuxième ordre se distribuant les fonctions de la vie de relation. Mais ces théories sont aujourd'hui tombées dans l'oubli, et en en parlant, je n'y attache qu'une importance mnémonique ; je ne les considère que comme un moyen de symbolisation du système aquifère. L'orifice latéral qui donne accès dans l'intérieur du tube ambu- a craire, et par lequel le liquide du système aquifère peut passer du vaisseau radial dans la cavité du tube, est situé dans sa partie externe un peu au-dessus de l'étranglement qui sépare les deux portions du tube (pi. XXVIII, flg. 10). Il est percé en forme de bou- tonnière entre les fibres longitudinales de la couche musculaire du tube qui, au niveau oh celui-ci est en contact avec le vaisseau aqui- fère, forme une cloison musculaire qui sépare à elle seule leurs deux cavités. De chaque côté de la boutonnière, la cloison présente une dé- pression, et le liquide du tube refluant dans ces deux dépressions, doit tendre à appliquer les lèvres de la boutonnière l'une contre l'autre. C'est en réalité une valvule. Les nombreux tubes ambula- craires dépendant de la troisième portion du vaisseau aquifère sont tels que celui que je viens de décrire, tandis que ceux dépendant de la deuxième portion représentent morphologiquement un tube am- bulacraire ordinaire, mais sont adaptés à des fonctions spéciales qui ont entraîné certaines transformations. Ce sont eux qui for- ment les tentacules. Dans ceux-ci comme dans les tubes ambulacraires ordinaires, nous trouvons encore une partie externe et une partie interne (pi. XXVI, fig. 8, t) : l'externe prend ici le nom de tentacule, tandis 580 EDGARD IlÉKOUARD. que riiitcrne s'appelle plus particulièrement le cul-de-sac tenlacu- laire. Occupons-nous d'abord de celui-ci. Le cul-de-sac tentaculaire (pi. XXVIII, fig.2, «'et pi. XXVII, fig. 3,0 est situé dans l'intervalle compris entre deux fleurons consécutifs de la couronne calcaire. Il est donc en rapport, du côté interne, avec le sinus périœsophagien (pi. XXVI, fig. 8, A-), dépendance de la cavité générale; du côté externe avec la cavité générale elle-même ; du côté du vaisseau aquifère radial duquel il dépend, il se moule sur la face latérale du fleuron radial de son radius, tandis que, du côté opposé, il s'applique contre la face latérale correspondante du fleuron interradial adjacent. On serait tenté d'assigner comme limite entre la partie externe et la partie interne du tube tentaculaire le niveau du bord supérieur de la couronne calcaire, car ici il n'existe plus d'étranglement indiquant bien la limite entre ces deux parties, comme celui qui se présente pour les tubes ambalacraires ordinaires; mais, par comparaison, il convient de reporter cette limite beaucoup plus bas, vers la partie médiane de cette couronne. Nous trouvons, en effet, une différence histologique dans la paroi du tube tentaculaire: tandis que la portion externe possède une musculature longitudi- nale, le cul-de-sac n'en possède aucune, et la ligne qui sépare ces deux régions se trouve précisément comme l'étranglement d'un tube ordinaire sous l'orifice d'entrée du tube. Ainsi dans le cul-de- sac tentaculaire, nous trouvons l'exagération de ce qui se rencon- trait dans le tube ambulacraire interne ordinaire où la musculature longitudinale était déjà beaucoup plus faible que dans le tube ex- terne. Nous voyons donc que, contrairement à l'opinion émise par M. Cuénot\ le tentacule possède bien un tube ambulacraire interne, qui lui est propre, et que la vésicule de Poli n'est nullement des- tinée à remplacer celui-ci. Le tentacule proprement dit présente une tige dont l'extrémité porte de riches arborisations. Ln tige présente exactement la même constitution qu'un tube ambulacraire ordi- 1 CuÉNOT, Contribution à l'élude anatomiquc des Asterides, in Archives de zoologie expérimeutalc, 2'' série, vol. V Us (supiilémcnt). HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 581 naire, et dans l'espèce qui nous occupe, je n'ai jamais rencontré plusieurs troncs nerveux comme ïeuscher l'indique pour YHolothu' ria tubulosa. Ici la couche nerveuse ne présente qu'une seule dila- tation sur le côté du tentacule tourné vers l'axe du corps (pi. XXVI, fîg. 6 et 7, n"). Comme nous l'avons indiqué tout à l'heure, l'orifice (pi. XXVI, fig. 14, o) qui donne accès dans le tube tentaculaire est situé un peu au-dessus de la ligne séparant les deux portions de ce tuhe. Il est percé parallèlement aux fibres musculaires qui, en ce point, sont dirigés un peu obliquement de bas en haut et de dehors en dedans; il existe aussi, de chaque côté de cette boutonnière, une dépression; il offre en un mot toutes les particularités que nous avons indi- quées pour les tubes ambulacraires ordinaires. On peut, grâce au volume des canaux tentaculaires, voir cette disposition par une dissection simple (pi. XXVI, fig. 14, o). Hamanna décrit et figuré à la base des tentacules de la Synapte un organe qu'il a appelé clapet semi-lunaire, lui attribuant un fonction- nement analogue à celui d'une valvule sigmoïde solitaire. La figure qu'il en donne laisse errer quelque doute sur son interprétation, car elle paraît indiquer l'existence d'une cloison adhérente au ten- tacule, sur tout son pourtour. J'ai rencontré souvent cet aspect dans les coupes de la cloison de l'orifice des tubes ambulacraires (pi. XXYIII, fig. 1, o), et je soupçonne que ses coupes menées paral- lèlement à la direction de la boutonnière auront empêché celle-ci d'être mise en évidence. Ce qu'il indique comme valvule pourrait bien être le tympan dans lequel se trouve percée la boutonnière et ne pas être la valvule elle-même. La figure et la description qu'il en donne ne sont pas assez explicites pour se faire une idée exacte de ce qu'il pense de son jeu, qui, chez les Synaptes, pourrait être différent de ce qui existe chez les Pedata, étant donné que chez elles les ten- tacules sont privées de culs-de-sac et s'abouchent directement avec l'anneau aquifève. Chez la Cucumaria Planci, cet orifice n'est pas pour le tentacule 582 EDGARD HÉKOUAKD. immédialemeiit en contact avec le vaisseau aquifère. Il en est tenu écarté par l'interposition du fleuron radial ; aussi existe-t-il un petit canal dans la gouttière transversale de la face interne du fleuron, aboutissant par une de ses extrémités à l'oriflce tentaculaire, et par l'autre à l'orifice correspondant de la deuxième portion du vaisseau aquifère (pi. XXVI, fig. 4, et pi. XXVIl, fig. 3, q'o). Nous voyons donc que^, contrairement à l'opinion de John. Muller * (4830), qui pensait que les culs-de-sac tentaculaires étaient l'apa- nage des Aspidochirotes, nous trouvons aussi ces organes chez les Dcndrochirotes; seulement, tandis que, chez les premiers, les culs- de-sac flottent librement dans la cavité générale, chez les seconds, par suite du développement considérable de la couronne calcaire, nous les trouvons distribués dans les intervalles qui séparent les fleurons. Si, après avoir lu la description que je viens de donner de l'appareil aquifère de la C. Planci, on se reporte à la description et aux figures qui ont été données par Garl Vogt et Yung ^ pour cette même espèce, on sera frappé de la profonde difl"érence qui existe entre elles. C'est, qu'en effet, ces auteurs semblent se figurer que les culs-de-sac tentaculaires se continuent inférieurement et vont tomber directement dans l'anneau aquifère, ce qui est une erreur. {( Cet anneau central, disent-ils, ne porte qu'improprement cette désignation. C'est plutôt un rosaire creux, composé de dix poches plus hautes que larges, dont les bouts en mamelon font saillie vers le cœlome sur la face postérieure du bulbe, et qui communiquent ensemble par des commissures assez étroites. Ces poches se conti- nuent en avant, après avoir subi un resserrement considérable dans les canaux tentaculaires. » Et plus loin page 665 : « Nous avons déjà dit que les canaux tentaculaires naissent sur l'anneau central par un isthme étranglé. » * Muller (John.'), loc. cit., 1850. « Vogt (G.) et Yung, loc. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 583 Ces auteurs n'ont pas eu connaissance du canal transversal de communication entre le vaisseau radial et le tentacule, et ont été entraînés par suite à se figurer que la portion dilatée du vaisseau aquifère radial ne faisait qu'un avec le tentacule. Aussi n'ayant pas connu l'orifice donnant accès dans le tube tentaculaire , il n'est pas étonnant qu'ils n'aient pas trouvé l'appareil obturateur qui le ferme. « Nous n'avons pu nous convaincre chez notre espèce, disent-ils, de l'existence de valvules à l'endroit de ce resserrement, comme il doit s'en trouver suivant Hamann chez les Synaptes (p. 662). Cette valvule existe bien, non seulement pour la C. Planci, mais encore pour là Semperia Drummondii et pour le C . Lacazii, comme j'ai pu le constater, et non seulement elle existe dans le tentacule, mais aussi dans chaque tube ambulacraire comme morphologique- ment on était en droit de s'y attendre. BULBE AQUO-PHARYNGIEN. La complexité de cette région, que Cari Vogt et Yung appellent le bulbe céphalique et que nous avons désignée sous le nom de bulbe aquo-pharyngien, afin d'indiquer quelles sont les parties qui le com- posent, nous engage à nous y arrêter un instant. Nous savons que ce bulbe est de forme ovoïde, à grand axe ver- tical, et que son équateur est occupé par la couronne calcaire dont la face externe des fleurons affectant la forme d'un V renversé affleure la surface (pi. XXV, fig. i, et pi. XXVIII, fig. 2). Cette sur- face est occupée supérieurement à la couronne calcaire par les culs- de-sac tentaculaires (pi. XXVIII, fig. 2, l') alternant avec chaque fleuron [f et /'), et inférieurement par l'anneau (^), et les parties dilatées des vaisseaux aquifères {q'), mais nous savons qu'aucun de ces derniers organes n'est en rapport avec la base des fleurons inter- radiaux. C'est qu'en effet il existe au-dessous de chacun d'eux une ouverture ovalaire (w) formée inférieurement par le bord supé- o8i EDGARD IIEKOUARD. rieur de l'anneau aquifère, de chaque côte par les parties latérales des portions dilatées des deux vaisseaux aquifères adjacents, et supé- rieurement par la base du lleuron interradial, de telle sorte que le bulbe présente, dans sa moitié inférieure au-dessous des fleurons interradiaux, cin(i œils-de-bœuf au fond desquels on peut apercevoir la paroi de l'œsophage ; et en regardant dans l'un d'eux, on voit en outre que, de cet œsophage, se détachent des tractus qui viennent s'insérer sur le pourtour de l'ouverture. Pour comprendre à quoi sont destinés ces tractus, faisons une coupe transversale dans la partie moyenne du bulbe (pi. XXVI, fig. 3 et 5). Nous voyons sur cette coupe que la périphérie est oc- cupée par les fleurons de la couronne alternant avec les parties adjacentes de l'appareil aquifère, tandis que l'œsophage, situé au centre, n'étant pas en contact avec ces parties, est maintenu par des tractus rayonnants. Il y a donc lieu de distinguer dans le bulbe deux parties : une partie périphérique représentée par un ovoïde creux et une partie axiale ou pharyngienne suspendue dans l'axe de cet ovoïde. Il est facile, avec les coupes transversales du bulbe, de se rendre un compte exact de la disposition de ces tractus qui est la même pour chaque radius (pi. XXVII, flg. 2). En regard de la portion dilatée d'un vaisseau aquifère, nous les trouvons disposés sur quatre ran- gées verticales symétriques deux à deux par rapport au plan radial, et entre lesquelles chemine la lacune radiale (a). C'est de ces ran- gées que dépendent les tractus que nous avons aperçus tout à l'heure en regardant par l'œil-de-bœuf. Plus haut, au niveau des culs-de-sac tentaculaires (pi. XXVII, fig. 3), le nombre des rangées a doublé, et chaque cul-de-sac ten- taculaire en présente quatre. En passant dans l'anneau aquifère, le tube digestif est aussi main- tenu par de nombreux tractus conjonclifs ù. la face interne de celui- ci, mais là, la disposition sériale est moins nette. L'espace libre qui s'étend entre la partie périphérique et la partie HOLOTHURIES DES COTES DE FRANGE. 58S axiale du bulbe, et au travers duquel sont tendus tous les tractus périœsophagiens, est une dépendance de la cavité générale avec laquelle il communique au niveau de l'anneau aquifère et surtout par les œils-de-bœuf ; c'est le sinus péripharyngien (pi. XXVI, fig. 1 à8, et pi. XXVII, fig. 2à4,A-). Ce sinus présente à sa partie supérieure un espace annulaire ren- flé, dépourvu de tractus qui correspond à l'ouverture buccale. Nous donnons plus spécialement à cette cavité annulaire qui représente en réalité le fond du sinus péripharyngien, le nom de sinus perlbuc- cal{^\. XXVI, fig. 8, k'). Maintenant que nous connaissons la disposition générale des or- ganes qui constituent le bulbe, entrons dans quelques détails sur sa structure histologique. Une coupe transversale au niveau des œils-de-bœuf (pi. XXVI, f]g. 2, et pi. XXVII, fig. 2) rencontre les premières portions des cinq vaisseaux aquifères, et nous voyons que, pour chacun d'eux, la paroi occupant le côté externe est formée d'une couche de tissu conjonctif comprise entre le revêtement de la cavité générale et l'épithélium de la lumière du vaisseau; que celte couche conjonctive fibrillaire et dense sur ses deux faces devient lacunaire au milieu de son épaisseur, et que ces lacunes qui sont en continuité avec celles des tractus qui en partent contiennent comme elles des éléments du sang. La paroi occupant le côté interne est comme délaminée ; sa lame superficielle est formée par une mince couche de tissu conjonctif fibrillaire recouverte extérieurement par l'épithélium du sinus péripharyngien ; sa lame profonde présente une structure semblable, mais contient en outre la couche musculaire sous-épi- théhale du vaisseau aquifère radial. L'intervalle résultant de cette délamination est occupé par une substance homogène paraissant se fondre par ses bords avec la substance intralacunaire des tractus périœsophagiens , c'est la lacune radiale (a). Une coupe transversale un peu plus élevée (pi. XXVI, fig. 4, et pi. XXVII, fig. 3), passant par les vaisseaux de communication des S86 EDGARD HÉROUARD. tentacules avec le vaisseau radial, nous montre les sections des tentacules alternant avec celles des fleurons de la couronne. Les vaisseaux radiaux sont rencontrés dans leur deuxième portion; leur paroi externe a considérablement augmenté d'épaisseur aux dépens de leur lumière et présente, dans son épaisseur, la coupe du fleuron radial ; mais on retrouve encore sur son bord externe la couche conjonctive fibrillaire, dense, et, entre elle et le fleuron, le tissu conjonctif lacunaire renfermant les éléments du sang. Cette couche de tissu lacunaire se continue dans l'épaisseur de la même paroi des tubes tentaculaires qui confinent à son bord. Nous voyons donc que le réseau calcaire formant le fleuron paraît s'être développé dans l'épaisseur de la couche conjonctive fibrillaire interne. Du côté du pharynx, la paroi du vaisseau aquifère radial offre la même délami- nation et le même contenu que précédemment, représentant, comme nous l'avons dit, la lacune radiale (a); mais, en cet endroit, cette lacune présente en outre deux prolongements latéraux, qui suivent les canaux de communication du vaisseau aquifère avec les tentacules, et qui dépassant ceux-ci en longueur, vont aboutir à la génératrice médiane de la face interne du tube tentaculaire (pi. XXYl, fig. 4, a', et pi. XXVll, fig. 3, //). Pour le fleuron interradial, il nous suffirait presque de répéter ce que nous venons de dire pour le fleuron radial, en supprimant le vaisseau aquifère et la lacune radiale. Comme pour celui-ci, il existe sur sa face externe un tissu conjonctif lacunaire qui, se conti- nuant avec celui de la paroi externe des tentacules, complète ainsi une zone lacunaire qui enveloppe entièrement le bulbe à ce niveau. Dans une coupe un peu plus élevée, nous trouvons une disposi- tion analogue ; mais nous voyons, de plus, l'extrémité supérieure des muscles rétracteurs qui viennent s'insérer dans la gouttière de la face externe du fleuron radial et du côté interne, la délamination formant la lacune radiale, se présenter, non plus seulement dans la paroi du vaisseau radial, mais encore suivant les génératrices mé- HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 587 dianes de chaque tentacule (pi. XXVI, fig. 5, a', et pi. XXYll, fig. 4, a'). Au niveau du sommet du fleuron radial (pi. XXVII, fig. 5), l'inter- valle compris entre les branches de la fourche est occupé par du tissu conjonctif à fibres entrelacées dans lequel se présente toujours, du côté interne, le vaisseau aquifère contenant la lacune radiale (X), dans sa paroi. Ce tissu conjonctif est séparé de la zone conjonctive du côté externe par des fibres musculaires transversales (m) qui peuvent, par leurs contractions, diminuer l'écartement des deux branches de la fourche {m). Au même niveau se trouve la naissance des deux bandes musculaires longitudinales des radius. Plus haut (pi. XXVII, fig. 6), le fleuron radial a complètement dis- paru ; il n'existe plus à sa place que du tissu conjonctif; le vaisseau aquifère [q') gagne vers le bord externe du bulbe toujours accom- pagné par la lacune radiale, mais le tissu conjonctif qui les sépare du sinus péripharyngien est creusé d'un canal (a') accolé contre la lacune radiale (X), de telle sorte que celle-ci semble pincée entre la lumière de deux vaisseaux. Ce canal est l'organe que nous étu- dierons plus tard sous le nom de canal subnervien. Dans les interambulacres, les fleurons interradiaux ont aussi complètement disparu ; ils sont remplacés par du tissu conjonctif lacunaire en continuité directe avec la zone lacunaire qui entoure le bulbe et qui rejoint à ce niveau la zone moyenne de la paroi du corps (pi. XXIX; fig. 2). En résumé, d'après ce qui précède, le bulbe doit dépendre de la zone interne de la paroi. Celle-ci forme un ceecum annulaire péri- œsophagien dans la cavité duquel sont situés les fleurons de la cou- ronne et les parties bulbaires du système aquifère qui n'adhèrent à la paroi du cœcum d'une façon appréciable que par la base des fleurons et au niveau de l'insertion des muscles rétracteurs ; partout ailleurs ils en sont séparés par un tissu conjonctif lacunaire dépen- dant de la zone moyenne de la paroi. Les schémas ci-contre (p. 588) feront concevoir plus aisément les dépendances de la zone moyenne dans cette région. 588 EDGARD HÉROUARD. Il semblerait, d'après cela, que les culs-de-sac tentaculaires n'oc- cupent pas morphologiquement la même position que les tubes ambulacraires internes, mais ce n'est qu'une simple apparence, Schémas montrant la disposition des trois zones de la paroi dans la région aquo-pharyngienne. A montre celte disposition dans un radius, et B dans un interradius, abstraction faite des tractus péripliaryngiens ; dans C et D, au contraire, les tractus péripharyngicns ont élo représentes ; la zone moyenne Zantoy est représcnitée par des ponctuations ; c'est cette zone qui contient le sys- tème nerveux; vaqr, vaisseau aquifere radial; va(jd, portion dilatée du vaisseau aquifère radial; aa^, anneau aquifère ; <«. tentacule ; cay», cul-de-sac tcntaoulaire ; s;î/(, sinus pliaryn- gien ; œb, œil-de-bœuf faisant communiquer la cavité générale avec le sinus peripbaryngien. car la paroi de ces derniers présente aussi deux couches ; seule- ment ces deux couches accolées plus intimement l'une à l'autre ne laissent plus que soupçonner l'existence de l'espace qui les sépare. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 589 Tout est disposé comme si les tubes ambulacraires internes ré- sultant de la vésicule aquo-vasculaire de la larve avaient repoussé dans leur développement la paroi de la vésicule péritonéale, et que l'accolement de leurs parois n'ait pas été aussi complet pour la ré- gion bulbaire que pour les autres parties du corps. Nous voyons en outre que les fleurons de la couronne, tout en embrassant dans leurs fourches les vaisseaux ambulacraires comme les auricules des Oursins, paraissent, contrairement à ceux-ci, être une dépendance de la zone interne de la paroi, et qu'il serait tout aussi logique de comparer ceux des radius aux pièces en y qui, dans la lanterne de ces derniers animaux, occupent, près des vais- seaux aquifères, des rapports semblables à ceux des fleurons. Ils sont, en effet, appliqués l'un comme l'autre sur la face péritonéale du vaisseau aquifère, mais tandis que cette pièce en y est en rap- port avec le vaisseau aquifère immédiatement après sa'sortie de l'an- neau, le fleuron radial des Holothuries n'est en rapport qu'avec la deuxième portion de ce vaisseau, et occupe par conséquent une situation intermédiaire entre la pièce en y et l'auricule des Oursins. Il est donc plus logique de considérer le fleuron radial des Holothu- ries comme une pièce qui n'a pas de représentant exact dans la lanterne des Echinides ; tout au plus la fourche de leur sommet, ainsi que je l'ai déjà fait ressortir, pourrait-elle être regardée comme l'homologue de la clef de voûte de l'auricule des Oursins. Ce bulbe aquopharyngien que nous venons de décrire chez la Cucumaria Planci n'offre, chez les divers représentants de la classe des Holothuries du groupe des Pedata, de différences que dans les grandeurs et les positions relatives des parties. Toujours, quelle que soit l'espèce à laquelle on s'adresse, on retrouve les diverses parties constituantes que nous avons indiquées. Chez les Holothuria, la couronne calcaire étant parfois très éloi- gnée de l'anneau aquifère, les portions dilatées des vaisseaux ra- diaux sont considérablement allongées, et les œils-de-bœuf qui les séparent ont subi un agrandissement correspondant. 890 EDGARD HÉROUARD. La deuxième portion, au contraire, présente une réduction ana- logue à celle des fleurons de la couronne, qui sont ici très réduits, et au lieu d'offrir deux orifices donnant aux tentacules, en présente quatre symétriques deux à deux, ce qui explique la présence de vingt tentacules au lieu de dix comme chez les Cucumaria. Or, nous savons que les tentacules sont des tubes ambulacraires transformés ; il y a donc lieu de séparer les vingt tentacules des Holothuria en deux groupes : le premier de ces groupes correspondant aux orifices des vaisseaux radiaires les plus rapprochés de l'anneau aquifère représentant morphologiquement les dix tentacules des Cucumaria, tandis que le deuxième groupe correspond aux premiers tubes am- bulacraires de celles-ci. Les tubes ambulacraires de ces deux groupes, pour se placer sur un même cercle péribuccal, ont été obligés de chevaucher l'un sur l'autre. Cette division des tentacules en deux groupes est très appa- rente chez certaines familles, par exemple chez les ïhyonidium et chez les Pseudocucumis, oîi ceux du premier groupe sont de gran- deur très différente de ceux du second. Chez les Holothuria, la couronne calcaire très réduite ne présen- tant plus entre ses fleurons la place suffisante pour loger les culs-de- sac tentaculaires, ceux-ci pendent librement dans la cavité générale présentant ainsi une forme de passage entre le tube ambulacraire interne ordinaire et le cul-de-sac tentaculaire des Cucumaria. La réduction de la couronne calcaire entraîne celle du sinus péripha- ryngien, mais le sinus péribuccal est toujours bien développé. Les Thyone présentent une différence en sens inverse ; tandis que, chez les Holothuria, les culs-de-sac tentaculaires étaient extérieurs à la couronne calcaire et intercalés dans les fleurons de celle-ci chez les Cucumaria, chez les Thyone, au contraire, ils sont places intérieure- ment à elle, et sont par suite entièrement recouverts par ses fleurons. Les culs-de-sac tentaculaires sont venus se placer au môme niveau que les deuxièmes portions des vaisseaux ambulacraires. Le sinus péripha- ryngien a subi un allongement correspondant à celui de cettecouronne. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. S91 SYSTEME MUSCULAIRE. Nous avons vu que la paroi du corps possédait des muscles cir- culaires et longitudinaux. La musculature circulaire de la C . Planci n'est pas continue sur toute la périphérie du corps, elle est inter- rompue au niveau de chaque radius où les extrémités des bandes musculaires s'insèrent sur la paroi externe du vaisseau aquifère de telle sorte que cette paroi est disposée comme un tendon réunissant les extrémités des muscles circulaires de deux interradius voisins (pi. XXVIII, fig.l , m'). Aux deux extrémités du corps, cette musculature circulaire joue le rôle de sphincter ; celui de l'extrémité inférieure s'appelle le sphincter anal, et nous appelerons celui de la partie supérieur le sphincter péri-tentaculaire, ce dernier est situé au pourtour de l'aire tentaculaire. La musculature longitudinale est composée de cinq bandes radiales internes séparées des muscles circulaires par les vaisseaux aquifères. Chacune d'elles s'insère infé- rieurement au pourtour de l'anus et, chez certaines espèces, chez les Thyone par exemple, il existe là des plaques calcaires spéciales pour leur insertion ; mais, chez la C. Planci, il n'en existe pas. A l'ex- trémité supérieure, chaque bande musculaire s'infléchit vers l'axe du corps en suivant la courbure de la paroi ; puis, descendant entre les deux tentacules correspondants, vient s'insérer dans la partie supé- rieure de la gouttière de la face externe du fleuron radial. Du tiers supérieur de chacune de ces bandes musculaires se détache un faisceau volumineux rectilignc, dirigé obliquement de bas en haut et de dehors en dedans, traversant la cavité générale et s'insérant par son extrémité supérieure dans la partie inférieure de la même gouttière du fleuron radial (pi. XXV, fig. l,m, et pl.XXVIlI, flg.2, m). Ces cinq faisceaux rectilignes sont les muscles rétracteurs. Maintenant que nous connaissons les muscles du système aquifère et ceux de la paroi du corps, nous pouvons nous occuper de leurs fonctions. 592 EDGAllD IIÉROUARD. FONCTIONS DU SYSTÈME MUSCULAIRE ET DE l'aPPAREIL AQUIFÈRE. Aucun animal peut-être ncpréseuteun plus grand nombre d'appli- cations du principe de Pascal que les Holothuries. Chez ces animaux qui sont dépourvus presque entièrement de squelette, sur lequelles muscles puissent trouver un point d'appui leur permettant d'entrer en action, la nature a su obvier à cet inconvénient à l'aide de cavités remplies de liquide qui peuvent se clore sous certaines influences et offrir, par la pression de leur paroi musculaire sur le liquide qu'elles contiennent, une rigidité suffisante qui se substitue à celle du sque- lette absent. Ces cavités sont nombreuses, car il convient de con- sidérer comme telles et la cavité générale et Tappareil aquifôre central et chaque tube ambulacraire, tentacules compris. Dans ce qui va suivre, nous ferons abstraction de l'organe arbo- rescent ; nous considérerons la cavité générale comme communi- quant avec l'extérieur par l'anus ; la vérité de la démonstration ne sera en rien altérée par cette supposition, et comme les tubes am- bulacraires et les tentacules fonctionnent individuellement grâce à la valvule de leur orifice, nous les réserverons pour un paragraphe spécial. Nous ne nous occuperons donc ici que de l'appareil aquifère central, c'est-à-dire de l'anneau aquifère de la vésicule de Poli et des cinq vaisseaux radiaux. L'animal peut se présenter dans deux états différents : 1° Avec les tentacules entièrement cachés à Tinléricur du corps ; 2° Avec les tentacules déployés. Et dans chacun de ces deux états, la paroi du corps peut être soit dilatée, soit contractée. D'où quatre étapes à considérer dans les conditions suivantes : Première étape : les tentacules sont caches et la paroi du corps est contractée ; Deuxihne clape : les tentacules sont cachés et la parui du corps est étendue ; IIOLOTIIUIUES DES COTES DE FRANCE. 593 Troisième étape : les tentacules sont déployés et la paroi du corps est contractée; Quatrième étape : les tentacules sont déployés et la paroi du corps est étendue. Prenons l'animal occupant la situation indiquée dans la première étape et suivons-le dans ses étapes successives. Dans la première, tout le liquide disponible a été chassé de l'in- térieur du corps par l'anus ; tous les muscles, excepté ceux de la vésicule de Poli et de l'anneau aquifère, sont contractés, et le liquide qui reste dans sa cavité, comprimé par la tension musculaire des parois, donne à l'animal la rigidité d'un corps solide. C'est la position qu'il prend quand il veut offrir la plus grande résistance possible aux attaques extérieures, et c'est ainsi qu'il se présente si nous le sortons de l'eau. Remettons l'animal dans l'eau ; au bout d'un instant nous voyons l'anus s'ouvrir, l'eau pénétrer dans la cavité du corps, l'animal se gonfler et s'allonger : nous sommes arrivés à la seconde étape ; les tentacules sont encore cachés, mais le corps est dilaté. Pour attein- dre cette position, c'est le système aquifère qui est entré en jeu. L'appareil aquifère central présente en réalité deux parties antago- nistes, d'une part l'anneau aquifère et la vésicule de Poli, d'autre part les cinq vaisseaux ambulacraires. La contraction de la paroi des uns chasse le liquide contenu dont la pression tend à distendre , la paroi des autres. Ceci dit, voyons comment notre animal a pu passer de la première étape à la seconde. En même temps que ceux de la paroi, les muscles des vaisseaux radiaux se sont relâchés, tan- dis que ceux de la vésicule de Poli et de l'anneau aquifère se sont contractés. Dès lors le liquide contenu dans la vésicule de Poli et l'anneau aquifère a été chassé dans les vaisseaux radiaux qui, sous l'influence de cette pression, se sont allongés et ont entraîné dans leur allongement celui de la paroi du corps qui les contient ; la cavité du corps a augmenté de capacité tout à la fois h cause de cette extension de la paroi et de la diminution du volume de la vési- ARCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — "2c SÉRIE. — T. VII. 1889. 38 594 EDGARD HKROUARD. cule de Poli et de ranneau aqiiifcrc, et cette augmentation de capa- cité a déterminé un appel de l'eau ambiante qui s'est précipitée par l'anus pour combler le vide produit. Si maintenant nous observons un instant l'animal, bientôt nous voyons l'extrémité antérieure du corps se dévaginer et le panache tentaculaire se déployer à l'extérieur; nous sommes arrivés à la troi- sième étape. Pour y arriver, l'animal a fermé l'anus et contracté les muscles lon- gitudinaux de la paroi du corps ; le liquide interne, ne pouvant s'é- chapper, a été comprimé ; en vertu du principe de Pascal, tous les points de la paroi du corps ont subi la même pression, et celui où est appendu le bulbe aquo-pharyngien, n'étant plus maintenu ni par la tension des rétracteurs ni par la fermeture du sphincter péritenta- culaire, a été projeté en avant, et les tentacules, trouvant le champ libre, sont sortis, mais ils ne sont pas encore déployés ; leur érec- tion sera l'objet d'un paragraphe spécial. Cette dévagination d'une partie de la paroi du corps augmente sa surface et rend celui-ci capable de contenir une plus grande quan- tité de liquide; aussi l'appareil aquifère entre en jeu identiquement de la même façon que pour passer de la première à la deuxième étape; l'eau pénètre par l'anus ouvert à cet effet et l'animal, entiè- rement distendu, est arrivé à la quatrième étape. Si, maintenant, l'animal veut revenir de la quatrième à la pre- mière étape, il lui suffira, l'anus restant ouvert, de contracter tous ses autres muscles, excepté ceux de la vésicule de Poli et de l'an- neau aquifère. Dans ces conditions, le bulbe', sollicité par les rétracteurs, est attiré de dehors en dedans, entraînant avec lui l'inva- gination du disque buccal ; le corps se vide, puis l'anus se ferme, et le liquide, restant dans la cavité du corps comprimée par la tension musculaire de la paroi, rend à l'animal la rigidité d'un corps solide. Nous voilà donc revenu à notre point de départ, c'est-u-dire à la première étape. Inutile de dire que l'animal peut occuper toutes les positions HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 598 intermédiaires entre ces étapes ; il lui suffit pour cela d'arrêter l'action musculaire au moment voulu. Cet exposé donne l'explication de quelques faits de pratique cou- rante. Expérience. — Si, saisissant le moment où l'animal, en pleine vita- lité, est complètement étendu, avec les tentacules sortis, nous fer- mons l'anus en le serrant entre les mors d'une pince, l'animal s'épuise en vains efforts pour rentrer ses tentacules. La pression de l'eau contenue dans sa cavité s'oppose à l'invagination du disque buccal et on a, dès lors, tout le temps nécessaire pour faire mourir l'animal en le plongeant dans un milieu approprié. C'est le procédé que l'on emploie pour fixer l'animal étendu et on peut, avec un peu d'habitude, en laissant échapper par l'anus une quantité plus ou moins grande du liquide interne, arriver à fixer l'animal dans toutes les positions intermédiaires entre l'extension absolue et la contrac- tion complète. TUBES AMBULACRAIRES ET TENTACULES. Le tube ambulacraire est un appareil pouvant être considéré comme agissant individuellement et n'ayant pas besoin, pour se mettre en action, du concours du vaisseau radial. Ainsi que pour l'appareil aquifère central, la portion périphérique du tube ambu- lacraire est antagoniste de la portion interne. (Juand le tube externe se contracte, le liquide qu'il contient, ne pouvant trouver issue par l'orifice à cause de la valvule qui s'y trouve, est chassé dansy le tube interne, qui se distend en vertu du principe de Pascal. Quand, au contraire, la musculature du tube externe se détend et que celle du tube interne se contracte, le phénomène inverse se produit et le tube externe entre en érection. L'infiuence exercée sur la capacité de la cavité générale par le changement de volume des tubes ambulacraires internes est la môme que celle que nous avons indiquée pour la vésicule de Poli ; 596 EDGARD HÉROUARD. nous n'insisterons donc pas sur ce point. Ainsi, non seulement la constitution histologique du tube ambulacraire est semblable à celle de l'appareil aquifère central, mais encore il fonctionne d'une façon semblable. L'individualité fonctionnelle du tube ambulacraire permet à l'ani- mal de s'en servir comme d'appareil de locomotion. Mais, avant de donner l'explication de ce phénomène, occupons-nous d'abord de l'appareil de fixation qui termine le tube ambulacraire; de la ven- touse. Ventouse. — L'existence des trois zones de la paroi du tube ambu- lacraire externe nous permet de le comparer à un appareil formé de deux cylindres emboîtés (zone externe et zone interne), séparés par une matière propre à faciliter leur glissement l'un dans l'autre (zone moyenne ou cellulaire). Avec cette conception, il nous sera facile de comprendre le jeu de la ventouse. Le liquide ambulacraire, chassé par la compression du tube interne, fait entrer le tube ambulacraire externe en érection; l'extré- mité distale s'applique sur la surface à laquelle elle doit adhérer. La musculature du tube externe se contracte sans que pour cela celle du tube interne cesse de comprimer le liquide contenu. Le cylindre interne glisse ainsi dans le cylindre externe sans que pour cela leurs diamètres soient diminués. Le bord du cylindre externe, qui représente le bord de la ventouse, reste appliqué contre la sur- face à laquelle il doit adhérer, tandis que l'extrémité du cylindre central, qui représente le centre du disque, tend à s'en éloigner, et le vide, qui tend ainsi à se faire, détermine l'adhérence de la ven- touse. Ce qu'il importe de remarquer, c'est que, la ventouse une fois fixée, le tube ambulacraire externe peut se contracter sans que l'adhérence de celle-ci soit supprimée ; il suffit pour cela que l'ani- mal relâche la musculature du tube interne et permette ainsi au tube externe de se vider. 11 nous sera facile à présent d'expliquer le phénomène de la loco- motion. Pour se déplacer, l'animal allonge un certain nombre de HOLOTHURIES DES COTES DE FUANCE. 