ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE DARCET, ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE —HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI DE LAGAZE-DUTHIERS MEMBRE DE l'iNSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR D'aNATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF (FINISTERE) ET DE LA STATION MARITIME DE BAN YULS-SUR-MER (PYRÉNÉES-ORIENTALES) (Laboratoire Arago) PRÉSIDENT DE LA SECTION DES SCIENCES NATURELLES (Ecole des hautes études) DEUXIEME SERIE TOME NEUVIÈME 1891 PARIS LIBRAIRIE DE C. REINWALD & C 13, RUE DES SAINTS-PÈRES, 13 Tous droits réservés. H^^^i^ NECROLOGIE REINWALD, Ch.-Ferd. LIBRAIRE-EDITEUR Les Archives de Zoologie expérimentale viennent de faire une perte bien douloureuse en la personne de leur éditeur, qui s'occupait, depuis près de vingt ans, de leur publication, à laquelle il donnait tous ses soins, ce dont il fut récompensé par une médaille d'or (Exposition universelle de i88g, Ministère de ITnstruction publique). Né à Francfort-sur-le-Mein, le 19 février 181 2, il est décédé subitement à Nice, le 20 février 1891, dans sa quatre-vingtième année. Il vint à Paris vers 1829, et entra dans la maison Firmin- DiDOT, dont il fut plus tard le directeur Jusqu'en 1848. En 1849, il fonda sa librairie, et s'occupa surtout de la publi- cation d'ouvrages scientifiques, tels que ceux de Darwin, Broca, Carl Vogt, H.-eckel, Kolliker, Gegenbaur, Wiedersheim, Hertwig, etc., etc. Mais ses titres à la reconnaissance du monde savant français se trouvent surtout dans les soins et la persistance qu'il apporta à la publication des traductions de Ch. Darwin et de quelques auteurs allemands célèbres. En 1875, il entreprit la publication de la Bibliothèque des Sciences contemporaines, avec le concours des savants et littéra- teurs les plus distingués (MM. Ch. Letourneau, Yves Guyot, Hovelacque, G. de Mortillet, Bordier, A. Lefèvre, L. Donnât, Issaurat, etc.). Ses obsèques ont eu lieu à Paris, le jeudi 26 février, au milieu d'une grande affluence de savants, de confrères et d'amis. Plusieurs discours ont été prononcés sur sa tombe. Le Directeur des Archives et ses collaborateurs adressent leurs adieux et leurs regrets à l'éditeur, à l'homme aimable et sympa- thique avec qui leurs rapports avaient toujours été empreints de la plus affectueuse courtoisie. NOTES ET REYUE I SUR LA FAUNE APIDOLOGIQUE DU SUD-OUEST DE LA FRANCE, Par J. PÉREZ. Le sud-ouest aquitanien de la France est exceptionnellement riche en Hyménoptères Mellifères. Cette portion limitée de notre territoire contient, sur une surface vingt fois moindre, autant d'Abeilles que l'Allemagne tout entière, y compris les provinces allemandes de l'Autriche. Plus de 500 espèces, exactement ol8, réparties en 43 genres, composent cette nombreuse population de Mellifères. Sur ce nombre : 71 sont exclusivement alpines, c'est-à-dire liabitent exclusivement la mon- tagne ; 21 7 sont communes à la plaine et à la montagne ; 230 sont propres à la plaine. D'où il résulte que : 217 -+- 71, soit 288, habitent la montagne ; 217 + 230, soit 447, habitent la plaine K L'étude de cette faune apidologique, sa comparaison avec les données four- nies par la faune poléarctique, conduisent aux résultats suivants : 1° LesApiaires, et probablement la plupart des Hyménoptères, échappent par leur grande mobilité aux principales causes qui déterminent la spéciali- sation des faunes locales. 2° L'indifférence de la plupart de ces animaux, quant aux espèces végé- tales qui les nourrissent, ajoute encore à la facilité d'extension de leurs habitats. Un fort petit nombre d'Abeilles paraissent exclusivement adonnées à des types végétaux déterminés. Le plus grand nombre, à défaut de la plante pré- férée, s'accommode d'une ou plusieurs autres, parfois alliées, mais souvent aussi sans la moindre affinité entre elles. Si grande soit-elle, cependant, cette tolérance de la plupart des Abeilles n'est point indéfinie. Le rapport étroit, dès longtemps constaté, entre la ri- chesse ou la pauvreté de la flore d'une région donnée et le développement de la faune entomologique qui l'exploite, est d'une application générale. 1 Ces nombres diffèrent de ceux que j'ai donnés ailleurs, et qui résullaient d'une erreur trop tard reconnue. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉ.N. — T. IX. li'Jl. A . -. Û i^ ^ II NOTES ET REVUE. L'Abeille subit celte loi, bien qu'à un moindre degré que la plupart des insectes. 3° Rarement une espèce se voit répandue d'une manière uniforme et con- tinue sur toute l'aire limitée par ses babitats extrêmes. Cette continuité n'est guère le cas que d'un petit nombre d'espèces, parmi les plus communes. Le plus souvent, les divers babitats d'une espèce se trouvent disséminés, séparés par des intervalles plus ou moins considérables, où elle paraît manquer tota- lement. Des différences dans les conditions locales, en tant que nature du sol et spécialité de la flore, ne peuvent rendre compte de cette dissémination dis- continue d'une foule d'espèces. Elle résulte plutôt de causes purement acci- dentelles, qui, à un moment donné, ont dû anéantir tous leurs représentants dans les localités oii elles sont actuellement absentes. De tels cbangemenls n'exigent parfois qu'un temps très court pour se pro- duire. L'observateur qui, durant une assez longue période, a assidûment exploré, soit une localité, soit une région peu étendue, a pu y noter des mo- difications assez marquées dans la population des Mellifères. 4" L'extension des Mellifères est, en général, fort vaste en longitude, beau- coup moins en latitude. D'un bout à l'autre de l'Europe, de l'ouest à l'est, on voit se répéter à très peu près, les mêmes espèces. La très grande majorité des espèces occiden- tales se retrouve en Russie. Au delà du Caucase et de l'Oural, la faune des Mellifères ne se modifie encore que très lentement, si bien que près des trois quarts des espèces de la Mongolie sont des espèces européennes. Celles mêmes de l'Europe occidentale y comptent pour près de la moitié. Suivant le sens d'un méridien, la faune des Mellifères se modifie aussi bien plus lentement qu'on ne pourrait s'y attendre. Sans doute, en descendant du nord au sud, à partir de TAngleterre ou de la Scandinavie vers la Méditer- ranée, on voit, pour ainsi dire a cliaque pas, surgir des espèces inconnues dans les régions septentrionales, et ces apparitions successives finissent par modifier sensiblement la faune. Mais, ce qu'il y a de remarquable, c'est la longue persistance des espèces septentrionales, leur lente disparition à me- sure que l'on avance vers le Midi, en sorte que les espèces qui s'ajoutent font bien plus que compenser celles qui disparaissent. Le tiers au moins des espèces septentrionales traverse l'Espagne, l'Italie, la Sicile, franchit la Médi- terranée et pénètre jusque dans la Barbarie. C'est ainsi que 60 espèces septentrionales (britanniques et Scandinaves), sur 193, ont été, à ma connaissance, retrouvées jusqu'à ce jour en Algérie. D'autre part, les recherches de M. P. Antiga, à Barcelone (Espagne), ont réuni 130 espèces britanniques. Pour ce qui est du sud-ouest, des 193 espèces qui habitent l'Angleterre, toutes, sauf 11, y ont été retrouvées; et des 19o qui vivent en Scandinavie, 21 seulement paraissent n'y pas exister. Contre ces 170 ou 180 Abeilles septentrionales, 300 environ représentent l'apport propre au sud-ouest, 300 espèces acquises pour une vingtaine de perdues. C'est, en grande majorité, par des acquisitions nouvelles que la NOTES ET REVUE. 11/ faune se modifie, suivant la latitude ; les pertes n'y contribuent que pour une part insignifiante. Où s'arrête cette pénétration vers le Sud des espèces septentrionales ? C'est ce qu'il est actuellement impossible de dire. Outre que la faune apidologique des oasis est absolument ignorée, celle même de la Barbarie est plus mal connue qu'on ne pourrait croire. Sans parler des espèces nouvelles qu'on y découvre incessamment, elle présente encore un phénomène tout particulier, absolument étranger aux contrées européennes. On sait que, dans le nord de l'Afrique, les pluies d'automne provoquent l'apparition d'une assez riche vé- gétation, comme une flore printanière anticipée. A cette flore correspond une faune entomologique, dont l'existence m'a été révélée récemment. Quelle est la nature de cette faune ? Est-elle une faune estivale arrêtée par la séche- resse? Est-elle une faune printanière hâtive? Ou bien serait-elle une faune toute spéciale? Bien que les données sur la question soient très insuffisantes encore, il semble que la seconde hypothèse est plutôt la vraie, et que ces Abeilles de l'automne et de l'hiver sont des espèces printanières hâtives, et non des espèces d'arrière-saison. 5" Les Abeilles alpines du sud-ouest, c'est-à-dire les Abeilles qui, dans les Pyrénées, habitent exclusivement la montagne, ne comptent qu'une faible minorité d'espèces septentrionales. La plus grande partie de ces Abeilles mon- tagnardes sont des acquisitions nouvelles, et manquent absolument dans le Nord. Les Abeilles qui, en Angleterre, comptent parmi les plus précoces, que l'on peut à bon droit tenir pour essentiellement septentrionales, ne sont pas pour cela devenues, dans les Pyrénées, des espèces alpines. Par contre, nombre d'espèces, telles que les Bombus mucidus, mendax, alticola, pyrenœus, qu'on voit répandues sur les sommets des Pyrénées, des Alpes, du Tyrol, ne vivent point sur celles des îles Britanniques, ni de la Scandinavie. Présents ou absents caractérisent également bien la faune apidologique des Pyrénées. L'altitude n'augmente donc pas les analogies de la faune apidologique du sud-ouest avec la faune septentrionale. 6"^ Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'admettre, pour les Apiaires, l'existence de zones parallèles de latitude et d'altitude, ainsi qu'il en a été reconnu pour les plantes. 7° Des espèces alpines de l'Aquitaine, les unes, en d'autres contrées, habi- tent la plaine; certaines sont même tout à fait méridionales, étonnants em- prunts faits II l'Italie, à la Sicile, à l'Espagne, à l'Algérie ; un petit nombre seulement (Bourdons alpestres, etc.] n'ont jamais été observées qu'à une alti- tude élevée. Même pour celles-ci, une expérience curieuse de Hoffer, qui a vu un des Bourdons les plus franchement montagnards, le Maslrucutus, vivre et se re- produire deux années durant dans la plaine, suggère la pensée qu'il n'existe peut-être pas, même parmi les Mellifères exclusivement alpins, d'espèces que leur constitution propre fasse nécessairement hôtes des régions élevées. Leur cantonnement sur les sommités n'implique pas chez elles l'impossibilité de s'adapter au climat ou à la flore des basses régions, mais plutôt l'incapacité de se soustraire à des conditions biologiques tout extérieures, difficiles à déter- IV NOTES ET REVUE. miner, dans lesquelles les parasites, les ennemis de toute sorte, comptent probablement pour une part considérable. Quant à ces espèces méridionales que nous retrouvons avec surprise sur les hauteurs, alors qu'elles manquent dans les parties basses de l'Aquitaine, comment résoudre la double difficulté qu'elles nous présentent ? Remarquons premièrement que, lorsqu'il s'agit des plantes, tout semble se réduire à une question de climat. 11 n'en est point ainsi pour nos Mellifères, L'Abeille, en effet, outre qu'elle traverse la saison froide endormie dans les profondeurs d'un terrier ou sous l'abri protecteur d'un nid, sait, durant sa période de vie active, se mettre à l'abri des frimas. Essentiellement hélio- pbile, elle trouve encore, même dans les'plus froides stations, quelques belles journées, et cela lui suffit. Juillet et août, sur la montagne, équivalent pour elle à mai et juin dans la plaine. Mais ceci ne nous dit pas pourquoi telle Abeille, propre aux contrées cir- cumméditerranéennes, manque aux plaines de l'Aquitaine, alors qu'elle a pu devenir alpine dans les montagnes du voisinage. Sans aucun doute, ces Abeilles durent jadis exister dans les stations intermédiaires, oiî on les cherche vai- nement aujourd'hui. Mais quelle cause a pu les y anéantir ? Serait-ce l'ap- pauvrissement de la flore par la culture, et la ruine des établissements de ces insectes par les travaux de l'homme? 11 est permis de le supposer. Il ne faut cependant point oublier le grand nombre d'espèces peuplant actuellement la plaine, 447, chiffre qui, a priori, pourrait fdire douter que telle soit la cause de cette disparition. 8° Parmi les facteurs de la dissémination des espèces interviennent parfois des conditions toutes spéciales, que peut seule révéler une connaissance exacte des mœurs et habitudes des Abeilles. Tel est, par exemple, l'instinct qu'ont certains Anlhidium d'employer la résine pour l'édification de leurs cellules, et qui astreint évidemment ces Abeilles à ne point s'éloigner des arbres verts. Cette habitude explique comment, dans des localités distantes seulement de quelques kilomètres, elles sont communes ou absolument absentes, suivant qu'il y existe ou non des conifères. Si ces arbres n'existaient point dans la plaine, ces Abeilles résinières seraient exclusivement montagnardes, bien que rien dans leur nature ne les fit nécessairement habitantes de la montagne. Combien doivent être dans des cas semblables ! II SUR LA SIGNIFICATION MÉTAMÉIUQUE DES ORGANES LATÉRAUX CHEZ LES VERTÉBRÉS, Par P. MlTROPHANOV. Analyse et critique par F. Houssay, Maître de conférences à l'École normale supérieure. ' Le protocole des séances du huitième congrès des naturalistes et médecins russes (section de zoologie) contient une intéressante communication de NOTES ET REVUE. v P. iMitroplianov. Par les travaux dont il a publié les résultats en langue russe {les Organes du sixième sens chez les Amphibiens, 1888; la Première Ébauche des organes latéraux chez les Plagiostomes, 1889), le savant professeur de Var- sovie était bien préparé pour résumer l'état actuel de nos connaissances sur la ligne latérale des Vertébrés et les rapports qu'elle présente avec la méta- mérie. La manière de comprendre à laquelle il s'arrête et celle que j'ai pré- sentée moi-même dans ces Archives semblent de prime abord très différentes, puisqu'il repousse complètement Thomologie proposée par Eisig entre les or- ganes latéraux des Vertébrés et ceux des Capitellidés, tandis que j'accepte vo- lontiers cette liypothèse au moins en ce qu'elle a d'essentiel. Je voudrais montrer que, malgré les apparences,nos résultats sont assez concordants pour qu'on puisse espérer une entente complète, au moins sur les faits. Dans sa belle monographie des Capitellidés, Eisig a tracé l'historique très complet des recherches qui ont rapport à la métamérie des organes latéraux. Mitrophanov en donne un bref résumé très instructif pour ceux que la question intéresse seulement d'une façon générale. En 1878, Eisig décrivit, chez les Capitellidés, des organes sensoriels distribués métamériquement et, pour la première fois, les compara aux organes latéraux des Vertébrés. Cette homologie trouvait un solide appui s'il était prouvé que les organes latéraux des Vertébrés étaient métamériques. Les données admises à cette époque parlaient plutôt en faveur d'une telle opinion. Eisig invoquait les observations de jMalbranc, sur les Amphibiens; de Solger, sur l'Epinoche et les siennes propres sur déjeunes Macropodes. Il rappelait aussi les anciennes conclusions de Stannius sur la distribution des branches du ramus laleralisvagi. Il est vrai que déjà l'on pouvait objecter le développement des organes laté- raux chez les Elasmobranches, tel que l'indiquait Balfour, ainsi que la distri- bution non métamérique de ces organes chez les Amphibiens adultes. Ces faits, et d'autres analogues, parurent à Eisig des phénomènes secondaires que l'on pouvait comprendre par la multiplication ultérieure dans chaque segment de l'organe primitif de ce segment. Malbranc avait cité des cas où il en était effec- tivement de la sorte : Eisig considérait donc comme typique la distribution métamérique à la limite des musculatures neurale et hémale, et l'homologie avec les Annélides se faisait d'elle-même. Après la publication de ce premier mémoire, d'autres auteurs avaient traité le sujet et leurs résultats étaient assez concordants dans l'ensemble. D'une part, Emery, Merkel, Bodenstein, Beard vérifiaient l'indication de Malbranc et concluaient à la possibilité du trouble apporté dans la métamérie originelle par la multiplication, dans chaque segment, del'organe primitif du segment, qui se trouvait ainsi remplacé parmi groupe plus ou moins régulier. Et d'autre part, Leidig, Merkel, Solger, Bodenstein, Hoffmann, Rider et Beard dans ses premiers travaux, se prononçaient pour la distribution méta- mérique des organes latéraux chez les Sélaciens et les Poissons osseux. Observons toutefois que cette thèse n'était pas admise à l'unanimité, puisque Emery signalait chez de tout jeunes Ficrasfer une disposition irrégulière, et que, d'après Ransom et Thompson, cette irrégularité de distribution était plus marquée encore chez le Petromyzon. VI NOTES ET REVUE. Néanmoins, Eisig reprenant la question dans sa monographie, trouve, pour son opinion, un appui considérable dans la majorité des auteurs, et il la main- tient intégralement. 11 rencontra toutefois une difficulté, pour le parallèle entre les deux séries d'organes, dans cette circonstance que, chez les Capitellidés, les organes latéraux sont innervés par des branches de nerfs segmentaires, tandis que chez les Vertébrés, l'innervation se fait par un unique nerf longi- tudinal, le ramus lateralis vagi, dont le point de départ est dans la région cé- phalique. Pour interpréter cette différence, Eisig suppose que le ramus lale- ralis uajfi est une production nouvelle, survenue comme collecteur entre les divers organes latéraux, en même temps que se réduisaient les branches ner- veuses segmentales primitives. En principe, cela n'est point impossible. Il s'établit ainsi un véritable col- lecteur entre les nerfs spinaux qui se rendent aux nageoires des Sélaciens (Mayer) ; de même d'après Stannius, le ramus latcralis trigemini, par sa liaison avec les nerfs spinaux, joue le rôle d'un collecteur. Il est vrai que dans l'idée d'Eisig, le nerf latéral ne doit pas être considéré comme collecteur entre des branches segmentaires, mais comme collecteur des organes laté- raux. Il interprète dans son opinion les nouvelles données de Beard sur la naissance du nerf latéral. Mitrophanov arrive ensuite à la critique de la théorie d'Eisig en s'appuyant sur ses propres recherches, et il examine successivement les faits relatifs à la distribution des organes sensoriels et à leur innervation. De son travail sur les Amphibiens, cite plus haut, il résulte que, chez ces animaux : i° Tous les organes latéraux dérivent d'une ébauche continue qui se seg- mente dans la suite ; 2° En sorte que, si à certains stades, l'on peut voir une disposition méta- mérique (à supposer encore qu'elle soit sur le même rythme que celle des autres organes segmentés), cette disposition ne peut être que secondaire, et déterminée parla métamérie des autres systèmes, exprimée beaucoup plus tôt. Pour les poissons osseux, l'auteur met en lumière les faits suivants: 1° Autant qu'on en peut juger par les indications de Beard et de Bodens- tein, la première ébauche du système est continue et se segmeate ultérieu- rement. 2° Il rappelle les nombreux cas de disposition irrégulière; celui du Fierasfer décrit par Emery ; celui du Mugil, qui, d'après Merkel, porte des organes sen- soriels disposés sans ordre apparent sur jiresque toutes les écailles du corps. Il cite les formes pélagiques étudiées par Agassiz et Whitmann et celles que lui-même a rencontrées à Sébastopol. 3° Enlin, dans les cas où l'on décrit une métamérie nette pour les organes latéraux du corps, elle demeure, à ce que pense l'auteur, tout à fait inexprimée dans la région céphalique. Sur les Plagiostomes, dans l'ouvrage que nous avons signalé, Mitrophanov a bien montré que : 1° Il y a au début une ébauche unique, continue, de laquelle se développe aussi la fossette auditive. Elle se divise peu à peu en une section céphalique. NOTES ET REVUE, vu aux tronçons de laquelle Beard a applii|ué le nom d'organes brauciiiaux sen- soriels, et une autre section postérieure qui est la ligne latérale proprement dite. L'allongement et le fractionnement de cette ébauche s'accomplissent plus tard quand l'embryon a atlcint de grandes proportions (Àcanthian, 2 cen- timètres). 2° Si parfois une disposition métamérique se présente pour ces organes (Scyllium, Âcanthias, d'après Solger) l'auteur fait remarquer qu'elle n'appa- raît nettement que par places. Chez les Cyclostomes, il rappelle que la disposition est irrégulière. Quant à l'innervation, Mitrophanov ne croit pas que rien, dans le dévelop- pement, conduise à considérer le nerf latéral comme un collecteur formé après les organes sensoriels et pour les réunir entre eux. La manière dont il consi- dère le système latéral est la suivante ; on verra de quelle façon elle diffère de l'idée aujourd'hui bien connue de Beard, qui, de son côté et à un autre point de vue, repousse l'opinion d'Eisig. Pour Mitrophanov, le système latéral tout entier,nerfs et organes sensoriels, dérive d'une seule ébauche continue qui s'étend, depuis la région de Vacous- tico facialisjusqn'k l'exlrémité postérieure du corps. Cet ensemble d'abord autonome a perdu de son importance, s'est fragmenté et les différents tron- çons sont entrés en rapport avec certaines branches de l'autre portion du système nerveux périphérique (à savoir les racines segmentules). C'est ainsi, par exemple, que le nerf latéral est tombé sous la dépendance du vague et le ramus ophlalmicus supiirf. sous celle du trijumeau. L'auteur conclut que la disposition métamérique, quand elle existe, est due à une adaptation secondaire et décidée par celle des autres organes. Il repousse enfin l'homologie d'Eisig, et ne veut voir entre ces deux catégories d'organes qu'une analogie due à ce que les uns et les autres sont sensoriels. S'il nous est maintenant permis de soumettre à notre propre critique ces importantes conclusions, il nous faudra reconnaître en premier lieu que les divergences, quant aux faits, vont en s'atténuant. Tout comme Mitrophanov, nous admettons 1 pour point de départ du système latéral une ébauche con- tinue. Nous repoussons même plus en avant que lui la terminaison antérieure de cette ébauche, puisque nous avons reconnu qu'elle donne naissance à tous les ganglions crâniens et même à la fossette olfactive. Mitrophanov pense que le système latéral est entré, par perte de son auto- nomie, en relations avec quelques nerfs segmentaires (ceux de la tête segmen- taire d'après lui). Une autre hypothèse est possible et j'y incline de plus en plus : c'est que les nerfs segmentaires, tous réunis autrefois avec le système latéral, ont perdu cette liaison, sauf dans la région céphalique. En sorte que le nerf latéral, déjà existant antérieurement, serait devenu comme un co^ lector. Et c'est aussi ce point secondaire que je modifierais dans l'hypothèse d'Eisig. Le nerf latéral n'est pas survenu comme une production nouvelle pour être un collecteur ; le rùle de collecteur s'est, au contraire, iïs.é sur un organe très ancien — organe qui, pour moi, représente, dans le tronc, la 1 Archives de zoologie expérimentale et générale, 1890. viii ISOTES ET REVUE. somme des ganglions dits crâniens. 11 a pour homologue, à ce qu'il me semble, la somme des ganglions parapodiaux des Annélides, et ces deux pro- ductions, d'une part, ganglions parapodiaux, d'autre part, ganglions crâniens et nerf.latéral, diffèrent ensemble des ganglions spinaux, production spéciale aux Vertébrés. Passons maintenant à la métamérie du système latéral. Les cas de dispo- sition irréguiière peuvent bien être compris comme complication secondaire due à la multiplication des organes primitifs ; et si cette irrégularité se produit parfois très tôt, c'est un des innombrables cas d'accélération embryonnaire ; d'autant plus que les cas précoces cités se rapportent surtout aux Poissons osseux, formes à développement rapide, comme on sait. Aussi bien, ce n'est pas là le principal argument de Mitrophanov. Son rai- sonnement essentiel, consiste en ceci : la première ébauche étant continue, s'il survient une métamérie dans la suite, c'est un phénomène secondaire. Mais c'est le procès de toute métamérie fait ainsi en deux lignes. Car le raisonnement est également bon pour tout l'organisme. Le mésoderme, dont personne ne conteste la métamérie, ne provient-il pas aussi d'une ébauche d'abord continue, qui se segmente à mesure que l'organisme s'allonge? N'en est-il pas encore de même pour le système nerveux central ? De même aussi pour les racines spinales, etc.? J'entends bien que l'auteurnous dit: «Toutes ces métaméries sont faites alors que débute seulement la segmentation du système latéral ; donc celle-ci est le rèsuUat de celles-là {post hoc, ergo proplerhod). J'objecterai d'abord que je crois avoir montré dans la tête la simultanéité de segmentation entre le système latéral (cordons ganglionnaires latéraux) et tous les autres systèmes. Je me crois dès lors autorisé à penser que si, dans le tronc, la métamérie du système latéral survient après les autres, ce n'est pas qu'elle soit déterminée par ces autres. Mais la cause (quelle qu'elle soil) qui a provoqué les autres métaméries, provoque aussi celle-là, avec un retard toutefois, et, je ne saurais trop insister sur ce point : le temps d'apparition n'a dans ce cas qu'un intérêt médiocre. Malgré ces critiques, je n'entends point méconnaître la valeur des recherches du savant russe. Elles sont du plus haut intérêt; mais j'eslime aussi que la discussion mesurée et sans passion est un des meilleurs éléments pour le progrès de ces questions difliciles. III ÉTUDES MORPHOLOGIQUES SUR LES ÉGHINODERMES, Par L. CuÉNOT, Chargé d'un cours complémentaire de zoologie à la Faculté des sciences de Nancy. (Note préliminaire.) Dans ce travail, j'ai cherché à établir les comparaisons morphologiques entre les Échinoderraes sur une base solide, en partant de leurs relations J NOTES ET REVUE. ix phylogénétiqucs. Des organes ou des dispositions anatomiques ne peuvent être considérés comme homologues que lorsqu'ils dérivent du même organe ancestral ; sans cette condition, quelles que soient les ressemblances, ce sont des structures analogues ou homoplastiques (Ray-Lankester). C'est dire qu"en revisant les principaux points d'anatomie, j'ai étudié, autant que possible, l'organogénie. Dans cette note, je me contenterai d'exposer les résultats obte- nus, sans me préoccuper des discussions bibliographiques. Téguments. — Chez les Ophiures, dans le cours du développement, l'ecto- derme des parois du corps se mélange avec le mésenchyme, de sorte que toute distinction devient impossible ; chez les adultes, le corps est donc limité par le mésenchyme, sans qu'on puisse reconnaître l'ectoderme primitif, sauf en certains points (tentacules, dents, etc.) ; Bury a décrit quelque chose de semblable chez Antedon. Chez les Cucumaria également, la paroi du corps n'est pas non plus limitée par l'ectoderme; celui-ci s'est enfoncé dans le mé- senchyme sous-jacent, en formant des groupes de cellules dans les inter- valles et au-dessus desquels passent les fibrilles conjonctives, qui forment ainsi la couverture la plus externe du corps. L'ectoderme n'est nettement distinct qu'en certains points (ambulacres, tentacules buccaux). Chez un Élasipode, Elpidia glacialis, il n'y a pas non plus d'ectoderme distinct. Chez tous les Echiuodermes, le calcaire se forme de la même façon : il se dépose sur un réseau conjonctif parsemé de noyaux, qu'on retrouve après décalcification, et est sécrété par les cellules mésenchymateuses très nom- breuses dans tous les tissus calcaires en voie de formation ; les trous sont dus à la disposition en réseau et non à la présence de noyaux, comme le pense M. Hérouard. Appendices. — Les petits piquants ciliés (clavules) qui revêtent les fascioles des Spatangues sont identiques aux radioles vibratiies que j'ai décrits chez les Astropeclen, et doivent, comme ces derniers, faciliter le renouvellement de l'eau, soit autour de l'anus (fasciole périanale), soit autour des branchies (fasciole péripétale). Les ancres des Synaptes, orientées transversalement par rapport à l'axe longitudinal, sont entièrement dépourvues de fibres muscu- laires, et jouent un rôle passif dans la locomotion, comme les crochets des Ophiurides. Organes de défense. — Les Clypeastroïdes examinés {Echinocyamus pusillus, Peronella orbicularis, Echinodiscus biforis) sont tous pourvus de petits pédicel- laires tridactyles, rappelant ceux des Spatangues; à ma connaissance, on ne les avait point reconnus chez ces espèces. Les tubes de Cuvier des Holothuries ne peuvent être considérés que comme organes défensifs; je confirme, chez Holo- thuria impatiens, la description histologique donnée par M. Hérouard chez Holothuriacatanensis; il y a aussi deux fibres musculaires circulaires. Les tubes de Cuvier peuvent très bien être expulsés en grand nombre, sans que le tube digestif présente aucun indice de rupture. .Système nerveux. — Toujours ectodermique dans le jeune âge ; chez les embryons à'Amphiura squamala, j'ai trouvé le stade où les rubans nerveux sont externes, et suivi le processus de l'invagination. Chez tous les Echino- dermes, la constitution histologique des parties centrales est la même : fibrilles X NOTES ET REVUE. nerveuses courant entre les bases Je longues cellules filiformos, à noyau placé vers l'extérieur. Ces cellules ectoderiniques, malgré leur forme épithéliale, doivent jouer le rôle de cellules nerveuses ganglionnaires ; on en retrouve avec celte forme dans beaucoup de nerfs. Il reste de nombreux vestiges de l'invagination nerveuse : 1° un espace vide (sus-nervien, intra ou extra-nervien) surmontant l'anneau oral et les ru- bans radiaux, et représentant le milieu extérieur enfermé par l'invagination (Opbiurides, Oursins, Holothuries); cet espace est presque entièrement obli- téré cliez la Synapte; 2" la continuation directe dans le jeune âge entre l'épi- thélium œsophagien et l'anneau oral déjà enfermé dans les tissus ; quand l'animal avance en âge, la communication se réduit et ce sont surtout les fibrilles nerveuses qui servent de trait d'union (Oursins réguliers, Clypeas- troïdes, Ophiures). Chez les Synaptes, Holothuries, Spatangoïdes et Euryales, probablement plus évolués, la continuité entre les deux épithéliums disparaît totalement chez l'adulte ; l'anneau nerveux est assez éloigné de l'œsophage, auquel il envoie un grand nombre de nerfs ; 3» à leur extrémité, les rubans radiaux se fusionnent toujours avec l'ectoderme ; c'est lu que se termine lïn- yagination (Synapte, Holothuries, Oursins, Ophiures). Le système nerveux central (je laisse de côté, bien entendu, tout ce qui a rapport au centre aboral, mésodermique, des Crinoïdes) comprend deux par- ties : une externe, de beaucoup la plus importante, formée par l'ectoderme ; une interne, moins constante, beaucoup plus mince, renfermant beaucoup de cellules nerveuses, et probablement d'origine mésenchymateuse ; ces deux couches sont séparées l'une de l'autre par une très mince lamelle conjonc- tive. Chez les Synaptes et Holothuries, la bande interne n'existe que sur les rubans radiaux (Hérouard) ; c'est d'elle que dépendent les nerfs du plexus périphérique, tandis que les nerfs ambulacraires (Holothuries) sortent de la bande externe. Chez les Oursins, la couche interne n'existe qu'en un point des rubans radiaux, tout près de l'anneau; elle innerve les muscles de la lanterne ; les nerfs ambulacraires et périphériques sortent tous deux (mais séparément, comme chez Dorocidaris) de la couche externe. Chez les Opbiu- rides, la couche interne existe dans l'anneau oral ; les nerfs qui en sortent (nerfs des mâchoires et des muscles intcrradiaires) sont mixtes et tirent leurs fibres des deux couches; la bande interne existe par amas séparés tout le long des rubans radiaux, et donne naissance aux nerfs des muscles bra- chiaux; les nerfs périphériques et ambulacraires sortent séparément de la bande externe (ces dispositions ont été en partie signalées par Hamann). Chez les Astérides, la bande interne, divisée en deux moitiés, est fort mince; dans l'anneau oral, elle donne des fibres allant à l'œsophage, et des nerfs passant dans les pièces péribuccales ; dans les rubans radiaux, chaque moitié émet des branches s'enfonçant dans les vertèbres et innervant les organes nternes (dispositions signalées en partie par Jickeli)'. J'ai retrouvé, chez un Glypeastroïde (iEc/unorfiscits 6//ons), l'anneau nerveux * Voir ma noie, Le système nerveux entérocœlien des Échinodermes . {Comptes rendus t. III, no 22, 1" décembre 1S90, p. 836.) NOTES ET REVUE. xi aboral innervant les glandes génitales, que M. Proulio a décrit chez Echinus acutus et Strongylocentrotus lividus. J'ai reconstitué en entier, au moyen des coupes, le système nerveux des Ophiures ; j'ai retrouvé le nerf des sacs respiratoires, non revu depuis Ludwig, et reconnu l'origine des plexus nerveux des parois du corps. Hamann a récemment confirmé mes observations sur les nerfs périphériques et mus- culaires des Ophiures à piquants ; pour les Ophiures sans piquants, il a donné, à tort, une description très différente ; je me suis assuré que les dispositions étaient identiques dans les deux groupes. Dans toutes les familles, les ambulacres ou tentacules reçoivent des nerfs ganglionnaires, c'est-à-dire revêtus de cellules nerveuses; les piquants pré- sentent également des amas ganglionnaires (anneau basai chez tous les Our- sins étudiés, ganglion basai chez les Ophiures). Chez la Synapia inhœrens, le plexus périphérique de la peau porte une foule de petits ganglions en rapport avec des groupes de cellules glandulaires; il y a probablement là une sécré- tion défensive. Les organes sensoriels des tentacules de Synapte (Sinnesknospen, Ha- mann) sont de petites invaginations ectodermiques, probablement de rôle olfactif, comme l'a supposé Semon. J'ai examiné les sphéridies de trois Clypeastroïdes [Echinocyamus, Pero" ndla, Echinodiscus]; il y en a une par radius, renfermée dans une cavité close. Dans la position naturelle de l'animal, les sphéridies pendent dans leurs ca- vités; elles reposent sur une couche de cellules sensitives et de fibrilles nerveuses. Ce sont certainement des organes sensoriels, et non des piquants transformés (Hamann). J'ai étudié les otocystes de Synapta inhxrens décrits par Semon chez les jeunes, et ceux d'un Èlasipode étudié par Théel, i'Elpi- dia glacialis ; les otolithes sont toujours formés d'une seule cellule, incrustée ou non de sels calcaires ; les otocystes sont revêtus d'un épithélium interne pavimenteux, et reçoivent un petit nerf non ganglionnaire provenant des ru- bans radiaux. Je regarde les otocystes (dont le rôle auditif est assez douteux) et surtout les sphéridies comme des organes du sens de l'orientation, dé- couvert par MM. Delage et Chun dans les otocystes de divers Invertébrés. Tube digestif. — Le tube digestif des Clypeastroïdes ressemble, en plus simple, à celui des Spatangues; il possède un siphon intestinal, disposé de la même façon. Chez tous les Échinodermes, l'anneau nerveux envoie à l'intestin de nombreux nerfs, logés soit dans l'épithélium digestif (Astéries, Ophiures, Oursins réguliers et Clypeastroïdes, Antedon), soit dans la couche conjonc- tive sous-jacente (Euryales, Spatangues, Holothuries, Synapte). Organes de réserve. — Dans le plus grand nombre des cas, ce sont les amibocytes du liquide cavitaire qui se remplissent de matériaux de réserve (graisse ou albuminoïdes) ; ainsi chargés, ils passent dans les tissus par dia- pédèse et attendent le moment d'être utilisés (Oursins, Holothuries, S(/nap tèmes et les types chez lesquels ces stades sont hxés; par des considérations impossibles à reproduire ici, j'ai même essayé de définir anatomiquement la forme ancestrale de chaque groupe. Les différentes théories phylogéniques proposées par Hœckel, Semper, Théel, Neumayr, Senion, les cousins Sara- sin, etc., sont incomplètes ou inacceptables dans l'état actuel de nos connai- sances. Le type le plus simple qu'on puisse imaginer, au sortir des stades larvaires, est la forme Prosynapla, d'oîi sont dérivées les Synaptes actuelles ; la Prosy- napta a évolué en Proholollmria, d'où sont dérivées les Holothuries et les Éla- sipodes. La Proholothuria devient la forme Procystas, qui a donné naissance aux Cystidés, aux Blastoïdes et aux Crinoïdes; c'est à partir de ce moment que les plaques calcaires ont formé un squelette continu et que l'anus larvaire (blastopore) s'est oblitéré, pour se rouvrir indépendamment à des places XVI NOTES ET REVUE. variables suivant les types. Le Procystus se transforme en Proechinus, ancêtre de tous les Oursins ; enfin le Proechinus évolue en Proaster, d'où sont sorties deux branches terminales et divergentes, les Ophiures et les Astéries, qui ont gardé intacts un grand nombre de caractères ancestraux. Cette théorie phy- logénique concilie en grande partie les deux théories les plus vraisemblables, celles des Sarasin et de Neumayr, et est parfaitement d'accord avec toutes les données etnbryogéniques. IV SUR LA QUESTION DU DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME GANGLIONNAIRE CHEZ LE POULET, Par Eugène Golovine. Les comptes rendus du VIII" congrès des naturalistes et médecins russes contiennent encore le résumé d'un mémoire de Golovine sur les ganglions crâniens du poulet. L'auteur ayant donné une analyse de son travail en français dans V Analomischer Anzeiger (1890), je ne crois pas utile d'en refiiire une ici. Je me borne à signaler la remarquable concordance de ses résultats avec ceux que j'ai obtenus sur l'Axolotl. Nos recherches faites à peu près dans le même temps, d'une façon indépendante et sur des types différents, se prêtent ainsi un mutuel appui, en même temps qu'elles se donnent l'une à l'autre un carac- tère de généralité assez grand. F. HOUSSAY. Le directeur : H. de Lacaze-Dutuiers. Les gérants : G. Rei>'\vald et G'''. ARCHIVES ET GÉNÉRALE ''Ml SUR L'ORGANISATION DES TURBELLARIÉS ACŒLES L. DB GRAFF, Professeur à l'Université de Gratz. A Monsieur de Lacaze-Buthiers. Honoré collègue, Vous avez eu la bonté de me donner l'hospitalité dans votre laboratoire de RoscofT, au mois d'août 1886. Vous m'avez donné ainsi l'occasion, tant désirée, de connaître ce modèle de vos créations pour l'étude de la zoologie marine, et le moyen d'étendre mon nouveau travail sur les Acœles à la Convoluta verte de Ros- cofF, type déjà étudié là-bas par Geddes*, et d'une façon si remar- quable par Delage^ Je vous présente ici mes meilleurs remerciements pour riiospi- talité que vous m'avez accordée, et pour les envois d'animaux vivants que vous avez aussi bien voulu me faire à Gratz. Aussi, je 1 Proceed. R. Soc, n» 194, London, lsT9. 2 Archives de zoologie expérimentale, 4^ fasc, Paris, 188G. AUCII. IB ZOOL. EXP. ET GIÎN. — 2<= SÉUIE. — T. IX. ISO I. 1 2 L. DE GRAFF. me crois obligé de vous faire connaître les résultats de mes études, avant qu'ils ne soient publiés in extenso avec les figures qu'ils comportent. ^^ J'espère, honoré collègue, pouvoir vous envoyer bientôt mon travail complet qui paraîtra, accompagné de dix planches, chez Engelmann, à Leipzig. J'espère vivement que vous pourrez y trouver la justification des faits avancés ici. Recevez l'assurance de ma haute considération. ^ Votre tout dévoué, L. DE Graif. Gratz, lli octobre 1890. I La faune des Rhabdocœles de Roscoff est très riche. Quoique je n'aie que très accessoirement porté mon attention sur les Cœlates, la liste de ceux-ci est cependant importante. Outre la forme dési- gnée jusqu'ici, Convoluta Schultzii, j"ai trouvé, en fait à.\\cœles : Aphanostoma dioersicolor, Convoluta paradoxa, C. sordida. Je me permets de vous dédier une forme nouvelle de ce dernier genre, caractérisée par la présence de quatre taches oculiformes, et que je nomme Convoluta Lacazii [n. sp.)\ comme Rhabdocœles: Prome- sostoma marmoratum, Proxénètes flabellifer, P. cochlear, Acrorhynchus caledonicus^ Macrorhynchus croceus; comme Alloiocœles : Plagi'ostoma maculatum, P.Girardi\P. ochroleucum, Enterostoma&triatum, Monotus lineatus et M. fuscus, en outre un grand nombre de Plagiostomides probablement nouveaux, pour la description systématique desquels le matériel est insuffisant. En ce qui concerne les Acœlcs, je dois prévenir, avant de passer à l'exposé des données anatomiqucs, que les recherches faites à Roscoff et sur les côtes de l'Adriatique m'ont montré que la Con- voluta verte de l'Adriatique, décrite par Schinidt et Schultze, est spécifiquement différente de la Convoluta verte de Roscoff. J'ai con- SUR L'ORGANISATION DES TURBELLARIÈS ACQELES. 3 serve à la première forme le nom ancien: Convoliita Schultzii; à la seconde je donne le nom de C. Roscoffensis. La classification doit su- bir également un changement important, et présentera actuelle- ment les groupes suivants : ï. Fam. Proporida. {Acœles avec une ouverture génitale.) 1. Gen. Proporus. Sans « bursa seminalis ». 2. Gen. Monoporus [nov. gen.). Avec « bursa seminalis ». II. Fam. Aphanostomida. (Acœles avec deux ouvertures génitales et avec « bursa seminalis »). 1. Gen. APHANOSTOiiA. a Bursa seminalis » sans embouchure chitineuse (Chitin.-Mundstilck). 2. Gen. Convoluta. « Bursa seminalis » avec une embouchure chitineuse. 3. Gen. Ajiphichœrus [nov. gen.) « Bursa seminalis » avec deux embou- chures chitiueuses disposées symétriquement. Le type du nouveau genre Monoporus est le Proporus rubropunc- iatus du passé ' ; celui du genre Amphichœrus est l'ancien Convo- luta cinerea. Les genres Gyrtomorpha et Nadina sont à revoir. II Après celte introduction systématique, qu'il me soit permis de donner rapidement le résultat de l'étude anatomique. Épiderme. — Il est formé par des cellules épithéliales cubiques ou cylindriques, par des cellules interstitielles [interstitielle Zellen) et par des glandes. Les cellules épithéliales ont en général un noyau net, bien visible. Elles sont pourvues à leurs bases de nombreux prolongements souvent ramifiés, au moyen desquels elles sont fixées sur les couches musculaires de la peau. Ces prolongements, avec le système très net de lacunes qu'ils comprennent, correspondent au « reticulum sous-épidcrmique» de Delage. Il n'y a pas de cuticule. 1 Monographie der Turbellarien, I, Rhabdocœlida. Leipzig, 1882. 4 L. DE GRAFF. Elle est remplacée par les bases {Fusstûcke) des cils qui se prolon- gent dans le plasma des cellules épithéliales, comme cela a été dé- crit par Engelmann ' et par d'autres auteurs. Les cellules intersti- tielles {Inlerstitielle Zellen) sont répandues dans les lacunes com- prises entre les prolongements des cellules épithéliales. Elles sont tantôt rares, tantôt très abondantes. Quelques-unes seulement des glandes monocellulaires sont en rapport avec l'épiderme. La plu- part sont situées profondément sous la couche musculaire de la peau ; elles n'envoient que leur conduit excréteur (droit ou spirale) à la surface de la peau. Par la plupart des méthodes de conservation, ces glandes sont entièrement abîmées, et alors apparaissent les « ca- vités du reticulum, communiquant avec le dehors » que Delage a nommées «pseudo-glandes». En fixant par la liqueur chromo-acéto- osmique et en colorant après par l'hématoxyline, on conserve par- faitement ces organes. Les nombreux points colorés que l'on observe sur les coupes à la surface de la peau, et dont parle Delage {loc. cit. p. 149), ne sont rien autre que la coupe des canaux excréteurs de ces glandes. Couche musculaire de la peau. — Contrairement aux déclarations antérieures, je retrouve^ chez tous les Acœles, les trois couches lî- brillaires que Delage a aussi décrites chez Convoluta lîoscof fends. Chez les formes particulièrement bien musclées, comme Amphichœ- rus cinereus et Convoluta sordida, les fibres longitudinales sont dé- veloppées en larges rubans aplatis, disposés perpendiculairement à la surface du corps. En outre, chez cette dernière espèce, un faisceau de fibres longitu- dinales s'est isolé de la couche musculaire, comme faisceau s'éten- dant de chaque côté sur la paroi latérale, d'une extrémité du corps à l'autre. C'est à ce muscle qu'il faut attribuer les rapides raccourcis- sements irréguliers du corps que l'on observe chez cette forme. Je > Zur Anat. uni Physiologie der Flimmerzellen [PflUgers Arch. f. Pitys., BJ XXIII, Bonn, 1880). SUR L'ORGANISATION DES TURBELLARIÉS ACŒLES. 5 n'ai pas pu constater la présence d'une «gaine conjonctive » autour des fibres longitudinales, comme Delage Ta décrit. Glandes pnlycelhdaires et organes venimeux. — J'ai retrouvé chez Convoliitaflavibacillumles «glandes» particulières que j'ai décrites antérieurement [Monographie, Taf. III, fig. 10, hd.) chez Convoliila paradoxa. Leur présence n'est pas constante. Probablement avons- nous affaire là à des Protozoaires parasites. J'ai trouvé à la face ventrale de la partie antérieure du corps de Convoluta sordida des glandes en forme de bouteille, dont le dia- mètre longitudinal mesurait 4à o centièmes de milhmètre. Elles sont perpendiculaires à la surface ventrale et s'ouvrent par des extrémités chitineuses qui proéminent à la surface de la peau. On trouve dans leur cavité un produit de sécrétion homogène, qui dérive de l'épithé- lium glandulaire. Ces glandes sont serrées les unes contre les autres à tel point que, dans un seul type, on en compte deux cents entre l'extrémité antérieure et l'orifice buccal. Elles constituent probable- ment des moyens de défense au même titre que les glandes à venin que j'ai déjà décrites antérieurement chez Convoluta paradoxa, et sur l'histologie desquelles je donnerai de nouveaux détails dans mon travail complet. Bouche et pharynx. — Je veux dire que tous les Acœles que j'ai étudiés à l'état frais ont une bouche ventrale et un a pharynx sim- ple ». Ce dernier est le plus long dans le genre Proporus; partant de la bouche située dans une position subterminale, il s'enfonce dans le parenchyme jusqu'au quart de la longueur du corps. L'exis- tence générale du pharynx est importante au point de vue systéma- tique, puisque jadis on distinguait des Acœles avec pharynx et des Acœles sans pharynx. Parenchyme. —Pour ce qui concerne la structure histologique générale du parenchyme, je dois faire ressortir d'abord ceci : les fibres musculaires dorso-ventrales décrites en premier lieu par De- lage dans Convoluta Roscoffensis ne manquent dans aucune espèce. Ce sont des fibres lisses ramifiées, nucléées; elles sont particulière- 6 L. DE GRAFF. ment développées chez Convoluta sordida, chez laquelle il y a, outre les fibres dorso-ventrales, des tractus fîbrillaires horizontaux; On trouve toujours, dans le « reticulum », des cellules libres dont les unes sont indifférentes, dont les autres présentent des mouvements amiboïdes et représentent des phagocytes [Fresszellen). Les rhabdites {Stàbchen) et leurs cellules formatrices ne sont jamais libres dans le parenchyme; ils sont toujours reliés à 1 epithélium du corps parleurs conduits excréteurs. Dans la plupart des formes, le parenchyme cen- tral a une structure différente du parenchyme périphérique situé sous les téguments et rempHssant les extrémités du corps. A ce point de vue, on peut distinguer trois types de parenchyme diffé- rents, qui sont représentés par Ampliichœrus cinereus, Convoluta paradoxa, Monoporus rubropunctatus. Le premier type a un stroma fibrillaire irrégulier comprenant un grand nombre de lacunes com- muniquant entre elles ; le parenchyme correspond à ce qu'on a l'habitude de nommer reticulum. Le parenchyme périphérique ne se distingue ici du parenchyme central que par une finesse plus grande des travées et un rétrécissement des lacunes. Ce qui carac- térise cette forme, c'est le grand nombre de cellules libres. Parmi ce type, Convoluta Roscoffensis et C. Schultzii possèdent relativement peu de cellules parenchymateuses libres, fait qui est en rapport avec leur mode spécial de nutrition (voir troisième partie). Dans le second type, le parenchyme central est surtout différent du paren- chyme périphérique. Le premier est un syncytium tiôs riche en noyaux et dépourvu de cellules libres; le dernier est un tissu de cellules arrondies accolées étroitement les unes aux autres. Dans le troisième type, on ne peut, en général, trouver aucune distinction entre un parenchyme central et un parenchyme périphérique ; le corps est en effet rempli d'un syncytium à noyaux, dans lequel nagent des cellules amiboïdes. Cette forme constitue le stade simple d'où sont dérivées d'un côté la structure du tissu réticulé à'Amphichœrus, d'un autre côté la structure différenciée en parenchyme digestif cen- tral et en tissu de protection et de soutien [Stulzyewebe) périphérique, SUR L'ORGANISATION DES TURBELLARIÉS ACOELES. 7 que nous présente Convoluta paradoxa. Dans cette dernière, la sépa- ration morphologique de l'endoderme (parenchyme central) et du mésoderme (tissu périphérique) est poussée le plus loin, et il ne manque que les cavités {Darmhohlé) et la limitation des corps cel- lulaires pour en faire un Turbellarié rhabdocœle. De telles formes ont été admises par G. Perejaslawzewa ' comme possédant une véri- table «cavité digestive». Au point de vue morphologique, je considère les cellules libres comme des éléments mésodermiques qui, dans un état peu déve- loppé du parenc%me, sont encore englobés dans l'endoderme, le reti- culum, et y ont une fonction digestive ; qui, dans un état évolutif plus avancé [C. paradoxa), perdent cette fonction pour devenir éléments de souLien périphériques, pendant que le reticulum, comme paren- chyme central, remplit alors seul la fonction digestive. A la diffé- renciation morphologique du parenchyme correspond donc un échange dans les fonctions. Système nerveux. — La méthode à l'or de Delage a permis de cons- tater pour la première fois l'existence certaine du système nerveux des Acœles. J'ai employé cette méthode à Roscoff ; elle m'a donné les meilleurs résultats possibles. Mais, si les préparations qu'elle fournit sont remarquables, elle a cependant le défaut de toutes les méthodes à l'or: l'incertitude. Le pour cent des préparations bonnes est si faible, qu'il faut employer des centaines d'individus pour pouvoir espérer un résultat. Et là est la cause probable du fait qu'il ne m'a pas été possible d'obtenir des préparations convenables sur d'autres espèces que Convoluta Roscoffensis. Mais une fois que Delage eut démontré, d'une façon certaine, la présence du système nerveux, j'ai pu constater son existence chez tous les types étudiés par d'autres méthodes. Je me rallie à la description du cerveau du Convoluta Roscoffensis, donnée par Delage, sauf en un seul point : le nombre des commissures. Les « ganglions principaux», ou cerveau propre- ' Zool. Ameijer, Leipzig, 1S83. 8 L. DE GRAFF. ment dit, seraient réunis par deux commissures transversales, une antérieure et une postérieure, qui limitent une cavité dans laquelle se trouve l'otolithe. Je ne puis retrouver une cavité semblable. Les « ganglions principaux » m'apparaissent comme une masse bilobée — les deux lobes étant réunis sur toute leur largeur — qui est très mince au niveau où Delage admet une cavité, parce que, à cette place, la face inférieure du cerveau est invaginée pour loger l'oto- lithe. Le cerveau de Convoluta Roscoffensis perd ainsi beaucoup des caractères qui lui étaient propres d'après la description de Delage. Il se laisse comparer ainsi au cerveau des autres Turbellariés. La commissure antérieure avec ses « renflements supérieurs » doit, après cela, être ramenée à une formation flexiforme des deux nerfs frontaux. Je veux aussi faire ressortir que, d'après moi, les deux a nerfs longitudinaux externes » ne sont que des prolongements dé- tournés en dehors des deux nerfs frontaux, et que les deux a nerfs "longitudinaux moyens », ne sortent pas des « renflements supé- rieurs », mais bien du cerveau par Tintermédiaire de la « racine accessoire » de Delage. Je considère la commissure de cette dernière avec le nerf externe comme étant la première des nombreuses commissures qui existent entre les deux nerfs nommés. Je signale, enfin, qu'il m'a été possible de poursuivre plus loin que Delage les dernières ramifications des nerfs, et de les poursuivre particuliè- rement jusqu'à un reticulum irrégulier excessivement ténu, contigu à la couche musculaire de la peau. Les mailles de ce reticulum mesurent à peine o à 7 centièmes de millimètre. Ma description du cerveau àeCo7ivoluta Roscoffensis s'applique, en général, au cerveau de Amphichœrus cinereus, de C.paradoxa et sordida. Sont à noter le grand développement des plexus des nerfs frontaux (renflements supé- rieurs) et quelques diff'érences dans la conformation des nerfs longitu- dinaux chez Convoluta paradoxa ci sordida. Chez le premier, on trouve encore, outre les trois paires de nerfs habituels, deux nerfs longitu- dinaux plus faibles : une paire en dedans des nerfs ventraux, qui se dirige vers la bouche (nerfs buccaux) ; une autre paire, située en ^- SUR L'ORGANISATION DES TURBELLÂRIÉS ACŒLES. 9 dehors des « nerfs longitudinaux externes », courant le long du bord latéral du corps. Donc, sur une coupe transversale, faite dans la région de la bouche, on trouve cinq paires de nerfs longitudinaux. De ces cinq paires, les trois paires caractéristiques se laissent seules poursuivre en arrière de la bouche. Le cerveau an Pi'opoj^us et du Monoporus diffère de celui des es- pèces nommées, non seulement par sa différenciation histologique du tissu parenchymateux beaucoup plus nette, mais aussi par sa structure très bizarre. Les deux genres sont aussi très différents l'un de l'autre par la structure du système nerveux central. Proporm venenosus a son cer- veau nettement divisé en trois paires de ganglions : une paire de ganglions dorsaux développés bilobés, et, recouvertes par ceux-ci, deux paires, une antérieure, l'autre postérieure, de ganglions ven- traux que réunissent entre eux de larges ponts transversaux. A cette division extérieure nettement accentuée et produite par le groupe- mentdes cellules ganglionnaires correspondent trois paires de noyaux de substance ponctuée. Le cerveau du Monoporus rubropunctatus forme un anneau complet, qui entoure les masses glandulaires ven- trales obliquement d'arrière et d'en haut, en avant et en bas, et dans lequel on ne sépare que difficilement les ganglions des commissures et les divers ganglions entre eux. Pour ce qui concerne l'histologie, je dois faire remarquer que, contrairement à ce qui se passe dans les préparations faites par la méthode à l'or, dans les préparations faites d'après toutes les autres méthodes, la séparation du tissu nerveux et des cellules ganglion- naires du tissu parenchymateux est, en général, très difficile et souvent même tout à fait impossible. Je dois signaler comme étant la seule exacte la première^ description des cellules ganglionnaires donnée par Delage, en Popposant à la description donnée plus tard par le même auteur. Ce que Delage a nommé en dernier lieu le * Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CI, Paris, IS83. 10 L. DE GRAFF. nucleus des cellules ganglionnaires est le protoplasma; ce qu'il a nommé nucléole est le noyau. Organes des sens. — J'élimine de la catégorie des organes des sens ce que j'étudie plus bas sous le nom d'organe frontal. Je n'examine ici que les organes des sens de la peau et les otocystes. Le bord laté- ral du corps A'Amphî'chœrus cinereus et de Convoluta paradoxa est garni de cellules filiformes (Hâj-chenzeUen) qui sortent des appa- reils terminaux des nerfs découverts par Bohmig^ dans les prolon- gements auriculaires [AuricularfortsàtT.e) de Planaria gonocephala, et qui sont probablement des organes de tact. Je pense avoir décou- vert des organes semblables dans la région buccale û'Amphichœrus cinereus et de Convoluta sordida, et à l'ouverture des organes à venin. L'otocyste est accolé à la surface ventrale du cerveau, où il est séparé du cerveau et pourvu alors de deux gros nerfs qui aboutissent à ses parois latérales {Convoluta paradoxa, Monoporus rubropunctatus), La paroi de la vésicule renferme plusieurs noyaux plats, elle ne dérive donc pas de la membrane à'une cellule; i'otolithe, au contraire, dé- rive d'une seule cellule, son noyau rond ou allongé en est une preuve certaine. Organe frontal. — En résumé, ce n'est pas un organe du sens comme Delage le croit, mais bien une glande. Ce n'est d'ailleurs pas toute la glande, mais bien le paquet des conduits excréteurs de la glande, situé en avant du cerveau. Les cellules et les fibres nerveuses décrites par Delage ne sont que du tissu parenchymateux répandu entre les canaux excréteurs. Cette glande existe chez tous les Acœles,mais elle est relativement moins bien développée chez Convo- luta Roscoffensis que chez les autres formes. Je dois la connaissance de cet organe, découvert par Delage, principalement à Amphichœrus cinereus. L'ouverture de cette glande se trouve toujours à l'extrémité antérieure du corps, un peu dorsalement ; les gouttelettes sécrétées apparaissent à ce niveau sous forme de papilles. En progressant, la * Zoologischer Anzeiger, Leipziy, 18S7. SUR L'ORGANISATION DES TURBELLARIÉS ACŒLES. Il goutte sécrétée s'allonge, et bientôt elle est détachée par le mouve- ment des cils. Une telle baguette de sécrétion [Secret faden) a été considérée par Delage comme un poil sensitif. Au point de vue mor- phologique, l'organe frontal est homologue au paquet des glandes à baguettes et à mucus débouchant à l'extrémité antérieure du corps que j'ai décrites chez les Rhabdocœles et chez les Alloiocœles, que d'autres ont décrites chez les Triclades et les Polyclades, et que Burger^ a mentionnées chez les Némertiens. Cet organe n'a aucun rapport ni avec la trompe de ces derniers ni avec la trompe des Rhabdocœles, Organes génitaux. —Je ne détaille pas la structure des organes génitaux. Je signale seulement qu'il y a des faits nouveaux inattendus dans ce chapitre, surtout pour ce qui concerne les genres Amp/ii- chœrus et Monoporus. Que les quelques renseignements suivants me soient permis. . * Gomme on sait, il n'y a, chez les Acœles, aucune séparation entre les éléments nutritifs et les éléments germinatifs {Keimund-Dotters- tôcke) ; mais les fonctions de ces deux organes sont, au demeurant, partagées entre les cellules ovariennes de telle façon qu'une petite partie de ces cellules forment des œufs, tandis que les autres servent de nourriture aux œufs en voie de développement, puisqu'elles sont directement incorporées et digérées par ces dernières. III Comme je désirais beaucoup que les « Zoochlorelles -) de Convoluta Roscoffensis fussent étudiées au point de vue botanique, je priai mon ami et collègue le professeur G. Haberlandt de bien vouloir entre- prendre cette étude. Il acquiesça à ma demande; ce qui suit est le résumé des résultats qu'il a obtenus. Les cellules chlorophylliennes de Convoluta Roscoffensis, surtout au point de vue de la structure de leurs chloroplastides, sont absolument semblables à certaines algues 1 BuRGER, Zeilschrifl f. Wiss. ZooL, t. L, Le\[>z\'é, 1S9U. \i L. DE GRAFF. inférieures. Elles sont absolument dépourvues de membrane, et isolées, elles ne peuvent ni s'entourer d'une membrane ni continuer à vivre ainsi de leur vie propre. Quoiqu'elles dérivent^ sans aucun doute, d'algues, quoiqu'elles doivent être considérées comme telles au point de vue phylogénétique, elles représentent cependant, dans leur état d'adaptation actuel, un tissu propre du ver : son tissu d'as- similation. La nutrition du ver par les cellules chlorophylliennes résulte, en partie, de ce que, par les mouvements de l'animal, de petites parcelles de plasma et des grains des cellules assimilatrices nues sont entraînés et puis digérés. Il s'établit probablement aussi un échange de matière nutritive par voie osmotique. Ce mode de nutrition est suffisant pour que des vers adultes ne prennent plus la nourriture externe. Les vers, par leurs mouvements phototac- tiques et heliotropiques, placent leurs cellules chlorophylliennes dans les conditions d'éclairage propices à l'assimilation. La Convoluta Rosco/fensis réalise, ainsi, avec ses cellules chloro- phylliennes, un des plus hauts degrés de développement que la sym- biose entre les animaux et les algues puisse atteindre. ik 4 ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES DANS LA SÉRIE ANIMALE (2e PARTIE : invertébrés) PAR L. GUÉNOT Chargé d'un cours complémentaire de zoologie à la Faculté des sciences de Nancy. INTRODUCTION Ce mémoire est la suite d'un travailprécédemment publié [Archives de zoologie expérimentale, 2" série, t. VII, 1889) dans lequel j'ai étudié le sang et les glandes lymphatiques des Vertébrés. Gomme méthode, je descends des types les plus élevés en organisation aux plus simples, car, contrairement à ce qui arrive d'habitude, il est beaucoup plus facile d'étudier les fonctions et la formation des diverses parties constituantes du sang chez les animaux supérieurs. II ne manque pas d'observations, souvent excellentes, sur le sang des Invertébrés, mais la plupart du temps elles sont incomplètes ou beaucoup trop généralisées. J'espère pouvoir présenter un ensemble satisfaisant sur l'histoire du liquide nourricier, qui a la plus grande influence sur la physiologie totale de l'animal ; c'est pour avoir négUgé son étude qu'on a souvent avancé des faits physiologiques tout à fait contraires à la vérité. U L. CUÉNOT. Il me reste à remercier mes vénérés maîtres : M. de Lacaze-Duthiers, pour la bienveillance qu'il m'a toujours témoignée et la large hospi- talité de ses laboratoires ; et M. Delagc, pour les excellents conseils ■^ qu'il a bien voulu me donner sur les expériences physiologiques relatives au sang. Nomenclature. — Avant de poursuivre, je tiens à définir rigoureu- sement les termes dont je vais me servir dans le courant de ce travail. Prenons, par exemple, une goutte de sang d'un animal quelconque, une Écrevisse, si l'on veut ; à un fort grossissement, on y voit un nombre considérable de cellules flottantes (pi. IV, fig. 3), remarquables par les mouvements de leur protoplasma qui émet des pseudopodes comme celui des Amibes ; nous verrons plus loin que ces mouvements sont très caractéristiques pour cette variété de cel- lules, ce qui m'a conduit à les nommer amibocytes (globules blancs, leucocytes, corpuscules amiboïdes du sang, etc.). Les amibocytes ne restent pas toujours isolés ; très souvent ils s'agglomèrent, forment des amas plus ou moins considérables dont la périphérie seule émet des pseudopodes, que Geddes a appelés plasmodiums pour rappeler la formation analogue des Myxomycètes. Mais, dans ces plasmodiums, les cellules ne sont pas confondues entre elles, leurs contenus ne se mélangent pas ; elles sont simple- ment soudées, comme M. Michel Ta fait remarquer avec raison pour le Lombric ; d'où il s'ensuit que ce ne sont pas de vrais plasmo- diums, mais plutôt des pseudo-plasmodes ; toutefois, ce mot ayant acquis droit de cité, et le lecteur une fois prévenu, je continuerai à l'employer dans le courant de ce travail. Les mouvements amiboïdesne sontpas le seul trait caractéristique des amibocytes; dans un grand nombre de ces éléments, on re- marque autour du noyau une grande quantité de petits granules arrondis, très réfringents, légèrement verdàtres, placés dans le pro- toplasma cellulaire et participant à ses mouvements ; je leur donne le nom de ferment albuminogène ou granules albuminogènes. Voici pourquoi : on sait que le sang renferme, à l'état dissous, une cer- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 15 laine quantité d'albuminoïde, l'albumine du sérum des Vertébrés, l'hémocyanine dans le cas de l'Écrevisse, qui est destine à la nutri- tion des tissus ; cet albuminoïde provient évidemment de la trans- formation des peptones que le tube digestif verse dans le sang après la digestion; on ne trouve pas sensiblement de peptone dans le sang, donc elle est transformée immédiatement en albumine qui lui est à peu près isomérique. J'attribue cette transformation aux amibo- cytes, et plus spécialement aux granules réfringents qu'ils contien- nent. (On trouvera h la fin de ce travail les preuves physiologiques et morphologiques qui viennent à l'appui de ce que j'avance.) Ces gra- nules jouent donc un rôle diamétralement opposé à celui des fer- ments digestifs (trypsine, pepsine) qui transforment les albuminoïdes en peptones dialy sables; ils sont albumt'nogènes, c'est-à-dire qu'ils absorbent ces mêmes peptones pour les restituer sous forme d'albu- mine du sérum non dialysable. Quant au mot de ferment, je l'em- ploie parce qu'il est commode et en somme assez élastique ; ces granules ne forment pas un ferment organisé, comme les bactéries, la levure de bière, ni un ferment soluble, comme la diastase, la pep- sine : c'est un ferment figuré. Les amibocytes changent parfois de destination : au lieu de resti- tuer au sang, sous forme d'albumine, la peptone absorbée, ils la gardent, fabriquent soit de la graisse, soit des produits albumi- noïdes, et passent ainsi à l'état à'amibocytes de réserve, utilisés au fur et à mesure des besoins de l'animal. Mais le sang ne sert pas seulement à la nutrition; il est chargé aussi d'apporter l'oxygène aux tissus, tantôt par l'intermédiaire de l'albuminoïde du sérum, qui cumule cette fonction avec la nutrition, tantôt au moyen de cellules spéciales (globules rouges, hématies) chargées d'hémoglobine ou d'un corps analogue. Ray-Lankester a proposé pour ces hématies le nom excellent à& pneumocytes (1872), beaucoup plus significatif; le premier terme, dû à Robin, a prévalu, et, en somme, il n"y a aucun inconvénient à l'employer. Les hématies et les amibocytes n'ont qu'une vie limitée ; lorsque 16 L. CUÉNOT. le ferment des seconds est usé à la suite de plusieurs digestions, les cellules se dissolvent et disparaissent ; elles sont remplacées par d'autres nouvellement formées, bourrées de granules réfringents, provenant de glandes spéciales, disposées de façon à verser dans le sangles cellules mûres. Il en est de même pour les hématies; il y a des glandes chargées d'en former de nouvelles lorsque les anciennes hématies ont disparu, soit par usure, soit pour toute autre raison. Pour ne pas créer de nouvelles dénominations, et surtout pour suivre les errements adoptés pour les Vertébrés, je les appellerai généri- quement glandes lymphatiques, en spécifiant rigoureusement pour chaque type les éléments auxquels elles donnent naissance. Comme les organes génitaux, elles appartiennent à la catégorie spéciale des glandes plaslidogcnes (Perrier), ou mieux cytogènes, c'est-à-dire pro- ductrices de cellules, qui s'en détachent pour passer dans le sang ou à l'extérieur. Le sang des Mollusques, Crustacés, Échinodermcs, etc., est rigou- reusement homologue au sang des Vertébrés ; aussi n'emploierai-je, pour le désigner, aucun terme spécial. Les expressions de lymphe, d'hémolymphe, me paraissent singulièrement hasardées lorsqu'on les applique aux Invertébrés; il est parfaitement inutile de les employer. Substances organiques du sang. — Dans le cours de ce travail, on rencontrera forcément bien des substances organiques qu'il faudra caractériser et classer j je ne crois pas inutile de placer ici un court résumé de leurs caractères différentiels, car ce sujet est un peu dé- laissé, malgré l'intérêt qu'il présente au'point de vue du fonctionne- ment des organes. \° Albuminoïdes, précipités lorsqu'ils sont en solution par l'al- cool, le tanin et les acides, coagulables par la chaleur (sauf les peptones). Comme réactions microscopiques, les albuminoïdes so- lides se colorent en jaune par l'iode, en rouge vif par la fuchsine; dans les colorations sur plaque, ils présentent généralement une affinité prononcée pour 1' « orangé 111 ». ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 17 2" Graisses, solubles dans l'éther, noircissent fortement par l'a- cide osmique. 3° Lutéines ou lipochromes, substances paraissant formées d'un corps gras uni à un pigment, insolubles dans l'eau, solubles dans les liquides aibumineux, l'alcool, l'éther, le chloroforme ; donnent des bandes au spectroscope ; traitées par, l'acide azotique, tournent au bleu, puis se[décolorent ; par Tacide sulfiirique, se colorent en vert, puis en brun (Gapranica). Les lutéines sont excessivement répandues dans le règne animal, et forment la plupart des pigments (tétroné- rythrine des Crustacés, des Échinodermes, chromophanes de la rétine, chlorophylle et produits dérivés) ; elles ont souvent un rôle capital dans l'organisme (chlorophylle, chromophanes). 4° Uranidine. Krukenberg désigne sous ce nom des pigments fort variés, qui, sous l'action de ferments oxydants, se colorent en brun ou en noir, et résistent alors aux dissolvants habituels des lutéines, aux alcalis et en partie aux acides. Ces pigments sont d'ailleurs très mal connus; ils se rapprochent beaucoup des albuminoïdes. Orientation. — Dans toutes les descriptions, l'animal, quel qu'il soit, sera supposé dans la position classique, verticalement, la bouche en haut, la face ventrale en avant. Méthodes histologiques. — On a grande tendance, maintenant que la technique histologique a fait tant de progrès, à abandonner com- plètement les études sur le vivant et les recherches au compresseur; je conviens qu'elles sont fort difficiles, sujettes à beaucoup d'er- reurs, mais elles montrent des faits qu'aucun réactif, si perfec- tionné qu'il soit, ne peut déceler : le contenu des cellules ne se voit souvent d'une façon exacte, quoi qu'on en puisse dire, que sur les éléments frais. Un maître en histologie, M. Ramier, n'a jamais né- gligé l'étude des éléments frais, et je ne crois pas qu'il y ait besoin de donner une autre preuve de son utilité. Pour mon compte, j'ai toujours commencé par là mes études histologiques, puis j'ai exa- miné des dissociations et enfin des coupes. Chacun de ces procédés montre des faits qui lui sont particuliers, et il n'est pas plus logique ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN — 2^ SÉHIE. — T. IX. ISDl. 2 18 L. CUÉNOT. de repousser de parti pris une méthode de travail que d'en appliquer une seule avec excès, quelque bonne qu'elle puisse être. Pour les dissociations de glandes lymphatiques ou les examens de liquides sanguins, j'ai employé l'acide osmique à 1 pour 100, en solution ou en vapeurs, pendant cinq à dix minutes, suivant le vo- lume de la pièce ; puis, aussitôt, la coloration au picrocarminate de Ranvier, de dix minutes à une heure. La pièce est lavée à l'eau pour la débarrasser de l'excès de carmin, et dissociée dans la glycérine un peu diluée. Ce procédé donne d'excellents résultats ; les cellules amiboïdes conservent leurs plus fins pseudopodes, et sont excessi- vement nettes, au moins dans les quatre ou cinq mois qui suivent la préparation ; c'est le seul réactif qui montre, avec une netteté parfaite, les granules albuminogènes devenus très réfringents et colorés en jaune plus ou moins rosé. Les noyaux seuls sont un peu gonflés ; pour les études nucléaires, il est préférable de se servir de vert de méthyle après la fixation à l'acide osmique. Pour les coupes, j'ai suivi les différents procédés classiques ; comme fixatifs, le sublimé, Talcool à 70 degrés saturé d'acide pi- crique, donnent d'excellents résultats, aussi bien que le liquide chromo-acéto-osmique de Flemming ; pour de petites pièces très délicates (branchies), j'ai fixé uniquement à l'acide osmique. Les coupes ont été coloréeS;, soit sur plaque, soit en masse, avec difl'é- rents carmins et couleurs d'aniline, de préférence avec le picro- carmin ammoniacal de Ranvier. Ordre suivi dans ce travail. — Le présent mémoire est divisé en deux parties : dans la première, j'étudie le sang, ses éléments, ses fonctions et les glandes lymphatiques dans chaque groupe en parti- culier ; dans la seconde partie, je fais pour ainsi dire la synthèse des résultats obtenus pour en tirer des conclusions générales. Je tiens à présenter quelques explications au sujet de l'ordre suivi dans la série des groupes; on y verra, après les Mollusques, l'étude des ïuniciers et de V Ampkioxus. Évidemment ce n'est pas suivre l'ordre logique des faits, et d'après les théories actuellement ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 19 admises, il faudrait mettre en tête des Invertébrés les Tuniciers et VAmphioxiis, comme se rapprochant le plus des Vertébrés. Je ne l'ai pas fait, car ces deux types présentent des dispositions si aberrantes et si nouvelles dans la composition du sang, cjue j'aurais craint, en les étudiant tout d'abord, d'embrouiller le lecteur en présentant des faits si peu en harmonie avec ceux que l'on connaît déjà. Les variations du sang sont si fréquentes d'un type à un autre, qu'on ne saurait prendre trop de soin pour indiquer exactement les espèces auxquelles on a eu atfaire ; aussi ai-je été très sévère dans la spécification, et pour quelques formes litigieuses, j'ai indiqué som- mairement les caractères non signalés ou contraires aux descrip- tions. Ce manque de spécification rigoureuse est le tort de quelques travaux précédents ; il conduit fatalement aux généralisations beau- coup trop promptes. MOLLUSQUES. CÉPUALOPODES. J'ai étudié sur le vivant les espèces suivantes : Sepia elegans et offîcinalis, Sepiola Rondeletdi, Octopus vulgaris, Eledone Aldrovandi et moschata ', prises au large par le chalut, sauf les Poulpes qui ont été capturés à la grève (Banyuls-sur-Mer). Sang. — Je n'ai presque rien de nouveau à apporter dans la com- position physique et chimique du sang des Céphalopodes ; cette étude a été faite d'une façon complète par M. Fredericq (24), à qui l'on doit des détails très précis sur l'un des points les plus intéres- sants de la physiologie des Invertébrés, encore si mal connue. Tou- tefois, comme c'est un type classique, je vais résumer les notions les plus importantes à connaître. ' \J Eledone Aldrovandi, beaucoup plus fréquent à Banyuls-sur-Mer que VEledone moschala, se distingue de ce dernier par la teinte du dos, d'un brun plus ou moins rouge au lieu d'être gris ou noirâtre ; Eledone moschala a une forte odeur musquée qui n'appartient pas îi l'autre espèce. Férussac et d'Orbigny ne signalent pas ces dis- tinctions, pourtant fort nettes. 20 L. CUÉNOT. Le sang des Céphalopodes, qu'on peut obtenir facilement par la section d'un vaisseau branchial, est limpide, d'un bleu clair qui se fonce lorsqu'on l'expose à l'air. Abandonné à lui-même, les corpus- cules figurés qu'il contient tombent au fond du vase et y forment un petit amas en s'agglomérant les uns aux autres. Si l'on examine ce dépôt, on n'y voit que des cellules et pas trace de fibrine ; le sang reste indéfiniment liquide. 11 n'y a donc pas de fibrine chez les Cé- phalopodes ; c'est un point important à établir. Le liquide restant, outre les sels minéraux et quelques matières organiques en quantité négligeable, contient en dissolution un albu- minoïde, dans la proportion de 9 pour 100, auquel M. Fredericq a donné le nom à'hémoq/amne. Cette hémocyanine représente la par- tie nutritive du sang et jouit de la propriété d'absorber l'oxygène de l'air, comme l'hémoglobine des Vertébrés ; ce fait important, indi- qué par Rabuteaii et Papillon, Bert et Ray-Lankester, a été pleine- ment mis en lumière par M. Fredericq. Si l'on expose à l'air du sang de Seiche dans un verre de montre, sa teinte devient beaucoup plus foncée ; par transparence, il est d'un bleu clair un peu verdâtre, par réflexion d'un bleu foncé ; on peut lui rendre sa couleur primitive en retirant l'oxygène, soit par le vide, soit par un courant d'acide carbonique. Enfin, sur l'animal même, on peut constater les chan- gements de couleur correspondant à l'absorption de l'oxygène : le vaisseau efl'érent de la branchie renferme un liquide bleu clair, tan- dis que le vaisseau afférent est à peu près incolore. Si l'on empêche l'acte respiratoire, soit en sectionnant les nerfs palléaux, soit en re- tirant l'animal de l'eau, on voit tout de suite le sang se décolorer. L'hémocyanine est un albuminoïde parfaitement caractérisé, pré- cipitable par l'alcool et les acides, coagulable par la chaleur à 74 de- grés environ. Je renvoie au mémoire de M. Fredericq pour plus de détails sur ses propriétés ; on peut préparer ce corps à l'état de pureté par la dialyse. L'étude de ses propriétés chimiques a montré qu'il entrait du cuivre dans sa composition; de même qu'il y a du fer dans Thémoglobine. L'hém.ocyanine présente même, sous l'action de quel- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 2! ques gouttes d'acide azotique, un dédoublement analogue à celui que présente spontanément l'hémoglobine: on obtient un précipité albumineux et un liquide renfermant tout le cuivre ; de même l'hé- moglobine se dédouble en globuline et en hématine (pigment qui contient tout le fer). Si l'on admet que l'hémocyanine est le résultat de l'union d'un albuminoïde avec un pigment cuivreux qui donne la teinte à la com- binaison, on comprendra facilement pourquoi, à la suite de l'hémo- cyanine typique de la Seiche et du Poulpe, il y a chez d'autres Mol- lusques et Arthropodes toute une série d'hémocyanines de moins en moins saturées de cuivre jusqu'à devenir presque incolores ; elles sont certainement moins actives dans l'absorption de l'oxygène. De même pour l'hémoglobine; on trouve facilement, chez divers Invertébrés, des hémoglobines de moins en moins colorées, dimi- nuant en même temps de valeur respiratoire. Amibocytes. — Le sang des Céphalopodes ne renferme qu'une seule espèce d'éléments figurés, parfaitement typiques, les amibo- cytes. Pour bien les voir, il suffit d'examiner une goutte de sang frais à un grossissement d'environ 1000 diamètres. Chez la Seiche {Sepia officinalis), que je prends plus spécialement pour type, bien que la description convienne parfaitement aux autres espèces, les amibocytes (pi. I, fig. 1) sont des cellules de 15 v- environ, dont le protoplasma renferme de fins granules incolores et réfringents de ferment albuminogène, et émet à la périphérie de courts pseudo- podes. On suit facilement toutes les phases de l'évolution des ami- bocytes, tout à fait semblables à celles que j'ai décrites pour les Vertébrés (2) : le ferment disparaît, la couche protoplasmique dimi- nue d'épaisseur, et enfin on arrive à un noyau à peu près nu, qui est le terme ultime de l'évolution ; ce noyau disparaît à son tour, car on n'en trouve qu'un très petit nombre, mais je ne sais pas trop parquel procédé, n'ayant pas trouvé de formes évidentes de destruc- tion du noyau. Fixés et colorés par le procédé que j'ai indiqué dans l'introduction (vapeurs osmiques, picrocarmin, glycérine), les ami- 22 L. CUÉNOT. bocyles sont parfaitement nets: les granules de ferment sont jau- nâtres, le protoplasma incolore, le noyau vivement coloré en rouge. Ce dernier présente des formes qui rappellent lout à fait les noyaux des globules blancs de l'Homme ou des Batraciens ; il est tantôt pro- fondément bilobé ou trilobé; tantôt contourné (pi. I, fig. 1), ou même divisé complètement en deux parties accolées (Eledone Aldrovandi^ Octopus vulgaris)\ le noyau des cellules jeunes, pleines de granules albuminogènes, est régulièrement sphérique ou ovoïde, et c'est seulement en avançant en âge qu'il se déforme ainsi. Il n'y a pas là-dedans d'indice de division nucléaire ; c'est une simple rupture du noyau, dont la cause m'échappe, qui n'a aucun rapport avec la segmentation normale ; chez certaines espèces, le noyau est déformé [Sepia officmalis, Eledone Aldrovandi, Octopus vulgarls), tandis qu'il est régulièrement ovoïde chez la Sepiola Rondelettii, ce qui montre le peu de valeur de cette déformation. 11 n'y a jamais division des amibocytes dans le sang, et pour une bonne raison : c'est qu'étant seulement les véhicules du ferment, leur division n'aurait aucune utihté, puisqu'elle n'augmenterait pas la quantité de ce dernier. Glande lymphatique. — La glande qui produit les amibocytes est appendue au cœur branchial (pi. I, fig. 2) ; on sait que ce dernier se trouve immédiatement après les veines caves, chargées de leurs appendices rénaux, et qu'il donne naissance au vaisseau afférent de la branchie ; il aune teinte grise ou violacée, qu'il doit aux cellules glandulaires de sa paroi. C'est en somme une véritable glande con- tractile. A sa partie inférieure, et un peu en arrière, on voit (pi. I, fig. 2 et 3, ^/)une petite glande arrondie, blanchâtre ou très légère- ment violacée [Eledone moschata), marquée de sillons irréguliers et peu profonds ; elle paraît appliquée sur le cœur branchial, et en réalité, lui est reliée par un court et mince pédicule. Les dimensions de cette glande, par rapport à l'animal, ne sont pas bien grandes ; ainsi, chez un Octopus vulgaris, qui mesurait un mètre depuis la pointe des bras allongés en avant jusqu'à son extrémité inférieure, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 2M la glande lymphatique n'avait guère que 6 millimètres de diamè- tre ; elle est plus grande relativement chez la Sepia officinalis que chez les Octopides. Si l'on pousse une injection colorée par les veines caves, on voit le cœur branchial se remplir et se colorer uniformément, puis la couleur passe dans la glande lymphatique, dont la périphérie se couvre de délicates et nombreuses arborisations formant de petits bouquets séparés (pi. I, fig. 4). Nous verrons dans l'élude histolo- gique à quoi correspond cette disposition vasculaire. Enfin, pour compléter l'étude extérieure de la glande, je rappel- lerai que le cœur et son appendice sont placés dans un péricarde qui les enserre plus ou moins étroitement, et qui se continue par un court canal s'ouvrant par un orifice béant dans les cellules ou sacs rénaux (dans lesquels se trouvent les veines caves et leurs appen- dices rénaux) qui eux-mêmes débouchent au dehors. Le contenu des sacs rénaux est un liquide urinaire avec produits d'excrétion ; celui du péricarde veineux ne doit pas être très différent. Si, sur des échantillons injectés, on pratique des coupes dirigées de façon à passer par le pédicule de la glande, on a la figure repré- sentée planche I, figure 4, Les parois du cœur branchial sont fort épaisses; elles comprennent en dehors une forte tunique musculaire et conjonctive, et en dedans un stroma conjonclif bourré de cellules à gros noyau ;le pédicule n'est pas plein, il est traversé par trois ou quatre vaisseaux qui vont se ramifier dans la glande lymphatique; ces vaisseaux se divisent et se ramifient un grand nombre de fois en se dirigeant vers la périphérie ; là, ils se terminent dans la couche tout à fait extérieure par de petits bouquets, qui paraissent au de- hors par transparence, sous forme d'arborisations contiguës. Chaque vaisseau, si petit et si ramifié qu'il soit, est revêtu d'un épais man- chon dont il constitue l'axe ; ce manchon, formé d'un stroma con- jonctif bourré de cellules, constitue la partie véritablement active de la glande ; c'est lui qui renferme les cellules destinées à évoluer en amibocytes. Toutes ces parties cellulaires s'unissent les unes aux 24 L. CUÈNOT. autres, suivant le trajet de leurs vaisseaux respectifs ; elles détermi- nent ainsi une sorte d'épongé, dont la trame est formée par les vaisseaux et leurs manchons, et dans les cavités de laquelle (pi. I, flg. 4, /) l'injection ne pénètre pas. La glande est limitée extérieurement par un épithélium pavimen- teux, qui existe partout et la ferme complètement, quoi qu'en ait dit Grobben (25). Cet épithélium (pi. I, fig. 5, e) est formé de cellules fortement unies entre elles, si bien qu'on distingue difficilement leurs limites, à gros noyau, nucléole chez la Sepia officinalis ; il porte un épais plateau cuticulaire, finement strié en travers. Chez YEledone Aldrovandi, plus spécialement, les cellules se moulent les unes sur les autres, un peu comme celles de la vessie de l'Homme. Cet épithélium, qui n'est qu'une modification de celui du péricarde, a évidemment pour but d'empêcher toute osmose possible entre le contenu de la "glande, remphe de sang, et celui du sac péricardique, qui doit se rapprocher assez de l'urine. Il ne nous reste plus qu'à examiner la constitution et l'évolution des cellules qui entourent les vaisseaux ; il suffit de pratiquer une dilacération après l'action de l'acide osmique et du picrocarmin: les plus jeunes cellules, celles qui se divisent (pi. I, fig. 5), sont formées d'un noyau rond entouré d'une mince couche protoplasmique ; on voit bientôt après les granules albuminogènes s'accumuler dans cette couche, qui augmente d'autant, et finalement devient amiboïde ; on a alors un amibocyte parfaitement constitué (a). En étudiant les éléments de la glande sur le vivant, on peut suivre avec la même évidence le développement des cellules ; elles sont placées dans un stroma conjonctif assez lâche, qui forme sac autour des vaisseaux ; les cellules mûres passent à travers ces enveloppes et pénètrent dans ces derniers, d'où elles gagnent facilement le courant circulatoire. Les cavités laissées entre les parties cellulaires ne renferment pas de cellules mûres ; on n'y trouve sur les coupes qu'un fin coagulum d'héraocyanine. Une dernière remarque : les amibocytes mûrs sortant de la glande ont tous le noyau ovoïde ou très peu déformé, ce qui ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 2o montre avec certitude que c'est seulement dans le sang que cette déformation apparaît, comme nous l'avons vu précédemment. On remarquera que j'ai désigné sous le nom do vaisseaux les rami- fications qui traversent la glande ; sont-ce des lacunes, sont-ce des vaisseaux? Je trouve que les distinctions que l'on établit entre ces deux sortes de cavités sont parfois un peu byzantines; je ne sais pas s'il y a un endothélium, j'en doute fort; mais comme ces cavités sont creusées dans du tissu conjonctif^ qu'elles sont suffisamment régulières et que l'injection ne file pas entre les cellules, sauf aux extrémitésje crois être en droit de les déterminer comme vaisseaux. Le passage entre les cellules du cœur branchial et celles de la glande ne se fait pas brusquement (pi. I, fig. 4) ; les cellules du premier, facilement reconnaissables à leur gros noyau et à leur con- tenu granuleux, remplissent en partie le pédicule et s'avancent plus ou moins loin à l'intérieur môme delà glande, où elles sont intime- ment accolées aux cellules lymphatiques. Tous les Céphalopodes que j'ai étudiés m'ont montré identique- ment les mêmes faits ; je suis donc en droit de conclure à la géné- ralité de l'existence et du rôle de la glande lymphatique chez les Céphalopodes dibranchiaux. Développement. — La glande lymphatique se développe sur la paroi du cœur branchial, comme l'ont montré Bobretzky et Schim- kewistch (1886) ; elle commence par être un épaississement de la paroi interne, qui se prononce de plus en plus, se pédiculise et fait plus tard fortement saillie dans la cavité cœlomique. Autres glandes vasculaires des Céphalopodes. — Le cœur branchial, outre sa fonction pulsatile, est une véritable glande ; ses parois in- ternes sont revêtues de plusieurs couches cellulaires, enfouies dans un stromaconjonctif à maillesassez régulières; le protoplasma cellu- laire renferme de gros granules incolores, peu réfringents. J'avoue ne l'avoir point étudié à fond ; aussi n'émettrai-je à son égard qu'une hypothèse: par son contenu, cette glande ressemble tout à fait à ce qu'on appelle la glande péricardique des autres Mollusques, 26 L. CUÉNOT. la Moule {MytUus edulis) spécialement. On attribue, en général, d'après Grobben, un rôle excréteur aux glandes péricardiques, mais le fait n'est pas absolument certain ; en tout cas, le cœur branchial ne peut se débarrasser des produits qu'il fabrique qu'en les versant dans le sang^ Peu de temps après avoir écrit ces lignes, j'ai eu connaissance de l'important travail de Kowalevsky sur les organes d'excrétion (7), dans lequel le savant russe, par un procédé tout différent, homologue au point de vue fonctionnel le cœur branchial aux glandes péricar- diques des Lamellibranches. Lorsqu'on injecte chez l'animal vivant une solution de tournesol ou de carminate d'ammoniaque, on voit s'accumuler la matière colorante dans le cœur ou les glandes péri- cardiques ; le tournesol légèrement rougi indique que ces organes ont une réaction acide. A propos des Insectes, je discuterai plus complètement la valeur des expériences de Kowalevsky ; pour l'ins- tant, je me contente de signaler ce rapprochement, appuyé par l'étude microscopique des cellules. Ce n'est pas tout : il existe encore une troisième glande, sur le trajet des canaux sanguins ; je veux parler de la glande branchiale, située en-dessoys de la branchie, dans l'épaisseur de la membrane qui relie celle-ci au manteau. Elle est formée d'unstroma conjonctif très fin, bourré de cellules, entre lesquelles circule le sang veineux. Elle a été étudiée dans tous ses détails par M. Joubin (26), et je ne puis mieux faire que de renvoyer à son travail. Toutefois, je ferai une remarque sur son histologie : M. Joubin, tout en faisant ses ré- serves sur les difficultés et les erreurs liées à ce genre de recherches, termine en disant (page 118) :«.... Je crois cependant pouvoir con- clure que cette espèce de rate des Céphalopodes, comme l'appelle Mayer, est un organe générateur des corpuscules du sang, de même que la rate des Vertébrés serait un organe à fonction analogue. Je ne crois pas, cependant, que les raisons qui me font admettre cette * M. Letellier [Comptes rendus, t. CXII, 5 janvier 1891) a trouvé de l'acide liip- purique dans la glaudu péricardique de Cardium edule. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYiMPHATIQUES. 2T opinion soient suffisantes pour entraîner la conviction ; mais, par exclusion des autres explications, je m'en tiens à celle-là ^ » Ces réserves sont fort sages, car, en effet, la glande n'a aucun rapport avec la production des amibocytes ; les cellules sont un peu plus volumineuses, le noyau est tout à fait dilTérent ; il n'y a pas formation de ferment, ni mouvements amiboïdes du protoplasma, cela est bien certain. Mais quel est le rôle de cette glande, si volu- mineuse et si constante chez les Céphalopodes ? Elle ne renferme certes pas de produits de réserve ; par contre, ses cellules ressem- blent souvent à celles des glandes péricardiques d'autres Mollusques, VHaliotis, par exemple. Je ne serais pas éloigné de la faire rentrer, ainsi que le cœur branchial, dans ce groupe de glandes, encore mal connues, qui paraissent constantes chez les Mollusques. Kowa- levsky (7) ne parle pas dans son travail de la glande branchiale, qui ne paraît pas accumuler les matières colorantes comme le cœur branchial ; peut-être y aurait-il lieu de reprendre ses expériences à ce sujet. Historique. — L'historique de la découverte de l'hémocyanine a été fait complètement par M. Fredericq (1878) et Mac-Munn ; je n'y reviendrai donc pas. La glande appenduc au cœur branchial est connue depuis fort longtemps ; Férussac et d'Orbigny la figurent chez la Sepiola Gran- tiana et l'appellent appendice pelliculaire de l'auricule ; Milne Edwards la signale chez le Calmar ; enfin, plus récemment, on lui a donné le nom d'appendice branchio-cardiaque [Kiemenherzhang) et de glande péricardique (Grobben). Grobben, qui en a fait une étude spéciale (1885), la décrit inexac- tement ; pour lui (25), les cavités que nous avons signalées entre les manchons cellulaires ne sont pas closes, mais débouchent au dehors dans la cavité péricardique ; les manchons qui revêtent les vaisseaux 1 Dans un travail récent sur l'appareil respiratoire des Nautiles {llevue biologique du Nord, 1890, n" 11), M. Joubiii affirme à nouveau la signification plastidogène de la glande branchiale, surtout chez les embryons de Poulpe. 28 L. CUÉiNOT. seraient formés d'un épithélium palissadique ; enfin, il assigne à cet organe une fonction excrétrice (32), en rhomologuant aux glandes péricardiques des Lamellibranches et Gastéropodes, qu'il a décrites dans ses beaux travaux. Je ne reviens pas sur la partie histologique ; quant à l'homologie, elle est fausse, car le péricarde du cœur bran- chial ne correspond pas au péricarde du véritable cœur des autres Mollusques ; l'appendice du cœur branchial est un organe lympha- tique et rien autre. GASTÉROPODES. Chez les Gastéropodes, le sang, après avoir passé dans un appareil vasculaire artériel, finit toujours par tomber dans la cavité générale oii l'on peut le recueillir avec plus ou moins de facilité. Pour exposer les résultats obtenus, je suivrai la classification de M. de Lacaze-Duthiers {Comptes rendus, t. GVI, 12 mars 1888) qui groupe d'une façon très naturelle les animaux de cette famille. Sang. — Le sang est le plus souvent incolore ou légèrement bleuâtre ; sa teinte devient plus foncée par l'exposition à l'air ; le genre Planorbis a le sang rouge. Les seuls éléments figurés qu'il con- tienne sont des amibocytes que nous examinerons tout à l'heure ; il n'y a jamais de fibrine, et par suite pas de coagulation spontanée. En ajoutant de l'alcool, on précipite l'albuminoïde dissous dans le sang, dans une proportion assez variable, au maximum 9 pour 100. Quel est cet albuminoïde? C'est le plus souvent, je n'ose dire tou- jours, l'hémocyanine. En effet, chez beaucoup de types, le sang oxydé à l'air a nettement une teinte bleue, et l'albuminoïde qui le colore offre tout à fait la composition de l'hémocyanine des Cépha- lopodes ; mais chez d'autres, le sang est parfaitement incolore et reste tel lorsqu'on l'expose à l'air ; il ne contient qu'une quantité très minime de cuivre ; toutefois, lorsqu'on le chauffe, il présente le même degré de coagulation (76 degrés environ). Il y a, chez les Gasté- ropodes, une série d'hémocyanines, les unes vraiment bleues (à l'état oxydé), passant par des gradations insensibles à des albuminoïdes ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GL.4NDES LYMPHATIQUES. 29 tout à fait incolores, dont la puissance respiratoire doit être très minime ou même nulle. Ainsi, l'hémocyanine existe bien certaine- ment chez les Aponotoneurés (Pectinibranches de Guvier et Cyclos- tome), notamment chez la Paludina vivipara, le Triton corrugatus, le Capulus hungaricus, le Cyclostoma elegans, etc. ; chez la Lamellaria persptcua, le sang exposé à l'air ne prend aucune coloration : c'est une hémocyanine incolore. Chez les Épipodoneurés {Trochus, Fissurella, Haliotis), le sang de VHaliotis lamellosa renferme une hémocyanine très bleue, très ca- ractérisée, beaucoup plus que dans les deux autres genres. Chez les Gastroneurés (Pulmonés,Garfmîa,Oncidie), l'hémocyanine est parfaitement reconnaissable, notamment chez les Helix, VArion rufus, la Lymnea stagnalis ; il y a cependant une exception très importante à noter : toutes les espèces européennes du genre Pla- norbis (notamment P. corneus et conlortus), sauf, paraît-il, le Pla- no?-è., isolées ou réunies en petits groupes, dont le protoplasma émet de nombreux et courts pseudopodes ; on décèle par les réactifs un petit noyau, parfois bilobé ou même double {Haiiotis lamellosa, pi. I, fig. 8), Dans le protoplasma des cellules mûres se voient toujours des grains réfringents de ferment (pi. I, fig. 6 et 9), variables en nombre et en couleur chez les diverses espèces ; parfois très nombreux [Paludina viinpara, Calyptra sinensis, Doris, etc.); ou en petit nombre comme chez les Pulmonés, où Ton n'en voit par cellule ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 31 que trois ou quatre, d'une réfringence très grande (notamment chez Planorbls corneus). Ils sont légèrement verdâtres (Peclini- branches) ou jaunâtres {Halio(is), très nettement jaunes ou bruns chez les Dons, Pleurobrauc/tus, Oscanius, et surtout les Bullidés ; d'ailleurs il ne faut pas attacher grande importance à la couleur des granules; chez le Planorbis corneus, la Philine aperta, on en trouve à la fois dans les amibocytes de jaunes et de verdâtres, avec tous les passages entre les deux teintes. Je ne puis entrer dans le détail de ces minimes différences, qui ne présentent d'ailleurs au- cun intérêt. Les amibocytes contiennent parfois des produits de réserve qu'ils ont fabriqués et qui s'accumulent dans leur protoplasma comme le ferait la graisse dans une cellule adipeuse ; le fait me semble propre aux Xotoneurés. Chez la Doris tuberculata (pi. I, fig. 6, r), les ami- bocytes renferment une ou plusieurs grosses gouttes incolores, réfringentes^ d'aspect graisseux, constituées par une matière albumi- noïde ; ces globules protéiques coexistent avec les granules de fer- ment, qui se réfugient dans un coin de la cellule, dont les mouve- ments araiboïdes se ralentissent beaucoup. Chez la Pleurophyllidia 7ieapol?tana, Vldalia rnmosa, on trouve aussi dans quelques amibo- cytes (pi. I, fig. 7) des amas de granules protéiques, arrondis, verdâtres ; les cellules qui les renferment n'ont souvent plus de pseudopodes. Nous retrouverons plus tard des amibocytes sem- blables, en bien plus grand nombre, non plus dans quelques espèces, mais caractéristiques de tout un groupe (Ascidies, Géphyriens, Échi- nodermes). L'évolution des amibocytes est tout à fait semblable à ce que nous avons déjà vu chez les Céphalopodes ; les granules de ferment dis- paraissent d'abord ; le protoplasma diminue, finit par se dissoudre, et il ne reste plus que le noyau, nu ou peu s'en faut, qui disparait à son tour dans le sang. Glandes lymphatiques. — Si les Gastéropodes présentent à peu près un type unique dans la composition du sang, leurs glandes lympha- 32 L. CUÉNOT. tiques sont tellement variées que, d'un genre à un autre d'une même famille, elles sont parfois différentes. NoTONEURÉs. — Chez la Doris tuberculata, la glande lymphatique (pi. I, flg. 10, gl) est située au voisinage des ganglions cérébroïdes {cr). Quand on a ouvert l'animal par la face dorsale et écarté les or- ganes de façon à mettre à nu les centres nerveux, on voit au-dessus d'eux une masse irrégulière profondément lobée, d'un beau jaune d'or : c'est la blood-gland de Bergh, le gland-like body d'Aider et Hancock. Si l'on a injecté préalablement l'animal en poussant par le ventricule, on voit se détacher de l'aorte antérieure, à 5 milli« mètres environ au-dessous du cerveau, une petite branche qui donne un rameau latéral à chacun des ganglions cérébroïdes et se termine dans la glande jaune ; celle-ci est entièrement pénétrée par le li- quide injecté, qui se répand dans ses nombreuses lacunes comme l'eau dans une éponge. Souvent cette artère cérébrale porte sur son trajet, un peu en dessous du cerveau, de toutes petites glandes jaunes, identiques à la première, qui sont des lobules lymphatiques supplémentaires, d'ailleurs tout à fait inconstants. Une coupe sagit- tale nous éclairera complètement sur la constitution de la glande ; on constate d'abord qu'elle est fixée sur le tissu conjonctif très abondant qui entoure les ganglions cérébroïdes, et qu'elle n'a au- cune attache avec ceux-ci ; ce n'est pour ainsi dire qu'une pro- lifération de leur enveloppe. La glande est formée d'un stroma conjonctif (pi. I, fig. H), dessinant une infinité de petites mailles, d'aspect spongieux, contenant de nombreux noyaux ; la périphérie n'est recouverte d'aucun épithélium. Les noyaux s'entourent de pro- toplasma, de granules de ferment jaunâtre {a et a') ; à cet état, ils forment de vraies cellules, qui deviennent amiboïdes, gagnent la pé- riphérie et passent par diapédèse dans la cavité générale dont ils cons- tituent les amibocytes. Sur le vivant, on peut facilement se convaincre de l'évolution des cellules; en examinant dans une goutte de plasma un petit fragment de la glande, on voit de nombreux amibocytes, tous bourrés de granules jaunes, les uns encore à l'intérieur du ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 33 tissu, les autres en train d'en sortir, et rampant à la surface ; la glande jaune est donc bien la glande lymphatique. — Elle paraît constante pour tout le groupe des Dorididœ, et située toujours aux environs des ganglions cérébroïdes ; pour ma part, je l'ai retrouvée chez la Doris virescens, VIdalia ramosa ; M. Bergh la signale sous le • nom de blood-gland chez toutes les espèces recueillies par le Chal- lenger (29, voir pl.I, fig. I), appartenant aux genres suivants : Okola, Euplocamus, Chromodon's, Ceratosoma, Archidoris, Discodoris, Pla- tydoris, Tkordisa, Balhy doris. M. Bergh la décrit môme chez une espèce de la famille voisine des Doripsidx , le Doriopsis nebulosa Pease. H. Fischer la signale dans le genre Coramhe. Chez les Pleurobranches [Pleurobranchus aurantiacus , Oscanim membranaceus), la glande lymphatique est située tout près du cœur. Après avoir fendu le manteau et enlevé avec précaution la coquille, au-dessus de la masse abdominale on voit, à droite, le cœur (pi. I, fig. 12) dirigé transversalement, dont les contractions sont bien visibles, et à gauche une grosse glande, jaune ou brune, à demi plongée dans le tissu conjonctif : c'est la glande indéterminée, dé- couverte par M. de Lacaze-Duthiers chez le Pleurobranche orangé ; je renvoie aux belles figures de son travail pour tous les détails relatifs à la configuration de la glande. Elle reçoit un très court rameau détaché de l'aorte, qui se termine à son intérieur par un riche réseau lacunaire ; la glande est une véritable éponge sanguine, comme l'a très bien noté M. de Lacaze-Duthiers ; chez ÏOscamus membranaceus, le petit vaisseau glandulaire part de la bifurcation de l'aorte; il est placé dans l'axe du cœur. La glande rouge est consti- tuée par une trame conjonctive, renfermant des noyaux qui s'entou- rent de granules jaunes de ferment, et passent dans la cavité géné- rale dont ils constituent les amibocytes. En examinant sur le vivant la surface de la glande, on voit très facilement les nombreux ami- bocytes mûrs qui s'y sont formés (pi. 1, fig. 14). Dans les coupes, la glande n'est pas compacte; c'est plutôt une sorte d'épongé, comme planche I, figure H, dont la partie solide serait représentée AUCII. DE ZOOL. EXP ET GÉN. — 2^ SÉlUE. -- T. IX. IS'Jl. 3 34 L. CUÉNOT. par un stroma ribreux,|àrinténeur duquel passent et se ramifient les vaisseaux, et par de nombreux noyaux qui évoluent en amibocytes (pi. I, fig. 13). Chez le Pleurobranchœa Meckelii, genre d'ailleurs assez voisin des Pleurobranches, en différant surtout par l'anatomie interne, la glande lymphatique (pi. I, flg. 15, gl) est située à côté du cœur, sur la droite de l'animal; c'est une grosse masse d'un blanc jaunâtre, très divisée et fortement lobée, qui reçoit de la base de l'aorte un court vaisseau qui se divise et s'ouvre largement dans sa trame con- jonctive. L'histologie et l'évolution des cellules sont d'ailleurs iden- tiques à celles des types précédents K Pleuroneurés. — Chez la Philine aperta (BuUidés), la glande lym- phatique est située aussi à l'extrémité du cœur. En ouvrant la Phi- line avec précaution, on voit sur la droite (pi. II, flg. 1), placé un peu obliquement, le cœur qui bat; au-dessus et transversalement se trouve un organe glandulaire, allongé, de couleur orange : c'est la glande rouge de M. Vayssière. Du cœur sortent les deux aortes, l'une allant à droite et en haut, l'autre se dirigeant vers la gauche ; la glande orangée [gl) est placée en dessous des deux aortes, qui cou- rent à sa surface pendant quelques millimètres, et lui donnent l'une et l'autre quelques petites branches. Comme toujours, la glande est formée d'un stroma spongieux enfermant des noyaux et cellules, et quelques produits de réserve sous forme de globules d'aspect grais- seux (pi. II, lig. i) ; les cellules se remplissent de granules jaune orangé, souvent en masses irrégulières, deviennent amiboïdes et passent par diapédèse, soit dans les aortes, soit plutôt dans la cavité générale; la glande rouge est bien nettement la glande lympha- tique. D"après i\I. Vayssière (36), on retrouverait chez le Gasteropleron » Kowalevsky (Société des Naturalistes de la Nouvelle-Russie, Odessa, 4 oc- tobre 1890) vient de confirmer, par des méthodes toutes différentes, la fonction que j'ai attribuée, dès 1889, aux glandes sanguines des Doris et Pleurobranclies ; l'au- teur russe pense que ces glandes correspondent physiologiquement (fonction phago- cytaire et formation d'amibocyles) ù la rate des Vertébrés. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDliS LYMPHATIQUES. 3S Meckeliinne glande de même couleur placée auprès du cœur; mais je n'ai pu étudier celte espèce. Il la signale aussi chez le Scaphander lignarius, où je puis affirmer qu'elle n'existe pas ; j'ai cherché en vain la glande lymphatique chez cette espèce, au premier abord tout à fait semblable à la Philine; je n'ai rien trouvé, malgré de longues recherches; mais je pense qu'elle doit être représentée, à l'état diffus il est vrai, par la petite dilatation placée à l'origine de l'aorte anté- rieure, qui est homologue à la crista aortse des Aplysies, dont nous allons élucider la signification. Chez les Aplysies, la glande se présente sous une forme un peu anormale ; elle est à peu près à la même place que chez la Philine, mais revêt un tout autre aspect ; on l'appelle crista aortae. C'est une vaste dilatation creuse de l'aorte antérieure, lobée et incisée à la sur- face, ce qui lui donne quelque peu (surtout chez Aplysia depilans) un faciès glandulaire; comme le cœur, elle est renfermée dans le péricarde. Lorsqu'on pousse une injection par le ventricule, on voit la crista aortœ se gonfler démesurément, comme un organe érectile ; puis, lorsque la pression cesse, elle reprend ses dimensions normales, grâce à la grande élasticité de ses parois. Sur les coupes (pratiquées après le passage d'un courant d'eau de mer pour enlever les globules sanguins), on constate qu'elle est revêtue extérieurement d'un épi- thélium cylindrique bien limité, non cilié , renfermant de petits granules jaunes et jouant très probablement un rôle dans l'excrétion péricardique. La paroi est formée d'un épais feutrage de tissu con- jonctif et de fibres élastiques anastomosées et divisées en tous sens, comprenant dans leurs mailles un nombre considérable de petits noyaux ; les fibres élastiques, divisées en petites fibrilles formant aux extrémités des réseaux complexes, portent un gros noyau de 12 \i. environ, très clair, renfermant à peine quelques grains de chromatine ; les petits noyaux de 4 à 5 [;. présentent de nombreuses mitoses (liquide de Flemming, safranine) et sont tout à fait sembla- bles aux noyaux des amibocytes du sang. Lorsqu'on examine sur le vivant un fragment de cette o-ista 36 L. CUÉNOT. aortx, préalablement lavée par un courant d'eau de mer, on dis- tingue très bien les amas de noyaux logés entre les fibres; un grand nombre d'entre eux sont entourés de protoplasma, émettant de courts pseudopodes et renfermant quelques granules jaunes très réfringents : ce sont évidemment des amibocytes mûrs, prêts à passer dans le courant sanguin. Nous sommes donc autorisés à at- tribuer à la crisla aortx des Aplysia depilans et punctata la significa- tion d'une glande lymphatique conformée suivant un type un peu exceptionnel ^ Grobben [Arbeiten aus dem ZooL Insl. Wien, t. IX, 1890) attribue comme moi un rôle excréteur à l'épithélium externe de la cri'sta aortœ; mais il ne parle pas des nombreux noyaux logés dans la couche musculo-conjonctive, auxquels j'attribue une signification plastidogène. PuLMONÉs. — Jusqu'ici les glandes lymphatiques sont des organes parfaitement définis, isolables ; il en est tout autrement chez les Pulmonés, où elles sont diffuses, ce qui rend leur recherche beau- coup plus difficile. Si, après injection, on ouvre et on étale le sac pulmonaire d'un Hélix, on est frappé par les gros vaisseaux qui le parcourent, dessi- nant à sa surface des côtes saillantes, très nombreuses chez Y Hélix pomatia, beaucoup moins chez les Hélix aspersa ou nemoralis (pi. II, fig. 3); ces vaisseaux ne sont pas remplis complètement par l'injection ; ils sont comme entourés d'un manchon blanchâtre, non pénétré par la masse, et dans lequel plongent de petits ramus- cules partis du canal central; c'est à ces manchons conjonctifs entourant les gros vaisseaux pulmonaires que j'attribue le rôle de glande lymphatique. Une coupe transversale du poumon (pi. II, fig. 4) nous rendra 1 Ayant terminé ce chapilre bien postérieurement aux autres, je regrette de ne pouvoir donner de figures explicatives, mes planches étant composées à ce moment; les rapports macroscopiques de la crisla aortœ et du cœur sont bien figurés dans nombre d'ouvrages, notamment dans Bronn et surtout dans L' Allas d'anatomie des Invertébrés de M. Vayssière. ÉTUDES SUR LE SANG ET LFS GLANDES LY.M PRATIQUES. 37 bien compte de sa constitution. Le poumon est limité. extérieure- ment par un épithélinm paiissadique (ec) et une couclie de fibres musculaires circulaires; intérieurement par un épitbélium pavimen- teux très aplati (pi. II, fig. 4 et 5, on), dont les cellules renfer- ment un gros noyau ; tout l'espace existant entre les deux épithé- liums est comblé par un tissu conjonctif spongieux parcouru par le sang. On voit bien la lumière des grands vaisseaux, entourée d'un épais manchon formé d'un réseau conjonctif à mailles serrées ren- fermant de nombreux noyaux (pi. II, fig. 5) ; quelques fibres mus- culaires, les unes circulaires, les autres longitudinales, se trouvent sur le côté proximal par rapport au vaisseau; celui-ci, à pro- prement parler, n'est qu'une lacune, et aucune couche définie ne le sépare de ce tissu. Dans les préparations fixées avec soin (pi. II, fig. 5), on constate que parmi les noyaux du manchon périlacu- naire, il y a aussi de véritables cellules ; sur le vivant, en dilacérant ce tissu, on trouve dans les mailles un grand nombre de cellules amiboïdes, renfermant quelques granules de ferment verdâtre très réfringents et présentant tous les caractères d'amibocytes nouvelle- ment formés. C'est donc bien à la couche périlacunaire qu'est dévo- lue la fonction lymphatique ; c'est une glande diffuse étendue le long des grandes lacunes pulmonaires, et dont les produits passent directement dans celles-ci. La constitution du poumon est la même, je pense, pour tous les Pulmonés terrestres; j'ai vérifié les résultats précédents chez les Hélix pomatia, aspersa, nemoralis et lapicida, la Limax agrestis et VArion riifus. Chez le Planorbis corneus, le poumon est tout différent : c'est une mince membrane sur laquelle s'élèvent trois crêtes saillantes, deux grandes, l'une à droite, l'autre à gauche, et une petite, moyenne. La partie membraneuse est parcourue par le sang; c'est laque se fait l'hématose. Quelques lacunes parcourent aussi les crêtes, dont le tissu est beaucoup plus serré et renferme un grand nombre de noyaux, comme on s'en rend bien compte sur une coupe transver- sale ; en dilacérant une crête, on n'a pas de peine à trouver de 38 L. CUÉNUT. jeunes amibocytes, à granules peu nombreux mais très réfringents, les uns immobiles, les autres déjà amiboïdes (pi. II, fig. 7). C'est bien évidemment dans les crêtes pulmonaires que se localise la fonc- tion lymphatique, encore plus diffuse que chez les Hélix. Chez la Lymnea stagnalis, le poumon offre un troisième type : c'est un tissu spongieux, noirâtre, s'arrêtant le long du rectum, et dans lequel est plongé le corps de Bojanus qui dessine une forte saillie dans sa partie centrale. Après injection d'une masse blanche, on distingue sur le fond noir du tissu une foule de petits ramuscules provenant des grandes lacunes situées plus profondément et dans lesquels arrive le sang pour s'hématoser à la surface interne du poumon. Dans une coupe transversale (pi. II, fig. 6), on distingue bien ces petits ramuscules se dirigeant vers la surface interne ; ils sont plongés dans un réseau conjonctivo-cellulaire, dont ils sont à peine séparés, qui passe même au-dessus du corps de Bojanus, en couche assez mince, mais suffisante pour le dissimuler ; la trame conjonctive, très fine et très serrée, renferme beaucoup de cellules pigmentaires chargées de granulations noires de mélanose, qui com- muniquent leur teinte au poumon, et de noyaux encore plus nom- breux qui évoluent en amibocytes, comme on peut le constater dans les dilacérations. Chez la Lymnée, la glande lymphatique est intri- quée avec les vaisseaux respiratoires, si intimement qu'il est impos- sible de les séparer; c'est encore un degré de plus que le Planorbe. Aponotoneuués. — Je prendrai comme type la Paludina vivipara, chez laquelle la zone lymphatique est beaucoup plus facile à démon- trer que chez les autres Pectinibranches; comme chez les Pulmonés, elle est en rapport avec l'organe respiratoire, mais ici c'est une branchie au lieu d'un poumon. La branchie est formée de petites lames, de plus en plus grandes à mesure qu'on s'approche du cœur, rangées en grand nombre les unes à la suite des autres, presque couchées à la surface de la mem- brane qui les porte, et formant ainsi un groupe occupant toute la longueur de la chambre branchiale jusqu'au cœur; le long de la ÉTUDRS SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 30 branchie et tout près du bord épaissi du manteau se trouve un corps allongé d'apparence glandulaire, qui est l'organe sensitif de Spengel (fausse branchie). Le vaisseau artériel ou efférent se trouve en dessous de la fausse branchie, distal ou externe par rapport à la columelle; le vaisseau veineux ou afférent, parallèle au premier, est plus près de la columelle, proximal ou interne par conséquent. Chaque lame branchiale, insérée perpendiculairement aux deux vaisseaux branchiaux, est assez large à la base, puis se rétrécit rapi- dement et devient très étroite ; on peut remarquer que l'un des côtés est rigide, nous verrons pour quelle raison (c'est le côté efférent ou distal), l'autre est mou et flottant. Si l'on fait une injection veineuse, dans chaque lame se remplit une anse vasculaire en forme d'fx ; j'ap- pellerai provisoirement rachis branchial la partie centrale, non pé- nétrée par le sang, et dont le contour paraît assez irrégulier. Étudions maintenant la coupe transverse d'une lame (pi. II, fig. 8); elle est revêtue d'un épithélium palissadique, à cellules très hautes et fortement vibratiles aux extrémités et sur les côtés ; à un bout se trouve la lacune afférente (y) à sang veineux, séparée de l'épi- thélium par une mince couche conjonctivo-musculaire; à l'autre la lacune efférente [ar) à sang artériel, limitée par un fort épaissis- seraent de consistance cartilagineuse, formé par ce qu'on appelle la substance fondamentale du tissu conjonctif ; cette couche squelet- tique, par suite de sa rigidité, maintient toujours la lacune béante, ce qui facilite le passage du sang de la branchie au cœur ; l'espace compris entre les deux lacunes, sous-jacent aux forts épaississe- ments vibratiles latéraux, est comblé par une fine trame conjonc- tive bourrée de cellules et de noyaux, tout à fait semblables à ceux des amibocytes. C'est à cet amas, qui détermine la forme de l'anse vasculaire, que j'ai donné le nom de rachis branchial ; je puis dire dès maintenant qu'il a la signification d'une glande lymphatique. En comprimant légèrement sous le microscope les lames bran- chiales enlevées sur le vivant, on arrive, avec un peu d'adresse, à faire sortir du rachis les cellules qu'il renferme, et à les faire passer 40 L. CUÉNOT. dans l'un des deux vaisseaux, où on peut bien les examiner par transparence ; on voit alors nombre de cellules pleines de granules de ferment, les unes encore immobiles, les autres émettant de courts pseudopodes et toutes prêtes à passer dans le courant san- guin. Les dilacérations fixées et colorées, après qu'on a enlevé au pinceau l'épithélium externe, donnent les mêmes résultats (pi. IL fig. 9) ; dans le lacis conjonctif, à côté des noyaux nus, on en trouve d'autres entourés de granules réfringents, et aussi de gros corpus- cules calcaires réfringents, très abondants d'ailleurs dans tous les tissus de la Paludine. On pourrait dire que les cellules du rachis ne lui appartiennent pas en propre, que ce sont des amibocj^es y ayant pénétré par dia- pédèsG ; je réfute dès maintenant cette objection, en faisant remar- quer : i° que les cellules lymphatiques du rachis ont tous les carac- tères d'amibocytes nouvellement formés; 2° qu'on y trouve un nombre de corpuscules mûrs beaucoup plus considérable que celui qui existe dans le sang normal ; 3" enfin, qu'on peut suivre tout le développement des noyaux en amibocytes, ce qui est convaincant. Le rachis branchial a donc très nettement la signification d'une glande lymphatique, dont les produits passent par diapédèse dans l'une des deux branches de l'anse vasculaire, surtout dansl'efférente, qui contient toujours un certain nombre d'amibocytes mûrs. Ce n'est pas tout: outre les rachis branchiaux, la Paludina viurpara a encore une autre glande lymphatique, celte fois logée dans les pa- rois de roreillette. Pourquoi ce dualisme singulier, dont nous re- trouverons un exemple identique chez les Crustacés décapodes? Je n'en sais rien; les cellules provenant de l'une ou l'autre glande me paraissent tout à fait semblables, et les deux organes sont actifs en même temps. La glande de l'oreillette a été découverte par M. Réray Perrier, dans son excellent travail sur le rein des Prosobranches (35): je prie le lecteur de se reporter aux figures qu'il en donne (pi. Vlll et IX, fig. 38, 46 et 46 bis); je ne suis pas tout à fait de son avis, quant à la description histologique des parties composantes. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 41 La paroi de l'oreillette, au lieu d'être fort mince comme d'habi- tude, acquiert une épaisseur considérable, la cavité centrale étant par contre fort réduite ; elle est recouverte d'un épithélium cubique ou à peu près, au-dessous duquel se trouve une épaisse couche mus- culo-conjonctive bourrée de noyaux ; du côté interne, cette zone est en contact direct avecle sang et est traversée par quelques muscles longitudinaux sans importance. En dissociant la paroi par le pro- cédé habituel (acide osmique, picrocarmin, glycérine), on peut suivre tous les stades de transformation des noyaux en ami- bocytes ; un nombre considérable d'entre eux sont entourés de gra- nules réfringents, et prêts à passer dans la cavité de l'oreillette; rien n'est plus net comme glande lymphatique. La fixation au liquide de Flemming montre les mêmes faits avec plus de précision encore, à cela près que les granules albuminogènes sont peu distincts. J'ai cherché à voir, en colorant par le violet d'Ehrlich suivant la mé- thode de Bizzozero, par quel procédé se reproduisaient les noyaux ; je n'ai pas vu une seule mitose indiscutable, tandis que les phases de division directe par étranglement abondaient ; toutefois la Pa- ludine sur laquelle j'opérais étant à jeun depuis un jour, il pourrait se faire que les mitoses aient disparu. Jusqu'ici, la glande de l'oreillette n'a été retrouvée chez aucun autre Prosobranche ; M. R. Perrier l'homologue à une partie delà glande néphridienne, organe placé à côté du rein chez la grande majorité des Prosobranches normaux (Monotocardes ou Aponoto- neurés), et de constitution assez complexe. Les quelques recher- ches que j'ai faites sur cette glande néphridienne (chez Murex bran- daris) sont un peu en désaccord avec cette manière de voir ; chez l'espèce que j'ai étudiée, la glande ne me parait pas du tout lym- phatique; c'est bien plutôt un organe de réserve. J'espère pouvoir bientôt traiter à fond ces questions si nouvelles et si pleines d'in- térêt. Chez les autres Prosobranches à branchies pectinées, je suis loin d'avoir pu étudier aussi complètement les glandes lymphatiques ; 42 L. CUÉNOT. c'est même avec difficulté que l'on peut retrouver celles des bran- chies. La Calyptra sinensis présente, comme la Paludine, des branchies filiformes à anse vasculaire simple (pi. II, fig. 10); la lacune effé- rente est remarquable par le très grand développement de la cou- che squelettique {sq), qui à elle seule occupe en largeur au moins les deux tiers de la branchie. Les deux lacunes, afférente et efférente, sont séparées par un mince rachis [gl], placé juste en dessous des bandes vibratiles latérales, formé par des noyaux et cellules aux- quels il faut attribuer une signification lymphatique, comme chez la Paludine; on peut facilement, par une légère compression, en faire sortir un grand nombre d'amibocytes mûrs, bourrés de gra- nules de ferment. La Lamellaria perspicua offre un type un peu plus compliqué, qui est d'ailleurs celui de beaucoup de Pectinibranches marins; chaque lame branchiale (pi. II, fig. W), de forme triangulaire, est munie de nombreux plis transversaux parallèles (/)): quand on l'injecte, la lacune afférente se remplit, puis un réseau lacunaire très serré, se répandant aussi dans les plis transverses, qui va se jeter dans une lacune longeant le rachis {o')\ le sang hématose passe dans la lacune efférente {ar) presque entièrement par l'extrémité de la branchie. Le rachis oppose donc un obsL^cIeà la marche du sang; sur le vivant, bien qu'avec une certaine difficulté, j'ai pu constater qu'il était formé de noyaux et d'amibocytes en voie d'évolution. Gomme chez les types précédents, il représente donc la glande lymphatique. On peut encore mettre sur le même rang le Capulus hungaricus^ le Chenopus pespelicani, peut-être les Gérilhes [Cerithium vulgatum et rupestre) dont le rachis branchial est plus ou moins facile à déceler. Les branchies du Murex brandaris sont assez semblables au type précédent ; mais cette fois il n'y a plus de rachis branchial bien dé- limité, de façon à fermer la lacune efférente ; le réseau lacunaire qui remplit la branchie épargne de place en place des îlots cellulai- res, placés très irrégulièrement dans la branchie, qui représentent ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 4.3 probablement des amas lymphatiques ; mais je n'ai pu les étudier d'une façon satisfaisante, en raison de leurs pelites dimensions. Les Triton corrugatiis, cutaceus, la Patella cœriUea présentent des branchies opaques, dépourvues de rachis branchial, dont je ne puis décrire avec précision la partie productrice des amibocytes. Épipodoneurés. — Les Trochus ont des branchies parfaitement semblables à celles des Pectinibranches, notamment de Lamellaria; ce sont des lames minces, alignées les unes à la suite des autres, et présentant de nombreux plis transverses ; la lacune artérielle ou efférente (pi. II, fig. i2) porte deux épaississements squelettiques, comme d'ordinaire ; près d'elle se trouve, de chaque côté, une large bande très vibratile. Sur les coupes transversales, on voit que les deux bandes vibratiles sont très rapprochées Tune de l'autre et qu'il n'existe entre elles qu'un étroit espace {gl) traversé par de fins filets fibreux, et bourré de noyaux tout à fait semblables à ceux des ami- bocytes ; si l'on pousse une injection veineuse, le liquide coloré se répand facilement à travers le réseau lacunaire de la lame branchiale et des plis, puis passe dans la lacune efférente, d'abord par l'extré- mité terminale, et aussi par quelques petits rameaux qui traversent cette couche de noyaux sous-jacente aux bandes vibratiles (rachis branchial), qui paraît ainsi opposer une certaine résistance aux li- quides. Sous le compresseur, il m'a souvent semblé voir des ami- bocytes se développer dans cette couche, des pseudopodes en sortir; mais l'observation est si difficile que je n'affirmerai son rôle lympha- tique qu'avec une certaine réserve. L'existence de cet amas de noyaux se reconnaît facilement chez les Trochus turbinaius, Hichardi, magus et zizyphinus, et je ne vois pas qu'on puisse lui attribuer une autre fonction que celle de former les amibocytes, d'autant plus qu'il est tout à fait homologue au rachis branchial de la Paludina, qui a bien nettement la signification lymphatique. Les Haliotides {Haliotis lamellosa) sont un peu différentes des Trochus par le fait qu'elles possèdent une paire de branchies iné- gales, une grande et une petite ; chaque branchie est formée d'une a L. CUÉNOT. paire de lames branchiales ordinaires, soudées par la base ; en comparant l'Haliotide à une Paludine, on peut dire qu'il y a, chez la première, quatre alignements semblables, soudés deux à deux. Pour tous les détails, je renverrai au mémoire de M. Wegmann (38) qui a très exactement décrit la branchie ; je ne saurais y ajouter un mot. Les deux branchies sont insérées sur le manteau; la plus grande est sessile, l'autre est placée sur une petite surélévation du man- teau, que j'appellerai support branchial. Pratiquons une coupe transversale de l'une des branchies (pi. III, fîg. 1 et 2) ; on voit en haut, du côté libre, le vaisseau afférent ou veineux, en bas, tout près du manteau, le vaisseau efférent ou arté- riel, munis tous deux d'une paire de cordons musculaires longitu- dinaux {771 1) ; entre les vaisseaux, les lames branchiales s'étendant l'une à droite, l'autre à gauche, pourvues comme d'habitude, d'un fort épaississement squelettique, sur le côté artériel. Quant à la partie membraneuse, je la comparerai volontiers à une lame de Pectinibranche dont les plis transversaux auraient seuls subsisté, toute la zone intermédiaire et plane disparaissant. Je suis forcé de donner brièvement ces détails de structure, parfaitement élucidés dans l'ouvrage de M. Wegmann. Le support branchial de la petite branchie (pi. III, fig. 2), continu avec le manteau, est creux ; il est bordé d'une couche conjonctive et subdivisé en étages irréguliers par de petits scptums transversaux ; tout l'espace resté libre est bourré de noyaux, qui donnent tout à fait une apparence glandu- laire à ce support branchial ; les amas de noyaux s'arrêtent du côté du manteau, d'une part, et au contact du vaisseau efférent, d'autre part; mais ils ne sont pas limités par une membrane, de sorte que les liquides peuvent passer facilement du manteau dans le vaisseau efférent, ce qui arrive en effet. Pour la grande branchie, comme il n'y a pas de support, la disposition est un peu différente (pi. III, fig. I); le manteau est creusé, en dessous du vaisseau efférent, de cavités remplies de noyaux, formant ainsi sous celui-ci une véritable glande, très irrégulière, mais cependant tout à fait homologue à ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 43 celle qui se trouve dans le support branchial de la petite branchie. Je puis dire dès à présent que ces glandes branchiales mal déli- mitées, mais dont l'existence est facile à constater, sont des glandes lymphatiques. Par une dissection attentive, on peut en séparer des fragments, que l'on examine soit sur le frais, soit après l'action des réactifs ; les noyaux, d'abord munis d'une très mince zone protoplasmique, s'entourent de granules réfringents d'un jaune clair ; ils forment alors des cellules amiboïdes (pi. 111, fig. 3), qui passent dans le courant circulatoire. L'évolution des cellules n'est pas douteuse ; la glande renferme toujours un grand nombre d'amibocytes mûrs, à ferment jaune, prêts à passer dans le sang. La circulation de la glande est très intéressante ; si l'on injecte les cavités veineuses, le liquide coloré passe facilement dans le vais- seau supérieur ou allèrent, et de là remplit les lames branchiales ; les cavités du manteau, très minimes, s'injectent également et don- nent un petit réseau veineux, qui parcourt le support branchial ou ce qui lui correspond, et finit par déboucher dans le vaisseau artériel ou efférent ; les coupes et les dissections le montrent d'une façon évidente. Il y a donc, chez VBaliotis, une petite portion de sang vei- neux qui passe dans le vaisseau efférent, sans avoir respiré ; cette disposition, bien décrite par M. Wegmann (38), paraît l'avoir quelque peu intrigué ; on en comprend maintenant la raison d'être: c'est à ce réseau veineux qu'est dévolu le rôle de nourrir la glande lympha- tique sous-branchiale^ et aussi d'entraîner les amibocytes mûrs dans le courant artériel. On voit que la glande lymphatique de VHaliolis s'écarte un peu du type des Prosobranches ordinaires ; mais, en somme, elle est tou- jours placée près de la branchie, sinon à son intérieur. La Fissurella reticulata {F. grxca Linné) possède aussi deux paires de branchies dont les lames, doubles comme celles des Haliotis, sont tout à fait conformes au type habituel ; j'ai très bien vu sur le vivant la glande lymphatique (pi. 111, fig. 4), amas irréguher de noyaux et 4C L. CUÉNOT. de cellules amiboïdes, placé dans le vaisseau efférent même, sur sa paroi supérieure, baignant librement dans la cavité sous-jacente. 11 m'a bien semblé, mais je n'oserai l'affirmer avec certitude, que cet amas cellulaire se prolongeait dans les branchies, en-dessous de la bande vibratile, de façon à former un petit rachis lymphatique dans chaque lame, comme chez les Peclinibranches. Résumé. — En résumé, on voit combien sont variées les glandes lymphatiques des Gastéropodes ; tantôt elles constituent des organes bien définis, d'une forme constante, en rapport avec les vaisseaux artériels, comme chez les Doris, Pleurohranchus, Oscanius, Pleuro- branchaea, Philine; tantôt elles forment des amas irréguliers, impos- sibles à disséquer, dont l'existence ne peut-être le plus souvent décelée que par les coupes, et qui sont alors en rapport avec l'oreil- lette (seulement chez Paludina), le plus souvent avec l'appareil res- piratoire, branchies des Aponotoneurés {Paludina) et des Épipodo- neurés (Haliotis), poumons des Pulmonés. Historique. — Les amibocytes des Gastéropodes ont été signalés par nombre d'observateurs, notamment chez la Paludine (Leydig), le Zonites algirus (Sicard), l'Oncidie (Joyeux-Laffuie), V Haliotis (Wegmann), Y Hélix (Gattaneo), etc. L'hémocyanine a été décrite for- mellement par Fredericq [Arion, Hélix), Krukenberg {Lymnea), Hal- liburton, etc. ; l'hémoglobine du Planorbe par Ray-Lankester. Krukenberg a affirmé qu'il n'y avait pas d'hémocyanine chez les l'et/iys, Doris, Aplysia, Pleurobranckus ; en effet, le sang est incolore et ne renferme certes pas une hémocyanine semblable à celle des Céphalopodes ; mais, comme on observe toutes les gradations entre le sang nettement bleu et le sang incolore, il semble plus convenable de conclure à l'existence d'une série d'hémocyanines de moins en moins colorées (sauf chez Aplysia depilans). La glande lymphatique des Boris, dont nous avons élucidé le rôle, a été découverte par Cuvier (1817), figurée avec plus de soin par Hancock et Embleton {Phil. Trans., 1852) qui lui attribuent la dési- gnation suivante: « .... a spongy glandular-looking organ, analo- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 47 gous perhaps to some of the vascular ductless glands of Ihe Verte- brata, overlying the buccal mass (p. :2-24)». Bergh (1884) ["appelle blood-gland et la décrit chez un certain nombre de Doridiens rap- portés par le Challenger. La glande orangée du PLewobranchus aurantiacus t\. été découverte par M. de Lacaze-Duthiers, dans son travail classique (1859) ; il en a décrit très exactement la circulation, les cellules à granules jaunes et môme l'aspect dentelé qu'elles présentent quand elles sorlent de la glande (à cause des pseudopodes). Il était difficile d'aller plus loin avec les faibles grossissements dont on disposait à cette époque. Guvier (1817), chez une autre espèce de Pleurobranche, a reconnu aussi l'existence de la glande. M. Vayssière (1879) a signalé la glande rouge des Bullidés, qu'il homologue à celle du Pleurobranche; ses descriptions manquent un peu de précision, puisqu'il en cite une chez le Scaphander, qui n'en a certainement pas. Il est juste de dire que, son rôle étant alors inconnu, tout point de repère faisait défaut. M. Rémy Perrier (1888-89) a découvert chez la Paludina vioipam la glande de l'oreillette, qu'il fait rentrer dans la catégorie des glandes vasculaires sanguines, chargées soit d'accumuler des matériaux de réserve, soit de produire les globules du sang. Nous avons vu que c'est la seconde opinion qui est la vraie, et que c'est un organe lym- phatique des mieux caractérisés. M. Perrier a décrit également avec soin, chez les Prosobranches normaux (Monotocardes), la glande né- phridienne, formée par de nombreux canaux ciliés débouchant dans le rein droit et entourés d'une masse de tissu conjonctif rappelant beaucoup la glande de l'oreillette; les fonctions de cet organe exi- gent de nouvelles recherches, ainsi que sa morphologie (M. Perrier admet qu'il correspond au rein gauche des Fissurellidés, Haliotidés et Patellidés). Pour ma part, je suis plutôt porté à lui attribuer un rôle dans l'accumulation des matériaux de réserve. La glande né- phridienne manque chez les Cérithes, Vermets, Gyclostoraes, Palu- dina vioipara et Valcala piscinalis. 48 L. CUÉNOT. M. Félix Bernard (1890), dans son travail sur les organes palléaux des Prosobranches, décrit les branchies avec exactitude, notamment l'épithélium externe, le tissu squelettique et la circulation. Gomme M. Bernard le fait remarquer avec raison, il ne faut pas parler de capillaires branchiaux; c'est un réseau lacunaire des plus évidents. A propos de la Paludina, il a bien vu le rachis branchial, toutefois sans lui accorder le rôle qu'il mérite, à notre avis : «... Elles diffè- rent (les branchies) de celles que nous avons étudiées par le déve- loppement considérable du massif spongieux formé de cellules étoi- lées, qui occupe toute la partie moyenne et sépare les régions afférente et efférente dans toute la longueur du feuillet (p. 284).» Enfin, j'ai cité, chemin faisant, le travail de M. Wegmann sur YHaliotis (1884); j'ai un point à critiquer: à la surface des oreillettes se trouvent de petites houppes cellulaires blanchâtres, auxquelles M. Wegmann attribue la formation des amibocytes. C'est une erreur : ces cellules tapissent extérieurement l'oreillette et n'ont aucun rapport avec les corpuscules du sang. M. Grobben me paraît être dans le vrai en les rangeant dans la catégorie des glandes péri- cardiques; M. R. Perrier a confirmé le fait (35) et a montré leur parfaite identité avec les glandes péricardiques des Lamellibranches. LAMELLIBRANCHES. Chez les Lamellibranches, le sang est renfermé, partie dans un appareil artériel, partie dans des lacunes appartenant à la cavité générale; il est assez difficile de l'extraire pur, en raison du petit volume des sinus qui le renferment. Toutefois, chez les espèces dont le pied a pris un grand développement, il se forme, quand l'animal est rétracté, des collections de sang dans le manteau (sinus pal- léaux), d'où, par une simple ponction, on peut en extraire une cer- taine quantité : c'est tout simplement le sang utilisé pour provoquer la turgescence du pied qui s'est accumulé dans les sinus quand celui-ci s'est rétracté; c'est le meilleur argument à donnera ceux qui croyaient que le pied, pour se gonfler, devait absorber l'eau ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 49 extérieure. Il est tout à fait prouvé maintenant que l'animal rétracté ou épanoui a exactement le même volume, et qu'il y a simplement passage et accumulation du sang du manteau dans le pied ; en ouvrant de force un Acéphale rétracté, on voit très bien le manteau gonné par le sang chassé du pied {Arca, Venus, Tapes). Sang. — Le sang est nettement bleuâtre chez quelques espèces {Tapes decussafa, Cardium normgicum, Cytherea chione, Dreissena pobj- morpha), incolore chez beaucoup d'autres {Unio Reguienii et sinuatus, Anodonta cygnea, Venus verrucosa, Oslrea edulis, Anomla ephippium, Mytilus edulis, etc.). Il est coloré en rouge chez VArca tetragona et le Solen legumen. Il tient en suspension des éléments figurés que nous examinerons tout à l'heure, et renferme un albuminoïde dissous, précipitable en abondants flocons blancs par l'alcool, qui est l'hémocyanine dans les quatre premières espèces citées, un albuminoïde très voisin chez les autres. Il y a évidemment chez les Lamellibranches toute une série d'hémocyanines de moins en moins colorées, les unes devenant bleues au contact de l'air chez quelques espèces, les autres restant à peu près incolores. Quant aux deux espèces à sang rougeâtre, cette teinte est due, non pas à l'albuminoïde du plasma qui est incolore, mais à la présence d'hématies rouges chargées de la fonction respi- ratoire. Il n'y a jamais de fibrine chez les Lamellibranches. Amibocytes. — Le sang renferme de très nombreux éléments figu- rés, qui sont des amibocytes parfaitement caractérisés, émettant toujours de nombreux pseudopodes, même dans le sang en circula- tion. Ils mesurent de 8 à 12 [x, un peu plus grands chez les espèces d'eau douce que chez les types marins ; les éléments mûrs (pi. III, fig. 8, a) renferment de nombreux granules très réfringents de fer- ment, d'un jaune d'ocre chez les Arca, jaune gris chez la Pinna nobi- lis, jaunâtres, verdâtres ou incolores chez les autres espèces. Les formes d'eau douce {Dreissena polymorpha, Unio Requienii et sinualus) paraissent avoir dans leurs amibocytes des granules réfringents plus AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1S91. 4 SO L. CUENOT. gros que ceux des espèces marines. En même temps que ces élé- ments mûrs, on trouve toutes les formes descendantes que nous avons déjà vues : amibocytes sans granules, et puis enfin noyau nu. Après fixation et coloration, on voit facilement le noyau arrondi, souvent nucléole; les granules de ferment sont colorés en jaune clair. Rien de nouveau à signaler. Hématies. — Il n'y a que deux Lamellibranches qui possèdent des hématies, colorées dans les deux cas par l'hémoglobine. Ray-Lan- kester a décrit très nettement(17) celles du 5o/e?^%^«nen de Naples, qui donnent au sang une teinte rougeâtre ; il a constaté en même temps que le Solen ensis, assez voisin du précédent (bien que les conchyliologistes modernes les classent dans deux sous-genres diffé- rents), n'a que des amibocytes et pas d'hématies. Le même auteur a signalé (traduction anglaise du Traité d'ana- tomie comparée de Gegenbaur) la présence des hématies chez une Arca, dont il ne donne pas la désignation spécifique; je les ai retrouvées chez VArca tetragona, très abondante dans la Méditer- ranée (Banyuls), qui est sans nul doute l'espèce de Ray-Lankester ; de même que pour le Solen, des espèces fort voisines, les Arca bar- bata et Noe, n'ont que des amibocytes. Jusqu'ici on ne connaît, chez les Lamellibranches, que ces deux exemples. Il est assez difficile de trouver une explication plausible de la pré- sence des hématies, qui entraîne une supériorité respiratoire incon- testable. Les Arca tetragona vivent généralement en groupes, très serrées les unes contre les autres, et elles ne peuvent entrebâiller leur coquille que très étroitement, leurs mouvements étant limités par le fort byssus corné qui les fixe, et aussi par les coquilles voi- sines ; le renouvellement de l'eau ne doit donc pas être très facile. Est-ce pour cette raison que les hématies se sont formées? Il serait bien intéressant d'entreprendre des expériences suivies sur les Arches, qui vivent admirablement bien dans les bacs de Banyuls; peut-être qu'en les isolant, en leur fournissant une eau très oxy- génée, on arriverait à diminuer le nombre des hématies ; peut-être ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 51 même à les faire disparaître, en opérant sur de très jeunes animaux. Les autres Arches (/4rm barbata et A. Noe), qui n'ont que des amibocytes avec le même albuminoïde incolore du plasma, c'est- à-dire dépourvues de tout corps oxygénable, vivent toujours isolées ; de plus, la coquille peut bâiller beaucoup plus largement que chez ÏA7'ca tetragona. Quand on ouvre de force une Arca tetragona, on voit bien nette- ment dans le manteau une collection de sang rougeâtre, provenant des sinus pédieux contractés ; par une simple piqûre, on peut en extraire une certaine quantité, parfaitement pur ; lorsqu'on le dé- cante dans un vase, les hématies et les amibocytes tombent au fond, formant une couche rouge ; le liquide surnageant, parfaitement in- colore et inoxydable à l'air, renferme un albuminoïde dissous, dif- férent de l'hémocyanine et précipitable par l'alcool. Les hématies (pi. III, fig. 6), beaucoup plus nombreuses que les amibocytes, sont de grandes cellules de 20 à 30iA(au maximum), le plus souvent ovoïdes, comme des hématies de Batraciens, d'autres fois présentant une extrémité pointue, étirée ; de profil, elles ont la forme d'un disque très aplati; elles ne se réunissent en piles que fort rarement. Elles sont colorées en jaune clair par l'hémoglobine ; sur le vivant, on voit très difficilement le noyau, tout à fait masqué par le contenu cellulaire, très légèrement granuleux, dans lequel se trouvent souvent de petits granules jaunes, réfringents, irréguUers, animés de mouvements brovi^niens très lents ; on y voit aussi de petites vacuoles. Lorsqu'on ajoute au sang des réactifs aqueux, même de l'acide osmique en solution, l'hémoglobine sort de l'hé- matie, dont le stroma granuleux apparaît très nettement, ainsi que le double contour delà membrane limitante ; le noyau est irréguher, très contourné, souvent divisé par deux ou trois étranglements (pi. m, flg. 7) comme les noyaux des amibocytes chez les Vertébrés. Les jeunes hématies sont assez rares ; il est à noter qu'elles sont beaucoup plus fréquentes dans les branchies que partout ailleurs, nous verrons plus tard pour quelle raison ; les plus petites mesurent 52 L. CUÉNOT. 12 [j. et renferment déjà de l'hémoglobine ; elles contiennent aussi de petits granules jaunes, à mouvements browniens, qui paraissent s'être formés autour du noyau (pi. III, fig. 8, h). Glande lymphatique. — Le trait saillant de l'organisation des Lamellibranches, c'est la condensation des divers organes par suite de la réduction si grande de la cavité générale. Le tube digestif, les glandes génitales, etc., ne sont pas séparables facilement par la dis- section ; ils sont enfouis dans un tissu moitié conjonclif, moitié lacunaire qui les relie les uns aux autres. On peut déjà prévoir que cette condensation rendra fort difficile la recherche de la glande lymphatique. Une observation bien simple nous permet tout d'abord d'affirmer que les amibocytes se forment à la base de la branchie, sur le trajet du sang qui va respirer ; en effet, si Ton compare les corpuscules d'une goutte de sang pris dans les sinus pédieux, avec ceux des lames branchiales mêmes, on remarque avec évidence que parmi ces derniers il y a un nombre beaucoup plus considérable d'éléments mûrs {Dreissenapolymorpha, Pinnanobilis, etc.); dans le cas spécial de VArca tetragona, outre les amibocytes à granules jaunes, on trouve en outre dans la branchie quantité de jeunes hématies, bien reconnaissables à leur petite taille et aux granules browniens ; il ne faut pas perdre de vue que, dans le réseau lacunaire parfois SI compliqué de la branchie, c'est surtout le plasma qui circule; les corpuscules ne sont pas tous entraînés, tant s'en faut. On com- prend facilement que les amibocytes et hématies nouvellement sortis de la glande formatrice stationnent un certain temps dans les lames branchiales. Si l'on pratique des coupes transversales de branchies préalable- ment injectées (pi. III, flg. 5), on aperçoit tout de suite, sur les côtés, les sinus latéraux {v) qui reçoivent le sang du manteau, du pied, etc., et d'où part le réseau veineux des lames branchiales. Ces sinus sont tantôt revêtus d'une couche conjonctive, formée de fibrilles lâches entremêlées de faisceaux musculaires, dans laquelle on voit ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 83 de nombreux noyaux et cellules ; tantôt traversés par dos tractus chargés de cellules (pi. III, fig. 5, gl)\ parfois le sang se fraye sa route à travers une masse de noyaux qui remplissent les sinus vei- neux [Unio sinuatus). Chez quelques types, on voit bien nettement que ces formations sont très distinctes du tissu lacunaire habituel [Dreissena polymorpha^ Arca Noe et tetragona, Unio sinuatus, Venus vernicosa, etc.); chez d'autres, il faut un peu de bonne volonté pour l'en distinguer {Perten, Anomia). Ce que je dis là manque un peu do précision, je le sens bien, mais la zone lymphatique est tellement diffuse et variée suivant les espèces, que malgré la certitude de son rôle, il est permis d'être quelque peu hésitant sur sa place exacte. Les dilacéralions viennent corroborer les résultats des coupes ; si l'on détache soigneusement la base de la branchie, le support bran- chial, comme on peut l'appeler, et qu'on la dilacère après l'action des colorants ou sur le frais, on trouve immanquablement de nom- breux amas lymphatiques, noyaux, cellules à ferment (f/nio sinuatus, Arca). Chez VArca tetragona notamment (pi. III, fig. 8), on peut suivre tout le développement des jeunes hématies mêlées aux ami- bocytes : ce sont d'abord de petits noyaux entourés d'une mince zone protoplasmique déjà colorée en jaune, et mesurant 10 [j. environ ; puis la zone périphérique augmente graduellement, de nombreux granules browniens se déplacent dans sa cavité, en même temps que l'hémoglobine continue à se former ; c'est à cet état qu'elles se dé- tachent et passent dans les lames branchiales (pi. III, fig. 8, h). Chez cette espèce, il s'ensuit que la glande lymphatique est homologue à la rate des Vertébrés, puisqu'elle forme à la fois des hématies et des amibocytes. En résumé, la glande lymphatique est très diffuse ; elle est placée à la base de la branchie, mélangée avec les cordons musculaires, le tissu conjonctif, le nerf branchial, de telle sorte que le sang, en allant respirer, la traverse el entraîne les éléments mûrs qui s'y sont for- més. Hibernation. — J'ai recueilli, relativement à l'hibernation des S4 L. CUÉNOT. Lamellibranches, quelques faits que je crois utile de mentionner. Pendant l'hiver, les Unio s'enfoncent dans la vase, la coquille peut- être légèrement ouverte, de façon à assurer un faible renouvelle- ment d'eau, mais en tout cas ils ne se déplacent plus ; la nutrition doit être complètement interrompue. Plusieurs Unio sinuatus, mâles et femelles, recueillis à l'automne dans une eau assez chaude, avaient tous leurs tissus conjonctivo-lacunaires (manteau et pied) absolument bourrés de petits granules arrondis, blanchâtres ou jaunâtres, au milieu desquels on retrouve les noyaux et les tractus conjonctifs habituels; cette accumulation de granules qui don- nait une teinte laiteuse à l'animal, s'arrêtait à la base des branchies, tout contre la glande lymphatique, et au contact des organes géni- taux et urinaires ; l'analyse micro-chimique démontre avec évi- dence qu'ils sont formés d'une substance albuminoïde. Au mois de mars, c'est-à-dire à la fin de sa période hibernale, j'ai recueilli un autre Unio, chez lequel je n'ai plus retrouvé ces gra- nules si abondants ; à peine en restait-il quelques traînées à la base des branchies; de plus, les amibocytes ne renfermaient que de très rares granules de ferment, comme ceux des animaux hibernes ; le sang donne par l'alcool un abondant précipité blanc d'albumine. Cet exemple me paraît démontrer qu'il y a, chez certains Mollus- ques, une véritable hibernation, pour laquelle ils accumulent des matières de réserve, de même que la Marmotte a tous ses tissus in- filtrés de graisse, avant d'entrer dans son sommeil léthargique. Historique. — Flemming (1878) a décrit les amibocytes de plu- sieurs Acéphales {Unio, Mytilus, Scrobicularia), en étudiant les mo- difications des prolongements amiboïdes lorsque ces organites sont retirés de l'animal; plus récemment, Gattaneo (1889) a pubhé un travail détaillé et très consciencieux sur les amibocytes de VAno- donta cygnea, Unio pictorum et Tellina radiala (50), dont les résul- tats confirment absolument les miens. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 55 AMPHIOXUS. J'ai prévenu le lecteur, dans l'introduction, de la raison qui m'a fait placer ici Y Amphioxus après les Mollusques ; je me serais fait scrupule de commencer ce travail par l'élude d'un type dont le sang présente des caractères aussi exceptionnels. V Amphioxus a un système vasculaire très réduit, et une cavité générale divisée en petites lacunes communiquant entre elles (vais- seaux lymphatiques). Ces deux ordres de cavités, dont l'indépendance n'est d'ailleurs pas démontrée, ont le même contenu : c'est un liquide incolore (Retzius,de Quatrefages, Ray-Lankester), albumineux, qui, dans les coupes traitées par l'alcool, donne un fin coagulum bien visible, qui ne renferme pas d'éléments figurés. Il n'y a dans le sang ni hématies, ni hémoglobine, comme l'avait cru Wil. Millier; c'est un fait bien démontré, notamment par Ray- Lankester. Y a-t-il des amibocytes ? M. de Quatrefages a signalé dans le sang de petits corpuscules incolores, mais avec de telles réserves, qu'il parait évident que l'éminent zoologiste n'est pas sur de leur exis- tence. J'ai cherché à éclaircir la question, en examinant par trans- parence des Amphioxus choisis parmi les plus jeunes. Les circons- tances ne m'ayant pas été favorables, la seule cavité que j'ai pu apercevoir nettement est celle qui entoure l'appendice dit hépa- tique : c'est une portion de la cavité générale enfermant ce cœcum et un vaisseau. Même avec un objectif à immersion (loOO diamètres), on n'y voit point de cellules flottantes, je puis l'affirmer; deux ou trois fois seulement, j'ai vu sur la paroi interne de la lacune de très rares cellules, assez grosses, avec quelques granules réfringents, ne présentant ni pseudopodes, ni mouvements amiboïdes ; elles ne correspondent sûrement pas aux amibocytes auxquels nous sommes habitués. Si, comme je crois pouvoir l'affirmer, V Amphioxus n'a ni hématies 58 L. CUÉNOT. ni amibocytes, comment peuvent s'opérer la respiration et l'assi- milation? La respiration se fait par simple osmose entre le liquide extérieur et le sang, comme chez un grand nombre d'Invertébrés dépourvus d'albuminoïde collecteur d'oxygène. Quant à l'assimilation, je l'ignore complètement; je ne puis qu'émettre une hypothèse : chez quelques animaux [Aphrodite acu- îeala, larve de Chironomiis plumosus)^ il n'y a pas d'amibocytes, mais seulement des organes fixes, bourrés de ferment albuminogène, qui se chargent alors de la formation de l'albumine plasmatique. Il ne manque pas de parties difficiles à comprendre chez VAmphioxus; il y a peut-être parmi elles une glande de cette espèce. TUNICIERS. Les Ascidies, qui présentent tant de particularités curieuses, no- tamment le renversement de la circulation, ont un. sang qui sort tout à fait des conditions habituelles pour rappeler celui des Inver- tébrés inférieurs, Géphyriens ou Échinodermes. On sait depuis longtemps que dans les lacunes et vaisseaux de l'Ascidie circule un liquide chargé d'innombrables globules qu'on peut voir, à la loupe, fuir dans les tissus d'un individu transparent. Ces globules, quand ils sont colorés, peuvent même donner à l'ani- mal sa teinte générale ; c'est le cas de plusieurs espèces de Phallu- siadées, chez lesquelles on peut apercevoir, au travers de la tunique translucide, la branchie colorée en rouge orangé par certains glo- bules {Ascidia mentula de la Méditerranée et surtout de Roscott' [Ascidia sanguinolenta H. de Lacaze-Duthiers]). Chez cette dernière, les moindres vaisseaux sont visibles par cette sorte d'injection natu- relle; quand on regarde la tunique par transparence, on voit admi- rablement le réseau capricieux de ses lacunes, dont le trajet est dessiné avec une parfaite netteté. Pour recueillir du sang pur, il faut découvrir le cœur en incisant le péricarde, et en aspirer le contenu avec une Une pipette de verre. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 37 On peut aussi se procurer du sang, mais moins pur, dans la petite cavité générale de la Ciona intestinalis, ou en incisant les tissus. Le péricarde renferme un liquide incolore, dans lequel il n'y a pas de globules, comme M. de Lacaze-Duthiers l'a reconnu chez la Molgula {Anurella) Roscovita. Parfois on y voit se déplacer à chaque contraction du cœur un petit corps blanchâtre [Ciona intestinalis Roule) ou noirâtre {Phallusia mammillata), formé d'éléments granu- leux paraissant représenter des produits d'excrétion. Il y a peut-être une glande péricardique, ou tout au moins une fonction excrétrice analogue à celle que Grobben a signalée dans le péricarde de beau- coup de Mollusques. Le liquide péricardique écarté, il convient d'examiner les pro- priétés du sang pur. Encore une remarque : tous les corpuscules figurés ne circulent pas ; il en est beaucoup qui restent localisés dans certaines parties du corps ; ainsi les corpuscules orangés dont nous avons déjà parlé chez VAscidia mentula sont beaucoup plus abondants dans la branchie et les vaisseaux tunicaux que partout ailleurs; il y en a bien quelques-uns qui sont entraînés par les cou- rants sanguins, mais ils restent en grande partie attachés aux la- cunes précitées et ne se déplacent que par leurs mouvements pro- pres ; c'est surtout la partie liquide du sang, le plasma, qui circule ; c'est pour cette raison que le sang retiré du cœur est moins coloré et bien moins riche en globules que le sang du sac branchial, par exemple. Le sang est un liquide salin, incolore, un peu trouble [Ctenicella appendiculata, Ciona intestinalis) ; lorsqu'on le laisse reposer dans un tube, les corpuscules qu'il tenait en suspension se déposent au fond en formant une petite couche jaunâtre, et on peut alors décanter le liquide restant, parfaitement limpide; traité par un égal volume d'alcool à 90 degrés, il donne un précipité blanc d'albuminoïde, floconneux et très peu abondant, à peine 3 pour 100. Voilà donc un premier caractère : le sang n'est pas comparable, comme puis- sance nutritive, à celui des Mollusques ; nous verrons dans l'étude S8 L. CUÈNOT. des amibocytes quelle est la disposition qui assure et complète la nutrition des tissus. Corpuscules figurés. — Leur étude est tellement difficile qu'on ne saurait procéder avec trop de méthode ; je vais examiner un type relativement simple, VAscidia menlula ; puis je comparerai avec un type compliqué, la Ctenicella {Molgula) appendiculata. A. UAscidia mentula est une belle espèce, remarquable par l'abondance de ses corpuscules colorés qui donnent à la branchie une teinte rouge plus ou moins vive suivant les individus ; le sang du cœur est incolore ; nous allons examiner une goutte de sang extrait de ce dernier, puis la branchie comme vérification. 1" Amibocytes typiques, normaux (pi. III, fig. 9). — On voit de petits amibocytes, à pseudopodes [très nets, à granulations réfrin- gentes peu nombreuses, qu'on peut rapporter aux granules albumi- nogènes. Beaucoup de formes de régression et de noyaux libres. • 2° Amibocytes à graisse (pi. III, fig. 10). — Bien plus nombreux que les éléments précédents, ils représentent des amibocytes nor- maux dans le protoplasma desquels se sont accumulés des globules de graisse, un peu verdâtres, très réfringents; par l'acide osmique, ils deviennent d'un noir franc, ce qui montre bien leur nature. Ces cellules de réserve sont encore amiboïdes, émettent de larges pseudo- podes dans lesquels roulent les uns sur les autres les globules grais- seux. On peut suivre tous les passages entre l'amibocyte normal et cette variété, qui au lieu de rendre au sang l'albuminoïde provenant de la digestion, l'a gardé pour le transformer en graisse. 3° Amibocytes de réserve à vacuoles (pi. III, fig. 11). — On trouve aussi dans le sang des globules de 13 [x au maximum, sphériques, de teinte neutre, à noyau pariétal. Après l'action de l'acide osmique et du picrocarmiu, leurs caractères deviennent bien nets : au début, la cellule est un amibocyte normal; le noyau, coloré en rose, est entouré dune mince couche protoplasmique dans laquelle apparaît une petite vacuole sphérique, dont le contour est nettement coloré en noir (pi. 111, fig. 14, v); ^cette vacuole grandit et se divise, de ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 59 telle façon que l'on a, soit un amas de vésicules de même taille, soit une grande et des petites, ou encore une seule grande vacuole; c'est surtout cette dernière variété que l'on distingue dans le sang frais. La vacuole est remplie d'un liquide que l'acide osmique colore en gris foncé; on y voit souvent errer de petits granules de graisse {Phallusia mammillata). Je crois donc pouvoir conclure que ces cel- lules emmagasinent dans leurs vacuoles une huile ou un albumi- noïde dissous, qui, en tout cas, joue le rôle de matière de réserve. Ces cellules ne sont que peu amiboïdes et émettent rarement des pseudopodes, leur protoplasma étant très réduit ; mais comme on voit naître les vacuoles dans des amibocytes en régression, il ne peut rester de doute sur leur filiation. 4° Amibocytes orangés (pi. III, fig. 12). — Ce sont les corpuscules qui colorent si vivement la branchie et les vaisseaux tunicaux ; on n'en trouve que très peu dans le sang en circulation, presque pas dans les viscères, et pas du tout autour des vésicules rénales. Ce sont donc des corpuscules qui ne circulent qu'en petit nombre ; il est aussi à noter que leur quantité relative (et par suite la coloration) varie sensiblement d'un individu à un autre. Ce sont des corpuscules nucléés contenant une substance de cou- leur orangée, faiblement mais nettement amiboïdes. La forme et l'apparence du contenu varient à l'infini ; il paraît formé, soit d'un disque arrondi, soit d'un amas de granules plus ou moins gros et réguliers; enfin on trouve, rarement il est vrai, des granules libres, tout à fait isolés. Un fait certain, c'est que ces cellules dérivent des amibocytes. Cette matière orangée ne noircit pas par l'acide osmique, est inso- luble ou inattaquée dans l'eau distillée, le chloroforme, l'éther, l'al- cool même absolu, les acides faibles, la glycérine. Pourtant, après quelque temps de séjour dans l'alcool, la matière orangée est com- plètement invisible ; l'eau bouillante, pendant quelques minutes, paraît aussi la décolorer, au moins en partie ; enfin les acides forts (acides sulfurique, chlorhydrique, azotique, acétique cristallisable), 60 L. CUÉNOT. la potasse et l'ammoniaque font complètement disparaître, plus ou moins rapidement, tous les corpuscules orangés. On les retrouve facilement dans les coupes fixées à l'alcool picrique, bien reconnais- sablés à leur couleur jaune, accolés aux parois des lacunes bran- chiales par amas ou isolément. Je pense avoir suffisamment caractérisé cette substance si remar- quable par son apparence microscopique et ses propriétés chimi- ques pour qu'on puisse la retrouver. Je n'ai pas la moindre idée de sa composition ; tout ce que je puis dire, c'est que ce n'est ni une matière grasse, ni une lutéine,ni un produitexcrémentitiel. La seule indication que j'aie pu trouver h ce sujet, dans la Physiologie de Krukenberg (9), est fort peu explicite et me paraît erronée : « Chez quelques Ascidies {Ascidia fumigaia et mentula], il y a une uranidine jaune, parce que la lymphe, comme les organes internes, devient d'un brun sombre par l'exposition à l'air, et dont le pigment noir du manteau û.qV Ascidia fumigata est peut-être un produit de transfor- mation (Bei einigen Ascidien [bei Ascidia fumigata und A. mentula], ist es ein gelbes Uranidin, dass die Lymphe wie die inneren Organe beiBeriihrung mit der Luft dunkelbraunen werden lasst, und von dem das Pigment in den schwarzenMantelstellen der Ascidia fumi- gata vielleicht nur einUmwandlungsproduct darstellt), p. 135. » La substance orangée ne change de teinte ni à la lumière ni à l'air; ce n'est donc pas une uranidine, dont la propriété caractéris- tique est justement de se colorer en noir sous l'action des oxydants. Je crois qu'elle constitue un type non encore classé dans les produits organiques colorés, et qu'à cet égard elle mérite une étude appro- fondie. Je ne propose pas de nom pour cette substance; je trouve plus juste de laisser l'honneur du baptême à celui qui la définira. Mac-Munn (12) paraît supposer, mais bien à tort, que c'est une lutéine. Quel est son rôle? D'abord il faut signaler un fait : un grand nombre d'espèces ont des corpuscules orangés, mais en très minime quantité; V Ascidia mentula, tout au contraire, en a beaucoup. Écar- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. (il tons d'abord l'hypothèse d'un produit de déchet, d'excrétion ; les amibocytes orangés se tiennent toujours fort loin des vésicules ré- nales, et rien ne peut-être plus dissemblable que leur contenu et les concrétions de celles-ci. Est-ce un produit respiratoire (comme l'hé- moglobine, l'hémocyanine), ou une matière de réserve ? La situation fréquente de ces corpuscules dans la branchie pourrait faire pencher pour la première hypothèse, mais ils se trouvent aussi fréquemment dans les prolongements tunicaux, qui n'ont rien à faire avec la res- piration (d'ailleurs ils ne s'accumulent en ces points qu'en raison de l'étroitesse particulière de ces lacunes capillaires, les mieux limitées de l'économie); ensuite leur immobilité n'en ferait pas des organites bien utiles pour le transport de l'oxygène. Pour bien d'autres rai- sons, cette première attribution n'est pas soutenable. Jusqu'ù plus ample informé, je considérerai donc les amibocytes orangés comme un produit de réserve, de composition inconnue, que je rapprocherai volontiers des albuminoïdes; cela cadre bien avec les résultats four- nis par l'étude des autres variétés d'amibocytes. Je résume cette longue description : chez VAscidia mentida, outre les amibocytes normaux, caractérisés par des granules verdâtres et de petite taille, on en trouve trois variétés, caractérisées par l'accu- mulation d'un produit de réserve différent : 1° amibocytes à graisse; 2° amibocytes à vacuoles renfermant un produit huileux ou albumi- neux ; 3° amibocytes à matière orangée. Chez un certain nombre d'Ascidies, on peut retrouver à peu près les éléments du sang de VAscidia mentula ; chez VAscidia depressa Aider, d'ailleurs fort voisine de la précédente, on retrouve les ami- bocytes t\ graisse dont les globules adipeux incolores, plus ou moins fondus entre eux, noircissent franchement par l'acide osmi- que; les amibocytes orangés, très rares, et dans aucun cas ne com- muniquant leur coloration à l'animal; les amibocytes à vésicules, parfaitement caractérisés; et enfin des cellules incolores (pi. III, fig. 13), vésiculaires, non amiboïdes, dont le noyau pariétal est relié aux parois par de nombreuses brides protoplasmiques ; ces der- 62 L. GUÉNOT. nières représentent probablement une forme de dégénérescence des éléments précédents. Chez la Phallusia matnrmllata, les amibocytes normaux, de H \)-, contenant de petits granules jaunes de ferment, sont abondants et parfaitement reconnaissables; puis viennent les cellules graisseuses, à globules de taille variée, d'un jaune pâle; les cellules vésiculaires parfaitement nettes (pi. III, flg. 14), qui contiennent souvent une petite concrétion graisseuse qui se déplace dans la vésicule avec de vifs mouvements brov^'niens. On peut suivre très bien chez cette espèce, le développement des vésicules qui commencent dans les amibocytes en régression par une petite vacuole, s'agrandissant et se divisant à mesure que les produits de réserve (huile ou albumine) s'y accumulent. Enfin, on trouve aussi des corpuscules orangés, peu nombreux, qui s'accumulent volontiers en certains points, par- ticulièrement autour des entonnoirs vibratiles de la glande préner- vienne. Je ne puis quitter la Phallusie sans signaler l'action curieuse du tanin sur le sang incolore : il donne un précipité vert noirâtre, peu abondant; le liquide surnageant, presque incolore au début, devient bientôt d'un vert sale, presque noir, la teinte se fonçant en très peu de temps. Gela semblerait indiquer qu'il y a un sel de fer dans quelques éléments du sang, mais je ne puis donner d'autres renseignements ; cette action du tanin n'a pas lieu chez d'autres Ascidies. Chez la Ctona intestinalis, on retrouve des amibocytes à ferment ; d'autres renfermant de la graisse, soit en globules vert clair, soit en globules incolores, et quelques corpuscules orangés très amiboïdes. Pas de cellules vésiculaires. Chez les Clavelina aurantiaca Lahille, Diazona violacea, Cynthia papillosa, Microcosmus vulgaris, il est facile de reconnaître les amibo- cytes à ferment et à graisse en granules jaunes, plus ou moins gros. On trouve, en outre, des cellules vésiculaires (pi. III, fig. 15), sou- vent amiboïdes [Cynlhia papillosa)^ dont le contenu est granuleux et ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 63 se colore en rose par le carmin (au lieu de garder la teiulc grise de l'acide osmique, comme précédemment) ; elles représentent proba- blement une forme de cellules de réserve. Pas de corpuscules orangés. En somme, pour résumer cette trop longue onumération, on trouve dans le sang de toutes les espèces précitées {Distomidœ, Asci- didse, Cionidœ, Cynthiadse) un certain nombre de formes se rappor- tant toutes aux amibocytes, présentant un caractère constant : l'accumulation de réserves nutritives. La graisse se trouve parfaite- ment définie chez tous les animaux examinés. B. Les espèces que je vais examiner maintenant présentent, outre ces formes variées d'amibocytes, des cellules qu'il est impossible de leur rapporter, et que j'homologuerai à des hématies. Le type de la description sera la Ctenicella (Molgula) appendiculata, magni- fique Molgulide d'une abondance extrême à Banyuls, qui, par certains fonds, remplit parfois entièrement les chaluts. i° Amibocytes typiques (pi. III, fîg. 16, a). —Les plus petits élé- ments du sang sont des amibocytes de 8 [j- environ, émettant des pseudopodes très nets, dont le protoplasma renferme de petits gra- , nules réfringents, que l'acide osmique rend jaunâtres. Ces granules sont de taille variable ; il est probable que les plus petits sont des granules albuminogènes ordinaires, et que les autres, plus gros, représentent une matière protéique mise en réserve par la cellule {a') ; mais l'étude des corpuscules est si difficile, et l'action des réactifs si semblable, qu'il est difficile de se prononcer. On observe tous les stades de régression des amibocytes; ils deviennent vacuolaires, puis se réduisent au noyau entouré d'une mince couche protoplasmique, et enfin au noyau nu. Jusqu'ici nous ne sortons pas de la règle. 2° Amibocytes à graisse (pi. III, fig. 46, r). — On voit se déplacer dans le sang de grands corpuscules mesurant jusqu'à 33 [x, formés d'un amas de gros granules sphériques, réfringents, qui se dépla- cent constamment en roulant les uns sur les autres; la cellule émet 64 L. CUÉNOT. un prolongement protoplasmique dans lequel roule un globule, puis un autre, finalement la masse suit et le tout se trouve déplacé en quelques secondes ; ce mouvement incessant est très curieux à observer. Après l'action de l'acide osmique et du picrocarmin, on voit qu'il y a un stroma protoplasmique dans lequel sont inclus les globules et un petit noyau semblable à celui des amibocytes ; les globules eux-mêmes sont teints en noir verdâtre plus ou moins foncé, ou en brun : c'est de la graisse parfaitement caractérisée. La genèse de ces amibocytes de réserve est facile à suivre : il en est qui renferment trois ou deux globules, même un seul de petite taille ; enfin on peut trouver tous les passages entre ce corpuscule de 33 \J. et l'amibocyle normal de 8 \x ; les globules de graisse s'accu- mulent peu à peu dans le protoplasma des vieux amibocytes, qui grandissent d'autant, jusqu'au moment où l'organisme a besoin de la graisse ainsi accumulée, qui est alors restituée aux tissus, je ne sais par quel procédé. 3° Hématies (pi. 111, fîg. 17). — Au milieu des éléments précé- dents se trouvent de grandes vésicules, qui réclament un examen attentif; les plus grandes mesurent jusqu'à 45 \j.\ leur contour est irrégulièrement sphérique; la paroi semble plissée, mais elle est, douée d'une élasticité telle qu'on voit souvent ces cellules passer par des capillaires de moitié plus étroits, pour reprendre leur forme dès qu'elles ont la place suffisante. Le noyau pariétal est collé contre la membrane, qui fait légèrement saillie à cette place ; il est relié aux parois par un certain nombre de prolongements protoplasmi- questrès fins. Dans la vésicule même, caractère très important, il y a quelques granules jaunes, très nombreux dans les jeunes vési- cules, animés de vifs mouvements browniens ; ils paraissent se former dans le protoplasma périnucléaire, où l'on en voit presque toujours quelques-uns d'inclus. Enfin le contenu, tout à fait liquide puisque les granules s'y déplacent constamment, renferme un albu- minoïde dissous, coagulable par l'alcool et la chaleur (on suit les progrès de la chaleur sous le microscope, en chauffant la platine). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 60 Après l'action de l'acide osmiqiie et du picrocarmin, le noyau se colore, la membrane acquiert un double contour très net ; les gra- nules browniens, d'abord inattaqués, disparaissent bientôt après. Ces cellules poursuivent leur développement dans le sang; les plus jeunes que j'ai pu trouver (pi. III, fig. 17, h') mesuraient \Q \).\ elles étaient parfaitement spbériques, avec un noyau pariétal et de nombreux et petits granules browniens. A mesure qu'elles avancent en âge, la paroi se plisse légèrement, tout en conservant son élasti- cité, et les granules jaunes deviennent plus gros et moins nom- breux. Sont-ce des hématies ? Il est très vrai qu'elles sont parfaitement incolores et qu'il n'y a aucun changement de teinte au contact de l'air ; mais cela n'a aucune importance, car nous trouverons plus tard d'indiscutables hématies, tout à fait sans couleur; le change- ment de teinte ni la coloration ne sont indispensables pour l'absorp- tion de l'oxygène. Ces cellules ont tous les caractères des hématies : 1° aucune ressemblance avec les amibocytes, ni dans le jeune âge, ni plus tard ; 2° vésicule renfermant un albuminoïde dissous, avec des granules browniens, plus nombreux dans les éléments jeunes ; 3» élasticité de la membrane à double contour après l'action des réactifs ; tous caractères parfaitement spéciaux aux hématies, aus^i bien chez les Vertébrés que chez les Invertébrés. Chez VAscidiella aspersa 0. F. Millier, outre les amibocytes à granules albuminogènes, les amibocytes à graisse et à matière orangée (ces derniers assez abondants pour colorer par places la branchie), on trouve dans le sang de grandes vésicules mesurant depuis 22 jusqu'à 115 [a, incolores, de forme ovoïde, à noyau pa- riétal entouré souvent de petits granules réfringents ; il n'y a pas de granules browniens dans les plus grandes ; elles renferment un albu- minoïde dissous coagulable par la chaleur. Ces grandes vésicules se plissent et se contractent fortement par les réactifs, ce qui montre que la tension interne est très forte ; elles sont d'une élasticité ex- traordinaire, et les plus grandes passent facilement par des conduits ARCU. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 2^ SÉRIE. - T. l^. 1 N9 1 . 5 66 L. CUÉNOT. très petits en s'effilant et se moulant sur les obstacles ; toutefois il est bien certain que leur circulation, notamment dans la branchie, ne peut être fort active. J'attribue également à ces vésicules la signi- fication d'hématies. Chez la Rhopalona Neapotitana, il existe, outre les amibocytes normaux, à graisse et à vacuoles de réserve (comme chez Ascidia mentula)^ des vésicules de 13 à 60 ;x, incolores et élastiques. Chez la Styela glomerata, des cellules de M [x répondent également aux descriptions précédentes ; elles contiennent des granules jaunes, réfringents, fixés autour du noyau, et peuvent être aussi assimilées à des hématies, bien qu'avec moins de certitude que celles des trois espèces précédentes. En résumé, chez les Ctemcella appendiculata, A.scidiella aspersa, Rhopalona Neapolilana, Styela glomerata, outre les variétés d'amibo- cytes précédemment décrites et qui se retrouvent bien caractérisées, il existe dans le sang des vésicules correspondant très probablement à des hématies incolores. Avant de quitter ce chapitre, j'irai au-devant d'une objection qui, j'en suis certain, se présentera à l'esprit de tous ceux qui ont étudié les Ascidies simples. On sait que le tissu conjonctif de ces animaux paraît formé, sur le vivant, par une accumulation de vésicules inco- lores (M. de Lacaze-Duthiers, 42, pi. X, iig. 24) ; ces vésicules ne sont pas sans une certaine ressemblance avec les hématies, et l'on pourrait croire qu'il y a lieu de confondre ces divers éléments. Les hématies sont très différentes des vésicules conjonctives par leur taille, leur noyau, leur contenu, leurs granules browniens, enfin parce qu'elles sont libres dans le sang en circulation, où on les voit se développer. Je puis affirmer, pour avoir cherché à réfuter cette objection que je me suis faite, qu'il n'y a aucun lien entre ces deux ordres de cellules ; les hématies se forment quelque part, c'est cer- tain, mais sûrement pas dans le tissu conjonctif. Je dois m' excuser de la longueur de ces descriptions, et peut-être de leur obscurité ; on peut en trois lignes décrire tous les éléments ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 67 du sang des Mollusques ; il faudrait trois pages pour chaque espèce d'Ascidie, tant il y a d'éléments difficiles à coordonner. Je crois être arrivé à un résultat assez simple et logique ; mais il faudrait définir chimiquement, d'une façon rigoureuse, la substance orangée ; il faudrait surtout trouver la glande lymphatique : j'avoue que tous mes efforts ont été infructueux et que je ne sais pas où se forment les éléments du sang. Je ne veux point émettre d'hypothèses hasardées et j'abandonne la question à un autre plus heureux. J'ai étudié successivement la glande prénervienne (voir le chapitre suivant), les vésicules dermales des Gynthies, appendices gonflés de sang qui font saillie dans la cavité péribranchiale (très nets chez Cynlhia papil- losa), le tissu conjonctif, sans obtenir de résultats bien satisfaisants. M. de Lacaze-Duthiers a signalé chez la Molgule (42) un fait très important à ce point de vue: lorsqu'il se forme unevillosité tunicale, elle est précédée par un tissu cellulaire plein, qui se dissocie peu à peu pour former l'anse vasculaire de la villosité, et dont les cellules tombent dans le sang ; il y aurait là une production temporaire d'éléments figurés. Il ne serait pas inutile de tenter de nouvelles recherches dans ce sens; la seule objection qu'on puisse faire, c'est que les villosités de la tunique n'existent pas chez toutes les Asci- dies ; il est vrai qu'elles peuvent être remplacées par une autre dispo- sition, le cas échéant. Glande prénervienne [gl. hypoganglionnaire). — Je ne veux point publier une étude de cette glande, mais seulement faire quelques remarques. L'entonnoir vibratile, simple ou multiple, qui débouche dans la cavité branchiale, ne peut être considéré comme un orifice excréteur, pas plus qu'un pavillon vibratile ou que la plaque madré- porique des Échinodermes ; il renouvelle simplement l'eau au con- tact de la glande, car le courant ciliaire est dirigé soit vers l'intérieur, comme Joliet l'a bien vu chez le Pyrosome, soit dans un sens quel- conque, de façon à produire un ballottement, mais en tout cas jamais vers l'extérieur. Les cellules de la glande, sans aucune ressemblance avec les corpuscules sanguins, deviennent amiboïdes et émettent des 68 L. CUENOT. pseudopodes lorsqu'on les dilacère dans l'eau de mer [Ctenicella appen- diculata, Ascidia mentida), comme .\]. Roule l'a signalé chez la Ciona intestinalis ; c'est un fait extraordinaire, qui m'a fait chercher long- temps les rapports de ces cellules avec les amibocytes ; elles ren- ferment diverses formations, vésicules arrondies, granulations, qui ne peuvent rien nous apprendre sur leurs fonctions ; le noyau est un peu plus petit que celui des amibocytes ; surtout on ne voit pas cette formation des granules réfringents qui caractérise si bien une glande lymphatique, quelle qu'elle soit. Si les cellules de la glande prénervienne ne présentaient pas de mouvements amiboïdes, on n'hésiterait pas un instant ; mais quelles que soient les dissem- blances, d'ailleurs peu profondes, en face de cette propriété si parti- culière, qui chez les autres animaux est spécialement réservée aux seuls amibocytes, on comprend qu'il y ait matière à réOexion. Enfin, la glande n'est pas limitée intérieurement par une mem- brane; elle n'est séparée des sinus sanguins qui l'entourent que par de faibles piliers conjonctifs sans importance ; il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce qu'un certain nombre de ses cellules passent dans le sang par diapédèse ; d'après ce que nous en connaissons, c'est même presque inévitable, et nous voici amenés, malgré nos répu- gnances, à attribuer à la glande prénervienne la formation d'une partie, si minime qu'elle soit, des amibocytes sanguins. Jusqu'ici on ne sait absolument rien sur la fonction de la glande prénervienne ; aucune des hypothèses proposées (glande muqueuse, Roule ; organe olfactif, Fol ; glande hypophysaire, Julin) ne peut convenir à la généralité des Ascidies. Quant à moi, je ne prétends pas que ce soit un organe lymphatique, loin de là ; mais ses cellules peuvent devenir amiboïdes chez un certain nombre d'espèces (il faudrait savoir avant tout si c'est général) et il n'y a aucune dispo- sition dans la glande même qui puisse les empêcher de passer, mo^w proprio, dans les sinus sanguins qui les environnent. De là à conclure que ce passage se fait d'une façon normale, constante, il y a loin. On voit que je n'ai d'autre prétention que d'appuyer sur quelques ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. C9 particularités histologiques de cet organe, sans rien préjuger de sa fonction. Physiologie. — Chez les Ascidies, l'albuminoïde du sang ne joue qu'un rôle de nutrition et n'absorbe pas l'oxygène, comme l'hémo- cyanine. Pour la plupart des espèces, la respiration s'efTectue seule- ment par osmose entre le sang et le milieu extérieur, sans qu'il y ait de substance intermédiaire ; la large surface respiratoire du sac branchial permet d'accepter cette conclusion. Chez quelques espèces {Ctenicella appendiculata, etc.), il existe des cellules ressemblant fort aux hématies, qui sont probablement chargées de l'absorption de l'oxygène ; il ne faut pas s'étonner de ces exceptions, on en trouve à chaque instant de semblables dans les autres groupes, La nutrition des tissus est assurée de deux façons différentes : 1° par l'albuminoïde dissous en petite quantité dans le sang ; 2' par . les amibocytes de réserve. Ceux-ci ne sont pas tous entraînés par le courant sanguin ; un grand nombre passent à travers les membranes limitantes et pénètrent par diapédèse dans tous les organes. Si l'on examine sur le vivant un fragment de tube digestif de Ctenicella, par exemple, on verra au milieu des vésicules du tissu conjonctif les grands amibocytes à graisse qui se glissent entre elles, seuls parmi tous les éléments du sang; de sorte que si l'organe a besoin de ma- tières nutritives, elles sont là toutes prêtes à se dissoudre. De même qu'un Ver à soie, pendant sa vie larvaire, fabrique des cellules adi- peuses et des albuminoïdespour l'époque où il ne sera plus qu'une machine à pondre^ de même l'Ascidie, pendant la bonne saison, accumule dans ses amibocytes de la graisse et d'autres produits pour le temps oii la nutrition sera plus difficile ou nulle, pendant l'hibernation, par exemple. Historique. — Les amibocytes ont été signalés depuis longtemps chez les Ascidies, notamment par M. Rouget (1859), qui a vu les cor- puscules colorés en rouge. M. de Lacaze-Duthiers (i87i) trouve chez VAnurella Roscovifadeux 70 L. CUÉNOT. sortes de globules, les uns opaques, correspondant probablement à nos amibocytes de réserve, les autres transparents. M. Délia Valle, chez les Ascidies composées (1882), prétend que les éléments du sang, qu'il décrit succinctement, se multiplient par division; je n'ai rien vu de pareil; c'est d'ailleurs contraire à ce qui se passe chez les autres animaux, d'une observation beaucoup plus facile. M. Roule (1884), dans son excellent travail sur la Ciona intesti- nah's, décrit les corpuscules du sang, qu'il divise en deux catégories : d'une part, des corpuscules incolores, amiboïdes; d'autre part, des cellules colorées, pour lui en voie de dégénérescence, qui corres- pondent sûrement à nos amibocytes de réserve. Il émet une opinion que je tiens à réfuter : ces éléments, en voie de dégénérescence, se chargeraient de produits d'excrétion et seraient homologues aux cellules orangées qui s'accumulent à l'extrémité du canal déférent oii elles forment un petit organe rénal. Jamais, chez aucune Ascidie, je n'ai trouvé une ressemblance quelconque entre les corpuscules sanguins et les éléments rénaux (reins des Molgules, vésicules rénales des Phallusies, vésicules dermales des Cynthies) ; les amibocytes orangés du sang se tiennent toujours loin des points où s'accumulent les produits d'excrétion; chez la Ciona inlestinalis particulièrement, l'amas rougeâtre que M. Roule considère comme un rein, à bon droit probablement, est tout à fait différent des amibocytes orangés. Enfin, on ne peut dire que les amibocytes, bourrés de graisse ou de substances analogues, représentent des formes de dégénérescence ; ce sont au contraire des cellules à leur summum d'activité et d'utilité. M. Wagner (1885), chez VAnchymarubra, décrit aussi deux sortes de corpuscules : les uns, noircissant par l'acide osmique, qu'il appelle corpuscules formateurs; on y reconnaîtra sans peine nos amibocytes à graisse; les autres, restant incolores, amiboïdes, qui sont les corpuscules fjlastiques ou nutritifs. Cette distinction ne me paraît pas très utile ; les détails qu'il donne sur les rapports des ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 7i amibocytes avec les terminaisons nerveuses sont peut-être sujets à caution. M. Maurice (1888), chez le Fragaroides aurantiacum, signale en quelques lignes les globules du sang; quelques-uns sont ronds et ressemblent aux globules rouges des Vertébrés (ce sont probable- ment nos amibocytes orangés) ; les autres sont amiboïdes et rap- pellent les cellules conjonctives. ARTHROPODES. CRUSTACÉS DÉCAPODES. J'ai étudié un grand nombre d'espèces de Décapodes, qui d'ail- leurs se sont montrées à peu près semblables au point de vue du sang ou des glandes lymphatiques, malgré les différences considé- rables de taille et d'habitat. En voici la liste : Astacus fluviatilis, Pa- linurus vulgaris, Galathea sùHgosa, Gebia littoralis, Scyllarus arctus {Ardus ursus), Crangon vulgaris, Palenion serratus, Eupagurus Pri- deauxii, Pagurus strt'atus, Paguristes maculatus, Carcinus mœnas, Xantho florida et rivulosus, Pilumnus hirtellus^ Pachygrapsus marmo- ratiis {Grapsus varius), Eriphia spinifrons, Portunus depurator, Mata squhiado, Fisa tetraodon et Gibsii, Dromia vulgaris. Cette riche faune a été presque tout entière recueillie à Banyuls-sur-Mer. Sang. — Le sang, qu'on peut recueillir facilement par la section de l'avant-dernier article des pattes (si l'on coupe l'appendice plus près de son point d'attache, il se brise presque toujours par aulo- tomie, Fredericq, 4), est un liquide dont la teinte varie un peu, incolore chez la Galathea strigosa et le Palemon, bleuâtre ou rosé chez les autres espèces. Il contient en dissolution trois substances différentes : du fibrinogène en grande quantité, un albuminoïde oxydable à l'air, qui est l'hémocyanine, et très souvent une lutéine rouge, la tétronérytbrine. Quant aux sels dissous, ils sont identiques à ceux du milieu am- biant; Fredericq (5) a fait à leur sujet une curieuse remarque: 72 L. CUÉNOT. chez les espèces d'eau salée, le sang contient un peu moins de sels que le liquide extérieur, tandis que chez celles d'eau douce, il en ren- ferme un peu plus. Les proportions varient par suite suivant les points où l'on recueille la même espèce; ainsi le Carcinus mœnas, qu'on trouve à la fois dans les eaux très salées et presque dans l'eau douce, présente une variation de 1,48 (eaux saumâtres de l'Escaut) à 3,007 (grève de Roscoff). 1' Le fibrinogène, sous l'action d'un ferment (ferment de la fibrine), se coagule spontanément avec une grande rapidité ; chez la Lan- gouste, par exemple, si l'on fait couler le sang dans un verre de montre, on peut renverser celui-ci au bout de quelques secondes, sans qu'une goutte s'en échappe; la fibrine s'est formée, très con- sistante, très compacte, et par une action comparable à celle d'une éponge, retient dans sa trame l'eau et l'hémocyanine, si bien que tout le sang paraît s'être pris en gelée. Une goutte de sang déposée sur une lamelle ne s'étale pas; elle est presque immédiatement prise et garde sa forme. J'ai pu reproduire chez l'Ecrevisse l'illusion des deux coagulations successives qu'Halliburton a décrites chez le Homard (55) : si l'on fait couler le sang dans un verre de montre, il se forme au bout de quelques secondes un coagulum compact, mais peu abondant, qui occupe le fond du vase ; si l'on décante rapide- ment le liquide restant, il se prend bientôt en masse dans le second récipient. On pourrait croire qu'il y a deux dépôts successifs de fibrine, ce qui n'est pas: le phénomène est parfaitement continu; on l'a seulement interrompu par la décantation. Le temps le plus long qu'exige la coagulation de la fibrine est trente secondes. Chez le Maïa squinado, il y a beaucoup moins de fibrinogène que chez les autres espèces ; le sang décanté ne se prend pas en gelée compacte, il s'y forme seulement des flocons fibrineux. M. Pouchet cite le même fait pour le Tourteau {Plaiy carcinus pagu- rm). Il est assez singulier de voir que ces deux exceptions sont justement les plus grands Crabes de nos côtes. Je renvoie à la fin de ce travail (dans les Considérations gêné- ÉTUDES SUR LE SANG Eï LES GLANDES LYMPHATIQUES. 73 raies) pour les expériences relatives au rôle du fibrinogène dans l'économie. 2" En exprimant le coagulum de fibrine, ou en débarrassant le sang du Maïa des flocons qui y nagent, on a le plasma restant in- définiment liquide, dépourvu à peu près des éléments figurés, restés inclus dans la trame fibrineuse. L'hémocyanine dissoute, de 3 à 6 pour 100 environ, est parfaite- ment semblable à celle des Céphalopodes ; on peut la précipiter en flocons d'un blanc bleuâtre par l'alcool, la chaleur, etc.; toutefois sa coloration bleue, lorsqu'elle est oxydée, n'est pas aussi intense que celle de la Sepia offîcinalis ou du Poulpe, notamment chez la Galathea strigosa. L'hémocyanine a été décrite chez les Décapodes par nombre d'auteurs, surtout Fredericq (53) et Halliburton (55). 3° La tétronérythrine (mot créé par Wurm) dissoute dans le li- quide sanguin, est un corps rouge garance, présentant les pro- priétés caractéristiques des lutéines ou lipochromes (voir à l'intro- duction); elle existe également, mais à l'état solide, dans la matrice cuticulaire ou hypoderme qu'elle colore vivement en rouge. Gomme l'a remarqué M. Pouchet (58) chez des Homards vivant dans les mêmes conditions, elle est très inconstante, tantôt abondante, tan- tôt manquant totalement; pour mon compte, je l'ai rencontrée surtout chez l'Écrevisse et le Maïasquinado. Gomme elle a à peu près la composition d'une graisse, elle joue peut-être le rôle de matière de réserve, ce qui expliquerait son inconstance. On peut la préparer en épuisant le sang par l'alcool ; en évaporant ce dernier à siccité, il reste une laque rouge de tétronérythrine (Mac-Munn). On a souvent attribué à la tétronérythrine un rôle respiratoire (Merejkowski) ; il n'y a aucune raison à apporter à l'appui de cette assertion; ce serait d'autant plus extraordinaire que, chez les Crus- tacés où elle existe, il y a de l'hémocyanine, albuminoïde respira- toire des mieux caractérisés. Lorsqu'on expose le plasma à l'air, l'hémocyanine s'oxyde libre- ment et devient d'un bleu plus ou moins foncé ; la tétronérythrine 74 L. CUÉNOT. quand elle existe, est d'un rouge oscillant entre la laque garance et le vermillon et ne change pas sensiblement de teinte ; la lumière la décolore d'une façon assez nette. On conçoit que cette association, suivant la prédominance de l'un des deux facteurs, puisse donner une gamme colorée assez étendue ; c'est pour cette raison qu'on a décrit le sang comme verdâtre, violet clair, orangé ou bleu gri- sâtre K Mue. — Le sang joue un rôle considérable pendant la mue, d'après M. Vitzou {Téguments des Crustacés décapodes, in Arch. Zool. exp., première série, t. X, 1882) ; c'est à lui qu'il faut attribuer l'augmen- tation considérable de volume qui suit la chute des vieux tégu- ments. En effet, les enveloppes sont alors fort molles, très perméa- bles et permettent l'osmose entre l'organisme et le milieu exté- rieur ; le sang absorbe une grande quantité d'eau, devient plus fluide et moins coagulable ; il gonfle tous les tissus et leur donne leur volume maximum. Le sang est naturellement le véhicule des substances de réserve utilisées pour la circonstance ; il renferme à ce moment une certaine proportion de calcaire et de glycogène (Vitzou). Amibocytes. — Les seuls éléments du sang, très bien caractérisés, sont les amibocytes ; les cellules mûres (pi. IV, fig. 5 et 9, a), me- surant de 10 à 15 [;^, sont bourrées de granules réfringents jaunâtres ou verdâtres, remplissant toute la cellule en laissant au centre une éclaircie correspondant au noyau ; à ce stade, les amibocytes n'émettent pas de pseudopodes, sauf au repos. Puis les granules di- minuent progressivement de taille ; la cellule est alors nettement amiboïde ; enfin on arrive comme toujours au noyau revêtu d'une ^ M. Pouchet signale dans son travail (58) qu'un Homard peut avoir le sang comme laiteux, sans couleur spéciale ; j'ai capturé sur la côte de Banyuls, à fleur d'eau, un Pachygrapsus marmoratus, d'apparence et de vivacité tout à fait nor- males, dont le sang, non coagulable, était blanchâtre et laiteux; au microscope, il était rempli de petites granulations réfringentes, immobiles, absorbant le carmin comme des noyaux ; amibocytes normaux. C'est le seul animal qui m'ait présenté cet état anormal du sang ; ji^ ne sais ?i quoi l'attribuer. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 7f) mince couche protoplasmique absolument vidée de son contenu primitif, et au noyau tout à fait nu. Après fixation et coloration, le noyau montre quelquefois de pe- tits nucléoles ; jamais je n'ai rencontré dans le sang des amibocytes en voie de division. Chez VÂstacus fluviatilis, espèce d'eau douce, les amibocytes pré- sentent, par rapport à ceux des espèces marines, la même différence que nous avons signalée pour les Unio et la Drehsena ; ils sont fort grands (pi. IV, fig. 3), jusqu'à 34 [j-, et leurs granules de ferment sont beaucoup plus gros ; on peut suivre les phases de la dégéné- rescence encore plus facilement que chez les Crabes. Toutes les espèces répondent parfaitement à la description pré- cédente ; il n'y a que des différences très minimes de taille, de ré- fringence, qui n'ont d'ailleurs aucune importance et que je ne puis citer ici. M. Cattaneo (49) a examiné avec grand soin le sang du Carcinus mœnas et a confirmé toutes mes idées sur l'évolution des amibocytes ; je ne saurais mieux faire que de renvoyer à son travail pour trouver un bon type de description. Un fait qui frappe tout d'abord chez les Crustacés décapodes, c'est l'abondance des amibocytes mûrs et surtout la taille des granules albuminogènes ; il est vrai qu'ils sont beaucoup plus faciles à voir que dans les autres groupes, mais leur évolution, leur origine étant identiques, je ne pense pas qu'il y ait là autre chose qu'une diffé- rence physique. Ces granules se colorent légèrement en jaune par l'acide osmique et le picrocarmin, en se ratatinant un peu ; en jaune clair par l'iode (ce qui montre qu'il n'y a pas trace de matière gly- cogène), et disparaissent presque complètement dans l'eau distillée ou l'alcool. On ne doit donc pas les considérer comme des granules graisseux ou vitellins (Ranvier) ; je leur attribue la signification d'un ferment formateur de l'hémocyanine. J'ai été très heureux de voir que M. Cattaneo, l'éminent physiologiste italien, après son étude si consciencieuse du sang de Carcinus mœnas, s'était rallié à mon opi- nion. 76 L. CUENOr. Glandes lymphatiques. — Il y a deux sortes de glandes lympha- tiques chez les Décapodes : l'une, parfaitement constante et très active, est logée dans chaque branchie, soit entre les deux vaisseaux, soit sur la paroi de l'un d'eux : c'est la glande lymphatique branchiale; l'autre, plus ou moins développée suivant les espèces et cumulant probablement le rôle de magasin de réserves nutritives avec la fonc- tion lymphatique, est appendue au sinus péricardique : c'est la glande péricardique ^ Nous commencerons par la première. A. Glande lymphatique branchiale. — Les branchies des Crabes et des Pagures sont formées d'une partie axiale, qu'on peut comparer assez exactement à un triangle isocèle très allongé, sur laquelle, per- pendiculairement aux grands côtés, sont insérées deux séries de feuilles branchiales empilées, de forme ovoïde ou allongée ; le long des grands côtés du triangle courent les vaisseaux, le veineux ou afférent en dessus, lorsqu'on regarde l'animal par la face dorsale, l'artériel ou efîérent en dessous. L'espace qui les sépare, représenté par la surface même du triangle, pour suivre ma comparaison, est comblé par un feutrage conjonctif bourré de cellules, qui est la glande lymphatique. Si l'on pratique des coupes transverses de la branchie (pi. IV, fig. 4), on voit très facilement, entre les deux canaux sanguins et les feuillets insérés à droite et à gauche, cette glande {gl) traversée en tous sens par de fines brides conjonctives déterminant des alvéoles de taille variable, et renfermant de très nombreux noyaux et cel- lules. Si l'on en examine un fragment sur le vivant (pi. IV, fig. 5), on peut suivre tout le développement des noyaux en amibocytes, suivant le processus tant de fois indiqué, rien n'est plus facile et plus démonstratif; en outre il y a des globules de grosseur variable 1 Comme chez la Pnludina vivipara, il y a donc chez les Décapodes deux l'ormes différentes de glandes lymphatiques: il est assez bizarre de remarquer qu'elles se correspondent parfaitement, l'une d'elles dans la branchie, entre les deux vaisseaux ; l'autre dans les parois de l'oreillette {Paludina) ou du péricarde (Décapodes), c'est- à-dire dans deux organes physiologiquement homologues. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 77 (?•), incolores ou vert clair, à contour plus ou moins réfringent, constitués uniquenoient par des albuminoïdes, qui représentent des amas nutritifs destinés soit à la glande, soit à servir de réserve. L'in- trication des deux parties, nutritive et lymphatique, est complète ; c'est une seule et même glande évidemment, La glande lympha- tique se prolonge souvent tout autour du canal efférent, en lui for- mant une sorte de manchon {Carcinus mœnas, pi. IV, fîg. 4). Maintenant que nous connaissons la constitution de la glande, il convient d'examiner ses rapports avec le sang qui circule dans la branchie, et dont la marche est en somme assez simple. Une feuille bt'knchiale est composée de deux lames dont l'écartement est main- tenu par une série de petit piliers chitineux, entre lesquels cir- cule le sang ; ils sont disposés par séries parallèles au bord libre des lamelles (pi, IV, fig. 4) surtout en haut et en bas, de sorte que le plasma est guidé tout naturellement et se répand dans toute l'épaisseur de la lame. Celle-ci débouche en haut dans le canal afférent, et en bas dans le canal efférent ; le sang arrive donc à l'état veineux, parcourt la lame branchiale et ressort artériel. Une petite portion file du canal veineux dans la glande branchiale (pi. IV, fig. 4, l), en suivant le bord d'insertion des feuillets et communi- quant probablement en quelques points avec le réseau branchial ; elle va se jeter directement dans le canal artériel, non seulement sans avoir respiré, mais chargée de tous les produits de désassimi- lation de la glande ; ce sang est en si petite quantité que cela n'a aucune importance physiologique. En outre, il y a dans l'épaisseur de la glande, chez le Carcinus mœnas, un véritable vaisseau propre (pi. IV, fig. 4, vg), placé tout près du canal efférent, et émettant de petits rameaux qui s'ouvrent à plein canal dans le tissu glandulaire ; chez les Xantlio rivulosus elflo- rida, outre ce vaisseau inférieur, il en existe un supérieur, tout près du canal afférent, qui donne également de petites branches. Je n'ai rencontré ce système que chez les espèces citées; j'incline à croire qu'il est destiné à ramener dans le canal artériel le sang épanché 78 L. CUÉNOT. dans la glande ; ces conduits joueraient ainsi le rôle de veines efférentes. On voit que les amibocytes mûrs ne manquent pas de voies pour passer dans le courant artériel, soit par diapédèse, soit par les con- duits vasculaires. Chez le Palemon sen^atus, la Gebia h'tloralis, les branchies ne sont plus constituées sur le même plan ; les deux canaux sont super- posés directement sans tissu intermédiaire (pi. IV, fig. 6) \ les feuilles branchiales, chez le premier, sont représentées par de minces lamelles, chez le second par de simples tubes lymphatiques. Chez le Gammarus locusta (pi. XV, fig. \), en examinant de jeunes individus très transparents, on voit facilement le cœur, que décèlent ses contractions rapides; il est relié au sinus sanguin qui l'entoure (péricarde) par quelques brides conjonctivo-musculaires, dont la dernière, au sixième anneau, un peu avant le point où le cœur se continue avec l'aorte inférieure [valvule bilabiée, M. Delage, 51), est la plus grande. Ces brides [gl] sont chargées de cellules absolument identiques aux globules sanguins, dont quelques-unes sont remplies de granules réfringents ; ces amas sont constants, je les ai retrouvés chez un grand nombre d'individus, et il n'est pas possible de les confondre avec les paquets d'amibocytes accolés par accident aux parois du cœlome. Je pense que ces amas lymphatiques représentent la glande productrice, assez diffuse; on conçoit que les difficultés d'observation sont telles que je ne puis Être tout à fait affirmatif. Phyllopodes (branchiopodes et cladocères). — Chez ces animaux, l'hémoglobine se rencontre fréquemment dans le sang, notamment chez les Apus productus et cancriformis, dont le liquide nourricier est coloré en rouge vif (Krukenberg, Regnard et Blanchard, 1883). Ray-Lankester (18G9) a trouvé l'hémoglobine au moyen du spec- troscope chez d'autres espèces, les Cheirocep/ialus diaphanus. Bran- chipus stagnalîs, une Daphnie, dont le sang est légèrement coloré en jaune clair ou en rose ; il est à noter que ce n'est pas une hémoglo- bine colorée aussi vivement que d'habitude, c'est une variété beau- coup plus pâle. On distingue facilement sa teinte jaunâtre chez la Daphnia Schefjferi [D. magna); le sang est presque complètement incolore chez le Simocephalus vetulus. Chez toutes les espèces que j'ai examinées [Lyncea sphericm, Sida cristailma, Daphnia Sche/feri, Simocephalus vetulus), le sang renferme un grand nombre d'amibocytes, dont la présence a d'ail- leurs été signalée par divers observateurs, notamment par Leydig ; ce sont de petites cellules de 6 à 0 i^., émettant de courts pseudo- ARCa. DE ZOOL. GÉX. ET EXP. — 2' SÉRIE. — T. IX. 1S91. C 88 L. CUÉNOT. podes, les unes bourrées de fins granules verdâtres, réfringents, les autres incolores ou réduites au noyau, comme d'habitude; on décèle facilement par le carmin le noyau central. Chez VApus, M. R. Blan- chard (1883) n'a vu que de très rares globules, qu'il ne décHt pas et qu'il considère avec doute comme appartenant au sang; il y aurait lieu de reprendre à ce point de vue l'étude de VApus. Comme chez les autres Crustacés, je n'ai pu trouver la glande lymphatique. Chez les Daphnies [Daphnia et Simocephalus), dans un appendice muni de deux soies faisant partie du deuxième groupe de rames lamelleuses, j'avais cru voir des amas lymphatiques ; mais, chez les individus où je les ai remarqués, ils étaient sans aucun doute constitués par des amibocytes, amoncelés en grand nombre par suite de la stase sanguine due soit à l'action du compresseur, soit à celle des réactifs. OsTRACODEs. — Chez le Cypris fusca, le sang m'a paru parfaitement incolore; il paraît (Regnard et Blanchard, 1883) que le spectro- scope y décèle la présence de l'hémoglobine ; en tout cas, c'est une hémoglobine si pâle, qu'elle n'est plus du tout colorée. Chez les petites espèces examinées en masse, il est d'ailleurs assez utile de se méfier du spectroscope qui donne souvent des indications erronées. Les amibocytes, de 10 [;. environ, ressemblent tout à fait à ceux du Cyclops ; ils renferment pour la plupart de fins granules réfrin- gents, verdâtres et quelquefois, à titre d'inclusion, un ou deux gra- nules irréguliers d'un rouge brun, dont j'ignore la nature, et qu'on retrouve aussi sur les parois du corps. Les amibocytes ne circulent pas ; ils restent collés aux parois, se déplacent lentement et ne par- ticipent pas aux courants sanguins. Leur lieu de production m'est inconnu. CopÉPODEs. — J'ai examiné dans ce groupe le Cyclops viridis ; le sang est parfaitement incolore. Pourtant Leydig{Arch. fûrNaturg,, t. XXV, 1859, p. 203) dit que, chez les Copépodes prisonniers et abondamment nourris, il présente une légère teinte jaune ; je ne l'ai certainement pas constatée chez mon espèce. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 89 Le sang renferme de nombreux globules libres de graisse incolore, bleue ou rouge, variant en nombre suivant le régime de l'animal; au premier abord, il paraît ne pas renfermer d'amibocytes ; pourtant il y en a un certain nombre, attachés aux parois du corps et aux viscères, assez difficiles à bien voir. Malgré la petite taille de l'ani- mal, ils sont de même dimension que chez les autres Crustacés, de 10 à 13 [}. (pi. XV, fig. 2); ils sont remplis de petits granules de ferment laissant au centre une éclaircie correspondant au noyau, et sont surtout remarquables par les pseudopodes que quelques-uns émettent; j'ai vu une cellule de 13 \j., qui a émis des pseudopodes peu nombreux et assez grêles, mais parcourant un espace de près de 80 [A ; un seul amibocyte peut presque aller d'un bout à l'autre de l'animal (en largeur) ; dans ces longs prolongements qui changent très vite de forme, on voit passer les granules de ferment, et la cel- lule se déplace ainsi avec une certaine rapidité. On a souvent nié les amibocytes des Cyclops; ils existent bien réellement, mais ils sont fort difûciles à voir. Chez des Copépodes parasites, Lernanth'opus, Clavella et Congé- ricoles, Van Beneden a trouvé (48, 1880) un appaj-eil vasculaire à sang rouge, coloré par l'hémoglobine, existant concurremment avec une cavité générale munie d'amibocytes normaux. Cette exception si extraordinaire, qui nous ramène au type des Annélides et des Vertébrés, a été vériQée avec soin, semble-t-il ; je crois cependant que des études nouvelles sur ce sujet seraient loin d'être inutiles; il y a peut-être des particularités non observées jusqu'ici qui pour- raient ramener ces parasites au type ordinaire des Crustacés. CiRRii'ÈDES. — Le liquide parfaitement incolore renfermé dans le pédoncule paraît être de l'eau de mer {Scalpelhnn vulgavis); je n'y ai trouvé aucun élément figuré ; il y aurait lieu de vérifier ce résultat sur les grands Girripèdes de l'Océan [Pollicipes et Lepas) afin de voir si réellement il n'y a pas d'amibocytes, et quelle est dans ce cas la disposition qui les remplace. 90' • L. CUÉNOT. XIPUOSURES. Bien que je n'aie pas de recherches personnelles sur le Limule, je placerai ici un résumé des études faites sur le sang, afin de présenter un ensemble plus complet. Le sang bleuâtre [Umidus pohjphemus) laisse déposer un coagulum incolore de fibrine, très compact, absolument semblable à celui des Crustacés Décapodes (Halliburton). Le liquide restant contient un albuminoïde dissous, qui est l'hémocyanine, comme l'ont montré les recherches successives de Ray-Lankester (1878), de Golch et Laws (1884), d'IIowell (1883). Le sang ne renferme que des amibocytes, les uns remplis de gra- nules réfringents, les autres plus ou moins vidés de leur contenu, tout à fait semblables en somme à ceux des Crustacés. Ray-Lankester les a figurés (67, pi. VllI, fig. 4). La glande lymphatique est inconnue chez le Limule. (A suivre.) CONTRIBUTION A L'HISTOIRE DES LOXOSOMES ETUDE L0X0S03IA ANNELÎDICOLA CYCLATELLA ANNELIDICOLA (VAN BENEDEN ET HESSE) HENRI PROUHO Docteur es sciences, préparateur au Laboratoire Arago. Le Loxosome à la description duquel sont consacrées les quelques pages qui suivent, a été découvert en 1863, sur un Glyménien de Saint-Vaast-la-Hougue, par MM. Van Beneden et Hesse, qui l'ont placé parmi les Trématodes (famille des Tristomidés), sous le nom de Cyclatella annelidicola (1). Il ne nous est pas permis de mettre en doute que, s'il avait eu des renseignements plus précis et des dessins plus exacts que ceux dont il disposait lorsqu'il a écrit l'article sur la Gyclatelle, M. Van Beneden n'eût fixé définitivement la véritable place de cet être. Voici, d'ailleurs, les réflexions dont l'illustre zoologiste belge fait suivre la description de la Gyclatelle: «J'ai été très embarrassé, écrit M. liesse, à raison des caractères insolites présentés par ce Trématode, de lui assigner une place convenable. On le comprend aisément; ce ver s eloigre notablement de tout ce qui est connu, et si nous le plaçons dans la 92 HENRI PROUHO. famille des Tristomidés, nous n'avons pas pour cela la conviction qu'il conservera cette place dans la suite... Ce singulier genre des Cyclatelles rappelle, sous plus d'un rapport, les Pédicellines, et plus particulièrement les Loxosoma que M. Keferstein a découvert sur la Capitella rubicunda. » L'année suivante, Leuckart, dans un de ses remarquables rapports, appelle l'attention sur le nouvel être décrit par MM. Van Beneden et Hesse et, après avoir dit qu'il ne met pas en doute que cet animal ne soit identique à celui que Keferstein a nommé Loxosoma et qui, dans son rapport précédent, a été rapporté aux Bryozoaires, il ajoute : « Lorsque nous connaîtrons sa structure mieux que ce n'est le cas actuellement, nous serons éclairés sur les affinités naturelles de cet être ; le rapporteur pense toutefois que, au moins autant que l'on peut en juger par les descriptions connues jusqu'ici, la place de cet animal parmi les Trématodes n'est guère certaine (2). » Quelques années plus tard, Nitsche (4) étudiant, après Kowa- levsky et Claparède, l'anatomie du genre Loxosoma, énumère les diverses espèces observées par ses devanciers et termine son énumé- ration par le paragraphe suivant : « En outre, comme Leuckart l'a remarqué le premier, le Tristomidé décrit par Van Beneden et Hesse sous le nom de Cyclatella annelidicola, appartient aux Loxosomes, et l'habitus différent que présente cet animal, sur le dessin qui en est donné, doit être mis sur le compte de la manière schématique dont Hesse dessine. » En 1876, M. C. Vogt publie l'anatomie du Loxosoma phascolosoma- tum et discute la valeur des espèces décrites. L'opinion émise par Leuckart l'obUge à parler de la Cyclatelle et voici ce qu'il en dit : « n résulte des citations de Nitsche... que MM. Van Beneden et Hesse ont décrit, sous le nom de Cyclatella annelidicola, un Tristomidé (?) dont ils reconnaissent la ressemblance avec les Pédicellines et les Loxosomes et que Leuckart identifie avec Loxosoma. Quant à cette dernière identification, je dois avouer que la figure très incomplète de MM. Van Beneden et Hesse indique bien un bryozoaire, mais que, ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELIDICOLA. 93 pour ridentifier avec un Loxosome, il faudrait la considérer comme une caricature (8). » 0. Schmidt, après avoir étudié le genre Loxosoma (5) (187G), cri- tique (6) (1878) les travaux déjà parus sur ce sujet et s'exprime ainsi sur la Cyclatella : « D'autres formes ont été rapportées aux Loxosomes et spécialement la Cyclatella annelidicola. Vogt dit jus- tement que le dessin est tout au plus une caricature d'un Loxo- some. Mais la description elle-même ne convient pas. Il est dit du pédoncule : « Pédoncule fort rétractile, se termine par une ventouse, « et cetteventouse ressemble exactement àcelle d'un Trémalode. Les et cils des appendices (dans un mouvement continuel), ?,onXtout autour « de ces appendices. » Ces phrases sont absolument incompatibles avec la description d'un Loxosome, et comme on ne doit pas supposer que ces données précises sur des caractères très simples soient con- trouvées, il me semble que la Cyclatella ne doit pas figurer plus longtemps sur la liste des Loxosomes, malgré Van Beneden lui- même. Je n'ai pas hésité, par conséquent, à placer la Cyclatella dans le même voisinage qu'auparavant, à côté des Trématodes (Tier- leben, 2' édit., p. 153). » Dans la citation précédente, 0. Schmidt fait allusion au passage suivant de l'ouvrage de M. Van Beneden, Commensaux et parasites dans le règne animal (7) : « Cet intéressant animal, que mon col- laborateur M. Hesse avait pris pour un Trématode et dont les des- sins m'avaient induit en erreur, vit, comme les autres, en liberté dans le jeune âge, et se fixe de bonne heure sur un Clyménien, pour parcourir en commensal les autres époques de sa vie. Nous l'avions nommé Cyclatella annelidicola h. Càuse de son séjour sur unAnnélide clyménien. » Quelle que fût la compétence des zoologistes dont je viens de citer les opinions, il est bien évident que des discussions sur la véritable nature de la Cyclatelle ne pouvaient qu'être vaines, car leur point de départ, c'est-à-dire la description de MM. Van Beneden et Hesse, trop écourtée, n'était pas une base suffisante. 94 HbiNRI PROUHO. Leuckart et Nitsche considèrent cet être comme un Loxosome; mais, pour cela, ils sont obligés de révoquer en doute des données qu'ils n'ont pas vérifiées. 0. Schmidt nous parait raisonner d'une manière plus juste en s'en tenant exclusivement aux termes du mémoire des auteurs, qui, seuls, ont étudié la Cyclatelle; et cependant c'est lui qui se trompe. Le fait que M. Van Beneden lui-même accepte l'opinion de Leuc- kart, douze ans après avoir fait connaître la Cyclatelle, ne suffit pas, à mon sens, pour trancher la question, car le savant zoologiste ne s'appuie sur aucune nouvelle observation. Faire une nouvelle étude de l'être en litige était le seul moyen de fixer définitivement ses affinités zoologiques. C'est ce que j'ai pu faire au laboratoire de Roscoff, pendant l'été de 1890. Je suis redevable de cette bonne fortune à mon ami M. le docteur Saint-Rémy, qui a retrouvé, sur un Clyménien de Pempoull\ la Cycla- telle que personne ne paraît avoir revue depuis que MM. Van Beneden et Hesse l'oni découverte à Saint- Vaast-la-Hougue. M. le docteur Saint-Rémy, occupé à d'autres travaux, a gracieusement mis à ma disposition les échantillons qu'il a recueillis; qu'il me permette de lui adresser ici mes plus sincères remerciements. Grâce à ces échantillons, j'ai pu acquérir la certitude que la Cyclatelle n'est rien autre chose qu'un Loxosome, et, pour continuer son étude, je n'ai eu qu'à fouiller, à mon tour, la grève de PempouU. Dans une note préliminaire très sommaire (16), j'ai fait connaître la véritable nature de la Cyclatelle, et j'ai indiqué, à grands traits, son anatomie; mais je n'ai pas cru devoir m'en tenir là. Le groupe des Loxosomes est, en effet, composé d'animaux d'une si constante anatomie, présentant des caractères spécifiques si peu tranchés, qu'une description détaillée est nécessaire pour la discussion des espèces. Il suffit, pour s'en convaincre, délire les travaux des obser- vateurs qui ont étudié les Loxosomes. 11 y a eu des confusions et il 1 Environs de Roscoff. ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELIDICOLA. 95 y en aura probablement encore tant qu'une revision attentive du groupe n'aura pas été faite. Les dimensions de la Gyclalelle, que nous appellerons désormais Loxosoma annelidicola, varient depuis 35 centièmes de millimètre jusqu'à 80 centièmes de millimètre environ. Observée à l'état vivant, sur un fond coloré comme la peau de son hôte, elle paraît blanche ; mais, en réalité, ses téguments dépourvus de tout pigment, sont incolores. Il faut attribuer à sa forme singulière, qui ressort suffi- samment des dessins accompagnant le présent mémoire, la méprise à laquelle cet animal a donné lieu. ANATOAIIE. Les téguments du Loxosoma annelidicola sont constitués par une paroi ectodermique formée de cellules polygonales toutes sem- blables. Les cellules glandulaires signalées dans les téguments des Loxosoma crassicauda et Tethyx par M. Salensky (9), et chez le L. Leptoclim T^av M. Harmer (10), n'existent pas ici. Tige ou pédoncule. — La tige se termine par un disque adhésif qui acquiert, chez certains individus, une grande dimension. Le dia- mètre de ce disque est souvent trois fois plus grand que celui de la tige ; les cellules de sa face inférieure sont quelque peu plus hautes que celles des téguments du calice, mais il n'y a pas trace de la glande pédieuse signalée chez d'autres Loxosomes. Le disque adhésif est bordé par un faisceau de fibres musculaires formant un anneau complet immédiatement appliqué contre l'ecto- derme (pi, V, fîg. 3, H, me). On comprend, sans qu'il soit utile d'insister, comment la contraction ou le relâchement de cet anneau musculaire, en modifiant la forme et les dimensions du disque, permettent à l'animal d'adhérer aux téguments de son hôte ou de s'en détacher. Le disque terminal de la tige du Loxosoma annelidicola remplissant l'office d'une ventouse, une glande pédieuse est inutile et n'existe pas. La musculature de la tige, très développée, présente une dispo- 96 HExNRI PROUHO. sition intéressante qui paraît être spéciale à notre Loxosome.On dis- tingue trois groupes de fibres musculaires s'attachant, tous trois, sur le disque adhésif. Un premier groupe est formé de fibres à peu près rectilignes, remontant sous la paroi du calice pour s'insérer,les unes (ventrales) vers le niveau inférieur de l'estomac , les autres (latérales) vers le niveau du ganglion nerveux (pi. V, fig. 3). Les deux autres groupes musculaires sont dorsaux et symétriques par rapport au plan sagittal. Chacun d'eux est formé de nombreuses fibres isolées qui, s'insérant sur la ventouse, se tordent en héUce autour de la tige et vont s'attacher à la paroi dorsale du calice. Chacun d'eux forme un ensemble hélicoïdal dirigé dans le même sens; mais, tandis que l'un des groupes est tordu vers la droite, l'autre est tordu vers la gauche ; les hélices des deux groupes se croisent (fig. 3, mh). Cette disposition est remarquable en ce qu'elle permet à l'animal d'effectuer autour de sa base une rota- tion de 180 degrés, mouvement parfaitement en rapport avec son habitat (voir page 113). Calice. — Il est aplati, foliacé. Pour se rendre compte de sa forme, il suffit de jeter un coup d'œil sur les figures 3, 7 et 8, et sur les coupes transversales 9 et 16. Les lobes du caUce, que l'on peut aussi bien appeler les ailes, sont extrêmement plats et remontent jusqu'à la partie antérieure du corps, où ils se continuent avee les parois du lophophore. J'ai comparé la forme du calice de la Cyclatelle à celle du limbe de la feuille d'un nénuphar (16), je la -comparerai aussi à la samare de l'ormeau dans laquelle les expansions foliacées correspondent aux ailes de notre Loxosome, tandis que la partie centrale renflée, occupée par la graine, correspond au renflement médian de la Cyclatelle occupé, en grande partie, par l'estomac. Les lobes foliacés du calice sont un des caractères de l'espèce; toutefois, il faut remarquer que nous trouvons une première indication de ce caractère chez le Loxosoma Raja (0. Schmidt). Dans cette espèce, cependant, les lobes sont bien moins développés et paraissent limités à la partie ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELIDIGOLA. 97 inférieure du calice. 0. Schmidt fait simplement remarquer que le calice de son Loxosoina Raja est très élargi vers le bas (6) ; il est pro- bable que si cet élargissement était produit par de véritables expan- sions foliacées, ce fait serait mentionné par l'auteur allemand. Les figures qui accompagnent la description du Loxosoma Raja sont d'ailleurs insuffisantes. Couronne tentaculaire . — La couronne tentaculaire qui surmonte le calice est très inclinée d'arrière en avant (fig. 3, 7, 8) et présente un nombre de tentacules variable avec les individus. Les plus jeunes, produits par bourgeonnement, possèdent ordinairement neuf à dix tentacules au moment où ils se détachent du parent. Ces jeunes Loxosomes continuant à croître après leur fixation sur l'hôte, acquiè- rent quelques tentacules de plus; parvenus à une taille moyenne, ils en possèdent dix, et ce nombre, chez les individus déplus grande taille, peut être porté à quatorze. Celte observation nous montre bien quel est le peu de valeur du caractère spécifique tiré du nombre des tentacules. La couronne tentaculaire est bordée, à l'intérieur, par un repli, pi, formant une sorte de diaphragme à grande ouverture (fig. 3). L'orifice de ce diaphragme, de ce plancher du lophophore, conduit dans une vaste cavité située derrière l'œsophage, cavité qui, chez les individus femelles, sert de chambre incubatrice. Ce qu'on a l'habitude de désigner sous le nom d'épistome, n'est rien autre chose que la ré- gion du plancher du lophophore qui se confond avec le bord supé- rieur de l'orifice buccal (fig. H, ep). Les tentacules sont courts, leur revêtement ciliaire, produisant le courant alimentaire, est identique à celui des autres Loxosomes. Ils sont munis, comme chez quelques autres espèces, de plusieurs cils tactiles dont le plus long [est porté par l'extrémité du tentacule (fig- 3). Un faisceau musculaire court à la base du lophophore, tout autour de la couronne (fig. 11 , mt); cet anneau musculaire agit comme d'ha- bitude dans le mouvement de rétraction de la couronne. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — i'^ SÉRIE. — T. IX. I S'J ) . 7 98 HENRI PROQHO. Tube digestif. — L'appareil digestif présente la même structure que celui des autres Loxosomes; je ne m'arrêterai pas à le décrire en détail, les figures 3, 7, H indiquent assez clairement sa struc- ture. Il faut cependant signaler la forme particulière de l'estomac qui, vu de face, rappelle celle d'un cœur de carte à jouer flanqué de deux lobes latéraux symétriques (fig. 3). On retrouve cette forme bien caractérisée chez le Loxosoma Raja. Plus ou moins indiqués chez les autres Loxosomes, les lobes latéraux de l'estomac [d] cor- respondent à une modification histologique des parois stomacales. Ils sont, chez le Loxosoma annelidicola, formés de cellules glandu- laires, longues, hyalines, sécrétant des granules réfringents qui s'ac- cumulent vers leurs extrémités internes. Ces deux organes sont bien évidemment des glandes chargées d'une fonction digestive. De grandes cellules bourrées de granulations hépatiques occupent la partie antéro-supérieure de l'estomac. Le rectum s'élève très au-dessus de la bouche (fig. 3, H) et reste appliqué, jusqu'à son extrémité, à la paroi dorsale du cahce qui forme la paroi dorsale de la chambre incubatrice. Système nei'veux. — Le système nerveux central des Loxosomes, méconnu des premiers observateurs, a été bien décrit chez les Loxo- soma crassicauda et Tethyx^ par M. Harmer qui a, en même temps, fait connaître en détail le système nerveux périphérique (11). On peut observer, sans trop de difficullé, le système nerveux central d'un Loxosoma annelidicola vivant (fig. 3), et on le retrouve sur les coupes avec la plus grande netteté (fig. 1, 14, 16), Il est constitué par un ganghon très allongé, renflé en massue à ses extrémités où sont confinées les cellules ganglionnaires ; la partie moyenne du ganglion, formée uniquement de fibres, est appliquée contre l'intestin. Quatre nerfs principaux partent du ganglion ; ils sont renforcés vers le milieu de leur trajet d'une ou deux cellules nerveuses et aboutissent chacun à une cellule jsensitive, munie de quelques cils tactiles. Deux de ces cellules sont situées sur la Jace ventrale du ca- ÉTUDE SUR LE LOXOSOM ANNELIDICOLA. 99 lice, tout près de son bord (fig. 3, tn), et les deux autres sont placées sur la face dorsale, au niveau de la région moyenne de l'estomac (fig. 3, tn'}. Ces quatre terminaisons du système périphérique sont constantes; mais souvent aussi, on observe, à différents endroits, sur la tranche du calice, des cils rigides isolés (flg. 7, tn") qui correspondent évi- demment à des terminaisons nerveuses de moindre importance. Je ne me suis pas préoccupé de suivre les nerfs des tentacules, mais je ne doute pas que chaque tentacule ne soil innervé à la manière de ceux du Loxosonia crassicauda (Harmer) ; les cils tactiles signa- lés plus haut en font foi, Néphridies. — Les organes excréteurs des Loxosomes, découverts en 1879 par Joliet (10), ont été étudiés depuis par M. Harmer (11). L'étude du Loxosoma annelidicola m'a fourni l'occasion de -^ quelques recherches sur ces organes qui méritent de retenir l'atten- tion plus longtemps qu'une autre partie de l'organisme. Ce que j'ai vu chez le Loxosoma annelidicola différant notablement de ce que M. Harmer a observé chez le Loxosoma crassicauda, il est utile de décrire brièvement la structure de l'organe excréteur de ce dernier loxosome, d'après les observations du zoologiste anglais. D'après M. Harmer, la néphridie du Loxosoma crassicauda est for- mée par une file unique de cellules perforées, placées bout à bout, comme le sont, par exemple, des perles enfilées. L'organe entier se trouve ainsi creusé d'un canal longitudinal. Ce canal est cilié ; il dé- bouche à l'extérieur, à l'extrémité distale de la néphridie rattachée en ce point aux téguments. A son extrémité proximale, le canal intra- cellulaire . se termine, probablement en cul-de-sac, dans la dernière cellule de la néphridie, qui paraît être une flamecell. La partie distale de l'organe est effilée et incolore, tandis que sa partie proximale est renflée et jaunâtre. Cette dernière, qui est la région active, com- prend quatre cellules volumineuses renfermant, autour du canal qui les perfore, leur noyau et de nombreuses granulations jaunâtres ; ce sont les cellules excrétrices. 100 HENRI PROUHO. Les néphridies du Loxosorna annelidicola sont situées de part et d'autre de l'œsophage (fig. 3, ex) ; elles se laissent facilement aper- cevoir à un grossissement de 200 diamètres, mais il est bon de les étudier à un grossissement plus fort. Voici ce que l'on observe sur le vivant : un fin canal cilié débou- chant sur le bord de l'épistome (fig. 3, ce) descend dans le voisinage et sur les côtés de l'œsophage. Ses parois, bien distinctes depuis son extrémité distale, se perdent, à l'extrémité proximale, au milieu du tissu parenchymateux '. Le mouvement ciliaire du canal ne s'arrête cependant pas au point où disparaissent ses parois ; on le voit, en effet, se prolonger suivant une ligne courbe dont la concavité re- garde l'œsophage (fig. 3, 10, av). Cette ligne courbe, vibratile, est rendue apparente parle mouvement des cils qui la bordent, mais il ne m'a pas été possible de déterminer les cellules qui supportent ces cils. On voit, avec la plus grande évidence, que l'arc vibratile [av] se continue avec le mouvement ciliaire de l'intérieur du canal et l'on est tenté de supposer qu'il y a là une sorte d'entonnoir vibratile; l'observation la plus attentive ne nous apprend cependant rien de précis à se sujet. On distingue, il est vrai, tout à côté de l'arc cilié, un groupe de cellules du parenchyme qui, sans doute, supportent les cils ; mais ces cellules ne paraissent pas faire partie d'un organe bien délimité. Certainement, si l'attention n'était pas attirée par le mouvement vibratile qui les avoisine, elles passeraient inaperçues ; je veux dire qu'on ne serait pas tenté de les considérer comme fai- sant partie d'un organe spécial. Non loin de l'arc vibratile et du côté de sa convexité, se trouve un amas de deux ou trois grosses cellules renfermant des granulations jaunâtres (fig. 10, ex). Ces cellules sont pressées l'une contre l'autre, leurs parois de contact sont planes, tandis que leurs parois libres ' J'enLerids par parenc/jî/'ne le tissu (probablemeiiL d'origine exclusivement méso- durinique; formé de cellules à prolongements anastomosés, qui est compris entre les téguments et le tube digestif. ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELIDICOLA. 101 sont arrondies. L'une d'elles est située très près de l'endroit où se perdent les parois du canal cilié, et cette cellule, chez les individus que j'ai observés, s'est montrée effilée vers le haut en un prolonge- ment qui se perd sur les parois mêmes du canal (fîg. 10). Entre le groupe des cellules jaunes et l'arc vibratiie, il n'existe pas de cellules du parenchyme; il y a là un espace vide, une la- cune du tissu parenchymateux, dans laquelle débouche le canal néphridien. Quoiqu'il ne m'ait pas été possible de distinguer la forme de la terminaison proximale du conduit néphridien, j'ai cependant acquis la conviction que ce conduit ne se termine pas en cul-de-sac et qu'il débouche dans l'espace susmentionné où vibre constam- ment l'arc cilié de la néphridie. L'étude de coupes faites dans diverses directions ne permettent pas d'élucider le doute que laisse, sur la forme de la terminaison interne du canal néphridien, l'examen des individus vivants. Il m'a été impossible de retrouver, avec certitude, le canal cilié de la né- phridie, sur les coupes, et cela malgré les points de repère qui m'étaient fournis par l'étude préalable du vivant. J'insiste sur ce point, non que je veuille prétendre qu'il ne soit pas possible de taire une observation dans laquelle j'ai échoué, mais pour montrer tout au moins que cette observation présente de sérieuses difficultés. Je ne crois pas que M. Harmer ait été plus heureux que moi en étu- diant d'autres loxosomes, car on ne retrouve pas les sections des néphridies dans les coupes qui accompagnent son mémoire *. Les grosses cellules jaunâtres, que nous avons signalées plus haut, sont, au contraire, faciles à étudier sur les coupes. La figure 14 re- présente une section transversale intéressant les deux cellules ex- * Voici comment s'exprime M. Fraipoiit, au sujet des organes segmentaires des Potygordius, dans sa belle monographie de ce genre : « La constitution et le fonc- tionnement des organes segmentaires se reconnaissent facilement chez le vivant par un examen attentif... Il est fort difficile de retrouver ces organes sur des sections transversales ou horizontales. On les cherche souvent en vain sur plusieurs centaines de coupes. Je ne peux donc rien dire de positif quant à la structure histologiqne de ces éléments, p 102 HENRI PROUHO. crétrices qui touchent à la néphridie gauche. Ces cellules présen- tent une grande vacuole au milieu d'un protoplasma granuleux qui tapisse leurs parois d'une couche plus ou moins épaisse. Le noyau cellulaire est situé dans ce protoplasma et la vacuole renferme un amas de granulations jaunes, dont la couleur persiste après l'action des réactifs fixateurs et colorants. Les cellules en question sont, sans aucun doute, chargées de la fonction excrétrice, et nous de- vons considérer les granulations jaunes qui se rassemblent dans leur vacuole comme un produit visible du phénomène d'excrétion. Les coupes nous apprennent, en outre, que les cellules jaunes sont logées dans un espace délimité au milieu du parenchyme (fig. 14, l). Sur la section que j'ai figurée, on peut voir, dans une partie de cet espace qui se prolonge vers l'œsophage, une striation qui m'est apparue comme la coupe de fibres extrêmement déliées. Ce ne sont pas là des fibres musculaires, il est aisé de s'en assurer en prenant comme point de comparaison les véritables fibres mus- culaires, qui ne manquent pas dans les coupes ; ce ne sont pas davantage des fibres nerveuses, car un faisceau nerveux de cette importance serait visible sur l'individu vivant, tout aussi bien que les nerfs innervant les cellules tactiles latérales. Je suis donc très porté à penser que cet aspect figuré en av est dû aux cils de l'arc vibratile de la néphridie, et cela d'autant mieux que, s'il en est ainsi, ces cils se trouvent, sur la coupe, exactement à la place qu'ils doivent occuper. Mais que ce soit les cils de l'arc vibratile, ce qui est probable, ou bien que ce soit toute autre chose, ce que je ne crois pas, il est certain que les coupes ne nous montrent pas la termi- naison du canal néphridien. Ces coupes nous éclairent, toutefois, sur un point important, en nous indiquant la structure des grosses cellules jaunes. 11 est impossible de ne pas reconnaître, dans ces cellules du Loxosoma annelidicola, les trois ou quatre cellules chargées de gra- nulations jaunâtres qui, d'après M. Harmer, forment l'extrémité proximale de la néphridie du Loxosoma crassicauda ; ce sont, chez ÉTUDE SUR LE LOXOSOM ANNELIDICOLA. 103 les deux espèces, les véritables cellules excrétrices ; mais, entre les deux, il y a une difTérence capitale. M. Harmer a vu le conduit excréteur de la néphridie se prolon- ger dans l'intérieur de ces cellules qu'il perfore. Mes observations m'obligent à affirmer que, chez le Loxosoma annelidicola , le con- duit cilié ne se prolonge pas dans les cellules excrétrices et ne les perfore pas. On doit, selon moi, comprendre la néphridie du Loxosoma anneli- dicola de la façon suivante : Un groupe de deux ou trois cellules excrétrices est placé dans un espace délimité au milieu du tissu parenchymateux; dans cet espace, se trouve également un arc vibratile (dont la véritable structure reste inconnue) prolongé par un canal cilié débouchant à l'extérieur. L'espace renfermant les cellules excrétrices communique avec l'extérieur; les produits excrétés par les cellules tombent dans cet espace et sont entraînés au dehors par le mouvement ciliaire. 11 existe, avons-nous dit, deux néphridies ; on les trouve, sans peine, sur le vivant, grâce aux grosses cellules jaunes dont il vient d'être question (fig. 3, ex)] mais ce n'est pas seulement de chaque côté de l'œsophage qu'on découvre de pareilles cellules. Il en existe, en effet, denx autres groupes du côté dorsal, tout près de la base du lophophore (flg. 3, ex'). Les cellules de ces deux groupes sont identiques à celles que nous venons d'étudier. J'ai recherché avec soin s'il y avait dans leur voisinage immédiat un conduit excré- teur et je n'en ai pas vu trace. Cependant, si nous attribuons la fonction excrétrice aux cellules qui touchent au conduit de la né- phridie, il n'est pas possible de refuser cette fonction à celles qui nous occupent, malgré leur éloignement de ce conduit, car,, je le répète, toutes ces cellules sont identiques entre elles. Par quelle voie peuvent être évacués les produits des deux grou- pes dorsaux? Je ne vois pas de sérieuse difficulté à admettre que ces produits puissent parvenir, au travers des lacunes du paren- chyme, dans l'espace où vibre sans cesse l'arc cilié, sous l'influence 104 HENUI PROUHO. de l'appel constant qui se produit sous l'extrémité proximale de chaque néphridie. L'appareil excréteur du Loxosoma annelidicola est donc bien diffé- rent de celui du Loxosoma crassicauda. Chez ce dernier, la néphridie présente un état primitif sur lequel M. Harmer a appelé l'attention. Il est incontestable que, telle qu'elle est décrite par l'auteur anglais, la néphridie d'un Loxosome offre une grande ressemblance avec le rein larvaire des larves d'annélides [Polymnia nebulosa) décrit par M. Ed. Mayer (13), ainsi qu'avec le rein céphalique des larves de Polygordius décrit par M. Fraipont (12) ; mais, chez notre Loxosome, il n'en est plus de même. Un des caractères constants du rein céphalique des formes lar- vaires alliées à la trochosphère paraît être la nature intracellulaire du canal excréteur ; c'est la cellule excrétrice elle-même qui four- nit le conduit excréteur. Nous avons vu que, chez le Loxosoma an- nelidicola, il n'en est pas ainsi. Un autre caractère non moins cons- tant, c'est l'absence d'entonnoir cilié ou de toute autre formation analogue et, en vérité, un entonnoir cilié est inutile puisque les produits excrétés se forment dans les parois mêmes du conduit ex- créteur. Existe-t-il, chez le Loxosoma annelidicola, un véritable en- tonnoir cilié ? Nous n'avons pu répondre à cette question, mais nous savons que le mouvement vibratile du conduit néphridien se prolonge au milieu du parenchyme, dans le voisinage des cellules excrétrices, en un arc cilié qui, s'il ne mérite pas le nom d'enton- noir cilié, remplace physiologiquement cet organe. Les deux caractères principaux du rein céphalique font donc défaut, au rhoins chez un Loxosome, et ce fait me paraît suffisant pour diminuer la valeur des preuves que l'on peut essayer de tirer de la structure de l'appareil excréteur des Loxosomes, en faveur de leurs rapports phylogénétiques avec les Trochosphères. En terminant la description de l'appareil excréteur du Loxosoma annelidicola, je dois remarquer que les résultats de mes recherches ne s'accordent pas avec ceux qu'a publiés M. Fœttinger dans son ÉTUDE SUIl LE LOXOSOMA ANNELIDICOLA. 10S étude des Pédicellines (14). D'après M. Fœttinger, la néphridie de la Pédicelline est identique à celle du Loxosoma crassicauda, telle que l'a décrite M. Harmer; les résultats des deux auteurs concordent en tous points, et cet accord a été pour moi une raison de plus d'ap- porter tous mes soins à l'observation de l'appareil excréteur du Loxosoma annelidicola. Je retrouve, sur mes coupes, les sections des cellules excrétrices et je les compare avec celles que M. Fœttinger a figurées chez la Pédicelline (pl. X, tig. 12, 13, 14) ; de part et d'autre, nous voyons que ces cellules présentent une grande cavité entourée d'un proto- plasma pariétal; mais tandis que M. Fœttinger trouve dans cette cavité (représentant, pour lui, la perforation de la cellule) la section des cils d'une flamme vibratile, moi, j'y trouve un amas de granu- lations jaunâtres, et je vois que la cavité en question n'est pas une perforation de la cellule, mais bien une vacuole où se rassemblent les produits d'excrétion. Je suis donc conduit à nier, de la façon la plus formelle, l'existence d'un canal intracellulaire dans les cellules excrétrices du Loxosoma annelidicola. Organes génitaux. — Les sexes sont séparés, chez le Loxosoma annelidicola comme chez tous les Loxosomes connus jusqu'à ce jour, et son appareil génital est construit sur le type décrit par M. Harmer, Les glandes sexuelles mâles ou femelles sont paires et situées de chaque côté du tube digestif, dans les ailes du calice, à la hauteur du ganglion nerveux. Les deux conduits excréteurs des glandes convergent sur la ligne médiane, entre le ganglion et l'œsophage, en un point où, chez le mâle, se trouve une vésicule séminale (fig. 16, vs), et, chez la femelle, un amas de cellules glandulaires spéciales (fig. i, et3,^/). La vésicule séminale débouche à l'extérieur entre le ganglion et l'œsophage ; chez la femelle, c'est en ce même point que viennent aboutir les cellules de la glande spéciale ^/(fig. 11). Cette glande de l'appareil génital femelle est, jusqu'ici, passée inaperçue et, cependant, elle n'est pas particulière au Loxosoma annelidicola; je l'ai retrouvée, en effet, chez le Loxosoma singulare 106 HENRI PROUHO. (Keferstein). On peut l'appeler glande de la coque, car.il me paraît certain qu'elle a pour fonction de sécréter la mince coque pédiculée qui enveloppe l'œuf mûr lorsque celui-ci est passé dans la chambre incubatrice.En cela, je suis d'accord avec M. Fœttinger, qui a décrit une formation analogue chez les Pédiceliines. Chez ces dernières, les cellules glandulaires, au lieu de former un amas comme chez notre Loxosome, sont disposées autour d'un oviducte relativement long, tandis que chez le Loxosoma annelidicola, l'oviducte paraît être réduit à une simple dépression dans laquelle débouche la glande de la coque. L'étude des organes génitaux des Loxosomes a donné lieu à de nombreuses méprises; il suffit, pour s'en convaincre, de lire les mé- moires d'O. Schmidt, dont M. Harmer a relevé les erreurs. Nitsche (4) donne une très bonne figure d'une coupe longitudinale du Loxosoma Kefersteinii; mais il s'est mépris sur la signification de deux or- ganes qui y sont figurés. Il a pris le ganglion nerveux pour la glande génitale et, comme ganglion nerveux, il dessine en N (pi. XXV, fig. 5, 4) une formation qui ne peut être autre chose que la glande de la coque. L'ovaire du Loxosoma annelidicola consiste en un sac à parois cellu- laires, dont certaines cellules se différencient pour former les œufs ; le foyer ovigène des parois ovariennes est situé à l'opposé du con- duit excréteur (fig. 3, 1, y). Dans un ovaire renfermant un œuf mûr, on distingue, dans le foyer ovigène, le noyau/ de la cellule destinée à former l'œuf, qui remplacera l'œuf o lorsque celui-ci sera passé dans la chambre incubatrice. Les œufs arrivent à maturité alterna- tivement à droite et à gauche et chaque ovaire ne contient jamais qu'un seul œuf complètement développé. L'œuf mûr passe dans la chambre incubatrice et se trouve, alors, enveloppé par une coque très délicate rattachée par un fin pédicule au point où aboutissent les cellules de la glande de la coque ; j'ai obtenu des préparations in loto dans lesquelles ce pédicule se voyait avec la plus grande évidence. M. C. Vogt a décrit et figuré, chez le ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELTDICOLÂ. 107 Loxosoma Phascolosomatwn, des larves renfermées dans des poches pédiculées (pi. XIII, fig. 2, 8) qu'il considère comme les parois mêmes de l'ovaire ; il me paraît probable que ces ovisacs en grappe dont parle le savant professeur doivent être des coques pédiculées, comme chez notre Loxosome, et je suis persuadé qu'on retrouvera la glande de la coque chez le Loxosoma Phascolosomatum, Je ferai remarquer que la dénomination de vestibule est souvent employée pour désigner l'espace dans lequel évoluent les œufs ; cette dénomination est impropre. La cavité en question est limitée supérieurement par le plancher du lophophore ; elle est séparée de la bouche par la partie du diaphragme que l'on peut appeler épis- tome. Au fond de cette cavité, débouchent les glandes génitales et sur son bord supérieur, débouche le rectum. Ce n'est donc pas un vestibule, mais un véritable cloaque, et il est juste de dire que, chez la femelle, les larves se développent dans le cloaque transformé en chambre incubatrice. Je ne dirai rien de la structure des testicules, car je n'ai pas eu la chance de rencontrer ces glandes bien développées chez les mâles que j'ai observés; ceux-ci ne m'ont montré qu'une grande vésicule séminale et des testicules dégénérés (fig. 16). Différences sexuelles extérieures. — Tous les mâles que j'ai observés se sont montrés d'une dimension bien supérieure à celle des fe- melles. La dimension des mâles, hauteur comptée depuis le sommet du lophophore jusqu'à l'extrémité inférieure des ailes, a varié de 7 à 6 dixièmes de millimètre, pendant que celle des femelles était de 4 dixièmes de millimètre et au-dessous. C'est à ces différences de taille que se bornent les différences sexuelles extérieures. Est-ce la règle chez notre espèce ? Je n'oserais l'affirmer d'après cette seule série d'observations. BOURGEONNEMENT. Le bourgeonnement des Bryozoaires endoproctes est aujourd'hui bien connu grâce aux travaux de MM. Nitsche, Salensky^ G. Vogt, et 108 HENKl PROUHO. en dernier lieu de M. 0. Seeliger (15) qui a appliqué à celte étude les procédés de la technique actuelle. Nous avons maintenant la certitude que, dans un bourgeon d'Endoprocte, l'ectoderme et l'en- doderme proviennent tous deux de l'ectoderme du parent, et que les initiales du mésoderme lui sont fournies par le mésoderme du parent. Mon intention n'est donc pas de reprendre, à propos du Loxosoma annelidicola, une question qui paraît épuisée ; mais notre Loxosome présentant la particularité intéressante de former des bourgeons internes dans leurs premiers stades, alors que chez la plupart des autres loxosomes, les bourgeons sont externes dès leur première apparition, le bourgeonnement du Loxosoma annelidicola doit nous arrêter quelques instants. Les bourgeons naissent sur la face ventrale des ailes du calice ; ils sont ordinairement au nombre de deux, parfois il en existe quatre (fig. 7). On ne trouve jamais, sur un même individu, deux bour- geons du même âge, car ils ne naissent pas simultanément, mais bien alternativement à droite et à gauche. Les bourgeons, avons-nous dit, sont internes dans leur jeune âge. La figure 4 montre un de ces bourgeons, sur une coupe trans- versale de l'individu mère ; on voit qu'il est tout entier situé entre les parois du corps pd et pv. Ce bourgeon est formé d'une couche externe ectodermique ec entourant le tissu initial en de l'appareil digestif et le mésoderme me; il est enfermé dans une mince paroi se qui l'enveloppe de toutes parts. Voyons comment se forment ces diverses parties. Le premier phénomène indiquant l'apparition d'un bourgeon con- siste dans la formation, aux dépens de l'ectoderme du parent, d'un amas cellulaire composé de cellules à noyaux volumineux, dont les extrémités distales convergent vers le même point de la cuticule où elles sont attachées. La figure 13 représente une coupe passant par le centre d'un pareil bourgeon et nous montre la disposition des cellules qui sont au nombre de six sur la coupe ; je les ai nu- mérotées de 1 à 3 pour faciliter la description qui suit. ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELIDICOLA, 109 A un stade plus avancé, les cellules 1 se disposent de façon à envelopper les cellules 2 qui, à leur tour, enveloppent les cellules 3 devenues définitivement internes (fig. 12). Dès que ce processus commence, on remarque une légère diffé- rentiation parmi les cellules du bourgeon ; les cellules internes 3pré- sentent un noyau plus gros et plus finement granuleux que les autres. Dans un bourgeon un peu plus âgé, les cellules 1 se sont mul- tipliées et forment une véritable enveloppe au reste de l'amas cellu- laire (fig. 2) ; les cellules 2 se trouvent immédiatement au-dessous de cette enveloppe, et au centre sont les cellules 3 initiales de l'ap- pareil digestif. On remarquera, sur la figure 2, deux cellules me' placées à l'opposé du point où le bourgeon s'attache à l'ectoderme du parent. Ces cellules me paraissent destinées à former le mésoderme du bour- geon. Les observations de M. Seeliger, dont j'ai pu vérifier l'exacti- tude, nous apprennent que, chez les Loxosomes à bourgeons ex- ternes, un petit nombre de cellules mésodermiques du parent émigrent de bonne heure dans la base du bourgeon ; j'admels volontiers qu'il en est de même ici. Ne remarque -t-on pas, d'ailleurs, sur la coupe (13), une cellule x du mésoderme de l'individu mère certainement bien placée pour passer à l'intérieur du bourgeon. Dans la suite du développement, l'enveloppe 1 (fig. 2) devient l'enveloppe se (fig. 4) ; les cellules 2 forment la couche ectoder- mique ec du bourgeon (fig. 4), les cellules 3 forment le tissu initial en de l'appareil digestif, et les cellules me (?), son mésoderme. On voit donc que, chez le Loxosoma annelidicola, les trois feuillets du bourgeon ont la même origine que chez les autres Loxosomes. Il y a cependant une différence intéressante entre cette espèce et celles chez lesquelles le bourgeon, externe dès son apparition, apparaît tout d'abord comme une excroissance de l'ectoderme; cette différence consiste dans la formation, pendant le processus de bour- geonnement, d'une enveloppe ectodermique interne, dans laquelle évolue le bourgeon (fig. 4, 6, se). 110 HENRI PROUHO. Les bourgeons internes paraissent exister chez le Loxosoma Raja. 0. Schmidt dit en effet: « Ich habe bei einera glucklich zerzupften Exemplare von Loxosoma Raja gefunden, dass die Bucht, in welcher der Embryo liegt, sich tief fast bis zur Axe des Korpers erstreckt...» Malheureusement, les dessins qui accompagnent le mémoire ne nous donnentaucun renseignement sur la façon d'être de l'embryon dans l'enfoncement {Bucht) en question. 0. Schmidt ajoute : « Et dans ce coin inaccessible à l'œil de l'observateur, les premiers phénomènes de la segmentation paraissent avoir lieu » (p. 8, 6). 0. Schmidt croyait alors pouvoir affirmer que le phénomène considéré jusque- là comme un bourgeonnement n'était qu'une sorte de parthéno- genèse ; selon lui, un œuf émigré de l'ovaire viendrait se placer dans la capsule destinée à renfermer le prétendu bourgeon, et là, par développement direct, donnerait naissance à un embryon consi- déré à tort comme un bourgeon. Nitsche et Salensky ont fait jus- tice de cette théorie, que 0. Schmidt n'aurait peut-être pas émise s'il n'avait étudié principalement un loxosome à bourgeons in- ternes, chez lequel des apparences trompeuses peuvent se produire. Nous venons de voir comment se forment les bourgeons internes du Loxosoma annelidicola ; il ne saurait être question ni de migra- tion d'ovule, ni de parthénogenèse ; la poche ectodermique dans laquelle évolue le bourgeon ne préexiste pas à l'apparition de celui- ci, elle se forme en même temps que le bourgeon de la façon indiquée plus haut. Quant au développement des organes, il a été suffisamment décrit, chez d'autres espèces, par les observateurs déjà cités, pour qu'il soit inutile de le décrire à nouveau ici. Toutefois, nous remarquerons que, à aucun moment de son évolution, le bourgeon de notre Loxo- some ne possède de glande pédieuse. A l'extrémité proximale d'un bourgeon dont le tube disgestif est déjà ébauché (fig. 6), on remar- que quelques cellules ?we dont les prolongements effilés convergent vers le point où le bourgeon communiquait primitivement avec le tissu parenchymateux du parent (fig. 4, g), point où l'adhérence du ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELIDICOLA. iii bourgeon avec le sac qui l'entoure se maintient le plus longtemps. Ces cellules n'ont rien à faire avec une glande pédieuse ; elles sont destinées à former les premiers muscles de la tige, et chez un bour- geon plus âgé, nous voyons à leur place, un petit faisceau de fibres musculaires (fig. 5, m). Dans la suite du développement, le sac qui enveloppe le bour- geon se rompt à son point de contact avec l'ectoderme maternel [k, fig. 6), le calice émerge peu à peu du corps du parent, puis, ù son Fig. 1. Fig. 2. 3^, Fig. 4. Fig. 3. Fig. 1, 2, 3, 4. — Schémas représentant la formation d'un bourgeon interne chez le Loxosoma annelidicola. Les mêmes ombres indiquent les cellules des mêmes feuillets dans la série des quatre figures. Voir dans le texte les réserves faites au sujet de l'origine du mésodirme. tour, la tige devient extérieure, tandis que la ventouse demeure engagée dans un enfoncement qui représente la cavité dans laquelle l'embryon a évolué ; les bords de cet enfoncement sont recourbés au-dessus de la ventouse, de sorte que le bourgeon est solidement retenu sur le corps du parent (fig. 5). Le jeune Loxosome grandit à cette place et, lorsqu'il est parvenu à un degré de développement suffisant, il se détache de l'individu mère et se fixe dans son voisi- nage, sur la peau de l'hôte. J'ai assisté à la mise en liberté d'un bourgeon; je l'ai vu dégager son pied de l'alvéole où il était retenu et progresser ensuite, à l'aide de sa ventouse, soit sur le calice du parent, soit dans les environs de celui-ci, en exécutant des mouve- ments de reptation assez semblables à ceux d'une chenille arpen- U2 HENRI PROUHO. teuse. Dans son mouvement de progression, le Loxosome n'aban- donne jamais sa position normale, qui est d'être couché sur le dos. Le Loxosoma annelidicola est particidièrement bien adapté à son habitat. — Le Clyménien sur lequel vit notre Loxosome est logé dans un tube épais et solide formant une gaine exactement ajustée aux dimensions du ver. 11 en résulte que le très petit espace compris entre le ver et la paroi du tube est, selon toute apparence, insuffisant pour permettre au loxosome de se dresser sur sa tige. Il est donc très logique que, dans sa position normale, le Loxosome soit forte- ment incliné sur son pédoncule et, pour ainsi dire, couché sur son hôle. D'autre part, son calice est étalé transversalement comme s'il avait été aplati entre le Clyménien et son tube. Station couchée et aplatissement du calice sont deux caractères qui peuvent rentrer dans la catégorie des caractères adaptatifs ; mais ce n'est pas tout. Supposons le Loxosome orienté sur le Clyménien de telle sorte que sa bouche soit tournée vers l'arrière du tube; supposons aussi qu'à ce moment le ver se mette à rétrograder. Dans ce mouvement, le loxosome sera entraîné, le lophophore en avant. Ne nous semble-t-il pas qu'une telle orientation est, sinon dangereuse, du moins gênante pour lui ? Lorsque le Clyménien rampe dans sa gaine, ses anneaux se renflent tour à tour et remplissent alors la lumière du tube encore plus exactement qu'à l'étal de repos. Fatalement entraîné par le ver, si le Loxosome se bute à une aspérité du tube, si légère qu'elle soit, il tendra à être redressé sur sa tige et, puisque la place lui manque, il sera froissé, si sa ventouse ne cède pas. Dans une pa- reille occurence, le Loxosome serait-il donc obligé de se déplacer ? Non, car le cas est prévu. Dès que le Loxosome bute de l'avant, il pivote subitement autour de sa base de fixation par le simple jeu de ses muscles hélicoïdaux et, dès lors, il présente à l'obstacle son extrémité inférieure. Vérifier de pareils mouvements dans l'intérieur du tube du Clyménien n'est pas chose possible, mais il est facile de les provoquer, sous la loupe, en touchantlelophophoreaveclapointe ÉTUDE SUK LE LOXOSOMA ANNELIDLCOLA. 113 d'une aiguille ; on voit alors le Loxosonie effectuer, autour de sa base, une rotation de 180 degrés avec une rapidité qui étonne. Il ne me semble pas téméraire, d'après ces considérations, de re- garder les muscles hélicoïdaux du pédoncule comme spécialement développés en vue des mouvements que nous venons d'indiquer, mouvements qui permettent au Loxosome de prendre l'orientation qui, suivant les cas, lui est le plus favorable. Voici la diagnose de l'espèce qui vient d'être étudiée : LoxosoMA ANNELiDicoLA, syïï.Cyclatella annelidicola (Van Beneden et Hesse). — Tige courte, munie d'une double série de muscles hé- licoïdaux, terminée par un disque formant ventouse. — Glande pé- dieuse absente, aussi bien chez les jeunes bourgeons que chez les individus adultes. — Calice présentant deux grandes expansions la- térales, aliformes, foliacées, sur la face ventrale desquelles naissent les bourgeons. — Bourgeons ordinairement au nombre de deux, ra- rement au nombre de quatre, internes dans leur jeune âge. — Ten- tacules courts, en nombre variable de neuf à quatorze. Animal couché sur sa face dorsale. Seul habitat connu jusqu'ici : sur les Clyméniens *. Distribution géographique: Saint-Vaast-la-Hougue, Roscoff, Le Loxosoma Raja (0. Schmidt) se rapproche du Loxosoma anne- lidicola, par les expansions latérales de son calice (beaucoup plus petites, toutefois que celles à\\ Loxosoma annelidicola) par la forme en cœur de carte à jouer de son estomac, par ses bourgeons internes (?). Le Loxosoma annelidicola se distingue du Loxosoma Raja par le grand développement des ailes du calice, par l'absence de glande pédieuse, parla ventouse qui termine son pédoncule, par les muscles hélicoïdaux de son pédoncule. ' Les Clyméniens sur lesquels j'ai observé le Loxosoma arvelidicola sont le Nicomadie lumbricalis (Fabr.) et le Petaloproctus terricola (Quatref.). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN- — 2<; SÉUIE. — T. IX. 1891. m HENRI PROUHO. MÉMOIRES CITÉS. 1. Van Beneden et Hesse, Recherches sur les Bdellodes et les Trématodes marins (Mémoire présenté à l'Académie, le 8 novembre 1862. Mémoires de l'Académie royale de Belgique, t. XXXIV, 1864, p. 83-84, pi. XII, fig, 12-20). 2. Leuckart, Bericht ûhcr Leist. in der Naturgesch. der niederen Thiere, ivah- rend des Jahres 1863, p. 91-111, in Arch, f. Naturges., t. XXX, 1864, Bdll. 3. NiTscHE, Ueber die Anatomie von Pedicelliaft echinata (Zetï.y. /■. WiSi'. Zool., t. XX, 1870, p. 2-34, pi. 11 et 111). 4. — Ueber den Ban und Knospung von Loxosoma Kefersteinii [Zeils. f. Wiss. Zool., t. XXV, 1876). o. 0. ScHMiDT, Die Gattuny Loxosoma {Arch. f. micr. Anat., Bd Xll, 1876). 6. — Berner kungen zu den Arbeiten ûber Loxosoma [Zeits, f. Wiss. Zool., t. XXXI, 1878J. 7. P.-J. Van Beneden, les Commensaux et les Parasites dans le règne animal. 8. C. VoGT, Sur le Loxosome des Phascolosomes {Archives de zoologie expérimen- tale, t. V, 1876). 9. Salensky, Etudes sur les Bryozoaires endoproctss {Annales des sciences natU' relies, Q" série, t. V, 1877). 10. Joliet, Organe segmentaire des Bryozoaires endoproctes {Archives de zoologie expérimentale, t. VIII, 1879). 11. Harmer, On the structure ami developinent of Loxosoma {Quart. Journ, of micr. Science, 1885). 12. Fraipont, le Genre Polygordius, 1887. 13. Mayer, Studien ûber den Korperbau der Anneliden {Mittheil. aus der Zool. Station zu Neapel, 1886-1887). 14. Fœttingër, Sur i'anatomie des Pédicellines de la côte d'Ostcnde {Archives de biologie, t. VII, 1887). lo. 0. Seeliger, Bemer kungen zur Knospenentwiklung der Bryozoen {Zeits. f. Wiss. Zool, Bd L, 1890). 16. Prouho, Sur la Cyclatella annelidicola {Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, 24 novembre 1890). ÉTUDE SUR LE LOXOSOMA ANNELIDICOLA. 115 EXPLICATIOiN DE LA PLAiNCHE V. Lettres communes à toutes les figures. a, anus ; al, ailes du calice ; 5, bouche ; bj, bourgeon ; c, cavité incubatrice ; ce, conduit excréteur de la néphridie ; d, lobes glandulaires de l'estomac ; e, ecto- derme du calice; ec, ectoderme du bourgeon; en, tissu initial de l'appareil digestif; ep, épistome ; es, estomac ; ex, cellules excrétrices de la néphridie; ex', cellules excrétrices dorsales ; f, région hépatique de l'estomac ; g, ganglion nerveux ; gl, glande de la coque ; gr, granulations jaunes des cellules excrétrices; t, intestin ; j, foyer ovigène des parois de l'ovaire ; me, muscle circulaire de la ventouse ; me, mésoderme du bourgeon; mh, muscles hélicoïdaux; tni, muscles longitudinaux: mt, muscle circulaire du lophophore; o, œuf; ov, ovaire; œ, œsophage ; pd, paroi dorsale du calice; pv, paroi ventrale du calice; po, paroi de l'ovaire ; ph, pharynx ; pi, plancher du lophophore ; j-, rectum ; se, envelo['pe du bourgeon; I, tentacule; tn, terTiinaison nerveuse; ts, testicule ; v, ventouse ; vs, vésicule séminale. FiG. 1. Coupe transversale d'un Loxosoma annelidicola au niveau du ganglion. La partie inférieure de cette figure appartient à une coupe passant au niveau de l'estomac; elle montre un jeune bourgeon, iy',dans une aile du calice. Gross., 215 d. 2. Jeune bourgeon [bj de la figure 1) plus fortement grossi. Pour l'expiicalion de me, voir le texte, p. 109. Gross., 500 d. 3. Loxosoma annelidicola observé sur le vivant, vu par sa face ventrale. L'œ- sophage supposé transparent a été représenté en traits ponctués, afin do laisser voir les organes situés derrière lui. L'estomac est sujiposé vu en coupe optique. Gross., 162 d. 4. Coupe d'un jeune bourgeon. Pour l'explication de la lettre q, voir le texte page 110. Gross., 500 d. 5. Coupe longitudinale d'un bourgeon encore retenu dans son alvéole sur le corps du parent ; m, muscles provenant des cellules me (fig. 6). Gross. 107 d. 6. Coupe longitudinale d'un bourgeon plus âgé que celui de la figure h ; in, tube digestif ; me, cellules mésodermiques destinées h former les premiers muscles de la tige. Gross., 215 d. 7. Loxosoma annelidicola mâle avec quatre bourgeons numérotés suivant leur âge, bj"" étant le plus vieux, sur le point de se détacher. Gross., 50 d. 8. Loxosoma annelidicola vu de profil. Gross., 50 d. 9. Coupe transversale d'un Loxosoma annelidicola au niveau des cellules excré- trices dorsales. Gross., 107 d. 10. Néphridie gauche dessinée sur le vivant; av, arc vibratile dans le voisi- nage duquel on aperçoit quelques noyaux cellulaires. Gross., 500 d. 11. Coupe sagittale d'un Loxosoma annelidicola. L'estomac renferme deux masses d'ingesta. Gross., 215 d. H6 HENRI PROUHO. FiG. 12. Coupe d'un jeune bourgeon montrant l'enveloppement des cellules 3, par les cellules 2 et 1. Voir fig. 13. Gross., 500 d. 13. Coupe du plus jeune bourgeon observé montrant l'arrangement des cellules ectodermiques 1, 2, 3, destinées à former le bourgeon et son enveloppe; a;, une cellule du mésoderme du parent. Gross., 500 d. 14. Portion d'une coupe transversale d'un adulte passant par les cellules excré- trices de la néphridie gauche; l, espace lacunaire renfermant ces cel- lules; av, arc vibratile (?). Voir le texte page 102; n, noyau d'une cel- lule excrétrice. Gross., 500 d. 15. Coupe transversale d'une femelle montrant une larve u dans la chambre incubatrice c. Gross., 107 d. 16. Coupe transversale d'un mâle montrant la vésicule séminale vs et le reste des testicules dégénérés ts. Gross., 107 d. SUR LA PHYSIOLOGIE DE LA BRANCHIE LÉON FREDERICQ Professeur à l'Université de Liège, I. CRUSTACÉS. J'ai montré, dans un travail publié en 1884 *, que la proportion de sels solubles contenue dans le sang des Crustacés (et des Invertébrés marins en général) peut varier dans des limites fort larges (de 0,94 à 3,39 pour 100, soit plus que du simple au triple), suivant la com- position saline du milieu extérieur, c'est-à-dire suivant la richesse en sels de l'eau dans laquelle vivent ces animaux. Cette proportion est au minimum chez l'Écrevisse de rivière (0,94 pour 100), au maxi- mum (3,39 pour 100) chez les Crustacés de Banyuls et de Naples, vivant dans l'eau très salée de la Méditerranée. J'ai pu, à court intervalle, faire varier du simple au double la proportion de sels du sang des Carcinus mœnas, en transportant ces animaux successivement dans de l'eau plus ou moins salée. Ceux qui vivent à RoscolF, dans l'eau de mer, ont plus de 3 pour 100 de sels dans leur sang. Placés dans de l'eau de mer (densité, 1026) diluée avec de l'eau douce, de manière que le mélange ne mar- quât plus que 1015 à l'aréomètre, ce qui correspond environ à 1,90 pour 100 de sels, les Crabes se dessalèrent à tel point, que leur sang ne contenait plus que 1,99 pour 100 de sels solubles. * Archives de zoologie expérimentale et générale et Livre jubilaire de la Société de médecine de Gand, 1884. H8 LÉON FREDERICQ. Dans de l'eau de mer plus diluée encore, cette propx)rtion s'abaissa à 1,56 pour 100. Je transcris ici le tableau résumant les résultats de ces expé- riences : Proportion saline du sang des crustacés. ESPECE ANIMALE. SANG Astacus fluviatilis Garcinus mœnas » « » » Homarus vulgaris . . . . Plalycarcinus pagurus » Palinurus vulgaris Maja squinado 1037 1036 0.94 1.48 1.65 1.56 1.99 3.001 3.007 3.040 3.101 3.104 2.9 3.045 3.37 EAU DANS LAQUELLE VIVAIT l'aNIMAL. PROPORTION de sels. 1007 1010 1015 1025 » 1026 Eau douce. Eau saumàtre. 0.9 environ. 1.3 » 1.9 » 3.40 » 3.41 3.40 3.9 C'est vraisemblablement à travers les branchies que s'établit cet échange de sels entre le sang et l'eau extérieure. La mince mem- brane branchiale jouerait là un rôle analogue à celui de la membrane d'un dialyseur. Elle permettrait le passage des sels avec la même facilité avec laquelle elle se laisse traverser par l'oxygène et par l'acide carbonique dans l'acte respiratoire. Cette assimilation des téguments branchiaux du Crabe avec la membrane inerte d'un dialyseur n'est pas nécessairement infirmée par le fait que la proportion absolue de sels solubles peut présenter certaines différences entre les deux liquides en présence : sang et eau de mer. Ainsi, chez les Crabes vivant dans l'eau saumàtre, et surtout chez l'Écrevisse, le sang contient notablement plus de sels que l'eau exté- rieure. Au contraire, le sang des Crustacés d'eau de mer est toujours SUR LA PHYSIOLOGIE DE LA BRANCHIE. H9 un peu moins riche en sels que l'eau qui baigne la branchie. La présence de substances colloïdes dissoutes dans le sang (hémocya- nine, albumines, etc.) peut, en effet, modifier les conditions de l'équilibre osmotique entre le sang et l'eau de mer; en d'autres termes, il est possible que cet équilibre osmotique soit atteint, sans que la quantité absolue de sels solubles contenue dans les deux liquides, sang et eau de mer, soit rigoureusement la même. C'est ce que semblent indiquer les deux expériences suivantes : Deux Crabes Maja (n° 1 et n° 2), ayant séjourné, à l'aquarium du laboratoire Arago, dans de l'eau de mer contenant 39^,55 de sels par litre, furent saignés par la section des pattes, le 30 mai 1890. Un échantillon de sang de chacun de ces Crabes (10 centimètres cubes pour le numéro 1 , et 20 centimètres cubes pour le numéro 2, mesurés à la pipette) fut enfermé dans un tube de verre ; chaque tube fut immédiatement scellé à la lampe. Le reste du sang de chaque Crabe fut introduit dans un dialyseur formé d'un boyau de papier parche- min ; le dialyseur lui-même fut suspendu, avec les précautions usuelles, dans un vase de verre contenant l'eau de mer dans laquelle l'animal avait vécu. Une grande cloche de verre, renversée sur le tout, formait chambre humide et s'opposait à l'évaporation. L'eau de mer extérieure fut changée au bout de vingt-quatre heures et l'expérience arrêtée au bout d'un nouvel intervalle de vingt-quatre heures. Des échantillons de sang dialyse furent pré- levés, mesurés à la pipette et renfermés dans des tubes scellés. A mon retour à Liège, les différents tubes furent ouverts et leur contenu analysé ^ Je constatai que, pour le Crabe n° \, il y avait, 1 Chaque tube fut vidé dans un petit creuset de porcelaine, puis lavé à l'eau dis- tillée. Le sang et les eaux de lavage furent évaporés à sec au bain-marie, de manière à coaguler les matières alburainoïdes. Le résidu sec fut repris par l'eau chaude pour dissoudre la plus grande partie des sels solubles. L'extrait aqueux fut évaporé à sec au bain-marie^ puis incinéré avec précaution jusqu'à ce qu'il ne se dégageât plus do vapeurs empyreumatiques. Le résidu insoluble de matières albuminoïdes fut pareil- lement incinéré jusqu'à production d'un charbon ne dégageant plus de produits empyreumatiques. Le produit des deux incinérations fut réuni, épuisé par l'eau dis- tillée. La solution saline ainsi obtenue fut filtrée à travers un très petit filtre. La 120 LÉON FREDERICQ. après dialyse, une diminution légère de la proportion des sels (3,20 pour 100 de sels pour un échantillon; 3,176 pour 100 pour l'autre, après dialyse, au'lieu de 3,39 pour 100 avant dialyse). Pour le Crabe n° 2, la quantité de sels trouvée avant la dialyse, et après celle-ci, était exactement la même : 3,34 pour iOO. La dialyse n'a en rien modifié le sang du numéro 2, et à peine altéré la composition du sang du numéro \. L'équilibre osmotique salin était donc déjà atteint, dans le corps de l'animal, entre le sang et le milieu extérieur constitué par l'eau de mer. La branchie du Maja se comporte, pendant la vie, comme la membrane inerte du dialyseur. IL POISSONS. Chez les Poissons, le milieu intérieur, le sang, subit d'une façon moins étroite l'influence de la composition saline du milieu exté- rieur. Le sang des Poissons de mer n'est pas beaucoup plus salé que celui des Poissons d'eau douce. La proportion de sels peut y dépasser légèrement 1,5 pour 100, mais ne semble pas pouvoir atteindre 2 pour 100, quoique l'eau de mer (mer Méditerranée) contienne près de 4 pour 100 de sels. A première vue, il semble donc que la branchie des Poissons, qui iaisse passer avec la plus grande facilité les gaz de la respiration, oppose, au contraire, une barrière infranchissable à la diffusion des sels de l'eau de mer extérieure. Mais ne pourrait-il se faire que la présence des matières albumi- solution et les eaux de lavage du filtre furent évaporées à sec'au bain-marie dans un petit creuset, puis soumises un instant à une vive chaleur et enfin pesées dans le creuset couvert, après refroidissement complet dans l'exsiccateur. Voici les résultats de ces analyses : Maja n" 1. Avant dialyse : 10 centimètres cubes fournirent 06f,339 de sels solubles, soit 3g'',39 pour 100 centimètres cubes. — Après dialyse: a. 23 centimètres cubes fournirent Oe'',825, soit 3,20 pour 100 de sels ; 6. 25 centimètres cubes fournirent 0g%794, soit 3,176 pour 100 de sels. Maja n° 2. Avant dialyse : 20 centimètres cubes fournirent 0gf,668, soit 3,34 pour 100 de sels, — Après dialyse: 25 centimètres cubes fournirent 08^,835, soit 3,34 pour 100 de sels. SUR LA PHYSIOLOGIE DE LA BRANCHIE. 121 noïdes, non diffusibles, modifie ici, comme chez les Crustacés et dans une mesure plus large, les conditions de l'équilibre osmo- tique? Cet équilibre ne saurait-il être atteint, quoique la proportion de sels du sang ne représente pas la moitié de celle de l'eau exté- rieure? Le meilleur moyen de résoudre la question, c'est de recourir à l'expérience directe. J'ai recueilli, à Banyuls, sur plusieurs exem- plaires de Raies et sur une Centrine, des échantillons de sang puisé dans le cœur et les sinus veineux, ainsi que des échantillons de séro- sité péritonéale. Une partie de ces liquides a été soumise à la dialyse vis-à-vis de l'eau de mer, dans des boyaux de papier parchemin, pendant une, deux ou trois fois vingt-quatre heures. Des échantillons de liquide dialyse et non dialyse, mesurés à la pipette, puis scellés sur place à la lampe dans des tubes de verre, furent analysés à Liège, avec les mêmes précautions que pour les échantillons de sang de Maja. Le tableau suivant contient le résultat de ces analyses : AVANT LA DIALYSE. Raie. Sérum sanguin 1",77 sels pour 100 cent. cub. Sérum mélangé de liquide péritonéal 1 ,92 — Sang 1 ,62 - Liquide péritonéal , 1 ,93 — Centrine. Sérum i ,72 — Somme 8gr,9fi sels pour tOO cent. cub. Moyenne 1 ,79 — APRÈS LA DIALYSE. Raie. Sérum 3gr,28 sels pour 100 cent. cub. Sérum 3 ,44 — Sang 3 ,668 — Liquide péritonéal et sérum 3 ,43 — Liquide péritonéal 3 ,53 — Liquide péritonéal 3 ,44 — Centrine. Sang 2 ,87 — Somme 23g',658 sels pour 100 cent. cub. Moyenne 3 ,379 — 422 LÉON FREDERICQ. L'eau de mer contenait 3^', 955 de sels pour 100 centimètres cubes. On voit qu'après la dialyse, la teneur en sels est presque doublée dans le sang, le sérum et le liquide péritonéal de la Raie et de la Centrine. L'équilibre osmotique était loin d'être atteint entre le sang et l'eau extérieure, comme il l'est chez les Crustacés. La branchie de la Raie et de la Centrine s'oppose donc à l'établissement de cet équilibre. La paroi branchiale ne se comporte pas sous ce rapport comme une membrane indiiférente, inerte; elle laisse passer les gaz, oxygène et aa'de carbonique, mais elle arrête les sels. Elle fait un vé- ritable choix parmi les substances dissoutes dans l'eau extérieure \ C'est probablement le revêtement épithélial extérieur des lamelles branchiales qui est ici l'agent actif de cette sélection : l'endothélium des vaisseaux y contribue peut-être. Il y aurait ici un rapprochement à faire entre cette fonction des éléments épithéliaux de la branchie et la propriété que possèdent également les épithéliums glandulaires de faire un choix parmi les matériaux en dissolution que leur offre la lymphe ou le sang. Les cellules glandulaires admettent les uns et repoussent les autres. Il serait intéressant de rechercher et de doser, dans le sang des Poissons, le sucre, l'urée, etc. Il est probable que la paroi de la branchie, qui s'oppose à l'entrée des sels de l'eau de mer, s'oppose pareillement à la sortie du sucre et des autres substances diffusibles qui peuvent être utiles à l'organisme. Je suis heureux d'exprimer ici toute ma gratitude à M. le profes- seur de Lacaze-Duthiers. Après m'avoir, à quatre reprises différentes, * On pourrait faire une autre hypothèse pour expliquer le fait que le sang ne con- tient que 4,79 pour 100 de sels, alors que l'eau de mer en contient plus du double (3,95 pour 100). Un autre organe, le rein par exemple, se chargerait de débarrasser constamment l'organisme de l'excès de sels, au fur et à mesure que la branchie les laisse entrer. Cette hypothèse me paraît bien improbable. Aussi ne la discuterai-je pas. SUR LA PHYSIOLOGIE DE LA BRANGHIE. 123 fait jouir de l'hospitalité de ses laboratoires de Roscoff, il a bien voulu m'accueillir à Banyuls avec la même libéralité. C'est grâce à l'excellente organisation du laboratoire Arago que j'ai pu mener à bonne fln, sans perte de temps, la récolte des matériaux de ce petit travail. J'ai également à remercier le personnel du laboratoire Arago et spécialement M. Prouho, sous-directeur. SDR LA CONSERVATION DE L'HÉMOCYANINE LÉON FREDERICQ Professeur à TUniversité de Liège. Un échantillon de sang de Poulpe fut recueilli à Banyuls au mois de mai 1890 et renfermé sur place dans un tube de verre scellé à la lampe. Le tube fut ouvert à la fin de novembre, c'est-à-dire six mois après ; son contenu répandait une odeur repoussante. Malgré la putréfaction qui avait, pendant six mois, exercé ses ra- vages sur les substances dissoutes dans le liquide, la matière cupri- fère, à laquelle j'ai donné le nom d'hémocyanine, s'était conservée intacte. Le liquide exposé à l'air prit une belle couleur bleue et fournit par l'ébullition un abondant coagulum de matière albumi- noïde bleue cuprifère. L'hémocyanine résiste donc à la putréfaction, quand elle est con- servée en vase clos, à l'abri de l'air. C'est un point de ressemblance de plus qu'elle présente avec la matière ferrifère rouge de notre sang, l'hémoglobine. RECHERCHES LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE (LOPHIUS PISCATORIUSJ PAR FRÉDÉRIC GUITEL Docteur es sciences, préparateur à la Sorbonne (Laboratoire de Roscoff). AVANT-PROPOS Parmi tous les Téléostéens qu'on pêche sur nos côtes, la Bau- droie est certainement un des plus curieux qu'on puisse citer. Elle se distingue des autres Poissons non seulement par sa forme excep- tionnelle, mais encore par d'importantes dilTérences anatomiques qu'on ne s'attendrait guère à trouver dans le groupe si uniforme des Acanthoptérygiens. Ainsi son squelette est si peu consistant, que les anciens auteurs la rangeaient dans les cartilagineux. Sa dorsale antérieure a subi une modification des plus singulières, et l'allongement excessif des os carpiens de sa pectorale a fait donner à la famille dont elle est le type le nom de Pediculati. Son appareil respiratoire a subi une curieuse transformation : il n'y a que trois branchies, la cavité bran- chiale est énorme et son orifice pour la sortie de l'eau, très réduit, est reporté sous l'aisselle de la pectorale. Son système nerveux central est aussi très remarquable parla longueur considérable du pédicule de l'hypophyse et par la dissociation de la moelle épinière. Son or- 126 * FRÉDÉRIC GUITEL. gane olfactif est situé à l'extrémité d'un pédicule qui atteint près de deux centimètres dans les grands individus. Enfin ses reins sont globuleux et ses ovaires ont la forme d'un long ruban sinueux, large et aplati. Ces singularités anatomiques m'ont donné à penser que la ligne latérale de la Baudroie, pourrait aussi présenter quelque forme exceptionnelle; c'est la raison pour laquelle j'ai entrepris le petit travail que je publie aujourd'hui. J'ai commencé mes recherches pendant l'été de 1889, au labora- toire de zoologie expérimentale de RoscolT, et je les ai terminées pendant le séjour de six mois que j'ai fait au laboratoire Arago en 1890. Je tiens à remercier ici mon excellent maître, M. de Lacaze- Duthiers, fondateur et directeur de ces deux stations, qui non seu- lement m'a ouvert toutes grandes les portes de ses deux laboratoires, mais qui, de plus, m'a donné la possibilité de publier mon travail en me faisant l'honneur de l'admettre dans ses Archives de zoologie expérimentale. I. GÉNÉRALITÉS. Mes recherches ont été faites uniquement sur le Lopidus piscato- rius Linné, que j'a. pu me procurer aussi bien à Roscofl" qu'à Ba- nyuls-sur-Mer. A Roscoff, ce poisson se prend dans les filets à Raies; ceux que j'ai eus étaient toujours de très grande taille, car le plus long mesurait l'^jSS et le plus petit 80 centimètres. Une seule fois j'ai pu avoir un animal vivant que des pêcheurs avaient trouvé à la grève ; mais ceux-ci l'avaient tellement maltraité pour le trans- porter, qu'il n'a pas vécu plus de deux jours dans le grand vivier annexé au laboratoire. A Banyuls, on prend les Baudroies {Lophius piscatortus L. et L. bu- degassa Spinola) soit avec le chalut, soit avec les filets que les pêcheurs appellent trémails. Celles qui sont prises au chalut ar- rivent presque toujours mortes à terre; quand elles survivent et qu'on les place dans un aquarium, elles meurent au bout de RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 127 quelques heures. Au contraire, les animaux péchés près de la côte avec les trémails sont souvent retirés vivants du filet et il est possible d'en conserver en captivité. J'ai pu ainsi observer pendant deux mois, dans un bac de l'aquarium du laboratoire Arago, un Lopkius piscatorlus qui avait été pris par ce procédé, à quelques brasses de la côte. Je vais rapporter, en quelques lignes, les observations que j'ai pu faire sur cet animal. Il mesurait environ 60 centimètres de longueur et avait été placé dans un grand bac qui contenait un Labrax de 30 centimètres et plusieurs Sargues de grande taille. Jamais je ne l'ai vu se servir des rayons antérieurs de sa première dorsale pour attirer ces Poissons; le rayon le plus antérieur restait constamment rabattu en arrière, même lorsque les deux placés derrière lui étaient dressés. Cependant j'ai pu assister à la capture du Labrax et de deux grandes Sargues par cette Baudroie. Quand elle voyait les poissons dont je viens de parler nager au-dessus d'elle, assez près de sa gueule, elle se dressait lentement sur ses nageoires ventrales de fa- çon à se rapprocher le plus possible de celui qui se trouvait le plus à sa portée, puis, d'un mouvement extrêmement rapide, elle se projetait verticalement en haut pour le happer. Souvent je l'ai vue parcourir sur le fond de l'aquarium une assez grande distance, en marchant au moyen de ses ventrales à la façon des Blennies, pour se rapprocher des poissons qui nageaient à un niveau un peu supé- rieur à celui qu'elle occupait. La façon dont la Baudroie engloutit sa proie dans son énorme gueule mérite d'être décrite. Le Labrax que j'ai vu happer avait été pris en travers, de sorte qu'il dépassait notablement de chaque côté l'orifice buccal de son ennemie. Peu à peu, je l'ai vu tourner, de sorte qu'au bout d'un instant sa tête était engagée dans la gueule de la Baudroie ; à partir de ce moment, il a été avalé lentement. Voici comment se fait cette déglutition : Quand on retire de l'eau une Baudroie vivante, elle ouvre la gueule toute grande, ce qui permet de voir que ses pharyngiens 128 FRÉDÉRIC GUITEL. inférieurs et supérieurs peuvent être portés alternativement en avant et en arrière et qu'ils possèdent (surtout les supérieurs) des mouvements très complexes et très étendus de haut en bas et de droite à gauche. Dès que la proie est happée ces os l'accrochent avec leurs dents acérées, à pointe dirigée en arrière, leurs muscles rétracteurs se contractent et celle-ci est entraînée en arrière; puis les muscles protracteurs les reportent en avant pendant que la proie est retenue par les mâchoires; les rétracteurs se contractent de nouveau et elle s'enfonce un peu plus profondément. Ce mouve- ment continue jusqu'à ce que la bête disparaisse complètement dans le corps de la Baudroie. Pendant tout le temps que dure cette déglutition, le poisson avalé se contracte avec une très grande vio- lence; le Labrax que j'ai vu capturer, donnait de telles secousses musculaires que la Baudroie qui l'avalait, longue de 60 centimètres, était entraînée dans l'eau de l'aquarium à plus de 20 centimètres du fond. Dès que la victime faisait un mouvement qui aurait pu entraîner sa fuite, la Baudroie cessait de déglutir, contractait violemment les muscles releveurs de ses mâchoires, et les dents acérées dont celles- ci sont garnies entraient profondément dans le corps du poisson pour le retenir. Ce dernier était complètement englouti qu'il donnait encore des secousses capables de déplacer fortement le corps de son ennemie. L'exposé de mes recherches se divise en trois parties : la première est la description topographique de la ligne latérale, la seconde l'his- toire anatomique des nerfs qui se rendent aux organes terminaux qui la constituent, et la troisième l'étude histologique de ces organes. J'ai fait précéder cet exposé d'un court historique et je l'ai fait suivre d'un chapitre dans lequel j'ai essayé d'homologuer les diffé- rentes séries de la ligne latérale du Lophius piscatorïus, avec les canaux muqueux qui constituent d'ordinaire cet organe chez les autres Téléostéens. Enfin mon travail se termine par un résumé succinct de la structure de la ligne latérale de la Baudroie. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 129 II. HISTORIQUE. On a beaucoup écrit sur la ligne latérale des Poissons, surtout depuis que Leydig (9) a découvert que cet organe est un appareil nerveux; cependant, il n'est fait mention de celle de la Baudroie dans aucun des nombreux mémoires que j'ai consultés. D'autre part, comme la Baudroie est connue depuis Aristote et qu'elle est certainement l'un des poissons les plus singuliers de nos mers, le nombre des auteurs qui l'ont décrite est des plus considérables; néanmoins^ très peu d'entre eux font allusion i\ sa ligne latérale. Je n'ai pas jugé utile de reproduire ici la liste complète des ouvrages que j'ai consultés ; on pourra facilement la reconstituer en réunissant les listes bibliographiques données par Leydig (10), Fée (12), Solger (16), Emery (18), Merkel (19), Beard (21) et Gar- man (22), à propos de la ligne latérale des Poissons, et celle donnée par F. Day (17) au sujet du genre Lophius. Parmi tous les auteurs dont j'ai pu consulter les travaux, Grono- vius est le premier qui ait fait mention de la ligne latérale du Lophius; il dit, à la page 57 de son Muséum ichthyologicum (1) : «■Linea lateralis utrinque unica, ab oculis ad pinnam pectoralem cur- vala, inde ad unum arcuata, versus caudam recta descendit, albida, punctis bruneis picta. » Cette description, comme on le voit, a trait uniquement à la série latérale et est, par conséquent, très incomplète. Vingt-cinq ans plus tard, un Suédois, Laurentius Montin (2) consacre une page de sa description du Lophius barbatus à la ligne latérale de ce poisson (p. 168) et donne une grande figure sur laquelle se trouve représenté cet organe. Cette figure mérite une analyse détaillée, car, malgré son ancienneté (1779), elle est, de toutes celles que j'ai pu avoir sous les yeux, la plus complète et la plus exacte en ce qui concerne la ligne latérale. La Baudroie est représentée vue par le côté gauche, et sa ligne ÂliCn. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1S91. 9 130 FRÉDÉRIC GUITEL. latérale consiste en plusieurs séries de petits espaces clairs circu- laires, limités par un trait. Chacun de ces espaces représente évi- demment, mais d'une manière très imparfaite, l'une des terminai- sons nerveuses de la ligne latérale. En arrière de l'œil, commence une série qui, en décrivant quelques légères sinuosités sur le côté du corps, arrive jusqu'à l'origine de la seconde dorsale ; là, le dessi- nateur a cessé de représenter la ligne latérale au moyen de petits cercles clairs ; elle se prolonge, jusqu'à l'origine de la caudale, sous la forme d'une double rangée de petits lambeaux cutanés. On recon- naît là les lambeaux satellites de la série latérale que j'ai décrite à la fin du chapitre IV de ce travail. L'auteur n'a évidemment pas vu que la série latérale se continue entre ces deux rangées de lambeaux avec la même apparence que dans sa partie plus antérieure. De l'extrémité antérieure de la série latérale se détache une courte série, qui se porte transversalement en dehors et qui arrive jusqu'au bord de la tète ; c'est la série operculaire, qui est très facilement reconnaissable. Du milieu de la série operculaire part une série sinueuse qui va d'abord, en passant au-dessous de l'œil, jusqu'à l'extrémité externe du maxillaire supérieur; à partir de là, elle remonte en arrière et en haut, puis revient de nouveau en avant et se termine en suivant, de dehors en dedans, le bord de la mâchoire supérieure. Enfin, un peu en dehors de l'origine de la série que je viens de décrire sur la série operculaire, on voit naître, sur le bord postérieur de cette der- nière, une courte série qui se porte en arrière parallèlement à la série latérale. L'ensemble de ces deux séries situées l'une en avant, l'autre en arrière de l'operculaire, représente, sans aucun doute, la série maxilio-operculaire; mais sa partie antérieure est incomplète, puisqu'en réalité elle se termine en dedans des épines palatines. En résumé, Laurentius Montin a parfaitement vu la série latérale, la série operculaire et la série maxilio-operculaire ; mais les séries mandibulo-operculaire, sus-orbitaire, intermaxillaire et accessoires de la latérale sont complètement absentes de sa figure et tout à fait RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 131 passées sous silence dans son texte. Dans ce texte, l'auteur ne fait que décrire succinctement le trajet des séries qu'il a découvertes, sans faire allusion aux particularités exceptionnelles que présentent les parties qui les constituent. Bloch (3) ne parle pas de la ligne latérale du Lophius; mais, sur la figure qu'il a publiée (pi. LXXXVII), cet organe, ou plutôt la partie de cet organe qui correspond à la série latérale est indiqué, de chaque côté, par une rangée de petits traits noirs qui commence derrière l'œil, se rapproche du milieu du corps au niveau de la moitié postérieure de la première dorsale, et va se terminer sur la queue en restant presque parallèle à la ligne médiane dorsale. Ce trajet n'est pas exactement celui de la série latérale; car, à partir de l'origine de la seconde dorsale, celle-ci occupe exactement le milieu de la face latérale de la queue. Shaw (4) a donné une mauvaise figure du Lophius (pi. CDXXIl) sur laquelle la série latérale est représentée, de chaque côté du corps, par une rangée de petits points noirs s'étendant depuis l'origine de la caudale jusque derrière l'œil. Schneider (5) cite Montin dans le Systema iciithyologix de Bloch (p. 139) et lui attribue la phrase suivante à propos de la ligne laté- rale ; « Linea lateralis magis conspicua in capite ramos undique dis- pergit.B II dit lui-même, page 140: « Linea lateralis vix conspicua,» et sur sa figure, du reste fort mauvaise, il n'y a aucune trace de ligne latérale. Ceci montre que Schneider n'a pas cherché à contrôler la découverte de Montin, ou bien que, s'il a fait cette tentative, il n'a pas réussi à revoir ce que cet auteur avait vu et dessiné avant lui. Donovan (6) a donné une assez mauvaise figure de Lophius pisca- toriiis (t. V, pi. CI), sur laquelle on voit une double rangée de petits tentacules occupant la place de ceux qui accompagnent la partie postérieure de la série latérale. Charles Bonaparte, dans son Iconographie de la faune d'Italie (7), a publié trois figures de Lophius piscatorius et budegassa, sur lesquelles on trouve, de chaque côté du corps, une ligne formée de petits 132 FRÉDÉRIC GUITEL. traits noirs représentant la série latérale. Sur la planche CV et sur la figure 1 de la planche GVI, cette ligne est beaucoup trop rappro- chée de la ligne médiane dorsale ; tandis que, sur la figure 2 de la planche GVI, son trajet se rapproche plus de la réalité. Ces lignes ne peuvent être considérées que comme une représen- tation conventionnelle de la ligne latérale, au même titre que celles que l'on trouve sur les figures de Bloch et de Shaw. Dans le texte de son grand ouvrage, Bonaparte ne fait aucune allusion à la ligne latérale du Lophius. En parcourant les nombreux ouvrages d'ichthyologie systématique dans lesquels se trouve décrite la Baudroie, j'ai vu beaucoup de figures représentant ce poisson ; mais, à part celles que j'ai citées plus haut, aucune d'elles ne porte trace de ligne latérale. Le grand ouvrage de Stannius sur le système nerveux périphé- rique des Poissons (8) renferme quelques renseignements sur les nerfs du Lophius. En outre, il contient, sur l'innervation des canaux muqueux, un grand nombre d'indications, qui m'ont été très utiles pour établir les homologies des séries de la ligne latérale de la Bau- droie. J'ai cité et analysé, en lieu et place, tous les passages du travail de Stannius auxquels je viens de faire allusion ; ceci me dis- pense d'en dire plus long ici. M'Donnel (11) dit (p. 182) qu'il semble incontestable que les appen- dices en forme de franges situés près des lèvres dans le Lophius pis- catorius doivent être classés parmi les organes tactiles ; mais il ajoute qu'ils semblent être distincts du système de la ligne latérale qu'il se refusait à considérer comme un appareil sensitif. IIL DESCRIPTION ANATOMIQUE DE LA LIGNE LATÉRALE ^ A. Extérieur des terminaisons nerveuses ; leur disposition en séries. Les organes nerveux terminaux, qui constituent la ligne latérale des Téléostéens sont en général contenus dans des tubes que les 1 Note préliminaire, dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CX, n" 1 (6 janvier 1890), p. 50-o2, RECHERCHES SUR LA LIGNE LATt"-,RALE DE LA BAUDROIE. 133 anciens auteurs appelaient canaux muqueux et dont la véritable na- ture a été découverte par Franz Leydig en 1830 (9). Beaucoup de poissons possèdent, en outre de ces terminaisons nerveuses cachées dans des canaux, d'autres organites nerveux cutanés libres, qui font aussi partie de leur ligne latérale. Enfin, il y a des poissons absolu- ment dépourvus de canaux muqueux et chez lesquels, par consé- quent, la ligne latérale ne peut être constituée que par des organes nerveux libres ; c'est le cas pour la Baudroie. Les canaux muqueux de la tête sont en général faciles à découvrir, car leur place est marquée d'avance par les os qui les renferment d'ordinaire ; dans ce cas, l'anatomiste a un guide sûr dans le squelette de l'animal qu'il étudie. Mais lorsque les organes nerveux termi- naux sont libres, l'étude de la ligne latérale devient beaucoup plus délicate, car il faut alors, presque toujours, déceler leur présence par un réactif approprié. La Baudroie, comme je viens de le dire, n'a pas de canaux mu- queux et présente ce fait intéressant que ses organes terminaux , quoique libres, sont tous visibles à l'œil nu, même sur des animaux de petite taille. Ce cas particulier s'explique par la structure exceptionnelle de ces organes, que je vais décrire en détail. Le corps de la Baudroie est parsemé de lambeaux cutanés, de forme et de grandeur variables. Quand on examine avec attention ces lambeaux, on voit que, parmi les plus petits, il s'en trouve qui sont disposés par petites rangées qui en contiennent de trois à sept. Chacune de ces rangées constitue un organe terminal de la ligne latérale. A son maximum de complication, l'organe terminal con- tient sept lambeaux cutanés ; c'est celui que je vais décrire tout d'abord; je montrerai ensuite comment il se modifie lorsque le nom- bre des lambeaux diminue. La partie fondamentale de l'organe est constituée par le lambeau central ; les six autres, disposés symétriquement, trois de chaque côté du premier, ne sont que des parties accessoires dont le nom- 134 FRÉDÉRIC GUITEL, bre peut varier de deux à six, comme nous le verrons par la suite. Le lambeau central, au sommet duquel se trouve la terminaison nerveuse, est très petit; il a la forme d'un segment de cercle fixé sur la peau par sa corde (pi. VI-VII, fig. 3, l^). Il est beaucoup moins saillant que les autres et ne peut être aperçu qu'à la loupe, car il est très mince et absolument dépourvu de chromatophores, de sorte qu'il se confond avec la peau qui, dans la région centrale des orga- nes nerveux terminaux, est presque totalement privée de pigment. Dans la figure 3 de la planche Vl-VII, on voit le lambeau central dans chacune des trois terminaisons représentées ; il est entouré d'une zone dépourvue de pigment qui s'étend souvent jusqu'à l'insertion des quatre lambeaux les plus voisins du centre. Le lambeau central de la terminaison inférieure est rabattu à droite^ les deux autres le sont à gauche. Dans l'organe à son maximum de complication que j'ai pris comme type, le lambeau le plus éloigné du centre diffère notable- ment des autres. Il est généralement en forme de fer de flèche ; son extrémité distale est arrondie, rarement divisée, et la proximale légèrement dilatée à son insertion sur la peau. Toujours plus épais que les autres, il est couvert de grands chromatophores noirs, très rapprochés, qui lui donnent une teinte extrêmement foncée (pi. VI- VII, fig. 3, /,). Presque toujours, la trace de son insertion sur la peau est dirigée perpendiculairement à celle du lambeau central, caractère qu'on n'observe jamais dans les lambeaux plus internes. Il peut arriver que la trace de son insertion soit parallèle à celle du lambeau central ou même que, d'un côté, elle lui soit perpendiculaire et de l'autre parallèle. Il y a encore une particularité qui dislingue le lambeau le plus éloigné du centre : c'est que la distance qui sépare son insertion de celle de son voisin est toujours plus grande que celles qui existent entre les insertions des autres lambeaux. Les deux lambeaux situés de chaque côté, entre le lambeau externe et la terminaison nerveuse^ sont tous deux de même forme. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 135 Ils se dilatent légèrement à leur insertion sur la peau, s'étranglent un peu plus haut pour se dilater plus ou moins vers leur bord libre qui souvent est dentelé (pi. VI-VII, fig. 3, /,. /J. Les traces de ces deux lambeaux sur la peau, légèrement concaves en dedans, sont toujours dirigées parallèlement à celle du lambeau central. Les chromatophores sont assez nombreux sur le plus externe de ces deux appendices cutanés (ûg. 3, /,), très rares ou même complète- ment absents sur le plus interne (fig. 3, l^). Telle est la constitution que présente un organe terminal à son maximum de complication. Voici maintenant les modifications qu'il peut subir. Il arrive souvent que l'un des deux appendices externes en fer de lance fait défaut; ils peuvent même manquer tous les deux; c'est le cas pour la terminaison représentée en coupe, planche VI-YII, figure 6. Il n'est pas rare de trouver des organes terminaux, dans lesquels manquent les deux lambeaux l^; il n'y a plus alors de chaque côté de la terminaison nerveuse que deux lambeaux. Ce type se simplifie encore en perdant l'un de ses lambeaux externes ; c'est le cas pour la terminaison représentée en coupe, planche VIII, figure 8. Enfin, on peut ne trouver, de chaque côté de la terminaison nerveuse, qu'une seule lame cutanée; c'est l'état le plus simple qu'on puisse observer. Maintenant que j'ai décrit l'aspect extérieur des organes termi- naux et de leurs parties accessoires, voyons comment ces organes sont disposés sur la peau, les uns par rapport aux autres. Chaque organe a un plan de symétrie normal à la peau, qui coupe chaque lambeau en deux parties équivalentes. Les organes termi- naux sont disposés en séries, de telle sorte que leurs plans de symé- trie sont tous sensiblement normaux à la ligne qui joint tous les lambeaux centraux. Cette ligne, droite ou courbe, détermine la forme de la série (pi. VI- VII, moitié droite de la fig. 1) à laquelle elle appartient. On rencontre, de place en place, des organes terminaux qui ne 136 FRÉDÉRIC GUITEL. font partie d'aucune série et d'autres qui se rattachent très nette- ment à une série, mais qui sont rejetés sur un de ses côtés. Ces organes sont, du reste, très rares et presque toujours isolés. B. Description des séries de la ligne latérale. Les séries de terminaisons nerveuses de la ligne latérale ont des rapports de position très constants avec les épines osseuses dont le squelette de la Baudroie est armé ; aussi, pour rendre plus claires les descriptions qui vont suivre, vais-je indiquer, en quelques lignes, la disposition de ces épines. Sur le côté externe de l'organe olfactif se trouvent deux épines, très rapprochées {epa, epp)\ qui appartiennent au palatin^. Elles sont situées à l'extrémité interne de cet os qui s'articule, en avant, avec le maxillaire supérieur et, en arrière, avec le frontal antérieur. En avant de la base du rayon pêcheur se trouvent les épines des deux os intermaxillaires [ei). Le bord interne de la cavité orbitaire porte une épine double, volumineuse {efp) ; c'est celle du frontal principal. En arrière de l'œil se trouvent quatre épines formant un quadri- latère dont la figure se rapproche de celle d'un carré. La plus interne est double; c'est celle du frontal postérieur {ef). En arrière et en dehors d'elle, on rencontre l'épine du mastoïdien [em) ; en avant et en dehors, au contraire, celle du temporal (et) ; enfin, encore plus en dehors que ces deux dernières, l'épine de l'os opercule {eop). Le bord postérieur de la tête porte, de chaque côté, quatre épines, qui sont, de dedans en dehors : 1° l'épine interne de l'occipital externe (eoi) ; 2° l'épine externe du même os (eoe) ; 3° l'épine interne de l'huméral [ehi] ; A" l'épine externe du même os {ehe). Sur le bord latéral de la tête se trouvent aussi quatre épines. La première, située immédiatement en arrière de l'extrémité posté- 1 Les lettres qui désignent les épines se rapportent à la Baudroie représentée dans le texte (p. 139) et à la figure 1 de la planche VI-VII. 2 La nomenclature adoptée pour les noms des os est celle de Cuvier. I RF.CHERGHES SUR L\ LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. ]:n rieure du maxillaire supérieur, est l'épine de l'articulaire (ea), puis vient celle du jugal [ej); enfin, en arrière de celle-ci, on rencontre d'abord l'épine horizontale du sous-opercule {esh), puis son épine verticale {esv) \ Entre celte dernière et celle de l'opercule, il y a une dernière épine, qui appartient au bord postérieur de l'interoper- cule [eio). J'aborde, maintenant, la description méthodique des diverses séries de la ligne latérale ; on pourra facilement la suivre sur la figure annexée au texte du présent mémoire (p. 139) et sur la figure 1 de la planche VI- Vil. a. Série latéi'ale. — Elle commence sur la face latérale de la na- geoire caudale, à égale distance de ses deux bords supérieur et inférieur, vers l'union de son quart postérieur avec ses trois quarts antérieurs {a, figure dans le texte, p. 139). Sur une assez grande lon- gueur, elle suit la ligne médiane de la face latérale du tronçon de la queue, c'est-à-dire le grand interstice musculaire et, par suite, le nerf latéral, et, pendant ce trajet, elle chemine entre les deux rangées de grands appendices cutanés situés de chaque côté du corps; mais, au niveau de l'intervalle qui sépare les extrémités proximales des cinquième et sixième rayons de la seconde dorsale, elle quitte le profil du corps pour se porter vers le haut et atteindre la face supé- rieure de l'animal à la hauteur de la pectorale. A partir de là, la série latérale s'incurve légèrement en dehors, de façon à atteindre à peu près le milieu de l'intervalle qui sépare les deux épines de l'huméral [ehi et ehé). En suivant toujours la même direction géné- rale, elle vient se terminer en arrière de l'œil [l], en laissant en dehors les épines de l'opercule [eop) et du temporal {et), et, en dedans, celles du mastoïdien [em] et du frontal postérieur (ef). Quelquefois, au lieu de passer au milieu du quadrilatère que forment les quatre épines post-orbitaires, elle passe exactement au- dessus des épines de l'opercule et du temporal. 1 Pour ces deux dernières épines, voir le sous-opereulc [so], planche VI- VII, figure 1. 138 FRÉDÉRIC GUITEL. Dans son long trajet de la nageoire caudale au bord postérieur de l'œil [a, l, figure dans le texte, p. 139), la série latérale décrit succes- sivement une très longue courbe à convexité externe, puis une seconde à convexité interne, et, enfin, une dernière à convexité de nouveau externe. La série latérale est complétée, en avant, par deux petites séries qui se branchent sur son côté interne. La postérieure (p, o) prend naissance à la hauteur des épines de l'occipital externe [eoe, eoi) ; elle se dirige en dedans, passe entre l'épine du mastoïdien [em) et l'épine (eoe) pour aller se terminer en dedans de celle du frontal pos- térieur (o). L'antérieure [b, o) commence en dedans ou en arrière de l'épine de l'opercule [eop), se dirige en dedans, passe entre l'épine du mastoïdien et celle du frontal postérieur pour aller se terminer, en dedans de cette dernière, au même point que la petite série pré- cédente. b. Série sus-orbitaire. — Du point de convergence (o) des deux petites séries qui complètent, en dedans, la série latérale, part la série sus-orbitaire. Elle décrit d'abord une légère courbe à convexité interne en dedans de l'épine du frontal principal {efp) ; puis elle passe au-dessus du bord rugueux de cet os et décrit une courbe à convexité externe pour aller se terminer en avant de l'insertion de la tige olfactive (e) et en dedans de l'épine palatine antérieure [epa). c. Série operculaire. — Elle prend naissance sur la série latérale, au point où se branche la petite série bo. Quelquefois elle commence entre les points p et b. Elle décrit dans la région operculaire une courbe à convexité postérieure qui se trouve être la continuation de la série bo. Vers le milieu de son trajet elle croise la série mandi- bulo-operculaire (rf), puis elle passe en arrière de l'épine de Tinter- opercule [eio) et va se terminer à la série mandibulo-operculaire (e), sur le profil de la tète, en avant de l'épine verticale du sous-oper- cule {esv). d. Série maxillo-operculaire. — Cette série a un trajet très compli- qué. Elle commence sur le maxillaire supérieur {q), se dirige en Jeune Lophius piscatoruis de \i centimètres de longueur, représenté grandeur naturelle et vu en dessus. Le trait fort représente le trajet des séries de la ligne latérale qui portent les lettres suivantes : a, p, b, l, série latérale ; 6, o, p, o. séries annexes de la série latérale ; o, c, série sus-orbitaire : b, d, e, série operculaire ; q, c, n, g, d, k, série maxillo-operculaire ; /(, e, /', jii, série mandibulo-operculaire ; la partie de cette série qui borde la niàcboire inférieure n'est pas visible au-dessus ; elle a été représentée pour compléter l'ensemble de la ligne latérale, a, extré- mité postérieure de la série latérale ; b, point lu'i la série operculaire prend naissance sur la laté- rale ; c, point commun aux trois séries inter-maxillaire, sus-orbitaire et maxillo-operculaire ; d, point où se croisent les deux séries operculaire et maxillo-operculaire ; e, point où la série operculaire nait sur la mandibulo-operculaire ; ea, épine de l'articulaire ; ef, épine du frontal postérieur ; efp, épine du frontal prmcipal ; eke, épine humérale externe ; t'Ai, épine humérale interne ; e/. épine de l'intermaxillaire ; eio, épine de l'interoperculaire ; e/\ épine du jugal ; em, épine du mastoïdien; eoe. eoi, épines externe et interne de l'occipital e-\ternc : eop, épine de l'opercule ; epa, épine palatine antérieure; epp, épine palatine postérieure ; esk, épine sous- operculairo horizontale ; esv, épine sous-operculaire verticale; et, épine du temporal ; f, point où la petite série ascendante (fy) quitte la série mandibulo-operculaire pour aller rejoindre la maxillo-operculaire ; y, point où la petite série (ff/) atteint la série maxillo operculaire; h, point nu se termine en arrière la série mandibulo-operculaire ; k, point où se termine en arrière la série mandibulo-operculaire ; l, point où se termine en avant la série latérale ; m, petite série récurrente de la série mandibulo-operculaire ; n, sommet du premier pli saillant externe de la série maxillo-operculaire ; o, point de concours de la série sus-orbitaire et des deux séries annexes de la latérale ; p, point de la série latérale où prend naissance la série annexe posté- rieure ; p«a, pédoncule de l'organe olfactif ; j, extrémité antérieure de la série maxillo-oper- oulaire. i4a FRÉDÉKIG GUITEL. dedans, en passant devant l'épine palatine anlérieure [epa) et at- teint bientôt le point c, déjà commun aux séries sus-orliitaire et intermaxillaire. Du point e, elle se dirige en dehors de façon à passer entre les deux épines palatines [epa et epp) ; elle arrive ainsi au point n, à peu près au niveau de l'extrémité externe de l'os palatin j à partir de là, la série maxillo-operculaire se rebrousse en arrière pour se rapprocher de l'œil, puis elle s'en éloigne pour passer au point g ; enfin elle passe en dehors de l'œil, croise la série operculaire [d) en arrière de l'épine de l'interoperculaire et va se terminer dans l'angle que fait le profil vertical de la tête avec le rayon antérieur de la pectorale [k). En résumé, la série maxillo-operculaire décrit, depuis l'os maxil- laire supérieur jusqu'à son extrémité postérieure, une courbe creusée de six sinus alternativement internes et externes d'autant plus apla- tis qu'ils sont plus postérieurs. Le premier sinus [qcn) est externe, le dernier {dk] interne. e. Série intermaxillaire. — Celle-ci est impaire, elle réunit les deux moitiés symétriques de la ligne latérale, car elle s'étend transversa- lement entre les extrémités antérieures des deux séries sus-orbi- taires et maxillo-operculaires [c] en arrière des deux épines des os intermaxillaires (et) et en avant de la base du premier rayon pêcheur. f. Séi'iemandibido-operculaire. — Cette série est impaire et par con- séquent symétrique. Elle commence dans l'angle que fait le profil de la tête avec le rayon antérieur de la pectorale (A), un peu au-des- sous de la série maxillo-operculaire, et reste d'abord sur la face inférieure de la tête ; mais, après un court trajet, elle suit exacte- ment la tranche du disque céphalique. Elle passe au-dessous de l'épine verticale du sous-opercule fesy) et, un peu plus loin, rencon- tre l'extrémité externe de la série operculaire (e); ensuite, elle passe successivement au-dessous des épines du jugal [ej) et de l'articu- laire (ea), suit le bord inférieur de la mâchoire inférieure jusqu'à la symphyse, et, à partir de celle-ci, refait en sens inverse, de l'autre côté de la tète, le chemin que je viens de décrire. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. J il Dans la partie de son trajet qui se trouve comprise entre les extré- mités postérieures des deux os angulaires (pi. VIII, fig. 7, ang) de la mâchoire inférieure, la série mandibulo-operculaire n'est visible que sur la face inférieure du corps. Cette série est complétée de chaque côté par deux autres très courtes : la première (fg) se détache immédiatement en arrière de l'épine de l'articulaire {ea) pour aller rejoindre la série maxillo- operculaire entre ses deuxième et troisième sinus externes; la se- conde [m) naît très près de la symphyse des os dentaires, remonte en arrière et se termine sur le bord supérieur de la lèvre inférieure. Telle est la disposition des séries de la ligne latérale de la Bau- droie. Gomme les organes terminaux qui les constituent sont parfaite- ment visibles à l'œil nu, j'ai eu l'idée de les compter et j'en ai trouvé onze cent cinquante sur un animal de 1 mètre de longueur. Les deux séries latérales entrent dans ce nombre pour cinq cents et la série mandibulo-operculaire pour deux cent soixante-dix. Sur un jeune Lophius piscatoi'ius, de 90 millimètres de longueur, j'ai trouvé les séries de la ligne latérale disposées absolument de la même façon que chez les adultes. Chez cette jeune Baudroie, les nageoires paires étaient relativement beaucoup plus grandes que chez les grands individus; car le bord postérieur des pectorales attei- gnait le milieu de la base de l'anale et le plus long rayon des ven- trales, dépassant l'anus, arrivait jusqu'à la base du premier rayon de cette nageoire. Dans le Lophius budegassa, la distribution des organes terminaux de la ligne latérale est exactement la même que chez le Lophius pisca- torius; mais ces organes sont beaucoup plus difficiles à apercevoir que dans cette dernière espèce, car on distingue difficilement les lambeaux cutanés qui les encadrent de ceux qui sont dispersés en grand nombre sur toute la surface du corps. 1i-2 FRÉDÈUIG GUITEL. C. Rapports des séries de la ligne latérale avec le squektle. La série latérale a peu de rapports avec le squelette. Au moment où elle aborde la région céphalique, elle passe au-dessus du scapu- laire (pi. VI-YII^ fig. -1, ss) et, vers son extrémité antérieure, souvent au-dessus de l'épine de l'opercule et de celle du temporal. La petite série po annexe de la latérale commence au-dessus du scapulaire, se continue sur le mastoïdien (ws) et se termine au- dessus du pariétal {pt),La série bo court également au-dessus du mastoïdien et du pariétal. La série sus-orbilaire commence au-dessus du pariétal; puis elle passe au-dessus du frontal principal et du frontal antérieur, atteint l'apophyse montante de l'intermaxillaire et se termine enfin sur l'os maxillaire supérieur, au point de concours des trois séries interma- xillaire, sus-orbitaire et maxillo-operculaire. La série operculaire est située au-dessus de l'opercule {op) de b en d, et au-dessus du sous-opercule {so) de d en e. La série maxillo-operculaire a saparLie initiale située au-dessus de l'os maxillaire supérieur; puis elle passe au-dessus du palatin, entre les deux épines de cet os, et revient de nouveau au-dessus du maxillaire supérieur. Après avoir parcouru dans toute sa longueur le gros muscle releveur des mâchoires {cr, cr'), elle croise le préopercule {po), l'interopercule [iop) et l'opercule [op). La série intermaxillaire commence de chaque côté sur le maxillaire supérieur et passe ensuite au-dessus de l'apophyse montante de l'intermaxillaire. La série mandibulo-opeixulaire longe d'abord le bord externe du sous-opercule; puis le bord inférieur du squelette de la mâchoire inférieure, c'est-à-dire de l'angulaire, de l'articulaire, et du dentaire (pi. VIII, fig. 7, ang, art, dt). RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. Ii3 D. Rapports des organes terminaux de la série latérale avec les myomèrcs. Depuis quelques années, la plupart des auteurs qui ont écrit sur la ligne latérale se sont appliqués à mettre en relief la disposition méta- mérique des organes ou des groupes d'organes terminaux de la ligne latérale. Dans un grand nombre de poissons, cette disposition méta- mérique est absolument incontestable; dans d'autres, au contraire, on est forcé de convenir qu'elle n'existe pas. En ce qui concerne la Baudroie, voici ce que j'ai observé. Les organes de la série latérale sont, dans toute son étendue, régulièrement disposés les uns à la suite des autres, sans qu'on puisse découvrir aucune séparation entre ceux qui correspondent à deux rayomères consécutifs; on ne peut donc pas dire qu'ils forment des groupes myomériques distincts. Cependant, à mesure qu'on considère des organes situés de plus en plus près de la nageoire caudale, on constate que l'intervalle qui les sépare devient de plus en plus petit; ce qui est aussi le cas pour les cloisons intermuscu- laires du grand latéral du tronc. Les mesures suivantes, prises sur un individu de 33 centimètres de longueur, rendent ce fait palpable. Écariemeni moyen des organes terminaux. Au niveau du rayon postérieur de la première dorsale... 2™«°,18 — rayon aulcrieur de la seconde dorsale 1 ,79 — sixième layon de la seconde dorsale 1 ,73 — dernier rayon de la seconde dorsale 1 ,60 — commencement de la caudale 1 ,40 A la fia de la série latérale 2 ,0a Ces cbiffres montrent que l'écartemcnt des organes terminaux va en diminuant régulièrement d'avant en arrière, puis redevient tout d'un coup très considérable vers la fin de la série latérale ; mais ils ne prouvent pas que chaque myomère ait un groupe d'organes lui correspondant. iU FRÉDÉRIC GUITEL. IV. INNERVATION DE LA LIGNE LATÉRALE *. A. Séries innervées igar le pneumogastrique. La partie du pneumogastrique qui se met en rapport avec la ligne latérale est le nerf latéral. Ce nerf et l'un de ses rameaux ascen- dants se distribuent exclusivement à la série latérale ; tandis qu'un autre de ses rameaux ascendants forme, avec un nerf du facial, deux nerfs mixtes qui se rendent à la série operculaire et à des parties bien définies des séries maxillo et mandibulo-operculaire. Dans ce chapitre, je ne m'occuperai que de l'innervation de la série latérale. La distribution du rameau ascendant qui s'anastomose avec une branche du facial sera mieux placée avec l'histoire de ce dernier nerf. La description du nerf latéral ne peut ôtre bien comprise que si l'on-connaît déjà la disposition exacte des muscles du tronc ; je vais donc commencer par étudier ces muscles. Dans la Baudroie, on trouve deux muscles du tronc de formes bien différentes: le premier est le muscle grand latéral, et le second le muscle abdominal. Le grand latéral du tronc est sensiblement conique ; il entoure l'épine sur laquelle il s'insère. Depuis l'anus jusqu'à la partie posté- rieure de la tête, sa face inférieure, qui est aplatie, forme le plafond de la cavité générale. Au niveau de la cinquième vertèbre, il se divise en deux faisceaux, l'un interne, l'autre externe. Le faisceau interne (pi. YI-VII, fig. 1, et pl.VIII,fig. 7, ^/,),gros et court, s'insère sur le crâne et le surscapulaire. Quelques-unes de ses fibres forment un très petit muscle fusiforme, qui va se fixer à la face externe et inférieure de l'épine humérale (pi. VI-VII, lig. I, fm). Le faisceau externe, plus mince et beaucoup plus long, se porte en dehors et s'attache à la face inférieure de l'épine humérale externe » Pour l'élude des nerfs, j'ai employé le procéilé indiqué par R. Chevrel dans son travail sur le grand Sympathique des Poissons (4). RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 145 (pLVI-VlI, fig. 1, et pi. VIII, lïg.7,^/,). Eulre les deux faisceaux^/, et gl^ se trouve un intervalle triangulaire très nettement visible sur la planche YIII, figure 7 ; lorsque les deux faisceaux s'accolent, cet inter- valle disparaît, ou, pour mieux dire, devient virtuel, car il constitue alors le grand interstice musculaire qui se continue dans toute la longueur du muscle grand latéral du tronc. Le muscle abdominal du tronc, s'il était développé, aurait à peu près la forme d'un grand triangle isocèle très surbaissé, allongé d'avant en arrière ; mais, quand on l'examine en place, on voit qu'il affecte la disposition suivante : Il s'insère, par l'un de ses côtés, sur la face dorsale de l'aponé- vrose qui entoure le grand latéral. Son insertion(pl.VI-VlI, fig. l,2s,?s) est linéaire; elle commence en arrière de l'épine humérale interne [ehi), se dirige en dedans jusqu'à hauteur de la base du quatrième rayon de la première dorsale, puis marche parallèlement à la ligne médiane du dos jusqu'à la base du premier ou du deuxième rayon de la seconde dorsale. Arrivée là, elle descend sur la face latérale du tronc en décrivant un angle droit à ouverture postérieure pour aller se terminer à l'anus. A partir de l'insertion que je viens de décrire, la lame musculaire qui constitue l'abdominal (pi. VI- VII, fig. 1, ma) se courbe vers le bas en épousant exactement la forme du muscle latéral et en lui adhérant faiblement jusqu'à l'arête qui sépare les faces latérale et ventrale de ce muscle ; puis elle devient libre et s'étend largement au-dessous de la cavité abdominale. Le muscle abdominal n'a pas partout la même épaisseur. En avant, il a une portion très volumineuse, deux fois plus épaisse au moins que le faisceau externe du latéral du tronc. Elle ci'oise ce faisceau en dessous pour aller s'insérer sur l'huméral (pi. VIII, fig. 7, ma), depuis l'apophyse en baguette du cubital jusqu'à la symphyse de la cein- ture scapulaire. Toute la portion postérieure du muscle est d'une extrême minceur ; elle se fixe antérieurement à la partie postérieure de l'os de la ventrale, et postérieurement, elle se met en rapport, sur la ligne médiane ventrale, avec la même partie du muscle symétrique. ARGH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN . — 2« SÉHIE, " T. IX. 1891. 10 146 FRÉDÉUIG GUITEL. La face interne du muscle abdominal est presque entièrement tapissée par le péritoine ; il n'y a que la portion de cette face, appli- quée sur le latéral du tronc, qui ne fasse pas partie de la paroi de la cavité générale. L'adhérence des deux muscles du tronc dans cette région est extrêmement faible ; on peut les séparer très facilement sans la moindre dissection. Maintenant que la disposition des deux muscles latéral et abdo- minal nous est connue, la description du nerf latéral et de ses rameaux sera très facile à suivre. Le pneumogastrique sort du crâne par un trou de l'occipital laté- ral, immédiatement en arrière de l'insertion fixe du muscle huméro- occipital (pi. VIII, fig. 7, ho'). Le nerf latéral {ni) naît sur lui à peu de distance de sa sortie du crâne ; il se porte immédiatement en dehors et en arrière, parallèlement au muscle huméro-occipital, en passant au-dessus du grand hypoglosse {gli) et des deux premières paires spinales, et au-dessous du faisceau interne du grand latéral {gl^', puis il se recourbe en arrière et en haut, passe au-dessus des troisième et quatrième paires spinales, et enfin atteint le sommet de l'intervalle triangulaire que laissent entre eux les deux faisceaux du grand latéral du tronc {gl^ et gQ. Dès ce moment, le nerf latéral se trouve situé dans le grand interstice musculaire, qu'il suit jusqu'à la naissance de la caudale; là, il se divise en deux filets ner- veux très ténus. Pendant toute la première partie de son trajet, le nerf latéral ne peut être aperçu sur la face latérale du corps ; car il est caché parle muscle abdominal (pi. Vl-VIl, fig. i,ma), qui recouvre le grand latéral du tronc; mais, pour le découvrir, il suffit d'enlever le muscle abdo- minal. Ce nerf devient sous-cutané au point où la ligne d'insertion du muscle abdominal sur le grand latéral coupe le grand interstice (pi. VI-VII, fig. 1, n/), et, à partir de là, il chemine sous l'aponévrose épaisse qui entoure le dernier de ces muscles. Il nous faut mainte- nant examiner les branches que donne le nerf latéral et leur distri- bution. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 147 Un peu après avoir passé au-dessous du ligament de l'épine (pi. VIII, fig. 7, /), il donne une première branche volumineuse {b^), qui rejoint le bord postérieur de l'huméral {h), s'insinue entre les deux faisceaux {gl^ et gl^) du grand latéral, et se redresse verticale- ment pour atteindre la peau(pl. VI-Vll, fig. 1, ôjsur le côté externe de l'épine humérale mterne{ehi). Là, elle se divise en deux nerfs très inégaux : l'antérieur, très mince {fa), se rend à quelques-uns des organites situés en arrière du point p; le postérieur, très volumi- neux, rampe sous la peau en marchant en dehors de la série latérale et en s'en approchant graduellement; il émet de nombreux filets qui se distribuent aux organes terminaux qui font suite aux pré- cédents. La seconde branche du nerf latéral (pi. VI-VII, fig. 1 .éj prend nais- sance sur celui-ci à peu près au point où il atteint le grand inter- stice ; elle se porte en arrière, en cheminant entre les deux muscles latéral et abdominal du tronc, perce ce dernier d'avant en arrière et devient sous-cutanée au niveau de la base du dernier rayon de la première dorsale, un peu en dehors de la ligne d'insertion {is) du muscle abdominal. A partir de là, elle rampe sous la peau comme la première et se rend aux organes terminaux qui font suite à ceux qu'innerve celle-ci. La troisième branche (pi. VI-VII, fig. i , b^) du nerf latéral se détache de ce dernier environ sept myomères plus en arrière que la seconde ; elle marche, comme elle, entre les deux muscles du tronc, perce le muscle abdominal d'avant en arrière, tout près de sa ligne d'inser- tion, et devient sous-cutanée au niveau de la base du premier rayon de la seconde dorsale, un peu au-dessus du point où le nerf latéral lui-même cesse d'être recouvert par le muscle abdominal. Gomme les deux précédentes, la troisième branche s'accole à la peau et innerve les organes qui font suite à ceux qui dépendent de la deuxième branche. Les trois ou quatre branches qui naissent ensuite sur le nerf laté- ral rampent sous la peau dès qu'elles ont percé l'aponévrose du 148 FRÉDÉRIC GUITEL. grand latéral du tronc, car elles n'ont plus à percer le muscle abdo- minal qui ne les recouvre pasj chacune d'elles envoie de nombreux filets nerveux aux organites de la ligne latérale de la région qu'elle parcourt. Dans la plupart des cas, les branches du nerf latéral ne restent pas indépendantes. L'extrémité postérieure de chacune d'elles s'ana- stomose avec la suivante au point où celle-ci commence à émettre les filets nerveux destinés à la ligne latérale. Il résulte de ce fait la formation d'une sorte de nerf de second ordre, situé un peu en dehors de la série latérale, et qui s'en rapproche graduellement d'avant en arrière. D'après le mode de formation de ce nerf, il est facile de prévoir qu'il se compose d'un certain nombre de segments, atténués d'avant en arrière, dont la longueur et le diamètre sont d'autant plus petits qu'ils sont plus postérieurs. Il est clair que le nombre de ces segments est égal à celui des branches du nerf laté- ral, quand celles-ci ne se bifurquent pas, ce qui arrive quelquefois. Dans ce cas, deux segments du nerf de second ordre correspondent à une seule branche du nerf latéral. Il arrive assez souvent que deux branches consécutives se rapprochent beaucoup, sans pour cela s'anastomoser. J'ai dit que les branches du nerf latéral émettent de nombreux filets nerveux, qui se rendent aux organes terminaux constituant la partie pa (figure intercalée dans le texte, p. 139) de la série laté- rale ; mais ces branches donnent d'autres filets, qui se terminent librement dans la peau, sans se mettre en rapport avec les organes terminaux latéraux. Ce fait est presque général ; il s'applique à presque tous les nerfs qui se rendent aux séries de la ligne latérale; mais pour ne pas nuire à la clarté des figures 1 et 7, déjà très char- gées, je n'ai représenté^ sur ces figures, que les filets destinés à des organes terminaux. Stannius (8) déclare à plusieurs reprises (pp. 98, 99, lOG, 107) que le nerf latéral du Lophius piscatorius se divise en deux troncs princi- paux (Hauptstàmme); mais il dit que le tronc superficiel n'est pas RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 149 un véritable rameau de l'arête du rfos (Riickenkantenastc'). Voici, du reste, la description que donne Stannius (p. 100) du nerf latéral de la Baudroie : « Was zuerst Lophius piscatorius anbetrifft, so ist sein Seitenner- venslamm schon bei seinem Abtreten voni eigentlichen N. vagus schwach. Er gibt zuerst den schon friiher erwâhnten dorsalen Ast fiir die Haut der Schultergegend ab. Indem dann der Stamm unter dem Schultergiirtel durchtritt, gibt er einen verhaltnissmâssig star- ken Ramus super ficfalis ab. Dann begibt sich der Stamm selbst, ■^elcher wenig stârker ist, als dieser ebengenannte Ast, in die Tiefe, wo er, an der Grenze zwischen der Dorsal und Ventralmasse des Seitenmuskels eingebettet, liegt, bis er am Schwanze oberflâchlicher unter die Haut tritt, um zuletzt vor der Schwanzflosse in zwei Aeste sich zu theilen, welche unter der Haut derselben in der Gegend der mittleren Strahlen sich verzweigen. — Der Ramus superficialis nun tritt hinter der Vorderextremitât unter die aussere Haut der Riic- kengegend, ohne indessen einen eigentlichen Riickenkantenast zu bilden, gibt sogleich ziemlich starke Hautzweige ab, und erstreckt sich weiter nach hinten. Immer weiter, unmittelbar unter der Haut hinterwàrts verlaufend, und lange, diinne Ramï communicantes emp- fangend, gibt er beslandig Hautzweige ab, bis er endlich in der Schwanzgegend, auf einen diinnen Faden reducirt, endet. » Cette description est exacte, mais Stannius a mal interprété la disposition des branches du nerf latéral. Il est inexact de dire que ce nerf a une seule branche superficielle allant se terminer dans la région caudale et recevant des rameaux communicants. Jamais un nerf ne se compose de segments [atténués à leur bout périphérique et rangés régulièrement les uns à la suite des autres. Les prétendus rameaux communicants sont en continuité parfaite avec le segment nerveux auquel chacun d'eux correspond. Enfin, le fait que deux segments consécutifs peuvent fort bien ne pas être en continuité de 1 Le rameau ainsi désigné par Stannius est celui que F. Fée (12) a appelé rameau de l'interstice supérieur. 150 FRÉDÉRIC GUITEL. substance est inconciliable avec l'existence d'un véritable rameau superficiel unique alimenté par des rameaux communicants. En outre du tronc proprement dit que je viens de décrire en détail, le nerf latéral do la Baudroie a des rameaux dorsaux au nombre de trois. Ces trois nerfs paraissent prendre naissance sur le ganglion du pneumogastrique plutôt que sur le nerf latéral ; cepen- dant, d'après ce que l'on observe d'ordinaire chez les Téléostéens, l'un d'entre eux représente certainement le nerf operculaire^ et l'autre le surtemporal. Pour le troisième, qui se rend surtout au dia- phragme, il semblerait plus rationnel de le considérer comme un rameau indépendant du nerf latéral s'il ne prenait naissance entre les deux autres. Afin de rendre plus claire la description de ces trois nerfs, je vais indiquer en quelques mots la disposition de trois muscles importants avec lesquels ils ont d'étroits rapports : 1" Vhu- méro'occrpital ; 2° le sphéno-operculaire ; 3" V huméro-mastoïdien. i" Le muscle huméro-occipital ou abaisseur de la ceinture scapulaire (pi. VIII, fîg. 7, ho) a son insertion fixe {ho') sur les occipitaux basilaire et latéral. De là, il se dirige d'avant en arrière et de dedans en de- hors en s'atténuant progressivement pour aller se fixer à la face infé- rieure de l'huméral [ho"). Il tire cet os en avant et en bas. 2° Le sphéno- opère ulaire ou abaisseur de l'opercule (pi. VIII, fig. 7, ao) s'insère sur la grande aile du sphénoïde et sur le mastoïdien {ao') en dedans; il s'étend transversalement de dedans en dehors et sa pointe va se fixer au bord inférieur de la tête de l'opercule {op). Il abaisse l'opercule. 3° Enfin, V huméro-mastoïdien ou releveur de la ceinture scapulaire (pl.VI-VII, fig. l,etpl.VIII, fig. 7, Am), plus superficiel que les deux premiers, s'attache d'une part au côté externe de l'épine du mastoï- dien (em), et d'autre part à la face supérieure de l'huméral. Il est conique comme les deux autres, mais son sommet est interne. Il tire l'huméral en avant et en haut, et a, par conséquent, l'huméro- occipital pour antagoniste. Je reviens maintenant aux trois rameaux dorsaux du nerf latéral : RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. loi 1» Le nerf operculaire (pi. VIII, fig. ", no) marche d'abord à la face inférieure de rhuméro-occipilal {ho)\ puis s'insinue entre celui-ci et le sphéno -operculaire [ao) et parvient ainsi sur la face postérieure de l'os temporal, ou il se divise en operculaire superficiel et opercu- laire profond. V operculaire siiperficiel{^\.y\''S\\ et VIII, os/)) ne tarde pas à devenir sous-cutané dans le sillon compris entre l'épine du mastoï- dien (em) et celle de l'opercule {cop)\ là, il se bifurque, son rameau postérieur (fig. 1) se raraifle sous la peau qui recouvre la région post-operculaire, et son rameau antérieur, passant au-dessus de l'opercule, va se mettre en rapport avec l'operculaire superficiel du facial {psf), comme nous le verrons en nous occupant de ce dernier nerf. V operculaire profond {^\. VIII, fig. 7 opp) s'anastomose avec un rameau important [opf) de l'operculaire profond du facial [opf) et le nerf mixte qui en résulte se distribue à la muqueuse qui tapisse la face interne de la membrane branchiostège. Quelquefois les deux operculaires profonds échangent des fibres au lieu de s'anaslo- moser, 2° Le nQxî du diaphragme (pi. VIII, fig. 7, nd) passe au-dessous du muscle huméro-occipital, et, arrivé au sillon situé entre ce dernier muscle et l'huméro-mastoïdien, il donne un filet à celui-ci et un autre plus volumineux à la membrane que Guvier a appelée dia^ phragme. 3° Le nerf SM;-^«?mpora/ (pi. VIII, fig. 7, ns), comme les deux autres, rampe à la face inférieure de l'huméro-occipital, le contourne anté- rieurement, puis remonte vers la face supérieure de la tête en suivant le sillon compris entre le bord interne de l'huméro-pccipital et le bord antérieur du scapulaire (ss). Il devient sous-cutané (pi. VI-VII, fig. 1, ns) sur le côté externe de la fosse mastoïdienne, entre l'épine du mastoïdien {em) et l'épine externe de l'occipilal externe [eoe). Après un court trajet sous la peau, le nerf surtemporal se divise en deux rameaux {fig. 1, ns). Le postérieur se dirige transversalement en dedans et en avant en faisant, avec la série po, un angle aigu à sommet antérieur, et il envoie à chacun de ses organes terminaux 152 FRÉDÉRIC GUITEL. un petit filet nerveux, d'autant plus court que l'organe est plus an- térieur. Le rameau antérieur se partage en trois branches : une pos- térieure, une antérieure et une interne. La postérieure et l'an- térieure, situées sur le prolongement l'une de l'autre, suivent à peu près le trajet de la série pbl ; la première innerve pé, et la seconde, bl\ enfin, la branche interne suit la série bo, en faisant avec elle un angle à sommet antérieur, et envoie à chacun de ses organites un petit filet nerveux. En un mot, le nerf surtemporal a sous sa dépendance les trois séries po, bo et pbl, seules parties de la série latérale que n'innerve pas le tronc principal du nerf latéral. En résumé, nous avons montré : i° que le nerf latéral et son rameau surtemporal innervent la série latérale tout entière, et nous mon- trerons, en faisant l'histoire du facial, 2° que le nerf operculaire superficiel du pneumogastrique innerve, de concert avec l'opercu- laire superficiel du facial, les séries bde, dk et eh. Stannius ne parle ni du nerf diaphragmatique ni du nerf opercu- laire de la Baudroie ; mais il donne la description suivante (p. 97) de son nerf surtemporal, qu'il appelle suprascapulaire : « Bei Lophius und Diodon, wo aile Schleimrôhren fehlen, ist dieser Ast dennoch vorhanden. Er verlaiift unter dem Hebelmuskel der Schulter vor- vàrts, schlâgt sich um ihu herum, gelangt an seine Oberflâche, um unter der Haut der Schultergegend auszustrahlen. » B, Séries innervées par le facial. Le facial et plusieurs de ses rameaux contractent avec certains os de l'arcade palato-tympanique, du battant operculaire et de l'hyoïde, des rapports tellement étroits, qu'il est impossible de suivre leur description si on ne connaît pas parfaitement la forme et la disposition de ces os. Je vais donc faire précéder la description du facial de celle de la partie postérieure du suspensorium, de l'in- teropercule et du styloïde. La figure 7, planche VllI, cl surtout la figure 2, planche VI-VII, faciliteront beaucoup la compréhension de cette description. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 1S3 L'arcade palato-tympanique est articulée avec le crâne au moyen de deux os : \e palatin (pi. VIII, fig. 7, pi) en avant, et le temporaV (pi. VI-VII, fig. 1 et 2, et pL VIII, fig. 7, tp) en arrière, h&jugal^ (pi. VI-VII, fig. 2, jg), sur lequel se meut la mâchoire inférieure, est réuni au palatin par un seul os, le transverse {tr)^ et au temporal par trois os, qui sont, d'arrière en avant, le préopercule (po), le symplec- tique {syp), et le tympanal (lyp). Il n'y a pas de ptérygoïdien . Le temporal est percé d'un trou sur sa face inférieure. Ce trou {tf) est l'orifice antérieur d'un canal qui se bifurque dans cet os et qui va aboutir à deux orifices situés sur son bord externe. L'anté- rieur [tf) est placé au sommet de l'angle qui sépare l'apophyse des- tinée au préopercule (fig. 2, ap) de celle destinée* au symplec- lique (ast) ; le postérieur (top) se trouve dans l'angle qui sépare l'apophyse destinée au préopercule, du tubercule auquel s'articule l'opercule {ao). En dehors du trou antérieur {tf) du temporal se trouve une gout- tière profonde, qui est d'abord constituée par les apophyses ap et ast du temporal ; dans cette partie, elle est largement ouverte vers le bord. Plus loin, elle est formée en arrière par l'apophyse ap et en avant par le symplectique (syp) ; là, le styloïde * {st) s'applique au- dessous d'elle et la transforme en un canal incomplet. Ensuite le plafond de la gouttière cesse d'exister et il se forme un trou irré- gulier [t), dont le bord est constitué par le symplectique, le jugal, le préopercule et le temporal. En dessus, ce trou du suspensorium donne dans la grande cavité qui loge le muscle releveur de la mâ- choire {cr, fig. 7), et, en dessous, il se trouve en grande partie caché par le styloïde (st), l'hyoïde {k) et l'interopercule^ {''^p)- Ce dernier * Hyo-mandibiilaire, Huxley. * Quadrate, Huxley. 3 Dans la figure 2, le trou (top) du temporal est caché entre les deux lèvres du sillon au fond duquel il se trouve. Pour l'apercevoir, il faut regarder le temporal de profil. * Le galbe du styloïde et de la pièce {h) de l'hyoïde a été indiqué par un simple pointillé pour ne pas masquer la gouttière du suspensorium (fig. 2). 5 Sur la figure 2, on a simplement indiqué par un pointillé le contour de Tinter- ISi FRÉDÉRIC GUITEL. est pincé entre le suspensorium et la partie proximale de l'hyoïde {h). Enfin, plus en dehors encore, la gouttière qui nous occupe est for- mée par le symplectique en avant et par le jugal (jg) en arrière ; mais elle disparaît presque complètement au niveau du hord anté- rieur de l'interopercule. Le facial du lophius prend naissance sur le ganglion de Gasser (pi. VI-VII, fig. 1, fc, et pi. VIII, flg. 7, fc eiyg), comme les nerfs maxillaire et ophthalmique du trijumeau ; il est presque aussi gros que le tronc maxillaire {mxt). Il se dirige immédiatement en dehors en suivant le bord posté- rieur du muscle abaisseur de l'arcade palatine (apt), contourne en avant l'insertion commune à plusieurs muscles branchiaux {mb) sur le frontal et s'engage dans cet os en passant par le trou dont est percée sa face inférieure (fig. 2, tf). Après l'avoir traversé de dedans en dehors, il en sort par le trou le plus antérieur de son bord externe (fig. 2, tf) et se bifurque im- médiatement. La branche la plus volumineuse est le nerf hyoïdien {nh, fig. 7) ; l'autre est le nerf mandibidaire du facial {nmf). Au point où il aborde le muscle {mb), le facial fournit un pre- mier rameau qui est le nerf operculaire profond (opf) ; ensuite on peut, pour la commodité de la description, lui donner, comme Stan- nius, le nom de hyo-mandibulaire [nhm). Ce tronc, avant de bifur- quer, donne naissance au nerf operculaire superficiel [ops). Il nous faut donc décrire successivement : a, le nerf operculaire profond; b, le nevi operculaire superficiel ; c, le nerï hyoïdien ; d, le nerf mandibulaire. a. Le nerî operculaire profond (fig. 7, côté gauche, opf) naît sur le facial {fc) vers le point où ce nerf aborde l'insertion musculaire {mb)\ comme lui, il contourne ce muscle, puis s'insinue entre le temporal opercule, excepté dans la partie de son bord antérieur où il est caché par la pièce (h) de l'hyoïde. Sur la figure 1, le bord antérieur de l'interopercule a été coupé pour aisser voir le nerf maxillaire du facial ; l'hyoïde et le styloïde n'ont pas été repré- sentés pour la même raii^^on. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. ISS et l'abaisseur de l'opercule (ao), et se divise en deux branches très inégales. La plus grosse (nao) continue dans la direction du nerf principal, et se rend à l'abaisseur de l'opercule; l'autre {opf) se dirige perpendiculairement en dehors et va s'anastomoser avec le nerf operculaire profond du pneumogastrique (opp). Le nerf mixte qui résulte de cette anastomose se distribue en arrière de l'os opercule. Quelquefois les deux nerfs operculaires profonds, au lieu de s'a- nastomoser, échangent mutuellement des fibres ; mais la distribu- tion des rameaux résultants est la même que lorsqu'il y a anasto- mose complète. Les operculaires profonds n'ont aucune connexion avec les séries de la ligne latérale. b. Le nerf operculaire superficiel du facial {osf, à gauche de la flg. 7) naît sur le bord postérieur du tronc hyo-mandibulaire {nhm) pendant le trajet de ce tronc dans le temporal ; il chemine lui-même dans l'épaisseur de cet os sur une assez grande étendue en se diri- geant d'avant en arrière, pour en sortir par un Irou {top, ilg. 2) percé dans le bord externe du temporal, entre les apophyses {ap, ao, fîg. 2) auxquelles s'articulent le préopercule en avant et l'oper- cule en arrière. En sortant du temporal, il se trouve dans le sillon transversal limité en arrière par l'opercule (flg. 1, op) et en avant par le temporal (//>) et le préopercule (po). Il se dirige en dehors et un peu en arrière de façon à rejoindre l'opercule (op), puis il chemine sous la peau qui recouvre cet os (o,) et arrive ainsi au ni- veau du sous-opercule {so). Là il se divise en deux branches, une antérieure, courte, et une postérieure très longue qui se partagent l'innervation de la partie eh de la série mandibulo-operculaire. Depuis sa sortie du temporal jusqu'au point où il se bifurque, le nerf operculaire superficiel du facial donne constamment nais- sance à trois branches nerveuses qui jouent un rôle très considé- rable dans l'innervation des séries de la ligne latérale de la région operculaire. i" La première branche, très fine (fig. 1 , Oj), s'anastomose avec le \m FRÉDÉRIC GUITEL. rameau postérieur de l'operculaire superficiel du pneumogastrique' (même figure, osp); le nerf mixte qui en résulte se rend aux organes terminaux de la moitié interne (bd) de la série operculaire. Le rameau antérieur de l'operculaire du pneumogastrique croise le premier rameau de l'operculaire du facial, et s'anastomose avec ce dernier operculaire à quelque distance du point d'émergence de sa première branche (o,) ; par conséquent, à partir de là, l'operculaire super- ficiel est mixte comme la branche qui innerve la série bd. 2° La seconde branche, beaucoup plus grosse que la première, naît comme elle sur le bord postérieur de l'operculaire (oj; elle suit de très près la partie [dk) de la série raaxillo-operculaire qu'elle innerve jusqu'à son extrémité postérieure. 3° Enfin la troisième branche, qui se détache du bord antérieur de l'operculaire (o^), suit la partie externe [de] de la série operculaire et envoie des filets à tous ses organites. On voit, par cette description un peu longue, mais facile à suivre sur la moitié gauche de la figure 1, que les deux nerfs operculaires superficiels du pneumogastrique et du facial s'associent pour inner- ver: 1° la série operculaire tout entière [bde); 2° la partie posté- rieure [dk] de la série maxillo-operculaire, et 3° la partie postérieure (eh) de la série mandibulo-operculaire. Dans la disposition que je viens de décrire et qu'on peut suivre, je le répète, sur la figure 1 , les deux operculaires superficiels échangent des fibres avant d'envoyer aucun filet nerveux aux séries de la ligne laté- rale, de sorte que les quatre séries bd, de, eh sont toutes innervées par des branches mixtes, mais il n'en est pas toujours ainsi. Souvent le premier rameau émis par l'operculaire du facial se rend directe- ment à la série bd et l'échange de fibres n'a lieu qu'immédiatement après. Alors, le nerfmixte postérieur va à la série dk et l'antérieur aux séries de et eh ; la série bd ne reçoit de fibres nerveuses que du facial et elle est seule dans ce cas. Enfin cette dernière disposition peut • Voyez page 151, la description de l'operculaire superficiel du pneumogastrique. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 157 encore subir une modification qui consiste en ce que l'échange de fibres est remplacé par une véritable anastomose de l'operculaire du pneumogastrique avec le nerf du facial destiné à la série dk. Dans ce cas, cette série reçoit seule le nerf mixte, qui renferme toutes les fibres du pneumogastrique et les trois séries bd, de, eh, des nerfs qui ne sont constitués que par des fibres du facial. c. Le nevi hyoïdien (fig. 7, nh], dès sa séparation du nerf mandibu- laire {nmf), longe exactement le bord postérieur du styloïde (fig. 2, st) puis celui de l'hyoïde (A). Pendant tout son trajet, il donne de nom- breux rameaux à diverses parties de la région operculaire et à la membrane branchiostège. Il n'innerve aucune série dépendant de la ligne latérale et ne nous arrêtera pas plus longtemps. d. Le nerf mandibulaire du facial (fig. 7, nmf] a un trajet très com- pliqué ; mais on pourra le comprendre très facilement en se repor- tant à la description de la gouttière osseuse du suspensorium que j'ai donnée page 153. Dès sa sortie du temporal, le nerf mandibulaire s'engage dans la gouttière dont il vient d'être question (fig, 2, entre ap et ast). Il par- court d'abord la première partie de celle-ci, comprise entre les deux apophyses du temporal ap et ast ; puis il passe au-dessus du sty- loïde {st) qui transforme en canal presque complet sa seconde partie; il atteint ainsi le grand trou [t] limité par le symplectique {syp), le jugal {jg), le préopercule {po) et le temporal {sp) ; là, le plancher du canal que parcourt le nerf mandibulaire est formé par le styloïde, l'hyoïde {h) et l'interopercule, et son plafond par le muscle releveur des mâchoires (fig. 7, cr). Enfin il entre dans la quatrième partie de la gouttière, formée par le symplectique en avant et par le jugal en arrière, tout en marchant au-dessus de la face supérieure de l'inter- opercule; et, en dernier lieu, dépassant le bord antérieur de cet os, il court à la face inférieure du symplectique et du jugal (fig. 7) en décrivant une courbe à convexité externe, pour aller s'anastomoser avec la branche interne du nerf maxillaire inférieur externe du tri- jumeau (fig. 7, mp^, et former un nerf mixte {nm^ dont nous 158 FKÉDÉRIC GUITFJ.. examinerons la distribution en faisant l'histoire du trijumeau. Pendant ce trajet si compliqué, le nerf mandibulaire du facial émet deux nerfs qui sont : 1° le nerf mandibulaire accessoire, et 2° le nerf mandibulaire superficiel. \° Le nerf mandibulaire accessoire (fig. 1, mna) prend naissance vers le point où le mandibulaire arrive au niveau du trou t du sus- pensorium ; il est très petit et s'engage immédiatement au-dessus du symplectique ; puis il perce le plancher osseux sur lequel il rampe et reparait en dessous vers la bande cartilagineuse située entre le temporal et le tympanal. A partir de là, il suit la face inférieure du jugal et rentre dans le nerf mandibulaire principal avant que celui- ci ne s'anastomose avec le rameau {me^ du maxillaire inférieur du trijumeau. 2° Le nerf mandibulaire superficiel (pi. VIII, fig. 7, me) prend nais- sance sur le mandibulaire principal un peu après le mandibulaire accessoire [nma) ; il s'engage dans l'angle externe du trou [t, fig, 2) du suspensorium et se trouve alors dans la grande cuvette osseuse que forme en dessus l'arcade palatine et qui loge le releveur des mâ- choires. Arrivé dans cette cavité, le nerf qui nous occupe s'accole intimement à la face antérieure de l'apophyse préoperculaire du tem- poral, et parcourt de bas en haut toute l'épaisseur du muscle crota- phyte pour venir se montrer sous la peau, sur le bord postérieur de ce muscle, un peu en dedans de la pointe de l'apophyse préopercu- laire du temporal (pl.VI-VII, fig. 1, côté gauche, en avant de la lettre po)> Au point même oii il émerge entre le muscle releveur {cr) et le temporal {tp)^ il se divise en trois branches qui forment la patte d'oie. La branche antérieure (fig. 1, mcj se dirige obliquement d'arrière en avant et de dedans en dehors en marchant sous la peau à la sur- face du muscle releveur des mâchoires {cr') et va s'anastomoser, en dedans de l'épine de l'articulaire (ea), avec la branche externe du maxillaire inférieur externe du trijumeau (me,) pour former un nerf mixte («?«,), dont nous examinerons le trajet en faisant l'histoire du trijumeau. Vers le milieu de son trajet, la branche antérieure {mc^ RECHERCHES SUR LA LIGNE LÂTÉUALE DE LA BAUDROIE. 159 du mandibulaire superficiel du facial émet un petit nerf qui se divise en plusieurs filets allant à la petite série fg. Quelquefois même, avant de s'anastomoser avec le rameau (me,) du trijumeau, elle fournit une petite branche qui innerve la partie antérieure de la série ef. Les deux branches postérieures [mc^ se portent en dehors en passant au dessus du préopercule et de l'interopercule, et se divisent cha- cune en un certain nombre de filets qui se rendent aux organes terminaux de la partie ef diÇ, la série mandibulo-operculaire. Il peut arriver que les deux branches postérieures n'en forment qu'une seule; mais cela ne change rien à leur mode de distribution. En résumé, nous avons montré : i° que le nerf operculaire super- ficiel du facial, de concert avec l'operculaire superficiel du pneumo- gastrique innerve les séries bde, dk et eh; T que le nerf mandibu- laire superficiel innerve les séries e/'et fg^ et, 3°, nous ferons voir, dans le chapitre relatif au trijumeau, que le nerf mandibulaire pro- prement dit, de concert avec le trijumeau, innerve la série fm. Stannius (8) dit que le facial du Lophius sort du plexus ganglion- naire du trijumeau (p. 60) et qu'il ne reçoit pas de rameau commu- nicant de ce dernier nerf (p. 61) \ ce qui est parfaitement exact. Plus loin (p. 63), il dit quelques mots de la façon dont se comportent les branches du nerf hyoïdien avec les rayons branchiostèges. Enfin, à propos de l'anastomose du nerf mandibulaire du facial avec le nerf maxillaire inférieur du trijumeau, il dit (p. 63) : « Bei Lophius findet eine doppelte Verbindung dieser Art Statt. » ; mais il ne précise pas la nature de cette double anastomose, que nous étudierons surtout dans le chapitre suivant. C. Séries innervées 'par le trijumeau. Trois nerfs volumineux naissent sur le ganglion de Gasser, indé- pendamment du cordon du grand sympathique ; ce sont, de dehors en dedans : le facial, le maxillaù^e et V ophtalmique (pi. VIII, fig. 7 fc, mxlf nof). i •«• 160 FRÉDÉRIC GUITÈL. La description du facial constitue le chapitre précédent ; celle du maxillaire et de l'ophtalmique vont former celui-ci. Le nerf maxillaire du trijumeau fait avec le facial un angle aigu en se portant obliquement en dehors et en avant, et en cheminant entre l'abaisseur de l'arcade palatine et le globe de l'œil; arrivé au niveau du bord interne du muscle releveur des mâchoires, il se divise en deux branches inégales. La plus volumineuse est la maxillaire infé- rieure, l'autre la maxillaire supérieure. Nous aurons donc à exami- ner successivement les trois nerfs suivants : L Le nerf maxillaire inférieur (fig. 7, rnxi) ; IL Le nerf maxillaire supérieur [mxs] ; III. Le nerf ophtalmique inof). I. Nerf maxïllah'e inférieur. — Dès sa séparation du maxillaire supérieur, il s'applique à la face inférieure du releveur des mâchoires et bientôt s'insinue entre ce dernier et les os de l'arcade palatine. Il passe successivement au-dessus du tympanal (pi. VIII, fig. 7, typ)^ du jugal {jg) et du transverse {tr)\ en fournissant de petits rameaux au releveur des deux mâchoires {cr). Arrivé au niveau du bord pos- térieur de l'os transverse {tr), le maxillaire inférieur se bifurque ; il se forme ainsi un nerf maxillaire inférieur externe {me) et un nerf maxillaire inférieur interne {mi). Le nerf externe se porte en dehors et, un peu avant d'atteindre le bord interne de l'articulaire, il se divise, à son tour, en un rameau externe {me^) et en un rameau interne (mej ; le nerf interne, au contraire, se dirige en avant, s'en- gage entre l'os articulaire et le muscle articulo- dentaire et se divise également en deux rameaux, dont l'un est externe {mi^) et l'autre interne [mi^). On voit que, par la bifurcation du nerf maxillaire inférieur et par celle de chacun de ses rameaux, se trouvent formés quatre nerfs que je vais décrire successivement ; ce sont : • Ces trois os ont été coupés pour laisser voir le nerf maxillaire inférieur appliqué à la face inférieure du releveur des mâchoires. Leur contour est indiqué par un fin pointillé. m RECHERCHES SUU LA LIGNE LÂTEHALE DE L.\ BAUDROIE. 161 1° La bimnche externe du maxillaire inférieur externe {me ^) ; ) 2° La branche interne du maxillaire inférieur externe {me^ ; 3° La branche externe du maxillaire inférieur interne {mi^ ; 4° La branche interne du maxillaire inférieur interne {mi\). 1° Branche externe du maxillaire inférieur externe {me^). — Celte branche passe, en dedans de l'articulaire, dans l'angle que fait cet os avec le jugal(pl. VIII, fig. 7), en traversant, de dedans en dehors, la cavité qui loge le releveur des mâchoires, mais sans percer ce muscle, car elle reste appliquée contre la paroi interne de l'articu- laire. Elle devient sous-cutanée sur la face interne de l'épine de l'ar- ticulaire (pi. VI-VII,rig. 1) et, après avoir donné quelques ramuscules à la peau, elle s'anastomose avec la branche antérieure du nerf man- dibulaire superliciel du facial {mc^) K De cette anastomose résulte un premier nerf mixte (pi. VI-VII, fig. i , et pi. VIII, fig. 7, nm^) qui se distribue à la peau de la mâchoire infé- rieure. Dans les animaux que j'ai disséqués, ce nerf mixte ne se mettait en rapport avec aucun organite de la ligne latérale ; mais un très grand nombre de ses filets pénétraient dans les appendices cuta- nés qui bordent la mâchoire inférieure. 2» Branche intei'ne du maxillaire inférieur externe (me^). — Elle se porte en avant en marchant à la face inférieure de l'os arti- culaire et ne tarde pas à s'anastomoser avec le nerf mandibulaire du facial, qui a été décrit en détail, page 137. Ainsi se trouve formé un second nerf mixte (pi. VIII, fig. 7, nw^) ^I"^ ^^ tarde pas à se bifurquer; son rameau externe se rend à une partie des orga- nites de la série mandibulo-operculaire, tandis que l'interne suit le bord inférieur de l'articulaire et du dentaire pour contracter une anastomose que nous allons examiner quelques lignes plus loin. 3" Branche externe du maxillaire inférieur interne [mi^)- — Nous avons vu plus haut que le maxillaire inférieur interne \mi) s'insinue 1 Voyez page 138. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1891. 11 162 FRÉDÉRIC GUITEL. entre l'articulaire et le muscle articulo-dentaire' et se bifurque ; sa branche externe est celle dont il s'agit ici. Elle perce l'os articulaire d'arrière en avant pour sortir à l'extrémité antérieure du muscle articulo-dentaire. Là, elle s'anastomose avec la moitié interne du second nerf mixte (nmj, dont il a été question quelques lignes plus haut, pour former un troisième nerf mixte {nm.), dont les filets se rendent aux organites de la série mandibulo-operculaire les plus rapprochés de la symphyse et à ceux de la petite série remon- tante {m, figure dans le texte, p. ^39), tandis que ses filets internes vont au génio-hyoïdien {g). 4° Branche interne du maxillaire inférieure interne [mi^. — Comme le maxillaire inférieur interne, cette branche marche à la face supé- rieure du muscle articulo-dentaire. Un peu avant d'arriver à l'extré- mité antérieure de ce muscle, elle se bifurque ; sa partie interne s'engage dans la cavité de l'os dentaire ; c'est probablement un nerf dentaire. Quant à sa moitié interne, elle s'anastomose généralement avec un filet issu du second nerf mixte pour former un quatrième nerf mixte {nm^, qui se rend au grand repli labial situé dans la concavité de la mâchoire inférieure. Quelquefois, le filet issu du second nerf mixte ne s'anastomose qu'avec l'un des filets de la branche interne du maxillaire inférieur interne ; c'était le cas de l'individu qui a été dessiné planche VIII, figure 7, En résumé, le facial et le maxillaire inférieur contractent des ana- stomoses multiples, qui aboutissent à la formation de quatre nerfs mixtes. ho, premier nerf mixte {nm^)^ formé par Tanastomose de la branche antérieure du mandibulaire superficiel du facial [mc^] avec la branche externe du maxillaire inférieur externe (t?îe,), se rend à une grande partie des appendices cutanés de la mâchoire inférieure. Le deuxième nerf mixte (nm^), formé par l'anastomose du man- dibulaire du facial [nmf) avec la branche interne du maxillaire ex- 1 Ce muscle n'a pas été représenté sur la figure 7 de la planche VIII pour laisser voiries nerfs situés au-dessus de lui. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 163 terne du facial {me^), se distribue à la moitié environ des organes terminaux de la série mandibulo-operculaire, situés entre le point f et la symphyse. Le troisième nerf mixte (nm.), formé par l'anastomose d'une bran- che du second nerf mixte avec la branche externe du nerf maxil- laire inférieur interne (mi,), innerve la seconde moitié des organes terminaux situés en avant du point /", ceux de la petite série remon- tante m (figure dans le texte, p. 139), et enfin le muscle génio- hyoïdien {g). Le quatrième nerf mixte (nm^), formé par l'anastomose d'un filet du second nerf mixte {nm^) avec la branche interne du maxillaire interne (mt,) se distribue à la peau située en arrière de la mâchoire inférieure. IL Nerf maxillaire supérieur. — Ce nerf est situé dans une grande cavité de forme à peu près prismatique, allongée d'avant en arrière, et limitée de la façon suivante. Son fond est constitué par la face supérieur de l'abaisseur de l'arcade palatine et son plafond par la peau ; sa paroi postérieure est formée par le frontal postérieur et le temporal ; sa paroi interne par le frontal principal ; sa paroi an- térieure par le frontal antérieur et le palatin, enfin sa paroi externe par le releveur des mâchoires. Cette grande cavité est comblée en arrière par le globe de l'œil et en avant par un tissu gélatineux par- couru par des lames fibreuses résistantes, que Trois (20) a décrit comme un organe pseudo-électrique. Le maxillaire supérieur (pi. "VI -VII et VIII, ma?*), moins volumineux que l'inférieur, s'en sépare à quelque distance du bord externe du frontal postérieur, et se dirige immédiatement sur le bord interne du releveur des mâchoires qu'il côtoie sur une certaine longueur; puis il se porte en avant et en dedans en perçant la masse gélatineuse dont j'ai parlé plus haut, et arrive ainsi au-dessus de l'extrémité antérieure du frontal antérieur en dedans et en arrière des deux épi- nes du palatin ; là il se divise en trois rameaux. Dans le cours de son trajet, le maxillaire supérieur fournit aussi trois rameaux, ce qui .]6i FRÉDÉRIC GUITEL. porte à six le nombre total des branches qu'il émet. Voici quel est le mode de distribution de ces six branches. 1. La. première (pi. Vl-Yll, lig. 1,^) naît vers le milieu de la partie du maxillaire supérieur qui est accolée au releveur des mâchoires ; elle se divise presque immédiatement en plusieurs filets qui ram- pent entre la peau et le releveur des mâchoires ; le plus postérieur de ces filets se rend aux organites de la partie dgàela. série maxillo- operculaire, les autres aux organites de la partie gn. Cette branche est l'homologue du rameau buccal des poissons qui ont des os sous- orbitaires. 2. La seconde branche (-) est la plus volumineuse des six ; elle prend naissance au point où le maxillaire supérieur quitte le bord interne du releveur des mâchoires pour aller rejoindre le frontal antérieur, et elle se porte en avant en continuant à suivre le bord de ce muscle. Arrivé au niveau du palatin, elle émet sur son bord externe un gros filet qui chemine dans l'épaisseur du tendon du releveur des mâchoires, et qui va s'épanouir sur la peau qui re- couvre l'extrémité externe du maxillaire supérieur (fig. I). En continuant à se porter en avant, la branche qui nous occupe s'insinue entre le maxillaire supérieur et le palatin, et arrive dans le grand sillon osseux limité en avant par l'intermaxillaire et en arrière par le maxillaire supérieur. Là, après avoir reçu du nerf palatiu de gros rameaux anastomotiques, elle se distribue à la peau qui revêt l'os intermaxillaire. 3. La troisième branche du maxillaire supérieur (5) est plus petite que les deux précédentes ; elle se dirige en avant et en dehors, atteint bientôt la série maxillo-operculaire, et se distribue aux or- ganites de sa partie ne. 4. Le nerf maxillaire supérieur arrivé au-dessus du frontal anté- rieur se trifurque ; la branche la plus externe est celle dont il est question ici (i) ; elle se rend à la partie cq de la série maxillo-oper- culaire, c'est-à-dire à la partie initiale de cette série. 5. La cinquième branche {o) naît un peu en dedans de la précé- RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 165 dente ; elle innerve la moitié de la série interniaxillaire qui lui cor- respond. 6. La dernière branche du maxillaire supérieur [6) passe entre le bord interne du frontal antérieur et un ligament résistant [Imf) qui va du maxillaire supérieur au frontal principal; elle rétrograde, puis décrit une courbe à concavité antérieure, pour reprendre sa marche antéro-postérieure. En rampant à la face supérieure de la- pophyse montante de l'intermaxillaire, elle se divise en plusieurs rameaux qui se rendent à la peau qui borde l'intermaxillaire. Dans la description des trois branches terminales du maxillaire supérieur, j'ai cru devoir faire abstraction de plusieurs petits nerfs peu volumineux qui se rendent à diverses régions de la peau. Comme ces filets ne jouent aucun rôle dans l'innervation de la ligne latérale, leur description n'aurait fait que nuire à la clarté de l'histoire du maxillaire supérieur. En résumé, ce nerf donne naissance à six branches dont la dis- tribution est la suivante : La branche (/) se rend aux organes terminaux de la série d,g, n; La branche (i) innerve la peau qui recouvre l'extrémité externe de l'os maxillaire supérieur, et celle qui revêt l'intermaxillaire ; La branche (5) va aux organites nerveux de la série ne; La branche (i) se distribue à la série cq ; La branche (5) innerve la moitié de la série intermaxillaire ; Enfin la branche [6) se rend à la peau du bord dentaire de l'os intermaxillaire. Le rameau (4) est l'homologue du rameau buccal des poissons qui ont des os sous-orbitaires, et les deux rameaux (i) et (5) re- présentent le rameau infraorbilaire destiné au canal de l'os infra- orbitaire antérieur dans les mêmes poissons. En terminant la description des deux nerfs maxillaires inférieur et supérieur, je dois dire que j'ai constamment trouvé dans les animaux que j'ai disséqués un ou plusieurs filets nerveux assez vo- lumineux prenant naissance sur le tronc commun des nerfs maxiU 466 FRÉDÉRIC GUITI'L. laires (pi. VIII, fig. 7, mxt) et s'épanouissant en branches nom- breuses entre la peau et le releveur des mâchoires. Ces filets, très difficiles à disséquer à cause de l'adhérence qu'ils contractent avec la gaine aponévrotique du releveur des mâchoires, n'ont généralement aucun rapport avec la ligne latérale ; c'est ce qui fait que je ne les ai pas représentés sur la figure i. Cependant, dans un cas, je les ai vus se rendre à quelques-uns des organes terminaux situés en avant du point d. III. Nerf ophtalmique. — 11 naît sur la face antérieure du gan- glion de Casser et s'étend en droite ligne d'arrière en avant, de ce gangUon au point c, commun aux trois séries intermaxil- laire, sus-orbitaire et maxillo-operculaire (pi. VIII, fig. 7, nof). Pen- dant la première partie de son trajet, il est étroitement appliqué à la face inférieure du frontal principal et recouvert d'une membrane mince très résistante qui s'oppose à l'action de l'acide osmique, quand on n'a pas soin de l'enlever avant de faire agir ce réactif. Tous les rameaux du nerf ophtalmique prennent naissance sur son bord externe, et la façon dont ils naissent présente d'assez grandes variantes; mais, malgré cela, on trouve toujours les nerfs sui- vants : 1° Le nerf interfrontal postérieur; 2° le nerf interfrontal anté- rieur ; 3° des filets volumineux se rendant à la peau qui entoure l'œil; 4-^ d'importants rameaux destinés à la partie antérieure de la série sus-orbitaire. 1° Le nerf inler frontal postérieur (fig. 7, ip] naît à une très petite dislance de l'origine de l'ophtalmique, et, après un trajet exces- sivement court à la face inférieure du frontal principal (pi. VIII, fig. 7, ip), il perce cet os de bas en haut et devient sous-cutané à la base de son épine (pi. VI-VII, fig. 1, ^»; là, il se divise en fins ramuscules qui se rendent aux organes terminaux les plus posté- rieurs de la série sus-orbitaire. 2° V inler frontal antérieur (fig. 7. ia) se détache de l'ophtalmique à une certaine distance en avant du précédent ; comme lui, il rampe RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 167 à la face inférieure du frontal principal, mais pendant un trajet beaucoup plus long que le sien; comme lui aussi, il perce cet os de bas en haut et vient apparaître sur la peau à la base de l'épine sus- orbitaire un peu en avant du nerf précédent (pi. VI-VII, fig. i , ia). Là, il se ramifie et ses filets se rendent aux organites qui font suite, ceux qui sont tributaires de l'interfrontal postérieur, 3" Dans l'animal qui a été dessiné figure 7, l'ophtalmique avait trois branches pour la peau de la région oculaire. La première (voir la pi. VIII, fig. 7) prenait naissance en arrière, et la seconde en avant de l'interfrontal postérieur. Quant à la troisième, elle se détachait en avant de l'interfrontal antérieur. 4° Immédiatement après le filet le plus antérieur des trois que je viens de décrire, se détache de l'ophtalmique un nerf volumineux qui se porte en avant et en dehors et se rend aux organes tei> minaux faisant suite à ceux qu'innerve l'interfrontal antérieur. Enfin l'ophtalmique se dégage de dessous le frontal, rampe sur la face profonde de la peau située sur le bord postérieur de cet os et donne naissance à de nombreux filets nerveux qui vont se rendre aux organites de la moitié antérieure de la série sus-orbitaire (pi. VI-VIl, tiof). Le bout périphérique du nerf ophtalmique se divise en plusieurs ramuscules qui pénètrent dans le pédoncule de l'organe olfactif; ils n'ont pas été représentés sur la figure 1 de la planche Vi-Vll, pour ne pas surcharger de détails cette partie du dessin. En résumé, le nerf ophtalmique a toujours : 1° un rameau inter- frontal postérieur et un antérieur qui innervent la partie postérieure de la série sus-orbitaire après avoir percé le frontal de bas en haut; 2° des rameaux destinés à la peau de la région oculaire ; 3° de nom- breux filets antérieurs destinés à la moitié antérieure de la série sus-orbitaire; 4° quelques ramuscules terminaux qui pénètrent dans le pédoncule de l'organe olfactif. Dans l'un des individus de Lophius pifcalorius que j'ai disséqués, l'ophtalmique naissait sur le ganglion de Gasser par deux troncs : 1G8 FRÉDÉRIC GUITEL. l'un externe, très petit; l'autre interne, très considérable. L'externe se Irifurquait, et l'interne, avant de donner naissance à l'interfrontal postérieur, émettait un fin rameau. Ce rameau allait s'anastomoser avec la branche médiane du tronc externe et le nerf mixte résultant se rendait, avec la branche antérieure du même tronc externe, à la peau de la région oculaire. La branche postérieure du tronc externe s'anastomosait avec l'un des filets du nerf qui prend naissance sur le tronc commun des maxillaires inférieur et supérieur. D. Innervation des lambeaux cutanés qui accompagnent la sc'ric mandihulo-operculaire et la série latérale. Parmi tous les appendices cutanés dont le corps de la Baudroie est parsemé, il en est qui sont particulièrement intéressants pour nous, car ils ont d'étroits rapports de position avec certaines séries de la ligne latérale et sont en même temps les plus longs de tous ceux que possède l'animal; ce sont les appendices de la mâchoire inférieure et ceux des faces latérales de la queue. Voyons tout d'abord quelle est la disposition de ces organes. La mâchoire inférieure a des appendices sur son bord supérieur et sur son bord inférieur. Ceux du bord supérieur sont courts et s'éten- dent d'une commissure des lèvres à l'autre ; tandis que ceux de son bord inférieur sont extrêmement développés et disposés de la façon suivante : Dans toute la partie du profil vertical de la tête comprise entre les extrémités postérieures des deux os articulaires, on trouve, un peu au-dessus de la série mandibulo-operculaire, une rangée de grands appendices pinnatifides, qui, dans un animal de 55 centimètres de longueur, atteignaient 18 millimètres. Ces appendices ont une forme qui rappelle tout à fait le thalle d'une floridée marine, la Lau^ rentia pinnatifida. On trouve aussi une rangée d'appendices au-dessous de la série mandibulo-operculaire ; mais ils sont plus petits (O^^OOB) et moins pinnatifides que les précédents. RECHERCHES SU15 LA LIGNE LATÉRALE DR LA BAUDROIE. 169 De chaque côté, en arrière des os articulaires, la rangée de grands appendices passe au-dessous, et la rangée de petits au-dessus de la série mandibulaire, et vers les extrémités postérieures de celle-ci les appendices sont disposés sans régularité. Enfin, entre les grands lambeaux que je viens de décrire, s'en trouvent d'autres plus petits, pinnatifides ou simplement laciniés. Les appendices situés sur les faces latérales de la queue affectent l'arrangement suivant. Ils forment deux rangées, l'une au-dessous de la série latérale, l'autre au-dessus. La première est composée de lambeaux de grandeur variable, en forme de raquette, vert clair, surtout en dessous ; elle commence sur la nageoire caudale, suit la ligne latérale jusqu'au niveau de l'origine antérieure de la seconde dorsale, et à partir de là, au lieu de continuer à accompagner cetle dernière, qui se recourbe vers le haut, elle se dissocie d'une façon telle que toute la partie de la face latérale du tronc située au-des- sous de la série latérale se trouve parsemée de grands lambeaux cutanés. La rangée supérieure, composée de lambeaux pinnatifides, com- mence sur la queue en même temps que la précédente et suit la série latérale jusqu'au point où celle-ci s'incurve vers la face dorsale de l'animal. Il était intéressant de rechercher si les rangées de lambeaux cutanés que je viens de décrire rapidement appartiennent ou non au système de la ligne latérale. Pour arriver à décider cette ques- tion, j'ai étudié l'innervation de ces lambeaux, et voici ce que j'ai pu observer. Les appendices cutanés qui accompagnent la série mandibulo- operculaire en dessus et en dessous sont innervés par le facial et le maxillaire inférieur*; or, nous avons vu plus haut, que les organes terminaux de la série mandibulo-operculaire sont aussi * M. Jobert (14) dit, page 35, en parlant des appendices tégumentaires situés sous la mâchoire inférieure de la Baudroie : « Plusieurs rameaux nerveux provenant de la branche inférieure du trijumeau s'y ramifient. » 170 FRÉDÉRIC GUITEL. innervés par ces mêmes nerfs, on pourrait donc conclure de là que les appendices dont il est question appartiennent à la série qu'ils accompagnent. Cependant, quand on songe que la région dans laquelle se trouvent situées la série mandibulo-operculaire et les deux rangées d'appendices qui l'accompagnent, reçoit ses nerfs unù quement du facial et du maxillaire inférieur, on voit que les faits empruntés à l'innervation des appendices mandibulaires ne peuvent donner la solution de la question que nous nous sommes posée. Il n'en est pas de même en ce qui concerne les lambeaux cutanés satellites de la série latérale. En effet, l'étude minutieuse de l'inner- vation de ces lambeaux montre qu'ils sont tous tributaires des branches inférieures des nerfs spinaux. Les branches inférieures des quatorze ou quinze dernières paires spinales forment au niveau de la nageoire anale un plexus très riche qui est étroitement serré entre l'épine et le muscle grand latéral du tronc. De nombreux filets se détachent de ce plexus et se rendent à la majeure partie des lambeaux cutanés de la région laté- rale de la queue. Plus antérieurement, les branches inférieures des nerfs spinaux passent entre la paroi du rectum et les muscles du tronc pour se rendre à la peau; enfm, plus en avant encore, on trouve des filets qui percent la paroi musculaire de l'abdomen. Quoi qu'il en soit de ces différences, le fait important, c'est que les lambeaux cutanés qui accompagnent la série latérale sont sous la dépendance des nerfs spinaux. Or, nous avons vu plus haut que la série latérale elle-même est innervée par le nerf latéral; il est donc logique de conclure de cette disposition que les appendices cutanés satellites de la série latérale ne font pas partie de cette série. De plus, par analogie, on peut affirmer également que ceux qui accom- pagnent la série mandibulo-operculaire, tout en ayant la même in- nervation que les organes de celle-ci, ne lui appartiennent pas. Du reste, cette conclusion est très fortement appuyée par le fait que les appendices cutanés, aussi bien dans la région latérale que dans la région mandibulairc, sont absolument dépourvus d'appareils KECHERCHES SUU LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 171 terminaux comparables à ceux qui constituent la ligne latérale pré- cédemment décrite. En résumé, les lambeaux cutanés satellites des séries latérale et mandibulo-operculaire du Lophius piscatorius, ne font pas partie de sa ligne latérale et ne peuvent être considérés que comme dos organes doués de la même sensibilité générale que la peau. V. HISTOLOGIE DE LA LIGNE LATÉRALE. Ce n'est qu'après bien des essais infructueux que j'ai pu arriver à obtenir de bonnes préparations histologiques de la peau du Lophius, et il n'est peut-être pas hors de propos de donner ici en quelques lignes la cause principale de ces insuccès. Les Baudroies qu'on prend au chalut dans la Méditerranée arri- vent presque toujours mortes à terre, et on sait que, dans cette condition, Pépiderme/des poissons ne tarde pas à se séparer du derme ; de plus, comme le filet est traîné sur le fond pendant plusieurs heures, que les animaux qui s'engagent dans sa cavité se trouvent mêlés à une quantité considérable de vase, de pierres et de productions marines diverses, il en résulte que ceux-ci sont rapidement dépouillés mécaniquement de leur épiderme. D'autre part, les Baudroies qui sont capturées près de la côte au moyen des trémails restent toute la nuit dans ces filets, cherchent à s'échapper, et sécrètent alors une quantité considérable de mucus; il s'ensuit une desquamation épidermique telle, que l'étude histolo- gique de leur peau est rendue impossible dans la plupart des cas. Heureusement, comme je l'ai dit au commencement de ce travail, j'ai réussi à conserver en captivité, pendant deux mois, une Baudroie qui, à plusieurs reprises, a mangé des poissons de grande taille placés dans son aquarium. Grâce à cette condition, son épiderme s'est peu à peu réparé et j'ai pu obtenir des préparations qui m'ont permis de prendre une idée suffisamment exacte de la structure de la peau chez cet animal. 172 FRÉDÉRIC GUITEL. La technique que j'ai employée est la suivante: Le lambeau de peau à étudier était étendu sur un morceau de liège et assujetti au moyen d'épingles fines; puis le tout était plongé dans l'acide picro-sulfurique de Kleinenberg, pendant deux heures; les tissus étant ainsi fixés, étaient lavés dans l'alcool à 30 degrés pendant une heure et dans l'alcool à 60 degrés pendant trois heures; c'est-à-dire jusqu'à ce que l'alcool de lavage ne se colorât plus du tout en jaune. Ensuite, le durcissement était obtenu par un séjour de douze heures dans l'alcool à OOdegrés et de douze heures également dans l'alcool absolu. La pièce ainsi durcie était séparée de sonsupport de liège, plongée dans la paraffine au chloroforme pendant neuf heures, et finalement enrobée dans de la paraffine fusible à 48 degrés. Les coupes étaient faites au centième de millimètre et doublement colorées à l'hématoxyline de Ranvier et à l'éosine. Afin de rendre intelligible la description que je vais donner de l'histologie de la ligne latérale, je crois utile de la faire précéder d'un résumé succinct de la structure de la peau K La peau se compose, comme toujours, d'un derme plus ou moins épais sur lequel repose le revêtement épidermique. Le tissu du derme est d'autant plus dense qu'on le considère plus près de sa face superficielle, tandis que du côté profond il devient de plus en plus lâche et passe insensiblement au tissu conjonctif sous-cutané. Les ohromatophores ne sont pas placés sous le derme ; ils sont situés dans son épaisseur où ils forment une couche très rapprochée de sa face superficielle (pi. VI-VII, fîg. 5, chr). L'épiderme est composé de deux assises bien difl'érentes: l'assise profonde, qui repose immédiatement sur le derme, est constituée par une couche de cellules petites, allongées, dont la grande dimension est presque perpendiculaire au derme. Les limites de ces cellules sont très difficiles ù apercevoir ; mais leur noyau, que colore en violet l'hématoxyline, se distingue très facilement de leur protoplasma (fig. 5, ep). Au-dessus de cette assise profonde se trouvent plusieurs 1 Note préliminaire {Archiv. de zool. exp , vol. VIII, 2^ série, p. xxxiii). RECHERCHES SUR LA LIGNE LATERALE DE LA BAUDROIE. 173 couches de cellules muqueuses vohunineuses, qui sont d'autant plus grandes qu'elles sont plus superficielles [em). Dans les coupes tan- gentielles aux lambeaux cutanés qui accompagnent les organes ter- minaux de la ligne latérale (pi. VIII, fig. 8, /,), on peut voir que beau- coup de ces cellules muqueuses ont encore un noya u assez volumineux qui a moins d'affinité pour Téosine que le corps de la cellule (fig. 9). Les cellules muqueuses laissent souvent entre elles de minces intervalles remplis de petites cellules analogues à celles de l'assise basilairc ; presque toujours, sinon toujours, ces amas de petites cel- lules forment des lambeaux qui sont des diverticules de la couche profonde de l'épiderme (pi. VI-VII, fig. 5, ne). La constance de l'assise basilairc de l'épiderme dans tous les points de cette partie de la peau et le volume croissant des cellules muqueuses, à mesure qu'on les considère de plus en plus superficiel- lement, montrent qu'on doit considérer les cellules de l'assise basilaire de l'épiderme comme les cellules mères de celles de l'assise muqueuse. Les lambeaux cutanés qui accompagnent de chaque côté les organes terminaux latéraux ont la structure de la peau avec quelques différences insignifiantes qui consistent surtout en ce que les chro- matophores sont beaucoup moins volumineux et situés plus profon- dément dans l'épaisseur du derme (pl.Vl-VlI,fig. 6 et pi. Vlll,fig. 8). Le lambeau central porteur de l'organe terminal est, comme les lambeaux accessoires, formé par un prolongement de la peau dont la partie centrale est constituée par le derme. Ce prolongement der- mique est très largement aplati à son extrémité distale sur laquelle s'applique l'organe terminal (pi. VI-VII, fig. 4). Les faces latérales sont revêtues par l'épiderme qui, là comme ailleurs, est composé de deux assises. L'assise basilaire {ep] va en s'amincissant progressi- vement à mesure qu'on se rapproche de l'organe terminal et cesse d'exister vers l'équateur de celui-ci un peu avant l'assise superfi- cielle. Cette dernière {em) ne compte qu'une seule couche de cellules muqueuses dont le diamètre est d'autant plus petit qu'on les con- sidère plus loin de la base du lambeau central. 174 FKÉDÈKIG GUITEL. Les dernières cellules muqueuses arrivent au niveau même de la face distale libre de l'organe terminal, de sorte que celui-ci est complètement entouré par l'épiderme sur ses faces latérales et limité par le derme sur sa face proximale. J'arrive maintenant à la description de cet organe terminal qui constitue la partie fondamentale de la ligne latérale ; elle sera courte, car il présente les caractères fondamentaux que tous les auteurs s'accordent en général à lui reconnaître. L'organe terminal de la ligne latérale du Lophius piscatorîus {Rg. 4, àn)|affecte grossièrement la forme d'un hémisphère aplati au pôle, ou mieux celle d'un tronc de cône dont les deux arêtes auraient été coupées et arrondies. Il est composé d'un grand nombre de cel- lules claviformes, dont la grosse extrémité est proximale. Celles qui occupent l'axe de l'organe sont presque droites; mais à mesure qu'on s'avance vers la périphérie, on les voit recourber de plus en plus fortement leur extrémité distale vers l'extérieur. La surface libre et distale de l'organe terminal est parfaitement unie dans toute l'étendue d'une zone coronale assez large; mais dans le centre, elle est couverte de cils d'une extrême ténuité qui ne peuvent être bien vus qu'avec un bon objectif à immersion et qui sont les prolongements au delà de l'organe terminal de l'extrémité périphérique des cellules les plus axiales de cet organe. Vers le plan équalorial du bouton neuro-épithélial, on trouvedenombreux noyaux allongés de dedans en dehors qui appartiennent certainement aux cellules à prolongement libre ; mais vers la base du même organe se trouve encore une assise de noyaux plus volumineux que les pre- miers. Il est difficile de décider, sans faire de dissociation, si ces noyaux appartiennent à une couche de cellules neuro-épithéliales profondes, ou bien si ces cellules disposées en une seule assise ont leurs noyaux à deux niveaux différents. On trouve quelquefois, parmi les cellules de l'organe terminal, une ou plusieurs cellules muqueuses assez volumineuses; c'est le cas de l'organe qui a été dessiné planche VI-VII, figure A. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATERALE DE LA BAUDROIE. 175 VL UOMOLOGIES. Les nombreux travaux parus depuis une quarantaine d'années sur la ligne latérale des Poissons ont montré que la partie fonda- mentale de cet organe est représentée par l'ensemble des terminai- sons jnerveuses contenues dans les canaux que les anciens auteurs ont appelés improprement canaux muqueux. Dans les Téléostéens, le trajet de ces canaux est d'une constance remarquable, et l'on peut le schématiser facilement^ comme l'a fait Merkel (19, pi. II, fig. 6). L'embryogénie montre que les organes terminaux qu'ils renferment sont d'abord libres à la surface de la peau, et que les canaux prennent naissance par un processus très simple d'invagination qui affecte chaque organe en particulier (Schulze, 13 ; Allis, 26). Comme les ter- minaisons libres sont presque toujours situées au fond d'un sillon épidermique, qui parfois devient un véritable canal (G. Emery, 18), la plupart des auteurs ont pensé que ces terminaisons sont, en tout point, comparables à celles contenues dans des canaux, et qu'elles n'en diffèrent que par l'arrêt qu'a subi leur invagination. Je ne partage pas entièrement cette manière de voir, et je crois qu'on doit distinguer deux sortes de terminaisons libres : 1" celles qui, par leur position, font partie du système canaliculé et qui ne diffèrent des organes de ce système que parce qu'elles sont superfi- cielles ; 2° celles qui ne sont que des annexes du système canaliculé, dont la disposition varie d'un poisson à f autre, et dont l'existence n'est pas générale dans toute la classe des poissons. On voit que la distinction que je propose repose sur la constance de l'existence et de la distribution topographique du système canali- culé. Au point de vue physiologique, elle est probablement sans im- portance; mais il n'en est certainement pas de même au point de vue morphologique. Les quelques exemples que je vais examiner et les comparaisons que je ferai à propos du Lophius donneront, je l'espère, du poids à cette distinction. J76 FRÉDÈUIG GUITEL. Dans le Fieras fer (Emery, 18), le canal latéral, clos dans sa partie antérieure, se transforme en sillon plus en arrière et, finalement, cesse complètement d'exister. Cependant, on trouve encore des boutons sensilifs au delà de la fin du canal. Il est incontestable que ces boutons restés libres sont rigoureusement homologues de ceux contenus dans la partie antérieure du canal. Le Brochet [Esox lucius) a un système de canaux céphaliques nor- mal (M'Donnel, 11, et F. Fée, 12), mais son canal latéral n'existe pas ; on ne trouve, sur les faces latérales de son corps, que de petits sillons logés dans des écailles à bord postérieur échancré, qui ren- ferment des terminaisons nerveuses libres. Il n'est pas douteux que l'ensemble de ces sillons à terminaisons libres ne représente le canal latéral absent du brochet. Dans le Cyclopterus et le Liparis, j'ai montré (24) que le système canaliculé céphalique existe seul, mais que, sur la face latérale du corps, se trouve une série de terminaisons libres, située sur le pro- longement de la ligne qui réunit les orifices muqueux post-orbi- taires (25). Il est incontestable que cette série, qui reçoit tous les filets nerveux du nerf latéral, est constituée par les organes termi- naux du canal latéral restés libres. Dans le Gobius (Winther, 15; Merkel, 19), les petites rangées transversales de terminaisons libres, situées sur les faces latérales du corps, doivent aussi être considérées comme les homologues des organes du canal latéral, qui n'existe pas dans ce genre. Enfin, pour citer un dernier exemple, je rappellerai ce que j'ai observé dans les Lépadogasters (23). Dans ces animaux, le système canaliculé est réduit aux seuls canaux céphaliques, qui même sont incomplets. Pour remplacer la partie postérieure du système sous- orbi taire, il y a deux séries de terminaisons libres (pi. XXIX, fig. 2, fpo et /o), et l'on trouve, sur les faces latérales du corps, deux séries de fossettes (fd et fo) qui représentent le canal latéral. Ces exemples montrent qu'il y a des séries de terminaisons libres qui ne sont pas autre chose que des parties du système canaliculé <» RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 177 n'ayant subi qu'une invagination incomplète; mais il est facile de citer des cas dans lesquels des séries d'organes terminaux sont in- contestablement des formations accessoires, qu'il est impossible de faire rentrer dans le cadre général du système canaliculé. Ainsi, dans VA?nia calva (Allis, 26), on trouve, de chaque côté, plusieurs séries de fossettes épidermiques à terminaisons libres surajoutées au système canaliculé très complet de ce poisson. Le cas est absolument le même pour le Fierasfe?- (Emery, 18) qui, indépendamment d'un système canaliculé parfaitement constitué, possède, sur la tête et le tronc, de nombreuses séries de terminai- sons épithéliales situées dans des canalicules épithéiiaux auxquels le derme ne prend aucune part. Les organes terminaux situés sur la tête d'un certain nombre d'autres poissons à canaux muqueux cépha- liques normaux doivent aussi rentrer dans la catégorie des organes latéraux accessoires {Gobius, Gasterosteiis, Cobitis, etc.). La disposition en séries parfaitement régulières et toujours iden- tiques à elles-mêmes des organes terminaux du Lophius piscatoHus fait qu'on ne peut les confondre avec les organes cyathiformes {bêcher fOrmige Sinnesorgane) découverts par Leydig (9). Il n'est donc pas douteux qu'ils représentent la ligne latérale de ce poisson; mais les considérations précédentes m'ont engagé à rechercher si ces organes doivent être considérés comme les représentants de ceux de son système canaliculé absent, ou bien comme des organes accessoires de ce système. Pour arriver à la solution de cette question, je vais examiner suc- cessivement les diverses parties de la ligne latérale de la Baudroie et comparer leur trajet, leurs rapports osseux et leur innervation avec ce qu'on observe d'ordinaire dans les poissons qui possèdent des canaux. La série latérale principale {api, figure dans le texte, p. 139) a la même situation que le canal latéral et est innervée par le nerf latéral ; elle correspond donc exactement à ce canal. Les deux petites séries po et bo, que j'ai décrites sous le nom de AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1S91. 12 178 FRÉDÉRIC GUITEL. séries annexes de la latérale, occupent, par rapport au crâne, la même situation que les canaux contenus dans les os surtemporaux, et elles sont innervées par le nerf surtemporal. Or, Stannius (8, p. 97) s'ex- prime de la façon suivante : « Der Bamus supratemporalis verlàsst, gerade aufsteigend, die Kie- menhôhle um zu den in der Schlàfengegend liegenden Schleim- rôhrenknochen [Ossa supratemporalia) sich zu begeben. » 11 est donc évident que les deux petites séries en question correspondent aux canaux de la région surtemporale. Dans la partie postérieure de son trajet, la série sus-or bitaire court au-dessus du frontal principal et plus antérieurement dans la région qu'occupe ordinairement l'os nasal (Turbinai, Owen) ; on reconnaît là le trajet du tube sus-orbitaire. En ce qui concerne l'innervation de ce canal muqueux. Stan- nius (8) dit, page 37 : c< Wàhrend ihres Verlaufes unter dem Dache der Augenhôhle geben die A este (les rameaux du nerf ophtalmique) immer mehr oder minder starke Rami frontales ab, welche das Stirn- bein durchbohren. Besonders stark sind sie bei den Gadoïden: Gadus, Raniceps, Lepidoleprus, vo sie in die Canàle der dem Schedel auf- sitzenden und mit seiner Oberflàche verwachsenen Schleimrôhren- knochen treten.» Plus loin, le même auteur dit encore : « Nachdem der einfache Stamm (du nerf ophtalmique) bei den Knochenfîschen die Augen- hôhle verlassen, gelangt er, oft nach Abgabe von dorsalen fiir die Kopfbedeckungen und hier liegende Schleimrôhren bestimmten Zweigen, hinter der Nasengrube unter die aûssere Haut. » On pourrait multiplier les citations de Stannius qui prouvent que le tube muqueux sus-orbitaire est tributaire du nerf ophtalmique. Il est donc démontré que la série sus-orbitaire de la Baudroie est l'homologue de ce tube. Dans le Lophius, l'os préopercule est relativement très rudimen- taire et s'étend très peu en arrière ; la série operculaire n'est pas située au-dessus de lui ^ elle suit l'opercule et le sous-opercule. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 179 Malgré cela, cette série doit être considérée comme étant Tliomo- logue du tube muqueux qui parcourt d'ordinaire l'os préopercule, car elle est innervée par le même nerf que ce tube. Stannius dit, en effet, page 62 : « Wâhrend seines Verlaufes (il s'agit du tronc hyoï- déo-mandibulaire du facial) in jenem Knochencanale (canal osseux du temporal) tritt ofter ein feiner fiir die Schleimrôhren des Prseo- perculum bestimmter Zweig von ihm ab. » La séfie maxillo-operculaire commence au-dessus de l'extrémité antérieure de l'os palatin ; c'est justement l'endroit sur lequel s'ap- plique l'os infra-orbitaire dans les poissons qui le possèdent. Jusqu'au point où elle croise la série operculaire (rf), la série maxillo-opercu- laire occupe la position qu'occuperait la bague sous-orbitaire, si elle existait, avec cette différence cependant que son extrémité {d) ne s'incurve pas vers le haut pour aller rejoindre la série sus-orbi- taire. En parlant du rameau buccal, Stannius dit, page 43: « Dieser deni Oberkiefernerven angehorige Ast ist bei denjenigenKnochenfischen, die ihn iiberhaupt besitzen, bestimmt fiir die Gegend der Infraorbi- talknochen, und zwar sowol fiir den in ihnen enthaltenen abson- dernden Apparat, als auch fiir die sie bekleidende und umgebende aiissere Haut. Jene Zweige treten durch dem Schedel zugewendete Oeffnungen der Infraorbitalknochen in deren Hohle ein. » Plus loin (p. 44), le même auteur dit que le rameau buccal manque totale- ment chez le Lophius, même comme un simple rameau subordonné du maxillaire supérieur. Cette assertion n'est pas exacte, car la branche 1 du maxillaire supérieur (pi. VI- VII, fig. 1) représente, à n'en pas douter, le rameau buccal, qui n'est ici qu'une branche du maxillaire supérieur. La partie antérieure de la série maxillo-operculaire reçoit les branches 5 et 5 du maxillaire supérieur, qui remplacent le rameau de ce nerf se rendant, chez d'autres poissons, à l'infraorbitaire anté- rieur (Stannius, p. 42). Ainsi, la partie qcngd àe la série maxillo-operculaire correspond, 180 FRÉDÉRIC GUITEL. • avec quelque différence de position, au canal muqueux sous-orbi- taire. Quant à sa partie dk innervée par l'operculaire superficiel du facial, elle semble représenter une annexe de la série operculaire. La série inter maxillaire correspond, par sa position, à un canal muqueux anastomotique qu'on observe dans quelques poissons, dans VAmia calva par exemple (AUis, 26). Par son innervation, la série intermaxillaire doit être considérée comme faisant partie inté- grante de la série maxillo-operculaire, puisqu'elle reçoit le dernier rameau du nerf maxillaire supérieur (6, pi. YI-VII, fig. 1) *. La série mandibulo-operculaire est, en tous points, comparable au canal muqueux qui parcourt la mâchoire inférieure des pois- sons pourvus d'un système canaliculé. Stannius est muet sur les nerfs qui se rendent à cette partie des canaux muqueux ; mais les rapports de position de la série de la mandibule sont amplement suffisants pour établir sûrement ses homologies. D'une épine sous- operculaire à l'autre, la série mandibulo-operculaire court sous le bord inférieur des os articulaire et dentaire ; c'est un trajet absolu- ment identique à celui du canal muqueux mandibulaire. Quant au prolongement postérieur eh, il appartient, en réalité, à la série oper- culaire, car il est innervé par le nerf operculaire superficiel du facial et il occupe une position très analogue à celle du canal muqueux préoperculaire postérieur d'autres poissons, du Lepadogaster (23, pL XXIX, fig. 2 et 3, 2'), par exemple. VIL RÉSUMÉ. i» Chacune des terminaisons nerveuses de la ligne latérale du Lopkius piscatorius est située au sommet d'un petit lambeau cutané encadré de chaque côté par un, deux ou trois autres lambeaux plus grands. 2» L'ensemble formé par le lambeau porteur de l'organe terminal ' Le Lophius ne possède pas de série représentant le canal anastomotique de la région interoculaire ni de série correspondant à celui de la région occipitale. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 181 et par les lambeaux accessoires a un plan de symétrie normal à la peau, qui coupe chaque lambeau en deux parties équivalentes. Les organes terminaux sont disposés en séries, de telle sorte que leurs plans de symétrie sont tous sensiblement normaux à la ligne qui joint tous les lambeaux centraux. 3° Les séries de la ligne latérale sont au nombre de six : a, la série latérale commence sur la nageoire caudale, longe la paroi latérale de la queue, s'incurve vers le haut et vient se terminer derrière l'œil; elle a deux petites séries accessoires vers son extrémité anté- rieure ; b, la série sus-orbitaire part du point de concours des deux petites séries accessoires de la latérale, passe en dedans de l'œil et va se terminer en avant de la base du tube qui porte l'organe olfactif; c, la série intermàxillaire s'étend transversalement entre les extré- mités antérieures des deux séries sus-orbitaires ; d, la série opercu- laire s'étend transversalement sur le côté de la tête, entre la série latérale et la série mandibulo-operculaire; e, la série maxillo-opercu- laire décrit plusieurs sinuosités en dehors de l'œil, depuis les épines palatines jusqu'à la pectorale ; /, la série mandibulo-operculaire, par- court le profil vertical de la tête d'une pectorale à l'autre, en passant au-dessous de la mâchoire inférieure. 4° Chez un jeune Lophius piscatoritis de 90 millimètres de lon- gueur, et chez le Lophius budegassa adulte, les séries de la ligne laté- rale avaient aussi la disposition que je viens de décrire. 5° Les organes terminaux de la série latérale ne sont pas disposés par groupes correspondants à chaque myomère; ils sont seulement d'autant plus rapprochés qu'ils sont plus postérieurs. G° La série latérale est innervée par le nerf latéral. 7° Les deux séries accessoires de la latérale reçoivent des branches du nerf surtemporal. 8° La série sus-orbitaire est tributaire de l'ophtalmique du tri. jumeau. 9° La série operculaire et les parties des deux séries maxillo-oper- culaire et mandibulo-operculaire qui se trouvent situées en arrière 182 FUI^.DÉIUC GUITEL. de l'operculaire sont innervées par le nerf operculaire superficiel du pneumogastrique qui échange des fibres avec l'operculaire super- ficiel du facial. 10° La partie de la série maxillo-operculaire située en avant de la série operculaire, et la moitié de la série intermaxillaire du même côté reçoivent des filets du maxillaire supérieur du trijumeau. H» La partie de la série mandibulo-operculaire qui va de la série operculaire à l'épine de l'articulaire, et la petite série qui va de la mandibulo-operculaire à la maxillo-operculaire sont animées par le nerf mandibulaire superficiel du facial. 12" La partie de la série mandibulo-operculaire qui va d'une épine articulaire à celle du côté opposé, en passant sous la symphyse des os dentaires, est innervée par les deuxième et troisième nerfs mixtes du plexus compliqué que forment le mandibulaire du facial et le maxillaire inférieur du trijumeau. 13° Les lambeaux cutanés, satellites des séries latérale et mandi- bulo-operculaire, ne font pas partie de la ligne latérale du Lophius; ils ne sont doués que d'une sensibilité générale analogue à celle que possèdent toutes les autres parties de la peau. 14" La peau est composée d'un derme d'autant plus dense qu'on le considère plus près de sa face superficielle; les chromatophores sont situés dans l'épaisseur du derme. L'épiderme a une assise basi- laire de cellules qui donnent naissance à de grosses cellules mu- queuses formant une assise superficielle composée de trois ou quatre couches de cellules d'autant plus grosses qu'elles sont plus éloignées de l'assise basilaire. 15° Les organes terminaux affectent grossièrement la forme d'un tronc de cône dont les deux arêtes auraient été abattues et arron- dies. Ce tronc de cône est formé de cellules en forme de massue, dont l'extrémité distale amincie est prolongée au delà de l'organe par un cil d'une extrême ténuité. 16° La série latérale principale correspond exactement au canal latéral des poissons à canaux muqueux. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 183 17" Les deux petites séries accessoires de la précédente sont les homologues des canaux muqueux surtemporaux. 18° La série sus-orbitaire représente le canal qui occupe d'ordi- naire la même région que cette série. i9° La série operculaire est l'homologue du canal qui perce le préopercule de haut en bas. Les parties des séries maxillo et mandi- bulo-operculaire situées en arrière de la série operculaire doivent être considérées comme des dépendances de cette série. 20° Toute la partie de la série maxillo-operculaire située en avant de la série operculaire est l'homologue du canal sous-orbitaire des autres poissons. 21° La série intermaxillaire n'est qu'une dépendance de la maxillo- operculaire; elle correspond au canal anastomotiqne qu'Allis (26) a trouvé dans la région intermaxillaire de VAmia calva. 22° La partie de la série mandibulo-operculaire qui s'étend d'une série operculaire à l'autre est l'homologue du canal muqueux qu'on trouve d'ordinaire dans la mandibule des poissons. LISTE DES MÉMOIRES CITÉS. i . Gronovius, Muséum ichtliyologicum, Leyde, 17o4. 2. MoNTiN (L.), Beschreibung eines Fishes: Lophius barbatiis in der Kônigl. Schwedischen Akademie der Wissenschaften Ab/iandlungen und der Naturlehre, etc., 1779. (Traduit du suédois en allemand par Abraham Gotthelf Kàstner.) 3. Blogh (M.-E.), Ichthyologie ou Histoire naturelle générale et particulière des Poissons, Berlin, 1786. 4. Shaw, The Naturalist's Miscellany, vol. XI, pi. 422, Londres, 1790. 5. Bhocmi j Systema ichthyologise iconibus CX. illustratum, post obitum autoris opus inchoatum, absolvit, correxit^ interpolavit J.-C. Schneider, Berlin, 1801. 6. DoNOVAN, Natural Eistory of british Fishes, Londres, 1804. 7. Box\APARTE (C), Iconografia délia Fauna italica, Roma, 1832-41. 8 . Stan.nius, Das peripherische Nervensystem der Fische anatomisch undphysio- logisch Untersuch., Rostock, 1849. 9. Leydig (F.), Ueber die Schleimcandle der Knochen fische. {MûUer's Archiv, 1830, p. 170.) 184 FRÉDÉRIC GUITEL. 10. Leydig (F.), Ueber Organe eines sechsten Sirme^^ in Verhandlungen der Kaiserlichen Leopoldino Carolinischeti deutschen Akademie der Natu7'forchers, Dresden, 1868. H. M'DoNNEL, On ihe Syste7n of the latéral Une in Fisckes, in Transactions Oi the Royal Irish Academy, vol. XXIV, Science, 1862. 12. Fée (F.), Recherches sur le système latéral du nerf pneumogastrique des Poissotis, Strasbourg, 1869. 13. ScHULzE (F.-E.), Ueber die Sinnesorgane der Seitenlinie bei Fischen und Amphibien, in Schulze's Archiv fur mikroskopische Anatomie, 1870, p. 62. 14. JoBERT (M.), Études d'anatomie comparée sur les organes du toucher chez divers mammifères, oiseaux, poissons et insectes, Paris, 1872. 15. WiNTHER (G.), Natu7'historisk Tidsskrift, 1874, IX. (Cité par Emery et par Solger.) 16. Solger fB.), Ueber die Seitenorgane der Fische, in Leopoldina, Heft XIV, p. 74, 1878. 17. Day, The Fishes of Great Britain and Ireland, 1880-1884. 18. Emery (C), Le Specie del génère Fieras fer nelgolfo di Napoli e regione limi- trofe, Leipzig, 1880. 19. Merkel (Fr.), Ueber die Endigungen der sensiblen Nerven in der Haut der Wirbelthiere, Rostock, 1880. 20. Trois (E.-F.), Annotazioni sop^'a un organo spéciale e non descritto nelLophius piscatorius, in Atti R, Istit. voieto, vol. VI, 1886. 21. BEA.RD, The System of branchial sensé Organe and their Associated ganglia in Ichthyopsida, in Quarterly Journal microscopical Science, vol. XXVI, 1886. 22. Garman (S.), On the latéral canal System of the Selachia and Holocephala, ivith fifty three plates, Cambridge, septembre 1888. 23. GuiTEL (F.), Recherches sur les Lépadog asters, in Arch. de Zoologie expéri- mentale et générale, 1888. 24. — Sur les canaux muqueux des Cycloptéridés, in Comptes rendus de l'Aca- démie des Sciences, tome CIX, p. 648, 21 octobre 1889. 25. — Sur le nerf latéral des Cycloptéridés, in Comptes rendus de l'Académie des Sciences, tome CXI, page 536, 3 octobre 1890. 26. Allis, The Anatomy and Development of the latéral Une System inAmia calva, in Journal of Morphology, vol. Il, n° 3, Boston, 1889. 27. Chevrel (R.), Sm/' l'anatomie du Système nerveux grand sympathique des Elasmo branches et des Poissons osseux, Poitiers, 1890. RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 183 EXPLICATION DES PLANCHES. Les lettres sont rangées par ordre alphabétique. PLANCHE VI-VII. FiG. 1 . Lophius piscatorius vu en dessus. La queue a été coupée au niveau du premier rayon de la seconde dorsale et la mâchoire inférieure de toute la partie qui dépasse la supérieure, A gauche, on a supposé la peau enlevée et les nerfs disséqués et laissés en place. Dans le but de rendre la figure plus claire, on n'a pas représenté loles filets nerveux, nombreux et.volumineux, qui naissent entre le tronc commun des nerfs maxillaires et celui du facial ; les uns se rendent à la peau, les autres s'insinuent entre le releveurdes mâchoires et l'abaisseur de l'arcade palatine ; 2° les filets terminaux des branches (à) et (6) du nerf maxillaire supérieur qui se rendent à la peau recouvrant l'intermaxillaire et le maxillaire supérieur; 3° les filels du nerf ophtalmique qui se rendent au pédoncule de l'organe olfactif; 4» en général tous les fins ramuscules nerveux des nerfs représentés qui ne se rendaient pas à des organes terminaux de la ligne latérale. Les séries de la ligne latérale portent aussi bien à droite qu'à gauche les lettres suivantes: a, p, b,l, série latérale; b, o, p, o, séries annexes de la série latérale; o, c, série sus-orbitaire; b,d, e, série operculaire; g, c, n, g, d, k, série maxillo-operculaire; f, e, h, partie de la série mandibulo- operculaire située en arrière de l'épine de l'articulaire, seule visible sur la face supérieure du corps ; c, c, série intermaxillaire. a, bout périphérique de la série latérale; elle se prolonge jusque sur la nageoire caudale; apt, muscle abaisseur de l'arcade palato-tympanique; b, point où la série operculaire et la série annexe antérieure prennent naissance sur la série latérale; 6,, première branche du nerf latéral; bj, deuxième branche du nerf latéral ; b^, troisième branche du nerf latéral ; c, point commun aux trois séries intermaxillaire, sus-orbilaire et maxillo- operculaire; il est situé un peu en avant du pied du pédoncule de l'or- gane de l'olfaction; cr, faisceau interne du releveur des mâchoires s'in- sérant par sa moitié interne sur le maxillaire supérieur et par sa moitié externe sur le dentaire; cr', faisceau externe du releveur des mâchoires s'insérant sur Tarliculaire et sur le dentaire ; d, point où se croisent les deux séries operculaire et maxillo-operculaire; e, pomt où la série oper culaire naît sur la mandibulo-operculuire; ea, épine de l'os arliculaire; ef, épine double du frontal postérieur; e/p, épine double du frontal prin- cipal; ehe, épine humérale externe ; ehi, épine humérale interne; ei, épine de l'intermaxillaire; eio, épine de l'interopercule; ej, épine dujugal; em, épine du mastoïdien ; eoe, eoi, épines externe et interne de l'occi- pital externe ;fop, épine de l'opercule; epa, épine palatine antérieure; epp, épine palatine postérieure; osv, épine sous-operculaire verticale; et, FRÉDÉRIC GUITEL. - épine du temporal; f, point où la petite série ascendante {fg) quitte la série mandibulo-operculaire pour aller rejoindre la série maxillo-oper- culaire ; fa, filet antérieur de la branche du nerf latéral innervant les quelques organes terminaux situés en arrière du point p; fc, facial ; fm, petit faisceau musculaire de la partie interne du grand latéral qui s'insère à la face externe et inférieure de l'épine liumérale interne; /p, frontal principal ; g, point où la série ascendante postmaxillaire atteint la série maxillo-operculaire ; gli, faisceau interne du grand latéral; gl^, faisceau externe du grand latéral; h, point où se termine en arrière la série man- dibulo-operculaire; h', point où disparaît sous la face inférieure de la tête la série mandibulo-operculaire; hm, muscle huméio-mastoïdien; ta, nerf interfrontal antérieur; jop, interopercule ; »p, nerf interfrontal postérieur; ts, ligne d'insertion du muscle abdominal du tronc sur le grand latéral; k, point où se termine en arrière la série maxillo-opercu- laire ; /, point où se termine en avant la série latérale ; Ig, ligament résis- tant qui s'insère en dedans sur l'opercule et sur le préopercule et dont les deux chefs vont se fixer à l'interopercule; l'un sur son bord posté- rieur, l'autre sur sa face supérieure à la base et en dedans de son épine; Ig' , ligament reliant le bord postérieur de l'interopercule au bord antérieur de l'opercule et du sous-opercule; Imf, ligament réunissant le maxillaire supérieur à l'extrémité antérieure du frontal antérieur; ma, muscle abdominal du tronc; mfc, membrane réunissant l'opercule et sa tige osseuse au sous-opercule; mq, branche antérieure du nerf cutané mandibulaire du facial; mc^, les deux branches postérieures du nerf cutané du mandibulaire du facial ; me^, branche externe du maxillaire inférieur externe ; ms, mastoïdien ; mxi, nerf maxillaire inférieur du tri- jumeau; mxs, nerf maxillaire supérieur du trijumeau; n, sommet du premier pli saillant externe de la série maxillo-operculaire; ni, nerf latéral; nm^, premier nerf mixte du plexus nerveux de la mâchoire infé- rieure; no, nerf olfactif coupé; nof, nerf ophtalmique du trijumeau; ns, nerf surtemporal du pneumogastrique; o, point de concours de la série sus-orbitaire et des deux séries annexes de la série latérale; o^, operculaire superficiel du facial; o^, branche de ce nerf destinée à la portion {bd) de la série operculaire ; O3, branche destinée à la portion (dfc) de la série maxillo-operculaire ; 04, branche destinée à la partie (de) de la série operculaire; om, faisceau musculaire allant du mastoïdien à la tige osseuse de l'opercule; oms, os maxillaire supérieur; 00c, faisceau musculaire allant de l'occipital externe à la tige osseuse de l'opercule; op, opercule; osf, operculaire superficiel du facial; 05p, operculaire superficiel du pneumogastrique; p, point de la série latérale où prend naissance la série annexe postérieure; pi, palatin; p«, pédoncule de l'organe olfactif; po, préopercule; pf, pariétal; q, extrémité anté- rieure delà série maxillo-operculaire; ro, releveur de l'opercule s'insé- rant en dehors à la face interne de l'épine de cet os et en dedans à la face feupérieure du temporal, et aux faces externes du frontal postérieur et du mastoïdien; ryt, releveur de l'arcade palato-tympanique s'insé- RECHERCHES SUR LA LIGNE LATÉRALE DE LA BAUDROIE. 187 rant en dedans à la face externe de l'épine de los frontal postérieur et en dehors par un de ses faisceaux sur l'os temporal en dedans de son épine, par l'autre sur la face supérieur du tympanal; so, sous-opercule; ss, scapulaire; (p, apophyse du temporal à laquelle s'articulent le sym- plectique et le préopercule ; ir, pointe interne de l'os transverse ; 1 , rameau buccal du maxillaire supérieur destiné à la portion (nd) de la série maxillo- operculaire; ^2, branche du nerf maxillaire supérieur destinée à la peau qui recouvre l'extrémité externe du maxillaire supérieur et à celle qui recouvre l'intermaxillaire; 3, branche du maxillaire supérieur destinée àla portion (ne) de la série maxillo-operculaire; 4, branche du maxillaire supérieur destinée à la portion (cq) de la série maxillo-operculaire ; 5, branche du maxillaire supérieur destinée à la moitié de la série inter- maxillaire; 6, branche du maxillaire supérieur destinée àla peau de l'ex- trémité interne de l'intermaxillaire. FiG. . 2. Une partie de l'arcade palato-tympanique gauche de Lophius piscatorius vue en dessous. afp, apophyse du temporal s'articulant avec le frontal postérieur: am, apo- physe du temporal s'articulant avec le mastoïdien; ang, os angulaire de la mâchoire inférieure ; ao, apophyse du temporal s'articulant avec l'oper- cule; ap, apophyse du temporal s'articulant avec le préopercule; art, os articulaire; ast, apophyse du temporal s'articulant avec le symplectique et le tympanal; /(, contour de la pièce proxiraale de l'hyoïde, coupée non loin de son articulation avec le styloïde ; iop, contour de l'interopercule interrompu dans la partie où il est caché par la pièce proximale de l'hyoïde; yg', jugal; /, ligament réunissant l'angulaire à l'interopercule; po, préopercule ; s, suture du préopercule et du temporal ; s', suture du préopercule et du jugal ; sf, styloïde ; syp, symplectique ; t, grand trou limité en avant parle symplectique, en arrière par le temporal et le jugal; tf, trou pour l'entrée du facial dans le temporal ; tf, trou par lequel le facial sort du temporal; top, trou par lequel sort le nerf operculaire su- perficiel du facial; ip, temporal ; R. Wagner, Ueber das Centralnervensyslem des Fiusskreb-ses [Zeilschr. f. îviss. Zool., Bd XXXIII, 1880). 206 JEAN DEMOOR. à-dire celle qui est opposée à la lésion, reste agissante dans les diffé- rents processus mécaniques du transport. De là les manifestations unilatérales dans la folie musculaire, qui succède à l'opération. L'avulsion de tous les organes des sens d'un seul côté n'entraîne pas d'aussi grands désordres. Le sensorium commune restant intact, les conditions d'équilibre comprenant: les perceptions des excitations périphériques et la coordination centrale des sensations persistent j une éducation nouvelle permettra à l'animal de réagir bientôt nor- malement. Telle n'est plus la situation dans le cas d'une lésion cérébrale. La coordination ne se fait plus que d'un seul côté, donc une seule moitié de l'individu reste physiologiquement agissante ; la rupture de l'équilibre est ainsi fatale et définitive. Quelle est l'explication des phénomènes observés après la lésion du cerveau près de la ligne médiane ? La destruction entame un grand nombre de fibres nerveuses centrifuges et centripètes; elle anéantit plus ou moins certains des centres nerveux partiels médians. Elle ne lèse pas le centre coordinateur. La blessure entraîne donc une diminution dans la transmission au centre des impressions périphériques ; elle amoindrit la valeur psychique des excitations, puisqu'elle attaque un grand nombre de cellules ner- veuses médianes. En somme, elle diminue la fonction d'une moitié du cerveau. Une moitié de l'organisme est notablement affaiblie; la physiologie de cette moitié est atteinte partiellement en quantité et en qualité. De là déséquilibre. Ce déséquilibre est absolument différent de celui que nous analysions plus haut comme conséquence de la destruction d'une des masses latérales du cerveau. B. Fonctions de la chaîiie nerveuse ventrale. L'absence de croisement dans les effets obtenus par la lésion des centres nerveux donne aux expériences faites sur les Arthropodes un caractère spécial qui les différencie absolument de celles qui sont faites sur les animaux supérieurs. Cette particularité nous a engagé à approfondir l'élude de quelques-unes des fonctions de la I MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 207 chaîne thoracique,dont la physiologie généi'ale nous est connue par les travaux de Yung'. Nous avons fait une partie de nos expériences sur le Palœmon chez lequel la transparence des téguments permet d'atteindre faci- lement les ganglions. Les opérations ne présentent aucune difficulté. La partie thoracique de la chaîne ventrale est nettement visible, si l'on rabat les membres latéralement. Avec un bon éclairage, on dis- tingue très nettement les dilatations que présente ce cordon au niveau de chaque paire de ganglions. Avec une habitude suffi- sante et en se servant d'une aiguille bien effilée, on localise facile- ment la lésion dans la moitié voulue du cordon, soit dans le gan- glion, soit dans le connectif. Il faut prendre la précaution de bien maintenir la partie postérieure du corps, afin que les contractions violentes du segment abdominal ne fassent pas dévier l'instrument au moment décisif. Une réaction musculaire générale et intense se produit au moment où l'aiguille atteint le tissu nerveux. Nous tenons l'instrument dans la plaie. L'animal revient au repos. Une très légère rotation de l'ai- guille sur elle-même détermine la convulsion du membre corres- pondant à la région entamée. Par des expériences comparatives, il est aisé de démontrer que la piqûre du ganglion entraîne des mani- festations plus énergiques, plus brusques et plus durables que celles qui résultent de la lésion du connectif. Si l'on examine l'intensité des effets réflexes de la piqûre légère du ganglion (supposons un ganglion droit), on constate qu'elle est maxima dans le membre droit correspondant au ganglion, qu'elle est moindre dans les autres pattes droites, qu'elle est moindre encore dans la patte gauche symétrique de celle à laquelle se rapporte le ganglion lésé, qu'elle est minima dans les autres pattes gauches. L'irradiation peut être représentée schématiquement par la figure ci-jointe, dans laquelle le nombre de flèches est proportionnel ' YUNG, loC. ciU 208 JEAN DEMOOR. à l'intensité réactionnelle. Nous avons expérimenté sur tous les ganglions thoraciques gauches et droits du Palœmon. Nous avons toujours eu des résultats très nets et conformes à ce schéma. La lésion de la chaîne thoracique est très mal supportée par le Palœ- mon. La plupart des opérés meurent au bout d'une heure. Cette irradiation des réflexes est différente de celle qui se produit chez les animaux supérieurs. D'après les lois de Pfliiger, l'irradiation symétrique précède, en effet, l'ir- ^^^^^ ^^^ radiation unilatérale qu'elle sur- passe d'ailleurs en intensité. La chaîne nerveuse ventrale des Arthropodes a une fonction de cen- tre. Nos expériences sur l'irradia- tion des réflexes le démontrent encore une fois, et cela d'autant ^^;^^"' ' ^^^ mieux que les phénomènes se pro- — duisent identiquement quand les commissures œsophagiennes sont coupées. Le Palœmon ne convient cependant pas à l'étude de la chaîne nerveuse comme centre indé- pendant, parce qu'il ne résiste guère aux mutilations expérimen- tales. Nous renvoyons donc, pour cette question, à nos observations sur les Crabes. La section des connectifs réunissant la chaîne ventrale au cerveau détermine les symptômes suivants: 1" réaction générale au moment de l'opération; 2° repos de l'animal après la lésion; les membres prennent des positions légèrement anormales. Par irritation des nageoires caudales, on peut forcer l'animal à progresser dans le liquide; on observe alors que les mouvements des pattes loco- motrices sont imparfaitement combinés. L'équilibre et la sensibilité de l'animal persistent. L'irradiation réflexe est normale. L'excitation de la chaîne ventrale produit des réactions dans tout le corps, excepté dans les antennes, les yeux et les antennules. L'irritation Fig. 1. MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 209 du cerveau amène des réflexes dans ces derniers organes. L'attou- chement des organes des sens ne produit aucune tendance au déplacement. Ces résultats ne concordent pas avec les conclusions que Vulpian*, Faivre% Lemoine ' ont déduites de leurs expériences sur le ganglion sous-œsophagien. Ils considèrent le centre sous- œsophagien comme le siège de la cause excitatrice et de la puissance coordinatrice, le centre sus-œsophagien étant le siège de la volilion et de la direction des mouvements. Nous ne pouvons attribuer aucune fonction spéciale à la masse cellulaire ventrale antérieure du Palœmon et du Crabe. Nos expériences justifient assez cette conclusion pour que nous n'ayons pas à l'expliquer plus longuement. Après la section des commissures œsophagiennes, on constate souvent l'altération des mouvements cardiaques. Chez l'opéré qui nous a servi de type pour la description des symptômes de cette lésion, nous ne comptons plus que trente-sept pulsations à la minute, dix minutes après l'opération. A l'autopsie, nous trouvons que le nerf provenant du ganglion stomato-gastrique a été coupé. Les symptômes cardiaques, dans ces expériences, sont toujours imputables à l'irritation ou à la section de ces nerfs du cœur. Après avoir étudié physiologiquement la chaîne thoracique du Palœmon, nous allons en examiner rapidement l'anatomie. La chaîne nerveuse thoracique est couchée sur la paroi interne de la face slernale de l'animal. Elle se continue en avant par les deux connectifs péri-œsophagiens, en arrière par la chaîne nerveuse abdominale. Elle est formée de deux tractus transparents accolés sur toute leur longueur et interrompus de place en place par des ganglions mats qui correspondent à la sortie des nerfs. ' VuLPiAN, Leçons sur la phtjsiologie du système nerveux. * Faivre, loc. cit.; Physiologie des nerfs crâniens chez le Dytisque {Annales des sciences naturelles, 4^ série, t. IX), et Recherches sur le système nerveux des Insectes {Annales des sciences naturelles, 5^ série, t. I). 3 Lemoine, Recherches pour servir à l'histoire du système nerveux, musculaire et glandulaire de VEcrevisse {Annales des sciences naturelles, o" série, t. IX, 1868); AKCU. DE 200L. EXP. ET GÉN. — '2^ SÉRIE, — T. IX. 1891. 14 2iO JEAN DEMOOR. Sur des coupes longitudinales et transversales de cet organe, on distingue deux parties essentielles : les ganglions et les con- nectifs. Le ganglion a une structure complexe. Nous ne discutons pas les différentes opinions émises sur son histologie. 11 est formé d'une partie interne composée de fibrilles très ténues dirigées dans tous les sens entourant quelques rares cellules, et d'une zone périphé- rique essentiellement cellulaire. Les cellules sont de deux ordres. Les unes, petites et légèrement pyriformes, ont une affinité très faible pourl'hématoxyline, les autres sont extrêmement développées, elles caractérisent réellement le tissu nerveux des Arthropodes et principalement celui des Crustacés. Ces grands éléments sont surtout abondants à la partie interne du ganglion et à l'entrée du nerf dans celui-ci ; ils sont particu- lièrement nombreux à l'extrémité antérieure de la chaîne. Les cel- lules envoient des prolongements à l'intérieur du ganglion. On étudie nettement ces prolongements sur les grandes cellules ner- veuses dans le protoplasma desquelles on les voit naître. Si on les poursuit sur une certaine longueur, on les voit se diviser en un grand nombre de fibrilles éminemment ténues qui se mêlent aux tractus analogues des autres cellules. Le fouillis s'exagère encore par la division fibrillaire du nerf afl'érent. Les fibres de celui-ci carac- térisées, au niveau de leur entrée dans le centre, par le grand nombre de noyaux allongés, très colorés, qui sont accolés à leur surface, perdent ce caractère à l'intérieur de la masse du ganglion. Elles s'y dénudent, en efiet, de leurs noyaux, et s'y divisent en un grand nombre de fibrilles. Dans le fouillis ainsi constitué naissent les fibres nerveuses périphériques. La continuité du prolongement cellulaire avec la fibre primitive du nerf n'est donc pas un fait gé- néral chez le Palœmon. Peut-être ce rapport de continuité directe n'cxiste-t-il même pas. Nous avons fait ces observations avant d'examiner la bibliographie de la question. Nous sommes heureux d'avoir trouvé cette texture '»A. MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 2M décrite très en détail pour l'Écrevisse par Krieger *. Cet auteur donne à cette masse flbriilaire nerveuse le nom de Punktsubstanz. Leydig. Dietl, Schultze, Bellonci en avaient signalé la structure générale avant Krieger. Des commissures transversales réunissent les ganglions symé- triques de la chaîne. Elles sont constituées par les fibrilles signalées plus haut auxquelles se joignent des fibres plus fortes et plus colorées, dont les origines et les destinations sont variables. Nous observons, en effet, ce qui suit : A. Certaines fibres du nerf allèrent traversent le ganglion pour se mettre dans la région médiane du ganglion symétrique. B. Des fibres sortant par la face interne du ganglion entrent, sur une courte longueur, dans la constitution de la commissure trans- versale, se recourbent ensuite à angle droit pour devenir longitu- dinales et se diriger vers les grandes cellules nerveuses internes du ganglion du même côté à un niveau différent de celui du premier. Les fibres longitudinales sont d'autant plus nombreuses que la coupe est examinée plus en avant. Elles prédominent à la partie supérieure de la chaîne et se continuent avec les fibres des commissures péri- œsophagiennes. En allant d'avant en arrière on voit à chaque gan- glion quelques fibres longitudinales se terminer à l'intérieur de celui-ci ; les autres tractus continuent leur route en passant soit dans les ganghons, soit au-dessus, soit en dedans. Des fibres longi- tudinales aboutissent aussi aux grandes cellules nerveuses du plan médian de la chaîne ; nous ne pensons pas que certains de ces cordons passent directement dans le nerf aboutissant au ganglion considéré. II. EXPÉRIENCES SUR LES CRABES. Nous venons d'étudier les réactions motrices du Palœmon. Nous allons faire une étude semblable chez les Crabes. ' Krieger, Ueber das Central nervensystem der Flusskrebses {Zeitschr. tviss. Zool. Bd XXXIII, 1880). 212 JEAN DEMOOR. Nos observations sur les fonctions cérébrales de ce type ne dif- fèrent de celles de Yung qu'en deux ou trois points. Voici quelques expériences : 1° Piqûre de la partie gauche du cerveau de Carcinus mœnas. L'animal, mis en liberté, fuit vers la droite en décrivant une courbe qu'il suit dans le sens du mouvement des aiguilles d'une montre. II est affaissé à gauche. La moitié gauche est saisie bientôt d'une incapacité fonctionnelle progressive; la paralysie attaque suc- cessivement les quatrième, troisième, deuxième et première pattes gauches. Ces membres restent en extension totale, position qu'il est impossible de faire prendre à la patte d'un Crabe normal ; aucun traumatisme superficiel ne détermine un changement dans cette position. La section du segment terminal d'un membre entraîne son autotomie. 2° Lésion de la partie droite du cerveau. Manifestations semblables à celles du numéro \ du côté droit. 3" Destruction totale du cerveau du Portunus puber et du Carcinus mœnas, après section préalable des connectifs periœsopkagiens. Réaction générale au moment de l'opération. Placé dans l'eau, l'animal culbute en avant et tombe sur le dos. Il reste dans cette position en fléchissant sans cesse ses pattes. L'abdomen est étendu. La sensibilité thoracique et abdominale est conservée. L'autotoraie se fait très bien. La sensibilité des antennes internes et externes et des yeux est totalement abolie. Mis sur ses pattes et abandonné alors à lui-même, l'animal culbute immédiatement. Trois jours après l'opération, deux sujets sont encore en vie. Ils sont dans la position renversée et présentent toujours les mouvements des pattes. Si on les met dans leur position normale, ils conservent leur équilibre. Ils ne manifestent aucune tendance à la fuite. Si on les pousse, ils font quelquefois un pas en avant. Dans ce cas, les trois membres loco- moteurs antérieurs travaillent seuls; les pattes postérieures sont fortement relevées et l'abdomen est étendu. En faisant ce pas, le Crabe tombe sur le bord antérieur de sa carapace; mais il se remet MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 213 aui5sitôt en équilibre sur ses membres. L'animal mis sur le dos ne cherche pas à se redresser. L'insensibilité des parties céphaliques persiste toujours. Les manifestations de l'animal sont très lentes; l'autotomie ne se produit qu'après une période d'excitation latente très longue. Pour pouvoir faire l'autopsie dans de bonnes conditions, nous n'attendons pas la mort de l'animal, nous le tuons quatre jours après l'opération. La dissection montre que le système nerveux central est nette- ment isolé de la chaîne et que le cerveau est entièrement détruit. L'examen microscopique de la masse ventrale fait découvrir : 1° Une dégénérescence graisseuse très étendue des petites cellules nerveuses de la masse ventrale, cellules situées principalement à la périphérie des ganglions ; 2® Un aspect granuleux très prononcé des grandes cellules ner- veuses ; 3° Une dégénérescence des faisceaux contenus dans la chaîne ventrale. Cette dégénérescence est de deux ordres. Dans certaines régions, il y a altération graisseuse des tractus nerveux; dans d'autres, il y a tuméfaction, aspect trouble des éléments qui deviennent très peu avides de matière colorante. Nous attribuons la diminution progressive de l'excitabilité des éléments nerveux ventraux au processus pathologique qui envahit le tissu. Le premier stade de ces altérations est probablement l'aspect trouble, que nous devons rapprocher de Vaspect trouble des cellules qui a été décrit dans un grand nombre de maladies nerveuses. Il n'est peut-être pas fautif de rapprocher ces lésions cytologiques de l'altération des cellules nerveuses que Binz* a observée à la suite de l'anesthésie des animaux supérieurs par le chloroforme, l'éther, etc. 4» Destruction du cerveau de Pachygrapsus mormoratus. Placé dans l'eau, l'animal s'incline en avant. Il reprend sa position t BiNz, Zur Wirkungsweise Schlafmacher sloffe [Arch. f.exper. Path. u. Pharmak., 1S76, Bd IV, p. 300). 2U JEAN DEMOOR normale au bout de deux heures et reste alors immobile. La sensi- bilité des appendices céphaliques est anéantie, celle du thorax est conservée. Il n'y a aucune tendance à la fuite. L'attouchement des poils d'une patte provoque une rétraction réflexe avec retour immédiat à la position initiale. Une excitation plus forte d'un membre entraîne la réaction de tous les membres du côté qui a subi cette excitation. Une irritation plus considérable encore amène aussi un mouvement dans les pattes du côté opposé, après une période d'excitation latente très longue. Une excitation dont l'intensité est exagérée détermine des mouvements réflexes dans toutes les pattes sans qu'il soit possible de constater une dif- férence dans la durée de la période d'excitation latente de chacune d'elles. La fin de la réaction est intéressante à observer dans ce cas. Les membres opposés au côté de la patte touchée cessent leurs ma- nifestations en premier lieu ; la patte symétrique de la patte lésée manœuvre plus longtemps queles autres de son côté, puis ellerevient au repos. Les pattes du côté excité cessent à leur tour leurs contrac- tions. Le membre attouché cesse endernier lieu ses réactions réflexes. Dans l'observation des Crabes, nous avons étudié principalement la fonction de centre qu'il faut attribuer à la masse ventrale. La masse duGarcinus convient très bien aux expériences à cause de son grand développement en largeur. Sa forme de lentille, percée au centre d'une large ouverture destinée au passage de l'artère sternale, rend la lésion simultanée des deux moitiés latérales impossible. La cara- pace ventrale étant relativement mince au niveau du ganglion, il est aisé de déterminer les lésions sans ouvrir préalablement l'animal. Nos lésions ont donc été produites directement. Une vingtaine d'expériences ont été faites après enlèvement du tissu calcaire externe et mise à jour du système nerveux; les résultats obtenus dans ce cas sont identiques*à ceux des premières expériences. Nous avons fait aussi la vérification, post mortem, d'un grand nombre de nos opérations. Nous sommes autorisé donc à rapporter les dé- sordres que nous mentionnons aux lésions indiquées. MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACES. 215 Procédé opératoire. — On place le Crabe sur le dos en le tenant sur la table au moyen de la première paire de pattes que compriment l'index et le médius. Le pouce rabat l'abdomen en arrière. La face sternale est ainsi entièrement découverte. Elle a une forme géné- rale ovalaire, sur sa partie médiane existe une excavation ayant la forme d'une pyramide triangulaire, à base postérieure et à sommet antérieur, dans laquelle vient se loger l'abdomen chez l'animal en liberté. La face ventrale est divisée en une série de somites dont les deux antérieurs sont très étroits et n'interviennent pas dans la formation de rexcavation. Les autres pièces, au niveau de la partie médiane du corps, plongent vers Tinté- ■ rieur de celui-ci, pour former par leur en- semble la dépression signalée. La pre- mière de ces plaques (soit donc le troi- sième somite) s'élargit fortement sur la ligne médiane et forme un angle très aigu qui se porte en arrière. Le qua- trième somite n'atteint ainsi la ligne axiale que par un sommet très effilé. ^'s* ^* Le vallon médian a donc, dans sa partie antérieure, la forme d'un losange à grand axe longitudinal. Les côtés postérieurs de cette figure servent de limites antérieures aux deux triangles à base externe dessinés par la partie centrale des quatrièmes segments. Pour atteindre le ganglion thoracique dans sa partie latérale anté- rieure, on enfonce l'aiguille dans le losange antérieur à deux ou trois millimètres en dehors de la ligne médiane, au niveau de la ligne transversale joignant les angles latéraux du quadrilatère considéré (fig. 2, b). Pour parvenir à la partie postérieure et latérale du même ganglion, on introduit l'aiguille dans le triangle du quatrième somite à trois ou quatre millimètres de la ligne axiale (fig. 2, c). Dans les deux cas, il faut dévier légèrement l'aiguille en dedans, quand on l'enfonce dans le corps. Voici le résumé de quelques-unes de nos expériences. 2] 6 JEAN DEMOOR. i : Piqûre de la partie antérieure gauche du ganglion thoracique du Portunus puber. Réaction générale au moment de la pénétration de l'instrument dans le ganglion. Autotomie des deux pattes antérieures gauches quelques secondes après la lésion. Deux jours après l'opération, l'animal présente encore un faciès très caractéristique : les pattes droites, en position normale, sont efficaces pour la progression; les membres gauches sont repliés irrégulièrement et ne fonctionnent plus. 2. Même lésion chez Carcinus mœnas. Réaction violente. Autotomie de la patte antérieure gauche au bout d'une minute. 3. Lésion du ganglion thoracique du Portunus puber /jar une piqûi^e faite au point a. (fig. 2). Réaction convulsive, tétanique. L'animal tombe sur le dos, puis se relève. Cette chute se produit cinq fois. Autotomie de la patte antérieure droite. La période de réaction tumultueuse cesse au bout de quinze minutes; l'animal reste étourdi dans son aquarium; il ne fuit plus si on l'approche. Le réllexe de la patte est très lent. L'au- totomie, après section de l'extrémité de la patte, ne se produit pas. L'animal meurt au bout de vingt-quatre heures. . 4. Lésion de la partie postérieure du ganglion du Qarcinus mœnas. Réaction. Contracture des deux pattes postérieures droites, prin- cipalement de la dernière. Le côté droit est presque entièrement inactif, les réflexes n'y persistent qu'à un faible degré ; la première patte n'est pas fortement atteinte. Les membres gauches sont nor- maux, sauf le dernier qui est dans un état de contracture relative- ment intense. Une irritation assez forte détermine la fuite de l'animal. Les pattes gauches fonctionnent régulièrement, les droites sont atteintes bientôt d'une incapacité fonctionnelle totale. 5. Même lésion chez un autre sujet. Résultats identiques. L'autotomie (consécutive à la section du bout périphérique du membre faite dix minutes après la lésion MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 2|7 nerveuse) est beaucoup plus lente du côté lésé que du côté nor- mal. 6. Lésion au fer rouge du côté gauche du ganglion thoractque du Gar- cinus mœnas. (L'expérience est faite sur cinq exemplaires). Réaction. Pas d'autotomie; ce réflexe ne se produit plus dans aucune patte gauche, même après la mutilation brusque des extré- mités. La lésion périphérique détermine cependant une réaction; les segments de la patte se fléchissent, en effet, les uns sur les autres. 7. Piqûre de la partie antérieure gauche du ganglion ventral du Car- cinus mœnas. Autotomie rapide de la première patte gauche. Réaction des autres membres gauches pendant un certain temps. Après cette période, la tonicité des pattes disparaît; on imprime au membre tous les mouvements sans ressentir aucune résistance. On croit réellement que les nerfs sont coupés. (L'autopsie montre leur intégrité par- faite.) Autotomie de la deuxième patte gauche deux minutes après la lésion. Pendant la période d'excitation latente, la patte était restée à peu près au repos. Tandis que les appendices gauches sont tranquilles, les leviers moteurs droits se débattent dans l'eau. La sensibilité est très amoindrie dans la région thoracique gauche. Nous lésons la partie postérieure gauche du même ganglion, cinq minutes après la première opération. Nous obtenons dans les membres gauches des réflexes très faibles. 8. Lésion consécutive de la partie antérieure et de la partie postérieure du côté gauche du ganglion thoracique du Portunus puber. La première blessure entraîne l'autotomie des deux premières pattes; la seconde, celle des deux dernières. L'examen microscopique du ganglion montre que l'aiguille avait traversé exactement deux ganglions de la masse nerveuse ventrale. Toutes ces expériences peuvent se résumer dans leurs consé- quences et dans leur portée physiologique de la façon suivante : l'irradiation des réflexes dans la masse nerveuse ventrale des Crabes 2i8 JEAN DEMOOR. répond aux lois que nous avons signalées dans l'étude de la phy- siologie du Palœmon. La lésion du ganglion thoracique entraîne une réaction tétanique de tous les appendices du corps. Elle produit des effets spéciaux (autotomie) localisés dans le membre qui cor- respond à la région limitée du système nerveux qui a été atteinte, ou dans les deux ou trois membres qui se groupent autour de ce point. Si la blessure est trop profonde et trop brusque, le phénomène de l'autotomie ne se produit pas ; on ne l'obtient même plus quand on tente de le provoquer par le traumatisme périphérique. Dans ce cas, une réaction motrice, même assez intense, se déclare pourtant encore dans la patte. L'autotomie est consécutive au courant nerveux que le centre ventral lance dans le nerf du membre. Expérimen- talement, on la détermine par l'irritation du nerf ou par l'excitation du centre. Une lésion destructive de celui-ci rend la production du phénomène impossible ou augmente notablement la période d'exci- tation latente. Les mouvements réactionnels qui persistent dans la patte indiquent que l'acte physiologique correspondant à la chute du membre est différent de celui de la flexion des articles les uns sur les autres. L'autotomie est-elle consécutive à l'exagération d'un mouvement habituel de la patte, comme le croit Fredericq * ; ou est-elle consé- cutive à un mécanisme qui lui est propre ? Voilà une question que nous nous poserons plus loin et que nous examinerons alors en détail. La période d'excitation latente dans l'autotomie par excitation centrale est longue. Quand une lésion produit la chute de deux membres, ces deux appendices sont toujours voisins. La période d'excitation latente pour le second peut être très longue. L'au- totomie ne se produit jamais dans la moitié du corps opposée à la lésion. Une excitation qui occasionne l'autotomie d'un ou bien de deux * Fredericq, Sur Vaulotomïe chez les animaux {Archives de zoologie expérimentale, 2» série, t. I, Paris, 1883). MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 219 membres entraîne immédiatement un affaiblissement considérable dans la moitié du corps qui a été atteinte. Elle laisse intacte, du moins pendant un certain temps, l'activité nerveuse de la partie symétrique de l'animal. La valeur individuelle de chaque moitié de la masse ventrale apparaît ici. Chaque moitié est constituée par une série de centres partiels très dépendants les uns des autres, mais à peu près indépendants des ganglions du côté opposé. La coordination des mouvements exige l'intégrité de la masse ventrale- Cet appareil n'est cependant pas le centre de cette fonction. Le siège réel en est dans le ganglion supra-œsophagien. Atteindre cette région, c'est anéantir l'adaptation mécanique des mouvements dans toutes les pattes du côté opéré ; léser la masse ventrale, c'est détruire cette combinaison fonctionnelle dans les membres qui se trouvent en arrière du point blessé. III Pour poursuivre l'étude de la « fonction de centre » du système nerveux ventral, mentionnons les observations suivantes : Action du chloroforme sur les crabes. A. Carcinus mœnas. — L'animal est en pleine période d'excitation au bout de quatre mi- nutes. Pendant ce stade, l'autotomie consécutive au traumatisme périphérique est extrêmement rapide. Pendant la période d'anesthésie, elle est impossible. Si l'on met l'animal dans l'eau immédiatement après les manifestations convul- sives, il faut attendre vingt ou trente minutes pour voir réapparaître l'autotomie. Les premiers réflexes de ce genre qui se déclarent ont alors une période d'excitation latente très longue (trois secondes, cinq secondes). L'animal a retrouvé sa sensibilité et sa mobilité longtemps avant d'avoir récupéré le pouvoir de se débarrasser de ses membres. B.Portunus depurator, Pachygrapsusmormoratus^Pilumnus listellus. — La période d'excitation se déclare rapidement (une ou deux mi- 220 JEAN DEMOOR. nules). Elle est violente. Les membres sont pris de mouvements convulsifs très intenses. Les périodes de secousses se succèdent de très près au commencement, elles sont bientôt séparées les unes des autres par des stades d'épuisement de plus en plus long. Après un certain temps, l'animal tombe sur le dos. A la fin de la période de réaction, on constate quelquefois l'autotomie d'une ou de deux pattes. Action de l'éther. A. Portunus depurator, Pachygrapsus mormo- ratus, Pilumnus listellus.— La période d'excitation, très rapide et très violente, est analogue à celle que provoque le chloroforme. L'animal tombe finalement sur le dos et rentre au repos. Deux Fortunes font l'autotomie de leurs deux pattes antérieures ; un autre fait l'autotomie des deux pattes droites (3^ et 4"); un Pi- lumnus se débarrasse de ses dix membres ; un autre fait tomber quatre de ses pattes. Nous plaçons les animaux hors du milieu des vapeurs anesthési- ques dès que la période convulsive cesse. Nous constatons que les pattes qui sont encore rattachées au corps se détachent par une très légère traction, alors que l'excitation des nerfs correspondant à ces mem- bres ne détermine pas leur chute. Cette ablation facile des appen- dices ne peut se faire que pendant un certain temps consécutif à l'action de l'éther. Cette période terminée (sa durée varie avec l'in- tensité de l'anesthésie), on ne peut plus qu'arracher le membre en déterminant alors des plaies essentiellement différentes de celles résultant de l'autotomie. Quand l'organisme n'est plus sous l'action de l'éther ou du chloroforme, il se sert normalement des appen- dices qu'il a conservés. Action de la. strygunine. L'expérience est faite sur Pachygrapsus mormoratiis . — L'injection d'une solution de sulfate de strychnine sous la carapace dorsale ou dans la région sternale amène quelques convulsions musculaires courtes et faibles. Il n'y a pas d'autotomie. Les animaux mis dans des solutions de sulfate de strychnine au cen- tième ou au demi-centième vivent parfaitement. Nous en avons con- MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 22 f serve pendant trois jours dans ces liquides; ils ont simplement manifesté une courte convulsion une demi-heure après leur immer- sion, et une forte aération de l'eau revenant des cavités branchiales pendant la fin du premier jour et pendant le second jour. Action de la caféine. — L'injection, chez Pachygrapsus de taille moyenne, d'une dose de 5 milligrammes de caféine, détermine, après quelques minutes, une agitation violente et courte. A cette période succède un stade de repos relatif, pendant lequel les réflexes, sur- tout le réflexe de l'autotomie, sont très rapides. Des contractures complètes et très violentes se produisent de temps en temps dans les membres ; l'autotomie ne se fait jamais. L'autotomie indirecte persiste d'ailleurs. La sensibilité générale est atteinte au bout de dix minutes; les réactions motrices s'évanouissent, l'autotomie ne s'obtient plus. L'animal rejette une matière brunâtre parla bouche et meurt au bout de quinze minutes. Action de l'essence de térébenthine. Effets sur Pachygrapsus mor- moratus et Portunus depurator. — Les Crustacés sont plongés dans l'essence. Les animaux présentent une certaine agitation pendant les premières minutes de leur immersion. Ils s'affaissent bientôt, rentrent dans un état de repos absolu pendant lequel ils sont le plus souvent couchés sur le dos. On croirait certainement que les animaux sont morts, si des mouvements buccaux, constants, des extensions et des flexions lentes et légères des membres ne se mon- traient. Au bout de vingt minutes pour le Pachygrapsus, et de trente mi- nutes pour le Portunus, commence le phénomène de l'autotomie. Un Portune quitte successivement ses dix pattes à des intervalles égaux. La chute se produit sans qu'il y ait un mouvement dans le membre. Celui-ci est le plus souvent en demi-flexion ; il ne touche ni le sol, ni les bords de la carapace. Aucune oscillation ne se déclare dans la patte avant la rupture de celle-ci. A un examen très attentif, on constate une trépidation musculaire à la base du membre au moment du phénomène. L'autotomie est nette ; le membre est pro- 222 JliAN DKMOOR. jeté avec une certaine force. Nous avons constaté des autotomies chez Pachygrapse, deux heures et demie après l'immersion de l'ani- mal dans le liquide. Action de la morphine. — L'injection chez Carcinus mœnas d'un demi-centimètre cube d'une solution de morphine au cinquantième, sous la carapace dorsale ou dans le moignon d'une patte autoto- misée, produit des effets très caractéristiques. L'expérience est laite sur trois individus. Aussitôt après l'injection, les animaux se mettent debout sur le bord postérieur du corps et sur les pattes postérieures étendues en arrière. Ils culbutent bientôt en avant ou en arrière et tombent sur le dos. Ils parviennent quelquefois à se relever. Un mouvement désordonné se produit dans les membres au bout de quatre à cinq minutes. L'animal reste en place, mais frappe rapidement et vio- lemment le sol de ses huit pattes locomotrices. Le calme apparaît au bout de vingt ou de vingt-cinq minutes ; l'animal est tranquille au fond du vase ; ses pattes postérieures sont fortement relevées. Au bout de quatre heures, l'allure est redevenue normale. Sur un des trois Crabes, nous poursuivons l'examen des effets de la morphine. Les deux autres Carcinus morphinisés subissent, au moment où finit la période d'excitation initiale, les lésions suivantes : i" piqûre du ganglion ventral dans sa partie antérieure gauche; 2° piqûre du ganglion dans sa partie postérieure gauche. Nous con- statons une contracture très forte de la première patte motrice gauche lors de la première lésion, une contracture moins intense, mais encore très énergique dans le quatrième membre lors de la deuxième opération. La position que prend le membre dans cette circonstance est très curieuse etabsolument caractéristique. La patte est relevée et fortement comprimée contre le bord de la carapace par la contracture des muscles de la base de la patte. Dans toutes les articulations, les fléchisseurs sont en contraction tétanique. Le membre prend ainsi un aspect très tortueux; il possède alors MANIFESTATIONS MOTRICES DES CKUSTACÉS. 223 un tonus d'une grande puissance qui persiste pendant une denii- minute. L'animal mis dans l'eau a une allure étrange. Le côté lésé est gravement atteint, les membres sont immobiles. Les pattes du côté opposé battent l'eau pendant une demi-minute. Cette folie musculaire disparaît, les leviers fonctionnent alors régu- lièrement; le corps est fortement penché du côté de la lésion. L'animal meurt au bout de deux heures. Les deux sujets ont présenté identiquement les mêmes caractères. Les lésions avaient été faites après enlèvement de la carapace ven- trale. L'autopsie a montré que l'aiguille avait pénétré dans les gan- glions de la première et de la quatrième patte locomotrice; elle a montréTabsolue intégrité des nerfs. Nous avons recommencé plusieurs fois cette expérience ; les ré- sultats ont été toujours concluants. Par l'injection d'un demi-centimètre cube d'une solution au cinq- centième, on obtient des symptômes différents. La période de repos arrive rapidement. L'excitation du ganglion abdominal chez les Crabes morphinisés détermine : 1» une contrac- ture générale de tous les fléchisseurs du membre ; 2" l'autotomie de la patte quelques secondes après sa flexion. Nous avons obtenu, chez un sujet morphinisé par la solution au cinq-centième, l'autotomie successive des cinq pattes droites par l'excitation directe du ganglion ventral. Notre but n'est pas d'étudier l'influence des poisons sur le système nerveux des Crustacés. Nous ne nous attardons donc pas sur les efl"ets généraux déterminés par ces substances sur les animaux observés. Au point de vue qui nous intéresse, nous devons rappeler que nous avons obtenu l'autotomie chez les Pachygrapsus, Pilumnus et Portunus depurator par le chloroforme, l'éther et la caféine. Yung^ a vu se manifester le même phénomène chez le Tourteau sous ' YuNG, /oc. cit. 224 JEAN DEiMOOR. l'action de la strychnine. De Varigny* Ta observé dans l'intoxication par la picrotoxine. Nous copions textuellement : « En moins d'une minute, sans mouvements tétaniques, sans convulsions, sans tres- saillements préalables, sans autres symptômes que la raideur et l'inhabilité, les membres sont pris d'une contracture graduelle, intense, qui devient complète en dix ou quinze secondes au plus, et au cours de laquelle différentes pattes s'autotomisent. » Nous avons essayé exclusivement le chloroforme sur Carcinus mœnas et sur Portunus puber. Nous n'avons pas obtenu l'autotomie. Ajoutons que cet anesthésique est celui qui a produit le moins bien le phénomène de la chute des membres sur les différents sujets que nous avons étudiés à ce point de vue. La rupture de l'organe loco- moteur se produit avec le chloroforme et avec l'éther après la période d'excitation, au moment où l'animal se calme ; elle se manifeste, avec l'essence de térébenthine, sans qu'il y ait eu précédemment des mouvements exagérés de la patte; elle se produit, dans ce cas, sans aucuneflexion ou sans aucune extension préalable du membre autour de sa racine, souvent après une période d'excitation latente très longue. La caféine et la morphine occasionnent des convulsions violentes, elles n'amènent jamais l'autotomie; la dernière substance, donnée à un certain degré de concentration, anéantit la possibiUté de ce réflexe. Nous pouvons conclure de ces expériences que l'autotomie est indépendante des mouvements convulsifs. Fredericq a démontré que le muscle extenseur (muscle que nous préférons nommer fléchisseur) est seul indispensable à la mutilation réflexe défensive des Crustacés. Nous nous rallions à cette conclusion. Il décrit le mécanisme de ce phénomène comme suit : «Dès qu'on irrite le nerf sensible d'une patte, on provoque par voie réflexe une contraction énergique de l'extenseur du deuxième article et probablement d'autres muscles ' De Varigny, Action de la strychnine, de la brucine et de la picrotoxine sur Cai- ciiius moenas {Journal, de l'anatomie et de la physiologie, 1889). MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 225 ce qui amène une extension forcée de la patte. La patte vient alors butter contre le bord de la carapace où son mouvement d'extension se trouve arrêté. L'extrémité distale du deuxième article participe forcément à ce mouvement et se trouve fixée médiatement de cette façon. Le muscle extenseur, continuant à se contracter, exerce une traction sur la partie proximale du deuxième article et finit par la séparer de la portion distale qui se trouve retenue. 11 existe là un sillon circulaire entaillant plus ou moins profondément la carapace du deuxième article, surtout à sa face interne, et constituant un locusminoris resistentise^ au niveau duquel s'effectue la rupture*. » Ce mécanisme existe, mais nous croyons qu'il est accessoire et non fondamental. Voici pourquoi : A. Nous voyons se produire l'autotomie chez des individus venant de muer, chez qui la carapace et la patte sont d'une mollesse extrême, et chez qui la rupture du membre est relativement difficile à cause de l'élasticité des tissus non encore imprégnés de calcaire. B. L'autotomie se produit (notamment par Taclion de la térében- thine) chez Pachygraputs, Portunus depurator, Pilumnus listellus, sans mouvements préalables du membre. Celui-ci ne touche ni le sol, ni la carapace; ses articulations sont en demi- flexion et demi- extension. Nous attribuons à l'autotomie un mécanisme (beaucoup plus com- plexe que celui décrit par Fredericq) qui consiste essentiellement en une tendance des pièces proximale et distale du deuxième article à tourner en sens contraire. L'effort de torsion qui se manifeste ainsi dans la patte amène la rupture au niveau du locus minoris resistentiae. Nous ne donnons cette théorie que comme hypothétique, aucune preuve directe ne pouvant être apportée pour la justifier d'une façon formelle. Le muscle fléchisseur (extenseur selon Fredericq) de la base de la patte a son insertion fixe dans la loge musculaire du corps ; son ' Fredericq, loc. cit. ARCH. UE ZOOL. EXP. ET GÉN. — S" SÉRIE. — T. IX. 1891. 15 22G JEAN DEMOOR. insertion mobile a lieu sur le bord proximal de la pièce résultant de la fusion du basipodite avec l'ischiopodite ; ce muscle présente un faisceau accessoire qui a son insertion mobile commune avec celle du faisceau principal, et son insertion fixe sur la paroi interne du coxopodite. Les fibres de ce faisceau accessoire ont une direction autre que celles de la masse principale. La force résultant de la con- traction de ces éléments ne détermine pas une flexion directe du deuxième article de la patte sur le premier, mais elle tend à pro- duire une flexion avec déviation en arrière. Dans le mésopodite s'insèrent le fléchisseur et l'extenseur du carpopodite; chez le Crabe, le premier de ces muscles possède des insertions musculaires fixes dans la partie distale du deuxième article du membre. Le mouve- ment produit par ces muscles, dans le plan passant par l'axe des deux articles, se fait dans une direction à peu près verticale, mais légèrement déviée en avant et en bas. En somme, les parties proxi- male et distale du deuxième somite de la patte sont sollicitées dans des sens différents par la contraction des muscles. Cette sollicitation des parties dans deux directions, angulaires l'une par rapport à l'autre, résulte de la disposition générale des muscles fléchisseurs et exten- seurs du deuxième et du quatrième article ; elle est exagérée par l'existence du faisceau accessoire du deuxième article et des inser- tions du fléchisseur du quatrième article dans l'ischiopodite. Nous devons admettre que l'autotomie est un réflexe qui suppose une coordination musculaire spéciale, déterminant la prédominance des efforts discordants des muscles que nous avons analysés plus haut. Ce réflexe a une coordination musculaire spécifique, puisque chez les espèces à autotomie facile il se produit isolément et d'une façon très nette ; puisque par l'action de la térébenthine on le provoque seul; puisqu'on l'anéantit par la morphine sans détruire pour cela le réflexe de la rétraction exagérée de la patte. On observe cependant chez tous les Crustacés et principalement chez le Carcinus mœnas et chez le Port anus puber que lorsqu'on pro- MANIFESTATIONS MOTRICES DES CRUSTACÉS. 227 voque l'autotomie, il se déclare une réaction violente et préalable du membre avec une poussée de la patte contre le bord de la cara- pace. On note donc, dans ces cas, les phénomènes mis en lumière par Predericq. Gomment expliquer ces manifestations si nous ne les admettons pas comme causes de la chute du membre? Nous croyons que le mécanisme donné parle professeur de Liège intervient comme adjuvant. Le faisceau accessoire que nous avons décrit dans le deuxième article de la patte dépend, en effet, du flé- chisseur de ce somite. Son individualité fonctionnelle n'est pas absolue. Son effet spécial doit être d'autant plus énergique que la contraction générale de tout le muscle est plus forte. Oi-, c'est pré- cisément le travail de ce muscle qui porte le membre en haut el amène le contact de la patte avec la carapace dorsale. Un point d'appui périphérique se réalise ainsi. L'action du flé- chisseur du quatrième article en faveur de la chute du membre deviendra maintenant plus efficace par l'action des efforts qui se manifesteront surtout dans la partie proximale. Les mouvements généraux constatés dans le membre ne sont donc pas les causes actives de l'autotomie ; ils sont des moyens qui favo- risent le développement des forces auxquelles nous croyons devoir rapporter le phénomène. En terminant le compte rendu de nos recherches, nous consi- dérons comme un devoir de remercier M. le professeur de Lacaze- Duthiers d'avoir bien voulu nous admettre avec tant de bienveillance dans ses laboratoires de Roscoff et de Banyuls-sur-Mer. Nous aimons aussi à exprimer toute notre reconnaissance à M. le D' Héger, professeur à l'Université de Bruxelles, qui nous a guidé de ses conseils. CHOSES DE NOUMÉA PH. FRANÇOIS Docteur es sciences, en mission dans l'Océanie. • Les lecteurs des Archives n'ont pas oublié les lettres intéressantes écrites par l'un de nos jeunes docteurs es sciences, maître de con- férences à la Faculté de Rennes, et publiées dans les Notes et revue des volumes précédents. La direction des Archives a pensé que les fragments zoologiques qui suivent devaient être accompagnés de figures, et que, groupés sous un titre général, ils pourraient prendre place dans le corps du recueil; cela, avec d'autant plus de raison que l'un des sujets de ces notes a été l'objet d'observations analogues au laboratoire Arago. Il est, en effet, intéressant de rapprocher les observations faites dans des mers aussi éloignées sur une Actinie singulière, rappelant celle qu'avait déjà vue Sars sur les côtes de Norvège , et que M. Prouho a trouvée à Banyuls-sur-Mer, alors que M. François avait rencontré, sur les îles de coraux, un type fort analogue. A la suite des différentes notes de M. le docteur François, on trouvera celle de M. le docteur Prouho. H. de L.-D. \. SUR LA CIRCULATION DES ARCHES. Nouméa, 13 février 1890. Mon cher Maître, Il est admis, n'est-ce pas, depuis les vieux travaux de Poli, que les Arches ont deux cœurs. Ma bibliothèque de voyageur n'est pas s 230 PH. FRANÇOIS. bien considérable; j'ai vu le fait répété dans Clans et même dans le traité de Fischer ; chez ce dernier seulement avec point d'interro- o-ation. J'ignore "s'il y a eu de plus récents travaux à ce sujet. Quoi qu'il en soit, comme j'ai sous la main en abondance une Arche de belle taille, ArcaèarZ»a^a(?) l'idée m'est venue, l'autre jour, de regarder à quoi ressemblaient ces deux cœurs écartés, de chacun desquels doit partir une aorte, etc. Je vois encore d'ici l'ancienne figure de Poli, qui depuis tant d'années sert à l'instruction et à l'édification des jeunes zoologistes. Or, jugez de mon étonnement et si j'ai été scandalisé en constatant que ce misérable Lamellibran- che (l'Arche), au mépris de toutes les idées admises et foulant au pied les classiques les plus vénérables, se permet d'avoir un cœur comme tout le monde, un seul. Je vous envoie ci-inclus un petit croquis de mes dissections. Les injections ne sont pas faciles à réussir dans ce pays-ci : nous sommes en pleine saison chaude, les masses coagulables presque impossibles à préparer, l'Arche est très difficile à ouvrir sans endommager l'animal; de sorte que les masses liquides filent par les ruptures de l'appareil circulatoire. C'est en cassant la coquille avec un marteau, en faisant une petite fenêtre au milieu de la charnière, que j'arrive à découvrir le cœur; dès lors on le voit battre et, en fendant le péricarde et en l'écartant sur les côtés, on reconnaît la forme du cœur unique qui en part, cela grâce au sang 7'ouge qui gonfle ces organes à chaque pulsation. Le cœur a, comme chez les autres Lamellibranches, deux oreil- lettes à peu près triangulaires, allongées transversalement, ce qui fait que les portions les plus larges de chacune d'elles, les bases des triangles, sont assez écartées et ont pu , à un observateur super- ficiel, faire croire à l'existence de deux cœurs. Le ventricule est fort réduit et présente une sorte de bulbe aor- tique. Je n'ai pas vérifié si le rectum traverse le ventricule, ainsi qu'il en a l'air, ou lui est simplement accolé par du tissu conjonctif. CHOSES DE NOUMÉA. 531 L'aorte, peu après sa sortie du cœur, se dirige à droite et en avant, en s'incurvant; elle donne naissance, sur son- côté gauche, h trois ou quatre troncs secondaires se rendant aux viscères. Au niveau du muscle antérieur adducteur des valves, elle plonge de haut en bas, en des- cendant vers la bouche, elc. Le sang, comme je l'ai déjà dit, est rouge, ou plutôt roux. On dirait, à s'y méprendre, du sang de Vertébré délayé dans un peu d'eau. La couleur est due à de très nombreux globules elliptiques très plats, ayant tous uniformément 21 [>. environ. Au micros- A." cope, ils paraissent de la même couleur (terre de Sienne très claire et un peu ver- dâtre) que les globules des Vertébrés, et dans leur milieu on remarque quelques granulations. Lorsqu'on met du sang d'Arche dans un petit récipient en verre, a', as a», muscles adducteurs. ■1 X j > t 1 C, cœur. il ne tarde pas a se partager en deux , j,„-.„ ,„ , ^ , u , ^ 1 o " ^■^'-' A droite de la figure, globules san> parties : on voit tous les globules tom- ^"'°^- ber au fond, et il ne reste au-dessus qu'un plasma incolore. Les faits que je viens d'énoncer, et que j'ai observés surtout sur une espèce, Arca barbata (?), je les ai vérifiés également sur une espèce très voisine, Ai^ca pilosa (?). Il y a ici encore, je les ai trouvées aux grandes marées, deux ou trois autres espèces d'Arches; je les disséquerai quand il m'en tom- bera sous la main. Appareil circulatoire de VArca barbata. IL OBSERVATIONS BIOLOGIQUES SUR LES LINGULES. Nouméa, 26 avril 1890. Mon cher Maître, Comme je vous l'écrivais il y a quelques jours, j'ai trouvé ré- cemment, tout près de mon laboratoire, un quart d'heure de marche V 232 PH. FRANÇOIS. à peine, un gisement de Lingules [Lingula anatina)^ accompagné de pas mal d'autres choses intéressantes. Or, ces Brachiopodes ont été fort peu observés sur le vivant, d'après ce que j'ai pu constater tout d'abord, en m'en rapportant à ['Histoire des Brachiopodes, par D. P. OEhlert, qui est en appendice au Manuel de conchyliologie de Fischer. Voici comment j'ai trouvé ces Lingules. Revenant un jour de la pêche avec mon Canaque, je passais, la mer étant encore assez basse, auprès d'une grève de sable un peu vaseux, toute perforée de trous d'Annélides. Je dis à Maèa (c'est mon Canaque) : « Toi venir ici demain avec pelle, chercher vers pour moi. » Le lendemain, le gaillard me rapportait quelques Annélides, quel- ques Crabes, les débris d'un Balanoglossus et trois Lingules. Je le renvoyai à la marée suivante, avec ordre de me chercher spécialement les Lingules. II m'en rapporta quatre seulement, en disant qu'il avait bêché un grand espace et qu'il n'y en avait pas beaucoup. J'allai alors voir moi-même ; le Canaque bêchait au hasard. Avant d'employer le même procédé, je voulus chercher s'il n'y avait pas quelque signe extérieur de la présence des Lingules. Je marchais avec précaution sur le sable, dans une région où il y a une petite prairie très clairsemée de zostères très menues (zos- tères ou possidonies?), quand j'aperçois dans le sable un petit ori- fice en forme de fente qui se ferme brusquement. Sans changer de place, j'explore des yeux les alentours et je vois deux ou trois autres orifices semblables. D'un coup de bêche, j'enlève, en une grosse motte, le sable ovi se trouvait l'un d'eux. C'était bien la Lingule . cherchée. Ayant trouvé comment elles révèlent leur présence, j'en ai ramassé, en moins d'une heure, une trentaine de toutes tailles, depuis moins de 0°^,0lo jusqu'à 0",03 de longueur. Ce qui prouve que les Lingules vivent au moins plus d'une année, différant en cela des GlotLidia, genre très voisin cependant, dont la durée d'existence serait beaucoup plus courte, puisque, d'après Morse, CHOSES DE NOUMEA. ^^3 .■jitfeé elles atteindraient leur complet développement en une saison. Les Lingules vivent, d'après ce que j'ai . : constaté et les renseignements que j'ai ;; recueillis, dans les grèves vaseuses où '- ç^ poussent, assez clairsemés, des phanéro- games marins (zostères, possidonies et un autre genre à tige rampante et jolie feuille lancéolée, dont j "ignore le nom). Elles sont enfoncées verticalement, la par- tie supérieure seulement de la coquille af- fleure la surface du sable par un orifice en forme de fente à trois dilatations, corres- pondant aux trois bouquets de longues soiesdu bordsupérieurdu manteau (fig. a). L'animal est en haut d'un tube d'une dizaine de centimètres de profondeur, dé- primé de façon à ne laisser que juste le passage à la coquille. Ce n'est pas un tube, à proprement parler, comme celui des AnnéHdes ; le sable est seulement écarté et tassé, l'intérieur est garni de la muco- sité que sécrète la Lingule (fig. b, c). Le pédoncule est très allongé, sa partie inférieure logée dans un véritable tube de sable aggloméré par de la mucosité. Aus- sitôt que la bestiole sent l'approche d'un it> ^' Ê^"!^ fijf Wi^ WUf Lingule Anatina {in situ). danger, le pédoncule se contracte brus- «, Orifice trilobé à la surface de la grève. quement sur lui-même et rentre en en- b, c, coupe montrant de face et de profil la position de l'animal dans tier dans son tube de sable, au sommet le sabie à létat d'extension. , , , .,, ^ ■ • 1 Dans la figure 6, on a représenté duquel la coquille se trouve ainsi brus- p^r un pointuié la situation occupée quement amenée (dans la figure b, ci- p«^ i'^»i"^«i rétracté. contre, la position de la Lingule rétractée est figurée en pointillé). Cet appel violent, car le mouvement est aussi rapide que celui 2M4 PH. FRANÇOIS. d'une Annélide tubicole, d'une Serpule par exemple, détermine presque toujours l'obturation complète, par le sable et autres débris de la grève, de la petite fente révélatrice de la Lingule ; c'est pourquoi, lorsqu'on s'avance sans précaution, il est à peu près im- possible d'en apercevoir une seule. L'animal recueilli, il est très facile de le faire vivre en aquarium, ou même simplement dans une cuvette dont on renouvelle l'eau de temps en temps ; il n'est même pas nécessaire de le faire tous les jours. La vitalité , comme chez tous les Brachiopodes, est très grande. J'en ai une vingtaine, depuis trois se- maines environ, dans une petite cuvette photographique en verre de O^/IO X i)"\io, et je n'ai pas eu un seul décès à déplorer; bien plus, toutes celles, et elles sont nom- breuses, dont le pédoncule avait été rompu, sont en train de le reconstituer. Je reviendrai tout à Linguia Anatiia {circulation). l'hcure sur cettc réfcction du pé- 1. Appareil circulatoire dans un feuillet du doUCule ; jC VOUS parlerai d'abord manteau. 2. Globules du sang. de la circulation, ' qu'il est facile 3. Extrémité très ffrossie d'un des troncs- j) i i • i x • ^ . . ^, . d observer sur le vivant et qui pré- sinus secondaires du manteau. ^ -^ Dans les figures 1 et 3, les flèches indiquent seiltC quelqUCS particularités iuté- la direction du courant sanguin. ressantes et peu connues, je crois. En plaçant dans un verre de montre, sous une forte loupe, une Lingule de la plus petite taille possible, qui est alors transparente, on voit bien l'ensemble de l'appareil circulatoire, fort simple du reste. Le croquis ci-joint remplacera avantageusement une longue description. Il représente l'appareil circulatoire de l'un des feuillets du manteau, feuillet ventral; le feuillet dorsal est exactement sy- CHOSES DE NOUMÉA. 235 métrique. Cet appareil est, comme on le sait, un système de sinus ou espaces lacunaires, prolongements dans le manteau de la cavité périviscérale. Ces prolongements pour chacun des lobes du manteau ont leur origine à droite et à gauche sur les côtés du corps, entre les groupes de muscles. Sur chaque valve, il y a cinq insertions musculaires : quatre paires et une impaire médiane postérieure; ce sont, entre les deux paires antérieures correspondant pour la valve ventrale qui est figuré.e sur mon croquis : i° Les antérieures aux adducteurs et protracteurs de la valve dorsale; 2° Les postérieures aux rotateurs et rétracteurs de la valve dorsale, que partent les deux troncs émettant de part et d'autre des troncs sinus secondaires. Le premier de ceux-ci, du côté externe, est plus considérable que les autres, s'incurve vers l'arrière dans la partie pos- térieure du manteau, et émet des ramifications de troisième ordre. Les autres troncs secondaires sont parallèles entre eux : les ex- ternes se dirigent en dehors et vers le haut; les internes, qui sont al- ternativement courts et longs, se dirigent vers l'intérieur et le bas. On voit facilement le sang parcourir d'un mouvement rapide tous ces sinus, qui constituent, en somme, l'appareil respiratoire de la Lingule ; le mouvement de circulation est très régulier et rapide, le courant continu, dû aux cils vibratiles qui tapissent les parois des sinus comme la cavité du corps dont ceux-ci sont le prolongement. Je n'ai pas vu de trace des ampoules contraclUes signalées par Morse, dans le manteau. Dans chacun de ces canaux du manteau, depuis les plus gros jusqu'aux ramifications les plus fines, le sang se dirige constam- ment suivant deux courants : courant d'aller et courant de retour; et la limite de ces deux courants est tellement nette et tranchée que l'on pourrait être tenté de croire que chacun des sinus est divisé en deux parties par une cloison longitudinale. Et cela, d'autant mieux 236 PH. FRANÇOIS. que la paroi du sinus présente un petit épaississement longitudinal sur sa ligne médiane. Mais, à la dissection, on se rend compte qu'il n'v a qu'une cavité unique, de même que, dans une observation attentive et prolongée sur le vivant, on remarque parfois des glo- bules sanguins égarés passer du courant montant dans le courant descendant, et réciproquement; d'autres, souvent, s'arrêtent hési- tants entre les deux courants et contribuent, lorsqu'ils sont assez nombreux, à présenter l'apparence d'une cloison médiane. Toutes les ramifications se terminent en culs-de-sac arrondis, au fond desquels on voit très nettement le courant faire un demi-tour sur lui-même, le courant d'aller se transformer en courant de retour. Les flèches que j'ai placées sur mon croquis indiquent la direction des courants sanguins. Dans les deux grands canaux de premier ordre, le courant est ascendant du côté interne et pénètre dans tous les sinus secondaires de ce côté qui se dirigent intérieurement et vers le bas. Le courant descendant est au contraire du côté extérieur et irrigue tous les sinus secondaires qui vont à la périphérie du manteau. Le plus grand de ceux-ci, qui se répand dans la région postérieure en donnant des ramifications de troisième ordre, ne reçoit de cette façon que du sang qui a déjà parcouru toute la partie antérieure du manteau. La circulation des Lingules présente donc ce phénomène que chacun des troncs ou chacune des branches du système des sinus, remplit seul et en même temps le rôle d'une artère et d'une veine; et cela d'une façon très nette et très tranchée. Dans la cavité du corps, on voit le sang continuer son cours régulier sous l'influence des cils vibraliles dont celle-ci est tapissée. Les mésentères qui suspendent l'estomac et l'intestin ne forment pas des cloisons continues ; le sang les traverse par les lacunes qu'ils présentent. D'après Morse, il existerait dans les bandelettes soutenant le tube digestif un mouvement circulatoire qui correspondrait an système pseudo-hémal des vers. CHOSES DE NOUftJÈA. "237 Je n'ai pu contrôler le fait ; les exemplaires de lingules les plus petits que je possède ne sont pas encore assez transparents pour permettre une observation aussi délicate, et je n'ai pu encore réussir les injections. Il est à peu près impossible de détacher la coquille du manteau, surtout sur le vivant, sans faire à celui-ci quel- ques déchirures par lesquelles tout le sang s'échappe immédiate- ment. La cavité du corps se prolonge dans les bras et dans le pédoncule. Dans les bras, il existe trois cavités ou canaux : Un sinus central, canal du bras ; Le canal des cirrhes ; Et enfin, un troisième très petit, canal de la lèvre. Les bras ont été longtemps considérés comme étant les principaux organes de la respiration des Brachiopodes. Woodward croit que leur enroulement n'a d'autre but que celui d'augmenter la surface respiratoire. Je suis d'un avis tout opposé. Pour moi, le manteau est l'organe principal, sinon unique, de cette fonction ; les bras n'y contribuent pas plus que les parois du corps. Leur structure charnue et muscu- laire, l'épaisseur de leurs enveloppes l'indiquent suffisamment. Les cirrhes ont également des parois épaisses musculeuses, ri- gides ; à leur intérieur, le sang n'est pas animé de ce mouvement rapide et continu d'aller et de retour qui se voit si nettement dans les sinus du manteau. L'enroulement des bras, à mon avis, aurait pour but non d'offru' une plus grande surface à la respiration, mais de permettre à lani- mal de tamiser plus exactement l'eau qui pénètre entre les valves, afin d'en retirer le plus possible des particules nutritives qu'elle contient (infusoires, diatomées, etc.). De même qu'il pénètre dans les bras, le sang pénètre également dans le pédoncule dont l'axe est creusé d'une cavité se continuant jusqu'à son extrémité où elle se termine dans une petite ampoule spéciale. 238 PH. FRANÇOIS. Nous reviendrons tout à l'heure sur le pédoncule. Le sang est d'une couleur rose violacé opaline due à la présence d'un grand nombre de globules. Ceux-ci sont en forme de petites cupules ou plutôt de petites calottes plus ou moins arrondies, plus ou moins coniques, ayant une dimension constante de 20 à 2o jx de diamètre (fig. 2). Aussitôt que le sang est sorti de l'appareil circulatoire et mélangé d'eau, les globules perdent leur forme ; ils se ratatinent et semblent de petits disques irréguliers dentelés sur les bords. Le pédoncule est adhérent à la partie postérieure de la valve ven- trale du manteau dont il est, du reste, un prolongement très modifié. Il est constitué par plusieurs couches distinctes : 1° A l'extérieur une mince cuticule chitineuse; imperforée d'après Dali; 2° Une couche gélatineuse hyaline, de consistance cartilagineuse. En coupe, on peut voir qu'elle est formée de feuillets concentriques; 3" Une mince couche de fibres musculaires transverses ; 4° Une couche de fibres musculaires longitudinales ; 5° Une cavité centrale dans laquelle circule le sang. Sur le vivant, le pédoncule dont les deux couches externes sont très transparentes semble un bâtonnet cristallin pourvu d'un axe opaque blanc. Il présente à la surface une annulation (voir le croquis fig. \) qui est sans doute un froncement dû à la contraction des fibres mus- culaires longitudinales, et doit disparaître lorsque l'animal étant en place dans sa grève, le pédoncule est à l'état de grande extension. Sur tous les exemplaires que je possède vivants dans une cuvette (cinquante environ), le pédoncule est terminé par une ampoule rosée gorgée de sang, qui est une dilatation du canal central. Cette am- poule a une paroi mince, se crevant facilement. Elle sécrète la ma- tière hyaline qui entoure le pédoncule; cette matière, lors de sa sécrétion, est agglutinative, se fixe au fond de la cuvette et amasse grains de sable, spicules et débris de toutes sortes. CHOSES DE NOUMÉA. 239 Si un pédoncule (ce qui arrive fréquemment) se brise à son inser- tion au manteau, la cicatrisation se fait rapidement, puis on voit bientôt un petit bourgeon se former. II s'allonge ; c'est un petit tube gorgé de sang; il teud déjà à former une petite ampoule à son extrémité. Bientôt, quand il a atteint une certaine longueur, 1 centimètre environ, il commence à sécréter son enveloppe hyaline. Cette sécrétion continue et augmente à mesure que le tube san- guin croît. On voit déjà le commencement de l'aspect annelé du pédoncule. Une grosse lingule, qui est à ce stade dans une de mes cuvettes, a un petit pédoncule de 0,015 de long sur 0,002 de diamètre. Celui-ci a agglutiné du sable et autres débris, et adhère légèrement au fond du vase. Le sang qui circule dans l'axe du pédoncule, outre les globules sanguins ordinaires, contient des corpuscules fusiformes plus ou moins réguliers dont la taille varie de 20 à lOU y. de longueur, ils présentent parfois quelques stries longitudinales. Faut-il voir là des globules transformés ou des fibres musculaires en formation qui se seraient détachées de la paroi? Il est à remarquer que ces corpuscules, lorsqu'ils ont leur moindre dimension, 20 |x, sont exactement de la même taille que les globules sanguins, et qu'on en trouve à tous les degrés de développement jusqu'à iOO [X. 19 mai. Voici un mois et demi que j'ai mes lingules en cuvette ; elles vivent toujours parfaitement. Je les observe souvent mouvant leurs valves d'une façon bizarre : les entre-baillant soit à l'avant, soit à l'arrière, les frottant l'une sur l'autre comme les deux mains d'un monsieur qui se réjouit d'une bonne nouvelle, ou leur impri- mant un mouvement de latéralité comme celui des mâchoires d'un ruminant; puis, tout d'un coup, par une contraction brusque, expul- sant l'eau et se rétractant sur leur pédoncule. Les manifestations de lalingule vivante sont peut-être ce qui contribuerait le plus à lé- loignerd'un mollusque, tant elles diffèrent des allures de ce dernier. ^40 PH. FRANÇOIS. III. MOEURS d'un murex. Nouméa, 8 mai 1890. Mon cher Maître, Je reviens de pêcher sur un petit banc qui découvre par les fortes marées. J'y trouve d'ordinaire quelques échantillons de coraux tout détachés, bien vivants, faciles à transporter et à faire vivre en aqua- rium. On y rencontre en abondance un gros Murex (M. fortispinna) qui se promène, cherchant sa pâture à la surface de ce banc, parmi les coraux, les zoslères et les débris de toutes sortes que les cou- rants y accumulent. J'avais déjà remarqué, en examinant la coquille de ce Murex, que le bord externe de l'orifice de celle-ci, parmi les dents en nombre variable qu'il comporte, en présente une beaucoup plus forte que les autres, située vers le tiers antérieur, dirigée vers le bas, lorsque la coquille est placée dans sa position naturelle, c'est-à-dire l'ori- fice reposant sur le sol ; et que cette dent semble toujours plus ou moins usée comme par un frottement, tant du côté interne qu'à l'extérieur, tandis que les dents voisines sont intactes. Je ne pouvais trouver d'explication à ce fait, lorsqu'en ramassant aujourd'hui un de ces Gastéropodes, je compris le rôle de cette dent et la cause de son usure. Ce Murex était en train de dévorer une Arche volumineuse ; avec son pied, il la tenait fortement serrée contre le bord de sa coquille, et dans cette position, la dent qui nous occupe, enfoncée entre les deux valves de la victime, les empêchait de se fermer, tandis que le bourreau, pouvant alors introduire sa trompe sans danger, se délec- tait de la chair et du sang de l'infortuné Lamellibranche. Celle observation m'a semblé intéressante et cette adaptation d'une 'partie de la coquille à ce mode de préhension des aliments très particulier mérite d'être notée. L'Arche en question, Arca, sous-genre Anaciora pilosa^xii à moitié CHOSES DE NOUMÉA. 241 enfoncée dans les grèves de cailloux et débris de coraux. Il faui avoir l'œil très exercé pour reconnaître sa présence, car il n'y a d'apparent que le bord postérieur de sa coquille avec les oriflces du A^ Murex fortispinna. La coquille vue par le côté de son orifice et montrant en a la dent spéciale qui sert à ce Murex à ouvrir les lamellibranches d jnt il se nourrit. manteau. Mais à la moindre alarme, elle referme brusquement ses valves, en projetant en l'air et obliquement quelques gouttes d'eau ; c'est généralement ce qui la fait découvrir. Je ne crois donc pas que le Murex puisse la prendre par surprise, il n'est pas assez rapide pour cela ; en revanche, il est doué d'une grande force. Il doit donc, à mon avis, après avoir tiré l'Arche de la grève, la saisir avec son pied, puis rentrant dans sa coquille la serrer ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 20 SÉRIE. — T. IX. l,Si)I. IG 242 PH. FRANÇOIS. fortement en plaçant le bord des valves sur sa dent en coin contre laquelle l'opercule contribue encore à la pousser. Quelle que soit la puissance des muscles de l'Arche, elle ne peut résister à la pression considérable qu'elle subit; le coin entre, les valves sont écartées, le repas commence K 13 mai. J'ai fait une photographie delà coquille et je vous l'envoie. IV. SUR UNE ACTINIE. Je vous envoie dans cette lettre un croquis décalque levé rapi- dement sur les dessins que j'ai faits d'une petite Actinie très cu- rieuse que j'ai observée il y a quelque temps. Elle vit fixée par petits groupes sur des débris de coraux morts, à moitié enfouis dans le sable, et autres détritus sur les îlots qui avoi- sinent la rade de Nouméa. La particularité curieuse que présente cette petite Actinie, c'est d'avoir le corps divisé en deux régions distinctes par une couronne d'appendices papilleux semblables aux tentacules ramifiés ou papil- leux de certains Actiniaires {Phyllactininae ou Thalassianthinx). Jusque-là rien de bien étonnant, mais ce qui est particulièrement bizarre, c'est que la moitié antérieure du corps rentre, à la volonté de l'animal, dansia postérieure, et même que ce phénomène se pré- sente normalement plusieurs fois par jour ; et dans cette condition, on croit voir une seconde Actinie appartenant à un autre groupe que la première et en différant considérablement. Voici, du reste, l'explication de mes croquis. Les figures i, 3, 5, 1 Pour aider le graveur préparant le cliché îi l'aide de la photographie, des exem- plaires de Murex de la même espèce ont été pris dans la collection de la Sorbonne pour lui être communiqués. Or, fait à noter, ils ont tous présenté cette dent particu- lière bien polie et inclinée vers le dedans de la bouche de la coquille. Sur les échan- tillons de quelques autres espèces examinées, la dent n'existe pas. Il y a donc bien là une disposition spéciale en rapport avec une condition biologique fort nettement caractérisée. Il est sans doute curieux de voir, sur des échantillons probablement acquis pour la collection il y a déjà longtemps, présenter un caractère dont la cons- tatation a été due à une observation biologique. CHOSES DE NOUMÉA. 243 sont grossies au double environ. Les figures 2 et 4 sont amplifiées cinq fois environ. La figure 1 représente une de ces Actinies de développement moyen dans son état de plus grande extension. Elle a quarante-huit tentacules et douze appendices papilliformes au milieu du corps. La partie antérieure plus transparente laisse voir le tube œsophagien qui la traverse dans toute sa longueur pour venir déboucher dans la région postérieure. Lorsque la partie antérieure est invaginée dans la postérieure, comme le montre la figure 4 pour le même individu, on ne voit plus de tentacules*; mais seulement les appendices papilliformes disposés symétriquement autour d'un disque perforé d'un orifice en son centre. On croit avoir alfaire à une autre Actinie. Cette figure montre également les grosses papilles {pa) verdâtres, opalines, à aspect fluorescent, qui se trouvent sur les appendices du premier cycle. On reconnaît au microscope que ces papilles verdâ- tres sont bourrées de nématocystes, tandis que les autres parties de l'appendice n'en renferment pas. La figure 5 représente de la même façon une partie du disque et des appendices d'un individu plus âgé (vingt-quatre appendices) ; ici les appendices de premier cycle ont deux pustules à nématocystes. Au contraire, la figure ^2 représente des individus plus jeunes. J'en ai même eu un tout jeune, très petit, semblable tout à fait à une petite Actinie ordinaire, sans trace de la couronne médiane d'appendices, mais je l'ai perdu avant d'avoir pu le dessiner. La figure 2 représente trois états d'un jeune individu dans lequel la couronne de papilles est en voie d'apparition ; il n'y a encore que cinq papilles du premier cycle différenciées de la couronne de bour- relets qui avait apparu préalablement, et on peut même constater par la différence de leur développement qu'elles sont apparues successivement. Il serait intéressant, si la chose était possible, de savoir si le premier appendice apparu correspond au premier tenta- cule de l'embryon. A cet état jeune, l'animal ne possède pas encore > La figdre 1 est une vue de profil; la figure .S est une vue de face par en dessus. 244 PH. FRANÇOIS. les pustules à nématocystes, mais il jouit déjà de la faculté de rentrer une moitié de son corps dans l'autre. La figure a le montre complètement épanoui. Dans la ligure ô, la moitié antérieure est rentrée dans la postérieure et on l'aperçoit par transparence sous forme d'une masse plus sombre. La figure c représente le même individu au moment où il va se dévaginer ; les tentacules apparaissent en faisceau sortant de la bouche, c'est-à-dire de la deuxième bouche, bouche secondaire. Chez un individu un peu plus âgé, les six appendices de premier ordre sont apparus et déjà en partie pourvus de leurs pustules à nématocystes avant l'apparition des appendices de deuxième ordre. La figure 4 représente deux tentacules de l'individu figure 1 : a, tentacule anomalement ramifié; é, tentacule normal. Avec un fort doublet, on reconnaît la présence de petits amas blanchâtres de nématocystes. Voilà en quelques mots et avec quelques croquis trop vivement crayonnés (mais d'une exactitude rigoureuse) la description d'une petite bête fort curieuse et fort jolie. A quoi correspond cette faculté d'auto-absorption ? Quel en est le but? Ne pourrait-on pas voir là un mode de préhension des aliments analogue à celui usité par les Holothuries? Et la couronne de tenta- cules ne serait-elle pas absorbée lorsque ceux-ci ont récolté un certain nombre d'infusoires ou autres animalcules de la vase ou sable au contact duquel vit notre Actinie. Je ne me rappelle pas avoir lu nulle part un fait analogue chez les Zoanlhaires; c'est pourquoi je vous envoie cette observation pour en faire l'usage que vous croirez convenable (communication à l'Institut ou insertion aux Notes et Revue). Si la bête représentait un genre nouveau, soyez son parrain, et une bonne lettre de vous rem- placera avantageusement pour moi la boîte de dragées traditionnelle. Votre tout dévoué et reconnaissant, Pn. François. CHOSES DE NOUMÉA. 245 EXPLICATION DE LA. PLANCHE IX. FiG. 1 . Actinie (?) trouvée à Nouméa. Individu de taille moyenne à l'état de grande extension. Grossi au double environ. 2. Jeunes individus de la même espèce, a, complètement épanoui ; b, avec la partie antérieure du corps rentrée dans la postérieure; c, en train de se dévaginer. Grossi 5 fois. 3. Le même individu que dans la figure 1, vu par le disque, la partie anté- rieure du corps rentrée dans la postérieure, pa, papilles à nématocystes. Grossi 2 fois. 4. Tentacule anormal ramifié a, et tentacule normal b, du même individu. Grossi 5 fois. 5. Portion du disque secondaire d'un individu très développé, avec deux rangs de papilles à nématocystes pa. Grossi 2 fois. OBSERVATIONS SUR LA G ON AC TINT A PB 0 LIFE B A (SARS) DRAGUÉE DANS LA MÉDITERRANÉE HENRI PROUIIO Docteur es sciences, préparateur au Laboraloiro Arago. Sars a découvert (1833), sur les côtes de Nomège, une très inté- ressante petite Actinie qui se reproduit par scissiparité transversale. L'illustre naturaliste a nommé cette Actinie Gonactlnia proliféra et en a donné une description détaillée accompagnée de très bonnes figures. On ne s'explique pas que cette intéressante observation de Sars ait passé inaperçue pendant de longues années. Il semble que ce fait de la scissiparité transversale, unique chez les Actiniaires et constaté par un zoologiste de la valeur de Sars, aurait dû attirer l'attention, et cependant, on ne le trouve pas signalé dans les ou- vrages didactiques, à côté des observations de Semper sur la scissi- parité des Madréporaircs : Flabéllum et Fungia. Il était à craindre que la Gonactlnia ne fût pour longtemps encore laissée dans l'oubli, lorsqu'un excellent mémoire de MM. Blochmann et Hilger est venu la signaler de nouveau à l'attention des zoologistes ^ C'est aussi sur les côtes de Norwège que MM. Blochmann et ([ilgor 1 Veher Gonactinia proliféra, eine durch Quertheilung sich vermehrends AcHnie {Morph. Jahrb., Bd. XIII, 1888). 248 HENRI PROUHO. ont rencontré la petite Actinie de Sars. Il ressort de l'étude qu'ils en ont faite, que la Gonactinia est intéressante, non seulement par son mode de scissiparité transversale, mais aussi par sa structure ana- tomique. Elle présente en effet, dans l'arrangement des cloisons, une disposition unique parmi les Actiniaires, disposition que MM. Blochmann et Hilger résument dans la formule suivante : R — w — G — M — G — m — m\ — R I R — m — m — G — M — G — m — r dans laquelle, r= cloisons d'orientation | , . ' •. , ! macrosepta G = cloisons génitales i M = cloisons à mésentéroïdes microsepta m ■= cloisons sans mésentéroïdes L'orientation des muscles des macrosepta est la même que chez les Edwarsise. M. Boveri^ s'est récemment préoccupé de rechercher les rapports de \?i Gonactinia avec les principaux types d'Actinie dont l'anatomie est suffisamment connue, et il a montré que ce type, unique, pour le moment, paraît dériver des Edwarsise au même titre que les Hexaclinise et les Monaulese et que, d'autre part, ces deux derniers types forment, avec la Gonactinia, une série continue. MM.. Blochmann et Hilger font remarquer que \a. Gonactinia e?,t très répandue sur les côtes de Norwège; je reproduis ici le passage de leur mémoire dans lequel ils relatent les diverses observations qui ont été faites de celte Actinie -. « Sars l'a observée im Bevgensfjord, bei Glesvaer und Flord. Plus tard (1849), il l'a trouvée à Tromsu, par dix à vingt brasses de pro- fondeur, parmi des Nullipores, et à ffammerfest, où elle doit être commune à la même profondeur, sur Delesseria sinuosa, et il créa, pour elle, le nouveau genre Gonactinia. Ultérieurement, elle a été observée à une profondeur de 10 à 30 brasses en môme temps que » Ueber Enlwildung und Verwandtschafsbeziehungen der Aktinien {Zeit. f. wiss. ZooL. Bd. XLIX, 1890). 2 Blochmann et Hilger, loc. cit., p. 386. OBSERVATIONS SUR LA GONACTINIA PROLIFERA. 240 VEdivarsia tuberculata, im Korsfjord und Herlofjord, tous deux à environ 2 milles de Bergen \ » Quant à MM. Blochmann et Hilger, ils l'ont recueillie dans une petite île, Fladholmen, située dans le voisinage de Bergen, par une profon- deur de 2à3brasses,sur des coquilles de Modiolaria,en octobre 1888. Ce n'est pas sans quelque surprise que j'ai retrouvé la petite Actinie norwégienne sur les côtes du Roussillon, à la fin de l'année 1890. Je l'ai rencontrée sur des touffes de Cellaria fistutosa [Salicornaria farciminoides) provenant d'un dragage effectué par l'embarcation du laboratoire Arago, à 4 milles est du cap Béar, par 80 mètres de fond environ. C'est, à ma connaissance, la première fois que cette Actinie est recueillie dans la Méditerranée. Les caractères de la Gonactinie méditerranénne sont identiques à ceux de la Gonactinie norwégienne, avec une légère différence dans la coloration. Les individus observés par SarsetparMM. Blochmann et Hilger étaient légèrement rosés (Fleischroth, Bl. et Hil. ; Mennig- rotb, Sars), tandis que ceux de la Méditerranée sont blancs ; on conviendra que cette différence est négligeable. La disposition des tentacules, en deux cycles de huit chacun, est la même, et j'ai vérifié, sur des coupes transversales, les observations de MM. Bloch- mann et Hilger sur la disposition des cloisons et de leur musculature. Les dimensions de notre Actinie sont les mêmes que celles indiquées par Sars, savoir : chez un adulte, colonne, 3 millimètres ; tenta- cules, 3 millimètres ; diamètre de la colonne, \ millimètre environ. Parmi les individus que j'ai observés, un certain nombre étaient en état de division transversale, et c'est particulièrement sur ces derniers que s'est portée mon attention. Le processus par lequel s'effectue la division transversale a été décrit par Sars, Blochmann et Hilger ; je n'ajouterai que quelques mots. Avant la séparation des deux individus, la lamelle fondamentale ^ KoREN, Nul. Magaz. f. Naturvidensk, Bd. IX, 1857, p. 93. 2S0 HENRI PROUHO. (Stiitzlamelle) se fend suivant une circonférence indiquant la limite inférieure de l'individu supérieur (voir la figure n, pi. IX). La séparation des deux individus est ainsi préparée par la forma- tion dune circonférence de moindre résistance correspondant à l'in- terruption circulaire de la lamelle fondamentale. Immédiatement après la rupture, l'orifice de la base de l'individu distal se ferme par la vigoureuse contraction de ses bords, sous l'action des muscles circulaires et, quelques instants après, l'Actinie se fixe et s'épa- nouit. *■ Quant à l'individu inférieur, son tube œsophagien n'existe pas avant la séparation ; mais, dès que la rupture a eu lieu, une invagi- nation des bords de l'orifice béant au centre de la couronne produit un tube œsophagien qui, nécessairement, est au début plus court qu'il ne sera plus tard. C'est, en somme, une partie de l'épithélium externe qui devient l'épithélium de l'œsophage, et il est aisé de voir, sur des coupes longitudinales, que la zone destinée à s'inva- giner possède, avant la séparation, un épithélium légèrement modifié. Les deux individus provenant d'une division continuent-ils à se diviser transversalement ? J'avais espéré pouvoir constater ce fait en élevant les Gonactinies en aquarium. Recueillies le 28 oc- tobre 1890, elles ont vécu au laboratoire Arago jusqu'aux premiers jours de janvier 1891, époque à laquelle elles ont toutes péri par suite des froids particuHèrement rigoureux qui ont sévi sur nos côtes. Pendant deux mois, j'ai observé des individus provenant de divisions transversales ; aucun d'eux n'a manifesté les indices d'une nouvelle division. Malgré cette observation négative, je pense, avec MM. Blochmann et Hilgcr, que le phénomène de scissiparité trans- versale peut continuer chez les deux individus provenant d'une pre- mière division. En ce qui concerne l'individu distal, nous avons une observation de Sars, rapportée par MM. Blochmann et Hilger, de laquelle il semble résulter indubitablement qu'il peut se diviser (Bl. etmi., p. 393). OBSERVATIONS SUR LA GONACTINIA PROLIFERA. 2S1 C'est également d'après un dessin de Sars que la division ulté- rieure de l'individu proximal me paraît très vraisemblable. La fi- gure i, d, du mémoire de MM. Blochmann et Hilger, reproduit ce dessin de Sars, qui, d'après l'explication de la planche, repréa senterait un individu très contracté. Ce que j'ai vu moi-même de la contraction des Gonactinies me porte à croire que l'individu dessiné par Sars est un individu proximal dont les tentacules n'ont pas encore atteint leurs dimensions définitives, car je n'ai jamais vu une Gonactinie pourvue de tentacules complètement développés se contracter à ce point. Par conséquent, puisque Sars figure, sur cet individu, un commencement de division transversale, son dessin nous engage à admettre que l'individu proximal peut se diviser aussi bien que le distal. Y a-t-il alternance entre la scissiparité transversale et la repro- duction sexuelle? Si, comme le croient MM. Blochmann et Hilger, la faculté de se diviser était réservée aux seuls individus dépourvus d'organes génitaux, on pourrait penser qu'il existe deux périodes bien distinctes : l'une pendant laquelle les individus se divisent et restent asexués; l'autre pendant laquelle ils acquièrent des organes génitaux et ne se divisent plus. Une telle hypothèse ne serait pas exacte ; je puis affirmer, en effet, que scissiparité et formation des organes génitaux sont deux phénomènes qui ne s'excluent pas ici, car on trouve des individus pourvus d'organes génitaux et en train de se diviser aussi bien que les autres. La figure ii, pi. IX, représente une Gonactinie se trouvant dans ce cas. On voit, sur cette coupe, d'après la position des œufs au-dessus de la couronne tentaculaire proximale, que l'individu distal sera seul pourvu d'ovaires, lorsque la séparation aura eu lieu. Il est probable que lorsqu'une Gonactinie, pourvue d'organes génitaux, se divise, c'est toujours la partie distale qui emporte les produits sexuels ; l'individu proximal, plus petit que l'autre, se trouvant dans de moins bonnes conditions pour assurer la maturation de ces produits. 2S2 HENRI PROUHO. En somme, si nous manquons d'observations suffisamment suivies pour reconstituer, avec certitude, l'évolution complète de la Gonac- tinie, nous savons, cependant, que la Gonactinie est capable de se diviser transversalement un certain nombre de fois pendant le temps qu'elle met à acquérir des organes génitaux, et que les deux phéno- mènes, scissiparité et développement des produits sexuels, peuvent empiéter l'un sur l'autre ; ce qui explique pourquoi l'on trouve, à l'état de division, des individus sexués et des individus asexués. C'est avec juste raison que MM. Blochmann et Hilger ont insisté sur les différences essentielles qui existent entre le mode de repro- duction de la Gonactinie et la strobilisation du Scyphostome. Chez la Gonactinie, il ne peut être question de génération alternante ; la jeune Actinie s'achemine vers la maturité sexuelle d'une manière continue, sans modifier aucun de ses caractères morphologiques et sans perdre la faculté de se diviser. Si la division transversale de la Gonactinie, rapprochée de ce que l'on sait sur la structure des jeunes Scyphostomes, peut être invoquée comme un fait favorable à la parenté des Acalèphes et des Actinies, on ne doit pas cependant en exagérer la valeur. Le cycle évolutif de la Gonactinie ne diffère pas essentiellement de celui des autres Actiniaires; la scissiparité n'intervient chez elle que pour augmenter la puissance de repro- duction et par suite pour assurer la conservation d'une espèce dont les œufs ne paraissent pas très abondants. Sars a observé que, pour changer de place, la Gonactinie se sert de ses tentacules qu'elle fixe aux corps étrangers et sur lesquels elle se haie. J'ai pu vérifier le fait, mais j'ai observé aussi un autre mode de locomotion qui mérite d'être signalé ; je veux parler d'une véri- table natation. La Gonactinie est une Actinie nageuse ; lorsqu'elle se détache de son support, on la voit parfois nager par bonds successifs et rythmés comme le fait une Méduse, mais dans le sens inverse de la progression de la Méduse. La Gonactinie nage la bouche en avant, en rabattant vivement et simultanément tous ses tentacules OBSERVATIONS SUR LA GONACTINIA PROLIFERA. 2S3 vers l'arrière, et en répétant ce mouvement à intervalles égaux. On comprendra la surprise que" j'ai éprouvée lorsque, cherchant à dé- tacher une Gonactinie de son support, je l'ai vue s'échapper tout à coup et gagner rapidement le bord opposé de la cuvette. N'ayant jamais observé d'Arachnactù, je ne puis dire si les mouvements nata* toires de cette Actinie sont comparables à ceux de la Gonactinia. La faculté de nager paraît parfaitement en rapport avec les autres conditions biologiques de la Gonactinie. En effet, par suite de son mode régulier de reproduction par scissiparité transversale, la Gonac- tinie se trouve, au moment où elle se détache de l'individu proximal, brusquement jetée dans l'eau ambiante ; il lui est donc très utile, au lieu de tomber au fond, de pouvoir se soutenir en nageant et chercher ainsi un nouveau support. Si nous remarquons, de plus, que cette Actinie, n'adhérant que faiblement au corps sur lequel elle est fixée, est exposée à en être souvent détachée, nous conviendrons que la faculté de nager est, pour elle, de la pins haute importance. MM. Blochmann etHilger ont signalé un cas de bourgeonnement latéral chez la Gonactinie. De mon côté, j'ai observé un groupe de deux individus réunispar unepetite partie de leurs pieds (fig. m, pi. IX). Je ne saurais dire positivement par quel processus a pris naissance ce groupe; peut-être est-ce par scissiparité longitudinale. Ce qui me porte aie croire, c'est que l'un des individus, le plus gros, présen- tant deux tubes œsophagiens et deux couronnes de tentacules, paraît être en état de scissiparité longitudinale. Il n'est d'ailleurs pas dou- teux que nous sommes ici en présence d'un cas anormal, car les individus de ce groupe offrent une structure irrégulière. L'individu de gauche possède vingt tentacules et un nombre correspondant de cloisons, dont quatre génitales. L'individu de droite a vingt-cinq tentacules, dont quinze sont groupés autour de la bouche gauche tandis que les dix autres sont tout autour de la bouche droite ; les cloisons génitales sont au nombre de six, en tout. Si la division lon- gitudinale se propageait jusqu'au pied, il en résulterait deux indi- vidus avant, l'un, quinze tentacules et quatre cloisons génitales, 254 HENRI PROUHO. pendant que l'autre posséderait dix tentacules et deux cloisons géni- tales. Le fait rapporté ci-dessus ainsi que celui relaté par MM. Blochmann et Hilger sur le bourgeonnement latéral ne me paraissent pas bien importants, tant à cause de leur peu de fréquence qu'à cause de l'irrégularité des individus qui en résultent. Toutefois, quelque anormaux que ces faits puissent être, ils sont une preuve de plus de la tendance que possède la Gonactinie à se reproduire autrement que par reproduction sexuée. Mais, bourgeonnement latéral ou scissiparité longitudinale ne sauraient être considérés que comme des cas exceptionnels vis-à-vis de la scissiparité transversale, qui reste le mode normal de reproduction asexuée. EXPLICATION DE LA PLANCHE IX. i<"iG. I. Gonaclinia proliféra en étal de division transversale. Gross., 10. II. Coupe longitudinale d'une Gonaclinia pourvue d'organes génitaux, en état de division transversale, fc, bouche j t, tentacules; o, œufs; a, zone épithéliale qui formera l'épi- thélium du tube œsophagien de l'individu proximal après la séparation; lam, lame fondamentale (Stûtzlamelle) interrompue au-dessus de la couronne tentaculaire inférieure. III. Groupe de deux Gonactinies réunies par leurs bases. L'individu de droite présente deux bouches 6', 6^ et deux tubes œsophagiens œ\œ'^. Gross., 10. tt# ^ LES LABORATOIRES MARITIMES DE ROSCOFF ET DE BAINYULS EN 1891 PAR II. DE LACAZE-DUTHIER5 Membre de rinsUlut. Voilà dix ans que, dans ce recueil, il n'a pas élé question des labo- ratoires maritimes fondés en même temps que les Archives aux- quelles ils fournissent les matériaux de publication. Faire connaître les progrès réalisés à Roscoff et à Banyuls depuis le compte rendu datant de 1881, tel est le but de cette notice. A certains égards, Finstallalion a été tellement modifiée par des améliorations successives pendant cette longue période que l'on peut, d'après l'état actuel des choses, considérer ces établissements comme étant terminés. Sans nul doute, il y aura toujours quelques changements à apporter ; ils seront de ceux qu'imposent au jour le jour les progrès et l'évolution en toutes choses. Mais dès aujourd'hui, on peut l'affirmer, les moyens de travail sont largement assurés dans les deux stations. Le laboratoire de Roscofl' a déjà dix-neuf années d'existence, le Ipiboratoire Arago n'en a que dix ; néanmoins, dans celui-ci, on trouve une organisation tout aussi complète que dans le premier et l'on peut, dans l'un comme dans l'autre, faire des recherches zoolo- giques longues et étendues, le naturaliste y trouvant les conditions les plus favorables à ses études. 258 H. DE LAGAZE-DUTIllEIlS. et plus difiicile qu'on ne le pensait en eominençant. J'ai acquis quelque expérience dans les choses des stations maritimes et je crois pouvoir affirmer qu'à moins de circonstances exceptionnelle- ment heureuses, on n'arrive pas sans de grandes difficultés à une organisation complète de ces sortes d'établissements. Un vieux proverbe dit : « C'est à l'usé qu'on voit la valeur des choses. 1) L'usé, pour les stations maritimes, c'est la production des travaux scientifiques ; il faut donc voir et attendre les publications pour juger de la réalité des choses annoncées et promises. Sur nos côtes, on a pu compter, au courant de \Hd\, jusqu'à dix- sept ou dix-huit stations. Sont-elles toutes nées viables? Dureront- elles toutes autant que les pompeuses publications ayant accom- pagné ou précédé leur naissance peuvent le faire croire? Quelques- unes n'ont-elles pas escompté trop vite l'avenir? Si ce nombre est exact, c'est presque une création par année depuis l'époque où, après ses désastres, la France a commencé son travail de relèvement. Enfin, n'y a-t-il pas là aussi une exagération et un éparpillement de forces précieuses qui, réunies en un faisceau robuste et capable, pourraient rendre de bien grands services. A voir ce grand empressement à pousser vers les études des choses de la mer, ne peut-on encore se demander si l'on n'oublie pas que dans le centre de notre beau pays il y a bien des sujets de travaux aussi nombreux qu'intéressants? En plus d'une occasion il m'est arrivé de répéter dans mon enseignement de la Soi-bonne qu'il n'y a pas qu'à la mer qu'on peut faire des découvertes et que les animaux du continent nous olfrent un champ d'exploration bien vaste et bien riche. N'est-il pas curieux qu'après tant d'efforts pour fournir les moyens de travailler sur le monde de la mer, le même homme se trouve amené, non certes à déconseiller l'étude des animaux marins, mais du moins à rappeler qu'en dehors de la mer il y a des sujets d'études qu'on ne devrait pas négliger. Mais revenons à nos stations. LABORATOIUE DE HOSCOFF. 2S7 ROSCOFF. I A son origine, le laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff a été fort modeste. Il était installé dans une maison meublée; chacun travaillait dans sa chambre; un petit bateau de 300 francs, avec deux matelots engagés pour la campagne seulement, devait suffire aux recherches. Dans un petit jardin bordant la mer, un hangar abritait nos cuvettes servant d'aquarium ; une pompe actionnée à bras par les matelots nous alimentait d'eau. Tout cela était bien primitif, mais il y avait alors peu de travailleurs; l'on n'était pas aussi exigeant qu'aujourd'hui, et cependant la plupart de ceux qui venaient tra- vaillaient beaucoup. Très promptement et malgré de notables améliorations, tout cela devint insuffisant, et il fallut songer à acquérir une maison avec jardin spacieux donnant sur la grève ; l'installation devint alors dé- finitive. C'est autour de cette première propriété de l'État que furent peu à peu annexées et groupées les différentes parcelles de terrains ou de bâtisses, qui sont aujourd'hui réunies et qui forment la station. Ce n'est qu'à force de sollicitations et de démarches, là auprès du génie militaire, ici auprès de la municipalité roscovite, plus tard auprès des propriétaires riverains exigeants, qu'il a été possible, après des échanges et des acquisitions fort coûteuses, de faire un tout de ces pièces et morceaux, qu'on voit encore enclavés dans le laboratoire sur le plan qui date de 1881'. Un savant russe, M. Mittrophanow, a publié une relation de son séjour à Roscolf. 11 l'a écrite en russe, mais le plan qui l'accompagne est fort lisible; il date de 1887, et s'il montre un état plus complet que celui de 1881, néanmoins il n'indique plus aujourd'hui l'état des 1 Voir Archives, vol. IX, 1881, p. oGO. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 26 SÉHIE. — T. IX. 1891. 17 258 H. DE LACAZE-DUTHIERS, , lieux, car des progrès importants ont été faits depuis lors. Il est nécessaire, pour juger de l'extension du laboratoire et de son état actuel, de' se reporter aux deux plans qui suivent; ils rappellent les conditions existant en 1881 ; on devra les comparer aux plans de la planche XI. llcVo I \fia 7?// '4 s pig, 1. — Partie de la grève au nord de la ville de Roscoff empruntée à la carte de la marine. On y voit nettement la situation du laboratoire au nord-ouest de la place de l'Eglise, la position du parc et du vivier. La disposition topographique est des plus exactes. U sufût de porter les yeux sur cette figure pour voir tous les avantages que présente la situation du laboratoire. L'un d'eux donne la disposition topographique générale. L'autre fut fait après la construction du vivier, mais les écoles communales, le terrain Vacher, la maison Mironnet et la batterie de la 6>où- n'étaient pas encore englobés dans le laboratoire. On pourra, en comparant ce dernier (fig. 2) à celui qui est définitif dans la LABORATOIRE DE ROSCOFF. 259 planche XI, juger do la différence qui existe entre l'état actuel et l'état en 1881. Le second plan (fig. 2) ne contient que la partie importante du plan général ; il est à une échelle beaucoup plus grande. Fig. 2. — Plan de la propriété de l'État, alors que les écoles, le terrain Vacher, la hattwie de la Croix et la maison Mironnet n'étaient pas annexées. Dans la batterie, on voit le piton grani- tique, et un quadrilatère à rest contre la propriété Bouquet. Sur ce piton a été élevé le réservoir d'eau K (pi. XI;. La poudrière, représentée par le quadrilatère, a été démolie et a permis de faire une descente en mer, entre la propriété Bouquet et le laboratoire. En comparant le plan figure 1, au plan de la planche Xf, on voit ce qu'il a fallu successivement annexer pour arriver aux dispositions que présente aujourd'hui le laboratoire. On remarquera surtout combien il importait de faire disparaître les chemins devenus inutiles pour le public et gênants pour l'établissement. Dans le voisinage des parties conquises, on peut le dire, de haute lutte, l'emplacement du vivier, les écoles, les chemins publics qui séparaient ces parties, se trouvait une batterie {batterie de la Croie) séparée du laboratoire par une maisonnette ; elle était contiguë en même temps au terrain de faible étendue, touchant à la fois à 2go H. DE LACAZE-DUTHIERS. la batterie et à la maisonnette, et séparant le laboratoire de la mer. La batterie était une dépendance du génie militaire qui, on le sait abandonne bien difficilement ses possessions. Cependant, comme cette minuscule forteresse, sans aucune importance, était affermée et surtout si peu connue, qu'il arriva à un général du génie en inspection, passant à Roscoff, de ne pas l'apercevoir S on pouvait prévoir que tôt ou tard elle deviendrait une dépendance du laboratoire. Ce ne fut pas sans beaucoup de difficultés, de pourparlers avec le locataire d'abord pour résilier le bail, avec le commandant du génie de Brest ensuite, qu'il fut possible de faire céder temporairement la batterie au ministère de l'instruction publique. Les négociations ont duré plusieurs années, mais il fallait arriver à posséder la batterie delà Croix coûte que coûte, car elle présentait des conditions trop avantageuses en vue de l'organisation définitive de la station pour ne pas en considérer l'annexion comme étant absolument indispensable. D'abord elle permettait de faire sur la place de l'Église une des- cente en mer, qu'on pourrait céder à la ville en retour d'une autre concession fort utile pour le laboratoire ; ensuite et surtout son sol, plus élevé que celui de l'établissement, pouvait servir de base à un réservoir d'eau destiné à l'entretien de l'aquarium. J'avais en vain cherché un emplacement semblable pour ce réservoir; nulle part je n'avais trouvé un sol assez résistant et formé, comme dans la bat- terie, d'un piton de granit surélevé (voir plus haut, fig. 2). Ces deux raisons suffisaient à expliquer et le vif désir de posséder la batterie de la Croix, et les démarches incessantes faites pour atteindre le but. Avant la possession de la batterie, il était impossible de songer à organiser l'aménagement de l'hydraulique et, par conséquent, de développer la bonne tenue de l'aquarium. Aujourd'hui, une cuve de » Il était, il faut bien le dire, absolument excusable, car la batterie était louée pour le prix de 15 francs à un aubergiste qui l'avait couverte de fumier et rendue méconnaissable en y élevant des élables. LABORATOIRE DE ROSCOFF. 261 1^5 mètres cubes, assez élevée pour donner une pression suffisante, permettant d'avoir des jets d'eau de 3 mètres de hauteur, a été construite sur le piton granitique (pi. XI, K), et les conditions de la vitalité dans l'aquarium ont été complètement modifiées en bien. Mais que de démarches à Brest, auprès du commandant du génie, au ministère de la guerre, aux Domaines, auprès du locataire à Ros- cofF, pour arriver au résultat ! Avant de songera avoir et à utiliser la batterie, dont la possession offrait les avantages inappréciables qu'on vient de voir, il fallait arriver à annexer à la première propriété successivement les écoles (voir flg. 2, Écoles), puis le terrain Vacher {idem), la maisonnette Mironnet(2V/em), enfin et surtout les chemins séparant ces immeubles du laboratoire et donnant accès à la grève (voir fig. 1 et 2). Si l'on se reporte au plan publié en 1881, on voit que l'extension et les améliorations désirées étaient enrayées par le voisinage des écoles et leur enclavement dans la propriété de l'État * ; mais une heu- reuse condition se présenta et favorisa les projets d'agrandissement. Les écoles communales étant devenues insuffisantes en raison du grand nombre d'enfants, il fallait augmenter l'étendue des classes. La chose avait été faite une première fois, mais la propriété de la commune, trop restreinte, était elle-même enfermée dans des limites qu'il était impossible de franchir; de toute nécessité, on devait donc déplacer les bâtiments scolaires. La transaction se présentait naturellement d'elle-même. L'État acquerrait les écoles avec leur jardin pour les annexer au laboratoire, et d'un autre côté, avec l'indemnité accordée à la commune, celle-ci devenait propriétaire d'un immeuble très suffisant pour une instal- lation excellente de son enseignement primaire. M. Buisson, l'éminent et dévoué directeur de l'enseignement pri- maire, était venu à Roscoff; il s'occupa activement de cette tran- 1 Dans la figure 2, la disposition est bien mieux présentée que dans la publica- tion de 1881. 262 H. DE LACAZE-DUTHIERS. saction qui réussit au grand profit de l'enseignement supérieur. Je ne puis oublier ici de l'en remercier bien sincèrement. Après l'annexion des écoles communales, il devenait urgent d'ac- quérir le terrain Vacher, car s'il y eût été élevé des constructions, ce dont on avait été menacé, la lumière était enlevée aux salles de tra- vail qui allaient être organisées dans la partie nord des écoles. Ce fut une acquisition difficile et fort coûteuse si l'on compare le prix à l'étendue de la surface. J'eus recours à un moyen qui m'avait déjà réussi pour la première maison ; prétextant pour moi la nécessité d'avoir une habitation près de l'établissement, j'acquis le terrain en mon nom pour y construire, et l'accord étant fait, le contrat définitif fut passé au nom de l'Etat. Dès ce moment, la batterie et le terrain Vacher étant contigus, les dépendances du laboratoire entouraient de toute part la petite maisonnette Mironnet, dont la propriétaire, comprenant à la fois et sa position difficile au milieu de l'établissement et l'importance de son immeuble pour l'agrandissement de celui-ci, vint d'elle-même faire des offres de vente. Les conditions furent dures, il fallut les subir. Toujours par le même procédé qui me réussissait si bien, j'acquis la maisonnette sous signature et police privées, puis l'État devint acquéreur définitif. Cette acquisition était indispensable, on va le voir. D'abord elle donne trois pièces de plus au laboratoire, deux chambres très habitables, au premier et au second, et une pièce au rez-de-chaussée. Que le lecteur prenne la peine de revoir le plan figure 2, et il re- connaîtra que le laboratoire étant devenu propriétaire delà batterie, de la maison Mironnet et du terrain Vacher, les chemins conduisant à la grève entre toutes ces parties devaient forcément être supprimés. Ce fut là une grosse affaire à traiter avec la municipalité roscovite, avec qui il n'était guère plus facile de s'entendre qu'avec le génie. C'est alors que faisant, sur la place de l'Église, une descente en mer plus commode et mieux placée, prise sur le côté est de la batterie, et LAUOKAIOIRE DE ROSGOFF. 2(j3 la cédant pour les vieux chemins devenus une sentine infecte au centre du laboratoire, que les choses purent être conduites à bien. Ainsi se trouvèrent réunies peu à peu et non sans peine des parties que certes, à l'origine de la station, on ne pouvait guère supposer devoir être englobées dans une môme enceinte. Dès lors, de nouvelles améliorations devenaient possibles. Sur la façade ouest de la maisonnette, étaitd'abordadosséela salle de la machine à vapeur (pi. XI, D), ensuite une construction jetée entre la même maison et les écoles, là où passait le chemin suppri- mé, permettait, en reliant toutes ces bâtisses, d'avoir un ateUer (E). Enfin, sur le sol de l'ancien chemin, au-dessous des croisées des salles de travail, une longue citerne construite au niveau et tout près de la machine permettait, en recevant les eaux de pluie des toitures, de former un réservoir d'eau douce pour alimenter le générateur. Toutes ces annexions s'imposaient successivement les unes après les autres et concouraient, dans un plan général conçu dès longtemps, à compléter l'organisation aujourd'hui terminée. On le voit, c'est en guettant toutes les occasions, c'est en pro- fitant de toutes les circonstances favorables que peu à peu la station a pris des proportions qui, certainement, sont aujourd'hui très suf- fisantes. 11 serait, d'ailleurs, difficile de l'étendre davantage sans rencontrer des difficultés fort grandes. On ne pourrait le faire qu'en empiétant sur la promenade du Vill, et sans aucun doute la ville de Roscoff ferait une très forte opposition à de semblables projets, d'autant plus qu'en plusieurs points du jardin il serait possible d'élever des constructions lorsque le besoin s'en ferait sentir. Ces détails, je le sens bien, paraîtront à quelques-uns inutiles et peut-être hors de propos ; je m'en excuse et j'espère que le lecteur ne me refusera pas son indulgence. Après tant de démarches à chaque instant contrariées ou rendues vaines, après avoir conquis par une longue lutte, parcelle par parcelle, toutes les bribes qui ont fini par faire un tout dont l'agencement est certainement l'un des plus 264 H- DE LACAZE-DUTHIERS.. heureux que l'on puisse rencontrer au bord de la mer pour un laboratoire maritime, je n'ai pas su me défendre contre le désir de faire connaître les difficultés qu'il a fallu vaincre pour arriver à com- pléter la station. Il importait d'ailleurs que l'histoire du laboratoire se trouvât dans les Archives. Pour enlever l'inoffensive batterie de la Croix, me disait-on, il n'a pas fallu moins d'activité et de subtiUté diplomatique que pour emporter une place forte. Aussi comprendra-t-on qu'on puisse envier le sort bien heureux de ceux qui annoncent une réussite aussi prompte dans leurs entreprises, ainsi qu'on le voit du moins dans les publications annonçant la création de quelques nouvelles stations. II Voilà pour l'étendue de l'emplacement. Lorsqu'il s'est agi de l'aménagement intérieur, les difficultés à vaincre n'ont pas été moindres. Combien de fois est-il arrivé que, lorsqu'un projet était accepté, avant d'arriver au sommet de ce monceau de pièces qu'on dit être à la signature., le ministre qui avait décidé la dépense nécessaire pour la transformation des immeubles du laboratoire était tombé et remplacé par un nouveau peu favorable. Une fois, un ministre, aussi bon ménager de ses deniers propres que de ceux de l'État, fort riche d'ailleurs de par lui et, disait-on, aussi fort économe, trouva sous sa plume l'un des projets de crédit acceptés par son prédécesseur et qui arrivait enfin au sommet de la pile, à la signature : « Qu'est-ce que cela? » demanda-t-il de sa voix douce et tout aussi pleine d'onction que s'il eût parlé de Jeanne d'Arc. Et sans dire un mot, tout en écoutant, il trempa largement sa plume dans l'écritoire ministérielle et fit avec flegme une grande croix sur le projet qui se trouvait ainsi rejeté. C'est déjà de l'histoire ancienne. LABORATOIRE DE ROSCOFF. 265 Certes nous avons changé bien souvent de ministère et ce n'est pas là l'une des meilleures besognes de nos Chambres, mais dans ce cas pourtant ne m'est-il pas permis de dire qu'heureusement ce grand maître de l'Université dura peu. Et alors, après lui, il fallut reprendre toutes les démarches, et l'on arriva enfin à obtenir le nécessaire pour transformer une maison bourgeoise en un laboratoire. J'ai dit que les deux stations étaient destinées à se compléter ; il faut ajouter : à s'entr'aider. On va voir comment, en anticipant sur l'histoire du laboratoire Arago. La station de Roscoffest une création de l'Étal; c'est la première créée par le ministère de l'instruction publique. Tout y a été fait avec le? fonds du département de l'instruction publique, sauf pour- tant deux améliorations, comme on le verra plus loin. Au contraire, à Banyuls, tout est dû à l'initiative privée ; en un mot le laboratoire Arago n'a été annexé, sur ma demande, à la Sor- bonne, qu'après avoir été construit avec les fonds mis à ma disposi- tion par le département des Pyrénées-Orientales, la commune de Banyuls et de nombreux amis de la science. Pour montrer ce que peut l'initiative privée, je rappellerai que le premier corps de bâtiment du laboratoire Arago (fîg. 3, A), une fois construit, fut bientôt jugé insuffisant et qu'il fallut ajouter à cha- cune de ses extrémités deux bâtisses nouvelles, l'une (B) vers l'ar- rivée pour loger le gardien, l'autre (G) du côté de la mer pour in- staller les machines. Je pus réunir de différents côtés une somme de 29 000 francs, lesquels furent employés à compléter l'établissement sans qu'il en coûtât rien au ministère de l'instruction publique. Lorsque le moulin automoteur qui alimentait l'aquarium eût été renversé par un coup de mistral, on dut le remplacer par une ma- chine à vapeur qui fut encore donnée par des amis de la science. Alors, ayant la force motrice, il n'y avait plus qu'à se procurer les appareils électriques pour obtenir la lumière. 266 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Tout cela fui acquis et installé au laboratoire Arago par l'initia- tive privée. En face de ces progrès, surtout de leur origine, le laboratoire de "*" ■* ^ ^'-''ij/.'iii/.'.''.. W G O o n: "^ -U ^n p ' -c 03 n ri (S ij c3 s fe o hn ^ ■a Voir Yves Delage, vuI. V, deuxième siric, ji. 1. 278 H. DE LACAZE-DUTHIERS.. vivants pour en faire l'étude détaillée au point de vue des mœurs, des caractères, de la reproduction, de l'évolution. Qu'ils en profi- tent et qu'ils fassent connaître les beautés de la faune de nos côtes bretonnes. VIII Voilà, considérées dans leur ensemble, les conditions générales du laboratoire de RoscofF au commencement de l'année 1891 . Si l'on veut bien prendre la peine de parcourir les trois comptes rendus publiés en 1874, 1878 et 1881, on sera frappé de ce fait que je dois maintenant rappeler pour l'expliquer. Plus d'une fois, en effet, les projets et les plans d'organisation ont dû être modiliés. En 1874, les conditions dans lesquelles se trouvaient l'enseigne- ment des sciences naturelles ne pouvaient faire prévoir le dévelop- pement que depuis ces sciences ont pris. L'idée de déplacer le laboratoire m'avait beaucoup séduit, et la première organisation avait été conçue pour l'exécution de ce projet. J'avais, dans la maison meublée louée pour la première installation, placé dans chaque chambre tout ce qui était indispen- sable pour un voyage de recherches. Je comptais alors publier des travaux correspondant à ces excur- sions et destinés à faire connaître la faune de nos côtes après avoir pris comme type et point de départ celle de Roscoff'; mais pour un travail semblable, il faut être aidé. La vie d'un seul homme, quel- que dévouement qu'il puisse apporter à l'accomplissement de cette œuvre, ne suffirait pas. Pour réunir un ensemble de recherches zoologiques semblables, il faut avoir beaucoup de temps à soi, et comme en France la situa- tion du zoologiste est forcément et presque toujours liée à celle de professeur ou d'homme voué à l'enseignement, à moins qu'il ne » Voir Archives de zoologie expérimental!', vol. III, 1S7C ; Une leçun d'ouverture à la Sorbon>ie, LABORATOIRE DE ROSCOFF. 279 possède une grande fortune, je dus reconnaître bientôt qu'il serait difficile de réussir dans ce projet. Il ne faut pas oublier encore qu'à l'origine le laboratoire était un laboratoire exclusivement destiné aux travaux originaux, mais que peu de temps après sa création, les jeunes gens se destinant aux examens de l'enseignement supérieur demandèrent à venir s'y préparer aux épreuves pratiques de ces examens. Ce fut ainsi qu'il fallut songer fi rendre le laboratoire stable et que je dus proposer à l'administration d'acquérir la première des propriétés actuelles pour l'agrandir ensuite peu à peu. Mais alors se produisit ce qui ne pouvait manquer d'arriver : par suite des acquisitions successives et des adjonctions nouvelles, les plans durent être modifiés, et l'on fut conduit à cette agglomération de bâtiments, de pièces, de morceaux, dont la destination devait changer à chaque fois que l'étendue du laboratoire se produisait. Telles sont les conditions qui, se présentant nouvelles à plusieurs reprises, ont conduit aux modifications des plans ainsi qu'on vient de le voir. IX Lorsque les élèves eurent demandé à venir pour préparer leurs examens, il devint nécessaire de s'occuper de l'enseignement dans la station même. Alors, les différents maîtres de conférences de la Sorbonne qui se sont succédé auprès de ma chaire, ont, pendant les mois d'août et de septembre, régulièrement fait des confé- rences, et toujours pendant les grandes marées ils ont conduit les étudiants à la grève, sur les lieux mêmes où vivent les animaux. C'est là qu'ils ont fait les meilleures, les plus utiles leçons, car c'est au milieu de la nature même qu'il est intéressant de voir et d'ap- prendre à étudier les êtres qui sont si difficiles à connaître en ne s'en tenant qu'aux descriptions des livres. Il est utile, d'ailleurs, (jue le personnel guide les nouveaux venus 280 n. DE LACAZE-DUTHIERS. dans le dédale des écueils des grèves que laisse h découvert la mer devant Roscoff. Les savants qui veulent faire des recherches origi- nales sont tous initiés à la pêche des animaux, objet de leurs éludes, si du moins ils n'en ont pas encore fait la recherche dans la localité. Tout étant gratuit dans mes laboratoires, nous n'avons aucun intérêt à cacher les lieux où vivent et les gîtes où se cachent les animaux. Souvent j'ai insisté sur cette idée que mes laboratoires mari- times étaient destinés à faire des naturalistes, tout en fournissant les moyens de travail pour les recherches originales. Les bateaux et le personnel du laboratoire pèchent donc pour tous et conduisent les travailleurs partout où la récolte peut être fructueuse. Rien n'est caché, rien n'est secret, et je ne saurais trop recommander aux jeunes zoologistes, lorsqu'ils ont été initiés aux procédés de pêche, de chercher eux-mêmes les animaux néces- saires à leurs études. J'affirme qu'en fouillant les plages ils appren- dront toujours quelque chose de nouveau. Ils peuvent en croire mon expérience : voilà bien longtemps que je mets en pratique ces conseils et, je puis le certifier, je ne suis jamais allé sur une grève sans y apprendre, sans y recueillir quelque fait nouveau, X Si nous jetions un coup d'œil sur les registres du laboratoire, )ious y trouverions des noms célèbres, nous y compterions un nombre considérable de savants ou d'étudiants venus à Roscoff pour étudier la zoologie ou faire des recherches. Le nombre est grand. Quatre cent vingt-cinq personnes se sont inscrites ; quelques-unes sont parties sans laisser sur les trois volumes des registres leurs impressions et même leur nom. Beaucoup sont revenues plusieurs années de suite ; parmi elles on voit des profes- seurs américains, des Anglais, professeurs en Écoîse, en Irlande ou en LABORATOIRE DE ROSGOFF. 281 Angleterre, des professeurs hollandais, belges, russes, roumains, serbes, autrichiens, grecs, égyptiens, suisses. Bon nombre de jeunes étudiants étrangers venus à Roscofl" ou à Banyuls sont aujourd'hui professeurs dans leurs pays. Dans les premières années, le nombre n'était pas grand, mais il s'est élevé jusqu'à arriver à plus d'une quarantaine pour une année. Il faut remarquer que des habitudes se sont peu à peu établies et que la durée de la campagne de travail est, à RoscoPF, relativement assez courte, car elle correspond à l'époque des grandes vacances. Rarement on arrive en juin ; presque toujours c'est vers le commen- cement du mois de juillet, lorsque les cours sont finis, quand commencent les examens de fin d'année, que le laboratoire se rem- plit. Aux équinoxcs d'automne, les mouvements de l'atmosphère causent toujours quelques perturbations dans l'état du temps, et il est rare que le séjour se prolonge après la grande marée qui a lieu aux environs du 22 septembre. J'ai assisté bien souvent à cette grande marée ; elle est ordinaire- ment fort belle, mais très souvent aussi accompagnée de pluies. Or, la pluie est la plus mauvaise condition qu'on puisse rencontrer pour la recherche, car, lorsqu'il pleut, les animaux restent cachés et ne manifestent pas leur présence par leur déplacement. En général, quand arrive octobre, la saison est moins favorable, et très peu de travailleurs continuent leurs études pendant ce mois; la plupart du temps, ils abandonnent à ce moment le labora- toire ; c'est pour cela que le désarmement a lieu le l" octobre à Roscoff et que l'armement du laboratoire Arago se fait à la même date. Ces habitudes, qu'expliquent les exigences scolaires, celles des saisons, se sont prises d'elles-mêmes, et si la campagne est relati- vement courte à Roscoff, pour un temps donné, le nombre des travail- leurs se trouve augmenté parce qu'ils arrivent au même moment. Nous nous sommes trouvés jusqu'à vingt-cinq, dans le mois d'août, réunis au laboratoire ; le service en devient plus difficile et l'encom- brement diminue les facilités du travail. 282 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Aussi répéterai-je ce qui a été déjà dit plus d'une fois : lorsqu'on peut venir dans les mois de mai, de juin et juillet même, le travail à Eosooff est bien plus facile et agréable qu'en août et septembre, car alors, l'encombrement n'existant pas, le personnel peut rendre plus de services en aidant plus directement les recherches. J'ajoute, et par expérience, que, pour les études embryogéniques, le mois de juin est une époque très favorable ; c'est un renseigne- ment qu'il ne faut pas négliger. On comprendra que je puisse insister sur ces conditions, quand j'aurai rappelé que le nombre des chambres n'est que de dix-sept et que, sur ce nombre, il faut déduire la place pour le personnel : trois préparateurs, un maître de conférences et deux directeurs ; ce qui réduit le chiffre à onze chambres. Toutefois, pendant le mois de juin et le commencement de juillet, un des directeurs, le maître de conférences et un préparateur sont retenus à Paris par leurs fonc- tions universitaires ; c'est donc en mai et juin que l'on devrait, quand on n'est pas forcé de rester attaché h un poste d'enseigne- ment, s'arranger pour aller à Ptoscoff, afin d'être plus tranquille. J'ajoute encore que c'est à ce moment que le chercheur sera le moins dérangé par la jeunesse arrivant quand les cours sont finis, jeunesse qui vient certainement pour travailler et pour préparer ses examens, mais qui sent aussi très bien qu'elle est en vacances. Le laboratoire de Roscoff arme le i"juin, quand le laboratoire Aràgo désarme. Cependant, toute l'année, le gardien, aidé par un malclot, peut, dans le mois de mai et même avant, faire tout le nécessaire si un ou plusieurs travailleurs demandent à être admis. Il n'est pas inutile de rappeler que, pendant des voyages faits aux mois de novembre, décembre, janvier, février et mars, j'ai visité les grèves de Roscoff, et qu'à ces époques on peut trouver des obser- vations sur la biologie fort intéressantes à faire, et qu'il est même regrettable qu'on ne se livre pas à des recherches pendant les mois d'hiver. Le climat n'est pas froid à Roscoff, puisque les camé- lias, les fuchsias, les mésembryanthèmes croissent en pleine terre ; LABORATOIRE DE ROSCOFF. 283 seulement les pluies, les brouillards y sont parfois prolongés, et la solitude de la petite ville de la Manche ne rappelle guère, à ce moment, et l'activité des beaux mois et des hivers de Nice et de Cannes. XI Les travaux faits à Roscoff sont nombreux et importants ; il n'est pas possible, ce serait môme inutile, d'en faire le relevé, puisqu'ils sont pour la plupart publiés dans les Archives. Il suffira de rappeler que vingt volumes ont été déjà publiés, dix- huit formant la collection proprement dite, deux étant supplémen- taires ; le dix-neuvième de la collection ou neuvième de la deuxième série est en voie de publication. C'est dans celui-là même que se trouve le présent compte rendu. Des thèses nombreuses ont été faites à Roscoff; elles sont toutes importantes et considérables ; beaucoup, commencées dans l'une des stations, ont été finies dans l'autre. Il y a quelques années encore, les mémoires pour l'obtention du titre de docteur es sciences à la Sorbonne n'étaient admis (c'était la tradition) que lorsqu'ils représentaient une somme de travail consi- dérable et des études nouvelles offrant un intérêt certain pour les progrès de la science. Depuis quelque temps, cette tradition semble se modifier et menace de se perdre, car on voit paraître et soutenir des thèses dont la valeur est très contestable. Cela est fâcheux. Jadis, les recherches pour une thèse étaient de vrais titres scientifiques, que les candidats à l'Académie des sciences ne manquaient pas de pro- duire dans leurs notices. Cela tenait à la difficulté opposée à l'admission des travaux dont on recherchait la valeur et non le nombre. Si l'on ne revient pas à cette ancienne coutume, l'on abaissera la valeur du titre de docteur qui, pris à la Sorbonne, était aussi recherché que considéré. D'après celte tradition, on n'admettait guère, comme sujet de 284 H. DE LACAZE-DUTHIERS. thèse, des études exclusivement de zoologie pure et simplement descriptives d'espèce ; aussi, la plupart du temps, les thèses faites à HoscofF ont-elles été des monographies anatomiques ou embryogé- niques, ce qui n'excluait pas des observations de zoologie sur le groupe objet des recherches, et, dans plusieurs d'entre elles, on trouve des résumés importants relatifs à la faune locale. On n'a qu'à parcourir les vingt volumes pour se convaincre du fait. Les recherches sur les faunes locales ont une grande valeur; il serait à désirer que les zoologistes s'y adonnassent plus spéciale- ment. Nos côtes sont assez riches pour leur permettre des moissons fort importantes. La zoologie n'est plus et ne peut pas être limitée à ce qu'elle était il y a un demi-siècle, à des descriptions d'espèces. L'étude de l'évo- lution s'impose dans toutes les recherches sur les animaux inférieurs, et ce n'est pas en prenant un être isolé pour le suivre et le laisser ensuite de côté qu'on peut arriver à des résultats de première im- portance. C'est par les rapprochements, c'est en cherchant des rela- tions entre les êtres à tous les états de leur développement qu'on peut songer à obtenir des résultats synthétiques sérieux. Or, rien n'est plus favorable à ces sortes de recherches que l'observation longtemps prolongée d'un grand nombre de types d'un même groupe dans une station maritime bien organisée. 11 me paraît difficile de recueillir beaucoup d'espèces du même genre, de les suivre par une observation assidue, sans trouver des faits particuliers nouveaux venant éclairer l'histoire générale du groupe tout entier. On se complaît tropdans l'étude d'unanimal isolé, onpasse trop vite d'un cas particulier àla généralisation, sans songer que les généralités, ■pour avoir de la valeur, ne doivent découler que du rapprochement d'innombrables détails dont la connaissance est le fruit de longues observations. C'est dans celte voie que les stations maritimes doivent produire des travaux. Quand on a sous la main des faunes super- bement riches çt les moyens de faire vivre et d'observer, comme dans LABORATOIRE DE ROSCOFF. 28S Pétat naturel les animaux, on doit se laisser entraîner dans les études biologiques, très longues il est vrai, qui, d'abord, ne fourniront pas de résultats aussi vite qu'on le désire trop souvent aujourd'hui, mais qui, assurément plus tard, payeront largement le temps, en appa- rence perdu dans les premiers moments de travail, lorsque toutes les observations étant rapprochées conduiront à des considérations qui seront alors de l'ordre le plus élevé. XII A l'origine du laboratoire de Roscoff, la plupart des travaux étaient faits sur place. On passait deux, trois mois à étudier un sujet, et l'on rentrait pour en poursuivre la publication; quelquefois on demandait bien à emporter des échantillons pour revoir les parti- cularités difficiles. C'est, du reste, ce que j'ai toujours conseillé, ce que j'ai fait moi-même ; mais depuis cette époque les choses ont bien changé, caries procédés anatomiques se modifient tous les jours de plus en plus. Pour les besoins des cours publics, pour les travaux mêmes qui s'accomplissaient à Paris, lorsque les progrès de la station per- mirent d'avoir un gardien à poste fixe toute l'année, des animaux vivants me furent souvent adressés à la Sorbonne, et ce fut à cette époque que mon très regretté maître de conférences Joliet put continuer ses études sur les Bryozoaires vivants, à Paris, comme s'il eût été au bord de la mer. Des anciens élèves du laboratoire ayant été nommés professeurs dans les facultés et ayant l'habitude de ne parler des animaux qu'en ayant les exemples vivants sous les yeux, me demandèrent aussi d'avoir des animaux de Roscoif qu'ils connaissaient, et c'est ainsi que prit naissance l'un des services du laboratoire qui peut être aujourd'hui considéré comme l'un des plus utiles et des plus im- portants des stations. Ce n'est que depuis 1877 qu'il a été tenu un registre des envois -286 H. DE LACAZE-DUTHIERS. régulièrement et gratuitement faits par la station de la Manche. Avant cette époque, on ne prenait pas note de ce qui était adressé; aussi le chiffre total que l'on va trouver plus loin est-il au-dessous de la vérité. Si, à ce sujet, j'entre dans quelques minutieux détails, c'est qu'il importe, on le comprendra, que les naturalistes sachent ce qu'est ce service des envois régulièrement faits, inauguré pour la première fois en France par les laboratoires de Roscoff et de Banyuls. Il serait souvent plus avantageux de faire les envois en colis postaux à domicile, mais la station serait obligée de faire les avances des ports, et l'on verra bien vite à quelles charges cela conduirait; aussi faut-il avoir recours au tarif spécial B— o, un peu plus coûteux, mais qui permet d'envoyer les animaux en port dû et aussi en plus grand nombre, puisque le colis peut, avec ce tarif, atteindre le poids de 5 kilos. Le plus souvent, le colis se compose de deux ou trois bocaux bouchés avec un liège recouvert de parchemin; deux renfermant les animaux, un ne contenant que de l'eau de mer pure, destinée à l'arrivée à changer le milieu ayant servi pendant le voyage. Les bocaux, suivant leur nombre, sont emballés dans un panier de poissonnier ou une petite caisse. On reçoit ainsi des animaux en parfait état et bien vivants. Seule- ment si, pour les dissections des élèves, on multiplie trop le nombre des échantillons dans un môme bocal, la mort arrive inévitablement pendant le trajet. On sent, du reste, combien il importe d'indiquer au directeur le but des envois, afin que, dans les stations, il soit tenu ^ compte des désirs et des besoins. Depuis l'année 1877, soit depuis quatorze ans, il a été fait à Roscoff mille quatre-vingt-dix-neuf (l 099) envois. Le total de l'année cou- rante n'étant pas compiis dans ces chiffres, le nombre peut être certainement porté à mille deux cents (1200). Que l'on suppose seulement deux bocaux par envoi et l'on voit, ayant le panier en plus, quelle énorme dépense causerait à la station I.ABORATOIRE DK UOSCOFF. 287 ce service si l'on no payait les ports et si l'on ne renvoyait le contenant après avoir utilisé le contenu. Pour recevoir des envois, il suffit d'en faire la demande au direc- teur, de se charger des ports et de renvoyer les bocaux et les paniers ou caisses d'emballage. Aujourd'hui, grâce à ce service régulièrement organisé dans les deux stations, on observe et on fait observer à l'état frais, vivants, dans les établissements dont on trouvera les noms plus bas, des Hydraircs variés (Corynes, Hydraclinies, Campanulaires, Lucer- naires), des Alcyonaires (Gorgones, Corail, Veretilles, Pennatules, Alcyons), des Zoanthaires (Actinies variées, Balanophyllies, Garyo- phyllies), des Éponges et en particulier r.-l^me//a avec son polype parasite, Palytkoa ax/nelLv, une rareté; des Holothuries, des Our- sins, des Synaptes, des Siponcles, des Boncllies, des Annélides variées (Néréides, Nephlhys, Spirographis, Sabelles, Serpules, Téré- belles, etc., etc.), des Bryozoaires et en particulier le Loxosome du Phascolosome ; des Mollusques nombreux. Gastéropodes, Nudi- branches. Acéphales, Tuniciers, Ascidies simples et composées ; des Salpes, eniin YAmphioxus, etc. Les facultés de Lyon, Grenoble, Besançon, Nancy, Clermont- Ferrand, Bennes, Lille, Poitiers, Bordeaux, Toulouse, Caen et Paris, ont, suivant leurs désirs et dans la limite du possible, reçu des échan- tillons des animaux dont les noms viennent d'être rappelés, A l'étranger, il a été aussi fait des envois, à Edimbourg, Genève, Zurich, Lausanne, Moscou, Jassy, Gand, Louvain, Liège, Leyde, Gratz (Autriche). Des savants et des musées ont aussi fait des demandes, et il leur a été adressé des objets pour leurs études ou leurs collections, comme à Digne, à Angers, à l'École normale supérieure de Paris, au Muséum, à l'Institut Pasteur, à l'École de pharmacie de Paris, à la station de Villefranche et à celle d'Arcachon. N'est-il pas évident qu'il y a, dans cette institution des envois régu- lièrement combinés, un progrès considérable pour les études zoo- 288 H. DE LACAZE-DUTHIERS. loo-iques. Aujourd'hui on peut montrer vivants, dans toute faculté qui le désire et le demande, des animaux qu'on ne connaissait que par les descriptions des livres trop souvent faites loin de la nature. C'est surtout pendant le semestre d'hiver que les envois sont faits une fois par semaine aux jours indiqués par les demandeurs, afin d'avoir les objets au moment opportun. Dans le semestre d'été, la chaleur est peu favorable aux voyagea des animaux et il est fait peu d'envois ; cependant, à ce moment, ils seraient plus facilement faits en raison de l'état de la mer. D'un autre côté, si pendant Thiver on est à peu près certain de recevoir les objets vivants, quelquefois l'état du temps et de la mer s'op- pose à la recherche des animaux. On s'occupe autant que possible à faire provision des animaux demandés et à les conserver dans les viviers des stations. Mais en raison des diflicultés du temps en hiver, je prie que les demandes soient adressées le plus tôt pos- sible et d'avance si cela se peut, afin de ne point avoir d'interrup- tions dans le service, Xlll Il est bien rare, quand on s'entretient des stations maritimes devant des gens du monde, qu'on ne demande pas « à quoi cela sert-il », ou bien encore qu'on ne rencontre même des savants, mais il faut ajouter tout de suite travaillant dans un tout autre ordre d'idées, qui se croient obligés de faire cette autre question : « Avez- vous beaucoup de poissons dans vos viviers? » Voilà trop longtemps que ces questions sont posées pour qu'on y porte plus d'attention qu'il ne faut; mais néanmoins il y a dans le fond de ces observations une idée utilitaire qu'il ne faut pas méconnaître et rejeter avec trop de dédain. Aussi ai-je voulu faire un essai d'ostréiculture dans le vivier du laboratoire de Roscofl". M. Tisserand, directeur de llagriculture, ayant eu plus d'une fois l'occasion de visiter les établissements de Hoscoff et de Banyuls, LABORATOIRE DE ROSCOFF. 289 m'avait d'ailleurs beaucoup engagé à utiliser les moyens dont jo disposais pour faire quelques élevages d'animaux utiles. Le succès et la régularité des travaux de science pure étant bien établis dans les deux stations de Banyuls et de Roscofl", j"ai cru le moment venu de tenter quelques essais pratiques. A Banyuls, les essais ne pourront être faits que lorsque la con- struction du vivier sera entièrement terminée; mais à Roscoff, où un parc et un vivier réunissent les conditions propres à la conservation des animaux, je viens de tenter, l'année dernière, quelques élevages. Ce qui m'a conduit à faire cette tentative, c'est l'existence des conditions favorai)les à la vie des huîtres sur les plages de Roscoff. Ces conditions sont, on effet, démontrées par ce fait que l'on trouve, sous les pierres de la grève, des individus isolés qui ne sont pas rares. Dans la rivière de Saint-Pol-de-Léon et autre pari, il y avait des bancs d'huîtres, aujourd'hui en partie épuisés par une exploitation excessive et que l'administration cherche à repeupler. Dans ces conditions, il m'a paru intéressant de tenter des essais de culture, sachant, d'ailleurs, que, sur une foule de points du lit- toral de l'Océan, oii n'existent pas d'huîtres, on y fait néanmoins de beaux et bons revenus par l'ostréiculture, en y transportant et soi- gnant du naissain. Si le laboratoire réussit, peut-cire pourra-t-il, par son exemple, entraîner les pêcheurs roscoviles vers une indus- trie pouvant leur procurer une large rémunération, et, par cela même, il rendra un service au pays. Aidé par le gardien de mon laboratoire, Ch. Marty, sur le dévoue- ment et l'intelligence duquel je puis compter, car il est depuis bientôt vingt ans dans l'étabUssement, j'ai installé quelques caisses dans lesquelles, sur un fond et sous un dessus de toile métallique à mailles serrées, ont été déposées huit mille cinq cents très petites huîtres à l'état de naissain^ achetées, au mois d'avril 1890, dans les parcs de la rivière d'Auray. Ces petites huîtres avaient, à leur arrivée, eu moyenne, un dia* AUGH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — 2e SÉRIE — T. I\. l.^DI, 1!) 290 H. DE LACAZE-DUTHIERS. mètre de l',5 à 2 centimètres ; elles étaient nées dans l'été de 1889. -On sait que le naissain, détaché soigneusement du collecteur, est devenu un objet de commerce fort important pour quelques ostréi- culteurs, qui trouvent beaucoup plus de bénéfice à vendre à cet état les produits de leurs frayères, qu'à les élever jusqu'au moment où ils acquièrent une valeur marchande comme huître comestible. C'est ce naissain qui, acheté et transporté dans des localités où les huîtres mères font défaut, devient l'objet de soins assidus et d'un commerce fort rémunérateur. L'année 1889 n'avait pas été par- tout également propice à la fixation, sur les collecteurs, du frai des huîtres; aussi le naissain a-t-il acquis, en 1890, un prix relative- ment élevé; celui qui a été mis dans le vivier de Roscoff avait coûté 5 francs le mille. Voici le premier résultat obtenu après un séjour de deux mois, du 17 avril au 26 juin J890. Le premier développement se fait habi- tuellement dans ces mois. Alors, la jeune huître prend un accrois- sement relativement considérable ; on peut en juger par la différence du diamètre de la coquille du naissain, qui, en moyenne, au 17 du mois d'avril, avait 1 centimètre et demi à 2 centimètres, et qui, au mois de juin (le 24), avait acquis 5 à 6 centimètres de diamètre (fig. 5 et 6). Cette première pousse de la barbe, ou accroissement du bord libre de la coquille, prouve bien évidemment que le naissain s'est trouvé dans des conditions biologiques très favorables, qui font espérer aussi, qu'après deux années, la taille acquise par les élèves pourra permettre de les considérer comme étant devenues marchandes. J'ai suivi dans ce premier essai toutes les indications qui sont au- jourd'hui d'une pratique courante dans les parcs les mieux conduits. Après une visite à Auray, pendant laquelle M. Jardin, président de la Société d'ostréiculture du bassin d'Auray, s'est empressé de fournir tous les renseignements désirables, ce dont je suis heureux de le remercier ; après un voyage àQuimper, pour obtenir de l'admi- nistration des ponts et chaussées quelques améliorations dans le Ces figures ont été calquées en posant les coquilles sur le jiapier et suivant le contour avec un crayon, puis réduites de l'épaisseur du crayon; elles ne sont donc pas plus grandes que les modèles. Fig. 8. Le màme naissain, I" mars 1891. 292 H. Dl^ LACAZH-DUTHIERS. voisinage du vivier de Roscoff, j'espère pouvoir étendre, et de l:»eau- coup, cette année, l'essai qui donne, pour le moment, un premier résultat satisfaisant, ainsi que de belles espérances. Le naissain — cela est aujourd'hui bien reconnu — doit être en- touré de soins nombreux et très assidus. Il doit être déplacé sou- vent afin d'être garanti contre les dépôts de vase, contre la fixation sur lui des fucus et des éponges, contre la voracité des crabes et autres ennemis nombreux. Après avoir visité avec la plus grande attention les parcs [les mieux installés et utilisé les indications les plus pratiques, je ne pouvais douter que cette première expérience, instituée de concert avec mon gardien zélé et dévoué, ne dt\t con- duire à des résultats importants. Ces résultats sont aujourd'hui acquis et fort remarquables. On sait que l'hiver est une période de l'année très dure à passer pour les huîtres élevées en parc, car les temps froids agissant pen- dant les marées basses peuvent causer une grande mortalité. Cette année, les gelées ont été exceptionnellement redoutables, môme à Roscoff, qui jouit habituellement d'une température douce en hiver et où les Mesembryantheum vivent en pleine terre. Comme il y a eu de grands dégâts dans la culture maraîchère si remarquable du pays, il était nécessaire d'attendre la fin de la mauvaise saison pour pré- senter les résultats obtenus. Voici les grandeurs les plus considérables des échantillons : 1° Du naissain placé dans le vivier en avril; 2° Des individus pris au mois de juin ; 3° Des individus au mois de mars 1891 : Naissain, avril 1890 15 à 20 millimôLi-es (lig. 5). Le môme en juin 189'J 50 — (fig. 6). Le même en septembre 1890 .,.. 70 fl 7:j — (fig. 7). Le niûme en mars 1891 80 — (fig. 8). Le naissain, en général, prend un premier et grand accroissement pendant la belle saison qui suit celle de sa naissance. Celui qui a été mis en expérience à Roscoff était né dans l'été de 1889, dans les LABORATOIRE DE ROSCOFF. 293 parcs de M. Jardin, à Aiiray, el avait pris la taille de r,5 à 2 centi- mètres pendant l;i lin de l'été et raulumne de 1889. La différence de la taille des huîtres ne frappe pas quand on en donne la mesure en indiquant simplement les plus grands dia- mètres, autant que lorsqu'on voit les échantillons ou les figures qui les représentent. Aussi m'a-t-il paru utile de donner ici quelques dessins calqués sur les contours des coquilles mêmes (voir page 291). Il est à peine besoin d'ajouter que les plus belles tailles ont été choisies, afin de montrer le summum d'accroissement acquis depuis le commencement de l'expérience. En voyant ces dessins, on peut affirmer qu'en moins d'une année le naissain élevé dans le vivier de Roscofl"a acquis la taille marchande. Cet accroissement rapide a beaucoup étonné des personnes habi- tuées aux études d'ostréiculture. Elles auraient peut-être mis en doute l'origine de ces huîtres, si elles ne portaient leur marque de fabrique. Le naissain, quand on le détache des appareils collec- teurs, ou, pour employer l'expression consacrée, quand on le dé- troque, emporte avec lui une partie de la couche de chaux dont on a enduit les briques et tuiles pour faciliter le détrocage; ainsi, la marque certaine de l'origine se voit sur la coquille. Les huit mille cinq cents petites huîtres que j'avais placées dans le vivier sont-elles toutes arrivées à cette taille remarquable? Voici comment, après un triage attentif, on peut, au 1" mars 1891, répartir les huîtres ayant servi à l'expérience : 3 300 ont acquis la taille d'un peu plus de G cenlimèlres; le plus gi-and nombre a 8 centimètres dans le plus grand diamètre. 2 700 ont de 4 à 6 centimètres dans leur plus grand diamètre. •1 900 sont petites, c'est-à-dire ont de 3 à 4 centimètres. 330 sont restées à l'élat de naissain, ayant à peine commencé .à pousser la barbe au bord de leur coquille. IGO avant l'hiver étaient mortes dans la saison d'été et d'automne IS'JÛ. 50 ont péri pendant l'iiiver qui finit. 36 m'ont été envoyées à plusieurs reprises pour suivre l'expérience. 24 ont été ouvertes sur les lieux pour les besoins de l'observation. S jOO 204 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Quelques remarques doivent accompagner ces chiffres. D'abord les pertes, 210 sur 8 500, sont pour ainsi dire insigni- fiantes ; ensuite la proportion des jeunes, 330, qui ne sont pas encore développées, est très faible. Voilà pour les résultats relatifs à l'ac- croissement et à la vitalité. Reste une autre question qui a bien son importance et qui ne pourra être jugée qu'après un nouveau temps de séjour dans le vivier. Il s'agit de la qualité au point de vue de la saveur de l'huître. Apres une première année qui semble avoir été employée par l'ani- mal à étendre les proportions de sa taille, le Mollusque doit, suivant l'expression des ostréiculteurs, s'engraisse?^ prendj^e du corps. Il faut attendre encore pour se prononcer sur cette qualité ; pour le mo- ment, on peut dire que les huîtres élevées à Roscolf ont une saveur fine et délicate, mais qu'elles ne sont pas encore complètement grasses. Elles se présentent, d'ailleurs, dans d'excellentes conditions, fai- sant bien espérer pour l'avenir. En effet, malgré leur croissance très rapide, leur coquille est très saine et ne présente aucune des défec- tuosités nuisant à la qualité. On sait qu'il arrive souvent que le fond du creux de la coquille offre des couches non exactement superposées, accolées les unes sur les autres ol laissant entre elles des espaces remplis d'une eau saturée d'acide snlfhydrique, nuisant beaucoup à la dégustation lorsqu'on brise ces pellienles minces en détachant le Mollusque de son test. Cette condition des plus fâcheuses ne se rencontre pas chez elles. Une autre condition non moins défavorable est celle qui se pré- sente lorsque le test est habité par des éponges parasites perforantes, lesquelles répandent une odeur phosphorée fort désagréable pour le consommateur. Jusqu'ici, nous n'avons point trouvé une seule coquille des élèv(>s du vivier de lloscoff allaqnée par l'éponge parasite. 11 faut remarquer aussi combien la mortahlé, 50, pendant le der- LABORATOIRE DE ROSCOFF. 298 hier hiver, a été faible. La cause doit, je pense, en être trouvée dans ce fait que jamais le vivier n'a été complètement vidé aux marées basses pendant les gelées. L'eau se renouvelait durant les hautes mers ; elle pouvait entrer, mais les vannes n'étaient pas ouvertes à la marée descendante. Le gardien, pour soigner les élèves, tirait hors de l'eau les caisses tou- jours amarrées aux parois du vivier et les immergeait très rapide- ment après les soins de nettoyage. Il importe d'insister sur l'enseignement qui ressort de cette mor- talité insignifiante pendant un hiver fort rude. Il est évident, et cela est du reste bien connu, que les soins régulièrement donnés assu- rent la vie des animaux. Mais il est certain aussi que, sur des sur- faces très considérables émergeant à marée basse, des soins sembla- bles à ceux qui ont été pris dans le cas actuel seraient difficilement pratiques. Toutefois, c'est une chose utile à répéter et à montrer par l'expérience même, que les soins sont pour beaucoup dans la réussite de l'ostréiculture. Dans un laboratoire comme celui de Roscoff, consacré aux études de science pure, il ne peut être question d'un élevage considérable et d'une sorte d'industrie ; mais on peut et même on doit y montrer des faits probants destinés à servir d'exemple et permettant à l'in- dustrie de s'appuyer sur eux pour entreprendre des essais sur une plus grande échelle et devant donner des produits rémunérateurs, car elle n'aura pas d'expériences à tenter, n'ayant qu'à imiter. Il existe à Roscoff un grand vivier où l'on a réuni et conservé jus- qu'à trente mille homards ou langoustes. Ce vivier est placé dans des conditions maritimes bien plus favorables que le vivier de mon laboratoire. Après avoir constaté de visu les résultats dont je viens de rendre compte, le possesseur du vivier à homards a, cette année même, tenté, de son côté, un élevage et il a déjà placé du naissain dans son vivier. Si cette tentative réussit, ce que je désire beaucou[), j'avoue que je ne m'attendais pas à voir l'exemple donné par la station aussi promptement suivi et des essais tentés sur la foi des 296 il- ^^ LACAZE-DUTHIERS. expériences faites au laboratoire. Le but que je m'étais proposé serait ainsi rapidement atteint. Beaucoup trop souvent on fait, en pisciculture et en ostréiculture, des expériences, sans s'être d'abord suffisamment renseigné sur les conditions biologiques nécessaires au développement des animaux qu'on ensemence, et l'on s'expose ainsi à de bien graves mécomptes. Dans le cas actuel, je puis le dire aujourd'hui, je comptais absolu- ment sur une réussite certaine, sans toutefois compter sur un accroissement aussi rapide : la raison en est dans la connaissance que j'avais des conditions biologiques existant sur les grèves de Koscofl" où, rencontrant tout près du vivier, à chaque instant, des huîtres, je n'avais aucun doute sur l'existence des bonnes conditions indispensables à la vitalité des Mollusques (juc j'y apportais à l'état jeune. 11 est permis, maintenant, d'aller plus loin et de penser qu'on trouvera, sur des parties des grèves du canal abrité par l'île de Batz, entre cette île et Roscofl', des espaces inoccupés ne donnant aucun produit, où il serait possible d'aménager des parcs produc- teurs importants, en y élevant d'abord des naissains produits et acquis ailleurs, puis en y étabhssant des appareils collecteurs. A Arcachon, à Auray, dans tout le Morbihan, on trouve d'immenses étendues de grève qui sont utilisées et qui produisent de fort beaux revenus à ceux qui les mettent à profit pour l'élevage des huîtres. Il serait heureux que de nouvelles expériences étendues et pour- suivies, comme j'espère le faire dans la campagne prochaine en dehors du vivier même, puissent déterminer les pêcheurs de Roscofl' et de l'île de Balz à entreprendre des essais qui, plus tard, pour- raient devenir, pour eux et la contrée, une source de produits rémunérateurs, comme cela est arrivé dans une foule de localités de notre littoral océanien. On voit, d'après ce (]ui pi'écèdo, qu'il sera plus facile de répondre anjuard'lmi aux queslions ulililaires qui pourront être adressées au suiel du laboraloiic de rioscolf. LABORATOIRE DE ROSCOFF. 2i)7 XIV Eu commençant ce compte rendu, j'ai dit que je considérais la station de RoscoH" comme étant terminée et cumplèle. Est ce à dire qu"il n'y ait plus rien à y faire, plus aucune amélioration à y porter? La première installation, quelque peu importante qu'elle fût, était un progrès, puisque le département de l'instruction publique, en France, n'avait absolument aucun laboratoire qui permît de faire des recherches de zoologie marine. Mais ce progrès était tout relatif. Aujourd'hui, la station d'hier serait jugée plus qu'insuffi- sante, tout à fait en relard, et cela avec grande raison. (Jui peut dire quels seront les progrès que fera l'électricité dans le cours de quelques années ? Quelles seront les modifications apportées aux méthodes d'investigation? Aussi les progrès que présente le laboratoire de zoologie expérimentale de 1891 sur celui de 1881, de 1878 et de 1872, sont eux-mêmes tout à fait relatifs, et vouloir considérer comme un dernier terme la création roscovite telle qu'elle existe en ce moment serait certainement fort peu raison- nable. Le progrès engendre le progrès ; aussi ne faut-il jamais considérer ce qui existe comme étant le dernier terme d'une orga- nisation, quelle qu'elle soit. Ce (jui manque surtout dans mes deux laboratoires, je dois le reconnaître, c'est un personnel plus nombreux. Cela se fait surtout sentir à Roscoff, où tout à coup, quand arrive le mois d'août, le nombre des travailleurs devient considérable. De ce côté, il y a une amélioration incontestable à apporter dans l'orga- nisation actuelle; mais cette modification est une affaire d'argent, et lorsque les crédits seront améliorés, rien ne sera plus facile que d'avoir deux ou trois matelots de plus et quelques gens de service, qui manquent certainement aujourd'hui. 298 H. DE LACAZE-DUTHIERS. LABORATOIRE ARAGO. Dans l'exposé des conditions de la création et de l'organisation de la station de Banyuls, faite en 1881, les indications relatives à l'ori- gine du laboratoire, aux causes qui avaient déterminé sa création, aux moyens d'exécution, ont été données avec trop de détails pour avoir à y revenir dans cette notice. Je n'en rappellerai que quelques traits, pouvant aider à la comparaison de l'état primitif avec l'état actuel. En 1881, il restait beaucoup à faire au laboratoire Arago. Le bâtiment rectangulaire n'était aménagé qu'au premier; le second était un vaste grenier inutilisable, faute d'un escalier pour y avoir accès. Les croisées de ce second étaient murées par des cloisons.' L'aquarium, ou grande salle du rez-de-chaussée, n'offrait pas en- core de bacs, et les cuvettes de travail étaient simplement pla- cées sur des tables ; le sol était sablé et non cimenté. Tout cela a été modifié, et ce qui a été fait à Banyuls depuis dix ans est bien considérable. On vient de voir, dans la relation sur RoscofT, que la campagne ou la durée de travail y est courte ; qu'au moment des vacances l'encombremeut est la conséquence de la modification du but du laboratoire, puisque, à côté des recherches originales, l'enseigne- ment y a pris une large place. Dès longtemps ces raisons m'avaient fait rechercher le moyen de ne pas laisser interrompre le travail près de huit mois de l'année. Pour obvier à cette perte de temps, il fallait créer une station d'hiver où les travailleurs désireux de continuer leurs études commencées dans le Xord,pussent se retirer pendant l'hiver et le printemps. Ce fut cette raison qui condui'^it à la création de la station sœur de Roscoff. LABORATOIRE ARAGO. 299 ■Où la placer? Telle fut la première question à se poser. Les naturalistes avaient l'habitude de se rendre dans les ports de la côte, de Cette à Villefranche. Ce n'était pas dans ce point qu'il fallait chercher du nouveau; au contraire, on n'allait pas faire d'é- tudes depuis Cette jusqu'à l'Espagne. Beaudelot, sur mon conseil, était allé à Port-Vendres; moi-même j'y avais travaillé plusieurs fois. Claparède y était venu après nous. Nous étions les seuls ayant exploré un point de ces côtes. Le docteur Penchinat, de Port- Vendres, avait bien étudié et recueilli les coquilles des Mollusques de la contrée. M. Campagnio avait fait l'histoire naturelle générale du Roussillon; mais au point de vue de la zoologie telle qu'elle est entendue aujourd'hui, toute cette partie du littoral était fort peu connue. Est-il besoin de dire que, du côté de Ttlspagne comme du côté de la France, les contreforts si découpés des Pyrénées plon- geant dans le golfe du Lyon, du cap Bearn au cap Creux, étaient absolument inexplorés, et que cependant leur faune devait offrir des particularités intéressantes tenant à la constitution géologique des fonds et aux conditions maritimes si différentes de ce qu'elles sont entre Cette et Marseille. Il y avait donc dans cet état des choses grand intérêt à étudier une région peu ou pas connue, et par conséquent à y établir la station projetée. Mais encore, quel point du littoral fallait-il choisir ? Port-Vendres a un port admirable, que j'ai compare avec quelque raison au port de Mahon, à Minorque ; au milieu est une ancienne forteresse d'un autre temps, la Presqu'île, dans laquelle j'avais, à deux reprises, eu l'autorisation de m'installer pour travailler, qui, sans offrir des locaux brillants, présentait une foule d'avantages. Je priai M. J, Ferry, alors ministre de l'instruction publique, qu'accom- pagnait M. Dumont, le regretté directeur de l'enseignement supé- rieur, de visiter la presqu'île, en 1879, lors de l'inauguration de la statue d'Arago à Perpignan. Après cette visite, toutes les démarches nécessaires et imagina- 300 H. Di: LACAZE-DUTHIERS. blés furent faites par l'instruction publique pour obtenir le petit fort ; le ministère de la guerre resta inébranlable et ne voulut pas céder son fortin aussi démodé que de peu d'importance. La ville de Port-Vendres désirait bien avoir le laboratoire; mais elle espérait toujours la reddition de la place afin d'avoir moins de dépenses à faire. Banyuls, saisissant le moment d'hésitation de sa voisine, s'imposa et offrit 2o 000 francs, un emplacement et un grand bateau de pêche. Le département avait voté des fonds. J'étais d'autant plus obligé de choisir entre les deux que le temps pressait. Port-Vendres ne faisait aucune proposition ferme, et le ministère favorable était menacé, car le futur ministre de l'instruction publique, dans le grand ministère qui s'avançait, ne me sem.blait pas devoir appuyer mes projets. Toutes ces considérations hâtèrent la détermination, et Banyuls fut choisi pour siège du laboratoire. La situation sur le promontoire Fontaulé est charmante (fîg. 0) ; on est en face du village et des montagnes, on s'avance dans la mer dont les côtes peuvent fournir beaucoup d'animaux intéres- sants. Les embarcations de la station sont au mouillage sous les murs mêmes de l'étabhssement. Quand arrivent les chaleurs, on y jouit de la brise de mer, on y a moins chaud qu'au village; par contre, on y est, en hiver, moins abrité contre le mistral, ce qui est un gros inconvénient si la saison devient mauvaise ; mais il est bien rare que les stations mêmes les plus avantageusement dotées ne présentent pas quelques conditions regrettables ; le plus sou- vent, sauf dans quelques hivers rigoureux et fort exceptionnels, on y jouit d'un temps très agréable. La population de Banyuls est hospitalière; le fond de son carac- tère est la gaieté, qu'elle n'a pas perdue, malgré les désastres produits chez elle parle phylloxéra. Dans la note de 1881, on peut voir ce qu'étaient alors ses vignobles qui donnent un rancio et un grenache si estimés el(iui, à cette épo(iue, étaient déjà menacés. Depuis lors, tous les coteaux, jusqu'à une grande hauteur, dan^ la montagne, LABORATOIRE ÂRAGO. 301 couverts de vignes de la plus grande fécondité, ont été détruits. L'insecte a tout ravagé et fait disparaître la grande richesse du pays. Après quelque temps d'hésitation et d'incertitude, aujourd'hui, peu à peu, lentement, car cela coûte cher, on travaille à recons- tituer les vignes, et tout fait espérer que la richesse du pays renaîtra. N'est-il pas remarquable de voir une petite ville, sur la frontière pig. 0. — Plan de la rade de Banyuls-sur-Mer destine à montrer la position du laboratoire h l'est du mouillage du Fontaule et au sud de Tile Grosse. Le vivier, à l'ouest du nuMe, fiM-mant le barrage entre l'île Grosse et le promontoire du Fontaule, est indiqué. extrême, bien loin de Paris, au moment où elle est menacée par un ennemi redoutable, s'imposer un grand sacrifice, voter une rente annuelle, payer une partie de la construction, acquérir le terrain pour l'emplacement;, faire enfm une souscription, et arriver en défi- nitive aune dépense d"unc trentaine de mille francs? Le laboratoire était formé (voir vol. LK, les figures delà page o8i) par un bâtiment massif rectangulaire, ayant sept ouvertures sur im H. DE LAGAZE-DUTHlERS. chacune de ses deux longues façades, et une seulement sur chacune de ses extrémités; il est placé sur le flanc ouest de la colline formant le promontoire Fontaule, taillé à pic de main d'homme pour le recevoir. Mais, ainsi qu'on l'a vu plus haut, ce bâtiment était devenu bientôt insuffisant ; il fallut, à ses deux extrémités, construire un local, l'un pour le gardien et l'autre pour les machines. Pour ces deux construclions comme pour le grand corps du bâti- ment central, il avait fallu enlever d'énormes masses de rocher et creuser un tunnel pour avoir accès à la mer, et, par suite de ces travaux, les constructions se sont trouvées en contre-bas dans une échancrure taillée à pic dans la colline ; ce qui ne laisse pas que d'avoir de grands inconvénients. On est en ce moment, à Banyuls, dans l'une des situations rencontrées à Roscoff et qui rendent tou- jours vrai ce vers d'Horace : Angulus iste qui nunc denormat agellum. Les rochers taillés à pic, à l'ouest, ne sont séparés des murs du laboratoire que par une tranchée de 2 mètres. Les bâtiments et les bacs de l'aquarium sont incessamment menacés par les blocs de rochers qui se détachent. Il y a là, évidemment, un travail d'amé- lioration qui s'impose. Il faut éloigner la paroi verticale de la tran- chée ; de plus, un chemin public descendant de la hauteur et arri- vant au niveau de la toiture du logement du gardien est tellement près qu'il importe de faire disparaître ce voisinage (voir pi. XII). Le laboratoire est beaucoup trop enserré dans ses limites, et il est urgent de lui annexer le haut du promontoire, qui est inculte et n'a aucune valeur, si ce n'est dans l'esprit de son propriétaire. Lorsque ce terrain sera devenu la propriété de l'établissement, il pourra être donné suite à un projet de tunnel allant de l'aquarium à l'anse de la mer, à l'est, avec formation d'une grotte où les bacs pourront être entièrement soustraits aux variations de température et ne recevoir qu'une lumière zénitale fort modérée. LAnORATOIRE AUAGO. 303 On a vu que les laboratoires devaient être considérés comme étant terminés et complets. 11 n'y a pas à revenir sur cette affirmation, car le travail n'est nullement entravé parce que le sommet du promon- toire n'est pas encore la propriété de l'établissement ; mais cette extension permettrait, en creusant une grotte, de prendre des dispo- sitions très favorables aux longues études expérimentales de l'évo- lution. Toutefois, si, de ce côté, il y a un desideratum à combler, cependant rien ne presse et ne demande encore des mesures de rigueur. Avant que la machine à vapeur lut installée, il fallait songer à avoir l'eau douce qui lui était nécessaire. La citerne, où étaient réunies toutes les eaux de pluie des toitures, et construite afin d'avoir sous la main l'eau potable, car on ne connaissait pas de source dans le voisinage, n'aurait pas suffi pour fournir à un chauffage toutes les semaines. Il fallait, de toute nécessité, obtenir des domaines une partie des terrains maritimes situés dans le ravin de la Tuilerie et appartenant à l'État, afin d'y creuser un puits pouvant répondre aux besoins de la machine à vapeur. Il n'y a pas eu moins de difficultés à Banyuls qu'à Roscoff pour obtenir la possession, par l'Instruction publique, de cette parcelle qui aujourd'hui rend les plus signalés services. Cette annexion, en apparence insignifiante, n'en représente pas moins une amélio- ration d'une grande importance, car sans elle il faudrait aller cher- cher au village l'eau nécessaire à la machine. Depuis 188) , le réservoir d'eau de mer situé sur le sommet de la colline, creusé dans le rocher afin d'avoir une grande pression et d'éviter réchauffement de l'eau pendant l'été, a été augmenté (voir la figure 3 plus haut, page 266). En 1883, ses proportions ont été doublées; il contient aujourd'hui 130 mètres cubes et permet l'entretien de l'aquarium pendant près d'une semaine. A l'époque du premier compte rendu, c'était encore à bras que l'eau de mer devait être élevée pour les besoins des travaux. Comme autrefois à Roscoff, c'était l'état primitif. 304 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Dans les ports bien organisés, on ne connaît pas les inconvé- nients et les difficultés des embarquements que présentent les plages de galets ou de sable, surtout avec les bateaux à quille, et, comme, avant la construction du laboratoire, le mouillage du Fon- taule était aussi insuffisant que possible, nous avions bien des em- barras quand il fallait partir pour la pêche. Aujourd'hui, lorsque les bateaux de la station (il y en a trois, des- tinés aux différentes espèces de pêche) doivent prendre les personnes du laboratoire désirant aller à la mer, ils viennent accoster bord ;\ quai sous la terrasse, et c'est de plain-pied que l'on embarque ; ou bien, quand ils rentrent des dragages en venant s'amarrer à la jetée, chacun peut aller fouiller dans les filets, sans avoir les ennuis que donne la nécessité de prendre un canot pour aller à bord. Je ne saurais trop exprimer toute ma reconnaissance à mes- sieurs les ingénieurs du département, MM. Parlier et Cutzac, qui, dans les travaux à faire dans la baie et le port de Banyuls, n'ont jamais oublié la part du laboratoire. C'est quand il s'agit de partir avec le matériel, lourd et difficile h manier, du scaphandre que nous apprécions tous les services que nous rend la jetée construite par les ponts et chaussées. La mer, dans la mauvaise saison, est souvent démontée en dehors du môle qui unit l'île Grosse au Fontaule ; malgré cela, la prise d'eau par la pompe devait être en dehors du môle et non dans le mouillage à l'ouest. Ces conditions nécessitaient une construction des plus solides pour garantir les tuyaux d'aspiration contre les coups de mer. Tout en faisant les travaux nécessaires à la conso- lidation de l'extrémité du môle, messieurs les ingénieurs des ponts et chaussées ont refait la prise d'eau et l'ont conduite assez loin pour que la machine puise une eau d'une pureté parfaite. La jetée, qui a rendu nos manœuvres d'embarquement si faciles, et le tunnel, qui protège les tuyaux de la pompe contre les fortes houles, auraient coûté de fortes sommes que les crédits du labora- toire auraient eu peine à couvrir. Aussi les services rendus par les LABOlUTOIRn: ARÂGO. 30-i ingénieurs au laboratoire sont-ils très grands. C'était un devoir que de le rappeler. Une construction fort nécessaire était encore demandée depuis longtemps. Entre une mer à marée et une mer comme la Méditer- ranée, où les oscillations des niveaux passent souvent inaperçues, les différences sont bien grandes. Malgré cela, un vivier était tout aussi utile, si ce n'est plus, à Banyuls qu'à Roscoff. Dans le dessin représentant la vue du laboratoire Arago (voir pi. XII), et sur lequel le môle et l'île Grosse sont compris, on a indiqué les limites du vivier qui se construit en ce moment (1891). En prenant le môle comme base ou côté le plus grand d'un trapèze et la jetée comme l'un des autres côtés, en prolongeant celle-ci du double de sa longueur et, par son extrémité ouest, menant une ligne parallèle au môle, puis une autre ligne allant de celle-ci rejoindre l'île Grosse, on enferme une surface de mer qui suffira largement à faire des expériences d'application et surtout à conserver des ani- maux dont l'étude occupera les savants venus au laboratoire pour faire des recherches, et qu'on aura toujours sous la main. Le fond de cet enclos sera suffisant, et la régularité qu'on lui donnera permettra les essais les plus utiles et les plus intéressants. Tels sont les agrandissements qui se sont heureusement produits dans la période de dix années qui vient de s'écouler. I! L'aménagement intérieur a subi des modifications non moins grandes. Le travail à Banyuls peut être considéré comme étant absolument indépendant de la grande salle qui sert d'aquarium. C'est au pre- mier étage que se font les recherches. Le public peut entrer au rez-de-chaussée sans qu'il y ait aucun trouble apporté aux études. On devait bien cela à la ville de Banyuls, qui a fait de grands sacrifices, s'est imposé une dépense de près de 30 000 francs pour ARCH. UE ZOOL. F.XP. KT GÉ.V — 2* SÉitlE. — T. IX. IS91. 20 306 H. \)K LACAZE-DUTHîEKS. avoir le laboratoire. C'est bien la moindre des choses qu'on la fasse jouir d'une construction à laquelle elle a si largement par- ticipé. Dans ces conditions, il était difficile de laisser les murs complète- ment dénudés. Aussi le pourtour de la salle a-t-il été décoré dps bustes de savants illustres donnés par l'administration des Beaux- Arts (voir pi. XIII). La statue de la Vénus de Milo, sortie des ateliers de moulage du Louvre, placée au milieu de l'aquarium, a été donnée par le pre- mier président Drême, grand admirateur de l'art grec, qui trouva, en visitant le laboratoire, que la place de VAlma parens rerum était tout naturellement marquée au niilieu des beautés de la nature réunies dans ce grand vivarium. Au point de vue de l'aquarium, l'organisation du laboratoire Arago est très différente de celle de Roscoff ; il n'y a là rien qui doive étonner. Roscoff n'a fait aucun sacrifice pour le laboratoire; il n'a tiré que des avantages de sa présence. La cession de ses écoles lui a valu une indemnité énorme, sans proportion avec la valeur de ce qu'elle cédait; celle de ses vieux chemins lui a procuré l'élar- gissement des voies d'accès à la promenade du Yill ainsi qu'à la mer, et même les avantages d'un bois devenu promenade pour les bai- gneurs. Dans ces circonstances, avec les dépenses qui se multi- pliaient, il n'y avait pas lieu de les augmenter encore pour rendre l'aquarium indépendant afin d'en faire jouir un public de passage. A Roscoff, les stalles de travail sont, pour ainsi dire de plain-pied, sans séparation avec l'aquarium ; il eût été difficile, et non sans inconvénient, de laisser circuler librement un public de baigneurs souvent fort indifférent, et qui cherche seulement à se distraire. L'aquarium, à Banyuls, est le plus souvent plongé dans l'obscurité; aussi l'observation y prend-elle un caractère qui éveille beaucoup la curiosité. A Roscoff, les bacs, dans la grande pièce de 3 ares toute vitrée sur ses côtés, n'offrent plus le même aspect ; on y est comme LABORATOIRE ARAGO. 307 en plein jour et comme dehors (pi. Xlil). On n'oublie pas que sur les côtes de la Bretagne on n'est pas inondé d'une lumière aussi vive, aussi pénétrante qu'à Banyuls. Le public balnéaire, le plus souvent ignorant, qui veut passer son temps, n'ayant pas sa curiosité surexcitée, demande peu à visiter le laboratoire qu'il confond sou- vent avec le vivier à homards. D'ailleurs, l'entretien d'un aquarium, pour avoir toujours des animaux en bon état, est chose coûteuse, ce dont le plus souvent on ne se rend pas compte. L'eau doit y arriver abondante et fraîche, les animaux doiventy être remplacés fréquemment jusqu'à leur parfaite acclimatation, et les soins à leur donner sont nombreux. Tout cela devient coûteux quand cela dure toute l'année. La première, la plus importante des conditions, est le renouvelle- ment continuel de l'eau fait d'une certaine façon. Au laboratoire Arago, cette condition est aussi bien remplie que possible. Sous la pression de 10 mètres, l'eau de mer tombant de la cuve- réservoir dans les bacs, pousse devant elle une quantité innombrable de fines bulles d'air pulvérisé formant comme une buée, et l'aéra- tion est ainsi admirablement assurée dans le milieu où s'accli- matent bien et vivent parfaitement les animaux les plus divers. On le verra plus loin par quelques exemples qui seront donnés. Pour avoir l'eau ainsi abondante et dans une situation élevée, il fallait une machine. Le moulin automoteur ayant été renversé, c'est mon confrère, M. Bischolfsheim, qui me l'a donnée. La machine à vapeur, vrai bijou de la maison Weyher et Riche- mont, a fourni la force suffisante pour actionner en même temps et la pompe rotative et la dynamo. Aussi remplit-on d'un côté le ré- servoir d'eau, et charge-t-on d'un autre côté les accumulateurs qui permettent aujourd'hui d'éclairer, à tout moment, par des lampes à incandescence, toutes les pièces du laboratoire. Enfin, à l'aide d'un régulateur à réflecteur Serrin, on peut éclairer les bacs par une lumière intense et obtenir les effets les plus remar- quables. 308 n. DE LACAZR-DUTHIERS. Pour le plus grand nombre, à Banyuls, les bacs (voir les plans du rez-de-chaussée, pi. XIV) reçoivent la lumière zénitale. Dans ce cas, ils ont été construits en dehors de la salle, dans les embra- sures des croisées situées sur la façade h l'est. C'est pour eux que l'obscurité doit être faite dans la salle, et ce sont eux qui attirent le plus vivement l'attention des visiteurs. L'observation s'y fait très commodément, et les animaux y vivant très bien, on peut les y suivre longtemps. A Roscoff, il n'y a pas de bacs de ce modèle. Dans l'intérieur de l'aquarium et au devant des ouvertures de la façade ouest, Torganisation est différente. Sur de grandes et très belles tables de marbre noir (voir pi. XIII), ont été élevés des bas- sins à parois de glace fort épaisse, mesurant une longueur égale à celle des bacs de l'est, et ayant une largeur et une hauteur pro- portionnées. Du reste, le renouvellement de l'eau y est conçu de même que du côté de l'est. Pour l'observation dans cette partie de la salle, de grands rideaux fort épais, ne laissant pas pénétrer de lumière, peuvent, à un mo- ment voulu, être écartés, et comme les baies sont très grandes, les bacs se trouvent, quand on le veut, en pleine lumière. Cette dis- position permet de passer d'un mode d'observation' à l'autre très rapidement. Tous les bacs de l'intérieur n'ont pas la même capacité. Ceux qui sont très grands servent aux gros animaux, aux observations générales; mais les plus commodes, pour les observations à la loupe ou à l'aide d'un microscope porté sur un long bras et à faible grossissement, sont ceux dont la profondeur ne dépasse pas 20 centi- mètres. Comme autour des glaces formant les parois la table de marbre s'étend à 20 centimètres, et est à hauteur d'appui, on peut, en s'accoudant, observer longtemps sans aucune fatigue, et voir des détails d'organisation sur des animaux fort délicats avec la plus grande facilité. On peut placer sur ces rebords les cartons et papier et dessiner commodément. L'un de ces bacs, le pre- mier de la série que montre la vue intérieure de l'aquarium (pi. XIII), LABORATOIRE AHAGO. 309 occupe le premier plan. On peut très bien juger de la disposition d'après ce dessin. Dans une dernière excursion, un fait a beaucoup frappé des natu- ralistes ayant visité la plupart des stations d'Europe : c'est que depuis la fondation du laboratoire, pas une des glaces ne s'est cassée. Cependant, nous venons de traverser un hiver 1res rude et très excep- tionnel pour le Midi, car les gelées ont été très fortes et très long- temps prolongées. Cela tient évidemment au mode de construction; les matières unissant les parties sont souples et non indilatables ; elles permettent aux glaces de se dilater ou de revenir sur elles- mêmes, n'étant pas fixées d'une manière invariable. C'est un résultat qu'on n'obtient pas toujours et qui mérite bien d'être pris en con- sidération quand on a ù. construire un aquarium. Tous les bacs portés sur des tables à l'intérieur ont été installés depuis l'époque où fut décrite pour la première fois la station de Banyuls. Ils ont coûté beaucoup d'argent et surtout de peines pour être construits avec tous les soins nécessaires. Lorsqu'il y a de nombreux travailleurs au laboratoire, il serait à désirer qu'il y eût un plus grand nombre de tables avec bacs peu profonds. Chacun demande à avoir, pour mieux suivre ses animaux, l'un de ces réservoirs. Il n'en existe que trois. C'est peu; mais au- jourd'hui, c'est la place qui manque pour en construire de nouveaux. C'est pour cela surtout que l'extension de la propriété serait néces- saire alin de faire une annexe à l'aquarium en creusant une grotte sur le promontoire. Un système d'égouts ou de canaux, aménagé dans le pourtour de la salle, amène d'une part les eaux d'alimentation et recueille d'autre part les eaux des trop-pleins de tous les bacs. Ces eaux s'écoulent dans un bassin situé sous la voûte du double perron qui, de la terrasse, donne accès à l'aquarium. Ce bassin reçoit les échantillons des animaux arrivant de la mer qui doivent être envoyés aux facul- tés, ou qui, après un certain temps, ayant prouvé leur vitalité, sont placés dans les bacs de l'aquarium. C'est pour ces derniers un temps 310 II. )>H LACAZK-DUTHIERS. (l'éprciivc, un séjour d'ossiii subis daus ce premier bassin. Cost aussi là (iii(> beaucoup (rrcliaulillous soûl placés pour la dissecUon, (piaïul il y a des élôvos s'exerçanL au laboraloii'e. Sur le (juai inférieur à la terrasse, un aulre bassin a été eoiislruil sur le passage du eourant d'eau allant du bassin de l'esealier à la mer. Étant à la portée des passants, on y met moins d'aiiimaux ({un dans le premier, (ibose curieuse, des Molliisipics {IhiUa) s'y soni, une année, développés ;\ prolnsioii. lis y étaient évideuiniciit ai'rivés ^ l'état d'embryon par les eaux venant de l'aiiuarinni, car il y avait en des pontes nombreuses de ces animaux dans les bacs. Une dei'nièr(( disposition do l'aménagenuMit du laboratoire doit éliT enciu-e sigiudée. F.orscpi'il l'allut l'aiie une trancliée dans le rocher, vers l'exlrémilé nord-est du bAlimenl primilil", pour trouver la place nécessaire à la construction de la salle des uiachines, il importait beaucoup de ne pas abattre tonte eette partie de la colline, afin de ne pas dé- truii'e un abri précieux contre les énormes hunes de la nu-r anivantdu Iar!j,e; mais il était possible d'utiliser le sommel en l'écrèlant et faisant une terrasse i\ la hauteur ^.\\\ preiuicM- éiai^e. (Test ainsi (pi'à laide d'une passerelle établie sur l'arête du faîtago de la salle des machines (voir pi. XlV), on peut aller des cabi- nets de travail prendre l'air sur la terrasse, d'où le point de vue sur la nu'r, sur les Albères et la baie de 13anyuls, est vraiment superbe. (Vêlait aussi sur celte terrasse (jue fut placé, eii ISSU, 1(> moulin aulonioleur, destiné, avant sa uu''saventure, lui <|ui déliait les tem- pêtes et iiui a pileu^iMucnt péri dans un coup de misti'al, à élever l'eau. Son snppoii sert anj(UU'd'hui de m;\l de pavillon. De cette terrasse supérieure, on peut aller, par un escalier exté- rieur, sur la terrasse du rez-de-chaussée et descendre d(> là à la uu'r et suivre le niùle. On veri'a l'utilité de cette dispositiiui. Il serait bien lonj; de si;4nal(M', en les motivant, ehaenue des amé- liorations appo! lées à l'installation depuis l'année 1881, I.AHOUATOIKU AHACÎO.. 'Jll On on comprendra cl l'iniporl ;nu(ï cl la valeur en les indiquant, pour ainsi diie, par oi'di'e de date. En 188;{ : ConslriKîlion du Idgeuieiil du gardien. Construction de la salle des machines, de la passerelle allant du premier étage à la terrasse du inud. CiOnstruelioii d'une première citerne dans le terrain acheté au sommcl (lu pi'omoiihiire ; jilns lard, agrandissement du douhhMle celle citerne. Construction des escaliers extérieurs; modillcallon du sul de la terrasse du rez-de-chaussée; clôture de cette terrasse. Installalion du moulin cl de la pompe; dans h; tunnel du noi'd, et (îonsliMiction d'uiu' prise d'eau couverte en ma(;onn(!i'i(!, à l'est du môle. A l'intérieur, construction d'un escalier donnant accès an s(;eond élage; aménagement de trois pièces pour rhahitaliiui du directeur et d'un logement pour le ])réparateur. Il resl(ï encore à l'aire l'emploi d'une moitié du grenier. CommencemenI de la coiislniclion d(!s hacs construits dans l'épaisseiu' des ouverlincs à l'esl d(! rélahlissement. Le solde ra([uarium était primilivement sablé. Le l)élonnagont venus travailler. On peut citer : Les professeurs deKorotneff, Kowalvesky,Patrick Geddes, Veldon, Aiers, P. Van Beneden, Delbœuf, Léon Fredericq, Wegman, Yung, Apostolides, Marion, Packard. Ce dernier m'écrivait de Rome, après avoir quitté le laboratoire Arago : « The laboratory and its fitting seems to me a perfect paradise for the sludent, while 1 can conceive of no more convenient collecting région for the marine zoologist. It seems to me the best winter resort for the student Europe affords. » LABORATOIRE ARÂGO. 