ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYKR, HUE DAUCET, 7. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIEES SOUS LA DIKKGTION DE HENRI DE LACIAZE-DUTHIERS MEMBRE DE l'iNSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR d'aNATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DEZOOLOUIE EXPÉRIMEN 1 A LE DE KOSCOFF (FINISTÈRE) ET DE LA STATION MARITIME DE BAN YULS-SUH-MER ( VYRÉNKES-ORI ENTALES', (Laboratoire Arago) PRÉSIDENT DE LA SECTION DES SCIENCES NATURELLES (Ecole des hautes études) TROISIEME SERIE TOME CINQUIÈME 1897 PARIS LlBRAmiE C. REINWALD SCHLEICHER FRÈRES, ÉDITEURS 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 Tous droils réservés. rjtn(l) âRCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE FAUNE DU GOLFE DU LION CORALLIAIRES ZOANTHAIRES SCLÉRODERMÉS (deuxième mémoire) PAR H. DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l'Institut. INTRODUCTION Les lecteurs des Archives ont pu voir, dans un premier travail [Archives de zoologie expérimentale^ 3° série, vol. II, p. 445) sur le Fia- bellum anthophyllum, ààïis quel esprit seraient étudiés les Goralliaires qui habitent le golfe du Lion. Ce second mémoire aura pour but de passer en revue les diffé- rentes espèces qui ont été recueillies à bord du Roland, pendant la campagne de 1894 et 1895, dans les nombreuses sorties et les dragages régulièrement et méthodiquement exécutés par mon ami et collè- gue, M. le professeur Pruvot, de la Faculté des sciences de Grenoble. ARCII. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3» SÉRIE. — T. V. 1897. 1 n ?^^ 2 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Un ouvrage sur les Coralliaires est classique. C'est le livre de Milne Edwards et Jules Haime; pourquoi n'en pas suivre les divi- sions, en admettant toutefois quelques amendements que les progrès de nos connaissances légitiment? D'ailleurs, dans les classifications plus modernes, est-on d'accord pour le groupement des types? Il ne faut, en outre, pas oublier que beaucoup de genres, et surtout d'espèces, ont été créés par les auteurs français, et qu'on est bien obligé de se reporter à leur grand travail quand on veut faire des déterminations relatives à ces espèces ou à ces genres. Les deux grands groupes Zoanthaires et Alcyonaires, que l'on nomme aussi Hexactiniaires et Octactiniaires, seront successivement examinés, dans les représentants que nous avons recueillis en suivant l'ordre dans lequel les auteurs français ont établi les principales familles. Nous commencerons non par les Alcyonaires, mais par les Zoan- thaires, pour faire suite à la première étude sur le Flabellum. Les Zoanthaires offrent des différences marquées conduisant à des divisions fort naturelles. Les Zoanthaires malacodermés, où les Actinies présentant une grande variété de formes, seront l'objet d'une étude toute spéciale par l'un des collaborateurs qui déjà s'est livré à des recherches importantes sur ces animaux. Peut-être dans un appendice me sera-t-il possible de consigner quelques observations que j'ai pu faire sur les nombreux types rap- portés des dragages et vus dans un état parfait. Ce qui va particulièrement être l'objet des recherches présentes, c'est le groupe des Zoanthaires sclérodermés. Il m'a été possible de faire sur eux quelques observations qui con- tribueront à les faire mieux connaître et à éclairer quelques ques- tions douteuses. Tout d'abord une remarque est nécessaire, elle expliquera des ^ 1 1 V ^ FAUNE DU GOLFE DU LION. 3 détails et, en même temps, quelques figures dont la raison d'être pourrait paraître, au premier abord, non justifiée. On a déjà vu, dans l'histoire du Flabellum, combien la couleur et la connaissance de l'évolution du jeune animal avaient servi pour la diagnose du Polypier, très petit de cette espèce. Il est évident que ce qui a été surtout étudié dans l'histoire des Coralliaires, c'est la parlie morte, le polypier. Mais quand on est devant la nature, et non dans un musée, on a parfois bien de la peine à reconnaître dans un animal vivant un être dont la descrip- tion a été faite exclusivement sur l'une de ses parties, sur le Polypier, qui n'en est que le squelette. 11 a donc paru utile de donner la figure des Polypes qui ont vécu dans le meilleur état d'épanouissement et dont il n'est presque nulle part question. La plupart des figures publiées sur les animaux vivants ont été prises sur des individus dont l'épanouissement n'était pas complet. Combien de dessins ne sont-ils pas devenus classiques, qui ce- pendant, faits dans des conditions absolument anormales, ne don- nent pas une idée juste des animaux ! Parmi eux, il faut citer les Zoanthes, dont on ne trouve nulle part une figure bonne et vraie représentant leur plus grand épanouissement. Aussi quelle n'est pas la difficulté de leur détermination ! Pour arriver à bien connaître les espèces, il faut les considérer sous leurs différents aspects, et c'est cette considération qui a con- duit à donner quelques-unes des figures coloriées qu'on trouvera dans ce travail pour des espèces bien connues et faciles à déterminer. La coloration des Polypes a quelquefois, pour leur détermination, une grande valeur, comme aussi elle peut n'être d'aucune utilité. Dans un travail déjà fort ancien, j'ai parlé de l'embarras où je m'étais trouvé, sur les côtes d'Afrique, pour la détermination de quelques espèces de Gorgones des fonds coraUigènes. J'y rencontrais des espèces vivantes d'un bel orangé qui, en se desséchant, perdaient 4 H. DE LACAZE-DUTHIERS. leur couleur, et qui, dans les descriptions des ouvrages faits dans les musées, étaient signalées comme étant blanches; telle est la Gor- gonia sublilis. Une autre espèce d'un genre très naturel, la Muricea placomus, d'une belle couleur orangé où le jaune dominait, devient, à l'exposition de la lumière, après sa mort, d'un noir sale, lequel, naturellement, était indiqué comme caractéristique. Ces faits m'avaient tellement embarrassé pour arriver à ladiagnose exacte que je m'attachai à rechercher la cause des couleurs dans ces animaux, et ce fut l'objet d'un travail où je démontrai que la cou- leur était due tantôt aux tissus mous, tantôt aux spicules ou sclérites calcaires. Toujours les spicules colorés donnent, quand les tissus sont incolores, une coloration vive et intense, qui persiste après la mort. C'est ainsi que dans la Juncella elongata (pour ne citer que les exemples des espèces méditerranéennes), la teinte, durant la vie, est terre de Sienne brûlée très chaude qui se conserve après la mort, grâce aux spicules qui sont ainsi colorés; dans le Corail, la Gorgo- nella sarmentosa, il en est de même, ainsi que dans le Sympodium coralloides, la Bebryce mollis, etc. La couleur due aux éléments solides persiste toujours après la mort. Au contraire, dans la Go)'gonia sublilis, la Muricea placomus, la M.violacea,\di couleur est due aux éléments histologiques, aux tissus mous, et les spicules étant cristallins, incolores et transparents, n'in- fluencent pendant la vie en aucune manière les belles couleurs de ces espèces; quelle différence entre elles quand elles s'épanouissent dans la mer bien vivantes, et leur apparence si terne et si effacée après leur mort dans les musées. M. Koch, dans son ouvrage sur les Alcyonaires du golfe de Naples, a traité, lui aussi, cette question de la couleur des Gorgones, dans un chapitre spécial, mais il semble avoir ignoré que la question avait été résolue bien longtemps avant qu'il ne s'en fût occupé, et comme cela lui arrive pour bien des choses, il ne parle pas de ses devanciers. Son travail date de 1887. Le mien a été publié dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, en 1864 (4" août). FAUNIÎ DU GOLFE DU LION. 5 Une difficulté fort sérieuse se présente quand il s'agit de quelques couleurs à reproduire ; on a beaucoup de peine à obtenir, dans les publications, des teintes aussi éclatantes, aussi transparentes, quoi- que très vives et belles, que celles des Coralliaires vivants. Tel est, par exemple, le beau vert Véroncse, d'un éclat métallique et d'une trans- parence extraordinaire, qu'on observe sur le péristome de quelques Garyophyllies. On n'arrive pas à rendre la beauté de ces reflets mé- talliques si remarquables. Telle est encore la délicatesse et la transparence de quelques espèces dont on devine, plutôt qu'on ne voit, les tentacules qui, dans les individus complètement épanouis, ne se manifestent que par le pointillé blanc qui lesémaille et surtout par leurs boules blanches terminales qui produisent autour de leur calice comme un semis de perles blanches flottant dans l'eau. Les squelettes ou polypiers des Zoanthaires sclérodermés sont, à de très rares exceptions près, incolores, et, quand ils sont bien préparés, c'est-à-dire débarrassés de toute la matière animale, ils acquièrent une blancheur parfaite. Si donc les animaux sont colorés, c'est à leurs tissus mous qu'ils doivent leur livrée. L'éclat et l'intensité de leur teinte sont très variables avec leur degré d'épanouissement, qui est pour beaucoup dans la hauteur du ton. Cela se comprend : les cellules contenant la matière colorante et les granulations se trouvent, pendant la contraction, rapprochées; alors la couleur est intense. Pendant l'épanouissement, un efl'et in- verse se produit: les granules s'écartent et la teinte pâlit. Aussi, les dessins ou les images varient infiniment avec l'état des polypes. Les animaux ne s'épanouissent pas toujours suivant nos désirs, après leur capture. Un Desmophyllum, dont on trouvera la figure, pi. VI, fig. 7, d'après une photographie, est resté plus d'un mois bien vivant et contracté au fond de son calice; enfin, il a fini par s'épanouir un peu. Mais, certainement, la figure que j'en donne ne peut pas ressem- bler à ce que doit être ce beau Coralliaire lorsqu'il a complètement étendu ses bras. 11 n'est resté à demi épanoui que deux ou trois jours. 6 H. DE LACAZK-DUTHIERS. Quelques espèces conservent leur couleur intégralement durant leur captivité. Tels sont le Flabellum, la Caryophyllia clavus, les DendrophylUa ; d'autres, au contraire, pâlissent très sensiblement, comme la Caryophyllia Smithii et la plupart des espèces dont il va être question. Aussi les dessins ont-ils été faits dès que les animaux se sont bien ouverts et le plus tôt possible après leur capture. Il faut remarquer que les couleurs les plus éclatantes varient con- sidérablement suivant les individus. 11 en est ainsi pour la Ca- ryophyllia Smithii, pour la C. clavus, qui cependant présentent, au milieu de ces variétés, une livrée qu'on peut encore caracté- riser. Sur leur péristome, d'un brun marron entrecoupé de bandes blanches et de zones plus claires, avec une bordure d'abord jaune» puis vert Véronèse; mais tout cela pâlit quelquefois au point de disparaître en grande partie. Le Flabellum, qui vil indéfiniment dans les bacs du laboratoire Arago, conserve ses nuances et le ton de sa couleur. Il en est de môme des Dendrophyllies et des Leptopsammia. Pour- tant, le jaune faiblit un peu, après un long temps de captivité. Quant aux Lophohelia et Amphihelia, dont la coloration pâle est due surtout aux organes profonds, aux mésentéroïdes et entéroïdes, et rappelle une légère teinte saumon jaunâtre, elle a diminué assez rapidement dans les aquariums. Ces animaux habitent à d'assez grandes profondeurs, 600 à 700 mètres. La différence dans l'inten- sité de la lumière du milieu, agissant sur eux, peut bien expliquer cette altération rapide de la couleur. Dans les effets produits parla captivité, il y a incontestablement des variations qui tiennent à des causes dépendant de la constitu- tion individuelle et qui nous échappent. L'historique des questions traitées tient aujourd'hui une grande place dans les mémoires. Et, àlafindes travaux, sous le nom de lilté- rature, on donne la liste de toutes les études faites sur la matière ; on renvoie par un chiffre au mémoire cité. On a créé une expression FAUNE DU GOLFE DU LION. 7 qui, aujourd'hui, est largement en usage et mise à profit : on dit que le travail est bien documenté. Mais le plus souvent il arrive que le lec- teur ne va pas rechercher dans le mémoire indiqué la vérification de l'opinion rappelée. De \k des faits regrettables. Dans le travail qu'on va lire, il y a des citations importantes à faire ; cela est indispensable. Il y aura quelques observations géné- rales sur l'organisation des Goralliaires et il faudrait reprendre beau- coup de travaux s'occupant de leur morphologie. Je chercherai îi en réduire le nombre au strict nécessaire. J'en dirai un mot à propos des questions spéciales qui se présen- teront. Or, il ne faut pas oublier que la faune du golfe n'a pas été étudiée spécialement, ainsi que nous l'avons fait; mais que des dra- gages ont eu lieu dans la Méditerranée. Ce sera dans les publications auxquelles ces dragages ont donné lieu que nous aurons à puiser des renseignements sur les espèces que nous avons trouvées. Dans son mémoire de 1872 sur les Coralliaires des Philippines, G. Semper a fait la critique de la théorie du développement suc- cessif et des lois d'apparition des septa de Milne Edwards et Jules Haime. Il s'est placé à un point de vue tout autre que celui auquel je m'étais placé moi-même, en 1872, lorsque je publiai mes obser- vations sur le développement de VAstroides. En présence des difficultés que les déterminations présentent quand on emploie les expressions et quand on veut mettre en pra- tique les lois des auteurs français, G. Semper a dû rechercher com- ment, sur les nombreux individus qu'il avait recueillis aux Philip- pines, il pourrait déterminer les espèces d'après l'ouvrage classique français. Or, cela le conduit à cette conclusion : qu'avec une seule espèce, en choisissant des individus différents, il pourrait en faire trois, s'il employait les caractères indiqués par Milne Edwards et Jules Haime. Aussi introduit-il dans ses descriptions quelques nou- velles expressions et n'admet-il pas la théorie des cycles et le mode d'apparition des septa. 8 H. DE LACAZE-DUTHIERS. C'est surtout à propos desFlaOellum et des Eupsammides {Rhodop- sammia) qu'il présente ses critiques. Le premier, certainement, il a vu que la multiplication des septa et des systèmes se fait aux extrémités du grand diamètre de l'ovale du calice. A propos des lîhodopsammi'a, il s'élève contre les idées relatives à l'apparition et à la distinction des quatrième et cinquième cycles. On verra ici, mais pour des types bien différents, que nous sommes d'accord en ce point. Seulement, il faut remarquer que l'étude des embryons et de la première apparition des septa n'a pas été traitée par Semper, (Voir Zeilschr. f. Viss. Zoologie, vol. XXII, 1872, p. 235.) Haake, en 1879 {Jenaische Zeitschrift f. Naturvissensch., vol. XIII, p. 269), s'est occupé, au point de vue ancestral, dans son mémoire sur la Blastologie der Korallen, de la question de l'origine des septa et des mézentéroïdes, qu'il appelle assez justement sderosepta et sarcosepta. L'onlogénie et la pbilogénie sont le but de ses considé- rations philosophiques. L'occasion ne se présentera guère de faire des citations emprun- tées à ce travail, dont le côté philosophique et l'importance sont incontestables. 11 ne faut pas oublier qu'il s'agira surtout, ici, de la spécification des Goralliaires du golfe du Lion. Parmi les auteurs contemporains qui se sont occupés des Goral- liaires à des points de vue divers, nous trouverons certainement des éléments précieux pour nos études dans les travaux de MM. les pro- fesseurs Bourne, Fowler, Koch, Ortmann et Miss Maria Ogilvie. Mais il faut remarquer que la plus grande partie de leurs recherches|est basée sur l'étude histologique des tissus aussi bien scléreux que mous ; et, comme ils ont été les premiers, dans quelques cas, à faire connaître l'organisation histologique des êtres qui vont nous occu- per, ils ont — c'était une conséquence forcée — donné des noms nouveaux qui forment comme une nomenclature, qu'il est utile de connaître, mais qui, au point de vue pratique auquel nous nous FAUNE DU GOLFE DU LION. 9 sommes placé, c'est-à-dire de la spécification des espèces trouvées, ne s'impose pas absolument ici. Lorsqu'il sera question des particularités et des données générales se rapportant aux travaux des savants dont les noms viennent d'être cités, nous ne manquerons pas de rappeler succinctement leurs idées et leur terminologie. Mais le lecteur n'oubliera pas qu'il s'agit des espèces du golfe du Lion et que, pour arriver à des déterminations, c'est d'abord aux ou- vrages de zoologie spéciale que nous devons nous adresser. Il ne semble donc pas indispensable, en commençant, de résumer les nouvelles idées sur la croissance du polypier. Je dirai seulement que les procédés presque exclusivement mis en usage, bien qu'ils aient donné certains résultats excellents sur quel- ques points, ne me paraissent pas devoir exclure l'observation telle que je la conseille et la mets en pratique. Dans un autre travail, j'ai développé cette idée, que je crois juste et qui m'a conduit à des résultats incontestables, qu'on reconnaît valables quand on prend la peine de lire et d'interpréter mes recherches. Faire des coupes est une excellente chose ; ce n'est pas une mé- thode, c'est un procédé ; d'ailleurs, c'est étudier un être à un mo- ment donné de son existence, c'est juger de ce qui a dû être par ce qui est à ce moment. On n'arrive pas toujours ainsi à la vérité. Quand la chose est possible, il est bien préférable de mettre en pratique ce précepte, bien ancien, conseillé par Aristote : « Voir venir les choses est le meilleur moyen de les connaître. » Incontestablement, ainsi qu'on le verra plus loin, pour bien juger de l'origine et du développement des parties d'un être, il faut, sur le même individu, lorsque la chose est possible, l'observer, pendant sa croissance, suivre les changements et les progrès continus de ses organes. On se rend alors un compte bien plus exact des modifica- tions successives et des transitions faisant passer un organisme de l'état naissant à l'état adulte. 10 H. DE LACAZE-DUTHIERS. C'est en voyant peu à peu grandir une partie qu'on apprend à la connaître infiniment mieux que lorsqu'on la prend à un moment de son existence et qu'on juge, d'après ce qui est à ce moment donné, ce qui a dû être. On verra plus loin combien est utile la méthode que je préconise, lorsqu'elle peut être mise en pratique. ESPECES DU GOLFE. MADRÉPORAIRES APORES. Nous avons dit que nous suivrions les grandes lignes de la classi- fication de Mil ne Edwards et Jules Haime. Pour la première famille des Titbinolides, à loges libres et cloisons indépendantes, raonostéphanées ou à une seule couronne de palis, le golfe nous a donné deux espèces du genre Caryophyllia : l'une très caractérisée, facile à déterminer, la C. clavus; l'autre, assez mal définie dans les ouvrages, la C. arcuala. J'ajouterai des détails sur une espèce de la Manche, la Caryophyllia Smithii, que le professeur Duncan regarde comme une variété de la C. clavus; enfin la C. cyathiis, fréquente dans les eaux méditerranéennes qui baignent les côtes nord de l'Afrique, bien qu'elle n'ait pas été trouvée dans le golfe, ayant servi de type pour le groupe. Comme on la prend souvent pour exemple, et que dans les plus récents travaux il en est fréquemment question, il a paru utile de revoir quelques points de l'organisation de son polypier. J'ai trouvé aussi dans le golfe un Cœnocyathus, qui paraît être le cylindricus. Déjà on a décrit deux espèces de ce genre dans la Méditerranée, le Cœnocyatkus anlhophyllites et le C . corsicus. Le premier n'est pas rare en Algérie. J'en ai poché de très beaux échantillons sur les bancs coralligènes, aux environs de Tabarca et FAUNE DU GOLFE DU LION. H de la Galite. Lorsqu'en 1873, j'étais embarqué à bord du Narval, com- mandé par l'amiral Mouchez, j'en ai trouvé une autre espèce, le Cœnocyathus Mouchezii, que je dédierai à mon regretté confrère. Du golfe, on a assez souvent rapporté le Cœnocyathm cylindricus, qui a été décrit comme étant de patrie inconnue. Parmi les Garyophyllies;3o/?/s/e/>Aanées, les Paracyalhus slriatus ou pulchellus ne sont pas rares. J'en ai aussi rapporté des eaux de la Galle. Dans la deuxième famille des Turbinoliens,ei le premier Agôle des Turbinoliacées sans columelle, à loges vides et cloisons libres, le Desmosphyllum crista-galti est relativement facile à se procurer. A Banyuls, les dragages à 600 et 700 mètres nous en ont fourni plus peut-être que n'en renferment plusieurs musées réunis. A une moyenne profondeur de 40 à 100 mètres, le Flabellwn anlho- phyllum, du deuxième Agèle, n'est pas non plus rare, et j'en ai eu assez de toutes les tailles pour pouvoir suivre l'évolution de son polj'-pier (voir Archives de zoologie expérimentale et générale, 3^ série, t. II, p. 445). Il est aussi commun sur les côtes d'Afrique (Algérie, Tunisie). La famille des Oculinides est représentée par les deux genres Am- phihelia et les Lophohella. Les Amphihelia ont vécu longtemps, plus de trois mois dans les bacs d'étude, restant bien épanouis ; quant à l'autre genre, le Lopho- helia, ses polypes se sont suffisamment ouverts pour être dessinés et comparés à ceux du premier genre, mais ils boudent plus sou- vent et plus longtemps que ceux de V Amphihelia. Toutes les autres familles des sclérodermés apores ne sont point représentées, si ce n'est par un seul genre et une espèce du groupe des Astrées, le Cladocora cespilosa ; mais il est rare dans le golfe, très commun à Mahon et assez fréquent sur les bancs coralligènes de la Galle. dâ H. DE LACAZE-DUTHIERS. DES CARYOPHYLLIES. Quand on n'a sous les yeux qu'une seule espèce du genre Caryo- phylh'a, bien décrite et surtout bien caractérisée, on arrive cer- tainement à une détermination qui n'est pas trop laborieuse, sur- tout si les échantillons ont môme grandeur et même disposition que les individus ayant servi à la description ou h la création de l'espèce. Mais il faut le reconnaître, le nombre des espèces décrites est grand, et les descriptions sont souvent écourtées, elles se rapportent trop fj'équemmentà un individu qui a été seul étudié et pris comme type. Aussi, pour peu que les échantillons nouveaux qui tombent sous la main soient dans des conditions différentes de ceux ayant servi de type, l'embarras ne tarde pas à se présenter. C'est ainsi que chez les jeunes individus, l'espèce est extrêmement difficile à reconnaître. J'avais, dans mes voyages, recueilli bon nombre de petits polypiers, qui certainement sont des jeunes Caryo- phyllies, lesquelles très probablement doivent se rapporter à l'une des espèces du golfe; mais j'avoue franchement qu'avant d'avoir observé, comme j'ai pu le faire plus tard pour le Flabellum, toutes les transitions de l'état le plus jeune à l'état parfait d'adulte, en ra'aidant surtout de la connaissance du polype, de ses caractères et de sa couleur, j'ai eu quelque peine à me prononcer. Cette observation expliquera, et les doutes sur la présence de quelques espèces dans le golfe, et les hésitations pour quelques dé- terminations. Nous nous occuperons successivement des espèces suivantes : Caryophyllia cyathus ; Cm^yophyllia clavus ; Caryophyllia Smilhii; Caryophyllm arcuata. FAUNE DU GOLFE DU LION. 13 CARYOPHYLLIA CYATHUS (Pl.V.ng. l,l',2,3). I Cette CaryophylUa doit être excessivement rare dans les eaux du Golfe, si môme elle y existe entre le cap Creus et la partie nord en face de la plaine du Roussillon jusques à la Nouvelle. Non seule- ment je n'ai jamais eu d'individus comparables à ceux que j'ai rap- portés de mes pêches de corail à la Calle, où j'en ai eu de très nom- breux et magnifiques échantillons, mais encore je n'ai trouvé dans les produits de nos dragages, en 1894, qu'un jeune individu qui, à la rigueur, aurait pu être soupçonné appartenir à l'espèce ; mais il est si diflicile de se prononcer pour les tout jeunes polypiers que je préfère rester dans le doute quant à l'habitat de cette espèce dans le golfe du Lion. Déplus la diagnose des Caryophyllies n'est pas toujours facile, en raison soit des figures qui les représentent et qui ne sont trop sou- vent qu'à peu près ressemblantes, soit à cause des descriptions écourtées ou faites d'après un seul échantillon qui n'était pas tou- jours complet, surtout quand les échantillons sont rares; dans ce cas, l'insuffisance des renseignements augmente les difficultés de la diagnose. Bien que quelques espèces de Caryophyllies fort connues soient faciles à déterminer, même à première vue, il est utile de donner quelques détails sur les parties fournissant les caractères et de reve- nir sur leur histoire, sur celle de la CaryophylUa cyathus en particu- lier, qui avait été prise [Annales des sciences naturelles, p. 37, pi. IV, 3^ série, vol. IX, 1848) par Jules Haimc comme type du polypier le plus complet, le plus normalement constitué, et dont M. V. Koch s'est aussi occupé d'une façon spéciale. 11 en a même donné la figure alors que son polype n'a que douze tentacules, figure qui est bien étrange. U II. DE LACAZE-DUTHIERS. La raison s'en trouvera, si l'on veut consulter les mémoires de Jules Haime et Milne Edwards, dans ce fait que ces auteurs avaient fait dessiner une Cm^yopltyllia clavus comme étant une espèce bien déterminée (voir Annales des sciences naturelles, 3*^ série, vol. IX, pi. IX, fig. i) et que, plus tard, ils ont dû supprimer. La Caryophyllia pseudoturbinolia n'est pas même une variété; c'est une C. clavus âgée (voir pi. I, fig. 5, du présent travail). Dans l'appréciation des caractères tirés de l'ordre des cloisons, du nombre des systèmes et des cycles, on éprouve souvent la plus excessive difficulté. Et dans l'ouvrage cependant classique dans le- quel sont accumulés les renseignements les plus précieux, auquel il faut bien avoir recours pour les spécifications et les détermina- tions, puisqu'il renferme de très nombreux genres ou espèces créés par les auteurs, on a quelquefois la plus grande peine à se recon- naître ; et cela parce que les descriptions ont trop souvent été faites, je dois le rappeler encore, sur un échantillon unique et non pour une espèce, bien que l'espèce ait été créée d'après cette descrip- tion et que cet échantillon unique ait fourni les caractères devenus typiques. On verra, par exemple, Duncan {Tram, ofthe Zool. Soc, vol. VIII, p. 3H) faire de la Caryophyllia Smithii, l'une des nombreuses variétés de la Caryophyllia clavus. Nous aurons à discuter la valeur de cette opinion, et pour que celte discussion soit plus facile, il importe de donner quelques détails qui manquent dans les ou- vrages. Pour l'espèce qui va nous occuper, il n'y a aucune difficulté, au- cune hésitation possible quand l'individu est bien développé, c'est- à-dire adulte. Les figures qu'en ont données Milne Edwards et Jules Haime sont suffisantes (voir Annales des sciences naturelles, '6" sér., février 1848, t. IX, pi. IV, fig. 1% 1") et cependant : qu'on considère la figure 1 pour laquelle l'explication est « Cyathina cyathus (Ehren- berg) de grandeur naturelle fixée sur une branche de corail à laquelle adhèrent aussi plusieurs jeunes individus ». FAUNE DU GOLFE DU LION. 15 Le voisinage de ces jeunes individus a lait seul admettre cette détermination, cela se comprend. J'ai eu beaucoup de Cyalhina cyathus, que l'on nomme aujourd'hui Caryop/ii/lliacyathus, die n'en, ai jamais rencontre ayant des carac- tères semblables à ceux dessinés dans la planche IV du volume IX, figure i , des Amiales des sciences naturelles. Les difficultés que l'on éprouve pourune détermination d'un jeune polypier quand on trouve d'autres caractères que ceux dessinés dans cette flgure ne sont pas laites pour lever les doutes et l'aire cesser l'embarras dans lequel on se trouve. Ainsi, sur les figures 1'^ et 1'' de cette même planche, la columelle est relativement bien développée, les cloisons sont nombreuses, mais il n'y a pas trace de palis. On comprend dans quel embarras tombe un naturaliste cherchant les caractères des palis qui n'existent pas et qui sont indiqués comme devant servir à la distinction de l'espèce, puisqu'ils sont des facteurs très importants. Les auteurs ont si bien senti la difficulté, qu'à la fin de l'explica- tion des figures ils ajoutent : «Dans le jeune à.ge, les palis n'existent pas... Ces organes ne commencent à se former qu'après l'apparition du dernier cycle des cloisons, » Et, à ce sujet, il faut faire toute réserve, car j'ai des jeunes qui, incontestablement, sont des jeunes delà Caryophyllia clavus, parce qu'ils viennent des régions où l'on ne trouve sur des coquilles mortes, sur des débris de toute sorte que des C. clavus et pas une C. cyathus ou autres ; forcément il faut donc bien admettre dans ce cas que l'on a devant soi de très jeunes C. cla- vus. Or, on n'y trouve que deux cycles, mais avec un bouton central columellaire et quelques petits tubercules correspondant aux futurs palis et aux cloisons paliales en face de leurs bords internes. Dans ce cas, on reconnaît avec la plus grande certitude les éléments colu- mellaires et paliaux, bien avant que l'ensemble des loges et surtout des systèmes et des cycles soit complet. Si donc dans le présent travail il est question de la Caryophyllia cyathus, c'est afin d'arriver par des comparaisons nécessaires à mieux 16 H. DE LACAZE-DUTHIERS. préciser les éléments des déterminations pour d'autres espèces vivantes qui ont été trop succinctement décrites. II Voici quelques caractères qu'il importe de rappeler; on les trouve sur les échantillons adultes bien complets (voir pi. V, fig. 1,1', 2, 3). La Muraille est très épaisse; on sent au poids que le polypier est massif. Dans le haut, près de son bord libre, elle s'amincit en s'incli- nant un peu en dehors; aussi les cloisons tertiaires qui s'élèvent sur sa surface interne semblent-elles inclinées et peu saillantes dans le bas du calice. L'épaisseur se traduit encore par le manque de transparence et par l'obscurité du fond du calice qui est profond. LaCoitimeiie (fig. 2) est d'apparence massive et plutôt épaisse qu'à éléments bien espacés et chicoracés. On reconnaît cependant à sa surface qu'elle est formée d'éléments rubanés(fig. 3) vaguement tor- dus en spirale, dont l'épaisseur masque un peu le caractère, les concavités habituelles des tours de spire des lames étant comblées par le dépôt calcaire. Il est fréquent de la voir avec son sommet régulièrement bombé, partagé en trois, quatre ou cinq (c'est le cas de la figure 2) seg- ments par des fissures transversales ou sillons perpendiculaires à son grand diamètre. Cela se voit quand les rubans sont nombreux et très rapprochés. L'extrémité de ces rubans ne fait alors que peu saillie au-dessus de l'ensemble. Mais, dans quelques cas, les rubans sont très nets et bien reconnaissables ; d'autres fois, grêles et nombreux, ils lui don- nent l'apparence papillaire. Sa figure est ovalaire et représente exactement une calotte d'un ovoïde allongé et aplati transversalement. Le dessin de la planche V est très exact, mais ne représente pas les cas les plus fréquents. Il faut donner comme caractère des FAUNE DU GOLFE DU LION. il rubans ; une inégalité, une irrégularité de forme, et souvent un effa- cement de la gouttière longitudinale par suite de l'épaisseur du dépôt calcaire. Sur les plus grands échantillons que j'ai eus, voici les dimensions du polypier et surtout de la columelle ; Grand diamètre 20 millimèlrcs. Petit diamètre 16 — Hauteur 4o Cohimelle. Longueur , . 6 — Largeur (au milieu) 2 — Les Palis sont épais, arrondis à leurs extrémités libres ; la coupe perpendiculaire à leur longueur donne un ovale; leur grand diamètre se confond avec le rayon de flgure. La largeur, suivant le plus grand axe, a paru varier peu; elle est un peu moins d'un demi-millimètre. La hauteur dépasse légèremenl, mais très peu, celle de la colu- melle, et comme le calice est profond, lessepta nombreux et serrés, leur ensemble forme une couronne très accusée autour de la colu- melle et séparée d'elle par un sillon obscur, étroit, profond, très marqué. Les cioisous (septa) sont épaisses, très nombreuses, rapprochées et serrées. Les cioiseus primaires OU de premièregrandeur arrivent jusqu'aux palis et leur bord interne, souvent un peu renflé, ne s'avance entre eux que jusqu'à la limite du premier tiers extérieur de leur grand diamètre (pi. V, fig. 2 et 3). Les cloisons secondaires OU de deuxième grandeur correspon- dent aux palis, se renflent un peu sur leur bord voisin du palis, s'en approchent beaucoup, mais en restent distinctes, du moins dans la partie supérieure (pi. V, fig. 2). L'ensemble de ces extrémités décrit une courbe parallèle au bord externe de l'ensemble des palis, qui dessine un ovale non moins caractéristique et évident quand on regarde le calice normalement au plan tangent h son bord terminal. AUCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — i^ SÉhIE. — T. V. 1S97. 2 18 H. DE LACAZE-DUTHIERS. La dislance qui sépare le bord libre interne de ces cloisons du bord extérieur des palis est égale à un peu plus de la moitié de la lon- gueur du grand axe d'un palis, quelquefois elle est égale à ce grand diamètre Les cloisons de troisième ordre OU de troisième grandeur semblent s'arrêter en bas à la hauteur même des palis ; c'est qu'en effet la muraille est devenue très épaisse et qu'en ce point la largeur de toutes les cloisons doit diminuer. En disant la largeur, il faut en- tendre la grandeur de la cloison non pas depuis le fond du calice jus- qu'à son bord, ce qui serait la hauteur, mais bien depuis le centre de figure vers la muraille (voir pi. V, fig. 2 et 3). Si l'on considère l'ensemble des extrémités des cloisons et des palis on verra, au centre, la columelle entourée par la couronne des palis entre lesquels s'avancent, mais très peu, un tiers de leur lon- gueur les bords des cloisons primaires, puis les bords des cloisons paliales très près du bord externe des palis, enfin, un peu plus loin, le bord des cloisons tertiaires, très mince, et qui disparaît bientôt au-dessous de ce point. Les trois lignes passant par les bords des palis, des cloisons primaires et secondaires sont très rapprochées, la quatrième qui correspond aux bords internes des cloisons de troi- sième ordre, est éloignée, à peu près dans son ensemble, d'une distance qu'on peut mesurer par un peu plus de la moitié de l'éten- due de ces cloisons de troisième grandeur (pi. V, fig. 2). Épithèque. — Lcs échantillons nombreux que j'ai péchés et qui sont tous très bien conservés, présentent, surtout dans la partie de la colonne du polypier libre de tout dépôt étranger au polypier, un vernis brillant que les auteurs français ont désigné sous le nom à.'épilhèque. Il est très difficile, parfois, de décider s'il existe ou n'existe pas une épithèque ; cela tient au vague que présente la définition de cet élément. Je n'ai pas vu un seul zoologiste qui ne fût embarrassé pour décider si, oui ou non, dans quelques cas, il existait une épi- thèque. M. V. Koch a proposé une définition tellement précise, qu'il FAUNE DU GOLFE DU LION. i9 admet des polypiers, sans muraille proprement dite, exclusivement constitués par l'épithèque. Nous aurons plus loin occasion de dis- cuter cette opinion. A propos des Balanophyllies, nous verrons mieux ce qu'est l'épithèque. Qu'il nous soit permis, pour le moment, de nous contenter de dire que le vernis épithécal est le plus souvent très caractérisé sur le haut de la colonne de l'espèce qui nous occupe, même dans le tout jeune âge. Les crêtes et les côtes. — Les premières, qui sont les sommets des septa, ne font que très peu saillie au-dessus du limbe du calice formé par la limite supérieure de la muraille ; elles sont presque toutes de la même hauteur dans les échantillons de belle taille, c'est-à-dire également développées. Sur les individus en voie de croissance, mais cependant déjà assez avancés, les crêtes des cloisons de première grandeur sont un peu plus élevées que chez les gros échantillons. (Voir pi. V, fig. U calice, vu de profil, d'un échantillon plus âgé que celui représenté figure r.) Les côtes, qui ne sont que le prolongement, en dehors de la mu- raille, dû à la persistance de la saillie extérieure des crêtes ou, en définitive, des septa, sont indiquées vaguement par une légère dépression qui les sépare; c'est un reste du sillon primitif existant lors de leur indépendance. Gomme les crêtes et septa sont peu épi- neux et ne présentent que des tubercules mousses ou granulations médiocrement saillantes, il s'ensuit que les côtes sont lisses, planes et, dès lors, que la surface du polypier est lisse. C'est sous la lamelle mince du vernis épithécal que se dessine le sillon séparant les côtes, qui ne méritent guère ici le nom de côtes (pi. V, iig. 1, 1', 3). Nous reviendrons plus loin sur l'ensemble de ces caractères. 20 H. DE LACAZE-DUTHIERS. III Avant d'aller plus loin, il est utile de faire quelques remarques sur les expressions employées dans l'exposé des caractères des Caryo- phyllies. Garl Semper, en commençant son travail sur les CoraLliaives des Philippines^^ se trouve lui-même conduit à donner quelques expli- cations sur les termes dont il va se servir. Dans les pages qui suivent, souvent les mots cloisons de premier^ de deuxième et de troisième ordre seront employés sans être d'accord avec les mêmes mots qui sont usuels dans l'ouvrage de Milne Edwards et Jules Haime, mais dans un autre sens. Il est donc utile d'en parler tout d'abord. Dans la caractéristique et la description des espèces ou des divi- sions, les termes cye/es, systèmes, reviennent à chaque instant. Or, il est quelquefois très difficile, sinon im.possible, d'en fixer le nombre, de les distinguer; et cependant, c'est sur leurs caractères absolus que les auteurs français basent leurs classifications, la distinction des espèces et les divisions des groupes. Quand il y a mulliplication des éléments, on tombe dans la confu- sion. Aussi G. Semper appelle-t-il cloisons surnuméraii^es celles qu'il ne peut caractériser, et cycles irréguliers ou cycles réguliers ceux qui sont aberrants ou normaux. Il ajoute, dans une note de son travail, que Schneider- critique, comme lui, les lois des auteurs français; mais il n'en conserve pas moins, malgré quelques différences dans ses interprétations, les expressions employées par Milne Edwards et J. Haime. Je sais très bien que les idées des auteurs français ont été criti- quées et rejetées par nombre de savants zoologistes ; mais, quoi 1 Von Zeitsch. f. [Viss. ZojL, vol. XXII, IS72, p. 235. 2 BcuNEiDEK, Miithcilung uber denselben gegeintand in den Sitzungsôerichten der der oberhessischen Gesellschafl fur Natur und Heilkunde, Giessen, 8 mars 1871. FAUNE DU GOLFE DU LION. 21 qu'on fasse, quand on croit avoir trouvé des espèces, des genres qu'ils ont créés — et ils sont nombreux — on est forcé d'avoir recours à leur livre. Il me paraît donc utile de montrer en quoi, surtout gra- phiquement, les difficultés sont très grandes dans l'interprétation des caractères donnés. Cela expliquera quelques critiques déjà anciennes et renouve- lées ici. Les auteurs les plus récents emploient des expressions nouvelles, dont nous aurons à apprécier la valeur et à nous servir dans quelques cas spéciaux. Mais, quelles que soient les théories qu'on propose sur l'origine de la muraille et de l'épilhèque, l'ouvrage de Milne Edwards et Jules Haime est entre les mains de tous les zoologistes, et, quand on veut déterminer un polypier, dont ils ont créé le genre et l'espèce, c'est à lui tout d'abord qu'on est forcé de s'adresser. Personnellement, j'ai connu l'embarras pour quelques détermi- nations. J'ai vu le même embarras se produire à côté de moi. Le lecteur excusera et comprendra la digression suivante ; si elle le fatigue, car elle sera fastidieuse par ses détails, il n'aura qu'à la laisser de côté. IV Milne Edwards et J. Haime partent de cette idée fondamentale, vraie dans quelques cas, que les cloisons primaires et secondaires sont toujours, à l'origine, chacune d'elles, au nombre de six, et se succédant six par six; enfin, que les cloisons tertiaires naissent en troisième lieu dans les intervalles limités par les cloisons secon- daires et primaires, et sont au nombre de douze. Ces cloisons forment les trois premiers cycles et les six premiers systèmes. Cela se rencontre certainement ; mais, lorsque les cycles se mul- tiplient, c'est-à-dire quand apparaissent les cloisons de quatrième, cinquième, sixième ou septième ordre, alors, par des inégalités et des lenteurs du développement, celles-ci conduisent à des irrégu- 22 H. DE LACAZE-DUTHIERS. larités du nombre et des dispositions des systèmes, d'où l'embarras extrême qu'on rencontre en comparant les échantillons qu'on a sous les yeux aux descriptions, surtout si les échantillons ne sont pas dans les conditions que présentaient ceux ayant servi à la des- cription primitive. Il faut rappeler encore que, dans les théories des auteurs du livre classique, les cloisons du quatrième et du cinquième ordre, bien qu'elles ne forment qu'un seul cycle, le quatrième, ne naissent pas en même temps et que leur ordre d'apparition se trouve réglé par l'expression des chambres dans lesquelles elles prendront naissance. En représentant une chambre par les numéros des deux cloisons qui la limitent, on a les expressions suivantes: (1-I-3), (3+2), (2-}-3), (3-1-1), pour les intervalles ou les espaces interseptaux ou chambres d'un système d'un calice ayant à ce stade trois cycles et les six systèmes bien réguliers. Pour suivre la critique, arriver à modifier les expressions et expli- quer le sens et la différence des termes qui seront employés, il est utile de rappeler la loi suivant laquelle les septa apparaissent après ceux des trois premiers ordres. On vient de voir que les chambres sont notées par les chiffres des cloisons qui les limitent. C'est dans la chambre ayant la plus faible expression que doivent naître les cloisons de quatrième ordre. Or (3-j-I) est l'expression de la chambre située entre le septa primaire et le septa de troisième ordre. C'est donc,, d'après la loi, à côté du septa primaire que doivent naître les septa de quatrième ordre destinés à former la moitié des éléments du quatrième cycle ; et, comme (3+2) donne une somme plus forte que (3+1), c'est dans cette chambre que doivent naître les cloisons de cinquième ordre, toujours d'après la loi, c'est-à-dire, en termes ordinaires, que les cloisons de quatrième ordre doivent naître à côté des septa de premier ordre, et les cloisons de cinquième ordre à côté des septa de deuxième ordre, séparées l'une de l'autre par le septa de troisième ordre. Ce sont ces cloisons de quatrième et de cinquième ordre, nées les FAUNE DU GOLFE DU LION. 23 unes après les autres, qui, lorsqu'elles auront acquis un développe- ment égal, formeront le quatrième cycle, lequel est hétérogène, car, à l'inverse des trois premiers, il renferme des éléments non homo- logues, mais d'âge différent. Rappelons enfin que l'ensemble des cloisons situées entre deux septa de premier ordre forme ce que les auteurs désignent par le mot de système. Or, comment reconnaître un système, si ce n'est par la plus grande hauteur des cloisons dites primaires ? Qu'on suppose des cloisons du quatrième ou cinquième ordre en retard, pour leur apparition, entre deux cloisons de premier ordre, l'on dira que le système est incomplet; et, dans les diagnoses d'es- pèces, on trouve, par exemple, ceci : un ou deux systèmes in- complets. Il était nécessaire de rappeler ces principes pour montrer leur application difficile et leur insuffisance dans beaucoup de cas ; car, si G. Semper et Schneider ont reconnu ces lois peu justifiables, ils n'ont fait, avec des auteurs plus modernes, qu'affirmer, sans apporter de démonstrations faciles à saisir graphiquement. Revenons aux déterminations et à l'exposé des caractères de la Caryophyllia cyalhus, à propos de laquelle on lit, tome II, p. 13, du traité des Coralliaires : « Cloisons formant 6 systèmes, dans deux desquels les éléments du cinquième cycle manquent. » Soit; mais alors comment se reconnaître ? Sur quatorze échantillons superbes et complets, d'après lesquels la description précédente a été faite, on compte douze fois !9 cloi- sons à palis et une fois 20 ; par conséquent, 19 cloisons plus grandes alternant avec les paUales. Parmi celles-ci se trouvent incontesta- blement des primaires et des secondaires, comme nous le verrons en parlant des très jeunes Caryophyllia clavus. Gomment les distinguer ? Mais comment aussi, avec ce chiffre 19 ou 20, faire 6 systèmes? Il faudrait 24 septa. Or, on arrive à 5 systèmes, non pas avec un in- complet, mais avec un manquant totalement ; il y aurait un nombre énorme de cloisons par système, 17 en y comprenant les deux pri- 2i H. DE LACAZE-DUTHIERS. maires les limitant. Dans cette combinaison des 19 cloisons, les plus grandes, alternant avec les cloisons paliales, bien qu'absolument égales aux deux primaires limitant le système, seraient des secon- daires et des tertiaires ; un peu moins grandes si l'on veut, mais à très peu près égales aux primaires et secondaires, tout en étant néanmoins des tertiaires. De toutes ces grandes cloisons alternant avec les paliales qui sont, nous l'avons dit, au nombre de 19 ou de 20, comment faire 6 sys- tèmes? Si l'on constitue des systèmes moins nombreux avec les cloisons un peu plus basses, alternes avec les palis et regardées comme secondaires, on aurait quatre cycles ; en prenant l'exem- plaire ayant 20 palis, on arriverait à 10 systèmes. Dans ce cas, les cloisons 1 et 2 seraient alternes avec les palis et, dans chaque système, on aurait les cloisons de troisième ordre devenues paliales. Mais, qu'on le remarque, on revient ainsi à l'idée première, qui vient si naturellement à l'esprit en voyant une belle Cyathine (pi. V, fig. 2). On est conduit à considérer l'une des 19 ou 20 cloisons, une entre autres, un tout petit peu moins élevée que celles qui alternent avec les palis, comme des cloisons secon- daires, et l'on arrive à 10 systèmes, formés des cloisons 1, 2, 3, 4 et 5, en admettant la loi d'apparition citée plus haut pour l'ordre des cloisons 4 et 5. Les zoologistes, s'en tenant au livre français, quand ils détermi- nent leurs échantillons, éludent aisément la difficulté en établissant le plus de systèmes complets possible, d'après les cloisons de la plus grande taille, disant qu'il y a un ou deux systèmes incomplets et que quelques cloisons d'un cycle manquent. G. Semper agit de même en introduisant ses cycles irréguliers, et c'est encore cela qui cause l'embarras. Si nous laissons de coté pour le moment la loi du développement ou de l'apparition des septa, telle qu'elle vient d'être rappelée, il semble possible de traduire exactement l'interprétation de la symé- trie de la Cyathine, en disant que ses cloisons sont de quatre gran- FAUNE DU GOLFE DU LION. 23 deurs, les plus grandes alternanl, d'une part, avec les palis, et, d'autre part, avec celles qui sont un tout petit peu moins grandes, celles-ci étant considérées comme étant les secondaires, celles-là comme représentant les primaires. Enfin celles de troisième ordre, ou paliales, moins élevées encore que celles de deuxième grandeur, forment avec les précédentes, des chambres où naissent les plus pe- tites à peu près toutes égales de quatrième grandeur, et répondant au quatrième cycle. Mais, on le voit par cette interprétation, on modifie beaucoup les caractères donnés par les auteurs du livre classique sur les coral- liaires. D'ailleurs, il faut remarquer combien il est difficile avec cette méthode, de bien reconnaître et d'employer les caractères indiqués. Ainsi, à propos du genre Caryophyllia, on lit encore ceci (vol. II, p. 11): « Les cloisons... forment 6 systèmes qui en général sont inégaux, et paraissent beaucoup plus nombreux, par suite du grand développement des cloisons secondaires ou même tertiaires. » Il eût été bien important, pour l'emploi de ces caractères, de savoir à quel ordre, d'après les auteurs, appartenaient les cloisons paliales, les palis fournissant incontestablement un élément bien fait pour fixer l'attention sur la valeur des termes et l'interprétation de la symétrie. Nous aurons à revenir sur ces distinctions, en élu-- diant une autre espèce. L'embarras devient extrême quand on veut constater les carac- tères, ayant sous les yeux des échantillons d'âges différents, et pré- sentant un nombre de cloisons autre que celui qui est indiqué dans l'ouvrage. Cet embarras a conduit G. Semper à dire : qu'avec une seule espèce, et dans des états ditîérents, il arriverait, en suivant le livre français, à faire trois espèces distinctes {loc. cit.). Les naturalistes, confiants dans les lois formulées par le livre des Coralliaires, ayant à caractériser une espèce nouvelle, cherchent à retrouver les 6 premières ou plus grandes cloisons, en se fondant uniquement sur les hauteurs relatives, et enfermant alors entre elles les cloisons qui, d'après les lois, formeraient un certain nombre de 28 H. DE LACAZE-DUTHIERS. systèmes complets; mais ils laissent de côté les systèmes qu'il est bien difficile de caser dans la symétrie ; en un mot, on fait ainsi le plus de systèmes complets possible, laissant les autres sans les caractériser autrement que par le qualificatif incomplets. Ainsi dans la diagnose de la CaryophyUia clavus, on trouve cette phrase bien embarrassante : (( On voit toujours des cloisons du cin- quième cycle ; mais ce dernier cycle est loin d'être complet, n (Milne Edwards et Jules Haime, vol. II, p. 16.) Or, cet état est la conséquence de la multiplication successive des cloisons. Car on trouve des échantillons complets avec les 6 systèmes parfaitement réguliers, et d'autres chez lesquels il est impossible d'arriver à en limiter le nombre. Voici par exemple un individu de l'espèce clavus qui semble par- faitement régulier. Sur sa photographie', on arrive à compter 4 systèmes complets, ayant chacun M cloisons sans y comprendre les primaires, ces 4 systèmes complets réguliers sont placés 2 en haut, 2 en bas de l'extrémité gauche du grand axe de l'ovale, puis arrivent le cin- quième et le sixième à l'autre extrémité de l'axe, mais ils sont incomplets. Mais voici une première observation embarrassante : comment trouver les 6 premiers septa? Si, en rejetant cette première interprétation de la symétrie, on dédouble chaque système, on arrive à en trouver 8 ou 9 ; or comment s'y reconnaître quand on se trouve en face de cette division ou de ce groupe des CaryophyUia à 5 cycles indiqué dans l'ouvrage ? Pour calculer le nombre des systèmes, on part de ce principe qu'aux trois premiers stades du développement des cloisons, 1, 2 et 3, il y a eu 6 systèmes réguliers et complets. Or, plus tard, on arrive à n'en compterque 5. Comment cela se peut-il? Il faudrait, au 1 II est plus facile de juger des systèmes sur les photographies bien réussies que sur le Polypier lui-même. Voir pi. II, fig. 2, eu partant du septa I, au-dessous de la flèche, on compte 4 systèmes complets, 2 en dessus, 2 en dessous. FAUNE DU GOLFE DU LION. 27 moins, indiquer comment l'un des systèmes a disparu, puisque le nombre a diminué. Il faut, la chose est forcée, ou que quelques-uns des septade premier ordre aient disparu en perdant soit leur rang, soit leur numéro d'ordre, soit leur grandeur relative, et cela parce qu'ils n'ont pas continué à s'accroître, ou bien qu'ils ont été dépassés en grandeur par suite du développement des septa voisins. Citons quelques faits certains militant en faveur des interprétations pro- posées. Voici divers exemples de Caryophyllia clavus (dont il sera parlé plus loin à propos de cette espèce). L'un a 6 systèmes composés de 2 cycles, le primaire et le secondaire. L'autre également 6 systèmes parfaitement réguliers, composés chacun des cloisons de première, de deuxième et de troisième gran- deur, formées par les septa des trois premiers cycles. Pour mieux fixer les termes, disons : chez le premier, on trouve dans les chambres primaires (1 + 1), une cloison de deuxième ordre. Dans le deuxième, il y a dans la même chambre (1 4-1) 3 cloi- sons, la cloison deuxième au milieu, et de chaque côté d'elle une cloison troisième. Dans le mode de description qui sera suivi ici, il y a entre les septa primaires que l'on peut appeler limites, une cloi- son paliale future, et deux cloisons intermédiaires. Dans un troisième exemple, le groupe des 3 cloisons (une paliale et deux intermédiaires) est mieux caractérisé, les palis sont bien développés, la columelle est formée, quoique simple, et les 6 sys- tèmes sont d'une netteté parfaite. Mais voici un quatrième échantillon \ dans lequel chaque cloison intermédiaire est devenue paliale, les paliales primitives ont perdu leurs palis, et de chaque côté des nouvelles cloisons paliales dues à la métamorphose des septa du troisième cycle, ont apparu des cloi- sons intermédiaires, celles que, dans les théories que nous exami- ' On trouvera plus loin le dessin de cet exemplaire dans l'histoire de la Caryo- phyllia clavus. 28 H. DE LAGAZE-DUTHŒRS. nons, on suppose s'être développées, les quatrièmes d'abord et les cinquièmes ensuite, pour former le quatrième cycle. Et l'on a alors un calice normal, très régulièrement constitué, présentant 6 systèmes avec 4 cycles, et ayant les chambres pri- maires (1 + 1) occupées par 7 cloisons, dont une médiane, la se- condaire, jadis paliale, ayant cessé de l'être, et égalant presque en grandeur les primaires. Iilles ont auprès d'elles, dans chacune des chambres (2+1) et (1+2), un groupe de 3 septa, un palial, deux intermédiaires. Cette disposition régulière se rencontre fréquemment sur les individus de taille moyenne, ou plutôt un peu au-dessous de la moyenne. Que fera le naturaliste devant cet individu, et en face de cette des- cription (p. 13, vol. II) : « § A. Espèces dont les cloisons forment cinq cycles? Et plus loin, dans ce même ouvrage, il trouvera (p. 16) : « § A. A. Espèces dont les cloisons forment quatre cycles; « § C. Les cycles complets et conséquemment les six systèmes égaux. » Ces caractères sont ceux qu'on vient de voir dans le quatrième cas, et cependant, ils ne se rapportent pas à la série des espèces étudiées dans l'ouvrage. Il faut le reconnaître, le nombre des septa, en augmentant, dé- termine des inégalités dans les systèmes. La diflerence des caractères que l'on peut rencontrer tient donc au degré du développement, et comme celui-ci ne suit pas absolu- ment les lois indiquées, il est bon dans les déterminations de tenir compte de son état. V Lorsqu'en 1873, étante bord du Narval, nous allâmes de la Galle à la Galite, puis à Tabarca en traversant les flottilles de corailleurs, et en cherchant à relever l'écueil des Sorelli, mal fixé sur les cartes marines, et très dangereux pour les navigateurs qui, parles temps calmes, ne pouvaient le reconnaître, la mer ne brisant pas sur lui, FAUNE DU GOLFE DU LION. 29 ramiral Mouchez avait mis à ma disposition sa chaloupe à vapeur. J'avais embarqué deux corailleurs, que j'avais connus autrefois à la Galle, et qui pendant toutes les matinées, de 5 heures et demie à i 1 heures et demie, avec les engins que j'avais acquis, cherchaient bien souvent pour eux à reconnaître, en les explorant, ces parages, mais aussi qui me rapportaient des machioltes (c'est le terme em- ployé par les corailleurs pour désigner les pierres sur lesquelles se trouve du corail ou ses racines). J'ai pu ainsi obtenir dans cette campagne, une quinzaine de Caryo' phyllia ajathus, dont une fixée sur la pierre avec une multitude de pieds de corail, un magnifique échantillon. Or, sur ces pierres où se trouvait cette espèce, le patron de la cha- loupe, Marly, devenu mon gardien de RoscofT, qui avait bien vite compris ce que je cherchais, et qui avec son bon œil de marin devinait pour ainsi dire les tout jeunes individus, m'avait recueilli trois très jeunes Caryophyllies, qu'on devait assez naturellement rapporter à l'espèce cyathus, d'abord parce que ces jeunes venaient des mêmes fonds que ceux où je recueillais les adultes, et ensuite parce que, dans ces localités, je n'avais trouvé qu'un Paracyatkus et une Cai'yophyllia arcuata^ qu'il était impossible de confondre avec la C cyathus. Or, voici ce que l'observation sur ces jeunes individus a montré: Ils sont cylindriques, la muraille ne s'élevant guère à plus de 1 millimètre de hauteur, pour quelques-uns. Deux d'entre eux sont très peu développés; ils mesurent à peine 1 millimètre et demi de diamètre, et sont fixés au pied d'un individu qui a 1 centimètre de hauteur et 3 millimètres dans le sens du plus ' grand diamètre de son calice, et ils n'ont encore que 6 cloisons (fig. 1) s'avançant très peu vers le centre. N'ayant pas suivi l'observation de ces jeunes polypes, à partir de la naissance, c'est-à-dire de la sortie de la larve, il n'est pas pos- sible d'affirmer qu'ils sont bien des jeunes CaryophyUia cyallius. Cependant, je le crois; mais ce qu'il est possible de considérer Fig. 1. Jeune CaryophylUa cya- thus d'un millimètre et demi de diamètre par- faitement régulière , n'ayant que les 6 pre- miers septa un peu dé- veloppés. 30 H. DE LACAZE-DUTHIERS. comme certain, c'est qu'ils sont bien les jeunes d'une espèce de madrépore apore. Ce qu'il est possible encore d'affirmer, et cela sans aucun doute, c'est qu'ils ne sont pas les jeunes de Lep- topsammia ou de Cladopsammia, car le calice, dans ces genres, commence, comme dans les Astroides et les Balanophyllies, par avoir 12 cloisons primaires. Plus avancée en âge, la muraille des jeunes Garyophyllies s'élève, et le nombre des cloi- sons arrive rapidement à 12, lesquelles com- mencent d'abord par être parfaitement égales. Sur la même pierre se trouvent plusieurs exemplaires, dont la hauteur est de 1, 2 et 3 millimètres, et ayant 12 cloisons égales, mais pas encore trace de columelle et de palis. Or, avant de produire les nouveaux éléments du calice, l'un des cycles, très probablement le premier venu (je dis très probablement, car je n'ai pas d'exemple de passage), se développe et prend le dessus sur l'autre, il en résulte qu'à ce moment il y a deux grandeurs de cloisons alternant entre elles, et l'on peut compter alors 6 cloisons de première et 6 cloisons de deuxième gran- deur (fig, 2). La théorie de Milne Edwards et Jules Haime se trouve vérifiable pour ce stade, mais à partir de ce moment, le plus souvent les choses changent. Quant à l'apparition des septa qui devraient naître dans les espaces ou chambres d'un sys- tème ayant les expressions (1 -f- 3) (3-1- 2) (2-t- 3) (3 4-1), elle est loin de suivre la loi rappelée plus haut. Sur un très jeune individu, on voit au centre un bouton un peu tordu, c'est le commencement de la columelle, et deux petites tigelles Fig. 2. Jeune CaryophylUa cyalhus ayant t cy- cles formés réguliè- rement des septa de premier et second ordre, ayant deux grandeurs différen- tes. Même diamètre que l'exemple fig. I . FAUNE DU GOLFE DU LION. 31 naissant au fond de la loge, en face du bord de deux cloisons de second ordre, ce sont les deux rudiments des premiers palis qui commencent à paraître. Sur un autre bien moins avancé, la columelle commence comme un petit, très petit tubercule au centre du fond du calice, dont les 12 cloisons sont encore complètement égales. Il faut donc remarquer, d'après cela, que la columelle apparaît de très bonne heure et ajouter que les palis commencent à être produits bien avant le moment où tous les cycles sont complets, contrairement au passage cité dans l'explication des planches de Milne Edwards et Jules Haime. Dans un échantillon plus avancé en âge et dont le diagramme est très régulier, on voit 6 tigelles correspondant, sans nul doute, aux 6 cloisons de deuxième grandeur. La columelle au centre offrant deux rubans tordus et rubanés, ici, il n'y a pas de doute, les palis commencent à paraître. J'ai encore un exemplaire dans lequel très positivement les palis correspondent aux cloisons de deuxième grandeur, qui, très pro- bablement, sont celles qui ont été déposées dans un second stade d'accroissement. Cette disposition confirme celle qui, plus haut, s'est présentée et dans laquelle il n'y a encore que deux tubercules paliaux. Parmi tous les échantillons que j'ai recueillis en Afrique, je n'en ai trouvé que deux présentant régulièrement six systèmes, et encore l'un d'eux, le plus grand, avait déjà plusieurs systèmes plus compli- qués et difficiles à analyser. En comparant ces échantillons à la figure donnée par Milne Edwards et Jules Haime dans le volume IX des Annales des sciences naturelles et pi. IV, fig. 7, je remarque qu'il n'y a pas de palis dans cette figure qui, cependant, a le même nombre de septa et une grosse columelle paraissant formée de rubans délicats. Dans l'explication des figures de ce mémoire, on trouve l'expli- cation de cette différence {Annales des sciences naturelles, vol. IX, 32 H. DE LACAZE-DUTHIERS. p. 86). « Dans le jeune âge, disent les auteurs, les palis n'existent pas, on n'en voit aucune trace dans les petites cyathines repré- sentées soit dans cette ligure, soit dans la précédente. Ces parties ne commencent à se former qu'après l'apparition des derniers cycles des cloisons. » On voit, d'après cet exemple, ou bien qu'il peut se présenter de grandes différences dans l'époque à laquelle naissent les palis ou que les dessins ne se rapportent pas aux mêmes espèces. Car il est difficile d'admettre une erreur de dessin dans le mémoire si complet des Cyathines. Dans le calice de l'un des exemples cités, les 6 palis correspon- dent aux 6 cloisons de deuxième grandeur, cela n'est pas douteux. Dans un autre, le nombre de palis est double. 11 y en a 2 pour chacun des 6 systèmes. Et les cloisons médianes des systèmes un peu moins grandes que les cloisons qui les limitent doivent incontestablement être consi- dérées comme étant de deuxième ordre ou de deuxième grandeur, en raison de leur position et de leur taille. Elles ne correspondent pas aux palis et ne sont pas encore arrivées entre les palis comme celles de premier ordre. Ici donc les palis se trouvent en face des cloisons de troisième ordre, il est mieux de dire de troisième grandeur. Par quelle suite de modifications et d'inversions de situation dans la symétrie l'ordre a-t-il été changé ? Je signale pour l'espèce ce desideratum, on trouvera la solution de cette question dans l'étude de la CaryophyUia davus, où les rela- tions successives des palis seront indiquées. VI Après cette discussion à coup sûr très fastidieuse, mais qu'il était nécessaire d'introduire dans l'étude des Caryophyllies, nous pren- drons les palis, qui, dans cette division naturelle, ont une très grande importance par leur situation, leur forme et leurs rapports, comme FAUNE DU GOLFE DU LION. 33 centres des pelils groupes de sepla compris entre deux grandes cloisons formant la limite du groupe simple et que, pour cette raison, nous nommerons septa-lvnites. Il nous sera plus facile et plus commode de bien préciser les carac- tères tirés des 5 cloisons formant ce groupe de: 2 Limites ; 1 Paliale ou médiane ; 2 Intermédiai7'es. Ceci est un groupe palial simple. Un groupe ou système simple, sché- matique, formé de 2 cloisons limites (/. L), d'une mitoyenne ou paliale (m) et de 2 intermédiaires {int). Dans le bas dessepta, les chiiïies t, 2, 3 indiquent l'ordre d^'apparilion, d'après Alilne Edwards et'. Jules Haime. La cloison paliale est ondulée ;(p) pa- lis, (c) columelle. FJg'. 4. Un groupe ou système double, plus compliqué, formé de 2 groupes sim- ples paliaux. Dans les chambres (1+2) et (2 + 1), la cloison (m) ou (2) a cessé d'être paliale, la cloison {sp) ou(3) ancienne intermédiaire, est devenue paliale; les intermédiaires 4, 5, 5, 4, forment le 4° cycle. — Ce groupe composé est formé en défi- nitive de 2 groupes paliaux simples. Dans un système, on peut trouver plusieurs groupes paliaux simples semblables à ce premier (fig. 3). Il faut observer aussi que, dans toutes les Caryophyllies, les calices sont plus ou moins ovales, sauf dans le très jeune âge, et que la multiplication des groupes se faisant, le plus ordinairement, aux extrémités du grand axe de l'ovale, il vaut beaucoup mieux recher- cher les caractères vers les extrémités du petit diamètre, c'est- à-dire vers le milieu de la longueur de l'ovale. La régularité étant là, habituellement, plus constante. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉÎf. — 3e SÉRIE. — T. V. IS97. 34 H. Dli LÂCAZE-DUTHIERS. En ài&ani groupe cloisonnaire palial, nous n'entendons point rejeter entièrement l'expression de système introdnite dans la science par MM. Jules Haime et Milne Edwards, nous voulons ajouter une façon plus commode pour les descriptions des Garyophyllies que nous avons à faire. En examinant un échantillon de profil, on reconnaîtra bien vite la crête de la cloison paliale, toujours moins élevée que celle des 2 cloisons limites faisant saillie au-dessus du limbe calicinal ; quant aux crêtes des cloisons intermédiaires, leur grandeur toujours moindre que celle des cloisons limites et leur position par rapport à celles-ci les font aussi immédiatement distinguer. Par l'observation de profil on serait plutôt conduit à former les groupes de trois cloisons avec les liniiles et les intermédiaires qui, bien souvent, sont soudées assez haut entre elles. Alors la cloison paliale serait isolée et elle n'aurait plus qu'un rôle bien amoindri. Toutefois il ne faut pas attacher plus d'importance qu'il n'est utile à ces distinctions, il s'agit ici simplement d'un moyen propre à faciliter la diagnose et l'exposition des caractères. Dans l'application, nous dirons donc que, chez la Caryophyllia cy athus, les crèles des cloisons intermédiaires et de la cloison paliale s'élèvent à peu de chose près à la même hauteur ; que celles des limites sont un tout petit peu plus élevées, et alternativement, une entre autres un peu plus haute (pi. V, fig. 1) ; Que les septa limites pénètrent tout juste dans l'intervalle des palis, sans atteindre la moitié de l'étendue de la longueur du grand diamètre de ceux-ci, qu'ils arrivent au premier tiers à peine (fig- 3) ; Que la cloison médiane ou paliale est épaisse, ayant souvent son bord interne un peu renflé, très rapproché des palis; Que les palis sont épais, arrondis à leurs extrémités libres supé- rieures, qu'ils dépassent la hauteur de la columelle d'une quantité égale, à peu près, à celle de leur grand diamètre ; Que les relations des septa intermédiaires et des cloisons limites FAUNE DU GOLFE DU MON. 3j n'offrent rien de particulier, l'espace libre qui les sépare étant à peu près égal à celui qui les éloigne de la cloison paliaie. On retrouverait ces caractères très exactement sur les quinze beaux échantillons que j'ai rapportés de mes voyages à la Galle, et qui me servent à cette description. Mais il faut remarquer toutefois que l'élévation des crêtes, c'est un fait général chez presque tous les Madréporaires apores et même quelques poreux, est plus inégale et plus grande pour celles des limites dans les échantillons qui sont encore en voie de croissance. Une dernière observation relative à la physionomie générale du calice : En posant devant soi, dans une situation telle que le rayon visuel tombe perpendiculairement au plan langent reposant sur le bord du limbe formé par les sommets des crêtes et passe par le centre ou point d'entre-croisement des deux axes de l'ovale, on peut bien juger alors de l'étendue des cloisons, de la forme de la columelle et de celle de la couronne des palis. Dans la CaryophyUia cyathus, la columelle des adultes est en général massive, plus ou moins divisée par des lignes transversales variables, que font varier le nombre de ses lobes ; mais toujours un sillon nettement accusé, profond, la sépare de la couronne paliaie, elle-même fort caractérisée (flg. 2). Les éléments de celle-ci étant à peine séparés entre eux par l'extrémité des cloisons interpaliales, qui n'arrivent tout au plus qu'au premier tiers de leur longueur, et comme les palis sont épais et d'une largeur relativement médiocre, leur ensemble mérite bien le nom de couronne, ces caractères les faisant paraître plus serrés et plus réunis en une seule bande cir- culaire. La ligure que l'on obtient par une photographie prise bien norma- lement, donne le résultat suivant : Entre le bord de la columelle et le bord du calice on trouve quatre, trois ou deux fois et demie, suivant les individus, la largeur d'un palis. Ce chillre conduit à répéter ce caractère physionomique 36 H. DE LACAZE-DUTHIEKS. qui frappe à première vue, concentration de la couronne paliale dontles éléments épais, peu larges et rapprochés, forment une zone très nette, séparée par un sillon profond et obscur, fort accusé entre les extrémités des cloisons paliales et la colnmelle. Pour mieux faire sentir la valeur de ce caractère, on peut op- poser la disposition qu'on va trouver dans la Caryophyllia clavus, où entre le bord externe des palis, qui sont minces et larges, et le bord du limbe du calice, on ne trouve qu'une fois la largeur du palis, ce qui revient à dire que les palis s'avancent jusqu'au milieu de l'aire calicinale comprise entre la muraille et la columelle. Une observation qui se représentera à propos de toutes les espèces est celle-ci : Plus on est près du jeune âge, plus la différence de la hauteur des cloisons et des crêtes, que nous appelons de première grandeur, sera considérable, et plus le polypier sera ancien et développé, moins grandes seront ces différences. C'est ainsi que dans l'espèce, un indi- vidu évidemment encore dans toute la force de l'accroissement a montré les cloisons primaires relativement plus du double de hau- teur que dans la plupart des échantillons lourds, épais et évidem- ment anciens (pi. V, fig. 1', à comparer à la figure 1 adulte). Si bien que si l'on prenait la différence des hauteurs des diverses crêtes sur les individus très anciens comme caractère, on serait amené à conclure que toutes les crêtes sont à peu près égales en hauteur, comme le montre le dessin fig. 1. Dans les considérations générales qui terminerontle travail, il sera question de l'opinion de quelques auteurs, relativement aux jeunes Caryophyllia cyat luis. Nous reviendrons à ce moment sur le dévelop- pement des cloisons de cette espèce. Ce sera à propos de la figure qui sera dans le texte. FAUNE DU GOLFE DU LION. 37 CARYOPHYLllA CLAVUS (PL I, fig. 1 .\ 15, pi. II, photographies). I Cette Caryophyllie est l'une des plus faciles à reconnaître et aussi à se procurer, car elle est extrêmement abondante dans le golfe. 11 m'a été possible de l'observer en grand nombre, par centaines, bien vivante et de toutes les grandeurs. Elle a vécu dans les bacs du la- boratoire Arago fort longtemps et pu être observée dans l'état vrai- ment de nature. Fixée sur des débris de coquilles de toutes les espèces du golfe : Pecten,Ca7'dium,Pecluncuius,Scalaria,PiLTches,'Denia\es,Troq\xes, etc., son polypier sert lui-même à fixer ses embryons. Elle est apportée facilement par les engins de pêche. Sa forme conique est caractéristique. Son polypier est toujours un peu aplati ; de là, la forme ovale de son calice, qui est relativement profond et assez grand, comparé à la hauteur du polypier, et dont le grand diamètre peut atteindre 23 millimètres. Ce cas est rare. Son point d'attache n'a que 1, 2 ou 3 millimètres au plus ; il est toujours circulaire, très peu étendu autour du sommet du cône. Le polypier, vu de profil, ressemble à un cornet fixé sur sa pointe. De toutes les Caryophyllies vivant dans la Méditerranée, c'est la plus comprimée; aussi la projection de son calice donne l'ovale le plus allongé. Pour aider la détermination, il n'eût pas été nécessaire d'en ré- péter les caractères avec détail et il eût suffi de la désigner sim- plement, car on peut la déterminer sûrement dans l'ouvrage de Milne Edwards et Jules Haime. Mais, M. Duncan ayant fait, pour cette espèce, un grand nombre de variétés, parmi lesquelles il place la Caryophyllia Smithii, il m'a paru utile d'ajouter quelques détails à son histoire, d'autant plus que plusieurs questions, dont la solution était loin d'être précise, se sont 38 H. DE LACAZE-DUTHIRRS. trouvées éclaircies par l'observation longuement prolongée des indi- vidus vivants. II DU POLYPIER ADULTE. Nous n'entendons parler tout d'abord que des échantillons de moyenne taille (pi, I, fig. 1). Les très gros (fig. 5) et les très petits (fig. 15), offrant de fort grandes différences, fourniront de loin en loin des détails intéressants. La inuvaiiie, très blanche, est mince ; aussi le polypier est-il léger et transparent. Pour bien voir les détails de son intérieur, il est utile de porter ombre sur ses côtés, quand on veut, par exemple, bien juger des palis et de la columelle, et cela surtout si l'échantillon a été entièrement débarrassé de la matière animale et des concrétions qui le recouvrent quelquefois extérieurement. Les côtes (pi. I, fig. 4), très marquées et saillantes d'autant plus qu'on les observe près du limbe du calice, sont séparées par un sillon qui, sans être très profond, est cependant assez accusé pour pouvoir être suivi depuis les bords du calice jusqu'au point d'attache du pé- doncule. Elles ne sont ni plates ni arrondies. Leur coupe présente un triangle isocèle très surbaissé, il est vrai, mais régulier. On verra dans cette disposition une différence avec la CaryophylUa Smithii. L'observation de ce caractère demande de l'attention et surtout une incidence particulière de la lumière. Les côtes paraissent être manifestement la continuation en dehors, sur la face externe de la muraille, des crêtes des septa qui s'élèvent au-dessus d'elle et la dépassent sur le limbe calicinal en formant des saillies. Leur largeur et la saillie qu'elles font sur la surface de la muraille sont plus considérables sur celles qui correspondent aux cloisons de première grandeur que sur celles qui correspondent aux cloisons paliales, qui sont égales en largeur et en hauteur aux côtes des cloi- FAUNE DU GOLFIi DU LION. 39 sons intermédiaires. Avec un peu d'attention, on distingue aisément, sur les individus en bon état, le groupe des trois côtes répondant à deux intermédiaires séparées par une paliale. Elles sont couvertes de granulations qui, sur l'angle mousse for- mant leur arête, se disposent à peu près en ligne un peu en zigzag sur le milieu de la côle. Il en existe aussi sur les côtés ; leur nombre varie, ainsi que leur grandeur, avec les individus. Cloisons (Septa). — Très rares sont les échantillons, quand ils ont une taille au-dessus de la moyenne, qui se présentent avec les 5 cycles caractéristiques des auteurs français. Sur plus de trois cents échantillons, je n'en ai trouvé que quelques-uns présentant l'orga- nisation régulière des 6 systèmes (pi. 1, fig. 2). Sui' l'un de ces exemples, dont l'ovale est parfait, dont le grand diamètre est de 8 millimètres, le petit de 6, dont la hauteur totale est de 10 à partir du Dentale sur lequel il s'est fixé, on compte 12 palis et, par consé- quent, 12 cloisons paliales et 12 cloisons interpaliales. Dans ce cas, chaque système est donc composé de 2 cloisons paliales (fig. 4, plus haut dans le texte, p. 33), de 1 grande cloison interpaliale, de 2 cloisons limites et de 4 cloisons intermédiaires ; et, pour s'ex- primer suivant les termes de la théorie, il se compose de 2 cloisons de premier ordre ou primaires, de 1 cloison secondaire (interpaliale), de 2 cloisons tertiaires (paliales), enfin de 2 cloisons de quatrième ordre et 2 de cinquième ordre ; en tout 4 cycles (pi. 1, fig. 2 et 3). Or, ce cas est relativement rare, et la multiplicité des cloisons (septa), quand elle est grande, conduit rapidement à la confusion. Dans les ouvrages, on s'occupe peu des rapports des palis et des cloisons. Ils sont cependant fort importants, comme on le verra Les cloisons paliales sont plus minces que les cloisons limites et moins hautes que les intermédiaires. Leurs crêtes ne dépassent jamais celles des cloisons intermé- diaires, qui sont toujours un peu plus hautes qu'elles (pi. I, fig. 4). En observant normalement le calice, on peut voir que le bord libre de la cloison paliale, arrivée en face de la fin du deuxième tiers, 40 H. DE LACAZE-DUTHIERS. quelquefois de la moitié, de l'étendue des cloisons limites, plonge presque verticalement et qu'il est séparé du bord externe du palis par une échancrure taillée à peu près à pic (pi. I, fîg. 3). Mais, plus bas, cloisons et palis sont unis et confondus à leur base par une lamelle calcaire. Les cloisons inlermédiaires s'avancent vers le centre du calice jus- qu'aux trois quarts de l'étendue de la cloison paliale; encore faut-il, pour que ce caractère soit bien évident, que l'échantillon soit de moyenne taille (pi. I, fig. 2, 3, pi. II, fig. 2). Les septa limites sont les plus épais, les plus élevés ; mais, quand on les compare à leurs homologues dans les autres espèces, ils pa- raissent relativement plus minces. Leur crête dépasse celle de tous les autres septa (pi. 1, fig. 4, 15); elle se détache nettement au-dessus du limbe calicinal. Leur hau- teur peut être appréciée en la comparant à l'espace qui sépare le pied des deux crêtes limites voisines ; une de ces crêtes, rabattues sur son côté, viendrait toucher par son bord supérieur le pied de la voisine de même ordre. Les rapports des cloisons intermédiaires avec les deux cloisons limites qui les avoisinent sont tels, que, dans quelques espèces, ils offrent un caractère important. Ici, bien qu'ayant la même épaisseur que la cloison paliale et étant à une distance égale de la cloison li- mite et de la cloison paliale, elles sont néanmoins (pi. I, fig. 4) unies par une mince lamelle calcaire, véritable élévation de la mu- raille, et l'échancrure qui sépare les cloisons limites des cloisons intermédiaires est certainement de moitié moins profonde que celle qui sépare la cloison paliale des cloisons intermédiaires ; et, comme leur crête est moins élevée que celle des grands septa, leur sailUe est très faiblement accusée. Il résulte de là que les grandes cloisons ou cloisons limites forment, avec les deux cloisons intermédiaires, leurs voisines, un groupe qui, sur le polypier vu de profil, se recon- naît facilement. Ce caractère n'existe pas chez la Caryophyllia cyathus, de belle FAUiNE DU GOLFE DU LION. 41 taille (pi. V, fig. 1). Dans la Caryophyllia Smithii adulte (pi. III, flgure 4 de profil), il est peu accusé; mais, dans la C. arcuata, nous verrons (pi. V, les diverses figures) qu'il prend une grande impor- tance. En observant le calice normalement (pi. I, fig. 2 et 14), si le rayon visuel passe par le centre de figure, on voit que les cloisons limites s'avancent jusqu'à un peu plus que le milieu de l'étendue des palis, entre leur bord columellaire et leur bord cloisonnaire. Le milieu de cette étendue est quelquefois dépassé du côté de la columelle. Or, on a vu, dans la Caryophyllia cyathus, que le bord de ces grandes cloisons atteignait tout au plus le premier tiers de la largeur des palis. On verra que ce rapport offre un caractère important dans la Caryophyllia arcuata et la C. Smithii. Les palis sont (pi. I, fig. 2 et 3), dans la Caryophyllia clavus, fort grands, lamellaires et minces. Ils s'élèvent autour de la columelle, à laquelle ils sont unis chacun par une lamelle inférieure, leur plan vertical rayonne vers le centre de figure et leur bord supérieur s'élève verticalement d'abord, puis se courbant en dehors, comme le font les bords des grandes cloisons, arrive tout près des cloisons paliales, dont ils sont séparés par une échancrure peu étendue, peu profonde, et taillée presque à pic, mais cependant un peu oblique de dedans en dehors et de bas en haut. Il est peu d'espèces chez qui les paHs soient aussi semblables à des cloisons que chez la Caryophyllia clavus (pi. I, fig. 3); si bien que, si réchancrure manquait, on les prendrait pour la partie interne des cloisons secondaires. La columelle est relativement étroite el longue ; elle est le plus ordinairement formée de quatre, cinq à six rubans minces, tordus en spirale (pi. I, fig. 9) et à extrémité supérieure bien dégagée et libre. Très habituellement aussi, les rubans sont sur une seule ligne (pi. Il, fig. 1*). Lorsque le grand axe du caUce n'est pas de beaucoup * Cette photographie est remarquable par son exactitude et la représentation d'un type très caractérisé. 4â H. DE LACAZE-DUTHIERS. plus étendu que le petit axe, la columelle est plus large, et, sur les côtés de la ligne formée par cinq ou six rubans, il vient s'en ajouter un, deux, rarement trois, chez les individus anciens, vers le milieu de la longueur. Dans tous les cas, la columelle est nettement sérialaire. Les rubans sont très bien conformés, à bords libres, a surface creuse. Leur demi-torsion les rend très faciles à reconnaître; la planche II, figure 1, donne d'eux une excellente idée. La columelle de la Caryophyllia clavus est certainement celle, de toutes les Garyophyllies décrites ici, dont la régularité et la distinc- tion facile des éléments sont les plus grandes. La hauteur du polypier est le plus souvent égale au grand diamètre de l'ovale calicinal (pi. 1, flg. i] ; mais, dans les très jeunes, elle est au-dessous de ce diamètre (pi. 1, fig. 15), comme, dans les très âgés, elle lui est de beaucoup supérieure (pi. I, fig. 5). Le diamètre de la base varie entre l'^^jS et 2 millimètres. 11 y a des exceptions, très rares. Il varie peu et ne s'étend guère sur le support du polypier \ Les granulations qui couvrent les faces des cloisons existent tou- jours, mais à des degrés de grandeur tellement différents, qu'il n'est guère possible de donner cette grandeur comme caractéristique. Ces difTérences, évidemment, sont individuelles. On rencontre des échantillons qui ont ces granulations fort sail- lantes, surtout sur les bords des palis et des cloisons paliales. Dans ce cas, les autres cloisons sont aussi plus épaisses. Il semble, en compa- rant ces échantillons à ceux chez qui les granulations sont moins sail- lantes, que, chez eux, la production calcaire a été plus active à un moment; dans tous les cas, elles sont relativement plus nombreuses et plus grandes sur les palis et les cloisons paliales; mais celles-ci, dans le haut, ne diffèrent pas des autres cloisons. Il n'a pas été possible de retrouver la forme en petits godets in- ' Dans les ligures d autre espèce. Lorsque la partie inférieure, le sommet du cône renversé, est abandonnée par les tissus mous, ce n'est qu'au-dessous du limbe du calice qu'on voit le vernis épithécal, le plus ordinairement dans une faible étendue. III DU POLYPE. La Caryophyllia clavusy'ii très facilement dans les aquariums et il est possible de la conserver longtemps ; elle est très favorable aux observations. Son corps, ou sa colonne au-dessous des tentacules, s'élève, quand elle est bien épanouie, à 1 centimètre et même plus au-dessus* du limbe du calice du polypier. J'ai conservé des indi- vidus dans mes bacs en parfait état, dont les couleurs, la livrée, variaient d'un bistre plus ou moins foncé à la terre de Sienne brûlée. Sous certaines incidences de la lumière, le pourtour de la base des tentacules, en dehors du péristonie, ou du pourtour de la bouche, paraissent, chez quelques individus, d'un verl-émeraude éclatant. Les tentacules correspondant aux difïerentes cloisons ont des grandeurs qui répondent à leurs différents ordres. Ils s'étalent de la façon la plus variée et la plus gracieuse, et sont d'une telle transpa- 1 Planche I, fig. 1'. L'animal a contracté son péristonie ; on voit au-dessus les extrémités des tentacules formant un cercle. Ce doit être la colonne et le rand- platte qui se sont ainsi allongés. Ai H. DE LACAZE-DUTHIERS. rence que la boule blanche très nette qui les termine les fait tout d'abord deviner plutôt qu'on ne les voit (pi. I, fig. i, 7, 10). Du reste, comme dans toutes les Garyophyllies observées, cette boule se détache parfaitement au bout du tentacule. On verra que, dans quelques espèces d'un autre groupe, il est quelquefois difficile d'en fixer la limite, car, si la teinte est due à l'accumulation en sphé- rule des nématocystes, dans quelques espèces du moins ces éléments semblent simplement plus rapprochés dans le sommet conique du tentacule, tandis que, chez les Garyophyllies, la distinction entre le tentacule et la boule est extrêmement prononcée ; toutefois, la boule ici n'offre pas un développement aussi considérable que celui qu'on observe chez la CaryophylUa Smithii. Les tentacules eux-mêmes sont couverts de petits amas blancs ou bistre formant tache, et dus à la même réunion de nématocystes accumulés dans des points disséminés sans ordre sur toute la sur- face du tentacule. Ces taches et ces boules sont ce que les auteurs anglais appellent des batteries, les nématocystes qui les forment étant considérés comme les armes défensives du polype. La livrée de la CaryophylUa clavus (pi. I, fig. 1, 1', 7, 10, II) est extrêmement variée ; cela tient à la différence de l'intensité, du ton et de la nuance de ses couleurs bistre ou terre de Sienne, tantôt pâle, quelquefois très chaude et intense, étendue en surface ou limitée à des bandes. Quelques individus, moins nombreux, offrent des taches de forme et de grandeur variées d'un beau vert Yéronèse aux reflets métal- liques. L'éclat en est remarquable et la reproduction bien difficile. . La variabilité de l'étendue des parties colorées est telle que chaque individu mériterait un dessin. Cependant, il est possible d'assigner quelques points où la coloration se manifeste plus habituellement. Mais quand les parties colorées s'étendent, les points qui sont fai- blement colorés dans le premier cas le deviennent beaucoup plus, du côté du péristome comme à la base des tentacules. H se forme FAUNIÎ DU GOLFK DU LION. 45 alors des arcades, et l'on dirait que le périslome est entouré d'un feston bistre. Le vertVéronèse ou émeraude, quand il existe, qui donne aux ani- maux un éclat métallique merveilleux que le pinceau ne peut pas rendre, est aussi disposé en arcades et en croissants, tantôt à l'exté- rieur de la base d'attache des tentacules paliaux, tantôt on dehors. Dans le premier cas, les deux cornes du croissant sont supérieures et s'élèvent à peu près jusqu'à la hauteur de la séparation des tentacules. Mais il arrive quelquefois que cette belle couleur verte se trouve à la limite externe du péristome, en dehors de la base des tentacules, et, là encore, elle est disposée en forme de croissants qui embrassent toutes les bases des tentacules ; enfin, quelquefois elle est très li- mitée et ne se montre que faible sur les bases des tentacules paliaux. La couleur et la livrée delà Caryophyllia clavus n'apportent vrai- ment que bien peu de renseignements pour la diagnose spécifique. Lorsque la couleur est peu développée et ne s'étend pas en couche comme un lavis général, elle se distribue en bandes étroites suivant surtout les côtés des tentacules correspondant aux palis, et qu'on peut nommer pour cette raison paliaux. Ces bandes ou lignes colo- rées se prolongent sur le péristome et correspondent à l'insertion des mésentéroïdes en dessous de lui ; elles se voient aussi; mais moins intenses, sur le rand-platte. On ne reconnaît ces bandes que lorsque l'épanouissement est complet ; pendant la contraction, elles se rapprochent et le péristome semble uniformément coloré. Rand-platte. — On trouve, dans l'histoire de la Caryophyllia Smithii, une observation intéressante qu'il importe de signaler ici, car la même condition se présente, mais dans des proportions bien moindres. La colonne du polype ou corps mou ne s'arrête pas au pourtour du limbe de la muraille, là où s'arrêtent les bords externes des cloi- sons et où commencent les côtes. Il est très peu de polypiers de la Caryophyllia clavus qui ne pré- 461 H. DE LAGAZE-DUTHIEUS. sentent des zones limitées par des stries ou sillons circulaires, indi- quant des arrêts ou des stades d'accroissement (pi. I, fig. 1 et 5) ; ordinairement l'une de ces zones, nette et d'une teinte différente au reste de la surface générale, occupe le pourtour supérieur du poly- pier jusqu'au bord du calice. La largeur de cette zone est très va- riable avec les individus; sur les jeunes Caryophyllies, elle ne paraît guère, toute la surface jusques et y compris la base d'adhérence étant uniforme. Mais chez les individus soit fort anciens ou de la plus grande taille, soit même de taille moyenne, elle n'a souvent que quelques milli- mètres de hauteur. Et le polypier, dans l'espace où il est nu, sans parties molles, paraît plus ou moins grisâtre et recouvert par des concrétions, des incrustations ou des habitations d'animaux bour- geonnants, des Bryozoaires, par exemple. La zone placée immédia- tement au-dessous du limbe calicinal jusqu'à ces concrétions est comme vernie; elle correspond au rand-platte et est couverte d'un vernie que j'appellerai épithécal. Les tissus mous du polype semblent avoir abandonné les parties inférieures du polypier et ne plus occuper que cette partie nette, comme vernie, qui fait bordure en dehors et au-dessous de la limite supérieure de la muraille. C'est qu'en effet le bas de la colonne charnue forme comme un manchon et descend plus ou moins bas en dehors du calice. Cela doit être, mais ne se reconnaît qu'à l'aide de préparations et de la décalcification. Dans l'épaisseur de ce voile, vraie prolongation de la colonne du polype, il y a une cavité limitée par deux lames : l'une externe, en contact avec le monde extérieur; l'autre interne, appliquée sur la face externe de la muraille et recouvrant immédiatement les côtes. Cette cavité, dont les parois se touchent sans être adhérentes, e»t la continuation de la cavité sous-tentaculaire (pi. I, fig. 10); de telle sorte que les mésentéroïdes ou cloisons molles séparant les loges sous-tentaculaires paraissent se prolonger dans son inté- FAUNE DU GOLFE DU LION. 47 rieur et la subdiviser en autant de cavités périphériques secondaires. Cette bande de tissu mou, descendante, recouvrant en dehors le polypier est le Rand-plalle des auteurs. Ils ont décrit la structure de sa lame externe, celle de sa lame interne et y ont indiqué l'existence de l'ecto-, du méso- et de l'entoderme. Souvent on trouve (pl.l, fig. 10, en) dans cette cavité périphérique des entéroïdes qui remontent de la cavité générale pour y descendre ; nous reviendrons plus longuement sur cette particularité orga- nique à propos de la Caryophyllia Smithii, chez qui la disposition est fort remarquable. Épithéque. — Il serait à propos de parler ici de cette partie, dont quelques auteurs font l'un des éléments importants, si ce n'est fon- damental, de quelques polypiers; pour des raisons semblables à celles qui nous ont fait ajourner précédemment l'exposition des opi- nions diverses sur cette partie, je remettrai à plus tard cette étude. IV ÉVOLUTION ONTOGÉNTQUE DU POLYPIER. Sur les fonds du golfe n'ayant pas les plus grandes profondeurs, d'où les filets ne rapportent que des Caryophyllia clavus, j'ai pu recueillir par centaines des individus de tous les âges, depuis la taille de 1 millimètre de hauteur et ne présentant que 6 cloisons à peine saillantes et n'ayant ni columelle, ni palis, ni cloisons secon- daires (pi. I. lig. Il, 12, 14, 15), jusqu'aux tailles de la plus extrême grandeur (pi. 1, lig. 5). Il était assez logique d'en rapporter l'espèce à la Caryophyllia cla^ vus, surtout quand ces très jeunes calices étaient fixés sur la coquille portant la mère ou sur la base même dépouillée des polypiers adultes. Bien que ces jeunes n'eussent point été suivis depuis leur étal de larve mobile, comme cela a pu être fait pour la Caryophyllia Smithii, il n'était pas possible de douter de leur spécification, ne rencontrant à côté d'eux aucune autre espèce et pouvant d'ailleurs 48 H. DE LACAZE-DUTHIEHS. passer des calices les plus simples, sans aucune difficulté, aux plus compliqués, aux adultes, revenant ainsi à l'espèce si commune dans le golfe. Donc c'est bien l'évolution du polypier de la Caryophyllia clavus qui va être exposée. A ce propos, remarquons que l'espèce d'une très jeune Caryo- phyllie étant toujours fort difficile à reconnaître quand on n'a pas des renseignements tels que ceux qui viennent d'être indiqués, il ne me paraît pas douteux que la Caryophyllia vermiformis de Duncan {loc. cit., p. 3H) ne soit un jeune né de parents indéterminés, d'autant plus que Duncan lui-même, en parlant de la Caryophyllia Pourtalesi, dit : « they are the fîrst species of the genus which hâve been dis- covered to bave only three cycles ». Trois cycles — sans indication de columelle et de palis — c'est en dire peu pour une Garyophyllie; or, j'ai recueilli de très nom- breux échantillons soit sur les machiottes d'Afrique, soit sur les dé- bris des fonds du golfe du Lion, dont la détermination était bien dif- ficile, sinon impossible, et dont je me garde bien de faire des espèces distinctes. J'ai préféré m'abstenir. Mais dans le cas des jeunes, recueillis là où l'on ne rencontre que des Caryophyllia clavus, la détermination est légitimée par ce fait même. Dans un premier exemple, j'ai trouvé un polypier parfaitement circulaire avec 6 cloisons (pi. I, fig. H) ; ce sont bien les 6 cloisons primaires formant le premier cycle et limitant 6 secteurs du cercle. Les exemplaires étant très faciles à se procurer et étant nombreux, il ne peut y avoir aucun doute sur ce point. L'observation offre une exactitude de la plus grande valeur. Il faut, sur cet exemple, faire deux remarques ; au centre, on aperçoit un dépôt, un petit tubercule, c'est l'origine de la columelle. Enfin, la muraille, absolument circulaire, présente une dépression à la base du septa primitif. On a vu même chose pour le Flabellum. Les exemples présentent 12 cloisons (pi. I, lig. Ti), et les origines FAUNE DU GOLFE DU LION. 49 des 6 septa nés en second lieu, paraissant sur le bord libre du calice et un peu en dedans, c'est-à-dire sur la face interne de la muraille, ils sont aussi très faciles à se procurer; cependant ils sont un peu plus rares, par cette raison qu'évidemment le stade pendant lequel apparaissent les 6 cloisons secondaires est suivi de très près par celui dans lequel les 12 septa deviennent tous égaux ; mais ce stade est de très courte durée. Les 6 septa apparus en second lieu croissent très vile pendant que les 6 premiers sont un moment stationnaires ; pendant ce temps, on a G septa de premier ordre et 6 de deuxième ordre, ces derniers beaucoup plus petits, et 2 cycles, les premiers formés (pi. I, fig. 12); à ce moment, les chambres ont pour expression (1-1-2) (2 4-1), et c'est dans l'intérieur de chacune d'elles que paraîtront les septa de troisième ordre, qui seront au nombre de 12, comme on le voit dans la planche I, figure 13. Jusque-là les trois ordres de septa formant 3 cycles et 6 systèmes ont une genèse tout à fait en rapport avec ce qui a clé indiqué par les auteurs français ; de plus, on distingue un boulon central (fig. 11) au fond du calice; c'est le premier dépôt qui sera l'origine de la colu- melle, dont les éléments se caractérisent dans les figures 12 et 13. Les palis n'existent pas encore. Avant cette figure 13, dans la figure 12, on peut reconnaître que les septa de troisième ordre ne naissent pas tous en même temps. Dans le haut, à gauche du sepla I, on voit un petit trait (m), origine d'une cloison tertiaire, et dans le bas, à droite, on voit, de chaque côté de (p), une tertiaire ou intermé- diaire [in). Mais, fait important, bien qu'il n'y ait pas encore de palis, cepen*- dant, le plus souvent, on peut prévoir leur place, ce qui n'a pas été bien rendu par la gravure, sauf pour le septa (/>). Les trois grandeurs différentes des cloisons sont telles que celles du deuxième ordre se distinguent facilement de celles du premier par leur taille très supérieure à celles du troisième, celles-ci faisant à peine saillie sur le bord supérieur de la face interne de la muraille ARCH. DE ZOOLé EXP. ET GÉN. — 3° SÉUIE. — T. V. J897. 4 50 H. DE LACAZE-DUTHlIiKS. 11 faut encore remarquer dans celle figure 12, que la columelle est déjà formée de deux rubans placés en série qui orienteront le grand diamètre de l'ovale futur ; or, c'est vers les deux extrémités de la columelle que déjà paraissent les septa de troisième ordre. Les septa du deuxième ordre se reconnaissent le plus souvent à un autre caractère que celui de leur grandeur relative. Leur bord libre interne est un peu élargi, et porte comme deux tubercules, ce qui les fait paraître comme bifurques (cela se voit pi. I, fig. 12 et 14). Celte apparence est due au reploiement du bord interne, qui, en se contournant, se porte à droite ou à gauche, et dépasse ainsi les faces des cloisons paliales futures. Cependant, il faut aussi recon- naître que ce caractère quelquefois se retrouve sur d'autres septa. Quand les palis commencent à paraître, semblables à de simples tubercules bourgeonnant au fond du calice, c'est en face de celte extrémité d'apparence bifurquée, qu'ils se montreront, et cette forme persistera quelque temps. On peut donc prévoir bien souvent la place qu'occuperont les 6 premiers palis, et leurs rapports futurs avec les cloisons de deuxième ordre, avant même qu'ils ne se soient montrés. Les palis ne naissent jamais dans un ordre déterminé, et jamais tous les 6 premier^ en même temps. Lorsque les 6 premiers palis sont bien formés, et que la multipli- cation des septa commence, ce qui se passe chez la jeune Caryo- phyllia clavus est tout à fait identique à ce qu'on voit chez la C. cyatkus. Il faut ajouter que bien souvent aussi les palis naissent si près du bord libre interne des cloisons du deuxième cycle, qu'ils semblent dériver du bord que l'on vient de voir être, dans un grand nombre de cas, plus épais que le reste du septa. Dans ce cas, le dépôt des nodules calcaires cesse ou marche plus lentement entre ce bord hbre épais et la lame septale, et bientôt une échancrure sépare ces deux parties et alors bientôt aussi on voit s'élever comme une tigelle, le futur pahs qui deviendra par la suite FAUNE DU GOLFE DU LION. 51 lamellaire et sera toujours uni par sa base avec le sepla palial, toul le temps du moins que ce septa restera palial. Voici encore un autre fait très important que je n'ai point vu signalé dans les derniers travaux de Bourne,Fowler, Koch,Ortmann et Miss Maria Ogilvie. Les cloisons de deuxième ordre, qui ont été primitivement paliales, cessent de l'être pour être remplacées dans ce rapport par les cloi- sons tertiaires ; celles-ci plus tard deviendront à leur tour paliales ; et les cloisons de deuxième ordre passeront à l'état de première grandeur. Cela tient à ce que de nouveaux groupes de 3 septa viennent s'interposer entre les premiers existant déjà. Nous allons revenir sur ce fait important. Lorsqu'il y a 6 palis, il y a 6 systèmes, composés chacun de 3 cloi- sons, 1 médiane paliale, qui est la secondaire, 2 latérales ou inter- médiaires, qui sont de troisième ordre (fig. 13 et 14). Ce n'est pas régulièrement dans toutes les chambres de troi- sième ordre que viennent naître les cloisons du quatrième et du cinquième, comme le veut la théorie des auteurs français ; ce sont des groupes nouveaux qui se forment dans quelque système, et dès ce moment, comme déjà l'ont indiqué C. Semper et autres auteurs contemporains, les lois d'Edwards et JulesHaime deviennent difficiles à vérifier, car elles sont inapplicables dans certains cas. Dans l'évolution du polypier de la Caryophyllia clavus, on en trou- vera une nouvelle preuve. Je décrirai deux polypiers de jeunes Caryophyllia clavus^ cela ser- vira à montrer comment se multiplient les cloisons après les stades à6-4-6 + 12. L'une a 2 millimètres de diamètre, un peu moins d'élévation, fig. 13. La projection de son calice est à bien peu de chose près un cer- cle, l'un des diamètres n'étant qu'un tout petit peu plus grand. Lacolumelle est formée de deux éléments aplatis, rubanés, encore 52 H. DE LACAZE-DUTHIERS. peu tordus, dont la position indique déjà la direction de l'allonge- ment et du grand diamètre. Il existe 3 cycles bien distincts ; les cloisons paliales moins éten- dues dans leurs dimensions ne présentent pas encore leur appa- rence bifurquée, et l'on voit les très jeunes palis fort rapprochés d'elles, comme deux petites taches allongées. Les cloisons de premier ordre sont de beaucoup les plus grandes, et leurs crêtes s'élèvent très au-dessus de la muraille, la différence entre leur hauteur et celle des cloisons paliales va du simple au double. Leur bord libre n'est pas droit, comme le même bord des cloisons paliales, il est légèrement ployé en zigzag, il arrive près du centre de la ligure. Les cloisons intermédiaires n'ont pas la même étendue que les cloisons paliales, quelques-unes sont même plus petites. Ce qu'il faut remarquer, c'est qu'en admettant la notation d'après l'origine supposée des cloisons intermédiaires, il y a 3 cycles, puis- qu'il y a 3 ordres de cloisons. Considérons l'exemple dont les figures 15 et 14 donnent une vue de trois quarts et une projection du calice de face. La première, flg. 15, montre combien grande est la différence des hauteurs des crêtes, combien les septa paraissent minces et couverts de nodules de dépôts calcaires. Le calice, peu profond, montre à son centre deux rubans colu- mellaires. Reportons-nous à la vue de face du calice, fîg. 14; déjà ce calice est ovale, un troisième ruban columellaire à l'état de bouton appa- raît à droite en face du septa primaire L Les septa du premier ordre sont tous très faciles à reconnaître, eu partant des deux qui sont sur le trajet du grand diamètre et cor- respondent à une ligne horizontale. On remarquera encore ici, qu'à droite et au-dessous du septa I, se trouve un septa intermédiaire (p'), séparé du septa (I) et du septa pa- FAUNE DU GOLFE DU LION. 53 liai (p), par deux intermédiaires (m), on trouve ici l'apparition des nouveaux septa vers l'extrémité du grand diamètre. Enfin il n'y a guère que 2 palis (p-p) bien développés, les autres se montrent comme des traînées vagues et peu caractérisées près des extrémités centrales des septa secondaires. Cette série d'exemples dans la planche I est très intéressante et démonstrative des idées et critiques qui se trouvent dans ce travail. Voici maintenant trois jeunes Clavus, dont les dessins sans ombre dans les ligures 5, 6 et 7, vont nous montrer combien est irrégulière la production des septa du quatrième cycle. Disons d'abord que, pour éviter trop de lettres et la confusion, les septa correspondant aux palis ont été dessinés schémati- quement ondulés. Les systèmes sont faciles à désigner et à reconnaître étant compris dans des accolades, correspondant à des secteurs A, B, C, D, E, F. Les septa 1 et 2 ont été seuls numé- rotés. Dans la figure 3, il y a 6 palis corres- pondant aux 0 septa de deuxième gran- r, ,,„,„•„ ,,'/° ".r' ^ ^ o Le dessin a ele simplifiu en suppri- (Igl^jP niant les ombres et rendu plus lisible en ondulant les septa pa- Les systèmes ou secteurs A, B, F, r'n-r^'clnMi''r "r '^'^^'''"'^^ '' ' ' ' L, u, 11,, sont iornies d un groupe ont seuls des septa de quatrième et LeiTeSVurs a, e, f, se compii- cinquième ordre, mais la chambre S^rdi' SST g^deuî inférieure (1+2) du système A n'a pas ''"' '"^^''oi't 'e quatrième cycle. de cloison intermédiaire, auprès du septa 2; dans le système B, les septa 4 et 5 de la chambre gauche (1 + 2) sont extrêmement petits. Dans les secteurs C, D, E, les cloisons de quatrième et cinquième ordre ne sont pas nées. Dans les systèmes A, B, F, nous avons 4 cycles, dont un incom- plet en A, et seulement 3 cycles dans les systèmes G, D, E, et encore 6 palis correspondant aux 6 cloisons de deuxième ordre. Fi£ 54 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Dans la figure 6, les systèmes E, F, n'ont que trois cycles ; le sys- tème D a une seule cloison de cinquième ordre dans la chambre (:> + 3) toute petite naissante. Dans le système C, la chambre supé- rieure (I -+-2) a les cloisons intermédiaires ou de quatrième et cin- quième ordre; mais la chambre inférieure (2+1) n'a encore qu'une cloison de troisième ordre. Enfin, les systèmes A et B ont les 4 cycles. La figure 7 présente un type fort régulier à 12 palis et à 6 systèmes Fig. 6. Fig. 7. Même observation que pour la fi- Même observation que pour les deux fi- gure 5, il n'y a que t secteurs E, F, gures 5 et 6. formés d'un groupe simple. Cette figure est la copie exacte d'un jeune Les autres groupes se compliquent. ayant 6 systèmes formés de 2 groupes Eu cherchant en D et en C, on voit simples, aussi y a-t-il 12 palis, les cloisons de quatrième ordre Les cloisons 2 ne sont [ilus ondulées, parce commencer à se développer. qu'elles sont passées dans un rang supé- rieur en cessant d'être paliales. complets, ayant tous 4 cycles. 11 va sans dire que, pour ne pas mul- tiplier les figures, bien que je possède tous les intermédiaires entre celles qui sont données, je m'en tiens à ces exemples. Mais un changement très grand s'est produit; les 12 palis se trouvent maintenant répondre à 12 cloisons, et les cloisons de deuxième grandeur ont perdu leurs palis : elles ont changé de rang hiérarchique; elles se sont élevées d'un ordre, si l'on peut ainsi dire. Qu'on remarque ce fait nouveau : dans les deux premières figures, les groupes paliaux se trouvaient formés par 2 septa limites, 1 septa palial et 2 ou 4 intermédiaires ; maintenant, les groupes sont formés FAUNE DU GOLFE DU LION. t5 de 2 cloisons limites primaires, 1 médiane secondaire, 2 tertiaires paliales avec 2 palis et 4 intermédiaires. Ces changements n'ont pas, que je sache, été indiqués ou inter- prétés. Comment se sont-ils produits? V PERMUTATION DE l'ORDRE DES SEPTA. On vient de voir, par l'examen de la figure 7, que les cloisons avaient changé d'ordre et de rang hiérarchique. Voici comment s'accomplit ce changement. C'est là un fait qui n'a été signalé par aucun auteur. Il a cepen- dant une importance qui ne peut manquer d'être reconnue, quand il s'agit de la critique des lois du développement des septa. Cherchons sur une Caryophyllie non très avancée, mais ayant dépassé ou au moment de le dépasser le stade à 6 systèmes réguliè- rement et complètement formés de deux groupes simples. Comme c'est surtout vers les extrémités du grand axe que se produisent l'accroissement et le Iravail, on pourra y rencontrer un groupe (pi. XII, fig. I) fort simple dont la notation de la figure in- dique la nature des septa'. De cette figure, on passe à la seconde un peu trop brusquement; il faudrait des intermédiaires. Les 2 septa (4) .et (5), nés dans les deux chambres (I -f-3) et (3 + 2) n'arrivent pas d'un coup à la taille qu'ils y ont; ils commencent, comme de tous petits tubercules, sur le bord interne du limbe thécal. Ce quia été rendu sensible dans la figure 2, c'est l'allongement du septa intermédiaire {in) entre les septa nouveaux 4 et 5 ; il a été repré- senté un peu ondulé, pour indiquer sa transformation ; en même temps dans celte figure, le palis (p) se courbe du côté du septa (in). * Dans les quatre figures scliémaliques qui se suivent, 1, 2, 3, 4, le septa mé- dian (m) a été ondulé tant qu'il a été palial. La notation intérieure de la figure cor- respond à la théorie Miine-Edwards-Haime. La notation de la circonférence corres- pond à celle qui a été exposée plus haut. 5G H. DE LAGÂZE-DUTHIERS. Dans la ligure 3, sur l'alignement du palis (p) et de la cloison (m), entre les deux, apparaît une partie lamelleuse [p') qui évidemment rappelle par sa forme le palis, et un peu plus tard (fig. 4), le plan du septa (in) ou (3) se trouve en ligne droite avec les deux éléments pa- liaux {p et p']. Un véritable palis adventif est né et s'est ainsi uni au premier, qui s'est dévié de sa direction ; alors on voit que la cloison (2) ou médiane (m) se trouve n'avoir plus en dedans d'elle un palis, et qu'elle est devenue sepla limite pour le groupe simple nouveau qui vient de se former à gauche. Ainsi, une cloison secondaire, médiane, d'un groupe et, par con- séquent, paliale, s'est transformée en une cloison d'un autre ordre et est devenue hiérarchiquement supérieure à ce qu'elle était en perdant son palis. Cela n'a pu se produire que de deux façons : ou bien la cloison (3), en favorisant le développement du palis [p], a fini par masquer le palis {p) de la cloison (^2), lequel, cessant de s'accroître, est resté dans le fond de la loge, se soudant et se confondant avec le bas du septa; ou bien le palis (//) adventif, après s'être soudé au palis (p), l'a englobé et entraîné dans son développement. Sur divers exemplaires, les deux cas se sont présentés. Maintenant qu'on suppose, dans la chambre (2+ 1) du côté à droite des figures, un travail, toutsenibhible à celui qui vient d'être décrit, s'accomplissant de même, et bientôt l'on aura la chambre primitive (1+ 1), dans laquelle se trouveront deux groupes simples semblables à celui de la figure 1. C'est là ce qui arrive et ce qu'il est facile de reconnaître dans les divers polypiers qu'on peut se procurer, et qui démontrent l'accrois- sement non seulement du nombre des septa, mais encore l'agrandis- sement du calice. Les groupes de 3 septa ainsi développés, entrant comme des coins dans la symétrie, augmentent la longueur de l'ovale. On verra, fig. 6, pi. I, la copie fidèle d'un groupe palial se trans- formant et produisant dans la figure, à gauche, un nouveau groupe palial. FAUNE DU GOLFE DU LION. S7 Ceci apparaît d'une façon non douteuse dans la photographie, (Ig. i, pi. II, où l'on voit, dans les systèmes G et D, l'image non retouchée exacte de ce curieux travail. Une observation doit être faite ici : lorsque le septa (m) du côté gauche a, par son développement, entraîné le palis de son côté, si le travail se produit du côté droit de la cloison jadis paliale, un élément devra apparaître et, dans ce cas, la cloison (3) ou (m) de- viendra paliale, changera de position hiérarchique par l'apparition, dans le fond du creux du calice, d'un tubercule palial. Supposons le double travail accompli et, à la place d'un groupe simple à 3 cloisons et 1 palis, nous aurons deux groupes de 3 septa séparés par l'ancienne cloison secondaire, ancienne paliale ; il serait mieux de dire qu'on a un groupe de 7 septa dont deux paliaux. C'est un système qui, à son tour, pourra subir des métamorphoses sem- blables, et alors dans la même espèce, à des époques différentes, à des âges différents, on trouvera des systèmes composés très diffé- remment. Ne vaut-il pas mieux, pour les facilités des descriptions, s'en tenir aux groupes paliaux, tels que nous nous en sommes servis, au lieu de supposer un nombre de systèmes souvent introuvable ou fictif? Il ne faudrait cependant pas croire que toujours et dans toutes les périodes de l'existence d'une Carijaphyllia clavus, les palis et les cloisons paliales se substituent les uns aux autres, comme il vient d'être dit. On rencontre, en effet, à n'en pas douter, de jeunes sujets chez lesquels il n'y a encore que 3 cycles , par conséquent , on ne compte que 3 ordres de septa ; des palis naissent manifestement en face du bord interne des cloisons de troisième ordre ; dans ce cas, en face de la cloison de deuxième ordre qui présente un palis, on n'en voit qu'une trace extrêmement petite, qui disparaît en res' tant toute grêle et courte au fond du calice, où elle est bientôt recou- verte par les parties voisines et les dépôts calcaires. Dans ce cas, qui ne se présente pas fréquemment, il faut recon- 58 H. DE LACAZE-DUTHIERS. naître que la cloison de second ordre, qui était ordinairement, par sa position et sa destination, première cloison paliale, passe immé- diatement à l'état de cloison d'un ordre évidemment supérieur. Dans un travail déjà fort ancien et qui n'est pas très entraînant par sa lecture, je dois le reconnaître, les détails étant très multi- pliés et ingrats à exposer, j'ai montré que, chez les Actinies (A^-cAives de zoologie expérimentale, vol. I, 1" série, 1872), les tentacules d'un ordre ancien se trouvaient perdre leur rang de première origine et étaient supplantés par de nouveaux venus, pins jeunes, dont l'accrois- sement marchait plus rapidement que chez eux ; il existe ici quelque chose d'analogue. Ce qui n'a rien qui puisse étonner, puisque le tentacule correspond au septa né dans la cavité qui lui est sous- jacente. Ici, évidemment, une cloison de deuxième ordre ou de deuxième grandeur devient de grandeur supérieure dès que, à ses côtés, dans l'une des chambres (2 + 1), partagée déjà en deux chambrettes secondaires, naissent des cloisons tertiaires; elle se transforme en une cloison de première grandeur en abandonnant son palis, et la cloison 3 devient paliale en acquérant un palis, c'est-à-dire s'élève hiérarchiquement. Il est curieux de trouver dans l'étude du polypier la confirmation des études faites sur les parties molles chez ces Malacodermés (Actinies) il y a vingt-cinq ans. On peut cependant se rendre compte de cette concordance ; les septa représentent des tentacules auxquels ils sont sous-jacents; or, si leur numéro d'ordre s'élève et si leur caractère change, il est bien évident que si, de secondaires ils deviennent de première grandeur et s'ils cessent d'avoir des rapports avec les palis, d'être paliaux pour prendre un rang supérieur, si les intermédiaires, au contraire, deviennent paliaux, il y a supplantalion dans l'ordre hiérarchique corrélatif à la grandeur. Quelques naturalistes ont peut-être mis en doute les résultats que j'ai publiés sur les Actinies; cela tient à ce qu'ils n'ont pas suivi la méthode d'observation que je préconise, et il est facile de le com- FAUNE DU GOLFE DU MON. S9 prendre quand on voit la différence des méthodes employées pour les recherches. C'est par i'élnde d'un même individu étudié pendant son accroissement que j'ai pu constater des faits qui échapperont toutes les fois que, prenant des jeunes qu'on croit ôfre à des âges différents, représentés par des grandeurs différentes, on a conclu par ce qui est ce qui a dû être. J'ai trop insisté sur cette diffé- rence des méthodes d'investigation pour y revenir, il suffit de la rappeler. Dans la planche II, j'ai fait reproduire les excellentes photogra- phies amplifiées faites par mon dévoué et habile mécanicien David ; on y voit, avec la dernière évidence, le fait dont il vient d'être ques- tion et dont un dessin (pi. I, fig. 6) donne aussi la reproduction très exacte; mais comme le crayon peut souvent reproduire ce qui est dans la pensée en exagérant ce que montre la nature, j'ai donné ces excellentes photographies, qui ne pourront laisser aucun doute sur la réalité du fait sur lequel j'appelle toute l'attention des natu- ralistes. Qu'on étudie avec soin la figure I, pi. II, les secteurs A, B, E, F, ou systèmes sont fort régulièrement constitués par 2 cloisons pa- liales et 7 septa entre les limites ( 14-1). Dans les secteurs G et D, on voit se reproduire la formation des groupes, s'introduisant, comme des coins, par supplantation. Dans le secteur G, les 2 cloisons intermédiaires (in) placées à côté sont encore ce qu'elles sont dans les secteurs A, B, E, F, mais (//) devient palialeet(/i) de première grandeur. Dans le voisinage du sec- teur B, on voit le passage indiqué d'un ordre à l'autre (/? et;»'), ce der- nier (/?') attirant à lui le palis. De même dans le voisinage du secteur D. Dans ce dernier secteur ou système, le groupe voisin du secteur E est simple et n'offre rien d'anormal comme en A, B ; mais dans le voisinage de G, ses septa (m) se modifient entre (p) et le septa limite 1, on voit {p') qui est joint à un palis adventif et de nouveaux intermé- diaires apparaissent. 60 H. DE LACAZE-DUTHIERS. L'observation de cette photographie n'est aussi intéressante que parce qu'elle n'est pas schématisée et qu'elle représente la nature même. Dans la figure i2 de cette même planche, on constate des faits semblables. Qu'à partir du sepla I, on poursuive l'examen dans le sens de la flèche, on comptera 3 secteurs réguliers à 7 cloisons; puis, du quatrième I à 1% on verra commencer l'irrégularité, et au-dessous de 1% on trouvera (/>') et (2") et (/>) qui se substituent pour arriver à être d'un ordre hiérarchique plus élevé. Qu'on cherche à limiter, à compter d'après la théorie le nombre des systèmes et des cycles, on verra quelle incertitude se produira. C'est cependant un très bel exemplaire de C. clavus. Les expressions de G. Semper sont ici applicables : ce sont bien des systèmes anormaux qu'on trouve vers l'extrémité du grand dia- mètre en P. Afin de permettre les comparaisons et la recherche des caractères, on ne saurait trop multiplier les exemples. Dans les trois photographies des trois beaux échantillons de la figure 8, on verra d'abord comment les trop forts agrandissements modifient l'impression que donnent les figures plus petites. Pour s'en convaincre, on n'aura qu'à comparer la figure A avec la figure 2 de la planche H. C'est le même polypier ; l'une est grossie deux fois, l'autre l'est quatre à cinq fois. Il est bien rare qu'on ne trouve pas, dans les échantillons, les pas- sages d'une cloison intermédiaire à l'état de cloison paliale. 11 faut reconnaître, à propos de cette modification du rang des septa, que, dans les Actinies, il y a modification de la hiérarchie par l'élévation du rang du tentacule nouveau, qui fait paraître inférieur comme taille un tentacule plus ancien. Ici, il y a élévation du rang hiérarchique du sepla, en même temps que les septa plus anciens conservent leur position respective. Il y a donc élévation du rang des septa inférieurs, sans que, d'autre part, il y ait abaissement des plus anciens. FAUNE DU GOLFE DU LION. GI Dans les travaux les plus modernes, on ne s'occupe guère de révo- lution des septa ; on cherche, dans les coupes qu'on en fait, les bases de classifications. Nous aurons à revenir sur ce sujet. Il est important de faire une remarque relativement aux repro- ductions photographiques. Fi^. S. Trois Caryophyllia clavus parfaitement régulières. Les axes ont été placés dans des sens différents pour que les défauts de limage dus à l'incidence de la lumière fus- sent corrigés par la position. Le calice A est le même qu'on voit très grossi pi. II, (ig. -2. — L'accroissement en longueur s'y manifeste en 1'. L'idée que donne une image photographique d'un calice placé aussi normalement que possible par rapport à l'axe de l'objectif n'est pas toujours conforme à l'idée que fait concevoir la vision. L'image est bien telle qu'on la voit; mais on se fait une idée peu exacte de l'épaisseur des septa, de la direction de leur bord libre, surtout des aspérités qui couvrent les cloisons et les bords des crêtes. 62 H. DE LAGAZE-DUIHIERS. Gela lient à ce que, quoi qu'on fasse, la vue d'ensemble, dans l'image photographique, est produite par des parties plus ou moins inclinées, éclairées et réfléchissantes ; et il n'est pas possible, en regardant un calice perpendiculairement à son milieu et au plan tangent de son limbe, de ne pas voir une partie de la surface de quelques sepla inclinés, qui, dès lors, paraissent plus grands, plus épais, parce qu'ils sont fortement éclairés et réfléchissants. En faisant une coupe parallèle au plan passant par la margelle du calice, après l'avoir rempli de cire noire, on est fort étonné de voir, dans quelques cas, combien sont minces les septa de premier ordre, alors que, dans une photographie, ils paraissaient comme des lames fort épaisses (exemple quelques-uns des septa de la planche II, fig. 2). C'est un fait incontestable que les très jeunes Caryophyllia clavus, lorsqu'elles viennent de produire le troisième et le quatrième cycle, ont des cloisons très débordantes au-dessus du limbe de la muraille. J'en ai dessiné une (pi. I, fig. 15) dont le diamètre était à peine de 1 millimètre et demi, qui, évasée en coupe, présentait des crêtes dont la hauteur débordait et égalait presque la hauteur de la muraille. En photographie, ces septa un peu inclinés paraissent immenses, mais leur épaisseur n'est qu'apparente. La plaque sensible reproduit éga- lement tout ce qui est éclairé. Autre observation, facile à répéter. Sur les très jeunes individus, quand le premier cycle existe seul, la columelle est représentée par un bouton radié dont les rayons viennent chacun aboutir à la base des cloisons primaires. A ce mo- ment, les extrémités libres centrales de ces cloisons sont ou légère- ment bifurquées ou un peu renflées. Relativement à leur faible diamètre, les cloisons ont une épaisseur notable. Dans les photogra- phies, elles paraissent énormes et plus grandes qu'elles ne le sont. FAUNE DU GOLFE DU LION. 63 CARYOPHYLLIA SMlTHll ( Stokes ) (PI. III, fig. I à 21 ; pi. IV, fig. A, B, C, D, E et F). I Duncan' dit, à propos de cette espèce, qu'un seul caractère la distingue de la Caryophrjllia clavus : la largeur de la base de fixation de son pied, et il trouve la raison de ce caractère dans la différence même des stations de ces deux prétendues espèces. L'une, la Caryophyllia clavus, est, on vient de le voir, fixée habi- tuellement sur des débris de coquillages ou de corps sous-marins mobiles, tandis que l'autre, la C. Smithii, se fixe aux rochers. La cause de ce caractère lui enlève toute valeur spécifique pour Duncan. Nous allons, avec autant de soin que cela a été fait pour l'espèce précédente, examiner les détails d'organisation du polypier, afin de mieux juger cette opinion. Mais une première objection se présente. A côté des rochers sur lesquels est attachée la Caryophyllia Smithii dans l'Océan, on trouve des débris mobiles sur lesquels les larves pourraient tout aussi bien se fixer, et alors on devrait rencontrer la forme clavus comme dans la Méditerranée. Or, à Roscoff, où les recherches ont été conduites avec la plus grande attention, le fait n'a jamais été constaté. La Caryophyllia Smithii, trouvée d'abord par Stokes, a été décrite et figurée par de nombreux naturalistes, surtout par les Anglais, etMilne Edwards et Jules Haime ont accepté cette espèce. Gosse, en dernier lieu, a donné une figure coloriée de son polype et une assez bonne vue de son polypier. Nous n'aurons qu'à indi- quer comparativement les différences qui nous semblent impor- tantes. Observons d'abord que la muraille est évidemment plus épaisse > Trans. of Zool. Se. of London, p. 312, vol. VIII. — It has a broad base ; but this is oniy slrong disliiiction belween it and Caryophyllta clavus. 64 H. DE LAGAZE-DUTHIERS, que chez la Caryophyllia clavus, et ce qui surtout la différencie, c'est qu'étant à peu près verticale à partir du limbe du calice jus- qu'à son point d'attache, le polypier paraît sinon tout à fait cylin- drique, du moins très éloigné de la forme en cornet qui est si carac- térisée chez ]sL clavus. Voici la description de Milne Edwards et J. Haime : « Polypier court, à base aussi large que le calice, rétréci circu* lairement vers son milieu'; côtes finement granuleuses, peu dis- tinctes dans la moitié inférieure, un peu plus saillantes près du calice que dans la Caryophyllia cyathus. « Les systèmes cloisonnaires comme dans l'espèce précédente^; seulement, presque toujours, l'une des moitiés des grands est dé- pourvue de cloisons du cinquième cycle. Les cloisons sont aussi très semblables, mais plus minces et plus inégales entre elles. Les palis sont encore plus larges et plus minces^ et leur bord est flexueux. Du reste, cette Caryophyllie a les plus grands rapports avec la pré- cédente* (vol. Il, p. 14). » Pour la Caryophyllia clavus, le corps étranger sur lequel elle s'est fixée n'est que très peu, si ce n'est chez les jeunes individus, couvert par l'expansion pédieuse autour du point de fixation. J'ai sous les yeux, en écrivant ce travail, une coquille de Scalaire sur laquelle se trouvent fixées, tout près de sa pointe aiguë, deux Caryophyllia clavus. L'une mesure, dans son grand diamètre, 14 mil- limètres, et pour la hauteur également 14 millimètres. L'autre n'a encore que 3 millimètres de diamètre et 2°"°,5 de hauteur. L'une et l'autre ont leurs pieds, ou points d'attache, absolument dépourvus d'expansion environnante, et la grandeur de ces deux points n'est pas très différente pour l'étendue dans les deux. Le même fait se 1 Cii'culairement; est-ce pour la liauteur de la coloene ou pour le milieu du calice? * Us nous paraissent très différents, tout à fait dissemblables, et Duncan juge de même, puisqu'il fait de la Smilhii une variété de la clavus. 3 Cette apiiréciation se rapporte à la Caryophyllia clavus. ' Même observation que note 2. FAUNE DU GOLFE DU LION. 63 reproduit pour des centaines d'individus fixés sur des coquilles assez grandes qui leur olFrent une large base de sustentation. Au contraire, pour la Canjophyllia Sinithii, on ne trouve guère d'échantillon dont la partie soudée aux corps sous- marins ne dé- passe et de beaucoup les bords du calice. Voici les mesures d'un bel échantillon relativement voisin par l'ovale régulier de son calice de la forme clavus et choisi à cause de cela (pi. IV, fig. supérieure). Grand diamètre lo millimètres. Petit diamètre 11 — Hauteur du bord du iimbi! calicinal o — Étendue de rexpansion dans un sens 19 — Étendue dans un sens perpendiculaire à la pre- mière mesure , 18 — En cherchant sur de très nombreux exemplaires les plus différents que m'ont fournis mes recherches, l'expansion pédieuse la plus étendue qu'il m'ait été donné d'observer a été le double du diamètre du calice. Or, on a vu par les différentes mesures indiquées plus haut que le point d'attache de la clavus ne variait guère entre l™'",o et 2"™, 3; en plus', on voit certainement ici un caractère absolu qui, avec raison, a motivé la division des Garyophyllies en deux groupes, suivant qu'elles ont une base d'attache aussi différente. Mais où la différence entre les deux espèces est encore très grande, c'est dans la hauteur de la muraille comparée aux diamètres de l'ou- verture calicinale. Dans la clavus, à peu près constamment, le grand diamètre de l'ovale est sensiblement égal à la hauteur de la muraille ; non cependant sur les très vieux échantillons chez qui la hauteur est plus grande. Ici, quelle différence! Grand diamètre lo millimètres. Hauteur 5 — J'ai pris le cas où le calice était le plus ovale ; en voici un autre où l'ovale est à peine sensible et sur lequel on trouve : Grand diamètre 11 millimètres. Hauteur 6 — * Dans la figure, pi. I, le pied de la dai;M*,par défauts de gravure, est trop grand. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — 3« SÉRIE. — T. V. 1897. O 66 H. DE LACAZE-DUTHIIiRS. Dans plusieurs autres encore : — Grand diamètre 12 millimètres. Hauteur 5 — — Grand diamètre 9 — Hauteur 3 — — Grand diamètre 5 — Hauteur 1 — Aussi à première vue on reconnaît une Clavus et une Srnithii. Celle-ci est très basse et assise sur le corps qui la porte. On vient de voir que la muraille est un peu plus épaisse et massive ici que chez la clavus. Aussi est-elle moins transparente. Il ne faut jamais perdre de vue qu'il s'agit toujours des échantillons de moyenne taille. Nous venons de parler de la forme, de la hauteur. Nous nous oc- cuperons plus loin de l'origine qui, d'après les observations faites sur de très jeunes individus, ne paraît pas telle que l'indique Von Koch pour d'autres espèces. Milne Edwards et J. Haime donnent le caractère suivant, sans le préciser: «polypier... rétréci circu- lairement ». Les échantillons franchement ovalaires forment plutôt l'exception, mais le cercle donné par la projection du calice est rarement régu- lier; il est ou pincé dans son milieu ou dans son pourtour ou même vers l'extrémité du grand diamètre, est-ce cela que la caractéristique « rétréci dans son milieu » indique? On voit, d'un autre côté, que le diamètre de la colonne du polypier est presque constamment rétréci vers le milieu de la hauteur (pi. III, fig. 1,6); elle est comme étranglée, cela est dû évidemment à l'extension continue que prend la base d'adhérence. Il y a là une différence très caractéristique. Le contraire ayant lieu chez la CavyophyUïa clavus, il nous paraît possible d'expliquer cette disposition, on le verra à propos du polype. FAUNE DU GOLFE DU LION. 07 II Les différences s'accentuent par l'élude détaillée des parties inté- rieures du polypier. Les crêtes des cloisons débordent au-dessus du limbe de la mu- raille d'une quantité bien moindre que dans la clavvs. Dans celle-ci, les cloisons primaires, en les supposant rabattues de côté, comme il a été dit, arrivent à toucher le bas de la grande cloison voisine. Ici, elles n'atteindraient pas cette cloison et n'arriveraient qu'à la paliale, qu'elles dépasseraient un peu; elles ont une hauleur à peu près moitié moindre. Cependant, j'ai donné la figure d'un échantillon dont les crêtes étaient relativement élevées (voir pi. 111, fig. 4, pi. IV, fig. F). Il ne faut pas oublier qu'il ne s'agit pas d'un adulte, mais d'un jeune; or, dans les jeunes, il est des caractères qui sont très accentués et qui s'atténuent avec l'âge ; mais la figure 5 au-dessous, dans la même planche, montre la hauteur normale des crêtes telle qu'on la ren- contre ordinairement. La soudure du bas des grandes crêtes avec le bas des crêtes des cloisons intermédiaires manque quelquefois chez les individus bien développés ; elle est, dans tous les cas, moins accusée que dans la clavus; aussi le groupe formé par les deux intermédiaires et une grande cloison est-il moins apparent. Les crêtes des trois cloisons, paliales et intermédiaires, s'élèvent à peu près à la même hauteur au-dessus du bord de la muraille (pi. III, fig. 5), et les trois cloisons sont, à très peu près, à égales dis- tances; aussi les quatre échancrures qui les séparent sont-elles presque également profondes. Cependant, sur le pourtour du calice, on trouve des différences marquées. Ces inégalités ou irrégularités ne se présentent pas dans la clavus. Remarque. — Ou a déjà indiqué, dans les espèces étudiées, sur- tout dans la clavus, que le travail de multiplication des systèmes de 68 H. DE LACAZE-DUTHIERS. cloisons ou des groupes est surtout actif aux extrémités du grand diamètre, plutôt à l'une qu'à l'autre, et, dans ce point, on rencontre des irrégularités qui sont la conséquence de ce travail. Il vaut mieux, dès lors, chercher les caractères vers le milieu du pourtour, vers les extrémités du petit diamètre. Là, les dispositions paraissent ordi- nairement plus régulières. Ici, dans la Smithii, la multiplication se fait un peu partout dans toute l'étendue de la circonférence; aussi la tendance à produire l'ovale du calice est-elle moins prononcée ; c'est ce qui conduit à la forme arrondie. Il y a, dans ces irrégularités de la multiplication des parties, une différence caractéristique qui sépare encore les deux espèces. A propos des cloisons primaires, il est une autre remarque qu'il importe de présenter, car elle se rapporte à l'impression que produit l'observation comparative du calice des deux espèces. Ici, le calice étant plutôt un cylindre qu'un cône aplati et moins profond que dans l'autre espèce, les cloisons de premier ordre étant aussi moins sorties, moins différentes de leurs voisines, il en résulte que le bord interne de ces cloisons est plus éloigné de la verticale que dans la Caryophyllia clavus. Le bord va progressive- ment en s'abaissant de la crête péricalicinale vers le centre, tandis que chez la clavus, dans les échantillons bien développés, la direc- tion de ce bord est presque verticale. Ce caractère est très marqué ; on l'apprécie très bien quand on a les deux types sous les yeux. Les palis étant plus massifs, moins élevés, la muraille plus épaisse, les cloisons paliales moins différenciées de forme, celles-ci, de même que les cloisons de premier ordre, suivent aussi, dans leur bord supérieur, une direction moins verticale que dans la clavus. Ce sont là, sans doute, de moindres détails, mais qui frappent quand on observe, comme il m'a été donné de le faire, un grand nombre d'individus. En résumé, la différence de l'étendue de la base de fixation con- duit à une forme de la colonne de la muraille plus voisine du cy- FAUNE DU GOLFE DU LION. 69 liadre, à une excavation moins profonde eu égard à la hauteur qui, dans les plus gros individus, est toujours bien moins grande que dans la Caryophyllia clavus. La l'orme plus cylindrique, due à la multiplication des systèmes, un peu dans tous les points de la circonférence et non constam- ment à l'extrémité d'un même diamètre, est certainement l'un des facteurs de ces différences qui semblent, en apparence, de peu de valeur, mais qui doivent conduire à maintenir la distinction des deux espèces. Nous avons trop insisté sur la difficulté qu'où éprouve à distin- guer les très jeunes individus de deux espèces, cependant fort dis- tinctes à l'âge adulte, pour y revenir. Il faut remarquer encore que, souvent, le nombre et la grandeur des granulations des septa ont été considérés comme caractéris- tiques des espèces. J'ai sous la main des exemplaires qui sont abso- lument différents quant aux granulations couvrant les palis et quel' ques septa. Il ne faut donc pas exagérer la valeur de ce caractère. A quoi lient cette difîérence des granulations? Sur le limbe du calice de l'échantillon, offrant de très grosses et nombreuses granulations, on voit onze Balanes fixées (pi. IV,fig.E), qui ont évidemment, en grandissant, gêné les fonctions et l'épa- nouissement du polype. Il en est résulté un surcroît d'activité vitale et sur les parois extérieures du test des Balanes, la muraille s'est élevée et les cloisons de différents ordres se sont largement déve- loppées (pi. HT, fig. 2-2); elles ont remonté jusqu'à l'orilice de la Balane. On sent très bien que la sécrétion calcaire a été exagérée dans la partie de la circonférence où l'attaque a eu Heu et qu'elle a un but défensif. Dans d'autres échantillons, sur lesquels une seule Balane est fixée, ce travail de défense étant dirigé sur un point assez limité, les granula- tions se trouvent plus nombreusesen face seulement de ce point. Dans le reste du pourtour du calice, elles ne présentent rien d'anormal. 70 H. DE LACAZR-DUTIHERS. Sans qu'on puisse juger aussi bien de l'elfet qui a causé l'accrois- sement et la multiplication des tubercules, on rencontre souvent une assez grande difTérence entre les individus, surtout sur les palis et sur la partie de la cloison paliale dans le voisinage des palis. De cette remarque, il faut conclure que les différences, même grandes pour quelques détails de ce caractère, ne doivent pas être d'une importance capitale et décisive. Les cloisons intermédiaires s'avancent vers le centre de figure tout autant que les paliales (pi. III, fig. 2, 3); ce qu'on constate très facilement lorsqu'on observe le calice bien normalement au plan de son ouverture (voir aussi les photographies, pi. IV). Quant aux cloisons-limites, leur bord libre dépasse souvent le mi- lieu des palis*. Dans les rapports des cloisons et des palis, il y a certainement un caractère permettant de distinguer les deux espèces. Chez la Caryo- phyllia clavus il existe une distance notable entre les extrémités des bords internes des intermédiaires et des palis. Ici, au contraire, les trois cloisons intermédiaires et paliales arrivent au même point vers le centre jusqu'à l'échancrure paliale. Ce caractère a de la valeur, car il permet à première vue la dis- tinction de deux espèces. Lorsque l'on compare les figures photogra- phiques des deux espèces des planches II et IV, l'observation per- met, sans hésitation, de reconnaître la différence de ce rapport dans la clavus et la Smithii. Les côtes sont peu élevées et arrondies ; leur coupe ne donne pas un triangle isocèle; mais leur dos est avivé par une série de granu- lations souvent nombreuses et aiguës. Il est facile de les suivre jusque sur la base étalée du pied du pol5'pier (pi. IV, fig. A)^ • La figure 3, planche III, a été absolument manquée à ce point de vue par le lithographe. î La lUhographie des figures 4 et 5, planche III, ne donne que les proportions de la hauteur des crêtes, les ombres et les granulations sont manquées. FAUNK DU GOLFR DU LION. 71 Les palis sont beaucoup plus épais moins élevés et relativement moins larges que dans la précédente espèce (voir pi. IV). Si leurs bords internes et externes paraissent souvent plus épais, cela est dû à leur plissement. Leur surface est ordinairement couverte de granulations plus vo- lumineuses que dans les autres espèces et que sur les autres parties. Dans la clavus, le palis est très semblable à une cloison ; ici, il ofire une apparence spéciale due à son épaisseur, au renllement de son bord central et à ses granulations très développées (voir pi. IV, «g. A et B). Le bord interne de la cloison paliale est aussi couvert d'aspérités; il paraît plus épais que le reste de la lame seplale, apparence due à une série de flexions qui rendent ce bord ondulé. L'échancrure entre le palis et le bord interne de la cloison est peu accusée, et, comme les extrémités des cloisons intermédiaires viennent presque au con- tact des palis, on voit là une différence marquée avec ce qui existe chez la Caryophyllia clavus. La coiumeiie est surtout bien différente. Milne Edwards et Jules Haime appellent la columelle de la Caryophyllia clavus : sérialaù-e. En effet, les rubans tordus sont en série sur une même ligne, au nombre de quatre, cinq, six, sept; quelquefois dans les échantil- lons âgés^ il en existe latéralement un ou deux sur le côté, vers le milieu. Nous avons trouvé, pour la columelle de la Caryophyllia clavus, une moyenne d'un tiers de la longueur du calice. Ici, un échantillon présentait 15 millimètres dans son grand dia- mètre, et une columelle de 3 millimètres seulement. Sur un second exemplaire ayant 13 millimètres (grand diamètre), la columelle en avait 4; un autre mesure 15 millimètres, tou- jours dans son grand diamètre, et sa columelle en a 5 (pi. III, fig. 2, et pi. IV les diverses figures). La columelle est formée de rubans tordus, petits, disposés rare- ment sur deux, plus souvent sur trois et quelquefois quatre rangs. 