597 tubes ambulacraires de sa surface ventrale, porte leurs extrémités en avant par une contraction inégale des muscles de leurs parois, chaque tube tâte, à l'aide de son extrémité distale, l'endroit où il lui sera facile de faire adhérer sa ventouse, fixe celle-ci, et quand un nombre suffisant de tubes est fixé, l'animal les contracte et le corps est ainsi porté en avant. De ce que le tube ambulacraire fonctionne individuellement, il n'en faut pas conclure que sa communication avec le vaisseau aqui- fère est superflue. Le liquide qu'il contient, par suite de la contrac- tion à laquelle il est soumis, ne laisse pas que de transsuder à tra- vers les parois, et c'est pour remplacer le liquide disparu que l'appareil central intervient, sûr, lui-même, de pouvoir puiser en- suite dans la cavité générale, par l'intermédiaire du canal du sable, une quantité de liquide suffisante pour remplacer la perte que cette transsudation lui a fait subir. On admet, en général, que les tubes ambulacraires jouent un rôle très actif dans le phénomène de la respiration, que le li- quide aquifcre, mis continuellement en mouvement d'un bout à l'autre du tube par les cils vibratiles de l'épithélium interne, absor- bent, par le tube externe, l'oxygène contenu dans l'eau ambiante, pour l'offrir, par l'intermédiaire du tube interne, au liquide de la cavité générale. Chez les Holothuries, ces tubes sont bien mal con- struits pour accomplir de telles fonctions ; la paroi du tube externe est épaisse, contenant dans son intérieur une lacune remplie d'élé- ments du sang, qui se hâteraient d'absorber au passage l'oxygène qui voudrait tenter de pénétrer jusqu'au centre du tube, et, étant donné que les fonctions respiratoires sont dévolues, selon toute apparence, à l'organe arborescent qui, par son volume considérable, paraît bien capable de les remplir à lui seul, il semble plus logique d'admettre que c'est à tort qu'on les a attribuées aux tubes ambu- lacraires. Ce qui, d'ailleurs, avait déterminé les auteurs à faire cette hypothèse était le mouvement de translation continu des éléments figurés qu'ils contiennent dans leur cavité ; mais ce mouvement me 508 EDGAHD HÉROUARD. paraît bien plutôt destiné à empêcher la prise en masse de ces élé- ments, à maintenir, en d'autres termes, ces éléments en suspension dans le liquide. Les tentacules cependant, par leurs parois plus minces, par leurs arborisations multiples, par la position de leur partie interne dans un tissu conjonclif lacunaire en communication directe avec la paroi antérieure des vaisseaux intestinaux, pourraient bien faire exception et jouer un rôle important dans la respiration. D'ailleurs, dans l'espèce qui nous occupe, l'absence, dans le cul-de-sac tenta- cnlaire, des fibres musculaires longitudinales qui existent dans les tubes ambulacraires internes indique déjà que leurs fonctions ne sont pas identiques. Éludions maintenant le jeu de cet appareil tentaculaire. Nous divi- serons pour cela la question en trois parties. Nous envisagerons : 1° L'érection du tentacule et sa contraction ; 2° L'inflexion dans l'œsophage de la couronne tentaculaire toul entière et son épanouissement ; 3° L'inflexion dans l'œsophage du tentacule pris individuellement et son relèvement. L'érection s'obtient comme pour un tube ambulacraire ordinaire, mais ici, le cul-de-sac ne possédant pas dans sa paroi une muscula- ture comme celle du tube ambulacraire interne, le liquide en est chassé par la pression, sur sa surface, du liquide de la cavité géné- rale, comprimé lui-môme par la tension de la paroi du corps. Quant à sa contraction, elle se fera par le relâchement de la tension du liquide de la cavité générale et la contraction des muscles du ten- tacule qui forcera le liquide aquifèrc à refluer vers le cul-de-sac. L'inflexion dans l'œsophage de la couronne tentaculaire toul entière a lieu quand l'animal veut rentrer ses tentacules à l'intérieur du corps, quand l'animal, en un mot, veut passer de la quatrième à la première étape. Pour opérer ce mouvement, les tentacules com- mencent par se contracter, et, les fibres musculaires situées du côté interne se contractant plus fortement que celles du côté externe. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. ^i99 forcent les tentacules à s'incliner vers l'axe du corps. De plus^ en se contractant, les tentacules distendent leurs culs-de-sac qui pénè- trent entre les fleurons de la couronne oti ils agissent mécanique- ment comme des coins, et forcent, par suite, la circonférence de celle-ci à s'allonger. Les tractus péripharyngiens se tendent, entraî- nés par la couronne à laquelle ils sont rattachés, et déterminent la dilatation de l'œsophage, y préparant ainsi le logement des tenta- cules. De plus, l'extrémité inférieure de ceux-ci étant entraînée de dedans en dehors par l'anneau calcaire, tandis que le point où ils tra- versent la paroi du corps reste fixe, leur fait faire un mouvement de bascule qui augmente encore l'inflexion de leur extrémité vers l'axe du corps ; c'est^alors seulement que les muscles rétracteurs, agissant simultanément avec le sphincter péritentaculairc, déterminent l'invagination de la région antérieure du corps et font pénétrer entièrement les tentacules dans la région de l'œsophage. L'épanouissement de la couronne se fait par un procédé inverse. Les rétracteurs et le sphincter péritentaculaire se relâchent; le liquide de la cavité générale est mis sous pression, l'aire tentaculairo se dévagine et les tentacules se redressent. Quand les visiteurs do l'aquarium de Banyuls tombent en admira- tion devant le bac où les Cucumaria déploient leur panache tentacu- laire : «Tiens, disent-ils au bout d'un instant d'observation, cet ani- mal se suce les doigts. » Cette expression, triviale il est vrai, a du moins l'avantage de bien peindre le phénomène duquel nous allons parler à présent, et c'est pourquoi je la rapporte. Je veux parler de l'inflexion individuelle du tentacule dans l'œsophage et de son relè- vement. Si les fonctions respiratoires du tentacule ne sont pas démontrées, il n'en est pas de même de celles qu'il exerce dans la nutrition. C'est lui qui est chargé de récolter les aliments dans l'eau ambiante, et c'est pour se débarrasser de sa récolte que, de temps en temps, on le voit s'infléchir individuellement, pénétrer dans l'œsophage et en sortir un instant après. 600 EDGARD HÉROUARD. Cette inflexion individuelle du tentacule s'opère à l'aide d'un pro- cessus identique à celui que nous venons de décrire pour la cou- ronne tentaculaire tout entière ; mais, dans ce cas, ce sont seule- ment les parties qui sont en rapport avec le tentacule qui entrent en jeu. 11 est donc inutile d'en donner une description spéciale. SYSTÈME NERVEUX. Historique. — La partie historique du système nerveux a été traitée dans les Archives de zoologie expérimentale de 1872, par Bau- delotS et le titre du recueil et le nom de l'auteur suffisent pour qu'il soit inutile de faire l'éloge de ce travail ; aussi passerons-nous rapi- dement sur les premiers auteurs, dont les recherches y ont été exposées avec une autorité à laquelle nous n'oserions prétendre et insisterons-nous surtout sur les travaux plus récents. Le système nerveux des Holothuries est, de tous les organes de ces animaux, celui qui est resté le plus longtemps inconnu. ïiede- raann (p. 30)*, en 1816, dans son remarquable ouvrage sur les Échi- nodermes, dit que, malgré toutes les recherches qu'il a faites, il n'a pu trouver aucune partie qui puisse être regardée d'une façon cer- taine comme étant le système nerveux ; mais que, chez les Holo- thuries conservées depuis longtemps dans l'alcool, il a trouvé, sur la face interne de l'anneau calcaire, de délicats filets blancs qui pénè- trent dans les tentacules ; qu'il a, en outre, remarqué de semblables filets contre les muscles longitudinaux ; que le système nerveux paraît donc avoir son centre sur la face interne de l'anneau calcaire, et que ce centre a la forme d'un cercle d'où partent ces filets. Nous verrons que cet habile observateur avait par h\ indique exactement les parties principales du système nerveux. Ce ne fut pourtant qu'en 1841 que Krohn^, dans un travail sur la ' Baudelot, loc. cil. » TiEDEMANN, luC. Ctt . 3 Krohn, loc. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. GOl disposition du système nerveux chez les Échinidés et les Holo- thuries, fit une étude plus approfondie sur ce sujet. Après avoir fait l'éloge de Tiedcmann et constaté que toutes ses hypothèses étaient vérifiées, il remarque que les troncs nerveux radiaux sortent de la couronne calcaire par la même ouverture que les vaisseaux aqui- fères, avec lesquels il les croit intimement liés jusque près de l'ouver- ture du cloaque. Il remarque de plus que les troncs nerveux pré- sentent un sillon médian qui les fait paraître doubles et indique l'existence de rameaux nerveux latéraux aux troncs radiaux dont le nombre correspondrait peut-être à celui des rameaux vasculaires se rendant aux tubes ambulacraires ; mais il n'a pu les suivre jusque dans les ventouses. Nous voyons donc que Krohn ajoute aux indica- tions de Tiedemann la connaissance des nerfs des tubes ambula- craires, mais les filets nerveux des tentacules, que celui-ci avait indiqués, lui échappent ; il dit, en effet: « Il reste aux observateurs futurs qui s'occuperont des détails à décider si les filets nerveux sont distribués aux tentacules et aux couches musculaires du corps. » M. de Quatrcfages \ dans son travail sur la Synapta inhcere^is {Duvernxa, Quat.) qui parut l'année suivante, s'exprime ainsi au sujet du système nerveux. « Malgré de nombreuses recherches, faites sur des animaux frais comme sur des individus conservés dans l'alcool, et en variant de toutes les manières les moyens d'investigation, il nous a été impossible de le découvrir. » Et se tenant dans une pru- dente réserve, il ajoute : « Nous ne tirerons aucune conséquence de l'inutilité de nos efforts ; nous exposons simplement le fait. » Il ne faut pas accuser M. de Quatrefages d'avoir ignoré l'existence des travaux des auteurs qui l'avaient précédés dans cette étude ; mais il considérait l'ensemble des résultats obtenus par ceux-ci comme basé sur des déductions tant soit peu hypothétiques et il ne voulait pas, en adoptant ces vues, donner une sanction à un problème qu'il 1 Quatrefages (de), loc. cit. 602 EDGARD HÉIIOIJARD. considérait comme non résolu. « Des naturalistes d'un grand mérite, dit-il, ont dit l'avoir trouvé chez quelques-uns d'entre eux; d'autres ont cru devoir attribuer aux organes décrits comme tels une tout autre signification. Il nous paraît difficile d'adopter l'une ou l'autre de ces opinions, et nous préférons rester, à cet égard, dans un doute philosophique (p. 81). » J. Muller' (p. H7) n'imita pas ce sage exemple. Ayant, d'après ce qu'il a dit plus tard, poursuivi ses observations sur des animaux con- servés d'une façon imparfaite, il ne trouva pas le système nerveux décrit parKrohn, et, étant arrivé à insuffler l'emplacement où Krohn avait indiqué celui-ci, admit l'existence de vaisseaux sanguins en son lieu et place. Il revint sur ces premières observations dans un travail qui parut la même année (1850, p. 125) et confirma finale- ment les observations de Krohn, auxquelles il ajouta la connais- sance de branches nerveuses tentaculaires partant de l'anneau nerveux chez le Psolus phantapus et la Synapta Beselii. Il indiqua en outre ce fait important : que les troncs nerveux sont placés dans un étui auquel ils n'adhèrent que latéralement ; le tronc nerveux for- mant ainsi un ruban qui divise le canal qui lui sert d'étui en deux loges. Tune interne, l'autre externe par rapport à l'axe du corps, et que le nerf tentaculaire présente les mômes particularités. De plus,, Muller indiqua l'existence de filets nerveux allant à la périphérie. Baur^, dans les recherches qu'il fit sur la Sijnapla digitala (1864), indiqua chez ces animaux un système nerveux formé d'un anneau central d'où partent cinq branches radiales et des nerfs tentacu- laires qu'il n'a pu suivre entièrement. Il confirme donc l'opinion des auteurs précités, mais il prétend, en outre, que l'anneau et les troncs nerveux sont constitués comme de véritables tubes et qu'il existe, par conséquent, un canal au centre des troncs nerveux. Ce sont, sans doute, ces opinions, comme nous le verrons plus tard. ' Muller (J.), loc. cil. " Baur, loc. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 603 qui conduisirent Semper à ses interprétations fausses sur le système nerveux des Dendrochirotes. Selenka*, dans le travail qu'il fit paraître en 1867, passe, pour une raison qui m'échappe, le système nerveux entièrement sous silence. C'est alors que parut le travail de Semper ^ travail qui est encore de nos jours l'ouvrage le plus considérable qui ait été produit sur l'étude des Holothuries. Par un nouveau moyen d'investigation, Semper, qui fut, en effet, un des premiers qui appliqua avec fruit la méthode des coupes à l'étude de ces animaux, décrivit un système nerveux beaucoup plus compliqué que celui qu'on avait indiqué jusqu'ici. Il indiqua l'existence d'un nerf pharyngien partant du cercle péribuccal ainsi que celle des nerfs de la paroi, que Baur n'avait pu voir, et trouva que le tronc nerveux radial était formé tantôt de trois, tantôt de quatre bandelettes superposées, dont l'interne ne serait séparée du vaisseau aquifère radial que par une mince paroi. Pour lui, chez les Aspidochirotes [Holothuria impatiens^ erinacens, Stichopus variegatus) et chez les Apodes {Molpadia, Haplodactyla mol- padwïdes) le nerf radial consisterait en trois bandes plates numéro- tées de dehors en dedans n^, %, n, (Semper, pi. XXXVIII, flg. 2), séparées l'une de lautre par un mince septum de tissu conjonctif ; la bande n^ formant sur la ligne médiane do sa face externe une saillie qui s'enfonce dans une dépression correspondante de la bande n^, et celle-ci présentant une saillie analogue s'enfonçant dans la bande Wj. Il insiste sur la nature nerveuse de la bande n^, qui ne lui paraît pas contestable après l'étude du Cucumaria japo- nica, et note ce fait, sur lequel nous reviendrons, que la bande n^ est toujours plus homogène que les autres, qu'elle est de couleur jaune chez les exemplaires conservés dans Talcool et n'offre aucun indice de contenu cellulaire, tandis qu'il indique la présence de 1 Selenka, loc. cit. 5 Semper, loc. cit. 604 EDGARD HÉROUARD. cellules dans les bandes n^ et ??j. Il mentionne nettement l'existence de la lamelle conjonctive séparant n^ et n„, mais il prétend que le nerf n'est pas contenu dans un canal, que cette idée est basée sur une simple hypothèse (p. 148) et que Muller est revenu lui-même sur l'erreur qu'il avait commise en insufflant le tube nerveux. Je ne sache pas que Muller ait nié l'existence du canal périnervien ; il est bien revenu sur une erreur (1850, p. 125), comme je l'ai indiqué plus haut, mais il n'arrive pas aux conclusions que Semper veut bien lui attribuer ; il admet, au contraire, parfaitement l'exis- tence d'un étui que le tronc nerveux partage en deux loges. Après avoir nié l'existence de tout vaisseau sanguin dans le voisinage du tronc nerveux radial, Semper indique les nerfs qui en partent pour les tubes ambulacraires et pour la paroi du corps. Chez les Dendrochirotes, on trou- verait encore, d'après Semper, trois bandes nerveuses ; mais la bande n^ serait séparée du vaisseau aquifère non plus seulement par un mince septum conjonctif comme précédemment, mais par un ensemble de lacunes qui sont peut-être des vaisseaux sanguins, mais qui pourraient bien appartenir au nerf particulier avec lequel elles sont si intimement liées, c'est-à-dire avec ??j, et finalement il les indique (p. 148) par la lettre n^ (Semper, pi. XXXVIII, fig. 5). En ce qui concerne les nerfs allant à la périphérie, il distingue, pour les Dendrochirotes, ceux se rendant aux tubes ambulacraires, et ceux de la paroi du corps ; les premiers seraient formés par des bran- ches sortant de n^ et de Wj ; n, ne prendrait pas part à cette forma- tion. 11 n'a pu voir l'endroit où se termine ce nerf, mais lient pour certain qu'il ne va pas jusqu'à la ventouse. Sur la paroi du vaisseau aquifère du tube ambulacraire, il indique une dépression correspon- Coiipe transversale du radius d'une Holothurie, d'après Semper. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 603 dante au trajet de cette branche nerveuse (pl.XXXYIH, fig. 9 e, Sem- per) ; les seconds, ceux se rendant à la paroi du corps seraient probablement formés par n^ ; mais il n'a pu voir leur départ du tronc radial. Ces nerfs se perdraient dans un lacis de fins faisceaux ner- veux. Il décrit ensuite (p. 150), l'anneau nerveux du Cucumaria Japonica et pense que ceux de tous les Pneumophores sont de même (pi. XXXIX, fig. 1). Dans le voisinage du pharynx, avant d'arriver à l'anneau nerveux, les nerfs radiaux présenteraient encore leurs quatre bandes n^ n^ W3, ??,,; mais là, n^ et n^ se rejoignant, formeraient un tuyau dans lequel la bande n^ serait alors contenue, et ce tuyau serait terminé en csecum sous l'anneau. De ce cœcum partiraient deux courtes rami- fications allant aboutir à des corps en forme de mûres. La bande n^ au contraire se continuerait, fibres et cellules, jusqu'au collier ner- veux oti elle se renflerait et présenterait à son extrémité dans le radius un bec recourbé de bas en haut (p. 151). Il ne se prononce pas d'une façon catégorique sur la nature nerveuse des corps en forme de mûre, mais dit qu'ils renferment une matière gélatineuse analogue à n, et qui, d'après de bonnes coupes, semble y faire suite. Plus loin il remarque que n,, vers l'extrémité inférieure de l'animal, est en rapport avec un espace libre situé sur sa face externe et que, vers cette extrémité, le tube n^ n^ disparaît en tant que tube. Il dit de plus (p. 151) que, tandis que les nerfs tentaculaires proviennent uniquement de n,, les nerfs des tubes ambulacraires résultent de la fusion de n, et n,, ce qui semble être en contradiction avec ce qu'il avait dit précédemment (p. 149), en indiquant que ces nerfs résultaient de la fusion de n, et n,. Semper indiqua, en outre, l'existence de filets nerveux péribuccaux et d'un nerf œsophagien partant du collier nerveux et dépendant par conséquent de n^. Tels sont les faits contenus dans le travail de Semper et nous ver- rons, en exposant le résultat de nos recherches, que s'il ne fut pas 606 EDGARD HÉKOUARD. heureux dans ses interprétations, il eut du moins le mérite d'indi- quer beaucoup de points importants qui avaient échappé à ses prédécesseurs et qui restèrent en partie inconnus à ceux qui sui- virent. Greeff ' et Teuscher 2, qui vinrent ensuite, indiquèrent l'existence d'un canal subnervien à l'exclusion de tout autre et d'une lacune dépendant du système sanguin, située dans la cloison qui sépare ce canal du vaisseau aquifère radial, mais qui, d'après Teuscher, n'exis- terait pas toujours [Doliolum). Suivant celui-ci, le canal subnervien enverrait une branche à chaque tube ambulacraire, mais l'espace libre indiqué par Semper sur la face externe du tronc nerveux n'exis- terait pas, si ce n'est dans le voisinage du collier nerveux où le tronc nerveux radial serait entièrement libre dans un conduit. Il indique, en outre, que la lamelle conjonctive séparant en deux parties le tronc nerveux radial enroule ses fibres autour de ce tronc et que la partie externe de celui-ci est parcourue par des fibres conjonctives qu'il considère comme des organes de protection contre la pression, mais nie toute communication entre ces fibres et les cellules qui recouvrent la face externe du tronc nerveux. Ces cellules (que Sem- per avaient indiquées), présentent plusieurs assises sur deux lignes longitudinales symétriquement placées par rapport au plan radial ; il avoue n'avoir pu juger si ces cellules sont nerveuses ou non. Il in- dique en outre des cellules disséminées dans le tronc nerveux. Pour lui, les nerfs allant aux tubes ambulacraires ne seraient formés que par la portion externe du tronc nerveux, et les nerfs allant à la paroi du corps sortiraient de la face externe de celle-ci. M. Jourdan^j dans ses recherches sur l'histologie des Holothuries donne quelques appréciations sur certains points de l'anatomie de ces animaux. C'est ainsi qu'il indique dans la paroi du corps un ' Greef (R.), Veher den Uau der Echinodi-rmen, m SUzungberichten dfr Gesellsch. s. Deforderung d. Ces. Natunoissensch. su MarOurg, 1871-1872-1S76-1879. 2 Teuscher (RO, loc. cit. ' JouuDAN, loc. ci/. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 607 espace renfermant de nombreux corpuscules de la cavité générale (Jourdan, p. 19, pi. I, fig. 1, /), mais il ne semble pas avoir soupçonné l'existence d'une lacune dans la paroi du vaisseau aquifère. En outre, il n'admet l'existence ni du canal subnervien, ni celle de l'espace extranervien, et n'a pas trouvé la lamelle conjonctive qui sépare le tronc nerveux en deux bandes. Les cellules situées à la périphérie du tronc sont des cellules nerveuses unipolaires (p. 21). 11 entre ensuite dans une description très complète do la constitution histo- logique des filets nerveux de la paroi. Dans plusieurs travaux dont le premier parut la même année que celui de M. Jourdan, Otto Hamann* indique les cellules unipolaires recouvrantle tronc nerveux comme conjonctives jouant là un rôle de soutien. Les cellules situées dans l'intérieur du tronc seraient seules des cellules ganglionnaires et existeraient aussi dans le collier ner- veux. Les deux bandes du tronc radial n'existeraient pas aux deux extrémités de l'ambulacre par suite de la disparition de la lamelle conjonctive qui les sépare. Il indique en outre des filets nerveux longitudinaux dans l'estomac et l'intestin, mais ne sait s'ils sont en rapport avec le collier nerveux. En ce qui concerne la terminaison des nerfs des tubes ambulacraires, il la figure comme étant en rap- port direct avec l'épithélium très élevé du disque terminal. Semon Richard * confirme la plupart des faits précédemment indi- qués ; mais, pour lui, la lamelle conjonctive intranervienne est une cloison formée par des cellules placées jointivement sur une seule couche et non pas formée de fibres conjonctives. Il fait remarquer que les cellules qui recouvrent le tronc radial n'existent pas sur l'an- neau nerveux et est d'avis qu'elles ne sont pas nerveuses. Il parle ensuite de deux lignes de cellules s'étendant sur la face externe du tronc nerveux et paraît s'étonner que cette disposition, qui se recon- naît même par l'observation directe sans qu'il soit nécessaire de faire de coupe, ait échappé aux observateurs jusqu'ici. Nous serions en 1 Hamann (0.), /oc. cit. 3 Semon (R.), loc. cil. G08 EDGARD HÉROUARD. droit de nous étonner nous-même qu'il n'ait pas eu connaissance du travail de Teuscher qui parut quelques années auparavant, précisé- ment dans ce môme Zeilschrift d'Iéna où Semon publia son premier travail et dans lequel cette particularité avait été mentionnée. SYSTÈME NERVEUX ^ — DESCRIPTION. Maintenant que nous connaissons d'une façon générale comment chaque auteur a cru devoir interpréter ses observations, nous allons exposer le résultat de nos propres recherches en rendant à chacun ce qui lui est dû et en nous efforçant de bien montrer que les diver- gences d'opinion qui semblent être si considérables quand on n'a- nalyse que succinctement les travaux qui ont été écrits sur cette question, tombent devant un examen plus attentif et qu'elles ne sont souvent dues qu'à des états spasmodiques différents des sujets sou- mis à l'observation. Toutes les parties du système nerveux situées dans la paroi du corps semblent en effet affecter des rapports différents selon qu'on les examine chez un animal contracté ou chez un animal distendu. Tel canal qui montrera sur les coupes une lumière béante chez les uns, ne présentera, chez les autres, qu'une lumière oblitérée par suite de l'accolement de ses parois; d'où résulte la nécessité absolue, pour se rendre un compte exact de la constitution de ces parties, de les exa- miner dans ces deux états. Ce que je vais dire se rapporte à toutes les Holothuries de l'ordre des Pedata que j 'ai pu observer j mais, pour rendre l'exposé plus clair, je prendrai comme type la Cucumaria Planci, espèce qui se rencontre en abondance sur les côtes de France. Ceux pour qui la question présenterait quelque intérêt, pourront ainsi se procurer facilement les animaux nécessaires pour vérifier les observations qui vont suivre. ' HÉROUARD (E.), Noie sur le système lacunaire et le système nerveux des Holo- thuries, in Combles rendus, 1887, 19 décembre. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 609 Ainsi que le soupçonna Tiedemann, le système nerveux se compose dans son ensemble de cinq troncs ambulacraires réunis à leur extré- mité supérieure par un anneau commissural entourant l'ouverture buccale. Des troncs nerveux ambulacraires partent latéralement des branches, les unes allant aux tubes ambulacraires quand ils existent (Krohn), et les autres se rendant à la périphérie (iMuller, Semper, Teuscher, Jourdan, Hamann). Du collier nerveux péribuccal partent les branches pour les tenta- cules dont l'existence, soupçonnée par Tiedemann et confirmée par MuUer, resta inconnue à Krohn, et des branches allant à la périphérie de l'ouverture buccale et au tube digestif (Semper). Telles sont dans leur ensemble les parties constituantes du système nerveux des Holothuries. Pour étudier ces parties en détail, nous les examinerons d'abord en coupe transversale et nous les considérerons ensuite dans leur ensemble. Si nous faisons passer une coupe perpendiculairement à la direc- tion d'un ambulacre (p. 6H) dans la région moyenne du corps d'un animal contracté, nous trouvons les trois zones indiquées dans l'é- tude que nous avons faite du tégument, à savoir : une zone externe en conjonction (p. 611, x), une zone moyenne ou cellulaire (p. GH, x'), et une zone interne ou musculaire (p. 611, x"). Sur la face externe de cette dernière repose une couche particulière qu'on peut considérer comme appartenant à la zone moyenne et qui se fait remarquer par la grande quantité d'éléments nerveux qui se trou- vent contenus dans sa trame conjonctive et que nous avons appelée pour ce motif la couche nerveuse de la paroi (p. 611). Au niveau du radius, cette couche nerveuse présente une dilata- tion assez considérable déterminée par la présence de loges résul- tant de l'écartement des fibres conjonctives qui en dépendent. Tandis que la couche nerveuse adhère en tous points à la zone muscu laire dans les interradius, elle en est séparée au niveau de cette dilata- tion, et cette espèce de décollement constitue une lacune (p. 611, X), ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T, Vil. 1889. H9 610 EDGAUL) IlEKOUARD. qui semble ainsi creusée dans la paroi qui sépare les loges de la couche nerveuse (a) de la lumière du vaisseau aquifère radial ( Ce n'est pas un canal aquifère étroit {u, fig. 311), qui accompagne les tentacules, c'est une dépendance du canal subnervien, et la lumière de ce canal ne débouche en aucune façon dans la cavité du tenta- cule, mais disparaît simplement par l'accolement du tronc nerveux contre la paroi musculaire du tube tentaculaire, identiquement comme nous l'avons vu à propos du tube ambul^craire ordinaire. En ce qui concerne les nerfs interradiaux, la méthode des coupes > C. Vogt et Yung, loc. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 633 nous donne peu de renseignements. Pour bien se rendre compte de leur disposition, il faut opérer de la façon suivante : après avoir fixé un animal en extension, on prend un morceau plus ou moins étendu de sa paroi, on le plonge dans l'eau pendant vingt-quatre heures, puis on en détache la zone externe ; on traite ensuite par l'hémato- xyline la surface de la zone moyenne mise à nu ; les éléments ner- veux se colorent, et on peut alors les observer au microscope par transparence. Les branches nerveuses qu'on trouve ainsi semblent formées d'un faisceau de cordons accolés l'un à l'autre (pi. XXIX, fig. 14). On y voit des noyaux ovalaires ou sphériques disséminés sur toute son étendue, ayant une grande avidité pour la matière colorante, et entremêlés avec des gouttelettes muqueuses. De place en place, un des cordons qui composent le faisceau s'en écarte, se redresse normalement à la paroi du corps et pénètre dans la zone externe, qu'il traverse pour aller aboutir à l'épithélium de la surface. Sur la préparation, faite ainsi que nous venons de l'indiquer, nous ne voyons que le point de départ de ces cordons; les extrémités en ont été brisées au moment où nous avons soulevé la zone externe pour la détacher du reste de la paroi; aussi, ne trouvons-nous plus, sur le trajet de la branche nerveuse, que les amorces des cordons nerveux qui s'en détachent. Ces cordons sont constitués en tout point comme ceux qui composent la branche elle-même; ce sont eux qui ont été ren- contrés par M. Jourdan, dans la zone externe de la paroi, chez les Holothuria et les Stichopus. On serait porté, comme l'a bien fait remarquer cet auteur, à considérer les gouttelettes muqueuses, qui se rencontrent dans ces éléments nerveux, comme une ébauche de myéhnc; mais l'acide osmique ne les colore pas, et l'élher est sans action sur elles. Les nerfs interradiaux se détachent des bords latéraux du tronc nerveux radial comme les nerfs des tubes ambulacraires ; mais, tandis que ceux-ci sont formés en presque totalité par le ruban nerveux externe, chez eux c'est le ruban interne qui semble parti- 636 EDGARD HÉROUÂHD, ciper pour la plus grande part à leur formation. Ils sont accompa- gnés, suivant toute probabilité, par des dépendances de l'espace extra-nervien, car, si l'on injecte cet espace dans le radius, on recon- naît qu'il envoie dans les interradius une quantité de diverticulum transversaux (pi. XXVIII, fig. 5). Pour déduire les homologies qui existent pour les différentes parties de la paroi du corps, entre les Holothuries et les autres Échi- nodermes, on peut être conduit à des conclusions différentes selon l'importance qu'on donne à la position du système nerveux dans cette paroi. Si nous admettions, en effet, que le plexus nerveux occupe, entre les différentes couches de la paroi du corps, une position homologue chez tous les Échinodermes, nous dirions : L'épaisse couche conjonc- tive, que forme la presque totalité de la zone externe de la paroi chez les Holothuries, est très réduite chez les Oursins. Chez ceux-ci, en effet, la couche nerveuse, représentée par le plexus nervien superficiel, que M. Prouho a décrit d'une façon si parfaite chez le Dorocidaris, est située à la base de l'épithélium de la surface du corps, qui, chez ces animaux, affecte la forme de laquelle dérive la lacune sous-épithélialc, et l'épithélium représente presque à lui seul la zone externe et la zone moyenne de la paroi des Holothuries. La zone moyenne qui appartient, chez les Holothuries, au système lacunaire sanguin, serait remplacée, chez les Oursins, par la lacune sous-épithéliale, dans laquelle, ainsi que nous Ta montré M. Prouho \ abondent les éléments ligures du fluide lacunaire. Le test calcaire des Oursins n'aurait donc rien de commun avec les corpuscules calcaires qui existent chez les Holothuries, dans la zone externe de la paroi; il correspondrait au tissu conjonctif de la zone interne qui, chez celles-ci, s'étend entre la couche nerveuse et les fibres musculaires circulaires et dépend de la zone interne. Nous savons, par de nombreux exemples, que, chez les Holothuries elles-mêmes, » Prouho (II.), loc. cil. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 637 les formations calcaires ne sont pas la propriété exclusive de la zone externe de la paroi; on en trouve aussi, chez certaines espèces, dans la zone interne. L'appareil calcaire périanal des Thyone, viendrait nous donner un semblant de preuve à l'appui de cette opinion. Nous avons vu, en effet, que cet appareil est formé de larges plaques appartenant à la zone interne. Les cinq dents triangulaires, occupant la pointe des V qui le composent, représentent les plaques ocellaires des Oursins ; d'autre part, les lames formant les branches des V représenteraient les deux rangées de plaques des zones interradiales de ces animaux. Si, au contraire, nous admettons que la couche nerveuse de la paroi peut occuper, suivant la classe à laquelle on s'adresse, une position différente par rapport aux autres couches, nous verrons l'homologue de la zone externe de la paroi des Holothuries, dans la couche conjonctive contenant les productions calcaires chez les autres Échinodermes, Mais, tandis que chez ceux-ci la couche ner- veuse est superficielle, chez celles-là elle est située profondément. Cette dernière hypothèse paraît être de beaucoup la plus natu- relle, car nous voyons, dans le système nerveux des Oursins, un terme de passage assez net de celui des Etoiles de mer à celui des Holothuries. Chez les Étoiles, en effet, tandis que le système nerveux est situé dans la lacune sous-épithéliale, chez les Oursins, les éléments ner- veux interradiaux ont seuls conservé cette position ; le tronc nerveux, lui, est situé profondément et semble avoir pénétré dans les tissus par une invagination en gouttière. Les Holothuries ne montrent qu'une exagération de ce que présentent les Oursins; chez elles, tout le système nerveux s'est enfoncé au delà de la zone conjonctive. Cette manière de voir, à laquelle nous nous rangeons, a d'ailleurs l'avantage de laisser subsister l'homologie évidente qui existe entre la lacune périphérique de la paroi du corps des Holothuries avec les cavités schizocœliennes des Astéries. 638 EDGARD IlÉROUARD. TUBE DIGESTIF. Le tube digestif des Holothuries présente quatre divisions bien distinctes qui sont : le pharynx, restomac, l'intestin proprement dit et le cloaque. Ouverture buccale. — Aujourd'hui que nous connaissons clairement le rôle des tentacules, il n'est plus possible de comprendre l'ouvcrLurë buccale comme la comprenait Cuvier. Celui-ci se basant sur ce que, chez l'animal contracté, l'aire tentaculaire rentre complètement à l'intérieur du corps, le bord externe de celle-ci venant, dans ces con- ditions, prendre la place de Forilice supérieur du tube digestif, crut devoir considérer ce bord comme une lèvre externe. 11 fut conduit ainsi à regarder le cercle des tentacules comme une lèvre interne découpée et à voir un épipharynx dans le pourtour de l'ouverture qui occupe le centre de l'aire tentaculaire quand les tentacules sont étendus. Quelque ingénieuse que soit cette façon de faire rentrer dans le cadre général cette région spéciale aux Holothuries, nous ne pou- vous adopter cette manière de voir, car nous savons maintenant que les tentacules sont des tubes ambulacraires adaptés à des fonctions spéciales, et la morphologie comparée nous montre que de tels organes sont toujours placés sur la surface externe du corps. Nous devons donc, pour nous faire une idée exacte de l'ouverture buccale, observer l'animal lorsque les tentacules sont développés, ou, etl d'autres termes, lorsque ces tubes ambulacraires transformés sont venus prendre la place qu'ils doivent occuper, logiquement, à la surface du corps. Dans ces conditions, l'ouverture buccale est nette- ment délimitée au centre du cercle des tentacules. D'ailleurs, la dénomination de lèvre externe, pour indiquer le bord de l'aire ten- taculaire, pouvait paraître admissible pour les Aspidochirotes, où ce bord est relevé et forme une saillie séparant nettement l'aire tenta- culaire du reste de la surface du corps; mais, chez les Dendrochi- rotes, ce bord ne se laisse reconnaître que parce qu'il existe une différence de coloration et d'aspect entre l'aire tentaculaire et le HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 639 reste de la paroi; mais il n'y a là aucune élévation qui sépare nettement ces delix régions, et à laquelle on {jtlisse donner le nom de lèvre. L'ouverture buccale (pi. XXVI, fig. ')• Chez les Aspidochirotes, le mésentère intermédiaire n'offre pas avec l'intestin les mêmes rapports que chez les Dendrochirotes ; au lieu d'aboutir aux génératrices axiales des deux premières branches de l'intestin, il s'étend entre les génératrices externes de ces branches, continuant ainsi directement le mésentère dorsal et le mésentère latéral; de telle sorte que l'intestin semble être non plus inclus dans la lame mésentérique, mais simplement tangent sur le côté droit de la lame formée par la réunion de ces trois parties du mésentère. Disons maintenant quelques mots de la cavité générale et des loges qu'y déterminent les mésentères. Les trois divisions du mésentère, telles que nous venons de les décrire, peuvent être considérées, si l'on fait abstraction des cour- bures, comme trois plans partant de l'axe du corps et divisant la cavité générale en trois tranches d'inégal volume : deux tranches à gauche du plan de symétrie de l'animal et une h droite égalant à peu près à elle seule le volume des deux autres. Des deux Iranches gauches, l'une est dorsale, comprise entre le HOLOTHURIES DFZS COTES DE FUANCE. 