329 P. Van Beneden, mon très ancien collègue cl ami, voulut bien écrire sur le registre, le livre d'or du laboratoire, quelques mots que je reproduis, et y laisser ainsi une preuve de l'impression que lui avait faite sa visite : « Je suis émerveillé, je ne trouve pas de mot pour rendre le senti- ment d'admiration que j'éprouve en voyant tout le travail qui s'ac- complit sur le promontoire de Fontaule, tout à l'extrémité de ce beau pays de France. « Le laboratoire de Naples est sans doute plus luxueusement installé; mais il ne renferme pas tous les appareils, toutes les richesses de l'établissement de M. de Lacaze-Duthiers. La construc- tion des laboratoires de Roscoff et de Banyuls fera époque dans l'histoire de la science, et le département doit être fier de posséder un établissement de cette importance. » VI Pour les travaux faits dans la station méditerranéenne, on ne peut guère que répéter ce qui a été dit à propos de Roscoff. Presque toutes les thèses sérieuses qui ont été faites dans ce laboratoire, sauf peut- être celle de M. le docteur Prouho sur le Dorocidaris, ont été tra- vaillées dans les deux laboratoires. En parcourant les dix derniers volumes des Archives^ on y trouvera les études faites depuis la création du laboratoire. Il est donc inutile d'en présenter ici même un aperçu succinct. VII Les envois faits par le laboratoire Arago sont très nombreux; ils le deviendront bien davantage quand le vivier sera fini et bien appro- visionné. Le nombre s'est élevé à 718 de 1885 à 1890 inclusivement, com- prenant lOlA bocaux. L'année 1891 n'est pas comprise dans ce relevé. Un registre, tenu avec grand soin par les deux gardiens de Roscoff et de Banyuls, relate exactement ce qui a été envoyé. 330 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Voici comment l'organisation est comprise dans les deux établis- sements : on adresse les desiderata sous une l'orme très générale, au directeur, qui attribue à l'un ou à l'autre des laboratoires les demandes qui peuvent être satisfaites plus facilement ou exclu- sivement par chacun d'eux. De leur côté, chaque semaine, les gardiens adressent au directeur un relevé des envois faits, et les personnes ayant reçu un ou deux colis accusent de même, aussi simplement que possible, sur carte postale, réception de l'envoi qui a été reçu. Étant ainsi tenu au courant de ce qui se passe, le directeur peut s'assurer que le service marche bien et faire des observations, s'il est nécessaire. Il peut arriver que, par un défaut de soin dans l'emballage, les bocaux arrivent ou cassés ou vides. Sur l'accusé de réception, il importe de signaler : un bocal arrivé vide, un bocal cassé. On comprend l'utilité de pareils renseignements. Il importe que cette régularité soit mise en pratique pour que le service marche bien. Les accidents de mer, les empêchements causés par les temps qui sont contraires aux sorties, tout cela doit être connu et signalé. Sans cela, les abus prendraient bien vite naissance. Avec un nombre semblable d'expéditions, on sent aussi que la direction doit être seule saisie des demandes; aussi il n'est jamais fait d'envois sur les demandes ne passant pas sous les yeux du directeur. Souvent les départs des colis sont retardés par les gros temps. En hiver, la chose est naturelle. Quelquefois, ils peuvent être imprévus. Un jour, la mer arriva à Banyuls couverte de Velelles. Je fis mettre en bocal un petit nombre d'Individus les mieux choisis et je les expédiai à Lyon, Grenoble, Nancy, Rennes, Toulouse, Paris, Clermont-Perrand. Je n'ai pas en ce moment sous les yeux les accusés de réception ; mais à Lyon, Grenoble et Toulouse, les Velelles étaient arrivées vivantes. LABOHATOIRE AUAGO. 331 Une autre fois, ce furent des Béroés qui arrivèrent vivants à Gre- noble et à Rennes. N'est-il pas intéressant de montrer à Grenoble des animaux pélagiques en parfait étal ? Ceux de mes collègues qui désirent avoir des envois spontanés et qu'on ne peut promettre à des moments fixes ne doivent pas négli- ger de mentionner l'état dans lequel arrivent les animaux, car de cette mention on peut tirer des enseignements pour des envois ultérieurs. Sur la liste relevée du registre, je vois les noms suivants des localités ayant reçu des objets de Banyuls : en Suisse, Zurich, Lausanne, Genève; en Belgique, Gand, Louvain, Liège ; en France, Toulouse, Villefranche, Nîmes, Montpellier, Digne, Lyon, Grenoble, Besançon, Nancy, Reims, Lille, Clermout-Ferrand, Caen, Paris, Rennes, Angers, La Rochelle, Bordeaux. A Paris, Faculté des sciences, Institut Pasteur; Écoles de pharmacie et de médecine de Nancy, École vétérinaire de Toulouse, Arcachon, etc. Ici, comme pour RoscofF, on voit l'extension et l'importance qu'a pris ce service des envois. YIII A Banyuls comme à Roscoff, les travaux scientifiques sont assurés par tous les moyens réunis permettant les recherches poussées et prolongées aussi loin et aussi longtemps qu'on puisse le désirer. Cependant, il restait à faire à Banyuls ce qui existe déjà depuis long- temps à Roscoif: un vivier où des expériences devraient être tentées parallèlement au point de vue purement scientifique et au point de vue des applications. Le vivier, cela a été déjà dit, sera terminé à la fin de l'été 1891, et, quand les conditions biologiques y seront bonnes et bien établies, des expériences y seront faites. Il eût été à peu près inutile de reparler de ces projets d'expé- riences, si quelques réserves ne devaient être faites d'avance au point de vue des responsabilités encourues. 332 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Dans le premier plan, la position du vivier avait été fixée très près de l'extrémité nord de l'île Grosse. C'était à l'abri et à l'ouest de cette île que, d'après les premières études, avec une assez grande profondeur, on devait le construire ; c'est là aussi que j'en avais demandé l'exécution. Dans les conseils des travaux publics, cette position n'a pas été acceptée et l'on a préféré la situation à l'ouest du môle. Là, le vivier nécessitera la création d'un fond artificiel ; on devra, pour avoir une certaine profondeur, creuser dans une assez grande éten- due. De plus, l'eau de la mer sera moins éloignée de l'arrivée de la rivière la Baillory.Si donc on ne fait pas, sous le môle, un siphon permettant à l'eau du large de venir renouveler et remplacer celle de l'anse de Fontaule trop garantie contre les mélanges du large et pas assez contre ceux de l'eau douce, il pourra bien arriver que, pendant les grandes chaleurs, l'eau du vivier acquérant une tempé- rature élevée, les animaux meurent. [Mais la promesse en a été faite, il doit être construit un canal à une assez grande profondeur, éta- blissant au-dessous du môle actuel la communication entre le large et le vivier. En présence du changement apporté dans les premiers plans, il était nécessaire de faire ces réserves. IX Pour la seconde fois, aux vacances de Pâques de 1891, une excur- sion a eu lieu au laboratoire Arago. En 1890, nous n'avions été qu'une quinzaine ; nous devions aller en Espagne. La mer fut mauvaise au jour fixé ; mais le temps, à Ba- nyuls, fut bien utilisé dans l'aquarium et sur la côte. En 1891, les demandes ont été plus nombreuses, et le programme a été rempli de point en point. Ayant communiqué à l'Académie des sciences les résultats de cette excursion scientifique, je ne crois pouvoir mieux faire que de rappor- ter ici, sans rien y modifier, la note qui a paru aux Comptes fendus. i.AB01«AT0lRE AUAGO. 333 UNE EXCURSION AU LABORATOIRE ARAGO ET A ROSAS (eSPAGNE) '. Je demande à l'Académie la permission de l'entretenir quelques instants d'une excursion que, pendant les dernières vacances de Pâques, je viens de faire au laboratoire Arago et en Espagne. Le mercredi 25 du mois de mars, vingt-six étudiants de l'École des Hautes Études, ayant suivi mes cours pendant le semestre d'hiver, partaient de Paris et arrivaient à Banyuls le lendemain jeudi soir. M. Blagé, directeur de la Compagnie du Midi, avait bien voulu, sur ma demande, accorder demi -place et écrire aux Compagnies d'Orléans et de Paris-Lyon-Méditerranée pour que le train direct de Paris à Cerbère prît les excursionnistes aux mêmes conditions. Je tiens à remercier M. A. d'Eichthal, président de la Compagnie, et M. Blagé, directeur, de l'empressement qu'ils ont mis à favoriser l'excursion que j'avais organisée. Voici l'emploi du temps : Vendredi 27 mars. — L'aqt'rarium étant richement peuplé, toute la matinée s'est passée en causeries devant les bacs, où les animaux vivants et épanouis se présentaient, on peut le dire, à l'état naturel. Le bac des Alcyonaires était particulièrement beau, et l'on y pou- vait étudier comparativement quelques types des plus intéressants, tels que Gorgones de plusieurs espèces [Gorgonella sarmenio&a, Gor- (jonia (jraminea, G. subtilh, G. ven-ucom, Muricea violacea, Sympa- dium coralloï des) \ixv\ani du rouge au blanc, au jaune, au violet; des Alcyons {Alcyoniwn palmatum) atteignant, dans leur épanouissement, la taille d'un pied et formant de véritables bouquets épanouis, où les caractères étaient aussi faciles à reconnaître qu a dessiner en les opposant à ceux du Paralcyonium elegans, P. Edwarsii. Dans ce bac vivaient aussi des Zoanlhaires à polypiers dans un état d'épanouissement dont ne donnent aucune idée les figures des 1 Voir Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, t. CXII, séance du 20 avril 1891. 334 tl. DE LâCAZÊ-DUTHIeRS. ouvrages. On avait sous les yeux, réunis côte à côte, des Balano- phyllies et des Dendrophyllies, genres à polypiers poreux, dont il était facile d'apprécier la caractéristique des animaux en les comparant aux Caryophyllies et aux Flabellum, Zoanthaires à poly- piers compacts placés à côté d'eux. Parmi les Zoanthaires sans polypiers, les Ilyanthes, vivant depuis plus d'un an, et des Palythoa axinellœ, ainsi que de nombreuses espèces d'Actinies, offraient un sujet fort intéressant d'observation pour l'étude de la symétrie radiaire de ces animaux. Pendant que l'on étudiait ainsi les animaux vivants dans l'aqua- rium, le bateau du laboratoire sortait et ramenait bientôt son cha- lut rempli d'animaux et de débris sous-marins de toute sorte. Alors, sur le pont, aidés par les matelots etguidésparlepersonnel du labo- ratoire, les excursionnistes ont retiré du filet, au milieu de la vase, des poissons variés, des Ascidies (Gynthiadés, Molgulidés, Phallu- siadés) en nombre considérable, des Étoiles de mer, des Ophiures, des Comatules, des Holothuries, des Alcyons, des Vérétilles, des Pennatules, des Caryophyllies, des Hydraircs, des Mollusques gasté- ropodes et acéphales, aussi nombreux que variés. Après cette triaille, chacun a pu porter les sujets choisis sur sa table de travail, les déterminer, les étudier, en prendre des dessins et constater la richesse de la faune dans les environs du laboratoire. On peut l'affirmer, pour un zoologiste, il n'est pas un exercice plus instructif que celui de la recherche des animaux dans le sac d'un chalut traîné quelque temps sur un fond aussi riche que celui de la mer de Banyuls. Dans la soirée du vendredi, les observations ont été continuées dans l'aquarium, à la lumière électrique. Les Vérétilles, les Penna- tules, les Serpuliens péchés le matin, causaient, par leur épanouis- sement, leurs belles couleurs, comme par leur délicatesse, l'admira- tion des visiteurs. Les Vérétilles surtout, plantées dans le sable du fond des bacs par la partie de leur zoanthodème dépourvue de polypes, s'élevaient comme des colonnes de 30 ta 40 centimètres. LABORATOIRE ARAGO. 33H .couvertes de fleurs, dont la transparence permettait, à l'aide de l'éclairage intense d'une lampe à arc, de découvrir les moindres détails de l'organisation ; elles faisaient un singulier contraste avec les figures ridicules données dans certains livres sur la mer, faits, on le pense bien, dans le cabinet et non en face de la nature. Samedi 28 mars. — Au point du jour, quinze excursionnistes s'embarquaient à bord du bateau du laboratoire et, ayant bon vent arrière, se rendaient dans les eaux du cap l'Abeille pour pêcher avec la drague et l'engin des corailieurs. Les résultats de cette sortie ont été heureux : du Corail, des Bra- chiopodes (Granie, Argiope) et de nombreux Amphioxus ont été apportés par les engins de pêche. N'est-il pas intéressant de constater que nos élèves des Hautes Études ont fait eux-mêmes la pêche du Corail et de quelques ani- maux réputés aussi rares que curieux ? Dimanche de Pâques, 2^ mars. — Journée libre. Quelques-uns tra- vaillent à la bibliothèque ; d'autres, par un temps superbe, font des excursions dans la montagne, à la tour de Madeloc, d'oii un admi- rable panorama se déroule. Lundi 30 mars. — Visite des ports de Gollioure et de Port-Vendres. Dans ce dernier, le long du quai, le directeur fait recueillir des pontes de Mollusques, des Vermets, des Tarets, des Comalules, des Spirographis, des Bulles, des Cérithes, des Oursins, etc. Six personnes descendent en scaphandre et rapportent des ani- maux variés. Mardi "ii mars. — Dans la matinée, conférence et exercices pra- tiques, par M. le docteur Prouho, sur les Bryozoaires vivant dans les bacs et pochés pendant les sorties du bateau. Dans la soirée, conférence sur les poissons de la localité, par M. le docteur Guitel. Promenade sur les rochers voisins du laboratoire, conduite par le directeur, où l'on a recueilli des Oursins, des Actinies et où l'on a appris à trouver le Gadiniu Garnolii, siphonaire qui vit, avec beau- ;i36 H. DE LACâZE-DUTHIERS. coup d'autres animaux, dans les trottoirs formés à la limite des eaux par une algue s'incrustant de calcaire. Mercredi I" et jeudi 2 avril. — Excursion en Espagne, à Rosas. Départ le 1" avril, à six heures du matin ; passage à Figueras, où nous sommes reçus chaleureusement aux cris de : Vive la France ! arrivée le soir à Rosas, où déjà le bateau du laboratoire était au mouillage. Le directeur doit remercier monsieur le consul d'Espagne à Per- pignan, qui avait mis le plus grand empressement à faire disparaître toutes les causes de retard que les formalités administratives au- raient pu susciter. A Rosas, nous avons dû renoncer à visiter la madrague pour la pèche du thon, un bateau à vapeur l'ayant fort endommagée. Je l'ai regretté, car c'était l'une des visites les plus intéressantes de cette partie de l'excursion. Le temps, devenu pluvieux, et le vent trop faible ne permirent pas d'effectuer les dragages que je tenais cependant beaucoup à faire exécuter ; toutefois, nous avons pu visiter l'établissement d'ostréi- culture de Rodamar et nous rendre compte de la faune des lieux. En suivant la grève pour arriver à l'établissement, on a fait de bonnes récoltes, car on a rencontré des objets variés effort intéres- sants. En effet, on a trouvé, rejetés par la lame, des coquilles d'Acé- phales, de nombreuses espèces de Gastéropodes, des tests d'Amphi- detus {E chinocardium mediterraneum), une Tethys léporine vivante, des Bryozoaires, des Ascidies, toutes ces choses montrant et la nature et la richesse du fond de Rosas. L'étabhssement d'ostréiculture est situé à l'embouchure de la petite rivière appelée Lloreyat. 11 est formé de bassins assez élevés pour être à l'abri des fortes crues de la rivière et des grosses lames de la mer. 11 est alimenté d'eau de mer par un moulin automoteur actionnant une pompe. Les huîtres y sont placées sur des cadres grillagés de fil de fer et peuvent être visitées facilement. LABORATOIRE ARAGO. 337 Leur origiae est française. Une première fois, du naissain a été apporté d'Arcachon à Rodamar (c'est le nom de l'établissement) et s'y est bien développé ; mais un envoi fait cette année même a été saisi à la frontière par la douane française, sous le prétexte que les huîtres n'avaient pas la taille marchande. A un certain point de vue, la chose est fâcheuse. En effet, la vente du naissain peut être une source de revenu forts rémunérateurs pour les éleveurs placés dans des conditions favorables à la reproduction de l'huître. Il arrivera certainement un moment où l'élevage, d'une part des huîtres pour la consommation et d'autre part pour la production du naissain, constituera deux branches distinctes de l'ostréiculture ; cette division du travail existe déjà dans quelques localités. Pour- quoi entraver cette industrie sous le prétexte que les huîtres petites, à l'état de naissain, ne sont pas marchandes ? Le propriétaire de Rodamar a, dans ce moment-ci, de bonnes et belles huîtres, qu'il se propose de conserver et d'utiliser pour la production du naissain ; il a préparé ses collecteurs; s'il réussit, il a devant lui un bel avenir. Dans le lit de la rivière, des pilotis nombreux ont été plantés ; cl, suivant la méthode usitée dans les baies de Charrons et de l'Ai- guillon, on cultive les moules, qui prennent une très grande taille. Vendredi^ avril. — A notre retour d'Espagne, nous avons trouvé mon excellent collègue et ami M. le professeur Flahault, qui devait, au mois de mai, guider la Société de botanique dans les Albères, et qui était venu pour se rendre compte de l'état de la végétation dans ces lieux. Il a passé quelque temps à Banyuls, ce qui a été une bonne fortune pour les excursionnistes, car sous les murs mêmes du laboratoire il a fait une herborisation des plus instructives, pen- dant laquelle il a fait recueillir de nombreuses espèces d'algues, en donnant sur elles les renseignements les plus détaillés. Mon cher collègue de iMontpellier a droit à tous nos remerciements. Deux observations particulièrementimportantes pour les étudiants ont été faites pendant l'excursion. On sait que la reproduction des AUCH. DE ZOOL. EXI', ET GÉN. — 2^ SÉftlE. — T. IX. 1891. 22 338 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Céphalopodes a vivement intrigué les zoologistes. Ces animaux, pour vivre en captivité, doivent être dans un milieu parfaitement appro- prié à leur mode d'existence. Dans le bassin à jet d'eau du milieu de l'aquarium, tous les excursionnistes ont pu, à loisir, voir une belle Sépia entourant une tige dénudée de feuille de posidonie avec la pointe de ses bras, pour y déposer et fixer ses œufs et former peu à peu un groupe de raisins de mer, comme disent les marins. La ponte, que je mets sous les yeux de l'Académie, a été faite en un jour; elle avait commencé la veille, le soir, à la lumière électrique. Ce n'est certes pas cette ponte qui est intéressante en elle-même, car les raisins de mer ne sont pas chose rare sur nos côtes ; on en trouve à peu près partout. Ce qui offre de l'intérêt, c'est qu'elle a été faite sous nos yeux, dans l'aquarium même. L'animal, trop pressé et faute de support, le soir, avait laissé tomber ses premiers œufs sur le fond du bassin. Plus tard, nous l'avons vu faire glisser entre ses bras rapprochés l'œuf de forme olivaire, portant un filament à l'une de ses extrémités et attachant ce filament en l'enroulant autour de la tige de la posidonie. Mais, ce qui surtout a beaucoup été remarqué, c'est la ponte et le développement des Gomatules. Le bac où se trouvaient ces beaux animaux était l'objet de l'admiration de tous les visiteurs. La ponte a eu lieu au commencement d'avril ; en peu de temps, les glaces et les pierres du bac, les tiges d'Épongés [Axinella) ont été couvertes dinnombrables embryons à tous les états de développement. Après deux jours, les pentaa'ùies étaient formés et l'on pouvait, à la loupe, contre les parois des glaces, observer leurs bras et leurs pinnules. A Roscoff, c'est surtout fin juin, dans le mois de juillet et au commencement d'août que la ponte s'accomplité II me souvient, d'autre part, d'avoir trouvé des tapis de pentacrines sous les pierres de la jetée de Frontignan.ù Cette, en août et septembre. En rappro- chant ces observations, on serait tenté de conclure que, dans la Méditerranée, la période de reproduction des Gomatules est plus longue que dans la Manche. LABORATOIRE ARAGO. 339 J'ai retenu longtemps les excursionnistes devant ce bac, et, dans des entreliens familiers, qui ne sont pas les moins instructifs, j'ai insisté sur l'importance des faits qui se passaient sous leurs yeux. Ils ont tous, en effet, pu vérifier cette observation, l'une des plus curieuses et des plus importantes de la zoologie au milieu du siè- cle, faite par Wywilhe Thompson et Garpenter, à savoir que la forme pentacrine est la forme larvaire et embryonnaire pour les Goma- tules vivantes de nos parages. De ce qu'ils constataient de visu, ils ont pu tirer cet enseignement précieux, que l'étude de l'évolution est, sous peine d'erreur, inséparable de l'histoire des animaux. L'excursion s'est terminée le 5 avril, après une conférence du docteur Pruvot. Un jour, nous avons été quarante-cinq personnes au laboratoire. M. le professeur Geddes, de Dundee, accompagné de deux élèves, M. le professeur Yung, de Genève. M. le professeur Flahault, suivi par un naturaliste de Schaffhouse, et un éludiant américain, s'étaient joints à nous; deux Russes, un Roumain et un docteur belge avaient fait aussi partie de l'excursion, ainsi qu'un éludiant de la Faculté de Glermont. Je ne puis taire combien j'ai été heureux de voir un aussi grand concours de naturalistes venir d'aussi loin au laboratoire Arago. G'est la seconde fois que j'organise une telle excursion; la pre- mière, en 1890, fut modeste ; celle de celle année a pris de plus grandes proportions. Aussi, m'appuyant sur celle liberté et cette indépendance d'action qui caractérisent l'École des Hautes Études, prenant encore pour base d'opérations le laboratoire Arago, puis-je espérer Tannée prochaine pousser plus loin les excursions secon- daires et revoir peut-être les îles Baléares, où nos moissons seront non moins riches et présenteront l'attrait d'un pays fort curieux et peu exploré. En terminant, une remarque se présente tout naturellement ici. Dans les parages de Banyuls, où les conditions orographiques cau- sent de si brusques modifications du temps, les vents contraires :U0 H. DE LACAZE-DUTHIFRS. auraient pu se lever et contrarier beaucoup la réussite de l'excur- sion à Rosas. C'était à redouter; aussi la nécessité d'une embarca- tion à vapeur se fait-elle vivement sentir. Aujourd'hui, on peut le dire, cette amélioration s'impose comme conséquence du dévelop- pement pris par le laboratoire Arago. Certainement, quand ce desiderata aura disparu, quand avec une embarcation bien établie, non pour de longues traversées, mais avec un aménagement bien conçu en vue de la multiplicité des dragages, et à de grandes profondeurs sans atteindre celles qu'on est convenu d'appeler abyssales, un temps précieux et des occasions ne seront plus perdus comme avec les lenteurs de la navigation à voile, et bien souvent en quelques heures on sera assuré d'avoir les matériaux qu'on met aujourd'hui des jours à se procurer. OBSERVATIONS GÉiNÉRALES. Tels sont, en 1891, les deux laboratoires de Banyuls et de Roscofï'. Certes, on ne peut espérer que tous les travailleurs, savants, pi-o- fesseurs ou élèves, allant faire des recherches aux laboratoires dont l'histoire vient d'être faite puissent être également satisfaits. Les uns trouvent un grand avantage à être logés ; les autres ont beaucoup critiqué cette condition. Ceux-ci, en allant au laboratoire Arago, où l'on n'habite pas, pour- ront être satisfaits. D'ailleurs, rien ne force à habiter un labora- toire quand on ne le désire pas, alors surtout que tous les travail- leurs, à certains moments, ne peuvent être logés. Quant à moi, javoue avoir toujours pensé que, à côté de sa table de travail, avoir son chez soi est un avantage inestimable. Mais comment songer à satisfaire tout le monde? Pour quelques savants, habitués au confortable, les stations devraient être à côté des grandes villes, et les laboratoires devraient être ouverts, fermés, organisés, en un mot, comme dans les centres universitaires. Si des désirs aussi divers se manifestèrent dès l'origine, et je n'in- LABORATOIRES DE ROSCOFF ET DE BANYULS. 341 dique pas la série interminable des observations qui m'ont été faites depuis la création des deux stations, c'est que les manières de tra- vailler sont très différentes. Chacun voudrait trouver un établisse- ment installé à sa guise. 11 faut, d'ailleurs, reconnaître deux ordres de travailleurs bien dis- tincts. Les professeurs et savants qui, arrivant avec un sujet précis, une question à résoudre, veulent faire vite et commodément leurs recherches; ceux-ci, habitués à ce que leurs laboratoires aient une organisation qu'ils ont imaginée, pourront bien trouver que tout n'est pas pour le mieux, et, dans ce cas, tous les efforts doivent être faits, et je crois pouvoir dire sont faits, pour se rapprocher, autant que possible, des conditions désirées. Mais il y a aussi les jeunes naturalistes, encore peu experts dans l'art des recherches, dont les habitudes ne sont pas encore prises et qui, dès lors, peuvent se ployer aux conditions qu'ils rencontreront dans les stations. J'ai toujours remarqué, lorsqu'on a un sujet bien précis et nette- ment limité à l'avance, par exemple une question à résoudre, une embryogénie à suivre, si les matériaux ne manquent pas, qu'après deux mois d'un travail tel que je le comprends, assidu, durant, dans la belle saison, de la première à la dernière heure de la journée, on a, après ce temps ou jamais, acquis des résultats et surtout une grande fatigue. Que, par exemple, ce soit une embryo- génie difficile à suivre, les matériaux étant obtenus à profusion et dans d'excellentes conditions, on voudra conduire, par l'étude de l'évolution, les jeunes animaux jusqu'à leur forme adulte. Si l'on passe ainsi toute la journée à observer au microscope, à dessiner, à prendre des notes, à faire l'anatomie des adultes, pour rapprocher leur organisation de celle des embryons, chez lesquels on veut dé- couvrir la formation des divers organes, à la fin de la journée on ne pensera guère aux distractions mondaines ; car on est souvent à bout de force et, dans les instants de repos que donne le manque de lumière, on réfléchit et pense bien plutôt aux transformations, 342 H. DK LACAZE-DUTHIERS. aux progrès du développement qui s'accompliront pendant la nuit, et aux choses qu'on verra ou qu'on espère voir le lendemain. Combien n'y a-t-il pas de savants qui ont suivi, à la lumière d'une lampe, l'évolution d'un œuf commencé tard et qui allait se pour- suivre pendant les moments où le jour va manquer ! C'est dans ce cas que l'on appréciera et le logement dans le laboratoire, et l'uti- lité de la lumière électrique. L'avouerai-je, j'ai été peu sensible aux plaintes qu'on me faisait très sérieusement, à l'origine, sur le choix des positions des deux stations. On a pu trouver Roscoffbien loin et Banyuls plus éloigné encore. L'une et l'autre de ces localités sont dans le milieu d'une riche nature, d'une nature toute différente dans les deux cas, mais superbe au point de vue de l'histoire naturelle, et c'est en cela que se trouve l'attrait pour le naturaliste, plus soucieux de ses recherches que de ses distractions. Pourquoi ne le rappellerai-je pas? les moments les plus heureux de mes études ont été ceux où, sur des côtes lointaines et isolées, sans autre société que celle des gens de mer, travaillant de la pre- mière à la dernière heure, j'allais le soir, fatigué par l'observation, le long des berges, sur les rochers, lisant encore au crépuscule quelques belles pages de nos grands poètes, dont les œuvres m'ac- compagnaient toujours dans mes voyages, ou réfléchir sur mon tra- vail. En Afrique, en Corse, aux îles Baléares, j'employais toujours quelques jours à chercher, à recueillir les matériaux pour mes études, lassant le corps pour délasser l'esprit et revenant à mon travail, après de rudes exercices physiques, avec une ardeur, une fraîcheur de vue qui ne me conduisaient guère à regretter les douceurs de la vie des grandes villes. En choisissant Roscoff, tout au fond de la Bretagne, et Banyuls, bien loin sur les frontières de l'Espagne, ma pensée a été pour les naturalistes de vocation, qui estiment le charme éprouvé à la vue et à la contemplation des beautés d'une belle et riche nature bien su-dessus des agréments de la vie mondaine. LABORATOIRES DE ROSCOFF ET DE DANYULS. 343 Était-ce une illusion? Je ne puis me résoudre à le croire, surtout quand je vois quelle est l'impression des nouveaux venus à Roscoff ou à Banyuls. On a vu qu'une amélioration désirable était l'augmentation du personnel. Sans doute, cela est nécessaire; mais en terminant, je veux revenir, à ce propos, sur les habitudes qui, facilement, seraient prises aujourd'hui par les jeunes gens, qui n'ont connu que des facilités dès le commencement de leurs études. Ils n'ont pas su ce qu'étaient autrefois les dures nécessités du travail au bord de la mer. Jadis, il fallait aller à la recherche d'une localité propre à fournir les moyens d'étude ; aujourd'hui il n'y a qu'à se rendre sur des lieux bien choisis, et l'on n'a aucun des soucis de l'installation matérielle. Il ne faut pas oublier que, pour cette catégorie de travail- leurs, le but à atteindre est sans doute de produire des travaux originaux, mais aussi et surtout de former des naturalistes. Or, on ne mérite ce nom que lorsque l'on sait, par soi-môme, fouiller et scruter le monde où se trouvent les sujets d'étude. Un laboratoire au bord de la mer, organisé comme dans un centre universitaire, oii l'on reçoit les objets de travail sans savoir d'où ils viennent, n'est pas propre à faire des disciples tels qu'on doit les désirer aujour- d'hui. C'est un reproche à adresser à la jeunesse qui vient dans les laboratoires : elle semble redouter d'aller elle-même chercher, chasser, les objets qu'elle doit étudier. Auprès d'une mer à marées, il faut suivre l'eau qui se relire en abandonnant d'innombrables animaux. Les paysans riverains le savent si bien, qu'on les voit se répandre sur les grèves et les peu- pler à l'époque des grandes marées, car ils vivent, on peut le dire, de la mer, et ils nous donnent l'exemple. Apprendre comment les animaux se décèlent, comment on les trouve, comment ils se cachent, où ils aiment à faire leur gîte, à se reproduire, c'est se préparer à des recherches fructueuses, dans des pays où tout sera à découvrir, où toute installation est à faire ; car 3H H. DE LACAZK-DUTHIERS. ce n'est que par une longue, pratique que l'on arrive à trouver du nouveau. Il en est du naturaliste comme du chasseur; ce n'est pas dans un tiré que celui-ci devient habile ; c'est en étudiant les moindres in- dices que l'on parvient à trouver du gibier. Celui qui est guidé par une longue expérience, durement acquise, trouvera toujours quelque chose là où tout autre ne verra rien. Ce n'est qu'après avoir fait beaucoup d'écoles qu'on arrive à se garer des pertes de temps, et qu'on évite de chercher là où un homme habitué dira à la première vue : « Là, il n'y a rien. » C'est un peu pour forcer les jeunes gens venus à Roscoff à étudier les grèves, que le personnel est maintenu tout juste ce qu'il doit être pour le service général. Il y a bien aussi les difficultés budgé- taires qui s'opposent à cette augmentation ; mais elles ne seraient peut-être pas insurmontables, s'il n'était bon de mettre en avant une raison pour forcer à aller chercher soi-même les objets de travail. Il n'est pas d'exercice plus utile, au point de vue scientifique, plus salutaire au point de vue de la santé, que d'aller, deux fois par mois, courir plusieurs jours sur les plages pour faire ses provisions. Pen- dant les grandes marées, il y a toujours trois ou quatre jours durant lesquels les recherches sont fructueuses. Après ce temps, qui est le temps des excursions, on reste au laboratoire, on soigne ses ani- maux, on les observe, on les étudie et, sûrement, on arrive à faire des observations intéressantes pendant ce temps de morte eau et de repos relatif. Il faut, je ne puis cesser de le répéter, il faut que les jeunes natu- ralistes, s'ils veulent mériter ce nom, recherchent eux-mêmes les objets qui leur sont nécessaires; c'est alors qu'ils apprécieront les moyens de travail que les laboratoires mettent à leur disposition, et l'utiUté des organisations pratiques qui ont été établies. .T'ai cité l'exemple d'un naturaliste étranger* qui, venu à la Sor- 1 Cet exemple a été copié par un plagiaire qui, pour multiplier ses faits et gestes, prend partout, LABORATOIRES DE ROSCOFF KT DK BANYULS. 3Aù bonne, dans mon laboratoire, pour terminer un travail commencé à Naples, à la Stazione zoologica, manquait de quelques éléments, les embryons qu'il y avait préparés étant insuffisants. Je lui dis : « Allez à Banyuls, vous y trouverez ces animaux, sous le laboratoire même et dans les conditions où vous les avez recueillis. — Mais, me ré- pondit-il, je ne les ai jamais cherchés, je ne connais pas leur sta- tion, on me les apportait et je ne les ai jamais vus en place. » Ces conditions d'étude sont déplorables pour un homme qui veut devenir zoologiste. Si la question mise à l'étude est simple et doit être rapidement vidée, sans doute on n'a pas à perdre son temps en allant à la mer. Et cependant, quelle différence entre celui qui a recueilli sur place et celui qui n'a fait que durcir, pour les couper, les embryons d'animaux qu'on lui apportait et qu'on lui fournissait en nombre déterminé. Le temps n'est pas éloigné où l'on n'avait certes pas toutes les facilités qu'on trouve aujourd'hui dans les stations. On n'avait sur- tout pas de garçon de laboratoire à côté de soi, et un magasin où fussent réunies les matières nécessaires au travail. Après s'être installé tant bien que mal, on était obligé de pourvoir soi-même à tous ses besoins. Le travail n'en marchait pas plus mal cependant. Que les jeunes gens lisent les Souvewhs d'un naturaliste, livre charmant de M. de Quatrefages; ils y verront combien les installa- tions étaient autres dans le temps où écrivait l'illustre et vénéré maître, et combien ils sont mieux partagés qu'à cette époque. Dans une conférence à l'Association française pour l'avancement des sciences, j'ai raconté quelques-unes des misères que les zoolo» gistes éprouvaient jadis. On partait alors à la découverte d'une plage quelconque ; on la voulait riche, et c'était tout. On s'installait tant bien que mal et n'importe comment, pourvu qu'on eût le nécessaire pour le travail; arrivant quelquefois les uns à la suite des autres, entendant dire par un hôtelier peu aimable : «Encore un naturaliste! » Parfois, on n'était pas reçu du tout, comme cela m'est arrivé à Saint-Malo. C'est 346 H. DE LACAZK-DUTHIF.RS. qu'en effet notre travail ne s'accorde guère avec le luxe et la bonne tenue des hôtels. Mais tout cela est d'un autre temps. Aujourd'hui les choses ont changé. Eh bien, dans l'inconnu de la recherche d'une localité nouvelle et propice, dans l'insuffisance môme des conditions matérielles du travail, dans la nécessité où l'on était d'improviser un labora- toire, il y avait quelque chose que je ne regrette pas, je n'oserais le dire, mais qui cependant surexcitait singulièrement et hâtait le travail, le rendait souvent fiévreux. Ah! c'est alors qu'on ne s'inquié- tait pas des plaisirs d'un casino \ on voulait en finir avec les condi- tions où l'on se trouvait et l'on voulait emporter ses cartons à dessins bien riches et ses noies bien complèles. Aujourd'hui, si tout est pour le mieux, on voit quelquefois le stimulant manquer, et j'ai vu, à Roscoff, des jeunes gens passer une belle saison dans l'unique but de savoir ce qu'ils pourraient bien faire l'année suivante. Ah ! combien était autre l'empresse- ment quand tout était à notre charge ; quand péniblement nous nous installions dans une méchante chambre, dans un cabaret où la même table servait par l'un de ses bouts à prendre ses repas, par l'autre, à disséquer, à observer et à dessiner les animaux. Il me souvient d'avoir passé deux étés dans ces conditions, près de Saint-Malo. J'avais une grande chambre au premier ; pour tous meubles, trois lits, quelques chaises, une immense table, une bonne fenêtre bien orientée, me donnant une belle lumière. Au rez-de- chaussée, le cabaretier m'avait laissé la jouissance de sa buanderie, et j'y pouvais répandre de l'eau sans crainte. C'était mon aquarium. Quant au menu, il était peu varié et des plus simples. Mais, malgré tout cela, quelles bonnes journées d'excellent travail et quelles soirées pleines de charme, en réfléchissant à mes éludes du jour, je passais assis sur les rochers de la côte ! J'avais cependant une société, celle d'un ménage de vieux pêcheurs. LÂBORÂTOIHES DE ROSCOFF ET DE BÂNYULS. 347 J'ai toujours appris quelque chose dans les causeries avec les pêcheurs. Ils ont des idées bizarres basées sur des laits positifs, sur des observations exactes. Un marin a beaucoup vu. N'en ai-je pas rencontré un qui, me voyant chercher des animaux sur la grève, m'a accosté en me disant le nom latin d'un Mollusque que je recueillais. Il répondit à mon étonnementen me disant qu'il accom- pagnait le naturaliste dans l'expédition de la Coquille. C'est à nous d'interpréter ce que nous raconte un homme de mer. Mais il faut avant tout avoir sa confiance. Avec quelques mocques de cidre, j'avais obtenu celle de mon vieux voisin, aussi les renseignements sur les différents points de la côte et leur richesse ne me manquaient pas. Sa femme Jeanne, boiteuse, fort cancanière et méfiante, m'observait, et quand je rentrais de la mer, apportant mes cruches pleines d'eau pour faire vivre mes bêtes, elle me répétait souvent: « Ah ! bonne fé, Mossieu Henri, vous ne faites pas ça pour rien ; vous êtes du gouvernement, » Et Dieu sait si, avec mes allures d'alors, j'avais l'air d'un haut employé du gouvernement. Quelques verres de cidre, quelques menus pour- boires tombant à propos avec quelques conversations amicales, en venant m'asseoir sur un vieux coffre dans l'âtre de la grande che- minée, rétabhssaient la confiance et j'obtenais toutes les indica- tions qui m'étaient utiles. C'est avec un vif plaisir que je me rappelle encore ce temps où, dans cette simplicité primitive, j'ai fort gaiement, sans souci, travaillé fructueusement, au milieu de la nature vraie, je pourrais presque dire éloigné de la civilisation, car alors on n'avait pas les chemins de fer pour gagner Saint- Malo. Chacun de nous, anciens et peu nombreux zoologistes d'autrefois, a eu ses installations pittoresques. A Bonifacio, je devais monter dans ma chambre de travail par une échelle, en m'aidant d'une corde. Mais quel spectacle se déroulait devant ma croisée, quand, par un beau soleil de mai, les Bouches et surtout les côtes de la Sar- daigne, sur lesquelles se détachaient les maisons blanches de Lon- 348 H. DE LACAZE-DUTHIERS. gosarde inondées de lumière^ quel spectacle magique j'avais sous les yeux! En Afrique, j'ai dû habiter le fort Génois pendant deux mois et demi. J'occupais l'une des chambrées du fort, dont les meurtrières étaient bouchées par des paquets de foin que le vent lançait souvent sur mon lit et malheureusement aussi sur ma table de travail. Un matelot du schebeck le Corail venait faire mon lit, me montait quelques cruches d'eau de mer. J'allais prendre mes repas à bord. En somme, j'étais assez mal, et cependant que de travail fait en deux mois. Il me souvient encore d'un séjour à Saint-Quay. La diligence de Saint-Brieuc à Paimpol m'avait laissé, avec mes bagages, sur la roule, en face d'un couvent oti, m'avait-on dit, les baigneurs étaient reçus. Je frappai à la porte de la communauté ; la tourière m'ouvrit son guichet, qu'elle referma brusquement, indignée en apprenant que je n'étais pas accompagné par une dame, scandalisée qu'un homme seul osât demander l'hospitalité dans un couvent de nonnes. J'avais été laissé par la diligence avec mes bagages sur la route, il fallait bien trouver un logis. J'avisai une épicière, qui put me loger, brave et bonne femme pauvre, qui mit toute sa maison à ma dispo- sition, « Je ne vous prendrai pas plus cher que les bonnes sœurs, me dit-elle, 3 francs par jour, mais vous ne serez pas aussi bien que chez elles. )) Elle disait vrai, car j'étais aussi mal que possible; elle le sentit, et prit ce qu'elle appelait une cuisinière. Un jour, je dus prêter la main pour finir d'apprêter le déjeuner. Pour comble de malheur, cette prétendue cuisinière bretonne me prit pour un sorcier, Lavue de mes instruments, démon microscope, l'effrayait. Je l'empêchais, disait-elle, de tourner ses crêpes de sarrasin, qui faisaient le fond le plus solide de mon menu. Et encore, en aucun lieu mieux qu'à Saint-Quay, je n'ai mené plus rondement les études qui me condui- saient à l'embryogénie des Actinies. C'est que là, sans contrainte, sans gêne aucune, je jouissais de la liberté du travail la plus grande. J'avais la jouissance de tous les plats et de toutes les cruches de I.ABOKATOIUES DE ROSCOFF ET DE BANYULS. 349 terre du magasin de ma pauvre épicière, et j'avais organisé, avec eux, un véritable aquarium. Combien tout cela est différent quand on se rend, aujourd'hui, dans une station où tout est disposé, par avance, pour le travail, sans qu'on ail besoin de rien chercher pour l'organisation des conditions matérielles, de rien apporter avec soi. Dois-je le dire? Il faut bannir des stations le luxe et l'exagération du confortable, sinon l'ardeur se ralentit ou s'amollit, et l'on en vient, comme je l'ai dit plus haut, à passer un été pour voir ce que l'on pourra bien faire l'année suivante, si ce n'est même pour faire une saison de bains de mer. Je ferais pourtajit une exception pour la bibliothèque, comme cela a eu lieu au laboratoire Arago. A Banyuls, les marées manquant, il est impossible de se pro- curer soi-même la plupart des sujets de travail ; les choses sont tout autres. Le bateau doit aller au chalut, à la drague, au faubert, pour rapporter les animaux voulus. Aussi le personnel du laboratoire Arago est-il beaucoup plus considérable que celui de Roscoff. Néanmoins, il y a aussi à chercher sur la côte, car il y a beaucoup d'objets que ne fournirait aucun des engins de pêche cités, et il faut les chercher d'une tout autre façon que dans les mers à marées. Souvent, le plus souvent, il faut être aidé par une embarcation qui permette de suivre les moindres anfractuosités, les découpures des roches peu accessibles formant le rivage, fréquemment taillées à pic. Il faut des iilets particuliers, des pinces, des crocs, tout spécialement disposés. C'est un excellent exercice, dans la Méditerranée, que la recherche des animaux qui, toujours submergés, ne sont aperçus que par le plus grand calme. Celui qui arrive de Roscoff à Banyuls a toute une éducation à faire. Les marins, dans ces courses le long des côtes, nous apprendront toujours quelques faits intéressants. Observateurs sagaces, ayant 380 H. DE LACAZE-DUTHIERS. constamment et par habitude leur attention en éveil, quand on leur a montré ce que l'on désire, bien souvent ils le découvrent mieux que nous-mêmes. Les courses en mer, pendant les pèches au large, sont encore fort insLruclives et pleines d'enseignements précieux. Certainement, dans la dernière excursion (avril 1891), dont le compte rendu succinct se trouve plus haut, les quinze jeunes étudiants de mes laboratoires des hautes éludes qui s'étaient embarqués, ont pu juger et apprécier par eux-mêmes comment on pêcïie le Corail, les Brac-hiopodes, l'Amphioxus, les différentes espèces de Cœlentérés, Actiniaires ou .\lcyonaires. Combien de naturalistes dissertent sur ces animaux, qui ne se doutent pas des manœuvres nécessaires à leur capture ! Et pour la pêche pélagique, sans doute le laboratoire Arago, s'avançant dans la mer et ayant le môle comme digue d'arrêt, est bien placé pour qu'elle y soit facile, en suivant les bords du môle, contre lequel viennent s'échouer et se rassembler les animaux que pousse le vent. .Mais encore faut-il soi-même faire le choix dans l'ensemble des formes amenées par les courants. Souvent l'aide des embarcations est absolument indispensable pour aller choisir, un peu au delà des côtes, les animaux délicats flottants, et n'ayant pas été encore battus et altérés au contact des rochers. Où que ce soit, la recherche des animaux est instructive et offre, par cela même, de l'intérêt. L'organisation des services a aussi une grande importance ; elle doit faire éviter les abus que souvent l'on verrait naître par suite des exigences de quelques travailleurs. Dans une station, on doit trouver le nécessaire; mais y chercher toutes les facilités qu'on rencontre dans un laboratoire de l'inté- rieur, c'est être par trop exigeant. Pour les coupes, il y a bien, à Roscoff, quatre ou cinq étuves des- tinées à faire les inclusions dans la paraffine. Il y a tout autant de microtomes. Un naturaliste étranger qui n'a rien produit et qui. LABORATOIRES DE ROSCOlT ET DE BANYULS. Tôl d'oprès les remarques faites tant i\ la Sorborme qu'à Roscofi" et à Banyuls, était pour la première fois en rapport avec le monde de la mer, a écrit quelques lignes d'appréciation sur le registre des inscriptions; il regrettait de n'avoir pas apporté avec lui une étuve et un microtome. Cette observation critique est peut-être la consé- quence des grands égards que son étal maladif et son caractère peu facile lui ont valus dans les trois élablissemenls. Cet exemple montre qu'on peut recevoir des personnes dont l'exi- gence est extrême et qui rendent la direction des établissements quelquefois difficile. 11 y avait à ce moment vingt-cinq travailleurs ; s'il eût fallu tout autant d'étuves et de microtomes, on peut juger des proportions que prendrait le matériel. Les stations de Bauyuls et de Roscoff offrent tous les moyens désirables de travail ; elles ont été établies d'après les données pra- tiques qu'une longue expérience des choses de la mer peut avoir indiquées. M. Pouchet s'est illusionné, quand dans un rapport au ministre de l'instruction publique, sur Concarneau, il a écrit que tous les labo- ratoires maritimes avaient été installés sur le modèle du laboratoire de M. Coste. C'est là une erreur ; Roscoiï a été créé le premier de tous, en tant que dépendance spéciale du ministère de l'instruction pui)lique, et sans que son fondateur eût visité le laboratoire de Concarneau ; cela est si vrai, qu'à l'origine, chacun, à Roscolf, travaillait dans sa cham- bre à coucher et y avait ses cuvettes remplies d'animaux, si elles n'étaient sous un petit hangar. Rien ne ressemblait alors et ne ressemble encore au laboratoire de Concarneau. Ce n'est que lorsqu'il a été question de construire un vivier à Roscoff que la visite des viviers de MM. Coste et Guillou, dont on avait tant célébré la valeur, fut décidée, et rien n'a été emprunté à leur plan. N'y avait-il pas un vivier de homards à Roscoff pouvant servir de modèle? 352 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le parc n'a pu davantage être imité puisqu'il n'en existe pas à Goncarneau, et c'est parce que, à Roscoff, les richesses de la faune se trouvent sous les pierres que l'on doit retourner aux grandes marées, que dans l'enclos, propriété réservée de l'État, de larges et plates pierres ont été placées sur des supports afin de pouvoir les visiter et les replacer à volonté ; l'eau et les animaux peuvent circuler sous ces larges abris et on peut y instituer des expériences. En grattant le dessus et y inscrivant un numéro d'ordre, il est facile de suivre, d'une grande marée à l'autre, le développement, la multiplication et l'aecroissement des animaux fixés au-dessous d'elles et de retrouver ainsi, sans perte de temps, sans doute, et sans tâtonnement, les objets à observer. Ce parc existe depuis longtemps à Roscoff et sert à avoir sous la main des objets quand on les veut et sans avoir à les chercher au hasard. Je ne connais pas de station ayant une ins- tallation semblable. En Afrique, en Corse, eu Espagne, à Mahon, à Palma, à Cette fort souvent, à Marseille, aux Martigues; à Nice, à Toulon, à Port- Vendres plusieurs années de suite, àSaint-Jean-de-Luz, ùGuethary, à Biarritz, à Arcachon, à Royan, à la Rochelle, dans tous ses en- virons, à l'île de Ré, aux Sables-d'Olonne, à Noirmoutiers, à For- me, à Morgate, à Brest, à Tres-Hir, au Conquet, à Lannion, à Ferros-Guirec, à Ploumanack, aux Sept-lles, à Bréhat, aux environs de Saint-Malo, à Cancale, à Cherbourg, à Saint-Yastla-iïougue, à Port-en-Bessin, à GourseuUes, ùLangrune, à Boulogne, à Dunker- que, Calais et Ostende, dans toutes ces localités où j'ai travaillé et cherché, il fallait s'installer et se pourvoir de toutes choses. C'est dans cette longue pratique que j'ai vu ce qu'il était impor- tant d'avoir pour bien travailler. C'est donc indépendamment de tout modèle que les laboratoires de Roscoff et de Banyuls ont été organisés. Les desiderata, et ils sont nombreux, je le sais mieux que per- sonne, sont donc le fait de leur organisateur ; peut-être esl-il en droit de demander quelque indulgence, les moyens mis à sa dispo- sition ont si souvent fait défaut, surtout à l'origine. LABORATOllŒS DE ROSCOFF ET DE BANYIJLS. 3B3 A Bonifacio, à Mahon, à la Galle, au fort Génois, à Alger même, je n'avais certes pas toutes les facilités actuelles pour faire des études suivies. Je dus arriver à faire moi-même mes petits aquariums, et de fait c'est par les procédés que j'avais appris à mettre en pratique, alors que je vivais, au fort Génois, éloigné de toutes ressources, que j'ai construit moi-même les grands bacs de l'aquarium de Banyuls. Or, qu'on le remarque, cela a été déjà dit, pas une seule glace ne s'est cassée depuis l'origine, malgré un rude hiver, malgré leurs très grandes dimensions, et cela sur quatorze bacs existants. Il sera facile au lecteur, en visitant divers aquariums, de reconnaître qu'il n'en est pas partout ainsi. Les laboratoires de Roscoff et de Banyuls appartiennent l'un et l'autre à l'École des Hautes Études. Comme tels, ils jouissent des grands avantages de cette institution, l'une des plus libérales de l'ins- truction publique. L'autonomie est complète dans chacun des éta- blissements qui la composent, et, si les relations de Roscoff et de Banyuls avec la Sorbonne, à laquelle je les ai annexés volontaire- ment, sont forcées au point de vue budgétaire, les laboratoires n'en restent pas moins entièrement indépendants, et leur auto- nomie ne peut faire aucun doute. A cela, il y a les plus grands avantages, mais aussi une plus grande part de responsabilité revient à la direction, qui, du reste, n'a jamais reculé devant les charges qu'imposait la fondation au début et que donne aujourd'hui le fonctionnement régulier. Pour arriver à une création, il fallait d'abord rechercher et trouver les moyens d'action ; or la chose, on l'a vu, n'était pas toujours facile, et pour le fonctionnement, ce sont les bonnes conditions d'organisation des services qu'il faut maintenir et ne pas laisser remplacer par des habitudes fâcheuses, s'établissant peu à peu quand on n'y veille pas. Il y a là encore une difficulté sérieuse dans la direction d'une station maritime. AUCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — S*^ SÉRIE. '- T. IX. 1891. 23 su H. DE LACAZE-DUTHIERS. On ne doit pas se figurer que diriger un laboratoire très fréquenté au bord de la mer, où parfois se trouvent réunies jusqu'à vingt et vingt- cinq personnes au même moment, ayant les goûts et les idées les plus différentes, soit chose facile. L'un veut aller ici, l'autre veut aller là, un troisième irait dans une autre localité ; le service des embarca- tions serait bien vite absorbé par quelques-uns s'il n'était réglé tout comme le service de l'intérieur. Les uns demandent toujours et ne sont jamais satisfaits ; pour ceux-là, si on ne répond à tous leurs désirs, le laboratoire est déplorablement organisé. A l'origine, cha- cun avait dans sa chambre tout ce qui était nécessaire, des crayons, des couleurs, des papiers excellents pour prendre des notes scientifi- ques, des instruments à dissection, etc. Il arrivait qu'on trouvait des tables calées avec des bistouris, des scalpels ; les beaux papiers de fil, destinés au dessin, étaient employés à faire des brouillons qu'on déchirait. Avait-on besoin d'une lampe à alcool pour chauffer une préparation, on l'oubliait allumée toute la journée. Combien d'autres abus, insignifiants en apparence, ne serait-il pas possible de rap- peler ! Les crédits d'un laboratoire quelconque ne suffiraient pas à couvrir les grosses et utiles dépenses si la direction ne surveillait les moindres détails, et ce sont même ces petites choses qui causent des difficultés, des critiques et des ennuis aux uns et aux autres. La libéralité est très grande dans les laboratoires de Roscoff et de Banyuls, nul ne peut le nier ; mais il ne faut jamais laisser se perpétuer des abus, même les plus insignifiants. Agir autrement n'appartient pas à une bonne direction. Je ne m'illusionne pas, il est des critiques sévères qui ne verront, dans ces détails, qu'une mesquine tendance à de petites économies. Peu importe! Heureux sont ceux qui peuvent agir largement; à eux de nous apprendre les moyens qu'ils ont su employer pour obtenir de grands crédits. Un chiffre suffira pour légitimer les mesures d'ordre : à l'origine, pour parer à tout, à Roscolf, il n'y avait que 3000 francs, et ce n'est que peu à peu, à la suite des résul- tats acquis, que le budget s'est accru, sans jamais toutefois être LABORATOIRES DE ROSCOFF ET DE BANYULS. 355 proportionné au nombre des personnes ayant travaillé au laboratoire. A part les stations qui, par leur voisinage des centres d'en- seignement, ont une existence légitime et qui doivent être encou- ragées, la plupart des autres n'ont eu d'autre origine que le désir d'être cbez soi et de faire ce qu'on veut, indépendamment de toute direction ; mais on peut affirmer que ces stations maritimes, nées du besoin de régir soi-même un établissement d'après ses habi- tudes propres de travail, seraient bientôt réglées et réglementées comme il convient, si elles attiraient de nombreux travailleurs, ou sans cela on peut prédire que leur durée ne serait pas longue. Les difficultés que l'on trouve à conduire une station, la néces- sité d'une règle et d'une direction, sont la conséquence de cette tendance au personnalisme, et l'indépendance dont chacun veut jouir a conduit à la multiplication des laboratoires maritimes. Les exigences sont le plus souvent dues à une excessive libéralité, qui est le propre, je puis l'affirmer encore, des laboratoires de Banyuls et de Roscoif , où on a souvent reconnu que les vrais, les bons travailleurs ne sont pas les plus exigeants. Aussi c'est à ceux-là que revient la plus grande part des égards ; c'est à eux que rien ne doit être et n'est refusé quand les travaux marchent bien et con- duisent à des progrès scientifiques. Les laboratoires étant destinés à faire surtout des observations biologiques, il n'est pas possible d'employer le temps du personnel et le matériel à laisser faire, par des spécialistes, des collections ne de- vant et ne pouvant rien rapporter au laboratoire; de là des causes de mécontentement qui, allant de bouche en bouche jusqu'aux oreilles des ennemis des établissements, se sont quelquefois transformées en pures calomnies. Un savant étranger me disait encore à Paris, il y a peu de temps : « Mais pourquoi vous opposez-vous à ce que l'on emporte des ma- tériaux de travail ? » L'accusation est fausse. C'est une calomnie ; elle devait être relevée 3,S.i H. DE LAGAZE-DUTHIERS. dans ce recueil, et cela est facile, preuves en main. Mais, à ce pro- pos, il est utile de faire quelques remarques. Toute station qui n'a pas de nombreux travailleurs laisse faire tout ce que veulent ses rares clients, afin d'en appeler de nouveaux. Si elle donne largement, elle verra bientôt comment ses libéra- lités seront reconnues -, on ne l'oubliera pas moins bien vite. Si elle vend les produits de ses pêches, elle s'opposera, cela se comprend, à ce que l'on fasse des collections pendant le temps passé chez elle. Les exemples seraient faciles à citer. A Roscoff comme à Banyuls, une collection des animaux de la localité est commencée ; elle a son local, elle a, si je puis dire, sa part dans le budget, dans les crédits alloués aux stations. Il est spécialement recommandé aux personnes faisant des re- cherches sur un groupe, de laisser des spécimens bien déterminés et caractéristiques des espèces ayant servi à leurs études, avec des étiquettes signées. Je dis : la chose est particulièrement recom- mandée. Combien y a-t-il de zoologistes ayant répondu à l'invi- tation? Cependant est-ce trop demander à une personne, qui a tout à sa disposition pour son travail, de laisser quelques beaux échantillons étiquetés de sa main? A l'arrivée, la chose paraît toute simple ; aussi on promet, on paraît môme llaLté de la demande; au départ, on a le plus sou- vent oublié toutes les promesses. Comment peut-on accuser d'avoir refusé de laisser emporter des matériaux de travail, quand il suffit d'écrire au directeur pour rece- voir des envois aussi nombreux et fréquents qu'on le désire. On a vu plus haut ce qu'est le nombre des envois faits. Les registres des stations sont là, faisant foi contre les calomnies dont l'origine malhonnête est bien connue. On n'a pas oublié qu'il a été parlé de certains abus. Croit-on qu'il n'en soit pas de même quand il s'agit de préparer et d'emporter des objets? Ce sont ces abus qui ne seront jamais tolérés. LABORATOIRES DE ROSCOFF ET DE BANYULS. 3o7 Aujourd'hui que les méthodes anatomiques sont surtout dirigées vers les coupes, combien n'existe-t-il pas de travailleurs qui vien- nent recueillir des animaux, des parties d'animaux, des organes, les durcissent, les colorent même méthodiquement, puis les emportent pour n'en faire l'étude que plus tard, dans les laboratoires des centres universitaires, au moyen des coupes. On sait combien toutes ces manipulations sont coûteuses, en raison de la quantité d'alcool de titres différents employée, des tubes, etc. N'y a-t-il pas des travailleurs ayant reçu beaucoup, et beaucoup pour leurs travaux personnels, qui ont fait participer, aux envois reçus, des amis à eux, n'ayant aucune relation avec le laboratoire ? En tout et partout, les abus sont la ruine des établissements, et si une direction ferme n'existe pas, les conditions d'ordre intérieur se modifiant peu à peu, la libéralité prend bientôt la forme de la licence, et les crédits, déjà fort limités, étant gaspillés, ne peuvent plus suffire aux besoins les plus impérieux. La libéralité a été quelquefois excessive dans mes stations ; aussi j'affirme qu'il n'est personne, ayant fait une demande d'objets des- tinés à un travail, qui n'ait reçu immédiatement satisfaction ; les exemples sont relatés dans ces Archives mêmes. On doit le remar- quer encore, toutes les stations n'ont pas la même importance. Espère-t-on, en dénigrant, augmenter les faveurs pour soi et faire dévier un courant que vingt années de travaux publiés ont déter- miné ? Il est encore une autre remarque que l'on comprendra. Les Archives de zoologie expérimenlale sont les archives mêmes des deux laboratoires. N'est-il pas naturel de voir paraître dans ce recueil les travaux faits à Banyuls ou à Roscoff ? Quelques travailleurs ont trop vite oublié ce qui avait été fait pour eux, dans ces laboratoires, et, en portant leurs travaux dans les recueils étrangers, ils n'ont pas compris qu'ils laissaient voir combien peu ils avaient tenu compte d'un désir que beaucoup tiennent pour aussi naturel que légitime, 3S8 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. Encore une observation pour terminer. Peyraudeau, un naturaliste voyageur dont les recherches sont tenues en grande estime par les zoologistes, et cela parce qu'elles sont justes et bonnes, a dit en commençant son livre sur la Corse : (( J'ai pu me convaincre, dans mes voyages, qu'il n'est pas besoin d'aller parcourir le nouveau monde, ou les contrées les plus éloi- gnées de l'ancien, dans l'espoir d'y rencontrer des objets d'histoire naturelle qui, jusqu'à présent, se sont dérobés à nos recherches. » Et Peyraudeau avait raison. J'ai couru, je l'ai dit, les côtes de la Corse, de l'Espagne, de l'Afrique, pour avoir et étudier la Bonellie, le Gardinia Gamotii, et je les avais sous mes pas à Banyuls ! Ces exemples ne montrent-ils pas que l'on devrait s'attacher à connaître d'abord ce que l'on a chez soi et sous la main avant d'en- treprendre des excursions en de lointains parages, poussé que l'on est par l'attrait de l'inconnu et l'espoir de trouver du nouveau parce que l'on est allé le chercher bien loin. En finissant, me sera-t-il permis de rappeler que les sacrifices et les fatigues de toute sorte que je n'ai cessé de m'imposer depuis bientôt vingt ans pour la fondation des laboratoires et la création des Archives de zoologie expérimentale, dont la publication arrive au vingtième volume, m'ont été inspirés parle seul désir de multiplier en France les moyens de travail et de contribuer ainsi dans la mesure de mes forces au développement de la science à laquelle j'ai voué toute mon existence ? Mais je ne puis m'arrêter sans adresser mes remerciements sin- cères et l'expression de ma profonde reconnaissance à tous ceux qui m'ont soutenu, puissamment aidé et encouragé dans l'accomplisse- ment de mon œuvre. Que l'Académie des sciences, que les adminis- trations de l'instruction publique, de l'agriculture, que le départe- ment des Pyrénées-Orientales, la commune de Banyuls, les conseils municipaux de Perpignan et de Toulouse, que la Compagnie des Chemins de fer du Midi, que mes nombreux amis dévoués aux pro- LABORATOIRES DE ROSGOFF ET DE BÂNYULS. 339 grès de la science, qui m'ont adressé tant de dons personnels, sachent bien que je n'oublie pas que c'est à eux que je dois d'avoir réussi dans mon entreprise. Un moment arrivera où, dans l'aquarium de Banyuls, seront signalés à la reconnaissance des zoologistes les noms de tous ceux ayant contribué, parleur générosité, à élever, sur le promontoire du Fontaule, un temple oii les merveilles de la création peuvent être admirées à loisir et étudiées avec ardeur par les amis passionnés d'une nature prodigue, déployant à leurs pieds les inépuisables richesses d'une faune magnifique. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE X. LABORATOIRE MARITIME DE ROSGOFF. Cette vue du laboratoire est prise îi la haute mer, de la jetée qui, à l'ouest de la promenade du Vili, sert de débarcadère pour les bateaux de l'île de Batz. Sur le premier plan à droite, on voit la promenade du Vill, limitée dans le fond par le jardin et l'aquarium du laboratoire et le grand mur qui la garantit contre la mer, à gauche oii est le havre du Vill, dans lequel sont les trois bateaux du laboratoire : le Dentale (sous voiles), la Laura (mouillée) et le canot. L'ensemble des bâtisses à gauche du clocher de l'église appartient au labora- toire. L'aquarium est la grande partie au centre, facile à reconnaître par sa façade blanche au milieu de laquelle se détachent en noir deux portes et un balcon. A gauche de l'aquarium est le mur circulaire du vivier; h droite sont les arbres du jardin, et dans le fond les maisons. La salle des machines, la maison Mironnet, et un peu la batterie de la Croix paraissent sur le dernier plan. En rapprochant cette vue du plan (pi. XI), on reconstituera facilement la topo- graphie des lieux. L'orientation n'est pas celle que l'on donne habituellement. Le nord esta gauche, l'est en haut du dessin, le sud à droite et l'ouest en bas. PLANCHE X bis. INTÉniEOR DU LABORATOIHE DE ROSGOFF. Les deux figures de cette planche n'ont d'autre but que de donner une idée des dispositions générales. Elles ne représentent, l'une, en haut, que la moitié du jardin et d^'s bâtiments ; l'autre, en bas, qu'une partie de l'aquarium. 360 H. DE LACAZE-DUÏHIEKS. La figure du haut est prise l'appareil pliotographique étant situé tout près de la clôture du jardin du côLé du Vill. A gauche, on voit la façade sud de l'aquarium qui, de même que la façade nord, est toute vitrée ; on pourra se faire une idée exacte de la grandeur de l'aquarium en remarquant que la porte que l'on voit sur cette façade est située au milieu de la longueur. De loin en loin, on voit des espaces carrés plus clairs qui correspondent ù des parties vitrées sans traverses répondant aux bacs intérieurs. Dans le fond est l'ancienne maison d'école, dont le milieu est occupé par la tour renfermant l'escalier conduisant au premier. Presque toutes les maisons anciennes de Roscoff ont leurs escaliers tournants en granit, desservant les étages, placés ainsi en dehors de la maison. Sur le côté droit s'avance en manière de chalet une construction avec balcon sur le jardin où loge le préparateur. Il a paru inutile de publier une deuxième vue du jardin, qui reproduirait la pre- mière maison acquise, sur la façade de laquelle on verrait de même une tour pour l'escalier et un chalet semblable où loge le directeur. C'est dans cette seconde partie que se trouvent les arbres, la salle de travail en commun des élèves, et le logement du gardien, avec l'entrée donnant sur la place de l'Église. Dans la planche X, on ne voit que le faîtage des deux maisons. On peut très bien reconnaître leur étendue et leur limite en prenant pour point de repère les chemi' jiées placées sur les faîtages. La figure inférieure de la planche X montre l'extrémité ouest de l'intérieur de l'aquarium. On voit îi droite et h gauche la série des bacs, placés tout près des montants en vitrage. Sur le premier plan à droite, est un travailleur occupé à faire une observation; il est indiqué ici pour aider à reconnaître les bacs qui ne sont pas, comme à Banyuls, extérieurs et vus de l'intérieur. La luxiière est le plus souvent trop faible à Roscoff pour obtenir les effets d'éclairage que l'on a au laboratoire Arago. Aussi, l'aména- gement de l'aquarium de Roscofi' est-il bien différent de celui de Banyuls. Dans le milieu, il n'a été dessiné que l'un des deux bassins avec jet d'eau ; et sur le plan le plus postérieur paraît l'escalier conduisant au premier, au laboratoire par- ticulier du directeur. En dessous, au rez-de-chaussée, une autre porte donne accès dans un grand magasin où sont remisés les apparaux des embarcations et les dif- férents ustensiles de pèche. L'appareil photographique n'a pu embrasser tout l'intérieur de l'aquarium; mais on pourra se rendre compte de son étendue, en remarquant à droite et à gauche, après les deux premiers bacs du deuxième plan, les portes occupant le milieu de la longueur. Que par la pensée on prolonge du double en avant cette longueur, qu'on place au milieu de cette seconde moitié un bassin semblable à celui qu'on voit dans le fond, et l'on pourra avoir une idée exacte de celle grande pièce qui ne mesure pas moins de trois ares en surface. Ici il n'y a pas de plafond, la toiture est à deux eaux, et les ardoises lourdes, LABORATOIRES DE ROSCOFF ET DE BANYULS. 361 épaisses et pesantes, qui la recouvrent, reposent sur un planclier très exactement joint. Les poutres et poutrelles de la charpente sont à nu, comme on le voit dans la figure. Le nombre des bacs est considérable. L'alimentation se fait à l'aide de deux gros tuyaux courant sur la murette supportant les montants de la construction. Un système de vidange reçoit également au pourtour et dans le sol les eaux s'écliappant par les trop-pleins. Il suffit d'opposer ce dessin à celui de la planche XIII pour voir quelle est la différence entre les aquariums des deux établissements. PLANCHE XI. PLAN DÉFINITIF DU LABORATOIRE DE ROSCOFF (1891). La légende inscrite à côté du plan dispense d'une description détaillée. Il suffira de quelques observations. La terrasse au sud du vivier (A) est l'ancien chemin qu'il fut si difficile d'obtenir. Celle qui est au nord de la salle des machines (D) et la maison Mironnet (E), est l'ancien terrain Vacher. La dernière à droite est la batterie de la Croix, sur laquelle a été construit le réservoir (K). Ce qu'il importe surtout de remarquer, c'est la position de la série des stalles de travail CC,qui sont de plain-pied avec l'aquarium (B), la position du laboratoire du directeur (J), celle des cabinets de travail du préparateur et du maître de confé- rences (M) et (L). On peut remarquer qu'un couloir existe faisant communiquer toutes les parties de l'établissement, depuis (G), la salle de travail en commun, jusqu'à l'aquarium (B), en passant par le milieu des deux rangées des stalles de recherches. Ce couloir donne accès par les escaliers des tourelles aux chambres du premier et du deuxième étage. Il n'a pas paru utile de reproduire le plan des étages supérieurs ou se trouvent les chambres d'habitation. PLAiNCHE XII. VUE DU LABOR.\TOIRE ARAGO ET DE SON VIVIER. Le laboratoire est vu du côté de l'arrivée. A droite paraît le chemin qui conduit par la montagne à Cerbère, et qui longe l'entaille faite daus le rocher du cap Fontaule pour faire l'assise de l'établissement. Dans le milieu de la figure, à gauche des btàliments, se trouve l'île Grosse, unie par le môle à la terrasse du laboratoire. C'est à l'ouest du môle, à la gauche de la vue, qu'est le vivier dont la paroi au sud sert de jetée et de débarcadère pour les embarcations. Le grand bateau du laboratoire est à gauche, c'est-à-dire à l'ouest du vivier, sous voiles et quittant le mouillage. En se reportant au plan (fig. 3, p. 266) et à ceux de la planche XIV, il sera facile 362 H. DE LAGAZE-DUTHIERS. (le se rendre compte de la disposition des lieux dans cette vue qui donne une idée très exacte de la situation et de l'apparence du laboratoire. PLANCHE Xlll, LABORATOIRE ARAGO. — INTÉRIEUR DE l'aQUARIUM. Cette vue très lisible a pour but de montrer la rangée des grands bacs, forme intérieure, placés devant les croisées ouvertes sur la façade ouest qui se trouvent sur la droite de l'observateur. Les tables de marbre noir rangées en file sont à côté de la rigole cachée par le carrelage, où court le tuyau d'alimentation et d'où sortent et montent les tuyaux destinés à apporter l'eau. Sur la façade opposée, on voit les bacs construits dans les embrasures des croi- sées et éclairés parla lumière zénithale. Entre chaque bac se trouve un tableau noir servant aux démonstrations ou aux explications qui suivent les observations. Il y a aussi à côté de chaque bac une prise de courant permettant de l'éclairer quand la chose est nécessaire. L'un des bacs, ayant peu de profondeur, est sur le premier plan à gauche. Il offre, comme on l'a vu dans le texte, l'une des formes les plus utiles et les plus favorables à l'observation. Le moulage du buste d'Arago, qui est au Louvre et qu'a fait David d'Angers, est à l'une des extrémités de la salle. A l'autre extrémité se trouve la Vénus de Milo^, de grandeur naturelle, sortie des ateliers du Louvre. Dans le pourtour de la salle on voit les bustes des grands naturalistes et voyageurs français. Tous ces moulages ont été donnés et n'ont rien coûté au laboratoire. C'est la seule réponse à faire ;\ de jalouses et malveillantes critiques faites [)ar des hommes manquant de sens moral. La vue de cet aquarium a été prise en ouvrant les rideaux; elle ne donne puint l'effet que produit l'obscurité en ne laissant éclairés que les bacs construits dans les embrasures, sur la façade esi. Si le lecteur veut bien comparer la planche XlII et la figure inférieure de la planche X bis, il reconnaîtra combien sont différents les aquariums des deux stations. PLANCHE XIV. PLAN DU LABORATOIRE ARAGO. Les deux figures occupant le haut et le bas de la planche sont accompagnées d'une légende très détaillée permettant de se rendre compte de la disposition du laboratoire au rez-de-chaussée et au premier étage et dispensant d'une longue des- cription. Le vivier se trouve dans la partie comprise entre la jetée (A) et le môle (B). ' Le graveur a assez mal réussi la reproduction de la photographie de la Vénus. Peu importe. Jl suffisait ici d'en indiquer la place. LABORATOIRES DE ROSGOFF ET DE BÂNYULS. 363 Dans le plan du haut, on voit le corridor qui partage tout le premier en deux moitiés, et donnant accès aux cabinets de travail et à la terrasse (P). On doit remarquer combien les limites de l'établissement sont peu éloignées des bâtiments. On a vu dans la description qu'il y avait là une condition fâcheuse qui devrait disparaître par l'acquisition de la propriété voisine n'ayant aucune valeur. Il suffit de jeter un coup d'œil sur les plans de cette planche et sur la planche XII pour reconnaître l'heureuse situation du laboratoire Arago. Nota. — Les plans ont été levés par le docteur H. Prouho, ingénieur, ancien élève de l'Ecole centrale, préparateur du laboratoire. Leur exactitude est absolue. En 1889, ils ont fait partie de l'Exposition, ministère de l'instruction publique, section des hautes éludes. Les vues sont la reproduction des photographies de M. Prouho, aussi habile dans l'art des dissections que dans ceux du dessin et de la photographie. Je dois le remercier des soins qu'il a mis à reproduire les deux laboratoires de Roscoffet de Banyuls. Ces piiotographies figuraient aussi â l'Exposition universelle de 1SS9. II. DE L.-D. ÉTUDES Sf R LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES DANS LA SERIE ANIMALE (2e PARTIE : invertébrés) PAU L. GUÉNOT Chargé d'un cours complémentaire de zoologie à la Faculté des sciences de Nancy. INSECTES. Les Insectes présentent, à propos du sang, des particularités fort intéressantes; leur vie larvaire, pendant laquelle ils accumulent tant de matériaux de réserve, les plantes dont ils se nourrissent, leur existence terrestre, tout cela retentit profondément sur la compo- sition du liquide sanguin, qui présente dans sa partie fluide une complication à laquelle nous ne sommes pas habitués, et qu'aggrave encore la difficulté que l'on a à se procurer une quantité suffisante de sang. Tandis que chez les autres animaux, dans un groupe donné, le sang présente à peu près la même composition, chez les Insectes, au contraire, il varie extrêmement d'une espèce à l'autre. Le sang est tantôt rose, rouge ou brunâtre, tantôt jaune ou vert, parfois incolore ou à peine coloré, ce qui est causé par des substances fort diverses, que nous allons chercher à caractériser. 366 î^- CUfiNOT. |o A. — Le premier exemple, l'un des plus compliqués, nous sera fourni par la chenille du Grand Paon de nuit [Saturnia pyri) ;tout le monde connaît cette superbe chenille, l'une des plus grandes de nos climats, qui n'est pas rare aux environs de Paris. La chenille étant enveloppée dans un linge, de façon à ce qu'elle ne puisse remuer, on coupe vivement un des appendices dorsaux, surmontés d'une petite boule bleu-turquoise ; il s'échappe goutte à goutte un liquide d'un beau jaune d'or, un peu trouble, qu'on recueille dans un petit tube de verre ; on en met également une goutte sur une lame de verre, de façon à l'examiner au microscope. Naturellement on prend les pré- cautions nécessaires pour que l'air arrive dans les deux cas au contact du liquide, sans que celui-ci puisse s'évaporer; ce sont des détails pratiques que chacun peut imaginer. Le sang jaune renfermé dans le tube commence à changer de teinte au bout de deux à trois minutes ; il devient roux, puis bru- nâtre; en même temps, à la surface et sur les parois du tube, on voit se dessiner de petites traînées noires, qui augmentent gra- duellement et finissent par former, en moins d'un quart d'heure, une zone superficielle, opaque, d'un beau noir. Le liquide, en même temps, a continué à se foncer en couleur ; il est devenu brun foncé, puis finalement d'un noir franc. A ce moment, le sang est tout à fait oxydé, le contact de l'air ne détermine plus aucun changement. Si l'on décante avec précaution le liquide, il reste dans le tube des pellicules solides, noires, attachées aux parois ; nous les examinerons tout à l'heure. Quant au sang décanté, il est opaque, noirâtre, avec une teinte brune dans le ménisque oh l'épaisseur est moindre ; il est parfaitement liquide et limpide, sans dépôt d'aucune sorte. C'est une solution d'albuminoïde, coagulable par la chaleur en une masse compacte, d'un gris sale, à une température assez basse, 65 à 67 de- grés centigrades, précipitable par l'alcool en flocons grisâtres, par les acides, etc ; en le réduisant par le sulfhydrale d'ammoniaque, il reprend en partie sa teinte primitive jaune, pour noircir à nouveau lorsqu'on l'expose à l'air. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 3(37 C'est donc un albuminoïde bien caractérisé, oxydable à l'air quand le sang est étudié in vitro ; pour rappeler sa teinte primitive, je lui donnerai le nom à'hémoxanthine. Ce n'est pas tout: l'alcool qui a servi à précipiter l'hémcxanthine se colore lui-même en jaune paille ; décanté et mis à évaporer sur une plaque de porcelaine, il laisse des gouttelettes huileuses, jaunes, qui présentent aux réactifs (voir Introduction) tous les caractères des lutéines ou lipochromes. Il y a donc, outre l'albuminoïde, une luléine jaune dissoute dans le sang. Examinons maintenant le résidu noir laissé dans le tube après décantation ; au microscope, on constate que c'est un coagulum normal de fibrine incolore, enclavant comme d'habitude de nom- breux amibocytes ; il est chargé par places d'une quantité de petits granules d'un vert noirâtre, qui lui donnent la teinte que nous avons signalée ; ces petits granules, de 2 à 3 [x, sont arrondis, très irréguliers, souvent mal définis et presque complètement opaques, malgré leur petite taille ; ils sont insolubles daus l'eau, l'alcool ; l'acide azotique puis l'ammoniaque les font virer au jaune, sans les dissoudre; ils sont donc très différents des lutéines. Krukenberg a appelé cette substance uranidine; on ne connaît pas sa composition chimique, ni le rôle qu'elle joue dans l'organisme ; toujours est-il que l'uranidine se dépose dès que le sang est retiré de l'animal, même lorsqu'il est privé du contact direct de l'air. L'examen microscopique de la goutte de sang oxydée dans la chambre humide confirme ce que nous venons de décrire ; on voit d'abord la fibrine incolore enclavant les amibocytes sanguins; les granules d'uranidine, surtout abondants sur les bords, dont quel- ques-uns ont été absorbés par les amibocytes. Enfin le liquide restant n'est plus jaune, il paraît sous cette faible épaisseur d'un brun noi- râtre assez clair. En résumé, le sang de la chenille ào, Saturnia pyri renferme, outre les corpuscules figurés, quatre substances différentes : 1° un albu- minoïde primitivement jaune, absorbant l'oxygène de l'air et deve- 368 L CUÉNOT. nant brun noirâtre ; c'est Vhémoxantidne ; 2° delà fibrine, diSiez abon- dante; 3" une lutéine jaune, extraite par l'alcool ; 4° une substance d'abord dissoute, qui, en dehors de l'animal, noircit et se précipite sous forme de petits granules d'un vert noirâtre; c'est de Vwanidine. B. — On peut rapprocher de l'exemple précédent la chenille du Bombyx de la ronce {Bombyx rubi). Le sang est d'un vert clair ; en l'exposant à l'air, au bout de quelques secondes, il se forme à la surface une pellicule noire qu'on peut enlever; le liquide restant s'oxyde, et, en dix minutes à peu près, devient d'un noir verdâtre très foncé; le changement de teinte n'est pas tout d'abord uniforme; il se dessine de petites traînées noirâtres, qui se multiplient rapide- ment et finissent par colorer entièrement le liquide ; il semblerait que l'albuminoïde oxydé n'a pas tout à fait la même densité qu'à l'état primitif, et que le mélange entre les deux substances n'est pas très facile. Après décantation, on peut précipiter par l'alcool l'hémoxanthine oxydée, en flocons noirâtres (coagulable par la chaleur à 65 degrés; l'alcool se colore légèrement en jaune, ce qui indique la présence d'une lutéine; enfin, au microscope, on constate que la pellicule su- perficielle est formée de fins granules agglomérés d'uranidine. Il n'y a pas du tout de fibrine; lorsqu'on laisse le sang reposer dans un tube, on voit très bien les corpuscules figurés se déposer au fond, en formant une couche blanche assez épaisse. C. — Enfin, le sang de la chenille du Bombyx trifolii, d'un jaune clair au sortir de l'animal, devient noirâtre après l'action de l'air; il n'y a ni fibrine ni uranidine.Le sang ne renferme (à part la lutéine, qui est à peu près constante chez les chenilles) que l'albuminoïde que j'ai appelé hémoxanthine. Il en est de même pour le sang jaune d'or des chenilles de Vanessa antiopa et de Chelonia caja (l'uranidine existe chez cette dernière). D. — Le sang du Meloe proscarabœus est d'un jaune d'or un peu trouble; il se forme immédiatement un coagulum fibrineux abon- dant, enclavant les amibocyles, et sur lequel se précipite de l'ura- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 369 nidine. Le liquide restant s'oxyde peu à peu et devient d'un noir peu foncé, en restant indéfiniment dans cet état. L'alcool le précipite en flocons blanc grisâtre et ne se colore pas ; donc, pas de lutéine. E. — Pour la commodité de l'exposition, je rapprocherai de l'hé- moxanthine un albuminoïde probablement assez différent, trouvé dans le sang de la chenille du Bombyx quercus. Le sang est d'un vert clair, et garde cette teinte dans un flacon bien bouché ou dans le vide; exposé à l'air, il s'oxyde et devient d'un noir jaunâtre ; il dif- fère de l'hémoxanthine par son point de coagulation qui est à 71°, 3. Le sang ne renferme pas de fibrine ni d'uranidinc, du moins en quan- tités sensibles. Le sang de la chenille du Bombyx castrensis, d'un beau jaune d'or, renferme une grande quantité de fibrine ; exposé à l'air, il s'oxyde et devient d'un noir jaunâtre; pas d'uranidine. Le fait qui m'a frappé, c'est que le sang oxydé, abandonné à lui-môme, au bout de deux heures s'est pris en masse comme de la gélatine; ce coagulum est insoluble dans l'eau distillée et résulte probablement d'un dédouble- ment de l'albuminoïde, qui, sans cette particularité, se rapproche- rait assez de l'hémoxanthine. 2° A. — Un second type d'étude sera la chenille du Pieris brassica.', très fréquente dans les jardins potagers sur les choux et autres cru- cifères. Le sang extrait par section d'une fausse patte est d'un beau jaune, un peu trouble; on peut suivre les phases de son oxydation dans la chambre humide, sous le microscope; au bout d'un quart d'heure, il est devenu d'un jaune grisâtre qui se fonce de plus en plus ; il s'est déposé sur la lamelle de l'uranidine en fins granules opaques, d'un vert noirâtre, qui donnent en partie leur teinte à la goutte de sang; la partie liquide décantée est de couleur gomme-gutte assez claire (ou plutôt terre de Sienne naturelle diluée dans l'eau) ; par l'alcool, on précipite un albuminoïde en flocons blanc jaunâtre, que je propose d'appeler hémoprasine (de -^rpicîisv, vert pâle). L'alcool se colore en jaune d'or, et par évaporation laisse déposer des globules de lutéine faciles î\ caractériser par les réactifs. Le sang de la chenille AUCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 1° SÉRIE. — T. iX. 1S91. 24 370 L. CUÉNOT. du Pieris brassicx renferme donc trois substances : 1° un albumi- noïde absorbant l'oxygène de Pair, Vhémoprasine; 2" une lutéine jaune; 3» de Vuranidine précipitée en granules noirs. Il n'y a pas du tout de fibrine. La chenille de Pieris rapx, si voisine de la précédente, a le sang d'un vert clair (vert Véronèse dilué), qui, par oxydation, devient jaune verdâtre (terre de Sienne naturelle à laquelle on ajouterait un peu de vert) ; c'est probablement le même albuminoïde, l'hémopra- sine; mais, chez cette espèce^ il n'y a ni fibrine, ni uranidine, ni lutéine. B. — Le sang des larves de Libellula depressa, à peine verdâtre au sortir de l'animal, devient d'un jaune verdâtre très net après oxyda- tion ; il renferme un albuminoïde dissous, qui est très probablement l'héraoprasine. Il n'y a aucun des corps accessoires rencontrés jus- qu'ici. 3° A. — Un troisième exemple nous sera fourni par un Coléoptère, V Hydrophilus piceus; le sang extrait par section des pattes est d'un jaune pâle; exposé à l'air, il commence à s'oxyder au bout de cinq minutes par la formation de petits nuages colorés qui apparaissent à la surface; en moins d'une heure, le sang est devenu d'une teinte acajou ou caramel très intense. Il n'y a ni uranidine, ni fibrine, ni lutéine. Cet albuminoïde se coagule par la chaleur en une masse brunâtre, entre 60 degrés et 61", 5. Je propose de l'appeler hémo- phéine (de çaiéç, brun). B. — Le sang du Blups niorlisaga est à peine coloré en jaune ; par oxydation, il devient en quelques minutes couleur d'ocre jaune dilué; l'alcool précipite l'albuminoïde en flocons d'un blanc sale. Je crois pouvoir le rapporter à l'hémophéine, ainsi que celui de nombre de Coléoptères (larve Dyiiscus marginalis, Melolontha vulgaris, etc.), d'Orthoptères (Gryllus domesticus), d'Hémiptères {Nepa cinerea, Noio- necta glauca), de la chenille de Chelonia pudica, etc. Suivant les espèces, l'oxydation est plus ou moins rapide et intense ; il y a des dilférences de détail dans lesquelles je ne puis entrer. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYAIPHATIQUES. 371 4° La chenille du Liparis dispar (chenille processionnaire) a le sang brun clair (terre de Sienne brûlée) ; il se dépose un petit coagu- lum de fibrine incolore ; il n'y a pas d'uranidine. Le^sang s'oxyde à l'air et devient d'un brun noirâtre (terre de Sienne brûlée avec un peu de noir d'ivoire). Cet albuminoïde est sûrement différent de l'hémophéine, qui n'a jamais celte intensité de teinte ; je l'appel- lerai hémopyrrine (de rjppr, rouge et brun). 5° Le sang de la chenille à [queue îouvchue {H arpy g l'a vinula) est d'un très beau vert émeraude au sortir de l'animal ; au contact de l'oxygène, le vert devient un peu plus foncé, mais c'est à peine sen- sible. L'alcool donne un abondant précipité jaunâtre de cet albumi- noïde, que j'appellerai hémochlorine pour rappeler sa couleur et sa parenté probable avec la chlorocruorine des Annélides. L'alcool se colore fortement en jaune en dissolvant la lutéine habituelle. Je dois mentionner aussi, chez cette chenille, la présence de la fibrine, qui forme dans le sang frais un abondant coagulum gélatiniforme, semblable à celui des Crustacés. Il n'y a pas du tout d'uranidine, comme on a pu le voir, puisque le sang ne noircit pas. Le sang de la larve à'y^schna grandis renferme (probablement un albuminoïde analogue ; il est d'un vert clair, comme une solution de vert de méthyle, et ne change pas de teinte à l'air. Pas de fibrine, ni de lutéine. Quand on chauffe le sang, il devient opalin de 65 degrés à 68 degrés, pour se coaguler franchement de 68 degrés à 70 degrés. 6" A. — La chenille du Bombyx de l'Ailante {Satunna cynthia) a le sang d'un beau jaune, semblable tout d'abord à celui d'une che- nille voisine, celle du Saturnia pyri ; mais il n'y a ni fibrine ni ura- nidine comme chez cette dernière. L'albuminoïde ne change pas de teinte, même après une heure d'oxydation, ce qui le différencie nettement de l'hémùxanthine ; l'alcool le précipite en flocons blanc jaunâtre et se colore en jaune clair ; il y a donc un peu de lutéine dissoute. Cet albuminoïde jaune est bien différent de tous ceux que nous avons vus jusqu'ici ; Ije lui donnerai le nom à' Iiémocrocine (de xpoxivoç, couleur de safran). 372 L. CUÉNOT. J'ai retrouvé l'hémocrocine chez des Orthoptères, le Stenobothrus parallelus et le Gryllotalpa vulgaris. Chez le second, il se forme un épais caillot de fibrine dès que le sang est décanté. B. — Je crois pouvoir rapprocher de l'hémocrocine l'albuminoïde qui colore légèrement en jaune sale le sang de VHydrous caraboides et de la chenille de YAcronycta rumicis ; la couleur ne change pas non plus par oxydation, 7° Il y a encore bien d'autres albuminoïdes chez les Insectes ; ce sont surtout les chenilles qui se montrent variables sous ce rapport. J'ai renoncé à signaler toutes les différences que l'on rencontre, man- quant d'un point d'appui solide pour identifier les albuminoïdes. Je citerai encore le sang jaune pâle des chenilles de Deilephila elpenor et du Cossus ligniperda ; le sang vert clair de la larve de YHijlotoma rosa? (fausse chenille), inaltérable à l'air ; le sang incolore de Pentatoma grisea, qui noircit par suite d'un dépôt abondant d'ura- nidine, mais dont l'albuminoïde reste parfaitement incolore ; et enfin, pour finir, le cas bien connu de la larve du Chironomus plu- mosus (ver de vase), dont le sang rouge est coloré par l'hémoglo- bine (RoUett, Ray-Lankester) qu'il tient en solution ; ce sang ne renferme ni corpuscules figurés, ni fibrine, uranidine ou lutéine. Il est bien' certain qu'en examinant d'autres Insectes on trouve- rait une infinité d'albuminoïdes différents ; je me suis contenté d'en décrire quelques-uns qui m'ont paru assez fréquents et assez recon- naissables pour qu'il soit permis de leur donner un nom. On voit qu'il est impossible, d'après la couleur du sang frais, de juger quel en est l'albuminoïde ; en effet, ce dernier est masqué d'abord par la lutéine, puis par l'uranidine dissoute ; aussi faut-il suivre toutes les phases d'oxydation et séparer les diverses parties du sang pour con- clure à l'existence de tel ou tel albuminoïde. Je ne me dissimule pas ce que le travail précédent a de provisoire ; n'ayant guère défini les albuminoïdes que par leur couleur, j'ai dû commettre bien des erreurs, d'autant plus que pour beaucoup d'animaux je n'ai eu qu'un petit nombre d'échantillons. 11 faudrait reprendre ce travail, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 373 en prenantpour critérium lepoint exact de la coagulation, le temps de l'oxydation et surtout la composition chimique. Landois (75) dit avoir trouvé du fer dans le sang des Insectes, mais il ne sait à quelle matière il appartient en propre ; j'ai cherché ce métal dans l'hémoxantbine (chenille Bombyx rubi) et l'hémochlorine (chenille Harpygïa vinula), soigneusement purifiées, et je n'ai pu obtenir la moindre réaction ca- ractéristique ; je n'opérais d'ailleurs que sur de très petites quantités. J'ai résumé dans le tableau suivant ce que je viens d'étudier ana- lytiquement. La première colonne donne la couleur du sang fraîche- ment extrait de l'animal ; la seconde, le nom que je crois pouvoir donner aux albuminoïdes, ceci avec toutes réserves. Les deux der- nières colonnes mentionnent l'absence ou la présence de l'uranidine (en grains ou en pellicule) et de la fibrine ; je n'ai pas cru utile de citer la lutéine, car elle manque chez la plupart des Insectes autres que les Lépidoptères. COULEUR ESPÈCES ÉTUDIÉES. DU SANG FRAIS. Chenille Saturnia pyri Jaune d'or. — Bombyx riibi Vert clair. — Dumbyx trifolii Jaune clair. — Vanessa antiopa Jaune d'or. — Bombyx castrensis , . . — — Chelonia caja — Meloe proscarabxus — Chenille Bombyx quercus Vert clair. — Pieris brassics Jaune d'or. — Pieris rapx Vert clair. Larve Libellula depressa. A peine verdâtre. Hydrophdus piceus Jaune pâle. Blaps mortisaga A peine jaunâtre. Larve Dytiscus marginalis., .. — Nepa cinerea — Notonecta glaiLca — Chenille Chelonia pudica Brun très clair. — Liparis dispar Brun clair. — Harpygia vinula Vert émeraude. l,OTve ^Eschna grandis Vert. — ffylotoma rasas Vert clair. Chenille Saturnia cynthia . .. . Jaune d'or. Slenobothrus parallelus Jaune. Gryllotalpa vulgaris Jaune clair. Chenille Acronycta rumicis... Jaune sale. Pentatoma grisea Incolore. Larve C/iironomus plumosus... Rouge. Chenille Deilephila elpenor. . . . Jaune pâle. — Deilephila euphorbis. Vert olive intense. (d'après Urech). ALBUMINOÏDES. FIBRINE. URANIDINE Hémoxanlhine. As. abond. Gr. noirs. — 0 Pell. noire. — 0 0 — 0 0 - (T) As. abond. 0 — 0 Pell. noire. — Tr. abond. Pell. noire. - (?) 0 0 Hémoprasine. 0 Gr. noirs. — 0 0 — 0 0 Hémophéine. 0 0 — 0 0 — 0 0 — Abondante. 0 — 0 0 — Tr. abond. 0 Hémopyrrine. As. abond. 0 Hémochlorine. Tr. abond. 0 -(?) 0 0 Sans nom. As. abond. 0 Hémocrocine. 0 0 — 0 0 — Tr. abond. 0 -(?) 0 0 Sans nom. 0 Gr. noirs. Hémoglobine. 0 0 Sans nom. 0 Pell. noire. (?) (■?) (?; 374 L. CUÉNOT. Physiologie. — Quelle est la signification physiologique des albu- minoïdes oxydables si variés que l'on rencontre chez les Insectes ? Ont-ils le même rôle que l'hémoglobine et l'hémocyanine, ou leur oxydation est-elle seulement un phénomène post mortem ? Il importe tout d'abord de bien distinguer entre l'uranidine et l'albuminoïde ; la première apparaît dès que le sang est sorti de l'animal, aussi bien dans 1g vide que dans une atmosphère d'acide carbonique ; l'albu- minoïde, au contraire, même in vitro, xeste intact dans une atmo- sphère carbonique ; l'oxygène ne paraît pas intervenir dans le pre- mier cas, tandis qu'il agit sûrement dans le second. 11 ne serait pas scientifique de généraliser d'une façon absolue ; je crois cependant pouvoir affirmer, d'après mes expériences sur les chenilles des Bombyx rubi et quercus^ que l'oxydation de l'albumi- noïde (hémoxanthinc vert clair dans ces deux cas) ne se produit jamais dans l'organisme vivant, et que c'est entièrement un phéno- mène post mortem. J'ai pris des chenilles bien vivantes de Bombyx rubi, que j'ai divisées en trois catégories : la première sert de témoin et reste à l'air libre ; la seconde est plongée pendant plusieurs heures dans une atmosphère d'acide carbonique (ce qui anesthésie assez rapidement les animaux) ; la troisième reste pendant plusieurs heures dans une atmosphère d'oxygène pur, ce qui ne paraît avoir aucune influence fâcheuse. Si l'oxydation du sang est physiologique, il est évident que l'on doit trouver des difTérences notables dans la coloration du sang des diverses catégories. Ce n'est pas ce qui arrive ; dans les trois cas, le sang conserve exactement la même couleur vert clair, ce qui prouve péremptoirement que le noircisse- ment de rhémoxanthine (aussi bien que la précipitation de l'urani- dine) ne se produit pas dans l'organisme intact, vivant ou même plus ou moins malade. Au contraire, dès que le sang est in vitro, l'uranidine se précipite et l'hémoxanthine noircit rapidement. Comme contre-épreuve, on peut s'assurer que l'hémoxanthine, une fois noircie, n'est revivifiable complètement par aucun des procédés connus, le vide, l'acide carbonique ou le sulfhydrate d'ammoniaque. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 375 Il me semble que la démonstration est complète ; je rappellerai d'ailleurs que Fredericq est arrivé aux mêmes résultats pour le sang de la larve à'Orycles nasicornis. Il est possible qu'il y ait un ferment spécial chargé d'oxyder l'hérnoxanthine in vitro^ de même que le labferment et le fibrin- ferment coagulent le lait et le fibrinogène. Les expériences suivantes viennent assez à Tappui do cette manière de voir; du sang fraîche- ment extrait, et d'un beau vert clair, est coagulé rapidement par la chaleur ; le coagulum jaunâtre restera dans cet état et ne noircira pas ; au contraire, si Ton ajoute à du sang frais de l'alcool ou du chloroforme, le coagulum ne tarde pas à noircir plus ou moins com- plètement. Le ferment hypothétique serait donc détruit par la chaleur et res- terait intact dans l'alcool ou le chloroforme. Il est bien possible que, dans le nombre, il y ait des albuminoïdes vraiment comparables comme action physiologique à l'hémoglo- bine et à Thémocyanine ; il faudrait expérimenter avec soin sur de nombreuses espèces. Jusqu'ici, je n'ai obtenu, pour ma part, aucun résultat probant (sauf peut-être dans quelques cas pour l'hémo- prasine). Les divers albuminoïdes que je viens de décrire ne servent donc probablement qu'à la nutrition des tissus. Quant à leur origine, je pense comme toujours qu'ils proviennent des peptones de la diges- tion transformées par les amibocytes. La lutéine jaune, qui existe chez un grand nombre d'Insectes, surtout chez les chenilles, provient certainement des lutéines ren- fermées dans les plantes dont ils se nourrissent; on sait qu'elles y sont fort abondantes (chlorophylle, xanthophylle). Poulton a même avancé (76) que la lutéine du sang était de la xanthophylle, qui aurait ainsi passé sans s'altérer de la plante à l'animal. J'ai cherché à vérifier cette assertion en préparant d'une part la lutéine du sang (chenille Pieris brassicx), en le traitant par l'alcool, d'autre part la xanthophylle du chou sur lequel vit cette chenille, par le procédé 376 L, GUÉNOT. classique (feuilles broyées, mises h digérer d'abord avec l'alcool, puis la benzine ; l'alcool s'empare de la xanthophylle). Les deux produits ainsi obtenus ont une couleur identique, et subissent à peu près de même l'action des réactifs ; sans toutefois affirmer d'une façon absolue leur identité, ce qui est difficile dans l'état actuel de nos connaissances, il n'y a aucun inconvénient à admettre que la lutéine du sang soit de la xanthophylle. On peut d'ailleurs constater artificiellement le passage du pigment, en nourrissant des Vers à soie avec des feuilles de mûrier saupoudrées d'indigo ou de carmin; les matières colorantes passent dans le sang, qu'elles colorent en bleu ou en rouge (Blanchard), suivant exactement la même voie que les lutéines de la plante. Jouent-elles un rôle utile à l'animal? La matière grasse qu'elles renferment peut-elle servir à la nutrition ? Il faudrait instituer des expériences en règle, en faisant jeûner des chenilles, pourvoir si la quantité de lutéine diminue par l'inanition. Toujours est-il que chez les individus d'une même espèce {Bombyx rubi), la lutéine présente parfois des variations quantitatives assez étendues. La fibrine n'existe que chez un certain nombre d'Insectes, sans ^qu'on puisse trouver bien nettement la raison de sa présence. Elle est parfaitement semblable à celle des autres Arthropodes, et si elle paraît souvent colorée en noir, cela tient à ce qu'elle s'imprègne des granules d'uranidine ou de l'albuminoïde oxydé. Quant à l'uranidine, on ne connaît pas grand'chose sur sa compo- sition, son rôle ou son origine ; c'est une substance caractérisée par sa précipitation m vilro en pellicules amorphes ou en petits gra- nules noirs, résistants aux dissolvants habituels. A cet état, elle est peu attaquable par les acides sulfurique ou azotique ; elle se dissout cependant dans l'acide azotique bouillant, qu'elle colore en jaune ; elle est insoluble dans l'eau et ne peut être décolorée par aucun des désoxydants habituels, l'acide carbonique, le vide ou le sulfhydrate d'ammoniaque ; elle se précipite même lorsque le sang a été coagulé par l'alcool et la chaleur, et aussi bien dans une atmosphère d'acide ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 377 carbonique qu'à l'air libre. Dès que le sang est sorti de l'animal^ il ne paraît pas possible d'empêcher par aucun moyen sa formation, qui commence au bout de quelques secondes. Naturellement on ne connaît pas la forme sous laquelle elle est dissoute ; je crois qu'à cet état elle est incolore ou légèrement jaunâtre. Cette substance me paraît devoir être rapprochée des albuminoïdes, qui se comportent comme elle avec les acides et les alcalis ; elle présente une grande ressemblance, presque l'identité, avec les granulations mélaniques que l'on trouve dans quelques amibocytes et dans les cellules pig- mentaires noires des Batraciens, dans le pigment de l'œil, etc. Elle n'existe en somme que chez un petit nombre d'Insectes ; on l'a souvent confondue avec l'albuminoïde respiratoire oxydé à l'air (Krukenberg, Fredericq?); l'examen microscopique du sang oxydé, la précipitation par l'alcool et la solubilité dans l'eau permettent facilement de les distinguer. — L'uranidine n'a certainement aucun rôle dans la respiration et la nutrition ; il est très possible que ce soit une substance excrémentitielle, dont l'animal se débarrasse par oxydation lente. Toujours est-il que, lorsqu'on blesse un animal dont le sang en renferme, la blessure, qui est tout de suite fermée par la contraction musculaire des lèvres et les amibocytes qui s'y accol- lent, noircit rapidement par l'oxydation de l'uranidine, et c'est en dessous de ce tissu cicatriciel noirâtre que s'opère la rédintégration du tissu. Sang des Coléoptères vésicants ; cantharidine. — Lorsqu'on inquiète un Insecte vésicant {Cantharis, Meloe, Mylabrïs, Cerocoina, etc.), le plus souvent il replie sous le ventre les antennes et les pattes et fait le mort ; en même temps, on voit suinter des articulations tibio- tarsiennes des gouttes d'un liquide jaune, un peu visqueux, com- plètement inodore, sur la nature duquel on n'est pas bien fixé. Leydig (1839) pensait que c'était du sang venant immédiatement des espaces sanguins; Magretti (1881) rejette l'explication de Leydig et considère le liquide en question comme une sécrétion produite par des glandes formées de deux espèces de cellules. M. Beaure- 378 L, CUÉNOT. gard (1890), dans son excellente monographie des Vésicants*, h laquelle j'emprunterai quelques détails, adopte l'opinion de Magretti : « Pour ma part, j'ai constaté chez les Meloe et les Gantharides qu'il existe au niveau des articulations de très nombreuses glandes uni- cellulaires à longs conduits chitineux, tout à fait semblables aux glandes unicellulaires que j'ai signalées dans le Labre, mais dont le contenu renferme des gouttelettes huileuses, jaunâtres. J'ai tout lieu de croire que ces glandes hypodermiques fonctionnent ici d'une manière spéciale et qu'elles se groupent en plus grand nombre pour produire la sécrétion dont il s'agit (p. 223). d Ayant eu l'occasion d'étudier quelques Meloe proscarabseus mâles et femelles, j'ai pu constater que l'opinion de Leydig est la bonne, et que ce liquide est bien du sang^ On n'a qu'à en examiner une goutte, à un fort grossissement, pour y voir de nombreux amibo- cytes, parfaitement normaux. Enfin, le sang extrait de la cavité générale par piqûre de l'abdomen ou section d'une antenne est par- faitement identique, comme composition et comme couleur, au liquide exsudé naturellement par les pattes. Comme nous l'avons vu plus haut, l'un ou l'autre renferme de l'hémoxanthine, de l'ura- nidine, beaucoup de fibrine ; il y a en outre de la canlharidino dissoute, comme Leidy et Bretonneau l'ont constaté chez Lytta et Meloe, et M. Beauregard chez beaucoup d'autres Vésicants. 11 est donc indiscutable que c'est le sang qui est rejeté au dehors, de même que d'autres Insectes répandent des liquides acres ou infects. Quelle est la signification de ce rejet du sang? Duméril dit que ces gouttelettes jaunes sont destinées à éloigner les attaques des Oiseaux et des Mammifères qui seraient attirés par la succulence du corps des Meloe ; c'est en effet un moyen de défense, mais plutôt vis-à-vis des Reptiles et des Insectes carnassiers. M. Beauregard 1 Recherches sur les Insectes vésicants {Journal de Vanatomie et de la physiologie, l. XXI, XXII et XXIII, 1883-1887) ; les Insectes vésicants, Paris, 1890. ^ Le sang des Meloe et le rôle de la cantharidine dans la biologie des Coléoptères vési- cants {Bulletin de la Société soologique de France, t. XV, a" 6, 1890, p. 126). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYiMPHÂTlQUES. 379 rapporte à cet égard une observation bien démonstrative, relative- ment à l'attaque d'un Meloe femelle par un Lézard vert de moyenne taille : « .... Le Lézard, probablement mal renseigné par son premier examen, revint au Meloe et cette fois l'attaqua brusquement d'un coup de mâchoire par le côté du thorax. Mais à peine sa gueule se refermait-elle sur l'insecte, que celui-ci laissa sourdre une forte goutte de liquide jaune par l'articulation fémoro-tibiale de ses pattes, et aussitôt je vis le Lézard lâcher prise et faire un bond en arrière en tournant la tête de côté et d'autre, puis frotter ses mâ- choires contre l'herbe pour se débarrasser du liquide brûlant dont elles étaient enduites. Dès lors je pus laisser Lézard et Meloe en- semble, jamais plus le reptile ne s'attaqua à l'insecte (p. 224). » Lorsqu'on met dans le même récipient des Caraùus auratus et des Meloe, jamais les premiers n'attaquent les seconds, quelle que soit leur faim; quelquefois ils s'approchent des Me/oe, les saisissent entre les mandibules, mais s'écartent aussitôt sans entamer la peau. Enfin, on peut varier la démonstration, en transportant le moyen de défense à dautres Insectes. J'ai choisi, pour cela, la Gourtilière [Grillotalpa vulgaris) ; d'habitude, les Gourtilières mises avec les Ca- rabes sont attaquées au bout de quelques minutes et rapidement dévorées. J'ai enduit Tabdomen d'une Gourtilière de petite taille de sang de Meloe proscarabseus, puis je l'ai placée dans un grand cristal- lisoir avec quatre Carabus auratus très vifs et affamés à dessein. Pendant trois jours, la Gourtilière est restée indemne ; elle a été souvent attaquée par les Carabes, mais dès que les mandibules touchaient la peau, ceux-ci s'éloignaient au plus vite. Le troisième jour, la Gourtilière a été dévorée, soit que le revêtement protecteur soit tombé, soit que la faim ait surmonté le dégoût. Il est bien évident que c'est à la cantharidine dissoute dans le sang que celui-ci doit ses propriétés défensives. On peut rendre presque invulnérables (vis-à-vis des Carabes) des Hannetons ou des Gourti- lières en enduisant l'abdomen d'une solution de cantharidate de potasse. 380 L. CUÉNOT. Le rejet du sang par les Vésicants est donc un acte parfaitement normal, contribuant à défendre l'animal contre ses ennemis, grâce à la cantharidine qu'il contient; mais il faut que l'animal soit par- faitement bien portant, car souvent les Meloe en captivité ne rejettent plus de gouttelettes par les pattes. Jusqu'ici, je n'ai pu examiner les articulations, pour chercher s'il n'y a pas des dispositions spéciales qui permettent au sang de s'échapper facilement au dehors. Les Coccinellides adultes présentent des phénomènes analogues. Lorsqu'on saisit des Adymoma, on voit immanquablement sortir par les articulations des pièces buccales un liquide jaune d'or, qui n'est antre chose que du sang très riche en lutéine. Amibocytes. — Les seuls corpuscules figurés du sang sont des amibocytes ou des formes dérivées. Il n'y a qu'une exception ; la larve du C/iironomus plumosus, à sang rouge, et quelques larves de Diptères voisins, à sang incolore, n'ont pas du tout de corpuscules sanguins ; nous verrons plus tard la disposition qui les remplace. Il faut distinguer tout d'abord deux catégories : d'un côté, les che- nilles des Lépidoptères, dont les amibocytes se transforment en cellules de réserve ; de l'autre, la grande majorité des Insectes, autres que les papillons, soit à l'état larvaire, soit adultes, qui n'ont que des amibocytes parfaitement typiques. A. — Chez ces derniers ', les amibocytes, très nombreux, sont des cellules de 10 h 20 [x, un peu plus grandes chez les Orthoptères, et dont le noyau, présentant un ou deux nucléoles, est facile à déceler par le carmin ; le protoplasma renferme de nombreux et fins gra- nules réfringents, verdâtres, plus spécialement amoncelés autour du noyau ; dans l'animal vivant, ces cellules sont sphériques ou fusi- formes et en général peu amiboïdes ; ce n'est qu'au repos qu'on leur voit émettre de courts pseudopodes. On peut suivre très facilement ' Types éludiés : Melolonlha vulgaris, Bhizoirogus solslitialis, Carabus auratus, Blaps morlisaga, Hydrophilus pireus, larve Dytisciis marginalis, Locusta viridissima, Acridium Egypliuw, Ephippiger vUium, larves de Libellula depressa et .Kschna grandis, larve Cloe bioculata, larve Hylotoma rosœ, Cimex rufipss, Notonecla glauca, Nepa cinerea. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 381 toutes les phases de dégénérescence : les granules disparaissent, le protoplasma se troue de vacuoles, finit par disparaître aussi et il ne reste plus que le noyau nu. Chez les types étudiés, les amibocytes ne renferment que très rarement des produits étrangers, soit de petits globules graisseux ou protéiques, soit des inclusions verdâtres, irrégulières, de composition inconnue [Hydrophilus picem). B. — Parmi les chenilles de Lépidoptères, je prendrai comme type celle du Bombyx du trèfle [Bombyx trifolii). Le sang renferme des amibocytes parfaitement normaux (pi. XV, fig. 10, a), de II [x environ, assez nombreux, renfermant de fins granules réfringents, et émettant quelques courts pseudopodes. On trouve aussi des ami- bocytes en voie de régression, sans granules; puis des cellules, plus nombreuses, de 16 [;., remplies de gros globules incolores, très peu réfringents, laissant au centre une éclaircie pointillée qui corres- pond au noyau (pi. XV, fig. 10, r)\ ces cellules n'émettent pas de pseudopodes, elles se déplacent très lentement par reptation, les globules roulant les uns sur les autres. Ces globules se colorent en jaune par l'iode et présentent toutes les réactions des albuminoïdes ; traités par l'acide osmique et le picrocarmin, ils se colorent d'abord très légèrement en jaune, puis se dissolvent dans le liquide ambiant, laissant très apparent leréticulum protoplasmique qui les enfermait; ce sont donc des amibocytes de réserve, parfaitement caractérisés ; on peut suivre tous les passages entre ceux-ci et les amibocytes ordinaires, dans lesquels on voit s'accumuler peu à peu les globules protéiques. Enfin, on trouve beaucoup plus rarement des cellules arrondies, de II \j. environ (pi. XV, fig. 10, ?•'), à noyau central, qui, cette fois, ne sont plus amiboïdes et dont le protoplasma ren- ferme des paquets d'aiguilles cristallines, probablement de nature adipeuse ; ces cellules se forment très nettement aux dépens des amibocytes en voie de régression, qui rentrent leurs pseudopodes, et dont le protoplasma forme une sorte de membrane périphérique; elles jouent probablement aussi un rôle de réserve. Chez les autres chenilles, on retrouve les amibocytes, de taille un 382 L. CUÉNOT. peu variable, très remarquables par le fait qu'ils ne renferment pas de granules réfringents apparents ; c'est une exception que je ne m'explique pas trop ; le protoplasma a une réfringence assez grande, mais ni sur le vivant ni par l'action des réactifs on ne parvient à déceler la présence de ces granules si nets et si caractéristiques chez les autres animaux. Faut-il admettre qu'ils sont dissous dans le pro- toplasma cellulaire, ce qui expliquerait la réfringence particulière de celui-ci ? Je ne saurais me prononcer à cet égard ; je me contente de signaler le fait, sans lui donner plus d'importance qu'il n'en mérite. Nous sommes en présence d'une exception, sans doute, mais qui ne saurait prévaloir à elle seule contre la constance des granules réfringents chez les autres animaux. Outre les amibocytes, il y a, comme chez la chenille du Bombyx ti'ifolii, des corpuscules mûriformes (pi. XV, fig. 10, r) à granules plus ou moins gros, parfois très réfringents, souvent à contours presque indistincts, amoncelés dans le protoplasma cellulaire autour du noyau et toujours formés par des albuminoïdes (chenilles de Sa- turnia pyri et cynthia, Liparis dispar, Bombyx rubi, Acronycta rumi- cls, Harpygia vinula, Pieris rapse et brassicx, etc.). Chez quelques- unes, à la place des cellules à aiguilles cristallines, on trouve de grandes cellules arrondies (pi. XV, fig. H), à contenu incolore et à noyau central granuleux, paraissant renfermer un albuminoïde dissous où nagent de petites granulations, parfois browniennes, le plus souvent serrées autour du noyau ; ces cellules, en tout cas peu nombreuses, émettent parfois de larges expansions, à mouvements assez lents (chenille Pieris rapx), mais le plus souvent elles parais- sent tout à fait inertes '. Elles dépendent certainement des amibo- cytes et jouent très probablement le rôle de cellules de réserve {c]iQ,m\\G.% Bombyx rubi, Salurniapyri, Vanessaantiopa, Pieris rapœ); elles paraissent manquer totalement chez un [certain nombre d'espèces. 1 Ou trouve chez les Ascidies {Cyntliia papillosa) des cellules toutes semblables (voir pi, III, fig. lo). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 383 C. —Une chenille du Cossus gâte-bois {Cossus ligniperda), recueillie aux environs de Paris sur une route, m'a présenté un type bien curieux de sang. Si l'on sectionne une fausse patte, il s'écoule un liquide rose, presque pâteux, rendu complètement opaque par l'abondance des éléments qu'il tient en suspension. Ce sont d'abord de petits amibocytes assez nombreux, de lî2 [j., bourrés de fins gra- nules verdâtres de ferment (pi. XV, tîg. 12, a) ; lorsque celui-ci est usé, la cellule, au lieu de tomber en dégénérescence comme d'ha- bitude, subit une évolution toute particulière; on voit se développer, dans le protoplasma granuleux, de petits corps réfringents, inco- lores, de forme cristalline (pi. XV, fig'. 12, r). Peu à peu la cellule et son noyau grandissent, ces petits corps également ; il est alors facile de reconnaître que ce sont des cubes et des octaèdres. Finale- ment, la cellule, qui a perdu tout mouvement amiboïde (fig. 12, r"), n'est plus qu'un vasle sac de 30 p. environ, absolument bourré de gros cristaux incolores ; il y a en outre, dans le protoplasma, de très petits prismes cristallins d'un rouge cuivreux [cr), presque con- stants dans les grandes cellules. Enfin, ce sac à cristaux crève, et son contenu s'échappe dans le liquide ambiant ; la cellule, à ce moment, m'a paru se dissoudre, son évolution étant terminée. Je tiens à appuyer sur ce fait que les cellules formatrices des cristaux ne sont que des amibocytes trans- formés, dont la taille s'est accrue progressivement ; en effet, dans les petites cellules, de volume égal aux amibocytes, on ne trouve que de tout petits cristaux, tandis que dans les grandes les cristaux sont beaucoup plus volumineux. On trouve naturellement dans le liquide sanguin, outre toute cette série de formes cellulaires, une quantité innombrable de ces petits cristaux, soit isolés, soit maclés de façons diverses (fig. 13), constitués par des cubes à angles arrondis et des octaèdres émoussés, parfois à contours vifs et à faces excavées. Il y a aussi des globules de graisse libres, assez nombreux, formés spontanément dans le sang et difl'é- rant des globules du tissu adipeux. 384 L. CUÈNOT. Si on laisse reposer le sang dans un tube, on voit que tout au fond se dépose une petite zone d'un blanc pur, formée par les cris- taux libres ; au-dessus, une zone un peu plus épaisse, d'un rose vif presque carminé, constituée par les amibocytes et les cellules à cristaux (ce sont les petits prismes d'un rouge cuivreux dont j'ai parlé précédemment qui donnent la teinte de cette couche). Enfin le tout est recouvert par le plasma, dix à douze fois plus volumi- neux, renfermant un albuminoïde rosé, qui s'oxyde à l'air el devient gris. Pour compléter cette étude du sang, je dois dire qu'il se forme à la surface un petit caillot de fibrine, et qu'il n'y a ni lutéine ni uranidine. Quelle est la substance qui constitue les cubes et les octaèdres? Ils sont certainement de nature organique, au moins en partie, car ils se carbonisent lorsqu'on les chauffe sur une lame de platine. Ce n'est pas une graisse, car l'acide osmiquc n'a aucun effet sur eux et ils sont insolubles dans l'alcool, l'éther et le chloroforme; ce n'est pas non plus un albuminoïde pur, car l'iode, la fuchsine et l'acide picrique ne leur font éprouver aucun changement notable. Mais si on les traite par les acides sulfurique, azotique ou acétique, ces cristaux se dissolvent, parfois avec un très minime dégagement de bulles gazeuses, en laissant un résidu volumineux (pi. XV, fig. 14), dont les grains, en forme de fuseaux ou de sphères, rappellent assez grossièrement les octaèdres ou les cubes considérablement gonflés ; ces grains absorbent avec avidité l'iode et la fuchsine, et présentent en somme tous les caractères desalbuminoïdes. Par conséquent, les cristaux sont formés d'un important substratum protéique, d'un cristalloïde en un mot, incrusté d'une matière minérale qui en épouse la forme cristalline, cube ou octaèdre. Quelle est cette matière incrustante? 11 y a très probablement de l'acide urique, car si l'on ajoute de l'ammoniaque, quelques cris- taux (surtout les octaèdres) se dissolvent complètement, en laissant bien entendu le substratum protéique ; tous les autres sont cra- quelés, fendus, comme en voie de dissolution, mais ne disparais- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 385 sent pas, quel que soit le temps pendant lequel on la fait agir ; toute- fois l'acide urique est en si minime quantité que je n'ai pu obtenir la réaction de la murexide ni celle de Denigès. L'acide acétique m'a donné un petit nombre de cristaux losangiques assez nets. — 11 y h aussi des sels de chaux, car la solution azotique précipite légèrement en blanc par l'acide sulfurique et ne précipite pas par l'ammo- niaque; probablement le phosphate et le carbonate, car on remarque parfois une très légère etTervescencc. En somme, je crois que les cristalloïdes protéiques sont incrustés d'un mélange d'acide urique, de phosphate et de carbonate de chaux, l'un de ces corps prédomi- nant peut-être suivant la forme des cristaux ; tous les sels de l'éco- nomie semblent se précipiter sur ces cristalloïdes, sans d'ailleurs en altérer la forme. On ne trouve pas seulement ces cristaux dans le sang ; le tissu conjonclif, notamment celui qui entoure les trachées du corps adi- peux, en est rempli ; il y en a aussi, mais en minime quantité, dans les cellules qui entourent le cœur et que nous examinerons plus tard sous le nom de tissu péricardial, dans la couche sous-épider- mique, etc. Quant aux petits prismes d'un rouge cuivreux que nous avons signalés seulement dans les amibocytes, tout ce que j'en puis dire c'est qu'ils sont insolubles dans l'alcool, les acides acétique et azo- tique ; toutefois ces derniers les décolorent. Ce sont eux qui donnent la teinte rouge à la couche sous-épidermique, et par suite à l'animal, le tégument chitineux étant tout à fait transparent. Le rôle des cubes et des octaèdres, vu l'absence complète des amibocytes de réserve ordinaires des chenilles, ne me semble pas douteux; ils doivent être mis en réserve pour plus tard, peut-être pour la phase chrysalide ou pour le papillon, car je n'ai Irouvé chez la chenille aucune forme de dissolution. Les cristalloïdes protéiques trouveront facilement leur emploi, mais que devient la matière incrustante? Comment se dissout-elle? Il ne me semble pas pos- sible, vu le grand nombre des cristaux, qu'elle n'ait pas un rôle ARCH. DE ZOOL. EXP. ET C-ÉN. — 2« SÉRIE. — T. IX. ^91. 2û 386 L. CUÉNOT. défini ; il faudrait suivre le développement de la chenille pour le connaître avec précision. On voit qu'il y a là les matériaux d'une étude très intéressante et qui fournira, je n'en doute pas, des faits nouveaux. Quant à l'origine de ces sels, l'acide urique mis à part, ils proviennent évidemment de l'arbre oti se gîteia chenille du Cossus, de la sève de l'orme qui vivait, dans le cas de l'échantillon que je viens de décrire, sur un terrain fortement calcaire (environs de Paris, plaine de Gennevilliers). Peut-être aussi sont-ils en rapport avec le début de la nymphose ? cette chenille de Cossus, de grande taille, a été prise le 10 septembre 1889, au moment oti elle sortait de son trou ; je l'ai gardée plusieurs jours en captivité, et rien ne présageait une nymphose prochaine ou un état maladif quelconque. J'ai enregistré cette observation avec quelques détails, car elle est jusqu'ici unique ; j'ai étudié depuis un grand nombre de chenilles de Cossus de tout âge, prises aux environs de Nancy (terrain très fortement argileux et ferrugineux), et je n'ai plus trouvé trace de cristaux, pas plus dans le sang que dans le corps adipeux. Le sang, d'un jaune pâle, s'oxyde assez nettement à l'air ; les amibocytes sont normaux; un assez grand nombre d'entre eux sont transformés en cellules de réserve. Landois, qui a étudié la même chenille (75) ne paraît pas non plus avoir aperçu de cristaux, qui ne sauraient échapper à un examen même très superficiel ; Urech [Arch. Se. Pkys. et Nat., t. XXIV, 1890, p. 526) dit que le sang de cette chenille est d'un jaune pâle et ne parle pas non plus des cristaux. Peut-être que l'échantillon décrit plus haut était dans un état pathologique quelconque (la composition du sang change d'une façon très notable chez les chenilles malades, notamment celles qui sont attaquées par les Ichneumons) ; peut-être aussi la composition du Kquide sanguin varie-t-elle suivant les localités. Pour résoudre la question, il faudrait étudier à nouveau les chenilles de Cossus des environs de Paris, ce que je n'ai pu faire jusqu'ici. D. — La larve du Chironomus plumosus, plus connue sous le nom de Ver de vase, présente une parlicularité lout à fait exceptionnelle, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LY.MPHATIQUES. 387 non seulement chez les Insectes, mais on peut dire chez tous les animaux. Le liquide rouge qui remplit le cœlome, coloré par l'hérao- globine, ne renferme pas un seul élément figuré, comme on peut s'en assurer soit par l'examen du sang extrait de l'animal, soit par l'ob- servation d'un individu entier sous le compresseur. On comprend l'intérêt que présente cette exception si complète : nous avons attri- bué aux amibocytes un rôle nettement défini, celui de transformer les produits de la digestion en albumine du plasma ; chez cette larve où il n'}' a pas d'amibocytes, nous devons trouver forcément, si la théorie est vraie, un organe les remplaçant; c'est ce que je vais chercher à démontrer. Si l'on regarde à l'œil nu ou à la loupe une larve bien vivante, on voit facilement, dans les deux ou trois anneaux qui suivent la tête, une tache irrégulière, d'un beau vert clair ; en examinant une larve comprimée, on voit que cette teinte appartient au corps adipeux qui, dans le reste du corps, est incolore ou légè- rement coloré, de telle sorte que le sang rouge suffît amplement pour le masquer. La partie céphalique au contraire (pi. XV, fîg. 9) renferme de petits globules dégraisse, relativement peu nombreux; elle est surtout bourrée de fins granules d'un vert jaunâtre, très réfringents, qui rappellent absolument les granules de ferment des amibocytes ordinaires. Par l'acide osmique et le carmin, les noyaux conjonctifs se colorent en rouge, les globules graisseux en noir, et tout l'espace resté libre est bourré de fins granules colorés en jaune, de même que le ferment des amibocytes traités par les mêmes réactifs. Les granules verts existent dans toute l'étendue du corps adipeux, mais ils sont bien moins nombreux qu'à la partie céphalique, et masqués complètement par les gros et nombreux globules graisseux dont le corps adipeux est rempli. Il est impossible de les confondre avec de la graisse en voie de formation, qui est nettement incolore ; j'ai examiné concurremment le corps adipeux de larves de Coléop- tères, de Phryganes, etc., et je n'y ai jamais rencontré autre chose 388 L. CUÉNOT. que les globules graisseux habituels ; c'est donc une formation caractéristique des larves de Chironomus plumosus. On trouve déjà les granules albuminogènes, car je crois pouvoir leur donner ce nom, chez les jeunes individus, mesurant moins de 2 millimètres de long ; ils sont un peu plus jaunâtres que chez les larves âgées, mais ils sont bien faciles à étudier, les globules grais- seux étant alors fort peu nombreux (pi. XV, fig. 9). A cet âge, le sang est légèrement coloré en rouge par l'hémoglobine. Donc, chez les larves de Chironomua plumosus, le corps adipeux se charge de granules réfringents, surtout en sa partie céphalique, et il est bien possible que ce soient eux qui forment l'hémoglobine. Cette partie du corps adipeux représenterait physiologiquement, non pas une glande lymphatique, mais les amibocytes eux-mêmes. En anticipant un peu sur l'étude des Annélides, je puis dire que, dans l'appareil vasculaire à sang rouge de l'un d'eux, la Nicolea venustula (Térébelliens), il existe une glande lymphatique, le corps cardiaque, chargée manifestement de la formation du liquide hémo- globique, qui est remplie de granulations vertes tout à fait semblables à celles du corps adipeux des larves de C hironomus plumosus . C'est un rapport qu'il me paraît intéressant de mentionner. Physiologie. — Chez les Insectes, encore plus que chez les autres animaux, le liquide sanguin présente une importance capitale ; les différences de développement retentissent profondément sur sa constitution. Les chenilles des Lépidoptères, pendant tout le temps qu'elles passent sous cette forme, se nourrissent comme on sait avec une avidité extraordinaire ; le corps adipeux se bourre de graisse et de matières protéiques (enveloppant souvent les boules de graisse, comme planche IV, figure 12, Cossus ligniperda, Saturnia cynthia et pyri)\ le plasma sanguin renferme une telle quantité d'albuminoïde, qu'il en est presque visqueux ; les amibocytes mêmes se transfor- ment et accumulent des matières de réserve (albumiaoïdes) sous forme de gros granules incolores (pi. XV, fig. 10, r). Lorsque la ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 389 chenille va se transformer en chrysalide, tons les amibocytes sont ainsi transformés en magasins d albuminoïdes, comme je l'ai très bien vu sur les chenilles de Satumia pyri, de Bombyx rubi et surtout de Liparis dispar ; on aurait peine à ce moment à trouver les ami- bocytes habituels. La chenille n'a accumulé tant de matériaux nutritifs que pour cette phase critique de son existence ; à partir de sa transformation en chrysalide, elle ne prendra plus de nourriture, et c'est aux dépens de. ces produits de réserve que le papillon doit se développer, et avec lui, la quantité d'œufs qu'il recèle. C'est certainement à cette grande quantité de matériaux nutritifs qu'il faut attribuer la résistance extraordinaire des chenilles à la saignée; j'ai parfois saigné à blanc des chenilles, qui continuaient à vivre et à se nourrir comme si de rien n'était ; j'ai aussi retiré une quantité notable de sang à des chrysalides de Satumia cynthia, le papillon ne s'en est pas moins très bien développé et très normale- ment. Les chenilles piquées par les Ichneumons, les Syrphes, ne se montrent affectées qu'au moment même de la sortie de ces para- sites et lorsque tous les tissus internes ont été dévorés. Une fois la chenille en chrysalide, les tissus subissent des trans- formations plus ou moins importantes, dans lesquelles on a attribué un rôle de première importance aux amibocytes ; on admet généra- lement que ceux-ci attaquent les tissus, notamment le corps adi- peux, et les désagrègent comme le feraient des amibes pour un corps organique, ce qui leur a fait donner le nom de phagocytes. Je n'ai point étudié cette question difficile assez à fond pour en parler' ici ; toujours est-il que chez les Lépidoptères, les amibocytes étant tous bourrés d'albuminoïdes, se dissolvent naturellement dans le hquide sanguin et ne peuvent servir qu'assez difficilement à la désa- grégation des tissus ou phagocytose ; au bout de quinze jours à un mois de mise en cocon {Satumia cynthia], il n'y a plus un seul ami- bocyte dans le liquide sanguin ; au lieu de dévorer les tissus, il 390 L. CUÉNOÏ. semble que ce sont eux qui ont été absorbés à titre de matériaux nutritifs. Enfin, le papillon paraît ; si l'on a affaire à ces lourds nocturnes de la famille des Bombycides, à vie très courte, il est déjà bourré d'œufs formés pendant la nymphose, qu'il se met aussitôt à évacuer après la fécondation {Liparis dispar, Bombyx ynori) ; à ce moment, ce n'est véritablement qu'une machine à pondre. Le corps adipeux est très réduit [Bombyx mori), pourtant il renferme encore un peu de graisse fabriquée en excès ; quant au sang, il n'en existe plus qu'une quantité très minime, on a grand'peine à en obtenir une ou deux gouttes ; on peut constater toutefois qu'il a la même couleur et renferme le même albuminoïde que celui de la chenille [Liparis dispar, Saturnia cynthia et pyri) ; on y trouve des amibocyles peu nombreux, formés d'un noyau et d'un protoplasma amiboïde, ren- fermant quelques granules réfringents, incolores, probablement de nature protéique. Si l'on examine un papillon destiné à vivre quelque temps et sur- tout â se nourrir, on trouve des amibocytes nouvellement formés, avec granules de ferment [Zerene grossularia). Les larves des Insectes autres que les Lépidoptères, du moins celles que j'ai examinées (larves de Coléoptères, de Libellulides, d'Éphémères et de Tenthrédiens), et dont la phase de transformation est plus courte, ne présentent dans le sang que des amibocytes nor- maux, à granules de ferment ; toutes les matières de réserve sont localisées dans le corps adipeux. Les Insectes adultes, surtout les Coléoptères, présentent une résistance très grande à la saignée ; tandis qu'il suffit de retirer quelques gouttes de sang à une Araignée pour la tuer,|ils continuent parfaitement à vivre et h se nourrir après des saignées à blanc et un jeûne prolongé, utilisant évidemment pendant cette période les réserves du corps adipeux ; le jeûne et le manque d'accouplement produisent même ce résultat paradoxal de prolonger la vie de l'Insccle bien au delà des limites ordinaires. Glande lymphatique. — La glande lymphatique est placée autour ÉTUDES PUR LE SANG ET LES GLANDES LYiMPHATIQUES. 391 du cœur, qu'elle enveloppe complètement; elle est connue depuis longtemps, en tant qu'organe, sous le nom de tissu péricardial (cel- lules péricardiales, Pericardialzellen). Je vais prendre comme type un Coléoptère adulte, VHydrophilus piceus, où elle est très facile à découvrir. Après avoir ouvert l'animal du côté ventral et enlevé tous les organes contenus dans l'abdomen, on aperçoit (pi. XV, flg. 3) le cœur avec ses muscles aliformes, facile à déceler par ses contractions rythmiques ; il est entouré d'une zone plus claire où se ramifient de nombreuses trachées, et à travers laquelle passent les muscles ali- formes pour s'attacher à la surface du tube contractile ; celui-ci, avec le tissu péricardial, présente une largeur d'à peu près I™",5. Une coupe transversale (pi. XV, fig. 4) nous montre le cœur, formé d'une mince enveloppe musculaire, à la surface dorsale duquel s'at- tachent les muscles en aile, recouvert par un amas de lobules con- jonctifs à noyaux [gl) qui s'étendent surtout latéralement ; au devant du cœur, il n'y a qu'une couche très mince de lobules. On voit aussi, de chaque côté, la coupe d'un gros tronc trachéen [tr) à demi plongé dans les lobules. Enfin, une dilacération, fixée et colorée à l'acide osmique et au picrocarmin, nous permettra d'en préciser la consti- tution : le tissu péricardique est formé d'une infinité de petits sacs conjonctifs (pi. XV, fig. 6 et 8) à paroi excessivement mince, rem. plis d'une matière protoplasmique finement granuleuse et de noyaux au nombre de trois ou quatre par lobule, rarement plus. Dans le protoplasma, on aperçoit de fins granules colorés (fig. 8), beaucoup plus réfringents que les autres, qui sont des granules albumino- gènes ; ils se rassemblent autour des noyaux, et, lorsque l'un de ceux-ci en est complètement entouré, le tout se limite par une sorte de fine membrane de façon à former une vraie cellule au milieu du lobule (pi. XV, fig. 8, a). C'est alors un amibocyte parfait, doué de mouvements amiboïdes, qui sort par diapédèse du sac conjonctif et finit par tomber dans le courant sanguin ; on trouve ainsi un grand nombre d'amibocytes mûrs entre les divers lobules. 392 L. CUÉNOT. Cette description convient à presque tous les Insectes, sauf en quelques points de détail à signaler surtout pour les Lépidoptères. Chez le Hanneton {Melolontha vu(garts], dont la nutrition est si active, on trouve une quantité considérable d'amibocytes mûrs dans la glande péricardique. Chez le Rhizotrogus sohtitialh, petit Hanneton assez rare aux environs de Paris, les lobules renferment jusqu'à une douzaine de noyaux (pi. XV, fig. 8) ; les granules réfringents se for- ment évidemment dans le protoplasma, où l'on peut suivre leur évolution, pour s'iiccumuler graduellement autour des amibocytes. Le Bourdon {Bombus terrestris) mérite aussi une mention spéciale (pi. XV, fig. 5) ; les lobules péricardiques, au lieu d'être cohérents et de former un tissu, sinon compact, du moins assez dense, sont tous séparés et forment de petits sacs conjonctifs de 20 à 50 p., amon- celés notamment sur les fibres striées des muscles aliformes ; au milieu des granules habituels (pi. XV, fig. 6), ils renferment un petit nombre de noyaux, de deux à six, dont on peut suivre toutes les phases du développement. Chez tous les animaux examinés, les noyaux se multiplient par division directe ; il ne faut pas oublier qu'ils sont plongés dans une masse granuleuse oii se développent les granules de ferment et qu'ils doivent être considérés comme nus, c'est-à-dire non entourés d'un corps cellulaire différencié. Chez les Lépidoptères, il y a des noyaux volumineux voués spécialement à la division ; en effet, dans les lobules (pi. XV, fig. 7), on trouve, en même temps que les petits noyaux habituels de 12 \j. environ, de grandes masses de nucléine, de dimensions très variables, souvent volumineuses, mesurant jus- qu'à oO [V. chez la Zerene çirossularia (papillon) et la chenille du Cossus ligniperda^ de 25 à 60 [i. chez la chenille du Bombyx rubi, etc. On peut surprendre ces gros noyaux en voie de fragmentation ; leur contour est souvent mamelonné, comme s'ils étaient formés par la fusion de noyaux non entièrement confondus ; les noyaux paraissent s'en détacher par étranglement, sans qu'il intervienne aucun phéno- mène karyokinétique. On trouve naturellement tous les passages, en ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 393 tant que grosseur, entre les grosses masses et les petits noyaux habituels. Outre les espèces déjà citées, j'ai rencontré ces gros noyaux chez tous les Lépidoptères que j'ai étudiés (papillons de Saturuia cynthia et pyri^ chenilles Harpygia vinula et Chelonia caja), ainsi que chez les larves de Phryganea grandis ; on ne les rencontre que rarement chez les autres Insectes. Les petits noyaux se déve- loppent en amibocytes d'une façon particulière; nous avons vu, en effet, que, chez les chenilles, il n'y avait pas de granules réfringents apparents; on n'en trouve pas non plus dans la glande lymphatique ; les noyaux s'entourent d'une épaisse zone protoplasmique, finement granuleuse, sans contenu appréciable, mais très réfringente, et passent sous cette forme dans la cavité générale pour y poursuivre leur évolution. Souvent on remarque que les amibocytes des che- nilles ne sont pas tous rigoureusement de la même taille (de 10 à 22 [X, chenille Fieris rapce) ; cela tient à la différence des noyaux originels de la glande lymphatique. A la vérité, ce sont presque tou- jours les plus petits qui évoluent en amibocytes ; pourtant, quelques- uns, un peu plus grands, peuvent se revêtir aussi d'une zone proto- plasmique et passer de même dans le sang. Le tissu péricardique existe chez tous les Insectes, larves ou adultes, que j'ai étudiés et dont j'ai donné la liste quelques pages plus haut, sauf chez la larve du Chironomus plumosus, qui n'a pas de corpuscules sanguins (voir plus haut, p. 373) ; on le trouve aussi chez les plus petites espèces, le Phylloxéra, la Puce, comme on peut le constater par les coupes. Je crois donc pouvoir dire que cette glande lymphatique est tout à fait générale chez les Insectes; la fonction que je lui attribue me parait tout au moins fort plausible ; outre l'évolution indiscutable des cellules, la composition identique des noyaux des amibocytes et des noyaux péricardiques fournit une preuve qui n'est pas à dédaigner. Par exemple, chez la Nepa clnerea, la larve de Libellula, les premiers ont tous un nucléole, qui se retrouve chez les seconds ; chez le Bonihus (errestrù, la chenille du Botnbyx rubi, ils ont de un à quatre petits nucléoles, présentés 391 L, CUÉNOT. aussi par les noyaux lymphatiques, etc. Je pourrais multiplier ces exemples, qui montrent que toujours les noyaux péricardiques sont identiques, comme taille et comme constitution, aux noyaux des amibocytes ; ce qui, en dehors de toute autre preuve, peut déceler la relation qui les unit. Au point de vue organogénique, le corps péricardial n'est pas antre chose qu'une portion du tissu conjonctif mésodermique, placé autour du cœur et lui formant une sorte de manchon ; le reste de ce tissu se remplit de matières de réserve (surtout de graisse) et constitue le corps adipeux. Physiologie. — La physiologie du tissu péricardial est fort sjmple: une fois différencié chez la larve, il ne subit plus aucun changement ; on sait en effet que le cœur passe sans se modifier de la larve à l'adulte, c'est à peine môme s'il s'arrête de battre ; le tissu péricar- dial passe avec lui à l'adulte sans se transformer'. D'assez nombreuses trachées se ramifient à la surface de la glande, et surtout sur les muscles aliformes; elles proviennent des gros troncs dorsaux qui longent le cœur. Le sang, pour entrer dans ce dernier, passe à travers les lobules de la face antérieure, d'ailleurs peu nombreux, et entraîne les amibocytes mûrs qui viennent d'en sortir. Leydig a beaucoup exagéré lorsqu'il a dit (10) que cette enve- loppe externe se comportait comme une sorte de sinus sanguin, au sortir duquel seulement le sang pénètre dans le cœur. Historique. — On a signalé depuis longtemps des corpuscules incolores dans le sang des Insectes (larves d'Ephémérines, Vayssière, Coléoptères, Dewilz, etc.) ; on leur a dénié souvent la faculté d'être amiboïdes (Graber, 1871). C'est qu'en effet, chez l'animal vivant, les amibocytes entraînés par le courant circulatoire n'émettent que rarement des pseudopodes ; ce n'est guère qu'au repos qu'ils sont franchement amiboïdes. On en trouvera de bonnes figures dans le travail de M. Cattaneo (1889). 1 Ce n'est pas un fait général ; chez les larves de Mouches, il tombe en dégéné- rescence pendant la nymphose comme les autres tissus. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 395 Sur le plasma sanguin, un certain nombre de travaux importants se sont succédé. Landois (1864) l'a étudié chez un certain nombre de chenilles ; il y trouve de l'albumine (Eiweiss), de la globuline, des matières colorantes, de la fibrine ; il s'est surtout préoccupé des cristaux obtenus par l'action de l'eau, de l'alcool et des alcalis, que je n'ai pas cherché à retrouver. Il est assez difficile de se reconnaître dans ses descriptions, qui mélangent tous les produits dissous du plasma. M. Fredericq (188!) a étudié le sang de la larve de VOryctes nasi- cornis; ce liquide, primitivement incolore, brunit à l'air, même coagulé par la chaleur, et une fois bruni « il constitue une combi- naison fort stable, qui n'est décomposée ni par les acides ni par les alcalis, et qui n'est pas décolorée lorsqu'on la soumet au vide ou lorsqu'on la conserve en vase clos». D'où M. Fredericq conclut : « A première vue, le sang de VOryctes paraît contenir une substance se comportant vis-à-vis de l'oxygène comme l'hémoglobine ou Fhémo- cyanine ; il n'en est rien cependant. La substance qui brunit à l'air ne joue probablement aucun rôle dans la respiration de l'animal. » Je n'ai malheureusement pas pu me procurer la larve de VOryctes, mais il est bien possible que le plasma incolore renferme de l'ura- nidine, comme chez le Pentatoma grisea, substance qui une fois formée est en effet très stable, et qui brunit même lorsque le sang a été coagulé par la chaleur. M. Fredericq a fait une observation intéressante : si l'on maintient pendant quelque temps la larve à une température de oO à 55 degrés, le sang extrait de celle-ci ne se coagule plus et ne se colore plus à l'air ; si mes prévisions se con- firment, c'est que l'uranidine a été détruite par cette température. M. Poulton (1883), chez les chenilles et chrysalides de divers Lépi- doptères, a signalé la couleur du sang, le coagulum noir (blackclot) qui se forme à la surface lorsqu'on l'expose à l'air; mais il n'a pas su distinguer les parties constituantes de ce phénomène. Il a par- faitement décrit la lutéine soluble dans l'alcool et l'éther et l'a assi- milée à la xanthophylle végétale, ce qui me paraît très acceptable ; 396 L, CUÉNOT. il donne de bons détails sur la couleur des chenilles et leur relation avec les platites nourricières. Krukenberg (1886) a trouvé dans le sang des Insectes une subs- tance donnant au spectre des bandes caractéristiques, qu'il a classée dans les lutéines ou lipochromes, et une autre substance noircis- sant à l'air qu'il a appelée uranidine : « J'ai résumé sous le nom d'uranidine des matières colorantes jaunes de provenance très variée (matières colorantes du sang des Ascidies et des Insectes, Ilrjdrophilus, Dytfscus, Oryctes, Melolontha, pupes de Lépidoptères), qui, sous l'action de ferments (soit que ceux-ci détruisent en pré- sence de la mélanose, soit qu'en général dans cette circonstance, ils entrent seulement en activité), sont changées en masses brunes on violet sombre, résistantes aux milieux dissolvants des lipochromes et aux alcalis, en partie aux acides (Als Uranidin habe ich jene gelben Farbsloffe sehrverschiendenartigen Vorkommen zusammen- gefasst, welche unter Mitwirkung von Fermenten [sei es, dass solche bei der Mélanose zerslôrt, sei es, dass dièse dabei iiberbaupt erst in Wirksamkeit treten] in braiinliche oder Dunkelviolette, gegen Lipochromatische Losungsmittel und Alkalien, theilweise auf gegen Saiiren widerstandsfàhige Massen vcrwandelt werden), 9, p. 92. » On voit que Krukenberg ne parle pas de l'albuminoïde qui s'oxyde à l'air et contribue pour une part à la coloration ; dans les neuf dixièmes des cas, il a pris pour uranidine l'albuminoïde oxydé ; je me suis toutefois servi de ce nom pour désigner la substance noire qui se précipite à l'air chez quelques espèces (voir le tableau), et qui, en tout cas, n'est pas jaune à l'état soluble, puisqu'on en trouve dans le sang incolore de Pentatoma grisea. Je crois avoir assez appuyé sur la distinction des diverses matières colorantes du plasma pour n'y plus revenir. Le tissu péricardial est connu depuis longtemps. Leydig (1866) en parle longuement dans son Traité d'histologie (10, p. 491). Graber (1873) le décrit assez exactement quant à son histologie, mais il émet à son sujet une hypothèse au moins singulière : « Le ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 397 cœur, dit-il, est placé dans une sorte de coussin de cellules, qui présentent dans l'acte delà respiration une énorme surface. Le tissu des cellules péricardiques est, comme on sait, tout à fait prépondé- rant, et c'est pourquoi il ne me paraît pas invraisemblable que nous ayons à chercher là un organe spécifique de respiration (Das Herz liegL in einem formlichen Kissen von Zellen, die in der Tliat des Respiration eine riesige Flâche darbieten. Vor allem ist aber bekanntlich das Gewebe der Pericardialzellen ûberwiegend, und es erscheint mir daher nicht unwahrscheinlich, dass wir gerade in diesem specifische Respirationsorgane zu suchen haben) 73, p. 182. » M. Wielowiejski (1886) le décrit à nouveau et en fait un tissu san- guin (Blutgewebe) au même titre que le corps adipeux (Fettzellen) et les « Œlnocythen », non pas qu'il entende par là un organe lym- phatique, mais seulement un tissu flottant dans le sang. M. Balbiani (1886), dans une note des Comptes rendus consacrée à une étude de bactériologie (70), termine en disant : « Cette iden- tité du mode d'action exercée sur les bacilles par les cellules san- guines et les cellules péricardiales est la conséquence des relations génétiques qui existent entre ces deux sortes d'éléments des Insectes, le tissu péricardial étant le foyer de formation des corpuscules san- guins chez ces animaux, ainsi que je le démontrerai dans un autre travail. » Moi-même, un an après, sans avoir connaissance de cette phrase, j'ai décrit succinctement dans une note préliminaire le tissu péri- cardial et lui ai attribué la signification d'une glande lymphatique. \ Je reconnais volontiers que l'éminent professeur a énoncé avant moi le fait que j'ai cherché à démontrer dans les pages précédentes. M. Kowalevsky (1886-89) attribue un tout autre rôle aux cellules péricardiales; pour cet auteur, elles représentent un organe d'excrétion, correspondant physiologiquement aux glomérules de Malpighi des Vertébrés, aux glandes péricardiques des Mollus- ques, etc., chargé d'extraire du sang les substances étrangères no- cives, de les absorber dans leur protoplasma et de les enlever ainsi 398 L. CUÉNOT. à la circulation dans l'organisme. Voici sur quels faits se base le savant russe: si l'on nourrit divers Insectes avec une solution de carmin ou de tournesol bleu, ou si on l'injecte dans la cavité géné- rale, on constate que le tissu péricardial absorbe très nettement la matière colorante ; le tournesol est légèrement rougi, ce qui indique une réaction acide ; le bleu de méthylène, le perchlorure de fer au centième, la vésiivine donnent les mêmes résultats. Si l'on injecte un mélange intime de carminate d'ammoniaque et d'indigo-carmin, constamment le premier est absorbé par les cellules péricardiques, le second par les tubes de Malpighi. M. Kowalevsky admet que le carmin marque ainsi la route suivie par les matières excrétées nor- malement par ce tissu, de même que dans des expériences analo- gues, on le voit s'accumuler dans les glandes péricardiques des Mollusques, l'organe segmentaire de Nereis, la vésicule terminale des glandes vertes des Crustacés supérieurs, les corpuscules de Malpighi du rein des Vertébrés, qui ont bien nettement une signi- fication excrétrice. Mais ce procédé expérimental si ingénieux a-t-il toute la valeur que lui attribue l'auteur ? En d'autres termes, le carmin s'accumule-t-il dans les organes précités comme une matière étrangère devant être excrétée, ou par suite des dispositions anato- miques du tissu ? Pour le carmin (larves de Corethra), nous voyons qu'il colore aussi des globules sanguins, diverses granulations des cellules musculaires, intestinales, trachéennes, hypodermiques ; le perchlorure de fer passe aussi dans les muscles et parfois dans les glandes séricigènes; ohQzVAscidia mentula, le carmin injecté colore seulement des muscles, des globules sanguins ; chez le Lombric et les Hirudinées, l'indigo-carmin teinte vivement en bleu les vaisseaux sanguins et ne se fixe pas dans l'organe segmentaire, etc., etc. Je crois qu'il ne faut pas demander à ce procédé plus qu'il ne peut donner, et je suis persuadé que pour les Insectes cette absorption du carmin est entièrement due à des causes anatomiques: nutrition facile du tissu péricardial, affinité du contenu protoplasmique des sacs pour les matières colorantes, et qu'elle n'entraîne pas forcé- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 399 ment avec elle la signification excrétrice que lui donne Kowalevsky. Ces expériences ont ouvert une voie nouvelle extrêmement fé- conde dans la physiologie des Invertébrés ; mais il ne faut pas trop se presser de conclure. J'ai refait des expériences analogues à celles de Kowalevsky, pas encore chez les Insectes, mais chez l'Ecrevisse: si Ton injecte dans le cœlome des Astacus soit du sang rouge de Mammifère, soit du carmin en poudre, de l'amidon, etc., on voit que ces corps étrangers sont absorbés par les glandes branchiales (cela est surtout vrai pour les hématies injectées), que j'ai décrites précédemment au chapitre Crustacés. Ces glandes branchiales, qui donnent bien nettement naissance aux amibocytes, jouissent donc aussi de la propriété d'absorber les produits solides, inutiles ou nui- sibles, renfermés dans le sang ; ce sont des glandes phagocylaires, au même titre que beaucoup de glandes lymphatiques des Verté- brés, la rate, la moelle des os, les ganglions lymphatiques, etc. (voir les différents travaux de Metschnikoff, Bardach, etc.). Il est assez probable (et je compte entreprendre des expériences dans ce sens) que le tissu péricardial des Insectes, outre sa fonction plastidogène, agit comme glande phagocytaire, comme Balbiani l'a d'ailleurs reconnu pour les Bactéries (70) ; on s'expliquerait alors la contra- diction qui semble exister entre les résultats de Kowalevsky et les miens. MYRIAPODES. Les Myriapodes se placent naturellement très près des Insectes par beaucoup de caractères ; le sang ne présente rien d'exception- nel ; la glande lymphatique est constituée aussi par le tissu péricar- diaque. J'ai étudié deux types de l'ordre des Chilopodes : le Scutiger coleoptrata Lamarck et la Scolopendra cingulata Latreille, très belles espèces fréquentes à Banyuls, la première dans les maisons, les caves humides, la deuxième sous les pierres des lieux déserts, en même temps qu'un Scorpion, le Butlius occitanus. 400 L. CUÉNOT. Chez la Scolopendra crngulala, on peut recueillir facilement le sang par la section du dernier membre (appendice caudal) ; c'est un liquide incolore, un peu trouble, qui ne se colore pas par l'exposi- tion à l'air ; il se forme très rapidement un abondant coagulum d'apparence gélatineuse, tout à fait semblable à celui des Crustacés, composé comme d'habitude de fibrine enclavant un grand nombre de corpuscules figurés. Le liquide restant contient un albuminpïde dissous, 8 pour 100 environ, qui précipite en blanc par l'alcool. Je pense qu'il n'a pas de rôle respiratoire, comme par exemple l'albu- mine du sérum chez les Vertébrés. Mais il est bon de faire ici une restriction importante: le seul critérium que nous ayons pour savoir si un albuminoïde est ou non capable d'absorber l'oxygène est le changement de teinte qu'il éprouve au contact de l'air. Ce caractère est-il donc indispensable ? Je ne le pense pas ; mais nous sommes forcés de nous en contenter, car il n'existe pas, à ma connaissance du moinS;, de réactif pratique et sûr qui puisse démontrer qu'un liquide renferme une quantité d'oxygène plus considérable que le volume normalement dissous dans l'eau (je ne parle, bien entendu, que lorsqu'on n'a qu'une petite quantité de sang à sa disposition). Ray-Lankester et d'autres physiologistes anglais ont préconisé l'éther ozonisé et la teinture de gaïac, mais ces réactifs sont tout à fait infi- dèles et ne peuvent que jeter de la confusion dans les résultats. 11 en résulte que, jusqu'à plus ample informé, les albuminoïdes inco- lores et ne se colorant pas, au contact de l'air peuvent être consi- dérés comme inaptes à l'absorption de l'oxygène. Amlbocytes. — Ce sont les seuls éléments figurés du sang. Chez les deux espèces examinées, les amibocytes mûrs, de 16 à 25 [j-, sont ovoïdes, allongés, peu amiboïdes, n'émettant guère de pseudopodes qu'au repos ; ils sont remplis de petits granules albuminogènes, très réfringents^ verdâtres, laissant au centre de la cellule une éclaircic correspondant au noyau. On observe facilement toutes les phases de régression habituelles. Outre ces amibocytes parfaitement typiques, on trouve (mois de mai, Scolopendra cingulala) de très rares amibo- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDl'S LYMPHATIQUES. 401 cytes de réserve, renfermant des granules pins gros, de nature pro- téique. Glande lymphatique. — Comme chez les Insectes, la glande lym- phatique est placée autour du cœur ; comme celui-ci est beaucoup plus long que dans la famille précédente, la glande s'étire en môme temps et devient plus difficile à trouver par dissection. Quand on a ouvert la Scolopendre par la face ventrale, après avoir enlevé tous les organes, on voit le long vaisseau dorsal, large de 1 demi-millimètre ; il est entouré de tissu adipeux brunâtre, laissant du côté ventral un sillon clair ; sur les côtés se trouvent de nom- breuses trachées qui se ramifient dans le cœur et la couche adipeuse. La glande lymphatique est placée entre cette dernière et le vaisseau dorsal, très intimement mélangée avec le tissu adipeux, encore plus que chez ies Insectes ; elle est formée (pi. XV, flg. 15] de petits mamelons isolés, appliqués sur les muscles cardiaques, bourrés de noyaux et d'amibocytes mûrs, avec tous les stades de développe- ment intermédiaires ; ils ne sont pas plongés dans un protoplasma granuleux ; tous les noyaux et cellules se touchent. J'ai constaté la formation des granules réfringents et des amibocytes dans ces man- chons lymphatiques, sur le vivant dans une goutte de lymphe, et après traitement par l'acide osmiquc et le carmin. Chez le Scutiger coleoptrata, on retrouve autour du cœur une zone peu épaisse, formée d'amibocytes et de noyaux collés les uns contre les autres, qui reproduit absolument les faits décrits chez la Scolo- pendre. AUAGllNIDES. Aranéides et Pualangides. — On peut facilement obtenir quelques gouttes de sang par la section des pattes, ce qui entraîne à bref délai la mort de l'Araignée. Il est incolore (Phalangides), bleuâtre ou légèrement jaunâtre ; dès qu'il est sorti de l'animal, il se forme un coagulum fibrineux peu abondant qui enclave la plupart des amibocytes {Tegenaria domestica, Epeira diadema). ARGH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — t' SÉlim. — T. W. '1891. 26 402 L. CUÉNOT. Le liquide restant, parfaitement limpide, est légèrement bleuâtre chez la Tegenaria domestica et renferme un albuminoïde dissous qui est probablement voisin de l'hémocyanine. Chez VEpeira diadema, le sang est d'un jaune clair très net; exposé à l'air, il brunit légère- ment, mais le changement de teinte n'est pas très facile à saisir ; par l'alcool, on précipite en abondants flocons gris jaunâtre cet albumi- noïde, qui rappelle tout à fait ceux que nous avons vus chez les Insectes, notamment l'hémophéine et mieux encore l'hémocrocine (comme chez la chenille de YAcronycta rumicis). Amibocytes. — Les amibocytes mûrs (pi. XVI, fig. 1, a) mesurent 9 \i. chez le Phalangium opilio, i5 \). environ chez la Tegenaria domes- tica et VEpeira diadema ; ils sont remplis de gros granules, un peu verdâtres, plus fins chez les Phalangides, d'une réfringence exces- sive, laissant apercevoir au centre le noyau cellulaire. Les phases habituelles de régression sont faciles à constater : diminution du nombre et de la taille des granules, réduction de la cellule au noyau, qui se troue de vacuoles et finit par disparaître. Les ami- bocytes, sur la lamelle, donnent de courts pseudopodes, surtout ceux en voie de dégénérescence. Outre les amibocytes, on trouve [Epeira diadema, Tegenaria domes- tica) des cellules assez rares qui leur sont évidemment alliées, mais qui sortent un peu du type habituel ; ce sont (pi. XVI, flg. 1, r) de grandes vésicules, mesurant jusqu'à 28 [x, renfermant un noyau dif- ficile à bien voir et des produits variés, souvent de fins granules animés de mouvements browniens, ce qui semblerait indiquer que le contenu est liquide ; parfois aussi des prismes cristallins allongés, incolores, de nature protéique. Ces cellules rappellent tout à fait celles que nous avons rencontrées chez les chenilles des Lépidoptères, et qui correspondent probablement à des éléments de réserve ; elles sont nettement amiboïdes, quoique à mouvements très lents ; elles se déplacent en masse, par une lente reptation, sans émettre de pseudopodes. On peut trouver tous les passages entre les vésicules et les amibocytes en régression sans granules réfringents; la zone ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 403 protoplasraique de ces derniers s'agrandit en devenant vacuolaire ; le noyau subit aussi des transformations, la substance chromatique se condensant à son intérieur sous forme de deux ou trois petits nodules, décelés par le carmin et dont on suit avec évidence le déve- loppement dans le noyau des amibocytes. Quelle que soit la signifi- cation de ces cellules, elles sont en infime minorité par rapport aux amibocytes typiques. Je n'ai pas trouve la glande lymphatique ; je crois qu'il faudrait la chercher, avec plus de soin que je ne l'ai fait, aux environs du système nerveux. Historique. — Wol. Wagner (1887) a étudié spécialement le sang des Araignées ; il y décrit un certain nombre d'éléments dont il n'a pas bien saisi les rapports, il me semble ; ses cellules colorées repré- sentent évidemment les amibocytes mûrs. îl appelle sphères des cel- lules arrondies, non amiboïdes, avec vacuole, qui correspondent probablement aux vésicules que j'ai décrites à la suite des amibo- cytes. A la mue, paraît-il, les sphères se divisent et se multiplient très activement, tandis que les autres éléments disparaissent en proportion ; le sang devient trouble, presque gluant. Il serait inté- ressant de reprendre ce chapitre avec des idées plus justes sur le développement et le rapport des divers corpuscules sanguins, dont, pour mon compte, je n'ai jamais rencontré un seul en voie de divi- sion. Wagner fait observer avec beaucoup de raison qu'il suffit d'extraire une très petite quantité de sang pour tuer une Araignée, ce qui contraste avec la résistance des Insectes. f, M. Gattaneo (1889) a bien décrit les amibocytes typiques de l^ege^^ naria. ScoRPiONiDES. — Dans ce groupe, j'ai étudié le Buthus occitanus {Scorpio occitanus) eileScorpio ewopgeus h. {Scorpio flavicaudus), tous deux abondants à Banyuls, le premier sous les pierres dans les en- droits déserts, le second dans les décombres des habitations. Sang. — Le liquide nourricier est contenu dans un appareil vas- culairc dont les voies artérielles sont en partie bien délimitées, mais 404 L. CUÉNOT. dont la porlion veineuse est plus lacunaire et se dilate en quelques sinus représentant la cavité générale ; on peut s'en procurer une quantité suffisante en sectionnant le dernier arlicle abdominal. C'est un liquide d'un bleu verdâtre (et non pas jaunâtre, comme le dit M. Blanchard), très clair, qui se fonce rapidement au contact de l'air. Dès qu'il est relire de l'animal, il se l'orme immédialemcnt un coagulum de fibrine, volumineux, transparent, qui englobe la plu- part des éléments figurés et rappelle tout à fait celui des Crustacés. Le liquide restant contient environ 9 pour 100 d'un albominoïde dissous, qui est riiémocyanine, comme l'a reconnu Ray-Lankester chez V Androctonus funestus ; mais c'est une hémocyanine moins oxydable que celle des Céphalopodes ; elle bleuit à l'air d'une façon moins sensible. Amibocyfes. — Ce sont les seuls éléments figurés du sang. Les amibocytes mûrs, de 13 [j. environ, sont des cellules sphériques abso- lument bourrées de petits granules réfringents, incolores, laissant au centre une éclaircie correspondant au noyau ; ils sont peu ami- boïdes, et ce n'est qu'au repos qu'ils émettent parfois de courts et larges pseudopodes. On observe comme toujours les phases de ré- gression jusqu'au noyau nu. Après fixation et coloration, le noyau ovoïde présente souvent un nucléole ; les granules albuminogônes sont teints en jaune et perdent leur réfringence qui les rend si nets sur le vivant. Outre ces amibocytes parfaitement typiques, on trouve un petit nombre de formes dérivées, toujours amiboïdes, qui renferment des produits de réserve ; ce sont des cellules de 13 p., bourrées de gros granules incolores et réfringents, assez semblables comme aspect aux granules albuminogènes, mais plus gros, et qui sont constitués par unalbuminoïde. Il y a aussi quelques formes de régression, dont les granules sont déformés et en voie de dissolution, surtout au mois de mars, fin de l'hibernation du Buthus occiianus. Ces formes déri- vées, d'ailleurs peu nombreuses, représentent des amibocytes de réserve, comme nous en avons déjà vu si souvent. ÉTUDES SDR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 403 Glande lymphatique. — Pour la trouver, il faut ouvrir le Scorpion par la face dorsale et enlever tous les organes du thorax et du préabdomen, en laissant seulement la chaîne nerveuse. En exami- nant cette dernière à la loupe (pi. XYI, fig. 4), on voit facilement qu'elle est surmontée d'une petite glande d'un blanc pur, accolée à sa face dorsale, qui l'accompagne dans toute l'étendue du préab- domen; elle commence peu après la grosse masse thoracique et se termine au troisième ganghon abdominal, au début de la portion caudiforme de l'abdomen ; elle recouvre en partie une artère, ou plutôt une lacune artérielle, l'artère spinale, qui court également sur la face dorsale de la chaîne nerveuse, et qui donne à la glande d'innombrables ramuscules, si bien qu'après une injection péné- trante, elle est entièrement colorée. Gomme M.Houssay l'a reconnu, cène sont point des artérioles, mais bien un système lacunaire, sans trajet bien déterminé, qui file entre les cellules. Chez le Scorpio europœus, la glande, large de 1 quart de milli- mètre, conserve son calibre tout le long de la chaîne nerveuse ; chez le Buthus occitanus, elle est formée de plusieurs petits sacs, de \ demi-millimètre de large, souvent séparés les uns des autres, et appendus à la lacune spinale. Quoi qu'il en soit, la glande est tou- jours limitée par une mince zone conjonctive, qui la sépare nette- ment du tissu adipeux et des cellules à cristaux qui recouvrent en partie les connectifs ; de cette membrane périphérique part un fin réseau, plus serré au centre, qui constitue la charpente glandulaire. La trame conjonctive est bourrée de noyaux et cellules (pi. XVI, lîg. 5) dont il est très facile de constater la fonction lymphatique ; beaucoup de noyaux sont en voie de division ; un grand nombre sont complètement entourés de granules albuminogènes, et tout prêts à passer dans le courant circulatoire, avec toutes les formes de passage entre ces termes extrêmes. Si l'on examine la glande sur le vivant, dans une goutte de sang, elle paraît bourrée d'amibocytes mûrs, entassés les uns sur les autres ; après l'action de l'acide os- mique et du picrocarmin, on peut suivre aisément tout le dévelop- 406 L- CUÉNOT. pement des noyaux, souvent nucléoles, en amibocyles parfaits. La voie suivie par ces derniers pour passer dans la circulation est tout naturellement le réseau lacunaire dépendant de l'artère spinale. Historique. — C'est M. Blanchard, dans sa belle monographie du Buthiis {Scorpio) occitanus (4851), qui a découvert la glande dont nous venons d'élucider le rôle; il la décrit en quelques mots et si- gnale les innombrables artérioles qu'elle reçoit de l'artère spinale. M. Houssay (1887), chez la même espèce, a montré que le réseau vasculaire de la glande est formé par des lacunes et non des arté- rioles (64). Enfin M. Ray-Lankester (1884) a signalé l'existence de l'hémocya- nine chez VAndroctonus funestus et figuré les amibocytes granuleux d'un autre Scorpionide, le Bulhus ajaneus (67, pi. 8, fig. 5) ; M. Cat- tanco (1889) a décrit sur le vivant ceux du Scorpio europxus (50). PANTOPODES (PYCNOGONIDES). Ces singuliers animaux, dont les affmités sont encore incertaines, présentent à propos du sang une particularité des plus intéressantes : chez toutes les espèces, il renferme à la fois des amibocytes et des hématies. On peut très bien examiner l'animal entier par transpa- rence, et suivre tous les mouvements des globules. Le sang en lui- même paraît sous cette faible épaisseur tout à fait incolore. Amibocytes. — Les amibocytes (pi. XVI, fig. 3, a), mesurant 10 ij. en moyenne, sont sphériques ou fusiformes ; ils n'émettent pas de pseudopodes dans le sang en circulation ; ce n'est que lorsqu'ils sont arrêtés par un obstacle quelconque, que l'on voit surgir de leur masse de courts prolongements protoplasmiques. Les éléments mûrs sont toujours bourrés de petits granules réfringents, ver- dâtres, qui les font reconnaître de suite ; on trouve aussi toutes les phases habituelles de dégénérescence. Hématies. — Les hématies (pi. XYl, fig. 2, /*) sont toutes formées d'un disque ovoïde, de 22 [j. au maximum, présentant un noyau ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 407 ovoïde, central ou pariétal, très contourné chez VAmmothea fibulifera (pi. XVI, fig. 3, h) ; le disque est souvent plisse, replié sur lui- même, et renferme un albuminoïde incolore ou d'une légère teinte neutre {Phoxichilidhim exiguum), coagulable par l'alcool, qui ne change pas de teinte au contact de l'air. Elles paraissent se déve- lopper en partie dans la cavité générale, car j'y ai souvent trouvé de jeunes hématies, de 10 [x environ, contenant quelques petits gra- nules réfringents, non browniens. Dohrn (188!) a découvert ces organites et leur a donné le nom de ballons, voulant rappeler leur apparence vésiculeuse (wie ovale Ballons aus Seidenpapier) ; ce sont bien certainement des hématies ; il ne peut y avoir de doute à cet égard. Dohrn les a rencontrés chez toutes les espèces de Naples qu'il a étudiées ; pour m.a part, je les ai retrouvés chez les Pycnogonides de Banyuls (notamment Ammo- thea fibulifera, Phoxichilidium exiguum, Nymphon sp.). Je n'ai pu trouver la glande lymphatique. BRYOZOAIRES. Le Bryozoaire est en général formé d'une loge membraneuse ou calcaire pourvue d'un orifice de sortie, par lequel fait saillie une couronne de tentacules diversement disposés ; la loge, limitée inté- rieurement par une couche membraneuse ou épilhéliale (endocyte), contient un liquide, au mJlieu duquel flotte le tube digestif, rattaché aux parois par la bouche, l'anus, des muscles rétracteurs et un gros cordon (funicule) fixé d'une part au c?ecum stomacal et de l'autre an fond de la loge. Cette cavité pleine de liquide représente la cavité générale oucœlome,et se prolonge dans les tentacules péribuccaux. Le contenu de la cavité cœlomique, ou sang, est un liquide par- faitement incolore, albumineux, dans lequel il est facile par l'alcool de déterminer un précipité. Pour l'observer à un fort grossissement, il ne faut point songer à l'extraire; le seul moyen est de l'examiner sur l'animal entier. L'espèce qui convient le mieux sous ce rapport V 408 L. CUÉNOT. est la Membranipora pilosa, dont les colonies sont très communes sur les feuilles de posidonies ou de fucus (Roscoff, Banyuls), et qu'il est facile d'obtenir en plaques peu épaisses en les détachant soigneu- sement avec la lame d'un scalpel. On voit alors (lotter au milieu du liquide cavitaire de très petites cellules rondes ou fusiformes, de 3 à 4 [;.. En regardant avec atten- tion, on peut reconnaître dans les plus grandes un noyau central, et un proloplasma qui émet des pseudopodes parfaitement nets et par- fois assez longs ; dans ce dernier se trouvent un petit nombre de granules réfringents, deux ou trois. Ce sont donc des amibocytes tout à fait caractérisés ; il n'y en a qu'un petit nombre de libres, les autres sont collés contre les organes, soit en formant de petits amas qui émettent de longs pseudopodes, soit isolément. Smitt, Joliet les ont signalés depuis longtemps chez beaucoup de Bryozoaires (Fett- kroppar de Smitt, floating cells des Anglais) ; ils existent vraisem- blablement chez tous. Chez la Bowerbankia imb7"icata, ih sont bourrés de granules (Joliet) au lieu de n'en contenir qu'un petit nombre ; je puis dire que chez la Plumatella frulicosa^ les amibocytes sont relativement fort grands (42 [;.) et qu'ils ne le cèdent en rien à ceux des Mollusques ou des Crustacés. Chez cette espèce également, la plus grande partie de ces éléments rampe à la surface des organes, en émettant des pseudopodes plus ou moins longs ; ils contiennent une grande quantité de granules jaunâtres réfringents et présentent toutes les phases habituelles de régression. Glande lymphatique. — Chez la Membranipoim, un gros cordon conjonctivo-musculaire recouvert de cellules rattache le caecum stomacal au fond de la loge : c'est le funicule. Chez la plupart des Bryozoaires, il traverse la paroi et se prolonge dans la tige en s'unis- sant aux funicules des autres loges, constituant ainsi une sorte de tronc ramifié aux extrémités des branches duquel on trouve un individu. Miiller en avait fait son système nerveux colonial; Nistche et surtout Joliet, dans un travail magistral qui nous le fait encore plus regretter, ont montré sa véritable nature. C'est un cordon ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYiMPHÂTIQUES. 409 plein, recouvert de cellules dont Joliet a indiqué l'évolution ; il a vu celles-ci, d'abord plates et fusiformes, se renfler, faire saillie à la surface du cordon (et je puis ajouter qu'elles sont à ce moment remplies de granules réfringents) et enfin tomber dans la cavité générale dont elles constituent les amibocytes. « Nous sommes donc en droit de dire en terminant, que plusieurs des corpuscules flottants que l'on rencontre dans le liquide cavitaire des loges adultes déri- vent du système nerveux colonial dont ils ne sont que des éléments transformés (78, pag. 233). /) Le funicule est donc une glande lymphatique parfaitement carac- térisée ; on peut le vérifier facilement chez la Membranipora pilosa, par exemple, où l'on voit ses cellules granuleuses émettre de nom- breux pseudopodes, parfois fort longs, qui hérissent la surface funi- culaire (pi. m, fig. 18). Pour plus de détails, je renvoie au texte et aux planches du mémoire de Joliet (78). Alexis Ostrooumofl" a confirmé plus tard les idées de Joliet, à qui revient l'honneur d'avoir découvert l'un des premiers un organe lymphatique indiscutable chez les Invertébrés. Mais ce n'est pas le seul rôle du funicule ; c'est aux dépens de ses cellules que se forment presque toujours les spermatoblastes et le plus souvent les œufs; c'est dans son tissu que naissent, chez les Bryozoaires d'eau douce, les statoblastes, espèces de bourgeons dormants recouverts d'une coque, destinés à la formation de nou- velles colonies ; enfin, c'est là que se forment le plus souvent les bourgeons qui augmentent et renouvellent le cormus. On le voit, le funicule cumule bien des fonctions ; dans la période de non-maturité sexuelle, il est uniquement lymphatique ; dans les périodes sui- vantes, il est à la fois lymphatique et tissu sexuel, de sorte que côte à côte et aux dépens de cellules semblables naissent d'une part des amibocytes, de l'autre, des œufs, des spermatoblastes et à l'occasion des statoblastes et des bourgeons. J'insiste à dessein sur les faits précédents, bien qu'ils soient connus ; cette relation singulière de la glande lymphatique et des 410 L. CUÉNOT. produits sexuels n'est pas limitée aux Bryozoaires ; nous en trouve- rons d'autres exemples dans le courant de ce travail, peut être encore plus nets que dans ce groupe. BRACniOPODES. Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion d'étudier des Brachio- podes ; les divers auteurs qui s'en sont occupés ont signalé assez incomplètement des corpuscules sanguins (Joubin chez la Granie, Beyer chez la Lingule). Le sang est d'ailleurs tout à fait incolore. On ne s'est pas préoccupé de rechercher la glande lymphatique. Il serait intéressant de constater si celle-ci n'est pas confondue avec les organes sexuels, comme chez les Bryozoaires; les rapports des ovaires ou testicules avec la cavité générale rappelant tout à fait ce qui existe dans ce groupe. ANNÉLIDES — CHÉTOPODES. rOLYCnÈTES. Avec les Annélides-Ghétopodes, nous entrons dans un groupe d'animaux qui présentent presque tous dans le système vasculaire une disposition rappelant les animaux les plus supérieurs. En effet, tandis que chez les Mollusques, les yVrthropodes, les Yers, les Échi- nodermes, l'appareil vasculaire emprunte une partie plus ou moins grande de son trajet à la cavité générale, et qu'en tout cas les liquides qu'ils renferment sont identiques, chez les Chétopodes, au contraire, il y a un appareil vasculaire parfaitement clos et défini, entièrement séparé de la cavité générale, et dont le contenu est tout à fait différent du contenu de cette dernière. Cela fait donc deux systèmes nourriciers inclus l'un dans l'autre, que nous pouvons exa- miner séparément : -1° Un appareil vasculaire, charriant du sang rouge ou vert, chargé à la fois de la nutrition et de la respiration chez les espèces oi!i il est ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 411 parfaitement développé ; il se dégrade souvent en ne transportant qu'un liquide incolore, sans rôle respiratoire, et enfin disparaît com- plètement dans beaucoup de familles ; 2° La cavité générale, chargée seulement du rôle de nutrition chez les espèces où le premier appareil est bien développé ; des deux fonctions (respiration et nutrition), chez la plupart de celles où il a disparu. Qu'on imagine maintenant tous les passages possibles entre les diverses conditions que nous venons d'énumérer et quelques excep- tions paradoxales qui ne rentrent pas dans le cadre général, et l'on pourra se faire une idée de la difficulté de l'étude des liquides san- guins chez les Annélides. Aussi ne saurait-on procéder avec trop de méthode et de circonspection pour être clair et ne rien omettre î toutes les déterminations ont été faites avec le plus de soin possible, car c'est sûrement chez les Annélides que les différences anatomi- ques d'espèce à espèce sont les plus grandes. Ainsi, un Polycirrus possède des globules rouges, tandis qu'un Polycirrus très voisin et tout à fait semblable extérieurement n'en a pas. M. Pruvot, dont on connaît la compétence, a bien voulu me déterminer les Syllidiens et quelques Annélides errants; pour les autres, j'ai eu recours aux travaux de Claparède, Grube, Malmgreen et von Marenzeller ; j'ai pris soin d'indiquer un peu de synonymie pour les espèces très con- fuses, car il est souvent bien difficile de se retrouver dans le fatras des nouvelles dénominations génériques que l'on a multipliées, sans grande utilité à mon avis. Cavité générale. — La cavité générale, en général assez vaste chez les Polychètes, est subdivisée par des septums transverses cor- respondant aux zoonites, plus ou moins complets, mais laissant tou- jours passer le liquide d'un bout à l'autre de l'animal, parles perfo- rations qu'ils présentent. Chez la grande majorité des Annélides, avec ou sans système circulatoire, elle ne contient qu'une seule espèce d'éléments figurés, les amibocytes ; elle renferme à la fois des amibocytes et des hématies chargées d'hémoglobine chez les 412 L. CUÉNOT. Glycériens, les Gapilellides, le Polycirrus hematodes Glap., tous dé- pourvus de système vasculaire, et chez la Leprea lapidaria Marenz. {Heteroterebella sanguinea Glap.), qui possède en même temps un appareil circulatoire à sang rouge et se trouve ainsi l'Annélide le plus favorisé au point de vue de la respiration. Le liquide qui charrie les corpuscules figurés, mis en mouvement soit par les cils vibratiles pcritonéaux quand ils existent, soit par les contractions de l'animal, est un liquide salin, dans tous les cas inco- lore, renfermant environ 3 pour 100 d'albuminoïde dissous, précipi- table en blanc par l'alcool. On dit souvent que la cavité du corps communique avec l'extérieur par l'intermédiaire des organes seg- mentaires ; c'est vrai au point de vue anatomique, mais au point de vue physiologique il n'y a réellement pas communication ni même contact des deux liquides ; l'orifice extérieur des néphridies est normalement fermé et ne laisse pas entrer l'eau de mer. D'ailleurs, la présence de l'albumine dans le sang prouve à n'en pas douter que celui-ci ne court aucun risque d'être dilué par le milieu am- biant. Amibocyles. — Les amibocytes que l'on voit facilement par trans- parence errer dans la cavité générale, isolés ou formant des masses plus ou moins volumineuses, mesurent de 8 à 22 [x ; les éléments mûrs, normaux (pi. XVI, fig. 6, a), renferment des granules de couleur variée, bruns (Térébelliens), noirâtres [Spirographis, Are- n/c'o/a), jaunâtres ou incolores (Glycériens, Néréidiens), toujours très réfringents, qui remplissent la cellule en laissant au centre une éclaircie correspondant au noyau. Les amibocytes n'émettent pas beaucoup de pseudopodes lorsqu'ils sont entraînés par les courants du liquide cavitaire ; ils prennent alors une forme allongée, fusi- forme, et peuvent atteindre ainsi jusqu'à 40 [j. de long [Nicolea venus- tula) ; mais, au repos, de nombreux pseudopodes sortent de leur protoplasma. Ils suivent l'évolution habituelle jusqu'à se réduire au noyau. Quelques-uns d'entre eux, à l'état normal, renferment des pro- ETUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 413 duits de réserve, graisse ou albuminoïdes, comme nous l'avons vu déjà si fréquemment. Lorsque les produits génitaux ne sont pas encore formés, il n'y a dans le liquide cavitaire que des amibocyles à divers stades ; dès que les œufs ou spermatozoïdes commencent à se détacher dans la cavité générale, un grand nombre d'amibocyles se chargent de vitel- kis, de graisse, et jouent le rôle de cellules vitellogènes (pi. XVI, ^'o* 6, r] ; pendant celte période, on a grand'peinc ù retrouver les amibocytes normaux, à petits granules réfringents; ils renferment à la place des produits variés, gros globules de graisse incolore ou amas d'albuminoïdes bruns, jaunes ou verdâtres, qui remplissent les cellules et qu'on ne peut confondre avec les granules normaux en raison de leur forme irrégulière, de leur volume plus grand et de leurs caractères microchimiques. Cela est surtout marqué chez les espèces dont les produits génitaux se détachent très tôt, pour ache- ver de mûrir dans la cavité générale {Spirographis, Audouinia flUrjera, Nereilepas fucata, Psygmobranchus protensus, etc.). Glaparède, après Costa et Kowalevsky, signale, chez YOphella radiata, des amibocytes de très grande taille, de 30 à 250 a, renfer- mant une singuHère inclusion, formée d'une baguette noire renflée à ses deux extrémités qui dépassent la cellule de chaque côté, et paraissant très résistante aux réactifs. M. Kunstler [Dumontia ophe- liarton, type nouveau de la sous-classe des Sarcodines, Bulletin de fa Société zooloyique de France, t. X, 1885 ; Sur le Dumontia libéra, in Bulletin scieutifuiue de la France et de la Belgique, t. XX , 1S89, en col- laboration avec M. de Lustrac) a récemment étudié avec soin ces organites, qu'il considère comme des Protozoaires parasites, aux- quels il donne le nom de Dumontia opheliarum. Kunstler et de Lustrac ont récemment trouvé une forme libre du même genre {Dumontia libéra), que Dangeard ne considère pas comme très authentique. Hématies. — Chez la Glycera siphonostoma \ les hématies sont des 1 Cetic Glvcère, assez abondante à Banyuls dans les sables ù Amp'uioxus, répond exactement à la description de la Glycera sipho)iosloma, donnée par Glaparède dans 414 L. CUÉNOT. vésicules aplaties, irrégulièrement ovoïdes, présentant un profil fusi- forme ; les plus jeunes, assez rares, renferment de petits granules jaunes, animés de vifs mouvements browniens; les adultes, mesu- rant jusqu'à 34 [jl, possèdent les mêmes granules jaunes, mais cette fois immobiles, et de nombreuses vacuoles incolores ; le noyau, dif- ficile à voir sur le vivant, apparaît nettement par coloration avec le carmin (pi. XVI, fig. 7). Chez les Gapitellides, les hématies (20 \i) renferment de nombreux granules jaunes, arrondis, légèrement mobiles dans les jeunes élé- ments, immobiles dans les adultes {Dasybranchiis caduciis, Nolomas- tus Benedsnii). Je renvoie, pour plus de détails, aux belles figures d'Eisig(87, taf. 35). Chez la Leprea lapidaria {Heteroterebella sanguinea Clap.), les hé- maties (40 \}. au maximum) renferment des granules jaunes et inco- lores, rarement browniens, qui manquent parfois complètement. Le contour des hématies est franchement arrondi ou légèrement ondulé. Enfin, chez le Poly cirrus hematodes (Térébellien), on trouve dans la cavité générale de petites hématies de 16 [)., discoïdes, chargées d'hémoglobine comme précédemment, renfermant deux ou trois petits granules incolores, non browniens. Lorsqu'elles circulent dans l'animal, elles répondent exactement à cette description, mais si elles arrivent au contact de l'eau de mer, on les voit se déformer et émettre de petits pseudopodes ; j'ai répété plusieurs fois cette obser- vation avec une entière certitude : c'est évidemment l'eau de mer qui, en gonflant le protoplasma du stroma hématique, lui permet de donner des prolongements amiboïdes ; peu de temps après, l'hématie continuant à se gonfler finit par se désorganiser. Cette observation est très intéressante, d'abord parce qu'elle constitue une exception ses Annélides de Naples (82), sauf en un point : au lieu de quatre cent quarante segments, elle n'en a guère plus de deux cent cinquante. Je l'aurais volontiers rap- prochée de la Glycera Rouxii, d'ailleurs très voisine de GL siphonostoma, mais la couleur d'un rouge cuivreux que lui attribue Milne Edwards n'est pas du tout appli- cable à nos échantillons, d'un blanc rosé translucide. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 413 des plus rares (nous en observerons encore un cas chez les Holothu- ries), et aussi parce qu'elle montre que l'enveloppe de l'hématie est formée de protoplasma pur, non altéré, puisqu'il peut devenir ami- boïde dans certaines circonstances. — Inutile de dire que si ces hématies peuvent anormalement émettre des pseudopodes, cela ne les rapproche en rien des amibocytes ; ceux-ci sont parfaitement caractérisés chez le Pobjcirrus liematodes et très différents des élé- ments hémoglobiques. En résumé, les hématies des Polychètes sont des vésicules aplaties, munies d'un noyau et de granules (browniens dans les jeunes élé- ments), remplies d'un stroma protoplasmique spongieux, très chargé d'hémoglobine. Les hématies du Notomastus Benedenii, notam- ment, sont si riches en matière colorante, qu'elles paraissent rou- geâtres au microscope, et non pas jaunes comme les globules rouges des Vertébrés. Le liquide cavitaire du Dasybranchus caducus est d'un rouge tellement foncé (à cause des hématies, bien entendu), qu'il en est presque noirâtre, comme du sang extravasé. Dans l'animal vivant, les hématies forment souvent des amas volu- mineux, visibles à l'œil, qui se déplacent rapidement dans la cavité générale; ces mouvements, qui ont souvent donné l'illusion d'un véritable appareil vasculaire à sang rouge, sont surtout faciles à suivre chez les Glycères et les Capitellides transparents. Si l'on compare ces hématies avec celles des Vertébrés (voir 2, p. 26), on voit que ces dernières ne renferment pas ce stroma assez lâche qui se charge d'hémoglobine; leur contour est toujours beaucoup plus net et plus régulièrement défini. Mais, dans les deux cas, elles sont limitées par une membrane protoplasmique (très nette après l'action des liquides aqueux) et renferment, au moins chez les jeunes, des granules browniens. Chez les Vertébrés, ces granules sont bien probablement en rapport avec la formation de l'hémoglobine, soit qu'ils se dissolvent pour former celle-ci, soit )i» qu'ils agissent à la façon d'un ferment; je pense que ceux des Anné- »Iides ont une fonction analogue. M6 L. GUÉNOT. Glandes lymphatiques. — L'étude des glandes lymphatiques des Auiiéiidcs est extrêmement difficile, en raison de la petite taille et de l'opacité de la plupart des espèces; toutefois, j'ai pu, en même temps que Meyer, les reconnaître chez un nombre suffisant de types pour pouvoir en tirer des conclusions générales. Elles sont toujours formées aux dépens du tissu conjonctif qui revêt la paroi interne de la cavité générale et les organes qui y sont contenus; les cellules mésodermiques, indifférentes la plupart du temps, se différencient par places, soit sur les septums, soit autour de vaisseaux sanguins, se remplissent de granules réfringents et constituent des glandes lymphatiques, qu'on peut ranger en trois catégories : i" des cellules disposées en couche unique sur la paroi de certains vaisseaux (cellules chloragogènes, Claparède ; cklorago- gendrûsen des Allemands) ; 2° des cellules accumulées sur des sep- tums ou autour de vaisseaux, produisant des amibocytes, comme les chloragogènes ; 3° des amas cellulaires avoisinant généralement la chaîne nerveuse et produisant seulement des hématies. 1° Glandes lymphatiques^ dites chloragogènes. — Si l'on ouvre par la face dorsale, un Spirographe ou une Sabelle, et qu'on le dissèque de façon à dégager le vaisseau ventral, on voit que celui-ci est recou- vert d'une substance noire, s'étendant aussi sur le commencement des vaisseaux latéraux ; c'est la couche lymphatique (substance chlo- ragogène de Claparède). En portant un fragment du vaisseau sous le microscope;, après fixation et coloration (pi. XVI, iig. 8), on reconnaît que sa paroi est recouverte entièrement de petites cellules assez allongées ("26 \}. de hauteur), très serrées les unes contre les autres, et fixées par la pointe; elles renferment un noyau nucléole et un grand nombre de petits granules très réfringents, d'un vert jaunâtre par transparence et noirs par réflexion; ce sont eux qui donnent la coloration à cette couche périvasculaire. Lorsque l'orga- nisme a besoin de nouveaux amibocytes (pi. XVI, fig. 8, a), cer- taines de ces cellules émettent de petits pseudopodes, font saillie au-dessus de leurs voisines et finalement se détachent pour tomber ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 417 dans la cavité cœlomique ; généralement on trouve ou beaucoup de cellules chloragogènes émettant des pseudopodes ou un très petit nombre, ce qui me fait croire qu'il s'en détache une grande quan- tité à la fois ; cela expliquerait également pourquoi l'on trouve de grandes places vides sur la paroi du vaisseau. Pour achever la dé- monstration de leur fonction, on peut constater que les amibocytes normaux trouvés dans le liquide cavitaire renferment les mêmes granules noirs que la couche chloragogène. Chez la Sabella pavonina, la couche chloragogène est tout à fait semblable à celle du Spù'ographis que je viens d'étudier; j'ai con- staté également chez cette espèce la transformation des cellules en amibocytes par le même processus. Chez la Myxicola infundibulum, le vaisseau ventral et les anses latérales sont revêtus de belles cellules chloragogènes, longues de 60 ]}. (maximum), renfermant un gros noyau nucléole et une quantité de granules d'un jaune sale. Chez VArenicola marina, la couche chloragogène revêt non seule- ment le vaisseau ventral, mais aussi une foule de petites branches caecales flottant dans la cavité du corps, qui multiplient ainsi les surfaces d'insertion ; il n'y en a pas du tout sur la portion glan- dulaire du tube digestif, comme le prétendent à tort Cari Vogt et Yung {Traité (Fanatomie comparée pratique, 188S). Les cellules qui forment ce revêtement sont serrées les unes contre les autres, et mesurent en moyenne 20 [x; elles sont remplies de gros granules incolores ou très faiblement jaunâtres, très peu réfringents, dont je n'ai pu déterminer exactement la nature; au premier abord, j'avais cru à des globules protéiques, accumulés dans ces cellules comme nous le verrons plus tard dans les chloragogènes du Lombric, mais ils n'absorbent ni l'iode ni la fuchsine; l'acide osmique les colore légèrement en gris ; la fixation au sublimé les conserve parfaitement, ce qui permet de les distinguer facilement des cellules intestinales, dont le contenu, à peu près semblable sur le vivant, est détruit par ce réactif. Bien que je n'aie pu suivre l'évolution de ces cellules, il AKCH. DE ZOUL. EXP, ET GÉN. — 2* SÉKIE. — T. IX. 1S91. 27 418 L. CUÉNOT. est bien probable qu'elles forment, en se détachant, les amibocyles cavitaires, qui présentent la même taille et renferment aussi de gros granules incolores, en plus petit nombre cependant. Chez le Psygmobranchus protensus (Serpulien), il n'y a que les branches latérales du vaisseau ventral qui- soient revêtues de cellules mesurant environ 12 [>., et bourrées de granules brunâtres et jaunes; les cellules mûres, renfermant plus de granules jaunes que les autres, émettent des pseudopodes, font saillie de plus en plus au- dessus de leurs voisines et se détachent plusieurs à la fois (cinq ou six) en formant de petits plasmodiums. Comme vérification, on peut constater que les amibocytes cavitaires renferment les mêmes gra- nules jaunes et bruns. Je renvoie aux excellentes figures de Claparède montrant sur les coupes la disposition des chloragogènes (84, pi. IV, fig. 6 ; pi. VII, fig. 13); mais je crois utile de mentionner que ni Meyer ni moi n'avons pu retrouver la disposition en bandes longitudinales qu'af- fectent ces cellules suivant Claparède ; il a eu probablement sous les yeux soit des éléments en voie de développement, soit des acci- dents de préparation. Cette couche lymphatique chloragogène paraît exister chez tous les Arénicoliens, Sabelliens {Laonome, Spirographis, Sabella, Bran- chiomma, Myxicola) et Serpuliens [Proiula, Psygmobranchus), avec des dispositions à peu près semblables. Meyer figure (93) sur le vaisseau ventral et les branches latérales des Clietozone setosa (Cirra- tulien), Ampkiglene mediterranea (Sabellien), des cellules disposées de même, mais incolores; dans les branchies dorsales des Hermelles, des Cirratuliens, il paraît y avoir des couches pigmentées qu'on pourra peut-être rapporter dans la suite à des organes lymphatiques ; mais comme on n'en a pas suivi l'évolution, il est plus prudent de se borner aux trois familles précitées, qui montrent bien nettement la signification lymphatique des couches chloragogènes. Avant de poursuivre nos études, il n'est pas inutile d'insister sur le rôle présumé des granules colorés des chloragogènes ; morpho- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 419 logiquement, ils sont homologues aux granules albuminogènes que nous avons rencontrés jusqu'ici; ils ont la même évolution, la même forme, et il paraît naturel de penser qu'ils doivent remplir la même fonction, c'est-à-dire transformer les albuminoïdes dialy- sables provenant de la digestion en albumine du plasma; on com- prend parfaitement, dans cette hypothèse, pourquoi les cellules granuleuses sont fixées sur les vaisseaux; on sait, en effet, que c'est par ceux-ci que s'opère l'absorption des produits digestifs, notam- ment chez les Serpuliens et Sabelliens, dont l'intestin est plongé dans un sinus sanguin; il est logique, par conséquent, de trouver les chloragogènes dans des points où le passage des albuminoïdes dialysables dans la cavité générale se fait avec le plus d'abondance et de régularité. Mais, il est évident, chez les Spirographis, Sabella, Myxicola et Branchiomma^ que ces granules sont constitués par une substance différente de celle que nous avons rencontrée jusqu'ici; ils ne changent ni de teinte ni de forme dans l'acide chlorhydrique, l'al- cool absolu et l'éther ; les alcalis et les acides forts les décolorent; ils sont remarquablement fixes et résistants. Gela doit-il nous amener à leur attribuer une autre fonction? Je ne le pense pas; nous ne savons rien sur les transformations intimes qu'ils sont ap- pelés à opérer, ni sur leur véritable composition chimique; cepen- dant, jusqu'à plus ample informé, je les considérerai comme homologues au point de vue fonctionnel aux granules réfringents incolores des amibocytes ordinaires. 2° Glandes lymphatiques péritonéales. — Elles sont bien connues chez les Térébelliens, où Meyer les a décrites et figurées (93, taf. 22, fig. 1, Lanice conchylega; taf. 27, fig. 17, Polymnia nebidosa] d'une façon très exacte. Dans les quatre ou six segments antérieurs, seuls munis de néphridies, comme l'on sait;, les amas lymphatiques se trouvent tout près de l'entonnoir vibratile, à son bord interne, sur un cordon conjonctif ou un vaisseau adhérent à ce bord ; leur place varie un peu suivant les espèces, mais ils sont toujours voisins de 420 L. CUÉxNOT. l'entonnoir et de l'organe segmentaire. Dans les segments posté- rieurs où il n'y a plus de néphridies, et seulement dans les anneaux renflés, souvent porteurs d'écussons ventraux (anneaux thoraciques), on trouve les amas cellulaires sur les septums transversaux qui divi- sent la cavité du corps [Amphitrite i'ubi'a)^ ou sur de petits vaisseaux tégumentaires, avoisinant toujours la ligne latérale [Lanice conchy- lega, Polymnia nebulosa); je renvoie d'ailleurs, pour plus de détails, aux excellentes figures de Meyer (93). Il paraît que ces amas n'existent pas dans la longue file des anneaux amincis, dits abdomi- naux; il est bien possible que ce soit seulement la difficulté de la recherche qui ait empêché de les y découvrir. Chez le Polycirrus pallidus, Térébellien sans vaisseaux, très trans- parent, j'ai pu retrouver au microscope les amas lymphatiques péri- tonéaux, remarquables par leur irrégularité (pi. XVI, fig. 9, gl). Dans les six segments antérieurs, munis de néphridies, la glande est placée sur un petit tractus conjonctif aboutissant à l'entonnoir vibratile; cela correspond bien à ce qui existe chez les autres Téré- belliens. Dans les autres segments thoraciques et abdominaux, sur les septums transverses au nombre de deux ou trois par segment qui rattachent le tube digestif à la paroi du corps, on rencontre sou- vent, pas toujours, de petits amas cellulaires de 40 [i et plus, placés très irrégulièrement, mais surtout du côté ventral et non loin des pieds latéraux ; ces amas (pi. XVI, fig. 10) sont formés d'un groupe- ment arrondi ou lacinié de cellules granuleuses, dont quelques- unes, bourrées de ferment brun, se détachent sous les yeux de l'observateur ; ces amas obéissent à tous les mouvements cavitaires et sont constamment ballottés par les œufs, les spermatoblastes, etc., mais je n'en ai jamais vu un seul désagrégé par ces chocs (ce qui prouve bien, en mettant à part les autres raisons, que je n'étais pas abusé par une agglomération de globules sanguins, arrêtée sur un septum). Une ou deux fois je n'ai pu trouver un seul amas septal, tandis que la plupart des individus les montraient avec évi- dence; cela tient probablement à ce que leur développement est ÉTUDES SDR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 421 périodique; ils peuvent ne pas tous exister à l'état constant et ne se former que lorsque l'organisme a besoin d'amibocytes. Quant à leur rôle, il ne peut faire aucun doute, l'identité de leurs cellules avec les amibocytes en circulation est tout à fait démonstrative. Chez un Eunicien (Marphysa), malheureusement indéterminé, j'ai aussi trouvé des amas lymphatiques, émettant des pseudopodes, sur les vaisseaux sanguins allant du vaisseau ventral aux pieds, au niveau de chaque septum. Chez le Chelopterus variopedatus, les glandes lymphatiques sont de petits amas cellulaires situés dans la région abdominale, sur le bord interne et dorsal des organes segmentaires, exactement au point où Claparède place les ovaires (84, pi. XII, fig. 4). Nous verrons tout à l'heure les rapports de ces glandes avec les produits génitaux. Chez les Aphroditiens {Aphrodite aculeata, Hermione hystrix), j'ai pu découvrir également les glandes lymphatiques et les étudier d'une façon très complète ; mais il importe d'examiner auparavant la composition du liquide sanguin, tout à fait exceptionnelle. Lors- qu'on extrait ce liquide, soit par une incision à la paroi ventrale, soit par la section d'un pied, il est très limpide, tout à fait semblable à l'eau de mer; il renferme une petite proportion d'albumine, 0,5 à 1 pour 100, précipitable en flocons blancs par l'alcool. Le liquide cavitaire a donc une valeur nutritive très faible, et il ne peut être question de suppléance par l'appareil vasculaire,,car celui-ci est excessivement réduit et a le même contenu que la cavité cœlo- mique. Deuxième point intéressant: si l'on porte une goutte de ce liquide sous le microscope, on est tout étonné de voir qu'il n'y a que très peu d'amibocytes chez l'Hermione et point du tout chez l'Aphrodite ; à peine quelques granules de graisse et des œufs au moment de la reproduction. Les quelques amibocytes que l'on trouve chez l'Hermione, en nombre incomparablement plus petit que chez les autres Annélides, renferment soit des granules inco- lores réfringents, soit des produits de réserve sous forme de globules bruns. Nous sommes donc en présence d'un cas tout à fait anormal, 422 L. CUÉNOT. dont nous avons déjà cité un autre exemple, la larve du Chironomm plumosus, dont le sang rouge ne renferme pas non plus d'éléments figurés. Nous allons voir que le petit nombre ou l'absence des amibocytes est suppléé par l'abondance des glandes lymphatiques, dont les cel- lules, au lieu de se détacher continuellement, remplissent sur place les fonctions habituellement dévolues aux globules flottants. Si l'on ouvre une Aphrodite par la face ventrale, après la ponte, lorsqu'il n'existe plus trace de produits génitaux (juin), on voit que la cavité cœlomique est divisée par un grand nombre de septums transversaux, formés non pas d'une lame unique, mais d'une sorte de filet à mailles plus ou moins lâches ; ces septums relient la base des pieds au tube digestif et aux caecums hépatiques. En les exami- nant avec une forte loupe, on les trouve parsemés de petits amas mesurant au maximum de O'^'^jS à 1 millimètre. En portant un morceau de septum sous le microscope, on retrouve facilement plu- sieurs de ces petits groupes gland ulaires (pi. XVII, fîg. 2, gl) ; ils sont constitués par un amoncellement de cellules de 8 à 12 [x, dont la périphérie émet une foule de petits pseudopodes (pi. XVII, fîg. 3, gl); les cellules, munies d'un noyau central, sont toutes bourrées de fines granulations incolores, très réfringentes, représentant cer- tainement des granules albuminogènes ; on trouve en outre, dans l'épaisseur de l'amas glandulaire, quelques cellules graisseuses (?