72 H. DE LACAZE-DUTHŒRS. Le sommet n'est pas toujours facile à distinguer en tant que ruban tordu. Aussi cette partie est-elle irrégulièrement et autrement ter- minée ou située que dans la clavus. Sur beaucoup d'individus les rubans sont étroits, presque terminés en boule, et alors la columelle paraît papilleuse. Le calice étant et paraissant peu profond, la columelle, peu étendue en longueur, est entourée de près par les palis, et les bords internes des septas, tout cela donne une apparence qui permet de reconnaître facilement les deux espèces. Que l'on compare les pho- tographies (pi. II et pi. IV) et l'on sera frappé certainement de la différence. La vue de la columelle, presque arrondie dans un cas et allongée dans l'autre, conduit, à elle seule, à la diagnose. En ne considérant que le calice dans son ensemble, on voit qu'il est plus arrondi, moins ovale ici que dans la clavus; que les septa ou cloisons sont plus serrés, plus nombreux. Les grandes cloisons s'avancent plus près de la columelle et masquent un peu les palis qui, quoique plus épais et s'élevant moins, ne produisent pas l'impression d'une zone aussi régulière que dans les espèces précé- dcuLes. Les cloisons étant plus serrées et plus nombreuses relativement, il est bien plus difficile de compter les cycles et les systèmes. L'irrégularité de la courbe limitant l'ovale faiblement accusé du limbe offre aussi un caractère qui conduit à la distinction (pi. IV, fig. A, B), surtout quand on compare des échantillons des deux espèces. La différence de la forme du calice est certainement due à la multiplicité des cloisons et, par suite, des systèmes, qui se déve- loppent dans tout le pourtour et non comme dans la clavus, prin- cipalement aux extrémités du grand diamètre. En somme, en résumant ces détails, on voit que : Les côtes sont en général peu élevées; leur coupe est plutôt arron- die que triangulaire et leurs granulations peu saillantes; Les cloisons principales sont de grandeurs assez irrégulièresj FAUNE DU GOLFE DU LION. 73 Les crêtes peu saillantes; Les palis médiocrement allongés, mais épais j Les cloisons intermédiaires presque aussi avancées vers la colu- melle que les cloisons paliales; Les groupes plus serrés, d'oii l'aspect des chambres paraissant plus étroites et plus encaissées ; La columelle jamais sériale, souvent papilleuse, avec des rubans tordus, le plus souvent petits, peu distincts en tant que rubans; Le calice peu profond, rarement ovale et régulier, le plus souvent arrondi; Colonne presque toujours plus large au sommet et à la base qu'au milieu de sa hauteur, d'où l'apparence étranglée; Base d'adhérence toujours très large, souvent plus grande que la projection du calice; Cycles et systèmes irréguliers, difficiles à bien observer et à compter. Par l'ensemble de ces différences, il semble que l'espèce ne peut pas être considérée comme une simple variété. Quant à la cause tout à fait locale invoquée par Duncan pour ex- pliquer la différence de l'étendue du pédoncule, il paraît difficile de l'accepter. Station. — Les échantillons qui ont servi à ce travail ont été rectieillis à Roscofï. Une vingtaine ont été arrachés sur les rochers qui limitent ce qu'on appelle dans le pays le Trou d'argent; onze ont été péchés sur le fond d'Astan, au nord de Tîle de Batz, et plus particulièrement de Tiz-a-Ozon. Dans cette dernière localité, les polypiers étaient fixés sur les débris de toutes sortes de ce fond très riche ; ils offraient la par- ticularité curieuse d'avoir sur les bords de leur calice des Balanides [Pyrgoma an^/îcww) fixées, pouvant s'élever jusqu'au nombrede onze (voir pi. IV, fig. E)'. Dans ce cas de vive lutte pour la vie, les bords de la muraille et les cloisons se sont beaucoup élevés et la columelle ' Gosse, loc. cil., p. 315, indique le parasite décrit par Darwin, Monograpine des Cirrhipèdss, vol. I, p. 360, pi. XII, lig. 4 (a 1). 74 H. DE LACAZR-DUTHIERS. semble plus enfoncée; on peut mesurer ] centimètre entre la sur- face de la columelle et le sommet des cloisons. Elle est plus allon- gée, granuleuse; mais cette disposition est exceptionnelle; elle est due à l'exagération de l'activité vitale de l'animal qui a élevé son polypier pour échapper à l'envahissement des Balanes, et c'est sur- tout en face du point où s'est fixé le Cirrhipède que les caractères des cloisons et des palis sont modifiés. On peut voir dans la planche II, figure 22 {ch), le Pyrgoma dont l'orifice est supérieur. Les septa se sont allongés jusqu'à son som- met; la cloison paliale est au milieu, elle s'élève jusqu'à l'orifice du test du Cirrhipède, et le palis (/>) a deux fois la longueur des deux palis voisins. III DU POLYPE. Les figures publiées des animaux des Coralliaires sont le plus souvent faites d'après l'observation de sujets médiocrement épanouis. Aussi peut-on admettre que la figure de la Caryophyllia Smithii donnée par Gosse dans son bel ouvrage sur les Actinies et Coral- liaires de l'Angleterre (pi. X, fig. 12 et 13), ne représente qu'un demi-épanouissement. Les tentacules sont d'une délicatesse et d'une transparence déses- pérantes pour le dessinateur. Gosse, dans sa planche XII, figure 4, donne la représentation d'un tentacule qui doit être considéré, en raison de sa grosseur par rapport à sa longueur, comme ayant été dessiné d'après un individu peu épanoui et n'ayant pas encore pris toute son étendue normale. On voit bien dans cette figure la boule blanche, un peu rosée sur la calotte terminale, mais un tentacule aussi court (ce qu'indique le volume de la boule par rapport à la longueur totale) devrait être presque couvert de taches colorées se touchant toutes en raison de son raccourcissement. Lorsque l'animal étend ses bras, ici comme pour les autres espèces, c'est la boule blanche terminale qui FAUNE DU GOLFE DU LION. 75 les fait reconnaître. Cette boule est, en effet, relativement fort vo- lumineuse'. Livrée. — A Roscoff, la Cavyophyllia Smithii n'est pas rare. Au moment où je termine ce travail, j'en ai une dizaine d'individus bien épanouis sous mes yeux; pas un n'est semblable à son voisin, quant à sa livrée. Il existe des variétés sans nombre : il en est une toute blanche, avec liséré de léger vert, qui laisse voir par transpa- rence, au travers des parois de son corps mou, tous les éléments de son polypier; une autre, qui se tient contractée à moitié, ramène vers le péristome le bord terminal et supérieur de sa colonne (fig.6). Ce bord est d'un vert Véronèse éclatant et métallique; une zone assez large est couverte par cette belle teinte. Il s'en détache des traînées qui descendent suivant les lignes d'insertion des mésenté- roïdes. 11 est d'autres individus qui ont les parois du corps d'une belle teinte brun de Mars ou terre de Sienne brûlée, variant beaucoup pour l'intensité et le ton. On rencontre souvent tous les passages entre les teintes les plus claires et effacées, délicates et éteintes, et la nuance franche vive bien caractérisée. Gela a été indiqué par les auteurs. Le péristome est ordinairement la partie où la couleur est la plus vive. Les bords de la bouche sont de mênie, le plus souvent, très colorés; ils offrent aussi assez souvent, sous certaines inci- dences de lumière, leur bordure de vert Véronèse comme le haut de la colonne; toutefois les bords internes de la bouche sont ordi- nairement blancs. Gosse a parlé de la variété de cette livrée, très différente avec les individus, néanmoins il est possible, ici comme chez la clavus, de reconnaître quelques traits constants dans la distribution des cou- leurs. ' Planche II, fig. 1, la pierre lithographique a été tellement attaquée par les acides que le dessin original est méconnaissable dans cette Ogure, qui n'a de vrai que la grandeur et la position des tentacules. 76 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Voici quelques exemples de coloration. Un polype bien coloré peut présenter h disposition suivante (pi. III, fig. 10), mais les variations sont sans nombre. D'abord remarquons qu'il est facile de reconnaître les tentacules du groupe palial. Dans la figure 10, c'est un tentacule primaire qui est au milieu; de chaque côté, il est séparé des deux tentacules pa- liaux par un tentacule intermédiaire plus court. La couleur terre de Sienne brûlée correspond aux tentacules paliaux et forme à leur base comme un 8 en chiffre dont la boucle inférieure est interrompue au bord de la bouche. La surface du péristome est lavée de la même couleur, mais, je le répèle, bien moins intense. En dehors, la base du tentacule, au sommet de la rand-plalte^ est bordée de vert Véronèse vif. Cette couleur (fig. 7) forme des arcs à convexité supérieurs en face du dos de chaque tentacule, et les côtés des arcs descendent sur la colonne charnue en s'éteignant bientôt. Quelquefois la couleur occupe tout le péristome sans être inter- rompue. Mais elle présente alors des lignes radiées plus foncées répondant aux insertions des mésentéroïdes en dessous du péristome et des prolongements supérieurs qui suivent les côtés des tentacules paliaux et primaires dans une faible étendue. Dans quelques cas, les tentacules primaires ne sont point bordés par la couleur, mais les tentacules paliaux contiennent les bandes colorées. Dans la figure 9, la couleur verte, sur le péristome, est disposée très régulièrement ; elle occupe la partie du péristome correspon- dant aux tentacules de première grandeur, et dans la partie centrale près de la bouche, formant des taches ovoïdes dont l'extrémité effi- lée vient affleurer sur le bord des lèvres. Les batteries du tentacule, comme la colonne du polype, sont légèrement lavées de la teinte bistre; les boules terminales sont légèrement rosées. En résumé, le vert occupe deux positions : ou bien il borde en dehors la base des tentacules, ou bien il forme des taches oblongues FAUNE DU GOLFE DU LION. ' 77 radiantes sur le péristome, plutôt près de la bouche que de l'ex- térieur. La couleur bistre peut être étendue uniformément et quelquefois très légère; dans ce cas, sa partie la plus foncée côtoie plus particu- lièrement les bords de la base des tentacules paliaux. La variété de ces dessins est infinie, mais ils ont tous pour base une coloration maximum répondant aux tentacules paliaux, s'éten- dant, tantôt plus, tantôt moins, sur le péristome du côté de la bouche ou du côté des tentacules intermédiaires. Souvent la bande colorée paliale n'est représentée que par des stries délicates; alors du jaune ou du vert se présentent et la varia- tion est telle qu'on n'en saurait fixer les limites. Il ne faut pas oublier que les variétés peuvent arriver jusqu'au blanc avec quelques reflets de vert. Les tentacules sont très longs dans les animaux bien épanouis (pi. III, fig. 1). Quelquefois ils ont plus que la longueur du grand diamètre du calice; en tout cas, ils lui sont égaux, et dans ce cas ils sont grêles et non coniques, courts, comme les a représentés Gosse. Leur boule est plus volumineuse comparativement que celle des clavus (fig. H) et mieux sortie. Comme les taches semées sur le corps du tentacule, elle est bourrée de nématocystes allongés et très différents par la taille de ceux qu'on trouve dans les aconties ou entéroides. Gros, larges et relativement peu longs dans les aconties (pi. III, fig. 12'), les filaments qu'ils contiennent sont assez irrégulièrement pelotonnés dans leur cellule. Dans les boules, au contraire, ils sont très longs, très étroits, leur intérieur est rempli par un filament très fin, enroulé sur lui-même comme un ressorte boudin dont tous les tours se touchent (pi. III, fig. 12). Ils sont innombrables, et leur axe est disposé suivant le rayon de la sphère (pi. III, fig. H). L'orifice par lequel s'évagine le fil inté- rieur est tourné vers la surface de la sphère; aussi des filaments sans 78 ^ H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. nombre couvrent d'un lin duvet la limite de la boule. Quand on prend avec une pince fine, ou une aiguille, la boule pour la porter sous le microscope, on a toutes les peines du monde à la faire détacher du bout de l'instrument. Gela tient évidemment aux innombrables et très longs filaments qui flottent autour d'elle, ce qu'on observe faci- lement avec un grossissement de 500 diamètres. Cette disposition peut expliquer la préhension des particules flot- tantes qui viennent au contact des tentacules. DE LA RAND-PLATTE. Voici une observation importante relative à l'organisation inté- rieure du polype. Pour reconnaître la disposition de la livrée sur la colonne descen- dante en dehors et en dessous des tentacules, il fallait renverser l'animal et le coucher sur le côté. Après les premières contractions occasionnées par cette ma- nœuvre, quand le polype eut repris son état naturel, il fut facile de distinguer^ au travers de ses tissus transparents, les crêtes des septa et les côtes extérieures de la muraille (fig. 6 eL7); mais, entre celles-ci, on reconnaissait des lignes plus colorées, un peu ondu- leuses ; elles répondaient bien évidemment à la séparation des ten- tacules et se perdaient insensiblement dans le bas sur la base de fixation, sur le pied fort large recouvert par des tissus mous pro- longés. Enfin, à côté de la crête correspondant à chaque tentacule, il était encore facile de remarquer un cordon cylindrique (pi, III, fig. 6, en) jaune bistre, qu'à première vue on aurait pu prendre pour une partie plus colorée des téguments recouvrant la muraille. En multipliant les observations, il devint évident que ce cordon présentait une grande inégalité de longueur, et même, quand on cherchait à le toucher avec une aiguille, il se contractait et remon- tait vers le péristome. FAUNE DU GOLFE DU LION. 79 Sur un individu, tout à fait i la base d'adhérence du polypier, le cordon sortait en dehors et flottait dans l'eau (fig. 7, en); en vou- lant le prendre avec des pinces, il s'échappa, rentra sous la mem- brane limitante du corps et finit par disparaître au-dessous du ten- tacule correspondant. Du reste, l'extrême sensibilité de ce cordon permettait, en ap- puyant une aiguille sur lui, au travers de la surface du corps, de le faire contracter et rentrer dans la cavité générale du polype. A n'en pas douter, ce ne pouvait être autre chose qu'un entéroïde ou une aconlie bordant le mésenléroïde, dont on reconnaissait la membrane délicate. L'examen microscopique confirma cette opinion. La structure ne laissait aucun doute. 11 existe donc, en dehors de la muraille, une double cavité dans l'épaisseur des téguments, dont l'une des lames est adhérente à la surface externe de la muraille, tandis que l'autre, séparée de cette première, limite extérieurement le corps en laissant un espace libre entre elles deux. On voit cette disposition dans la coupe que présente la figure 8 de la planche III; un septa a été conservé, et en face du point où est le chiffre 8, il reste une partie de l'œsophage et de ses lèvres, on voit l'entéroïde faire le tour de la crête et descendre dans la cavité péri- phérique pour sortir en faisant une anse au dehors. Dans la figure 7 paraît la même disposition. Un seul tentacule a été conservé; l'on entrevoit, par transparence, les trois crêtes des trois septa et le limbe du calice. Les entéroïdes descendent dans les loges correspondantes, celui du milieu sort dans le bas. Dans la figure 6, on voit de même les entéroïdes descendre jusqu'au disque pédieux. Nous venons de décrire la Rand-platle des auteurs anglais. Elle se trouve ici démontrée, non plus par des coupes, mais par l'observa- tion directe. Dans la figure 7, on voit, par transparence, deux traî- nées longitudinales séparant les entéroïdes filiformes, descendant jusqu'au bas de la colonne ; on les voit aussi passer sur les côtes 80 H. DE LÂGAZE-DUTHIERS, des crêtes dépassant le Jimbe calicinal et le bord vert du péristome. Celui du milieu sort de la cavité. M. vonKoch, dans sa théorie delà production de la muraille, sou- tient que c'est la lame formée par l'union des bords extérieurs des septa qui coupe la cloison molle, le sarcosepta, et qui établit ainsi les loges longitudinales sous la Hand-plalle. C'est une opinion qu'il faudrait démontrer par l'élude du dévelop- pement. La Rand-platte, dans la Caryophyllia Stnithii, est infiniment plus étendue que dans la C. clavus, et dans l'une comme dans l'autre espèce, quand des dépôts étrangers se forment sur la base du poly- pier dénudée, elle remonte et ne couvre plus la totalité du squelette. Est-ce en dedans de sa lame interne ou sur sa limite inférieure qu'est excrétée Vépithèque ou vernis brillant dont la personnalité est si difficile à établir et si différemment interprétée? Des études embryologiques sont à faire à ce point de vue pour éclairer la question. C'est en vain que j'ai cherché à voir si deux aconties se trouvaient dans le même canal exlrathécal, ayant chacun passé de chaque côté d'une cloison principale. L'épaisseur, la couleur et les contractions des parois du polype s'opposent à l'observation directe et précise. On sait, cependant, que d'après les coupes faites sur les animaux mous, on a une tendance à regarderies parois mésenléroïdes sépa- rant les loges charnues comme dépendant, deux par deux, d'une même loge. Il sera, je crois, bien difficile de préciser la question quant aux polypiers à squelette calcaire, la décalcification déter- minant des modifications peut-être très grandes sur la position des parties flottantes dans la cavité générale, mais c'est chose à voir. Reste une constatation à faire. Les loges molles extérieures sont- elles blessées lorsque l'entéroïde sort et flotte dans l'eau? ou pré- sentent-elles un orifice naturel ? On sait combien il est difficile de constater, chez les animaux in- FAUNE DU GOLFE DU LION. 81 férieurs, l'existence d'un orifice qnand les tissus sont transparents, délicats el toujours très contractiles. Ici, le doute est bien permis, quand on songe que, sous l'inlluencc de la contraction seule, le polype rompt ses tissus sur les aspérités de son polypier. Un dernier mot sur cette sorte d'émigration des entéroïdes. Il y avait, dans l'un des bacs du laboratoire Arago, des Actinies d'une espèce indéterminée, dont la colonne, très longue, rapportait le péristome jusqu'au niveau de la surface de l'eau. En examinant les animaux dont les tentacules, très allongés, étaient d'une trans- parence extrême, je ne fus pas peu étonné de voir dans la cavité tentaculaire un entéroïde remontant jusqu'à l'extrémité du tenta- cule. Je n'ai point vu le fait signalé dans les ouvrages. J'ai cru utile d'en donner une représentation, qu'on trouvera planche XII, figure 5. IV ÉVOLUTION ONTOGÉNIQUE DU POLYPIER. Dans les mois de juillet, août et septembre, j'ai obtenu des larves qui, après plusieurs jours de liberté, en cessant d'être vagabondes, se sont fixées sur les parois des vases de cristal, permettant de les observer par transparence ; très peu de temps après, elles ont com- mencé à déposer leur polypier, et l'observation a pu être prolongée sur les mêmes individusjusqu'à un certain stade. En recherchant, à la mer, les individus les plus petits, j'ai pu avoir des embryons étant très près des stades observés sur ceux fixés dans mes vases. Il a été ainsi possible d'arriver à résoudre quelques questions dont la solution est des plus intéressantes pour l'histoire de l'évolu- tion et du développement des polypiers. Comment apparaissent la muraille et les septa? On a peine à comprendre que quelques auteurs aient soutenu que AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3* SÉRIE. — T. V. 1897. 6 82 H. DE LÂGAZE-DUTHIERS. le jeune polype, après avoir acquis sa couleur et sa forme caracté- ristique, ne laissait aucune trace du polypier. Au contraire, M. R.-Q. Couch dit avoir vu le Calcareous polypidom avec 4 smallrays, libres et non serrés; dans un autre cas, il avait noté 6 (six) premiers rayons libres et sans aucune connexion les uns avec les autres. Il était dans lu vrai. Mais ses observations, déjà fort anciennes (I82(S), accompagnées d'assez mauvaises figures, se bornaient à cet énoncé succinct. Il n'était guère question, à cette époque, de l'origine des parties constituantes des Coralliaires. Aujourd'hui, une foule de questions relatives à l'évolution du po- lypier sont posées et demandent à être résolues. Il ne pourra ici être donné de solutions qu'à quelques-unes d'entre elles, nous réservant de nous occuper des autres dans une publication ultérieure. Sur les embryons observés bientôt après leur fixation, la vue pé- nètre difficilement dans leur intérieur; mais il est toujours possible de reconnaître les dépôts de calcaire ; car leur puissance de réfrac- tion de la lumière les différencie très nettement des tissus mous en- vironnants. Ce qu'on observe tout d'abord, c'est le dépôt, sous la face aborale adhérente, de granulations sphériques disséminées irrégulièrement comme dans la planche III, figure 14 ^ qui représente une très faible portion de la surface adhérente d'un jeune polype. Très rapidement l'embryon, fixé par son pôle aboral, perd sa forme ovoïde, allongée et souvent vermiforme ; il devient un disque aplati, circulaire, et, sur sa circonférence, s'accusent six lobes réguliers que dessinent six faibles dépressions (fig. 13). Bientôt l'aplatissement permet de mieux distinguer au travers du disque quelques parties. Tout le tour, une zone plus transparente, moins colorée, apparaît; elle est de nature ectodermique, bordée en dedans par une couche plus colorée d'endoderme. De très bonne heure aussi, après la fixation, on observe l'apparition de six bandes * La gravure ;i rendu d'iiiie lac;')!: brulalu le jeu de lumière, conséquence de la puissante rélraclion du globule calcaire. FAUNE DU GOLFE DU LION. 83 vaguementlimitées rayonnant vers le centre et partant de la circonfé- rence vers le milieu des lobes. Ces bandes sont les origines des méscntéroïdes (flg. iS). 11 manque, relativement au commencement de l'évolution, la con- naissance des divisions primaires et successives de la larve. Des cir- constances se sont opposées à cette observation, d'ailleurs très dif- licile chez ces animaux ; mais, comme il ne doit s'agir ici que du polypier, les faits qui vont suivre suffisent pour nous éclairer sur son origine. Toutefois, sur des embryons nageant en liberté, j'ai pu, sans aucun doute, remarquer 8 lobes, et je crois qu'il i'aul penser et admettre que, dans l'évolution des Caryophyllies, avant la forma- tion du squelette, comme dans celle des Actinies, le nombre des loges charnues passe par des stades semblables. J'ai observé, à n'en pas douter, sur les larves nageantes, le stade à 8 divisions, puis celui à 12 (douze); ensuite par la diflérence de leur accroissement sur celles qui se sont fixées sont revenues au nombre 6 typique. On a vu que, sous la face adhérente du jeune polype, se déposaient de très petits nodules calcaires disséminés sans ordre (fig. 14). Plus tard, en dedans de la zone ectodermique, quand on observe, par transparence, le jeune animal (fig. 13), on voit apparaître, en face des dépressions séparant les lobes, quelques granules beaucoup plus gros; un d'abord, deux, puis un plus grand nombre, qui s& groupent en ligne et sont évidemment indépendants de la limite externe périphérique. Ce sont, sans aucun doute possible, les origines des septa. 11 est utile de bien préciser ici le sens d'un mot. La figure 13 est une coupe optique, qui montre la position des nodules calcaires par rapport à la zone ectodermique de la surface libre du jeune polype, mais non par rapport à la couche adhérente, celle que M. Heider appelle calycob/asle. Je recherche en ce moment à bien fixer les relations primitives de la muraille et des septa. L'expression employée, nodules internes à la zone ectodermique, n'indique pas une relation histologiquc, une relation de la production du polypier U H. DE LACAZE-DUTHIERS. dans telle ou telle couche des parois du corps du polype ; elle in- dique la position par rapport à la limite du corps. On sait que von Koch soutient que le polypier est un produit de l'ectoderme; dans son opinion, ces nodules seraient nés en dessous et par conséquent en dehors de l'ectoderme adhérent du calyco- blaste, et l'expression interne employée ici pourrait paraître opposée à celte opinion. Encore une fois, elle n'a pas trait à cette question ; elle se rapporte aux rapports des septa et de la future muraille, indé- pendamment de leur origine organique dans les tissus. Dans l'espèce, il y a un stade fort difficile à observer, c'est celui qui est intermédiaire entre l'origine des cloisons et la naissance des mésentéroïdes. Il faudrait avoir des embryons en grand nombre, afin de pouvoir en sacrifier beaucoup pour faire des préparations. Les naissances ne se produisent pas toutes en même temps, elles sont successives, et cela rend les difficultés des observations très grandes ; en outre, quand les embryons abandonnent la mère, ils sont déjà avancés, et si, avec les Actinies et les Astroïdes, il était possible, en ouvrant les animaux, d'avoir un nombre indéfini d'em- bryons à tous les états, ici il n'en est plus de même, et Ton se résout difficilement à sacrifier des animaux péniblement recueillis dans lesquels on trouvera peut-être un, deux embryons, et même on n'est pas sûr d'en rencontrer. Mais laissons ce côLé de la question en appelant l'attention des naturalistes sur lui; peut-être des chercheurs plus favorisés ren- contreront-ils des espèces dont la période de reproduction répondra mieux aux exigences de ces études. J'ai pu suivre sur ces mêmes jeunes polypes la formation des septa (fig. 15), qui sont nés absolument en dedans et indépendam- ment de la zone de la muraille, et cela par six dépôts alternant avec les six bandes répondant aux échancrures des six lobes périphé- riques du disque embryonnaire, c'est-à-dire aux mésentéroïdes. Il arrive un moment où les granulations calcaires radiantes se groupent en formant des Y dont les branches de la partie supérieure FAUNE DU GOLFE DU LION. 83 en V embrassent la dépression interlobaire, tandis que la partie inférieure droite se dirige vers le centre (voir pi. 111, fig, i,^: dans cette figure, la moitié gauche représente un stade moins avancé que la moitié droite : ces deux côtés répondent à deux états d'âges différents du même embryon). Cette disposition est née sous mes yeux comme pour l'Astroïdes. Ici, il ne naît que six Y, tandis que, chez l'Astroïdes, il s'en forme douze. La muraille naît dans la zone externe indépendante des Y par groupes de nodules se disposant en bandes courbes et suivant la direction de la zone ectodermique. Les six centres produisant ces bandes dans la zone externe, et occupant les milieux des parties bombées des festons, continuant à s'allonger par leurs deux extrémités, finissent par se rencontrer et, comme les deux branches des Y se sont aussi étendues, les unes et les autres sont arrivées au contact, se sont soudées et, en s'épaissis- sant, ont fini par combler l'angle formé par les branches de l'Y (fig. 13, pi. III ; dans la partie gauche en [a) et en {m), on voit une bande courbe qui est née indépendamment des branches des Y et non encore soudée à eux). Il n'est donc pas douteux, d'après ces^dessins, que la muraille a une origine différente de celle des cloisons et que celles-ci ne sont pas dérivées de la muraille ; elles sont nées indépendamment les unes des autres. Dans cette même figure 15, l'on voit, dans la partie de droite (b), la muraille pour ainsi dire formant une bande continue unissant toutes les extrémités externes des branches de l'Y. 11 est encore incontestable, comme on l'a vu pour le Flabellumy que le nombre primitif des cloisons est, dans le cas des Caryophyl- lies, d'abord de 6; que le nombre 12 n'arrive que lorsque les six premières cloisons sont réunies à la muraille, que celle-ci forme un tube et qu'il y a six chambres primitives bien constituées. L'opinion de von Koch, qui soutient que la vraie muraille est le fait de la réunion des parties latérales et externes prolongées des 86 H. DE LACAZE-DUTHIERS. sepla, ne se trouve pas confirmée par l'observation directe et long- temps continuée des mêmes individus, sur lesquels j'ai reconnu les premières traces de l'apparition, d'un côlé, des septa, de l'autre, de la muraille, et suivi les formations successives qui ont produit les jeunes polypiers qu'on voit dans les figures 15 et 16 de la planche III. Je l'ai déjà dit à propos du Flabellum. Lorsque j'eus démontré que, dans l'Astroïdes, la formation des cloisons débutait par le nombre 12, j'avais un moment pu croire qu'il en était ainsi dans l'ensemble des Zoanthaires sclérodermés ; mais les Garyophyllies, comme les Flabellum, sont venus prouver que la généralisation de cette condition de la production des cloisons, en admettant le nom- bre 12 comme primitif, ne pouvait être acceptée pour les polypiers apores. Il est donc utile de multiplier les études et de vérifier si les deux grandes divisions si naturelles, admises par Milne Edwards et Jules Haime, sont confirmées par l'embryogénie. Il importe encore de remarquer que les septa ne naissent toujours pas avec la forme en Y. Dans la figure 16, on voit nettement que si, vers l'extérieur, au contact de la muraille, il existe quelques-unes des nodosités obliques et un peu en travers, cependant il n'y a pas deux branches, comme dans la figure 15. Remarquons, enfin, que les productions calcaires naissent ici comme je l'ai montré en 1872 pour l'Astroïdes, sous la forme glo- bulaire, grandissent, se superposent et se soudent en formant des lames. Gosse, dont le livre est rempli d'excellents renseignements, dit que la Caryophyllie de Smith vit en colonie et qu'on en trouve sou- vent plus de trente, très voisines les unes des autres, réunies sur un même point. Je possède un fragment de coquille de Pecten qui, dans sa con- cavité, a une véritable nichée de Garyophyllies de Smith. J'en compte vingt-neuf et de toutes les grandeurs, depuis moins de 1 millimètre de diamètre et à 6 cloisons primaires, jusqu'à un individu qui me- FAUNE DU GOLFE DU LION. 87 sure 5 millimètres de diamètre et 6 millimètres de hauteur, assez complet pour qu'on puisse le considérer comme le générateur de tous les petits êtres qui l'entourent. Sur cet échantillon, l'on peut facilement trouver tous les passages du développement des cycles et des systèmes. L'individu central a déjà 6 systèmes réguliers et des cycles nombreux. Ce qu'on y voit avec la dernière évidence, c'est le passage d'une cloison intermédiaire h l'état de cloison paliale. D'abord, je rappelle qu'on peut souvent prévoir ici, comme chez la Caryophyllia clavus, qu'une cloison sera paliale quand son extrémité centrale présente deux petits renflements qui la font paraître comme bifurquée. Sur les individus à 12 cloisons primitives, cette légère bifurcation per- met de désigner les cloisons paliales futures; il ne faut pourtant pas que l'affirmation soit trop absolue, car la bifurcation se présente aussi quelquefois sur les cloisons de première grandeur. Quant à l'accroissement du nombre des cycles et des systèmes et au moment de leur apparition, il suffit de chercher et l'on trouve plusieurs exemples où la columelle n'est représentée encore que par un tubercule ou un ruban tordu, où les 6 cloisons primaires se différencient des cloisons paliales par la présence des 6 palis ne formant encore que de simples baguettes ou bourgeonne- ments autour de l'origine de la columelle, et s'élevant en i'ace des petites bifurcations de leur septa respectifs. Les cloisons intermé- diaires sont partout égales; mais, auprès d'une cloison de premier ordre, une cloison intermédiaire agrandi, s'est approchée du centre par son bord libre qui paraît bifurqué, et dans les espaces cnti-e elles, d'un côté, la cloison primaire, de l'autre, la cloison paliale, sont nées deux cloisons très petites, égales, qui vont devenir les inter- médiaires ; la cloison paliale deviendra plus tard lune des grandes cloisons, lorsque dans la loge voisine, à son autre côté, un travail de multiplication semblable à celui qui vient d'être indiqué se sera produit. On ne peut manquer de remarquer dans ce cas que, si la loi de 88 H. DE LACÂZE-DUTHIERS. production des cycles était juste, il faudrait que, dans chacune des chambres ayant l'expression (1 +3), se fussent d'abord formées les cloisons du quatrième cycle, puis, qu'arrivant dans les chambres à expression (2-f-3), les cloisons du cinquième cycle vinssent y pa- raître; or, c'est dans une même chambre et en même temps que paraissent un élément du quatrième cycle et un élément du cin- quième. La loi est donc en défaut. Dans une série de cinq figures, de 17 à 21, l'on voit, à gauche, le petit polypier de grandeur naturelle pour servir de terme de compa- raison. Les cloisons primaires, qu'on peut appeler commissurales, sont placées horizontalement et seules numérotées (fig. 21). Il est facile de se rendre compte, par une observation attentive de ces dessins, des inégalités du développement des différents septa. Ces figures montrent comment se produisent assez irrégulière- ment les groupes, qui s'ajoutant en pénétrant comme des coins, font bientôt disparaître toutes traces de la première régularité. Dans la figure 20, les 6 septa de première grandeur se reconnaissent facile- ment; mais, en observant attentivement, on voit combien sont dif- féreuLs les systèmes. Dans le haut et dans le bas des ligures, les cloi- sons deuxièmes ont déjà leurs palis. Dans la figure 21,1a cloison 2, en haut de la figure, est déjà de première grandeur; à gauche, la cloi- son 3 est seule dans la chambre (1 + 2), et, à droite, la cloison 3 est accompagnée de 2 très petites intermédiaires. Dans la planche IV, la figure D est la reproduction photographique de cette série, qui permet de juger de la valeur et de la grandeur de la reproduction par le dessin. Sans revenir ici sur des descriptions qui seraient la répétition de celles qu'on a déjà lues, il m'a paru suffisant de publier une série de dessins faits d'après des photographies, pour montrer combien l'évolution des jeunes polypiers pour les cloisons, pour les cycles et les systèmes jusqu'au troisième cycle, est semblable dans les Caryophyllies ; mais aussi combien leur différence, surtout par l'ap- parition de lacolumelle, qui, dès l'origine, se montre telle qu'elle FAUNE DU GOLFE DU LION. 89 sera plus tard, devient facile à constater (voir planche III, fig. 17 à 21, série de jeunes Caryophyllia Smithii ayant depuis 1 jus- qu'à 4 cycles). En résumé, la Caryophyllia Smithii mérite d'être conservée comme espèce, pour les raisons qui viennent d'être données plus haut. Mais il est une observation qui ne peut avoir échappé au lecteur. Les jeunes Caryophyllies offrent entre elles une telle ressemblance qu'il est impossible de les distinguer avant que les cycles et les cloi- sons se soient multipliés, de telle façon que les deux espèces puissent être reconnues d'après les caractères qui les distinguent et qui ont été énumérés. Sur les pierres rapportées des fonds coralligènes de la Galle, de la Tunisie (Tabarca) et de la Galite, j'ai trouvé de très jeunes poly- piers à 1 et à 2 cycles. Je ne saurais dire à quelles espèces il faut les rapporter. Si, à Roscoff et à Banyuls, il est possible de dire que les très jeunes polypiers, quelque jeunes qu'ils soient, appartien- nent, là, à la Caryophyllia Smithii, ici, à la C. davus, c'est que, dans ces localités, à une profondeur donnée, on ne trouve que ces deux espèces; mais, en Afrique, sur les côtes de l'Algérie, on pêche la C. claviis, la C. arcuata et la C. cyathus, et les unes et les autres, à l'état embryonnaire, se ressemblent tellement, qu'il n'est pas possible de les distinguer à cet âge. L'on va voir, dans la description qui suit, l'énumération des carac- tères d'une autre Garyophyllie, qui ne ressemble absolument pas à ces trois premières. Moins favorisé pour elle que pour les autres, je n'ai pas eu de très jeunes erabryons, je ne voudrais donc pas porter la même affirmation pour elle, étant cependant bien convaincu qu'une môme ressemblance existe entre les très jeunes de la Caryo- phyllia arcuata, dont les adultes diffèrent si grandement des clavus, Smithii et cyathus. On peut aller plus loin et croire que les premières formes des Flabellum et des Dermophyllum, n'ayant qu'un cycle de 6 cloisons 90 H. DE LACAZE-DUTIIIERS. primaires, se ressemblent entièrement et ressemblent beaucoup aux jeunes Garyophyllies dans les mêmes conditions. Il serait fort intéressant d'avoir les très jeunes d'un grand nombre de polypiers sclérodermés apores, afin de les comparer. Peut-être trouverait-on quelques légers caractères permettant de les distin- guer ; mais, de différences fondamentales, il n'en existe probable- ment pas. Si l'on veut comparer le très jeune Flahellum dont le dessin se trouve dans l'histoire de l'évolution de son polypier [Archives de zoologie expérimentale et générale, vol. II, 3" série, pi. XVIII, fig. 6) avec les figures qui accompagnent le présent travail (pi. 111, fig. 16), on ne trouvera que cette très légère différence : ici, un peu plus d'épaisseur de la muraille; mais on y verra l'inflexion en face des septa. Où la distinction s'établit nette entre les deux types, c'est à l'apparition du tubercule central au fond du calice, qui est l'origine de la columelle. Sa présence suffit pour éloigner des Garyophyllies les Flabellum et les De&rnophyllum. Que dire, après cet exposé, des nombreuses espèces dont quel- ques-unes établies d'après des échantillons uniques et d'une peti- tesse extrême? Il est évident que l'incertitude doit être grande dans ces cas, puisque même, à y regarder de près, les jeunes régulière- ment conformés dans les espèces bien connues, avant d'être adultes, présentent des caractères tout aussi accusés que quelques-unes des espèces certainement douteuses. Ce n'est qu'après l'examen de très nombreux échantillons qu'on voit bien l'inutilité de ces variétés représentant des états divers dus à l'âge, et qui viennent encombrer la zoologie et rendre son étude fatigante et fastidieuse. Aussi conserverons-nous l'espèce de la Caryophyllia Smithii, mal- gré les affirmations de Duncan. Les caractères sont suffisants pour la faire distinguer, et la cause invoquée pour expliquer la largeur énorme du pied de la Smithii n'est pas une raison acceptable, puis- qu'à Aslan, près de Roscoff, les échantillons péchés sur des débris FAUNK DU GOLFE UU LION. 91 mobiles conservent leur pied large ; et s'il était vrai que la mobilité du support fît perdre ce caractère causé par la fixation sur les roches, comment se ferait-il que, dans legoirc,on n'ait jamais eu de Caryophyllia clavus fixées sur des rochers avec large base et, à Astan, des C. Smit/m tixécs sur des débris mobiles avec base d'adhérence très étroite ? CARYOPHYLLIA ARCUATA (PI. V, fig. 4,5,6, 7,7',8). I Cette Garyophyllie est fréquente sur les touffes buissonnantes for- mées par V Ampliihelia et le LophoheUa, vivant à plusieurs milles au large et à une profondeur de 600 à 700 mètres. Pourtales et Duncan ont décrit un bon nombre de Caryophyllies provenant des dragages du Challenger, du Porcupine et des dragages d'Agassiz, mais leurs descriptions sont bien succinctes. On trouve dans le travail de Duncan une description de la Caryo- phyllia arcuata, dont la détermination comparative n'est véritable- ment pas facile quand on se trouve en face des échantillons et des diverses descriptions écourtées. Au premier abord on croirait pouvoir la rapprocher de la Caryo- phyllia Bertheriana de Duchassin, elle en a le port et quelques appa- rences, mais quand on arrive aux caractères précis reproduits dans le livre des auteurs français la concordance n'existe plus. L'espèce a été faite d'après deux individus qui se trouvaient dans le musée de Leyde et de Bonn. M. Alphonse Milne Edwards a indiqué cette espèce comme se trouvant sur le câble télégraphique immergé entre la Sardaigne et Bône. J'ai cherché à connaître les échantillons authentiques, mes demandes n'ont pas eu grand succès. S.-N. Flowers, notre correspondant de l'Institut, directeur du Bri- 92 H. DE LACAZE-DUTHIERS. tish Muséum, m'a refusé l'envoi de l'échantillon décrit par Duncan, se retranchant derrière un règlement qui véritablement est excessif, et qui dans l'espèce n'a pas un grand avantage pour le British Muséum. En retour de la communication, j'aurais été enchanté d'offrir quel- ques exemplaires en meilleur état que celui de Londres. A Leyde, on n'a pu retrouver l'individu qui avait servi à la création de l'espèce, et que Jules Haime avait pris comme type. Mon confrère M. A. Milne Edwards, à qui j'avais écrit pour le prier de me communiquer les échantillons qu'il avait dit exister sur le câble télégraphique, m'a répondu qu'il les avait donnés au service de la chaire des Mollusques et des Zoophytes du Muséum, à laquelle il les avait demandés, et qu'il me les communiquerait dès qu'il les aurait reçus. Il y a de cela bientôt un an ; on doit les chercher sans doute encore, car il semble difficile de croire que le donateur n'eût pas pu revoir des objets donnés et décrits par lui. Il ne peut, après ce long temps écoulé, y avoir d'autre alternative qu'un refus voulu ou une perte des individus. J'ai eu recours à M. Balher, du British Muséum (service de la géo- logie), qui était venu visiter mon laboratoire de Roscoff, et qui s'est hâté obligeamment de faire photographier la CaryophylUa arcuata décrite par Duncan. La vue de cette photographie un peu pâle ne m'a pas suffisamment édifié, et après avoir fait faire des photogra- phies très bien réussies par mon habile mécanicien David, je les ai adressées à M. Balher qui lui-même les a confiées à son collègue, M. Jeffrey Bell, ayant la charge de la collection des Goralliaires vivants ; fort obligeamment aussi, il m'a écrit et exprimé qu'après examen attentif, il n'avait pas de raison de rapporter mes photo- graphies à une autre espèce que celle décrite par le professeur Duncan. «I hâve made a careful comparaison of your photographs with the spécimen of CaryophylUa aiTuata described and figured by prof. Duncan. So far as I am ableto judge then is no reason for assigning your spécimens to any other species than this. — Jeffrey Bell. » FAUiNE DU GOLFE DU LION, 93 C'est avec le plus vif plaisii- et empressement que j'adresse mes remercîments bien sincères à iMM. Bather et Jeffrey Bell. Ils m'ont tiré de l'embarras oii me plaçaient les descriptions isolées et l'absence des comparaisons des échantillons décrits par Duncan, Milne Edwards et J. Haime et avec ceux du golfe. M. A. Milne Edwards m'a manifesté son regret de n'avoir pas reçu les échantillons qu'il avait trouvés et remis à la collection des Zoo- phytes. Après la description des parties du polypier de cette espèce que j'ai eue vivante, parfaitement épanouie dans mes bacs, je montrerai dans quel embarras on peut se trouver pour la détermination avec les ouvrages classiques. II Pour mieux apprécier la valeur de la diagnose, voici d'abord la description qui, dans l'ouvrage français (p. 16, vol. 2), répond à la création de l'espèce. « Polypier allongé, conique, légèrement courbé, quarante-huit (48) côtes planes, larges, parfaitement égales, indistinctes inférieure- ment et couvertes de granulations très petites, très serrées, calice subcirculaire, columelle fasciculaire? Cloisons larges, peu inégales, très serrées, très épaisses, graduellement amincies de dehors en dedans ; palis médiocrement larges, épais. » Voici maintenant la description de Duncan : « The corallum is tall, vvith a large incrusting base, a long cylin- dricalstem, and a conico-cylindrical termination. « The calice is subcircular, and the margin is irregular from the larger septa being on a higher level than the others. « The septa are stout, unequal granular laterally, and rounded above. There are four cycles of them, in six Systems. The primary and secondary septa are equal, are higher Ihan the others, and are continued as prominent semicristiform costa down two Ihirds of the oustide of the corallum. The septa of the fourlh and fifth orders 94 H, DE LACAZE-DUTHIKKS. are nearly as high as the larger ones, and higher than those of the third cycle. « The palis are large and rounded, and flat. « The columella is small, and is composed of eight processes. « The fossa is shallow. « The costce are almost equal ; but those of the lertiary and quater- nary cycles are not prorainent like the olhers, but are flat ; and ail are marked by close transverse rows of granules, separated by trans- verse grooves. « On the round part of the stem the costal ornamentation is sim- ply granular. <( Height of corallum 41/10 inch ; height of calice 7/:20 inch. » {Loc. cit. p. 313, pi. XLIII, fig. 1 à 4. Remarquons que Duncan décrit l'espèce qu'il a eue de la Médi- terranée comme une variété a, et qu'il caractérise par les mots ; « With prominent costse », ce qui n'est pas le cas de mes échan- tillons. Voilà les diagnoses de la Caryophyllia arcuala, dont se rapprochent le plus mes échantillons du golfe. Voyons leurs caractères. III Ce qui frappe tout d'abord dans cette espèce, c'est la forme géné- rale ; elle est pédonculée et son calice paraît presque circulaire (pi. V, fig. 4 à 9). La hauteur est en moyenne de 2 centimètres. Le premier cen- timètre du bas, au-dessus du point d'attache ou pédoncule est cylindrique (à peu près) ; son diamètre est de 5 à 7 millimètres. Le calice dans son grand diamètre a 42 millimètres; il faut donc pour que le centimètre supérieur puisse passer de l'un de ces diamètres à l'autre et s'agrandir peu à peu, qu'il prenne la forme et l'évasement d'une coupe. Sur les 20 échantillons qui servent à celte] description, l'ovale FAUNK DU GOLFE DU LION. 95 est très peu marqué, plusieurs ont leurs calices tout à fait ronds. On trouve sur l'un d'eux : Grand diamètre 12 millimètres. Petit diamètre 10 — Sur un autre : Grand diamètre II millimètres. Petit diamètre , 10 — Le second fait, qui aussi IVappe à première vue, c'est le peu de profondeur du calice et le volume des groupes de 3 cloisons formées par les septa les plus élevés et ceux de troisième grandeur, que j'ai nommés intermédiaires. Ce groupe forme comme autant de lobes saillants qui s'élèvent sur le pourtour du calice et font paraître son limbe comme fortement lobé. Cette apparence avec le port et le peu de profondeur du calice suffisent pour faire reconnaître, à première vue, la CaryophylUa arcuata, du moins parmi les espèces méditerra- néennes. La muraille est épaisse et l'on sent, en regardant le calice suivant la normale, que son épaisseur dans le pourtour est considérable et due aux soudures des bases des cloisons intermédiaires avec les plus grandes ou limites. A l'extérieur, sur les vingt et quelques échantillons servant à cette description, on n'en voit que deux ayant une crête, non pas très élevée, mais légèrement accusée par une saillie très évidente du dos des plus grandes cloisons, et descendant jusqu'au niveau du com- mencement du pédoncule. Sur tous les autres échantillons, les côtes (pi. V, fig. 5 et 9) ne méritent guère ce nom, elles sont plates et ne sont séparées les unes des autres que par un léger sillon linéaire qui descend du bas de leurs séparations sur le pourtour du calice. A l'œil nu, ces bandes plates sont difficiles à bien distinguer, mais, sous la loupe, on ne manque pas de les reconnaître. Elles ont, à peu de chose près, la môme largeur, à quelque cloison qu'elles correspondent. Le pédoncule du polypier est plus étroit vers le milieu de sa Ion- 96 H. DE LACAZE-DUTHIERS. gueur, au point où va avoir lieu l'adhérence sur le corps étranger, et cette adhérence se fait par l'intermédiaire d'une expansion cons- tante du pied de la muraille, variable avec les individus, mais en général plus étendue que la surface que pourrait couvrir le calice (pi. V, fig. 4et5). Sur le pédoncule, en cherchantbien àlaloupe, on reconnaît pres- que toujours les sillons qui séparent les bandes costales. Sur ces bandes sont de très fines granulations qui souvent sont disposées au nombre de 4, 5 ou 6 en lignes transversales ; elles donnent à la surface, souvent brillante, une apparence très finement chagrinée. Les cloisons méritent une attention toute spéciale, car elles four- nissent un caractère des plus importants. Leur grandeur présente trois dimensions, celle des plus grandes, celle des intermédiaires et enfin celle des paliales. Les plus grandes semblent bien être, une entre autres, un peu moins débordantes ; mais ce qu'on observe à peu près sur un échan- tillon manque sur un autre, et si l'on prend la théorie des cycles et des systèmes, en partant de cette inégalité, on peut, sur H indivi- dus parmi les 20, trouver 6 systèmes et, par conséquent, les 2 cycles primitifs de 6 cloisons chacun. Nous prendrons le cas qui s'est présenté plusieurs fois où les grandes cloisons sont au nombre de 12. Cela conduit à 12 cloisons paliales, 12 palis et 24 cloisons intermédiaires. Mais il faut remarquer tout d'abord que le nombre 10 est très fré- quent, exemple figure 6. Le sommet des cloisons paliales est libre et nettement séparé par une échancrure assez profonde (fig. 5) des sommets des 24 cloisons intermédiaires qui l'avoisinent, et caractère constant, ce sommet est plus bas que celui des deux cloisons intermédiaires voisines. Aussi, quand on examine le calice de profil, ce caractère paraît immédia- tement et d'autant plus marqué que les grandes cloisons débor- dantes sont plus élevées, et que les cloisons intermédiaires sont plus FAUNK DU GOLFE DU LION. ' 97 unies à celles-ci très haut et n'ont une crête libre que de très faible hauteur. Cette union des grandes cloisons avec les intermédiaires leurs voi- sines fournit un caractère important (pl.V, fig. 6, 7, 8), car les trois cloisons, une de premier ordre et deux de quatrième et cinquième ordre (dans la théorie), ainsi rapprochées et unies, donnent une apparence toute particulière au limbe du calice qui semble offrir 12 lobes massifs et élevés, séparés par 12 échancrures au fond des- quelles se dressent modestement les sommets des cloisons paUales. C'est dans cette espèce que les groupes de 3 cloisons, ayant les cloi- sons de premier ordre comme centre, sont le plus évidents. On a vu plus haut que ces expressions : groupes de d septa, ne sont employées que pour la commodité des descriptions. Les bords supérieurs des lames de toutes les cloisons, après leur élévation en crête péricalicinale, s'abaissent, forment une concavité légère supérieure pour devenir ensuite horizontale, ou à peu près, en arrivant aux palis et près de la columelle. Les 12 cloisons, les plus grandes, sont fort épaisses dans le voisinage de la muraille (fig. 7); elles deviennent progressivement de plus en plus minces en approchant des palis. C'est cet épaississement, au- quel s'ajoute leur union avec les intermédiaires vers leur bord ex- terne, qui les rend contiguës et les soude aux cloisons intermé- diaires; et comme cet épaississement s'avance jusque vers le milieu de leur longueur, on se rend compte de l'apparence massive des 12 groupes formés par les plus grandes cloisons unies aux intermé- diaires (pi. V, fig. 6 et surtout 8). En examinant le cahce perpendiculairement au plan de son ouverture, l'on peut juger facilement de l'épaisseur des grandes cloisons, dans leur partie avoisinant la muraille. Cette épaisseur les rapproche des septa intermédiaires qui, eux-mêmes, sont très épais, mais seulement tout près de la muraille. Les grandes cloisons, en devenant minces et s'avançant vers le centre de la figure, arrivent jusqu'au milieu de la longueur des palis, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3* SÉRlj:. — T. V. 1897. 7 98 H. DE LACAZE-DUTHIERS. et le dépassent même du côté de la columelle (pi. V, fig. 6 et 7). Les septa intermédiaires sont minces à partir du point où ils se dégag^ent du bord de la muraille, se lient aux grandes cloisons, et, remarque importante, s'avancent vers le milieu de la figure aussi loin que les cloisons paliales (fig. 7), de sorte que, dans l'examen du calice suivant la normale, on voit, dans l'intervalle qui se trouve entre les deux cloisons limites, les trois extrémités libres centrales de la paliale au milieu des intermédiaires de chaque côté. Ces trois extrémités arrivent jusqu'au palis et, dans bien des cas, les bords internes des cloisons intermédiaires avancent même plus loin que la cloison paliale (pi. V, fig. 7, in). C'est le premier exemple que nous rencontrons d'un tel avancement des cloisons intermédiaires. La cloison paliale présente cette particularité, que l'échancrure qui la sépare sur le limbe des cloisons intermédiaires est profonde, que son bord supérieur ne dépasse pas en hauteur le'même bord des cloisons intermédiaires; que, arrivée auprès du palis, elle semble être coupée à pic et que son bord descend verticalement jusqu'au point où finit l'échancrure qui la sépare du palis (fig. 7). Les palis sont épais et coupés tantôt carrément en haut, tantôt taillés un peu obliquement de bas en haut et de dedans en dehors ; leur bord columellaire est vertical et perpendiculaire à leur bord supérieur, qui est à peu près parallèle au plan de l'ouverture du calice. La hauteur des palis est, toutes choses égales d'ailleurs, considé- rable ; il s'en faut de très peu qu'ils n'arrivent au niveau du fond des échancrures qui séparent, sur la muraille, les cloisons paliales des cloisons intermédiaires ; aussi sont-ils très en vue et forment-ils une couronne facile à observer (fig. 6 et 8), Leur forme appelle d'ailleurs tout de suite l'attention. Leurs deux bords internes et externes paraissent plus épais que leur lame, qui l'est déjà beaucoup, comparée h la lame de la cloison paliale. On pourrait les comparer à des I capitales gras, dont les barres des extrémités seraient fort épaisses. FAUNE DU GOLKE DU LION. 99 Cette forme ofi're un caractère très important, très spécial. On s'en rend compte quand on compare [siCaryophyUia arcuata avec les trois autres espèces étudiées jusqu'ici (pi. V,[lig. 6 et 7). Il importe de com- parer ces figures avec celles semblables des trois premières espèces. La columeiie (fig. 6), quand je l'ai eue bien conservée, m'a paru à peu près toujours constituée de la même manière : de 8 à 10 rubans tordus, fort peu larges et bien indépendants les uns des autres, à extrémité supérieure libre et assez effilée, le ruban et la torsion d'ailleurs un peu obscurs et pas toujours évidents. Ces rubans sont disposés sur deux rangs courbes, trois ou quatre d'un côté, trois de l'autre et se touchant presque, mais sans se con- fondre ; ils forment deux séries parallèles au bord du calice, éloignées au milieu de leur courbe. Deux autres rubans sont placés entre ces premiers et correspondent à l'espace médian laissé libre entre ces deux rangées. La hauteur delà columelleest, sinon plus grande, du moins égale à celle des palis, qui s'approchent très près et forment une couronne autour d'elle, d'autant plus évidente qu'ils sont épais et très régu- lièrement disposés. Le polypier de la Caryophyllia arcuata est dur, compact, et par conséquent fragile ; aussi, souvent les palis sont cassés et manquent, les crêtes des cloisons primaires sont de même absentes; mais les caractères qui viennent d'être énumérés sont tels que, malgré les avaries qui peuvent dégrader quelque peu les échantillons, on par- vient facilement à rétablir les conditions caractéristiques. Enfin il faut ajouter que les faces des cloisons, sur les polypiers vivants et non pas trop anciennement morts, sont couvertes de très fines aspérités qu'on ne peut appeler épines, mais qui sont souvent terminées par une pointe aiguë (fig. 7). Sur les échantillons dépourvus du polype et ramenés par la drague, les sommets débordants des cloisons sont ordinairement cassés et quelques palis disparaissent aussi, mais les festons du limbe du calice persistent ; la columelle, quoique les exti-émités de ses dOO H. DE LACAZE-DUTHIERS. rubans tordus aient été enlevées par les frottements, ne s'en élève pas moins au milieu du calice comme un moignon qui arrive encore à la hauteur des bases du groupe des trois cloisons unies et formant le sommet des festons. La physionomie des échantillons morts et un peu dégradés est très caractéristique (pi. V, fig. 8, 9). Les palis restent étroits, n'ayant plus la forme d'un I, mais con- servent leur continuité filiforme jusqu'à leurs septa respectifs. Les bords des septa paliaux sont plus déprimés et profonds. Ils semblent isolés des groupes formés par les septa de première grandeur et par les intermédiaires. Ces derniers groupes semblent plus marqués encore que sur les échantillons frais et complets; ils font saillie sur le limbe calicinal et fournissent immédiatement à première vue un caractère d'une grande valeur. Sur les polypiers frais et bien conservés, ayant vécu assez long- temps dans mes bacs, les septa de première grandeur sont très élevés et se distinguent sur les individus vus de profil d'une façon remar- quable (pi. V, fig. 5). Mais je n'ai trouvé cette apparence que sur les individus absolument intacts, sur ceux qui avaient vécu assez longtemps dans les bacs du laboratoire. J'insiste une dernière fois sur les caractères qui déterminent la physionomie particulière de l'espèce, telle que je l'ai eue entre les mains en assez grand nombre pour pouvoir en affirmer la valeur. Ce sont : Forme en I du palis; Rapport intime des extrémités centrales des septa intermédiaires et des palis ; Groupement et union des trois septa de première grandeur et des intermédiaires; Enfin, physionomie particulière due à ces caractères chez les indi- vidus dont les crêtes ayant été cassées ont disparu. Le caractère qui a valu le nom spécifique arcuata se présente fré- quemment; il est surtout causé par ce fait que les jeunes, fixés dans FAUNE DU GOLFE DU LION. 101 les broussailles de Lophohelia ou à'Amphihelia, ont dû se redresser en s'allongeant pour se dégager de la broussaille, mais il y a des cas où la colonne n'est pas arquée du tout. Ce nom, imposé à l'espèce fossile par Milne Edwards et J. Haime, ne viendrait-il pas de la station des échantillons ayant servi à la création de l'espèce (vol. II, p. 46). Il est dit dans l'ouvrage des auteurs français : « Un exem- plaire de cette espèce, musée de Bonn, est indiqué comme fossile de Castel Arquato. » (?) Il semble, avec les caractères précis indiqués ci-dessus, que la diagnose est facile. Mais, dans la détermination des caractères donnés pour le grou- pement des espèces par Milne Edwards et Jules Haime, et admis par Duncan, on éprouve un grand embarras à supputer le nombre des cycles et des systèmes. Pour arriver à trouver le nombre des systèmes indiqués, il faut nécessairement reconnaître les cloisons de première grandeur; or elles sont ici d'une égalité absolue, et comme on en compte tantôt 10, tantôt 12, et même 14, on ne peut fixer quelles sont les cloisons de premier et de deuxième ordre, car tous les groupes sont semblables. Si l'on trouve 14 groupes de 3 cloisons (1 de première grandeur, 2 voisines intermédiaires), on est bien conduit à faire 7 systèmes ayant 2 palis chacun. Si l'on n'a que 12 groupes, l'on tombe dans le cas normal de 6 systèmes complets et 4 cycles, mais le cas de 10 groupes est le plus fréquent. Du reste, quel que soit le nombre des cycles que l'on prenne comme centre du groupe, la plus grande cloison ou la cloison paliale, le caractère de la similitude des groupes reste frappant et d'une grande im- portance. Une dernière observation doit trouver place ici : comment se mul- tiplient les groupes? Dans la figure 6, on peut voir dans le haut, à gauche, deux cloi- sons primaires, séparées par une seule intermédiaire et, en rapport avec l'extrémité centrale de cette intermédiaire, un tubercule entre deux palis. C'est certainement une intermédiaire qui va passer au 402 H. DE LACAZE-DUTHIKHS. rang de paliale, lorsque, plus tard, de chaque côté d'elle, seront nées deux intermédiaires qui se rapprocheront, chacune de son côté, des deux septa de première grandeur, maintenant séparées par une seule cloison. Je n'ai pas eu assez d'individus complets et intacts pour pouvoir en dire plus long sur le mode de multiplication des septa nouveaux augmentant le nombre des groupes^ de trois. Mais cet exemple me paraît suftisant pour conduire à penser que la multiplication des cloisons a lieu chez la Caryophyllia arcuata par un procédé tout à fait semblable à celui qui a été si clairement démontré dans les espèces C. cyathiis, C. clavus et C . Smithii. Ce sont des groupes paliaux de 3 qui se forment et viennent s'in- t;roduire comme des coins entre les septa primitifs. IV DU POLYPE. Les polypes, en arrivant des grands fonds pour vivre dans nos bacs sous quelques centimètres de pression, ne présentent pas tous les mêmes tendances à étaler leurs tentacules. Cependant, après quelques jours, des individus sont arrivés à un tel état d'épanouisse- ment qu'il a été possible d'en donner une bonne figure et une bonne description. Ce n'est que quelque temps après le séjour dans l'eau pure et activement renouvelée que l'épanouissement s'est produit. Alors on a pu voir (pi. V, fig. 4, animal grossi un peu moins du double) que les tentacules, dans leur grandeur respective, répon- daient parfaitement aux différents ordres de grandeur des septa. L'animal bien épanoui avait ses plus grands tentacules fort transpa- rents et terminés par une boule ou batterie de nématocyste bien nettement détachée, et l'on pouvait remarquer l'extrémité supérieure des tentacules de premier ordre très élevée au-dessus du péristome. Entre chacun de ces tentacules primaires se trouvaient régulière- ment rangés les groupes des tentacules paliaux, moins longs que FAUNE DU GOLFE DU LION. 103 les précédents et rabattus ordinairement en bas vers la colonne. Le péristome était coloré en bistre orangé; comme toujours, le pourtour de la bouche plus vivement teinté, les commissures des deux lèvres étant opposées à deux grands tentacules, comme c'est morphologiquement constant. Au-dessous du péristome et de la couronne tentaculaire apparais- sait une zone de tissus mous, colorée comme le péristome et cor- respondant évidemment à la Rand-platte. Le petit nombre d'individus bien vivants et épanouis, que je dési- rais conserver et observer le plus longtemps possible, ne m'a pas permis de constater les conditions anatomiques intérieures que de- vait présenter celle partie sous-tentaculaire du polype, que nous appelions la colonne et que quelques-uns nomment aujourd'hui la Rand-plalte. Au-dessous du limbe du calice, sur les individus n'étant pas morts depuis longtemps et non couverts de dépôts organiques divers, ainsi que le bas ou le pied, le haut de la muraille est lisse, brillant et comme verni ; c'est dire qu'il est recouvert d'une couche d'épi- thèque déposée par cette partie extérieure charnue de la colonne. Sur les échantillons morts depuis longtemps et dans l'état où se trouvent, par exemple, ceux qui sont dessinés aux figures 8 et 9 de la planche V, le vernis épithécal manque entièrement. Il a disparu sous les frottements et par les blessures produites par les courants ou le développement des nombreux organismes qui pullulent dans le fond de la mer. II est difficile, on le voit, de donner la présence ou l'absence de l'épithèque comme caractéristique des espèces. Il est des marques spéciales que peuvent présenter les polypiers, et dont a parlé M. Duncan, d'après l'échantillon dessiné [loc. cit., pi. XLIII, fig. \ et 3). « Les côtes, dit-il, sont presque égales; mais celles des troisième et quatrième cycles ne sont pas saillantes et semblables aux autres. « But are liât ; and ail are marked by close transverse rows of granules, separated by transverse grooves 104 H. DE LACAZE-DUTHIERS. [loc. cit., p. 313). » Ces sillons circulaires, situés à diverses hau- teurs, ne se sont pas présentés sur mes échantillons bien com- plets; ils sont des caractères individuels et non spécifiques; ils cor- respondent aux lignes circulaires auxquelles s'arrête la rand-plalle lorsque les tissus mous de l'animal grandissant abandonne la partie inférieure du polypier. On a vu chose semblable chez la Caryophyllia clavus (pi. l, fig. i et 5). V STATION. Tous les individus ayant servi à cette histoire ont été rapportés parles fauberts des corailleurs dont l'emploi est précieux pour ex- plorer les grands fonds rocheux et que la pratique de la pêche du corail m'a fait introduire depuis bien longtemps dans mes labora- toires. Ils ont été recueillis sur les touffes à'Amphifielm et de Lophohelia qui habitent les talus de ces dépressions que les pêcheurs du pays appellent Y Abîme ou Rech, et que M. Pruvot, sur la carte du fond du golfe, a désigné (^rcAiyes, 3^sér., vol. III, pi. XXX, 1895) par le nom de Rech de Lacaze-Duthiers. C'est de 600 à 700 mètres de profondeur que les fauberts nous rapportent ces touffes d'Oculinides sur lesquelles est la Caryophyllia arcuata. Dans cette localité, une vase d'un gris bleuâtre, un peu blan- châtre, se dépose et lentement y forme des concrétions dures, rocheuses, dans lesquelles sont empâtés des coquilles et des débris d'animaux vivants tous actuellement sur ces fonds de mers. Sur l'une de ces concrétions de formation actuelle, j'ai trouvé 12 pédoncules de la Caryophyllia arcuata dont les calices étaient ébréchés. Sur un petit bloc de même nature et qui était roulé, j'en ai eu quatre en assez bon état dont la base d'adhérence était tout à fait semblable à celle des premiers. Si la théorie de l'influence du mode de fixation était vraie, et expliquait la différence de forme des Caryophyllia cla- FAUNE DU GOLFE DU MON. 10S vus et Caryophyllia Smithii, on devrait trouver ici quelque analogie dans les formes qui{se rapportent, suivant Duncan, au mode de fixa- tion sur un fond stable ou sur des objets mobiles. Mais il n'en est rien. En résumé, la Caryophyllia arcuata n'est pas très rare dans le golfe. S'il a été possible de l'observer dans un état parfait d'intégrité, c'est grâce à ce que, se fixant au milieu des branches des Amphihelia et des Lophohelia, elle est garantie par les rameaux de ces polypiers contre les chocs des corps étrangers et des filets. C'est en explorant avec grands soins les buissons, les zoanthodèmes, souvent très volumineux, qu'on la trouve. Il faut une certaine attention pour la découvrir. Son calice est certainement bien différent de ceux des polypiers qui l'abritent; mais, par un examen superficiel, on peut souvent laisser échapper des individus cachés et mêlés aux nombreux polypiérites. Gela m'est arrivé pour un très jeune exemplaire (fig. 9). Les planches de ce travail étaient terminées quand, sous un ra- meau de Lophohelia, j'ai trouvé une très jeune Caryophyllia arcuata fort allongée et se contournant pour se dégager du milieu des bran- ches du zoanlhodème lui servant de support. Je l'avais prise d'abord pour un jeune Desmophyllum. Sa hauteur est de 9 millimètres; le diamètre du calice est de 2 millimètres. Il ne m'a pas été possible d'en donner le dessin dans les planches et encore moins la photographie, je le regrette, car la symétrie en est parti- culièrement facile à établir, tellement elle est régulière. Le dessin ci-après a été pris très exactement à la chambre claire. Le calice n'est pas du tout ovale ; son aire est limitée par une circonférence absolument régulière et sa muraille est très mince et transparente; elle paraît comme une ligne délicate; on y trouve 6 palis présentant déjà la forme en I, indiquée plus haut comme étant caractéristique. La columelle n'est représentée que par une seule tigelle centrale déjà rubanée et tordue, entourée de très près par les extrémités internes des 6 palis formant cercle autour d'elle. La distinction des cloisons primaires au nombre de 6, alternant avec les secondaires paliales, est d'une évidence extrême. On a i06 H. DE LAGAZE-DUTHIERS. ici, en ne tenant compte que des grandes cloisons, 6 paliales et 6 non paliales. Les chambres ont une môme expression (1+2) ou (24-1); or, dans chacune de ces chambres, il y a un septa très mince, très peu avancé vers le centre, qui forme le troisième cycle. Dès lors, on a 6 systèmes réguliers absolument semblables. Si l'on compare cet exemplaire avec ceux chez lesquels on trouve 12 cloisons de première grandeur et 12 paliales, on voit ici comme Fig. 9. Très jeune Caryophyllia arcuata.— A, une portionjd'uii zoaDthodème de Lophohelia sur laquelle est fixée la jeune Caryopliyilie ; un peu plus grande que nature, elle a 9 nnillimètres de hauteur et 2 millimètres de diamèlre. B, sou calice vu normalement, dessiné à la chambre claire, en projection horizon- tale simple sans ombre ; la régularité est parfaite. A gauche (1, 2, 3), les cloi- sons sont notées d'après Milne Edwards et Jules Haime ; à droite {l, l), les cloi- sons limites d'un groupe qui est ici un système ; (m, p), cloison paliale, médiane paliale; (m^ int), les intermédiaires. Ce qui frappe dans cette figure, c'est la régularité géométrique de la symétrie radiée et le développement des palis. là une régularité très grande répondant au nombre 6 et à son mul- tiple par 2. Mais il y a cette différence que, dans le second cas, les cloisons qui étaient paliales sont devenues de seconde grandeur, en cessant d'être opposées aux palis, et que celles du troisième cycle, qui étaient les intermédiaires, se sont transformées en cloisons paliales. On voit, par cet e.\emple fourni par la figure 9, que le jeune, dès qu'il a commencé à se compléter, a pris les caractères qui permettent FAUNK DU GOLFlî DU LION. 107 de le distinguer non seulement des Desmophylles, mais aussi des autres Garyophyllies du golfe. Enfin, une dernière observation : si les palis ne devaient appa- raître que lorsque tous les cycles et systèmes sont développés, ils ne devraient pas être encore présents, puisqu'il n'y a dans ce jeune, que 3 cycles, alors que les auteurs français admettent, pour le groupe de la Caryophyllia arcuata, A cycles. Cette remarque confirme les vues présentées plus haut dans la discussion des caractères généraux des Garyophyllies. On voit encore, sur cette jeune et si régulière Caryophyllia arcuata, avec la dernière évidence, que si les 6 sepla primaires et les 6 paliaux, si les palis eux-mêmes paraissent fort épais, cela est dû aux plis ou apparences de plis qui existent sur leurs faces. En effet, en exa- minant les septa à la loupe, ils paraissent, comme ceux de première et de deuxième grandeur, fort épais. C'est que les ondulations de leurs surfaces produisent en se superposant au-dessus les unes des autres, l'apparence d'une épaisseur plus grande qu'elle ne l'est en réalité, car la limite du bord supérieur est mince. Les septa de troisième ordre paraissent extrêmement minces, com- parés à leurs voisins. Cela tient à ce qu'ils ne portent encore que des spinules qui deviendront plus tard, en croissant, saillantes et épaisses et qui leur donneront l'apparence d'un volume plus consi- dérable. Cette apparence, dans ce tout jeune polypier, jointe à cette régu- larité parfaite et que le compas ne réussirait pas à mieux reproduire, fournit la preuve incontestable de la formation des septa, d'après les indications qui ont été données si longuement dans l'étude des espèces précédentes. Je n'ai jamais rencontré une symétrie plus régulière dans un jeune montrant plus nettement une organisation aussi parfaitement con- forme aux idées qui sont exposées dans ce travail, enfin aussi com- plètement revêtu des caractères de Tadulle. 108 H. DE LACAZE-DUTHIERS. DES GŒNOGYATHES. Milne Edwards et Jules Haime ont donné ce nom à des polypiers composés, formés par bourgeonnement dont la puissance blastogé- nétique, quelquefois grande, produit des buissons, des touffes ou des bouquets caractéristiques, et offrant, avec les Cyatbines, un caractère commun qui permet de les reconnaître aisément. Ils ont une colu- melle, des palis; ils sont monostéphanés, n'ayant qu'une couronne de palis correspondant aux cloisons de seconde grandeur. Les filets et les dragues n'ont rapporté du fond du golfe qu'une seule espèce de Cœnocyathus, le cyiindricus, sur laquelle nous ap- pellerons tout d'abord l'attention. Mais on en trouve dans la Médi- terranée plusieurs autres, telles sont le Cœnocyathus coî'sicus et le Cœ.anthophyUites, décrits dans l'ouvrage français. Je pense qu'il faut ajouter à ces trois, une quatrième et nouvelle espèce, le Cœnocya- thus Mouchezii, que j'ai draguée en Afrique sur les côtes de Mansou- ria et que je dédie à l'amiral Mouchez. COENOCYATHUS CYLINDRWUS (PI. V, fig. 43, 14, 15). Dans l'ouvrage de MM. Milne Edwards et Jules Haime, la descrip- tion de cette espèce est suivie de cette mention : patrie inconnue. En se reportant aux figures données [Annales des sciences naturelles, vol. IX, année 1848, pi. 9, fig. 8), il n'est pas possible de rapporter à une autre espèce celle que nous avons trouvée dans le golfe. Elle a vécu dans l'aquarium du laboratoire Arago assez longtemps pour pouvoir nous permettre de donner la figure de son animal et celle de son polypier en parfait état (pi. V, fig. 13, 14 et 15). Deux fois cette espèce a été rapportée du golfe et de deux loca- lités fort différentes. Avec le Roland, M. Pruvot l'avait eue après avoir lancé les engins de pêche à la profondeur de 300 à 600 mètres sur FAUNE DU GOLFIÎ DU LION. 109 l'emplacement nommé dans sa carte des fonds plaine du Balandreau (vol. III, pi. XXX). Une seconde fois, au mois de septembre 1895, je Tai rencontrée sur une pierre de formation nouvelle, accrochée aux filets à Lan- goustes, tendus, en face du cap l'Abeille, à la faible profondeur de 40 à 50 mètres. Dans les deux cas, les individus étaient largement fixés par une lame de tissu s'étendant autour de la base du zoanthodème et dépassant de beaucoup les limites des cylindres formant les bouquets. Dans le premier cas, 5 calices étaient groupés, deux par deux, autour d'un polypier mort, beaucoup plus ancien et un peu altéré. Dans le second, un gros cylindre, élevé de près de 2 centimètres, était entouré à sa base par quatre jeunes polypes de grandeur diffé- rente, et dont le polypier était encore peu élevé ; non loin de ce groupe se trouvaient trois individus isolés et nés non par bourgeon- nement, ce qui prouve qu'à la blastogenèse basilaire s'ajoute la mul- tiplication par œuf et larves vagabondes. Les caractères très succinctement énumérés pour cette espèce par Milne Edwards et Jules Haime sont très exactement applicables à ces échantillons. Les poiypîérites sont Cylindriques, assez élevés, de 1 à 2 centi- mètres de hauteur. La muraille est très épaisse, à tissus compacts, brillante exté- rieurement, très blanche, sans côtes, mais présentant de fines stries longitudinales laissant deviner la limite des parties correspondantes aux crêtes des septa. Sur les individus non recouverts à leur base par des productions étrangères comme Bryozoaires, Mélobésies, Serpules, Éponges, la muraille est lisse, quoique très légèrement chagrinée. La coiumeiie est formée par un assemblage de 12 à 16 petites ligelles dont les médianes sont plus courtes, ce qui produit dans le milieu de sa surface une dépression. A première vue, on est frappé par l'élévation et le développement relativement grand de quelques cloisons de première grandeur, com- no H. DE L4CÂZE-DUTHIERS. parées aux autres cloisons qui sont serrées, rapprochées et très peu saillantes. Les cloisons paliales ne sont qu'un tout petit peu plus grandes que les cloisons intermédiaires. L'un des individus du groupe péché au large, et qui m'a paru le mieux constitué, présente 12 cloisons interpaliales de première gran- deur, qui se font remarquer tout d'abord par leur grandeur, mais il faut ajouter qu'alternativement les unes sont un tout petit peu moins hautes, de sorte qu'ici on observe bien distinctement 6 sys- tèmes (pi. V, fig. 14). La phrase descriptive {loc. cit., t. II, p. 20) de Milne Edwards et J. Haime : « Les cloisons du quatrième cycle ne se montrent pas dans une moitié d'un système », n'est pas toujours applicable et exacte. Les cloisons tertiaires, ou de troisième grandeur, sont très serrées, peu élevées et fort semblables entre elles. Celles de première gran- deur se font remarquer par leur hauteur et leur inégalité. Parmi celles-ci, de chaque côté de l'ovale du calice qu'on recon- naît avec peine, car il est peu allongé, on en voit trois plus éle- vées que les autres, répondant au petit diamètre. Celle du milieu des trois est presque égale aux deux autres, bien qu'elle ne soit que de deuxième ordre et appartienne au deuxième cycle ; cela fait 6 cloi- sons plus grandes qui attirent immédiatement l'attention (pi. V, fig. M, a). En admettant que les 12 plus grandes, un peu inégales, sont les plus anciennes et représentent les deux premiers cycles, on trouvera 6 systèmes que peut-être l'on aurait de la difficulté à reconnaître, si l'on ne tenait compte de ce plus grand développement des 3 cloisons placées dans la région répondant aux extrémités du petit diamètre, la médiane appartenant au deuxième cycle. La gravure héliographique n'a pas rendu (pi. V, fig. 14) très bien les dessins quant aux cloisons de troisième grandeur, mais on reconnaît, avec quelque attention cependant, les deux premiers cycles, en tenant compte de l'observa- tion qui précède sur les deux groupes des 3 plus grands septa. FAUNE DU GOLFE DU LION. Mi J'ai toujours constaté facilement les 4 cycles. Les palis sont peu étendus en largeur et en hauteur. Ils ne forment pas des lames planes et leur surface est un peu onduleuse, ce qui a pu faire dire aux auteurs français qu'ils étaient « épais»; en effet, vus d'en haut, ils le paraissent relativement (pi. V, fig. 14 et 15). Le calice, pris dans son ensemble, est à peine un peu ovale, dans les individus les plus développés ; il serait mieux de le considérer comme étant tout à fait circulaire (pi. V, Og. 13), car c'est le plus grand nombre des cas. Il n'est pas profond. Un caractère m'a paru constant ; sur les douze polypiériles obte- nus dans nos dragages, mais surtout sur les très jeunes individus de 1, 2 et 3 millimètres de hauteur, déjà, chez eux, columelle, palis et cycles sont bien constitués et faciles à reconnaître, bien que le diamètre du calice ne soit pas grand; on peut constater que les septa que j'appelle intermédiaires forment avec la cloison paliale des groupes de trois cloisons presque égales, et qu'ils sont plissés suivant leurlongueur, de telle sorte que, vus normalement au plan d'ouver- ture du calice, ils paraissent en zigzag (voir la planche V, fig. 15, un groupe de 3, entre 2 septa limites, le septa palial médian est un peu trop accentué, et les zigzags des cloisons pas assez mar- qués, ce sont là des défauts de gravure). Le sommet d'un pli alterne avec la dépression du côté opposé, et sans attention on pourrait croire que les sommets des plis sont dus à des épines ou des aspé- rités. Sur les individus ayant plus de 1 centimètre de hauteur^ et qu'on peut considérer comme étant à la fin de leur développement adulte, les septa de première grandeur ont perdu ce caractère, la sécrétion calcaire a comblé les sillons et leur lame paraît plane. Les lames paliales et intermédiaires présentent encore un autre caractère qu'il importe de signaler. Les cloisons primaires arrivent jusqu'à la columelle et dépassent les palis ; d'autre part, les septa intermédiaires arrivent, eux aussi, par leurs bords libres jusqu'aux H2 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. palis, égalant ainsi les septa paliaux (pi. V, fig. iA et 15, le graveur n'a pas rendu ce caractère suffisamment bien). Sur les individus offrant plus de i centimètre de hauteur, le calice devient un peu plus profond et c'est avec quelque peine que l'on reconnaît sur eux les caractères de la columelle et des palis, sur eux aussi le calice est un peu, mais très peu ovale. Sur deux de ces échantillons, le grand diamètre mesure 1 centi- mètre ; sur les autres, de 5, 7 et 8 millimètres. Dans ce cas, la pro- jection du calice est un cercle. Le diamètre de la base est égal à celui du sommet; de là, certai- nement, le nom très juste de l'espèce cylindricus. L'encroûtement basilairedu zoanthodème est assez épais, étendu et presque toujours recouvert par des productions étrangères en- croûtantes. Le polypier est extérieurement un peu chagriné, mais les granu- lations n'ont rien de rugueux et d'âpre ; elles sont lisses et séparées, suivant les crêtes qui débordent à peine la limite supérieure de la muraille, par un très léger sillon qu'on ne voit que sous certaines incidences de lumière et qui indique la place où devraient être les côtes correspondant aux septa. DU POLYPE. L'animal est très transparent quand il est épanoui. Les bras les plus longs ont plus d'étendue que le plus grand diamètre du calice ; piquetés de blanc, ils sont terminés par une boule également blanche. La couleur du péristome est extrêmement légère, sa nuance est un jaune un peu rougeâtre adouci et éteint; elle est due en grande partie à la couleur des replis mésentéroïdes et des tissus intérieurs, dont la teinte paraît par transparence au travers du péristome, mais le péristome lui-même est certainement aussi un peu de cette même couleur. M. J. Carus pourra désormais dans son Prodromus faunx méditer^ ranex ajouter le Cœnocyathm cylindricus qu'il n'a pas mentionné. FAUNE DU GOLFE DU LION. H3 CŒNOCYATHUS ANTHOPHYLLITES. Cette espèce est facile à diagnostiquer ; son port et ses caractères divers ne permettent pas de la confondre, d'abord avec la précé- dente et puis avec celle que Milnc Edwards et Jules Haime ont nommée Cœnocyatims corsicus. Elle est bien décrite dans l'ouvrage des auteurs français. Je ne l'ai pas trouvée dans le golfe du Lion. Je l'ai pêchée élant à bord du Narval, en 1873, aux environs de la Galite, quand l'amiral Mouchez relevait l'écueil des Sorelli. Il suffira de rappeler quelques-uns de ses caractères afin d'en établir la comparaison avec le Cœnocyathus cylindricus et celui que j'ai rapporté de mes pêches dans les eaux de Tabarca, de la Galite et de Mansouria. Les polypiérites varient beaucoup dans leurs proportions suivant l'activité de la blastogenèse ; ils s'élèvent dans tous les sens et pro- duisent des touffes buissounantes en broussaille. Ce qui semble assez caractéristique, c'est l'origine des bourgeons : ils ne naissent jamais sur le pourtour du bord libre du calice ; c'est presque toujours à quelques miUimètres plus bas qu'ils apparaissent ; leur premier accroissement se fait dans une direction perpendicu- laire à l'axe du polypiérite bourgeonnant ; et à une distance très variable, l'angle droit primitif formé par deux individus disparait. Le blastozoïte se relève en décrivant une courbe et devient parallèle à celui qui l'a produit, sa longueur peut varier de 5 millimètres à 3 et 4 centimètres. Les polypiérites se rencontrent, cela doit arriver, les directions variant et la blastogenèse étant active, ils se soudent très fréquemment dans les points de contact. Les mieux développés représentent des cônes très allongés plus ou moins courbés. Le calice est très profond. La columelle s'élève de son fond en cône ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3« SÉIUE. -- T. V. 18U7. 8 114 H. DE LACAZE-DUTHlliRS. un peu surbaissé, on aperçoit son sommet comme un point blanc dans le fond obscur de la cavité. Les palis sont peu développés et difficiles à reconnaître. Les cloisons sont minces et s'avancent peu vers l'axe du calice. Mais les plus grandes sont plus saillantes proportionnellement et, relativement, leur développement est grand ; presque toujours trois ou quatre d'entre elles se font remarquer par une épaisseur, une blancheur et une étendue plus considérables, ce qui a été bien rendu dans la planche IX des auteurs français du tome IX des Annales des sciences naturelles, 3" série. A l'aide de ces caractères, il sera facile de faire la difl'érence avec les espèces décrites ici. Cœ^OCYATHVS CORSICUS. Il ne peut en être question que pour trouver l'occasion de faire l'observation suivante : Certains polypiers formant des buissons semblent avoir des carac- tères, tels qu'au premier abord on devrait et pourrait les recon- naître ; or la nature des fonds apporte souvent des conditions de parasitisme si grandes que les formes générales peuvent être alors profondément modifiées, tel est le cas où ayant trouvé près de la Galite une machiotta qui présentait comme une couche de polypes formés évidemment par blastogenèse, l'espèce me parut être le Cœnocyathus corsicus; bien qu'il n'eût ni le port ni la plupart des caractères «du Cœnocyathus anthophyllites ; des mélobésies encroû- tantes développées à la base des polypiérites, avaient gêné la blas- togenèse ainsi que l'évolution des polypes, et à une apparence é'anthoijhylliles ou de corsicus avait succédé une physionomie toute particulière ; après avoir dégagé les polypiers de leurs parasites de toutes sortes l'encroûtant, il fut possible alors de reconnaître que la forme blastogénétique était différente, que les blaslozoïtes étaient tous nés, plus ou moins bas, sur une lame étendue autour de la base FAUNE DU GOLFE DU LION. UH d'insertion de l'oozoïte et que l'espèce, par sa columello, par son mode de multiplication blastogénélique, devait être rapportée au Cœnocyatkus cylindtncus. Il n'est pas douteux que, ainsi qu'il a été dit plus haut, à la fois la très faraude analogie et la similitude qui existent chez les individus très jeunes, les modifications que peut faire naître dans le port ou la disposition générale des individus tourmentés par renvahissement des êtres parasites contre lesquels ils ont à lutter pour l'existence, ont conduit certainement des auteurs allant un peu vite et n'ayant pas toujours des matériaux suffisamment complets sous les yeux, à prendre des caractères exceptionnels pour des caractères d'une valeur absolue, d'oii, pour les naturalistes désireux d'arriver à des déterminations exactes, des difficultés réelles. Pour l'espèce dont il est question, je n'ai pu la reconnaître dans les échantillons rapportés de mes voyages d'Afrique ou dans ceux péchés dans le golfe du Lion par mes embarcations. CCENOCYATHUS MOUCHEZII, n. sp. de L.-D. (PL V, fig. 10, 11 et 12). En revenant des parages de Tabarca, de la Galite et de la Galle, je désirais beaucoup faire quelques recherches sur les fonds de peu de profondeur dans l'anse de Mansouria, en face des ruines de l'ancienne cité romaine Roussicada. Je savais que l'on avait péché du corail dans celle localité à une profondeur de 10 mètres. Le commandant Mouchez voulut bien stopper un temps assez long pour me permettre de donner quelques coups de faubert, et le patron de la chaloupe à vapeur Marty, qui avait appris à manier l'engin des corailleurs pen- dant la campagne aux environs de la Galite, me rapporta du corail d'assez belle qualité venant d'une faible profondeur, 8 à 10 mètres. Mais, avec les débris de rocher, l'engin me donna aussi un Coral** liaire en touffe que j'eus vivant, dont je pus dessiner les animaux 116 H. DE LACAZR-DUTHIERS. (pi. V, fig. 10, H, 12), et qui me paraît être une espèce nouvelle, ne pouvant la rapporter à aucune des trois dont je viens de rappeler les caractères. Je la dédie au brave et regretté amiral Mouchez, en souvenir de notre campagne. Il fut si affectueux, si heureux de voir mes pêches fructueuses, que je ne saurais adresser à sa mémoire un meilleur souvenir de reconnaissance qu'en lui dédiant cette espèce. Le temps que j'ai passé à son bord ne peut s'effacer de ma mémoire. Pendant un mois et demi, j'ai partagé, à bord du Narval, sur les côtes de l'Algérie, depuis Tabarca, où les démonstrations des Tuni- siens furent hostiles (c'était en 1873), jusqu'à Alger, la vie de bord de mon regretté confrère à l'Académie. Il me souvient de l'avoir vu, après les rudes journées de son travail hydrographique, par une température parfois sénégalienne, venir s'asseoir à côté des produits de mes dragages et s'informer avec anxiété de la nouveauté, de la richesse de mes pêches. Ce fut une campagne bien favorable pour mes études et je suis en ce moment heureux de consacrer ces quelques lignes au bon souvenir que m'a laissé l'affectueux, franc et loyal amiral qui m'avait reçu à son bord comme sait le faire un véritable ami. Le zoanthodème que je possède (voir pi. V, fig. in) est formé de 22 polypiérites. Sur ce nombre, 6 sont très jeunes et nés d'em- bryons libres ; ce sont des oozoïtes fixés entre les blastozoïtes ayant à peu de chose près la même grandeur qu'eux. La figure ne présente qu'une partie de la touffe. Les calices sont coniques. L'un d'eux, détaché, présente tout à fait la forme d'une Cyathine. Le grand diamètre de son calice mesure 10 millimètres; la section de sa base détachée du groupe, 3 milH- mètres, la hauteur étant de 20 millimètres. On voit que le cône est loin d'être surbaissé. Sur un autre polypiérite, la hauteur est de 30 millimètres ; le dia- FAUNE DU GOLFli DU LION. 117 mèlre du calice, de 12 millimètres. La section de base d'au moins 5 millimètres, lUiiraiiie. — Elle présente un caractère qui différencie ce Cœno- cyalhe des autres; si la muraille est peu épaisse, si les grands septa offrent de l'analogie avec les parties homologues chez le Cœnocyalhus anthopkylliles de grande taille, l'extérieur du polypier présente ici des côtes très marquées, dont les granulations en simple, double ou triple série, suivant les individus, sont plus saillantes que les innombrables papilles granuleuses donnant l'apparence d'une sur- face finement chagrinée chez Vanthophyllites. Ces côtes n'existent pas sur les squelettes des autres espèces que j'ai recueillis. La différence des diamètres du calice, la forme conique très sem- blable à celle des Caryophyllies, distingue cette espèce de celles déjà décrites. Les cloisons de première grandeur sont le plus souvent au nombre de six. Leur épaisseur, leur grandeur, car elles s'avancent très près de l'axe central, les font très vite remarquer; elles limitent six sys- tèmes, dont quelques-uns incomplets, divisés en deux moitiés par les cloisons de deuxième grandeur qui sont loin d'avoir la même épaisseur et de s'avancer vers le milieu du calice autant que les primaires; une ou deux souvent peuvent égaler les plus grandes. On retrouve sur le Cœnocyathus Mnucliezii le caractère que l'on a vu dans le C . cylindricus. Le calice est très légèrement ovale et, sur les deux côtés opposés répondant au plus petit diamètre, les cloi- sons de première grandeur sont beaucoup plus fortes et développées que leurs homologues situées à l'extrémité du grand diamètre. On est frappé de cette différence à première vue (pl.V,fig. 11). Entre elles, la cloison de deuxième grandeur égale les deux primaires, ses voi- sines, et ici, comme dans l'espèce précédente, on est frappé de la prédominance des deux groupes opposés formés de trois grandes cloisons. Les septa intermédiaires et paliaux ont leurs faces couvertes de 118 H. DE LACAZE-DUTHIERS. granulations aiguBs très nombreuses, dont l'existence est facile à constater. 1.8 bord du calice est un peu dépassé par le somnciet des cloisons les plus grandes et les plus élevées. La coiumelie est très peu développée ; sa plus grande longueur n'a guère que 2 millinnètres, c'est une faible étendue dans un calice ayant 10 millimètres pour son grand diamètre. Elle occupe donc tout au plus 1 cinquième de l'étendue du grand diamètre. Elle est profondément enfoncée, le calice ayant bien 5 millimètres de profondeur, c'est-à-dire une profondeur très grande relative- ment à la taille. Elle est formée tantôt de deux ou trois rubans tordus rappelant les mêmes parties dans lesCyathines, tantôt (c'est plus rare) ces rubans sont remplacés par des tigelles plus nombreuses non tordues ter- minées en boutons libres. Dans un cas, j'en compte huit placés quatre à quatre sur deux lignes (fig. 12, le graveur n'a pns rendu dans cette figure la physionomie de la coiumelie). Les palis (fig. M et 12) sont peu développés, et le bord de la cloison paliale est épais et plus granuleux; tantôt ils sont lamellaires et cachés dans le fond du système auquel ils correspondent, moins élevés que les rubans columellaires, tantôt ils ressemblent aux élé- ments de la coiumelie dont ils ne se distinguent guère que par une situation plus externe. La blastogenèse ne m'a pas paru, sur le zoanlhodème unique que j'ai, êtrecalicinale; elle m'a paru, comme pour le Cœnocyathus cylin- dricus, être basilaire et produire de nouveaux individus près du pied des polypiérites. Les jeunes bourgeons acquirent rapidement les caractères princi- paux de leurs reproducteurs ; leurs cloisons principales se conti- nuent bien évidemment avec les crêtes qui débordent la muraille. Les trois ou quatre oozoïtes existant entre les polypiérites et que l'on peut à bon droit, je crois, rapporter à la reproduction sexuée, ont paru suivre la règle qu'on a vu exister chez les Caryo- FAUNK nu GOI.FE DU LION. H9 phyllies, c'est-à-dire avoir d'abord six cloisons primitives auxquelles viennents'en ajouter six secondaires, et ce n'est qu'après laformation de ce nombre que la différence des grandeurs se manifeste. Tel est le polypier de la nouvelle espèce qui s'est trouvée sur les bancs coralligènes de la côte nord de l'Algérie, et plus particu- lièrement à Mansouria, mais que j'ai souvenir d'avoir rencontrée aussi dans les eaux de la Galle. Le polype (fig. 10) s'épanouit d'une façon régulière. Les tentacules de premier ordre s'élèvent en formant en général comme une urne élégante; les secondaires se relèvent autour de la base des grands tentacules; les tertiaires sont eux-mêmes redressés et cette dispo- sition s'est présentée le plus souvent bien régulière quand les animaux ont ouvert et épanoui leur corolle. Ils ont tous paru moins disposés à s'étaler en roue, ainsi qu'on l'a vu chez le Cœnocyathus cylindricus (comparer pi. V, fig. 10 et 13). Les tentacules de tous les ordres sont piquetés de points blancs (batteries) ; leur boule terminale est très marquée et bien sortie sphérique et nettement distincte des tentacules. La teinte de l'animal est un brun un peu vineux, qui a paru sem- blable dans tous les individus formant l'association des blastozoïtes de cette espèce. Elle est à joindre à la liste des espèces méditerranéennes de ce genre qui s'élève dès aujourdhui à quatre. 120 H. DE LAGAZE-DUTHIERS. DES PARACYATHES. Milne Edwards et Jules Haime ont créé ce genre d'après un ca- ractère facile à constater. Aussi peut-il paraître étonnant que des auteurs, qui semblent devoir réformer toutes les classifications en citant un exemple de polypier, placent à côté du nom du genre Pa- rflc?/ai/ms un point d'interrogation. Pour l'espèce, oui. Mais le genre? 11 appartient au groupe des Poiystéphanés, c'est-à-dire à celui dans lequel les palis forment au moins deux couronnes. Par leur forme, leur port et toute l'apparence extérieure, les Pa- racyalhes ressemblent à s'y méprendre aux Caryophyllies élevées et pédonculées. Aussi n'est-il pas étonnant qu'à l'époque éloignée où Philippi faisait ses recherches, alors que l'analyse des moindres détails descriptifs n'était pas poussée très loin, le savant italien ait confondu les Paracyathes avec les Caryophyllies. L'espèce trouvée dans le golfe du Lion n'est pas rare, je l'ai eue aussi à la Galle sur les pierres des fonds coralligènes. Je l'ai retrouvée à plusieurs reprises pendant la campagne du Narval en 1873. Milne Edwards et Jules Haime signalent deux espèces dans la Méditerranée : le Paracyathus pulchellus et le P. slriatus, correspon- dant aux deux espèces de Cyathines que Philippi désignait par ces noms spécifiques. On doit croire que le nombre des individus obser- vés par cet auteur n'était pas grand, car avec 26 individus dont 6 des eaux de la Galle et 20 du golfe, il est difficile de reconnaître les espèces. M. Carus, dans sa Faune méditerranéenne, compte sept espèces. Je suppose que lorsqu'il résumait en latin leurs caractères, il les avait toutes sous les yeux. Mais je crains que les naturalistes qui trouveront des Paracyathes dans la Méditerranée arrivent difficile- ment à les déterminer avec l'ouvrage de M. Garus. Dans son second mémoire publié dans les Transactions de la R. Société zoologique de Londres (p. 240, vol. X), Duncan, à propos du FAUNK DU GOLFE DU LION. 121 Paracyathm striatus de la Méditerranée, écrit celte phrase bien signi- ficative : « There is not dovibtthatthe difficiilty of the discriminating Ihe species of Paracyalhus is very great. » C'est là une grosse vérité vraie, car j'éprouve, je l'avoue, un grand embarras pour arriver à une diagnose précise. Cependant Duncan lui-même a fait de nombreuses espèces pour les individus péchés par le Porcupine dans la Méditerranée. M. Carus n'a fait qu'indiquer ces espèces en les habillant de latin. II faut d'ailleurs reconnaître que toutes les figures données par le savant anglais ne facilitent pas les déterminations. Milne Edwards et Jules Haime partagent les Paracyathes d'abord en deux groupes, suivant que les palis sont lobés ou entiers. Or, non seulement il n'est pas toujours facile de reconnaître le lobe interne des palis, car pour le voir au fond du calice, la consta- tation n'est pas possible sans faire des préparations qui altèrent les échantillons, ce que les descripteurs n'aiment pas ; mais souvent aussi il arrive que les éléments de la columelle se confondent avec les palis. Et j'avoue avoir été dans quelques cas fort embarrassé pour la détermination de ce caractère qui, à première vue, semble extrêmement précis, et qu'on croit du plus grand secours. Si la simplicité ou la duplicité des palis était facile à constater, et surtout aussi constante que bien des auteurs ont semblé le croire, les déterminations seraient singulièrement facilitées. Mais je dois le reconnaître, sur 26 échantillons en parfait état que j'ai recueillis sur les côtes d'Afrique ou dans le golfe du Lion, un bon nombre présentent tantôt ce caractère d'un côté du calice, tantôt ne le pré- sentent que sur un ou deux palis. Le doute est bien permis dans ces conditions, et les difficultés pour la détermination reconnues par Pourtalès et Duncan ne sont que trop réelles. On comprendra ma réserve, car je retrouve les mêmes difficultés que mes savants prédécesseurs. 122 H. OE LACAZR-DUTHIERS. PARACYATHUS STRIATUS et PULCHELLUS (PI. VI, fig. 1 à 6). I Le polype de cette espèce a vécu longtemps dans les bacs du laboratoire Arago. On en trouve la figure de grandeur naturelle, planche VI, figure 1 *. Jamais il ne s'est épanoui de façon à paraître étalé comme on le voit pour les Caryophyllies. Ses tentacules, dans leur ensemble, ont toujours produit l'effet d'une touffe bien garnie. Ils sont très transparents. Leur boule terminale est très bien formée ; elle représente presque une sphère au-dessous de laquelle s'attache le sommet assez grêle du tentacule (fig. 6). Les batteries ou taches blanches du tentacule sont assez espacées, relativement peu étendues et prolongées par un ou deux appendices opposés et filiformes. L'animal ressemble à celui des Caryophyllies, et par son observa- tion seule il m"a élé impossible de saisir quelques caractères dis- tinclifs. Le péristome ne m'a pas paru avoir une livrée bien caractérisée; il est lavé d'un jaune un peu rougeâtre, sans cependant être orangé. La couleur est faible et d'un ton peu élevé; elle est surtout due à celles des entéroïdes, des glandes génitales et des tissus des mésen- téroïdes se manifestant par transparence au travers des tissus. Lorsque le Paracyathus, dont on trouve ici la figure, commença à s'épanouir, je n'avais aucun doute sur sa nature ; je le considérais absolument comme étant une jeune Garyophyllie, tant sa ressem- blance était grande avec la Caryophyllia arcuata. Les tissus du péristome voilant les palis, il n'était pas possible de reconnaître la double couronne de ces éléments destinés à caracté- ' C'est l'échantillon de grandeur naturelle dont le polypier est photographié planche VII, figure 3, qui ressemble par le port et les caractères au Paracyathus pulchellus. FAUNK nu GOLFE DU LION. 1S8 riser le genre; même méprise pourra assurément se produire lors- qu'on observera d'autres espèces vivantes du genre sansvoir le polypier. II DU POLYPIER. Le port de cette espèce est assez constamment le même sur les différents individus recueillis dans le golfe. La forme est celle d'un entonnoir ou d'un cône dont le somrnet n'est pas très aigu, quoique bien caractérisé; cela tient à ce que le point d'attacbe par lequel est fixé le polypier s'étale habi- tuellement en une expansion qui dépasse en étendue la surface de projection du calice (fig. 1). Cette partie répondant au point d'at- tache est très difîérenle. Suivant la nature de la surface du corps étranger, on reconnaît que la sécrétion calcaire s'est moulée en s'étendant sur les irrégularités de la surface du support. Le calice est profond, et sa cavité non comblée descend bas entre les septa, les palis et les tigelles de la columelle. La muraille est mince, transparente, et son limbe est fort distinct (pi. VI, fig. 2 et 3). Il est difficile, en voyant ces figures, d'admettre que la muraille est le produit de la coalescence des parties extérieures des septa arrivant tous à se toucher et à s'unir. Quand on observe normalement le calice, perpendiculairement au plan tangent à son limbe, suivant son axe vertical médian, on voit les espaces laissés entre les éléments constitutifs du polypier, la clarté et la lumière pénétrant facilement au travers de la couche mince qui forme la theca. Cloisons. — Les caractères des septa sont importants et faciles à reconnaître. Les exemples sur lesquels on compte le nombre 6 ou son multiple ne sont pas rares. C'est le cas du cahce dessiné figure 2, planche VI. Au premier abord, il est assez difficile de distinguer au milieu des douze pins grands septa ceux qui sont de premier et de deuxième ordre, tant leur égalité de taille est grande. 124 H. DE LAGAZE-DUTHIERS. Les groupes paliaux sont d'une grande netteté (pl.VI,rig.3,sp.m). Il est difficile de séparer l'histoire des différents septa de celle des palis et de la eoiumeiie. Toutefois une observation même superfi- cielle, surtout à la loupe, montre bien vite la différence qui existe entre les septa de première grandeur et ceux qui sont paliaux et in- termédiaires. Cette différence porte surtout sur la hauteur des crêtes des cloisons qui se manifestentainsi avec grande évidence (voir pi. VI, fig. ^, '() ; elles sont du reste, quant au caractère des détails de leur surface, à peu près semblables aux autres septa intermédiaires et paliaux, mais elles sont dans leur ensemble plus épaisses. Les septa de première grandeur s'avancent vers le centre, jusqu'à peu près à la limite du premier et du second tiers externe des palis simples ou doubles du groupe interpalial. On n'oublie pas que les Paracyathes, étant des Po/ystéphanés, les cloisons de première grandeur ont en face de leur extrémité interne un palis dont la présence s'oppose bien évidemment à la pénétration très avant vers le centre de leur bord interne. Les groupes paliaux sont ici d'une très grande netteté (pi. VI, fig. 2 et 3, in, sp, in). Dans aucune autre espèce, on ne trouve plus régulièrement constitués ces groupes cloisonnaires. Le septa palial est toujours un peu plus épais que les intermé- diaires qui l'avoisinent. La cloison paliale (.s;^) s'avance jusque très près du premier palis correspondant; on croirait les deux unis. Cependant un intervalle les sépare. Les deux cloisons intermédiaires [in, in) se courbent un peu à leur extrémité interne en se rapprochant ainsi du palis; elles s'avancent vers le centre plus que l'extrémité de la cloison paliale. Les trois sont convergentes vers le palis. L'espace qui sépare les cloisons, qu'elles soient intermédiaires, paliales ou limites (de première grandeur), est égal entre toutes les cloisons (pi. VI, fig. 3). Les septa, quels qu'ils soient, à quelque ordre qu'ils appartien- FAUNE DU GOLFlî DU LION. 12S nent, sont couverts de grosses graïuilatious, ou mieux, d'amas de granulations qui ne font jamais défaut (pi. V, fig. 3). Leur disposition en lignes parallèles au bord libre du septa est des plus évidentes (fig. i) ; cette disposition a été remarquée et reproduite pour d'autres espèces par les auteurs. La régularité des groupes paliaux est remarquable. Les palis sont tous massifs et leur projection est plus ou moins rapprochée de celle d'un coin, la plus grande largeur étant du côté de l'extérieur, du côté de la circonférence. Dans l'exemple figure 3, planche VI (/>^), le lobe externe du palis est très nettement cunéiforme, et sa portion élargie correspond aux extrémités des trois septa (palial et intermédiaires). Dans la figure 2 d'ensemble, on voit aussi très bien ce caractère cunéiforme. Le lobe interne du palis (/y') est beaucoup plus petit et présente à peu près la taille de l'élément correspondant (c) de la columelle. Cet exemple est l'un de ceux où la lobation est la mieux mar- quée. Mais qu'on examine avec la plus grande attention la figure 2, planche VI, qui est copiée avec une scrupuleuse exactitude sur une photographie, sans avoir le polypier sous les yeux, et l'on verra que, s'il est possible de trouver des palis doubles dans un groupe palial, il en est quelques-uns qui sont simples. Ce caractère n'est donc pas aussi constant et absolu qu'on l'a cru. Les palis qui peuvent être lobés sont ceux qui correspondent aux cloisons médianes d'un groupe palial; cela devait êlre^ puisque ces cloisons ont une étendue moins grande et que les palis cor- respondant aux cloisons primaires ne peuvent pas s'étendre aussi loin. . Les palis répondant aux septa de première grandeur sont un peu moins cunéiformes et naturellement bien moins épais vers leurs bords extérieurs, puisque les cloisons primaires s'avançant vers le centre dans presque toute la largeur du lobe externe des palis du groupe palial les enferment entre leurs extrémités. Les crêtes des septa sont saillantes, et cela d'autant plus qu'elles 126 H. DE LACAZE-DUTHIERS. appartiennent aux cloisons les plus grandes ; les tubercules qui les couvrent sont également saillants sur tous les septa. En observant de profil les calices, on voit très nettement (pi. VI, flg, 4) la hiérarchie des grandeurs (I), [sp), (in) ; les groupes paliaux [sp) plus bas se distinguent facilement des septa limites (I) ou de pre- mière grandeur (voir surtout tig, 4 de profil, la planche VI). Un caractère de ces dernières crêtes est manifeste; elles sont plus éle- vées que celles du groupe palial, mais ôelte différence d'élévation augmente relativement d'autant plus que le septa s'approche davan- tage des palis. Dans ce point, les trois extrémités du septa palial et des deux intermédiaires paraissent très déprimées eu égard à l'élé- vation des crêtes limites. Les côtes sont toujours extrêmement distinctes et couvertes des mêmes granulations que les crêtes et que les septa eux-mêmes (sur la planche VI, figure 4, et la planche Vil, surtout les figures 3 et 4) ; la photographie a rendu avec pleine évidence le nombre et la gran- deur de ces granulations. Les côtes ainsi fort accusées descendent très bas sur le pédoncule des calices. Sur les individus intacts l'éplthéque existe dans la partie supérieure et même jusqu'au bas sur le pied, vers le point d'attache du poly- pier, se manifestant toujours comme un glacis, un vernis délicat (pi. Vil, fig. 3); il est dû au corps mou qui recouvrait cette partie. Il n'existe pas sur les échantillons dont la croissance a été gênée par le dépôt des concrétions. Dans la figure 4 de la planche VII, on voit bien, aux zones circulaires étranglant le polypier, que sa crois- sance a dû être entravée, à plusieurs périodes de son existence, par les dépôts des matières étrangères déposées sur la surface. Gomment se multiplient les groupes paliaux? Dans les Paracyathes, la multiplication se produit absolument de la même façon que dans les Cyathines. Sans répéter ce qui a été déjà plusieurs fois] dit, que le lecteur FAUNK DU GULFE DU LION. 127 considère, dans la ligure 2 de la planche VI, le secteur A. 11 y verra que la cloison intermédiaire (in^) sest soudée par son extrémité centrale avec le palis dont un des angles s'est allongé vers elle, et que, entre les cloisons limites inférieures et septales {sp), se sont développées de nouvelles cloisons intermédiaires {x) et {y), de telle sorte que la cloison intermédiaire (in*) devient paliale. 11 y a donc ainsi un groupe palial nouveau de formé. Plus tard, la cloison (sp) [septa palial] deviendra de première grandeur; une partie du palis, croissant seulement en face de son extrémité centrale, paraîtra isolée et dépendra d'un nouveau groupe. il y a, chez les Paracyathes, un processus semblable de multipli- cation à celui qu'on a vu dans les Cyathines ; un nouveau groupe s'introduit comme un coin dans les groupes précédents, et il y a substitution hiérarchique des cloisons qui, d'un ordre inférieur, pas- sent à un ordre supérieur. Reste la coiumeile, qui présente une très grande uniformité de conformation. Elle est formée par une série de tigelles qui s'élèvent, dans le centre, bien moins haut que les palis. Ces éléments varient, pour le nombre, de 15 à 25 ; c'est presque toujours de 16, 17 à 18, 19. Les têtes de ces tigelles sont libres, mais, assez peu au-dessous de leurs extrémités supérieures, des bandes calcaires transversales les unis- sent entre elles dans le bas. Ces tigelles forment comme un ensemble de pilotis, qui sont d'au- tant plus profondément enfoncés dans le calice qu'ils sont plus centraux; de là, ce caractère constant d'une dépression centrale de la coiumeile et de la similitude des tigelles de la circonférence avec les palis, surtout quand ceux-ci sont lobés. Il importe à propos de la coiumeile d'insister encore sur les diffl- cultés et le peu de fixité que fournit la lobation des palis. Dans quelques cas, l'observation semble donner des résultats difle- rents suivant que la loupe ou le polypier sont plus ou moins in- clinés et que la lumière tombe plus ou moins obliquement sur l'objet. 128 H. DE LAGAZE-DUTHIËRS. Sousuiilaible grossissement, avec un demi-objectif n" 1 de Nachet, j'ai trouvé des lobes deux et trois fois, tantôt au palis du septa palial, tantôt au palis de la cloison primaire. J'avais cru un moment pouvoirclassermes échantillons d'après ce caractère, eL avoir trouvé la différence concordant avec la saillie des crêtes et des côtes, enfin la forme cratériforme évasée, dans deux échantillons dont je donne le dessin (pi. VU, toutes les figures). Les échantillons à forme légèrement conique, à bords non renversés du calice, que j'avais réunis en un groupe, me paraissaient n'avoir pas de palis lobés, puis en soumettant celui-là même qui a été le sujet du dessin de la planche à l'examen sous un faible grossisse- ment, la lobalion de quelques palis disséminés çà et là et d'ordre difi'érent, m'a paru incontestable. 11 convient de remarquer que, si ce caractère est incertain, cela tient à ce que la columelle offre de son côté un caractère qui vient porter le trouble dans une juste appréciation dés choses ; en effet, on vient de voir qu'elle est composée de 17, 18 et 20 tubercules ou sommets de papilles érigées verticalement dans le fond du calice et s'élevant à des hauteurs ;.différentes, d'autant plus grandes qu'elles sont plus voisines de la circonférence. Il peut donc se trouver que quelques-unes de ces papilles en face des vrais palis soient unies par leur pied avec ceux-ci et qu'alors ces palis puissent paraître bilobés (fig. 5 {c) columelle (p-p), les deux lobes du palis, [sp) septa palial). L'impression que t'ont naître cette observation et la vue de la figure 5 est qu'il y a dans la constatation de ce caractère une incer- titude que l'observation d'un très grand nombre d'échantillons, avec préparations à l'appui, pourra seule faire disparaître. On devrait cer- tainement sacrifier beaucoup d'échantillons, pour observer sur une coupe suivant l'axe central, afin d'avoir les palis et la columelle sous les yeux, vus de profil. Il serait alors possible de se rendre un compte plus exact de la valeur spécifique de la lobation. Mais se résoudre à ce sacrifice coûte à quiconque a recueilli I FAUNE DU GOLFE DU LION. 129 avec soin et beaucoup de peine des échiantillons même nombreux. Du reste Duncan, dans son travail, reconnaît le premier, on l'a vu, toute la difficulté de la diagnose. L'une des causes de la difficulté de l'observation et surtout d'une exacte représentation d'un calice vue normalement par l'axe central, est la dépression du centre de la columelle. Je le répète, le dessin (pi. VI, fig. 5) montre très exactement la vue de profil d'un septa {sp) palial, {p) et [p') les deux lobes du palis, (c) l'un des éléments de la columelle; on voit par cette figure que le passage de la columelle aux palis lobés se fait par une transition insensible. III Telles sont les particularités les plus importantes que présentent les Paracyathus recueillis dans le golfe. Tout ce qui vient d'être dit se rapporte plus particulièrement au genre qu'à l'espèce pour la diagnose de laquelle commence l'em- barras. C'est à dessein qu'ont été placées à côté l'une de l'autre les figures 3 et 4 dans la plancheVlI, elles ont été beaucoup plus grossies que dans le groupe supérieur (fig. 1) oii le grossissement est de trois fois. La question du grossissement est pour beaucoup dans la physionomie des polypiers. Certainement, en ne tenant compte que des descriptions données par les auteurs, la figure 3 répond au signalement du Paracyathus pulchellus, de même que la figure 4 correspond aux caractères du Paracyathus striât us. Milne Edwards et Jules Haime, après avoir décrit les deux espèces, ajoutent à propos de celte dernière : « Voisine, par la forme générale, du Paracyathus pulcheUus. » J'ai des échantillons de la Galle, détachés d'un vase de faïence, péché sur les fonds coralligènes, qui, ayant séjourné longtemps au fond de la mer, portait des groupes de jeunes Cœnocyathus Mouchezii^ aKCH. de ZOOL EXP. et GÉN — 3e SÉRIE. — T. V. 1897. 9 130 H. DE LACAZE-DUTHIERS. des Caryophyllia cyathus et des Paracyathus ; ceux-ci étaient-ils des P. africanus de Duncan (/o^. cit.), péchés sur les côtes de Tunis, ou son P. costatm « Coral zone «de la Méditerranée? J'avoue que j'éprouve beaucoup de difficultés à les distinguer. Les échantillons présentent de telles différences individuelles, dans les conditions extérieures, que, sans avoir à ma disposition les échan- tillons originaux des Paracyathus décrits parDuncan pour les com- parer avec ceux de nos dragages, je préfère rester dans l'indécision. On a vuplushautqu'un caractère qui paraissaitde la plus grande valeur, celui dépendant de la lobation des palis, n'était ni constant ni surtout facile à reconnaître. J'en trouve la preuve dans le mé- moire de Duncan (p. 240, t. X, part. 5), qui, à propos des espèces Paracyathus Agassizi et P. conferlus, dit : « The figure given by Gount Pourtales of Paracyathus confertus shows distinctly ...and per- fectly well-formed bilobed pâli. But in the spécimen which I received from him this character of the pâli is uot présent. » Cela est bien en rapport avec ce que je crois pouvoir affirmer et qu'on vient de lire. Une observation attentive des photographies (pi. VII) permettra de vérifier que sur un même individu on trouve des palis simples et des palis bilobés. Pour la discussion des espèces à l'aide des descriptions très écour- tées et des dessins, il faut encore faire celte réserve, que dans l'ou- vrage du comte de Pourtales, comme dans celui de Duncan, la théo- rie des systèmes est la base des descriptions et des caractères, et quand on y trouve les expressions h palis des septa de troisième ordre n ayant tel ou tel caractère, il faudrait d'abord établir nettement ce que sont les ordres des septa, chose qui est loin d'être faite. Quant aux figures, celles des calices des espèces Paracyathus africanus (fig. 2'2) et P. costatus (fig. 23), sont tellement confuses dans le deuxième mémoire de Duncan (t. X, part. 5, pi. XLIV) qu'elles sont absolument illisibles au point de vue qui nous occupe et qu'il est impossible de leur comparer les calices des espèces trouvées dans le golfe. FAUNE DU GOLFE DU LION. 131 Nous admettrons donc les deux formes (pi. Vil, !ig. 3) ParacyatUus pidchellus et (fig. 4) P. striatus comme représentant ce genre dans le goUe. La figure de l'animal vivant (pi. VI, fig. \) se rapporte à la forme pulchellus, ainsi que les figures 2, 3 et 4. TURBINOLIENS. Dans celte sous-famille, le golfe a deux représentants appartenant, l'un, au premier agèle : les Turblnoiiacées, c'est le genre Desmo- phyllum; l'autre, au second agèle : les Fiabeiiacées, c'est le genre Flabellum. DESMOPHYLLUM (PI. VI, fig. 7 à 11). Le genre et l'espèce sont faciles à reconnaître. Le polypier varie beaucoup ; aussi a-t-on pu être tenté de faire des espè(;es basées sur des variétés de caractères secondaires. Dans son premier mémoire sur les polypiers rapportés par le Por- cupine, Duncan insiste sur la variabilité des formes qu'il attribue à des causes diverses (voir p. 321). La figure et la description de Milne Edwards et Jules Haime ne peuvent laisser de doute et rien à désirer sur leur exactitude. Nous n'avons donc que peu de chose à dire de ce genre et de l'espèce qui est bien le Desmophyllum crista-galli. On trouvera planche Vll^ des numéros 7 à 11, quatre figures de Desmophyllum : deux pour montrer les variations extrêmes et une pour donner une idée de l'animal ; enfin, une pour les très jeunes individus. lin Desmophyllum ayant vécu près de trois mois dans l'un des bacs de l'aquarium Arago et ayant pu être photographié par M. Ro- bert, j'en donne le dessin d'après cette photographie. 132 H. DE LACAZE-DUTHIliRS. Sur les trente-six échantillons recueillis dans les dragages, il n'en est pas un de semblable ou complètement identique ; quelques-uns sont trapus, d'autres allongés. Celui dont on trouvera la figure à la planche VI, figure 10, a 98 millimètres de long en prenant cette me- sure du côté de la convexité de sa courbure; son calice, dans son grand diamètre, a 25 millimètres, et transversalement, pour son petit diamètre, 15 millimètres. Un autre échantillon très beau (fig. 7), très complet, ressemblant, à s'y méprendre, à celui qui servit à faire le dessin de MM. Milne Edwards et Jules Haime, est haut de 45 millimètres en prenant la mesure à partir du sommet des plus hautes cloisons; son calice a 30 millimètres dans un sens, 20 dans un autre. Quelles dillérences entre ces proportions ! Le calice du plus grand individu que nous ayons péché mesurait bien près de 40 millimètres dans son grand diamètre, et 25 dans son petit diamètre. Sa hauteur n'a pu être appréciée, la base ayant été rompue à la hauteur de 3 centimètres. Le plus petit Desmophyllum rapporté par nos filets n'avait que 1 centimètre et demi de hauteur, encore était-il courbé. Sa base était circulaire et plus large que son calice ; celui-ci, peu ovale, présen- tait, comme diamètre,! millimètre et demi à 2 millimètres (fig. 9, a). Quand on a sous la main de nombreux échantillons, l'on est fort embarrassé pour faire le choix d'un caractère dominateur de l'espace. Tel individu offre des côtes très marquées, saillantes, qui sont in- contestablement la trace empâtée de la partie extérieure du bord libre des septa débordant en haut et en dehors la limite de la muraille, et laissant sur celle-ci, de loin en loin, des nodosités. Tel autre, parfaitement lisse, ne présente pas de côte répondant aux crêtes septales. Chez tous, la première partie du polypier, fixée généralement sur un buisson d^Amphihelia ou de Lophohelia, est unie, blanche et com- pacte; avec une loupe suffisamment grossissante, on y voit de très FAUNE DU GOLFbl DU LION. 133 fines stries, véritables sillons microscopiques, qui remontent jusqu'au pourtour de l'ouverture du calice et correspondent aux séparations des côtes dorsales des septa. Ce qui revient à dire que les côtes sont très plates, mais recon- naissables par le sillon très peu profond qui les sépare. Quand les côtes sont très marquées, elles correspondent aux grandes cloisons des premiers cycles. Les cloisons que j'ai appelées intermédiaires ne se traduisent pas, à l'extérieur de la muraille, par des côtes saillantes ; leurs crêtes sont très rapprochées des crêtes des septa de première grandeur et soudées très haut avec elles. L'étendue de cette soudure est vraiment un caractère du genre. J'ai, enfin, un exemplaire n'ayant que 22 millimètres de hauteur et dont le calice très large, proportionnellement à la taille, a 33 mil- limètres dans un sens et 30 dans l'autre ; il a été figuré (fig. H). 11 a la forme d'une coupe peu profonde et très évasée. La phrase de Duncan traduifexactementla vérité sur cette espèce. « If the variations of the typical form of this_ species are studied, it will be noliced that there are great différences in the position, size, and continuance of the costae, in the exsertness and granulation of the septa, in the height, compressedness, and size of the base of the corallum, and in the granular ornementation of the outside of the wall in différent spécimens. » (P. 321, loc. cit., vol. Vlll). Le Desmophyllum observé vivant a été péché en fin d'avril 1895; son polype a vécu près de trois mois et ne s'est un peu épanoui qu'après un mois d'acclimatation dans mes bacs. La figure qui en est donnée ici (pi. VI, fig. 7) est calquée sur une photographie. Dans cet état, qui ne représente qu'un faible épanouissement, les tentacules sont courts et gros, mais on peut néanmoins y recon- naître très facilement des points blancs dus aux amas de némato- cystes (batteries) et la boule terminale. Les points blancs sont très gros relativement à la taille des tenta- J3* H. DR LÂCAZE-DUTHIERS. cules, et la boule ne paraît pas être très bien sortie ; elle représente comme l'extrémité obtuse des lentacules* Dans l'ouvrage de Milne Edwards et Jules Haime, à propos du Des- mophyllum atellaria {Annales des sciences naturelles, 3'' série, t. IX, p. 'Soo), on lit: « Si les observations du docteur Philippi sont exactes, cette espèce aurait des tentacules très courts ou même remplacés par de simples plis de la peau. » (Voir A. Philippi, Arch. f. naturgeschickt von Wi'egmann, p. J93, tabl. IV, tig. 6, 1840.) Quand on a mis en observation des Coralliaires, on ne tarde pas à reconnaître que, bien souvent, les animaux boudent et ne s'épa- nouissent pas tout de suite. Ils commencent d'abord un peu, puis ren- trent, puis s'étendent davantage, et alors on constate qu'ils sont très différents dans leurs divers états de développement. Il n'est pas tou- jours possible et prudent de juger des animaux par l'état où on les voit quand ils sont dans nos aquariums. Quelques-uns y prennent des développements considérables, s'y acclimatent facilement et re- vêtent, dans ce cas, leur l'orme habituelle. Si l'on juge des autres par eux, on ne peut guère croire qu'un animal dont le squelette est aussi puissant que celui du Desmophyllum ait des tentacules aussi courts que ceux que représente le dessin que nous donnons, à plus forte raison, qu'il ait la physionomie que lui a donnée Philippi ; de plus il est impossible d'admettre que les tentacules soient remplacés par de simples replis de la peau. La photographie reproduite ici (fig. 7, pi. VI) ne permet pas une telle supposition. Bien que le Desynophyllum qui s'est épanoui ait vécu assez long- temps, il ne s'est cependant pas assez acclimaté pour donner, par le peu d'étendue de ses bras, une idée complète de ses proportions. Voyant que, bien souvent, les grands tentacules dépassent en lon- gueur le plus grand diamètre des calices chez les polypes qui s'ac- commodent entièrement de la vie sédentaire des bacs, je me fais l'idée qu'un Desmophijllum bien épanoui doit offrir l'image d'une magnifique et délicate Actinie, dont la figure ici reproduite ne donne qu'une bien faible idée. FAUNE DU GOLFE DU LION. 435 Longtemps contracte, l'animal a dû pâlir un peu, comme cela arrive presque toujours. Sa teinte était faible, d'un jaune lavé d'un peu de rouge, rappelant la couleur saumon. Mais il faut toujours, dans l'appréciation du ton de la couleur, tenir compte de l'état de contraction des tissus dont les granulations colorées sont plus rap- prochées que pendant la dilatation. La station du Desmophyllum dans le golfe a paru constante. Ses larves se fixentsurles zoanthodèmes movV^ii'Ampkihelia ou deLop/io- helia. Nous n'avons jamais trouvé le polypier fixé sur des rochers ou des corps durs libres. Constamment ses larves se fixent non à la surface, mais dans les anfractuosités, des entrelacements des tiges mortes ou des jeunes tigelles dépouillées en partie, sur quelques points de leur sarcosome, du zoanthodème ; de là résulte la forme de la base du polypier (pi. VI, fig. 6, trois jeunes Desmophyllies de grandeur naturelle). Il est très facile de se rendre compte par cette figure des cour- bures ou torsions de la base des individus, toujours grêle et d'un faible diamètre. Pour se développer, ils doivent s'allonger et sortir, si l'on peut s'exprimer ainsi, des touffes de broussaille an milieu des- quelles ils se sont fixés. Tous les ieune^ Desmophylhan sont cylin- driques, ou à peu près, dans une longueur de I à 2 centimètres. Us présentent 6 systèmes réguliers et complets ù 3 cycles, et très probablement leurs septas débutent par le nombre 6 comme chez les Flabellum^ ainsi qu'on l'a vu (voir Archives de zoologie expé- rimentale, vol. II, 3* série, pi. XYIII, p. 545). Remarquons que chez ife». les jeunes individus à deux et même trois cycles, la soudure des septa primaires et intermédiaires n'existent pas encore. L'aplatisse- ment de leur circonférence ne tarde pas ù. se produire, et le nombre des cloisons se multiplie en un point, allongeant la circonférence qui passe peu à peu à l'ovale. Ainsi qu'on l'observe souvent chez beaucoup de polypiers divers, il y a sur la muraille des zones circulaires correspondant à des mo- 136 H. DE LACAZE-DUTHIERS. ments de repos ou d'accroissement de l'activité de la sécrétion cal- caire, qui ne paraissent nullement faites pour fournir des caractères spécifiques. Relativement à la structure intime du squelette de ce genre et à son origine, nous ferons toute réserve, comme pour le Flabellum. Il est nécessaire que de plus probantes observations viennent démon- trer l'origine exclusivement épithécale de son polypier. Sur les plus gros comme sur les plus petits échantillons, on re- marque un vernis uniforme et brillant qui, vu à la loupe et sous des incidences particulières de la lumière, semble comme formé de pe- tites élevures ou calottes de sphérules extrêmement petites se posant à côté les unes des autres, et recouvertes par le vernis épithécal ou même le constituant. D'après le premier sens attribué au mot épithèque, on reconnaît, chez les Desmopfiyllum, cet élément constitutif du squelette de l'ani- mal; mais dans ce genre, comme dans le Flabellum, la totalité du polypier serait formée uniquement, d'après quelques auteurs mo- dernes, par l'épithèque. On doit, je le répète, ici, comme pour le genre précédent, faire toute réserve. Relativement aux septa et à leur mode de groupement, on voit très nettement autour des calices de très hautes cloisons, qu'on peut appeler de première grandeur, alternant avec des cloisons de seconde grandeur. Les unes et les autres ont des collatérales très rapprochées, qui leur sont unies face à face très intimement. Sur les échantillons présentant des côtes régulières et bien marquées, on remarque une différence semblable pour les hauteurs des tuber- cules indiquant, de loin en loin, la direction de ces côtes. Les deux ordres de cloisons distingués par leur hauteur sont séparés par une cloison intermédiaire, bien distincte et hbre sur ses côtés. Or, c'est justement aux côtés de cette cloison intermédiaire, vers FAUNE DU GOLFE DU LION. 137 les extrémités du grand diamètre, qu'apparaissent le plus fréquem- ment une, deux et trois nouvelles cloisons, qui lentement, mais pro- gressivement, forment avec elles, en grandissant différemment, un nouveau groupe et une nouvelle cloison intermédiaire. Ainsi se multiplient les groupes des septa les plus grands, auxquels sont accolées les cloisons voisines, dont il est bien difficile de recon- naître l'ordre d'apparition dans la théorie des cycles. FLABELLUM (PI. VI, fig. 1-2 et 13). On trouvera dans le deuxième volume de la troisième série des Ai'chives de zoologie expérimentale (p. 445, année 1894, pi. XVIII), un travail étendu sur une espèce de ce genre qui vit dans les eaux de la Galle et du golfe. Nous n'aurions qu'à renvoyer à ce travail et à signaler la présence de cette espèce que les filets nous rapportent assez souvent des fonds, dans les parages du cap l'Abeille. Dans ces parages fort riches, pullulent des algues incrustantes calcaires, des Bryozoaires, des Serpuliens, des Éponges et des Mol- lusques. Des vases s'y déposent et s'ajoutent aux concrétions ani- males et végétales, se superposent en formant des roches encore peu résistantes dans les nombreuses anfractuosités desquelles s'a- britent et se développent une foule d'animaux délicats, parmi les- quels le Flabellum anthophyllum. C'est à une profondeur de 30 et 40 mètres, que l'on pêche ce po- lypier intéressant, qui vit très bien en captivité et se prête parfaite- ment aux expériences et aux observations. Il n'y aurait eu ici qu'à signaler sa présence dans le golfe, puisque son histoire a été déjà publiée ; mais en cherchant sur des pierres que j'avais rapportées d'Afrique, côtes de la Galle, de Tabarca et de Bizerte, j'avais trouvé un calice d'un polypier tout à fait circulaire, •et entouré de telle sorte par des Bryozoaires et des Mélobésies en- 138 H. DE LACAZE-DUTHIKaS. croûtantes, que la muraille était absolument cachée et que la mar- gelle même du bord du calice ne paraissait plus du tout Le doute pour la détermination était naturel. L'obscurité du fond du calice, recouvert de concrétions opaques, ne permettait de voir que le haut des cloisons plongeant dans le fond de la cupule. Connaissant les différentes espèces de la mer et des côtes méditer- ranéennes d'Afrique, il ne m'était possible d'arriver, par voie d'exclu- sion, qu'aux genres Desmophyllum ou Flabellum. La détermination était difficile dans ces conditions. 11 fallait, pour sortir du doute, chercher à reconnaître comment était fixé ce poly- pier sur la roche. Jamais le Desmophyliiim n'a un double point d'attache. Par un grattage lent et fait avec précaution en partant du haut, et descendant jusqu'au point où était tixé le polypier, il fut facile de reconnaître que tontes les inflexions du bord du calice qui ont été décrites dans le travail publié au tome de 1895 existaient, et que le bord du limbe calicinal s'était soudé au corps étranger et avait formé comme un second pied séparé du premier, parfaitement cylindrique et caractéristique ; les deux, étant séparés par une échan- crure du tissu, forment comme un pont. L'évolution du Flabellum anl hophijlhtm de la Méditerranée présente donc une anomalie, qui, par sa constance, devient caractéristique, et aujourd'hui, je pousserais la confiance si loin dans la connaissance du produit de cette anomalie évolutive, qu'il me paraît suffisant de connaître les deux points d'attache du polypier pour diagnostiquer l'espèce du Flabellum de la Méditerranée. De nouveau, dans une petite caisse contenant de très nombreux déchets de corail rapportés pour des études diverses de mes voyages en Algérie et en Tunisie, j'ai fouillé et recherché des traces de l'existence du Flabellum. Le nombre des observations que j'ai pu ainsi multiplier est considérable, aussi, était-il utile de rappeler le résultat auquel conduisent les observations nombreuses, consé- FAUNE DU GOLFE DU LION. 139 quences des expériences tentées snr le développement du Flabellum dans le mémoire déjà publié. En face de ces faits, il était difficile de ne pas faire une remarque sur l'un des dessins publiés par M. Duncan dans les Transactions of the Zoological Society of London (vol. VIIl, part. 5*. p. 303). One le lecteur veuille bien considérer les figures 17 et 18 de sa planche XLVIl, et les comparer aux figures diverses de la planche XVIII de mes Archives de 189 i, et il reconnaîtra que le prétendu lihizotrochus pourrait bien n'être qu'un Flabellum anthophyllum ! Dans les deux figures qui ont une date déjà ancienne, 1873, on y voit les traces du côté droit du départ des lignes obliques, indiquant les bords du calice, s'infléchissant à gauche, pour aller former l'arcade du pont caractéristique. La vue du calice (fig. 19), dans le mémoire de Duncan, n'est point faite pour faire repousser cette opinion, elle rappelle absolument les vues que j'ai publiées du calice du Flabellum. D'ailleurs, en bien considérant la figure donnée par M. Edwards et Jules Haime de leur Rhizotrochus, on découvre une grande différence entre les racines multiples et le cas fort simple et tout particulier du Flabellum anthophyllum, tel que je l'ai décrit, et tel que le montre M. Duncan, dans les figures qui pourraient aussi bien trouver leur place au milieu des nombreuses variétés de forme que présentent les deux pieds du Flabellum méditerranéen (voir Archiues, y série, 2« vol., pi. XVIII). On trouve dans la description première de Jules Haime {Annales des sciences naturelles, 3* série, t. IX, mai 184S, p. 256), ceci: « Les Rhizotrochus ont avec les Flabellines les plus grands rapports » et page 281 , à propos du genre Rhizotrochus: « Ce petit genre, qui n'est établi que d'après une espèce vivante de Singapour, a les plus grands rapports avec les Flabellum, et s'en distingue principalement par ses racines et par l'absence de trabéculins columellaires. » Ajoutons que ces trabéculins columellaires ne sont pas toujours constants dans le Flabellum anthophyllum. 140 H. DE LACAZE-DUTHIEHS. D'ailleurs la différence des formes et des caractères donnés par Duncan n'est pas telle, que ce doute ne soit permis. Il me paraît donc important de comparer le Rhizotrochus affinis, attentivement avec le Flabellum anthophyllum, pour se convaincre que dans ce cas l'existence de ce genre, et surtout de l'espèce, n'est pas admissible. 11 suffit pour cela de comparer la partie radiculaire de cette espèce avec celle qui a déterminé la formation du genre par Milne Edwards et Jules Haime. La figure 12 de la planche VI du présent travail reproduit exac- tement le dessin publié par Duncan [toc. cit., pi. XLVII, fig. 17) ; en l'opposant à la figure 13 de la même planche VI, on reconnaîtra facilement que les parties {p) et (p') sont bien les homologues dans les deux cas. Dans la planche XLVII de Duncan, on trouve une figure 18 du Rhizotrochus affinis, encore plus semblable à celle qui, sous le numéro 13, se trouve dans la planche VI de mon travail. On y voit comme dans cette figure, à la gauche, une large partie étalée, sur laquelle on reconnaît les traces de l'expansion primitive des bords du calice et de sa soudure avec les corps étrangers. Pour ces raisons, sans avoir eu entre les mains les échantillons du British Muséum, j'affirme qu'on peut rayer le Rhizotrochus affinis du cadre des genres et des espèces habitant la Méditerranée, et cela sans crainte de faire une erreur, mais avec la certitude d'en relever une. Une remarque trouve naturellement sa place ici. 11 est des per- sonnes se croyant naturalistes, parce qu'elles devraient l'être, qui nient l'utilité de l'expérience en zoologie, et par conséquent la zoo- logie expérimentale ; or, dans le cas actuel, c'est en plaçant en expé- rience des Flabellum de tout jeune âge pour en suivre l'évolution, qu'il a été possible de trouver dans cette espèce cette singulière particularité de la soudure du bord du calice sur les corps voisins pour produire un second pied, d'où s'élève ensuite le calice définitif. Sans l'observation suivie, on voit que dans le cas présent, le zoo- logiste ne s'occupant que de l'animal à un moment donné de sa FAUNE DU GOLFK DU MON. 141 vie, est conduit à créer un genre et une espèce qui n'existent pas. L'exemple de l'étude prolongée expérimentalement du F/aée//wm antliophyllam démontrerait à elle seule la valeur des travaux mûre- ment suivis, comparée à celles de ces recherches faites en courant, et l'importance qu'il y a à soumettre à l'expérience les espèces qui semblent douteuses. Remarque. — Il n'a pas été ici question de la structure du poly- pier, on sait que V. Koch attribue son origine à l'cpithèque qui for- merait à lui seul sa muraille. Il importe à ce propos de faire toute réserve. DES OGULINIDES. Dans cette division, Milne Edwards et Jules Haime placent à côté l'un de l'autre les deux genres Amphihelia et Lophohelia. Quelques auteurs les éloignent pour des raisons dont nous aurons à nous occuper. Jusqu'ici on trouvait le premier surtout sur les côtes de l'Espagne, de Gibraltar et d'Afrique, dans les eaux de Mers-el-Kebir ; quant au Lophohelia, on avait bien des figures qui indiquaient son existence dans l'Adriatique (Bivona) ; mais on avait nié sa présence dans la Méditerranée, alors qu'on le trouvait dans la mer du Nord et sur les côtes d'Angleterre. Sans remonter aux descriptions et discussions à cet égard, il suf- fira de rappeler que, d'après les travaux de Duncan sur les Madrepo- raria dragués durant l'expédition du Porcupine, de 1869 à 1870, et publiés en mars 1873, il résultait déjà que le Lophohelia était positi- vement habitant de la Méditerranée et appartenait à sa faune. « Two spécimens were dredged up in the Mediterranean between Sicily and the African coast ; and thus the coral must be received as one of the fauna of Mediterranean, although previously doubt had been cast upon it (Duncan, loc. cit., p. 331, vol. VIII). » 142 H. Dii LACAZIîl-DUTHlERS. Nous l'avons péché très fréquemment dans le golfe du Lion. Les nombreux échantillons que nous avons eus nous ont permis de faire quelques observations intéressantes, et surtout d'avoir la figure des animaux qu'on ne semble pas avoir connus. Nous suivons la classification de Milne Edwards et Jules Haime, mais l'on verra qu'entre les genres Amphiheliael Lophohelia,i\ existe une différence telle qu'il est difficile de les conserver dans le même groupe. Duncan avait dans son travail déjà soulevé cette question ; on verra plus loin comment il nous paraît qu'elle pourra être résolue. Constatons d'abord les faits. AMPHIHELIA OCULATA (PI. VIII, fig. 1 à 7). Les buissons de VAmphihelia, l'expression est juste, rapportés par les fauberts sont abondants dans la localité désignée sur la carte de M. Pruvot(voir Archives, 3^ série, vol. III, pi. XXX) sous ce nom de Rech de Lacaze-Duthiers. C'est une partie des fonds que dans la loca- lité, les pêcheurs appellent Vabîme et qui correspond, pour ceux-ci, à toutes les grandes profondeurs, à quelques milles au large dans l'est. Les zoanthodèmes sont rarement entièrement vivants. Lorsqu'ils sont d'un blanc éclatant, leur sarcosome et leurs polypes sont vivants, on ne peut s'y tromper ; les parties grisâtres, d'une teinte brune, souillées par les vases et des corps étrangers fixés sur elles, sont mortes. Duncan a multiplié avec raison les figures pour appuyer ses opi- nions sur la variabilité de la forme de cette espèce. Tout a été dit sur l'organisation du polypier, sur ses caractères, sa blaslogenèse et sa morphologie, tout est très exactement indiqué dans l'ouvrage classique de Milne Edwards et Jules Haime, nous n'aurions qu'à les répéter comme le font les auteurs modernes. En s'aidant du livre français et des observations de Duncan {loc. cit., p. 323, pi. XLV et XLVJ), les déterminations deviennent faciles, FAUNE DU GOLFK DU LION. U3 nous n'insisterons donc que sur quelques points s{3éciaux qu'il paraît intéressant de rapporter et que nous a fait connaître une observation prolongée. La puissance blastogénétique est des plus actives dans cette espèce. Tout ce qui touche à une partie du zoanlhodème vivant est fixé, retenu et recouvert par le sarcosome d'abord, et plus tard par le tissu scléreux. Annélidcs, Mollusques, Bryozoaires, autres espèces de polypiers qui s'approchent et viennent au contact sont recouverts. J'ai là sous la main une touffe délicate d'Antphihelia d'un blanc pur, elle s'est fixée sur un Lophohelia à la teinte grisâtre indiquant que les polypes de celui-ci avaient cessé de vivre. La base est large et étalée, mou- lée sur les grosses tiges du Lophohelia qu'elle couvre en suivant leurs ondulations. Je compte sur elle trois Cranies, deux jeunes coquilles de Spondillus gwderopus, des tubes de Serpuliens et des Annélides décrites par MM. Pruvot et Racovitza. C'est presque un petit musée ; mes collaborateurs ont trouvé tout un monde d'Annélides dans ces touffes buissonnantes. La blaslogenèse, qui multiplie les polypiérites et étend les zoan- thodèmes, suit des lois fixes et faciles à reconnaître pourvu que le travail ne soit point dérangé et gêné par les obstacles du monde environnant. Les blastozoïles naissent par une petite tumeur sur le bord du limbe du calice, eu dehors de sa cavité aveclaquelleils n'ont jamais aucune communication (pi. VIII, fig. 5). Les bourgeons paraissent alternativement d'un côté et de l'autre, très régulièrement de la l'açou suivante : sur le bord du limbe, d'un premier polypiérite, d'un oozoïte si l'on veut, ou d'un calice terminal naît un blastozoïte qui est terminal à ce moment ; il croît et s'élève, son axe formant avec l'axe du premier un angle presque droit (pi. Vm, fig. 1 et 7). Quand il a atteint son développement com- plet et que la blastogénèse commence à se produire sur le bord de son limbe, c'est toujours du côté opposé et au-dessus du polypiérite 144 H. DE LACAZE-DUTHIERS. avanl-dernier que se développera le nouveau calice. C'est-à-dire au- dessus du calice de l'oozoïte dont nous avons supposé qu'était parti le jeune zoanthodème, en un mot, c'est en face et au-dessus del'avant- dernier calice (pi. VIII, fig. 5) que naissent les nouveaux venus. Une branche bien formée à'Amphihelia (fig. 1 et 7), qui n'a pas été gênée par le voisinage d'êtres étrangers, dont les axes de ses divers polypié- rites normalement développés se trouvant tous dans un même plan, peut être exactement représentée par l'image d'un mètre articulée chacun de ses décimètres et qu'on aura ployé en formant des angles à peu près de 85 ou 80 degrés ; aussi Irouve-t-on des échantillons régulièrement étendus en forme d'éventail, mais en raison même de la grande puissance blastogénétique, si un polype vient au contact d'une branche du même zoanthodème ou d'un autre corps, une soudure s'établit entre les deux, et la direction des nouveaux bour- geons changeant, la forme buissonnante s.