CCS DL ES 4 a at ns EL LS “ dre HARVARD UNIVERSITY RL ASIE LIBRARY OF THE Museum of Comparative Zoology ARCHIVES Z00LOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPIIOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI ne LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF (FINISTÈRE) ET DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR MER (PYRÉNÉES-ORIENTALES} (Laboratoire Arago) DEUXIÈME SÉRIE TOME CINQUIÈME 1887 Ru PARES LIBRAIRIE DE C. REINWALD 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 Tous droits réservés, à PE # ; NOTION (Ez n ah LA AH ee a NOEL AU ET STE de : x L OT ER FR i VE LT 0 ARR PÉATTE A TE RS YNh 0410 (RRAN (9 al 1 Rae AE retirent RS CAN (P f) L: mu AU Fes. | re a | ol LR ü U ‘ Leu des SLaliOn | \ A lrondaarzur oes renIve par ses eleves el par de nombreux Savants francais et elrangers . comm e lemoignage d'admiration es travaux et ses sacrifices a la Jcienc pou ses fe] L HOMMAGE M. H. DE LACAZE-DUTHIERS Tous ceux qui ont suivi les progrès de la zoologie savent que l'essor qu’a pris cette science depuis un quart de siècle est dû surtout à l'étude des invertébrés qui habitent la mer. De courageux savants, embarqués dans des expéditions lointaines avaient parfois enrichi nos musées de collections inestimables; d’autres, campés pour une saison sur quelque point d’une côte, avaient poussé fort loin des études pleines d'intérêt ; mais c'était là une exception bien rare et la zoologie marine ne pouvait entrer dans la voie des progrès rapides que lorsque des laboratoires permanents, bien outillés, installés sur le lieu même de l'exploration, auraient ouvert leurs portes à tous les chercheurs. C’est ce que comprit M. de Lacaze-Duthiers le jour où il fonda sa première station, celle de Roscoff. L’utilité d'établissements de ce genre saute aux yeux aujourd’hui et, sur tous les points des côtes, à l'étranger comme en France, d’autres, suivant sa trace, ont créé des laboratoires dont quelques- uns, dotés dès l’origine de sommes importantes, ou repoussant le principe de la gratuité, ont pu dépasser celui de Roscoff par la ri- chesse de l'installation. Mais il faut avoir assisté au développement pénible de la station bretonne pour comprendre quelle activité, quelle persistance et quelle énergie il a fallu pour la fonder. a 1l HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. La création de cet établissement de recherches avait pour com- plément indispensable celle d’une publication périodique. Les Archives de zoologie expérimentale remontent à cette époque. Enfin M. de Lacaze-Duthiers met le sceau à son œuvre en ache- vant la station méditerranéenne de Banyuls, sœur cadette de celle de Roscoff, qui n’a pas tardé à égaler son aînée et même à la sur- passer. Voilà bien des années que nous profitons du bien-être scientifique que ces fondations ont fait régner parmi nous : simples étudiants, désireux d’apprendre, nous sommes admis dans ces stations ; cher- cheurs laborieux, nous trouvons au bord de la mer le même confort que dans les laboratoires des villes ; loin des côtes, des envois pé- riodiques nous ont permis de continuer des recherches, ou de donner à notre enseignement un attrait plus vif ; enfin nos travaux ont trouvé dans les Archives des facilités nouvelles de publication. Tout cela nous le devons à M. de Lacaze-Duthiers, qui a enduré mille fatigues, a mis sa santé en péril et, sacrifice plus grand encore, a négligé la publication de recherches presque terminées pour donner aux autres des moyens de travail. Pénétrés d’admiration pour un tel désintéressement, pour une si grande activité mise au service de la science, nous lui avons fait hommage de son portrait gravé par un artiste éminent et nous en offrons aux lecteurs des Archives une reproduction réduite de moitié. Il nous eût été facile, en nous adressant à ceux qui lui touchent de moins près de donner à notre manifestation plus de retentissement. Nous ne l’avons pas voulu, tenant à lui conserver son caractère intime et familial ; et si quelques personnes, qui ne sont point ses HOMMAGE À M, H. DE LACAZE-DUTHIERS. ni élèves ou qui n'ont point profité directement de l'avantage de ses fondations, se Sont jointes à nous, c'est pour marquer qu’elles étaient pénétrées elles-mêmes du sentiment qui nous a inspirés. Liste par ordre alphabétique des élèves et savants qui ont pris part M. Agassiz. Mic Amorousmeau. MM. Apostolidès. Baillon. Barrois (Th.). Beddard. Bedot, Bergeron. Bertrand. Besson. Mile Bignon. MM. Bogdanow. Bolot. Bourquelot. Boussinescq. Boutan. Broca. Brocq. Brun: Carnoy. Claretie (J.). Coffin. Cosmovici. Coste. Curtel. Dareste. Defrance. Delage. Deniker. Dimmock. Dominici. Drème. Dubois. Duchartre. Du Mesnil. Duplessis. Faure. Faurot. Fischer. Flahaut. à la souscription : MM. Fleury. Fournier. Fraipont. François. Frédéricq. Friant. Frontera. Gache. Gaudry. Gaathier-Villars. Gazaniaire, Geddes. Girod. Gourret. Galeb. Graff. Guitel. Hallez. Hallez (Louis). Harmer. Henneguy. Herdmann. Hérouard. Hoeck. Homes. Houssay. Huxley. Jauet. Jarrel. Joliet. Joubin. Jourdan. Joyeux-Laffuie. Julien. Kerbert. Kôlher. Korotneff (de). Kowalevski. Kunckel d'Herculais. Lahille. MM. Lesage. Letellier. Liard. Liebaut. List. Loye. Macé. Maisonneuve. Marchal. Marion. Martin. Maupas. Meuron (de). Molet, Moniez, Moquin-Tandon. Moreau. Moseley. Mouchez. Munier-Chalmas. Murray. Nicklès. Pérez. Peyrou. Physalix. Piéri. Plateau. Poirier. Porthes. Pouchet. Priem. Prieur. Prillieax. Prouho. Pruvot. Quatrefages (de). Ranson. Ranvier. Ray-Lankester. Reinwald. IV HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. MM. Retterer. Reulaux. Richet. Rivière. Rougel. Roule. Schneider. Schæffer, Sicard. Sirodot. Sollas. Stephanescu. Stirling. Stoyle. MM. Thélohon. Thomas. Thompson. Thoulet. Tissandier (G.). Tisserand. Trapel. Truchot. Vaillant. Van Beneden. Van Vyhe. Varigny {de). Vasseur. Vauthier. MM. Vayssière. Vélain. Vigelius. Viguier. Viron. Vitzou. Vogt. Yung. Yungfleisch. Wagner. Weigmann. Laboratoire de phy- siologie de Bucarest. Ce portrait a été offert à M. de Lacaze-Duthiers dans un banquet, le 13 mars, à l'Hôtel Continental. Signalons à ce banquet la présence de MM. Faye, Hébert, Hautefeuille, Pouchet, Potain, du Mesnil, Riche, Frédéricq, Delage, Théodore Barrois, etc., etc. M. Albert Gaudry avait bien voulu en accepter la présidence. Plusieurs discours ont été prononcés. DISCOURS DE M. A. GAUDRY, Professeur au Muséum, membre de l’Institut. MON CHER MAITRE, Plusieurs ‘de vos élèves et de vos amis ont eu la pensée de vous offrir un témoignage de leur admiration pour vos créations scienti- fiques. Je ne vous dirai