■) et de petits globules bruns isolés (produits de réserve). Les amas cellulaires ont donc bien tous les caractères des glandes lympha- tiques ; leur périphérie est très nettement amiboïde, les cellules sont bourrées de granules normaux ; mais, chose curieuse, celles-ci ne se détachent pas pour constituer des amibocytes libres et flottants ; elles restent sur place, et c'est sans aucun doute à cette particula- rité que doivent être attribuées la grande abondance des glandes et la présence constante des granules dans toutes les cellules. Quant aux septums, ils sont formés d'un tissu conjonctif réticulé, sur lequel sont placés des noyaux et des globules graisseux. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES, m Chez VHermione hystrix (en juin), même disposition des amas lymphatiques, peut-être moins nombreux, sur les septums trans- verses. Les cellules qui les composent émettent également de nom- breux pseudopodes périphériques; elles renferment presque toutes des granules de ferment. Quelques-unes en voie de développement en sont dépourvues ; cela s'explique, puisque chez cette espèce il existe des amibocytes (en petit nombre, il est vrai) libres dans la cavité générale ; leur suppléance par les glandes productrices est donc un peu moins nette que chez l'Aphrodite. Les amas lympha- tiques renferment souvent des produits de réserve (graisse d'un brun rouge), formant de petits nodules à côté de cellules typiques. Les glandes lymphatiques des Aphroditiens présentent donc le caractère remarquable de ne produire que peu ou point d'amibo- cytes libres et de les remplacer dans leurs fonctions d'assimilation. C'est évidemment un cas d'infériorité, et il n'est pas inutile de mettre en regard la petite quantité d'albuminoïde dissous dans la cavité générale, comparativement aux autres Annélides. Nous verrons tout à l'heure que ce n'est pas le seul point intéressant de ces glandes, et que c'est à leurs dépens que se développent les produits géni- taux. 3° Glandes productrices d'hématies.— -Jusqu'ici, toutes les glandes que nous venons de décrire, chloragogènes ou amas péritonéaux, sont uniquement destinées à former de nouveaux amibocytes ; il faut examiner maintenant la formation des hématies chez les types qui en possèdent. A. Si l'on examine une Glycera siphonostoma entière, on voit très nettement sur la face ventrale, à travers les téguments translucides, une ligne rouge parcourant tout le corps ; en ouvrant la Glycère, on constate que cette teinte coïncide avec la chaîne nerveuse. C'est là que se forment les hématies, et c'est aux jeunes cellules qui sont accumulées sur les cordons nerveux qu'est due la teinte rouge, visible même au dehors sur l'animal vivant. En disséquant avec un peu d'attention la chaîne nerveuse ven- 424 L. CUÉNOT. traie, on peut l'isoler et l'examiner à un fort grossissement dans une goutte du liquide périviscéral. Les deux cordons nerveux (pi. XVI, fig. 11) sont bordés d'une couche de cellules formant par leur épais- seur une bande rouge, qui existe aussi entre les deux connectifs, mais moins bien marquée ; ces cellules sont toutes de jeunes hématies à noyau et à disque ovoïde, dans lequel se déplacent de nombreux et petits granules jaunes browniens. Un certain nombre d'hématies se pédiculisent (fig. 12), font saillie au milieu des autres cellules et quittent sous cette forme la glande productrice. On se souvient qu'on trouve souvent de jeunes hématies dans la cavité générale, très nettement différentes des adultes par le mouvement brownien des granules et l'absence complète de vacuoles (pi. XVI, fig. 7, h'). Après fixation à l'acide osmique et coloration au picrocarmin, on peut suivre plus facilement le développement des noyaux, d'abord entourés d'une mince zone protoplasmique qui s'élargit peu à peu et dans la cavité de laquelle apparaissent l'hémoglobine et les gra- nules browniens. La couche lymphatique n'est pas très régulière; le plus souvent très épaisse entre les deux connectifs, elle manque parfois totalement et se réfugie sur les côtés. Les cellules hématiques sont renfermées dans de petits sacs de nature conjonctive attachés sur les cordons nerveux; leur paroi très mince se déchire facilement, de façon à laisser passer les hématies mûres ; au milieu des sacs passent les ■ nerfs latéraux de la chaîne ventrale. Dans les coupes transversales, on retrouve facilement les cordons nerveux et les cellules adja- centes ; on constate, de plus, qu'ils sont recouverts par un plan de fibres musculaires longitudinales adhérant à la peau. Les hématies ne peuvent donc gagner la cavité générale qu'en passant à travers les petits intervalles ménagés entre les fibres et le tissu conjonctif ; elles ne tombent pas directement dans le cœlome. B. Chez les Capitelhdes, M. Eisig, qui les a si bien étudiés, n'a pas trouvé de glandes lymphatiques ; il a émis, au sujet de l'origine des hématies, une opinion que je crois hasardée: « Nous avons vu, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 425 dit-il, que, chez les Capitellides, les globules rouges se multiplient par division ; mais aussi ces disques, comme les leucocytes, peuvent se détacher de points très variés du péritoine pariétal — Wir haben gesehen, dass bei den Capitelliden die rothen Blutscheiben durch Theilung sich vermehren, dass aber ausserdem sowohl solche Schei- ben als auch Leucocyten an sehr verschiedenen Stellen des parieta- len Peritoneums sich abschniiren konuen — (87, t. II, p. 688). » Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup de division dans les hématies qui circulent, et, en tout cas, la bipartition ne peut suffire à leur repro- duction. D'autre part, les hématies ne proviennent certes pas du péritoine pariétal ; j'ai trouvé chez le Dasybranchus caduciis, magni- fique Capitellide de grande taille, une glande hématique parfaite- ment nelte, située à peu près au même endroit que chez les Glycé- riens. En ouvrant un Dasybranche par une incision de la face ventrale, pratiquée un peu à côté de la ligne médiane, on voit, en séparant le tube digestif de la peau, une double ligne d'un rouge vif, large d'en- viron un tiers de millimètre (pi. XVI, fig. 13), courir sur toute la longueur de l'intestin, exactement sur la ligne médiane ventrale : c'est la glande productrice d'hématies. Elle est formée par deux tubes creux, parallèles, appliqués de chaque côté de la chaîne ner- veuse ventrale, limités par une très mince paroi conjonctive et bourrés de cellules hémoglobiques qui leur donnent leur teinte rouge. Chaque tube (pi. XYI, fig. 14) est divisé transversalement par de petits septums conjonctifs (/), recouverts, ainsi que les paroiS;, de cellules très variées; les plus nombreuses, mesurant de 10 à 20 [x, représentent évidemment des hématies en voie de développement ; les jeunes, de 10 jx, sont formées d'un noyau entouré d'un disque arrondi contenant beaucoup de petites granulations jaunes vivement browniennes, et coloré par l'hémoglobine ; le disque s'agrandit jusqu'à atteindre la taille normale ; les petits granules jaunes, jus- qu'alors très nombreux, se condensent et forment les gros granules 426 L. CUÉNOT.' peu mobiles que nous avons signalés dans les hématies adultes. On trouve ainsi dans ces tubes glandulaires un nombre plus ou moins grand d'hématies parfaitement semblables à celles de la cavité géné- rale, et dont on peut suivre tout le développement depuis la phase primordiale, représentée par le noyau entouré d'un petit disque coloré. Outre ces divers éléments dont le lien est parfaitement saisissable, il y a de grandes cellules mesurant jusqu'à 33 [j- et, par conséquent, plus grandes que les hématies adultes ; elles ont un large disque coloré par l'hémoglobine (fig. d4, h'), sans aucun granule, et présen- tant au centre un noyau très granuleux parfaitement visible sur le vivant. Je pense que ces grandes cellules sont les formes dévolues à la division, et que c'est de leur bipartition que proviennent les éléments de 10 p., qui évoluent postérieurement en hématies. Certainement M. Eisig a rencontré ces tubes glandulaires dans ses coupes; toutefois, ni dans son texte ni dans ses figures, je n'ai pu les retrouver avec certitude ; d'ailleurs, ils sont assez petits pour pouvoir être confondus avec d'autres éléments. Dans quelques figures relatives au Dasybrancims cadacus, il représente au-dessus des cordons nerveux des cellules ou des cavités (neurocorde) qui se rapportent peut-être à notre glande hématique. Une remarque générale à propos des glandes à hématies : elles paraissent peu développées en raison du nombre considérable de globules rouges qui existent dans le cœlome ; cela tient à ce que ceux-ci ont probablement une existence fort longue et qu'ils ne s'usent que très peu. Peut-être aussi se multiplient-ils par division ; je ne l'ai jamais constaté, mais ce ne serait pas impossible. Enfin les Annélides nous fournissent encore une confirmation de la séparation absolue qui existe entre les amibocytes et les héma- ties, qui se constituent d'une façon toute différente, dans des glandes qui ne sont même pas communes. îl y a un degré de différenciation qu'on ne retrouve nulle part, même pas chez les Vertébrés, puisque ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 427 la rate (et la moelle rouge, dit-on) produit à la fois des hématies et des amibocytes. Formation des produits génitaux. — On a longtemps discuté sur les organes génitaux des Polychètes ; on n'en trouve nulle trace en hiver ; ils ne se développent qu'au printemps, mais alors avec une grande rapidité. Y a-t-il des ovaires et des testicules préformés, ou ce développement se fait-il aux dépens du péritoine, en des points quelconques? Oui et non. A la vérité, il n'y a pas le moindre indice du tissu sexuel pendant la mauvaise saison, mais à l'approche du printemps, comme l'ont parfaitement décrit MM. Meyer (93) etBru- notte (80), les amas conjonctifs sous-jacents à l'endothélium péri- tonéal (glandes septales) se différencient et forment des amas plus ou moins considérables, qui évolueront en œufs ou en spermato- blastes ; cela semble justifier la seconde théorie. Mais ces amas péritonéaux (Peritonealdrusen) se forment toujours pour chaque espèce dans le même point du péritoine et constituent à ce moment des organes parfaitement définis, ce qui permet de soutenir, au moins en partie, la première théorie. Chez les Térébelliens, les or- ganes génitaux recouvrent la chaîne nerveuse dans les segments antérieurs ; chez beaucoup d'Annélides sédentaires, ils se trouvent tout près de l'entonnoir vibratile, sur un vaisseau de l'organe seg- mentaire, et naturellement en nombre égal à celui des néphridies ; chez les Euniciens [Nematonereis unicornis, Lumbrinereis nardo- nis, etc.), sur des septums ou des vaisseaux transverses, flottant dans la cavité générale et en nombre presque égal à celui des segments ; chez les Néréidiens, dans une masse de tissu chargé préalablement de graisse et de vitellus (tissu sexuel de Claparède), qui remplit les intervalles entre le tube digestif et la paroi du corps, etc. On trou- vera tous les détails nécessaires dans les travaux de Cosmovici, Claparède, Meyer, etc. En tout cas, quelle que soit leur place, les produits génitaux sont homologues des globules sanguins, puisqu'ils sont formés comme eux par des glandes dérivées du péritoine. Mais cette homologie 428 L. CUÉNOT. purement subjective est tout à fait palpable dans plusieurs groupes de Polychètes, chez lesquels les œufs se forment aux dépens mêmes des glandes lymphatiques péritonéales. Le plus bel exemple nous est fourni par les Aphroditiens [Aphrodite aculeata, Hermione hystrix). A. — Si l'on ouvre une Aphrodite, non plus en juin, après la ponte, mais en mai, alors que les produits génitaux sont bien développés, on reconnaît que les septums transverses sont couverts de grappes blanches ou rosées, représentant les ovaires ; il n'y a qu'un petit nombre d'œufs libres dans la cavité générale ; ils mûrissent sur place pour ne se détacher qu'au moment de la ponte. En portant un morceau de septum et d'ovaire sous le microscope (pi. XVII, fig. 2), on constate avec la dernière évidence que les œufs sont déve- loppés au sein même des amas lymphatiques ; les œufs, presque tous à maturité ou tout au moins au même stade, font saillie au milieu des cellules amiboïdes et granuleuses que nous avons dé- crites précédemment ; un assez grand nombre de celles-ci renfer- ment du vitellus en granules jaunes ou incolores et jouent ainsi le rôle de cellules vitellogènes. L'œuf n'est d'abord qu'une cellule lymphatique semblable aux autres, qui grossit, dont le noyau acquiert la conformation carac- téristique, et qui peu à peu fait saillie au miheu du stroma glandu- laire (pi. XVII, fig. 3); il est enveloppé d'une sorte de sac membra- neux parsemé de noyaux, formé certainement aux dépens des cellules qui entouraient l'œuf, et qui mérite le nom de follicule (Eihaut de Selenka). Jusqu'à ce moment, l'œuf adhère par sa base aux cellules lymphatiques et c'est au point de contact que se fait l'absorption du vitellus élaboré par celles-ci ; mais quand il est bien mûr, il s'en sépare, devient libre dans l'intérieur de son petit sac membraneux qu'il finit par crever pour s'échapper dans la cavité générale. Chaque amas lymphatique péritonéal donne ainsi nais- sance à un certain nombre d'œufs, suivant sa taille, le plus souvent à quatre ou cinq ; comme ils sont assez rapprochés, on pourrait croire que le septum porte un ovaire continu. ÉTUDlilS SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 429 Je pourrai répéter presque exactement les mêmes faits pour les ovaires rose clair de l'Hermione ; il se forme beaucoup de vitellus jaune dans les amas lymphatiques. Lorsque le développement des œufs est terminé et que la ponte est proche, chez les deux espèces, mais surtout chez l'Hermione, il ne reste plus qu'un petit nombre de cellules lymphatiques amiboïdes ; la majeure partie est transformée en cellules vitellines et absorbée par les produits génitaux. Après la ponte, les membranes déchirées des œufs se résorbent, les cellules se multiplient et reprennent leur apparence primitive. Selenka a étudié le développement des œufs précisément chez l'Aphrodite, et en a donné une belle figure {Niederland, Ai^ch. fur ZooL, t. II, 1874-75, taf. 4, fig. 6), assez exacte, représentant un groupe d'œufs autour d'un vaisseau; en réalité il n'y a pas de vais- seau, puisque c'est sur un septum que sont placés les amas lym- phatiques préexistants. Selenka n'a pas vu les cellules amiboïdes formant le stroma d'oîi sort chaque œuf; la couche de petites cellules (Zellenbeleg) qu'il représente, doit y correspondre proba- blement. B. — Chez le Chetopterus variopedatus [Ch. brevis Lespès), on se souvient que nous avons signalé une glande lymphatique au devant de l'organe segmentairc, dans la région abdominale, sur un pelit vaisseau transverse ; c'est cette glande qui donne naissance aux œufs. Si l'on prend une petite partie d'un ovaire mûr de Chetoplerus et qu'on l'examine dans une goutte de plasma, on voit facilement le mélange des œufs, bourres de vitellus en gros granules incolores, et des cellules lymphatiques émettant souvent des pseudopodes et renfermant presque toutes des produits de réserve variés en gra- nules jaunes, évidemment destinés aux œufs. Après coloration et fixation, on peut trouver tous les passages histologiques entre l'œuf et la cellule lymphatique dont le noyau contient un ou deux petits nucléoles ; le noyau s'entoure d'abord de protoplasma (pi. XVII, fig. 4), un de ses nucléoles grossit, si bien qu'on a bientôt un œuf parfaitement reconnaissable avec sa vésicule et sa tache germina- 430 L. CUÉNOT. tives ; le vitellus commence à passer des cellules lymphatiques dans l'intérieur de l'œuf, et celui-ci n'a plus qu'à augmenter de taille pour devenir parfait. G. — Enfin, chez une Marphysa que je n'ai pu déterminer, car je n'ai eu qu'un échantillon mutilé, j'ai trouvé sur un vaisseau trans- verse des œufs à tous les stades de développement, mélangés avec des cellules lymphatiques à pseudopodes, renfermant de nombreux et gros granules de vitellus brun et incolore ; il y a encore là un cas de développement des œufs aux dépens d'une glande lymphatique. Je ne cite cette espèce que pour faire nombre et provoquer des recherches à ce point de vue chez les Euniciens. Parmi tous les Polychètes que j'ai examinés, je ne puis affirmer la fusion des glandes lymphatiques et génitales que pour les espèces précitées ; on en trouvera probablement dans la suite quelques autres présentant les mêmes rapports (peut-être Polyophthalmus). On peut remarquer que chez les Aphroditiens et le Ghétoptère, les œufs ne se détachent pas avant terme de la glande lymphatique, comme chez les Polychètes oii ils sont formés aux dépens du péri- toine ; ils achèvent sur place leur développement et cela se com- prend aisément, puisque ce sont les cellules lymphatiques mêmes qui leur fournissent le vitellus. Je pense que les œufs ne se déta- chent guère qu'au moment de la ponte. Gomme chez les Bryozoaires, nous sommes en présence de la formation directe des produits génitaux par des cellules lympha- tiques, avec moins de généralité sans doute, mais avec tout autant de netteté. Physiologie. — Il importe d'examiner chez un animal donné les modifications du liquide cavitaire pendant les difl"érentes périodes de son existence; prenons pour exemple un Sédentaire quelconque, un Spirographe ou une Serpule. Pendant la mauvaise saison, il n'y a pas de produits génitaux dans le cœlome ni trace de glandes génitales ; le liquide cavitaire renferme seulement des amibocytes normaux, remplissant les fonc- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 431 tions habituelles d'assimilation ; quelques-uns accumulent des pro- duits de réserve, graisse ou albuminoïdes. Mais au printemps, l'activité sexuelle se réveille, les cellules péritonéales se différencient dans les endroits fixés et se multiplient d'une façon très rapide. Dans ces amas péritonéaux nouvellement formés se développent des œufs ou des spermatoblastes, qui se détachent avant terme et achèvent de mûrir dans la cavité générale ; les amibocytes, en même temps, se chargent de vitellus ou de graisse, et se collent à la surface des œufs ; on rencontre très sou- vent des paquets d'œufs entourés de toutes parts par des cellules amiboïdes remplies de produits de réserve ; ceux-ci passent à l'inté- rieur de l'œuf par une sorte de digestion cellulaire (digestion de contact, comme les cellules végétales en offrent de si curieux exemples, notamment pour la migration de l'amidon), de la même façon que dans les ovaires ordinaires le vitellus externe passe à l'intérieur du protoplasma et s'accumule à nouveau autour de la vésicule germinative (voir chez les Astérides, 122, p. 125, pi. IX, fig. 15). Les amibocytes jouent donc indiscutablement le rôle de cellules vitellogènes. Au moment de la ponte, l'Annélide est absolument rempli de produits génitaux, qui lui communiquent leur teinte particulière ; on a grand'peine à retrouver les amibocytes, renfermant tous de la graisse ou du vitellus ; leur nombre est très réduit, ayant été presque tous absorbés par les œufs ou spermatoblastes en voie de développement ; je les ai vus presque toujours former à ce moment de gros plasmodiums, peut-être pour n'être point entraînés dans les entonnoirs vibratiles en même temps que les produits sexuels. — Enfin" la ponte a lieu ; les œufs ou les spermatozoïdes s'échap- pent au dehors, en entraînant probablement avec eux quelques amibocytes flottants ; l'Annélide diminue alors sensiblement de vo- lume ; la place occupée par les produits sexuels est forcément remplie par de l'eau de mer, passant soit à travers l'intestin par osmose, soit directement par les néphridies ; l'albumine du plasma 432 L. CUÉNUT. •* se reforme rapidement ainsi que les amibocytes, de sorte qu'au bout de deux ou trois jours l'animal est rentré dans son état normal. Sauf au moment de la ponte, le liquide cavitaire ou les globules qui y flottent ne peuvent sortir par les organes segmentaires, l'ori- fice extérieur étant fermé. Si l'on observe un Annélide de petite taille sous le microscope, on ne verra jamais d'amibocytes engagés dans l'entonnoir ou le canal qui y fait suite, soit que les cils de l'en- tonnoir repoussent à la façon d'un crible toutes les' parties solides, soit aussi parce que ces corpuscules sont trop gros pour y entrer. C'est une observation d'une importance capitale, dont on ne me paraît pas suffisamment pénétré. Le liquide cavitaire sew/, entraîné par les cils, baigne les cellules excrétrices du népbridium et rentre dans le cœlome par le même orifice ; il y a, non pas un courant de l'intérieur vers l'extérieur, mais un double courant assurant le renouvellement des fluides dans la portion rénale de l'organe seg- mentaire. Je ne puis quitter la physiologie du liquide cavitaire des Annélides sans dire un mot de l'opinion soutenue d'abord par Eisig (87), attri- buant aux globules de ce liquide un rôle dans l'excrétion, Eisig pense, avec Kuckenthal, que les cellules chloragogènes se remplissent de produits d'excrétion, puis se détachent et se transforment en un détritus noir qui est expulsé par les néphridies ; il dit aussi que les granules jaunes des hématies, les granules des amibocytes sont des concrétions destinées à être rejetées. Meyer (93) semble aussi accep- ter cette opinion, lorsqu'il dit : « A travers l'entonnoir néphrjdien passent les cellules lymphatiques capturées ou les produits sexuels du cœlome dans la partie cœcale de l'organe (p. 647) ; le caecum garde la signification d'un actif passage, non seulement pour les matières excrétrices qui y sont préparées, mais aussi pour le reste des corpuscules lymphatiques tombés en dégénérescence, et éven- tuellement pour les œufs et spermatozoïdes (p. 648). n Et enfin quand il assimile les granules des amibocytes des TérébelHens aux concrétions cristallines des néphridies — ... und in ihreni kOrnigen ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 433 Protoplasma haûfig eine recht ansehnliclic auhaufuug von braiinlich gelbem Pigment, ëhnlich wie die Excretionszellen der Nephridials- schlaiiche, nur nicht in Form von kristallinisclien Concreraenten, sondern von runden TrOpfclien (p. 645). La morphologie parle assez haut contre ces différentes assertions ; l'hisiologie montre que, chez les Annélides, jamais l'on ne rencontre, dans les chloragogènes on les différents globules incriminés, de concrétions ou de cristaux ressemblant tant soit peu aux produits néphridiens. Eisig dessine un double contour aux granules jaunes des hématies (Gapitellides), notamment (pi. XXXV) chez le Notomas- tus Benedenil, et cela leur donne tout de suite un air de concrétions ; mais c'est une erreur; ce sont de simples granules dont je ne con- nais pas la fonction réelle, mais qui ne sont sûrement pas destinés à être expulsés. Quant à la sortie des amibocytes par les néphridies, j'ai montré précédemment ce qu'il fallait en penser. Historique. — Les amibocytes de la cavité cœlomique ont été signalés par tous les auteurs qui se sont occupés des Annélides, avec plus ou moins d'exactitude, surtout par de Quatrefages etClaparède, plus récemment par Kuckenthal. De Quatrefages, Claparède et Ray-Lankester ont décrit depuis longtemps des globules rouges à hémoglobine dans le liquide cavi- taire des familles sans vaisseaux (Capitelliens, Glycériens, Poly- cirrides). Claparède s'est trompé en générahsant le fait pour les Polycirrides ; il n'y a qu'une seule espèce qui en possède, le Pobj- cirrus hematodes. Claparède (1869) a aussi découvert, chez la Leprea lapidaria[Heteroterebella sanguinea),\R coïncidence des hématies dans la cavité générale et d'un appareil vasculaire à sang rouge parfaite- ment développé ; c'est un type très intéressant à ce point de vue. J'ai parlé précédemment de la fonction excrétrice attribuée aux globules cavitaires par Eisig et Meyer. Les cellules chloragogènes ont été parfaitement décrites par Cla- parède (1873) chez les Myxicola, Spirographis et Pi'otula, et par Bru- notle (1888) chez le Branchiomma. Quant à leur rôle, Kuckenthal ARCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉK. — 2» SÉRIE. — ï. IX. IS91. 28 434 L. CUÉNOT. (1885) a émis une théorie assez singulière : il a pensé qu'elles étaient formées par des amibocytes normaux se fixant sur la paroi vascu- laire et remplis de produits d'excrétion provenant du même vaisseau — Die dem Riickengefâss aufsitzenden Chloragogenzellen stammen von lymphoiden Zellen her, ihr braunkornigerinhalt vom Ruckenge- fâss (91, p. 334). Eisig (1887) s'est rallié à son opinion, Meyer (1887), dans son beau travail sur les Annélides, a rangé les « Chloragogen- drûsen » dans la catégorie des glandes péritonéales (die pigmentirte Lymphdriisen), en les séparant bien nettement des glandes forma- trices des amibocytes ; il n'a pas soupçonné que chez les types qui en possèdent, c'est à ces cellules qu'il faut attribuer la genèse des amibocytes; voici ce qu'il en dit: «Je n'ai jamais observé que des cel- lules se détachent de ces formations, mais elles ont un incontestable caractère glandulaire, d'où je suis forcé de présumer que les pro- duits de leur activité ne peuvent ôLre que des matières liquides, provenant de la transformation du sang, qui filtrent danslecœlome à travers la couche de cellules glandulaires pigmentaires et vont s'associer au restant de la lymphe — Da ich niemals beobachtet habe, dass sich zellige Elemcnte von diesen Gebilden ablôsen, sie aber einen unbestreitbar driisigen Gharakter haben, so niuss ich vermu- then, dass die Producte ihrer Thâtigkeit nur fliissige Stofi'e sein kon- nen, welche aus dem Blute durch die Schicht der pigmenthaltigen Driisenzellcn verwandelt in das Culom hineinfiltrirt werden und sich der iibrigen Lymphe beigesellen (93, p. 646). » En somme, l'opinion de Meyer se rapproche assez de celle que nous avons émise plus haut; seulement les chloragogènes cumulent cette fonction avec la production des amibocytes du cœlome. Grobben (1887) compare les chloragogènes à la glande péricar- dique des Mollusques, dont le rôle excréteur est maintenant bien connu ; c'est une assimilation un peu lointaine dont je ne vois pas trop la raison d'être. Les glandes lymphatiques péritonéales, formées par les amas cel- lulaires des septums, ont été signalées par Kuckenthal (1885) chez ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 43b la Polymnia nebulosa, sur le vaisseau sanguin de l'organe segmen- taire et dans les segments postérieurs. Le même auteur figure chez la Nercis Dumeritii des amas lymphatiques (Mutterzellen der lym- phoiden Zellen) placés sur le côté interne des organes segmentaires, à peu près comme chez les Térébelliens. J'ai cherché à vérifier cette assertion, mais les recherches à ce sujet sont si difficiles, que je ne puis ni infirmer ni appuyer Kuckenthal. Meyer (i887) les a beau- coup plus nettement décrites et figurées chez quelques Térébelliens ; il leur a assigné la fonction lymphatique, tout en se méprenant sur le rôle des amibocytes, auxquels il paraît attribuer une relation avec l'excrétion. Quant aux glandes productrices d'hématies, je ne crois pas qu'on les ait jamais signalées. Voici ce que dit Claparède (1869) à propos du système nerveux des Glycères (8'2, p. 494): « La chaîne ventrale est enveloppée d'une gaine protectrice rouge contenant une sub- stance granuleuse délicate, qui remplit tout l'intervalle entre la gaine et la chaîne ganglionnaire ;... dans le milieu de chaque seg- ment, chacun des cordons nerveux s'entoure d'une couche fusiforme de cellules ganglionnaires. » Dans sa figure (pi. XVI, fig. 2, C), ces cellules ressemblent tout à fait aux jeunes hématies qac nous avons décrites ; il est probable que Claparède ne s'est pas très bien expli- qué la conformation spéciale qu'il avait sous les yeux, et que lu substance granuleuse, la gaine et les cellules ganglionnaires doi- vent correspondre toutes ensemble à la couche productrice d'hé- maties. Appai^eil vasculatre. — Après la cavité générale, il nous reste à étudier l'appareil vasculaire, qui existe chez la plupart des Anné- lides ; outre son rôle respiratoire, il a presque toujours la fonction d'absorber les produits de la digestion ; c'est surtout net chez les Serpuliens, Spirographes, Ghétoptères, etc., dont l'intestin est en- touré d'un véritable sinus sanguin. On peut prévoir théoriquement la composition du hquide vascu- laire; on se souvient que nous attribuons aux amibocytes la pro- 43G L. CUÉNOT. priété de convertir certains albuminoïdes en d'autres présentant des propriétés plus utiles. En se plaçant à un point de vue schématique, on peut considérer l'appareil vasculaire comme un tube clos, renfer- mant une dissolution d'albuminoïde, colorée ou non , suspendue dans une autre dissolution albumineuse, toujours incolore ; à l'état nor- mal, ces deux solutions ne se mélangent pas, parce qu'elles sont de concentration égale, cela est évident, et aussi parce que les sub- stances colloïdes sont fort peu osmotiques. Si, comme cela arrive le plus souvent, les deux solutions renfer- ment, l'une un albuminoïde coloré (hémoglobine, chlorocruorine), l'autre de l'albumine incolore, de même qu'il y a des amibocytes dans la cavité générale pour fabriquer la seconde, il doit y en avoir également dans l'appareil vasculaire pour fabriquer l'hémoglobine ou la chlorocruorine; l'expérience vérifie celte prévision. Si l'albuminoïde coloré diffère peu de l'albumine incolore, le nombre des amibocytes diminuera progressivement ; la différence, étant plus petite, exige une dépense moins grande de cellules. Enfin, si les deux albuminoïdes sont identiques, comme cela arrive souvent, il n'y aura plus du tout besoin d'amibocytes dans l'appareil vasculaire, dont le contenu provient directement par osmose de la cavité générale ; c'est en elfet ce que l'on constate. Sang, — Le liquide renfermé dans l'appareil vasculaire, quand il est coloré, présente deux teintes principales : il est d'un rouge plus ou moins vif, ce qu'il doit à l'hémoglobine, ou il est vert, par suite de la présence d'un autre albuminoïde dissous, la chlorocruorine. La cJdorocruorine^ (nom de Ray-Lankester) existe chez la plupart des Sabclliens (sauf la Saùella saxicava, à sang rouge, d'après de 1 Je me suis imposé la loi de conserver autant que possible les mots créés par les auteurs précédents ; c'est pourquoi j'emploie le mot de chlorocruorine qu'il aurait peut-être été mieux d'appeler hémochlorine, afin de rentrer dans la nomencla- ture générale des albuminoïdes respiratoires (hémoglobine, hémocyauine, hémo- phéine, etc.). J'ai donné le nom (ï hémochlorine ïi un albuminoïde vert existant chez un Insecte, la chenille de VHarpygia vinula, que je crois analogue à la chloro- cruorine des Annélides. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 437 Quatrefages) et des Serpuliens, chez quelques Annélides errantes, notamment chez le Chrysopetalum fragile (Palmyriens) et les Chloré- miens (Siphonostoma diploch3etos[synonyme Chlorema Edwarsii], etc.). C'est un albuminoïde assez voisin de l'hémoglobine, renfermant du fer, et d'un beau vert quand il est combiné à l'oxygène. Le spectre d'oxydation, assez différent de celui de l'hémoglobine, présente deux bandes d'absorption, se réduisant à une seule par l'action des agents réducteurs (sulfhydrate d'ammoniaque) pour redevenir double par un courant d'oxygène (Mac-Munn, Ray-Lankester). Comme tous les albuminoïdes respiratoires, il présente des variétés légèrement dif- férentes par la teinte, les bandes spectrales, comme le remarque Mac-Munn pour la Serpula contorluplkuta. Amibocytes. — Comme nous l'avons prévu théoriquement, le sys- tème vasculaire renferme des amibocytes flottants, différents de ceux du cœlomc par leur petite taille et leur contenu, que j'appel- lerai provisoirement fl»22"6oc2/^es hemaiiques. Chez les espèces à sang vert [Spirograpkis Spallanzanii, Amphi- glene mediterranéa), ces amibocytes hématiques, très nombreux, mesurent de 6 à 8 ;x ; les plus gros renferment de fins granules jau- nâtres et émettent des pseudopodes ; quand on a détaché un vais- seau, on voit facilement les amibocytes hématiques se déplacer à son intérieur en émettant parfois un long pseudopode traversant toute la cavité. Chez la Po/ymma nebu/osa {Terebella Meckelii), on peut se procurer directement du sang par la section des branchies ; on y trouve beau- coup d'amibocytes, assez grands (10 \j.), émettant de nombreux pseudopodes, et renfermant des granules réfringents d'un vert jau- nâtre ; ils sont donc impossibles à confondre avec ceux de la cavité générale, dont les granules réfringents sont d'un brun rouge. Chez la Nicolea venustida, autre Térébellien, les granules des amibocytes hématiques sont vert clair. ■Chez la Nerei's Dimerilii (pi. XYII, fig. 9) ils sont peut-être plus nombreux que chez les autres espèces et surtout plus faciles à voir, 438 L. GUÉNOT. en raison de la transparence des téguments. C'est un spectacle très intéressant que de suivre leurs mouvements à chaque pulsation car- diaque ; ils sont arrondis ou fusiformes et ne mesurent guère plus de 3 [x, tandis que ceux de la cavité générale ont au moins 9 [x de diamètre ; les plus gros laissent voir le noyau et de fins granules réfringents, verdâtres, épars dans le protoplasma. On voit par ces quelques exemples que les amibocytes hémati- ques sont parfaitement comparables comme constitution et comme évolution aux amibocytes cœlomiques. Pour ne point prolonger cet exposé, je me bornerai à dire qu'on peut les retrouver chez toutes les espèces à sang coloré (Polyophtalmes, Euniciens, Girratu- liens, etc.). Leur existence est tout à fait générale. Au contraire, chez les espèces h sang incolore (Phyllodociens, SylHdiens), je n'ai pu trouver un seul amibocyte dans l'appareil vas- culaire, qui paraît renfermer exactement le môme liquide que la cavité générale. Pour les Syllidiens, j'ai observé des espèces très transparentes, Typosyllis varicgata, Pionosyllis pulligo'a, dont je pouvais très bien voir le vaisseau dorsal ; malgré de longues obser- vations, jamais je n'ai pu saisir un seul amibocyte en mouvement; cette absence des éléments figurés vérifie de la façon la plus com- plote les prévisions théoriques. Un Syllidicn que je n'ai pu obser- ver, à mon grand regret, la Sj/llis gracilis, fait exception à la règle ; d'après Glaparède, le sang, au lieu d'être incolore, est d'une belle couleur rose; si cela est vrai, j'affirme que le système vasculaire doit renfermer des amibocytes ou une formation homologue, puis- que son contenu est différent de celui du cœlomc ; si cela n'est pas, je consens volontiers à abandonner la théorie qui m'a paru jus- qu'ici la plus vraisemblable. Glandes lymphatiques. — Puisqu'il existe des amibocytes, il doit y avoir des glandes chargées de les former ; il faut donc nous attendre à en trouver à l'intérieur de l'appareil vasculaire. A. — La plus connue et la plus curieuse est certainement la glande qu'on a appelée co7'ps cardiaque (Herzkorper), qui se trouve ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 439 dans le vaisseau dorsal de beaucoup d'Annélides. Pour la voir facile- ment, il faut prendre un Térébellien de petite taille, la Ntcolea venustida, très fréquente à Banyuls-sur-Mer, dans les lloridées et corallines de l'île Grosse. En comprimant légèrement l'animal entre deux lames de verre, sans le tuer, on aperçoit (pi. XVII, fig. o), dans la région antérieure du corps, le vaisseau dorsal {C) se contractant rythmiqueraent h la façon d'un cœur ; à son intérieur se voient des cordons vert foncé, vivement agités à chaque contraction : c'est le corps cardiaque, ou, pour parler plus justement, la glande cardiaque. Ces cordons s'éten- dent dans toute la longueur du vaisseau dorsal, c'est-à-dire depuis l'origine des tentacules jusqu'à la dilatation stomacale du tube digestif [D] ; il y en a deux ou trois, ramifiés et soudés par endroits, de sorte qu'on ne peut en dire exactement le nombre ; ils sont rat- tachés aux parois du vaisseau par de petites brides conjonctivo- musculaires, qui leur permettent toutefois de suivre les mouve- ments cardiaques ; dans la systole, la lumière vasculaire est presque oblitérée par ces singuliers organes, et le vaisseau paraît alors d'un vert plus ou moins foncé, pour reprendre sa teinte rouge lorsque le sang y afflue à nouveau. La glande cardiaque est constituée par un fin stroma conjonctif bourré de cellules et de noyaux; les cellules (11 [j.) renferment dans leur protoplasma un grand nombre de petits granules réfringents, d'un vert clair, qui donnent leur teinte à la glande ; après fixation et coloration, le noyau montre un gros nucléole et est entouré de fins granules complètement décolorés. Je ne puis m'empêchcr, à ce propos, de les rapprocher des granules verts que nous avons exa- minés dans le tissn adipeux céphalique de la larve du Chironomus plumosus ; ils sont également plongés dans un sang rouge, à hémo- globine, et disparaissent aussi par l'action de l'acide osmique et du picrocarmin; ce rapprochement entre deux types aussi éloignés est très instructif. Quel est le rôle de la glande cardiaque? Nous pouvons tout d'abord 440 L. CUÉNOT. remarquer que les granules des amibocytes errants dans le liquide hémoglobique sont vert clair, absolument identiques à ceux de la glande ; en voyant à côté une cellule mûre et un amibocyte héma- tique, on est tout à fait convaincu de l'identité de taille, de con- tenu, etc. Ce n'est pas tout : j'ai vu plusieurs fois les cellules vertes de la glande émettre de courts pseudopodes et faire saillie au-dessus de leurs voisines pour être, sans aucun doute, entraînées plus tard par les courants sanguins ; le corps cardiaque est donc une glande lymphatique parfaitement caractérisée. Est-ce son seul rôle ? Ne contribue-t-elle pas, pour sa part, à la formation de l'hémoglobine qui l'entoure? C'est en effet fort probable, puisqu'elle renferme les mômes granules que les amibocytes. La transformation des albumi- noïdes incolores en hémoglobine aurait donc lieu à la fois au con- tact de la glande et des globules qui s'en sont détachés. C'est à peu près l'opinion de Meyer, qui dit à propos du corps cardiaque: « Je pense que la fonction du corps cardiaque consiste dans la prépara- tion du pigment sanguin, qui existe à l'état dissous dans le liquide vasculaire rouge — Ich vermuthe, dass die Function des Herzkurpers in der Bereitung des Blutpigmentes bestehe, welches im aufgelusten Zustande in der rothen Blutfliissigkeit vorhanden ist (93, p. 695). » J'ai étudié aussi cette glande chez la Leprea lapidaria [Heterotere- hella sanguinea), où elle esta peu près semblable comme forme à la précédente ; elle se prolonge en avant dans chacune des deux branches d'origine du vaisseau dorsal; le pigment est formé de petits granules réfringents, jaune brun, renfermés dans de petites cellules (pi. XVII, fig. 7) moulées les unes sur les autres et prenant par suite les formes les plus variées ; les granules sont également détruits par l'acide osmique et le picrocarmin. J'ai vu également chez cette espèce de nombreuses cellules émettre des pseudopodes et se détacher pour tomber dans le courant circulatoire. Chezlà Pulymnianebulosa [Terebella Meckelii), la Terebella giganlea, plusieurs espèces de Thelepus, les cordons sont un peu moins irré- guUers que chez les espèces précédentes ; leurs granules sont d'un ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 441 vert jaunâtre; on peut constater que les granules des amibocytes sont également de cette teinte. Pour en finir avec les Térébelloïdes, je rappellerai que divers au- teurs ont trouvé ces glandes chez les Terehella Damelssoni et mulli- setosa (Glaparède), chez les Amphitrite cirrata, Johstoni et rubra (Meyer), Lmiice conchylega, Melinna palmata (Meyer), TerebeU'ules Strœmi (Steen), Pectinaria belgica (Michaelsen) '. Il est probable que leur existence est générale pour toute la famille des Térébelloïdes (Terebellacea, Amphictenidœ, Ainpharetidee). La glande cardiaque existe aussi dans deux familles voisines de la précédente, chez les Chlorémiens {Trophonia plumosa, FlabeUigera [Siphonostoma] af/înis-, et plusieurs espèces du genre Brada, d'après Horst) et chez un Hermellien [Sabellaria alveolata). Chez VAudouinia filigera (Cirratulien), le vaisseau dorsal renferme aussi un très long cordon cardiaque arrivant à peu près jusqu'à la moitié de l'animal ; il est formé d'une seule masse, divisée et rami- fiée plusieurs fois, qui paraît d'un noir franc par réflexion. Après l'action des réactifs, on constate qu'il est constitué par un stroma conjonctif rempli de noyaux et de gros granules terre de Sienne qui, par leur accumulation, donnent une teinte noire ; on retrouve natu- rellement ces granules dans les amibocytes hématiques. Outre cette espèce, on a reconnu la glande cardiaque, à peu près de la même forme et de la même couleur, chez les Cirratulus cirralm et fill- formis (Keferstein) et le Chetozone setosa (Meyer). Toutes les glandes cardiaques dont nous venons de parler ont un caractère commun ; leur volume n'est pas en rapport avec le nombre d'amibocytes qu'elles ont à fournir ; elles renferment une si grande quantité de granules colorés, qu'on est amené à leur attribuer en ' Voir une bonne coupe du vaisseau dorsal et de la glande cardiaque de Pecti- naria dans le mémoire de Michaelsen (94, taf. XXI, fig. 11). 2 Ce que Horst a décrit comme Her/.korper chez Siphonosloma diplochœlos est considéré par Jourdan [Annales du Musée d'histoire naturelle de Marseille, t. III, 18S9) comme une glande ctecale annexée au tube digestif. 442 L- GUÉNOT. grande partie la formation de l'hémoglobine des vaisseaux, les ami- bocytes hématiques n'ayant qu'une importance assez restreinte. Développement. — Salensky, dans ses études sur le développe- ment des Térébelles (100), a vu se former le corps cardiaque chez la larve, peu après la constitution de l'appareil vasculaire ; il est d'abord attaché à la partie inférieure du vaisseau dorsal, sous forme d'un tube creux, dont la cavité est bordée d'une rangée de cellules, comme s'il provenait d'une invagination de la paroi vasculaire ; puis il s'allonge, la cavité centrale s'efface, et il commence à acquérir les caractères que nous lui avons décrits. Il n'est pas impossible qu'on retrouve chez plusieurs espèces adultes la trace plus ou moins nette d'une cavité centrale, comme Cunniugham le figure ; on peut remarquer aussi que le cordon qui relie la portion terminale du corps cardiaque à la paroi est toujours plus fort, plus épais que les autres liens d'attache. B. — Chez le Polyophthalmus pictus (Ophélien), curieux animal qui a tout à fait l'apparence d'un Nématoïde, il y a dans l'appareil vas- culaire une véritable glande lymphatique, bien mieux caractérisée que le corps cardiaque. Le Polyoplilhalmus a un véritable cœur placé au-dessus de l'œsophage (de Quatrefages), comme l'Arénicole, formé d'une oreillette recevant tout le sang de l'intestin et séparée par un étranglement d'un grand ventricule, qui donne naissance à trois vaisseaux : une aorte dorsale se dirigeant vers la tête et deux branches latérales passant sous l'intestin et se réunissant pour former le vaisseau ventral dirigé vers la queue (voir de Quatrefages, 98, Atlas, pi. I, Jig. 4). Au milieu du cœur (pi. XVII, fig. 8) se trouve un corps blanchâtre, découvert par Meyer (1882), attaché aux parois par des brides mus- culaires, en avant à la paroi antérieure du ventricule, et en arrière à la paroi postérieure de l'oreillette, de telle sorte que cet ensemble occupe toute la longueur de l'organe moteur ; quand le cœur se contracte, ses parois s'appliquent sur la glande ; quand il se dilate, le liquide hémoglobique, entraînant de nombreux amibocytes, repa- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 443 raît autour de celle-ci. Cette glande est pleine et non perforée, comme le prétend Meyer ; elle est formée d'un stroma conjonctif rempli de petites cellules à protoplasma granuleux ; ces cellules se détachent et constituent les amibocytes du sang. Rien n'est plus net que la ressemblance, plutôt l'identité, des corpuscules flottants munis de quelques granules réfringents et des cellules glandulaires; il ne peut rester aucun doute sur sa fonction lymphatique. C. — Enfin j'ai pu suivre aussi, chez les Néréidiens, la genèse des amibocytes hématiques, notamment chez la Nereis Dumerilii, dont les variations ont été si bien étudiées par Claparèdc. Un certain nombre d'échantillons peu pigmentés sont parfaitement transpa- rents, de sorte qu'on peut suivre sous le compresseur les moindres détails de l'appareil vasculaire; on se convainc bientôt qu'il n'y a ni corps cardiaque ni glande analogue, mais on est vite frappé par l'existence de grandes valvules, déjà remarquées par Claparède dans le vaisseau dorsal de notre espèce. Ces valvules sont formées d'une petite tige ou lame conjonctive portant une cellule en son milieu ou à son extrémité. Dans le vaisseau dorsal, où le sang marche d'ar- rière en avant, elles se correspondent régulièrement de façon à s'appuyer l'une contre l'autre dans la systole; dans les gros vais- seaux latéraux, on en voit d'autres dont la lame conjonctive traverse toute la cavité vasculaire, de façon à être refoulée d'un côté quand le sang passe et à se gonfler comme une valvule sigmoïde quand il veut prendre la route inverse; ces deux variétés sont bien réelle- ment des valvules. Mais dans les vaisseaux latéraux, surtout au voi- sinage des pieds, on en voit d'autres auxquelles il est impossible d'attribuer cette signification (pi. XVII, fig. 9) ; elles sont formées d'une simple et courte tige très mobile, portant une cellule à l'extré- mité, rarement deux ; à chaque passage du sang, ces pseudo-val- vules se balancent, se relèvent sans pouvoir jouer le moindre rôle, car elles ne sont certes pas capables d'obturer la lumière du vaisseau, même quand elles se correspondent ; dans une dilatation contractile, j'ai trouvé aussi une lame conjonctive attachée aux pa- Ui L- CUÉNOT. rois par ses deux extrémités, portant sept ou huit cellules, renfer- mant de petits granules réfringents et paraissant toutes prêtes à se détacher. C'est, en effet, à ces formations pseudo-valvulaires qu'il convient d'attribuer la genèse des amibocytes hématiques ; les cel- lules sont identiques comme taille à ceux-ci (3 à 4 [t.), elles renfer- ment de fins granules réfringents, et j'en ai certainement vues se détacher sous mes yeux; la cellule unique se segmente, ce qui pro- duit les tiges à deux cellules, puis l'une d'elles tombe dans le sang^ la cellule restante prolifère de nouveau, et ainsi de suite. L'existence des valvules dans les vaisseaux est un fait particulier aux Néréidiens, à ce que je crois; je n'en ai pas vu dans les autres groupes. Cela vient encore à l'appui de ce que nous avançons au sujet de leur rôle plastidogène. On voit qu'il reste beaucoup à faire pour les glandes lymphatiques de l'appareil vasculaire; elles ne sont connues que pour un petit nombre de groupes. Il est vrai que des difficultés presque insur- montables s'opposent à leur découverte; il faut des types assez transparents pour pouvoir être examinés à de forts grossissements, et ce n'est pas souvent la qualité des Annélides. Peut-être le revête- ment épithélial interne des vaisseaux intervient-il chez certaines espèces? Ce n'est qu'une hypothèse qu'on ne pourra émettre qu'en dernier lieu; car, jusqu'ici, on n'a pu constater aucun rapport de ressemblance entre cetendothélium et les amibocytes hématiques. Physiologie. — La signification générale de l'appareil vasculaire, quand il est bien développé, se rapporte aux fonctions de respiration et d'assimilation. La respiration est assurée par la présence d'albu- minoïdes avides d'oxygène, l'hémoglobine et la chlorocruorine ; quant à l'assimilation, il est évident que c'est d'abord dans l'appareil vasculaire que doivent passer les produits de la digestion, puisque l'intestin est toujours pourvu d'un riche réseau sanguin, ou même plongé tout entier dans un sinus (Sabelliens, Serpuliens, Chétoptères, Polyophthalmes).Une partie de ces produits reste dans les vaisseaux, où elle est transformée par les amibocytes hématiques en hémoglo- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 445 bine ou en chlorocruorine; une autre partie, plus considérable, passe dans le cœlome, où elle est transformée par les amibocytes cavitaires en albumine incolore. Dans cet ordre d'idées, on s'ex- plique facilement pourquoi l'on trouve les chloragogènes, le tissu sexuel des Néréidiens, les organes génitaux, etc., toujours placés sur des vaisseaux ; c'est la position la plus favorable pour la nutri- tion, puisque ces organes sont sur le passage des sucs digestifs. L'appareil vasculaire perd sa fonction respiratoire chez les Phyl- lodociens, Aphroditiens et Syllidicns, groupes à sang incolore dé- pourvu d'amibocytes hématiques, et d'ailleurs manquant d'organes respiratoires différenciés; il renferme le môme liquide qne la cavité générale et n'a guère d'autre rôle que de répandre les produits de la digestion; chez les Aphroditiens, s'il est tel que M. Jaquet le dé- crit (90), on peut le considérer comme n'ayant plus aucune impor- tance physiologique. Le liquide cavitaire respire par l'intermédiaire de branchies lymphatiques (Sigalion), et le plus souvent à travers la peau (chez les Aphroditiens grâce au courant d'eau passant sous les élytres). Sous le rapport de la suppléance de l'appareil vasculaire par la cavité générale, les Annélides présentent des phénomènes des plus intéressants, qui sont résumés pour ainsi dire dans la famille des Térébelliens. L'un d'eux, dont j'ai déjà parlé plusieurs fois, la Leprea lapidaria, présente un appareil vasculaire à sang rouge, parfaite- ment développé et normal, et en même temps des hématies à hé- moglobine dans la cavité générale (accompagnées des amibocytes normaux) ; c'est un être singulièrement favorisé au point de vue respiratoire. Puis viennent les Térébelles ordinaires, pourvues de vaisseaux à sang rouge et d'un liquide cavitaire incolore renfermant seulement des amibocytes à granules bruns. Le Polycirrus hematodes nous présente ensuite un cas très net de suppléance ; pas de vais- seaux, mais des hématies à hémoglobine dans la cavité générale. Enfin, les Térébelliens les plus inférieurs {Polycirrus caliendrum, aurantiacm, médusa' et pallidus), dépourvus de vaisseaux, ont un 446 L. CUÉNOT. liquide cavitairc incolore, sans hématies, avec les mêmes amibo- cytes que précédemment. Si l'on s'en tient aux idées acquises par l'étude des Vertébrés, il devrait y avoir une différence bien grande entre ces diverses espèces; pourtant elles se ressemblent presque toutes d'une façon excessive, beaucoup trop même au gré de ceux qui veulent les déterminer, et vivent à peu près de la même façon et à la même profondeur. Ainsi, il n'est pas rare, à Banyuls, de trouver dans les anfractuosités d'une même pierre, draguée par 40 mètres de fond, à la fois la Leprea lapidaria et le Polycirrus pallidus, les deux types extrêmes de la série. Pour compléter cet exposé, je rappellerai que les Gapitelliens et les Glycériens, dépourvus d'appareil vasculaire, ont un liquide cavi- taire riche en hématies, respirant par des branchies lymphatiques ; la suppléance est ici fort nette et indiscutable. Les conditions biologiques ne nous apprennent pas grand'chose sur la raison d'être de ces diverses dispositions ; cela nous montre, entre autres exemples, combien il y a encore à fouiller dans la phy- siologie des animaux inférieurs. Historique. — On a signalé depuis longtemps des corpuscules flottants dans le système vasculaire, mais un peu à titre excep- tionnel : de Quatrefages, chez un Hésionien, qu'il appelle Syllidia armata; Glaparède, chez les Ophéliens, Cirratuliens, Staurocéphales, Térébelliens ; Bourne et Blomfield, chez Eunice et Nereis; Gunnin- gham, chez Trophonia plumosa; Meyer, chez le Chetozone setosa, etc. Nous avons vu que leur présence était, au contraire, la règle et j'ai essayé d'en donner une théorie générale. Le corps cardiaque a été découvert par Glaparède (1873), qui remarque que les types pourvus de corps cardiaque n'ont pas de chloragogènes. C'est vrai, mais c'est une simple coïncidence sans aucune portée physiologique. Eisig appuie sur ce fait (1887) en désignant cette glande par le terme de « intravasale Ghloragogen- driisen » ; il lui attribue un rôle d'excrétion par rapport au système ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. W vasculaire. Depuis, bien des auteurs s'en sont occupés : Meyer, chez le Pohjophthahnus (1882); Steen, chez le Terebellides Strœmi (1883); Salensky, pour le développement (1883); Kennel, Horst, chez les Chlorémiens (1885); Michaelsen (1886), Gunningham (1887); ce der- nier auteur en a donné un historique très complet et très précis, mais son histologie du corps cardiaque est peu exacte, à mon avis. Cette glande ne dérive certainement pas de l'intestin, comme le pensait Horst, c'est plus probablement une formation dérivée de la paroi du vaisseau dorsal. Il y a un point que je ne dois pas passer sous silence : Glaparède, Eisig, Michaelsen, rapprochent le corps cardiaque des cellules chlo- ragogènes et le chargent, par suite, de la purification du sang : a Le corps cardiaque a pour fonction, comme jel'admetsavec Glaparède, de même que les cellules chloragogènes, de purifier le sang des ma- tières inutiles, peut-être nuisibles — Die Funktionder Herzkorper ist, wie ich mit Glaparède annehme, derjenigen der Chloragogenzellen gleich, namlich die Reinigung des Blutes, von unbrauchbarcn, vieil- leicht schadlichen Stoffen (Michaelsen, 94, p. 302). » L'excrétion ne peut-elle pas s'opérer suffisamment par les organes segmen- taires ? Et ne serait-ce pas un organe excréteur bien bizarre que ce corps cardiaque, d'ailleurs n'existant que dans quelques groupes, qui ne débouche pas au dehors, et dont les produits passent dans le liquide qu'il s'agit de purifier? Je crois avoir démontré que c'est une glande lymphatique, chargée en partie de la formation de l'albuminoïde respiratoire, qui n'a au- cun rapport, pas plus que les cellules chloragogènes, avec les organes excréteurs. OLIGOCeÈTES. Gomme pour les Polychètes, nous aurons à examiner séparément la cavité générale et l'appareil circulatoire, renfermant un sang plus ou moins rouge, incolore chez les Enchytréides. us L. CUÉNOT. Cavité générale. — La cavité générale renferme un liquide inco- lore, tenant en suspension de nombreux corpuscules figurés, qui lui communiquent parfois une teinte jaune, comme chez le Lombric. Il est facile d'y constater la présence en petite quantité d'un albu- minoïde dissous, précipitable en flocons blancs par l'alcool. On sait que la cavité générale des Lombriciens communique avec l'extérieur, non seulement par les organes segmentaires (commu- nication virtuelle comme chez les Polychètes), mais surtout par les pores dorsaux, trous ovalaires impairs en forme d'entonnoir, placés sur la ligne médiane dorsale. Normalement ces pores sont clos; toutefois lorsqu'on presse entre les doigts un Ver de terre, on arrive souvent à faire sortir par ces pores dorsaux le liquide cavitaire d'un jaune terne ; de même lorsqu'on verse un anesthésique (chloro- forme, éther) sur des animaux entiers (Cari Vogt et Yung). Le liquide cavitaire renferme un nombre considérable d'éléments figurés de toute taille, rentrant dans la catégorie des amibocytes. Au lieu de les examiner d'abord, comme nous l'avons fait jusqu'ici, nous commencerons par l'étude de la glande lymphatique. Glande lymphatique. — C'est chez un petit Oligochète très trans- parent, le Tubifex rivulorum, si abondant dans les mares et les ruisseaux, que la question se présente à son plus grand état de clarté. Le tube digestif, sauf en ses parties terminales, œsophage et rectum, est recouvert de grosses cellules (pi. XVII, fig. 10), faisant légèrement saillie dans la cavité générale, très nombreuses dans la partie de l'intestin où se fait la digestion, moins serrées au com- mencement du rectum et à la fin de l'œsophage, et manquant à peu près complètement sur ces deux extrémités. Ces cellules, de 10 à 17 [i, sont ovoïdes, avec un noyau nucléole central, et renferment dans leur protoplasma de nombreux granules sphériques, très ré- fringents, d'une légère teinte verdâtre.Par places, on voit de ces cel- lules, mais seulement celles qui sont remplies de granules, faire de plus en plus saillie dans le cœlome, de façon à n'être plus rattachées à la paroi intestinale que par une base étroite; elles se détachent ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. U9 bientôt après, acquièrent des mouvements amiboïdes et constituent les araibocytes de la cavité générale. On trouve dans celle-ci un certain nombre d'éléments, émettant de nombreux pseudopodes (pi. XYII, fig. 10, a), tout à fait semblables aux cellules du tube digestif ; quelques-uns errent librement, mais ils sont le plus souvent collés contre les parois du cœlome, ne se déplaçant que par leurs mouvements propres. Le nombre de gra- nules diminue de plus en plus, en môme temps que le volume cel- lulaire (8 ix) ; on arrive enfin à la forme ultime, dernière phase de l'amibocyte, réduit au noyau et à une mince couche protoplasmique vidée de ses granules. Chez le Lombric commun {Lumhrïcus terrestris), nous retrouvons à peu près les mêmes dispositions; quand on ouvre un Ver de terre, on est frappé de la couleur jaune et de l'apparence spéciale pré- sentée par l'intestin, en dessous des glandes de Morren; cela tient à la présence de grosses cellules qui recouvrent non seulement l'in- testin sur tout son pourtour, même à l'intérieur du typhlosolis, mais encore les vaisseaux adjacents (vaisseau dorsal et branches latérales), pour ne cesser qu'à proximité de l'anus. On peut bien étudier leurs fonctions et leurs caractères en traitant la paroi intestinale par le carmin osmiqué de Delage; on trouve alors (pi. XVII, fig. 11) des noyaux nucléoles presque nus, collés sur l'intestin, puis d'autres entourés de quelques granules jaunes ; les cellules grandissent, s'allongent considérablement, jusqu'à atteindre 40 [x de longueur; elles sont alors rattachées à la paroi par un long pédoQCule qui supporte la portion élargie où se trouve le noyau, partie bourrée de gros granules sphériques très réfringents, d'un beau jaune, si abon- dants qu'ils cachent complètement le noyau. Ce sont ces cellules que Glaparède a appelées chloi^agogènes (81). Les cellules, arrivées à leur taille maxima, bourrées de granules jaunes, se détachent alors du tube digestif et tombent dans la cavité générale, où on les retrouve en très grande abondance. Beaucoup ne sont pas amiboïdes; elles restent flottantes dans le liquide, sim- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉK. — S^ SÉRIE — T. IX. 1891. 29 450 • L- CUÉNOT. pleraent ballottées par les contractions du corps, et on ne peut remarquer aucun mouvement à leur intérieur; quelques-unes (pi. XVII, fîg. 12, a') émettent sur les bords de courts pseudopodes, et leurs granules roulent constamment les uns sur les autres dans les parties qui se déplacent ; enfin une grande quantité de ces cel- lules sont englobées par les nombreux plasmodiums errant dans la cavité générale, et d'origine plus ancienne; il semble que ce contact les incite à devenir amiboïdes (pi. XVII, fîg. 12), car elles émettent de larges expansions protoplasmiques dans lesquelles roulent les granules. Quoi qu'il en soit, que ce soit immédiatement ou non, isolées ou soudées à des plasmodiums, les chloragogènes finissent toujours par devenir amiboïdes, et poursuivent l'évolution habituelle des amibocytes; les granules diminuent d'abord de nombre, puis se segmentent et deviennent plus petits (fîg. 13, a) et enfin dispa- raissent complètement, en ne laissant à leur place qu'un fin poin- tillé protoplasmique ; la cellule est alors très amiboïde, mais bien réduite de volume (10 à 17 [jl) ; on distingue facilement au centre le noyau nucléole, entouré d'une couche plus ou moins épaisse de protoplasma. A cet état, les amibocytes (fig. 13, a') se soudent très fréquemment entre eux, de façon à former de grands plasmodiums (mesurant jusqu'à iOO|j.), auxquels s'accolent souvent les chlorago- gènes détachées de la paroi intestinale. Enfin l'amibocyte se troue de vacuoles et finit par disparaître complètement. On voit donc que les corpuscules flottants du liquide cavitaire sont formés uniquement par les cellules de la paroi intestinale, qui se détachent et poursuivent leur évolution habituelle. On peut géné- raliser sans crainte pour la famille des Oligochètes, car on a signalé partout des chloragogènes semblables à ceux du Tubifex et du Lom- bric, notamment chez les Pontodrilus, Urocheta et Pericheta (Perrier), chez Microcheta Rappi Beddard (d'après Benham), chez Lumbriculus (Ray-Lankester), le Dero obtusa (Perrier), Nais proboscidea, les Eti- chytreus et le Pachydrilus (Vedjovsky), etc. Chez VEnchytreoides, d'après M. Roule, les chloragogènes se for- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 451 ment aux dépens de la couche mésoblaslique péritonéale (splanch- nopleure) qui revêt l'intestin; leurs granules jaune brun appa- raissent en même temps que les granulations digestives dans les cellules entodermiques du tube digestif, tout le vitellus nutritif étant résorbé, c'est-à-dire lorsque l'animal commence à se nourrir activement (stade à vingt anneaux). Physiologie. — Il nous reste maintenant, les détails anatomiques étant éclaircis, à préciser le rôle des cellules chloragogènes. Il est évident à première vue qu'elles sont différentes des amibocytes ordinaires, à granules de ferment albuminogène ; leurs granules sont énormes, comparativement à ces derniers, et rappellent beau- coup plus l'aspect et les dimensions des granules de réserve que nous avons signalés tant de fois ; enfin l'abondance extrême des cellules mûres sur l'intestin et dans le cœlome, correspondant à une cavité générale en somme assez réduite, exclut immédiatement toute idée d'un ferment albuminogène, comme nous l'avons supposé jusqu'ici. L'analyse microchimique des granules jaunes va nous donner la clef de ces différences : ils sont insolubles dans l'eau dis- tillée, l'éther, le chloroforme ; l'acide osmique ne change pas leur couleur, ce n'est donc ni une graisse ni une lutéine ; l'iode les colore en jaune plus ou moins foncé, la fuchsine en rouge ; enfin, l'alcool absolu ou le sublimé les contracte sensiblement et fait apparaître de petites vacuoles dans les granules mûrs, plus grandes dans les formes en voie de dissolution ; en un mot, il les coagule. Les granules sont donc formés d'une matière albuminoïde, à l'état pâteux ou semi-liquide (car on observe fréquemment la fusion des granules, soit par pression de la lamelle, soit naturellement), limitée par une paroi vésiculaire un peu plus résistante, mais certainement de même nature. Nous pouvons maintenant nous expliquer parfaitement la position constante des chloragogènes autour de la portion active et digérante de l'intestin et sur les vaisseaux sanguins adjacents, tandis qu'on ne trouve pas une seule de ces cellules en dehors des points pré- 452 L. CUÉNOT. cités. Lespeptones provenant de la digestion, au lieu de passer dans la cavité générale et d'y être transformées par les amibocytes en albumine du plasma, sont arrêtées en route et absorbées par les chloragogènes, qui les transforment surplace enalbuminoïdes qu'ils accumulent sous forme de granules jaunes. Quand elles en sont bien remplies, elles se détachent, tombent dans le cœlome, et là, suivant les besoins de l'animal, leur contenu se dissout peu à peu et passe dans le liquide cavitaire. En somme, la conception physio- logique que nous avons cherché à soutenir jusqu'ici n'est pas en- tamée, il n'y a qu'un degré de plus : la formation de l'albumine, au lieu d'être due aux amibocytes libres, se fait à l'intérieur des mêmes cellules fixées. On se souvient que chez nombre d'espèces, nous avons trouvé des dépôts de granules protéiques à l'intérieur d'ami- bocytes, que nous avons qualifiés amibocytes de réserve ; de même chez les Oligochètes, il n'y a pour ainsi dire que des cellules de réserve, qui accumulent leur contenu étant fixées, et le restituent aux divers organes lorsqu'elles deviennent libres. On peut même reconnaître à la vue extérieure un Ver de terre bien nourri d'un Ver misérable ; l'intestin du premier est recouvert de cellules mûres, le liquide périviscéral est rempli de chlorago- gènes, ce qui donne une coloration jaune à l'animal ; le second Ver, au contraire, est rosé ou rougeâtre, et le liquide qui s'échappe par une incision est à peu près incolore. Quand les Lombrics s'enfoncent dans la terre pour passer l'hiver, ils renferment presque toujours un nombre considérable de chloragogènes. On voit qu'il y a quelques différences entre les cellules chlorago- gènes des Oligochètes, et celles que nous avons étudiées sous le même nom chez les Polychètes ; elles ont toutes deux, il est vrai, un rôle plastidogène, mais leur quantité relative et leur contenu sont bien différents ; les premières renferment des albuminoïdes transformés sur place, les secondes de fins granules colorés qui paraissent avoir une constitution chimique bien différente. Chez les Oligochètes, elles sont placées sur toute la portion absorbante de ETUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 433 l'intestin ; chez les Polychctes sur quelques vaisseaux qui leur assu- rent une nutrition abondante. Quelques remarques sur la communication de la cavité générale avec l'extérieur. Pour les organes segmentaires, je ne puis que répéter ce que j'ai dit à propos des Poiychètes : l'orifice externe est fermé normalement et la présence d'un albuminoïde dissous dans le plasma exclut toute idée de communication, aussi bien chez le Lombric que chez les espèces tout à fait aquatiques. Chez le Tubifex rivulorum, qui est assez transparent pour laisser voir sur le vivant les organes segmentaires dans leurs moindres détails, on aperçoit très nettement, à un fort grossissement, le tourbillon excité par l'entonnoir vibratile; mais il n'y a pas un courant défmi de liquide ; les amibocytes ont au moins un diamètre double de celui de l'en- tonnoir, ce qui ne permet pas de supposer qu'ils puissent s'échapper par cette voie. Restent les pores dorsaux, dont l'existence est indiscutable chez ces animaux, qui peuvent servir à l'introduction de l'eau dans la cavité générale ; sans rien préjuger de leur fonction, on peut remar- quer qu'ils sont normalement fermés, que leur ouverture dépend de la volonté de l'animal, et qu'ainsi ils ne constituent pas une communication réelle et constante entre l'extérieur et le liquide cavitaire. Toutefois, il n'est pas inutile de rapprocher de leur exis- tence le fait que ce liquide ne renferme que très peu d'albuminoïde dissous, et que la nutrition est assurée par les granules solides ren- fermés dans les amibocytes, de sorte que, quel que soit le changement de milieu qu'éprouve l'animal, il ne peut perdre aucune particule nutritive. Historique. — On a longtemps considéré les cellules jaunes de l'intestin comme de véritables glandes digeslives (d'Udekem). Cla- parède (18G9) dans sa belle monographie du Lombric, précise leurs rapports et montre qu'il ne peut être question de leur attribuer un rôle digestif, puisqu'on en trouve sur les vaisseaux adjacents à l'in- testin ; il suppose qu'elles s'approprient certaines parties du sang iU L. CUÈNOT. pour les déverser ensuite dans le liquide périviscéral — Ich halte es demnach fiir wahrscheinlich, dass sich die Chloragogenzellen gewisse Elemente vom Blute aneignen und dieselben in die Perivis- ceralflussigkeit iiberfiihren (81, p. 615). Ray-Lankester, presque en même temps (1870), pense que cer- taines cellules chloragogènes versent leur contenu dans le tube digestif, en leur qualité de glandes unicellulaires, et que d'autres, par une sorte de migration, tombent dans la cavité générale, sans qu'il y attache le môme sens que nous — It is probable that they dis- charge their contents orapartinto the intestine to assist digestion as described originally by d'Udekem, being in fact unicellular glands ; but they are also thrown off into the périviscéral cavity and form a great number of its corpuscules (16, p. 267). Vedjovsky (4879) et Perrier (1872-81), dans leurs nombreux travaux sur les Enchytréides et les Lombriciens, suivent la première hypo- thèse de d'Udekem et Ray-Lankester, et attribuent à ces cellules un rôle glandulaire et digestif (Darmdriisen de Vedjovsky, cellules hépa- tiques de Perrier). MM. Cari Vogt et Yung, dans la livraison de VAna- tomi'e comparée relative au Lombric (1886), adoptent avec raison les idées de Glaparède. Il est tout à fait certain que les chloragogènes n'ont aucun rapport avec le tube digestif, et le fait qu'elles recouvrent les vaisseaux intes- tinaux le démontre d'une façon assez péremptoire ; enfin, les coupes et dilacérations apprennent avec évidence qu'elles sont sim- plement insérées sur la paroi intestinale. Je rappelle pour mémoire l'opinion de Kuckenthal et Grobben, dont j'ai déjà parlé à propos des Polychètes,qui voient dans les chloragogènes des cellules excré- trices, formées par les amibocytes collés aux vaisseaux *. A propos du liquide périviscéral, Ray-Lankester (1869), trompé par des réactifs très infidèles (teinture de gaïac, éther ozonisé), lui a * Vedjovsky, dans son grand travail sur les Oligochèles (Prague, 1884), ne consi- dère plus les chloragogènes comme des glandes digestives ; il en fait des cellules péritonéales, en rapport avec l'excrétion. ÉTUDES SUR LE S4NG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 453 attribué la propriété d'absorber l'oxygène, comme l'hémoglobine. C'est tout à fait douteux, puisqu'il n'y a qu'une très petite quantité d'albuminoïde dissous, et que le système vasculaire est parfaitement développé. M. Kowalevsky (1889), dans son travail sur les organes d'excrétion, reprend pour les chloragogènes l'opinion de Kuckenthal et de Grobben : quand on injecte dans la cavité générale d'un Lombric un mélange intime de carminate d'ammoniaque et d'indigocarmin, la première substance se fixe dans une portion assez restreinte de l'organe segmentaire, de môme que le tournesol ; la seconde dans les cellules chloragogènes. Celles-ci absorbent fortement l'indigo- carmin et deviennent entièrement vertes par suite du mélange de leur propre teinte jaune avec la couleur bleue du réactif — Die Chlo- ragogenzellen scheinen eine Rolle zu spielen bei der Auscheidung des Indigokarmins, wenigstens saugen dieselben ihn stark auf und werden dabei ganz griin ; ihre gewohnliche gelbe Farbe, vermischt ^oj^ mit der blauen Farbe des Indigokarmins, giebt dièse mittlere Far- bung (7, p. 72). A suivre uniquement les idées de Kowalevsky, les cellules chloragogènes formeraient ainsi un organe analogue physio- logiquement aux tubuli contorti du rein des Vertébrés, à la glande verte des Crustacés Décapodes, aux tubes de Malpighi des Insectes, aux corps de Bojanus des Mollusques ; cette assimilation n'est pas soutenable : l'étude microchimique montre avec évidence que les cellules sont bourrées de granules protéiques destinés à la nutrition, qu'elles sont chargées de déverser dans le hquide cavitaire. Si elles absorbent l'indigocarmin, cela est dû à leurs affinités particulières pour cette substance colorante, et non pas à une fonction excrétrice qu'il est impossible de leur attribuer ; de même chez les Insectes nous voyons le tissu péricardial absorber le carmin. Ce qui montre bien d'ailleurs que l'accumulation de l'indigocarmin dans ces cel- lules est entièrement accidentelle et liée à des affinités osmotiques, sorte d'élection difficile à bien pénétrer, c'est que les vaisseaux san- guins deviennent aussi parfaitement bleus, comme s'ils étaient injectés Am L. CUÉNOT. — Die Blutgefasse werden auch ofters ganz blau, als ob sie injiziert wâren (7, p. 72) ; il me paraît difficile de soutenir que les vaisseaux peuvent jouer un rôle dans l'excrétion. Plus récemment, M. Beddard (Contributions to the Anatomy of Earthworms, Quat. Journ. of Micr. Se, vol. XXX, 1890) a adopté com- plètement les opinions de Kuckenthal et de Grobben ; il considère les chloragogènes comme des cellules rénales, fabriquant divers produits de désassimilation qui s'accumulent à leur intérieur sous forme de granules colorés en jaune brun ; elles se détachent ensuite pour tomber dans le cœlome, où elles se déchirent bientôt ; leur contenu de granules est mis en liberté et ceux-ci s'échappent au dehors par l'intermédiaire des néphridies. Ces diverses manières de voir, tendant à considérer les chlorago- gènes comme des organes excréteurs, nous paraissent erronées; il est facile de se convaincre que le contenu de ces cellules est exclu- sivement protéique, ce qui s'expliquerait difficilement dans les théories précédentes. Appareil vasculaire. — L'appareil vasculaire est rempli d'un H- quide coloré en rouge plus ou moins vif par l'hémoglobine, ou à peu près incolore, comme chez les Enchytréides ; en réalité, il ren- ferme chez les différentes espèces toute une série d'hémoglobines de moins en moins colorées, nettement rouges chez le Lombric et le Tuhifex, d'un jaune pâle chez la Ndh proboscidea, roses chez certains Enchytréides et tout à fait incolores chez d'autres. Chez le Tubifex rivulorum (pi. XVII, flg. 10), on trouve dans le li- quide vasculaire des amibocytes hématiques peu nombreux, collés le plus souvent sur la paroi interne des vaisseaux, formés d'un noyau central et d'un protoplasma amiboïde à mouvements assez lents, où se trouvent de fins granules verdâtres, réfringents ; ils mesurent de 6 à 9 \x, tandis que les corpuscules cavitaires ont de 11 à 17 [x. Il n'y a qu'un très petit nombre d'amibocytes hématiques chez la Naïs proboscidea, dont le sang est à peine coloré. Chez le Lombric, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 457 on a signalé depuis longtemps des corpuscules flottants dans le saag rouge (Ray-Lankester, 1878). On s'explique facilement le petit nombre de ces éléments chez les Tubifex, Nais et autres Oligochètes dont le système vasculaire très simplifié a uniquement un rôle respiratoire ; son contenu doit donc s'user très lentement, et il n'est pas besoin de nombreuses cellules pour le renouveler. Chez le Lombric, au contraire, dont les vais- seaux concourent pour une bonne part à la nutrition des tissus, il y a de très nombreux amibocytes hématiques. Cela cadre tout à fait avec les considérations générales que nous avons développées à propos des Polychètes. Quant à la production des amibocytes hématiques, nous ne possé- dons aucune donnée précise à cet égard ; il est peu probable qu'ils dérivent de l'endothélium des vaisseaux, car celui-ci est formé de grandes cellules (d'Arcy-Power) tout à fait semblables aux cellules endothéliales des capillaires chez les Vertébrés, et sans la moindre ressemblance avec les corpuscules sanguins. M. Beddard' a décrit tout récemment, chez les Ohgochètes terri- coles, un certain nombre de formations qui se rapportent très pro- bablement à des glandes hématiques. Chez les Pericheta Houlleti et aspergillum, et ï A canthodrilus rosx, on trouve le long du pharynx, dans les segments V, VI et VII, trois paires d'organes d'apparence glandulaire, que M. Perrier ^ a découverts chez Pericheta Houlleti et décrits comme des glandes en grappe s'ouvrant dans le pharynx. Ces organes sont formés par des groupes de petits vaisseaux, présentant par places des dilatations volumineuses bourrées de petits noyaux. Chez le Lumbricus, on trouve dans les capillaires néphridiens de semblables dilatations, renfermant de petits sacs bourrés de petits noyaux assez semblables à ceux des amibocytes hématiques. 1 Contributions io ihe Anatotny of Ëat thvwrms {Quai . Journ. oflUicr. Se, t. XXX, 1890). * mémoires pour servir à Vhistoire, etc. {Souvelles Archives du Muséum, t. VIII, 1872). 458 L. CUÉNOT. M. Beddard ne se prononce pas sur leur fonction, mais incline à croire que ces amas de noyauxjouent un rôle dans l'élimination des substances excrémentitielles du sang, comme les chloragogènes. Pour ma part, j'incline à croire que ce sont les glandes lympha- tiques chargées de former les amibocytes du sang rouge; il est d'ail- leurs très possible qu'elles cumulent cette fonction avec une autre encore inconnue. Chez les Enchytréides, Horst et d'autres auteurs ont homologué au corps cardiaque des Polychètes un organe adjacent au tube di- gestif; cet organe (Darmanhang, Darmdiverlikel, Darmorgan) n'a aucun rapport avec l'Herzkorper, comme Michaelsen l'a dit avec raison (94), ni par sa constitution histologique (il est formé de deux tubes bordés d'un épithélium cubique), ni par ses rapports anato- miques ; on doit le considérer comme une annexe du tube digestif. Pourtant, Michaelsen* a décrit dans le genre Mesenchyti^eus et chez le Stercutus m'veus, un véritable corps cardiaque, mais très réduit, formé d'un petit amas cellulaire placé dans le vaisseau dorsal ; il ne paraît pas s'être préoccupé de ses fonctions. HIRUDINÉES. Les Hirudinées forment certainement un groupe d'Annélides (Bal- four) au môme titre que les Chétopodes, mais en raison de leur existence parasite, elles ont acquis des caractères nouveaux (ven- touses, etc.). L'organisation interne n'est pas très modifiée, sauf en ce qui concerne le système vasculaire et la cavité du corps, qui ne ressemblent plus du tout à ce qui existe chez les Chétopodes ; il convient donc, avant tout, d'examiner la signification morpholo- gique des cavités sanguines. Chez les Hirudinées qu'on peut appeler inférieures, Clepsine, Pis- cicola, on trouve un appareil vasculaire identique à celui des Chéto- podes, mais plus réduit, formé d'un vaisseau dorsal jouant le rôle de 1 Enchytraeiden-Sludien {Arch. fur Mikr. Anat., t. XXX, 1S87). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES 4o9 cœur et d'un vaisseau ventral, réunis par des anses transversales et des rameaux terminaux ; et en même temps une cavité du corps divisée en plusieurs sinus entourant les organes ; le contenu de ces deux ordres de cavités est identique. Chez la Pontobdella, l'appareil vasculaire, formé des troncs dorsal et ventral et de branches trans- verses, est réduit à sa plus simple expression, et même probable- ment atrophié par places ; il ne peut plus jouer aucun rôle utile. Ce sont les sinus cavitaires qui en prennent la place, en donnant de nombreuses branches et capillaires qui parcourent tout l'organisme. Chez les Hirudinées supérieures {Hirudo, Aulastoma, JSephelis)^ toute trace du système vasculaire a absolument disparu chez l'adulte \ par contre, les sinus cavitaires se sont multipliés, ont pris tout à fait une allure de vaisseaux, et reçoivent des réseaux capil- laires excessivement complexes (allant jusque dans l'épithélium du corps, capillaires intraépithéliaux de Ray-Lankester), qui assurent la nutrition et la respiration de l'animal ; on trouve un sinus dorsal, un sinus ventral enclavant la chaîne nerveuse, deux sinus latéraux contractiles jouant le rôle de cœurs, et de petits sinus renfermant les ovaires, les testicules, les entonnoirs néphridiens, etc. Ces sinus ont acquis une paroi disséquable, parfois munie de muscles ; les capil- laires eux-mêmes ont une paroi contractile ; enfin c'est tout un vrai appareil vasculaire qui s'est constitué, ne l'oublions pas, tout entier aux dépens du cœlome. On voit donc que le prétendu système vas- culaire que l'on injecte chez les Sangsues ne mérite pas son nom au point de vue morphologique, puisqu'il correspond à la cavité du corps; cette désignation, d'ailleurs, est parfaitement juste si on l'envisage au point de vue anatomique ou physiologique. Cet exposé sur la signification des cavités vasculaires est basé sur les recherches anatomiques et embryogéniques de Leydig, Whit- man, Bourne, Nussbaum, et sur les miennes propres ^ Je suis en désaccord avec Leydig et Bourne seulement sur un point : ces sa- 1 Éludes morphologiques sur les Hirudinées {Bulletin des sciences naturelles, 2^ ann., n° 6, novembre 160 L- CUÉNOT. vants pensent que les sinus latéraux représentent une portion du vrai système vasculaire, parce qu'ils sont munis de muscles et qu'ils jouent le rôle de cœurs ; à mon avis, c'est une erreur, car dans l'embryogénie, on les voit se constituer comme les autres sinus pour n'acquérir que plus tard leur paroi contractile ; c'est une différencia- tion particulière, voilà tout. D'ailleurs il n'existe chez aucune Hiru- dinée de vrais vaisseaux latéraux, et il serait tout à fait illogique de supposer que cette portion seule aurait été conservée, en commu- nication avec les autres sinus, quand les deux systèmes (cavité du corps, vaisseaux) sont toujours bien séparés chez tous les Annélides. Sang. — Le sang est coloré en rouge plus ou moins vif par l'hémo- globine chez les Gnathobdellides {Hiriido, Aidastoma, Nephelis, etc.); chez les Rhynchobdellides, il est incolore {Pontobdella muricata) ou coloré en rose par un albuminoïde peut-être différent de l'hémo- globine [Clepsine sexoculata). Il ne contient jamais de fibrine, et par conséquent ne se coagule pas lorsqu'on l'extrait de l'animal. Le sang est aussi incolore chez Branchiobdella astaci. Tout l'espace existant entre les sinus est comblé par un tissu con- jonctivo-musculaire, représentant la paroi du corps, qui est naturel- lement imbibée de plasma; mais ce plasma n'est pas rouge comme celui des vaisseaux ; il est incolore, ce qu'on peut constater facile- ment en examinant une jeune Nephelis transparente ; les moindres vaisseaux peuvent être vus au sein du tissu conjonctif, grâce à leur teinte. Pourtant l'hémoglobine doit transsuder à travers les parois vasculaires pour nourrir les tissus environnants, mais il est pro- bable qu'elle se décolore instantanément, soit en perdant son pig- ment ferrugineux (hématine), soit en subissant une transformation complète. Le sang renferme de nombreux amibocytes, parfois réunis enplas- modiums (pi. XVIII, fig. 4, a), d'assez petite taille (o à 8 [>., Pontob- della muricata, Hirudo medicinalis^ Aidastoma gulo, Nephelis octocu- lata), formés d'un noyau arrondi entouré d'une mince couche protoplasmique émettant de courts pseudopodes et renfermant sou- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 461 vent de fines granulations jaunâtres, très réfringentes, dont nous aurons à examiner plus tard la signification. Ces mêmes granula- tions se retrouvent aussi libres dans le sang, en plus ou moins grande abondance. Glandes lymphatiques et tissus vasculaires. — Les divers tissus en rapport avec l'appareil sanguin, représentant les glandes lympha- tiques et les accumulations de réserves nutritives, présentent une importance considérable chez les Hirudinées, dont ils dominent véritablement la physiologie ; il est impossible de se faire une idée de celle-ci sans avoir une connaissance exacte de leur disposition, très complexe, assez difficile à suivre, pour laquelle des explications précises et détaillées sont de toute nécessité. A. — 1° Lorsqu'on a ouvert une Sangsue {Hirudo medicinalis), après avoir enlevé le tube digestif, on est frappé de la couleur brun noirâtre présentée par la couche profonde de la peau et par le pig- ment répandu sur tous les organes internes. Dans des coupes trans- versales d'un animal entier fixé à l'eau bouillante, nous nous ren- drons mieux compte de la disposition des parties colorées ; sur une pareille coupe, on voit tout d'abord une zone brune formée de petits pelotons entrelacés, qui occupe toute la périphérie de l'ani- mal, tout contre la couche des muscles longitudinaux ; cette zone, très nette sur la face dorsale et les côtés latéro-dorsaux, un peu moins sur la face ventrale, est à peu près nulle sur les côtés latéro- ventraux. On trouve ensuite une gaine noire, de structure fibreuse, tout autour du sinus ventral, une autre sur la face ventrale du tube digestif; enfin, les parties intermédiaires entre les divers organes sont parcourues par un réseau complexe de fins tractus colorés, qui passent entre les fibres musculaires de la couche externe et se ter- minent dans l'épithélium extérieur, entre les bases des cellules, par un réseau fibrillaire très serré, d'un noir franc, qui contribue pour une bonne part à la coloration de l'animal. La disposition générale une fois connue, étudions plus en détail les pelotons périphériques. Après avoir préalablement injecté les 462 L. CUÉNOT. vaisseaux sanguins de la région, il faut enlever une large bande pigmentée, l'étaler à plat sur une lame de verre et l'examiner à un fort grossissement ; on retrouve facilement les capillaires et les vais- seaux sanguins, munis d'une couche de fibres musculaires circu- laires; par endroits (pi. XVIII, fig. 4), ils reçoivent de petits tubes transparents, ayant au maximum 80 [>. de diamètre, formés simple- ment d'une mince paroi conjonctive, que j'appellerai tubes vasculi- formes. Ces tubes renferment naturellement le même liquide hémo- globique que les vaisseaux, et, grâce à leur couleur, on peut les suivre dans la préparation sur une certaine longueur (3 millimètres au maximum) ; ils émettent latéralement de nombreux rameaux (pi. XVIII, fig. 1), bourrés de cellules pigmentaires qui leur donnent un aspect bosselé. Ces singuliers rameaux se ramifient, se contour- nent, se pelotonnent sur eux-mêmes de la façon la plus variée et finissent tous par se terminer en caecum ; c'est ce que Ray-Lan- kester a appelé tubes bothryoïdaux ; ce sont ces tubes qui colorent en brun la zone sous-jacente à la couche musculaire, qu'ils ne tra- versent pas d'ailleurs. En résumé, ces caecums bothryoïdaux, après un trajet plus ou moins long et capricieux, se réunissent par groupes qui débouchent en grand nombre dans des tubes collecteurs incolores ; ces tubes vasculiformes débouchent eux-mêmes dans les capillaires sanguins. Tout cet ensemble est rempli du même liquide rouge que les vais- seaux ; il appartient donc parfaitement au système cavitaire. Les tubes bothryoïdaux sont limités par une mince couche con- jonctive amorphe, continuation de la paroi des tubes vasculiformes ; ils sont tapissés intérieurement (pi. XVIII, fig. 4) par de grandes cel- lules colorées, de 20 ^. en moyenne, formées d'un petit noyau central entouré d'une grande quantité de fins granules très réfringents, jaunes par transparence, noirs par réflexion ; comme la cellule a une certaine épaisseur, les rayons lumineux frappent les granules de diverses façons et sont en partie absorbés, de sorte que l'impression générale est un fin pointillé noir sur fond jaune. Les cellules n'ont ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 463 pas de membrane, ce qui fait que les granules sont un peu éparpil- lés à la périphérie et ne dessinent pas un contour net ; elles sont un peu espacées, et les granules ne se rejoignent pas de cellule à *• cellule. ^ar endroits, et surtout aux points où les pelotons bothryoïdaux s'abouchent sur les tubes vasculiformes, on trouve (pi. XVIII, fig. 1) de grandes accumulations de noyaux, remplissant soit toute la lumière du peloton, soit faisant saillie sur la paroi ; ces noyaux sont identiques à ceux des amibocytes ; sur le vivant, on peut trou- ver au milieu d'eux de petites cellules amiboïdes qui sortent de l'amas cellulaire ; nous sommes donc en présence de la glande lym- phatique ; c'est là que se forment les petits amibocytes incolores décrits dans le sang. Les amas lymphatiques, par l'irrégularité de leur forme, échap- pent à toute description ; le plus souvent on les trouve dans les tubes bothryoïdaux, parfois aussi sur la paroi même des tubes vas- culiformes, où ils dessinent de petites boules saillantes, plus ou moins régulières. Les tubes vasculiformes, comm.e les pelotons bothryoïdaux, ren- ferment le même sang rouge que les vaisseaux ; on y trouve naturel- lement un grand nombre d'amibocytes, puisque c'est là qu'ils se forment, et aussi de petits granules jaunes détachés des cellules colorées et errant en plus ou moins grand nombre dans les tubes ; les amibocytes englobent souvent quelques-uns de ces granules et arrivent ainsi chargés dans l'appareil circulatoire, où nous les avons décrits précédemment. On peut suivre sur la paroi des tubes vasculiformes tout le déve- loppement des tubes bothryoïdaux : d'abord un amibocyte se fixe sur la membrane ; son noyau ne change pas de forme, tandis que la zone protoplasmique qui l'entoure devient de plus en plus grande (fig. 2, pb'] et commence à se remplir de petits granules jaunes ; quand la cellule a atteint un certain volume (fig. i, pb), elle fait alors saillie en repoussant la membrane limitante ; elle se divise 464 L. CUÉNOT. (fig. 1, pb'), le peloton s'allonge, se ramifie et arrive bientôt à être tout semblable aux autres. Ces singulières formations, tout à fait particulières aux Hirudinées, se trouvent seulement dans la zone périphérique que nous avons délimitée précédemment ; c'est tout à fait exceptionnel de trouver des pelotons dans le reste des tissus. B. — Le réseau coloré qui parcourt tout le corps est constitué sur un type bien différent, et quoi qu'en aient dit Ray-Lankester et Bourne, il n'a aucun rapport ni aucune communication avec les tubes bothryoïdaux. Ray-Lankester a donné à ce système le nom de tissu vaso- fibreux. En examinant à un fort grossissement les membranes peu pig- mentées qui recouvrent les organes, on y trouve de nombreux fila- ments conjonctifs (pi. XVIII, fig. 3) recouverts sur les côtés par une couche plus ou moins régulière de granules colorés, identiques à ceux des tubes bothryoïdaux. Au milieu des granules se voient de place en place des noyaux très irrégulièrement distribués, de sorte qu'il n'y a pas de cellules définies; souvent les deux côtés s'unissent par de petits ponts de granules qui recouvrent l'axe conjonctif. Si l'on suit quelque temps le même traclus, on verra disparaître par endroits tous les granules colorés ; il n'est plus formé que de l'axe conjonctif recouvert de quelques noyaux. En somme, on peut com- parer ces tractus à des tubes très étroits et aplatis, de 2 à 14 [ji. de section, renfermant un axe conjonctif qui laisse sur les côtés deux espaces de calibre variable dans lesquels s'accumulent les petits granules jaunes et leurs noyaux épars. Ces tubes se terminent (pi. XVIII, fig. 3, t) par une extrémité caecale, arrondie, dont l'axe conjonctif est réduit à quelques fibrilles centrales, la cavité environ- nante étant remplie d'un protoplasma très granuleux, renfermant quelques noyaux et presque toujours dépourvu de granules colorés ; c'est probablement par ces terminaisons que s'allongent les tractus granuleux. On peut suivre les traclus vaso-fibreux sur des longueurs considé- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 465 râbles ; ils se ramifient, s'anastomosent les uns les autres assez fré- quemment, ce qui constitue une trame très irrégulière parcourant tout l'organisme, jusque sous l'épithélium externe. A cet endroit, mais seulement sur les flancs dorsaux, le réseau change de nature; il se charge de pigment mélanique, d'un noir très foncé, tout à fait différent des granules jaunes que nous avons vus jusqu'ici, et forme des mailles très serrées, pénétrant jusqu'entre les cellules épithé- liales ; c'est ce pigment qui dessine les bandes longitudinales noires que l'on remarque chez les Sangsues. Autour du tube digestif et du sinus sanguin ventral, les tubes, fort nombreux et très serrés, renferment beaucoup de granules jaunes, ce qui donne à ces organes la teinte foncée que nous avons signalée dans les coupes. Jamais les tubes vaso-flbreux ne s'abou- chent avec les csecums bothryoïdaux; je crois pouvoir l'affirmer, car j'en ai fait à cet égard une étude fort attentive. Dans la zone péri- phérique où abondent les pelotons, on voit parfaitement les tractus vaso-fîbreux passer entre ceux-ci et former un réseau tout à fait distinct. En résumé, chez VHirudo medicinalis, les granules réfringents se trouvent dans deux appareils différents : 1° ils constituent de grandes cellules, renfermées à l'intérieur de tubes ceecaux peloton- nés (tubes bothryoïdaux) qui débouchent dans les capillaires san- guins ; 2° ils sont placés sur des filets conjouctifs qui forment un réseau parcourant tout l'organisme, particulièrement serré en cer- tains points (tissu vaso-fibreux). Les granules du premier système sont donc en contact direct avec le sang rouge ; ceux du second, en contact avec le plasma incolore qui imbibe les tissus. Enfin, dans les tubes bothryoïdaux et vasculiformes, il existe des amas fort con- sidérables de noyaux évoluant en amibocytes, représentant la glande lymphatique. C. Pour en finir avec la Sangsue médicinale, il faut encore men- tionner les nombreuses cellules mêlées aux amas de granules jaunes. Ces cellules(pl. XVIII, flg. 3, r), mesurant jusqu'à 34 [;., généralement AUCH. UE ZOOL. GÉN, ET EXP. — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1S91. 30 466 L. CUÉNOT. ovoïdes, parfois étoilées avec de longs prolongements, sont limitées par une fine membrane ; au centre se voit un noyau nucléole, très différent des noyaux de cellules jaunes ; le protoplasma est rempli de granules incolores, peu réfringents, constitués par de la graisse, comme on peut s'en assurer par l'action de l'acide osmique, de l'éther ou du bleu de quinoléine. Ces cellules seront désignées désor- mais comme cellules de réserve. Je parlerai plus loin des expériences que j'ai tentées afin de bien définir leur rôle. Elles sont surtout remarquables par les rapports quelles contractent avec les amas de granules ; elles sont très abondantes autour des pelotons bothryoï- daux, et remplissent même quelques pelotons accolés aux autres ; elles suivent aussi le trajet du réseau vaso-fibreux. On dirait que ces cellules sont intimement associées comme fonctions aux amas gra- nuleux. 2° Chez ÏAulastoma gulo, pourtant assez voisin de la Sangsue mé- dicinale, il n'y a que peu ou point de pelotons bothryoïdaux ; par contre, le tissu vaso-fibreux a pris un développement considérable. La couche brune qui entoure tous les organes est formée de tubes ramifiés, excessivement irréguliers, contournés de diverses manières et remplis de granulations jaunes très réfringentes avec quelques noyaux épars. Ces tubes n'ont pas de cavité centrale, et je ne les ai jamais vus déboucher dans les capillaires sanguins; sauf cela, ils ressemblent extérieurement aux tubes bothryoïdaux. Il en est, sans doute, à l'intérieur desquels le sang pénètre plus ou moins loin, mais le plus souvent, je le répète, la communication est nulle. Par endroits, on distingue de vraies cellules, c'est-à-dire des amas de granules ayant pour centre un seul noyau ; mais c'est en somme assez peu fréquent. On retrouve aussi des tractus vaso-fibreux par- faitement typiques, formés d'un axe conjonctif bordé de chaque côté par des amas de granules jaunes. Il est beaucoup moins facile d'établir une classification chez VAu- lasloma que chez VHirudo ; le point à noter, c'est que les vaisseaux n'ont plus de communication directe et constante avec les tubes ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 467 pigmentaires, qui semblent tous se rapporter au système vaso- fibreux. On en trouve tout autour du corps, sous-jacents à la couche musculaire ; il y a aussi une gaine très colorée autour du sinus ven- tral. Les granules réfringents sont plus gros que chez la Sangsue médicinale et atteignent souvent la taille des granules chlorago- gènes du Lombric, dont ils ne diffèrent guère que par leur réfrin- gence. Au milieu des tubes colorés, et mêlées très intimement avec eux, se trouvent de nombreuses cellules de réserve, limitées par une fine membrane, renfermant un noyau nucléole et des granules incolores, de nature graisseuse, plus ou moins développés en nombre et en volume, suivant les conditions biologiques de l'animal ; les plus grandes mesurent jusqu'à 44 [x, et on en trouve, naturellement, de toute taille ; les plus petites, de IS [x environ, ne contiennent qu'un ou deux gros globules adipeux, remplissant toute la cellule. 3" La Nephelis octoculata, très fréquente dans nos mares et ruis- seaux, nous montre une tendance opposée à celle de V Aulastoma ; il n'y a plus de tissu vaso-fibreux; par contre, les tubes bothryoïdaux ont pris un développement considérable. Si l'on examine une Nephelis de petite taille sous le compresseur, on remarque nettement, dans les trois cinquièmes inférieurs du corps, des éléments opaques dessinant deux amas longitudinaux reliés par des branches transversales plus petites, qui suivent à peu près la ligne des sinus latéraux ; le tout s'arrête au niveau de la ven- touse anale. Si l'on a choisi un individu suffisamment transparent, on constate que tous ces rameaux colorés, opaques, sont creux, et que le sang rouge circule à leur intérieur ; ils sont revêtus intérieu- rement de grosses cellules à granules jaunes comme dans les tubes bothryoïdaux d'Hirudo. On peut dire que toutes les branches qui relient du côté dorsal les sinus latéraux sont des tubes bothryoï- daux, qui, au lieu d'être des dilatations csecales comme chez VHirudo, sont ici des voies utilisées pour la circulation du sang rouge. Chez de jeunes animaux de G millimètres, sortis depuis peu 4G8 L. CUÉNOT. de la coque ovigère, on peut suivre tous les détails à un fort gros- sissement (pi. XVlll, fig. 4) sur le vivant : les tubes botliryoïdaux dé- bouchent à plein canal dans les sinus latéraux et, à chaque pulsation, on voit à leur intérieur les amibocytes et les granules jaunes en sus- pension dans le sang. Les cellules internes sont fort grandes, sans membrane et bourrées de granules jaunes réfringents, à peu près semblables à ceux des chloragogènes du Lombric. On trouve aussi par places, dans les tubes, des amas de noyaux destinés à évoluer en amibocytes, qui représentent la glande lymphatique. Les tubes bothryoïdaux et leurs granules existent déjà chez de très jeunes Nephelis (de 5 millimètres de long), bien constituées, mais encore renfermées dans la coque ovigère; les granules sont alors intimement mélangés à des globules un peu plus gros de vitel- lus incolore, comme s'ils se formaient aux dépens de ces derniers, ce qui est du reste fort possible. Dans la suite du développement, le vitellus disparaît et les granules jaunes se multiplient, les tubes bothryoïdaux s'élargissent, et on a bientôt le réseau compliqué qui unit les deux sinus latéraux. 11 est possible qu'en dehors des tubes il y ait quelques cellules iso- lées, mais je ne voudrais pas en répondre. 11 y a aussi des cellules de réserve, à granules adipeux incolores. Enfin, un réseau pigmentaire noir, chargé de fines granulations mélaniques, à mailles rectangu- laires, court au milieu de tous ces éléments. Au moyen des coupes transversales, on constate que les tubes bothryoïdaux sont placés dans le stroma conjonctif du corps, entre les deux sinus latéraux et très rapprochés du tube digestif (précisément dans sa portion active, trois cinquièmes inférieurs). 4" Chez les Clepsine bioculata et sexoculata, la Pisckola geometva, les dispositions sont complètement différentes ; il n'y a plus ni tubes bothryoïdaux ni tissu vaso-fibreux ; on trouve à la place des cel- lules isolées, plongées dans le tissu conjonctif, sans aucun rapport entre elles ou avec les sinus sanguins ; elles forment un fin pointillé vcrdàlrc loul autour du Lube digestif et surtout des cœcums laté- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 469 raiix. Ces cellules (pi. XVIII, fig. 5) sont fort grandes, jusqu'à 60 [l de long ; elles ont une épaisse paroi et renferment un gros noyau nucléole et de nombreux granules jaunes discoïdes, de dimensions relativement énormes (2 à 3 \).) ; elles sont mêlées intimement à des cellules de réserve, de même taille, à très gros noyau nucléole, renfermant un ou deux globules adipeux, incolores, remplissant presque toute la cellule (pi. XVIII, fig. 5, r). Les Clepsines, par la taille considérable de ces éléments, sont des types fort intéressants et très propices à l'étude. Chez la Pontobdella muricala, la couche périphérique est d'un beau jaune d'or ; elle est formée de grandes cellules isolées, opaques, mesurant jusqu'à 200 \i. (maximum), à paroi très nette, bourrées de très fins granules jaunes laissant une éclaircie correspondant au noyau ; ces éléments sont intimement mêlés à des cellules de réserve, de grandes dimensions (de 80 à 360 \j), renfermant de très nombreux granules adipeux, incolores, peu réfringents. J'ai ren- contré sur le sinus ventral une cellule de réserve en voie de division (pi. XVIII, fig. 6, r), à deux noyaux, renfermant, outre les granules habituels, de fines aiguilles cristallines. Chez la Pontobdella lubrlca Grube, mêmes dispositions ; les cel- lules sont plus petites et les granules d'un jaune plus clair. Au milieu des cellules jaunes et de réserve, se trouve un réseau pigmentaire noir, comme chez la Nephelis. Quant aux glandes lymphatiques proprement dites, elles sont représentées, chez la Pontobdella muricata, par de petites glandes appendues aux sinus, découvertes par Bourne, et formées d'un réseau conjonctif enfermant dans ses mailles des noyaux évoluant en amibocytes. Enfin, Leydig chez la Piscicola, Bidder chez une Clepsine, ont décrit dans le véritable vaisseau dorsal contractile des valvules pluricellulaires, que j'ai étudiées chez Clepsine sexocu- lata et bioculata, Piscicola geometra. Ce sont de petites grappes de cellules, appendues à la paroi interne du vaisseau au nombre de cinq ou six, auxquelles Kûppfer a le premier" attribué une signification 470 L. GUÉiNOT. lymphatique ; c'est en effet très probable ; bien que je n'aie pu voir des amibocytes s'en détacher, j'ai pu constater que ceux-ci sont absolument identiques aux cellules des amas valvulaires. Physiologie. — Le long examen que nous venons de faire chez plu- sieurs espèces d'Hirudinées nous amène aux conclusions suivantes: en mettant à part les amas lymphatiques, produisant les amibocytes, on trouve dans les tissus deux sortes d'éléments différents : les uns sont des cellules toujours bien définies (pi. XVIII, fig. 3, 5, 6, r), ren- fermant des granules adipeux incolores ; les autres sont des amas de granules jaunes très réfringents, tantôt renfermés dans des cellules définies (Rhynchobdellides : Pontobdella, Clepsine), tantôt (Gnatho- bdellides : Hirudo, Aulastoma, Nephelh) amoncelés sur; des tractus conjonctifs (système vaso-fîbreux) ou dans des tubes pelotonnés, remplis de sang, qui débouchent dans les vaisseaux (tubes bo- thryoïdaux). L'importance de ces formations, leur constance chez les Hirudinées, nous font pressentir que leur rôle est capital ; il convient de rechercher maintenant quelles sont les fonctions des deux ordres de cellules. 1° Cellules à granules incolores (cellules de réserve). — Anticipant un peu sur ce qui va suivre, je leur ai donné un nom significatif; ce sont en effet des cellules do réserve, véritables magasins de graisse, comme on peut le constater par les réactifs habituels ; elles renfer- ment souvent aussi quelques globules albuminoïdes, ne noircissant pas par l'acide osmique {Pontobdella muricata). Leur rôle est prouvé par de nombreuses observations : chez une Pontobdella muricata, détachée de la Raie sur laquelle elle était fixée, et dont l'intestin était gorgé de sang, ces cellules étaient bourrées de gros granules incolores, très abondants; chez un autre individu, mis à jeûner pendant quelques semaines et dont le tube digestif était absolument vide, les cellules ne renferment qu'un petit nombre de granules, très réduits de taille ; l'examen comparatif de ces deux animaux est tout à fait démonstratif. On peut répéter cette observation sur toutes les espèces [Hirudo me dicinalis, Aulastoma gulo, Pontobdella lubrica)\ ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 471 après un jeûne plus ou moins prolongé, on ne trouve plus qu'un petit nombre de granules ; si on les nourrit abondamment, en quelques jours les cellules se remplissent et deviennent turges- centes. L'observation est d'autant plus facile qu'on peut enlever un lambeau de peau à la Sangsue avant et après l'expérience et faire ainsi un examen comparatif sur le même individu. Pourtant, même après un jeûne complet de quatre mois {Ponio- hdella lubrica), jamais les granules ne disparaissent tout à fait ; il reste de petites granulations, probablement le substratum proto- plasmique qui ne saurait être dissous sans entraver le fonctionne- ment futur de la cellule. Enfin, pour compléter la démonstration, on peut réaliser artifi- ciellement le remplissage des cellules de réserve; il suffit d'immerger des fragments de la couche brune dans une solution de peptone, à peu près de môme concentration que le sang des vaisseaux. Au bout de vingt à trente heures, on constate au microscope que les cel- lules (naturellement, elles ont été prises sur des animaux anémiés) ont changé complètement d'aspect ; elles renferment de gros granules incolores, très nombreux, remplissant toute la cavité ; il y a eu, évi- demment, transformation delà peptone dans l'intérieur des cellules et accumulation à titre de produits de réserve. C'est une expérience très simple, très démonstrative, qui réussit également bien chez toutes les espèces [Hlrudo medicinalis, Aulastoma giilo, Pontobdella muricata et lubrica]. Il ne peut y avoir de doute sur le rôle des cellules de réserve ;tce sont des magasins de graisse, destinés à s'user pendant les périodes de jeûne si fréquentes chez les Hirudinées, de môme que dans cer- taines graines l'aleurone s'accumule pour la période de la germi- nation*. 2° Cellules et amas do granules jaunes. — Nous avons remarque, chemin faisant, Tassociation constante de cellules de réserve et des • Chez Branchiobdella astaci, les cflliiles adipeuses revêtent d'une couche unique la paroi de l'intestin, à peu près comme des chloragogènes de Lombric, 472 L. CUÉNOT. amas de granules jaune?, sous quelque forme qu'ils se présentent, cellules, tissu vaso-fibreux ou tubes bothryoïdaux ; cela doit déjà nous porter à attribuer un rôle analogue à ces deux ordres d'élé- ments. D'autre part, les cellules jaunes des Clepsine, Nephelis, un peu celles des Aulastoma, présentent une ressemblance frappante avec les chloragogènes des Lombrics, auxquels, on s'en souvient, on ne peut dénier un rôle nutritif. Enfin, pour compléter l'analogie, on peut remarquer que les parties du tube digestif où se fait la di- gestion (cœcums latéraux) sont toujours revêtues extérieurement de granules jaunes, soit dans des cellules isolées, soit sur les tractus vaso-fibreux ou les tubes bothryoïdaux. Pour toutes ces raisons, j'avais été porté a priori h attribuer la signification de matières de réserve aux granules jaunes; mais les expériences que j'ai entre- prises n'ont pas du tout confirmé celte hypothèse. J'ai fait jeûner un grand nombre d'espèces, Pontobdella, Clepsine, Nephelis, Aulas- toma, Hirudo, pendant un temps plus ou moins long, jusqu'à un an; les réserves adipeuses ont absolument disparu, mais les gra- nules jaunes se sont parfaitement conservés et ne m'ont pas paru diminuer de quantité ou se transformer d'une manière quelconque. Pour l'instant, j'ignore absolument quelle peut être leur significa- tion, et je ne vois même pas d'hypothèse vraisemblable à proposer. La composition chimique des granules jaunes est encore in- connue. Mac-Munn a cru pouvoir conclure de quelques réactions que c'était de Thématoporphyrine (dérivé hémoglobique dépourvu de fer); Krukenberg n'est pas de cet avis. Les granules jaunes res- tent intacts (pour la presque totalité des espèces examinées) dans l'eau, les acides, l'alcool absolu, le sublimé, le chloroforme et l'am- moniaque ; ils se dissolvent rapidement dans l'acide azotique bouil- lant, comme d'ailleurs tous les dérivés albuminoïdes, elilui donnant une colorationjaune. Ils ont évidemment une constitution différente suivant les espèces; ainsi, chez la. Pontobdella muricata, la couche jaune renferme un produit soluble dans l'alcool et l'éther, qui se colore en vert émeraude très foncé ; après évaporation, on retrouve ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 473 une matière verte, granuleuse, en grumeaux aréoles, mélangée à de longues aiguilles cristallines incolores de nature graisseuse; la substance verte est une lutéine parfaitement caractérisée. Ce ne sont pas les granules jaunes qui se sont dissous, mais un corps mé- langé avec eux, car on les retrouve parfaitement après l'action de l'éther, un peu plus clairs et un peu ratatinés ; c'est probablement à cause de cette lutéine que les granules jaunes de Pontobdella noir- cissent par l'acide osmique, ce qui n'arrive pas chez les autres espèces, La lutéine, renfermant une forte proportion de matière grasse, peut à la rigueur jouer un rôle comme matière de réserve. On sait que les Hirudinées peuvent rester sans nourriture pendant un temps fort long; les animaux maigrissent sensiblement; mais, même à cet état, ils réparent rapidement de larges blessures et supportent des saignées assez copieuses. Gela indique bien l'exis- tence de réserves abondantes. Par contre, lorsque les Sangsues trouvent de la nourriture, elles s'en gorgent d'une façon excessive ; la digestion {Hirudo medicinalis) peut durer de six mois à un an (Moquin-Tandon). L'albuminoïde renfermé dans les sinus n'a pas de rapport avec la nourriture de l'animal ; si V Hirudo à sang rouge suce le sang des Vertébrés, V Aulastoma se nourrit en majorité de Lombrics, et les Nephelis de Mollusques d'eau douce; par contre, les Pontobdella à sang incolore sucent le sang rouge des Sélaciens. Il serait fort inté- ressant de suivre les transformations de l'hémoglobine contenue dans les globules absorbés jusqu'au moment où on la retrouve dans les sinus de l'animal; malheureusement, comme beaucoup de recherches chimico-physiologiques, elle n'a même pas été tentée, à ma connaissance du moins. On voit tout l'intérêt physiologique que présentent ces diverses formations, absolument caractéristiques des Hirudinées ; c'est tout au plus si l'on peut les rapprocher des cellules chloragogènes des Oligochètes. Historique. — Parmi les nombreux travaux qui se sont succédé 474 L. CUÉNOT. sur les Hirudinées, beaucoup se sont attachés spécialement à éclaircir les questions que nous venons de traiter. Leydig (4866) compare la couche brune à un tissu adipeux, sans donner de raisons; c'était aussi l'opinion de Gratiolet. Ray-Lan- kester (1880) débrouille le premier celte question chez la Sangsue médicinale; il décrit d'une façon très satisfaisante les tubes bothryoï- daux (tissu variqueux de Gratiolet) et le tissu vaso-fibreux ; toutefois, il considère ce dernier comme creux et continu avec les tubes bo- thryoïdaux et les vaisseaux sanguins ; il n'en est pas ainsi en réalité. Je cite pour mémoire le travail de M. Joseph (1883), peu clair par l'absence de figures, qui étudie la structure des tubes au moyen d'injections de nitrate d'argent. M. Bourne (1884), dans son excellent travail, a étudié cette ques- tion avec grand soin; je renvoie à ses belles planches pour nombre de détails qui n'ont pu trouver place dans les miennes. Il découvre les glandes lymphatiques de la Pontobdella muricata, décrit très net- tement les amibocytes, les vaisseaux sanguins et leur histologie, les cellules jaunes des Pontobdelles et des Clepsines; toutefois ces der- nières ne sont pas figurées exactement, surtout quant à la dissem- blance de leurs granules avec ceux des tubes bothryoïdaux des autres Hirudinées. Je ne partage pas ses vues au sujet des tubes bothryoï- daux : M. Bourno les fait continuer par le tissu vaso-fibreux, ce qui n'est pas exact, car ce sont deux formations très différentes chez VHiriido medicinalis] chez V Aulastoma gulo, il n'y a que peu ou point devrais tubes bothryoïdaux où le sang puisse pénétrer constamment; les tubes doivent plutôt se rapporter au tissu vaso-fibreux. Enfin les tubes bothryoïdaux se développent aux dépens des capillaires et n'ont pas du tout le caractère de tubes intracellulaires que leur attribue M. Bourne, qui les croit formés primitivement de cellules ajustées bout à bout, se perçant en leur centre d'une cavité où pénètre le sang — The bothryoïdal tissue is, in reality, composcd of intracel- lular tubes... The vaso-fibrous tissue and the bothryoïdal tissue are developped from pigmented connective-tissue corpuscles and fibres, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYiMPIIATIQUES. 475 Ihe central portion of whicli liquéfies, forming blood, tlie nucloi for- ming corpuscles, the walls thinning eut and forming thinwalled capillaries, or it may simply become hollow, and allow the blood in preexistingcapillaries to flow into them (p. 472, 103). M. Rémy Saint-Loup (1884), pour ne parler que de la partie phy- siologique, attribue aux cellules de Clepsine et de Nephelis un rôle analogue à celui du foie des Vertébrés, dans lequel se ferait « le dépôt de certains matériaux que contient le sang après qu'il a ab- sorbé les produits de la digestion». Il paraît aussi leur donner un rôle excrémentitiel : « Les sphérules jaune brun qu'elles renferment sont excrétés sous forme de granulations pigmentaires (fonction pigmentaire) ». M. Dutilleul (1886), chez la Pontobdella muricata, attHbue aux cellules jaunes un rôle d'excrétion; il prétend qu'elles se vident de leurs granules par rupture de la paroi cellulaire; il a été induit en erreur par des accidents de préparation. Il dit aussi : « Dans le derme, celles des cellules pigmentaires qui sont intactes sont tou- jours arrondies ; celles de la couche pigmentaire sous-musculaire sont toujours pyriformes et souvent munies d'un canal excréteur dirigé vers l'extérieur. » Effectivement, on rencontre, avec les cellules jaunes, des glandes unicellulaires avec canal excréteur, qui s'en diffé- rencient à première vue par leur contenu et l'épaisse tunique con- jonctive dont elles sont munies; sur les coupes, on peut à la rigueur les confondre, car elles ont à peu près la même taille, mais on les distingue facilement dans les dissociations; ce sont simplement des glandes épidermiques qui arrivent au contact delà couche jaune et qu'il ne faut point confondre avec les cellules de cette dernière. Quant à la signification physiologique des granules jaunes, on ne trouve aucune indication un peu vraisemblable dans les travaux que j'ai consultés ; on paraît cependant les rapporter le plus souvent à des produits d'excrétion ; il est bien possible, après tout, que ce soit une sorte de rein d'accumulation. (A suivre.) RECHERCHES LA MARCHE DES CRUSTACÉS JEAN DEMOOR Docteur es sciences naturelles, Attaché au laboratoire de physiologie, Université do Bruxelles. La théorie du mouvement chez les Invertébrés présente encore bien des lacunes. L'étude de cette question semble être négligée. Ce fait ne s'expbque cependant pas, car il est de la plus haute im- portance pour la physiologie comparée de connaître la translation — fonction quiestcomme la caractéristiquedes animaux — et de pouvoir comparer les différents systèmes mécaniques que manifeste l'être vivant. Les données physiologiques de cet ordre seront, d'ailleurs, d'une grande valeur pour la morphologie générale le jour où l'on voudra les appliquer judicieusement. Nous avons essayé d'analyser, dans un travail antérieur ', la loco- motion des Hexapodes et des Octopodes, nous avons tâché de faire ressortir l'unité physiologique qui domine cette fonction dans les deux groupes. Nous prévoyions dans ce mémoire le système de forces qui devait se dessiner chez les Décapodes, et nous concluions en disant que toute marche peut se définir comme suit : La marche 1 J. Demoor, Recherches sur la marclie des Insectes et des Arachnides (Archives de biologie, t. X, IsyO}. 478 JEAN DEMOOR. est une série de chutes successivement arrêtées, définition que Paul Bert^ disait ne pas s'appliquer aux Arthropodes. Grâce à M. le professeur deLacaze-Duthiers,qui a bien voulu nous recevoir dans ses stations maritimes de Roscoff et de Banyuls-sur- Mer, nous avons pu étudier, d'une façon complète^ la progression des Crustacés. Les résultats de nos observations font rentrer le mécanisme de ces animaux dans la théorie générale de la marche; le centre de gravité sort en effet à chaque pas, de la base de sustentation. Avant de commencer notre exposé, nous accomplissons un devoir bien agréable, celui de présenter ici publiquement nos remercie- ments les plus sincères à M. de Lacaze-Duthiers, pour la bienveil- lance avec laquelle il nous a reçu dans ses divers laboratoires. Les animaux que nous avons observés et sur lesquels nous basons notre théorie, sont : Palœmon serratus, Homarus vulgai'is, Paimui'us vulgaris, Galalhea squaminifera, G. strigosa, Gebia littorah's, Porcel- lana platycheles, P. longicorm's, Dromia vulgaris, Maya squinado, Stenorhynchus longirostris, Piza, Carcinus mœnas, Portunus puber, Xantho floridus, Pachygrapsus marmoratus, Pilumnus listellus. En faisant l'étude de la marche des Crustacés, il faut se rappeler que ces animaux déambulent normalement dans l'eau. Leur charge étant ainsi fortement diminuée, les mouvements réactionnels du corps sont très peu importants, ces mouvements n'étant toujours que le moyen portant le poids du corps de la surface d'appui d'un pas au plan de soutien du pas suivant. L'analyse de ces réactions est donc accessoire, nous ne nous y attarderons pas. Pourles marcheurs terrestres, chez lesquels ces oscillations sont fondamentales, nous avons dû, au contraire, insister longuement sur leur nature et sur leur valeur relative. Les Crustacés se meuvent dans l'eau, ils peuvent nager. Les ' Paul Bert. Sur la locomotion chez plusieurs espèces animales (Mémoires de la Société des sciences physiques et nfiturelles de Bordeaux, t. IX, 1'^'' cahier). RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 479 pattes, dans la progression ordinaire d'un grand nombre de types, ne sont pas exclusivement des organes de soutien; elles interviennent aussi comme leviers actifs de la marche. Une expérience très simple va nous le prouver. Lorsqu'on fait marcher le Palœmon ou la Gebie dans l'eau, sur un fond lisse, ne donnant aucun appui stable aux membres, ou voit l'animal faire intervenir puissamment les nageoires abdominales dans sa progression. Ce fait, qu'on ne retrouve pas dans la marche normale, nous prouve que les appuis déterminés par les membres, sont les points d'où partent les efforts combinés des pattes et que le mode de progression de ces animaux est une locomotion. MARCHE DE PALOEMON SERRATUS, Le Palœmon marche en se servant de ses trois paires de pattes postérieures '.Les membres se meuventsuivant le système du double trépied que nous avons décrit chez les Hexapodes ; le premier et le troisième d'un côté, le deuxième du côté opposé ont des mouve- ments synchroniques ; ils forment un appui pendant que les trois autres constituent un trépied au soutien, lequel se fixera tantôt sur le sol pour déterminer le pas suivant. Cette allure s'observe assez facilement quand on fait marcher une crevette sur un fond de sable, après lui avoir enlevé les fausses pattes abdominales et les nageoires caudales. Le corps, moins sus- pendu, s'appuie davantage sur les membres; les efforts de traction pour le premier, de poussée pour le troisième, se manifestent mieux alors. Ajoutons que ces lésions n'amènent d'ailleurs, aucune per- turbation dans le système mécanique, pour autant, bien entendu, que l'on étudie seulement le mouvement en ligne droite. Dans notre étude sur les Hexapodes, nous avons démontré expé- rimentalement la spécialisation fonctionnelle des trois ordres de pattes. La première est tractive, la seconde sustentative, la troisième * Nous désignons ces pattes par les termes : première, seconde, troisième, en comptant les membres actifs d'avant en arrière. 480 JEAN DEMOOR. piilsive. L'examen du Palœraon vient confirmer cette théorie qui porte essentiellement sur la valeur physiologique delà patte moyenne dont le jeu occasionne les oscillations du centre de gravité. Citons le fait pour l'interpréter ensuite. Nous enlevons à une Crevette la deuxième paire de membres. L'animal marche très bien parle bipède diagonal. Les fausses pattes abdominales interviennent dans cette progression. Sur un autre sujet, nous enlevons les pattes moyennes, les fausses pattes abdo- minales et les nageoires caudales. Le mouvement est pénible, l'équilibre difficile; dans le bipède diagonal, les mouvements des deux pattes correspondant à un même pas sont à peu près simul- tanés. Quelle est l'explication de ce phénomène ? Chez Palœmon, la fonction des fausses pattes abdominales et de la nageoire caudale est, en partie, de soutenir le corps dans le liquide et de diminuer la charge qu'il constitue pour les membres en le chassant sans cesse vers le haut. Ce qui le démontre, c'est que l'ascension de l'animal est déterminée surtout par ces palettes qui se meuvent énergiquement pendant la montée de l'animal. La patte médiane est un organe de soutien, avons-nous dit. Son intervention chez le Crustacé marcheur sera minime pour la raison que nous venons de donner; sa section n'entraînera donc pas une grande perturbation dans l'équilibre, elle ne fera que modifier le travail des leviers actifs, qui agiront, dorénavant, par bipède diagonal. Mais si nous enlevons, comme dans la deuxième expérience, les pattes moyennes et en môme temps tous les autres appendices de soutien, nous arrivons au résultat que nous obtenions chez l'Insecte par l'amputation des pattes moyennes : Panéantissement à peu près total de la progression. Cet effet est bien spécial aux lésions que nous décrivons, car l'ablalion des fausses pattes, de la nageoire caudale et de la première ou de la troisième paire de pattes est loin d'être aussi nuisible à l'animal que celle que nous venons de ren- seigner. Certes, l'équilibre est moins rompu chez la Crevette que chez l'Hexapode ; cela à cause du poids extrêmement réduit du RECHERCHES SUR Là MARCHE DES CKUSTÀCËS. 481 corps ; mais la perturbation physiologique n'en existe pas moins et elle se manifeste d'une façon caractéristique : 1° par la difficulté de la marche ; 2" par la simultanéité des mouvements des deux leviers du bipède diagonal. En transformant le système hexapode du Palœmon en un système tétrapode, on obtient une progression par bipède diagonal dans lequel les membres ont des mouvements alternatifs, excepté dans le cas où on enlève en même temps les appareils de soutien énumérés plus haut ; excepté également dans le cas où les deux pattes du bipède appartiennent à un même trépied normal. Ainsi, enlevons la première paire de pattes ; les deuxième et troisième membres agiront en même temps ; enlevons la troisième paire, les mouvements des premier et deuxième membres seront simultanés. Au contraire, amputons la deuxième paire de membres et les premier et troisième auront des levées et des dépôts alternatifs. Ces faits confirment ce que nous avons dit sur le système du double trépied; ils sont aussi une preuve de la fonction de soutien que nous assignons à la deuxième paire de pattes et aux nageoires caudales. MARCHE DE « HOMARUS VULGARIS )) . QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR l'aNATOMIE DiiS PATTES. Le Homard, au point de vue de la progression, est un organisme octopode. Nous désignons les membres par les chiffres 1, 2, 3, 4 pour les pattes d'un côté, et 1', 2', 3', 4' pour celles du côté opposé. Les pattes 1 et 4 se meuvent simultanément, leurs oscillations alternant avec celles de l'et4'. Les membres 2, 3, 2', 3' forment un appui triangulaire grâce au fait que les mouvements des deux pattes moyennes d'un même côté sont alternatifs avec un temps d'appui (-2)- .(-2') commun sur le sol. Le schéma ,, représente le stade d'appui de ces quatre membres formant le trépied à base gauche; au pas AUCH. DE ZOOL. EXP, ET GliN. — 2c SÉRIE. — T. IX. 1S91. 3i 482 JEAN DEMOOR. suivant la disposition de ces pattes sera ^g^^ , mais entre les deux • (3') (2). stades il y aura eu une période pendant laquelle l'état est .(3') réalisé, 3 et 2' étant en ce moment au soutien. Quelle correspondance y a-t-il entre les oscillations des pattes antérieures et postérieures et celles des trépieds d'appui médians? Pendant que le trépied a la base dirigée à gauche, par exemple, les pattes antérieure et postérieure (1 et 4) de ce côté agissent en faveur de la progression, la première par traction, la seconde par poussée. Le poids du corps supporté par 2, 3, 2', 3' progresse ainsi de la valeur linéaire du travail des leviers i et 4. Un pas simple s'ac- complit donc. En ce moment, 1' et 4' sont au soutien et 3 et 2' se lèvent. Le corps chassé en avant dépasse bientôt, par son centre de gravité, la ligne 1,3'; il oscille autour de cette ligne et tombe. Mais 1' et 4' se sont déposés et 3 et 2' se sont mis sur le sol de façon à former le triangle à base droite ^''* correspondant à l'action des leviers l', 4'. Un nouveau pas simple peut s'accomplir. Le système mécanique que nous signalons est absolument iden- tique à celui que nous avons décrit pour Butlius amtralù^. Il ramène donc la progression de Homarus à une marche dans laquelle le centre de gravité sort de la base de sustentation à chaque pas. Quelques notions anatomiques doivent être exposées maintenant. Les membres du Homard sont fixés au corps près de la ligne mé- diane, les points d'attache des différentes pattes ne sont pas serrés les uns contre les autres^. 1 Demoor, loc. cit. 2 II nous faudrait entrer dans de longues considérations théoriques pour déve- lopper notre opinion au sujet de l'importance de l'insertion à peu près axiale des paUes dans la progression des Arthropodes. Nous devrions, en même temps, corn- RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 483 L'articulation du coxopodile avec le corps permet un seul mouve- ment : l'extension d'avant en arrière et réciproquement. Le coxopo- dite est pourvu de deux épines condyliennes : une interne et une ex- terne, qui viennent s'emboîter dans deux cavités articulaires du corps, de telle sorte que le mouvement antéro-postérieur est nettement déterminé. L'épine interne est, chez cette espèce, très mobile dans sa cavité, elle peut s'y mouvoir sur une certaine longueur; le plan du mouvement articulaire est ainsi variable, fait que nous ne trou- verons pas chez Carcinus et chez Pachygrapsus où les emboîtements des apophyses sont absolument parfaits. La principale conséquence de cette structure est d'augmenter le rapprochement de la patte du corps lors de la flexion du somite en avant. Le mouvement de la deuxième articulation se fait perpendicu- lairement à celui de la première. Quand ce mouvement s'accomplit chez le Crabe avec une flexion antérieure totale du coxopodite, il se fait dans un plan qui n'est certainement pas distant de moins de 45 degrés du plan horizontal; dans cette flexion extrême, les mem- bres sont accolés les uns aux autres sur toute leur longueur. Chez le Homard, au contraire, où les mouvements s'accomplissent dans des articulations analogues sauf la mobilité de la tête condy- lienne interne de la première articulation, le plan est à peu près horizontal. Cette horizontalité correspond à la flexion du premier somite en arrière. Cette articulation est suivie de deux articulations (homologues à la troisième de Carcinus) permettant un mouvement de flexion parer la marche de ces animaux à celle des Vertébrés et justifier chez ces derniers l'insertion latérale des membres. Nous aurions, dans ces condition?, à faire voir les deux évolutions fonctionnelles que présente le phénomène de la marche dans la série des animaux et à faire ressortir l'unité mécanique qui les domine toutes les deux. Un tel travail dépasserait beaucoup les limites que nous avons tracées à cette étude. Nous ne l'abordons donc pas ici. Qu'il nous suffise de dire que la disposition réalisée chez les Arthropodes a pour conséquence principale de rendre les oscilla- tions réactionnelles du corps indépendantes des mouvements des membres et de donner aux différentes actions des pattes une valeur mécanique qui leur soit propre. 48i JEAN DEMOOR. antéro-postérieur. Chez le Crabe, l'étendue de ce mouvement est très faible. Chez le Homard, ce mouvement est beaucoup plus impor- tant et il intervient activement dans la locomotion. Le mouvement de l'articulation du genou se fait dans un plan parallèle à celui de la deuxième articulation, donc dans le plan ver- tical, au point de vue anatomique. Mais, grâce aux articulations précédentes, le mouvement de cette cinquième articulation se fait physiologiquement à peu près dans le plan horizontal. L'articulation entre le carpopodite et le propodite permet des mou- vements en avant et en arrière. Elle est entièrement semblable à l'articulation analogue du Crabe; nous discuterons plus loin la valeur de sa fonction. Le Homard mis sur un plan horizontal donne à ses membres une position semblable à celle que prend le scorpion dans les mêmes conditions. Nous l'avons dit : le mécanisme est le même chez les deux types. Les leviers produisent, en dernier lieu, des effets ana- logues ; mais les composantes du mouvement sont différentes chez les deux animaux ; la combinaison réalisée par le Homard est, com- parativement à celle de Buthus, essentiellement désavantageuse. Justifions notre dire. Les deux derniers segments des deux premières pattes, les trois derniers des deux derniers membres forment un système qui, grâce aux mouvements des articulations supérieures du carpopodite et du dactylopodite, rapproche l'extrémité de lapatte de la masse du corps pour la patte antérieure, l'en éloigne pour le membre postérieur. Les effets ainsi obtenus sont homologues à ceux que produisent les membres des Arachnides lors des mouvements actifs de la pro- gression. Mais, tandis que chez le Scorpion l'extrémité du membre touche terre et détermine un point d'appui constant pendant toute la durée du pas, chez le Homard, le fait ne se produit pas, et le jeu de l'articulation supérieure du propodite devient nécessaire pour permettre la fixation durable du point d'appui. Si la cinquième arti- culation est indispensable à ce point de vue, il faut observer combien RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 48b sa présence est désastreuse pour le déploiement de la force. Le muscle qui fléchit l'extrémité de la patte pendant la flexion totale de la partie terminale du membre sur la cuisse s'insère dans le carpopodite. Le muscle subit donc un déplacement de son point d'insertion pendant sa contraction, l'eff'et de son énergie doit se manifester dans un plan perpendiculaire à celui du mouvement de son point d'appui. Les deux puissances agissant simultanément entrent en conflit, la conséquence est une tendance de la force à agir suivant la résultante des deux composantes. Ainsi se perd, au point de vue de la fixation et de la progression, une partie de l'effort fait par l'organisme. Il est vrai qu'une disposition musculaire vient détruire partielle- ment ce défaut. Comme nous croyons que l'on n'envisage pas assez en anatomie les causes qui déterminent la forme des organes, nous nous permettons d'insister quelque peu 'sur ce détail structural. Il est temps, en effet, d'appliquer à l'anatomie animale les grandes lois de la morphologie générale. Quand on dissèque une patte de Crustacé (Homard, Portunus)^ on est frappé par le double aspect que présentent les masses muscu- laires (pi. XIX, fig. 4). Les muscles qui déterminent des mouvements dans le plan vertical ont des fibres longues, parallèles au tendon d'insertion venant s'attacher à la paroi chitineuse "du membre au niveau des lignes suivant lesquelles le plan du mouvement coupe le somite. Les muscles qui produisent des flexions antéro-postérieures sontpenniformes. Au tendon situé profondément aboutissent, à peu près perpendiculairement, les fibres qui se fixent aux téguments externes dans le même plan que celles des muscles considérés en premier lieu. L'énergie des deux groupes d'éléments contractiles se développe ainsi dans un même plan. Le résultat définitif est différent dans les deux cas parce que, dans le premier, la force agit directe- ment sur le point d'application, tandis que dans le second une transmission la dirige dans un plan normal à sa première flèche, en occasionnant ainsi le mouvement dont nous parlions plus haut. 486 JEAN DEMOOR. Mais, même avecla disposition musculaire favorable, celte arthrose fait perdre une grande somme de force. La section normale à l'axe menée par la partie supérieure du propodite a la forme d'un ovale assez allongé. Les points articulaires correspondent aux pôles du grand axe de cette figure ; les insertions musculaires correspondent aux pôles du petit axe. Cette disposition est l'inverse de celle réalisée par les articulations du deuxième genre ; elle est désavantageuse au point de vue de la force, le muscle agissant sur un bras de levier très court. L'horizontalité physiologique des membres du Homard est, d'ailleurs, totalement défectueuse. Chez l'Insecte, où tous les articles sont toujours inscriptibles dans un seul plan, cette position générale du membre est obtenue par l'heureuse combinaison des mouvements articulaires. Chez le Homard, elle est réalisée par une série de pièces mobiles dans des plans perpendiculaires les uns aux autres. Dans aucune position physiologique, un seul plan peut comprendre tous les segments qui forment la patte. Une seule articulation possède un mouvement variable au point de vue du plan; c'est l'articulation du corps avec le coxopodite. Et c'est la latitude laissée aux oscillations de la première et de la deuxième articulation qui permet à la patte de certains Crustacés d'agir en faveur d'une marche postéro-anté- rieure. Cette variabilité n'existe pas chez le Crabe; de là sa marche latérale. Elle existe chez le Homard, de là la progression en avant. Elle existe chez le Homard. Les cavités articulaires du corps sont assez vastes pour permettre une rotation et un glissement des con- dyles de la première articulation. Ceux-ci ne sont maintenus dans ces cavités que parleurs muscles. Ils ne sont pas exactement em- boîtés, comme chez le Crabe, où des lamelles chitineuses l'enserrent étroitement. Le Crabe possède quatre muscles thoraciques qui viennent se fixer à la première et à la deuxième pièce de la patte pour déterminer les quatre flexions : en haut, en bas, en avant, en arrière (pi. XIX, flg. 5, 6, 7). Les muscles de ces deux derniers mou- vements sont très faibles. Chez le Homard, nous trouvons quatre RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 487 muscles puissants et deux faisceaux supplémentaires très forts (pi. XIX, fîg. 1, 2, 3). Ces six muscles déterminent, outre les quatre flexions fondamentales, des glissements du condyle dans la cavité articulaire de manière à produire, par leurs combinaisons, des oscillations de la patte dans tous les sens autour du point d'insertion. En somme, au point de vue mécanique, la patte du Homard est une patte de Crabe adaptée à la locomotion postéro-antérieure, celle- ci étant nécessaire à cause du développement linéaire du corps de l'animal. Mais, de môme que la verticalité obtenue chez les Sauriens marcheurs par formation de l'angle droit au niveau du genou (la première partie du membre étant horizontale, la deuxième ver- ticale) est défectueuse, de même la disposition réalisée chez les Crustacés pour arriver à l'horizontalité est très désavantageuse au point de vue mécanique. MARCHE DE « GEBIA LITTDRALIS ». Les mouvements de la Gébie sont intéressants à étudier, parce que cet animal fouisseur réalise, dans le milieu aquatique, une fonction mécanique que nous présente un grand nombre d'Hexa- podes terrestres. La Gébie nage très bien. Mais, si on la met sur un fond rugueux et résistant, elle se meut souvent en se servant de ses trois dernières paires de pattes. L'animal est physiologiquement hexapode, et l'hexapodie se manifeste par un système de double trépied analogue à celui des Insectes. Malgré des essais nombreux faits pour fixer les graphiques de cette marche sous l'eau, nous ne sommes parvenus à aucun résultat. Nous avons obtenu cependant des tracés sous l'eau. Quelques-uns même étaient très clairs^ ; mais, quand nous avons voulu les enlever 1 Pour obtenir des fonds noirs qui restent assez fixes dans l'eau, nous recom- mandons la méthode suivante : mouiller fortement du camphre avec de l'alcool, auquel on a ajouté un peu d'élher et recevoir la fumée de combustion de ce mé- lange sur un papier pas trop glacé. 488 JEAN DEMOOR. du liquide pour les fixer, le fond noir s'est toujours partiellement détaché ; le tracé devenant ainsi, sinon illisible, du moins trop im- parfait pour servira l'impression. Les tracés obtenus par une com- binaison expérimentale assez complexe nous ont beaucoup servi pour contrôler ceux fournis par l'animal progressant hors de l'eau, et pour confirmer les différents faits que donnait l'observation simple. Hors de l'eau, la Gébie présente deux formes de progression en avant. L'une est caractérisée par le travail simultané des deux pattes de la même paire, l'autre par le jeu alternatif des deux leviers de même ordre. Le premier mode de transport est employé surtout quand l'ani- mal vient d'être enlevé de l'eau et que les palettes terminales de l'abdomen adhèrent encore fortement au sol. Cette adhérence néces- site des efforts considérables de l'animal à chaque pas. Les pas sont lents ; les membres et l'abdomen interviennent pour les déterminer. Les membres postérieurs se déposent, en effet, simultanément sur le sol, les différents segments fléchis les uns sur les autres. L'abdo- men, en même temps, se recourbe de façon à rapprocher son extré- mité du point d'appui des pattes. Bientôt il se redresse, les pattes s'étendent, de sorte que le corps est refoulé en avant et en haut. A ce moment, les membres antérieurs (et principalement ceux de la troisième et quatrième paire) se déposent en extension. Ils se flé- chissent aussitôt pour continuer par leur action la foulée qui venait d'être accomplie. Cette progression par véritables bonds ne persiste pas longtemps. Dès que l'adhérence des palettes terminales diminue, le mouvement change pour faire place à une locomotion hexapode; quelquefois, mais rarement, octopode. Cette forme de mouvement démontre que les pattes antérieures ne peuvent déployer que peu d'énergie. Elle met aussi en évidence la réelle valeur mécanique des membres postérieurs de la Gébie et le peu de capacité fonctionnelle des membres antérieurs pour la marche, faits que nous retrouverons plus loin dans l'analyse de la RECHERCHES SUR L4 MARCHE DES CRUSTACÉS. 489 marche normale, dans l'étude des graphiques, dans l'observation des mouvements consécutifs à l'amputation de certaines pattes. Cette progression constitue un passage remarquable entre la repta- tion avec point d'appui fixe, se faisant dans le plan vertical exclusi- vement parles mouvements du corps (reptation que nous présentent un grand nombre de larves de Lépidoptères) et la marche avec sortie (à chaque pas) du centre de gravité de la base de sustentation (marche des insectes parfaits). Dans la marche normale, la troisième et la cinquième patte d'un côté, avec la quatrième du côté opposé, agissent ensemble pour alterner dans leur mouvement avec le trépied opposé (voir gra- phiques, pi. XXI). L'agent actif est le membre postérieur. Les Gébies auxquelles on enlève cette patte ne peuvent plus marcher d'arrière en avant. L'amputation des pattes antérieures ne gêne presque pas l'animal. La grande valeur de la cinquième patte s'explique. Quelques con- sidérations anatomiques doivent se placer ici. A l'opposé des membres antérieurs, la cinquième patte a la deuxième moitié (formée parle dactylopodite, le propoditeet le car- popodite) plus longue que la première moitié (constituée parle coxo- podite, le basipodite, l'ischiopodite et le mésopodite). Il n'est pas nécessaire de dire, croyons-nous, que c'est au niveau du carpopodite et du mésopodite que se fait le changement dans la direction générale du membre ; la première partie étant horizontale, la seconde sensible- ment verticale. Cette patte a également le mésopodite, l'ischiopo- dite et le basipodite situés dans un seul axe rectiligne, alors que, dans les membres antérieurs, ces articles forment entre eux une courbure à concavité dirigée en avant et en dedans. De plus, le coxopodite, très long, est susceptible d'un mouvement dans le plan vertical parallèle au plan axial de symétrie, mouvement allant en arrière jusqu'au moment oii le segment est perpendiculaire au corps, en avant jusqu'à l'inclinaison à 45 degrés. Dans les autres pattes, le coxopodite est très court, toutes choses égales d'ailleurs, 490 JEAN DEMOOR. et le mouvement de faible amplitude de cette pièce se fait de dehors en dedans, d'avant en arrière. Si nous portons Tattention sur les dernières articulations de la patte moyenne, nous constatons que le mouvement du dactylopodite sur le propodite se fait dans le plan passant par l'axe de ces deux somiles; que celui du propodite sur le carpopodite est perpendiculaire au premier. Pour les membres antérieurs, ce mouvement va en avantjusqu'au moment où les deux articles considérés sont perpendiculaires ; en arrière jusqu'à ce qu'ils soient dans le prolongement l'un de l'autre. Le mouvement est différent dans les pattes postérieures. Il s'arrête en avant quand les deux segments sont dans le même axe, en arrière quand ils sont normaux l'un à l'autre. La longueur du coxopodite de la cinquième patte et la grande amplitude de son mouvement font que le plan général qui passe par les deux moitiés de ce membre change notablement de position pendant le jeu de ce levier. Au moment du dépôt, le iplan est à peu près vertical ; lors de la levée, il est penché à -45 degrés sur l'horizon. Il en résulte que l'appui, réalisé au premier temps du dépôt par le dactylopodite, est constitué plus tard par le dactylopodite et le pro- podite (voir tracé YII, pi. XXI). Ce large point d'appui, grâce à la petite longueur de la partie horizontale de la patte, est situé près de l'axe du mouvement (voir graphique). Les membres postérieurs, en se servant de cette grande base, refoulent le corps en avant, sans qu'aucun mouvement secondaire ne vienne détruire partiellement cette poussée. Examinons les membres antérieurs (deuxième, troisième, qua- trième paire) ; ils sont toujours dirigés d'arrière en avant, de dedans en dehors; ils ne peuvent donc être que tractifs. Le plan général qui passe parles divers segments de chacun d'eux est constant. L'animal dépose la patte en extension ; le dactylopodite réalise le point d'ap- pui. La traction du corps se fait vers ce point fixe. Mais qu'arrive- t-il? Au premier effort de traction, l'articulation du propodite avec le carpopodite entre en jeu, et cela précisément à cause de la cour- RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 491 bure générale du membre en dedans. La traction se fait maintenant par des mouvements articulaires décrits dans deux plans normaux l'un à l'autre, et tels que la fixité du point d'appui diminue de plus en plus. Ce point d'appui se déplace bientôt et continue à se dépla- cer latéralement. De là, les longues traces latérales que fournissent ces pattes. Les membres deviennent ainsi des leviers très peu puissants. Le mouvement articulaire dont nous parlons en ce moment se poursuit jusqu'à l'amplitude maximum, grâce à la continuité et à l'exagération de la même cause. Il diminue ainsi de plus en plus le pouvoir tracteur du membre, comme l'indiquent les projections de la patte aux deux stades ultimes du mouvement. Dans la dernière patte, le même mécanisme se manifeste ; mais là, il fortifie de plus en plus la poussée du levier. La Gébie a donc une marche pénible. Cette marche est celle de l'Hexapode rendue défectueuse par la courbure des membres anté- rieurs et par l'articulation du propodite avec le carpopodite. Le fait s'explique. La marche est une fonction accessoire pour ce Crustacé. La Gébie nage; elle ne marche que quand elle recherche une place pour creuser sa cachette. L'animal arpente alors le sol en essayant sans cesse la résistance du terrain. Les pattes antérieures sont très adaptées à cet eff"et. Des mouvements latéraux avec oscillations ver- ticales de la partie terminale du levier sont, en effet, nécessaires pour creuser une galerie et rejeter sans cesse en arrière les maté- riaux provenant de ce travail. Nous avons dit plus haut que l'amputation de la dernière patte mettait l'animal dans l'impossibilité d'aller d'arrière en avant, celte marche persistant quand l'avulsion porte sur les autres membres. Quand la cinquième patte est enlevée, l'animal se meut en arrière en se servant de son abdomen. Celui-ci replie les derniers anneaux sons les premiers, augmentant et diminuant alternativement le raj'on de sa courbure ; il attire à chaque variation le corps en arrière. 492 JEAN DEMOOR. MOUVEMENTS DES CRABES. Nous passons à l'étude de la locomotion des Crabes. Le système de ces animaux, caractérisés physiologiquement par leur progres- sion latérale, est absolument dissemblable de celui que nous pré- sentent les Arthropodes. Il est intéressant au point de vue méca- nique; il l'est aussi au point de vue de la morphologie générale, comme nous essayerons de le démontrer à la fin de cette étude. Le Crabe marche latéralement, indifféremment vers la droite ou vers la gauche. Le plus souvent, ce mouvement est un peu oblique. Les deux pattes de la même paire ont des mouvements alternatifs; l'une se lève pendant que l'autre s'abaisse. Il existe un temps d'ap- pui commun, dont la durée varie avec la vitesse de translation. Grâce à l'alternative fonctionnelle qui fait que dans la progression vers la gauche par exemple, une patte gauche est fléchie, venant de terminer sa traction, tandis qu'une patte droite est étendue finis- sant sa poussée, le corps est appuyé à la fin du pas, du côté gauche, sur toute la longueur du dernier article ; du côté droit, sur l'extré- mité du segment d'une patte pulsive. L'inclinaison constante du corps du côté du mouvement est ainsi maximum à la fin du pas. Ces faits expliquent les différences caractérisant les traces des membres de traction et des membres de poussée, les premières étant étendues et fortes, les secondes étant faibles et petites (voir pi. XXI.fig. 1; pi. XX, fig. 5). Examinons les quatre pattes d'un même côté pour connaître le rapport de leurs mouvements. Nous ne trouvons aucune uniformité physiologique. Les pattes locomotrices étant désignées d'avant en arrière par les chiffres 1, 2, 3, 4; 1', 2', 3', 4', nous voyons le plus souvent 1 et 3 se déposer quand 2 et 4 se lèvent, les systèmes 1' et 3' et 2' et 4' alternant inversement. D'autres fois, l et 4 sont syner- giques, 2 et 3 restant alternatifs dans leurs mouvements. D'autres fois encore, mais rarement cependant, les dépôts se font indivi- duellement et successivement 1, 3, 2, 4. RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 493 Qu'importent, d'ailleurs, ces différences? Il y a toujours sur le sol une série de leviers, de traction du côté du mouvement et de poussée du côté opposé ; le pas est formé par la bascule du corps autour du pied formé par les pattes à l'appui. Le centre de gravité est compris dans la base de sustentation ; bientôt il dépasse, dans la direction du mouvement, la figure d'appui; le corps bascule alors pour fixer plus loin un nouvel état stable. Le centre de gravité sort de la base de sustentation. Prouvons-le. Pour cela reportons-nous aux graphiques (pi. XX, fig. 1 et 2). Les premiers ont été obtenus en faisant marcher sur du papier blanc l'animal dont les membres avaient été enduits de couleurs d'aniline (dissoutes dans la glycérine), difi'érentes pour chacun d'eux. Chacune des pattes étant ainsi caractérisée par sa couleur, il nous sera facile de connaître leur valeur de progression. Le graphique 2 est le tracé de la projection du ^corps. Voici comment nous l'avons obtenu. Le corps du Crabe est entouré d'un harnais formé de deux ban- delettes de cuir réunies par une troisième sur la ligne médiane dorsale. La bande médiane porte au niveau du plan du centre de gravité un crochet donnant attache à un fil qui passe sur une poulie située à l'extrémité de la piste. Le fil, après avoir passé sur la poulie, glisse entre deux pivots verticaux qui lui font décrire un double coude. Il se termine par un petit traîneau glissant sur du papier blanc. Dans le traîneau est fixé un petit tube de verre effilé rempli d'encre ; la pointe du tube se trouve au niveau du plan de glissement, et marque le trajet de l'appareil qui le porte. Une traction uniforme exercée sur le fil imprime au traîneau un mouvement régulier qui s'enregistre sur le papier par une ligne droite. Une traction saccadée, avec oscillation du point actif, donne au traîneau un glissement irrégulier qui, grâce au dispositif adopté, se marque sur le papier par un graphique à crochets ou par une ligne interrompue. Constatons d'abord sur le tracé que les pattes tractives et les 494 JEAN DEMOOR. pattes pulsives dans leur jeu alternatif viennent se fixer à peu près au mênie point du sol. Les traces des pattes homologues se recouvrent partiellement. Nous pouvons donc considérer les traces tractives comme nous indiquant aussi les points de poussée. Si nous mesurons la distance qui sépare les traces tractives et pulsives d'un même pas dans la largeur de la base d'appui, nous trouvons que cette distance (fig. 1; est moindre que le double d'une projection du corps (fig. 2). Ce fait prouve que le système formé par le corps se trouve sans appui à chaque balancement des membres, le centre de gravité ayant nécessairement dépassé la hgne qui joint les appuis situés du côté du mouvement. Le centre de gravité sort donc de la base d'appui à chaque pas, et « ainsi s'applique à la marche du Crabe la définition générale que nous rappelions au commencement de ce travail. Le caractère dominantdes articulations des Arthropodes est d'être des articulations à un seul mouvement. Chez les animaux que nous étudions maintenant le fait est général. L'articulation du coxopodite avec le corps permet des flexions dans le sens horizontal. La valeur variable de ce mouvement est indiquée dans le tableau ci-joint. En avant de la normale au corps En arrière menée par l'articulation. de cette même normale. If8 patte 900 O" 2« patte 43° âO» 39 patte 30O 45» 4e patte 00 80» Les flexions en avant sont accompagnées d'un rapprochement de la patte du corps. Quand l'animal entre au repos en retirant ses pattes sous le corps, ce mouvement articulaire intervient puis- samment. Dans la marche, il est absolument accessoire. Il fait suivre, en effet, une trajectoire curviligne horizontale à tout le membre, mouvement qui est très rare chez le Crabe, parce qu'il est difficile dans la coordination régulière des déplacements à cause de la morphologie externe de l'animal. Ce mouvement, fondamen- RECHERCHES SUR L4 MARCHE DES CRUSTACÉS. 495 lai dans toute locomotion postéro-antérieure, fait défaut dans une progression latérale ; le léger déplacement dans ce sens que nous montre la patte de Carcinus, déplacement déterminé par la direction quelque peu oblique du chemin parcouru, est causé par une autre articulation, comme nous le verrons bientôt. Le mouvement de la deuxième articulation est perpendiculaire à celui de la première. Il est d'une grande amplitude et se fait verti- calement. Il est absolument favorable à la progression latérale. L'articulation de l'ischiopodite avec le mésopodite permet un léger mouvement des deux articles dans le plan horizontal. Ce mou- vement, très faible, n'intervient dans la locomotion que pour com- pléter plus ou moins les mouvements des deux premières articula- tions, et les transformer en une sorte de circumduction. Le mouvement de l'articulation du genou se fait dans le plan du mouvement de la deuxième articulation. Lors de l'extension, les deux articles se mettent dans le prolongement l'un de l'autre ; la flexion est limitée par le contact des deux pièces. A ce sujet, nous ferons remarquer que dans toutes les articulations à mouvement vertical chez les animaux marchant latéralement, les articles sont conformés de façon à rendre l'angle du mouvement le plus grand possible. Le mésopodite est creusé sur sa face ventrale, au niveau de l'articulation, d'une véritable gouttière recevant l'article suivant, à la fin de la flexion. Et ce sillon est d'autant plus profond que l'animal qui le porte est meilleur coureur. La comparaison de Ca7'cinus mœnas avec Pachygrapsus mormoratus est instructive à ce sujet. La cinquième articulation est importante, sinon pour lamécanique de Carcinus, du moins pour la comparaison de son système fonc- tionnel avec celui des Hexapodes ou des Octopodes. Cette articula- tion permet un mouvement de 80 degrés environ dans le sens hori- zontal. Ce mouvement, dont la plus grande partie, au moins pour les trois premières pattes, se fait en avant, est caractéristique, parce qu'il permet à la partie périphérique da membre de se mettre 496 JEAN DEMOOR. horizontalement, parallèlement au sol, et d'agir en faveur du mou- vement postéro-antérieur. Une disposition homologue ne se retrouve pas chez les Insectes. L'horizontalité fonctionnelle des leviers résulte, chez ces derniers, de l'heureuse combinaison des mouvements propres de chaque articulation. Le système de Carcinus est-il supérieur? Non, loin de là! Chez l'Hexapode, le mouvement postéro-antérieur est déterminé par l'action des muscles fléchisseurs et extenseurs de chacun des segments, soit donc par un grand nombre de muscles forts agis- sant synergiquement et très bien disposés au point de vue mé- canique. Chez Carcinus, ce même mouvement est obtenu par l'ac- tion exclusive des deux muscles qui ont leur insertion fixe dans le carpopodite et leur insertion mobile dans le propodite. Le carpo- podite est toujours très court; les muscles qu'il contient sont peu développés et capables de peu de travail utile. La force déployée en faveur de la progression en avant est donc minime. En compa- raison des actions qui tendent à mouvoir le corps latéralement, elle est négligeable. La sixième articulationpermet le mouvement dans le sens vertical. Si nous avons fait cette étude des mouvements articulaires, ce n'est pas certainement pour avoir l'occasion de les décrire ici, cette connaissance étant en elle-même d'une très faible importance, mais c'est pour faire ressortir que Carcinus possède en réalité, dans ses leviers, tous les éléments nécessaires à la marche en avant. Pourquoi la locomotion est-elle donc latérale? La marche posléro -antérieure nécessite des nombreuses réactions du corps j elle demande aussi, surtout dans le système octopode, l'espacement considérable des pattes, deux nécessités peu ou point compatibles avec le développement linéaire réduit de Carcinus et avec les insertions très rapprochées de ses membres sur le corps. Nous avons dit antérieurement que l'insertion des pattes près de la ligne axiale est nécessaire pour la marche postéro-antérieure. Chez le Crabe, les pattes sont fixées au corps très loin de la ligne mé- RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 497 dianc, disposition avantageuse pour la progression latérale qui lui est habituelle. Nous sonmmes donc amenés à considérer le mouvement latéral de Carcinus, sa forme globuleuse et sa morpho- logie générale comme étant entre eux dans une corrélation étroite. Quelques faits confirment encore cette hypothèse. Les Oustacés aux formes allongées (Homards, Langoustes, Gébies, Crevettes) se meuvent tous directement d'arrière en avant. Le Palœmon, malgré sa translation postéro-antérieure, a les in- sertions de ses membres assez distantes de la ligne médiane. Mais il est à noter que le coxopoditepeut se réfléchir entièrement de façon à amener son articulation avec le basipodite près de la ligne médiane, et à rendre ainsi ses muscles plus favorables à la progression directe. Nous avons dit plus haut que dans la marche de Carcinus i[ existe une légère oscillation horizontale des membres, et nous avons fait remarquer en même temps que la cause n'en résidait pas dans la deuxième articulation. Ce mouvement est, en effet, dû à la cinquième articulation. Lorsque le corps de Carcinus, à la fin du pas simple, tombe sur le levier du pas suivant, le centre de gravité ayant dépassé la limite de la base de sustentation, la cinquième articulation (principalement dans la première patte) laisse se rapprocher les deux articles qui la forment. L'affaissement du corps du côté du mouvement s'exagère ainsi en déviant en même temps légèrement en avant. L'articulation du carpopodite avec le propoditc détermine et régularise ainsi les oscillations réactionnelles du corps. CONCLUSIONS GÉMÉRALES. Nous terminons ici l'analyse de la marche normale des Crustacés. Nous pensons bien faire en résumant les faits que nous avons rap- portés et les déductions que nous avons données. Gomme ce travail fait suite à nos recherches sur les Arachnides et sur les Insectes, nous nous permettons de faire entrer dans ce résumé les conclusions du premier travail et d'envisager dans ce sommaire les différents ARCH. UE ZÛOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1891. 32 498 JEAN DEMOOll. points qui se rattachent i\ la marche des Arthropodes. Nous trans- crivons donc la note préliminaire que nous avons fait paraître dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CXI, n° 22, 1" dé- cembre 1890. 1° La marche est un mode de progression qui se rencontre dans les groupes suivants : Crustacés, Arachnides, Insectes. 2" Le système mécanique hexapode des Insectes est celui du double trépied à mouvements alternatifs. Chaque trépied est formé par les pattes antérieure et postérieure d'un côté et la patte moyenne du côté opposé. Les différents membres ont des fonctions spéciales : l'antérieur est un levier de traction, le postérieur un levier de poussée, le moyen un levier d'appui. Les oscillations réactionnelles du corps se font dans trois plans : plan horizontal, plan vertical antéro-postérieur, plan vertical transversal. La progression terrestre des Insectes marcheurs est toujours une marche, au sens physiolo- gique du mot. 3° Les Arachnides (Scorpions) sont octopodes. Les quatre leviers moyens, essentiellement sustentatifs, déterminent sur le sol une base d'appui de forme triangulaire. Les pattes antérieures sont tractives, les postérieures sont pulsives. Le premier et le dernier membre d'un même côté agissent simultanément, les efforts actifs pour la progression se développant toujours dans la moitié du corps à laquelle correspond la base du triangle d'appui. Le système de ces animaux peut être nommé : système du triangle de sustentation unique et variable, avec leviers actifs indépendants. 4° Chez les Crustacés, on trouve des espèces à marche postéro- antérieure et des formes à marche latérale. Les premières présentent des locomotions (Hexapode ou Octopode) entièrement semblables à celles des Insectes et des Arachnides. Les secondes ont des membres qui sont indifféremment des agents de traction ou des moyens de propulsion. Aucune différenciation anatomique, aucune constance fonctionnelle ne caractérise ces différents appendices ; le système mécanique est octopode. Il n'y a aucune régularité dans l'alter- RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. 499 nancc dos membres d'un même côlé. Pour les pattes de même ordre, les levées et les poussées sont alternatives avec un temps d'appui commun.- 5° Chez tous les Arthropodes marcheurs que j'ai examinés, le centre de gravité sort de la base de sustentation à chaque pas. La défini- tion générale de la marche s'applique aussi à la locomotion de ces organismes. G° Sauf de très légères différences, les organes du mouvement sont les mêmes chez les Crustacés à déplacement latéral et chez les Crus- tacés à progression directe. Il y a un rapport de causalité entre la marche latérale des Crustacés, la forme globuleuse, les pattes in- sérés loin de l'axe et la morphologie générale de ces êtres. La phy- siologie de la motilité des Crabes, confirme les données théoriques qui exigent chez les arthropodes une insertion médiane et une hori- zontalité fonctionnelle des membres, et qui nécessitent chez les Vertébrés une attache latérale et une verticalité relative des leviers homologues. 7° La patte du Crustacé est défectueuse pour la marche, à cause de la présence nécessaire de l'articulation du carpopodite avec l'ischiopoditc. Cette arthrose est indispensable pour produire l'hori- zontalité fonctionnelle de la patte qui, chez les Hexapodes et les Octopodes, dérive de la structure générale des articles et de la com- binaison des jeux articulaires. 8° La marche octopode des Scorpions est moins parfaite que la progression hexapode. y La locomotion des Insectes est d'une haute perfection méca-^- nique. 500 JEAN DEMOOU. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XIX. FiG. 1 à 3. Homarus vulgaris. Muscles des deux premiers somiles (troisième et quatrième pattes locomotrices). La troisième patte est refoulée en avant, la quatrième patte (fig. 3) est rejetée en arrière. Les dessins sont exécutés d'après une dissection faite par la face ven- trale du Crustacé. p, troisième palte; p', quatrième patte; l, loge musculaire delà troi- sième palle ; l', bord antérieur de la loge musculaire de la quatrième patte; I, premier somite de la patte, entaillé d'une large fenêtre (troi- sième patte); I', premier somite de la quatrième patte; II, IT, deuxième somite de la troisième et de la quatrième patte; c, condyle interne du premier somite de la troisième ou de la quatrième patte; c', condyle externe du même somite ; r, condyle postérieur (troisième patte), anté- rieur (quatrième palte) de la deuxième articulation; ax, ligne axiale. A, muscle abducteur (en arrière) du premier somite; A', faisceau acces- soire; B^ abaisseurdu deuxième somite; B', faisceau accessoire de ce muscle; C, adducteur (en avant) de la base de la patte; D, élévateur du deuxième somite; D', faisceau accessoire. 1 . Vue superficielle. 2. Vue après section de l'abaisseur du deuxième somite. i. Vue après section de l'abaisseur et de l'adducteur. Les muscles de la quatrième patte sont vus d'avant en arrière après section de l'abais- seur. FiG. 4. Homarus DM/g'am. Patte locomotrice antérieure gauche. La paroi ventrale de chaque article a été enlevée pour laisser voir les muscles avec le caractère structural différentiel de la musculature des segments. FiG. 3 il 7. Portunus puber. Muscles de la troisième patte locomotrice gauche. Vue ventrale. 1, premier article de la patte; 2, deuxième article; 1', segment du premier article isolé de l'anneau général formé par celui-ci. A, fléchisseur postérieur; B,fléchiss(îur supérieur; B', faisceau acces- soire de ce muscle s'inséraiit au deuxième article; C, fléchisseur infé- rieur; C, faisceau accessoire de ce muscle; D, fléchisseur antérieur, .'i. Vue superficielle. 6. Vue après section et rabaltimcnt du fléchisseur postérieur. 7. Vue après section et rabattement du fléciiisseur postérieur et du faisceau accessoire du fléchisseur inférieur. PLANCHE XX. Tracé I. Carcinus mœnas. (Traces des pattes de traction.) I, traces de la première patte tractive (droite); RECHERCHES SUR LA MARCHE DES CRUSTACÉS. SOI II, traces de la deuxième palte traclive (droite) ; III, traces de la troisième patte tractive (droite); IV, traces de la quatrième patte tractive (droite). Tracé II. Carc'mus mœnas. (Tracé de la projection rectiligne du corps à chaque pas.'i Ce tracé est recueilli en même temps que le tracé I; a-p; P-c; valeurs d'une projection. Tracé III. Pac/ii/g'rapsMS wormoraiMS. (Traces des pattes de poussée.) I, traces de la première patte de poussée (droite) ; II, traces de la deuxième patte de poussée (droite) ; III, traces de la troisième patte de poussée (droite) ; IV, traces de la quatrième patte de poussée (droite). Tracé IV. PacMjgrapsus mormoratus. (Traces des pattes de traction dans une marcne très lente.) I, traces de la première patte de traction (droite) ; II, traces de la deuxième patte de traction (droite); III, traces de la troisième patte de traction (droite); IV, traces de la quatrième patte de traction (droite). Tracé V. Pachtjgrapsus mormoratus. (Trnces des deux premières pattes droites et gauches.) I, traces de la première patte tractive (droite); 1, traces de la première patte de poussée (gauche) ; II, traces de la deuxième patte tractive (droite); 2, traces de la deuxième patte de poussée (gauche). PLANCHE XXI. Tracé I. Pachygrapsus mormoratus. (Traces obtenues sur papier couvert de noir de fumée.) 1 P, première patte de poussée; l T, première patte de traction; 2 P, deuxième patte de poussée; 2 T, deuxième patte de traction ; 3 P, troisième patte de poussée; 3 T, troisième patte de traction ; 4 P, quatrième patte de poussée ; 4 T, quatrième patte de traction. Tracé II. Gebia littoralis. (Traces des pattes gauches, d'après le graphique donné par un animal dont les quatre pattes avaient été enduites de couleurs différentes.) 1, traces de la première patte; 2, traces de la deuxième palte ; 3, traces de la troisième patte; 4, traces de la quatrième patte. Tracé III. Gebia littoralis. (Tracé de la marche à mouvements simultanés des pattes identiques. Le graphique ne donne que les traces des deux paires de membres postérieurs.) o 3, traces de la troisième patte gauche; o III, traces de la troisième patte droite ; 502 JEAN DEMOOK. . !,, traces de la quatrième patte gauche; . IV, traces de la quatrième patte droite. TnACÉ IV. Gebia littoralis. (Tracé de la mearche ?i mouvements alternatifs des pattes. Le graphique ne donne que les (races des deux paires de mem- bres postérieurs.) 0 3, traces de la troisième patte gauche ; o III, traces de la troisième patte droite ; . 4, traces de la quatrième patte gauche; . IV, traces de la quatrième patte droite. Tracé V. Gébia littoralis. (Traces des deux pattes postérieures droites.) III, traces de la troisième patte droite ; IV, traces de la quatrième patte gauche. Tracé VI. Gebia lilloralis. (Traces des pattes de la troisième et de la quatrième paire pondant une marche normale à mouvements alternatifs.) o 3, traces de la troisième patte gauche; o III, traces de la troisième patte droite ; . 4, traces de la quatrième patte gauche; . IV, traces de la quatrième patte droite. Tracé VII. Gebia littoralis, {Tvaces laissées parles pattes droites d'un animal cou- rant sur du papier couvert de noir de fumée.) NOTE LES GENRES DES PANTOPODES PIIOXICHILUS (LATR.) et TANYSTYLUM (MIERS) W. SCHIMKÉWITSniI Professeur îi l'Université de Saint-Pétersbourg. La plupart des auteurs sont d'accord sur ce que les genres des Pantopodes : Oomerus, Hesse (1874); Oiceobates, Hesse (1867); PAflno- denws, Costa (1836); Platychelus, Costa (1861); Alcinous,Costa (1861); Endeis, Philippi (1843); Parlbœa, Philippi (1843); Pephredo, Goodsir (1842), et Pasithx, Goodsir (184i2), sont des genres douteux, c'est-à- dire que les descriptions de ces genres sont si insuffisantes, qu'il est impossible de les considérer comme indépendants, ni les identi- fier en môme temps aux autres genres. En ce qui regarde les autres genres des Paiitopodes, j'accepte la synonymie suivante : 1. Nymphon, Fabr., 17i9. 2. Pseudopallene, Wilson, 1878. 3. Paltennpsis, Wilson, 1881. 4. Neopallene, Dohrn, 1881. o. Palleole, Johnston, 1837. 6. Phoxichilidium, Miliie Edwards, 1840; Oorithya, Johnston, 1837; Ano- plodaciylus, Wilson, 1878. 7. P/wxichilus, Latr,, 1816. 8 . Nymphopsis , H aswel , 1881, soi W. SCHIMKÉWIÏSCH. 9, Eurycyde, Scliiudte'; Ascûr(r)hynchus, Sars, 1877; Gnampthor{r)hyn- c/ms, Bôhm, 1879 ; Scaeor[r)hynckm , Wilson, 1881 ; Zetez, Kroyer,1845; ? Parazetes, Scôier, 1879; Barana, Dohrn, 1881. 10. Ammotlmt, Leach, 181o'''; Achelia, Hodge, 186i. 11. Tany.'itylam, M\erii, ISld ; Clotenia, Dohrn, 1881. 12. Dùcortracime, Hoek, 1880. 13. Lecythor{r)hynchus, Bohm, 187^. 14. Oor[r)lnjnchus, Hoek, 1881. lo J'rî//*»^, Dohrn, 188'. 16. ^«H?îomV/, Hoek, 1880. 17. Bôhmia, Hoek, 1880. 18. Rhynchotliorax, Costa, 1861. 19. Pî/cno^o?Jw«, Brùnnich, 1761. 20. CoUosse7uleù, Jarzynsky, 1879 ; Khopalor[r)hynclms, Wood-Mason, 1873. Les relations génésiques de ces genres diffèrent, d'après mon avis, de celles que nous donnent les autres auteurs. Tous ces genres peuvent êlre disposés en quelques séries ; à chaque série est propre la tendance à la simplification et à l'atrophie de certains appendices. Cette tendance atteint son maximum chez les formes terminales de chaque série. Les genres Nymphon, Eurycyde, Nymphopsis et Colossendeis, pré- sentent des formes, les moins modifiées et simplifiées, c'est-à-dire les plus primitives. Le genre Nymphon peut être regardé comme la forme principale et primitive de la série suivante : Nymphon, Pseudopallene, Neopallene, Pallene, Pallenopsis, Phoxi- chilidium, Phoxichilus. Cette série peut être caractérisée par les traits suivants : 1° Tendance à la décenlration du corps et du système nerveux; 2" Présence des appendices de la première paire bien développés ^ Il est évident que la forme décrite par M. Hasvvel, sous le nom de VAmmolhea longicollis (Proc. Linn. Soc. N. S. Wales, vol. IX, p.4,1028-1029), doit être rapportée à ce genre {Eurycyde). 2 La forme décrite par M. Bôhm sous le nom du Lecytor{r)hynchus armalus {Monatsber. d. kais. Akad. d. Wiss. su Berlin, 1879) doit être probablement rap- portée à ce genre {Ammothea). NOTE SUR LES GENRES DES PANTOPODES. «05 et munis de pinces, excepté le genre Phoxichilus, chez lequel ces appendices font défaut ; 3° Aucun genre de cette série ne présente le nombre complet des articles des appendices de la deuxième paire; chez la plupart des genres , ces appendices sont rudimentairos ou s'atrophient sans cesse *; A" Les cinq premiers genres ont les appendices de la troisième paire, avec le nombre complet des articles; mais chez les deux der- niers genres, ces appendices se présentent avec nombre incomplet des articles et ne sont propres qu'à un seul sexe. Une autre série est représentée parles genres : Eurycyde.Ammo- ihea, Tanystylum, Discoarachne . M. Hoek place le dernier genre de cette série avec le genre CoHos-^ sendeis dans une même famille; mais il est évident que le genre Discoarachne n'a rien de commun avec le genre Collossendels, que l'absence des appendices de la première paire; mais il se rapproche beaucoup du genre Tanystylum. Cette série peut être caractérisée de la manière suivante : 1° Tendance à la concentration du corps et du système nerveux ; 2" Tendance à la simpHfication et à l'atrophie des appendices de la première paire, qui font défaut chez les Discoarachne ; 3° La diminution du nombre des appendices de la deuxième paire; celte diminution s'exprime par la variation du nombre des articles chez les Tanystylum et va parfois jusqu'à cinq [Discoarachne) ou quatre [Tanystylum] ; 4" Conservation du nombre complet des articles de la troisième paire chez les deux sexes. Il est très probable que les genres Nannonia, Oorrhyncus, Lecythor- rhynchus, pourvus d'appendices de la première paire rudimcntaires * Parmi les Panlopodes recueillis pendant le voyage de la corvetle Vettor Pisani, j'ai décrit une espèce de Phoxichilidium muni des rudiments des appen- dices il et III, et présentant une forme transitoire entre le Palleno'psis et le Phoxi- chilidium. 506 W. SCHIMKÉWITSCH. et do ceux de la troisième paire, avec le nombre complet des arti- cles, présentent les souches latérales de cette série, et le genre Trigseus présente peut-être la forme unique qui appartient à cette série et possède des appendices de la troisième paire simplifiés. La troisième série se forme des genres : Bohmia (peu connu), Rliynchothorax et Pycnorjonum. L'affinité de ces derniers genres est déjà indiquée par M. Dohin. Dans cette note, je me borne à la revue des genres Phoxicinlus et Tanystylum. La description des espèces nouvelles ici décrites a été première- ment publiée dans les éditions de la Sociélé impériale des Amis des sciences naturelles, etc. (Moscou). J'ai présenté à la rédaction de cette Société une planche accompagnant le manuscrit, et que je regarde comme assez importante; mais par malheur cette planche a été égarée. N'ayant pas le moyen de la reconstituer, je m'en tiens à la publication de la description de ces espèces. Ces espèces ont été trouvées par moi dans les collections des Universités de Pétorsbourg et de Moscou, mises ti ma disposition par MM. les professeurs A. Bogdanow et N.Wagner, auxquels je présente tous mes remerciements. GENUS PHOXICIIILUS, LATR. 1816. Le corps cylindrique, allongé, partagé en segments, Les excroissances latérales libres. Le segment oculifère est toujours muni d'un collet et porte sou- vent les rudiments des appendices de la première paire en forme de tubercules. V appendice II fait défaut. Vappendice III ne se trouve que chez les mâles, l'articulaire, privé du crochet terminal et des épines en forme de plume. Los appendices IV- VII longs et minces. Le /ar.sç est muni parfois d'une émincnce particulière pour les NOTE SUR LES GENRES DES PANTOPODES. 507 épines basilaires, dont le nombre varie de trois à six; le nombre des petites épines varie de quatre à huit. Les crochets aeconclaires se rencontrent toujours. Les conduits des glandes cémentaires, chez les espèces dont les mâles sont connus, se rencontrent toujours en nombre déterminé. Les orifices génitaux des mâles se trouvent sur les appendices V-VIl; il n'y a pas d'érainences génitales. On connaît aujourd'hui les espèces suivantes de ce genre : Phoxiciiilus vulgaris,J)ohv\\[\^ Méditerranée, Dohrn); Ph. ciiaryb- dxiis, Dohrn (la Méditerranée, Dohrn, près des îles Abrochos, Chier- chia; près des côtes de l'Australie (?), HaswcP); Ph. s/n7îosus, Montagu (près des côtes de l'Angleterre, Ilalhed-; près des côtes de la France et de la Hollande, Grube et Hoek; près de la côte de la Norvège, .Jarzynsky); Ph. meridionalis, Bohm (près de Syngapoor, Martens); Ph. BiJhmii^ Schimk. {[jalria incerta). La forme décrite par M. de Quatrefages ^ sous le nom de Ph. spinosus, Leach (?), doit être rapportée, selon M. {Ioek\ au genre Pallene. Mais la forme, décrite par Go^ta, sous le nom de Ph. [Foxichilus) pigviœHs'\ne peut être comparée au Ph. inermis, Hesse, ou Ph. laevis, Grube, comme le fait M. Hoek''. 11 faut faire attention à ce que le genre Phoxichilus {Foxichilus) de Gosta est caractérisé par les particularités suivantes : « Characteres ess. Gorpus filiforme, quadriarticulatum. Anlennœ duo, chelatx, pedes longi. « Characteres natur. Gaput parvulum, subconicum, detrunca- tum, anticeore pertuso. Antennee duo, biarticulatce, articulo extimo didactylo, chelalœ, ad capitis latera inscrtae. Corpus anguslissimum; ' lÎASwEL, Proc. Lin. Soc. iV. S. Wales, v. IX, p. 4, 1033. '^ Haliied, The first kep. upon the Fauna vf [Hverpool- Daij . 3 De Quatrefages, Annales des sciences naturelles, Z" série, t. IV, pi. II, fij. 7. * Hoek, liep. on the Pycnogonida. The voyage of H. M. S. Challenger, p. 35. s Costa, Fauna del Régna di Napoli, 1836, p. 10. ^ Loc. cit., p. 3-j. r,08 W. SCHIMKÉWITSCH. segmentis quatuor constans, Cauda brevissima, lubnlosa. Pedes octo, longissimi, 8 aut 9 articulati, biunguiculati. » Cette description du genre Pfwxichi/us, donnée par Costa, peut se rapporter en même tem.ps aux genres : Phoxic/iilidium, PaJlene, Pallenopsis, Pseudopalleiie et Neopallene, mais ne peut être appliquée au genre Phoxk/iilus, car aucune espèce de ce dernier genre ne pré- sente des appendices de la première paire biarticulaircs et munis de pinces, A juger d'après la description de la trompe, on peut supposer que Costa avait en vue quelque espèce du genre Pallene. Le tableau suivant démontre les différences détentes les espèces connues du genre Phoxichibis, Latr. ; les diagnoses des Ph. vul- garis, charybdxm et spmosus sont modifiées d'après mes propres recherches. Phoxichilus vulgaris ' (Doiirn). Les excroissances latérales portent chacune un tubercule et une épine; leur lon- gueur égale ou surpasse un peu celle du premier article des appendices IV-VII. La trompe est cylindrique, légèrement élargie au milieu; la longueur est égale à. celle des deux premiers segments. Le segment oculifère porte de faibles rudiments des appendices de la première paire; ces rudiments sont ou pourvus ou privés d'épines. Le tubercule oculifère porte une éminence pointue, parfois assez longue. Vabdomen est cylindrique, ses angles postérieurs sont arrondis; dans la partie postérieure, muni de chaque côté d'une épine pas pointue ou d'un tubercule; une fois et demie aussi long que les excroissances latérales postérieures. Varlicle tarsal porte S-A épines basilaires, 2 épines basilaires secondaires, o-C pe- tites épines. Le nombre de conduits des glandes cémentaires chez le jnd/e ne dépasse jamais 15. Phoxichilus charybdœus ^ (Dohrn). Les excroissances latérales sont privées d'épines et de tubercules; leur longueur surpasse celle du premier article des appendices IV- VIL Les excroissances laté- rales du troisième appendice sont plus courtes que celles dUj Thoxichilus vulgaris. La trompe est cylindrique, légèrement élargie au milieu; sa longueur est de !a moitié du corps. ' D'après la description de M. Dohrn et d'après quelques spécimens de la collection de l'Uni- versité de Moscou. ' D'après la desciiplion de M. Dohrn et d'après un spécimen Ç de la collection de M. Chierchia (Schimkéwitscli, Atti del Accad. dei Lincei, 1890, p. 345). NOTE SUR LES GENRES DES PANTOPODES. 509 Le segment oculifère porte de faibles rudimeuls rapprochés entre eux des appen- dices de la première paire; ces rudiments sont [jourvus ou privés d'épines. Le tubercule oculifère porte une éminence obtuse et courte. L'abdome7i est cylindrique, un peu plus conique que chez les Phoxichilus vul- garis; les angles postérieurs s'avancent en saillie; privé d'épines et de tubercules ; plus court que les excroissances latérales postérieures. L'article tarsal porte 4-5 épines basilaires et 5-8 petites épines. Le nombre de conduits dus glandes cémentaires chez le mâle ne dépasse jamais 23-26. Phoxichilus spinosus (Montagu). ^^ Les excroissances latérales sont courtes et portent une ou deux épines dont la longueur est très variable. La trompe est comme chez les Phoxichilus vulgaris, mais l'élargissement est plus accentué. Le segment oculifère est privé des rudiments des appendices de la première paire, mais parfois muni de 2 épines; le bord antérieur de ce segment forme une protu- bérance arrondie qui s'avance au bord antérieur du collet. Le tubercule oculifère est comme chez les Phoxichilus vulgaris, mais son éminence est un peu plus courte. L'abdomen est cylindrique, un peu rétréci vers les bouts, un peu plus long que les excroissances latérales postérieures; son bout postérieur est divisé en deux lobes arrondis ou pointus et porte deux paires d'épines. L'article tarsal porte 4-5 épines basilaires et 4-6 petites épines. Le nombre de conduits des glandes cémenlaires chez k mâle est inconnu. Phoxichilus Bohmii (Schimkéwitsch). Les excroissances latérales sont privées d'épines et de tubercules; leur longueur est égale à celle du premier segment du corps. La trompe est plus élargie dans sa moitié proximale; sa longueur est égale à celle des deux premiers segments du corps. Le segment oculifère porte, à son bord antérieur, 2 prolubérances larges et bien dévelopijées et munies chacune d'une épine; ces protubérances présentent proba- blement les rudiments des appendices de la première paire. Le tubercule oculifère est très élargi à sa base conique, privé d'une éminence. L'ahdomen est conique, rétréci à sa base, se termine en deux lobes arrondis, séparés par une faible échancrure, et munis chacun d'une épine courte; il est un peu plus long que l'excroissance latérale postérieure. L'arlick tarsal porte 3 épines basilaires et 4 pelitcs épines. Le nombre de conduits des glandes cémenlaires chez le mâle est inconnu. Phoxichilus meridionalis ' (Bôhm). Les excroissances latérales portent chacune une épine. ' D'iiprès la description de M. Bohm [Monatsber. d. kais.Akad. d. "Wiss. zh Berlin, 1870, s. It>9, taf. II, fig. 4). Certaines parties de cette description sont insuffisantes et difùciles à comprendre. 510 W. SCniMKÉVVlTSCH. La trompe: « Uebcr deu luilsortig eiugezogenen BasoUlieil ist ciiie ziemlich slarne Auschwellung bemerkbar. » Le segment oculifére : « Die mille desselben (du collet), wird obareils von einem vorii und liinten zugespilzcn, gewô!bten,Dach vorii zu stark abscbilssigeii Schildc{?) ciiigenonimen, welcher sicii zwischeu den Basen der Eitriiger und des erslcu Beenpaares einschiebt. Von ihm erhebt sich, der liiiiteren Spilze genahert, der hôlie, ziigespiizo (?) (d'après la figure 4 de la planoiie II, le tubercule oculifére est (obtus) augenhôeker). » Vabdomen est court, pas plus long que l'excroissance latérale postérieure, et muni de petits poils près de l'anus. Uarlide tarsal porte 4 épines basilaires et 4 petites épines. Le nombre de cotiduUs des glandes c'menlaires chez le mâkcsi inconnu. PllOXICUlLUS VULGARIS (DOURNJ. Phoxicliilus vulgari:i,A. Dohru; Paniopoda, p. 171-173. Plioxichilus vulgaris, Dohrn ; Schimkéwitsch, Journal de la seclion zoologique de la Société des Amis des sciences naturelles, n° 2, p. 20. Plusieurs spécimens de la collection de l'Université de Moscou. Longueur totale du corpS;, S'^^.S longueur de l'appendice IV, 7 millimètres. Ces spécimens se distinguent de ceux de la Méditerranée par les particularités suivantes : 1° Les appendices et la trompe sont couverts de poils ; 2" Les rudiments très faibles des appendices de la première paiie sont privés d'épines ; ."> Le premier article des appendices IV-VIÎ est beaucoup plus court que l'excroissance latérale (cbez la forme de la Méditerranée, il est aussi long que l'excroissance latérale) ; 4° Le sixième article des appendices IV-VII est muni sur l'an- gle distal intérieur de deux épines (de quatre chez la forme de la Méditerranée); 5° Le nombre des épines basilaires tarsales est plus souvent quatre (4) (quatrième, cinquième et septième paire), et plus rare- ment trois (.3) (sixième paire), et le nombre des épines basilaires secondaires, deux (2) ; le nombre des épines tarsales est plus souvent % NOTE SUK LES GENRES DliS l'ANTOPODKS. 511 six (6) (chez la forme de la Méditerranée, on voit trois épines basi- laires, deux épines basilaires secondaires et cinq petites épines) ; 6° Les épines de l'abdomen sont si obtuses qu'on peut plutôt les nommer des ttibercides ; les angles postérieurs de l'abdomen sont arrondis; 7» L'éminence (en comparant avec la figure G de la planche X de M. Dohrn) du tubercule oculifère est plus longue et plus pointue. Malgré ces différences, je considère celte forme comme une va- riété locale de Pfioxic/nlusvidgaris, Dohrn. rnoxicniLUs bohmii (scniMKÉwrrscii). Phoxichilus Bohinii, Schiiukéwitsch, Journal de lu section zoologiquc de la Société des Amis des sciences naturelles, no 2, p. 22. Un spécimen g de la collection de l'Uuiversité de Moscou {patria incerta). Longueur totale du corps, l'^",o ; longueur des appendices IV-VH surpasse un peu celle du corps. Le corps privé d'épines; la forme générale comme chez toutes les espèces de ce genre. Les excroissances latérales sont courtes, leur longueur est moindre que la largeur du corps même et égale à la longueur du premier seg- ment du corps; elles sont élargies vers le bout distal et privées d'épines. La trompe, dont la longueur est égale à celle de deux segments antérieurs, est cylindrique; sa partie postérieure est un peu plus large que la partie antérieure, de manière à former une saillie à la limite de ces deux parties. Elle présente un très faible élargissement et son sommet est coupé, avec les angles arrondis ; le squelette interne forme un gon- flement dans sa partie postérieure. Le segment oculifère porte deux protubérances larges, bien déve- loppées et munies chacune d'une épine ; ces protubérances sont 512 W. SCHIMKÉWITSCH, rapprochées entre elles et occupent tout le bord antérieur de ce segment; il est très probable qu'elles présentent les rudiments des appendices de la première paire. Le tubercule oculifère est bas, conique, très élargi à sa base et privé d'une éminence. Vabdomen, conique, est rétréci fortementàsa base, puis seprolongc en SB rétrécissant en arrière, et se termine en deux lobes arrondis, et séparés par une faible échancrure; chaque lobe est muni par- dessus d'une épine courte ; la longueur de l'abdomen surpasse un peu celle des excroissances latérales postérieures. Les appendices des sixième et septième paires ont des épines faibles et rares ; le premier article est aussi long que l'excroissance latérale et porte une épine placée sur l'angle distal postérieur ; le deuxième article, beaucoup plus long que le premier, présente sur son bord postérieur une protubérance munie d'une épine, son angle distal antérieur est allongé et porte une épine ; le troisième est plus court que le deuxième et plus long que le premier, son angle distal antérieur est allongé et porte une épine ; le quatrième est aussi long que les trois premiers et l'excroissance latérale pris ensemble; au milieu de son étendue, on voit deux très faibles épines, dont l'extérieure est plus rapprochée vers le bout distal; sur l'angle distal supérieur de l'article, on voit une protubérance munie d'une épine; le cinquième est plus court que le quatrième, sur son bord infé- rieur et aussi sur le supérieur on voit deux épines. Sur le bord supérieur de l'article, on aperçoit deux faibles pro- tubérances privées d'épines, dont l'une est placée près du bout proximal et l'autre près du bout distal de l'article; le sixième est le plus long de tous, élargi au milieu de son étendue, et porte cinq à six épines sur son bord supérieur et deux épines sur l'angle distal inférieur ; le septième est très court et porte sur son bord in- férieur une grande épine et une faible aiguille. Le tarse est fortement courbé; sur son bord supérieur se trouvent quatre aiguilles courtes et une aiguille longue placée près du bout NOTE SUU LliS GENRES DES l'ANTOPODES. 51.i dislal; on voit sur la plante trois épines basilaires^ quatre épines et deux aiguilles. Le crochet principal est faiblement courbé quand il est plié, il atteint jusqu'à l'épine basilaire distale. Les crochets secondaires ne mesurent qu'un quart du crochet principal. Les excroissances de l'intestin Y>énblvcnl dans la moitié distale du tarse. PU0X1GUILU5 SPINOSUS (MGxXTAGU). Phalangium spinosum, Montagu, Linn. Trans., vol. L\, p. 100, pi. V, fig. 7. Phoxichilus spinosus, Montagu, Johuston, 31ag. of ZooJ. and Bot., 1 vol., 1837, p. 3771. Phorichilus spinosus, Montagu, Krmjer, Ndturh. Fidskr., vol. I, 184.3, p. 189. Phoxichilus spinosus, Montagu, Bijhm, 3Ionatsber, der k. Akad. d. Wisscnsch. zu Berlin, 1879, p. 189 2. Phoxichilus spinosus, Uouiagu^ Eoek, Archives de zookxjie expérimentale, t. IX, 1881, p. 518, pi. XXVII, fig. 29. Phoxichilus lœvis, Grube, Mittheil. iUjer Saint-Malo und Roscoff, 1872, p. 31 et iiO, pi. l, fig. 1, et dans Juresber.d. SehJ.es. Geselsch. f. Vaterland. Cultur., 1870-71, p. 83. ?? Phoxichilus inennis, Hesse, Annales des sciences naturelles, 0^ série, t. VII, p. 1993. Phoxichilus spi7iosus, Montagu; Schimkéwitsch, Journal de la section zoologique des Amis des sciences naturelles, etc., n" 2, p. 20. ' La description des Phoxichilus monodactylus, Lam., et Ph. hirsulum, Stark, avec lesquels Johnston compare Ph. spinosus, me reste inconnue, comme aux autres auteurs. - La supposition de Bôlira, que Kiayer a pris les excroissances latérales pour les premiers articles des appendices IV-VII, n'a pas sa raison d'être. * Il est très difficile de comparer Phoxichilus inermis, Hesse avec Ph. spi- nosus, comme le veut Hoek. Tous les caractères indiqués par Hesse sont évi- demment génériques, excepté le suivant : « Le sixième article (des pattes) est le plus allongé; on n'aperçoit que quelques épines à l'exlrémilé de la troisième et de la quatrième articulation, mais il n'en existe pas, comme dans l'autre espèce, au milieu de celle-ci. » Ce caractère est sans doute insuffisant pour l'identification quelle qu'elle soit. Hesse décrit pour Piioxichilus inermis Tabdomen triarticulaire, ce qui ne se rencontre chez aucun Panlopodc. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET UEN — 2'' SÉKIE. — T. IX. 1801. 33 514 W. SCHIMKÉWITSCH. Un spécimen 9 de la collection de TUniversilé de Moscou {palrla incei'ta) ; l'autre spécimen 9 de la collection de l'Université de Saint- Pétersbourg, trouvé par M. Jarzynsky dans l'océan Glacial arctique, près de la côte de la presqulle des Pêcheurs ; je désigne le premier spécimen par la lettre A et le second par la lettre /J. Longueur totale du corps, 2 millimètres ; longueur des appen- dices IV-VIl, -4 millimètres. Le eor/js est privé d'épines; forme générale, comme chez toutes les autres espèces de ce genre. Les exa'oissances latérales sont courtes, leur longueur moindre que la largeur du corps proprement dit ; elles sont élargies vers le bout et portent chacune deux épines bien développées ou une épine plus petite et l'autre plus graside '. La trompe, dont la longueur est égale à la moitié de la longueur du corps, présente un élargissement bien accentué au milieu de son étendue, et le bord antérieur arrondi. Le squelette interne forme un gonflement au niveau de cet élargissement. Le segment oculifère est privé des rudiments des appendices de la i)remière paire; et chez les deux spécimens, il est privé d'épines (parfois ce segment est muni de deux épines comme cela est décrit par Krayer ^ et lloek). Le bord antérieur de ce segment forme une protubérance arrondie, qui s'avance au bord intérieur du collet. Le tubercule oculifère est conique et, comme chez le Phoxichilm vulgarù, porte une éminence pointue, mais plus courte que chez l'espèce mentionnée. L'aôf/omen est unpeu plus long que les excroissances latérales pos- térieures ; chez le spécimen A il est presque cylindrique; chez le spécimen B, il est rétréci vers les bouts: le bout postérieur est di- * Les excroissances antérieures du côté droit du spécimen A portent deux épines bien développées. D'après la description de M. Hoek, les excroissances latérales de cette espèce portent parfois deux épines ou une seule très petite. 