- produit, l'allongement des tigelles se faisant en sens divers et même en surface. Dans ce dernier cas on trouve des lames de sarcosome couvrant des corps étrangers, tels que les tubes des nombreuses Annélides,et alors les polypiérites peuvent être, quoique éloignés, unis par un tissu commun, un vrai cœnenchyme, qui est difficile à bien reconnaître et à limiter près des polypiérites sur les rameaux régulièrement développés. Rien n'est délicat et charmant comme un calice tout jeune termi- nant une tige (pi. VIII, fig. 5 et 6) ; n'en trouvant pas de figure détail- lée et suffisante dans les ouvrages, j'en donne un dessin. A ce moment, le polypiérite est pour ainsi dire indépendant. 11 s'élève, supporté par un pédoncule d'un diamètre inférieur à celui de l'ouverture de son calice, qui est parfaitement circulaire. Les trois cycles de cloison se comptent toujours exactement et la columelle est aussi constante qu'évidente (fig. 4). Elle est formée par le rapprochement, dans le fond du calice, des extrémités inférieures des six septa de premier ordre, qui, arrivés au centre de l'axe même du calice, se dressent et produisent chacun FAUlNE du GOLFF du lion. Uo comme un petit et court stylet; on compte très aisément six stylets ou boutons columellaires (fig. 4, 5 et 6), il y a presque toujours et en plus un bouton central au milieu des six tubercules entre les extré- mités des six septa de premier ordre et indépendant d'eux, bien qu'il soit souvent soudé avec eux par sa base. Maisla physionomie changeet souvent l'ordre des choses se modifie quand le polypiérite a bourgeonné. Les cloisons principales se déve- loppent davantage pendant que le calice semble s'enfoncer dans le tissu de la tige ; sur les plus gros rameaux, les bords du calice font à peine un peu saillie au-dessus de cette partie fort difficile quelquefois à limiter, à définir et à reconnaître, que Milne Edwards et Jules Haime appellent cœnenchyme ou lissu calcifié scléreux commun. La présence de la columelle, se formant comme il vient d'être dit, est constante à peu près dans tous les calices. Mais elle a une forme un peu modifiée sur les individus anciens. Les cloisons des cycles deuxième et troisième sont infiniment moins élevées et étendues que celles du premier, qui dominenl de beaucoup par leur grandeur. Les septa du deuxième ordre ne des- cendent pas toujours jusqu'au fond du calice, ils s'arrêtent le plus souvent à la hauteur même du sommet de la columelle, enfin ceux du troisième ordre sont à peine saillants et s'arrêtent à mi-longueur de ceux du deuxième ordre (fig. 4). Ces caractères servent beaucoup quand on doit diagnostiquer de très jeunes Lopkohelia, ressemblant quelquefois à s'y méprendre aux jeunes Amphiheiia mêlés avec eux. Il a paru utile de rappeler que la variabilité des formes extérieures pourrait tromper au pre- mier aspect et conduire à une confusion qu'il est cependant facile d'éviter. La variabilité relative à quelques détails, tels que gra ndeur et saillie, est considérable, Aussi, en dehors des septa primaires, pour choisir un bon exemple d'un jeune polypiérite à dessiner, on hésite. 11 faut noter encore que, quelle que soit la grosseur des tiges mè- res, les diamètres des calices enfouis dans le cœnenchyme ne varient ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. - 3* SÉRIE. — T. V. 1897. 10 146 H. DE LÂCAZR-DUTIIIERS. guère et ne dépassent pas 4 millimèlres, restant plutôt à 3 millimè- tres ou 3°"",o. Les tiges les plus grandes des Zoanthodèmes ne dépassent guère non plus 4 à 5 millimètres de diamètre, si elles paraissent quelque- fois très grosses, cela tient à ce que l'annélide, étudiée et décrite par xMiVl. Pruvot et Hacovitza (voir Archives, vol. III, ."}'' série), a eu ses tubes nombieux recouverts d'une couche de cœnenchyme, sur le- quel les tissus mous ont produit des blastozoïles isolés et espacés sans ordre. Les Amphihe/ia ont vécu longtemps, plus de deux mois, dans les bacs. Ils s'épanouissaient assez pour que leurs plus grands tentacu- les eussent plus de longueur que le grand diamètre du calice (pi. VIII, lig. 1 et 2). Les tissus mous sont d'une transparence excessive; sur la tige d'un blanc éclatant, on ne les distingue absolument pas. La couleur est un jaune très légèrement orangé et bistré, elle existe surtout vers le péristome et paraît être en grande partie due à la couleur des mésentéroïdes, paraissant par transparence. Toutefois dans la figure 2, planche VllI, on voit un lambeau du tissu recouvrant la tige du polypier, qui tient encore à la base et au pourtour d'un calice, il est coloré. Quand les polypes commencent à se décomposer, il se détache ainsi des lambeaux de ce que j'ai appelé le sarcosome, dont la teinte légère est alors réelle, mais effacée sur les animaux vivants par l'éclat de la blancheur du polypier. Les différentes parties de la surface des tiges du polypier, dans tout lezoanthodème, sont fort différentes ; tantôt très finement granu- lées, on n'aperçoit sur elle aucun sillon, tantôt au contraire, elles . sont striées et présentent des canaux plus ou moins profonds et dis- tincts. Le professeur Duncan a donné des dessins fort exacts de ces striations auxquels je renvoie les lecteurs (/oc. cit.). Par l'intérieur des axes du zoanthodème, les polypes ne commu- niquent puint entre eux; la tige du polypier est pleine, non poreuse, même microscopiquemcnt, je m'en su'is assuré par des coupes faites FAUNE DU GOLFlî DU LION. 147 parallèlement à l'axe et intéressant les calices (fig. 7) '.Or la croissance étant rapide et surtout la blastogenèse très puissante, il faut bien que les liquides nourriciers apportant aux tissus les éléments nourri- ciers nécessaires à la production des bourgeons, d'une part, et à la sécrétion calcaire, d'autre part, soient charriés en sortant des cavités digestives du polype, sur les lieux d'utilisation. Il est certain que les canalicules sculptés à la surlace du polypier, logent les vaisseaux qui doivent être nourriciers des tissus mous et fournir les éléments de la sécrétion calcaire. Il ne m'a pas paru nécessaire de donner des figures de ces canaux extérieurs, Duncanles ayant très exactement rendus dans ses publi- cations. Les polypes sont fort réguliers, quand leur épanouissement est complet, et leurs tentacules, par leur grandeur, reproduisent très exactement les différents ordres des septa qui leur correspondent et que l'on observe sur le polypier. Ils sont très légèrement colorés en jaunâtre bronzé, piquetés de points blancs très petits, el terminés par une extrémité blanche légèrement colorée aussi, qui n'est pas très distincte du sommet (voir pi. VIII, fig. 3) ; c'est la partie conique terminale bourrée de nématocystes qui la remplace. L'orientation des polypes par rapport à l'axe est facile à détermi- ner, elle est constante. Le grand diamètre de la bouche est paral- lèle à la direction de la tige commune, de telle sorte, qu'un plan pas- sant par le grand axe de l'une des bouches d'un côté d'un rameau du zoaiithodème, passe à la fois par toutes les bouches des polypides. Du reste, on peut se rendre compte de cette orientation en considé- rant la figure 1, et surtout la figure o ; dans cette dernière, on voit clairement les septa de premier ordre situés dans un même plan, • A propos (le cette coupe, nous aurons, en étudiant le Lophohelia, à rappeler le travail du professeur Orltnanu, et pour ne pas répéter le» iiiêuies choses, nous nous occuperons de la blastogenèse caliciuale dans ces deux espèces en même temps. r.8 H. DE LACAZIi-DUTHIliRS. celui-là même dans lequel sont contenus tous les axes des polypié- rites d'un même rameau; or, les tentacules répondant aux septa, ceux-ci peuvent indiquer la direction des premiers. LOPHOHELIA PROLIFERA (PI. V, fig. 8 à 14). I On a vu qu'il est, dans quelques cas, fort difficile de reconnaître et de limiter cette partie du zoanthodème désignée, par Milne Edwards et J, Haime, sous le nom de cœnenchyme ou tissu com- mun. Pour le cas actuel, les auteurs français, dans le lableau résu- mant les caractères différenciels des genres Lophokelia et Amp/ii- helia, admettent le tissu commun bien développé pour le dernier genre et le considèrent comme nul chez le premier. Or, dans les jeunes tigelles d'A7nphihel/a,[e tissu commun manque entièrement, et de même dans les très jeunes Lophohelia ; mais dans ceux-ci bien développés et surtout de grande taille, quelques calices sont noyés dans un tissu qu'il est bien difficile de ne pas admettre comme étant un tissu commun aux individus voisins de l'animal que l'on considère. Il y a là un caractère dichotomique bon pour quelques échantil- lons, mais qui peut conduire à l'erreur dans plus d'un cas, lorsqu'on le généralise. Du reste, la distinction des deux genres est très facile en employant d'autres considérations. Il suffit d'observer l'intérieur du calice et l'on remarque avec la plus grande certitude, chez le Lophohelia, l'absence de la columelle, la profondeur considérable du calice, dont on ne distingue pas le fond, alors que, dans V Amphihelia, on le voit toujours. Le nombre, la taille et la disposition régulière ou irrégulière des septa suffiraient, dans bien des cas, pour conduire à la distinction des deux genres. FAUNE DU GOLFE DU LION. 149 Dans V Amphihelia, il y a trois cycles et six systèmes, très généra- lement, les uns et les autres, complets et normalement constitués. Si l'on rencontre quelquefois deux ou trois sepla un peu plus élevés parmi ceux de deuxième ou de troisième ordre, néanmoins il existe toujours une importante inégalité de taille entre les trois ordres de cloisons. Dans le Lophohelia (pi. XII, figure du bas), au contraire, tel sys- tème l'emporte par son développement sur tel autre; mais surtout on observe des cloisons primaires fort inégales dans leurs propor- tions et leur nombre, et les septa secondaires sont incompara- blement plus grands et bien moins inégaux que ceux du pre- mier ordre, toutes choses égales d'ailleurs, dans le Lophohelia que dans VAmphihelia. Le calice de l'un paraît occupé par de nom- breuses lames convergentes, le calice de l'autre semble plus vide et plus libre. Il n'est pas inutile de rappeler ces différences fondamentales pour la diagnose des deux espèces qui, très souvent, sont greffées l'une sur l'autre et se ressemblent extrêmement. Irrégularité de l'appareil septal, absence de columelle et profon- deur du calice, en voilà plus qu'il n'en faut pour distinguer les deux types, si surtout l'on remarque que la blastogenèse est irrégu- lière et qu'elle n'affecte pas la disposition distique alterne dans un môme plan pour les deux côtés, comme cela est normal chez VAm- phihelia. La puissance blastogénétique, chez le Lophohelia, est aussi très grande, et les corps étrangers sont par lui recouverts d'une couche de cœnenchyme. Toutefois, le nombre et l'étendue des surfaces ainsi recouvertes ne sont pas aussi considérables que chez VAmphihelia; mais les rameaux qui arrivent au contact se soudent de même que dans ce dernier, et forment ainsi des buissons(pl. XII, fig. 7). Les polypiérites conservent quelquefois leur individualité propre et s'élèvent à plus de 1 centimètre au-dessus du zoanthodème sque- lettique (pi. XII, fig. 7). 150 H. DE LAGAZE-DUTHIERS. Ils prennent des proportions souvent considérables. Le dessin qu'on trouve dans la planche XÎI, figure 7, est propre à faire recon- naître cette grande taille. Ils sont distincts et élevés, comme il vient d'ôlre dit; cependant, il en est qui, surtout aux angles de bifurcation, semblent enfouis dans le tissu de la tige. Les calices, pris dans leur ensemble, tendent à être un peu ovales, soit dans le sens de la longueur des tiges, soit perpendiculaire- ment à cette direction. Quant aux tiges sur lesquelles les polypiérites sont toujours assez espacés, elles prennent des proportions considérables : leur diamètre s'élève h 1 centimètre, 1 centimètre et demi et jusqu'à 2 centi- mètres dans les points de jonction ^ On ne rencontre aucune cassure, sur les très nombreux échantillons servant à ces descriptions, qui ne présente au centre la cavité très bas percée de la fin du calice, avec les rayons formés par les septa venant se rencontrer vers l'axe cen- tral, ce qui vient encore démontrer la profondeur du calice et aider dans la diagnose. Et ce ne sont plus les tubes des Annélides qui peuvent, étant couverts par les dépôts calcaires, donner l'apparence de ces tiges à grands diamètres. L'épnisseur, l'état compact des tissus donnant un poids considérable au zoanthodème, viennent prouver la durée de l'accroissement et la puissance et l'épaisseur des dépôts calcaires. M. Duncan a insisté sur la variabilité des formes du Lophohe/ia, comme pour VAmphilielia. Je possède des échantillons d'une éton- nante grandeur comme diamètre des tiges, comme grandeur et élé- vation des calices. Certes, ce serait à bon droit qu'on pourrait faire de ces zoanthodèmes des espèces distinctes de celles qui sont grêles et semblables, en apparence, à de jeunes Desmophyllum empâtés ; mais l'on passe insensiblement des formes les plus extrêmes des unes aux autres par des transitions ne permettant aucune assimila- tion avec des espèces différentes (pi. XII, fig. 6 et 7). Bien que Dun- • La figure 6 de la planche XII est un peu plus grande que naUire. FAUNE DU GOLFE UU LION. 151 can ait donné des lij^ures aussi démonstraUves que possible de la variabilité dans cette espèce, je n'ai pu résister au désir de montrer que la même cho>e se réalisait dans le ^oUa. La figure 7 de la planche XII ne représente qu'une faible partie d'un buisson énorme rapporté par les fauberts, et mesurant plusieurs décimètres carrés ; à côté, sur la même planche, on voit, figure (i, une tige toute droite et extrêmement dill'érente. Cet accroissement en diamètre des tiges principales des zoanlbo- dèmes, qui les rend Jort lourdes, est, en général, en rapport avec l'éloignement des calices ou polypiérites et la longueur de leurs pé- doncules, ainsi que l'individualité des polypiérites derniers venus. J'en ai trouvé sur un échantillon qui avaient une telle apparence, sous une couche de vase et de dépôts incrustants, que je les avais pris, à première vue, pour ôesDesînophi/lltan. Celte erreur passagère justifiait certainement cette phrase de Milne Edwards et J. Haime qui, dans leur ouvrage, ont écrit {loc. cit., p. 116, vol. II) : « Ce genre représenle, parmi les Oculinides, les Desmophyllies de la fa- mille des Turbinolides ; mais, dans ces dernières qui ont un poly- pier simple, la muraille n'est pas épaisse et il n'y a jamais de tra- verses. » Nous reviendrons sur cette opinion. Disons, à propos de ces traverses, que Duncan en fait un carac- tère d'une haute valeur, et cela le conduit à placer les Lophohe/ia dans les Astrcens. Il semble difficile d'accepter cette conclusion. Nous discuterons celle opinion. Un dernier mot sur la colonne. J'avais pensé que peut-être la texture intime microscopique donnerait quelques indications. Après avoir fait des coupes minces, bien polies, je n'ai pas trouvé de grandes différences entre la tige de VAmphihelia et celle du Lop/iu/ie- lia. Dans riin et l'autre, on reconnaît les couches d'accroissement circulaires striées et sur les bords on voit un feston très peu mar- qué correspondant aux sillons de la surface; les stries radiaires ne s'accusent que par une différence dans la densité qui modifie le passage de la lumière. On voit aussi très bien les lignes concen- 152 H. DE LACAZE-UUTHIERS. triques qui dénotent les accès d'accroissement ou leur arrêt, leur ralentissement. Sous la loupe, par la lumière réfléchie, on remarque dans les deux cas une couche blanche mince, opaque, qui borde la cavité du calice et qui se continue avec les septa. A la lumière transmise, cette couche laisse passer moins facile- ment les raj'ons lumineux; elle paraît plus sombre et obscure. Cette zone interne existe sur toutes les coupes et pénètre par un prolonf^ement dans les septa, mais elle est revêtue au dedans comme en dehors d'une couche plus cristalline réfractant vivement la lumière. Il y aurait à rechercher comparativement, en suivant l'évo- lution des polypiérites, à quel état des couches molles du polype répondent ces différences d'apparences. Tels sont les faits qui ressortent de l'examen d'un grand nombre d'exemplaires de l'espèce Lophohella proliféra. M. Uuncan a donné des figures superbes d'exactitude de la dispo- sition des septa. Je citerai en particulier la figure 11 de la plan- che XLIV du volume VIII, part. 5 Uoc. cit.). On y voit, avec la dernière évidence, combien il est difficile d'y relever le nombre des systèmes, car toutes les plus grandes cloisons ayant des crêtes très débor- dantes sont au nombre de 10. Quelles sont celles qu'on y pourrait choisirpour représenter les primaires ou les secondaires? Il est bien difficile de le dire. Cette figure montre encore très bien, sur le premier plan en avant, entre les plus grands septa, les groupes régulièrement composés de trois cloisons, celle du milieu étant un peu plus élevée que les deux intermédiaires. Sur Tarrière-plan, opposé à ce premier, les groupes entre les grands septas sont plus nombreux et les septa limites sont encore plus développés. Nous verrons le rôle de ces deux plus grandes crêtes sur les très jeunes polypiérites au moment où se produira la blastogenèse. FAUNE DU GOLFii DU LION. 153 II Les polypes du Lophohelia diffèrent peu au premier aspect de ceux de VAmphihelia; ils sont, à peu de chose près, aussi peu colorés et leur teinte est de même un jaune légèrement orangé bistre qui lave surtout le péristome et qui est augmenté par la couleur des or- ganes profonds, vue par transparence (pi. VIII, fig. 8]. Cette teinte est un peu plus marquée que dans VAmphihelia. Les tentacules sont assez gros et difficiles à bien déterminer (pi. VIII, Qg. 8). Gela répond à la différence des proportions de la taille des septa dont les tentacules sont les représentants extérieurs. La même irrégularité que dans l'appareil seplal s'observe donc dans l'appareil lentaculaire. A cette inégalité des grandeurs s'ajoute l'iné- galité capricieuse de l'épanouissement. Les batteries, le pointillé blanc et la boule terminale (pi. VIII, fig. iA) sont un peu différents des mêmes choses dans VAmphihelia. La boule n'est pas bien limitée; les points blancs sont assez gros et espacés; la transparence des tissus est tout aussi grande dans les deux genres; le tentacule est plus gros ici et relativement moins allongé. Cette description est le résultat d'une observation prolongée pendant près de deux mois. Néanmoins, il ne faut jamais oublier que ces animaux sont capri- cieux, et que souvent ils restent des semaines entières dans un demi- épanouissemenl, puis qu'ils prennent une extension dont on ne se doutait pas et fort inégale pour l'ensemble du péristome. L'un des caractères indiqués plus haut se traduit chez les ani- maux vivants, mais dont les couches calcaires ne sont pas épaisses. Dans un jeune rameau (fig. 8), on voit par transparence, mais vague- ment, la teinte jaune clair orangé se continuer assez loin au-des- sous de la couronne des tentacules; cela s'explique, car on a vu que le calice était profond. (Juand les polypiérites sont jeunes, les parois de leur calice sont très minces, et c'est au travers de ces couches 154 H. DE LAGAZt-DUTHIliRS. calcaires minces que paraît la légère couleur, ce qui prouve une fois de plus que la couleur est surtout due aux viscères, aux mésenté- roïdes, et non à une livrée particulière extérieure qu'il m'a été im- possible, du reste, de pouvoir reconnaître, et qui me paraît se borner à un léger lavis de couleur uniforme et éteinte. L'épanouissement des polypes du Lo/jhohelia m'a paru avoir lieu plus difficilement que chez ÏAmphihelia, qui habile exactement les mêmes fonds, puisqu'on trouve les buissons formés par l'un fixés sur ceux de l'autre. Les conditions d'existence ont donc du être les mêmes, seulement il y a évidemment quelques dispositions indivi- duelles qui nous échappent et qui causent ces différences. La station du Lophohelia esl, dans certains cas, la même que celle de VAmphihelia. Toutefois il existe des parages où VAmpkihdia et le Lopholielia vivent seuls et d'autres où les deux vivent côte à côte. Le Dorocidaris laisse quelquefois ses piquants dans les buissons du Lophn/ietia qui les fixe. Les Cranies, les Arches, les Spondylcs, les Terebralnla vi/rea, les Mergelea cL les Morisia so trouvent sur les touffes avec les Caryopkyllia arcuala et les Desmophyllum. III l'origine et la production des blastozoites dans les amphihelia et lophoeelia. Dans ces deux genres, la blaslogenèse, produisant des polypiérites nouveaux, n'agit pas de la même façon, et, dans la différence de ces manifestations, on trouve la raison de la différence des rapports des polypes, de leur situation sur les axes des zoanthodèmes, ainsi que de leur apparence extérieure. Dans le Lopfwfielia,cesl une partie môme du calice producteur qui entre dans la composition du calice du blastozoïte nouveau. Voici comment, entre deux cloisons de première et de deuxième FAUNE DU GOLFI-; OU LION. 155 grandeur, s'accomplit le travail. Lu muraille s'éloigne de l'axe cen- tral et entraîne avec elle les septa tertiaires et quaternaires, ou in^ termédiaires, compris entre deux grandes cloisons qui se trouvent ainsi former les deux limites, les deux bords latéraux d'une goût*- tière à concavité regardant le centre du polypiérile et à convexité tournée en dehors (pi. VIII, fig. 9, grandeur naturelle, a, a, a, fig. 10, i\ et 12 grossies, o, a\ a"). A mesure que le développement marche, la gouttière, qui d'abord est un creux représentant un demi-cylindre, augmentant entre ses deux limites fixes, qui sont les deux grands septa, tend peu à peu, ses bords se relevant, à former un cylindre complet, mais encore ouvert par une fente longitudinale, dans la cavité du polypiérite producteur (fig. 10, 11, 12, a, a', a"). Les cloisons que nous appelons intermédiaires, se trouvent dans ce demi-cylindre et, se couvrant peu à peu, dans le bas, de dépôt calcaire, qui augmente en épaisseur et étendue en s'élevant, tendent à clore (fig. 12, a) la cavité cylin- drique du bourgeon. Les parois de celui-ci s'élèvent rapidement au-dessus du bord de la muraille qui est restée telle qu'elle était tout d'abord, mais qui, ensuite, à son tour, s'est un peu élevée en s'écar- tant des parois du jeune blastozoïte cylindrique, né d'elle, mais maintenant distinct. L'axe du nouveau polypiérite et de l'ancien sont d'abord parallèles, mais comme le nouveau s'incline un peu eu dehors, en s'écartant de son producteur, il en résulte que les axes de deux polypiérites voisins forment entre eux un angle suraigu. On peut même trouver des Blastozoïtes superposés, qui s'étant de nou- veau inclinés vers l'axe primitif, après avoir dépassé les bords du calice producteur, sont en ligne, et forment des séries ou des liges droites, qui portent de loin en loin des calices éloignés (pi, XII, fig. 6). Ce mode de production explique la forme buissonnante et les rap- ports des polypiérites dans le zoanthodème, ici très différents de ceux que présente YAmphihelia. Le petit calice nouveau est entièrement limité et circulaire dans le haut, alors que dans le fond de sa cavité il communique encore avec 136 H. DE LACAZE-DUTHIERS. le calice du polypiérile producteur (pi. VIII, fig. 12), on voit l'orifice de communication allongé au-dessous du nouveau calice. Assez tard, la production calcaire comble ce reste de la communication, et sur cette sorte de mur mitoyen, chacun des deux individus sécrétera ses septa secondaires, les primitifs remplaçant les septa intermé- diaires qui sont passés dans le bourgeon. Il s'en ajoutera à ceux qui avaient été entraînés. Pour tout dire en un mot, c'est par un phéno- mène de tissiparité que sont engendrés les blastozoïtes chez les Lophohelia, plus tard, le polype nouveau acquerra ses tentacules. L'observation du très jeune ramuscule vivant (pi. VllI, fig. 9), s'est prolongée assez longtemps pour permettre d'assister à l'évolu- tion blastogénétique qui vient d'être décrite. Lorsque les polypes sont morts, et que le zoanthodème a été débarrassé de la matière animale, il m'a paru curieux de faire l'expérience suivante : en rem- plissant d'eau goutte à goutte le polypiérite le plus élevé (a), j'ai vu nettement les derniers calices du bas du bouquet se remplir, quand je tenais le doigt appliqué sur la partie inférieure du rameau. Même chose s'est produite quand l'eau était instillée dans tous les calices supérieurs, et lorsque, cessant de tenir l'extrémité inférieure appuyée sur mon doigt, l'eau instillée s'écoulait par le bas du ra- muscule. Ce qui démontrait avec la dernière évidence, la communi- cation de tous les calices entre eux. D'ailleurs j'avais fait une coupe parallèle à l'axe d'un ramuscule dont tous les polypiérites étaient à peu près dans un même plan (voir pi. VIII, fig. 13) et beaucoup plus développé à en juger par l'épaisseur des parois que le rameau de la figure 9. On voyait la communication du sommet aigu d'un cornet que représentait la cavité conique du polypiérite médian à droite de la figure. Même en faisant absorber par les animaux vivants des poudres colorées très fines, il avait été possible encore de reconnaître qu'elles avaient passé d'un polype à l'autre. Les lames horizontales, par rapport à l'axe des polypiérites recon- FAUNE DU GOLFE DU LION. 157 nues par Duncan, existent inconleslablement, mais elles ne sont pas tellement complètes, qu'elles puissent s'opposer aux communica- tions ; on vient de le voir pour le rameau de la figure 9. Le professeur Ortmann avait vu la communication des deux ca- lices du bourgeon et de la mère. C'est à l'aide de coupes qu'il arrivait à cette conclusion'. La figure 8 qu'il doune dans son travail montre cette communication placée entre deux septa de première grandeur ; quant aux autres figures, elles m'ont paru absolument incompré- hensibles. Le fait de la communication a été incontestablement reconnu ; « on voit, dil-il (p. 1 1 7), que les cavités des bourgeons s'ou- vrent dans le calice mère, et que leur première coupe est formée par l'excavation locale de sou bord; la vraie paroi du calice mère prend part à l'excavation ». 11 ajoute que « les bourgeons remplissent les creux inférieurs du calice très tôt par épaississement de la paroi et des cloisons, de sorte que sur des parties de séparation plus an- ciennes, les creux des calices ne communiquent plus entre eux » . Ceci, dit-il encore, est conforme avec le schéma qu'avait donné V. Koch (Paleontographica XXIX, tabl. 43, lig. 21). On voit ici, après ces citations, que l'observation directe des animaux vivants conduit à se rendre compte des conditions biolo- giques, tout aussi bien que les coupes, et que l'expérience démontre que la communication des polypiérites ne prend pas fin aussi vile que le suppose Ortmann. Tout autrement se passent les choses dans VAmphiheh'a. La bouche ayant son axe longitudinal dans le plan passant par l'axe de la tige du zoanthodème et par l'ensemble des bouches de tous les individus d'un même côté, les commissures répondant elles- mêmes aux tentacules de première grandeur et ceux-ci étant au- dessus d'un septa également de première grandeur, il est facile de fixer le lieu d'élection de la blastogenèse. Soit un polype terminal (pi. VU, fig. 5, 6 et 7), il est né sur celui « Zeitschrift fur Wiss, ZooL, 1890, vol. L, pi. XI, fig. 8», 8». 1S8 H. DE LACAZE-DUTHIERS. qui le précède et est incliné, comme on le voit, de près de 90 degrés sur celui qui l'a produit. C'est justement du côté de l'avant-dernier producteur que va naître le nouveau blastozoïle. C'est au-dessous et en dehors du ten- tacule commissural supérieur que le travail s'accomplit. Ce n'est plus comme précédemment, entre deux grands septa ou deux grands tentacules, que l'activité vitale se porte. C'est en l'ace d'un septa de premier ordre que se fait le travail (pi. VIII, fig. 5 et 6, a), non plus en modifiant la muraille et en accroissant sa paroi pour former une gouttière, mais en produisant un dépôt extérieur de tissus blas- togénétiques qui sécrète tout à fait en dehors du calice et au bord de son limbe une sorte de petit amas calcaire placé en dessous des tissus mous, autour duquel s'élèvent une muraille circulaire et des septa de difïerentes grandeurs. De la sorte, ou voit naître, non plus en dedans du calice, en utilisant une partie de sa paroi, mais totale- ment en dehors de lui, en se superposant à la surface extérieure de la muraille, un tout petit cul-de-sac (fig. 5 et 6, a), dont l'axe se dresse peu à peu, non parallèlement à la muraille du produc- teur, en faisant un angle suraigu comme dans le Lopkohelia, mais étant d'abord perpendiculaire à la muraille, puis, en s'éloignant, s'inclinant et formant un angle qui s'éloigne peu de l'angle droit en se rapprochant de 80 à 85 degrés. On comprend, dès lors, que la naissance intracalicinale d'un polypiérite conduit à la forme générale du Lopko/ielia, tandis que celle qui est extracalicinale conduit à la disposition en zigzag que l'on observe sur les zoanthodèmes de V Amphihelia. Ici c'est un véritable bourgeonnement qui s'est produit, là c'est une fîssiparité partielle distrayant une petite partie de la muraille pour produire un nouveau calice et arriver à la naissance d'un nou- veau polype. La coupe d'une tigelle (pi. VIII, fig. 7) montre que le fond des cavités des calices est complètement séparé par une couche épaisse de cœnenchyme, et toujours arrondi et non pointu dans le fond. FAUNE DU GOLFE DU LION. 1^)9 M. le professeur Ortmann, dans le mémoire déjà cité à propos du Lophohelia, s'est aussi occupé du bourgeonnement de VAmphihe/ia, et, par des coupes, il arrive à cette conclusion exacte {loc. cit., p. H 9) : « La paroi des bourgeons devait se former indépendamment de la paroi du calice mère; de sorte que la paroi du calice mère se con- tinue, sans s'interrompre, sous la base du bourgeon. » Nous avons observé vivants les bourgeons nés en dehors du calice mère et pu, par les coupes d'une tige ayant vécu près de deux mois, reconnaître la non communication des calices (pi. VIII, fig. 7). J'ai trouvé même sur de très gros échantillons de Lophohelia la communication entre les deux polypiérites superposés, et comme elle ne peut faire de doute sur les polypiers bien préparés et dont les parois sont encore minces, il y a là un caractère, qui, s'il y avait doute pour la détermination des deux espèces mêlées, viendrait éclairer la diagnose. Jamais, dans VAmphihelia, on ne rencontre la cavité viscérale co- nique d'un polypiérite supérieur venant au contact de la cavité du polypiérile inférieur. Dans ce genre, on trouve toujours les cavités calicinales terminées en cul-de-sacs arrondis (fig. 7) et présentant le plus souvent les restes de la columelle formée de six tubercules terminant la fin inférieure du bord des six septa primaires (tig. 4). Dans le bourgeon né sur le bord du limbe du calice chez YAmphi- helia, c'est un épaississement des tissus calcaires qui se produit avant toute apparition des septa et de la cavité calicinale; puis, peu à peu, les dépôts calcaires se font plus abondants autour du tubercule, et en s'élevant, déterminent l'origine de la cavité calicinale dont le fond est séparé du calice du polype bourgeonnant par toute l'épaisseur de la paroi du calice, plus l'épaisseur des dépôts nouveaux. Sur ce fond on comprend la possibilité de la naissance d'une columelle. 11 n'en peut être de même dans le Lophohelia, puisque le fond du calice est percé à jour et s'ouvre dans la cavité du calice inférieur dont il a été une dépendance. On n'a qu'à opposer les deux ligures représentant des coupes dans 160 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. les deux genres pour reconnaître et la différence et la valeur de ces caractères (pi. VIII, opposer les figures 7 et 13). Les variabilités des formes dyiLophohelia sont si grandes, queDun- can dit (p. 329, /oc. 677.) : nThe variability ofthespecies is immense », et dans quelques cas on pourrait éprouver quelque embarras après une diagnose superficielle. Mais les caractères auxquels conduisent les deux modes de bourgeonnement lèvent tous les doutes; les deux genres apparaissent clairement distincts. L'opinion de Duncan qui veut faire du Lophohelia \\n Astréen, parce que, dans les cavités du fond de son calice on trouve des tables, ne nous paraît pas justifiée. Au contraire, il semble que l'idée^ vaguement formulée par les auteurs français, de rapprocher ce genre des Desmophyllum^ paraî- trait plus naturelle que celle de l'auteur anglais. Nous l'admettons volontiers, en raison des caractères de la profondeur du calice du Lophohelia^ et de l'absence de la columelle, de l'irrégularité du nombre et de l'élat incomplet des systèmes. On comprend, en effet, que l'absence du bouton columellaire placé dans le fond de la cavité viscérale et surtout la profondeur de celle-ci, si l'on suppose, ce qui n'est point gratuit, que la continuité, la communication, existe entre les cavités viscérales du producteur et du blaslozoïte, ofî'rent un caractère extérieur important. Sans discuter plus longuement ces deux opinions, il nous a paru intéressant de les rapprocher en terminant ces considérations générales sur ces deux genres très communs dans le golfe du Lion. FAUNK DU GOLFE UU LION. 161 ASTRÉIDES. CLADOCORA. Nous n'avons qu'à signaler la présence du Cladocora cespilosa dans les eaux de Banyuls. Les échantillons péchés ont été peu nombreux. Ils sont venus des grandes profondeurs comme des moyennes ; les fauberts en ont rapportés de plus de 600 mètres de fond. Les derniers que j'ai eus vivants, et se rapportant au type Cladocora cespitosa, avaient été accrochés par les filets à langouste, entre 40 et 60 mètres de profondeur, en face du cap l'Abeille. Us étaient vivants et me rappelaient par leur couleur, leur livrée marron rougeâtre, avec pointillé le long des tentacules et boule ter- minale très franchement détachée, la même espèce que nous avions observée, si abondante dans le port de Mahon, avec mon excellent ami Jules Haime, et sur laquelle il a introduit une description et des figures exactes, comme il savait les faire, dans le livre des suites à Bufi'on : Histoire des coralliaires. MADRÉPORAIRES POREUX. DES EUPSAMMINES. La division des Zoanthaires sclérodermés, Madréporaires poreux, très naturelle, nous a fourni quelques espèces intéressantes, et sur- tout des observations importantes sur l'évolution du polypier. Des trois sous-divisions admises par Milne Edwards et Jules Haime, une seule est représentée dans le golfe, celle des Eupsammines. Les Balaiiophyilies n'y sont pas rares; on peut s'en procurer deux espèces à Banyuls, sous les murs mêmes du laboratoire : l'une, très colorée, d'un bel orangé rougeâtre, assez petite, la Balanopkyl- lia regia, qui existe aussi dans la Manche, à RoscofFet sur les côtes ABCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3» SÉRIE. — T. V. 1897. 11 162 H. DE LACAZE-DUTHIERS. d'Angleterre ; l'autre, la Balanophyllia italica, un peu moins com- mune, est un peu plus difficile à se procurer. Au cap d'Oune, avec le scaphandre, à 7, 8, 10 mètres de profon- deur, en une seule descente, notre collaborateur et ami M, le pro- fesseur Boutan nous en a procuré un bon nombre. Je l'ai moi-même trouvée dans les anfracluosités de la côte, à l'île Grosse, quand les eaux sont basses. Une teptopsanimia que je crois nouvelle, que j'avais recueillie très abondante sur les côtes d'Afrique, à la Galle, est aussi très facile à se procurer sur les côtes du Roussillon ; elle habite surtout les eaux du cap l'Abeille, à 40, 50 mètres et plus de profondeur. II ne m'a pas été donné de trouver encore dans le golfe une autre Eupsammine, qui abonde sur les bancs de corail de la Galle et que les Italiens appellent aussi dente de cane, comme ils nomment de même la Leptopsammia ; ne pouvant la rapporter à aucun type décrit, j'en ai fait le genre Ciadopsammîa. Enfin, une Dencir»phyHîa est assez souvent rapportée par les en- gins de pêche ; le plus ordinairement, c'est la Dendrophyllia corni- gera. Elle vit longtemps dans les bacs, et son épanouissement com- plet montre un animal vraiment superbe, tout autre que celui qui est représenté dans les ouvrages classiques. EUPSAM1U1I\ES SmiPLES. DES BALANOPHYLLIES. Les Balanophyllies sont aux Madrépores poreux ce que sont les Caryophyllies aux Madréporaires apores, elles restent toujours à l'état d'oozoïtes nés par le concours des sexes. Leur histoire descriptive est faite ; ces animaux vivant bien et longtemps dans les aquariums, les ouvrages de zoologie marine les ont fait connaître. Leur détermination étant donc facile et ne laissant point de doute, nous pourrons ne pas nous attarder à de nouvelles descriptions. FAUNE DU GOLFE DU LION. 163 Gosse, dans son livre sur les Anémones d'Angleterre de mer, en donne des figures ainsi que de bonnes descriptions qui conduisent facilement au nom. Nous renverrons à ce livre, aussi utile qu'indis-^ pensable dans les stations maritimes. BALANOPHYLLIA REGIA (PI. X et XI). I Gosse en donne plusieurs figures. Celle de l'animal est exacte pour le coloris du péristome; mais les tentacules ne sont pas très bien rendus, de même que, dans la figure qu'en a donnée M. Jourdan dans sa thèse, les tentacules ne sont pas exactement représentés tels qu'ils sont chez les animaux épanouis. Il est cependant possible d'avoir des animaux en parfait état d'épa- nouissement, car la Bolanophyllia regia vit très bien dans les aqua- riums, ainsi que dans les cuvettes ; j'en ai conservé dans la même eau et le même flacon pendant deux ans, enfermées dans un placard obscur, à Roscoir. Au moment où j'écris, j'ai sous les yeux une ving- taine d'individus, recueillis il y a près d'une année. Ils ont passé l'été dans une cave fraîche, et la cuvette qui les contient est recouverte d'un couvercle rodé à l'émeri. Il ne peut y avoir ni évaporation de l'eau, ni échanges libres de gaz avec l'atmosphère ambiante. Les tentacules semblables à des triangles isocèles, dans la figure donnée par Gosse, ne représentent nullement la forme de ces longs bras d'une transparence et d'une délicatesse extrêmes, piquetés de points jaunes ou batteries, et terminés par un amas sphéroïdal de nématocystes. Qu'on oppose la figure 11, pi. XI, de l'ouvrage de Gosse et la figure 30, pi. X, du présent travail, et l'on verra quelle différence existe entre un animal à demi épanoui et celui qui a tout son développement. Le péristome est d'un rouge orangé souvent très vif, la colonne 164 H. DE LACAZE-DUTHIERS. du corps présente la même teinte; mais les tentacules ont leurs batteries, ou amas de nématocystes, d'un beau jaune d'or. Cette teinte est d'autant plus foncée que le tentacule est moins allongé et gonflé. La couleur des individus, sur les bords du golfe du Lion, m'a paru assez constamment d'un orangé éclatant, où le rouge domine, surtout au pourtour de la bouche. Chez les individus delà Manche, de Ros- cofî, il existe des variétés allant d'un orangé vif et d'un jaune ver- dâtre pâle à un blanc très caractérisé ayant un léger lavis de verdâtre. A ce propos, voici une observation curieuse, que je rapporterai sans l'expliquer. Je voulais conserver des polypes blancs et, pour cela, je les plongeais rapidement dans une solution concentrée et chaude d'alun. Quel ne fut pas mon étonnement en voyant ces individus presque blancs reprendre, dans l'alun, leur couleur orangée habi- tuelle. Certainement, une réaction chimique causait ce change- ment. Quelle était sa nature ? Quand la Balanophyllie offre un épanouissement complet, on voit très distinctement 6 tentacules plus grands, très souvent redressés et correspondant aux 6 cloisons primaires du polypier. C'est le premier cycle des bras de l'animal, correspondant exactement, élément pour élément, au premier cycle du squelette. Avec ces premiers éléments alternent 6 autres tentacules habituellement rejetés en dehors, et dans les divers espaces intertentaculaires qui résultent de l'alter- nance des deux premiers cycles, on voit \2 petits tentacules de troi- sième grandeur; enfin, un dernier cycle est formé parles pluspetits. La grande vitalité de ces polypes me permettait d'espérer de pouvoir suivre leur évolution embryonnaire ; en elfet, les Balano- phyllies se reproduisent facilement dans les aquariums et cela à des époques diflérentes, variées et éloignées. En octobre 1895, j'ai eu un grand nombre de larves pondues de loin en loin par des individus de lloscoff; les pontes se succèdent à FAUNE nu GOLFE DU LION. 165 des intervalles assez éloignés, parce que les ovaires n'ont qu'un petit nombre d'œufs, ci toujours à des degrés très différents de dévelop- pement, un seul mûrit, tombe et laisse les autres en arrière. Aussi ai-je été plus favorisé que M. Jourdan qui, dans sa thèse, dit (p. 133, Annales des sciences naturelles, Q^ sér.,t.X) : «G'estenvain que nous avons disposé des lames de verre, dans le but de faire fixer des larves discoïdes ; nos tentatives ont été infructueuses, et nous avons renoncé h. observer la formation des premiers nodules calcaires. » Cependant, ayant trouvé une jeune Balanophyllie dont le poly- pier avait 12 cloisons, et le polype 12 tentacules, il ajoute : « Notre examen nous porte à penser que les cloisons calcaires doivent se développer conformément aux lois formulées par M. de Lacaze-Du- thiers pour VAstrordes calicularis. » Il y a déjà longtemps qu'à Roscoff j'avais trouvé de jeunes Bala- nophyllia regia présentant 12 septa égaux; entraîné par d'autres tra- vaux, je n'avais pas cherché à voir comment naissaient ces premiers éléments du polypier. Les présentes études sur les coralliaires du golfe du Lion m'ont amené à revoir l'évolution de la Balanophyllie ; elle a présenté un certain nombre de faits qui combleront cette lacune. Ils sont, je crois, intéressants. De son côté, mon gardien du laboratoire de Roscoff recueillait avec soin des embryons nombreux qu'il plaçait dans des cuvettes très plates, à fond de cristal très mince et dont il renouvelait soigneuse- ment l'eau fraîche puisée chaque jour à la mer. J'avais ainsi la contre- partie des observations que je poursuivais étant éloigné des côtes. Tous les matins à Paris, pendant plusieurs mois, je plaçais sous mon microscope les jeunes polypes, je les observais tantôt par leur face orale, tantôt en renversant la cuvette, par leur face adhérente aborale, les laissant ainsi un momenthors de l'eau, leur faisant de la sorte subir les alternatives de la marée; tous les jours, pendant plus de trois mois, j'ai donc suivi longtemps la croissance de ces jeunes polypes. Je les ai mis sous les yeux de l'Académie. C'est une méthode d'observation que j'aime à employer et à con- 166 H. DE LAGAZE-DUTHIERS. seiller. Les coupes donnent certainement de bons résultats, mais l'observation suivie d'un même animal dont on voit grandir sous ses yeux les différents organes, a bien sa valeur. C'est ainsi que j'avais vu, il y a longtemps, que, chez VAsH^oides calicularis, les septa naissent au nombre de 12, et indépendamment de la muraille. Von Koch, par ses coupes habilement faites, a fait connaître une origine du polypier différente de celle que j'avais indi- quée ; mais il n'a pu que confirmer mon travail quant au mode d'apparition et au nombre primitif des septa. Il pourra discuter sur l'origine du polypier de la Balanophyllia. Il lui sera peut-être difficile d'infirmer les faits vus et revus, pendant des mois entiers qui vont être exposés. La Balanophyllia regia, qui vit à Banyuls'sur les rochers entourant le laboratoire, à une très faible profondeur, au niveau des basses eaux, m'a aussi fourni des éléments de travail. On la trouve quand, au beau temps, la mer semble poussée au large par les vents favo- rables et baisse beaucoup ; sa couleur orangé rouge la décèle sous les anfractuosités des rochers, au milieu des algues de toutes sortes. J'ai également trouvé sur les rochers de l'île Grosse qui portaient des individus (surtout en septembre et octobre), de très jeunes poly- piers comme celui qui est représenté (fig. d7, pi. X), mais l'histoire de l'évolution qui va suivre a été surtout faite sur les jeunes fixés dans des cuvettes très plates, à fonds très minces, qui pouvaient être apportées sous le microscope. Il m'est très agréable de dire combien pour cette étude le dévoue- ment et l'intelligence de mon gardien dévoué Gh. Marty m'ont été utiles. Voilà vingt-quatre ans que mon ancien compagnon de voyage à bord du Narval, en 1873, est à Roscoff. Combien n'a-t-il pas rendu de services aux zoologistes qui ont passé par le laboratoire? Com- bien y a-t-il de savants qui ne se rappellent avec quelle intelligence et quel dévouement Marty les a aidés et bien souvent guidés à la grève dans les recherches qui les intéressaient ? Certes, les palmes académiques qu'il a reçues sont données quel- FAUNE DU GOLFE DU LION. 167 quefois qui ne récompensent pas des services de plus de mérite que ceux qu'a rendus à l'établissement mon dévoué gardien, qui est devenu pour nous tous un véritable ami. II ÉVOLUTION DU POLYPE (PI. LX, fig. 1 à 14). Dans l'exposé qui va suivre, je n'ai pas cru devoir employer toutes les expressions nouvelles qui se trouvent dans les mémoires des savants étrangers Bouriie, Fowler et V. Koch, on en verra la raison dans les observations terminant ce travail. Il est encore possible de se faire entendre sans surcharger les descriptions d'une nomencla- ture conduisant à des synonymies nombreuses et cela pour des or- ganes qui sont restés les mêmes, dont les noms seuls ont été changés. Dès la sortie de la cavité générale du corps de sa mère, la larve, mue par les cils vibratiles qui couvrent son corps, ayantla forme tan- tôt d'un ver allongé, tantôt d'un ballon ou d'un œuf, avance ayant toujours son extrémité renflée aborale en avant. Progressant ainsi en reculant, la bouche en arrière, elle se bute contre tous les corps qui lui font obstacle. Fort heureusement, après un certain temps d'activité, elle se laisse tomber souvent au fond des vases et bientôt adhère par la grosse extrémité de son ovoïde ; alors sa forme change, elle devient en partie discoïdale et s'aplatissant tout en con- servant à son centre libre comme un mamelon au sommet duquel on aperçoit la bouche (pi. IX, fig. 1 et 2). Il n'a pas été possible de reproduire tous les dessins que donne cette évolution, la description suppléera à ces lacunes. Le mamelon central ovale se déprime et semble s'enfoncer au centre d'un bourrelet circulaire qui s'élève peu à peu et qui est tou- jours très évident (fig. 2). Bientôt, sur les limites du disque adhérent, paraissent des dépres- 168 H. DE LACAZE-DUTHIERS. sions qui, en devenant plus accusées, le partagent en lobes périphé- riques. Plus tard, de chacune de ces dépressions partent des lignes obscures qui rayonnent vers le centre jusqu'au bourrelet circulaire entourant la bouche (fig. 2). Il existe dans mon travail une lacune que je regrette, mais qu'il ne m'a pas été possible de combler, le temps m'ayant manqué. Ces lignes obscures correspondent aux mésentéroïdes, aux sarco- sppta comme on les a aussi nommés. Ce qu'il importerait de reconnaître, ce qui manque dans celte étude, c'est le processus suivant lequel se produisent les mésenté- roïdes. On verra plus loin que Ton peut juger qu'il n'ont pas été tous produits en même temps, et ce que j'aurais beaucoup voulu pouvoir constater : c'est si la formation des loges charnues suivait dans son évolution une marche analogue à celle que j'ai démontrée exister chez les Actinies. Je regrette cette lacune. Lorsque l'embryon avance dans son développement et que les lobes de son disque peuvent être bien exactement reconnus, on en compte douze. Chacune des lignes qui les séparent arrive au bourrelet péribuccal (fig. 2) et partage ce bourrelet en autant de lobules. La bouche s'est enfoncée et, à ce moment, l'on peut considérer le péristome comme formé et bien limité. En même temps la bouche s'est allongée et à ses commissures correspondent deux lobes du bourrelet péribuccal, situé aux extrémités de son grand diamètre. Il est aussi facile de constater que ces lobules commissuraux sont séparés de chaque côté par cinq lobules latéraux, ce qui fait au total douze lobules. Pendant un moment très court, tous ces lobules sont égaux, on en voit un entre autres, en parlant des lobules commissuraux, s'élever en mamelon, de telle sorte que le bourrelet péribuccal pré- sente six éminences, alternant avec six lobules. On a alors sous les yeux l'origine et le commencement de la production des tentacules et de la symétrie morphologique définitive. FAUNE DU GOLFE DU LION. 169 Si l'on regarde la jeune Balanophyllie de profil (fig. 2), on voit le disque couronné par les origines des six premiers tentacules. Cet état, ce stade dure une quinzaine de jours, tantôt plus, tantôt moins; mais toujours parmi les futurs tentacules, les deux commissuraux sont d'une grandeur un peu supérieure (fig. .'] et 4). Bientôt les lobules restés stationnaires, s'élèvent eux-mêmes, et alors, autour du péristome, se dessine une couronne de tentacules alternativement plus grands et plus petits. Ainsi les deux premiers cycles tentaculaires commencent à se manifester, le premier corres- pondant par deux de ses tentacules opposés aux angles ou commis- sures de la bouche (fig. 4). A cet âge, il arrive souvent que le jeune polype se gonfle beau- coup, alors son péristome se dilate; son corps devenant transparent, ses tentacules naissants s'étalent, et l'on aperçoit, avec toute évi- dence, les loges internes et les mésentéroïdés encore à l'état de lamelle simple (fig. 5). J'ai observé pendant une longue période beaucoup de jeunes comme celui représenté dans cette figure 5, et et il m'est impossible de comprendre, en m'appuyant aussi sur l'observation des très jeunes polypes des Caryophylla clavus et C Smithii, comment M. von Koch a pu dessiner le jeune polype de la C. cyathus, au même stade de douze tentacules, six plus grands, six plus petits, en montrant dans cette figure lies tentacules commissuraux et les quatre qui forment avec eux le premier cycle comme étant les plus petits. Je n'ai jamais vu une telle disposition et il y a cependant long- temps que j'observe les jeunes polypes sclérobasiques. Ce dessin est d'une régularité tellement schématique, qu'il semble bien difficile de l'admettre comme représentant la nature * elle- même, mais bien plutôt des idées préconçues. Rien n'est difficile à avoir dans un état parfait comme les très ' Voir Festschrift fur Gegenbaur, parL II. Mémoire de G. von Koch, p. 257, fig. 2. Caryophyllia cyathus : Junger Polyp gut ausgestreckt mit Biieiettanlage (Basis Theca, 6 seplen) bei durclilalleiidem Licht naclit dem Lebeii gazeichiiel. 170 H. DE LACAZE-DUTHIERS. jeunes Caryopkyllia cyathus. Il faut les pêcher à de grandes profon- deurs. Très jeunes, elles sont très délicates; les engins les détério- rent aisément, à moins que les larves ne soient fournies par les Cya- thines mères. Vraiment M. G. von,Koch a été bien favorisé pour avoir un exem- plaire aussi régulièrement conformé, et en aussi bon état. Il aurait rendu certainement un service signalé aux naturalistes en leur indiquant par quels procédés il a pu se le procurer et surtout pu le séparer du support sans le détériorer et l'avoir aussi complet pour l'observer et le dessiner par transparence. Ce qui frappe dans ce dessin, c'est la régularité et la forme parti- culière des six septa de premier ordre avec leur partie thécale dilatée, régulièrement et carrément arrêtée; on peut dire coupée de chaque côté. Pour mon compte, je n'ai jamais été aussi heureux, jamais je n'ai rencontré en Afrique, où j'ai cependant beaucoup péché le corail et par conséquent la CaryophylUa cyathus, d'aussi précieux exemplaires. Ce qui embarrasse encore, c'est la comparaison de celte figure avec celle qu'on voit dans le même mémoire page 259 (fig.5)'. Celle- ci est parfaitement semblable à celle que je publie dans le texte de ce travail. Je n'en ai pas ombré les septa pour la rendre plus claire, plus lisible; mais la disposition, la grandeur relative, la situation des parties sont identiques avec celle de la page 259 du Mémoire de M. von Koch. Comment pouvoir comparer les septa de l'une de ces figures (fig. 2) avec les septa de l'autre (fig. 5)? Je maintiens qu'il est impossible d'admettre que les tentacules commissuraux et ceux du premier ordre soient plus petits et moins développés que ceux du deuxième ordre. D'ailleurs la figure 2 (p. 257) montre clairement le désir de prouver ' Figure 5, CaryophylUa cyathus : Jungendskelett (àlter) mit 6 + 6+12 Septen (einige noch iiiciit deutlich) in der Mitte die Columella, deren Knôtchen an eiiiigen Stellen niitden Septen verschmolzen sind. (Explication de la figure.) FAUNR DU GOLFE DU LION. 171 que la muraille est le produit de l'union des parties latérales externes des cloisons. Sur quel individu autre que celui de cette figure 2 les parties externes des septa sont-elles carrément prolongées de chaque côté? La figure 5 (p. 259) donne un démenti formel i\ la figure 2 (p. 257). J'ai eu des centaines déjeunes Caryophyllies à ce stade; aucune n'a ces prolongements carrés des septa. J'en ai surtout qui n'ont encore que les six premiers septa ; sur aucun d'eux on ne voit les pans latéraux coupés carrément. Même chose s'observe dans l'Astroïdes. Il serait bien étrange que la Caryopkyllia cyatkus fût seule à pré- senter des conditions aussi exceptionnelles. Enfin, chez les embryons des Actinies, il n'y a quelquefois qu'un grand tentacule bien saillant le premier développé, et c'est toujours un tentacule commissural. Revenons à la Balanophyllie. Sur tous les jeunes individus ayant douze éléments, on voit le disque d'adhérence bordé par une bande plus transparente, d'un jaune assez clair, et, en dedans de cette bande limite circulaire, on constate qu'un liséré orangé la borde intérieurement. Ces deux éléments, à cette période, représentent, à n'en pas dou- ter, l'ectoderme et l'entoderme. On admet entre les deux ce que les uns appellent le mésoderme, les autres la mesoglea. La transparence des jeunes polypes permet de reconnaître, sur les mésentéroïdes et les autres parties, la couche plus colorée de l'ento- derme (fîg. 4, 5, 6, 7). Dans leur accroissement, les tentacules ne restent pas inégaux, comme on l'a vu dans la figure 5 de la planche IX. Ceux qui sem- blaient les plus grands ne marchent pas aussi vite que les autres plus petits, avec lesquels ils ont alterné d'abord, et bientôt l'on arrive à voir de jeunes polypes comme celui que la figure 10 représente (jeune Balanophyllie âgée de trois mois et demi). 172 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Les douze tentacules sont à peu près de même taille, les points jaunes ou batteries peu nombreux, et la boule terminale les accuse seuls, car leur transparence est extrême. A propos des batteries, j'ai eu l'occasion d'observer longtemps le fait suivant : Après avoir renouvelé l'eau des cuvettes au fond desquelles s'étaient fixés les embryons de Balanophyllia regia, j'avais cessé le renou- vellement, ayant reconnu que la même eau suffisait à faire bien continuer le développement. Mais dans celte eau non renouvelée se développaient des quantités de microorganismes se fixant sur les fonds des petites cuvettes. Il y avait des infusoires, des diato- mées, etc., etc. Or, sur le pourtour du corps des jeunes polypes, une zone cir- culaire restait parfaitement nette. Elle ne présentait nulle trace de microorganismes. 11 était bien évident que les filaments urticants du corps des polypes tenaient tous ces ennemis à une distance respec- tueuse. Plus tard, ces mêmes polypes, ayant grandi, avaient les boules terminales de leurs tentacules et les taches disséminées, les batte- ries hérissées de filaments faciles à distinguer avec un grossissement de vingt-cinq fois. A ce moment, l'observation du péristome offre un certain intérêt (fig. 13). Tous les détails de l'organisation n'ont pas été reproduits dans cette figure, afin de la rendre plus lisible et de ne pas la sur- charger. On y remarque tout d'abord, ce qui est un caractère absolu de tous les polypes des Coralliaires, à quelque âge qu'on les observe, que les deux angles des lèvres, ou commissures de la bouche, tou- jours plus ou moins allongée, répondent à deux loges limitées par deux mésentéroïdes numérotés ici (2) et (3). On verra plus loin la raison de ces chiffres, Entre les mésentéroïdes, on en voit deux de chaque côté mar- qués 1 et 4. Il n'y a donc, arrivant jusqu'à la limite de la bouche, FAUNE DU GOLFE DU LION. 173 que liiiil cloisons molles bien évidentes, qualre de chaque côté de cet organisme à symétrie bilatérale. Les lignes non numérotées au bas de la ligure sont les homologues de celles du haut et représentent l'union des mésenléroïdes avec la face interne profonde du périsLome. Dans la loge (3 + 3) et celle qui lui est opposée ou commissurales, on voit une série de granules cal- caires : ce sont les origines des sepla; de même dans la loge (3 -h'i). Tandis que, dans les loges (1+2), on voit deux séries de granules calcaires séparés par des bandes molles, n'arrivant pas jusqu'à la bouche, mais s'approchant d'elle. J'ai montré dans mon travail sur le développement des Actinies que les mésentéroïdes se développaient suivant les nombres 2, 4, 6, 8, et que le stade 8 se rencontrait facilement, sa durée paraissant être plus longue. On aurait, d'après cette ligure, une trace, un reste de ce stade 8. En la voyant, on comprend mieux, combien il serait utile de vérifier si la loi présidant au développement des mésentéroïdes, chez des Goralliaires malacodermés, s'applique aussi aux Goralliaires scléro- dermés? a priori, je le crois. Quand on observe les jeunes Balanophyllics par leur face adhé- rente, en retournant, comme il a été dit, les cuvettes à fonds minces sur lesquelles j'avais réussi à faire fixer les embryons, on peut recon- naître l'apparition et l'accroissement des entéroïdes, des aconties, comme on a appelés les cordons pelotonnés, les paquets musculaires qui bordent les bords libres ou les lames des mésentéroïdes. Si l'on juge de leur âge par leur volume relatif, on pourra se rendre compte de leur ordre d'apparition (flg. 8 et 9); dans ces figures, on ne voit pas la bouche, elle est sur le plan opposé à la surface d'adhé- rence d'après laquelle on a fait le dessin, et ici son grand diamètre est vertical. Sa commissure supérieure serait entre les deux mésen- téroïdes 3', et la commissure inférieure dans le bas de la figure. • Dans ces deux figures, les cliiffies 1, 2, a, 4, indiquant les niéseiUéroïdes, n'ont été placés que du côté gauche ; on les ajoutera facilement par la pensée du côté droit. 174 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Dans la figure 8, il n'existe encore que trois épaississements corres- pondant soit aux entéroïdes, soit aux muscles des mésentéroïdes. Le repli le plus développé, noté (1), est séparé de la loge comrais- surale supérieure par deux loges, dans lesquelles on voit les septa ou cloisons calcaires dont les granulations se décèlent facilement par leur puissance de réfraction. Le numéro 2 est plus développé que le 3. Dans la figure 9, la différence de la grandeur des renflements des mésentéroïdes a suivi, pour son développement, une progression bien évidente de 3 à 2 et à 1 ; enfin, le renflement du mésentéroïde commence à peine à se montrer de chaque côté de la loge commis- surale du haut de la figure. Si l'on jette les yeux sur la figure de la jeune CaryophylLia cya- thus donnée par G. von Koch {loc. cit.), on remarquera une certaine similitude dans le nombre et la différence de grandeur des saroo- septa ou mésentéroïdes. Seulement, les plus grands renflements des mésentéroïdes ne se trouvent pas placés de même qu'ici, sur les cloisons molles limitant les loges commissurales. 11 y a encore cette difl"érence marquée entre nos deux dessins, savoir que, dans le dessin allemand, les quatre sarcosepta limitant les deux loges commissurales, portent des renflements, tandis que dans les figures 8 et 9 du présent travail, il n'y a que les sarcosepta de la loge commissurale supé- rieure qui aient encore ces renflements. De ces dispositions, on peut conclure : Que tous les paquets musculaires ou entéroïdes^ car on ne les dif- férencie pas encore, ne se développent pas en même temps ; Qu'ils montrent, à un certain moment (fig. 9), le stade du nombre 8, comme on l'a vu pour les lobes du péristome (tig. 13); Enfin, que, si l'on admet que la grandeur de la taille est en rapport avec l'âge, les mésentéroïdes (4), étant les plus développés, seraient les premiers formés et rejetés loin de la bouche. On rencontre la même chose chez les Actinies. Voici une observation qui se présente naturellement à l'esprit. FAUNE DU GOLFE DU LION. 175 On a l'habitude de donner le nom de mésentérie directive (Bourne, Fowler, etc.) à deux mésentéroïdes voisins de la bouche. Or, ici, les renflements de ces mésentéroïdes (n" 3) sont infiniment plus grêles que ceux notés n° I.De sorte que la puissance directive agirait avant que le développement du renflement fût même commencé. Et puis, on se demande quelle peut bien être cette fonction directrice ? II semble qu'elle devrait s'exercer dès l'origine pour avoir une influence sur la constitution morphologique du polype. Or, incontestablement (voir Développement des Actinies, 1" vol. des Archives, ^872), les deux premiers sarcosepta ou mésentéroïdes se trouvent peu à peu éloignés des commissures par l'interposition de mésentéroïdes nou- veaux qui se succèdent et se développent entre les commissures buccales et les premiers formés. De sorte que ce ne sont pas ceux qui ont paru les premiers qui se trouvent occuper la place assignée à ceux qu'on nomme directive. Il y a donc ici un fait important et caractéristique à rapprocher de la théorie du mesenterie dii^ective. Il importe de l'expliquer, car tout au plu^ peut-on l'employer pour indiquer la direction à donner aux parties afin d'orienter le polype. La jeune Balanophyllia regia, vue figure 10 de la planche IX, a vécu longtemps dans mes cuvettes (trois mois), épanouissant jour- nellement ses douze tentacules à peu près de la même grandeur. Un accident en a interrompu l'observation. Sa vue, par la face adhé- rente, figure 9, montrait déjà le développement des mésentéroïdes, ainsi qu'il vient d'être dit. La production des éléments qui aurait multiplié les organes devenait, du reste, assez difficile à reconnaître par suite de la coloration, car le pigment des parois masquait l'inté- rieur et obscurcissait la coupe optique. Ainsi, dans la figure 43, on peut voir une partie de son péristome autour duquel se manifestaient les huit lignes d'insertion des sarco- septa sur sa face intérieure. Mais aussi on compte douze origines de septa calcaires, dont quatre paires sont séparées par une bande 176 H. DE LACAZE-DUTHIERS. colorée due à l'origine de l'insertion des quatre sarcosepta com- plétant le nombre 12. Ce qui ne s'observait pas toujours facilement en raison des variations de l'étendue de la contraction. Dans la figure 14, il est facile de reconnaître un septa composé de granulations sphéroïdes calcaires occupant le milieu d'une loge com- missurale. Près du croissant, reste d'une partie de la bouche, une sphère représente le tentacule commissural contracté; à la circon- férence, on voit, entre la muraille formée de couches ondulées, transparentes et incolores, la bande de couleur orangée répondant à la paroi du corps ou téguments du polype. Enfin, en plaçant l'ob- jectif de façon à avoir à son foyer la surface du corps, le péristome étant fortement contracté et tous les tentacules ramenés très près autour de la bouche, on voit que la matière colorante est disposée en lignes ponctuées inclinées allant de l'extérieure l'intérieur, ou mieux du dessus du sepla à la ligne d'insertion du sarcosepta. Tout à côté de celte figure, qui représente, grossi vingt-cinq fois, un segment du corps de la Balanophyllia regia, figure 10, se trouve dessinée, ligure 15, une petite étendue delà muraille dont les lignes d'accrois- sement sont parallèles aux limites du tégument coloré qui a dû sé- créter ou excréter cette première muraille. Il faut remarquer que sur le bord externe du calice ainsi constitué, on voit une zone éga- lement calcaire qui offre des stries fines perpendiculaires à celles de la partie des zones à stries circulaires. L'impression que produisent ces zones calcaires quand on les voit croître : est qu'elles sont dues à une excrétion extérieure, une exsu- dation calcaire produite par les téguments du jeune polype. IV ÉVOLUTION DU POLYPIER. Le premier dépôt de la charpente calcaire se produit sous la forme d'un semis de globules très réfringents. On les observe avec la plus grande facilité en renversant les cuvettes à fond mince, sur lesquelles FAUNE DU GOLKE DU LlOiN. 177 sont fixés les jeunes (pi. IX, fig. 16). Ce semis de granules commence au milieu de la base du polype (grossissement 200x1). Les septa naissent de même, à la suite d'un dépôt de globules se disposant en grossissant en lignes radiaires, et apparaissant à peu près vers le milieu de la longueur du rayon, allant du centre à la circonférence. Dans les différentes figures, sauf les figures 12 et 14 de la plan- che IX, les globules calcaires n'ont pas été modelés afin de ne pas compliquer les dessins. Chez VAstroides {Archives de zoologie expérimentale, vol. II, p. 14, lig. 30 et 32), j'ai montré que c'est par trois pièces disposées comme les branches disjointes d'un Y, qu'apparaissent les septa, qu'ils se déposent ainsi en douze groupes de cette forme, laquelle peu à peu, par l'adjonction de nodules nouveaux, disparaît par soudure avec la muraille, née un peu plus tard vers la circonférence, là où s'ouvrent les branches de l'Y, et indépendamment d'elles. Dans le cas de la Balanophyllie, il ne m'a pas été possible de ren- contrer un seul exemple oii les globules produisissent par leur réu- nion tous les rayons en forme d'Y; tout au plus, fig. 12, voit-on, à gauche, deux septa fourchus à leur extrémité extérieure. Dans cette même ligure, les autres dix septa sont plus étendus à leur extrémité périphérique, mais ils sont à peine fourchus. Ce qu'il importe d'établir, c'est que, dès son origine, dès ses pre- mières ébauches, le polypier se compose ici toujours de douze rayons; que ces rayons calcaires sont absolument indépendants de la muraille ; qu'ils sont le plus ordinairement assez irrégulièrement formés par suite de la superposition inégale des globules formateurs (fig. 12 et 14, pi. IX, et fig. 17, 18, pi. X). Ces rayons sont d'abord indépendants les uns des autres, mais (pi. IX, fig. 7), par le progrès de leur développement, on les voit quelquefois se rencontrer deux à deux vers leur extrémité centrale, et s'unir. Dans la figure citée, dix de ces rayons sont soudés par leurs extrémités centrales. Il ne semble pas qu'il y ait autrement à s'occu- ARCH. UE ZOOL. EXP. E'I GÉK. — 3» SÉRIE. -- T. V. 1897. 12 178 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. per de cette conjonction, car nous verrons plus tard d'autres unions plus importantes se produire entre les septa d'un ordre spécial. La figure 17, pi. X, représente très exactement le squelette le moins développe de la Balanophyllie qu'il m'ait été donné de trouver sur les roches tirées de la mer. On y voit les douze septa libres et effilés à leurs deux extrémités. On remarque aussi que vers le milieu de leur longueur, ils sont un peu plus épais. Il faut encore noter, dans cettefigure parfaitement circulaire, qu'au centre paraît un amas de granulation, origine de la columelle, que l'on verra progressivement croître et s'élever au centre du calice, enfin qu'en dehors des extrémités des septa, règne un filet grêle, on- dulé et continu, que nous considérerons pour le moment comme le premier rudiment de la première muraille. La grandeur du diamètre de ce jeune polypier est de 1 millimè- tre. Plus tard, sans que le diamètre augmente, les septa deviennent plus épais vers leur extrémité périphérique, et la ligne circulaire blanche de la figure précédente s'élève, en s'inclinant vers le centre, pour se souder aux septa. Le polypier représente alors une cupule d'une délicatesse et d'une régularité extrêmes. La figure 18 en est l'image très exacte vue de face; mais elle est loin d'en rendre la délicatesse. La zone (g), finement striée parallèlement au bord et très légère- ment ondulée, représente bien évidemment la theca, ou muraille, dans un polypier simple. Il faut remarquer qu'on s'en tient ici à la définition de cette partie donnée par les auteurs français. Les nodules formant les septa deviennent épineux, ce qui est déjà le caractère des septa de l'adulte; mais, ici, ce qui représente la muraille n'est absolument pas criblé de pores et n'a aucune analogie avec la muraille de l'adulte; certainement elle a l'apparence de ce que, dans certains cas, on a appelé épithèque, mais elle représente, à n'en pas douter, la limite extérieure de la cupule du calice, en un mot, la muraille, d'après la définition de Milne Edwards et J.Haime. FAUNE DU GOLFE DU LION. HO Nous aurons à discuter l'opinion de M. von Koch et d'autres au- teurs qui distinguent les polypiers sans muraille, et limités simple- ment par une épithèque des polypiers à muraille vraie. L'origine des deux parties est diflerente à leurs yeux. Pour le moment, et afin de rendre la description plus simple, écartant toute discussion, nous appellerons muraille les parties (a) (6) (c) dans la planche X, ligures 18 à 25. Quelquefois, dans cet état de développement, l'on trouve la forme en Y, mais très peu marquée au point de jonction de la muraille et des septa, du moins au stade de la figure 18. Voici donc un premier fait à opposer à ce que nous avons vu chez les Caryophyllies : ici, les premières cloisons sont au nombre de douze, là, elles sont seulement au nombre de six. Leur aspect exté- rieur est différent dans les deux cas, et dans les exemples étudiés dans ce travail, on trouve un caractère embryogénique confirmant la distinction des apores et àespoi^eux. Restera à vérifier, par des études plus nombreuses, s'il est permis de généraliser, en n'oubliant pas que l'un des types des plus poreux, le genre Madrepora proprement dit, n'a jamais plus de six septa; il ne les a même pas dans tous ses blastozoïtes. Au stade représenté par la figure 18, le polypier est recouvert par un polype à douze tentacules à peu près égaux (fig. 10, pi. IX). 11 reste stationnaire quelque temps dans cet état, puis son évolution recommence et, alors, un travail curieux s'accomplit. Ses septa s'accroissent dans deux sens, d'abord en hauteur, et ils dépassent en élévation le bord du limbe de la muraille, puis en longueur; alors les nodules calcaires étant sécrétés et ajoutés à leur extrémité périphérique externe (fig. 19, pi. X), dépassent en dehors les limites de la muraille. Ce travail de dépôt continuant, l'on voit, chose curieuse, les septa se prolonger à l'extérieur non seulement sur la margelle de la muraille (a, fig. 20), mais encore descendre jusque sur le corps étranger sur lequel s'est fixée la BalauophyUie ; ils sont devenus extérieurs (fig. 20 et 21). 180 H. DE LACAZE-DUIHlEfiS. Après cette sorte de débordement qui a produit de véritables côtes, un travail nouveau s'accomplit. De même qu'à l'origine, les septa avaient été circonscrits et enfermés dans la cavité de la première muraille, de même, dans le stade nouveau, une seconde muraille s'élève sur les extrémités extérieures des septa et les en- ferme sous une couche mince, striée, ondulée et imperforée comme la première (fîg. 22, (o), première muraille ; (è), deuxième muraille). Il faut remarquer que, lorsque les septa se sont prolongés ainsi à l'extérieur, ce qui n'est pas suffisamment rendu par la figure 21, six se sont alternativement plus fortement développés. C'est déjà le commencement du travail qui va différencier les septa de première grandeur des septa de deuxième taille. A partir de ce moment, l'ordre morphologique change. Le bord externe des six premiers septa s'accroît rapidement, de dedans en dehors et aussi de bas en haut. Si bien qu'il arrive un moment oîi l'on trouve, tout autour de la muraille lisse et brillante, six arêtes échinulées, scarieuses, plus élevées, qui sont le résultat de l'accrois- sement en dehors d'elle des six septas devenus primaires (flg. 24). Par une expression qui n'est pas juste, mais qui rend la pensée^ on pourrait considérer le travail d'accroissement qui vient d'être décrit comme produisant l'origine des six côtes primaires. Mais on va voir que ce ne sont pas réellement des côtes définitives ; seulement, elles paraissent être telles à un moment donné, parce qu'elles sont extérieures. L'accroissement s'accomplira désormais surtout sur cette partie extérieure, et chaque septa devenant, au-dessus de la muraille, plus épais, s'étendra encore en rayonnant, en dehors d'elle, sur la sur- face du corps étranger portant la jeune Balanophyllie (voir pi. X, fig. 24). A ce moment aussi, on voit encore très distinctement la première muraille (a) limitant le premier cercle inscrit dans la cir- conférence qu'elle représentait, bordée et presque entièrement re- couverte par les accroissements des six premiers septa. Les six cloisons restées un moment slationnaires, et devenues par FAUNE DU GOLFE DU LION. 181 cela même secondaires par leur taille, croissent à leur tour et, un peu plus tard, passent par-dessus le bord de la première muraille pour arriver jusqu'à la circonférence oti s'arrêtent les primaires, parvenues là bien avant elles (fig. 26). Mais, remarque importante, elles restent plus grêles, lamellaires, alors que les premières sont devenues épaisses et toutes scarieuses et épineuses. Arrivé à ce stade, un nouveau travail se produit (pi. X, fig. 24). Les cloisons primaires, dans le point oii elles passent par-dessus le bord de la première muraille, forment, à un moment donné, comme un amas spongieux de sclérenchyme; de chaque côté de cet amas s'élève une petite lame. Évidemment, ces petites lames sont des cloisons nées à côté et tout près des primaires et dans leur dépendance, elles représentent les douze cloisons tertiaires. Celles-ci, après être nées sur les côtés des primaires, les aban- donnent en s'allongeant vers le centre, s'en écartent pour venir juste sur le limbe de la première muraille, rencontrer là la cloison secon- daire et s'unir avec elle en formant un triangle isocèle à côtés courbes (pi. X, fig. 22, 23, 26), dont la partie de la cloison secon- daire extérieure à la première muraille représente l'apothème. A ce moment, l'on approche de la forme adulte et l'un des carac- tères importants de quelques Eupsammides apparaît. C'est la con- vergence ou la conjonction des cloisons tertiaires et secondaires, vers leur extrémité centrale. On reconnaît, dans la série des faits qui viennent d'être exposés, une succession de stades non encore signalés ; ils sont importants. Enfin, lorsque les cloisons tertiaires, nées à côté des primaires et conjuguées sur l'arête bordant la première muraille, sont formées, apparaît une muraille secondaire qui occupe la circonférence limi- tant la surface du cercle (fig. 22, b), qui couvre les différentes parties produites par le débordement des productions sclérenchymateuses en dehors du premier calice extrêmement régulier, que représente le stade à douze cloisons primaires. 182 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Cette seconde muraille (flg. 22, b) est encore lisse, non scarieuse, et ressemblant à la première. Ces caractères contrastent avec ceux des septa et des masses sclérenchymateuses, dont les bases sont scarieuses et toutes perforées. U faut remarquer qu'à ce stade les cloisons de première grandeur se sont étendues vers le centre jusqu'à rencontrer la columelle. Enfin commence à apparaître le stade de la forme adulte. Le nombre des cloisons a pu augmenter ; mais le nombre 6 des systèmes reste absolum.ent constant, déterminé qu'il est par les septa de première grandeur. On a vu encore que les extrémités internes des cloisons de pre- mière grandeur étaient restées libres, quoique arrivées jusqu'au contact de la columelle; mais aussi qu'en s'élevant le calice devenait plus profond, et qu'alors, peu à peu, les mêmes septa semblaient s'écarter de la columelle, de telle sorte qu'ils paraissent, dans le haut, détachés et assez éloignés de la masse centrale. Ce n'est là qu'une apparence. Les cloisons tertiaires s'unissent en convergeant vers les cloisons secondaires et forment un triangle isocèle (flg. 24, pi. X) ; la partie de la cloison secondaire comprise entre le sommet de l'angle et la columelle s'est développée, et maintenant on la voit unissant la co- lumelle au sommet du triangle. Au contraire, si la partie, comprise dans le triangle et en for- mant l'apothème, s'est moins développée vers le sommet de la ligure, elle fait saillie vers le côté externe; mais en dehors du triangle, vers la columelle, elle est très mince et peu élevée (pi. X, fig. 23, 25). U arrive encore que, de chaque côté de ce septa secondaire, nais- sent des septa quaternaires, par le même processus que celui qu'on a vu produire les septa ternaires sur les côtés des septa primaires. Ces nouveaux septa, de môme que les ternaires, s'éloignent des se- condaires, se portent sur les côtés du triangle isocèle, s'unissent à ses côtés et forment de nouveaux triangles, mais plus petits, moins FAUNE DU GOLFE DU LION. 183 réguliers, qui ont leurs sommets tournés vers les septa primaires et qui, au milieu de leurs bases, fournissent la place à d'autres septa fort petits de cinquième ordre. A ce moment s'est formée une troisième muraille {c, fig. 23), qui a enfermé les extrémités des septa libres. Dans la figure 24, le poly- pier offre encore le même caractère que les précédents ; sa troi- sième muraille est imperforée, finement striée et ondulée. On trouve facilement sur les rochers des échantillons présen- tant, comme dans la figure 25, les trois murailles concentriques (a, b, c). V DU POLYPIER ADULTE. La figure du polypier de laBalanophyllie adulte donnée par Gosse {loc. cit., p. 344, fig. dans le texte) n'est pas complète, elle repré- sente bien les six systèmes, mais la conjonction des cloisons n'est pas suffisamment représentée. Dans son ensemble le calice de la Balanophyllie est souvent tout à fait circulaire, surtout chez les jeunes individus, mais il offre aussi fréquemment un ovale montrant une symétrie bilatérale; la bouche du polype est allongée ayant son grand axe dirigé dans le sens du grand axe du calice et de celui de la columelle. La figure 26 de la planche X est copiée très exactement d'après plusieurs individus en parfait état. Dans la figure 29, deux systèmes séparés par un septa de première grandeur, donnent encore fidèlement, mais beaucoup plus grossie, la disposition de la conjonction et les relations des septa i, 2 et 3. Cette figure est le plan par terre horizontal des parties sans ombre n'indiquant pas les hauteurs, mais la physionomie, quand on observe sous la loupe un calice adulte en bon état. Les hauteurs différentes des courbures des parties demandent à être observées en faisant varier alternativement la distance focale, afin de bien interpréter cette figure, sur laquelle on voit la cloison de première grandeur (i) 184. H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. aller librement et directement jusqu'à la columelle ; les cloisons (2) ou de deuxième grandeur, devenant minces et grêles en se rappro- chant du centre, enfermées d'abord par leur extrémité extérieure dans le triangle isocèle à côtés courbes, dont elles forment l'apo- thème et qui, après le sommet de l'angle deviennent plus épaisses et arrivent jusqu'à la columelle. On y voit les cloisons de quatrième origine nées de chaque côté et tout près des cloisons (2) ou de deuxième grandeur, se courber à l'opposé de la cloison secondaire et s'avancer vers le milieu de la longueur des cloisons (3), se souder avec celles-ci en formant un deuxième triangle dont l'un des côtés est beaucoup plus courbe que l'autre, enfin dans le milieu de l'espace compris entre les cloisons (3) ou de troisième et (4) ou de quatrième grandeur, on voit les petites cloisons de cinquième ordre qui sont très courtes. Ce qui frappe certainement à première vue dans ces figures très exactes (26 et 29 de la planche X), c'est l'épaisseur des cloisons qui n'est pas en rapport avec leur ordre hiérarchique. Les cloisons (2) sont nées en même temps que les cloisons (1); l'on a vu comment se produisait cette différenciation entre les douze premiers septa primaires (pi. X, fig. 17 et 18). Incontestablement, les cloisons (3) sont nées après les douze premières, elles sont donc les deuxièmes par ordre d'apparition et les troisièmes dans l'ordre hiérarchique de grandeur : car, par leur étendue, elles sont bien supérieures aux cloisons de deuxième ordre. C'est le développement égal et le rapprochement très près de ces trois cloisons (1) et (3) qui causent cette apparence particulière per- mettant à première vue de reconnaître toujours facilement, dans le calice de la Balanophyllia regia, les six systèmes fort réguliers et complets. Dans l'adulte, la muraille ne ressemble plus à ce qu'elle a été dans le jeune âge, elle est formée (fig. 29] par des trabécules ou spicules unissant les côtés des septa se soudant par leurs pointes et laissant entre eux les pores caractéristiques du groupe. Dans les figures 27 FAUNE DU GOLFE DU LION. 185 et 28, les côtes correspondant aux différents ordres de septa ont été exactement représentées; elles sont séparées, mais entre elles on voit les pores et les lacis de filaments calcaires constituant la mu- raille poreuse. En observant de profil la cupule du polypier, on reconnaît facile- ment par la différence des hauteurs des crêtes (fig. 27), la hiérarchie de grandeur des septa entre deux crêtes les plus élevées de premier ordre, et au milieu de l'espace ainsi limité paraît la crête plus basse du deuxième ordre, puis échelonnées de celle-ci à la plus grande, les trois crêtes (4, 5 et 3). "Si les systèmes sont ici parfaitement reconnaissables et réguliers ainsi que lesicycles au nombre de cinq, l'ordre d'apparition n'a pas suivi les lois indiquées, et la critique précédente doit se reproduire ici, puisque le nombre 12 est primitif et que le nombre 6 n'arrive que secondairement. VI DE LA CONJONCTION DES SEPTA. Le caractère qui a valu le nom de poreux à ce groupe naturel est très juste en ce qui touche les espèces peu nombreuses du golfe. Mais il en est un autre qui, moins constant peut-être, mérite cepen- dant de nous arrêter un moment; je veux parler de la conjonction de quelques-unes des cloisons. Cette union des extrémités centrales des septa donne une physio- nomie particulière au plan, à la projection horizontale du calice de ces polypiers (fig. :26). La conjonction porte sur des cloisons qui n'occupent certainement pas, dans la symétrie du polypier, un ordre qui soit en rapport avec toutes les conditions qu'ils présentent ; aussi la nomenclature des auteurs français se trouve à leur égard encore ici un peu en défaut. Quand le calice n'offre pas des proportions dépassant les limites ordinaires dans l'espèce et lorsque le type 6 est bien net avec les 186 H. DE LACAZE-DUTHIERS. six systèmes classiques, les cloisons primaires restent libres entre les groupes conjugués et d'une taille très supérieure aux autres, ce qui permet facilement de les reconnaître. Au milieu de l'espace occupée par les chambres primaires que ces septa, les plus grands, limitent, on voit des cloisons parfaitement régulières qui, par leur taille et leur position, sont hiérarchiquement les secondaires. Ces conditions qui s'observent nettement chez la Balanophyllia regia se retrouvent dans un autre genre avec autant de régularité ; seulement, de chaque côté des septa primaires et secondaires, sont des cloisons destinées à se conjuguer, qui, par leur taille, égalent « peu près celles dont elles sont voisines ; bien qu'elles soient loin d'être par leur origine ce qu'elles sont par leur taille, nous leur don- nerons indifféremment le nom de cloisons conjuguées ou collatérales, en raison de leurs rapports entre elles ou avec leurs voisines. Nous désignerons par les mots : groupe primaire des conjugués les septa enfermés dans l'angle que forment les deux cloisons collaté- rales des grandes cloisons libres et de premier ordre allant directe- ment de la muraille jusqu'auprès de la columelle. Si l'on réunit les extrémités externes de ces cloisons conjuguées primaires par la muraille, ce qui existe en fait, on forme un autre triangle isocèle dont les côtés sont arqués et dont l'apothème est représentée par la plus grande des cloisons du milieu du groupe de celles qu'on doit considérer comme étant secondaires, et qui sont en fait de deuxième grandeur. Nous nommerons cloisons conjuguées de premier ou de deuxième ordre celles qui, se courbant vers leurs homologues de même ordre ou d'un ordre différent, s'unissent par leur bord libre central et, devenant adhérentes, forment des triangles secondaires, dont l'ob- servation peut fournir d'importantes considérations pour les déter- minations. Tout ce qui a été dit précédemment trouve encore ici une nouvelle application. FAUNR DU GOLFIî; DU LION. 187 On sent bien, quand le nombre des systèmes est très multiplié ou seulement plus grand que 6, qu'on a de la peine à assujettir à la loi d'accroissement des auteurs français l'ensemble des cloisons si nombreuses qu'on va voir exister, par exemple, dans une Balano- phyllia italica. Mais en admettant des groupes primaires et secondaires, peut- être tertiaires, pour les conjonctions d'ordre de plus en plus infé- rieur, les descriptions et les caractères deviennent plus précis et plus faciles à indiquer. Cette raison nous a donc conduit ici, comme pour les Garyophyl- lies, à employer une nomenclature un peu différente. Parmi les nombreux échantillons de très jeunes Balanophyllies qui se sont ou développées dans mes aquariums, ou que j'ai trouvées sur les pierres qui portaient des adultes, j'ai rencontré quelques in- dividus sur lesquels l'origine des premières cloisons conjuguées et de la conjonction était d'une évidence parfaite. On a vu que les douze premières cloisons sont encore à peu près égales, lors de la formation de la deuxième muraille. Déjà, contre la face interne de cette seconde muraille, on constate, avant le renversement en dehors de l'extrémité externe des septa, que les septa, un entre autres, sont accompagnés de la formation d'une lamelle qui leur est parallèle, très rapprochée, mais un peu divergente en dedans, et s'incurvant à l'opposé du septa qu'elle longe pour rejoindre son homologue du côté opposé et s'unir à lui en- fermant dans l'espace ainsi circonscrit, du côté de la première mu- raille, la portion externe du septa qui deviendra de second ordre (flg. 22, pi. X). Il est fort diflicile de rendre, par le dessin, les mille et une tran- sitions qui, depuis une simple saillie du tissu calcaire intramural jusqu'à ces lamelles puissantes conjuguées que présente l'adulte, se montrent successivement sous les yeux de l'observateur. Une des- cription aride peut seule suppléer à ce manque de figures. La position, la forme, la direction, la grandeur de ces cloisons 188 H. DE LACAZE-DUTHIERS. conjuguées, ne peuvent guère les faire prendre pour les homologues des cloisons de troisième ordre. Leur nombre est bien de douze à leur origine, puisqu'il y en a deux de placées tout contre les six cloisons destinées à être les six pri- maires. A vrai dire, en considérant bien ce qu'elles sont à leur début, on serait tenté de les considérer comme des dépendances des cloisons primaires auprès desquelles elles sont nées. A ce moment — et les dessins ne rendent pas assez bien l'état des choses — on peut remarquer que la partie externe de la cloison pri- maire est élevée, mais qu'à partir de la première muraille elle n'a pas suivi l'accroissement de sa portion externe, et l'on voit sa moitié interne dans la profondeur du calice (fig.26, 29). Pour la cloison al- ternant avec elle, ses deux moitiés sont encore faciles à reconnaître. Quant aux cloisons conjuguées, elles deviennent facilement re- connaissables, car leur bord libre se garnit déjà de trabécules et d'épines bien marqués. A partir du moment où les groupes primaires se développent en dehors de la seconde muraille, le même processus de croissance répète absolument (fig. 24) le stade pendant lequel la première muraille est dépassée, on voit alors bien distinctement les groupes conjugués dont on reconnaît encore l'origine (voir les différentes figures de la planche X). Lorsque arrive la troisième muraille, deux éléments de plus appa- raissent (fig. 25). D'abord, sur les côtes de la cloison devenue secondaire, s'élèvent tout contre elle, comme pour la cloison primaire, deux lamelles parallèles, collatérales, et qui ne deviendront à leur tour conjuguées que chez l'adulte. Enfin, dans les chambres comprises entre les groupes des septa primaires et secondaires, au milieu exactement de l'espace qui les sépare, se montre une toute petite cloison bien caractérisée et très distincte. FAUNE DU GOLFE DU LION. 180 On voit que, si l'on considérait les groupes des cloisons conjuguées comme appartenant ou étant une dépendance des cloisons devenues primaires et secondaires, ce dernier septa serait de troisième ordre. Mais, sans pousser aussi loin les conséquences de ces observations, il n'est pas possible de ne pas remarquer combien la supputation du nombre des cycles et des systèmes est ici entourée de difficultés. C'est pour cela que pour les Balanophyllies, comme pour les Caryo- phyllies, j'ai employé les mots de groupes avec une épithète les caractérisant. Que si l'on voulait pousser plus loin la comparaison entre les Caryophyllies et les Balanophyllies, on pourrait se demander si le septa central du grand triangle isocèle, représentant l'apothème du triangle, ne pourrait être assimilé, pour les besoins, bien entendu, des descriptions, à la cloison paliale. Alors le groupe conjugué deviendrait l'homogue, mais non l'ana- logue, du groupe palial. On aurait, par conséquent, les cloisons primaires ouUmites sépa- rant deux ordres de septa, les septa conjugués, qui pourraient être des conjoints ou collatéraux des septa primaires et secondaires, et les septa intermédiaires compris dans les chambres limitées par les conjugués. Enfin, la partie de la cloison secondaire unissant le sommet du triangle et la columelle pourrait être comparée à un palis. Mais je fais, quand à ces homologies, toute réserve. Extérieurement, l'origine des septa est facile à reconnaître, on dirait les côtes des polypiers adultes; mais le mode de formation n'est pas celui qui est suivi dans les conditions générales. Ici c'est un renversement en dehors d'une muraille lisse non cribleuse et de formation nouvelle. Ce travail est facile à suivre, en partant des plus jeunes, quand on a de nombreux échantillons sous les yeux, ayant des âges dillerents. Le premier travail qui s'accomplit, est la production sur la base 190 H. DE LACAZE-DUTHIERS. libre et supérieure de la muraille, d'un dépôt de sclérites se por- tant en rayonnant en dehors. Une réflexion s'impose ici, elle a été souvent répétée : 1" Les septa de deuxième ordre ont, à un moment donné, été de premier ordre comme âge ; 2° Ils sont devenus de deuxième ordre par la suite de leur arrêt d'accroissement. Dans ce cas, la grandeur diûerente des septa ne correspond pas à des âges diCFérents. • Nous verrons plus loin ce qu'il faut penser de l'origine et de l'ordre d'apparition des septa dans d'autres espèces. BALAmPEYLUA ITAUCA (PI. X, tig. 31, 32, 33). Cette espèce est remarquable par sa taille, deux ou trois fois plus considérable que celle de la Balanophyliia regia. Un autre caractère la fait facilement reconnaître : elle est forte- ment ovale, et son calice, vers le milieu de la longueur de son grand diamètre, est souvent plus ou moins comprimé, de telle sorte que sa projection représente quelquefois (l'expression est exagérée, mais elle rend la pensée) un 8- de chiffre, ou mieux un biscuit à la cuiller. Les principaux caractères du polypier ont été donnés par les auteurs français (vol. III, p. 101). Nous ne les rappellerons pas, nous n'indiquerons que quelques différences en les comparant à ceux de la Balanophyliia regia. La diagnose de l'espèce est d'ailleurs facile. Polype. — L'animal est d'un brun de sepia colorée assez marqué, mêlé d'une pointe de terre de Sienne (pi. X, fig. 31). Ses tentacules sont fort transparents et couverts de petites taches (batteries) de la môme couleur que le péristome. Les extrémités des tentacules pré- sentent aussi un développement parlicuher en forme de sphérule dû à l'accumulation des nématocystes. FAUNE DU GOLFE DU LION. 191 La Balanophyllia italica vit facilement et longtemps dans les bacs; cela se comprend, elle n'habite pas une eau profonde et peut facile- ment s'acclimater. Cependant, elle ne m'a pas donné autant de résul- tats que la première espèce; lesjeunes que j'ai pu recueillir sur les rochers n'ont jamais été de beaucoup inférieurs à la taille de la iffa/a- nophylliaregia adulte de la même région. On a vu, au commencement de l'étude des poreux, quelle était sa station ; elle vit dans les eau.x de Banyuls. Je l'ai rencontrée sur les talus submergés de l'île Grosse, au niveau des eaux les plus basses, et vers le cap d'Oune ; on m'en a rapporté avec le scaphandre plusieurs dizaines. Le polype bien épanoui renverse en dehors el en bas ses tenta- cules (pi. X, fig. 31), et l'on reconnaît aisément les tentacules de pre- mière grandeur séparés par des groupes d'autres tentacules plus petits et de taille inégale, ce qui répond aux différences de grandeur des septa. Polypier. — Les cycles et les systèmes sont beaucoup plus nom- breux que dans la Balanophyllia régla, ils se multiplient vers les extrémités du grand diamètre du calice; il m'eût fallu, pour juger de ces modifications morphologiques, un plus grand nombre d'in- dividus de taille plus variée, que je n'ai pu me procurer. Ce n'est que par l'embryogénie qu'on arrivera à reconnaître les dispositions transitoires et le mode de multiplication des systèmes. Bien que j'aie conservé longtemps vivants plusieurs individus de cette espèce, il ne m'a pas été possible d'obtenir des embryons. La teinte effacée de cesZoanthaires les fait confondre, à cause des couleurs sombres, éteintes, avec les rochers sur lesquels ils vivent. Cette condition n'est pas favorable à la recherche des très jeunes individus, aussi m'a-t-il été difficile d'élucider cette question. Voici quelques remarques sur le polypier: Le calice est profond, et comme les cloisons qui l'entourent sont serrées et peu saillantes, et comme aussi son ovale est le plus souvent étroit, allongé, son intérieur paraît obscur. in H. DE LACAZE-DUTHlliRS. La coiiimeiie est oblongue, scarieuse, déchiquetée, comme ver- moulue, mais très distincte au bas de la fosse calicinale. La muraille paraît très épaisse, parce que les septa de dernière grandeur sont peu saillants et très rapprochés. Les côtes sont rela- tivement plus rapprochées que dans l'espèce précédente, et les per- forations moins nombreuses (pi. X, comparez fig. 27 et 33). Aussi la margelle de la cavité calicinale paraît épaisse et comme entourée d'un bourrelet. Les cloisons présentent des caractères communs avec l'espèce précédente, mais aussi quelques différences très appréciables. Si les individus que l'on observe sont de la plus grande taille, on a quelque peine à reconnaître chez eux des traces d'une symétrie en rapport avec le nombre 6. Mais dans les proportions de 10 et 12 millimètres du grand diamètre, on rencontre presque toujours six grandes cloisons libres et non conjuguées, répondant à six échancrures vagues de la columelle au fond desquelles elles s'unis- sent avec la base de la masse scarieuse de celle-ci. Deux de ces cloisons sont dans le plan du grand diamètre et à ses extrémités. Alternant avec celles-ci, on compte six (6) autres cloisons non conjuguées, et par conséquent libres, mais un peu moins étendues, ets'avançant moins vers le centre que les premières. Ces deux ordres de cloisons que l'on reconnaît facilement, peu- vent être considérées comme étant de première et de deuxième gran- deur. Elles sont formées d'un tissu compact non scarieux, et leur bord n'est point hérissé de spinules. Ces douze cloisons primaires et secondaires laissent entre elles douze espaces occupés par autant de triangles isocèles formés par la conjonction des cloisons leurs voisines et collatérales à sommets libres (pi. X, fig. 32). Le caractère de ces triangles est sensiblement différent des mêmes parties dans la Balanophyllia regia. Ici, en effet, les collatérales se rejoignant très bas, parce que le calice est profond, l'angle sommet du triangle se trouve par cela FAUNE DU GOLFE DU LION. 193 même très enfoncé; aussi est-il uni à la columelle par une lamelle. Or les sommets ne sont pas réunis deux par deux, et de cette dispo- sition résulte cet autre caractère, savoir : que les côlés de ces triangles sont à peine courbés, tout au plus le sont-ils un peu, très peu vers leur jonction sur la lamelle fixant le sommet de l'angle à la colu- melle. Le dessin de la figure 32 montre le cas où les deux triangles, séparés par un septa de premier ordre, sont bien dans les conditions indiquées. Quand on regarde un calice de Balanophyllie, surtout dans le cas actuel de la Balanopbyllie italique, on est frappé de la taille et de l'épaisseur que semblent former et avoir sur le bord du calice les cloisons de première et de deuxième grandeur. Cela tient à ce que leurs collatérales sont à la fois très près d'elles (elles les touchent pour ainsi dire) et presque aussi hautes qu'elles, quoiqu'un peu moins épaisses; il y a encore une autre raison qui lient à la dispo- sition des cloisons incluses dans les triangles. Dans la BalanophylUa regia^ ces cloisons sont au nombre de cinq (voir pi. X, fig. 26) et les collatérales de la cloison (2) se courbent à l'opposé de celle-ci pour aller se conjuguer avec la collatérale (3) de la cloison libre (1), d'où la production de deux seconds petits trian- gles inclus dans le premier. Ici les cloisons intérieures au triangle (fig. 32) sont au nombre de trois, quelquefois quatre ou cinq ; ce dernier nombre ne se rencontre pas toujours dans tous les triangles d'un même individu : il est le fait de l'accroissement du polypier et de la multiplication des cloisons d'ordre inférieur qui, on le voit dans l'espèce, sont loin d'être produites dans l'ordre indiqué par les auteurs français, La grandeur même de ces cloisons incluses n'est pas en rapport avec la place qu'elles occupent. Les plus rapprochées des collatérales conjuguées sont les plus grandes des trois, quatre ou cinq, tantôt d'un côté, tantôt de l'autre du triangle, mais, presque toujours, si la cloison voisine d'un septa ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3« SÉIilE. — T. V. 1897. 13 194 H. DE LACAZE-DUTHIERS. est plus développée à droite, celle du côté gauche le sera de même. De là résulte un assemblage de trois cloisons fort rapprochées, ayant, au centre, les cloisons de première ou de seconde grandeur, ce qui fait qu'à première vue ces groupes paraissent s'élever beaucoup et former des masses sur le pourtour du limbe du calice. Dans la Balanophyllia regia, les cinq cloisons intra-triangulaires sont régulièrement enveloppées, et toujours celle du milieu des cinq est la plus grande, les deux autres vont en décroissant de taille. Mais aussi cette médiane a ses deux collatérales qui, en se courbant et s'éloignant d'elle, vont se conjuguer avec les collatérales voisines des cloisons libres ; aussi (voir pi. X, fig. 26 et surtout 29) y a-t-il chez cette espèce deux triangles secondaires dans les plus grands. Dans la Balanophyllia italica, les deux petits triangles secondaires n'existent pas (fig. 32), à moins qu'unissant par la pensée les deux lames qu'on a vu servir à souder les sommets des deux triangles à la columelle, on en forme un plus grand et double ; alors on pour- rait homologuer les parties semblables dans les deux espèces. Mais il n'en resterait pas moins établi que lessepta de troisième, quatrième, cinquième ou même sixième grandeur, n'ont pas des tailles réguliè- rement graduées d'après leur position. Il importerait d'étudier comparativement ces différences, dues aux conjonctions dans d'autres espèces de Balanophyllies ; pour n'indiquer qu'un caractère très marqué, dans les t^egia^les côtés des triangles sont très courbes, ici, ils sont presque droits. Y a-t-il une épithèque dans cette espèce ? Tous les individus recueillis à Banyuls ont leur base d'adhérence d'un diamètre plus grand que celui de leur colonne; ils sont, en un mot, fixés par une expansion variable, mais ne dépassant guère que de 1 à 2 millimètres le diamètre en dehors de la colonne (pi, X, fig. 31). Dans beaucoup de cas, il est très facile de reconnaître la partie qui est dénudée du sarcosorae, elle est d'une teinte ordinairement plus FAUNE DU GOLFE DU LION. 195 blanchâtre, ot séparée de la partie qui lui est supérieure, par une ligne s'élevant en un léger bourrelet. Quelquefois ce bourrelet s'élève un peu sur la colonne, et une couche, d'un tissu diflérent du reste du polypier, forme comme un manchon basilaire enveloppant la base au-dessous du pied du polype. Certainement ceci est regardé comme étant une épithèque, mais ce manchon est loin de se montrer sur tous les échantillons. Cette condition se présente plus fréquemment chez la Balanophyl- lia regia (voir pi. X, fig. 30). En terminant, nous reviendrons sur cette question. La Balanophyllia corsica ne m'a pas paru exister dans les parages et sur les côtes du golfe du Lion. Elle est d'ailleurs assez peu nette- ment caractérisée par les auteurs. Dans le port de Mahon, si riche et si facile à explorer, il existe une belle Balanophyllia colorée en rouge orangé, de la grandeur de la Balanophyllia italica. On la voit à une faible profondeur, et il est extrêmement facile de la pêcher, car elle est fixée sur des pierres plates, qu'on peut déta- cher facilement du fond, surtout sur la côte nord du port. Je ne pourrais en donner la diagnose n'ayant pas les éléments né- cessaires; provisoirement faut-il la nommer Balanophyllia balearica? Est-elle vraiment une espèce? Ce sont là des questions à résoudre. DES LEPTOPSAMMIES. Une jolie espèce de ce genre est assez fréquente dans les eaux de Banyuls. On la rapporte à peu près sûrement en enlevant, avec la dragne ou les filets à langoustes, d'une profondeur de 40 à 50 mètres, des fragments de roches de formation actuelle qui couvrent les fonds de la mer en face du cap l'Abeille. Dans les anfractuosités de ces roches de formation nouvelle, où 196 H. DE LACAZK-nUTHIERS. pullulent à côté d'elle des espèces intéressantes, on trouve des jeunes individus depuis la taille la plus faible, qu'on ne reconnaît qu'à la loupe, jusqu'aux adultes les plus développés. Le genre Leptopsammia, créé par Milne Edwards et Jules Haime {loc. cit., Annales des sciences natui'elles, 3" série, vol. X, p. 90, pi. I, fig. 4), a été formée pour recevoir une espèce des Philippines, peut- être même un seul échantillon. Tous les caractères génériques se rapportent exactement à cette Dente de cane des pêcheurs de corail. Ce genre appartient bien aux Sclérodermés poreux par sa mu- raille; mais si l'on compare les cloisons de son calice avec celles des principaux groupes des poreux, on remarquera qu'un caractère y manque, ce qui est véritablement embarrassant pour les détermi- nations, quand on n'a pas à sa disposition les types originaux pou- vant servir de termes de comparaison. En effet, page 91 du volume III des Coralliaires, on lit, à propos des caractères généraux des Eupsammines : « L'appareil septal est bien développé et offre toujours six systèmes égaux. On compte tantôt quatre, tantôt cinq cycles de cloisons, quel- quefois même il y a des rudiments d'un sixième cycle; mais ce qu'il importe surtout de noter, c'est que les cloisons du dernier cycle, quel que soit celui-ci, ne sont jamais situées dans le plan du rayon qui irait de la circonférence du calice à son centre : elles sont tou- jours plus ou moins arquées, et la loi qui règle leur direction est très simple. Effectivement, lorsque, dans un système, les cloisons du dernier cycle sont de quatrième ou cinquième ordre, chaque cloison de quatrième ordre s'éloigne de la cloison primaire voisine, et celle de cinquième ordre de la secondaire pour aller se souder l'une avec l'autre au devant de la cloison tertiaire avec laquelle elles contractent une intime adhérence dans leur partie inférieure. » Il y a, dans le cas de notre espèce, cinq ordres de cloisons qui ne sont pas toutes également développées, surtout les dernières ; mais, pas plus que dans l'Astroïdes et les Gœnopsammies, on ne voit FAUNE DU GOLFIÏ DU LION. 497 toujours les soudures dont il est question et qui semblent être regar- dées comme étant des plus importantes : elle l'ont défaut. En effet, ce caractère a une grande valeur, mais ne peut être attribué qu'à un groupe moins étendu que la totalité des Eupsammides. Dans le Leptopsamniia, on rencontre quelques rares individus ayant des cloisons se courbant un peu et abandonnant, par leur bord libre interne, leur direction radiale; mais en examinant les très nombreux échantillons que j'ai recueillis soit en Afrique, soit sur les côtes du Roussillon, je n'ai pas rencontré les soudures indi- quées plus haut (voir pi. XI, fig. 12), et il y a des individus chez lesquels, non seulement on ne voit pas la soudure, mais pas même la courbure des cloisons. Pour un groupe plus restreint, cette disposition est très caracté- ristique ; ici, elle l'est moins, surtout dans l'espèce, et, comme pour les déterminations précises, on doit avoir un caractère constant et ap- préciable, il est regrettable de ne pouvoir l'appliquer rigoureusement. Voici les caractères du genre tels qu'ils ont été donnés par ses créateurs : (( Polypier simple, fixé. Muraille mince et translucide. Côtes dis- tinctes dès la base, formées par des séries de grains fins. Golumelle très développée, saillante^. Cloisons non débordantes, médiocrement serrées, très minces, à peine granulées ; celles du cinquième ordre rudimentaires (vol. III, p. lOti). » Milne Edwards et Jules Haime n'ont décrit qu'une espèce et, par conséquent, n'ont indiqué que les caractères de l'échantillon qu'ils avaient sous les yeux. Le Leptopsammia Stokesiana offre un grand nombre de caractères communs avec ceux du L. Pruvoti. Je ne retiens que ceux de la diagnose qui paraissent différer (p. 107). (c Polypier... subtw'biné, un peu contourné... Côtes fines serrées, les pertuis de la muraille très petits, fossette médiocrement profonde. * Ces mots soulignés ne le sont pas dans le texte. J'ai voulu faire remarquer deux caractères qui n'existent pas dans l'espèce ici décrite. 1Î8 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. Les cloisons du cinquième ordre tout à fait rudimentaires; on voit aussi des rudiments du sixième ordre. Les cloisons du quatrième ordre fortement covrbées vers les tertiaires qu'elles atteignent à peu de dis- tance de la columelle ' . » Habite les Philippines. LEVTOVSAMMIA PRUVOTI (L.-D.) (PI. XI, fjg. 9, 9', 10,11, 12). I Cette Leptopsammie ne pouvant être rapportée à aucune espèce connue, il est nécessaire de la décrire comme espèce nouvelle. Je la dédie à mon excellent collègue, M. le professeur Pruvot, qui fut mon élève et qui veut bien s'en souvenir encore en restant un ami aussi sûr que dévoué. Il a fait le grand, l'important et beau tra- vail, que les lecteurs des Archives connaissent, sur le golfe du Lion, dans l'étendue considérable qui s'étend de la Nouvelle au golfe de Rosas. Je suis trop heureux, en lui dédiant cette espèce, de le re- mercier de son dévouement et de le louer sans réserve pour son amour de la science, qui le fait revenir dans les laboratoires de Roscoff et de Banyuls, où il ne trouve que des amis. Le polypier toujours simple est à peu près cylindrique; si sa crois- sance n'a pas été gênée par des dépôts calcaires venant du milieu extérieur, il est quelquefois un peu plus large en haut qu'à la base. Mais cette différence très légère ne permet pas pas de dire qu'il est subturbiné comme le Leptopsammia Stokesiana. Il est difficile d'assigner à cette espèce des proportions et des gran- deurs déterminées, surtout pour la hauteur. Le calice des plus beaux échantillons m'a paru varier par les dimensions de son grand diamètre entre 6 et 8 millimètres. La hauteur peut atteindre jusqu'à 4 et 5 millimètres, mais ce grand ' Ici même observalioa que plus haut pour les mots soulignés. FAUNE DU GOLFE DU LION. 199 allongement exceptionnel est la conséquence des encroûtements par les algues ou les bryozoaires, qui, en forçant la rand-platte ou la colonne du polype à se retirer, détermine l'accroissement en hauteur. Le bas de la colonne du polype ou rand-platte est, en effet, rare- ment étendu jusqu'au point d'attache, si ce n'est dans les jeunes animaux. Je ne l'ai guère trouvé ayant plus de 1 à 2 centimètres de hauteur, la base (fig. 9 et 10) du polypier étant dénudée, et j'ajoute que la grande taille se trouve surtout sur ceux que j'ai rapportés d'Afrique et dont la base est recouverte de produits encroûtants, mélobésies et bryozoaires. La muraille, quand elle est débarrassée des matières animales, est très blanche, mince, transparente, surtout vers sa limite supé- rieure ; dans le bas, la sécrétion scléreuse la rend plus opaque en comblant les vides internodulaires. Les côtes couvrent toute la surface extérieure de la muraille; elles sont égales et répondent aux plus grandes comme aux plus petites cloisons; arrondies, elles sont séparées par un sillon très marqué; elles sont couvertes par de petites aspérités plus ou moins aiguës, suivant les individus; elles sont toutes parallèles, quoique un peu onduleuses. La coiumelie, bien développée, est ovale, bombée, scarieuse à sa terminaison supérieure; elle occupe le tiers moyen du plus grand diamètre du calice. Non seulement elle n'est pas saillante, haute dans le cahce, mais celui-ci est profond; elle en occupe le bas. Les cloisons sont régulièrement disposées en six systèmes cons- tants et occupés dans leur milieu par les cloisons secondaires, ayant un peu moins d'étendue en hauteur et épaisseur que les primaires. Le calice est un peu, très peu ovale (fig. 12). Son grand diamètre ne varie guère entre 5 à 8 millimètres. Son plus petit est ordinai- rement de 5 millimètres, un peu plus, un peu moins, suivant la taille. Je n'ai qu'un exemplaire ayant 10 millimètres pour le plus grand diamètre. Les bourrelets circulaires indiqués sur le Leptopsammla Stokesiana 200 H. DE LACAZE-DUTHIERS. n'existent que lorsque la croissance semble avoir été arrêtée par la lutte pour la vie et lorsque le polype a repris son activité vitale. L'appareil septal mérite une mention particulière. Les courbures et les soudures indiquées comme constantes, ou ne le sont pas, ou ne se produisent que sur quelques lamelles, et sur- tout n'ont pas lieu au devant des cloisons de troisième ordre ou de celles de cinquième ordre. Car ce sont quelques-unes des cloisons de quatrième ordre qui sont un peu courbées vers les tertiaires et très rarement soudées à celles-ci, mais tout à fait au fond du calice. Y a-t-il là vraiment un caractère qui soit spécifique? Je n'ai pas un exemple sous les yeux, bien développé s'entend, qui ne présente des cloisons de cinquième ordre. Or, pour le Leptop- sammia Stokesiana, les cloisons de cet ordre sont presque toujours rudimentaires. Les cloisons de premier et de deuxième ordre sont peu inégales, mais leurs rapports avec la columelle diffèrent. Celles de première grandeur s'avancent vers le centre de figure par leur partie supérieure, plus que celles de seconde grandeur. Elles n'arrivent pas à se souder, par leur bord interne, à la columelle. Celle-ci présente néanmoins des échancrures correspondantes verti- cales et longitudinales, oii pénètrent les cloisons primaires, mais il n'y a pas de soudure entre les deux, si ce n'est tout à fait dans le fond du calice là où tous les éléments se confondent sous le dépôt du tissu commun. Quant aux cloisons secondaires, leur bord libre s'unit directement avec les saillies longitudinales que séparent les six canaux longitu- dinaux dont il vient d'être question (voir pi. XI, fig. 12)'. Le limbe de la muraille, sur les échantillons bien développés, in- tacts et de grandeur ordinaire, n'est que peu dépassé par les bords des cloisons; mais chez les individus relativement jeunes, n'ayant ' La gravure do colle figure n'est pas réussie,; il n'y a guère qae deux ou trois des cloisons secondaires qui soient unies aux angles saillants de la columelle par un filet presque imperceptible. FAUNE DU GOLFL: DU LION. 201 guère que 3, 4 ou 3 millimètres de hauteur, les cloisons primaires s'élèvent en forme de crête et sont accompagnées sur leurs côtés par les cloisons de quatrième ordre, alors fort rapprochées d'elles et plus élevées même que les cloisons de deuxième ordre. Ce caractère n'est pas indiqué dans la figure 12, pi. XI. On remar- que cependant dans cette figure que les cloisons de quatrième gran- deur sont plus rapprochées des cloisons de première et de deuxième grandeur que de celles de troisième. Pour se fixer, en l'absence des lettres qui ont été omises, les deux cloisons de première grandeur étant horizontales et commissu- rales, on établit facilement les six systèmes, en partant d'elles. Ces caractères des jeunes disparaissent peu à peu sur les polypiers développés. On ne peut donc pas donner comme caractère le rase- ment des cloisons primaires au niveau du bord supérieur de lu muraille, car il n'existe pas avant l'âge moyen. Il faut remarquer que ces cloisons, étant très minces et fragiles, peuvent, au moindre contact, être cassées dans l'intérieur des tissus mêmes de l'animal, et alors leurs polypiers ne les présentent plus. Quant aux cloisons de troisième, quatrième et cinquième ordre, elles sont peu saillantes et leurs bords sont dentelés comme une scie. L'observation de ces caractères spéciaux demande des soins minu- tieux. Il faut alternativement éclairer ou rendre obscur le calice, car sans cela sa translucidité et la blancheur de son sclérenchyme feraient méconnaître quelques-unes de ces particularités caracté- ristiques. II Polype. — L'animal est d'un beau jaune d'or mêlé à un peu de rouge. Les polypes épanouis ou contractés se reconnaissent très facilement sur les pierres, dont la teinte générale est presque tou- jours sombre (pi. XI, fig. 9 et 10). Les tentacules sont transparents (fig. 9'), mais beaucoup moins que dans les espèces étudiées précédemment; ils sont de la même 202 H. DE LACAZE-DUTHIËRS, couleur que la colonne et le péristome; ils sont piquetés de petits points d'un jaune plus marqué et leur extrémité est terminée par un paquet de nématocystes conique qui, bien qu'un peu moins co- loré et peut-être un peu blanchâtre, ne se détache pas comme dans les Garyophyllies en forme de sphérule. Les groupes de nématocystes, ou batteries, sont très nombreux, petits, très rapprochés {pi. XI, fîg. 9'); ce sont eux qui colorent les tentacules. La colonne du polype, que nous avons souvent désignée sous le nom de rand-platte, descend assez bas sur le polypier, qu'elle colore d'un beau jaune. Mais ce n'est que sur les individus peu élevés qu'elle arrive jusqu'au bas et au corps sur lequel le polypier est fixé. La base est souvent couverte de corps encroûtants. Le péristome et surtout le pourtour de la bouche sont peut-être un peu plus chauds de teinte; il y a un peu plus de rouge mêlé au jaune. Cette couleur plus rougeâtre tient un peu à la teinte des vis- cères placés en dessous. Nous avons vu même chose sur plusieurs autres espèces ; les lèvres sont toujours plus colorées. On rencontre une apparence (lig. 10, pi. XI) constante, quand le polype s'est contracté. Elle démontre très nettement un caractère qui ne manque jamais. La colonne, ou partie molle du polype su- périeure au polypier, se rabat sur le péristome, recouvre les tenta- cules et laisse au centre un espace libre au milieu duquel la bouche paraît avec sa forme ovale, sa coloration rougeâtre et ses bourrelets labiaux. Cet espace occupe à peu près le tiers central du grand dia- mètre de l'ovale et correspond exactement au-dessus de la columelle. C'est quelque chose comme une bourse dont on aurait tiré les cordons sans la fermer tout à fait et dans laquelle seraient rentrés et cachés les tentacules. Les contractions sont toujours assez fortes pour que les tissus, en se moulant sur les sommets des cloisons, laissent voir les faisceaux des six septa primaires dépendant du premier cycle accompagnés sur leurs côtés par les cloisons de quatrième ordre. La couleur est un peu moins intense sur le sommet des grandes cloi- FAUNE DU GOLFE DU LION. 203 sons, et l'on peut ainsi observer et compter avec toute facilité et sans jamais rencontrer d'exception les six systèmes réguliers ne fai- sant en aucun cas défaut et caractérisant le genre Leptopsammia. III ÉVOLUTION DU POLYPIER. En explorant à la loupe les corps sur lesquels sont fixés les Leptop- sammia, il estrare de ne pas trouver, autour de leur base, quelques jeunes oozoïtes présentant les premiers stades du développement. Dans les échantillons d'Afrique, on pourrait peut-être émettre quel- ques doutes sur l'origine de ces très jeunes polypiers. Pendant mes premières campagnes, j'étais fort intrigué, par les tout petits calices que je trouvais et dont il m'était alors difficile de déterminer l'es- pèce, n'ayant pas encore, à cette époque, suivi l'évolution des jeunes coralliaires. Sur les côtes du Roussillon, où n'existent pas les Cladopsammia^ où le jeune Flabellum est commun et ne peut être méconnu, les petits polypes à polypiers de moins de 1 millimètre de diamètre ou de 1 millimètre, ne pouvaient être rapportés, comme on le voit, à une autre espèce que celle que nous étudions. Au sortir de la cavité digestive de leur mère, où elles ont com- mencé leur développement, les larves se laissent choir auprès de la base du polypier, et se fixent, après avoir été libres quelque temps, sous la forme d'un ovoïde ou d'un ver cilié. Il ne peut être douteux que l'on rencontre ainsi les premiers stades du développement du Leptopsammia Pruvoti. Aussi, sans aucune difficulté, on reconnaît que le polypiérite pri- mitif, l'oozoïle, présente douze cloisons primaires parfaitement égales (pi. XI, fig. 11). A cette période, comme chez la Balanophyllia regia^ une muraille existe, elle est lisse et ressemble à une épithèque; pour le moment, nous la liomïiiQVOïi^ muraille primitive, comme nous l'avons fait pré- cédemment pour les Balanopliyllies. 204 H. DR LACAZH-DUTHIERS. Cette première muraille s'élève et devient un petit tube qui peut aller jusqu'à I et 2 millimètres de hauteur, et pendant cette évolu- tion, la grandeur des septa se modifie ; six deviennent plus épais et s'avancent peu à peu vers l'axe. Quand cette différenciation se pro- duit, il paraît, tout au fond et au centre, quelques boutons, un, deux ou trois sclérites qui sont l'origine de la columelle, laquelle se montre bientôt irrégulière. On a vu que, chez la BalanophylUa regia, au-dessus des bords de la première muraille mince et imperforée, s'élevaient les crêtes des septa qui se renversaient en dehors, enfermées plus tard dans une seconde circonvallation ou deuxième muraille. Bien que j'aie recueilli un grand nombre de très jeunes Leptopsammia, il ne m'a pas été possible de trouver d'exemples montrant cette seconde production thécale et ce renversement. Toujours est-il que les très jeunes Leptopsammies attachées aux corps qui les portent par un pédicule grêle représentant la muraille primitive, ne sont pas rares, et qu'on doit admettre que les adultes ont acquis des proportions plus grandes dans leur diamètre, par suite des dépôts sclérenchymateux qui ont peu à peu masqué, en le recouvrant, le pédoncule grêle primitif. Ce qu'il faut retenir ici, c'est que, de même que chez les Baianophyl- lies et les Astroïdes, le Leptopsammia commence par avoir dans son jeune polypier, douze lames primaires égales ; voilà donc un troi- sième exemple qui permettrait, par induction, de considérer les Zoanthaires sclérodermés poreux comme ayant leur premier stade du développement sclérenchymateux caractérisé par la présence de douze cloisons primaires nées en même temps. Ce sont les observa- lions ultérieures qui permettront de généraliser ces premiers faits ou de les limiter aux exemples connus. Dans ces descriptions purement spécifiques, nous nous sommes abstenu de parler de l'anatomie et des organes intérieurs autres que le sclérenchyme, nous réservant de revenir plus tard sur cette partie de l'organisation des polypes. FAUNE DU GOLFE DU LION. 205 Toutefois, il est difficile, à propos de cette rencontre presque constante de très jeunes individus d'âge varié autour de la base des pieds des Leptopsammia , de ne pas signaler la coïncidence qui existe entre ce fait et la disposition anatomique des organes gé- nitaux. Les sexes m'ont paru séparés. La différence entre un mésenté- roïde femelle et un mésentéroïde mâle est si grande, qu'on ne peut faire erreur dans la détermination du sexe, même par une observa- tion superficielle. L'examen d'un ovaire explique facilement ce fait certain, savoir, que les pontes sont successives et ont lieu à des intervalles indéter- minés assez éloignés les uns des autres se produisant pendant un temps qui doit être long. On trouve dans la lame génitale du mésentéroïde une série d'oeufs peu nombreux : quatre, cinq, six; les premiers de la série sont extrêmement petits, et le dernier est d'une taille colossale comparée à celle des premiers. Cet état montre clairement que les pontes doi- vent être successives, que les œufs mûrissent, non tous en même temps, mais les uns après les autres. On sait que la fécondation, ainsi que je l'ai montré il y a déjà longtemps, est intraovarienne, et, d'après cela, doit être précédée par la maturité presque constante du spermatozoïde. Aussi, aux époques où les observations ont été faites, toujours dans les indi- vidus qui paraissaient être exclusivement mâles, trouvait-on tou- jours des spermatozoïdes d'une forme bien déterminée et très agiles. Tels sont les faits relatifs à l'histoire de cette espèce qui n'avait pas été déterminée et signalée dans la Méditerranée, et qui devra être ajoutée au catalogue de la faune de cette mer. Je l'ai rencontrée très fréquemment sur les machiottes que des corailleurs de la Galle me rapportaient de leur pêche ; ils la confon- daient avec le genre suivant sous le nom commun de dente de cane. 206 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. EUPSAMMINES COMPOSÉES. DES CLADOPSAMMIES, W. G., H. de L.-D. I Ainsi qu'on vient de le voir, pour les corailleurs maltais ou italiens de la Galle, il n'y a aucune différence entre le genre qui précède et celui dont l'histoire va suivre. Il est certain que si l'on n'y regarde de près, la taille et la couleur étant à peu près semblables, la res- semblance par cela même étant grande, on comprend l'appella- tion dente de cane employée indifféremment pour désigner l'un et l'autre genre. En y regardant de plus près, on remarque bien vite que l'un reste simple, isolé, à l'état d'oozoïte, tandis que l'autre bourgeonne et produit des zoanthodèmes en forme de petits bouquets. Une vague ressemblance existe encore entre ces zoanthodèmes qui, en miniature, peuvent rappeler de loin une fort jeune Dendrophyllie. Ce ne sont là que de vagues ressemblances. L'observation du ca- lice des polypiers montre des différences telles que nul doute n'est possible dans la distinction des deux genres. Toutefois l'on verra que, très jeunes, les polypiers de l'une et de l'autre espèce sont dif- ficiles à distinguer. Jusqu'ici le Cladopsammia n'a pas été rencontré dans le golfe. Peut-être l'y trouverons-nous en poussant plus au sud nos re- cherches. J'ai eu des individus isolés, probablement arrachés de leur base formée decœnenchyme ou tissu commun ayant jusqu'à 4, 5, 7, 8 cen- timètres de longueur ; dans ces cas extrêmes, la base était couverte de concrétions diverses, bryozoaires, tubes calcaires d'Annélides, mé- lobésies et autres algues encroûtantes ; elle avait cessé de vivre, tan- dis que le haut avait continué à croître et à s'élever. Quelle que soit la hauteur des polypiérites, la grandeur du ca- FAUNE DU GOLFF, DU LION. 207 lice ne varie pas en dehors des proportions et des grandeurs ha- bituelles; ceci est important, car, sur les centaines d'individus que j'ai rapportés de mes pêches et voyages d'Afrique, il semble bien que la taille de l'espèce peut dépasser un peu celle que représente la figure 1, pi. XI (zoanthodème de grandeur naturelle avec les ani- maux épanouis). Milne Edwards et J. Haime ont décrit une Dendrophyl lia gracilis * de la Chine. 11 nous paraît, en la comparant d'après les figures et la description des auteurs français, impossible de confondre notre Cladopsammia avec ce genre et cette espèce. Les systèmes, dans le genre Dendrophyllia, sont inégaux, irrégu- liers pour leur nombre et vers les extrémités du grand diamètre du calice. Ici la régularité du nombre et de la forme est constante et ne fait jamais défaut. On rencontre six systèmes, jamais plus, jamais moins (voir pi. XI, fig. 3). Il ne paraît donc pas possible de rapporter notre Eupsammine bourgeonnant parla base, au genre râmeux Dendrophyllia. Elle n'est d'ailleurs pas signalée dans la Méditerranée et il n'en est pas question dans la faune publiée par M. Garus ou dans les descriptions des pro- duits des dragages du Porcupine. La création du genre m'a paru dès lors s'imposer. Je n'ai trouvé qu'une espèce qui renferme, pour le moment, tous les caractères du genre. Ce Coralliaire rentre très naturellement dans la division des Eupsammines, aussi ai-je emprunté la termi- naison de son nom à la nomenclature de Milne Edwards et J. Haime, et en raison de la forme buissonnante des petits rameaux du zoan- thodème, le nom de Cladopsammia semble devoir être logiquement donné au genre, la terminaison psammia indiquant un polypier poreux, et le radical clado le caractère des petites branches. * Histoire des Coralliaires, vol. III, p. 119; Monographie des Eupsammides, p. 100, fig. 13, pi. 1 {Annales des sciences nalurelles, 3<= série, vol. X). 208 H. Dlî LACAZE-DUTHLEKS. CLADOPSAMMIA ROLANDI, Sp., H. de L.-D, (PI. XI, fig. 1 à 7'). I Le petit bouquet (fig. 1, pi. XI) donne une idée exacte de la forme et de la grandeur, de la disposition et du port des blastozoïtes formant ces gracieux et élégants zoanthodèmes ; on y peut remar- quer que la blastogenèse est basilaire, d'où la forme en touffe. Le dessin donne bien la grandeur des polypes et des polypiérites, mais les touffes peuvent atteindre des proportions un peu plus considé- rables ne dépassant au plus enbauteur que le double des propor- tions du dessin. J'ai des zoantbodèraes portant douze à quatorze blastozoïtes assemblés en touffes, sur une base peu étendue. Pour la publication, j'ai choisi le dessin fait et colorié sur le vivant àla Galle. Je suis heureux de dédier cette espèce au prince Roland, dont la générosité, inépuisable quand il s'agit des progrès de la science, a mis à ma disposition un yacht à vapeur, à l'aide duquel tous les tra- vaux, toutes les recherches importantes faites dans le golfe du Lion ont pu être poursuivies et conduites à bonne fin. Si la dédicace d'une espèce est peu de chose auprès des grands services rendus à la science par la générosité du prince, du moins affirmcra-t-elle ma reconnaissance^ celle de mes collaborateurs et de tous les travailleurs venus au laboratoire Arago ; car, tous, nous avons pu apprécier l'étendue des services que nous rend le yacht le Roland. Le polypier est régulièrement constitué; les dispositions qu'il présente et qui fournissent des caractères constants sont faciles à constater ; aussi le genre et l'espèce ne paraissent pas devoir sou- lever de doutes. La muraille est couverte de stries longitudinales régulières parai- FAUiNE DU GOLFE DU LION. 209 lèles, comme dans les autres espèces du groupe déjà étudiées. Ces stries représentent les côtes peu élevées couvertes de granulations et séparées par des sillons très marqués au fond desquels on aper- çoit les pores traversant la muraille et caractéristiques du groupe. Ces côtes correspondent aux crêtes des septa du calice et les sillons aux intervalles des crêtes (pi. XI, fig. 1, voir la base des polypié- rites). Ici, comme chez la Leptopsammia, le bas des polypiérites est dé- nudé de sarcosome et laisse voir nettement les sillons toutes les fois que des concrétions ne sont pas venues le recouvrir. L'appareil septai est fort régulier et rappelle, à certains points de vue, celui des Balanophyllies ; ici, comme chez la Balanopkyllia regia, la symétrie est normalement établie d'après le nombre 6. Les cloisons présentent des caractères importants sur lesquels il faut insister. Le calice est ovale. Son plus grand diamètre mesure de 6 à 8 mil- limètres, le petit de 5 à 6. On trouve constamment aux extrémités du premier et dans son plan vertical, une cloison de première gran- deur, et, de chaque côlé, deux autres également de première gran- deur; aussi, quand on le considère normalement par son plan d'ou- verture, on reconnaît à première vue les six plus grandes cloisons qui séparent et déterminent les six systèmes ; disposées trois de chaque côté du grand axe. Les cloisons de seconde grandeur formant le second cycle res- semblent beaucoup à celles du premier, mais elles s'avancent moins vers le centre que les premières et s'élèvent aussi moins haut (fig. 3). Les collatérales sont tellement rapprochées des septa de première grandeur qu'elles semblent unies, soudées avec eux, et, en fait, elles forment avec eux les groupes des trois cloisons les plus saillantes. De même, les collatérales des cloisons de deuxième grandeur sont très voisines de celles-ci et forment avec elles des groupes éga- lement de trois septa intercalés entre ceux de première grandeur. Les septa de première et de deuxième grandeur arrivent directe- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉ.N. - i'' SÉRIE. — T. V. 1897. 14 210 II. DE LAGAZE-DUTHIERS. ment sans s'infléchir, sans se souder aux autres cloisons jusqu'à la columelle, et quand celle-ci est épaisse les premières correspon- dent à des dépressions de ses côtes, les secondes se soudent à elles, mais très bas, comme on l'a vu dans le Leptopsammia. Les cloisons collatérales offrent un caractère fort précis et con- stant, très précieux ; elles s'éloignent, par leur extrémité centrale, des septa de première et de deuxième grandeur, par conséquent se por- tent les unes vers les autres pour s'unir, à peu près, à mi-distance de la muraille et de la columelle. Comme la déviation des collaté- rales de deuxième ordre est plus grande, plus rapide, que celle des collatérales de premier ordre, il s'ensuit (pi. XI, fig. 3) que les triangles isocèles que forment ces septa n'ont pas leurs côtés égaux et aussi droits; les collatérales des cloisons de deuxième grandeur sont plus courbes. Du sommet de l'angle de ces triangles part une lamelle qui se rend jusqu'à la columelle, à laquelle elle se soude très exactement dans le milieu de l'espace qui sépare les septa de première et de deuxième grandeur arrivant, eux aussi, jusqu'à la columelle. Si le lecteur veut bien se reporter à la planche X, fig. 26 et 29, il pourra juger quelle différence existe entre la conjonction des colla- térales dans les Balanophyllieset les Cladopsammies. Cette compa- raison lui permettra d'apprécier la valeur du caractère que fournit la conjonction par les différences qu'elle présente. Ici, les septa, qu'on peut à bon droit regarder comme étant de troisième ordre, se trouvent enfermés dans les triangles produits par la conjonction et, n'étant pas développés complètement, ne re- présentent que la base de l'apolhème des triangles isocèles. Dans la Balanophyllia regia, au contraire, le triangle isocèle principal est formé par la conjonction deux à deux des collatérales de premier ordre qui enferment, en se soudant par leur sommet interne, les cloisons de seconde grandeur. De loin en loin, on voit bien des triangles secondaires intérieurs aux triangles de premier ordre et qui résultent de la conjonction des FAUNE DU GOLFE DU LION. 211 collatérales de premier et de deuxième ordre ,mais quelle différence entre ce qui existe ici et ce qu'on voit dans la Balanophyllia regia, tandis qu'on trouve une analogie certaine avec ce qui existe dans la Balanophyllia italica. Dans la première, la cloison de deuxième gran- deur est enfermée dans le triangle ; dans la seconde, cette cloison est libre, comme ici chez la Cladopmmmia, Il suffit de comparer les ligures 25, 26, 29 et 32 de la planche X avec la figure 3 de la planche XI, pour juger de la valeur du caractère fourni par la conjonction des collatérales, caractère qui demanderait à être étudié comparativement chez les différents types d'Eupsam- mines; Ici, chaque système présente deux triangles tels qu'on vient de les décrire, séparés par la cloison de deuxième ordre qui arrive jus- qu'à la columelle. Il n'y a qu'une légère différence entre les divers systèmes; les deux voisins des extrémités du grand axe ont leurs éléments un peu plus serrés, et les côtés des triangles sont plus droits. Les crêtes des cloisons dites de premiei' et deuxième oindre débor- dent la limite supérieure de la muraille. Quoique minces et déli- cates, elles résistent mieux aux chocs que celles du Leptopsanunia, soutenues qu'elles sont par l'accolement contre elles de leurs colla- térales. De là résulte que les douze groupes qu'elles forment, alternative- ment plus élevés, un entre autres, attirent tout d'abord l'attention quand on observe le polypier de profil ou de face. Les cloisons de première et de deuxième grandeur ont leurs bords lisses, comme on peut le constater sur la droite du polypier ouvert (fig. 2). Mais sur un plan antérieur à cette cloison paraît la collaté- rale, dont le bord est dentelé. C'est, en effet, un caractère des cloisons collatérales d'avoir leur bord couvert de dents, et leurs faces spinuleuses. Pour observer ces caractères, il faut varier l'incidence de la lumière et incliner, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, les échantillons sous la loupe. 