pas que vous êtes à la tête de la zoologie, que vos travaux personnels sont un honneur pour la science française ; chacun sait cela. Nous sommes venus ici pour rendre hommage, non à votre grand esprit, mais à votre grand cœur. Cela vaut mieux, je pense, car le cœur est quelque chose de meilleur encore que l'esprit. En 1871, notre chère France était malheureuse; nous pouvions HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. v dire comme jadis le roi François: Tout est perdu, fors l'honneur. Les épreuves n’abattentpointles vrais braves; chacun s’est recueilli et s’est demandé ce que, dans sa sphère, il pourrait entreprendre pour re- donner des forces à notre pays. Vous, monsieur de Lacaze-Duthiers, vous avez pensé que votre devoir patriotique était de nous faire “obtenir les succès pacifiques de la science. Mais un savant isolé, quel que soit son génie, ne peut beaucoup faire avancer la science; il faut de nombreux travailleurs. Or, autrefois il était impossible qu'il y eût de nombreux travailleurs en zoologie, parce que les débuts de cette science étaient trop difficiles. D'abord, il n'y avait pas assez de recueils zoologiques pour publier tous les travaux. En 1872, mon cher maître, vous avez commencé vos Archives de zoologie expérimentale, recueil qui a maintenant quinze volumes enrichis de magnifiques planches; ces volumes ren- ferment un grand nombre de mémoires qui ont été faits par des débutants. Merci pour vos Archives ; en servant la cause des jeunes, vous avez servi les intérêts les plus chers de la science française. Ce qui manquait surtout aux novices zoologistes, c'était la possi- bilité d'étudier les animaux à l’état vivant. Je dois faire à ce sujet une confession : il y a trente-sept ans, je passais ma licence ès sciences naturelles. J'avais un peu étudié les animaux terrestres, mais je connaissais mal les animaux marins, car ou bien Je les avais vus à Paris, contractés, décolorés dans l’alcool, ou bien j'avais été au bord de la mer sans avoir personne pour m'expliquer ce que je regardais. Aussi je tremblais qu’à mon examen on me demandât la préparation de quelque bête de mer. Un heureux sort voulut qu'on me donnât à faire l'anatomie d’un colimacon; ce colimacon m'a sauvé. Mais j'ai eu une grande peur. Les choses ont bien changé. grâce surtout, mon cher maître, à vos vi HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. fondations de Roscoff et de Banyuls. Je ne suis pas un zoologiste, je ne suis qu'un paléontologiste ; mais je pense que la paléontologie est une sorte d'embryogénie immense et que les êtres d'aujourd'hui sont la continuation de ceux d’autrefois. C’est pourquoi les progrès de la zoologie me semblent d’une telle importance pour ceux de la paléontologie, que j'ai voulu voir les laboratoires de Roscoff et de Banyuls. Dans notre tranquille Bretagne, non loin de la vieille et pittoresque ville de Saint-Pol-de-Léon, s'étend la plage de Roscoff; les plaisirs mondains l’ont peu envahie et peut-être ne l’envahiront jamais beaucoup, parce que les nombreux rochers qui s'élèvent au milieu des flots empêchent d’y bien voir la grande mer. Mais ces rochers forment de précieux abris pour les animaux marins et offrent des stations variées ; aussi la plage de Roscoff est très riche au point de vue zoologique. Une barque, attachée à l'établissement de recher- ches, permet d'aller recueillir les animaux dont on à besoin. Le laboratoire comprend de nombreuses chambres : chacune a un lit, deux chaises, une table avec microscope, loupe, scalpels et tous les objets nécessaires au zoologiste. On ne paye rien pourle logement, les instruments, les animaux, de sorte que non seulement ce n’est pas une dépense de travailler à Roscoff, c'est une économie. Les étrangers sont admis aux mêmes conditions. On ne saurait pousser plus loin le libéralisme. En sortant de Roscoff, je me disais : Le grand savant qui a fait tout cela, a sacrifié son temps, son argent, sa santé ; le grand savant qui a fait tout cela est un vrai ami des travail- leurs. J'ai été dernièrement à Banyuls ; je ne sais si c’est parce que Banyuls, en me rappelant l'Orient, m'a rappelé mes souvenirs de jeunesse, mais j'ai trouvé cet endroit charmant : un ciel bleu si pur HOMMAGE À M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. vil qu'il donne à l’âme l'idée de l'infini, une mer presque aussi bleue que le ciel, des falaises dont les rochers accidentés sont couronnés cà et là de cactus et d’aloès: tout y semble fait pour y inspirer l'amour de la nature. En entrant dans le petit port de Banyuls, j'aperçus une jolie barque qui fait le service du laboratoire de re- cherches. Dansle laboratoire on me montra une vaste salle entourée d’aquarium. Puis, comme à Roscoff, je vis des chambres où chaque zoologiste français ou étranger reçoit, sans rien payer, le logement et les instruments nécessaires à ses études. Et aussi comme à Ros- coff, je me disais: Le grand savant qui a créé cela a pris beaucoup de peine, le grand savant qui a créé cela est un vrai ami des tra- vailleurs. Non seulement Roscoff et Banyuls sont utiles aux personnes qui y viennent étudier, mais encore on y fait chaque semaine des envois importants pour nos diverses Facultés des sciences, de sorte qu’au- jourd’hui, au milieu de la France, naturalistes, artistes, philosophes peuvent, sans se déranger, admirer les merveilles du monde de la mer. Tout cela, mon cher maître, mérite bien un remerciement. C'est pourquoi plusieurs de vos élèves se sont aujourd’hui rassemblés, et pourquoi vous voyez à côté d'eux le vénéré doyen de la Faculté des sciences et d’autres savants illustres. Nous avons demandé à un habile artiste de graver vos traits ; voici votre portrait que nous vous offrons. En le voyant chacun redira comme nous, avec un sentiment d’affectueuse reconnaissance : Voilà un vrai ami des travailleurs. vill HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. RÉPONSE DE M. DE LACAZE-DUTHIERS. J’ai eu, a dit un poète découragé : Le plaisir triste’et doux de faire des ingrats. Si ce poète était ici, il verrait bien, messieurs, que sa plainte n’est pas toujours juste, et que vous, mes Jeunes amis, qui avez organisé cette fête, donnez un démenti formel à ces paroles décevantes. Je vous remercie donc du fond du cœur d’avoir songé à m'offrir un souvenir qui témoigne de sentiments tels que ceux qu'a expri- més notre cher président, M. Gaudry, dans des termes si affectueux et trop indulgents pour moi : vous aussi, mon cher ami, recevez l’ex- pression de ma gratitude pour les paroles bienveillantes que vous venez de m'adresser. Vous voulez reconnaître, dites-vous, les