649 mésentère dorsal et le mésentère latéral ; l'autre ventrale, située entre le mésentère latéral et le mésentère ventral. La tranche droite est située à droite du mésentère dorsal et du ventral, et occupe donc à peu près à elle seule la moitié droite de la cavité générale. De ces trois tranches, cette dernière seule s'étend d'un bout à l'autre du corps de l'animal. Les deux autres au contraire sont in- terrompues, la dorsale gauche par la courbure inférieure du mésen- tère, et la ventrale parla courbure supérieure. Par suite de la présence du mésentère intermédiaire qui réunit les bords libres du mésentère dorsal et du mésentère latéral, la tranche dorsale gauche est transformée en une sorte de poche séparée du reste de la cavité générale, si ce n'est à la partie supé- rieure ; on trouve là quelque chose de comparable à une arrière-ca- vité des épiploons. Il est facile de mettre cette poche en évidence. Si, après avoir ouvert l'animal suivant notre méthode habituelle et l'ayant placé horizontalement, nousdirigeons une injection d'air sur la face interne de l'interradius dorsal gauche en allant de la bouche vers l'anus, nous voyons cette poche se gonfler en distendant le mésen- tère intermédiaire, qui paraît ainsi avec la plus grande évidence. Ces tranches forment donc, dans la cavité générale, trois loges se distribuant les organes. La loge dorsale gauche contient le faisceau gauche des organes génitaux, et la vésicule de Poli chez les individus qui n'en ont qu'une seule ; la loge ventrale gauche renferme le tronc correspondant de l'organe arborescent, et la loge droite le faisceau droit des culs-de-sac génitaux et la branche droite des organes arbo- rescents. SYSTÈME AMŒBOrnORE '. Le système destiné à distribuer aux différents tissus les élé- ments nécessaires au maintien de leur statu quo vital est encore aujourd'hui imparfaitement connu. Deux opinions sont en pré- 1 Hérouahd (E.), Noie sur le système lacunaire dit sanguin cl le système nerveux des Holothuries, in Comités rendus, 1887, 19 décombre. 650 EDGARD HÉUOUARD. sence depuis les premières recherches qui ont été faites à son sujet, sans que la question ait encore été définitivement tran- chée en faveur de l'une ou de l'autre : l'une admet que ce système communique directement avec le système aquifère, formant ainsi par leur réunion un seul et même système ; l'autre que ces deux systèmes sont entièrement séparés. En outre, la constitution du système amœbophore lui-même a été jusqu'ici incomplètement décrite chez les Holothuries. Pour l'étudier, nous diviserons le sujet en deux parties : dans la première, nous traiterons des dépendances de ce système apparte- nant aux organes internes ; dans la seconde, de celles qui sont con- tenues dans la paroi du corps. Ces divisions correspondront non seulement à des particularités anatomiques, mais encore à des con- sidérations historiques. Nous prendrons comme type d'études un Dendrochirote, la C. Planci, qui présente un système amœbophore peu compUqué, et nous indiquerons aufur età mesure les différences qui existent chez les Aspidochirotes. Première partie. — Les parties du système amœbophore qui dé- pendent des organes internes sont généralement désignées sous le nom de système sanguin viscéral ou intestinal. Ce système se com- pose d'un système de lacunes parmi lesquelles on en distingue deux principales appelées lacunes marginales cjui courent parallèlement l'une à l'autre le long de l'intestin où elles sont placées suivant deux génératrices diamétralement opposées : Tune externe, l'autre interne par rapport à l'axe du corps ; elles occupent donc les bords de con- tact des mésentères et de l'intestin. La lacune marginale externe (pi. XXV, fig. 1, 0 est aussi appelée quelquefois lacune dorsale, quoiqu'elle n'occupe réellement une telle position que sur la première branche de l'intestin. Elle s'étend depuis l'anneau aquifère jusqu'au cloaque et est atténuée vers ses deux extrémités. Si, sur un point de son trajet, on fait une section transversale, on HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. Col voit qu'elle est comprise entre les deux feuillets du mésentère au point où ceux-ci s'écartent pour embrasser l'intestin, et qu'elle est souvent plus saillante sur une des faces de ce mésentère que sur l'autre. Sa lumière ne présente pas de parois propres ; elle est sim- plement formée par la réunion de lacunes qui sont en rapport, d'une part, avec celle de la substance conjonctive de l'intestin par l'intormédiaire des tréma creusés entre les fibres musculaires cir- culaires de celui-ci (pi. XXIX, fig. 3, o), et du côté opposé avec les lacunes du réseau mésentérique, qui sont elles-mêmes en rapport avec celles de la paroi du corps. Les mésentères dorsal, ventral et latéral présentent, en effet, sur toute leur étendue, des lacunes conjonctives au milieu des- quelles se meuvent les Amœbocystes, et en colorant à l'aide du carmin acétique un des filets de leurs mailles, on voit facilement, par transparence, que ces Amœbocystes sont bien contenus dans l'intérieur, et on reconnaît nettement l'épithélium péritonéal qui tapisse la surface (pi. XXV, fig. 2). Le mésentère dorsal seul présente une particularité digne de nous arrêter. Sur le bord inférieur du mésoaire, le canal problé- matique .que nous avons mentionné en parlant de celui-ci est en efifet formé par un écartement plus considérable des deux feuillets du mésentère, et représente un véritable conduit allant déboucher dans la lacune marginale externe de l'intestin, au niveau de l'ex- trémité inférieure de l'estomac, tandis que son autre extrémité s'at- ténue graduellement en s'avançant vers la paroi du corps, mais va, contrairement à ce qu'on pensait, au delà des organes génitaux qui, par conséquent, sont placés sur son trajet et non à son extrémité. Ce conduit est en rapport avec les lacunes conjonctives creusées dans la paroi des culs-de-sac génitaux (pi. XXV, fig. 1, Ig, et pi. XXVIII, fig. 2, Ig). Comme dépendance de la lacune marginale externe, nous devons encore citer un gros tronc anastomotique (pi. XXV, fig. 1, It), à extrémités bifurquées, s'étendant entre la première et la seconde branche de l'intestin. (i52 EDGARD HÉROUARD. La lacune marginale interne (pi. XXV, fig. 1,/'), appelée aussi ventrale par opposition à la précédente, est formée comme elle par l'écartement des deux feuillets du mésentère ; mais pour elle, c'est du mésentère intermédiaire qu'il s'agit. Elle s'étend comme la la- cune externe sur loule la longueur de l'intestin et est en rapport, comme elle, d'une part avec les lacunes conjonctives de la paroi de l'intestin, et d'autre part avec celle du mésentère dont elle dé- pend. Dans l'espèce qui nous occupe, le réseau représentant ce mé- sentère est très réduit et n'est souvent formé que par quelques filets anastomotiques traversant la première anse intestinale (pi. XXA^ fig. 1, //?'). Rappelons que ces lacunes contiennent dans leurs parois des fibres musculaires telles que les a indiquées Hamann ^ A leur extrémité inférieure, les lacunes marginales sont en rap- port avec les lacunes conjonctives de la paroi du cloaque et des organes arborescents (pi. XXIX, fig. 9, 10 et 13); à leur extrémité supérieure, avec celles de la paroi de l'anneau aquifère (pi. XXV, fig. 1, (j). Celles-ci forment, par leur réunion, un cercle accolé à la base de cet anneau. Telles sont les différentes parties dont l'en- semble constitue le système amœbophore viscéral. Chez toutes les Holothuries^ ce système offre les mômes parties constituantes, et les quelques différences qu'on y observe ne modi- fient pas son architecture d'ensemble. Toutes les variations qu'on y rencontre résident en effet, soit dans la simplification, soit dans la complication des anastomoses qui s'étendent en travers de la pre- mière anse intestinale, mais toujours nous retrouvons, aussi bien chez les Synaptes que chez les Aspidochirotes, les deux lacunes mar- ginales de l'intestin ; il est vrai que, parfois, chaque lacune margi- nale, au lieu d'être formée par un seul canal, est formée par un fais- ceau de canaux parallèles réunis l'un fi l'autre par une quantité d'anastomoses transversales ; mais l'ensemble des canaux compo- * Hamann (0.), \oQ. cil. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 6o3 sant chacun de ces faisceaux représente morphologiquement une lacune marginale. Voyons donc en quoi consistent les différences que présentent les anastomoses de la première anse intestinale. Chez les Synaptes, l'anse intestinale n'existe pas, et sa disparition a entraîné avec elle celle de ces anastomoses ; il n'existe pas en un mot de mésentère intermédiaire. Chez les Dendrochirotes auxquels appartient l'espèce que nous avons prise comme type, toutes les différences résident dans le plus ou moins grand nombre d'anastomoses de la lacune marginale interne, ou, en d'autres termes, dans la présence plus ou moins complète du mésentère intermédiaire. Chez les Aspidochirotes, au contraire, nous trouvons une com- plication plus grande. Le mésentère intermédiaire ne dépendant plus, ainsi que nous l'avons vu, de la lacune marginale interne, mais de l'externe, la lacune interne ne présente plus qu'un seul et unique gros tronc anastomotique. Nous trouvons, en un mot, l'in- verse de ce qui existait chez la C. Planci; le gros tronc anastomo- tique que présentait chez celle-ci la lacune marginale, externe dépend ici de la lacune interne ; tandis que le réseau qui s'étendait entre les deux branches de la lacune interne dépend maintenant de la lacune externe. Ici encore ce réseau est formé par des anastomoses s'étendant d'un côté à l'autre de l'anse intestinale ; mais leur volume est plus considérable; elles anastomoses secondaires qui s'étendent entre elles sont en bien plus grand nombre. Le nombre des anas- tomoses principales appartenant à ce réseau est variable suivant les espèces, mais on peut dire d'une façon générale qu'elles sont disposées comme si l'anse de l'intestin, d'abord peu profonde, s'était creusée graduellement, abandonnant de place en place un dédou- blement de ses lacunes marginales qui figurent ainsi sous forme d'anastomoses, comme des zones d'accroissement indiquant les positions successives occupées par l'anse intestinale. Les anastomoses secondaires s'étendant entre la deuxième bran- che de l'intestin et les anastomoses principales de l'anse présen- C54 EDGARD HÉHOUARD, lent dans cette famille une particularité remarquable ; elles offrent chacune, dans le milieu de leur trajet, un rcnllement fusiforme formé par une grande quantité de vaisseaux capillaires résultant de leur subdivision. Occupons-nous maintenant de la deuxième partie du sujet, c'est- à-dire des dépendances du système amœbophore, qui appartiennent à la paroi du corps. Nous en avons déjà rencontré les principales parties constituantes dans l'étude que nous avons faite des téguments et du système ner- \eux, à savoir : la zone moyenne de la paroi, d'une part ; et les lacunes radiales, d'autre part. Comme nous l'avons vu, la zone moyenne est composée d'un tissu conjonctif, dont les fibres forment un réseau très lâche entre les mailles duquel se déplacent les amœbocystes; cette disposition nous indique que cette zone est une dépendance du système amœbo- phore. Nous savons, en effet, qu'elle se relie à la partie viscérale de ce système, à l'extrémité supérieure, par l'intermédiaire des lacunes du tissu conjonctif de la partie externe du bulbe aquopharyngien (pi. XXIX, fig. 2), desquelles dépendent précisément celles qui forment le cercle amœbophore accolé à la base de l'anneau aqui- fère, d'une part avec les lacunes marginales, et d'autre part avec les lacunes de la paroi du pharynx qui font suite à celles des suspen- seurs péripharyngiens, à Textrémité inférieure, par l'intermédiaire des tractus péricloacaux avec les lacunes conjonctives du cloaque (pi. XXIX, fig. 10 et 13). En outre, la lacune périphérique se met en rapport avec la lacune marginale externe, sur toute sa longueur, par l'intermédiaire du mésentère. C'est de la lacune périphérique que partent les amœbocystes, pour se rendre dans la zone externe de la paroi, et pour cela ils paraissent suivre de préférence le trajet des filets nerveux qui s'y rendent ; aussi, rencontre-t-on souvent des amœbocystes accolés aux filets nerveux qu'on a extraits de cette zone ; mais, je le répète, ces amœ- bocystes ne sont pas des éléments des filets nerveux, comme on les HOLOTHURIES DES COTES DE FKANCE. 685 a figurés quelquefois, mais bien des éléments étrangers qui y sont restés adhérents. Les cinq lacunes radiales partent du cercle amœbophore (pi. XXVI, fig. 8, l/i); chacune d'elles (pi. XXVI, fig. 8, a) monte verticalement en se creusant un chemin dans la paroi qui sépare le sinus péripha- ryngien du vaisseau aquifère radial, se recourbe au dehors en même temps que ce vaisseau et se trouve dès lors placée dans la cloison qui sépare le vaisseau aquifère du canal subnervien (pi. XXVII, fig. 2 à 8). En regard de chaque tube ambulacraire, la lacune radiale envoie une branche qui, ainsi que nous l'avons vu à propos du système nerveux, se trouve accolée au côté interne du tronc nerveux et creusée dans la cloison qui sépare celui-ci du vaisseau aquifère, dans une position entièrement comparable à celle qu'occupe la lacune radiale dans le radius. Elle semble, dans le tube ambula- craire, faire saillie dans la lacune sous-épithéliale, occupée par les muscles longitudinaux (pi. XXYIII, fig, 4, a'). Avant d'avoir atteint l'extrémité distale du tube, cette lacune disparaît, et, au niveau de cette disparition, la zone moyenne de la paroi contient une quantité d'amœbocystes granuleux, parsemés de quelques points de pigment jaune, dont la présence pourrait bien avoir quelques rapports avec l'extrémité de la lacune. Chez le Colochirus Lacazii, les tubes ambulacraires du dos contiennent une si grande quantité de ces éléments, que le tégument présente à ce niveau un renfle- ment annulaire très apparent. Les tubes tentaculaires, comme on était en droit de s'y attendre, présentent aussi une branche de la lacune radiale (pi. XXVI, fig. 8, V). Au niveau du canal de communication que le vais- seau aquifère radial envoie vers le tentacule, la lacune radiale fournit une branche qui longe ce canal (pi. XXVI, fig. 4, et pi. XXVII, fig. 3, X', et fig. A, a'), mais qui, plus longue que lui, continue sa course jusqu'à la génératrice médiane de la face du tentacule, tour- née du côté du pharynx. Une fois cette génératrice atteinte, cette G56 EDGARD HÉROUARD/ branche se recourbe à angle droit et remonte verticalement. Elle ne présente pas les mêmes rapports sur tout son trajet; tandis que, dans la partie du tentacule qui est au-dessus du collier nerveux, elle est comprise cutrc le canal subnervien tcntaculaire et la cavité du tentacule, au-dessous de ce collier, elle est située entre le sinus péripharyngicn et cette cavité. Ainsi donc, du cercle amœbophore péripharyngicn partent cinq lacunes radiales qui envoient une branche dans chaque tube ambu- lacraire, y compris les tentacules. Ce système de lacunes présente un contenu qui se montre sur les coupes avec l'aspect d'un coagulum homogène, dans lequel sont inclus, de place en place, des amœbocystes. Nous avons vu quels étaient les caractères [de ce coagulum, nous n'y revien- drons pas. Chez toutes les Holothuries qu'il m'a été permis d'observer, j'ai constaté l'existence des lacunes radiales et de la grande lacune con- jonctive de la paroi du corps. Les lacunes que nous venons de rencontrer aux différents points du corps ne sont pas toutes comparables les unes aux autres; elles se composent de deux espèces de lacunes qui représentent comme une première ébauche de différenciation entre un système sanguin et un système lymphatique. La première espèce, qui comprend les lacunes radiales, les lacunes marginales et le canal génital, est représentée par de véritables lacunes, c'est-à-dire par des espaces entièrement vides, dans lesquels peut être contenu un ffuide nourricier qu'on retrouve sur les coupes à l'état de coagulum, doué d'une structure histologique et de pro- priétés histochimiques particulières. La deuxième espèce, qui comprend toutes les autres, n'est pas, à vrai dire, représentée par de véritables lacunes, car le réseau des fibres conjonctives, dont les mailles forment ces pseudo-lacunes, est entièrement inclus dans une substance fondamentale, anhyste, gélatineuse, et les Amœbocystes, pour circuler dans ces mailles, sont HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 637 obligés de se creuser un chemia dans celte substance fondamentale; le fluide du système ne pénètre pas dans ces lacunes, aussi n'y ren- contre-t-on jamais rien de semblable au coagulum que présentent les autres lacunes. Ici, comme ailleurs, le développement d'un système sanguin a marché parallèlement à la localisation de la surface digestive, en un point inégalement éloigné des différents points du corps. Quand, en effet, chez un animal, la distance à parcourir, pour se rendre en cheminant à travers les tissus, de la surface digestive aux différents points du corps, est sensiblement la même, il n'existe pas de sys- tème sanguin; le système lymphatique pourvoit seul au transport des corpuscules chargés des principes nourriciers ; mais, quand ces différents points sont inégalement éloignés de cette surface, la pré- sence d'un système de canaux devient alors nécessaire pour trans- porter plus rapidement les corpuscules aux tissus les plus éloignés. L'adjonction de cette canalisation au système lymphatique peut être regardée comme une voie de communication stratégique per- mettant de répandre également sur tous les points, à un moment donné, les éléments destinés à réparer les pertes qu'ont eues à subir les tissus dans l'accomplissement de leurs fonctions. Nous voyons donc que, chez les Holothuries, les lacunes conjonc- tives constituent un système parfaitement comparable au Schizo- cœle des autres Échinodermes. Physiologie. — Y a-t-il lieu d'assimiler la lacune marginale interne à une artère, et la lacune externe à une veine? Telle était l'opinion émise par Cuvier et soutenue par Tiedeman et Semper ; je ne suis pas de cet avis. Ces auteurs raisonnent seulement d'après ce que présentent les Holothuria, et ce qui les détermina à concevoir leur théorie de la circulation est la présence des houppes vasculaires fusiformes du niésentère intermédiaire, houppes dans lesquelles l'organe respiratoire serait venu apporter les éléments propres à l'hématose. Partant de là, le sang qui arrivait à ces houppes devait être veineux, et, comme elles dépendaient de la lacune marginale ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2» SÉRIE. — T. VII. 1889. M GS8 ËDGÂRD HÈROUARD. dorsale, ils firent de celle-ci une veine; et comme la lacune ventrale présentait des contractions plus apparentes que la dorsale, ils en lirent une artère. Mais, chez les Dendrochirotes, ces houppes n'exis- tent plus; il n'est cependant pas douteux que le réseau du mésen- tère intermédiaire qui, lui, existe encore, et qui s'enchevêtre avec la branche gauche de l'organe arborescent, joue le même rôle chez les Âspidochirotes et chez les Dendrochirotes, et comme, chez ceux-ci, il dépend, non plus de la lacune marginale dorsale, mais bien de la ventrale, on arriverait, en appliquant ici le même raisonnement que celui qui a conduit ces auteurs h leur conception de la circulation, à considérer la lacune dorsale comme une artère, et la ventrale comme une veine; on aboutirait, en d'autres termes, à être obligé de renverser entièrement le système circulatoire des Aspidochirotes pour expliquer celui des Dendrochirotes. D'ailleurs, le raisonnement qui a servi à ces auteurs pour arriver à ces conclusions s'appuie sur une simple hypothèse, à savoir : que les houppes du mésentère intermédiaire sont des appareils destinés à l'hématose, tandis qu'elles me paraissent bien plutôt jouer là le rôle d'appareil rénal. Je pense, au contraire, que les deux lacunes marginales jouent un rôle à peu près semblable. Les Amœbocystes revenant, comme le pensait Guvier, de la paroi du corps par le mésentère, tombent dans la lacune dorsale et passent de là dans la lacune ventrale, par l'intermédiaire des capillaires intestinaux, et les contractions de ces lacunes tendent à chasser le lluide qu'elles contiennent vers leurs extrémités. Ces contractions ont lieu au niveau de la première cour- bure et se propagent dans les deux sens; aussi, le fluide, trouvant un écoulement plus rapide vers l'extrémité supérieure du corps par suite de la présence des lacunes radiales, le courant qui se dirige vers l'extrémité inférieure revient-il vers l'extrémité supérieure, par l'intermédiaire des branches anastomotiques qui traversent l'anse intestinale. Ces anastomoses ne sont donc, en réalité, que des chemins de MOLOTHUftiES DES COTES t)E FRANCE. 689 traverse dans lesquels passent des courants dérivés du courant principal. En réalité, le fluide contenu dans les lacunes libres du système amœbophore n'est pas soumis à une véritable circulation; renfermé dans un système de cavités qui ne sont pas disposées en circuit, il ne présente qu'un mouvement de va-et-vient irrégulier, sollicité par les contractions des lacunes marginales et par celles des tenta- cules des tubes ambulacraires et de la paroi du corps, qui agissent sur les lacunes marginales et leurs dépendances. Ce qui ressort clairement de l'étude qui précède, c'est que Cuvier, avec sa clairvoyance habituelle, est de tous les auteurs celui dont les idées se rapprochaient le plus de la vérité. On pense d'ordinaire que ce savant illustre admettait, comme Délie Ghiaje\une commu- nication entre le système amœbophore et le système aquifère. Les disciples du célèbre zoologiste français, dans leur ardeur à défendre les idées du maître, ont été entraînés à donner à certaines d'entre elles une signification qu'eût certainement désavouée leur auteur, et ils ont fait de cette opinion, qu'ils croyaient sienne, une question d'école. Voilà ce que dit Cuvier ^ en parlant des vaisseaux de l'intestin chez V Holothuria tubulosa : « La branche supérieure, arrivée à une certaine hauteur, se bi- furque ; puis les deux rameaux se réunissent par le moyen d'un col- lier qui entoure l'œsophage et qui fournit cinq branches, lesquelles suivent la masse charnue de la bouche et se distribuent ensuite dans l'enveloppe générale du corps par cinq artères principales, toutes longitudinales. « J'ai dit plus haut que le sang remonte de cette enveloppe par des veines qui remplissent les mésentères. » Comment les auteurs, en lisant ces phrases, ont-ils pu croire que Cuvier avait confondu le système amœbophore avec le système aqui- 1 Belle Ghia.ie, loc, cit. 2 Cuvier, loc. cil. 660 EDGARD HKROUARD. l'ère ? Ce qui ressort nettement de la description précédente, c'est que Guvier laisse entièrement de côté le système aquifère, et, sans doute, a-t-ou été entraîné à donner à cette description un sens qu'elle n'avait pas, parce que Cuvier, dans son Anatomie comparée, ne parle pas du système aquifcre, soit par oubli, soit, ce qui est plus probable, volontairement, puisqu'il dit, quelques lignes plus haut, qu'il ne renonce pas à perfectionner un jour sa description pardes observations nouvelles. Mais ce qui prouve bien que Guvier n'a pas entendu parler dans tout cela du système aquifère, c'est qu'il ne cite aucune des parties apparentes de ce système, dont certaines, comme les vésicules de Poli par exemple, ne peuvent, par suite de leur volume et de leur position, échapper même à l'examen d'un observateur peu habile, et je ne pense pas que ce soit le cas pour l'homme illustre duquel nous parlons. En résumé, Cuvier a donné sur le système sanguin des Holothu- ries une description exacte et plus complète que toutes celles qui ont été données après lui, car il connaissait non seulement l'exis- tence du cercle amœbophore péripharyngien, mais encore celle des cinq lacunes radiales ; et ses disciples, qui croyaient défendre ses idées en admettant l'unité du système aquifère et du système san- guin, ne faisaient que les combattre en faveur de l'opinion italienne, formulée par Délie Chiaje. Onze ans plus tard, le soi-disant fondateur de l'école allemande, Tiedeman, dans son ouvrage remarquable sur les Echinodermes, ne lit, en ce qui concerne les Holothuries, que contrôler les idées de Guvier sur la constitution du système sanguin en renversant simplement le sens de la circulation, et en n'indiquant que les origines des cinq lacunes radiales. D'ailleurs, dans la question qui nous occupe, peu importe les nationalités ; la vérité est toujours bonne à prendre de quelque pays qu'elle vienne, et, si j'ai insisté un peu longuement pour rendre à Guvier les idées qui ont été les siennes, c'est surtout pour montrer combien on doit se mettre en HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 661 garde contre ces ouvrages bâtards où des disciples, dans le but louable de faire refleurir l'œuvre du maître, intercalent, au milieu des idées de celui-ci, leurs idées personnelles, qui plus tard sont considérées comme ayant été celles du maître. Le système amœbophore et le système aquifère sont, en effet, en- tièrement séparés l'un de l'autre, car de ce que les amœbocystes peuvent passer de l'un dans l'autre par diapédèse, il n'en résulte pas qu'on doive les considérer comme constituant un seul et même système ; sans quoi, d'ailleurs, on serait obligé d'y adjoindre la ca- vité générale qui présente, dans ses rapports avec le système amœ- bophore, le même privilège. Le revêtement de la cavité générale et du système aquifère pré- sente, en effet, une disposition très instructive au point de vue de la physiologie comparée. Il présente de place en place des stomates mettant ces cavités en rapport avec les lacunes du tissu conjonctif sous-jacent. On retrouve là quelque chose de comparable à ce que Recklinghausen indiqua chez les Vertébrés : les représentants, en un mot, des stomates ou bouches absorbantes, que Ranvier décrivit dans ses remarquables leçons sur les lymphatiques. Semper n'avait donc pas tort de considérer la cavité générale comme dépendant de l'appareil aquifère. Ces deu.x organes ont la même origine lar- vaire ; ils se sont séparés pour accomplir des fonctions distinctes pendant la période évolutive, et, une fois cette période franchie, ils se remettent en communication. Tout d'ailleurs porte à croire que, chez la plupart des Échinodermes, la communication du système aquifère avec l'extérieur n'a une existence utile que pendant le dé- veloppement. M. Prouho» (p. 146) ne nous a-t-il pas montré ce fait intéressant que, chez les Spatangues adultes, le canal du sable est interrompu au milieu de son trajet. Outre les auteurs précédemment cités, rappelons que MuUer, Se- lenka, Greeff, Teuscher, Jourdau et Hamann- se sont aussi occupés * Prouho, loc. cit. ' MuLLER (.!.), Selknka, Gkkef, Teuscher, Jouhdan, Hamakn, loc. cit. 662 EDGARD HliROUÂHD. de cette question; mais le cadre que nous nous sommes tracé ne nous permet pas d'analyser chacun de ces travaux en détail. Rappe- lons seulement ce fait qui a son importance au point de vue des homologies : c'est que Muller considérait l'ensemble du canal sub- nervien et do l'espace extranervien comme un vaisï^cau sanguin, au milieu duquel courait le tronc nerveux radial ; celte opinion, qui paraît être aujourd'hui reprise par Teuscher, n'est pas exacte : ces cavités ne font pas suite aux lacunes de l'intestin ; ce sont simple- ment des organes de protection du tronc nerveux. D'ailleurs, Muller lui-même abandonna cette manière de voir ou tout au moins émit des doutes sur elle. Homologies. — Les homologies du système amœbophore des Holo- thuries avec celui des Oursins sont frappantes. Si nrais nous repor- tons à l'étude du Dorocidaris, nous voyons que les lacunes margi- nales (Prouho, pi. XVHl, vi et ve) occupent dans les mésentères une position comparable à ce que nous avons trouvé chez les Holothu- ries; que, là aussi, elles aboutissent à un anneau péripharyngien, d'oi^i partent cinq lacunes radiales occupant dans les ambulacres des positions identiques. Le mésentère, qui, chez le Dorocidaris, descend verticalement le long de l'œsophage, réunissant celui-ci à la glande ovoïde (Prouho, pi. XVHI, fig. 3, mo^ mir), représente le mésentère dorsal des Holo- thuries. La portion mir en est le mésoaire, et ma en est la partie in- férieure ; le réseau sanguin de la glande ovoïde qui, chez d'autres Oursins, forme un canal, est l'homologue du canal problématique ou génital des Holothuries, et le canal du sable occupe dans ce mé- sentère une position parfaitement comparable; mais l'espace ([ui sépare le réseau sanguin et le canal du sable chez le Dorocidaris, et qui là est occupé par la glande ovoïde, n'est plus occupé chez les Holothuries que par le mésentère. Les deux feuillets de ce mésen- tère, qui, chez le Dorocidaris, s'étaient écartés pour loger dans leur intervalle la glande ovoïde, se sont accolés chez les Holothuries par suite de l'absence de cet organe. Cependant on observe dans cette HOLOTHURIES DES COTES DE FRANGE. 663 situation, à la base du canal du sable, un tissu très lacunaire bourré d'amœbocystes, qui pourrait bien représenter une glande ovoïde ru- dimentaire. Si, sans s'inquiéter des noms qu'ont employés les divers auteurs pour désigner les organes, on ne considère que les faits, les homo- logies ne sont pas moins nettes pour les Astéries; mais, si je m'en occupe, cela n'est pas que j'ai le dessein de traiter la question des homologies dans tout le groupe des Échinodermes, mais parce que certaines opinions, soutenues encore actuellement, sont identiques aux idées que MuUer avait émises d'abord pour les Holothuries et qu'il abandonna plus tard. La glande ovoïde et le canal du sable sont, chez les Astéries, ren- fermés dans une enveloppe qui représente le mésoaire des Holothu- ries; c'est la paroi du sac hydrophorique (Perrier) ou du sinus axial (Guénot) ; les lacunes que ce sac présente dans sa paroi cor- respondent en partie au canal génital amœbophore des Holothuries et au réseau sanguin de la glande ovoïde du Dorocidaris. Comme chez ceux-ci, les organes génitaux s'y développent vers l'extrémité inférieure, et, vers l'extrémité supérieure, ces lacunes vont se jeter dans un anneau sanguin oral, ou cercle amœbophore péri-intestinal, duquel partent cinq lacunes radiales. Ces cinq lacunes radiales, que M. Prouho a montrées chez le Do- rocidaris et dont j'ai indiqué la présence chez les Holothuries, n'ont rien de commun avec les sinus radiaux des Astéries ; nous devons chercher les homologues de ces lacunes dans le tissu conjonctif s'é- tendant entre le sinus radial, qui représente ici le canal subnervien des Holothuries, et le vaisseau aquifère radial. Nous trouvons ces lacunes dans les figures mêmes du travail de M.Cuénot (pl.VI, fig. 1, Cuénot), qui a pensé n'avoir affaire là qu'à une déchirure, contrai- rement à ce que Ludwig a montré ; mais les homologies sont telle- ment frappantes avec ce qu'offrent les Oursins et les Holothuries, cette déchirure se présente si fréquemment (Cuénot, pi. IV, fig. 7; pi. VI, fig. 1 et 24) à cette place, que nous avons là, à n'en pas dou- 664 jiDGAHD UliUOUAUD, ter, l'homologue de la lacune radiale des Oursins et des Holothuries. En résumé, le système amœbophore, représenté originairement parla cavité de segmentation de la larve, englobe uniformément le tube digestif et les vésicules vaso-péritonéales et aquifcres. Lorsque, dans la suite du développement, ces vésicules tendent à accoler leurs parois à celles du tube digestif et du corps, le système amœbophore tend à disparaître ; c'est alors que la voie par laquelle les amœbo- cystes doivent se rendre de la région digestive aux régions périphé- riques s'accuse, suivant le chemin le plus direct, en formant les cinq lacunes radiales. ORGANES ARBORESCENTS ET ORGANES DE CUVIER Oryanes arborescents. LSi disposition et la constitution des organes arborescents sont connues depuis les travaux de Semper, Teuscher, Jourdan et Ha- mann '; ce sont des diverticulums du tube digestif, et leurs parois présentent la même succession de couches que celui-ci. Nous n'in- sisterons donc que sur leur épithélium cœlomial et leurs fonctions qui sont incomplètement connus. Ces organes se divisent en deux troncs principaux qui occupent toujours, dans la cavité générale, une position bien déterminée. Le tronc gauche est toujours silué dans la tranche ventrale gauche de cette cavité, et le tronc droit dans la tranche droite. Chaque tronc est suspendu à la paroi par des tractus disposés en files ver- ticales et dont les lacunes centrales dépendent du système amœbo- phore et mettent en communication les lacunes de la paroi du corps avec celles de la paroi de l'organe arborescent. Ces organes sont avant tout un appareil hydrostatique chargé d'équilibrer le vide qui tend à se produire dans la cavité du corps quand l'animal se dilate. Les culs-de-sac terminaux ne présentent * Semi'eu. Tecscuer, JourdaN; IIamann, loc. cil. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 605 pas, comme l'ont prétendu Semper et Hamann, d'orifice à leur ex- trémité, faisant communiquer la cavité générale avec le milieu am- biant. Ce sont de véritables cœcums au sens propre du mot, et ce qui a pu faire croire à l'existence d'un tel orifice, c'est que quand ces organes sont vides, leur paroi se plisse, présente des ondula- tions annulaires, et l'ondulation terminale qui occupe le sommet du caecum offre, en son centre, un léger enfoncement. Mais si l'on injecte cet organe de façon à le distendre, ou ce qui vaut mieux, si, profitant du moment où l'animal est entièrement distendu, on ferme l'anus et qu'on ouvre la cavité générale, les arborisations de l'organe se développent alors dans le liquide ambiant en extension absolue; on constate facilement que ce prétendu orifice a complè- tement disparu ; Cari Vogt et Yung ^ ont donc eu raison de nier son existence. Quand on observe ces organes incomplètement gonflés d'eau, on remarque que la surface des ceecums est ciliée et plus ou moins couverte de villosités renflées eu massues (pi. XXX, fig. 6). Si nous plaçons ce ca3cum dans de leau de mer et que nous l'obser- vions au bout d'une heure environ, nous voyons que l'aspect delà surface a changé entièrement ; les villosités ont disparu et sont remplacées par une membrane boursouflée extrêmement mince, présentant de place en place des îlots de points noirs entourant un noyau (pi. XXX, fig. 2, 3 et 8). Cette membrane est séparée de la couche conjonctive sous-ja- cente par une grande lacune sous-épithéliale au travers de laquelle sont tendus, comme des cordes, des prolongements qui se détachent précisément de cette membrane, et qui la relient au tissu con- jonctif sous-jacent. Aux points d'où ces prolongements partent, la membrane présente un noyau entouré de granulations noires. Nous avons là un remarquable exemple de notre forme épithéliale à prolongements conjonctifs. En raison même des fonctions respira- ' C. Vogt et Yung. loc. cit. 666 EDGARD HÉROUARD. toires qui appartiennent à l'organe arborescent, cet épithélium est ici doué d'un grand pouvoir osmotique. Les villosités qui, tout à l'heure, recouvraient la surface, étaient formées par les prolongements des cellules de cet épithélium contre lesquels la membrane épithéliale, en «'affaissant, était venue s'accoler. Le milieu avec lequel cette membrane était en contact ayant changé, l'endosmose s'est produite, et la membrane s'est soulevée graduellement à mesure que le li- quide pénétrait dans la lacune sous-épithéliale, et est arrivée fina- lement à présenter l'aspect vésiculeux, boursouflé dont nous l'a- vons vue revêtue. Cette membrane qui, ainsi distendue, devient extrêmement trans- parente, laisse voir l'intérieur de la lacune dans laquelle viennent affluer une quantité parfois considérable d'amœbocystes qui s'y meuvent avec une assez grande rapidité. A l'instar des cellules lym- phatiques des vertébrés, les amœbocystes des Échinodermes vont au-devant de l'oxygène, et leurs mouvements s'accélèrent dans un milieu aéré (pL XXX, flg. 2 et 8). Le revêtement péritonéal de la vésicule de Poli présente les mêmes particularités (pi. XXIX, fig. o). Je n'ai pu m'assurer, par suite de sa situation, si l'épilhélium interne des organes arborescents présente les mômes particula- rités que l'externe; cependant l'aspect qu'il présente me le laisse supposer. Les organes arborescents des Holothuries possèdent des fonctions multiples. Outre les fonctions hydrostatiques que nous avons indi- quées, ils servent encore à l'excrétion, à la respiration et probable- ment aussi à raraœbocystogenèse. Si nous sortons brusquement une Holothurie de l'eau où elle vit, nous voyons jaillir par son anus, ainsi que le jet d'une seringue, un filet d'eau ; c'est l'organe arborescent qui, sollicité par la contrac- tion de la paroi du corps, expulse le liquide dont il était rempli. C'est à cette particularité que ces animaux doivent les expressions imagées que les marins des difl'érentes nations emploient pour les désigner. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 667 Si nous recueillons cette eau, ce qu'il est facile défaire en présen- tant un récipient à l'extrémité de la trajectoire du jet qu'elle forme, nous voyons qu'elle contient divers éléments cellulaires, à savoir : des amœbocysles et des cellules du revêtement épithélial de l'or- gane, mais en général ce sont les cellules à granulations brunes qui sont les plus nombreuses. Une coupe à travers la paroi de l'organe arborescent aurait pu nous faire présager ce fait ; sur une telle coupe, en effet, nous voyons, immédiatement au-dessous de l'épi- thélium de la lumière, des amas de cellules à granulations brunes. Ces amas, parfois considérables, distendent la paroi et forcent celle- ci à faire saillie dans la cavité de l'organe. On comprend dès lors que la chute des cellules épithéliales permette à ces masses pigmentaires de tomber dans cette cavité et d'être entraînées par le reflux de l'eau qui pénètre dans l'organe. Ces faits semblent nous montrer que l'organe arborescent possède des fonctions excrétrices et que les cellules à granulations brunes sont des matières de rebut. Garus (p. 121) a trouvé de la guanine dans les organes arbores- cents de VHoloihuria pentactes et de la Cucumaria frondosa ; car, comme la fait remarquer Semper, c'est par erreur que cet auteur a indiqué les organes de Guvier comme présentant cette particu- larité, puisque ceux-ci n'existent pas dans ces deux espèces. La présence de cette substance dans les organes arborescents vient à l'appui des fonctions que j'ai attribuées aux houppes amrebophores du mésentère intermédiaire des Holothuria, houppes qui s'enchevê- trent avec les caecums, appartenant à la branche gauche de l'organe. Ces cœcums jouent ici le rôle de tubes excréteurs, les houppes représentent des pelotons vasculaires comparables aux giomérules de Malpighi, et leur ensemble est constitué comme un appareil d'excrétion. Les fonctions de respiration de ces organes ont été trop souvent décrites, et sont trop évidentes pour qu'il soit nécessaire d'y re- venir en détail. Mentionnons seulement quelques particularités qui s'y rapportent. 668 EDGARD HÉHOUARD. Le mouvement respiratoire est beaucoup plus actif chez le jeune que chez l'adulte. Ainsi une Thyone subvillosa de 40 millimètres de longueur rejette de l'eau par l'anus toutes les soixante-quatorze secondes en moyenne, tandis qu'un individu mesurant seulement 15 millimètres la rejette toutes les trente-sept secondes et demie. On pense souvent que tout l'organe arborescent entre en jeu et se contracte pour chasser rythmiquement par l'anus l'eau qu'il contient; il n'en est rien. L'appareil étant rempli d'eau, les caecums terminaux se contractent et se distendent individuellement et sans ordre, forçant ainsi le liquide à circuler dans leur intérieur; pour chasser l'eau par l'anus, c'est le tronc principal et le cloaque qui entrent seuls enjeu. Le cloaque fonctionne donc comme réservoir destiné à fournir aux cœcums respiratoires le liquide oxygéné néces- saire et est capable d'absorber et de rejeter Teau. On conçoit d'ail- leurs, étant donné le rôle que jouent les organes arborescents dans l'extension du corps, que si les branches se contractaient toutes ensemble, le volume de l'animal subirait une contraction appré- ciable : il n'en est rien. Comme dépendant de la respiration, il faut aussi considérer des étranglements annulaires de la paroi du corps se déplaçant d'une extrémité à l'autre, et qui font évidemment circuler le liquide de la cavité générale autour de l'organe arborescent. Ces contrac- tions doivent aussi jouer un rôle important dans le déplacement des amœbocystes de la lacune périphérique, car si nous nous souvenons que, dans la paroi, la zone interne seule est muscu- laire, et que cette zone est peu adhérente à la zone externe par suite de l'interposition de la lacune périphérique, nous compren- drons que cette contraction annulaire entraîne avec elle une di- latation de cette lacune. Les organes arborescents jouissent probablement aussi de fonc- tions amœbocystogénéliques. Les amœbocystes, par suite du rôle considérable qu'ils jouent dans l'orgaulsalion dos Échinodermes, ont été un objet d'études HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 669 pour la plupart de ceux qui se sont occupés de ces animaux; aussi les opinions les plus contradictoires ont-elles été émises tant sur leurs rapports avec les animaux qui les contiennent que sur leur évolution, et il faut avouer que parmi toutes les opinions émises, il n'en est pas une qui soit assise sur des observations suffi- samment probantes pour ne pas appartenir au domaine des hypo- thèses. Sans nous arrêter aux idées de certains savants qui veulent voir dans ces éléments des parasites et non des productions propres au milieu intérieur do l'animal qui les possède, idées qui me pa- raissent dénuées de fondement étant données la généralité et l'unifor- mité avec lesquelles ces éléments se rencontrent chez les Échinoder- mes, les amœbocystes ont été considérés tantôt comme appartenant au tissu conjonctif, tantôt comme des éléments propres au système sanguin. L'opinion qui prédomine actuellement est celle qui veut voir dans ces éléments des formations comparables aux cellules lymphatiques; c'est assurément à cette dernière opinion que je me range. Quant au lieu de production de ces éléments, on considère comme tel des organes lymphoïdes représentés par la glande ovoïde, quand elle existe et parles vésicules de Poli; mais en ce qui concerne l'é- volution de l'élément lui-môme, on ne connaît pour ainsi dire rien de certain. Le liquide de la cavité générale et celui du système aquifère sont ceux qui ont servi le plus souvent à l'étude de ces éléments. On y rencontre plusieurs formes cellulaires qui sont : Première forme. — Des cellules applaties qui semblent être frois- sées surtout dans le liquide de l'appareil aquifère. Elles sont de couleur jaune pâle ou vert jaunâtre (pi. XXVI, fig. 12), et si on les traite par le carmin acétique, elles se gonflent, prennent une forme globuleuse, et on voit alors à leur intérieur le noyau coloré en rouge et une vacuole claire (pi. XXX, fig. 13); d'autres fois elles contien- nent trois ou quatre grosses granulations. Ces cellules appartien- mo EDGARD HÊROLÎARt). nent àrendothélium de revêtement ; on en trouve pariois plusieurs réunies jointivement indiquant bien leur origine. Deuxième forme. — Des cellules à longs pseudopodes présentant un noyau volumineux arrondi, et qui sont bordées d'une zone claire d'où émanent les pseudopodes. Troisième forme. — Des cellules muriformes à petit noyau et entièrement remplies de sphérules réfringentes et émettant des pseudopodes massifs faisant à peine saillie sur le pourtour de la cellule (pi. XXV, fig. 6). Quatrième forme. — Des cellules à longs pseudopodes et conte- nant des granulations d'un jaune brunâtre plus ou moins foncé, et en quantité plus ou moins grande (pi. XXVI, fig. 9). Traitées par le carmin acétique, elles laissent apparaître un noyau assez volumi- neux (pi. XXVI, fig. 13). Telles sont les formes principales généralement indiquées. Pour les uns, c'est la cellule muriforme qui descend de la cellule granuleuse; pour d'autres c'est la cellule à pigment qui dérive de la cellule muriforme ; pour d'autres enfin ces éléments sont entière- ment difierents l'un de l'autre. Il semble à vrai dire exister des for- mes de passage entre la troisième et la deuxième forme, aussi bien qu'entre la quatrième et la deuxième. * Certains éléments de la deuxième forme, après le traitement par le carmin acétique, laissent voir une ébauche de division de pro- toplasma qui paraît tendre à la formation des sphérules, et le noyau des cellules à longs pseudopodes semble se réduire graduelle- ment. De même on voit ces cellules à longs pseudopodes contenir une quantité plus ou moins grande de granulations pigmentaires et pré- senter ainsi des formes qui se rapprochent de plus en plus des cellules à granulations. Il semblerait donc que les cellules à longs pseudopodes évoluent soit vers la troisième soit vers la quatrième forme. Cette conception cependant n'explique pas les faits sui- vants ; on rencontre parfois, dans la cavité générale, une, deux, jus- HOLOTHURIES tiES COTES DE FRANCE. 6Î1 qu'à trois cellules muriformes renfermées dans une cellule dont elles ont repoussé le protoplasma et le noyau vers un des pôles (pi. XXX, fîg. 10). Il serait difficile de concevoir comment ces cellules muriformes se trouvent à Tinlérieur d'une autre cellule sans admettre qu'elles y aient pris naissance. D'autre part, j'ai observé, dans la paroi de l'organe arborescent, des cellules muriformes abandonnant une de leurs sphérules. Pour cela on voit d'abord les sphérules se rassem- bler et laisser libre un des pôles de la cellule. Bientôt ce pôle adhère au tissu ambiant et l'amœbocyste s'éloignant abandonne une petite masse de protoplasma clair avec une des sphérules qui s'y est insinuée, et l'amcebocyste continue à se mouvoir comme par le passé (pi. XXX, fig. 5). A quoi répond ce phénomène accompli pen- dant la vie de la cellule muriforme? Doit-on voir là l'expulsion d'un élément de rebut ou un acte se rapportant à la genèse de ces éléments ou bien encore un phénomène précédant sa disparition? Il faudrait, pour trancher la question, voir ce que devient et la petite masse protoplasmique abandonnée par l'amœbocyste, et l'amœbo- cysle lui-même. De ces faits isolés, il serait difficile de tirer comme conclusions autre chose que des hypothèses ; je me contenterai donc de relater ces observations. Quoi qu'il en soit, sans rien présumer sur le mode de production, la grande quantité d'amœbocystes de volume très variable qui se rencontrent dans la paroi de l'organe arborescent, la surexcitation de la vitalité de ces éléments dans un milieu oxygéné semble in- diquer qu'on est en présence d'un organe lymphoïde. Organes de Ctwier. Un petit nombre des espèces qui se rencontrent sur les côtes de France présentent des organes de Cuvier. A Roscofî", on trouve assez fréquemment VHolothuria Catanensïs, qui offre un bel exemple de ces organes. 672 EDGARD HÉROUARD. L'organe arborescent présente, chez cette espèce, certaines parti- cularités (pi. XXX, fig. 1). Au lieu d'être composé, comme cela a lieu d'ordinaire, de deux branches à peu près d'égal volume, il pré- sente ici une branche gauche considérablement développée {d'), qui prolonge directement le tronc commun originel, tandis que la branche droite {d) n'offre plus qu'un faible volume et semble n'être plus qu'une dépendance du précédent. Au-dessous de la branche droite, le tronc commun porte six petites branches accessoires {d"). Le tronc gauche {d') présente à sa base, et du côté opposé oîi viennent déboucher ces différentes branches, une dilatation assez considérable; et, si, fendant longitudinalement la paroi de ce tronc, nous mettons à découvert la face interne de cette dilatation, nous voyons qu'elle est percée d'une quantité de petits orifices serrés les uns contre les autres et occupant toute la longueur de la dilatation ; ces orifices sont les origines des tubes de Cuvier. Ceux-ci viennent déboucher individuellement dans la {dilatation par chacun de ces orifices et forment, sur sa face externe, une houppe volumineuse de cœcums cylindriques (o). M. Jourdan ' a donné de ces organes une description histologique assez complète; revenons, cependant, sur la disposition des fibres musculaires transversales, et sur les rapports qu'elles présentent avec l'épithélium en gouttière. Ces muscles sont représentés par un cordon, dont l'épaisseur est formée par deux éléments musculaires accolés. Ce cordon s'étend d'un bout à l'autre du tube, en décrivant une spirale régulière pou- vant s'allonger et se resserrer comme un ressort à boudin (pi. XXX, fig. 4, m'). Les cellules en gouttière, indiquées par M. Jourdan, sont des cellules parallélogrammatiques, sensiblement égales entre elles et à grand axe, dirigé parallèlement à l'axe du tube (pi. XXX, fig. 4). Elles sont accolées l'une à l'autre, de façon à former une spirale qui correspond exactement à celle du muscle spiral lui-même. Dans la * Jourdan, /oc. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 673 planche XXX, figure 4, on voit, par transparence, différentes por- tions du muscle spiral sous le plan des cellules en gouttière qui, ainsi que le montre la figure, sont granuleuses à leurs deux extrémités. Le cordon musculaire spiral semblerait, d'après cette figure, corres- pondre au milieu des iiles transversales des cellules, mais, en réalité, ce sont les lignes de jonction de ces files qui sont en regard du muscle. Quand les muscles longitudinaux se contractent, ces files de cel- lules se plient en leur milieu, de telle sorte qu'un tube de Guvier contracté semble être taraudé comme une vis. Physiologie. — Les tubes de Guvier sont considérés actuellement comme étant des organes de défense. Partisans des causes finales, les auteurs ont attribué à ces organes de telles fonctions, parce qu'ils adhèrent remarquablement aux objets qui les touchent. L'observa- tion des faits contredit cette manière de voir. Les tubes de Guvier sont simplement des organes arborescents transformés, éminem- ment extensibles et contractiles, adaptés à des fonctions glandulaires spéciales. Ge sont, en effet, de véritables tubes creux; et si les auteurs n'ont pas toujours admis l'existence d'une cavité centrale, c'est qu'ayant eu affaire à des tubes contractés, cette cavité était obli- térée. Les orifices de ces tubes, dans la dilatation de Torgane arbo- rescent, présentent un sphincter, et, pour que l'eau ambiante pénètre dans l'intérieur d'un des tubes, il faut que son sphincter s'ouvre. Quand l'eau que contient la dilatation est comprimée par les con- tractions de sa paroi, elle force l'entrée des sphincters et pénètre dans les tubes. Ge fait est facile à observer expérimentalement; il suffit, pour cela, de faire une ligature à l'anus et d'inciser la paroi du corps, pour mettre les organes de Guvier à découvert. On voit ainsi que l'eau qui pénètre dans un tube le dilate graduellement, en partant de la base jusqu'à l'extrémité. Ges tubes se développent sans ordre et, suivant la plus ou moins grande quantité d'eau comprimée dans la dilatation du tronc de l'organe arborescent, un plus ou moins grand nombre d'entre eux se dilate. Quand, un nombre suffisant ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÊN. — 2^ SÉRIE. — ^ T. VU. 18S9. 43 674 EDGARD HÉUUUARD. de tubes s'étaiiL développés, la pression de l'eau contenue dans la dilatation du tronc est équilibrée avec la pression extérieure par suite de ces saignées successives, alors la pénétration de Teau dans les tubes cesse, et ceux des tubes qui ne s'étaient pas complètement développés demeurent tels qu'ils étaient au moment où les pressions se sont trouvées en équilibre : c'est pourquoi on trouve souvent un certain nombre de ces tubes dilatés seulement à leur base. L'intérieur de ces tubes est tapissé par des cellules sphériques, caduques. Les auteurs ne s'expliquent qu'imparfaitement sur la façon dont ces tubes sont expulsés. Cette sortie des tubes, qui est regardée par eux comme un fait normal, n'est, en réalité, que le premier acte de l'expulsion du tube digestif, quand l'animal se trouve placé dans de mauvaises conditions d'existence. Quand la paroi du cloaque com- mence à se déchirer, les tubes de Cuvier, qui sont les organes les plus rapprochés de cette déchirure, s'y engagent et se dilatent dans l'eau ambiante, par un processus analogue à celui que nous avons indiqué expérimentalement. Nous voyons donc que ces organes n'ont rien de commun avec un organe de défense, mais que ce sont simplement des organes glan- dulaires spéciaux. ORGANES GÉNITAUX. Les organes génitaux présentent, dans toute la classe des Holo- thuries, une même situation : leur centre est toujours placé dans le mésentère dorsal, sur la ligne qui sépare le mésoaire de la partie in- férieure de ce mésentère, ligne qui est suivie, ainsi que nous l'avons vu déjà, par la lacune génitale amœbophore. La position qu'occupe le centre génital sur cette ligne diffère suivant le cas. Chez les As- pidochirotes, il est très voisin de l'intestin et parfois même tangent à la lacune marginale externe. Chez les Dendrochirotes, au con- traire, il est placé à peu près à égale distance de l'intestin et de la paroi du corps; quelquefois môme il est plus rapproché de celle-ci. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 675 Un ligament puissant, situé dans le mésentère, suspend ce centre à la paroi du corps. Les culs-de-sac génitaux qui partent do ce centre (pi. XXV, fig. \ , g) forment, chez les Dendrochirotes, deux groupes symétriques, l'un à droite, l'autre à gauche du mésentère dorsal ; ils sont en général tubuiiformes ; on en rencontre cependant de dilatés comme dans le Colochirus Lacazii. Ils sont soit simples soit dichotomisés, et, dans ce cas, les différentes branches semblent articulées l'une sur l'autre. Le conduit génital court entre les deux feuillets du mésoaire (pi. XXVIII, fig. 2, g') ; tantôt il est cylindrique, d'autres fois il pré- sente une dilatation ou les œufs subissent peut-être une sorte d'in- cubation ; il se dirige soit vers l'angle supérieur du mésoaire, comme chez les Dendrochirotes, et débouche alors dans l'aire tenta- culaire entre les deux tentacules dorsaux, soit vers son côté dorsal, et débouche alors sur la face dorsale de l'animal. J'ai eu l'occasion d'observer un jeune Colochirus Lacazii (pi. XXX, fig. 14), qui ne présentait encore qu'un cœcum génital, et dont le conduit génital était incomplètement formé. Sa partie moyenne présentait une solution de continuité, comme si le canal était pro- duit par deux bourgeons cellulaires partis des deux extrémités et se dirigeant l'un vers l'autre ; chez d'autres, il paraissait se déve- lopper sur place sur toute sa longueur; quoi qu'il en soit, le cordon cellulaire écarte, en se développant, les deux feuillets du mésoaire, et les lacunes situées dans les angles d'écartement de celui-ci con- tiennent une grande quantité de cellules à pigment brun, de telle sorte que, par transparence, le conduit génital paraît bordé de deux bandes de points bruns. A son extrémité, le conduit se termine par une papille génitale, très longue chez les Thyone [Thyone fusus, Thyone subvillosa). J'ai observé chez une Thyone fusus que cette papille est parfois bifurquéc à son extrémité. La structure histologique des culs-de-sac génitaux a été indiquée par M. Jourdan chez l'adulte. Chez le Colochirus Lacazii, les caecums ovariens présentent un épithélium péritonéal formé de cellules 676 EDGAKD HÉKOUARD. très élevées dissociées sur toute leur hauteur et réunies seulement par leurs extrémités ; elles contiennent des globules hyalins beau- coup plus petits que ceux qui existent dans les cellules muriformes, et leurs noyaux sont situés environ à l'union de leur quart externe avec leurs trois quarts internes. De place eu place on observe dans cet épithélium des amas gra- nuleux sphériques volumineux contenant un certain nombre de noyaux, amas très comparables à ceux qu'on observe dans la paroi de l'intestin. Au pied des cellules épithéliales se trouvent, comme l'a indiqué M. Jourdan \ des libres musculaires transversales. Je n'ai jamais rencontré les libres longitudinales indiquées par Ha- mann ^. La couche conjonctive qui vient ensuite contient une grande quantité d'amœbocystes venus du canal génital amœbophore avec lequel cette couche est en rapport; elle est recouverte par l'épithé- lium qui revôt la lumière du caecum et duquel naissent les produits génitaux. Chez les Holothuries, le bourgeon donnant naissance aux organes génitaux est formé par un amas de cellules sphériques situé dans le tissu conjonctif du mésentère tangentiellement au canal géni- tal amœbophore; il ne présente pas ici, comme M. Cuénot " l'a mon- tré pour les Astéries, un revêtement épithélial propre, mais est sim- plement noyé dans le tissu conjonctif du mésentère. De ce bourgeon central naissent successivement des bourgeons latéraux qui donnent les caîcums génitaux. Chacun de ces bourgeons, par la prolifération des cellules qui le constituent, repousse le tissu conjonctif qui est devant lui, ainsi que l'endothélium péritonéal mésentérique qui le recouvre, et ceux-ci, pour faire face à cette augmentation d'étendue, prolifèrent simultanément. Bientôt les cellules situées au centre du bourgeon s'écartent, et la cavité du cœcum apparaît. A mesure » JOUUDAN, lOC. cit. » IIamann, loc. cit. ^ Cuénot, loc. cit. HOLOTHURIES DES COTRS DE FRANCE. 677 que le c?ecum augmente de volume, cette cavité s'accentue, et l'an- neau que forme autour d'elle les cellules du bourgeon diminuant de plus en plus d'épaisseur, finit par ne plus être composé que d'une seule rangée de cellules qui forme l'épithélium simple qui tapisse la cavité du caecum adulte. Nous voyons donc encore ici une preuve que le mésentère dorsal des Holothuries est représenté chez les Oursins par le mésentère qui, se détachant de l'œsophage, embrasse la glande ovoïde et le canal du sable, et, chez les Astéries, par la paroi du sac hydropho- rique. A mesure que nous descendons dans l'embranchement des Échi- nodermes, nous assistons aune complication de plus en plus grande des organes génitaux ; mais toujours leur point de départ est situé dans l'épaisseur d'un mésentère correspondant au mésentère dorsal des Holothuries. Tandis que, chez celles-ci, le bourgeon primitif situé sur le trajet du canal génital amœbophorc émet à droite et à gau- che du mésentère dorsal les culs-de-sac génitaux et cesse dès lors de cheminer plus avant vers la paroi du corps, chez les Astéries, au contraire, ainsi que l'a montré M. Cuénot, le bourgeon génital primitif continue sa marche pour former le pentagone génital, en donnant naissance, sur son trajet, aux glandes génitales par une prolifération latérale. ÉNUMÉRATION DES ESPÈCES. Dans le tableau suivant, j'indique les espèces que j'ai rencontrées à Banyuls et à Roscoff : A Banyuls. A Roscoff. Holothuria tremula, Gunn IIoloLliuria impatiens, Forsk Holothuria Poli, D. Ch Ilololliuria catanonsis, Gnib.. . . Holothuria tubuloaa, Gm. Slichopus regalis, Ciiv. Colochirus Laoazii, ii. sp. 678 EDGARD HEUOUARD. A Banyuls. A Roacoff. Cucumaria brunnea, Forbes (ocnus). . Cucumaria brunnea, Forbes (ocnus). . Cucumaria lactea, Forbes Cucumaria Kirchsbergii, IIcliiT Cucumaria Plarici, Brdt Cucumaria tergeslina, Sars Cucumaria pentactes L. (elongata Diib et Kor.). Semperia 13rummondii (Holothuria), Thomson. Semperia Barroisii (?) Lpt Thyone fusiis, JMuU Thyone subvillosa, n. sp Thyone auranliaca, Cost Thyone roscovita, n. sp Synapta inhœrenSj Mull Synapta digitala, Mont Nous voyons qu'une espèce est commune aux deux stations. Quelques indications complémentaires ne seront pas inutiles pour certaines des espèces indiquées dans le tableau ci-dessus. Holothuria calanemi's Grube. — Cette grande Holothurie qu'on rencontre à Roscoff répond nettement à la description de Grube. L'organisation interne présente les particularités suivantes. Les muscles longitudinaux sont plats^ lamelleux, peu puissants, larges de 8 à 9 millimètres. Le système aquifère présente une seule vési- cule de Poli de 35 millimètres de long au niveau de l'interambulacre ventral gauche; le cul-de-sac tentaculaire, situé à droite du mésentère dorsal, présente une extrémité bifurquce. Les organes arborescents présentent un tronc gauche très volumineux; le tronc droit semble n'être qu'une dépendance du précédent par suite de son volume beaucoup moins considérable (pi. XXX, fig. 1); leur tronc commun est rattaché à la paroi du corps par deux séries longitudinales de tractus puissants qui vont s'insérer de chaque côté du muscle lon- gitudinal ventral droit. Entre ces deux séries de tractus, il existe six petites branches accessoires dépendant du tronc commun de l'organe arborescent et qui semblent être destinées à suppléer à l'insuffisance du tronc droit au-dessous duquel elles sont placées. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 079 Le tronc gauche présente à sa base une dilatation assez volumineuse développée aux dépens do la paroi située du côté opposé au tronc droit. C'est sur la convexité de cette ampoule que viennent s'insérer les tubes de Cuvier qui forment là un groupe ramassé de csecums tu^ buliformes, atténués à leurs extrémités, de couleur blanche opaque, et qui ne deviennent translucides que si l'eau de mer pénètre à leur intérieur. Le système sanguin présente dans le mésentère intermédiaire une riche vascularisation, et les houppes y sont très développées. Le gros vaisseau anastomotique transverse dépend du vaisseau ventral et n'est pas bifurqué à ses extrémités comme chez VHolothuria tubulosa. Tout le système vasculaire est couleur chair. Dans l'exemplaire femelle que j'ai observé, les organes génitaux for- maient un seul groupe situé à gauche du mésentère dorsal, à 12 mil- limètres du bord inférieur de l'anneau aquifère. A ce niveau, le vaisseau dorsal de l'intestin s'écarte et vient passer au centre génital qui semble ainsi être fixé sur lui ; aussi le vaisseau génital est-il très réduit. Les caecums génitaux sont de couleur jaune orangé intense ; ils se dichotomisent en trois ou quatre branches et atteignent 120 millimètres de longueur. Le conduit génital est court ; il forme une ampoule très dilatée comprimée dans l'épais- seur du mésoaire et va déboucher sur la face dorsale. Cette espèce, surtout spéciale à la Méditerranée, n'avait jamais été trouvée dans des régions aussi septentrionales. Colochirus Lacazii, n. sp. (pi. XXXI, A). — J'ai décrit précédem- ment cette intéressante espèce que j'ai dédiée à mon vénéré maître M. H. de Lacaze-Duthiers. Cette espèce est d'autant plus intéressante, qu'elle représente un type de passage très net entre les Colochirus et les Cucumaria. Elle se rattache au premier par la différence très marquée qui existe entre la face dorsale et la face ventrale; les tubes ambulacraires sont nombreux dans les ambulacres ventraux, tandis que les tubes papilliformes du dos sont très espacés l'un de l'autre, et, quand ils rentrent, ils laissent, à la surface des tégu- ments, une élévation verruqueuse. On constate cependant sur les 680 EDGARD HÉllOUAHD. animaux vivants que ces tubes papilliformes possèdent encore une ventouse, mais très réduite. De toutes les Holothuries que j'ai ren- contrées, c'est la seule qui possèdent des culs-de-sac génitaux en forme de poires comprimées, et ce caractère, qui, ainsi que la forme des corpuscules calcaires, la rapproche des espèces de Chine et du Chili décrites par Ludwig • sous les noms de Cucuman'a exigua et Chilensis, pourrait à lui seul servir à la difïerencier des autres es- pèces qui existent sur les côtes de France. J'ai eu l'occasion d'obser- ver, à RoscofT, déjeunes individus de cette espèce, et les remarques quej'ai pu faire sur les corpuscules calcaires m'engagent à revenir sur ces éléments. J'ai pu, grâce aux exemplaires de divers âges quej'ai rencontrés, acquérir la certitude de ce fait intéressant que, chez le jeune, les corpuscules calcaires peuvent être non seulement diffé- rents, mais encore plus compliqués que chez l'adulte et être ré- sorbés pendant l'accroissement de l'animal. Chez les individus très jeunes, nous trouvons, en effet, deux couches de corpuscules pré- sentant une différence très nette : une couche profonde composée de lames volumineuses, figures 4 et 13, celles représentées par la figure A formées du corpuscule calcaire fondamental et d'un plus ou moins grand nombre de mailles des verticales V et V du ré- seau théorique étant de beaucoup les plus abondantes; et une cou- che de corpuscules superficiels hémisphériques, figures 8 et 18, pré- sentant des mailles de premier, de deuxième et même de troisième ordre toutes incomplètement fermées; certains d'entre eux, comme le montre la figure 8, présentent des branches terminales con- tournées dans tous les sens qui donnent à ces formations l'aspect, peu habituel pour les corpuscules calcaires des Holoturies, d'une tête de Méduse. Si, maintenant, nous prenons un exemplaire un peu plus âgé, nous voyons apparaître, entre ces deux couches et immédiatement au-dessus de la couche profonde, de nouvelles for- mations calcaires, et, à mesure que nous nous adressons à des indi- * Ludwig (IL), Beitrage sur Kenntniss der IJoloIhurien, in : Arbeiten aus dem zoo- log. sootom. Institut in Wùrzburg, 1874. HOLOTHURIES DES COTES DE FllANCE. G81 vidus de plus en plus âgés, nous voyons ces nouveaux corpuscules se former de plus en plus près de la surface de la paroi du corps, et en outre devenir de plus en plus petits, figures 12, o, 17 et 15, et simultanément nous assistons à la résorption graduelle des corpus- cules superficiels, si bien que quand l'animal est complètement développé, ceux-ci ont complètement disparu de la paroi du corps. Nous voyons donc que le jeune et l'adulte présentent, au point de vue des formations calcaires, des différences si marquées, que, si nous n'avions pas eu pour nous éclairer des individus d'âges intermédiaires, nous aurions été tentés de les considérer comme deux espèces différentes. Cucumaria (lactea?) Fortes (pi. XXXI, E). — L'espèce de laquelle nous allons nous occuper doit représenter ÏOcnus lacteus de Forbes*. La description donnée par cet auteur est insuffisante pour en acquérir la certitude; mais étant donnée sa présence en un lieu voisin de celui où Forbes rencontra cette espèce, il est probable que c'est elle que cet auteur a eu entre les mains. Cette petite Holothurie, observée à l'état vivant, paraît engourdie, raide. La moitié inférieure du corps présente des mouvements tout particuliers; tantôt elle se tortille et donne à l'animaU'aspect d'une serpule ; d'autres fois elle se tord sur son axe. La paroi est blanche et translucide chez le jeune, blanche rosée et opaque chez les indi- vidus âgés, et, chez ceux-ci, les tentacules sont courts et de couleur jaune orange. Les tubes ambulacraires sont peu développés, bien moins nombreux dans les ambulacres du dos que dans ceux du ventre. Les grands individus peuvent atteindre 23 millimètres de longueur. Le tégument est rude au toucher par suite de l'abondance des corpuscules calcaires. Comme chez le Colochirus Lacazii, le jeune présente deux couches formées de corpuscules de formes très diffé- rentes : une couche profonde, représentée par de grandes lames ' Forbes (Edw.), A Hislory of British Starfishcs and oiher animais of Ihe clas Echinodermata, London, 18 H. 682 Fnr.ARD HÉROUARD. calcaires (fig. 1 et 3) ayant de grandes analogies avec celles de ce Colochirus ; mais, tandis que, chez celui-ci, ce sont les plaques formées par les mailles du corpuscule fondamental et des verti- cales du réseau qui dominent, chez la Cucumaria lactea, ce sont celles composées des mailles du corpuscule fondamental et des diagonales qui sont les plus nombreuses; et une couche superficielle formée de corpuscules trapus (fig. 8), en corbeille présentant des mailles de premier, deuxième, troisième et quatrième ordre, toutes incomplètement fermées ; les branches qui forment ces mailles incomplètes sont courtes et ramassées. Ici encore, à mesure que l'animal grandit, nous voyons entre ces deux couches apparaître de nouvelles formations calcaires (fig. 5, 4, 2 et 7) qui se rapprochent de plus en plus de la surface, et qui deviennent de plus en plus petites, mais nous n assistons plus, comme chez le Colochirus Lacazii, à une résorption des corpuscules superficiels; ceux-ci subsistent chez l'adulte tels qu'ils étaient chez le jeune. Les corpuscules inter- médiaires sont assez semblables comme forme à ceux du Colochirus Lacazii, mais sont plus noueux. Couronne calcaire (fig. 6) présentant des fleurons radiaux nota- blement plus élevés que les interradiaux et à sommet profondément échanchré; les trois fleurons médians ventraux sont soudés. Muscles rétracteurs courts, s'insérant à l'union du quart supérieur avec les trois quarts inférieurs des muscles longitudinaux. Système aquifère ?i contenu orangé ; deux vésicules de Poli ventrales, un canal du sable peu sinueux. Estomac de petite taille, intestin transparent. Organes génitaux à csecums non ramifiés, tubuliformes. Cucumaria brunnea, Forbes [Ocnus] (pi. XXXI, B). — On était en droit, étant donnée la situation géographique de Roscoff, de s'at- tendre à trouver dans cette localité une faune présentant une cer- taine analogie avec celle de la mer d'Irlande d'où Forbes ' a tiré plu- sieurs des espèces d'Holothuries qu'il a décrites ; c'est en cfi'et ce qui 1 Forbes, loc. cit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. C83 arrive : VOcmis brunneus, découvert par Forbes, se rencontre en très grande abondance sur les côtes de Bretagne. Il vit là en compagnie de l'espèce précédente, sur les bancs de coquillages, où il est facile de s'en procurer à l'aide de la drague. C'est, contrairement à ce qu'on pensait, une espèce différente de VOcnm lacieus ; d'ailleurs, faisons remarquer qu'en admettant que ces deux espèces soient les mêmes, c'est VOcnus brunneus qui devrait avoir la priorité. Les exemplaires que j'ai trouvés à lloscoff répondent en tous points à la description de VOcnus brunneus donnée par Forbes; même aspect extérieur, même habitat, même grandeur. Les corpuscules calcaires ont une disposition analogue à celle indi- quée pour les deux espèces précédentes ; la couche profonde est encore représentée par des lames volumineuses (fig. \ et 5), mais, tandis que, chez celles-ci, ces lames étaient allongées, soit dans le sens des verticales du réseau, soit dans le sens des diagonales, elles sont ici plus larges, plus régulièrement développées. Les corpus- cules superficiels (fig. 3) rappellent assez la forme de ceux de la Cucumaria lactea; mais les mailles de premier ordre y sont fermées pour la plupart. Entre ces deux formes extrêmes, nous trouvons des corpuscules (fig. 2) présentant des nœuds très accusés et de plus en plus petits à mesure qu'on se rapproche de la péri- phérie. La couronne calcaire présente des fleurons radiaux étranglés en leur milieu et à base profondément échancrée, tandis que les fleurons interradiaux sont moins élevés, non étranglés et à base peu échancrée. J'ai trouvé cette espèce non seulement à Roscoff, mais aussi à Banyuls, au milieu des algues calcaires où elle vit en troupes nom- breuses à une quinzaine de mètres de profondeur. Semperia Drummondii [Holothuria). Thompson (pi. XXXI, D). — Dans les fentes de rochers qui avoisinent Roscofi^, on trouve encore une espèce intéressante, ne serait-ce que par les difficultés qu'elle a présentées à ceux qui ont voulu lui assigner une place dans la clas- 684 EDGARD HÉROUARD. sification. Son histoire est vraiment propre à faire comprendre combien il est nécessaire d'une observation minutieuse pour assigner d'une façon exacte non seulement l'espèce, mais encore le genre auquel se rapportent certaines Holothuries. Nous voyons, en effet, cette espèce décrite par Pourtales, sous le nom de Colochirus gemmata, être renvoyée par Yerril dans le genre Thyonella, placée par Sélenka parmi les Tfn/onidium, mise par Sempcr dans le genre Thyone, et finalement, Lampert en faire une Sempcria. Nous allons voir, en outre, que l'espèce trouvée à Concarneau et décrite par M. Barrois sous le nom de Cucumaria Lefevrii doit aussi prendre place dans cette énumération. Les exemplaires qu'on rencontre ù, Roscoff sont le plus souvent bruns clairs, présentant, surtout vers l'extrémité supérieure, des maculations noirâtres confuses, sans contours limités. Les tentacules et l'aire tentaculaire sont de couleur noire intense chez les adultes. Les tubes ambulacraires se présentent très nettement sur deux rangées dans les cinq ambulacres. Dans lesinterambulacres, la peau est rugueuse et ne semble pas au premier abord présenter de tubes interambulacraires chez les animaux contractés; mais, si on regarde avec beaucoup d'attention, on aperçoit çà et là de petits disques à ileur de peau qui sont plus pâles que la couleur de la paroi, et souvent rendus plus nets par un cercle noir qui les entoure. Si l'animal étend ses tubes ambulacraires, on voit surgir, à la place de ces disques, de petits tubes beaucoup moins volumineux que ceux des radius. Il est d'ailleurs facile, chez l'animal contracté, de les mettre en évidence ; il suffit pour cela de fendre la zone externe de la paroi, et de décortiquer l'animal comme nous l'avons indiqué précédemment ; on voit ainsi sur la face interne de celle zone une foule de petits pertuis (fig. 10) qui représentent les matrices des tubes interambulacraires, et, à la surlace de la zone interne, on voit sclever ceux-ci débarrassés de leur paroi résistante. Une injection du système aquifère montre aussi avec la plus grande netteté la présence des tubes interambulacraires internes, faisant HOLOTHURIES DES COTES DE FRANGE. G8o saillie dans la cavité générale. L'existence des tubes in terambula- craires n'est donc pas douteuse. L'identité de cette espèce avec celle de Concarneau, décrite par M. Barrois ^ sous le nom de Cucumaria Lefevrii, est incontestable; j'ai vu des exemplaires vivants dans cette localité identiques à ceux de RoscofI", et les spicules figurés par cet auteur sont absolument les mêmes (flg. 2, 3, 4, 6 et 7). L'existence des tubes interambula- craires, qui avait échappé au descripteur, probablement parce qu'il avait eu allaire à des exemplaires trop jeunes, ne laisse aucun doute sur la place qu'on doit assigner à cette espèce : c'est une Semperia, et avec toute évidence, la Semperia [Colochirus) gemmata Pourtales. La couronne calcaire seule semble différer quelque peu parfois de la figure qu'en a donnée Sélenka; mais j'ai vérifié sur de nombreux exemplaires que la configuration de celle-ci est très variable sui- vant les individus auxquels on s'adresse, comme on peut s'en assu- rer par les figures 1, 5, 8 et U. Les trois espèces indiquées par Forbes sous les noms de Cucu- maria communis, de Cucumaria Druynmondii et de Thyone Portlockii ont été réunies avec raison par Theel ' sous le nom de Thyonidium Drumynondii ; mais il y a plus, les descriptions et les figures données par Forbes se rapportent entièrement à des exemplaires de diffé- rents âges et plus ou moins contractés de Cucumaria Lefevrii Barrois^ de Roscoff. Nous aurons donc, en résumé, la synonymie suivante : Semperia Drummondii {fJoloihuria), Thompson, 1840. Cucumaria Communis^ Forbes, 1841. Cucumaria Drummondii, Forbes, 1841. Thyone Portlockii, Forbes, 1841. Colochirus gemmata, Pourtales, 1851. Thyonidium gemmatum. Sélenka, 1867. 