212 H. DE LACAZE-DUTHIERS. La coiumeiic (fig. 3) est ovale et assez allongée, elle occupe le tiers moyen du grand diamètre du calice ; elle est chagrinée et scarieuse, criblée de pores irréguliers. Ses bords offrent des irrégularités, consé- quences de ses adhérences avec les septa de première et deuxième grandeur qui arrivent jusqu'à elle, ainsi que les autres lames allant jusqu'aux triangles dus aux conjonctions. Elle peut présenter de très grandes différences sur les individus d'un même zoanthodème. Tantôt elle est formée d'une seule lignée étroite de spinules sou- dées irréguhèrement et presque confondues, formant une lame ; elle est alors franchement sérialaire ; tantôt, ovale, elle est, relativement à ce premier état, presque épaisse, et formée de spinules serrés, la faisant paraître scarieuse ; dans ce dernier cas, elle présente six dépressions latérales dans lesquelles s'engagent les extrémités des bords internes des cloisons primaires, comme on l'a vu chez les Leptopsammies. Le calice est profond; ce caractère est nettement accusé. II Lespoiypesformentde véritables bouquets d'une élégance extrême, lorsqu'ils sont épanouis. Leur coloration générale est orangée; le péristomeet les lèvres de la bouche sont d'un orangébeaucoup plus rouge que le reste du zoan- thodème. Les tentacules s'étalent en un disque fort régulier et montrent par leurs grandeurs différentes les rapports qu'ils ont avec les septa aux- quels ils correspondent ; leur teinte est jaune et assez différente de celle du péristome (voir pi. XI, fig. 1 et 2). Il est rare que, sur les zoanthodèmes les plus complets et vivants, la colonne du sarcosome des polypes recouvre toute la hauteur des différents polypiérites (voir fig. 1) ; alors, vers la base, on distingue les côtés caractéristiques du polypier dénudé. FAUNE OU GOLFK DU LION. 213 Les mésentéroïdes mâles ou femelles sont très différents et m'ont paru portés par des polypes distincts. Les œufs en série, très peu nombreux, présentent des volumes extrêmement différents (pi. XI, fîg. 2 et 5). L'œuf qui arrivée maturité est énorme, comparé à ceux qui se trouvent dans le même mésenléroïde, placés ordinairement au-dessus de lui. La larve a la forme ordinaire d'une Gastrula ovoïde en ballon (fîg. 6). Cette forme se retrouve de la façon la plus constante dans les Coralliaires observés jusqu'ici. Les mésentéroïdes mâles offrent des amas de cellules blanchâtres qui contrastent, par leur peu de volume et leur teinte différente (fig. 7), avec les mêmes parties de l'ovaire. Les spermatozoïdes (fig. 7), très vivaces, très actifs, ont la tête, vue de face, aplatie et triangulaire. Leur queue s'insère sur le dos de la base de la flgure triangulaire qui représente le cône aplati. La queue est longue et active. Les mésentéroïdes occupent les espaces interseptaux, et leur partie ovigène ou spermatogène descend assez bas dans les loges qui en- tourent la columelle (pi. XI, fig. 2). Quand on ouvre les animaux, ils se contractent considérablement, et la columelle alors semble remonter comme un bouchon dans l'œsophage ou stomatodeum. La figure 2, montrant les tentacules étalés de diverses grandeurs, a été faite d'après les animaux épa- nouis, et les relations de la columelle et de l'œsophage, d'après les animaux contractés. Il est peu de zoanthodèmes ou de bouquets de Cladopsammia Ro- landi qui ne portent, sur le cœnenchyme de sa base adhérente, quelques jeunes oozoïtes encore circulaires et n'ayant que douze cloisons primaires, entourés d'une muraille pelliculaire imperforée (pi. XI, fig. 4). Quand une pierre porte exclusivement des Cladopsammia, on ne peut guère se refuser à admettre que ces petites cupules ayant à 214 H. DE LAGÂZE-DUTHIERS. peine l millimètre ne soient nées des parents au pied desquels elles sont fixées. De môme que pour la Lepiopsammia, il nous paraît légitime de rapporter à l'espèce voisine les jeunes trouvés à côté des bases de ces zoanthodèmes. Mais si, sur une même pierre, on trouve les adultes des deux genres, on est forcé de rester dans l'indécision pour la détermina- lion, tant les jeunes des deux se ressemblent. Voici encore un nouvel exemple à ajouter à ceux qu'on vient de voir. Les jeunes des Aslroïdes, Balanopbyllies, Leptopsammies el Cladopsammies, ont toujours douze cloisons de première grandeur naissant au premier stade et les caractérisant. Les Madréporaires apores ne présentent, au même stade de développement, que six septa. Serait-il possible dès maintenant de généraliser et d'admettre, dans cette différence, un caractère distinctif ? On le pourrait pour les espèces dont l'embryogénie est connue, mais en faisant toutes ré- serves à l'égard des Madrépores proprement dits, chez qui le nombre des septa reste au chiffre 6 et même au-dessous. Il est une dernière observation qu'il importe de ne pas omettre. La blastogenèse, qui n'est jamais d'une activité telle qu'elle pro' duise des bouquets ou des touffes d'un nombre de polypiérites et d'une taille considérable, ne m'a jamais paru calicinale ou même se manifestant sur le haut ou la longueur de la lige des polypiérites. Il y a là une différence marquée avec le caractère attribué par Milne Edwards et Jules Haime à la Dendrophyllia gracilis, aveclaquelle on serait tenté de trouver des ressemblances de taille, car les caractères tirés des formes et des rapports des septa conjugués n'ont pas été indiqués. Dans la Ciadopsammia Rolandi, y a-t-il une épithèque ? La question sera traitée dans la partie générale qui terminera ce travail. Pour le moment, disons que tous les blastozoïdes d'un zoanthodème, à moins qu'ils ne soient très peu dével'oppés, sont couverts à leor FAUNE DU GOLFE DU LION. 21cS base, à partir du point où les côtes sont très nettes et dépouillées de matière animale, point où s'arrêtait le manchon charnu, par une lame amorphe imperforée, qui certainement est ce que les auteurs français ont désigné sous le nom d'épithèque. DES DENDROPHYLLIES. Il ne sera question de ce genre que pour mémoire et pour signaler sa présence dans le golfe. La Méditerranée présente deux espèces. Dans l'Océan, à RoscofT, et aux Sables-d'Olonne, je n'ai connu que l'une d'elles. Dans les parages de la Galle, c'est le plus souvent la Dendrophyllia ramea que l'on pêche. Dans le golfe et dans l'Océan, c'est surtout la Dencb'ophyllia cornigera. La diagnose du genre et de l'espèce est facile. On en trouve les éléments dans l'ouvrage de Milne Edwards et Jules Haime; aussi nous ne nous y arrêterons pas. J'ai péché la Dendrophyllia ramea non seulement à la Galle, mais aussi dans le golfe de Propriano, en Gorse. Au sortir de la mer, les rameaux sont merveilleusement beaux et leur couleur d'un jaune éclatant. A Roscoff, on n'a péché que l'espèce cornigera fort rarement et très au large. J'ai vu, à l'aquarium des Sables-d'Olonne, un magnifique bloc ayant 1 mètre de hauteur, formé par la Dendrophyllia cornigera et couvert à'Ostrea cochlear. 216 H. DE LACAZE-DLTHIERS. DENDROPHYLLIA CORNIGERA (PI. XI. fig. 8). C'est l'espèce que l'on pêche le plus souvent dans le golfe. Elle est très facile à reconnaître en tenant compte de son mode irrégulier de bourgeonnement. Comme elle a vécu fort longtemps dans les bacs de l'aquarium deBanyuls, assez longtemps pour y avoir bourgeonné, et comme les figures des animaux des Dendrophyllies donnés dans les ouvrages classiques sont insuffisantes, il m'a paru intéressant de reproduire un dessin fait d'après nature sur un animal complè- tement épanoui. Le polype, lorsque ses bras, qui sont fort longs, sont étendus, les laisse retomber et aller à la dérive dans les courants (fig. 8). Quel- quefois il les relève gracieusement et leur ensemble dessine alors le profil d'une urne élégante. Ces tentacules très longs et de taille égale chez presque tous (fig. 8, pi. XI), sont piquetés de taches jaunes; aussi leur couleur est-elle la même que celle du sarcosome; leur extrémité n'est pas terminée par une sphérule bien définie, mais les nématocystes, y étant plus pressés, plus nombreux, elle paraît moins transparente, d'un jaune opaque faisant tache. La couleur est d'un très beau jaune d'or, qui rappelle entièrement celle qu'on obtient en précipitant lechromate de plomb pour les in- jections en mélangeant le bichromate de potasse avec le sous-acétate de plomb. Le pourtour de la bouche, qui s'élève au milieu du péristome en formant souvent comme un mufle labial assez élevé, est d'un rouge orange parfois très haut de ton. FAUNE DU GOLFIi DU LION. 217 DENDROPHYLLIA RAMEA (PI. XII, fig. 8). Cette espèce vit dans le golfe, mais elle y est beaucoup plus rare que la précédente. Elle présente quelquefois une taille dont les proportions sont con- sidérables. Je tiens à rappeler ici un fait que j'ai signalé déjà et qui, certaine- ment, est passé inaperçu. Aussi je donne la figure (pi. XII, fig. 8) d'une portion d'une tige énorme de Dendrophyllia ramea. Etant un jour sur le quai de la Galle, en Afrique, j'aperçus un bloc rapporté par les corailleurs du fond de la mer, mesurant près de 1 mètre cube ; il était formé d'un amas de tronc, quelques-uns gros comme la cuisse et rendus informes par la quantité des dépouilles des êtres qui s'étaient fixés et développés sur eux. J'en cassai des morceaux, et il ne fut pas difficile de reconnaître sur les cassures le pointillé poreux partant d'un centre rappelant les dispositions de l'appareil septal d'un tronc gigantesque de Dendrophyllie. Il était évident que l'on avait péché un zoanthodème mort, mais qui était colossal et avait dû être magnifique à l'époque où tous les polypié- rites vivants le couvraient de leurs belles corolles. 11 eût été curieux de rapporter ce bloc tout entier et de le placer dans nos musées comme preuve du grand développement que cette espèce peut prendre. A l'époque où j'étais en Afrique, les moyens de transport me manquant, il ne me fut possible que d'en porter des fragments. J'en ai placé une partie considérable dans les galeries du Muséum, lorsque j'avais l'honneur d'être professeur administrateur de la chaire des Mollusques et Zoophytes. Elle doit certainement y être encore. Sur un faible tronçon que j'ai conservé, j'ai pu polir une coupe et je la reproduis eu partie dans la planche XII, fig. 8. 218 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Cette coupe est instructive. Elle montre au centre les restes de la cavité calicinale d'un polj^pe qui a les proportions d'un calice ordinaire, et tout le tour les séries de pores qui sont caractéristi- ques de la tige des Dendrophyllies. Gomment s'est produit l'accroissement d'une tige d'un diamètre aussi considérable? Souvent Ton voit les tissus mous, le sarcosome, se retirer de la base vers le sommet oii se trouvent les calices des polypiérites vivants (pi. XI, fig. 8); il est facile à reconnaître à sa teinte d'une vive couleur jaune. Les stries de la partie dénudée du polypier logent les vaisseaux, cela n'est pas douteux, qui apportent les sucs nourriciers à la surface du zoanthodème, alors qu'il est recouvert par le sarcosome. Chez les Gorgones et le CoraiP, oii les tissus sont plus faciles à anatomiser, on peut étudier facilement les canaux nourriciers. Ici l'anatomie est plus difficile, mais on ne peut douter qu'il ne soit nécessaire d'un apport des matériaux destinés à participer à la sé- crétion qui servira à déposer, pour ainsi dire, molécule à molécule, le calcaire nécessaire à la constitution de ces énormes troncs. Il y a, dans l'étude de cet accroissement, un problème difficile à résoudre, mais très intéressant. Ces zoanthodèmes, en prenant ces proportions colossales, ne con- servent que les lignées de pores servant de témoins et démontrant leurs origines ; mais leur poids est considérable et leur densité égale celle du calcaire le plus compact. Le travail organique qui, chez eux, consiste à fixer du calcaire, a une activité considérable et l'on a, dans cet énorme polypier, un exemple de la puissance d'assimilation que possèdent les zoan- thaires leur permettant de former ces récifs, ces rochers qui, dans quelques localités, obstruent les fonds de la mer. Cette couche épaisse, massive du polypier que l'on suit du centre 1 Voir H. DE Lacaze-Duthibrs, Histoire naturelle du Corail. FAUNF, DU GOLFR DU I.ION. 219 à la circonférence (pi. XII, fig. 8) de cet immense cylindre au milieu duquel on reconnaît encore la cavité du calice avec ses proportions ordinaires, est-elle une muraille ou une épithôque?Dans quelles di- visions créées d'après les idées nouvelles la classera-t-on? La Den- drophyllie énorme sera-t-elle dans les Euthecalia, les Pseudothe- calia ou les Alhecalia? La question mérite d'être résolue. Si celte énorme couche, qui du calice central va jusqu'à la circonférence, était considérée comme une épithèque, il faudrait avouerque le sens primitif du mot épithèque est singulièrement dévié de sa significa- tion première. OBSERVATIONS GÉNÉRALES. De ce que nous avons longuement insisté sur quelques-uns des côtés faibles des caractères indiqués pour la détermination des espèces et de leur groupement, dans l'ouvrage de Milne Edwards et Jules Haime qui a été le premier où méthodiquement les Goralliaires ont été étudiés et très souvent heureusement rapprochés en groupes naturels, il n'en faudrait pas cependant conclure que toute leur ter- minologie doit être rejetée. De ce que, dans quelques cas, les cycles et les systèmes, tels qu'ils ont été pris pour guides, ne sont pas faciles à reconnaître, il ne s'en- suit pas que ces expressions ne soient fort utiles et ne doivent pas être conservées. Enfin de ce que l'origine des septa n'est pas constamment telle qu'elle a été indiquée, il n'en est pas moins vrai que, bien souvent, on doit les employer lorsque l'évidence de la disposition morpholo- gique est telle qu'on ne saurait les remplacer sans aucun avantage par des expressions nouvelles. Ainsi, dans les bacs du laboratoire Arago vivent des Ilyanthes de très grande taille, qui se terrent et disparaissent pendant le jour, qui, le soir, s'épanouissent et deviennent magnifiques. Les cycles 220 H. DE LACAZE-DUTHIEKS. qu'ils présentent sont d'une régularité et d'une évidence telles que le dessin de l'animal pourrait paraître un vrai schéma. Les six ten- tacules de première grandeur s'avancent vers le milieu du péristome, et comme ils comprennent les deux tentacules commissuraux et qu'ils se détachent en se dressant au milieu de la couronne tentacu- laire, on voit avec la dernière clarté se succéder entre eux, en s'éche- lonnant par la taille et la position, les tentacules de plus en plus petits dans un ordre hiérarchique d'une régularité parfaite ; on ne peut rien imaginer de plus systématiquement ordonné. Les six systèmes sont aussi nettement disposés et caractérisés que possible, et les cycles de même. Pourquoi rejeter^ dans ce cas comme dans bien d'autres, les expressions qui aident la description d'une façon remarquable, quand elles se rapportent à des éléments bien groupés et faciles à reconnaître? Quand, à propos de l'ilyanthe, je dis cycle de première grandeur^ qu'on peut appeler cycle commissural en raison de son caractère (puisqu'il renferme les deux éléments opposés correspondant aux commissures de la bouche), il n'est pas possible de ne pas entendre ce que ces expressions veulent désigner. Il convient donc de continuer à se servir de ces expressions quand elles expriment clairement la disposition des parties, et de ne pas leur attacher une importance aussi absolue quand leur emploi peut conduire à la confusion. Dans quelques cas, on vient de le voir, une revision des caractères des groupes et des espèces s'impose. Il est à croire que ce ne sera pas à l'aide des théories dérivées d'un emploi exagéré du procédé des coupes, qu'on arrivera à apporter les modifications nécessaires aux principes de la classification des auteurs français. 11 est plus probable que ce sera par une étude longue, minutieuse et très attentive des caractères tirés de l'évolution des êtres, qu'on arrivera à modifier quelques-unes des combinaisons systématiques du grand ouvrage français, car il est évident que, si des caractères FAUNE DU GOLFE DU LION. 221 sont basés sur le nombre des parties, nombre qui varie avec l'âge et le stade auquel est arrivé l'animal, il faudra tenir compte de ces états divers afin qu'on ne puisse plus avancer, comme l'a fait C. Semper, qu'avec une seule espèce prise à différents âges, on en pourrait faire plusieurs, en suivant les principes de la classification et de la collation des espèces, comme les ont entendus et présentés Milne Edwards et Jules Haime. On attache aujourd'hui, quelques auteurs du moins, une très grande importance à la disposition des sarcosepta qu'on nomme directive mesenteries. J'avoue, dans ce travail, ne les avoir point recherchés. Il ne m'a pas paru indispensable, dans l'ordre des idées que j'avais à pour- suivre, d'introduire cet élément dans la diagnose des espèces que me rapportaient les dragues. 11 y a, d'ailleurs, une remarque à faire sur ces mésentères direc- teurs— directeurs de quoi? — si ce n'est qu'ils permettent d'indiquer arbitrairement, sans raison plausible donnée jusqu'ici, les parties antérieures et postérieures, la droite et la gauche des polypes, quand on admet jusqu'à ses extrêmes conséquences la symétrie bilatérale, ils peuvent et doivent servir dans cette vue; mais c'est un rôle bien restreint, et l'on peut se demander si leur importance n'a pas été exagérée. Ils ne représentent pas les premiers et les plus importants sarco- septa, puisqu'ils n'ont pas paru dès l'origine, si l'on s'en rapporte aux lois de l'évolution des Actinies que j'ai fait connaître et qui n'ont point été réfutées sérieusement par ceux qui ont cru devoir les critiquer sans les lire. Sans aucun doute possible, la première paire de mésentéroïdes qui se montre partage en deux moitiés inégales le globe de la gas- trula de la jeune Actinie ; elle est donc l'une des plus importantes et des plus fondamentales, mais elle est déplacée ou mieux éloignée des commissures, qu'elle a séparées à l'origine, par les paires nou- 222 H. DE LACAZE-DUTHIHKS. velles qui, peu à peu, s'ajoutent, s'interposent et les éloignent des deux extrémités de la bouche. Il n'est pas possible de ne pas faire remarquer, à ce propos, que le dessin de la très jeune Caryophyllia cyalhus, donné par M. G. von Koch, présente deux paires de sarcosepta ou mésentéroïdes déjà renflés vers le milieu du corps et éloignés des commissures. Or, dans la jeune Balanophyliie (pi. IX, fig. 8 et 9), les deux mésentéroïdes portant les gonflements les plus développés ne sont pas davantage commissuraux. Cependant, le développement de leur partie renflée semble être en rapport avec un âge plus ancien; ils n'ont donc aucune relation avec la direction qu'on attribue aux mésentéroïdes commissuraux. Je sais bien que ce n'est pas le volume, mais bien plutôt la dispo- sition des paquets musculaires unilatéraux, qu'on considère pour la détermination des directive mesenteries ; mais, encore une fois, quelle action peuvent bien avoir ces mésentéroïdes dont les paquets mus- culaires se regardent ou s'opposent dos à dos, si ce n'est de fournir un point de repère pour indiquer la face antérieure et la face pos- térieure. En donnant cette importance k ces dii^ectioe mesenteries, on ne tient nul compte de la naissance et de l'origine des loges molles, déterminées plus tard par l'évolution. Les questions relatives à la personnalité des loges molles, limitées par les mésentéroïdes et correspondant aux tentacules, sont loin d'avoir été résolues. Je ne veux pas revenir sur ces considérations, qu'on trouvera dans le travail que j'ai publié en 1872, dans le premier volume de mes Archives. D'après ce qui précède, il ne me paraît pas indispensable d'em- ployer la distinction des septa en entosepta et ectosepta d'après leur situation eu égard à celle des « two, Directive pairs of mesenteries » proposée par le professeur Fowler', 1 Premier mémoire, volume de 1885 (Quart. Journ. of Micr. Se, p. 578). FAUNE DU GOLFE PU LION. 223 La théorie des directive mesenteries a conduit à distinguer aussi les chambres ou loges intermésentéroïdes en entocœles et ectocœles. Il faut bien le reconnaître, cette distinction n'étant pas toujours facile à faire, l'emploi de ces expressions présente de la difficulté. L'expression rand-platte introduite par Heider, en 1881, dans son mémoire sur le Cladocera, est commode; je l'ai souvent employée, bien que le mot ne soit pas très heureusement construit. Les auteurs s'en servent fréquemment. Je ferai remarquer, cependant, qu'il est fâcheux de surcharger la nomenclature par des mots représentant, le plus souvent, non des parties ou des organes nouveaux, mais des idées ou des interprétations différentes. Le mot colonne servait déjà à désigner la partie du sarcosome intermédiaire comprise entre la couronne tentaculaire et le pied ou la base du polype ; mais on l'employait indifféremment pour indiquer la partie molle ou la partie correspondante du polypier. Il y a une distinction à établir entre la première partie de la colonne charnue, qui, de la base des tentacules, arrive jusqu'à la hauteur du limbe calicinal, au bord supérieur de la muraille, et la deuxième partie, qui, du limbe du calice, descend plus ou moins bas, vers le pied, en recouvrant le polypier. On a vu, à propos de la Carijophyllia clavus, combien celte partie du corps ou colonne du polype intermédiaire entre le bord supé- rieur de la muraille et le pourtour du péristome pouvait s'allonger (pi. I, fig. 1'). Car, il est bien évident que, dans ce cas, ce n'est pas la partie du polype adhérente à son polypier qui s'est allongée, c'est cette partie adhérente qui me paraît seule devoir être désignée par le nom de rand-platte. Il faut réserver le nom de colonne à la partie supérieure à la rand-platte. Dans son dernier travail {Fedschrift von Gegenbaur. t. II, 1896), G. von Koch commence par exposer sa nomenclature des parties du polype et du polypier. 224 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Il appelle Discus le péristome; on ne voit vraiment aucune utilité à ce changement de nom; ce dernier mot désignant le pourtour de la bouche est logique. Je l'ai toujours employé et continuerai à en faire usage, parce qu'il est aussi juste que commode et ne présente aucune amphibologie. Tandis que le mot discus peut tout aussi bien désigner la partie adhérente de l'animal, qu'à vrai dire von Koch appelle le pes, le pied, terme si naturel qu'il est d'ailleurs déjà usité. Le professeur allemand appelle Pallium {Wand-Leibesivand), à la fois la colonne et la mnd-platte. C'est un changement d'expression, voilà tout, mais l'utilité en paraît douteuse. Enfin, Paries doit remplacer l'ensemble des noms donnés aux par- ties intérieures de la cavité générale, surtout les mésentéroïdes. Le professeur Fowler a raccourci ce dernier nom ; il dit mesenterie ; Milne Edwards et Jules Haime employaient le mot wiesen/ère; ces mots me paraissant trop significatifs, j'avais ajouté la terminaison oïde, qui a l'avantage de n'exprimer qu'une simple analogie de forme et non une similitude. Le nom de sarcosepta (septa mous et charnus), usité par opposition à celui de sclerosepta (septa durs, calcaires), me paraît bien préférable à celui àe, pallium, qui est beaucoup trop général. Mon but n'étant pas, dans ce travail, de m'occuper des particula- rités histologiques, je n'ai pas eu à employer les mots nouveaux intro- duits par les auteurs contemporains, ces mots démontrent par leur sens combien peu on est fixé sur la nature du mésoderme. Bourne le désigne par le mot mesoglxa, qui a pour synonymes stiïtzmembrane , stûtzelamelle , gallertsubstance, interbasalsubslance, nervenfaserschicht. Il eût été inutile de rappeler ces noms divers si, à propos de la lame adhérente sous le pied, on ne trouvait, pour cette partie seule des parois du corps du polype, le nom de calycoblaste donné par Heider. C'est sous et par le calycoblaste que les premières granulations calcaires, origine des éléments du polypier, sont produites. Voilà pourquoi il était nécessaire de rappeler cette expression. Enfin j'ai continué à désigner par le mot que je crois utile et juste, Zoant/wdème, l'ensemble des polypes et polypiérites, qui signifie une FAUNE DU GOLFE DU LION. 22o population d'animaux fleurs; Oozoïte, le jeune polype succédant k la gastrula si constamment semblable dans tous les groupes, où sa forme simple persiste comme dans les Garyophyllies, les Flabellum, les Desmophyllies, les Balanophyllies. Je rappelle encore que le mot de Blastozoïle sert à désigner les bourgeons produisant les zoanthodèmes, comprenant le polype et sa charpente. Reste la distinction de la théca et de l'épi'thèque qui n'est pas toujours facile, et que G. von Koch propose de baser sur les faits que lui ont dévoilés les coupes et la structure intime des polypiers. Nous ne voulons pas en ce moment discuter une théorie qui, ac- ceptée par quelques auteurs, est aussi mise en doute par d'autres*. Bourne dit très justement : « The names exotheca, peritheca, cœnen- chyme, epitheca are ail applied to laminar, ring-shaped, or en- crusting calcareous investments ofthetheca, and the distinctions drawn betweenthem are so subtile or so vagualy expressed that I am quite unable to distinguish the différence between them in ordinary cases*. » Et Bourne a raison. Rien n'est difficile à reconnaître dans quelques cas, comme la présence ou l'absence d'une épithèque. Revenons sur un exemple qui a été décrit plus haut : la Balano- phyllia regia, qui présente souvent le pourtour de la base adhérente de son polypier, couvert dans la moitié de sa hauteur par une couche d'êtres divers. Evidemment sous cette couche solide, le tissu mou, le sarcosome, a disparu ; mais au bord inférieur de la couche charnue qui s'est retirée en remontant vers le péristome, il a été excrété une lame calcaire, formant une couche apore, tout à fait adventice. Elle est grisâtre, très finement striée, et n'arrive pas jus- qu'au limbe du calice; elle passe en sautoir au-dessus des côtes en les recouvrant. La muraille scarieuse et vermoulue existe et parait * Page 41, t. XXVIII, 1888 (Quart. Journ. of Micr. Se, Mémoire sur la Morpho- ogie du squelette des Madréporaires). ARCH. DE ZOOL. ESP. ET GÉN. — 3« SÉRIE. — T. V. 1897. 15 226 H. DE LACAZU-DUTHIKRS. entre les côtes, au-dessous de cette couche grise striée, qui est sans conteste possible dans ce cas, une épithèque. Ici, à mes yeux, l'origine est bien évidente. La rand-platte atta- quée dans le bas par les parasites incrustants, qui montent, s'est retirée, et en s'élevant a excrété, sécrété si l'on veut, l'épithèque, aussi facile dans ce cas à expliquer qu'à reconnaître. Mais tous les échantillons de Balanophyllies sont loin de présenter une disposition semblable ; dès lors le caractère tiré dans ce cas de l'absence ou de la présence de l'épithèque, ne peut avoir de valeur. Car si |le polype avait vécu sur un fond oii ne se développaient pas les organismes incrustants, il n'aurait pas excrété d'épithèque sur son polypier. Autre exemple : j'ai sous les yeux des centaines de Caryophyllia clavus, une vingtaine de C. Cyathus, autant de C. Smithit, enfin de même des Flabellum, des Desmophyllum, et je me demande où est et en quoi consiste chez eux l'épithèque ? C'est surtout dans les deux premières espèces que l'on voit bien un vernis délicat qui n'occupe souvent que la partie supérieure du polypier, et qui est considéré par les auteurs de l'ouvrage français comme étant l'épithèque. Je suis très certain de cette interprétation, car lorsque vivait mon excellent et très regretté ami Jules Haime, je lui avais souvent manifesté, pendant son travail, mon embarras pour déterminer cet élément qui me paraissait fort difficile à carac- tériser. C'est lui qui a introduit ce terme dans les descriptions des Coralliaires, et il avouait lui-même la difficulté qu'il y a dans quel- ques cas à le reconnaître et à le caractériser. Sur les beaux Flabellum exotiques, le vernis est très marqué. Mais chez eux, G. von Koch n'admet pas l'existence d'une muraille ou d'une théca. — Pour lui les Desmophyllum et les Flabellum n'ont pas de théca, et toute l'épaisseur de la paroi du calice est due à la sécré- tion épithécale ; tout leur calice est sans muraille, et n'est formé que par une épithèque. Pour lui encore, la diflérence entre l'épithèque et la muraille FAUNE DU GOLFE DU LION. 227 (théca) consiste en ceci : Tectoderme sécrète l'épithèquc, lame mince d'un tissu, jusque-là considéré comme étant amorphe et continue; tandis que la théca est le résultat de la soudure de la jonction latérale d'un prolongement né des deux côtes des septa, près de leur bord externe. Cet élargissement ou prolongement est clairement dessiné dans la figure de la jeune Caryophyllia cyathus (fig. 2, p. 257 du mémoire de la Fedschrift von Gegenbaur). Ces élar- gissements, sortes d'appendices latéraux, sont tellement tranchés et à-bords carrés dans cette figure, qu'en les voyant, la pensée vient à l'esprit qu'ils ont été surajoutés un peu schématiquement ; surtout quand on compare la figure 5 représentant aussi un jeune individu de la même espèce, et qu'on a sous les yeux des centaines de jeunes, très jeunes Caryophyllia clavus, certainement aussi peu avancés en âge que la jeune C. cyathus de M. von Koch. Déjà Fowler rappelle (p. 579 de son premier mémoire de 1885, t. XXV du Quart. Journ. ofmicr. Se.) que Mosely mettait en doute les indications tirées des coupes du polypier. Bourne en est-il plus partisan? Il y a doute. Il est certain qu'on a quelque peine à voiries gros et solides poly- piers du Deamophyllum et des grands Flabellum exotiques n'être for- més que par une épithèque démesurément épaissie. Et l'immense épaisseur du polypier des Dendrophyllia, à quoi est-elle due dans cette théorie ? D'un autre côté, comment concilier cette différence d'origine de l'épithèque et de la muraille, quand on admet que l'une et l'autre sont le produit de la sécrétion de l'ectoderme, commençant par le calycoblasle, ou ectoderme, situé entre le pied du polype et le corps étranger sur lequel s'est fixé l'animal. Certainement, M. von Koch a senti toute la difficulté de sa théorie. Voici comment il explique l'origine et la formation de la muraille dont il a dessiné par transparence les premiers éléments. Il décrit dans le polypier une basis ou lame calcaire sécrétée par le dessous du calycoblaste, ou paroi inférieure du polype. Il n'em^ 228 H. DE LACÂZE-DUTHIERS. ploie pas cette expression, il nomme, on l'a vu, cette partie de l'ani- mal le pes. Il imagine que le bord, la circonférence de ce pied {pes), présente un pli circulaire, dans lequel est déposée la bande circulaire, étroite, qui en s'élevant formera la théca. De même pour les septa, il conçoit que le pes des polypes, ou le calycoblaste, présente aussi des plis radiés, dans lesquels naissent les septa, à la suite de la sécrétion ectodermique. Quant à la couche calcaire sécrétée par l'ectoderme, en dehors des parois que V. Koch appelle parietes, elle serait l'épithèque. L'existence de ces plis n'est rien moins que démontrée, et l'on est en droit de se demander s'ils ne sont pas tout simplement la consé- quence de la production des septa et de la muraille, sur lesquels les parties molles- se mouleraient j dans tous les cas, la question n'est pas suffisamment éclairée. Il reste, d'ailleurs, un doute qui naît dans l'esprit en voyant la figure dont il aété déjà question(fig.2,p.2o7du mémoiredu volume II du Fedschrift) ; au-dessous de la figure, il est dit que les parties ont été dessinées par transparence. J'ai eu entre les mains beaucoup déjeunes, très jeunes Caryophyl- lies vivantes qui se sont développées sous mesyeux ; j'en ai trouvé, sur les corps sous-marins, de très jeunes, dont les six premiers septa sont à peine développés, et je me demande comment il aurait été possible de les examiner par transparence sans les enlever du sup- port sur lequel elles étaient fixées. M. von Koch aurait bien dû nous indiquer par quels moyens il était arrivé à faire ses observations. Cela nous aurait mis en mesure de contrôler ses résultats et de nous conduire à admettre ses opinions et surtout à faire des observations nouvelles. Mais ce qui ne peut faire le plus léger doute après l'observation des très jeunes polypiers des Caryopkyllia clavus et C. Smithii, aussi peu développés, si ce n'est même moins que la Cyathine figurée, c'est qu'il n'y a ni trace de basis, ni trace de prolongements latéraux des septa FAUNE DU GOLFE DU LION. 229 tout près de leurs terminaisons extérieures, destinés, en s'unissant, à former la muraille. Je possède surtout une jeune Caryophyllia Smithii fixée sur les parois du bocal dans lequel elle a vécu assez longtemps pour y dé- poser l'origine de son polypier. Celle-là est facile dans ces condi- tions à observer et à dessiner par transparence. Elle ne montre abso- lument aucune trace de basis et aucune ligne de démarcation entre la première ébauche de la muraille, les extrémités des septa et surtout la pellicule extérieure dite épithécale. Ainsi, pour le jeune po- lypier dessiné dans le Fed- schrift, comme pour les tentacules de son polype, des réserves expresses doi- vent être faites. On a vu, à la fin de l'his- pj„ ^^^ ioïre de \SLCa7'yophylliacy a- ^ droite du dessin, une jeune Caryophyllia cyathus fixée sur le pied de sa mère, sa gran- thus (p. 36), que nous nous proposions de revenir sur le développement des septa dans cette espèce. L'exemplaire, dont la fi- gure est ici donnée (fig. 10), confirme les opinions qui deur est pour le diamère du calice de 1 milli- mètre et demi. Ce dessin est un tout petit peu plus grand que nature. Dans la projection géométrique de gauche (gros- sissement, 25 fois), les ombres n'ont pas été ajoutées, afin d'éviter la confusion. La nota- tion permet de reconnaître les six systèmes, les deux premiers cycles et le commencement du troisième. Dans la ciiambre (1' -f 1''), entre la cloison 2 et la cloison 1', on voit une cloison de troisième ordre naissante. La chambre (l" -\- V") n'a encore qu'une cloison de deuxième ordre. Dans les autres, il existe des cloisons de troisième ordre. ont été développées dans la première partie de ce travail. Il n'y a donc pas à revenir longue- ment sur ces observations. Il est facile de se rendre compte, avec la notation, des particula- rités que présentent les septa, les trois palis et le commencement de la columelle. Il suffira d'opposer cette figure 10 à celle qu'a publiée M. von Koch {loc. cit., p. 259, fig. 5) pour reconnaître combien doivent être semblables nos deux échantillons. 230 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. J'ajoute que, pour les Paracyathes, les mêmes faits se présentent. J'ai trouvé, sur le pied d'un Paracyathus striatus, un calice extrême- ment jeune dont le diamètre n'a qu'un demi-millimètre d'étendue. Les premières cloisons sont au nombre de six ; la profondeur du calice n'est pas d'un quart de millimètre, et toutes les cloisons répondent à des inflexions de la muraille, comme on l'a vu chez la Caryophyllia Smithli développée dans mes bocaux (pi. III, lig. 16). Il n'y a pas trace encore de cloisons secondaires, de columelle et de palis. Cet exemple nouveau confirme, pour un autre genre, les idées développées précédemment. Encore un mot sur l'épithèque. On a vu, dans les très jeunes Balanophyllia regîa, se former succes- sivement trois enveloppes calicinales, qui ont été nommées provi- soirement première, deuxième et troisième muraille. Dans ce cas, en suivant le développement sur les mêmes indi- vidus, on acquiert la conviction, sans aucun doute possible, que les ondulations et les stries de ces limites circulaires imperforées des jeunes cupules calicinales sont bien la conséquence d'une excrétion, d'un dépôt, d'une exsudation calcaire de la couche extérieure non du calycoblaste, mais de la rand-platte^, et l'on doit se demander si ce sont des épithèques ou des théca (murailles). Qu'on le remarque sur les très jeunes Caryophyllies, la lame mince limitant les très petites cupules calicinales ressemble absolument à celles des Balanophyllies ; elles sont ondulées, brillantes, très légè- rement striées comme dans celles-ci. C'est sur le limbe, sur le pour- tour du bord supérieur et intérieur du calice, qu'on voit appa- raître, comme des points blancs, les premiers rudiments des septa tertiaires. Si l'on ne s'en rapportait qu'à l'apparence extérieure et à la simi- < On a vu que par le mot de rand-'plaUe, j'entends toute la partie molle du sar- cosome qui existe comme un manchon autour du polypier au-dessous du limbe cali- cinal, sans m'occuper en ce moment de savoir s'il existe ou non une cavité péri- phérique, comme on l'a vue chez la Caryophyllia Smilhii. FAUNE DU GOLFE DU LION. 231 litude de ces limites des jeunes dans les deux cas, on arriverait à admettre que, chez l'un comme chez l'autre, le calice commence par être formé exclusivement par une épithèque, si, du moins, on regarde comme des épithèques les premières murailles de la Balano- phyllie. 11 suffit de poser ces questions pour montrer le doute qui règne encore sur elles et pour reconnaître que de nouvelles recherches sont nécessaires afin d'éclairer ce sujet intéressant. Dans les Cladopsammia, une observation est facile à faire. Les blastozoïtes s'allongent quelquefois de 3, 4 jusqu'à 5 centimètres, et cela lorsque tout le bas des polypiérites est envahi et couvert par une véritable population de parasites. Dans ces exemples, on ^oit le bas du polypier protégé par une lamelle grisâtre, mince, non perforée, qui passe en sautoir au-dessus des sillons que présente la surface externe de la muraille : c'est un fourreau d'épithèque parfaitement caractérisé pour les auteurs français du livre des Coralliaires. Sur un grand nombre de zoanthodèmes, on peut constater cette couche épithé- cale formant un manchon dans le bas de tous les blastozoïtes. C'est au bord de la limite supérieure d'une lame envahissante, par exemple de bryozoaires, qu'on voit bien où s'arrêtait la rand- platte, c'est-à-dire le bas de la colonne charnue du polype. Là, à cette limite, on voit un très léger bourrelet terminant la lame épi- thécale qui dépasse un peu la ligne où s'arrêtent les bryozoaires. On sent que la sécrétion du bas du tissu mou du polype est comme une sécrétion de défense, produite à mesure que celui-ci remonte et se retire, refoulé qu'il est par l'attaque de son ennemi, s'étendanl de bas en haut. Si, dans ce cas, qui diffère complètement de celui des Caryophyl- lies, l'épithèque, ou cette couche de vernis brillant, était sécrétée par et sous la rand-platte, on devrait trouver cette couche déjà formée sous les tissus mous ; or, il n'en est rien. Il est ici absolument évident que l'épithèque de la Cladopsommia a été sécrétée par le bas, par le bord iuférieur du corps du polype, et non sous les parois du corps. 232 H. DE LÂCAZE-DUTHIERS. puisqu'il se défend contre l'envahisseur qui le pousse de bas en haut. Dans ce cas, l'épithèque est accidentelle et ne peut vraiment four- nir des caractères spécifiques par sa présence ou son absence, car elle n'existe que dans certaines circonstances. Aujourd'hui, les études que l'on poursuit sur les polypiers sem- blent avoir pour but exclusif de prendre les bases de la classifica- tion dans la structure microscopique du squelette révélée par les coupes. On cherche à connaître et à distinguer la nature et l'origine de la muraille, de la théca, celle des septa, etc., et déjà des noms nou- veaux ont été créés pour désigner les groupes des espèces ; c'est ainsi que la distinction des Poreux et des Apores semble, dit-on, devoir être abandonnée^ comme étant sans valeur. On établit de nouvelles classes d'après la formation et les carac- tères de la muraille, de l'épithèque. Les épithètes deThecalia, Athccalia, Euthecalia, Psendothecalia, qui se définissent par leur étymologie même, se trouvent déjà dans quelques ouvrages pour désigner les grandes divisions établies nou- vellement dans les Madréporaires. Mais, il faut le reconnaître, les auteurs sont loin de s'entendre entièrement quand il s'agit de dis- tinguer les polypiers sans muraille de ceux ayant une muraille bien formée, ou ne possédant qu'une fausse muraille. Miss Maria Ogilvie a fait paraître, dans les Transactions philoso- phiques^ de la Société de Londres, un mémoire très étendu et d'une grande importance sur les principes de la classification des Madré- poraires, basée sur la structure intime du polypier. Dans un prochain travail, j'espère avoir l'occasion de m'occuper de cette œuvre très consciencieuse et certainement remarquable. Je ne puis, aujourd'hui, que la signaler. La structure intime des Coralliaires a le plus grand intérêt, on ne » Philo. Trans. Roy. Soc, London, 1896, vol. CLXXXVII B, p. 83 à 346 {Micros- copie and Systematic Sludy of Madreporian Types ofCorales, with 101 fig. and 1 tabl. FAUNE DU GOLFE DU LION. 233 saurait le nier; raais en se plaçant à un autre point de vue, si l'on suit la méthode de l'observation continue d'un même être chez lequel on voit apparaître successivement les organes, on peut aussi espérer obtenir des résultats ayant quelque valeur. C'est cette dernière mé- thode que je suis et que je conseille ; il me paraît qu'il y a dans son emploi quelques chances de pouvoir éclairer plus d'une question dont les réponses sont restées encore dans le doute. C'est aussi ce que, dans une prochaine campagne au laboratoire Arago, je me propose de tenter, en recherchant si le développement est bien en rapport avec les faits que présente la structure intime du polypier mort. Il est, d'ailleurs, une observation qui ne doit pas être perdue de vue par les naturalistes s'en tenant presque exclusivement aux indi- cations fournies par les coupes des polypiers, surtout des jeunes. Pour échelonner les préparations, on choisit évidemment des échantillons en partant des tailles les plus faibles pour arriver aux plus grandes, comme représentant des développements de plus en plus avancés. Or, il arrive à chaque instant qu'on rencontre un individu d'une taille égale à un autre avec une grande différence pour le nombre et le développement de ses parties constitutives ; bien plus, on en trouve dont le diamètre est supérieur et dont les éléments sont moins nombreux, moins bien formés, moins avancés. Il n'est donc pas prudent de présenter des conclusions trop abso- lues en présence de ces variations, ou du moins il en faut tenir grand compte. 234 H. DE LACAZE-DUTHIERS. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. Caryophyllia clavus. FiG. 1. Une Caryophyllia clavus de moyenne taille, bien épanouie, fixée sur la coquille d'un Dentale, chez qui l'on voit, au-dessous des tentacules, une zone obscure qui correspond à la rand-plalle. Plus bas, le polypier, dé- nudé des tissus mous, présente des côtes et des lignes circulaires qui indiquent les périodes d'accroissement. Le péristome présente la coloration verte, qui est loin d'exister chez tous les individus. 1'. Individu dont le polype s'est fortement gonflé, a pris un allongement extrême, les tentacules sont contractés en haut de cette immense dilata- tation de la colonne. Est-ce la rand-platte qui s'est ainsi allongée? Je ne ne le pense pas. 2. Un calice, très régulier, sur lequel, en partant de la cloison I, on peut facilement reconnaître les six systèmes composés chacun de deux groupes paliaux; la notation (p) et (in) indique la cloison paliale et l'intermé- diaire, La columelle est normalement sérialaire ; ses rubans sont très ré- guliers. 3. Un système ayant en plus, et en dehors de lui, deux palis (po); (c), la columelle formée en double série de rubans tordus. Dans la figure 2, il n'y avait qu'une série de rubans columellaires, ici il y a deux rubans sur le milieu de la largeur de la columelle. 4. Vue de profil de la paroi externe du polypier et d'un système pour mon- trer la différence en hauteur (le numéro 1 pour la cloison de deuxième ordre du milieu devrait être sur les deux larges cloisons limites des deux côtés Ix, y), lignes qu'on a déj;i vues figure l et correspondant au point oii s'arrêtait la colonne charnue, la rand-plalte). On distingue aussi l'union par une lamelle des intermédiaires et de la cloison I. 5. Le dessin du plus gros échantillon que j'ai rencontré et qui correspond bien certainement à l'espèce créée d'abord, puis abandonnée par Jules Haime sous le nom de Caryophyllia pseudo-turbinolia {Annales des sciences naturelles, 2o série, t. IX, pi. IX, fig. 1). 6. L'un des deux groupes d'un système tels qu'ils sont exactement repré- sentés dans la figure l. Mais, dans ce cas, sur le côté gauche de la figure, est le septa (in) intermédiaire qui s'est allongé, et, entre lui et le septa (p) palial et le septa I limite, une cloison intermédiaire nouvelle s'est formée. Dans le bas, on voit une production paliale (pa') née entre le septa qui s'est courbé vers cette production et le palis primitif (pa). La figure est exactement copiée et montre le passage d'une cloison in- FAUNE DU GOLFE DU LION. 23S termédiaire à une paliale et la production d'un nouveau groupe palial qui s'introduit comme un coin entre les anciens systèmes. FiG, 7. Un groupe palial de tentacules destiné à montrer la transparence des ten- tacules et l'une des positions des couleurs quand elles ne sont pas uni- formément étendues. La livrée est surtout on rapport avec les côtes du tentacule palial occupant le milieu du groupe. C'est une des mille et une dispositions de la livrée et l'une des variétés de la disposition du vert. 8. Le même groupe que dans la figure 7, vu de profil et fortement contracté ; on peut reconnaître la position respective des tentacules dans cet état de contraction et voir la différence entre les deux états. 9. Un ruban columellaire isolé pour montrer les caractères, torsion, etc. 10. Un tentacule primaire supposé étendu (tl), terminé par labouleà némato- cystes, couvert de batteries ou taches blanches un peu colorées; {sp), le septa correspondant, (m), la muraille dénudée. Au-dessous du chiffre 10, la coupe du péristome; {en), l'entéroïde, qui s'est étendu en dehors de la cavité générale, et, en arrière, dans la cavité laissée entre les deux lames de la rand-platle. 11, 13 et 13. Trois très jeunes Caryophyllia clavus ; l'une, figure 11, a six cloi- sons et un bouton intérieur, columellaire, il n'a que le premier cycle. 12. Deux cycles, et l'on reconnaît déjà l'apparition des septa intermédiaires; il n'y en a encore que trois (in), et deux rubans columellaires. 13. Trois cycles complets. Lacolumelle est déjà bien dessinée en série ayant deux rubans, un point en haut sur la ligne, qui est un futur ruban, encore non développé. 14. r.alice, vu de face, d'une jeune Caryophyllia clavus qui a trois cycles, dont les systèmes sont formés par une cloison paliale (p) et deux cloisons intermédiaires (in). Adroite, au-dessous de la cloison I, une intermédiaire (p') qui devien- dra paliale; elle a déjà, à chacun do ses côtés, une intermédiaire. Il n'y a encore que trois palis lamellaires, les trois autres s'accusent par des points, qui en sont les origines. La columelle a deux rubans, ses bords sont très réguliers, et à sa droite est un point qui deviendra son troisième ruban. 15. Le même polypier de la figure 14. Ici, il est vu de trois quarts, sa mu- raille n'a que 1 millimètre de hauteur. Elle est évasée en coupe, sa base forme le pied et ses cloisons sont extrêmement hautes en formant les crêtes. La surface des crêtes est couverte de nodules qui ont été observés et sont parfaitement indiqués comme points ou nodules d'accroisse- ment. Le diamètre de ce jeune polypier est de l millimètre et demi. Remarque. — La photogravure est exacte quant à la position des par- ties, mais les ombres, les granulations, les menus détails laissent à dé- sirer. C'est ainsi que, dans la figure 'i, l'apparence des granulations ne donne pas l'idée de la réalité. 236 H. DE LACAZE-DUTHIRRS. PLANCHE II. Caryo'phyllia clavus. Les deux figures sont des reproductions, par la phototypie, de deux photographies excellentes, faites par mon mécanicien David, du labo- ratoire Arago, agrandissement considérable avec un appareil Nachet, lentille achromatique à large ouverture. Ces reproductions sont loin de valoir les photographies originales, mais elles servent largement à démontrer le mode d'accroissement des systèmes ou mieux des groupes paliaux. FiG. 1 . Celle-ci est admirable de vérité ; lacolumelle sérialaire, composée de quatre rubans, peut être considérée comme étant absolument caractéristique. Les six systèmes A, B, E, F, sont composés chacun de deux groupes paliaux. Les secleurs G, D méritent d'être examinés avec soin, car on y voit l'origine de nouveaux groupes paliaux, et le passage non douteux de deux intermédiaires à l'état de cloisons paliales. Dans le secteur G, l'épreuve ne montre pas suffisamment les cloisons intermédiaires naissant de chaque côté de la cloison devenant paliale tout près du septa I, entre B et G. Dans le secteur D, on voilmieux ces cloisons intermédiaires naissantes. 2. C'est un bel exemplaire, qui dépasse de beaucoup, pour le nombre de ses septa, celui de la figure 1. Ce n'est que du côlé I^, au-dessus de cette lettre, qu'une intermédiaire (p') devient paliale. 11 n'y a ici qu'une seule production de cet ordre, en apparence, parce que celles qui avaient permuté sont aussi grandes que les anciennes. Mais l'étude de cette figure est fort instructive; si l'on cherche à constituer les systèmes et les cycles, on se trouve dans l'embarras. Remarque. — On a dit, dans le cours du mémoire, que l'observation de la symétrie morphologique était plus facile à établir sur les photo- graphies que sur les échantillons mêmes; cela est parfaitement exact; mais la plaque photographique obéit à la lumière; or, il est bien diffi- cile de disposer normalement à l'objectif toutes les lames d'un calice; c'est presque impossible. Dans la figure 2, on peut constater que près de sa moitié droite s'est présentée un peu obliquement, aussi y voit-on les septa 1, 2, 1 montrant leur face latérale et paraissant très grands, tan- dis qu'à gauche les septa homologues se présentent par la tranche et paraissent minces. PLANCHE in. Caryophyllia Smithii^. FiG. 1. Un individu représenté épanoui. Les tentacules et le péristome sont très mal venus. On ne peut juger, par le dessin, que des formes et de * La pierre lithographique a été mal dessinée et mal préparée, quelques figures sont très mal venues. FAUNE DU GOLFE DU LION. 237 la grandeur du pied, de la colonne et des tentacules ; les détails font abso- lument défaut tant la figure est noire. FiG. 2, Le calice vu en face. C'est celui d'un des exemplaires les plus ovales. L'on peut y constater les rapports des cloisons intermédiaires, qui s'avan- cent jusqu'auprès des palis; les caractères de la columelle, qui est épaissie, l'irrégularité des systèmes et l'épaisseur des palis. 3. Très mal venue. Les palis n'y sont pas bien représentés; celui de droite ne signifie rien. 4. De même. Vue de profil de deux groupes paliaux; on n'y peut juger que de la hauteur respective des cloisons; les paliales ont leurs crêtes les plus basses. L'échantillon est très jeune; il a été dessiné pour montrer, en le comparant à la figure 5, qui se rapporte à un individu plus âgé, la différence dans les hauteurs des crêtes. 5. Vue d'une partie du bord du calice d'un échantillon très développé. On peut y remarquer que les septa ne sont pas très inégaux quant à leur hauteur, ce qui n'avait pas lieu dans la figure précédente. 6. Un individu dont le polype est contracté; on voit la limite circulaire du pied, dont le diamètre est plus étendu que celui du calice. La figure a surtout pour but de montrer les entéroïdes descendus dans les loges de la rand-platte, qu'on voit au travers des parois du corps. 7. Une portion du polype. Vue par l'extérieur, un seul tentacule; au-dessous des croissants vert Véronèse, on voit les septa et, entre ceux-ci, les en- téroïdes descendant et arrivant jusqu'au bas de la rand-platte ; celui du milieu (en) est sorti dans le bas de la figure. 8. La même partie vue de profil, à côté du chiffre 8, paroi de l'œsophage; au-dessus, le bourrelet labial; la loge sous-tentaculaire est ouverte et montre la cavité descendant jusqu'au bas du septa; l'entéroïde {«n)est descendu jusqu'au bas et fait saillie au dehors. 9. Trois tentacules limites {tl-tl) entre lesquels on voit deux groupes paliaux ; (. Un tentacule montrant le grand nombre des batteries jaunes causant la couleur. Si l'extrémilé est blanc jaunâtre, elle le doit aux nématocystes très serrés; mais il n'y a pas de boule terminale. 10. Apparence ordinaire d'un polype contracté. On voit les six grandes cloi- sons primaires et les six secondaires, au travers du tissu. La base de ces individus, fig. 9 et 10, présente le polypier dénudé. 11. Un très jeune Leptopsammia fortement grossi, présentant sa muraille, lisse non perforée, et les douze septa primaires; au centre, on aperçoit l'origine de la columelle. Diamètre ; 1 millimètre et demi. 13. Le calice en projection géométrique; les six cloisons primaires, les six cloisons secondaires sont bien distinctes, et les systèmes complets. FAUNE DU GOLFK DU LION. 249 La columelle est oblongue et présente les six excavations dans les- quelles viennent s'y loger, sans s'y souder, les extrémités internes des bords libres des six cloisons primaires; les cloisons secondaires devraient être unies à la colonne par un filet grêle, que la gravure n'a pas suffi- samment accusé. Les calices, fig. 3 et 12 de cette planche, montrent bien la différence entre les deux genres. PLANCHE XIT. Caryophyllia clavus. (Figures schématiques, 1 à 4). Fig. 1, 2, 3, 4, représentent un groupe palial entre deux cloisons limites. La no- tation à la circonférence est celle qu'on a suivie dans le cours du tra- vail : (m) médiane ou paiiale, (in) intermédiaire, (l) limite, (p) palis, (c) columelle. La notation intérieure répond à la théorie des auteurs français. La cloison paliale [m] et lo palis (p) sont conventionnellement repré- Bentés ondulés. La notation intérieure des figures est faite d'après l'ordre de gran- deur et d'origine supposée. Ces quatre figures ont pour but de montrer comment la cloison inter- médiaire {in) ou (3) passe à l'état do paliale, comment le palis primitif est dévié de sa direction, comment, enfin, la cloison médiane (m) ou (2) devient de deuxième grandeur en cessant d'être paliale. 3. Un tentncule d'une Actinie, fort grêle et allongé, renfermant dans son in- térieur un entéroïde remontant jusqu'à son extrémité terminale. 6. Une branche de Lophuhelia proliféra dont les polypides échelonnés forment une tige droite. Le processus de la blastogenèse, dans cet exemple, démontre la variabilité des formes en comparant cette figure à la sui- vante, 7. Grandeur naturelle. 7. Une partie d'un zoanthodème de la même espèce, de grandeur naturelle, pour mettre en évidence la grandeur des calices et le peu d'ordre des systèmes par leur nombre, la situation et la grandeur des blastozo'ites, comparés à ce qui s'observe dans la figure 6. 8. Coupe d'une portion de tige de Dendrophyllia ramea, rapportée de la Calle. Grandeur naturelle. D'après cette figure, on voit quelle devait être la taille colossale du zoanthodème mesurant 1 mètre cube. Le tissu fort compact et l'échantillon très lourd présentaient les pores caractéristiques de la muraille ayant acquis une épaisseur énorme. Au centre se trouvent les restes de la cavité du calice, avec les rayons représentant les septa. RECHERGHKS PHYSIOLOGIQUES SUR QUELQUES TAPIDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES PAK J.-B. PIÉRI Docteur es sciences naturelles. INTRODUCTION. Dans la séance du 18 novembre l89o, mon érainent maître, M. de Lacaze-Duthiers, a bien voulu présenter, en mon nom, à l'Académie des sciences, une note résumant les principales conclusions des recherches que j'ai faites au laboratoire maritime de Roscoff, pen- dant la derni?;re saison d'été. Ce sont ces mêmes recherches que je vais exposer ici, grâi.-e à l'obligeance de mon maître qui m'ouvre les colonnes des Archives ilc zoologie e.rpn'imenta/e ; qu'il veuille bien en agréer mes plus sincères remerciements. Ces recherches comportent deux chapitres différents : 1 ° Hésistance des Tapidés aux variatiov^ do. milieu ; 2° Action de certaines substances toxiques sur les Tapidés. Elles sont la suite de celles que, depuis longtemps, j'ai entreprises sur les Tapidés et qui sont exposées dans ma thèse inaugurale pré- sentée à la Faculté des sciences de Paris. Division du sujet. — Mes nouvelles recherches comprennent : » Travaux du laboratoire maritime de RoscotT. 2S2 J.-B. PIÉRI. I. Résistance des lapidés aux variations de milieu : a. Diminution de salure. b. Augmentation de salure, a. Chlorure de sodium. (3. lodure de potassium. Y- Bromure de potassium. II. Action de certaines substances toxiques : a. Créosote. b. Laudanum. c. Nicotine. d. Cocaïne. e. Cyanure de mercure. Méthode de travail. — Les expériences ont élé faites dans deux conditions différentes : \° Sur des animaux ouverts et présentant le cœur à nu ; 2° Sur des animaux intacts. Animaux ouverts. — Le cœur est mis à nu de la façon suivante : On coupe d'abord le muscle adducteur antérieur, puis le muscle postérieur, on coupe ensuite le ligament externe sans faire pénétrer la lame à l'intérieur de l'animal. Si cette opération est bien faite, la mutilation n'atteint que les muscles ; les organes importants restent intacts et les observations se font dans de bonnes conditions physio- logiques. (Cette méthode nous a donné de bons résultats dans nos recherches précédentes ; aussi, nous l'avons employée dans nos nou- velles recherches.) On observe les pulsations du cœur en écartant les valves de l'ani- mal disposé verticalement, par son bord palléal, sur un cristallisoir à dissection et maintenu par des épingles. SUK QUELQUIiS TA[»1UÈS ET AUTRES LAMELLIBUANGllES. 2o3 RESISTANCE DES TAPIDÉS AUX VARIATIONS DE MILIEU. Les Tapidés présentent une faible résistance aux variations de milieu et s'y adaptent très difficilement. a. Diminution de salure. — Les Tapidés (T. d., T. p., T. a.) ne s'habituent pas à l'eau de mer dont la salure est diminuée de moitié ou d'un tiers, même si cette diminution est obtenue progressivement et len- tement. Expériences. — Les animaux intacts sont placés dans Teau de mer dont on diminue la salure en y ajoutant, tous lesjours, de l'eau douce dont on augmente progressivement la quantité dans les proportions suivantes (I/IO, 2/10, 3/10... par jour). Durée de l'existence : cinq à dix jours. Les observations ont été faites sur Tapes decussata, T. pullastra et T. aurea, placés isolément ou en même temps dans des bocaux d'un demi-lilre d'eau de mer étendue d'eau douce ; cette eau était re- nouvelée deux fois par jour, le matin et le soir, de manière qu'elle était toujours propre. Dans un premier cas, Tapes decussata (6/5) ', J\ pullastra (3.5/2.5), T. aurea (3.2/2.6), ont été placés dans l'eau de mer étendue pro- gressivement jusqu'à 50 pour 100 d'eau douce ou d'eau distillée indifféremment {\jiO par jour); aucun n'a pu survivre au delà du cinquième jour. A l'autopsie, on trouve les siphons et les tissus boursouflés, les tentacules rentrés, le cœur en systole ou en demi- systole. On sait que la mort paraît être amenée par la diffusion des matières cristalloïdes de l'animal dans le milieu extérieur, dont la teneur en sels a été diminuée par l'addition de l'eau douce. Dans un deuxième cas, les mêmes animaux ont été directement » Les dimensions de l'animal sont indiquées par la fraction w/n, oîi m représente la longueur et n la largeur. 254 J.-B. PlKUl. placés dans l'eau de mer étendue à 50 pour 100 d'eau douce. La mort est survenue au bout de deux jours pour Tapes aurea et T. pul- lastra, deux jours et demi à trois jours pour T. decussata; aucun n'a dépassé cette période de temps. Si la résistance opposée par ces Tapes à la diminution de salure a été laible dans le premier cas, elle a été encore plus faible dans le deuxième, où elle a diminué presque de moitié. Ces expériences nous prouvent que les Tapes ne supportent pas l'eau de mer, diluée de la moitié de son volume d'eau douce. Dans un troisième cas, nous avons placé les mêmes animaux dans l'eau de mer diluée progressivement de 1/10,2/10, 3/10 d'eau douce, sans dépasser ce dernier degré. Dans ce liquide, constitué tinalement de 70 pour 100 d'eau de mer et 30 pour 100 d'eau douce, les animaux ont vécu plus long- temps que précédemment. La durée de l'existence a été de huit à dix jours. Pendant les trois premiers jours, on ne remarque rien de particulier; les siphons sont épanouis et les mouvements assez vifs ; mais, vers le quatrième jour, les mouvements deviennent lents, ce qui dénote une certaine fatigue, sinon la débilité de l'animal, les siphons sont à demi épanouis, et, dès le sixième jour, on devine, à ces caractères plus accusés, que l'adaptation ne se fera pas : la mort sur- vient, en effet, du huitième au dixième jour et le cœur est en systole. Lutin, dans un quatrième cas, les mêmes animaux ont été direc- tement placés dans l'eau de mer étendue de 30 pour 100 d'eau douce. La mort est survenue au bout de sept jours et demi à huit jours et demi. Ainsi donc, les lapidés ne s'adaptent pas à l'eau de mer diluée du tiers de son volume d'eau douce. b. Augmentation de salure : a, avec le chlorure de sodium. — I^es Tapidés (T. d., ï. p., T. d..) ne s' habituent pas à l'eau de mer dont la salure est augmentée île 2 pour 100 avec le chlorure de sodium, même si cette auçpnentatiun est obtenue progressioeïnent et lentement. L'augmentation de salure est mieux supportée que la diminution. SUR QUELQUES TAPIDfiS ET AUTRES LAMEI.LIBKANCHES. 255 Ex />(''?• iences. — Les animaux intacts sont placés dans l'eau de mer dont on accroît la salure en y ajoutant, tous les jours, du chlorure de sodium dont on augmente progressivement la quantité jusqu'à 2 pour 100 en plus de la teneur ordinaire de l'eau de mer (1/4, 1/2, 3/4... pour 100 par jour). Durée de l'existence : douze à treize jours. Les observations ont été laites sur Tapes decussata, T. pidlastra et T. aurea, placés isolément ou en même temps dans des bocaux d'un demi-litre d'eau de mer additionnée de chlorure de sodium dans les proportions indiquées plus haut; cette eau, renouvelée deux lois par jour, était toujours propre. Dans un premier cas, J'apes decussata (6/5), T. pullaslra (."J. 5/2.5), T. a«rm(3.IJ/2.8), ont été placés séparément dans l'eau de mer où, de jour en jour, on ajoutait un quart de gramme de chlorure de so- dium, sans dépasser la proportion de 2 pour 100 qui est directement toxique '. Jusqu'à la dose 3/4 pour 100, aucune remarque intéressante; les siphons sontHiien épanouis et les mouvements vifs, sauf pour quelques Tapes pullastra qui, à la fin de la huitième journée, de- viennent un peu paresseux. Le quatrième jour, c'est-à-dire à 1 pour 100, les mouvements sont visiblement plus lents pour plusieurs individus ; ce phénomène s'affirme de mieux en mieux et, le septième jour, c'est-à-dire à 1 3/4 pour 100, il est nettement accusé pour tous. Quelques individus étant ouverts à la fin de la septième journée, on constate que le cœur puise lentement, mais régulièrement; la contractilité musculaire a sensiblement diminué. En les laissant dans l'eau à 2 pour 100, ils continuent à vivre pen- dant douze à treize jours. Deux individus seulement, sur vingt, sont morts le neuvième jour. A l'autopsie, le cœur est en systole ou demi-systole ; les siphons sont durs, resserrés, allongés. ' PiÉKi, Recherches sur Tapes decussala, p. Uâ. 236 .l.-B. l'IÉRl. Dans un deuxième cas, les mêmes animaux ont été placés simul- tanément par groupes de trois dans l'eau de mer, chlorurée comme précédemment ; les résultats obtenus ont été analogues aux précé- dents. Les Tapidés ne s'adaptent donc pas à l'eau de mer ainsi chlorurée* fi. Avec l'iodure de potassium. -— Les Tapidés (T. d., T. p., T. a.) ne s'habituent pas à l'iodure de potassium, même quand on augmente progressivement et lentement la proportion de ce sel dans Veau de mer. Expériences. — Gomme pour le chlorure de sodium, on augmente la quantité d'iodure de potassium jusqu'à 1/4 ou 1/2 pour 100 en plus de la teneur ordinaire de l'eau de mer (1/10, 2/10... pour 100 par jour). Durée de l'existence : six à neuf jours. La dose 0,5 pour 100 n'a pas été dépassée, parce qu'elle est direc- tement toxique '. Les observations ont été faites dans les mêmes conditions que pour le chlorure de sodium et sur les mêmes animaux : Tapes de- cussata, T. pullastray T. aurea. Voici quelques résultats : Rien à signaler pendant les deux premiers jours ; vers la fin du troisième jour, quelques Tapes pullastra et T. aurea bâillent volon- tiers; ils se ferment par l'excitation, mais s'ouvrent bientôt après ; T. decussata (plus grands) ne présentent ce phénomène que dès le quatrième jour. Le cinquième jour, c'est-à-dire à 5/100, les siphons sont à demi contractés, les mouvements lents, la sensibilité émoussée ; mais l'animal bâillant se ferme bien par l'excitation. Le sixième jour, quelques individus, environ 1 sur 10, meurent ; ceux qui survivent ont des mouvements de plus en plus lents. Les survivants meurent successivement les septième, huitième et ' PiÉRi, Recherches sur Tapes decussata, p. 92. SUR QUELQUES TAPIDÈS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. 257 neuvième jours; les siphons sont contractés et le cœur est en sys- tole. Les muscles adducteurs se brisent lacilemenl, ce qui dénote une grande diminution dans la cohésion musculaire. Y. Avec le bromure de potassium. — Résultais identiques à ceux qui ont été tournis par l'iodure de potassium. Historique. — L'action du chlorure de sodium, de l'iodure de po- tassium et du bromure de potassium sur les Tapidés a été l'objet des recherches que j'ai rappelées plus haut*; ici, nous n'envisageons que la résistance des ïapidés aux variations de milieu. Des recher- ches analogues ont été faites par différents naturalistes, sur les In- vertébrés et même quelques Vertébrés. Je rappellerai brièvement celles de Beudant (1816), de Plateau (1871), de Schmankewitsch (1877), de L. Frederiq (1879), de Paul Bert (1885), de H. de Va- rigny (1887). D'après Beudant, cité par L. Frederiq -, plusieurs Mollusques d'eau Ao\iZQ[Lymneus, Physa, Planorbis, Ancylus) peuvent s'habituer, peu à peu, à vivre dans un milieu liquide contenant 4 pour 100 de sel ; ces mêmes animaux meurent immédiatement par immersion dans l'eau salée, c'est-à-dire dans l'eau de mer. Il y a donc eu adaptation. En plaçant des animaux marins dans l'eau où la quantité de sels diminue lentement jusqu'à avoir de l'eau douce, il obtint des phéno- mènes à' SiàRpia.[ion pour Balanus, PateUa,Purpuraf Cardium, Ostrea, Mytilus ; mais Haliothis, Buccinum, Tellina, Pecten, moururent tous avant la fin de l'expérience. En expérimentant sur des Articulés aquatiques, F. Plateau ^ a trouvé qu'A sellas aquaticus s'habitue lentement au poison de mer. 11 montra, en outre, que les sels toxiques sont absorbés à travers la peau et surtout à travers les branchies. • PiÉRi, Recherches physiologiques sur Tapes decussata, p. 76 et suivantes. ' L. Frederiq, la Lutte pour ["existence des animaux marins, Bailli^re, 1889, p. 26. 3 F. Plateau, Recherches physico-chmtques sur les Articulés aquatiques {Além.Acad. belg., t. XXXVJ, 1871). AhCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉK. ~ 3« SÉRIE. — T. V. 1897. 17 2S8 J.-B. PlÉRl. Ces recherches s'accordent av€c celles plus récentes de L. Fre- deriq '. Schmankewitsch ^, par de longues et patientes expérienees sur Artemia salina,ii obtenu de remarquables phénomènes d'adaptation. Les recherches de P. Bert ' se rapportent aux Vertébrés (Pois- sons, tels que Colins, Plies, Bars, Spinanches, Carrelets, Vieilles) et à quelques Invertébrés (Crabes et Actinies, Ac^inia plumosa et A. cras- sicornis). Il a opéré : 1° avec l'eau de mer dessalée ; 2<* avec l'eau de mer surs?ilée. Il n'a obtenu aucun phénomène d'adaptation, et il a remarqué que les Poissons de mer supportent beaucoup mieux la concentration des liquides que leur dilution. Nos recherches sur les Tapidés nous ont amené à la même con- clusion. H. de Varigny* a montré que les Crabes, les Actinies, etc., sont les animaux marins qui supportent le mieux une diminution de sa- lure. Avec Cordylophora lacustris de l'eau salée et de l'eau sauraàlre, il a même obtenu des phénomènes d'adaptation dans l'eau douce. Dans l'état actuel de la science, il est difficile de formuler une conclusion générale relativement à l'adaptation des animaux aux variations de milieu. Si les uns (Lymnées, Balanes, Mylilus, Cordylo- phora, etc.) s'y adaptent, d'autres {Haliothis, Bucclnum, Pecten, les Tapidés) ne s'y adaptent pas. Nous n'avons donc rien à changer à ce que déjà nous avons écrit à ce sujet * : « La composition du milieu joue un très grand rôle et a une grande influence sur l'existence des êtres vivants ; ce n'est pas impunément que l'on peut transporter un animal d'un milieu dans un autre, surtout si la composition chi- mique de ces deux milieux présente une grande différence. Que les * L. Fkederiq, Livre Jubil. Soc. méd. Gand, 1879, Archives de zoologie expérimen- tale v.i Lutte pour l'existence {loc. cit., p. 34). 5 Schmankewitsch, Zeitsch. f. VViss. ZooL, t. XXII, 1877. <* P. Beht, Comptes rendus des séances et Mémoires de la Société de biologie, p. iii>0-b27; séance du !25 juillet I8àl.). 4 l-I. DE Vabigny, Centralbl. (. PhysiuL, l8fi7. ^ J.-b. PiÉRi, loc. cit., p. 101. SUR QUELQUES TAPIDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. "259 eaux d'un lac salé deviennent brusquement plus concentrées, et leurs habitants pourront difficilement continuer à y vivre; que la concentration se fasse très lentement, et les phénomènes d'adaptation pourront se produire pour les animaux qui ont une tendance à s'ha- bituer au poison de mer... Vu la grande sensibilité des animaux pour les difl'érentes substances de la mer, ces phénomènes d'adap- tation ne doivent guère se produire dans la nature lorsque, acci- dentellement, un animal est transporté de l'eau de mer dans l'eau douce et inversement. » J'ajoute que les recherches précédentes, faites dans des condi- tions identiques, avec d'autres Lamellibranches, tels que : Venus verrucosa, Artemis lincta et A. exoleta, Pectunculus glycimeris, Luci- nopsî's undata, m'ont donné les mêmes résultats que pour les Tapi- dés. Les différences observées sont trop faibles pour être relevées, sauf pour Artemis, qui résiste un peu mieux que les autres aux va- riations de milieu, mais sans s'adapter. En un mot, les Mollusques observés ne s'adaptent pas aux légères variations de milieu. II ACTION DE CERTAINES SUBSTANCES TOXIQUES. L'action des poisons a été déjà étudiée sur un grand nombre d'In- vertébrés ; quelques résultats sont concordants, mais d'autres ne le sont pas. Aussi, cette étude a besoin d'être, sinon reprise, du moins étendue à un plus grand nombre d'animaux. En accumulant les observations et les résultats, on finira par dégager le mode d'action des toxiques sur le protoplasma, et, peut-être trouvera-t-on une grande loi physiologique. C'est ainsi que nous pensons que de pa- reilles recherches ont une grande importance sous leur modeste ap- parence. En physiologie, on ne peut rien prévoir d'avance; telle était, du reste, l'opinion de Magendie ^ Lorsqu'on lui disait : « Sui- * Cl. Bernard, Leçons sur les effets des suàslances toœiques, 1857 ; Avant-propos, p. 11. 260 J.-B, PIÉRl. vant telle loi, les choses doivent se passer ainsi » ; ou bien : « L'ana- logie indique que les phénomènes auront lieu de telle ou telle ma- nière. — Je n'en sais rien, répondait-il, expérimentez et vous direz ce que vous avez vu. » En citant l'opinion de son maître, Cl. Bernard s'y rallie complète- ment et met en garde les jeunes physiologistes contre les idées con- çues a priori. Ces grands physiologistes avaient eu occasion, en étu- diant les phénomènes vitaux, d'en reconnaître toute la complexité et ils savaient que, pour établir une relation entre eux, il faut les avoir examinés dans des conditions variées et chez un grand nombre d'animaux à modes différents d'existence. En accumulant les faits, les physiologistes suivent donc les in- structions de ces maîtres, d'illustre mémoire, et contribuent modes- tement à la recherche des lois biologiques. Les poisons sont des réactifs précieux et constituent d'utiles auxi- liaires pour l'étude des fonctions nerveuses et musculaires; les autres fonctions étant sous la dépendance directe et immédiate de celles-là, il en résulte que cette action des poisons est générale et n'en a que plus d'importance. Je ne suis pas loin de croire que par eux nous arriverons à comprendre certains phénomènes vitaux en- core plus ou moins inexpliqués et même mystérieux ; l'instantanéité de l'action de quelques-uns est encore loin d'être bien interprétée et leur diffusion rapide à travers l'organisme mérite de nouvelles recherches. Je ne signalerai ici que les recherches de ce genre qui ont trait aux Mollusques; comme elles ont peu de rapport avec celles que je vais exposer, je me contenterai de les citer par ordre chronologique, quitte à revenir plus tard sur celles qui présentent une certaine ana- logie avec les miennes. Telles sont les recherches deVulpiau'(l!SG6) sur l'action du curare et de la strychnine sur l'Escargot; de P. Bert* 1 VuLPfAN, Leçons sur la physiologie générale el comparée du système nerveux, Paris, 1«66, p. 2ii2-784. 2 P. Berï, Mémoire sur la physiologie de la Seiche, Paris, 1867, p. G8, el Extrait des Mémoires de la Société des iciences physiques et naturelles de Bordeaux, Paris, 1870. SUR QUELQUES TAPIDÉS ET AUTRES [.AMRLLIRRAXGliES. 201 (1867), qui a étudié l'action du curare et du chlorhydrate de strych- nine sur la Seiche; de Steiner^ (1^75), qui a repris et conGrmé les expériences de Vulpian sur l'action du curare sur l'Escargot, mais a trouvé des résultats différents pourla strychnine; deColasanti^(l876), sur l'action de l'atropine, de la strychnine et du curare sur les Cépha- lopodes; de Klemensiewicz' (1878), sur l'action de l'amylnitrite, de la strychnine et du curare sur les Céphalopodes [Eledone moschata) ; d'Heckel * (1879), sur l'action du sulfate et de l'oxalate de strych- nine sur //'e/ea? poma^m,/?. aspersa, Zonùes alyirus; de Krukenberg^ (1879 et 1880), sur l'action de la quinine, de la nicotine, l'atropine, la strychnine, l'alcool, le chloroforme, l'éther, le curare, le camphre, la muscarine, la vératrine, la physostigmine, la picrotoxine sur Eledone, Sepia et Hélix pomatia; de Vulpian^ (1879), sur l'action de la muscarine, l'inée sur le cœur des Gastéropodes; d'Yung'^ (1881, 1882, 1886), qui a fait une étude très longue et très sérieuse sur l'ac- tion des acides, des alcalis, du bichlorure de mercure, de l'arsenic, * Steiner, Ueber die Wirkung der Amerikanishes Pfeilgifles curare {Arch. f. Anal, und PhysioL, 1875, p. 145). 2 CoLASANTi, Ricetche anatomische et fisiologische sofra il braccio dei Cephaiopodi (R. Accademia dei Lincei, F. 1876). 9 KLEMENSitwicz, Beilrage zur Kenntniss des Farbenwechsels der Cephalopoden {^Silzungsber D. K. K. Acad. D. Wiss. zu Wien, t. LXXXVIII, III Ablh., 1878) * Heckel, Dei'aclwndessels de strychnine sur tes Mullusques gastéropodes {Comptes rendus lie l'Académie des sciences de l^'aris, t. LXXXVIII, p. 9 18, 1879). 5 Krukenberg, Vergleichend toxiouiogtsche Untersuchungm als experimentalle grundlage fur eine Nerven und Muskdptiysiologie der hvertebraten {Vergleicli. Pliy. studien, I Abth., 1880, p. 77). — Der Mectianismus des Chromatophorenspieles bei Ele- done niosctiata {Ibid, p. 1). ■— Das VerhaUniss der Toxicologie zu den iibrigen biologis- chen Disciplinen {Esiralto dei Bolletino délia Societa adrialica di scienze naturali t. V, 1879). « Vulpian, Action des poisons sur le cœur des Gastéropodes {Comptes rendus de l'Académie des sciences de Paris, t. LXXXVIII^ 1879, p. 1293). '' E. YuNG, Recherdes expérimentales sur l'action des poisons chez les Cépfialopodes {Abdi uck aus den Mitlheilungen aus der Zool. Stat. zu Neapet. t. III, p. 97)- Ibid., De l'action des potsons chez les AîoUusques (Archives des sciences physiques et naturelles, 30 période, t. VU, 1S82, p. 5; Ibid. , De l'innervation du cœur et de l'action des poisons chez les Mullusques lamellibran hes [A'chives de zoologie expérimentale et générale t. IX, 1881, p. 411-44 '4; Ibid., Contributions à l'histoire physiologique de l'Escargot Bruxelles, p. 90 et suivantes). 262 J.-B. PIÉRI. du curare, de la strychnine, de la nicotine, l'atropine, la muscarine, la vératrine, l'upas antiar,surles Céphalopodes et les Lamellibranches d'abord, et sur l'Escargot ensuite; de Kœhler' (1883), qui a étudié l'aclion de l'ésérine, du curare, de la nicotine, de la caféine sur les Gastéropodes ; de Ransom - (1885), sur l'action de plusieurs poisons sur les Céphalopodes et Hélix aspersa; nous-même^ nous avons étudié l'action des acides, des alcalis, de l'alcool, l'cther, le chloro- lorme, les essences, le camphre, la caféine, le sulfocyanure de po- tassium sur les Tapidés. Cette brève bibliographie rappelée, je passe à l'exposé de mes recherches. a. — Créosote. Les vapeurs de créosote déterminent un ralentissement rapide des mou- vements cardiaques avec l'arrêt du cœur en systole (12 h.) et la rigidité musculaire (16-17 h.). Cette action est analogue à celle des essences de violette, de berga- mote, de cèdre, de térébenthine, quoique moins forte. Expériences. — Tapes decussata, T. pullastra, T. aurea, sont placés dans un vase en verre fermé par un disque en verre. Le fond est oc- cupé par des galets de silex qui empêchent les animaux de plonger dans la créosote versée dans le vase et le remplissant rapidement de ses vapeurs. Dans un premier cas, les animaux sont intacts ; ils y vivent plu- sieurs heures ; en moyenne douze. La rigidité musculaire des si- phons survient quatre à cinq heures plus tard que l'arrêt du cœur en systole. Les siphons sont contractés et recouverts de mucosités, comme nous l'avons remarqué à propos des essences. ' Kœhler, Recherches physiologiques sur l'action du poison ches les Invertébrés, Paris. J.-B. Baillière, 1883. « W.-B. Ransom, On the cardiac rhythm of Tnvertebrales (Journ. of Physiology, t. V, 1885). ' J.-B. PiÉRi, Recherches physiologiques sur Tapes decussata et quelques Tapidés, 1895, p. 101145. SUR QUELQUES TAPIDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. 263 Dans un deuxième cas, nous y avons placé les animaux ouverts, c'est-à-dire le cœur à nu. Les pulsations avant l'immersion étaient de 12 k la minute : un quart d'heure après, elles s'élèvent à 17-19. 1 heure après elles tombent îl 16 et sont faibles. 3 — - 12 — 6 — — t> trè8 faibles. 8 - ^ 4 ~ 9 - _ 3 - 10 — — 2 — 11 — _ 1 _ 12 — — 0 systole. Les muscles ne sont complètement immobiles que cinq à six heures après, c'est-à-dire au bout de seize à dix-sept heures ; comme pré- cédemment, ils sont contractés, raccourcis, recouverts de muco- sités. En rappelant l'action des essences sur les mêmes animaux, nous voyons que celle de la créosote est analogue, mais moins éner- gique ^ Cette dernière remarque n'est pas sans intérêt quand on songe à l'abus que certaines gens font des essences et des parfums. Il est peu de ces produits qui n'exercent une action nuisible sur l'organisme ; en agissant comme asphyxiants, par absorption d'oxygène, comme caustiques et comme toxiques, ils peuvent causer des accidents très graves. Pour nous, il n'y a aucune surprise à conâtater que la créosote est moins toxique que les essences. Les hygiénistes ont donc raison de s'élever contre les abus des parfums et d'en signaler le danger. Cette ridicule faiblesse n'a pas d'excuse, même dans un but esthé- tique plus ou moins hypothétique. Nous ne dirons pas, avec le poète latin : Maie olet qui bene olet, mais nous n'excuserons pas les per- sonnes qui s'empoisonnent lentement avec des produits dont la no- civité est aujourd'hui incontestable. Ces substances sont d'autant plus dangereuses que, grâce à leur volatilité, elles agissent à dis- * PiÉRi, Recherches sur Tapes decussata, p. 139. 264 J.-B. PIÉRI. tance, et que, grâce à leur subtilité, elles pénètrent profondément les tissus, les imprègnent, réagissent sur le protoplasma, qui se coa- gule, et déterminent des troubles organiques se traduisant à Texte' rieur par.des désordres nerveux. Quant à la créosote, elle paraît surtout agir comme caustique. D'après Wurtz', « elle blanchit complètement l'épiderme et le dé- truit promptement; elle coagule l'albumine du sang et du blanc d'œuf )i. En dissociant le tissu musculaire et en l'examinant au microscope, nous avons constaté nous-même que la myosine était granuleuse, opaque, c'est-à-dire coagulée. Les mucosités des siphons renferment, en outre, de nombreux dé- bris cellulaires, ce qui dénote l'altération des tissus due à l'action caustique de la créosote. b. — Laudanum. 4" Le laudanum, par contact direct ou en injection dam; le pied, ar- rête momentanément le cœur; les pulsations reprennent quelques minutes après (13-25 m.) tout en restant faibles. 1° Les vapeurs de laudanum sont très peu délétères; les Tapidés y vivent pendant plusieurs jours (6-8/.) Expériences. — Le laudanum employé est pur ; les Tapidés soumis à son action sont : Tapes decussata, 6/3, T. pullastra, 5/4,4.3/3.3, et T. awea, 3.5/2.8. \° Contact direct avec le cœur. — Avec un compte-gouttes qui donne 20 gouttes par centimètre cube, on laisse tomber 4-5 gouttes sur le cœur mis à nu. Le cœur se met immédiatement en systole et s'arrête ; les pulsa- tions reprennent trois quarts d'heure après ; elles sont d'abord ralenties, puis elles deviennent normales comme jeu et comme nombre. • WuHTZj Dictionnaire de chimie pure et appliquée, t. I, l" partie, p. 988. SUR OUELQUES TAPIDF'lS ET AUTKES LAMELLIBRANCHES. 2ft5 2" Injection. — L'animal est ouvert et le cœur est mis à nu. On injecte dans le pied un demi-centimètre cube de laudanum et l'on observe l'animal à l'air. Le cœur s'arrête immédiatement en systole ; un quart d'heure après, les pulsations reprennent et l'on remarque des troubles car- diaques. D'abord faibles et peu nombreuses, elles s'élèvent ensuite à leur nombre normal et deviennent régulières; l'animal continue à vivre de quarante à quarante-huit heures. Voici quelques résultats moyens : /4 d'heure après : 3 pulsations îi la minute 1 heure après 3-2 — — 2 — 2-1 — — 5 — 2-1 — — 10 — 7-8 — — 19 — 8 — — 22 — 9-10 très faibles. 24 — 10 — 30 — 6 — 40 — 4 — 43 - 3-2 — 48 - 1-0 systole. 3° Vapeurs. — Les mêmes animaux intacts sont placés dans des vases en verre fermés par des disques en verre et oîi il y a du lauda- num ; des galets de silex empêchent les animaux de plonger direc- tement dans le liquide. La coquille est légèrement brisée sur les bords pour permettre aux vapeurs de pénétrer facilement dans l'in- térieur. Dans ces conditions, les Tapidés ont vécu sept à huit jours. Quel- ques-uns, ouverts de temps en temps, ne présentaient rien d'anormal : le cœur puisait régulièrement et les muscles étaient contractiles. A la fin du quatrième jour, les pulsations tombent de l'2 à 10 et même à 8; la contraclililé musculaire semble aussi diminuer, car les mou- vements sont lents. L'action du laudanum sur les Invertébrés et en particulier sur les 266 J.-B. PIÉRI. Mollusques, n'a guère été étudiée; les expériences précédentes sur les Tapidés montrent qu'elle est faible. Le laudanum ralentit les pulsations cardiaques, détermine même des troubles cardiaques, mais sans être, pour cela, un toxique bien caractérisé. Sa faible toxi- cité est également démontrée par l'action de ses vapeurs sur les animaux intacts, où tout ce que nous avons observé se réduit à un léger ralentissement des pulsations cardiaques; par contact direct, au contraire, c'est un anesthésique assez puissant. L'observation des tissus ne montre aucune altération, ce qui prouve que ses vapeurs agissent surtout comme milieu asphyxiant. Cette action me paraît assez intéressante, et je me promets de la reprendre sur une plus grande échelle, en l'accompagnant d'analyses de l'air envahi par les vapeurs. c. — Nicotine. i° La nicotine pure, en contact direct avec le cœur, l'arrête immé- diatement [action caustique). 2° En solution étendue, au 1/1000 ou au 1/10 000, elle détermine le ralentissement des pulsations cardiaques, mais elle paraît peu toxique à ce degré de solution. Les animaux intacts y vivent plusieurs jours (5-9 j.). 3° Les vapeurs de nicotine ralentissent le cœur, mais ont une toxicité très faible. (Les animaux intacts y vivent 3-5 jours.) 4° Les vapeurs Ide nicotine sont moins délétères que celles de la créo- sote et que les essences de violette, de bergamote, de cèdre, de térében- thine. Expériences. — ;Les Tapidés soumis à l'expérience sont : Tapes decussata, 5/4; T. pullasti'a, A,b/3.^ et T. aurea, 3.5/9.8. V Contact direct. — La solution employée est à 1 pour 100. L'ani- mal étant ouvert et le cœur mis à nu, on verse sur le cœur, avec un compte-gouttes à 20 gouttes par centimètre cube, 4-5 gouttes de la solution précédente. Le cœur brunit et s'arrête immédiatement en systole. SUR QUELQUES TAPIDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. 267 Une goutte sur les siphons détermine une vive contraction. Une goutte de nicotine pure sur les siphons détermine une sécré- tion abondante de mucus; celui-ci, examiné au microscope, ren- ferme de nombreux débris cellulaires dénotant la lésion des tissus. 2° Immersion, — Animal ouvert, cœur h nu : l'' Solution M pour 100. Arrêt immédiat du cœur en systole; siphons contractés recouverts de mucosités; nombreux débris cellulaires, 2° Solution à un demi pour 100. Mêmes résultats que précédemment. L'action caustique de ces solutions à i et un demi pour 100 étant trop rapide, nous avons employé des solutions très étendues ;\ 1/1000 et à 1/2000, c'est-à-dire à effet lent, dans lesquelles, la causticité étant très affaiblie, la nicotine devait surtout agir par ses propriétés physiologiques indépendantes de l'altération des tissus. 3° Solution à 1/1000. Voici quelques résultats moyens. Avant l'immersion, le cœur donnait 12 pulsations à la minute. Après l'im- mersion, le cœur devient paresseux, les mouvements sont faibles pendant dix minutes. 1/4 d'heure après : 8 pulsations. 1/2 hei ire après 8 pulsations accompagnées de balancements 1 du cœur dus aux pulsations auriculaires. 8 — — 7 fortes et régulières. — . 3 — 6-5 — 4 — 5 — 8 — 4 — IG 4 - 17 — 3 — 24 — 2 léger balancement. 26-27 — 2 — 30-32 — 0 systole. 4- Solution à 1/2000. Les pulsations suivent une marche analogue à la précédente. Les pulsations, d'abord alternativement fortes et faibles, deviennent pe- tites et régulières vers la douzième heure; le cœur est contracté, 208 J.-B. PlftRI. fusiforme, et s'arrête en systole au bout de trente-deux à trente- quatre heures. En un mot, l'action de la nicotine est faible à ce degré de solution. S" En plaçant des animaux intacts dans les mêmes solutions à 1/1000 et à 1/iOOO, nous avons constaté une fois de plus la faible toxicité de la nicotine très diluée. Dans la solution à 1/1000, la durée moyenne de l'existence est de 5-6 jours. A l'autopsie, on trouve le cœur en demi-systole, le foie bour- souflé; on remarque, en outre, des lésions sur les branchies; les siphons sont contractés. Dans la solution à 1/2000, la durée moyenne de l'existence est de sept à neuf jours. Quelques animaux étant ouverts au bout de quatre à cinq jours, on constate un ralentissement cardiaque, 9-10 pulsations à la minute. L'autopsie fournit les mêmes résultats que précédemment. 3» Vapeu7's. On adopte la même disposition que pour les vapeurs de créosote et de laudanum. Quelques Tapes pullasti^a ayant été placés ouverts et le cœur à nu, nous avons pu constater un grand ralentissement des pulsations et un certain trouble dans les systoles et les diastoles. Au début, les sys- toles sont fortes, les diastoles incomplètes; au bout de trois quarts d'heure à une heure, les pulsations deviennent lentes et petites ; au bout de quarante-cinq à quarante-huit heures, le cœur s'arrête en diastole et rarement en systole. Voici quelques résultats : û/4 d'heure après : 6 pulsations à la minute. 1/2 — 4 — .S/4 — 3 très petite.s. 2-24 heures après : 3 — 36-40 — 2 — /i5-48 — 1-0 diastole. Les siphons sont contractés et mous. La résistance est bien plus grande lorsque l'on expose aux vapeurs de nicotine des animaux SUR QUELQUES TAPIUÉS ET AUTUES LAMELLIBUANCIIES. 269 inlacls à coquille légèrement brisée pour laisser pénétrer les vapeurs. Dans ces vapeurs, Taijes decussata bâille volontiers au bout de deux jours, mais se referme vivement par une excitation; quatre jours après, les mouvements sont plus lents, et il se referme diffici- lement. Ouvert à ce moment, on trouve les muscles contractés, le cœur ramassé, très paresseux, donnant une pulsation à la minute, mais continuant à battre pendant douze heures encore. Tapes pullastra donne lieu aux mêmes manifestations. La durée moyenne de l'existence est de trois à cinq jours; les Tapes aurea sont ceux qui résistent le moins longtemps, sans doute à cause de leur petite taille. Historique. — Les propriétés toxiques de la nicotine ont été mises en évidence en faisant agir cet alcaloïde sur les Vertébrés'; cette étude nous entraînerait trop loin, et, pour ne pas sortir du cadre que nous nous sommes tracé, je rappellerai seulement les recherches qui ont été faites sur les Mollusques; telles sont celles de Kruken- berg et celles de Yung. Krukenberg *, en faisant agir ce poison sur les Céphalopodes {Sepia et Eledone) et même sur des morceaux de peau détachés du corps, lui a reconnu une action périphérique à cause des effets produits sur les chromatophores. Yung ^ a étendu ses recherches aux Céphalopodes [Octopus vulgaris, Eledone mosc hâta) et à un certain nombre de Lamellibranches (Ano' donta anatina, Mya arenarta, Solen ensis). Chez les Céphalopodes, la nicotine agit avec une puissance excep- tionnelle ; elle provoque des troubles locomoteurs et paralyse les muscles à l'état de contraction. Un Céphalopode est influencé par l'eau de mer à 1/oOUO de nicotine; les muscles des bras et du man- 1 Consulter Ix ce bujet : Cl. BicRNAfiD, Vllpian, Roger, Colas, de. 2 Kkukenberg, Der Mechanismus des CUruinaiopliorenspieles bei Eledone inoschala {Vfrgleictiund Phystologische studien {An. den KusUn der ^dria, I Abili., 1880, p. 1-7). 3 Yung, Hecherches expérimenlales iur l'action des poisons chez les Ceplialopudes p. 97. _ [)e l'aclton des poisons chez les Mollusques tamelttbrunclies (Archives des sciences physiques et nalui elles, p. 5 et suivantes ; ArcUives de zuu.ogie expérimentale, [). 4 21 el suivaiiles). "210 J.-B. PIÉRl. teau entrent en convulsions; les mouvements réflexes sont vite éteints, mais l'irritabilité nerveuse est bien conservée. Les Lamellibranches sont moins sensibles; la nicotine (en injec- tion à faible dose ou par immersion) agit surtout comme un irritant et détermine une légère accélération de la sensibilité ; le cœur se gonfle et ses battements s'accélèrent ; la mort survient par rigidité musculaire, mais la nicotine ne provoque la mort qu'à forte dose, La propriété narcotisante de la nicotine est recommandée par les frères Hertwig * et Andres ^ pour immobiliser certains animaux : les premiers insensibilisent les Actinies au moyen de la fumée de tabac ; le deuxième emploie de l'eau de mer à 1/1000. Nos expériences sur les lapidés et autres Lamellibranches {Ve- nus verrucosa, Artemis lincta, A. exoleta, Pectunculus glycimeins et Lucinopsis undata) confirment les conclusions de Krukenberg et de Yung sur la toxicité de la nicotine à forte dose ; mais en solution étendue à 1/1000 et à 1/iOOO ou en vapeurs, l'action toxique de cet alcaloïde sur ces Lamellibranches est relativement faible, pen- dant que son action paralysante est rapide et presque immédiate. La nicotine serait donc moins un poison qu'un narcotique. En comparant cette action à celle des essences, sur les mêmes animaux, nous constatons, avec une certaine surprise, qu'elle est moins forte; en un mot, les vapeurs de nicotine sont moins toxiques que les parfums. Nous avons déjà fait la même remarque en compa- rant l'action de la créosote à celle des essences et des parfums. Loin de nous la pensée de faire l'apologie du tabac dont nous ignorons, personnellement, les qualités ; mais, sans entrer en lutte avec la Ligue contre les fumeurs, nous croyons faire œuvre d'hygié- niste en montrant que le tabac n'est pas le seul éfément à combattre comme poison narcotisant et perturbateur. Sous des aspects plus agréables, plus captivants et plus suaves, les essences et les parfums 1 Hertwig, Die Actinien, 1.S7'J. 2 Andres, Atti R. Acad. dei Lincei, t. V, 1880, p. 9 {Jourii. Roy. Mie. Soc, iiouv. séi-., t. 11,1882, p. 884). SUR (,)UELQUES l'AFlDES liT AUTRES LAMKLLIBUANCHES. 271 soûl tout aussi perfides que le fameux narcotique de Nicot ', et mé- ritent d'être logés à la môme enseigne. Soyons même moins sévère et contentons-nous de signaler le danger de l'excès ou de Tabus ; en petite quantité, à dose modérée, la nicotine et les essences sont supportables. Les fumeurs et les parfumeurs nous sauront gré de cette conces- sion et nous pardonneront d'avoir simplement montré que l'excès en tout est nuisible. d. — Cocaïne. La cocaïne est un poison musculaire très puissant; elle détermine le ralentissement des pulsations cardiaques et la paralysie des muscles; son action est sensible à 1/iOOO. {Les animaux intacts y vivent un à deux jours.) j^xpériences. — Comme précédemment, j'ai opéré sur des animaux ouverts et sur des animaux intacts ; le poison administré par simple immersion, chez les Lamellibranches, est absorbé très rapidement de manière à produire son action. Les solutions ont varié de 10 pour 100 à 1 pour 1000. a. Contact direct sur cœur : i° Solution à 10 pour 100. Tapes decussata {6/6) et T.pullastra (4,3,a.5/3.2). Quatre à cinq gouttes sur le cœur : Le cœur s'arrête immédiatement en systole, puis se relâche. Quatre à cinq gouttes sur le pied : Contractions vives ; cinq minutes après, relâchement et muco- sités; par de fortes excitations, il se produit encore de petites con- tractions. Dix minutes après, paralysie complète. 2° Contact direct : solution à 5 pour 100. Tapes decussata et T. pullastra, ouverts. Quelques gouttes sur le cœur : • La nicotine a élô mise en liberté par Reimann et Posselt en Ih-ÀH. 272 J.-B. l'IÉKI. Le cœur se coiiLracle progressivement, donne encore quelques pulsations et s'arrête en systole en dix minutes ; il se relâche ensuite. 3° Solution à 2,5 pour 100. Mêmes effets par contact direct sur le cœur, b. Immersion : \° Solution à 2,5 pour 100. Tapes decussata^ T. pullastra et T. aurea, intacts. Une demi-heure après, les siphons sont allongés, relâchés, mous, paralysés et ne peuvent plus rentrer; les muscles adducteurs fonc- tionnent encore, car la coquille ne bâille pas. Quelques individus, ouverts une demi-heure après, ont le cœur en demi-systole et puisant faiblement ; le pied donne encore quelques légères contractions. Dix minutes après, le cœur s'arrête en systole. Deux heures après, les muscles sont relâchés et paralysés. D'autres individus sont ouverts deux heures après, quand les valves, légèrement écartées, ne se referment plus par l'excitation. Le cœur est en systole ; les siphons sont flasques, allongés, non contractiles ; le pied et le manteau sont encore faiblement con- tractiles. Un quart d'heure après, plus de contractions musculaires. 2° Immersion : solution à 1 pour 100. Tapes decussata, T. pullastra et T. aurea, intacts. Une heure après, les siphons et le manteau sont épanouis ou plu- tôt paralysés et se contractent faiblement. Ouverts deux heures après, le cœur est en systole, les siphons et le pied sont flasques et peu ou point contractiles. Tapes decussata (4.5/4) donne encore quelques faibles pulsations trois quarts d'heure après l'immersion; T. pullastra (3.5/2.5), une demi-heure après seulement. Tapes aurea (3.5/2.5) a perdu toute coutractilité après une heure et demie d'immersion. La petite taille de 7'opes aurea et T. pullastra explique ces diffé- rences. SUR QUELQUES TAFIDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. 273 3° Immersion : solution àl pour 100. râpes pullastra (3.5/2.5 )et T. aurea (3.2/2.6), ouverts. Cinq minutes après, pulsations fortes, 9-10 à la minute. Dix minutes après, pulsations très faibles, 4-5 à la minute. Quinze minutes après, pulsations très faibles, visibles à la loupe. Trente minutes après, pulsations, 0. Systole. 4° Immersion : solution à 1/2 pour 100. T. pullastra et T. aurea, ouverts. Une heure un quart après, cœur arrêté en demi-systole. • Une heure un quart après, muscles mous, relâchés, légèrement contractiles. 5° Immersion : 1/4 pour 100. Une heure un quart après, les mouvements des siphons et du man- teau sont très lents. Une heure et demie après, les mouvements des siphons et du manteau sont très lents. Deux heures après, les mouvements des siphons et du manteau sont presque imperceptibles. Deux heures trois quarts après, plus de contractilité musculaire, cœur en systole. Les mêmes animaux intacts meurent après six à sept heures d'im- mersion dans la solution à 1/4 pour 100, mais Artemïs lincta y vit dix à onze heures. 6° Immersion : 1/8 pour 100. Trois heures après, mouvements très lents ; cœur contracté. Cinq heures après, mouvements très lents ; cœur contracté. Six heures après, mouvements nuls ; cœur arrêté, systole. Les mêmes animaux intacts meurent après huit à dix heures d'im- mersion dans la solution à 1/8 pour 100. Les muscles sont toujours relâchés, mous. 7° Immersion : solution à 1/10 pour 100 ou 1/1000. Tapes decussata. — Le cœur se ramasse lentement; par l'excita- tion, il se contracte vivement au début. ARCU. UE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3^ SÉRIE. — T. V. 1897. 18 274 J.-B. PIÉRI. 10 minutes après : 6 pulsations à la minute. 1/2 heure après : 5-4 — 1 — 4 — 2 — 3 — 3 — 3-2 4-9 — 2-1 légers balancements. 15-16 — 1-0 demi-systole. Même marche des pulsations chez Tapes pidlaslra^ T. aurea et Arlemis exoleta. Dans la même solution (renouvelée de deux heures en deux- heures), on a placé des animaux intacts : Tapes pullastra y vit une demi-journée ; les siphons relâchés et éta- lés après la mort. Tapes decussata y vit trois quarts dejournée ; les siphons relâchés et étalés après la mort, Lucinopsis undata y vit un demi à un jour ; les siphons relâchés et étalés en dehors de la coquille. Ariemis lincta y vit un à deux jours; les siphons sont repliés sur eux-mêmes. Artemis exoleta y vit un à deux jours ; cœur noir, organes de Bojanus brunis. Venus verrucosa y vit un jour ; muscles relâchés. La durée de l'existence semble en rapport avec la taille de l'indi- vidu ; la paralysie est le phénomène général observé. Historique. — Les effets de la cocaïne sur les animaux ont surtout été étudiés chez les Vertébrés, où l'on a établi son action toxique, anesthésiante, paralysante, portant surles éléments nerveux et mus- culaires par application locale, et sur le cœur et les vaisseaux péri- phériques par injection interveineuse. On peut consulter, à ce sujet, les travaux très intéressants de Jolyet (1867), Moreno y Maïz (1867), Laborde (1880-1884), Laffont (188i, 1886, 1887), Arloing (1881,1888), Vulpian (1884], Laborde et Grasset 1^1884), etc. Quelques essais ont été tentés chez les invertébrés, mais plus timidement et plus rarement. Cependant, en la Taisant agir en in- SUR QUELQUES TAl'IDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. 27S jcclion sur les Actinies et les Cœlentérés marins, Dubois ' u établi qu'elle ne se comporte pas comme un poison général. Charpentier ^ en étudiant son action sur les Infusoires à chloro- phylle, a montré qu'elle est toxique à une dose excessivement pe- tite (1/5000, i/10000 et même 1/100000). L'action paralysante de cet alcaloïde à 1/100 a été utilisée par J. Richard ^ pour tuer les animaux très contractiles (Bryozoaires, Hydres, Vers). Nos recherches sur les Tapidés et autres Lamellibranches con- firment l'action paralysante de la cocaïne sur les muscles. Cette étude faite, parallèlement sur des animaux variés, ouverts ou intacts, nous a donné des résultats analogues et concordants ; ce fait, sans nous surprendre, nous montre que les animaux ouverts, malgré leur mutilation, sont dans de bonnes conditions d'expérimentation, sur- tout lorsque l'excitant à étudier a des effets rapides que les pulsa- tions cardiaques et les contractions musculaires mettent facilement en évidence avant que l'animal ne se ressente de l'affaiblissement général dû à la perte de sang déterminée par la section des muscles adducteurs. e. — Cyanure de mercure. Le cyanure de mercure est très délétère à J/1000; il détermine le ralentissement des pulsations cardiaques, puis l'arrêt du cœur en systole. Son action est sensible à 1/30000. [Les animaux intacts y vivent douze à quinze heures.) Expériences. — Le cyanure de mercure est le seul poison minéral dont nous ayons, cette année, étudié les effets sur les Tapidés et sur d'autres Lamellibranches. Nous avons procédé par simple immersion 1 Dubois, Comptes rendus de la Société de biologie, séance du 17 janvier 1885, p. 40. " Charpentier, ÂvHon de la cocaïne sur certains Infusoires (Zygoselmis orbicu- laris). [Comptes rendus de la Société de biologie, séance du 14 mars 1883, p. 183.] 3 J. Richard, ZqoI. Anzeig., n" 196, 1885, p. 332. 276 J.-B. PIÉRI. dans des solutions à différents degrés ; comme précédemment le poison était dilué dans l'eau de mer. i° Tapes decussata, 4/3.5, T. pullastra, 3.5/â.5, ouverts. Solution à i/i pour 100. Le cœur se contracte peu à peu; en cinq minutes il est en systole. Avant l'arrêt, les pulsations sont irrégulières et il se produit une espèce de balancement du cœur. Les siphons sont contractés. 2° yrf./'I/lOpour 100 ou 1/1000. Les pulsations, amples et fortes dès l'immersion, diminuent pro- gressivement ; le cœur s'arrête en systole en quinze à vingt minutes. 3° Jd. et Tapes aurea, 3.5/3 ; 1/20 pour 100 ou 1/2000. Cinq minutes après l'immersion, 8-9 pulsations à la minute; les systoles sont alternativement fortes et faibles. Trente à trente-cinq minutes après, le cœur s'arrête en systole ; les siphons sont contractés. 4° Jd.; 1/4000. Le cœur devient fusiforme ; arrêt en systole en trois quarts d'heure. 5° 7rf.; 1/8000. Les mouvements cardiaques deviennent de plus en plus petits ; arrêt du cœur en systole en quarante-cinq à cinquante minutes. 6° /rf.; 1/16000. Le ralentissement du cœur est encore très sensible ; arrêt en demi-systole en une heure un quart à une heure et demie. 1° Id.; 1/32000. Une demi-heure après l'immersion, le cœur, fusiforme et légè- rement contracté, est paresseux j les pulsations sont irrégulières et très petites avec des repos prolongés du cœur. Une heure après, id. Deux heures après, pulsations excessivement faibles ; cœur fusi- forme. Trois à huit heures après, pulsations presque insensibles. Douze heures après, arrêt en systole. SUR QUELQUES TÂPIDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. 277 Remarques. — Les animaux intacts, la coquille légèrement brisée, étant placés dans les mêmes solutions, n'y vivent pas plus que les animaux ouverts; les différences sont trop faibles pour être relevées. A 1/32000, cependant, Tapes decussata et Artemis y ont vécu douze à quinze heures. Le cyanure de mercure est ainsi un poison redoutable agissant à très petite dose ; ses effets sont aussi sûrs qu'immédiats. Rien dans l'aspect du protoplasma cellulaire n'en démontre l'altération ; j'ai pu m'en assurer en le faisant agir sur des Distomes et des Cercaires de la Patelle observés au microscope; le mouvement général et les mouvements interprotoplasmiques de ces Trématodes s'arrêtent im- médiatement sous l'influence du cyanure employé aux degrés pré- cédents ; mais le protoplasme garde son aspect antérieur. Le phénomène physique ou le phénomène chimique produit nous échappe ; seul le phénomène physiologique résultant nous révèle cette action rapide. Si le protoplasme est « la base physique de la vie », celle-ci n'en est pas moins dans un état d'équilibre instable excessivement déve- loppé, puisqu'un rien suffît pour le détruire ; les oscillations qu'elle communique à sa base physique sont insaisissables en dernière analyse. Pourquoi la destruction, l'arrêt de la vie sont-ils si faciles quand sa création en est encore impossible par des procédés de laboratoire? Le chimiste pourra faire du protoplasme, mais quel est le mécani- cien assez habile pour imprimer à cette matière inerte le mouve- ment caractéristique de la vie résultant non de la constitution des jnolécules ni de leur arrangement, mais d'un ébranlement initial dû à une énergie qui tient dans une simple cellule, œuf ou spore, et qui nous échappe lorsque nous voulons le créer de toutes pièces? On connaît l'origine de la cellule, son évolution, sa reproduction ; mais on ne connaît pas suffisamment les phénomènes d'activilé vi- tale qui se produisent dans son intérieur et qui dénotent la vie. La 278 J.-B. Pir.RI. physiologie a encore besoin de s'enrichir de faits nouveaux avant de pénétrer les secrets de la création vitale et de saisir la vie sur le fait. Commençons d'abord par connaître le ressort qui crée cette activité vitale ; il ne suffit pas de l'arrêter ou de le briser, il faut aussi pouvoir le remonter ou l'établir de toutes pièces. C'est ici que la science avoue son impuissance, mais sans reconnaître sa banque- route ; elle est la première à admirer le mécanisme si compliqué, si délicat, si perfectionné de la matière vivante, et, tout en ne pou- vant en pénétrer le secret, elle n'en dit pas moins : Laboremus. Les expériences précédentes ont été étendues à d'autres Lamel- libranches tels que : Venus verrucosa, Artemis lincta et A. exoleta, Peclunculus glycimeris et Lucinopsh undata, qui nous ont donné des résultats analogues à ceux observés sur les Tapidés. Les différences relevées sont trop peu importantes pour être notées ici. Pendant ces expériences, la température était de 18-20 degrés. CONCLUSIONS. Voici les principales conclusions de ce travail se rapportant à Tapes decussata, T. pullastra, T. aurea, Vetius veiTUCosa, Artemis lincla, A. exoleta, Peclunculus glycimeris, Lucinopsis undata. \. Les Lamellibranches ne s'habituent pas à l'eau de mer dont la salure est diminuée de moitié ou d'un tiers, même si cette diminu- tion est obtenue progressivement et lentement. IL Les Lamellibranches ne s'habituent pas à l'eau de mer dont la salure est augmentée de 2 pour 100 avec le chlorure de sodium, même si cette augmentation est obtenue progressivement et len- tement. L'augmentation de salure est mieux supportée que la diminution. IIL Les Lamellibranches ne s'habituent pas à l'iodure ou au bro- mure de potassium, même quand on augmente progressivement et lentement la proportion de ces sels dans l'eau de mer. SUR QUELQUES TAPIDÉS ET AUTRES LAMELLIBRANCHES. 279 Conclusion générale. — Les Lamellibranches présentent une faible résistance aux variations de milieu et s'y adaptent très diffici- lement. ÏV. Les vapeurs de créosote déterminent un ralentissement rapide des mouvements cardiaques avec l'arrêt du cœur en systole (après 12 heures) et la rigidité musculaire (16-17 heures). V. Le laudanum, par contact direct ou en injection dans le pied, arrête momentanément le cœur; les pulsations reprennent quelques minutes après (15-25 minutes), tout en restant faibles. Les vapeurs du laudanum sont très peu délétères ; les Lamelli- branches y vivent six à huit jours. VL La nicotine pure, en contact direct avec le cœur, l'arrête im- médiatement. En solution étendue (1/1000, 1/2000), elle détermine le ralentissement des pulsations cardiaques, mais elle paraît peu toxique à ce degré de solution. (Les animaux intacts y vivent cinq à neuf jours.) Les vapeurs de nicotine ralentissent le cœur, mais ont une toxicité très faible. (Les animaux intacts y vivent trois à cinq jours.) VII. La cocaïne est un poison musculaire très puissant; elle dé- termine le ralentissement des pulsations cardiaques et la paralysie des muscles; son action est sensible à l/'JOOO.(Les animaux intacts y vivent un à deux jours.) VIII. Le cyanure de mercure est très délétère à 1/1000; il déter- mine le ralentissement rapide des pulsations cardiaques, puis l'arrêt du cœur en systole. Son action est sensible à 1/30000. (Les animaux intacts y vivent douze à quinze heures.) Qu'il me soit permis de terminer ce mémoire par un mot qui exprime très faiblement mes sentiments de gratitude à l'égard de mon éminent maître, M. H. de Lacaze-Duthiers, mais dans lequel je mets tout mon cœur : merci, cher maître. NOUVELLES RECHERCHES SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION LES PREMIERS STADES DU DÉVELOPPEMENT CHEZ LES POISSONS ET LES AMPHIBIENS ' PAR E. BATAILLON Professeur adjoint à l'Université de Dijon. « ... Je cherche les voies et moyens des métamorphoses des organes. » GEOFFROY SAIN'T-HILAIRE. APERÇU GENERAL. Les quelques pages qui suivent représentent un travail de plu- sieurs années. C'est une ébauche très incomplète, et une partie des résultats était déjà consignée dans la bibliographie scientifique. Mais, quand on s'engage dans une voie mal frayée, on doit assurer ses pas en vérifiant les faits controversés, surtout lorsque ces faits pren- nent place à la base d'une loi ou d'une explication physiologique. Les phénomènes intimes de nutrition qui déterminent la division du germe nous échappent. Mais les belles études faites sur la marche de la segmentation par plusieurs physiologistes et, en particulier, « Mémoire déposé en septembre 1896. 282 E. BATAILLON. par Pfliiger', Bo^n^ Rollx^ etc., ont abouti à des lois dont la forme satisfait provisoirement même les mécanistes purs. Ces lois, formu- lées par Hertwig\ l'observation et l'expérimentation les vérifient toujours. Si l'on ajoute que le plasma formateur paraît régulièrement isotrope à l'origine ; que, dans la mesure des conditions intrinsèques réalisées par l'œuf et dans les limites mêmes fixées par nos lois mé- caniques, l'orientation ries s/'llons et leur succession peuvent être expé- rimentalement déterminées et modifiées, immédiatement les faits se heurtent aux théories. Une détermination rigoureuse des parties du futur organisme dans le germe originel, comme His^ l'admet avec son Princip der Organbildenden Keimbezirke. devient inacceptable a priori. Mais il est possible d'aller plus loin. Toute théorie des unités représentatives me paraît impliquer une spécificité assez rigoureuse des éléments blastodermiques. On a invoqué les cas d'hémitérie résultant de la destruction d'un blastomère, les belles études de Chabry ® sur les œufs d'Ascidies, de Roux' sur les œufs d'Amphibiens. Hertwig a déjà fait remarquer qu'on force les conclusions de l'expérience, et je reviendrai sur ce point. Mais, avec un rapport constant entre le premier sillon de segmentation et l'axe embryonnaire chez un type donné, que devien- nent les unités représentatives, si l'expérimentateur change à volonté la 1 Pfluger, Ueher den Einfluss der Schwerkraft auf die theilung der Zellen [Archiv fur die gesammte Physiologie, vol. XXXI et XXXII, 1883) ; Ueber die Einwirkung der Schwerkraft uber anderer Bedingungen auf die Richtung der Zelltheilung {Ibid., vol. XXIV, 1884), 2 BoRN, Ueber den Einfluss der Schwere auf das Froschei {Archiv f. Mik. Anat., vol. XXXIV). 3 Roux, Ueber die Entwicklung der Froscheier bei aufhebung der richtenden Wirkvng der Schwere [Dreslauer Antz. Zeitsch., 1884). * Hertwig, la Cellule el les Tissus (édition française, 1894). ^ His, Die Theorieen der geschiechtlichen Zeugung [Archiv f. Anthrop., 1871-1872). * Chabry, Contribution à l'embryologie normale et téralologique des Ascidies sim- ples (./. de l'Anal, et de la Phys., 1887). ■^ Roux, Ueber die Kiinstliche hervorbringung halber Embryonen durch die Zerslfi- rung einer der beiden ersten Furchungs Kugein [Virehoiv's Archiv, t. CXIV, 1888). SUR LES MÉCANISMES DE L'ftVOLUTION. 283 destination des deux blastomeres, s'il les fait correspondre à son gré, soit aux deux moitiés symétriques du corps, soit aux deux extrémités ? Pour la mécanique de la segmentation, les ressources de la tech- nique sont vite épuisées. Si les éléments blastodermiques, avec des réserves également réparties, se trouvaient tous, dans les divisions successives, soumis aux mêmes conditions de milieu, le germe garderait forcément sa forme initiale. Et, ici, il faut prendre un exemple. Le blastoderme d'un Poisson donnerait des cellules de plus en plus petites avec la forme persistante d'une lentille plan-convexe. Si cette marche régulière est troublée, si des éléments, intimement unis en une mosaïque au pôle animal, cessent brusquement de se diviser sur place pour s'étendre à la périphérie, le milieu doit intervenir comme facteur du changement. On ne s'expliquera pas que des cel- lules chargées d'un certain plasma se disloquent pour prendre une répartition nouvelle, après un grand nombre de cloisonnements ré- guliers, sans faire intervenir une modification dans les relations élémentaires. Les rapports de ces cellules entre elles, leurs rapports avec le fluide extérieur, leurs rapports avec les matériaux vitellins : telles sont les grandes données qui doivent conduire à la solution du problème. Le jeu de ces divers facteurs a plusieurs résultantes : l'édi- fication progressive de la forme en est une ; et, puisque les difficultés qu'elle soulève paraissent insurmontables, il est logique de s'adresser aux phénomènes corrélatifs de destruction. Quelle est la valeur des échanges respiratoires aux différents stades ? Il s'agissait d'apprécier des quantités très faibles, et, le milieu aquatique constituant une grosse complication, j'ai cherché à l'évi- ter. Les œufs, fécondés artificiellement, étaient disposés sur un tamis dans un courant d'air saturé d'humidité et entretenu par la trompe. Ils ont évolué normalement et dans le même temps que les témoins laissés dans l'eau à la même température. Ce résultat, obtenu avec quatre types de Téléostéens vulgaires (Vairon, Vandoise, Rousse, 284 E. BATAILLON. Goujon), ne m'a pas facilité autant que je l'espérais l'étude de la fonction respiratoire ; mais il a une portée physiologique incontes- table. On a cru pouvoir opposer le développement dans l'air au dévelop- pement dans l'eau. « Une exhalaison d'eau considérable, dit Preyer\ est nécessaire à tous les œufs des animaux vertébrés exposés à l'air pour leur déve- loppement, pour favoriser la concentration des liquides qui doivent se combiner pour l'histogenèse ; et cependant aussi, une grande tension de la vapeur d'eau dans l'air ambiant est indispensable pour que la perte d'eau produite par l'évaporation de l'œuf se fasse lente- ment et sans interruption. Pour les œufs qui se développent dans l'eau, une absorption d'eau est probablement, au contraire, indis- pensable, puisqu'ils gonflent bientôt après la ponte. Des expériences dans lesquelles on porterait des œufs d'Amphibies et de Poissons dans de l'air humide, au lieu de les laisser dans l'eau, pour leur permettre de s'y développer, ou, en deuxième lieu, dans lesquelles on ferait alterner le séjour des œufs embryonnés dans l'eau avec le séjour dans l'air, seraient d'un grand intérêt à plus d'un point de vue. » C'est cette expérience que j'ai réalisée. L'absorption d'une certaine quantité d'eau qui s'accumule entre l'œuf et la coque au moment de la fécondation n'implique rien au point de vue de l'histogenèse, qui peut être accompagnée d'une exhalaison d'eau dans tous les cas. C'est une question délicate, sur laquelle je n'ai pas encore de données suffisantes. Mais l'évolution hors de l'eau a une autre signification. Elle limite au vitellus les matériaux solides élaborés par le germe ; elle établit que les échanges avec le milieu extérieur sont exclusi- vement gazeux ; et, du même coup, la respiration devient, dans la physiologie du développement, une ordonnée de première valeur. Ainsi, contrairement aux habitudes, je note, dans cette introduc- tion, un fait capital qui m'a servi de point de départ : * Prêter, Physiologie spéciale de l'Embryon (traduction française, 1887). SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 285 Les œufs de Poisson évoluent normalement à l'air humide ; ils n'em- pruntent pas de matériaux solides à l'eau. Par conséquent, le travail élémentaire sur les réserves vitellines et les échanges gazeux nous représentent tout un bilan nutritif. Et, les gaz de la respiration étant le principal sinon l'unique déchet éliminé, une courbe de cette fonction doit marquer les oscillations de l'activité totale. On verra que cette courbe n'est pas régulière, qu'elle offre, en par- ticulier, un accident curieux au moment de l'extension du germe à la surface du vitellus. Je rechercherai, parallèlement, les modifications élémentaires qu'offre le blastoderme, surtout au niveau du parablaste. Et, après avoir montré que l'axe embryonnaire est déterminé, dès le début, par la marche de la segmentation, je m'efforcerai d'établir que l extension de l'ébauche à la surface des réserves dépend de conditions physiologiques révélées par l'observation et par l'expérimentation. LA SEGMENTATION DE L'OEUF ET L'ORIENTATION DE l'ëMBRYON. A. Amphibiens. Ceux qui se refusent à admettre, dans l'œuf, des rudiments spé- ciaux et déjà différenciés pour les diverses parties de l'organisme doivent se contenter d'établir Visotropie de l'œuf à V origine. Dans les cas d'hémitérie obtenus par une piqûre au stade 2 (Chabry ' et Roux ^), les relations mécaniques peuvent n'être pas sensiblement modifiées pour le segment intact ; et, comme il continue d'évoluer pour son compte, on comprend que les conditions normales de nutrition dé- terminent une demi-morula, une demi-gastrula. Lorsqu'il est pos- sible de réaliser, pour un blastomère du stade 2 ou du stade 4-, les * Chabry, loc. cit. * Roux, loc. cit. 286 E. BATAILLON. relations physiologiques de l'œuf complet, il fournit une ébauche embryonnaire complète, ainsi qu'il résulte, en particulier, des expé- riences de Driesch* sur les œufs d'Oursins. Toutes ces tentatives sont fort intéressantes, mais ne peuvent rien contre le fait que les deux segments sont quelconques, Corienlalion du premier sillon étant à la merci de r expérimentateur. Le raisonnement peut être étendu aux sillons ulté- rieurs dont le sens est modifiable expérimentalement. A mesure que l'évolution progresse, chaque élément prend, dans l'ensemble, une détermination plus précise, résultant de relations plus complexes avec son milieu ; il se différencie. En somme, si la structure de l'œuf est assez homogène pour que, segmenté en deu-v d'une façon quelconque, il fournisse néanmoins un embryon ayant des rapports fixes avec le sillon, le rôle des conditions de milieu apparaît dans toute sa netteté. Et cette influence du milieu échap- pera à toute contestation, si l'expérimentateur arrive à changer ces rapports constamment et dans le même sens, en établissant que révolution troublée est aussi fatale que l'évolution normale. Les œufs d'Amphibiens ont été soumis à une riche expérimenta- tion. Les belles observations faites par Pfliiger^ Born^, Roux*, Houssay", etc., ont donné lieu à de nombreuses discussions, soit sur les faits, soit surtout sur l'interprétation. Ces recherches méri- taient d'être reprises à la lumière des lois de la segmentation posées par Hertwig. Les résultats que j'ai obtenus concordent àpeuprèscompiètement avec ceux de Pfliiger, et je dois insister sur ce point que des remarques capitales étaient notées par moi quand je les ai trouvées formulées par cet auteur en lisant ses mémoires dans le détail. 1 Driesch, Entwicklungs mechanische studien. Der Werlh der beiden erslen Fur- chungszeUenin der Eclnnodermenentwicklwig (Zeilsch. f. Wiss. Zool., vol. LUI, 1S91). * Pfluger, loc. cit. * BoRN, loc. cit. * Roux, loc. cit. * HoussAY, Éludes d'embryologie sur les Vertébrés. L'AxoloU (Archives de zoologie expérimentale, t. Vlll, 2« sér., 1890). SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 287 1' Comprimons une série d'œufs [Rana lemporaria on Bufo vul- ■garis) dans un lube de verre, de façon à leur donner une forme ovalaire et plaçons le tube horizontalement. Le premier sillon sera régulièrement vertical et perpendiculaire à l'axe du tube, suivant la loi d'ilertwig : la figure de division se place suivant le plus grand diamètre de la masse protoplasmique à partager. 2° Plaçons quelques-uns de ces tubes verticalement. Le premier sillon sera encore vertical. L'abondance du vitellus nutritif accumulé au pôle inférieur, en vertu du triage mécanique, des lois de la pesanteur et de l'hydrostatique, fait que, malgré la forme de l'œuf, le plus grand diamètre protoplasmique à partager est encore hori- zontal. Si l'on étire l'œuf davantage, la segmentation ne s'effectue pas. Jamais je n'ai pu obtenir un premier sillon horizontal. Mais, ce qui ne peut être réalisé pour le premier l'est fréquem- ment pour le second. Si la compression est suffisante, le sens du plus grand diamètre protoplasmique dans les deux blastomères ver- ticaux est changé et le deuxième sillon est horizontal. Sur des œufs très rapprochés, dont les enveloppes gélatineuses, plus ou moins superposées, déterminaient des compressions inégales, fat même constaté le fait, aussi curieux que facile à expliquer, d'un blastomère coupé horizontalement, l'autre du même œuf l'étant verti- calement. 3° Mais le déplacement du deuxième sillon s'observe de la façon la plus nette et la plus constante sur des œufs comprimés entre deux lames verticales, comme Pflùger l'a signalé, et nous avons là une vérification expérimentale absolument topique de la loi d'Hertwig. Les œufs ainsi préparés ont la forme d'ellipsoïdes de révolution très aplatis. Le premier sillon apparaît régulièrement au pôle supé- rieur et est perpendiculaire à la surface des lames. Le plus grand diamètre protoplasmique des deux blastomères ne saurait être normal aux lames, ce qui serait nécessaire pour que le deuxième sillon fût vertical et à angle droit sur le premier. La figure de division 288 E. BATAILLON. se place verticalement et le deuxième plan de segmentation est hori- zontal (pi. XIV, fig. 48, !l9, 20, 21). Le troisième est vertical. Mais, si l'œuf est suffisamment aplati, la division nous présente avec ses caractères spéciaux une appli- cation plus stricte encore du principe d'Hertwig. La calotte supé- rieure à deux éléments a la forme d'une ellipse coupée perpendi- culairement à son grand axe. Dans chaque moitié de l'ellipse, le fuseau se placera suivant le plus grand diamètre et deux cas pourront se présenter. Si la compression est minima, la face supérieure considérée sera presque une calotte de sphère ; et chacune de ses moitiés aura sa plus grande largeur sensiblement parallèle au premier sillon. Le troisième sillon aura donc la position régulière indiquée par la ligure 21, pi. XIV. Mais, à mesure que l'ellipse dessinée par la tranche supérieure s'aplatit, il est clair que le plus grand diamètre des deux blastomères initiaux devient de plus en plus oblique sur le sillon primitif et se rapproche graduellement d'une sécante réunissant les extrémités des deux axes. Une division devra donc détacher perpendiculairement à cette sécante une cellule cunéiforme vers l'une ou l'autre extrémité du /je^ïfrf'iamèire. Cette disposition s'observe constamment. Elle rap- pelle celle des œufs ellipsoïdaux d'Ascaris ; elle est aussi fatale dans un cas que dans l'autre et suivie du même déplacement élé- mentaire (pi. XIV, fig. 20, 18 et 19). Ici se pose une question capitale. Y a-t-il un rapport, et quel rapport, entre l'orientation du premier sillon et le futur axe em- bryonnaire ? La plupart des observateurs sont d'accord pour affirmer un paral- lélisme entre Taxe futur et le premier plan de division, et j'ai pu vérifier l'exactitude de cette opinion. Mais la question prend un in- térêt particulier avec les œufs comprimés dont le deuxième sillon est régulièrement déplacé. Pfliiger, sur les œufs immobilisés dans une position oblique, ne trouve plus de rapport entre le sens de la SUR LKS MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 289 segmentation et l'orientation de l'embryon. Sur ce seul point, mes observations sont en désaccord avec les siennes. Comme Born et Roux, je n'ai jamais observé que deux relations entre l'axe et le premier plan. Ils concordent ou ils sont à angle droit'. Les deux auteurs que je viens de citer expliquent le cas anormal en supposant que le deuxième sillon serait apparu avant le premier, comme on l'observe souvent à la fin de la période du frai. Roux voit dans ce rapport entrel'axe d'une part, le premier sillon et exceptionnellement le deuxième d'autre part, quelque chose de fondamental en ce sens que les noyaux filles emporteraient adroite et à gauche, suivant les deux moitiés du fuseau, les éléments déter- minant la structure des deux moitiés symétriques du corps. Aucune observation ne m'a conduit à admettre cette hypothèse. Mais j'ai trouvé une relation constante entre le déplacement du deuxième sillon dans les cas de compression et la position de l'axe. Tous les œufs pressés suffisamment entre deux lames pour avoir le deuxième sillon horizontal donnent, si on les décomprime, un embi'yon perpendiculaire au premier plan de division. Nous avons vu comment l'ordre des segmentations est modifié for- cément. Pourquoi ne pas voir dans cette modification l'origine de la perturbation déiinitive ? Ce nest pas parce que le deuxième sillon apparaît le premier que les rapports sont changés ; c'est parce que le deuxième apparaît à la place du troisième. C'est surtout, comme on va le voir, par suite des conditions nouvelles qui découlent de l'inter- polation. 1 Les résultats deviennent extrêmement contradictoires si, dans des expériences aussi brutales, on veut introduire le critérium des mensurations rigoureuses. Dans ses derniers essais de compression entre des lames verticales, Born {Jahresb. der Schl. Gesell. fiir Vaterl. CuUur., 1894) ne trouve plus de rapport fixe entre le premier sillon et le plan de symétrie. On peut se demander avec Roux si les cas observés se répartissent également dans toute l'échelle de 0" à 90"; car, s'il y a prédominance marquée, soit dans un sens, soit dans l'autre, l'inégalité des compressions et des dé- formations peut expliquer bien des anomalies apparentes. Au reste, Born remarque comme nous l'application étroite de la loi d'Hertwig dans la segmentation des œufs comprimés. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — Z^ SÉRIE. — T. V. 1897. 19 290 E. BATAILLON. Dans un œuf à segmentation totale, les plans de division appa- raissent suivant une loi qui peut être formulée ainsi : Chacun d'eux coupe perpendiculaireme7it les précédents d'ordre pair, s il est lui- même d'ordre impair, les précédents impairs, s il est d ordre pair. La figure classique, qui ne présente pour l'œuf d'Amphibien que des sillons méridiens coupés par des cercles horizontaux, est beaucoup trop schématique. Nous avons vu qu'on peut avoir des déplacements au stade 8. Nous verrons qu'on peut en avoir dès le stade 4. En tout cas, dans les conditions normales, ces déplacements se produisent tôt ou tard; et l'arrangement que j'ai trouvé le plus fréquent au stade 16 est le suivant (fîg. 16, pi. XIV) : Les sillons de quatrième ordre, perpendiculaires au troisième, viennent couper le premier à une certaine distance de part et d'autre du sillon n" 2. Par conséquent, dès ce moment, le blastoderme a un axe dessiné, et il est dessiné précisément suivant le premier plan de segmentation. Il est clair que, suivant cet axe, le cloisonnement sera toujours en prédominance. Rien d'étonnant à ce que l'axe embryonnaire soit dans cette direction. Pour l'œuf comprimé, ce sera l'inverse. Le deuxième sillon étant horizontal et le troisième vertical, ce dernier sera coupé par le quatrième, conformément à la loi d'Hertwig, de façon à déterminer un axe éè' perpendiculaire au premier sillon (fîg. 21, pi. XIV). Si la compression est plus forte comme dans le cas envisagé tout à l'heure^, l'axe sera dessiné dans le même sens (fig. 19, pi. XIV) ; de nouveaux déplacements pourront même rétablir la forme régulière, le sillon brisé qui correspond aux divisions de quatrième ordre étant redressé suivant hb' et le quatrième plan de segmentation substitué au troisième. Ainsi, dans les cas que j'ai observés, les deux directions qu'affecte l'embryon, par rapport au premier plan, relè- vent de lois inéluctables et faciles à préciser. Et une expérience très simple montrera qu'il en est bien ainsi, que le premier sillon ne correspond pas au deuxième. Il suffîra de décomprimer les œufs SUI{ LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 291 dès l'a/jparitio7i du premier sillon pour avoir les autres normaux, pour avoir l'embryon dans sa position normale. L'isotropie de l'œuf et les résultats obtenus par Pfliiger peuvent ôlre facilement confirmés sur les œufs soumis au brassage continu. Si les matériaux d'études sont fixes sur une roue tournant autour d'un axe horizontal, on pourra annuler l'action de la pesanteur; mais rexiiérimentateur échappera difficilement à l'objection faite à Houx : on pourra toujours l'accuser d'introduire une nouvelle force agissant dans le même sens. Cette force, si minime qu'elle soit, suffira pour le triage des matériaux, étant donné le temps considé- rable (deux ou trois heures) qui précède la première segmentation. La plus grande partie de ce temps doit être rapportée au travail de la conjugaison nucléaire plutôt qu'à la division du plasma, si l'on considère la succession rapide des divisions ultérieures. Les obser- vations ainsi faites [concordent du reste pleinement avec celles de Itoux : j'ai toujours constaté en pareil cas la segmentation normale au pôle noir. J'introduis des œufs fraîchement fécondés dans un barillet de verre tournant autour de son axe. Le barillet a un diamètre de 45 millimètres et eflfectue 60 tours à la minute. Dix heures après la fécondation, alors que les œufs normaux mon- trent une morula assez avancée,, /e trouve uniformément le stade de 4 segments. Donc, i° le brassage a entraîné un retard dans la segmentation. Il faut noter que les matériaux ne sont pas en voie d'altération. Si on les laisse au repos, ils sont le lendemain au stade morulaire. Les sillons sont apparus en un point quelconque de l'œuf. Le centre du pôle clair se voit souvent au voisinage de leur intersection (a fig. 17 a, 17 b et 17 c, pi. XIV). Donc, 2° le brassage supprimant i action de la pesanteur et soumet- tant successivement aune force centrifuge divers points d'un même œuf, le tassement des éléments vitellins na pu se faire que lentement et en un point quelconque. 292 E. BATAILLON. Un fait intéressant et dans lequel on doit voir une nouvelle véri- fication expérimentale de la loi d'Hertwig, c'est la forme particu- lière qu'affecte la segmentation chez ces œufs. Brassés à la surface inférieure du cylindre horizontal, ils doivent prendre, sous l'action de la force centrifuge, une forme plus ou moins ovalaire et tourner sur eux-mêmes autour de leur grand axe parallèle à celui du ba- rillet. De là, 3°, le déplacement élémentaire qui se produit à l'apparition du deuxième sillon, exactement comme chez les œufs ellipsoïdaux et confor- mément au même principe (fig. 17 a, 17 b et 17 c, pi. XIV). Résumé. — 1" L'œuf d'amphibien est nettement isotrope et la segmentation peut apparaître en un point quelconque des deux hémisphères si l'on contrebalance les forces qui accumulent norma- lement les matériaux nutritifs au pôle clair. 2° Les lois de la pesanteur et de l'hydrostatique interviennent dans le triage des éléments vitellins, triage qui s'effectue plus rapi- dement sur les œufs au repos que sur les œufs brassés. 3" Les lois d'Hertwig règlent étroitement tous les détails de la segmentation. 4° De la marche de la segmentation résultent des rapports fixes entre le premier plan de division et l'axe embryonnaire. Dans les conditions d'observation et d'expérimentation où je me suis placé, j'ai vu deux de ces rapports. Normalement parallèle au premier plan de division, l'embryon s'oriente perpendiculairement à lui, lorsque la marche de la seg- mentation est troublée par des conditions mécaniques spéciales. La raison du changement d'orientation est dans ces conditions méca- niques et non dans le fait que le deuxième sillon apparaît le premier. Addendum. — Les conclusions qui précèdent ne reposent que sur mes observations personnelles. Mais ces observations sont loin d'être toutes originales. Il m'était impossible de rechercher les faits fon- damentaux dont j'avais bes«in dans un amoncellement de résultats souvent contradictoires. SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 293 Ce mémoire était déjà déposé depuis plusieurs mois quand j'ai pu me procurer les notes de Roux en réponse à IlerLwig sur V Autodiffé- renciation ^. Sur cette question, d'une grande importance théorique, je ne dirai que quelques mois : Roux refuse à l'œuf une isotropie complète en ce sens que, dans les expériences de Pfliiger, la couche périphérique, pigmentée ou non, était seule immobilisée. Il insiste peu sur ce point, et il a raison. On ne voit pas bien pourquoi le plasma superficiel n'aurait pas, dans la différenciation des quadrants, Cimportance causale de celui de la profondeur. Quant au rôle de la force extérieure pesanteur dans le ftriage des matériaux, il est difficilement contestable ; et nous avons vu plus haut que les expériences de rotation instituées par Roux pour annuler cette action prêtent à la critique. En tout cas, à partir de la segmentation, il y aurait une relation incontestable entre la structure du plasma et l'évolution de la forme [Princip der organbildenden Keimbezirke de His). Roux a obtenu par destruction de tel ou tel blastomère l'arrêt du développement sur une moitié d'oeuf ou sur un quadrant ; par conséquent des demi-morula^ des demi-gastrula, etc. C'est la base de son argumentation. A Hertwig, qui objecte la persistance des rapports initiaux entre l'élément ponctionné et l'élément sain, il répond par les observations de Chun sur des œufs de Cténophore (deux blastomères isolés dans le même œuf donnant chacun une demi-larve). Ces observations sont du plus haut intérêt et nous les reprendrons. Mais il y a les expériences de Driesch sur les œufs d'Oursin ; il y a surtout les troubles qu'on observe dans la marche de la segmentation sur les œufs déformés. Roux suppose dans certains cas la substitution du deuxième sillon au premier ; et, par cet anachronisme, il explique l'anomalie des embryons perpendiculaires au premier plan de division. * Roux, Gesammelle Abhandlungen iiber die Entwicklungs-Mechanili, Ud. II, 1885. 294 E. BATAILLON. Nous avons vu qu'il est possible d'interpréter des faits analogues sans recourir à cette hypothèse. Roux pourra voir là un dévelop- pement atypique distinct de V autodifférenciation normale, ce dévelop- pement atypique qu'il fait intervenir dans les cas difficiles (œufs fortement comprimés, expérience de Driesch). Mais il me semble que si, après avoir comprimé des œufs suffisamment pour troubler la marche delà segmentation, on obtient, en les décomprimant, une évolution absolument normale, on ne sort pas des limites d'une honnête expérimentation. On peut aller plus loin et penser avec Hertwig que, sous prétexte d'agir sur l'œuf normal, on risque de le respecter trop. Si la forme de la masse plasmatique est en rapport avec la direction du plan de segmentation, il y a là une condition indépendante de la structure ; et, pour apprécier la valeur propre des deux blastomères indépen- damment de cette forme, il faut donner autant que possible à chacun d'eux la forme initiale et les rapports initiaux de l'œuf lui-même. En cela, l'observation de Driesch me paraît plus démonstrative que beaucoup d'autres ; et j'aime mieux l'expliquer par les relations élémentaires que par un développement atypique compliqué d'une post génération précoce. L'observation de Chun sur les œufs de Cténophores, à ne con- sulter que l'exposé de Roux, pouvait être considérée, à un moment donné, comme la pierre angulaire de l'hypothèse de la mosaïque. Or, si l'on se reporte au mémoire original', on voit que l'auteur a simplement constaté, sur des larves pêchées, un développement très asymétrique. Il en a conclu, à la vérité, que ces larves pouvaient dériver de blastomères isolés et montrer un commencement de post- génération. Mais, comme le fait remarquer Driesch -, une hypothèse n'est pas un fait démontré, surtout quand il y a place pour plusieurs autres interprétations. Reste le développement par quadrants observé par Roux chez les 1 CiiUN, Die Dissogonie, eine neue Form der Geschlechllichen Zeugung, 1892. 2 Driesch, Zool. Anz., 189(3. SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 295 Amphibiens. La difficulté est de séparer complètement les deux pre- miers blastomères, en restituant à chacun la forme sphérique et les rapports primitifs. J'avais tenté l'expérience sans la réussir en com- primant des œufs segmentés en deux, sous un treillis à mailles assez fines. Jamais je n'ai pu obtenir la segmentation régulière sur ces demi-œufs. Mais un fait mérite d'être signalé. Il arrive souvent qu'une portion du pôle pigmenté se trouve séparée du vitellus nu- trilif et se segmente un certain temps. Un œuf ainsi comprimé m'ayant donné deux hernies supérieures dont les grands diamètres étaient à angle droit, les deux premiers sillons, perpendiculaires au grand axe, étaient également à angle droit, conformément à la loi d'iïertwig ; et les divisions ultérieures en à, 8,16, furent aussi régu- lières. Mais, récemment, l'expérimentation est allée plus loin. Schultze* et Wetzel "^ pour la Grenouille, Herlitzka^ pour le Triton, ont réussi à séparer les deux premiers blastomères et ont obtenu, non pas deux demi-larves, mais deux larves entières. De pareils résultats, dans le groupe même des Amphibiens, se passent de commentaire, suivant l'expression d'Hertwig. Ils portent un grand coup aux théories pré format lonnisles en général, et à celle de la Mosaïque en particulier. B. Téléostéens. Les phénomènes qui vont être décrits ont été observés sur plu- sieurs types, notamment sur la Rousse {Leuciscus rulilus) et sur la Vandoise {Leuciscus jaculus). Mais l'espèce qui paraît se prêter le mieux à l'examen sur le vivant est le Vairon {Phoxinus Isevù). C'est 1 ScHULTZE, Die Kunstliche Erzeugung von Doppetbildungen bei Froscheiern mit flilfe abnormer Gravitationstvirkung {Arch. f. Enlw. Mech., Bd. I, 1S95). * G. Wetzel, Ueber die Bedeulung der Circularen Furche in der Entwicklung der Schullzeschen Doppelôildungen... {Arcli. f. Mik.Ânal., 1895). * A. Herlitzka, Contributo alto studio délia capacita evoluliva dei due primi blas- tomeri neU'uoio di tritone {Arch, f, Enlw. Mech., Bd. II). 296 E. BATAILLON. donc le type que je vais considérer d'une façon spéciale, celui auquel il conviendra de s'adresser pour contrôler mes conclusions. L'œuf^ fraîchement fécondé, a son vitellus formatif au pôle supé- rieur. .Vais le germe se concentre peu à peu et soulève une éminence bien accentuée, qui donne à l'ensemble de l'œuf la forme d'une gourde. Les lois de l'hydrostatique entraînent généralement un mouvement de bascule, qui s'observe très bien au bout d'une heure ou une heure et demie. Le germe devient soitlatéro-dorsal, soit net- tement latéral (c'est le cas le plus fréquent) [fig. 24, pi. XIY]. Le premier sillon de segmentation est toujours vertical. Considérons le cas habituel où le germe est latéral, et supposons cet étranglement supérieur qui dessine la gourde renversé en avant (fig. 25, pî. XIV) ; le germe est divisé en une moitié droite et une moitié gauche. Passons maintenant au stade où le vitellus va être complètement recouvert (fig. 26 et 27, pi. XIV). L'ébauche embryonnaire est géné- ralement horizontale, par conséquent, dans un plan perpendiculaire au premier sillon. Elle est tantôt à di^oite, tantôt à gauche. Mais on ne peut pas dire que le premier sillon soit perpendiculaire à l'axe du futur embryon, car son plan ne le couperait pas actuellement en une moitié antérieure et une moitié postérieure. Souvent il s'est produit en avant de notre ébauche ccphalique. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'il était perpendiculaire au plan horizontal passant par l'axe embryonnaire. On va voir que ce seul point est de la plus haute importance pour établir un rapport entre la marche de la segmen- tation et l'orientation de l'embryon. La première segmentation d'un œuf détermine un axe primitif, perpendiculaire au sillon ; et, si la segmentation discoïdale d'un œuf méroblastique suit sa marche régulière, cet axe primitif doit rester dans le plan de Vaxe définitif. Les sillons successifs se coupent dans le même ordre que chez les œufs à segmentation totale. Chacun d'eux coupe tous les précédents d'ordre pair, s'il est lui-même d'ordre impair ; tous les précédents impairs, s'il est d'ordre pair. La division se SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 297 trouve donc toujours en avance, suivant l'axe que j'ai appelé prU mitif. De là la forme allongée du blastoderme, qui dessine nettement, aux stades du début, un rectangle à bords plus ou moins réguliers (voir la figure 22; pi. XIV, représentant un œuf de Rousse à 8 élé- ments, disposée en deux séries ; voir également la figure 23, même planche, montrant un œuf du même type avec 4 rangées de 8 blasto- mères, quand les sillons de cinquième ordre dessinent le stade 32). La migration des éléments à la surface du vitellus laisse persister cette prédominance suivant un axe, et le plan de symétrie de l'ébauche embryonnaire reste perpendiculaire au premier plan de division. La migration semble régie par les conditions de nutrition. La crête embryonnaire peut être déjetée horizontalement, comme on l'a vu, soit à droite, soit à gauche, du premier sillon vertical. Si l'œuf est comprimé latéralement par d'autres, la crête prend une position supérieure et méridienne. Mais la compression ne peut changer Vorien- tation de l'axe qui reste parallèle à taxe primitif. En efîet, ces œufs, plus ou moins ovales, ont leur embryon dirigé soit suivant le grand méridien, soit suivant le petit, d'après le sens du premier sillon. Des œufs, comprimés artificiellement entre deux lames verticales, isolent leur blastoderme au pôle supérieur, et le premier sillon, éga- lement vertical, est perpendiculaire aux lames. L'embryon est étendu supérieurement et son axe perpendiculaire au premier plan de di- vision. Ici, on pourrait plus facilement admettre que ce premier plan coupe l'ébauche en une moitié antérieure et une moitié postérieure. Les observations précédentes et l'étude de l'extension du blasto- derme nous montrent qu'il n'en est rien. Résumé. — En résumé, la question de l'isotropie de l'œuf reste entière, si l'on considère : 1° Que la position de l'œuf, après la différenciation du pôle animal, est fixée par les lois de la pesanteur et de l'hydrostatique (le germe étant toujours soit latéral, soit latéro-dorsal ou dorsal, suivant le degré de la compression latérale) ; 298 E. BATAILLON. 2° Que, dans la position latérale comme dans les autres, le pre- mier sillon est toujours vertical ; 3° Qu'avec un rapport déterminé enlre ce premier sillon et le plan de l'ébauche embryonnaire, celle-ci peut occuper les positions les plus diverses, sans qu'il soit permis d'attribuer à telle ou telle de ses parties telle ou telle origine dans le blastoderme, puisque la segmentation de celui-ci peut débuter en avant de la future tête, puisqu'en pareil cas l'évolution ultérieure implique des déplacements cellulaires relevant des conditions nutritives. C. Résultats généraux sur l'isotropie de l'œuf ET l'orientation DE L'AXE EMBRYONNAIRE. l" L'isotropie de l'œuf, nettement constatable chez les Amphibiens et les Poissons, paraît être une loi générale. Si l'on se reporte aux considérations notées plus haut (p. 285), on comprendra que l'œuf des Ascidies est lui-même isotrope ; et cela sans que les beaux résul- tats obtenus par Chabry et Roux soient le moins du monde entamés. 2" Le rapport entre la direction du premier sillon et l'axe em- bryonnaire représente quelque chose de fatal. 11 dépend de la marche de la segmentation, des conditions mécaniques variables dans les- quelles s'appliquent rigoureusement les lois d'Hertwig. Le principe dont l'appiïcation me paraît assez générale est le sui- vant : Chez les œufs sphériques à segmentation totale qui ont les deux pre- miers sillons verticaux et le troisième horizontal, le premier plan de division passe par le plan de symétrie du futur embryon. Chez les œufs à segmentation partielle et discoïdale qui nont pas le troisième sillon perpendiculaire aux deux premiers, le premier plan de division est perpendiculaire au plan de symétrie du futur embryon. L'observation et l'expérimentation confirment pleinement l'expli- cation que j'ai fournie tant pour les Amphibiens que pour les Pois- sons. L'œuf des Ascidies est soumis aux mômes lois, comme le prouve la tératologie. SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 299 Dans le cas spécial des œufs normalement ovalaires ou artificiel- lement comprimés, le plan de symétrie de l'ébauche peut être dévié de 90 degrés ; mais cette déviation résulte encore d'une application étroite des lois de la segmentation. II ÉVOLUTION DE l'oEUF DE POISSON JUSQU'A L'APPARITION DE LA CAVITÉ DE SEGMENTATION. BLASTODERME ET PARABLASTE. La segmentation du germe avec la morphologie que j'ai donnée plus haut ne présenterait aucune difficulté si le cas décrit par Henneguy' pour les Salmonidés était général, si la lentille prolo- plasmique était, dès le début, nettement séparée du vitellus sur lequel elle repose, s'il n'y avait pas à compter avec le parablaste. « Dans un œuf (de Truite) non segmenté et pendant les premiers stades du fractionnement, le germe repose directement sur le vitellus dont il est séparé par une ligne très nette. » Une lentille pareille pourrait se cloisonner perpendiculairement à ses faces et conformément aux lois d'Hertwig. Mais d'oia sortiront les noyaux parablastiques? S'ils proviennent des noyaux du germe suivant l'opinion générale, et s'ils correspondent à des cellules qui n'ont pu s'isoler à cause de l'encombrement des matériaux vitellins, leur origine peut troubler l'ordre que j'ai admis pour les phéno- mènes de division. Holimann "signale, pour tous les œufs dePoissons marins qu'il a examinés, une segmentation préalable du noyau vitellin parallèlement à la surface du germe. La moitié superficielle correspond au germe ; la moitié profonde donne, par bipartitions successives, les noyaux parablastiques. ' Henneguy, Recherches sur le développement des Poissons osseux. Embryogénie de la Truite {J. d'anal, et dephys., 1888). * Hoffmann, Zur ontogenie der Knochenfische ( Verhandelingen d. k. Akad. der W'eltnscliappen, lsiil-lb83). 300 E. BATAILLON. Henneguyi ne peut admettre une pareille origine chez la Truite, « puisqu'il n'existe pas trace de parablaste au-dessous du germe pendant les premiers stades de sa segmentation ». Néanmoins, la formation de ces noyaux aux dépens de ceux du blastoderme lui paraît plus logique que la formation libre ; il suppose donc, très rationnellement, que, dans son cas, le parablaste, au lieu de se séparer de bonne heure et sur toute son étendue, ne se diffé- rencie que plus tard et d'abord à la périphérie. Les Poissons osseux que j'ai étudiés représenteraient une sorte de transition entre ces deux cas extrêmes. Chez la Vandoise [Leuciscus faculus), jusqu'au stade de 32 élé- ments, on n'observe aucune démarcation tranchée entre les cellules du germe et le vitellus. Ces cellules sont incomplètement séparées par des cloisons perpendiculaires à la surface et qui ne plongent dans la masse qu'à une certaine distance. Une ligne de démarcation inféi'ieure n'existe pas. C'est seulement à ce stade 32 que les fuseaux s'orientent normalement à la surface vitelline (fig. 11 et 12, pi. XIII), que la division détermine deux assises nucléaires au lieu d'une (fig.l3,pl.XlIÏ). L'assise inférieure correspond aux premiers noyaux parablas- tiques. L'assise supérieure répond au germe dont les cellules s'iso- lent en complétant inférieurement leur membrane. Ce cas diffère absolument de celui de la ^rweï^: c'est dans la partie moyenne du disque que les noyaux parablastiques s'isolent tout d'abord ; et la zone pé7'iphé)Hque, qui forme sur les bords du germe un véritable rempart, est, dès le début, en continuité avec la portion inférieure indivise de tous les éléments blastodermiques. Dès qu'il se trouve limité supé- rieurement, le parablaste apparaît continu au-dessous du germe, comme il l'était avant de s'isoler. Ainsi, vers le stade 32, la séparation qui avait commencé à la concentration du germe se complète parle cloisonnement inférieur 1 Henneguy, loc. cit. SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 301 des cellules et rélirniriation des noyaux parablasliques initiaux. La segmentation va se produire parallèlement dans les deux systèmes et la lentille blastodermiquc gardera son axe primitif perpendicu- laire au premier sillon, suivant la loi énoncée plus haut. A. Blastoderme. Dès lors, le blastoderme présente à peu près la forme d'une len- tille plan-convexe dans laquelle les éléments se multiplient. Les cellules sont d'abord intimement unies et fournissent des sections polygonales irrégulières. Le protoplasma se colore uniformément par le bleu de méthylène et il est très difficile de mettre en évidence à l'équateur des fuseaux de division des granulations ténues et à réaction peu nette. Ce fait sur lequel j'avais déjà fixé mon attention en 1893* est particulièrement net dans les couches profondes; et, vers la quinzième heure, sur l'œuf de Vandoise, les plaques équato- riales sont à peine visibles (fîg. 10, pi. Xlll). Si l'on compare la dimension des grains colorables à celle qu'on observait aux stades du début, il y a une décroissance manifeste. D'autre part, le proto- plasma semble subir une sorte de remaniement qui prélude à une nouvelle phase. Des masses, ayant la réaction du vitellus, s'isolent, exprimées en quelque sorte de sa substance, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur des éléments. Je crois volontiers à un triage secondaire du vitellus, la séparation à l'origine ayant été incomplète. L'élaboration de ce matériel est liée à deux faits morphologiques importants : 1° individualisation des éléments blastodermiques ; 2° dif- férenciation dans le fluide viteliin de granules à réaction chromatique^ dont on peut suivre C incorporation au noyau. Individualisation des éléments blastodermiques. — Les différentes étapes du phénomène sont bien mises en évidence par les figures 7 i Bataillon et Kœhler, Observations sur les "phénomènes karyokinétiques dans les cellules du blastoderme des Téléostéens {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 16 octobre 1893). 302 E. BATAILLON. et 6, pi. XIII. Sur la première, on voil le proloplasma, contracté sur l'une des parois, dégager au bord opposé un réliculum rayonnant d'une netteté remarquable. Les fibres qui se continuent dans la masse cellulaire s'insèrent d'autre part sur une véritable membrane moyenne, distincte de la membrane propre qui s'en détache et accom- pagne le corps protoplasmique dans son mouvement [membrane secondaire de Carnoy). L'autre figure (fig. 6) montre des éléments mieux isolés, puisque certains ont deux contours bien accusés séparés l'un de l'autre par une véritable gangue de fluide vitellin. L'existence de la membrane primaire paraît transitoire, mais elle est particulièrement évidente au moment de la dislocation. Elaboration des matériaux vilellins. — Le deuxième phénomène que j'ai signalé s'observe très bien au même stade. Les éléments dissociés de la figure 6 (pi. XïII) montrent, dans la zone vitelline qui les entoure, de nombreux granules énergiquement teintés au bleu de méthylène. Ces granules, disposés souvent en séries linéaires ou en réseaux, on les retrouve à la périphérie du corps protoplasmique où ils paraissent pénétrer. Le fuseau central est entouré d'une zone de protoplasma éosinophile qui tranche sur la précédente. Les corps vitellins inclus donnent naissance à des granulations sem- blables. Il n'est pas rare d'apercevoir au centre d'une sphérule colorée à l'éosine un corps ayant la réaction du bleu de méthylène, et au voisinage une série d'autres semblables de plus en plus petits (fig. 5, pi. XIII). Ces grains se montrent distribués irrégulièrement à tous les stades de la division (fig. 3). Au stade du fuseau, certains sont en rapport avec les lilamenls des asters. Mais l'incorporation de la substance colorablc est particulièrement visible : 1" quand le centrosome dédoublé figure, au contact de la membrane nucléaire intacte, deux masses mal limitées que l'on prendrait pour des noyaux, et tranchant par leur coloration énergique sur le noyau véritable avec ses rares granulations incolores (fig. 9, pi. XIII); 2" quand, au stade du fuseau, les filaments achromatiques, imprégnés SUR LES MÉCANrSMES DE L'KVOLUTION. 303 de subsiancecolorable, simulent un dyasler, les granules nucléaires étant encore groupés en une plaque équatorialc (fig. 8, pi. XIII). Ainsi, dans les cas considérés, non seulement le germe ne con- tiendrait qu'une partie du protoplasma de l'œuf, suivant l'opinion de von Kowalewski*, mais les cellules du disque supérieur seraient encombrées de matériaux de réserve, et ces matériaux paraissent de plus en plus abondants, à mesure qu'on arrive aux éléments profonds '. Mais le parablaste est le siège d'une prolifération cellulaire active, et l'on pourrait se demander si les phénomènes qui viennent d'être décrits ne relèveraient pas de cette origine spéciale. Cette opinion est assurément soutenable pour les assises profondes dans lesquelles Y élaboration complète du plasma parablastique impliquerait un cer- tain nombre de divisions successives. Le seul point qui m'ait inté- ressé, c'est l'incorporation au noyau d'une substance chromatique élaborée à la périphérie ou à l'intérieur des éléments. Cette incorporation fait que les figures de karyokinèse sont de plus en plus nettes, à mesure qu'on descend vers le vitellus. Et, ' Von Kowalewski, Zeitschrift fur Wissensch. Zool., t. XLIH, 1«86. * Dans un travail récent, Reinhard {Zûr frage iiber die amilotische Teilung der Zellen ; BioL Centrait., juin 1896) signale cette absence de chromatine au début de l'évolution chez un type voisin. Les deux figures qu'il donne sont intéressantes à rapprocher des miennes. II rappelle les observations antérieures d'OEIlaclier, Janosik, Kowalewsky, Bataillon etKœhler, et fait remarquer, à propos de notre note de 1893, que nous avons rangé ce cas dans la catégorie : division indirecte. Reinhard, lui, considère ces divisions comme amilosiques. C'est qu'il définit la mitose suivant l'an- cienne formule de Flemming et se base sur le fait qu'ici la chromatine fait défaut avec ses mouvements propres. Mais on ajouterait aujourd'hui à la formule les mou- vements des parties achromatiques et en particulier des centrosomes. Si l'on veut caractériser d'une façon aussi précise la division indirecte, il est possible que le cas considéré reste à part comme bien d'autres. C'est affaire de définition. En tout cas, je ne pense pas qu'on puisse se b.iser sur ct-t exemple, comme le fait Reinhard, pour opposer à Ziegler et Von Rath des divisions mitosiques succédant à des divisions amilosiques. La division directe des noyaux parablastiques dont il fait mention diffère beaucoup plus du cas considéré que celui-ci ne diffère lui-même de la mitose vraie. Au reste, les faits particuliers décrits par Reinhard rentrent dans la description que j'ai donnée. Ils sont donc corroborés par une étude portant sur plusieurs types. 304 E. BATAILLON. comme il n'y a pas de limite entre le blastoderme et le parablaste, celte dernière assise, incomplètement différenciée, plongeant direc- tement dans les réserves, doit être le siège d'un travail analogue, mais particulièrement intense. B. Parablaste. Nous avons vu plus haut que, par l'origine de ses noyaux, le pa- rablaste atteste une étroite parenté avec le germe. Sa limite supé- rieure reste longtemps irrégulière et mal définie, parce que, d'une part, il donne, par division indirecte, de vraies cellules qui font partie intégrante du blastoderme; tandis que, d'autre part, les noyaux générateurs restés en place n'ont pas un territoire limité par une membrane (fig. 1, pi. XIII). Ces noyaux sont entourés chacun d'une masse granuleuse très chromophile, avec des prolongements qui s'enchevêtrent en se ramifiant de façon à donner en surface un réseau très riche ; d'autres traînées se perdent dans la profondeur du vitellus. Elles se résolvent en séries plus ou moins discontinues de grains ayant les réactions de la substance chromatique. Après le double traitement par le bleu de méthylène et l'éosine, les coupes fournissent un alignement de formes en araignées très caractéris- tiques. Ces formes, découpées comme à l'emporte-pièce sur le fond rose du vitellus, rappellent assez bien, au point de vue morpholo- gique, les cellules amacrines stratifiées de la rétine obtenues par la méthode de Golgi (fig. i). C'est là, évidemment, que l'élaboration de la substance chromatique est le plus active ; là s'effectue directement sur le vitellus le même travail gui continue dans les éléments issus du parablaste, ou dans les cellules profondes du germe encore riches en matériaux nutritifs. SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 303 m ÉVOLUTION DE LA FONCTION RESPIRATOIRE CHEZ LES EMBRYONS D'AMPHIBIENS ET DE POISSONS. J'ai noté, dans mon introduction, un fait important qui devait, dans ma pensée, servir de base à une technique pour l'étude de la fonction respiratoire. Les œufs de Téléostéens évoluant normalement dans un courant d'air humide réglé par la trompe, il était possible de dépouiller cet air de son acide carbonique à l'entrée du récipient contenant les matériaux, et d'absorber par la baryte, à la sortie, le gaz dégagé. J'utilisais, pour la circonstance, des tubes de Petenkofer de 60 cen- timètres de long et contenant chacun 50 centimètres cubes de baryte titrée. Un tube témoin, placé en avant du récipient, conservait son titre et attestait que l'air arrivant aux œufs était complètement dé- pouillé ; le dernier des tubes de dosage restait également intact et prouvait que l'absorption était parfaite à la sortie. Mais cette méthode offre de nombreuses difficultés dans la pra- tique. Il faut opérer sur une quantité d'œufs relativement considé- rable, et, si soignées que soient les fécondations, il y a à compter avec la mortalité. De plus, chaque opération porte sur un temps trop long. Même avec des lots de 500 ou IDOO œufs, on ne peut guère faire plus de deux opérations par vingt-quatre heures, si l'on veut des résultats appréciables aux solutions titrées ordinaires. Les oscil- lations caractéristiques de la courbe peuvent passer inaperçues si l'évolution est rapide, et, par contre, un développement lent, comme celui des Salmonidés, condamne les matériaux à une infection ra- pide dans ces conditions anormales. Des expériences nombreuses exécutées en 1894 et 1895, sur la Vandoise, la Rousse, le Goujon, le Vairon, m'avaient montré deux oscillations importantes de la courbe d'élimination d'acide carbo- nique : ARCH. DE ZOOL. EXP. ET QÉN. — 3e SÉRIE. — T. V. 1897. 20 306 E. BATAILLON. ■1 ° Une baisse à un slade qui précède l'extension du blastoderme à la surface du vitellus; 2° Une autre baisse, après l'occlusion du trou vilellin. L'œuf de Goujon me donnait les meilleurs résultais, à cause de son évolution relativement lente (une quinzaine de jours). Dans la saison qui prend fin, j'ai utilisé une méthode plus simple et plus délicate. Elle fut appliquée, dès le mois de mars, à des œufs d'Amphibiens [Rana temporaria, puis Bufo vulgaris). Des recherches analogues furent poursuivies, en mai et juin, sur divers œufs de Poissons osseux vulgaires (Perche et Vairon, en particulier). J'ai commencé par m'assurer que, dans une eau contenant une faible quantité de baryte, les œufs d'Amphibiens, comme ceux de Téléostéens, évoluent très bien et normalement. Le fait acquis, je plaçai, dans une quantité déterminée de liquide titré et rougi par la phtaléine,une masse d'œufs connue ; le temps nécessaire au virage me donnait la mesure de l'activité respiratoire. J'aurais voulu disposer d'une méthode aussi sensible pour établir une courbe de l'absorption d'oxygène. J'ai seulement pu constater celte absorption par la dépression qui se produit dans un flacon fermé où des œufs évoluent en contact d'une solution faible de ba- ryte. La mesure de celle dépression me donnait des chiffres de même ordre. La respiration des œufs peut être mise en évidence d'une fa- çon grossière en comprimant un amas d'œufs assez rapprochés entre deux lames. L'appareil plongeant dans l'eau, on voit bientôt les œufs centraux, asphyxiés, se désagréger, alors que la couronne des œufs périphériques reste en parfait état. Tenons-nous-en provisoirement à l'élimination d'acide carbo- nique. Les résultats principaux pour les deux types d'embryons aqua- tiques ont été consignés ' dans un tableau que je crois bon de repro- duire, car il marque, entre les résultats, un parallélisme remar- » E. Bataillon, Évolution de la fonction respiratoire chez les embryons d'Amphi- biens el de léléosiéens {Comptes rendus de la Société de biologie, 1896). SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 307 quable duquel semble résulter une véiitable homologie, au moins au point de vue physiologique. VAIRON. GRENOUILLE. Résultats pour J 000 œufs. Résultais pour 1 000 œufs. Temps néeessaire n la neutralisation d'une Temps nécessaire à la neutralisation d'une quantité de baryte répondant à l/8« d'acide quantité de baryte répondant à 1/5" d'acide carbonique. carbonique. Après la fécondation l^SO Après la fécondalion 4^,30 Pleine segmentation 40 Pleine segmentation 1,30 Début de l'extension du blaslo- Avant le revêtement ectoder- derrae 4,49 mique 6 Recouvrement 4,30 Revêtement 2 Suite du recouvrement 30 Suite du revêlement 45 _ 25 - 30 Différenciation de l'embryon., . 2,12 Bouchon d'Ecker 1,30 Apparilion des mouvements.... 45 Blastopore fermé 2,45 Sillons médullaires 20 Mouvement. Éclosion 20 On peut, du reste, condenser des jalons plus nombreux dans deu.x courbes superposées (fig. 15, pi. XIV). L'abscisse marque de 0 à 120 l'âge des œufs en heures. Les ordonnées donnent en quarts d'heure le temps nécessaire à la neutralisation. Les conditions expérimen- tales sont les mêmes que celles indiquées en tête des tableaux ci- dessus. Le graphique est interrompu à la cent vingtième heure. A cet âge, les embryons de Vairon sont près d'éclore et la courbe reste sla- tionnaire. Pour les embryons de Grenouille, qui sont, à cet âge, au stade des bourrelets médullaires et dont l'évolution demande encore trois ou quatre jours, l'élimination ne varie plus guère. Je dois signaler pourtant une baisse très lente suivie d'une remontée peu sensible entre la cent soixantième et la cent soixante-dixième heure; cette oscillation légère correspondait à l'apparition des mouvements em- bryonnaires. La figure 15 n'est pas, à proprement parler, la courbe de l'élimi- nation d'acide carbonique, c'est un graphique qui donne à peu près la 308 E. BATAILLON. direction des courbes renversées. En faisant le rapport du temps né- cessaire au virage, j'ai construit deux courbes comparables et super- posées, qui donnent une idée plus exacte des oscillations de la fonction (fig. 14, pi. XIV). Ce tracé doit être considéré comme un schéma général. Des séries nombreuses, des essais simultanés avec des lots d'âge différent, dont les courbes partielles venaient corroborer la courbe générale, assurent la fixité des deux grandes oscillations révélées par une méthode plus grossière. La courbe d'élimination s'élève pendant la segmentation. La période d'extension du blastoderme chez les Poissons semble correS' pondre physiologiquement à la période dite du revêtement ectodermigue chez les Amphibiens. Elle est précédée d'un temps d'arrêt marqué par une baisse très accentuée. L'extension ou le revêtement sont accompagnés d'un relèvement de la courbe. A l'occlusion du trou vitellin comme à la disparition du bouchon d' E cher survient une nouvelle baisse; puis l'élimination s'accroît lente- ment pour rester à peu près stationnaire vers Véclosion. Un fait bien frappant et qui ressort de la superposition des deux courbes doit être encore noté. L'évolution des œufs d'Amphibien paraît plus rapide au début. Les échanges sont particulièrement intenses dans la période qui précède le bouchon d'Ecker, entre la trentième et la soixantième heure. A la suite d'un temps d'arrêt très court, et qu'une méthode délicate seule peut mettre en évidence (vingt-quatrième heure), l'activité respiratoire croît brusquement et régulièrement; tandis que, chez le Vairon, l'extension rapide du blastoderme à la surface du vitellus est précédée d'une stase assez longue. La disparition du bouchon d'Ecker, chez la Grenouille, est antérieure à l'occlusion du trou vitellin chez le Vairon; et pourtant, le travail d'organisation embryonnaire qui suit est plus long chez l'Am- phibien. il importerait de rapprocher les données morphologiques recueil- SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 309 lies précédemment de ces documents physiologiques. Je limiterai le parallélisme à un seul point bien précis pour poser un principe que je crois fécond et que les recherches ultérieures viendront cer- tainement confirmer. ÏV LA COURBE RESPIRATOIRE DE l'OEUF DE POISSON ET LA MÉGANIQUE DE l'eXTENSION DU BLASTODERME. En ce qui concerne les Amphibiens, mes observations ont été li- mitées à la morphologie extérieure. 11 n'y aurait donc rien à ajouter, si l'extension des éléments épiblastiques au pôle inférieur n'avait été soigneusement étudiée par divers embryologistes. Deux opinions extrêmes sont en présence. Pour les uns, comme Gôtte* et Schlutze'^ il y a véritablement épibolie, les quatre petites cellules du stade 8 devant donner tout l'épiblaste. Pour Houssay^ cette assise dériverait d'un simple travail d'organisation portant sur toutes les cellules périphériques, sans épibolie. Houssay a développé, dans un travail considérable, d'excellents arguments en faveur de celte manière de voir. Nous l'avions adoptée l'un et l'autre, à la suite de recherches faites en collaboration-*. Or, je trouve, dans la courbe respiratoire des Amphibiens, un élé- ment important qui milite pour la même idée. Entre la segmentation initiale et la période dite de revêtement, on constate, comme nous l'avons vu, une baisse brusque et très courte sur la courbe d'élimination (fig. 14, pi. XIV). Puis, l'activité respira- toire s'accroîtfortement et régulièrement jusqu'au stade du bouchon d'Ecker. Rien de pareil chez un Téléosléen. La période d'extension est * GÔTTE, Entwicklungs geschichie der Unke, Leipzig, 1875. 2 ScHULTZE, Die Enlwicklung der Keimblœlter und der Chorda d. von Rana fusca (Zeitsch.f. Wiss. Zool., 1887). 8 Houssay, loc. cil. * Houssay et Bataillon, Formation de la gaslrula, du mésoblasle, etc., chez i'Axoiotl {Comptes rendus de l'Académie des sciences, juillet 1888). 310 E. BATAILLON. courte ; elle est précédée d'un temps d'arrêt bien marqué, comme si l'évolution rencontrait un obstacle persistant et difficile à vaincre. L'obstacle vaincu, l'extension en surface s'effectue et la courbe se relève brusquement. La nature de cet obstacle mérite d'être pré- cisée ; mais, pour en finir avec le cas des Amphibiens, on peut dire que leur développement ne paraît pas se buter à la même difficulté mécanique. La segmentation au pôle obscur atteignant une certaine limite, l'activité multiplicatrice s'affaiblit suffisamment pour expli- quer une rapide oscillation de la courbe fonctionnelle. Puis, le travail régulier de remaniement et de cloisonnement s'étendant au pôle clair, la courbe se relève progressivement jusqu'à la fin de cette éla- boration superficielle. Reprenons l'œuf de Poisson au point où nous l'avions laissé, c'est- à-dire vers la dix-huitième heure. Arrivé à ce stade, le germe s'enrichit constamment de cellules nouvelles, surtout à sa face pro- fonde. Les éléments parablastiques effectuent sur la masse vitel- line un triage qui paraît fournir un matériel chromatique abondant aux futures divisions ; en effet, l'élaboration continue visiblement dans les assises profondes où la multiplication est active. J'ai in- sisté sur la forme particulière de ces éléments parablastiques (fîg. 1, pi. XIII). Pratiquons des coupes sur des œufs plus âgés de quelques heures (vingt-quatrième ou trentième heure), et nous sommes en présence de figures toutes nouvelles. Les formes en araignée, si caractéris- tiques au stade précédent, ont disparu. Le parablaste a pris une limite nette et bien définie sur ses deux faces, à la face inférieure comme à la face supérieure (fig. 2, pi. XIII). Ses éléments ont donc rétracté leurs prolongements pour se fu- sionner en une lame mince et continue, bordée à sa périphérie par cet épaississement, ce rempart dont j'ai déjà parlé. La coupe ne nous offre qu'un ruban grêle, plus large aux extrémités, avec une série de noyaux clairs et irréguliers. Dans toute sa partie moyenne, le parablaste paraît au repos ; SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 3H l'épaississement marginal montre de temps à autre une figure de karyokinèse. Si nous passons au germe, les mulliplicalions cellulaires sont beaucoup plus rares, môme à la face inférieure, où on les trouve de préférence sur les bords. D'une façon générale, on peut dire que les noyaux en mouvement sont localisés à la périphérie de l'ébauche lenticulaire, dans sa partie la plus mince, au contact des réserves vitellines intactes. Il y a là un temps d'arrêt remarquable et sa ca- ractéristique avait frappé les morphologistes. « La genèse des cel- lules parablastiques ne paraît pas durer longtemps, écrit Henneguy * ; dès que le germe commence à s'étaler à la surface du vitellus, que la cavité germinative s'est constituée et que les feuillets blastoder- miques se différencient, on ne voit plus de cellules prendre nais- sance en dehors du germe. » Ce temps d'arrêt, comment nous l'expliquer ? Il paraît difficile de contester que l'activité multiplicatrice soit liée aux conditions de nutrition. Or, le travail que j'ai trouvé particulièrement actif au contact du vitellus peut déterminer, à ce niveau, un épuisement ; mais, surtout, il me paraît utile de tenir compte de Y amoncellement des couches. Vers la quinzième ou la dix-huitième heure, on peut compter, au centre de la lentille, jusqu'à quinze assises cellulaires superposées ; et, dans ces conditions, les échanges respiratoires peu- vent devenir beaucoup plus difficiles. De là le ralentissement si bien mis en évidence : \°par un change- ment complet dans l'allure du parablaste ; 2° par V arrêt de la segmenta- tion qui se localise sur les bords. Et fon est d'autant plus autorisé à éynettre cette hypothèse que Vétude de la fonction respiratoire la corro- bore pleinement. La baisse prononcée et persistante que nous montre la courbe d'élimination correspond précisément à cette période qui précède l'extension du blastoderme. L'ébauche, jusque-là plan convexe, ren- * Henneguy, Uic. cit. 312 E. BATAILLON. contre donc bien, dans son évolution, une difficulté attestée par l'étude physiologique comme par la morphologie. La division se localisant sur le pourtour du germe, la partie moyenne de la lentille se trouve disloquée et soulevée ; les cellules de la profondeur, dont beaucoup montrent des prolongements amœ- boïdes, viennent s'accumuler î\ la périphérie. Le talus marginal a donc une double origine : localisation des figures de division liée aux conditions de nutrition; migration des cellules profondes, qui relève des mêmes conditions. Entre le germe soulevé et la couche parablastique, le fluide vitellin fait irruption dans une cavité de seg- mentation très irrégulière, à travers des plages de cellules profondes restées en place. Celles-ci, trouvant des conditions meilleures, vont reprendre de l'activité pour compléter l'endoderme primitif. Ce stade offre donc bien encore cette caractéristique notée par Henneguy : apparition de la cavité germinative. Les déplacements cellulaires dont il vient d'être question, les dif- ficultés mécaniques d'une extension en surface, tels me paraissent être les obstacles qui donnent à ce stade de l'évolution des Poissons sa physionomie particulière, qui déterminent sur la 'courbe d'élimi- nation cette sorte de plateau suivi d'une baisse relativement brusque et bien différente de celle enregistrée chez les Amphibiens. Le mouvement d'extension du blastoderme, commencé par la localisation de l'activité multiplicatrice à la périphérie, se continue jusqu'au revêtement complet du vitellus ; et le principe de cette extension semble rester identique, puisque, ^à mesure qu'elle pro- gresse, l'accentuation des échanges nutritifs est attestée par le relè- vement simultané de la courbe d'élimination. Conclusion. — J'ai montré, dans la première partie de ce mémoire, qu'on peut voir un rapport fatal entre la marche de la segmentation et la direction de Taxe embryonnaire. L'extension du blastoderme à la surface du vitellus paraît également fatale et étroitement liée aux conditions de nutrition. Des considérations de môme ordre per- mettraient vraisemblablement de comprendre la chute qui marque SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 313 l'occlusion du trou vilellin et la rehausse graduelle qui mène à l'em- bryon. V CONCLUSION GÉNÉRALE. — LA FONCTION RESPIRATOIRE CONSIDÉRÉE COMME FACTEUR ONTOGÉNIQUE. La synthèse physiologique des étapes d'une évolution est un pro- blème complexe. De ce problème je n'ai considéré qu'une face et les quelques matériaux qui précèdent n'ont de valeur qu'autant qu'ils indiquent une voie. Mon étude sur la métamorphose des Amphibiens', publiée il y a plus de cinq ans, établissait, pour un accident évolutif très marqué, un déterminisme physiologique rigoureux. Ce déterminisme, qui a pour point de départ des troubles respiratoires, je l'ai rétabli à peu près identique pour la métamorphose des Insectes ^ Il faut revenir rapidement sur ces jalons pour en vérifier la solidité ; car c'est sur eux que je me suis appuyé pour aborder les premiers stades d'un développement régulier. Voici les modifications corrélatives dont l'ensemble représente ce qu'on a appelé avec raison une théorie des mélamorphoses par V asphyxie : 1" Conditions anatomiques troublant les échanges respiratoires ; 2° Diminution des échanges et accumulation d'acide carbonique dans le milieu intérieur ; 3" Troubles circulatoires ; 4° Histolyses, diapédèse et phagocytose ; 5° Glycémie. Le jour oti la métamorphose du Ver à soie m'offrit des conditions analogues, une série de changements physiologiques exactement ' E. Bataillon, Recherches anatomiques et expérimentales sur la métamorphose des Amphibiens anoures {Annales de l'Université lyonnaise, 1891). * E. Bataillon, la Métamorphose du Ver à soie et te Déterminisme évolutif [Bulletin scientifique de la France et de la Belgique, t. XXV, 1893). 814 E. BATAILLON, parallèles à la précédente, l'explication prit à mes yeux une portée générale. Quelques détails concernant l'histolyse et absolument secondaires au point de vue de la théorie ont seuls été touchés. Ma controverse avec M. Metschnikoff' laissait la question en suspens; puis, en 1893, Schaffer'', dans un travail considérable sur l'histolyse musculaire, adoptait entièrement mes conclusions. Quoi qu'il en soit, les grandes modifications fonctionnelles que j'ai rattachées entre elles, après avoir montré leur origine dans l'évo- lution, restent bien établies. J'avais assuré expérimentalementmon point de départ en réalisant avant la métamorphose les conditions respiratoires qui la caracté- risent : les mêmes troubles se sont produits et f ai obtenu prématurément sur des Têtards la régression d'un segment caudal de plus d'un centi- mètre. Le lien qui rattache la glycémie à V asphyxie était connu depuis les belles études de Cl. Bernard ' et Dastre \ Des recherches plus ré- centes sur la glycosoformation dans le foie des Mammifères sont venues apporter un argument de plus à ma thèse en établissant un rapport direct entre Chistolyse et la formation du sucre. Je m'en tiens à cette conclusion de Kauffmann^ : «L'histolyse et la glycosoformation « sont deux actes physiologiques qui se modifient donc toujours « parallèlement et dans le même sens; toutes les actions normales « ou pathologiques qui activent le travail glycosoformateur dans le « foie activent aussi l'histolyse et inversement. » Ce coup d'oeil rétrospectif était nécessaire pour montrer que la théorie des métamorphoses par l'asphyxie, depuis que je l'ai formulée, n'a reçu que des confirmations directes ou indirectes. J Société de biologie, 1892, p. 183, 235 et 283. 2 ScHAFFER, Beilvage zur Histologie und Histogenèse der Quergesireiften Muskelfa- sern des Menschen und einiger Wirbelthiere {Silzungsb. der Kais. Acad. der Wissens. in Wien, 1892, p. 59, 60, 01-104-128. 3 Cl. Bernard, Leçons sur le diabète, 1877. * Dastre, Delà glycémie asphyxique, Paris, 1879. » Kauffmann, Comptes rendus de la Société de biologie, 12 janvier 1895. SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 31b Mais cette théorie n'embrasse que le déterminisme de l'histolyse. En général, et le cas est parliculièremenl net chez les Insectes, l'histogenèse intervient simultanément ou ultérieurement. Et ici, la part du facteur respiration devient difficile à faire. II m'a semblé que les ébauches embryonnaires les plus simples, • que les œufs en segmentation, régis par une mécanique dont les lois se précisent chaque jour, fourniraient des indications nettes. Les Vertébrés inférieurs, avec les avantages de la fécondation artifi- cielle, étaient tout indiqués pour ces recherches. Et lorsqu'il fut établi que les œufs de Poisson évoluent norma- lement à l'air humide, qu'entre la coque de l'œuf et le milieu ambiant les échanges gazeux sont seuls à considérer, le problème circonscrit se trouva lié à une question de méthode. Un œuf de Téléostéen se segmente dételle façon que, dès le début, l'ébauche atteste une symétriebilatérale. Mais les éléments, déplus en plus petits, sontintimementunis par une membrane moyenne. Com- ment, à un certain stade, se dissocient-ils pour s'étendre graduelle- ment à la surface du vitellus? Que se passera-t-il à la fin du revête- ment quand se différenciera la crête embryonnaire ? L'étude anato- mique montre, dans tout ce travail élémentaire, des étapes bien tranchées. Ces étapes doivent avoir leur caractéristique fonctionnelle et la courbe des échanges, fournie par une technique délicate, ne pouvait manquer de les refléter dans ses oscillations. La mécanique de l'extension du blastoderme paraît éclairée par un temps d'arrêt fatal que subit la segmentation au pôle animal. Ce temps d'arrêt, mis en évidence par l'étude de la région parablas- tique, est marqué par une baisse sur la courbe d'élimination. La courbe remonte quand les éléments dissociés s'étendent par la périphérie sur le vitellus avec une activité multiplicatrice qui va croissant jusqu'à l'occlusion du trou vitellin. Les mêmes principes physiologiques doivent dominer les stades ultérieurs et en expliquer la succession. Evidemment, le problème devient de plus en plus complexe et 316 E. BATAILLON. il serait difficile de préciser a priori. Mais les courbes parallèles données par les œufs d'Amphibien et de Poisson contiennent des renseignements précieux. Dans le bilan organique d'êtres qui s'édifient ou se transforment par nutrition élémentaire, qu'il s'agisse d'œufs, qu'il s'agisse d'ani- maux en métamorphose, les échanges gazeux tiennent une place prépondérante et apparaissent comme le critérium de l'activité inté- rieure. Ainsi se précise l'opinion magistralement soutenue par Geoffroy, qui voyait dans la respiration une ordonnée si puissante pour la dis- position des formes animales. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XIII. FiG. 1. Régioa parablastique considérée sur le blastoderme de la Vandoise vers la vingtième heure, p, cellules en araignée avec les traînées chromatiques enchevêtrées à la surface et plongeant dans le vitellus ; a, prolifération cellulaire au même niveau. Gr. 300/1. 2. Blastoderme de Vandoise vers la trentième heure, p, parablaste au repos avec ses noyaux clairs; r, rempart marginal ; d, localisation à la péri phérie des noyaux en mouvement; es, cavité de segmentation. Gr. 150/1. 3. Élément blastodermique de Vairon h la vingtième heure, gr, granules chromatiques différenciés dans le protoplasma. Gr. 500/1. 4. Cellule profonde du blastoderme de Vandoise au même âge. gr, zone péri- phérique séparant la membrane primaire du corps protoplasmique en voie d'indiviflualisation. Dans cette zone se différencient des granu- lations chromatiques en séries radiales ou en réseau. Gr. 500/1. 5 et 6. Eléments blastodermiques de Vandoise, même stade, coupes horizon- tales, gr, différenciation d'éléments chromatiques soit à l'intérieur, soit à l'extérieur des cellules. Gr. 500/1. 7. Quelques éléments d'un blastoderme de Vandoise vers la dix-huitième heure. Début de la dislocation. Entre la membrane primaire et la mem- brane secondaire se voit un magnifique reticulum radial, (r), nr, noyau au repos; na, noyau en mouvement. Gr. 300/1. 8. Karyokinèse d'un blastoderme de Vairon à la quinzième heure, pe, plaque équatoriale ; fd, faux dyaster résultant de l'extension de la substance colorable accumulée aux pôles. Gr, 300/1. 9. Autre élément du même blastoderme montrant la condensation de la sub- stance chromatique aux sphères directrices sd. Gr. 300/ 1. SUR LES MÉCANISMES DE L'ÉVOLUTION. 317 FiG. 10. Elément blastodermique de Vandoise à la quinzième iieure. pe, plaque équatoriale dont les granulations sont à peine visibles; cv, corps vitellins. Gr. 300/1. H, 12 et 13. Blastoderme de Vandoise vers le stade îi 3;^ éléments. Le para- blaste s'isole du blastoderme. Les cellules isolées à la surface ont un plasma franchement éosinophile. p, parablasle ; np, noyaux parablasU- ques; sp, fuseau normal au parablaste préludant à la séparation. Gr. 70/1. PLANCHE XIV. FiG. 14 . Graphique général de l'activité respiratoire aux différents âges ; trait plein: Vairon ; poinlillé: Grenouille. L'abscisse marque de 0 à 120 l'âge des œufs en heures, à partir de la fécondation. Les ordonnées ont été obtenues en faisant le rapport des temps nécessaires au virage d'une quantité fixe de solution barytique colorée à la phtaléine. 15. Cette figure n'est pas une courbe de l'activité respiratoire. C'est une courbe renversée, puisque les ordonnées marquent en quarts d'heure le temps nécessaire à la neutralisation d'une certaine quantité d'alcali aux Iges successifs. Les autres conventions sont les mêmes que pour la figure 14. 16. L'œuf de Hana temporaria a.u stade 16 (schéma). Les sillons sont numé- rotés dans l'ordre d'apparition de 1 à 4. 7, premier sillon. Il est prolongé par un pointillé dans la direction ab qui marque l'axe du futur embryon. 17. a, b, c. OEufs de Grenouille brassés dans un cylindre tournant, aussitôt après la fécondation, a indique le centre du pôle clair et ses rapports avec les deux premiers sillons (schémas). 18. 19 et 20. Ordre et rapports des sillons de segmentation sur des œufs d'Am- phibien comprimés entre deux laines verticales (schémas). Voir le texte. 21. Même cas avec une compression moindre (schéma). Dans toutes ces figures, le trait de force 7 marque le premier sillon ; la direction ab correspond h l'axe embryonnaire. 22 et 23. Blastodermes de Rousse montrant la persistance de l'axe primitif (voir le texte) aux stades 8 et 32. 24. OEuf de Vairon au stade de deux segments. Position normale après le mouvement de bascule qui a suivi la concentration du germe (schéma). 25. Le même œuf, le blastoderme étant supposé rejeté en avant (vue supé- rieure). Schéma. 26 et 27. Pour les rapports avec le premier sillon, il faut se baser sur la position indiquée figure 25. Le plan vertical de ce premier sillon passe par 7, généralement en avant de l'ébauche céphalique. tVy trou vitellin. DISCOURS DE M. H. DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l'InstiUit, Président de la Société nationale d'agriculture '. Mes chers gonfrères, Dans une de ces boutades qui lui étaient familières, Voltaire s'écriait : « Par quelle fatalité l'agriculture n'est-elle véritablement honorée qu'à la Chine? Tout ministre d'État, en Europe, doit lire avec attention le mémoire suivant, quoiqu'il soit d'un jésuite ». Dans ce mémoire, il est dit que, après avoir fixé le jour de la lune où commenceront les travaux agricoles, l'empereur de Chine prend une charrue et trace un premier sillon. C'est Voltaire qui l'affirme ; s'il revenait, il verrait que, de nos jours, le ministre d'État de l'agriculture de France vient, sinon, comme le fils du Ciel, ouvrir un premier sillon, du moins, ce qui vaut tout autant, prendre part aux travaux d'une Société qui n'a d'autre but, d'autres soucis, que de veiller avec le plus grand dé- vouement aux progrès de la science agricole. En tout cas, le malin philosophe de Ferney serait bien obligé de reconnaître qu'aujourd'hui l'agriculture est, chez nous, non moins honorée qu'à Pékin, puisque l'un des ministres a réclamé tout ré- cemment, pour le cabinet actuel, le litre de Ministh^e agricole-, * Discours prononcé lors de la distribution des prix de la Société le 30 juin 1897, présidée par M. Méline, président du conseil, ministre de l'agriculture. * Discours de M. Rambaud, ministre de l'instruction publique. 320 DISCOURS Nous sommes heureux de voir le ministre de l'agriculture, dans la séance solennelle de la Société nationale d'agriculture, rehausser, par sa présence, l'éclat de la distribution des prix qu'elle décerne. Nous le remercions ! Il est, messieurs, des questions qui se représentent sans cesse en agriculture. Elles reviennent sous des formes nouvelles en restant au fond les mêmes. Tels sont les problèmes de l'alimentation rationnelle des animaux domestiques, de la diffusion de l'enseignement agricole et de son développement. Les économistes, les pouvoirs publics, les parlements, ne cessent, avec raison, de s'en préoccuper. L'importance des solutions que ces questions comportent est, sans doute, l'une des principales causes de ce retour périodique et con- stant ; mais peut-être n'est-elle pas la seule. Aussi je désire vous pré- senter quelques réflexions sur ce sujet intéressant. La science pure s'en occupe. L'un de nos plus illustres présidents n'a-t-il pas dit^ : « Le problème des aliments, ne l'oublions pas, est un problème chimique... celui de la fabrication des aliments. « Le jour oîi l'énergie sera obtenue économiquement, on ne tar- dera guère à fabriquer des ahments de toutes pièces, avec le car- bone emprunté à l'acide carbonique, avec l'hydrogène pris à l'eau, avec l'azote et l'oxygène tirés de l'atmosphère. « Ce que les végétaux ont fait jusqu'à présent, à l'aide de l'énergie empruntée à l'univers ambiant, nous l'accomplissons déjà et nous l'accomplirons bien mieux, d'une façon plus étendue et plus par- faite, que ne le fait la nature; car telle est la puissance de la syn- thèse chimique. « Lorsque l'homme aura pu se rendre maître de ces forces vives dont la puissance est infinie, de la chaleur centrale de la terre, de ' Behthelot, Science et Morale, p. 512. DE M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. 321 la chaleur et de l'action du soleil, avec ces énergies inépuisables, la synthèse chimique n'aura plus de limites. » Et, alors, se berçant dans ce qu'il appelle le rêve de l'année 2000, M. Berthclot prédit qu' « un jour viendra où chacun emportera de la manufacture, pour se nourrir, sa tablette azotée, sa petite motte de matière grasse, son petit morceau de fécule ou de sucre et son flacon d'épices aromatiques accommodées à son goût personnel ; tout cela fabriqué économiquement et en quantités inépuisables par nos usines; tout cela indépendant des saisons irrégulières, de la pluie ou de la sécheresse, de la chaleur qui dessèche les plantes ou de la gelée qui détruit l'espoir de la fructification ; tout cela, enfin, exempt des microbes pathogènes, origine des épidémies et ennemis de la vie humaine. « Ce jour-là, la chimie aura accompli dans le monde une révolu- tion radicale... Il n'y aura plus ni champs couverts de moissons, ni vignobles, ni prairies remplies de bestiaux. L'homme gagnera en dou- ceur..., parce qu'il cessera de vivre parle carnage et la destruction des créatures vivantes... il n'y aura plus de distinction entre les régions fertiles et les régions stériles... « Dans cet empire universel de la force chimique..., si la surface terrestre cesse d'être utilisée... et défigurée par les travaux géomé- triques de l'agriculteur, elle se recouvrira alors de verdure, de bois, de fleurs ; la terre deviendra un vaste jardin, arrosé par les effusions des eaux souterraines, où la race humaine vivra dans l'abondance et dans la joie du légendaire âge d'or. » Messieurs, l'an 2000 est encore et pour longtemps loin de nous ; aussi, en attendant, il importe de s'occuper des soins de notre guenille, et c'esC ce qui cause les préoccupations dont je viens de vous parler, l'agriculture étant encore la manufacture des synthèses où nous nous approvisionnons. Certes, la science contribue beaucoup aux progrès agricoles ; cependant, il arrive quelquefois que des hésitations se produisent quand il s'agit de faire les applications des conseils qu'elle donne. ARCU. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3« SÉRlli. — T. V. 1897. il 322 DISCOURS Ces hésitations sont causées bien souvent par la prépondérance, un peu exclusive, que veulent avoir des idées qu'on croit seules des- tinées à conduire au but. Tantôt c'est la théorie, tantôt c'est la pratique qui seules veulent dominer et conduire au résultat iinal. Quand il y a exagération, quelle qu'en soit l'origine ou la cause, on arrive toujours aux dé- ceptions. Aussi les problèmes économiques, après avoir reçu une solution provisoire accommodée aux besoins du temps, mais aussi après avoir reçu le contre-coup du progrès, se représentent avec des facteurs en apparence nouveaux, tout en restant les mêmes. Un fait précis, exact, a toujours sa valeur, disait Claude Bernard, et Cuvier, de son côté, faisait ses réserves sous cette forme toujours vraie : « Les théories passent, les faits restent. » Quand on a vécu longtemps, on reconnaît la vérité des réflexions de ces grands esprits. Que de théories on a vu s'évanouir comme fumée sous la poussée du vent des découvertes des faits positifs ! Je voudrais ajouter quelques observations sur l'union de la pra- tique et de la théorie, qui se trouvent surtout en contact quand il s'agit de l'alimentation et de l'enseignement agricole. Et, pour cela, je vous demande la permission de puiser dans mes souvenirs des exemples se rapportant, il est vrai, à des temps déjà éloignés, mais qui, pour n'être pas de date récente, n'en fournissent pas moins quelques renseignements utiles à rapprocher des choses du moment. Je me figure la pratique et la théorie comme représentant deux forces vives, dont l'union et l'action commune mènent aux progrès, dont l'opposition produit un effet tout inverse. Entre elles deux existe trop fréquemment un antagonisme, non avoué, je le sais, qui, pour être voilé le plus souvent sous des formes les plus correctes, n'en existe pas moins latent et vivace. Cet antagonisme, je l'ai vu de près, je l'ai subi personnellement; c'est à son influence que je suis heureux de rapporter les quelques DE M. H. DE LACAZE-DUTIHERS. 323 efTorts que j'ai pu faire pour essayer de développer la science ù laquelle j'ai voué ma vie. Vous n'avez pas oublié l'Institut agronomique de Versailles. Il fut créé par la seconde République, après la révolution de 4848, et placé sous la haute direction de M. de Gasparin. J'ai eu l'honneur d'y être attaché en qualité de répétiteur près la chaire de zootechnie occupée par M. Baudement. Je n'étais point destiné à faire un agriculteur pratiquant. Je sor- tais des hôpitaux de Paris et n'avais été appelé là que parce que Baudement voulait donner une tournure anatomique et physiolo- gique à l'histoire des animaux domestiques. Nous n'étions, je crois, ni l'un ni l'autre des praticiens. Je le con- fesse, du moins, pour ma part. Baudement avait pris pour thème de ses premières leçons l'his- toire de l'alimentation des animaux de la ferme. C'était au moment où Boussingault publiait ses mémoires si remar- quables sur la ferme de Bechelbronn, où il jetait les bases de ses recherches sur les équivalents nutritifs. A cette époque, nous subis- sions tous l'influence de ces admirables leçons de Boussingault et de Dumas sur la statique des êtres organisés. Le retentissement de la fameuse leçon de l École de médecine, commençant par ces paroles restées célèbres : « Rien ne se crée, rien ne se perd dans la nature », à laquelle, étudiant, j'ai eu l'heureuse fortune d'assister, fut consi- dérable ; il se fit sentir non seulement sur la direction de l'enseigne- ment de Baudement, mais encore et plus tard dans les différentes écoles d'agriculture. Toutefois, il ne suffisait pas de s'occuper de la nourriture théo- rique du bétail, il fallait aussi faire connaître les animaux aux élèves. Un jour, Baudement me dit : « Vous irez dans les fermes faire des conférences sur les différentes races d'animaux qui s'y trouvent. » Je viens de vous dire que je sortais des hôpitaux. J'étais cerlai- 324 DISCOURS nement, à ce moment, au courant des connaissances de la physio- logie de l'époque ; mais il y avait loin de là à reconnaître les qualités d'un cheval de course ou d'un cheval de trait, d'une bonne vaclïe laitière, d'un bœuf de boucherie ou d'un boeuf de travail, d'un mou- ton propre à donner de la laine ou de la viande. La transition était brusque ; je viens de l'avouer, je n'étais nulle- ment praticien. Or, le contact avec la pratique allait être immédiat ; il m'inquiétait. L'Institut agronomique de Versailles était composé de deux parties essentiellement distinctes. L'une avait l'enseignement théorique; elle était installée dans les dépendances du palais. L'autre avait l'ex- ploitation des cultures dans les deux fermes de la Ménagerie et de Gally. Il existait, entre ces deux parties, ce quelque chose de sourde- ment hostile, je vous le disais, qui n'a pas encore disparu entre les agriculteurs. Aussi les praticiens des fermes et les professeurs du château se regardaient-ils d'un œil qui n'indiquait pas toujours la plus absolue confiance, bien que les rapports fussent d'une parfaite courtoisie. L'Institut avait une magnifique collection d'animaux domestiques, une vacherie superbe, des étalons anglais remarquables, de races très choisies et variées. Quelle situation pour un répétiteur de zootechnie improvisé, forcé de faire un cours aux élèves, en face de praticiens vivant au milieu de leur bétail, et le connaissant dans les moindres détails de ses caractères ! Là commençait pour moi l'expérience du contact de la pratique et de la théorie. Je pris mon courage à deux mains, je demandai un sursis, et j'allai avec des bouchers dans les abattoirs de Paris, sur les marchés de Sceaux, qui existaient alors, pour apprendre à connaître les ani- maux de boucherie etlesdistinguer des animaux de travail. J'appris, comme on dit, à manier un bœuf gras. DE M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. 32S Avec Yvart j'allais aux Champs-Elysées apprendre à connaître les races chevalines. A cette époque, on s'occupait beaucoup de la Méthode Guenon, permettant, disait son inventeur, d'apprécier le rendement en lait d'une vache, à quelques centilitres pr?^s. Armé d'un fouet à long manche, couvert d'une blouse non moins longue, j'allai barrière d'Italie chez Guenon pour apprendre sa mé- thode et juger de la qualité laitière d'une vache; croyant mieux réussir dans mon éducation de praticien, je me donnai comme vacher d'un grand propriétaire. Guenon était très bon observateur, très fin, j'allais dire rusé; aussi ma blouse et mon fouet ne portèrent aucune conviction dans son esprit : « Vous devez connaître, me dit-il, dès la première leçon, quelque député, il faudra m'aider à obtenir une récompense na- tionale. » C'était surtout après quoi il courait. S'il m'avait jugé tout d'abord, je ne tardai pas à reconnaître de mon côté que sa prétendue méthode était toute artificielle et com- ment l'habile praticien, à l'aide de caractères généraux, acquis par une observation minutieuse et très attentive des animaux, arrivait heureusement à en tirer parti au profit de sa méthode. J'avais surtout appris à manier pratiquement la vache laitière. Cela me suffisait. Peu à peu, dessinant^ photographiant, étudiant le bétail des fermes, aidé par leurs extraits de naissance très précis, causant avec les palefreniers, je me tirai à peu près d'affaire, cherchant à devenir praticien, sinon maquignon, et à justifier le mieux possible dans mes conférences le titre que je m'étais improprement attribué, ainsi que l'avait si vite reconnu Guenon. Vous voyez là, messieurs, une première action de cet antago- nisme que je redoutais. J'avais appris que la théorie seule ne suffi- sait pas. Pauvre Institut agronomique si largement installé, que reste-t-il ;^26 DISCOURS do lui ? Ses grands parcs, ainsi que ses belles plantations, ont été entamés, surtout défigurés par les sombres et vastes ateliers des chemins de fer. Du corps enseignant, il ne reste plus un seul professeur ; trois répétiteurs vivent encore : MM. Gruyer, de l'InsliLut de Franco, Clos, de la Faculté de Toulouse, et celui qui a l'honneur de vous entre- tenir. Un préparateur, M. Riche, directeur des essais à la Monnaie. Des élèves, devenus des maîtres, M. Tisseran, conseillera la Cour des comptes, le premier de la première promotion, et M. Prilleux, sénateur et inspecteur de l'agriculture, à qui j'enseignai jadis, au milieu des troupeaux, dans les prairies du parc de Versailles, et qui plus tard m'ont jugé à leur tour par leur vote en m'appelant parmi vous. Messieurs, vous me permettrez bien de leur adresser publiquement mes remerciements pour avoir conservé au répétiteur une place dans leur bon souvenir. A l'Institut de Versailles j'avais vu et compris qu'à la pratique comme cl la théorie, il manquait ce quelque chose qui conduit à la confiance réciproque ; l'une, reconnaissant sa part quelquefois faible du côté de la science, restait sur la réserve; l'autre, sentant aussi son insuffisance en dehors de la théorie, tenait la première un peu trop à distance. C'est en voyant, en comprenant cette situation, quej'ai été conduit à faire les efforts dont je viens de vous parler, eiForts qui se sont continués après mon éloignement de l'Institut. Car si l'on peut établir la distinction que je viens de rappeler pour l'agriculture entre le praticien et le théoricien, soyez assurés qu'elle est facile à reconnaître aussi et sans peine dans le domaine delà science pure, comme dans le domaine de la science sociale. Je ne sais même pas si le théoricien dans ces sciences, quand il s'agit de la discussion des idées générales, y est plus indulgent, plus bienveillant pour ceux qu'il accuse de ne voir que les faits d'une façon trop pratique, trop terre à terre. DE M. H. DE LACAZE-DUTllIERS. 327 Quand il s'agit do l'alimentation, théorie et pratique se rencon- trent toujours. Remarquons qu'il est d'abord incontestable que la solution de tout problème sur cette question est une question de comptabilité en partie double. Il y a pour nous, comme pour nos animaux, à tenir le livre des entrées des matières nécessaires à la vie, et le livre de leur sortie ; il faut que la balance existe, pondérée entre les deux ; sans cela l'équilibre vital, statique — qui est le but à obtenir — disparaît fata- lement. L'être vivant a été représenté, comme un tourbillon où il entre et d'où il sort incessamment quelque chose. Descaries disait : « Les corps qui ont vie ne sont que de petits ruisseaux qui coulent toujours. » On peut se les figurer comme des tonneaux des Danaïdes qui se vident sans cesse et dont le plein n'est entretenu que par un apport continuel. Voici un fait dont la réalité matériellement brutale prouvera clai- rement cette assertion, M'étant embarqué à Barcelone pour rentrer en France par Mar- seille, je dus traverser le golfe du Lion, qui trop souvent ne fait pas mentir son nom. Le temps n'était pas beau, nous avions à peine gagné le large que les hommes du bord vinrent impitoyablement placer devant tous ceux qui pâlissaient un ustensile que pour ma part je rendis comble pardeuxfois. En supposant que le malencontreux vase eût seulement la capacité d'un litre, en supposant encore que tout ce que le roulis m'avait forcé de restituer à la mer n'eût eu que la densité de l'eau, n'ayant rien pris pendant la traversée de Barcelone à Marseille, j'avais incontestablement perdu, au plus bas mot, au moins 2 kilo- grammes de mon poids. Voilà le hvre des sorties. Quant au livre des entrées, étant en déficit d'une quantité d'au 328 DISCOURS moins deux litres de liquide, il me causait un impérieux besoin de satisfaire une soif ardente. Et le bien-être indicible qu'on éprouve en remplaçant de sem- blables pertes par un thé bienfaisant n'est ressenti que par ceux qui ont été les victimes du roulis et du tangage. Nous ne faisons rien, pas un mouvement, pas un travail quel- conque, sans qu'une perte soit faite par notre organisme. En venant ici, chacun de nous a consommé une partie de lui-même. En ce moment, je parle, je consomme plus que vous, qui avez l'extrême bonté de m'écouter dans un repos relatif et bienveillant. Pour combler le déficit causé par les consommations diverses, il faut des rations différentes : une pour l'entretien, qui remplace la perte occasionnée par le petit ruisseau de Descartes qui coule tou- jours, une pour l'accroissement du jeune en plus de celle-ci, et une enfin pour la production. Tout ceci est aujourd'hui un lieu commun pour ainsi dire et cependant on y revient toujours. Ce sont ces rations que la science et la théorie peuvent nous faire prévoir a /)non, que souvent la pratique devine et trouve parle tâtonnement. Combien, on le sent, est utile alors l'union des deux dans la solution des questionsque soulèvent les rations alimentaires. En voici deux exemples opposés : Lors de la création de la Faculté des sciences de Lille, nous étions arrivés sous l'impression des recommandations les plus pressantes , Faites, faites de l'enseignement appliqué, nous disait-on. Ai-je besoin de vous rappeler si Pasteur répondit à ces recommandations par ses belles études qui ont été commencées à Lille. La zoologie proprement dite est bien pauvre en appUcation à côté de la chimie. Pour répondre aux recommandations, je dus faire des leçons sur l'alimentation. Imbu des idées et de l'enseignement de Baudement, je me procurai les formules de quelques rations officielles pouvant paraître intéres- DE M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. 329 santés et éveiller la curiosité, je les étudiai ; en voici une qui me paraît curieuse : Les détenus de la grande prison do Loos, dans le voisinage de Lille, recevaient une ration strictement nécessaire à l'entretien sta^ tique de leur machine animale au repos. Mais on demandait aux prisonniers un travail qui augmentait leur consommation et causait un déficit dans leur organisme, de là le besoin d'une plus grande quantité d'aliments. Or, chose remarquable, par le tâtonnement et une longue pratique, l'administration était arrivée à permettre aux prisonniers-travail- leurs d'acheter à la cantine une quantité d'aliments justement égale à ce qu'il fallait ajouter à la ration d'entretien pour combler le déficit causé par le travail. La pratique avait deviné la quantité de ce surplus nécessaire ; la science ou la théorie, si vous voulez, lui aurait évité une perte de temps en lui fournissant des renseignements que les chiffres ren- daient faciles. Voici maintenant un exemple où la pratique refuse de suivre les conseils de la théorie; il est aussi très instructif: Il y avait à Versailles un régiment de carabiniers, corps superbe qui n'existe plus, dont les chevaux étaient magnifiques. Il m'en sou- vient, car, durant un mois et demi, j'eus pour fonction de peser tous les matins à la bascule de la ferme de la ménagerie les chevaux du régiment allant à la promenade ; Baudement les avait mis en expé- rience. Ayant étudié les rations réglementaires, il disait au colonel : « Vos animaux sont trop nourris au point de vue respiratoire, ils augmen- tent de poids en emmagasinant le surplus de la ration qu'ils ne consomment pas. » Le colonel, qui ne s'occupait guère du carbone et de l'azote de la botte de foin ou du picotin d'avoine, répondait : « Voyez mes chevaux, ils sont superbes. » Et Baudement reprenait : « Trop 330 DISCOURS de carbone, pas assez d'azote ; c'est l'azote qui donne, la force.» Voilà bien la théorie et la pratique aux prises. Je ne dirai pas qu'à cette époque déjà éloignée on riait de voir peser les animaux, surtout celui qui était chargé de cette ingrate besogne ; mais les praticiens des fermes regardaient d'un air quelque peu dédaigneux ou narquois cette opération. Arrive le coup d'État, qui fut aussi le coup mortel pour l'Institut, et le régiment resta en selle nuit et jour, ses chevaux étaient rendus, étaient sur les dents. Baudement triomphait et la théorie avec lui. La question des rations si admirablement mise à l'étude par Boussingault, par l'introduction delà balance dans toutes les parties de l'exploitation de sa ferme de Bechelbronn, reste perpétuellement à l'ordre du jour, bien qu'elle soit étudiée avec toutes les ressources que fournissent les progrès de la science. Faut-il vous rappeler les belles expériences de nos confrères, MM. Lavalard et Miintz, sur les relations qui doivent exister entre la quantité d'aliment et celle du travail, en mettant en observation les chevaux des omnibus de la hgne de Paris à Vincennes ? Les études si complètes de M. Aimé Girard sur l'ahmentation du bétail par la pomme de terre ? Tout cela est récent. Et les expériences d'inanition de Chaussât, plus anciennes, qu'on oublie trop. 11 avait privé des oiseaux de la matière terreuse, et ces malheureux animaux, ne trouvant plus dans leurs aUmenls la ma- tière calcaire nécessaire à la consolidation de leurs os, cassaient leurs membres par la seule contraction de leurs muscles, lorsqu'ils vou- laient marcher ou voler. C'est que, pour eux comme pour nous, la pierre est un aliment tout aussi indispensable que l'azote dans le bifteck ou le carbone dans le sucre. Voyez l'enfant rachitique qui ne fixe plus les matières terreuses. Ses os sont ilexibles, se courbent, il devient difforme et cagneux. Faut-il le répéter encore, les questions alimentaires reviennent et DE M. H. DE LÂCAZE-DUTHIEUS. 331 reviendront. Ne se prépare-t-il pas des congrès pour étudier l'ali- mentation rationnelle du bétail ? Qu'une sécheresse un peu prolongée compromette la récolte des fourrages, quelle émotion ne produit-elle pas dans le monde agri- cole ! Ne vous souvient-il pas de la fameuse question du sel? La sup- pression de son impôt devait faire des merveilles en agriculture. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'elle fit beaucoup de députés, car elle fut, pendant un certain temps, une plate-forme électorale. Avec le sel on devait avoir tant d'avantages, que promettre de supprimer son impôt inique c'était recueillir des voix. Est-ce le sucre qui va aujourd'hui remplacer le sel? La question est fort intéressante ; mais je n'en parlerai pas, pour ne pas aller contre cette thèse qu'il faut que la pratique sanctionne par une longue expérience les promesses de la science théoriqua. La combustion des matières alimentaires dans la machine animale est expliquée de différentes manières ; sa théorie se transforme et subit l'effet de l'évolution de la science. C'est à ce propos que^Cuvier dirait avec raison que les théories passent, que les faits exacts res- tent seuls. Pour le sucre, n'y a-t-il pas une école qui explique son action en soutenant qu'il va se brûler dans les muscles, leur donner une nou- velle énergie et prouver par là son utilité alimentaire ? Je ne discute pas, je cite. Mais n'y a-t-il pas des excitants musculaires qui ne satisfont pas le livre des entrées ou des recettes et favorisent trop le livre des sorties ? Que n'a-t-on pas dit et ne dit-on pas encore sur l'alcool ? Oh ! ne craignez rien, je ne vous fatiguerai pas par son histoire ; mais ne pourrait-on pas cependant le défendre, dans quelques cas particu- liers, contre des attaques qui devraient s'adresser à d'autres qu'à lui ? Est-ce lui qui conduit à la misère, ou bien est-ce la misère qui pousse à l'alcoolisme? 332 DISCOURS Voilà un brave et sage ouvrier, rangé, qui ne peut suffisamment alimenter, avec ce qu'il gagne, sa machine animale et celles com- posant sa famille. La sienne est soumise à un travail qui le force à consommer plus que sa misère ne lui permet de se fournir. Ses forces diminuent en raison directe de l'insuffisance de ses ali- ments, et, pour continuer un travail indispensable à sa vie, à la vie des siens, il va demander à l'alcool un stimulant, un coup de fouet, qui, pour un moment, excite, en la réveillant, son énergie; bientôt il entre dans un cercle vicieux qui l'oblige de nouveau et bien plus à recourir à l'excitant, lequel n'apporte rien pour combler le déficit, et alors, esclave d'une première nécessité devenue une habitude, il tombera dans l'abrutissement de l'alcoolisme. A qui la faute ? N'est-ce pas la misère qui a créé la première situa- tion et l'entraînement qui conduit à ce navrant suicide moral ? Loin de ma pensée de vouloir célébrer les méfaits de l'alcool ; mais, certes, il faut convenir que, s'il est un stimulant utile, dont on ne peut blâmer l'emploi dans quelques cas, c'est son abus et sur- tout les causes de cet abus, naissant quelquefois de l'insuffisance de l'alimentation normalement nécessaire, qu'il faut accuser. Quelles louanges n'a-t-on pas adressées à d'autres stimulants que j'appellerai diffusibles f Ne les voyez-vous pas inscrits sur tous les murs ? Tant qu'on n'aura pas prouvé que la coca a satisfait au livre des entrées en comblant le déficit qu'une longue marche ou une longue fatigue auront causé, on ne peut admettre que le mâchon- nement de quelques feuilles puisse remplacer la substance usée par un travail musculaire longtemps continué. Rien ne peut soustraire l'emploi d'un excitant ou d'un nouvel ali- ment à la dureté de l'équation, de la balance qui régit notre statique animale. Il est bien curieux de trouver, dans la nature, des exemples d'un rationnement d'une précision excessive et admirable. Tout le monde connaît les noix de galle, vertes ou colorées, que DE M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. 333 l'on voit sur les feuilles ou les tigelles de chêne. Elles sont dues à la piqûre d'un insecte, qui, tout en déposant un œuf microscopique dans la blessure, a inoculé une gouttelette de venin dont l'effet pro- duit des formes diverses suivant l'espèce, mais surtout cause le déve- loppement des tissus du végétal d'une façon aussi ingénieuse qu'ad- mirable. L'œuf se trouve peu à peu transporté au milieu d'une masse de matière alimentaire, composée de fécule et de matière azotée, enfermée dans une vraie prison close de toutes parts, de telle sorte que le jeune qui naîtra se trouvera à la fois logé, nourri et protégé, dans l'intérieur de cette demeure due au venin inoculé par sa mère. Quand le jeune animal aura consommé toute sa ration, qui est à la fois d'entretien et d'accroissement, il sera constitué et même gras, il n'aura plus qu'à se métamorphoser et à devenir insecte parfait ailé pour vivre de la vie aérienne. Les analyses les plus minutieuses ont prouvé que l'insecte avait eu à sa disposition tout ce qui lui était nécessaire en matières azotées et en matières respiratoires *. Remarquez aussi qu'il a trouvé, dans sa demeure, toutes les con- ditions que recherche l'agriculteur pour faire un bœuf gras : repos, tranquillité, obscurité et respiration partant peu active. Je ne veux pas insister sur la relation qui est manifeste entre la cause et l'effet ; il suffît de signaler l'admirable harmonie qui existe entre ce que les philosophes appelaient jadis la natura naturans et la natura naturata ! Il est possible de l'aftirmer aujourd'hui, car c'est une vérité clas- sique : la ration alimentaire peut sûrement être indiquée à l'agri- culteur théoriquement et a priori par la science. Mais celui-ci l'accepte-t-il sans aucune hésitation ? Vous avez entendu ici même, à la suite de communications les plus importantes, des discussions de beaucoup d'intérêt, dans lesquelles • Travail de MM. Riche et de Lacaze-Duthiers {Annales des sciences natu- relles, 1853). 334 DISCOURS le praticien demandait à être éclairé quand il s'agit de connaître les conditions destinées à bien conduire l'économie animale de sa ferme. Le paysan, l'éleveur vous diront : « Tel animal se nourrit bien, tel autre se nourrit mal » ; ils conserveront le premier et se déferont du second. Car cela veut dire qu'avec une même quantité et une même qualité d'aliments le premier acquiert du poids et donne un profit et que le second reste stationnaire et n'offre aucun bénéfice. C'est qu'il existe des aptitudes individuelles qui causent ces diffé- rences ; le praticien les reconnaît par l'observation, mais il voudrait avoir d'avance leur caractère pour les reconnaître en choisissant au marché ses animaux. Ces aptitudes individuelles sont incontestables. Tout l'art de l'éle- veur consiste à les déceler, ou pour les fixer, ou pour s'en défaire. Qui ne connaît le tourment des propriétaires de ces malheureux chiens à qui l'on refuse la nourriture et qui engraissent quand même ; ils utilisent trop bien le peu qu'on leur donne, ils en font des réserves qui les rendent replets et dodus. L'obésité n'est-elle pas une sorte d'infirmité ? Et, à côté d'elle, ne rencontre-t-on pas de véritables Gargantuas restant étiques, et des hommes soutenant gaiement leur existence avec un presque rien. Gornaro est un exemple fameux de ces aptitudes personnelles. Sa sobriété était extrême. Il consommait à peine un jaune d'œuf ou l'équivalent à chacun de ses repas. Il en était arrivé à ne prendre que la moitié d'un jaune d'oeuf. 11 faillit mourir, dit-il, pour avoir suivi les avis de sa famille, qui lui avait conseillé d'augmenter ses rations de 1 ou 2 onces (30 à 60 grammes) de vin et de solides. Il devint très vieux, ce dont il se félicitait avec raison, en attri- buant son grand âge à sa sobriété. C'était à sa constitution, à ses aptitudes personnelles toutes spé- ciales, qu'il devait cette longévité. N'avons-nous pas connu notre vénéré et illustre maître, qui n'at- tribuait sa belle santé, sa verte jeunesse perpétuelle, qu'à son régime ? . DE M. H. DE LACAZE-DUTIIIEIIS. 333 M. Chevreul ne buvait jamais de vin, ne mangeait jamais de poisson. Sa constitution le garantissait contre la fatigue et la maladie. Ce sont ses aptitudes personnelles plus que son régime, que bien peu de personnes voudraient suivre, qui l'ont lait vivre et aimer parmi nous aussi longtemps. La pratique a donc raison quand elle dit à la science qu'il y a, dans le problème de l'alimentation, d'autres facteurs que la quantité et que la qualité de l'aliment, qu'il y a, du côté du sujet, une capacité de réceptivité différente dont il faut tenir compte. Ici encore la nature nous fournit des exemples bien curieux de ces aptitudes diverses ; en voici un qui vous intéressera, j'en suis assuré. Léon Dufour, célèbre entomologiste, avait trouvé sur une abeille un parasite, une sorte de pou, cramponné aux poils du corps de l'anthophore. Comme il possède trois griffes, Léon Dufour l'appela le Iriongulin. Notre très curieux, très ingénieux et savant correspondant, M. Fabre, de Carpentras, étudiant la reproduction et les mœurs de l'anthopbore, observa le triongulin. Il en fit l'histoire qui certainement est l'une de celles qui, dans ce monde des insectes, peuvent piquer le plus vivement notre cu- riosité. L'anthophore creuse une galerie dans la terre sous des talus abrités contre la pluie, y dépose au fond un petit lac de miel sur lequel elle pond un œuf d'où sort une larve qui, après s'être nourrie du miel, devient, en se métamorphosant, une anthophore. Mais quelquefois il sort de cette loge, non plus une anthophore, mais un être tout différent, un sitaris. Voici ce qui se passe ; en quelques mots je vais dire ce qui a coûté de longs mois d'observation et de patience à notre ingénieux correspondant : Les sitaris viennent sous les auvents des talus se mettre à l'abri pour y passer l'hiver et y pondre leurs œufs d'où naissent les trion- 336 DISCOURS gulins. Les mâles des anthophores viennent aussi là s'abriter et y attendre les femelles ; c'est pendant leur séjour, que les parasites se fixent sur leur corps. Lorsque l'accouplement a lieu, le triongulin passe sur la femelle, et quand celle-ci, entrant à reculons dans sa galerie, va pondre son œuf, écoutez M. Pabre : « Chose étrange, la femelle trouve à la fois dans les embrassements du mâle et la vie et la mort de sa progéni- ture ; au moment oh l'œuf de l'anthopbore s'échappe, un trion- gulin plus favorisé par sa position se campe sur l'œuf, pont trop étroit pour deux, et arrive à la surface du lac perfide sur ce faible radeau. » Ayant pondu, l'anthophore mure sa cellule et l'abandonne. Alors se passent des faits étonnants. Si le triongulin tombe dans ce lac de miel, il se noie ; à ce mo- ment en effet, cette pâtée n'est point sa nourriture. L'œuf se déve- loppe, une larve naît et comme le parasite est carnassier, il la dévore en respectant toutefois avec grand soin la peau de sa victime, car elle lui fournit un frêle esquif sans lequel il périrait. Mais la ration de matière animale est finie. Le triongulin se repose un moment, se métamorphose en partie et devient dans cette période de sa vie un végétarien. Il plonge alors dans ce lac qui tout à l'heure le mettait en danger de mort, il s'y repaît avidement et finalement se transforme en sitaris. Voilà donc un animal qui, dans deux périodes de sa vie larvaire, est d'abord carnassier, et qui plus tard devient mellivore. En suivant plus loin notre savant correspondant, j'abuserais de vos instants; cependant je ne puis omettre ce fait, qui vous mon- trera de quelles difficultés sont entourées ces études biologiques sur l'évolution des insectes. Le sitaris qui s'est introduit avec l'œuf de l'anthophore est un voleur éraérite, nous dit M. Fabre, et il dit vrai, mais il a aussi ses ennemis, et une guêpe, peu importe le nom, pond souvent à côté de lui, un œuf d'où naîtra une larve carnassière qui en fera sa proie. DE M. H. DE LACAZE-DUTIIIERS. 337 Le voleur est volé, dit M. Fabre ; bien mieux, il est dévore. Quel embarras pour un observateur qui, ayant vu pondre une anthophore, voit éclore et recueille tantôt un sitaris, tantôt une guêpe ! Est-il besoin de faire remarquer quelle sagacité doublée d'une incomparable persévérance il a fallu à M. Fabre pour résoudre ces problèmes difficiles? Au fond de toutes ces choses on retrouve les problèmes de l'ali- mentation et ce sont les faits difficiles h interpréter qui rendent plus d'un praticien, sinon incrédule, du moins difficile à con- vaincre. L'enseignement bien compris conduisant à des démonstrations indiscutables, doit, dans bien des cas, faire perdre peu à peu du terrain à cette pratique routinière et aveugle portant obstacle au progrès et qui cependant, par ses observations, peut fournir bien souvent des indications précieuses. En ce qui me touche, je n'ai jamais manqué de tirer un grand profit de mes relations avec la pratique même la plus ignorante. C'est à un pêcheur espagnol que je dois d'avoir trouvé et étudié la vraie pourpre ; c'est un ostréiculteur qui m'a appris comment on pouvait employer utilement un petit limaçon marin pour s'opposer à l'envahissement des parcs aux huîtres par les algues. J'avais bien indiqué dans mes leçons théoriques que la forme de la dent des mollusques permettait de caractériser et de distinguer les espèces carnassières ou herbivores, mais je dois avouer hum- blement que c'est un praticien des Sables-d'Olonne qui m'a prouvé l'utilité de cette distinction. Voici comme : Pour peu que l'on soit allé sur les côtes de Normandie ou de Bre- tagne on a vu servir au déjeuner, sur les tables d'hôte, des petits coquillages noirs dont on arrache l'animal cuit avec une épingle ; c'est unhors-d'œuvre, un début, un apéritif du déjeuner. Ces coquillages, vigneaux, bigornes, littorinespar leur nom scien- ARCU. DE ZOOL. EXP. KT GÉN. — 3<: SÉRIE. — T. V. 1897. 22 338 DISCOURS tifique, sont achetés vivants au boisseau par les ostréiculteurs, et répandus dans leurs parcs à huîtres. Ils sont herbivores et coupent les algues naissantes tout près delà coquille de l'huilre sur laquelle elles se sont fixées ; en les broutant ils débarrassent les mollusques des touffes herbeuses qui, par leur croissance rapide et plantureuse, les étoufferaient. La part de la pratique intelligente est assez belle pour qu'il soit nécessaire et obligatoire de lutter contre la routine endurcie dans ses entêtements souvent absurdes. Qui ne connaît la théorie du brouillard chez les paysans ? L'extré- mité d'une tige de fève est-elle noire de pucerons, c'est le brouillard qui est tombé sur elle. L'oïdium a été assez longtemps considéré également comme l'effet de la brume. Je ne dis certes pas qu'il en soit encore ainsi, pas plus que pour le black-root. Mais je connais un viticulteur fort intelligent, soignant admirablement ses vignes, qui riait d'une circulaire aussi sage qu'opportune de l'un des ministres de l'agriculture, de M. Gadaud, dans laquelle il était conseillé de brûler les feuilles et les grappes desséchées atteintes par le mal, « afin de détruire les graines ». « Les graines, disait le viticulteur, il faudrait qu'il y en eût, je voudrais bien les voir. » C'est à des praticiens de cette sorte que l'enseignement doit donner des preuves irréfutables. Il me souvient d'avoir convaincu à ce propos un routinier endurci, en lui faisant reconnaître par lui-même les graines ou spores des champignons auxquelles naturellement il ne croyait pas. L'expé- rience était bien simple. Je plaçai sur un papier blanc un champignon de couche que tout le monde connaît, devenu brunâtre parce qu'il arrivait au moment de la dissémination de ses graines. Les rayons du dessous de son chapeau se trouvaient bientôt dessinés sur le papier blanc. Mon routinier en fut étonné tout d'abord. Je lui fis gratter lui-môme cette poussière noire, car il faut être prudent pour convaincre un paysan, je la portai immédiatement sous le micros- DE M. 11. DE LACAZE-DUTIllERS. 339 cope : il ne pouvait clouter, puisqu'il avait pour ainsi dire fait la préparation, il fut très surpris et j'ajoute convaincu. Une autre fois, ici la chose était encore plus difficile, j'étudiais en Afrique le corail et j'avais affaiie îi un monde bien autrement primitif. 11 faut avoir volé ou tué, dit-on, pour se faire pêcheur de corail. Les praticiens, c'est-à-dire les pêcheurs, connaissaient inliniment mieux que moi les fonds de la mer, aussi avais-je besoin d'eux ; il fallait, dois-je dire, les convaincre ou les séduire. Je leur dirais que le corail pondait de petits vers blancs, qui deviendraient les origines de ces belles branches rouges qu'ils recherchaient au prix de tant de peines et de fatigues. 11 fallait voir la mimique négative et l'incrédulité de ces Mallais et Italiens brûlés par le soleil. Je les fis assister à la ponte du corail qu'ils m'apportaient. Je leur montrai au microscope des particules rouges des tissus du corail qui ressemblent à des cristaux brillants taillés aux mille facettes. Dès ce moment ils eurent quelque estime pour mon dire, et ils me trouvèrent avec une intelligence rare le.-^ plus précieux échantillons, à l'aide desquels il me fut possible de résoudre des questions de zoologie obscures et embrouillées; parce qu'elles n'avaient été étudiées que dans les musées, c'est-à-dire loin de la nature vivante. On s'occupe beaucoup et avec raison de l'enseignement agricole ; disons que c'est par des exemples clairs, brutalement matériels, qu'on arrivera à faire passer la conviction dans l'esprit des hommes les moins éclairés, de ceux qui, vivant au milieu de la nature même, du monde réel, ne comprennent rien ou ne veulent rien comprendre aux beaux raisonnements assaisonnés de beaux discours. Voici un exemple, pris sur le vif, d'une pratique déplorable, contre laquelle le professeur aura beaucoup à faire pour arriver à con- vaincre. Allez sur les grandes plages de la Bretagne et cherchez à savoir, ;♦ 340 DISCOURS si vous le pouvez, à quoi servent les produits d'une pêche barbare, digne des sauvages. Il vous faudra être habile, car le pêcheur ne se livre pas facile- ment, surtout quand il n'est pas en règle pour ses engins. J'ai passé deux étés de suite dans un pauvre village de pêcheurs. J'avais acquis la confiance des habitants, je vivais de leur vie ; une bonne vieille venait voir dans une pièce basse mes élevages de petites bestioles, elle me répétait incessamment : « Ah ! bonne fé, monsieur, vous ne faites pas tout ça pour rien, vous êtes du gouvernement! » A l'aide de quelques moques de cidre, bu avec le mari, j'arrivais à savoir ce que je voulais. Eh bien, si vous parvenez à voir cette pêche déplorable de la menuse, qui est surtout nocturne parce qu'elle est défendue, vous constaterez qu'au bas de l'eau, avec des filets à mailles extrêmement fines, si ce n'est avec une toile de tissu comme le canevas, on ra- masse d'innombrables petits êtres de toutes espèces, petits poissons, petits crustacés, qui viennent se réchauffer et se nourrir sur les plages sablonneuses, qu'inonde le soleil. Quand le maquereau apparaît, on lui jette une poignée de cette rogue ou menuse, renfermant petites soles, petits bars, petits mulets, petites crevettes, petits poissons de toute sorte pour l'ap- peler auprès des engins amorcés, et pour un couple de maquereaux valant 40 centimes, combien de petits poissons a-t-on détruits? Interrogez et, si vous êtes parvenu à capter la confiance, surtout si l'on ne vous soupçonne pas d'être du gouvernement, peut-être aurez-vous une réponse comme celle-ci qui m'a été faite : « Ça ! ça ne grandit pas, c'est le soleil qui l'a fait ! » N'est-ce pas le cas de dire : Petit poisson deviendra grand, Si règlement lui prête vie ! L'observation stricte des règlements, voilà qui fera beaucoup pour le repeuplement des eaux de France. Je n'oserais pas dire autant que la pisciculture, car ce serait un blasphème dans la bouche de DE M. H. DE LÀGAZE-DUTIMEKS. 341 la zoologie expériincntalo. Mais je convions qu'il est difficile de faire respecter le règlement, surtout la nuit. Il faut le reconnaître, dans quelques branches de la science agri- cole, le professorat et l'enseignement sont certainement beaucoup plus théoriques que pratiques ; aussi se trouvent-ils trop souvent en face de l'incrédulité de ceux qu'il importe le plus de convaincre ; pour ceux-là il faut parler avec le fait brutal, matériel, en main, comme je viens d'en citer quelques exemples. Le raisonnement seul est impuissant. Je me souviens qu'un pisciculteur fort habile, fort zélé et très intelligent, dont les efforts ne furent point secondés, préconisait l'emploi des frayères artificielles comme étant un excellent moyen de pisciculture ; il sermonnait les pôcbeurs, et naturellement se? discours n'aboutissaient à rien. Mais enfin, leur dit-il, trouve7,-vous dans vos filets des poissons rouges? Que diriez-vous si, dans un ou deux ans, vous en pochiez? Et il porta des brindilles couvertes d'œufs de ces cyprins dorés que tout le monde a vus dans les bassins. Plus tard les mêmes pêcheurs incrédules étaient bien obligés de reconnaître la vérité du dire de Millet quand ils prirent des poissons rouges. La démonstration était brutale, frappante par la couleur ; aussi elle avait porté juste. Elle prévalut sur tous les raisonnements d'un homme qui, pourtant, maniait la parole admirablement. Je m'arrête, messieurs, en m'excusant de m'être un peu trop appC' ganti sur des sujets qui m'ont personnellement intéressé et vivement attiré. La conviction est souvent plus communicative quand on parle de ce qu'on a ressenti et éprouvé soi-même. Ce sera là, je l'espère, la raison de mon excuse, car je l'ai dit et je veux encore le répéter. La situation où je me suis trouvé à l'Institut de Versailles me fît faire une excellente école, et je le confesse avec la plus grandesin- cérité ; c'est là que j'ai reconnu la nécessité de ne pas s'en tenir, 342 DISCOURS pour les sciences naturelles, à l'enseignement purement théorique tiré des livres et des musées. Notre jeunesse des écoles et des facultés doit être mise en contact immédiat avec la nature, et les efforts que j'ai tentés pour arriver à ce résultat sont la conséquence de mon passage à l'Institut de Versailles. Puisse cet aveu sincère servir d'exemple ! Que, dans l'enseignement, le contact immédiat de la pratique etde la théorie soit chose difficile, nul ne pourrait le nier; mais, par des exemples semblables à ceux que je viens d'avoir l'honneur de vous citer, on peut toujours espérer d'apporter la conviction dans les esprits les plus rebelles, les plus endurcis dans la routine. Pour cela il faut qu'un professeur ait faitde la pratique, Kcoutez deux hommes d'un égal mérite, maniant aussi bien la parole l'un que l'autre, à tous égards, ils sont égaux dans l'art du professorat. L'un sait ce qu'il doit enseigner à ses auditeurs par les livres seulement. L'autre sait aussi par les livrés, mais de plus il a vu, touché, manié la matière. L'enseignement des deux sera tout différent. Celui-là séduira par sa parole, par ses vues ingénieuses, sa tournure d'esprit, ses théo- ries, ses belles phrases sonores et retentissantes. Celui-ci fera naître la conviclion et ses auditeurs la puiseront non seulement dans ses paroles, mais dans son geste, sa voix ; tout dira, en sa personne, qu'il a vu la nature elle-même. La séduction est sans doute quelque chose, mais la conviction est bien autrement préférable. Il y a peu d'années, l'enseignement agricole n'était pas très ré- pandu. Que de progrès n'a-t-il pas fait, sous l'influence si heureu- sement prolongée et si féconde de notre éminent collègue, M. Tisse- ran, resté impassible au milieu des fluctuations parlementaires et des oscillations d'un ministère qui, entre tous, devrait être à l'abri de la capricieuse instabilité de la politique ? DE M. 11. DE LACAZE-DUTIIIEUS. 343 Eu ce moment, y aurait-il uu temps d'arrêt dans ces oscillations, dans ces changements perpétuels ? Nous serions tous heureux d'en trouver la preuve dans la deuxième présidence de notre séance solennelle par le même ministre que j'ai l'honneur de remercier une seconde fois. Heureux, a-t-on dit, les peuples qui n'ont pas d'histoire ! Heureux, peut-on dire, les pays qui ont une bonne et complète histoire de leur agriculture, où sont inscrits les progrès et les décou- vertes de toutes les branches de cette vaste science économique, où tout citoyen peut puiser à pleine main les enseignements qui lui sont non seulement utiles, mais indispensables ! C'est vous, mes chers confrères, qui êtes les principaux collabo- rateurs de cette histoire ; vous consignez dans vos procès-verbaux les exemples et les modèles à suivre et l'on y trouve à chaque page la preuve éclatante des efforts incessants que vous ne cessez de faire pour tenir haut et ferme le drapeau du champ et de son culti- vateur. Puisse notre Société, fière de son rôle, heureuse de sa destinée et confiante dans son avenir, développer de plus en plus son influence et sa prospérité par l'accroissement de son activité et de son autorité bienfaisantes. C'est le vœu que vous apporte, avec l'expression de son affectueux attachement, celui qui, par votre bienveillante sympathie, fut honoré et bien touché d\ivoir à présider vos réunions où règne une si cor- diale aménité. LES GLANDES SALIVAIRES DES PSEUDO-NÉYROPTÈRES ET DES ORTHOPTÈRES PAR LE DOCTEUR BORDAS. PSEUDO-NÉVROPTÈRES. Historique. — Les premiers zoologistes, Cuvier, Ramdolir, Marcel de Serres, etc., qui se sont, à des titres divers, occupés de l'ana- lomie des Névroptères, ont complètement passé sous silence les glandes salivaires. Plus tard, L. Dufour (1834), en faisant l'anatomie de l'appareil digestif de ces Insectes, a écrit que cet organe ne se compose que du tube alimentaire et des vaisseaux hépatiques. Cet appareil n'a offert à ses investigations réitérées aucune trace de l'existence de glandes salivaires, quoique les « Névroptères soient d'assez grande taille pour qu'il ne soit pas difficile, à un zootomiste habitué aux plus délicates dissections, de les y rencontrer ». Depuis Dufour jusqu'en 1881, aucun entomologiste n'avait abordé cette question. A cette époque, Poletaiew ' présenta à l'Académie des sciences de Paris (voir Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XCI, p. 129) une note de quelques lignes sur les glandes salivaires 1 Voir les Hurœ Soc. Eniomol. Rossiccv, l. XVI, p. 3-5, 1881, où M. Nicolas Poletaiew, dans une note analogue à. celle des Comptes rendus de l'Académie des sciences, décrit très sommairement les glandes salivaires de quelques Odonates et donne sept figures concernant trois espèces seulement : Lestes sponsa, Libellula sco- t'ica et ^schiia grandis. 346 L. BORDAS. des Odonates, note que nous reproduisons presque in extenso ci- dessous. « Les glandes salivaires existent, dit-il, chez les Odonates. Elles ont les caractères des glandes acineuses et sont constituées par des acini ou lobules, dont les canaux excréteurs se réunissent en deux conduits principaux. Elles sont situées dans le prothorax, près ou au-dessus du ganglion thoracique. Placées généralement en avant de celui-ci ou en avant de l'abaisseur antérieur des ailes, elles sont plus refoulées chez quelques Libellulidx , plus petites, et attei- gnent l'élévateur de l'aile antérieure chez la Libellula scotica. La grappe alîecte une forme ovale. » Aucune figure n'accompagne cette brève description. Nous avons étudié, parmi les Pseudo-névroptères, une vingtaine d'espèces appartenant au sous-ordre des Odonata. Ces diverses espèces ont été, pour chaque famille, distribuées de la façon sui- vante : SOUS-ORDRE DES ODONATA. \° Famille des AGRiONiDiE. Platycnemis pennipes (Fr.) ; A grion piiella (Lin.), A. minium (Harris), .4. elegans (Vanderl.), A . furcalum (Charp.) ; Caloptei-yx virgo [\À\\.), C. s/j/enr/ens (Har.) ; Lestes viridis [L\n.], L. sponsa (Ilausem), L. fusca (Vanderl.), L. nymp/in (Selys). Si" Famille des yEscHNiDiE. Gomphus serpentinus (Charp.), G. pulchel- lus (Selys), G. forcipatus (Lin.); Cordulegaster annulaius (Latr.); jEschna grandis (Lin.); Anax formosa (Vanderl.). 3" Famille des LiBELLULiDiE. Libellula depressa (Lin.), L. fulva (Miill.), L. cancellata (Lin.), L. flaveola {L'm.), L. cxrulescens (Fabr.)j Cor- dulia xnea (Lin.). GLANDES SALIVAIRES DES PSEUDO-NÉVROPTÈRES. 347 I GLANDES SALIVAIRES DES AGRIONID^. I. Platycnemis pennipes (Fr.) [voir pi. XV, fîg. 1]. — Chez celte espèce, l'nppareil salivaire, assez bien développé, est disposé en deux grappes situées au-dessus et au-dessous de l'œsophage. Les deux grappes sus-œsophagiennes sont peu volumineuses, comparativement à celles qui sont localisées sous le tube digestif. Elles ont la forme de deux languettes allongées, blanchâtres, granuleuses, qui entou- rent les parois latérales de l'œsophage, se dirigent obliquement sur cet organe, se fusionnent sur la ligne médiane et se prolongent, en arrière, avec une mince lamelle musculaire. Un large pédoncule' vertical les unit aux glandes sous-œsophagiennes, dont elles ne sont qu'un simple prolongement et auxquelles elles ressemblent par leur structure et la forme de leurs acini (voir pi. XV, lig. 1). Les grappes sous-œsophagiennes des Platycnemis^ quoique relative- ment réduites, sont cependant fort nettes et peuvent facilement être mises en évidence. Beaucoup moins développées que les glandes homologues des Hyménoptères, elles sont situées dans la région médio-postérieure du prothorax, de chaque côté des cordons ner- veux, en avant du premier ganglion thoracique et au-dessous du tube œsophagien. Chaque grappe, d'apparence granuleuse et de couleur blanchâtre, a la forme d'un prisme triangulaire, à angles émoussés, interposé comme un coin entre la chaîne nerveuse d'une part et un gros faisceau musculaire de l'autre. La face supérieure, plane ou légèrement arrondie, est recouverte par les parois latérales de l'œso- phage et par de nombreuses fibrilles musculaires et du tissu con- jonctif. La face interne, également plane, est appliquée contre un connectif de la chaîne nerveuse, et la postérieure, triangulaire et légèrement bombée, s'appuie contre le bord antéro-externe du premier ganglion thoracique. La face externe de chaque grappe pré- sente une légère concavité dans laquelle vient se loger une petite 348 ^ L. BORDAS. portion du gros faisceau musculaire servant à faire mouvoir la pre- mière paire des appendices thoraciques. Inférieurement, la glande repose surla portion sternale du premier anneau thoracique et n'est séparée de ce dernier que par une mince couche de tissu adipeuiç, La glande est constituée par une multitude d'acini glandulaires, de forme sphérique. Chacun de ces derniers se continue par un cana-» licule excréteur, généralement très court, mais variable, quanta ses dimensions, d'un lobule à l'autre. Plusieurs canalicules vont con-^ verger vers un point déterminé, d'où part un conduit d'un plus fort calibre. La réunion de ces tubes de second ordre donne naissance à des canaux de troisième ordre, lesquels vont former, en dernier lieu, le conduit efférent de chaque glande. Ce dernier, allongé, sinueux et sphérique, sort du côté interne de la face supérieure de l'organe. Unefois libre, il se dirige obliquement vers l'œsophage qu'il suit en décrivant de nombreuses sinuosités, passe au-dessus, puis sur les côtés de ce dernier et pénètre ensuite dans la tête. C'est dans cet organe qu'il s'élargit en un réservoir ovoïde, continué en avant \ par un conduit fort court. Les deux conduits se rapprochent et se fusionnent en un canal impair, également très court, qui va dé-- boucher au-dessous de la languette {ligula), en avant de l'orifice '^ buccal et entre la base des deux mâchoires inférieures. La plus grande dimension longitudinale de la glande dépasse à peine \ millimètre et demi. Chaque aci'nus ou lobule glandulaire est composé de plusieurs cellules disposées en une assise unique. Sa forme est des plus va- riables: ovale, sphérique ou cylindro-conique ; cette dernière dispo- sitionest lapins constante. Si l'on fait une coupe, on trouve, en allant de l'extérieur à l'intérieur : 1° une membrane basilaire très mince ou membrane péritonéale ; 2° une assise cellulaire formée par des éléments polygonaux, pourvus d'un noyau central et d'un proto- IHp plasme granuleux et enfin, 3° une très mince membrane interne limitant une large cavité centrale qui se continue avec le lumen du canalicule excréteur. Les canalicules ou canaujf de divers ordres GLANDES SALIVAIIIES DES PSEUDO-NÈVUOPTERES. 349 sont cylindriques, flexueux et pourvus intérieurement de filaments chitineux spirales 1res ténus. Tous ces conduits, après la disparition des acini, présentent une disposition aborescente très nette. - IL —Les GLANDES SALivAiRES dcs Agrions [AgrioTi puella (Lin.), yl. mmmm{Har.), A. elegans {Y ànd.), A. /urcatum {Ghavp.), etc.], présentent le caractère suivant : c'est d'être constamment localisées dans la région médio-postérieure du prolhorax.De plus, les grappes sus-œsophagiennes sont moins nettes et moins apparentes que dans certaines espèces que nous étudierons par la suite et ne peuvent être considérées que comme des expansions verticales des rameaux sous-œsophagiens (V. pi. XV, fig. 4). L'organe glandulaire est nettement pair et ses deux parties, sépa- rées par l'œsophage, reposent directement sur les ganglions et les connectifs nerveux. Latéralement, elles sont en contact avec deux faisceaux musculaires coniques, moteurs de la première paire d'ap- pendices. Chaque grappe comprend deux parties : l'une disposée horizontalement et appliquée sur le système nerveux et l'autre dressée verticalement. Cette dernière, un peu plus volumineuse que la première, enveloppe étroitement les parois latérales de l'œso- phage. C'est sur cet organe qu'elle s'étale et forme une lamelle triangulaire, blanchâtre, granuleuse et à pointe dirigée extérieure- ment. Les follicules ou acini sont pluricellulaires, généralement allongés et cylindriques, parfois aussi sphériques et vont déboucher, par l'intermédiaire de courts canalicules, dans des canaux de second ordre, lesquels s'ouvrent finalement dans le conduit efférent. Ce dernier, cylindrique et sinueux, sortde la partie antérieure de chaque grappe, monte le long de l'œsophage, parallèlement à son congé- nère, traverse la partie inférieure de la tête, puis, arrivé à la base de la languette, se dilate en un réservoir salivaire, généralement sphé- rique(V. pi. XV, fig. 5). Les réservoirs salivaires présentent, dans les diverses espèces du genre Agrion^ à peu près la même forme, les;mômes dimensions et occupent partout la même situation en avant et au-dessous desgan- 3o0 ^H L. BORDAS. glions sous-œsophagiens. Ils sont pairs, sphériques, de couleur blanchâtre, transparents et se prolongent, en avant, par un canal excréteur court, recourbé en arc et qui ne tarde pas à se souder à son congénère pour constituer le conduit efl'érent unique (V. pi. XV, fig. 6). Ce dernier, également très court, va s'ouvrir à la base de la face inférieure de la languette, sur la partie médiane de sa ligne d'mserlion avec les mâchoires inférieures. Au point de vue histo- logique, chaque réservoir comprend une enveloppe externe très mince, supportant un épilhélium formé par de grosses cellules polygonales, recouvertes intérieurement d'une membrane chiti- neuse. Au centre, existe une large cavité. Les conduits elTérents sont soutenus par des anneaux chitineux internes spirales, ana- logues à ceux des trachées. m. Calopteryx virgo (Lin.). — Les, glandes salivaires des Calopteryx sont presque entièrement localisées dans le prothorax, sauf l'extré- mité postérieure de la grappe sus-œsophagienne qui s'avance jusque dans la région médio-antérieure du mésothorax (voir pi. XV, fig. 3). La grappe sî?ne, bien qu'assez développée, ne recouvre pas complètement la première partie du tube digestif. Elle affecte une forme triangulaire, à base élargie et à sommet très allongé et aminci. Elle s'unit, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un pédoncule plus ou moins large, à sa congénère de la face inférieure du thorax. Chaque grappe dorsale, après avoir recouvert les parois latérales œsophagiennes, dans le premier espace intersegmentaire Ihoracique, se recourbe obliquement vers la ligne médiane et va se mettre, par l'intermédiaire d'un long prolongement glandulaire, presque en contact avec celle du côté opposé. Les deux organes se continuent par un filament rubané qui se prolonge, en arrière, entre les deux gros faisceaux musculaires mésothoraciques et sert à rat- tacher les deux grappes aux parois dorsales de Tœsophage. Les portions latéro-inférieures des deux grappes s'unissent à leurs con- génères sous-œsophagiennes, formant ainsi un anneau presque complet livrant passage au tube digestif (voir pi. XV, fig. 3). GLANDES SALlVAlllES DES PSIsUDO-NÉVUOPTÈUES. 351 Les grappes sous-œsophatjïennes, blanchâtres et granuleuses, pré- sentent l'apparence d'une lamelle simple, échancrée en arrière et projetant, en avant, deux prolongements latéraux, desquels s'échap- pent les canaux eilerents. Les grappes, soudées sur la ligne médiane, peuvent cependant se séparer facilement par l'effet d'une légère traction et transversale. L'organe est recouvert supérieurement par l'œsophage et latéralement par deux faisceaux musculaires dirigés d'arrière en avant. 11 repose directement sur les connectifs nerveux et l'extrémité antérieure du premier ganglion Ihoracique. La glande est constituée par des follicules ou acini pluricellulaires de forme variable;, sphériques, ovalaires ou tronconiques et à surface tantôt régulière ou tantôt diversement plissée. Ils sont fixés à un pédoncule grêle allant aboutir à un canal d'un plus large diamètre, lequel se fusionne, à son tour, au conduit efférent, long, sinueux et cylindrique, qui parcourt la glande d'avant en arrière. Une fois libre, le conduit excréteur monte le long de l'œsophage, vers la face interne des gros faisceaux musculaires et pénètre dans la tête, oii il se dilate en un réservoir glandulaire. Les divers canaux que nous venons de décrire possèdent tous des épaississemenls internes spirales. Chez le Calopteryx splendem (Har.), les portions sus-œsophagiennes des glandes thoraciques sont beaucoup plus développées que dans l'espèce précédente. Chaque grappe entoure les parois latérales du tube digestif, se dirige obliquement de bas en haut, se fusionne avec sa congénère du côté opposé et forme ainsi un long appendice qui se prolonge en arrière, sur la ligne médiane de l'œsophage, jus- qu'au quart antérieur du mésothorax. Les grappes sous-œsopha- giennes sont soudées sur presque toute leur longueur, sauf vers la région postérieure où existe une profonde échancrure, prolongée, en avant, par un sillon longitudinal peu apparent, indiquant la nature double de cette portion inférieure de l'organe. Les canaux efférents partent des coins antéro-externes de chaque grappe. La structure histologique de la glande ne présente aucune particularité et est identique à celle que nous avons décrite dans l'espèce précédente. 352 L, BORDAS. Les réservoirs salivaires des Calopteryx sont pairs, comme les glandes, et situés au-dessous de la face inférieure du ganglion sous-œsophagien qui les recouvre en entier. Ils occupent la région moyenne d'une vaste et profonde cavité placée en avant d'un arceau clîitineux qui émet deux prolongements latéraux et limite, en arrière, l'excavation dans laquelle est logé le ganglion sous-œsophagien. Ce sont deux petits saccules, ovoïdes ou fusiformes, appliqués l'un contre l'autre parleur face interne et maintenus, dans une position fixe, par des fibrilles musculaires qui partent de leur région posté- rieure. De la face antérieure de chacun d'eux se détache un conduit efférent qui, après un très court trajet oblique, se fusionne avec son congénère pour former un tronc unique, qui va déboucher à la base de la languette, sur la partie médiane de la ligne suivant laquelle ce dernier appendice se fixe à la mâchoire inférieure. Chaque vésicule salivaire, de couleur blanchâtre, est recouverte par une mince enve- loppe transparente, sur laquelle repose un épithélium formé par des cellules polygonales étroitement unies entre elles et limitant une vaste cavité centrale. Les conduits excréteurs, par leurs épaississe- ments spirales internes, présentent l'apparence de tubes trachéens. IV. Lestes. — Les Lestes [L. viridis (Lin.), L. sponsa (Haus.), L. fusca (Vanderl.), L. nympha (Selys), etc.] sont pourvues d'un système glandulaire thoracique bien développé et possèdent deux massifs sécréteurs bien différents par leur forme et surtout par leur situation. L'un est localisé au-dessus de l'œsophage, entre le pro- thorax et le mésothorax, et l'autre, compris en entier dans le pro- thorax, recouvre la chaîne ganglionnaire nerveuse, en avant du premier ganglion thoracique, au-dessous de la partie antérieure de l'œsophage et de chaque côté des deux gros faisceaux musculaires longitudinaux. Les deux massifs sont unis entre eux par deux la- melles glandulaires, formant les parois latérales d'un anneau dans lequel passe la partie antérieure du tube digestif {yo\vp\. XV, fig. 5 et 8). Les deux grappes sus-œsophagiennes sont situées dans le premier espace intersegmentaire, entre les deux ganglions thoraciqucs anté- GLANDES SALIVAIUES DES PSEUDO-NÉVKOPTÉKES. 353 rieurs. Elles sont lamelleuses, de forme triangulaire et placées symétriquement de chaque côté de la ligne médiane œsophagienne. Chaque lamelle est disposée obliquement de dedans en dehors et ne repose sur le tube digestif que par son côté interne. Il résulte de cette disposition qu'il existe entre les deux grappes un large espace triangulaire rempli, soit par des prolongements musculaires, soit par des fibrilles conjonctives. Les deux grappes glandulaires, bien qu'étroitement unies, peuvent cependant se séparer facilement et se détacher de même de la face dorsale de l'œsophage auquel elles adhèrent faiblement. Pourtant un cordon musculaire; mince et ru- bané, qui part de la région postérieure amincie de l'organe, présente parfois quelques difficultés ti se détacher. Chaque grappe affecte la forme d'un triangle irrégulier dont le grand côté interne est en contact avec celui de la glande opposée. Les acini sécréteurs sont surtout localisés sur les côtés postéro-externes de chaque glande, où ils forment une masse assez mince, mais compacte, allant pro- gressivement en diminuant du côté interne. Des fibrilles conjonc- tives et musculaires maintiennent chaque grappe dans une position fixe. Les follicules ou acini glandulaires, ovoïdes ou sphériques, sont pluricellulaires et pourvus d'un réservoir central et d'un canalicule excréteur (voirpl. XV, fig. 5). Les divers canalicules,en se fusionnant, forment des conduits d'un plus large diamètre qui dessinent, dans l'intérieur de la glande, des formes arborescentes très irrégulières et fort curieuses. Enfin, deux canaux latéraux, contournant l'œso* phage, vont se mettre en rapport avec le massif sous-œsophagien qui repose direclement sur le système nerveux, Chez \q'& Lestes sponsa^ L. fusca^ etc. (voirpl. XVI, fig. 2), les grappes sous*œsophagiennes présentent une disposition un peu différente de celle que nous venons de décrire dans l'espèce précédente. Elles sont composées dedeux grappillons latéraux, facilement séparables, allongés, blanchâtres, d'aspect granuleux et disposés de chaque côté de l'œsophage. La région centrale ne contient que peu d'acini • ces derniers sont surtout localisés à une certaine distance de la ligne ARCH. DE ZOOL. EXP. ET OÉN. — 3« SÉRIE. — T. V. 1897. 23 3M L. BORDAS. médiane. En outre, de la région postérieure de la grappe tout en- tière part un faisceau musculaire lamelleux qui rattache l'organe à l'œsophage. De l'extrémité antéro-externe de chaque petite grappe se détache un canal excréteur muni de follicules glandulaires^ for- mant ainsi les parois latérales de l'anneau dans lequel passe l'extré- mité antérieure du tube digestif (voir pi. XVI, fig. 2). Le massif glandulaire sous-œsophagien, relativement volumineux, est épais, compact et repose directement sur les connectifs nerveux, en avant du premier ganglion thoracique. Cetteportion de la glande, bien que simple d'apparence, est néanmoins composée de deux grappes lamelleuses, aplaties, étroitement pressées l'une contre rautre,mais pouvant facilement se séparer. Chaque grappe, de forme trapézoïdale, est légèrement bombée vers le haut et aplatie vers le bas. La face externe est recouverte par un gros faisceau musculaire longitudinal servant à faire mouvoir la première paire d'appendices. La face inférieure repose sur le connectif et la partie antérieure du ganglion prothoracique, et la supérieure est recouverte par les parois latérales de l'œsophage. Enfin, intérieurement, les deux rebords glan- dulaires, considérablement amincis, s'étendent jusqu'àla ligne médio- antérieure thoracique. L'organe tout entier, blanchâtre et granuleux, tranche nettement, par sa couleur et sa structure, sur les autres tissus, muscles et système nerveux. Il est composé d'une série d'utricules ovoïdes ou en massue, pluricellulaires et suspendus aux canalicules excréteurs. Ceux-ci s'unissent entre eux d'une façon très irrégulière pour former des conduits d'un plus large diamètre. Les canaux efférents longent l'œsophage, traversent la tête et se dilatent en une vésicule sphérique. Ils sont, comme dans les espèces précédentes, renforcés intérieurement par un épaississeraent chiti- neux spirale. Ce qui caractérise les glandes salivaires thoraciques des Névroptères, c'est leur situation immédiate au-dessus des gan- glions et des connectifs nerveux et surtout leurs prolongements au- dessus de l'œsophage, formant ainsi un anneau dans lequel passe le tube digestif. GLANDES SALIVAIRES DES PSEUDO-NÉVROPTÈRES. 33S Les Lestes nympha sont, de tous les Névroplères étudiés jusqu'ici, ceux qui, eu égard à leur volume, possèdent les grappes sous-œso- phagiennes les plus développées. Uniquement localisées dans le prothorax, elles reposent sur la partie antérieure du premier gan- glion thoracique et affectent la forme de deux lamelles blanchâtres, granuleuses, soudées sur la ligne médiane, amincies en avant, élar- gies en arrière et recouvertes latéralement par deux faisceaux mus- culaires obliques par rapport à l'axe du corps. Les utricules sécré- teurs sont pluricellulaires, ovoïdes ou en forme de massue et pourvus de canalicules très courts. Le conduit elférent de chaque grappe se ramifie en donnant, dans l'intérieur de l'organe, une série de branches imitant assez bien les diverses ramifications d'un arbre. Tous les canaux, quel que soit leur calibre, sont pourvus d'épaissis- sements spirales. II GLANDES SALIVAIRES DES .ESGHNID^. Les glandes salivaires des divers Gomphus, G. serpentinus {Gha.rp.), G. pulchellus (Selys), G. forcipatus (Lin.) [voir pi. XVI, fig. 9], sont uniquement localisées dans le prothorax. Elles sont peu développées et les grappes sus-œsophagiennes, rudimentaires, sont réduites à quelques acini disposés irrégulièrement sur les parois latérales du tube digestif. Les grappes sous-œsophagiennes présentent, au con- traire, une assez grande extension. Soudées sur toute leur longueur, elles simulent une masse conipacte, creuse en son milieu et repo- sant, par sa base, sur la chaîne ganglionnaire nerveuse, en avant du premier ganglion prolhoracique. Leurs parois latérales sont recou- vertes par des faisceaux musculaires latéraux. Les réservoirs anté- rieurs des canaux excréteurs sont semblables à ceux des espèces précédentes. Les Cordulegaster annulatus (Latr.) [voir pi. XV, fig. 7, et pi. XVI, fig. 5] possèdent des glandes salivaii^es assez bien développées. Les grappes supra-œsophagiennes sont presque tout entières com- 336 L. BORDAS. prises dans la région médio-anlérieure du mésolhorax. Elles sont paires, séparées l'une de l'autre par un espace assez considérable et appliquées contre les parois latéro- supérieures de l'œsophage. Chaque grappe comprend plusieurs ramuscules parallèles et dirigés obliquement en arrière. Ces divers ramuscules sont maintenus en place par des fibrilles de tissu conjonctif, formant un lacis dans les mailles duquel sont logés les acini ou follicules sécréteurs. De plus, l'espace compris entre les deux grappes est occupé par une mince membrane qui s'unit, en avant, à la face dorsale de l'œsophage. Les grappes sous-œsophagiennes des Cordulegasler sont bien déve- loppées comparativement à celles des espèces voisineset sontremar- quables par la régularité de leur forme et leur apparence granu- leuse (voir pi. XV, fig. 7). Elles sontséparéespar unassez large espace triangulaire. Chaque grappe, qui affecte l'apparence d'une lamelle, est comprise tout entière dans le prothorax. Le bord postérieur est légèrement échancré vers son milieu et l'antérieur projette latéra- lement un appendice triangulaire. L'œsophage repose à la partie antérieure de l'espace interlamellaire et recouvre presque complè- tement les deux grappes. Ces dernières sont appliquées, par leur face inférieure, sur le système nerveux, ganglions et conneclifs prothoraciques (voir pi. XV, fig. 7). Les acini, identiques dans toute la glande, sont petits, sphériques, pluricellulaires et groupés en nombre plus ou moins considérable le long des canaux excréteurs qui vont déverser les produits de sécrétion dans les conduits efférents.' Ces derniers, qui partent du bord antérieur de chaque grappe, passent au-dessus du système nerveux et arrivent au-dessous de l'œsophage qu'ils entourent et longent parallèlement jusque dans la tête. C'est dans cette dernière partie qu'ils se rapprochent l'un de l'autre et se dilatent pour former les deux réservoirs salivaires. Ces réservoirs, de forme presque cu- bique, sont situés à la base de la languette, au-dessous et en avant du ganglion sous-œsophagien. Ils reposent directement sur la couche de tissu musculaire fixé à l'origine de la mâchoire inférieure (V. pi. XVI, GLANDES SALIVAIRES DES PSEUDO-NÈVROl'TÈRES. 3j7 fig. 5). Leurs diverses faces sont irrégulières, plissces et pourvues de stries obliques. Les canaux efférenls, partis de l'extrémité anté- rieure, se recourbent d'abord, puis se fusionnent en un tronc unique très court. Quant à l'épilbélium de chaque réservoir, il est constitué par de volumineuses cellules prismatiques reposant sur une membrane basilaire, mince et transparente. La cavité centrale est volumineuse et reçoit les produits sécrétés. Les glandes salivawes des ^sc/ina grandis (Lin.) et des Anax for- mosa (Vanderl.) sont à peu près semblables à celles des espèces pré- cédentes et ne présentent aucune particularité digne d'être signalée (voir pi. XVI, fig. 8). III GLANDES SALIVAIRES DES LIBELLULID.E. Les glandes salivaires thoraciques des Cordulia aenea{hm.) présen- tent la forme d'un petit massif blanchâtre et granuleux, dont le pre- mier tiers seul est situé dans le prothorax et les deux tiers postérieurs occupent la région médio-anlérieure du mésothorax. Cette glande comprend deux grappes, à peu près semblables et symétriques par rapport à l'œsophage. Chaque grappe est élargie et irrégulière dans son premier tiers reposant sur le ganglion prothoracique, et cunéi- forme dans sa dernière partie. La face supérieure de la glande, sillonnée par une dépression longitudinale, est recouverte par quel- ques faisceaux musculaires et par du tissu conjonctif. Le bord externe présente, dans son premier tiers, une échancrure latérale, en avant de laquelle part un appendice glandulaire allongé, élargi à sa base, aminci à son sommet et de forme triangulaire. Le bord antérieur de ce prolongement est en contact avec un gros faisceau musculaire dirigé obliquement d'avant en arrière et qui sert à faire mouvoir la première paire d'appendices. La face inférieure de l'organe, très étroite en arrière, s'élargit en avant dans le prothorax, où elle devient triangulaire et repose sur les bords externes de la chaîne 3S8 L. BORDAS. nerveuse. Enfin, en avant, la glande s'amincit progressivement et laisse échapper, du côté externe, le canal efTérent commun, cylin- drique et flexueux. Ce dernier longe tout d'abord la face interne des deux faisceaux musculaires dont nous venons de parler, s'en sépare à l'extrémité antérieure du mésothorax, pénètre dans la tête où il se rapproche de l'œsophage, passe au-dessus de ce dernier et, fina- lement, se dilate en un réservoir salivaire, de forme ovoïde. La glande est disposée en grappe, et chaque acinus, ordinairement sphéroïdal, n'est formé que par un petit nombre de cellules. Les folli- cules sécréteurs donnent naissance à des canalicules très courts qui vont s'unir à d'autres tubes de même calibre pour former des canaux d'un plus large diamètre. Ceux-ci, en se fusionnant, parviennent à constituer trois ou quatre tubes, longs et sinueux, qui parcourent la glande d'arrière en avant et s'unissent, presque au même point, en un canal efférent impair, parallèle à son congénère du côté opposé. Tous ces canaux sont pourvus intérieurement d'une membrane chi- tineuse renforcée par des épaississements spirales, semblables à ceux des trachées, mais plus serrés et plus grêles. Les Cordidia œnea possèdent des réservoirs ou vésicules salivaires^ qui occupent à peu près la même position que chez les espèces pré- cédentes, mais qui en diffèrent cependant par leur forme et leurs dimensions (voir pi, XVI, fig. 7). Ces réservoirs sont pairs, à extré- mité antérieure amincie et conique et à face postérieure arrondie. Ils reposent sur la base de la languette par leur face inférieure. Supé- rieurement, ils sont en partie recouverts par le ganghon sous-œso- phagien, qui remplit presque complètement la large cavité posthn- guale. De part et d'autre de chaque réservoir existent deux faisceaux musculaires à direction oblique. Les deux conduits excréteurs anté- rieurs sont très courts et ne se soudent qu'à leur extrémité, de façon à présenter un orifice commun, situé à la face inférieure de la languette, vers la base de la mâchoire postérieure. Ces conduits afférents possèdent des épaississements internes spirales (voir pi. XVI, fig. 7). GLANDES SÂUVAIRES DFS PSRUDO-NftVROPTÈRES. 359 Chaque réservoir salivaire est une sorte de sac renfermant inté- rieurement une cavité centrale, arrondie en arrière, amincie en avant, oh. elle se continue avec le lumen du conduit excréteur. 11 est recouvert extérieurement par une membrane, mince et transpa- rente, sur laquelle repose un épilhélium formé par de grosses cel- lules polygonales, étroitement imbriquées entre elles. Chaque cel- lule est pourvue d'un noyau central ovoïde et d'un protoplasme finement granuleux. Enfin, tout à fait à l'intérieur et recouvrant la couche cellulaire, existe une mince membrane chitineuse, qui se continue, en avant, dans les canaux excréteurs (voir pi. XVI, fig. 8). Libellula depressa (Lin.). — Les glandes salivaires des diverses Libellules, et en particulier celles de la Libellula depressa, sont assez bien développées et très nettement visibles au milieu des tissus con- jonctifs et musculaires environnants. Elles comprennent deux mas- sifs entourant l'œsophage et composés chacun d'une paire de grappes distinctes (voir pi. XV, fig. 9). Les grappes du massif sus-œsophagien sont séparées par un tractus de tissu conjonctif parcouru longitudinalement par deux faisceaux musculaires qui se prolongent en avant et vont se fixer sur les parois dorsales de l'œsophage. Chaque grappe est nettement trapézoïdale, rétrécie en avant, élargie en arrière et légèrement incurvée dans le sens antéro-postérieur. Elle forme une lamelle mince, aplatie, fine- ment granuleuse, d'aspect blanchâtre et recouvrant une partie des parois dorsales et latérales de l'œsophage. Ses contours sont remar- quables par leur extrême régularité, sauf à la partie antérieure, oii le bord présente une profonde échancrure, limitée par deux cornes, dont l'interne repose sur la face dorsale du tube digestif, et l'externe donne issue à un canal excréteur, cylindrique et sinueux, qui unit le système que nous décrivons au système sous-œsophagien. Dans quelques genres, le prolongement externe émet transversalement des ramifications glandulaires, qui ne tardent pas à se perdre au milieu du tissu conjonctif. Chaque grappe est parcourue, dans son milieu et d'avant en arrière, 360 L. BORDAS. par un conduit cylindrique très ramifié. Les divers rameaux qui s'en détachent de chaque côté se bifurquent à leur tour et donnent des ramuscules supportant les acini. Ceux-ci sont peu volumineux, ovoïdes ou sphériques, pluricellulaires et étroitement unis entre eux. Ils sont disposés en plusieurs couches constituant la grappe glandu- laire qui repose, par sa face inférieure, sur l'œsophage. Le canal impair de chaque grappe se prolonge en avant et pénètre ensuite dans le système sous-œsophagien (voir pi. XV, fig. 9). Chez les Libellula cancellata {hin.), L. fulva (Miill.), les grappes sus- œsophagiennes sont tout à fait rudimentaires et ne sont représentées que par quelques adni blanchâtres disposés sur les parois latérales de l'œsophage, dans la région comprise entre les deux premiers mérides thoraciques. Elles sont rattachées aux grappes sous-œsopha- giennes par un conduit excréteur, cylindrique et sinueux, formant un anneau. Les Libellula cœrulescens (Fabr.) possèdent, à la face dor- sale de l'œsophage, une grappe d'apparence simple, mais prove- nant en réalité de l'accolement de deux grappillons latéraux. Elle affecte la forme d'une languette triangulaire, recourbée, à base dirigée en avant et enveloppe une partie des parois supérieures de l'œsophage. La portion sous-œsophagienne des glandes salivaires thoraciques (nous disons thoraciques, parce que ces glandes ne sont pas unique- ment localisées dans le prothorax, mais empiètent en partie dans le mésothorax) est remarquable par son développement relatif: le mas- sif tout entier mesure de 3 à 4 millimètres de longueur. Il comprend deux grappes irrégulières, soudées en avant, mais nettement sépa- rées en arrière. L'œsophage s'étend longitudinalement au-dessus de la région médiane de l'organe et recouvre la partie antérieure com- mune. La portion simple est en contact latéralement avec deux faisceaux musculaires cylindro-coniques légèrement obliques par rapport à l'œsophage. Enfin, le massif glandulaire, bien que com- pris presque tout entier dans le prothorax, s'étend dans la partie antérieure du mésothorax et repose sur le premier ganglion de h GLANDES SALIVAIRES DES PSEUDO-xNÉVROPTÈRES. 3G1 chaîne nerveuse. Chaque grappe est mince, blanchâtre, granuleuse et légèrement aplatie dans le sens transversal. Sa face posléro-in- terne est plane ou légèrement concave. Dans son tiers antérieur, elle émet un prolongement latéral court, irrégulier et conique. La face inférieure est unie, large cl directement appliquée sur le con- neclif nerveux. Grâce à cette disposition, l'espace compris entre les deux grappes correspond à peu près exactement à celui laissé libre par les deux conncctifs de la chaîne ganglionnaire. En avant des deux prolongements latéraux, les deux grappes se fusionnent par la face interne et produisent une masse, d'aspect simple, irrégulière et sillonnée longitudinalement par d'étroites rainures. Les canaux efférents de la glande sont pairs et partent des bords latéro-anté- rieurs. Ils cheminent le long des faisceaux musculaires thoraciques, se rapprochent peu à peu de l'œsophage et pénètrent dans la tête jusqu'à l'origine de la languette^pour se dilater ensuite en réservoirs salivaires. Chez les Libelluln cancellaia, les grappes sous-œsophagiennes sont remarquables par la régularité de leur forme, leur teinte et leur as- pect granuleux. Ellesprésentent l'apparence dedeux minces lamelles, élargies en arrière, amincies en avant et légèrement recourbées. Elles sont recouvertes par l'œsophage et reposent sur les faisceaux musculaires pro et mésolhoraciques, sur les connectifs et sur le pre- mier ganglion de la chaîne nerveuse. Chaque grappe est constituée par un assemblage d'aant ou follicules pluricellulaires, étroitement groupés entre eux et recouverts par une fine membrane ou enve- loppe protectrice. Les divers canalicules, par leur convergence, finissent par ne former que trois troncs, lesquels, en se fusionnant, constituent le canal efférent qui sort de la glande par son bord an- térieur et interne. Chez les Libellula fulva (Miill.), les glandes sous- œsophagiennes sont comprises à la fois dansle mésolhorax et dans le prothorax et recouvertes, vers leur seconde partie, par un prolonge- ment chilineux appartenant à la portion antérieure du deuxième segment thoracique. Les deux grappes sont soudées en arrière, mais 362 L. BORDAS. une légère scissure longitudinale indique leur nature double (voir pi. XV, fig. 9). En résumé, les glandes salivaires des Libellules comprennent deux massifs très caractéristiques et très nets : les uns situés au-dessus de l'œsophage et les autres placés au-dessous. Un conduit, court et cylindrique, ou bien un prolongement glandulaire les unit l'un et l'autre. De cette disposition tout à fait spéciale résulte un collier ou anneau glandulaire dans lequel passe la partie antéi'ieure du tube digestif (voir pi. XV, fig. 9). Les réservoirs salivaires des Libellula depressa, comme ceux de toutes les autres LiBELLULiDiE, sont situés à la base de la languette, au-des- sous de l'origine du pharynx et en avant des ganglions sous-œsopha- giens. Ce sont deux petites masses blanchâtres, ovoïdes ou sphériques et à parois lisses et transparentes. De leur extrémité antérieure partent deux canaux très courts qui, après avoir décrit une légère courbure, se fusionnent en un tube impair et cylindrique, s'ouvrant, presque immédiatement après sa formation, à la base de la languette. Ces réservoirs sont pourvus d'une assise de cellules hexagonales, étroitement unies entre elles, à noyau ovale et à protoplasme gra- nuleux au centre, mais clair et transparent à la périphérie. Les cel- lules reposent sur une mince membrane basale externe qui se pro- longe sur les canaux efférents et les appendices postérieurs (voir pi. XVI, fig. 6 et 7). Conclusions. — Nous venons de décrire, dans les trois chapitres qui précèdent, \e'i glandes salivaires des Pseudo-Névroptères formant le sous-ordre des Odonates. Ces glandes, plus ou moins développées suivant les familles, sont disposées en grappes. Elles sont paires, situées généralement dans le prothorax, au-dessous ou sur les côtés de l'œsophage [système sous- œsophagien) et recouvrent en partie le premier ganglion nerveux thoracique, ainsi que les connectifs antérieurs qui en partent. Les grappes sus-œsophagiennes ne recouvrent qu'imparfaitement l'œsophage chez les Agrionidœ et les Mschnidx, et ne forment un GLANDES SALIVAIRES DES PSEUDO-NÉVROPTÈRES. 383 anneau glandulaire complet, dans lequel passe le tube digestif, que chez les Libellulidx (voir pi. XV, fig. 9). Les glandes salivm'res sont formées par une série d'acïmsphériques ou ovoïdes comprenant, de l'extérieur à l'intérieur, une membrane basllaire ou -péritonéale, un épithélium glandulaire, et enfin une mince membrane chitmeuse, limitant une large cavité centrale. Les canalicules excréteurs qui partent des acini ou follicules sécré- teurs, sont généralement courts et forment, en se fusionnant, des canaux de second ordre. De chaque glande naissent des conduits effé- rents cylindriques, flexueux, qui cheminent parallèlement le long de l'œsophage, traversent la partie inférieure de la tête et se renflent finalement en réserDoirs salivaires. Chaque canalicule ou canal excréteur comprend une membrane enveloppante externe, continuation de celle des acmi ei supportant de petits noyaux de distance en distance. A l'intérieur, existe une mince membrane chitineuse renforcée par des filaments spirales, analogues à ceux des trachées (voir pi. XVI, fig. 6). Chez toutes les espèces comprenant le sous-ordre des Odonates, les réservoirs salivaires sont pairs, ovoïdes ou légèrement sphériques et situés à la base de la languette, en avant et au-dessous du pha- rynx et des ganglions sous-œsophagiens. Leur structure est très simple et leurs parois comprennent : une membrane enveloppante externe, une assise de grosses cellules polygonales et une mem- brane chitineuse limitant une large cavité centrale. De la face antérieure des réservoirs partent deux canaux excré- teurs, très courts et recourbés en arc, se fusionnant en un tube im- pair. Ce dernier, presque immédiatement après sa formation, va s'ouvrir à la base de la languette, près de l'origine des mâchoires inférieures. 364 L. BORDAS. ORTHOPTÈRES Nous avons étudié les glandes salivaires d'un certain nombre d'Or- thoptères appartenant aux trois familles suivantes : Acridiidao, Lo^ custidœ et Gryllidx. Voici, pour chacune des familles, les espèces soumises à notre examen : AcRiDiiD^ '.Œdipoda cœrulescens (Lin.); (JE. miniata (Pall.); Me- costethus grossus (Lin.) ; Stenobothrus Imeatus (Panz.) ; Caloptenus italiens (Lin.) ; Psophus slrididus (Lin.) ; Parapleurus alliacem (Germ.); etc. LocusTiD^ : Locusta viridissima (Lin.); L, cantans (Charp.); Dec- ticusverrucivorus (Lin.); D. albifrons{Fahi\)\ Platydeis grisealFahr.); P. sepium{YeT?>.)\ Ephippigera vitium (Serv.). Cryllid^e: Gryllus campestris {Làiv.) ; G. dômes licus (L^tr.); GryllO" talpa vulgaris (Latr.). IV GLANDES SALIVAIRES DES ACRIDIID^. Les glandes salivaires des Œdipodinx {Acridiidœ) sont caracté- risées par l'absence de réservoirs salivaires et par la disposition toute particulière des grappes pro et mésotkoraciques {\o\r i^]. XYI, fig. 0. Les deux grappes latérales, placées à distance l'une de l'autre et séparées par les faces latérales du tube digestif, ne sont en contact, par un prolongement transverse, qu'à la partie antérieure du méso- thorax. Ce rapprochement n'est dû qu'à un simple accolement des deux rameaux médians et inférieurs, car il suffit d'une simple trac- tion pour séparer nettement et isoler les deux massifs glandulaires. L'extrémité postérieure de chaque grappe commence dans la pre- * Au sujet des glandes salivaires de quelques Orthoptères, autres que ceux que nous étudions ici, voir, dans les Annales des sciences naturelles, Zoologie, 1S97,notr<î mémoire intitulé ; Appareil digestif des Orthoptères, GLANDES SALIVAIRES DES ORTHOPTÈRES. 368 mièrc moitié du mélathorax, en avant des faisceaux musculaires moteurs des dernières paires d'ailes et de pattes. Celle portion terminale glandulaire est produite par les dernières ramifications des deux grappes latérales détachées, du rameau prin- cipal dans le quart postérieur du segment précédent. Les divers follicules constitutifs s'interposent entre les faisceaux musculaires latéraux, au-dessous des parois du tube digestif. Mais, c'est princi- palement dans le mésothorax que le massif glandulaire atteint son maximum d'extension. Dans ce segment, on ne compte pas moins de sept rameaux secondaires ou grappillons émanés du conduit cffé- rent de la glande. Des trois rameaux antérieurs, l'inférieur est large, volumineux, disposé transversalement au-dessous du tube digestif et repose sur le système nerveux. Les deux petites grappes supé- rieures sont peu volumineuses et ne comprennent qu'un nombre relativement restreint de follicules ou acm?" glandulaires (25 à 30), qui vont déboucher directement, par l'intermédiaire d'un cana- licule excréteur très mince, dans le canal médian de la grappe. L'antérieure, peu importante, se dirige latéralement et s'interpose entre les faisceaux musculaires du deuxième segment. La seconde grappe, deux fois plus volumineuse que la première, est disposée transversalement au-dessous du conduit efférent principal et so termine extérieurement entre les faisceaux musculaires. La grappe inférieure, de beaucoup la plus importante, tire son origine du tronc principal, en arrière du point d'insertion des deux grappes précédentes. Elle est disposée transversalement au-dessous du tube digestif et est constituée par une cinquantaine d'acini ou follicules glandulaires. En arrière, se détachent de même quatre autres rameaux dont deux médians dirigés à droite et à gauche et trois postérieurs terminaux groupés en faisceau et interposés, la plupart, entre les muscles antérieurs métathoraciques. Ces ramifications glandulaires terminales sont peu volumineuses et ne comprennent que quinze à vingt follicules ou acini sécréteurs. Dans le prothorax, il n'existe, de chaque côté, qu'une seule large 366 L. BORDAS. grappe, étalée transversalement et placée sur le bord externe du conduit efférent. Elle est peu volumineuse et n'est composée que d'un petit nombre à'acini. Les canaux excréteurs de VŒdipoda cœrulescens sont presque rec- tilignesetse dirigent en avant, parallèlement aux connectifs nerveux. Ils longent les côtés du ganglion sous-œsophagien, traversent la région musculaire de la languette, se rapprochent, se fusionnent et forment finalement un canal efférent impair, court, triangulaire, légèrement aplati, allant s'ouvrira la base delà languette, en arrière des lobes internes des mâchoires inférieures (voir pi. XVI, fig. {). Enmz. Glandes salivaires de Lestes viridis (Lin.). Ces glandes sont disposées suivant deux massifs formant un anneau complet dans lequel passe l'œsophage œ; ga, massif glandulaire sus-œsophagien formé de deux grappes accolées par leur face interne et communiquant avec les deux grappes sous-œsophagiennes g.s. Ce massif sous-œsophagien est épais, compact et repose directement sur les connectifs nerveux ; ce, canaux excréteurs glandulaires ; /, lamelle chitineuse transversale séparant les deux premiers segments thoraciques. 9. Glandes salivaires de la Libellula depressa (Lin.), ge, grappes sus-œsopha- giennes communiquant avec les grappes sous-œsophagiennes gla par le canal c ; œ, œsophage; m, faisceaux musculaires; ce, canaux efférenls des glandes. GLANDES SALIVAIRES DES OKTHOITEUES. 383 PLANCHK XVI. GLANDES SALIVAIRES DES PSEUDO-NÉVROPTÈRES ET DES ORTHOPTÈREâ. iG. 1. Glandes salivaires de VŒdipoda cœrulescens (Lin.), a, limite antérieure du mélathorax ; b, linoite antérieure du mésotliorax ; le mésothorax est compris entre les lignes a et b; gl, nombreuses grappes glan- dulaires acineuses, avec les canaux offérents ce; c, conduit excréteur impair s'ouvrant à la base do la languette l ; ce', région postérieure céphalique. 2. Glandes salivaires de Lestes sponsa (Hausem) vues de profil, bb', limite du mésothorax et du prothorax ; te, œsophage ; gs, glandes salivaires supra-œsophagiennes ; ga, glandes salivaires sous-œsophagiennes avec les canaux excréteurs ce. L'œsophage œ passe à travers un anneau glan- dulaire a. 3. Glandes et réservoirs salivaires du Decticus verrucivorus (Lin.), p, limite postérieure céphalique ; b" et p, limites postérieure et antérieure du prothorax ; gs^, grappes mésotlioraciques avec canal excréteur c ; gsi, petite grappe postérieure prolhoracique : gs, grappes volumineuses prothoraciques ; b, canaux afférents allant déboucher en o; ca, volu- mineux réservoirs salivaires ; ce, conduit excréteur impair avec son orifice o'. 4. Ensemble des glandes salivaires du Psophus stridulus (Lin.), aetb, limites postérieure et antérieure du mésothorax, gl, nombreuses grappes dont l'ensemble constitue les glandes salivaires ; e, canaux excréteurs se fusionnant en un conduit impair ca 3 c, limite postérieure céphalique. Les Acridiens, contrairement à ce qui a lieu chez les Locuslidiens et les Grillons, n'ont pas de réservoirs salivaires. 5. Réservoirs salivaires du Cordulegaster annulalus (Lalr.). c, canaux excré- teurs des glandes salivaires ; rs, réservoirs salivaires, de forme sphéri- que, avec les canaux excréteurs a et le conduit efférent impair ce, très court. 