quelques services que j'ai pu rendre à la zoologie, soit. Mais vous seriez en droit de m'a- dresser les paroles du poète, si j'oubliais de rappeler quels puissants secours m'ont été donnés. Vous n'apprendrez rien de nouveau dans ce que je vais vous dire, mais j'aurai au moins le plaisir vif et doux de montrer que vous n’avez pas fait un ingrat. Le point de départ des efforts que j'ai tentés se retrouve dans l’ori- gine des Archives de zoologie expérimentale. Voici comment. Deux sentiments pénibles me poursuivaient vers l'époque où la France subissait ses désastres. De toutes parts on répétait que notre pays ne travaillait plus ; que démoralisé, découragé par ses malheurs, il s’'abandonnait à son sort, HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. IX se laissant aller à la dérive. Il ne m’a jamais été possible de croire que la France, avec une indifférence profonde, se coucherait volon- tairement dans la tombe que les ruines semblaient avoir ouverte sous ses pieds. Comme zoologiste, il m'était non moins pénible d'entendre une école s’attribuer à elle seule l’apanage brillant de l’expérience et re- dire sur tous les tons que la zoologie était une science de mots, des- tinée simplement à enregistrer et à étiqueter les êtres. Je crus de- voir réagir dans la mesure de mes forces contre ces idées, et, dans quelques lignes placées en tête du premier volume de mes Archives, j'affirmai la foi que j'avais dans l’avenir. Ce fut en 1872 que parut le premier volume il tomba sous les yeux du directeur de l’enseignement supérieur, l’un de nos plus aimables et patriotes convives. M. le conseiller d'Etat A. du Mesnil goûta ces idées ; il fit souscrire son département à la publication et les Archives étaient sauvées, car je n'avais eu, pour débuter, que onze souscripteurs français. Il fit plus, il voulut qu’un établissement fût créé où l’évolution, partie la plus intéressante de l’histoire des êtres, pût être suivie expérimentalement, et il me donna à la fois une place dans les hautes études et les moyens de fonder (en 1872) l'établissement de Roscoff. Les moyens! Nous nous plaignons de l'insuffisance de nos budgets. Savez-vous ce que mon excellent ami put mettre à ma dispo- sition ? 3000 francs, et cela pour couvrir les frais des voyages des premiers jeunes travailleurs, la solde de deux matelots, le service d’une maison meublée louée 1200 francs et l’acquisition d’une méchante petite barque payée 210 francs. Avec ce budget et onze abonnements, quelle perspective ! et par La x HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. quelles péripéties j'ai dû passer ! Quand j'y songe, je me demande comment j'ai osé me lancer dans de pareilles aventures. Aussi, à cette époque, je fatiguais mes jeunes collaborateurs en leur répétant sans cesse ce quatrain de Voltaire: Nous tromper dans nos entreprises, C'est à quoi nous sommes sujets; Le matin je fais des projets, Et le long du jour des sottises. Des soitises; pas autant que cela. Votre réunion le prouve bien. D'ailleurs, je savais que j'avais derrière moi la bonne volonté de mon excellent ami qui ne cessait de lutter pour augmenter peu à peu mes ressources. Par les soins mêmes de M. du Mesnil, une belle propriété fut acquise et aménagée; un parc, un vivier furent construits sur la grève et l’existence de la station fut dès lors assurée. Certes, je serais l’ingrat du poète si je ne vous attribuais, mon cher du Mesnil, la plus grande part dans la création de Roscoff, et n'est-ce pas mon devoir de vous adresser des remerciements au nom de tous les zoologistes qui bénéficient de l'établissement dont vous avez déterminé la création ? Vous devintes conseiller d’État. M. Dumont, que nous regrettons tous, vous succéda, visita la station et s’intéressa vivement à son avenir. M. Buisson, le directeur si sympathique et dévoué de l’en- seignement primaire, passa à Roscoff et trouva les écoles primaires dans un état déplorable. J’en fus ravi; car ces écoles, s'avançant comme un coin dans la propriété du laboratoire, me faisaient ré- péter tous les jours, comme le campagnard d’'Horace : Pet Se ir, se 0e TOP T AREUIES Proximus accedat, qui nunc denormat agellum! Les deux directeurs s’entendirent, et, pour une forte subvention, HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. x! la commune céda ses classes, transformées aujourd’hui en labo- ratoires. Ne dois-je pas remercier M. Buisson et adresser l’expression de mes regrets et de mes souvenirs reconnaissants à la mémoire de M. Dumont, qui a tant fait pour l’enseignement supérieur ? Quelques mots suffisent pour retracer l’histoire de ces progrès; mais n'allez pas croire que les négociations pour atteindre le but soient aussi simples ; elles ont toujours été fort laborieuses. | Le laboratoire date de 1872, — et il y a encore une batterie voisine et un chemin à obtenir. Oh! ce n’est pas peu de chose que de vain- cre la ténacité bretonne et l’esprit conservateur du génie militaire. Mais je suis aussi très tenace, et nous arriverons. Je connais la va- leur de « Patience et longueur de temps » de la fable. Les travaux scientifiques se multipliaient, les élèves arrivaient à la Sorbonne ; il fallait songer à ne plus interrompre les recherches durant l'hiver, car pas un travailleur ne voulait rester à Roscoff pen- dant la mauvaise saison. C’est alors que j’entrepris de compléter par un laboratoire d'hiver, au bord de la Méditerranée, l’organisation de l’enseignement de la zoologie à la Sorbonne. Tout étant différent dans la Méditérranée, faune, climat, mer sans marée, le jeune naturaliste ne peut que profiter de son séjour dans le Midi. Le succès rend audacieux. J’entrepris une campagne nouvelle. Ici, je trouvai l’administration non pas hostile, mais hésitante. Roscoff n'est pas terminé, me disait-elle ; ne vaut-il pas mieux finir une station avant d’en commencer une autre? Et puis votre santé ? Rien n’est de mauvais augure, au commencement d’une entre- prise, comme ces conseils sur la santé, surtout quand ils sont XII HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. donnés par une administration hésitante. Je les redoute tellement que je continuai plus ardemment ma campagne, et qu'après bien des voyages, bien des visites, j'obtins la promesse de 18 000 francs pour acquérir un mobilier scientifique, si j'arrivais à avoir un local. En 1883, je remettais à l’État le laboratoire Arago, qui avait coûté 132 000 francs, non compris, bien entendu, les 18000 francs du mo- bilier promis. Le département et la ville de Banyuls m’avaient voté 60 000 francs. Où et comment trouver les 72000 qui me manquaient? Je vous fais grâce de