2 « Pedibus spinosis, tuberculis acuminalis annuli ocularis ad marginem duobus, binisque annulorum Ihoracicorum ad marginem lateralium exlernum,binis ternisve articuli pedum primi. Log. 2, » {Nalurh. Fidskr., v. I, p. 1S9, 1845.) NOTE SUR LES GENRES DES PANTOPODES. SI5 visé en deux lobes, arrondis chez le spécimen A, et pointus chez le spécimen B ; la partie postérieure de l'abdomen porte deux paires d'épines courtes et coniques '. Les appendices des sixième et seplième paires sont deux fois plus longs que le corps même (indu la trompe); le premier ar- ticle est aussi long que l'excroissance latérale et porte une ou deux épines sur le bord distal supérieur; le deuxième est presque deux fois plus long que le premier et porte au milieu du bord postérieur une épine, et sur l'angle distal antérieur une aiguille ; le troisième est presque de même longueur que le premier; chaque angle distal est muni d'une épine; le bord dislal supérieur porte aussi une épine ; le quatrième porte au milieu de son étendue deux épines de môme longueur, disposées comme chez le Phoxichilus vulgaris; l'angle distal supérieur est allongé et porte deux ou trois épines; le troisième est plus court que le quatrième et porte sur l'angle distal supérieur deux épines, dont l'une est très longue et l'autre très petite; le sixième est le plus long de tous et porte plusieurs épines sur son bord distal. Outre cela, toute la surface des articles quatre, cinq et six est couverte des épines dont une ou deux, placées à la surface dorsale de l'article six, sont plus longues que les autres; le quatrième est le plus court de tous, et est muni d'une faible épine sur le bord supérieur, d'une grande et de plusieurs petites épines sur le bord supérieur. Le tarse, médiocrement courbé, est muni d'épinespeu nombreuses sur le bord supérieur; sur la plante, on voit quatre, cinq épines basi- laires, placées sur une faible éminence, et quatre, six petites épines, puis deux aiguilles devant ce crochet et deux rangées de petits poils disposés le long de la plante. ha crochet principal, quand il est plié, atteint jusqu'à l'épine an- ' D'aprÎ!s la dcscripliou île Montagu, rabJomen de celte espèce est muni A'une seule paire d'épines; d'après Grube : « Abdomen processu coxali postremo paulo longius, simplex, ayice inciswn, hic utrinqne spina brevi insiruclunu » M. Hoek ne fait aucune mention de ce caractère. 516 W. SGHIMKÈWITSCH. térieure basilaire. Les crocliels secondaires sont de beaucoup plus courts que la moitié du crochet principal. Les excroissances in/es/ma/es atteignent jusqu'au boutdistaldu tarse. GENUS TANYSTYLUM (mIERS, 1879). [Si/H. Clotenia, Dohni, 1881.) Le corps est clypéiforme, aplati, sans replis articulaires. Les excroissances latérales se fondent entre elles. L'abdomen est dirigé vers le haut. Le segment ocuUfh-e est parfois muni d'un collet. L'appendice I est en forme de tubercule uni-articulaire. L'appendice II, 4-7 articulaire ; les proportions des articles sont variables. Vappendice III, 10 fois articulaire, est plus développé chez les mâles, privé des épines en forme de plume et du crochet terminal. Le dixième article porte à son bout deux épines. Les appendices IV-VII courts et gros ; les quatrième, cinquième et sixième articles sont munis de protubérances épineuses. Le tarse porte des épines basilaires peu nombreuses (trois) et de trois à six petites épines. 11 n'y a pas d'éminence particulière pour les épines basilaires. Les crochets secondaires se rencontrent toujours. Le conduit des glandes cémentaires (Kiildrûsen) est tubuliforme, et placé au bout du quatrième article des appendices IV-VIl. Les orifices génitaux des mules se trouvent sur les appendices V, VI et VII. La première espèce appartenant à ce genre est décrite par Miers sous le nom de Nymplwn s(yligerum\ en 1875; plus tard, Miers a formé pour cette forme un nouveau genre caractérisé de la manière suivante : « Caput sessile, crassum, Appendicium primœ 1 articulât», non ' Ann. and. Mug. ofSai. hist., IS'u, vol. .\V1, p. 76. NOTE SUR LES GENRES DES PANTOPODES. bl7 cheliformes; secundae 5 arliculalae; lerliœ 10 arliculatae. Abdomen postice processu longo styliforme dcsinilum K •> Le dernier caractère n'apparliciil qu'à une seule espèce, Tany$- tylum styligerum; mais, par contre, le nombre des articles des appendices de la deuxième paire est très variable ; de l'autre côté, dans cette caractéristique n'est pas mentionnée une particularité très importante : chez toutes les espèces de ces genres, les excrois- sances latérales se sont fondues entre elles. En 1880, Wilson a donné une description bien suffisante du Tamjstylum orbiciilare -, et malgré cela, M. A. Dohrn, en 1881, forme un nouveau genre Clotenia pour le Tanystylum conirostre, trouvé par cet auteur parmi les Pantopodes de la Méditerranée. « Es istnicht unwahrscheinlich, dass mit dieser Galtung (Clotenia), dit M. Dohrn, die von Miers aufgestellte Tanystylum idenlischist^ » Aujourd'hui on connaît les espèces suivantes de ce genre : Tanystylum coniroslre, Dohrn (la Méditerranée, Dohrn); T. o?'é?'- culare, Wilson (la distribution géographique est décrite par Wilson, Fisch. Commise. Kep., 1878, p. 471-473). Tanystylum Dohrnii, Schimkéwitsch (près des îles Abrochos, Chier- chia); T. calicirostre, Schimkéwitsch (golfe de Panama, Chierchia) ; T. Chierchix, Schimkéwitsch (près de Chonos, Chierchia); T. Hoekia- num, Schimkéwitsch {patria incerta) et T. styligerum, Miers (Kergue- len's Land, Venus expéditions). Comme j'ai déjà donné un tableau qui démontre les différences de toutes les espèces connues de ce genre * (excepté \q Tanystylum styligerum, dont la description est insuffisante), je me borne à donner dans le moment présent la description de Tanystylum Hoekianum et Tanystylum orbiculare. ' An Account of ihe pelr. bolan. and zoolog. collectiones mode in Kerguelen's land and Bodriguez during the transit of Venus expéditions. Philos. Trans., vol. CLXIII, 1879, p. 213. ■2 Trans. of Connecticut Âcademij of Arts ani Sciences, vol. V, 18S0. 3 Dohrn, Pantopoda, série 161 (remarque^ 4 Atti de rAccad. dei Lincei, série 4, vol. VF, 1890, p. 10. SIS W. SCHIMKÉWITSCII. TANYSTYLUM UOEKIANUM (scniMKHWlTSCH). Tany^ttjlum ploexianum (par une faute typographique), Schimkéwitscli, Atti de l'Accad. dei Lincei, 1890, p. 33o. Tanystylum Hoekicmum (par une faute), Schiuikéwitsch, Journal de la section zoologique de la Société des Amis des sciences naturelles, etc., n° 2, p. 18. Un spécimen q de la collection de l'Université de Moscou [patiia incerta); par malheur ce spécimen est en mauvais état. Longueur totale du corps : l'"'",! ; longueur des appendices IV-VII, l^'^jTo. Le corps est privé d'épines ; la forme générale comme chez toutes les espèces de ce genre. Les excroissances latérales privées d'épines et de tubercules. La trompe est conique, légèrement rctrécie :\ sa base ; le squelette interne est élargi dans la partie antérieure, où se trouve le Reusen- apparat, qui occupe le quart de la longueur de la trompe. Le segment oculifère est privé de collet et d'épines et ne s'avance pas au-dessus de la trompe. Le tubercule oculifère, de forme différente de toutes les autres espèces, est rétréci dans sa partie basale, élargi vers son sommet de forme arrondie, plus élevé que chez toutes les autres espèces, placé au milieu du segment. \?abdornen est assez long, dirigé vers le haut, rétréci à sa base, puis se prolongeant en arrière en se rétrécissant très légèrement, et se termine par une éminence conique coupée; dans sa moitié posté- rieure, il porte une paire de longues épines et plusieurs paires (3?) d'épines plus petites ; sur la partie ventrale, on observe de petits poils. Les appendices de la première paire, de forme tout à fait particu- lière, en forme de deux tubercules courbés vers l'intérieur et privés d'épines. Les appendices de la deuxième paire sont un peu plus longs que la trompe; les proportions de ses articles sont aussi particulières; des six articles qui composent cet appendice, les cinq premiers sont courts, le troisième seulement est un peu plus long que les autres. NOTE Sm\ LES GENRES DES PANTOrODES. 519 le sixième est très long; les troisième, quatrième et cinquième arti- cles portent de petites épines, dont quelques-unes sont très courtes ; le troisième porte deux épines, dont l'intérieure est courte; le qua- trième porte trois épines, dont l'intérieure et la supérieure sont courtes; le cinquième porte quatre épines, dont une, la supérieure, est courte; le sixième est muni de plusieurs petites épines sur le bord interne et sur son bout. Les n/)pendices de la troisième paire, dix fois articulaires; les sept premiers articles sont de même largeur, les autres vont en diminuant de largeur vers le bout de l'appendice; le premier arlicle est très court et plus large que long; le deuxième est trois fois, et le troi- sième deux fois plus long que le premier ; les quatrième et cinquième sont chacun de longueur égale à celle du deuxième et troisième pris ensemble; le cinquième est courbé en forme de genou; les sixième et septième sont chacun de longueur égale à celle du troisième; les huitième et neuvième sont un peu plus courts que les précé- dents ; le dixième présente un petit tubercule muni de deux épines courtes; le septième est privé de saiUie; on n'a pas réussi à étudier la disposition des épines. Les appendices de la qualrikne et septième paire sont courts et épi- neux; les trois premiers articles sont de même longueur; le premier article porte deux épines sur chaque angle distal; le deuxième porte l'épine près de l'orifice génital; le troisième porte en dessous une épine placée sur un léger gonflement; le quatrième est plus court que les trois premiers pris ensemble, et présente un gonflement en dessous et trois protubérances en dessus, dont la distale est plus épineuse'; le cinquième article, au lieu des quatre protubérances caractéristiques des autres espèces, présente seulement trois protu- 1 Le bord supérieur de cet article porte chez le Tanyslylum Chierchiœ et T. Hoekia- num deux protubérances; chez le T. calicirostre, la protubérance proxiraale est remplacée par quelques épines; cliez le T. Dohrnii, la protubérance distale est très développée, et la protubérance proximale est remplacée par les deux protubérances. Chez le Tanyslylum conirostre, d'après les dessjus de M, Dohrn, on observe aussi deux protubérances. S20 W. SCHIMKÉWITSCH. bérances, car la troisième (en comptant du bout proximal) est rem- placée par quelques épines faibles; les épines sur la protubérance seconde et distale sont disposées en rangs transversaux ; le bord distal de l'article est aussi muni d'épines; le sixième article est un peu plus court que le cinquième et porte trois protubérances épineuses carac- téristiques et plusieurs épines sur le bout distal ; la face inférieure de cet article est aussi épineuse; le septième article, le plus court de tous, porte en dessous une grosse épine recourbée et quelques petites. Le tarse est plus court que le sixième article, faiblement recourbé à sa base, mais de courbure plus accentuée vers le bout; porte sur la plante trois épines basilaires, trois petites épines et deux aiguilles. Le crochet principal, moitié plus court que le tarse et les crochets secondaires un peu plus longs que la moitié du crochet principal. Les orifices génitaux sont rapprochés de l'angle proximal interne, semilunaires. Vovaire atteint jusqu'au sixième article des appendices. Les excroissances intestinales pénètrent jusqu'à la base du tarse. TANYSTYLUM ORBIGULARE (WILSON). Tanijdylum orijiculare, Wilson, Tram, of Connedicut Academy of Arts and Sciences, vol. V, 1880, p. t, et Fisch. Commiss. Mep., 1878, p. 471. Tani/stijlwn or biculur e ,V^ihon ; Schimkéwitsch, Atti de VAccademia dei Lincei, 1890, p. 33o, et dans le Journal de la section zoologique de la Société impériale ^des Amis des sciences naturelles^ etc., n"2, p. 17 '. Plusieurs spécimens de la collection de l'Université de Moscou ; l'origine de cette collection est inconnue. Le co)ys privé d'épines; la forme générale, comme chez toutes les espèces de ce genre. 1 II est impossible de décider si cette espèce est identique à Pallene sp., Smith {liep. of the Invert, of Vineyard Sound, 1874), et Pasilhce umbonala, Gould (Proc Bost. Soc, Nat. Hist., vol. I), comme le suppose Wilson. « The description of Pasithœ umbonata, Gould, dit le dernier auteur, is so imperfect as to render iden- tification of the species impossible. What is mcant by the umbo of Pycnogonic is not clar to me. » {Loc. Ci7.,p. 7.) NOTE SUR LES GENRES DES PANTOPODES. S2i Les excroissances latérales privées d'épines et de tubercules; l'angle postérieur de l'excroissance précédente s'avance légèrement en avant de l'angle postérieur de l'excroissance suivante. La (rompe, dont la longueur est presque égale à celle du corps, exclu l'abdomen, est conique, légèrement ovalaire avec le sommet coupé. Le bord antérieur du segment oculifore s'avance sur la base de la trompe, de manière que le tubercule oculifère est placé en avant de la base de cette dernière; le segment oculifère, privé d'épines, ne forme pas de collet. Le tubercule oculifère est bas, arrondi, avec quatre yeux bien développés. Vabdomen, dont la longueur est très variable et présente parfois une longueur double des excroissances latérales postérieures, est cylindro-conique et dirigé vers le haut. La partie conique porte plu- sieurs petites épines; on aperçoit sur la face dorsale, là où la partie cylindrique se change en partie conique, une paire d'épines plus longues ; le bout distal de l'abdomen est bifurqué; les épines, chez les mâles, sont plus développées. Les appendices de la première paire forment deux tubercules tri- angulaires, munis de quelques épines sur leur sommet. Les appendices de la deuxième paire sont six fois articulaires ; le pre- mier et le deuxième article sont courts ; le deuxième porte deux épines; le troisième est long, gonflé et muni d'une glande excrétoire et d'une épine; le quatrième court, muni d'une épine; le cinquième court, muni de deux épines ; le sixième long et de la même longueur que le troisième, porte de nombreuses épines sur le bord extérieur et sur le bord distal. Les troisième et quatrième articles se fondent souvent ensemble. Les appendices de la troisième paire des femelles sont plus que deux fois plus courts que ceux des mâles. Les premier, troisième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième articles sont courts; les deuxième, quatrième et cinquième, longs; le septième article est K22 W. SCHliMKEWlTSCIL privé de saillie. Le sixième article porte une épine bifurquée; les septième, huitième et neuvième portent chacun une épine simple; le dixième porte deux épines bifurquées; chez les mâles, les pro- portions des articles sont les mêmes, les épines sont plus longues, surtout celles du dixième, mais Jion bifurquées. Les appendices de la quatrième à la septième parre\ les premier, deuxième, troisième articles, dont le troisième est le plus long, portent chacun plusieurs épines sur le bord distal;le quatrième présente une courbure légère en forme de 5 et porte sur le bord supérieur un tubercule épineux; chez les mâles, il s'y place un con- duit assez long et conique des glandes cémentaires (Kissdriisen); le cinquième est muni, sur son bord supérieur, de trois protubérances épineuses, dont la troisième est très faible; le sixième article est muni de trois protubérances; les quatrième, cinquième et sixième articles, sur leurs côtés inférieurs et bouts distaux, sont couverts de petites épines; le septième est court et porte une grande épine et plusieurs petites sur le côté inférieur. Le tarse est courbé et présente le bord supérieur épineux; on voit sur la plante trois, plus rarement deux ou quatre épines basi- laires et trois épines plus petites, et une paire d'aiguilles devant le crochet; sur les bords de la plante, on voit deux séries de petits poils, disposées le long de la série médiane d'épines. Le crochet principal est d'une longueur un peu supérieure à la moitié du turse; les crochets secondaires mesurent la moitié de la longueur du crochet principal. \ù ovaire atteint jusqu'au bout du sixième article des appendices. Les excroissances intestinales pénètrent jusqu'à la base du tarse. 1 En comparant cette description avec celle de Wilsou, il faut se souvenir que le tarse de Wilson correspond au septième article, le propodus au Iiuilième, c'est- à-dire au tarse, et le dactylus au crochet. ESSAI FAUNE DES SPONGIAIRES DE ROSCOFP EMILE TOPSENT Chargé do cours à l'Écolo do médecine de Reims. Pendant les mois d'août 1889, août et septembre 1890, usant de lalarge liospitalilé que M. le professeur de Lacaze-Dulhiers m'accor- dait dans son laboratoire, j'ai cherché à prendre une connaissance aussi étendue que possible de la faune des Spongiaires de Roscoff. J'espérais, je l'avoue, y trouver, au douljle point de vue de la spéci- fication et de la biologie de ces êtres, plus de nouveauté que je n'en ai rencontré. Mais la Manche a été déjà soigneusement explo- rée par les zoologistes, et j'ai dû constater qu'à moins peut-être d'un séjour prolongé, même dans une localité aussi favorisée que Roscoff, les recherches antérieures, dont les résultats se trouvent consignés dans la monographie de Bowerbank *, n'ont laissé que peu de choses à découvrir. Pour ne parler que des espèces, je rappellerai qu'à Luc, sur les côtes du Calvados, de nombreux dragages et des excursions répé- tées à la grève, au cours de plusieurs années, m'ont permis de dres- ser ^ une liste de quatre-vingt-douze Eponges^. A l'exception de * A Monography of British Spongiadœ, 4 vol. London, 186'i-1882. 2 Éponges de la Manche {Mémoires de la Société zoologique de France, vol. III, p. 195, 1890). 3 En comptant Reniera viscosa, Tops., R. cinerea (Grani), soumises depuis à une 524 EMILE TOPSENT. quatre \ toutes étaient connues, bien que parfois assez mal et souvent d'après un spécimen unique; et le travail qui restait à faire, pénible et ingrat, consistait en la détermination du genre auquel elles appartiennent réellement, en la suppression des inutiles, en la description des véritables caractères de celles qu'on avait négli- gées forcément, et, d'une manière générale, en l'étude systéma- tique de leur distribution. A Roscoff, j'ai été plus heureux en ce sens que, beaucoup plus rapidement, j'ai pu réunir pour le laboratoire, une collection de cent dix Éponges. La liste en est fort instructive comparée à celle des espèces de Luc. Sur chacune figure un nombre assez élevé de types marquants dont l'absence sur l'autre saute aux yeux tout d'abord. Les différences sont très tranchées. Alors que la côte calcaire étonne par sa pauvreté en Calcaroa, la côte siliceuse s'en montre d'une richesse extrême : les Leucosolenia con'acea, Grantia com- pressa, Leuconia nivea, L. Johnstoni, etc., abondantes sous les pierres, y tapissent littéralement les parois des grottes. Une foule d'Épongés peuvent vivre jusque sur la grève, à Roscoff, que la topo- graphie de la côte du Calvados oblige, à Luc, à se cantonner loin du rivage. A Roscoff, c'est la grande mer; à Luc, jusqu'à plusieurs lieues au large, la drague ne sort pas de la zone sublittorale ; les Hymeraphia, les lïJyxiila, les Hymedesmia et, en général, les types d'eau profonde, y manquent ou sont très rares. Enfin, dans les deux localités, on constate jusque dans la coloration de certaines Éponges des différences qui semblent bien sous la dépendance des phéno- mènes de la nutrition. Ouant aux espèces nouvelles, on n'en ren- contre guère plus à Roscoff qu'à Luc. 11 est juste d'ajouter que les dragages sont fort difficiles sur les côtes de Bretagne; on les a mul- vérification qui les établit définitivement, et Baspailia Huwsei (Bow.), Esperella lilto- ralis, Tops., découvertes tout rûcennment ti Luc. » Hymedesmia minax, Reniera viscosa , Dendoryx incrustnnsviscosa, décrites dans Archives de zoologie expérimenlale et générale (II), vol. V bis, 1887, 4» mém., et Dendoryx Lucieiisis, décrite dans Notes spongologiques {Archives de zoologie expéri- menlale cl générale (II), vol. VI, Nules el Hevue, p. xxxvii, 1888). FAUNE SPONGIAllŒ DE ROSCOFF. 5-25 tipliés avec complaisance pendant mes deux séjours, et, malgré tout, j'aurais ignoré la présence de plusieurs habitants des fonds un peu considérables si je ne les avais trouvés constituant déjà un ru- diment de collection. 11 est à présumer, par conséquent, que la liste en est incomplète. Voici d'ailleurs la liste des espèces recueillies. On remarquera qu'elles proviennent, pour une bonne part, de Roscoff et de l'ile de Batz, de la plage de Pempoul, de l'embouchure de la rivière de Penzé, de l'ile Verte, et des rochers qui ne découvrent qu'aux grandes marées, le Beclem, Kaïnou, Rec'hier Doùn, Duon, etc., de ce que, d'une façon générale, on peut appeler la grève. I. SOUS-CLASSE CALCAREA. I. ORDRE HOMOCŒLA. Famille Asconidx. 1 . Leucosolenia conacca (Montagu), Bowerbank, T. C, grève. + '2. Leucosolenia lacunosa (Bean), Bo\verbank, A. C, dragages. * 3. Leucosolenia pinus (Hœckel), T. C, herbiers. ■i. Leucosolenia cuntorla, Bowerbaiik, P. C, grève. 5. Leucosolenia variabilis (Hîeckel), PoléjaefF, C, grève. H- 6. Leucosolenia falcata (H;eckel), Poléjaeff, P. C, grève. U. ORDRE HETEROCŒLA. Famille Syconidœ. * 7. Grantia compressa {0. Fabricius), Fleming, T. C, grève. 8. Sj/con ciliatum (0. Fabricius), Lieberkûhn, C, dragages. 9. Sjjcon coronatum (Ellis et Solaiider), Poléjaeff, C, grève et dragages. * 10. Si/con eJegans (Bowerbank), Poléjaeff, P. C, grève et dragages. '11. Sijcon villosum (Hc-eckel), Poléjaeff, A. C, dragages par faible pro- fondeur. ' 12. Uleglabra, U. Schmidt, C, grève et dragages. + 13. Amphoriscus oviparus (Hœckel), Poléjaeff, dragages. 1 Nous plaçons une croix (+) devant les espèces non encore signalées dans la Manche; un astérisque (*) devant celles qui n'ont point été rencontrées à Luc. Les noms des espèces nouvelles sont imprimés en caractères gras. 526 EMILE TOPSKNT. Famille Leiiconidœ. * 14, Lcaconia pumila, Bowerbank, A. C, grève. lo. Leuconia 7iivea (Grant), Bowerbank, T. C, grève. * 16. Leuconia Johnstoni, Carter, T. C, grève. * 17. Leuconia Gossei (Bowerbank), 0. Schiuidt, C, grève. II. SOUS-CLASSE IIEXACTIiNELLIDA. Pas de représentant. III. SOUS-CLASSE DEMOSPONGI/E. I. ORDRE TETKACTINELLIDA. Sous-urdre Choristida. Famille Tetillidj;. -r 18. Cranivlla cranium, aiict. Un individu, dragages. Famille Theneidœ. * 19. Pœcillastra compressa ( Bowerbank \ Sollas, A. C, dragages. Famille StellettidiB. * 20. Stellella Co//m(/«' (Bowerbank), Sollas, grotte de Uec'hier Doùn. 'il. Piloclirota Juctea (Carter), Sollas. Un individu, grève de Roscoff, Famille Geodiidœ. * 22. PacliymcUisma Johnstonia, Bowerbank, grotte de Rec'hier Doùn, Bloscon, etc. II. ORDR?: CAUNOSA. Som-ordre Microsclerophora. Famille Placinidœ. -\- 23. Placina inonolopha, F.-E. Schulze, P. C, grève et dragages. Sous-ordre Myxospongida. Famille Halisarcidœ. 24. Halisarca Dujardnii,ioh.n?,ton, A. C, grève et dragages. 2o. Oscarella lobularis (Schni.), Vosmaer, T. C, grève. FAUNE SPONGIAUŒ DE IIOSCOFF. 827 III. ORDRE CERATINA. Fcuville Spongelidse. 20. Spongelia fragilis (Johust.), Schmidt, T. C, grève et dragages. Famille DarivinellidcV. 27. Aplijiilla roica {Buvroii), V.-E. Schiilze, G., grève. 28. Aplijùlla sulfurea, F.-E. Schulze, C, grève; A. C, dragages. IV. ORDRK MONAXOiMDA '. I. Sous-ordrc Halichondiina. 1. Famille Uomovrhaphidœ. Sous-famille Ghaliiiin». 29. Chalina oculaéa (Johnston), Bowerbank, C, dragages. 30. Chalina gracilenta, l>o^verbauk, A. C, gi'ève. -\- 31. Chalina lirnhata (Moatagu), Bowerbauk, C, grève. Sous-familie Renierinae. .32. Halicliondrla panicea, Johnston, T. C, rivière de Penzé. 33. Halichondria coalita, Johnston, T. C, grève. 31. Halichondria glabra, Bowerhauk, A. C, grève. * 35. Halichondria albcscens, Johnston, A. C, grottes. + 36. Halichondria inenibrana ^Bowerbauk], le Beclem. H- 37. Halichondria inops, ii. sp., Ile Verte, 38, Reniera cinerea (Graut), G., grève. 30. Reniera perinollis (Bowerbank), G., dragages. 40. Reniera rosea (Bowerbank), G., grève. + 41. Reniera liygmxa (Bowerbank). Un spécimen, dragages, 42. Reniera indistincta (BovNerbank), T, G., grève, 43. Reniera viscosa, Topsent, T. C, dragages. 44. Reniera paruaitica (Bowerbank), A. G., dragages. 45. Reniera Pettt7i< (Bowerbank), G., grève. 40. Reniera elegans (Bowerbank), G,, grève et dragages. 47. Reniera fi slulosa (Bowerbank). Un spécimen, grève. 48. Renieradensa (Bowerbank), T. G., grève. 49. iîemera «mu/ans (Johnston), T. G., diagages; G., Duou. 50. Reniera Boicerbanki CSormun), G., grève. * Deux Éponges d'eau douce, Ephydalia fluvialilis, Lamouroux, et Spongilla lacustris, Lamarck, vivent en abondance dans un ruisseau qui débouche tout près de RoscotT. 28 ÉMILI< ÏOPSENT. 2. Famille Heterorrhapiddse. Sous-famille Gelliinœ. ol . Gellius aufjulalus (Bowerbank), Rdl. et D., C, grève et dragages. 3. Famille Desmacidonidse. Sous-famille Esperellinae. 4- o2. Stijlinos simpUcissima (Bowerbank), Topsent, A. C, dragages. o3. Stijlinus um'/b?'m«.? (Bowerbank), Topsent, le Beclem. 4- o4. Stylinos columella (Bowerbank), Topsent, A. C, dragages. 00. jB.s/)e/-e/fe .yo?-f^2(/a (Bowerbank), Vosmaer, T. C, grève. 36. Esperella macilenta (Bovs^erbank), Vosuiaer, C, grève et dragages. 57. Esperella modesta (0. Schmidt), Vosmaer, A. C, grève. 58. Esperella xgagropila (Johnston), Vosmaer, A. C. (?), dragages. -|- o9, Esperella littoralis, n. sp., T. C, grève. 60. Esperiopsis Edivardi (Bowerbank), Rdl. et D., A. C, grève et dra- gages. -1- 61. Esperiopsis imitata (Bowerbank). Un spécimen, dragages. 62. Dendorijx Dujardini (Bowerbank), Topsent, C, grève et dragages. 63. Dendoryx incrustons (Johuston), Gray, A. C, grève et dragages. 64. Dendoryx incrustans, "var. viscosa, Topsent, T. C, grève et dragages. * 65. Dendoryx Pattersoni (Bowerbank), dray, A. G... dragages. 66. Dendoryx [lophon) niyricans (Bowerbank), Topsent, T. C., dragages. 67. Dendoryx [lophon) Hyndrnani (Bowerbank), Topsent, G., dragages. 68. Dcsmncidon fruticosa (Johnston), Bowerbank, T. G., dragages. Sous-famille EcLyoniiife. H- 69. Myxilla Pcachi (Bowerbank), T. G., grève et dragages. -+- 70. Myxilla occulta (Bowerbank). Deux spécimens, dragages. 71. Myxilla zVre^!(/«r« (Bowerbank), A. G., dragages, -h 72. Myxilla jecusculum (Bowerbank), Vosmaer, P. G., grève, -f- 73. Myxilla [Pocilloii) implicita (Bowerbank), Topsent. Un spécimen, dragages. + 74. Hymeraphia simplex, Bowerbank, A. G., dragages. -J- 7o. Hymeraphia coronula, Bowei'bank. Un spécimen, dragages. * 76. Hymeraphia echinata (Hope), T. G., grève et dragages. + 77. Hymeraphia Lacazei, n. sp., A. G., dragages. 78. Microciona armata, Bowerbank, T. G., grève. 79. Microciona atrasang uinea , Bowerbank, T. G., grève. 4- 80. Microciona ambigua, Bowerbank, G., dragages. FAUNE SPONGIAIRE DE ROSCOFF. S29 81. Microciona strepsitoxa, Hope, A. C, grève. 4- 82. Microciona dives, n. sp., C, grève et dragages. 83. Stylostichon plumosa (Montagu), Topsent, T. C, grève. 84. Spanioplon armatura (Bowerbank), Topsent, C, grève. * 8o, Ophlitaspongia seriata (Grant), Bowerbank, C, grève. -+- 86. Plocamia microcionides (Carter), Schmidt. Un spécimen, dragages. 4- 87. Bubaris vermiculata {Bovi&vhAnk), Gray. Quatre spécimens, dragages. + 88. Bubaris verticillata (Bowerbank), C, dragages. Famille Axinellidx. 89. Hymcniacidon caruncula, Bowerbank, T. C, grève. 90. Hymeniaddon sanguinea (Grant), Bowerbank, A. C, dragages. + 91. Hymeniaddon perl3evis (Montagu). Un spécimen, dragages. 92. Axinella dissimilis (Bowerbank), C, au large. -|- 93. Axinella damicornis, 0. Schmidt. Deux spécimens, dragages. + 94. Phakellia ventilabrum (Johnston), Bowerbank, C, au large. 95. Raspailia ramosa (Montagu), G., au large. 96. Raspailia hispida (Montagu), G., au large. 97. Raspailia rigida (Montagu), G., au large; A. R., grève. 98. Raspailia stuposa (Montagu), G., au large. 99. Raspailia fasdcularis (Bowerbank), A. G., au large. II. Sous-ordre Spintharophora. GROUPE HETEROSCLERA. I. Section A dculidœ. Famille Tethyidx. 100. Tethya lyncurium, Lamarck, G., dragages; A. G., grève. II. Section Clavulidœ. Famille Spirastrellidas. 101. Hymedesmia stellata, Bowerbank, G., dragages. + 102. Hymedesmia stellifera (Bowerbank). Un spécimen, dragages. Famille Suberitidœ. 103. Suberites ficus (Johnston), 0. Schmidt, T. G., dragages. 104. Suberites sulphurea (Beau), G., grève et dragages. 103. Suberites tenuicula (Bowerbank), Garter (?), T. G., grève et dragages. 106. Polymastia robusta, Bowerbank, A. G., dragages. 107. Polymastia mammillaris (Johnston), Bowerbank, A. G., dragages. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 28 SÉRIE. — T. IX. 1891. 34 530 EMILE TOPSENT. Famille Clionidœ. 108. Cliona celata, Grant, T. C, dragages. 109. Cliona V asti fie a ^ Hancock, C, dragages. 110^ Cliona lobata, Hancock, G., sur les moules, à Duou. OBSERVATIONS CALCAREA. Leucosolenia coriacea (Mont.), Bow. — Il est impossible de trouver ailleurs plus de variété qu'à Roscoff dans la couleur de cette Éponge. Sous les pierres de la grève, elle est le plus souvent blanche, mais, fréquemment aussi, rose, rouge-brique et verte. Dans les grottes de Duon et de Rec'hier Doùn, dont elle tapisse des surfaces considé- rables, elle se montre le plus ordinairement jaune-soufre. Cette Éponge ne possède pas de pigment et ce sont les matières de réserve accumulées dans ses cellules sphéruleuses qui lui communiquent ces nuances diverses. La dimension des spbérules varie avec les individus; elle est plus petite chez les spécimens incolores, plus grande et quelquefois fort belle chez les spécimens colorés. Il reste- rait à déterminer la composition chimique du contenu de ces cel- lules pour chacune de leurs colorations. 1 Grâce aux croix et aux astérisques, le lecteur juge aisément de ce qui manque à Luc. 11 est indispensable, pour compléter le rapprochement, d'énumérer à leur tour les Eponges de Luc qui n'ont pas encore été vues à Roscofl' : Leucosoleniabotryoides (Ell.et Sol.),Bow. Dendoryx luciensis, Tops. Sycon quadrangulatum (Schm.), Poléj. Myxilla radiata (Bow.). Chalina Montagui (Johnst.), Bow. Myxilla zetlandica (Bow.), Vosm. Halichondria caduca, Bow. Microciona spinarcus, Carter. Halichondria inconspicua, Bow. Hymeraphia clavata, Bow. Halichondria incerta, Bow. Hymeniacidon Aldousi (Bow.). Halichondria Bretti (Bow.) Ciocalypta penicillus, Bow. Reniera varians {Bow.}, Raspailia virgultusa (Bow.). Reniera ramusculus (Bow.). Raspailia Howsei (Bow.). Gellius fibulatus (Schm.). Hymedesmia minax, Tops. Desmacella Peachi (Bow.), Tops. Suberites domuncula, Nardo. Stylinos pannosa (Bow.), Tops. Quasilliua brevis (Bow.), Norm. Esperiopsis fucorum (Johnst). Tethyspira spinosa (Bow.), Tops. Esperiopsis Normani (Bow.). Les deux localités ont donc fourni aux recherches jusqu'à présont cent trente- sept espèces de Spongiaires, dont huit nouvelles. FAUNE SPONGIAIRI-: DE ROSGOFF. 531 LeucosolEiMa variabilis (Haeck.), Poléj. est (et non L. botryoides) cette Éponge dont G. Vasseur, le premier, observa le bourgeonne- ment, à RoscofF même, en 1879 \ Leucosolenia falcata (Hseck.), Poléj., n'avait encore été signalée que dans l'Adriatique (à Lésina, par Haeckel). Aucun doute ne peut être conçu au sujet de l'identité de celte Éponge de Roscoff. Elle se présente sous la forme Ascometra, avec la couleur brun clair du type, et les détails de la spiculation décrite par Hseckel lui convien- nent rigoureusement. Amphoriscus oviparus (Hœck.), Poléj., n'avait été recueillie, que je sache, que sur les côtes de la Floride, par 26 brasses de profondeur, en 1868 -. C'est, comme sur la côte américaine, sous la forme Sycu- rus qu'on la drague au large de Roscoff. TETRACTINELLIDA. PiLOCHROTA LACTEA (Cart.), Soll. — On trouve de place en place, à la grève, devant le laboratoire, des pierres calcaires ayant servi de lest aux bateaux qui viennent prendre chargement à Roscoff. C'est sur une de ces pierres que j'ai recueilli Pilochroia lactea, en compa- gnie de Reniera fistulosa. Pacrymaïisma johnstonia, Bow. — J'ai fréquemment observé sur les Pacliymatisma vivantes un décollement fort intéressant des parois de leurs canaux efférents, tendant, sans doute, à augmenter la vitesse et la force du courant d'exhalation *. carnosa. Placina monolopha, F.-K. Schulze. — Les; Placina n'avaient jus- qu'à présent été rencontrées que dans l'Adriatique et dans le golfe ' G. Vasseur, Reproduction asexuelle de la Leucosolenia botryoides [Archives de zoologie erpérimentale et générale, vol. VIII, 1S79-18S0). . 2 Ernst HiECKEL, Die Kalkschivàmme, vol. II, p. 274. Berlin, 1872. ' E. TopsENT, Décollement fréquent des parois des canaux efférents dies Pachij- malisma Johnstonia, Bow. {Revue biologique du nord de la France, vol. Il, n° 8, 1890). S3-2 ÉiMlLE TOPSENT. de Naples. Placina monolopha vit à Roscoff, notamment au Beclem, dans la baie de Morlaix, à un niveau relativement élevé. La drague Ta aussi rapportée de la profondeur, considérable par rapport à ce qu'on savait, de 65 mètres au voisinage d'Astan '. Halisarca Dujardini, Johnst., est loin d'être aussi commune à Ros- coff qu'à Luc. OscARELLA LOBULARis (Schm.), Vosm., au contraire, rare à Luc, est excessivement abondante à Roscoff. Elle y affecte des formes et des colorations variables; on la voit lobée ou plane, rouge, brune tachée de rouge, brune, ou enfin jaunâtre. C'est elle, sans doute, que Giard a, sans rien affirmer toutefois, confondue avec Halisarca guilula, Schm., de la Méditerranée. CERATINA. Aplysilla sulfurea, P.-E. Schulze, est une Eponge de la Méditer- ranée, commune à Roscoff, surtout sous les pierres de la grève. Sa teinte varie du jaune soufre au jaune pâle, presque au blanc. Dans l'alcool, elle tourne au violet vif. Les pêcheurs m'ont rapporté du large plusieurs individus ainsi colorés. Il est bon de noter ce fait, dont l'interprétation exacte est assez difficile, car il pourrait induire en erreur et faire croire à l'existence d'une Aplysilla d'espèce indé- crite. Aplysilla rosea (Barrois.), F.-E. Schulze. — C'est peut-être aussi une Cératine commune à la Manche et à la Méditerranée, si la Ve- rongia rosea de Barrois et V Aplysilla rosea de Schulze sont, comme il semble, identiques. Il s'agit bien d'une Aplysilla et ses fibres ne diffèrent pas de celles d'A. sulfurea. Comme' preuve de la grande extension de la zone sublittorale à Luc, je rappellerai que l'unique échantillon de cette Éponge que j'y aie observé provenait d'un dra- gage à plusieurs lieues au large. A Roscoff, comme à Saint-Vaast, ' E. TopsENT, Sur la distribution géographique de quelques Microsclerophora {Bul- letin de la Société zoologique de France, vol. XV, p. 231, 1890). FAUNE SPONGIAIRE DE ROSGOFF. 533 A. rosea paraît habiter la grève exclusivement; on l'y rencontre en abondance. Spongelia FRAGiLis (Johnst.), 0. Schm. — On la recueille à profu- sion et sous des aspects si divers qu'on en arrive à douter si Spon- gelia coriacea (Bow.) représente réellement une espèce distincte. MONAXONIDA. Renierinx, Halichondria membrana (Bow.). — J'en ai trouvé plusieurs plaques sous des pierres, auBeclem. Des algues unicellulaires, rondes, char- geant leurs tissus, leur communiquaient une teinte brun foncé. halichondria inops, n. sp. (pi. XXII, fig. 1). En 1889, j'ai recueilli sur une pierre, derrière l'île Verte, une Éponge ne possédant que des strongyles. Cette spiculation, au pre- mier abord, fait songer à Desmacidon columella de Bowerbank ; mais cette dernière est assez commune dans les eaux de Roscoff, et nulle confusion n'est permise entre elles. Chez la première, les spicules sont épars; ils se disposent en fibres dans la seconde. Les spicules de la première, strongyles parfaits, appartiennent franchement au type diactinal; ceux de la seconde, examinés de très près, ont deux extrémités dissemblables; ce sont des tornostrongyles, se montrant quelquefois comme des styles par- faits ; ils appartiennent au type monactinal. La première, d'espèce nouvelle, est une Halichondria; la seconde, ancienne Desmacidon, se range aujourd'hui parmi les Esperellinse, dans le genre Stylinos. Halichondria inops est revêtante, lisse, molle, jaune, en un mot, semblable à Dendoryx Dujardini par ses caractères extérieurs; mais elle manque absolument de spicules épineux. Je l'ai appelée Halichondria inops, parce que la production de silice s'y montre aussi restreinte que possible. Les spicules, peu 534 EMILE TOPSENT. nombreux (ce qui détermine la mollesse du corps), sont relative- ment faibles et ne mesurent pas plus de 180 h- de long sur 3 [x de large, et leurs parois, remarquablement minces, limitent un large canal axial presque constamment rempli d'air (fig. i). J'ai mis à profit cette particularité pour prendre connaissance de leur disposi- tion réelle. Quand on fait sécher un fragment de cette Éponge pour le monter au baume, la dessiccation amène une contraction de la chair et, par suite, un enroulement des spicules pouvant donner l'illusion de fibres courtes et maigres, orientées parallèlement entre elles. Procédant autrement, si l'on place au sortir de l'alcool un petit morceau de l'Éponge dans une goutte de glycérine, il ne se produit aucune contraction sensible, et les canaux pleins d'air des spicules apparaissent disséminés sans ordre et lâchement entre- croisés. Reniera rosea (Bow.).— Il n'est pas rare d'en rencontrer des spé- cimens orangés, coloration anormale due à la production, sur le kératode d'union des spicules, d'une grande quantité de granules jaunâtres tels que ceux qui couvrent fréquemment les fibrilles des Hircinia. D'après Schulze ', l'analyse chimique de ces fibrilles aurait décelé la présence de sels de fer. Reniera viscosa. Tops. ^ doit être admise comme espèce distincte. Comme elle abonde à Roscofï'dans tous les dragages, ses caractères s'y laissent plus facilement apprécier qu'à Luc. Ses oscules ne sont pas toujours composés (ce qui d'ailleurs n'est qu'une apparence) comme je l'avais cru d'après les deux premiers spécimens obtenus, mais ils s'ouvrent toujours largement et se disposent sur des crêtes ou à l'extrémité de mamelons coniques bien marqués. C'est avec Reniera indistincta (Bow.) que R. viscosa a le plus d'affinités. Toutes 1 F.-E. Schulze, Dk Gattung Hircinia Nard. und Oligoceras n. g. {Zeilsch. f. wiss. Zool., Bd. XXXIIl). - E. TopsENT, Contribution à l'étude des Clionides {Archives de zuologin expérimen- tale et générale (II), vol. V bis, suppl., 4*= mém., p. 149). FAUNE SPOXGIAIIŒ DE ROSCOFF. 535 deux sécrètent une mucosité abondante; toutes deux contiennent des cellules sphéruleuses riches en amidon. Mais leur aspect diffère : Reniera indistincta est ordinairement revêtante, rarement massive en partie, et présente une surface fort irrégulière; R. yzscosa, toujours massive, a, au contraire, une surface parfaitement égale et lisse. La couleur de Reniera indistincta varie dans les tons gris, tandis que R. viscosa se montre d'un jaune qui tire sur le brun et qui noircit manifestement au bout d'un court séjour dans les cuvettes d'eau mal aérée. Enfin, les oxes de Reniera viscosa sont un peu plus longs et plus forts que ceux de R. indistincta. Reniera indistincta\id^i\i& la grève; R. viscosa se lient dans les eaux profondes. Reniera elegans (Bow.). — A la grève, Reniera elegans, si intéres- sante par son système conjonctif, prend parfois, d'une manière frap- pante, l'aspect de R. mammeata (Bow.), et, comme les descriptions de ces deux Éponges par Bowerbank se ressemblent beaucoup, je ne suis pas éloigné de croire à l'identité de ces deux prétendues espèces, et je m'abstiens de faire figurer R. mammeata sur la liste générale des Spongiaires de Roscoff. Esperellime. Stylinos siMPLicissiMA (Bow.), et Stvlinos UNiFORMis (Bow.). — Ce sont les Raphiodesma simplicissimum et Isodiclya uniformis de Bower- bank. Les Raphiodesma se trouvent désormais englobés dans le genre Esperella, Vosm. Seul, Raphiodesma simplicissimum, dépourvu de microsclères, n'y a point été admis. Ses spicules monactinaux, dis- posés en fibres très visibles quoique courtes, montrent cependant qu'il ne s'agit pas d'une Hymeniacidon, mais bien d'une Esperelline. Un certain nombre d'Épongés, dispersées dans plusieurs genres, se présentaient dans le même cas. Je les ai réunies dans un genre nou- veau, G. Stylinos^, en les définissant: • Contribution à l'élude des Spongiaires de rAtlanlique nord ; résultats des campa- gnes scientifiques de l'Hirondelle, fasc. II (sous presse). 536 EMILE TOPSENT. Esperellinœ, dont les seuls mégasclères, réunis en fibres, sont des styles lisses ; microsclères absents. Naturellement, Isodictyauniformis, Bow.,est du nombre ; ses styles empêchent de le laisser parmi les Remerinx ; leur groupement en lignes multispiculées forme des fibres aussi nettes que celles de Stylinos simplicissima. Stylinos columella (Bow.), (pi. XXII, fig. 6, a, b). — Bowerbank l'appelait Desmacidon columella. La description qu'il en fit peut in- duire en erreur ; ce n'est pas une Desmacidon : ses spicules n'ap- partiennent pas au type diactinal. Il est vrai qu'un examen attentif permet seul de s'en rendre compte. Stylinos columella n'est pas rare à Roscoff, dans les dragages. C'est une Éponge de forme capricieuse, mi-partie revêtante, mi-partie massive, de couleur particulière, blanc laiteux marbré de jaune, à surface absolument lisse, irrégulière dans les parties massives, égale, au contraire, dans les parties revêtantes périphériques des beaux échantillons. Encroûtante, elle ressemble à s'y méprendre à quelque Didemnum, et laisse apercevoir les canaux aquifères qui rampent sous son derme. Je n'ai point réussi à voir ses oscules, même sur les spécimens intacts mis en observation dans les bacs. Sollas n'admet pas la possibilité de l'existence d'une cuticule à la surface de certaines Éponges. Pourtant les faits s'imposent. Pour ma part, j'ai détaché une membrane anhiste de toutes les surfaces libres et inactives de Cliona celata ; yen ai découvert une sur les flancs d'une Suberotelites des Açores ; enfin, c'est par grands lam- beaux que j'en obtiens une sur Stylinos columella. Les spicules, longs (400 1^) et relativement grêles (6 ]j.), disposés en fibres robustes, ne sont jamais des strongyles parfaits mais des tor- nostrongyles, c'est-à-dire des organites presque cylindriques avec une extrémité réellement arrondie et un tant soit peu plus large que l'autre qui marque, au contraire, une tendance à s'appointer (fig. 6); si la pointe s'exagère, on se trouve en présence de styles véritables ; ces styles restent d'ailleurs fort peu nombreux et constituent l'ex- FAUNE SPONGIAIRE DE ROSCOFF. 537 ception, mais ils achèvent de démontrer que les spicules de l'Éponge en question se rattachent au type monactinal. Plus de doute, l'an- cienne Desmacidon columella doit rentrer dans le genre Stylinos. Stylinos columella mérite, à un autre point de vue, de fixer notre attention. Cette Éponge siliceuse, vivant sur des fonds siliceux, fait, au même titre que les graines d'ortie, des réserves de carbonate de chaux I Gela, sous forme de granules innombrables qui remplissent ses cellules sphéruleuses, les obscurcissent, rendent les tissus opa- ques, cachent en partie le pigment jaune des autres éléments cellu- laires et communiquent à la masse son aspect laiteux caractéristi- que. L'acide acétique, attaquant ces granules, détermine une effer- vescence tout à fait significative. Le carbonate de chaux est à ajouter à la liste des matières de réserve qu'emmagasinent les Eponges. La reproduction de Stylinos columella a lieu en août et septembre. Les œufs, d'un beau jaune, sont d'assez grande taille, comme ceux des Esperella. Je ne les ai malheureusement vus qu'au stade de seg- mentation qui précède l'apparition des spicules. Ils semblent ne pas contenir de carbonate de chaux. Esperella macilenta (Bow.), Vosm., et Esperella sordida (Bow.), Vosm., vivantes, se distinguent aisément l'une de l'autre. La colo- ration, ordinairement rouge, de la première est due à une substance contenue dans ses belles cellules sphéruleuses, ses cellules vibra- tiles demeurant incolores. Chez Esperella sordida, les cellules sphé- ruleuses sont toujours incolores, et la couleur de cette Éponge, variant du jaune pâle au rouge brillant, n'est attribuable qu'au pig- ment propre des corbeilles et des cellules granuleuses du méso- derme. Notons encore que l'abondance ou la rareté relative des diverses sortes de microsclères de Esperella sordida se montrent su- jettes à des variations parfois fort embarrassantes. esperella littoralis, n. sp. (pi. XXII, fig. 8). Cette Éponge paraît n'avoir point été décrite. Elle ne figure cer- tainement pas dans la monographie de Bowerbank, ni parmi les Des- 538 EMILE TOPSENT. macidon, ni parmi les Raphiodesma ou les Hymeniacidon qui rentrent aujourd'hui dans le genre Esperella de Vosmaer. On la rencontre pourtant communément à RoscoCF, sous les pierres, au parc du laboratoire, à l'île Verte, au Kaïnou, etc. Récemment, je l'ai trouvée aussi à Luc. Elle est revêtante^ mince, jaune d'ocre, très molle, non gluante. Ses orifices aquifères, très petits, peu espacés, se disposent en lignes assez régulières ; mais ils ne deviennent distincts que lorsque le cou- rant d'eau provoqué par les cellules flagellées est établi ; autrement, les contractions du derme les tiennent fermés. Cette description s'applique d'ailleurs à la grande majorité des Eponges revêtantes. Esperella littoralls est caractérisée, en tant qu'espèce, par des ra- phides d'une longueur inaccoutumée, groupés le plus généralement en trichodragmates dans les membranes. Ils atteignent presque deux fois la longueur des plus beaux spicules du squelette. Peut-être pourrait-on les considérer comme des toxodragmates, mais ils sont plutôt flexueux que tricurvés. En tout cas, je me suis assuré qu'au- cune Esperella connue ne possède des toxes de cette taille ou môme en approchant. Les membranes sont assez riches en cellules sphéruleuses inco- lores à sphérules de dimensions variables, suivant les individus. Sou- vent, des raphides isolés se montrent inclus (flg, 8, f) dans des cel- lules vacuolaires vraisemblablement d'origine ectodermique, qui paraissent colossales à côté des autres éléments cellulaires (compa- rer, fig. 8, /"et h). Peut-être sont-ce les cellules mères des raphides ? Le groupement de ces organites en faisceaux ne s'effectuerait, dès lors, qu'après leur complet développement? Spiculation. — L Mégasclères : 1. Tylostyles lisses du squelette (fig. 8, «), à tête relativement peu dégagée, longs de 225 [v, et larges de 7 ; ils forment des fibres plurispiculées bien marquées. 2. Tylos- tyles lisses du derme et des membranes, de même sorte que les pré- cédents, souvent aussi longs qu'eux, mais plus grêles et à tête mieux dégagée (fig. 8, a'). FAUNE SPONGIAIRE DE KOSGOFF. 539 II. Microsclères : 3. Raphides grêles (fig. 8, c), flexucux, longs de 400 |j. et larges de 1 [j., le plus souvent fascicules en trichodragmates (fig. 8, *)dans les membranes. 4. AmsocAè/es de deux sortes, tridentés palmés (fig. 8, d) et bidentés (fig. 8, e), de taille médiocre, longs de 27 à 30 [X, fréquemment groupés en rosettes. Il en existe aussi de plus petits, épars dans les membranes, abondants ou rares, suivant les individus. Ectyoninx. Myxilla Peachi (Bow.). — Surface lisse. Derme épais et coriace. Oscules larges quand ils sont ouverts, très contractiles, et invisibles quand ils se ferment. Couleur jaune, rose ou rouge. Spicules der- miques, le plus souvent tornotes (Bowerbank a décrit et figuré des tornostrongyles ou pseudo-styles). Cellules sphéruleuses, tantôt incolores et tantôt colorées. Reproduction en août et septembre. Des plaques immenses tapissent la grotte de Duon. Myxilla (Pocilloin) implicita (Bow.), Tops. — Cette ancienne Isodic- tya implicita de Bowerbank sert, dans le genre Myxilla, de type à un sous-genre particulier, caractérisé par la possession des bipocilles. Pour les Myxilla pourvues de bipocilles, j'ai proposé le nom de Pocillon. Les Pocillon sont donc aux Myxilla ce que les lophon sont aux Dendoryx. A la description de Myxilla Pocillon implicita (Bow.), il convient d'ajouter que le derme de cette Eponge s'arme de spicules propres, des strongyles, lisses, grêles et droits. Je m'étonne que Bowerbank ne les ait pas observés ; mais, d'autre part, je suis convaincu de l'exactitude de ma détermination, parce que le spécimen recueilli à RoscofF possédait, comme le type, une forme de styles épineux fort caractéristique, et, en fait de microsclères, des bipocilles petits, peu abondants, et des anisochèles tout aussi petits et moins nom- breux encore. Hymeraphia simplex, Bow. — Des trois spécimens dragués, deux étaient jaune pâle, avec des cellules sphéruleuses incolores, et le 5',0 EMILE TOPSENT. troisième rouge vif, avec des cellules sphéruleuses couleur grenadine . Voilà une observation comparable à celles que nous venons de faire sur Leucosolenia coriacea et Myxilla Peachi, à celles que nous ferons encore sur Bubaris verticillala et Raspaiiia ramosa. Hymeraphia coronula, Bow. — Éponge revêtante, mince, hispide, de couleur orangée ; cellules sphéruleuses abondantes, à sphérules assez petites, rosées, déterminant un état visqueux de la surface, qui explique que Bowerbank y ait trouvé beaucoup de matières étrangères. Les spicules du squelette et accessoires du squelette se dressent tous au contact immédiat du support. La couronne et le cou des styles accessoires du squelette sont bien marqués ; les autres épines se dispersent sur la tige. Hymeraphia coronula, de même que Hymeraphiasimplex, Halichon- dria membrana, Myxilla occulta et Microciona ambigua, n'avait encore été signalée qu'aux Shetland. UYMERAPHIA ECHINATA, HopC, Sp. Sya. : Trachytedama ? echinata, Hope. Je me proposais de décrire cette Éponge comme nouvelle, quand j'eus connaissance de la note toute récente de R. Hope, concernant deux nouvelles Éponges des côtes d'Angleterre*. L'auteur l'a nom- mée Trachydetania ? echinata. Il me semble qu'il s'agit d'une Hymeraphia, car ses spicules du squelette et accessoires du squelette sont, dans la règle, dressés im- médiatement sur le support. Je n'ai pas retrouvé ce que Hope consi- dère avec hésitation comme des microsclères. Cette Éponge est très commune à RoscofT, à la grève et dans les dragages. Sa couleur varie du jaune d'ocre au brun violacé. Elle se distingue de Dendoryx Dujardim par la consistance de son derme, » On hvo new British Species of Sponges, with short notices... {Ann. and Mag. uf Nat. llist. (VI), vol. IV, p. 333-3'i2). FAUNE SPONGIAIRE DE KOSCOFF. 541 plus coriace encore, s'il est possible, que celui de Myxilla Peachi, par la présence de deux sortes de styles épineux, enfin par ses spi- cules diactinaux du derme, qui sont des tylotes à têtes plus ou moins accusées, suivant les individus. En septembre, tous les spécimens recueillis étaient en pleine reproduction. J'ai pu noter, chez les embryons, une diversité très remarquable de spiculation, paraissant en rapport avec la position qu'ils occupaient dans l'Éponge : les plus superficiels possédaient, en un faisceau, les spicules diactinaux du derme, bien grêles, natu- rellement, mais fort nettement renflés aux deux extrémités, et les plus profondément situés, des styles épineux représentant, sans doute, le jeune âge des spicules accessoires du squelette, ceux que Bowerbank considérait comme les spicules de défense interne. Carter a fait remarquer à Hope la ressemblance générale de l'Éponge en question avec Hymeniacidon Dujardini, Bow., qu'il iden- tifierait volontiers avec Myxilla? rubiginosa, Schm. Mais Trachyte- dania ? eckinata, Hope, possède trois sortes de spicules au lieu de deux, et, d'autre part, chez l'Éponge de Schmidt, les tylotes appar- tiennent au choanosome et les styles épineux au derme. uYMERAPniA LACAZEi, u. sp. (pi. XXII, fig. 4 et 5.) Bien que cette Éponge ne présente extérieurement aucun carac- tère digne de fixer l'attention, comme elle est certainement distincte des Hymeraphia rencontrées jusqu'à ce jour dans nos mers, je prie M. le professeur de Lacaze-Duthiers de me permettre de la lui dédier pour qu'elle rappelle, une fois de plus, son nom aux zoologistes qui, chaque année, se donnent rendez-vous dans son laboratoire de la Manche. Hymeraphia Lacazei est, à la manière de toutes les Hymeraphia, une Éponge revêtante, tapissant, sur une étendue variable et sur une épaisseur de 1 millimètre environ, les anfractuosités des pierres du S4-2 EMILE TOPSENT. large. Elle forme des plaques grisâtres ou verdâtres, longuement hispides, et coriaces. Ce dernier caractère tient, comme on va le voir, à la constitution particulière de son derme. Sur une coupe verticale (fig. 4), la masse se montre composée de deux couches superposées tranchant vivement l'une sur l'aulre : 1° une couche profonde (le choanosome), molle, colorée en jaune par le pigment propre des cellules flagellées et digestives; au voisinage du support seulement, l'entassement des spicules accessoires du squelette lui donne un peu plus de fermeté; 2° une couche superficielle (le derme), plus épaisse que de coutume et rendue très coriace par ses spicules spé- ciaux, tornotes relativement forts et longs, qui, excessivement nom- breux et orientés verticalement, se serrent les uns contre les autres en une sorte de cuirasse, traversée çà et là par les pointes distales des grands spicules du squelette; cette écorce, épaisse de toute la longueur des tornotes et plus ou moins chargée de détritus, est ver- dâtre grâce à une localisation des cellules sphéruleuses, vertes et de taille assez médiocre. Je n'ai pu découvrir dans cette écorce les ori- fices du système aquifère. Spiculation. — Mégasclères : 4. Tylostyles (fig. 5, a), spicules ])du squelette, lisses, à tête bien dégagée, sans la moindre indication d'épines ; ils atteignent souvent plus de 2 millimètres de longueur, de sorte que, s'insérant par leur tête sur la membrane basale, au contact de la pierre, ils traversent tout le choanosome et le derme et se projettent longuement au dehors; leur lige n'a pas moins de 20 [}. de diamètre. 2. Subtylostyles épineux (fig. 5, b), spicules acces- soires du squelette, courts et forts (longueur, 73-80 \}.; largeur, 10 jj. à la base) 5 très nombreux, ils se dressent tous sur la membrane basale, entre les tylostyles qui, eux, sont assez espacés. 3. Tornotes Hsses (fig. 5, c], spicules du derme, longs de 230 \i. en moyenne et larges de 7 \}. vers le centre, verticaux, fascicules, serrés, comme il a été dit plus haut. Pas de microsclères. FAUNK SPONGIAIUE DE ROSCOFF. 543 MiCROCioNA AMBiGUA, Bow. — Cette espèce, Bowerbank l'a créée d'après un spécimen unique, provenant des Shetland. Elle est com- mune à RoscofF, dans les dragages, ce qui nous permet d'en retou- cher un peu la description. Les styles du squelette, faiblement épineux à leur base, sont bien groupés en bouquets divergents plutôt qu'en colonnes. Les spicules lisses du derme sont sujets à des variations indivi- duelles : ce sont tantôt des tornotes parfaits, tantôt des strongyles, tant leurs pointes sont courtes, tantôt encore des tylotes, par suite d'un renflement à peine perceptible de leurs extrémités, parfois enfin presque des tornostrongyles, par suite d'une inégalité t}ès légère de leurs deux bouts; mais tout cela est si difiicile à apprécier qu'on peut admettre simplement qu'ils sont cylindriques diactinaux. Bowerbank indique une forme de spicules épineux que je n'ai pas retrouvée. 11 est vrai que les spicules accessoires du squelette ont une tendance à tronquer leur pointe. C'est peut-être une exagéra- tion de cette tendance que présentait le type spécimen de Micro- viona ambigua. Enfin, pour en finir avec la spiculation, disons qu'il n'existe qu'une seule forme de microsclères, des isocbèles palmés tridentés, très exactement représentés par la figure 8, pi. XXV, du tome III de la Monographie. Couchés de côté, ils ne laissent plus voir que deux dents à chaque extrémité de leur tige, et cela a trompé Bowerbank. Vivante, Microciona ainbiqua est molle, un peu hispide. Sa colo- ration, peu ordinaire chez les Spongiaires, varie du vert pâle au gros vert; elle dépend presque exclusivement de la présence de cellules sphéruleuses vertes, plus ou moins abondantes suivant les individus. MiCROCioxA DivEs, u. sp. (pi. XXII, fig. 2 et 3). Cette Eponge abonde àRoscofi', dans les dragages et surtout à la grève. A la différence des autres Microciona de la région, rouges ou vertes, elle paraît se colorer constamment en jaune. Ses autres 544 EMILE TOPSENT. caractères extérieurs sont ceux de toutes les espèces du même genre. Ce qui la caractérise le mieux, c'est sa spiculation. Possédant seule deux sortes de microsclères, à la fois des chèles et des sig- mates, elle mérite le nom spécifique qui sert à la désigner, Spiculation. — I. Mégasclères : 4. Subtyloslyles (fig. 2, a), spicules principaux du squelette, épineux sur les deux tiers de leur tige, pas très grands, puisqu'ils ne dépassent guère 200 [x de longueur. 2. Sub- tyloslyles (flg. 2, é), spicules accessoires du squelette de toutes les Ectyoninae, entièrement épineux, longs de 85 \).. 3. Tornotes lisses (fig. 2, c), spicules du derme, lisses, longs de 150 [/. et larges de 2 p- seulement. II. Microsclères : 4. Isochèles tridentés (fig. 2, e), abondants et de toute taille, jusqu'à un maximum de 25 {x. 5. Sigmales, droits ou contournés (fig. 2, d), plus nombreux encore, et atteignant 35 [i. de grand axe. Les plus beaux spécimens possèdent bien les caractères du genre Mio'ocwna, c'est-à-dire que leurs spicules du squelette se disposent en colonnes plumeuses assez longues (fig. 3), hérissées de spi- cules accessoires. Mais il en est d'autres qu'on pourrait prendre pour des Hymeraphia, tant leurs colonnes sont réduites, les spicules principaux du squelette restant même parfois isolés au milieu des subtylostyles entièrement épineux, dressés sur la membrane basale. Sous ce rapport aussi, Microciona dives ne manque pas d'intérêt, puisque, suivant son âge et son développement, elle marque le pas- sage des Hymeraphia aux Microciona. Plocamia microcionides (Carter), Schmidt. — Myxilla {Pocillon) implicùa nous a montré, à Roscofi", des spicules spéciaux du derme (voir plus haut) dont, selon toute probabilité, le type de l'espèce était dépourvu. De telles variations individuelles se produisent chez d'autres Éponges : l'unique Plocamia microcionides, fourni par un dragage au nord-est d'Astan, armait son derme de longs tornotes FAUNE SPONGIAIHIi DE ROSCOFF. S45 lisses, très nombreux, dont je n'ai pu trouver de traces sur un autre représentant de la même espèce recueilli par le yacht l'Hirondelle^ au prince de Monaco, dans les parages de Terre-Neuve. Des subtylostyles épineux, propres aux Ectyoninge, accompagnent toujours à leur base les grands subtylostyles du squelette, mais sans former de verticilles autour d'eux. BuBARis VERMicuLATA (Bowcrbank), Gray. — Dans un dragage, sur une pierre, quatre spécimens minces, mous, hispides, rouge vif. Bowerbank appelait cette Éponge Hymeraphia vermiculata, mais les spicules diactinaux qui se croisent sur sa membrane basale ne permettent pas de la laisser parmi les Hymeraphia. On l'a, jusqu'à présent, rencontrée sous deux formes : encroûtante et dressée sur le support. A la dernière de ces formes on a, peut-être à tort, accordé, faute d'intermédiaires connus, la valeur d'une variété distincte {Hymeraphia vermiculata, var. erecta, Carter), que Ridley et Dendy ont cru pouvoir nommer Axinella erecta. Rien ne justifie cette décision. Quelle que soit l'hypothèse vraie, que l'ancienne Hymeraphia vermiculata^ Bow., soit capable de devenir rameuse ou qu'elle présente deux variétés, ses deux états ou variétés ne sauraient être séparés génériquement, pas plus, par exemple, que les deux états ou variétés de Plocamia coinacea (Bow.) que Ton commence à connaître un peu mieux ^ L'Eponge en question pos- sède d'ailleurs des caractères tout particuliers qui devraient faire renoncer tout autant à la ranger dans le genre Axinella qu'à la maintenir dans le genre Hymeraphia. Le genre Axinella est, de l'avis de tous, devenu hétérogène et devra être démembré un jour et réservé aux Eponges ayant un axe ferme de spicules cimentés par de la spongine. Dès lors, pourquoi ne pas reprendre le genre Bubaris, Gray (1867), dont Bubaris vermi- culata (Bow.) était le type, et auquel on rapporterait aussi la fausse ' Contribution à l'élude des Spongiaires de l'Atlantique nord {l'iocamia coriacea, \a.v.elegans,Rd\.et D.). Résultat des campagnes scienlifiques de l'Hirondelle, fasc.ll (sous presse.) ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2» SÉRIE. — T. IX. IS9I. 3a S46 ÉMlLIi TOPSENT. Hymeraphia verticiUata de Bowerbank, armée également de grands spicules monactinaux et de petits spicules diacUnaux basilaires ? On aurait ainsi : Genre Bubaris, Gray (modif.). — Eponges de forme variable, revê- tantes, massives ou dressées. Spicules. Mégasclères : 1° diactinaux courbes ou flexueux, lisses ou épineux, basilaires; 2° monactinaux, de projection. Microsclères jusqu'à présent inconnus. Il est aisé de mettre en évidence les affinités de ce genre Bubaris et du genre Plocamia, qui, lui, reste caractérisé par ses dum-bells. Ce sont, de part et d'autre, spicules diactinaux non cimentés, for- mant une base d'où s'élèvent de longs spicules monactinaux héris- sant la surface. Quand il existe des mégasclères du derme, ce sont des spicules diactinaux lisses : tornotes du Plocamia microcionides recueilli à Roscoff, tornotes centrotylotes de Bubaris verticiUata- J'ai eu ailleurs occasion d'établir le rapprochement des Plocamia et àesSube?'oteHtes\ Rappelons que les spicules du derme des Sube- roteliles, quand il s'en produit {S. mercator, Schm.), sont également diactinaux. 11 y a donc là un groupement à réaliser. Il semble même qu'en laissant de côté quelques types encore isolés, on pourrait reconnaître déjà dans les Ectyoninae trois groupes naturels : le premier comprendrait les Myxilla, Pytbeas, Hymera- phia, Microciona, Plumohalichondrla, Stylostichon ; le second réuni- rait les Clathria, Ec/nnoclathria,Ophlitasp07iyia, Rhaphidophlus, Age- las, Eckinodictyum ; le troisième se composerait des Plocamia, Bubaris, Suberolelites, Trachya et probablement aussi d'une partie des espèces actuelles du genre Axinella. BUBARIS VERTICILLATA (BOW.), (pi. XXII, fig. 7). Sous le nom de Hymeraphia verticiUata, Bow., cette Éponge a été décrite d'une manière insuffisante. On la recueille communément à Roscoff, dans les dragages. Voici donc quelques-uns de ses carac- tères les plus essentiels : 1 Lc/C. cil.] Suberoteiiles deinonstrans, Tops. FAUNE SPONGUlllE DE ROSCOFF. 547 Éponge revêlante, mais souvent d'épaisseur notable, molle, très gluante, lâchement hispide, de couleur variable, jaune ou rouge orangé vif. Ce sont des cellules sphéruleuses très abondantes qui la rendent ainsi gluante. On en distingue même de deux sortes : les unes petites, agresses sphérules toujours incolores; les autres plu- sieurs fois aussi grosses, à très petites sphérules, tantôt incolores également et tantôt de couleur grenat (nouvel exemple de la varia- bilité du contenu de cette sorte d'éléments). Le pigment propre des autres éléments cellulaires estjaune, de sorte que, quand les grosses cellules sphéruleuses restent incolores, l'Éponge est jaune; elle est rouge orangé dans le cas contraire. La spiculation offre des variations parfois assez sensibles pour rendre la détermination fort embarrassante : 1° Chez aucun des nombreux spécimens examinés à Roscoff, les épines des oxes basilaires ne se disposaient en ces verlicilles régu- liers qu'ont indiqué Bowerbank, Carter et Schmidt; toujours, au contraire, elles m'ont paru dispersées (fig. 7, a) ; 2° Presque constamment, ces oxes épineux se courbaient en leur milieu, à l'exemple des dum-bells de Plocamia coriacea, mais beau- coup plus brusquement; 3° Les tornoles cenlrotylotes du derme varient de longueur et de grosseur avec les individus ; leur renflement médian ne manque jamais, mais ce n'est que très rarement que j'ai trouvé leur pointe fendue. Celte fente, du reste, est plus apparenle que réelle et l'illu- sion en est donnée par l'axe de ces spicules se prolongeant jusqu'aux extrémités (fig. 7, 0) ; 4° Enfin, la tôle des tyloslyles est accompagnée si souvent de renflements, plus ou moins serrés, qu'il n'est pas déraisonnable d'ad- mettre que le spécimen de la Floride, signalé par Schmidt, appar- tient bien à l'espèce de Bowerbank. 548 EMILE TOPSENT. Axinellldx. Raspailta ramosa (Mont,). — A Luc, ses cellules sphéruleuses ren- ferment toujours une substance dichroïque verte et rouge, soluble dans l'eau douce, et dont l'effet, s'ajoulant à celui du pigment jaune des autres éléments, colore tous les spécimens en brun foncé. A Roscoff, la coloration brune est rare, les cellules sphéruleuses res- tant le plus souvent incolores. Raspailia stuposa (Mont.]. — On sait que cette Éponge diffère de Raspailia rigida (Mont.) par son port et par certains détails de sa spiculation^ La connaissance exacte de ces derniers caractères m'a rendu service à Roscoff, où la plupart des spécimens de R. stuposa, recueillis dans les dragages, se présentaient comme des plaques revêtantes, assez étendues même, pour que j'aie cru tout d'abord me trouver en présence d'une variété de cette espèce. Sans doute s'agissait-il simplement d'individus jeunes qui, pour se mettre en mesure de résister à la violence du courant, prenaient une large insertion sur les pierres avant de croître en hauteur. Cette hypothèse me paraît d'autant plus admissible que Axinella dissimilis (Bow.) s'y rencontre quelquefois dans des conditions abso- lument identiques. Clionidse. Cliona lobata, Hancock. — Elle exerce des ravages sur presque tous les gros Mytilus qui s'attachent aux parois de la grotte de Duon. C'est un fait exceptionnel 5 dans la règle, les Cliones ne s'attaquent pas aux coquilles de Moules. Les conclusions à déduire de tout ce qui précède sont assez ins- tructives. Nous avons vu tour à tour la forme, la couleur, la spicu- lation, le mode de nutrition de nos Eponges, la coloration et ' E. ToPSiiNT, Etudes de Spongiaires {lievue biologique du nord de la France, vol. II, n» s, 1800). FAUNE SPONGIAIRE DE ROSCOFF. 549 l'armalure de leurs larves, susceptibles de varier dans une certaine mesure. Forme. — A l'état adulte, certaines Éponges se montrent toujours encroûtantes minces (ex. Hymeraphia^ Hymedesmia); d'autres, tou- jours rameuses (ex. Raspailia) ; d'autres, nettement globuleuses (ex. Tethya); d'autres, enfin, massives et munies de longues papilles (ex. Pûlymastia). Celles-là, du moins pour la plupart, se recon- naissent extérieurement, et si, à l'état jeune, elles diffèrent quel- quefois assez profondément de ce qu'elles doivent devenir avec l'âge {Raspailia stuposa, Axinella dissmfUs), leur spiculation ne permet guère de s'y méprendre. D'autres, et c'est le plus grand nombre, sont amorphes. Malgré tout, il semble qu'aucune d'elles ne manque totalement d'une sorte de physionomie particulière; la consistance de la masse, l'état de la surface, le port, et souvent même la couleur en guident parfois très sûrement la détermination d'après l'aspect. En disant, comme on en a coutume, que ces Éponges sont poly- morphes, on fait usage, à mon avis, d'une expression impropre. Le véritable polymorphisme paraît, au contraire, assez rare chez les Spongiaires. Je n'en ai vu, pour ma part, qu'un exemple certain : celui d'une Esperiopsis de l'Atlantique nord [Esp. polymorpha. Tops,), tantôt massive et de grande taille, à peine lobée, à surface égale et glabre, et tantôt arborescent et fortement hispide, à rameaux nombreux, minces, comprimés, tortueux, fréquemment anastomosés entre eux en un réseau solide à mailles irrégulières. Couleur. — Dans un travail récent', A. Dendy se déclare persuadé que la notation de la couleur des Éponges vivantes pourrait servir utilement à la distinction des espèces. Certes, ce caractère n'est pas négligeable, et nous avons toujours pris soin de le consigner exac- ' Report on a second Collection of Sponges from /lie Gulf of Manaar lAnn. and Mag. ofnat. Ilist. (VI), vol, III, p, 73, 18S9), 530 EMILE TOPSENT. tement ; mais il faut bien se garder d'en exagérer la valeur au point de vue de la spécification. La couleur des Éponges provient, en effet, de plusieurs sources malheureusement sujettes à varier. Dans les cas les plus simples, elle est due à un pigment véritable, localisé dans les cellules granuleuses du mésoderme et dans les cel- lules flagellées. Par son effet, les Éponges ne varient guère que du rouge brillant au jaune très pâle ; aussi sonl-ce h\ les colorations les plus communes. Ce pigment, qui paraît généralement compa- rable à la zoonérythrine, se produit chez les individus d'une même espèce dans des proportions très inégales, dépendant tout au moins des conditions de milieu. L'influence de la lumière se fait surtout sentir [Subei^ites ficus, Dendoryx incrustans, etc., sont, d'ordinaire, rouges vers la surface, et jaunes dans la profondeur), mais il arrive de recueillir côte à côte deux Éponges de même espèce {Esperella sordida, par exemple), l'une jaune pâle, l'autre rouge brillant. Il ne s'agit là, il est vrai, que de variations du plus au moins ; mais les observations isolées ne permettraient pas de s'en rendre compte et la couleur d'un spécimen unique d'une espèce nouvelle ne peut passer pour un caractère spécifique de premier ordre. Qu'en dire alors dans les cas plus compliqués dont il nous faut maintenant parler ? Souvent, très souvent même, les cellules sphéruleuses emmaga- sinent des substances colorées dont l'effet se combine à celui du pigment, ou, au contraire, l'amoindrit. J'avais d'abord pensé* que le contenu, la couleur et l'aspect de ces cellules étaient invariables et qu'il y avait là un caractère constant dont on eût pu tirer un excellent parti pour la spéciflcation. Par malheur, il n'en est rien ; dans une même espèce, les cellules sphéruleuses peuvent être inco- lores (et le pigment propre de l'Éponge paraît seul), ou très diver- sement colorées. Leucosolenia coriacea, Myxilla Peachi, Hymeraphia 1 Spongiaires du banc de Campéchu et de la Poinle-à-Pitre [Mémoires de la Société !$ûologique de France, vol. II, p. 31, 1880). FAUNE SPONGIAIUE DE ROSCOFF. 5.^1 simplex, Bubaris verticillata, Baspailiaramo&a^ etc., nous en donnent la preuve la plus éclatante. Les Éponges littorales prennent souvent une teinte verte, duc à la production, dans leurs parties périphériques, sous l'influence de la lumière, d'une substance moléculaire peut-être identique à la chlorophylle. Cette teinte additionnelle n'a pas manqué d'induire en erreur ; ainsi, Bo^Yerbank a inutilement créé l'espèce Hymenia- cidon viridnns d'après des spécimens de Hymeniacklon carimcula qui la présentaient. Il faut encore se méfier des granules jaunes dont se couvrent quel- quefois le kératode d'union des spicules des Renierinx (chez Reniera roseq, par exemple) ou les fibres des Ceratlna (fibrilles de Hircmia variobîlfs, par exemple), et, enfin, des thallophytes parasites qui communiquent à leurs hôtes de belles teintes bleues, orangées et brunes {Stiberites (enuicula, Halichondria membrana, etc.). Nutrition. — Ce que nous avons dit des cellules sphéruieuses tend à prouver que la nature chimique des matériaux de réserve accumulés dans ces cellules peut varier, dans une espèce donnée, d'un individu à l'autre. Entre les échantillons bruns et les échan- tillons jaunes de Raspailia ramosa, par exemple, il y a autre chose qu'une simple différence de couleur, puisque des premiers on extrait une matière dicbroïque qui fait totalement défaut dans les autres. Même incolores, les cellules sphéruieuses d'une Eponge n'emma- gasinent pas toujours les mêmes réserves. Des deux sortes de cellules sphéruieuses de Reniera elegans, celles qui ne se disposent pas en chaînes conjonctives s'emplissent quelquefois d'amidon, et d'autres fois n'en contiennent pas trace. Spiculatlon. — C'est encore la spiculation qui se montre le moins changeante. Çà et là, on observe bien quelques variations indivi- duelles portant sur les spicules spéciaux du derme [MyxiUa Peachi, Myxilla irregularis^ Microciona ambigua, etc.), ou défigurant certains 5S2 EMILE TOPSENT. spicules accessoires {Bubaris verticillata); parfois aussi on constate une grande irrégularité dans la production des divers spicules (£'s/>e- rella sot'dida), ou même l'atrophie, éventuelle ou régulière, de quel- ques sortes d'organites {Plocamia microcionides, Myxilla implicita^ Cliona celata). Mais, somme toute, ce sont là des exceptions. Dans l'immense majorité des cas, la spiculation est le guide le plus sûr des déterminations, car elle offre à considérer non seulement la forme, presque constante, à tout prendre, des éléments qui la com- posent, mais aussi leur agencement dont le mode possède toujours assez de fixité pour servir de base à la répartition des espèces en genres et des genres en familles. Caractères des larves. — Les différences de couleur et de spicula- tion des larves d'une même Éponge, quand il en existe, s'expliquent par des différences dans la position que ces larves occupent dans le corps de leur mère. Les plus superficiellement situées peuvent, en même temps que les parties de l'adulte qui les entourent, être plus riches en pigment {Dendoryx tncrustans) que celles des régions profondes. On comprend de même que, chez certaines Fctyoninœ, celles qui se trouvent en contact avec le derme produisent des spicules du derme, tandis que les plus voisines du support s'arment de subty- lostyles épineux ; ces derniers représentant évidemment les spicules accessoires du squelette, puisqu'on n'en trouve jamais chez les larves des Dendoryx, quelle que soit leur position. C'est, en effet, une règle générale chez les Monaxonida comme chez les Calcarea que les spicules principaux du squelette n'apparaissent qu'après la fixation. Ajoutons que les larves portent quelquefois des spicules dont la production cesse de bonne heure et qui sont destinés seulement à facihter la fixation. Malgré tant de variations possibles, la masse des Éponges de la Manche n'est pas, comme on l'a quelquefois supposé, à peu près FAUNE SPONGIAIRE DE ROSCOFF. KS3 indéterminable à l'exception de quelques types particuliers. C'est, la plupart du temps, l'insuffisance des premières descriptions qui en rend la détermination rebutante. Il faut bien en convenir, Bower- bank n'a pas vu beaucoup de ses Éponges vivantes, ni dans plusieurs localités. Trop souvent un fragment desséché, ratatiné ou roulé, sans couleur, envoyé de quelque point des côtes d'Angleterre, lui a servi de type pour une espèce nouvelle. La diagnose s'en ressent fatalement; elle est sèche et ne montre presque jamais en quoi l'es- pèce considérée diffère de celles avec lesquelles on est le plus exposé à la confondre. Le tableau général des Éponges de la Manche, tel que je le pré- sentais avant mon second séjour au laboratoire de Roscoff S subit d'importantes modifications. Halisarca guttula, Schm., ne peut y être maintenue; c'est proba- blement Oscarella Zoôw/am(Schm.),Vosm., que Giard a voulu signaler sur les souches des Cystosira. Chalina inornata, Bow., doit aussi en être rayée. En revanche, il y faut ajouter les vingt et une espèces suivantes : Am/)/tomcw.$ ovjprtrus (H;eckel), Poléjaeff, R 2. Craniella cranium, auct., R. Placina monolopha, F.-E. Schulze, R. Halichondria membrana (Bowerbank), R. Reniera viscosa, Topsent, L. R. Stylinos simplicissimu (Bowerbank), Topsent, R. Stijlinos columella (Bowerbank), Topsent, R. Esperella littoralis, Topsent, R. L. Myxillu Peachi (Bowerbank), R. Myxilla [Pocillon) implicita (Bowerbank), Topsent, R. Hymeraphia simplex, Bowerbank, R. Hymeraphia coronida, Bowerbank, R. Hymeraphia Lacazei, Topsent, R. » Éponges de la Manche [Mémoires de la Sociélé zoologique de France, vol. III, p. 195, 1890\ 2 R. = Roscoff ; L. = Luc. bU EMILE TOPSENT. ffymeraphia echinata (Hope), Topsent, R., Diidleigh-Salterton (Hope), Microciona amhigua, Bowerbank, R. Microciona clives, Topsent, R. Plocamia microcionides (Carter), Schmidt, R. Buharis vermiculata (Bowerbank), Gray, R. Bubaris verticillata (Bowerbank), Topsent, R. Raspailia Hoiosei (Bowerbank), L., le Portel (Hallez *), Halichondria Thomasi (Bowerbank), le Portel (Hallez). EXPLICATION DE LA PLANCHE XXII (Fig. 1-8). FiG. 1. Halichondria inops, ii. sp. Un spicule rempli de bulles d'air, X 300. â. Microciona clives, n. sp. a, subtylostyle principal ; b, sublyloslyle accessoire; c, lornote ; d, sigmates; e, isochèles, x 13'). 3. Microciona dives. Colonne squeletlique, X 105. 4. Hymcraphia Lacazei, n. sp. Position relative des divers spicules dans l'Eponge. 5. Ihjmeraphia Lacazei. a, lylostyle lisse; h, subtylostyle épineux; c, tornote, X 155. 6. Slylinos columella (Bow.). a, spicule entier, X 155; b, extrémités de spi- cule, X 300. 7. Bubaris verticillata (Bow.). a, oxe, coudé, îi épines éparses, x 300; b, extrémité d'un tornolc cenlrof.ylole pour montrer la terminaison du canal axial, X 500. S. Esperella Itltoralis, n. sp. an', tyloslyles ; i, triciiodragmates; c, raphide isolé; d, anisochèle palmé; e, anisochèle bidcnté; f, raphide dans une cellule eclodermique; /(, cellules sphéruleuses, x 155. ' P. Hallez {Revue biologique du nord de la France, 3e année, n» 3. Lille, 1890). DEUXIÈME CONTRIBUTION L'ÉTUDE DES GLIONIDES EMILE TOPSENT Chargé de cours îi l'École de médecine de Reims. Depuis la publication de notre premier mémoire sur les Glio- nides (40), nous avons trouvé dans diverses collections de nouveaux types de ces intéressants Spongiaires et revu plusieurs de ceux que l'on connaissait le moins bien. xNous avions montré leurs affinités naturelles avec les Tethya, les Geodia, etc., mais il restait à déter- miner la place exacte de la famille des CUonidx dans la classifica- tion. Il était nécessaire aussi de présenter de nouvelles preuves de l'homogénéité du genre Cliona, tellement méconnue que Ridley et Dendy en arrivent à proposer la répartition de ses espèces entre les familles des Suberitklx et des Spirastrellidxl Le genre Thoosa était à peine formé; nous saisissons l'occasion de l'enrichir de plusieurs espèces, intéressantes surtout en ce qu'elles nous permettront de le relier au genre Alectona, d'une part, et au genre Cliona, de l'autre. La famille des Clionidae devient ainsi l'une des plus naturelles que l'on connaisse. Elle se place, comme on le verra dans les pages suivantes, dans l'ordre des Monaxonida, dans le sous-ordre des Spmtharophora, SoU. (modif., 44), groupe des Heterosdera, SolL, section des Clavulidx ; elle se trouve, en un mot, à la limite des Mo- K56 EMILE TOPSENT. naxonides et des Télractinellides. Malheureusement, elle ne nous a pas encore fourni les termes de passage de l'un à l'autre de ces deux ordres, car, entre les Clionides et les Télractinellides perforantes ac- tuellement décrites {Samtis, Stœba, Rhachella), on ne saisit aucun lien de parenté. ^ »- tP** GENRE GLIONA (gRANT, 1826). Si tout ce qui a été écrit sur le genre Clïona, depuis 1826, était exact et surtout complet, les Cliones aujourd'hui connues forme- raient une liste d'environ soixante-dix noms. Certes, distribuées comme elles le sont dans tous les océans, les espèces de ce genre peuvent être très nombreuses ; mais nous allons voir combien ce chiffre est, quant à présent, exagéré. Il est facile de comprendre comment il a été atteint et pourquoi il doit être considérablement réduit. Les Cliones se ressemblent toutes beaucoup extérieurement : elles n'offrent à considérer, à la surface de leur abri, que leurs pa- pilles, puis, dans son épaisseur, que leurs galeries moniliformes dont, à l'état sec (seul état où elles aient, pour la plupart, été exa- minées), leur chair, toujours jaune clair ou jaune brunâtre, forme comme un revêtement membraneux. Les premiers auteurs qui aient parlé de ces Éponges n'ont, pour distinguer les espèces, rien invoqué que ces caractères extérieurs. Mais les dimensions et la position des papilles se trouvent, dans une espèce donnée, soumises aux varia- tions individuelles ; et les galeries, déliées au début de la perforation, puis entrecroisées en tous sens, ne se présentent pas sous le même aspect aux différents âges d'une même Clione. De sorte que, en dehors de Clio7ia celata, Grant, on ne saurait dire à quelles espèces s'appliquaient les premiers noms qu'on rencontre dans l'histoire du genre Clwna, ceux donnés par Nardo (1839, 1844 et 1847), par Mi- chelin (1 8M), par Gray (1848) et par Duchassaing et Michelotti (1864). Chez les Cliones, plus encore peut-être que chez les autres Spon- i DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 5.^7 giaires, la spiculation sert presque exclusivement de guide à la spéci- fication. Hancock est le premier auteur qui y ait accordé quelque at- tention. Encore son premier mémoire (1849), contenant la description originale de vingt-trois Cliones (8), se trouve-t-il sujet à caution, puisque ses préparations n'avaient point été montées au baume. On connaît l'importance de cette manipulation, sans laquelle les mi- crosclères passent fatalement inaperçus, ainsi que bien souvent les détails de forme de certains mégasclères. Son second mémoire (15) rectifie quelques-unes de ses premières descriptions, mais quel- ques-unes seulement, et pour les autres, nous restons dans l'incer- titude absolue. En outre, il semble bien que Hancock ait à l'excès multiplié les espèces; cela s'expliquerait d'abord parce qu'il jugeait les caractères extérieurs amplement suffisants pour la détermina- tion, puis parce qu'il supposait invariable dans cbaque espèce la longueur de ses diverses sortes de spicules, enfin parce qu'il pre- nait pour des formes normales de mégasclères certaines monstruo- sités se répétant dans toutes les parties d'un même individu, parfois au point de devenir prédominantes, ainsi que cela s'observe chez tant d'autres Éponges. On conçoit dès lors combien il est malaisé de distinguer, parmi les vingt-sept Cliona créées en deux fois par lui, celles qui méritent d'être conservées en tant qu'espèces, et de rayer judicieusement les autres ou d'en opérer la fusion. Les Cliona dont on doit la connaissance à 0. Schmidt semblent mieux établies; pourtant il n'est pas sûr que leur spiculation à toutes ait été vue tout entière. A. partir de 1874, les nouvelles espèces du genre Cliona dont la science s'enrichit ont été généralement l'objet d'un examen plus approfondi de la part de leurs auteurs. Malgré tout, plusieurs noms nouveaux n'ont été accompagnés d'aucune description d'espèce, et d'autres paraissent devoir tomber en synonymie. Nous allons essayer de mettre un peu d'ordre dans ce chaos. Nous ne nous dissimulons pas la témérité de cette tentative; mais, nous 558 EMILE TOPSliNT. astreignant à n'affirmer que les faits dûment constatés, à discuter, au contraire, avec circonspection les faits douteux, pour attirer sur eux l'attention des zoologistes, nous n'aurons pas à craindre, du moins, d'augmenter le trouble que nous déplorons. La liste sui- vante, aussi complète que possible, des noms qui ont jusqu'à pré- sent été donnés à des Cliona, nous servira de point de départ ; libre à ceux qui n'admettraient pas nos idées de s'y reporter en toute circonstance ; elle présentera ainsi, tout au moins, un intérêt his- torique. 1826. Cliona cclata, Grant, I^irtli of Forth (Ecosse). 1839. Vioa il/pus, Nardo, Adriatique. 1839. Vioa coccinea, Nardo, Adriatique. 1839. Vioa Clio, Nardo, Adriatique. 1839. y«ort Pfti^YAea, Nardo, Adriatique. 1840. Spongia terebrans, Duvernoy, Dieppe. 1842. Hulichondria celala, Jolinstoii, faune anglaise. 1844. Vioa Bujardini, Nardo, Dieppe (Duvernoy). 1844. Vioa MicheUni, Nardo, sur Placuna sella. 1844. Viou nardina, Michelin, sur Placuna jûacenta. 1847. Vioa f^jo2c«, Nardo, estuaire de Venise. *' 1848. Cliona hystrix, Gray. 1849. Cliona insidiosa, Hancock, sur Triducnn gigas. 1849. Cliona radiata, Hancock, sur Triton variei/atas. 1849 (et 1867). Cliona gorgonioides, Hancock, Northuuiberland. 1849 (et 1867). Cliona gracilis, Hancock, Orcades. 1849. Cliona muscoïdes, Hancock, sur Monoccros fusoides. 1849 (et 1867). Cliona Howseï, Hancock, Northumberland. 1849 (et 1867). Cliona norlhumbrica, Hancock, Northuuiberland. 1849 (et 1867). Clioiia Alden, Hancock, île de Man. 1849 (et 1867). Cliona corallinoïdcs, Hancock, Guernesey, etc. 1849. Cliona Fryeri, Hancock, sur Placuna placenta. 1849. Cliona spnnosa, Hancock, sur Perna femoralii et Placuna sella. 1849. Cliona cervina, Hancock, mvlMeleagrina albina{?). 1849. Cliona dendritica, Hancock, sur Putella mexicana. 1849. Cliona canadensis, Hancock, sur Ostrea canudemis. 1849. Cliona millepunctata, Hancock, sur Cassis tuberosa. 1849 (et 1867). Cliona lobata, Hancock, Guernesey, Ecosse. 1849 (et 18G7). Cliona vastifica, Hancock, Prcstonpan. DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'1:TUDE DES CLIONIDES. 559 1819. Cliona rhombea, Hancock, sur Tridamn. gigus. ISiO. Cliona purpurea, Hancock, sur Tridama gigas. 1849. Cliona angulata, Hancock, sur le Corail (Méditerranée). 1849. Cliona quudrata, Hancock, auv Tridacna gigas. 1849. Cliona nodosa, Hancock, sur Tridama gigas. 1849. Cliona labijrinthica, Hancock, sur Tridama gigas. 18b6. Cliona, sp. (?), Leidy, New-Jersey. )8li2. Vioa viridis, Schmidt, Zara. 1862. Vioa Grantii, Schmidt, Dalmatie. 1862, Vioa Hancocci, Schmidt, Zara, Sebenico. 1862. Vioa Jo/mstonii, Schmidt, Sebenico. 1864. Vioa Duvernoysii, Duchassaing et Michelotti, mer Caraïbe. 186Î. Vioa dissociata, Duchassaing et Michelotti, mer Caraïbe. 1864. Vioa Strombi, Duchassaing et Michelotti, mer Caraïbe. 1864. Euryphylle latens, Duchassaing et Michelotti, mer Caraïbe. 1864. Euryphylle dubia, Duchassaing et Michelotti, mer Caraïbe. 1866. Hymeniacidon celata, Bowerbank, faune anglaise. 1866, Raphyrus Grif/Uhsii, Bowerbank, faune anglaise. 1867. Cliona vermifcra, Hancock, sur Chama,i^. i^i). 1867. Cliona mazatlanensis, Hancock, Mazatlan. 1867. Cliona globulifera, Hancock, Méditerranée. 1867. Cliona Carpenteri, Hancock, Mazatlan. 1867. Pione northumhrica, (Hancock), Gray (type générique). 1867. Myle Carpenteri {R^ncock), Gray (type générique). 1867. Sapline Grantii (0. Schmidt), Gray (type générique). 18G7. Idomon Alderi (Hancock), Gray (type générique). 1867. JaspisJohnslonii{0. Schmidt), Gray (type générique). 1867. Pronax lobata {Ea.ncock), Gray (type générique). 1867. Raphyrus celatus, Gray, faune anglaise. 1868. Vtoa JohnslOHii{\ixi\), Schmidt, Sebenico. 1870. Vioa Johnstonii {vdv.}, Schmidt, Bocche di Cattaro. 1872. Vioa incarnata, UUjanin, Sébastopol. 1874. Cliona abyssormn, Carter, entrée de la Manche. 1878. Cliona mucronata, SoUas, sur Isis, sp. (?). 1878. Cliona ensifera, Sollas, sur i5«.s, sp. (?). 1878. Cliona subulata, SoUas, sur Mélobésiée associée ivhis, sp. (?). 1878. Cliona linearis, SoUas, Dawlish. 1878. Cliona [Archseocliona) pontica, C/erniawsky, Suciuim. 1878. Cliona, sp., Czerniawsky, baie de Suchum. 1880. Vioa, sp., Schmidt, golfe du Mexique. 1881. Vioa Cor/m, Ridley, S. -0. du Brésil. 1881. Vioa Schtnidti, Ridley, Bocche di Cattaro (Schmidt). 560 EMILE TOPSENT. 1881. CKom Warreni, Carter, golfe de Manaar. 1882. Cliona carihhœa, Carter, île Saint-Vincent. 1883. Cliona stationis, Nassonow, baie de Sébastopol. 1887. Cliona dissimUis, Ridley et Dendy, S. de la Nouvelle-Guinée. 1887. Cliona, sp., Nassonow, Majorque. 1887. Cliona hacillifera, Carter, King-lsland. 1887. Cliona stellifera (?), Carter, King-Island. 1887. CTona scepire/?2/er« (?), Carter, King-Island. 1888. Cliona Michelini, Topsent, océan Indien. 1888. Cliona tlioosina, Topsent, sur Pectunculus, sp. (?). 1888. Cliotia Lesueuri, Topsent, sur Haliotis, sp. (?). 1888. Cliona euryphylle, Topsent, golfe du Mexique. 1889. Cliona sulplwrea (Dcsor), Leidy, New-Jersey. 1889. Cliona phallica, Leidy, Floride. 1889. Cliona, sp. (?), Topsent, banc de Campèche. 1889. C/fon«, sp. (?), Topsent, la Pointe-à-Pitre. Enfin : Cliona indica, n. sp., Ceylan. Cliona Jullieni, n. sp., la Réunion. Le seul nom de genre à conserver est Cliona, Grant, qui jouit de la priorité (1826). Le nom de Vioa, Nardo, qui revient assez souvent sur la liste précédente, ne date que de 1839 ; Hancock en a, dès 1849, demandé la suppression, et certains auteurs, tels que Sollas, qui lui ont parfois (1881) accordé leur préférence, paraissent l'avoir définiti- vement abandonné. Il est avéré que les Cliones sont, dans la classifi- cation, très éloignées des genres Halichondria et Hymeniacidon où Johnston et Bowerbank essayaient d'introduire Cliona celata. La désignation générique Spongia, que Duvernoy appliquait à sa Spongia terebrans, n'a plus la moindre valeur scientifique {Spongia ierebraiis, Duv., n'est d'ailleurs qu'un synonyme de Cliona celata, Grant). Le démembrement du genre Cliona en sept genres, proposé par Gray en 1867, était inutile, car toutes les Cliones se ressemblent à un tel point, que la détermination en est ordinairement difficile; aussi les termes Pione, Myle, Sapline, Idomon, Jaspîs, Pronax^ n'ont pas été consacrés par l'usage. Le genre Raphyrus n'a pas de raison d'être : Bowerbank l'a créé pour la forme massive de Cliona celata, Gr. Enfin le genre Euryphylle doit être supprimé; Duchassaing et Michelotti DEUXIÈME GONTKIBUTION A L'ÉTUDE DES CLlOiMDES. 561 le réservaient pour les Éponges qui perforent les pierres madrépo- riques, mais rexpérience a démontré que les Cliones n'ont pas de support attitré. En ce qui concerne les espèces, il en est un certain nombre qu'on peut rayer presque sans discussion. Les Vioa typits, V. coccinea, V. CUo, V. Pasithea de Nardo ne sont connues que de nom. On ne saurait dire davantage quelles étaient la Vioa Michelini, Nardo, et la V. nardina, Michelin, trouvées sur deux Placuna : la des- cription de leur forme générale ne suffit pas à les faire reconnaître. Morris a avancé (9) que Cliona Fryeri, Hancock, pourrait bien être synonyme de V. nardina, Michelin, parce que toutes deux ont été découvertes sur des Placuna placenta, et que C. spi'nosa, Hancock, pourrait de même être identique à V. Michelini, Nardo, toutes deux perforant des Placuna sella ; mais Hancock lui-même s'est chargé de répondre (10) à ces suppositions : sans les caractères des spicules, comment se faire une opinion définitive sur ce sujet? A chaque sorte de coquille ne correspond évidemment pas une Glione dis- tincte. Vioa typica, Nardo, n'a pas été décrite. Malgré cela, Czerniawsky croit la reconnaître dans une Éponge rouge qui perfore les huîtres de la baie de Sébastopol et que UUjanin, sans la décrire non plus a appelée V. incarnala en 1872. Cette détermination semble donc on ne peut plus risquée. En réalité, on ne connaît scientiiiquement ni V. ty/Aca, Nardo, de l'estuaire de Venise, ni V. incarnala, UUja- nin, de la baie de Sébastopol. Cliona hyslrix, Gray, n'est qu'un nom tombé dans l'oubli. Il est impossible de ne pas écarter aussi de la liste des Éponges perforantes connues les trois Vioa que Duchassaing et Michelotti ont découvertes dans la mer Caraïbe. Il est regrettable que, au lieu de chercher à les identifier aux Cliones décrites avec tant de soin par Hancock dans un mémoire quils citent pourtant, ces natura- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2« SÉRIE. — T. IX. 1891. 36 562 tlMlLE TOPSENT. listes les aient comparées aux espèces douteuses de Michelin et Nardo. Ils n'ont guère examiné que la forme et la disposition des lobesj qui sont si variables dans une même espèce, et n'ont pas donné les caractères de la spiculalion. Qui pourrait dire, comme nous l'avons déjà l'ait remarquer ailleurs, quelle est la Clione qu'ils comparent aux V. nardina et Miclielini et qu'ils appellent V. Duver- noysii? Leur F. dissociata est bien étrange ; ses lobes seraient isolés ou réunis par petits groupes tout à fait indépendants; s'il ne s'agit pas d'une agglomération déjeunes Cliones, semblable à celle obser- vée par Hancock sur sa C. Fryeri, il y a certainement là une erreur, car on ne peut imaginer un être dont le corps se fractionne à un moment donné et dont les parties vivent séparées sans que le cal- caire où elles sont enfoncées conserve la marque de leurs liens pri- mitifs. Enlin, leur V. Strombi est une Éponge dont les lobes sont pressés les uns contre les autres et superposés dans les points où la coquille est épaisse; à combien de Cliones ne se rapporte-t-elle pas? Il est évident que Duchassaing et iMichelotti se sont occupés fortui- tement des Éponges perforantes, puisqu'ils n'en ont remarqué que sur des Pinna et sur des Strombus gigas, dans une mer où elles abondent. Leurs Euryphylle latens et E . dubia ne sont pas mieux décrites que leurs Vioa. Pourtant, une Clione, trouvée sur un Madré- pore et sur un Chame du banc de Campêche, et que nous avons appelée Cliona euryphylle, pourrait bien être leur Euryphylle latens, à en juger par la grandeur de ses papilles et par sa coloration à l'état sec. Ce n'est là, après tout, qu'une supposition gratuite, car C. celata, C. subulata et C. euryphylle habitent ensemble dans le golfe du Mexique et aux Antilles, de sorte que C. latens (Duch. et Mich.) n'est pas plus acceptable que C. dubia (Duch. et Mich.). A rayer encore : la Cliona sp. (?) de Leidy (1856), qui, en 1889, de- vient C. sulphurea (Desor), Leidy, sur laquelle nous reviendrons plus loin; la Cliona sp. (?) de Czerniawsky, de la baie de Suchum, non décrite et qui, sans doute, ne représente pas une espèce distincte, car l'auteur paraît n'avoir été frappé que du fait qu'elle perfore les DEUXIÈME CONTUIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 563 pierres calcaires ; la Vioa sp. (?), de Schmidt (1880), dont le signale- ment manque de détails ; la Cli'ona sp. (?), simplement signalée à Majorque par Nassonow; la Cliona phalUca de Leidy, seulement indi- quée, et en des termes qui font supposer qu'il s'agit d'une Papillina plutôt que d'une Cliona; enfin nos Cliona sp. (?) du banc de Cam- pêche et de la Pointe-à-Pitre, qui se rapportent décidément, la première, à C. celala, Grant, la seconde, à C. Carpenteri, Hanc. Provisoirement, on peut laisser de côté Cliona stellifera et C. scep- trellifei'a, espèces que Carter a créées avec beaucoup d'hésitation. Trouvées dans un fouillis inextricable d'Épongés perforantes et non perforantes, ce ne sont peut-être môme pas des Cliones, et Carter avoue que les caractères de leur spiculation tels qu'il les donne sont sujets à caution. Plusieurs noms de la liste dressée plus haut sont des synonymes de Cliona celafa, Grant. Citons en première ligne : Spongia lerebrans, Duvernoy (et Vioa Dujardini^ que Nardo proposait, encore au mé- pris des règles les plus élémentaires de la nomenclature, de lui substituer au cas où il se serait agi d'une espèce distincte), Hali- chondria celata, Johnslon, Hymeniacidon celata, Bowerbank, et Ra- phyrus Griffithsii, Bowerbank (détourné malencontreusement par Gray de sa signification primitive et remplacé, sans raison valable, par Raphyrus celatiis, Gray). En seconde ligne : Cliona gorgonwïdes, Hancock, et Cliona linearis, Sollas; la première de ces prétendues espèces avait été créée (Hancock l'a reconnu lui-même implicite- ment) pour des individus à tylostyles plus courts que de coutume, la seconde pour des individus possédant des oxes sous forme de raphides. Ce n'est pas tout : dans une notice spéciale (43), comparant C. celata, Grant, et C. sulphurea (Desor), Leidy, nous avons montré que les prétendues diff"érences sur lesquelles Leidy s'appuyait pour séparer ces deux espèces n'ont nullement la valeur qu'il leur accor- dait. Tout porte à penser que C. sulphurea doit grossir le nombre des synonymes de C. celata. Il en est de même, cela ne fait pas l'ombre d'un doute, de Cliona Warreni, Carter, et la ressemblance o64 EMILE TOPSENT. de cette Clione du golfe de Manaar avec la Cliona celata de nos mers n'a pas échappé à Carter. Tel pourrait bien être aussi le cas des Ch'ona radiata et C. angulala de Hancock, comme on le verra plus loin. Enfin, l'Eponge de la Nouvelle-Guinée que Ridley et Dendy ont nommée Cliona dissimilis (36) serait, à notre avis, un spécimen de C. celata en train de devenir raphyroïde, comme cela s'observe si fréquemment dans la Manche, et le fait que ses pores occupaient l'une des faces et ses oscules l'autre face du support ne peut servir de caractère spécifique. Sur les C. celata massives, souvent grosses comme la tête, que l'on drague sur nos côtes, tantôt les oscules sont groupés et fort larges, tantôt ils sont disséminés et à peine plus larges que les aires porifères; les Cliona sont amorphes, Cliona celata, Grant, jouit d'une vaste distribution géographique. Personnellement, nous l'avons vue sur diverses coquilles de l'océan Indien, du golfe du Mexique et de la Méditerranée. Quelquefois, on a la chance d'y découvrir les raphides fascicules qui remplacent les oxes de beaucoup d'autres Cliones ; d'autres fois, ils manquent tout à fait : ce sont là des variations individuelles comme on a l'ha- bitude d'en rencontrer sur les côtes de France et d'Angleterre. L'espèce est surtout caractérisée : \° par ses tylostyles, dont la lon- gueur varie beaucoup, mais dont la tige présente une courbure constante à l'union du tiers antérieur et des deux tiers postérieurs; ils sont parfois accompagnés de raphides; 2" par ses cellules sphé- ruleuses que remplit une graisse jaune pâle à l'état frais, brunâtre à l'état sec. Ses papilles sont ordinairement grandes et ses galeries larges et irrégulières ; mais c'est là, de ses caractères, celui auquel on peut le moins se lier. Nous avons été amené, dans notre premier mémoire, à réunir sous la dénomination de Cliona vaslifica les C. northumbi^ica et vas- tifica de Hancock. Il nous semble aujourd'hui que Cliona coral- linoides, Hancock, ne peut être séparée de C. vastifica [l. s.); la couleur de ces Éponges varie, avec les individus, d'après l'abon- dance ou la rareté du pigment; les dimensions relatives de leurs DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 563 spicules n'ont pas une fixité mathématique, et les microsclères de C. coralUnoides, figurés par Hancock, tiennent le milieu entre les formes de spirasters les plus dissemblables qu'on puisse trouver chez C. vastifica, séparément ou dans un même spécimen. De même, on pourrait supprimer C/zona gracilis, Hancock, cette dénomination ne s'appliquant, en définitive, qu'aux C. vastifica dont les micro- sclères deviennent un peu plus longs que de coutume. Enfin, Cliona mazatlanensis, Hancock, ne difl'ère pas assez de C. vastifica {l. s.) pour qu'on doive plus longtemps la considérer comme une espèce distincte. Ainsi comprise, l'espèce Cliona vastifica est l'une des plus répan- dues ; elle abonde sur les côtes d'Angleterre et sur les côtes océa- niques de France; nous l'avons retrouvée sur des coquilles du golfe du Mexique, de l'océan Pacifique et de l'océan Indien (par exemple sur des Méléagrines déchargées au Havre par un navire venant de Geylan}; enfin, on la rencontre dans la Méditerranée, notamment à Bandol, riche en pigment, et il n'est pas impossible qu'elle y repré- sente la Vioa Grantiï de Schmidt, incomplètement décrite. En efl"et, à l'époque où parut le premier mémoire sur les Éponges de l'Adria- tique (1862), la première note de Hancock était seule connue, et les spicules en zigzag qui caractérisent plusieurs Éponges perforantes n'avaient pas encore été découverts. ]\'est-il pas admissible que, grâce à leur petitesse et à leur rareté ou leur absence même dans certaines préparations, ces spicules aient passé inaperçus à l'auteur de V. Gran^u? Schmidt figure les oxes //sses/nous avons remarqué, chez bon nombre d'individus de Cliona vastifica des côtes de Pro- vence, que les épines des oxes y sont, en effet, généralement à peine indiquées, mais sans jamais faire complètement défaut. Vioa Grantii, Schmidt, dans cette hypothèse, serait encore un syno- nyme de Cliona vastifica (/. s.). Dans la mer Noire, en particulier dans la baie de Sébastopol, vit une autre Glione à trois sortes de spicules ; Nassonow l'a appelée CUona stationis. Nous avions d'abord pensé qu'il s'agissait encore de 5G6 ÉMLLE TOPSENT. C. vastifica, mais nous reconnaissons qu'elle se distingue suffisam- ment par les caractères suivants : elle possède un système très évident de cellules sphéruleuses conjonctives, colorées en jaune ; ses microsclères ne sont pas épineux et s'écartent souvent de la forme spirasler pour figurer des asters ou des croix. Ce dernier caractère est moins bien établi que le premier, car Nassonow a beaucoup insisté sur les monstruosités de spiculation de sa Glione, et il se peut qu'il ait négligé d'en faire ressortir les points princi- paux; il importerait de savoir si, dans la règle, les microsclères de C. stationis sont des spirasters et s'ils sont lisses ou épineux. Cliona stationis, Nass., remplace probablement les Vioa incarnata, Ullj., Cliona typica (Nardo), Gzern., et Cliona, sp. (?) Gzern., signalées en deux mots, dans la mer Noire, par Ulljanin et Gzerniawsky, sur les coquilles et sur les pierres. Cliona abyssorum, Garter, peut passer pour suffisamment caracté- risée par ses oxes lisses et surtout par ses spirasters lisses atteignant presque la longueur des oxes. Enfin, Cliona Carpenteri,llàncock, est une excellente espèce. Dans ses traits généraux, elle ressemble beaucoup à C. vasti/ica, mais elle en diffère par ses microsclères typiquement fusiformes, droits, épi- neux et, le plus souvent, couverts en même temps de nodosités plus ou moins marquées, éparses ou assez régulièrement disposées pour leur communiquer un faux air de ressemblance avec les amphiasters de Aleclona Millari. Nous croyons utile, pour fixer définitivement les idées, de figurer (pi. XXII, fig. 13, a, b, c, d) les microsclères d'in- dividus de provenances ài\ev&es. Cliona Carpenteri est l'Eponge per- forante qu'on rencontre le plus souvent dans les collections. Le spé- cimen type provenait de Mazatlan (oc. Pacifique). Nous en avons vu beaucoup d'autres, notamment, pour ne donner que des indica- tions précises, sur des Ghames et Spondyles du banc de Gampêche (golfe du Mexique), et sur des Méléagrines, dont un navire, venu de Geylan au Havre, avait fait une partie de son chargement. Hancock n'a pas dit que les oxes en fussent épineux ; nous sommes en me- DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 567 sure d'affirmer qu'ils le sont, dans la règle, mais ici, comme chez C. yas/«/?ca, des variations individuelles les font quelquefois paraître lisses si l'on ne les examine avec des objectifs assez puissants. L'Éponge de King-Island, que Carter a appelée CUona bacillifera, appartient à l'espèce C. Carpenteri, liane. Carter lui-même avait écrit : « CUona bacillifera is closely allicd to, if not the same as, C. Carpenleri, Hancock. » CUona celata, Gr., C. vaslifica, Hanc. (/. s.), C. Carpenleri, Hanc, C. abtjssorum, Cart., et C. slationis, Nass., constituent un premier groupe dans le genre CUona. Leur spiculation se compose de trois éléments : des tylostyles, des oxes et des microsclères se rapportant au type spiraster. Chez G. celata, les spirasters cessent de se pro- duire après la fixation de la larve, et les oxes, quand ils ne s'atro- phient pas tout à fait, ne sont représentés que par des raphides ordinairement fascicules. Ceci porte à penser que, parmi les CUona qu'il nous reste à examiner, peut-être il se trouve d'autres espèces à spiculation incomplètement connue. Un second groupe de Cliones, à spiculation faite de tylostyles et d'oxes, comprendrait : CUona muscoïdes, Hanc, C. Fryeri, Hanc, C. spinosa, Hanc, C. cervina, Ea.nc., C. dendritica, Hanc, C. cana- densis, Hanc, C. rhombea, Hanc, C. GranHi, Schm. et C. pontka, Czern. Mais plusieurs de ces espèces sont douteuses. Nous avons développé plus haut les raisons qui nous portent à ne voir dans laVioa Gràntii, découverte par Schmidt dans l'Adriatique, qu'une Éponge identique à la CUona vastifica, commune sur nos côtes de Provence. Peut-être nous reprochera-t-on de n'avoir pas établi de préférence un rapprochement entre Vioa Granln, Schm. et quelqu'une des CUona de Hancock, telles que C. Fryeri ou C. spi- nosa, par exemple ? C'est que nous éprouvons une défiance invo- lontaire pour plusieurs de ces espèces créées en 1849 et dont Han- cock, en 1S67, ne dit pas avoir refait de préparations montées au S68 EMILE TOPSENT. " baume; il semble que l'auteur, dans son second mémoire, s'en soit tenu aux espèces dont il a pu se procurer de nouveaux échantillons. La comparaison entre Vioa Grantii, Schm., et Cliona pontica, Czern, ne conduit pas à une identification. C. pontica paraît distincte de toute autre, surtout à cause de la tête trilobée de ses tylostyles ; on pourrait aussi tenir compte de sa coloration jaune ou jaunâtre, notée d'après de nombreux échantillons vivants, mais ce caractère n'a pas la valeur du précédent. Au sujet des sept espèces de Hancock précitées, on a le droit, frappé du silence absolu gardé à leur propos par l'auteur en 1867, . de se demander si rien ne man(]ue à leur description. Leurs oxes sont-ils bien tous dépourvus d'épines, à l'exception de ceux de C/Zonaceryma, dont la singularité justifie l'établissement d'une espèce à part ? L'absence de microsclères a-t-elle été, chez toutes, dûment constatée ? Et, môme alors, n'y a-t-il pas lieu d'opérer quelques fusions entre elles? Nous croyons naturel, au contraire, de regarder l'unique spécimen de C. F?'yeri comme l'état jeune de C. spinosa; ces deux prétendues espèces vivent dans les mêmes eaux et nous ne saisissons pas entre elles de différence essentielle. De môme, C. muscoïdes et C. canadensis représenteraient, si nous en jugeons bien, deux individus d'une Éponge sujette à des variations, portant principalement sur la tête de ses tylostyles et sur le renflement mé- dian de ses oxes. De C. dendritica et de C. rhombea, nous n'osons rien supposer. Une grande réserve s'impose à nous, d'autant plus que, par hasard sans doute, nous n'avons jamais eu l'occasion d'exa- miner de Cliona possédant des tylostyles et des oxes, sans mi- crosclères. En résumé, nous admettrons provisoirement dans le second groupe des Cliona : C. pontica, Czern., C. spinosa, Hanc. (englobant C. Fryei'ï), C. muscoïdes, Hanc. (englobant C. canadensis), C. cervina, Hanc, C. dendritica, Hanc. et C. rhombea, Hanc. Sur la liste générale des Gliones, nous comptons, à première vue, DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 569 douze représentants d'im troisième groupe, constitué par les espèces possédant des lylostyles accompagnés seulement de microsclères, savoir : Cl/'ona lobafa, Hanc, C. Iloivsei, Hanc, C . vermifera, Hanc, C. mucronala, Soll,, C. ensifero, Soll,, C. siibulafa,^o\\., Vioa Car- teri, Ridl., C'iiona caribbœa, Gart., C. Michelini, Tops., C. (hoosina, Tops., C. Lesueuri, Tops., et C. etiryphylle. Tops. Cliona lobata, Hanc, est une petite Eponge commune dans les eaux anglaises et sur les côtes françaises de la Manche; nous l'avons aussi trouvée bien typique à Toulon, et sur un Triton variegalas et une grande Ostrea, de provenance inconnue. Elle se distingue de toute autre espèce du même groupe par ses tylostyles de petite taille (160 [a de longueur moyenne), à tête normalement trilobée ou tout ou moins ovoïde, et par ses spirasters relativement grands (ils dépassent fréquemment 50 [>. de longueur) et fortement épineux. Dans un même individu, ces deux sortes de spiculcs subissent sou- vent une foule de variations : les spirasters sont loin d'atteindre tous la même longueur et leurs épines se montrent tantôt serrées et tantôt espacées (40, p. 38) ; quelquefois, le mucron de la tête des lylostyles complètement développés ne s'aperçoit pas nettement, mais on est sûr de le trouver toujours bien marqué sur les plus grêles de ces organites. L'examen d'un grand nombre d'Épongés de cette espèce nous permet de ne prendre aujourd'hui Cliona Howsei, Hancock, que comme un simple synonyme de C. lobata. Les dimen- sions des spicules^ notées par Hancock, sont sensiblement égales de part et d'autre, et l'on doit renoncer à considérer comme une troi- sième sorte de spieules ceux des tylostyles qui portent une dilata- tion supplémentaire à quelque distance de leur tôle. Cliona vermiferay Hancock, se reconnaît aisément à ses tylostyles à tête trilobée et à ses spirasters lisses, longs et gros, sinueux. Nous l'avons recueillie sur un Spondyle du banc de Campôche. Cliona mucronata, Soilas, offre aussi des caractères tout particu- liers : elle produit des tylostyles et des spirasters, mais ses tylostyles sont de deux sortes ; les uns, assez longs et relativement grêles, 570 EMILE TOPSENT. jouent le rôle de spicules principaux du squelette et entrent seuls, avec les microsclères, dans la constitution des papilles, tandis que les autres, épais et très courts, tronqués, avec une grosse tôte ronde à une extrémité et un mucron bien développé à l'autre, se serrent parallèlement entre eux pour constituer les diaphragmes interlo- baires les plus solides que l'on connaisse. Cliona ensifera, Sollas, que^ jusqu'ici, l'on a toujours rencontrée en compagnie de C. mucronata, présente de même, avec ses spiras- ters, deux sortes de tylostyles, les uns, gros et longs, formant sa charpente principale, les autres, bien plus grêles dans toutes leurs dimensions mais non tronqués, localisés dans ses diaphragmes inter- lobaires. Nous avons eu occasion d'examiner ces deux Eponges perforant un polypier de provenance inconnue. Malgré ses variations fréquentes, la tête des tylostyles de Cliona lobata est typiquement trilobée et ces variations ne permettent pas, quoique nous l'ayons cru d'abord, de rayer, comme de simples synonymes de cette espèce, les Vïoa Carteri, Ridley, et Cliona subu- lata, Sollas, dont les tylostyles ont, au contraire, une tête normale- ment ronde. Cliona Carleri, Ridl., se distingue encore par sa couleur rouge vif dans Talcool. L'alcool dissout le pigment des Éponges et décolore ordinairement aussi leurs cellules sphéruleuses. Il y a donc chez C. Carteri quelque chose de particulier qu'il serait intéressant de connaître. Cliona szibulata, Soll., possède des tylostyles plus longs et plus déliés que ceux de C. Carteri; de plus, elle offre une complication remarquable du système conjonctif. Nous nous sommes trouvé à même d'étudier celte Éponge à plusieurs reprises, et, par chance, non seulement après dessiccation, mais aussi à l'état de vie. Dessé- chée, elle perforait plusieurs coquilles du banc de Campèche et de la Pointe-à-Pitre et des pierres couvertes de Mélobésiées, recueillies sur nos côtes de la Méditerranée, à Porquerolles (Var). Sa spicula- tion la rendait parfaitement reconnaissable ; seulement, ses spiras- DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. lîli ters, toujours abondants, longs et plusieurs fois coudés, se mon- traient, dans certains individus, assez grêles pour rendre inévitable une confusion entre C. suhulata, Soll., et C. caribbœa, Gart. Nous avons alors soigneusement comparé les Gliones auxquelles nous appliquions en toute sécurité le nom de C. subulata et celles que, d'après la délicatesse de leurs spirasters plusieurs fois coudés, nous étions en droit de considérer comme des représentants de l'espèce C. caribbœa, Gart. (41, p. 49), mais sans découvrir entre elles aucune autre différence. Bien au contraire, la complication histologique des premières se retrouvait, trait pour trait, dans les autres, et, comme ces C. subulata typiques et ces prétendues C. caribbœa vivaient en- semble aux Antilles, il nous paraît tout naturel d'admettre que quelque C. subulata, à spirasters ainsi grêles, aura donné à Garter l'illusion d'une espèce nouvelle. Desséchée, Cliona subulata est jaune brunâtre, et, comme toute Éponge dans les mômes conditions, n'offre rien à examiner au microscope, parmi ses éléments cellu- laires, que ses cellules sphéruleuses seulement. Gelles-ci sont tou- jours de trois sortes : les unes grandes, à petites sphérules incolores; d'autres, un peu moins grosses, à petites sphérules colorées en jaune ; d'autres enfm, bien moins nombreuses et réunies par groupes épars, beaucoup plus petites et n'ayant que quelques grosses sphé- rules brunâtres. — Parmi d'autres Eponges que nous envoya, dans l'eau de mer, de Bandol (Var), le regretté professeur Eug. Eudes- Deslongchamps, se trouvaient plusieurs échantillons de cette inté- ressante Glione. Ils étaient les uns verts, les autres vert un peu jaunâtre. Le pigment propre de ces Eponges, localisé dans les cel- lules granuleuses du mésoderme et dans les cellules flagellées, était jaune, la coloration verte étant due à de nombreuses cellules sphé- ruleuses à petites sphérules remplies d'une graisse verte noircissant instantanément sous l'action des vapeurs d'acide osmique ; à ces cellules sphéruleuses s'en ajoutaient d'autres, plus grandes, inco- lores, et d'autres encore, groupées çà et là, abondantes seulement dans les papilles, beaucoup plus petites et n'ayant que quelques S72 EMILE ÏOPSENT. splîérules colorées en rouge brun. Cela répondait exactement à ce que nous avions constaté sur les Cliona suhulata desséchées du banc de Gampêche, de la Pointe-à-Pitre et de Porquerolles. D'ailleurs, après dessiccation, la ressemblance n'a fait qu'augmenter: les cellules à graisse ont jauni par oxydation, et les cellules rougeâtres ont encore bruni. Par sa couleur, à l'état de vie, Cliona subulata fait naturelle- mont songer à la Vioa viridis de Schmidt. S'agit-il de deux espèces difïérentes, faisant parlio d'une même faune, ou bien ce que nous disions plus haut, à propos de Vioa Granlii, Schm., de la possibilité d'un oubli, de la part de Schmidt, de spirasters dont l'existence ne fut révélée que par le second mémoire de Hancock(1867),s'applique- t-il aussi à V. viridis, Schm.? Nous inclinons à admettre cette dernière hypothèse, et si l'on devait nous objecter que Schmidt a décrit et figuré les microsclères de sa Vioa Johnsto7ii, nous prierions qu'on remarque que, dans cette autre espèce, les asters sont telle- ment abondants qu'ils ne pouvaient passer inaperçus. D'après cette manière de voir, Vioa v??u'dis, Schm., Cliona subulata, Soll., et C. ca- ribbœa, Gart., seraient trois noms donnés à une seule Éponge, bien caractérisée et jouissant d'une vaste distribution géographique. Les quatre autres espèces du troisième groupe du genre Cliona ont été décrites par nous en 1888. C. Michelini, Tops., est bien voi- sine de C. /oi^/a/o; cependant, ses spirasters, de taille uniforme et mesurant seulement 10-12 \}. de longueur, justifient, dans une cer- taine mesure, la distinction dont elle a été l'objet. C. Moostna, Tops., est quelque chose de très particulier. Nous nous sommes vraiment trop attaché, dans la description que nous en avons faite, à signaler les variations de ses microsclères. Pour éviter toute confusion, nous en figurons (pi. XXII, fig. 14) la forme normale, la seule qui abonde, les autres en représentant des dérivés exceptionnels. Ces micro- sclères, à épines arrondies, rappellent vaguement ceux des Thoosa, mais ce sont des spirasters et non des amphiaslers. C. Lesueuri, Tops., possède des styles pour mégasclères; elle mérite d'autant plus de confiance, en tant qu'espèce, qu'elle n'a point été créée d'après DEUXIÈME CONTUIBUTION A L'ÉTUDE DKS CUONIDES. 573 un échantillon unique. Enfin, C. eiiryphylle, Tops., est une belle espèce, commune dans le golfe du Mexique, et suffisamment carac- térisée par ses grands tylostyles, par ses spirasters courts, robustes, peu nombreux, enfin par ses cellules sphéruleuses pleines de graisse. A cette liste, nous ajoutons deux espèces nouvelles, dont voici la description : C/iona Jullieni, n. sp. (pi. XXII, fig. 9, a, b). Une petite Éponge perforant une pierre, que revêt en partie notre Kali'apsis permoUis\ sert de type à cette espèce. Des interlobes assez largement ouverts coupent de place en place ses galeries relative- ment étroites. Couleur : violet vif, à l'état sec; diffuse. Habitat : la Réunion. Spiculation. - I. xMégasclères : i. Tylostyles (pi. XXII, fig. 9, a) à tige fusiforme, courbe, longue de 750 ix, large de 12 \). vers son centre, et à tête ronde sans mucron, large de 15 i;.. II. Microsclères : 2. Spirasters (pi. XXil, llg. 9, b) assez abondants, de taille fort variable; la tige des plus grands, cinq fois coudée et armée de longues épines grêles et acérées, mesure jusqu'à 17 \i. de longueur; sa largeur peut atteindre 4 ^i.. Cette Éponge ressemble assez à Clionasubulata, dont la distinguent la courbure de ses tylostyles et les dimensions de ses spirasters (ceux de C. subulata mesurent couramment 25 et 30 \}. de long), et surtout à C. Carleri; sa couleur à l'état sec esi, pour ainsi dire, sa carac- téristique. Nous en devons la connaissance à M. le docteur .Jullien, à qui nous nous faisons un plaisir de la dédier. 1 E. TopsiiNT, Études de Si)ungiaires [lievue biulogique du nurd de la France, 2» année, n» S, 1890). 57/1 EMILE TOPSENT. Clîona indica, n. sp. (pi. XXII, fig. 15, a, a', b, U). Éponge perforante jaunâtre, sur une Méléagrine provenant de Ceylan. Spiculation. — I. Mégasclères : 1 . Tylostyles à tête ronde, à tige fusiforme, toujours robustes, mais de dimensions extrêmement variables. On relève, en effet, sur les spicules d'une même prépa- ration des mesures telles que 310 [j. de longueur sur 5 [;. de largeur, ou bien 330 \j. sur 8, ou encore 415 [J- sur 10, ou enfin 430 [;- sur 13, cela avec tous les intermédiaires imaginables. Il en résulte des dif- férences d'aspect très notables, comme on peut s'en convaincre d'après la figure 15 (a, a'). II. Microsclères : 2. Spiraslers très abondants et de deux sortes, les uns, droits (fig. 15, b'), à bouts tronqués, longs de 15 \j. et larges de moins de 4 [x, si grêles que c'est à peine s'ils paraissent épineux; les autres (fig. 15, b), deux ou trois fois coudés, à extrémités arron- dies et recourbées, nettement épineux, longs de 12 \x et larges de 2 [A. Ces deux sortes de spirasters réunies et passant de l'une ù. l'autre nous rappellent ce que nous avons déjà vu chez plusieurs Cliona vastifica l. s. et nous donnent une fois de plus raison d'avoir réuni en une seule les deux espèces de Hancock : C. vasiifica et C. norlhumbrica. Grâce à ces caractères, Cliona indica ne saurait être confondue avec aucune autre espèce du groupe de C. lobala^ pas même avec notre C. Michelini, dont les tylostyles, de taille uniforme, sont relativement si courts et si grêles, avec une tête allongée et d'ordi- naire trilobée. Les tylostyles, élément principal de la spiculation complète du type générique, viennent à manquer à leur tour dans un quatrième groupe de Cliones, bien plus pauvre que les précédents, puisqu'il ne renferme jusqu'ù présent que Cliona Jolmstoni (Schm.) et Cliona Schmidii {K\à\.), celle-ci d'abord décrite (I87U) comme une simple DEUXIÈMIi CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. STS variété de la précédente, puis élevée par Ridley, en 1881, à la hau- teur d'une espèce véritable. Dans le cinquième groupe et le sixième, il ne se développe plus qu'une seule sorte de spicules, des tylostyles dans l'un, des oxcs dans l'autre. Toutes les espèces du cinquième groupe, pourvues seulement de tylostyles, ont été créées par Hancock, car, pour les raisons que l'on sait, nous ne pouvons, jusqu'à plus ample informé, nous résoudre à y introduire la Vioa viridis de Schmidt. 11 ne reste donc à citer que : C liona insidiosa, ERnc, C.radiala, Hanc, C.Alderi, Hanc, C. millepunctata, Hanc, C. angulata, Hanc, C. quadralttj Hanc, et C. rjlobulifera, Hanc Encore devrait-on, peut-être, en rayer quelques-unes. En effet, les tylostyles courbes à tête trilobée de C. radiata et de C. angulata ressemblent assez, malgré les diffé- rences de taille, à ceux de C. celala, pour qu'on se demande si Hancock ne s'est pas trouvé en présence de variations individuelles de cette espèce. Ne savons-nous pas quelle influence la nature de la coquille attaquée exerce sur le développement de l'Éponge perfo- rante? EL ne voyons-nous pas C. celata affecter d'ordinaire, dans les Buccins et autres coquilles minces, cette forme rayonnante et déliée qui a si bien fixé l'attention de Hancock, tandis qu'elle mine en tous sens une coquille épaisse ou un madrépore, couvrant alors sa surface, tout comme C. angulata, de papilles larges et irréguliè- rement disposées? — En outre, les variations de la tète des spicules de C. Alderi, figurant tous les passages du tylostyle normal au style dérivé, peuvent-elles bien servir de caractère spécifique? Éponge brun jaunâtre à l'état sec, avec des tylostyles courbes, de petite taille, C. Alderi ne représente-t-elle pas, au même titre que C. gorgonioïdes, quelque forme débile de C. celata? Par leur spiculation réduite à des oxes, Cliona nodosa, Hanc et C. labyrinthica, Hanc, composent seules le sixième et dernier JJ76 EMILE TOPSENT. groupe (on ne connaît pas de CUona n'ayant que des miciosclères) de ce que, dans notre premier mémoire, nous appelions les Eu- clionx. Aujourd'hui, la division des Cliones en Euclionse et Paraclionœ change de valeur à nos propres yeux : CHona Carpenteri se range naturellement à côté de C. vastifica, C. abyssorum, etc. ; les tylos- tyles des diaphragmes de C. mucronata dérivent manifestement des tyloslyles normaux du squelette de cette Éponge ; l'irrégularité des oxes épineux de C. cervina ne fournit pas un motif suffisant pour éloigner cette espèce de C. muscoïdes, C. spinosa, eXc; C. thoosma ne possède, en réalité, qu'une seule sorte de spirasters et se place dans le groupe deC. lobata, C. vermifera, etc.; les étoiles irrégulières de C. Johnstoni sont, à proprement parler, des spirasters, et la spi- culation de cette Clione ne s'écarte de celle du type générique que par l'absence, constatée ailleurs aussi, de tylostyles ; enfin, le rem- placement absolu des tylostyles par des styles parfaits, chez C. Lesmuri, s'explique par l'accentuation extrême d'une tendance qui se manifeste chez beaucoup d'autres espèces, et ne doit pas plus nous surprendre dans le genre CHona qu'il ne nous déroute chez les Polymastia. On se trouve donc en présence d'une trentaine d'Épongés perfo- rantes dont la spiculation est composée d'après un type commun facile à saisir ; dans sa plus grande complication, il comprend des mégasclères de deux sortes, les uns principaux, des tylostyles, les autres accessoires, des oxes, et des microsclères d'une seule sorte, des spirasters; l'atrophie complète, au moins à l'état adulte, de l'un quelconque, et quelquefois de deux de ces éléments, crée les difïe- rences spécifiques les plus marquantes, mais sans diminuer en rien l'étroite parenté qui lie toutes les Cliones, sans troubler l'incompa- rable homogénéité du genre CUona. Seules parmi les espèces décrites, CUona piirpu7'ea, Hancochk, et C. Ilancocci (Schmidt) ne rentrent pas dans ce cadre. Les tylotes de DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. o7. C. purpureaïoni plutôt songer à quelque Desmacidine comme op. en rencontre si souvent dans les perforations de grosses coquilles, dans les mêmes conditions qu'elle, c'est-à-dire en compagnie de nombreuses Cliona et Thoosa. Mais la description de Schmidt ne permet de concevoir aucun doute au sujet du pouvoir perforant de Vioa Hancocci, qui reste, en définitive, l'unique Paracliona connue. Les mégasclères principaux (tylostyles) de cette Éponge semblent montrer qu'il s"agit encore d'une Glavulide; mais ses mégasclères accessoires s'écartent si radicalement du type des Cliones propre- ment dites qu'il ne serait peut-être pas déraisonnable de la détacher du genre Cliona et d'appliquer pour elle le nom de PavacUona à un genre nouveau, caractérisé par ses styles ou subtylostyles à base épineuse, accessoires du squelette. Débarrassé de cette exception, le genre Cliona recevrait la défini- tion suivante : Genre Cligna, Grant. — Clioniilas, dont la spiculation complète se compose de tylostyles, d'oxes et de spirasters. De ces trois sortes d'éléments, une ou deux sont, dans certaines espèces, constamment frappées d'atrophie. GENRE THOOSA (hANGOCK, 1849). Les espèces du genre Thoosa sont bien moins nombreuses que celles du genre Cliona. Actuellement, on en compte neuf, savoir : Thoosa cactoïdes, Hanc. (1849), T. hulbosa, Hanc. (1849), celle-ci dédoublée par nous en T. bulbosa, Hanc, et T.radiata, Tops. (1888), T. socialis, Cart. (1880), T. armata, Tops. (1888), T. Hancocci, Tops. (1888), T. LetelUeri, n. sp., T. Fùcheri, n. sp. et T. circutn/lexa, n. sp. Peut-être convient-il de n'admettre sur cette liste Thoosa socialis, Cart., qu'avec une certaine réserve. Remarquons, en effet, combien elle ressemble à T. cactoïdes, Hanc. 11 est vrai que, réduite à des microsclères d'une seule sorte (amphiasters noduleux caractéris- ARCH. DE ZOOL. EXI'. ET GÉN- — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1891. 37 878 EMILE TOPSENT. tiques du genre), la spiculatioii de T. cactoïdes, telle que Hancock la décrite, se montre plus simple encore que celle de T. socialis où des corpuscules lenticulaires épineux accompagnent ces mêmes amphiasters. Mais ce caractère suffit-il vraiment pour distinguer deux espèces? Les corpuscules lenticulaires épineux se rencontrent toujours épars chez les diverses Thoosa où ils existent, en particulier, au dire de Carter lui-même, chez T. socialis; et nous pouvons affirmer, après examen de T. armata et de T. Fischeri, que souvent ils manquent tout à fait dans de grandes portions d'Épongés. Dès lors, ne faut -il pas craindre que Hancock ait tracé de J\ cacloïdes une description incomplète, soit qu'il n'ait disposé que de préparations insuffisantes, ou qu'ayant aperçu les corpuscules lenticulaires épars, il ne leur ait accordé aucune valeur ? On pourrait objecter, en faveur de la séparation des deux espèces, que Carter indique comme finement épineux les nodules des amphiasters de T. socialis, tandis que Hancock figure ceux de T. cactoïdes parfaitement lisses. Nous répondrons que Hancock n'a pas non plus mentionné ni figuré les petites pointes, plus ou moins bien marquées, qui arment les amphiasters chez T. bulbosa et T. radiata. D'ailleurs, nous ne vou- lons pas supprimer do parti pris T. socialis, Cart. ; nous nous con- tenterons de poser un point d'interrogation devant cette espèce en attendant qu'un zoologiste réexamine le spécimen type de T. cac- toïdes, Hanc. Thoosa bulbosa, Hanc. et Thoosa radiata, Tops., n'ont encore été vues que deux fois, et, peut-être par hasard, deux fois ensemble sur des valves de Tridacna gigas. Leur histoire mérite d'être résumée brièvement. En divers points des galeries de perforation sillonnant l'épaisseur d'une valve de Tridacne, Hancock avait détaché, outre un certain nombre de Cliona, plusieurs lambeaux d'une Éponge à spiculation composée d'amphiasters noduleux et d'oxyasters réduits, à trois et quatre rayons raides; il en fit, en 1849, le type de sa Thoosa bulbosa. Une seule de ses préparations présentait une spicu- lation particuhère, faite d'oxyasters réduits, à deux rayons courbes, DEUXlÈiMli CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 579 et d'amphiasters de deux sortes, les uns abondants, semblables à ceux de T. bulbosa typique, les autres peu nombreux et environ trois fois plus gros que les précédents. S'agissait-il de deux espèces dis- tinctes? Hancock ne voulut pas l'affirmer, mais il se déclara prêt à l'admettre. Bien que nous ayons rencontré ces deux formes dans des couditions identiques, comme elles nous ont paru séparées sur le support, nous partageons la manière de voir de l'auteur anglais. Nous avons conservé son appellation primitive à celle de ces Thoosa que Hancock considérait comme le type de T. bulbosa; pour l'autre, nous avons choisi (40) le nom de T. radiata, à cause de ses grands amphiasters. Sans doute on nous objectera que la réunion, cons- tante jusqu'à présent, de ces deux Éponges est bien étrange. Mais n'est-il pas extraordinaire aussi que, par deux fois, se soient pré- sentés deux ensembles de caractères si bien tranchés ? Si, contrairement à ce que nous pensons, Thoosa radiata devait être supprimée, T. bulbosa, Hanc, contiendrait des amphiasters noduleux à nodules épineux, des oxyasters, de deux sortes et sans mélange, et de grands amphiasters localisés. Et, môme alors (il est bon de le noter en passant), elle ne se confondrait avec aucune des Thoosa àoni il nous reste à parler. Chez Thoosa annala, Tops., on compte jusqu'à six sortes de spi- cules : r des mégasclères : oxes lisses et forts ; 2° des microsclères : a, amphiasters noduleux dont nous avons figuré l'un au-dessous de l'autre (40, pi. VH, fig. 9) l'état grêle et l'état parfait ; ils sont un peu plus gros que ceux de T. bulbosa et de T. radiata et arment aussi d'épines l'extrémité de leurs rayons ; P, grands amphiasters semblables à ceux de T . radiata ; y, amphiasters à rayons longs, grêles et finement épineux, terminés par une sorte de bouton; S, oxyasters réduits, à deux rayons courbes, comme ceux de T. ra- diata; £, corpuscules lenticulaires finement épineux. Bien que pourvue seulement de trois sortes de spicules, Thoosa Hancocci, Tops., se laissera toujours facilement reconnaître à la forme très particulière de ses amphiasters noduleux et de ses am- b80 EMILE TOPSENT. phiasters à rayons grêles. Elle possède aussi des mégasclères, grands tylostyles lisses que nous n'avons pas signalés tout d'abord, les pre- nant pour des spicules de quelque Cïiona quadrata associée à notre Thoosa, ainsi que cela arrive quelquefois entre Cliones. Ces épin- gles lui appartiennent en propre, car nous les avons retrouvées dans de nouveaux spécimens. La diagnose complète de T. Hancocci sera donc la suivante : Thoosa Hancocci^ Tops. Éponge perforante, brune à l'état sec, grâce à ses cellules sphéru- leuses qui emmagasinent une matière grasse brunissant par oxyda- tion. Papilles sans caractère. Lobes assez grands. Spiculalion. — L Mégasclères : 1. Tylostyles lisses, longs d'environ 4:io [j., dont la tète est grosse et toute ronde et dont la tige se renfle et atteint son maximum de largeur (15-18 \}) un peu plus bas que son milieu, pour s'atténuer ensuite vers la pointe. IL Microsclères (40, pi. VII, fîg. 12) : 2. Amphiasters noduleux, relativement peu nombreux, à nodules lisses (ce qui paraît être l'exception chez les Thoosa) et groupés aux deux extrémités du cen- ti'um ; 3. Amphiasters, très nombreux, à rayons grêles, souvent par- tiellement atrophiés, partant d'un axe épais el se terminant par deux ou trois crochets recourbés. - Dans les papilles, les mégasclères abondent et s'orientent, comme chez les Clwna, dont ils représentent les spicules du squelette, la pointe vers l'extérieur; autour d'eux s'accumulent, mais sans excès, des amphiasters noduleux. Habitat. — Sur des Tridacnes. Les trois espèces suivantes n'ont point encore été décrites : Thoosa Letellieri, n. sp. (pi. XXII, fig. 17, a-e). Eponge perforante, jaunâtre à l'état sec. Papilles petites, les oscu- lifères distinctes des porifères. DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 581 Spiculalion. — I. Mégasclères : 1. Oxes, épineux, mais seulement sur la moitié ou sur les deux tiers de leur tige, une de leurs pointes restant toujours parfaitement lisse (fig. 17, a], longs de 135 \}. et larges de 6ix, nullement comparables, par conséquent, avec les oxes lisses, longs de 625 [x, de Thoom armata. II. Microsclères : 2. Amphiaster s noàvàenx (fig. 17, b, è'), très abon- dants, semblables à ceux de Thoosa armata, T. hulbosa, T. ra- diata, etc. ; 3. Amphiasters à rayons grêles, finement épineux, ter- minés par un bouton (fig. 17, c], plus petits que ceux de Thoosa armata, épars; 4. Toxes (fig. 17, d), abondants et robustes (leur tige atteint souvent 4 \i. d'épaisseur), correspondant évidemment aux oxyasters réduits, à deux rayons courbes, de Thoosa armata et de T. radiata, mais en différant par l'atrophie à peu près constante du noyau d'origine des deux branches divergentes; 5. Raphides linéaires (fig. 17, e), extrêmement abondants, longs de 60 t». environ, légère- ment flexueux; une faible nodosité, quelquefois double, qu'ils por- tent toujours vers leur milieu, démontre qu'il s'agit d'oxyasters grêles, invariablement réduits à deux rayons opposés. Cette nouvelle Thoosa perfore une Tridacne faisant partie de la collection scolaire du lycée de Caen. Elle nous a été communiquée par notre excellent collègue, M. Aug. Lelellier, connu, par ses tra- vaux, des lecteurs de ces Archives. Nous sommes heureux de la lui dédier. Par hasard, les papilles du spécimen type de Thoosa Letellieri sont parfaitement conservées, et il est intéressant de n'y observer que des amphiasters noduleux alors que le choanosome est si riche en organites variés. Ces amphiasters noduleux correspondraient donc aux microsclères ectosomiques de certaines Tétractinellides. Quant aux mégasclères, leur absence dans les papilles s'explique encore par des homologies ; on remarquera, en effet, que les oxes, par les- quels 2\ Letellieri se rapproche des Cliona, sont précisément les spi- cules qui, chez ces Cliona, ne servent d'ordinaire qu'à la tension de la chair des lobes. 58-2 EMILE TOPSENT. Thoosa Fisckeri, n. sp. (pi. XXII, fig. 16, a-h). Éponge perforante, jaune clair à Tétat sec. Papilles inconnues. Lobes assez grands. Cette espèce, voisine de Thoosa armata, s'en distingue très bien par ses microsclères qui sont, non plus desoxes, mais des tylostyles. Elle paraît aussi complètement dépourvue des gros amphiasters que l'on n'a encore signalés que chez T. radiata et T . armata, et aussi des amphiasters à rayons grêles, finement épi- neux, terminés par un bouton, que nous avons vus chez T. armata et chez T. LetelUeri. Spiculation. — I. Mégasclères : 1. Tylostyles nombreux et disposés pour servir de charpente aux parties épaisses ; tige fusiforme (fig. 16, a), aussi large vers son milieu que la tête, toute ronde ; longueur variable (150 à 400 \j) ; largeur maxima = 8 [x. 11. Microsclères : 2. Amphiasters noduleux (fig. 16, ô, c), sembla- bles à ceux de Thoosa armata ; 3. Amphiasters de môme sorte mais à rayons plus longs et plus grêles, lisses et terminés par une cou- ronne d'épines (fig. 16, d)\ 4. Oxyasters réduits, généralement à deux rayons courbes divergents (fig. 16, e), comme ceux de Thoosa radiata et T . armata ; ^k Qilh, il s'en montre qui possèdent trois rayons développés et le rudiment d'un quatrième rayon (fig. 16, e'); 5. Corpuscules lenticulaires finement verruqueux (fig. 16, A), tels que ceux de T. armata et de T. socialis. Il ne semble pas qu'on puisse considérer ces corpuscules comme des amphiasters noduleux mal conformés, car ils sont déprimés et le nombre de leurs verru- cosités dépasse de beaucoup celui des rayons qui auraient été frappés d'atrophie. D'ailleurs, le véritable aspect des amphiasters noduleux incomplets (fig. 11) est toujours celui d'une grosse souche ovoïde, lisse, ne portant souvent que deux nodules pédicules ou même qu'un seul. Les corpuscules lenticulaires manquent tout à fait par places, ou bien on les voit épars çà et là: mais nous avons réussi à détacher à la séparation de deux lobes d'une galerie de per- foration un bourrelet solide qui ne contenait pas d'autres organites. DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 583 Ils nous rappellent (en plus petit, puisqu'ils ne mesurent que 18 [x de longueur, 12 [x de largeur et 6 [jl d'épaisseur) les sfeirastevs des Geodiidas. Les sterrasters de Thoosa Fischeri affectent une forme assez irrégulière. HabUat. — Sur une Méléagrine de Ceylan. Nous nous faisons un plaisir de dédier celte Thoosa h M. le doc- teur P. Fischer, en souvenir de sou beau mémoire sur les Éponges perforantes fossiles (17). Thoosa circwnflexa, n. sp. (pi. XXII, fîg. 10, a-c). Éponge perforante, brune à l'état sec. Lobes grands. Papilles toutes égales entre elles, petites ; les trous, malheureusement vides, par où elles faisaient saillie à l'extérieur, mesurent environ 0°"",5 de diamètre. Spiculalion. — Pas de mégasclères, Microsclères : 1 . Amphiasters noduleux, de taille normale (c'est- à-dire mesurant environ 20 ix, d'une extrémité à l'autre, y compris les rayons apicaux), à nodules armés d'épines (fig, 10, a); 2.Raphides linéaires (fig. 10, c), sans renflement médian, droits ou flexueux, longs de 125 [x, excessivement abondants; 3. Taxes lisses (fig. 10, b], assez peu nombreux, très grêles aussi, très nettement tricurvés, sans centrum apparent ; ils dérivent évidemment des raphides, car on saisit tous les passages entre ces deux formes d'organites. On n'ose- rait certainement pas considérer ces raphides et ces toxes comme des oxyasters réduits sans leur analogie frappante avec les raphides et les toxes de Thoosa Letellieri. Thoosa circumflexa est une espèce bien distincte ; elle ne possède ni les mégasclères ni les amphiasters à longs rayons grêles de T. Letellieri, et les oxyasters réduits de ces deux Éponges ne se ressemblent même que d'assez loin. Comme celle de T. bulbosa, la spiculalion de T. circumflexa ne se compose que d'amphiasters no- duleux et d'oxyasters réduits; mais, dans ces deux Thoosa^ la forme V,Si EMILE TOPSENT. de ces oxyasters diffère tellement, qu'il ne peut venir à personne l'idée d'en faire une espèce unique. Habitat. — Sur une Tridacne, collection du lycée de Gaen. De tout ce qui précède, il est naturel de tirer les conclusions sui- vantes. Comme le genre Cliona, le genre Thoosa est parfaitement homogène. Ses neuf espèces connues possèdent, de même que les Cliona, un type de spiculation bien défini, également sujet à des atrophies. Les microsclères ne sont plus des spirasters, mais des amphiasters de plusieurs sortes, dont l'une au moins ne fait jamais défaut et caractérise le genre ; des oxyasters réduits, semblables à ceux de Isops apiarium (Schm.), SolL, accompagnent presque tou- jours ces amphiasters ; il s'y ajoute même fréquemment des corpus- cules qui rappellent assez les sterrasters des Geodiidse. II est évident que les Thoosa représentent, dans la famille des Clionidœ, un terme de transition des Monaxonides aux Tétractinellides, plus rapproché des Tétractinellides que les Cliona. Cependant, à leurs mégasclères, on reconnaît qu'il s'agit bien encore de Monaxonides. Ces mégas- clères manquent souvent, mais non pas toujours, comme Hancock avait le droit de le supposer, et, quand ils existent, ce sont des tylostyles ou des oxes lisses ou épineux, tout à fait comme chez les Cliona; les Cliona et les Thoosa se trouvent donc liées par des affinités incontestables. Les Thoosa ne diffèrent pas des Cliona par leurs caractères exté- rieurs. Leurs lobes paraissent d'ordinaire assez grands; mais ceux de beaucoup de Cliona les égalent ou même les surpassent ; cela dépend d'ailleurs d'aptitudes individuelles. La couleur varie du jaune clair (chez les espèces colorées uniquement par leur pigment) au brun (chez celles qui font des réserves de graisse). Leurs papilles sont assez mal connues à cause du mauvais état de conservation où se trouvent la plupart des coquilles, exposées depuis de longues années dans les collections. Nous avons réussi à voir celles de T. Ilancocci et de T. Letellieri et la place de celles de T. circumfiexa. DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GLIONIDES. 585 Leur aspect n'a rien de remarquable, mais leur constitution paraît intéressante : chez T. Hancocci, qui possède des tylostyles pour mé- gasclères, elles ont une charpente de tylostyles comme on en observe chez tant de Gliones; au contraire, chez T. Letellieri, elles ne contiennent que des petits amphiasters noduleux, sans doute parce que les mégasclères, qui ont ici des oxes épineux, ne repré- sentent que les spicules de tension des Cliona. Enfin, les parois des galeries des Thoosa ressemblent exactement à celles des Cliona; ce sont mêmes fossettes de perforation et mêmes corpuscules calcaires détachés par un procédé malheureusement encore assez énigma- tique. En se desséchant, la chair molle des Thoosa se colle sur les parois des galeries et leur forme un revêtement membraneux. En résumé, la définition des Thoosa ne peut s'établir que d'après leur spiculation et doit s'écrire : Genre Thoosa, Hancock. — Cliom'dx, possédant toujours, en fait de spicules, de petits amphiasters noduleux auxquels s'ajoutent or- dinairement d'autres amphiasters, des oxyasters réduits et même des sterrasters, et quelquefois des mégasclères, tylostyles ou oxes lisses ou épineux. Ces Éponges paraissent cantonnées dans les mers chaudes du globe, pour la plupart dans l'océan Indien. Les neuf espèces actuellement connues peuvent être groupées en un tableau dichotomique. L TUOOSA POURVUES DE MÉGASCLÈRES. i . Les mégasclères sont des tylostyles. A. Tylostyles médiocres; amphiasters noduleux à nodules épineux; oxyasters réduits le plus souvent i'i deux rayons courbes avec centrum marqué; ster- rasters T. Fischeri, Tops. B. Tylostyles de grande taille; amphiasters noduleux à nodules lisses groupés aux deux extrémités de l'axe; amphiasters à rayons grêles terminés par des erochets T. Bancocci, Tops. 586 EMILE TOPSENT. 2. Los mégasclères sont des oxes. A. Oxes grands et lisses; amphiasters noduleux à nodules épineux ; grands amphiasters à rayons épais terminés par une couronne d'épines ; amphiasters h rayons grêles terminés par un bouton; oxyasters réduits, ù deux rayons courbes avec centrum marqué; sterrasters 1\ armata, Tops. B. Oxes médiocres, épineux au moins sur la moitié de leur longueur; am- phiasters noduleux à nodules épineux; amphiasters à rayons grêles terminés par un bouton ; oxyasters réduits à deux rayons, les uns courbes et épais, sans centrum marqué, les autres droits ou tlexueux, linéaires, avec centrum mar- qué. T. Letellieri, Tops. II. THOOSA SANS MÉGASCLÈRES. 4. Des oxyasters réduits accompagnent les amphiasters. A. Amphiasters noduleux à nodules épineux ; grands amphiasters à rayons tei'minés par une couronne d'épines; oxyasters réduits, à deux rayons courbes avec centrum marqué T, radiata. Tops. B. Amphiasters noduleux à nodules épineux; oxyasters réduits, à deux, trois, quatre rayons raides avec centrum marqué T. bulbosa, Hanc. C. Amphiasters noduleux à nodules épineux; oxyasters réduits, à deux rayons linéaires, figurant des raphides et, rarement, des toxes, sans indication de centrum T. circumflexa, Tops. 2. Pas d'oxyasters. A. Amphiasters noduleux à nodules épineux; sterrasters. T, socialis, Cart. B. Rien que des amphiasters noduleux (à nodules épineux?). T. cactoîdes, Hanc. GENRE ALECTONA (CARTER, 1879). Carter a créé ce troisième genre pour une Éponge perforante, Aleclona Millari, dont la spicnlation se compose: 1" d'amphiasters (fig. 6 et 7 de la description originale) comparables à ceux des Thoosa; 2" d'oxyasters réduits, les uns linéaires, noduleux, avec un renflement médian, rappelant ceux de Thoosa LeteUieri et de T. cir- cumflexa, les autres, plus robustes, à deux, trois et morne rinq rayons développés (ilg. 4 et 5) ; 3" enfin, des mégasclères diactinaux DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 587 de taille variable, caractérisés parles rangées de tubercules qui les couvrent. En 1880, Carter a décrit une deuxième Alectona, A. Higgini. La spiculalion de cette Éponge comprend encore : 1" des amphiasters ; 2" dos oxyasters réduits, microxes linéaires passant aux toxes, tout à fait comme ceux de Thoosa circwnflexa ; 3" enfin des raégas- clères diaclinaux couverts de tubercules disposés par bandes annu- laires. On reconnaîtra facilement la proche parenté de ces Alectona et des Thoosa; leurs microsclcres appartiennent aux mômes types ; leurs mégasclères seuls diffèrent assez sensiblement, à moins que les oxes en partie épineux de T/ioosa Letellicri ne soient une sorte de rappel de ceux des Alectona. Carter créait aussi, en 1880, un genre à part, genre Dotona, pour une autre Éponge perforante, D. pulchella, dont la spiculalion se rapproche trop de celle des Alectona, et surtout de celle à'A.Higgim, pour qu'il soit permis de séparer génériquement ces espèces. En effet, que voyons-nous chez Dotona pulc/iella? 1° des amphiasters, comme chez les deux Alectona; 2° des raphides, comme chez A. Hig- gini ; 3° des mégasclères diactinaux couverts de tubercules dispo- sés par anneaux, encore comme chez A. Higgini. Dotona pulchella devrait donc plus justement s'appeler Alectona pulchella. Ou bien, si l'on tenait à conserver le genre Dotona, il faudrait, dans ce genre, réunir Dotona pulchella et Alectona Higgini, en remarquant que les tubercules se disposent en anneaux sur les mégasclères de ces deux Éponges, tandis qu'ils forment des rangées longitu- dinales sur ceux à' Alectona Mlllari. Mais il ne semble pas que cette distinction soit nécessaire. En définitive, ce qui caractérise surtout les Alectona, c'est l'orne- mentation de leurs mégasclères ; et, en introduisant dans la défini- tion de ce genre les termes de la nomenclature moderne, on peut écrire : Genre Alectona, Carter. — Clionidœ, dont la spiculalion se com- ^88 EMILE TOPSENT. pose: 1° d'amphiasters de forme variée ; 2» d'oxyasters réduits; 3° enfin, de mégasclères, oxes (seuls connus) couverts de tubercules affectant une disposition régulière. Les Alectona et les Thoosa possèdent un caractère commun qui les distingue à première vue des Cliona; leurs microsclères principaux sont des amphiasters et non des spirasters. Elles possèdent de plus des oxyaSters réduits, et quelquefois plusieurs formes d'amphias- ters, et, par cette richesse en microsclères, elles rappellent ce qui se voit le plus souvent chez les Tétractinellides. Cependant, leurs mé- gasclères appartenant au type monaxial démontrent qu'on est tou- jours en présence de Monaxonides. D'autre part, nous avons mis en lumière les affinités qui relient les Thoosa, et, par suite, les Alectona aux Cliona. Ces genres constituent, aux confins des ordres Monaxonida et Te- tractinellida, une famille naturelle, la famille des Clionidse. Dans les systèmes actuels de classification, cette famille prend place exacte- ment, parmi les Monaxonida, dans le sous-ordre des Spintharo- phora^, dans le groupe des Neterosclera^, Soll., et la section des Clavulidx ^ et se définit simplement : Famille Clionidse. — Clavulidse perforantes. L'absence de tylostyles chez les Alectona et chez plusieurs Thoosa ne doit pas nous étonner, puisque nous la constatons aussi chez beaucoup de Cliona ; la spiculation de toutes ces Éponges est, de toute évidence, faite d'après le même type, mais elle est fréquem- ment frappée d'atrophies ; nous en avons suivi toutes les variations chez les Cliona, depuis la spiculation à trois sortes d'éléments de C. wûs/i/im jusqu'à celle de C. labyrinthica, réduite à des oxes lisses. ' Une écorce, dans la règle. Mégasclères du squelette ordinairement disposés en rayonnant de la base de l'Éponge vers la surface et le plus souvent fascicules. Microsclères, quand ils existent, dérivés de l'aster, jamais de chèles ni de sigmates. * Des mégasclères toujours et des microsclères quelquefois. 3 Heterosclera h mégasclères monactinaux. DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 589 Chez les T/ioosa, les mégasclères sont tantôt des tylostyles, éléments principaux de la spiciilation complète du type, et tantôt des oxes, et souvent ils manquent tout à fait. Enfin, dans le genre Alectona, on n'a encore rencontré que des espèces à mégasclères diactinaux. Peut-être est-ce l'effet du hasard ? Peut-être aussi ces Éponges se ressentent-elles assez de leurs tendances vers les Tetractinellida pour ne développer de préférence que la sorte de mégasclères qui se produit presque seule chez ces autres Demospongix? Quant au genre Samus, Gray, il ne rentre nullement dans la famille des Clionidx. Réellement douée de la faculté de perforer, car nous l'avons trouvée remplie par places de corpuscules calcaires (en tout semblables à ceux que taillent les Glionides) qu'elle venait de déta- cher au moment où fut péché son support, Samm anonyma, Gray, possède trois sortes de spicules, désignées par SoUas sous les noms d'amphitrisene, d'amphitriœne hétéropolaire et de sigmaspire. C'est une Tétractinellide véritable. Tétractinellides aussi sont les Samus simplex, Carter, et S. complicatus, Carter [Stœba simplex et Rhachella complicaia de SoUas), dont Carter ne met pas en doute le pouvoir perforant'. Mais il n'existe pas entre ces trois Éponges de lien sai- sissable. Et en affirmant que l'ordre des Tetractinellida compte des représentants doués de la faculté de perforer, on ne peut, dans l'état actuel de la science, dire si ces Spongiaires sont membres d'une famille comparable ou alliée à celle des Glionides. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. i . R. Grant, Notice of a new Zoophyte (Cliona celata) from the FirtJi of Forlh [Edinburgh philos. Journ., vol. 2, 1826). 2. D. Nardo, Supra un nuovo ycnerc di. Spugne, le quali perforano le ' Les autres Samus de Carter, Samus quadriparli lus appelé par SoUas Triptole- mus cladosus, Samus intextus = Triptolemus intexlus, Soll., Samus parasilicus = Triptolemus parasilicus, Soll., sont indiquées par SoUas, dans sa Monographie des T(-(ractineUides, comme espèces simplement encroûlanles. 590 EMILE TOPSENT. piètre ed i guaci marini (Annati d. Scienze del Regno Lomhardo- Veneto, vol. 9, p. 221-226. Venezia, 1839). 3. G.-L. DuvERNOY, Note sur une espèce d'Épongé qui se loge dans la coquille de l'Huître à pied de cheval... {Comptes rendus de r Académie des sciences, vol. 9, p. 683-686. Paris, 1840). 4. G. JoHNSTON, A history of British Sponges and Lithoplujtes, p. 12b- 131. Edinburgh, 1842. 5. H. 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DEUXIÈME CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CLIONIDES. 591 21. H.-J. Carter, An aeroimt of thc Pohjpc-Uke pore-urea of Gliona co- rallinoïdes... (Ann. and M(ig. of nat. Hlst. [IV], vol. 8, p. i-27. London, I87I). 22. Ulljanin, Catalogns animalium ponticorum, p. 9o, 1872. 23. J.-E. Gray, Classification of the Sponges {Ann. andMag. of nat. Hist. [IV], vol. 9, p. 448. London, 1872). 24. H.-J. QAkva'ER, Descriptions and Figures of Decp-sea Sponges... {A7in. and Mag. of nal. Hist. [IV], vol. 14, p. 249. Loudon, 1874.) 23. W.-J. SoLLAS, On tioo neiv and remarkable species o/" Cliona(AnH. and Mag. ofnat. Hist. fVj, vol. 1. Loudon, 1878). 26.. V. CzERNiAWSKY, S/Jon^ï« littorales Pontis Euxini et maris Caspii (Bulletin de la Société impériale des naturalistes. Moscou, u° 4, p. 396, 1878 et n» 4, p. 243, 1879). 27. H.-J. Carter, Contributions to our Knoivledge of the Spongida (Ann. and Mag. ofnat. Hist. [VJ, vol. 3, p. 350. 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[V], vol. 9, p. 270. London, 1882). 3o. N. îixssoKOW, Zur Biologie und Anatomie der Clione{Zeitsch. f. Wiss. Zoologie, vol. 39, p. 293. Leipzig, 1883). 36. St.-O. RiDLEY et A. Dendy, Report on the Mo.naxonida, p. 227 {2'he Voyage of H. M. S. <( Challenger », Zoology, vol. 20). 37. VV.-J. SoLLAS, Report on the Tetragtinellid.e {l'he Voyage of H. M. S. .), à mem- brane très plissée et ondulée d'une façon bizarre, divisée en un nombre considérable de cellules. Il y a très souvent de longs cris- taux fusiformes de 50 [j., formant des mâcles et des groupes aussi variés que possible, répandus au hasard sur la paroi interne, sans souci des limites cellulaires. Ces vésicules sont creuses et renferment du plasma. Je me contente de signaler ces éléments, sur lesquels je n'ai rien de plus à dire ; je rappellerai seulement : 1" qu'ils se trouvent indif- féremment chez les mâles et les femelles et chez les espèces pour- vues ou non d'urnes ciliées ; 2" qu'ils n'existent pas chez toutes les espèces ni même chez tous les individus d'une même espèce K Respiration. — Grâce aux cils vibratiles et aux urnes et coupes ciliées qui les suppléent dans leurs fonctions, le sang est animé d'un mou- 1 Les corpuscules géants [giant corpusdes) signalés par Andrews chez Sipunculus Gouldii correspondent-ils à nos vésicules énigmaliques ? {Jo'in Hopk. Univ. Cire, t. L\, 1890). 608 L. CUÉNOT. vement de translation, activé encore par les déplacements et con- tractions de l'animal. Les échanges d'oxygène ont lieu forcément ù travers la peau qui est cependant fort épaisse ; souvent j'ai trouvé la base de l'organe segmentaire transformée en une grosse ampoule remplie d'eau. Peut-être y a-t-il là aussi un point propice aux échanges gazeux. La couronne lentaculaire n'est pas en rapport avec la cavité générale, et ne peut guère jouer un rôle dans la respiration. D'autre part, les Sipunculiens vivant dans le sable ou sous les cail- loux, c'est-à-dire dans une eau fort peu renouvelée, sont dans de bien mauvaises conditions respiratoires; aussi s'explique-t-on la pré- sence de nombreuses hématies renfermant un albuminoïde très avide d'oxygène, l'hémerythrine. Glande lymphatique. — La glande lymphatique et ses annexes for- ment ce qu'on appelle communément Vappareil vascula/re ; chez le Sipunculus nudus, il est formé de deux canaux, un ventral et un dorsal, accolés à l'œsophage, se terminant d'un côté en cœcum, au début de la spire intestinale, se jetant de l'autre côté dans un anneau irrégulier situé tout à fait à l'extrémité de la trompe, et dans lequel débouchent aussi les tentacules péribuccaux. Le canal ventral est le plus petit et le moins constant; il manque chez les Phascolosomes étudiés. Le canal dorsal, situé presque exactement sur la ligne médiane, au-dessus du sillon intestinal (pi, XXllI, fig. H), apparaît sur les individus complètement allongés comme un cordon de forme irré- gulière, présentant des bosselures, et par places des nodules d'un rouge vif. Le canal ventral, quand il existe, a exactement la même apparence, en plus petit. En poussant légèrement les nodules rouges avec un pinceau, on peut leur faire parcourir une certaine étendue du canal et réaUser ainsi une injection naturelle, qui montre que les bosselures, les inégalités de surface sont dues ù des accumulations internes de cellules. Si l'on porte le tube dorsal sous le microscope, sans le déchirer, il paraît limité par une fine membrane ; son contenu est par endroits animé d'un vif mouvement, tandis que les inter- ÉTUDES SUK LE SANG ET LES GLANDES LYiMPHATlQUES. 607 valles restent immobiles ; on peut remarquer que le mouvement est limité à la zone externe, la zone proionde étant toujours immobile. Enfin on distingue fort bien la terminaison cœcalc, souvent marquée par des renflements plus forts que les autres. En coupe, le canal dorsal a une lumière plus ou moins circulaire (pi. XXIII, fig. 12); il est limité par une mince paroi conjonctive, continue avec la couche conjonctivo-musculaire de l'œsophage ; extérieurement, cette paroi porte des cellules fusiformes, à cils vibratiles formant bouquet (pi. XXIII, fig. 13). Chez les espèces pourvues d'urnes ou de coupes ciliées, ces cellules sont assez rares; chez les autres, elles se touchent presque. (Voir au paragraphe relatif aux urnes et coupes ciliées.) Du côté interne, la paroi donne nais- sance à de très fins septums (pi. XXIII, fig. 13, /), qui subdivisent la cavité du canal ; la paroi interne et les septums sont recouverts, chez toutes les espèces, de nombreuses cellules vibratiles à cils en bouquet, bien plus abondantes que sur la paroi externe ; ce sont elles qui déterminent le vif mouvement que nous avons signalé au début, et qui a frappé tous les observateurs. Keferstein et Jourdain, surtout ce dernier, ont bien décrit les cils vibratiles internes. Le canal dorsal est entièrement rempli (T amibocytes et d'hématies jeunes (pl. XXIII, fig. 14), les premiers remarquables par l'abondance des granules réfringents, les secondes par leur petite taille, l'absence des vacuoles, et l'activité de leurs granules browniens. C'est une règle sans exception : les hématies de l'appareil vasculaire offrent, par rapport aux hématies de la cavité générale, des caractères de jeunesse qui forcent absolument à considérer ledit appareil comme une glande lymphatique* ; je pense que ces éléments se forment sur la paroi du canal, et se détachent très tôt pour achever d'y mûrir. Quant aux nodules rouges que l'on remarque si souvent, ils sont remplis d'une substance granuleuse très colorée en jaune ou en ' M. Jourdain prétend (1865) que les globules des canaux dits vasculaires soui plus grauds que ceux de la cavité générale ; j'ai toujours vu le contraire. 608 L. CUÉNOT. brun, au milieu de laquelle se trouvent des noyaux ; on voit fort souvent à côté de ces nodules des amibocytes remplis de ces gra- nules colorés, dont la signification m'échappe. Je n'ai jamais trouvé dans les canaux lymphatiques de corpuscules mûriformes, d'urnes ou de vésicules. Nous avons déjà vu chez le Sipunculus nudus que les urnes ciliées se formaient sur la paroi externe du canal dorsal. Il n'est pas facile de se rendre compte du fonctionnement de l'ap- pareil ; les amibocytes et les hématies, formés soit par division soit sur la paroi du canal, s'accumulent par places en déterminant des saillies irréguhères. Probablement que ces mamelons, lorsqu'ils sont pleins, peuvent se rompre, les hématies passant alors dans le cœlome. La plupart des amibocytes s'échappent par diapédèse ; j'en ai vu fort souvent (pi, XXIII, fîg. 13, a) en train de traverser la mince paroi du canal. Il y en a aussi un grand nombre qui filent dans les interstices de la couche conjonctive de l'œsophage : c'est pourquoi les nodules saillants sont bourrés en grande majorité d'hématies, les amibocytes s'échappant pour la plupart au fur et à mesure de leur production. Les tentacules péribuccaux sont destinés à évacuer tous les déchets gazeux et peut-être salins de la fabrication active des corpus- cules du sang; ils constituent un appareil respiratoire spécial à la glande lymphatique ; ils sont munis intérieurement de cils vibra- tiles, comme les canaux, mais n'ont pas de couche formatrice. D'ail- leurs celle-ci ne s'étend pas toujours dans toute la longueur du canal, elle est parfois limitée à l'extrémité terminale {Phascolosoma varians)\ En résumé, le prétendu appareil vasculaire des Sipunculiens (qui n'a d'ailleurs rien de semblable à un appareil vasculaire, ni par sa posilion œsophagienne, qui le rendrait absolument inutile, ni par son anatomie) est formé d'un ou deux canaux, dans lesquels se for- 1 Dans les canaux lymphatiques, il y a souvent des Dislomes enkystés, quelques- uns munis de crochets autour de la ventouse buccale {Phascolosoma varians, vuL' gare, granulalum). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. G09 ment et mûrissent les amibocytes et les hématies, et d'une couronne de tentacules péribuccaux, servant à la respiration du contenu des canaux. Chez Phymosoma (Shipley, Quart. Journ. Mie. Se, 1891), le système pseudo-vasculaire présente des ramifications cœcales qui le compliquent un peu. Glande sus-nervienne . — On a depuis longtemps remarqué sur le cerveau du Sipunculus nudus une petite houppe laciniée, de couleur blanchâtre, dont le rôle est inconnu (Andrae, Keferstein et Ehlers). MM. Cari Vogt et Yung l'ont étudiée avec soin, et suggestionnés par le voisinage des ganglions cérébroïdes, en ont fait un organe sen- sitif (1) ; on ne voit pas trop ce que pourrait apprécier cet organe, suspendu dans la cavité générale et sans aucun rapport, même de voisinage, avec l'extérieur. La houppe sus-nervienne, placée sur la face dorsale du cerveau, est en contact postérieurement avec le canal lymphatique dorsal; elle est limitée par une mince paroi qui envoie à l'intérieur de nom- breux seplums, et qui porte extérieurement d'assez nombreuses cellules aplaties à cils vibraliles en bouquet, que MM. Cari Vogt et Yung ont appelées cupules vibratiles et auxquelles ils ont attribué une complication qu'elles n'ont pas. La glande est bourrée de granulations jaunâtres ou verdàtres, dont la couleur se fonce sensiblement par l'acide osmique, et de noyaux semblables aux noyaux d'àmibocytes. 11 est possible que cet organe soit une glande de réserve, mais- j'avoue qu'une nouvelle étude serait nécessaire pour en préciser la fonction et les rapports avec le canal dorsal. Géphyriens armés. — Autant les Sipunculiens présentent de com- plexité dans les éléments figurés du sang, autant le liquide cavitaire de la Bonellia viridis est remarquable par sa simplicité. Le liquide sanguin est renfermé dans un appareil vasculaire, assez réduit, mais bien caractérisé, et dans la vaste cavité générale où flottent tous les organes ; il est le même pour ces deux ordres de cavités. Traité d'anatomie comparée pratique, 1888, Géphyriens. AUCU. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 2* SÉRIE. — T. IX. 1891. 39 610 L. CUÉNOT. Le liquide de la cavité générale est parfaitement incolore et lim- pide, et n'éprouve aucun changement au contact de l'air ; il contient en suspension un grand nombre de corpuscules et d'œufs, qui par le repos tombent au fond du vase où il a été décanté. Si on traite le liquide par l'alcool, il se forme un précipité blanchâtre, très peu abondant, à peine 1 ou 2 pour 100; quand on chauffe le sang frais, il devient opalin vers 85 degrés, mais il ne se produit aucun coagulum, même à 100 degrés, car on sait que les dissolutions étendues des albuminoïdes ne précipitent pas par la chaleur (Gorup-Besanez). Le sang de la Bonellie ne renferme donc qu'une petite quantité d'albu- minoïde dissous, qui ne joue aucun rôle dans la respiration ; relati- vement aux Sipunculiens, la Bonellie est donc en apparence dans des conditions très inférieures, bien que son genre de vie soit iden- tique à celui de ces derniers. Amibocytes. — Outre les œufs, assez nombreux dans la cavité générale, on n'y trouve qu'une seule sorte d'éléments figurés, les amibocytes. Ils sont assez grands (18 {;. environ) et émettent de longs et nombreux pseudopodes; on constate facilement la présence d'un noyau central ; le protoplasma renferme de nombreuses gra- nulations un peu verdâtres. Presque tous les amibocytes renferment aussi des globules jaunâtres, brunâtres ou incolores, réfringents, de forme irrégulière, que l'acide osmique colore vivement, et qui doi- vent être considérés comme des albuminoïdes de réserve. Comme nous l'avons vu si souvent déjà, les amibocytes suppléent le liquide cavitaire dans sa fonction nutritive. Glande lymphatique. —Depuis le travail classique de M. de Lacaze- Duthiers, on sait que le système vasculaire se compose d'un vaisseau ventral et d'un vaisseau dorsal parcourant la trompe et traversant la cavité général-e ; en bas, le vaisseau ventral donne deux gros troncs se jetant dans une grande vésicule appliquée sur l'intestin, d'où part le vaisseau dorsal ; le vaisseau ventral, après sa bifurcation inférieure, se prolonge un peu sur la ligne médiane et se confond avec Tovaire. Le vaisseau ventral tout entier elles troncs qui en par- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 611 tent en haut et en bas, ainsi que la portion flottante du vaisseau dorsal, présentent un aspect bosselé, irrégulier, glandulaire en un mot, parfaitement décrit et figuré par M. de Lacaze-Duthiers ; cet aspect est surtout net sur le vaisseau ventral et ses branches infé- rieures, ce qui avait amené Milne Edwards à considérer celles-ci comme des glandes. Autour de la cavité centrale assez minime du vaisseau se trouve un stroma conjonctif enfermant dans ses mailles de très nombreux noyaux et cellules (pi. XXIII, fig. 16); les noyaux s'entourent de protoplasma et de granules réfringents et constituent des cellules qui deviennent amiboïdes, et gagnent la périphérie ; les amibocytes ainsi formés s'échappent dans la cavité générale où ils poursuivent leur évolution habituelle. Sur le vivant, on voit ces manchons cou- verts de pseudopodes (pi. XXIII, fig. 15) traversant la fine membrane conjonctive qui les limite ; on constate facilement la présence des amibocytes à granules, leurs mouvements et leur sortie dans le cœlome ; il y a en outre dans le stroma des globules jaunes ou bruns, analogues à ceux que nous avons signalés dans le sang, qui jouent probablement le rôle de matériaux nutritifs. Ces formations périvasculaires représentent donc, sans aucun doute, des glandes lymphatiques parfaitement caractérisées. Origine de l'ovaire. — Il nous reste à signaler la relation de l'ovaire avec la glande lymphatique. Le vaisseau ventral, après avoir donné ses deux branches infé- rieures, continue son trajet sur la ligne médiane (vaisseau ovarique); sa cavité s'oblitère au bout de quelques millimètres, mais le man- chon cellulaire qui l'entoure persiste jusqu'à l'extrémité inférieure du corps et c'est à sa surface que se développent les œufs. Bien qu'il y ait continuité entre l'enveloppe des vaisseaux et l'ovaire, les cellules évoluent d'une façon différente : les premières sont entièrement lymphatiques, et rien que cela ; celles du stroma ovarien, au contraire, malgré leur origine, n'évoluent plus en ami- bocytes. Il y a une séparation fort nette, ce qui m'a assez étonné, 612 L. CUÉNOT. car je comptais trouver chez la Bonellie un mélange d'oeufs et d'amibocytes, comme chez les Bryozoaires et certains Annélides ; toujours est-il que je n'ai rien pu constater de pareil chez les deux Bonellia viridis que j'ai examinées. Historique. — On trouvera, dans le travail classique de M. de Lacaze-Duthiers (1858) tous les détails anatomiques nécessaires. M. Rietsch (1886), dans son excellente étude sur les Géphyriens armés, a reconnu autour du vaisseau ventral et des branches qui en partent [Bonellia minor), une couche cellulaire qu'il représente comme formée de plusieurs assises; je pense que c'est plutôt un stroma bourré de noyaux, comme chez la grande Bonellie. Le vais- seau ovarique, prolongement caecal du vaisseau ventral, présente, chez la Bonellia minor, la même disposition que chez Bonellia viri- dis; la formation des œufs ne commence qu'en arrière du point où le vaisseau est oblitéré, et s'opère de même aux dépens des cellules d'origine lymphatique. M. Rietsch a bien décrit ces rapports, et sauf ce point d'histologie relatif au manchon périvasculaire, ses figures sont parfaitement exactes. Chez le Thalassema Neptuni, il paraîtrait que le vaisseau dorsal et un peu le vaisseau ventral présentent plusieurs couches cellulaires ; il y a probablement là quelque chose d'analogue à ce qui existe chez les Bonellies. Divers auteurs, et surtout Ray-Lankester, ont décrit des hématies chargées d'hémoglobine dans le liquide périviscéral des Thalassema erytb'ogrammon et Neptuni (1881), et de VEamingia arctica (1883). M. Rietsch (1886) croit qu'il y a aussi des hématies chez les Bonel- lies et les Échiures. Ce sujet réclamerait de nouvelles études ; je puis affirmer qu'il n'y a que des amibocytes dans le liquide cavitaire de la Bonellia viridis. Enfin, chez le Phoronis hippocrepis, il existe certainement des hématies, chargées d'hémerythrine suivant Krukenberg, d'hémo- globine d'après Ray-Lankester (1872, 1873). Chez le Phoronis aus- tralii, Benham (1889) décrit des hématies colorées en rouge par ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 6i3 l'hémoglobine, le liquide cavitaire étant incolore. On ne sait rien sur les glandes lymphatiques de ces animaux. ÉCHINODERMES. OURSINS. Sang'^. — Le sang est renfermé dans plusieurs sortes de cavités : 1° d'abord la plus volumineuse ou cavité générale, entièrement close; 2° puis l'appareil ambulacraire, système complexe en rap- port avec la locomotion, débouchant au dehors par le tube aquifère; 3° enfin l'appareil lacunaire qui se compose d'un système de lacunes absorbantes ramifiées sur l'intestin et destinées à ramener les pro- duits de la digestion, et de réseaux lacunaires s'élendant sur divers organes, glandes lymphatiques, organes génitaux, système nerveux en relation avec la nutrition de ceux-ci. Le contenu de la cavité générale, facile à obtenir en grande quan- tité par incision de la membrane buccale, est un liquide salin, de même densité que l'eau de mer ambiante, renfermant de très nom- breux corpuscules figurés qui le rendent un peu trouble; il est le plus souvent incolore, parfois légèrement rosé [Strongylocentrotus lividus, Spatangus purpureus), coloration due à de nombreux ami- bocyles rouges. On peut, par l'alcool, y déceler la présence d'un albuminoïde dis- sous (Geddes etHartog) en très petite quantité, à peine 0,5 pour 100'; quand on chauffe le sang, il se forme à peine un léger trouble, l'al- buminoïde ne se précipite pas, il faut employer l'alcool ou le tannin pour l'isoler. Le liquide ambulacraire a exactement la même con- 1 Types étudiés provenant de Banyuls : Dorocidaris papillata, Strongylocentrotus lividus, Sphœrechinus granularis, Echinus acutus, Echinus (ancien Psammechinus) microtuherculatus , Spatangus purpureus, Echinocardium cordatum (de Boulogne- sur-Mer). i MouRSON et ScHLAGDENiiAUFKEN (Comp/es rendiis, t. XGV, 1882) trouvent dans le liquide cavitaire de Strongylocentrotus lividus 0,6195 d'albuminoïde, de l'urée et une leucomaïne en petite quantité. 614 l- GUÉNOT. stitution; l'appareil lacunaire a un contenu un peu plus albumi" neux (ce qui est la conséquence de son rôle d'absorption intesti- nale), qui donne sur les coupes un fin coagulum dû à l'action de l'alcool ou des acides employés. Les corpuscules figurés du liquide périviscéral appartiennent à deux catégories : 1° des amibocytes avec toutes leurs variétés ; 2° des globules vibratiles. Pour les étudier fructueusement et sans causes d'erreur, il faut faire deux examens parallèles : l'un sur le vivant, en renouvelant fréquemment la préparation pour qu'elle ne s'altère pas, l'autre sur une goutte fixée aux vapeurs osmiques dès sa sortie de l'animal, colorée par le picrocarmin et conservée dans la glycérine. Amibocyles. — Les amibocytes typiques, normaux, tels qu'ils sortent des glandes lymphatiques, sont des cellules incolores de 10 \j. environ, dont le protoplasma émet de très longs et très nombreux pseudopodes, si bien qu'il ne reste qu'une mince couche autour du noyau, le plus souvent nucléole (pi. XVllI, fig. 8). Ces amibocytes sont incolores, parfois ils renferment quelques granules réfringents, jaunes ou bruns, dont nous verrons plus tard l'origine, et qui ne correspondent pas du tout aux granules réfringents des autres ani- maux. Les amibocytes typiques ne restent pas longtemps sous cette forme ; comme leur seul rôle est de se transformer en amibocytes de réserve, il convient d'examiner les produits ultimes de ces trans- formations, A. — L'un d'eux est ce qu'on a appelé le globule amiboïde brun d'acajou (découvert par Erdl). C'est un amibocyte, souvent à longs pseudopodes comme le type normal, qui renferme dans son proto- plasma une grosse masse arrondie d'un brun d'acajou (pi. XVill, fig. 7), formée d'un agrégat de petits granules plus ou moins faciles à déceler, suivant les espèces; le plus souvent, on trouve une grosse masse irrégulière et de petits granules épars, parfois rien que des granules séparés [Eclànus aculus); les amibocytes tout à fait remplis de cette matière rouge, sont généralement beaucoup moins anii- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 613 boïdes que les corpuscules incolores. Cette substance, que Mac-Munn a appelée échinoclirome (louten lui attribuant un rôle qu'elle n'a pas), est une graisse parfaitement caractérisée, probablement combinée avec un pigment coloré; elle devient d'un noir franc par l'acide osmique ; elle est peu soluble dans l'alcool, très soluble dans l'é- ther, le chloroforme, la benzine, le sulfure de carbone et l'éther de pétrole. Pour la préparer, on traite par l'éther les corpuscules du Spatangue (qui renferment beaucoup d'échinochrome); l'éther se colore vivement en rouge carmin, et par évaporation laisse déposer de nombreux groupes rayonnants d'aiguilles cristallines, de couleur rose, mélangées à des grumeaux amorphes de même teinte. Quand on examine au microscope les cellules après l'action de Téther, on ne retrouve plus d'échinochrome; les noyaux sont légèrement co- lorés en rose, ayant absorbé la graisse dissoute comme une subs- tance colorante ordinaire. Enfin, traitée par l'acide azotique ou l'a- cide chlorhydrique, cette matière tourne au vert ou se décolore sans changer de forme. On retrouve les corpuscules acajou chez tous les Oursins (sauf Echinocyamus pusillus); ils ont bien le caractère d'amibocytes de réserve ayant accumulé de la graisse (comme chez les Ascidies), Chez le Spatangus purpiireus et V E chinocardium coi'datum , [on trouve, outre les amibocytes acajou, des corpuscules graisseux tout différents d'aspect; ils sont entièrement remplis de granules d'un vert jaunâtre, plus ou moins réfringents, dont les contours se fon- dent un peu les uns dans les autres; ces corpuscules sont amiboïdes, mais n'émettent pas de pseudopodes ; ils se déplacent en masse, les granulations roulant dans la partie qui avance. L'acide osmique colore les granulations en noir jaunâtre ; comme l'échinochrome, ils sont solubles dans l'éther et aussi dans l'alcool qu'ils colorent en vert : c'est donc bien une graisse. On rencontre beaucoup d'amibocytes qui renferment à la fois cette substance et des grains d'échinochrome, ce qui montre bien qu'ils sont de môme nature. <*b 616 L. CUÉNOT. B, — Une autre variété d'amibocytes constitue ce qu'on a appelé le corpuscule mûriforme : c'est une cellule à protoplasma réticulé (pi. XVIII, flg. 9), bourrée de granules incolores occupant les mailles du réticulum; le noyau, facile à déceler par les réactifs, est diffé- rent des noyaux des amibocyles ordinaires, ce qui doit nous faire soupçonner un développement particulier ; ce noyau se colore en gris par l'acide osmique, absorbe difficilement le carmin et n'a pas de nucléole [Slrongylocenlrotm lividus, Dorocidaris papillata). La cellule se déplace constamment en émettant de larges expansions dans lesquelles roulent les granules, mais sans donner de pseudo- podes filiformes. Il y a deux variétés d'amibocytes mûriformes : dans la première (formes jeunes?), les granules sont réfringents, distincts les uns des autres; par l'acide osmique, la cellule se vide de son contenu et il ne reste plus que le réticulum protoplasmique et le noyau (pi. XVIII, fîg. 8, IV). Dans la seconde, les granules ne se distinguent pas facilement ; ils forment une masse peu réfringente dans laquelle on a peine à voir leurs contours; le corpuscule est aussi beaucoup moins mobile ; l'acide osmique colore en gris les granules sans les faire disparaître. Je pense que ce sont deux degrés différents de développement, car on peut trouver tous les passages entre eux. Les granules sont formés d'une matière albuminoïde, comme on peut le prouver par les réactifs caractéristiques (iode, fuchsine, acides, etc.). Les corpuscules mûriformes sont donc des amibocytes de réserve, ayant emmagasiné des matières albumi- noïdes. Les corpuscules mûriformes ne renferment jamais d'éclii- nochrome, leur contenu est exclusivement protéique. En résumé, les amibocytes des Oursins peuvent être rangés en deux groupes : 1° des cellules incolores très amiboïdes, d'où déri- vent toutes les autres formes ; 2° les mômes cellules ayant accumulé des matières nutritives, soit de la graisse (corpuscules à échiao- chromc et corpuscules verdâtres des Spatangues), soit des albumi- noïdes (corpuscules mûriformes). Reste à voir quel est le processus de la transformation. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 617 C. — Pour les amibocytes à échinochrome, la chose est fort sim- ple : dans le protoplasma des cellules incolores s'accumulent peu à peu des granules acajou qui finissent par former une masse plus ou moins cohérente. Lorsque la cellule en est remplie, elle paraît entièrement colorée, sauf une éclaircie centrale correspondant au noyau ; elle est peu amiboïde et passe alors par diapédèse dans les tissus, pour servir à leur nutrition. D. — Le développement des corpuscules mûriformes paraît être assez compliqué ; la plupart du temps {Spatangus purpureus notam- ment), ils semblent dériver directement de la transformation des ami- bocytes, mais chez Strongylocenirotus h'vidus et Echinus acutus, ils m'ont paru se développer de toutes pièces à l'intérieur d'un ami- bocyte normal, comme un parasite envahissant son hôte ; on trouve en effet fort souvent (fig. 8, II) des amibocytes à longs pseudopodes qui renferment dans leur protoplasma un corpuscule mûriforme petit, mais bien reconnaissable, à côté duquel se trouve leur propre noyau; d'autres sont totalement absorbés, le corpuscule mûriforme rempli de granules portant quelque part sur sa membrane le noyau primitif. Je ne crois pas que ce soit un phénomène de phagocytose, car ces corpuscules mûriformes intra-cellulaires appartiennent tou- jours à la première variété (à granules distincts) et ne présentent pas d'indice de digestion ; je suis plutôt porté à penser que c'est là le processus normal de leur développement. Globules vibratiles. — - Les globules vibratiles sont de petites cellules rappelant tout à fait des spermatozoïdes, mais plus grosses ; la lête sphérique, de 6 à 9 ^^, est formée par le noyau entouré d'une mince couche protoplasmique, se prolongeant en une longue queue, exces- sivement mobile (pi. XVIII, flg. 14) ; ces globules, fort nombreux, sont constamment en mouvement à la façon des spermatozoïdes, et bousculent sur leur passage tous les globules flottants de la cavité périviscérale. Leur rôle, comme celui des coupes ciliées des SipuncuHens, est évidemment de brasser le liquide cavitaire, contenu dans une cavité trop spacieuse pour que l'action des cils vibratiles 618 L. CUENOT. péritonéaux puisse se faire sentir partout d'une façon utile. Ils existent chez tous les Oursins examinés. Coagulation. — Quand on décante le sang, les amibocytes, au lieu de tomber au fond du vase, se réunissent par leurs longs pseudo- podes et forment de gros plasmodiums visibles à l'œil nu, qui englobent tous les corpuscules flottants, sauf les globules vibratiles, se réunissent et finissent par n'en plus constituer qu'un seul qui tombe au fond du vase ; ce plasmodium, renfermant tous les ami- bocytes colorés du sang, est vivement teinté ; à mesure qu'il se resserre, il paraît rouge, puis brun, presque noirâtre. Geddes et Mac-Munn (11) avaient cru pouvoir conclure de cette observation qu'il y avait chez l'Oursin un corps oxydable, l'échinochrome, chan- geant de couleur au contact de l'air ; il est facile de constater au microscope que l'échinochrome est toujours rouge-acajou et que le plasmodium ne doit sa vive coloration qu'à l'accumulation en un petit espace des corpuscules autrefois flottants dans le sang. Cette pseudo-coagulation est tout à fait différente de la coagulation fibri- neuse, il est à peine besoin de le faire remarquer, la fibrine man- que tout à fait chez les Oursins; cette particularité est liée à la lon- gueur et à la mobilité exceptionnelles des pseudopodes des ami- bocytes. Physiologie. — La respiration s'opère en des points très variés : \° par les branchies externes chez les Echiniens (respiration du liquide péripharyngien, Prouho) ; 2° par les ambulacres (liquide ambulacraire et cavitaire) ; 3° par la seconde courbure intestinale et le siphon intestinal des Oursins réguliers (cavité générale). Il n'y a ni albuminoïde ni corps spécial chargé d'absorber l'oxygène ; la respiration se réduit à une osmose tout à fait normale. L'assimilation est plus compliquée : les produits de la digestion se transforment en grande partie dans les lacunes absorbantes de l'in- testin, et de là passent dans les autres cavités ; l'appareil lacunaire renferme plus d'albumine que les autres (Koehler, Prouho) parce qu'il est le chemin suivi par les produits absorbés, et peut-être aussi en ÉTUDES SUK LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 019 raison du nombre considérable de glandes lymphatiques qui lui sont adjointes (vésicules spongieuses de Poli, glande ovoïde, anneau oral des Cidaridiens et de certains Clypeastroïdes, lacunes pharyngiennes et lacunes radiales). La cavité générale et l'appareil ambulacraire renferment aussi une petite quantité d'albumine, ce qui prouve que la communication de ce dernier avec l'extérieur n'amène aucune perte de liquide, La nutrition de l'animal est assurée surtout et presque unique- ment par les produits de réserve accumulés dans les amibocytes (graisses et albuminoïdes) absolument comme chez les Ascidies. 11 est facile de prouver expérimentalement que ces produits de réserve se forment ou peuvent se former aux dépens des peptones de la digestion ; voici comment j'ai procédé : dans deux tubes d'une capa- ciléégale, j'aiintroduit un volume de solution de peptone, soigneuse- ment stérilisée pour empêcher la formation des bactéries. J'ai extrait le liquide cavitaire de plusieurs Strongylocentrotus lividiis, dont j'ai augmenté la teneur en globules en y ajoutant des plasmodiums ; une moitié a été filtrée, de façon à enlever tous les globules. Dans le tube n° l, j'ai ajouté trois volumes de sang très riche en globules ; dans le tube n" 2, également trois volumes de sang filtré, c'est- à-dire dépourvu d'éléments figurés. Au bout de vingt-quatre heures, les deux tubes sont chauffés au bain-marie, il ne se produit aucun précipité, ce qui prouve qu'il n'y a pas eu formation d'albumine ; j'ajoute alors dans chaque tube deux volumes d'une solution de tannin, de façon à précipiter toute la peptone: les précipités sont très volumineux, ce qui permet aisément de les recueillir et de les mesurer. On constate alors que le tube n" 1 (avec globules) contient beaucoup moins de peptone que le tube n" 2, qui en a un bon tiers en plus : il y a donc eu assimilation de la peptone par les amibo- cytes. Au microscope, les corpuscules du tube n° 1 (préalablement retirés avant de chauff"er les tubes) contiennent un nombre de cellu- les mûriformes beaucoup plus grand que le nombre normal ; il s'est formé aussi des granules ressemblant beaucoup àléchinochromeet 620 L. CUÉNOT. des globules graisseux. J'ai répété cette expérience avec le sang de VEchinus acutus et du Spatangus purpureus, et j'ai obtenu les mêmes résultats, plus ou moins nets suivant la richesse du liquide en éléments figurés. Les amibocyles une fois bourrés de matériaux de réserve (ami- bocytes à échinochrome ou à granules protéiques non réfringents), émigrentdans les tissus qu'ils traversent par diapédèse. Le fait a été bien démontré par MM. Geddes (127) et Prouho (135), qui ont suivi sur le vivant cette migration ; on trouve partout ces corpuscules, jusque dans l'épithélium externe, entre les cellules épidermiques (parfois assez abondants pour donner une teinte rouge au test), dans l'épithélium intestinal, les organes internes, etc.!; on comprend que lorsqu'un tissu a besoin de matières nutritives, soit pour se déve- lopper, soit pour réparer des pertes, il trouve tout près de lui les corpuscules figurés, qui remplacent pour ainsi dire un appareil vasculaire compliqué ; au lieu d'être portés dans les organes par un courant circulatoire, ils y pénètrent d'eux-mêmes, plus lentement, au moyen de leurs mouvements amiboïdes. Nous avons vu que lorsqu'on décantait le liquide cavitaire, tous les amibocytes se réunissaient par leurs longs pseudopodes et for- maient une masse unique, un gros plasmodium. Nous examinerons à propos de la fibrine (voir Considérations générales) la raison d'être et l'utilité de cette pseudo-coagulation, rappelant un peu celle de la fibrine. Comment se fait-il qu'elle ne se produise pas chez l'animal vivant? Tout simplement parce que les globules, constamment ballottés par les cils péritonéaux elles corpuscules vibratiles, n'arri- vent pas à se réunir; on peut le prouver aisément; ce n'est pas l'action de l'air, car si l'on enlève la moitié aborale d'un Oursin, de façon à conserver le liquide dans l'autre moitié du corps comme dans une coupe, on voit très bien que la coagulation ne se pro- duit pas, bien que le sang soit largement au contact de l'air. Lorsqu'on le décante dans un vase, on supprime naturellement les cils péritonéaux, et aussi les globules vibratiles qui restent à la sur- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 621 face ou sur les bords, tandis que les éléments amiboïdes tombent au fond où ils peuvent se réunir et où ils ne tardent pas à former un volumineux plasmodium ; si l'on agite circulairement le liquide avec une baguette, de façon à activer le contact des cellules, la coagula- tion se produit encore bien plus rapidement. Au contraire, si l'on ajoute au liquide décanté des spermatozoïdes bien vivants, la coagu- lation ne se produit pas, même au bout de vingt heures, car les zoospermes, par leurs rapides mouvements, remplacent tout à fait les cils et empêchent la réunion des amibocytes. Ces diverses obser- vations me paraissent démonstratives : la pseudo-coagulation des amibocytes ne se produit donc pas sur le vivante cause des mouve- ments qui leur sont imprimés ; dès qu'on favorise leur contact, ils se soudent les uns aux autres, en formant de volumineux plasmo- diums. Glandes lymphatiques. — A. La plus importante est la glande ovoïde : c'est un fuseau, coloré en brun, traversant verticalement la cavité générale, accolé au tube aquifère, depuis la lanterne jusqu'au madréporite. Son extrémité orale est reliée à l'anneau lacunaire par un canal (canal glandulaire) qui est l'origine du réseau lacunaire parcourant la glande ; son extrémité aboral« se termine sous le ma- dréporite par une espèce de massue déjetée un peu de côté (pro- cessus glandulaire, Prouho, 135), reliée au test par quelques filets conjonctifs. Enfin la glande est creusée d'une cavité assez spacieuse, ne communiquant pas avec les lacunes sanguines, et débouchant au dehors par l'intermédiaire du tube aquifère, ce qui assure une diffusion de liquide au niveau des orifices. La glande est limitée extérieurement par l'épithélium vibratile péritonéal, formé de petites cellules très peu serrées, manquant même par places ; elle est parcourue par une trame conjonctive très serrée, dont les mailles rectangulaires simulent presque des con- tours de cellules (je renvoie pour les détails aux belles figures de M. Prouho, 135, pi. XX et XXI). Le réseau conjonctif est rempli de cellules et de noyaux (dont beaucoup sont en voie de division) G22 L. CUÉNOT. appartenant en propre à la glande, et de nombreux corpuscules san- guins émigrés (corpuscules mûriformes des deux sortes, et amibo- cytes à échinochrome ; ce sont même ces derniers qui donnent en partie la teinte brune à la glande). Sur le vivant, un fragment de la glande renferme beaucoup d'amas de granules arrondis, colorés en brun ou en jaune sale, de taille variable, et aussi un nombre considérable d'amibocyles incolores ; en prolongeant l'examen, on voit facilement des amibocytes s'é- chapper de la glande et passer dans le liquide ambiant, renfermant presque toujours, dans leur protoplasma, quelques-uns de ces gra- nules jaunes que nous venons de signaler. Après fixation et colora- tion, on peut suivre toute l'évolution des noyaux lymphatiques, s'entourant de protoplasma (pi. XVIII, fig. 11) et constituant finale- ment les amibocytes cavitaires. Il ne peut y avoir de doute à cet égard : la glande ovoïde est bien chargée de former ces derniers et point d'autres. Dans les coupes transversales, on constate que les granules bruns et jaunes ne sont pas répandus uniformément ; ils sont beaucoup plus nombreux autour de la cavité centrale et à la périphérie de la glande. Lçs mailles conjenctives sont très serrées au centre, rem- plies de noyaux, et figurent véritablement un tissu compact; elles sont beaucoup plus lâches à la périphérie. Si on examine les amas de granules à un fort grossissement, dans les dissociations fixées à l'acide osmique ou dans les coupes, on constate que les plus grosses particules sont de véritables cristaux cubiques parfaitement nets, accompagnés par une ou deux sphères brunes, irrégulières, et un stroma granuleux paraissant amorphe. Les petits cubes, mesurant 2 [i. au maximum, sont opaques, jaunâtres, souvent à facettes légè- rement courbes; on les retrouve intacts après toutes les manipula- tions histologiques (décalcification, alcool, etc.). Les amibocytes incolores, en quittant la glande, renferment presque toujours quelques-uns de ces granules ou cristaux, de même que chez les autres animaux, ils renferment des granules ÉTUDES SUR LE S4NG ET LES GLANDES LYMPHATIQUliS. G23 réfringents ; ces formations sont-elles donc homologues ? Non, et voici pourquoi : on trouve les granules jaunes, non seulement dans la glande lymphatique, mais un peu partout dans l'organisme, soit en grands amas, soit en cristaux isolés : dans le mésentère, le tube digestif, les vésicules spongieuses, le tissu conjonctif et jusque dans l'épaisseur des cordons nerveux, entre les fibrilles; les plasmodiums du cœlome en contiennent aussi, mais non inclus dans les cellules. A propos de la physiologie, je parlerai des hypothèses possibles sur le rôle de cette substance. B. — La seconde glande lymphatique bien définie des Oursins est représentée par les vésicules spongieuses (vésicules de Poli); ce sont cinq petites masses mamelonnées, brunâtres, situées sur le plancher de la lanterne, à l'intérieur du triangle formé par la base de chaque pyramide. Après injection séparée des deux anneaux oraux, ambu- lacraire et lacunaire, on constate que chacun d'eux envoie dans les vésicules, de petites branches dendritiques qui se mêlent, sans tou- tefois s'aboucher nettement entre elles : les vésicules spongieuses sont donc mixtes entrer les deux anneaux ; elles ne sont bien défi- nies que chez les Échinions et quelques Glypeastroïdes, car on ne les retrouve pas chez les Cidaridiens et les Spatangues; chez les pre- miers (Prouho) et quelques Glypeastroïdes, l'anneau lacunaire même les remplace, car il est assez fortement glandulaire sur tout son pourtour, et intriqué intimement avec l'anneau ambulacraire. Dans les vésicules, il n'y a pas d'autres cavités que ces petites lacunes émanées des anneaux oraux; tout le reste est comblé par un feutrage conjonctif assez lâche, bourré de cellules et de noyaux évoluant en amibocytes et renfermant aussi des amas de granules jaunes et bruns comme ceux de la glande ovoïde, et des corpuscules sanguins émigrés (corpuscules mùriformes ou amibocytes à échino- chrome). L'évolution des cellules et la constitution histologique sont exactement les mêmes que celles de la glande ovoïde, je ne m'y arrêterai pas plus longtemps. G. — Quant aux globules ciliés qui errent en si grand nombre 624 L. GUÉNOT. dans la cavité générale, M. Prouho (135) a trouvé leur lieu de for- mation chez le Dorocidaris papillafa : sur la membrane qui revêt le creux madréporique, à l'intérieur duquel se termine la glande ovoïde par le processus glandulaire, on trouve, du côté de Tanus, une masse spongieuse de petites vésicules à paroi mince, bourrées de globules à long flagellum. Ces vésicules doivent probablement exister chez les autres Oursins, mais je n'ai point réussi à les retrouver. Physiologie. — La physiologie de la glande ovoïde est fort simple ; sa périphérie est parcourue par un réseau lacunaire assurant sa nu- trition, concurremment avec les nombreux amibocytes de réserve immigrés dans ses tissus. Sa cavité interne communique avec le tube aquifère, et par suite avec l'extérieur, ce qui peut entre- tenir de faibles courants osmotiques entre cette cavité et le milieu extérieur. Les amibocytes produits par la glande ovoïde peuvent passer en petit nombre dans les lacunes vasculaires de la périphérie ; mais ils s'échappent surtout dans la cavité générale en traversant par dia- pédèse la fine membrane d'enveloppe. Ghej; quelques types {Doro- cidm'is papillata, Asthenosoma, etc.), cette membrane s'invagine à l'intérieur de la glande, de façon à produire de fins canalicules péné- trant dans le tissu périphérique et rendant encore plus facile la sortie des éléments figurés. Les amibocytes produits par les vésicules spongieuses passent dans les deux anneaux oraux par l'intermédiaire des courts rameaux quils leur fournissent. D'ailleurs, la diapédèse a une telle impor- tance chez les Oursins, que les globules se trouvent aussi bien dans les cavités dépourvues de glandes lymphatiques que dans les autres. On a émis récemment diverses théories considérant la glande ovoïde comme un organe d'excrétion (Hamann, les cousins Sarasin, Kowalevsky), ce qui n'est d'ailleurs qu'un retour aux idées primi- tives de Jourdain, Perrier et Kœhler; on a vu que ce n'était pas du tout notre manière de voir : la glande ovo'ide, chez l'adulte, est un organe lymphatique parfaitement caractérisé; sa constitution dif- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. G2d fère essentiellement de celle d'un rein : sa cavité interne commu- nique avec l'extérieur, à la vérité, mais d'une façon si restreinte, que c'est à peine si le courant osmotique peut servir à la respiration de la glande. Pourtant ne doit-on pas considérer les amas granuleux jaunes et bruns, si abondants, comme des produits d'excrétion ? Remar- quons tout d'abord qu'ils s'accumulent également dans les vésicules spongieuses de Poli, le mésentère, les parois intestinales, les ami- bocytes mêmes; donc, leur nature excrétrice étant admise, leur présence dans la glande ovoïde ne donnerait pas du tout à cet organe le caractère d'un rein ordinaire, ni même d'un rein d'accu- mulation, comme celui des Molgules, d'autant plus, comme le dit très justement M. Prouho, qu'il arrive fréquemment que la glande ovoïde n'en renferme presque pas, tandis que les lames mésenté- riques en sont remplies. En fait, on ne connaît pas du tout la composition de ces granules ; une analyse chimique serait absolument nécessaire pour en pré- ciser le rôle. Leur nombre, paraît-il, augmente avec l'âge, et ce sont les vieux individus qui en renferment le plus, tandis qu'ils manquent à peu près chez les jeunes. Il est fort probable qu'ils représentent un produit d'excrétion, bien qu'ils n'affectent jamais la forme de concrétions'. Dans celte hypothèse, les amibocytes débarrasseraient la glande ovoïde d'une partie de ces granules, en les déversant dans la cavité générale, et joueraient ainsi le rôle d'émonctoires. Hhtorique. — Bien des auteurs ont étudié le sang des Oursins, Valentin, Williams, Hoffmann, Geddes; ce dernier en a donné sans contredit la meilleure description (1879); il a décrit les différentes variétés d'amibocytes (sans bien saisir leurs rapports, il est vrai), les globules vibratiles, la pseudo-coagulation, etc. ; je ne partage pas ' Ces granules ressemblent beaucoup par leurs caractères microchimiques (à par la forme cristalline) à ceux qui incrustent le tissu conjonctif de beaucoup d'Ascidies (notamment AJicrocosmus vulgaris)et qui ont bien nettement une signification excré- trice, AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE. — T. IX. 1891. 