6. Structure histologique des canaux excréteurs des glandes salivaires de la Libellula fulva (iMull.). p, membrane recouvrante externe, à la face in- terne de laquelle sont placés des noyaux n, de dislance en distance ; sp, filaments chitiueux spirales internes. 7. Réservoirs salivaires de la Cordulia œnea (Lin.), ce, canaux excréteurs des glandes salivaires; r, réservoirs salivaires dont les conduits se fusion- nent en un canal impair aboutissant à la base de la languette la; m, fais- ceaux musculaires. 8. Histologie des réservoirs salivaires de Pseudo-névroplères {Anax formosa Vanderl.). c, coupe transversale d'une portion de la paroi ; mb, mem- brane basilaire; e, épithélium formé par de grosses cellules à noyaux n; ce, couche chitineuse limitant la cavité interne, b, les mêmes cellules vues de face. Ces cellules e, netlemeul polygonales, sont séparées par de petits espaces. 384 L. BORDAS. FiG. 9. Acinus et coupe d'un canal excréteur de Gomphus serpentinus (Charp.). a, acinus sécréteur sphérique et son canalicule c; m, coupe du canal excréteur avec son épaississement chitineux spirale interne sp. PLANCHE XVII. GLANDES SALIVAIRES DES ORTHOPTÈRES. FiG. l. Canaux excréteurs et réservoirs salivaires du Decticus verrucivorus. ca, ca- naux efférents des glandes salivaires, s'ouvrant en a, à la face inférieure du conduit impair ce ; rg, réservoirs salivaires, sous forme de longs tubes cylindriques légèrement sinueux; o, orifice impair des glandes salivaires à la base et au-dessous de la lèvre inférieure ; l, extrémité antérieure de la mâchoire inférieure ; p, palpe maxillaire. 2. Acini des glandes salivaires du Decticus albifrons (Fabr.). v, nombreux acini sphériques, avec leurs canalicules excréteurs très courts b; a, mem- brane basilaire supportant l'épithélium sécréteur e; ci, membrane chi- tineuse interne ; c, canal excréteur avec son épaississement spirale in- terne sp. 3. Ensemble des glandes salivaires de la. Gryllotalpa vulgaris (Latr.). g.sa, grappes mélathoraciques; g.s, grappes mésothoraciques ; rs, réservoirs salivaires, parfois bifides à leur extrémité; c, canaux excréteurs ; ce, ca- nal efférent impair; aa, limite postérieure de la tête. 4. Glandes salivaires du Gryllus campeslris (Latr.). g.s, nombreuses grappes dont l'ensemble constitue les glandes salivaires ; c, canaux excréteurs ; rs, réservoirs salivaires; ce, canal efférent impair, ou réservoir collec- teur commun ; p, palpe labial. 5. Ensemble des glandes salivaires de ]& Locusta viridissima (Lia.), m, limite antérieure du mésothorax. Le prothorax est limité par les droites p et m. gim, grappes mésothoraciques avec leurs canaux excréteurs c; gs, grappes prothoraciques ; r, volumineux réservoirs salivaires; ce, ca- nal efférent impair s'ouvrant au dehors par l'orifice o; p, palpe maxil- laire. 6. Glandes salivaires du Decticus albifrons (Fabr.). gm, grappes mésothora- ciques ; p, limite antérieure du mésothorax; gp, grappes céphalo-pro- thoraciques avec canaux excréteurs c; rv, réservoirs salivaires très allongés ; ce, limite postérieure céphalique. 7. Disposition des acini a le long des canaux excréteurs ce, dans les glandes salivaires de l'Ephippigera vilium (Serv.). 8. Embouchure o des canaux excréteurs c dans le réservoir collecteur im- pair rc des Decticinœ. rs, réservoirs salivaires. Les organes sont vus en dessous. SUR UN PROCÉDÉ FACILITANT LA MCHERCHE DES ENTONNOIBS SEGMENTAIRES DU REIN DES SÉLACIENS (note préliminaire) PAR FRÉDÉRIC GUITEL Maître de conférences à la Faculté des sciences de Rennes. AVANT-PROPOS. La présente note a pour objet de faire connaître un procédé qui m'a permis de mettre en évidence, avec une très grande netteté, les entonnoirs segmentaires du rein de YAcanlhias vulgaris adulte. J'aurais voulu pouvoir appliquer ce procédé à l'étude des enton- noirs rénaux d'un certain nombre d'autres Sélaciens, et comparer les résultats ainsi obtenus à ceux qui nous sont actuellement connus. Le temps me manque en ce moment pour mener ce projet à bien. C'est pourquoi je me borne aujourd'hui à ne publier qu'une note préliminaire restreinte à YAcanlhias^ me réservant de reprendre bientôt ce travail et de résumer alors l'état de la question au point où l'ont laissée les anatomistes qui m'ont précédé dans cette voie. I TECUMQUE. Le procédé que j'ai employé consiste simplement à imprégner les parties à étudier au moyen de la liqueur deFlemming, AKCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3^ SÉIUE. — T. V. 1897. So 386 FRÉDÉRIC GUITEL. Voici la description détaillée du mode opératoire : Ayant choisi un Acanthias aussi frais que possible, on enlève d'abord ses deux nageoires dorsales, puis on l'ouvre sur la ligne médiane ventrale dans toute l'étendue de la cavité générale et de la cavité péricardique. Si l'on a affaire à une femelle adulte, il est utile de la priver de ses utérus et d'une partie de ses trompes utérines. Pour cela, il faut, d'un coup de ciseaux, couper les trompes immédiatement en arrière des glandes nidamenlaires et les utérus au niveau de la partie pos- térieure du méso de la glande anale, sans léser ce dernier. Ensuite, on incise le mésométrium à 1 ou 2 millimètres de sa ligne d'in- sertion sur la paroi cœlomique. L'animal étant alors couché sur le dos, un aide maintient tendus le mésentère et le méso de la glande anale pendant que l'opérateur inonde rapidement de liqueur de Flemming* toute la région dorsale de la cavité générale. Comme le liquide, arrêté par les cloisons que forment le mésen- tère et le méso de la glande anale, ne passe pas facilement d'un côté à l'autre du cœlome, il est nécessaire d'en verser des deux côtés de ces cloisons. Le liquide de Flemminy ne doit pas rester en contact avec la pièce pendant plus d'une minute et demie; au bout de ce court espace de temps, on le jette rapidement et on lave aussitôt à grande eau. Pendant toute la durée de l'imprégnation, il est nécessaire que l'opérateur agite l'animal en tous sens, car il se produit souvent des coagulums, qui, en restant en contact avec la paroi de la cavité générale, pourraient entraver l'action du réactif. En outre, il est indispensable qu'à plusieurs reprises l'opérateur saisisse l'intestin et la glande anale pour soumettre à l'action de la liqueur de Flemming le mésentère et le méso de la glande jusqu'à une distance assez considérable de leur, ligue d'insertion sur le pla- / 1 Acide chi'omique ti 1 puuf lUO, 15 parties j acide osmique à 2 pour 100, 4 par- ties; acide acétique crislallisabie, 1 partie. ENTONNOIRS SEGiMliNTAIRKS DU REIN DES SÉLACIENS. 387 fond de la cavité générale. Cela est d'autant plus important, que l'animal est de plus grande taille; nous enverrons bientôt la raison. Le tissu des entonnoirs et des canaux segmentaires réduit l'acide osmique beaucoup plus fortement que les parties avoisinanles ; il en résulte qu'au bout d'un certain temps, ces organes se détachent en noir ou en marron extrêmement foncé sur le gris des tissus à la surface desquels ils sont appliqués. Cette réduction n'atteint guère son maximum qu'au bout de vingt-quatre heures. Les pièces ainsi préparées conservent intacts dans l'alcool tous leurs caractères. J'ai obtenu aussi de très bons résultats en em- ployant la solution aqueuse d'acide phénique brut à "2 pour 1000'. Les pièces ne subissent là aucune espèce de contraction et conser- vent une parfaite souplesse, sans éprouver en aucune manière les atteintes de la putréfaction. Je possède des animaux conservés par ce procédé depuis cinq mois ; il y a donc tout lieu de croire leur conservation définitive. S'il n'en est pas ainsi, l'expérience présente néanmoins un intérêt très certain, car une aussi longue conservation pourra toujours rendre de grands services dans des recherches du genre de celles dont il s'agit ici. L'imprégnation qui vient d'être décrite ne présente aucune dif- ficulté ; l'élève le plus inexpérimenté la réussira toujours s'il a soin de ne pas prolonger la durée du contact de la liqueur de Flemming au delà des limites indiquées. Il y aurait même là une intéressante manipulation à faire faire à des élèves. Je la recommande tout particulièrement aux protesseurs qui sont à même de se procurer des Chiens de mer\ Comme les résultais obtenus par la méthode que je viens d'expo- ' Il faut préparer cette solution quelque temps ù l'avance afin d'éviter le contact des globules d'acide phénique non encore complèlement dissous. * Pour atténuer autant que possible l'action des vapeurs d'acide osmique sur la conjonctive, il est bon d'opérer en plein air ou tout au moins dans un courant d'air. 388 FRÉDÉRIC GUITEL. ser sont dus à la réduction de l'acide osmiquo, j'avais pensé qu'il serait plus simple d'employer seul ce dernier réactif à l'état de dilu- tion auquel il se trouve dans la liqueur de Flemming, c'est-à-dire à i pour 200 ; mais j'ai pu constater que cet acide osmique au deux- centième colore plus fortement en noir les tissus indifférents que le liquide de Flemming, ce qui m'a fait l'abandonner. Il est possible qu'en faisant de nombreux essais comparatifs, on arrive à découvrir un liquide à base d'acide osmique donnant de meilleurs résultats que la liqueur de Flemming. Il faudrait, pour entreprendre cette recherche, un matériel très abondant qu'on ne se procure pas toujours facilement, même au bord de la mer. Le procédé que je préconise réussit, non seulement sur l'adulte, mais aussi sur les embryons âgés peu éloignés du moment de la mise bas. Pour les embryons jeunes, les résultats sont moins démonstra- tifs, mais on peut très facilement mettre en évidence leurs enton- noirs et leurs canaux segmentaires, en substituant à la liqueur de Flemming le sublimé acétique (sublimé saturé dans l'eau, 4; acide acétique cristallisable, 1), ou simplement l'alcool absolu. Sous l'action de ces réactifs, les canaux prennent immédiatement un aspect blanchâtre très caractérisé qui les fait trancher avec une grande netteté sur le fond. Malheureusement cette teinte blanche ne dure que quelques instants, et il faut, pour la faire réapparaître, ajouter de nouveau quelques gouttes de sublimé ou d'alcool. On peut ainsi arriver à étudier avec facilité la disposition topographique des entonnoirs et des canaux segmentaires dont ils dépendent, dans de très jeunes embryons à'Acanthias. Je vais maintenant décrire les canaux segmentaires du rein de VAcanthias, d'après les imprégnations que j'ai obtenues chez la femelle d'abord, et ensuite chez le mâle. ENTONNOIRS SEGMENTAIRES DU REIN DES SÉLACTENS. 389 II CANAUX ET ENTONNOIRS SEGMENTAIRES DE ^.'ACXNTHIAS VrLCAlilS FEMELLE. Dans l'espoir de donner une idée aussi exacte que possible du résultat qu'on peut obtenir par l'imprégnation à la liqueur de Flem- ming, j'ai fait reproduire par la phololypie la photographie * d'une femelle d'Acanthias imprégnée et conservée dans la solution d'acide phénique brut à 2 pour 1000. Malheureusement les résultats n'ont pas répondu à mon attente, et je crois devoir dire qu'on obtiendra très facilement des imprégnations dans lesquelles les canaux seg- mentaires et leurs entonnoirs seront infiniment plus beaux et plus nets qu'ils ne le sont sur la phototypie reproduite dans la planche XVIII du présent volume. La femelle dont il s'agit ici mesurait 60 centimètres de l'extré- mité du museau à celle de la nageoire caudale ; elle n'était pas encore apte à la reproduction ^ comme l'indique clairement l'état de ses utérus (m). Néanmoins, nous la prendrons comme type dans la description qui va suivre, afin qu'on puisse suivre cette dernière avec plus de facilité. Nous indiquerons ensuite quelles différences on remarque dans la femelle parvenue à l'état adulte. Sur toute la longueur du bord interne de chacun des reins, on remarque un long canal rectiligne (cM); c'est le canal de Millier. Postérieurement, ce canal présente une partie plus renflée ; c'est l'ébauche de l'utérus (u). Antérieurement, il montre, au niveau delà partie postérieure de l'ovaire, une légère dilatation fusiforme qui représente le rudiment de la glande nidamentaire. 1 J'adresse ici mes plus vifs remerciements à MM. Francolte el .Malaquin, aux bons conseils desquels je dois d'avoir pu obtenir quelques bonnes reproductions photographiques. 2 Une femelle d'Âcanthias vulgaris, longue de 73 cenlimèires, avait ses utérus à peu près dans le même élat que ceux de l'individu qui nous occupe ; mais chez une autre, longue de 71 centimètres, les utérus étaient déjà normalement développés et les ovaires contenaient 4 œufs mesurant 45 millimètres de diamètre. Enfin, une troisième femelle, longue de 81 centimètres, était gravide. 390 FRÉDÉKIC GUITEL. Dans la région postérieure de la cavité abdominale, on remarque, entre les deux canaux de Millier, une bandelette d'un tissu élastique de couleur jaune, qui, arrivée au niveau du mésentère, se bifurque, une de ses moitiés passant à droite, l'autre à gauche de ce dernier. Le méso de la glande anale est toujours fixé sur le bord droit de cette bandelette jaune élastique. Si nous examinons d'abord les entonnoirs situés au niveau du méso de la glande anale, nous voyons que, du côté droit, il en existe 7. Ils s'ouvrent tous sur la face droite de ce méso; le plus postérieur (désigné par le chiffre 2 sur la figure de la planche XVIII) ^ présente.un canal segmentaire assez long, mais les autres sont pres- que sessiles ; le dernier (8^) s'ouvre à une très petite distance de la tranche du méso de la glande anale ; il est invisible sur la photo- typie. Du côté gauche, il y avait 8 entonnoirs. Dans la planche annexée à ce travail, tous ces entonnoirs, sauf le 8*, sont cachés parle méso de la glande anale, qui a été rabattu sur le côté gauche de la prépa- ration ainsi que la glande à laquelle il s'attache. Les canaux segmentaires dont il s'agit ici apparaissent sur le côté externe de la bandelette jaune élastique. Ils sont souvent extrême- ment courts, et leurs entonnoirs sont alors tout à fait sessiles sur le bord externe de la bandelette élastique. Souvent aussi les canaux présentent une longueur appréciable, mais en restant si courts, que leurs entonnoirs s'ouvrent à la surface même de la bandelette. Enfin, il arrive aussi que les canaux s'allongeant un peu plus, transportent les entonnoirs qui leur appartiennent à la .surface du méso de la glande anale où ils s'ouvrent alors comme ceux du côté opposé. Ces trois manières d'être peuvent se rencontrer sur le même individu. ' Dans l'individu décrit ici, il y avait, du côté gauche, au niveau du méso de la glande anale, 8 entonnoirs; le plus postérieur n'avait pas de correspondant du côté droit, ce qui résultait d'une atropiiie survenue pendant le cours du déveioppementi ENTONNOIRS SEGMENTAIRES DU REIN DES SÉLACIENS. 391 La disposition qui vient d'être décrite n'est pas rigoureusement constante. Ainsi, il arrive souvent, surtout chez les individus de grande taille, que les entonnoirs qui s'ouvrent sur la face droite du méso de la glande anale présentent un canal segmentaire très dé- veloppé; c'est pourquoi il est nécessaire, dans ce cas, d'imprégner ce mésojus qu'à une distance notable de sa ligne d'insertion. Au niveau de l'intervalle existant entre le méso de la glande anale et le mésentère, il y ;i deux paires d'entonnoirs segmentaires. Ces entonnoirs, de petite taille, s'ouvrent sur le bord externe de la ban- delette élastique ou sur cette bandelette elle-même, leurs canaux segmentaires ne sont visibles que sur une petite longueur et plon- gent immédiatement dans l'épaisseur de la paroi de la veine cardi- nale correspondante pour aller rejoindre le rein du même côté. Ceux du côté droit sont toujours visibles sur une plus grande longueur que ceux du côté opposé. Dans la série générale des entonnoirs, les deux qui nous occupent portent les numéros d'ordre 9 et 10. Dans certains cas, on ne rencontre qu'une seule paire d'entonnoirs au niveau de l'intervalle du méso de la glande anale et du mésen- tère ; quelquefois, même il n'y en a aucune ; d'autres fois, au con- traire, on en rencontre trois. Ces différences tiennent simplement à l'extension plus ou moins grande du mésentère en arrière et du méso delà glande anale en avant. Au niveau du mésentère, on rencontrait, dans l'individu qui fait l'objet de la présente description, 14 paires de canaux segmentaires (lie à 24^). Ces canaux courent à la surface des deux veines cardinales ; ceux des deux premières paires (11'' et 12*) sont presque droits, tandis que ceux des 9 paires suivantes (13*à 21') sont courbes, et leur concavité est postérieure. 392 FRÉDÉRIC GUITEL. Les entonnoirs segmentaires appartenant aux canaux des paires ir à 19" s'ouvrent tous à la surface de la paroi inférieure des deux veines cardinales ; au contraire, ceux des paires 20® et 21'' s'ouvrent à la surface du mésentère, comme on peut le voir sur la figure de la planche XVIII, pour les entonnoirs situés du côté gauche de l'animal. Les canaux des trois dernières paires (22^ à 24^) sont obliques d'ar- rière en avant, et de dehors en dedans; les entonnoirs de ceux de la 22" paire s'ouvrent sur le mésentère, les autres sont situés sur le. mésoarium. Enfin, du côté gauche seulement, on découvrait encore deux ca- naux segmentaires (25^ et 26®) extrêmement ténus, évidemment en voie de régression, ne présentant pas d'entonnoirs distincts et se terminant sur le mésoarium. Le dernier (-26®) de ces canaux se trouve situé au niveau de la partie postérieure du renflement fusiforme du canal de Millier, qui repré- sente l'ébauche de la glande nidamentaire. En résumé, il y avait, dans l'individu que nous avons pris comme type : 1» Du côté droit, 7 canaux terminés sur le méso de la glande anale, H sur la paroi de la veine cardinale, 3 sur le mésentère et 2 sur le mésoarium; en totalité, 23 canaux segmentaires et autant d'en- tonnoirs; 2° Du côLé gauche, 8 canaux terminés sur le méso de la glande anale, 1 1 sur la paroi de la veine cardinale correspondante, 3 sur le mésentère el 4 sur le mésoarium, les deux derniers paraissent en voie de régression et privés d'entonnoirs ; en totalité, 26 canaux seg- mentaires, dont 2 probablement privés d'entonnoirs. La disposition des canaux et des entonnoirs segmentaires de VAcanthias vulgaris femelle présente, bien entendu, des différences individuelles. Nous avons déjà parlé de celles relatives aux canaux situés, d'une part, au niveau du méso de la glande anale et, d'autre part, au niveau de l'intervalle séparant ce méso du mésentère. ENTONNOIRS SEGMENTAIRES DU KEIN DES SÉLACIENS. 393 Il faut ajouter que les canaux droits, situés en avant de ceux qui sont affectés d'une courbure à concavité postérieure, sont souvent beaucoup plus obliques et, par suite, beaucoup plus longs que dans l'individu représenté planche XVIII. Mais c'est surtout lorsqu'on s'adresse à des animaux adultes ou à des embryons âgés qu'on rencontre des différences de quelque importance. Ainsi, dans une femelle de 84 centimètres de longueur, du côté droit, les entonnoirs du I"au 6" se trouvent reportés à une grande distance de la ligne d'insertion du méso de la glande anale, par la longueur considérable de leurs canaux segmentaires. D'autre part, les entonnoirs du 16" au 23" s'ouvrent sur le mésen- tère, et presque tous les canaux segmentaires dont ils dépendent sont extrêmement allongés et recourbés en U à concavité posté- rieure. Les canaux 24" et 25" sont aussi très allongés ; mais, au lieu d'avoir leur extrémité distale recourbée en arrière, elle est recourbée en avant, et les entonnoirs s'ouvrent sur le mésoarium. Du côté gauche, les entonnoirs du 10" au 13" s'ouvrent sur le mésentère, et la longueur des canaux auxquels ils appartiennent augmente très rapidement d'arrière en avant, de sorte que les quatre premiers restent assez courls, tandis que les six ou sept der- niers sont extrêmement longs. Le dernier canal (24") s'ouvre sur le mésoarium. Ces dispositions font comprendre pourquoi, dans la description du mode opératoire, il a été recommandé de faire baigner sur une certaine largeur, dans le liquide de Flemming, le mésentère et le méso de la glande anale. Cette situation particulière des entonnoirs segmentaires de beau- coup d'adultes ' m'a déterminé à choisir, pour le faire reproduire > L'allongement considéruble doul il vient dêtre question pour certains descauaux segmentaires des femelles adultes, n'est pas constant. Ainsi, dans une femelle longue de 97 centimètres, quelques canaux seulement étaient assez longs pour que leurs entonnoirs s'ouvrissent sur le mésentère, et encore à une petite distance de sa ligue d'insertion ; les autres ne dépassaient pas cette ligne. 394; FRÉDÉKIC GUITEL. en phototypie, un individu n'ayant pas encore atteint la maturité sexuelle. En effet, avec des entonnoirs s'ouvrant sur le mésentère à une grande distance de sa ligne d'insertion sur la paroi cœlomique, il aurait fallu conserver intact un très large lambeau mésentérique et le rabattre complètement sur l'un des côtés de la préparation, ce qui aurait caché les canaux segmentaires et le rein du côté opposé. Chez les embryons âgés atteignant une longueur de 28 à 29 centi- mètres, les entonnoirs les plus antérieurs ne s'ouvrent jamais sur le mésentère; ce n'est que lorsque l'animal grandit qu'un certain nombre de ses canaux segmentaires, au lieu de se terminer sur la paroi de la veine cardinale, se prolongent plus ou moins loin sur le mésentère. Le même phénomène se produit pour les entonnoirs des canaux du côté droit, situés au niveau du méso de la glande anale. Dans les embryons auxquels je viens de faire allusion, les entonnoirs de cette région paraissent sessiles, tandis que, dans beaucoup d'adultes, ils deviennent longuement pédoncules. On a vu par les lignes précédentes que l'individu reproduit dans la planche XVlll possédait, du côté gauche, 23 canaux segmentairçs et, du côté droit, 26. Ces chiffres eux-mêmes ne sont pas constants et, pour donner une idée des variations qu'on peut rencontrer dans cet ordre de faits, je reproduis, d'après mes notes, les quelques documents qui suivent : ludividu de Côté gauche. Cùté droit. 0n>,84... 24 canaux spgmeni i aires. 24 canaux segmentaires. 0>°,97... 24 — 25 — 'in',02... 25 — 24 — 0"",93... 25 — 24 — 0»',53... 26 — 25 — 0™,64. .. 24 — 25 — O-DjôS... 23 — 23 (en outre, au niveau de l'ovaire, 5-6 canaux en voie d'atrophie). Om.GO. . 26 — 23 canaux segmentaires. ENTONNOIRS SEGMENTAIIŒS DU REIN DES SELACIENS. 39S Individu de Colé gauche. Côté droit. O^.eo... 26 canaux segmentaires. 25 (en outre, au niveau de l'ovaire. 3-4 canaux en voie d'atrophie). 0",C0... 24 — 25 canaux segmentaires. O'n.61... 27 — 25 — Le nombre des canaux segmentaires de l'embryon est beaucoup plus considérable que celui de la femelle ; j'en ai trouvé jusqu'à 35 de chaque côté dans des embryons de 75 millimètres de longueur. Les plus antérieurs de ces canaux disparaissent par la suite ; c'est ce qui explique que, dans la femelle non encore apte à la reproduction, on rencontre antérieurement un certain nombre de canaux en voie de résorption. Chez le mâle, au contraire, ces canaux se conservent souvent tous ou presque tous. Dans son mémoire aujourd'hui célèbre, Das Urogenilalsystem der Plagiostomen, und seine Bedeutung fur der ûbrigen Wirbelthiere », Semper dit que, dans l'unique femelle intacte à.' Acanlhias qu'il a eue et dont il n'indique pas la longueur, il n'a trouvé que 25 entonnoirs et, au delà, au moins 2 canaux segmentaires oblitérés. Avant de passer à la description des canaux segmenlaires de VAcanthias mâle, il n'est peut-être pas sans intérêt de faire remar- quer qu'on rencontre certaines femelles, ayant déjà atteint une taille considérable, chez lesquelles les reins ont conservé une segmentation très distincte, au moins sur une partie de leur longueur. C'était le cas pour la femelle dont la photographie a été repro- duite planche XVIU. Dans cet animal, qui ne mesurait pas moins de 60 centimètres de longueur, on pouvait, avec la plus grande facilité, constater que le rein droit présentait, sur son bord externe, une série de 12 lobes correspondant régulièrement aux intervalles sépa- rant les canaux segmentaires du même côté et représentant les pelotons rénaux de l'embryon. Le plus antérieur de ces segments rénaux correspondait à l'inter- valle 18-19 ; le plus postérieur, à l'intervalle 7-8. » Arbeiten aus dem soologisch-zootomischen Institulin Wurzburg, vol. Il, 1875. 396 FRÉDÉRIC GULTEL. Le rein gauche laissait distinguer 13 segments. Le plus antérieur correspondait à l'intervalle 16-17; le plus postérieur, à l'inter- valle 4-5. ^ III CANAUX ET ENTONNOIRS SEGMENTAIRES DE fACANTHIAS YULGARIS MALE. Comme chez la femelle, on trouve sur la ligne médiane, dans la région rénale postérieure, une bandelette jaune de tissu élastique qui, au niveau du mésentère, se bifurque, ses deux branches passant l'une à droite, l'autre à gauche de ce dernier. Le méso de la glande anale est inséré sur le bord externe droit de la bandelette jaune élastique, comme chez la femelle. Au niveau du méso de la glande anale, on rencontre généralement de chaque côté 8 entonnoirs segmentaires. Quelquefois ce nombre est porté à 9 (par l'augmentation de longueur du méso) ; d'autres fois, il est réduit à 7 ou même à 6. 11 arrive assez fréquemment que le nombre ne soit pas le même des deux côtés. Du côté gauche, les entonnoirs sont généralement tout à fait ses- siles; ils s'ouvrent alors au fond du sillon peu profond que borde, en dedans, la bandelette élastique. Quand leur canal existe, tout en restant extrêmement court*, ils peuvent s'ouvrir à la surface de la bandelette ou même sur le méso ; mais ce dernier cas n'est pas fréquent. Du côté droit, les entonnoirs ont des canaux segmentaires égale- ment très courts, cependant ils sont notablement plus longs que du côté opposé ; c'est pourquoi ils s'ouvrent toujours à la surface du méso de la glande anale. Dans l'intervalle du méso de la glande anale et du mésentère,/ on rencontre généralement 2 paires d'entonnoirs segmentaires. * Il ne s'agil là que de la partie du canal segmentaire visible dans la cavité cœlo- mique. ENTONNOIRS SEGiMEN TAIKES DU lŒiN DiïS SÉLACIENS. 397 Quand ces méso sont très longs, leur intervalle peut ne comprendre que 1 paire d'entonnoirs; quand, au contraire, ils sont très courts, on rencontre jusqu'à 3 paires d'entonnoirs. Du côté gauche, les entonnoirs segrnentaires sont généralement tout à fait sessiles et s'ouvrent au fond du faible sillon que limite, en dedans, la bandelette élastique. Du côté droit, les entonnoirs sont tantôt sessiles, tantôt pourvus d'un canal segmentaire plus ou moins long; ils s'ouvrent également sur le bord externe de la bandelette jaune élastique. Viennent ensuite les canaux segmentaires, situés au niveau du mésentère. Ils sont au nombre de 10-12 paires. Les plus postérieurs sont très courts; leurs entonnoirs peuvent même être complètement sessiles. En général, il n'y a que les canaux appartenant aux 2 ou 3 paires les plus antérieures de cette série qui s'ouvrent sur le mésentère; les autres se terminent sur la paroi des veines cardi- nales ou sur la bandelette élastique. Plus antérieurement, nous trouvons de chaque côté une série de canaux segmentaires qui peut comprendre jusqu'à 12 de ces petits organes. Ils sont tous en rapport par leur extrémité distale, soit avec le mésorchium, soit avec le testicule. Les plus postérieurs (généralement au nombre de 3 à 5) sont très longs, très obliques d'arrière en avant et de dehors en dedans ; ils réduisent bien l'acide osmique, et se terminent tous ou presque tous sur le mésorchium. 11 est souvent extrêmement difficile de se prononcer sur la question de savoir si leur extrémité distale pré- sente un entonnoir segmentaire. Dans bien des cas, les coupes seules pourraient résoudre cette question d'une manière indis- cutable. Les canaux les plus antérieurs de la série qui nous occupe, dont le nombre ne semble jamais dépasser 8, sont d'autant moins obli- 398 FRÉDÉRIC GUITEL. ques et d'autant plus courts qu'ils sont plus antérieurs ; ils sont certainement dépourvus d'entonnoirs et transformés en canaux excréteurs de la liqueur spermatique. Sur les individus en état de reproduction, ces canaux sont souvent gonflés de sperme, ce qui permet de les distinguer avec la plus grande facilité. Ils réduisent mal l'acide osmique, et leur nombre est souvent difficile à fixer avec certitude, aussi bien sur les pièces fraîches que sur les pièces ayant subi l'imprégnation à la liqueur de Flemming. Il y a à signaler un fait digne de remarque ; c'est que, du côté gauche, la série des canaux testiculaires est généralement ininter- rompue depuis le premier jusqu'au dernier, les intervalles qui les séparent variant (sur un animal de 75 centimètres, par exemple) de 2'"°',5 à 5 millimètres. Du côté droit, au contraire, il y a toujours un assez grand espace privé de canaux entre les postérieurs très longs et très obliques, se terminant tous ou presque tous sur le mésorchium, et les antérieurs plus courts, moins obliques, terminés dans le testicule *. En ce qui concerne le nombre total des canaux segmentaires, d'après ce qui vient d'être dit, il est toujours plus petit à droite qu'à gauche. En outre, il présente, bien entendu, des différences indi- viduelles. Mais on pourra aussi constater des différences indivi- duelles plus apparentes que réelles qui tiennent à la grande ténuité des canaux testiculaires et à la difficulté qu'on éprouve souvent à les distinguer et, par suite, à les compter avec une entière certitude. Voici les chiffres que j'ai trouvés sur deux individus que j'avais eu soin d'examiner attentivement sur le frais, avant l'imprégnation : • Il est à peine besoin de faire remarquer qu'aussi bien à droite qu'à gauche, il est toujours très difficile de distinguer le dernier canal terminé sur le mésorchium, du premier terminé dans le testicule. ENTOiNNOlUS SEGMIîNTAlKliS DU RIilN UES SÉLACIENS. 399 Individu de U'",73. individu de 0'",74. Coté gauche. CiHé droit. Côlé gauche. Coté droit. Au niveau du méso de la glande anale 7 8 8 6 Au niveau de l'inteivalle séparant le mésentère du méso de la glande anale 3 3 2 2 Au niveau du mésentère 12 lu 12 11 En rapport avec le mésorchinm ou le testicule.. ^2 10 11 !> 34 31 33 28 Semper déclare n'avoir pu examiner qu'un seul Acanlhias vulyaris mâle, dont le tronc était long de 25 centimètres. Sur cet individu, il a trouvé 27 canaux segmentaires, terminés par des entonnoirs ou- verts ; il affirme que les quatre derniers canaux, se terminant sur le pli génital {Génital faite), présentaient des orifices nettement per- ceptibles. Pour mon compte, j'ai acquis la conviction que, dans bien des cas, la question de savoir si les canaux se terminant sur le mésor- chium sont pourvus ou non d'entonnoirs, est difficile à résoudre avec certitude, sans l'emploi de la méthode des coupes. Les quelques observations contenues dans cette note ont été faites à Roscoff, pendant les deux étés de 1896 et de 1897. Je suis heureux d'adresser ici à mon illustre maître, M. de Lacaze-Duthiers, mes plus vifs remerciements pour la large hospitalité qu'il m'a accordée dans sa belle station océanique. EXPLICATION DE LA PLANCHE XVIII. Acanlliias vulgaris femelle non adulte de GO centimètres de longueur, ouvert sur la ligne médiane ventrale et imprégné à la liqueur de Flemming pendant une minute et demie. Réduit aux 6/7 environ de la grandeur naturelle. Le tube digestif et le mésentère ont été enlevés, seul un étroit lambeau du mé- sentère qui portait 4 paires d'entonnoirs segmentaires, a été conservé et rejeté com- plètement sur le côté droit. La partie postérieure de l'ovaire gauche a été coupée transversalement pour laisser voirie renflement du canal de MuUer représentant l'ébauche de la glande nidamentaire et les deux canaux segmentaires gauches situés 400 FRÉDÉKIC GUITEL. le plus antérieurement. Enfin, la glande anale a été rejetée sur le côté gauche pour laisser voir les sept premiers entonnoirs segmentaires s'ouvrant à sa surface. c, cœur; cd, paroi inférieure de la veine cardinale droite; c M, canal de Mûller gauche; ^lobe gauche du foie coupé transversalement à peu de distance de sa racine; ga, glande anale ; Im, lambeau mésentérique resté adhérent à la paroi de la cavité gé- nérale et sur lequel viennent s'ouvrir les entonnoirs segmentaires des 20e,2ie, 22^ et 23» paires ; m, coupe transversale du bord postérieur épaissi du mésentère dans lequel passent deux artères destinées, l'une à la rate, l'autre à l'intestin spiral; np, nageoire pectorale; nv, nageoire ventrale; ob, orifices branchiaux du côté droit; ce, œsophage coupé transversalement; ovd, ovaire droit en dedans duquel on aperçoit son mé- soarium terminé postérieurementparunbord libre à convexité antérieure; ovfl'jSection transversale de l'ovaire gauche; la partie postérieure de la glande et son mésorchium ont été enlevés pour laisser voir le T6^ et le 26^ canal segmentaire, ainsi que le léger renflement du canal de Millier gauche, représentant l'ébauche de la glande nida- mentaire ; pu, papille urinaire; r, partie postérieure dilatée du rein droit ; rm, paroi du rectum; s, symphyse pubienne; sr, lobes saillants du bord externe du rein repré- sentant les pelotons segmentaires rénaux de l'embryon dont les limites se sont con- servées ici, sur une certaine longueur, dans chacun des deux reins; m, partie pos- térieure légèrement renflée du canal de Mûller, représentant l'ébauche de l'utérus droit ; 2, entonnoir segmentaire droit le plus postérieur, qui porte ici le numéro d'ordre 2, parce que son correspondant, du côté gauche, est précédé d'un entonnoir auquel on doit, par conséquent, réserver le numéro 1 ; l'entonnoir 1, du côté droit, s'est atrophié pendant le cours du développement; 9, neuvième entonnoir segmen- taire droit; le huitième, situé sur la tranche même du méso de la glande anale, est invisible sur la figure; 14, quatorzième entonnoir segmentaire gauche; 17, dix- septième canal segmentaire droit; 2i, vingt-deuxième canal segmentaire gauche; son entonnoir s'ouvre sur le mésentère hn. SUR H SYSTEM NEMEUX SEJfSITIF DES TRACHÉMES {ORTHOPTÈRES, CHILOPODES) PAR 0. DUBOSCQ Chef des travaux de zoologie à la Faculté des sciences de Grenoble'. J'ai exposé, dans une note précédente (•*), mes premiers résultats sur les terminaisons sensitives des Ghilopodes. J'ai insisté sur la morphologie du système sensitif, cherchant, pour le groupe qui m'intéresse, à prendre parti dans une question très agitée en ces dernières années. Mes recherches ne purent me fournir de convic- tion définitive, et je me rangeai à la théorie de vom Ralh (S3) en publiant des dessins favorables aux théories de ses adversaires. J'ai refait de nouvelles préparations sur des animaux différents. J'ai étudié, chez les Ghilopodes, Sculigera coleoptratah.^qw^le n'avais pas eu en main, puis quelques Insectes, et en particulier Forficula auri- CM/anaL.Or, les Insectes sont un matériel capital dans la discussion. C'est d'eux que vient toute objection. Il n'est donc pas inutile de confirmer, avec ces animaux, la théorie classique à laquelle je ne me rallie pourtant pas entièrement. Avant tout, discernons les points controversés et résumons la question. Dès i851, Leydig (13) fit voir qu'à certains poils de Corethra plu- ' Travail du laboratoire de zoologie de l'Université de Grenoble et du laboratoire maritime de Luc-sur-Mer. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3* SÉRIE. — T. V. 1S97. 26 402 0. DUBOSCQ. micornis, on trouvait annexée une cellule bipolaire dont un des pro- longements se rendait à la base du poil, et l'autre était en continuité avec un nerf. La découverte de Leydig fut vérifiée, étendue et con- sidérée comme le type de la terminaison sensitive chez les Arthro- podes. Mais Leydig vit autre chose, la cellule mère du poil. Étudiée par Semper («'?), cette cellule mère fut bien distinguée de la cellule bipolaire par Hauser (8) et surtout Viallanes * (S8). D'autre part, Kiinckelet Gazagnaire(ii) trouvaient, autour delà cellule sensitive, une série de noyaux arrondis qu'ils attribuaient au névrilerame. Ce qu'était le nerf sensitif en lui-même, tous ces auteurs ne l'ont pas pressenti. Certes, ils ont pensé qu'un cylindre-axe était un pro- longement de cellule ; mais que le cylindre-axe sensitif soit seule- ment le prolongement de la cellule bipolaire, qu'il dépende de cette cellule et ne soit en continuité avec aucune autre, ils ne l'ont jamais ni vu, ni prévu. Il faut attendre les méthodes d'Ehrlich et de Golgi pour renouveler la question. La notion du neurone est introduite et devient classique. Chez les Vertébrés, le neurone sensitif est vite connu. C'est toujours une cellule bipolaire ; son prolongement cen- tral se termine en se ramifiant dans un ganglion; son prolongement distal se termine en se ramifiant autour des cellules épidermiques. Deux sens spéciaux font seuls exception : la vue et l'odorat. Je laisse de côté la rétine qu'il serait trop long d'expliquer. La muqueuse olfactive, au contraire, nous présente ce qu'il y a de plus simple. Là, les cellules épithéliales sensorielles développent leurs con- nexions basales, qui constituent à elles seules le nerf olfactif; la con- nexion cuticulaire ou prolongement distal, reste très courte et con- serve sa situation primitive. Cette disposition est fondamentale. Elle est la forme banale du système sensitif chez la plupart des Inverté- brés, et dès 1892, Retzius («5) donne ce schéma pour les Mollusques et Annélides. Mais en est-il de même pour les Arthropodes? Retzius 1 Un très beau mémoire de Holmgren (9) paraît mettre au point cette question. Malheureusement, je iic puis juger ce travail suédois de Holmgren que par les ^)ianches. SUK LE SYSTÈME NEIWEUX SElNSlTlF DES THACHÉATES. 403 n'ose raflirmer. Ses premiers travaux sur ce j^roupe («4) ne cadraien t pas avec ce qu'il avait vu ailleurs. Aussi, en 1895 (26), il reprend spécialement cette question sur les Crustacés, et il arrive à se mettre d'accord avec les résultats obtenus simultanément par vom Rath dans une série de travaux (ao, 2«, 88, S3). Voici les conclusions de vom Rath (23) auxquelles, maintenant, souscrit Retzius : Chez les Arthropodes, toutes les terminaisons sensitives, les yeux exceptés, se font dans des poils. A chaque poil sensitif correspondent, à une distance plus ou moins éloignée de sa base, une ou plusieurs cellules sensorielles bipo- laires, dont un prolongement (prolongement distal) pénètre dans l'intérieur du poil et s'y termine sans se ramifier, dont l'autre pro- longement (prolongement proximalj pénètre dans le centre nerveux, où il se divise en deux branches fournissant de nombreuses rami- fications, lesquelles, finalement, se terminent sans anastomose. Cette théorie, qui cadre si bien avec les autres données classiques, est mise en doute par les travaux les plus récents. Les uns n'étudiant que les Crustacés, comme Bethe (2, 3, 4, 5) et Nusbaum (fï), reconnaissent comme vrai le neurone sensitif. Il existe bien cette cellule bipolaire, dont le prolongement distal pé- nètre dans le poil sans se ramifier, et dont l'autre prolongement constitue le cylindre-axe du nerf sensitif. Mais, à côté, il y a un plexus de cellules, système non de neurones, mais de plexus véri- table, c'est-à-dire de cellules dont les prolongements sont en conti- nuité certaine. Ces cellules seraient un système sympathique indé- pendant peut-être complètement du système de la vie de relation. Leur nature nerveuse n'apparaissait pas nettement dans la première note de Bethe (4), qui ne démontrait pas l'aboutissant de leurs pro- longements. Mais, tout récemment, Nusbaum («7) fait voir en ces cellules de très longs prolongements d'apparence cylindraxile, pro- longements qu'il a pu suivre jusqu'à de gros troncs nerveux où ils se perdaient. Or, Holmgren (*o), qui a étudié les Crustacés, et con- firme à leur sujet les données de Retzius et de Rath, se refuse à con- i04 0. DUBOSCQ. sidérer comme nerveux un plexus de cellules, qui paraît être celui deBelhe, et qu'il interprète comme plexus de cellules conjonctives. Par contre, Bohumil Nemec (I6) montre, chez certains Isopodes (Oniscides), un système de ganglions périphériques, où aboutissent les nerfs sensitifs issus de la moelle ventrale. Ces ganglions sont les cen- tres d'un plexus sous-hypodermique, comparé par Nemec au plexus de Bethe. Nous voyons soutenu ici ce qui sera soutenu chez les Insectes. En effet, tandis que Holmgren (lO) reconnaît, chez les Crustacés, la seule disposition établie par Relzius et Rath, chez les Insectes, il affirme l'existence, sous l'hypoderme, d'un plexus de cellules multi- polaires dont les prolongements étendus et complexes forment un réseau à mailles serrées. Ce réseau a toujours pour origine une bran- che nerveuse, et si la cellule sensorielle bipolaire est bien la termi- naison propre au poil, elle n'en est pas moins en relation avec le plexus par son prolongement central. Cela semble résulter des figu- reS; car le texte n'est pas explicite. Toutefois, Holmgren considère le plexus comme trophique et sécréteur. La fonction sensitive est réservée à la cellule bipolaire. Ces derniers résultats de Holmgren complètent ceux d'un travail précédent (9) oti le plexus n'était pas aussi complètement décrit faute d'imprégnation suffisante. C'est pourquoi vom Rath trouvait les préparations de Holmgren en accord avec les siennes. A vrai dire, il n'en était rien. Les cellules multipo- laires s'anastomosaient déjà en un plexus manifeste, comme anté- rieurement l'affirmaient Viallanes (S8, 89) et Rina Monti (15). Vial- lanes, à l'aide du chlorure d'or, avait observé la cellule bipolaire annexée au poil, et en continuité avec le nerf sensitif ; en outre, il reconnaissait sous l'hypoderme et sans rapport avec les poils, un plexus de cellules multipolaires à trois, quatre ou six prolongements. De ces prolongements, l'un venait du nerf pour beaucoup de cel- lules ; la plupart s'anastomosaient avec les prolongements des cel- lules voisines, les autres, enfin, allaient au muscle (sensibiUlé muscu- laire) ou se perdaient en terminaisons libres parmi les cellules de SUK LE SYSTRMR NERVEUX SENSITIF DES TRACIIÉATES. 405 l'hypoderme pour assurer la sensibilité générale. RinaMonti, par la méthode d'Ehrlich, vérifia tous ces faits. Et qu'avons-nous à opposer à ces résultats concordants de Vial- lanes, Rina Monti et Holmgren. Rien de Retzius ; il n'a pas étudié les Trachéates. Restent seules les recherches de Rath. Elles sont belles, toujours démonstratives. Mais les Insectes sont la partie faible. Dans son mémoire de 189 i (22), presque rien. Il a imprégné des cellules sensorielles; il a fort peu suivi leur prolongement central. Il recon- naît l'insuffisance de ses préparations, et, s'il leur accorde quelque importance, c'est qu'on n'a pas fait mieux. Enfin, dans son dernier mémoire (23), les Thysanoures et la Sauterelle lui fournissent, à l'aide du Golgi, des preuves des idées qu'il soutient. Mais le prolon- gement central n'est pas suivi sur un long parcours. De plus, il n'a jamais employé la méthode d'Ehrlich pour les Trachéales, du moins avec succès. Or, tandis que le Golgi est toujours favorable aux parti- sans du neurone, la méthode d'Ehrlich fournit des arguments aux partisans du plexus. J'ai donc été heureux de trouver que, par cette méthode, Forficida auricularia L. donne des préparations vraiment belles, d'une lecture facile, et que chacun pourra répéter. Injectez uneForficule avec du bleu de méthylène en solution con- centrée. Examinez, trois heures après, tous les téguments de l'abdo- men {terga, sterna ou pleurae), les pattes, les élytres et les ailes, même les pièces de la bouche. Partout vous trouverez le système nerveux périphérique coloré d'un bleu intense sur un fond presque incolore. Prenons les téguments de l'abdomen. Ils sont toujours excel- lents. Les poils ne sont pas trop abondants, et le bord libre seul en est bien fourni. Dans un bouclier dorsal (fig. 1), la chitine transpa- rente, malgré son épaisseur, présente une série de canaux (c ch) parallèles les uns aux autres et perpendiculaires au bord libre vers lequel ils se dirigent. Assez larges d'abord, ils se rétrécissent et finis- sent par se diviser en deux, trois ou quatre canaux secondaires, cor- respondant chacun à un poil marginal. Sur la surface du tergum s'implantent encore d'autres poils. Je les ai figurés moins nombreux 406 0. DUBOSCQ. qu'ils ne sont. Tous ces poils communiquent, soit directement avec les grands canaux, soit avec de petits canaux issus des grands, où se trouvent, avec les cellules mères du poil, les cellules bipolaires sensorielles. Sur les préparations réussies, les cellules mères ne se voient pas, mais sur d'autres, où la coloration a été moins élective, elles se reconnaissent, comme on le verra plus loin. Et, maintenant, considérez ma figure 1. Le nerf se divise en bran- ches multiples au niveau de l'origine des canaux, et les derniers rameaux réduits à des cylindres-axes isolés, montent selon l'axe des canaux. Eh bien, ne voit-on pas que toutes les cellules bipolaires poussent vers le poil leur prolongement distal,et que tous les cylin- dres-axes du nerf ne sont que les prolongements centripètes des mêmes cellules. Le schéma de vom Rath est vrai*, car, d'anasto- moses, point; de cellules multipolaires, pas une. Et il ne s'agit pas là d'un point heureux dans une préparation isolée. Prenez d'autres téguments, par exemple les sterna ou les pièces des flancs. Les nerfs s'y divisent plus ou moins dichotomiquement sans parcours compliqués, sans cette région plexiformede la racine des canaux du tergum où les fibres s'intriquent, se recourbent en anse et vont cher- cher leur origine loin de leur destination. Toujours les fibres élémen- taires se renflent en cellule bipolaire à prolongement distal pour un poil. Dans les pattes, ce sont des images semblables àcellesquej'aidon- nées de Lithobius. Dans les élytres,rien de plus démonstratif encore. Voyez la figure 2. C'est l'angle postérieur externe d'une élylre. Tous les polygones de la chitine sont visibles, et par transparence, le nerf vivement coloré saute aux yeux. Est-ce que toutes ces ramifications, s'épuisant en fibres élémentaires, ne se terminent pas toujours par une cellule sensorielle, il y a bien çà et là quelques fibres sans cel- lules. Imprégnation incomplète, à coup sûr, ou bien fibres motrices. Pourtant il ne faut rien dissimuler. On rencontre, accolées aux troncs nerveux, des cellules longues, aplaties, que j'interprète comme cel- ' Vrai dans ce qu'il a de fondamental, bien entendu, puisque, à mon sens, il doit, être modifié sur plusieurs points de détail. SUR LE SYSTÈME NERVEUX SENSITIF DES TRACHÉATES. 407 Iules du névrilemme {n, fig. 1 et -2). Il est vrai qu'elles se trouvent fréquemment au point de séparation de deux branches nerveuses. Mais qui les prendrait pour cellules multipolaires, quand, manifes- tement, au niveau de ces ramifications, le nerf contient encore un grand nombre de cylindres-axes? Elles seraient plutôt des cellules sensorielles accolées au tronc nerveux, comme il arrive assez souvent. Dans la préparation de l'élytre de la Forficule, on voit encore les globules sanguins, g. Leur noyau se colore vivement par la méthode d'Ehrlich. C'est pourquoi je les soupçonne de plus en plus d'être ces cellules adventices que j'ai figurées précédemment sur les nerfs de Litkobius. Chez Forficula, l'erreur n'est pas à faire. Les globules san- guins sont beaucoup plus gros que les éléments nerveux périphé- riques. Voici donc, par la méthode d'Ehrlich, des figures confirmant, sur le point principal, les résultats de Rath obtenus par le Golgi. Nulle part d'anastomoses comme en ont vu Holmgren et Rina Monti. Et jamais non plus d'autres terminaisons que celles destinées aux poils. Je ne puis pourtant pas être complètement d'accord avec vom Ralh. Deux points restent en question : 1° Ya-t-il plusieurs cellules senso- rielles annexées à chaque poil ou une seule ? 2° le prolongement distal pénètre-t-il jusqu'à l'extrémité du poil, et quel est son rap- port avec les cellules mères du poil ? Sur le premier point, qu'il puisse exister plusieurs cellules senso- rielles pour chaque poil, le fait n'est pas douteux. Gela arrive chez la Forficule d'une façon presque constantepour tous les grands poils, chose d'autant plus sûre, que ces cellules ne sont pas accolées l'une à l'autre en groupes serrés, mais bien éloignées avec des prolonge- ments très distincts. D'autre part, j'en représente ici même dans une préparation de Scutigera (fig. du texte). Seulement, le fait, très com- mun pour vom Rath, est exceptionnel selon moi. En effet, que voit- on? Ordinairement, une seule cellule bipolaire d'un bleu intense, entourée de cellules vaguement bleuâtres et de forme indécise. Des préparations heureuses montrent ce que je âessine figure 3. De la 408 0. DUBOSCQ. base du poil part un cordon pâle qui se renfle en un groupe de cel- lules formant ensemble un corps globuleux, cm. Tout près, une cel- lule sensorielle, s, pousse son prolongement distal à travers le groupe qui représente, selon moi, les cellules trichogènes. Pour vom Rath, elles seraient sensorielles. Mais Belhe (2) lui a déjà reproché cette interprétation dans l'otocyste de Mysis, où il ne trouve qu'une cel- lule là où vom Rath décrit un groupe. 11 me semble, d'autre part, que les cellules attribuées par Kiinckel (i*, -12) au névrilemme, sont pareillement les cellules mères du poil. Reste le second point, la question du prolongement distal. Il est entendu que, suivant Rath, le prolongement pénètre jusqu'à l'extré- mité du poil, comme depuis longtemps l'avait soutenu Claus pour les Crustacés. Or, chez ces animaux, Retzius (26) soutint qu'en beau- coup de cas le prolongement s'arrêtait à la base du poil. Cette affir- mation surprit Bethe qui fit de nouvelles recherches et confirma (4) partiellement les résultats de Retzius. Belhe distingue, chez l'Écre- visse, les poils ouverts et les poils fermés, selon que la lumière du poil communique ou ne communique pas avec la chambre infé- rieure. Quand le poil est fermé, comme il arrive pour la plupart, naturellement le prolongement distal s'arrête dans cette petite cham- bre qui est à la naissance même du poil. Je ne crois pas que les poils soient fermés chez les Trachéates, mais, je le répète, je n'ai jamais vu par l'Ehrlich le prolongement distal pénétrer dans le poil. Sa co- loration s'arrête net à la base du poil, et il paraît se terminer un peu latéralement et non dans la ligne de l'axe du poil. Comment, cependant, mettre en doute des images aussi démonstratives que celles de vom Rath ? Je ne le puis. Je dis simplement que je n'ai pas eu de préparations pareilles à celles de cet histologiste, et, pour le cas où ses figures seraient un peu schématisées, je montrerai quel- ques Golgi où une autre interprétation est possible. Voici d'abord un fragment de patte (tibia) AeScutigera coleoptrata L. Parmi les nombreux poils, certains seulement, Pi,/9j, ;?„ p,, sont imprégnés avec quelques différences dans les images ainsi fournies. SUR LE SYSTÈME NERVEUX SENSITIF DES TRACHÉATES. 401» Le poil p, semble confirmer l'inter- prétation de Ralh. Je souligne que, dans ce poil, le prolongement distal est gros, beaucoup plus gros qu'un cylindre-axe ordinaire. Or, voyez les poils comme p^. Le prolongement distal remplit la cavité du poil et se poursuit vers la cellule avec une épaisseur égale ; puis, brusquement, suit un fin prolongement pareil au prolongement central, qui est le cy- lindre-axe. J'interprète ainsi : la partie épaisse du prolongement péri- phérique est l'imprégnation du canal du poil se poursuivant jusque dans les cellules trichogènes qui ne sont pas imprégnées. Le prolongement fin est seul le prolongement distal. Cette interprétation est appuyée par les images de poils comme /j„ où, là encore, ce qui est bien le vrai pro- longement de la cellule se distingue du canal du poil par sa minceur. Avec le canal est imprégnée une partie des cellules mères, cm. Le poil p^ est d'une interprétation plus difficile. D'après ce que j'ai vu par d'autres méthodes, c^ serait un canal de première formation, e, le canal de nouvelle formation qui s'enfonce Pragmeut d'une patte (tibia) de Scu- j , ^. . „^ tiqera coleoplrala L., Méthode de dans les tissus. A remarquer que ce ^/^|^. ^^^ ^^^ p^_ ^^^ p^j,^ ^^^^i^if^ . poil a deux cellules sensorielles très s, cellule sensorielle ; cm, cellule mère du poil ; c, Ci, Cj, canaux des nettes. cellules mères du poil. 410 0. DUBOSCQ. Dans toutes ces préparations, quand le prolongement distal des cellules sensorielles atteint le canal du poil, il ne s'en distingue plus. Est-il contenu en lui ou seulement accolé, je ne sais. Je représente encore le bord interne d'un article de Geophilus lon- gicornis Leach. Le nerf montre des branches allant aux poils. Les unes j portent un corps arrondi, Thiele, lieitrage fur Kenntniss der Mollusken, uber Hantdrusen und ihre Derivule [Zeilsch. fur Wiss. ZooL, 1897). 442 L. BOUTAN. larges, minces; et, sur le bord, légèrement dentelés, qui, selon leur situation, pourraient être homologues à l'épipodium à'HatwHs. Quoique la situation offre une ressemblance avec celle de VfJalwtis, je suis persuadé que Janthma ne possède pas un véritable épipo- dium, comme, du reste, la plupart des productions quon désigne en dehors du groupe des Rhipidoglosses sous le nom rf'épipodium, et qui ne sont probablement que des productions hétérogènes. » Il résulte de ce rapide historique, que l'organe glandulaire péri- phérique qu'on trouve chez quelques Cyclobranches, avait besoin d'être soumis à des investigations précises. Pelseneer le considère comme un épipodium homologue à celui des Rhipidoglosses; Thiele et Bêla Haller, comme un organe absolument différent. L'élude qui va suivre apportera, je l'espère, quelques renseignements nouveaux sur ce sujet. HABITAT DE l'hELCION PELLUCIDUM. Lorsqu'on recueille de nombreux échantillons d'Helcion pelluci- dum dans des gîtes différents, on est frappé de la variété de forme et d'aspect que présentent les coquilles. Un coup d'oeil sur la figure 1 du texte permettra de s'en rendre compte facilement. Les unes (D et E, fig.1) ont la forme caractéristique du bonnet de la Liberté; elles sont minces, jaunâtres, semi-transparentes et parsemées de points céru- lés remarquablement brillants; enfin, leur péristome est réguliè- rement ovale. Les autres, au contraire (A, B, G, fig.l), n'ont plus de crochet ter- minal accusé; elles sont épaisses, blanchâtres, rugueuses ; les lignes marquées de points cérulés sont presque effacées; enfin, leur péris- tome déformé offre un contour irrégulier et ne coïncide plus avec une surface plane. Môme dans les formes typiques que nous avons citées tout d'abord, ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUCIDUM. ii3 le crochet terminal peut avoir une disposition différente, dont les positions extrêmes ont été représentées en U et en E, fig. 1. Au premier abord, on serait tenté de constituer, avec ces divers échantillons, des espèces distinctes; cependant, depuis longtemps, les conchyliologistes se sont mis en garde contre cette cause d'erreur ; et dans la British Con- chology de Jeffreys*, on trouve déjà un très bon exposé relatif au polymorphisme de VHelcion pellucidum. Jeffreys établit, par des ob- servations remarquablement précises, que la Patella lœvis (de Pennant), qui correspond à la forme A et B de notre texte, ne peut constituer tout au plus qu'une variété à laquelle il donne le nom à'Helclon pellu- cidum, variété Ixvis. Fig. i. Voici, d'ailleurs, la Iraduc- A, B, C, D, E, différentes formes de co- quilles d'Helcion représentés grandeur tion de la diagnose de VHelcion naturelle de profil et de dos. pellucidum, d'après Jeffreys : *' ^''«^'^^' terminal. « Coquille ressemblant au chapeau de la Liberté, convexe, semi- transparente et lisse. Sculpture indistincte; parfois, on aperçoit des lignes anguleuses dont le nombre varie. La surface est fréquemment presque lisse, mais, au microscope, on distingue des stries concen- triques, qui, dans les vieilles coquilles, sont distinctement des zones d'accroissement. Couleur jaune brun, jaune brunâtre, passant pro- gressivement à la teinte de la corne, de vingt-cinq à quarante points bleus sur la coquille. * Jeffreys, British Conchology, Londres, 1865, 444 L. BOUTAN. « Le corps est blanchâtre, avec une zone étroite de brun. Le man- teau est souvent bordé par une ligne grise ou plombée, et frangée avec de trente à soixante-cinq petits cirres blancs, dont la moitié est à peu près la demi-longueur des autres. — Tête triangulaire de profil. — Bouche petite et entourée d'une lèvre épaisse. — Yeux petits. — Branchies blanchâtres. — Pied ovale, également large aux deux extrémités. — Sole pédieuse blanc jaunâtre bordée d'une ligne bru- nâtre. » Quoique les formes A et B, fîg. 1, se retrouvent surtout dans de gros échantillons, elles ne sont pas seulement la conséquence de la taille, comme le prouve l'échantillon G, plus petit que les formes typiques D et E, mais, probablement, une conséquence de l'habitat. Dans toutes les laminaires, on peut distinguer extérieurement trois parties : la portion étalée, qui a l'apparence d'une énorme feuille ; la portion épaisse, qui ressemble à une tige ou à un gigantesque pétiole, et enfin la portion fixée contre les rochers dont l'aspect rap- pelle celui des racines des végétaux *. On peut rencontrer des Helcion sur toutes les variétés de lami- naires et même sur d'autres algues; mais c'est sur la. Laminaria digitata qu'on trouve couramment les diverses variétés ù' Helcion. Les formes petites et normales constituent des colonies sur les pseudo-feuilles ; on en trouve parfois un semis de plusieurs cen- taines sur celles de Laminaria saccharina ei digitata. Les tiges rondes de la Laminaria digitata présentent également des échantillons; quelques-uns sont parfois de petite taille, mais généralement ils ont la grosseur du spécimen représenté en E, fig. 1 du texte. Chaque coquille est logée dans une excavation circulaire profonde, creusée par l'animal, dans l'intérieur de la pseudo-tige ; ces cavités sont tou- jours beaucoup plus profondes que celles qu'on trouve à la surface des pseudo-feuilles. » Les trois principales espèces de laminaires qui exislenl à Roscoff sont : Lami- naria saccharina (Lamx), Laminaria digitala {L&mt), Laminaria (Haligenia) hulbosa (Lamx). ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUCIDUM. 445 Enfin, la dernière forme, la variété laevis, est logée au milieu des pseudo-racines dans une large excavation située ordinairement dans l'axe de la pseudo-tige, comme nous l'avons représenté dans la figure 2 du texte, sur un fragment de laminaire coupé selon un plan sagittal. On voit, d'après cette figure, quer/Te/aonoccupe unevéritable chambre, limitée à la périphérie par les pseudo-racines, et en bas par le rocher sur lequel est im- plantée la laminaire. La chambre voûtée a son plafond, creusé en forme de dôme dans l'intérieur de la pseudo-tige, et représente le garde-manger du Mollusque. Parfois on trouve, sur le pour- tour de la base de la laminaire, au niveau des pseudo-racines, des cavités où sont logés des indivi- dus de forte taille ne présentant plus les caractères de la variété Ixvis^ mais se rattachant au type figuré ^n D. Quoique nous n'ayons pas d'observations ou d'expériences nous permettant de trancher la question d'une façon définitive et certaine, il semble provisoirement logique d'admettre que l'habitat exerce une remarquable influence sur la forme et l'aspect des coquilles de YHelcion pellucidum,el que les échantillons se rattachant au type /«y?s proviennent probablement d'individus qui ont d'abord vécu sur les feuilles, sont descendus sur les tiges, puis se sont enfin logés au milieu des pseudo-racines. Il serait intéressant de vérifier cette hypothèse que je ne puis actuellement baser sur des observations assez précises. Fig. 2. Coupe sagittale d'une tige de Laminaria digitala montrant la chambre centrale qui sert d'habitation aux gros échantillons à'Helcion. a, CQupe de la pseudo-tige ; 6, Helcion ; c, chambre ; d, pseudo-racines. U6 L. BOUTAN. Le polymorphisme n'est pas d'ailleurs spécial aux Helcion, et je me souviens de l'avoir constaté également avec M. Brumpt, un jeune savant travaillant au laboratoire, sur des échantillons de Patelles qu'il avait rapportés du large. Les Patelles de la côte {Patella vulgata) sont beaucoup plus aplaties dans les endroits peu profonds et exposés aux vagues, que sur les récifs situés à une certaine profondeur. Si l'on se représente la coquille de la Patelle comme un cône droit à base circulaire, la hauteur du cône, toutes choses restant égales d'ailleurs, est près du double dans les Patelles du large, quand on la compare à celles de la côte. Ici, le polymorphisme paraît en rapport avec la profondeur plus ou moins grande à laquelle vit l'animal. II DESCRIPTION EXTÉRIEURE DE l'hELCION PELLUCIDUM. En donnant, dans le chapitre précédent, la diagnose de V Helcion pellucidum d'après Jeflreys (p. 443), les principaux caractères de l'animal se sont trouvés résumés. Il faut cependant ajouter, aux caractères fournis par l'auteur, la description de l'organe qui fait le principal objet de ce mémoire. Si l'on couche un animal sur le côté (comme dans la figure 5 du texte) dans un verre de montre, et qu'on l'examine sous le microscope à un faible grossissement, on aperçoit, entre le bord externe du pied et la branchie, une série de tentacules ciliés formant une ligne parallèle à la branchie et placés au niveau de la zone pig- mentée signalée par Jeffreys (op, fig. 3 du texte). Ces tentacules font partie de l'organe glandulaire périphérique de VHelcion. Ils s'étendent tout autour du pied, sauf dans la partie antérieure, où ils s'interrompent au niveau de la naissance du mufle. La figure 1 de la planche XX les représente vus à un assez fort grossissement. ORGANE GLANDULAIRE DE L HELCION PELLUCIDUM. Ul Ces petits tentacules ciliés (fig. 6, pi. XX) dominenl une gouttière longitudinale, dont les bords, plus ou moins déformés par les con- tractions du pied, délimitent une série de cavités irrégulières, des sortes d'enfoncements, par oti s'échappent les produits de la sécré- tion d'une glande que nous étudierons plus loin au point de vue histologique. On voit que cette descrip- tion diffère tout à lait de celledeM. PaulPelseneer,qui considère VHelcion comme pourvu d'un épipodium placé de la même façon que celui des Rhipidoglosses, mais dé- pourvu de tentacules. Cette erreur manifeste est, pourtant, explicable : En effet, cette série de ten- tacules et la lèvre de la gout- Fig. 3. Jeune Helcion vu par la face ventrale. cb, cavité respiratoire avec la tache pigmentaire ; oh, organe nerveux ; op, organe glandulaire périphé- rique ; Br, branchies ; m, manteau ; t. tentacules. lière glandulaire ne sont pas faciles à apercevoir sans pré- paration spéciale. Toutes ces parties, blanches et transparentes, se projettent sur le fond blanc du pied et on ne les distingue que lorsque l'un des tentacules fait une saillie suffisante pour se dessiner sur un fond plus favorable. Cependant, sur les gros échantillons, on peut, avec un peu d'ha- bitude, distinguer l'ensemble de l'organe et constater la présence du sillon auquel les deux saillies blanchâtres donnent alors l'aspect d'un cordon irrégulier. On peut tourner la difficulté causée par la blancheur et la trans- parence des tissus, en colorant au bleu de méthylène des animaux vivants, immergés pendant vingt-quatre heures dans une solution faible du bleu dans l'eau de mer. Je dois indiquer, cependant, que 448 L. BOUTAN. le résultat est incertain, car le bord du pied et les branchies se colo- rent presque toujours aussi fortement que l'organe glandulaire lui- même. Une autre méthode m'a donné de meilleurs résultats, c'est celle qu'a préconisée M. Racovitza, pour déceler la présence de glandes muqueuses chez certains Annélides et qui a fait l'objet d'une note publiée dans les Archives de zoologie générale et expérimentale^. Le procédé consiste à inonder quelques animaux vivants et en bon état avec de l'acide acétique glacial, à les laver ensuite à l'eau distillée, puis à les plonger dans une solution faible de vert de méthyle. Après que l'animal s'est imprégné de la matière colorante, ce qui se produit assez rapidement, on le place dans le liquide de Ripart et Petit et l'on attend quelques jours. Une décoloration partielle ne tarde pas à se produire et l'on constate alors que l'organe glandulaire périphérique reste seul vivement coloré et s'enlève vigoureusement sur les tissus environ- nants, à peine teintés. Ce procédé m'a donné des i^ésultats constants; il est précieux pour la recherche anatomique des glandes muqueuses dans les Mollusques de très petite taille, et nous fournit déjà une indication utile en nous montrant que l'organe périphérique de YHelcion contient une grande quantité de glandes muqueuses. Il nous permet aussi de reconnaître la présence d'un organe qu'on n'aperçoit que difficilement sans préparation et sur lequel nous aurons à revenir dans le cours de ce travail (oA, fig. 3 du texte). Cet organe a déjà été signalé par les auteurs dans d'autres types, par exemple par Bêla Haller dans Nacella, et on le considère géné- ralement comme un organe nerveux. Il est constitué par un bourrelet de cellules, placé à cheval sur le 1 E. Racovitza, Sur une nouvelle méthode de coloration élective des glandes hypo- dermiques {Archives de zoologie expérimentale et générale, 1894). ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELGION PELLUCIDUM. ^49 muscle coquillier, à l'enlrée de la chambre qui correspond à la cavité Fig. 4. 1, Fissurelle; 2, Helcion ; 3, Acmée ; 4, Patelle. G, collerelle de la Fissurelle ; OS, organe sensoriel homologue à la collerette ; OP, organe glandulaire périphérique (épipodium de Pelseneer) ; B, branchie. branchiale des Rhipidoglosses, entre la tête et la branchie. 11 a été représenté figure 3, oh, du texte. Laissant de côté, pour le moment, les Nacelles et les animaux ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3» SÉRIE. — T. V. 1897. 29 iSO L. BOUTAN. qui paraissent présenter un organe périphérique analogue à celui de l'animal que nous étudions, nous allons comparer tout d'abord VHelcion avec une Patelle, un Monobranche et une Fissurelle, de manière à indiquer leurs différences extérieures. La figure 4 du texte est destinée à faciliter cette comparaison. La coquille, avec son crochet recourbé et tourné vers la partie antérieure de la coquille, ressemble davantage à celle de l'Acmée (Monobranche) qu'à celle de la Patelle; mais l'Acmée est dépourvue de branchie circulaire et d'organe périphérique; en outre, on dis- tingue (fig. 4 du texte), sur tout le pourtour extérieur du manteau, des glandes blanchâtres, en forme de bouteilles, qui débouchent isolément à l'extérieur. Au point de vue de la disposition delà branchie, VHelcion se rap- proche davantage de la Patelle, puisqu'elle possède une série de lamelles respiratoires placées circulairement entre le manteau et le pied ; mais cette série de lamelles ne forme pas un cercle complet ; elle est interrompue au niveau de la chambre située au-dessus de la tête et correspondant à la cavité branchiale des Prosobranches. La branchie de THelcion rappelle, par sa disposition, l'organe respi- ratoire de beaucoup de Chitons, bien plus que celui de la Patelle. La figure 4 du texte permet d'apprécier également la différence de position qui existe entre la collerette de la Fissurelle et l'organe glandulaire périphérique de VHelcion, différence sur laquelle nous insisterons dans un des chapitres suivants. m DESCRIPTION DE l'oRGANE GLANDULAIRE PÉRIPHÉRIQUE DE l'hELCION PELLUCIDUM. JDans un mémoire récemment publié et qui contient des aperçus très intéressants sur les glandes des Gastéropodes, M. J. Thiele' > Thiele, Beitrâge zur Kenntniss der Mollusken, etc. {Zeitschr. f. Wiss. Zooi., 1897). ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUGIDUM. 481 constate que les glandes de la peau des Mollusques consistent tou- jours en une charpente de cellules de soutien et en des éléments de sécrétion qui y sont logés. « Il n'y a de différence, dit-il, que dans la proportion des deux éléments : les cellules glandulaires peuvent être égales ou plus grandes, ce qui les force alors à pénétrer dans les tissus internes. // n'existe pas dans fa peau des Mollusques 'd'épit hélium glandulaire com- posé exclusivement de cellules glandulaires formant le revêtement interne d'une cavité. » Carrière^ et Félix Bernard^ avaient déjà insisté sur ce fait. Mais Thiele a eu le mérite d'essayer d'en tirer des conséquences. Après avoir constaté que les glandes de la peau des Mollusques ont toutes un plan commun et sont formées d'un réseau de cellules de soutien et de cellules glandulaires, il se demande si, à l'aide de ce caractère général, on ne peut pas reconnaître dans tous les Mol- lusques, ce qui appartient à la peau même invaginée et dérive, par conséquent, de Tectoderme et ce qui appartient au mésoderme et à l'endoderme. Il a essayé de le faire pour quelques types et conclut que la chose est possible, dans les cas envisagés. Il y a là une méthode nouvelle dont on ne peut nier la valeur, un truchement qui, dans bien des cas, pourra indiquer si l'organe con- sidéré est un dérivé de la peau, malgré sa situation plus ou moins pro- fonde dans l'intérieur de l'organisme et qui viendra suppléer aux in- dications encore incomplètes que fournit l'étude du développement. L'organe glandulaire périphérique ne fait pas exception à la règle formulée plus haut par M. Thiele; et, quoique l'élément glandulaire soit ici prédominant, on constate la présence évidente des cellules de soutien qui ne paraissent pas avoir été nettement aperçues par Bêla Haller dans les types qu'il a étudiés. 1 Carrière, Die Fussdrustn der Prosobranchier {Arch. Mikr. Anal., Bd XXI). * Bernard, Recherches sur les organes patléaux des Gastéropodes Prosobranches (Annales des sciences naturelles, l. VU). 452 L. BOUTAN. Si l'on pratique, en effet, une série de coupes transversales à tra- vers un H elcionpellucidum préalablement fixé et coloré par le carmin ou par l'hématoxyline, et si l'on colore de nouveau sur lame avec du vert de méthyle, on constate de chaque côté du corps, entre le manteau et le pied, une série d'échancrures représentées (fig. 5, pi. XX), et provenant de la section du sillon glandulaire. L'inté- rieur de ces échancrures (fig. 4, pi. XX) et l'intervalle des muscles les plus rapprochés de la paroi du corps (fig. 9, pi. XX) sont forte- ment colorés en vert, car l'élection de la matière colorante se fait sans aucune difficulté sur les cellules glandulaires à mucus. On comprend sans peine que, par suite de la présence de cette grande quantité de mucus, la fixation soit assez difficile à opérer ; cependant, on obtient facilement l'image de la figure 4, dans laquelle les cellules de soutien, s, sont facilement reconnaissables, mais dans laquelle les cellules glandulaires, go, forment une masse indistincte. Il est probable qu'au moment de la fixation, l'animal se contracte et expulse brusquement une grande quantité de mucus, sous l'in- fluence de la pression produite par les éléments musculaires ; cette contraction doit entraîner la rupture de beaucoup de cellules qui ne se vident pas normalement. Entre les muscles, les éléments glandulaires sont mieux conservés et l'on distingue, au milieu des faisceaux, de grosses cellules (élé- ments glandulaires jeunes) avec un noyau central, autour duquel rayonne un protoplasma ramifié, où se trouvent emprisonnés les éléments de la sécrétion muqueuse {cg, fig. i), pi. XX). En procédant sur des animaux jeunes et en substituant la fixation par l'acide osmiquc à celle du sublimé acétique, on obtient cepen- dant des fixations très suffisantes des cellules voisines de l'échan- crure {go, fig. 8, pi. XX). On constate alors que tout l'intérieur de la cavité, constitué par l'organe glandulaire périphérique, est occupé par de gros éléments glandulaires en forme de bouteille à col très allongé, présentant un ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUCIDUM. 4o.^ noyau refoulé vers la partie inférieure, comme dans les cellules mu- queuses en activité (fig. 8). Chacune de ces cellules débouche par un orifice distinct à l'extérieur. Leur conduit excréteur n'est autre chose que le prolongement môme de la cellule, ouverte h son extré- mité, el (lui débouche entre les cellules de soutien (fig. 7). Les cellules de soutien allongées, toutes égales, sont disposées symciriquement dans l'intérieur de l'échancrure et forment la char- pente de la cavité. Elles sont munies d'un cil. Leur noyau est refoulé vers la partie externe de la cellule, ce qui leur donne une apparence très caractéri.stique {es, fig. 8, pi. XX). On se rend aisément compte de la disposition de ces éléments en étudiant des coupes dirigées tangentiellement à la paroi de la cavité (fig. 7, pi. XX). On dislingue alors une sorte de crible dont les trous sont les orifices des cellules glandulaires et les mailles les cellules de soutien soudées les unes avec les autres sur le pourtour de chaque orifice. En résumé, l'on peut, d'après l'inspection des coupes, considérer l'organe périphérique de VHelcion pellucidum comme constitué par un épithélium glandulaire provenant d'une invagination de la peau au niveau du sillon, au-dessous des petits tentacules de l'organe, inva- gination dont la profondeur est variable selon les points consi- dérés. Cet épithélium est formé : 1" Des cellules de soutien (éléments indifférents et ciliés) formant le revêtement de la cavité, conservant leur disposition en série, mais fortement étirées par pression réciproque ; 2° De cellules glandulaires, cellules énormément développée.^^, qui, par suite de leur développement, forment d'énormes îlots au- dessous des cellules de soutien, mais gardent toutefois avec elles leurs relations primitives, l'extrémité de chaque cellule étant trans- formée en conduit excréteur. Par le fait de leur développement démesuré, ces cellules sont refoulées entre les muscles où l'on retrouve les éléments jeunes; el 454 L. BOUTAN. elles constituent autour de l'animal une ceinture incomplètement fermée en avant, dans la région du mufle. Cet organe, tel que nous venons de le décrire, paraît se rapprocher comme structure, de celui que M. Bêla Haller a décrit dans Nacella vitrea ' . Je traduirai, pour le lecteur, les passages les plus caractéristiques de cette description du savant allemand : « J'ai fait mes observations sur Nacella vitrea et chez Patella magellanica. Partout la construction de la raie glandulaire était la même ; je veux donc me borner à faire la description chez Nacella vitrea, (( Dans une coupe transversale, la raie glandulaire montre nette- ment qu'elle consiste en une rigole glandulaire et en un pli de la peau, qui recouvre celle-ci dans toute sa longueur. « La partie glandulaire de la rigole est formée par un grand nombre de petites outres allongées qui, séparément, débouchent vers l'extérieur entre les cellules épithéliales de la peau. « Ces outres glandulaires sont couchées côte à côte et serrées; elles ne se groupent pas par paquets, mais d'une façon continue traversent la rigole glandulaire en entier. « Celles des outres qui sont situées près du pli de la peau et aussi dans la partie inférieure de la rigole sont les moins longues ; les outres situées davantage vers l'intérieur sontles plus allongées. Parmi ces dernières (ainsi que je l'ai fait voir également dans mon dessin), quelques-unes avancent même assez en avant dans le pied. « Entre les outres glandulaires est situé le tissu conjonctif qui, en forme de réseau, traverse le pied entier et qui enlace plus ou moins chacune des outres. Chez Nacella vitrea, les cellules arbores- centes de ce tissu conjonctif sont remplies d'un pigment noir. » Jusqu'ici la description de l'auteur correspond à peu près à celle » Bbla Haller, Docoglosses, etc., loc. cil. OHGANE GLANDULAIKK DE L'HELCION PELLUCIUUM. 455 que nous venons de donner des sl-'^ndes unicellulaires de l'organe périphérique, mais l'auteur ne paraît pas avoir nettement compris qu'elles ne sont qu'une partie très développée del'épithélium, car il ajoute : <( Les cellules de l'épithéliiim de la rigole glandulaire entre lesquelles débouchent les outres glandulaires possèdent une forme cubique. Les dernières extrémités des filets du tissu conjonctif sont ici, comme cela est partout le cas, incorporées dans la mem- brane basale. » 11 ne paraît pas non plus s'être fait une idée tout à fait nette de la structure de ces cellules glandulaires. « C'est en vain, dit M. Bêla Haller, que j'ai essayé, moyennant les plus forts systèmes d'agrandissement, de me procurer des notions sûres sur la construction de ces outres. « C'est ainsi que j'avais observé souvent au bout de ces outres glandulaires, de petits noyaux cellulaires qui les environnaient à l'extérieur. Mais à la suite d'observations réitérées, le doute subsiste et je ne saurais aftirmer que ces noyaux appartiennent aux outres glandulaires. » Un peu plus loin, l'auteur ajoute : « Je n'ai pu constater aucun noyau cellulaire dans toute la lon- gueur de l'outre, car même la coloration à l'alun carminé ne faisait pas apparaître de noyau cellulaire. De même il est impossible de voir quoi que ce soit d'une limitation cellulaire entre ces outres. Un lumen glandulaire manque également. L'outre paraît absolument homogène. « Malgré tout, et quoique je n'aie pu découvrir un noyau cellulaire dans ces outres glandulaires, je me crois autorisé, en tenant compte de ce que j'ai rapporté concernant mes observations, à admettre que ces outres glandulaires sont des cellules glandulaires indivi- duelles et non pas des tubidi à plusieurs cellules. » D'après l'examen de la figure fournie par M. Bêla Haller sur la 456 L- BOUTAN. coupe de l'organe glandulaire chez Nacella, je crois que, par suite d'une fixation insuffisante, l'auteur n'a pas nettement distingué les cellules de soutien et a pris pour un épithélium cubique, ce qui était en réalité la partie supérieure seulement des longues cellules de soutien. Quant aux utricules glandulaires, si l'auteur n'a pu observer le noyau, c'est parce qu'il ne s'est pas adressé à des cellules assez jeunes et n'a pas obtenu une bonne fixation de ces éléments. Cependant, je ne formule cette observation qu'avec des réserves, puisque je n'ai pu contrôler l'observation de M. Bêla Haller sur l'espèce qu'il a étudiée. Quoi qu'il en soit, on voit qu'il existe une homologie frappante dans la position et la structure de l'organe glandulaire de Nacella et de l'organe glandulaire périphérique û'Helcion (le prétendu épipo- dium de Pelseneer). IV DESCRIPTION DU SYSTÈME NERVEUX ET INNERVATION DE l'oRGANE GLANDULAIRE PÉRIPHÉRIQUE DE l'HELCION PELLUCIDUM. Sur les gros échantillons rapportés de Duon et dont l'un atteignait un centimètre et demi environ, j'ai pu disséquer, sans trop de peine, le système nerveux, comme contrôle de la méthode des coupes. En incisant l'animal sur le côté gauche, un peu au-dessous de la branchie, et en rejetant la masse des viscères sur le côté droit, après avoir poursuivi l'incision jusqu'à la base du tentacule droit, on obtient rapidement la préparation de l'un des ganglions cérébroïdes, des deux premiers ganglions (ganglions palléaux) du centre asymé- trique et de la partie supérieure des ganglions pédieux. Malgré la courte description qui en a été donnée par M. Pelseneer*, je crois utile de décrire en détail ces différentes parties. Pour préparer les ganglions pédieux qui nous intéressent particu- * Pelseneer, Epipodium des Mollusques, loc. cil. ORGANE GLANDULAIRK DE LHELCION PELLUCIDUM. 457 lièrement ici, il faut inciser les muscles du pied comme dans la figures de la planche XX, qui représente la préparation obtenue par la dissection fine. Les ganglions pédieux sont, en effet, étirés sous forme de deux longs cordons ganglionnaires nerveux et ont l'aspect d'une lyre. Chez les jeunes, ils sont énormément développés par rapport au volume du corps de l'animal. Soudés intimement à la partie anté- rieure (fig. 2, pi. XX), ils donnent latéralement naissance à six gros troncs nerveux qui se bifurquent presque aussitôt. Le premier tronc innerve la partie antérieure, les quatre suivants les parties latérales, le dernier la partie postérieure du pied. Les deux ganglions pédieux sont réunis dans la région postérieure du pied par une courte com- missure. Aussitôt après leur bifurcation, les grosses branches nerveuses se ramifient un grand nombre de fois en se dirigeant vers la périphérie et l'on ne tarde pas à les perdre. Les fines ramifications deviennent trop grêles pour être isolées à l'aide d'un scalpel. En somme, l'aspect général de cette partie du système nerveux, ainsi qu'on peut en juger d'après la figure 2, pi. XX, reproduite d'ailleurs assez peu exactement par la gravure, rappelle la disposi- tion du système nerveux d'une Patelle, ainsi que l'avait déjà noté M. Pelseneer '. Les deux premiers ganglions, g.\, g. 2, du centre asymétrique (palléaux) sont nettement séparés des ganglions pédieux, gp, et ne participent pas, comme dans VBaliotis, la Fissurelle, à la formation de la masse nerveuse étirée en forme de lyre. Les sections fines permettent de compléter cette vue superficielle des centres pédieux. C'est la méthode au chlorure d'or qui m'a procuré le meilleur résultat. On sait quels résultats irréguliers donnent, pour les animaux ma- ' Pelseneer, lue. cit. 458 L. BOUTAN. rins, les procédés ordinairement employés pour l'utilisation de ce réactif, et l'irrégularité que l'on observe dans l'imprégnation des éléments frais, quand on essaye d'appliquer les différentes méthodes préconisées par les auteurs. J'ai donc cherché un nouveau procédé pour obtenir à la fois une bonne .fixation des éléments et, en même temps, une précipitation régulière de l'or, donnant naissance à des colorations électives. L'animal frais et entier, s'il est de petite taille, est fixé dans le sublimé acétique après avoir été au préalable essuyé pour enlever l'excès d'eau de mer. Quand la fixation est complète, on le lave dans un récipient conte- nant abondamment de l'eau saturée à chaud d'acide borique ; le lavage doit durer plusieurs heures (six heures environ). On place ensuite la pièce dans un bain d'eau distillée contenant du chlorure d'or à 1/1000 ou à 1/2000, selon la grosseur de l'objet. On laisse séjourner la pièce dans celte solution, à l'abri de l'action directe de la lumière, dans une obscurité à peu près complète pen- dant vingt-quatre heures environ. On la porte de nouveau dans un bain d'acide borique où on la laisse séjourner jusqu'à ce que la réduction soit complète. (La réduction doit s'opérer à l'ombre et se fait très régulièrement.) On peut la favo- riser en maintenant le liquide à une température de 35 degrés environ. 11 faut déshydrater ensuite la pièce par la méthode ordinaire et la faire passer par la série des alcools. Par ce procédé, on observe une imprégnation complète des pièces et l'on constate une élection suffisante entre le système nerveux et les fibres musculaires. Sur les coupes sagittales, on obtient facilement, sur les petits échantillons, des sections de l'animal montrant l'origine des prin- cipaux filets nerveux et, dans quelques coupes, on observe la section de l'un des ganglions pédieux étirés sous forme de chaîne, dans presque toute sa longueur (fîg. 5 du texte). ORGANE GLANbULAlKE DE L HELCION PELLUCIDUM. 459 Les coupes horizontales passant par un plan parallèle à celui de la sole pédieuse, sont les plus favorables pour étudier les rapports de l'organe périphérique avec les ganglions pédieux. Sur les coupes en série, on constate qu'il existe, non seulement dans la profondeur du pied, mais encore au niveau de la rangée de tentacules de l'organe périphérique, un riche réseau de nerfs, dont les terminaisons arrivent jusqu'au niveau des tentacules et qui sont fournis par les branches ultimes dérivées des ganglions pédieux étirés le long du pied (fig. i2, pi. XX). Ces rapports des nerfs pédieux et de l'organe périphérique se ot. Fig. 5. Coupe sagittale d'He'.cion passant au niveau des ganglions pédieux. gp, ganglions pédieux ; Og, organe péripliérique ; ot, otocyste ;. CR, cartilage radulaire ; /, intestin ; es, estomac ; m, manteau. voient surtout bien dans les coupes horizontales légèrement obliques au plan de la sole pédieuse, ce qui permet à la section de passer à la fois par le centre nerveux et par l'organe périphérique qui ne se trouvent pas sur le même plan horizontal (fig. 3, pi. XX). L organe périphérique, le prétendu épipodium de M. Pelseneer\ est donc nettement innervé par les ganglions pédieux, les ganglions pal léaux ne contribuent en rien à son innervation. Examinons maintenant les autres centres nerveux de VHelcion pellucidum. Je commencerai d'abord par les ganglions cérébroïdes qui pré- 1 Pelseneer, loc. cit. 460 L. BOUTAN. sentent une particularité intéressante, sur laquelle j'insisterai tout d'abord. Dans son important mémoire sur les Docoglosses et les Rhipido- glosses, M. Bêla Haller décrit avec beaucoup de soin le système ner- veux de Lotlia viridula. Il dit que les ganglions cérébroïdes consistent en un épaississement en forme de fuseau qui pénètre dans l'inté- rieur de la lèvre inférieure, et forme un prolongement ganglionnaire de chaque côté. Ce prolongement est uni inlimementavec le reste dugan- glion cérébral et non simplement relié avec lui par une commissure. Les ganglions cérébroïdes de VHelcion offrent la même particu- larité; et, dans l'intérieur de la lèvre inférieure, on retrouve de chaque côté un gros renflement ganglion- naire nettement distinct des gan- h.inf. Fig. 6. Coupe transversale de la tête de l'fl«i- g^ions cérébroïdes , ainsi que l'on don passant par les ganglions céré- pg^^ g'^^ rendre compte en examl- broïdes et le ganglion labial. , , . . , nant la figure 6 du texte qui repré- cy, œsophage; »îr, mnsoles et cartilages ra- o i r- dulaires; gc, ganglion cérébroïde ; <, ten- gg^-,^g ^^g seCtion traUSVCrsale dC la tacule ; l.inf, lèvre inférieure ; gl, gan- glion labial. tête de V Helcion. Je ne m'occuperai pas dans ce mémoire de la commissure sous- œsophagienne, dont M. Bêla Haller conteste l'existence, me réservant de l'étudier dans un travail ultérieur, mais je dois donner quelques détails sur l'organe hypothétique qu'on trouve chez VHelcion, au- dessus de la tête, sur le muscle coquillier, et que nous avons déjà signalé dans le chapitre relatif à l'extérieur. Thiele ^ en a donné la description dans un travail sur les organes sensoriaux des branchies chez les Patellides et pense qu'il est innervé par le ganglion olfactif, dont il ne serait que la continuation. 1 Thiele, Ueber die Kiemensinnes-organeder Patelliden{Zool. Anzeig.,t. XVI, 1893). OKGANE GLANDOLAIKK DE L'HELCION PELLUCIDUM. 461 Tel n'est pas l'avis de Bêla Haller ', qui estime que cette raie senso- rielle n'a rien à faire avec l'oi'gane olfactif, sinon qu'elle commence tout près de lui. Voici du reste la traduction d'un des passages caractéristiques : « Si on lève le bord du manteau auprès de l'entrée, dans la cavité branchiale, on constate, au moyen d'une loupe, de chaque côté du pied, au-dessous du point de départ du muscle de la coquille, une raie fine formant un léger bourrelet; cette raie commence tout près de l'organe olfactif, au bord de la cavité branchiale, et se termine graduellement après un court trajet. Elle n'avance donc que peu, en arrière, mais la longueur qu'elle peut atteindre varie chez les diffé- rentes formes, quoique dans des limites restreintes. « Tout en commençant tout près de l'organe olfactif, elle n'est nullement en contact avec celui-ci. J'appelle cette raie, la raie senso- riale du pied, et j'ajoute que je l'ai trouvée, sans exception, chez tous les Cyclobranchiens que j'ai observés. » Voici comment il la décrit dans Nacella vilrea : « L'anneau sensoriel est, dans toute sa longueur, un organe uni- forme ayant l'apparence d'un bourrelet, il n'est donc pas constitué en sections. Ce qui le caractérise n'est pas seulement son épithélium élevé, mais encore un tissu subépithélial qui forme des collines. « L'épithélium a deux éléments constitutifs : « 1° Des cellules élevées, aplaties du côté delà membrane basale, et qui n'ont pas de poil sensoriel; les noyaux de ces cellules sont situés plus ou moins près de la base ; « 2° Des cellules courtes existent et elles sont toujours situées vers la surface et se terminent vers la base en un appendice fin qui pé- nètre à travers la membrane basale, et qui, selon toute apparence, est en connexion avec les cellules ganglionnaires situées sous la ligne sensorielle. » Je n'ai rien à modifier à cette description, en ce qui regarde * Docoglusses, loc. cit. 462 L. BOUTAN. l'organe deVHelcion, et je crois en effet que M. Bêla Haller est dans le vrai quand il dit que cette formation n'a rien à faire avec l'organe olfactif. L'innervation de l organe me paraît le démontrer : Le centre asymétrique, en effet, est constitué, comme chez la Patelle, par deux gros ganglions (palléaux) et trois ganglions (vis- céraux) placés sur la commissure croisée. L'organe olfactif est innervé par les ganglions du centre asymé- trique 3 et 4 (viscéraux) qui sont placés, comme chez la Patelle, immédiatement au-dessous de l'organe pair. L'organe hypothétique, dont il vient d'être question, au contraire, est innervé par les gan- glions 1 et 2 (palléaux). Quand on examine ces deux premiers ganglions sur des coupes transversales û'Helcion très jeunes, on constate que les deux gan- glions 1 et 2 (palléaux) présentent une grosse saillie ganglionnaire qui est située immédiatement au-dessous de l'organe hypothétique déjà formé et en contact intime avec lui. Cette remarque a, je crois, une grande importance et permet de préciser la véritable nature de l'organe énigmatique que M. Bêla Haller considère, je crois, à tort comme une formation acquise par les Cyclobranches et manquant chez les autres Mollusques. « Pour le moment, dit-il, la fonction sensorielle de cette forma- tion reste énigmatique, de même que le sont les fonctions de maints autres organes sensoriaux chez les Mollusques ; mais il faut se garder de l'homologuer avec les organes sensoriaux, pour cette raison, parmi d'autres, qu'elle manque chez les Mollusques et ap- paraît ainsi comme une formation acquise parles Cyclobrarkchiens. » Je ne crois pas que l'organe en question soit une formation acquise par les Cyclobranches. Son innervation se fait par l'intermédiaire des deux premiers ganglions (palléaux) du centre asymétrique, non par les troisième et quatrième ganglions (viscéraux), comme le pensait M. Thiele, ni par les' ganglions pédieux, comme le croit M. Bêla Haller. ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUGLDUM. 46:^ Nous essayerons plus loin de démontrer que c'est une formation analogue, probablement même homologue à la collerette {épipodium) des Rkipidoglosses. Ttt, --■b.b. QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LA BRANCHIE DES RHIPIDOGLOSSES ET DES CYCLOBRANCHES. La branchie, telle qu^on la trouve chez les Aspidobr anches, est certai- nement une formation tardive, nulle- ment homologue à l'organe respira- toire qui permet les échanges gazeux chez la larve. L'animal a déjà sa forme défini- tive, sa forme adulte, lorsque les branchies, qui existent chez l'ani- mal normalement constitué, font leur apparition. C'est un fait sur lequel il est bon d'insister et qui éclaire, je crois, la question des formes et des disposi- tions diverses de l'organe respira- toire chez leè Prosobranches. Je le préciserai par un exemple : Fig. 7. Chez la Fissurelle, que je prendrai l" Fragment du manteau d'une jeune Fissurelle vu par la face ventrale. comme type des RhipidogloSSeS ,„, rameau ; a 6, bourgeons de la branchie (fig. 7), la branchie apparaît sous ^"^"«'^ ^' ^°'^'«""°° ' "^ ''''''' ^p*'=«'- forme de bourgeons isolés, ciliés, '-' ^''^S'"^"^ ^" ™«'"« ^'^ ^« P''»^'- (Mêmes lettres que plus haut,) comme le montre le dessin d'un lambeau de la paroi dorsale de la chambre branchiale, vue par la face ventrale. Ces bourgeons dérivent^ non pas du plancher de la cavité branchiale, comme Userait naturel de V admettre a priori, étant donnée leur situation 46i L. BOUTAN. définitive, mais du plafond de celte cavité. De plus, ils ne se forment que tardivement, au stade Rimule, alors que l'animal va prendre sa forme définitive (fig. 8 du texte). 11 me paraît évident que si cette origine tardive de l'organe bran- chial définitif est admise pour tous les Aspidobranches, on doit rechercher la cause de la disposition et de la forme de l'organe dans la disposition et la forme de la cavité branchiale de l'adulte. L'aspect définitif des parties qui constituent l'appareil respiratoire de l'adulte aurait donc pour facteur, non pas je ne sais quel vague souvenir ancestral, ce qui ne correspond qu'à une idée confuse masquant sous des mots notre ignorance, mais une disposition analomiqiie, résultant de la forme définitive de la cavité branchiale chez l'adulte. Le Pleurotomaire, la Fissurelle, le Parmophore, ont deux bran- chies à peu près également développées, parce que la cavité bran- chiale est symétrique, également développée du côté droit et du côté gauche, ce qui permet la formation d'un organe pair. Le Troche, le Turbo, etc., n'ont qu'une seule branchie bien déve- loppée, parce que la cavité branchiale est asymétrique et ne permet le développement de l'organe que d'un seul côté. Je suis persuadé que si, par un artifice, on pouvait rendre la cavité branchiale d'un Troche absolument semblable à celle du Pleuroto- maire, en modifiant son développement, on verrait se former deux Fig. 8. Branchie en voie de formation d'une Fissurelle plus âgée, montrant la réunion des bourgeons qui con- stituent la branchie définitive de l'adulte. B, branchies ; O, orifice apical. ORGANE GLANDULAIKE DE LHELCION PELLUCIDUM. 465 branchies au lieu d'une. Malheureusement, c'est là une expérience difficile à réaliser dans l'état actuel de la science. La formation de la branchie périphérique est-elle également une formation secondaire et tardive chez les Cyclobranches ? ' Je crois pouvoir répondre également par l'afllrmative. Une preuve directe nous est d'ailleurs fournie par l'élude des jeunes de VHelcion pellucidum (fig. 9 du texte). Fig. !t. 1° Jeune Helcionwi par la face ventrale et montrant la branchie en voie de formation. 2» Coupe horizontale passant par la branchie d'un individu du même âge. cb, taohe pigmentaire ; oli, organe nerveux homologue à la collerette des Rhipidoglosses ; op, ten- tacules de l'organe glandulaire périphérique ; Br, bourgeons branchiaux ; m, manteau ; t, ten- tacules. C'est seulement lorsque le Jeune a pris sa forme définitive^ et que tous ses organes sont déjà constitués à l'état d'ébauches, qu'on voit apparaître les bourgeons branchiaux sous forme de bourgeons isolés. L'absence de branchies dans Lepeta ca?ca (Millier), lequel se montre dépourvu à la fois de branchies cervicales et marginales, vient éga- lement apporter une preuve indirecte à l'appui de la thèse que nous soutenons, et montre que les branchies, chez l'adulte, n'ont pas l'im- portance fondamentale qu'on leur attribue. Il faut noter également que si les branchies des Prosobranches ne peuvent être homologuées aux branchies des Cyclobranches, puisque AUCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3^ SÉHIE. — X. V. 1897. 30 466 L. BOUTAN. ce n'est pas la même partie du manteau qui leur donne naissance, leur mode de formation est pourtant le même. Il semble que, dans un cas comme dans l'autre (fig. 9), ces petits bourgeons, qui sont le premier indice de l'organe définitif, sont identiques, et l'on peut les considérer, avec quelque apparence de raison, comme des boursouflures du manteau produites par l'afflux du sang dans les sinus sanguins palléaux. On considère généralement la place des branchies comme étant intimement liée à celle de l'anus et du cœur ; il est certain qu'il en est habituellement ainsi. Cependant les Cyclobranches font exception à la règle, et, quoique l'anus soit placé dans la cavité palléale dor- sale, les branchies sont périphériques, comme chez les Chitons, où les branchies gardent leurs relations avec le tube digestif. Cette exception, en apparence inexplicable, peut s'interpréter plus facilement, si l'on tient compte de ce que nous avons dit plus haut. L'orifice anal fait son apparition de très bonne heure chez la larve ; il est en quelque sorte primitif, et ses déplacements sont dus à des croissances irrégulières du corps de l'embryon. Mais à quoi tient ce déplacement de l'anus? Il semble qu'ici encore, en allant chercher dans une forme ances- trale la cause de la position de la partie terminale du tube digestif chez l'adulte, on fait fausse route ; et que la disposition anatomique et le mode de vie de la larve peuvent nous renseigner plus sûrement à cet égard sur la cause efficiente et réelle. Quand un Mollusque quitte l'œuf à un stade peu avancé et aban- donne rapidement la vie pélagique, par suite de la résorption du voile, pour ramper sur le fond, l'anus et la partie du manteau qui l'entoure subissent un déplacement. La région anale du manteau, qui ne sera que bien plus tard la cavité branchiale, est, en effet, placée, ainsi que l'anus, immédia- tement au-dessous du pied par rapport à la tête et à la bouche, ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUCIDUM. 467 ainsi que je l'ai établi pour la Fissurelle ' dans un mémoire publié depuis longtemps, et ainsi que l'a établi "W. Patten * pour la Patelle. Très rapidement, ces rapports changent par suite du développe- ment du pied; une torsion se produit qui imprime à tous les organes primitifs, quelles que soient les régularisations ultérieures, un cachet définitif, et l'anus, entouré d'une partie du manteau, devient dorsal. Voilà ce qui se passe chez la larve qui rampe de très bonne heure. N'est-il pas frappant d'opposer à cette larve, dont la torsion primi- tive n'est masquée ensuite que par une régularisation secondaire toujours incomplète, le cas des Acéphales et celui des Céphalopodes? Certes, les Céphalopodes actuels n'ont rien d'un type primitif. A quoi tient-il que l'anus conserve une situation primitive au-dessous du pied et de la bouche? N'est-il pas logique d'admettre que le phé- nomène est dû à la vie agile de la larve qui ne se sert pas de son pied pour ramper à la façon des Gastéropodes ? La formation des branchies, qui n'apparaissent que tardivement dans le point oh le courant d'eau est le plus actif, est en quelque sorte le résultat du fait accompli ; elles prennent naissance là où l'anus s'est définitivement placé, là oh le courant d'eau est néces- saire à l'expulsion des fèces ; et, si la place manque dans la cavité branchiale, elles prennent naissance en un autre point, entre le manteau et le pied. Si l'on cherche l'organe qui supplée, chez la larve, à l'absence des branchies véritables qui ne se produisent que tardivement, on est porté à penser que le manteau tout entier constitue l'organe respi- ratoire larvaire. Il conserve d'ailleurs ce rôle même chez les adultes, et les nom- breux petits vaisseaux qui, chez la Patelle, ramènent le sang direc- tement àToreilletle, le démontrent suffisamment. ' L. BouTAN, Anatomie de la Fissurelle {Archives de zoologie expérimentale et géné- rale, t. III bis, 2« série, 1885). * W. Patten, The Embryology of Palella [Arbeil. aus Zool. Inst. univers., Wien, 1886). 468 L. BOUTAN. Cependant, sans avoir celte preuve directe que l'élude du déve- loppement, en ce point particulier, pourra seule fournir, je suis porté à penser qu'il existe chez la larve des Aspidobranches, un organe plus spécialement atl'ecté à cette fonction. Tout autour du pied, on trouve, en effet, dans les larves d'Aspido- branches qui ont été figurées *, un organe constitué par une rangée de tentacules paraissant offrir à la fois un rôle sensoriel et respira- toire. On le voit apparaître sous forme de longs tentacules ciliés dans les très jeunes larves de Prosobranches, alors que le manteau propre- ment dit, dont il n'est qu'une dépendance, n'a encore qu'un faible développement. Ces longs tentacules, par leur forme et leur position, semblent bien disposés pour la fonction que je leur attribue. Je crois que la collerette (épipodium des Rhipidoglosses) qui occupe la même position chez l'adulte, est une transformation de cet organe larvaire. La fonction respiratoire devient nulle et l'organe garde seulement la fonction sensorielle. Étant donné son rôle respiratoire primitif, il semble tout naturel que l'organe soit une dépendance du manteau et soit innervé par les ganglions du centre asymétrique (palléaux). Étant donné qu'il perd cette fonction respiratoire et qu'il reste au niveau du pied, il n'est nullement surprenant qu'il s'établisse une sorte de fusion entre les ganglions pédieux et les ganglions du centre asymétrique chargés de l'innerver. VI COLLERETTE (ÉIMPODIUM) DES RUIPIDOGLOSSES. La véritable nature de la collerette (épipodium des Rhipidoglosses) a donné lieu à une grande discussion, qui a même dégénéré parfois en polémique. 1 L. BouTAN, Analomie de la Fissurelle, loc. cil. ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELGION PELLUCIDUM. 469 M. de Lacaze-Duthiers a montré, depuis déjà longtemps, que la masse nerveuse ventrale de VHaliotis est formée à la fois par les deux premiers ganglions du centre asymétrique (ganglions palléaux) et par les deux ganglions pédieux, et que la collerette (épipodium) était innervée par les ganglions palléaux. J'ai soutenu la même opinion pour la Fissurelle et le Parmophore. M. Bêla Haller, puis M. Pelseneer, ont prétendu que c'était là une erreur ; que les ganglions pédieux seuls constituaient la masse ner- veuse ventrale dans les Rhipidoglosses et que la collerette (épipo- dium) était innervée par les ganglions pédieux. Plus récemment, M. Thiele', donnant tort aux deux opinions en présence, en a émis une troisième : il soutient que la masse nerveuse ventrale est constituée uniquement par les ganglions pédieux, con- trairement à l'opinion de M. de Lacaze-Duthiers et à la mienne, mais que cependant l'épipodium est une dépendance de la tête. Voici du reste la traduction du passage en question de M. Thiele : « Pelseneer, dit-il, soutient que l'épipodium fait partie du pied, et cette opinion mérite d'être revisée. « Il dit, en effet, que l'épipodium est innervé par les faisceaux pédieux : « Je conviens que les deux faisceaux pédieux ne consistent pas en deux portions séparées, couchées l'une sur l'autre, mais sont une formation unique ; cependant, je suis obligé de combattre cette opi- nion que l'épipodium est une formation pédieuse. « Ce fait généralement accepté le prouve : les parties antérieures de V épipodium sont innervées par les ganglions cérébraux, comme je l'ai décrit chez Haliotis. Ce fait, en apparence minime, est absolument suffisant, selon moi, pour renverser l'opinion de Pelseneer. « Rien ne prouve que les ganglions cérébraux des Haliotis, ainsi qu'on pourrait peut-être le croire, contiennent des portions de la masse ganglionnaire d'origine ventrale, car ils n'innervent que des * Thiele, Beilrage sur Kenniniss der MoUu ken (Zeiischr. fur Wiss. ZooL, 1892). 470 L. BOUTAN. parties de la tête et que chez Haliotis, les ganglions palléaux, qui, chez quelques autres Mollusques, se sont joints aux ganglions céré- braux, sont absolument des portions des faisceaux ventraux. (( La partie antérieure de l'épipodium, à considérer l'innervation, appartient sans aucun doute à la tête, n L'épipodium, selon l'opinion de Thiele, représente un organe de la hgne latérale qui est homologue à celle des Polychètes. Cette discussion, que je veux continuer en me plaçant seulement à un point de vue scientifique, et dans laquelle nous n'étions arrivés, ni M. de Lacaze-Duthiers ni moi, à convaincre nos honorables con- tradicteurs, me paraît définitivement tranchée par une courte note de MM. Bouvier et Fischer', qui n'avaient pas pris parti dans le débat: elle porte sur l'étude du Pleurotomaire. Voici la citation in extenso de la partie de la note relative au point en litige : (( Les cordons nerveux scalariformes se font remarquer par la saillie ganglionnaire, en forme de corne très allongée, qu'ils émet- tent l'un et l'autre en avant de leur commissure la plus antérieure. Cette corne présente sur toute sa longueur, notamment du côté externe, un sillon large et profond qui se continue sur les cordons et qui divise chacun d'eux en une partie supérieure palléale et en une partie inférieure pédieuse. Le connectif cérébropalléal aboutit à la partie inférieure pédieuse. La partie pédieuse, en arrière de la grande commissure antérieure, présente, comme de coutume, des commissures accessoires, et donne naissance aux nombreux nerfs de la face inférieure du pied ; la partie palléale n'a pas de commis- sures, elle conserve le manteau, le muscle columellaire, les muscles situés à la face supérieure du pied, et vraisemblablement aussi l'épipodium. La partie palléale, en d'autres termes, se comporte exactement comme les cordons palléaux des Placophores, la partie 1 E.-L. Bouvier et H. Fischer, Sur l'organisation et les affinités des Pleuroto- maires (Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. CXXIV, 1897). ORGANE r.LANDULAIKE DE L'HELCION PELLUCIDUM. 471 pédieuse, comme les cordons pédieux de ces derniers, si bien que les cordons palléo-pédieux des Pleurotomaires doivent être consi- dérés comme le résultat de la concrescence des cordons pédieux et de la partie ganglionnaire des cordons palléaux qu'on observe de chaque côté chez lesPlacophores. « En résumé, les Pleurotomaires nous présentent le premier stade d'une concentralion ganglionnaire qui s'accentue de plus en plus à mesure que l'on s'élève dans le groupe des Mollusques ; chez les Haliotidés et les Troques, les cordons du pied se composent en- core, ainsi que l'ont justement soutenu M. de Lacaze-Duthiers, puis M. Boutan, d'une partie supérieure palléale et d'une partie infé- rieure pédieuse, mais la partie palléale tend à s'isoler déjà sous la forme d'un renflement ganglionnaire situé en avant, aux origines de la commissure viscérale ; chez les Fissurellides, la même disposition existe encore; mais les cordons sont plus courts, et, par suite, plus condensés ; dans les Patelles, les Nérites, les Cyclophores, les Palu- dines, les Cyprées, les cordons pédieux scalariformes persistent toujours, mais la partie palléale s'est isolée sous la forme de gan- glions distincts; chez les autres Gastéropodes enfin, les cordons pé- dieux, comme les cordons palléaux, se sont condensés sous la forme de masses ganglionnaires ovoïdes. » J'avais déjà fourni des preuves importantes, à ce sujet, en étudiant le Parmophore et la Nei'ita, à propos de la double origine du centre pédieux étiré en forme de chaîne dans les Aspidobranches, tels que ïHah'otis, la Fissurelle, etc., mais je crois que la démonstration la plus convaincante est apportée par M. Bêla Haller lui-même. Dans son important travail sur les Docoglosses ^ et les Rhipido- glosses que j'ai déjà eu occasion de citer au cours de ce mémoire, M. Bêla Haller donne une figure du système nerveux de LoUia viridula, qui est, selon moi, de nature à éclairer la question et je suis étonné que le savant observateur, qui a étudié avec tant de ' BELiL Haller, Docoglosses, loc. cit. 472 L. BOUTAN. soin le système nerveux de cet animal, n'en ait pas été frappé comme moi. Dans cette figure, en effet, que nous reproduisons dans le texte, on constate que les ganglions pédieux et les deux premiers ganglions Fig. iO. r A gauche, système nerveux de Lotlia, d'après les dessins de M. Bêla Haller. 20 A droite, système nerveux de Parmophore (face ventrale). C, ganglion cérébroïde ; A et B, branches coupées de la commissure croisée; G.P.L, ganglions palléaux; G.P.D, ganglions pédieux ; N.P.L, nerfs palléaux : H, commissures palléo-pédieusf s; E, commissures pédieuses. du centre asymétrique (palléaux) en continuité de substance donnent naissance chacun à deux prolongements ganglionnaires parallèles, réunis par des anastomoses (fig. 10 du texte). C'est un admirable terme de passage entre le système nerveux du Cyclobranche où la masse ner- veuse ventrale est uniquement pédieuse et celui du Parmophore (Aspidobranche) où la masse nerveuse ventrale esta la fois palléale et pédieuse (fig. 10 du texte). ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUCIDUM. ^T."^ Qu'on dissocie la chaîne nerveuse coalescente chez le Parmo- phore, au niveau du sillon qui indique la limite des deux centres, en laissant seulement quelques anastomoses, et l'on arrive très facilement à constituer le système nerveux de Lottia. On peut utiliser, comme terme de passage, le système nerveux du Pleurotomaire étudié par MM. Bouvier et Fischer. D'après les considérations précédentes et les recherches les plus récentes, la nature palléale de l'épipodium ou mieux de la collerette des Rhipido- glosses me paraît démontrée. Il me reste à rechercher si l'organe glan- dulaire périphérique de VHelcion peut être homologué à cette colle- rette des Rhipidoglosses. VII l'organe périphérique glandulaire de L'bELCION PELLUCIDUM PEUT-IL ÊTRE ASSIMILÉ A LA COLLERETTE (ÉPIPODIUM) DES RHIPIDOGLOSSES? L'exposé que nous avons présenté dans les deux chapitres précé- dents était nécessaire pour arriver à trancher cette question : L'organe périphérique glandulaire de VHelcion est-il homologue à la collerette développée autour du pied de VHaliotis, du Trochus, etc. ? Au premier abord, on serait tenté de le croire avec M. Pelseneer*. La ressemblance extérieure de l'organe périphérique avec une collerette peu développée, comme celle d'une Émarginule ou d'un Parmophore, est frappante ; et l'on est porté à homologuer les tenta- cules de l'organe glandulaire périphérique (fig. 1, pi. XX) avec les tentacules de la collerette de l'un de ces Gastéropodes. En regardant de plus près cependant, on constate que cette res- semblance est superficielle et que la position n'est pas tout à fait la même. En eflet, tandis que la collerette des Prosobranches arrive de chaque côté au niveau des tentacules oculaires, on voit, en consul- 1 Pelseneer, loc. cit. 474 L. BOUTAN. tant les figures (fig. 4 : 1 et 2), que les tentacules de l'organe glandu- laire périphérique sont situés sensiblement plus bas. Ils se terminent latéralement de chaque côté du cou, bien au- dessous des tentacules oculaires. L'organe périphérique, OP, n'a donc pas une position absolument identique à celle de la collerette, C, des Prosobranches, il est beau- coup plus rapproché de la sole pédieuse. Cette différence de position, en somme, assez peu marquée, ne suffirait pas, à elle seule, pour diff"érencier les organes que nous comparons. Il existe une autre raison beaucoup plus importante, basée sur la loi des connexions. La collerette est une dépendance du manteau et est innervée par les deux premiers ganglions du centre asymétrique (palléaux). Les tentacules de l'organe glandulaire périphérique de VHelcion pellu- cidum sont une dépendance du pied et sont innervés par les gan- glions pédieux, ainsi que le prouve l'étude du système nerveux (fig. 2, 3 et 5 de la planche XX). L'organe glandulaire périphérique de THelcion pellucidum, n'ayant ni la même position, ni la même innervation que la collerette des Aspidobranches, aucune homologation n'est possible entre ces deux organes. Gela nous explique — ce que M. Pelseneer avait d'ailleurs remar- qué, mais en lui donnant une autre interprétation — pourquoi chez les Patelles et les Helcion, la masse nerveuse ventrale, constituée seulement par les ganglions pédieux, ne présente pas de sillons comme chez certains Rhipidoglosses. Il est tout naturel que le sillon n'existe pas, puisque ce sillon est le témoin de la double origine palléale et pédieuse de la masse nerveuse chez les Aspidobranches, et que, chez les Patelles, la masse nerveuse est d'origine unique- ment pédieuse. On peut se demander, maintenant, qu'est-ce qui représente, chez ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION PELLUCIDUM. 47b les Belcion, la colleretle (épipodium) des Rhipidoglosses, puisque l'organe glandulaire périphérique ne lui est pas homologue. Au premier abord, rien ne paraît représenter exactement la colle- rette ou épipodium chez les Cyclobranches. Cependant, il existe, chez les Cyclobranches, un organe ayant probablement la même origine que la collerette, organe dont nous avons déjà longuement parlé dans un chapitre précédent (OS, fig. 4 du texte). Je fais allusion à cet organe énigmatique situé de chaque côté de la nuque, qu'on retrouve chez les autres Gyclobranches, et dont M. Bêla Haller disait, dans un passage que nous avons précédem- ment rapporté : « Jl mangue chez les autres Mollmques et apparaît ainsi comme une formation acquise par les Cyclobranchiens. » Si l'on remarque que cet organe n'est innervé ni par les ganglions viscéraux, comme le pensait M. Thiele, ni par les ganglions pédieux, comme le croit M. Bêla Haller, mais par les deux premiers ganglions du centre asymétrique (ganglions palléaux) ; si l'on observe, en outre, qu'il est sensoriel comme les tentacules de la collerette, on est porté à admettre qu'il a une origine commune avec ce dernier organe. On ne peut soutenir une homologie absolue entre les deux forma- tions à cause de la différence de structure et de position. La struc- ture est, en effet, différente. La collerette présente toujours au moins une rangée de tentacules, l'organe énigmatique n'en montre aucun. Au point de vue de la position, la différence est également sensible. La collerette s'étend sur la périphérie du corps, l'organe énigmatique ne s'étend jamais aussi loin; la colleretle se prolonge jusqu'au niveau du tentacule oculaire, l'organe énigmatique est sans relation avec ce tentacule. Il faut remarquer, cependant, que chez tous les Aspidobranches, par exemple chez la iV^enïa*, la collerette n'a pas la situation indiquée > L. BouTAN, Système nerveux de la Nerita {Archives de zoologie expérimentale et générale, t. XXII). 476 L. BOUTAN. plus haut ; et, de plus, que, malgré son empiétement dans la cavité respiratoire, l'organe énigmatique n'en reste pas moins placé au- dessous de la branchie, entre la branchie circulaire et le pied. En résumé, je crois donc que Yorgane glandulaire périphérique de Z'Helcion nest pas homologue à la collerette des Rhipidoglosses, et que l'organe énigmatique, au contraire, s'il n'est pas homologue à cette collerette, a, du moins, la même origine et doit représenter la transformation de la partie tentaculaire de l'organe larvaire, d'où dérive également la collerette. VIII l'organe glandulaire périphérique de l'helcion a-t-il son homologue DANS d'autres TYPES DE GASTÉROPODES? Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que l'organe glandu- laire périphérique ne peut s'homologuer à la collerette des Rhipi- doglosses. Comme le fait très justement remarquer M. Thiele ' à propos de Janthina, « la plupart des productions qu'on désigne sous le nom d'épipodium (collerette) en dehors du groupe des Rhipido- glosses, ne sont probablement que des productions hétérogènes. » Séduit par l'apparence et ne tenant pas compte des connexions nerveuses, M. Pelseneer a vu des épipodiums un peu dans tous les groupes ; ce mot élastique doit évidemment être réservé seulement à des organes homologues, sous peine d'amener des confusions regrettables. Il y a donc lieu de supprimer dans le cas qui nous occupe ce mot trop vague et de le remplacer par le nom de collerette pour l'organe des Rhipidoglosses, par le nom à'ot^gane glandulaire périphérique pour les Helcion. En se reportant au chapitre où j'ai décrit cet appareil chez VHel- cion, on voit, d'après les citations faites, qu'on le retrouve sans aucun doute chez Nacella et plusieurs autres Cyclobranches. > Thiele, loc. cit. OHGANIÎ GLANDULAIKE DE L'HELCIOiN l'ELLUClDUM. 477 De quoi peiil-on le rapprocher, puisqu'il n'est pas l'homologue de la collerette (épipodium) des Uhipidoglosses? M. Thiele a émis l'avis qu'on pouvait le rapprocher des bourrelets glandulaires des Chilons, qu'on observe autour du pied et au niveau de la branchie. C'est M. Blumrich ' qui a attiré l'attention sur ces productions par- ticulières, visibles en particulier dans Clùlon siculus, et que Bêla Haller' avait d'ailleurs déjà signalées. En voici la description d'après cet auteur. D'abord la position de ces bourrelets : a L'épithélium constitue deux traînées distinctes qui sont, ainsi que Bêla Haller l'avait déjà constaté, séparées l'une de l'autre par un épithéliunibas et cubique. L'une des traînées ou fraises a son siège près de la paroi du corps ; nous lui donnerons donc le nom de traînée ou de fraise pariétale; l'autre est située au-dessous du faisceau ner- veux intestino-branchial, ce qui fait que nous le désignerons comme la traînée paraneurale. » Puis la structure histologique : « Cet épithélium est un composé de deux espèces de cellules. Il y a d'abord de très grandes cellules glandulaires avec, vers la base, des noyaux arrondis ou aplatis; le contenu de ces cellules, dans la préparation dont je me suis servi, n'était pas très riche ; il était plutôt grossièrement granulé, et s'accumulait surtout à l'en- lour des parois de la cellule. Le carmin ne l'avait que faiblement affecté. « D'une façon régulière, alternent avec les cellules glandulaires des cellules minces et filiformes, qui montrent, dans leur extrémité supérieure un peu plus étendue, des noyaux cellulaires caudés. Les extrémités libres des cellules minces ont un ourlet strié, lequel s'ar- rondit en voûte au-dessus de chaque cellule glandulaire ; cet ourlet » Blumrich, Das integument der Chilonem {Zeilsch. f. VViss. Zool., t. V, p. 52). « Bêla Haller, Organisation des Chilons de C Adriatique (Institut zoologique de Vienne, 1884). 478 L. BOUTAN. apparaissait, du côté extérieur, comme saupoudré finement, et j'in- cline à croire que c'étaient là les dernières traces des cils qui, à l'état frais, ont dû s'y trouver. « Les bouts supérieurs des cellules filiformes, à l'aide du carmin, se teintent en rose-clair. Pour Bêla Haller, cet épithélium élevé est formé essentiellement de cellules glandulaires, entre lesquelles se placent quelques cellules filiformes, plutôt rares, et d'un caractère indif- férent. Mais, à en juger sur des préparations très nettes que j'ai eues à ma disposition, cela n'est pas exact. Les cellules filiformes sont en réalité plus nombreuses que Bêla Haller n'a cru devoir l'ad- mettre. Car, dans des coupes transversales de Chiton Ixvi's, j'ai tou- jours trouvé placé, entre deux cellules glandulaires, le noyau d'une cellule filiforme, souvent même j'en ai aperçu deux à la file l'une de l'autre. C'est surtout aux endroits oùl'épithélium élevé était tranché de biais, à peu près à un quart de l'altitude en partant d'en haut, que j'ai pu constater combien étaient en réalité nombreuses ces cellules minces et filiformes, qui sont disséminées entre les cellules glandu- laires. Les cellules filiformes formaient, sous cet aspect, un réticule por- tant une cellule glandulaire oar maille. » Si l'on se reporte à la description que j'ai donnée plus haut de l'organe glandulaire de VHelcion, on sera certainement frappé de l'analogie de structure qui existe entre les deux organes dans leur portion glandulaire. Dans chacune on retrouve les cellules de soutien constituant ce réseau au milieu duquel aboutissent les orifices des glandes unicellulaires. La seule différence importante consiste en ce que, chez VHelcion, l'organe périphérique est invaginé et forme un sillon, tandis que, chez le Chiton, il est, au contraire, saillant et forme un bourrelet. Il faut remarquer, cependant, que l'on ne peut rapprocher l'or- gane glandulaire périphérique de VHelcion que de la fraise ou la traînée glandulaire paraneurale du Chilon. La fraise pariétale ne peut, à cause de sa position, être rappro- ORGANE GLANDULAIRE DE L'HELCION FELLUCIDUM. 479 chée ni de l'organe glandulaire, ni de l'organe énigmalique, dont la structure est d'ailleurs toute différente. Parmi les Rhipidoglosses, je ne vois guère d'organe qui puisse être rapproché de l'organe glandulaire périphérique de VHelcion, sinon — mais je ne propose cette hypothèse qu'avec beaucoup de doute — la glande décrite par Wegman ' à la place de l'opercule et à l'extrémité postérieure du pied de VHaliotis, glande qui serait en voie de dégéné- rescence, car elle ne contient plus qu'un très petit nombre d'élé- ments glandulaires. M. Thiele, dans le mémoire récent que j'ai déjà eu occasion de citer, conteste même la nature glandulaire de cet organe et prétend quel'épithélium qui le tapisse est moins glandu- laire que tout autour de cette pseudo-glande. IX RÔLE DE l'organe GLANDULAIRE PÉRIPHÉRIQUE. Thiele', dans le mémoire déjà cité plus haut, distingue dans la peau deux espèces de glandes, les muqueuses et les visqueuses. Il attribue aux premières le rôle de lubrifier, par leur sécrétion onctueuse, l'épithélium, qui se trouve ainsi protégé contre les frot- tements. Il les compare, quant au rôle, aux formations cuticulaires ; elles rempliraient le même but physiologique. Il est plus réservé sur le rôle des glandes visqueuses et émet des doutes sur l'opinion exprimée par Rawitz, qui les considère comme des glandes venimeuses, des organes de protection. J'avoue que le rôle des deux espèces de glandes me paraît assez mal établi ; et, dans le cas qui nous occupe, il me semble difficile d'ad- mettre que la sécrétion muqueuse de l'organe périphérique ait uniquement pour rôle de lubrifier l'épithélium. L'organe est, en » Wegman, Mémoire sur i'Haliotis {Archives de zoologie expérimentale et générale, t. XXII). * Thiele, loc. cit. ^80 L. BOUTAN. effet, placé sur les côtés du pied, dans une région abritée normale- ment par le manteau et la coquille ; il semble bien mal placé pour atteindre le but en question. D'ailleurs, la fonction dont il s'agit exigeant assez peu de produits de sécrétion, l'on ne s'expliquerait guère son extrême développement. Une observation me ferait pencher pour l'opinion de Ravvilz et me porte à croire que l'organe a un rôle défensif. Pendant que je faisais ce travail, j'élevais, dans un aquarium, quelques Gobius et quelques Cotius] que je nourrissais régulièrement avec des Crevettes ou des morceaux de Buccin. Un jour, l'idée me vint de leur donner comme pâture quelques-uns des Helcion que j'avais en réserve. Mes pensionnaires voraces, habitués de longue date à prendre la nourriture que je leur jetais, ne firent aucune difficulté pour ingérer le nouveau mets que je leur présentais. Us avalèrent sans aucune hésitation les Helcion débarrassés au préalable de leur coquille ; mais au bout de quelques minutes, je les vis rejeter leur proie avec précipitation. Je ne considère ce fait que comme une simple indication. Une observation de ce genre, pour être concluante, aurait besoin d'être entourée de plus de précautions; cependant l'expérience renouvelée plusieurs fois a toujours donné à peu près le même résultat. Certai- nement, les Gobius et les Cottus ne mangent les Helcion qu'avec répugnance, alors qu'ils dévorent d'autres Mollusques avec avi- dité. Mais, je le répète, cette simple observation ne permet pas d'affir- mer avec certitude que c'est la sécrétion muqueuse de l'organe périphérique qui produit celte impression désagréable sur ces Pois- sons voraces. Cette antipathie peut provenir d'une toute autre cause. Tout ce qu'on peut affirmer joom/* le moment, c'est que Vorgane glan- dulaire périphérique de THelcion constitue à la fois un organe sensoriel OHGANK GLANDULAIRE DE L'IIELGION FELLUClUUiM. 481 paisses tentacules, un organe de sécrétion muqueuse pa7' ses cellules glan- dulaires. CONCLUSIONS. 1° Il existe autour du pied de VlJelcion pellucidutn un organe glan- dulaire périphérique placé entre le manteau et le pied et interrompu seulement au-dessous de la bouche. 2» Cet organe est constitué, comme toutes les glandes de la peau des Mollusques, par un réseau de cellules de soutien, entre lesquelles viennent déboucher les cellules glandulaires. 3" Les cellules glandulaires sont énormes et forment une masse •considérable, non seulement au-dessous de la couche de cellules de soutien, mais encore au milieu des muscles qui constituent la char- pente du pied. 4" L'organe glandulaire ainsi constitué, formé par une invagi- nation longitudinale de la peau, a la forme générale d'un sillon plus ou moins profond par place. La lèvre supérieure du sillon est bordée de tentacules. 5» Les tentacules sont innervés par les ganglions pédieux. 6" L'organe périphérique de VHelcion pellucidum n'est pas homo- logue, d'après sa position et son innervation à la collerette (épipo- dium) des Aspidobranches. 1° L'organe glandulaire périphérique est homologue à l'organe décrit dans le genre Nacella, Patina, etc. 8° Il se rapproche de la traînée glandulaire, fraise neurale des Chitons. 9° Il constitue probablement, à la fois, un organe sensoriel et un organe de défense. EXPLICATION DE LA PLANCHE XX. ORGANE GLANDULAIRE PÉRIPHÉRIQUE DE l'heLCION PELLLClUUM. FiG. 1. Organe périphérique dessiné sur un animal vivant, vu de prolil. La léle, le pied et les parois du corps sont seuls figurés. ARCH. DE ZOOL. E.XP. ET GÉN. — 3^ SÉRIE. — 1. V. 1X97. ;i] 48â L. BOUTAN. b, bouche ; t, tentacule ; si, sillon de l'organe glandulaire ; sp, sole pédieuse. FiG. 2. Vue générale du système nerveux de VHelcion pellucidum. Le dessin repré; senle le pied, vu par sa face dorsale, les téguments sont incisés de ma- nière à laisser voir les ganglions pédieux dans toute leur étendue. g.l et g.'2, premier et second ganglion du centre asymétrique (palléaux) ; gp, ganglions pédieux étirés en forme de lyre ; np, nerfs pédieux anté- rieurs ; ng, nerfs dont les ramifications vont à l'organe glandulaire péri- phérique; c, paroi du corps ; pa, partie antérieure du pied ; /, tentacules de l'organe périphérique. 3. Coupe horizontale montrant la section de la chaîne nerveuse dans sa partie postérieure et les ramifications nerveuses qui se rendent aux tentacules. t, tentacule ; n, nerfs ; gp, ganglions pédieux. 4. Coupe transversale de la paroi du corps montrant l'organe glandulaire péri- phérique. /, tentacule ; s, cellules de soutien ; go, cellules glandulaires; e, épi- thélium de la sole pédieuse. 5. Coupe transversale du corps tout entier de VHelcion passant vers le milieu de l'animal. es, estomac ; m, manteau; u, organe glandulaire périphérique; gp, gan- glions pédieux. 6. Organe glandulaire périphérique observé sans préparation spéciale. t, tentacules ; s, sillon glandulaire. 7. Mosaïque formée par les cellules de soutien et les orifices des cellules glan- dulaires, vus en plan. 8. Éléments de l'organe glandulaire vus à un fort grossissement. es, cellules de soutien ; co, cellule glandulaire. 9. Muscles du pied m, contenant les cellules glandulaires jeunes cg, de l'or- gane périphérique. QUELQUES FAITS RELATIFS A L'HISTOIRE DU PHASCOLION STROMBI (MONTAGU PAR EMILE BRUMPT Préparateur de zoologie à l'Ecole pratique des Hautes Etudes'. Le savant professeur Kowalevsky est le premier qui se soit occupé de l'excrétion de différentes substances chimiques injectées dans la cavité générale des Géphyriens. En injectant un mélange de carmin d'indigo et de carmin eu poudre chez certains Sipunculiens tels que Phascolosoma et Aspidos/phon, il constate que les néphridies fixent le carmin d'indigo et se colorent en bleu, tandis que le carmin en poudre se trouve dans les vacuoles des cellules péritonéales qui recouvrent l'intestin postérieur. Chez Aspidosiphon, cependant, où l'entonnoir néphridien est très grand, des cellules de la cavité générale ayant absorbé du carmin d'indigo ou du carmin en poudre passent dans la néphridie et masquent légèrement sa coloration réelle. Voici les résullats que j'ai obtenus sur une espèce assez rare, Phascolion strovibi (Montagu), draguée abondamment par M. Marty à Roscofl", dont M. de Lacaze-Duthiers, pendant l'inspection de sa station maritime en juillet, m'avait confié l'étude, et que j'ai pu faire vivre, pendant toute la durée de mon séjour, dans les bacs de l'aqua- ' Travail commencé en juillet et poursuivi en août 1897 au laboratoire de RoscolT (Finislère). 484 EMILE BKUMPT. riuni. Dans ces bonnes conditions, il m'a été extrêmement facile d'injecter et de faire vivre mes animaux assez longtemps pour qu'une élection suliisante des substances se produisît. Je ne décrirai ici que l'excrétion du carmin d'indigo et de la fuchsine acide S me réservant de traiter plus tard celle de l'encre de Chine, du carminate d'ammoniaque et du carmin en poudre. Le Phascolion ne présente qu'un seul organe excréteur, la né- phridie gauche n'existe jamais et les recherches les plus attentives ne m'ont pas permis d'en retrouver la moindre trace. Les anomalies dans le nombre des néphridies sont assez fréquentes chez les Sipunculiens, il n'est pas rare de rencontrer des Phascolo- somes n'ayant qu'une seule néphridie, la droite ou la gauche ayant disparu. J'en ai rencontré, cette année, trois cas à Koscoff; dans deux cas, la néphridie restante n'avait subi aucun changement, mais dans le troisième, elle avait doublé de longueur et présentait ainsi un cas très net d'hypertrophie compensatrice. Etant donné, d'une part, la facilité avec laquelle les Phascolosomes supportent l'absence d'une néphridie, et, d'autre part, l'habitat assez spécial des Phasco- lion dans des coquilles de Gastéropodes, on peut se demander si cette disparition constante de la néphridie gauche ne serait pas due à des causes purement mécaniques résultant de l'enroulement secondaire, de l'asymétrie acquise d'un animal primitivement symétrique. Il est inutile d'insister sur l'intérêt qu'aurait la découverte de semblables Vers dans des coquilles senestres, au point de vue de la théorie précédemment émise. Je n'ai pas constaté une seule ano- malie sur plus de quarante exemplaires, de toute taille, que j'ai disséqués et qui habitaient les coquilles les plus diverses. Même les individus vivant dans des coquilles symétriques, comme celle du Dentale, et dont la forme extérieure du corps, bien que présentant une légère incurvation, est presque symétrique, m'ont toujours montré l'absence de la néphridie gauche. Quelle satisfaction éprou- verait le zoologiste qui, assez heureux pour suivre depuis l'œuf le SUR LE développement de ces ani- maux, arriverait à expli- quer d'une façon ration- nelle leur curieuse dispo- sition ! Sans nous attarder da- vantage sur de semblables considérations qui sont peut-être un peu hors du sujet, examinons tout de suite ce qu'est la néphridie sur l'animal vivant normal etensuite les modifications qu'elle présente chez les animaux injectés. La néphridie est un petit organe allongé, de forme conique, adhérant^ au moyen de quelques brides musculaires, aux tégu- ments sousjacents; elle se trouve placée à une faible distance, à droite, de la chaîne nerveuse (s.w,fig. I ). Comme chez tous les Gé- phyriens,elle met en rela- tion la cavité générale avec l'extérieur. L'orifice ex- terne se trouve placé sur la face ventrale à un niveau plus bas que l'anus qui est dorsal. Elle est d'un brun jaunâtre et se voit facile- PHASCOLION STROMBI. 485 Celte figure représente, grossi environ trois fois, un Phascolion extrait d'une coquille de Turri- telle; son asymétrie est frappante. Il a été ou- vert suivant toute la longueur de la face dorsale et un peu ii gauche de l'anus, qui a été rejeté à droite. La partie antérieure du corps (trompe) est en partie rétractée par les muscles ventraux à la base desquels on voit la frange génitale ^f ou 9- Le muscle rétracteur gauche est très puis- sant et incomparablement plus fort que le muscle rélracteur droit, qui est réduit à un simple filament accolé en partie à l'œsophage (œ) et ?i la glande sanguine {g ,, T phridie de Phascolosoma vulgare telle qu elle activité fonctionnelle est éga- -"^ présente assez fréquemment. L'extrémité postérieure est contractée et son contenu est lement considérable. Un fait venu distendre la partie antérieure, l.s, 11- certain, c'est qu'elles réagis- f' des deux lobes. Sur l'animal injecté, ° lextremite postérieure de la nephndie semble sent d'une façon bien diffé- d'un vert plus intense que la partie antérieure, , . mais cela est dû seulement à la contraction rente a 1 égard de certames qui a rassemblé en unjplus petit espace toutes substances, la partie infé- 1*^^ p^''^''^^ colorées. rieure éliminant ces substances en nature, la supérieure ne les élimi- nant pas du tout, ou leur faisant subir peut-être des modifications 488 EMILE BRUMPT. assez profondes pour changer complètement la constitution chi- mique de la substance et partant ses propriétés physiques, telle que la couleur. Ayant à ma disposition un grand nombre de Phascolosomesvivants dans mon bac [Phascolosoma vulgare et Phascolosoma elongatum), je me suis demandé si, dans leur néphridie apparemment si homogène, il n'existerait pas une partie fonctionnellement homologue du lobe (j^ ^ initial de l'organe excréteur du Phascolion. Les animaux /y^ injectés et sacrifiés après quelques jours, quand je ju- geai l'élection suffisante, me montrèrent avec la plus Fig. 4. ^ ,, , , grande netteté sur la face dorsale de leur néphridie un Vacuoles se- ° ^ parées mon- petit espace triangulaire à pointe dirigée en arrière et trant des cal- culs à leur tout à fait identique au lobe dorsal du Phascolion répon- inieiieur. dant, comme chez ce dernier Ver, au canal cilié qui fait suite au pavillon et séparé delà portion ventrale par un sillon extrê- mement délicat {Is. fîg. 3). Prévenu par cette expérience, j'ouvris plusieurs Phascolosomes non injectés et il me fut facile de voir que cette partie initiale, bien que beaucoup moins visible que chez le Phascolion, n'en existe pas moins, et un peu d'attention suffit pour la faire découvrir. En examinant au microscope une néphridie de Phascolosoma, on cons- tate qu'elle possède dans ses grandes lignes la môme structure que celle du Phascolion. La substance excrétée se localise aussi en grande partie suivant les lignes longitudinales ; mais une petite différence que l'on peut cependant signaler, c'est que, chez le P^asco- /osoma, la coloration verte est déjà intracellulaire et est produite par la fusion de la teinte bleue du carmin d'indigo contenu dans les vacuoles et du protoplasme jaune brun qui les englobe. Je n'ai trouvé aucune cellule colorée d'un bleu pur comme chez le Phas- colion. Des études comparatives dans un certain nombre de groupes ont montré, depuis longtemps, que certaines substances injectées qui semblent virer de couleur, ne font, en réalité, que superposer leur SUR LE PHASGOLION STROMBI. 489 coloration propre à la teinte fondamentale du tissu sur lequel elles se sont fixées et ne sont, par conséquent, pas altérées. Je prendrai comme exemple les résultats que l'on obtient avec la plus grande facilité chez une Ilirudinée rhynchobdelle très répandue, la Glosso- siphonia complanala. Cette Sangsue renferme, dans son parenchyme, des îlots de volumineuses cellules visibles parfois à l'œil nu et répondant probablement aux cellules décrites par Leydig sous le nom de « Fettkôrpers ». Ces cellules présentent des colorations variant d'un individu à l'autre, parfois chez un même individu, du blanc le plus pur au jaune brun foncé. En injectant dans les espaces cœlomiques de ces animaux une solution de carmin d'indigo, celui-ci se fixe sur les cellules de Leydig en communiquant à celles qui sont blanches une teinte d'un bleu pur, et à celles qui ont une coloration jaune brun une teinte vert foncé ; on trouve entre ces deux extrêmes tous les tons intermédiaires entre le vert et le bleu. Je n'insisterai pas davantage sur des faits aussi évidents et je passerai tout de suite aux résultats que j'ai obtenus avec la fuchsine acide S de Grûbler. Celte substance présente cette particularité intéressante d'être éliminée non seulement par la néphridie, mais encore par certaines cellules péritonéales modifiées, très granu- leuses qui forment en certains points l'enveloppe cœlomique du tube digestif. C'est même un excellent moyen de mettre en évidence ces cellules dites chloragogènes. Kowalevsky les a vues se colorer en rouge intense chez Phascolosoma et Aspidosiphon sur la partie terminale de l'intestin par l'ingestion du carmin en poudre injeclé dans la cavité générale. Chez Phascolion, les cellules chloragogènes recouvrent le tube digestif (voir fig. i) sur la portion initiale de l'intestin de 1 en 2 et sur la portion terminale de 4 en 5; ces deux régions se colorent, en effet, en violet foncé. On doit cependant en rencontrer quelques-unes sur la partie du tube digestif situé entre 2 et 3, car la teinte jaunâtre du canal alimentaire est légèrement teintée de rose ; enfin l'œsophage, accolé à la glande sanguine qui s'étend de la bouche en I, et l'intestin de 3 en 4 conservent leur 490 EMILE BRUMPT. coloration normale. Ces résultats concordent totalement avec ceux que l'on obtient chez Phascolosoma vulgare et P. elongalum. Je n'ai pu suivre, faute de temps, l'évolution ultérieure de la fuchsine accu- mulée dans ces cellules péritonéales. Du côté de la néphridie, les locaUsalions ne sont pas moins inté- ressantes. Déjà vingt-quatre heures après l'injection, elle est si for- tement colorée, qu'elle s'aperçoit aisément à travers les téguments. La fuchsine agit identiquement comme le carmin d'indigo, elle n'est tlxée en nature que par le lobe inférieur de la néphridie qui se colore en grenat foncé, le lobe supérieur conserve sa couleur propre. Les néphridies de Phascolosoma vulgare et P. elongatum réagissent comme celles de Phascolion. Les résultats que je viens d'exposer, j'ai eu la satisfaction de pouvoir les soumettre à l'appréciation de plu- sieurs savants travaillant au mois d'août au laboratoire de RoscofT: MM. Boutan, Guitel, Cuénot, Robert; j'espère les compléter ulté- rieurement par des recherches histologiques et microchimiques, qui me donneront peut-être l'exphcation de cette curieuse localisa- tion des matières colorantes dans la néphridie des quelques Sipun- culiens que j'ai eu l'occasion d'examiner. Je terminerai cette note en donnant quelques détails sur l'habitat du Phascolion strombi à Roscoff et sur la manière d'être de cet ani- mal, en captivité, tel que j'ai pu l'observer pendant le séjour que je fis au mois d'août au laboratoire. Les Phascolion se trouvent, à Roscofl", dans des coquilles de Nasse, de Natice, de Dentale, d'Aporrhaïs, de Murex ou encore dans des tubes de Serpule. Ils ont été dragués en plusieurs localités à une profondeur d'environ 25 à 30 mètres au large de Duon, au Rater, à Stol Vesen, au nord de Beclem et en divers autres points de la baie de Morlaix. Ils ont toujours été trouvés sur un fond de sable et de vieilles coquilles. La présence, sur la coquille habitée par ces Vers, de Spongiaires et d'Hydraires analogues à ceux que l'on trouve à marée basse sur les plages de Pempool ' indique suffisamment que * Localité voisine de Roscoff. SUR LE PHÂSCOLION STROMBI. 