1 Barrois (Th. )> Catalogue des Crustacés podophthalmaires et des Échinodermes recueillis à Concarneau durant les rrtois d'août et septembre, 1880. Lille, 1882. * Theel in « Challenger », Report on the Holothurioidea dredged, by H. M. S.; Challenger during theyears, 1873-1876, part. II, p. t-290, pi. I-XVI. 686 EDGARD HÉROUAKD. l'hyone gemmai a ^ Semper, 1867. Thyonella getnmata, Verril, 1872. Cucumaria Lefevrii^ Barrois, 1882. Semperia gemmala, Lampert, 1885. Thyonidium Drummomlii, Theel, 1885. Il existe à Roscoff deux espèces de Thyonc qui ne représentent, avec une certitude suffisante, aucune des espèces décrites. L'une habite la grève où on la rencontre à mer basse ; nous l'appellerons la Thyone Itoscovita; l'autre qui habite à des profondeurs plus con- sidérables, que nous désignerons sous le nom de Thyone subvillosa, pour rappeler qu'elle est voisine de la Thyone villosa, trouvée par Semper à Cebu. Thyone Roscovita, n. sp. (pi. XXXII, fig, 6, 15 et 16). — Elle mesure de 70 à 80 centimètres du bord de l'aire tentaculaire à l'anus quand elle est étendue. Forme droite, cylindrique, atténuée vers ses extrémités. Tégument gris rosé piqueté de brun. Tentacules gris, piquetés de brun, grands et touffus, les deux ventraux plus petits que les autres. Aire tentaculaire rosée, piquetée de noir; ce piqueté plus dense y forme une ligne dans l'axe de chaque interradius. Tubes ambulacraires nombreux répandus sur tout le corps et de couleur jaune pâle. Les corpuscules calcaires n'existent ni dans la paroi du corps^, ni dans celle des tentacules, ni dans celle des tubes ambulacraires, excepté dans les dix tubes ambulacraires terminaux qui bordent l'anus (fig. 15, a, 0 et c). Tous les tubes ambulacraires présentent dans leurs ventouses un disque calcaire bien développé (fig. 6). L'anus présente cinq dents radiales triangulaires, à côtes échan- crées s'appuyant par leurs angles inférieurs sur des plaques inter- radiales imbriquées, périanales. Couronne calcaire (fig. 16) composée de fleurons allongés, étroits, taillés brièvement en pointe à l'extrémité supérieure. Intérieure- ment, les fleurons radiaux sont prolongés en fourche; muscles HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 687 longitudinaux puissants ; ils donnent insertion aux rétracteurs un peu au-dessus de leur milieu. Une vésicule de Poli à gauche du mésentère, longue de 22 à 23 millimètres, contenant un coagulum orangé. Canal du sable grêle, droit, dressé verticalement. L'intestin présente un estomac court dont la moitié inférieure est mouchetée de pigments bruns; l'intestin proprement dit est très long et de cou- leur jaune. Les organes génitaux sont formés de deux files de caecums symétriques par rapport au mésentère et insérés le long du canal excréteur sur une étendue de 30 millimètres. Thyone submllosa, n. sp. (pi. XXXII, flg. % 3, 4, 5, 7, 9 et 10). — Elle peut atteindre 40 millimètres de longueur. Elle présente à l'état vivant des particularités surtout bien apparentes chez le jeune. L'animal étant fixé par la face ventrale, le corps est affaissé et étalé sur le plan qui le supporte, et la bouche et l'anus prennent une position dorsale. Quand l'animal met en jeu son organe arborescent, la région périanale s'allonge verticalement en un long tube. Tégu- ment de couleur grise présentant parfois une ligne brune au milieu des interradius. Tubes ambulacraires répandus sur toute la surface du corps ainsi que les corpuscules calcaires. Les corpuscules qui appartiennent au jeune sont beaucoup plus compliqués que ceux qui apparaissent dans la suite du développe- ment. Chez le jeune, en effet, nous trouvons des lames (fig. 5) pré- sentant des mailles de cinquième et de sixième ordre; tous 1-es corpuscules qui naissent plus tard ne sont plus représentés que par le corpuscule fondamental (fig. 2, a, b, d et e) auquel s'ajoute par- fois une maille de deuxième ordre (D : 2). Tous ces corpuscules, aussi bien ceux du jeune que ceux de l'adulte, présentent sur leur face externe un pilier sur le nœud (V : 1 : 1 : 1), et le nœud V: i : 1 : 1 .*). ces deux piliers convergent l'un vers l'autre et se soudent à leur extrémité, formant ainsi une apophyse en forme de V, et terminée par quatre pointes telles qu'on en rencontre communé- ment chez les Thyone. Les tubes ambulacraires présentent des arcs de soutien semblables à ceux de la Thyone fusus, et on trouve dans 688 EDGARD HÉROUARD. les tentacules des corpuscules frisés (fig. 10). Couronne calcaire (fig. 4 et 7) formée de fleurons rectangulaires, taillés en pointe brève à leur extrémité supérieure. Les fleurons radiaux présentent infé- rieuremcnt une fourche aussi longue à elle seule que le reste du fleuron. Dents anales (fig. 9). L'atrophie des trois fleurons ventraux est ù peine sensible. Muscles rétracteurs grêles, s'altachant aux muscles longitudinaux à l'union de leur tiers supérieur avec leurs deux tiers inférieurs. Une vésicule de Poli à gauche du mésentère dorsal. Un canal du sable redressé verticalement. Estomac plus étroit que l'intestin qui le suit. Organes génitaux formés de csecums blancs, cylindriques, non ramifiés, contenant dans leur parois des corpuscules calcaires bien développés à mailles (H : J) et (H' : 1) très grandes comparativement aux mailles (V : 1) et (V : d). Thyone Aurantiaca. Costa (pi. XXXIl, fig. 1, 11, 12, 13 et 14). — J'ai eu l'occasion d'observer à Banyuls cette espèce vivante. Quand elle est dilatée, sa paroi est translucide, presque transparente, de couleur rouge en lumière réfléchie ; quand elle se contracte, cette couleur vire vers le jaune. Aux extrémités du corps, les tubes am- bulacraires sont d'autant plus longs qu'ils sont plus rapprochés des extrémités des radius. Dix tentacules dont deux ventraux plus petits. L'extrémité postérieure du corps présente seule des corpus- cules calcaires. Ce sont pour la plupart, comme Hubert Ludwig ' l'a indiqué, des corpuscules réguliers présentant quatre mailles de premier ordre, grandes, et quatre mailles de second ordre, petites; des colonnes aux nœuds (V : 1 : 1 : 1) et (V : 1 : 1 : 1), trapues et confluentes, et portant à leur extrémité les quatre pointes nor- males. On trouve, en outre, des lames formées seulement par le corpuscule fondamental (pi. XXXII, fig. H, /) et d'autres plus com- pliquées (pi. XXXII, fig. i\,bGirj).On trouve ces dernières en abon- dance d'autant plus grande qu'on se rapproche de l'anus, et l'apo- physe qu'elles présentent se complique simultanément. Outre les 1 Ludwig (II.), Ueher einige seltenere Echinodermen des MUelmeeres, in MiUheil. Neapel, 1880. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 689 nœuds (1 : 1 : 1), les nœuds (l ; 1 :2)et(! :2 : 3) finissent par por- ter des colonnes et les tiges transversales qui réunissent les extré- mités de celles-ci forment un corpuscule fondamental symétrique à celui de la lame basilaire sur laquelle il est soutenu par ces co- lonnes (pi. XXXII, fig. 11, b, g). Les tubes ambulacraires sont tous pourvus de disque calcaire. Celui-ci présente, sur un cercle à peu près également distant du bord et du centre du disque, des mailles plus grandes que les au- tres ; les parois des tubes sont dépourvues d'arcs de soutien, excepté pour les dix tubes périanals qui terminent les radius (pi. XXXII, fig. 11, c, d et e). L'anus présente cinq dents radiales épaisses, anfractueuses, héris- sées d'épines sur toute leur surface. Ces dents sont séparées, dans chaque interradius par une série de plaques se recouvrant l'une l'au- tre. Couronne calcaire, normale, présentant une soudure des dents ventrales peu accusée. Une vésicule de Poli au niveau du radius ventral médian. Les rétracteurs s'insèrent au milieu des muscles longitudinaux pour les deux radius dorsaux; pour les ventraux, ils s'unissent un peu au-dessus. A 5 millimètres environ au-dessous de l'insertion de chaque muscle rétracteur s'élève un petit cœcum au milieu du muscle longitudinal (pi. XXXII, fig. U). Les organes arborescents présentent deux troncs fixés l'un dans l'interradius dorsal gauche, dans l'angle du muscle ventral, l'autre dans l'in- terradius dorsal droit, dans l'angle du muscle dorsal. J'ai trouvé cette espèce deux années de suite dans les premiers jours du mois de mars. Thyone fusus, 0. F. MuUer. — En examinant les Thyone vivantes, il est facile de se persuader que la dissémination uniforme des tubes ambulacraires sur toute la paroi du corps n'est en réalité qu'apparente. Si cette paroi est bien étendue, on remarque, en effet, que les tubes sont disposés, dans les radius, en deux rangées paral- lèles, comme chez les Cucumaria, et, dans les interambulacres, en deux bandes composées chacune de deux rangées parallèles. C'est ARCU. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 2» SÉRIE. — T. VII. 1889. 44 690 EDGARD IIÉROUARD. cette particularité qui a été indiquée par M. Barrois dans l'espèce qu'il a déterminée Thyonidium pellucidum^ et à laquelle Lampert*, dans son ouvrage sur les Holothuries, a donné le nom de Semperia Barroisii. J'ai, en effet, trouvé, dans la Méditerranée, un petit exem- plaire de cette espèce, mesurant iO millimètres, et répondant entiè- rement à la description donnée par M. Barrois. Les caractères exté- rieurs ne permettent pas de la distraire du genre Thyone, et je crois, comme Theel, que la Semperia Barroisii, Lamp. n'est autre chose qu'une jeune Thyone fusus, 0. F. Mull. Il n'est pas douteux que plusieurs des espèces décrites ci-dessus aient été fréquemment rencontrées par les naturalistes, étant donnée l'abondance de certaines d'entre elles ; mais on leur a attribué les noms des espèces connues les plus différentes., tant il est vrai que, dans le monde des Holothuries, une description est dans la plus grande majorité des cas entièrement insuffisante si les corpuscules calcaires ne sont pas en même temps représentés, et ce que disait Forbes (p. 2i3) est encore vrai de nos jours : « In every difûcult and partially investigated tribe or genus, there is some scapegoat species which serves as a gênerai repository for ail animais which cannot easily be referred to any other more defi- nitely characteresed, no matter how nulike they may be to each other. By this means the local founist and florest ease their con- sciences wheu-puzzled ; and the compilers of Systems of nature, when sepionyrus crowd too thiely upon them. Among the Holo- thuridœ the Ilolothuria pentactes bas hitherto had the dubeous no- toriety of being scapegoat gênerai and refuge for the destitute. » Si j'ai décrit comme nouvelles plusieurs des espèces que j'ai ren- contrées, c'est qu'aucunes des descriptions données jusqu'ici ne s'y rapportaient exactement, et j'ai pensé qu'il était préférable de ne pas donner à ces espèces des noms qui pouvaient ne pas être les leurs. • Lampeut (K.), Die seewalzen Holothuroidea. Wiesbaden, 1885. HOLOTHURIES DES COTES DE FKANCE. 691 Le Colochirus Lacazii, par exemple, est trop répandu pour ne pas avoir été bien souvent rencontré, et c'est lui sans doute qui, pour nous servir de l'expression de Forbes, a été mis en fourrière par les auteurs sous le nom de Cucumaria pentactes. Nous avons rencontré à Banyuls la C. elongata, Dub et Kor, et si nous prenons comme arbitres les ouvrages de savants qui ont voix au chapitre, ceux de Theel et de Lampert, nous voyons qu'ils con- sidèrent comme synonymes la C. pentactes, la Fleurilardé Dicq., la C. Dicqiiemaru Gnv., la Ç. fusiformis, Forbes, et la C. elongata, Dub et Kor., et il est impossible de confondre le Colochirus Lucazii avec la C. elongata. Il reste à savoir si la synonymie donnée par les au- teurs n'est pas en défaut. C'est aussi le Colochirus Lacazii qui a été représenté dans le règne animal sous le nom de Holothuria doliolum, espèce que V. Marenzeller estime devoir être la même que le Colo- chirus tuberculosus, Guoy et Gaymard. La Thyone subvillosa n. sp., elle aussi, pourrait bien être une va- riété de Thyone fusus, O.F.Muller ; mais, parmi les nombreux exem- plaires de cette nouvelle espèce que j'ai rencontrés à Roscoff, je n'en ai jamais trouvé atteignant la grandeur des Thyone fusus typiques qui existent à Banyuls ; en outre, le tégument est moins épais et plus clair, et je n'ai jamais vu, chez les Thyone fusus de Banyuls, la bouche et l'anus prendre une position dorsale quand l'animal se fixe sur sa face ventrale. On ne connaissait jusqu'ici, au point de vue géologique, que des Holothuries appartenant à l'ordre des Apodes : la Chirodota atava (Waagen), trouvée dans le bajocène inférieur (zone à Ammonites Sowerbyi de Gingen); la Chirodota vetusta, dans l'oxfordien (zone à Ammonites transversarius d'Aubigné, dans la Sarthe, et de Crussol près Valence, dans l'Ardèche) ; d'autres Chirodata, indiquées par Terquem dans le lias, et des Chirodata et des Synaptes, trouvées dans le calcaire carbonifère par Étheridge. Un habile chercheur, M. Schlumberger, nous a fait connaître, dans ces derniers temps, qu'il existait dans le bassin de Paris, à l'époque tertiaire, des Holo- 692 KDGARD HÉKOUAUD. thuries appartenant non seulement à l'ordre des Apoda, mais encore à celui des Pedata*. Il a en effet découvert, dans les sables coquil- liers du calcaire grossier de Chaussy, en compagnie des Crassatella plumbea (Dcsh.), des corpuscules calcaires de Thyonidium, et proba- blement du Thyonidium pellucidum (Flemmeng), qui existe de nos jours aux îles Shetland, aux îles Loffoden, dans le golfe de Varenger et au Spitzberg. Les différentes formes trouvées paraissent devoir se rapporter toutes à cette espèce. Les Apoda y sont aussi représentés par trois genres différents, tous trois apneumones : une Synapte, une Chirodata et un Myrio- trochus. La Synapta eocxna Schlumb., dont les corpuscules calcaires rap- pellent ceux de la Synapta inhxrens ; et même, parmi les variétés qui se rencontrent dans les Synapta Inhxrens actuelles, il est des corpus- cules qui diffèrent beaucoup plus du type normal que ceux de la Synapta eocxna Schlumb. Il est difficile de certifier, par la simple observation des ancres et de leurs plaques, qu'on est en présence de la Synapta inhserens; mais, ce qui paraît certain, c'est que les différentes plaques figurées appartiennent toutes à une seule et même espèce. La Chwodata undulata Schlumb, est représentée par des roues de grandeur variable et présentant les unes sept, les autres neuf rayons. Nous savons, par des exemples, que la grandeur des roues et le nombre des rayons peuvent varier pour un même individu ; ainsi, chez la Chirodata Lxvis Fabr., les roues ont six et quelquefois sept rayons -, chez la Chirodata tigillum Sélenka, elles en ont soit cinq, soit six, mais aucune des espèces actuelles ne possède de roues avec un aussi grand nombre de rayons que la Chirodata undulata Schlumb; il semblerait qu'on soit en présence d'une forme de pas- sage aux Myriotrochus. Le Myriotrochus elcgans (Stueria) Schlumbergcr est représenté par 1 SciiLUMBERGER, iVo/p SUT les Holothuridécs du calcaire grossier, in Bulletin de la Socicté géologique de France, 3« série, t. XVI, p. 437, séance du 19 mars ISSS. HOLOTHURIES DFS COTRS DE FRANCE. G93 des roues dont la forme rappelle celle du Myriotrochus Rinckii Steenstrup. M. Schlumberger a trouvé, depuis, des corpuscules calcaires d'autres espèces et, entre autres, des boucles d'iïolothuria. Je dois h. l'obligeance de M. Schlumberger d'avoir pu observer ces divers corpuscules. Ils sont d'une conservation merveilleuse, étant donnée la friabilité du calcaire qui les forme. Ces découvertes sont d'autant plus intéressantes qu'elles nous donnent une preuve nouvelle de l'exactitude des opinions professées par l'illustre géologue de la Sorbonne, M. Hébert, en ce qui con- cerne la configuration du continent à l'époque du calcaire grossier. Les Myriotrochus et le Thyonidium pellucidum n'existent, en effet, de nos jours, que dans l'océan Glacial arctique, et, ainsi que l'a montré l'illustre doyen de la Faculté des sciences, le bassin de Paris était, à l'époque du calcaire grossier, un golfe dépendant de la mer du Nord. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. M. Yves Delage, l'éminent professeur de la Sorbonne, dans les leçons qu'il professe à la Faculté des sciences de Paris, a traité la morphologie comparée des Échinodermes avec un si remarquable talent, et résumé d'une façon si précise, grâce à l'habileté synthé- tique dont il est doué, les différentes opinions actuellement en pré- sence, que la route qu'il nous aurait fallu suivre pour indiquer les rapports qui existent entre les Holothuries et les autres Echinodermes est maintenant toute tracée; il nous suffira, dans les conclusions du travail qui précède, de relever les homologies qu'elles présentent avec une quelconque des classes de cet embranchement; avec celle des Oursins, par exemple. L'Holothurie est un Echiuodermo dont le plan de symétrie ne correspond pas à celui des Spatangues; le radius ventral gauche de ceux-ci est l'homologue du radius ventral médian de l'Holo- thurie. L'interradius, correspondant au madréporite des Oursins, 694 EDGARD HÈROUARD. est ainsi ramené, chez l'Holothurie, sur la ligne médiane dorsale. Le tégument présente trois zones : la zone interne est muscu- laire ; la zone intermédiaire est formée de deux couches : l'interne nerveuse et l'externe conjonctive, et appartient au système amœbo- phore; la zone externe est conjonctive, très puissante, et contient les corpuscules calcaires; elle joue le rôle d'organe de protection comme le test des Oursins. Chez certaines espèces, jon trouve un appareil périanal dont les plaques composantes radiales sont les homologues des plaques occllaires des Oursins. Les lleurons de la couronne calcaire dépendent uniquement de la zone interne de la paroi et correspondent par leur sommet bifurqué aux auricules du test des Oursins. Les corpuscules calcaires sont toujours formés d'un réseau hexa- gonal; ceux du jeune sont le plus souvent différents et plus com- pliqués que ceux de l'adulte. Le tube digestif court de l'extrémité supérieure à l'extrémité infé- rieure du corps. Il présente, vers le tiers supérieur de la longueur du corps, une anse située toujours à gauche du plan de symétrie bilatéral, et d'autant plus profonde que l'intestin est plus allongé relativement à la longueur du corps (nulle chez les Synaptes, très profonde chez les Holothuria). Il présente un pharynx, un estomac broyeur, un intestin proprement dit et un cloaque. Le mésentère présente quatre divisions à considérer : 1° un mé- sentère dorsal subdivisé lui-même en deux parties, dont la supé- rieure, appelée mésoaire, dépend du pharynx et de l'œsophage, et représente le mésentère œsophagien des Oursins et la paroi du sac hydrophorique des Astéries; 2° un mésentère latéral; 3" un mé- sentère ventral; 4° un mésentère intermédiaire ou interne, dont le développement est en rapport avec la profondeur de l'anse intes- tinale. La cavité générale est divisée par ces mésentères en trois tranches se distribuant les organes qu'elle contient; son endothélium pré- sente des stomates. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANGE. 695 Le bulbe aquopharyngien, situé à l'extrémité supérieure du tube digestif, comprend, chez les Pédata, une partie axiale : le pharynx, et une partie périphérique formée par l'enchevêtrement de la couronne calcaire et des parties centrales de l'appareil aquifère. Ces deux parties sont séparées par le sinus péripharyngien, dé- pendance de la cavité générale avec laquelle il communique spé- cialement par cinq œils-de-bœuf. Ce sinus péripharyngien ne cor- respond pas à l'espace péripharyngien du Dorocidaris, mais aux lacunes creusées dans ses arêtes pharyngiennes. Les pièces et la cavité de la lanterne des Oursins ne sont pas re- présentées chez les Holothuries et par suite de leur absence, le vais- seau aquifère radial et la lacune radiale amœbophore sont accolés sur tout leur parcours dans chaque radius. L'extrémité supérieure du sinus péripharyngien forme le sinus péribuccal, dont résulte le bourrelet péribuccal. De même, le bour- relet périanal résulte d'un sinus périanal dépendant de la cavité générale. Le système aquifère des Pedata est semblable à celui des Oursins ; il se compose d'un anneau situé à la base du pharynx, auquel sont appendus le ou les canaux du sable et les vésicules de Poli, et duquel partent cinq vaisseaux radiaux. Chaque vaisseau radial pré- sente trois portions : une portion dilatée, une portion coronale et une portion ambulacraire. Les deux dernières portions présentent, latéralement, des orifices plus ou moins nombreux, établissant une communication entre le vaisseau et les tubes ambulacraires ; tous ces orifices sont pourvus d'une valvule. Les tentacules sont les tubes ambulacraires dépen- dant de la portion coronale, adaptés à des fonctions spéciales; ils présentent comme les tubes ambulacraires ordinaires, une partie interne saillante dans la cavité générale (culs-de-sac tentaculaircs) dissimulée parfois dans le bulbe aquopharyngien, mais existant tou- jours, chez les Pedata. Les vésicules de Poli jouent, par rapport aux vaisseaux radiaux. 690 EDGARD Ilft[\OUAHD. le rôle de réservoir, au môme litre que la partie interne des tubes ambulacraires par rapport à leur partie externe. Le canal du sable communique avec la cavité générale cbez les Pedata. L'appareil aquifère dépend de la cavité générale et est, avant tout, un appareil locomoteur; il est entièrement distinct du système amœbopbore. L'endothélium de l'appareil aquifère ainsi que celui de la cavité générale n'adhèrent à la couche sous-jacente que par des prolonge- ments filiformes et forment ainsi une lacune sous-épithéliale. Le système nerveux présente, comme chez les Oursins, un anneau péribuccal duquel partent des branches pharyngiennes, une branche pour chaque tentacule et cinq rubans ambulacraires. Il comprend, en outre, cinq rubans ambulacraires internes, spé- ciaux aux Holothuries, accolés sur la face interne des cinq rubans précédents (rubans externes), mais dont l'extrémité supérieure, n'atteignant pas l'anneau péribuccal, se bifurque et s'infléchit de dehors en dedans vers le bulbe aquopharyngien. Les rubans externes et les internes envoient simultanément une branche dans chaque tube ambulacraire et des filets nerveux inter- radiaux. Ces deux rubans, accolés l'un à l'autre, forment le tronc nerveux radial, mais le ruban externe seul doit être considéré comme homologue du tronc radial des Oursins. Sur la face externe et sur la face interne du tronc radial, il existe un espace libre. Le plexus nerveux superficiel des Oursins est représenté par un plexus nerveux profond (couche nerveuse de la paroi). Ainsi, tandis que chez les autres Échinodermes, le plexus nerveux est recouvert seulement par l'épithélium externe, chez les Holothuries, il est re- couvert par une couche conjonctive très développée (zone externe). L'appareil amœbophore est semblable à celui des Oursins ; il est formé par un système de lacunes libres et par un système de lacunes conjonctives. Le premier système se compose d'un anneau pcripharyngien HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 697 accolé à la base de l'anneau aquifcre, d'une lacune marginale in- terne, d'une lacune marginale externe à laquelle aboutit une lacune génitale et de cinq lacunes radiales accolées aux vaisseaux aqui- fères. Le second système est situé dans la zone moyenne de la paroi du corps, du tube digestif et des organes génitaux, dans l'axe des tractus péripharyngiens et péricloacals et dans l'épaisseur des mé- sentères; il semble présenter dans le mésoaire, à la base du canal du sable, une glande ovoïde rudimentaire. Les organes arborescents sont, avant tout, des appareils hydro- statiques destinés à remédier médiatement à l'absence de rigidité de la paroi et ne sont pas représentés chez les autres Échinodermes. Ils cumulent avec cette fonction celles de respiration et d'excrétion et servent probablement aussi à l'amœbocystogenèse. Us ne présentent pas d'orifices de communication avec la cavité générale. Les organes de Cuvier sont des organes glandulaires et non des organes de défense. Le bourgeon génital naît dans le mésentère dorsal comme chez les autres Échinodermes, mais ne poursuit pas sa marche jusqu'à la paroi du corps ; aussi les csecums génitaux qui en naissent forment-ils deux houppes symétriques appcndues de chaque côté du mésen- tère dorsal. Le conduit génital court dans le mésoaire et débouche sur la ligne médiane dorsale dans la région supérieure du corps. 698 EDGARD HÉllOUARD. EXPLICATION DES PLANCHI':S. PLANCHE XXV. FiG. 1. Cucumaria Platici, ouverte suivant l'interfadlus Joisal droit, a, anus; d, ra- millcations de l'organe arborescent; p, estomac ; g, organes génitau.K ; «', intestin; l, lacune amœbophore marginale externe; l' , lacune margi- nale interne; Ig, lacune amœbophore génitale; Ip', réseau amœbophore du mésentère intermédiaire ; i<, lacune amœbophore transverse; m, muscles ré tracteurs ; p, mésentère dorsal; q, anneau aquifère; 5', por- tion dilatée d'un vaisseau aquifère radial ; s, canal du sable ; t, culs-de- sac tentaculaires ; x, aire tentaculaire invaginée ; z, zone externe de la paroi; s", zone interne; co, œil-de-bœuf meltant en communication la cavité générale et le sinus péripharyngien. 2. Morceau du mésentère dorsal de Colochirus Lacazii, montrant un amœ- bocyste dans ?on épaisseur et l'endothélium de revêtement. 3. a,b, et fig. 4, a, b, cellules glandulaires de la paroi du Colochirus Lacazii. 5, Réseau laissé par le corpuscule calcaire de la Cucumaria Planci, après la disparition du calcaire. 6, a, b, c, d et e. Amœbocystes anuriformes à des stades successifs de déve- loppement chez la Semperia Drummondii. 7, a, b, et fig. 8. Cellules de l'endothélium péritonéal tombées dans le liquide de la cavité générale chez la Cucumaria Planci. PLANCHE XXVL Fiij. 1-7. Coupe transversale du bulbe aquopharyngien à^i \a. Cucumaria Planci; f, fleuron radial ; /' fleuron inlerradial; h, lumière du pharyn.x; ;', tissu conjonctif ; k, sinus péripharyngien ; n, collier nerveu.x ; n', ruban ner- veux ambulacraire externe ; n", branche nerveuse tentaculaire; q, anneau aquifère; q', vaisseau aquifère radial ; /, lumière d'un tentacule; X, la- cune amœbophore radiale ; X', lacune amœbophore tentaculaire; w. œils- de-bœuf faisant communiquer le sinus péripharyngien avec la cavité générale. 1. Coupe passant par l'anneau aquifère. 2. Coupe au niveau de la première portion du vaisseau aquifère radial, 3. Coupe menée par la base de la couronne calcaire. 4. Coupe passant par les canaux de communication des tentacules avec les vaisseaux aquifères radiaux. 5. Coupe menée au sommet de la couronne calcaire. 6. Coupe passant par l'anneau nerveux. 7. Coupe menée au-dessus de l'anneau nerveux. 8. Bulbe aquopharyngien d'une Cucumaria Planci, auquel une tranche a été enlevée, b, bourrelet péribuccal; e, estomac; f, fleuron radial ; f, fleuron interradial ; h, pharynx; k, sinus péripharyngien; k', sinus péribuccal ; Ih, anneau amœbophore périœsophagien ; n, collier nerveux; «', tronc HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 699 nerveux radial ; n", branche nerveuse tentaculaire ; q, anneau aquifère; q', vaisseau .aquilère radial; q", portion coronale du vaisseau aquifère radial; t, tentacule ; x, aire tentaculaire ; z, zone externe, et z", zone interne de la paroi ; >., lacune amœbophore radiale ; X', lacune amœbo- phore tentaculaire ; 6;, dépression du sinus péribuccal correspondant à l'extrémité du canal subnervien; w, œils-de-bœuf faisant communiquer la cavité générale avec le sinus péripliaryngien. 9, a, b, c et d. Amœbocystes de l'intérieur de la vésicule de Poli présentant des granulations pigmentaires jaunes. FiG. 10, a et b. Cellules de l'épithélium interne de la vésicule de Poli après leur chute dans la cavité de cette vésicule. il. Épilliélium interne de la vésicule de Poli présentant un orifice résultant de la chute d'une des cellules de l'épithélium. 12. a, b et c. Deux amœbocystes h. longs pseudopodes en train de se fusionner pour former le coagulum. L'un d'eux entraîne avec lui une cellule flétrie. 13. Aspect de la cellule représentée, dans la figure 9, d, après traitement par carmin acétique. 14. Portion des deux tentacules d'un même radius au niveau de leur commu- nication avec le vaisseau aquifère radial, f, fleuron radial; /", fleuron interradiaire ; o, orifice de communication du vaisseau aquifère radial avec le canal tentaculaire ; q', vaisseau aquifère radial ; X, lacune amœ- bophore radiale ; X', lacune amœbophore tentaculaire. PLANCHE XXVII. FiG. 1. Coupe transversale de la paroi du pharynx, e, endothélium péritonéal; é, épithélium de la lumière du pharynx recouvert de sa cuticule ; gl, glandes; m, faisceaux musculaires longitudinaux; m', fibres musculaires transversales;», branches nerveuses; m, amœbocystes. 2. Coupe transversale au niveau de la portion dilatée du vaisseau aquifère radial ; e, endothélium péritonéal ; é, épithélium de la lumière du pharynx ; k, sinus périphîiryngien; m, muscles longitudinaux du vaisseau aquifère; m', muscles circulaires; q', lumière du vaisseau aquifère; u, amœbo- cystes ; X, lacune radiale amœbophore. 3 . Coupe transversale au niveau du canal de communication entre le vaisseau aquifère et les tentacules; e, endothélium péritonéal; é, épithélium de la lumière du pharynx; /", fleuron radial; f, fleuron interradial; k, sinus péripharyngieii ; o, orifice de communication entre le vaisseau aquifère radial portion coronale g' et le tentacule /; X, lacune radiale amœbo- phore ; X', branche tentaculaire de la lacune radiale amœbophore. 4. Coupe transversale vers le sommet de la couronne calcaire, e, endothé- lium péritonéal; é, épithélium de la lumière du pharynx ; f, fleuron ra- dial ; k, sinus péripharyngien ; m, fibres musculaires longitudinales du tentacule; q, deuxième portion ou portion coronale du vaisseau aqui- fère radial; t, tentacule; M, amœbocystes; X, lacune radiale amœbo- phore; X', lacune amœbophore du tentacule. 700 EDGARD HÉROUARD. FiG. 5. Coupe transversale passant par le sommet d'un fleuron radial, e, endo- thélium périlonéal ; m, fibres musculaires longitudinales d'un tenta- cule; m', llhres musculaires transversales du bulbe aquopliaryngien ; q', vaisseau aquifère radial (portion coronale) ; a, branches nerveuses terminales du ruban interne du ironc radial; X, Lacune radiale amœbo- pliore. 6. Coupe passant entre la couronne calcaire et île collier nerveux;;, tissu conjonctif; m, fibres musculaires longitudinales d'un tentacule; m', fibres musculaires transversales du bulbe aquopliaryngien ; q\ vaisseau aqui- fère; a, branches terminales du ruban interne du Ironc nerveux radial; a', canal snbnervien ; 7., lacune radiale amœbophoro. 7. Coupe menée au niveau du cijllii-r nerveux, j, tissu conjonctif; m, muscles longiluJinaux du radius; q' , vaisseau aquifère radial; y, lamelle inter- loculaire du tronc nerveux radial; c, branche de la fourche terminale du ruban nerveux interne; a', canal subnervien ; p, ruban nerveux externe; [j', espace exLranervien ; X, lacune radiale amœbopliore. 8. Coupe passant au-dessus du collier nerveux. JMêmcs lettres que dans la figure 7. PLANCHE XXVIII. FiG. 1 . Coupe transversale d'un radius chez le Colochirus Lacazii, c, groupement des cellules épilliéliales; j, tissu conjonctif; m, muscle longitudinal ra- dial ; m', muscle circulaire; o, orifice de communication entre le vais- seau aquifère du rarlius q' et celui du tentacule q" ; a, ruban nerveux interne ; a', canal subnervien; [i, ruban nerveux externe; 3', espace extra- nervicn; X, lacune radiale amœbopliore; À, lacune araœbopbore du tube ambulacraire. 2. Bulbe aquopharyngien de Ciicumaria Plnvci. e, estomac ; f, fleuron radial ; /■', lleur(Mi interradial; g', conduit génital; i, inleslin ; .', lacune margi- nale externe; Ig, lacune génitale aniœbophore; m, muscle rélracleiir; p, mésoaire; q, anneau aquifère; q', portion dilatée du vaisseau açuifère radial ; r, muscles longitudinaux; s, canal du sable; t, tentacules; T, cnls- de-sac tentaculaires ; i», vésicule de Poli ; z, zone externe de la paroi; z", zoui- interiii- de la paroi ; m , œils-de-bœuf f.iisant communiquer le sinus péripharyngien avec la cavité générale. 3. Coupe transversale de la cloison qui sépare le vaisseau aquifère radial du canal subnervion chez le Co'ochirus Lacazii : m, fibres musculaires longitudinales situées sous l'épithélium qui tapissa la lumière du vais- seau aquifère; X, lacune radiale amœbophore. 4. Coupe transversale de la branche nerveuse d'un tube ambulacraire chez le Colochirus Lacazii. j, tissu conjonctif; m, muscles longitudinaux du tube ambulacraire; n' , branche nerveuse; u, amœbocystes. 5. Injection d'une cavité périneivienno chez la Cucumaria Planai, montrant les diverliculums transversaux (c) qu'elle envoie dins la paroi du corps ; m, muscle longitudinal radial. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 701 FiG. 6. Corpuscule tactile du pourtour de la veutouse des tubes ambulacraires du Cvlcchirus Lacazii. 7. Cellules nerveuses épithéliales du Colochirus Lacazii. PLANCHEXXIX.i FiG. 1. Coupe transversale du tube ambulacralre d'un Colochirus Lacazii, menée sous le disque calcaire, pour montrer la disposition de la lumière du tube et celle des fibres musculaires îl ce niveau, g", lumières du vaisseau aquifère; m, fibres musculaires longitudinales;;, zone conjonctive, re- couverte par l'épitliéliuui externe. 2. Coupe du bulbe aquopbaryngien au-dpssus d'une dent inlerradiale. m, fibres musculaires longitudinales des tentacules; ,/, tissu conjonclif; u, amœbocysles; c, amas de granulations pigmentaires résultant des amœbocysles morts. 3. Musculature transversale (m') du tube digestif (troisième portion), vue du côté axial, montrant les boutonnières (o) qui font communiquer la lacune marginale avec la couche conjonctive interne de l'intestin chez VHolo- thuria catancnsis. u, amœbocysles. 4. Épithélium péritonéal de l'intestin, montrant les orifices résultant de la chute des cellules dans la cavité générale et laissant voir les bandes musculaires longitudinales et les fibres musculaires transversales sous- jacentes chez V Holothuria catancnsis. 5. Surface péritonéale de la vésicule de Poli chez le Colochirus Lacazii. La lacune sous-épithéliale étant gonflée laisse voir la membrane épilhéliale boursouflée et, à la face interne de celle-ci, les prolongements fibril- laires des cellules qui se rattachent au tissu conjonctif sous-jacent. 6. Couché conjonctive sous-jacente à l'épithélium digestif, montrant les cel- lules conjonctives bipolaires et les amœbocysles (u). 7. Couche conjonctive, située entre la précédente et la couche des muscles circulaires, u, amœbocystes. 