mon odyssée. J'ai frappé à toutes les portes, voyant mes demandes tantôt repoussées, tantôt bien accueillies. Comment ne pas adresser devant vous mes remerciements les plus chaleureux : À M. Ad. d'Eichthal, le savant et vénéré président de la Compagnie des chemins de fer du Midi, dont la coopération a été telle que, je puis l’affirmer, sans les facilités qu’il n'a cessé de me donner, je n'aurais pu réussir. A MM. le baron Thenard, Gaudry, Gauthier-Villars; au premier : président de la cour d’Agen, et à tant d’autres amis qui m'ont in- terdit de prononcer ou d’imprimer leur nom, qui tous m’ont confié des sommes diverses employées pour les constructions, la bibliothè- que et l'aménagement ou la décoration de l’aquarium. A l'Association française pour l'avancement des sciences, qui n'a donné un scaphandre, dont mes zélés et dévoués collaborateurs ne voudraient plus se passer depuis qu’ils sont passés maîtres scaphan- driers. A l'époque où je m'agitais pour créer Banyuls, M. Tisserand, le directeur de l'agriculture, qui développe avec tant de persévérance HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. XIII l'enseignement scientifique de l’agriculture, passa par Roscoff. Il fut tellement frappé du travail et des résultats qu'il y put constater, qu'il appliqua ses soins à me faire obtenir des fonds de son ministère, et qu'aujourd'hui le laboratoire Arago est classé comme Station agro- nomique, et, ce qui est bien mieux, subventionné comme tel. N’avais- je pas à remercier pour de tels services rendus ? Et je n'ai pas terminé. Les bâtiments principaux de Banyuls étaient à peine finis, que nous y travaillions déjà et que M. Barthélemy, professeur à la Fa- culté des sciences de Toulouse, organisait une excursion et condui- sait à Banyuls ses élèves et la Société des sciences naturelles de la Haute-Garonne. Il avait reçu des animaux vivants nombreux que je lui avais envoyés et qui avaient vivement intéressé les naturalistes de Toulouse. Ancien maire et conseiller municipal, il m’engagea à m'arrêter à Toulouse, me mit en rapport avec le conseil municipal, à qui je parlai tant et si persuasivement sans doute, qu'il me vota 4000 francs. Plus tard le conseil de Perpignan mit aussi une somme à ma disposition. Enfin l'Académie des sciences m'accorda, sur les instances de MM. Wurtz et Dumas, des subventions qui m'ont été continuées plus tard. Vous le voyez, je suis l’obligé, il serait mieux de dire le laboratoire est l’obligé, de bien des personnes, et je ne l’oublie pas. Tenez, je crois que j'ai manqué ma vocation. j'aurais dù appar- tenir à l’ordre des Frères quêteurs. En ce moment même, je suis obligé de remplacer par une ma- chine à vapeur le moulin automoteur qui, m'avait-on assuré, devait déjouer les tempêtes, et que les bourrasques de cet hiver ont fait XIV HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. voler en éclats. Quelle dépense! Où prendre 40000 francs? Déjà MM. Bischoffsheim, de Rothschild et l’Académie m'ont fourni la plus grande partie des fonds nécessaires. Mais il me reste à trouver une somme que je cherche encore. Il faut la découvrir. Le sympathique ingénieur de la maison Weyher et Richemond, M. Liebaut, que je suis heureux de remercier, me promet des faci- lités dans les conditions de cette acquisition ; aussi j'espère bientôt pouvoir monter un aquarium qui ne le cédera en rien à ceux qu’on vante le plus. Je vais partir pour surveiller l'installation non seulement de la ma- chine à vapeur, mais encore de l'éclairage électrique. J’ai toujours remarqué que, pour réussir, il fallait se créer à soi-même de grosses difficultés. C’est le seul moyen de les mieux vaincre, car elles nous forcent à multiplier nos mouvements et notre activité. C’est pour cela que je n'ai pas limité l'acquisition simplement à un moteur et que j'y ai ajouté les appareils électriques ; bien certain que je serai forcé par cela même à recommencer mes démarches importunes. Plus tard viendra la chaloupe à vapeur, et je ne doute pas qu’elle ne me soit donnée par ceux-là qui m’auront le plus aidé. Lorsque l’appareil hydraulique sera réparé, quand les bacs, exis- tant déjà, seront abondamment fournis d'animaux, quand les nou- velles cuves de glaces, qui vont être construites dans quelques jours, seront terminées, l’aquarium aura un grand air. Il a déjà été décoré des bustes des hommes illustres donnés par le ministre des beaux- arts: Cuvier, Linné, les de Jussieu, Buffon, Réaumur, Lavoisier, Descartes, Pascal, et beaucoup d’autres occupent les panneaux de son pourtour. Le beau buste d’Arago, par David d'Angers, à une place d'honneur. Enfin, dans le milieu de la vaste salle, se dresse la Vénus de Milo, HOMMAGE A M, H. DE LACAZE-DUTHIERS. XV sortie des ateliers du Louvre, et offerte par le premier président Drême. | Ainsi le travailleur, lassé par les études pénibles du laboratoire, pourra reposer ses regards sur l’un des plus beaux chefs-d’œuvre de l'antiquité, et méditer sur les beaux vers de l’invocation à Vénus, de Lucrèce, inscrits sur le socle. Dernièrement, un naturaliste étranger était de passage à Banyuls. Très surpris de trouver l’aquarium ainsi décoré, il m'écrivait : «Combien j’ai été ravi de pouvoir admirer un pareil objet d’art étant pour ainsi dire séparé du monde, isolé sur le promontoire du Fon- taulé, entre les flots bleus du golfe de Lyon et les âpres crêtes des Pyrénées! En me trouvant au milieu des images de tant d'hommes célèbres, je me sentais comme enveloppé d’une atmosphère de science, d'art et de philosophie. Les moments que j'ai passés à Ba- nyuls sont trop courts, l'impression a été trop vive pour que je ne revienne pas séjourner et travailler dans ce beau pays. » Je m’arrête, messieurs, en vous remerciant encore, vous tous que je considère comme mes collaborateurs, qui avez soutenu mon cou- rage et m'avez fourni les moyens propres à réussir. Je n’oublierai jamais cette charmante fête donnée pour m'offrir ce souvenir précieux qui est à mes yeux le vrai couronnement de ma carrière scientifique. N'oublions pas enfin que nous sommes réunis pour fêter la science qui nous est chère, et buvons aux progrès de la zoologie française ! XVI HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. DISCOURS DE M. LÉON FREDERICQ, Professeur de physiologie à l’Université de Liège. MESSIEURS, Permettez-moi d'ajouter quelques mots au nom des étrangers qui ont reçu l'hospitalité au laboratoire de Roscoff. J'y suis autorisé formellement par plusieurs d’entre eux que l’époque de l’année, qui est celle de leurs cours, a empêchés de se joindre à nous. Plusieurs m'en ont témoigné leur profond regret. Tous nous