491 les Phascolion vivent à la surface et ne doivent s'enfoncer que très peu dans le sol pour chercher leur nourriture. C'est, du reste, ce que j'ai pu observer sur les animaux que j'ai élevés et ce qui explique aussi leur mode de pêche, non seulement avec la drague, mais en- core avec les chaluts. Le Phascolion présente un exemple remarquable d'adaptation au miHeu qu'il habite, son corps est d'autant plus enroulé qu'il vit lui- même dans une coquille à tours plus nombreux. Il est fréquent d'en trouver dans les Turrilellesqui présentent trois tours ou même davantage. Pour être en sécurité dans la coquille qu'il a choisie comme gîte, le Phascolion a soin d'en murer le péristome par un opercule formé de grains de sable qu'il apporte avec sa trompe et qu'il cimente probablement avec le produit de certaines glandes cutanées. Il se ménage dans cet opercule un orifice circulaire tout à fait excentrique et confinant généralement au bord externe du péristome. De plus, comme la coquille est généralement trop grande pour lui, il se fait une gaine de sable plus ou moins longue qui, en se moulant bien exactement sur son corps, lui donne un point d'appui précieux et évite le glissement de son corps contre les pa- rois nacrées de la coquille. Ayant enlevé un certain nombre de Vers de leur habitation et les ayant mis en présence de coquilles vides, pas un seul d'entre eux ne sut eu prendre possession. C'est après cet échec que je me vis obhgé de les y faire entrer de force ; je pus alors assister au mode d'aménagement de leur nouvelle coquille. Ce travail se fait assez lentement, autant que j'ai pu juger sur mes animaux, qui n'étaient peut-être pas dans des conditions abso- lument normales. Le nouveau ciment formé n'acquiert pas tout de suite la solidité de l'ancien, il est extrêmement friable. 11 est probable qu'il ne devient résistant dans la suite qu'en s'enrichissant de ma- tières sécrétées d'une façon continue par le Phascolion. Envisageons maintenant les rapports du Géphyrien avec la co- quille qu'il a modifiée plus ou moins confortablement. 492 RMFLE BFîUMPT. Il s'y maintient de deux façons : 1» Au moyen de crochets qui sont de simples papilles hypertro- phiées ; 2'> Par une partie modifiée du système musculaire tégumentaire, tout à fait comparable au muscle columellaire des Mollusques gas- téropodes. Les papilles situées surtout sur le bord convexe et dans la région moyenne du corps en contact avec la partie externe des tours de spire de la coquille, sont dirigées d'arrière en avant et assurent la fixité de l'animal quand il veut prendre un point d'appui. Enfin on peut considérer comme une production analogue au muscle columellaire des Gastéropodes un épaississement très mar- qué de l'enveloppe tégumentaire au niveau du bord concave du corps, épaississement précisément en contact sur tout son trajet avec la columelle de la coquille habitée et dû évidemment à ce con- tact même. Cette enveloppe musculaire épaissie donne au corps sa forme spiralée caractéristique quand elle est contractée; elle permet l'allon- gement du corps dans le cas contraire. C'est un fait d'adaptation tout à fait comparable à ce que l'on observe chez le Pagurus. Le Phascolion choisit indifféremment comme demeure une coquille en- tière ou une coquille accidentellement tronquée. Quand la coquille est entière, il l'occupe généralement seul; sur cent exemplaires, je n'ai vu qu'un cas où deux Phascolion vivaient dans la même co- quille et sortaient leur trompe par des orifices voisins. La cohabita- tion de deux individus est, au contraire, une chose extrêmement fréquente quand la coquille est tronquée; les extrémités postérieures du corps sont alors en contact, et leurs trompes sortent en deux points diamétralement opposés, l'une par l'extrémité inférieure, l'autre par la supérieure. Le Phascolion, qui semble se retirer dans une coquille pour n'être en contact qu'aussi faiblement que possible avec ce qui l'entoure, accepte cependant d'assez bonne grâce le voisinage ou plutôt la com- SUK LE PHASCOLION STKOlMBI. 493 pagnie d'une petite Annélide polychôte appartenant an groupe des Syllidiens. Ce Ver, considéré par M. Malaquin, comme voisin de Si/llis hyalina, en diffère cependant, suivant cet auteur, par certains caractères et constitue peut-ôlrc une espèce nouvelle. Il fera l'objet d'une note ultérieure. Sa largeur est de 1 millimètre environ et sa longueur, variable suivant les individus, dépasse rarement 3 centi- mètres. Il affecte avec son hôte le Phascolion des rapports qui diffèrent suivant que celui-ci habite une coquille entière ou une coquille tron- quée ou bien perforée en un point par quelque Prosobranche carnas- sier, tels qu'une Nasse ou un Buccin. Dans le premier cas, en exa- minant attentivement le péristome de la coquille, on aperçoit à la base de la columelle un tout petit orifice par lequel on voit très sou- vent sortir, mais toujours avec une extrême circonspection, la partie antérieure du corps de la Syllis, qui rentre d'ailleurs avec une grande rapidité à la première alerte. Quand la coquille est tronquée accidentellement (coquille brisée de Turritelle) ou normalement (Dentale), on ne trouve pas le petit orifice signalé plus haut à côté de celui du Phascolion ; le péristome est absolument comblé, mais la Syllis existe toujours. Il suffit, pour la retrouver, de casser la coquille ou bien d'attendre patiemment que la petite Annéhde veuille bien se montrer, ce qui ne tarde pas beaucoup en général. On constate alors qu'elle sort, comme on pou- vait d'ailleurs le prévoir, par l'orifice qui a été laissé libre. Cette observation jettera peut-être quelque lumière sur l'origine probable de cette association, comme nous le verrons plus loin. Il n'existe en général qu'une seule Syllis par coquille; cependant, dans deux ou trois cas, j'en ai trouvé deux et même trois dans la même coquille, mais ces animaux vivaient depuis longtemps dans mon bac et pouvaient très bien avoir déserté d'autres coquilles dont le Phascolion était mort et dans lesquelles je n'ai pas, en effet, retrouvé de Syllis. Si nous examinons maintenant les avantages qui peuvent résulter pour le Phascolion et la Syllis de leur association, il est facile de 494 EMILE BRUMPT. nous assurer que cette dernière semble bénéficier beaucoup plus que le premier. Elle habite une coquille spacieuse, accessible seu- lement par un petit orifice, aux ennemis qui voudraient venir la troubler dans sa retraite. De plus, le PhascoHon, par ses contractions, renouvelle sans cesse l'eau qui se trouve dans la coquille; enfin, se déplaçant assez rapidement, il entraîne le Syllidien en des points nouveaux où celui-ci trouvera plus abondamment sa nourriture. Le Phascolion, s'il ne retire pas grand avantage de cette association peut-être un peu forcée, semble, en tout cas, ne pas en être trop in- commodé, car la Syllis peut impunément passer sur sa trompe sans qu'il se contracte, tandis qu'il réagit avec une extrême sensibilité aux moindres excitants anormaux. Quelle est l'origine probable de cette association? C'est un point qu'il n'est pas facile de résoudre. Cependant il semble assez naturel d'admettre que la Syllis a précédé le Phascolion dans la coquille, puis- que, dans le cas où celle-ci est absolument entière, elle a toujours pu se ménager un orifice à côté de celui du Phascolion, ce qu'elle n'a pu faire évidemment que pendant la formation progressive du tube sa- bleux du Phascolion et non pas une fois que celui-ci a acquis la dureté de la pierre. Pour éclaircir ce fait, j'ai cherché dans un grand nombre de coquilles vides provenant des fonds à Phascolion, la pré- sence de la Syllis séparée de son hôte. Une fois seulement j'ai trouvé ce petit Ver seul dans une coquille de Cyprea communis qui était remplie de vase, mais rien ne prouve, du reste, qu'elle n'ait été abandonnée par un Phascolion à cause de son exiguïté. Theel, dans l'importante monographie qu'il publia en 1875, ne fait pas mention de l'existence constante de ce Syllidien dans la coquille habitée par le Phascolion. Mais comme ses observations ont été faites sur des animaux provenant des mers septentrionales, on peut admettre que cette association est une particularité delà faune des mers plus tempérées peut-être même de celle de Roscoff. J'ai retrouvé après ïheel sur les téguments du Phascolion un petit Bryozoaire parasite appartenant au genre Loxosoma. SUR LE PIIASCOLION STROMBI. 495 Ce genre, qui est très bien caractérisé, comprend jusqu'à présent, d'après la statistique de M. Eugène Schultz, de Saint-Pétersbourg, treize espèces, qui, elles, le sont beaucoup moins. En voici la liste empruntée au travail de cet auteur : i° LoxQSoma singulare Keferts, trouvé sur CapUella ; 2° Loxosoma nea ;iolitanum Kow ; Loxosoma raja Schmidt, trouvé sur Phyllochsetopterus ; 3° Loxosoma Kefersteinii Glâp, trouvé sur Bugula; 4° Loxosoma cocldear Schmidt, trouvé sur diverses Eponges cor- nées ; 5° Loxosoma tethyx Salensky, trouvé sur Tetliya; 6" Loxosoma crassicauda Salensky, trouvé sur des tubes d'Anné- lides ; 7° Loxosoma phascolosomalum Vogt, trouvé sur Phascolosoma ; 8" Loxosoma pes. Schmidt, trouvé sur Euspongia ; 9° Loxosoma clavi for me làmcki, trouvé sur des Anne/«(/es; 10° Loxosoma 7V«7sc/^ei Vigelius, trouvé sur Menipea ; 11" Loxosoma annelicolaVvon\\o , trouvé sur Clymenia; 12° Loxosoma leptocUni Harmer, trouvé sur diverses Eponges et Ascidies ; 13° Loxosoma Harmeri Schultz, trouvé sur Harmathoe. Ces différentes espèces diffèrent les unes des autres par des carac- tères qui très souvent sont variables dans les individus d'une même espèce, ce qui rend la systématique de ce genre extrêmement dif- ficile. J'ai constaté chez les Loxosomes vivant sur le Phascolion une varia- bilité très considérable. La forme générale, qui peut être aplatie (c'est le cas le plus fréquent) et posséder deux expansions latérales, peut être plus globuleuse et n'avoir que des ébauches ou même absence totale de ces expansions qu'au début je considérais tout à fait comme caractéristiques. Le nombre de bras est également assez variable; il m'a semblé pouvoir être de huit à dix, suivant les sujets. J'ai trouvé ces animaux à Roscoff, au mois d'août, en pleine repro- 496 EMILE BRUiMPT. duction. II y avait des œufs à tous les étals de segmentation, dans les cavités incubatrices et des bourgeons de toutes dimensions à raison de un ou deux par individu générateur. Il sera donc bien tacile à un zoologiste versé dans ce groupe de Bryozoaires de le retrouver et d'en donner une diagnose suffisamment rigoureuse pour justifier sa nouveauté. SUR UN GISEMENT SOUS-iMARIN DE COQUILLES ANCIENNES AU VOISINAGE DU CAP DE CREUS PAR G. PRUVOT ET A. ROBERT. Le cap de Greus, qui marque, un peu au sud de Banyuls, la limite occidentale du golfe du Lion, porte jusqu'à 15 kilomètres au large de la ligne générale de la côte sa pointe extrême prolongée par les petits îlots escarpés de Clavajera et de Masa de Oro que l'érosion en a détachés. La masse rocheuse du cap et des îlots voisins descend presque à pic jusqu'à la profondeur de 70 mètres environ, tapissée d'algues, surtout de cystosires, auxquelles se joignent, vers la base, des Coraux et de grands Bryozoaires avec la faune habituelle des fonds coralligènes vifs, c'est-à-dire rocheux et concrétionnés, sans mélange de graviers vaseux. De là jusqu'à la vase profonde, qui remonte jusqu'à 200 mètres au-dessous du niveau de la mer et arrive beaucoup plus près (à 3 kilo- mètres seulement) du rivage qu'en aucun autre point delà région, s'étend un fond d'une physionomie particulière. Il détermine, au milieu des sables fins presque horizontaux à grands Echinus aciitus^ qui, du plateau du cap à la plaine d'Ampurias, terminent la bande des sables du large du golfe du Lion', une dépression transversale à ' Voir la carte de la région de Banyuls (Archives de zoologie expérimentale el gé- nérale, 3e sûr., t. Il, 1894, pi. XXIII). ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. — 3« SÉRIK. — T. V. 1897. 3i 498 G. PRUVOT ET A. ROBEKT. pente plus accentuée (3 à 4 pour 100) et dont le fond paraît attein- dre au-dessous de ces sables le sol ferme. Au lieu, en effet, du sable ou tout au plus du gravier à éléments relativement fins, mêlé même d'une certaine proportion de vase, qu'on trouve partout sur le même plateau, et même à plus de distance au nord comme au sud, la drague ne ramène ici, de Masa de Oro au rech du Cap, que de petits galets de quartz jaune on brun, d'un demi-centimètre à 2 centimètres de diamètre, parfaitement roulés et polis et mêlés à une quantité considérable de coquilles entières ou brisées. Sur eux vit une faune remarquable surtout par l'abondance extrême de la Tubulariaindivisalj. que nous n'avons jamais rencontrée dans la région banyuléenne en dehors de cette station. Les Tubulaires paraissent rechercher les eaux particulièrement agitées ; on recueille à Villefranche de belles touffes de Tubularia mesembryanthemum AUm. sur les corps morts servant à l'amarrage des navires dans la rade ; à Roscofl,nous ne connaissons de Tubu- laires {Tubularia simplex Aid.) que fixées sur la bouée flottante du Bloscon, à l'entrée du chenal. Le beau développement des Tubu- laires sur ces fonds du cap de Greus donnerait à penser, ainsi que la violence du courant dans les couches supérieures de la mer en ce point, l'absence de sédiments lins et l'état parfaitement lavé des galets et des coquilles, dans les cavités desquelles on ne trouve ja- mais de vase, que les courants s'y font sentir jusqu'au fond assez pour ne pas laisser s'y accumuler de dépôts meubles. Les dragées de quartz et les Tubulaires sont surtout abondantes près du rivage et diminuent peu à peu à mesure qu'on s'en éloigne. Mais les coquilles persistent avec la même abondance jusqu'à l'extrême bord du plateau continental. Elles descendent même plus bas. On en trouve d'enfoncées dans la vase profonde : elles sont alors beaucoup plus fragiles et ne peuvent être débarrassées qu'avec précaution de la vase bleue compacte qui les enveloppe et les rem- plit ; une fois lavées et séchées elles ont alors un aspect terne et une patine particulière qui leur donne l'aspect des fossiles extraits de COQUILLliS ANCllîNNES AU CAP DE CUEUS. 49'J couches argileuses. Mais celles qui sont recueillies en dehors de la vase, vers le milieu du plateau, sont solides, ont conservé leur nacre et en partie leur couleur. Ce sont exclusivement des coquilles de Lamellibranches. Les valves sont d'ordinaire isolées, mais la plupart sont entières, non roulées, ayant conservé le tranchant de leurs arêtes et tout le détail de leur surface. Nous avons même recueilli, mais toujours dans la vase, plusieurs Cyprines parfaitement intactes avec leurs deux valves et le ligament. Laissant de côté celles recueillies à l'état vivant, ou du moins toutes fraîches ' et qui sont les formes ordinaires de la zone des sables du large, nous avons déterminé*, parmi ces coquilles mortes et ayant toutes le même caractère de vétusté : ISucula sulcata Bronn, iV. nucleus L., Meretrix mediterranea Tib., Venus casina L., V. ovata Penn., Tapes rhomboïdes Penn., var. major, Saxicavarugosa L., Cor- bula gibbaOX., Cardium oblongum Ghemn., Pecten inflexus Poli, P. opercularis L. Et aussi : Mytilus galloprovinciab's Lam., var. herculœa e\. acrocyrta, Isocardia cor h.y Lutraria elliptica Lam., typique et var. angustior, L. oblonga Gm., Panopœa norvegica Spengl., Astarte sulcata Costa, * Ce sont surtout: Calyptrœa chinensis L., var. Polii, de très grande taille, Turri- lella triplkala Broc, var. turbona, Fusus corrugalus Lam., Capulus hungaricus L., Aporrhais serresianus Phil ; Anomia paielUformis S., Osirea edulis L., Pecten jaco- bœus L., P. opercularis L., P. davatus Poli, Pinna peclinala L., Arca tetragona Poli, Peclunculus pilosus, Venus fasciaia Don., V. casina L., Meretrix rudis Poli, Gouldia minima, Mont., etc. « Elles rattachent actuellement, ainsi que les Echinus acutus nombreux, mais très petits, ce fond aux sables des parages du Nord. Mais on y trouve, d'autre part, mélangés en assez forte proportion, les Bryozoaires, Crus- tacés, Annélides, Eponges des fonds coralligènes voisins de Masa de Oro. Ces formes descendant ici jusqu'au bord du plateau continental, comme dans les fonds coralli- gènes profonds ?i l'est, de Marseille, montrent ainsi encore qu'elles sont moins sou- cieuses de la profondeur elle-même que de la nature et de la consistance du fond. » (Pruvot, Archives de zoologie expérimentale et générale, 1893, t. III, p. tioS). * Nous devons exprimer tous nos remerciements à M. Ph. Daulzenberg qui, avec son obligeance habituelle, a bien voulu nous aider de sa haute compétence conchy- liologique et revoir nos déterminations. 500 G. PKUVOT ET A. ROBERT. Modiola modiolus h., Pecten septemradiatus ^ 0. F. Mull., P. islandicus 0. F. Mull., Cyprina islandica L., Mya truncata L. Des premières, rien à dire ; ce sont des formes communes ré- pandues dans toute la Méditerranée, et notamment dans le golfe du Lion. Leur seul intérêt provient de ce que leurs coquilles recueillies en ce point sont manifestement contemporaines des dernières ; et celles-ci ne sont pas de l'époque actuelle. Les onze dernières espèces de la liste précédente, de très grande taille pour la plupart, forment d'ailleurs la majorité des échantillons recueillis par la drague. Les Mytilus galloprovincialis dépassent souvent 10 centimètres de long, taille de beaucoup supérieure à celle des individus vivant actuellement dans la région. Les Lutraires appartiennent, semble-t-il d'après les auteurs, à la faune actuelle de la Méditerranée, mais nous n'en avons jamais recueilli, depuis la fondation du laboratoire Arago, un seul exem- plaire vivant dans toute cette région occidentale du golfe du Lion. h" Isocardia cor s'y rencontre, mais très rare et cantonnée dans les eaux profondes. V Astarte sulcata, qui figure sur les catalogues de la faune méditerranéenne actuelle, en est exclue par "Weinkauff. Ces formes paraissent donc être au moins en voie d'extinction dans la Méditerranée actuelle. Quant aux six dernières espèces, Peclen islandicus el septemradia- tus, Cyprina islandica, Modiola modiolus, Panopœa norvegica et Mya truncata, ce sont des formes caractéristiques de la province ma- lacologique arctique, signalées au Spitzberg, dans le détroit de Behring, etc., descendant plus ou moins dans la province boréale qui comprend les côtes de la Scandinavie, l'Islande, les îles Féroë, etc., mais complètement absentes aujourd'hui des eaux méditerranéennes. Il s'agit maintenant de rechercher quel est l'âge de ces dépouilles, c'esl-à-dire à quelle époque les formes dont elles sont les restes ont 1 On en trouve deux variétés, l'une grande et à côtes lisses, l'autre petite el îi côles striées, qui se montrent identiques dans les collections provenant de la Nor- vège et de l'Ecosse. COQUILLES ANGIKNNES AU CAP DE CHHUS. SOI pénétré dans la Méditerranée et à quelle époque elles ont dû s'y éteindre. Jusque vers la fin du miocène inférieur, il vivait dans la Méditer- ranée une faune à affinités subtropicales, qui indique que cette mer devait encore être sensiblement plus chaude qu'aujourd'hui. A cette époque (helvétien), elle communiquait avec l'Atlantique, non par le détroit de Gibraltar, qui n'existait pas encore, mais par un détroit situé sur l'emplacement de la vallée du Guadalquivir, au nord de la Sierra Nevada (détroit nord-bétique). Avec la période suivante (tortonien), on voit apparaître, pour la première fois, dans la Méditerranée, une faune à caractère plus sep- tentrional, renfermant, en particulier : Cardita lœvigata, Ancillaria glandiformis, des Chenopus et surtout de nombreux Pleurotomes, ce ce qui n'a pas empêché des descendants de la faune subtropicale précédente de continuer à vivre pendant cette période*. Puis, à la suite de grands mouvements du sol, le détroit nord- bélique se ferme ; un exhaussement chasse la mer loin de nos côtes vers les régions orientales de l'Europe et, dans cette mer entière- ment fermée, à salure changeante et enfin de moins en moins salée, il se développe une faune analogue à celle de la Caspienne actuelle. Au début du pliocène, l'ouverture du détroit de Gibraltar, qui ré- tablit la communication avec l'Atlantique, amène, dans nos régions, une mer qui empiète un peu sur la côte orientale d'Espagne, des- sine un golfe profond sur l'emplacement de la plaine du Roussillon, dépasse Narbonne, baigne Montpellier et Nîmes, et pénètre, sous forme d'un golfe étroit, dans le bassin du Rhône jusqu'à Givors^ Sa faune présente alors un caractf-re très analogue à celui de la faune actuelle '. Dans le Roussillon, le pliocène forme un cycle complet. Envahi » Munier-Chalmas el de Lapparent, Sole sur la nomenclature des terrains sédi- mentaires, deuxième jiole additionnelle {Comptes rendus de la Société géologique de France, n" 5, 4 mars 1895, p. xlv). « FoNTANNES ap. SuESS, Das Antlitz der Erde, Prag., 1885, I. I, p. 388. » De Lapparent, Traité de géologie, 3» édit., 1893, p. 1320. — Munier-Chalmas 502 G. PRUVOT ET A. ROBERT. d'abord par les eaux de la mer, qui ont laissé, notamment à Millas, une très riche faune de Mollusques, puis Iransformé en un grand lac que les alluvions des cours d'eau ont peu à peu comblé, le Roussillon a été définitivement abandonné par la mer, ainsi que toute notre côte, dès le pliocène moyen '. En particulier, sur le cap de Creus lui-même, on ne connaît aucun dépôt de cette époque, ni même aucun dépôt marin postérieur à la période paléozoïque. Sa masse est constituée, soit par des gneiss et du granit*, soit plutôt par des schistes anciens, précambriens ou cambriens, forte- ment injectés par des roches granulitiques ou porphyriques '. Excepté un pointement de roches éruplives basiques, probablement récentes, situé près de Gadaquès, on n'y trouve aucun terrain pos- térieur au primaire. Mais, tandis que nos côtes étaient émergées à l'époque du pliocène supérieur (sicilien), il apparaissait, en Sicile et dans les régions plus orientales, des espèces marines qui ne vivent plus aujourd'hui que dans les régions arctiques. C'est surtout dans les célèbres dépôts de Ficarazzi et de Monte Pellegrino, près de Palerme, que cette faune a été étudiée. Là, Monterosato a signalé 504 espèces de Mollusques marins, dont 66 éteintes, 4H vivant encore actuellement dans la Mé- diterranée, et 27 ne vivant plus aujourd'hui que dans l'océan Atlan- tique. Parmi celles-ci se trouvent : Buccinum groenlendicum, Tri- chntropis borealis, Saxicava arctica, Panopœa norvegica, Mya trun- et DE Lapparent, TSIoie sur la nomenclature des terrains sédimentaires {BuUelin de la Société géologique de France, 3" sér., t. XXI, 1893, p. 486). • Depéret, Description géologique du bassin tertiaire du Roussillon (Thèse, Paris, 1885). * De Margerie et Schradër, Aperçu de la structure géologique des Pyrénées (An- nuaire du club alpin français, t. XVIII, 1891 ; carte). s Carte géologique d'Espagne levée par le corps des ingénieurs des mines espa- gnol, feuille 4. Carte géologique internationale d'Europe, sous la direction de Beyrich et Hau- checorne, Berlin, 1896. Roussel, Étude stratigraphique des massifs montagneux du Canigou et de fAlbère Bull, carte géol. de France, t. VIII, p. 279 à 302 ; carte). COQUILLES ANCIENNES AU CAP DE GREUS. 303 cata.Cyprinaislandica, Pecten septemradiatus, etc., qui caractérisenL la faune arctique actuelle ^ On attribue d'ordinaire ces dépôts au pliocène supérieur, mais les caractères de leur faune sont intermédiaires entre ceux des faunes pliocène et pleistocène, de sorte qu'il est probable que la partie supérieure de ces couches appartient ù cette dernière période. Une l'aune analogue a été étudiée par M. Fischer dans l'île de Rhodes ; il y a trouvé 8 espèces émigrées aujourd'hui de la Méditer- ranée, parmi lesquelles 3 vivent sur les côtes ouest-africaines et au cap Vert, 4 dans les mers de l'Europe occidentale et septentrionale et 4 dans les contrées boréales de l'Europe ; ce sont : Cyprina islandica, Pecten septeniradiatus, Pectuncidus glycimeris, Dentalium entale^. En Galabre, M. Seguenza a observé 9 espèces arctiques dès le début du pliocène supérieur \ En un grand nombre d'autres points, l'élément septentrional est aussi représenté, mais par une seule espèce : Cyprina islandica. Ainsi on a constaté déjà, en de nombreux points du bassin de la Méditerranée, l'apparition, à l'époque sicilienne, d'une faune à caractère nettement arctique, toute semblable à celle que nous montrent les fonds du cap de Greus, et il ne paraît pas douteux qu'il faille rapporter l'origine de cette dernière à la même période. Quant à la cause de cette apparition d'une faune arctique dans la Méditerranée, Neumayr* l'attribuait au refroidissement progressif du climat, qui aurait annoncé et accompagné les grandes invasions glaciaires ? Mais cette hypothèse expliquerait difficilement la coexis- tence, à la même époque, d'espèces de mers froides avec des types de régions plus chaudes. On semble admettre plus volontiers au- jourd'hui que ce phénomène est lié à des changements dans la dis- > MoNTEROSATO ap. SuESS, AntlUz, t. I, p. 432. — Neumayr, Erdgeschichte, Leipzig, 1886, t. I, p. 539. * Fischer, Paléontologie des terrains tertiaires de l'île de Rhodes (Mémoires de la Société géologique de France, 3» sér., t. I, 2^ part., 1877). » Seguenza ap. Suess, Antlitz, t. I, p. 433. * Neumayr, Erdgeschichte, t. 11, p. 539. b04 G. PRUVOT ET A. UOBERT. tribuUon de la terre et des mers, qui ont amené l'existence de cou- rants variés. Le premier de ces changements semble avoir été lié, dans la ré- gion qui nous occupe, à la surrection des Pyrénées (fm de l'éocène). Mais la chaîne des Pyrénées devait avoir alors une étendue bien plus grande qu'aujourd'hui, car, d'après M. Marcel Bertrand \ elle devait relier notre région catalane à la région provençale. Il y aurait donc eu, à ce moment, un territoire résistant, s'étendant à travers tout le golfe du Lion, et dont le massif archéen de Gérone et le noyau ancien des Maures seraient les restes'''. Plus tard, la partie moyenne de cette terre a dû s'effondrer sous les eaux, à l'est du cap de Creus, mais il est impossible de préciser l'époque exacte de son écroulement. On peut, du moins, fixer ap- proximativement l'âge des deux effondrements qui l'ont accom- pagné ou préparé du côté sud et du côté nord. Celui du sud, qui a donné naissance à la plaine de l'Ampurdan, semble dater du mio- cène, car M. Carez* y a trouvé des couches marines (marnes de Ciurana) d'âge vraisemblablement tortonien. L'effondrement qui a produit la plaine du Roussillon doit dater de la fin du miocène, car les couches les plus anciennes que M. Depéret y a décrites sont du pliocène inférieur. Or, la fin du miocène est l'époque à laquelle a eu lieu le plus grand des mouvements qui ont donné naissance à la chaîne alpine. Quant à l'invasion de la Méditerranée par des faunes septen- trionales vers cette époque, on tend de plus en plus à l'attribuer à une communication des mers du Sud avec les eaux boréales, par suite de la rupture d'un grand continent, qui devait s'étendre à travers tout l'Atlantique septentrional. « l^endant les âges primaires^ il existait un continent boréal, qui, ' M. Bertrand, Coupes de la chaîne de la Sainte-baume (Provence) [Bulletin de la Suciélé géologique de France, 3^ sur., t. XIII, 1884-1885, p. 113-130]. 2 De Lapparent, Leçons de géographie physique, Paris, 1896, p. 414 et 421. * Carez, Étude des terrains tertiaires et crétacés du nord de l'Espagne (Thèse, Paris, 1881, p. 274 et 278). COQUILLES ANCIENNES AU CAP DE CREUS. 305 baigné au nord par une mer polaire, reliait la Scandinavie à l'Amé- rique. Son rivage méridional avançait peu à peu au sud par de nouvelles conquêtes de la terre ferme, et, à la fin des temps car- bonifères, ce rivage devait aller à peu près du Texas au bord sep- tentrional de la Méditerranée actuelle. « Ce continent boréal a subi ultérieurement bien des vicissitudes. Des brèches se sont ouvertes dans sa masse, qui ont réduit son extension vers le sud. Puis, un jour, une première fente transver- sale a rompu sa continuité en établissant, pour la première fois, une communication entre l'océan Polaire et les mers du Sud. Cette fente paraît s'être produite vers la fin de l'ère tertiaire. En effet, pendant la dernière partie des temps miocènes, les mêmes polypiers et autres organismes incapables de se propager au loin florissaient aux An- tilles et en Sicile. 11 fallait donc qu'entre ces deux régions il y eût, ou un rivage continu, ou des îles assez rapprochées pour permettre cette migration. « ... C'est à ce moment (début du pliocène) que la grande brèche atlantique s'est ouverte et que, pour la première fois, les mers gla- ciales sont entrées en libre communication avec celles du Midi. « A partir de ce moment, cette brèche n'a fait que s'accentuer, non seulement par l'érosion marine, mais encore par l'écroulement des anciennes terres atlantiques, écroulement préparé dès les temps tertiaires par les grandes fissures servant de voies d'éruption aux basaltes de l'Irlande, des Hébrides et de l'Islande. De tout cela, il n'est resté que les Açores et le haut fond dont les sondages accusent l'existence dans l'axe de l'Atlantique nord... En résumé, c'est l'hy- pothèse de l'Atlantide, débarrassée des légendes dont l'imagination de nos pères l'avait entourée. » (A. de Lapparent*.) Le premier morcellement de cette terre a dû permettre l'arrivée, tant sur les côtes atlantiques de la France (Saubrigues) que dans la Méditerranée, par le détroit nord-bétique encore ouvert, de courants 1 A. DE Lapparent, Note sur l'extension des glaciers (Comptes rendus de la Société de géographie, Paris, 1894, w 1, p. 21-24). 806 G. PRUVOT ET A. ROBERT. relativement froids, amenant avec eux la faune tortonienne. Quand, au début du pliocène, le détroit de Gibraltar s'est formé, par l'effon- drement de la région qui réunissait en une voûte unique la côle du Maroc à la Sierra Nevada et peut-être aux Baléares \ c'est encore une faune analogue à la faune tortonienne qui a élé amenée par les courants océaniques. Mais, dès cette époque, le morcellement de la terre atlantique s'accentuant, des courants arctiques avaient accès sur les côtes orientales de l'Angleterre, où ils amenaient Cyprina islandka, avec d'autres espèces des régions boréales. Plus tard, enfin, ces courants ont pu contourner les îles Britanniques et pénétrer enfin dans la Méditerranée par le détroit de Gibraltar, dont la pro- fondeur, plus considérable qu'à l'époque actuelle, pouvait livrer passage aux courants de fond. C'est avec ces courants froids qu'a dû arriver la faune arctique que nous venons de signaler au cap de Greus -. Son apparition dale, sans doute, de l'époque sicilienne, comme celle des couches de Fi- carazzi et de Rhodes. Il est plus difficile de fixer l'époque de sa disparition. Ces formes septentrionales, ainsi amenées par les courants, n'ont pu s'établir et prospérer dans la Méditerranée qu'autant qu'elles y ont rencontré des conditions de milieu favorables, particulièrement au point de vue de la température. Or, c'est précisément à cette époque que M. Trulat reconnaît, dans les Pyrénées-Orientales, l'exis- tence d'une première période glaciaire ^ Le refroidissement de la * A. DE Lapparent, Leçons de géographie physique, p. 420. 2 M. Bergeron pense que la plupart des gisemeuls de la faune arctique dans la Méditerranée sont alignés suivant la grande ligne [de fracture qui longe la côte septentrionale de l'Afrique, de Gibraltar à la Sicile, et que les courants froids ont suivi de préférence cette ligne de fracture (M. Lévy et J. Bkrgeron, Mission d' An- dalousie ; Élude géologique de la Serrania de Ronda (Mémoires de l'Académie des sciences, t. XX, 1888. — J. Bergeron, Étude sur les terrains pliocènes, p. 248--249). La découverte d'un de ces gisements au cap de Creus montre que leur action s'est étendue beaucoup plus loin. ' Trutat, Dépôts glaciaires de la vallée inférieure du Tech (Pyrénées-Orientales) [Bulletins de la Société d'histoire naturelle de Toulouse, t. IX, 1874-1875, p. 181]. — Les Pyrénées, conférence faite à Pau le 16 septembre 1892 (Association française pour COQUILLKS ANCIENNES AU CAP DE CRKUS. S07 température s'est accentué pendant la première partie du pleislo- cène, car c'est à cette époque que se place la plus grande extension des glaces. Ces conditions n'ont pu ôlrc que favorables au développe- ment de la faune arctique. En effet, nous avons vu ces animaux continuer à vivre pendant la première partie du pleislocène en Sicile, et il en est de même en Galabre, tandis qu'ils disparaissent dans les dépôts plus récents. Pendant la seconde moitié du pleistocène, la fusion des grands glaciers et l'établissement progressif du climat actuel a pu être une des causes de l'appauvrissement et de la disparition partielle de cette faune. Mais de nouveaux mouvements du sol y ont ajouté leur action. C'est ainsi qu'en de nombreux points des côtes de la Médi- terranée on observe un relèvement des couches récentes à une hau- teur assez considérable au-dessus du niveau de la mer, et que, pour M. T. Fischer, la constitution définitive de la chaîne côtière de la Catalogne ne daterait que du pleistocène ancien ^ Le relèvement du seuil de Gibraltar a suffi alors à arrêter les courants froids venant des profondeurs de l'Atlantique, et ensuite, sous l'influence d'une température superficielle plus élevée, la température du fond de la Méditerranée a dû s'élever peu à peu, entraînant le dépérissement, puis enfin l'extinction presque complète de la plupart des formes boréales, à l'exception de quelques-unes, qui, comme Isocardia cor, ont pu résister à ce changement dans les conditions ambiantes. Les coquilles recueillies à la station du cap de Creus sont donc les restes d'une faune antérieure à l'état actuel et partiellement éteinte. Elles ont dû vivre dans notre région de la dernière partie de l'époque pliocène au milieu des temps quaternaires. On ne peut admettre qu'elles ont été arrachées récemment, par l'abrasion actuelle, à quelque banc fossilifère affleurant au rivage voisin, car le V avancement des sciences; Compte rendu de la vingt et unième session, Pau, 1892, p. 488). • Theobald Fischer, Die Iberische Halbmsel, in Kirchhoff, AUgemeine Erdkunde und Lànderkunde, Wien und Prag, 1893, Bd III, 2 Theil, i Hallle, p. 543. K08 G. PRUVOT ET A. ROBERT. cycle pliocène, parfaitement net dans toute la région occidentale du Languedoc et du Roussillon, montre que la mer s'est retirée des ré- gions actuellement exondées définitivement après le pliocène infé- rieur, avant l'invasion des courants froids. Elles ont donc dû vivre sur les fonds que leurs dépouilles occupent encore actuellement et qui, depuis, n'ont pas été recouverts de sédiments nouveaux. Ces grandes coquilles subfossiles peuvent encore être recueillies, mais plus rarement et noyées dans la vase, sur le bord du plateau continental, le long des rechs du Gap et de Lacaze-Dulbiers, parti- culièrement au fond de ce dernier, dans la région des Coraux et Brachiopodes, au pied de la roche Fountaindrau. Nous avons, en outre, recueilli autrefois, à cette dernière station, les débris d'un Fusus sénestre qui paraissent devoir être rapportés au Fusus [Nep- tunea) contrarius L., fossile dans les terrains tertiaires et qui ne paraît plus se trouver à l'état vivant dans nos régions. A l'extrémité orientale du golfe, M. Marion a déjà appelé l'atten- lion sur les coquilles mortes ramenées du pied delà falaise Peys- sonnel par les dragues du Travailler, en particulier sur celles de Waldheimia [Terehratella) septata Phil., qui étaient dans un état tel qu' « on n'aurait pu les distinguer des coquilles de même espèce des couches pliocènes de la Sicile * » . Les points d'où elles étaient ra- menées sont par une profondeur de 550 à 700 mètres, franchement dans la zone profonde, au delà du plateau continental. La présence au pied du plateau continental, partout où l'explora- tion a été faite, de coquilles appartenant à des types disparus de la faune méditerranéenne actuelle, enfouies à une si faible profondeur dans la vase que la drague les atteint sans peine, prouve qu'au delà du plateau le fond n'a pas changé sensiblement et les sédiments vaseux profonds ne se sont déposés que sur une très faible épaisseur depuis l'époque où elles vivaient, c'est-à-dire au plus tard la pre- mière moitié de l'époque quaternaire. ' A.-F. Marion, Considérations sur les faunes frofondes de la Méditerranée [Annales du musée de Marseille, t. 1, 1883, i» mémoire, p. 35). COQUILLES ANCIENNES AU CAP Dlî CUEUS. 509 Le fait qu'à l'ouest du golfe, cette faune ancienne se retrouve abondante à la surface du plateau lui-môme, par une profondeur d'une centaine de mètres seulement et contre le rivage même, où l'on ne connaît aucune couche émergée les renfermant, montre que dans cette région du cap de Creus, au moins, la ligne du rivage n'a pas changé depuis cette époque et que les apports ultérieurs ont été à peu près nuls sur le fond. Mais ces coquilles, si abondantes conlie le cap de Creus, à l'endroit où le plateau continental mérite à peine ce nom, réduit à une terrasse de 3 kilomètres à peine de largeur et à pente relativement forte, disparaissent tout à fait un peu au delà dès que le plateau s'élargit et qu'apparaissent les sédiments relative- ment lins, vase côtière et sables du large, qui l'occupent presque en entier dans toute la traversée du golfe. Il est au moins vraisemblable que là les mêmes couches ont été recouvertes postérieurement par un dépôt épais d'alluvions, et c'est un argument de plus à l'appui de celte vue, déjà suggérée par l'examen des sédiments eux-mêmes, que, dans toute la traversée du golfe du Lion, le plateau continental doit son extension et son modelé actuels, quels que soient d'ailleurs la nature et le relief des couches géologiques sous-jacentes, que nous n'avons aucun moyen de reconnaître, à des apports récents qui ont dû atteindre leur maximum d'intensité à l'époque des grandes précipitations atmosphériques et des grands phénomènes de trans- ports qui ont caractérisé le milieu de l'époque quaternaire, avant l'âge du renne, qui en marque la fin, dans nos pays, par l'établisse- ment d'un climat froid et sec; et ces apports poussés à la mer n'ont pas dépassé, au large, la ligne qui sépare la zone côtière sableuse de la zone de la vase profonde. Ainsi les grandes coquilles du cap de Creus et le fond sur lequel elles reposent doivent être antérieurs à la seconde moitié du pleis- tocène, au début de laquelle le régime actuel s'est établi dans la Méditerranée, et les Mollusques septentrionaux en ont disparu, probablement à la suite d'un soulèvement du seuil de Gibraltar, qui a fermé l'accès de la Méditerranée aux courants atlantiques de fond. 510 G. PRUVOT liT A. ROBERT. Les sables du large ou sables du plateau qui recouvrent ce niveau (puisqu'ils sont à un niveau plus élevé et que les mêmes coquilles se retrouvent sur le bord du plateau, au delà des sables) doivent lui être postérieurs ; et comme, d'autre part, les courants actuels sont inca- pables de les transporter, ils doivent être, de ce fait, antérieurs à la fin de la période pleistocène qui a vu, avec l'âge du renne, le retour à un climat sec et la fin des grands phénomènes de transport et d'al- luvionnement. La vase côtière qui recouvre parliellement les sables à son tour est d'origine moderne. Commencé avec la fin des apports torren- tiels, dès que les eaux courantes ont pris définitivement un régime plus tranquille, son dépôt se poursuit actuellement et sa limite vers le large est marquée par le point oti les mouvements des eaux cessent de l'étaler. ESSAI SUR lES FOIS ET lA FAIE DE lA MAME OCCIDEITAIE (COTES DE BRETAGNE) COMPARÉS A CEUX DU GOLFE DU LION PAR G. PRUVOT Professeur à la Faculté des sciences de Grenoble. Les bases d'une classification naturelle pour la distribution des animaux ne peuvent plus être demandées, comme on l'a fait long- temps d'une façon tout empirique, au simple groupement plus ou moins fortuit des animaux eux-mêmes suivant les localités ; mais elles doivent reposer sur les facteurs déterminants de leur réparti- tion, c'est-à-dire avant tout sur les conditions physiques du milieu et du sol. De là est née la notion de grandes catégories bionomiques qui a été précisée, dans ces derniers temps, surtout par Walther '. Il admet, pour le monde marin, six grands « districts bionomiques » [Lebensbezirké) : i° le littoral {Litoral) ; 2» la mer peu profonde {Flachsee) ; 3° la mer abyssale {Tiefsee) ; 4° la haute mer {Offene Meer) ; 5° la mer d'archipels {Archipele), et 6° les estuaires et mers fermées {^stuarien, Binnen und Reliklenseen). J'estime, avec Ortmann ^, que les deux premières divisions ne peuvent pas être séparées et 1 J. Walther. Einleitung in die Géologie als hislorische Wissenschaft. l. Bionomie des Meeres, Jena, 1893. * .\. Ortmann, Grundzùge des marinen Thiergeographie, Jenaj 1896. 312 G. PRUVOT. que les deux dernières n'ont pas la même valeur que les autres. Au point de vue bionomique, le domaine des mers ne montre que trois divisions de premier ordre, ayant chacune sa faune spéciale com- mandée par les différences des conditions d'existence : i° Le système littoral, c'est-à-dire la bande du sol sous-marin qui borde les terres émergées jusque vers 200 ou 250 mètres environ de profondeur, ayant pour caractère principal que la lumière du jour le baigne dans toute son étendue et y permet la vie des végétaux et des animaux herbivores. En raison de sa faible profondeur au-dessous du niveau de la mer et de sa faible distance du rivage, les oscilla- tions saisonnières ou autres de la température y sont accentuées, la salinité des eaux y varie dans des limites étendues sous l'influence des pluies de la surface et de l'apport des fleuves et les eaux y sont en perpétuel mouvement sous l'action des vagues et des courants de la surface. Les fonds y changent rapidement d'un point à un autre ; c'est là seulement que se rencontrent des fonds de roche ou de sables. 2" Le système abyssal, qui occupe tout le fond des mers au delà du précédent. Sa caractéristique est l'absence de la lumière du jour, partant de végétaux et d'animaux franchement herbivores. Les eaux y sont dans un état de repos presque absolu, la température et la salinité y sont constantes pour un lieu donné. Les fonds, très uni- formes sur de vastes étendues, y sont seulement tapissés de vase fine. 3° Le système pélagial auquel appartient toute la masse des eaux au-dessus des deux précédents. Caractérisé essentiellement par l'ab- sence de subslratum, sans rivage et sans fond, sans autres limites que l'air et l'eau, il n'est habité que par des organismes animaux ou végétaux adaptés pendant tout ou partie de leur existence à la vie indéfiniment flottante, qui constituent le plancton, par opposé au benthos, ensemble des organismes littoraux ou abyssaux qui se tiennent sur le fond à l'état de repos. C'est à ce point de vue de la répartition des animaux dans ses FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 513 rapports avec la nature des fonds sous-marins, comme de la consti- tution et de l'évolution de ceux-ci, que je me suis proposé de com- parer les deux régions naturelles du littoral français les plus différentes dans l'ensemble des conditions qu'elles offrent au déve- loppement des êtres marins : le golfe du Lion, étendu du cap de Creus au cap Sicié d'une part, et, de l'autre, la région de l'entrée de la Manche, de la pointe du Finistère à celle du Gotentin, dont la majeure parlie affecte aussi la forme d'un golfe largement ouvert, le golfe de Saint-Malo, entre la pointe de Bréhat et le cap de la llague. Mais mes recherches personnelles ont porté d'une façon plus spéciale et plus suivie sur la côte roussillonnaise pour la Méditer- ranée, et sur la région de Roscoff pour la Manche, en raison des séjours prolongés que j'ai pu y faire et des facilités d'études dont j'ai joui depuis de nombreuses années déjà, dans les deux importants laboratoires maritimes de Banyuls et de Roscoff. Ces études comparatives portent presque exclusivement sur le système littoral et sur l'équivalence des subdivisions qu'on peut y introduire dans les deux régions considérées, l'abyssal n'étant pas représenté dans la Manche, dont la profondeur ne dépasse guère une centaine de mètres, et le pélagial, présentant, même dans ses couches superficielles , des conditions d'existence et une faune remarquablement uniformes dans toutes nos mers. Le golfe du Lion est, dans la plus grande partie de son étendue, bordé d'une côte plate, droite, formée de sables d'alluvion. Le sol empiète progressivement sur le domaine de la mer, formant actuel- lement un cordon littoral étroit qui laisse derrière lui une ligne d'étangs plus ou moins saumâlres. La profondeur y croit régulière- ment et lentement jusque vers 200 mètres; par suite de l'absence de marées et de grands courants, l'agitation des eaux cesse à une faible profondeur; la vase et le sable fin vaseux sont les fonds dominants; la température des eaux est relativement élevée et sans variations brusques. Toutefois, aux deux extrémités, les pointes montagneuses et profondément découpées des Albères et des Maures appartenant ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3"= SÉRIE. — T. V. 1897. 33 514 G. PRUVOT. aux terrains primaires, plongent rapidement sous la mer; les grandes profondeurs y arrivent au voisinage du rivage, l'agitation des eaux se fait sentir plus profondément, la vase pure fait défaut. La côte normanno-bretonne, essentiellement rocheuse, formée de granits et de schistes primaires, offre les caractères inverses. Le sable n'y forme de plages un peu étendues qu'au fond des baies. Par suite de l'abrasion et peut-être d'un affaissement lent du sol, la mer gagne presque partout sur le rivage ; elle l'a dé(;oupé profondément et laisse en avant de lui une ligne presque continue d'îles, de ro- chers, d'écueils, inconnus dans la Méditerranée. La profondeur atteint à peine 100 mètres ; les violents courants de marée agitent les eaux jusqu'au fond, couvrent et découvrent périodiquement de grandes étendues de terrain, mélangent les eaux froides de la haute mer à celles qui se sont échauffées en passant sur les sables et les rochers exposés au soleil. Pas de vase ; le fond est formé presque partout de plateaux rocheux balayés par les eaux et séparés par des intervalles de sables grossiers riches en débris de coquilles. Un épais revêtement de zostères ou de grandes algues diverses forme une large ceinture à la côte. I GOLFE DU LION. Le golfe du Lion est une des régions naturelles les mieux délimi- tées de la Méditerranée. C'est surtout une des régions les plus im- portantes des côtes de France au point de vue de la pêche côtière, la seule de notre littoral méditerranéen où de vastes plaines sous- marines, de profondeur modérée, s'étendent au large et permettent l'emploi de filets traînants, chalut, bœuf, etc. Au delà, vers l'est, la profondeur tombe rapidement ; il ne persiste plus le long de la côte qu'une étroite terrasse rocheuse, où peut être pratiquée seulement la pêche exclusivement littorale aux casiers, aux palangres, aux filets flottants. Sillonné journellement parles 3 500 bateaux de Mar- seille, Cette, Agde, Collioure, Banyuls, le golfe du Lion est exploité FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. ôl5 par une popiilalion de 8000 inscrits pêcheurs environ sur 11500 que compte tout le lilloral méditerranéen français de la frontière d'Es- pagne à celle d'Italie. La carte n° I montre, par l'allure des courbes de niveaux et des sédiments, que le golfe du Lion comprend tout l'espace au nord d'une ligne droite tendue du cap de Creus au cap Sicié. Cette ligne, d'une longueur de 2:20 kilomètres, représente la corde d'un arc assez régulier, dont le milieu, qui se trouve à la pointe de l'Espi- guette (golfe d'Aigues-Mortes) est à lOO kilomètres de la corde. A partir d'une certaine distance de la côte, variable mais toujours peu considérable, ne dépassant pas 4 ou 5 kilomètres de distance horizontale au maximum, les fonds sous-marins deviennent partout très uniformes. Mais, en deçà, la forme et la nature du rivage tien- nent sous leur dépendance la constitution des fonds au voisinage de la côte, et doivent le faire partager en trois régions : 1° La première, correspondant à la côte catalane, étendue du cap de Creus au mouillage d'Argelès, et formée par les dernières digi- tations des Albères, est rocheuse, abrupte, découpée par des baies étroites et profondes dont le fond est occupé par de petites plages de sable, que séparent, sous la mer, les avancées rocheuses des caps. 2° La partie moyenne, la plus étendue, formée en avant des étangs littoraux par les plages basses, droites, sans abri, du Roussillon et du Languedoc, se continue insensiblement sous les eaux en nappe sableuse uniforme. Elle s'étend d'Argelès à l'embouchure du Rhône dans le golfe de Foz. 3° La partie orientale, du cap Couronne au cap Sicié, est monta- gneuse de nouveau, mais calcaire en grande partie, bordée au- dessous des eaux d'une ceinture continue d'herbiers. Cette dernière partie a déjà fait, au point de vue de sa topographie et de sa faune, l'objet de publications importantes de M. Marion', et, plus récem- ' A. -F. Marion, Esquisse d'une topographie zoologique du golfe de Marseille. — Id., Contribution à l'histoire des (aunes profondes de la Méditerranée {Annales du musée d'histoire naturelle de Marseille, t. 1, 18S3). 516 G. PRUVOT. ment, j'ai étudié, au même point de vue, la partie occidentale K Les deux cartes, publiées alors, montrent la répartition des fonds aux deux extrémités du golfe et comment les dépôts qui l'occupent se continuent au delà, vers l'ouest et vers l'est, avec ceux des régions abruptes adjacentes situées sur la continuation des crêtes monta- gneuses des Albères d'une part, des monts des Maures et de l'Esterel de l'autre. Les deux cartes laissent entre elles un large espace en face des côtes plates du Languedoc à travers lequel, malgré le manque d'explorations aussi détaillées, on peut néanmoins les relier l'une à l'autre, grâce aux sondages portés sur les cartes de la marine et sur celle du dépôt des fortifications. C'est à l'aide de ces documents que j'ai établi la carte d'ensemble (carte I du présent mémoire), qui, malgré sa petite échelle, permet d'apprécier l'allure générale de la topographie sous-marine et les rapports des différents fonds dans le golfe. Le tableau, placé dans le bas et à droite, montre l'extension verticale des différents fonds et des zones naturelles qu'ils caracté- risent dans les divers points du golfe, tels qu'ils apparaîtraient à un observateur placé en face du milieu du golfe, à égale distance (102 kil.) du cap de Greus et du cap Croiselte, au sud de Marseille, sur la ligne qui joint l'île des Mèdes à la pointe orientale de la presqu'île de Giens, et regardant successivement dans les directions des localités inscrites en tête. Les lignes verticales sont les projec- tions des plans verticaux passant par l'observateur et les lieux dési- gnés, et la direction de ces plans est inscrite à leur pied. On voit que les lignes isobathes et celles qui limitent les contours des diverses sortes de sédiments, vase, sables, etc., sinueuses et tourmentées aux deux extrémités du golfe deviennent sensiblement rectilignes dans la partie moyenne où leur écarlement plus grand trahit une inclinaison plus faible des talus. Les lignes isobathes de 50 et de 100 mètres ne montrent, dans leur allure, aucun rapport 1 G. Pkuvot, Essai sur la topographie et. ta constitution des fondi sou:i-marins de la région de Banyuls {Arcliives de zoologie expérimentale et générale, 3» sér., t. II, 189^. — Id., Coupd'œil sur la distribution générale des Invertébrés dans larégion de Hanyu's Archives de zoologie expérimentale et générale^Z'^ sér., t. 111, 189oJ. FONDS flT FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. ul? avec les suivantes. Mais celle de 150 mètres dessine déjà les mômes sinuosités que reproduiront, en les accentuant, les suivanlesjusqu'à 600 mètres au moins. Au delà, les sondages effectués jusqu'à pré- sent sont trop rares et trop espacés pour permettre de construire les courbes de niveau avec une précision môme approximative. On sait seulement que les profondeurs continuent à croître rapidement pour atteindre et dépasser bientôt 2 000 mètres. Mais on voit qu'à partir de 150 mètres déjà, les courbes sont très rapprochées, surtout aux deux extrémités ouest et est du golfe, où, à l'échelle de la carte, il n'aurait pas été possible de les tracer sans confusion partout, même de 100 en 100 mètres. Et, en même temps, à une faible dis- tance horizontale de cette même ligne de 150 mètres, la nature des fonds change brusquement. Il en résulte une ligne très importante, bien évidente sur la carte, comprise presque partout entre les isobathes de 200 et de 300 mètres, et qui suit presque exactement la corde de l'arc formé par le rivage émergé du cap de Creus au cap Sicié. C'est la limite du système littoral et de l'abyssal ; elle sépare le plateau continental à fond peu incliné, essentiellement sableux, de la région profonde, des abîmes de la Méditerranée, et la séparation est nettement tranchée. Au delà de cette ligne, les profondeurs tombent rapidement; les sables et graviers du plateau font place sans transition à la vase pro- fonde collante, verdâtreou bleuâtre, qui tapisse tous les grands fonds de la Méditerranée, e^qui appartient aux dépôts tetrigènes de Murray. Les vrais dépôts d'abîmes, vases àGlobigérines, àDiatomées, à Radio- laires, argile rouge, qui viennent au delà, dans les grands océans, font défaut ici comme dans toutes les mers fermées ou presque fer- mées, quoique la profondeur arrive à être bien supérieure à celle où ils apparaissent dans les océans largement ouverts. Cette région de la vase profonde n'a d'intérêt qu'au point de vue de la science pure ; elle est à peu près inaccessible aux moyens ordinaires de pêche et sa faune est remarquablement appauvrie par suite de la stagnation à peu près absolue des eaux, stagnation que trahit la constance de la 518 G. PRUVOT. température, de 13 degrés à l^",? à toutes les profondeurs, à partir de|300 mètres. Elle représente le système abyssal. Il en est autrement du plateau continental qui s'étend de la ligne précédente au rivage et qui appartient au système littoral; c'est le vrai champ d'activité des pêcheurs et des naturalistes. Le bord du plateau court à peu près en ligne droite de l'ouest- sud-ouest à l'est-nord-est, et, vers son milieu, en face de Cette, se trouve à 85 kilomètres environ de la côte. II s'en rapproche vers le cap de Creus jusqu'à une distance de 4 kilomètres à peine, découpé par trois sinuosités profondes auxquelles j'ai donné le nom àerechs. Même allure à l'extrémité orientale : en face de la Ciotat, le banc des Blauquières forme une longue pointe séparée du reste du plateau par deux grandes échancrures tout à fait comparables aux rechs catalans et occupés aussi par la vase profonde. M. Marion considère le bord du plateau comme formant une falaise rocheuse abrupte, la falaise Peyssonnel, interrompue en cer- tains endroits par des ressauts, dont le plus important est le plateau Marsilli. Je n'ai pas trouvé la même disposition dans notre région. Tout au fond des rechs seulement, en particulier du rech Lacaze- Dulhiers, les engins rencontrent la roche vraie, irrégulièrement an- fractueuse, avec des sautes brusques de profondeur. L'impression est celle d'un ravin rocheux creusé sur le flanc d'une montagne, dont les autres côtés sont noyés dans les sédiments du plateau. Mais tout de suite au delà, même bien avant l'embouchure du rech, et sur tout le reste du bord du plateau, on ne trouve plus qu'un simple talus régulier, de sable et de graviers, incliné de 20 degrés à 25 degrés au maximum. Dans la partie moyenne du golfe même, l'inclinaison ne paraît pas dépasser 1 à 2 pour 100 au maximum et on trouve en différents points de grands plateaux d'inclinaison presque nulle. Seulement, par places, ont pris naissance, sur les flancs du talus, à la région supérieure de la vase profonde, des amas concrétionnés sou- vent volumineux, capables de déchirer ou d'arrêter les filets, formés de graviers, de tubes d'Anaélides, de débris d'Épongés et surtout de FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 519 Coraux cimentés et agglutinés, simplement posés sur le fond, mais qui peuvent faire croire, si on ne réussit pas à les détacher, à la pré- sence de rochers. Il me paraît vraisemblable que la falaise Peyssonnel doit être constituée de même, que la roche vive, si elle existe, doit se montrer seulement au fond des découpures du plateau et que le bord de celui-ci doit être formé, dans toute la traversée du golfe, par un simple talus sableux contre lequel bute et remonte la vase du large jusque vers 300 mètres de profondeur. Ce fait a une certaine importance pour expliquer la formation et la constitution actuelle du plateau lui-même. Delesse* a signalé déjà l'existence, en travers du golfe du Lion, d'une large bande sableuse limitée du côté du large par la vase et parla vase encore du côté de terre. Elle est bien reconnaissable sur la carte, qui montre trois îlots de sable pur ou très faiblement va- seux, un à chaque extrémité du golfe {plateau du Cap, contre le cap de Creus, et banc des Blauquières avec son prolongement vers l'ouest au sud de Marseille) et un autre beaucoup plus étendu dans la moitié occidentale du golfe. Ils sont entourés et reliés les uns aux autres par une bande plus ou moins large de sédiments sablo-vaseux, mais dans lesquels la proportion de sable est encore en moyenne de 60 pour 100 du poids total. Nous savons maintenant que cette bande n'est autre chose que la portion la plus reculée du plateau conti- nental. En deçà, les sables et graviers qui le constituent se mélan- gent progressivement de vase, puis passent à une large nappe de vase pure que j'ai désignée sous le nom de vase côtière, pour la dis- tinguer de la vase profonde, qui règne partout au delà du plateau. Cette vase côtière remplit tout le fond du golfe du Lion. Elle s'étend jusqu'à plus de 45 kilomètres du rivage en face d'Aigues-Mortes et de l'embouchure du Rhône et cesse aux deux extrémités du golfe, au niveau des régions montagneuses où ne se déversent plus de rivières importantes. Dans notre région, elle se termine par une bande de > Delesse, Lithologie des mers de France, Paris, 1871. 520 G. PRUVOT. plus en plus étroite au golfe de la Selva, un peu avant la pointe du cap de Greus. A l'est, elle pousse un peu au delà du golfe de Mar- seille, au milieu des sables du plateau, un prolongement qui con- tourne la ligne des récifs de Mangespen terminés par l'îlot qui porte le phare du Planier et s'arrête contre l'île de Riou. Elle est incontes- tablement amenée parles fleuves et déversée à la surface des sables précédents, comme le prouve entre autres le fait que c'est dans la région où se déverse le Hhône qu'elle s'étend le plus au large. Là, en effet, elle n'est plus séparée du bord du plateau, c'est-à-dire de la vase profonde, que par une bande de 5 ou 6 kilomètres seulement de sables, qui sont eux-mêmes encore assez notablement vaseux, tandis que la bande sableuse de séparation dépasse 40 kilomètres de large un peu plus à l'ouest, en face de Cette ou d'Agde. C'est là aussi qu'elle descend le plus profondément, jusqu'à 120 mètres, au lieu de 90 mètres ou même 80 mètres en face des régions montagneuses des Albères ou des Maures, qui n'envoient à la mer que des cours d'eau de faible débit. Toutefois, cette différence d'extension verti- cale, et même d'extension en surface, n'est pas en rapport avec l'importance relative des cours d'eau qui charrient les sédiments, du lîhône puissant aux petites rivières du Roussillon à demi desséchées une partie de l'année. Gela lient à ce que l'extension de la vase côtière est commandée non seulement par l'importance des apports, mais aussi par les conditions physiques des eaux marines et par leur mouvement qui la ballotte et l'étalé au loin de part et d'autre et ne la laisse se déposer qu'à partir du moment où, par sa descente progressive, elle a dépassé les couches superficielles agitées par les vagues et par les courants de surface. Quand la profondeur est trop faible et l'agitation habituelle des vagues assez forte pour que les eaux ne soient jamais en repos contre le fond, comme c'est le cas au voisinage immédiat de la côte, la vase, incessamment agitée, ne peut se déposer. Aussi, est-ce seulement à l'embouchure des cours d'eau, là où se fait un apport continuel des sédiments fins qui la constituent, et aussi dans les FONDS ET FAUNE. DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 321 ports aux eaux absolument calmes et d'où les jetées l'empêchent d'être entraînées au loin, que la vase côtière remonte jusqu'au ni- veau du rivage. Partout ailleurs, elle s'arrête à quelque distance et, tout le long du rivage, court un cordon irrégulier, à constitution très variée suivant les endroits, reflétant les changements de la côte dont il est la continuation. Au niveau des grandes plages plates, sablonneuses, du Languedoc et du Roussillon, c'est une bande do sable pur, large de quelques centaines de mètres, continuation di- recte de la plage émergée et descendant jusqu'à la profondeur de 10 à 15 mètres en moyenne; au delà commence la vase. A mesure qu'on se rapproche des régions montagneuses, les roches com- mencent à se montrer perçant le manteau des sédiments meubles, les pentes deviennent plus rapides, la vase ne débute plus qu'à une profondeur de plus en plus grande, jusqu'à ce qu'aux deux extré- mités du golfe elle n'apparaisse plus ; là, les sables littoraux se con- tinuent directement avec ceux du plateau. Les roches sont partout couvertes d'algues. Le sable, un peu gros, mobile et dépourvu de végétaux au niveau des plages exposées, de- vient, dans les endroits abrités, plus fin, plus tassé et se recouvre alors d'herbiers, véritables prairies de zostéracées, où domine la Posidonia Caulini. Particulièrement développés dans la portion orientale du golfe, où ils forment de vastes étendues descendant jusqu'à 35 mètres de profondeur et s'étalant parfois sur une largeur de près de 4 kilomètres, comme au sud immédiat de Mar- seille et dans la baie de Saint-Nazaire, près du cap Sicié, ayant là une grande importance au point de vue de la pêche, ils sont beau- coup plus réduits dans la région de Banyuls, où ils n'occupent guère que le fond des baies et ne descendent pas au-dessous de 10 à 15 mètres. En outre des fonds précités, vase, sable, herbiers, roche, M. Marion a fait connaître et figuré sur sa carte des fonds particuliers, les fon(k coralligènes et les graviers vaseux à Bryozoaires, la broundo des pê- cheurs marseillais, sur lesquels il ne donne malheureusement que 522 G. PRUVOT. trop peu de renseignements en dehors des listes d'animaux qui y ont été recueillis. On voit, par sa carte et les quelques mots qui leur sont consacrés dans le texte, que les herbiers descendent rarement jusqu'au niveau où commence la vase côtière. Sur leur pourtour règne presque partout une bande de graviers plus ou moins vaseux dans lesquels les toufl'es de zostéracées s'espacent progressivement, puis finissent par disparaître ; c'est alors la broundo, les grmn'ers à Bryozoaires. Çà et là, au milieu d'eux, percent des roches dissémi- nées, couvertes de concrétions, de coquilles et de graviers agglu- tinés par des Eponges, des Annélides, etc., qui représentent plus particulièrement les fonds coralligènes. Des concrétions tout à fait comparables, et avec la même faune, existent également dans la région de Banyuls ; j'en ai signalé particulièrement contre le cap l'Abeille, les roches Cerbère, l'île Masa de Oro, par exemple ; mais nulle part elles n'occupent de grandes étendues, il est même diffi- cile de les regarder comme un fonds distinct et caractérisé; c'est une partie de la flore (Mélobésies, Lithophyllum, etc.) et de la faune (Éponges, Bryozoaires, Annélides, etc.) de la roche littorale, plus richement développée par places et qui peut se montrer sous cet aspect concrétionné à tous les niveaux, de quelques mètres à peine au-dessous du niveau de l'eau, comme dans la baie de Paulilles ou sur les blocs de béton qui forment la jetée d'entrée de Port-Vendres, à 70 mètres et plus contre l'île Masa de Oro. Sur le bord de la roche littorale, au pourtour des têtes de roche isolées, on trouve toujours, sur un petit espace, des blocs détachés, des galets et des graviers résultant de la destruction delà roche elle- même, le tout fortement mélangé à la vase voisine. C'est tout ce qui représente ici les graviers à Bryozoaires du pourtour des herbiers de Marseille ; encore les Bryozoaires y sont-ils rares, les Coraux presque absents. Le seul point où ces graviers méritent réellement une mention dans notre région, esl, le long du cap l'Abeille, la bande de sable grossier habité par V Amphioxus et le Polygordius. Ces formations, quel que soit leur degré de développement, se FONDS ET FAUNK DE LA MANCHE OCCIDENTALR. 523 rattachent étroitement à la zone la plus littorale en raison de leur relation intime avec la roche et parce qu'elles sont toujours en deçà de la bande de vase pure, quand elle existe. Il importe de ne pas les confondre avec les sables et les graviers du large, qui mon- trent une certaine analogie avec elles el se sont fréquemment aussi concrétionnés en bancs rocailleux, mais de nature différente, et la faune aussi n'est pas la même. D'après les observations qui ont été exposées en détail dans le mémoire antérieur sur les fonds sous-marins de Banyuls et d'après les comparaisons qui précèdent, les fonds, dans tout le golfe du Lion, peuvent donc être divisés ainsi au point de vue physique : 1° Une région littoi^ale comprenant l'étroite bande soumise à l'agi- tation des vagues superficielles qui y empêche le dépôt, ou tout au moins le séjour de la vase pure, c'est-à-dire des sédiments argi- leux, dont les particules ne dépassent pas un centième de millimètre. Elle n'a jamais qu'une faible largeur, un kilomètre à peine en moyenne, et elle s'étend plus ou moins profondément suivant l'allure de la côte émergée voisine ; sa limite inférieure, qui se trouve vers 15 mètres environ en face des côtes plates et sablonneuses, descend de plus en plus bas le long des côtes montagneuses et atteint 70 et 80 mètres contre le cap de Creus, de même qu'à l'est de Marseille. 2° Une région côtière comprenant tout le reste de l'étendue du pla- teau continental et descendant jusque vers 250 mètres en moyenne. C'est à elle, par conséquent, qu'appartient la presque totalité des fonds dans le golfe du Lion. 3° Une région profonde qui occupe tous les grands fonds de la Mé- diterranée, au delà de la précédente, et ne s'approche à une dis- tance relativement faible du rivage qu'aux extrémités du golfe, dans les échancrures du plateau continental. On voit par là que le système littoral est susceptible d'être subdi- visé en deux aires ou districts bionomiques, littoral proprement dit et côtier. Ils se distinguent l'un de l'autre, au point de vue des con- ditions d'existence des êtres vivants, par l'amplitude et la rapidité 524 G. PRUVOT. des variations dans les conditions physiques du milieu, surtout de la température, de la salinité et du mouvement des eaux contre le fond, variations qui sont régulièrement journalières ou acciden- telles (tempêtes), mais toujours intenses et brusques dans le pre- mier, faibles et lentes, au contraire, à longue période, presque uniquement en rapport avec les saisons, dans le second. Et chacune d'elles peut être subdivisée à son tour en zones, puis en horizons su- perposés (voir la carte I et le tableau p. 6H), mais qui ont un carac- tère moins universel, plus régional, étant commandés avant tout par la constitution et les caractères physiques du sol sous-marin. Le district côtier participe déjà dans une certaine mesure, à l'uni- formité qui est la règle dans les régions profondes des mers. L'une ou l'autre des deux zones que nous y avons reconnues ici {zone de la vase côUère et zone des sables du large), peut être présente ou man- quer dans certaiueslocalités ; mais partout où elles existent, elles ont essentiellement les mêmes caractères et ne montrent nulle part de différenciations locales suffisantes pour mériter une désignation spéciale. Il n'en est pas de même du district littoral proprement dit. Non seulement celui-ci participe dans une large mesure à la diversité d'aspects de la côte exondée dont il est la continuation directe, mais encore les végétaux (algues, zostéracées) qui y trouvent des conditions favorables de développement y forment, par endroits et souvent sur de grandes étendues, d'épais tapis, qui constituent pour les animaux, un milieu d'habitat particulier. Aucune zone du litto- ral n'est uniforme, partout comparable à elle-même, dans toute son extension horizontale. Et nous devons introduire dans les classifi- cations faunistiques la notion, déjà familière aux géologues, de /"ac?^*, mais en l'assouplissant un peu. Nous entendons par faciès les diffé- renciations locales des districts bionomiques dans le sens horizontal, comme les zones sont leurs différenciations dans le sens vertical. Des faciès différents pourraient être, en général, relevés dans cha- cune des grandes catégories bionomiques. Mais, dans le golfe du FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 525 Lion, du moins, ils n'inléressenten réalité d'une façon sérieuse, que la région littorale proprement dite, et la diversité des faciès dans cette région, opposée à la physionomie uniforme de la région côlière, est encore une des raisons de les séparer nettement dans le système littoral. La région littorale nous montre, comme ayant une réelle importance au point de vue faunistique, quatre faciès principaux : sables purs des plages, herbiers de zostères, roche vive couverte d'algues et fonds coralligènes, auxquels on peut ajouter les « trot- toirs » d'algues calcaires, qui se développent sur les parties les plus exposées de la roche et la protègent contre l'érosion. Dans le tableau comparatif de la page 611, ils ont été groupés seulement sous trois chefs, faciès rocheux, sableux et vaseux. Quant à la région profonde, qui représente ici le système abyssal, très uniforme dans toute la Méditerranée, je l'ai divisée aussi en deux zones, la zone des Coraux et Brachiopodes et la zone de la vase profonde. La première est certainement très discontinue. Je lui ai attribué cette valeur de zone distincte, parce qu'il paraît certain qu'en plu- sieurs points au moins contre le talus du plateau continental, des formations rocheuses, sur lesquelles se développent les Amphihelia et autres Coraux, se dressent au-dessus de la vase abyssale et y forment un niveau suffisamment précis, quoique jamais la drague n'ait pu ra- mener de fragments de roche en place. Mais si l'on n'admet pas la continuité de la falaise Peyssonnel comme une bordure rocheuse étendue en travers de tout le golfe du Lion, on doit reconnaître que ce niveau a un caractère local, fréquemment interrompu par la vase pure des grands fonds. D'autre part, les dragages profonds dans la Méditerranée ont montré l'existence, même à des profondeurs plus considérables, de semblables amas de Madrépores, abritant leur faune spéciale de Brachiopodes, de Vers, de Mollusques, etc., et re- posant directement sur la vase. Et au point de vue de la zoogéogra- phie générale, les Coraux de mer profonde représenteraient peut- être plutôt un simple faciès des fonds abyssaux, comme les récifs 926 G. PKUVOT. superficiels de Coraux dans les régions tropicales sont un faciès du district littoral. Les associations animales les plus caractéristiques de ces diffé- rents niveaux et faciès ont été indiqués pour la région de Banyuls dans un travail précédent', et le catalogue, à la fin du présent mé- moire, comprend, avec la mention des fonds qu'ils fréquentent, la liste de tous les Invertébrés qui ont été signalés avec leur habitat d'une façon suffisamment précise dans le golfe du Lion. Il reste, pour terminer ce rapide aperçu général sur les fonds du golfe, à rechercher les causes et l'origine de la disposition actuelle des sédiments qui déterminent les principaux niveaux. La région littorale est la continuation directe, sous les eaux, de la côte émergée ; abrupte et rocheuse comme elle sur les prolonge- ments des caps et le long des falaises, elle forme, dans leur inter- valle, une nappe inclinée sableuse, dont le profil se raccorde avec celui de la plage à laquelle elle fait suite. Les fonds coralligènes et les graviers à Bryozoaires, qui ne sont bien développés qu'au pied de la roche littorale, sont formés par les débris que l'érosion aérienne et l'abrasion marine enlèvent à la falaise et qui s'accumulent à son pied, sur le bord de la nappe vaseuse presque horizontale, sous la- quelle elle plonge. Le sol de la région littorale a donc en ses ditférents points le même âge et la même origine que les parties adjacentes de la terre ferme. La vase profonde, fine et gluante, qui recouvre toute la région abyssale, doit son origine aux particules les plus ténues qui ont été charriées du continent de tout temps, depuis que la mer recouvre cette région. Elle se dépose certainement avec une très grande len- teur et n'a, selon toute vraisemblance, qu'une faible épaisseur. C'est un manteau qui voile et atténue, sans les effacer, toutes les saillies et les dépressions du fond primitif. La nature de celui-ci nous est inconnue ; mais on a tout lieu de croire que sa disposition ' Cr. PRUVOT, Dislribulwn générale des invertébrés de la région de banyuls [ArcUives ae zuulugie expérimentale et générale, 3"= sér,, t. 111, 189»). FONDS ET FAUNIÎ DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 527 topographique actuelle est due à des effondrements qui se sont pro- duits au cours des périodes géologiques récentes, dans tout le bassin occidental de la Méditerranée, comme conséquence probablement du soulèvement des Pyrénées et des Alpes. Il paraît certain, en tout cas, que la vase profonde qui le recouvre est un dépôt d'âge rela- tivement ancien, qui n'a pas augmenté d'épaisseur d'une façon appréciable, depuis le milieu, au moins, des temps quaternaires, ainsi que le prouve la présence à sa surface, de coquilles apparte- nant à des espèces qui sont disparues de la Méditerranée actuelle, au moins depuis cette époque. Les fonds particuliers qui se trouvent sur le prolongement du cap de Creus et qui n'ont pas dû changer sensiblement depuis la même époque, puisqu'on y rencontre les mêmes coquilles*, montrent com- ment devait se faire alors le passage des formations littorales à la vase profonde. Celle-ci remonte pure et sans mélange jusqu'à 200 mètres, et peut-être moins par endroits, de profondeur au-des- sous de la surface, puis elle se mélange peu à peu de débris de coquilles de plus en plus abondants, ainsi que de graviers grossiers et de petits fragments roulés de roche qui, peu à peu, prédominent, puis restent seuls, sans mélange de vase ni de sables tins, jusqu'au pied de la roche littorale qui est ici à 70 mètres environ de pro- fondeur. Mais dans tout le golfe proprement dit, la vase profonde n'affleure qu'à une distance bien plus éloignée du rivage et elle est séparée des formations littorales par deux autres sortes de dépôts, les sables et graviers du large et la vase côtière, qui recouvrent seuls tout le plateau continental. La limite de séparation des sables du plateau et de la vase profonde est en beaucoup d'endroits, et sur une grande longueur, nettement tranchée, tellement, qu'en deux sondages suc- cessifs en un même point, séparés seulement par le temps néces- ' G. Pruvot et A. Robert, Sur un gisement sous-marin de coquilles anciennes au voisinage du cap de Creus (Archives de zoologie expérimentale et générale, a^ sér., l. V, 1897). 528 G. PRUVOT. saire pour remonter le sondeur, il arrive de rencontrer une fois les sables bien caractérisés et l'autre fois la vase pure. De plus, il est à remarquer que, si l'on fait abstraction de la vase côtière, les dépôts sont rangés à peu près par ordre de dimensions décroissantes à partir du rivage, des blocs qui bordent la roche lit- torale aux galets qu'on rencontre un peu plus loin et dont le volume décroît progressivement jusqu'aux sables fins du bord des plateaux Roland, du Balandrau, des Blauquières, etc., et que leurs éléments, quoique roulés par un frottement énergique les uns contre les autres, sont néanmoins par places réunis au moyen d'un ciment qui a exigé, pour se déposer, un état de repos presque complet des eaux. De plus, il paraît bien établi par la drague, qui, fouillant pro- fondément la vase côtière, ramène presque toujours d'au-dessous d'elle de petits galets ou des graviers, que la vase ne forme qu'une couche superficielle relativement mince, reposant sur les sédiments sableux qui constituent le fond du plateau et reparaissent à nu au delà d'elle. Pour ce qui est de l'époque à laquelle les sables du plateau ont été charriés jusqu'à la distance où on les trouve actuellement, le fait qu'on ne rencontre plus à leur surface les coquilles anciennes pré- citées, si abondantes au delà sur tout leur pourtour, montre que cette époque est postérieure à leur extinction, c'est-à-dire posté- rieure à la première moitié de la période quaternaire. D'un autre côté, les courants actuels sont manifestement incapables de trans- porter au loin des matériaux relativement aussi volumineux et aussi lourds, et cela est confirmé par l'état de repos où on les trouve au- jourd'hui. On est donc fondé à admettre que leur dépôt s'est eflec- tué vers la fin de l'époque quaternaire, à l'époque où la fusion des glaciers a démesurément enflé les cours d'eau et creusé les vallées actuelles. Le ou les fleuves torrentiels de la période diluvienne ont poussé à la mer les matériaux arrachés aux régions traversées. Ceux-ci ont comblé le fond du golfe primitif où ils ont formé d'abord les plaines d'alluvions du Languedoc et du Roussillon, puis plus FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 529 loin, sous les eaux plus profondes, ont revêtu d'une nappe ininter- rompue les anciennes formations littorales et le commencement de la vase profonde. Le bord actuel du plateau continental n'est que le talus d'éboulement de ces dépôts. A mesure que l'impétuosité des cours d'eau se modérait et se rapprochait de l'état actuel, les sédiments charriés se faisaient de moins en moins abondants et de plus en plus fins. Ils ont formé la vase côtière qui est ainsi d'âge plus récent et appartient à la période actuelle. Elle est, du reste, amenée continuellement encore par les fleuves et les rivières, surtout en temps de crue ; mais, même en face de l'embouchure du Rhône, elle n'est jamais portée au large jusqu'à la limite des sables précédents et, d'autre part, l'agitation des eaux l'empêche de se déposer immédiatement contre le rivage, sauf à l'embouchure même du cours d'eau. II CÔTE BRETONNE DE LA MANCHE. I. Constitution physique, structure et variations du rivage et du sol sous-marin. On sait que la région occidentale de la Bretagne est constituée par deux plateaux parallèles et allongés suivant la direction ouest- est, le plateau méridional ou du Cornouaille et le plateau septentrional ou du Léon de Puillon-Boblaye', séparés par le vallon de Châteaulin qui est compris entre les monts d'Arrée et les montagnes Noires et se termine parles deux profondes échancrures de la rade de Brest et de la baie de Douarnenez. Au plateau septentrional appartiennent les trois massifs secon- daires du plateau de Morlaix, du plateau de Tréguier, étendu au nord de la ligne de Lannion à Paimpol, et du plateau de Lesneven au nord de la rivière de Landerneau. C'est à ce dernier presque exclu- > Puillon-Boblaye, Mémoires du }]uséum, 1827, t. XV. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3^ SÉRIE. — T. V. 1897. 34 530 G. PRUVOT. sivement qu'appartient le rivage nord du Finistère, et la côte de Roscoff, dont les fonds et la faune sont l'objet plus particulièrement du présent mémoire, en est l'extrémité orientale. C'est lui que M. Ch. Barrois, qui en fait une des huit divisions naturelles entre lesquelles il partage la Bretagne*, désigne spécialement sous le nom de plateau du Léon ; il l'arrête à l'embouchure de la rivière de Mor- laix, et, à l'est, le plateau du Trégorrois lui fait suite, à partir de la terre de Primel. Constitution géologique. — La structure géologique du massif armoricain, dont on doit la connaissance surtout aux travaux ré- cents de M. Ch. Barrois, montre comme lignes directrices princi- pales, deux puissants plis anticlinaux divergeant vers le nord-est et le sud-est, à partir d'un point situé au large d'Ouessant, et le long de l'axe desquels affleurent, sous forme de gneiss, les roches les plus anciennes. Le bassin compris dans leur angle est formé d'une série de petits plis moins importants, qui n'ont ramené au jour que des formations plus récentes, de même .orientation générale et dont le nombre augmente vers l'est, par l'intercalation de plis nouveaux. La structure rayée qui en résulte est due à cinq mouvements de ridement des couches, dont le dernier et le plus important eut lieu après le terrain houiller supérieur. Il a fait émerger définitivement la Bretagne. 11 est dû à une forte pression latérale qui agit à cette époque dans la direction du méridien en refoulant et plissant si- multanément toutes les strates. Depuis l'époque houillère, le Finistère est resté à l'étal de terre ferme et il ne présente aucune trace des formations secondaires et tertiaires, aucun pointement de roche éruptive récente \ Les temps secondaires ont été pour le puissant massif armoricain primitif des temps de destruction. L'érosion a tout nivelé, ne laissant subsister 1 Cii. Barrois, les Divisions géographiques de la Bretagne {Annales de géographie, 1897, 11» 25). 2 Ch. Barrois, Apvrçu sur la constitution géologique du Finistère {le Guide scienti- fique, Morlaix, 18S6, n» 6, p. 90). FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. ^'U au-dessus de la plate et monotone lande bretonne que les sommets peu élevés des montagnes Noires (Ménez-Hom : 330 mètres) et des monts d'Arrée (Mont-Saint-Michel : 391 mètres). Mais rien ne permet de rapporter à une dénudation marine le nivellement du plateau breton ; il y a des raisons de croire, au contraire, que l'érosion fut subaérienne et due à des eaux de ruissellement. Les rivières qui entraînent à la mer, comme sédiments plus ou moins fins, les débris du plateau dénudé, ont toutes des pentes douces, un peu plus accentuées pourtant sur le versant nord que sur le versant sud, et une remarquable égalité d'allures, due à l'uni- formité du climat breton, le plus égal et le plus tempéré des sept climats entre lesquels on divise la France. Elles sont uniformément caractérisées par la profondeur de leur lit et la profondeur de leurs vallées au-dessous des plateaux encaissants. Les rivières actuelles ne sont pas des rivières originelles, mais sont ajustées au cycle d'érosion secondaire. Ce sont des rivières conséquentes ou rivières de cluses qui coulent en conformité de la pente du terrain à travers les différents bancs. Par la continuation des progrès de l'érosion qui a décoiffé les anticlinaux et surtout par suite de la différence de cohésion des strates, se sont établies plus tard, comme affluents latéraux des premières, des rivières subséquentes ou rivières de combes, auxquelles il convient de rapporter la plupart des cours d'eau orientés est-ouest'. Ces derniers font presque en- tièrement défaut à la partie nord du plateau du Léon, dont le sol est formé uniquement de granit et de roches anciennes également résistantes. L'axe anticlinal du Léon concorde sensiblement avec la ligne actuelle du rivage à partir de la pointe du Finistère ; il disparaît sous les eaux à la pointe même de Roscofl" et ne montre plus au delà, comme dernier témoin au large, que l'île de Guernesey. Par contre, l'axe du plateau du Trégorrois est occupé par le synclinal de Paim- * Ch. Barrois, Zes Divisions géographiques de la Bretagne {Annales de gévgrapliit, 1897, n» 25). î)32 G. PRUVOT. pol, qu'on reconnaît à partir de l'embouchure de la rivière de Mor- laix, en face la pointe de Callot, et qui passe à l'est par l'île de Jersey. « Le Trégorrois est un vieux volcan écrasé, le plus vieux que nous connaissions en France ; les coulées et les projections de ce volcan, éteint à l'époque cambrienne; furent laminées et métamor- phisées en roches feuilletées à l'époque carbonifère. Ses débris, éta- lés de Lanmeur à Plouha, dès l'époque précambrienne, ont été altérés et désagrégés de diverses façons ; leur décomposition a pro- duit un sol végétal épais, favorable à la culture. » (Ch. Barrois, loc. cit.] Ce sont ces roches désagrégées, lavées par les eaux, ainsi que les débris ténus charriés à la mer et déposés au milieu des innombrables îlots et rochers qui bordent la côte desHéauxà Paim- pol, qui ont donné naissance à des fonds vaseux d'une étendue rela- tivement considérable pour cette portion occidentale de la Manche, oii la vase fait presque entièrement défaut ailleurs. Mais le rivage de la partie occidentale du Trégorrois, dont le bord seul figure sur la carte ci-jointe, jusqu'à la pointe de Primel, est constitué, ainsi que le plateau des Méloines qui la continue au large, par des masses compactes de granit, la syénite précambrienne de Lanmeur avec filons de diabases et porphyrites anciennes, la granulite carbonifère, et plus au sud, où la vallée du Dourdu vient s'ouvrir dans la baie formée par l'embouchure de la rivière de Morlaix, par les schistes grossiers, gris verdâtre foncé, et les quartzites vert sombre dévoniens. A l'ouest, toute la région représentée sur la carie, de la presqu'île de Callot à l'île de Sieck, appartient aux terrains primitifs. L'embou- chure de la rivière de Penzé est bordée par des schistes micacés, chloriteux, grenatifères, qui représentent le niveau supérieur des terrains primitifs, les schistes de Groix, et plus au nord, la base de la série primitive est représentée par des gneiss, micaschistes et am- phibolites, avec lesquels alternent des bancs de leptynile blanche. A l'ouest de l'île de Sieck et de l'embouchure de la rivière du Guitié, la ligne du rivage, moins profondément découpée, est for- mée par des granits, jusqu'à l'anse de Kernic, au-dessous de FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. S33 Plouescat. A la suite de son émersion définitive, à la fin des temps primaires, la Bretagne était reliée à la Cornouailles anglaise par une large bande de roches anciennes, dont on retrouve actuellement les restes sous les eaux de la Manche. En raison, en effet, de la violence des courants de marée, les sédiments meubles ne séjournent pas sur le fond, et les sondages ont laissé reconnaître, en outre, de^ lambeaux plus ou moins recouverts par les sables et les graviers qui s'accumulent dans les dépressions, l'existence d'une bande rocheuse sous-marine, passant ininterrompue de la terre de Lannion à la pointe occidentale de l'Angleterre. Pendant la presque totalité des temps jurassiques et crétacés, la partie ouest de la Manche était une terre ferme où la mer n'a jamais pénétré *. Dès l'éocène, à l'époque du calcaire grossier, on la reconnaît à peu près sur son emplace- ment actuel, mais formant un simple golfe de l'Atlantique. L'éta- bbssement de l'état actuel et l'ouverture du détroit du Pas-de-Calais, paraissent devoir être attribués à la période quaternaire. La pointe bretonne ne montre donc, ni dans l'intérieur des terres, ni sur le rivage, aucun dépôt géologique calcaire et l'on attribue tout le calcaire que renferment les sables de la plage et des fonds sous- marins, aux restes des organismes actuellement vivants : algues encroûtées. Mollusques, etc.. Pourtant, ou trouve souvent, sur la grève de Roscofï, au milieu des graviers et galets formés des roches cristallines ordinaires de la région, des blocs roulés de calcaire étranger au pays. Nous en avons trouvé, à différentes reprises, de volumineux, aux alentours du port, notamment dans la dépression connue sous le nom de trou d'argent, où s'amoncellent, par les forts coups de vent, des blocs de toutes sortes. Ils renfermaient encore des Mollusques perforants, parfaitement vivants, Pholas dactylus L. et Ph. candida L., Saxïcava arctica Desh., Venerupis irus L., qu'on ne trouve nulle part ailleurs sur la côte, dont les roches sont trop dures pour pouvoir être entamées par les lithophages. 1 Ch. Hébert, Histoire géologique du canal de la Manche (Comptes rendus de l'Aca- dèmie des sciences, Paris, 1880, t. XC). S34 - G. PRUVOT. On trouve aussi, un peu sur toutes les plages, des silex roulés, incontestablement crétacés. Beaucoup doivent, sans doute, être des pierres de délestage, rejetées par les bateaux qui naviguent sur lest et éparpillées par la mer. Mais le fait qu'on en trouve aussi sur les plages éloignées, où jamais bâtiment de commerce n'a abordé, celui qu'ils paraissent à la grève surtout après les fortes tempêtes, le fait que la drague nous en a rapporté parfois de fonds bien éloignés de la côte, comme le trou aux raies, à 10 milles environ dans le nord- ouest de l'île de Batz, le fait enfin que les plus gros de ces blocs sont occupés par des animaux délicats parfaitement vivants, tendent à prouver que, dans bien des cas, ils ont une autre origine. M. Lebesconte ^ a, de même, constaté «la grande quantité de pe- tits silex roulés qui composent en grande partie le gravier des plages de Paramé, Saint-Malo, Saint-Servan », et après s'être assuré que l'apport, à la côte, de débris des roches du fond est constant, a expliqué le fait par l'existence sous la mer, de terrains crétacés et tertiaires * qui relieraient, sous les eaux, les dépôls de l'embou- chure de la Loire avec ceux de la Manche orientale, et dont les cou- rants sous-marins arracheraient des débris qu'ils amèneraient sans cesse à la côte, de sorte que la Manche aurait occupé déjà, en par- tie du moins, son emplacement actuel dès l'époque crétacée. Modifications du rivage et de la zone intercotidale. — La ligne de la côte actuelle est presque partout en retrait sur le rivage primitif, ainsi qu'en témoigne la bordure d'innombrables îles et écueils for- més des mêmes roches que la côte voisine, témoins isolés mainte- nant des contours successifs du rivage continental. Les plus éloignés dessinent une ligne oblique, d'Ouessant à l'île d'Aurigny, par les roches de Porsal, l'île de Batz, les plateaux de la 1 p. Lebesconte, De l'apport par ta mer... {Bulletin de la Société géologique de France, 1882, .S* sér., t. X, p. 68). * De nombreux fossiles ont été recueillis dans les mêmes conditions sur les plages d'IUe-et- Vilaine et déterminés par M. Vasseur comme appartenant au calcaire gros- sier supérieur, qui ne se trouve pas sur la côte actuelle de la région. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHK OCCIDENTALE. 533 Méloine et des Triagoz, les Sept-Iles, le plateau des roches Douvres et Guernesey, qu'un abaissement des eaux d'une cinquantaine de mètres transformerait en un rivage continu, presque droit, ne lais- sant au large aucun point émergé. C'est à l'est, à partir des Héaux, que celte ligne s'éloigne le plus du rivage actuel, ed'açant la profonde échancrure du golfe de Saint-Malo ; c'est là que l'envahissement des eaux est le plus accentué et qu'il s'est continué même pendant les temps historiques. La voie romaine de Rennes à Goutances, qui d'abord traversait di- rectement l'emplacement actuel de la baie, du sud au nord, à partir de Roz sur Couesnon, a dû être déviée à l'est sur le mont Saint- Michel, puis sur la grève de l'Epine, à l'embouchure de la Sélune, pour aboutir à Avranches, à mesure qu'il lui fallait reculer devant l'envahissement de la mer. Au milieu du sixième siècle, Jersey formait un plateau plus étendu et était à peine séparé du Cotentin par un chenal étroit. Un ancien titre des archives du Mont-Saint-Michel, remontant à 1406, montre les Minquiers et les îles Chausey, actuellement poussière d'îles, comme une grande île unique. Le mont Saint-Michel était autrefois, d'après les traditions, ainsi que l'îlot de Tombelaine, si- tué dans les terres, au milieu d'une vaste forêt, la forêt de Scissey, qui couvrait tout l'emplacement de la baie actuelle, et qui aurait été engloutie brusquement en l'an 709. Ce cataclysme, mentionné comme tel pour la première fois, par l'abbé Manet*, est aujourd'hui controuvé. Mais l'existence d'une vaste forêt qui couvrait autrefois, non seulement la baie actuelle, mais aussi tous les marais de Dol, et sa destruction par l'invasion de la mer sont démontrées par l'abon- dance de troncs d'arbres enfouis partout sous les sables et dont on pratiquait encore couramment l'exploitation en 18:28. L'embouchure de la Rance a subi les mêmes vicissitudes. Les îlots épars dans la baie de Saint-Malo étaient encore accessibles à pied, 1 A. Maket, Mémoire sur l'état ancien et l'étal actuel de la baie du Mont-Saint- Michel, 1828. o36 G. PRUVOT. à marée basse, au quinzième siècle, et Cézembre rattachée au rocher de Saint-Malo par des prairies qui n'ont été définitivement envahies que vers 1437. Pour la seule baie de Saint-Brieue, M. Geslin de Bourgogne ' évalue à 310 kilomètres carrés la surface envahie par la mer depuis le cinquième siècle. L'observateur a trouvé, là encore, des indices de forêts sous-marines et même des arbres entiers, chênes, châtai- gniers, ifs, encore adhérents au sol par leurs racines, et aussi les restes de dix habitations gallo-romaines. Au delà, à l'ouest, la plage de Saint-Michel-en-Grève montre des transformations encore plus récentes : « La configuration a été tel- lement modifiée, qu'un îlot de sable indiqué il y a trente ans sur la carte d'état-major avec une cote de 4 mètres a été entièrement absorbé. La route qui longe cette plage dans toute son étendue a été détruite, en grande partie, par une marée d'équinoxe en 1874. La mer submerge de plus en plus cette grève qui occupe l'empla- cement d'une forêt. La tradition s'est perpétuée dans le pays ; les habitants âgés du pays nous ont affirmé avoir chassé sur des ter- rains couverts d'ajoncs, s'étendant au commencement du siècle, entre les limites des hautes mers et la route ^. » Ainsi les progrès de la mer se sont manifestés surtout sur les ri- vages des Gôtes-du-Nord et de l'IUe-et- Vilaine, qu'elle a entamés en golfes larges et profonds. A l'ouest, les granits du plateau du Léon ont mieux résisté. Les indentations de la côte sont peu marquées, les plages sablonneuses de peu détendue, les derniers rochers au large plus rapprochés du rivage actuel. Toutefois, dans l'ensemble, la mer empiète aussi sur le rivage. On a signalé en nombre de points, sous le sable des plages, des vestiges d'anciennes forêts, ou des tourbières sous-marines. Tout près de Roscoff, dans l'anse de Santec, à l'ouest de la pointe du Guersit (voir la carte), entre les pointes de ' Congrès scientifique de France, 1872. - J. Girard, Topographie comparée des côtes de l'Océan et de la Manche (Revue de géographie, 1884, t. XV, p. 212). FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 537 roches éparses qui émergent seules à marée haute, la grève est for- mée de pierres amoncelées, couvertes d'algues, de graviers et de sables, et ceux-ci mettent à nu, par places, surtout vers le niveau de mi-marée, des lits d'une argile très compacte, brun jaune, striée de veines noires. Parfois on en peut extraire des paquets de petites racines enchevêtrées, incomplètement décomposées, et aussi déta- cher des fragments de troncs d'arbres couchés, noircis et friables. Cela paraît être, non une véritable forêt en place et descendue sous les eaux par un aflaissement du sol, mais une tourbière, au milieu de laquelle sont échoués des arbres, soit poussés sur place, soil apportés ultérieurement. On retrouve de l'autre côté de la pointe du Guersit, dans l'anse du Pouldu, des bancs d'argile semblable, plus ou moins recouverts de sables, qu'on peut suivre le long de la grève, jusqu'à la laisse de haute mer, au pied du talus sablonneux couronné de la maigre végétation des dunes, qui forme le rivage. Cette nappe se continue certainement au-dessous, avec les bas-fonds marécageux, protégés par la digue de l'Aber, car on voit sourdre sur la grève, à la surface de ce lit imperméable, en minces ruisselets, les eaux drainées des terres voisines. C'est le sol ancien, que re- couvre le long du rivage, sur une épaisseur de S'^jSO à 3 mètres, la langue de sables meubles par oii se termine, de ce côté, la région des dunes de Santec. Du côté opposé de la ville, près de Roc'hlliévec, on a trouvé une station préhistorique avec poteries, au milieu de kjœkkenmœdings formés d'un amas considérable de coquilles de Patelles, situés à 4 mètres au-dessus du niveau de la haute mer, mais en partie éboulés dans la mer, qu'ils dominent, et dont ils dévoilent ainsi les empié- tements. Le caractère local du recul du rivage, son importance variable suivant la nature de la côte, le fait qu'au milieu de l'envahissement général, la terre ferme gagne en certains points isolés, manifeste- ment sur la mer, tendent à prouver qu'actuellement, du moins, le phénomène n'est pas dû à un affaissement du sol breton, mais qu'il S38 G. PRUVOT. s'explique suffisamment par l'action destructive des vagues et des courants, par V abrasion K Abrasion. — Le long de la côte septentrionale de Bretagne, et particulièrement dans la région de RoscofF, les deux agents d'abra- sion, les vagues poussées par le vent et les courants de marée, tra- vaillent dans le même sens et ajoutent leur action, la direction des vents dominants étant du sud-ouest et de l'ouest, comme celle du courant de flot. Le courant de marée atteint, à l'époque des grandes marées, et dépasse parfois 12 kilomètres à l'heure. Sa plus grande vitesse s'observe en moyenne deux heures avant et deux heures après la pleine mer, c'est-à-dire quand le niveau de l'eau est aux trois quarts de celui qu'il doit atteindre. Gomme la force du courant est à son maximum au moment des grandes marées de sizygies et surtout d'équinoxe, il suit de là que la zone du rivage soumise aux frottements les plus énergiques de la part du courant, est, à Roscoff, vers 6 mètres ou tt™, 50 au-dessus du zéro des cartes marines. On peut constater, en se reportant au tableau, donné plus loin, des niveaux qu'atteignent les différents horizons biologiques, que c'est la partie de la roche la moins efficacement protégée ; elle n'est guère recou- verte, en général, que de rares et faibles touffes de Pelvetia canali- culata entre lesquelles commencent à apparaître quelques Chthama- lus stellatus, mais qui sont loin encore de former là la couche serrée et compacte, efficacement protectrice, qu'ils formeront un peu plus haut. Le revêtement dense des fucus a cessé, en général, à ce niveau, sauf dans les lieux abrités où, du reste, le courant est atténué, et c'est, selon toute apparence, la violence plus grande du courant, plus encore que la durée plus grande de l'émersion périodique, qui arrête leur niveau supérieur vers ce point, en raison même du fait, bien reconnaissable sur les profils ci-joints de la côte de Roscoff, que les fucus, absents sur les côtes les plus battues, s'élèvent, par- 1 On est géïK'îralement d'acoord aujourd'hui pour réserver le terme ^.'érosion spé- cialement à la dénudation produite par les eaux courantes continentales; la déflation désigne la dénudation par le vent, et Vabrasion celle causée par les eaux de la mer. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 939 tout ailleurs, à un niveau d'autant plus élevé que la station est plus abritée. Pourtant, malgré la réunion de ces causes d'usure plus rapide, le profil des roches ne les montre nulle part particulièrement enta- mées par l'abrasion à ce niveau, preuve que les courants de marée ne sont pas l'agent principal de l'abrasion dans la zone soumise au jeu des marées. Celle-ci est exercée surtout par le choc des vagues poussées par le vent dont on connaît la puissance mécanique et par les alternatives d'humidité et de dessèchement, qui agissent ici comme les intempéries atmosphériques dans l'érosion aérienne. Quant aux roches qui subissent leur action, il n'y a lieu de les distinguer, à ce point de vue spécial, qu'en deux catégories : les schistes, en enfermant sous ce nom toutes les roches feuilletées, à lits de résistance inégale, et les roches massives, de résistance uni- forme, mais dont les unes, gneiss et granits divers, sont à grain grossier et à surface toujours rugueuse, et les autres, diorites, por- phyres, diabases, à surface d'usure lisse. Les schistes offrent, en général, la moindre résistance ; c'est dans des schistes qu'est creusé l'estuaire des rivières de Penzé et de Mor- laix. Dans les parties abritées du choc de la haute mer, leurs fentes sont remplies de parties décomposées qui se laissent détacher en plaquettes ou en lits d'argile compacte, au milieu desquels nombre de Vers creusent leurs galeries. Ils résistent mieux quand ils sont appuyés par un soutien de roche massive et ils forment ainsi une partie importante des îlots et rochers semés à l'est de la région. Le meilleur type de cette sorte se présente aux roches Duon, appuyé sur un épais filon de diorite. Les schistes, redressés jusqu'à la verticale, forment des murailles étroites, des crêtes dentelées, descendant en pointes aiguës, jus- qu'au-dessous du niveau des plus basses eaux et séparées par de petits chenaux étroits, où la vague s'engouffre avec violence. Peu ou pas de blocs ni de cailloux amoncelés à leur pied : la roche est usée, détruite par petites parcelles, immédiatement entraînées au 340 G. PRUVOT. loin. Les rainures creusées dans les strates les plus tendres sont souvent profondes, et quelques-unes, en raison de leur obliquité, forment des grottes longues et étroites, dont les parois sont tapis- sées par une faune spéciale, remarquablement riche. Que le travail destructif continue son œuvre, il aboutit, par l'arrasement de toutes les pointes saillantes, comme aux Gainoux, entre Roc'h Ilièvec et Guerhéon, à un plateau horizontal qui découvre tout entier, d'un seul coup, aux grandes marées. Ce plateau est sillonné par de nom- breux couloirs réguliers de 1 mètre à 1",50 de profondeur, com- pris entre des parois verticales parallèles, dont le sommet est cou- vert d'un épais tapis d'algues qui les dissimulent. Les massifs de roches éruptives se comportent différemment. Les roches à pâte vitreuse sont simplement polies par les eaux ; leur surface, plus ou moins mamelonnée, reste entièrement lisse et ne permet pas aux algues de se fixer. Aussi les rochers de cette nature sont-ils extrêmement pauvres au point de vue biologique. Les granits forment la plus grande partie de la côte de RoscofFet de l'île de Batz. Ils résistent bien à l'abrasion, ainsi qu'en témoigne la saillie que fait la presqu'île de RoscofF, au delà de la ligne géné- rale de la côte. Pourtant ils ne forment nulle part, sur le rivage, une falaise continue, mais des pointes isolées, constituées elles-mêmes par de gros blocs entassés, ne s'élevant qu'exceptionnellement (dans la région ouest exposée au choc de la haute mer, pointe occidentale de l'île de Batz, Rec'hier Doun, etc.) à plus de quelques mètres au- dessus de la pleine mer, et reliées par des plages basses de graviers ou de sables. Les surfaces sont convexes, les angles et les arêtes émoussés ; chaque bloc tend vers une forme globuleuse et laisse entre lui et ses voisins des cavités que la mer agrandit. On peut se rendre compte aisément, sur cette côte, de la marche de l'abrasion. La masse granitique mise à nu présente des cassures en divers sens. Les bords de chaque fissure sont entamés d'abord, émoussés ; les fissures, presque invisibles, deviennent des fentes qui s'élargissent et s'approfondissent sans cesse. En raison de leur orientation variée à FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 541 travers la masse, elles circonscrivent et découpent sur place un bloc qui repose sur la masse sous-jacente par une base toujours de plus en plus réduite et qui finit par n'être plus qu'une très petite surface. C'est ainsi que se forment ces têtes de roche à profils variés qu'on voit, à mer basse, émerger partout le long de la côte. L'érosion aérienne façonne de même les roches au-dessus de la mer ; là, les actions atmosphériques étant la cause du modelage, le der- nier point atteint par l'usure est forcément celui que toute la surface du bloc protège le mieux contre la pluie et où la résistance est la plus grande, par suite du poids de toute la masse, c'est-à-dire le pied de la verticale passant par le centre de gravité. Et si les hasards de la fissuration l'ont entouré d'autres blocs ou de pointements rocheux susceptibles de le soutenir, il forme une de ces roches branlantes qu'on montre comme curiosités du pays. L'usure continuant et l'équilibre ne pouvant plus se maintenir sous l'assaut des vagues, les blocs s'éboulent et viennent s'entasser au pied de la falaise, qu'ils concourent à protéger, puis, de chute en chute et de plus en plus désagrégés, ils forment, plus bas, un talus de pierrailles d'inclinaison variable. Il y a donc, pour les parties rocheuses granitiques qui dominent à Roscoff, deux sections à considérer dans la région intercotidale et qui impriment chacune un cachet différent à la faune qui l'occupe: 1° La partie supérieure, rarement compacte et verticale, le plus souvent décomposée en gros blocs superposés mais en place, plus ou moins couverts d'algues, mais toujours abrupts, sans graviers ni cailloux interposés. Ce sont les points figurés en violet sur la carte. On ne trouve que ceux-ci à marée basse en certains points où la côte est particulièrement à pic; je citerai : Rec'hier Doun, la pointe de Bloscon, le pourtour des îles Pighet et Tisaoson, la côte nord du Béclem, la côte de Primel. Les écueils de schistes et de diorites de Duon représentent ce même faciès. 2° Au-dessous, des blocs éboulés, plus ou moins remaniés, assez petits, généralement, pour être retournés à la main, reposant d'or- S42 G. PRUVOT. dinaire sur un fond de graviers ; ces régions sont teintées en rose sur la carte. Enfin ils passent d'ordinaire plus bas, vers le niveau inférieur des basses mers, aux galets, aux graviers et aux sables des plages, qui ont la même origine et proviennent, comme eux, de la destruction des granits. L'abrasion des granits paraît être, actuellement du moins, fort lente dans la région. Les levés précis pour la carte marine ont été effectués en 1837 ; or, tandis que j'ai pu constater quelques modifi- cations dans la forme et l'étendue de certaines plages basses, il a été impossible de constater avec certitude le moindre recul ou le moindre changement de forme des avancées rocheuses depuis soixante-dix ans. Il semblerait même que l'érosion aérienne est plus active, car quelques pointes de roches, toujours ou presque toujours émergées, sont sensiblement plus basses que les cotes qui leur sont attribuées sur la carte. Le petit rocher de Carrée Legoden, notamment, indiqué 9", 8, a actuellement son sommet à O"",! à peine au-dessus du zéro. La côte rocheuse n'a pas, dans la Manche, la ceinture protectrice d'algues calcaires qui se développe dans la Méditerranée, au niveau même de la mer, sur toutes les roches battues par les vagues. Les Lithothammon n'y viennent jamais à sec et ne se rencontrent, dans la zone soumise au jeu des marées, absolument que dans les petites cuvettes ou dépressions des rochers oii l'eau séjourne en perma- nence et qu'ils tapissent alors d'une couche continue et lisse. Le rôle protecteur de la roche est dévolu ici, en premier lieu, aux pe- tites Balanes plates, Chthamalus stellatus, et, comme les nullipores de trottoirs méditerranéens, elles se développent d'autant mieux et remontent d'autant plus haut que la roche est plus battue. Elles manquent entièrement dans les lieux abrités, ainsi qu'on peut le voir sur les profils de la côte figurés planches XXIV et XXV (comparer par exemple, les côtes nord et sud de l'île de Batz). Absentes ou rares sur les roches compactes, à surface lisse, elles recouvrent les schistes et surtout les granits, d'un manteau de teinte ferrugineuse FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. b43 qui se reconnaît de loin, sans laisser, le plus souvent, un centi- mètre carré de la roche à nu. Elles s'étendent en haut partout où frappe la lame, presque jusqu'au niveau supérieur des pleines mers d'équinoxe. Leur niveau inférieur est plus variable ; il descend d'au- tant plus bas que la roche est plus abrupte et plus battue. Il est commandé seulement par l'apparition des algues. Les Chthamalus persistent encore entre les petites touffes rares et espacées du Pel- vetia canaliculala qui s'étend d'ordinaire sur une hauteur de 1 mètre à l^.SO au maximum, et cessent quand commence, au-dessous, le développement dense des Fucus. Mais quand la roche est trop abrupte ou trop battue, pour que ceux-ci puissent se développer, comme, par exemple, sur les rochers du nord de l'île de Batz, à Ménanet, au Gaughou, etc., les C hthamulus descendent jusqu'à moins de 1 mètre au-dessus des plus basses mers, oii ils cèdent la place aux Himanthalia, de sorte que jamais la roche n'est exposée absolument sans défense au choc des vagues. Les divers profils de la carte et les tableaux de niveaux montrent que les Himanthalia, et aussi les Laminaires qui leur succèdent, n'existent, comme les Chthamalus, que sur les points fortement battus, et remontent d'autant plus haut que l'agitation est plus grande. Himanthalia et Laminaires sont une protection efficace contre l'abrasion ; les premiers surtout, les filets des gens du pays, couvrent la roche d'un manteau presque continu, et surtout leurs longues lanières dressées et ondulant suivant le courant ou les remous, em- pêchent le brisant des lames. Il est remarquable de voir aux grandes marées d'équinoxe, quand la mer commence à monter avec impé- tuosité, la nappe tranquille des eaux occupées par les Himanthalia faisant contraste avec le clapotis et le choc des vagues écunieuses contre la grève voisine. Quant aux fucus ppf»prement dits, Fucus platycarpus, vesiculosus, serratus, etc., auxquels on est tenté, de prime abord, d'attribuer le rôle principal dans la défense de la roche, la vérité est qu'ils n'y prennent que la moindre part. Ils forment, en effet, au niveau qui S44 G. PRUVOT. attire le plus l'attention, vers le milieu de la zone soumise au balan- cement des marées, une bande très dense, à limites supérieure et inférieure très nettes, et qui paraît remarquablement constante par- tout. Mais un examen plus attentif montre qu'il n'en est pas ainsi. Les fucus sont amis des eaux relativement calmes ; ils remontent fort loin dans les estuaires. Sur la côte, ils atteignent, à l'abri de la batterie la Croix, sous le laboratoire même de Roscoff, 7", 45 au- dessus du zéro des cartes; mais, quelques centaines de mètres plus loin, à l'est de l'île Pighet, ils n'arrivent qu'à 2^,o0, formant une bande presque insignifiante de 50 centimètres de hauteur seulement, et même ils manquent tout à fait à Ménanet, au Gaughou, aux rochers nord de l'île de Batz, là où la mer bat le plus violemment et où leur protection serait le plus nécessaire. De plus, même là où les conditions leur sont le plus favorables, ils ne se fixent jamais sur les surfaces verticales. Aussi leur lieu d'élection est-il, non les fa- laises abruptes ou les gros blocs rocheux en place, mais les tables horizontales ou, surtout, la face supérieure des petits blocs éboulés dont j'ai indiqué la formation plus haut. C'est que les fucus, s'ils adhèrent très solidement à la roche une fois développés, ont peine à s'y établir. Et à ce sujet, il n'est pas sans intérêt de signaler le rôle d'un lichen, le Lichina pygmœa, qui prend aussi part d'une façon indirecte à la protection de la roche. Plusieurs lichens amis des granits, entre autres les Ramalina scopulorum, Roccella tinctoria, Fissma parietina, s'établissent bien volontiers sur la roche, à un niveau peu supérieur à celui des hautes mers et ne craignent pas d'être atteints par les embruns, mais seul, je crois, le Lichina fré- quente le vrai domaine maritime, ne remontant pas au-dessus du niveau des Chthamalus et descendant jusqu'au milieu des fucus qui reçoivent la visite du flot tous les jours. Ses touffes crépues, noires, se cramponnent sur la roche escarpée ; elles retiennent quelques menus débris, quelques grains de gravier, un peu d'humidité. C'est un point d'appui pour une première souche de Pelvelia ou de fucus ; d'autres profitent de leur abri, la petite colonie s'étend, se fusionne FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 545 avec les voisines et, grâce au lichen, le revêtement des algues peut parfois s'élever à un niveau supérieur ou s'étendre sur les flancs abrupts de roches qu'elles n'auraient pu envahir sans cet appui. Apport ; formation et exhaussement des plages. — Du l'ait de l'abra- sion, les fragments isolés et détachés les plus volumineux s'éboulent et restent sur place ; les débris les plus fins sont entraînés par les courants. Les vagues remanient tous les fragments qui sont dans le champ de leur action, les transforment par frottement réciproque en galets, en graviers, puis en sables de plus en plus fins et en construisent les plages de la zone intercotidale, concaves, tendues entre les pointes rocheuses saillantes, qui augmentent l'étendue et régularisent le bord de la portion de côte asséchant à marée basse. Les plages remontent uniformément contre le rivage, partout où l'état du sol et des roches permet au sable de se maintenir, jusqu'à l'extrême limite atteinte parles hautes mers d'équinoxe ; leur pente régulière ne dépend que de la distance horizontale entre la laisse de plus haute mer et le bas de l'eau. Atteignant 10 à 12 centimètres par mètre sur les petites plages, à l'ouest de l'île de Batz, elle n'est que de 4 millimètres par mètre dans l'Aber, et les ondulations les plus imperceptibles suffisent alors à former des flaques d'oti l'eau ne s'écoule qu'incomplètement quand la mer se retire. A l'est, dans la baie de Saint-Michel-en-Grève, dans celle de Saint-Brieuc qui s'avance jusqu'à 8 kilomètres dans les terres, dans celle du Mont- Saint-Michel surtout, la plage est presque horizontale. Dans cette dernière, la mer se retire jusqu'à 10 kilomètres du point atteint à marée haute, et sur cette grève, à pente insensible, bien que la dif- férence de niveau entre la haute et la basse mer soit de 15 mètres, le cours des rivières se perd au milieu des sables mouvants. La plage, construite par le transport et l'étalement des matériaux meubles, sous l'action des vagues poussées parle vent, et d'abord maintenue dans les limites de la zone intercotidale. peut ensuite, sous des actions secondaires, plutôt météoriques, s'exhausser en partie et amener un gain de la terre ferme sur le domaine de la mer, .\RCH. UE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3» SÉRIE. — T. V. 1897. 35 546 G. PRUVOT. gain qui s'effectue suivant deux formes principales, formation d'un isthme bas reliant les îles à la terre voisine et comblement du fond des baies. Le marais de Dol a fait partie autrefois de la baie du Mont-Saint- Michel, et le mont Dol s'élevait au-dessus de la grève sablonneuse comme aujourd'hui le Mont-Saint-Michel lui-même et Tombelaine. Puis un cordon de sable formé à la limite des hautes mers par les apports successifs des vagues a été le point de départ d'une digue naturelle, plus tard surélevée et régularisée de main d'homme à partir du dixième siècle, sur une longueur de 33 kilomètres. En arrière de ce bourrelet, le colmatage de la lagune par les sédiments entraînés par les eaux pluviales et les travaux de drainage assurant leur écoulement régulier, ont donné à la culture une plaine fertile de 15 000 hectares. A l'embouchure de la Rance, le rocher où s'élève la ville de Saint- Malo, d'abord isolé du continent par l'abrasion, «y fut peu à peu rattaché par la formation du bourrelet de sable élevé par les vagues, allant depuis la pointe du rocher jusqu'à Paramé. Il porte aujour- d'hui la seule route d'accès allant à Saint-Malo ; c'est le Sillon ^ » Les mêmes faits se reproduisent en petit dans la région même de Roscoff. Sous l'action des vagues poussées par les vents dominants dans la région, le sable s'est accumulé contre le bord ouest de la ligne de rochers qui court nord-sud, de la pointe de Bloscon, par Roc'h Iliévec et la pointe Béron, jusqu'au commencement de la Grande Grève, formant comme le squelette delà presqu'île de Ros- coff. La plus grande partie du sol sur lequel est bâtie la petite ville, était d'abord partie de la plage et fut conquise au quinzième siècle sur la mer, par l'énergie des habitants. La presqu'île de Perharidi, plus à l'ouest, est de même un isthme sableux, bas, cordon littoral reliant de la même façon, au continent, les roches éparses qui en constituent la pointe, vers la roche le Loup. ' G. Girard, Topographie comparée de l'Océan et de la Manche {Revue de géographie, 1884, t XV, p. 209). FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 347 La baie de l'Aber qui la sépare de la pointe de Roscoff était, au début, plus profonde qu'elle n'est actuellement et s'étendait, récemment encore, jusqu'au hameau du Pouldu. Mais, de même qu'au marais de Dol, le sol, successivement exhaussé par les apports, a été défi- nitivement conquis par la construction d'une digue de 600 mètres de long, qui a livré à la culture, en arrière d'elle, un polder d'une centaine d'hectares. L'île Tisaoson, séparée d'abord par l'abrasion du continent et de l'île deBatz, est rattachée maintenant à cette dernière, à mer basse, par une plage de sable en dos d'âne, véritable cordon littoral formé à la rencontre des deux branches du courant divisé par l'éperon que forme la pointe occidentale de l'île de Balz,une branche contournant l'île au nord, et l'autre s'engageant au sud, entre l'île et le continent. Il ne persiste plus entre les deux qu'un chenal étroit de 40 mètres de large seulement, qu'on peut franchir à pied aux époques de fortes marées. U y a même quelque indice que les plages conlimient à s'étendre et que le fond s'élève dans la partie la plus étroite; le passage le plus facile est reporté plus à l'ouest qu'autrefois, au point coté 2™, 3 sur la carte marine dont les sondages remontent à 1837. En quelques points, la zone qui découvre à marée basse s'étend plus loin que ne le porte la même carte, et il est à prévoir que, si les conditions ne changent pas, le banc de l'île de Balz et la plage de Roscoff finiront par se rejoindre, l'île sera rattachée au continent, et le chenal transformé en une baie ouverte à l'ouest. La carte montre bien l'accumulation des sables et l'extension des plages dans cette région, contrastant avec la constitution essentiel- lement rocheuse et abrupte de la côte, au nord de l'île et à l'est de la pointe de Roscoff. Elle montre que cet envahissement s'effectue de r.ouest à l'est, suivant la direction dominante des vents'. L'extension du domaine continental est ici favorisée encore par ' Pour 1 000 heures de vent, le vent souffle du Sud-Ouest pendant 464 heures et du Nord-Ouest pendant 186 heures ; la résultante générale de la direction est Sud 27 degrés Ouest. 548 G. PRUVOT. la production, relativement importante, de dunes. A la partie supé- rieure des grandes plages, étendues surtout à l'ouest de Santec, le sable fin et desséché soulevé par le vent est chassé vers l'est et forme des dunes qui ont été autrefois assez puissantes pour causer de grands ravages jusqu'à Saint-Pol-de-Léon, à la fin du dix -septième siècle. Elles ne dépassent guère 4 à 5 mètres de hauteur, en raison, surtout, de la grosseur des grains de sable dont la moyenne atteint 0,5 millimètres de diamètre ; les grains de 1 millimètre y sont abon- dants. Elles ont pour caractère essentiel, comme l'a déjà remarqué Delesse*, leur extrême richesse en calcaire qui s'élève à 70 pour 100, supérieure à celle du sable voisin des plages. Le calcaire y est fourni uniquement par des débris discernables, parfois volumineux, de coquilles et d'algues encroûtées. Ces dunes sont fixées, maintenant, par la plantation d'un bois de pins qui, comme marque de son ori- gine, porte, dans le pays, le nom de bois du Gouvernement, et par la végétation naturelle, surtout Carex arenaria, Eryngium campestre et Ei\ maritimum, Juncus maritimus, au bord même du rivage. Silène maritima et S. galUca, Salsola kali, Plantago coronopus, etc., un peu plus loin, et enfin les ajoncs et les bruyères achèvent de fixer le sol en une lande que défrichent avec activité les gens du pays, pour la culture des pommes de terre. L'étalement, vers l'est, du sable de ces dunes, a pris la part la plus importante dans l'exhaussement et la configuration actuelle des presqu'îles de Perharidi et de Roscofi'; c'est au-dessous d'elles que se continuent les tourbières anciennes, dont j'ai indiqué l'affleu- rement sous-marin dans la baie de Santec. On a indiqué encore comme agents actifs de l'extension de la terre ferme aux dépens du domaine des eaux, les Zostera marina, qui s'étalent en herbiers denses sur les plages peu inclinées de sable fin, tassé et plus ou moins vaseux. D'après M. Ch. Barrois, « loin d'arrêter la croissance du banc qu'elles ont fixé, les zostères favori- 1 Dblesse, Lithologie des mers de France^ Paris, 187), p. 32. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 549 sent à la fois son développement, en fixant les parties existantes et en arrêtant entre leurs feuilles et leurs rhizomes, les particules en- traînées par la pesanteur... La continuation de ce processus exhausse graduellement le sol, et la prairie de zostères s'élève ainsi graduel- lement relativement au niveau moyen de la mer. Tandis que primi- tivement elle ne découvrait qu'au moment de la basse mer, elle émerge chaque jour plus longtemps, elle assèche à chaque marée et de plus en plus jusqu'à ce qu'enfm les plantes périssent... Le sable, soulevé par les vents, envahit bientôt ce sol exondé, humide, où le retiennent encore les dernières feuilles des zostères ; d'autres plantes terrestres croissent souvent alors, joncs et autres formes qui s'accommodent des eaux saumâtres et qui accélèrent la transforma- lion des anciennes baies en marécages et en terres fermes... De grands arbres, dont on retrouve parfois les racines et les troncs, ont pu pousser sur ce soP...» Les zostères sont abondants dans la région de Roscoff, surtout dans le chenal de l'île de Batz et, vers l'est, dans les estuaires des rivières de Penzé et de Morlaix, où ils couvrent de vastes espaces. Ils concourent à coup sûr à fixer les bancs sableux où ils se sont établis, ainsi qu'on en peut juger par les petits talus à pic des ruisseaux, dont les eaux les ont sillonnés çà et là pour se frayer un chemin d'écoulement pendant le jusant, et par la légère élévation que montre le niveau général et le bord de leurs prairies au-dessus de la plage voisine ; mais j'ai cherché en vain, dans toute la région, une preuve que leur niveau puisse sélever progressive- ment. La comparaison de l'état actuel avec les cartes anciennes ne montre pas que, nulle part, leurs portions de prairies émergeant à mer basse aient gagné sur la mer d'une façon appréciable ; leur ni- veau au-dessus du zéro des cartes, là où je l'ai mesuré, d'une façon, il est vrai, insuffisamment rigoureuse, n'a pas laissé reconnaître, non plus, de surélévation. De plus, il suffit de faire à la bêche une tran- chée dans un herbier établi à sa place depuis un temps immémorial, * Ch. Barrois, Sur les phénomènes littoraux actuels du Morbihan (Annales de la Société géologique du Sord, 1893, t. XXIV, p. 196). SSO G. PRUVOT. pour constater que les souches de zostères actuellement vivantes reposent, non comme le voudrait la théorie, sur un lit profond de souches anciennes ou de vase tourbeuse résultant de leur décom- position, mais directement sur des sables ou des graviers non colo- rés en noir par des matières organiques et tout semblables à ceux qui forment la plage voisine. Enfin, le niveau supérieur auquel s'arrêtent les zostères, la carte le montre avec évidence et, mieux encore, les profils et tableaux de niveaux qui y sont joints, est tou- jours fort au-dessous du niveau supérieur de la mer. Il est variable dans certaines limites, suivant la configuration du sol, la finesse et la compacité du sable, l'abri plus ou moins grand de la haute mer ; mais on voit qu'aussi bien sur toute la côte normanno-bretonne de la Manche que dans le voisinage de Roscoff, loin d'arriver près du niveau d'émersion complète, leur niveau supérieur ne dépasse qu'en un seul endroit et sur une très petite étendue, dans une baie de la grande île de Chausey, le niveau des basses mers de morte eau, c'est-à-dire qu'ils n'assèchent même pas tous les jours. Comment admettre, dans ces conditions, que des plantes terrestres puissent s'établir sur leurs débris, même sans tenir compte de ce que les vé- gétaux terrestres ne parviennent à s'établir sur un sol exondé que lorsque, à la suite d'une longue émersion, il a été dessalé par les eaux atmosphériques ? En réalité, les herbiers de zostères contribuent à fixer le sol meuble sur lequel ils poussent ; ils protègent la plage sableuse qu'ils ont, envahie contre les effets destructifs des vagues et des courants, comme les Balanes et les algues défendent la côte rocheuse, mais ils sont incapables de contribuer à augmenter le domaine exondé et à changer la topographie du rivage. Topographie sous-marine. — Au delà de la zone que la mer aban- donne dans les plus fortes marées, marquée approximativement par le zéro des cartes marines, et indiquée sur la carte ci-jointe par le passage des couleurs foncées aux teintes pâles, le relief sous-marin est marqué sur cette carte par les courbes de niveau tracées de 10 en 10 mètres. Elles sont extrêmement sinueuses et irrégulières. FAUNE ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 5»! Les sinuosités des lignes isobathes, qui montrent des ravinements de direction normale à celle de la côte voisine, en général s'élar- gissantets'atténuantducôté du large, contrastent avec l'allure régu- lière des courbes dans la région méditerranéenne. En harmonie avec l'état déchiqueté du rivage comme de la bordure littorale qui dé- couvre à mer basse, elles trahissent la puissance d'abrasion des eaux dans les couches les moins profondes voisines du bord et l'em- piétement de la mer sur les rivages anciens, empiétement manifesté par le nombre considérable d'îlots et d'écueils épars tout le long de la côte, témoins des contours successifs du rivage continental. L'isobathe de 10 mètres rattache à la terre ferme tous les rochers émergeant de la région occidentale, plus l'île de Batz, avec tous les écueils qui en dépendent sur sa côte nord, puis les restes d'anciens promontoires, le Menk et les Bisayers, entre lesquels se prolonge l'embouchure de la rivière de Penzé, puis le Cerf et le Béclem, entre lesquels passe le chenal de la rivière de Morlaix. Au delà, le long de la côte de Primel, la ligne serre de près le contour du rivage actuel, qui ne montre pas de roche détachée au loin. La courbe de 20 mètres relie, de plus, à la terre ferme, le grand plateau rocheux de Duon, dernier prolongement de la pointe de Callot, séparant les deux rivières. Celle de 40 mètres rattache au continent le plateau de la iMéloine, prolongement de la pointe de Primel, et celle de 70 mètres le plateau des Triagoz, plus à l'est encore, prolongement extrême de la presqu'île de Lannion, situé à 8 kilomètres du rivage actuel. Les estuaires des deux rivières de Penzé et de Morlaix, profondé- ment encaissés, offrant une certaine ressemblance avec les calas de la côte catalane, montrent un étroit chenal dont la profondeur descend à l'embouchure au-dessous de 20 mètres, suivi d'un rehaut du fond, formant barre transversale, sur laquelle il reste une dizaine de mètres d'eau à marée basse. En face de la rivière de Morlaix, par- ticulièrement, cette barre n'a qu'une très faible largeur et le thalweg de la rivière se continue au delà vers le nord, entre le plateau de 3S2 G. PRUVOT. Duon et celui du Rater, par un ravin étroit et profond, montrant la continuation, sous les eaux, de la faille dans laquelle la rivière a creusé son lit. Les ravins continuant les deux rivières se perdent insensiblement sur le fond général, et cessent d'être reconnaissables par 50 mètres de profondeur, au niveau d'une ligne qui unirait le bord septentrional de l'île de Batz au bord septentrional du plateau de la Méloine, et qui parait représenter la ligne primitive du rivage. Les lignes isobathes très sinueuses et très rapprochées, jusqu'à 50 mètres, indiquant un talus à pente rapide et à bords profon- dément découpés, deviennent, au delà, plus réguhères et plus espacées, indiquant alors une régularisation et un état presque horizontal du fond dans toute la traversée delà Manche à ce niveau. La profondeur de 100 mètres n est atteinte qu'à 18 kilomètres dans le nord -ouest de l'île de Batz, et c'est, abstraction faite de la fosse isolée au large du Gotentin, le point le plus oriental oti l'on trouve cette profondeur dans la Manche. La carte montre que, dans leur allure générale, les isobathes sont, jusqu'à 50 mètres, en rapport avec la nature du fond ; plus ou moins concentriques, elles circonscrivent des plateaux rocheux, séparés par des nappes de sable ou de graviers, qui occupent les espaces les plus profonds entre eux. Mais, à partir de 50 mètres, les courbes coupent indifféremment les différents fonds : sable, graviers, roches sont nivelés suivant un plan général uniforme faiblement incliné. Les vagues, qui jouent un rôle prépondérant dans le modelage de la partie de côte soumise au jeu des marées, continuent à exercer leur action sur les fonds qui n'assèchent jamais, jusqu'à une cer- taine distance du rivage qu'on pourrait déterminer par la connais- sance de la profondeur jusqu'à laquelle l'agitation superficielle des eaux se fait sentir. Malheureusement, je n'ai pu réussir à l'établir d'une façon même approximative, pour la région de Koscoff, et les différents chiffres donnés par les auteurs pour les différents pays, sont aussi peu concordants que possible. J'ai seulement constaté à leiilrée occidentale du chenal de l'île de Batz, que les ondulations FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 5r>3 parallèles du sable, ripple-marks ou paumelles, du Grand Banc sont encore visibles à 5 mètres au-dessous du niveau des basses mers. Les blocs de béton coulés dans la même région, sur le haut-fond de la Basse Plate, pour l'établissement d'une tourelle, par 6 et 7 mètres, ont été à plusieurs reprises enlevés par les lames. Les dangereuses lames de fond qui, à la suite de mauvais temps prolongés au large, s'élèvent à partir du point où leur pied rencontre le talus incliné du rivage, se dressent parfois à 2 kilomètres au nord-ouest de l'île de Batz, là où les sondes accusent une profondeur de 30 à 40 mètres. Enfin les bancs de Gharlezenned et des Greyers, au nord-est de l'île, sont formés, entre autres, de gros boulets arrondis de diorite, qui proviennent des roches Duon et ont dû franchir, sous l'impulsion des eaux, des fonds de profondeur supérieure à 20 mètres. Et j'in- cline, d'après cela, à penser que les découpures et ravinements sous- marins, orientés diversement, mais toujours plus ou moins norma- lement au rivage, suivis plus haut jusqu'à 50 mètres de profondeur, sont dus surtout à l'action des vagues', tandis qu'aux profondeurs plus considérables, les fonds plus régulièrement nivelés sont seule- ment balayés par les courants de marée. Fonds et sédiments. — A l'inverse de la Méditerranée, les eaux ne sont nulle part en repos dans la Manche. Les courants de marée, qui atteignent dans notre région une vitesse de 12 kilomètres à l'heure, au moment des grandes marées d'équinoxe (elle arrive jusqu'à 16 kilomètres dans le raz Blanchard, entre le cap de la Hague et Aurigny), mettent en mouvement toute la masse des eaux et en- traînent tous les sédiments légers. Aussi n'avons-nous jamais ren- contré dans les dragages les concrétions d'origine chimique ou les blocs de sable et graviers cimentés, communs dans le golfe médi- terranéen. La vase, elle-même, est absente; les engins ne ramènent 1 Aimé a constaté par l'observation directe, en 1839, que, dans la rade d'Alger, à 1 kilomètre du rivage, l'action des vagues s'était (ait sentir sur le fond, à 40 mètres de profondeur, pendant une période oii leur hauteur maxima avait été évaluée à 3 mètres (Aimé, Recherches expérimentales sur le mouvement des vagues {Annales de chimie el de physique, 1842, 3« séi., t. V, p. 417;. 5b i G. PRUVOT. de toutes les profondeurs, que du sable essentiellement quartzeux, des graviers à grains roulés et des débris de coquilles. A 18 kilomètres environ, dans le nord-ouest de l'île de Batz, au point le plus extrême qu'ont pu explorer les embarcations du labo- ratoire de Roscoff, est une dépression connue des pêcheurs sous le nom de Irou aux raies, dont la profondeur atteint 90 à 100 mètres. Le fond y est formé uniquement de cailloux, appartenant à diverses roches granitiques, pesant souvent plusieurs kilogrammes, cou- verts d'animaux fixés délicats, et souvent unis entre eux par des Ascidies ou des Éponges. Ils ne sont pas roulés, mais de forme quel- conque, simplement poHs, à angles et arêtes émoussés. Les galets sont abondamment répandus dans la zone qui couvre et découvre, de formes et de dimensions très variables. Dans la règle, des galets aplatis et ovalaires, formés des roches les plus dures des falaises voisines, quartz, gneiss, granit, pegmatite, occupent la partie supérieure de la plage, dans le fond des baies peu étendues et peu profondes ; ils passent à des graviers et à du sable de plus en plus fin sur les côtes moins exposées au choc des vagues. On trouve des galets beaucoup plus volumineux, sous forme de boulets à peu près sphériques, en certains points de la côte particu- lièrement battus, un peu partout sur la côte nord de l'île de Batz, par exemple. Je signalerai particulièrement les bancs de Charlezen- ned et des Greyers, formés uniquement, jusqu'au-dessous du niveau des basses eaux, de boulets semblables entassés, dont quelques-uns ont 40 centimètres de diamètre et que le ressac roule avec fracas à la suite des mauvais temps. Une levée de boulets granitiques pareils, en dos d'âne, prolonge, au sud, le massif de Rec'hier Doun; une autre unit la roche Vengam à la pointe de l'île de Sieck. Les sables qui forment la majeure partie des grèves et des dépôts sous- marins, variables surtout par la grosseur des grains, appar- tiennent essentiellement aux sables quartzeux. Ils sont formés de grains de quartz hyalin, avec une petite proportion de feldspaths en fragments plus volumineux et d'abondantes paillettes de mica ; on FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 855 y peut reconnaître, aussi, des grains d'amphibole, de zircon, de grenat, de fer oxydulé, souvent des fragments de silex. Le sable renferme, presque partout, une certaine proportion de débris de coquilles. Mais, en quelques points, les coquilles sont accumulées en telle quantité qu'elles forment la presque totalité du fond. Ces amas coquilliers, généralement bien limités, semblent se trouver de préférence contre les plateaux rocheux, en particu- lier contre la roche Astan, par 15 à 30 mètres de profondeur, contre les roches Duon et les Bisayers. Ce sont presque exclusivement des coquilles de Lamellibranches, ordinairement entières, mais à valves détachées, appartenant surtout aux formes à coquilles épaisses, Pectunculus, Venus, Cardium, etc., qui ont été accumulées là, par les courants, car souvent la drague est impuissante à ramener dans le voisinage un seul exemplaire vivant des Mollusques dont les dé- pouilles sont entassées en couches épaisses. Quelques plages émergeant à marée basse présentent une accu- mulation semblable. C'est le cas, notamment, pour le Pont-du-Cerf, dont le sol disparaît sous une couche épaisse de coquilles, où domi- nent les Dosinia et les Tapes; mais elles sont là en place, les mêmes Mollusques vivants se montrent en abondance presque égale dans les sables de la plage. Toutes les plages de la région, du reste, montrent, quand le sable est fin, une forte proportion de calcaire due surtout à des débris coquilliers ténus. J'ai déjà mentionné leur proportion considérable dans le sable des dunes. Yoici, comparativement, les chiffres d'ana- lyse de deux échantillons, prélevés, le premier, sur la plage de San- tec, au niveau que baigne la haute mer tous les jours, et le second, au-dessus de l'atteinte des eaux, au point où la végétation terrestre commence à recouvrir la dune : Plage. Dune. Carbonate de chaux . 