8. Coupe schématique transversale d'un radius passant par l'axe d'un tube ambulacralre. s, zone externe, et z", zone interne de la paroi; q', vais- seau aquifère radial ; q", vaisseau aquifère du tube ambulacralre. 9. Coupe transversale de la paroi du cloaque, passant dans l'axe d'un tractus péricloacal. m, muscles longitudinaux, et m', muscles circulaires du cloaque; m", muscles longitudinaux du tractus; u, amœbocystes. 10. Coupe transversale d'un tractus péricloacal. On voit, en allant de la péri- phérie vers le centre, l'épithélium péritonéal, la couche musculaire lon- gitudinale et, au centre, la couche conjonctive remplie d'amœbo- cystes (u). 11 . Coupe du mésoaire dans l'angle formé par le canal du sable et la lacune marginale externe d'une jeune Cucumaria Planci, montrant un organe qui rappelle, par sa structure et sa position, la glande ovoïde des Oursins. 702 EDGARU HÉROUAKD. FiG. 12. Cellule formant le ruiifleinent annulaire des tubes ambulacraires dorsaux du Colocliirus Lacazii, traitée par le carmin acétique. 13. Coupe transversale de l'extrémité caudale d'une Thyono, pour montrer la disposition des tractus péricloacals. /, cloaque ; m, un des cinq muscles radiaux. 14. Élément nerveux de la zone moyenne de la paroi du corps chez la Cucu- maria Planci. 15. Amœbocyste de cette même zone, dessiné au même grossissement. PLANCHE XXX. FiG. 1. Organes de Cuvier chez VHololhuria catanensis. i, troisième branche de l'intestin; i', cloaque; d, branche droite; d', branche gauche, et ri", une des branches accessoires de l'organe arborescent; c, tractus rattachant l'organe arborescent et le cloaque à la paroi du corps; p, mésentère ventral ; p', repli falciforme dépendant du mésentère inlerne et s'éten- dant de la lacune marginale interne au tronc gaucho {d') de l'organe arborescent; o, tubes de Cuvier insérés sur une dilatation du tronc d' de l'organe arborescent, et qui ont été coupés à une petite distance de leur origine. 2-3. Boursouflures de l'épithélium péritonéal de l'organe arborescent chez la Cuiumaria Planci. Dans la figure 2, on voit un amœbocyste con- tenu dans la lacune sous-épithéliale. 4. Épithélium péritonéal d'un caecum de l'organe de Cuvier, laissant voir par transparence les fibres musculaires longitudinales m et spirales m' chez V Holothuria catanensis. 5 a, 6, c, rf, e, f. Formes, successives d'un amœbocyste abandonnant une de ses sphérules dans la paroi de l'organe arborescent chez la Cucumaria Planci. 6. Villosités de la surface péritonéale de l'organe arborescent, résultant de l'affaissement de l'épithélium dans la lacune sous-épithéliale chez la Cu- cumaria Planci. 7. Fibres conjonctives étoilées dans la paroi des caecums génitaux d'une Thyone. 8. Autre aspect de la figure 2. 9. Aspect des îlots de cellules glandulaires de la paroi du Colochirus Lacazii. 10. Cellules contenant des amœbocystes dans la cavité générale de la Sem- peria Drummondii. 11. Culs-de-sac génitaux d' Hclothuria catanensis. 12. OEuf (V Holothuria catanensis. 13. Aspect des cellules froissées contenues dans la vésicule de Poli du ColO' chirus Lacazii, après l'action du carmin acétique. 14. Région géuitale dun jeune Colochirus Lacazii. e, estomac; g, cul-de-sac génital ; g', conduit génital incomplètement formé ; i, intestin; /, lacune marginale externe; i, lacune marginale interne; Ig, lacune génitale amœbophore ; p, mésoaire ; p', mésentère dorsal proprement dit. HOLOTHURIES DES COTES DE FRANCE. 703 PLANCHE XXXI. CORPUSCULES CALCAIhES. A. Colochirus Lacazit, n. sp. FiG. 1. Dents de l'anneau calcaire. 2-3. Positions des tubes ambulacraires du trivium et du bivium. 4-5. Corpuscules calcaires profonds. 6-7. Corpuscules calcaires des tubes ambulacraires. 8. Corpuscules calcaires superficiels chez le jeune. 9. Corpuscules calcaires des tubes ambulacraires. 10. Tubes ambulacraires. a, dorsal; b, ventral. M. Corpuscules crépus de l'aire lentaculaire. 12-13. Corpuscules calcaires profonds. 14. Disque calcaire de la ventouse d'un tube ambulacraire. 15. Corpuscules calcaires profonds. 16. Couronne calcaire d'un jeune exemplaire. 17. Corpuscules calcaires profonds. 18. Corpuscules calcaires superficiels chez le jeune. B. Cucumaria brunnea Fortes. FiG. 1-2. Corpuscules calcaires profonds. 3. Corpuscules calcaires superficiels. 4. Corpuscules calcaires des tubes ambulacraires. 5. Corpuscules calcaires profonds. 6. Corpuscules calcaires des tubes ambulacraires. C. Holothuria catanensis Grube. FiG. 1-2. Corpuscules calcaires de la base des tubes ambulacraires. D. Semperia Drummondii Thompson. FiG. 1-5-8-9. Différentes formes de la couronne calcaire. 2-4-6. Corpuscules calcaires superficiels. 3-7. Corpuscules calcaires profonds. 10. Face interne de la zone externe de la paroi, montrant la situation des tubes ambulacraires et interambulacraires. E. Cucumaria lactœa Fortes. FiG. 1 à 5. Corpuscules calcaires profonds. 6. Dents de la couronne calcaire. 7. Corpuscules calcaires profoTids représentant une forme de passage entre les corpuscules profonds et superficiels. 8- Corpuscule calcaire superficiel. 704 EDGARD HÉKOUAKD. PLANCHE XXXII. FiG. ]. Tkyone auraniiaca. Cost. 2. Naissance d'un tube ambulacraire (c) d'une Thyone subvillosa, avec les corpuscules calcaires voisins en place. S. Extrémité d'une branche de la fourche inférieure d'un fleuron radial de Thyone subvillosa jeune, avec les noyaux des cellules calcigènes dans les mailles du réseau. 4. Couronne calcaire de Thyone subvillosa. o, CorpuPcuIe calcaire de la paroi d'une Thyone subvillosa, présentant des mailles de l«^r, 2'', 'i", 4" et o" ordre spécial au jeune. C. Disque de la ventouse d'un tube anibulacraire de Thyone roscovita. 7. Fleurons de la couronne calcaire d'une jeune Thyone subvillosa. 8. Couronne calcaire de Thyone fusus. 9. Dent calcaire anale de Thyone subvillosa. 10. Corpuscule calcaire de Thyone subvillosa, situé à la base des tentacules. 11. Corpuscules calcaires de Thyone auraniiaca. a, au pourtour de l'auus; b et g, au voisinage des dénis anales; c,d et e, au voisinage de la paroi des tubes ambulacraires périanals. 12. Disque calcaire d'un tube amhulacraire d'une Thyone auraniiaca. l'i. Couronne calcaire de Thyone auraniiaca, présentant une soudure du fleu- ron radial médian avec le radial latéral droit. 14. Muscle longitudinal de Thyone auraniiaca, avec le caecum médian situé au-dessous du muscle rétracteur. 15 a, b et c. Corpuscules calcaires du pourtour de l'anus chez la Thyone ros- covita . 16. Couronne calcaire de Thyone roscovita. RECHERCHES SUR LES ïEiîEiiiso^s DES mm nu ies umn nwmi CHEZ LA GRENOUILLE (RANA ESCULENTA, RANA TEMPORARIA) PAR J. FAJERSZTAJNi. Travail exécuté au Laboratoire histologique de l'Université de Varsovie. A. Waller ^ fut le premier qui décrivit d'une manière plus détaillée la structure des papilles fongiformes de la langue de la grenouille. Elles sont, d'après lui;, couvertes d'une couche d'épitliélium à cel- lules vibratiles. Les nerfs à myéline arrivent presque jusque sous 1 epithélium, où ils se terminent parmi les circonvolutions des capillaires. Leydig^ donne, dans son Manuel dlùslologie, les détails suivants sur la structure des papilles fongiformes : la surface supérieure de chaque papille présente une sinuosité, tapissée d'un epithélium ordinaire à cellules cylindriques, tandis que les parties latérales ont un epithélium à cellules vibratiles. Les cellules dépourvues de cils sont à granulation très fine et d'une teinte jaunâtre; les autres, au contraire, ont une belle transparence. * Prononcez : Feuerstein. 2 A. Waller, Minute structure of the Papillae and Nerves of Ihe longue of the Frog and Toad {Philosophical Transactions. London, 1849). 3 Fr. Leydig, Lehrbuch der Histologie. Frankfurt-a-M., 1837. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2= SÉRIE. — T. VII. 1889. 4S 706 J. FAJERSZTAJN. Billrotli ' constate aussi le fait de la différence de la structure des deux surfaces, supérieure et latérale, des papilles. 11 prend en consi- dération les études classiques de M. Schultze sur la membrane muqueuse de l'organe olfactif et tâche de mieux se rendre compte de la morphologie des cellules épithéliales, afin de déterminer d'une manière plus précise leur relation avec les libres nerveuses. Sur le sommet des papilles fongiformes, que Billroth nomme papilles ner- veuses {Nervenpapîllen), les cellules sont allongées; le noyau volumi- neux remplit presque tout le corps de la cellule. Les parties des cellules, tournées vers la périphérie de la papille, offrent une grande variété ; elles sont ramifiées, en bâtonnets, infundibuliformes [trichterfôrmige membi^anôse Aufsàtze). Billroth attribue la grande variété des images qu'il a obtenues à raction des réactifs chimiques (l'acide chromique). Les prolongements centripètes des cellules se ramifient et s'anastomosent les uns avec les autres, formant de cette manière un tissu de structure réticulée. Billroth croit pouvoir admettre que, selon toute vraisemblance, les prolongements centri- pètes se lient directement avec les ramifications terminales des fibres nerveuses correspondantes. Les travaux de Fixsen^ avaient pour but la vérification des résul- tats obtenus par Billroth. Fixsen ne réussit pas à constater les cel- lules multiformes épithéliales décrites par son prédécesseur. D'après cet auteur, l'épithélium de la surface supérieure ne différerait nulle- ment de l'épithélium qui recouvre les autres papilles de la langue {papillx filiformes). Quant à la teinte jaunâtre des cellules, constatée par Leydig, elle n'est due, selon lui, qu'au reluisement des vais- seaux qui se trouvent au-dessous des cellules. Les nerfs à myéline (6-10) se terminent d'une manière close dans la couche du tissu conneclif de la papille. Les terminaisons des fibres nerveuses pré- » Tli. UiLLROTiij Ueberdie EpUhelialzellen und die Endigungen der Muskel. und Ner- venfasern in der Zunge [Goschen's Deutsche Klinik, ISo?, ii» il). — Celer die Epitlic- Ualzellen der Froscliziaige, nie. (Miiller's Archiv, ISoS). * C. FixsENj De linguœ rauinœ texlura {Diss.inaug. Dorpati, 1837). TERMINAlSOiNS DES NEHFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 707 sentent quelquefois un renflement en forme de massue ; ailleurs, elles sont coupées simplement ou bien ont une pointe aiguë. Fixsen réfute énergiquement les suppositions de Billroth, concernant les terminaisons nerveuses; les fibres nerveuses ne se continuent pas avec les prolongements des cellules de l'épithélium. Le professeur Iloyer * arrive aussi à la conclusion que les nerfs se terminent d'une manière close dans la couche sous-épithéliale du tissu conjonctif ; il est d'accord, avec Leydig, Billroth et Fixsen, que la surface plate des papilles « larges » (fongiformes) est dépourvue de cellules vibratiles, qui n'apparaissent qu'à sa périphérie. Les cils des cellules, qui entourent d'une étroite enceinte la surface supérieure des papilles, sont les plus longs et possèdent le mouve- ment le plus distinct. Les cellules qui tapissent la surface plate s'at- tachent à la base par un prolongement à pointe aiguë; elles sont minces et allongées. Les résultats correspondants, obtenus par Fixsen et Hoyer, contre- disent complètement les assertions de Billroth. Ces assertions ont trouvé un défenseur dans Axel Kcy -. L'adepte fervent et l'élève de Max Schultze, Axel Key, a tâché de démontrer dans son travail que les terminaisonsnerveuses dans la membrane olfactive ainsi que dans les papilles fongiformes de la langue de la grenouille, offrent le même type de structure. Key décrit deux sortes de cellules de l'épithélium des papilles fongiformes : « Dans cet épithélium, ainsi que dans la regio olfactoria, nous trouvons deux sortes d'éléments cellulaires : les cellules épithéliales modifiées, qui ne se lient point avec les fibres nerveuses, et puis, dispersés parmi ces cellules, des éléments cellulaires spéciaux, les appareils terminaux des nerfs ( dienervôse Endbiidungen sind). » Les cellules modifiées de Key sont de forme cylindrique, étalées dans un ordre symétrique, donnant vers la * D' IIoYER, Mikruskopische Untersuchungen ueber die Zunge des Froschcs [Relchert's u. du Bois-Reymond's Archiv, 1859). » Axel Key, Ueber die Endigungsweise der Geschmacksnerven in der Zunge des Frosches {Reichert's u. du Bois-Reymond's Archiv, 1861), 708 J. FAJERSZTAJN. base des prolongements, qui s'anastomosent les uns avec les autres, ce qui forme une sorte de reseau, entre les travées duquel apparais- sent parfois des noyaux. Le corps des cellules est jaunâtre, finement granuleux. Parmi ces cellules, on en trouve d'autres, les cellules gustatives {Geschmackszellen), que Key place près des cellules olfac- tives {Riechzellen) et auditives {Horzellen). Leur corps est de forme elliptique, pourvu de deux prolongements, périphérique et central. Le noyau remplit presque tout le corps de la cellule. Le prolonge- ment périphérique, très brillant, atteint la surface de la papille. Le prolongement central présente l'aspect d'une fibre à varicosité. Entre l'épithélium et le tissu conjonctif se trouve une couche homogène de lissu transparent, que Key désigne sous le nom de « Nervenschale ». D'après Key, la « Nervenschale » est, au point de vue histogénétique, la gaine de Schwann épaissie (le Neurilema forme la substance fondamentale de la « Nervenschale »). Les fibres nerveuses, ayant subi la perte de la myéline et de la gaine de Schwann, pénètrent comme simples cylindres-axes dans la couche du tissu homogène. L'ayant traversée, ils entrent immédiatement dans les prolongements des cellules gustatives. Key affirme avoir plusieurs fois observé la réunion des libres nerveuses avec le pro- longement central de la cellule épithéliale. Hartmann^ arrive à des résultats tout à fait difi'érents. Selon lui, les cellules gustatives devraient être classées dans la catégorie des produits artificiels : ce sont les cellules cylindriques du sommet de la papille modifiées sous l'influence des réactifs chimiques (acide chromique). Relativement aux terminaisons nerveuses, il s'éloigne complètement de son prédécesseur. Pour lui, les nerfs ne traversent point la couche du tissu homogène {Grenzscklchtc) et ne perdent point leur myéline, mais se terminent dans la couche sous-jacente. Hart- mann affirme, quoique avec grande réserve, que les fibres nerveuses forment des anses sous la couche «limitante même» {Grenzscliichtc). • R. Hartmann, l'eher die Endigungsweise di-r Nerven in den Papillae {ungiformes der Froschzunge (lieichert's u, du Bois-Reymond's Ârcliiv, 1863). TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 709 Les études d'Engelmann ^ ont contribué considérablement à recti- fier les observations erronées de ses prédécesseurs et à élucider la question de la structure des papilles fongiformes. Engclmann dis- tingue trois sortes de cellules, qui coiffent le sommet de chaque papille : les cellules à pocal [Kelchzellen) , cellules à bâtonnet [Cylin- derzellen) et cellules à fourche [Gabelzellen). Les cellules cylindriques d'Engelmann répondent complètement aux « cellules épithéliales modifiées » de Key. Elles sont entourées d'une forte membrane, pourvue d'une ouverture au sommet de .la cellule. La membrane forme une sorte de pocal ; dans son intérieur se trouve le plasma transparent, granuleux. Vers la base, le corps s'allonge et donne un prolongement. Les noyaux des cellules à pocal sont tous situés au même niveau. Sous l'influence des réactifs chimiques, adoptés dans la technique histologique, les cellules à pocal subissent une certaine déformation. Le plus souvent, le contenu du pocal s'en échappe et la membrane forme des plis longitudinaux. Les cellules à bâtonnet {Cf/lindo^zellen) ont le noyau allongé, ellip- tique, situé tout au fond de l'épithélium. Le corps de la cellule est presque complètement rempli par le noyau et adhère à la base de la papille. Un long prolongement périphérique se dirige vers le sommet et atteint la surface de l'organe. Les cellules à fourche {Gabelzellen) sont toutes construites sur un type, quniquollcs présentent do considérables différences indivi- duelles. Leur corps elliptique émet, dans sa partie périphérique et centrale des prolongements qui se ramifient d'une manière fort bizarre. Le prolongement périphérique se divise, le plus souvent, en deux rameaux (de là leur désignation de cellules à fourche), qui atteignent la surface de la papille. Les prolongements centraux se ramifient généralement d'une manière dichotomique. 1 Tli.-W. Engk.lmann, Ucher die Endignngen der Geschmacksnerven in der Zunge des Frosches {Zeitschrift. f. Wissenschaflhiche Zoologie, Bd. XVIII, 1 Heft). — fland- buch der Lehre von don Geioehen, herausgegehen von S. Stricker, article Die Gesch- maclsorgane. 740 J. FAJERSZTAJN. Dans le tissu connecUf, qui forme le slroma de la papille, Engel- mann distingue deux couches. La couche supérieure, décrite par Key {Nervenkissen Eng.), présente une grande analogie avec Velastica anterior de la cornée, tandis que la couche inférieure ne diffère aucunement du tissu connectif ordinaire. Les nerfs (5-0) perdent leur myéline sous la couche homogène du tissu sous-épithélial ; dépourvus de myéline, les fibres pénètrent dans cette couche, s'y ramitlant richement; les fibres les plus grêles se réunissent alors aux prolongements centraux des cellules à fourche. Les résultats précieux, obtenus par fingclmann, furent complétés par Merkel^ Nous nous occuperons à une autre phicc plus longue- ment de ses travaux; pour le moment, nous ne citerons que les détails les plus importants, tirés de la belle monographie de cet auteur. Merkel donne la description de cellules qui étaient jusqu'à lui inconnues, des cellules à ailes [Flugelzellen). Elles embrassent, à l'aide de leurs prolongements membraneux, les corps des cellules à pocal (Kng.). Les cellules à fourche sont, d'après cet auteur, des produits artificiels. Les branches nerveuses les plus fines pénètrent dans l'épithélium et communiquent, non, comme le sup- posait Engelmann, avec les cellules à fourche, mais avec des cel- lules, auxquelles il donne le nom de cellules à bâtonnet [Stahchen- zellen). Leydig^ ne prend point en considération les résultats obtenus par ses prédécesseurs et se borne à constater dans l'épithélium une seule espèce de cellules, qui correspondraient aux cellules à pocal d'Engelmann, aux cellules modifiées de Key, etc., etc. Ce sont, à son opinion, les appareils terminaux des nerfs, les cellules sensorielles. 1 F'r. Merkel, Ueher die Endigungen der sensiblcn Nerven in der Haut der Wirbel- thiere. Rostock, 1880. * Fr. Leydig, /.elle und Geiuebe. Bonn, ISSa. — Los mémoiros de Bealo (New Obxervatioiis.cic, in Quart. Journ. ofMicrose. scienc, 18G9) et dn Maddox [A Con- tribution, etc., iii Monthlij Microsc. Journ., 18G9) m'ont été inaccessibles. TERMINAISONS DES NEUFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 711 Schwalbe* se borne à résumer les résultats obtenus par Key, Engelmann et Merkel. Krause ^ constate, d'accord avec Merkel, dans l'épilhélium des papilles fongiformes, la présence des cellules à ailes (Flûgehellen), Les travaux de HolP ont peu contribué h élucider la question de la structure des papilles. Cet auteur reconnaît, outre les cellules dé- crites par Merkel, une autre espèce de cellules, les cellules Imsales [Basalzellen). Sans entrer dans une description plus précise de leur structure, il les place dans la couche la plus profonde derépithélium, dans la couche granuleuse [Kôrnerschichle)^ et leur attribue le rôle des spongioblastes(Holl,p.65). Relativement aux cellules sensorielles, Holl partage l'opinion de Merkel. IIoll termine la liste des auteurs qui ont publié des travaux sur la structure des papilles nerveuses. Voir plus bas les travaux d'Ehrlich, d'Arnstein. Cette revue assez consciencieuse nous prouve, que ni la structure des papilles, ni les terminaisons nerveuses do cet organe n'ont été suffisamment approfondies. Les opinions des savants, concernant les terminaisons nerveuses, se réduisent uniquement à des hypothèses sans base suffisante de faits. Bien plus sûres sont nos notions sur la structure de l'épithélium des papilles, quoiqu'on ne puisse nier que, là aussi, nous nous trouvons devant des opinions plus ou moins contradictoires. La structure anatomique générale des papilles fongiformes fut décrite plusieurs fois et très minutieusement (Waller,Leydig, Fixsen, Key, Engelmann). Comme ces descriptions sont généralement con- nues et complètement d'accord avec la réalité, nous trouvons inutile de les répéter. Les papilles fongiformes sont dispersées d'une ma- ' G. ScHWALBE, Lehrbuch der Analomie der Sinnesorgane Erlangen, 1887. La désignation des cellules basâtes, dont se sert Sohwalbe, s'applique, [à ce qui nous semble, à toutes les cellules du fond de répilhélium. 2 W. KuAUSE, Allgemeine u. Microscopische Analomie. llannover, lb7G. — Nacli- tràge zur AUgemeinen u. Microseopisrhen Analoinic. llannover, 1881. ' M. Holl, Zur Analomie der Mundhohle v. Rana temporaria (Sitzungsherichte der k. Akad. d. Wissenschaften. Wien, 1887, Bd. XGV, Malh. nalurwiss. Classe). 712 J. FAJERSZTAJN. nière assez régulière sur toute la surface supérieure de la langue" de la grenouille. Leur nombre est variable. Chez certains individus adultes et complètement développés, on en trouve relativement peu ; chez d'autres, au contraire, elles sont très nombreuses. En présence de pareilles différences individuelles, ce n'est que naturel que Leydig ait constaté le nombre de cent, Fixsen de deux cent trente-huit papilles. Sur la voûte ainsi que sur la base de la cavité buccale, nous trou- vons, au milieu de l'épithélium vibratil ordinaire, des îlots des cellules épithéliales modifiées. La structure de l'épithélium de ces îlols cor- respond parfaitement avec celle du sommet des papilles fongiformes. On peut dire autant des fibres nerveuses et de leur relation avec l'épithélium. Les différences qui existent entre les îlots et les papilles fongiformes se rapportent principalement aux dimensions et à l'élé- vation au-dessus du niveau des parties environnantes. Merkel embrasse d'un seul terme disque terminal [Endscheibey les papilles nerveuses ainsi que les îlots de la voûte et de la base de la cavité buccale ; comme ce terme nous paraît bien choisi, nous nous en servirons dans notre description. Examen des disques terminaux sur les coupes. — Nous avons appli- qué diverses méthodes pour la préparation des coupes de la mem- brane muqueuse de la langue et du palais. Nous l'avons durcie dans l'alcool. Gomme agents fixateurs, furent emploj^és l'acide chro- mique (1/4 pour 100), le bichlorure de mercure (5 pour 100), les li- quides de Kleinenberg, de Flemming et de Garnoy'. Ce dernier, ainsi que le bichlorure de mercure et le liquide de Flemming, ont donné les meilleurs résultats. Pour l'inclusion des objets, nous nous sommes servi de la paraffine et de la ccUoïdine. Dans la paraffine, la membrane muqueuse subit une trop forte contraction, de sorte qu'on devrait donner la préférence ù la cclloïdine, si d'autre part • Leydig le nomme Sinnesplatle; Engelmann, Geschmacksscheibe. * Alcool, 6 vol., ac. acétique [glac, 1 vol., chloroforme, 3 vol, — J.-B. Carnoy, la Cellule; appendice; 1. III, p. 27C. TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 713 l'enrobage dans la paraffine ne tendait ;\ faciliter la préparation des coupes très fines, ce qui est de la plus haute importance dans le cas qui nous occupe. L'examen des coupes offre souvent, dans les recherches histolo- giques, la possibilité de se faire une idée exacte de la structure de tout l'organe examiné. Pour l'examen des disques terminaux, la méthode des coupes est insuffisante ; en premier lieu, l'extrême délicatesse des cellules du disque, puis leur grand nombre rendent absolument nécessaire l'application d'un autre mode de recherches, la méthode de dissociation. La figure 19 présente la coupe transversale d'un disque terminal. La multitude des noyaux qui apparaissent distinctement dans la préparation, traitée par diverses matières colorantes, nous prouve que le disque est constitué par un grand nombre de cellules. En examinant attentivement l'agglomération des noyaux, qui, au premier coup d'œil, font l'effet d'être dispersés sans aucune symétrie, nous apercevons qu'ils sont étalés en quatre rangées, qui ne sont pas tout à fait régulières. Les rangées des noyaux qui apparaissent sur les coupes transver- sales correspondent évidemment aux couches des noyaux de tout l'organe. L'irrégularité qui caractérise ces rangées de noyaux pro- vientd'une part de la différence de la hauteur des cellules épithéliales du disque; d'autre part, du changement qui s'opère dans le tissu animal sous l'influence des agents durcissants et fixateurs. En su- bissant le durcissement, les disques terminaux se contractent assez considérablement, et la contraction de tout l'organe doit faire naître un désordre plus ou moins grand dans la distribution des rangées de noyaux. La plus régulière, c'est-à-dire la plus rapprochée d'une ligne droite, est la première rangée (partant de la surface du disque) (fig. 19). Les cellules de la rangée suivante sont disposées de manière à pré- senter, non l'aspect d'une ligne droite, mais plutôt celui d'une ligne brisée. * 71 i J. FAJHRSZTAJN. La troisième rangée s'éloigne encore davantage d'une ligne droite. Enfin la dernière, la quatrième, revient à une certaine régularité. Sous la dernière rangée de noyaux s'étend une couche de tissu homogène, compacte, réfringent. C'est la Nervenschale de Key, le Nerven/iissen d'Eugelmann. Nous la désignerons sous le nom de membrane basais. La membrane basale passe invisiblement vers le centre dans le tissu connectif ordinaire, qui sert de stroma au disque terminal, tandis que, dans la partie supérieure, elle est délimitée par la couche la plus profonde de l'épithélium (ûg. 20, b). L'épaisseur de la membrane basale est de 0,01—0,015 millimètres (Engelmann). Elle varie sur les coupes fines suivant la méthode, appliquée pour le durcissement du tissu. Sous l'action de l'acide chromique,la membrane devient trouble et granuleuse, tandis quau contraire, en la traitant par le bichlorure de mercure et le liquide de Garnoy, elle garde son brillant et sa transparence. La granulation qui apparaît dans les préparations traitées par l'acide chromique est, sans aucun doute, un produit artificiel, ce qui se prouve en examinant une papille fongiforme, immédiatement après avoir coupé un pli de la membrane muqueuse, dans la solution physiologique de chlorure de sodium (0,6 pour 100). Elle se présente alors très distinctement, ayant un plus grand indice de réfraction que l'épi- thélium et le tissu connectif. On aperçoit une couche pas trop épaisse d'un tissu luisant, grisâtre (comme le remarque avec justesse Holl), nettement séparée de l'épithéhum du disque. L'homogénéité de la membrane basale fraîche n'est pas complète (on peut en dire autant de la membrane traitée par le bichlorure de mercure et le liquide de Flemming). En appliquant un grossisse- ment plus fort, nous voyons une certaine ondulation du tissu pro- venant probablement du cours onduleux des faisceaux de fibres qui constituent la membrane. Déjà Key (/oc. cil.) lit observer la résistance de la membrane ba- sale en face des acides et alcalis. Engelmann, en approuvant l'ob- servation de Key, place la membrane basale à côté de la membrane TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 715 élastique antérieure de la cornée de la grenouille. Engelmann dit : (( La résistance de la membrane en face des acides et alcalis lui désigne la place parmi le tissu élastique et le tissu conjonctif. » A notre avis, toutes les données confirment cette opinion. La membrane basale est dépourvue de noyaux, du moins l'acide acétique dilué et les couleurs d'aniline ne démontrent pas leur pré- sence. Engelmann le dit d'une manière décisive, mais Merkel y trouve des noyaux en grand nombre, tandis que HoU n'en voit que peu. Les noyaux que l'on trouve quelquefois dans la membrane basale ne lui sont jamais propres, mais appartiennent toujours à l'épi- thélium ou au tissu conjonctif. Nous avons été à môme de con- stater souvent et très distinctement sur les coupes transversales, que les noyaux de l'épiLhclium et du tissu conjonctif s'enfoncent dans la membrane basale, évidemment à force d'une contraction irrégu- liôre de tout l'organe. Dans ces cas-là, la ligne de démarcation entre la membrane basale et l'épithélium n'est jamais une ligne droite; elle devient toujours plus ou moins sinueuse. Il est probable que ce genre d'images microscopiques, où une forte contraction des tissus amenait l'insertion des noyaux dans la membrane basale, induisait les observateurs en erreur. La membrane basale ne se colore pas, sinon très faiblement (éosine, jaune métanil). Cette description s'applique avant tout aux membranes basales des disques terminaux qui se trouvent sur la langue de la grenouille. Les membranes des disques terminaux du palais ne diffèrent que peu des précédentes ; toute la différence consiste en ce que les der- nières présentent plutôt l'aspect d'un tronc de cône que d'un cy- lindre (comme le font les membranes de la langue) et qu'elles sont constituées par un tissu plus filamenteux et moins uniforme. Entre la membrane basale et les noyaux de la quatrième couche, on distingue, à l'aide d'un fort grossissement, une bande très fine de substance parsemée de granulations. Les granules sont distribuées 716 J. FAJERSZTAJN, de manière à présenter l'aspect des cordons qui s'entrecroisent dans différentes directions, ce qui constitue une sorte de réseau extrêmement fin. L'espace entre les noyaux des autres couches est rempli par la même substance granuleuse. Les cellules transparentes, logées à la surface du disque (fig. 19, 20, 21, 22), font l'eflet dos cellules cylindriques ordinaires. Entre les cellules apparaît une ligne brillante, distincte, très réfringente, qui semble être le ciment intercellulaire. Ces stries claires, observées par Key, sont singulièrement distinctes sur les préparations fixées dans le liquide de Carnoy. Elles ne se colorent pas, de sorte qu'elles se dessinent nettement sur le fond des cellules colorées (fig. 21, a). L'examen attentif des coupes démontre autour de chaque noyau des trois rangées inférieures une petite quantité de plasma (fig. 20, 22). Quelquefois, surtout sur les préparations mal fixées, il est difficile de l'apercevoir. L'image est telle, qu'on croirait voir des noyaux libres plongés dans une substance intercellulaire granuleuse. Les préparations réussies présentent des endroits très instruc- tifs, comme, par exemple, sur la figure 20, a; le plasma dans lequel est logé le noyau donne un prolongement qui atteint la surface libre du disque. Les corps et les prolongements des cellules se colorent par le chlorure d'or. En traitant les disques par ce réactif, on aperçoit sou- vent quelques cellules à base élargie et un long prolongement périphérique qui se distinguent par une coloration brune, presque noire. Le grand nombre des noyaux ainsi que l'extrêmemcnt polite quantité de plasma qui les entoure dans la partie inférieure des disques ont peut-être suggéré à Leydig l'idée que ces noyaux pou- vaient bien appartenir aux cellules jeunes {jïmgere Zellcn), tandis que les noyaux de la première rangée pouvaient faire partie des cel- lules adultes {foi'tif/o Zellen). A notre avis, les suppositions de Leydig ne correspondent pas fi l'état des choses réel. Les preuves contre les assertions de Leydig se présenteront par elles-mêmes plus loin, où TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 717 nous parlerons des résultats obtenus par la dissociation des cellules épithéliales du disque. En isolant, nous obtenons toute une série de formes épitbéliales, caractérisées par des traits morphologiques constants, des formes qui n'ont point le caractère des cellules jeunes. Aucun doute n'est possible que les cellules jeunes, c'est-à-dire les individus cellulaires non développés, peuvent, pendant un certain temps, exister dans les disques terminaux; elles résultent de la di- vision des cellules adultes. Ces cellules jeunes subsistent seulement peu de temps et n'apparaissent jamais, comme le suppose Leydig, en couches entières. Les ligures karyokinétiques dans les noyaux des disques terminaux sont très rares. Nous avons pu observer la mitose dans un noyau une seule fois, malgré que nous avons exa- miné tout au moins deux cents coupes (iig. i22, b). Ici nous parlerons d'une observation, à laquelle, il est vrai, nous n'attribuons pas de grande importance. Il nous est arrivé plusieurs fois (quoique pas souvent) de rencon- trer des grands disques terminaux avec deux troncs nerveux paral- lèles, mais situés à une certaine distance. Comment expliquer cette forme des disques? Il est possible que nous ayons là deux disques ' qui se sont accidentellement réunis l'un avec l'autre au moment de leur formation. Mais plus vraisemblable est à notre avis la sup- position que le disque double résulte d'un arrêt de développement. Dans son traité sur le développement des organes de sens de la ligne latérale des Amphibiens, M. Mitrofanoff * arrive à la conclu- sion que chacun de ces organes « se forme par séparation d'un autre qui le précédait » (p. 58). En face d'une telle opinion, nous pouvons, avec quelque vraisemblance, émettre Phypothèse suivante de la formation des disques doubles. Supposons (et une telle suppo- sition ne sera pas, à ce qu'il nous semble, dépourvue de fondement), que les disques terminaux, en analogie avec les « organes laté- raux », se forment par division des disques mères. Il peut donc i P.-J. MiTROFANOFFj Sur les organes du sixième sens des Amphibiens (texte russe), Bulletins de l'Université de Varsovie, 18S8. 718 J. FAJERSZTAJN. arriver que le disque fils n'ait réussi à se séparer complèlement du disque mère, et de là l'apparilion d'un disque double. Tous les noyaux du disque terminal se colorent intensivement par diverses matières colorantes. Les nombreux nucléoles qui se trouvent dans chaque noyau absorbent avec une avidité singu- lière les substances colorantes. En colorant les coupes par le vert de méthyle, la safranine et le jaune-métanil {Melanilgelh], nous obtenons une préparation très belle et fort instructive : la première rangée de noyaux se colore en rouge; les autres en vert, tandis que le plasma cellulaire, la substance granuleuse intercellulaire et la membrane basale se colorent en jaune (fig. 22). Les disques terminaux du palais sont entourés de cellules vi- bratiles et caliciformes {Bedierzellern). Les papilles fongiformes n'ont point de cils, à l'exception d'une bande étroite qui se trouve au voisinage du sommet. Une guirlande, composée de trois à quatre rangées de cellules vibraliles entoure chaque sommet de la papille. Les cellules vibratiles apparaissent très distinctement sur les coupes, quoique leurs cils soient, dans la majorité des cas, dé- truits sous l'inlliience des agents durcissants et fixateurs ; il est cependant assez facile de les reconnaître. Elles se distinguent par leur plasma grossièrement granulé, par leur disposition caracté- ristique— la disposition en tuile — et enfin par la différence qu'elles manifestent en face des couleurs de la houille : elles se colorent toujours autrement que les cellules des disques et les cellules qui recouvrent les surfaces latérales des papilles fongiformes. Examen des cellules épithéliales des disques dissociés. — Nous avons eu recours, pour la dissociation de l'épithélium des disques termi- naux, aux différents liquides de macération, afin de pouvoir avec une pins grande exactitude apprécier les résultats que nous avons obtenus dans nos recherches. L'acide chromique faible (1 pour 2 000), recommandé par M. Schultze, présente dans le cas qui nous occupe un grand inconvénient : les cellules s'y contractent excessivement. La solution à 10 pour 100 de chlorure de sodium avec l'addition de TERMINAISONS DES iNERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 719 chloral serait un agent excellent, si toutefois elle n'opérait un gonfle- ment considérable des éléments constituant les tissus. Pour faciliter la dissociation des éléments cellulaires du disque, il y a souvent uti- lité à traiter les tissus pendant vingt-quatre à quarante-huit heures par la solution saturée du vert de méthyle. Aussi l'alcool au tiers, de Ranvier (avec Thydrate de chloral) est très recoin mandable. Mais la priorité appartient à la solution i\ 4 pour 100 de bichromate de potassium. Nous l'avons dissous non dans l'eau distillée, mais dans une solution à 1 pour 100 d'hydrate de chloral. Ce dernier, ayant les propriétés antiseptiques, permet de pratiquer la macération des tissus pendant un temps considérable, les garantissant de l'influence des microorganismes putréfacteurs. Nous avons soumis à l'action du liquide ainsi préparé (de douze à soixante heures) des langues de grenouilles entières et des lambeaux de muqueuse, arrachés du pa- lais. D'une préparation macérée, nous avons retranché à l'aide do ciseaux un pli pas trop grand de muqueuse, que nous avons placé sur une lame de verre, et, sous la loupe, nous accomplîmes la sépa- ration des papilles fongiformes des filiformes. Plusieurs papilles fon- giformes furent, à l'aide d'une aiguille ou d'un pinceau très fln, transportées sur une seconde lame porte-objet. Et alors, dans une goutte d'une solution très faible d'éosine et de vert d'iode, à l'aide d'un grossissement considérable du microscope simple, nous avons opéré, avec des aiguilles d'acier minutieusement aiguisées, la dis- sociation des cellules épithéliales les unes des autres. En procédant de cette manière, nous avons obtenu la coloration des noyaux en vert, celle du plasma des cellules en rouge. 