avons été reçus à Roscoff, avec une cordialité, avec une libéralité dont je suis, pour ma part, réellement confus. Je suis heureux de l’occasion qui se présente aujourd’hui de témoigner publiquement à l’illustre maître que nous fêtons mes sentiments de reconnaissance et d’admiration. J'ai parlé d'étrangers: le sentiment que ce mot exprime, aucun de nous ne l’éprouvait sur cette terre hospitalière de Roscoff. Pour moi, je puis affirmer que mes vacances passées à Roscoff comptent parmi les plus agréables de mes souvenirs et aussi parmi les plus fructueux. J’y ai fait connaissance avec ce monde marin dont je ne soupçon- nais pas les richesses. Ç’a été pour moi une véritable initiation. Je me rappellerai toujours avec émotion ma première excursion à bord de la Molgule, notre débarquement au rocher du Loup et la visite aux grottes sous-marines toutes tapissées de Cynthia rustique, de Clavelines et de Botrylles, aux couleurs éclatantes. Ce fut un en- chantement ; j’eus comme une vision de l'exubérance, de la prodi- gieuse fécondité de la vie animale. Mais M. de Lacaze-Duthiers ne nous a-t-il pas montré lui-même HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. XVII un exemple autrement remarquable de vitalité, de fécondité, lorsque son laboratoire de la Sorbonne donnait successivement naissance aux puissants rejetons qui s'appellent Roscoff et Banyuls. S'il m'était permis d'employer une expression qui se rapporte précisément à des recherches faites dans ces laboratoires, je dirais que c'est un cas d’autotomie des mieux caractérisés. C'est de l’autotomie, mais de la bonne façon, telle que les étoiles _de mer, les astéries, les ophiures savent en faire. L'étoile de mer se coupe successivement un bras, deux bras, et chacun des bras ampu- tés bourgeonne et régénère un organisme complet. Ce prodige, le magicien qui s'appelle de Lacaze-Duthiers l’a renou- velé sous nos yeux, et vous avez trois laboratoires de zoologie au lieu d’un. Je vous propose de boire à sa santé, ou plutôt, ce qui d’ailleurs est au fond la même chose, à l’avenir de la zoologie française, dont il est le plus illustre représentant, à la prospérité de ses laboratoires et de son école. DISCOURS DE M. LE DOCTEUR POTAIN, Professeur à l’École de médecine de Paris. Mon bien bon ami et cher camarade, je n’eusse point songé à vous adresser la parole au milieu de tant de savants, réunis pour vous fêter et acclamer en vous l’'éminent naturaliste, si ceux de mes con- frères qui assistaient à cette assemblée n'avaient pensé qu’une voix médicale devait se joindre au concert des éloges et des félicita- tions qui vous sont adressés. Il vous advient, cher ami, ce qui arrive à ceux-là seulement qui ont fait de grandes et de bonnes choses. On se les dispute ; chacun les voudrait tenir pour siens. La science, aujourd’hui, vous possède XVIII HOMMAGE À M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. et vous accapare; mais la médecine aussi vous réclame et ne veut point laisser oublier qu'elle a été votre mère nourrice. Car vous avez été médecin, et l’un des plus distingués parmi les internes des hôpitaux; et de votre passage à travers la médecine il est resté des traces durables. Vous avez écrit sur la thoracentèse une thèse louée par nos plus grands maîtres, qu’on cite encore aujour- d’hui et qui fait autorité. Non seulement vous avez été médecin, mais vous avez été initiateur en médecine, comme vous deviez l'être plns tard en histoire natu- relle.Jele saismieux que personne, moi pour qui cetteinitiation a été si précieuse. Il y a quarante-quatre ans, je débarquais à Paris plein du désir de bien apprendre et de devenir habile en l’art qu'avaient exercé mes ancêtres, mais profondément ignorant de ce qu'il fallait faire pour y réussir. À ce moment, où l'avenir du jeune élève est si souvent à la merti d’une bonne ou d’une mauvaise rencontre, mon heureuse étoile me conduisit dans votre chemin. Vous étiez un peu plus ancien que moi, plus avancé dans vos études. Vous saviez tra- vailler déjà. Vous m'avez appris cet art difficile. Ensemble nous avons préparé le concours qui devait nous conduire à l’internat, c’est- à-dire au salut, vous d’abord, moi ensuite, avec mon bon ami le docteur Labric, ici présent. Et si j'ai, pour ma part, avancé depuis dans la carrière, c'est à vous assurément que, en grande partie, je le dois; à vous qui m'avez montré le bon chemin quand nous parcou- rions ensemble les premières étapes. Pour vous, dès ce temps, vous étiez fasciné déjà par les cimes bleues de la science pure, et je vois encore, sur la fenêtre de votre chambre d'étudiant, le bocal aux algues verdissantes, témoin de la passion qui devait vous arracher plus tard aux études et à la pratique médicales. HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. XIX La voie que vous avez parcourue dès lors semblait vous séparer de nous et vous éloigner beaucoup de nos premières études. Nous le pensions en ce temps-là. Il ne faudrait plus le dire aujourd’hui. Alors nous connaissions quelques maladies appelées parasitaires ou infectieuses, qu’il nous semblait possible d'attribuer à l’envahis- sement de l'organisme par des êtres appartenant à la nature animée. Depuis, le nombre des affections qui ont été se ranger successivement dans cette catégorie s’est multiplié à tel point, qu'il faut actuelle- ment se demander s’il est une seule maladie vraiment digne de ce nom qui, par quelque côté, ne lui appartienne. Et voilà que l’étiolo- gie tout entière semble trouver son fondement principal dans les notions que lui fournit l’histoire naturelle. De sorte que, à nouveau, comme au temps des Egyptiens, la pathologie n’est plus que l’his- toire des colères d’Isis, c’est-à-dire de l’action qu'’exercent sur nous les forces vivantes de la nature ; que la médecine et l’histoire natu- relle tendent, encore une fois, à se confondre ; que nous sommes encore une fois rapprochés, cher ami, et que les objets dont nous nous occupons l’un et l’autre ne sont plus si distants qu'ils sem- blaient au premier abord. Je me plais à imaginer que ce peut m'être un prétexte ou, à mieux dire, une excuse, pour mêler ma voix à celle des savants naturalistes qui vous entourent, et vous féliciter avec joie d’avoir si bien acquis ce que, en vieillissant, nous ambitionnons par-dessus toute chose : l'estime, l'admiration, la reconnaissance des jeunes générations. ax HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. DISCOURS DE M. PRILLIEUX, Professeur à l’Institut agronomique de Paris, inspecteur général de l’agriculture. Permettez-moi, cher maître, de prendre ici la parole au nom de vos plus vieux élèves, de