40 626 L. GUÉNOT. son opinion sur l'échinochrome, à laquelle il attribue un rôle respi- ratoire, non plus que celle de Mac-Munn (1885) qui en fait une lu- téine : c'est à mon avis une graisse de réserve. M. Prouho (1888), chez le Dnrocidaris papillata, a retrouvé les dif- férentes variétés décrites parGeddes; j'ai mentionné, chemin fai- sant, les résultats de son important travail. Quant à l'historique de la glande ovoïde, je la ferai en une seule fois pour tous les Échinodermes, afin d'épargner des redites inutiles, ASTÉRIDES. Ayant consacré à ces animaux un travail détaillé (122) je serai très bref à leur sujet. Le liquide de la cavité générale, comme celui des cavités ambula- craires et des sinus, renferme de nombreux amibocytes et une petite quantité d'albuminoïde dissous, précipitable en blanc par l'alcool (1 à '2 pour 100 dans les cas les plus favorables, Aste7'ms glaci'alis du littoral, Banyuls). Les amibocytes sont tous semblables et renfer- ment de nombreux granules jaunes réfringents (que j'ai appelés à tort hémoxanthine dans mon travail sur les Astérides) ; ils poursui- vent l'évolution normale, en perdant leurs granules, puis le proto- plasma, et se réduisant enfin au noyau à peu près nu. Il y a peu ou point d'amibocytes de réserve semblables aux corpuscules mûri- formes des Oursins. C'est là une différence considérable au point de vue physiologique; en effet, chez les Oursins, tous les matériaux nutritifs étant ren- fermés dans le sang (corpuscules mûriformes et à échinochrome), si l'on enlève une plaque calcaire assez large, de façon à permettre aux corpuscules flottants de passer au dehors, l'animal meurt très vite, en deux ou trois jours ; j'ai répété nombre de fois cette expé- rience sur diverses espèces et toujours elle se termine de la même façon. Au contraire, chez les Astéries, qui présentent un si grand déve- loppement de tissus conjonctifs et squelettiques, c'est là que se sont ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. G27 accumulés les produits mis en réserve (cellules conjonctives); si l'on enlève complètement le liquide cavitaire d'une Astérie et qu'on le remplace par de l'eau de mer, l'animal continue à vivre pendant longtemps; je citerai seulement une expérience qui me paraît dé- monstrative ; j'ai enlevé à une Asteii'na gibbosa, dont R = 13 milli- mètres (pris du centre à l'extrémité d'un bras), toute la paroi aborale du disque et le tube digestif à l'exception de l'œsophage; l'animal n'avait donc plus la possibilité de se nourrir ni par digestion ni par le liquide cavitaire. Après ce grand traumatisme, VAsterina a continué à se déplacer et à marcher comme d'habitude ; peu à peu les parois aborales des bras ont bourgeonné, de façon à former un anneau se reliant à l'œsophage béant; le tube digestif s'est allongé, l'anneau aboral est devenu de plus en plus étroit, et finalement au bout de trois mois, V Âsterina gibbosa mise en expérience présentait un tube digestif normal, mais très court, débouchant par un anus béant sur un disque de nouvelle formation, incrusté de calcaire. Cet exemple montre nettement que chez les Astéries les maté- riaux de réserve se trouvent surtout dans le tissu conjonctif et sque- lettique, et que le liquide cavitaire n'a qu'une importance assez res- treinte, servant surtout de véhicule aux produits de la digestion^ transformés probablement en albumine par les amibocytes , et absorbés en grande partie par les tissus à titre de mise en réserve. C'est grâce à cette particularité que les Astéries réparent par bour- geonnement toutes les parties qu'elles ont perdues parautotomie ou autrement ; c'est aussi pour cette raison qu'elles peuvent se repro- duire asexuellement par scission [Asterias tenuispinus et calamaria, Asterina Wega, Linckiadx, etc.). Quand on décante le liquide cavitaire dans un vase, les amibocytes, n'étant plus mis en mouvement par les cils vibratiles péritonéaux, tombent au fond en formant une couche très visible. Parfois ils se réunissent par leurs pseudopodes et forment un gros plasmodium, comme chez les Oursins ; toutefois le phénomène est bien moins net que chez ces derniers. 628 L. CUÉNOT. Pour plus de détails sur les amibocytes et la physiologie des différents appareils vasculaires, je renvoie à mes recherches sur les Astéries (122) j je n'ai que deux points à modifier ; j'ai attribué par erreur aux granules jaunes ou noirâtres des amibocytes une fonction respiratoire; j'ai rectifié d'ailleurs mes vues à ce sujet dans un tra- vail postérieur sur les Ophiures (123). Il est bien certain qu'ils n'ont aucun rôle dansla respiration; ce sont des granules réfringents par- faitement caractérisés. Je n'avais pas reconnu en 1887 qu'il existait un albuminoïde dissous dans le liquide cavitaire ; il est en très petite quantité, à vrai dire, mais sa présence suffît pour montrer que ce liquide n'est pas exclusivement composé d'eau de mer. Glandes lymphatiques. — Les glandes lymphatiques sont excessi- vement nombreuses chez les Astéries : pour l'ensemble des sinus et de la cavité générale, ce sont la glande ovoïde et ses dépendances (glandes lymphatiques de la cavité générale, cordons génitaux) ; chez les Asterias rubens et glacialis, les septums des sinus radiaux et de l'anneau oral sont aussi convertis en glande lymphatique. L'appareil ambulacraire a deux ordres de glandes : les vésicules de Poli, grandes vessies creuses dont la paroi interne est revêtue d'un stroma lymphatique, et les corps de Tiedemann, formés d'une réunion de petits tubes débouchant dans l'anneau oral, et dont l'épithélium interne se détache pour former les amibocytes. Ayant étudié ces glandes d'une façon complète dans mon travail sur les Astéries, je n'ai pas à y insister ici. Je ferai remarquer que les glandes lymphatiques ne renferment jamais les granules cristaUins jaunes et bruns qui sont si abondants dans les tissus de l'Oursin ; si ces granules sont de nature excrémentitielle, il en découle que l'excrétion se fait tout différemment chez les Astéries et les Oursins. OPHIURIDES. Le liquide sanguin est tout à fait semblable à celui des Astérides ; il contient de môme de nombreux amibocytes à granules jaunes, ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUI'S. 629 produits par les vésicules de Poli, la glaude ovoïde et ses dépeu- dances (lacunes radiales). Dans un travail sur les Ophiures (123), j'ai étudié plus en détail le contenu et les rapports des diverses cavités de l'organisme ; je me contenterai d'y renvoyer. Comme Fœttinger (26, 1880) l'a le premier décrit, YOphiactis virens présente une exception à la règle ; cet observateur a en effet décrit dans le liquide ambulacraire des hématies circulaires, colorées en rouge par l'hémoglobine, et munies d'un noyau excentrique ; ces hématies seraient les seuls corpuscules flottants de l'appareil ambu- lacraire. J'ai repris dernièrement l'étude de YOphiactis virens, si intéressant à divers points de vue, et j'ai pu compléter les résultats obtenus par Fœttinger; je me contenterai de donner un simple résumé, ayant publié ailleurs un travail détaillé sur cet Ophiure {Archives de bio- logie, \m\). Dans la cavité générale, il n'y a que des amibocytes ; l'appareil ambulacraire seul renferme à la fois des amibocytes et des hématies rouges ; il a pris un développement inusité et simule tout à fait un appareil vasculaire complexe ; dans chaque interradius, l'anneau oral émet de nombreuses branches (aperçues en partie par Simroth) qui se répandent sur le tube digestif et dans la cavité générale. Les amibocytes de l'appareil ambulacraire sont assez nombreux et de forme normale ; les hématies sont circulaires, aplaties, mesurant environ 10 i^., et sont absolument dépourvues de noyaux, comme les hématies des Mammifères adultes ; j'ai vérifié avec soin cette singu- lière particularité par différents procédés de fixation et de coloration au carmin, à la safranine, au mélange de vert de méthyle et d'orange III, et j'ai toujours obtenu les mêmes résultats. Les héma- ties renferment un stroma assez lâche, imbibé d'hémoglobine, et, n'était leur forme aplatie, on pourrait les confondre avec des héma- ties de Mammifères ; je pense que leur fonction respiratoire ne peut être mise en doute ; Preyer, il est vrai, fait remarquer que la tura- cine et l'hélicorubineont le même spectre que l'hémoglobine, et que 630 L. CUÉNOT, Tidenlité des spectres n'est pas une preuve absolue de l'identité des substances; mais je trouve que la preuve bistologique, en ce cas, est parfaitement suffisante. Naturellement les glandes lymphatiques sont aussi très modifiées ; dans chaque interradius, appendues à l'anneau ambulacraire, on trouve un nombre variable de vésicules de Poli, deux ou trois, de forme assez irrégulière, toujours bourrées d'hématies (quelques-unes paraissant nucléées) et de noyaux libres. C'est évidemment à leur intérieur que se forment les corpuscules figurés, dont malheureu- sement je n'ai pu suivre le développement cytologique, ne dispo- sant pas d'échantillons vivants. Le nombre de tubes aquifères est variable, rarement un seul (petits échantillons), le plus souvent deux, quelquefois cinq (échan- tillons adultes, à organes génitaux mûrs). Chacun d'eux est enve- loppé d'un tissu lâche, inégalement développé suivant les tubes, qui représente un rudiment de glande ovoïde. Évidemment chez YOphiactis, les glandes ovoïdes sont atrophiées, parce que le rôle des amibocytes cœlomiques est presque nul. L'appareil ambulacraire de YOphiactis virens a donc à un haut degré la signification d'un organe respiratoire ; c'est un cas de sup- pléance très net, car les sacs respiratoires, si caractéristiques des Ophiures, manquent totalement chez cette espèce (ce qui est sans doute en rapport avec son mode de reproduction schizogoniale). CRINOIDES. La cavité périviscérale des Comatules(,4n^erfon rosacea) est à demi comblée, comme on sait, par un tissu conjonctif lâche, qui unit les divers organes ; elle renferme une petite quantité de liquide aqueux tenant en suspension des corpuscules figurés. Les plus nombreux (pi. XVIII, flg. 19) sont des amibocytes assez petits (11 (jl) bourrés de fins granules réfringents, verdâtres, et émet- tant de courts pseudopodes ; ils sont donc assez différents de ceux ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. G31 des Oursins et des Astéries, si bien caractérisés par le développe- ment de leurs pseudopodes. On peut suivre comme d'habitude toutes les phases de la dégénérescence : les granules réfringents dispa- raissent, le proloplasma diminue et il ne reste plus qu'un noyau à peu près nu. On trouve aussi, mais plus rarement, des corpuscules mùriformes (15 [j.), jaune d'or ou verdâtres, remplis de granules peu réfringents, à contours peu distincts; ces corpuscules de réserve sont amiboïdes et se déplacent en masse, assez lentement, comme ceux des Oursins; quand ils sont en mouvement, on distingue bien la forme des granules qu'ils renferment. Il n'y a qu'un nombre relati- vement restreint de corpuscules dans la cavité générale, la plus grande partie a passé dans les tissus par émigration, comme chez les Oursins; on en trouve beaucoup dans les pinnules, notamment dans les mamelons tactiles qui bordent le sillon ambulacraire (pi. XVIII, fig. 20); on peut en voir jusque dans l'épithélium, où ils figurent assez bien, n'étaient leurs mouvements amiboïdes, des cel- lules glandulaires. Ils doivent se dissocier finalement, car on retrouve des granules isolés, en petit nombre à la vérité, notamment dans l'épithélium des ambulacres. Wywille-Thomson avait considéré les corpuscules mùriformes émigrés comme des cellules glandulaires, sous le nom àepyriform OU- cells. Cari Vogt et Yung (1886) supposent que ce sont des spores végétales amiboïdes émigrées des saccules (algues symbiotiques). M. Perrier (1873) les avait précédemment décrits en détail, soit chez l'embryon, soit dans les diverses phases de la régénération des bras, et les avait rangés dans le tissu conjonctif (corpuscules jaunes). M. H. Garpenter (1887) a montré qu'il ne pouvait exister aucun rapport entre les Oil-cells et les saccules, et qu'ainsi l'hypothèse de Garl Vogt et Yung était des moins fondées. Enfin Mac-Munn (188'J) a nié plus récemment leur nature végétale, n'y ayant trouvé ni cel- lulose ni amidon. Je pense que ce sont des amibocytes de réserve émigrés dans les tissus, comme chez les Oursins. L'appareil ambulacraire ne m'a paru renfermer aucun élément 032 L. CUÉNOT. figuré; malgré des préparations très favoraijles de tentacules ambu- lacraires, je n'ai jamais rien pu distinguer à leur intérieur. Comme on ne sait encore presque rien sur le rôle physiologique des pavil- lons vibratiles, des tubes aquifères et de l'appareil ambulacraire, je m'abstiendrai de toute réflexion à cet égard. L'appareil lacunaire, notamment ses branches intestinales, montre dans les coupes un fin coagulum, absolument comme chez les Our- sins; sa richesse en albuminoïdes est en rapport avec son rôle absor- bant, comme chez ces derniers. Un fait important à noter : le tissu conjonctif mésentérique, d'ori- gine mésenchymateuse, qui parcourt la cavité du corps, est chargé, chez les Gomatules adultes, d'une myriade de très petits cristaux cubiques, d'un jaune pâle, à contours plus ou moins bien définis, qui rappellent tout à fait ceux que nous avons signalés à la même place chez les Oursins ; ces cristaux, souvent réunis en amas opaques, incrustant diverses brides mésentériques, avoisinent surtout les parois intestinales ; il n'y en a que très peu dans les parties qui en sont éloignées et pas du tout dans la glande axiale. Comme chez les Oursins, il est probable que c'est une substance excrémentitielle. On voit que les particules nutritives sont surtout localisées dans ces corpuscules mûriformes qui parcourent les tissus, suppléant ainsi à l'absence d'un appareil vasculaire compliqué ; c'est ce qui explique pourquoi VAntedon répare si facilement ses blessures (Perrier) et continue à vivre même après l'ablation totale des viscères (Dendy, Marshall), qu'elle bourgeonne en entier aux dépens des tissus intacts. Glande lymphatique. — L'unique glande lymphatique paraît être représentée par le tissu spongieux ; ce sont des accumulations de petites cellules se présentant notamment autour de l'œsophage, sur le trajet des ramifications lacunaires ; ces amas spongieux rappellent tellement la texture des véritables glandes lymphatiques des autres Echinoderraes qu'il me paraît vraisemblable de leur attribuer la même fonction ; mais il est bien difficile d'en apporter des preuves directes. Quant à l'organe axial (stolon génital, glande plexiforme, etc.), ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. G33 sa structure est absolument différente de celle de la glande ovoïde ; je ne crois pas d'ailleurs que ce soient des organes homologues, pour diverses raisons organogéniques que j'ai développées dans un autre travail '. En tout cas, il est presque absolument certain que ce n'est pas un organe plastidogène ; les cellules qu'il renferme sont plus volumineuses que les amibocytes; de plus la constitution histo- logique de la glande s'écarte beaucoup du type habituel des organes producteurs de corpuscules sanguins. Historique. — J'ai rassemblé ici l'historique succinct des glandes lymphatiques des quatre groupes que nous venons d'étudier. La glande ovoïde a été considérée comme un coeur par Tiede- mann (1816), Délia Chiaje (1825), Volkmann (1837), Millier (1854); Jourdain (1867) en fait une glande, Greeff (1871-74) un organe bran- chial , Hoffmann (1874) une glande contractile (Korper driisen- formige). M. Perrier l'étudié chez les Oursins avec beaucoup plus de soin que les auteurs précédents (1 87.t) et l'assimile à un organe excréteur ; Teuscher en fait un organe glandulaire en dégénérescence (1876); Ludwig (1878), dans son célèbre travail sur les Astéries, reprend l'hy- pothèse de Tiedemann, et considère la glande en question comme uncœurplexiforme (Herzgeflecht). Toutefois, Jourdain (1882), Apos- tolidès (1882), Koehler (1883), chez les Astéries, les Ophiures et les Oursins, continuent à soutenir l'hypothèse d'un organe glandulaire de nature excrétrice. M. H. Garpenter (18S3), chez les Oursins, est d'avis que la glande ovoïde doit contribuer à former les amibocytes acajou connus depuis longtemps chez ces animaux : c'est une vue toute nouvelle, inexacte au fond, mais qui tranche sur les idées généralement acceptées. Hamann(1885) attribue à la glande ovoïde des Astéries l'excrétion du pigment jaune (organe chromatogène). M. Perrier (24 mai 1886), dans une étude sur YAsterias spirabilis {A. Hyadesi) du cap Horn, dit, sans autre explication, que la glande ' Éludes morphologiques sur les Echinodermes {Archives de biologie, t. XI, 1891 p. 3i:^). 6;u I- GUÉNOT. ovoïde produit les corpuscules de la cavité générale ; un mois après (28 juin 188G), j'ai démontré le fait pour les Astéries de nos côtes, et étudié la transformation en amibocytes des cellules de la glande ovoïde, des corps de Tiedemann et des vésicules de Poli, que je considère nettement comme des organes lymphatiques. M. Perrier (1S86) découvre, chez la Gomatule, les rapports de la glande ovoïde avec les organes génitaux, et lui donne le nom de stolon génital, en repoussant toute idée «d'une relation quelconque avec la formation ou la séparation du liquide sanguin, comme le fait l'auteur du mé- moire sur les Crinoïdes du Challenger (134, p. 252). » M. Koehler (1887) attribue aussi, quoique avec certaines hésita- tions, un rôle lymphatique à la glande ovoïde des Ophiures, ce que j'ai confirmé dans mon mémoire sur ces animaux (1888). M.Prouho (1888) décrit nettement la formation des amibocytes inco- lores dans la glande des Oursins, et la considère également comme un organe lymphatique. Enfin, en 1887 et 1888, j'ai confirmé les vues de M, Perrier en décrivant la formation des organes génitaux par la glande ovoïde chez les Astéries et les Ophiures. La démonstration de la double fonction delà glande ovoïde, organe lymphatique formateur des glandes génitales, est donc assez générale- ment acceptée. Mais il ne faudrait pas croire que l'accord est fait définitivement : les cousins Sarasin (1888) attribuent à la glande ovoïde d'un Oursin, VAsthenosoma, la signification d'un rein, appendice du tube aquifère qu'Hartog a récemment assimilé à une néphridie. Hamann (1889), qui ne se soucie pas assez des travaux publiés en France, déclare que sa fonction est pour le moment impossible à définir (129, p. 367), et que tout ce qu'on peut en dire de certain, c'est qu'il a une structure glandulaire (aussi l'appelle-t-il das dru- sige Or g an). Pour les vésicules spongieuses de Poli, après leur avoir attribué chez les Oursins un rôle respiratoire (1887), M. Hamann ne s'explique pas sur leurs fonctions chez les Ophiures, M. Kowalevsky (1889), dans le remarquable travail dont nous ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 63S avons déjà parlé plusieurs fois, à propos des Insectes et des Oligo- chètes, tire de ses expériences la conclusion que les corps de Tiède- mann des Astéries, la glande ovoïde et les vésicules spongieuses des Oursins sont des organes excréteurs : quand on injecte dans le système ambulacraire d'un Astropecten une solution de carmin, au bout de quelques jours on retrouve celui-ci sous forme de gros gra- nules rouges dans les cellules des corps de Tiedemann; le brun de Bismarck produit le même effet avec une intensité encore plus grande; l'indigocarmin et le tournesol ne sont pas absorbés. Quand on injecte dans la cavité générale, les corps de Tiedemann ne se colorent pas, pas plus d'ailleurs que la glande ovoïde. Chez les Our- sins injectés par la cavité générale, les vésicules spongieuses de Poli (que Kowalevsky appelle à tort corps de Tiedemann) ne se colorent pas, mais la glande ovoïde s'imprègne de carmin. Ces résultats amènent Kowalevsky à considérer ces diverses glandes comme des organes excréteurs, correspondant physiologiquement aux néphridies des Annélides. Pour ma part, je ne crois pas qu'on soit autorisé à tirer de telles conclusions pour les raisons que j'ai exposées à propos des Insectes ; ce qui me paraît le prouver, ce sont les caprices de ces substances colorantes, tantôt absorbées (carmin, brun de Bismarck), tantôt rejetées (indigocarmin, tournesol); les résultats ne sont même pas comparables chez les Astéries et les Oursins, pourtant si voisins. HOLOTHURIES. Le liquide sanguin des Holothuries est renfermé dans la cavité générale, entièrement close, dans l'appareil ambulacraire commu- niquant par un petit madréporile avec cette dernière, et dans le système lacunaire, rappelant par ses absorbants intestinaux le plan des Oursins. La cavité générale renferme un liquide incolore, rendu trouble par l'abondance des éléments figurés (amibocylcs et formes déri- 636 L. CUÉNOT. vées). Quelques espèces ont en outre des hématies [Cucumaria Planci, Thyone gemmata, Thyone aurantiaca), parfois assez nombreuses pour colorer le sang en rouge ou en rose (Cucumaria Planci). Le plasma est un liquide salin renfermant une très petite quantité d'al- buminoïde dissous; chez V Holotkuria tubulosa, l'alcool donne sim- plement un trouble blanchâtre sans précipité; la Cucumaria Planci en renferme à peine 1 ou 2 pour 100. Chez V Holothuria nigra, Mac- Munn (12) a trouvé dans le sang une lutéine rouge comme la tétro- nérythrine des Crustacés. Amibocytes. — Les amibocytes (pi. XVIII, fîg. 15), tels qu'ils sor- tent des glandes lymphatiques, sont des cellules incolores de 12 à 18 [;. émettant de longs et nombreux pseudopodes ; le noyau est fa- cile à voir sur le vivant, le protoplasma est granuleux et renferme souvent de gros granules très réfringents, d'un jaune d'or, dont nous verrons tout à l'heure la signification; je puis dire dès mainte- nant qu'ils correspondent exactement à ceux que nous avons si- gnalés dans les amibocytes incolores des Oursins. Mais l'amibocyte ne reste pas longtemps dans cet état, son seul rôle consistant en l'accumulation de produits nutritifs : on voit, en effet, se former dans son protoplasma des granules incolores, assez gros, d'aspect adipeux, qui offrent aux divers réactifs tous les caractères des albu- minoïdes ; ces granules deviennent de plus en plus nombreux et finissent par remplir la cellule qui émet toujours des pseudopodes. Quand le développement est complet, l'amibocyte s'est transformé en corpuscule mûriforme volumineux de 22 \i. (Schleimzellen de Sem- per, Plasmawanderzellen d'Hamann), se déplaçant par reptation, sans émettre de pseudopodes, et rempli de granules protéiques inco- lores, peu .réfringents, qui roulent dans le protoplasma (pi. XVIII, fig. ■5G). Ces amibocytes de réserve passent en grande majorité dans les lissus (lacune générale du corps, Jourdan, Hérouard), comme nous l'avons si bien vu chez les Oursins et les Crinoïdes, et servent de matériaux nutritifs. J'ai plusieurs fois été témoin de la dissémi- nation des granules : un corpuscule mûriforme d'aspect normal se ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 637 gonfle légèrement sous les yeux et éclate littéralement, en disper- sant les granules dans le liquide ambiant; je pense que c'est là le processus normal de dissémination, et que je n'ai pas été abusé par des accidents de préparation, car à côté des corpuscules éclatés, il s'en trouvait d'autres, probablement moins mûrs, qui sont restés intacts. Dans les tissus, on rencontre en effet très souvent des gra- nules isolés, mêlés aux corpuscules entiers. Hématies.— Les hématies de la Cucumaria Planci sont assez nom- breuses pour donner une teinte ronge au liquide cavitaire, ce sont de grandes vésicules aplaties de 30 \). environ (pi. XVIII, fig. 17) dont le noyau, difficile à voir sur le vivant, apparaît nettement par les réactifs ; elles sont remplies d'hémoglobine imbibant un stroma granuleux et contiennent en outre quelques granules jaunes ou incolores, non browniens, colorables en rouge par la safranine et homologues à ceux que nous avons presque toujours rencontrés dans les hématies d'autres animaux. Ces vésicules sont surtout remarquables par l'irrégularité de leur paroi, mamelonnée, découpée d'une façon très bizarre : la figure sera plus explicite à cet égard que n'importe quels adjectifs ; les jeunes hématies sont d'ailleurs régu- lièrement ovoïdes ou circulaires. Lorsqu'on traite ces organites par l'eau ou des réactifs aqueux, ils se gonflent et deviennent circulaires pour se décolorer bientôt en perdant par osmose leur hémoglobine ; on distingue alors très bien le noyau, le stroma granuleux et la membrane à double contour ; puis, l'action continuant, l'hématie crève et disparaît. Les hématies de la Thyone aurantiaca, peu nombreuses relative- ment aux amibocytes, sont plus régulières, bien que leur contour ne soit pas trop bien défini (pi. XVIII, fig. 18) ; elles sont colorées par l'hémoglobine et renferment un noyau et quelques granules jaunes, non browniens. Ce qui est très intéressant, c'est qu'au repos, la membrane hématique émet de fins pseudopodes protoplasmiques, plus ou moins nombreux ; l'hématie en elle-même ne change pas de forme, les pseudopodes, d'ailleurs peu actifs, émanant simplement g:i8 l. cuénot. de la membrane limitante. On se souvient que nous avons trouvé précédemment des hématies semblables, émettant de fins pseudo- podes, chez un ïérébellien^'le Po/?/aV/'us /«a/9(5?es ; cette particu- larité ne les rapproche en rien des amibocytes, toujours bien diffé- rents comme origine. Howell (1885) a également signalé des hématies à hémoglobine chez la Thyone (Thyonella) gemmata Pourtalès ; il a décrit aussi les hématies rouges d'une Cucumaria, dont il ne donne pas la désigna- tion spécifique, et qui est probablement la C. Planci. Ces espèces sont vraiment très remarquables par les variations individuelles du nombre des hématies ;une Cucumaria, par exemple, aura le liquide cavilaire rouge, celui d'un autre individu sera à peine jaunâtre, en raison de la diminution du nombre des hématies. Sur trois Thyone aurantiaca que j'ai étudiées, une avait des hématies faciles à trouver, quoique peu nombreuses relativement aux ami- bocytes; les deux autres ont exigé un long examen pour laisser voir quelques globules rouges. Ces différences quantitatives doivent cor- respondre à des aptitudes respiratoires différentes ; toutefois je n'ai pu trouver aucune indication à ce sujet. Coagulation. — Les amibocytes forment souvent dans l'animal vivant de gros plasmodiums, visibles à l'œil nu, arrêtés dans les replis des tubes génitaux ou des arbres respiratoires ; chez la Cucu- mari'a Planci, ces plasmodiums englobent de nombreuses hématies, qui leur donnent une teinte rouge. Si l'on décante dans un vase le li(iuide cavitaire, les globules blancs et rouges tombent au fond et y forment une couche bien visible; parfois aussi {Holothuria tubulosa), les amibocytes se réunissent les uns les autres au moyen de leurs pseudopodes et forment un gros plasmodium, comme chez les Our- sins ; toutefois le phénomène de la pseudo-coagulation est ici bien moins accusé. Physiologie. — La respiration s'opère par l'intermédiaire des orga- nes arborescents pour la cavité générale, par les branchies buccales (anibulacres modifiés) pour l'appareil ambulacraire.EUe est réduite ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 639 à une simple osmose pour la plupart des espèces {Holothuria tubulosa, Sticliopus regalis); chez les espèces à hématies, elle rentre dans le cas général des oxydations d'albuminoïdes. Il est à noter que le liquide ambulacraire renferme toujours beaucoup moins d'hématies que le contenu du cœlome, le petit nombre qu'on y trouve a passé par les pores madréporiques, car, à mon avis, la glande formatrice des hématies n'est pas en rapport avec l'appareil ambulacraire. L'assimilation s'opère d'une façon très simple : les produits de la digestion sont accumulés et transformés à l'intérieur des amibocytes sous forme de granules protéiques incolores; il est à remarquer que ceux-ci se trouvent en grand nombre dans l'épithélium du tube diges- tif, ce qui a fait dire à M. Hérouard * : « Il semblerait qu'ici l'absorp- tion ne se fasse pas par l'entremise des cellules de l'épithélium, mais que les amibocytes se chargent d'absorber directement les sucs nourriciers. « (Page 641.) Les corpuscules mùriformes ainsi développés passent par diapédèse dans les tissus, plus spécialement localisés dans le tissu conjonctif lâche, où ils peuvent plus facilement se déplacer. On les retrouve partout, dans le mésentère, les vésicules de Poli, la paroi du corps, les organes arborescents, etc., dont ils assurent ainsi la nutrition. Nous sommes ramené tout à fait au cas des Oursins et des Grinoïdes. Glandes lymphatiques. — La vésicule de Poli, le plus souvent uni- que, parfois double [Cucumaria lactea, Forbes) est une grande vessie creuse, remplie de liquide, appendue à l'anneau ambulacraire oral. Comme l'ont indiqué tous les auteurs, elle est formée d'un épithé- lium interne, d'une couche de muscles circulaires, et de tissu con- jonctif lâche recouvert par l'épithélium périlonéal. L'épithélium interne, très irrégulier, présentant par places des endroits vides, est formé de cellules et de noyaux dont beaucoup sont en voie de division, et qui évoluent en amibocytes incolores. Les amibocytes ainsi produits, identiques à ceux que nous avons décrits 1 Recherches sur les Holothuries des côtes de France {Archives de zoologie expéri- mentale, ■2'^ série, t. VII, ISSO). 6iO L. CUÉNOT. au début, passent dans le liquide ambulacraire et dans la cavité générale (par diapédèse); ils ne tardent pas à se remplir de maté- riaux de réserve et à se transformer en corpuscules mûriformes. Les vésicules de Poli renferment beaucoup de ces granules jaunes, arrondis, très réfringents, que nous avons déjà signalés dans les corpuscules du sang ; ils forment des masses irrégulières, plus ou moins volumineuses, qui errent dans la vésicule ; souvent quelques- uns sont absorbés par les amibocytes, de façon à simuler des granules de ferment, mais n'oublions pas que c'est tout à fait accidentel et que les amibocytes normaux ne renferment dans leur protoplasma aucun produit visible. On retrouve d'ailleurs ces granules un peu partout, dans le mésentère, les organes arborescents, etc., mêlés aux corpuscules mûriformes inclus dans les tissus ; par tous leurs caractères, leur taille, leur couleur, ils rappellent tout à fait les gra- nules cristallins des Oursins, si abondants dans les glandes lympha- tiques. Il est très probable que ces granules représentent un produit de désassimilation, accumulé dans les tissus; d'après M. Hérouard, une partie de ces granules s'échapperaient par les organes arbores- cents, entraînés par le reflux de l'eau qui pénètre à leur intérieur. Je me contente de signaler ici, comme glandes lymphatiques, des amas considérables de cellules placés sur le trajet des lacunes, soit à la base du tube aquifère [Cucumaria Planci), soit tout autour de l'anneau lacunaire oral [Hololhuria impatiens). (Voir Archives de bio- logie, t. XI, 1891.) Je n'ai point de données sur la production des hématies, qui ne se forment certainement pas dans les vésicules de Poli ; elles arrivent toutes développées dans la cavité générale, où l'on n'observe que rarement des formes jeunes. Historique. — La plupart des auteurs qui ont étudié les Holothuries ont décrit les corpuscules cavitaires, notamment Semper, Hamann, Hérouard, mais sans en bien saisir les rapports. Howell (1885) a signalé la présence des hématies chez une Cucumaria et Thyone gemmata; Krukenberg (1882) avait nié; bien à tort, que les corpus- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 641 cules de Cucumaria Planci fussent des hématies ; il les croyait colorés par un pigment rouge. J'ai signalé en 1887 la fonction lymphatique des vésicules de Poli des Holothuries (122, p. 77) ; M. Hérouard (1890) s'est rangé à cette opinion. Ce dernier auteur considère aussi les organes arborescents comme pouvant servir à « l'amibocystogénèse », suivant son expres- sion: j'ai examiné à nouveau ces organes, et n'ai rien trouvé qui puisse motiver cette manière de voir ; la paroi, d'ailleurs assez mince, renferme, il est vrai, beaucoup de corpuscules figurés, mais ce sont • tous des corpuscules mûriforraes, émigrés là comme dans les autres ^ tissus. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES (RÉSUMÉ). J'ai exposé en détail, famille par famille, tous les renseignements que j'ai pu recueillir sur le sang, son rôle et sa formation. Après avoir fait de l'analyse, il convient de résumer synthétiquement cet ensemble. Albnmmoïde du sang. — Chez presque tous les animaux, on pour- rait même dire chez tous, le sang renferme une quantité très variable d'albuminoïde dissous, qui chez les Invertébrés cumule très souvent la fonction respiratoire et la fonction de nutrition. Cette X découverte, la plus importante qu'on ait faite dans la physiologie des animaux inférieurs, a été, sinon indiquée formellement, au moins soupçonnée par Ray-Lankester (1869), qui a conclu de ses études qu'il devait y avoir dans le sang incolore des Mollusques et des Insectes un corps ayant des propriétés semblables à celles de l'hémo- globine et de la chlorocruorine des Annélides. C'est M. Fredericq (1 878), dans son travail classique sur lesCéphalopodes, qui a démontré et formulé avec précision la double fonction de l'hémocyanine. Les albuminoïdes du sang (en mettant à part les types à hématies) for- ment un groupe assez homogène, à termes très nombreux, qui ne sont guère caractérisés que par la teinte spéciale qu'ils prennent en se combinant avec l'oxygène ; le spectre, le degré de coagulation, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2^ SÉRIE, — T. IX. 1891. 41 642 L. CUÉNOT. le métal qu'ils renferment servent aussi à leur détermination, mais une élude d'ensemble sur ces caractères serait à désirer, pour en bien Jixer la valeur. La plupart d'entre eux présentent de nombreuses variétés dont la teinte va en s'affaiblissant de plus en plus jusqu'à un albuminoïde presque incolore. Le plus important et le mieux étudié, après l'hémoglobine, est certainement l'hémocyanine, qu'on rencontre chez les Mollusques et les Arthropodes, mais pas ailleurs. Il est parfois remplacé par l'hémoglobine {Planorbis,Apus, Daphnia, Branchipus, Cheh^ocephahcs, larve de Chironomus plumosus), sans qu'on puisse trouver une expli- cation bien plausible de cette suppléance. 11 est à remarquer que ces types habitent dans l'eau douce et plus spécialement dans des milieux peu oxygénés, des mares vaseuses par exemple, ce qui avait amené Ilay-Lankester à attribuer la présence de l'hémoglobine à ce défaut d'oxygène: pourtant la Lijïmiea stagnalis, qui accompagne constamment le Planorbe, est pourvue d'héraocyanine, et il y a bien des animaux dans les mares (Insectes, Hydrachnes, Acéphales, etc.) chez lesquels l'hémoglobine fait absolument défaut. Il n'est pas prouvé qu'à volume égal l'hémoglobine absorbe plus de volumes d'oxygène que l'hémocyanine, et si cela était, il faudrait faire encore entrer en ligne de compte la quantité relative et l'aptitude spéciale à l'oxygénation, car l'hémoglobine comprend de nombreuses variétés dont la valeur respiratoire doit être assez différente. L'albuminoïde sanguin est souvent aidé dans sa fonction de nutrition, parfois même remplacé complètement par les amibocytes eux-mêmes, accumulant à leur intérieur le plus souvent des granules protéiques, plus rarement de la graisse (Ascidies, Oursins). Dans un certain nombre de cas, nous ne savons pas comment peut s'opérer la nutrition des tissus ; lorsque le sang ne renferme qu'une quantité insignifiante d'albuminoïde dissous {Aphrodite, Bermione, Aplysia depilans, BonelUa viridis) et que les amibocytes restent normaux et n'accumulent pas de produits de réserve , on est en effet forcé d'admettre que la nutrition doit s'opérer d'une manière toute spé- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 643 ciale ; il y a peut-être des organes spéciaux, inconnus jusqu'ici, qui sont chargés d'assimiler et d'accumuler les matériaux nutritifs pour les restituer au fur et à mesure qu'il en est besoin. Je rappelle pour mémoire l'intervention du sang dans la défense de l'animal chez les Insectes Vésicants et quelques Chrysomélides. Fibrhie et coagulation du sang. — Dans le courant de ce travail, j'ai renvoyé à ce chapitre pour toutes les considérations relatives à la fibrine : son rôle dans l'organisme n'apparaît nettement que lors- qu'on l'envisage en général. Chez les Vertébrés elle joue le rôle d'un hémostatique des plus utiles : on sait que dans l'hémophilie (état dans lequel le sang ne renferme pas de fibrine) les plus petites blessures donnent lieu à des hémorragies considérables, qui ne peuvent être arrêtées par aucun moyen et qui finissent souvent par entraîner la mort. (Voir une liste d'observations dans les Leçons de physiologie àe Milne Edwards, vol. I, p. 138, en note). Chez les Invertébrés, son rôle hémostatique est au moins aussi bien défini : rien que sa distribution dans le règne ani- mal nous éclaire à ce sujet; où trouve-ton la fibrine? Chez les Crustacés, notamment les Décapodes et les Isopodes, chez le Limule, les Arachnides, les Scorpions, un grand nombre d'Insectes; c'est-à- dire seulement chez les Arthropodes, animaux à téguments durs. 11 n'y en a pas trace chez les Mollusques, Vers, Annélides, etc., dont les tégu- ments sont mous. Supposons un Crustacé blessé, par l'ablation d'une patte par exemple : les deux bords de la blessure ne peuvent se rejoindre, étant rigides et calcaires; le sang trouvant toujours un passage béant, continuera à s'écouler en épuisant l'animal; mais grâce à la fibrine, dès que la première goutte de sang arrive à l'exté- rieur, il y a coagulation et formation d'un bouchon hémostatique, qui obture hermétiquement la blessure. Si Ton blesse au contraire un Mollusque, une Annélide ou un Géphyrien, il sort à peine quelques gouttes de sang, les deux bords de la blessure se rapprochant immédiatement par suite de la con- traction musculaire, qui arrête aussitôt l'hémorragie ; vu la contrac- V 644 L. CUÉNOT. tilité des téguments, un hémostatique n'est pas du tout nécessaire. II est facile de prouver par l'expérience la fonction hémostatique de la fibrine : un Crabe ou un Pagure {Carcinus mœnas, Pagurm striatus), étant attaché sur une table, on irrite une des pattes par un procédé quelconque; celle-ci, comme on sait, se brise spontanément au milieu du deuxième article, au locus minoris resistantise marqué par la soudure du basipodite et de l'ischiopodite ; ce phénomène d'autotomie a été parfaitement étudié par M. Fredericq{4). Le sang n'arrive à la section ainsi produite qu'avec une certaine lenteur, étant retardé par le gonflement du muscle extenseur en contraction forcée, et il se forme immédiatement un coagulum fibrineux qui bouche la blessure, de sorte que l'animal amputé ne perd littérale- lement pas une goutte de sang : si on enlève avec une aiguille le coagulum, il s'en formera un second, et ainsi de suite. L'autotomie des pattes n'a donc pour but que de rompre celles-ci en un point tel que l'hémorragie puisse être totalement arrêtée : le muscle très épais en cet endroit, opposant une barrière à l'écoulement du sang et favorisant ainsi la formation de la fibrine. L'absence d'hémorragie avait été signalée en premier lieu par M. Pouchet (58), et aussi par M. Fredericq : « Les moignons résultant de l'amputation spontanée ne saignent presque pas. . Il faut attribuer cette absence d'hémor- ragie à la contraction persistante du muscle extenseur... » et à la formation subséquente de la fibrine, ajouterons-nous. Si au contraire, on sectionne le dernier ou l'avant-dernier article, de façon à ce que l'autotomie ne se produise pas (Fredericq), le sang s'écoule pendant quelque temps, le coagulum de fibrine mettant beaucoup plus longtemps à se former. De même, chez le Mata squinadOy qui n'a que peu de fibrine, si l'on sectionne une patte sans que l'autotomie se produise (ce qui arrive quelquefois, surtout chez cette espèce), le sang trouvant une sortie facile, coule pendant longtemps ; si la patte se casse d'elle-même, le cours du sang est ralenti et le coagulum peut se former à loisir. J'ai refait ces expériences nombre de fois et sur beaucoup d'es- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 645 pèces, avec le même succès. Lorsqu'on blesse une Langouste, soit en sectionnant largement l'abdomen, soit par la section des pattes ou des antennes, la blessure, quelle que soit son étendue, est immédiatement bouchée par une large plaque fibrineuse. Comment se comporte plus tard le coagulum librineux? Il est formé de fibrine enclavant un nombre considérable d'amibocytes,^ sans compter ceux qui viennent s'accoler à la face profonde du cail- lot; ce stroma, d'abord assez mou, perd bien vite ses caractères originels, durcit peu à peu et en moins de huit jours devient d'un brun sale; il est changé en une sorte de tissu conjonctif fondamen- tal, qui se chitinise peu à peu, et sous lequel on trouve un épithé- lium chitinogène de nouvelle formation, à cellules petites et irrégu- lièrement disposées. En dessous de ce bouchon, il se forme un nouvel appendice, de taille et de forme normales (qu'il s'agisse d'une patte ou d'une antenne, comme je l'ai observé chez le Pali- nurus vulgaris); à la prochaine mue, on est tout surpris devoir pourvu de tous ses appendices l'animal qui avait auparavant un ou plusieurs membres brisés à la base. C'est ce qui explique pourquoi les membres en voie de rédintégration sont en somme assez rares chez les Crustacés; ou ils sont complets ou ils sont brisés à la base, il n'y a pas de milieu. Pourtant, dans quelques cas, notamment chez les Crabes, peut-être lorsque la mue est très éloignée, le membre brisé repousse au milieu du bouchon cicatriciel. Les Araignées [Tegenaria domestim, Epeira diadema), les Scor- pions, les Scolopendres {Scolopendra cingulata) dont les pattes sont sujettes à se briser, ont de la fibrine dans le sang : une patte sec- tionnée se bouche d'elle-même en moins de cinq minutes par un caillot de fibrine, même lorsque l'animal est immobilisé ; on conçoit que dans la nature cela doit arriver encore plus rapidement; à la suite des mouvements de l'animal, de nombreuses particules ter- reuses se collent sur la blessure et faciUtent l'occlusion. Chez les Insectes, la fibrine n'est pas constante; chez certaines espèces de Chenilles, peut-être de préférence celles qui sont munies 646 L. CUÉNOT. d'appendices ou de poils raides, elle est très bien caractérisée (Che- nilles de Chelonia pudica, Satumia pyri, Bombyx rubi, Liparis dispar, Harpygiavinula); l'hémorragie s'arrête facilement chez les chenilles poilues ou à peau nue ; d'abord en raison de la viscosité du sang, et surtout par la contraction musculaire des bords de la blessure ; aussi la fibrine est-elle beaucoup moins nécessaire. 11 ne faut pas oublier que les pattes des Insectes, qui se brisent d'ailleurs bien rarement, sont de véritables tubes capillaires où l'écoulement du sang doit être singulièrement lent, et de fait, lorsqu'on les sectionne, il ne sort pas de liquide. Chez le Meloe proscarabœus^ qui rejette volontairement des gouttes de sang par les articulations tibio-larsiennes afin de repousser les animaux qui l'attaquent, au moyen de la cantharîdine dissoute dans le sang, la fibrine est très abondante; pour cette raison, il coule rarement plus d'une goutte de liquide, le coagulum fermant aussitôt la déchirure de l'articulation. Il doit probablement en être ainsi chez tous les Vésicants qui présentent ce singulier phénomène. La fibrine est donc un hémostatique naturel des plus efficaces, ce rôle ne me semble pas douteux. Il ne faut pas oublier que dans le sang de l'animal, elle est à l'état d'albuminoïde soluble, ou fibrino- gène, isomère de l'albumine ; comme telle, elle contribue aussi à la nutrition de l'animal. D'après quelques expériences que je vais résu- mer, le fîbrinogène serait môme employé tout d'abord par l'animal, en cas de besoin, avant l'albuminoïde du sérum; il jouerait donc aussi le rôle de réserve nutritive. 1° Un Pachygrapsus marmoratus, pris au bord de la mer (Banyuls) en parfait état, a été mis en observation dans un aquarium du -19 mai au 12 juin, soit vingt-cinq jours, au jeûne le plus complet : le 12 juin, il était aussi vivace qu'au début. Le contenu des poches péricardiques (qui renferment à l'état normal de nombreux produits de réserve) est très réduit, presque nul; le sang, extrait par section des pattes, reste indéfiniment liquide et renferme la quantité nor- male d'hémocyanine. Comme terme de comparaison, un autre ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPILVTIQUES. 647 Pachygrapsus venant d'être pris à la grève, renferme au contraire une quantité considérable de fibrine ; le sang se prend en masse presque immédiatement. 2° Un Carcinus mœnas est mis à jeûner du 6 au 20 février, soit quinze jours. Au bout de ce temps, le sang est extrait par le procédé habituel, il ne reste pas trace de fibrine; hémocyanine en quantité à peu près normale. 3o Une Astacus flumafïlis est placée dans un aquarium à eau cou- rante, au jeûne complet, du 5 au 15 février, soit onze jours; elle est sacrifiée, étant parfaitement vivace. Le sang, décanté dans un verre de montre, ne se coagule pas; il se dépose une couche insigni- fiante de fibrine au fond du vase; on peut transvaser indéfiniment la partie liquide. Gomme terme de comparaison, le sang d'une Ecre- visse bien nourrie se prend en masse presque immédiatement, en se transformant en coagulum gélatiniforme. Dans l'exemplaire anémié, l'hémocyanine et la tétronérythrine étaient en quantités normales. Il est bon de noter qu'il paraît y avoir au sujet de la disparition de la fibrine par l'inanition des différences individuelles assez nota- bles, qui tiennent très probablement à la plus ou moins grande quantité de matériaux de réserve accumulés précédemment par l'organisme. Dans ces expériences, les animaux inanitiés n'ont plus de fibrine; ils ont une hémophihe physiologique, et dans ces conditions, la moindre blessure leur sera mortelle. Le fibrinogène représente donc une matière de réserve utilisée concurremment avec les produits nutritifs solides accumulés dans l'organisme; ce n'est que plus tard que l'albuminoïde sanguin commence à se résorber. Toutefois, avant de conclure d'une façon absolue, il serait utile de recommen- cer les expériences précédentes sur un plus grand nombre d'ani- maux, notamment chez des Scorpions, des Scolopendres ou des Insectes. Je ne puis quitter ce chapitre de la fibrine sans parler d'une 648 L. CUENOT. y suppléance bien singulière de ce corps par les amibocytes eux- mêmes, présentée par les Échinodermes. Ces animaux rentrent un peu dans la catégorie des Arthropodes par leurs téguments durs et incrustés de calcaire, présentant leur maximum de rigidité chez les Oursins. On comprend que chez ces derniers les perforations ne peuvent se fermer d'elles-mêmes, et d'autre part il n'y a pas trace de fibrine; qui donc remplira le rôle d'hémostatique ? Dans le cas des Oursins, ce seront les amibocytes mêmes; nous avons vu avec quelle facilité ils se réunissaient en un gros plasmodium dès qu'ils étaient soustraits à l'action des cils vibratiles péritonéaux et des globules vibrants : c'est cette propriété qui est utilisée pour la fonc- tion hémostatique. A un jeune Echinus aculus en parfait état de santé, j'ai enlevé une petite plaque calcaire; vingt heures après, le trou était bouché par un plasmodium d'un millimètre carré environ, formé par tous les éléments du sang qui s'étaient accolés sur les lèvres de la blessure ; ce plasmode n'a plus du tout de mouvements amiboïdes et a commencé à s'organiser; on reconnaît encore les corpuscules à échinochrome, mais les granules protéiques des mû- riformes ont complètement disparu, les cellules sont réduites au noyau et au protoplasma. Peu de temps après, il y a une nouvelle plaque calcaire un peu irrégulière, formée aux dépens du plasmo- dium hémostatique. Chez un Echinus microtuberculatus, j'ai enlevé une plaque de 2 miUimètres carrés, dont l'emplacement a été oc- cupé, vingt heures après, par un plasmodium très compact, déjà dépourvu de mouvements amiboïdes. Si l'on enlève une plaque assez grande pour que les amibocytes ne puissent occlure le trou en réunissant leurs pseudopodes, la blessure ne se ferme pas et l'Oursin {Echinus acutus) meurt immanquable- ment et très vite. On peut remarquer que chez les Astéries et les Holothuries, dont le corps est suffisamment contractile pour fermer les lésions acci- dentelles (rupture des bras chez FAstérie, rejet du tube digestif chez l'Holothurie, etc.), les amibocytes ne forment que rarement des ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYAIPHATIQULS. 649 plasmodiums semblables à ceux des Oursins ; ils possèdent celte propriété à un degré bien inférieur. Hématies. — Les hématies existent chez un grand nombre d'Inver- tébrés, soit à litre accidentel (Mollusques, Ascidies, Annélides, Echi- nodernies), soit constantes pour toute une famille (Pycnogonides, Sipunculiens); elles renferment un albuminoïde oxydable, le plus souvent l'hémoglobine, des albuminoïdes indéterminés chez les Ascidies et les Pycnogonides, et de l'hémerythrine chez les Sipun- culiens. Quelle que soit leur ressemblance avec les hématies des Vertébrés, il est toujours facile de les en distinguer ; elles n'ont jamais une forme aussi régulière, aussi bien définie; elles renfer- ment le plus souvent un stroma granuleux interne, qui est imbibé par l'albuminoïde à la façon d'une éponge, et qui peut renfermer des vacuoles incolores. Il est à noter que dans un groupe donné, l'existence des héma- ties est rarement aussi générale que chez les Vertébrés ; il y a presque toujours des exceptions qui empêchent de donner ce carac- tère d'une manière absolue. Quand elles se présentent à titre excep- tionnel dans un groupe, il est parfois aussi difficile d'en trouver la raison que pour la présence de l'hémoglobine chez tel ou tel animal. Chez les Mollusques, on en trouve chez les A^-ca ietragona et trape- zm (TenisonVVoods'j, les Pectuncu/us glychneris, Capsa fi' agi lis ci Tellina planata (Griesbach*), et le Solen legumen, sans qu'on puisse s'expliquer leur présence d'une manière satisfaisante. Si chez quel- ques Polychètes (Gapitellides, Glycériens, Polycirrus hematodes), elles remplacent bien nettement l'appareil vasculaire absent, on sait qu'elles manquent chez d'autres Polycirrus, également sans vais- 1 Tenison-Woods, On the anatomy and life hislory of Mollusca peculiar lo Austra- lia [Proc. R. Soc. N. S. Wales, 1889, vol. 22, p. 106). 2 Griesbach, Beilràge zur Histologie des Blutes [Archiv fur Mikr. Anat., 1891, bd. 37). Les U'ois espèces susnommées paraissent avoir vraiment des hématies à liémogiobine, mais chez d'autres {Arca Noe, etc.), Griesbach a pris des amibocytes à granules colorés pour des hématies. Il n'a pas reconnu non plus l'évolution des amibocytes ; les amibocytes mûrs sont pour lui des kornerzellen. 6b0 L. CUENOT. seaux, et qu'elles coexistent chez Leprea la/n'daria avec un appareil vasculaire normal. Chez VOphiactù virens, l'appareil ambulacraire à hématies supplée les sacs respiratoires absents, mais il est impos- sible de s'expliquer la présence des hématies cavitaires, surtout si variables en quantité, chez Cucumaria Planci, Tkyone gemmata et au7'antiaca. Amibocytes. — Les amibocytes sont des organites d'une impor- tance capitale dont les fonctions multiples sont toutes en rapport V avec l'assimilation et la nutrition. 1° Quelles que soient les différences qu'ils présentent, les amibo- cytes, sauf de très rares exceptions, renferment à l'état normal des granules réfringents, plus ou moins abondants, que j'ai désignés sous le nom de granules albuminogènes. Le plus souvent incolores ou légèrement verdâtres, ils peuvent prendre les teintes les plus variées, vert, rouge brun, brun noirâtre, gris, même violet (chez une Astérie, la Cribrella oculata) ; il est très probable que ces varia- tions n'ont aucune importance, car on ne remarque aucun lien con- stant entre elles et la composition du liquide sanguin. Dans le courant de ce travail, j'ai attribué^ux amibocytes la for- mation de Talbuminoïde dissous dans le liquide oii ils flottent, quel qu'il soit, hémocyanine, hémoglobine, chlorocruorine, etc., aux dépens soit des peptones de la digestion, soit de l'albumine incolore précédemment formée ; l'agent actif de cette transformation serait représenté par les granules réfringents (granules albuminogènes) et peut-être aussi par le protoplasma des amibocytes, car chez quel- ques types (Pulmonés, chenilles des Lépidoptères), il n'y a que peu ou point de granules réfringents. Jusqu'ici je ne puis apporter à l'appui de cette hypothèse que des preuves indirectes, qui doivent certainement céder le pas à la preuve expérimentale, encore à faire : l'accumulation si fréquente d'albuminoïdes de réserve à l'in- térieur des amibocytes, des chloragogènes, ne montre-t-elle pas qu'ils peuvent jouer un rôle dans la fabrication de ces substances? Il est un fait certain, notamment bien démontré par Schmidt- KTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYiMPHATlQUES. 6ol Miilheim, Fano, Denys et PootS c'est que la peptone injectée dans le sang (ou celle qui provient de la digestion), y disparaît en quel- ques minutes; Denys et Poot admettent que « toute cellule vivante peut transformer la peptone » et que sa disparition rapide est due à son absorption par tous les tissus, quels qu'ils soient (opinion con- traire à celle de Neumeister, J. Brink et N. Popoff, qui pensent que c'est dans l'épaisseur môme de la muqueuse intestinale que la pep- tone retourne à l'état d'albumine, et que les autres organes sont inaptes à utiliser la peptone telle quelle). Il est à remarquer qu'à l'exception de Fano, tous les auteurs, Schmidt-Miilheim, Salvioli, Denys et Poot, refusent au sang tout rôle important dans la trans- formation des peptones; ils constatent unanimement que lorsqu'on ajoute de la peptone à du sang défibriné, on y retrouve, même au bout de plusieurs heures, sensiblement la même quantité. D'après ces expériences, il faudrait donc refuser aux amibocytes le pouvoir de transformer les peptones en albumine du sérum; mais le fait ne me paraît pas absolument démontré: en effet, dans le sang défibriné, le nombre des amibocytes est considérablement diminué, car ils sont restés adhérents aux tractus fibrineux ; c'est là une circons- tance dont il ne semble pas qu'on ait tenu compte. De plus, il reste toujours le même point d'interrogation : d'où provient l'albumine du sérum ? Je compte entreprendre prochainement, sur du sang d'Invertébrés, des expériences sur le rôle des amibocytes dans la fabrication des albuminoïdes colorés. 2° Outre leur rôle possible dans l'assimilation^ les amibocytes deviennent souvent des cellules de réserve, par suite de l'accumula- tion dans leur protoplasma de graisse ou d'albuminoïdes. Chez quelques types, ils n'ont même que cette fonction-là, et à peine sortis des glandes lymphatiques, commencent à fabriquer des pro- duits nutritifs; les meilleurs exemples nous sont fournis par les Oursins, les Holothuries, les Ascidies et d'une façon moins marquée, 1 Sur Ir sorl de la peptone injectée dans le sang {La Cellule, l. VI; 1.H90, p. 411). X 652 L. CUÉNOT. par les chenilles des Lépidoptères. Mais c'est une fonction presque générale; il n'y a guère que chez les Vertébrés qu'ils ne renferment pas de produits de réserve, et encore trouve-t-on souvent chez les Batraciens des amibocytes avec globule graisseux (2, pi. I, flg. 8). On doit rattacher à cette fonction spéciale la transformation des amibocytes en cellules vitellines chez la plupart des Annélides Poly- chètes; le vitellus fabriqué n'est pas destiné cette fois aux tissus de l'animal, mais aux œufs libres dans la cavité générale et en voie de développement. 3° Les amibocytes constituent des matériaux toujours prêts à la \ réparation des tissus endommagés ou blessés. On le voit fort nette- ment chez les Oursins, les Astéries, les Crustacés, chez les animaux à peau dure ; toute blessure est bouchée soit par un coagulum fibri- neux enclavant les globules, soit par un plasmodium d'amibocytes ; c'est en grande partie aux dépens de ce bouchon hémostatique que se développe le tissu cicatriciel définitif. 4° Les amibocytes sont les agents de résistance aux corps étran- gers et aux microbes qui pourraient entrer dans l'organisme, comme l'a avancé Metschnikoff; ce sont eux également qui résorbent les tissus malades ou en dégénérescence : ces fonctions spéciales leur ont fait donner le nom de phagocytes (Metschnikoffj. La question si intéressante de la phagoajtose soulève beaucoup d'autres ques- tions accessoires : le chimiotactisme des amibocytes, le processus de la digestion, etc., que je réserve pour un autre travail en prépa- ration. Vie des amibocytes. — On compare souvent les amibocytes à des Amibes qui vivraient dans l'organisme ; cette manière de voir est tout à fait' erronée, comme le prouvent leurs fonctions et leur évolution spéciale; les amibocytes sont bien plutôt des glandes unicellulaires flottantes, ainsi que Loewit le dit très justement. I Les amibocytes étant adaptés à un milieu plus ou moins albumi- neux, ne peuvent vivre dans l'eau extérieure ; ceux mêmes des Oursins transportés dans l'eau de mer, donnent une quantité consi- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 6o3 dérable de pseudopodes qui les épuisent et finissent par disparaître. Les mouvements amiboïdes sont surtout nets au repos; un milieu plus aéré (Kanvier), l'addition d'une petite quantité d'eau qui gonfle le protoplasma, augmentent le nombre et la longueur des pseudo- podes. En général, les corpuscules remplis de produits nutritifs ou de granules réfringents, n'émettent que très peu de pseudopodes, relativement à ceux dont le protoplasma est vide : la réplétion de la cellule exerce donc sur ses mouvements une influence capitale. Nous n'avons aucune donnée, et il est bien difficile d'en avoir, sur le temps que met un amibocyte à poursuivre son évolution. On sait qu'il se réduit finalement au noyau tout à fait nu ou entouré d'une mince zone protoplasmique; ce noyau disparaît évidemment du liquide sanguin, car on n'en trouve qu'un nombre très limité; microscopiquement, je n'ai pu dépasser ce stade, mais le fait phy- siologique de la dissolution du noyau n'en est pas moins hors de doute. Glandes hjmphatiques. — Les glandes lymphatiques, quelles que soient leurs nombreuses variétés de forme, sont toujours constituées de la même manière : c'est une trame conjonctive plus ou moins serrée, qui enferme dans ses mailles un grand nombre de noyaux; ceux-ci s'entourent de protoplasma, qui se remplit de granules réfringents ; ces cellules deviennent amiboïdes et passent par diapé- dèse à travers les mailles conjonctives pour tomber dans le liquide sanguin. C'est le type des glandes lymphatiques des Mollusques, des Arthropodes, des Géphyriens, des Echinodermes. Les exceptions à ce type général sont rares : on peut citer cependant les cellules chloragogènes des Oligochètes et de quelques Polychètes, insérées sur une seule couche à la surface de l'intestin ou de vaisseaux ; les corps de ïiedemann des Astéries, véritables glandes en tube débou- chant dans l'anneau ambulacraire oral, et dont l'épithéliura cubique se détache pour former les amibocytes de l'appareil ambulacraire ; peut-être aussi les vésicules de Poli des Holothuries et des Ophiures, dont le revêtement interne n'a guère plus d'une couche de cellules. GU L. CUÉNOT. 11 ne faut donc pas se hâter de conclure que la glande n'est pas lymphatique parce qu'elle présente un type différent de la structure habituelle. Souvent les glandes lymphatiques sont des organes bien définis, isolables, de forme constante, comme chez les Céphalopodes, les Plcurobranchcs, Doris, P/u'lme, Echinodermes, etc. ; elles sont alors relativement faciles à découvrir; mais elles peuvent prendre aussi une forme diffuse, comme chez les Lamellibranches, les Pulmo- nés, etc.; il faut avoir recours pour les déceler aux coupes et aux dissociations ; la plupart du temps, elles résultent d'un développe- ment particulier du tissu conjonctif mésodermique. Y a-t-il une méthode générale pour trouver les glandes lympha- tiques chez un animal donné? Malheureusement non, leurs con- nexions sont trop capricieuses pour qu'on puisse affirmer quelque chose d'absolu. Il faut d'abord chercher à l'intérieur des vaisseaux ou sinus (corps cardiaque des AnnéHdes, glande ovoïde des Astéries et Ophiures) ou sur le trajet des vaisseaux sanguins; si l'on trouve une glande richement vascularisée^ sans canal excréteur, on a bien des chances pour que ce soit un organe lymphatique (Vertébrés, Céphalopodes, Doris, Pleurobranches, Phillne, Echinodermes, etc.). Quand elle est diffuse, la glande est souvent placée à l'intérieur ou tout près de l'appareil respiratoire (Prosobranches, Haliolides, Pul- monés. Lamellibranches, Crustacés Décapodes) ; c'est souvent aussi un amas cellulaire baigné par le liquide cavitaire, placé autour du cœur (Insectes, Myriapodes) ou de vaisseaux (Bonellie, chlorago- gènes) ou en des points quelconques (Annélides). Elle affectionne parfois le voisinage du système nerveux, le cerveau chez les Dons, la chaîne ventrale chez les Scorpions, les Glycères, le Dasybranchus caducus; enfin, on peut chercher encore à la place des organes géni- taux (Bryozoaires, Echinodermes, quelques Annélides). —En appli- quant tour à tour ces différents procédés, on arrive le plus souvent à la découverte de l'organe cherché; pourtant chez les Ascidies, les Aranéides, beaucoup de Crustacés, quelque soin que j'y aie apporté, ÉÏUDtS SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. Ga3 mes recherches ont été infructueuses, la glande lymphatique doit probahlement revêtir une forme diffuse, qui nécessiterait pour être décelée une étude très complète, car je ne crois pas que les amibo- cytes puissent jamais se reproduire par division, comme le pensent Loewit et d'autres auteurs. Formation des produits génitaux par les glandes lymphatiques. — Je rappellerai que les glandes lymphatiques donnent quelquefois nais- X sance aux produits génitaux, soit directement (par les glandes mêmes), soit indirectement (par des prolongements émanés des glandes), chez les Bryozoaires, les Annéhdes {Aphrodite aculeata, Hermione hystrix, Chetopterus variopedatus, Marphysa), les Géphy- riens (BonelHens), les Echinoderraes (Astéries, Ophiures). Il est intéressant de constater que cette particularité est jusqu'ici localisée à deux groupes bien définis : d'une part les Echinodermes, d'autre part les Trochozoaires (Bryozoaires, Brachiopodes, Géphy- riens, Annélides, etc.) Dans le premier groupe (Echinodermes), les produits sexuels et la glande lymphatique se séparent complète- ment: les amibocytes tombent dans la cavité générale, les œufs et les spermatozoïdes passent directement au dehors. Dans le deuxième groupe (Trochozoaires), les produits génitaux et les amibocytes tombent ensemble dans la cavité générale, et la séparation se fait postérieurement au moyen des organes segmentaires, au moins dans la majorité des cas. Nous voici arrivés au terme de ces études; j'ai laissé beaucoup de points dans l'ombre, relativement aux glandes lymphatiques; je ne me dissimule pas ce qui reste d'inconnu; mais si Ton songe que c'est un terrain tout à fait inexploré, on sera plus indulgent pour les lacunes que je n'ai pu combler et les erreurs que j'ai pu faire. J'ai cherché à démontrer dans ce travail et dans un précédent mémoire (2) qu'il n'existe en somme aucune différence au point de vue du sang entre les Invertébrés et les "Vertébrés, ce qu'on oublie quelquefois dans les traités classiques ; on trouve toutes les grada- tions possibles entre l'état le plus compliqué (Mammifères) et celui 636 L. CUÉNOT. qu'on peut considérer comme le plus simple. Dans les monogra- phies, on néglige souvent le chapitre du sang et des corpuscules figurés; je serais heureux si on en appréciait maintenant toute l'im- portance, et si dans l'étude d'un animal donné, on se préoccupait de la recherche de la glande lymphatique, comme on le fait pour les autres organes. Il faut bien être persuadé que c'est la composi- tion du sang qui donne la clef de beaucoup de problèmes physiolo- giques, surtout chez les animaux inférieurs. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. FiG. 1. Amibocytes du sang de Sepia officinalis :a, cellules mûres; o', cellules dépourvues de granules; n, cellule réduite au noyau (acide osmique, picrocarmin). 2. Cœur branchial (C) de Sepia officinalis; R, follicules urinaires; ra, veine abdominale; vg, veine de la glande branchiale; v, veine allant à la braiichie; gl, glande lymphatique. 3. Cœur branchial d'Eledone Aldrovandi, gr. nat. 4. Coupe verticale de la glande lymphatique passant par le pédicule, Oclopus vulgaris; C, tissu glandulaire du cœur branchial; me, couche muscu- laire ; e, épithélium externe ; gl, tissu lymphatique ; /, lacunes de ce tissu ; vg, vaisseaux qui s'y ramifient; Dp', terminaison vasculaire en bouquet. 3. Périphérie de la glande lymphatique, Sepia o/yîC(na/t5; e, épithélium ex- terne et son plateau cuticulaire; /", bride conjonctive; vg, vaisseau glan- dulaire; a, amibocytes miirs. 6. Amibocytes du sang de Boris luberculata, sur le vivant; a, amibocyte mûr; r, amibocytes de réserve à globules protéiques. 7. Amibocyte à granules protéiques du sang de VIdalia ramosa. 8. Amibocytes du sang à'Ualiotis lameliosa (acide osmique, picrocarmin). 9. Amibocyte du sang de Paludina vivipai-a, sur le vivant. 10. Partie antérieure de Doris luberculata (x 2); D, bulbe buccal; s, glande salivaire; pe, pénis rétracté; og, organes génitaux; cr, ganglions céré- broïdes; aa, aorte antérieure; gl, glande lymphatique. li. Coupe de la glande lymphatique de Doris luberculata; f, trame conjonc- tive ; n', noyau en voie de division ; a, cellules mûres ; a', amibocyte mûr, en train de sortir de la glande. 12. Partie antérieure à'Oscanius rnembranaceus (gr. nat.); C, cœur; aa, aorte antérieure ; ap, aorte postérieure; gl, glande lymphatique. 13. Cellules de la glande lymphalique d'Oscanius rnembranaceus; n, noyaux; n', noyau en voie de division; a, cellule mûre (acide osmique, picro- carmin, glycérine). ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 657 FiG. 14. Cellules de la glande lymphaVique, Pleurobranchus auranliacus,surlc\\va.al. 15. Partie droite de P. Meckelii (gr. nat.); C, cœur; pe, pénis rétraclé ; og, organes génitaux; oa, aorte antérieure ; 5;^ glande lymphatique. PLANCHE II. FiG. 1. Région moyenne de PhiUne aperta (X G); C, cœur; F, foie; ap, aorte pos- térieure; aa, aorte antérieure; gl, glande lymphatique. 2. Cellules de la glande lymphatique, Philine aperta, sur le vivant; a, ami- bocyte miir; r, globule protéique de réserve. 3. Petite portion du poumon, Heiix aspersa (x '>], montrant les gros vais- seaux j R, corps de Bojanus. 4. Coupe transverse du poumon passant par un gros vaisseau, Hélix nemo- ralis;ec, épithélium externe; wc, couche de fibres musculaires circu- laires; em, épithélium du manteau; /, lacunes parcourues par le sang; gl, tissu glandulaire lymphatique. 0. Portion du manchon entourant un gros vaisseau, Hélix aspersa, coupe fixée à l'acide osmique; crn^ épithélium du manteau; me, couches de fibres musculaires circulaires; m/, fibres musculaires longitudinales; f, tissu conjonclif; n, noyaux; a, amibocyte mûr. 6. Coupe du poumon de Lymnea stagnalis, au-dessus du corps de Bojanus (/{); me, fibres musculaires circulaires; tm, épithélium du manteau; /, lacune sanguine; gl, tissu glandulaire lymphatique. 7. Cellules du poumon (crêtes pulmonaires) de Planorhis corneus, sur lu vivant; n, noyaux; a, cellules miîres, transformées en amibocytes. s. Coupe transverse d'une lame branchiale de Paludina vivipara (x 300); v, lacune afférente; ar, lacune efférente et son squelette sg; gl, rachis branchial (tissu lymphatique). 9. Portion du rachis hra.nc\n!il, Paludiita vivipara; rr, concrétion calcaire; ti, noyaux ; a, cellule mûre ; a', cellule en voie de division (acide osmique, picrocarmin, glycérine^. 10. Coupe transverse d'une lame branchiale de Ca/î/p<;œa jûic/iSis (x 400); mêmes lettres que fig. 8. 11 . Coupe optique d'une lame branchiale, Lamellaria perspicua, examinée à plat (X30);r, lacune afférente ;p, portion lacunaire à plissements transverses; v', lacune longeant le rachis gl; ar, lacune efférente; sq, squelette. 1-2. Partie de la coupe transverse d'une lame branchiale, Jroc/ms ^ur6ina/ws (x 4bO); mêmes lettres que fig. 11. PLANCHE III. Fig. 1. Coupe Iransverse de la grande branchie, Halwtis lamellosa {y, 1*1); ar, lacune efférente; sq, squelette branchial ; M, glande muqueuse du manteau; gl, glande lymphatique; ml, muscles longitudinaux. 2. Partie inférieure de la coupe de la petite branchie, Haliutis lamellosa (x 48); mêmes lettres que fig. 1. 3. Cellules de la glande hr3ii\chio.\{:, Haliotis lamellosa, sur le vivant; n, noyaux; a, amibocytes mûrs. ARCH. Dli ZOOL. GÉN. ET EXl'. — 2c SÉRIE. — T. IX. 1891. 42 058 L. CUÉNOT. FiG. 4. Coupe optique d'une brauchie de Fissurella grœca L., vue de prodl, sur le vivant (xlOO); ec, épithélium externe; ar, lacune efférente ; gl, tissu lymphatique. 5. Coupe transverse d'une branchie à'Arca letragona; sq, squelette; v, sinus veineux alTérenls; ml, muscles longitudinaux; 5»?, amas lymphatiques. 6. Hématies du sang d'Arca tetragona, sur le vivant; h', deux hématies su- perposées, vues de profil. 7. Hématies du sang d'/lrc« ^e^ragfona (acide osmique, picrocarmin, glycé- rine). 8. Cellules des amas lymphatiques branchiaux, sur le vivant, Arca lelragona; a, amibocyte mûr; /i', très jeunes hématies; /i, jeunes hématies prêtes Ti passer dans la circulation. 9. Amibocytes normaux du sang à'Ascidia mentula (acide osmique, picro- carmin, glycérine). 10. Amibocytes de réserve (à graisse) à'Ascidia menlula; r, sur le vivant; r', après l'acide osmique et le picrocarmin. 11. Cellules vésiculaires du sang à'Ascidia menlula (acide osmique, picrocar- min, glycérine). 12. Amibocytes orangés du sangd'yl.fc. menlula, vivant; 0, granuleorangé isolé. 13. Corpuscules vésiculaires du sang à' Ascidia depressa (acide osmique, picro- carmin, glycérine). 14. Cellules vésiculaires du sang de Phallusia mammillata (acide osmique, jncrocarmin, glycérine); g, concrétion graisseuse à mouvements brow- niens; V, vacuole en formation. 15. Corpuscules vésiculaires du sang de Cynthia papillosa; a, sur le vivant; a' , après l'acide osmique et le picrocarmin. 16. Corjmscules amiboïdes du sang de Ctenicella appendiculata, sur le vivant; a, amibocyte vacuolaire; a', amibocyte à granules protéiques; r, jeunes amibocytes à globules graisseux; r', amibocyte à globules graisseux, parfaitement développé. 17. Hématies du sang de Ctenicella appendiculala, sur le vivant; fi, très jeune hématie. 18. Funicule [gl] de Membranipora pilosa, sur le vivant; a, amibocytes prêts à s'en détacher; C, caecum stomacal; ec, paroi de la loge. PLANCHE IV. FiG. 1. Coupe transverse d'une podobranchie, Astacus fluviatilis (X 25); v, canal afférent; ar, canal efférent; gl, amas lymphatiques; br, pinnules bran- chiales; bs, lames plissées en V. 2. Portion de l'amas lymphatique, Aslacus fluviatilis, sur le vivant; p, paroi chitineuse externe; f, noyau conjonctif ; n, noyau nu; n', noyau entouré d'une zone protoplasmique ; a, cellule mûre; g, granules épars. i. Amibocytes du pang à' Astacus fluviatilis, sur le vivant; a, amibocyte mîir; a', élément réduit au noyau. 4. Coupe transverse d'une branclÙL', Carcinus mœnas (x 18); v, canal affé- ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. GS9 reiit; ar, canal effércnt; br, lames branchiales; gl, glande lymphatique ; /, lacunes afférentes amenant le sang dans la glande; vg, vaisseau propre de la glande. FiG. 5. Glande lymphatique branchiale, Carcinus mœnas,suv\c vivant; n, noyaux; a, cellules mûres; r, globules protéiques de réserve. 6. Vue de profil de la branchie de Gebia W^orafc, sur le vivant ; d, canal afférent avec son tissu lymphatique gl; ar, canal efférent; br, pinnules branchiales. 7. Cardwîis mœua*- vu de dos, la carapace étant enlevée; C, cœur; P, péri- carde (matrice cuticulaire); gl, glande lymphatique péricardique. 8 . Coupe de la glande péricardique, Maïa sqvinado [ X 80); ec, ectoderme (épi- thélium chitinogène); cft, couche chitineuse; me, muscles circulaires; ml, muscles longitudinaux; n, noyaux; r, globulesprotéiques de réserve. 9. Glande péricardique, AJaîa squinado, sur le vivant; m, noyaux; a, amibo- cytes mûrs ; r, grandes vésicules claires; r'_, amas de granules pro- téiques. 10. Groupes de cristaux de la glande péricardique, Eriphia spinifrons. 11. Palinurus vulgaris, la carapace étant enlevée; C, cœur; P, péricarde; gl, glande lymphatique iiéricardique; ar, canaux branchio-cardiaques. 12. Glande péricardique de Palinurus vulgaris {acide osmique, picrocarmin, glycérine) ; r et r', globules de réserve ; n, noyau; a, amibocyte mûr. PLANCHE XV. FiG. 1. Vue de profil du sixième anneau de Gammarus locusta, snr le vivant ( X 200) ; C, cœur ; op, aorte inférieure ; ec, paroi du corps ; D, tube diges- tif ; r, tissu adipeux ; gl, bride chargée de cellules (tissu lymphatique). 2. Amibocyte du sang de Cyclops viridis, sur le vivant. 3. Cœur et entourage é' Hydrophilus piceus (X 5); C, cœur; g'i, tissu péricar- dial; ma, muscles aliformes; Ir, trachées. 4. Coupe transverse du cœur et de son entourage, //j/drop/ie7My piceus (X 50); mêmes lettres que fig. 3. o. Cœur et entourage de Bombus terrestris ; mêmes lettres que fig. 3. 6. Fibre musculaire d'un muscle aliforme, avec trois nodules du tissu péri- cardial; f, fibrille conjonctive; Bombus terrestris (acide osmique, picro- carmin, glycérine). 7. Tissu péricardial du papillon de Zerene grossularia; N, grandes masses nucléaires en division; a, amibocytes mûrs (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 8. Tissu péricardial de Rhizotrogus solstitialis ; a, amibocytes mûrs; a', cel- lules remplies de gros granules incolores; g, granules épars. 9. Partie du corps adipeux céphalique d'une larve de Chironomus plumosus, de 2 millimètres de long, sur le vivant; g, granules réfringents; r, glo- bule adipeux. 10. Corpuscules du sang de la chenille de fiomèj/a; Jn/b^'j, sur le vivant; a, 660 L. CUÉNOT. amibocyle mûr; a', amibocyle eu voie de régression; r, corpuscules ù globules protéiques; r', corpuscule \ aiguilles crislallines. FiG . M. Amibocyle vésiculaire du sang de la chenille de Pieris rapœ, sur le vivant. 12. Corpuscules du sang île la chenille de Cossus lignipei'da; a, amibocytes à granules réfringents; r, r' et r", développement des cellules à cristaux; cr, petits prismes cristallins d'un rouge cuivreux, 13. Cristaux isolés du sang, chenille Cossus lignipsrda. 14. Cristaux isolés du sang, chenille de Cossus lig niper da, traîléi par l'acide acétique, puis par l'iode. 15. Paroi latérale du cœur [C] de Scolopendra cingulata; tr, trachées; gl, sac lyiTiphalique (acide osmique, picrocarmin, glycérine). PLANCHE XVI. FiG. 1. Corpuscules du sang d'Epeiradiadema; a, amibocyte mûr; a', amibocyle en régression; r, corpuscule dérivé des amibocytes (sur le vivant). 2. Hématies [h] de Phoxichilidium exiguum ; h', jeune hématie. a. Coupe optique de la cinquième paire de pattes, Ammothea flbulifera, sur le vivant; D, caecum digestif; h, hématies; a, amibocytes. 4. Cordon nerveux ventral et glande lymphatique (g^i) de Scorpéo ewropœus (x 6); N', premier ganglion abdominal; N", deuxième ganglion abdominal. 5. Partie de la glande lymphatique de Bulhus occilanus; N, cordon nerveux; a, amibocyle mûr sortant de la glande; cr, cellule à cristaux et à deux noyaux, du tissu conjonctifpérinervien (ac. osmique, picrocar., glycérine). 6. Amibocytes du liquide cavitaire de Spirographis Spallanzanii, sur le vivant; a, amibocyle normal; r, amibocytes transformés en cellules vitellogènes. 7. Hématies du liquide cavitaire de Glycera siphonostoma, sur le vivant; h, hématie âgée avec vacuoles va; h', jeune hématie ù granules browniens. S. Coupe optique d'un vaisseau chargé de cellules chloragogènes, P.îj/g'/no- branchus prolensus, sur le vivant; a, cellules mûres. 9. Coupe optique du corps de Polycirrus pallidus, au niveau du vingt- sixième anneau, sur le vivant (x 55); D, intestin; ec, paroi du corps; f, septum conjonclif; gl, amas lymphatiques. 10. Amas lymphatique d'un septum, Polycirrus pallidus, sur le vivant; D, in- testin; f, septum conjonclif. 11. Chaîne nerveuse ventrale et glande hématique (gl) de Glycera siphonos- toma (X 150); acide osmique, picrocarmin, glycérine. 12. Portion de la glande hémalique, Glycera siphonostoma; N, cordon nerveux ; n, noyau ; h, hématie développée (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 13. Tube digestif de Dasybranchus caducus, vu du côté ventral (x 5); D, in- testin; ec, paroi du corps; f, septums transverses; gl, tubes hématiques. 14. Coupe optique d'un lube hémalique de Dasybranchus caducus, sut le vivant; f, septum conjonclif; h, hématies mûres; h', grande hématie probablement vouée à la division. ÉTUDES SUR LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 661 PLANCHE XVII. FiG. 1. Partie d'un amas lymphatique (a) et d'un septum {fj, Aphrodite aculeat a (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 2. Amas lymphatique et œufs, Aphrodite aculeata (x 120); f, biide conjonc- tive; gl, amas lymphatique. 3. OEufs et cellules lymphatiques, Aphrodite aculeata, sur le vivant; gl, cel- lules lymphatiques; r, globule protéique, 4. Groupe de noyaux lymphatiques n et d'œufs en voie de développement, Chetoplerus variopedatus; a, amibocyte mûr (acide osmique, picrocar- min, glycérine), 5. Coupe optique de la partie antérieure du corps, Nicolea vemislula, sur le vivant (X 20); ec, paroi du corps; fi, organes segmenlaires ; D, œso- phage; C, vaisseau dorsal; aa, aorte céphalique ; ap, vaisseau ventral; gl, corps cardiaque. C. Portion du corps cardiaque, Nicolea venustula, sur le vivant; p, paroi du vaisseau dorsal; /", bride conjonctive reliant le corps cardiaque au vais- seau; a, amibocyte hématique libre; a', cellules se détachant du corps cardiaque. 7. Cellules du corps caivà\3.que, Leprea lapidaria {Heleroterebella sanguinea), acide osmique, picrocarmin, glycérine. 8. Coupe optique du cœur de Polyopthalmus pictus, sut le vivant (X 400); aa, aorte céphalique; ap, vaisseau ventral; s, pincement séparant l'oreil- lette du ventricule; /, septum conjouctivo-musculaire; ^/, corps car- diaque ; a, amibocytes hématiques libres. 9. Branches latérales duvaisseau dorsa.\, Nereis Dumerilii, sur \e vivant; û, ami- bocyte hématique ; g-i, pseudo-valvule ; pii', pseudo-valvule à deuxcellules. 10. Coupe optique du corps, Tubifex rivulorum, sur le vivant; ec, paroi du corps ; f, septum transverse; ac, chloragogènes fixées sur l'intestin D; a', chloragogènes prêtes à se détacher; a, amibocyte cavitaire normal; V, vaisseau sanguin; ah, amibocyte hématique. 11. Coupe de l'intestin de i«m6rtcuî /frres/rjs (coupe fixée au carmin osmique); me, couche de fibres musculaires circulaires ; ml, couche de fibres longitu- dinales!; f, couche conjonctivo-vasculaire; n, noyau en voie d'évolution. 12. Plasmodium du liquide cavitaire, Lumbricus lerreslris, sur le vivant; a, chloragogène incluse dans le plasmodium; a', chloragogènes amiboïdes; a", amibocytes en régression. 13. Amibocytes en régression : a, sur le vivant, renfermant encore quelques granules protéiques ; a', acide osmique, picrocarmin, glycérine. PLANCHE XVIII. FiG. 1. Tube vasculiforme et pelotons bothryoïdaux afférents, Hirudo medicinalis (X 190); gl, amas lymphatiques; tv, tube vasculiforme; pb, peloton bo- thryoïdal en formation; pb', peloton à deux cellules (acide osmique, picrocarmin, glycérine). G62 L. ClJÉNOT. FiG. 2. Tube vasculiforme de pelile dimension, Hirudo medicinalis (x 270); pb ei pb', pelotons en voie de formation, formés d'une seule cellule (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 3. Tractus du tissu vaso-fibreux, Hirudo medicinalis; t, terminaison libre d'un tractus; f, partie conjonctive, prédominant en /'; g, granules des tractus; r, cellule de réserve à granules graisseux (acide osmique, picro- carmin; glycérine). .'i. Sinus latéral {vl) et tubes bothryoïdaux afférents, en coupe optique, Nephe' lis octoculata de 6 millimètres de long, sur le vivant (X 700) ; gl, amas de noyaux lymphatiques; g, granules jaunes épars dans le sang; a, ami- bocyte libre; a', amibocyte accolé à des granules épars et commençant à les ingérer. 5. Cellule de réserve (r) et cellule à granules jaunes [gr), Clepsine bioculata; f, noyau du tissu conjoiictif ; g, granules graisseux épars; o, cellule non encore différenciée (acide osmique, picrocarmin, glycérine). C. Cellule à granules jaunes {gr) et cellule de réserve (r) en voie de division, Pontobdella muricata (individu inanitié); acide osmique, picrocarmin, glycérine. 7. Amibocyte à échinochrome, Slrongylocentrotus lividus (acide osmique, pi- crocarmin, glycérine). S. Développement des corpuscules mîiriformes, I, II, III et IV, Slrongylo- centrotus lividus; g, granule jaunâtre de nature excrémentitielle(vapeui's osmiques, picrocarmin, glycérine). 9. CoTpuscu\emùvi{ormeio[itliîau\lnmv,suv\cviv!iu\,Slrongylocenlrolus lividus. 10. Noyaux en voie de division, glande ovoïde de Strongylocentrotus lividus (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 11. Amibocytes mûrs, renfermant des granules cristallins, de nature excré- mentitielle, glande ovoïde de Slrongylocentrotus lividus (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 12. Alvéole de la glande ovoïde, Strongijlucpnlrolus lividus (dans une coupe); cr, granules jaunâtres dont quelques-uns sont nettement cristallisés en cubes; g, granule noirâtre de forme irrégulière, non cristallin. 13. Cristaux cubiques, jaunâtres, provenant de la paroi intestinale de Slron- gytocenlrotus lividus, sur le vivant. 1^. Corpusculevibrantdu liquide cavitaire de Spaiang'Mi-purpMreuSjSur le vivant. 15. Amibocytes de la cavité générale de Thyone aurantiaca, sur le vivant; a, amibocyte normal; a', amibocyte bourré de granules jaunes. 16, Corpuscule mûriforme du liquide cavltaire de T. aurantiaca, sur le vivant, 1.7. Hématies, liquide cavitaire de Cucumaria Planci, sur le vivant, 18. Hématies à prolongements amiboïdes, du liquide cavltaire de Thyone au- rantiaca, sur le vivant. 19. Amibocytes du liquide cavitaire d'Aritedon rosacea, sur le vivant. 20. Coupe optique d'un des mamelons tactiles bordant le sillon ambulacraire d'une pinnule, Antedon rosacea, sur le vivant; si, soies tactiles; p, pig- ment rougeâtre ; r, corpuscules mùriformes émigrés dans l'épilhélium. ETUDES SUK LE SANG ET LES GLANDES LYMPHATIQUES. 6G3 PLANCHE X.XIII. FiG, 1 , Hématies du liquide cavitaire, sur le vivant; h, Phascolosoma elongalum; h' , Sipunculus nudus; î;a, vacuole renfermant une granulation brow- nienne. ?. Amibocytes de Sipunculus nudus, sur le vivant; a, type normal, à granules réfringents; a', amibocyte en voie de transformation, renfermant des granules protéiques. 3. Corpuscules mûriformes de SipuwcK/Msnwdî/s; r, en voie de développement; »•', parfaitement mûr (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 4. Coupe ciliée de Phascolosoma granulatum, profil, en coupe optique, vivant. 5. Coupe ciliée double (monstruosité ou phase de division ?), vue d'en-dessus, Phascolosoma granulatum, sur le vivant, 6. Coupe ciliée vue d'en-dessus, P/iaiCotosoma granulatum {a.c\àe osmique, picrocarmin, glycérine). 7. Urne ciliée de Sipunculus nudus, sur le vivant. 8. Paroi du canal dorsal (dit vasculaire) de Sipunculus nudws, recouverte d'urnes en voie de développement; gl, noyaux lymphatiques du canal; M, urne réduite à une vésicule; u', urne pédiculée; u", urne en division (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 9. Vésicule énigmatique du sang de Phascolosoma vulgare (X 150); cr, cris- tal fusiforme (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 10. Vésicule énigmatique du sang de Sipunculus nudus (X 70); cr, groupe de cristaux mâclés (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 11. Terminaison du canal dorsal, Phascolosoma varians, sur le vivant (x 45); d, bande rougeàtre (sillon intestinal); D, œsophage; gl, portion bourrée de cellules; Dl, distome enkysté; glr, portion caecale remplie de gra- nules bruns. 12. Coupe transverse de l'œsophage et du canal dorsal, Phascolosoma vulgare (X 180); D, œsophage; g'/, canal dorsal; z, zone productrice des élé- ments figurés (•?); d, sillon intestinal. 13. Coupe optique du canal dorsal, Phascolosoma vulgare, sur \e vivant; cv, cellules vibratiles internes et externes; p, mince paroi conjonctive;/", septum conjonctif; /i, jeunes hématies; a\ amibocytes mûrs; a, amibo- cyte en train de sortir de la glande. 14. Jeunes corpuscules extraits du canal doTsa.\, Phascoloso7na vulgare; n, noyau (acide osmique, picrocarmin); h, très jeune hématie (acide os- mique, picrocarmin)] /i', jeunes hématies à corpuscules browniens; h", jeune hématie k deux vacuoles (sur le vivant); a, amibocyte mûr (acide osmique, picrocarmin). 15. Paroi du vaisseau ventral, à hauteur de l'orifice segmenlaire, Bonellia viri- dis, sur le vivant; p, mince paroi conjonctive; r, globules de réserve. 16. Paroi lymphatique du vaisseau ventral, Bonellia viridis ; n, noyau; a, ami- bocytes mûrs (acide osmique, picrocarmin, glycérine). 664 L. CUÉNOT. BIBLIOGRAPHIE 1 . CuÉNOT, Études sur le sang, son rôle et sa formation dans la série animale, 2e partie [Invertébrés] [Archives de zoologie expérimentale, 2'^ série, t. VII, 1889 [Notes et Revue, p. i]). 2. — Études sur le sang et les glandes lymphatiques dans la série animale ire partie [Vertébrés] [Arch. de zool. expér., 2^ série, t. 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Comme je savais, d'autre pari, que les tubes nerveux qui se rendent aux organites de la ligne latérale du Lophius sont très volumineux, j'espérais avoir mis la main sur des organes se prêtant admirablement à l'étude des rapports intimes que contracte le cylindre-axe avec les cellules neuro-épithéliales. L'observation m'a montré que les taches en question sont constituées, non pas par une seule et unique terminaison nerveuse de très grande taille, mais par un certain nombre de boutons nerveux plus petits que ceux que ^ Recherches sur la ligne latérale de la Baudroie, pages 125 à 190 du présent volume des Archives de zoologie expérimentale. Gli FRÉDÉRIC GUITEL. j'ai décrits dans la ligne latérale de la Baudroie et par conséquent peu convenables pour une étude histologique minutieuse. Heureusement ces organes méritent d'être considérés sous une autre face ; en effet, leur distriiiution dans la cavité bucco-pharyn- gienne est très facile à voir, et les nerfs qui les animent, quoique très ténus, peuvent cependant être disséqués. C'est à ces deux différents points de vue que sont étudiés les bou- tons nerveux bucco-pharyngiens de la Baudroie dans le petit travail que je publie aujourd'hui. Depuis l'année 1830, époque à laquelle Leydig décrivit pour la première fois les boutons nerveux épithéliaux sous le nom de Becherforniigeorgane, un certain nombre d'auteurs se sont oc- cupés des mêmes organes et les ont décrits sous différents noms [Bêcher fôrmigeorgane, Leydig', Schuize-; corps ovoïdes, Jobert^, Zincone*, Jourdan^; Endknospen, MerkeF); mais, à ma connaissance aucun d'eux n'a étudié le Lophius. D'autre part, aucun des natura- listes qui ont décrit ce poisson au point de vue purement zoologique ne paraît avoir aperçu les petits mamelons cutanés qui accompa- gnent ses dents. Mes recherches ont été faites au laboratoire AragodeBanyuls-sur- Mer, au commencement de l'année 1891, et je tiens à adresser ici mes plus sincères remerciements à mon excellent maître M. de Lacaze- ' F. Leydig, Ueber die Haut einiger Susswassér/îsclie [Zeilsclinfl fur loissenschaf- ttiche Zoologie, i8?>Q). — F. Leydig, Neue Beilràge zur anatomischen Kenntiiiss dcr Hautdecke und Hautsinnesorgane der Fische, Halle 1879. - F.-E. ScHULZE , Ueber die Rccherfôrmigeorgane der Fische {Zeitschrift fur wissenchaftliche Zoo'ogic, 1862). 3 JocEUT, Etudes d'anatomie comparée sur les organes du toucher chez divers mam- mifères, oiseaux, poissons et insectes {Annales des sciences naturelles, 1872), '* ZiNCONE, Osservazioni anatomiche SU di alcune appendici lallili dei i-esci. 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Apparence extérieure des organites nerveux ; leur disposition à la surface de la muqueuse buccale. Les boutons nerveux de la cavité buccale de la Baudroie sont trop petits pour être aperçus à l'œil nu ; mais ils sont réunis par groupes qu'on peut voir même sans le secours de la loupe. Voici quelle est l'apparence extérieure de ces amas de corpuscules terminaux. Quand on examine, sur un animal vivant ou suffisamment frais,' les rangées de dents que portent les pharyngiens inférieurs, par exemple, on voit, en dehors de ces rangées de dents, une série de mamelons cutanés à sommet légèrement aplati, et sur co sommet une étroite bande circulaire d'un blanc laiteux limitant une aire interne de couleur grisâtre. Quelquefois la bande blanche est interrompue par d'étroits es- paces gris; mais il peut arriver aussi que Taire circulaire soit envahie en tout ou en partie par la teinte blanc brillant opaque ^ Celte tache d'un blanc laiteux, de forme variable, que je viens de décrire très rapidement, correspond à un groupe de terminaisons nerveuses. Elle n'est pas constamment située au sommet d'une 1 Noie préliminaire, dans les Comptes rendus des stances de l'Acadcmie des sciences, t. CXII, n» IG (20 avril 1891), p. 879-882. ' Sur la planche annexée à ce travail (XXIV), les taclies situées au sommet des papilles ont élé représentées d'une manière conventionnelle qui ne rappelle que de très loin la réalité. ARCn. DE ZnOI.. EXI'. ET GÉN — "le SÉlUE. — T. IX. 1891. 43 674 FRÉDÉRIC GUITEL. papille conique très saillante ; en eifel, sur le grand repli labial en croissant de la mâchoire inférieure, les mamelons qui portent les groupes d'organites nerveux sont quelquefois tellement surbaissés que même sous une forte loupe la tache blanche qui les surmonte parait située au même niveau que l'épiderme environnant. Dans ce cas, les coupes seules permettent de voir que le plateau qui porte les corpuscules terminaux est légèrement élevé au-dessus du niveau général de la peau. Les amas de boutons nerveux bucco-pharyngiens du Lophius sont constamment disposés en séries plus ou moins irrégulières qui, toujours, sont situées dans le voisinage immédiat des rangées de dents. Les exceptions à ces deux règles sont très rares. La description minutieuse des séries de boutons nerveux dont il vient d'être question va faire le sujet des paragraphes qui vont suivre; mais auparavant il n'est pas inutile de donner un aperçu de la structure histologique des terminaisons et des mamelons au sommet desquels elles sont situées, B. Struclure des boutons nerveux et des papilles cutanées qui les portent. Dans mon travail sur la L^gne latérale de la Baudroie, j'ai décrit succinctement la structure de la peau de ce poisson (p. 172 du pré- sent volume des Archives) ; je n'y reviendrai donc pas ici. Cepen- dant il y a un point que j'ai complètement passé sous silence dans cette description et sur lequel il n'est pas sans intérêt d'appeler l'attention aujourd'hui. J'ai dit que les chromatophores sont situés dans l'épaisseur du derme où ils forment une couche très rapprochée de la face super- ficielle de ce dernier. Au moment où j'écrivais cela je faisais seule- ment allusion aux chromatophores noirs qu'on distingue très faci- lement sur les coupes ; depuis, en étudiant de près les préparations obtenues avec les papilles à boutons nerveux aussi bien que celles que j'avais faites dans les organes de la ligne latérale, j'ai pu voir BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHÂRYNGIENS DE LA BAUDROIE. 675 que, dans beaucoup de régions de la peau sinon dans toutes, les chromatophores noirs sont accompagnés par des chromatophores d'un blanc brillant. Quand on examine les coupes dans la lumière transmise, ces corpuscules ne se distinguent que très difficilement comme des amas de fines granulations très réfringentes. Au contraire, dans la lumière réfléchie, ils deviennent d'une extrême netteté, car ils apparaissent comme des traînées vivement éclairées sur le champ noir du micros- cope. Lorsqu'on veut étudier un de ces petits corps dans la lumière transmise, il est nécessaire de l'examiner d'abord dans la lumière réfléchie, et de faire arriver graduellement sous lui le faisceau de lumière transmise. J'arrive maintenant à la description des papilles et des boutons nerveux. On peut, pour la facilité de la description, distinguer trois formes extrêmes de papilles. Dans la première, représentée planche XXIV, figure 9, le tissu du derme (rf) présente simplement une légère élevure affectant la forme d'un cylindre extrêmement court dont l'axe est normal à la surface de la peau. L'épiderme passe au-dessus de cette saillie du derme sans changer d'épaisseur et renferme de place en place des boulons nerveux terminaux. Sur la papille représentée figure 9, qui mesure 0™™,18 de diamètre, on peut en compter environ six à sept qui sont séparées par des cellules muqueuses en tout semblables à celles des autres régions de l'épiderme. Dans la deuxième forme de papille que représente la figure 8, le plateau dermique sur lequel sont situés les boulons nerveux est encore aplati; mais, au-dessous de lui, le long tronc de cône der- mique dont il forme le sommet présente une forte constriclion circulaire {d). Les boutons nerveux sont disposés de la même manière que dans la forme précédente. 676 FRÉDÉRIC GUITEL. Sur la papille de la figure 8, qui a 0'°'",12 de diamètre, on peut en compter quatre. La troisième forme de papille (fig.7), qui n'est qu'une modification de la seconde, est encore située au sommet d^m gros tronc de cône cutané. Le tronc de cône dermique présente une très forte cons- triction circulaire (c?) ; de plus, son sommet, au lieu d'être aplati, est profondément déprimé en cupule hémisphérique, de sorte que le plateau se trouve réduit à une couronne étroite portée par une plicature du derme qui, dans son ensemble, affecte la figure d'un cône tronqué à petite base proximale. L'épiderme recouvre complètement la papille dermique que je viens de décrire ; son épaisseur estmaxima au fond de la cupule (im) et minima au niveau de la couronne. C'est sur cette couronne que reposent les boutons nerveux. Ils sont géné- ralement disposés sur un rang (bri) ; quelquefois, cependant, on en trouve deux à côté l'un de l'autre (fig. 7). La papille représentée en coupe figure 7 contient douze boutons nerveux disposés sur tout le pourtour de la couronne dont le diamètre est de 0"'°,35. Au point de vue histologique, les boutons nerveux terminaux des papilles que je viens de décrire n'offrent rien de particulier à si- gnaler. Leur forme est celle d'un barillet à extrémité libre ou distale ombiliquéc. On distingue deux couches de noyaux, l'une vers l'extré- mité proximale du barillet, l'autre vers sa région moyenne. Malgré le grand nombre de papilles que j'ai coupées et le soin que j'ai apporté à leur fixation, je n'ai jamais pu découvrir les fins cils raides qui très probablement terminent les cellules nerveuses axiales du bouton neuro-épithélial. Je reviens maintenant aux chromatophores blanc brillant dont il a été question au commencement de ce paragraphe. Ils se rencon- trent probablement, je le répète, dans toutes les régions de la peau ; mais ils sont surtout abondants dans le derme des papilles à boutons nerveux. Là, ils forment une véritable couche qui a son maximum d'épaisseur au sommet môme de la papille. La présence d'une couche épaisse de chromatophores blancs forte- BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DE LÀ BAUDROIE. 677 ment réfléchissant au sommet des papilles explique les différentes apparences qu'elles présentent sur le frais. Les parties gris pâle sem- blent correspondre aux régions couvertes de cellules muqueuses (jui ne laissent pas transparaître les chromatophores blancs, et les parties blanc brillant aux points occupés par les boulons ner- veux au travers desquels on aperçoit les chromatophores sous- jacents. Pour terminer ces quelques lignes de grosse histologie, je dois dire que les ramuscules nerveux qui se rendent aux boutons épithé- liaux terminaux sont très faciles à distinguer sur les coupes (fig. 7, 8, 9, n). C. Boutons nerveux annexés aux dents de la mâchoire inférieure. Les dents de la mâchoire inférieure sont implantées dans le bord supérieur des os dentaires sur un, deux ou même trois rangs, et leur grandeur va en diminuant progressivement de la symphyse aux extrémités postérieures de ces os (pi. XXIV, fig. 4, dl). Les papilles au sommet desquelles se trouvent les boutons ner- veux sont situées sur des replis de la peau qu'il est nécessaire de décrire exactement avant de parler des séries qu'elles forment. De chaque côté de la symphyse des dentaires et sur la face externe de ces os, court un bourrelet cutané qui augmente peu à peu d'é- paisseur (pi. XXIV, fig. 4, se'] et qui, arrivé un peu au delà de la moitié de la rangée de dents, se bifurque. Sa partie externe, de beaucoup la plus épaisse, continue à se porter en arrière et, après s'être tout à coup amincie, va rejoindre l'extrémité externe du maxillaire supé- rieur {d). La partie interne, beaucoup plus mince, continue à suivre la rangée de dents, la contourne en arrière et passe sur son bord in- terne (se). Le repli cutané que je viens de décrire est une véritable lèvre infé- rieure que soutient un gros bourrelet d'un tissu de nature élastique à grandes aréoles polygonales remplies d'une matière transparente (J78 FRÉDÉKIG GUITEL. de consistance gélatineuse \ Ce bourrelet, fixé au bord alvéolaire externe de l'os dentaire, est recouvert par la peau de la lèvre et maintient celle-ci dans la position verticale. La branche de bifurca- tion externe très renflée de la lèvre inlcrieure est soutenue par une masse oblongue d'un tissu analogue à celui qui soutient celle-ci, mais à aréoles plus petites. Une autre masse plus arrondie de même tissu se trouve située au niveau de l'extrémité postérieure du bour- relet interne. Gomme les précédentes, elle est fixée à la face externe de l'os dentaire (pi. XXIV, fîg. A, ta). Nous avons laissé la partie interne de la lèvre inférieure {se) au point où elle contourne la dent la plus postérieure du dentaire. A partir de là ce repli cutané; qui en ce point est très réduit, augmente régulièrement de largeur jusqu'à la symphyse et constitue un voile horizontal, inséré sur la face interne des os dentaires. Ce voile affecte la forme d'un croissant assez épais sur son bord adhérent et tran- chant sur son bord libre {v). Comme la lèvre inférieure, il est soutenu par une lame de tissu conjonclif aréolaire. Maintenant que j'ai décrit d'une façon suffisamment détaillée la lèvre inférieure et le voile de la concavité de la mandibule, la des- cription des deux séries de papilles cutanées de la mâchoire infé- rieure va devenir très claire et sera très courte. Ces papilles sont disposées en deux séries : l'une est située sur la lèvre inférieure; l'autre sur le voile en croissant de la concavité de la mandibule. Les papilles de la première série occupent la crête de la lèvre inférieure et de ses deux bifurcations ; elles sont peu nombreuses et très espacées sur la partie simple de la lèvre (se') et sur sa bifur- ' On retrouve un tissu de même nature dans le voile en croissant de la conca- vité de la mâchoire inférieure, dans la région du sous-opercule, dans l'aisselle de la pectorale, entre les deux intermaxillaires, entre les pharyngiens supérieurs, en arrière des dents palatines et vomériennes, enfin dans la grande cavité située en avant de l'œil, ou Trois l'a décrit comme un organe pseudo-électrique(/l/^î R. Istit. Venelo, vol. VI, 1886). BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DE LA BAUDROIE. 679 cation externe [d) ; très nombreuses et très serrées au contraire sur sa bifurcation interne (se). Sur le grand voile en croissant, les papilles sont très serrées et disposées en série régulière dans la partie correspondant aux cornes du croissant {si) ; mais quand on s'avance vers la partie élargie de celui-ci, la série se dissocie et les papilles se placent sans ordre sur plusieurs rangs (5^). D. Boutons nerveux annexés aux dents des os pharyngiens inférieurs. Le pharyngien inférieur a la forme d'un losange très allongé d'avant en arrière, attaché par son angle antérieur à l'extrémité proximale de la moitié inférieure du quatrième arc branchial. Il porte une rangée de dents qui commence environ au tiers postérieur de sa longueur, suit son bord interne jusqu'au niveau de sa pointe antérieure, passe sur son bord externe et vient se terminer au niveau même du point où elle avait commencé en se recourbant légèrement en dedans (pi. XXIV, fig. 5 di, de). La rangée de dents que je viens de décrire est entourée par un repli cutané en forme de bourrelet (/!)) qui a exactement la même forme qu'elle et la côtoie à une très petite distance. Ce bourrelet porte une série très régulière de papilles coniques saillantes cou- ronnées par des boutons nerveux. E. Boutons nerveux annexés aux dents des os pharyngiens supéHeurs. Pour bien comprendre la disposition des séries d'organites ner- veux annexés aux pharyngiens supérieurs, une description succincte de ces os est nécessaire et je profiterai de l'occasion qui se présente pour indiquer en quelques lignes la forme et la disposition des arcs branchiaux ainsi que les rapports qu'ils contractent avec les pharyn- giens supérieurs. Chaque arc branchial se compose de deux pièces osseuses, une inférieure et une supérieure. Les quatre pièces inférieures sont G80 FRÉDÉRIC GUITEL. toutes semblables et environ deux fois aussi longues que les supé- rieures. Ces dernières présentent de très grandes différences et des rapports assez complexes. La moitié supérieure du quatrième arc est une grosse tige arquée, à concavité tournée du côté de la cavité branchiale, assez fortement étranglée h une petite distance de son extrémité supérieure ou in- terne. La moitié supérieure du troisième arc est d'une extrême minceur relativement à celle du quatrième ; son extrémité interne est forte- ment renflée en massue et profondément enfoncée dans un sillon que porte cette dernière sur le bord externe de son extrémité proxi- male. La moitié supérieure du deuxième arc est mince et cylindrique en son milieu sur une très petite longueur, dilatée et aplatie à ses deux extrémités. Sur la face externe de son extrémité distale est appliquée, par un de ses bords, la moitié supérieure du premier arc, dont la forme est complètement différente de celle des précédentes. C'est une lame osseuse triangulaire, très mince, quatre fois plus courte-que la précédente, à extrémité distale bifurquée. La branche de bifurcation, qui fait partie du bord appliqué sur l'extrémité postérieure de la moitié supérieure du deuxième arc, est réunie à la moitié inférieure du premier arc par un ligament, l'autre branche reste libre. Les extrémités distales des moitiés supérieures des trois derniers arcs sont de même réunies par des ligaments à chacune des extrémités distales des moitiés inférieures correspon- dantes. Quant aux extrémités proximales des moitiés supérieures des arcs branchiaux que nous venons de décrire rapidement, elles contractent avec les trois pharyngiens supérieurs les rapports suivants : La moitié du premier arc, beaucoup plus courte que celle des autres, ne s'articule avec aucun des pharyngiens supérieurs. L'extrémité proximale aplatie du deuxième arc vient se fixer exac- tement sur la ligne de contact des deux premiers pharyngiens ; BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHAUYNGIENS DE LA BAUDROIE. 681 celle du troisième arc, logée dans un sillon de celle du quatrième, se met en rapport avec le second et celle du quatrième avec le troisième. Chacun des pharyngiens supérieurs se compose de deux parties : une partie plate, nue, plus ou moins élargie, et une autre bombée, garnie de fortes dents à pointe dirigée en arrière. Le premier pharyngien a sa partie nue très rétrécie et le second l'a extrêmement élargie ; tous deux portent des dents (pi. XXIV, fig. 6, di\ dp^ d'une seule sorte; tandis que le troisième a une ou deux fortes dents sur son bord interne (rfjoj et de nombreuses dents en velours {dv). J'arrive maintenant, après cette digression un peu longue sur le squelette, à la disposition des boutons nerveux, satellites des dents des pharyngiens supérieurs. En avant du groupe de dents que porte le premier pharyngien, se trouve un bourrelet cutané arrondi très saillant {b^) muni d'une série de papilles terminées chacune par un groupe de boutons nerveux. Un second bourrelet se trouve en avant du groupe de dents du deuxième pharyngien (6,), et un troisième en avant des dents du troisième de ces os (èj. Chacun d'eux a une petite série de mamelons cutanés saillants, couronnés par des organites neuro-épithéhaux. En résumé, le premier pharyngien supérieur est articulé avec la moitié supérieure du deuxième arc, le second avec les moitiés supé- rieures des troisième et quatrième arcs et le troisième avec la moitié supérieure du quatrième. Chacun des groupes de dents que portent ces trois os est bordé, en avant, par un bourrelet cutané sur lequel se trouvent des papilles couronnées par des boutons nerveux. F. Boutons nerveux annexés aux dents palatines et vomériennes. Le palatin porte sur son bord antérieur une rangée de dents (pi. XXIY, fig. 1, dp) généralement divisées en deux groupes: l'un 682 FRÉDÉKIC GUITEL. interne composé de quelques grosses dents, l'autre externe formé par une courte rangée de dents beaucoup plus petites. Une très légère élévation de la peau règne en arrière de cette rangée de dents et se recourbe à ses deux extrémités autour des deux dents terminales. Cette sorte de bourrelet très surbaissé porte une série très nette- ment marquée de papilles à boutons nerveux (sp). Les dents vomériennes sont en très petit nombre. En effet, on en trouve une ou deux à chacune des extrémités du bord antérieur du vomer, sur le prolongement interne de la rangée du palatin {dv). Dans leur ensemble, les deux groupes palatin et vomérien forment, en arrière de la rangée inférieure de l'intermaxillaire, une troisième ligne de dents à la mâchoire supérieure. De chaque côté, le petit groupe de dents vomériennes est incom- plètement entouré par un très léger bourrelet qui, comme celui des dents palatines, porte quelques papilles coniques pourvues de bou- tons nerveux {sv). G. Boutons nerveux annexés aux dents implantées sur l'os inter maxillaire. Le corps de l'intermaxillaire est tordu sur lui-même de 90 de- grés, de sorte que sa face antérieure a une partie interne verticale large et triangulaire, et une partie externe horizontale étroite et oblongue. Les dents que porte cet os sont disposées en deux rangées. La pre- mière occupe le bord de l'os, qui est supérieur dans sa moitié interne et antérieur dans sa moitié externe. Les dents de cette rangée sont divisées en deux groupes : l'un interne, composé de dents fortes, de dimensions irrégulières, occupe la moitié interne du bord supérieur de l'os (pi. XXIV, fig. 1, ds)\ l'autre, constitué par une rangée très régulière de petites dents, augmentant de grosseur de dedans en dehors, occupe la moitié externe du même bord, qui là est anté- rieur {ds). BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DE LA BAUDROIE. G83 La seconde rangée de dents de l'intermaxillaire est implantée sur le bord inférieur de cet os, depuis la symphyse jusqu'au point oii l'os se tord en arrière et en haut. Cette rangée est constituée en dedans par de très fortes dents dont quelques-unes sont relativement énormes {di), et en dehors par des dents beaucoup plus petites rau'- gées régulièrement en série {di'). Voyons maintenant comment sont disposées les séries de papilles à boutons nerveux, satellites des rangées de dents que je viens de décrire. Au-dessus de la rangée de dents supérieure se troave un bourre- let cutané peu saillant portant un grand nombre d'appendices folia- cés. Ce bourrelet, qui s'abaisse insensiblement de dehors en dedans, est complètement effacé au niveau de la symphyse; mais du côté externe il contourne la rangée de dents supérieure, passe au-dessous d'elle et, comme le premier, s'abaisse et disparaît avant d'arriver à la symphyse (bc). Il est parsemé de lambeaux cutanés beaucoup plus petits que ceux qu'on trouve sur le précédent. Ces deux bourrelets cutanés portent des papilles à boutons ner- veux, disposées en deux séries parallèles, la première sur le bour- relet supérieur, la seconde sur le bourrelet inférieur (ss, sw). Au niveau de la symphyse des deux inlermaxillaires se trouve une protubérance assez saillante, soutenue par une masse de tissu aréole semblable à celui dont il a été parlé plus haut. Cette protu- bérance porte, en outre de quelques lambeaux foliacés, un groupe de papilles à boutons nerveux (a??«). En arrière et en dessous de la rangée inférieure de dents de l'in- termaxillaire {d/, di') se trouve une saillie cutanée en forme de crête qui commence ù quelque distance de l'extrémité externe de cet os, passe au-dessous des petites dents di', puis remonte vers le haut jusqu'au niveau de la symphyse et se continue de l'autre côté de l'animal en décrivant le même trajet (pi. XXIV, fig. 1 et 2, ce). Cette crête, qui dans son ensemble rappelle la courbe à laquelle on a donné le nom d'accolade, porte sur sa face antérieure une suite inin- G84 FRÉDÉRIC GUITEL. terrompue de papilles à boutons nerveux qui forment la série inter- maxillaire inférieure {si). En résumé, trois séries de papilles à boutons nerveux sont an- nexées aux deux rangées de dents de l'intermaxillaire : La première {ss, fig. i) ou série intermaxillaire supérieure est située au-dessus de la rangée de dents supérieure. La seconde (sm) ou série moyenne se trouve au-dessous de cette même rangée. Le troisième ou série inférieure {si) occupe la crête qu'on observe en dessous et en arrière de la rangée inférieure de dents [di, di'). Enfm, au niveau de la symphyse, au-dessus de la série inférieure et entre les extrémités internes des deux séries supérieure et moyenne se trouve un mamelon cutané (a^n) couvert de papilles à boutons nerveux. H. Boutons nerveux indépendants des rangées de dents. Dans tous les individus que j'ai examinés, j'ai trouvé des papilles nerveuses sur la peau qui recouvre la face de chaque arc branchial tournée vers la cavité pharyngienne. D'autres papilles de même nature se trouvent dispersées sur la peau du plancher buccal en avant et en arrière des pharyngiens inférieurs. Enfin, on en observe sur la peau du plafond de la cavité bran- chiale en avant et en arrière des pharyngiens supérieurs. IL INNERVATION DES PAPILLES A BOUTONS NERVEUX. A. Innervation des papilles de la mâchoire inférieure. Dans mon travail sur /a Ligne latérale de la Baudroie, j'ai montré* que la mâchoire inférieure est innervée par un plexus compliqué que forment la branche maxillaire inférieure du trijumeau (pi. VIII, » Page ICO du présent volume des Archives de zoologie expérimentale. BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DE LA BAUDROIE. 68o fîg. 7, mxi) et le nerf mandibulaire du facial [nmPj ; il est donc cer- tain que les deux séries de papilles à boutons nerveux qui, à la mâ- choire inférieure, occupent la lèvre externe (pi. XXIV, fîg. 4 se, se') et le voile en croissant (si, si') sont tributaires du plexus en question. C'est pourquoi je n'ai pas disséqué spécialement les branches ner- veuses qui se rendent aux papilles des deux séries de la mâchoire inférieure. B. Innervation des papilles des pharyngiens inférieurs et supérieurs. Les séries de papilles des pharyngiens inférieurs et supérieurs sont toutes sous la dépendance du pneumogastrique. Quand on a éliminé les rameaux de ce nerf qui se rendent à la ligne latérale, au diaphragme et au tube digestif, il reste encore un ensemble consi- dérable de gros rameaux destinés aux parois de la cavité branchiale, aux branchies, aux pharyngiens et à leur appareil musculaire com- pliqué. Ces rameaux prennent tous naissance sur le ganglion du pneumogastrique et comprennent: r Un faisceau dont les branches se rendent à la paroi de la cavité pharyngo-branchiale, à ses muscles et au quatrième arc branchial ; 2° Un nerf destiné au troisième arc branchial ; 3" Un nerf destiné au deuxième arc branchial. 1° A côté de la grosse branche qui innerve le tube digestif nais- sent, sur le ganglion du pneumogastrique, plusieurs rameaux volu- mineux qu'on peut diviser en deux groupes fournissant des nerfs, le premier à la face inférieure de l'appareil branchial, le second à la face supérieure. Le premier groupe contient un grand nombre de rameaux qui se rendent, soit aux muscles de l'appareil pharyngien, soit à la paroi de la cavité pharyngienne ; mais, en outre, il renferme un nerf dont la présence est constante et qui a pour nous une importance consi- dérable. Ce nerf, qu'on peut appeler nerf pharyngien inférieur, se bifurque très près de son origine sur le ganglion du pneumogastrique ; l'une 686 FRÉDÉRIC GUITEL. de ses branches va rejoindre la face inférieure de la moitié infé- rieure du quatrième arc qu'elle suit dans toute sa longueur sans se subdiviser (on sait que le quatrième arc est dépourvu de lamelles branchiales). Arrivée au point où la moitié inférieure du quatrième arc s'incurve en dedans, elle la quitte et court à la surface de la membrane qui relie le bord externe du pharyngien au bord interne de l'os du quatrième arc. Là elle se divise en nombreux filets. L'un d'eux longe, d'arrière en avant, la partie antérieure du bord externe du pharyngien, et un autre, d'avant en arrière, la partie postérieure du même os ; ces deux filets sont ceux qui innervent les papilles cutanées situées sur le bord externe du pharyngien inférieur. La seconde branche du nerf pharyngien inférieur marche à la face inférieure de la cavité pharyngienne, en dedans de la première; pendant son trajet elle émet de nombreux filets qui se rendent à certains muscles de l'appareil de la déglutition et arrive très atté- nuée sur le bord interne du pharyngien inférieur. Là elle envoie un grand nombre de ramuscules à la membrane qui réunit les deux pharyngiens; quelques-uns d'entre eux sont destinés aux papilles cutanées du bord interne du pharyngien inférieur. Le second groupe est constitué par des nerfs qui se rendent surtout au plafond de la cavité pharyngienne entre les arcs branchiaux. L'un des rameaux terminaux de ces nerfs passe entre le troisième pharyn- gien supérieur et la tête osseuse commune aux moitiés supérieures des troisième et quatrième arcs ; ses branches, très nombreuses, rampent à la surface du premier de ces os, contournent son bord antéro-externe et vont aboutir aux papilles cutanées qui constituent la rangée située entre le deuxième et le troisième pharyngien (pi. XXIV, fig. 6, fj,). En résumé, parmi les nombreux nerfs qui prennent naissance sur le ganglion du pneumogastrique, il en est un qu'on peut appeler nerf pharyngien inférieur. Il se divise en deux branches : la première, qui est l'homologue du nerf de la quatrième branchie absente dans la Baudroie, se rend aux papilles cutanées situées sur le bord externe BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHÂRYNGIENS DE LA BAUDROIE. 687 du pharyngien inférieur et la seconde va à celles qui se trouvent sur le bord interne du même os. Une autre branche du pneumogastrique est chargée de l'inner- vation de la série de papilles qui dépend du troisième pharyngien et par conséquent du quatrième arc. 2° Le nerf du troisième arc branchial prend naissance isolément sur le ganglion du pneumogastrique et se rend au troisième arc ; mais, avant d'y arriver, il donne un rameau antérieur qui longe d'abord la face supérieure de la moitié supérieure du troisième arc, puis pénètre dans le triangle que forment en avant la moitié supé- rieure du deuxième arc, en arrière celle du troisième et en dedans le second pharyngien. Ensuite il passe sous la partie antérieure de la moitié supérieure du deuxième arc, atteint le bord supérieur du deuxième pharyngien, s'épanouit sur sa face inférieure et enfin envoie des ramuscules aux papilles de la série (éj qui appartient au deuxième pharyngien supérieur et par suite au troisième arc. Cette série est située entre le deuxième et le troisième pharyngien supé- rieur. En résumé, le nerf du troisième arc branchial, avant de se rendre à la branchie que porte cet arc, émet un rameau spécialement des- tiné au deuxième pharyngien supérieur; ce rameau a sous sa dépen- dance les papilles cutanées situées entre les deuxième et troisième pharyngiens. 3° he nerf du deuxième arc branchial, comme celui du troisième, naît isolément sur le ganglion du pneumogastrique. Avant d'atteindre la moitié inférieure du deuxième arc il émet, comme le précédent, un nerf assez volumineux qui passe au-dessus de la moitié supé- rieure rudimentaire du premier arc et arrive sur le plafond de la cavité branchiale. Là, il se divise en plusieurs rameaux qui se dis- tribuent à la paroi de la cavité branchiale ; l'un d'eux atteint le bord supéro-antérieur du premier pharyngien et se divise en plusieurs ramuscules qui s'épanouissent sur la face antérieure de cet os et vont animer les papilles de la rangée située en avant de lui (6 J. 688 FRÉDÉRIC GUITEL. En un mot, le nerf de la deuxième branchie émet, avant de se rendre à cette branchie, un rameau qui a sous sa dépendance les papilles situées en avant du premier pharyngien supérieur. C. Innervation des papilles du palatin, du vomer et de Vintermaxillaire. Les séries de papilles à boutons nerveux annexées aux dents pala- tines, vomérines et intermaxillaires sont sous la dépendance de la branche palatine du trijumeau et de deux rameaux de la branche maxillaire supérieure du même nerf. Pour bien faire comprendre les rapports de ces deux organes avec les diverses régions auxquelles ils se rendent, il est nécessaire que je consacre quelques lignes à la description de la région maxillo-palatine. Immédiatement en avant du crâne proprement dit se trouve une masse osseuse étendue transversalement, constituée de chaque côté par trois pièces horizontales allongées ; ce sont d'arrière en avant : 1° le palatin^ qui en dedans s'articule avec le frontal antérieur et le maxillaire supérieur (pi. VI-VII, fig. \ , et pi. VIII, fig. 7, pi) * et en dehors avec le transverse (pi. VIII, fig. 7) ; 2° le maxillaire supé- rieur (pi. VI-VII, fig. J, oms, et pi. XXIV, fig. 2, ms), articulé avec le palatin et l'intermaxillaire ; 3° Vintermaxillaire (pi. XXIV, fig. 2 et 3, im), articulé avec le maxillaire supérieur. L'intermaxillaire est protractile. Dans son mouvement de protrac- tion, cet os s'éloigne notablement du maxillaire supérieur, qui tourne simplement de 90 degrés sur son axe, et du palatin, qui reste abso- lument étranger à ces mouvements. Quand l'intermaxillaire est rétracté et appliqué contre le maxil- laire supérieur et le palatin, l'intervalle qui existe entre le premier de ces os et les deux autres est très réduit (pi. XXIV, fig. I, s) ; au contraire, lorsqu'il est projeté en avant, cet intervalle devientconsi- dérable (fig. 2, s, s). 1,' ' Mémoire sur la ligne latérale de la Baudroie, dans le présent volume des Ar- chives. BOUTONS NEKVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DE LA BAUDROIE. 689 La peau de la face supérieure de la tête s'étend ;\ la surface du maxillaire supérieur, descend dans le sillon qui le sépare de l'inter- maxillaire^ passe sur cet os dont elle tapisse la face antérieure et vient former la crête sur laquelle sont situées les papilles de la série intermaxillaire inférieure (fig. 1, ce). D'autre part, la muqueuse du plafond buccal, après avoir recouvert la face inférieure du palatin, tapisse sa face antérieure en s'insinuant dans le sillon qui le sépare de l'intermaxillaire, et, ayant doublé la peau que nous avons vue pé- nétrer dans ce sillon du côté dorsal, elle se réfléchit sur la face pos- térieure de l'intermaxillaire, de manière à aller rejoindre la crête ce dont il a été question plus haut. De cette disposition il résulte que, quand l'intermaxillaire est pro- tracté, le grand intervalle qui le sépare du palatin et du maxillaire supérieur est divisé en deux parties par une cloison cutanée horizon- tale à double paroi. La partie supérieure, limitée en avant par l'in- termaxillaire et en arrière par le maxillaire supérieur, a pour plan- cher la peau de la face supérieure de la tête ; l'inférieure, limitée en avant par l'intermaxillaire et en arrière par le palatin, a pour plafond la muqueuse buccale. J'arrive maintenant à la description des trois nerfs qui se parta- gent l'innervation des séries de papilles cutanées, satellites des dents palatines, vomériennes et intermaxillaires. Ces nerfs sont: 1° La branche/ja/a/î'ne du trijumeau, déjà représentée planche VIII, figure 7, np, de mon travail sur la Ligne latérale de la Baudroie ; 2° La branche du maxillaire supérieur du trijumeau que j'ai notée (2) dans le même travail et qui est représentée planches VI, VII et VIII, figures 1 et 7 (2). J'appellerai cette branche : nerfinle^^- jnaxillawe externe; 3° La branche du maxillaire supérieur du trijumeau, que j'ai notée (6) et qui est représentée planche VI-VII, figure \ (6). Je l'appellerai : nerf inter maxillaire interne. Le nerf palatin, après avoir cheminé à la face supérieure de AHCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 'i.'^ SÉRIE. — T. IX. 189). 44 69U FKÈDfiRIC GUITEL. Tabaisseurde l'arcade palatine, parallèlement au nerf olfactif, appa- raît sur le bord antérieur de ce muscle et s'engage alors entre la muqueuse du plafond buccal et la face inférieure du frontal anté- rieur (pi. XXIV, f]g. 2, np). Pendant celte dernière partie de son trajet il émet plusieurs rameaux importants. Deux de ces rameaux se por- tent en dehors {fp, ///) et vont innerver la série de papilles cutanées située en arrière de la rangée de dents palatines (fig, l,s/>);uii autre {fv) se dirige en dedans et en avant pour se rendre aux papilles qui entourent le petit groupe de dents vomérines (fig. 1, dv). Après l'émission de ces différents rameaux, le nerf palatin passe dans une gouttière située au niveau de l'articulation de l'os palatin avec le frontal antérieur, puis il s'insinue entre les deux feuillets de la cloison cutanée qui sépare les deux grands sillons intermaxillaires dont il a été question plus haut (fig. 2, s, s). Avant d'aller plus loin, il nous faut parler du nerf intermaxillaire externe *. Il prend naissance sur le maxillaire supérieur au point où celui-ci quitte le bord interne du releveur des mâchoires pour se diriger vers le frontal antérieur et il continue à suivre le bord de ce muscle (pi. Vl-VII et VIll, fig. i et 7 [2]). Arrivé au niveau de l'os palatin, il omet, sur son bord externe, un gros rameau qui va s'épanouir sur la peau qui recouvre l'extrémité externe du maxillaire supérieur. Ensuite le nerf qui nous occupe passe entre l'os palatin en dessous et le maxillaire supérieur en dessus et s'insinue à son tour entre les deux feuillets de la cloison cutanée séparant les deux sillons intermaxillaires (pi. XXIV, fig. 2, nie). Maintenant que les deux nerfs palatin et inter maxillaire externe sont arrivés dans la cloison cutanée des sillons inlermaxillaires, voyons comment ils se comportent. ' Il est à peine besoin de dire que le mode de ramificalion des nerfs et la façon donL leurs brandies s'anastomosent, ne sont pas rigoureusement constants; j'ai décrit ici l'animal qui m'a servi à dessiner ma planctie sans insister sur les variantes qu'on pourrait rencontrer en faisant un nombre considérable de dissections des nu'mt's parties. BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DI- LA BAUDROIE. 691 Le palatin, au niveau du bord antérieur de l'os palatin, donne naissance à un filet qui se rend à la partie interne de la série inter- maxillaire inférieure des papilles à boutons nerveux (fig. 2, fii). A quelque distance de là, il se bifurque ; l'une de ses branches {ba) va s'anastomoser avec l'intermaxillaire externe et se bifurque de nou- veau en atteignant ce nerf; l'autre, plus antérieure et parallèle à la première [fim), s'anastomose avec un ramuscule de l'intermaxillaire externe. Le nerf mixte qui en résulte se rend aux papilles de la série intermaxillaire moyenne et à celles de la partie externe de la série inférieure (pi, XXIV, fig. 2). L'intermaxillaire externe (fig. 2, nié], après avoir dépassé l'os palatin et s'être insinué dans la cloison cutanée à deux feuillets, envoie un rameau anastomotique au palatin et en reçoit un autre de lui comme je viens de le dire. Ensuite il émet un filet qui s'anas- tomose avec le rameau terminal du palatin; nous avons vu qu'il se distribue aux papilles les plus externes de la série inférieure et à celles de la série moyenne. Enfin, il se divise en plusieurs rameaux volumineux qui rampent sous la peau de la face supérieure de l'os intermaxillaire et y forment avec des rameaux du nerf intermaxil- laire interne un plexus qui innerve les papilles de la série supé- rieure (fig. 3, fis\ fis). J'arrive maintenant à la description du nerf intermaxillaire in- terne. A partir du point oii il prend naissance sur la branche maxillaire supérieure, ce nerf (pi. XXIV, fig. 3 nii) se porte de dehors en dedans, passe au-dessus du frontal antérieur (fig. 3, fa) et arrive au-dessus de l'apophyse montante de l'intermaxillaire {am). Là il se divise en rameaux qui, en divergeant, atteignent le bord antérieur de l'inter- » Cette anastomose qui se bifurque en atteignant l'intermaxillaire supérieur est en réalité un échange de fibres entre les deux nerfs, c'est-à-dire une double anas- tomose. Les filets anastomotiques des deux nerfs suivant le même trajet sur la plus grande partie de leur longueur, l'anastomose paraît simple. Sur d'autres individus, le trajet commun était plus court et même le rameau mixte était bifurqué, et du côté de l'intermaxillaire et du côté du palalin. 692 FRKDÉKIG GUITEL. maxillaire {im),o\i ils se rendent aux papilles de la partie interne {fis) de la série intermaxillaire supérieure en s'anastomosaut avec les derniers filets du nerf intermaxillaire externe. Les ramifications de l'intermaxillaire interne, les plus rapprochées de la symphyse, se rendent aux papilles du mamelon qui repose sur cette symphyse (fîg. i , am). Le trajet de l'intermaxillaire interne que je viens de décrire cor- respond à l'état de non-protraction de l'os intermaxillaire {nn). Lorsque celui-ci est projeté en avant, le nerfsetrouve complètement rectifié [nii'). Les côtés droit et gauche de la figure 3 montrent le trajet du nerf dans les deux positions de rétraction et de protraction de l'os inter- maxillaire. RÉSUMÉ. 1° Les boutons nerveux bucco-pharyngiens que j'ai étudiés chez la Baudroie sont groupés au sommet de petites papilles cutanées coniques plus ou moins saillantes, disposées en séries plus ou moins régulières dans le voisinage immédiat des rangées de dents. 2." La structure histologique des boutons nerveux ne présente pas de différence avec ce qu'elle est d'ordinaire chez les organes qu'on a décrit sous les noms de : Becherfôrmige organe^ corps ovoides, endknospen. Les chromatophores blanc brillant qu'on trouve dans la couche supérieure du derme, sont particulièrement abondants dans les par- ties sous-jacentes aux boutons nerveux. 3° Une double série de papilles accompagne la rangée de dents que portent les deux os dentaires. L'une d'elles est située sur la crête du gros bourrelet qui borde cette rangée en dehors; l'autre, sur le grand voile en croissant situé dans sa concavité. La densité de ces deux séries va en décroissant de la commissure vers la symphyse des lèvres. Elles sont innervées par le plexus que forment à la mâchoire infé- BOUTONS NERVEUX BUGCO-FHARYNGIENS DE LA BAUDROIE. 693 rieure le maxillaire inférieur du trijumeau et le mandibulaire du facial. 4° La rangée de dents de chaque pharyngien inférieur est entourée par un repli cutané sur lequel se trouvent disséminées des papilles à boutons nerveux formant une série régulière. Ces papilles sont tributaires du pneumogastrique. 5° Les pharyngiens supérieurs qui appartiennent respectivement aux deuxième, troisième et quatrième arcs branchiaux, portent chacun un petit groupe de dents. En avant de chacun de ces trois groupes de dents se trouve un bourrelet cutané porteur d'une série de papilles à boutons nerveux. Les trois séries de papilles des pha- ryngiens supérieurs sont tributaires des nerfs destinés aux trois arcs dont elles dépendent; c'est-à-dire des nerfs des second, troi- sième et quatrième arcs branchiaux. 6° Le palatin porte, en arrière de sa rangée de dents, une série de papilles. Une série semblable mais beaucoup plus courte, se trouve en arrière du petit groupe de dents du vomer. Ces deux séries reçoi- vent leurs nerfs de la branche palatine du trijumeau. 7° Chaque os intermaxillaire est muni de deux rangées de dents. Une série de papilles à boutons nerveux disposée sur un bourrelet cutané peu saillant court au-dessus de la rangée de dents supé- rieure ; une seconde série est située au-dessous ; enfin, une troisième se trouve au-dessous de la rangée inférieure, et de plus, un ma- melon couvert de papilles est placé exactement sur la symphyse des deux intermaxillaires. Toutes ces papilles sont sous la dépendance des branches pala- tine et maxillaire supérieure du trijumeau (intermaxillaires interne et externe. 694 FRÉDÉRIC GUITEL. EXPLICATION DE L\ PLANCHE XXIV. Les figures 1 à 6 représeatent de grandeur naturelle des organes appartenant h un môme Lophius, long de 52 centimètres. Les lettres sont rangées par ordre alphabétique. FiG. ' . Partie antérieure droite du plafond de la cavité buccale du Lophius pisca- torius, pour montrer les séries intermaxillaires, palatine et vomérienne de papilles cutanées à boutons nerveux. am, amas médian de papilles cutanées occupant le sommet d'une saillie arrondie située sur la symphyse des deux intermaxillaires, immédiate- ment en avant des deux petites épines que portent ces os; 6c, bourrelet cutané sur lequel sont situés les mamelons de la série intermaxillaire supérieure; il contourne en dehors la rangée supérieure de dents inter- maxillaires et passe au-dessous de cette rangée, où il ne tarde pas à disparaître; ce, crête cutanée située en arrière de la rangée inférieure de dents de l'inlermaxillaire (sur sa face antérieure se trouvent les pa- pilles de la série si) ; di, grosses dents de la rangée intermaxillaire infé- rieure; di', petites dents de la rangée intermaxillaire inférieure; dp, dents inaérées sur l'os palatin ; ds, grosses dents de la rangée intermaxillaire supérieure; ds', petites dents de la rangée intermaxillaire supérieure; dr, dents implantées sur le vomer; s, sillon profond limité en avant par rintermaxillaire et en arrière par le palatin; si, série intermaxillaire inférieure de papilles cutanées à boulons nerveux; sm, série inter- maxillaire moyenne de papilles cutanées à boutons nerveux; sp, série palatine de papilles cutanées à boutons nerveux; ss, série intcrmaxil- laire supérieure de papilles cutanées à boutons nerveux; sv, série vo- mérienne de papilles cutanées à boutons nerveux. 2. Même région que celle représentée figure 1. Après avoir projeté en avant les deux intermaxillaires, de façon à élargir considérablement le sillon s, on a enlevé la plus grande partie de la peau recouvrant cette face de la préparation pour mettre les nerfs à nu; de plus, on a relevé la crête cutanée (ce) située en arrière de la rangée inférieure de dents inter- maxillaires et, après une incision pratiquée entre les deux rangées de dénis intermaxillaires, ou a rabattu en haut la peau de celte région pour laisser voir les filets nerveux qui se partagent l'innervation de la série moyenne de boutons nerveux intermaxillaires. am, apophyse montante de l'os intermaxillaire; a'pi, muscle abaisseur de l'arcade palato-tympanique; ha, branche nerveuse anastomotique s'éten- dant entre le nerf palatin (np) et le nerf intermaxillaire externe [nie]; ce, crête cutanée formant le bord antérieur du grand sillon maxillo-pa- latin (s,fig. 1) et située immédiatementen arrière de la rangée inférieure de dents intermaxillaires {di, di', fig. I). Elle a été relevée pour laisser voir les nerfs destinés aux boutons nerveux de la série intermaxillaire et BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DE LA BAUDROIE. 69o coupée en un point pour découvrir le nerf (^m); fa, frontal antérieur; fii, filet nerveux issu du nerf palatin cl. se rendant aux boutons nerveux de la partie interne de la série intermaxillaire inférieure; fi,m, dernier fllet du nerf palatin qui, après avoir reçu une anastomose du nerf inter- maxillaire externe (nie), envoie un ramuscule aux boutons nerveux externes delà série intermaxillaire inférieure, puis se distribue à latota- lité des boutons de la série intermaxillaire moyenne; /p, fp', fdets du nerf palatin se rendant aux boutons nerveux palatins; \v, filet du nerf palatin se rendant à la série vomérienne de boutons nerveux; im, os intermaxillaire; ms, os maxillaire supérieur; nie, nerf intermaxillaire externe (branche du nerf maxillaire supérieur qui est lui-même un rameau important du trijumeau); np, nerf palatin; p, lambeau de peau sur lequel se trouve la série iulermaxillaire moyenne de boutons ner- veux (il a été relevé après incision pour laisser voir les filets nerveux qui se rendent aux boutons de cette série); s, s, plafond du sillon com- pris entre l'intermaxillaire et le palatin, complètement tendu et con- stitué seulement dans cette préparation par le feuillet dorsal de la peau (le feuillet ventral ou palatin a été enlevé pour laisser voir les nerfs qui parcourent cette région et qui cheminent entre les deux feuillets cuta- nés) ; tr, pointe interne de l'os transverse; v, vomer. FiG. 3. Région intermaxillaire du Lophius piscatorius vue en dessus. A droite et à gauche la peau a été enlevée. Du côté droit, on a supposé l'intermaxil- laire rétracté sur le palalin et le maxillaire supérieur; du côté gauche, on Ta au contraire supposé protracté ; c'est-à-dire éloigné du palatin et du maxillaire supérieur du même côté. Pour cette raison, le maxillaire supérieur et le palatin, et à plus forte raison le frontal principal n'ont pas été représentes de ce côté, taudis qu'à droite on voit une petite partie de chacun de ces trois os {ms; epa, epp; fa), am, apophyse montante de l'os intermaxillaire; ams, apophyse montante du maxillaire supérieur; ba, branche nerveuse anastomotique «'étendant entre le nerf palatin et le nerf intermaxillaire externe; ep, épine de l'in- termaxillaire; epa, épine antérieure du palatin; epp, épine postérieure du palalin; fa, frontal antérieur; fi.i, filet nerveux issu du nerf palatin et se rendant aux boutons nerveux de la partie interne de la série inter- maxillaire inférieure; fim, dernier filet du nerf palatin qui, après avoir reçu une anastomose du nerf iulermaxillaire externe {nie), envoie un ramuscule aux boutons nerveux externes de la série intermaxillaire inférieure, puis passe sous l'os intermaxillaire et se distribue à la totalité des boutons de la série intermaxillaire moyenne; fis, ramuscules du nerf intermaxillaire interne se rendant aux boutons nerveux de la moitié interne de la série intermaxillaire supérieure ; fis', ramuscules du nerf intermaxillaire externe se rendant aux boutons nerveux de la moitié externe de l'intermaxillaire supérieur; im, os intermaxillaire; im', apophyse de l'os intermaxillaire qui est reliée à l'apophyse montante de cet os par une saillie de consistance cartilagineuse qui a été conservée du côté droit; Imf, ligament réunissant le maxillaire supérieur à l'ex- 696 FRÉDÉRIC GUITEL. trémité nntérieuro du frontal principal; ms, os maxillaire supérieur; nie, nerf intermaxillaire externe (branche du maxillaire supérieur); nii, nerf intermaxillaire interne; la courbe que décrit ce nerf au-dessus du frontal antérieur, du ligament {Imf) et de la partie {se), disparaît lorsqu'à lieu la protraction des intermaxillaires; nii, nerf intermaxil- laire interne (l'intermaxillaire étant supposé en état de protraction, ce nerf a été représenté étendu, c'est-ti-dire sans la courbe qu'il décrit du côté droit); p, lambeau de peau qui recouvrait les organes situés der- rière lui (il a été coupé presque au ras du bord antérieur de Tinter- maxillaire et est supposé rabattu en avant); s, plancher du sillon com- pris entre l'intermaxillaire et le maxillaire supérieur (il est complète- tement tendu et constitué seulement dans la préparation qui a servi à faire ce dessin par la peau du plafond buccal; la moitié supérieure du plafond, constituée par la peau de la face supérieure de la tête, a été enlevée pour laisser voir les nerfs qui parcourent cette région et qui cheminent entre les deux feuillets cutanés); se, saillie de nature cartila- gineuse qui comble l'intervalle exislant entre l'apophyse montante de l'inlermaxillaire et l'apophyse notée {im') du côté gauche. FiG. 4. Moitié gauche vue en dessus de la mâchoire inférieure de Lophius pisca- torius. ap, appendices cutanés situés sur la face supérieure de la mâchoire infé- rieure; d, diverticule externe de la série externe [se] de boutons ner- veux; d^ dents de la mâchoire inférieure; oa, os articulaire; se, série externe de boutons nerveux dans sa partie la plus postérieure près de la commissure des lèvres; se', série externe de boulons nerveux dans sa partie la plus antérieure, près de la symphyse; si, série interne d'amas de boutons nerveux dans sa partie la plus postérieure, près de la com- missure des lèvres; si', série interne d'amas de boutons nerveux dans sa partie la plus antérieure, près de la symphyse des os dentaires; ta, masse ovoïde de tissu aréolaire fixée à l'extrémité postérieure de l'os dentaire ; v, voile labial en forme de croissant situé dans le grand arc que forment les os dentaires. 5. Dents du pharyngien inférieur droit du Lophius piscatorius avec les pa- pilles à boutons nerveux qui leur sont annexées. b, bourrelet cutané bordant en dehors la rangée de dents du pharyngien et parsemé de nombreuses papilles à boutons nerveux ; de, dents situées sur le bord externe du pharyngien inférieur; di, dents situées sur le bord interne du même os. 6. Dents des pharyngiens supérieurs gauches du Lophius piscatorius avec les trois rangées de papilles cutanées qui leur sont annexées. dpi, dents du pharyngien supérieur antérieur; dp^, dents du pharyngien supérieur moyen; dp^, dents du pharyngien supérieur postérieur; dv, dents en velours du pharyngien supérieur postérieur; fcj, l^, 63, bourre- lets cutanés situés respectivement en avant du premier, du second et du troisième pharyngien et surmontés chacun d'une rangée de papilles cuta- nées ?i boutons iierveiKx. BOUTONS NERVEUX BUCCO-PHARYNGIENS DE LA BAUDROIE. 697 FiG. 7. Coupe au centième de millimètre passant par l'axe d'une papille qui porte à son sommet une couronne de boutons nerveux. bn, l'un des boutons nerveux qui forment une couronne au sommet de la papille; d, derme; em, partie de l'épiderme composée presque unique- ment de grosses cellules muqueuses; ep, partie profonde de l'épiderme reposant sur le derme et donnant naissance à la couche muqueuse située au-dessus d'elle ; im, îlot d'épiderme situé à l'intérieur de la cou- ronne de boutons nerveux; n, filets nerveux se rendant aux boutons terminaux ; th, tissu hypodermique. Gross. 84 d. 8. Coupe au centième de millimètre, passant par l'axe d'une papille qui porte h son sommet un petit groupe de boutons nerveux. bn, boutons nerveux ; d, derme; em, couche muqueuse de l'épiderme; fp, couche prolonile de l'épiderme; n, filels nerveux se rendant aux bou- tons terminaux. Gross. 170 d, 9. Coupe au centième de millimètre pratiquée dans un amas de boutons nerveux pris sur le voile labial, en croissant, de la mâchoire inférieure. La papille qui porte cet amas est extrêmement peu élevée au dessus du niveau général du voile labial de la mâchoire inférieure. bn, boutons nerveux; d, derme; em, couche muqueuse de l'épiderme; ep, couche profonde de l'épiderme; n, filets nerveux se rendant aux boutons terminaux; th, tissu hypodermique. Gross. 170 d. SUR L'ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMENIENS DES COTES DE FRANCE G. PRUVOT Maître de conférences à la Faculté des sciences de Paris, i. AVANT-PROPOS. Les Néoméniens tiennent une place importante dans les préoccu- pations des zoologistes modernes que tourmente de plus en plus le problème de l'origine et de la parenté des formes animales. Mol- lusques à figure de Vers, participant aux caractères des deux em- branchements, ils sont au premier rang de ces formes de transition dont l'étude a toujours été particulièrement attrayante et instructive en raison même des affinités parfois inattendues qu'elle révèle. Toutefois, leur histoire est loin de nous être encore parfaitement connue. La cause en est, avant tout, à leur extrême rareté : la remar- quable étude d'Hubrecht sur la Proneomenia Sluiteri a été faite sur deux exemplaires seulement; le genre Lepidomenia n'est jusqu'ici représenté que par un seul individu, encore éloigné même de la maturité sexuelle s les diverses espèces de Proneomenia décrites par MM. Kowalewsky et Marion n'ont pu leur fournir que de rares spé- cimens, malgré une recherche acharnée, obstinément poursuivie pendant plus de dix ans; les autres types connus de Neomenia cari- 700 G. PRUVOT. nata, le premier de tous, au dernier venu, Dondersia fesUva, ne sont pas plus communs. Eh bien, on peut dire que ces rares animaux abondent presque à deux pas de Banyuls, dans les eaux du laboratoire Arago. Depuis que M. de Lacaze-Duthiers, avec sa profonde connaissance du lit- toral français et, pourrais-je dire, son flair merveilleux du monde marin, a fixé son attention sur ce point de la côte catalane, depuis que, par son ardeur et sa persévérance jamais lassées, il a fait ger- mer, grandir et prospérer sur ce petit promontoire de Fontaulé, perdu tout au bout de la France, un laboratoire connu maintenant, visité et envié des savants du monde entier, l'heureux choix de la station s'est affirmé chaque jour; chaque campagne nous a amené quelque surprise nouvelle, et ce n'est pas la moindre que la mise au jour de ces types si singuliers de Solénogastres, nouveaux pour la plupart. 11 n'est pas sans difficulté de prendre, à l'heure actuelle, une con- naissance générale, même sommaire, de l'organisation des Soléno- gastres. Leur petite taille, leur opacité, la présence d'un parenchyme somatique qui unit et solidarise tous les organes, ne laissent guère, pour l'investigation, d'autre méthode à suivre que celle de coupes en séries qui se conservent indéfiniment et permettent de revoir les faits aussi souvent qu'il est nécessaire. Pour cette raison, et par la louable préoccupation de ne pas faire dire aux descriptions plus que l'auteur n'a vu réellement, les mémoires récents tendent à donner une place de plus en plus prépondérante à la description pure et simple des coupes, telles qu'elles se présentent dans leur ordre naturel de succession, avec l'entremêlement et le morcellement de tous les systèmes d'organes ; ils imposent au lecteur tout le travail pénible de la reconstitution. C'est ce travail que j'ai voulu effectuer en représentant, planches XXVI et XXVII, dans une position iden- tique pour faciliter les comparaisons, la disposition relative des organes aux extrémités céphalique et caudale des principales formes qu'il m'a été donné d'étudier. Je tiens à bien préciser que ces des- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 701 sins ne sont pas des schémas dessinés par à peu près, simple illus- tration d'une opinion personnelle ; établis par la superposition de coupes sériées, soigneusement relevées à la chambre claire, contrô- lés, toutes les fois que le nombre des échantillons l'a permis, par l'examen de coupes perpendiculaires aux premières, ils méritent la créance au même titre que les autres figures, exécutées d'après des préparations réelles, qui les accompagnent et les justifient. C'est également en vue d'atteindre à la plus grande clarté possible que le présent mémoire a été divisé, pour ce qui concerne l'organi- sation interne, en deux parties : la première ne comprend que la description rapide des différents systèmes d'organes ; la preuve des faits avancés, leur détail, les comparaisons avec les types déjà con- nus, les discussions, sont relégués dans la deuxième partie, qui s'adresse plus spécialement aux travailleurs désireux soit de re- prendre la question, soit d'établir des comparaisons avec le résultat de leurs propres observations. Les coupes ont été faites et colorées par les procédés habituels. Je me bornerai à faire observer que le meilleur agent fixateur m'a paru être le sublimé en solution concentrée à froid. La coloration en masse s'effectue fort bien en trois ou quatre heures par le car- min aluné ; c'est même le colorant qui révèle le mieux les fins détails histologiques; il ne donne jamais de surcoloration. La double colo- ration, après coupes, par l'hématoxyline en solution aqueuse et l'éo- sine fournit aussi de très belles préparations ; elle a même l'avantage de ne pas détruire, comme le carmin à l'alun, les spicules calcaires, et de colorer beaucoup mieux certains éléments, ceux des glandes muqueuses, par exemple ; mais celles-ci doivent être étudiées de pré- férence à l'aide du vert de méthyle, qui présente une élection remar- quable pour le mucus. Il suffit, après coloration par une des substances précédentes, de faire passer quelques instants les coupes dans une solution alcoo- lique très faible de vert de méthyle; celui-ci respecte absolument tous les tissus, à l'exception des éléments qui renferment du mucus 702 G. PRDVOT. et qu'il teint en vert vif, d'une façon plus ou moins intense, suivant la quantité qu'ils en contiennent. II. INDEX BIBLIOGRAPHIQCE. I. 1853. Ualyell, The Powers of the Creator displat/ed in the création, t. H, p. 88, pi. X, fig. 11. II. 1868. M. Sars, Forhandl. i Videnskabs Selsk., Christiania, p. 2o7. m. 1875. T. TuLLBERG, iYeo?nem"ff, a new genus of invertebrate animais [K. Svensku Vetens. Akad. Handl, Stockholm, t. 111, no 13, 12 p., 2 pi. — Extrait dans Archives de zoologie expérimentale, t. V [Notes et Revue, p. i-iv], 1876.) IV. 1877. J. KoREN og D. C. DAmEhSE^, Beskriv. over mje Arter henhoerende til Slaeg. Solenopus (Arch. f. Mathem. og Naturv., Christiania, p. l-H, sans planches. -^ Traduit dans Ann. and Mag. of nat. hist. [New species of Solenopus], 5'= série, t. 111, p. 321-328). V. 1877. L. Graff, Neomenia und Chuelodermn (Zeit. f. wiss. ZooL, t. XXVIII, p. oa7-o70, mit 2 Hohs.). VI. 1877. H.-V. Jhering, Vergleich. Anal. d. Nervenssy stems u. Phylog. d. Mollusken, Leipzig. Vn. 1877. E. R.\y-Lankester, Notes on embrgologg und classification (Quar- terlg Journ. of microsc. Se, t. XVII). VIII. 1878. H.-V. JnEKiNG, Bcmerk. ûb. Neomenia u. ûb. die Amphineuren im o.llgem. [Morphol. Jahrb., t. 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V, p. 61-64. — Reproduit dans Archives de zoologie expérimen- tales, t. X [Notes et Revue, p. xxxm-xxxvj). ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 703 XVI. 1882. A.-W. HuBRECHT, Note relative aux Etudes sur les Neomenia de MM. Koicalewsky et Marion {Zool. Anz.,t.\,ç. 84-86. — Reproduit dans Archives de zoologie expérimentale, t. X [Notes et Revue, p. xxxv-xxxvii]). XVII. 1882. A. -A.-W. HuBRECHT, A Contrib. to the morphol. of the Amphi- neura [Quart. Journ. of micr. Se., t. XXII, p. 212-228, with sev. woods. — Traduit dans Bulletin scientifique du département du Nord, 5"= année, p. 213-232). XVIII. 1882. B. Haller, Organis. d. Chit07ien der Adria [Arheit. Wien u. Triest, t. IV). XIX. 1886. A. KowALEWSKY et A. -F. Marion, Organis. du Lepidomenia hys- trix, nouveau type de Solénogastre [Comptes rendus, t. CIII, p. 757-759). XX. 1887. A.-F. Marion, Les Aplacophores ou Solénogastres [Manuel de con- chyliologie, de P. Fischer, p. 884-889, avec 14 figures dans le texte). XXI. 1888. A.-A.-W. HuBREGHT, Dondersia festiva, gen. et sp. nov. [Overgedr. uit den Donders Feeslbundel, 16p., 2 planches). XXII. 1888. G.-A. Eansen, Neomenia, Proneomenian7id Chaetoderma [Bergens Mus. Aarsberetn. f. 1888, t. VI, 12 p., 1 planche). XXIII. 1889. A.-O. KowALEWSKY et A.-F. Marion, Contributions à l'histoire des Solénogastres ou Aplacophores [Annales du Musée d'histoire naturelle de Marseille, t. III, 76 p., 7 planches). XXIV. 1890. G. Pruvot, Sur le prétendu appareil circulatoire et les organes génitaux des Néoméniées [Comptes rendus, t. CXI, p. 59-62). XXV. 1890. P. PELSE^iZER, Sur le pied de Chitonellus et des Aplacophores [Bul- letin scientifique de France et de Belgique, t. XXII, p. 489-495, avec 1 bois). XXVI. 1890. G. Prvxot, Sur quelques Néoméniées nouvelles de la Méditer7-anée [Archives de zoologie expérimentale, 2*= série, t. VIII [Notes et Revue, p. xxi-xxiv]). XXVII. 1890. G. Pruvot, Sur le développement d'un Solénogastre [Comptes rendus, t. CXI, p. 689-692). III. HISTORIQUE. La connaissance des Néoraéniens ne remonte, en réalité, qu'à une quinzaine d'années. Leurpremière rencontre date, il estvrai, de 1846, époque où Koren dragua, sur les côtes occidentales de Suède, l'es- pèce qui devait devenir ultérieurement la Neomenia carinata ; mais, occupé d'autres soins, il en ajourna l'étude. Le même tj^pe fut retrouvé ensuite par M. et G. Sars, Lôven, également sur les côtes de Norvège, par Dalyell peut-être en Ecosse, par Norman, aux îles 704 G. PRUVOT. Shetland. Mais aucun de ces observateurs ne lui consacra la moindre description. M. Sars se contente de la signaler en 1868 (II), au milieu d'une liste d'espèces variées provenant de ses dragages, sous le nom de Solenopus nitidulus, mais sans l'accompagner d'aucune diagnose. Dalyell avait déjà, quinze ans plus tôt, mentionné et figuré (I) un animal, Vermiculus crassus, qu'il faut peut-être rapporter aux Néo- méniens ; mais texte et figure sont trop insuffisants pour permettre d'asseoir un jugement définitif. Il faut arriver jusqu'en 1875, pour trouver la première étude de cette forme animale importante qui, depuis trente ans, avait sollicité en vain les regards de tant de naturalistes éminents. Elle est due à Tullberg (III) qui, en ayant recueilli un exemplaire sur la côte ouest de Suède et en ayant reçu de Luven cinq autres provenant de la même région, la baptisa du nom de Neomenia carinala et lui consacra un court mémoire de huit pages. Tullberg décrivit avec soin la forme extérieure, la structure du tégument, le tube digestif, reconnut les parties principales du système nerveux, c'est-à-dire le cerveau, le collier œsophagien et les quatre troncs longitudinaux qui en partent ; mais ses connaissances sur l'appareil génital restèrent incomplètes et même erronées. Il regarde la glande génitale seulement comme un ovaire et, n'ayant pu lui découvrir de conduit eïï'érent, il serait disposé à croire que les œufs peuvent passer, par rupture des parois, dans l'intestin et de là être évacués par Tanus ; toutefois, il signale la présence d'œufs mûrs dans une poche spéciale, « egg-bag » , située derrière le rectum. Pour lui, l'appareil mâle est entièrement séparé de l'appareil femelle : deux « latéral glands », qu'il considère comme des testicules, fusionneraient leurs conduits à la base d'un court pénis en forme de champignon renfermé dans le cloaque. Au niveau des testicules se trouve une paire d'organes en forme de cordons, « cordlfke organs » , rattachés au revêtement musculaire dorsal du corps; ils s'étendent jusqu'à l'orifice cloacal, et chacun contient deux baguettes calcaires, l'une cylindrique et enveloppée par la seconde qui est en forme de gouttière. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNŒNS. 705 Malgré l'imperfection de ces premiers résultats, l'attention était attirée, et désormais les recherches se succèdent rapidement. Koren et Danielsen (IV) donnent, en 1877, une note préliminaire annonçant à bref délai un mémoire plus étendu et accompagné de planches, mais qui n'a pas vu le jour jusqu'ici. Ils rangent les Néo- méniens dans la sous-classe des Gastéropodes Opislhobranches et créent pour eux l'ordre des Télobranches, attribuant ainsi aux bran- chies cloacales un caractère de généralité qui a été infirmé depuis par la découverte de genres abranches. Ils réclament, mais sans suc- cès auprès des auteurs qui les ont suivis, la priorité pour le nom de Sars, Solenopus nitidulus, et donnent une courte diagnose de six es- pèces nouvelles, trop sommaire malheureusement et basée sur des caractères trop variables pour permettre, surtout en l'absence de figures, de les déterminer avec précision. Leurs observations ana- tomiques n'ont porté que sur le type de TuUberg, Solenopus nitidu- lus =: Neomenia carinata, et le manque de ligures explicatives à leur mémoire jette une réelle obscurité sur leurs descriptions, surtout en ce qui concerne les organes génitaux. Ils ont bien reconnu que la glande génitale est hermaphrodite, mais ils lui décrivent un conduit excréteur unique qui bientôt se diviserait en oviducte et canal défé- rent. Le premier, après avoir reçu le conduit d'une glande de l'albu- mine, déboucherait à une petite papille située sur la ligne médiane dorsale, tout près du bord du cloaque ; ce qu'ils ont pris pour un orifice femelle n'est certainement que la petite cupule sensitive imperforée que présentent juste en ce point presque toutes les espèces de Néoméniens. Quant au canal déférent, il se bifurquerait à son tour, et ses branches s'ouvriraient au fond des « cord-like organs » de Tullberg qui seraient ainsi deux gaines péniales latérales renfermant chacune un pénis formé d'un stylet glissant dans une gouttière cornée. Enfin déboucherait encore au fond du cloaque, sur la ligne médiane, une courte vésicule séminale, qui correspond pro- bablement à l'organe copulateur « mmhroom-shaped m^gan h de Tull- berg, flanquée latéralement de deux glandes muqueuses lobées. AUUU. Uli ZOUL. EXl'. Eï Gli.\. — i^ SÉKIt;. — T. IX. 1891. 45 706 G. PRUVOT. Le revêtement spiculaire, le tube digestif, le système nerveux, concordent avec la description de Tullberg. Mais ils indiquent un système circulatoire complet composé d'un cœur dorsal d'où part en haut un vaisseau impair et qui reçoit en bas le sang de deux vaisseaux venant des branchies. Il ne serait pas impossible que ces deux vaisseaux fussent simplement les deux oviductes partant du péricarde dont les auteurs ne fout pas mention. Enfin, le système circulatoire est complété par un vaisseau ventral courant le long du pied, et déjà signalé par ïuUberg. La même année a paru le mémoire de L. Graff (V), dont la partie la plus importante concerne le système nerveux ; il constate que les quatre troncs longitudinaux partant du cerveau sont ganglionnaires dans toute leur étendue ; les deux troncs pédieux sont unis par de nombreuses commissures transversales sous-intestinales et chaque cordon viscéral est uni au cordon pédieux correspondant par une série de connectifs pareillement disposés. A leur extrémité caudale, les troncs pédieux se terminent en pointe libre, mais les deux troncs viscéraux sont unis par une commissure ganglionnaire très forte (ganglion branchial) qui pas"Çe en arrière du rectum. Enfin, l'auteur signale la présence d'un collier œsophagien étroit, indépendant des cordons précédents, qui doit, ce me semble, être regardé comme le système stomato-gastrique. Il déclare n'avoir rien à ajouter à la des- cription de Tullberg pour les organes génitaux. Jhering (VIII) consacre aussi un court mémoire à Neomenia cari- nala, mais travail de critique pure, sans observations personnelles. S'attachant surtout à repousser l'ordre des Télobranches établi par Koren et Danielsen et à justifier la réunion des Néoménies et des Ghitons dans sa classe des Amphineures, il admet sans conteste les faits qui les rapprochent, c'est-à-dire le système nerveux tel qu'il est décrit par GrafF et l'appareil circulatoire tel que l'admettent Koren et Danielsen ; mais il résiste à ceux qui créent entre les deux types des différences importantes; aussi met-il en doute l'herma- phrodisme de la Néoménie, ainsi que la signification des deux pénis ORGANISATION DE QUELQUES NÊOMÉNIENS. 707 latéraux. C'est pour la même raison qu'il suggère, sans preuves et comme pure hypothèse, du reste, que la glande de l'albumine pour- rait être un rein. Enfin, il confond l'organe copulateur, \\<.inve7'ted mushroom » de Tullberg, avec le cercle de branchies cloacales signa- lées par Koren et Danielsen. Pourtant, Tullberg est très suffisam- ment clair ; s'il n'a pas prononcé le mot de branchies^ il indique (p. 7) et figure (fig. 6 h.) que la dernière portion du rectum, c'est-à-dire le cloaque, est garnie d'un grand nombre de lamelles longitudinales, et l'organe copulateur pend au milieu d'elles comme le battant d'une cloche. Enfin, le dernier travail qui ail eu pour objet la Neomenia carinaLa est celui de Hansen (XXII), qui ne date que de 1888. Venant après des travaux remarquables sur des formes voisines, auteur lui-même d'une bonne étude monographique d'un autre type de Soléno- gastres, également rare, Chaelodei^ma nitidulum, l'auteur aurait dû, ce me semble, être frappé plus que tout autre de la confusion qui régnait encore au sujet des organes de la région inférieure du corps, appareils respiratoire, circulatoire et surtout génital, et s'appliquer à la faire disparaître par une discussion serrée et la comparaison de ses propres résultats avec ceux de ses devanciers. Malheureusement, le mémoire est loin d'avoir cette ampleur ; le texte, en ce qui coïi- cer UQ la. Neoînem'a carinata, n' e^i guère qu'une sommaire explication des figures, qui elles-mêmes n'ont pas toute la clarté et la précision désirables. Voici comme il faut, je crois, comprendre d'après lui les rapports des organes dans la région caudale : la cavité cloacale, occupée en son milieu parmi organe copulateur contenu dans une gaine, présente un cercle complet de branchies filiformes, creuses, dont les cavités communiquent avec deux vaisseaux ascendants qui s'ouvrent dans le cœur par un orifice commun. Le cœur est situé dans le péricarde où débouchent supérieurement les deux glandes génitales dont l'hermaphrodisme a été constaté à nouveau, et du péricarde part inlcrieurement une paire de conduits excréteurs qui contournent le rectum et se réunissent à la base de l'organe copula- 708 G. PRUVOT. leur; mais sur leur trajet ils émettent chacun d'abord un petit caecum que l'auteur a trouvé rempli de spermatozoïdes, puis un canal aboutissant ù une glande de l'albumine {eiweissdruse), et celle-ci débouche d'autre part dans la gaine du pénis latéral, reconnu déjà par tous les observateurs précédents'. On voit combien cette description est difficile à concilier avec celle donnée par Koren et Danielsen, plus encore avec celle des autres formes de Néoméniens qu'il reste à passer en revue, et com- bien il serait à désirer encore que le naturaliste assez favorisé pour rencontrer à nouveau la rare Neomenm carinata, s'empressât de nous en donner une étude complète et surtout comparative. La région supérieure du corps est plus facile à interpréter ; pour- tant, la paire de singuliers appendices latéraux pendant dans la cavité buccale, non signalés par TuUberg mais représentésparHansen, serait à revoir au point de vue des homologies ; une glande muqueuse, en rapport avec la fossette pédieuse, telle que je la ferai connaître identique chez tous les autres genres, serait aussi à rechercher. Il semble, en revanche, bien établi maintenant que Neomenia carinata est entièrement dépourvue de radula et de glandes salivaires. En 1872, Kowalewsky avait déjà rencontré sur la côte d'Algérie, à la Galle, toujours enroulé sur des Gorgones de différentes espèces, un animal qui excita son intérêt, mais qu'il ne songea à étudier et à faire connaître qu'en 1880, après avoir eu connaissance du travail de TuUberg. Sous cette influence, il le baptisa Neomenia gorgonophila et lui décrivit (XI, XIV) une organisation très semblable à celle de l'espèce des mers du Nord. Ainsi, Neome7iia go7'gonophila présenterait un large pharynx inerme, sur la face dorsale duquel reposeraient les ganglions sus-œsophagiens peu renflés et unis par une large coramis- 1 Les « late7-al glands », les testicules de TuUberg et de Graff ne seraient-ils pas cette paire de glandes de l'albumine que ne montre aucun autre genre de Néomé- niens, plutôt que les « népbridies » de Proneomenin, comme le veut Hubreclit (XII, p. 'i^), les homologies de celles-ci devant plus naturellement être trouvées dans le système des deux conduits excréteurs du [léricarde et leur portion terminale commune, l'organe copulaleur médian? ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 709 sure ; au fond du pharynx s'ouvrirait l'inteslin moyen rectiligne, comprimé par les renflements d'un ovaire dorsal, et qui débouche- rait d'autre part au dehors par un orifice cloacal où aboutirait égale- ment la portion terminale commune de deux tubes glandulaires, à lumière petite et à parois formées d'une épaisse couche de cellules pyriformes, tubes que le savant russe homologue avec les « latéral glands » de Tullberg. Il reprit peu après cette étude en collaboration avec M. Marion, qui avait découvert sur la côte de Marseille plusieurs échantillons de Néoméniens, et le premier résultai de leurs observations fut qu'il y avait eu erreur dans l'orientation de Neomenia gorgonophila : le prétendu ganglion cérébroïde n'était que la commissure sus-rectale, le cloaque devenait le vrai pharynx et réciproquement^ les tubes précloacaux une paire de glandes salivaires, et leur portion commune musculaire et renflée un bulbe radulaire. Mais, ne renonçant pas pour cela à l'homologie de cet appareil avec les latéral glands, se refu- sant de plus à admettre une différence radicale entre les types, objet de leur étude^ et la Neomenia carinata, ils n'hésitèrent pas à attribuer à Tullberg et à ses successeurs la même méprise (.XV). Dans cette interprétation nouvelle et fort séduisante, les branchies cloacales, l'organe copulateur et les latéral glands de Neomenia carinata deve- naient respectivement des papilles buccales, une radula et des glandes salivaires, tous organes existant chez les formes méditerranéennes, tandis que les premiers leur font défaut, et la famille des Néomé- niens n'avait qu'à y gagner au point de vue de l'homogénéité. Mais Hubrecht, qui avait pu comparer des préparations de trois exem- plaires de Neomenia carinata avec un type nouveau qu'il avait fait connaître peu auparavant sous le nom de ProneomeniaSluiteri,s' é\e\a. aussitôt contre cette hypothèse (XVI), et établit que Tullberg était parfaitement innocent de la méprise dont avait été victime l'éminent embryogéniste russe ; il établit d'une façon indiscutable l'existence de deux types bien tranchés, Neomenia, avec branchies cloacales et pénis calcaires, mais dépourvue de papilles buccales, de radula et de 710 G. PRUVOT. glandes salivaires, et Proneomenia, forme plus effilée, abranche, mais munie de papilles buccales, d'une radula et d'une paire de glandes salivaires. Malheureusement, celle distinction si tranchée alors qu'il n'existait dans la science que deux espèces, a dû être fortement estompée par la découverte ultérieure d'espèces et de genres qui se sont montrés intermédiaires, à des titres divers, entre les deux formes primiiives. Les deux savants précités ne persistèrent pas, du reste, dans leur ppinion et dans un mémoire plus récent (XXIII) se conten- tèrent de faire figurer Neomenia gorgonophila sous le nom Proneo- menia et avec son orientation rectifiée. Le travail de Hubrecht sur Proneomenia Sluiteri (XII) est incon- testablement le plus complet et le plus lumineux que nous possédions sur les Solénogastres ; il clôt définitivement la période des malen- tendus et des tâtonnements dans l'obscurité. La partie la plus impor- tante est encore celle relative à la signification et aux rapports des organes dans l'extrémité caudale ; c'est-à-dire des appareils génital, urinaire et circulatoire. Le savant hollandais reconnaît la présence d'un cœur dorsal enfermé dans la poche ovigère, r« egg-bag » de TuUberg, qui est ainsi un péricarde, et les deux glandes génitales viennent déboucher à son sommet ; d'autre part, du fond du péri- carde partent deux conduits qui embrassent le rectum et se réunis- sent au-dessous de lui en une volumineuse masse glandulaire impaire débouchant dans le cloaque en avant de l'anus. Conduits et glande sont considérés comme une paire de néphridics et, par là, les Soléno- gastres acquièrent une hauîe importance théorique, montrant un état primitif des organes génito-urinaires et circulatoires qui, par différenciations ultérieure*, aurait conduit aux types actuels si variés des Mollusques. Le péricarde est une portion localisée de la cavité générale, les produits sexuels y sont déversés ; les néphridies, la faisant communiquer avec l'extérieur, représentent le corps de Bojanus des Mollusques et, par extension, les organes segmentaires si répandus dans le règne animal. Enfin, comme chez les Annélides et certains Acéphales, par exemple, les produits génitaux empruntent ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÈNIENS. YH les voies iirinaires pour être évacués au dehors. On verra dans le corps de ("e mémoire pourquoi je ne puis mo rallier à cette interpré- tation. Hubrecht a encore décrit avec beaucoup de soin et de précision le système nerveux, le tube digestif, dans lequel il a découvert, le premier, une radula et une paire de glandes salivaircs, le pied et les glandes qui en dépendent. Celles-ci courent tout le long du sillon pédieux, dans toute la hauteur du corps, et l'auteur y distingue une glande pédieuse antérieure, une postérieure et une glande préanale. Enfin, il décrit, pour compléter les ressemblances déjî\ nombreuses qu'il a trouvées avec les Mollusques, une double glande du byssus, ^. ^- située tout contre l'extrémité cloacale du corps, mais que l'on doit plutôt homologuer avec les deux tubes péniaux latéraux de Neomenia. Les principaux résultats de ce travail ont été vérifiés et affirmés de nouveau par le savant hollandais, quelques années plus tard, dans une courte étude (XXI) consacrée à un ^pe nouveau de Néoméniens, Dondersia fesliva, rencontré dans le golfe de Naples. La Dondersia de Hubrecht est proche alliée de Proneomenm ; elle ne s'en distingue par aucune autre particularité anatomique importante que la com- plication un peu plus grande de l'appareil génito-urinaire. L'année suivante, 1889, a vu paraître un mémoire étendu de MM. Kowalewsky et Marion sur cinq espèces, dont un genre nouveau, des côtes de Provence. Les auteurs acceptent sans discussion les idées théoriques de Hubrecht ; ils décrivent même et figurent le péri- carde comme une poche incomplète dont les parois se perdent dans le parenchyme de la cavité générale et qui se continue en haut avec le sinus dorsal lui-môme. Mais ils restreignent la fonction urinaire aux deux conduits allant du péricarde à la masse glandu- laire ventrale ; celle-ci est pour eux une matrice. Ils ont aussi observé" directement et mis entièrement hors de doute le passage des éléments sexuels à travers la cavité péricardique. Parmi les faits nouveaux apportés par les deux savants collabora- teurs à notre connaissance des Solénogastres, il faut signaler la pré- 712 G. PRUVOT. scnce de grandes papilles cutanées intra-cuticiilaircs qu'ils regardent comme des glandes destinées à sécréter l'épaisse cuticule elle- même, et aussi la présence constante dans la région céphalique d'un tissu cartilagineux de soutien très développé, destiné, d'après eux, à donner delà rigidité à l'extrémité céphalique et à former comme un rudiment de boîte crânienne au cerveau. C'est ce tissu que j'ai retrouvé chez tous les types que j'ai étudiés et que je regarde, au contraire, comme glandulaire, constituant la véritable glande pédieuse. Enfin, un fait important est la présence chez une espèce, Proneomenia vagans, de deux tubes spiculaires débouchant au som- met du cloaque et que les auteurs regardent, avec toute apparence de raison, comme des organes d'accouplement. La position systématique des Néoméniens a été fréquemment dis- cutée. Tullberg les regardait comme intermédiaires aux Vers et aux Mollusques, plus rapprochés néanmoins des premiers; Koren et Danielsen les attribuent, au contraire, franchement aux seconds, créant pour eux, parmi les Gastéropodes Opisthobranches, l'ordre des Télobranches. En 1877, Jhering (VI) les rapproche du Chéto- derme et des Chitons dans une classe nouvelle des Vers, les Amphi- neures, rapprochement fait aussi la même année par Ray-Lan- kester (VII), sous le nom de Scolécomorphesou Isopleures; mais ce sont alors des Mollusques archaïques, opposés aux Anisopleures, qui sont les Gastéropodes ordinaires. L'année suivante, Néoménie et Ghétoderme redeviennent Vers, avec Gegenbaur (IX), sous le nom commun de Solénogastres, qui d'ailleurs leur est resté. Mais les auteurs les plus récents s'accordent maintenant à les ranger dans les Mollusques, au voisinage des Chitons, auxquels ils passent par l'intermédiaire du genre Chitonellus. Seulement, tandis qu'Hubrecht les regarde avec Ray-Lankester comme formant une série ascen- dante des Néoméniens, les plus archaïques, les plus rapprochés du type ancestral primitif, au Chiton, le plus éloigné, d'autres, comme B. Haller (XVIII), considèrent Chiton, d'une part, et Solénogastres, de l'autre, comme deux branches ayant également divergé d'une ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 713 souche commune, et enfin Pelseneer (XX) vient de clore la série des suppositions phylogénétiques possibles en essayant d'établir que le Chiton est, au contraire, le plus voisin de l'ancêtre commun, le Chitonellus étant déjà plus spécialisé, et les Solénogastres bien plus encore, ayant, par suite d'une véritable métamorphose régressive, perdu entièrement ou presque, coquille, pied, radula, branchies, héritage conservé, au contraire, précieusement par le Chiton. Ainsi, les Néoméniens ont oscillé régulièrement depuis leur dé- couverte des Vers aux Mollusques, et inversement; c'est parmi ces derniers qu'ils sont arrêtés pour l'instant. Leurs affinités sont pro- bablement plus multiples, mais c'est tentative vaine que prétendre leur assigner une place définitive et surtout tracer leur arbre généa- logique tant que le développement et l'évolution des organes reste- ront inconnus. IV. DESCRIPTION DES ESPÈCES. Les espèces de Néoméniens actuellement connues sont au nombre de quinze, réparties en quatre genres, savoir: Neomenia (Tullb., trois espèces), Proneomenia (Hubr., dix espèces), Lepidomenia (Kow. et Mar., une espèce) et Z)onf/ers/a (Hubr., une espèce). Le présent mémoire a pour objet neuf espèces, toutes trouvées dans les eaux du laboratoire de Banyuls, et dont deux seulement se laissent rap- porter à des formes connues; les sept autres sont incontestablement nouvelles, au moins spécifiquement, mais leur groupement en genres ne laisse pas de présenter quelque difficulté. D'abord, aucun genre n'a été rigoureusement défini jusqu'ici : pour trois d'entre eux, une seule espèce [Neomenia carinata, Lepido- menia hystrix, Dondersla festiva) ayant été réellement étudiée, les limites entre le genre et l'espèce n'ont pu être tracées, en l'absence de comparaison possible entre formes voisines. Le quatrième genre [Proneomenia) renferme, en revanche, des éléments si dispa- rates qu'on ne peut leur trouver d'autre caractère commun, d'autre caractère générique, par conséquent, que la forme relativement 7U ^- PRUVOT. effilée du corps. C'est, en effet, à cette diagnose, qui n'en est pas une, que se résigne Hansen (XXII, p. 4) qui, du reste, n'avait en vue que la distinction entre les Neomenia et Proneomenm des mers du Nord ; s'il eût pu avoir connaissance des formes méditerranéen- nes, il eût dû reconnaître que Dondersia festiva ne le cède en rien, comme étirement du corps, à aucune Proneomenia, et que Proneo- menia vagans a le corps trapu de Neomenia. Même débarrassé des espèces branchifères {Proneomenia margaritacea et Sarsii) que l'au- teur suédois y fait rentrer, le genre Proneomenia reste encore fort hétérogène et devra être démembré quand une révision complète de la famille sera possible ; aux Proneomenia Sluiteri et imgans devra être réservé le nom générique de Proneomenia, en vertu du droit de priorité; P. aglaopheniae, P. desiderata (si elle se confirme comme espèce distincte de la précédente), sopila, etc., devront recevoir un nouveau baptême. Mais, pour le moment, il y a avantage à conser- ver le genre Proneomenia tel quel comme un groupe k caractères négatifs, comme un magasin de réserve où l'on peut ranger les types qui ne sauraient trouver place dans les autres genres mieux définis. Puis, il résulte des études que j'ai pu faire sur un nombre relati- vement grand d'individus et d'espèces que les Néoméniens présen- tent presque toujours, sous une remarquable uniformité extérieure, la plus grande diversité anatomique. A s'en tenir à la règle admise, qu'à des différences anatomiques sensibles doivent correspondre des désignations génériques' différentes, il faudrait créer autant de genres que d'espèces, et cette ligne de conduite mènerait ici parfois à des résultats absurdes. Ainsi, les deux formes que je décris plus loin sous les noms de Dondersia banyulensis et flavens montrent dans la région supérieure du tube digestif et dans les organes génitaux (voir fig. 8-9 et 10-11), des différences bien supérieures à celles qui séparent, dans les descriptions des auteurs, les genres Proneomenia et Dondersia. Mais, d'autre part, elles sont tellement semblables par l'habitat et tous les caractères extérieurs qu'il n'est guère possible de leur trouver d'autre caractère dislinctif que la couleur, rouge ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 715 chez la première, jaune vif chez l'autre. Autre exemple : je suis resté longtemps dans l'incertitude au sujet de l'appareil salivaire et du singulier prolongement œsophagien de Proneomenia aglaophenise (voir fig. 12) ; certains individus les montraient avec évidence, d'au- tres non, 11 a fallu l'heureuse rencontre d'un assez grand nombre d'individus pour pouvoir opérer un triage et reconnaître qu'il s'agit là do deux espèces distinctes, mais si semblables extérieurement qu'aujourd'hui même j'hésite encore parfois à les distinguer sous la loupe. Peut-on raisonnablement les ériger en genres distincts? Je n'ai cité ces exemples que pour bien établir que j'ai été aussi sobre que possible de désignations nouvelles, pour m'excuser sur- tout d'avoir modifié, d'autres pourront dire dénaturé, les diagnoses des genres et parfois même des espèces pour y faire rentrer, autant que possible, les formes qui font l'objet de ce travail. J'ai dû pour- tant créer deux genres nouveaux, Ismenia, pour 1'/. ichthyodes, classée provisoirement dans une communication préliminaire (XX"VI), parmi le genre Donchrsia, dont elle s'éloigne par trop, et Paramenia, dont les caraclôres sont à la fois si précis et si exactement intermé- diaires entre les deux genres Neomem'a, qu'il paraît remplacer dans la Méditerranée, et Proneomenia^ que faire rentrer les trois espèces qui le composent dans l'un ou l'autre serait en rendre toute caracté- ristique impossible. DONDERSiA (Hubr.). Corpus clongafum cylindricum, branchiis, destitutum colore rario, scmptr claro ; cuticula levis, ahsque papillis, spkidis complanatis imbricatis obtecta, liadnla hmndis mit nulla. Dondersia banyulensis (n. sp.). (Planche XXV, fîg. 1). Corpus usque ad 30 mill. long., i mill. lat., purpureum ; vomer pedaJis obso- letus ; spicula prope sulcum ventralem aliformia, in cetero corpore foUacea, ad basim saepe sinnata, valde imbricata. Radula mdla. Le corps très effilé peut atteindre 3 centimètres de long sur un 716 G. PRUVOT. millimètre de large au plus ; il est alors d'un rouge pourpre très vif glacé aux points oii l'animal se recourbe de reflets blanc d'argent dus à la couche de spicules incolores qui le recouvrent. Les indivi- dus plus jeunes sont d'une teinte plus pâle tirant sur l'orangé, qui tient à ce que les téguments, moins chargés de pigment rouge, laissent transparaître la coloration jaune de l'intestin, particulière- ment sur les flancs. Les spicules sont de deux sortes: les uns, larges et aplatis (fig. ih, b], appliqués sur la cuticule par leur base échancréc, s'im- briquent régulièrement de haut enbas sur toute la surface du corps; entre eux sont semés, peu régulièrement, de petits spicules en mas- sue (c) bien moins nombreux, et sur la face ventrale ils passent graduellement à ceux d'un troisième type (a),aliformes, qui forment une rangée saillante de chaque côté du sillon pédieux et se rabattent sur lui pour le protéger à l'état de contraction. Sur toute la hauteur du corps court une carène dorsale saillante, mais à laquelle le tégument lui-même ne prend aucune part; elle est duc seulement aux spicules les plus voisins de la ligne médiane qui convergent et se relèvent légèrement à leur rencontre avec ceux du côté opposé. Enfin, vers l'extrémité supérieure, les spicules, qui sur tout le reste du corps ont la pointe dirigée vers le bas, se relèvent peu à peu et se rabattent même en haut, de manière à former une élégante collerette, semblable à celle de l'espèce suivante (fig. 2fl), qui court à petite distance tout autour de l'orifice buccal, et se con- tinue ventralement avec les Hgnes saillantes qui bordent la fossette et le sillon pédieux. Le reste du tégument entre la collerette et le pourtour de la bouche est garni uniformément de très petits spi- cules lancéolés, dressés, qui couvrent aussi un petit bouton sensitif médian, simple renflement du bourrelet cilié circumbuccal ; entre celui-ci et la limite de la cuticule spiculigère, on voit saillir tout autour de la bouche un certain nombre de soies tactiles extrême- ment fines (fig. 2a, s). La fossette pédieuse est circulaire, tapissée de longs cils vibratilcs ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. "17 qui peuvent faire saillie au dehors et se continue directement avec le sillon pédieux; celui-ci est peu profond et ne renferme à aucun niveau trace du repli médian, soc pédieux, développé chez d'autres espèces. L'extrémité inférieure du corps se renfle d'abord au niveau du cœur et de la glande coquillière, puis s'atténue en pointe taillée en biseau aux dépens de la face ventrale. Quand l'animal est en marche, es bords latéraux sont rapprochés, et l'orifice cloacal n'apparaît entre eux que comme une fente qui semble se continuer avec le sillon pédieux; mais le cloaque peut s'ouvrir largement, notamment au moment de la ponte; il prend alors l'aspect représenté figure la ; on voit que le sillon pédieux se perd insensiblement à une certaine distance du cloaque, et le bourrelet qui limite supérieurement celui- ci porte en son milieu une touffe de spicules droits, serrés et rela- tivement longs, qui concourent à donner à l'orifice cloacal vu de face l'aspect d'un cœur de carte à jouer. Enfin, la ligne dorsale pré- sente, à une distance relativement grande de la pointe inférieure du corps, un petit bouton sensitif caudal auquel je n'ai jamais réussi à trouver la couronne de spicules lancéolés plus petits que montre l'espèce suivante. Habitat : Toujours enroulée sur les tiges de iafoea dumosa; relati- vement abondante sur les côtes de Banyuls, de 45 à 300 mètres de profondeur, particulièrement sur les fonds vaseux qu'affectionne l'Hydraire commensal. Une dizaine d'individus ont été recueillis aussi à diverses reprises à Roscoff, par 80 mètres de profondeur, liés également au Lafoea, qui est beaucoup plus rare dans la Manche, et n'atteint pas, tant s'en faut, le beau développement qu'il pré- sente dans la Méditerranée. 718 G. PRUVOT. Dondersia f avens (n. sp.). (Planches XXV, fig. 2, et XXXI, fig. 81.) Corpus usque ad 40 mill. long., 1 mill. vix lat., flavidimi; vomer pedalis obsoletus; spicula lanceolata, nunquam ad baslm siniiata, valde imbricata. Radula nulla. Cette espèce se rapproche beaucoup par la forme extérieure de la précédente; même extrémité céphalique avec collerette de spicules dressés et fines soies tactiles hérissant tout le pourtour buccal (fii--. 2a); même légère carène dorsale formée uniquement parles spicules convergents; mêmes rebords du sillon pédieux formés de même par des spicules plus saillants. Mais le corps est d'un beau jaune citron dû à l'intestin qui se voit par transparence à travers le tégument incolore; on y distingue de place en place des traînées rougeâtres produites par l'accumulation des globules sanguins bras- sés irrégulièrement dans la cavité générale par les contractions du corps. Les téguments semblent plus délicats, le corps moins rigide, susceptible de s'enrouler plus étroitement que l'espèce précédente, aspect que j'ai tenté de rendre sur la figure 2; à la suite delà moindre blessure, il se vide rapidement de son contenu, et même de son épais épithélium intestinal, et s'affaisse comme dégonflé. Le revêtement spiculaire général rappelle celui de Dondersia ba- mjulensis, formé comme lui de spicules aplatis, imbriqués large- ment de haut en bas, se détachant avec la plus grande facilité de la cuticule sur laquelle ils reposent simplement par leur base. Mais ces spicules sont plus étroits, lancéolés (flg. 2 c, a), jamais échancrés à leur base; entre eux se trouvent, aussi épars, d'autres spicules en massue (6), moins nombreux. On peut, du reste, trouver toutes les transitions possibles entre les deux formes a ei b. L'extrémité caudale (fig. 'ib), au lieu de s'effiler insensiblement, comme chez l'espèce précédente, est comme tronquée transversale- ment sur la face ventrale et se prolonge dorsalement en un court appendice digitiforme concave qui se relève, à l'état de contraction, ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 719 sur l'orifice cloacal, de sorte que celui-ci ne se présente plus que sous la forme d'une fente transversale. L'organe sensitif, situé sur la crête médiane dorsale, à quelque distance de l'extrémité inférieure du corps (flg. 81), consiste en un petit boulon hyalin, rétraclile, hérissé d'un très grand nombre de soies tactiles extrêmement fines {s'), et entouré d'une couronne de très petits spicules lancéolés. Habitat : Sur le Lafoea dumosa, dont elle se nourrit, car on trouve toujours dans le tube digestif des nématocystes de l'Hydraire, par- faitement reconnaissables; côtes de Banyuls, fonds vaseux, par 45 à 90 mètres de profondeur; plus rare que la précédente. ISMENIA (n. g.)- Corpus conimm, capnt versus attenuatum, branchiis destitiUum, talo pre- doacali conspimo ; cuticula levis.absquepapillis, spiculis cotnplanatis, imhncatis obtecta. Radulu valida. Jsmenia ichthyodes (n. sp.). **' (Planche XXV, fig. 3.) Corpus roseum i2 mill. long.; fossula pedalis maxima ; cuticula levis, spi- culis variis, prope sulcum ventralem aliformibus, exterius oblongis, in cetera corpore discoideis, pectinatis, minimis obtecta. Radula producta. Le corps, de 12 millimètres de long, est de couleur rose jaunâtre pâle ; dépourvu de carène saillante, mais présentant une ligne médio- dorsale peu accentuée formée par les spicules convergents, il est conique et notablement effilé vers l'extrémité céphalique, qui est très petite relativement. L'ouverture buccale de forme ordinaire, mais très petite, est surmontée de quelques soies tactiles rigides ; j'ai pu reconnaître sur le vivant un mouvement ciliaire à son intérieur, mais pas de papilles buccales caractérisées. La fossette pédieuse,par contre, remarquablement volumineuse (fig. .3, /"), formait une grosse éminence au-dessous de la bouche. Mais ce qui donne à l'animal une physionomie toute particulière 720 G. PRUVOT. c'est le cloaque large et fortement bilabié, prenant, avec les spiculcs qui le bordent, tout à fait l'apparence d'une gueule de reptile ou de poisson. La lèvre dorsale, large et légèrement repliée en cuiller, ressemble au processus caudal de Dondersia flavens ; mais il y a de plus ici une lèvre ventrale très saillante (fig. 3, /), sur laquelle se perd insensiblement le sillon pédieux ; celui-ci renferme un pied bien développé dans les deux tiers supérieurs du corps environ. Pas de branchies à l'intérieur du cloaque. Le revêtement spiculaire est très caractéristique (fig. 3a) ; le sillon pédieux est bordé de chaque côté par une ligne de spicules aplatis, aliformes (fig. 3rt et 36, a), de 0,06 millimètres de long sur 0,02 milli- mètres de large ; en dehors, une bande assez large de forts spi- cules (ô), en forme de couteau à papier de 0,1 millimètre de long, recouvre et protège les premiers ; puis viennent des spicules (c), presque de même forme, mais plus petits et finement striés en long, et tout le reste du corps est couvert de petits spicules [d) discoïdes, très minces, à limbe pectine et à bord épaissi en un bourrelet lisse demi-circulaire. Leur forme et leur imbrication rappellent d'une manière frappante les écailles cténoïdes des poissons. Habitat: un seul exemplaire au milieu de Bryozoaires etd'llydraires variés provenant d'un dragage sur les fonds vaseux, au large de l'embouchure du Tech, par 80 mètres de profondeur. l'RONEOMENIA (Hubr.). Corpus elongatiim cylindricum, branchiis destitutum, colore pallido ; cuUcula crassa, papUlis davatis et spicuUs amlentis trajccta.Radula adest aut deest. Proneomema aglaophenise (Kow. et Mar.). (Planches XXX, fig. 48, et XXXI, fi?. 83.) Corpus teres, usque ad 32 mill. long., 2,5 m. lut., spicuUs arknlarihus leviter eminentibvs hirtum: papula suprabucmlis spicidis eadem forma sed minoribus vestita ; pupvla caudidis adest; cuticida crassa, papdlis amplis, nullo modo st ra- te facta. Radala nulla. '■ Cette belle espèce a déjà été étudiée par MM. Kowalcwsky et •A. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 721 Marion ; je ne puis que compléter quelques détails d'après mes échantillons qui concordent entièrement pour l'extérieur avec leur description et leurs figures. Le corps qui peut atteindre et dépasser 30 millimètres de long sur 2'"'°, 5 de large, est d'un blanc crémeux, rigoureusement cylindrique, dépourvu de toute apparence de crête ou de ligne dorsale saillante, et s'enroule volontiers sur la face ventrale en spirale à tours pressés. Les spicules qui lehérissent, aciculaires, semblables à ceux représentés figure 5b, a, ont été bien figurés avec leur entrecroisement à angle droit par les deux auteurs précités. Les deux extrémités cépbalique et caudale, régulièrement arrondies, sont tellement semblables qu'on ne peut parfois qu'à grand'pcinc les distinguer l'une de l'autre. Sillon et soc pédicux sont bien marqués jusqu'à l'orifice du cloaque qui est circulaire, légèrement ventral, comme la bouche, et dépourvu de papilles branchiales. Le bouton sensitif caudal, situé tout près de l'extrémité du corps, est rétractile, sans couronne de spicules diffé- rents de ceux du revêtement général. De même, à l'extrémité cépha- lique, le bourrelet cilié circu m buccal est relevé simplement au milieu en une petite éminence (fig. 85) semée uniformément de petits spicules aciculaires, dressés et arqués en forme de crosse, tout sem- blables à ceux de la région avoisinante. Habitat : toujours enroulée sur la tige ou au milieu des hydro- rhizes de V Aglaoplienia myriopkyllum] j'ai, à diverses reprises, ren- contré plusieurs individus pelotonnés ensemble, sans pouvoir décider s'ils se réunissaient ainsi pour s'accoupler. Assez abondante sur les fonds vaseux de la côte de Banyuls, par 60-80 mètres de profondeur. Proneomcnia sopita (n. sp.). (Planches XXX, fig. 30, et XXXI, fig. 84.) Prœcedenti simillima; difjert tamen papula caudale absente et papula sup^-a- buccale spicuUs lanceolatls minimis quatuor séries solum fingentibus instructa. Radula nulla. Il faut un examen attentif pour distinguer cette espèce de la pré- ARCH. lE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 2C SÉRIE. — T. IX. 1S91. 4li 722 G. PRUVOT. eédente qu'elle rappelle absolument par la taille (le plus grand exemplaire avait 22 millimètres de long), la couleur, ainsi que par la forme et la répartition des spicules. Mais elle ne s'enroule jamais autour de l'hydraire qu'elle fréquente, et celui-ci, de plus, m^a paru être toujours la Sertularella polyzonias et jamais V Aglaophenia. Elle est toujours, au repos (fig. 50), allongée contre un rameau, l'extré- mité céplialique un peu relevée et le cloaque à demi ouvert. La région cloacale est globuleuse et séparée du reste du corps par un sillon peu marqué qui s'efface quand l'animal se réveille et se remet en marche. Dune paresse et d'une lenteur exceptionnelles môme pour un Néoménien, un individu a pu, une fois, être conservé vivant pendant plus de deux semaines sans manifester le moindre mouve- ment. Elle est dépourvue de bouton sensitif caudal; en revanche, le bouton céphalique est bien mieux différencié que dans l'espèce pré- cédente. La figure 84 le montre par la face ventrale ; on voit le bour- relet circumbuccal {bc) contre lequel sont dressées les fines soies tactiles (s), et en son milieu se dresse le bouton sensitif hémisphérique garni de quatre courtes rangées parallèles de petits spicules foliacés, une de chaque côté de la base et deux près du sommet. Elles limitent ainsi trois petites régions claires où Ton voit à nu la surface de l'or- gane, et il est permis de se demander si les figures 5 et 6 (pi. VI) du mémoire de MM. Kowalewsky etMarion, qui montrent si nettement ce caractère et sont attribuées par les auteurs à Pi-oneomenia aglao- phenix n'auraient pas plutôt trait à l'espèce qui nous occupe. Les deux savants auteurs auraient alors étudié pêle-mêle et sans les distinguer des individus des deux espèces, et cette confusion, bien explicable par l'extrême ressemblance extérieure des deux types, me mettrait, je l'avoue, l'esprit plus en repos, permettant de com- prendre comment, à côté d'une identité presque absolue pour la région caudale, où nous nous sommes adressés sans doute possible à la môme espèce, nos observations diffèrent si profondément en ce qui concerne les organes de la région céphalique. Quoi qu'il en soit, si les seuls caractères distinctifs tirés de l'habitus général et des ORGANISATION DR QUELQUES NÉOMÉNIENS. 