1. Les cellules cylindrùjues. — A la première rangée des noyaux du disque terminal correspondent les cellules construites sur le type des cellules de l'épilhélium cylindrique ordinaire. Aussi les désignerons-nous sous le nom de « cellules cyhndriques ». Key les nommait « cellules épithéliales modiflées » ; Engelmann, « cellules à pocal » , et eniln Merkel leur donne la désignation, dont nous nous servons, de « cellules cylindriques » (Cylinderzellen) et dont se sont 720 J. FAJERSZTAJN. servis Schwalbe et lloll. Leydig les appelle « cellules gustatives » {Geschmackszellen) . Les cellules cylindriques sont disposées très étroitement. Sous l'influence de la pression réciproque, elles prennent la forme des prismes. Leurs extrémités supérieures, placées au même niveau, for- ment la surface libre du disque. Leur corps prismatique passe tout au-dessous du noyau en un prolongement protoplasmique assez irré- gulier. Les grands noyaux sphéro-elliptiques des cellules cylindriques sont étalés tous au même niveau, de sorte que l'axe longitudinal du noyau fait un angle droit avec l'axe du disque terminal. Les cellules cylindriques à l'état frais présentent une teinte jaunâtre. Merkel, Leydig y ont aperçu une striation longitudinale très fine (fig. \). Ces stries, presque invisibles sur les coupes transversales des disques terminaux, apparaissent très distinctement, non seulement sur les cellules isolées, mais même sur les préparations fraîches. Lorsque la papille se trouve dans une position commode pour l'observation, on parvient à les voir quelquefois tout à fait bien. Le corps d'une cellule cylindrique, qui n'a pas subi l'influence des réactifs chimiques^ est transparent. Le plasma contient en grande quantité des granulations fines, qui, à l'état frais, sont presque invi- sibles. Les cellules cylindriques deviennent opaques dans les liquides de macération. La transparence, propre à la cellule vivante, dispa- raît sans trace ; le plasma devient granuleux (fig. 1). Une partie du contenu de la cellule vivante se verse des fois en dehors, formant un globule gélatineux. Sur les cellules isolées, on voit de même une partie du contenu se verser. Cette excrétion n'est pas cependant de nature muqueuse {sensu siricliori) , car elle ne se colore pas carac- téristiquement ni par l'hcmatoxyline, ni par la safranine. La singu- lière attitude des cellules cylindriques en l'ace des couleurs d'aniline est surlout remarquable. Elles présentent une affinité beaucoup plus grande avec les pigments que toutes les autres cellules de la langue et du palais, de sorte que les disques terminaux apparaissent sur le fond de l'épithélium environnant sous l'aspect d'îlots dis- TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 721 tincteraent délimités par la coloration d'une intensité plus forte '. Parmi les matières colorantes absorbées par les cellules cylindriques avec une singulière avidité, il faut nommer l'hématoxylinC; la safra- nine, le bleu de méthylène, le bleu d'aniline. Dans les préparations de l'acide chromique, des liquides de Flemming, de Kleinenberg et de Carnoy, la teinte des sommets des cellules cylindriques se ren- force, ce qui prouve que les parties périphériques desdites cellules présentent, an point de vue des propriétés chimiques, quelque différence avec les parties intérieures, qui prennent une coloration relativement plus faible. Les cellules cylindriques subissent, sous l'influence des différents agents durcissants et fixateurs, certaines modifications ; elles se contractent assez remarquablement, quoique également. Ainsi, mal- gré leurs dimensions notablement diminuées, elles gardent le type de structure normal presque non changé. L'influence des réactifs appliqués dans les procédés de recherches histologiques se marque le plus distinctement sur les masses muqueuses qui font saillie sur la cellule en forme de bouchons gélatineux [Gallertpropfe, Ley- dig), ainsi que sur les parties des cellules qui sont en contact avec ces globules de sécrétion. Nous chercherions donc en vain, sur les coupes transversales de la membrane muqueuse durcie, les globules gélatineux ; ils disparaissent complètement et laissent, des fois seu- lement, des traces peu distinctes de leur présence : une sorte de flocons très délicats, apparaissant sur le sommet de la cellule, qui a subi aussi, sous l'influence des mêmes conditions, une certaine modification. Ainsi, sur la surface supérieure de la cellule, c'est- à-dire là où, dans les conditions normales, sont situés les globules de sécrétion, nous apercevons une excavation assez grande (fig. 21, b), dont le fond est formé par la partie du plasma d'aspect semi-lunaire, à coloration plus intense (fig. 21, b). Les bouchons gélatineux ne forment pas partie stable des cellules cylindriques {i\ p, l) de 1 Merkel avait déjà fait remarquer la tendance des cellules cylindriques à l'ab- sorption des pigments. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 2e SÉRIE. — T. VII. 1889. 46 722 J. FA.IERSZTAJN. sorte que leur surface supérieure est tantôt complètement aplatie, tantôt sphérique. Sur les coupes transversales, le contour supérieur de la cellule cylindrique présente, dans le premier cas, une ligne droite; dans le dernier, une ligne concave. Toutes ces données — la présence des globules de sécrétion, les singulières propriétés des sommets des cellules cylindriques en face des matières colorantes — témoignent en faveur de l'opinion émise par Leydig, qui attribue aux cellules cylindriques les propriétés des cellules sécrétantes. Leydig vient d'émettre une nouvelle théorie fort originale, que les cellules nommées «sensorielles» {Sinneszelien) remplissent, à un certain point, le rôle des cellules sécrétantes. S'y reposant, il dé- signe les cellules cylindriques du disque terminal du nom de « cel- lules gustatives» [Geschmackszellen). Leydig suppose que ces cellules se continuent directement avec les fibres nerveuses. Nous tâcherons de démontrer plus loin que les opinions de Leydig dans cette ma- tière ne répondent pas à l'état réel des choses ; pour le moment, revenant à la description des cellules cylindriques, nous remar- quons que, d'après Leydig, leurs extrémités centrales sont consti- tuées par une masse protoplasmique réticulaire {ein protoplasmisches Schwammnelz). Comment se comportent en réalité les prolongements centraux des cellules, serait très difiicile à décider. S'attachent-ils à la membrane basale, ou bien se terminent-ils parmi les corps des autres cellules du disque? Ce sont des questions auxquelles nous n'oserions répondre décisivement. Sur les cellules isolées nous voyons bien que ces prolongements sont très irréguliers, tantôt courts, tantôt longs, comme déchirés, faisant en somme l'ellct d'avoir été arrachés avec effort de leur point d'implantation (fig. 1). L'étude de nombreuses préparations nous permet seulement d'é- mettre l'hypothèse que les prolongements des cellules cyhndriqucs, devenant de plus en plus minces, atteignent la membrane basale, où ils s'entre-croiscnt avec les prolongements des autres cellules {v,p,l). Il est cependant hors de doute que ces prolongements, appa- raissant en forme de trabécules protoplasmiqucs extrêmement fines TEIIMINAISONS DES NEUFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 723 parmi les corps des cellules de la partie médiane et inférieure du disque, constituent en grande partie la substance granuleuse inter- nucléaire, dont nous avons parlé plus haut {Neurospongiwn exlernum de Holl). 2. Les cellules à ailes. — La seconde rangée de noyaux correspond aux cellules, décrites pour la première fois par Merkel et nommées par lui « cellules à ailes» [Flûgelzellen). Ces cellules, qui n'existent, autant que nous le savons, que chez les Batraciens, se distinguent par leur forme bizarre. La partie de la cellule qui contient le noyau se trouve à une petite distance du noyau de la cellule cylindrique (fig. 6). Le prolongement périphérique membraneux, très fin, embrasse le corps de la cellule cylindrique. Les figures 2-6 donnent une idée de la richesse des formes de ces prolongements singuliers. Ce sont des lames proto- plasmiques extrêmement minces, formant des plis en diverses di- rections. En certaines places, elles font apparaître des saillies, des épaississements en forme de bâtonnets, qu'on pourrait désigner du nom de côtes [rippenartige Verdickungen, Merkel). Les membranes ou ailes, étendues entre ces côtes, sont disposées dans différents plans, très rarement dans un seul. L'observation d'un petit groupe de cellules du disque isolées permet de se faire une idée assez exacte de la position naturelle des ailes et de leurs rapports avec les cellules cylindriques. Nous voyons que les ailes se réunissent en faisant différents angles et que les côtes adhèrent intimement aux corps des cellules cylin- driques. Sur les disques terminaux, soumis à l'action du nitrate d'argent, parmi les têtes des cellules cylindriques apparaissent des figures noires étoilées. Ce sont probablement les ailes, qui ont pris une teinte bien renforcée. En colorant les disques terminaux vivants par le bleu de méthylène, nous apercevons quelquefois, parmi les têtes des cellules polygones, des lignes bleues, courbes, qui se rencontrent en formant la lettre X. D'après ce que nous avons dit de la position des ailes, le rôle et l'origine de ces lignes s'expli- 724 J. FAJEUSZTAJN. quent facilement. Il faut cependant remarquer que la coloration des cellules à ailes par le bleu de méthylène est un phénomène relativement assez rare. L'observation de ces images^ ainsi que des images obtenues à l'étude des cellules isolées, nous conduit à une opinion qui est complètement d'accord avec la description donnée par Merkel. Cet auteur dit : «Les ailes des cellules à ailes présentent des sinuosités, qui logent les cellules cylindriques à demi emmaillotées dans les ailes. Les saillies en forme de bâtonnets, qui adhèrent intimement à l'axe longitudinal de la cellule cylindrique, se dirigent vers la péri- phérie, de sorte qu'elles l'ont l'impression de former une partie de la cellule cylindrique et de n'ôtre qu'un contour fortement accentué de ladite cellule {als gehbrten sie, scharfe Grenzcontouren darstellend, der Cylinderzelle selbsl). » En face de ces données positives, s'explique l'origine des stries brillantes, qui apparaissent sur les coupes transversales du disque terminal entre les corps des cellules cylindriques : ce sont tout simplement les côtes des cellules à ailes, entourées d'une petite quantité de substance intercellulaire. Les stries se trouvent sur les coupes, comme nous le savons du reste, entre chaque cellule cylin- drique avoisinante. Au premier coup dœil, ceci pourrait induire en erreur, vu qu'en réaUté les côtes n'apparaissent que dans l'espace libre entre trois ou quatre cellules cylindriques voisines. Aussi apercevons-nous sur les coupes des places où la présence des lignes brillantes paraît tout à fait inexplicable (ce sont les places qui correspondent à la coupe faite à la surface latérale de la cellule cylindrique et non au point de la rencontre de plusieurs cellules). L'explication de cette contradiction apparente n'olfre aucune diffi- culté. Une coupe, même la plus fine, peut toujours contenir toute l'épaisseur de la cellule cylindrique (le diamètre d'une cellule cylin- drique, non changée sous l'influence des réactifs, est de 0™™,0I- Qmiu^jQI2 (Engclmann). Supposons que la surface supérieure de la coupe examinée ne présente pas la strie brillante; néanmoins nous TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 725 l'apercevrons à la même place sous l'aspect d'une ligne claire, relui- sante au-dessous. Nous ne nous sommes occupés de la question de l'origine et de la signification de ces stries claires un peu longuement, que pour nous munir suffisamment de preuves contre l'assertion de Leydig, exposée dans une de ses dernières publications. Leydig ne fait pas mention des cellules à ailes et passe sous silence les résultats obte- nus par Merkel (1880). A l'exemple d'Engelmann, il suppose que les cellules cylindriques possèdent une forte membrane brillante. « Il est facile, dit-il, de se convaincre que les bâtonnets ne présentent l'apparence d'individus indépendants que gràce|[à l'illusion optique, résultat de la présence de l'enveloppe membraneuse de la cellule. Les bords des cellules polygones apparaissent sous l'aspect de lisières {Leisten), qui produisent l'effet des stries brillantes. » Une telle opi- nion est difficilement conciliable avec les données obtenues par la dissociation des cellules du disque. Les membranes des cellules à ailes présentent des stries lon- gitudinales fines, quoique très distinctes, observées déjà par Merkel (fig. 3, 4 et 5). Les cellules cylindriques ont de même, comme nous l'avons vu, une striation longitudinale. Merkel, se ba- sant là-dessus, prétend que les cellules à ailes ne sont qu'une modi- fication [eine Abarl) des cellules cylindriques, ou bien un certain stade de leur développement {vielleicht eine Entivickelunfjsslufe). S'il faut absolument refuser aux cellules à ailes l'indépendance des élé- ments spécifiques, nous nous déclarerions pour l'iiypothèse que ce sont les cellules cylindriques aplaties, au moment de leur naissance, par pression exercée par les cellules avoisinantes. Les prolongements centraux des cellules à ailes se distinguent, ainsi que les périphériques, par la grande variété des formes. Ils sont toujours très longs, et quelquefois ramifiés. Souvent une cellule présente deux prolongements : l'un chemine vers la base, tandis que l'autre s'étend horizontalement entre les corps des cellules du disque (fig. 5). Le dessin de Merkel (pi. VU, fig. 22, /, c) présente 726 *; J. FAJERSZTAJN. une cellule, dont le prolongement a été probablement arraché dans le cours de la dissociation. Dans le grand nombre d'observations faites sur des cellules à ailes bien conservées, nous n'avons pas vu aucune avec un prolongement aussi court. La longueur considérable des cellules à ailes permet d'admettre que leurs prolongements atteignent la membrane basale. Quelques prolongements présentent un élargissement vers leur extrémité cen- trale. Cet élargissement émet de petits prolongements, qui rap- pellent une sorte de dentelure à l'aide de laquelle la cellule s'attache à son subslratum (fig. 2). Les noyaux ovalaires des cellules à ailes à l'axe perpendicu- laire sont situés généralement tout au-dessous des noj'aux des cellules cylindriques (fig. 6) ; quelquefois, pourtant, le noyau se trouve beaucoup plus bas, ce qui arrive dans les cas oti le pro- longement périphérique est allongé fortement (fig. 3). A cause do cela, la seconde rangée des noyaux n'offre pas la régularité de la première. 3, Les cellules à fourche {Gabelzellen, Engelmann). — Pour la bizar- rerie des formes, les cellules à fourche ne l'emportent pas sur celles que nous venons de décrire. Billroth [loc. cit.) présente le dessin d'une telle cellule, sans en donner pourtant une description plus précise (voir l'introduction historique). C'est à Engelmann que nous sommes redevables d'une description de ces cellules assez détaillée, quoiqu'il ait confondu ses Gabelzellen avec les cellules à ailes, dont l'existence lui était complètement inconnue. (Pour Engelmann, les cellules à ailes n'étaient que les cellules cyhndriques, modifiées sous l'influence des réactifs. Cet auteur ne prend en considération que les « côtes » des prolongements à ailes ; la membrane étendue entre ces côtes lui avait échappé, de sorte que parmi les dessins d'Engelmann il n'y en a que quelques-uns qui présentent de vraies cellules à fourche.) Merkel donne également dans sa monographie le dessin d'une cellule à fourche (pi. YII, fig. 21, /, c) ; mais elle est pour lui un TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 727 produit artificiel. « Les cellules à fourche, telles que les comprend Engelmann, ne se trouvent point dans les disques terminaux des Batraciens. Je n'ai rencontré que dans les cas extraordinaires et très rarement des cellules à prolongements, présentant l'aspect des fourches. Le plus bel exemplaire fournit la figure 21. Leur extrême rareté, ainsi que la multiformité excessive des prolongements, permettent de conclure, et avec quelque vraisemblance, que nous avons là une déformation d'une autre cellule. Du reste, je n'ai réussi à en tirer d'autres détails instructifs. » Holl est d'accord avec Merkel ; il pourvoit le dessin d'une cellule en question d'une remarque suivante : « Ainsi que Merkel, je n'ai rencontré qu'un très petit nombre de cellules à fourche d'Engelmann, et ce sont peut-être les cellules à ailes qui ont subi une transformation rétro- grade. » En face des résultats obtenus dans le cours de nos recher- ches, nous croyons pouvoir affirmer que les cellules à fourche (nous nous servons de la désignation introduite par Engelmann) existent et qu'elles existent comme éléments épithéliaux indépen- dants. Il est facile de comprendre comment un savant de la force, de Merkel n'ait pu prononcer sur leur nature un jugement décisif. La grande variété des formes, l'extrême délicatesse des cellules, qui subissent des altérations considérables, quand on les dissocie à l'aide des aiguilles, leur position au fond du disque et enfin l'entre- lacement de leurs prolongements avec ceux des autres cellules, telles sont les causes qui rendent les recherches extrêmement diffi- ciles. Les cellules à fourche renferment des grands noyaux ovalaires, qui forment la troisième rangée irrégulière, décrite plus haut; ils sont entourés d'une couche de protoplasma excessivement mince. Le corps de la cellule donne dans sa partie centrale et périphérique des nombreux prolongements très grêles. Les prolongements sont tous construits sur un type, quoiqu'ils présentent des variations in- dividuelles considérables. Quelquefois, du pôle périphérique de la 728 J. FAJERSZTAJN. cellule se dégage un seul prolongement ramifié (fig. 7, 9); ailleurs, deux ou trois, et ceux-ci peuvent encore présenter des ramifications latérales (fig. 8). Tous ces prolongements atteignent la surface libre du disque. La figure 40 donne une idée assez exacte de la position du noyau et des prolongements périphériques d'une cellule à fourche carac- téristique. Les prolongements et leurs ramifications latérales font l'effet des bâtonnets raides et brillants, formés d'une substance homogène. Quelques-uns présentent des renflements terminaux en forme de boutons; mais il est difficile de décider, si les derniers existent dans la cellule vivante, ou s'ils ne sont tout simplement qu'un produit artificiel. Les prolongements centraux des cellules à fourche, qui sont quelquefois extrêmement longs, se distinguent caractéristique- ment des prolongements des cellules à ailes. Ils sont toujours au nombre de 2 à 4; un unique n'apparaît jamais. Us partent de la partie de la cellule qui est située immédiatement au-dessous du noyau (fig. 7, 9), ou bien de là où le corps cellulaire commence à s'allonger (fig. 8). Sur les préparations réussies, ils présentent l'aspect de fils à vari- cosité très fins, plus ou moins longs et plus ou moins ramifiés. La nodosité est leur trait stable, qui se conserve dans tous les liquides de macération (nous n'avons rencontré qu'une seule cellule, et dans une préparation mal réussie, présentant un long prolongement sans varicosité). Une considération toute spéciale mérite la cellule dessinée sur la ligure 7, présentant des prolongements extraordinaircment longs et tout à fait fantastiques. Le prolongements varicosité, désigné par a, est d'une longueur d'à peu près O'^^'jÛS. Toute la hauteur de la partie épithélialc du disque entier n'est pas de beaucoup moins grande (O^'^SOG à 0™'",09 de la surface du disque jusqu'à la mem- brane basale). En face de ces chiffres, nous sommes contraints à TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 729 admettre que les prolongements centraux des cellules à fourche, non seulement gagnent la membrane basale, mais qu'ils s'étendent sur elle dans un plan horizontal. Aussi, sur un petit groupe isolé de cel- lules, on voit que les prolongements des cellules à fourche cheminant sur le substratum s'y entrecroisent avec les prolongements des cellules à ailes et constituent un plexus assez serré, qui comprend, en outre, les prolongements des cellules à bâtonnet et les fibrilles nerveuses (y, p, /). Pour Merkel, les cellules à fourche étaient, comme nous l'avons fait remarquer plus haut, un produit artificiel, tandis que HoU émettait l'hypothèse d'une dégénérescence des cellules à, ailes. Les traits caractéristiques invariablement constants, malgré l'adop- tion des différentes méthodes de macération, ne laissent aucun doute que la supposition de Merkel ne correspond pas à la réalité. Cet auteur ne dit point de quelles cellules pourraient provenir les cellules à fourche. La seule supposition admissible se présenterait, que ce sont les cellules à ailes qui ont subi l'influence destructive des liquides de macération. Mais, pour se convaincre complètement de l'erreur d'une telle opinion, il suffît de comparer la longueur des prolongements centraux de ces deux genres de cellules. Les prolon- gements des cellules à fourche sont toujours beaucoup plus longs que ceux des cellules à ailes. On conçoit facilement que le gonfle- ment de la préparation ne peut amener la transformation du pro- longement même le plus long d'une cellule à ailes en un prolon- gement comme celui de la figure 7. 4. Les cellules en bâtonnet {Geschmackszellen de Key, Cylinderzellen d'Engelmann, Stiltz.- et Slabchenzellen de Merkel).— Les cellules en bâtonnet présentent l'apparence, comme le marque du reste leur désignation, d'un bâtonnet. Leurs grands noyaux sont étalés assez réguhèrement immédiatement au-dessus de la membrane basale, dont ils ne sont séparés que par l'extrômement petite couche, décrite plus haut (p. 713), de substance granuleuse {Neurospongmm internum de Holl). Le noyau est situé dans la partie la plus inférieure de la 730 J. FAJERSZTAJN. cellule, à sa base. Nous distinguons deux types de cellules en bâton- net K Le type a. La comparaison do nos dessins (fig. M, 12, 13, 14) avec ceux de Merkel nous fait voir que le type a correspond aux cel- lules, qu'il désigne du nom de cellules de soutènement {Siûtzzellen^ Merkel, Cylinderzcllen, Engelmann). Le corps des cellules de ce typC;, présentant dans le voisinage du no yau l'aspect d'un cône plus ou moins régulier, donne vers la péri- phérie des bâtonnets longs et tout à fait droits, qui atteignent la surface libre du disque. La base du cône, généralement aplatie (fig. 12, 13, 14), adhère à la membrane basalc, s'y appliquant à l'aide des deux ou trois racines disposées horizontalement. Sur les cellules dissociées, ces dernières apparaissent en forme de petits prolonge- ments à terminaisons inégales, comme arrachées. Cependant, nous en avons aussi rencontré des prolongements plus longs, et quelques- uns d'eux étaient môme ramifiés (fig. 14). Nous supposons que tous ces prolongements se comportent ainsi, c'est-à-dire que les cellules s'attachent à la membrane basale à l'aide des prolongements rami- fiés, rampants. Ces longs éléments s'arrachent très facilement du corps de la cellule, n'y laissant qu'un débris en forme de petites racines. Le type b diffère du précédent par la construction de son prolon- gement central. Ces cellules présentent chacune un seul prolonge- ment central, qui est assez court, quelquefois ramifié (fig. 15, 16, 17). Les dessins de Merkel démontrent que ce sont probablement ces cel- lules qu'il nomme Stubchenzellen (fig. 19, pi. VII). Merkel constate à la terminaison périphérique des cellules à bâtonnet la présence d'une émincnce irrégulière {Jdeinc stummelformige Fortsàtzcben). Ces éminences correspondent, à son avis, aux « pointes » {Stiftchen) dé- 1 Ce ne sont pas les différences morphologiques qu'on pourrait apercevoir dans leur structure, qui nous conduisent à la division des cellules en bâtonnets en deux catégories; celles-ci sont trop peu accusées pour rendre nécessaire une clas- sificalion plus spéciale. Nous l'entreprenons plutôt en vue de faciliter la compa- raison de nos résultats avec ceux de Merkel. TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 731 crites par F.-E. SchuUze chez les poissons, ainsi que par Schwalbe dans les bourgeons du goût des mammifères. Il ne donne pourtant pas d'explication plus précise. « Je n'ai pas réussi à constater la présence de ces corpuscules extrêmement délicats sur des organes à l'état frais ; leur forme ne peut donc être acceptée comme tout h fait fixée (p. 80). » Malgré tous les efforts, nous ne sommes parvenus à constater sur les extrémités libres des cellules à bâtonnet rien qui approchât de la description des a cils sensitifs» [Sinneshaare]^ ou bien des « pointes» . On ne peut que supposer que Merkel se trouvait devant un produit artificiel; notre supposition est d'autant plus vraisemblable, que les délicates cellules à bâtonnet subissent, sous l'influence des réactifs, des altérations bien marquées. Nous avons déjà remarqué que Merkel distingue deux sortes de cellules, qu'on pourrait, en considération de leurs formes, nommer cellules à bâtonnet, Stùtz.- et Stàbchenzellen. lloll ne nie point non plus l'existence des cellules « de soutène- ment», quoiqu'il l'accepte avec une certaine méfiance. L'examen de la surface d'un disque terminal entier fait apparaître les extrémités libres des cellules à bâtonnet en forme de petits cercles granuleux, tout à fait mats, dispersés parmi les têtes des cellules cylindriques. On ne rencontre, en général, qu'un seul cercle, mais quelquefois, quoique très rarement, apparaît un groupement do deux à trois. La dissociation des cellules démontre aussi parfois une agglomération de deux à trois cellules à bâtonnet, collées les unes aux autres par leurs extrémités supérieures. Merkel attache aux groupes de cercles qui correspondent i) l'agglomération des cellules à bâtonnet, une importance toute spéciale ; à son avis, ce rassem- blement des cellules à bâtonnet (resp. Stutz.- et Stàbchenzellen) repré- senterait l'appareil terminal nerveux du disque. 11 se base sur l'ana- logie qui existerait entre le rassemblement des cellules à bâtonnet du disque et les bourgeons terminaux ' [Endknospen) chez les pois- •• Corps ovoïdes de Jobcrt. 732 J. FAJERSZTÂJN. sons. Nous prenons la liberté de remarquer que l'opinion de Merkel à ce sujet est un peu trop risquée. A notre avis, on ne pourrait tracer une analogie qu'entre le disque total, d'une part, et le bour- geon terminal, de l'autre. Nous reviendrons plus loin au même sujet; ici nous nous bornerons à citer quelques remarques, qui font voir les côtés faibles de l'opinion de Merkel. 1. Les différences morphologiques entre les deux types de cellules à bâtonnet (entre les cellules à bâtonnet proprement dites et les cel- lules de soutènement, Stûtz.- et Stabchenzellen) sont d'après nos re- cherches si peu prononcées, qu'elles ne déterminent point la né- cessité d'une division en deux groupes distincts. 2. En acceptant môme dans l'agglomération des cellules à bâton- net un analogue des bourgeons terminaux, comment expliquer la nature d'une cellule à bâtonnet isolée? Il faut faire remarquer que Merkel ne nie point l'existence des cellules à bâtonnet isolées : « On rencontre assez souvent, « dans le bourgeon terminai», une unique cellule à bâtonnet, comme le prouve l'examen de la surface d'un disque terminal. » (Merkel, loc. cit., p. 80.) D'après Merkel, le disque terminal contiendrait des « bourgeons terminaux» {Endknospen), constitués par une seule cellule sensitive {Stàhchenzelle], h côté d'autres bourgeons, dans lesquels la cellule sensitive apparaît entourée par des cellules de soutènement. En admettant la justesse d'une telle hypothèse, nous aurions, dans un organe, des appareils nerveux plus compliqués à côté d'appareils moins compliqués, des appareils phylogénétiquement antérieurs (les cellules sensitives isolées dans la peau de l'amphioxus) à côté d'ap- pareils phylogénétiquement postérieurs (bourgeons terminaux). Il y a, en outre, des faits réels, qui sont en contradiction directe avec l'hypothèse de Merkel : la disposition des fibres nerveuses dans les disques [v, p, l). En terminant la description des cellules à bâtonnet, nous ferons remarquer qu'elles se comportent en face des matières colorantes un peu différemment que les cellules cylindriques, les cellules ù TERiMIiNAlSONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 733 ailes et à fourche. Elles se colorent plus intensivement en noir par la solution de chlorure d'or et plus souvent que les autres par le bleu de méthylène (injecté dans les veines d'une grenouille vivante). Avec les cellules à bâtonnet se termine la série des formes de l'é- pithélium du disque terminal. La figure 18 présente la structure schématique de cet épithélium; notre dessin fut exécuté à l'aide des données obtenues par l'examen des coupes du disque, ainsi que des cellules dissociées. Comme nous le voyons, c'est sur la membrane basale que se rencontrent les pro- longements centraux des cellules à ailes, à fourche et à bâtonnet. Ils sont tous plus ou moins ramifiés. Sur les agglomérations des cellules, séparées par macération, on voit distinctement que tous les prolongements centraux forment, sous la rangée (la quatrième) des noyaux de cellules à bâtonnet, un plexus extrêmement serré. Ce plexus est constitué principalement par les prolongements centraux des cellules épithéliales (nous disons principalement, car les fibres nerveuses y prennent part également) ; il présente sur les coupes transversales l'aspect d'une substance granuleuse, formantla ligne de séparation entre la couche des noyaux et la membrane basale (y, />, h) (fig. 22, c; 20, b). HoU explique tout autrement la nature de cette couche granuleuse. Elle est, pour lui, un tissu corné. « La couche granuleuse supérieure [granulirte Schichte) », c'est-à-dire la couche granuleuse d'au-dessus de la membrane basale, « est pour moi, en considération de sa struc- ture et de ses propriétés particulières, qui seront décrites plus bas, un produit épithélial, Newospongium (W. Millier), ou Hornospon- giosa (Schwalbe) » (p. 59, Holl). Le Neurospongium internum de lloll présente, d'après lui, une ana- logie parfaite avec la couche granuleuse interne de la rétine. Vers la périphérie, il passe dans Vlnterneurospongiim, qui entoure les noyaux des cellules que Holl nomme Basalzellen '. i Holl ne détermine pa3 précisément quelle est la signification des Basalzellen, Si 734 J. FAJERSZTAJN. Le New'ospongium externum sépare les noyaux des cellules basales [Basahellen) « du disque terminal proprement dit » [eigenlliche End- scheibe). Quelles sonl les preuves qui supporteraient l'hypothèse que !a couche granuleuse devrait être placée dans la catégorie des tissus cornés ? Holl n'en donne point dans son mémoire. 11 s'appuie, à vrai dire, sur la résistance du tissu sous-épithélial {das unter dem Zellcomplexe des Geschmacksorganes liegende Geivebé) en face des acides et alcalis. Mais _il ne faut pas oublier que le terme «tissu sous-épithélial » s'applique aussi bien à la membrane basale qu'à la couche granuleuse. Key et Engelmann n'ont fait des recherches sur l'influence des réactifs que sur la membrane basale. Si la couche granuleuse en question présente les mêmes propriétés en face des réactifs, c'est un point qui n'a pas été élucidé. Nous supposons que notre opinion sur la nature de la couche granuleuse, ainsi que de la substance granu- leuse internucléaire pourrait être admise sans restriction. Quelle explication plus naturelle que celle que l'agglomération des prolon- gements du disque (les fibres nerveuses comprises), en se contrac- tant sous l'action des réactifs chimiques, produise sur les coupes transversales l'impression de substance granuleuse ? Sur les coupes de la membrane muqueuse durcie, la structure de tous les produits plasmatiques plus délicats s'efface presque complètement ; la prépara- tion ne présente souvent ni les corps des cellules à ailes et à fourche, ni leurs prolongements, ni les fibres nerveuses ; nous y voyons seu- lement un tissu réticulaire granuleux entourant les noyaux des cel- lules correspondantes, — ce qui peut servir d'appui à notre suppo- sition. L'innervation du disque terminal. — La pénétration des fibres ner- veuses sans myéline dans l'intérieur de l'épithélium du disque ter- minal, constatée pour la première fois par A. Key, fut mise hors de nous comprenons Lii;n l'idée de Holl, elles auraieuL les propriétés des spongio- blastes (Holl, p. 6b; voir aussi rintroduction historique). TERMINAISONS DES NEUFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 735 doute depuis l'apparition des travaux d'Engelmann, de Merkel, etc. Cependant, la manière dont ces fibres se terminent dans répithéliuui restait une question non résolue. Tous les auteurs n'étaient d'accord que sur un seul point principal : ils acceptaient le fait de l'existence d'une union directe du nerf et de la cellule d'origine épithéliale — la cellule sensorielle. Cette uniformité d'opinions ne reposait cepen- dant pas sur des données positives; c'était plutôt l'expression d'idées théoriques sur la structure générale de presque tous les appareils de sens. On sait que le manque de moyens de coloration des ramifica- tions nerveuses les plus fines était l'unique difficulté qui rendait infructueuses toutes les recherches qui avaient pour but l'éclair- cissement de la structure des terminaisons nerveuses dans les organes de sens (de vue, d'ouïe, d'odorat et de goût). La méthode d'imprégnation par le chlorure d'or, introduite par Cohnheim, est insuffisante dans les recherches des appareils de sens supérieurs. Dans le cas qui nous occupe, nous avons essayé de toutes les va- riantes de cette méthode, mais sans obtenir de résultats satisfaisants. L'application de la méthode d'Erlich S dont nous allons dire quel- ques mots, nous a rendu des services incontestables, et nous croyons pouvoir affirmer, non sans fondement, que cette méthode deviendra un jour pour les recherches sur les terminaisons nerveuses un moyen sûr, qui dissipera le brouillard obscurcissant un des ter- rains les plus intéressants de la morphologie animale. La méthode de coloration des terminaisons nerveuses d'Ehrlich consiste dans l'injection, dans le sang de l'animal vivant, du bleu de méthylène {Methylenblau). Le procédé de l'injection est une affaire assez simple. Nous avons fait pénétrer la canule fine d'une seringue ordinaire dans la veine abdominale d'une grenouille curarisée ou bien anes- thésiée par l'éther sulfurique. Il faut donner la préférence plutôt à cette veine qu'à la grande cutanée pour l'injection du bleu, vu qu'elle i P. EiiuLicii, Ueher die Methylenblaureaction derlebenden Nervensubslanz. {Deutsche medidnische Wochenschrift, 1880, no 4.) 