ceux de l’Institut national agronomique de Versailles, et de vous apporter le témoignage de leur gratitude et de leur respect. Il est bien éloigné ce temps où, dans les Grandes Écuries de Versailles transformées en École d'agriculture, vous faisiez des conférences de zootechnie, et pourtant je suis certain qu'aucun de ceux qui vous écoutaient alors n’a perdu le souvenir de vos leçons sur la ferrure du cheval, sur les vaches laitières et le système Guénon, sur les tares du cheval et sur bien d’autres sujets encore, où, tout en nous initiant aux secrets du métier du maréchal ferrant, du marchand de vaches et du maquignon, vous saviez donner, à mille petites pratiques que vous nous faisiez connaître, une impor- tance et un intérêt inattendus en les éclairant par de larges vues scientifiques, anatomiques et physiologiques. Je ne sais si, dans le haut enseignement du Muséum et de la Sorbonne, où le monde savant vous a vu vous révéler en maître, vous avez fait des leçons plus lumineuses, plus originales que vos conférences de l’Institut agronomique, si jamais vous avez fait mieux la preuve de la puissance de votre parole pour éclairer, pour convaincre et pour entrainer vos élèves. L'influence que vous avez eue sur l'esprit de plus d’un d’entre nous a été plus grande que vous ne l’avez peut-être jamais soupçonné. Il faut se reporter aux idées qui régnaient dans le monde agricole, il y a trente-cinq ans, pour comprendre l'effet que devaient produire sur des jeunes gens HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. XXI pleins d’ardeur et de bonne volonté ces explications scientifiques de données d'observation vague et de routine qui semblaient devoir rester toujours hors du domaine de la science. C'était pour eux une révélation du rôle que la science devait jouer en agriculture et des services qu'elle allait y rendre. C'était une révolution qui se faisait dans les laboratoires de l’Institut agronomique. Vous adressiez tout à l'heure des remerciements à ceux auprès de qui vous avez trouvé appui et assistance et qui vous ont aidé à créer, sur les côtes de l'Océan et de la Méditerranée, ces laboratoires de recherches où tant de travaux importants ont été faits sous votre féconde inspiration, et, à cette occasion, vous rappeliez l'empres- sement avec lequel le directeur de l’agriculture, M. Tisserand, avait apporté son concours à votre œuvre. M. Tisserand n’a pu venir aujourd’hui au milieu de nous, il n’a pas eu la joie d'entendre vos bonnes paroles; une indisposition le condamne pour quelques jours à un repos absolu et il m'a chargé de vous assurer du regret qu'il a de ne pouvoir vous apporter lui-même en ce jour l’expression de sentiments dont vous connaissez l’ardeur et la sincérité. Vous vous êtes félicité à juste titre d’avoir trouvé à la tête de la direction de l’agriculture un administrateur convaincu de Putilité des recherches scientifiques, croyant à la science, disposé toujours à engager l’agriculture à appeler à elle les savants et à favoriser les recherches de ceux qui veulent bien lui consacrer une partie de leurs travaux ; il a bien senti l'importance de l’œuvre à laquelle vous vous êtes dévoué et a été heureux, j'en suis sûr, de l’occasion que vous lui avez fournie de se montrer comme vous et avec vous l'ami des travailleurs. | Mais ce fait si extraordinaire et si heureux, que l'esprit scienti- fique domine l'administration de l’agriculture, n’est-il pas en partie XXII HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. votre œuvre? N'êtes-vous donc pour rien dans la conviction pro- fonde qu’a M. Tisserand que la science seule est capable d'assurer la prospérité de l’agriculture, de la faire renaître, de la faire grandir? Croyez-vous que lui, qui a été le meilleur de vos élèves à Versailles, n'a pas puisé dans les leçons qu’il y a reçues cette conviction qui l'anime et qui a fait de lui aujourd'hui l'inspirateur de l’enseigne- ment scientifique de l'agriculture ? Soyez-en bien assuré ; ces con- férences de zootechnie, inconnues sans doute des savants élèves qui entourent aujourd'hui le maître de la zoologie française, n’ont pas été stériles ; en faisant pénétrer l'esprit scientifique dans l'étude de la pratique agricole, vous nous avez montré la voie nouvelle, la borne voie. Ceux que vous y avez entraînés par vos leçons, par votre exemple, sont heureux de proclamer bien haut leur profonde reconnaissance pour le maître qu'ils n’ont cessé d'admirer et d'aimer. RÉPONSE A M. PRILEIEUX. Vous venez de me rappeler un temps bien éloigné et des occupa- tions bien différentes, en effet, de celles qui me préoccupent aujour- d'hui ! C'était après la révolution de 1848. Chacun cherchait sa voie. Des circonstances imprévues m'éloignèrent de la médecine et de la zoologie en m'appelant à l’Institut agronomique de Versailles. Ce fut là que je sentis surtout et très vivement tout le prix, toute l'utilité des connaissances acquises sur la nature même. Un jour, on m’avertit que j'aurais à démontrer aux élèves la distinction des diverses races d'animaux domestiques. Les écuries de l’Institut agronomique, placé sous la haute direction si autorisée de M. de Gasparin, étaient remplies d’un choix de bêtes françaises HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. XXII ou étrangères remarquables par la pureté de leurs caractères. J'allai d'abord visiter les animaux. J'avais appris tout ce qui me paraissait nécessaire, mais théori- quement et seulement dans les livres. En facé de la réalité, malgré le choix admirable des animaux, je vis mon pauvre petit savoir, que j'avais cru bien grand, s'effondrer entièrement. J'en fus honteux en face de moi-même; bravement, j'en pris mon parti, me disant : Il faut recommencer à apprendre, et cette fois d’une autre façon. Alors, muni d’un long fouet, vêtu d’une grande blouse, je me mêlai à des maquignons sur les marchés, dans les élables. Ces hommes, dont la fortune est liée à la connaissance pratique des moindres particularités, voyaient une foule de choses qui m'échappaient et que peu à peu j'appris à connaître. Par contre, ils ne se rendaient aucun compte de ce qu'ils m'indiquaient, et me fournissaient des explications souvent aussi absurdes que risibles ; mais l'anatomie et la physiologie venant à mon aide m'en donnaient aisément les raisons. C’est surtout à Versailles, au temps heureux et sans souci de la jeunesse, où l’on vit encore de cette espérance qui embellit tout, que, dans la situation forcée où j'étais de conduire les élèvés au milieu des troupeaux, je vis clairement combien ce savoir acquis dans les livres seuls est insuffisant, surtout quand