7-2:^ organes sensitifs peuvent paraître bien futiles pour distinguer les deux espèces en question, cette séparation est amplement justifiée par les différences dans l'organisation interne (voir plus loin, partie spéciale). Habitat : sur la Sertularella polyzoïiias, fonds vaseux à hydraires de la côte de Banyuls, de 45 à 70 mètres de profondeur. Proneomem'a vagans (Kow. et Mar.). (Planches XXV, fig. 7, et XXXI, fig. 86 et 87.) Corjms minimum, lix 5 mill. long., plerumque compressum, spiculis acicii- laribus et hamiformibus value horridiim: papula suprabuccalis minutonim spiculorum corona basait et fasciculo, papula caudalis corona basali tantum ornata. Pênes duo exsertiles. Radula producta, biserialis. Cette espèce ne peut qu'être identifiée avec celle de MM. Kowa- lewsky et Marion (XXIII, p. 29); sa forme, sa petite taille (5 millimètres au maximum, même pour les individus en pleine maturité sexuelle), les deux spicules péniaux si caractéristiques, la forte radula ne sau- raient laisser de doute à cet égard ; pourtant, Textérieur identique chez les trois seuls individus que j'ai pu recueillir montre quelques différences avec leur description. C'est la plus agile de toutes mes Néoménies; elle circule constam- ment au milieu des produits de dragage, Hydraires et Bryozoaires, sans se fixer de préférence sur un hôte déterminé. Le corps, d'un blanc à peine jaunâtre^ est trapu et comme coupé carrément aux deux extrémités (fig. 7). La bouche est très grande relativement, le sillon pédieux et le pied bien accentués. A son extrémité terminale, au point où il rencontre le cloaque, on voit saillir, chez les individus bien adultes, deux longs et grêles faisceaux de spicules péniaux {r) rectilignes. Le revêtement général du corps est caractérisé par le grand nombre et la grande taille relative des spicules qui le dépas- sent de beaucoup parleur pointe libre et lui donnent un aspect tout particulièrement hérissé. Aciculaires pour la plupart et du type représenté figure 56, a, ils sont parsemés, surtout vers l'extrémité 72 i G. PRUVOT. caudale, d'autres spicules de forme très particulière, en hameçons mousses avec une petite pointe au point de recourbement [c], qui n'ont pas été signalés par MM. Kovvalewsky et Marion. L'organe sensitif dorsal (fig. 87) est ici tout à fait terminal, hérissé' de très nombreuses soies tactiles qui le font ressembler à une pelote d'épingle et ceint à sa base d'une palissade circulaire et régulière de petits spicules lancéolés. A l'extrémité orale, l'autre bouton sensitif qui occupe la place ordinaire sur le milieu du rebord buccal, montre aussi une couronne basilaire complète de petits spicules lancéolés et, de plus, une touffe apicalc compacte des mômes spicules. Habitat: Banyuls, mêmes fonds vaseux à Hydraires, 80 mètres environ de profondeur. Paramenia (n. g.). Corpus brève, transverse truncatum, branchiarum circulo cloacam cingente munitum ; cuticula crassa, spiculis aculeatis trajecta. Raclula semper adest. Paramenia impexa (n. sp.), (Flanches XXX, fig. 5, et XXXI, fig. 82 et 83.) Corpus tcres, i2 mill. long, max., 2 m. lut. max., transmrse truncatum, branchiis cloacam cingentibus 12-20; spicula, praeter acicularia, hamiformia; papula suprabuccalis duplici spiculorum lanceolatorum corona cincta ; papula caudalis alta, fere cylindrica, spiculis graciUbus et simplici lanceolatorum corona instructa. Radula biserialis. Paramenia impexa est une forme trapue, ne dépassant pas 12 milli- mètres de long sur 2 millimètres de large, incapable de s'enrouler, à corps blanc crémeux, régulièrement cylindrique, dépourvu de carène dorsale, arrondi à l'extrémité céphalique, mais coupé tout à-fait transversalement par le cloaque (fig. 5). Le sillon pédieux est bien développé, ainsi que le pied, et se continue jusqu'à l'orifice cloacal qu'il échancre ventralement. Les branchies caractéristiques du genre consistent, ici, en douze à vingt replis de la paroi cloacale interne qui paraissent, quand elles ORGANISATION DE QUELQUES NÉOxMÊNlENS. 725 sont bien épanouies, comme autant de petits boutons transparents, d'un rose faiblement, orangé, richement ciliés et formant autour du cloaque largement béant une couronne interrompue seulement sur la ligne ventrale, au niveau de l'échancrure due au sillon pédieux. Les plus ventrales sont les plus petites, et elles vont en croissant régulièrement jusqu'à la face dorsale. La figure Sa les montre com- mençant à se rétracter ; à la moindre alerte, elles se retirent à l'inté- rieur du cloaque qui se ferme sur elles à la manière d'une bourse dont on tire les cordons. Les spicules du revêtement général (fig. 56) sont tout semblables à cenx de Proneomeniavagans, quoiqu'un peu moins saillants au-dessus du tégument ; de plus, les plus inférieurs convergent vaguement en un certain nombre de pointes correspondant à peu près aux bran- chies (fig. 5a). Les deux boutons sensitifs céphalique et caudal sont très distincts, surtout le dernier (fig. 83), qui se montre presque cylindrique, très élevé et garni, outre la couronne habituelle de petits spicules lan- céolés, d'un revêtement complet de petits spicules aciculaires [sc^) très serrés, qui disparaissent avec lui sous le tégument quand l'or- gane se rétracte. Quant à l'organe céphalique, il se distingue de ceux des autres formes par ses deux couronnes concentriques de spicules foliacés (fig. 82 et 82 a). Habitat : côte de Banyuls, une vingtaine d'individus recueillis en plusieurs fois sur les fonds vaseux précités, errant au milieu d'Hy- draires et de Bryozoaires variés. Paramenia sierra (n. sp.). (Planche XXV, fig. G.) Corpus i'2 mill. long., transverse truncatum compresswn, processu dorsali multilobato instructum ; branchiœ eircum cloacales 28 ; spicnla acicularia et hamiformia ; cuticula sat crassa, papillis cutaneis fere destituta. Radula bi- se rtali s. Cette espèce ne m'est connue que par un seul individu, mais par- 726 G. PRUVOT. faitement adulte et mûr. Elle se laisse distinguer facilement à pre- mière vue de l'espèce précédente par sa très forte carène dorsale soulevée en une quinzaine de lobes un peu irréguliers et comprimés latéralement (fig. 6). Le corps est blanc légèrement jaunâtre, de 12 millimètres de long, coupé transversalement par l'orifice cloacal qui montre 28 branchies rosées, identiques, sauf leur nombre un peu plus considérable, à celles de Paramenia impexa. Les spicules aussi sont semblables, les uns aciculaires (fig. Qb, a), les autres en forme d'hameçons [b), mais de taille plus considérable ; ils convergent de même en un certain nombre de pointes au-dessus des branchies. Tout autour de la fos- sette pédieuse, ils se disposent en rayonnant (fig. 6a), sorte de col- lerette qui se continue en bas avec deux lignes de spicules plus sail- lants bordant le sillon pédieux. Le bouton sensitif caudal existe ; mais je ne puis donner aucun renseignement sur les spicules qui le bordent, non plus que sur le bouton céphalique, mon attention n'ayant pas encore été attirée, quand j'avais l'animal vivant, sur les caractères qu'ils peuvent fournir pour la détermination. Koren et Danielsen (IV) ont signalé un Solenopus affinis, provenant de Messine, et caractérisé par sa haute crête dorsale. Cette forme est peut-être voisine de Paramenia sierra, mais. elle s'en distinguera tou- jours par sa forme encore plus trapue et sa crête dorsale continue ; d'ailleurs les deux lignes que lui consacrent les auteurs sont absolu- ment insuffisantes pour asseoir une détermination. Hansen, dans son énumération des espèces du Bergens Muséum (XXII), la laisse parmi le genre Neomema. Gomme c'est la seule espèce de ce type signalée jusqu'ici dans la Méditerranée, il serait d'un grand intérêt de s'assurer si elle présente des branchies, une radula et des glandes salivaires; si elle appartient, par conséquent, au genre Paramenia ou Neomema, et si ce dernier est réellement représenté dans la Médi- terranée ou s'il y est remplacé par le genre Paramenia. Habitat : un seul individu trouvé sur un hydrorhize à'Aglaophenia en compagnie d'une Froneomenia aglaopheniœ ; côte d'Espagne, OllGANISATION DR QUELQUES NÉOiMÉNIENS. 727 sable et rochers au large de l'île de Pultelo, par 80 mètres de pro- fondeur. Paramenia pâli fera (n. sp.). (Planche XXV, fig. 4.) Corpus crasmm, 8 mill. long., branchiis circa cloacam i8 ; vomer etsulcus pedalis obsoleti; cuticula levissima; spicula prope sulcum ventralem acicnlaria, incetero corpore paliformia minima. Radula miiltidmtata, kumilUma. Le corps blanc jaunâtre, très trapu, se recourbant volontiers en croissant, mesure 8 millimètres de long à l'état d'extension, mais peut par la contraction se réduire de moitié ; il a alors 1 millimètre environ de large. Au-dessus de la bouche médiocre et renfermant à l'intérieur un assez grand nombre de papilles jaunâtres, irrégulière- ment semées, font saillie quelques soies tactiles fines et raides. Pas de véritable carène, mais une ligne saillante médio-dorsale formée seulement par les spicules des flancs qui convergent vers ce point. L'orifice cloacal grand et tout à fait transversal, largement échancré sur la ligne médiane par la terminaison du sillon pédieux, montre 18 côtes branchiales jaunâtres et ciliées (flg. 4). Pas de pied saillant ; le sillon pédieux lui-même est peu profond et marqué seulement par la différence de ses spicules. Il présente, en effet, de chaque côté, une bande de spicules allongés et légère- ment aplatis (fig. 4 a, a). Sur tout le reste du corps, la cuticule extrê- mement mince est hérissée de petits spicules d'une forme très carac- téristique, qu'on ne peut mieux comparer qu'à la pelle arrondie et à manche recourbé des terrassiers (fig. 4 a, h) ; très serrés les uns contre les autres, ils reposent sur la cuticule par leur extrémité aplatie et leur pointe effilée se prolonge librement au dehors et en bas. Habitat : un seul individu trouvé au nord de Port-Vendres, par 80 mètres de profondeur, rampant sur un tube de Myxicola infundi- hidum ; fonds vaseux. 728 G. PHUVOT. Le tableau suivant résume les caractères principaux et permet d'arriver à la détermination de toutes les espèces de Néoméniens sur lesquelles nous possédons à l'heure qu'il est des renseignements précis : I. — Un cercle de branchies cloacales rétractiles : \^ — Ni radula, ni glandes salivaires. Paroi buccale évaginable et dépourvue de papilles Neomenia (Tullb.). Neomenia carinata (Tullb., 1875). 1877. Solenoptis nîtidulus (Kor. et Dan., IV). Corps trapu, blanc griscàtre, 30 mill. de long sur 10 de large et 10 de haut, courbé en croissant et muni d'une crête dorsale; trente branchies cloacales tubu- laires, rétractiles, rosées; spicules simplement aciculaires sur les flancs, mais élargis en lancette à leur pointe libre sur la carène dorsale ; deux forts spicules péniaux latéraux dans le cloaque. Habitat: côte occidentale de Suède, 60 à 200 brasses (Koren, M. et G.-O Sars, Lôven, TuUberg); îles Shetland (Norman). Dans ce genre doivent vraisemblablement rentrer les espèces suivantes trop imparfaitement décrites, et dont notamment la région œsophagienne n'a pas été étudiée : Neomenia a f finis (Kor. et Dan,). 1877. Solenopus afpiis (Kor. et Dan., IV). 16 mill. de long sur 6 de large et 6 de haut; ne diffère de la précédente, que par l'élévation plus considérable de la crête dorsale, qui mesure 2 mill. de haut. Habitat : Messine, 20 à 30 brasses, un seul exemplaire (G.-O. Sars). Neomenia Dalyelli (Kor. et Dan.). 1853 (?). Yermiculus crassus (Dal., I). 1877. Solenopus Dalyelli (Kor. et Dan., IV). 20 mill. de long, 7 m. de large, réti'éci vers l'extrémité céphalique et obli- quement tronqué inférieurement; dos convexe dépourvu de crête; face ventrale plane. Habitat : Lofoten, Hasvig, Sondfjord, 60 à 300 brasses (Sars, Koren); côtes d'Ecosse (? Dalyell). ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 729 Neomenia ynargaritacea (Kor. et Dan.). 1877. Solenopus marcjaritacem (Kor. et Dan., IV). 18-88. Proneomenia margaritacea (Hans., XXII). Corps arrondi, effilé supérieurement et tronqué transversalement à l'extrémité inférieure; 12 mill. de long, 1,5 de large; branchies bien développées; deux tubes péniaux, mais sans stylets intérieurs (HansenJ. Habitat : Hvidingsôerae, Stavanger, 60 à 80 brasses (G.-O. Sars). Neomenia Sarsii (Kor. et Dan.). 1877. Solenopus Sar.ni (Kor. et Dan., IV). 1888. Proneomenia Sarsii (Hans., XXII). Corps cylindrique, à extrémité supérieui'e prolongée en rostre, l'inférieure tronquée transversalement; 70 mill. de long, 3 m. de large (d'après Hansen, le prolongement rostral est caudal et non céphali({ue). Deux tubes péniaux creux, sans stylets; des branchies cloacales. Habitat : Christianiafjord, 100 à 200 brasses (G.-O. Sars). 2. — Une radulaet des glandes salivaires. Paroi buccale non éversible, garnie de papilles arrondies Paramenia (n. g.). A. — Spicules cutanés de deux sortes, les uns simplement aciculaires, les autres en hameçons; sillon et soc pédieux bien accentués : a. — Forte crête dorsale divisée en une quinzaine d'émi- nences mousses /^arawenî'a sz'erra (n. sp.):v. p. 725. b. — Pas de crête dorsale . . . . Paramenia impexa (n. sp.) : v. p. 724. B. — Spicules cutanés discoïdes et prolongés en une longue pointe libre. Sillon et soc pédieux rudimentaires. Paramenia /}a/^/em (n. sp.):v. p. 727. II. — Pas de branchies cloacales rétractiles : I. ^ Cuticule très mince, recouverte d'une seule couche de 730 G- PRUVOT. spicules aplatis. Pas de papilles cutanées intra-cu- ticulaires : A. — Une forte éminence ventrale au-dessus du cloaque. ISMENIA (n. g.). Ismenia ichthyodes (n. sp.) : voir plus haut, p. 719. B, _ Pas d'éminence supracloacale : a. — Corps trapu faiblement jaunâtre. Radula bien dé- veloppée . . . Lepidomenia (Kow. et Mar.). Lepidomenia hystrix (Kow. et Mar.). Long. : 2 mill. seul. Spicules triangulaires, aigus, simplement juxtaposés par leur base, non imbriqués. Un crypte sensitif caudal, entouré de spicules plus fins. Sillon et soc pédieux peu accentués. Radula volumineuse formée d'une double série de crochets peu arqués, à bord interne 4-5 denté. Habitat : Marseille, 30 mètres de profondeur; un seul individu non adulte, sur une Balanophyllia italica. h. — Corps cylindrique très allongé, de couleur vive. Radula rudimentaire ou nulle DûNDERsiA (Hubr.). a. — Couleur violette ; spicules en forme de pelle. Dondersia festiva{Euhr.). Dondersia festiva (Hubr.). Corps effilé, terminé en pointe inférieurement, de 10 mill. de long sur 1 m. de large, violet. Spicules de deux sortes, les uns aciculaires, les autres en forme de pelle ou de cuiller. Pas d'organe sensitif caudal. Radula très réduite; une paire de glandes salivaires courtes. Habitat : golfe de Naples. p. _ Couleur rouge vif; spicules foliacés à base d'implantation échancrée . . . Dondei'siabanyidensis [n.^i.): WT^.li^)' ORGANISATION DE QUELQUES NEOiMÉNIENS. 731 Y. — Couleur jaune citron ; spicules foliacés à base non échancrée Z>onrfena /?auens (n. sp.) : V. p. 717. 2. — Spicules aciculaires implantés dans une cuticule épaisse et renfermant des prolongements papillaires du tégument Proneomenia (Hubr.). A. — Une paire de tubes cloacaux creux renfermant un faisceau de spicules péniaux exsertiles : a, — Papilles intra-cuticulaires coiffant la base des spicules ; grande taille (10 à 15 centimètres). . . Proneomenia Sluiteri (Hubr.)- Proneomenia Sluiteri (Hubr., XII). Corps cylindrique arrondi aux deux extrémités; lOo et 148 raill. de long, 9 mil), de large, Spicules calcaires tous aciculaires, droits. Sillon et soc pédieux bien marqués. Une cupule sensitive caudale. Radula très développée, formée de rangées transversales comprenant chacune de nombreux crochets semblables, légèrement courbés. Une paire de glandes salivaires tubuleuses. Deux faisceaux de spicules péniaux. Habitat : Mer de Barents, 110 à 160 brasses (Sluiter, deux exemplaires). b. — Papilles de la cuticule sans connexion avec les spicules. Petite taille (5 millimètres) Proneomenia vagans (Kow. et Mar.) : v. p. 723. B. — Pas de spicules péniaux : a. — Un bouton sensitif caudal; une paire de glandes salivaires : a. — Papilles unicellulaires grandes et serrées. Une radula. . . Proneomenia gorgonophila (Kovi.). Proneomenia gorgonophila (Ivow., XIV j. Corps cylindrique, également obtus aux deux extrémités; 12 mill. environ de long, 0,5 de large. Cuticule épaisse, à papilles dermiques unicellulaires se tou- chant toutes par leur sommet et atteignant la surface libre de la cuticule. Spi- cules aciculaires. Soc pédieux flanqué latéralement de deux replis accessoires. Radula bien développée. 732 G. PRUVOT. Habitat : La Calle (Kowalevsky), sur des Gorgones; Marseille (Marion), un exemplaire sur une Muricsea. p. _ Papilles pluricellulaires , écartées, grandes; cuticule homogène ; pas de radula Proneomenia aglaophenix (Kow. etMar.) : v. p. 720. Y- — Papilles pluricellulaires petites ; cuticules stra- tifiées ; une radula . . . Proneomenia desiderata (Kow. et Mar.). Proneomenia desiderata (Kow. et Mar., XXIII). Corps cylindrique, arrondi aux deux extrémités; long. : 10 mill. Couche cuti- cuiaire relativement peu épaisse, formée de couches distinctes, irrégulièrement superposées. Papilles cutanées petites, s'arrétant pour la plupart loin de la sur- face externe. Spicules uniquement aciculaires, légèrement courbes. Radula bien développée. Habitat ; Marseille, un seul individu sur une souche de Posidonie. b. — Ni bouton sensitif caudal, ni glandes salivaires. . .... Proneomenia sopita [iLSi^.) : V. i). 1 '21. Au genre Proneomenia appartiennent vraisemblablement les espèces suivantes, trop imparfaitement décrites : Proneomenia incrustata (Kor. et Dan.). 1877. Solenopns incrustatiis (Kor. et Dan., IV). Corps cylindrique, 30 mill. de long, 3 mill. de large, effilé supérieurement, tronqué inférieurement, fortement incrusté de particules de sable qui lui donnent un aspect rugueux. Pas de spicules lancéolés le long du dos. Habitat : Hasvig, 200 à 300 brasses. Proneomenia borealis (Kor. et Dan.). 1877. Solenopus borealis (Kor. et Dan., IVj. Corps cylindrique, 25 mill. de long, 3 mill. de large, un peu plus étroit à l'extrémité supérieure, tronqué inférieurement, incrusté de sable. Tout le long du dos court une ligne fine, légèrement élevée et richement garnie de courts spicules épais et aciculaires. Habitat : Lofoten, 40 cà 50 brasses. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 733 Proneomenm fïliformis (Hans., XXII). Corps de 61 mil), de long, O-^^Jo de large; extrémité supérieure arrondie, l'inféi'ieure coupée transversalement. Habitat : côtes de Suède. V. ORGANISATION GÉNÉRALE. Téguments. —■ Chez tous les Néoméniens, les téguments se com- posent de deux couches, le tégument proprement dit, hjpoderme des auteurs, cellulaire et la cuticule anhiste, souvent extrêmement épaisse, qui le revêt et supporte les spicules calcaires caractéris- tiques. L'hypoderme est, en général, formé d'une seule couche un peu irrégulière de cellules cubiques (fig. 20, t), reposant directement sur la couche musculaire circulaire du corps (m'), et munies d'un noyau ovale relativement volumineux. Dans d'autres cas plus rares {Para- menia paUfera, fig. 74, et Ismenia ichthyodes), on trouve une couche multiple de cellules beaucoup plus petites et plus nombreuses, les unes allongées et renflées seulement vers le milieu par la présence du noyau, les autres effilées de même à l'extrémité qui repose sur la couche musculaire, mais épanouies, d'autre part, en entonnoir contre la cuticule. Entre elles, on trouve éparses des cellules glandu- laires, montrant souvent sur un lambeau de peau vu de face une disposition régulière en quinconce, déjà signalées par MM. Kowa- lewsky et Marion. Ces glandules, sphériques quand elles ne sont pas déformées par la pression des éléments voisins, sont closes, mon- trent un noyau rejeté contre la paroi, et un contenu de fines granu- lations qui se teignent en rose vif par l'éosine (fig. l-'i'.gd). La cuticule est une substance anhiste, incolore et homogène, recouvrant l'hypoderme partout, sauf au fond du sillon pédieux. Insensible à l'action de la potasse, elle semble se gonfler dans les acides même faibles (comparer les figures 25 et 26 appartenant au 734 G. PRUVOT. même individu, mais dont la région caudale, figure 26, a été décalci- fiée par le carmin aluné). Parfois réduite à un simple vernis cuticu- laire presque indistinct, elle acquiert dans d'autres cas une épaisseur considérable capable de soustraire le corps à toute impression ve- nant du dehors, si l'hypoderme n'y poussait des prolongements papillaires destinés à le maintenir en communication avec le monde extérieur. Ses relations avec les spicules sont également variables; aussi convient-il, au point de vue de la structure des téguments, de diviser les Néoméniens en deux groupes : 1° Ceux à cuticule mince, dépourvue de papilles hypodermiques et simplement recouverte de spicules aplatis; 2° Ceux à cuticule épaisse, parcourue par de nombreux prolon- gements papillaires de l'hypoderme, et où sont profondément im- plantés des spicules aciculaires. La première division renferme les genres Dondersin et Jsmenia, et Paranienia palifera. Les spicules sont de formes très différentes, ainsi qu'on peut le voir planche XXV, mais ont comme caractères communs d'être aplatis, toujours dépourvus de cavité interne, im- briqués et reposant simplement sur la surface de la cuticule (fig. 20, se) dans des sortes d'alvéoles peu profondes. Il n'est pas aisé de se rendre compte de leur mode exact de formation, car on n'en rencontre sur les coupes que rarement en voie d'évolution. Jamais je n'ai réussi à en trouver aucun enfermé dans une cellule; au stade le plus jeune où j'ai pu les reconnaître, ils se montraient toujours sous forme de petites lamelles entourées à leur base par quatre ou cinq cellules reconnaissables seulement à leurs noyaux aplatis et étroitement appliqués contre le spicule. Celui-ci, grandis- sant toujours par sa base, dépasse le niveau de l'hypoderme et per- fore la cuticule. Dans les quelques cas favorables où il m'a été donné de rencontrer des spicules complètement formés, en train de traver- ser la cuticule, mais encore engagés par leur base dans l'hypoderme, on n'y reconnaissait plus alors de noyaux accolés, mais une mince sécrétion cuticulaire les enveloppait étroitement et les isolait des ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 735 cellules voisines. Elle formait alors une sorte de petite coupe enchâs- sant la partie profonde du spicule, et se perdant insensiblement à son pourtour contre la face profonde de la cuticule générale. Repous- sée ensuite par les cellules hypodermiques qui lui ont donné nais- sance, la cupule s'étale de plus en plus, se confond complètement avec le reste de la cuticule et porte le spicule à sa place définitive sur le même plan que les spicules voisins. Je crois pouvoir con- clure de là que la cuticule est sécrétée par les cellules hypoder- miques ordinaires qui s'étalent contre sa face profonde sans qu'on puisse souvent distinguer de séparation entre l'une et les autres. Les grosses cellules glandulaires seraient entièrement étrangères à la formation de la cuticule; elles s'en montrent toujours nette- ment séparées par un contour accusé, et, dans la double coloration, leur contenu granuleux coloré en rouge vif par l'éosine tranche de la façon la plus évidente sur la teinte lilas que prend la cuticule sous l'action de l'hématoxyline. De plus, quand le tégument com- prend plusieurs épaisseurs de cellules [hmenia ichtkyodes), elles sont situées, pour la plus grande majorité, dans les couches les plus pro- fondes, tout contre le revêtement musculaire, séparées de la cuticule par toute la hauteur de l'hypoderme. Il ne serait pas impossible qu'en raison même de cette situation profonde, elles eussent pour rôle de puiser dans le sang et d'élaborer le calcaire nécessaire à la formation des spicules. Le deuxième type de tégument se rencontre chez les genres Pa- ramenia et surtout Pi^oneomenia. Les spicules, le plus souvent sim- plement aciculaires, parfois recourbés en hameçons (fîg. '6b et 66), sont toujours creusés d'une cavité. Ils sont profondément enchâssés, mais à des niveaux différents, dans l'épaisseur de la cuticule. Au début, ils apparaissent dans l'hypoderme comme de petits cônes creux coiffant un noyau cellulaire, s'allongent en pénétrant par la pointe dans la cuticule, tandis que leur partie basilaire encore creuse repose sur la couche cellulaire sous-jacente, puis se ferment à leur extrémité basilaire, et perdent alors toule connexion avec 736 G. PRUVOT. l'hypoderme. Comme ils ne peuvent s'éloigner activement de la couche cellulaire hypodermale qui leur a donné naissance, force est bien d'admettre que cet écartement doit se faire par la sécrétion ultérieure de substance cuticulaire au-dessous d'eux et que la cuti- cule doit s'accroître progressivement de dedans en dehors. La cuticule est parfaitement hyaline et homogène ; mais dans cer- tains cas, quand la coloration a été très intense, elle montre une structure feuilletée décelant sa formation au moyen de couches successives assez irrégulières, comme cela a été figuré par MM. Kowa- lewsky et Marion pour leur Proneomenia desiderata. Cette cuticule est très épaisse et traversée par de nombreuses papilles en massue, arrivant, quand elles ont atteint tout leur développement, très près de la surface (fig. 54), et y déterminant même parfois des bosselures bien apparentes (fig. 60). Chacune se compose d'un bouquet de cellules bipolaires très allongées (fig. 51, en], dont les prolonge- ments inférieurs se réunissent en un faisceau qui forme le pédon- cule de la papille, et ne peuvent guère être suivies au delà des cel- lules du tégument {t) qu'elles traversent. Les prolongements supé- rieurs plus courts s'insinuent entre de grosses cellules sphériques (c') qui forment la tête renflée de la papille ; celles-ci sont occupées presque en entier par une vacuole pleine d'un contenu incolore, et, le noyau, entouré d'une faible atmosphère de protoplasma, est refoulé dans la partie basilaire. Ces papilles me paraissent devoir être regardées comme tactiles destinées à permettre l'accès des impressions extérieures en dépit de l'extrême épaisseur de la cuticule. Pied; glandes pédieuses. — La cuticule est interrompue sur la ligne médiane ventrale, le long de laquelle court un sillon plus ou moins profond occupé par le pied. Celui-ci fait entièrement défaut chez les Dondersia; partout ailleurs c'est une lame, simple repH du tégu- ment comprenant une seule couche très régulière de cellules cylin- driques ciliées (fig. 53, pi). Sillon pédieux et pied peuvent s'efi"acer insensiblement en bas, aux abords de la région cloacale [Dondersia, ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 737 fig. \a; Ismenia, fig. 3), ou se continuer directement avec rorifice du cloaque {Proneonienia^ Paramenia). Mais supérieurement, le sillon pédieux se continue toujours avec une profonde involutiondu tégu- ment (fig. 8-16, /■), située au-dessous et à une petite distance de la bouche. C'est la fossette péciïeuse, qui n'est nullement glandulaire, mais tapissée par un cpithélium continu de cellules cylindriques munies de très forts cils vibratiles, dont les mouvements sont sou- mis à la volonté de l'animal (fig. 21, 71, f). Cette fossette est le point d'aboutissement de la glande suprapé- dieuse. On rencontre, en efl'et^ sur toutes les coupes dans la région céphalique, des îlots d'un tissu particulier qui marque une vive affi- nité pour le vert de méthyle, et qui se montre avec des caractères identiques chez toutes les espèces (^m, sur toutes les figures). C'est une glande à. mucus diffuse, ou mieux une masse de lobules glan- dulaires isolés les uns des autres, et épars au milieu de tous les organes céphaliques. Point de conduits excréteurs, mais le mucus une fois élaboré chemine dans le parenchyme général au milieu des organes et finit par voir le jour en un point toujours le même, vraisemblablement un locus minoris resistentiœ, au plafond de la fos- sette pédieuse dont il écarte les cellules de revêtement (fig. 71, gin). Ce mucus se répand de la fossette dans le sillon pédieux qu'il peut parcourir en tout ou en partie; il sert incontestablement à la loco- motion, car on voit fréquemment un animal en marche en laisser des traînées filamenteuses derrière lui. Il offre une certaine résis- tance, et quand on veut faire tomber une Néoménie au fond du vase qui la renferme, elle reste souvent suspendue à la paroi par un fil muqueux, à peine visible sous la loupe, qui part du sillon pédieux, et qu'on peut suivre parfois jusqu'à la fossette supérieure. J'ai même vu quelquefois, chez Paramenia impexa, la fossette se dévaginer en- tièrement et saillir comme unesorte de bouton jaunâtre que l'animal appuyait sur le fond du verre de montre qui le contenait, comme pour y fixer une gouttelette de mucus, avant de la faire rentrer et de se remettre en marche. 11 y aurait là, dans ce cas, quelque chose AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN . — 2*= SÉHIE, — T. IX. l!j91. 47 738 G. PRUVOT. d'assez comparable, proportions gardées, à la formation et à la fixa- tion des filaments du byssus chez la Moule. Tout le long de la face ventrale, une double rangée de petites glandes pédieuses, de môme structure que la précédente, pyriformes (fig. 22, 53, gm'), arrivent par leur pointe au fond du sillon pédieux et y déversent également du mucus. Muscles ; parenchyme ; cavité générale. — Le tégument est doublé partout par une couche de fibres musculaires circulaires ; elles pas- sent comme un pont en arrière du pied qu'elles fixent dans sa forme. En dedans sont les fibres musculaires longitudinales qui forment une nappe également mince et continue sur les flancs et sur la face dor- sale ; mais du côté ventral, celte couche s'épaissit beaucoup aux abords du sillon pédieux et forme deux muscles longitudinaux ventraux (fig. 26, 73, m) semblables à ceux des Annélides. Il s'y adjoint, chez Dondersia banyidensis et Proneomenia sopita, deux petits cordons musculaires d'aspect dilFérent, à fibres plus fines et plus serrées (fig. 25, 53, ma), dont je n'ai pas trouvé trace chez les autres espèces, et qui rappellent les petits muscles longitudinaux accessoires du Ghétoderme; bien distincts dans la région moyenne, ils se con- fondent insensiblement avec les précédents aux deux extrémités du corps. Deux rangées de fibres musculaires obliques partent, dans toute la hauteur du corps, de la région des flancs, à la limite externe des muscles longitudinaux ventraux, et vont s'insérer au fond du sillon pédieux, en entrecroisantparfois leurs fibres avec celles du côté opposé (fig. 25, 53, ms') ; c'est sur elles que sont attachées les petites glandes pédieuses; ces bandes musculaires séparent du reste de la cavité générale deux chambres latéro-ventrales occupées par les troncs nerveux pédieux. L'espace médian qui reste entre elles et Tintestin est le sinus sanguin ventral et une autre sangle musculo-conjonc- tive transversale [ms), sur laquelle repose Tiatestin, le limite dorsale-^ ment. Le sinus dorsal est moins bien délimité; ce n'est que la portion de cavité générale comprise entre les deux glandes génitales ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 739 et le tégument dorsal, limitée seulement par les brides conjonctives et musculaires, qui les unissent (fig. 52, sd). A l'exceplion des deux sinus sanguins, toute la cavité générale est remplie d'un parenchyme, plus ou moins développé suivant les individus, dans les limites d'une môme espèce, formant un réticu- lum de fibres conjonctives et musculaires dans les mailles duquel circulent en abondance les globules sanguins. Canal digestif. — Le tube digestif est divisé en trois portions : une supérieure ou œsophagienne, une moyenne, stomacale, où s'accom- plit la digestion, et une inférieure ou rectale. Les limites des deux premières sont aussi nettement tranchées que possible; mais la tran- sition s'accomplit graduellement de la seconde à la troisième. La bouche se montre à peu près identique partout, A l'état de dilatation, c'est un orifice subterminal, légèrement ventral, limité latéralement par deux épais bourrelets labiaux (fig. 5a) ; en dedans court un léger bourrelet cilié (fig. 8i, bc), qui en épouse tout le con- tour. Elle conduit dans une cavité buccale plus haute que profonde, dont la capacité est encore réduite par un grand nombre de pa- pilles {pa) rondes, jaunâtres sur le vivant. Le long de la ligne mé- diane dorsale deux replis longitudinaux de la muqueuse fortement ciliés {bp) forment une gouttière descendant jusqu'à l'entrée du pharynx, qui se trouve toujours sur le fond de la cavité, au point le plus reculé du plancher buccal. Si la cavité buccale se montre à peu près identique chez toutes les espèces, il est loin d'en être de môme pour le reste de la région œsophagienne ; l'œsophage et ses annexes présentent les variations les plus considérables et les plus inattendues pour qui a présente à l'esprit la simplicité qu'on lui a toujours attribuée chez toutes les espèces décrites jusqu'ici. On le décrit comme un simple canal oblique faisant communiquer la bouche avec l'intestin moyen et portant {Proneomenia, Donda-sia, Lepidnmenia) ou non [Neomcnla)^ vers le milieu de sa paroi ventrale, une radula au niveau de laquelle s'ouvre une paire de tubes salivaires. Or, j'ai trouvé presque autant 740 G- PRUVOT. de formes difierenles que d'espèces, et un simple coup d'œil sur les reconstitutions figurées planches XXVI et XXVII suffit à montrer la difficulté qu'il y a à les ramener morphologiquement à un même plan. C'est chez Parmnenia sierra (fig. 16), que la structure de cette région se rapproche le plus de la description des auteurs. La moitié supérieure du conduit œsophagien forme un tube tapissé d'un épi- thélium de hautes cellules prismatiques, à noyau allongé, non ciliées, mais recouvertes d'une cuticule épaisse, continuation directe de l'épithélium buccal, et doublé comme lui d'une forte couche mus- culaire annulaire. Cette première portion peut être considérée comme le pharynx, que nous trouverons beaucoup mieux différencié dans d'autres espèces. Il se continue directement avec Vœsophage propre- ment dit [ce) ; celui-ci présente des cellules moins hautes, cubiques, n'a plus pour doublure musculaire que quelques fibres espacées, et va déboucher dans l'intestin moyen (?) à une certaine distance (0"™,5) de son extrémité supérieure qui forme ici un caecum fron- tal («') s'arrêtant à la hauteur du ganglion cérébroïde. Au niveau de la partie la plus large du conduit, à la terminaison du pharynx, se trouve, sur la ligne ventrale, le mamelon radulaire. C'est une émi- nence arrondie, essentiellement musculaire et limitée en arrière par un cul-de-sac où prend naissance la radula. Celle-ci {d) se compose d'une double rangée longitudinale de crochets reposant directement sur l'épithélium du mamelon et actionnés par des muscles qui ne sont qu'une différenciation de la couche musculaire du pharynx. Une paire de glandes salivaires compactes (gs) existe en avant de l'intestin ; les deux conduites salivaires (es) les parcourent axia- lemeni dans toute leur hauteur, sous forme de deux canaux cylin- driques droits, nullement ramifiés, traversent le mamelon radulaire et vont s'ouvrir à son point culminant par deux orifices situés immé- diatement en dehors de la paire supérieure de crochets. Paramenia ùnpexa (fig. 14) montre la même disposition et les mêmes rapports des organes, mais avec une complication impor- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 741 tante résultant de la présence de deux paires de glandes salivaires au lieu d'une. La paire ventrale {gs) présente la même structure que chez l'espèce précédente ; mais en arrière, entre elle et l'intestin, se trouvent deux autres glandes {gs'), beaucoup plus allongées et dépourvues de conduits excréteurs. Elles contournent à droite et à gauche la dernière portion de l'œsophage et se réunissent au-dessus de lui en une masse impaire qui aboutit sur la ligne médiane à la papille rétro-pharyngienne {e); celle-ci, de forme conique, occupe presque en entier un diverticule de la cavité pharyngienne qui ne communique avec le reste du pharynx que par un étroit orifice. La présence de cette masse salivaire dorsale amène une réduction notable du caecum frontal [i). C'est le maximum de complexité que puisse présenter la région œsophagienne. Elle est presque identique chez Proneomenia vagans; mais avec Paramenia palifera, nous faisons un premier pas vers la simplification. La radula', à peine plus large ici que le canal sali- vaire (fig. 75), ne formant qu'une légère saillie sur la paroi pharyn- gienne, dépourvue de muscles propres, est tellement réduite qu'elle ne forme plus obstacle à la jonction des deux canaux salivaires sur la ligne médiane, et ceux-ci s'ouvrent effectivement par un orifice commun juste au-dessus d'elle. Cette jonction des deux canaux salivaires est complètement effec- tuée chez Dondersia flavens[Rg. 10). Là, la radula a entièrement dis- paru, et les deux glandes salivaires ventrales sont suspendues à la bifurcation d'un très court canal salivaire [es) impair et médian. Les glandes dorsales {gs') aboutissant encore à la papille rétro-pha- ryngienne (e) forment une masse unique, à cheval, par ses deux » 11 convient de distinguer dans ce qu'on appelle la radula chez les Néoméniens deux tvpes différents : !a radula de Paramenia palifera est formée d'une série de pièces chilineuses disposées transversalement et portant chacune sept denticules; elle se rapproche ainsi de celle de Proneomenia Sluileri et de celle des Mollusques. Tout autre est celle de Paramenia impexa, Proneomenia vagans, etc., constituée par deux rangées de forts crochets indépendants qui rappellent, au contraire, d'une ma- nière frappante, l'appareil maxillaire de certaines Annélides carnassières, telles que Halla parthenopeia (Voir Ehlers, die Borslenwurmev, pi. XVII, fig. 3S). 7i2 G. PKUVOT. pointes inférieures, sur le sommet de l'intestin moyen. Plus de csecum intestinal frontal. La distinction s'accuse davantage entre le pharynx lisse, à cuticule relativement épaisse et l'œsophage forte- ment plissé en travers et tapissé d'un épithéUum plus élevé, non cuticularisé. Pharynx et œsophage sont entièrement distincts chez Proneomenîa aglaop/ieniie (fig. 12). Ce dernier forme un très long tube, fortement et irrégulièrement plissé, qui descend en avant de l'intestin moyen, refoule peu à peu sa paroi et finit par s'ouvrir dans son intérieur (oe) par une portion terminale libre dans la lumière de l'intestin, à une grande distance de la bouche. Toute la portion de l'intestin moyen au-dessus {i') représente donc un csecum frontal extrêmement déve- loppé. MM. Kowalewsky et Marion ont décrit chez cette espèce une radula. Je crois pouvoir affirmer qu'elle n'existe pas. Le pharynx se prolonge au-dessous de l'orifice œsophagien (o) en un cul-de-sac ventral près du fond duquel s'élève une très petite papille (fig. 44, h^], au sommet de laquelle aboutissent par un orifice commun les deux conduits salivaires. Ceux-ci parcourent dans toute leur longueur, suivant l'axe, deux longues glandes salivaires {gs) qui représentent les glandes ventrales des espèces précédentes (les glandes dorsales n'existent plus ici), et reçoivent tout près de leur terminaison les conduits de deux grosses vésicules glandulaires (u) sphériques et creuses. Enfin, Dondersia hanyulensis (fig, 8) présente pour cette région supérieure du tube digestif un type bien différent de ce que nous venons de voir jusqu'ici, et surtout de l'espèce voisine, Dondersia fla- vens. Ici, le pharynx fort long s'élargit considérablement en bas. Il forme une vaste chambre occupée presque en entier par un volu- mineux cône pharyngien [h] plissé transversalement et sur lequel se réfléchit l'épaisse cuticule pharyngienne. Il est percé à son sommet d'un orifice étroit commun à l'œsophage {œ) et au canal saUvaire impair et médian {es). Ce dernier se bifurque à la base du cône ; ORGANISATION DE QUELQUES NÉOiMÉNIENS. 743 mais chaque rameau, au lieu de s'étendre dans toute la hauteur de la glande correspondante, se termine presque aussitôt en se pelo- tonnant dans une petite ampoule (fig. 23a, ./) oii arrivent, d'autre part, les prolongements de toutes les cellules glandulaires. Pas non plus de glandes salivaires dorsales. L'œsophage extrêmement étroit descend dans l'axe du cône, à la base duquel il présente une légère dilatation, puis remonte en arrière et jusqu'au-dessus du ganglion cérébroïde et se jette tout au sommet de l'intestin moyen qui ne présente pas ainsi le Ccccura frontal de la plupart des autres espèces. Quel est le rôle de ce singulier cône pharyngien? Peut-être peut- il, en dépit de sa situation profonde, venir faire saillie à l'extérieur de la bouche et soit faire, de parles plis rugueux de sa surface et sa cuticule résistante, office de râpe pour détacher les particules ali- mentaires, soit exercer une succion comme tendrait à le faire croire le riche développement des muscles dans son épaisseur. Mais ce sont de pures hypothèses; je n'ai jamais pu voir une Dondersia prendre de nourriture ; il faut signaler toutefois qu'on ne rencontre jamais dans le tube digestif de nématocystes du Lafoea sur lequel vit l'animal, tandis qu'on en trouve en abondance sur toutes les préparations de l'autre espèce, Dondersia flavens. En ce qui concerne l'interprétation morphologique de cet appareil, je serais disposé à n'y voir qu'une exagération de la petite papille salivaire de Proneo- menia aglaopheniœ. Tout le fond du pharynx se serait soulevé entraînant à la fois les deux orifices salivaire et œsophagien qui se trouvent ainsi portés ensemble au sommet du cône. La différence de trajet de l'œsophage suivant les espèces, les points différents où il s'ouvre dans l'intestin moyen s'expliquent en admettant, ce qui est conforme à toutes les données de l'embryogénie, que ce dernier seul est endodermique, et que toute la portion supérieure du canal alimentaire n'est qu'une invagination de l'ectoderme abordant l'ar- chenteron un peu plus haut ou plus bas suivant le degré de déve- loppement des autres organes de la région. L'intestin moyen {i, sur toutes les figures) forme un vaste tube 74i G. PRUVOT. occupant presque toute la cavité du corps ; seulement bosselé irré- gulièrement chez Dondersia, il est, chez les autres types, réguhère- ment étranglé de distance en distance, au moins dans la région moyenne, par des brides musculaires dorso-ventrales qui simulentun commencement de métamérisation. 11 est dans toute sa hauteur, de la pointe du ceecum frontal au rectum, tapissé par un volumineux épithélium dont les cellules sont bourrées de petits granules ronds de ferment, et qui forme dans sa lumière d'épais bourrelets plus développés du côté de la face ventrale. Mais, le long de la face dor- sale, cet épithélium glandulaire cède le pas à une bande ciliée plus ou moins largo (fig. 35, 73, u), qui court dans toute la hauteur de l'intestin depuis le sommet du cœcum frontal. Elle se replie même, chez Dondersia banyulemk, en une gouttière assez profonde (fig.21 ,w) qui se continue directement en haut avec la lumière de l'œsophage. La dernière portion du canal digestif, le rectum, n'est pas nette- ment séparée de la précédente. Vers le sommet de la glande coquil- lière, l'intestin se rétrécit peu à peu; en même temps, la bande ciliée dorsale s'étend de plus en plus sur les côtés ; bientôt l'épais épithé- lium sécrétant est réduit à une petite bande ventrale qui disparaît elle-même, et le rectum est constitué comme un étroit canal cylin- drique, à paroi mince entièrement ciliée. 11 s'ouvre au point le plus reculé de la vaste cavité cloacale qui est également tapissée de cils vibratiles. Organes d'excrétion. — Les auteurs regardent, depuis Hubrecht, comme un appareil rénal tout ou partie des organes que je décrirai plus loin sous les noms à'oviductes et de glande cor/uilh'ère, et qui, pour moi, comme ces noms l'indiquent, se rattachent exclusivement à l'appareil reproducteur. Mais j'ai rencontré chez la plupart des Néoméniens que j'ai étudiés un certain nombre de formations qui me paraissent ne pouvoir être interprétées que comme organes d'excré- tion. La chose semble hors de doute pour le bourrelet cloacal ven- tral de Dondersia banyulcnsis (fig. 32, x). Tous les individus observés présentent dans cette région, au milieu du parenchyme conjonctif ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 745 traversé et soutenu par de fortes fibres musculaires rayonnantes, un certain nombre de cellules (fig. 33, :;) renfermant dans une vacuole à côté du noyau une concrétion irrégulière jaune de miel ; d'autres concrétions semblables (-') se montrent libres dans les mailles du tissu et, d'autre part,répithélium, fortement différencié à ce niveau, se montre sous forme de hautes cellules cylindriques et pressées {ep), où noyau et protoplasma sont refoulés dans la partie basilaire tandis que le reste de la cellule est bourré de très petites granulations de la même couleur jaune de miel que les concrétions précédentes (fig. 33a). Je ne vois qu'une explication à cette structure : les pro- duits d'excrétion amenés par le sang dans le bourrelet cloacal et éla- borés dans les cellules éparses dans le parenchyme sont dissous à nouveau, tout au moins très fragmentés, dans le liquide ambiant où les cellules épithélialcs les puisent par leurs prolongements et finale- ment les expulsent dans le cloaque. La différenciation est portée bien plus loin chez hmenia ichthyn- des. Dans l'épais talon précloacal sont creusées deux poches super- posées (fig. 18, u et w') entourées toutes deux d'une forte couche musculaire (fig. 80, sph) qui donne à croire que leur contenu peut à un moment donné être expulsé activement. Leur épithélium est très différent de celui du cloaque, formé de hautes cellules claires, montrant dans leur portion distale de petites granulations incolores, teintes en rose par l'éosine. Au sommet de la poche supérieure s'ouvre un petit conduit impair (fig. 18, t) qui se perd bientôt, d'autre part, dans une volumineuse masse glandulaire qui occupe les inters- tices de tous les organes de la région. Ce singulier appareil ne se rencontre chez aucun autre Néoménien et, quoiqu'il ne renfermât nullement, chez mon unique exemplaire, de concrétions bien carac- térisées, je crois devoir le regarder comme chargé de la fonction urinaire ; les poches u qï iC seraient alors des sortes de vessies où pourraient s'accumuler, avant d'être expulsés, les produits d'excré- tion élaborés dans la glande. Cette glande se rencontre à la même place chez presque toutes 746 G. PRUVOT. les autres espèces de Néoméniens. On en voit le sommet en ?/, sur la ûgvireQi, pour Paramenia sierra; la coupe représentée flgure 54 passe vers le milieu de sa hauteur chez Proneomenia sopita. Elle embrasse toujours tout le pourtour du cloaque et celui-ci envoie d'ordinaire dans son épaisseur quelques refoulements plus ou moins profonds de sa paroi, dont un est coupé en y (fig. 54), contre lesquels les élé- ments glandulaires s'appliquent par leur pointe comme sur un con- duit excréteur. Hubrecht a déjà signalé cette glande chez Proneo- menia Shdteri, sous le nom de glande préanale ; il la regarde comme la dernière portion delà glande pédieuse. Je me suis assuré qu'elle n'a rien de commun avec ces dernières ; elle ne se colore pas par le vert de méthyle, elle existe à sa place ordinaire même chez les espèces où pied et glandes pédieuses ont depuis longtemps disparu. Elle est liée non au pied, mais au cloaque, et le fait que ses produits doivent être rejetés immédiatement au dehors ne permet guère de la regarder autrement que comme glande excrétrice. Appareil reproducteur. — Les sexes sont réunis chez tous les Néo- méniens. Il existe partout deux glandes génitales {gh, sur toutes les figures) accolées, effilées en pointe supérieurement et s'étendant le long de la face dorsale de l'intestin moyen dans toute la longueur du corps. Chacune forme un tube unique, à lumière continue, bosselé par le développement des produits sexuels et étranglé plus ou moins régulièrement de distance en distance comme l'intestin lui-même (fig. 38). Chacune présente une membrane d'enveloppe distincte tapissée par l'épithélium germinal qui évolue en œufs le long de la face interne et le long de la face externe en spermatoblastes, puis en spermatozoïdes (fig. 52). Les produits génitaux une fois mûrs tombent dans la lumière centrale et s'acheminent, mélangés, vers l'extrémité inférieure où les deux glandes débouchent, tantôt par un orifice commun, tantôt isolément au sommet d'une vaste poche ovigère (p) destinée h opérer le triage des éléments mâles et femelles au moyen d'une disposition particulière, toujours la même, mais qui est sur- tout évidente chez les Paramenia (fig. 61 et 62). A cet effet, la paroi ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 747 dorsale de la poche est invaginée en un raphé médian {co), avec lequel deux bourrelets latéraux (ô), saillants et ciliés, simples épais- sissements de l'épithélium, complètent deux gouttières qui régnent dans toute la hauteur de la poche, de l'embouchure des glandes hermaphrodites en haut à l'origine des oviductes (ov) en bas. Le raphé médian se termine entre les orifices d'entrée de ceux-ci, mais les bourrelets latéraux se continuent avec leur paroi externe ; on peut suivre leurs hautes cellules etleurs cils vibratiles presque jusqu'à la terminaison des oviductes. Les spermatozoïdes s'cngageant dans les gouttières les suivent sans difficulté et passent dansles oviductes. On les trouve ensuite, chez presque toutes les espèces, accumulés dans deux volumineuses vésicules séminales (fig. 10, 14, v), toujours orientés de la même manière, les têtes tournées contre la paroi, les queues au centre (fig. 36, sp). Je ne saurais décider avec certitude si les spermatozoïdes s'arrêtent dans les vésicules séminales de l'in- dividu qui leur a donné naissance nu s'ils franchissent toutes les voies génitales pour être portés par suite d'un accouplement dans les organes d'un autre individu. La présence d'un organe d'accou- plement chez une espèce, le fait d'avoir trouvé parfois plusieurs individus de la même espèce enroulés ensemble, la direction même des vésicules séminales feraient plutôt pencher pour la seconde hypothèse. Quoi qu'il en soit, le rôle des vésicules ne semble pas douteux : les spermatozoïdes y attendent les œufs pour les féconder au passage avant la formation de la coque. Les œufs par- courent le même trajet; mais trop volumineux au sortir des glandes génitales poursuivre les gouttières, ils en écartent les lèvres et tom- bent dans la cavité de la poche ovigère ; ils s'y accumulent en la distendant considérablement et finissent même par effacer raphé dorsal et gouttières, comme le montre la figure 79. La poche ovigère présente une forte enveloppe musculaire, bien visible sur la figure 62, qui sert, selon toute vraisemblance, à expul- ser les œufs par ses contractions au moment de la ponte. Les deux oviductes qui partent du fond de cette poche sont deux tubes 748 G. PRUVOT. (fig. i\,ov) ordinairement cylindriques, se dilatant dans leur portion terminale (ou') après avoir reçu le conduit des vésicules séminales quand elles existent ; tapissés d'un simple épithélium cubique nulle- ment glandulaire, sans connexion réelle avec les glandes voisines de la région cloacale, ils remontent à droite et à gauche du rectum et s'ouvrent en avant de lui au sommet de la glande coquilUère {(ja) impaire et ventrale. De forme globuleuse, prolongée chez quelques espèces en deux cornes auxquelles aboutissent les oviductes (fig. 13, 15, etc.), munie dans d'autres cas d'une paire de diverticules supé- rieurs en cul-de-sac (fig. 8, 10), elle présente toujours une paroi épithéliale remarquablement épaisse (fig. 36, ga) formée de hautes cellules caliciformes (fig. 30, 31), déversant dans la cavité centrale leur sécrétion sous forme de petits globules arrondis, transparents, se colorant vivement par l'éosine ; entre elles, des cellules à mucus [y] sont répandues surtout dans la région moyenne de l'organe. La glande coquillière débouche du fond du cloaque juste en avant de l'anus. C'est cet organe qui est considéré comme une néphridie par Hubrecht et par iMM. Marion et Kowalewsky comme une matrice. Sa fonction comme glande coquillière me paraît résulter indiscutable- ment de ce fait, que j'ai pu vérifier à diflerentes reprises chez Don- dersia banyulensis et Proneomenia aglaopheniœ, que les ovules encore complètement nus dans tout le trajet des oviductes sont munis dès leur arrivée dans le cloaque d'une mince coque, plissée et étroitement appliquée contre eux au début, mais qui se déplisse bientôt et prend une forme sphérique régulière par le gonflement de son contenu au contact de l'eau de mer ambiante. Les œufs ne peuvent séjourner que peu de temps dans l'organe ; on ne les y trouve jamais accu- mulés en grand nombre, et j'ai constaté plusieurs fois qu'au moment de leur expulsion, la fécondation n'était pas encore terminée ; la masse vitelline présentait encore en un point le petit mamelon protoplasmique surmonté d'une queue de spermatozoïde encore mobile, bien connu depuis les travaux d'H. Fol sur la fécondation. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 749 Le rôle de matrice est joué 'plutôt par le sac ovigère. Celui-ci est le péricarde des auteurs, simple reste, pour eux, de la cavité géné- rale. Mais sa séparation absolue de celle cavité, son épais revêtement musculaire, la conlinuilé de son épilhélium avec celui des glandes génitales (il peut môme conserver parfois la fonclion formatrice d'éléments sexuels, comme le montre la figure 27, où on le voit sur le raphé dorsal donner naissance à des spermatozoïdes), la différen- ciation des deux gouttières de direction pour les spermatozoïdes ne sauraient s'expliquer s'il s'agissait seulement d'une portion indiffé- rente du cœlome ; tous ces caractères montrent, au contraire, que c'est un organe parfaitement défini, faisant partie intégrante de l'appareil génital et comparable à celui qui, chez tous les Gastéro- podes hermaphrodites, sert à effectuer le triage des produits mâles et femelles. De même, les oviductes, les tubes néphridiens des au- teurs, n'ont ni fonction rénale, ni valeur d'organes segmentaires, n'ayant aucun rapport avec la cavité générale. Ce ne sont eux aussi qu'une portion des voies génitales. 11 ne reste plus, pour terminer ce qui a trait à l'appareil de la reproduction, qu'à signaler la présence chez une espèce, Proneomenia vcujans, d'un organe d'accouplement comparable à celui qui a été indiqué dès l'origine chez Neomenia carinata, mais avec cette diffé- rence importante qu'il a perdu ici toute connexion avec le reste de l'appareil génital et qu'il ne peut jouer d'autre rôle que celui d'un organe excitateur. 11 se compose d'un faisceau de très longs et fins spicules (fig. 59, /) enfermés dans une gaine au moins pour leur moitié inférieure, faisant saillie de chaque côté de l'entrée du cloaque à la terminaison du sillon pédieux et mobiles sous l'action d'un mus- cle protracteur (m/:/?') et d'un muscle rélracteur [mr) qui ne sont que des diflerenciations locales des muscles longitudinaux ven- traux. Respiralion. — La plupart des Néoméniens que j'ai étudiés ne pré- sentent pas d'organes respiratoires ; la respiration doit s'effectuer tout le long du sillon pédieux où le sang n'est séparé du milieu am- 750 G. PRUVOT. biant que par le mince tégument non cuticularisé, et aussi dans la vaste cavité cloacale richement ciliée. Seul le genre Paramenia montre des branchies bien différenciées et qui sont constituées de même chez les trois espèces. Ce sont de minces lamelles transpa- rentes et rosées qui s'avancent, au nombre de 20 à 30 environ, dans la cavité du cloaque (fig. 15 et 17, br). Elles forment un cercle com- plet interrompu seulement sur la ligne ventrale par la terminaison du sillon pédieux contre lequel elles sont plus petites et presque rudimentaires pour augmenter de taille progressivement sur les côtés et sur la face dorsale. Les lamelles branchiales se perdent insensiblement en haut dans la paroi cloacale ; en bas elles s'en détachent et se terminent par une extrémité libre saillante hors de la cavité du cloaque et légèrement renflée à l'état d'extension com- plète en un petit bouton arrondi. Les branchies sont constituées (fig. 63) par un revêtement épithé- lial de cellules cylindriques et cihées, doublé par une couche mus- culaire non continue et dont les fibres prennent différentes direc- tions : d'une façon générale, on les voit, dans la partie externe de l'organe, se diriger horizontalement (w6r) vers la paroi du corps et se confondre en dehors avec le revêtement musculaire général; dans la portion moyenne, elles sont obliques et dans la partie interne, c'est-à-dire le long du bord libre de la branchie, elles suivent un trajet vertical. Cette apparence semble provenir de ce que les fibres musculaires partant du bouton terminal de la branchie remontent d'abord verticalement le long de ses parois, puis se recourbent en dehors en dessinant un arc de cercle et vont à travers la cavité géné- rale s'attacher au tégument externe, a différents niveaux. C'est sous leur action que les branchies peuvent se rétracter au point de dis- paraître entièrement dans la cavité cloacale. Les cavités centrales des branchies ne renferment aucun vaisseau ; elles ne sont nulle part tapissées par un endothélium ; ce sont de simples diverticules de la cavité générale. On peut y voir, à cause de la transparence de ces organes, les globules sanguins tourbillonner dans toute la cavité ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 751 assez lentement et assez irrégulièrement ; pourtant ils descendent d'habitude plutôt le long du bord libre interne de la branchie et remontent contre le bord exlerne. Mais parfois le mouvement a lieu en sens inverse ; parfois il cesse pendant une période plus ou moins longue. Hansen se refuse (XXII) h attribuer aux branchies, chez les Néomé- niens, la valeur d'un caractère générique. Je crois, au contraire, d'après les figures des auteurs et mes propres observations, qu'aucun caractère n'est plus tranché et d'un emploi plus commode. On n'a tout au moins pas trouvé jusqu'ici d'intermédiaire embarrassant entre les espèces branchifères et les espèces abranches. Chez une des espèces qui font l'objet de ce mémoire, Proneomenia sopita, on trouve bien, il est vrai, deux forts replis cloacaux (fig. 54, 6?') des- cendant le long de la ligne dorsale; ils sont incontestablement de même nature morphologique que les branchies, étant formés comme elles par des replis de la paroi cloacale ; mais leur cavité est com- blée par le tissu de la glande préanale (y), et ils s'effacent avant d'arriver au bord de l'orifice cloacal. Il n'y aura donc pas de confu- sion possible entre de tels phssements et les véritables branchies si l'on a soin de définir rigoureusement celles-ci comme des organes exsertiles et rélractiles, capables de faire saillie au delà de l'orifice cloacal et à cavité occupée seulement par le liquide sanguin. Circulation. — L'appareil circulatoire ne comprend que les deux sinus ventral et dorsal déjà signalés plus haut ; simples espaces tubuleux limités par des faisceaux musculaires et conjonctifs, nulle part tapissés par un endothélium, ils ne sauraient mériter le nom de vaisseaux que leur donnent parfois les auteurs; ce ne sont que des portions plus ou moins bien endiguées et libres de parenchyme de la cavité générale. La chose est évidente pour le sinus ventral qui renferme parfois tout le long du corps une partie des glandes pédieuses (fig. o3, gm'), et dans lequel baigne toujours l'extrémité inférieure des glandes salivaires ventrales. Bien limités dans la région moyenne et sans connexions entre eux, les deux sinus se perdent k 752 G. PRUVOT. insensiblement dans la cavité générale aux deux extrémités cépha- lique et caudale du corps par la dissociation de leurs parois au milieu du parenchyme somatique, et le sang ne peut passer de l'un à l'autre qu'en tombant dans cette cavité. On rencontre, en effet, partout dans les mailles du parenchyme, abondance de globules sanguins : à peu près identiques chez toutes les espèces, ils sont rougeâtres sur le vivant, elliptiques, aplatis, avec une membrane d'enveloppe très évidente et un noyau central allongé. Même chez les types qui présentent des branchies cloacales {Paramenïa), la cir- culation n'est pas mieux endiguée dans cette région ; les deux vais- seaux signalés chez d'autres espèces {Neomenia, C h.aetoderma) n'exis- tent certainement pas ici. La lumière de chaque branchie n'est occupée que par une cavité nullement subdivisée, simple prolonge- ment de la cavité générale, et c'est dans celle-ci, toujours plus ou moins obstruée par le parenchyme, que plongent, d'autre part, les deux sinus qui perdent toute trace de paroi à une assez grande dis- tance au-dessus de la base des branchies. J'ai cru pouvoir, dans une communication préliminaire (XXIV), nier l'existence d'un organe d'impulsion chez les Néoméniens. J'ai eu tort. La rencontre d'individus jeunes, très petits et relativement transparents de Dondersia banyulensis et surtout de Dondersia flavens m'a permis depuis de reconnaître l'existence d'un mouvement con- tractile, rythmique dans la région de la poche ovigère. Chez cette dernière espèce notamment, les pulsations se produisent de trois en trois secondes environ, la contraction se propage de bas en haut et le sang, abstraction faite des remous et du brassement irrégulier dans la cavité générale, circule de l'extrémité caudale vers la tête dans le sinus dorsal et en sens inverse dans le sinus ventral. L'organe d'impulsion, le cœur si l'on veut, est situé dans le raphé dorsal de la poche ovigère, et c'est dans l'intérieur de celle-ci que se produisent les pulsations. Mais alors, dira-l-on, cette poche est un véritable péricarde, comme l'admettent Hubrecht et les auteurs qui l'ont suivi ! J'estime pourtant qu'il n'en est rien, qu'il faut distinguer avec soin ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 753 dans ce coBur le tube conleuu, qui appartient à l'appareil circula- toire, et la membrane cpilhéliale l'enveloppant, qui est le raphé dorsal et dépend de l'appareil génital ; que ces deux organes sont entièrement indépendants et que leur relation n'est qu'un rapport de juxtaposition en quelque sorte accidentelle. Outre les raisons tirées de la poche elle-même énumérées dans le paragraphe précédent, et qui nous l'ont fait considérer comme en liaison exclusive avec la fonction génitale, le cœur n'est pas, en réalité, contenu à l'intérieur de la poche ovigère. La figure schéma- tique 19 montre comment le sinus dorsal {sd) formé par l'espace dièdre que laissent derrière elles les deux glandes hermaphrodites accolées et rencontrant ensuite la saillie de la poche ovigère plus ou moins globuleuse, qui atteint du côté dorsal le tégument du corps, est obligé pour la franchir de déprimer sa paroi et ne peut se loger que dans cette involution, c'est-à-dire dans l'épaisseur du raphé médio-dorsal^ pour s'en dégager en bas progressivement de la même manière. La trace de l'invagination persiste toujours au moins comme une ligne déprimée dorsale tout le long du raphé cardiaque ; jamais les deux moitiés de la poche ovigère qui l'entourent ne se soudent en arrière de lui. Dans beaucoup de cas elles restent même largement écartées dans toute leur hauteur, et la portion cardiaque du sinus dorsal n'est contenue dans la poche ovigère, son prétendu péricarde, que par sa moitié antérieure (fig. 47, co), la moitié posté- rieure restant en dehors et présentant le même aspect et la même structure peu différenciée que le reste du sinus avec lequel elle se continue en haut et en bas sans démarcation. Sur la figure 60, où la coupe passe presque par le milieu de la hauteur de la région cardia- que, on voit même que l'organe circulatoire sd est à peu près tout entier en arrière du raphé et par conséquent de la poche ovigère. Cette inclusion du tube cardiaque dans le raphé génital est plus ou moins complète, non suivant les différentes espèces mais suivant les individus différents d'une même espèce ; à côté de la Proneomenia aglaopheniœ présentant la disposition béante de la figure 47, j'aurais AnClI. UE ZOOL. EXP. ET GKN. — 2^ SÉRIE. — T. IX. ISOl. 48 7Di G. PRUVOT. pu ligiirer d'aulres indivicbis où le cœur est aussi hermétiquement clos que sur la figure 26 qui appartient à Dondersia banyulensis ; et chez cette même espèce, la figure 27 montre le cœur également ouvert en arrière. On peut dire qu'en multipliant les préparations on trouverait chez chaque espèce tous les intermédiaires, et l'on est autorisé à penser que cette variabilité n'a qu'un caractère momen- tané, que la poche ovigôre déborde et enveloppe plus ou moins le sinus dorsal selon le moment oîi la mort a surpris l'animal. Le cœur ne présente pas non plus, en tant qu'organe, la différen- ciation que lui ont attribuée les auteurs. Les deux loges superposées que lui figurent MM. Kowalewsky et Marion chez Proneomenia aglao- p/teniXy et que j'ai reconnues également parfois sur mes prépara- tions, ne sont dues qu'à un pli passager de la paroi antérieure de l'organe qui, cheminant de bas en haut, constitue le phénomène même de la contraction, ainsi qu'il appert de leurs figures mêmes où la plus grande chambre cardiaque est tantôt l'inférieure et tantôt la supérieure. Hubrecht a été plus loin : il décrit chez Dondersia fes- tiva (XXI) le cœur comme composé d'un ventricule médian et de deux oreillettes latérales. Mais comment admettre des oreillettes où n'aboutit aucun canal sanguin centripète ? J'ai rencontré une dispo- sition très semblable à celle de sa figure 4 chez Paramenia sierra (fig. 62, co) -, mais il ne s'agit, là du moins, que d'un aplatissement du raphé médian avec renflement en deux bourrelets latéraux, en vue de mieux remplir son rôle dans la formation des deux gouttières génitales. En réalité, le sinus dorsal uniforme et de même structure dans toute son étendue court tout le long de la face dorsale sous le tégu- ment, comme un vaisseau dorsal d'Annélide. Peut-être contractile au début dans toute son étendue il ne tarde pas à être comprimé, dans la portion supérieure de son trajet, par le développement des pro- duits génitaux dans les glandes hermaphrodites, au point de n'être parfois même plus qu'à peine reconnaissable (fig. 35). Il bat alors où il peut, là où il lui reste l'espace nécessaire, c'est-à-dire au niveau ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 755 de la poche ovigère encore vide dont il déprinie la paroi. Plus tard, celle-ci est envahie à son tour et distendue parles œufs et toute con- traction doit cesser, au moins pendant cette période de l'activité reproductrice qui précède la ponte. Je ne puis croire, en effet, que le cœur conserve son activité fonctionnelle quand je le trouve chez tous les individus arrives à cette période réduit à un tout petit cor- don, comme le montre la figure 79 (co), obstrué en entier la plupart du temps par une masse de tissu compact d'aspect parenchymateux. C'est même cette structure, si répandue quand on ne s'adresse qu'à des animaux bien adultes, qui m'avait conduit, dans la communica- tion précitée, à dénier aux Néoméniens l'existence même d'un cœur contractile. Même maintenant, ce terme de cœur ne me paraît pou- voir être employé que faute d'un autre mieux approprié désignant ici non un organe bien différencié, mais seulement la partie d'un sinus où persiste le plus longtemps le pouvoir contractile. Nous sommes loin, on le voit, de la conception des auteurs d'après laquelle, chez les Solénogastres, les produits sexuels tombent dans une portion de la cavité générale à laquelle aboutit, d'autre part, une paire d'organes segmentaires qui les y puisent et les condui- sent au dehors ainsi que les produits ui-inaires ; cette portion de la cavité générale, ce carrefour, est le péricarde où bat, en outre, un cœur artériel de Mollusque. Je crois avoir démontré, au contraire, que les voies génitales sont ininterrompues d'un bout à l'autre et entièrement distinctes de la cavité générale; qu'il n'y a là ni péri- carde^ ni organes segmentaires, ni rein, mais une matrice, des ovi- ductes et une glande coquillière, et enfin que la portion contractile du sinus dorsal, le cœur, si l'on veut, n'a, en réalité, qu'un rapport de voisinage avec son prétendu péricarde, c'est-à-dire la matrice ou sac ovigère. On pourrait, à la vérité, interpréter la couche épithéliale qui tapisse celle poche et se réfléchit à son intérieur en un raphé médian autour de tout ou partie du cœur comme une sorte de séreuse à deux feuillets, viscéral et pariétal, se regardant. Mais quelle singulière séreuse que celle qui se continue directement avec 756 G. PRUVOT. l'épithélium génital et peut même donner naissance ù des spermato- zoïdes (fig. 27) ! Autant dire que le typhlosolis du Lombric, qui renfer- me, lui aussi, un canal sanguin, est un cœur, que l'épithélium diges- tif qui le recouvre est une séreuse et que l'intestin est un péricarde. Système nerveux. — Le système nerveux est aujourd'hui l'appareil le mieux connu chez les Solénogastres, et j'ai relativement peu de choses à ajouter aux descriptions des auteurs. Les figures 64 et 05 qui montrent sa disposition chez Parœnenia impexa me dispenseront d'entrer dans de longs détails. De la masse cérébroïde(c) très concentrée et située profondément tout contre la face dorsale du pharynx partent deux paires de nerfs labiaux, une supérieure [la] et une latérale (/c) qui se divisent bientôt en un grand nombre de branches aboutissant à un très riche amas ganglionnaire (fig. 66, la) qui s'étend sur toute la face profonde de la paroi buccale et doit lui communiquer, ainsi qu'aux papilles qu'elle renferme, une grande sensibilité. Des angles inférieurs du cerveau parlent à droite et à gauche les troncs nerveux pédieux et latéraux, uniformément revêtus de cel- lules ganglionnaires dans toute leur étendue, et qui courent paral- lèlement jusqu'au voisinage de l'extrémité caudale. Tandis que les cordons latéraux [ni] sont sensiblement cylindriques dans toute leur longueur, ne montrant que chez quelques types^ Proneomenia, par exemple, une paire de petits renflements ganglionnaires près de leur origine, à petite distance du cerveau, les cordons pédieux {np) se montrent irrégulièrement variqueux et sont toujours, au point où ils atteignent la face ventrale du corps après avoir contourné l'œso- phage, renflés en deux ganglions relativement volumineux, les gan- glions pédieux supériews igp), unis par une forte commissure transver- sale dont la section a été indiquée avec sa position réelle sur toutes les figures des planches XXVI et XXYII {cp). La partie de leur trajet entre les ganglions pédieux et le cerveau est plus étroite, dépourvue de cellules nerveuses et représente les connectifs du collier périœso- phagien. On sait que les deux troncs pédieux sont réunis, en outre, ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÈNIENS. 757 par une série de fines commissures transversales en échelle et que chacun est rattaché également au tronc latéral du même côté par une série de connectifs transversaux. 11 n'est pas aisé de suivre sur les coupes de fins trajets nerveux dans toute leur étendue ; j'ai pu pourtant m'assurer, en notant avec soin le niveau de toutes les ori- gines des filets qui émanent des quatre troncs longitudinaux, qu'un certain nombre d'entre elles ne se correspondent pas des deux côtés, et, par conséquent, qu'outre les commissures et connectifs sus-men- tionnés, chaque tronc émet encore de véritables nerfs qui pour les troncs latéraux se perdent bientôt contre le revêtement musculaire général du corps, et pour les troncs pédieux se dirigent tous en dedans vers le pied jusqu'auquel on peut les suivre le plus souvent. La manière dont se terminent inférieurement les troncs longitu- dinaux est intéressante et présente quelques variations. Chez les deux Dondersia, les cordons pédieux s'atténuent en pointe et se perdent insensiblement vers le milieu de la hauteur de la glande coquillière environ, tandis que les cordons latéraux quittent la paroi latérale du corps contre laquelle ils étaient accolés jusque-là, pas- sent en dedans des oviductes et des vésicules séminales, quand elles existent, longent les côtés du rectum et se perdent en petits rameaux peu nombreux au milieu des tissus de la région cloacale, de sorte que la région de la glande préanale est innervée par eux, et non par les troncs pédieux comme l'indique Hubrecht pour sa Proneo- menia Sluiteri. Avant de se prolonger ainsi jusqu'à l'extrémité cau- dale, les deux troncs latéraux sont unis par une très forte com- missure post-rectale, ou plutôt un ganglion allongé situé juste au-dessous de la poche ovigère, en avant de la naissance des ovi- ductes, et qui se retrouve identique de forme et de position chez toutes les espèces (fig. 65, cl). C'est le ganglion branchial de Graff qui l'a découvert chez Neonienia cannata. La terminaison des cordons nerveux est différente chez Proneo- menia sopita, entre autres. Les deux cordons latéraux s'infléchissent l'un vers l'autre et se jettent tout.entiers dans le ganglion post-rectal, ^SB G. PRUVOT. qui émet d'autre part, par son bord inférieur, deux petits filets des- tinés à la région cloacale. De plus, les cordons pédieux, au lieu de se perdre en pointe, se renflent légèrement vers le sommet de la por- tion impaire de la glande coquillière, en ganglions pédieux inférieurs, s'infléchissent en dedans des cornes de celle-ci contre lesquelles ils s'appliquent étroitement et viennent se jeter également dans le ganglion post-rectal, de sorte que nous avons ici, à l'extrémité cau- dale, la répétition parfaitement exacte de la portion céphalique du système nerveux. Knfin, Paramenla impexâ présente une disposition intermédiaire entre les deux précédentes (flg. 65), et qui peut servir à les relier. Les deux troncs latéraux se terminent encore ici dans le ganglion post-rectal {cl). Les deux troncs pédieux s'effilent bien en pointe; mais auparavant ils se renflent en les deux ganglions pédieux infé- rieurs du type précédent, entre lesquels je n'ai pu découvrir une commissure avec certitude. Mais chacun émet un gros tronc ner- veux {Ip), à trajet presque transversal, qui passe aussi en dedans des cornes de la glande coquillière et s'unit d'autre part au tronc latéral du môme côté à une assez grande distance au-dessus du gan- glion post-rectal. Ce trajet ne permet guère devoir en lui, et, par conséquent, en la portion terminale oblique des troncs pédieux chez le type précédent, autre chose que le dernier des connectifs latéro-pédieux fortement accru. Quoi qu'il en soit, cette disposition fait disparaître la seule différence importante qui existait entre le système nerveux des Néoméniens et celui du Chétoderme,qui n'était précisément caractérisé que par la coalescence des troncs latéraux et pédieux au-dessus du ganglion rectal. J'ai pu trouver, chez toutes les espèces, un système nerveux sto- mato-gastrique sous forme de deux petits ganglions {st) unis au cer- veau par deux connectifs qui remontent le long du pharynx. Les deux ganglions sont séparés l'un de l'autre, chez Paramenia impexa, par toute la largeur de ce dernier, et je suis à peu près certain qu'il n'existe pas de commissure entre eux. Mais, chez Dondersia banyu- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 7o9 lensis, par exemple, ils arrivent tout à fait au contact l'un de l'autre, au-dessous de l'œsophage, et complètent ainsi un autre véritable collier œsophagien. Organes des setis. — Les Néoméniens sont tous dépourvus d'or- ganes pour la vue et l'audition; le goût est exercé probablement par les papilles buccales. Quant au tact, il a surtout pour siège l'extré- mité céphalique, et quand on observe une Néoménie en marche, on la voit explorer sans cesse la route cntAtant alternativement adroite et à gauche à l'aide des bourrelets labiaux ou même de tout le pourtour de la bouche. Sous un fort grossissement, on reconnaît alors que tout autour de la bouche, dans le sillon entre le bourrelet cilié circumbuccal (fig. 84, bc) et le bord de la cuticule générale, sont implantées en plus ou moins grand nombre de petites soies tac- tiles (s), droites, souples, extrêmement fines et aiguës. De plus, le bourrelet circumbuccal est soulevé sur la ligne médiane dorsale en un petit bouton {bc'), qu'on ne peut reconnaître que sur des animaux parfaitement épanouis. Plus ou moins différencié, suivant les es- pèces, il est transparentj et porte d'ordinaire de petits spicules diffé- rents de ceux du reste du corps, qui m'ont paru pouvoir être utilisés pour la classification. C'est incontestablement un organe des sens, et il convient d'en rapprocher un autre organe situé près de l'extré- mité caudale, et que les auteurs décrivent comme un crypte sen- sitif, ne l'ayant vraisemblablement jamais observé que rétracté. En réalité, c'est aussi un bouton, parfois même très saillant (fig. 83), mais qui se rétracte et s'invagine avec rapidité au moindre contact. Il est entouré aussi de petits spicules variés, laissant toujours libre le sommet bombé de l'organe qui se montre sur le vivant un peu jaunâtre, couvert d'une cuticule transparente assez épaisse et hé- rissé d'un nombre parfois très considérable de soies tactiles toutes pareilles à celle de l'extrémité céphalique. Je n'ai jamais pu y recon- naître de cils vibratiles. On ne peut faire que des suppositions sur la nature de renseignements qu'il fournit à l'animal; c'est peut-être un organe olfactif. 760 G. PRUVOT. VI. PARTIE SPÉCIALE. PRONEOMENIA AGLAOPHENI.E. MM. Kowalewsky et Marion indiquent cette espèce comme la plus commune à Marseille, et j'en ai également obtenu, à Banyuls, un assez grand nombre d'échantillons concordant absolument avec l'es- pèce provençale par la taille, l'habitat, la forme des spicules, la structure du tégument, le système nerveux et tous les organes de l'extrémité inférieure du corps. Il ne peut donc y avoir de doute sur leur identité spécifique. Toutefois le résultat de mes observations est en désaccord sur un certain nombre de points avec la descrip- tion des deux éminents professeurs. MM. Kowalewsky et Marion ont signalé chez cette Proneamenia, comme chez toutes leurs autres espèces, un cartilage céphalique de soutien qui formerait au ganglion cérébroïde un rudiment de boite crânienne, et, plus bas, servirait de soutien également à la fossette pédieuse. Ils n'en donnent pas de description histologique détaillée, indiquant seulement qu'"il se montre avec un aspect de grosses cellules vacuolaires qui rappellent le tissu conjonctif vésiculeux signalé dans les parapodes du Dasybranchus caducus » . Mais leurs figures et la description de la masse dans son ensemble, description parfaitement exacte, du reste, sauf pour la symétrie parfaite que montrent les figures 11 et 12 de leur planche IV, permettent de le reconnaître aisément sur les préparations, et je l'ai rencontré égale- ment non seulement chez Proneomenia aglaopheniœ , mais chez toutes les espèces que j'ai étudiées, toujours avec des caractères iden- tiques. Mais plusieurs raisons s'opposent à son assimilation à un tissu squelettique cartilagineux : 1° Malgré le grand développement de ce tissu dans la région céphalique, celle-ci n'a pas une consistance supérieure à celle du reste du corps et peut se tordre de même en courbes à petit rayon. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIEXS. 761 2° L'abondance de ce tissu est très variable suivant les individus ; il est surtout semé assez irrégulièrement en îlots séparés jamais sy- métriques des deux côtés du corps. 3° On rencontre assez souvent sur les coupes quelque masse glo- buleuse de ce tissu traversée par une fibre musculaire sans pouvoir déceler contre celle-ci la moindre apparence d'une membrane ou même d'une coucbe différenciée. Donc, sa substance est traversée réellement par la fibre musculaire, ou mieux s'est déposée tout au- tour d'elle, ce qui est incompatible avec l'idée de capsule ou de cel- lule cartilagineuse. 4° Au moment de la fixation de l'animal, le tégument se détache parfois des parties sous-jacentes; il peut arriver que la rupture ait lieu en dedans de la couche musculaire, et l'on trouve alors sur les coupes, au point où des lobes de cette substance arrivaient en con- tact avec elle, ceux-ci, étirés, montrant de vagues fibres irrégu- lières, comme des tractus glaireux, et jamais une cassure nette, comme celle d'un élément histologique solide. 5° Seule, de tous les tissus du corps, la substance en question se colore vivement par le vert de méthyle, qui reste, au contraire, sans action sur les vrais éléments cartilagineux chez tous les ani- maux. Ce dernier caractère, en particulier, cette affinité pour le vert de méthyle, prouve, au contraire, que nous avons affaire ici à un mu- cus, et la structure d'un des lobes de ce tissu, telle que la montre la figure 39, rappelle de la manière la plus 'frappante les glandes muqueuses, la glande sous-maxillaire du chien, par exemple, telle qu'elle est dessinée par M. Ranvier*. On y reconnaît avec évidence les cellules muqueuses [b") grandes, à travées protoplasmiques irré- gulières, à mucigène coloré en vert vif par le vert de méthyle, de môme que les croissants de Gianuzzi [b'), composés d'un nombre variable de cellules plus petites colorées en rouge vineux foncé par > Ranvier, Traité d'histologie, 2» édit., p. 217, fig. 88. 762 G. PRUVOT. le carmin à l'alun et l'éosine. Ces dernières ne sont très vraisem- blablement qu'une modification de forme des cellules ordinaires [b) de la glande, n'ayant pas encore commencé à former du mucus et refoulées par leurs voisines, qui en sont gorgées. On voit, sur la figure 40, les différents stades de la sécrétion ; le mucus commence à se former dans la cellule />, d'abord presque in- distinct au milieu du protoplasma, puis s'accumule vers la pointe de la cellule qu'il gonfle et arrondit en è', tout en refoulant le reste du protoplasma et le noyau contre la paroi basilaire, puis dis- tend de plus en plus les cellules b" qu'il remplit en entier et finit par les faire éclater pour s'échapper au milieu du parenchyme général du corps. 11 n'y a pas de conduits excréteurs; on trouve seulement au milieu de tous les organes de la région de petites masses de mucus isolées loin des cellules qui leur ont donné nais- sance. On en trouve d'autres identiques en dehors du tégument, dans la fossetle pédieuse, et, dans des cas favorables, on peut saisir le passage du mucus ù travers le plafond de la fossette, comme le montrent les figures 3-i et 71. MM. Kowalewsky et Marion ont décrit, chez Proneomenm aglao- phénix, une radula, et en ont donné une figure (XXIII, pi. Vif, fig. 17), 011 l'appareil radulaire est représenté en section transversale sous forme de deux canaux superposés et garnis tous les deux cà l'in- térieur d'un revêtement de nombreux denticules qui convergent par leurs pointes vers le centre. J'ai représenté également la partie im- portante de cette région, et ma figure 43 correspond exactement à la figure à laquelle je viens de faire allusion. Dans l'une et l'autre, on voit à droite et à gauche les deux ganglions stomato-gastri- ques [si) et entre eux les deux tubes superposés. Mais, chez aucun de mes échantillons, ils ne renferment de denticules chitineux ; ils sont simplement tapissés par l'épithélium ordinaire ; seulement ses cel- lules sont dans la paroi ventrale du tube h, parfois un peu plus hautes et effilées en pointe, ce qui aura pu causer l'erreur des deux savants professeurs; mais ce sont, sans doute possible, les cellules ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMILNIENS. 763 mômes de la paroi; et l'on reconnaît toujours à leur intérieur la présence des noyaux. Si l'on suit la série des coupes successives, figures 41 à 4G, desti- nées à montrer les rapports des organes de la région œsophagienne, on reconnaît que le tube le plus dorsal (œ) est le véritable œsophage, et le tube ventral {h] un petit diverticule de cet œsophage renfer- mant un peu plus bas la petite papille /*', point d'arrivée des deux conduits salivaires. Les glandes salivaires ne sont pas, comme on l'a dit, de simples tubes creux, mais sont formées par un grand nombre de lobules serrés les uns contre les autres et compacts {gs). Les cel- lules glandulaires qui les constituent sont coniques, appliquées contre la membrane d'enveloppe par leur base, et arrivent, chacune par sa pointe effilée, jusqu'au conduit excréteur [es], tapissé d'une couche de petites cellules cubiques et qui suit l'axe de la glande dans toute sa longueur, sans émettre de ramifications. Près de leur orifice, les canaux salivaires reçoivent les deux courts conduits de deux grosses ampoules assez énigmatiques (fig. 45, as); parfaitement sphériques et munies d'une membrane d'enveloppe, elles montrent dans leur épaisse paroi une couche de grandes cellules lagéniformes (fig. 45 a, X), à noyaux parfois multiples, et qui déversent leur sécré- tion dans la cavité centrale par un goulot rétréci. Ces ampoules sali- vaires n'ont pas été signalées par MM. Kowalewsky et Marion, non plus que l'extension singulière de l'œsophage dont j'ai parlé plus haut et que montre dans son ensemble la figure 38 [œ). Les deux auteurs précités ont consacré trois figures d'ensemble remarquablement claires à la région caudale. Mais j'ai le regret d'être encore en désaccord avec eux sur deux points : 1° Les trois figures montrent nettement, ce qui est confirmé par les indications sommaires du texte, que le péricarde se continue avec le sinus dorsal et que le cœur, contenu dans son intérieur, se prolonge supérieurement en un véritable vaisseau dorsal renfermé dans l'intérieur du sinus. Or, je ne puis qu'affirmer à nouveau, pour cette espèce en particulier, les conclusions générales données plus 764 G. PRUVOT. haut au paragraphe de la circulation : on ne peut, nulle part, trouver de vaisseau dans l'intérieur du sinus dorsal, et c'est avec ce sinus même que se continue le cœur, ou plutôt le cœur n'en est qu'une partie, et le prétendu péricarde n'a aucune communication avec le sinus. 2° Les «tubes néphridiens » verraient une confirmation de leur nature rénale, dans ce fait qu'« au point où le canal néphridien s'unit à la crosse (la portion terminale recourbée des cornes de la glande coquillière), on distingue deux amas brunâtres qui doivent correspondre à des concrétions déposées dans l'épithélium de l'organe». J'ai presque toujours trouvé les deux amas en ques- tion, exactement à la môme place ; car les deux figures de profil, figure 13 de mon travail, reconstituée d'après une série de coupes transversales, et figure 11 (pi. VI) du mémoire auquel je fais allu- sion, dessinée par transparence, sont tellement semblables, qu'on ne peut douter, d'après leur examen, que les concrétions brunâtres sont contenues dans le petit diverticulc v de l'oviductc. Mais la coupe (fig. 47), qui passe exactement à ce niveau, montre qu'il s'agit là non d'une concrétion urinaire, mais d'un amas de spermato- zoïdes (sp) parfaitement caractérisés. Le diverticule v est un rudi- ment de vésicule séminale; il en occupe, du reste, parfaitement la place et la partie ov', qui lui fait suite, se montre, d'après son épi- thélium simplement cubique, comme la portion terminale dilatée de l'oviducte et n'appartient pas aux cornes de la glande coquillière dont les cellules sont hautes et caliciformes comme dans le reste de l'organe. PRONEOMENIA SOPITA. C'est chez cette espèce que les papilles intracuticulaires de la peau montrent la structure la plus régulière et la mieux de nature à nous éclairer sur leur signification. La tête globuleuse de la papille ne rem- plit pas d'ordinaire en entier (fig. 51) la cavité creusée dans la cuti- cule qu'elle occupe, ce qui est probablement dû à une rétraction ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. T6S post mortem sous l'action des réactifs. On distingue de la façon la plus évidente, grâce à leur groupement régulier, les deux sortes d'élé- ments qui la composent : les grosses cellules sphériques [c) avec leur membrane relativement forte, leur noyau refoule à la base et leur réticulum protoplasmique occupent la moitié dis taie de la sphère ; la partie inférieure n'est occupée que par les cellules fîbril- laires {en). Les prolongements supérieurs de celles-ci pénètrent entre les cellules précédentes, mais ne m'ont jamais montré de poils sen- sitifs terminaux dépassant la surface de la papille. Les prolonge- ments inférieurs, beaucoup plus longs, constituent par leur réunion tout le pédoncule de la papille ; ils traversent Thypoderme et j'ai vu assez souvent un trajet nerveux sous-jacent envoyer un petit filet à leur rencontre sans pouvoir, on le conçoit, reconnaître avec certi- tude, au milieu des muscles et des cellules, la continuité directe des fibres nerveuses avec les éléments papillaires. La figure ol montre un de ces points où un des conneclifs latéro-pédieux {n) détache quelques fibres au niveau d'une papille. Les papilles n'affleurent jamais à la surface de la cuticule, mais sont toujours séparées du milieu extérieur par une mince couche de substance cuticulaire [q] toujours semée d'une grande abondance de petits globules ronds et pâles qui pénètrent même dans les couches les plus superficielles de la cuticule, mais diminuent rapidement de nombre et dispa- raissent entièrement à une faible profondeur, au cinquième ou au quart au plus de l'épaisseur totale. Leur répartition régulière, leur faible réfringence, leur petite taille, leur égalité de volume ne per- mettent pas de les considérer comme des corps étrangers. Les papilles intra-cuticulaires ont été signalées pour la première fois par Kowalewsky (XIV) chez Proneomenia gorgonophila, où elles ne comprennent qu'une seule cellule. Elles existeraient aussi très semblables chez Neomenia car incita, dont le tégument rentrerait ainsi dans le premier des deux types que j'ai distingués plus haut, celui â cuticule épaisse semée de papilles et traversé par des spicules aci- culaires. llansen y signale, en effet (XXII, p. 7), des organites uni- 766 G- PRUVOT. cellulaires rattachés à l'hypodermc et « faisant saillie dans la cuti- cule comme des ballons renversés » . Mais il les rapproche des cel- lules rondes, claires, signalées dans l'hypoderme du Chétoderme, qui me paraissent n'être, au contraire, que les glandules uniccllulaires de la peau répandues chez tous les Solénogastrcs. Peu après, MM. Kowalewsky et Marion (XXIII) ont rencontré des papilles plu- ricellulaires chez toutes leurs Proncomcnia. Ils les comparent aux grandes papilles claviformes du tégument du Siphonosloma diplo- chxtos, ce qui est parfaitement justifié, à s'en rapporter à la descrip- tion et aux figures de M. Jourdan', et les regardent comme unique- ment glandulaires, destinées à sécréter la cuticule, ce qui l'est moins. Chez \q Sipko7Wstoma même, M. Jourdan figure les cellules fibrillaires centrales comme terminées au-dessus de la papille par un petit poil tactile, ce qui suffit à prouver leur rôle sensitif. Chez les Néomé- niens, pour que ces petits organes puissent jouer le rôle qui leur est assigné dans la formation et l'accroissement de l'épaisse couche cuticulaire qui les enveloppe, il faut de toute nécessité admettre, comme le font MM. Kowalewsky et Marion, du reste, que celle-ci s'accroît par sa surface externe au moyen de couches successives déversées à ce niveau par les papilles. Dès lors, les corps étrangers de la surface signalés par les deux auteurs, les petits globules éga- lement superficiels que je viens d'indiquer devraient être recouverts par les nappes nouvelles de substance cuticulaire dont ils sépare- raient les différentes couches. Or, toute la partie profonde en contact avec le tégument cellulaire est, au contraire, toujours parfaitement pure et homogène. De plus, les spicules calcaires ne pourraient, dans cette hypothèse, jamais cesser d'être en contact avec les cellules de l'hypoderme qui leur ont donné naissance; tous devraient, quel que soit leur âge, s'appliquer directement sur lui et traverser de part en part la cuticule, tandis qu'en réalité ils sont échelonnés à des niveaux variables dans son épaisseur, et toujours séparés du tégument cel- 1 Jourdan, Éludes anatomiques sur le Siphonostoma diplodiœlos {Annales du Musée de Marseille, t. III, 1889, n" 2, p. 21), . ,- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 767 lulaire, quand ils ont atteint tout leur développement, par une couche de substance cuticulaire interposée. Ces faits suffisent à prouver que l'accroissement de la cuticule se fait par sa face profonde et que les papilles, situées dans la région la plus superficielle, ne peuvent y prendre aucune part. Il faut chercher ailleurs le rôle qu'elles peuvent avoir à remplir, et ce rôle ne peut des lors être ciue sensitif. D'ail- leurs, la disposition régulière des cellules fibrillaires chez notre espèce, leur continuité à peu près certaine avec des fibres nerveuses, le fait que chez le Siphonostoma des cléments tout semblables par leur structure et leurs connexions présentent des poils tactiles ne peut guère laisser de doute ; ce sont de véritables terminaisons ner- veuses. Quant aux grosses cellulessphériques qui les surmontent, on pourrait peut-être les regarder comme glandulaires ; mais en dehors du noyau et du réseau de protoplasma, on n'arrive jamais à colorer ni à distinguer dans leur intérieur aucun contenu rappelant l'aspect d'un produit de sécrétion, et, sauf les déchirures accidentelles, elles sont toujours enserrées de toute part étroitement dans la couche cuticulaire imperméable. Jïncline à les comparer plutôt aux cel- lules tactiles, bien connues aujourd'hui dans les corpuscules du tact des animaux supérieurs ^ ; comme elles, elles auraient pour rôle de transmettre passivement, en vertu de leur élasticité, les pressions du dehors aux ultimes terminaisons nerveuses qui sont ici les pro- longements supérieurs des cellules fibrillaires interposées et compri- mées entre elles comme les disques tactiles terminaux des corpus- cules précités. Au point de vue morphologique, les papilles ne sont que des por- tions soulevées et ditlerenciées du tégument, comme le montre encore avec évidence Proneomenia sopita. On voit, en effet, dans toute la hauteur du corps, de chaque côté du soc pédieux, des masses cellulaires plus ou moins volumineuses (fig. 53, /^a), plongées dans la cuticule, constituées par des cellules de l'hypoderme qui ont i Ranvier, loc. cit., p. 696. 768 G. PRUVOT. foisonné en ce point et commencent à s'allonger. Entre elles et sur- tout à la périphérie, on voit çà et là de petites cellules rondes et claires qui ne diffèrent que par la taille des grosses cellules termi- nales des papilles. A mesure qu'on s'éloigne du pied, elles grandissent et s'accolent; les autres éléments se groupent h. leur base et s'al- longent, et la transition se fait insensible avec les papilles bien carac- térisées du reste du corps. Je n'ai trouvé parmi les Pronéoménies que chez cette espèce ces soulèvements irréguliers du tégument au voisinage du sillon pédieux; il y a là un caractère qui peut permettre de distinguer sur une section quelconque du corps une Proneomenia sopila de l'espèce voisine, Proneomenia aglaoplienix, où les papilles apparaissent d'emblée avec tous leurs caractères dès le bord du sil- lon pédieux. Un autre caractère dislinctif est fourni par la présence du muscle longitudinal ventral accessoire (fig. 53, ma), qui court jusie en dedans du cordon pédieux. Vers l'extrémité céphalique, il s'infléchit en dedans et s'unit à son congénère du côté opposé juste au-dessus de la fossette pédieusC;, dans le pont de substance qui sépare celle-ci de la cavité buccale. Il se perd en bas au milieu des fibres du grand muscle ventral. Celui-ci est très réduit, particulièrement dans les deux tiers inférieurs du corps, à peine plus épais que la couche musculaire générale des flancs, et même il entremôle ses fibres avec celles de la couche musculaire circulaire au voisinage du sillon pédieux. Je n'ai pas figuré l'ensemble de l'organisation chez cette espèce ; elle peut s'exposer en quelques mots par comparaison avec les figures de reconstitution données pour les autres types. La région supérieure du tube digestif se présente avec la plus grande simplification possible : l'œsophage très court a un trajet à peine oblique et débouche presque aussitôt dans l'intestin moyen un peu au-dessus de la fossette pédieuse, à la base d'un cœcum frontal bien développé. Je n'ai pu trouver la moindre indication de radula ni même d'appareil salivaire chez les trois échantillons que ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 769 j'ai débités en coupes. La région œsophagienne est donc chez cette espèce très différente de Proneomenia aglaopkenix. Pour la région caudale, la glande coquillière relativement courte se prolonge supérieurement en deux longues cornes coniques, nul- lement recourbées au sommet, où s'ouvrent simultanément de chaque côté l'oviducte et une vésicule séminale pyriforme qui des- cend jusqu'au fond de la courbure inférieure de l'oviducte ; la dis- position est tout à fait la même que chez Paramenia nnpexa (fig. 15). Un de mes échantillons paraissant encore très jeune et ne mesu- rant que 6 millimètres de long offre quelques détails intéressants dans l'appareil génital. Les glandes hermaphrodites montrent avec une évidence parfaite que les œufs et les spermatozoïdes naissent en des points différents, les premiers contre la face interne et les seconds contre la face externe de la paroi (fig. 52). Les œufs sont partout dans la région moyenne à peu près au même degré de déve- loppement, encore assez éloignés de la maturité ; nulle part on n'en trouve de libres dans la lumière de la glande ; aux deux extrémités, inférieure aussi bien que supérieure, de la glande ils sont encore bien moins avancés. Les cellules mères des spermatozoïdes, par contre, avancent en développement à mesure qu'on descend vers la région inférieure de la glande, et dans sa portion tout à fait termi- nale on rencontre une abondance croissante de spermatozoïdes mûrs et libres dans la cavité. Le sac ovigère, au lieu de l'épaisse tunique musculaire habituelle, ne montre en dehors de sa membrane basale que quelques rares fibres peu distinctes. Le cœur tubuleux et per- méable reproduit et même exagère la disposition représentée figure47 {co), c'est-à-dire qu'une partie seulement de l'espace sanguin dorsal a pu trouver place dans le raphé médian de la poche ovigère et qu'elle communique largement dans toute sa hauteur avec l'autre portion qui est restée en dehors de la poche. En d'autres termes, le sac ovigère est simplement appliqué contre la face ventrale de la portion cardiaque du sinus dorsal au lieu de l'envelopper. Les vési- cules séminales bien développées sont bourrées de spermatozoïdes ARCH. Dli ZOOL. LXP. ET GÉX. — 2« SÉRIE. — ï. IX. 1891. 49 770 G. PRUVOT. avec rorientation habituelle, queues au centre et têtes contre la paroi. Enfin, la portion impaire de la glande coquillière est très peu développée, ne dépassant guère la moitié de la hauteur des cornes qui lui font suite, et surtout sa paroi épithéliale est bien moins épaisse que chez les individus parfaitement adultes ; ses cellules cali- ciformes sont beaucoup plus petites et ne renferment qu'en petite quantité les globules de sécrétion caractéristiques, il me semble ressortir de ces faits que l'animal n'a pas atteint tout à fait la pleine maturité sexuelle et qu'il n'a encore jamais pondu. Alors les sper- matozoïdes se développent avant les ovules. Les voies génitales paraîtraient aussi, d'après cela, n'achever leur développement qu'à une époque tardive, au moment de la première ponte ; le sac ovigère n'i^cquerrait qu'à ce moment sa tunique musculaire pour déter- miner l'expulsion des cpufs, et la glande coquillière son haut épithé- liuni sécrétant pour leur former une coque protectrice. Les petites glandes pédieuses répandues tout le long du sillon pédieux sont relativement développées chez cette espèce ; elles sont suspendues en petites grappes des deux côtés des bandes musculaires obliques {ins\ fig. 53), aussi bien à l'intérieur du sinus ventral que du côté opposé. La glande préanale est tout à fait distincte des pré- cédentes. Outre qu'il existe entre elle et les dernières glandules pédieuses un assez long espace vide, ces dernières prennent sous l'action combinée du carmin et du vert de méthyle une forte colo- ration violacée rappelant la couleur de l'encre ordinaire et tout à fait différente de la teinte rose de la glande préanale. Leurs éléments sont aussi bien plus volurnineux ; ceux de la glande préanale sont des cellules pyriformes à contenu granuleux du type habituel des cellules glandulaires chez les Néoméniens. Ils sont réunis en acini serrés les uns contre les autres en une masse compacte et continue tout autour de la paroi cloacale (fig. 54, y). Celle-ci envoie dans l'in- térieur de la glande un certain nombre de diverticulesenculs-de-saç courts et non ramifiés, qui leur servent très probablement de con- duits excréteurs {y'). J'ai déjà signalé la présence constante dans le ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 771 cloaque de deux bourrelets longitudinaux (6r), homologues des branchies de Paramenia, mais ne devenant jamais apparents au dehors et ayant leur cavité envahie par le tissu de la glande préa- nale. PRONEOMENIA VAGANS. Je n'ai pas donné, pour celte espèce, de figure d'ensemble de la région supérieure; elle n'aurait fait que reproduire, sauf quelques détails de peu d'importance, celle de Paramenia impexa, et la coupe sagittale représentée figure 55 y supplée parfaitement. On y voit que la véritable bouche œsophagienne semble s'ouvrir non dans le fond, mais en dehors et au-dessous de la cavité buccale, disposition qui se rencontre aussi chez d'autres types (voir fig. 38), et qui ne paraît due qu'à la rétraction de l'extrémité céphahque au moment de la mort; car on ne peut distinguer rien de tel sur le vivant. Pharynx et œsophage sont sur le prolongement l'un de l'autre et entourés d'une couche musculaire d'une épaisseur tout à fait exceptionnelle (fig. 56, mp). La radula, très développée, eu égard à la petite taille de l'animal, est, sur les coupes transversales, bien différente de ce que montre, pour la même espèce cependant, la figure 14, planche IV, de MM. Kowalewsky et Marion. Au lieu de séries transversales de petites dents aiguës semblables et nom- breuses, j'ai toujours trouvé chaque rangée formée seulement de deux forts crochets recourbés (fig. 58, d), munis de trois petites denticulations à leur bord interne et s'appuyant en dehors sur deux bourrelets {j) de la muqueuse œsophagienne qui limitent leur écar- tement. Il existe deux paires de glandes salivaireS; une ventrale et une dorsale, multilobées, courtes, qui se rejoignent sur les côtés de l'in- testin, où la limite des unes et des autres est fort difficile à établir, car leurs éléments se ressemblent absolument. Ce sont des cellules glandulaires allongées, coniques, reposant par leur base contre la membrane d'enveloppe et dirigeant leur pointe vers la lumière de la 772 G. PllUVOT. glande; seulement, tandis que dans la glande dorsale {gs') les pro- longements des cellules, ou tout au moins les produits de sécré- tion étirés en filaments qui leur font suite aboutissent directement et isolément à la papille rétropharyngienne impaire (e), dans cha- cune des glandes ventrales (^s) ils aboutissent à un canal salivaire rectiligne (es), qui traverse l'épais revêtement musculaire de l'œso- phage, remonte le long du mamelon radulaire (fig. 57) et vient dé- boucher à son sommet en dehors et tout contre la rangée supérieure des crochets (fig. 56). Les deux glandes génitales hermaphrodites, du type ordinaire, s'ouvrent isolément au sommet de la poche ovigère (fig. 59, p), qui renferme un raphé cardiaque médian, aplati et formant nettement gouttière avec les bourrelets latéraux qu'on peut suivre encore sous forme d'une bande ciliée sur presque tout le trajet des oviductes (fig. 60, ov). La glande coquillière est de forme plus complexe que dhabitude, incomplètement divisée par deux profonds sillons dorso- latéraux en trois poches (fig. 59 et 60, ga, g'), qui d'ailleurs pré- sentent la même structure de leurs parois avec le mélange habituel de cellules à mucus et de cellules caliciformes. La portion centrale se prolonge supérieurement en deux cornes {g), dont l'épithélium glandulaire passe insensiblement à celui des oviductes, et ceux-ci, assez irréguliers sur tout leur parcours, émettent un grand nombre de bosselures et de diverticules en cœcum, que la figure 60 montre atteints diversement par le rasoir. Ils font peut-être l'office des vési- cules séminales que je n'ai pas trouvées chez cette espèce ; j'ai, du moins, rencontré chez l'individu le plus mûr, à leur intérieur, comme dans les oviductes eux-mêmes, une certaine quantité de spermatozoïdes, mais qui n'étaient pas orientés réguhèrement, comme ils le sont toujours dans les véritables vésicules séminales. En somme, j'ai identifié cette espèce avec Proneomenia vagans de MM. Kowalewsky et Marion, et elles ont, en effet, beaucoup de traits et des plus importants communsj mais il faut bien reconnaître que trois caractères, les spicules en hameçons, la forme de l'appareil ORGANISATION DE QUELQUES NÈOiMÉNIENS. 773 maxillaire et la complication des oviductes et de la glande coquil- lière ne sont guère compatibles avec les figures et les descriptions des deux auteurs. L'appareil spiculaire pair qui débouche de part et d'autre de l'ori- fice génital, à la terminaison du sillon pédieux, a été observé chez trois individus, qui le montrent à trois états différents de dévelop- pement. Chez le premier, dont la reconstitution est donnée figure 39, il a atteint son plein développement; les faisceaux de spicules remon- tent à l'intérieur du corps plus haut même que le sommet du sac ovigère, et, d'autre part, par leur pointe libre, font saillie au dehors bien au delà de l'extrémité cloacale du corps (fig. 7). La figure 60fl, montre une coupe transversale de l'appareil où l'on voit les spicules(/) agglutinés par une faible quantité d'une substance se colorant for- tement par l'hématoxyline et enveloppés d'une couche plus claire où l'on peut reconnaître quelques noyaux; le tout est enfermé dans la gaine péniale doublée par une épaisse couche de cuticule {q). Cet individu était en pleine maturité sexuelle ; le sac ovigère était dis- tendu par les œufs, la région avoisinante des glandes génitales bour- rée d'œufs et de spermatozoïdes mûrs. Dans le deuxième, la dernière partie de la glande génitale est occupée par une grande quantité de spermatozoïdes mûrs et libres, sans mélange de spermatoblastes ni d'œufs, ceux-ci ne commençant à se montrer qu'à un niveau bien supérieur. Les faisceaux de spi- cules péniaux commencent alors aussi haut que chez le précédent, entourés de la même matrice cellulaire et du même revêtement de muscles rétracteurs; mais les spicules qui les forment sont moins nombreux, beaucoup plus courts, et aucun n'atteint l'orifice cloacal et ne peut faire saillie au dehors; ils n'ont évidemment pas atteint toute leur croissance. Enfin, le troisième individu est particulièrement intéressant en ce qu'il est encore éloigné de la maturité sexuelle, quoique ayant atteint, comme les précédents, une longueur de 5 miUimètres, taille 774 G. PKUVOT. que cette espèce ne paraît guère dépasser. Les deux glandes géni- tales, tubuleuses et accolées, tapissées d'un mince épithélium indif- férent, s'ouvrent isolément au sommet du sac ovigère ; du fond de celui-ci parlentles deux oviductes courts et qui ne se réunissent que tout à fait au voisinage de leur orifice commun en avant du cloaque; leur trajet commun n'occupe que deux coupes à 1 cent, de mill. d'épaisseur; la portion impaire ventrale des voies génitales, qui doit devenir la glande coquillière, n'existe donc encore que virtuel- lement, et son épithélium n'est pas encore sensiblement différencié; à peine les cellules y sont-elles plus hautes et plus pressées que dans le reste des voies génitales. L'appareil spiculaire est alors très réduit, et pourrait facilement passer inaperçu; il consiste unique- ment en une paire de courts culs-de-sac cylindriques, limités par une seule couche de cellules cubiques et coiffés d'un revêtement musculaire peu épais; celui-ci distinct dans la région supérieure ou proximale se confond insensiblement à une faible distance du fond du csecum avec le muscle longitudinal ventral du corps par lequel le tube spiculaire est entièrement enveloppé jusqu'à son orifice externe. Le tube n'est nulle part doublé à son intérieur par la couche cuticulaire en continuité avec la cuticule générale du corps que montre sa moitié distale chez les deux individus précédents, et sa lumière ici est entièrement remplie par un faisceau de cinq à sept spicules calcaires séparés seulement par une très mince couche de substance anhiste interposée ; on les voit sur les coupes transver- sales décalcifiées par l'action du carmin aluné comme autant de petits cercles tangents arrivant jusqu'au contact de l'enveloppe cel- lulaire et même la déprimant légèrement. Ces spicules naissent à différents niveaux sur la paroi du tube ; car on voit leur nombre augmenter depuis le fond jusqu'au deuxième tiers environ de l'ap- pareil, à partir duquel ils restent stationnaires sur une certaine hau- teur de coupes; puis commencent à disparaître successivement; aucun d'eux n'atteint l'orifice externe. Cette absence de doublure cuticulaire et de cavité autour du faisceau spiculaire, de môme que ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 77b la couche musculaire appliquée immédiatement contre sa paroi, montrent qu'à cet état l'appareil n'est encore représenté que par sa moitié proximale {mr de la fig. 59), la partie inférieure (mpr) ou dis- taie ne se formant que plus lard, et le développement, selon toute vraisemblance, doit se comprendre delà manière suivante : au dé- but, le tégument cellulaire du corps pousse à l'intérieur un divefti- cule qui donne naissance aux spicules; d'abord plongé dans l'épais- seur du muscle ventral, ce processus s'en dégage à mesure qu'il s'allonge, mais entraîne avec lui un certain nombre de ses fibres, qui deviendront le muscle rétracteur; plus tard, une véritable invagination du tégument avec sa couche cellulaire et sa cuticule (fig. 59, 0, et 60a, q), repousse encore la partie précédemment formée et forme une gaine où peut se retirer en totalité ou en partie le faisceau spiculaire; une autre portion dérivée encore du muscle longitudinal ventral s'insère sur elle, d'ailleurs comme sur tout le rebord cloacal, dont elle n'est qu'un refoulement, et joue le rôle de muscle protracteur. Pour ce qui est de la signification de cet appareil, MM. Kowalewsky et Marion, qui l'ont signalé les premiers, et chez cette espèce, le regardent comme un pénis destiné à jouer le rôle d'organe excita- teur dans l'accouplement; cette opinion reçoit une nouvelle force du fait que son évolution subit une marche parallèle à celle des or- ganes génitaux. Il représente alors, sans aucun doute, les deux pénis latéraux signalés par tous les auteurs chez Neomenia carinata, mais avec une réduction manifeste. Outre que, chez cette dernière, les spicules qui en constituent la partie active sont fortement diffé- renciés, l'un formant une gouttière dans laquelle glisse le second, Hansen décrit (XXII, p. 6) une communication entre les voies génitales et la gaine péniale par l'intermédiaire d'une glande de l'al- bumine, qui s'ouvre au fond de celle-ci et reçoit d'autre part un canal venant de la base de l'oviducte, près de sa sortie du péricarde, de sorte que les pénis pourraient servir effectivement à l'introduc- tion des zoospermes dans le corps de celui des animaux qui joue 776 G. PRUVOT. dans l'accouplement le rôle de femelle. Seulement, si les véritables organes d'accouplement sont les pénis, il devient difficile de regar- der, comme le fait Hansen lui-même, le mushroom inverted de Tull- berg aussi comme un organe copulateur. De plus, le terme de glande de ralbumine appliqué à un organe placé sur le trajet mâle des voies génitales est impropre et consacre, en outre, une confusion ; les glandes en question représentent peut-être, en effet, comme le veut Hansen, les renflements pairs et terminaux des voies génitales du Clmtoderma, question que je ne puis résoudre, n'ayant pas d'ob- servations personnelles sur cet animal, mais ne peuvent représenter l'organe qu'il désigne par le même nom chez Proneomenia et dont^ les connexions sont tout autres. Ce dernier n'est autre que la glande coquillière, la grosse vésicule impaire el ventrale par rapport au rectum qui reçoit les deux oviductes et débouche directement au dehors par l'orifice génital externe médian, connexions qui sont exactement celles, non des glandes de l'albumine de Neomenia, mais du prétendu organe copulateur. Je n'entends pas pourtant pré- tendre par là que ces organes jouent le même rôle exactement chez les deux genres; mais seulement que, d'après ce que nous en sa- vons, ils s'équivalent morphologiquement. Un dernier doute timide pour finir : Hansen est si sobre de détails, qu'il mentionne simple- ment la glande de l'albumine sans donner le moindre renseigne- ment sur sa structure ; il n'indique également qu'avec un point de doute sa communication avec l'oviducte, l'épithélium de l'exem- plaire qu'il a débité en coupes sériées n'étant, dit-il, pas bien con- servé. N'est-il pas permis, dans ces conditions, de se demander si cette glande de l'albumine est bien réellement une glande distincte, placée sur un canal de dérivation faisant communiquer la base de l'oviducte avec la gaine péniale, ou si ce que l'auteur suédois a con- sidéré comme telle ne serait pas seulement soit le muscle rétracteur de l'appareil pénial, dont les fibres coupées transversalement peu- vent, sur des échantillons mal fixés, simuler des cellules glandu- laires, soit des diverticules en culs-de-sac de l'oviducte comparables ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 777 à ceux que montre justement sur tout son trajet l'oviducte de Pro- neomenia vagans{rig. 60, d). Quoi qu'il en soit, chez Proneomenia vagans, il n'y ,1 certainement aucune communication entre la gaine péniale et les voies génitales, et les spicules péniaux ne peuvent jouer, dans l'accouplement, d'autre rôle que celui d'un organe excitateur. L'existence de pareils organes n'a été indiquée jusqu'à présent, outre les différentes espèces de Neomenia, que chez Proneomenia vagans. Toutefois, ils sont vraisemblablement plus répandus ; ainsi, Hubrecht décrit (XII, p. 10), chez Proneomenia Sluiieri, de chaque côté de l'orifice cloacal, tout contre la terminaison du sillon pédieux, deux profonds culs-de-sac revêtus d'une forte couche musculaire qu'il regarde comme une glande du byssus analogue à celle des Acéphales ; mais la description qu'il donne de leur contenu, qui, sur les coupes transversales, rappelle l'apparence d'un gâteau de miel et se prolonge même au delà de l'orifice dans le sillon pédieux comme un crible percé d'orifices arrondis (XII, pi. 111, fig. 32 et 33), ne peut laisser de doute qu'il s'agit là d'un appareil pénial absolu- ment semblable, dans sa structure et ses connexions, à celui de notre espèce, et dont les spicules ont disparu par la décalcification. Il est à remarquer que dès lors cet appareil d'accouplement se rencontre chez les deux seules espèces de Proneomenia, chez les- quelles l'existence d'une radula bien développée est absolument cer- taine; et il y aura là un bon terrain pour démembrer le genre déjà hétérogène de Proneomenia, et qui ne pourra que le devenir davan- tage à mesure que les découvertes d'espèces se multiplieront. Le terme Proneomenia, sensu stricto, devra alors, en vertu de la loi de priorité, être réservé aux Proneomenia Sluiteri et vagans; un autre vocable sera à chercher pour Proneomenia aglaophenise, sopita, etc. DONDERSIA BANYULENSIS. Le volumineux cône pharyngien caractéristique de cette espèce est représenté en coupe transversale vers le milieu de sa hauteur sur 778 G. PRUVOT. la figure 22, et en coupe sagittale figure 23. Il montre deux épaisses couches musculaires concentriques, l'une doublant immédiatement l'épithélium externe et l'autre entourant l'oesophage qui descend le long de son axe (œ), pour remonter en arrière jusqu'au sommet de l'intestin moj^en. Dans l'épaisseur du cône, entre sa paroi ventrale et la portion descendante de l'œsophage, court le canal salivaire impair, se divisant juste au-dessous de lui en deux branches qui se terminent en se pelotonnant (fîg. 2ofl, es) dans deux petites am- poules étranglées à leur base par une sangle musculaire, continua- tion de celle qui forme le plafond du sinus sanguin ventral. Elles sont constituées par une substance fibrillaire rappelant l'aspect du tissu nerveux et semée de petits noyaux aplatis et allongés (fîg. 23a)= Toutes les fibres s'appuient d'une part sur la paroi du canal salivaire, semblant former des canaux ou plus exactement déterminer des trajets qu'on voit parfois avec évidence s'ouvrir entre les cellules de la paroi du canal, et de l'autre elles franchissent l'étranglement musculaire pour se perdre peu après dans le tissu de la glande salivaire sous-jacente, au milieu du produit de sécrétion qui remplit toute la lumière des lobes glandulaires et présente tout à fait le même aspect fibrillaire, mais dépourvu de noyaux aplatis. Les éléments des glandes salivaires sont de deux sortes qu'on peut distinguer même à l'état de non-activité d'après la dimension de leurs noyaux. Les uns, en beaucoup plus petit nombre, de forme très irrégulière sous la compression des éléments voisins (fig. 21, s'), et dont le noyau atteint à peine o [). de diamètre, ne montrent pas de paroi distincte et leur contenu se présente sous forme de petits granules parfaitement résolubles par un bon objectif à immersion, non atteints par l'hématoxyline mais colorés en rouge très vif par l'éosine. C'est à cette forme que j'attribue encore des cellules par- faitement sphériques (s"), variant de 10 à 13 [j. de diamètre, avec un noyau de même dimension que les précédentes, montrant tous les intermédiaires entre leur coloration rouge vif et un état presque incolore. Les cellules de la deuxième sorte (s), beaucoup plus nom- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 779 breuses et constituant la presque totalité de la glande, sont de forme allongée, conique ou fusiforme, et renferment un noyau de 8 (x de diamètre occupant le fond de la cellule dont le reste est rempli par le protoplasma qui se transforme in toto en produit de sécrétion, masse presque homogène, teintée en violacé pâle par l'action succes- sive de l'hémaloxyline et de l'éosine. Ces cellules se terminent en une pointe fine qui se perd au milieu de la substance fibrillaire do la lumière de la glande. D'après l'examen direct des coupes et le résultat des dissociations, eu égard aussi à la grande quantité de cette substance au centre de tous les lobes de la glande par rapport au petit volume de la substance fibrillaire de l'ampoule, il n'est pas admissible que ce soient les prolongements eux-mêmes des cellules glandulaires qui constituent ces deux substances et qui viennent ainsi, démesurément allongés, s'ouvrir directement et isolément dans la lumière du canal salivaire, et il faut se résoudre à admettre que le produit de sécrétion déversé simplement par les cellules dans la cavité centrale des lobes glandulaires chemine vers l'ampoule dont la substance fibrillaire servirait à l'endiguer en quelque sorte et à le diriger vers la cavité du canal salivaire. Dans tous les cas, le contournement de la portion terminale de celui ci à l'intérieur de l'ampoule a certainement pour but d'augmenter sa surface de con- tact avec la substance de l'ampoule et par suite la surface accessible à la sécrétion salivaire. Le système nerveux stomato-gastrique est constitué par deux con- neclifs qui naissent de la face inférieure du cerveau, près de la ligne médiane, descendent sur les côtés du pharynx et aboutissent juste au-dessous du cône œsophagien, à deux petits ganglions arrondis et accolés sur la ligne médiane en dedans des ampoules salivaires. Les deux cordons nerveux pédieux se terminent en pointe vers le milieu de la hauteur de la glande coquiUière sans avoir envoyé en dedans de ses diverticules supérieurs la moindre branche anastomo- lique aux troncs latéraux. Ceux-ci s'unissent au-dessous du sac ovigère par la commissure ganglionnaire habituelle, puis continuent 780 G. PRUVOT. leur trajet et sont seuls à innerver toute la région cloacale. Je n'y ai pas trouvé de glande préanale ; elle est peut-être suppléée par le bourrelet cloacal ventral qui a certainement une fonction de sécré- tion et qui a été décrit dans le précédent chapitre. La ligure 25 montre une belle différenciation du petit muscle ventral accessoire (ma) ; logé dans une sorte de canal en dedans du tronc nerveux pédieux, il est formé de fibres très petites et très serrées, présentant un grand nombre de noyaux qui s'écartent pro- gressivement et se confondent peu à peu avec celles du muscle ven- tral [m) aux deuxextrémilés du corps. Elle montre aussi la gouttière ciliée dorsale de l'intestin moyen qui se continue en haut avec la lumière de l'œsophage, et comment le sinus dorsal (sd) n'est qu'un espace lacunaire limité par les glandes génitales. Il est ici très vaste et absolument bourré de globules sanguins ; ceux-ci, sur le vivant, sont elliptiques, rougeâtres et extrêmement aplatis ; ils n'ont que 2,3 [j. d'épaisseur sur 20 \>. pour le grand axe et 13 \). pour le petit. Les deux lobes qui surmontent la glande coquillière(fig. 8,6) n'ont pas la même structure qu'elle, comme on peut le voir sur la coupe figure 26 qui passe par leur base. Au lieu du mélange de cellules h mucus et de hautes cellules caliciformes (fig. 31), sécrétant en abon- dance de très petits globules ronds, qui constituent les parois de la glande elle-même, les leurs sont formées par une couche de cellules beaucoup moins élevées (flg. 29), rejetant comme des larmes d'une substance hyaline et homogène. Par leur épithélium différent, comme par le fait que les oviductes débouchent au-dessous d'eux, ces appendices ne représentent pas les cornes de la glande coquil- lière des autres types, mais, malgré leur plus grand développement, les petits diverticules [b] des deux espèces suivantes, qu'Hubrecht a déjà signalés chez Dondersia festiva et dont le rôle est inconnu. Pas de vésicules séminales chez cette espèce ; les oviductes sont aussi courts et aussi simples dans leur trajet que chez le Lepidomenia hystrix de MM. Kowalewsky et Marion. Les glandes génitales s'ouvrent dans la poche ovigère par une ORGANISATION DE QUELQUES NÉOiMÉNIENS. 781 courte portion commune ; les gouttières de direction des spermato- zoïdes sont moins bien marquées qu'ailleurs, les bourrelets latéraux étant remplacés par de simples bandes ciliées non saillantes (fig. 26, /) . J'ai trouvé tous les états possibles du cœur, depuis la forme nette- ment vésiculeuse, fonctionnelle, de la figure ^2(3 jusqu'à la masse parenchymateuse, pleine et à peine distincte du reste de la paroi du sac ovigère qui a été représentée pour d'autres espèces. Je ne men- tionnerai que l'aspect reproduit sur la figure 27 où le raphé cardiaque est largement ouvert sur la face dorsale dans toute sa hauteur et montre sa cavité envahie par du tissu parenchymateux et son épi- thélium donnant naissance à de nombreux spermatozoïdes. Chez cet individu, les spermatozoïdes sont aussi abondamment développés dans presque toute l'étendue des glandes génitales, d'autant plus avancés qu'ils sont plus rapprochés de l'extrémité inférieure, et, par contre, on trouve à peine quelques rares ovules et encore tout à fait au début de leur formation. Il est à remarquer que l'individu en question est de petite taille, 8 millimètres à peine, et qu'il pré- sente une glande coquillière très réduite, à paroi épithéliale mince et peu différenciée, qu'il est par conséquent très jeune, au début de la maturité sexuelle, preuve que les spermatozoïdes viennent à ma- turité et descendent dans les voies génitales plus tôt que les ovules. DONDERSIA FLAVENS. Cette espèce se rapproche plus que la précédente de la Dondersia fesliva de Hubrecht, par l'organisation interne, surtout en ce qui con- cerne la région inférieure du corps. Les organes reproducteurs sont construits de même : la glande coquillière dans les deux cas est surmontée de deux petits diverticules de fonction inconnue ; j'y ai rencontré à diverses reprises quelques spermatozoïdes, sans pouvoir pour cela les regarder comme une deuxième paire de réservoirs séminaux; d'abord, le cas est assez rare, puis, les spermatozoïdes toujours peu nombreux n'y sont jamais groupés régulièrement 782 G- PRUVOT. comme ils le sont toujours dans les véritables vésicules séminales ; ils éveillent plutôt l'idée de quelques éléments spermatiques four- voyés à la suite d'un accouplement, étant venu buter contre la partie supérieure de la glande coquillière dans laquelle ils auraient été déposés au lieu de remonter comme les autres le trajet des oviductes pour arriver dans les vésicules séminales. Cette idée de l'introduction des éléments mâles par un véritable accouplement est corroborée dans une certaine mesure par la direction même des vésicules séminales (fig. H, v), récurrente et défavorable à leur pénétration directe au sortir de la poche ovigère. Les deux tubes onduleux représentés par Hubrecht chez son espèce (XXI, pi. IV, fig. 3, l) ont bien la forme et occupent la position des vésicules séminales; mais il faudrait, pour que la ressemblance fût complète, qu'il y eût eu une légère erreur dans le dessin du savant hollandais, et que leur ouverture dans les oviductes se fit non par l'extrémité inférieure renflée, mais, au contraire, au sommet de la courbe que décrivent les oviductes par l'extrémité supérieure effdée. L'individu qui m'a fourni les figures 35 et 36 paraît avoir été sacrifié à l'époque même de la ponte. Les glandes génitales très développées compriment et effacent le sinus dorsal {Tig.So, sd] ; elles renferment des spermatoblastes et quelques spermatozoïdes déve- loppés dans leur région moyenne, mais se montrent uniquement bourrées d'oeufs presque tous mûrs dans leur partie inférieure. La poche ovigère, qui n'est chez cette espèce que la portion commune à peine différenciée des deux glandes génitales, renferme ici des œufs nombreux dans ses deux tiers supérieurs, et le repli cardiaque est comprimé et aplati contre la paroi dorsale; au dessous il est plus distinct (fig. 30, co), mais encore dépourvu de lumière apparente et ne renfermant pas de globules sanguins. Plus bas, les deux oviductes sont fortement dilatés chacun par le passage d'un œuf qui est déformé et allongé, et un dernier œuf, déjà parvenu dans la glande coquillière, se montre entouré d'une grande abondance de petits globules ronds sécrétés par les cellules caliciformes, comme s'ils ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 783 allaient lui constituer une enveloppe. On peut constater sur la figure 36 la grande dimension et l'épaisseur remarquable des parois de la glande coquillière, ainsi que les volumineux amas de sperma- tozoïdes dans les vésicules séminales. Le système nerveux se montre identique à celui de l'espèce pré-r cédente, mais je n'ai pu reconnaître avec certitude le système stomato-gastrique. La figure 34- montre en coupe sagittale les rapports des organes dans la région œsophagienne. Les glandes salivaires ventrales et dorsales se rejoignent sur les côtés au point d'être à peu près impos- sibles à distinguer les unes des autres en l'absence de différences perceptibles dans leurs éléments. Ceux-ci sont encore, pour la très grande majorité, des cellules coniques à longues pointes effilées se perdant au milieu de la lumière centrale dans la masse vaguement fibrillaire que je considère comme leur produit de sécrétion. Dans les glandes dorsales [gs'], celui-ci converge des deux côtés vers la masse fibrillaire qui forme la substance de la papille rétro-pharyn- gienne (pa). Les rapports et l'aspect général sont tout à fait les mêmes que dans les ampoules salivaires ventrales de l'espèce précé- dente, avec cette diffé'rence que les fibrilles terminales, au lieu d'aboutir à la paroi d'un canal saUvaire, aboutissent à la paroi de la papille libre dans un cul-de-sac dorsal de l'œsophage. Les tractus fibrillaires des glandes ventrales {gs) remontent vers un canal salivaire impair {es) légèrement bifide à l'extrémité infé- rieure, mais beaucoup plus court et ne présentant pas les ampoules terminales de Dondersia banyulensis. Hubrecht a décrit chez Dondersia festiva une radula, très réduite, il est vrai, libre dans l'œsophage et située dorsalement par rapport à up canal salivaire unique. Ce rapport exceptionnel pour l'appareil maxillaire d'un Néoménien et son aspect sur le dessin rappellent de très près la petite radula que j'ai trouvée chez Paramenia pal/ fera; mais je puis affirmer qu'il n'existe chez Dondersia flavens aucune trace d'une formation semblable. 784 G. PRUVOT. ISMENIA ICHTHYODES. L'unique exemplaire que j'ai pu recueillir montrait toute la région céphalique envahie par un développement considérable de la glande muqueuse suprà-pédieuse, en rapport avec les grandes dimensions de la fossette pédieuse; ses lobes comprimaient et déplaçaient tous les organes, au point d'en rendre l'étude difficile et quelque peu incertaine. J'ai reconnu l'existence de deux longues glandes salivaires assez différentes du type ordinaire. Aplaties entre la paroi du corps et l'intestin qu'elles entourent sur les côtés et sur la face dorsale, remontant jusqu'au-dessus du ganglion cérébroïde, elles sont for- mées d'une masse compacte de cellules glandulaires, à noyau petit parfaitement sphérique, devenues polyédriques par pression réci- proque. Dans la portion la plus ventrale de chaque glande, le tissu devient moins compact et se creuse d'une lumière centrale où l'on distingue, amassées vers le centre, les vagues traînées filamenteuses continues avec les cellules glandulaires de la région dorsale qu'on trouve chez toutes les espèces à glandes salivaires dépourvues de conduits excréteurs. Mais ici toute la glande semble se continuer insensiblement en haut avec un large canal très pelotonné, assez irrégulier, qui paraît déboucher bientôt par un orifice distinct de celui de son congénère au sommet de la radula. Elles représentent donc la paire de glandes ventrales et il n'y aurait pas de glandes dorsales ; la papille rélropharyngienne fait certainement défaut. La radula chitineuse doit être relativement très forte, car les den- ticules sont assez fortement colorés en jaune brun, et, de plus, ils ont été brisés et déplacés par le rasoir, ce qui ne se produit pas chez les autres espèces, de sorte qu'on voit mal leur nombre et leur dis- position. Je crois pourtant qu'il s'agit là encore de deux rangées longitudinales de crochets recourbés se regardant par leurs pointes. Pas de caecum intestinal frontal. Le canal œsophagien court et droit émet ventralement le profond cul-de-sac radulaire, puis dé- ORGANISATION DE QUELQUES Nf.OMÉNIENS. 785 bouche aussitôt au sommet de rintestin moyen. Deux ganglions stomato-gastriques parfaitement nets sont unis ventralement par une commissure transversale juste au-dessous du cœcum radulaire. Sauf dans la région supérieure, les glandes génitales ne renferment absolument que des ovules à différents états de développement, et plus bas ceux-ci remplissent et distendent la poche ovigèreau point d'effacer presque entièrement le raphé cardiaque (fig. 79). Les petites vésicules séminales globuleuses (fig. 18, v) sont bourrées de sper- matozoïdes orientés de la manière ordinaire. Ces faits me semblent une confirmation nouvelle de l'idée que les produits mâles et femelles ne doivent pas arriver à maturité en même temps. Chez l'individu qui nous occupe, la période mâle, si l'on peut s'exprimer ainsi, est passée ; les spermatozoïdes sont arrivés à leur poste dans la vésicule séminale, soit par accouplement, soit descendus directe- ment de la glande génitale, il ne s'en fabrique plus de nouveaux et leurs gouttières de direction sont effacées. L'animal est en pleine activité femelle, probablement au début de la ponte ; les œufs amassés dans la poche ovigère ne vont pas tarder à être expulsés, et ceux qui se développent en ce moment dans les glandes génitales viendront prendre leur place, pour être fécondés, pondus à leur tour, et ainsi de suite. La glande coquillière et ses deux cornes supérieures montrent des parois épaisses avec une double rangée de noyaux, une appliquée contre la membrane d'enveloppe, et l'autre vers le milieu de la hau- teur de l'épithélium qui appartient aux cellules caliciformes ordi- naires. Les petits diverticules supérieurs (fig. 18, b) sont tout à fait semblables à ceux de Dondersia flavens, ayant leurs parois bourrées de petits amas, probablement de mucus, colorés d'une façon intense par l'hématoxyline. Les deux poches précloacales ont été décrites dans la partie anatomique générale. ARCII. DE ZOOL. EXP. El GÉN. — 2« SÉRIE. — T. IX. 1S!H. 50 786 G. PRUVOT. PARAMENIA IMPEXA. C'est le type où la région œsophagienne est à la fois le plus com- plexe et le plus favorable à l'étude. Les glandes salivaires ventrales et dorsales sont parfaitement distinctes dans toute leur étendue, non seulement par leur membrane d'enveloppe mais surtout par la nature de leur épithélium sécrétant (flg. 73, gs et gs'). Un fragment plus grossi de la même coupe représenté en 73 a montre mieux encore cette différence. Dans les deux paires do glandes, la membrane d'enveloppe envoie à l'intérieur des cloisons incomplètes qui les divisent en lobes et sur lesquelles reposent les cellules sécrétantes. Celles-ci sont dans les glandes ventrales (gs) très nombreuses, serrées et chevauchant les unes sur les autres ; elles sont relativement petites, munies d'un petit noyau central que l'hématoxyline teint presque uniformément en violet foncé et d'un prolongement effilé qui aboutit au canal sali- vaire (es) unique et simple pour chaque glande ; sa paroi relative- ment épaisse est formée d'une couche unique de cellules cubiques. Dans les glandes dorsales, les cellules lgs'')sont beaucoup plus volu- mineuses, rangées en une seule couche, et leur noyau plus clair et plus gros occupé à son tour par un petit nucléole foncé est refoulé ainsi que le protoplasma qui l'entoure vers la base de la cellule ; la partie terminale effilée est remphe par le produit de sécrétion gra- nuleux qui s'accumule au centre de la glande avant d'atteindre la papille rétro-pharyngienne. La figure 72 montre la structure de celle-ci an fond de son cul-de-sac œsophagien ; elle est limitée par une couche de cellules épithéliales à noyaux allongés, hautes et pressées, entre lesquelles semblent venir se terminer les fibres qui constituent la substance môme de la papille et auxquelles appar- tiennent les petits noyaux centraux e. Si l'évacuation des produits salivaires se fait réellement par cette papille, et il n'y a guère lieu d'en douter, vu, d'une part, l'absence certaine de tout autre débou- ché pour les deux glandes dorsales, et, de l'autre, l'identité de struc- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 787 ture de celte papille avec les ampoules salivaires qui aboutissent au conduit excréteur chez Dondersia banyuhnsis, nous avons là un pro- cédé de sécrétion bien exceptionnel dans le règne animal. Il serait intéressant de pouvoir suivre le développement et reconnaître si, ce qui paraît l'hypothèse la plus vraisemblable, la papille est au début formée par les prolongements des cellules glandulaires encore peu allongées qui viendraient aboutir en un point de la face dorsale de l'œsophage, comme ces mêmes prolongements arrivent dans les glandes ventrales contre la paroi du canal salivaire, et si, à mesure que la glande grandit et que ses cellules doivent s'allonger, elles ne finiraient pas par rompre leurs fins pédicules dont les portions termi- nales resteraient pour former la substance fibrillaire de la papille, n'ayant plus de continuité directe avec le reste de la cellule. En tout cas, une preuve que la papille n'est pas un organe formé indépen- damment des glandes résulte de ce fait que parfois une des glandes dorsales est frappée d'atrophie, ou mieux d'un arrêt de développe- ment, et alors la papille n'occupe pas sa position médiane ordinaire mais s'est portée du côté de la seule glande développée ; je possède deux préparations oîi la papille est ainsi rejetée complètement une fois sur le ilanc droit et une autre fois sur le flanc gauche de l'œso- phage. La radula est entièrement semblable à celle de Proneomenia vagans, et dans les deux cas le mode de formation des crochets au fond du cul-de-sac radulaire diffère notablement de ce qui se passe chez les Mollusques. Au lieu de deux formations indépendantes, une lame chitineuse de soutien continue d'une part et de l'autre la série des denticules venant ultérieurement s'y souder, nous trouvons des cro- chets qui se forment chacun tout d'une pièce et restent séparés les uns des autres toute la vie. La figure 70 passant tout à fait par le fond du cœcum radulaire montre les cellules épithéliales de celui-ci (e') élaborant dans leurs pointes tournées vers la cavité et y déver- sant la matière chitineuse qui doit constituer les crochets. Un peu plus haut, figure 60, cet amas de substance encore incomplètement 788 G. PRUVOT. solidifié et différencié est néanmoins tout à fait distinct des cel- lules e'; il se moule sur la forme de la cavité du cœcum et les pointes des crochets commencent à se former. Enfin, les figures 68 et 67 montrent la paroi dorsale du ca3cum se confondant avec l'épithélium du pharynx, puis disparaissant, et le point d'union de la paroi ven- trale du cœcum avec le revêtement pharyngien formera le talon d'appui [j) des paires supérieures de crochets qui sont complètement formés, séparés l'un de l'autre et libres par leur sommet dans la lumière du pharynx. C'est dans ce lalon d'appui que s'ouvrent les conduits salivaires ventraux (es). Le système nerveux et les branchies ont été étudiés dans la partie anatomique générale, et pour les organes génitaux je n'aurais qu'à répéter ce qui a été dit à propos des Dondersia. PARAMENIA SIERRA. La paire de glandes salivaires dorsales de l'espèce précédente manque ici ; l'espace qui persiste entre le sommet du cœcum intes- tinal frontal très développé et le ganglion cérébroïde n'est occupé que parla glande muqueuse supra-pédieuse. Il n'y a donc pas non plus de papille rétro-pharyngienne. Les glandes salivaires ventrales sont par leur structure et leurs rapports avec la radula identiques à celles de Paramenia impexa. Le revêtement tégumentaire appartient au second des deux types que j'ai distingués au début de la partie anatomique ; les spicules aciculaires et creusés d'une lumière centrale perforent en effet la cuticule, mais celle-ci est sensiblement moins épaisse que chez les autres espèces appartenant au même type et surtout ne renferme pas de papilles intracuticulaires, sauf quelques-unes mal différen- ciées au voisinage du sillon pédieux (fig. 61). Le sac ovigère est remarquablement allongé et les gouttières de direction des spermatozoïdes sont plus accentuées que partout ail- leurs (fig. 61 et 62). Les bourrelets latéraux peuvent même se suivre en haut jusqu'à une certaine hauteur dans les glandes hermaphro- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 789 dites elles-mêmes, et en bas dans à peu près tout le trajet des ovi- ductes ; leur continuation dans ces organes se reconnaît à ce que l'épithélium de la paroi externe présente des cellules plus élevées que le reste et finement ciliées. Le raphé cardiaque très long égale- ment et aplati dans toute sa hauteur pour compléter les gouttières était, chez le seul individu que j'aie rencontré, très étroit dans ses deux tiers inférieurs, purement parenchymateux (lig. 61 , co) et flan- qué latéralement de deux cordons musculaires provenant des fibres éparses dans le parenchyme somatique de la région cloacale qu pénètrent avec le sinus dans le raphé entre les origines des oviductes et l'escortent jusqu'à son tiers supérieur où elles se portent en dehors du côté dorsal et vont se perdre de nouveau dans le parenchyme ambiant. Dans le tiers supérieur, le cœur devient brusquement beau- coup plus large et montre môme latéralement deux bourrelets ren- flés (fig. 62, co) qui rappellent entièrement ce qu'Hubrecht appelle les oreillettes de Dondersia festiva. Il n'existe pas de véritables vésicules séminales, mais du fond du sac ovigère et de l'origine des oviductes partent quelques petits caecums courts dans lesquels j'ai trouvé une petite quantité de sper- matozoïdes ; d'autres, en plus grand nombre et mieux orientés à la manière ordinaire, se trouvaient dans les oviductes mômes, tout près du point où ils s'ouvrent dans les cornes de la glande coquillière, au point par conséquent qu'occupent les vraies vésicules séminales quand elles existent. Les petits caecums de l'origine des oviductes doivent être rapprochés de ceux qui sont répandus dans toute leur hauteur chez Proneomenia vagans, et aussi de ceux qu'a figurés Hubrecht, à leur extrémité supérieure seulement, chez sa Proneome- nia Sluiteri (XII, pi. lY, lig. -46). Ce n'est guère que par extension et par comparaison avec les autres types qu'on peut, chez Paramenia sierra, donner le nom de cloaque à la cavité branchiale, car la glande coquillière s'ouvre, en réalité, non dans son intérieur, mais tout à fait en avant d'elle par un orifice distinct (fig. 63, a) à la terminaison du sillon pédieux. Et 790 G, PRUVOT. de plus il débouche juste au même point une paire de petits CcBCums latéraux cylindriques, plongés dans les muscles longitudinaux ven- traux, dans chacun desquels j'ai pu, malgré la décalcification, recon- naître les traces d'un faisceau de spicules droits et relativement longs. Nul doute que malgré leur petite dimension et l'absence de muscles propres ces formations ne représentent, seulement à un état rudimen taire, l'appareil spiculaire pénial de Proneomeniavagans., PARAMENIA PALIFERA. L'œsophage débouche chez cette espèce juste au sommet de l'in- testin moyen qui, ainsi, ne se prolonge pas en un cœcum frontal. Pas de glandes salivaires dorsales ni de papille rétro-pharyngienne. Mais il existe une paire de glandes ventrales identiques à celles do Paramenia impexa (comp. les figures 76 et 73 a) ; seulement les conduits salivaires étaient chez mon unique échantillon considéra- blement distendus par le produit de sécrétion qui se montre ici comme une substance parfaitement hyaline et homogène colorée en rose par l'éosine (fig. 76, es). Les deux conduits se fusionnent à leur sortie des glandes en un canal impair (fig. 75, es) qui s'ouvre sur la ligne médiane ventrale dans l'œsophage, tout près du point où il aborde l'intestin moyen, et la radula se trouve située juste on arrière de lui. Extrêmement réduite, perceptible à peine sous un grossissement de 400 diamètres, celle-ci se compose d'une série de sept ou huit petites lames légèrement courbées, appliquées directe- ment contre l'épithélium œsophagien et portant chacune sept petites pointes aiguës (fig. 75, d) ; elle rappelle donc assez, en dépit de son état rudimentaire, la radula de Proneomenia Sluiteri. Comme chez l'espèce précédente, à la terminaison du sillon pé- dicux débouchent deux courts et larges ctecums que montre coupés obliquement la figure 78 (/), mais dans lesquels je n'ai pu recon- naître de spicules péniaux, et la glande coquillière s'ouvre entre eux par un orifice distinct aussi de l'orifice cloacal qui est entouré par la couronne des branchies. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 791 La glande coquillière est très courte et môme incomplètement divisée presque jusqu'à son orifice par un sillon dorsal. Elle est pro- longée par deux cornes plus longues qu'elle-même, dressées, acco- lées par leur face interne dont l'épithéliura est formé surtout des cellules à mucus colorées en bleu pâle par l'hématoxyline, à l'exclu- sion presque complète des cellules caliciforraes. Les oviductes qui n'émettent ni caecums ni vésicules séminales partent non du fond du sac ovigère, comme c'est le cas ordinaire, mais du sommet de son tiers inférieur. La poche ovigère descend très bas et est même comprimée dans sa partie inférieure par les saillies branchiales du cloaque. Le raphé cardiaque a la forme aplatie des espèces précédentes ; mais les bourrelets ciliés, qui doivent compléter avec lui les deux gouttières latérales, ont ici une disposition particulière. Ce sont deux bourrelets extrêmement saillants (fig. 77, b), formés de hautes cel- lules et situés, fait exceptionnel, contre la paroi ventrale du sac ovigère. Intérieurement ils se continuent avec la face externe des oviductes (fig. 78, b), et supérieurement ils s'écartent en s'étalant pour se confondre avec la paroi externe des glandes génitales, tandis qu'un autre petit bourrelet, également ventral, mais médian, apparu déjà dans la région supérieure du sac ovigère, proémine en haut de plus en plus dans sa cavité, puis rejoint au sommet la paroi dorsale et constitue la cloison de séparation des deux glandes génitales. Tels sont les faits anatomiques principaux que m'ont permis de reconnaître les Néoméniens des côtes de Banyuls. Je me suis borné à les exposer sommairement et à les justifier de mon mieux, m'abs- tenant avec soin de toute considération théorique. Le moment sem- blerait venu maintenant de les discuter au point de vue de la com- paraison avec les autres classes du règne animal et de voir jusqu'à quel point ils s'accordent avec les idées aujourd'hui répandues sur les affinités et l'origine des Solénogastres. Mais j'estime qu'un élé- ment capital d'information nous fait encore défaut et qu'une telle 792 G. PRUVOT. discussion viendra mieux à sa place quand l'étude du développement, pour laquelle je recueille actuellement des matériaux et des obser- vations, aura pu être menée à bien. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXV. Les traits placés îi côté de chaque, figure d'extérieur indiquent la dimension réelle de l'individu représenté. Tous les spicules ont été dessinés à la chambre claire, sous un grossissement uni- forme de 310 diamètres, pour faciliter les comparaisons, sauf la figure 3rt qui est une figure d'ensemble, et la figure 4a qui est au grossissement de 175 diamètres. FiG. 1. et 2. Portion d'une touffe de La/oea dumosa portant enroulées sur ses hydro- caules à gauche une Dondersia banyulensis (1) et à droite une Dondersia flavens (2). la. Extrémité caudale de Dondersia banyulensis montrant le cloaque largement béant au moment de la ponte, o, œuf en train d'être évacué; p, sillon pé- dieux qui s'atténue et se perd insensiblement au voisinage du cloaque; f, faisceau de fins spicules aciculaires au milieu du rebord ventral du cloaque. 16. Différentes formes de spicules de la même, a, spicules aliformes formant une double rangée de protection au sillon pédieux; i, spicules en forme d'écaillés imbriquées de haut en bas sur tout le corps; on trouve épars au milieu d'eux les petits spicules en massue de la forme c, beaucoup moins nombreux. 2a. Extrémité céphalique de Dondersia flavens vue par la face dorsale à l'état d'extension et faisant saillir les fines soies tactiles qui garnissent le pour- tour de la bouche. 2b, Extrémité cloacale de la même. 2c. Spicules de la même. Les spicules de la forme a constituent en s'imbriquant tout le revêtement du corps, semés çà et \h, comme chez l'espèce précé- dente, de petits spicules en massue 6. 3, Ismenia ichthyodes, vue de trois quarts par la face ventrale, montrant le grand développement de la fossette pédieuse f, au-dessous de la bouche 0, et le grand lobe précloacal caractéristique /. 3a. Disposition particulière du revêtement spiculaire de la même, a, rangée de spicules aliformes recouvrant et protégeant le sillon pédieux; b, spi- cules en forme de coupe-papier extérieurs aux précédents ; ils passent par des transitions graduelles aux spicules c, plus courts et striés longitudi- nalement, et ceux-ci, par l'épaississement de leur talon d'implantation et le raccourcissement du limbe, passent à leur tour insensiblement aux spicules cténoïdes d, qui forment, en s'imbriquant régulièrement de haut en bas, tout le revêtement des flancs et du dos. Gross., 100 d. environ. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 793 FiG. Zb. Les mêmes spicules, a, b, c, d, isolés et plus grossis (310 d.). 4. Paramenia yalifera, vue de dos à l'élat de repos, monlrant les papilles bran- chiales p, à demi rétractées. 4a. Spicules de la même, o, un des spicules foliacés qui bordent de part et d'autre le sillon pédieux, vu de trois quarts; b, spicules en forme de pelle imbriqués et recouvrant tout le reste du corps. 5. Paramenia impexa, vue par la face ventrale, a, et par la face dorsale, h. '6a, Extrémité caudale de la même, montrant le cercle de branchies cloacales rétractiles et le bouton sensitif dorsal s. 56. Spicules isolés de la même, a, spicules aciculaires; b, spicules navicu- laires; toutes les formes de transition s'observent entre les deux; c, spi- cules en hameçon épars au milieu des précédents, mais plus abondants dans la région dorsale. 6. Paramenia sierra, avec sa haute crête dorsale découpée et son cercle de branchies cloacales p. 6a. Extrémité cèphalique de la même, p, papilles intra-buccales ; s, soies tac- tiles hérissant tout le pourtour de la bouche; f, fossette pédieuse se continuant inférieurement avec le sillon pédieux. 66, Spicules de la même, a, aciculaires, et 6, en hameçon, semblables îi ceux de l'espèce précédente, mais plus grands. 7. Proneomenia vagans, vue de côté, avec la bouche très grande par rapport à la fossette pédieuse et les deux faisceaux de spicules péniaux caractéris- tiques, r, particulièrement saillants chez cet individu. Les spicules sont de même forme et de même dimension que chez Paramenia impexa (fig. 56). PLANCHES XXVI-XXXI. Lettres communes à toutes les figures. a, cloaque. i, intestin moyen. c, ganglion cérébroïde. i', son caecum frontal. cl, commissure dorsale unissant les extré- k, bouton sensitif dorsal. mités inférieures des cordons ganglion- m, muscle longitudinal ventral. naires latéraux. ms, sangle musculaire limitant dorsale- co, cœur. ment le sinus ventral. cp, commissure sous-œsophagienne unis- ms', bandes musculaires obliques s'alta- sant les renflements supérieurs des chant au fond du sillon pédieux et for- cordons ganglionnaires pédieux. mantles parois latérales du sinus ven- cs, canal excréteur de la glande salivaire tral. ventrale. «p, tronc nerveux pédieux. f, fossette pédieuse. ni, tronc nerveux latéral. ga, glande coquillière. «p, œsophage. gh, glande génitale hermaphrodite. ûv, oviducle. gm, glande muqueuse supra-pédieuse. p, sac ovigère. gs, glande salivaire ventrale. ph, pharynx. gs', glande salivaire dorsale. q, cuticule portant lus spicules. 794 G. PRUVOT. r, rectum. st, ganglion stomato-gastrique, s, soies sensitives. sv, sinus ventral. sd, sinus dorsal. v, vésicule séminale. Toutes les figures des planches XXVI et XXVIl, il l'exception de la dernière (fig. 19), représentent la position et les rapports des organes aux deux extrémités du corps chez les principales formes de Néoméniens qui font l'objet de ce mémoire. Etablies d'après des séries de coupes relevées à la chambre claire et superposées, elles montrent tous les animaux dans une position identique, de profil et supposés ouverts par le côté droit. PLANCHE XXVI. FiG. S. Extrémité céphalique de DoMfiersJa 6anî/M/ensw. Gross,, 40 d. Du fond du pharynx s'élève un cône musculeux /;, au sommet duquel s'ouvrent par un orifice commun le conduit excréteur des glandes salivaires et l'œso- phage; celui-ci, très étroit, va déboucher au sommet d'une pointe effilée de l'intestin moyen qui représente le Ctecum frontal qu'on rencontre chez d'autres espèces. hh', niveau de la section représentée figure 21. nn', niveau de la section figure 22. 9. Extrémité caudale de la même. Gross., 40 d. Comme dans toutes les autres figures de régions caudales, les organes impairs ont été dans leur portion inférieure supposés coupés suivant le plan sagittal du corps, tandis qu'au-dessus ils ont été laissés entiers pour montrer les organes pairs qui les recouvrent. La glande coquillière émet supérieurement deux culs-de-sac volumineux b, h la base desquels s'ouvrent les oviductes. xx', niveau de la section représentée figure 26. yy', niveau de la section représentée figure 32. 10. Extrémité céphalique de Dondersia flavens. Gross., 45 d. L'oesophage, plissé transversalement, est sur le prolongement du pharynx; il s'ouvre au sommet de l'intestin moyen qui n'est pas ici prolongé supérieurement en caecum. Au fond du pharynx se voit la papille rétropharyngienne e, où aboutit la glande salivaire postérieure. 11 . Extrémité caudale de la même. Gross., 45 d. Ici les diverticules supérieurs de la glande coquillière sont bien plus réduits que dans l'espèce précé- dente, et l'oviducte reçoit vers le tiers supérieur de son trajet ascendant le conduit d'une volumineuse vésicule séminale v, au delà de laquelle ses dimensions sont fortement accrues, ov'. xx', niveau de la section représentée figure 3G. 12. Extrémité céphalique de Proneomenia aglaopheniœ. Gross., 60 d. Dans la partie inférieure de la figure, la paroi de l'intestin est enlevée pour mon- trer l'allongement singulier de l'œsophage dont l'extrémité est libre dans la lumière de l'intestin moyen ; celui-ci se prolonge supérieurement en un caecum frontal très développé, i'. Le pharynx se prolonge aussi de son côté, en avant et au-dessus de l'origine de l'œsophage o, en un cul- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 795 de-sac au fond duquel s'ouvre, à côté de la glande salivaire ventrale, une grosse vésicule accessoire sphérique u. FiG. 13. Extrémité caudale de la même. Gross., GO d. La glande coquillière se divise supérieurement en deux longues cornes, g, plus volumineuses que la portion impaire, et au sommet desquelles débouchent les oviductes fortement renflés dans leur portion terminale ov'. La vésicule séminale, ei développée dans l'espèce précédente, n'est représentée que par un petit diverticule rudimentaire, v, de l'oviducte. xx', niveau de la section représentée figure 47. PLANCHE XXVII. FiG. 14. Extrémité céphaliqiie de Paramenia impexa. Gross., 50 d. L'œsophage est sur le prolongement du pharynx et se continue avec lui sans démar- cation tranchée, t', caecum intestinal frontal; d, radula, au sommet do laquelle s'ouvrent isolément à droite et à gauche les conduits des deux glandes salivaires ventrales; les deux glandes salivaires dorsales, beau- coup plus longues et situées d'abord en avant de l'intestin moyen, con- tournent l'œsophage et aboutissent à la papille rétro-pharyngienne e. mm', niveau de la section représentée figure 73, 15. Extrémité caudale de la même. Gross., 50 d. g, corne supérieure gauche de la glande coquillière; v, vésicule séminale débouchant dans la partie supérieure renflée de l'oviducte; br, branchies cioacales rétractiles for- mant un cercle interrompu seulement sur la ligne médiane ventrale. IG, Extrémité céphalique de Paramenia sierra. Gross., 50 d. L'œsophage, très court, se continue sans démarcation avec le pharynx; celui-ci présente un cul-de-sac dorsal, mais pas de papille rétro-pharyngienne; les glandes salivaires dorsales font également défaut. Les deux glandes salivaires ventrales, bien développées, débouchent, comme dans l'espèce précé- dente, de part et d'autre du sommet de la radula d. t', tœcum intestinal frontal. 17. Extrémité caudale de la même. Gross., 50 d. g, cornes de la glande coquil- lière, extrêmement développées. Pas de vésicule séminale, mais les petits caecums, y, de la partie inférieure du sac ovigère et de la portion initiale de l'oviducte en tiennent peut-être lieu, br, branchies cioacales, comme dans l'espèce précédente. nn', niveau de la section représentée figure G2. xx', niveau de la section re- présentée figure 61. yy', niveau de la section représentée figure 63. 18. Extrémité caudale d'Ismenia ichthyodes. Gross., 50 d. Le sac ovigère, p, est fortement distendu par les œufs qui le remplissent, v, vésicule sémi- nale à l'origine de l'oviducte; 6, diverticule supérieur de la corne droite, g, de la glande coquillière. Le talon précloacal caractéristique de cette espèce est creusé de deux grandes poches superposées, u élu'; t, court canal qui s'ouvre au sommet de la poche u' et se perd d'autre part dans le tissu glandulaire avoisinant. xx', plan de la section représentée sur la figure 79. yy', plan de la section représentée sur la figure 80. 7S6 G. PRUVOT. FiG. 19. Figure schématique destinée à montrer les rapports des conduits génitaux et du sac ovigère avec le sinus dorsal et le cœur; vue par la face dor- sale. Deux fenêtres ont été pratiquées aux tiers supérieur et inférieur du sac ovigère intéressant sa paroi et le tube cardiaque co. Le cœur n'est qu'une portion du sinus dorsal sd, dilatée et enfermée dans une involution de la paroi du sac ovigère. o, œufs accumulés dans le sac ovigère; b, b, b, b, sections du bourrelet longitudinal cilié qui forme avec le raplié cardiaque une gouttière pour le passage des spermato- zoïdes et qui se continue dans l'oviducte. PLANCHE XXVIII. DOKDERSIA EANYULENSIS. FiG. 20. Coupe longitudinale d'une portion des téguments dans la région des flancs. Les spicules calcaires se reposent simplement par leur base dans des sortes d'alvéoles dont est creusée la face supérieure de la cuticule; celle-ci est très mince et entièrement dépourvue de papilles cutanées. Sous le tégument /, on voit les couches musculaires circulaire m', et longitudinale mm'\ Gross., 390 d. 21. Coupe transversale suivant la ligne iiu' de la figure 8. Cette coupe passe par la base de la fossette pédieuse et le ganglion cérébroïde au point d'émergence des connectifs pédieux. Elle rencontre le tube digestif en trois points de son trajet : le pharynx, l'œsophage ascendant très étroit et la portion initiale de Tintestin moyeu, montrant dès son origine la gouttière ciliée dorsale u qui se continue jusqu'au rectum. Des globules sanguins, set, sont épars dans les mailles du parenchyme somalique, accumulés surtout dans le sinus dorsal et autour de l'œsophage. Gross., 100 d. 22. Coupe transversale passant par le milieu du cône pharyngien, suivant la ligne nn' de la figure 8. Le cône pharyngien h montre, en avant de l'œso- phage, la coupe du conduit salivaire unique et médian. Les ganglions pédieux sont unis par une commissure. Le grand muscle longitudinal ventral commence à s'individualiser, et montre en dedans de lui le muscle ventral accessoire ma. g, glande pédieuse à mucus débouchant au fond du sillon pédieux. Gross,, 100 d. 23. Coupe sagittale médiane du cône pharyngien montrant les parois muscu- laires de la première portion de l'œsophage oe, son renflement ampul- laire b, et son trajet ascendant œa. o, orifice du conduit salivaire; st, ganglion stomato-gastrique du côté droit. Gross., 175 d. 23a. Coupe sagittale, à une faible distance en dehors de la précédente, de l'ampoule ventrale de la glande salivaire droite/, au milieu de la subs- tance fibrillaire de laquelle on voit l'origine du canal salivaire es, pelo- tonné et rencontré plusieurs fois par la section, g, petites glandes ;i mucus; ma, muscle ventral accessoire. Gross., 173 d. 24. Les trois formes d'éléments salivaires : s, cellule salivaire en train d'éva- ORGANISATION DE QUELQUES NÉOiMÉNIENS. 797 cuer le produit de sa sécrétion; s', cellule bourrée de petits globules de mucus. Gross., 300 d. FiG. 2;j. Coupe transversale dans la région moyenne du corps, montrant la réduc- tion du sillon pédieux et l'absence de pied, ma, muscle ventral acces- soire; sp, spermatoblastes. Gross., 100 d. 2G. Coupe transversale passant par le milieu du sac ovigère et le sommet de la glande coquillière, suivant la ligne xx' de la figure 9. l, bande laté- rale ciliée formant, avec le cœur co, la gouttière de direction des sper- matozoïdes, Gross., 100 d. 27. Coupe transversale par le milieu du cœur d'un autre individu. Ici, le cœur n'est pas fermé sur la face dorsale, mais communique dans toute sa hauteur avec la cavité générale et sa paroi est toute hérissée de sperma- tozoïdes sp. Gross., 175 d. 28. Coupe sagittale latérale du sommet do la glande coquillière passant par le point où l'ovlducte droit débouche à la base de la corne correspon- dante n. Gross., 60 d. 29. Portion de l'épilhélium de cette même corne en activité de sécrétion. Gross., 390 d. 30. Épithélium de la glande coquillière dans sa région inférieure, formé de hautes cellules caliciformes laissant échapper leur sécrétion sous forme de petits globules ronds homogènes. Gross., 390 d. 31. Le mémo épithélium dans la région supérieure de la glande. Les cellules caliciformes sont refoulées par le développement de grandes cellules ?i mucus y. Gross., 390 d. 32. Coupe transversale par le milieu de la hauteur du cloaque, suivant la ligne yy' de la figure 9. De même que sur la figure 26, les spicules ont disparu sous l'action du carmin aluné qui a, en même temps, gonflé la cuticule. X, bourrelet cloacal ventral, soutenu par un stroma de fortes fibres musculaires rayonnantes et dont les cellules épithéliales sont bourrées de produits d'excrétion sous forme de petites granulations jaune de miel. Gross., 60 d. 33. Portion du même bourrelet plus grossie (580 d.). z, cellule renfermant, outre son noyau, une concrétion urinaire; z', concrétion libre dans les mailles du parenchyme; ep, cellules épithéliales à granulations jaunes. 33a. Forme réelle d'une des cellules épithéliales précédentes. PLANCHE XXIX. DONDERSIA FLAVENS. FiG. 34. Coupe sagittale de la région céphalique. La coupe est légèrement oblique, passant sur la ligne médiane au niveau de la bouche, mais plus bas atteignant le sommet du ganglion pédieux gauche, et passant immédia- tement en dehors de l'ouverture de l'œsophage dans l'intestin moyen. Le tégument n'est représenté qu'au pourtour de la bouche et de la fos- sette pédieuse; sur tout le reste de la préparation, il a été enlevé, et la rupture a eu lieu dans l'épaisseur de la couche musculaire circulaire 798 G. PIIUVOT. qui le double, de sorle que la ligne qui limite la figure est celle de la couche musculaire longitudinale, i, tégument; st, ganglion stomato- gastiique gauche; en avant de lui, es représente l'extrémité distale du cul-de-sac du conduit salivaire qui est ici absolument rudimentaire; j, masse de mucus sécrété par la glande gm et arrivant dans la fossette pédieuse en écartant les cellules de sa paroi supérieure ; e, une des pa- pilles buccales; o, orifice du pliarynx, tout au fond et sur le plancher de la cavité buccale; v, substance fibrillaire faisant suite à la masse des cellules de la glande salivaire dorsale, et aboutissant à la papille rétro- pharyngienne pa, dont elle forme la substance. Groâs., 100 d. FiG. 33. Coupe transversale dans la région moyenne du corps, pour montrer l'ab- sence de pied et de muscle longitudinal ventral accessoire, les deux sillons latéraux du corps et la réduction du sinus dorsal sous le grand développement des glandes génitales. La couche épithéliale de l'intestin moyen, très épaisse sur la face ventrale, s'est détachée en ce point de sa membrane basale, comme cela arrive fréquemment sous l'action des réactifs. /, sillons latéraux déterminés, de même que le sillon pédieux, par l'action des muscles qui limitent le sinus ventral; (/, glandes pé- dieuses ; u, épithélium dorsal de l'intestin moyen cilié, non glandulaire, représentant la gouttière ciliée dorsale de l'espèce précédente; of, œufs nés sur la paroi interne de la glande hermaphrodite; sp, spermatozoïdes mûrs et libres au milieu de spermatoblastes à différenls étals. Gross., 100 d. 3G. Coupe transversale par l'embouchure commune de la vésicule séminale et de l'oviducte dans la glande coquillière, suivant la ligne xx' de la figure 1 1 . A cause du grand développement pris à ce niveau déjà par la glande coquillière, dont la paroi dorsale, ga, surtout est remarquablement épaisse, le sinus ventral a déjà presque entièrement disparu, avec les glandes et muscles qui l'entourent, et avec ces derniers se sont effacés les sillons pédieux et latéraux, s, vésicule séminale; sp, spermatozoïdes accumulés dans son intérieur, tous orientés de même, la tête tournée vers la paroi; s', conduit de la vésicule séminale droite encore séparé de l'oviducte, tandis qu'il lui est déjà réuni du coi.é gauche. Gross., 100 d. 37. Nématocystes de Lafoea dumosa trouvés dans le tube digestif de Donder- sia flavens; l'un d'eux est encore enveloppé du cnidoblaste avec son noyau non encore digéré. Gross., 390 d. PRONEOMENIA AGLAOPIIENI.î;. FiG. 38. Coupe sagittale de la région céphalique. La cuticule n'est pas représentée. as, ampoule de la glande salivaire effleurée seulement par la section ; i', CîBcum frontal de l'intestin moyen; y, paroi épithéliale ventrale de l'in- testin moyen refoulée par l'œsophage. Ceiui-ci est extrêmement allongé et voluminenx, à lumière partiellement oblitérée par de nombreux plis et bourrelets irréguliers de sa paroi, h, orifice de l'œsophage dans l'in- testin moyen. Gross., 'i6 d. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 799 FiG, 39. Coupe d'un lobe de la glande muqueuse supra-pédieuse. b, cellules glan- dulaires encore inactives ; b', cellules glandulaires en croissant, refoulées par la dilatation de leurs voisines gorgées de mucus; b", cellules char- gées de mucus et fusionnées, montrant les noyaux aplatis contre la paroi et entourés d'une mince couche de protoplasma. Gross., 310 d. 40. Quelques cellules de la glande supra-pédieuse choisies ?i différents états de la sécrétion, b, cellules au début de la sécrétion; b', état plus avancé, protoplasma et noyaux commençant h être refoulés contre la paroi; sur le côté, se voit une cellule en croissant; 6", le protoplasma a presque entièrement disparu, les parois cellulaires sont rompues et la masse de mucus se fraye un chemin au dehors. 41 à 46. Série de coupes transversales dans la région supérieure de l'œso- phage et des glandes salivaires, pour montrer l'absence de radula et les rapports des organes entre eux. Chaque section a 1/110 de millimètre d'épaisseur. Gross., 140 d., sauf 44a et 45a. ph, cul-de-sac inférieur du pharynx; h, diverticule ventral de l'œsophage contenant une très petite papille, h', au sommet de laquelle s'ouvrent les deux conduits salivaires; as, vésicules annexes des glandes salivaires. 41. Coupe au niveau de l'orifice pharyngien de l'œsophage. 42. Trois sections plus bas. L'œsophage a émis, entre le fond du cul-de-sac pharyngien et lui, le petit diverticule h, qui n'en était pas séparé sur la figure précédente. 43. Trois sections plus bas. Le pharynx a entièrement disparu; sur les côtés de l'œsophage et de son diverticule se voient les ganglions stomato- gastriques. 44. Quatre sections plus bas. Le niveau des ganglions stomato-gastriques est dépassé, et, à la place qu'ils occupaient naguère, on voit la coupe taii- gentielle des deux grosses ampoules salivaires. Le centre du diverticule œsophagien est occupé par la petite papille h', percée d'un orifice qui est la lumière du canal salivaire. 44a. Coupe tangentielle plus grossie (310 d.) du diverticule h, prise deux sec- tions plus bas. (3n reconnaît l'enveloppe musculaire du diverticule, dans laquelle est encore engagé le canal salivaire gauche z, intéressé obli- quement, tandis que du côté droit la portion terminale du canal salivaire a été coupée suivant son axe et vient aboutir à la papille centrale h'. 45. Cinq sections plus bas que figure 44. Diverticule et papille persistent encore au-dessous de l'orifice des canaux salivaires. La section passe sensiblement par l'équateur des ampoules salivaires dont les canaux convergent, avec les deux conduits des glandes salivaires, vers la pa- pille h'. 4oa. Structure de la paroi des ampoules salivaires. a;, deux grandes cellules lagéniformes, avec noyau volumineux divisé en trois dans celle de droite, et laissant échapper leur sécrétion dans la cavité de l'ampoule; n, noyaux de cellules plus petites comblant l'espace entre les précédentes et complétant ainsi la paroi de l'ampoule; n', noyau aplati de la mem- brane basale. Gross., 390 d. 800 G. PRUVOT. FiG. 4C. Quatre sections plus bas. Le niveau du diverlicule et de sa papille est dé- passé; les ampoules ne sont plus qu'effleurées à leur pôle inférieur; les premiers acini des deux glandes salivaires commencent à apparaître au- tour des conduits excréteurs. L'ampoule et la plus grande partie de la glande salivaire gauche ne sont pas figurées. 47. Coupe transversale au niveau de l'ouverture de l'oviducte dans la glande coquillière, suivant la ligne xx' de la figure 13. La moitié gauche de la coupe est seule figurée, pi, pied; pa, papilles cutanées rendues plus ap- parentes par l'action du carmin aluné qui a dissous les spicules de la cuticule ; sp, amas de spermatozoïdes contre la paroi d'un petit diverli- cule du sommet de la portion terminale renflée de l'oviducte qui repré- sente seul ici la vésicule séminale. Le tronc nerveux latéral, ni, a quitté la paroi du corps pour se rapprocher de l'intestin. Gross., 100 d. PLANCHE XXX. FiG. 48. Proneomenia aglaopheniœ, au repos, enroulée à l'extrémité d'une lige d' Aglaophenia myriuphyllum. Grandeur naturelle. 49. Une papille de la cuticule, g, surface libre de la cuticule; t, cellules du tégument; en, cellules fusi formes qui insinuent leurs pointes distales entre les grosses cellules terminales c', et dont les prolongements infé- rieurs, après avoir constitué par leur ensemble le pédoncule de la papille, pénètrent entre les cellules du tégument. Gross., 350 d. PRONEOMENIA SOPITA. FiG. oO. Un individu au repos, dans sa position habituelle sur un rameau de Ser- (ularella polyzonias. Grandeur naturelle, ij]. Une papille de la cuticule. Même grossissement et mêmes lettres que figure 49, pour faciliter la comparaison. On voit de plus ici, au-dessous des couches musculaires circulaire m' et longitudinale m" du corps^ une portion n d'un des connectifs d'union entre le cordon pédieux et le cordou latéral; il émet, juste au niveau de la papille, un filet nerveux dont les fibres semblent se continuer directement avec les prolongements des cellules en. 52. Coupe transversale des glandes hermaphrodites. Les œufs, o, à divers états de développement, sont répartis très régulièrement contre la face interne de chaque glande par laquelle elle est accolée à sa congénère; les sper- matoblastes, sp, occupent la région externe et un certain nombre de spermatozoïdes mûrs sont prêts à tomber dans la lumière centrale de la glande; t, tégument général du corps; sd, sinus dorsal. 53. Portion ventrale d'une coupe par la région moyenne du corps, t, couche épithéliale de l'intestin moyen, détachée accidentellement de sa mem- brane basale z; celle-ci adhère venlralement au diaphragme ms, qui forme le plafond du sinus ventral; sa, globules sanguins dans le sinus ventral; ms' , brides musculaires obliques formant les parois latérales du sinus et auxquelles sont attachées les petites glandes îi mucus gm'; ma, ORGANISATION DE QUELQUES NÉOiMÉNlENS. 801 muscle longitudinal accessoire; pi, soc pédieux; pa, éminences du tégument très épaisses et mal définies vers le sillon pédieux, passant in- sensiblement aux papilles cuticulaires caractérisées du reste du corps. Gross.j 140 d. FiG. 54. Coupe transversale au niveau du cloaque, q, cuticule, dont les spicules calcaires ont disparu sous l'action du carmin aluné, laissant paraître avec plus de netteté les papilles cutanées ; br, bourrelets ciliés saillants dans la cavité du cloaque et présentant un état rudimentaire des branchies cloacales si développées chez d'autres types; y, masse glandulaire (rénale?) traversée par les trabécules du parenchyme somatique; y', une des invaginations de la paroi cloacale qui pénètrent à différents niveaux dans l'épaisseur de cette glande et lui servent probablement de conduits excréteurs. Gross., 46 d. PRONEOMENIA VAGANS. FiG. '66. Coupe sagittale de rextrémité céphalique. e^ papille rétro-pharyngienne, où aboutit la glande salivaire dorsale gs' ; i', csecum frontal de l'intestin moyen; d, radula; ^fm^ quelques lobes de la glande pédieuse à mucus qui débouche au plafond de la fossette pédieuse f. Gross., 46 d. 56. Coupe transversale dans la région pharyngienne, au niveau du bord supé- rieur de la radula. La cuticule du tégument n^a pas été représentée, i', caecum intestinal frontal coupé très près du sommet, mais montrant déjà la bande ciliée dorsale qui court dans toute la hauteur de l'intestin moyen; mp, sphincter musculaire extrêmement développé autour du pharynx; dans son épaisseur, on voit la section des deux conduits sali- vaires, celui de gauche, es, a été rencontré par le rasoir juste à son ouverture au sommet de la radula; rf, dents des rangées supérieures de la radula, effleurées par la section ; s, globules sanguins dans le sinus dorsal ; st, ganglions stomato-gastriques séparés l'un de l'autre par toute l'épaisseur du pharynx; g-m, pointe inférieure de la glande supra-pédieuse. Gross., 100 d. 57. Coupe sagittale de la région radulaire passant un peu en dehors de la ligne médiane, par une des rangées de dents latérales, d, dents de la radula; X, sac oîi elles prennent naissance; h, bulbe radulaire musculaire; es, canal salivaire coupé obliquement près de sa terminaison. Gross., 175 d. 58. Coupe transversale de la radula, suivant la ligne mn de la figure précé- dente. Même série que la figure 56, cinq coupes plus bas. Les crochets radulaires d, à bord interne denté, s'appuient par leur bord externe sur un talon j, qui limite leur écartement et est formé par un repli de la muqueuse pharyngienne; mp, portion préradulaire difi'érenciée du sphincter musculaire du pharynx. Gross., 390 d. 59. Reconstitution, d'après une série de coupes transversales, des organes contenus dans l'exlrémité caudale et de leurs rapports, vue de trois quarts par le côté gauche, a', orifice, en avant du cloaque a, et au-des- sous de la terminaison du pied pi, de la glande coquillière ga; celle-ci, outre les deux cornes supérieures habituelles g, émet encore chez cette ARCn. DE ZOOL. EXP. ET GÉN — 2" SÉRIE. — T. IX. 1891. 51 802 G. PRUVOT. espèce deux grands diverticules latéraux gf'; oî;, oviducte bosselé sur tout son trajet ascendant par la présence de culs-de-sac irréguliers plus ou moins développés. /, spicules péuiaux très longs, saillant au dehors de part et d'autre de l'orifice génital a'; ils sont logés et mobiles dans un profond cul-de-sac de la paroi cloacale o, qui leur sert de gaine; mr, muscle rétracteur attaché sur le faisceau de spicules même; mpr, muscle protracteur, extérieur à la gaine et s'insérant sur elle. XY, plan de la section représentée figure 60. FiG. 60. Coupe transversale à travers la région caudale d'un individu non décal- cifié, suivant la ligue xy de la figure précédente. La cuticule q, particu- lièrement épaisse dans la région dorsale, montre, outre les spicules atteints directement par le rasoir, les volumineuses papilles cutanées pa, qui déterminent autant d'éminences saillantes à la surface. 6, bourrelet cilié, formant avec le cœur co la gouttière pour le passage des sperma- tozoïdes ; ni, cordons nerveux latéraux se renflant déjà et se rapprochant pour former un peu plus bas la commissure ganglionnaire post-rectale; o', diverticules en cul-de-sac de l'oviducte ov; g', poche accessoire de la glande coquillière ga; l, spicules péniaux; mpr, leur muscle protrac- teur. Gross., 130 d. 60a. Coupe transversale d'un organe pénial plus grossi (310 d.). l, organe pénial formé d'un faisceau de fins spicules unis par une substance agglu- tinante et enfermés dans une enveloppe cellulaire; g, cuticule doublant intérieurement la gaine péniale; mpr, muscle protracteur. PARAMENIA SIERRA. FiG. 61. Coupe transversale à travers la région caudale suivant la ligue xx' de la figure 17. cr, crête dorsale; b, bourrelet cilié, formant avec le cœur co, très réduit et aplati dans cette région, la gouttière de direction pour les spermatozoïdes; g, cornes supérieures de la glande coquillière ; ov, ovi- ducte renfermant quelques spermatozoïdes; y, extrémité supérieure de la glande cloacale; pi, pied; pa, papilles cutanées, peu différenciées chez cette espèce et n'existant qu'au voisinage du sillon pédieux. Du tronc pédieux gauche, on voit partir le counectif qui, passant en dedans de la corne de la glande coquillière, l'unit au tronc latéral «i. Gross., 60 d. 6-2. Coupe transversale de la région supérieure du sac ovigère, suivant la ligne nn' de la figure 3 7. co, cœur; b, bourrelet latéral cilié; sm, couche musculaire circulaire du sac ovigère. Gross., 60 d. 63. Coupe transversale de la région cloacale, suivant la ligne yy' de la fi- gure 17. rg, prolongement de la cloison recto-génitale séparant ici du cloaque l'orifice génital a'; br, branchies cloacales; mbr, leurs muscles rétracteurs ; me, fibres de la couche musculaire circulaire du corps qui s'étalent et s'entre-croisent pour former la charpente delà crête dorsale. Gross., 60 d. ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 803 PLANCHE XXXI. PARAMENIA IMPEXA. FiG. 64. Extrémité céphalique du système nerveux, la, nerf labial supérieur se di- visant en un grand nombre de petits filets qui aboutissent à de petits amas ganglionnaires répandus tout autour de la paroi buccale; le, nerf labial externe ; st, ganglion stomato-gastrique, non uni chez cette espèce à son congénère par une commissure ; gp, ganglions pédieux unis par une forte commissure sous-œsophagienne; ils se continuent inférieure- ment avec les cordons pédieux, irrégulièrement variqueux, ganglion- naires dans toute leur étendue, réunis de distance en distance par des commissures transversales et émettant, en outre, par leur bord interne, de petits filets qui se rendent au pied, ni, cordons ganglionnaires laté- raux, qui ne sont en aucun point renflés en ganglions distincts; on en voit partir une série de connectifs qui s'en vont rejoindre les cordons pédieux, et entre eux des filets qui se perdent dans le parenchyme soma- tique et dans le revêtement musculaire du tégument. 65. Extrémité inférieure du système nerveux, avec ses rapports; vue parla face dorsale. Les cordons pédieux np, renflés en ganglions terminaux au niveau du sommet de la glande coquillière, envoient en dedans des cornes g» de celle-ci une paire de forts connectifs ip, se rendant aux cordons latéraux ni; ceux-ci se rapprochent peu à peu, passent en dedans des oviductes et des vésicules séminales, puis s'unissent au moyen d'un ganglion allongé cl, situé dorsalement par rapport au rectum, juste au- dessous du sac ovigère; ce ganglion émet inférieurement une paire de petits nerfs qui se perdent dans les parois du cloaque. 66. Coupe transversale par le milieu de la cavité buccale, la, amas ganglion- naires terminaux des nerfs labiaux formant une couche presque continue contre la paroi buccale; pa, papilles buccales; bp, replis postérieurs de la paroi buccale, ciliés et aboutissant inférieurement à l'entrée du pha- rynx; bc, coupe de la portion verticale du bourrelet labial cilié qui suit tout le contour de la bouche (voir la figure 84 pour sa disposition géné- rale); ob, orifice buccal. Gross., 115 d. 67 à 70. Quatre coupes transversales dans la hauteur de la radula. d, dents de la radula; j, talon d'appui formé par la muqueuse du pharynx; ep, épithélium pharyngien; e', invagination de cet épithélium formant la matrice radulaire. La section figure 67 passe par le point culminant delà radula; la fi- gure 08, deux coupes de 0™™,01 d'épaisseur plus bas, montre le point où le canal salivaire es s'ouvre dans le pharynx en dehors et tout contre les dents; sur la figure 69, trois coupes plus bas, les dents, encore ren- fermées dans le sac radulaire, commencent à s'en dégager par la pointe; enfin, figure 70, cinq coupes plus loin, on voit la première formation des dems par la sécrétion des cellules épilhéliales, en couche unique, de lu matrice radulaire. Gross., 310 d. 804 G. PRUVOT. FiG. 7J . Coupe sagittale de la fossette pédieuse. z, plancher buccal; f, cils vibra- tiles tapissant la fossette ; g'm, gouttelette de mucus provenant de la glande supra-pédieuse et se frayant un chemin au dehors en écartant les cellules qui forment le plafond de la fossette. Gross., 140 d. 72. Coupe sagittale de la papille rétro-pharyngienne, e, substance fibrillaire de la papille, renfermant quelques noyaux; gs', les dernières cellules de la glande salivaire dorsale paraissant en continuité avec les fibrilles de la papille; gm, un lobe de la glande à mucus supra-pédieuse. Gross,, 175 d. 73. Coupe transversale dans la région supérieure du corps, suivant la ligne mm' de la figure 14. Cette figure est destinée à montrer la position rela- tive et le grand développement des glandes saiivaires ventrale gs^ et dorsale gs\ qui refoulent la paroi de l'intestin moyen. Gross., 50 d. 73a. Portion de la figure précédente plus grossie (310 d.), pour montrer la différence de structure des deux glandes saiivaires. gs, cellules de la glande salivaire ventrale, aboutissant par leurs prolongements au conduit salivaire es \gs' , cellules de la glande dorsale plus grosses, disposées en une seule assise et réunissantleurs pointes en une masse vaguement fibrillaire qui occupe le centre de chaque lobe; m, noyaux aplatis de la membrane d'enveloppe. PARAMENIA PALIFERA. FiG. 74. Coupe d'une portion des téguments, t, cellules du tégument, en couches multiples chez cette espèce; ^d, glandules dermiques ; se, spicules du tégument reposant sur la couche cuticuiaire très réduite ; se', un spicule en voie de formation dans l'épaisseur du tégument. Gross., 175 d. 75. Coupe transversale de la radula. d, une des plaques denticulées constituant la radula; à', la plaque précédente rasée par la section; h, bulbe radu- laire, uniquement cellulaire et dépourvu de muscles; es, canal salivaire impair et médian ù ce niveau; ep, épithélium pharyngien. Gross., 580 d. 76. Coupe transversale d'une des glandes saiivaires. g»?, cellules glandulaires reposant sur la membrane basale nucléée n, et aboutissant par leur pointe au conduit salivaire es, qui est ici très fortement distendu par le produit de la sécrétion. Gross., 140 d. 77. Coupe transversale par le milieu de la hauteur du sac ovigère environ. Le cœur co est très réduit; par contre, les bourrelets ciliés b ont acquis un développement considérable ; sm, revêtement musculaire circulaire du sac ovigère. Gross., 140 d. 78. Coupe transversale de la région inférieure du corps, passant par l'origine des oviductes. Les bourrelets 6 du sac ovigère se continuent dans la lumière de l'oviducte ov. Les deux cordons nerveux latéraux s'unissent par la commissure ganglionnaire post-rectale cl. sa, globules sanguins dans la portion de la cavité générale qui est sur le prolongement du sinus ventral; l, diverticules supérieurs de la cavité cloacale, peu pro- fonds, représentant à l'état rudimentaire la gaine des spicules péniaux de Pronomenia vagans. Gross., 100 d. I ORGANISATION DE QUELQUES NÉOMÉNIENS. 805 ISMENIA ICHTHYODES. FiG. 79. Coupe transversale dans la région inférieure du corps, suivant la ligne xx de la figure 18. Le sac ovigère p est très fortement distendu par les œufs 0, qui le remplissent, et le cœur co est refoulé contre la paroi dorsale et presque indistinct, y, glande précloacale. Gross., 60 d. 80. Coupe transversale de la région cloacale, suivant la ligne ty' de la figure 18. u, poche cloacale inférieure, entourée d'un fort sphincter musculaire sph ; m', portion terminale de la poche supérieure où débouche en haut le conduit de la glande y de la figure précédente. Gross., 60 d. 81 . Bouton sensitif caudal de Dondersia flavens, entouré d'une palissade de très petits spicules foliacés et hérissé de nombreuses soies sensitives s. 82. Organe sensitif céphalique de Paramenia impexa vu par la face dorsale, avec sa double couronne concentrique de petits spicules foliacés ; s, soies sensitives du rebord buccal. 82a. Le même vu par la face ventrale et un peu de trois quarts, bc, bourrelet buccal cilié. 83. Bouton caudal de Paramenia impexa, vu de profil, k, surface libre convexe, entourée de la même couronne de petits spicules foliacés et hérissée de soies sensitives s ; se, spicules ordinaires du tégument; sc\ petits spi- cules aciculaires dressés tout autour de l'organe et se rabattant sur lui pour le protéger quand il est rétracté. 84. Extrémité céphalique et orifice buccal de Proneonienia sopita, vus par la face ventrale, pa, papilles buccales; 6p, replis dorsaux ciliés se continuant jusqu'à l'orifice du pharynx; bc, bourrelet cilié circulaire épousant tout le contour de la bouche; bc\ organe sensitif, simple renflement du bour- relet précédent, montrant quatre rangées parallèles de petits spicules foliacées; t, limite du tégument général; sr, spicules plus petits que sur le reste du corps; s, soies tactiles implantées sur tout le pourtour de la bouche entre le tégument et le bourrelet circulaire. 85. Organe céphalique de Proneomenia aglaopheniœ, vu de dos. Uniformément revêtu de petits spicules i-, en baguettes, semblables à ceux des régions voisines, bc, bourrelet circulaire cilié. 80. Extrémité céphalique de Proneomenia vagans; face ventrale. L'organe sensitif montre une couronne basilaire complète de petits spicules foliacés et un bouquet compact des mêmes spicules au sommet. 87. Organe sensitif caudal de Proneomenia vagans. k, face libre, convexe, munie d'une épaisse cuticule et hérissée des soies sensitives s ordinaires; tout autour, même couronne de spicules foliacés. TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 2e SERIE. TOME IX Acœles (voir de Graff). Actinie (sur une). Choses de Nouméa (voir François), p. 242. Arago (laboratoire) (voir //. de Lacaze- Duthiers. Arclie (circulation de 1') (voir François), p. 231. Banyuls-sur-Mer (voir //. de Lacaze- Duthiers). Baudroie (voir Guitel). Brancliie (voir Léon Fredericq). Clionides (voir Topsent). Crustacés (voir Demoor), p. 191, 477. Cuénot. Études morphologiques sur les Échiuodermes, N. et R., u" m, p. VIII. — Études sur le sang et les glandes lymphatiques dans la série animale (2" partie. — Invertébrés), p. 13, 365 et 593. Cyclatella (Voir H. Prouho). Demoor. Étude des manifestations mo- trices des Crustacés au point de vue des fonctions nerveuses, p. 191. — Recherches sur la marche des Crus- tacés, p. 477. Échinodermes (voir Cuéhot). Faune (voir Ppj-ez). François. Lettres de Nouméa (Choses de Nouméa), p. 229. Fredericq [Léon). Sur la physiologie de la branchie, p. 117. Golovine. Sur la question du développe- ment du système ganglionnaire chez le poulet, N. et R., n° iv, p. xvi. Gonactinia proliféra (voir H. Prouho). Graff [L. de). Sur l'organisation des Turbellariés acœles ( lettre à M. de La- caze-Duthiers), p. 1. Guitel [Frédéric). Recherches sur la ligue latérale de la Baudroie, p. 123. — Recherches sur les boutons nerveux bucco-pharyngiens de la Baudroie, p. 671. Hemocyanine (voir Léon Fredericq), sa conservation, p. 124. Hesse (voir H. Prouho). Houssaij. Sur la signification métaméri- que des organes latéraux chez les Ver- tébrés, N. et R., u° II, p. IV. — (voir Golovine). Lacaze-Duthiers [H. de). Les laboratoires maritimes de Roscoff et de Banyuls, p. 255. Ligne latérale des poissons (voir Gtdtel). Lingules (observations biologiques sur) (voir Françoii), p. 231. Lophius piscatorius (voir Guitel). Loxosoma (voir H. Prouho). Lymphatiques (voir Cuénot). Manifestations motrices (voir Demoor). Marche des Crustacés (voir Demoor)^ p. 477. Mitrophanov. Signification métaméri- que des organes latéraux chez les Vertébrés, N. et R., n» ii, p. iv. Murex (mœurs d'un). Choses de Nouméa (voir François), p. 240. Néoméuiens(voir Pruvot). Nouméa (choses de) (voir François et U. Prouho). Ferez, professeur à la Faculté des scien- ces de Bordeaux. Sur la faune apidolo- gique du sud-ouest de la France, N. et R., 11" i, p. I. Phoxichilus (voir Schimkewitsch). Poulet (voir Golovine). Prouho (Henri). Étude sur le Loxosoma annelidicola, Cyclatella annelidicola (voir Van Beneden et Hesse), p. 91. 808 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. Prouho {Henri). Observations sur la Go- nactinia proliféra, draguée dans la Méditerranée, p. 247. Priivot (G.). Sur l'organisation de quel- ques Néoméniens des côtes de France, p. 699. Reinwald (C), Éditeur. Notice nécrolo- gique. Introduction, I. Roscoff (voir H. de Lacaze-Dutlders). Sang (voir Cuénot). Schimkewitsch {W.). Note sur les genres des Pantopodes, Phoxichilus (Latr.) et Tanystylum (Miers), p. 503. Spongiaires (voir Topsent). Tanystylum (Voir Schimkewitsch). Topsent. Essai sur la Faune des spon- giaires di^ Roscoff, p. 523. — Deuxième contribution à l'étude des clionides, p. 555. Turbellariés (voir de Graff). Van Beneden (L) (voir H. Prouho). Vertébrés (voir Mitrophanov) . TABLE DES PLANCHES 2e SERIE. TOME iX I. Glandes lymphatiques (Mollusques). II. Glandes lymphatiques (Mollusques). III. Glandes lymphatiques (Mollusques et ïuuiciers). IV. Glandes lymphatiques (Crustacés). V. Loxo&oma annelidicola. VI et VII. Ligne latérale du Lophius-piscatorius. VIII. Ligne latérale du Lophius-piscatorius. IX. Goniactinies. X. Vue du laboratoire maritime de Roscoff. X bis. Jardin et aquarium de Roscoff. XL Plan du laboratoire de Roscoff, en 1891. XII. Vue du laboratoire Arago et de son vivier. XIII. Aquarium du laboratoire Arago. XIV. Plan du laboratoire Arago. XV. Glandes lymphatiques (Insectes). XVI. Glandes lymphatiques (Arachnides, Annélides). XVII. Glandes lymphatiques (Annélides). XVIII. Hirudinées, Echinodermes. XIX. Marche des Crustacés (musculature). XX. Marche des Crustacés. XXI. Marche des Crustacés, XXII. Fig. 1 à 8 : Spongiaires de Roscoff. Fip. 9 à 17 : Cliouides. XXIII. Glandes lymphatiques (Mollusques). XXIV. Boutons nerveux bucco-pharyngiens de la Baudroie {Lophius). XXV. Néoméniens (Espèces). XXVI. Organisation des Néoméniens. XXVII. Organisation des Néoméniens. XXVIII. Néoméniens [Dondersia banyulensis). XXIX. Néoméniens [G. Dondersia et Proneomenia). XXX. Néoméniens (G. Proneomenia et Paramenia). XXXI. Néoméniens divers. FIGURES DANS LE TEXTE. Page 20G. Schéma relatif aux fonctions de la chaîne nerveuse des Crustacés. Page 215. Figure indiquant le procédé opératoire pour déterminer les manifes- tations motrices des Crustacés. 810 FIGURES DANS LE TEXTE. Page 231. Appareil circulatoire de VArca barbata. Page 233. Lingula a7iatina in situ. Page 241. Murex for tispina montrant la dent qui lui sert à ouvrir les Bivalves. Page 258. Carte indiquant la place des laboratoire, vivier et parc de la station maritime de Roscoff. Page 259. Plan du laboratoire avec indications des parties successivement annexées. Page 26G. Plan et situation du laboratoire de Banyuls-sur-Mer. Page 269. Vue d'une stalle de travail au laboratoire de Roscoff. en. cie*Zq^^Hj?|)it^ et Gen le ■ w 2« Série, Vol. IX, PI. I, 0P \- ^'^h L.iMÀnot dcl . Sùneîy . MOLLUSQUES. 1 Arclide Zool.Expl^et Genl^ 2^ Serie.Vol.IX.Pl.il. -^^^^tYs o 4! ^-=^ :e..j -I^X ''^^?^m^-^'' ? '^P; J/ <)^ / O vjf/j-. 7(? ii 12 / y.Cuenot del. MOLLUSQUES. /j- CXI, de Zool. ExD^.^ et Gen^^ 2^ Serie.Vol.IX.PLIII, L . Cucrhot deL MOLLUSQUES, TUNICIERS, Arch. de Zool, Exp^.^ et Gen^.^. Sene.Vol.IX.Pl.IV. L Cuànol del. Himeùf . CRUSTACES, \ Ai^. de ZgoI. iii'xp-' ei GerJ''' ^7 _*■ /• i^ Série Vo]_ rX i /J Jj- V- ^ / - v^ > V s^^ W.. L 0X0 ,30MA ;(5la 2°Séne.Vo]DrPlVlelVI[ 2)u^t*^ - ,OPHIUS PISCATORIUS . L O ' le ÎÎJiiè -y .f ^: Hè <;■ ûrzt'J-t-LjSi'L -/ ^ il Arc h de Zool Exp"^® si GérJ: 2^ Série. Vol IX PI IX J^r'ancoitr . J'-r-oijJi.c . lieZ GONACTINIES SlyC^K^'SC >J& Sialion JUvi.foza- SC-. (]8 9T^ «7: •^L-^Sk^^/SW \ -.^^ ^ '^' '' -^^5*^^*3^ > il |ii ' t-} tj? 'S o < il ¥ k «^ ^ UJ a: O h < a: O CD < .^i^SSiiiiiK^ krch de Zool Exp^.^ et Gén'° 2' Série Vol IX. PI XIV LABORATOIRE ARAtiO STATION MARITIME DE BANYUL5 smMERiYBEutisaoRiEiiTiaEî FONDÉE st ANNEXÉE A LA 30RB0NNE EN 18B0 H DE LACAZE DUTHIERS MEMBREde UNSTITUT ->-:\-- — --..;-—- -, i Mil:i'K! Ililll'l!!!,:; PLA¥ C Qua^ ^vujoe^j'eur L Ite^ervoir ct&Azi de mer' O A.^ LEGEXPE 0* SîzZ^ ^ con/ëne^tces . m Su^au^ dus. cZùrù^i&iejàù^n^cièau. ae "^i^-- A ^TnhoJ^Câj^ère B Môle deprcZecéien<3eh.hàLÏe D SdJJe dk^ar^um K Sàlie aèsmcicAine,^. F Ve^è^ziJe d'entrée- H Logement daé'âx'dien I r-^y/- d^ c^èlU^^e K '- ::- .i ' de plivsiclo0e. 0 d\zyâzt c&^ir^>^' v 13 15 <^^:>fm JS LCuénot dcl ■ K- . 1^ 10 GÉPHYRIENS '"u ° // Eiineltf J-c . ' /^cii . de Z 0 ol . Exp ^.= et Gén'^ 2^ Série Vol. IX. PI. XXIY d^ do a •'" .^) :^i Hi ^r ^.^VXc VV(i\ (..VAf^'r- LOPHIUS I ^ \ ^ 7.-^- % i ? ' ■' Û.Pruoot d^-l. NEOMENIENS, Arch.de Zool.Exp^.^ et Gén^,®. 8 12 2^Serie,Vol,lX.Pl.XXVI, 10 CJ'ruoot tM. Org-amsation des NE 0 ME NI EN S Arch.de Zool, Exp^,^ et Genl^ 2^Serie.Vol,IX,Pl.XXVII, le Org-amsation des NEOMENIENS. Arah de Zool.Exp. ei Gén . 21 ^i' 20 2^ Série .Vol IX. FIJOTHI 22 .Ai^^-^r-:: ■■■■-.... i' /;/ 23^ 2 23 'I % 2â ;.^Kt 26 n2 c 32 "/':. 28 ^^ m ^,^^ 30 è:-9 / 3:) 31 jy- NE0MENIEN5 Donier sia "d aiivalensiô .Arckde Zoo] E.^l^et GénA^ M '0 :--%.N ■7' ■•i •" '4 «^ ^^ /" "^lioùniiiani tnimntjf^a'* 1^ /^-^t •^ •^ i^<^ .? 1^ «^"^ ^7 * 4, ® .^i ^^" -V- ^'-f -- U ^PM-'r-é- m i t.2 np .9^- i ^ '%é "ê\ NEOMENJENS G. DonderôiâLelProneomenic Arch de Zool Exp^'^ei Genl^ xp u A'5' S2 ^^^À 07 Ir^Y^i NE0MENIEN5 DIVERS MBL WHOI LIBRARY UH IBflS V