73G J. FAJERSZTAJN. permet de l'introduire dans le cœur de l'iuiiuial non directement, mais après l'avoir fait traverser les capillaires du loie. Ceci est un point très important en face de la possibilité d'éviter une pertur- bation notable dans le système de circulation, que le bleu de méthy- lène, introduit directement dans le cœur, amènerait et qu'on rend beaucoup plus faible en faisant prendre au pigment le chemin des capillaires du foie. Pour la réussite de l'expérience, il est absolu- ment important d'éviter tout désordre dans la circulation, car bien souvent la coloration des terminaisons nerveuses est rendue impos- sible par l'accumulation des globules sanguins dans les capillaires de la cavité buccale, qui barrent à la matière colorante le passage au disque. Nous aurions là une stagnation provoquée par la difficulté d'écoulement du sang veineux dans le cœur, qui est rempli par le liquide injecté. En considération d'une telle éventualité, afin d'ob- tenir quelque résultat satisfaisant, il faut, en pratiquant l'injection, procéder lentement. Cependant, malgré tous les moyens de précau- tion, il arrive quelquefois que l'expérience est complètement man- quée, que les terminaisons nerveuses ne démontrent aucune trace de coloration. L'état général de l'animal, la force des contractions cardiaques, peut-être aussi la réaction des fibres nerveuses patho- logiquement changée, sont là les causes qui peuvent, chacune à part, avoir une influence notoire, — l'importance d'une causa efficiens. Rn pratiquant l'injection du bleu de méthylène, il faut prendre soin d'observer que l'air puisse pénétrer largement dans la cavité buccale, Ehrlich ayant prouvé que les fibres nerveuses saturées d'oxygène absorbaient avec une plus grande énergie la matière colo- rante. Les terminaisons nerveuses dans les disques se colorent aussi lorsqu'on injecte le bleu de méthylène dans le sac lymphatique dorsal, ou bien lorsqu'on le verse directement dans la cavité buc- cale. Le premier de ces moyens amène incontestablement un résul- tat évident ; mais toutefois, en appliquant cette modification dans la méthode, on obtient des images moins distinctes. Avec les tcrmi- TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 737 naisons nerveuses s'imprègnent du pigment et aussi les granulations plongées dans le plasma des cellules du disque, ce qui n'est pas du tout désirable. Le second moyen (l'infusion) est surtout con- venable pour la coloration des disques terminaux de Eijlaarbo7'ea; du reste, l'infusion nous a donné bien des fois de très bons résultats chez la grenouille verte et chez la grenouille rousse. Nous avons employé, pour nos recherchées, le bleu de méthylène, préparé par le docteur Griibler ', de Leipzig, dans la solution de 1 pour 1 000 (1 partie de bleu de méthylène pour 800 parties d'une solution à 0,0 pour 100 de NaCl). Ehrlich livre, dans son mémoire concernant les résultats obtenus à l'aide de la coloration par le bleu de méthylène, la descrip- tion suivante des terminaisons nerveuses dans le disque termi- nal de la grenouille : « Tout au-dessous de l'épithélium du disque gustatif, vous trouverez, messieurs, un plexus serré, constitué par de très fins cylindres-axes, qui présentent une varicosité plus ou moins grande. Les cellules sensorielles adhèrent parleurs extrémités aux points nodaux du plexus, sans qu'il se produise toutefois une fusion complète {ohne mit Ihnen Jedoch zu Verschmelzen). Du plexus nerveux fondamental se dégagent des rameaux nerveux très fins, qui pénètrent dans l'épithélium ; quelques-uns d'entre eux che- minent vers les cellules sensorielles pour se terminer sur leur sur- face par une petite tête pointue, distinctement marquée. » Ces images prouvent évidemment que les nerfs gustatifs ne se lient pas avec les cellules gustatives continûment, mais per coniiguUatem. » La vérification de ces données d'Ehrlich, extrêmement intéres- santes et de première importance, fut un des buts principaux qui nous fit entreprendre ce travail. Les recherches dans cette direction ont donné des résultats presque tout à fait identiques avec ceux d'Ehrlich. A la description courte de cet auteur il ne reste à ajouter que peu. ' Melhylenblau nach Ehrlich. AP.CH. DI£ ZOOL. EXP. ET GÉN. — i^ sÉRTE. — T. VU. 1889. 47 7:{8 J. FAJERSZTAJN. Les fibres nerveuses à myéline, après avoir parcouru (d'un cours onduleux) le substratum (formé par le tissu connectif) du disque ter- minal, perdent leur myéline à la hauteur des anses capillaires. Et alors les fibres, privées de leur gaine médullaire, se dispersent tout au-dessous de la membrane basale en forme des cylindres-axes nus, pourvus de varicosité. Elles poursuivent le trajet le plus irrégulier ; on les voit se subdiviser, donner des multiples ramifications, s'entre- croiser les unes avec les autres et concourir à former une sorte de plexus lâche, auquel nous croyons, en vue de sa position, pouvoir donner le nom de « plexus sous-basal» {plexus subbasalis) (fîg.23, c). Les fines fibrilles à varicosité qui se dégagent de ce plexus percent la membrane basale, à l'intérieur de laquelle elles parcourent en différentes directions. La plupart des fibrilles cheminent parallèle- ment à. la base de la membrane, donnant des ramifications tantôt dans ses couches profondes, tantôt tout au-dessous de l'épithélium ; les autres fibrilles percent la membrane verticalement. Après avoir traversé la membrane, les fibrilles pénètrent dans l'épithélium, en formant au-dessous de la couche des noyaux des cellules à bâtonnet un plexus extrêmement serré. Ce plexus, qu'on pourrait nommer « plexus sous-épithélial» (fig. 23, b), est constitué par une telle multitude de fibrilles que, sur une préparation bien colorée et à un grossissement plus faible, il fait l'effet d'une bande bleue. A la même place où le bleu de méthylène démontre la pré- sence du plexus sous-épithélial, nous avons rencontré plus haut un réseau, formé par les prolongements des cellules à ailes, à fourche et à bâtonnets. Du contact de ces deux plexus — - du nerveux et de l'épithélial — provient la couche compacte du tissu réticulaire. Sur les coupes transversales de la membrane muqueuse durcie, la structure pri- mitive de cette couche s'efface complètement, faisant place à une granulation qui résulte du changement par les réactifs chimiques. Après avoir formé le plexus sous-épithélial, les fibrilles nerveuses fines, gardant leur varicosité, s'engagent entre les cellules du TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 739 disque terminal. Quelques-unes d'entre elles se dirigent verticale- ment vers la périphérie, atteignent jusqu'à la surface du disque, où elles se terminent par des boutons distincts parmi les têtes des cel- lules cylindriques. Les boutons terminaux ne diffèrent en rien des nœuds ordinaires de la varicosité. Quelquefois, pourtant, ces bou- tons sont beaucoup plus grands et présentent une certaine différence de structure (y. p. l.) (fîg. 24). Les autres fibrilles, après un trajet plus ou moins contourné, se terminent dans les différentes couches de l'épithélium par des ren- flements en boutons ordinaires. Il est une chose absolument impos- sible d'indiquer la place où se terminent les fibrilles, qui ne gagnent pas la surface libre du disque ; pendant que les unes se terminent brusquement, immédiatement au-dessus du plexus sous-épithélial, les autres montent plus haut et atteignent la seconde et quelquefois même la première rangée des noyaux. Du reste, sur un disque frais — et la méthode d'Ehrlich ne permet pas d'en examiner d'autres — se présente encore une autre difficulté à la détermination de la posi- tion du bouton terminal ; c'est que ni les corps des cellules, ni leurs noyaux n'y sont point visibles. Cette même cause rend impos- sible la résolution de la question, si les boutons se trouvent entre les cellules ou bien s'ils reposent sur les cellules mêmes. Il faut ce- pendant faire remarquer que l'espace intercellulaire ne dépasse que de peu le diamètre d'un bouton terminal, en vue de quoi on pour- rait admettre comme vraisemblable la supposition que le bouton adhère aux surfaces des cellules qui l'entourent. Les fibrilles, qui cheminent dans l'épithélium, donnent souvent des ramifications ; les branches latérales se terminent également par des boutons. Quelques-unes décrivent un arc, formant dans l'épithélium une anse de grandeur variable. Le sommet de l'arc d'une telle anse atteint quelquefois une hauteur considérable, pen- dant que sa terminaison se trouve beaucoup plus bas, souvent même immédiatement au-dessous du plexus sous-épithélial. Hors les varicosités ordinaires, les fibrilles présentent quelquefois 740 J. FAJERSZTAJN. des renflements, qui se distinguent par leurs dimensions extraor- dinaires. La figure 24 représente un renflement, qui remplace ici le bouton terminal typique. Le bouton terminal intensivement coloré est entouré d'une sorte de vésicule transparente, colorée fai- blement. Nous avons rencontré ces renflements assez fréquemment. Serait-ce un produit pathologique, ou faut-il le placer au nombre des produits artificiels? C'est une question qu'on ne saurait résoudre définilivemenl *. Parfois plusieurs renflements, présentant du reste peu d'analogie avec ceux que nous venons de décrire, se font voir sur une même fibrille. La figure 25 nous présente trois renflements pareils. Ils se colorent plus ou moins intensivement. Au premier coup d'oeil, on pourrait être amené à croire qu'on a là des noyaux de la gaine de Schwann.Mais une telle idée serait erronée : r parce que les noyaux de la gaine de Schwann ne se colorent pas par le bleu de méthy- lène, et 2" parce que les dimensions de ces renflements ne sont pas assez notables. Il faut faire remarquer que Kolliker - donne la description des produits tout à fait analogues dans les fibres nerveuses delà queue des têtards. Le dessin de Kolliker (fig. 3, A, a) correspond complè- tement aux renflements que nous avons observés. « Hors ces ren- flements délicats, dit Kolliker (p. 2), à certaines places apparaissent des élargissements plus grands, qui, privés de noyaux, doivent faire partie de la fibre môme. » L'innervation du disque terminal présente une certaine analogie avec celle de la cornée. Les plexus sous-basal et sous-épithéhal, les terminaisons libres des fibres nerveuses les plus grêles, disséminées entre les cellules de l'épithélium, existent dans les deux organes. Cette analogie ne se laisse tracer que jusqu'à un certain point; 1 Les varicosités ordinaires doivent se trouver dans la fibre nerveuse îi son état normal; du moins, les résultats identiques obtenus par l'application de la méthode d'or et dti la méthode d'Kiirlich témoignent on faveur d'une toile opinion. 2 A. KôixiKKR, llistologische Studien an Batrachierlarven {Zeitschr. f. Uiss. Zool., 18S5, Bd. XLIII). TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 7il répithélium du disque terminal est constitué par des éléments bien différenciés, ce qui n'est donc pas le cas dans l'épithélium de la cornée. Cette description nous fait voir qu'entre les nerfs dans les disques terminaux et les cellules épithéliales, il n'y a pas de rapport de con- tinuité; il n'y a qu'une réunion par simple conta,ct, per contigui' tatem et non per continuilatem. La réunion du nerf et de la cellule se fait de deux manières : 1° les boutons terminaux s'appliquent sur les corps des cellules ; 2° les prolongements des cellules adhèrent intimement aux fibres nerveuses, formant un plexus au-dessus de la membrane basale. Nous avons lait remarquer plus haut que la disposition des fibres nerveuses dans les disques fait tomber l'hypothèse de Merkel concernant la signification des groupes de cellules à bâtonnet. Si, en réalité, les choses se passaient comme Pexpose cet auteur, aux agglomérations des cellules à bâtonnet devraient correspondre des rassemblements locaux des fibres nerveuses, ce qui, comme nous le savons, n'est pas le cas. Il est nécessaire d'essayer ici de résoudre la question : A quelles cellules épithéliales du disque terminal faudrait-il attribuer le rôle des cellules sensorielles ? La cellule sensorielle est, comme on l'accepte généralement, une cellule épithéliale diversement modifiée, qui, 1° au point de vue physiologique, prend une part active dans la perception d'impres- sions, subissant l'influence des stimulants extérieurs, et, 2" au point de vue morphologique, se continue invisiblement avec la fibre ner- veuse. La cellule sensorielle du disque terminal ne peut évidemment répondre qu'à la première de ces deux conditions, la réunion avec la fibre nerveuse ne se faisant que per contiguitatem. Une telle opi- nion sur le rapport des nerfs avec la cellule sensorielle, qui est com- plètement contradictoire à la théorie généralement admise de la continuité du nerf avec le prolongement central, trouve une affirma- 7i2 J. FAJERSZTAJN. tioii dans les résultats des recherches de M, Mitrofanoff et en quel- que sorte dans celles du professeur Retzius. M. Mitrofanoff a constaté la présence des terminaisons nerveuses libres dans les organes latéraux à l'état de développement chez les têtards des Urodèles, dans les organes cahciformes des poissons et dans les disques terminaux des Anoures ^ Le professeur Retzius 2, dans toute une série de beaux mémoires sur l'organe auditif, prouve que les fibres nerveuses se terminent sur les cellules auditives, les recouvrant, comme d'un réseau, par des fins fils nerveux. Ce savant incline à l'opinion que les cellules auditives se lient avec les nerfs per conciguitatem, par exemple chez le chat, le pigeon, le caïman, mais il ne résout encore la question définitive- ment. Il faut mentionner aussi des recherches récentes de Dogiel ^ con- cernant les terminaisons libres dans la rétine (poissons, amphibiens, reptiles, oiseaux). Ayant noté toutes ces remarques, il est temps de s'occuper de la question. Quelles sont les cellules du disque auxquelles on devrait attribuer les propriétés de cellules sensorielles (nous nous servons du terme « cellules sensorielles » dans la signification exposée plus haut) ? La résolution de cette question n'est point une chose facile. Schwalbe caractérise les cellules sensorielles de la manière suivante: « Les appareils terminaux des nerfs (dans les organes des sens supé- rieurs) apparaissent toujours sous l'aspect de cellules épithéliales singulièrement allongées et étalées verticalement au substratum. A une certaine place, topographiquement variable, elles présentent un renflement en forme de fuseau, empli presque complètement par le ' P.-J. Mitrofanoff, Sur les organes du sixième sens chez les Amphibiens. — Ce mémoire ne contient qu'une courte remarque sur les résultats de recherches sur les disques terminaux et les organes caliciforraes {Bull, de l'Université de Varsovie, 1888). (Texte russe). ' G. Retzius, Das Gehôrorgan der Wirbelthiere. » A. Dogiel, Analom. Anz., 1888, n»» 4, 5, 11, 12. TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 743 noyau de la cellule. Le prolongement périphérique, qui se dégage de ce renflement et chemine vers la surface libre, est cylindrique ou bien conique. Le prolongement central se distingue par sa struc- ture extrêmement délicate et par la propriété spéciale de produire, sous l'influence des réactifs (par exemple, l'acide chromique), des varicosités * ». Nous chercherions en vain dans le disque des formes épithéliales qui correspondraient complètement àun tel schéma d'une cellule sensorielle; mais, toutefois, les cellules à fourche ont beau" coup de traits en commun avec la cellule sensorielle typique : la remarquable longueur et les varicosités des prolongements, le grand noyau entouré d'une très petite quantité de plasma ; puis, grâce à leurs prolongements centraux, longs et ramifiés, elles sont parfaite- ment aptes à s'cntre-croiser avec les fibres nerveuses et à prendre part dans la formation du plexus sous-épithélial. Outre les cellules à fourche, les cellules à bâtonnet présentent aussi une grande analogie avec le groupe des cellules sensorielles : la forme cylindrique allongée et les longs prolongements centraux (fig. 14). Ce sont justement ces traits et, en plus, le fait important de la ressemblance des cellules à bâtonnet avec les ainsi nommées Slubchenzellen, observées dans les organes de sens chez les mammifères, les poissons, les têtards, etc. , qui ont induit Merkel à accepter les cellules à bâtonnet (respectivement Stàbchenzellen] pour des cellules sensorielles. Le point de départ de cette hypothèse a été l'idée que l'agglomération des cellules à bâton- net, ainsi que les cellules séparées, correspondent complètement aux ainsi nommés bourgeons terminaux [Endknospen) chez les pois, sons, les têtards, etc. Quant à notre avis à ce sujet, nous l'avons exprimé plus haut (p. 732). Evitant la répétition des causes qui nous font refuser l'hypo- thèse de Merkel, nous remarquerons seulement qu'en poursuivant < Nous ne tirons de l'œuvre de Schwalbe que les passages qui traitent de la mor- phologie des cellules sensorielles. Quant au rapport des fibres nerveuses et de la cellule, cet auteur émet l'opinion que la continuité du nerf avec le prolongement central « est une chose très vraisemblable ». lU J. FAJERSZTAJN. le cours de nerfs dans les disques, on reçoit des preuves suffisantes contre cette assertion. La disposition des fibres nerveuses ne prouve nullement l'existence des parties indépendantes dans les disques, qui auraient la signification des bourgeons terminaux (p. 74!). Nous arrivons donc à la conclusion que l'hypothèse de Merkel, concernant l'assignation aux cellules à bâtonnet, respectivement aux groupes des mêmes cellules, du rôle d'organes des sens, ne peut être admise. Tout au contraire, nous croyons que ce ne sont pas les groupes de cellules à bâtonnet, mais les disques terminaux, m toto, qu'on peut considérer comme des organes homologues des bourgeons termi- naux. En faveur de cette opinion peuvent témoigner^ jusqu'à un cer- tain point, les faits de l'anatomie comparée, qui démontrent la proche parenté des disques avec les bourgeons terminaux. Les appareils ner- veux, compris sous la désignation commune de « bourgeons ter- minaux», se trouvent chez les Poissons, les têtards, les Urodèles ; ils font place aux disques terminaux chez les Batraciens et appa- raissent de nouveau chez les Reptiles et les Mammifères. En partant de la supposition que les disques terminaux ne sont rien autres que les bourgeons terminaux modifiés, on peut, avec quelque vraisemblance, tracer l'histoire de leur développement phylo- génétique. Chez les Sélaciens (/^r/sffwn^s, d'après Merkel), nous trou- vons toute une série de bourgeons terminaux, placés les uns tout près des autres sur une papille commune. On peut donc supposer (avec Merkel) que, d'un tel groupe de bourgeons, après avoir passé toute une série de modifications graduelles, ait pu se former un disque terminal ^ Il se peut bien que les causes, qui ont participé à faire naître l'agglomération des bourgeons terminaux, aient pu en même temps y produire de nouvelles formes épithéliales, mieux * Une telle opinion est d'accord avec le'* résultats des recherches de Blaiie, qui a trouvé dans la muqueuse olfactive des poissons des «bourgeons terminaux n, qui, au point de vue de la pliylogénèse, précèdent à la région olfactive uniforme des Vertébrés supérieurs. — J. Blaue, Untersuchungen iiber den Bau der Nasenschleim- haut bei Fischen u. Amphibien {Arch. f. Anatomie u. Physiologie. Anal. Ablh. Jhrg., 1SS4). TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 745 adaptées aux conditions extérieures, qui ont probablement de môme subi une modification : deux types de cellules principaux, qui font partie des bourgeons terminaux, — les cellules à bâtonnet [Stàbchen- zellen] et les cellules de soutènement [StiUzzeUen], — se sont trans- formés en toute une série de nouvelles formes épithéliales. Ainsi, ayant en vue le développement phylogénétique des disques, ne pourrait-on pas admettre que les cellules à bâtonnet, qui rem- plissaient dans les bourgeons terminaux les fonctions des cellules sensorielles, furent dans le cours de l'évolution privées de ce rôle, le cédant aux cellules à fourche ? En poursuivant cette idée, ne pourrait-on pas admettre, plus loin, que les cellules à bâtonnet des disques terminaux auraient seulement la signification des rudiments des bourgeons terminaux et qu'on pourrait les considérer comme des organes rudimentaires ? Une réponse en affirmation à ces ques- tions ne trouverait pas, à ce qui nous semble, des obstacles sérieux. Se reposant sur les données précédentes, nous arrivons à la conclusion que ce sont les cellules à fourche qui, selon toute vraisemblance, sont les cellules sensorielles du disque, c'est-à-dire qu'elles prennent une certaine part active dans la perception d'impressions senso- rielles. Cette manière de voir nous paraît la plus vraisemblable. Ce- pendant, nous ne voulons pas taire que cette conclusion est basée plutôt sur des suppositions que sur des faits positifs, et, comme telle, elle n'a certainement pas le prestige de précision exigé. Nous ne possédons pas, désormais, de données irréfutables qui suppor- teraient notre opinion sur la nature des cellules à bâtonnet des disques. Ce serait donc se permettre trop de liberté que de vouloir affirmer que les cellules à bâtonnet ne pourraient aucunement rem- plir les fonctions des cellules sensorielles. D'après M. Arnstein^ il n'y a dans les disques qu'une certaine partie des nerfs qui ont des terminaisons libres, correspondant aux ' C. Arnstein, Die Methylenblaufàrôung als histoiogische Méthode {Anntomischer Anzeiger, II Jhrg., n" 5). 746 J. FA.IERSZTAJN. terminaisons intra-épitliéliales dans les papilles gustatives des mam- mifères décrites par Sertoli *, Drasch - et Ranvier». Les autres fibres nerveuses se continueraient avec les prolongements centraux des cellules sensorielles. L'opinion de M. Arnstein est fondée sur la base que, en appliquant la méthode d'Ehrlich, les cellules senso- rielles du disque (respectivement «les cellules, qui présentent l'as- pect caractéristique des cellules gustatives d'Axel Key ») se colorent de même que les fibres nerveuses, et puis qu'on parvient quelquefois à voir l'union de la cellule colorée avec la fibre nerveuse, colorée de même. L'application du bleu de méthylène, par injection dans les veines de la grenouille et plus souvent encore par infusion, permet de voir quelquefois quelques cellules colorées séparées. Comme nous l'avons fait remarquer plus haut, les cellules à ailes, ainsi que les cellules à bâtonnet, peuvent absorber le bleu *. Nous avons observe maintes fois des cellules à bâtonnet parfaitement colorées ; mais, malgré toutes les précautions, nous ne sommes parvenu à voir aucune con- tinuité de la fibre nerveuse avec la cellule colorée, de sorte que nos observations se trouvent en contradiction directe avec celles de M. Arnstein. Il faut faire remarquer que, en étudiant les rapports de la cellule et du nerf à l'aide de la méthode d'Ehrlich, on reçoit des fois des images trompeuses, qui peuvent très facilement induire en erreur. Nous avons, par exemple, vu plusieurs fois des cellules à longs pro- longements filamenteux, qui faisaient l'efl'et des fils nerveux. L'ap- 1 Sertoli, BeitragezurKentniss àer Endigungen des Geschmaclcsnerven{MoleschoU's Untersuchungen zur Natwiehre, Bd. XI, 1876). 2 Drasch, Histolog. u. Physiolog. Untersuchungen uher d. Geschmacksorg {Sitzung- berichle d. k. Akad. Wien, III Abt!i., Bd. LXXXVIII, 1883). ^ L. Ranvier, Traité technique d'histologie. * Ceci s'applique aussi aux cellules caliciformes du bord et de la surface inférieure de la langue, de même qu'aux cellules spéciales de formes très variables (probable- ment des cellules migratrices). Les cellules plasmatiques iPlasmasellen) qui accom- pagnent les grands troncs nerveux se colorent en violet rosâtre. TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 747 plication des grossissements plus forts permettait presque toujours de constater que le prolongement coloré ne se continue point avec le nerf, mais qu'il passe tout à côté de lui, qu'il est plus large que le nerf, et enfin qu'il ne se colore pas d'une manière égale (le plus souvent c'est seulement la granulation du prolongement qui devient bleue). La situation changeante des noyaux de telles cellules, l'irré- gularité et la variété de la forme du corps cellulaire, ce sont là des données qui permettent de supposer que ces cellules n'appartiennent pas au disque normal, qu'elles sont probablement des cellules migra- trices *. Encore une remarque. M. Arnstein dit : « Des fois, les cellules ne se colorent point et des fois, de nouveau, on aperçoit entre les cel- lules épithéliales non colorées des produits bleu foncé, respective- ment brun noir (sous l'action de l'iode), qui présentent quelquefois l'aspect caractéristique des cellules gustatives d'Axel Key, d'autres fois d'une bouteille ou bien d'une ampoule... Dans les produits de forme d'une ampoule, il n'y a qu'un prolongement qui se colore, le central ou bien le périphérique. Dans ce dernier cas, le prolon- gement central peut passer dans une fibre nerveuse, qui fait l'effet de se terminer par un renflement en forme de massue {keulen- formige Verdickung). » En face de cette observation, se présente la question : les renflements en forme de massue de M. Arnstein ne correspondent-ils pas aux élargissements terminaux des fibres ner- veuses, dont nous avons donné la description plus haut? Nous avons observé de tels élargissements non seulement au fond de l'épithé- lium, mais même tout au-dessous de la surface du disque, ce qui prouve qu'ils ne pourraient aucunement faire partie des cellules sensorielles incomplètement colorées ^ 1 Ces images trompeuses apparaissent le plus souvent sur des préparations faites d'un disque qui se trouve à un faible état inflammatoire. Il faut remarquer que les papilles fungiformes patologiquement changées ne sont pas un phénomène rare chez les grenouilles gardées dans les laboratoires. * Chez la Rainette (Hyla arborea), l'élargissement terminal se trouvait uneifois au même niveau que les sommets des cellules cylindriques. â^ 748 J. FAJERSZTAJN. Pour la majorité des auteurs, les disques terminaux sont des organes de goût (Billroth, Key, Engelmann). Merkel les considère, de même que les bourgeons terminaux, pour des organes de tact. Krause n'admet pas la supposition que les disques terminaux puis- sent remplir les fonctions des appareils gustatifs, vu que les gre- nouilles se nourrissent principalement d'insectes couverts d'une épaisse enveloppe chitineuse ; dans ces conditions, l'organe de goût ne serait pour l'animal d'aucune valeur. Il n'est pas possible de ne pas approuver la manière de voir de Krause ; ainsi selon toute vrai- semblance, les disques terminaux fonctionnent comme des appareils sensoriaux adaptés à la perception des excitations mécaniques. Qu'il me soit permis, en terminant, d'exprimer à mon vénérable maître, M. le professeur Hoyer, ma profonde gratitude pour les conseils précieux qu'il a bien voulu me donner, ainsi que pour l'in- térêt bienveillant qu'il a porté à mon travail. Je prie aussi M. le docteur Waclaw Mayzel de vouloir bien agréer l'expression de ma reconnaissance pour la bienveillance avec laquelle il m'offrait son aide dans le cours de mes travaux au labo- ratoire histologique. TERMINAISONS DES NERFS DANS LES DISQUES TERMINAUX. 749 EXPLICATION DES PLANCHES XXXIII ET XXXIV. Les dessins ont été exécutés à l'aide d'une chambre claire d'Abbé. Fig. 1. Cellule cylindrique (bichromate de potassium, 0,4 pour 100 -}- 1 pour 100 d'hydrate de chloral). Zeiss. Homog. Imm. ]/l8. Oc. 2. 2. Cellule à ailes. Zeiss. Apochr., 4 millimètres. Oc. 12. Bichromate de potas- sium + hydrate de chloral (proportions vues ci-dessus). 3. Cellule à ailes. Zeiss. Homog. Imm., 1/18. Oc. 2. Bichromate de potassium -+- hydrate de chloral ([iroportions vues ci-dessus). 4 et 5. Cellules à ailes. Zeiss Apochr., 4 millimètres. Oc. 12. Bichromate de potassium -f- hydrate de chloral (proportions vues ci-dessus). 6. Cellule cylindrique et cellule à ailes, Zeiss. DD. Oc. 4. Bichromate de potassium -|- hydrate de chloral (proportions vues ci-dessus). 7. Cellule à fourche, a, le prolongement central pourvu de varicosités. Zeiss. Homog. Imm. 118. Oc. 2. Chlorure de sodium, 10 pour 100. 8. Cellule à fourche. Zeiss. Apochr., 4 millimètres. Oc. 12. Bichromate de potassium + hydrate de chloral (proportions vues ci-dessus). 9. Cellule il fourche. Zeiss. Homog. Imm. 1/18. Oc. 2. Chlorure de sodium, 10 pour 100. 10. Un groupe contenant deux cellules cylindriques, une cellule à ailes et une cellule à fourche, a. Zeiss. Apochr., 4 millimètres. Oc. 12. Bichromate de potassium, 0,4 pour 100. 11 et 12. Cellules ;\ bâtonnet. Zeiss. Apochr., 4 millimètres. Oc. 12. Bichromate de potassium -{- hydrate de chloral (proportions vues ci-dessus). 13. Cellule à bâtonnet, a, substralum. Zeiss. Imm. 1/18. Oc. 2. Bichromate de potassium + hydrate de chloral (proportions vues ci-dessus). 14. Cellule à bâtonnet, a, le prolongement central ramifié. Bichromate de po- tassium -f- hydrate de chloral. Zeiss. Imm. 1/18. Oc. 2. 15 et 16. Cellule à bâtonnet. Zeiss. Imm. 1/18. Oc. 2. Solution aqueuse saturée de vert de mélhyle. 17. Cellule à bâtonnet. Zeiss. Apochr., 4 milimètres. Oc. 12. Bichromate de potassium -\- hydrate de chloral (proportions vues ci-dessus). 18. Dessin schématique, a, cellule cylindrique ; b, h. ailes; c, cellule à fourche ; d, à bâtonnet; e, le ple.xus, formé par les prolongements centraux; f, membrane basali;. 19. Coupe transversale d'une papille fungiforme. Bichlorure de mercure, 5 pour 100, alcool, paraffine, carmin à l'alun avec acide acétique et bleu d'aniline. Zeiss. Apochr., 4 millimètres. Oc. 4. 20. Partie d'une coupe transversale d'une papille fungiforme. Liquide de Flem- ming, alcool, paraffine, vert de méthyle, jaune-métanil (Metanilgelb). a, cellule à bâtonnet ; b, couche granuleuse sous-épilhéliale ; c, mem- brane basale; d, substratum du disque. Zeiss. ilpocAr., 4 millimètres. Oc. 8. 750 J. FAJERSZTAJN. Fig. 21. Partie d'une coupe d'une papille fiingiforme. Liquide de Garnoy, alcool, paraffine, dahlia, a, lignes brillantes parmi les corps des cellules cylin- driques; b, excavation ;i fond d'une coloration intense. Zeiss. A'pochv., 4 millimètres. Oc. 12. 22. Partie d'une coupe transversale d'une papille fungiforme. Liquide de Flem- ming, alcool, paraffine, vert de mélhyle, safranine et jaune-métanil {Metanilgelh). a, noyaux des cellules cylindriques ; b, noyau d'une cellule à bûlonnet avec une figure karyokinétique ; c, couche granuleuse sous- épithéliale; d, membrane basale. Zeiss. Imm. 1/18. Oc. 2. 23. Disque terminal avec des fibres nerveuses colorées par la méthode d'Ehr- lich. a, renflement local d'une fibre ; 6. plexus sous-épithélial ; c, plexus sous-basal. Zeiss. Apochr., 4 millimètres. Oc. 'i. 24. Renflement terminal. Coloration par lebleu de méthylène, Zetsj Imm. 1/18. Oc. 2. 25. Partie du plexus sous-basal. a, renflements. Bleu de méthylène. Zeiss. Imm. J/18. Oc. 2. 1 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 2e SÉRIE. TOME VII Bûtschli, Structure du protoplasma, N. et R., p. Lxiii. Ciliés (voir Maupas). Cuénot. Sang, glandes lymphatiques, série animale (fe partie. — Verté- brés), p. 1. Cuénot. Sang, son rôle, sa formation dans la série animale (2* partie. — Invertébrés). N. et R., p. i. Corde dorsale (voir Schultze). Dentale (voir Fol). Delage {Yves). Études anatomiques et physiologiques sur les Cyuthiadées, p. 519, Delage {Yves). îi.etR. {voir Kowalevski/]. Delage {Yves) (voir Bûtschli). Fajersztajn (voir Feuerstein). Feuerstebi. Recherches sur les terminai- sons des nerfs dans les disques termi- naux chez la grenouille, p. 705. Fol {Hermann). Anatomie microsco- pique du Dentale, p. 91. François. Sa mission, sa correspon- dance. N. et R., p. XV et suiv. Grenouille (voir Feuei'stein). Houssay (voir Schultze), Hérouard. Les Holothuries des côtes de France, p. 335. Holothuries (voir Hérouard). Infusoires (voir Maupas). Kowalevsky . Recherches sur les organes de l'excrétion, N. et R., p. xxxiv; ana- lyse par Y. D. Karyogamique (voir Maupas). Lymphatique (voir Cuénot). Lacaze-Duthiers {de) (voir Delage). Lacaze-Duthiers [de) (voir François). Maupas. Rajeunissement karyogamique chez les Ciliés, p. 149. Nerfs (Terminaison des) (voir Feuer- stein). Rana (voir Feuerstein). Sang (voir Cuénot). Schultze. Formation des feuillets du blastoderme et de la corde dorsale chez la Grenouille, N, et R., p. xn. Trabut. Observations tûratologiques sur un tœnia saginata, N. et R., p. x. Taenia (voir Trabut). Vertébrés (voir Cuénot). TABLE DES PLANCHES 2" SÉRIK. TOME Vil I à III. Amibocites. — Cuénot. IV. Développement des Hémacites. — Ciiénol. V à VIII. Histologie du dentale. — H. Fol. IX à XI. Paramecium caudatum. — Maupas. XII et XIII. Paramecium aicrelia. — Maupas. XIV. Paramecium bursaria, colpidium colpoda. — Maupas. XV. Colpidium truncatum, Lucophrys patula, Glaucoma scintillans, Chilodon im- ci7iatus. — Maupas. XVI. Cryptochilum nigricans, Prorodon tares, Loxoiihyllum. fasciola et L. oùtu- sum. — Maupas. XVII. Spirostomum teres, Climacostomum virens. — Maupas. XVIII. Onychodrcmms grandis. — Maupas. XIX. Stylonichia pustulata, Euplotes patelLa. — Maupas. XX. Euplotes patella. — Maupas. XXI. Euplotes patella. — E. Charon. — Maupas. XXII. Vorticella monilata, Carcliesium polypinum. — E. Chavon. — Maupas. XXIII. Carchesium polijpinum, Vorticella nebulifera. — E. Charon. — Maupas. XXIV. La glande pylorique chez les Cyuthiadées ; sou histologie. —Y. Delage. XXV à XXXII. Anatomie des Holothuries. — Hérouard. XXXIII et XXXIV. Terminaisons des nerfs dans les disques terminaux de la gre- nouille. — Feuerstein. TYPOGBAI'HIE A. HENNUYER, RUE DARCET, i. Arcn.ae Zool.Jlxp,^ et Gén le 2^ Serie.VolVII.Pl.L ,V ■',-0 'î >! / 6^ // r 'Âj z' V 7 r 15 Ty I ': /^ rj n Nrr^ /■/; I& „,/ n 4 ' .17 Ifi lOu'rin/ t/v/ . t- 20 AMIBOCYTES, THYMUS Th Hijni'^i/ j-c. Arch de Zool.Exp^,* et Génl^ 2^Série,Vol,VlI.Pl.ll \ 0 o °i.,ïric Vcl VU FI V: JJ -# IK / Wf fy r//- yj .,\i^i 'X^^m^m- *' i-®' :#^^^- 1 ' »^ii:|s^'/ vy /i? \^/\ /â y> -<$,-v ^^\/ ^'■■^i '"«tl ^'fe / u (•/} ^V fa \v. ■ v. y: *Bi f Jf.Ihl abc T J^z^-'ur . J3ENTALE Remwald Editeur / ArcK de Zool . Exp . et y^ '} /.■::.■>-_■■" cte^ J)z^o PAR AME CI UM C AUD AT U M Arch de Zool Ejcp-^ et &en^^ Z^Sërie VolYII.PI.Zr. Hi^yhi PARAMECIUM CAUDATUM Arc>. de Zool Exj)^^ et Génl® ^7 Série Vol VIIPl M ff2 •Mcxupcus deZ. J}u/bz/^ ^ PAP.AMECIUM AURELIA J6- ï.\/' -t Gén^ L9 20 .1- iene. Voi Vil. ri.AlJl >./Tr's' \ 2ô- 3J 9 J \/ [iSÈm%\ ^ /^)ï- M. Ct^VtJ^ PARAMECIUM AURELIA Arch de Z.oûl. ùxp': et ùen'® 2®. oeiifc Vol. vii rj AlV Mcuipas cteZ PARAMECIUM BURSARTA . COLPIDIUM COLPODA Arch de Zool.Exp . et Ge'n 31-33. COLPIDIUM. 'J'RUNCATUM. 39-66. LEUC0PHRY5 TATULA 67-72 &LAUCOMA SCINTILLANT 7.3-.*^^ , CHILODON UNCTNATU5 Arcn ae Zool. Exp-* et &én^^ 2y~\ 3 Z^. Série.VolVn.Pl.XVI. Vti/cur se 7-7i'- cryptoohilum nigricans , 7^-<^^ prorodon tere5 9^ -->/. loxophi:llum fasciola et lortusum. Ârch de Zoo! . Exp^- el Génl' 2" Séné Vol VII. Fi XVII. 1-16 SPIROSTOMUM TER ES . J7-22 J.'ZifCliJ- ^'C . CLIMAC0 5TOMUM V1REN5. Arch de Zool. Exp^^ ei Gén^. 2^5érie.Vol.VIlPlXVl!î. ,. \ S' Maupa^'. diiL BWo'JJ- Se . ONYCHODROMUS GRANDIS kroh de Zool . 'Ex.v ei Gén . 2"Serie YolVII.PlXÎX. M«jupa.f deL . 1 - Z2 . 5TYL01^ICHIA PUSTULATA, 7-7y'EaPLOTES . PATELLA Àrch de Zcol Exp^^ el Gén^^.^ Vol Vil. PI XX. !-.* ^';^-'- 'fsii^sas afe2. 2,^ Série. Vol VII PI XXI. Maupas deL 2Jr -JS. EUP L 0 TE S PAT E L L A . X^' -U. E ■ CHAR 0 N , Arch de Zool . Exp ei Gén .' 1 /^^^^^^^ n^^ûFr>^2 2^S>érie Vol WPIXXII Maupas deL Dii/biœ ^■îc. 1-29 YOBTICELLA MOÎvIILATA 30 - J3 CA-RCHE SITJK , P OLTPÎNUM . ÂrcK ds Zool . Exp . et Gén^ z'^série Yoimpixaii. - > Jl<' Maupas. del 3À -3P . CA.BCHEôIUlVt POLYPraUM W -X^ . VOI\TICELLA "NEBULIFET^A AtcL de Zool.Exp'^« et GénV J S^-jiy It'-d^y /yti^ji!,^/. CYKTHIADEES _ Glande pjlonc^u. Reinwalol . él-iWr ArcL de Zool.Exp^.^ et Génl^ 2« Série. Vol.VII.Pl.XX/ fi T'Y i\ \i /' a, h W ■^•> l \ '^^hx».. ^r Vm /<■- .j-,d y p n -0^ - -/■ '^éj- Jiet'oimril f/t'/ .--\ \ ^i'm- !• Uitneh/ .fo. ::UCUMARIA PL ANC I, Archde Zool.Exp^.^ et Gén^^ 2^ Série, Vol. VIL PI, AAV .JJi'f'îS^-..%-..:.l"o:K!i''.-''«v^ ■?i< r ^. ' J^. .J^i...l. I3| <..:>'/r\ ."-^ « •#, .-^^ :-- -i,.^/ ' Merouard del . Mimefy jfc. eue PLANCI. ArcK.de Zool Exp^'' et Géri 2^SerieVol.Vn.PL.AÂV]II. :-;P::^;v y>i'00 o( 1/ — - ■;S^^^^._ .'■■''■•*.ij!.T--''H-r;:<-:'.'-. TW II^ — r 'F // '//C » -^ v--- -.tes Jff'rouuTd '/f/ X- -n- -^y .7./) Lemei'cierôcC' Paris . LeztioyïUfty- COLOCHIRUS LACAZIL CUCUMARIA PLANCI /atcK de Zo ol.Exp et G en . ^ # j 7 .zi^ y/ ' m ■■?''. à ) •V — Zt/ ,« ;,.'#'-'" foi' /- — / •."^ u^ , w ••-,8, \ »«<» y^ '■ '^' /r« ÎS li* fi"}?!.'.'; • 0 & ASPIDOCHIROTES, DENDROCHLROTES . Arch.de Zool.Exp^'çt Gési'" 2^5éneVol.VlI PL.XXX. d-' /^x / 1/ /^ S h s -w "■■^ii 6 ,v^. %/v e^- F OL- J. ^j;:-- ' r 2 S ■r-s i-r^A \. ,î?' ^ É>^' /' .Si ,- -y Hérovutrd' dei . Jmp Lemeraer ê(0'?ans^ . Leidxi'' lUh^- HOLOTHURIA CATANENSIS., COLOCHIRUS le Arcli.de Zool, Exp^.'' et Cen Je 2" Série VolVIl. PI, XXX!. A.COLOCHIRUS LACAZII -h de Zool Exp^" et Gén^^ 2eSeneVol.VII.PL,XXJ(U . r^N 'm- Hérou-ordy dd/. Imp.Lemercier&C^Pari^ THYONE . ZeuboylHh/. , de ZoolExp'^ el GbA' 2* Sene.Vol VII. Jl. XXHU «it XXXT/. \y MBL WHOI LIBRARY UH lBfl3 T • * l 1 .1 .1 t i