ce savoir est puisé dans les livres faits par des hommes qui, écrivant théorique- ment pour faire des livres gros ou petits et ne voyant pas la nature, s'égarent et égarent leurs lecteurs ! Qui sait si ces exercices champêtres d’un temps bien court et ma foi bien heureux, que je vous remercie de m’avoir rappelé, ne m'ont pas poussé plus tard inconsciemment vers la recherche des moyens à donner pour l'étude de la nature même ? XXIV HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. Qui sait si, en vous faisant des lecons sur la ferrure du cheval, le maniement d'un bœuf gras, comme vous venez de le rappeler, je n'ai pas mieux compris la fausseté de la position d’un homme chargé de parler sur ce qu'il ne connaît pas et aussi toute la fausseté de cette science dite, & priori, d'intuition, d'instinct, comme l’appellent les maîtres théoriciens ? Savez-vous aussi que cette fréquentation des maquignons dans les abattoirs, dans les étables à vaches laitières, me revenant à l'esprit plus tard, au bord de la mer, m'a conduit à vivre beaucoup avec les pêcheurs, c'est-à-dire avec les hommes pratiques, toujours au grand avantage de mes recherches ? Si les uns et les autres sont difficiles à aborder, j'entends à faire parler de leurs affaires, car ils craignent toujours, en dévoilant leurs connaissances pratiques, de se voir déposséder de leurs secrets, ils nous apprennent bien des choses utiles et importantes dès que nous avons acquis leur confiance. Encore une fois, merci, mon cher collègue, de m'avoir fourni l’occasion d'affirmer de nouveau l'utilité des études pratiques dans toutes les branches des sciences naturelles et surtout de m'avoir rajeuni en me ramenant aux premiers moments de ma carrière scientifique. DISCOURS DE M. DELAGE, Professeur à la Sorbonne. Messieurs, je dois vous avouer que j'avais préparé pour la cir- constance tout un petit discours. Mais vraiment, après ce que vous venez d'entendre, comment oserais-je retracer de nouveau la carrière de notre convive et l’histoire de ses créations ? * Cependant, je ne puis renoncer à mon droit de dire quelques HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. XXV mots au nom de ses anciens élèves, car si je suis maintenant son collègue à la Sorbonne, si je suis devenu (permettez-moi de me donner ce titre dont je m’honore), si je suis devenu son ami, Je suis avant tout son élève et le resterai toujours, et ses élèves ne me pardonneraient pas de n’avoir pas pris la parole au nom de l'ÉcoLe dont il est le fondateur, Car c’est pour eux, mon cher maître, que vous avez créé, à Paris, l’enseignement pratique de la zoologie; c’est pour eux que vous avez fondé les Archives de zoologie expérimentale; c’est pour eux, enfin, que vous avez fait ces admirables stations de Roscoff et de Banyuls, où l’on apprend plus en quelques semaines de vraie zoologie que pendant des années d’études théoriques. Mais ce n’est pas tout; vos élèves ne reçoivent pas seulement de vous la pâture intellectuelle, ils sentent que vous vous inté- ressez à eux, que vous les suivez, et de loin comme de près, 1ls sentent derrière eux l’appui de votre influence et de votre solli- citude. Et voilà bien des années que vous faites ainsi; des générations successives de jeunes travailleurs se sont élevées autour de vous et vous leur avez communiqué cette fièvre de travail qui ést conta- gieuse auprès de vous. Aussi ils forment, permettez-moi de dire nous formons aujourd'hui une nombreuse famille dont les membres sont unis, non pas — c'est là ce qui est remarquable et touchant — non par les liens d'un dogmatisme étroit ou par l’asservissement à une doctrine imposée; mais par l'ambition de vous suivre de loin dans la voie de progrès que vous avez ouverte et par une admiration commune pour vos travaux et pour votre grand courage que ni les difficultés de toute espèce ni la maladie eile-même n’ont jamais pu abattre. XX VI HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. Acceptez donc, en leur nom et au mien, ce toast qui est celui de l'admiration et de la reconnaissance, et tous nos vœux pour qu'une longue santé vous permette d'agrandir encore votre œuvre déjà si belle. CR Enfin, un ancien élève de M. de Lacaze-Duthiers qui a voulu garder l’anonyme, a envoyé une petite pièce de vers dont M. Gau- dry a donné lecture. Cher maître, honneur à vous qui tenez vaillamment Le drapeau déployé qui porte écrit : « Science ». Gloire au grand novateur, qui lutta bravement, Sans nul espoir de récompense. Pendant plus de trente ans, vous avez combattu Ardemment, sans merci, sans repos et sans trêve, Et vainqueur, vous avez chaque obstacle abattu Pour réaliser votre rêve. Aujourd’hui, vous pouvez, ainsi qu’un conquérant, Regarder l’Océan qui s'étend, vaste plane, Sur un monde inconnu, jusqu au soleil couchant Et dire : « C’est là mon domaine. » Oui, vous avez conquis cet empire ignoré. Sur Roscoff et Banyuls basant votre puissance, Vous avez asservi ce champ inexploré En dépit de sa résistance. Vous avez voulu voir la nature au travail, Surprendre ses secrets jusqu’au milieu des ondes. Et pour vous la Gorgone ou le rouge Corail Fleurit dans les grottes profondes. Vous avez vos vaisseaux armés pour les combats ; Le Dental, la Laura, la Plate et la Molgule, Qui lèvent un tribut dans vos vastes Etats Sur le plus mince animaleule. La mer et ses trésors, tout l'Océan breton Dans vos aquariums sont par droit de conquête, Sous vos yeux le Buccin vit parmi le Guémon, Sous vos yeux la Pourpre sécrète. HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le Cidaris qui vient des grandes profondeurs, S'étonne de trouver dans ses eaux l’Actinie Etalant sa couronne et ses riches couleurs A côté de la Bonellie. — Autrefois, vous alliez, tournant chaque caïtlou, Seul, presque sans argent, travailler à la plage. Le paysan breton disait : « Quel est ce fou Errant ainsi sur le rivage? » Ce fou, qui lui causait alors quelques frayeurs, Et dont le souvenir reste dans sa mémoire; Ce fou traçait leur voie à tous les travailleurs Et créait un laboratoire. Les temps ont bien changé. Grâce à vos longs efforts, Grâce à vos beaux travaux, grâce à votre conquête, L’élan qui fut donné stimula les plus forts Et votre œuvre ainsi fut complète. XXVIL ER +: BTE n _ sn gl - - CR » L - OR T1) rit Ph. aft É L = ds CM af L14 f pe ut | ACER À: EE “a + : APR En Luc 124 sé M #1 ] À il ae N se L ce #0 El EN UPS MALE ARS e VA . ta, ARCHIVES DE LOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE SUR UNE FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES COMME ORGANES D'ORIENTATION LOGOMOTRICE PAR YVES DELAGE Professeur à la Faculté des sciences de Paris. Avant même d'entreprendre les expériences qui vont être décrites j'avais le pressentiment des résultats auxquels elles devaient con- duire. L'otocyste des Invertébrés n’étantqu'une réduction ou plutôt un état encore rudimentaire du labyrinthe membraneux des Verté- brés, j'avais pensé que les deux fonctions du labyrinthe devaient se retrouver dans son homologue. Cette idée est si naturelle, que je m'étonne de ne la trouver exprimée nulle part 1. Ce n’est donc point, comme la chose arrive fréquemment, le hasard qui m'a mis sur la voie de cette découverte. J’y ai été conduit par l'induction et par l’idée que les grandes fonctions sont accomplies 1 Au moment où je relis ces lignes et en faisant la bibliographie d'un autre tra- vail, je constate que cette idée a été indiquée par M. E. pe Cyon. Mais ricu, à ma connaissance, n’a été fait pour la vérifier. ARCH, DE ZOOL;, EXP, ET GÉN, = 2C SÉRIE. = T, V, 1887.  