47,91 O/^ 69,22 Vo Quartz avec un peu de mica blanc et d'amphibole (densité égale ou supérieure à 2,65) 41,08 21,53 Feldspaths (.densité inférieure à 2,65) 8,33 5,42 556 G. PRUVOT. La proportion de calcaire, plus grande dans le sable de la dune, doit être attribuée à ce que les débris de coquilles terrestres (les Hélix y sont très abondants) viennent apporter leur appoint et à ce que le vent, quand il est faible, exerce une sorte de sélection, sou- lève seulement les fines particules coquillières superficielles, sans déplacer les grains sableux plus lourds. J'ai reconnu aussi, mais sans pouvoir le fixer par des chiffres, que le sable de la dune est en moyenne plus fin que celui de la plage. Sa richesse calcaire le fait rechercher pour l'amendement des terres dans l'intérieur au même titre que le mserl. Le mœrl, qui était inconnu comme engrais avant le commence- ment du siècle et dont on transporte aujourd'hui des quantités considérables *, est ici formé seulement par deux espèces de Litho- thamnion, les L. polymorphum et surtout L. fasciculatum, qui, à l'inverse des autres algues calcaires, se développent sans support, sous forme de petites masses rameuses, fragiles, ne dépassant guère 2 centimètres de diamètre et dont les débris forment une sorte de sable grossier et léger affectionné par une petite faune particulière. Les points occupés par le maerl sont indiqués sur la carte par un pointillé rouge. Ils constituent la majeure partie des fonds sublitto- raux dans l'est de notre région. Le mserl forme essentiellement deux bandes, l'une longeant le rivage du côté de Saint-Pol, depuis Pem- poull jusqu'à la basse Astan environ, l'autre un peu moins étendue, mais peut-être plus dense, s'étendant du château du Taureau jus- qu'à la hauteur des Bisayers. Il est à remarquer que ces algues ne prospèrent que dans les endroits qui présentent un apport d'eau douce, à l'embouchure et dans le chenal même des rivières de Penzé et de Moriaix. Il semble en être de même partout et je ne connais guère, ailleurs, l'existence du mserl, que dans l'embouchure des rivières de Châteaulin, de Landerneau, de la Penfeld, dans la rade de Brest, comme dans l'est, au voisinage de l'embouchure du ' Engrais marins (maerl et goémon) déchargés en 1890 dans les ports de Léon: 13 804 bateaux apportant 162 451 tonnes. FONDS ET FAUNH DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 557 Couesnon. Une observation, pourtant : c'est au maerl que s'applique, sur les cartes marines, le signe mad. (Madrépores), au moins pour la portion occidentale de la Manche. S'il est bien mentionné le plus souvent à l'embouchure des rivières, on le voit, parfois, figurer aussi en des points éloignés de tout apport d'eau douce, comme à 15 kilomètres au large de Bréhat ; aussi, à 8 kilomètres au nord de Chausey, d'après Delesse. N'ayant pas pu m'en procurer d'échan- tillons, j'ignore s'il s'agit des mêmes espèces, si même il s'agit bien d'un fond de véritables algues calcaires, car, à Roscoff même, les pêcheurs appellent aussi du nom de mœrl tout gravier à gros élé- ments peu ou pas roulés, et j'ai retrouvé cette confusion de termes, dans diverses publications. Ce que je puis affirmer, c'est que dans la rade de Brest et à Roscoff, le maerl de LHhothamnion polymorphum et fasciculatum est un faciès caractéristique des estuaires. Il ne se rencontre plus dans la Manche orientale. Le maerl ne croît qu'en eau peu profonde ; nous n'en avons ja- mais recueilli au-dessous de 25 mètres au maximum ; d'autre part, il ne remonte jamais jusqu'à la zone qui assèche à marée basse. Il est toujours mélangé d'une certaine. proportion de sable, de frag- ments de roche, de débris de coquilles et aussi de petites algues diverses qui poussent sur lui. Voici la composition d'un échantillon recueilli entre le Béclem et Ricard, par 12 mètres de profondeur : a. Litholharonion reconnaissables 58,5 b. Fragments de coquilles reconnaissables 5,2 c. Fragments de schistes verdàtres (au-dessus de 1 millimètre de diamètre) 8,6 d. Sables et débris indiscernables 27,7 100,0 Les Lithothamnion, a, isolés ont donné : Carbonate de chaux 87,04 «/q Eau et matières organiques 4,82 Le sable, d, a donné : Carbonate de chaux 70,26 7o Matériaux non attaqués par HCl cl 20 pour 100 27,40 558 G. PKUVOT. Ce qui donne pour la teneur totale en calcaire : 75,48 pour 100. Les sables et graviers résultant de la décomposition des roches granitiques constituent seuls, avec ces roches elles-mêmes, tous les fonds du large et la plupart des plages ; ils sont marqués en jaune sur la carte. Les vases légères qui résultent de la décomposition des schistes, sont entraînées par les courants. Sur toute la côte bre- tonne, elles ne peuvent se maintenir qu'au fond des rades ou baies profondes, ou dans le lit des rivières. C'est le cas à Roscoff. Faisant abstraction du fond des ports de Roscoff et de l'île de Batz, du fond de l'Aber, etc., des étendues de vase un peu notables se rencontrent seulement dans le lit des deux rivières et à leur embouchure. Ces sédiments vaseux, empruntés aux schistes au milieu desquels les rivières ont creusé leurs lits, ne descendent nulle part au-dessous d'une dizaine de mètres. Le fond même des rivières est occupé par des sables et des graviers à peu près purs. J'ai distingué, sur la carte, par une différence de teintes, la portion la plus essentiellement va- seuse (gris-ardoise), dans les rivières, du dépôt plus sableux (brun- sépia), des estuaires proprement dits. En réalité, il n'y a pas de limite tranchée entre ces deux dépôts ; la proportion de vase dimi- nue progressivement à mesure qu'on descend vers la mer, jusqu'à ce que toute apparence vaseuse disparaisse, vers Roc'h Iliévec, à la pointe du Callot et vers le château du Taureau. Sur la partie inférieure de cette étendue sablo-vaseuse, celle que la mer visite tous les jours, se développent des herbiers de zostères, prospères et touffus, qui ont été marqués en pointillé vert sur la carte. Le sédiment desséché donne une masse gris de cendre, avec des points blancs, qui sont des foraminifères, des débris de coquilles et des paillettes brillantes de mica. On sent déjà, en l'écrasant sous le doigt, qu'on n'a pas affaire à une vase fine, presque pure, comme dans les dépôts côtiers de la Méditerranée, mais à un sédiment for- tement sableux. Voici, du reste, la composition de deux échantillons, recueillis, l'un, dans la rivière du Penzé, en amont de la limite où s'arrête la carte, près du viaduc du chemin de fer, sur la route de FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 559 Morlaix, où l'on recueille en abondance des Mya arenaria, et l'autre, dans un espace dénudé, au milieu de l'herbier de Pempoull. L'ana- lyse a été conduite exactement comme celles des vases et sables du golfe du Lion ; il n'y a pas lieu d'entrer, de nouveau, dans les détails de l'opération et des calculs. A. SÉDIMENT SABLO-VASEUX DE LA RIVIÈRE DE PENZÉ. Vase 14,49 «/<, Sable 85,51 Partie vaseuse : Couleur brun jaunâtre. Densité 2,74 Carbonate de chaux 2,41 Silicate d'aiunfiine magnésien et ferrugineux 90,13 Matières organiques 4,37 96,91 Partie sableuse : » Densité 2,59 Partie enlevée par HCl à 20 pour 100 : Carbonate de chaux 3,22 Alumine et peroxyde de fer 1 ,63 Partie insoluble dans HCl à 20 pour 100 94,95 99,80 Par le repos et après décantation de la partie vaseuse, il se forme, au-dessus de la partie sableuse, une couche brune de débris végé- taux, qui paraissent appartenir à des fucus, couche très peu épaisse et non isolable, mais qui augmente pourtant la teneur générale du sédiment en matières organiques. La partie non attaquée par l'acide chlorhydrique est formée pour un tiers, environ, de petites esquilles de schiste vert noirâtre, oscillant autour de 0°"",3 de diamètre. Le reste est constitué essen- tiellement, et sensiblement par parties égales, de grains de quartz hyalin anguleux, de 0°'™,1 à0™™,2, et de paillettes de mica blanc dont la plupart atteignent 0°"",3 et0'°'°,4. b60 G. PRUVOT. B. SÉDIMF.NT SABLO-VASEUX DANS l'hERBIER DE PEMPOULL. Vase 12,20 o/o 8able 82,32 Débris végétaux (zostères), se déposant en couche tourbeuse feu- trée, à la surface de la partie sableuse : 5,48 pour 100. Partie vaseuse : Couleur gris-ardoise. Densité 2,76 Carbonate de ciiaux S,30 Silicate d'alumine magnésien et ferrugineux 84,74 Matières organiques 7,48 97,52 Partie sableuse : Densité 2,62 Partie enlevée par HCl à 20 pour 100. Carbonate de chaux 8,61 Alumine et peroxyde de fer 2,04 Partie insoluble dans HCl à 20 pour 100 88,22 98,87 Cette dernière partie est formée essentiellement de quartz en grains anguleux de 0°"^,2, auxquels sont mêlés quelques grains plus gros, à angles émoussés, de mica noir et blanc ("25 pour 100 de la masse, environ, les paillettes de mica noir sont les plus grandes), quelques débris de schistes noirâtres et une petite proportion de feldspath orthose, en grains émoussés, allant jusqu'à 0""',4 de dia- mètre. On voit qu'il ne saurait être question, ici, de vases presque pures, comme celles de la Méditerranée, mais que les dépôts littoraux les plus fins de cette région de la iManche sont encore un sable à peine vaseux et à éléments relativement grossiers, caractérisé de plus, entre tous les dépôts de la région, par sa faible proportion de cal- caire et sa richesse en débris organiques végétaux. Résumé.— lin résumé, pour ce qui concerne le lent établissement FONDS ET FAUNE DE LA iMANCHE OCCIDENTALE. 561 # de l'état actuel sur la côte bretonne, à l'entrée de la Manche, la Bretagne, envahie par la mer à la fin de l'époque pliocène, ainsi que l'attestent les galets de cet âge, qu'on trouve sur nombre de plateaux (Ch. Barrois), a dû ensuite participer, pendant les temps quaternaires, à l'exhaussement général qui a marqué le relief des falaises de la Manche et qui a porté certains points à 10 mètres (baie d'Audierne) et même 30 mètres (anciennes plages de Jersey) au-dessus du niveau actuel des eaux. Depuis, le sol est peut-être en affaissement général, mais les phénomènes d'abrasion et de transport suffisent à expliquer au moins la plus grande partie des variations du littoral, sans qu'il y ait lieu, en raison même du caractère local des prétendues dénivellations, de faire intervenir les multiples oscillations du sol qu'on a cru y reconnaître. Le remaniement des lignes du rivage, tant celle de haute mer que celle de basse mer, et les changements de relief de la zone interco- tidale reconnaissent comme cause principale le vent, agissant soit directement (dunes), soit surtout par les vagues qu'il soulève (phé- nomènes généraux d'abrasion et de transport). Sous leur action, la côte rocheuse recule plus ou moins suivant la compacité de la roche et la protection dont l'entourent les Balanes ou les algues qui la recouvrent, mais recule inexorablement. Il n'existe aucune preuve certaine que, dans toute cette région, la roche ait été l'objet d'un soulèvement récent et ait,de cette façon, augmenté son domaine exondé'. Ses débris forment les matériaux des plages. La plage sableuse ou caillouteuse avance, gagne sur la mer dans les cas suivants : 1» Sur les parties de grève situées de telle façon, par rapport aux 1 M. Henos {Comptes rendus de l'Académie des sciences, Paris, 1871) a indiqué des trous de pholades dans la roche à plusieurs mètres au-dessus du niveau actuel des hautes mers, près de Saint-Brieuc, au-dessus d'une grotte qui lui aurait montré des traces d'habitation préhistorique. Mais il convient de faire quelques réserves sur des pholades capables de perforer les granits et les micaschistes bretons. On ne trouve actuellement de Mollusques lilhophages qu'accidentellement, toujours dans les blocs calcaires rejetés à la côte. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 3^ SÉRIE. — T. V. 1897. 36 S62 G. PRUVOT. grèves voisines et aux vents dominants, que celui-ci y chasse des dunes qui sont fixées ensuite ; 2° Au fond des baies, quand la partie supérieure de la plage, effleurée seulement de loin en loin par les hautes mers, reçoit les particules boueuses, les troubles amenés par les eaux continentales, qui se mêlent au sable et lui donnent de la consistance en même temps qu'ils l'exhaussent. Ainsi se forment des marécages que l'homme achève de conquérir en les drainant (marais de Dol, fond de l'Aber de Roscoff, fond de la grève de Goulven); 3° Du côté des îlots opposé à celui qui reçoit le choc habituel des lames, opposé par conséquent au courant d'apport qui est divisé et dont les deux branches se rejoignent derrière l'obstacle. S'il se trouve derrière lui quelque autre rocher ou un cap, il se tend ainsi entre eux un cordon pierreux ou sableux, en dos d'âne, qui s'étend et s'exhausse progressivement (sillon de Saint-Malo, épées de Tré- guier, banc de l'île de Batz, etc.). Ainsi un chenal peut se transfor- mer en une baie, qui peut à son tour être comblée ensuite en tout ou en partie par le processus précédent. Par contre, la limite de la plage antérieurement formée recule aussi parfois : tout ou partie de la plage est enlevée qui est abordée par la lame dans des circonstances telles que la force du courant de retour, due à la seule action de la pesanteur, est supérieure à la force vive d'aller des vagues antérieures qui l'ont construite (envahis- sement par les eaux des baies du Mont-Saint-Michel, de Saint- Brieuc, etc.). Le travail d'accroissement ou d'avancée des plages est sinon continu, du moins progressif. Le travail de destruction ou de recul des plages a un caractère accidentel, de cataclysme (tempêtes, raz de marée). Dans le double travail du modelage des côtes, les êtres vivants font converger leurs efforts vers la conservation et l'agrandissement du domaine continental ; ils s'opposent à l'abrasion (Balanes, algues), ils consolident le sol meuble (zostères), enfin ils apportent par leurs FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 563 dépouilles un appoint important aux matériaux des plages (les dunes de Santec, le sable de certaines plages renferment jusqu'à 70 pour 100 de leur poids en débris de coquilles et d'algues calcaires). Dans les régions profondes, l'agent principal qui commande la topographie et la constitution des fonds est le courant de marée ; mais l'action des vagues continue à se faire sentir jusqu'à une cer- taine profondeur au-dessous de la zone qui découvre à marée basse. Le fait que la ligne isobathe de 50 mètres sépare deux régions des fonds différentes d'allure, la région plus profonde, peu inclinée, à surface régulière et à courbes de niveau coupant indifféremment les fonds de sable et de roche, et la région au-dessus à courbes de niveau très sinueuses, circonscrivant des espaces rocheux à talus plus inclinés et ravinés, donne à penser qu'elle marque à peu près la limite extrême oti les vagues exercent une action abrasive appré- ciable contre le fond. La vase, en comprenant sous ce terme les sédiments dont le grain a moins de 0™",01 de diamètre, est totalement absente de la plupart des grèves et de tous les fonds de profondeur au-dessous d'une dizaine de mètres. Des sédiments sablo-vaseux, mais dans lesquels la proportion de la vase due à la destruction des schistes ne paraît pas dépasser 15 pour 100, se trouvent seulement dans le lit et à l'embouchure des rivières. Ils doivent de pouvoir descendre assez loin dans les estuaires, sans être entraînés par les courants, aux prairies de zostères qui les fixent en s'établissant sur leur partie la plus basse. II. Divisions bionomiques. Historique. Discussion. — Il suffit de parcourir à mer basse quelque grève sur les côtes de la Manche pour être frappé de ses différences d'aspect suivant le niveau, et si, en particulier, la côte est rocheuse, des bandes de végétations différentes, superposées, attirent l'atten- tion. Le zoologiste ne tarde pas à remarquer que les espèces ani- males aussi ne sont pas les mêmes du haut jusqu'en bas du domaine 564 G. PRUVOT. ainsi découvert, et l'idée naît d'elle-même d'une classification, d'une division en zones superposées de la bande de terre qui couvre et découvre aux marées. Et le domaine ainsi opportunément aban- donné par la mer à nos investigations sera, dans son ensemble, opposé comme zone ou région littorale à la région plus profonde que les eaux ne quittent pas et que nous ne pouvons explorer qu'à l'aide d'engins spéciaux. Toutes les classifications proposées reposent sur cette base : La première est celle d'Audouin et M. Edwards * en 1834. 1° Zone des Balanes, toujours à sec dans les marées ordinaires; 2° Zone des Varechs ; 3° Zone des Corallines; 4° Zone des Laminaires, qui ne découvre que dans les fortes marées ; 5° Zone des Huîtres, au-dessous, qui ne découvre jamais. Sars, en 1835, donne pour la mer de Norvège, en concordance avec les précédentes : 1° Regio Balanorum ; 2° Regio Patellarum; 3° Regio Corallinarum; 4» Regio Laminarium. Forbes et Hanley, en 1853': I. Zone littorale comprise dans le balancement des marées, divisée en : 1° Sous-zone supérieure [Littorina rudis et Littorina neritoides petites), correspondant à la zone des Balanes des auteurs précé- dents; 2** Sous-zone intermédiaire [Mytilus edulis^Littoi'ina rudis grandes); 3° Sous -zone moyenne {Littorina littorea et Purpura lapillus) ; *4° Sous-zone inférieure [Littorina littoralis Rissoa diverses, etc.) * AuDOuiN et MiLNE Edwards, Recherches pour servir à l'histoire naturelle du lit- toral de France, Paris, 1834, t. I. 2 Forbes et Hanley, tlistory of british Mollusca, t. I, p. xxv. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 565 II. Zone circumlittorale ou des Laminaires entre le bas de l'eau et quinze brasses (27 mètres). Ces deux zones correspondent à la région littorale telle qu'elle est entendue par les auteurs précédents. Puis viennent : III. Zone médiane ou des Corallines, de 15 à 30 brasses (27 à 91 mètres). IV. Zone infra-médiane ou des Coraux de mer profonde, à partir de 30 brasses. V. Région abyssale, à peine représentée dans les mers d'Angleterre. M. Giard ' indique, en 1871, pour la côte de Roscoff même, mais seulement au point de vue de l'habitat des Synascidies: Première zone ou zone des Fucus. Deuxième zone ou zone des Zostères et des Himanthalia. Troisième zone ou zone des Laminaires, au plus bas de l'eau. P. Fischer ^ en 1887, distingue: 1° Zone littorale, correspondant au balancement des marées ; 2° Zone des Laminaires, de 0 à 27 mètres de profondeur; 3° Zone des Nullipores et des Corallines, de 28 à 72 mètres; 4° Zone des Brachiàpodes et des Coraux, de 72 à 500 mètres; 5" Zone abyssale, au-dessous de 500 mètres. M. Joubin^ en 1890 et en 1893, distingue à son tour, sans leur donner de noms spéciaux : Première zone, celle qui n'est pas recouverte journellement; Deuxième zone, recouverte tous les jours, niveau moyen des marées, occupée par les Fucus ; Troisième zone, ne découvrant que tous les quinze jours ; Quatrième zone, celle des grandes Laminaires, découvrant seule- ment une demi-heure ou une heure dans les très fortes marées; * A. Giard, Recherches sur les Synascidies (Archives de zoologie expérimentale et générale, t, I, 1871, p. 544, et t. II, 187-2, p. 497). * P. Fischer, Contribution à l'actinologie française {Archives de zoologie expéri- mentale et générale, 2* sér., t. V, 1887, p. 431). 3 L. JouBiN, Recherches sur les Turbellariés des côtes de France (Némertes), 2e sér,, t. VIII, 1890. — Faune française ; les Némertiens, Paris, 1893, p. 34). 566 G. PRUVOT. Cinquième zone, au-dessous des Laminaires,deO à 40 ou 50 mètres. Ces trois derniers auteurs (je me borne à ceux qui ont eu en vue particulièrement la Manche occidentale) n'ont envisagé la question qu'au point devue du groupe zoologique qu'ils étudiaient. M.Vaillant* est le seul, à ma connaissance, à avoir tenté récemment une division bionomique des fonds marins, ayant un caractère de généralité et une hiérarchisation de divisions adoptées, sans laquelle il n'est pas de classification véritable. 11 reconnaît : I. Région littorale, soumise à l'action des marées. Elle est divisée en : de I Pleine mer maxima d'équinoxe. ire zone subterrestre , < de f îi f Pleine mer minima de vive eau. Sous-zone I } à f de ^ Pleine mer minima de morte eau. 2e zone littorale, l Sous-zone II j de ( à ( Basse mer maxima de morte eau. Sous-zone III... < à f de / Basse mer maxima de vive eau. 30 zone subliltorale } à ( Basse mer minima d'équinoxe. II. RÉGION cÔTiÈRE, de 0 à 300 mètres, c'est-à-dire à la limite infé- rieure de la végétation. III. Région abyssale, divisée en deux : 1» Zone supérieure, de 300 à 1000 ou 1 500 mètres, point où parais- sent s'arrêter les Pleuronectes et les Elasmobranches hypotrèmes. 2° Zone inférieure, au-dessous de 1500 mètres. On peut remarquer, d'après ce sommaire exposé, que tous les auteurs ont choisi, comme critérium de leur première division, la marée. Tous emploient, comme ligne de démarcation la plus tran- chée, ce que les marins appellent « le bas de l'eau », c'est-à-dire la * L. Vaillant, Expéditions scientifiques du Travailleur et du Talisman ; les Pois- sons, 1888, p. 8. — Nouvelles Études sur les zones littorales {Annales des sciences na- turelles, 7e sér., t. XII, 1891, p. 40). FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. r,67 ligne au-dessous de laquelle la mer ne descend jamais. J.Wallher ', qui répartit toutes les étendues marines du globe en six grandes divisions, ou districts bionomiques, place la séparation des deux premières, le littoral et la mer côtière {Flacksee), à la ligne de basse mer et en justifie ainsi: «Es (Litoral) istein amphibisches Zwischen- reich zwischen Festland und Ozean... Die Hohe des Gezeitensunters chiede kam 10 m. betragen und bedingt eine tàglich wiederkeh- rende Verânderung aller Existenzbedingungen des Litorals. Vor- gànge im Innern eines Festlandes, wie die Verlegung einer Wasser- scheide wandeln die bionomischcn Verhâllnisse des Strandes rasch um...» (0/j.«Y.,p.l3.)Et si les auteurs anciens n'ont fait intervenir, pour les subdivisions de cette région littorale, que les êtres vivants, végétaux ou animaux, qui s'y rencontrent à des niveaux divers, les plus récents ont poussé à l'extrême l'importance de la marée et ont demandé leurs subdivisions à ses modalités secondaires, à ses varia- tions périodiques d'amplitude. La zone intercotidale répond, il est vrai, à un phénomène qui frappe l'attention; elle est d'une limitation facile, puisqu'elle est indiquée sur toutes les cartes marines à échelle suffisante; mais, en dépit de la commodité apparente de son emploi, ce n'est pas une région naturelle à faune caractérisée. D'abord, il n'y a rien de commun entre le bas de l'eau, la zone qui découvre à peine quelques instants aux grandes marées, une ou deux fois l'an et même moins, et la région supérieure qui reste toutes les quinzaines plusieurs jours sans recevoir la visite de la mer. Les animaux qui vivent dans la première peuvent, pour peu que leur croissance soit rapide et leur vie limitée, comme c'est le cas pour bon nombre d'Invertébrés, parfaitement naître, grandir et mourir dans l'intervalle de deux émersions, sans avoir vu l'eau abandonner leur domaine, passant ainsi leur vie entière dans des conditions identiques à celles qu'ils auraient trouvées quelques * J. Walthkr, Einkilung in die Géologie als historische VVissenschafl. I. Tlieil, Jena, 1893. 568 G. PRUVOT. mètres plus bas, c'est-à-dire dans une région prétendue toute diffé- rente. Toutes les formes animales ou végétales qu'on y recueille vivent aussi, en abondance au moins égale, plus bas; et, inverse- ment, il n'est peut-être pas une forme ramenée habituellement par la drague ou les engins d'une profondeur de 10 ou 15 mètres, et même plus, qui n'ait été trouvée à la grève parfois aux époques de grandes marées. Puis, même dans la région moyenne, quand la mer s'est retirée, les animaux ne sont pas pour cela exposés à l'air, ou même inter- rompus dans leur vie habituelle. A part ceux qui, comme les Lygies, Balanes, Littorines, Patelles, se tiennent volontiers à sec au-dessus de la surface de l'eau, la grande majorité vit dans le sable qui conserve longtemps une humidité suffisante, ou sous les pierres, dans les flaques d'eau persistantes. Le Poulpe, qui, à sec sur le sol, meurt en quelques instants, ne craint pas de remonter sur la côte bretonne jusqu'à la zone qui découvre chaque jour; les Nudibranches, les petites Anné- lides errantes, Syllidiens, Néréidiens, qui rampent dans les Algues et qu'un souffle dessécherait, remontent encore plus haut, au delà de la ligne de mi-marée, c'est-à-dire qu'elles passent la moitié au moins de leur vie au-dessus du niveau de la mer, mais non pour cela hors de l'eau. Une station bionomique intéressante à ce point de vue est fournie par les Cystosira à touffes très rameuses et à feuilles petites, que les pêcheurs désignent sous le nom de Sargasses. Aucun des auteurs qui se sont occupés d'établir des divisions dans la région littorale ne leur a conféré d'individualité bionomique et n'en a fait un niveau distinct; pourtant elles couvrent souvent de grands espaces, et sont habitées par une faune abondante et très caractérisée de petits animaux délicats. C'est qu'on les rencontre à des profondeurs fort diverses, aussi bien à 10 mètres de profondeur au-dessous du zéro des cartes, que dans la zone qui découvre chaque jour, au milieu des prairies de Zostères ou des Fucus. Or, un exame a attentif montre que les Cystosires ne supportent pas l'assec ; quel que soit FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 569 le niveau élevé qu'elles puissent atteindre à la grève, elles ne se développent jamais que dans des dépressions où l'eau reste en permanence ou surtout dans les « ruisseaux », ravins en miniature, creusés dans la grève, par oh continuent de s'écouler les eaux supérieures pendant le temps que la mer est retirée. Quelle que soit leur hauteur absolue, les Cyslosires sont toujours au-dessous du niveau de l'eau; pour elles et leurs habitants, la marée n'existe pas. Doit-on les faire rentrer dans la zone intercotidale ou dans la zone inférieure au-dessous de zéro, celle qui n'assèche jamais ? Même pour les animaux qui en subissent directement les effets, la marée, malgré son caractère périodique, est un accident, une incommodité momentanée; ils s'en garent comme ils peuvent, en cherchant contre elle un abri permanent ou temporaire, ou s'y résignent. Mais beaucoup s'y résignent avec peine et, aux époques des grandes marées d'équinoxe, quand la provision d'humidité s'épuise et que la mer tarde à revenir, l'angoisse est grande dans le petit monde qui l'attend. Tous ceux qui ont battu les grèves à mer basse savent bien que le moment le plus favorable pour recueillir les Mollusques, Dentales, Acéphales, par exemple, qui vivent dans le sable, est la fin de la marée, le moment où la mer commence à remonter. Les animaux qui se sont tenus cois dans le sable jusque- là, incommodés par la sécheresse qui les gagne, s'agitent, remontent à la surface et s'ollrent inertes aux regards. J'ai constaté, entre autres, cette action fâcheuse, d'une façon particulièrement remar- quable, sur les Équilles {Ammodytes tobmnus) de la grève du Cerf, près de Roscoff, aux grandes marées de septembre 1893 et de 1896, particulièrement fortes. A mesure que le temps s'écoulait et que le sable perdait de son humidité, on voyait tout autour de soi les jeunes Équilles surgir à la surface, frétiller quelques instants, puis retomber inertes, sans pouvoir s'enfoncer de nouveau, assez nombreuses en certains points pour couvrir entièrement le sol et pouvoir être ramassées à poignées. Les pêcheurs savent bien, du reste, que sur les bancs qui découvrent seulement aux grandes marées, la pêche 570 G. PRUVOT. n'est guère fructueuse que le premier jour où le banc vient à sec. Les animaux, surpris une fois par le retrait de la mer, mettent à profit avec empressement son retour pour abandonner la place et descendre plus bas. La plupart, sinon la totalité, des animaux errants sont dans ce cas. Peut-on attribuer à une zone ou une région caractérisée par le jeu de la marée, une faune d'animaux qui, lorsqu'ils sont surpris par elle, n'ont d'autre alternative que de la fuir ou d'en mourir? En outre de la marée et au delà de ses limites, les zones faunis- tiques ne sont caractérisées que par la profondeur. J'ai montré déjà, à propos du golfe du Lion, comment la côte méditerranéenne refuse de se laisser découper en tranches horizontales d'épaisseur constante, et que les horizons bionomiques, réellement naturels, n'ont rien à voir avec les courbes de niveau. Il en est de même dans la Manche, quoique avec une apparence un peu moins démonstrative peut-être, en raison de l'absence de grandes profondeurs et de la sen- sible uniformisation des fonds et des conditions physiques, sous l'ac- tion des courants de marée, à partir d'une certaine distance du rivage. Enfin, les divisions reconnues par les auteurs s'appliquent à peu près exclusivement aux côtes rocheuses. De là ces expressions de zones des Balanes, des Fucus, des Laminaires, qui ne peuvent avoir aucun caractère général et l'impossibilité de les appliquer aux plages sablonneuses ou vaseuses. Celles-ci pourtant montrent une égale variété dans leurs faunes; les associations animales qui les occupent méritent, au même titre, d'être précisées et classées en niveaux distincts. faciès; niveaux et horizons bionomiques naturels. — Gomme, dans la Méditerranée, une exploration, même superficielle, suffit à mon- trer que les groupements animaux qui présentent le plus souvent des transitions graduelles avec ceux qui occupent les fonds situés au-dessus et au-dessous, sont, au contraire, absolument tranchés, même entre deux points contigus, quand la nature du sol vient à changer. Et, là encore, s'impose la notion de faciès. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 571 Les horizons, vraiment naturels, sont caractérisés non par leur hau- teur absolue ou relative, mais par l'accord entre la constitution phy- sique du sol et les associations végétales et animales qui l'occupent. Nous reconnaissons, ici encore, trois faciès principaux : les deux premiers, faciès rocheux et faciès sableux, correspondent exactement à ceux de la Méditerranée; plus, un faciès d'estuaire, caractérisé par les variations rapides dans la température et la salinité de l'eau, et par la notable proportion de vase que renferment les sédiments. Dans chacune de ces premières divisions, toutes physiques, on distingue, à première vue et partout, plusieurs niveaux ou horizons biologiques, caractérisés par la prédominance d'une ou plusieurs formes végétales ou animales fixées qui, en raison de leur accumu- lation considérable au même point, créent autant de milieux d'habitat fréquentés par autant d'associations animales distinctes. J'ai relevé, comme pouvant, par leur densité et leur localisation précise, caractériser de véritables unités topographiques et faunis- tiques, les formes suivantes, groupant ensemble celles qui sont tou- jours associées et qui confondent partout leurs limites d'extension : ANIMAUX : 1° Niveau des Chthamalus, caractérisé essentiellement par Chtha- malus stellatus Poli ; ALGUES : 2"* Niveau des Pelvetia, caractérisé par Pelvetia canaliculata Dec. et Thur. ; 3° Niveau des Fucus. Fucus platycarpus Thur., F. vesiculosus L., F. serratus L., Ascophyllum nodosum Le Jol. ; 4° Niveau des Himanthalia. Himanthalia lorea Lyngb., Bifurcaria tuberculala Stack., Chorda [Scytosiphon) filum L. 5° Niveau des Cystosires. Cystosira fibrosa, Ag., Cystosira granu- lata, Ag., Cystosira ericoides Ag., Halidrys siliquosa Lyngb.; 6° Niveau des Laminaires. Laminaria saccharina Lamx., L. digitata Lamx., L. {Holigenia) bulbosa Lamx. 572 G. PRUVOT. MONOCOTYLÉDONES : 7° Niveau des Herbiers. Zoslera marina. Quand on n'explore qu'une grève peu étendue, il semble que ces différents horizons forment, le long du rivage, des bandes horizon- tales, comprises pour chacun entre des hauteurs constantes. En réalité, il n'en est pas ainsi : leur extension verticale varie, même entre des points très rapprochés, suivant la configuration de la côte, la violence des courants ou des vagues, etc. J'ai tenté de préciser la hauteur absolue à laquelle ils atteignent, d'abord en des points aussi nombreux et aussi divers de conditions que possible, dans la région de Roscoff, puis, leur hauteur maximum tout le long de la côte normanno-bretonne. Après plusieurs essais infructueux, le meilleur moyen de mesurer ces hauteurs m'a paru la mesure directe de la hauteur au-dessus ou au-dessous du niveau de la mer, à un moment quelconque, mais soigneusement noté, en prenant soin, pour limiter l'erreur possible, de ne choisir pour ces mesures que des journées de beau temps avec vent faible et pression barométrique voisine de la normale. Connaissant l'heure de l'observation et par VAnnuaire des Marées l'heure et la hauteur de la basse mer et de la pleine mer, on peut établir, par un petit calcul, la hauteur du point considéré au-dessus soit du zéro de la carte, soit du niveau moyen de la mer. Mais il fallait, au préalable, connaître pour chaque amplitude de marée, la proportionnalité des hauteurs aux temps, c'est-à-dire de combien la mer a monté ou descendu après tant de minutes de flot ou de jusant. A cet effet, sur toute la hauteur de la grande balise, qui domine le mur du parc de réserve, appartenant au laboratoire de Roscoff, et qui dépasse le niveau des plus hautes mers, ainsi que sur son soubassement et sur le mur lui-même, dont le pied n'est aban- donné par les eaux que dans les fortes marées, ont été fixées, pour servir de mires, des bandes de toile blanche de 0™,10 de hauteur, séparées par des intervalles de O^jlb. En les observant à la longue- FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 573 vue, de la terrasse du laboratoire, pendant toute une marée, et en notant les instants précis où affleurent successivement le haut et le bas de chaque bande, on connaîtra la rapidité avec laquelle monte ou descend la mer pendant toutes les phases de la marée. L'obser- vation a été répétée, pour tout ou partie des marées, toutes les fois qu'il a été possible et que les circonstances atmosphériques, mer calme et vent faible, ont été favorables pendant les mois d'août et de septembre 1897, qui ont présenté des marées de toutes amplitudes. Les chiffres ont été corrigés de la pression barométrique, d'après la table de V Annuaire des marées et les résultats portés au tableau de la page suivante ont servi à construire la courbe de la planche XXIIL MARCHE GÉNÉRALE DE LA MARÉE d'après la moyenne des observations a roscoff et a saint-malo. Jusant. Flot. Les 4 premiers centièmes sont parcourus en... Les 4 suivants, soit les 8 premiers centièmes en — 12 — — 16 — — 20 — — 24 — — 28 — — 32 — — 36 — — 40 — — 48 — — 52 - — 56 — — 60 — — 64 - — 68 — — 72 — — 76 — — 80 — — 84 — — 88 — — 92 — — 96 — — 100 — 1 Centièmes de la durée totale du jusant. * Centièmes de la durée totale du flot. Roscoflf. 1 Saint-Malo. Roscoff. Saint-Malo . 14 1 11 16 2 14 1. 21 15,5 21,5 20 25 20 25 24 28,5 23,5 28 27,5 31, D 27 30,0 30,5 34,5 30 33,5 33,5 37,5 33 36 36 40 35,5 38,5 38.5 42 38,5 41 41 44 41 44 43,5 46,5 43,5 46 46 49 46 48,0 48,5 51 49 51 51 53,5 51,5 53,5 53,5 56 54 56 56 58 57 58,5 58,5 61 60 61 61 63,5 63 64 64 66 66,5 66,5 66,5 68,5 70 69 69,5 72 73,5 72 72,5 75,5 77,5 75 76 80 82 79,5 81 86 88 8o,o 86,5 100 100» 100 100 « 574 G. PRUVOT. La durée et la hauteur des marées variant chaque jour, les chiffres ne sont pas représentés en valeurs absolues, minutes et centimètres, mais traduits, pour être comparables, en centièmes des valeurs totales de la marée. On peut s'assurer ainsi que, pour les marées extrêmes de vive eau et de morte eau, comme pour les marées moyennes, la proportionnalité des hauteurs aux temps est cons- tante et que toutes les courbes se superposent, sauf les petites irrégularités accidentelles qui n'ont que peu d'amplitude et se corrigent mutuellement. J'ai tracé sur la même planche la courbe de la marée à Saint-Malo, en réduisant, à la même mesure, les chiffres d'observation publiés dans l'annuaire pour les différentes durées du flot et du jusant; là aussi la marche générale est la même pour les marées de toutes durées et de toutes amplitudes. La différence entre les deux courbes de RoscofF et de Saint-Malo, sensible surtout pour le jusant, qui se montre retardé à son début à Roscoff, doit provenir de ce que les observations y ont été faites dans un chenal où les eaux retenues ne suivent qu'avec un retard les eaux libres du large. L'usage de ces courbes, pour la mesure des hauteurs dans la zone intercotidale, s'explique de lui-même. Il suffit de noter à la grève, à l'aide d'une montre bien réglée, l'instant précis des observations et la distance verticale des points considérés au niveau de la mer. Le reste est affaire de cabinet: l'annuaire indique depuis combien de minutes la mer montait ou descendait au moment de l'observa- tion; traduit en centièmes de la durée totale du flot ou du jusant du jour et reporté sur la courbe, ce chitfre montre en regard, sur la ligne horizontale, la hauteur d'eau correspondante, en centièmes également. 11 suffit de traduire ce dernier chiffre en décimètres et d'y ajouter, d'après l'annuaire, la hauteur de la basse mer de ce jour, au-dessus de zéro, pour avoir la hauteur au-dessus du zéro au moment de l'observation et par conséquent la hauteur réelle du point cherché. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALIi. 575 Les mesures obtenues par ce procédé ont servi à dresser les profils et tableaux des planches IV et V. Les profils de la planche IV représentent des coupes menées à travers l'île de Batz, le chenal et la côte voisine, suivant les méri- diens, à une échelle vingt fois plus grande pour les hauteurs que pour les distances horizontales, selon les conventions habituelles; et sur le profil général du rivage on a tracé, en traits convention- nels différents, l'extension verticale des différents horizons énumérés ci-dessus, en tous les points intéressés par les coupes, et leur rapport avec les niveaux de haute mer et de basse mer. Toutes les hau Leurs sont à l'échelle de 2 millimètres par mètre. Dans le graphique annexé à la planche XXIV ont été indiquées les hauteurs maxima atteintes par ces mêmes horizons en tous les points les plus remarquables de la côte, et l'échelle plus considérable a permis de tracer, pour comparaison, le niveau moyen de la mer et les niveaux extrêmes, basse mer et pleine mer, des marées de vive et de morte eau. Ces hauteurs sont les suivantes, en mètres au-dessus du zéro : Hauteur maximum atteinte par les Localités. C8 RIVAGE CONTINENTAL. U Nord de l'île de Sieck «,0 M. An Néret 8,0 M, Pointe de Per'haridi 7,5 6,5 Roche Lédanet - 7,7 M. * Balise Notre-Dame 7,5 7,3 Ile Verte (Côté Sud, abrité) 7,5 7,5 — (Côté Nord, exposé) 7,5 4,9 Ile Pighet 9,0 M. Les Chaînes (herbier de Pempoull 7,5 7,3 Embouchure de la Penzé 7,4 7,2 Le Cerf 7,7 {i,(i Le Béclem (Côté Sud, abrité) 7,0 6,4 — (Côté Nord, exposé) 8,0 M. 3 4,3 5,0 3,1 6,7 6,3 4,9 2,3 5,2 5,2 5,0 4,4 3,8 o N M. iM. M. 3,0 2,8 1,2 0,8 2,6 3,3 1,3 0,3 0,7 X 1.7 1,7 M. 2,5 M. M. 1.6 1,5 M. M. 2,3 0,7 1,7 te o ts 1,5 0,7 M. M. M. M. 0,9 1,5 M. M. 1,2 M. 1,3 576 G. PRUVOT. Hauteur maximum atteinte par les Localités. S o = ï^ = «s a > 'H '£ a a 5 » b o s s j= û- N .S a ILE DE BATZ O K J Pointe occidentale 8,1 M. 2,0 M, 2,0 1,2(?) Ile des Prés 8,2 M. 2,9 1,4 2,3 1,3 Pointe de Porz Caréou 8,8 M. 3,9 1,5 2,0 1,3 Pointe orientale 6,4 6,4 5,4 M. M. M. Jetée du port de Batz 7,3 7,3 6,8 2,3 1,2 0,8 Ces tableaux permettent de constater, entre autres, les faits suivants : Les Chthamalus manquent dans les ports, baies et autres lieux abrités ; ils montent d'autant plus haut que la roche est plus exposée au choc des lames (île Pighet, côte N. de l'île de Batz), sans jamais atteindre tout à fait le niveau de la haute mer. Les Fucus ont une extension relative exactement inverse. Amis des côtes abritées, ils se développent surtout avec ampleur sur les deux côtés du chenal; très sensibles aux conditions extérieures, ils s'arrêtent souvent à des niveaux différents, sur les deux côtés d'un îlot, même de peu d'étendue, comme Tisaoson ou l'île Verte. Sur les côtes rocheuses, fortement battues, ils n'abandonnent pourtant pas la place, mais se réduisent à une étroite bande dont le bord supé- rieur s'abaisse (Ledanet, Pighet, côte N. de l'île de Batz), au point de ne plus découvrir à toutes les marées. En somme, c'est, malgré de grandes différences d'altitude, l'horizon le plus constant dans son existence; il ne manque en aucun point de la partie rocheuse de la côte. Les horizons des Himanlhalia et des Laminaires montrent, au contraire, d'assez fréquentes interruptions. Ils s'accompagnent volontiers, et presque partout où elle existe, la zone des Laminaires est bordée, à son niveau supérieur, d'une zone étroite, mais dense, à'Himanthalia. Les uns et les autres ne s'accommodent pas, comme les Fucus, de menus blocs dépiaçablcs; il leur faut la roche com- FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 577 pacte, de préférence exposée à la haute mer. Le niveau des Lami- naires est le plus régulier de tous; il arrive dans notre région partout aux environs de i mètre au-dessus du zéro, jusqu'à 1™,30 aux points où la mer est la plus forte. Les herbiers de Zostères se comportent, à ce point de vue, comme les Fucus. Incapables de s'établir sur les plages bouleversées, ils prospèrent et s'élèvent à la hauteur de 3 mètres, à l'abri de l'île Verte, au milieu des rochers qui bordent la côte même de RoscofT, alors qu'à 1 kilomètre à peine, contre l'île Pighet, l'autre bord du même herbier, qui s'étend à travers le chenal rétréci, s'élève à grand'peine à 0'°,80. Leur maximum, dans la région, est à l'embou- chure des rivières de Penzé et de Morlaix, où les dernières touffes remontent jusqu'à 3^,8. Les étendues occupées par les Gystosires sont marquées sur les profils, mais leur hauteur n'est pas portée sur les tableaux parce que, ainsi qu'il a déjcà été mentionné plus haut, elles ne se développent que sur les points d'où Teau ne peut s'écouler entièrement pendant le jusant, et leur hauteur absolue est sans intérêt, n'étant due qu'au hasard de la configuration du sol. On voit qu'elles contribuent à tapisser le fond dans toute la portion ouest, la plus étroite du chenal, et qu'elles s'y rencontrent, entre autres, dans toutes les étendues occupées déjà par les herbiers de Zostères. Il faut dire que les herbiers sont ici sur un fond essentiellement sableux, semé de graviers et de cailloux où se fixent les Gystosires. Elles manquent dans les herbiers vaseux de Pempoull et de la rivière de Morlaix. En ce qui concerne les limites inférieures de ces mêmes horizons : Les Cht/tamalus ne sont arrêtés inférieurement que par l'active végétation des algues, qui croissent au-dessous. Ils continuent à recouvrir la roche entre les maigres touffes des Pelvetia; ils ne cessent qu'au point où commence le revêtement dense des fucus, et ils peuvent ainsi descendre exceptionnellement à 1"",30 seulement au-dessus du zéro, aux points les plus battus, à Ménanet, à certains rochers du nord de l'île de Batz. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3° SÉlUE. -- T. V. 1897. ;^7 578 G. PRUVOT. La zone des Pelvetia, qui a rarement plus de 1 mètre d'épaisseur, ne pénètre pas non plus d'une façon appréciable entre les fucus sous-jacents. Les fucus eux-mêmes ne descendent jamais jusqu'au bas de l'eau ; ils s'arrêtent toujours au point où commencent, soit leszostères, soit les Himanthalia qui leur font suite, suivant la nature du sol. Ils font presque entièrement défaut sur les points les plus fortement battus, oîi l'on ne trouve plus guère que deux zones distinctes, une supé- rieure, à Chthamalus,ei une inférieure, à Laminaires ou à Floridées. La zone des Himanthalia n'a qu'une faible extension verticale ; s'arrê- tant souvent au bas de l'eau (nord de l'île Verte, par exemple), elle ne paraît jamais descendre plus de l'^jSO au-dessous. Les herbiers de zostères ont été rencontrés en certains points, dans le chenal de Pempoull, entre Pighet etTisaoson, à l'ouest du Béclern, jusqu'à H et 12 mètres, oh. leurs dernières touffes, de plus en plus maigres et espacées, se perdent dans le meerl. Cela paraît être la profondeur extrême à laquelle ils arrivent dans la région. Les Laminaires descendent bien plus profondément ; contre la roche Astan, les engins de dragage en ont ramené encore avec abondance de la profondeur de 32 mètres ; nous en avons aussi recueilli des dé- bris, avec quelques autres algues, d'une profondeur un peu plus grande, dans les plateaux rocheux, au nord-ouest de l'île deBatz. Le tableau de la planche XXVI, indique, mesurées par les mêmes procédés, les hauteurs maxima atteintes par les mêmes horizons, le long de la côte normanno-bretonne, en toutes les localités que j'ai parcourues à cet effet, et pour lesquelles j'ai pu connaître l'unité de hauteur, les heures et l'amplitude des marées. Les hauteurs sont mesurées par rapport au zéro des cartes. Or, ce zéro ne marque pas un niveau uniforme, le même partout. Fixé, lors des premières observations et des sondages pour l'établissement des cartes ma- rines, au point le plus bas que les eaux atteignent dans le reflux, il est naturellement variable d'une localité à l'autre, suivant l'impor- tance de la marée, indiquée par l'unité de hauteur pour chaque port. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. S79 Ajoutons que des observations plus multipliées ont montré, depuis, qu'il ne coïncide pas exactement partout, avec le niveau le plus bas des eaux. On peut dire cependant qu'il se confond sensiblement avec lui pour tous les points de notre côle, saul' pour la région de Brest, où il est 50 cenlimètres plus bas. Pour rendre les mesures compa- rables et les tracer graphiquement, il a fallu d'abord indiquer pour chaque point la position du zéro par rapport à un niveau horizontal constant, le niveau moyen de la mer, c'est-à-dire celui qui serait le niveau de la surface de la mer si l'action de la lune et du soleil venait à cesser. Puis, dans le but de vérifier quelles relations peuvent exister entre l'extension des horizons bionomiques et l'amplitude des marées, j'ai calculé et tracé sur le même tableau, de part et d'autre de la ligne horizontale représentant le niveau moyen, les niveaux de la pleine mer et de la basse mer, pour les marées extrêmes de vive eau et de morte eau. La plus forte marée possible a pour coefficient 1,18 ; elle a été réalisée le 30 mars 1896 à la marée du matin, c'est- à-dire que, ce jour-là, le niveau de la mer s'est élevé au-dessus, puis abaissé au-dessous du niveau moyen du produit de 1,18, le coeffi- cient, par l'unité de hauteur, 4™, 11 pour Roscoff, par exemple, ce qui donne 4™, 85 ; la mer est donc montée à 9"", 6 au-dessus et descendue à 1 décimètre au-dessous du zéro. Pour la marée la plus faible, « l'action de l'astre attirant étant en raison inverse du cube de la distance, il en résulte que l'action so- laire peut varier entre les extrêmes 19 et 21, et l'action lunaire entre les limites 43 et 59. En conséquence, théoriquement, le rapport extrême des fortes marées aux marées des mortes eaux peut être celui de 59 H- 21 à 43 — 21 ou de 80 à 22 » (Herschel *). La marée la plus forte étant de 1,18, cela donnerait pour la plus faible 0,32. Mais, dans la pratique, la marée du malin du 12 mars 1897 a eu pour coefficient seulement 0,26; c'est le chiffre le plus faible que j'aie * Herschel, Traité d'astronomie, p. 399. S8U G. PRUVOT. trouvé daus les annuaires depuis plusieurs années et c'est celui que j'ai choisi pour fixer les niveaux maxima de basse mer et minima de pleine mer. J'ai, de même, pris pour la marée la plus faible de syzygies ou de vive eau, le coefficient de 0,72, réalisé le l"juin 1897, au matin, et pour la marée la plus forte de morte eau, celui de 0,62, réalisé aux marées du matin et du soir le 19 juin 1896. Les hau- teurs d'eau leur correspondant au-dessus et au-dessous du niveau moyen sont données, pour tous les points que j'ai explorés sur la côte normanno-bretonne, dans le tableau suivant, et ont été reportés sur le graphique de la planche V en courbes pointillées : Hauteur des marées ayant pour coefficient 1,18 0,72 0,62 0,26 Unités les plus fortes les plus faibles les plus fortes les plus faibles Localités. de de de de de hauteur. vive eau vive eau morte eau morte eau ♦ ' au-dessus et au-dessous du niveau moyen. Concarneau 2,43 2,87 1,75 1,51 0,63 Audierne 2,00 2,36 1,44 1,24 0,52 Morgat 3,1 3,66 2,23 1,92 0,81 Le Gonquet 3,1 3,66 2,23 1,92 0,81 Ansede Bertheaumc... 3,1 3,66 2,23 1,92 0,81 Brest 3,21 3,79 2,31 1,99 0,83 Aberbenoîl 3,7 4,37 2,66 2,29 0,96 Roscoff 4,11 4,85 2,96 2,55 1,07 Ploumanac'h 4,28 5,05 3,08 2,65 1,11 Plougrescant 4,50 5.31 3,24 2,79 1,17 Bréhat o,01 5,91 3,60 3,11 1,30 Le Légué-Saint-Brienc. 5,3 6,25 3,82 3,29 1,38 Saint-Malo 5,67 6,69 4.08 3,51 1,47 Cancale 6,0 7,08 4,32 3,72 1,56 Mont-Suint-Michfl » » » » " Granville 6..0 7,08 4,32 3,72 1,56 Ile Chausey 5,9 6,96 4,25 3,66 1,53 lie Jersey 5,2 6,14 3,74 3,22 1,35 Cherbourg 2,82 3,33 2.03 1.75 0,73 La Hoiigue 3,04 3,59 2,19 1,88 0,79 Les hauteurs maxima des horizons bionomiques, mesurées en ces différentes localités, ainsi que la hauteur du niveau moyen de la mer nn-dessns du zéro des cartes marines, ont été les suivantes : FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. o81 Hauteur maxima au-dessus du zéro des caries Localités. des Chthamalus, Audierne 4,9 Morgal 6,8 Le Conquet 7,1 Anse de Bertheaume.. . 7,3 Brest 6,6 Aberbenoîl 5,6 RoscofT 9,0 Ploumanac'li 9,7 Plougrescant 9,9 Bréhat 9, s Le Légué-Saint-Brieuc. 10,7 Saint-Malo 12,6 Gancale H,5 Mont-Saint-Michel 7,2 Granville 12,0 Ile Chausey 11,2 Ile Jersey (Montorgueil- Caslle) 8,8 Cherbourg 6,0 des des des des du fucus. Zoslères. Himanthalia. Laminaires niv. moy 3,8 > » » i,9 4,6 1) 1,3 0,9 4,1 5,5 » 1,4 1,2 4,1 3,2 18 1,7 1,1 4,1 5,8 2,4 1,7 0,8 4,3 4,5 3,2 2,3 1,0 4,5 7,4 3,0 2,5 1,4 4,8 6,7 3,0 2,7 1,6 5,0 7,3 3,8 2,7 » 5,3 8,3 2,8 2,3 1,5 5,8 6,3 M. M. M. 6,2 10,2 2,7 2,0 1,7 6,7 11,0 » » » 7,1 6,6 M. M. M. » 10,8 4,5 2,3 1,2 7,2 11,1 6,2 2,4 1,6 7,1 5,6 2,9 2,4 » 6,0 4,9 1,3 » » 3,4 Il n'a pas été tenu compte des Pelvetia, qui ne se sont pas mon- trés susceptibles de caractériser un horizon distinct à faune spéciale. Ils occupent seulement, dans la plupart des cas, la partie inférieure de l'horizon des Chthamalus, sans en altérer la physionomie générale. Les chiffres ci-dessus et le tableau XXVI, qui en est la représen- tation graphique, montrent que le niveau supérieur des Laminaires suit, dans une certaine mesure, la marche des marées, toujours com- pris, comme dans les différents points relevés en détail dans la région de Roscoff, entre le zéro et le plus haut niveau des basses mers de syzygies. Mais tous les autres n'accusent aucune relation suivie avec les courbes des marées. Là, encore, le niveau des Fucus se fait remarquer par sa sensibilité aux influences locales et l'irrégularité de son extensioa verticale, parfois n'arrivant même pas jusqu'au niveau de mi-marée et remontant, ailleurs, presque jusqu'à la ligne des pleines mers de vive eau. Ils établissent surtout, avec évidence, l'artiûciel des divisions 582 G. PRUVOT. admises par M. Vaillant, tous les horizons empiétant sur plusieurs de ses zones et chaque zone renfermant une partie de plusieurs horizons. Pour n'en citer qu'un exemple, la sous-zone III de la zone littorale, comprise entre les basses mers maxima de morte et de vive eau, qui n'est occupée que par les Fucus, à la pointe du Finis- tère, à Morgat, dans la rade de Brest, etc., renferme, un peu plus à l'est, avec la partie inférieure des Fucus, une grande partie des horizons des zostères et des Himanthalia, qui l'abandonnent de nou- veau du côté de Saint-Malo ; c'est-à-dire que sur toute la côte sep- tentrionale du Finistère et des Côtes-du-Nord, elle renferme, à elle seule, des horizons et des faunes plus variés (quatre sur les six qu'on peut reconnaître pour la région littorale), que toutes celles qui sont en dehors d'elle. Niveaux bionomiques et stations principales. — Voici, sommaire- ment caractérisées et groupées, d'après leur constitution physique, leur superposition et les affinités de leurs associations animales, les principales stations faunistiques qu'il y a lieu de distinguer dans la région de Roscoff. I. RÉGION LITTORALE. La région littorale commence au point le plus élevé que fréquen- tent les animaux marins, un peu, plus ou moins suivant les locali- tés, au-dessous du niveau de la haute mer. Caractérisée par la variété de ses faciès et l'abondance des végétaux, elle descend bien au-dessous de la basse mer, jusqu'au point (une quarantaine de mètres dans la région) où l'action des vagues superficielles cesse de se faire sentir, où le fond s'uniformise, cessant de montrer les dé- coupures et les ravinements qui l'accidentaient jusque-là, et où s'arrête la riche végétation d'algues qui tient dans une certaine me- sure la faune sous sa dépendance. A. Faciès rocheux, l" Zone subterrestre. — Partout où le niveau supérieur des eaux rencontre la roche vive, cette zone ofl're le même FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. S83 aspect. La roche est tapissée de Chthamalus slellaliis Poli, auxquels se joignent, un peu plus bas, Balanus perforatus Brug. et B. amphi- fnfeDarw. Entre elles court la Lygia oceanica L. et parfois (Tisaoson) le Grapsus varius Lalr. De petites variétés des Litlorina rudis Donov. et, surtout, L. neritoides L., remontent jusqu'au point le plus élevé des Balanes. Dans les fentes des rochers, dans les interstices qui gardent plus longtemps quelque humidité, on trouve en abondance: Palella vulgata L., P. tarentina Lam., Litlorina litlorea L., Purpura lapiUus Lam., Gibbula cineraria L., etc., aussi Actinia equina L. C'est la même faune dans toute la hauteur de cette zone, même dans la partie inférieure oti poussent souvent des ulves, des touffes de Lichina pygmœa et de Pelvetia canaliculat a qui annoncent le règne des Fucus ; alors sur leurs feuilles et dans les intervalles courent de nombreux petits Acariens. Les fentes des rochers et des murs abritent encore, mêlés à la po- pulation marine, quelques animaux terrestres, des Isopodes, Oniscus asellus L., Porcellio granulatus M. Edw., et des Insectes, Machilis ma- ritima^ Œpus Robinii. 2° Zone littorale proprement dite. — Horizon supérieur à Fucus. — Au milieu de leurs touffes abondent surtout les Gastéropodes : Gibbula maga L., G. cineraria L., G. Pennanti Phil., G. obUquata Gm., Mono- donta limbata Costa, Ziziphinus striatus L., Z. aequistriatus Mont. ; Litlorina liitoralis Johnst., L. patula Jeffr., L. rudis Donov., L. lit- lorea, L. neritoides L., L. ustulata Lam. ; Bitlium reticulatum Costa, Ocinebra erinaceus L., 0. aciculata Lam. ; Columbella rustica L., Pi- sania maculosa Lam. Quelques Bryozoaires^ surtout Membranipora /ji7osa Busk, et TFa/A;eria m/î;« Johnst ; quelques Hydraires, Campa- nularia flexuosa, Sertularia pumila et operculata, Gonothyrea Lovent, sont fixés sur les feuilles. En la plupart des points (les deux bords du chenal de l'île de Batz, pointe du Guersit, côte est de Roscoff, le Béclem, etc.), les fucus se développent de préférence, non sur la roche compacte et abrupte, mais sur les menus blocs déplaçables à la main et reposant sur un 584 G. PRUVOT. lit de gravier. C'est à leur face inférieure et dans les interstices abri- tés de la lumière que se rencontre la faune la plus abondante et la plus variée, vraiment caractéristique de cet horizon : Halichondria panicea Johnst., Esperella sordida Bow., Reniera densa Bow., Aphy- silla sulfurea Schm. et A. rosea Schm., Leuconia nivea Bow. et L. fistulosa Bow. — Actinia equina L., Tealia felina L. ; Myriothele phrygia L. — Cellepora pumicosa Johnst., et C. vitrina Busk, Ama- thia lendigej'a Johnst,, des Lepralia, des Crisia diverses. — Asterina gibbosa Forh. , Amphiwa squamata Gm., Ophioi firix fi^agîh's khh'ûd. — Lineus gesserensis^ 0. F. MuU. Lineus marinus L. — Des Polynoes nombreuses parmi lesquelles domine la Lagisca extenuata Gr., Phyl- lodoce laminosa Sar., Eulalia viridis Sar., Myrianida maculata Clap., Polymnia nebulosa Mont.et/'. nesic?ens?s Mar., Dasychone bombyxTia]., Filograna implexa Berk. — Gammarus locusta Fabr., et G. affinis, Nebalia bi'pes Fabr., Porcellana platycheles Lam. et P. longicornis M. Edw., Galathea squami fera LeRch., Palœmon serm^MS Fabr., Hip~ polyte varians Leach., Çarcinus mœnas Leach., Platycarcinus pagu- rus M. Edw., Corystes dentatus Latr., Xantho florida'^. Edw., Portu- niis puber Leach. — Doris tuberculata Cuv., D. testudinaria Risso, D. Johnstoni Aid. et Hanc, Pleurobranchus plumula ; Anomia ephip- pium L., Pecten varius L. — Ascidia mentula 0. F. MulL, Asc. sangui nolenta Sav., Ciona intestinalis L., Molgula socialis Aid., Clavelina lepadiformis MulL, Morchellium argus M. Edw., Bolryllus violaceus M. Edw., B. aurolineatus G., B. smaragdus M. Edw., B. Schlusseri Sav., Botrylloides rubrum M. Edw., Amaroucium punctum G. Beaucoup de stations superposent sur ce fond commun, dont je n'ai indiqué qu'à peine les formes les plus abondantes et les plus caractéristiques, des variations locales. Je citerai seulement comme les plus remarquables : Les rochers de Rec'hier Doun, abrupts et très balliis, particulière- ment riches en formes fixées, Eponges, Bryozoaires, Tuniciers, et où abonde, par places, le Pollicipes cornucopia, qui ne se trouve nulle part ailleurs dans la région. FONDS ET FAUNE DE LA iMANCHE OCCIDENTALE. 585 Les roches Diion, dioriliques et schisteuses, très exposées égale- ment, montrentcomnie trait dominant pour cet horizon, l'abondance des Strongylocentrotus lividus Ag,, des Mylilus edulis L. et des grandes Balanes, Batanus tintinnaôulumDârw., ainsi que la présence A'Otina otis Turt., et de VOnchidium celticum Cuv., dont c'est la seule station dans la région de Roscoff. Enfin, sur la pointe de Pen ar Vil et de Bloscon, des schistes redressés se laissent déliter en plaquettes plus ou moins décompo- sées, et dans leurs interstices, abrités par les Fucus retombant, on trouve quelques formes spéciales : Eunemertes Neesi OErst., Marphysa sanguinea Mont., Audouinia tentaculata Mont., Cirrhatulus Lamarcki Aud., Edw., Colochirus LacazeiUér., Semperia Drummondi. Dans la partie supérieure et moyenne de leur habitat, les Fucus forment des touffes denses et serrées, montrant peu de souches mortes ou envahies par des végétations parasites ; entre leurs points d'attache la roche est nette, lavée et balayée par le courant de l'eau et les mouvements des feuilles. Aussi ne montrent-ils que peu d'animaux fixés. C'est là, à proprement parler, l'horizon des Fucus, et d'ordinaire ils s'arrêtent assez brusquement, comme ils ont commencé, laissant, au-dessous, la place aux herbiers de Zostères ou aux Himanthalf'a, suivant le cas. Mais, en certains endroits (la succession est particulièrement nette sur la pointe de Per'haridi), là où la roche descend abrupte jusqu'à une profondeur plus grande et forme inférieurement des grottes ou des abris sous roche, qu'il faut attribuer d'après leur faune au niveau suivant, les Fucus, dans leurs intervalles, descendent sensiblement plus bas que d'ordinaire. Mais ils sont alors plus grêles, moins denses, présentent beaucoup de souches mortes; ils ont la base de leurs tiges couverte, de même que la roche entre elles, de Spirorbes [Spij'ûi'bis borealis et Sp. laevis Quatr.), de Bryozoaires, d'ilydraires (Campanulaires et Sertulaires), d'Epongés et surtout de Corallines, parmi lesquelles dominent les Corallina offianalis L. et C. rubens L. Entre elles, par leurs filaments serrés, sont maintenus des grains de 886 G. PRUVOT. sable, des débris de coquilles, qui forment une couche de 1 ou 2 cen- timètres, parfois, à la surface des pierres, entre les tiges des Fucus, mais qui ne paraît guère recherchée comme habitat que par de petits Nématodes libres et quelques Foraminifères. En raison, surtout, de son absence de faune particulière, comme de son peu d'extension, cette zone des Corallines ne mérite pas, dans notre région de la Manche du moins, de former un horizon distinct; c'est une transition ayant le plus souvent un caraclère tout local entre l'horizon supérieur à Fucus et l'horizon moyen. Horizon moyen. — Cet horizon présente deux faciès distincts, mais qu'on ne peut séparer au point de vue de la superposition, l'un le niveau des Himanthalia, continuant la série descendante normale des niveaux rocheux exposés à la lumière, et l'autre représenté par des grottes ou cavités profondes à l'abri des roches surplombantes. Le premier est très constant dans ses caractères, partout où il existe; bien que n'ayant pas une grande extension verticale, il montre quelques associations animales très caractéristiques. Les frondes des Himanthalia sont habituellement couvertes de Plumu- laria echinulata Lam., sur lesquelles vivent Eolis cingulata Aid. et Hanc, Proto ventricosa Sp. B., Protella phasma Sp. B., Caprella acanthifrons Latr., Capr. tubercul at a Guér., etc. Sous les pierres, dont la faune est particulièrement riche au banc de Bistarz, derrière l'île Verte, on rencontre, entre autres : Microcwna atrosangînnea'Bo\Y., Tealia feh'naL., des Cellépores très abondantes, Cyprsea europsea Mont., et C.pulexGrRj, Acanthochites jascicularis L., et Acanth. discrepans Br., Lineus longissimus Sow., Halosydna foliosa Sav., Spirorbis lye.vis Quatr., Sabellaria spinulosa Lam. Partout où la côte est formée par une falaise rocheuse, massive, des blocs, souvent volumineux, s'entassent à son pied, laissant entre eux des espaces plus ou moins vastes, plus ou moins sombres, mais assez toujours pour que les algues ne s'y développent pas. Quelles que soient leurs dimensions, ces excavations naturelles sont occupées par une faune d'un type constant, caractérisée par l'abon- FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 587 dance des formes fixées, Éponges et Synascidies surtout; elles ménagent un milieu constamment humide et au milieu d'elles s'abritent une quantité de petits animaux très délicats, d'où résulte une assez grande analogie avec les fonds à Cystosires qui, pour cette raison en particulier, doivent être placés au même niveau. Les stations les plus caractéristiques de cette zone, et où la faune est la plus riche, sont les cavités profondes creusées sous la pointe de Per'haridi et à Rec'hier Doun. Là, les parois disparaissent sous une couche épaisse d'animaux, formée essentiellement d'Épongés et de Tuniciers : Grantia compressa Flem., Gr. ciliata, Ute glabra, Sycon divers, Pachymatisma Johnstonia (particulièrement abondante et de grande taille à Rec'hier Doun); Ascidia producta Hanc, Asci- diellascabraO.-F. Mull., Anurella Bleizi Lac.-D., Molgula echinosi- phonica Lac. D,, Cyntfiia morus Porb., C. granulata Lac. et Del., Betei^ocarpa g lome7mta A\à., ei surioui \?L Styelopsis gi^ossulariaM .Ben., qui souvent tapisse à elle seule, entièrement, de grandes étendues. Entre elles des Hydraires, des Bryozoaires abondants, surtout des Bugules, Bugula avicularia L., B. flabellata Thomps., quelques Sagartia complètent la tapisserie et tout cela donne asile à toute une population de Mollusques, de Vers et de Crustacés : Lima hians Gm., Modiola barbata L., Janus cristatus D. Ch., Eobdiens divers : Tetrastemma rusticum Joub., qui pullule dans les Styelopsis, beau- coup de petites espèces de Phyllodociens, la plupart des Syllidiens de la région, notamment Syllis hyalina Gr., -S. variegata Gr., et proliféra, Trypanosyllis zébra Gr., Haplosyllis hamata Clap. (dans les Éponges), Procerea Edwardsi S. Jos., Pr. rubropunctata Gr., etc. Pilumnus hirtellus Leach, Pisa tetraodon Leach, ne se rencontrent guère en dehors de ces grottes. Les Paratanais Savignyi Kr., Tanais vittatus Lillj., Sphœroma curtum Leach, Leptochelia Edwardsi Kroy., Apseudes Latreilli Sp. B., font particulièrement élection de domicile dans les Grantia. Quelques grottes plus étendues, plus profondes et plus riches encore, sont creusées dans les lits de schistes de Diion. Elles sont 588 G. PRUVOT. situées plus bas, l'eau n'abandonne jamais leur fond et elles montrent des associations particulières. Toute la roche est tapissée de très grandes Moules, sur lesquelles se fixe le revêtement habituel de Cynthiadées et d'Épongés calcaires; mais entre elles abondent les Corynaclis viridis Allm., les Sagartia nivea Gosse., et 5. sphyrodeta Gosse. Sur le fond qui n'assèche pas, rampent les Asterias glacialis O.-F. MuIL, au milieu des nombreuses Teah'a felina L., d'Alcyonium lohatum M. Edw., avec ses deux variétés blanche et orange, et des colonies épaisses du grand Bryozoaire charnu, Alcyonidium gelatino- sum Lam. C'est à l'horizon moyen de la zone littorale qu'il faut encore rapporter le niveau des Cystosires. Les différentes espèces de Cysto- sires affectionnent les fonds graveleux, rocailleux, qui viennent à la suite des roches à Fucus; elles prospèrent souvent dans les herbiers, au milieu d'eux, dans les flaques où le fond plus grossier s'oppose au développement des Zostères. Mais surtout les Cystosires ne viennent jamais à sec; on ne les trouve, même au plus haut, que là où quelques centimètres d'eau, au moins, restent en permanence à marée basse dans les cuvettes ou dans les ruisseaux d'écoulement. Joignons à' cela que les Cystosires, grâce à la petitesse de leurs feuilles et de leurs fructifications comme à la disposition toufl'ue de leurs rameaux, forment des sortes de fourrés précieux pour l'abri d'une foule de petites espèces, on comprendra comment elles ont une population particulièrement riche et toute spéciale de très petites formes, Foraminifères, Annélides, Planaires, Copépodes, Nudibranches, etc., et comment elles méritent de former un niveau distinct, bien qu'elles se rencontrent à des hauteurs absolues très variables, depuis la région des Fucus, qui découvre à chaque marée, jusqu'à une profondeur d'une dizaine de mètres au-dessous du zéro. Elles abritent surtout en abondance : Polystomella, Antedon rosacea Norm., libre et à l'état de Pentacrine, Amphiura squamata Sars, Poly- cœlis Isevigalus Quatr., Leptoplana tremellaris Quatr., Froceros argus Qualr., Prosthecerœus vittalus, Eurylepta cornuta Mul.l., six espèces de FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDKNTALE. 589 Tetrastemma, Amphiporus vittatus, Amph. lactifloreus, Staurocephalus rubrovittatus Gr., Nereis Dumerilii Aud. et Edv/.,Pobjophthalmus pic- tus, une vingtaine d'espèces de Syllidiens, beaucoup de petits Phyl- lodociens, Amphigtene mediterranea, Oria Armandi Clap., Polycirrus caliendrum Clap., Pol. auvantiacus Gr.; presque tous les Pycnogo- nides qui se rencontrent dans la région : Nymphon ga/licum Hoek, Ammothea echinata Hod., Pallene brevirostris Johnst., Phoxichilus spinosus Mont. Comme Nudibranches : Elysia viridis Mont., Actœonia coi'rugata Aid. et Hanc, Polycera quadrilineata MuU. et Pol. ocellala A\d. elEànc, les EolispunciataAld.eili3inc.,E.Drummondi Thomas., E.lineata Lov., E. aurantiaca Aid. et Hanc, Runcina Hancocki, Hermœa bifida Mont., Proctonotus mucroni férus Aid. et Hanc. Parmi les Crustacés: Caprella acanthifera Leach., Prolo Goodsirn Sp. B., Cyrtophimn DarwiniiSp.B., Tanais Dulongii M. Edw., Mœra erythro- phthalma, Leucothoe spïnicarpa, Paranthura penicillala Risso., Nœsa bidentata Leàch., Dynamene Montagm LeRch. Toute cette population vit dans les frondes qui tombent chaque hiver; mais les grosses souches qui ne sont pas caduques en portent une autre, de formes fixées. Ascidies, Bryozoaires, Eponges, qui ne le cède guère en richesse à la première. Je citerai seulement, comme les plus caractéristiques : Idmonea serpens Johnst., Tubulipora flabel- laris Johnst., Crisia denticulata, C. ehurnea, C. co7-nuta iohnsi., Œtea anguinea'Busk.,Schizopo)'eUa/iyalinaBusk.,Amathialendigeraiohn&[., Polycarpa ruslica L., Pol. tenera Lac. et Del., Polyclinwn sabulosum Giard, Diplosoma cristallimm Ren., Dipl. Listeri M. Edw., Leptocli- nurn maculosiwi M. Kdw., L. perforatum et L. nsperum M. Edw., Didemnum sargassicola, D. cereum et D. niveum Giard, Perophora Listeri Wieg. Horizon inférieur. — Il est représenté uniquement par le niveau des grandes Laminaires, toujours uniforme d'aspect et de faune là où il existe, capable de remonter, en certains points, jusqu'à \ mètre et l-^.SU au-dessus des basses eaux et descendant, d'autre part, partout où la roche se continue assez profondément, jusqu'à la S90 G. PKUVOT. limite inférieure de la zone littorale, vers une quarantaine de mètres. Sur leurs larges feuilles se développent en abondance quelques Hydraires et Bryozoaires particuliers : Obelia geniculata, Scrupocella- ria scruposa Busk, Canda reptans Busk, Eucratea chelata Johnst., Bicellaria ciliata Busk, Mucronella coccinea Busk, Membranipora mem- branacea et M. lineata Busk. Sur les tiges et les racines se fixent de préférence : Helcion pellu- cidum L., Clavelina nana Lab., Leptoclinum Lacazii G., mimé par le Boris coccinea Fabr., qui vit sur lui, Styela glomerata et St. variabilis Hanc, Polycarpa rustica L. Les Laminaires ne s'établissant jamais que sur le roc ferme, et non sur les pierres susceptibles d'être retournées, la récolte qu'on peut espérer à la grève est peu abondante à leur niveau. Toutefois, les roches sur lesquelles elles poussent sont le seul point oii l'on trouve, dans notre région, quelques Madréporaires, Balanophyllia regia^ Caryophyllia Smithii Stok., aussi la Gorgonia verrucosa Pall.; VAlcyonium lobatum n'y est pas rare. C'est aussi dans les anfractuo- sités des roches de ce niveau seulement que se rencontrent et se pèchent les grands Crustacés comestibles, les Homards, les Lan- goustes, les grands Tourteaux, Platycarcinus pagurus M. Edw., parfois les Scyllares, Arctus ursus Dan., et aussi la grande Galalhea strigosa Fabr. B. Faciès sableux. 1° Zone subterreslre. — Cette zone, au sommet des plages, est bien moins nettement limitée que la zone corres- pondante sur la côte rocheuse. Même ses limites varient, en un même point, périodiquement avec la marée. Fréquentée à peu près exclusivement, comme animaux marins, par VOrchestia mediterranea et surtout le Talitrus locusta L., elle occupe seulement l'ourlet de sable maintenu humide par la capillarité au-dessus du niveau de la dernière pleine mer et peut ainsi descendre pendant les mortes eaux à se confondre avec le niveau suivant, tandis qu'à la suite des grandes marées d'équinoxe elle se maintient quelquefois plusieurs FONDS ET FAUNE DE LA MANCHK OCCIDENTALE. 591 jours au-dessus du niveau assigné à la haute mer, par les cartes et les annuaires. Les Talitres, qui la caractérisent essentiellement, n'aiment pas à être immergés ; et sur la Grande Grève, par exemple, c'est un spectacle curieux de les voir, à la grande marée de sep- tembre, à mesure que l'eau envahit des portions de plage abandonnées depuis longtemps et désertes en apparence, sortir en grand nombre entre les cailloux et les graviers, puis s'enfuir à la vague suivante qui les baigne, franchir le cordon de gazon, puis la haie qui sépare la plage des cultures voisines et bondir affolés, en troupes pressées, au milieu des choux et des oignons. 2° Zone littorale. Horizon supérieur. — Là où la plage de sable s'étend, sans interruption, en talus peu incliné, dans toute la bande littorale intercotidale, elle a le même aspect apparent dans toute son étendue. Mais, au point de vue faunistique, elle se divise en deux régions, supérieure et inférieure, dont la ligne de démarcation correspond sensiblement à la limite inférieure des Fucus ou à la limite supérieure des herbiers de Zostères qui l'avoisinent. Plage supérieure. — La plage supérieure, presque azoïque dans les grandes étendues de grève à sable fin, meuble et susceptible de former les dunes, comme sur les grèves étendues de Goulven et de Santec, montre, au contraire, une faune spécialement riche dans les baies peu étendues, où le sable est à l'abri des bouleversements, comme dans la baie de PempouU ou celle de l'Aber, à l'ouest de RoscolT, qu'on peut prendre comme type. La faune est caractérisée par quelques Acéphales peu nombreux en espèces, mais extrêmement abondants en individus, Cardium edule L., Lucina boreaUs L. et L. leucoma Turt., et par des Vers très nombreux et variés : Convoluta roscovila Graaf, qui forme, par son abondance à la surface du sable, de larges plaques noirâtres, disparaissant dès que le soleil se cache, Lineus lacteus Mont., presque tous les Cephalothrix de la région, Nep/Uhys JJombergl Aud. et Edw., diverses Nereis, au premier rang desquelles Nereis cultrifera Gr., de petits Lombrinériens, Glycera convoluta Kef., Nerine foliosa Aud., et S92 G. PKUVOT. Edw., Leiockone leiopygos Gr., Petaloproctus terricola Quatr., Noto- mastus rubicundus Kef. La Synapta inhœrens O.-F. Mull. y représente lesEchinodermes; les Bunodes verrucosus Penn. et HeliacHs bellis EU. et Sol., des Sagartia sont fixés sur toutes les vieilles coquilles ou les petites pierres ensablées. VFdivardsia Beautempsi Quatr. se trouve surtout dans le sable plus grossier du Pouldu. En raison de la presque horizontalité de la plage, persistent, çà et là, des flaques d'eau oii, malgré la température élevée (j'ai trouvé 38 degrés, par certaines chaudes journées d'août), s'amassent et pul- lulent de petits Crustacés : Mysis chamxlœon Thomps., Crangon vul- garis Lam., Nika edulis Risso., Batkyporeia pilosa Linds., Ampelisca brevicornis B. et West., que chasse avec activité le Gobius minidus. A mesure qu'on descend, la variété des Lamellibranches augmente: Nucula, Dosinia, Venus, Tapes, Tellina, Mactra, apparaissent prépa- rant la transition à la riche faune du niveau suivant. Horizon moyen. Plage inférieure. — Je fais commencer celle-ci au même niveau que les herbiers de Zostères, qu'elle côtoie et dans lesquels elle pousse souvent des prolongements; comme eux, elle peut descendre au-dessous des basses mers et se perdre soit dans le meerl, soit dans le gravier à Bryozoaires, qui représente l'horizon inférieur. Sa dominante est la présence du Dentale, Dentalium vul- gare Costa ou entale Desh., et la variété extrême des Lamelli- branches, nombreux à la fois en espèces et en individus. Citons comme les plus répandus partout : Dosinia exoletah., D. lincta Pull., Tapes decussatus L., T. aureus Gm., 7\ pullastra F. et Hanl., 7'. vir- ylneusL., Venus verrucosaL-dm., V. gallina L., Cylherea ChioneL., Lucinopsis undata, Thracia phaseolina et 7'. prœtermissa Pult., Psam- mobia vesperlina Chemn. et farroensis Chcmn., Mactra stultorum L., M. sublruncata Mont., M. helvacea Chemn., Corbula gibba 01., Tellina donacina L., Tellina planata h., T. incarnata, L., T. striatula Lam., Solen vagina, S. siliqua et S. ensis L., Ceratisolen legumen L., Pandora insequivalvish., Lulraria elliptica Lam , Donax analinus F. et Hanl. FONDS ET FAUNE DE LA iMANGHE OCCIDENTALE. 593 A ce fond commun, chaque plage ajoute sa physionomie propre. Je mentionnerai seulement, comme les mieux caractérisées, les suivantes : La plage d'An-Néret est une langue de sable fin, unissant la pointe du Guersit aux roches d'An-Neret; à peine bombée, elle découvre simultanément tout entière et des deux côtés, à l'",30 au-dessus de zéro. Elle est remarquable par l'abondance des Solen, des Cytherea chione et surtout par l'abondance et la taille exceptionnelle des Philine apertaF. et Han., qui viennent y déposer leur ponte jusqu'au milieu de septembre. Le Grand Banc sous Per'haridi et le banc de l'île de Batz, formés de sable un peu gros et meuble, sont les seules stations, à ma con- naissance, de deux espèces rares d'Ophéliens, Ophelia bicornis Sav. et Ammolry pane œslroides Rath. Le premier renferme, de plus, en abondance, YAnurella roscovita Lac.-D. La plage de PempouU est un large espace de sable, un peu grave- leux, très légèrement vaseux, par où s'écoulent les eaux de la plage supérieure et du port de Pempoull, et qui descend entre deux étendues d'herbier vaseux, jusqu'au chenal de la Penzé. Riche en Lamellibranches variés, montrant en abondance dans les flaques des Mysis, des Siriella^ la Sepiola Rondeletn, c'est avant tout la station d'élection de quelques grandes et belles Annélides Polychètes : Lumbriconereis tinyens Kef., Lanice conchylega Pall., surtout Clymene lumbricoides Quatr., Amphitrite Edwardsi Ouatr., Sabella pavom'na Sav., Myxicola infundibulum Ren., et parfois, mais plus rare, la Pectinaria auricoma Mull. La plage du Pont-du-Cerf, qui forme un pont entre le massif rocheux du Cerf et la pointe de Gallot, ne vient à sec qu'aux fortes marées (O^jS au-dessus du zéro à son point le plus élevé). Elle est formée, non de sable, mais de gravier à grains gros de plusieurs millimètres et recouverte, par endroit, d'une épaisse couche de coquilles mortes, Dosinia, Venus et Tapes. A ces coquilles adhèrent, en grand nombre: Calyplrxa chinensis Sal., Tectura virginea O.-F. ARCn. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 3» SÉRIE. — T. V. 1897. 38 594 G. PRUVOT. Mull. et les Chiton marginatus Penn., C. lœvis L., C. cajetanus Poli et C. cancellalus Sow. Dans le gravier même, outre les Lamelli- branches et les Dentales qui y sont plus nombreux que partout ailleurs, vivent Thia polita Leach, Corystes dentalus Lam., de nom- breuses Annélides, parmi lesquelles une variété courte et épaisse de la Clymene lumbricoides. Le Balanoglossus sarniensis Kœhl. n'y est pas très rare. La CalUanassa subterranea Leach et la Gebia deltura Leach creusent leurs galeries sur les bords, oti le sable est plus fin et plus tassé. Herbiers de zostères. — Les herbiers ou prairies de zostères sont, à bien prendre, un faciès de la plage précédente. Dans ses parties abritées, et dans celles-ci seulement, entre les pointements rocheux qui percent et dominent le manteau de sable, le sable fin non bou- leversé par les courants ou les vagues permet l'établissement des zostères. Aussi les herbiers à fond sableux sont-ils rarement de grande étendue. Ils sont développés surtout des deux côtés du che- nal de l'île de Batz, en particulier entre l'île Verte et la pointe même de Roscoff. C'est celui dont la faune est la plus variée. Voici les formes les plus caractéristiques : Ascandra pinus Hseck., Grantia ciliata, Sycon capillosus, Campanu- laria angulata , Lucernaria campanulata, Haliclystus octoradiatus. Phascolosonia vulgare Dies., Ph. elongatum Kef., Sthenelais Jdunœ Rath., Polynoe lœvis Aud. et Edw., P. cirrhosa Pal., Ophiodromus flexuosus D. Ch., C hetopteims variopedatus Ren. Loxosoma phascolosomatum Vogt, Hypophorella expansa Ehl., deux Bryozoaires parasites, le premier sur les Phascolosomes, le second dans le tube des Chétoptères. Idothea Iricmpidata Desm., /. parallela Sp. B., Melitea palmala Leach. Aphysia hy brida Sow. et A. depilans Cuv., Pleurobranchus plumula Flem., Lamellaria perspicua L., Gibbula cineraria L., G. tumida Mont., G. maua L., G. obliquata Gm., Zizyphinus Linnœi Mont., Z. conu- lus L.; Nassa reliculala L., iV. incrassata FI., N. ambigua Mont., FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. im N. corniculum L., Cyclonnssa neritea L., Nucula nucleus L., Pecten maximus L., Fragarium elegans M. Edw., Morchellium argus M. Edw., Circinalium concrescens G., Parascidium elegans G., Amaroucium den- sum G., Aplidium zostericola G., Leptocimum perspicuum G., L. per- foratumG., L. gelatinosum Sar., L. macutosum M. Edw. Horizon inférieur. Graviers à Bryozoaires. — Au delà du dédale d'îlots et d'écueils qui bordent immédiatement la côte, les plages de sable comme les herbiers de zostères se continuent à une profon- deur plus ou moins grande, mais toujours au-dessous des basses eaux, avec des fonds grossiers, graveleux, où abondent en général les débris des coquilles et les Bryozoaires calcaires. La roche à Lami- naires est elle-même bordée d'une bande semblable. Ce sont les sables à Bryozoaires qui, avec les sables à maerl et la roche à Lami- naires elle-même, forment les trois faciès de l'horizon le plus pro- fond de la région littorale. Un beau et très typique développement de cette formation se rencontre et a été particulièrement étudié contre la Basse Astan, à l'est de l'île de Batz, par une profondeur comprise entre 25 et 35 mètres. La drague ramène surtout des valves de Lamellibranches et des débris de Bryozoaires dont la grande masse est formée diEschara foliacea Busk, acccompagnée di'Eschara cervicornis B., de Salicornaria fisiulosa et Retepoi^a cellulosa Bu?'k. Sur les uns et les autres sont fixés d'autres Bryozoaires nombreux. Sur les débris de coquilles : Bugula plumosa B., Alecto granidata et A. major Johnst., Diaslopora obelia^ Flustra chartacea, Vesicularia spinosa Johnst. Sur les Eschara de préférence : Diastopora patina, Lichenopora hispida Johnst., Caberea Hookeri et Boryi Busk, Mem- bj'anipo7'a Elemingit\Cylindraecium fuscumSmit., Lagenellanutans Jol.y Beania mirabilis Johnst. Parmi les coquilles, on doit relever comme les plus communes ; Lima squamosa Lam. et L. subauriculata Mont., Pecten varius L., P. pusio L.,P. opercularis L., P. tigrinus MulL, Pectunculus glycyme- ris L., et P. biniaculatus Poli, Astarte triangularis Mont., Cardium norvegicum Spengl. et C. nodosum Turt., Cï)'ce minima Mont., Venus 596 G. PRUVOT. ovataPenn., V. fasciata Don. et V. casi'naL., Saxicava rugosa L., Lyonsia nnrvegica Ghemn., Venerupis irusL., Tellina crassaPenn., Psammobia tellinella Lam., Lepton squamosum Turt.— Comme Gasté- ropodes: Fissurella grxca L., Emarginula cancellata Phil. et^. conica Schim., Zizyphinus granulatus Born., Calytrœa chinensis Sal., Capu- lus hungaricus L., Rissoa diverses, Cerithiopsis aciculata Brug., Turri- tella communis Risso. Toutes ces coquilles y ont aussi été rencon- trées à l'état vivant. Dans ce milieu tout spécial vit une faune très variée dont je cite seulement ici les types les plus saillants : EcHiNODERMES. — Echinus sphœra Mull., Sphœrechinus granularis Ag., Cribella oculata Forb., Echinaster sepositus Mull. et Tros., So- lasier papposus Forb., Palmipes membranaceus Retz., Ophioglypha albida F orh., Ophiopsila aranea F orh., Cucumaria lactea el C. brun- nea Forb. Annélides. — Hermione hystrix Sar., Hermadion assimile Me Int., Eulalia viridis et E. macroceros, Eteone picta Quatr., Nicolea venus- tula Mar., Thelepus cincinnatus Fabr,, Leprxa lapidaria L. Crustacés. — Jnachus dorynchus et /. dorsettensis Leach, Steno- rhynchus phalangium, Portunus pusillus, Eurynome aspera, Ebalia Pennanti, E. Cranchii et E. Bryeri, Pagurus Hyndmanni^ Eupagurus Prideauxii. NuDiBRANCHES. — Tritoïiia Hombergi Guv., Tritonia lineata Aid. et Hanc. TuNiciERS. — Anurella oculata Hanc, A. înaa^osiphonica Kuppf., Eugyra arenosa Hanc, Polycarpa varians Hell., Ascidiella aspersa O.F. Mull. G. Faciès d'estuaires. — Dans la région littorale de Roscoff, des terrains quelque peu vaseux ne se montrent qu'en des points fort limités, comme accidentels, au fond de la baie de l'Aber, contre la digue, au fond des ports de Roscoff et de l'île de Batz. Il n'y a comme horizon distinct à y noter que la plage sablo-vaseuse à Arénicoles ; caractérisée avec précision par la présence de VArenicola marina L. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 597 et A. ecaudata Johnst., elle correspond exactement à la plage supé- rieure, dans le faciès précédent, et elle ne montre en dehors des Arénicoles que la môme faune de Lamellibranches et d'Annélides, mais encore plus appauvrie. En revanche, la succession des fonds et des faunes dans les estuaires des rivières de Penzé et de Morlaix a une véritable auto- nomie et montre, avec un type particulier, tous les termes de la série littorale. 1" Zone subterrestre.— Dans la partie des rivières jusqu'où remonte leflot,elle est constituée par un sable vaseux noir, très fin et très dense, qui dans les intervalles des immersions se dessèche et se crevasse. Je n'y ai jamais trouvé d'animaux réellement marins, mais, dans les crevasses, abondent des Acariens et de petits Insectes, particulière- ment Staphylins et Podurelles, avec les œufs et les larves à tous degrés de développement, et dont les demeures sont périodiquement occupées par l'eau, pendant plusieurs heures consécutives. 2° Zone littorale. Horizon supérieur. — Un peu plus bas, le fond est le même, mais le sable n'a plus le temps de se dessécher et de se fendiller. Il forme une boue compacte, habitat tout spécial de la Mya arenaria L. On lui trouve, associés, quelques Crustacés, Anceus Halidaii B. et Westw., des Gammarus, une Nepkthys, qui semble une variété naine de la N. Hombergi et surtout en abondance extrême la Nereis cultrifera Gr. Il est à noter que ces Vers périssent beaucoup plus vite dans l'eau de mer ordinaire que dans de l'eau en- tièrement douce. Au milieu de ces espaces boueux se dressent des têtes de rochers couverts de fucus ; mais, au lieu de leur faune habituelle, ceux-ci sont littéralement envahis par les Hydraires et Bryozoaires suivants : Campanularia flexuosa, Obelia longissma, Bowerbankia imbricata, Sarcochitum polyoum, Flustrella kispida. La Boris pilosa Mull. et la Goniodoris castanea Aid. etHanc, remontent jusqu'au milieu d'eux. Horizon moyen. Herbiers vaseux. — Dans le cours tout à fait infé- rieur et dans l'embouchure des deux rivières, leurs berges sont S98 G. PRUVOT. envahies par une végétation très dense de zostères. Mais au lieu du sol ferme, résistant, semé de graviers et de petits cailloux, comme dans l'heibier de Roscoff, ils poussent ici sur un sable très fin et vaseux, sans consistance, et formant sous son revêtement végétal des fon- drières dangereuses. Pas de cystosires. La partie la plus caractérisée, comme faune, est ce que l'on appelle l'herbier de Pempoull, en face le petit port de ce nom, à l'entrée du chenal de la Penzé. La place importante tenue dans l'herbier sableux de Roscoff par les Synascidies est occupée ici, plutôt par les Actiniaires : Cerian- thus membranaceus Gm., Anemonia sulcata ?enn.,Jlyanthus diaphanus D. Ch., Sagartia parasitica Gm., Edwardsia Beautempsi Quair., Hal- campa chi^ysant hélium Peach. Gomme Crustacés caractéristiques : Maia sguinado Latr., et des Pagures, Diogenes varians Hell. et Pagurus bernardus L., charriant sur la coquille de Buccin, qu'il habite, la Sagartia parasitica et V Hydractinia echinala. Gomme Vers : Aphrodila aculeatah., Lumbriconereis tingens Kef., Carinella annulata Me Int., C. polymorpha Hub., Cerebratulusmargï- natus Ren. Parmi les Mollusques les plus spéciaux, il faut citer Buccmum un- datum L., Nassa incrassata Flem. et iV. reticulata, à coquilles cou- vertes de Podocoryne caymea, Eolis papillosa Guv., Philine apertah., Acera bidlata Mull., Haminea hydatis L., Sepia officinalisL. qui dépose ses œufs, les « raisins de mer », sur les feuilles de zostères, jusqu'à la fin de septembre. Horizon inférieur. Sable à mœrl. — Les herbiers vaseux précédents n'occupent pas le milieu du lit de la rivière, et à son embouchure ils ne descendent pas plus de quelques mètres au-dessous du bas de l'eau. Là, sous l'action des courants de fiot et de jusant, le sol est dépouillé de toute trace de vase et forme un sable plus ou moins grossier. Ges étendues sableuses se continuent insensiblement au large, avec les graviers à Bryozoaires qui leur correspondent comme niveau ; mais, dans le lit même des rivières, elles ont un faciès par- FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 599 ticulier, causé avant tout par l'apport d'eau douce des rivières. Peu ou pas des grands Bryozoaires calcaires des graviers correspon- dants ; ils sont remplacés par les Floridées calcaires, Lilhothamnion polymorphum et fasciculatum qui forment, avec d'abondants débris de coquilles, la presque totalité du fond. La plage basse du Pont-du-Cerf, citée plus haut, avec son carac- tère un peu aberrant, fait, dans une certaine mesure, transition avec les sables à mserl, les types de Mollusques, notamment, y sont les mêmes. Mais le meerl a pour caractéristique, au point de vue faunis- tique, d être l'habitat à peu près exclusif de VAmphioxus lanceolatus, du Polygordius lacteus Sch. et de V Echinocyamus pusillus 0. F. Mull., le seul représentant des Clypéastrides qui fréquente nos mers, aux- quels on peut joindre le Sphxrechinus gimnularis A . Ag. et Y Eupagurus Prideauxii, charriant, comme dans la Méditerranée, son Actinie commensale, ÏAdamsia palliata Bœh. II. RÉGION CÔTIÈRE. Nous arrêtons à ce dernier niveau, roche à Laminaires, graviers à Bryozoaires, mserl, la région littorale à proprement parler, d'une part, parce que ces fonds sont reliés étroitement et par des transi- tions graduelles au littoral lui-même, qui émerge à mer basse, et d'autre part, parce que c'est à cette limite que cesse de se faire sen- tir l'influence immédiate du rivage sur les fonds marins, que cessent les faciès différents en rapport avec la constitution différente de la côte, roche, sable, vase. Au delà, à partir d'une quarantaine de mètres de profondeur, c'est la t'égwn côtïère à laquelle appartiennent tous les fonds de la Manche. Elle ne présente que deux sortes de fonds, entre lesquels il n'y a pas lieu d'établir une succession de niveau, car ils se pénètrent et se confondent à toutes les profondeurs : des plateaux rocheux arrasés, ou mieux, rocailleux, semés de blocs, de cailloux et de graviers de 600 G. PRUVOT. toutes dimensions, et des plaines de sables peu étendues, interpo- sées entre eux comme pour en niveler les dépressions. Ces sables, relativement fins et réguliers, sont bien développés, surtout du côté du nord-est, dans la région de Roscoff. Là on peut traîner la drague sur d'assez grandes surfaces, et elle ramène, comme formes les plus exactement cantonnées dans ces fonds,: Spatangus purpureus Lesk., Echinus acutus Lam. (rare), Luidia ciliaris Phil., Ophiocomanigra M. et Tr., Holothuria catanensis Gr. — Zoanihus Coucfii, Palythoa arenacea D. Gh. sur les vieilles coquilles, Hippolyte Thompsoni Bell., Pectunculus glycymerish., et P. bimacu- latus?oY\., Aporrhais pes-pelecani L., Diazona violacea. Parmi les plateaux rocheux, en raison de la difficulté et du danger de traîner les engins à une profondeur assez grande, au milieu des roches, dans cette mer parcourue par des courants violents, avec une embarcation de faible tonnage et un personnel peu nombreux, nous n'avons guère exploré d'une façon suivie, qu'une seule station ; c'est l'endroit mentionné déjà sous le nom de ti^ou aux Raies, fré- quenté par les pêcheurs de Gongres et de Raies, à 18 kilomètres au nord-ouest de l'île de Batz, par une profondeur de 90 à 100 mètres et qui occupe une sorte de dépression de 3 ou 4 kilomètres de dia- mètre, dont le fond est formé de pierres et de blocs rocheux de toute taille. Le caractère dominant de la faune est d'abord l'apparition des Brachiopodes, dont il n'existe pas, à ma connaissance, de repré- sentants plus à l'est dans la Manche, puis la présence de grands Hydraires et l'abondance de certains Tuniciers, en partie des Cyn- thiadés qui couvrent parfois les pierres, les relient les unes aux autres, et fixant entre elles et sur leur tunique grains de gravier et menus débris de coquilles, créent un abri recherché par nombre de petits Vers et de Nudibranches. Voici la liste sommaire des espèces les plus abondantes ou les plus remarquables : Spongiaires. — Desmacidon fruticosus Bow., Dysidea fragilis Johnst., T/iethya lyncurium Johnst. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 60i Anthozoaires. — Sarcodictynn catenala Forb., Gorgonia Cavolini ? Koch, portant fréquemment des Avicula tarentina Lam. et Scalpel- lum vulgare L. Hydraires. — Lucernaria guadri'corn/s Mull., Dyphasia altenuata Hinck., D. pinnata, Serlularella polyzonias L., Plumularia setaceaE[\., Halecium halecinum L.,Antennularm antennina FI. et A ,, ramosa Lam., Lafoea dumosa Sars. Parmi les Hydraires, la Lafoea porte quelquefois, comme dans la Méditerranée, le Néoménien commensal, Dondersia banijulensis'Pv.,ei une autre espèce, Paramenia sierra Pr. a été de même trouvée une fois, sur un Antennulaire. De plus, tous les Hydraires abritent fré- quemment : Pedicellina echinata Sars., Doto coronata Âld. et Hanc, Doto fragilis Forb., Eolis coronata Ald. et Hanc, E. Landsburgii Ald. et Hanc, E. vhndis Forb. Brachiopodes. — Terebratulina caput serpentis L., Argiope decollata Chemn., Crania anomala 0. F. Mull. Annélides. — Psamiïiolyce Hei'miniœ knd.elEdw.yPholoe synophthal- mica Clap., Nereis Vaillanti S. Jos., Antolylus ornatus^ Mar. et Bob., A. pictus Ehl., A. macrophlkalma Marenz., A. Edwardsi S. Jos., Thelepus iriserialis Marenz., Apomatus similis Mar. et Bob., Euchone rubrocincta Sars. TuNiciERS. — Perophora fragilis G., Stolonica aggregata Forb. et Hanc, Microscosmus spinosus Lac. et Del., Cynthia morus Forb., Polycarpa varians Hell.,/*. luberosa Me Gillis., P. rustica L., P. comata Ald.,/*. teneraLsLC. etBel., Styeiaarmataha.c.eiBe\., Slyelopsisgros- sularia v. Ben., variété très différente de celle des grottes littorales. Sur la tunique des Ascidies, au milieu des graviers et fragments de coquilles qui l'encroûtent, se fixent un certain nombre de Bryo- zoaires : Alcyonidium hirsutum Johnst., Lagenella nutans io]., Seria- laria semi convoluta Lam., Alecto major Johnst., Diastopora obelia Johnsl., Crisia acw/ea^a Johnst., Scrupocellaria scriiposa Busk, Sali- cornaria fistulosa L., Beania mirabilis Johnst., Bicellaria ciliala Busk, Bugula plumosa Busk, Lepralia linearis Busk et L. nitida Busk. 602 G. PRUVOT. III CORRESPONDANCE DES FONDS ET DES NIVEAUX BIONOMIQUES DANS LES DEUX MERS. L'évolution des côtes et des fonds sous-marins est la résultante de processus de destruction ou cataboliques et de reconstruction ou anaboliques liés et causés par des phénomènes de transport, comme dans l'organisme vivant, la destruction et la reconstitution des tissus sont commandées par les courants vitaux. Le catabolisme reconnaît pour causes principales : i° L'action des intempéries atmosphériques sur les parties du rivage, perpétuellement ou temporairement émergées (érosion sub- aérienne); 2° Le choc des vagues poussées par le vent (abrasion) ; 3° Les courants marins (abrasion, affouillements). En tant qu'action continue, cataclysmes à part, il intéresse presque exclusivement les portions de côtes soulevées antérieure- ment en falaises argileuses ou rocheuses. Ses effets sont atténués, sur ces dernières, par la couche protectrice d'organismes vivants, algues calcaires des « trottoirs » de la Méditerranée, Balanes et grandes algues de la Manche. L'anabolisme ne construit que des plages basses, uniformes, à sol meuble. Ses agents principaux sont: 1» Le vent, agissant directement (poussée des dunes à la mer) ou indirectement par les vagues ou les courants superficiels (talus des plages, cordons littoraux, barres) ; 2° Les apports des fleuves (deltas, exhaussement du fond de la mer par les sédiments); 3° Le ralentissement ou l'arrêt des courants marins (bancs de sable et de vase); 4° Le travail des organismes vivants (algues calcaires, herbiers, bancs coquilliers, concrétions coralligènes). FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 603 Sous cette double action, la ligne du rivage tend sans cesse à se régulariser par le recul des caps rocheux d'une part, et de l'autre, par l'établissement de cordons littoraux entre les pointes restées saillantes et le comblement du fond des golfes. Le golfe du Lion a ainsi pour rivage un cordon littoral, laissant derrière lui la lagune divisée en étangs littoraux et tendu entre les prolongements montagneux dont les pointes extrêmes sont le cap de Greus et le cap Sicié. La profondeur, dans tout le golfe, est médiocre et augmente len- tement. Puis, à partir de la corde qui sous-tend l'arc que forme le golfe entre ses caps extrêmes, les fonds tombent rapidement de 200 mètres à plus de 700 mètres. Le fond est essentiellement de gra- viers et de sables, dont le grain diminue de grosseur progressivement du rivage vers le large, recouverts, partiellement, par une nappe vaseuse qui, du côté proximal, ne remonte pas jusqu'au rivage et, de l'autre côté, s'arrête en deçà du bord du talus. Un certain nombre de faits et de considérations donnent à penser que le sable fondamental n'est que la continuation sous-marine de la plaine émergée, que la ligne à partir de laquelle la profondeur augmente brusquement n'est que le talus d'éboulement des sables poussés jusque-là par les puissants phénomènes de transports quaternaires. Le manteau vaseux qui les recouvre en partie représente l'apport des rivières et des courants actuels ; sa limite distale indique le point extrême jusqu'où ils sont entraînés; sa limite proximale précise, le long du rivage, une bande où l'action des vagues, se faisant sentir jusqu'au fond, empêche les apports vaseux de séjourner. Les fonds de la Manche ne laissent pas reconnaître une origine semblable, mais je ne puis m'empêcher de remarquer que les caries et les diverses pubhcalions relatives à la côte française de l'océan Atlantique, y montrent une succession de fonds rappelant de très près la topographie du golfe du Lion et qui pourraient s'expliquer de la même manière. Sans insister sur ce sujet, sur lequel je n'ai pas, du reste, d'obser- 604 G. PRUVOT. valions personnelles, je puis dire, toutefois, que cette côte de l'Atlantique, presque de la Garonne, à la pointe du Finistère, montre un largq plateau continental, essentiellement sableux, contre le talus duquel remonte la vase profonde, et qui est interrompu par une large bande vaseuse, parallèle au rivage. Au large de l'île de Groix, ce sont d'abord des dépôts sableux littoraux, riches en carbonate de chaux, alternant avec des roches et des graviers jusqu'à la profondeur de 60 mètres, puis, une zone de vase molle de 60 à i\A mètres, puis, une zone de sable vaseux de 114 à 150 mètres, bordé lui-même, jusqu'au bord du plateau, par un sable gris accompagné de coquilles et de piquants d'Oursins. De même, les cartes montrent au niveau de l'embouchure de la Loire, d'abord des roches, sables et graviers, jusqu'à 7S mètres, en moyenne de profondeur, puis la même bande de vase de 75 à 120 mètres environ, suivie d'une étroite bordure de sable vaseux, puis, de sables fins surtout le reste du plateau. On s'est occupé d'interpréter cette structure; M. A. Bernard, 'notamment, s'exprime ainsi : « Cette répartition est-elle due simplement à l'apport des rivières et des courants, ou ne faut-il pas plutôt y voir, avec Delesse, l'in- fluence des roches, composant le fond sous-marin, les couches sous- marines, par leur destruction sur place, fournissant de l'argile, du sable ou du gravier, suivant leur nature ? Il semble difficile d'expli- quer autrement que par cette dernière hypothèse, l'existence des fonds de vase sporadique et entièrement entourée de sables » (A. Bernard*). Delesse avait déjà interprété de cette façon l'exis- tence, dans le milieu du golfe du Lion, d'un banc de sable, cette fois entièrement entouré de vase. Au lieu de ces strates géologiques indéterminées, venant affleurer parallèlement sur le fond de la mer, sans que jamais leurs produits de décomposition aient été dérangés ou recouverts par des sédiments d'apport, n'est-il pas vraisemblable » A. Bernard, l'Ile de Groix {Annales de géographie, t. I, p. 265). FONDS ET FAUNli DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 605 de penser, là aussi, à un premier charroi quaternaire de sables ayant, sinon constitué en totalité, du moins recouvert et nivelé le plateau continental et formé la table où les fleuves actuels poussent leurs dépôts. La profondeur plus grande, à laquelle commence la vase côtière dans l'Atlantique, s'explique suftisamment par l'agitation plus pro- fonde des eaux sous l'influence des marées. Quoi qu'il en soit, sont ainsi déterminées, à travers le golfe du Lion, deux lignes qui commandent toute la topographie, l'histoire physique et biologique de ses fonds et les répartissent en trois régions différentes : l"' La région littorale, qui est sous l'influence dominante de la côte voisine. Elle comprend toute la bande adjacente au rivage, où l'agi- tation des vagues et des courants superficiels empêche le dépôt de sédiments fins, vaseux. La végétation d'algues et de monocotylé- dones marines y est abondante. Les faciès y sont variés, suivant la nature rocheuse ou sablonneuse de la côte voisine; 2° La région côtière, où les eaux sont en repos contre le fond, où la végétation manque*, où les fonds sont de nature uniforme sur de grandes étendues, sans rapport immédiat avec la constitution physique delà côte. Elle se laisse diviser, naturellement, en deux parties, la zone de la vase côtière et celle des sables du large; mais la vase manque aux deux extrémités du golfe, en face des massifs montagneux qui le limitent; 3° La région profonde, qui commence au bord du plateau conti- nental, à vase fine et qui occupe tout le fond de la Méditerranée. La Manche, dé son côté, est, à proprement parler, un golfe de l'océan Atlantique, ouvert entre les pointes du Finistère et de la Cornouailles anglaise, car la résultante des vents y agit de l'ouest à » Je n'entends pas dire par là qu'on ne peut trouver aucune algue dans cette zone (on en a recueilli i des profondeurs de près de 300 mètres), mais seulement qu'elles sont pratiquement négligeables au point de vue qui nous occupe, n'ayant jamais là un développement suffisant pour influencer la faune et constituer un milieu d'habitat spécial comparable à ce qu'on trouve dans la région littorale. 606 G. PRUVOT. l'est, et de même, les courants marins qui la parcourent et leurs apports viennent de l'Atlantique. Comme pour le golfe du Lion, tout son domaine appartient au plateau continental. Le fond de ce plateau, qui coïncide encore sensiblement avec l'isobathe de !200 mètres passe à 140 kilomètres environ au large d'Ouessant et à 300 kilomètres de la pointe occidentale d'Angleterre, pour se rap- procher à 60 kilomètres de Valentia sur la côte d'Irlande. Laissant donc de côté la région profonde qui reste si au large, on doit reconnaître aussi dans la Manche une distinction entre une région littorale et une région côlière. Leur ligne de séparation passe dans la région de RoscofF par 40 à 50 mètres de profondeur en moyenne. La région littorale y montre la même variété de faciès, la même richesse de végétation, la même agitation des vagues, se faisant sentir jusqu'au fond, que sa congénère de la Méditerranée. Au-dessous, dans la région côtière, c'est aussi la disparition des végétaux, l'uniformisation des fonds, la cessation du choc des vagues contre le fond. Mais l'assimilation souffre une réserve : tandis que dans la Méditerranée cette région est caractérisée, avant tout, par le repos presque absolu des eaux, trahi par la faiblesse et la lenteur des variations thermométriques, et aussi par la formation de dépôts chimiques concrétionnés, dans la Manche, au contraire, à défaut du mouvement irrégulier des vagues, les fonds sont encore balayés par les courants de marées, qui empêchent le dépôt de tout sédi- ment fin. Aussi la vase manque-t-elle entièrement dans toute la région côtière de la Manche, et celle-ci, dans son ensemble, corres- pond-elle non à la totalité de la même région dans la Méditerranée, mais seulement à la portion non revêtue de vase côtière, à la zone des sables et graviers du large. En ce qui concerne la région littorale, la correspoiidance peut être poussée plus loin. Les deux faciès principaux, rocheux et sableux^ concordent dans leurs caractères généraux. Le faciès vaseux des étangs littoraux, des deltas, des mouillages abrités de la Méditerranée FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 607 est, dans la Manche, réduit presque à néant, ù peine un peu de vase impure dans les ports et au fond de quelques baies ou rades pro- fondes. Mais les mouvements de la marée font remonter les condi- tions biologiques marines jusqu'à une assez grande distance dans les rivières; le mélange des eaux douces et salées, avec les varia- tions rapides de température et de salinité, crée sur des étendues relativement considérables un faciès d'estuaires. Au point de vue de la nature du fond, il est caractérisé, en particulier, par une certaine proportion de vase. D'après cela on peut lui joindre le sol des ports et des baies profondes, oti l'apport d'eaux douces est sensible égale- ment et il se montre ainsi le représentant, sinon l'équivalent, du faciès vaseux des côtes méditerranéennes. Au point de vue bionomique, en particulier de la superposition des zones faunistiques, l'obstacle principal à la comparaison dans les deux mers, paraît, jusqu'ici, être le phénomène océanien de la marée, la présence d'une zone alternativement émergée et immergée embrassant la partie la plus importante, par sa variété et sa facihté d'étude, du domaine soumis à nos investigations, et qui fait défaut dans la Méditerranée. Les auteurs ont fixé de la façon la plus diverse, mais toujours arbitraire, la bande à laquelle il convient de faire représenter, dans la Méditerranée, la zone intercotidale. Je me suis efforcé, dans le chapitre précédent, de montrer combien l'impor- tance biologique de la marée a été exagérée, combien une classifi- cation basée sur elle seule est artificielle, divisant des horizons parfaitement homogènes, tels que les herbiers de Zostères ou la zone des Laminaires et réunissant dans une même division des niveaux faunistiques tout difi"érents. Si l'on écarte le phénomène de la marée, en tant que critérium, pour ne s'attacher qu'au groupement rationnel des différentes stations bionomiques, caractérisées isolément, au préalable, par la nature des fonds et les associations végétales ou animales qui les habitent, on aura les éléments de la comparaison pour les deux mers, en mettant d'abord en regard ceux des horizons naturels que 608 G. PKUVOT. tout rapproche. Quelques-uns concordent d'une façon remarquable. La roche littorale ne montre pas, dans la Méditerranée, les grandes formes d'algues, Fucus, Himanthalia, Laminaires, qui lui font un revêtement si caractéristique dans la Manche. Les formes domi- nantes, les seules qui, par leur abondance, sont susceptibles de caractériser un niveau, sont des Cyslosires. Elles commencent à revêtir la roche à partir de quelques décimètres au-dessous du niveau ordinaire des eaux, c'est-à-dire seulement à partir du point où la roche ne vient jamais à sec. Dans la région de Banyuls, j'ai noté des abaissements du niveau de la mer de 80 centimètres par de forts coups de vent du nord, avec haute pression barométrique. ' Elles ont une faune très caractérisée, oti dominent les très petites formes errantes de Vers, Entomostracés, Nudibranches. Or, sur la côte de Bretagne, nous trouvons aussi un niveau à Cystosires, avec faune toute semblable et ayant aussi ce caractère, de ne se déve- lopper que dans les points, quelle que soit leur hauteur absolue, que l'eau n'abandonne jamais. Il y a plus : dans les régions sableuses de la Méditerranée, les herbiers de Posidonies commencent aussi un peu au-dessous du niveau moyen des eaux et peuvent aussi, comme les Cystosires, descendre jusqu'aux graviers et fonds Coralligènes, qui annoncent la fin de la région littorale. Et dans la Manche, les prairies de Zostères sont aussi fréquemment mélangées aux blocs et cailloutis à Cystosires. Et les uns et les autres descendent, sans changement d'aspect ni de faune, bien au-dessous des basses eaux, pour s'arrêter vers 10 à 15 mètres de profondeur, contre les sables à mserl ou les graviers à Bryozoaires. 11 y a donc là des horizons qui se correspondent exactement en tout, et comme, d'autre part, la zone subterrestre est manifestement comparable dans les deux régions, avec ses Balanes et ses Lygies sur les rochers, et ses Talitres sur les plages de sable, l'horizon des Fucus, qui lui succède dans la Manche, n'a pour équivalent dans le golfe du Lion que la bande de quelques décimètres qui précède les FONDS ET FAUNK DE LA MANCIlb] OCCIDENTALE. 609 Cystosires, qui se montre à sec parfois et qui n'est guère occupée que par quelques algues vertes où dominent les Ulves. C'est, du reste, comme l'horizon des Fucus lui-même dans la Manche, l'habitat préféré des Littorines, des Gérithes, Trnnhua, Patelles, de VActinia equina, etc. Dans la Méditerranée, avant d'aboutir à la vase de la région côtière, les herbiers profonds, aussi bien que les plages de sable, se continuent avec des graviers plus ou moins grossiers, riches en débris de coquilles, riches surtout en grands Bryozoaires calcaires, passant plus ou moins graduellement aux fonds coralligènes vifs, par qui se termine, de son côté, la roche littorale. Ils ont leur représentant dans les graviers, oii abondent aussi les mêmes Bryozoaires, qui dans la Manche occupent aussi la même place à la suite des herbiers, des plages profondes, comme autour des plateaux rocheux. En raison de l'absence de vase côtière à leur suite, il peut y avoir parfois quelque difficulté d'attribution pour ces derniers. Ils ne sont pas toujours bien distincts, par leurs caractères physiques ou minéralogiques,des graviers plus profonds qui appartiennent à la région côtière. On trouve, du reste, la même difficulté aux deux extrémités du golfe du Lion, où manque aussi la vase côtière. Mais leur faune les éloigne des sables côtiers; de plus, ils se continuent au voisinage des estuaires, avec le mœrl qui est essentiellement littoral, et, d'autre part, se développent et s'enchevêtrent au milieu des dernières roches à Laminaires. Il en résulte qu'ils forment la dernière assise de la région littorale et que leur rapport avec la roche à Laminaires, étant le même que celui de leurs congénères méditerranéens avec les fonds coralligènes vifs, la correspondance de ces deux derniers termes s'impose également. Les sables, graviers, cailloutis ou pointements rocheux, qui occupent à leur suite tout le fond de la Manche, n'ont plus dans leur faune, en dehors de quelques espèces tout à fait cosmopolites et répandues à tous les niveaux, de types réellement littoraux; on n'y trouve plus d'algues, alors qu'elles étaient encore abondantes ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. - 3" SÉRIE. — T. V. ISi)?. 39 610 G. PKUVOr. au niveau précédent, non seulement sur la roche à Laminaires, mais dans le maerl et même dans les graviers à Bryozoaires, Le point de vue biologique s'ajoute donc aux points de vue physique et hydrographique pour les séparer de la région réellement littorale et les faire attribuer à une deuxième région, la région côtière, oii ils représentent la zone des sables et graviers du large, la zone précé- dente, dans la Méditerranée, celle de la vase côtière, manquant, sans équivalent, dans la Manche, comme, du reste, sur le cap de Greus ou à l'est de Marseille, par exemple. Le tableau de la page ci-contre montre la classification et la concordance des fonds, telle qu'elle me paraît admise, basée non artificiellement sur le seul élément hauteur, mais sur l'ensemble des caractères physiques et biologiques des fonds considérés. Les graviers sublittoraux et surtout les sables du large, montrent souvent, dans le golfe du Lion, une forte proportion de débris de coquilles. Ce sont, le plus souvent, des fragments brisés peu volu- mineux, mêlés au sédiment et paraissant provenir, comme les bancs d'huîtres mortes, signalés en quelques points, d'animaux nés et développés sur place. Mais j'ai signalé, sur le prolongement du cap de Greus, dans les graviers du plateau, un amas considérable de grandes coquilles de LamelHbranches, à valves entières, pour la plupart, et dont quelques-unes appartiennent à des formes aujour- d'hui disparues de la Méditerranée. Laissant de côté la question de ces coquilles fossiles traitée ailleurs^ il est à remarquer que la vase côtière manque en cet endroit, que le fond offre une grande ressem- blance avec celui de la Manche, balayé par les courants et que ces débris semblent y être accumulés par les courants dans une partie déclive, une sorte de sillon du plateau continental, qui sépare le plateau du golfe du Lion de celui de la région espagnole voisine. Des amas semblables se rencontrent en de nombreux points de la Manche. Delesse constate que les débris de coquilles « manquent • G. Pruvot et A. Robert, Sur wn gisement de coquilles anciennes au cap de Creus {Archives de zoologie expérimentale et générale, 1897). t 1 03 1 i«- 03 , ; P II] a «3 • 03 1 3 ; a o < > «9 « «ô ^ O 1 « 03 Cl. 1 03 -, 43 îï ! C" .^2 03 ■B 0 ^ o œ -O i> 5 S; '•" ! = = i~ 1 =^"5 i Herbier etvasi ports iages 33 03 > 3 i3 33 03 03 P ± 3 "~ Zj o On p < C/J 1 tfi 1 ai ^ S 0) -J 03 bc ci . 3 3 ■;: erbiers osidonies, ble pur inférieure) 03 33 03 .b .S 3 33 t.. -5 5 .a ci 03 -3 03 5 2| 3 ^ - 33 3 a. a> 0 0 P te a ^ 3 ^^'lï^ ^œ 0 33 03 .S 3. O O t>9 > 43 tn cS ^ CD T5 "H- /* 33 e- 33 fa-3 33 >• \ >< P o (S 03 a c^ tfj 3 03 2^ es U9 tfi OJ 2 ^ 0 :^ 0 ■ — 1* 0 01 > es 03 1 o -73 0 p Liséré sableux on vaseux du rivage ordinairement émergé. rivières. . Fucus sée. ge aseuse icoles. vaseu.x orts. ï<' 33 • 3 r^ 03 33 3 33 33 eu es si 33 o z <: S GO t-l 'es co o P> < tfi Vase des Roche à enva Pla sablo-v à Aréni Graviers des p 5 33 «" 33 ?• ~ —H '^ _cS 33 -a / S 03 . o . 1 s" 1 03 0 i^ 1 t/^' 1 33 .~ et 3 T3 0: < ^ 03 3 0) 1 « 2 CO 33 1 33 -33^ „ 1 5 ^ -_; ii 1 s- 0 ^ c3 33 — — ; a^'S 3 es 0 9 1) 33 3 cr s 33 3 5 lÉE DE vives. 1 fccC 1 3; N 1 33 33 03 ?, 1 ^1^ n C 0 s S / '^ Oj "^ 1 D- i -< oT ci« \ oi z Î3 « b9 i s o (fi couverte ialanes. couverte elvftia. _a3 li 03 ^ 33 O -3 Cailloutis Cystosires. Roche jimanthalia. ttes et roche •plombantes obscures. , -2 03- 33 t- i â5 1 "S 33 '> çS Sd 7. tfi 33 ci iJ 1 \ o g-o oT= O 1 -^ -1^ 1 2 <" 'J5 < (£ Ci ce 1 cd-o 5 i 1 .il i oi 3; • 33 "2 .ïï 5 1 .2.53 -33 • tfi s:? 1 t, 0 1 0.5 i ^.1 « a -3 X =2 0 0. é » 1 <3 1 0 33 03 _33 5 03 es ■a Cl "m ^^ — ^ -^ 33 > J3 ts 03 0 03 es > cS z c &4 ■X. 03 — • -a O) 03 a; 03 e3 o 3 U3 0 "w -0 TS ■3 tfi z o tn 03 33 a3 03 •J^ S C c C 0 0 0 0 a> a NI N N NI O 0 0 0 0 0 H N N m ~3- 10 1 -.3 o 0 ■9i aiiça 'spnojojd ^ — ~ ' — ^^""^^ DO ifiaH noiBsy -aiEJonq ooiDay 'i il II I 612 G. PRUVOT. ou sont relativement rares dans le golfe de Gascogne, qu'ils devien- nent abondants au large de l'Aunis et de la Saintonge, mais surtout sur les côtes de Bretagne et à l'entrée de la Manche » (Belesse, Litho- logie des mers, p. 307). Il paraît disposé à admettre que ces amas coquilliers indiquent des places où les Mollusques vivent en abon- dance. On peut se demander si, au contraire, ce ne sont pas des débris triés, en quelque sorte, grâce à leur surface plus grande et à leur poids moindre que celui des graviers et sables voisins, collectés, puis charriés sur le fond, par les courants, jusqu'à ce qu'ils s'accumu- lent, arrêtés par un obstacle ou par un ralentissement du courant. On doit constater, en effet, que ces fragments coquilliers sont formés, non de coquilles de Gastéropodes, ami des roches, mais en majeure partie, souvent presque en totalité, de Lamellibranches. J'ai plusieurs fois pesé, comparativement, les fragments discernables des uns et des autres dans les produits de dragages dans les régions les plus coquillières des eaux de Roscoff; les chiffres sont naturelle- ment fort variables, mais j'ai toujours trouvé les Lamellibranches dans le rapport de 4 pour 1 au moins avec les Gastéropodes. Les premiers fréquentent, de préférence, les plages de sable fin, tassé, peu boule- versé par les eaux ou fixé par une certaine proportion de vase, telles que les régions du golfe de Gascogne, plutôt que les côtes ravagées et granitiques de la Bretagne, où l'abondance des Lamellibranches vivants est loin d'être en rapport avec celle de leurs débris. Il est donc remarquable de trouver ceux-ci plus abondants sur les côtes de Bretagne et de l'entrée de la Manche, où les courants de marée sont particulièrement plus forts que sur les côtes méridionales, où les marées sont moins fortes. Celle opinion pourrait être corroborée par plusieurs observa- tions : D'abord, le courant de flot est plus fort que celui de jusant, et, pour un lieu donné, les dépôts meubles cheminent dans le même sens que lui. Or, les débris coquilliers sous-marins sont de préfé- rence accumulés au voisinage des îles ou plateaux rocheux isolés, FONDS KT FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 613 et du côté où vient frapper le flot, comme à l'ouest de Noirmoutiers ou au sud deBelle-Isle. Ils sont aussi particulièrement développés entre les îles et la terre ferme, comme entre Belle-Isle et Quiberou (Delesse), surtout entre la pointe de Penmarc'h et les îles d'Ouessant, au point qui corres- pondait antérieurement à l'isthme qui reliait ces îles à la terre, et qui est marqué encore par un relèvement du fond formant talus, contre lequel le courant brisé les arrête. On peut voir, en petit, ce fait d'une façon frappante à l'entrée de la baie de Saint-Brieuc. Le roc Martin, détaché à l'est de la pointe du Roselier, est entouré par la grande plage de sable unie qui occupe toute la baie. Cette plage paraît h l'œil partout au môme niveau, mais il n'en existe pas moins, entre le roc et la pointe de terre, un talus en dos d'âne qui, à marée montante, n'est couvert par la mer qu'une heure environ après les parties voisines. Tout cet espace est couvert d'une quantité prodigieuse de coquilles d'Acé- phales, Mactres, Cardium echinaium, etc., qui s'étendent assez loin du côté du nord, par où vient le flot pour pénétrer dans la baie, alors qu'on n'en retrouve plus du côté du sud. De plus, dans ces points riches en débris de coquilles, le fond est généralement à gros éléments, sable grossier ou graviers. Enfin, dans la Manche, ces dépôts coquilliers sont le plus souvent allongés parallèlement à ses rives, dans le sens du courant. S'il était établi que ces dépôts coquilliers ne sont pas en place, mais ont été drainés, charriés et accumulés par les courants, ce fait tirerait une certaine importance de la profondeur relativement considérable à laquelle on en rencontre parfois. On en trouve ainsi à 100 mètres de profondeur, à l'entrée de la Manche, et un peu plus au sud, dans l'Atlantique. Des courants, trahis par de semblables accu- mulations coquillières, feraient sentir leur action jusque sur des fonds de 150 mètres. Mais ils iraient en décroissant rapidement, puisque, vers le sud de la presqu'île bretonne, la vase, incompatible avec des courants de fond sensibles, apparaît vers 70 mètres de profondeur. G\A G. PRUVOT. Le fait aurait aussi une certaine gravité au point de vue zoolo- gique. Les nombreux catalogues régionaux, grâce auxquels il semble que les Mollusques soient le groupe dont la distribution géographique est la plus exactement connue, mentionnent ordinairement toutes les coquilles recueillies en un point donné, sans faire de distinction entre les coquilles vides et celles trouvées vivantes, dûment en place par conséquent. Il ne laisse pas d'y avoir là une confusion regret- table et qui peut trop souvent laisser place à l'erreur. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXI. A. — Carie générale du golfe du Lion. — Le contour des côtes est représenté îi l'échelle de 1/460 000, d'après la carte des atterrages des côtes méridionales de France publiée par le ministère de la marine et qui porte le numéro 1303 9-27. Le relief du fond n'est indiqué que par les courbes de niveau tracées en rouge, de 50 en 50 mètres, jusqu'à la profondeur de 200 mètres, puis de 100 en 100 mètres, au delà, à cause de la chute rapide des fonds et du rap- prochement des courbes. Les différentes teintes indiquent la nature des fonds sous-marins et sont suffisamment expliquées par la légende. B. — Le tableau placé dans le bas et à droite de la carte montre, à l'aide des mêmes teintes conventionnelles, la succession et l'extension verticale des différentes natures de fonds dans les différents points du golfe. C'est le développement d'un panorama de 180 degrés, étendu de l'île des Mèdes, au sud du golfe de Rosas, à la pointe orientale de la presqu'île de Giens, tel que le verrait un observateur placé sur la ligne qui les réunit, à égale distance, 102 kilo- mètres, de la pointe du cap de Creus et du cap Croisette, au sud de Mar- seille. La ligne horizontale supérieure est la ligne du rivage ou le niveau de la mer; les lignes verticales sont les projections linéaires d'autant de plans verticaux passant par l'œil de l'observateur et les lieux désignés. Les dislances horizontales des lignes sont proportionnelles aux angles formés par ces plans. Les chiffres N. 67" E., N. 7o« E., etc., indiquent les directions vraies de ces plans. Les niveaux auxquols chacun d'eux couperait les diffé- rents fonds sous-marins sont reportés sur sa verticale correspondante à raison de 0""i',5 par mètre de profondeur. Les limites d'extension verticale des fonds sont tracées en pointillé; mais deux traits pleins plus forts marquent la séparation des trois régions, litto- rale, côtière et profonde. Ces lignes montrent combien les réglons et les zones naturelles sont peu en relation avec les lignes isobathes, surtout aux deux extrémités du golfe, en face des côtes montagneuses. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE. 615 PLANCHE XXII. Carte de la région de Roscoff. — Le contour des côtes est tracé d'après l'assemblage des deux feuilles numéros 950-18 et 9()G-18 de la carte particulière des côtes de France (Ministère de la marine, édition 1887). La portion de côte représentée va de l'île de Sieck à la pointe de Primel.à l'échelle de 21"™,6 par kilomètre, soit une échelle dix fois plus grande que la carte du golfe du Lion. Les courbes de niveau sont tracées en rouge de 10 en 10 mètres, d'après les chiffres de sonde portés sur les cartes marines. Quelques-uns seulement do ces chiffres ont été reportés sur la carte, ceux nécessaires pour la commodité de la lecture, et ceux qui indiquent des pointes rocheuses élevées au-dessus du fond général. Les teintes pâles indiquent les régions qui sont toujours au-dessous du niveau de la mer, jaune pour les fonds sableux, rose pour les fonds rocheux; sous ce dernier terme sont compris, avec les plateaux de roche compacte, les étendues occupées par des blocs détachés ou les pierrailles amoncelées dans leurs intervalles. Les teintes foncées représentent les fonds compris dans la zone de balancement des marées. Parmi eux ont été représentées en violet les masses de roche compacte émergeant à mer basse, et en rose les portions de grèves couvertes de menus blocs revêtus ou non d'algues, mais déplaç.ables, reposant les uns sur les autres ou sur un fond de graviers et sous lesquels s'abritent la plupart des formes animales. Pour la clarté de la carte, pour ne pas cacher la ligne du rivage découvrant à mer basse, les her- biers de zostères ont été figurés en pointillé vert pour la partie au-dessus de cette ligne, et en croix vertes espacées pour la partie qui n'assèche jamais, sans qu^ela indique une différence réelle, chaque herbier se poursuivant avec les mêmes carac- tères et la même faune au-dessus et au-dessous de la limite des basses eaux. PLANCHE XXIII. Courbes indiquant la marche générale de la marée à Roscoff et à Saint-Malo. — Ces deux courbes représentent pour une marée complète, c'est-à-dire l'intervalle entre deux pleines mers consécutives, la rapidité, variable suivant le moment de la marée, avec laquelle le niveau de la mer s'abaisse ou s'élève dans les deux localités considérées. La durée et l'amplitude des marées variant chaque jour, les temps et les hauteurs sont exprimées non en minutes et en centimètres, mais en centièmes de la valeur totale pour le jusant et pour le flot. Ce tableau permet de connaître, à l'aide d'un calcul simple, la hauteur du niveau de la mer au-dessus du zéro des cartes à un instant quelconque, par conséquent de déterminer facilement et avec une approximation suffisante la hauteur de tous les points ou niveaux que l'on veut connaître dans la zone intercolidale. PLANCHES XXIV et XXV. A. — Cinq coupes îi travers l'île de Batz, le chenal et la côte voisine de Roscoff, pour montrer les limites d'extension verticale des divers horizons biologi- ques.—Les coupes sont toutes parallèles, orientées exactement Nord-Sud. La ligne verticale indique le point où chacune est rencontrée par le parai- 616 G. PRUVOT. lèle 4S044' de latitude Noi'd. L'échelle est à 1/10000 pour les distances horizontales, et suivant les conventions habituelles, vingt fois plus grande pour les hauteurs, soit 2 millimètres par mètre. La zone intercotidale, qui a une hauteur de 9™, 6 à Roscoff, est teintée en bleu pile. Le long des côtes des tr.aits conventionnels, expliqués par la légende, montrent à quel niveau commencent et s'arrêtent les revêtements d'animaux et d'algues caractéristiques, en tous les points de la côte inté- ressés par les coupes. B. — Le tableau en haut de la planche XXIV montre de même par des traits sem- blables les hauteurs maxima oîi atteignent ces mêmes horizons en toutes les stations les plus importantes ou les plus caractéristiques de la région embrassée par la carte. Ces localités éparses un peu partout ne pouvant être mises dans un ordre de succession régulier, les lignes brisées reliant les différents points ne ser- vent qu'à les rejoindre pour la vue et à faciliter les comparaisons. L'échelle est de 1 centimètre par mètre et l'on a tracé en lignes horizon- tales le niveau moyen de la mer, les niveaux des hautes et basses mers et ceux des marée extrêmes de vive eau et de morte eau qui ont été proposés pour délimiter les diverses zones faunistiques. Les basses mers extrêmes d'équinoxe descendent à Roscoff à 1 décimètre au-dessous du zéro des cartes marines auquel sont rapportées toutes les liauteurs. PLANCHE XXVI. Les graphiques de la planche XXVI représentent de la même manière et à la môme échelle que le tableau précédent les hauteurs maxima auxquelles atteignent les mêmes horizons bionomiques naturels dans les différentes localités de la côte nor- mannobretonne, d'Audierne à Cherbourg. Pour rendre les hauteurs comparables, malgré la différence d'amplitude des marées et la position différente du zéro pour les différentes régions, elles ont été rapportées au niveau moyen, c'est-à-dire au niveau qu'occuperait la surface de la mer, si l'attrac- tion luni-solaire venait à manquer. Ce niveau est représenté par la ligne horizontale et toutes les hauteurs, celles des horizons bionomiques comme celles du zéro et celles des marées extrêmes de vive et de morte eau sont tracées de part et d'autre par rapport à lui. Les chiffres marqués sur la ligne du niveau moyen expriment pour chaque lieu sa hauteur au-dessus du zéro, celui-ci étant le point initial d'où sont comptées les hauteurs et les profondeurs sur les cartes marines et les mesures des marées dans les annuaires. FONDS ET FAUNE DE LA MANCHE OCCIDENTALE GI7 CATALOGUE DES INVERTÉBRÉS BENTUIQUES DU GOLFE DU LION ET DE LA MANGUE OCCIDENTALE, AVEC LEUR UABITAT. Pour cvilor, dans les chapitres faunisticjues de ce mémoire et du mémoire précédent, sur la faune des Invertébrés de Banyuls, des listes interminables et des répétitions continuelles, je me suis borné, pour caractériser les horizons et les stations, à la stricte mention des formes essentiellement caractéristiques par leur localisation ou leur abondance particulière. Mais pour compléter ce que ces tableaux ont de forcément insuffisant, j'ai dresse le catalogue ci-joint, com- prenant, avec toutes les espèces recueillies par moi personnellement, celles, en trop petit nombre, pour lesquelles les auteurs ont indiqué un habitat précis et non une insignifiante mention comme « région littorale» ou « dragages », ou une simple cote de profondeur, dans les deux régions dont il est question ici. Les colonnes de droite sont réservées à la mention des habitats dans le golfe du Lion, quand il y a lieu ; celles de gauche à la portion française de la Manche occi- dentale, de la pointe du Finistère à Granville el Jersey, en confor- mité avec le tableau des zones donné plus haut. L'explication des signes abréviatifs est la suivante : MANCHE. V-Vp, vase des ports et des rivières. Vf, roche ù Fucus envasée. B, bois flottant. Rf, roche couverte de Fucus. [ih, roche couverte à' Himanthalia. RI, roche couverte de Laminaires. Rg, grottes et roches surplombantes. Rc, roche côtière profonde. Cy, cailloutis à Cystosires. H, herbier à fond de sable. Hv, herbier à fond vaseux. iS', sable des plages supérieures. S', sable des plages inférieures. Sg, graviers littoraux. Se, sable côtier fin. Gr, graviers côliers profonds. M, sable à maerl. GOLFK DU LION. V, vase des ports et mouillages. Vc, vase côlière. Vp, vase profonde. B, bois flottant. r, surface des trottoirs d'algues calcaires. T', anfractuosités des trottoirs. Ra, roche couverte d'algues. H, herbier de Posidoiiies superficiel. H', herbier profond. S, sable supérieur des plages. S', plage inférieure. Sg, graviers à Bryozoaires. Se, sables du large. Gv, graviers vaseux côtiers. Co, fonds coralligènes. C, zone des Coraux et des Brachiopodes. , ajdojdasBABiapanoz •aaKOJOHd Noioaa o p Q a hj o o I •sajqES sap anoz > > •aj8I)00 8SBA Bl'ap o > > > •jnauejni u o z I ,1 o i-i o o oo bbbb rnrn > o 6 bb > 6 o o bb a o N ■Hajtoin uoziaoH W d . es es •jnaTjadns t]oz|.iOH es (3 O N M 0) O 'S P3' en 'g cS^'? ■^ =^ = 2 «^ o o 9 d 1- ce (U .rt es ^ ■3ëo o ra . xîas o CL es es g_a; S 'tn CQ g ru; d -iJ o es .— es y 0^ Sœ b^ t^ es ci,a a- [^ 0) O) ^ , cfi t-. i- _bc o s a; Œ ► O) •« , t, en cS cS &,— cS ® '^ g •- O blibcS S cS es Cl O =5 ^ o^i'^>-.S ■5 r2 :a =n "S ^ f^^ boft o d co j2 2 I I 1 I 1 o G ^1 "^ Ï2~ es es 'S 3 Jli eS t. jr t^ I o *J face a :cQ "03 eS es «5 M —; es O O es 5'bC CLiO M o ce Z o H « m w Q '/) W H O ÇJ S O z <: •3Hai.Loo NOioau o o O •jnau9jai uozi joH bC bD bD cocecc bD ce 5S bD— bD copSco 5S5 bD ■uaAoni uozi j 0 H a o N ce bD bD o bb bD es bC -a A -a ai ce u ce •jnauadns uozijOH 3 ce ce > CO o > o o >> à 6 o 6 6D 6D C« rn ce > ^ C5 co > o o O o o o bii ce •C ^^ ■ a ■ C3 C5 c0 cd cd ccacc a rt P3rt en a .5 03 e3 = e3 eu «* I 'Ô •Il en S S O -- O 03 O •^ P ;■< 0.9 . *j *j 5 OJ OJ " C s- ~r, y rf = 3 ■•^ 6D _< ~ a :: a 03 ^SP-S I 1 I 3 H o ^ ii 03 to celi:- «.S ■;r; t- •^ 03 a: «i° s! a 03^ S- bO o On-g i2 ■d s j5 03 I 13' ' = ' o en ■3 Oh 13 -i ■-' a ^* 03 -20>W> ■ U.OCJ 5a ^ ^ s s a ° -^ ^ IT -2 ^ rn n ;:;<_3 o 3 = '^ s g s 13 pî .W Qfl-"!= -a T3 es o 03 *-; en z^-- =- 2 o o rt a s = o c M 3 ■= '- -bi -^ ^ s -2 ? S o 03 a, ->Q3a303t- — o es -p &, a bc ô =- 03 I U en S ^ g O) 7- ci -a d 03 03O .iidœ5i^o'-i2;;:3i3s^2 — •^— '^~ 03 bDP rt -— Cl— d cs es = ■- a t--- g t? bc 5 ^ ^ ■:r & 3 rt *^ > '^ — •2 a ci "3 o 2 — ceWoï Il i I i au o w-c ïQ g^^ . J 3 3 e/> ~* ;S s- S 3 :" en ; ^ -d 3 3 m rr ?? ) en O! o t. — "^ eu ci o ci 3 c:q o o Cb 03 ci a o O (5 «3 3^ K-3 — 03 U 3 £. O— ; ej I I i en 0} O Li L. o t^ ^ L. c5cr)îdoc5C: bCbC— bDbCbC coceKcececo bc ce bc ce 5 p>i >> >. >î^ ^ ooo Uc;s5 /-^ ic bC-3j3 6D es >J3 CCC3 = ddd ".s .a O r; cz css: o w o o td < a. o H o s o o o > o o o O u o o 53K ri C3 03 t/3 O -w û. in (h H ■-l'a 3 r" '-" «•j'o _ 2 s 30 s o g s ^i^-g cu-r; 5^ ■Q'S^is 0^ a> s _* s "5 a o ^y-S-S I I .2 .2 3 o, p. co a g rj 2 ^ q n « 3 3 ^.2 ?: fe -73 ■- O O 3 ^ 1. CD Z P,T3 gQOS S a "^ ^ ■=^ 3 S a cd w w g 52 ^ cj cç -r .2 « ^cg a 0^ a o g a-- g 2 t: ri-s £ g C '^3 a •- 3 5^ « ■73 -a S I i I I ■= I S •- 3:;: g " s r/î "^ . ^ — .^ cS'T^ s r; I nJ ï ri a -3) a, i ci i- o CT3 c:J o5 o o ? «) -a ti—K O O 13 • "a 72 2 o cS -^ ; . <:— . 1 « rt cd ri 2 ._ — 2 "^ ctS t. o o, o ri a 6C «3 es bD te ce ce c:;:; ira; ai 33 ai ^ gjj >^ S KEsm • -a ... . ci sa a: ci cd ai >2 ^ o ei «4= isa Cd cdcd oiaiai o o Q- eu 'J o cocc o CD o o cj o a o tJ o Cl i:j (O m rn ce ce c« ce o ce o o o o ce X ce ce ce ce >> o o o >>> o > o o >> o o o >>> o o ce ce ce 6D6D ce ce C3 f/J cex ra s r3 =i Ci c- 02 = ce ce ce> a ci es es m a 1 rs O s- c o "S Ï9S S S, I I 0} 3 & o •«^ o o o I a — ' rt — OJ *^ -^ -^ ri a; 3 > a 2â O — o *P I c i- O ' 1^ (H - -« ._ aj "^ « -'^ r; -^ "> O — .-. :jr •- aj «i -- « t» -3 !;- .s o rt 5 - O ta ci & ce ci rai ce j a ^ :i CD §.t;ce m bc._ O ra -^ t- y^ a:» o -n ra K _ a ^ -a a 73 o .2 2" 'en t^ >< aiTS ai O O^ ta a> o C8 a .2 1-^ 3 f« aj o ai ^ I o o .Pu. oc a ri ; en s- . ri O ;i ■vJ CJ i2S O) a J ri o I o ^ri â I => O a; — I ri r/j I a ' o ce a == 3 a o 5 ri a r3 — ri a o sa o ri ■| a J =- ^ .» I— ! en 1 I I I ci ' ' _ (ft T^ 1 o en a tu lo ri aj . 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Gv, Gr. ars Œ = ■»>'j^ ce 03 ce os ce (2 a o— . o ce 0} ai — -a o o a rt- ^-G fr^i =:J oa §Sj s TTr 3 -s :^ rt s rt -S T3 i2 fcD 55 o o eu rt a fl Cl, i2 g I g o bD 3 =d ri; o d bD ■3 03 O _3CL .^- o --^.5 !» ' ■:St;OHC? = =.S bl) s) .a ~ «^ fTi^Tl ri CJ la -— ^ si QhÔ! ^ o ri tn .2 .- ■-- riÇ^ t=H Cl[ — ' to 5— ri a *^ 3 " ri a co — -r .S ri en < o ::n a i- ri o o -►J (^ (j ^ .2 S I S| 0,2 cqS 1^ O OJ •3 a o s tf 3 3 -^ i ri o bD a • 3 s (2 ce i-.3 8 ë »v ri ri o Jce ri' a a a o o- - &■ ri 3 Q a o o z o > > ce ce o a oo o o r/3CO O > o o o >> /- > -J i^ t» > o -j: o o es C5 o H > > e; o c/^'^ a^-^s^-^^ '=:s = s':n a a a X ce c^' — aa — aaai; mrsiTi ce co ce c/D •xicn ^ci. >>>>> ce ce ce ce P>>>> >>>> 'Xirji'j^rji xnwwiri l o 3 a a -o z O 3 A u P O -3 3^3 J s s - ^ S a:) •J3 03 --- aj en = rf ? y St-H !-i CD d — ri eu 2 d"û< ci rt ._ O «8 h:] ri ri a ri O ri O) _ !.. 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Les Glandes salivaires des Pseudo-névroptères et des Orthop- tères, p. 343. Boutan [L.]. L'Organe glandulaire péri- phérique de ÏHelcion vellucidum, p. 437. Brumpt [E.). Ancêtres des Vertébrés (voir Minât). — Quelques faits relatifs à l'histoire du Phascolion strombi, p. 483. Caryophyllia arcuata (voir H. de Lacaze- Duthiers, p. 91). — clavus (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 27). — cyalkus (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 13). — Smitidi (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 63). Catalogue des Invertébrés benthiques du golfe du Lion et de la Manche oc- cidentale avec leur hnbitat, p. 617. Cœnocyathus nnlhophyllites (voir //. de Lacaze-Dithiers, p. 113). Cœnocyathus corsicus (voir //. de La- caze-Duthiers, p. 114). — cylindricus (voir H. de Lacaze-Du- thiers, p. 108). — Mouchezii (voir H. de Lacaze-Du- thiers, p. 115). Ghilopodes (voir Duhoscq). Cladocora (voir H. de Lacaze-Dulhicrs, p. 161J. Cladopsammia (voir H. de Lacaze-Du- thiers, p. 206), — Rolandi (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 20S). Dendrophyllia cornigera (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 216). — ramea (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 217J. Desmophyllum crista-galli (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 131). Duhoscq (0.). Surle système nerveux sen- sitif des Trachéales (Orthoptères-Ghi- lopodes), p. 400. Entonnoirs segmentaires (voir Guifel). Eupsammines (voir H. de Lacaze-Du- thiers, p. 161). Faune du golfe du Lion (voir H. de Lacaze-Duthiers). Flabellum anlhophyllum (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 137). Glandes salivaires des Pseudo-névrop- tères et des Orthoptères (voir Bo/'das). Golfe du Lion (voir H. de Lacaze-Du- thiers). Guitel (F.). Sur un procédé facilitant la recherche des entonnoirs seirmen- 662 TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. taires du rein des Sélaciens (note pré- liminaire), p. 385. Helcion pellucidum (voir Boutan). Lacaze-Duthiers {H. de). Faune du golfe du Lion ; Coralliaires, Zoanthaires sclérodermés (deuxième mémoire), p. 1. — Discours, p. 317. Lamellibranches (voir Piéri). Leptopsammia Pruvoti (voir H. de La- caze-Diithifirs, p. 198). Leptopsammines (voir H. de Lacaze-Du- thiers, p. 195). Lophohelia proliféra (voir H. de Lacaze- Duihiers, p. 148). Madrépores poreux (voir H. de Lacaze- Duthiers, p. 161). Miyiot [C.-S.). Contribution à la déter- mination des ancêtres des Vertébrés^ traduction par Brumpt, p. 417. Oculinides (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 141). Orthoptères (voir Duboscq et Bordas). Paracyathes (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 120). Paracyathus striatus et pulchellus (voir H. de Lacaze-Duthiers, p. 122). Piéri [J.-B.). Recherches physiologiques sur quelques Tapidés et autresLamel- libranches, p. 251. Poissons (voir Bataillon). Pruvot{G.). Fonds et Faune de la Manche occidentale, p. 511. Pruvot (G.) et A. Robert. Sur un gise- ment sous-marin de coquilles an- ciennes au voisinage du cap de Creus, p. 497. Pseudo-névroptères (voir Bordas). Roscoff. Fonds et Faune de la Manche occidentale (voir Pruvot). Segmentaires (Entonnoirs) [\ oir Guitel]. Sélaciens (voir Guitel). Stations des animaux marins sur les côtes de la Bretagne (voir Pruvot). Tapidés (voir Piéri). Trachéales (voir Duboscq). Turbinoliens (voir H. de Lacaze-Du- thiers, p. 131). Zoanthaires sclérodermés (voir H. de Lacaze-Duthiers). TABLE DES PLANCHES 3» SÉIUli. TOME V Fig. 1 à 12. — Les Coralliaires du golfe du LioQ, par U. de Lacaze-Duthiers. PI. I. — CaryophrjlUa clavus (animal). II. — — polypier fortement grossi. III. — — Smi., iiit'eiiit. CARYOPHYLLIA SMITH II Ai^ch de Zool.Exp'.= et Gén\^ S^SerieVol.VPl.Y B.de LDad nat.del . JfiyardinPh .jc ■ CARYOPHYLLIA CYATHUS_ C. ARCUATA CŒNOCYATHUS MOUCHE SI_CŒ.CYLINDRICUS Librairie C Jieinmald ■ Ai'ch.de Zool.Exp^* et Gén^.* 3" Séne.Vol.YPl.VI. ^. v%^^r|-!;t¥#:?^- î^'i ^ '^' * I^; 5^ 1 r 1 .jaiiiïi«»'»'' ■ 1' '•■"gis»'/ »-^^.n 1 m ■0 JE jp t ii 1 « fr * * I è *;» ; 1 Il i K^'.i r>' -■-iiaS>>>v ^* > âk < If 4 ' K ^ 1 fi il 'jSfti^^^^^^^^^^^^^^^l a 1 ^^R »-|| y^ ^'f^ t.^ s"^ s^ B :,^^ ^^^Â^^ 1 3 l'-^fl lfi% apll ^^^^ (■'■'',/ '^^ jflfi>^r'-^' ^BÉ^-S /li^f ^iffl'j^i à^! £r : ■ . _..v \ in ^^^■pPMp . , V>L'/ jï., iitcenit. PARACYATHUS Arch.de Zool.Exp et Gén 3^SeneyolY,Pl,VIII, B de LD.iui nal ,U Diifordin Ph ■•■>••..•.'.■ A- tf : ;'.i, •r 4 1 si mw^ ym ■^^^y :\ "-*- — ; 4t^ S-de LD.ad nat.del . Duf'ardi'n Ph-^c . LOPHOHELIA_DENDROPHYLLIA Librairie C.lieinwatd ■ Arch.de Zool.Exp^^eL Gen^.^ 3"^Série.Vol.V.Fl.Xiil. KHaUuUon . ^^" J-/>- IS^-' K-V. 6' >vs -IV le "À ((-" ni- ;.;'<> "^ ^' V V .^^ ■ ^r .7'-:- ;... Jm m zft" 8 i C^^ ' .î^" ^■^ *7/rt y l ^-^ 1 L.HorJr.x .M GLANDES SALIVAIRES (P-"e-jfIo-r.é-/roDtères) Lnr-taitil ^f l.ihr'iirif C /^finnm/é/ àr-y^ Ae. ZooVExT)-«et Génl^ S^Sene.Vol.V.Pl.XV: .'/•^ // ;->-^— ^'' ^i.. %■'- f ( .â V-lLV [\i^ } ^ ■- r-I ^>^ ^:^ , J .'/' /<:• :.^-i ^Vh "-^ci^Q::: 7^ V '^-'^> •i i" ^^,...:.l.^ P'-v-^,^' xp ,r~- >-^i 'Aj:i^ '^cr^' > 4 Cc.i ~ '■ m h / /., CÎ^ ^/> /fort/a.r c/f/ . J.artatui .*■'• GLANDES SALIVAÎRES (Pseudo-névroptères et Orthoptères) i^thnnirti' C Heùifun/ti Arch.de Zool.iixpv' et Gen M A) '-^ 3"^Serie,Vol.V.Pl.XVri n r / 3 "^-^'^ u ^ -V!^.^.^ ,.c^çK^ lA ' "h- S-^ i'" ' , 1 ^ '.V^r 4_.- h^ 5 ( .. L ? .?•' -.w ^ >-,■ I.Hor,i,>.r .M . 'J -^ l>r GLANDES SALIVAI RE S ( Orthoxitère : i.arfttuJ ■' /.i/n'iiirif l'./it'tnnn'/if . Arch. de Zool. Expif et Génif 3e Série Vol. V. PI, XVm. /•'. Guitel phut. ACANTHIAS VULGARIS Librairie <\ lieimvahl Arch.de Zool.Exp^'" »' Gén'.' le 3^Serie,Vol.YPl.XlX. /.itrltuui ^c . SYSTEME NERVEUX SENSITIF. FORf ICULA. LITHOBIUS. /.ti>f'itù'w C-Jiftnt»»ttit{ . . Arcli.de ZooIExp-^,^ et Gen^,^ 3^ Serie,VoLV.Pl.XX. LBoutan rft-/ - Xartaiu/ ^c ORGANE GLANDULAIRE PÉRIPHÉRIQUE DE L'HELCION PELLUCIDUM, i.ibraùie CReùuualt/ . ^Ircii JB Zool Exp'' et Cén'' S'S^MeVoi V PI // *"" " '"v...... p.u Kris.^ /-r .ui? l- I mmut^r'.Aà* »<■■ ;h de Zool Exp'* etCen'' ^-'Ser.<.yr,l V PS /./.il Ccfl' 6 'u- \ 1 ; 1 An"' ; / \ / Librairie C- HEIN-WALD, IS, Hu«- de» Saint» PêrfB_P, I ■\rch de Zool Exp\* et Cen^^ 3* Série Vol V. H XZIll COn^BFS 1ND10U.^^'T LA MAKCHE C7ENERALE DE LA I\L\REE. .^ à Roscol'C à Saint -Malo Jusan.1 Temps en venliènies ^O 48 5G f>6 100 Flol Pleintf Mer- O 8 Etale do Basse Mer 4i> 48 r.o Tenij'-: en evnUèrne.s Echelle des U-mps et des /inuleui-s - - "^ m pur- ceriOènw. inp^ErAurJ Ibns Arch de Zool Exp"* et Cen^' 3' Séné Vol V PI XXIV PROFILS DE LA CO'I'K l)K IlOSCOl'F KT l)K I.'ILK DK BATZ. -m t-/t-niH-a B a II il A l-alK.l-iil(iii-i' (l('lt "5 NnïAUX DES M.'\REE,S ET DES HORIZONS BIOLOGIQLTES SUR LA CÔTE NORMANNO -BRETONNE. si •ê "^ 1 Il , i §=i . 3^ Série Vol. V. PI, XXVI . 5- S &- ^ ?: Cooffî /■/..;/. nmj-i/r.ri/iiit,,,.!-,- (1,18) PI Jlniin ilf viiH'.y filiur (0,721 1*I-,U. nui'f.f/t' iniifli;'- caïur (0,G'Ji PI.JL inifi.i/f utot'li^'i' eati.r ((]i'(î> Xivcaii nuïv'oii IS.JI tiiti,f fil' iiicfli'.'- ctm^ (0,l'(') B .'/ ii,i„ ,(>" I B .;/. rntl.l . Au-dessus du 0 des cai-les Zoyfcrcs /firiKtfttha lt