2 YVES DELAGE. par des organes homologues toutes les fois que des nécessités d’adap- tation ne s'y opposent pas. Les Invertébrés ne possèdent pas tous des otocystes. C'est chezles Méduses que nous voyons ces organes apparaître pour la première fois. Il ne serait peut-être pas impossible de répéter sur eux mes expériences. Je n’ai pu le faire à la station zoologique de Roscoff, mais on pourrait tenter la chose dans un laboratoire médi- terranéen. Parmi les Vers, un certain nombre d’Annélides en possèdent. On les a signalés chez une des plus communes, l’Arénicole. Mais ce sont des animaux si peu actifs, à mouvements si irréguliers, le voisinage du ganglion nerveux rendrait l'opération si grave que je n’ai pas même tenté de la faire. | Les insectes possèdent parfois des organes auditifs, mais conformés tout autrement que les otocystes. Ces organes ne contiennent ni liquide ni corpuscules solides en suspension ; ils peuvent donc fonc- tionner comme résonnateurs et permettre la perception des bruits, mais je ne devine pas par quel mécanisme ils pourraient servir à l'orientation locomotrice. J'ai d’ailleurs tenté l'expérience sur les sauterelles et j’ai pu me convaincre que, conformément à mes pré- visions, on ne provoquait aucun trouble dans la locomotion en sec- tionnant les pattes antérieures qui contiennent les organes de l’ouiïe. C’est surtout chez les Mollusques et les Crustacés podophthalmes que l’on rencontre des otocystes; aussi, est-ce sur eux que j'ai fait les expériences qui m'ont permis d’établir la fonction nouvelle de ces organes. I. MOLLUSQUES. Les Mollusques ne se prêtent pas tous aux expériences pour di- verses raisons. Les Acéphales sont trop lents pour accuser nettement des trou- bles locomoteurs. Li FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 3 J'en dirai autant, quoique à un moindre degré, des Gastéropodes. En outre, le voisinage des centres nerveux logés dans une vaste ca- vité occupée par le sang ‘rendrait l'opération presque sûrement mortelle. | | Peut-être les Hétéropodes se prêteraient-ils aux expériences, mais ce travail n’est possible que dans un laboratoire méditerranéen. Restent les Céphalopodes ; mais là encore 1l y a des distinctions à établir, Les Décapodes, animaux pélagiques très agiles, aux allures vives, seraient très favorables, mais les otocystes sont situées exacte- ment au-dessous de la grande veine qui, recueillant en ce point le sang des sinus céphalique et péri-oculaires, est si volumineuse que je n'ai pu encore trouver un procédé opératoire pour enlever les otoli- thes sans provoquer une hémorrhagie mortelle. Je me suis donc limité aux Octopodes, et chez eux, bien que la destruction des otocystes soit encore fort délicate, j'ai eu le bonheur de réussir. Lorsque lopération est bien faite, les animaux ne per- dent qu'une quantité insignifiante de sang etils se rétablissent si vite que j'en ai vu se remettre à manger le soir même et qu'au bout de quelques jours la cicatrice est à peine visible. Voici comment j'opère. L'animal est tenu par un aide de manière à présenter la face ven- trale en haut et le sac du côté de l’opérateur. L'aide doit le tenir au moyen d'un torchon rude en saisissant de chaque main et près de leur base les quatre bras d’un même côté. L'opérateur renverse l’en- tonnoir en bas et fait, à À centimètre environ au-dessus, une inci- sion transversale s'étendant dans toute la largeur de la tête et n'in- téressant que la peau. Celle-ci, très élastique, se rétracte et met à nu les muscles sous-jacents, On cherche alors avec le doigt à sentir à travers ces muscles la forme du cartilage céphalique, et l’on recon- naït non loin dé la ligne médiane un point plus saillant que le reste de la surface. C’est juste à ce niveau que se trouve l’otocyste. Avec un scalpel étroit, on divise d’un seul coup, par une incision large de 4 à 5 millimètres, les muscles et le cartilage céphalique. Si la 4 YVES DELAGE. séction a été bien dirigée, on doit tomber directement dans la ca- vité de l’otocyste. En écartant un peu les lèvres de l’incision, on aperçoit tout au fond une petite tache blanche, l'otolithe. Au moyen d'une petite curette taillée dans un tuyau de plume d’oie on la dé- tache et on l'amène au dehors. Si l’opération a été laborieuse, il est bon de laisser reposer l’ani- mal ; sinon on opère immédiatement le côté opposé. Avec un peu d'habitude, tout le monde arrivera comme moi à en- lever ainsi les deux otolithes dans une seule séance durant environ trois ou quatre minutes. Deux écueils sont à éviter : la grande veine, que l’on coupe si l'on se rapproche trop de la ligne médiane (3 ou 4 millimètres), et le sinus céphalique si, manquant l’otocyste, on perce le cartilage trop bas ou trop en dehors, Dans ces deux cas une hémorrhagie se déclare et l’animal est perdu. Il arrive aussi parfois qu'après l'opération, l'animal devient blanc en partie ou même exactementsur une moitié du corps. Gela tient à ce que des nerfs ont été sectionnés et ont produit une paralysie des chromatophores. L'opération est alors moins élégante, mais le but pas absolument manqué. Un animal ainsi opéré et guéri ou simplement bien reposé ne diffère pas au premier abord d’un individu normal, Il se tient dans la position habituelle au fond d'une petite grotte faite avec des grosses pierres, mange les crabes et les mollusques qu’on lui donne, mais, comme tous ses pareils d’ailleurs, ne se déplace pas volontiers, au moins pendant le jour. Sion l’excite avec une baguette, il se cache d’abord au plus pro- frond de sa retraite, puis se décide à l’abandonner. Il fuit d’abord lentement en rampant sans que son allure présente rien d’anormal, mais si on l’excite plus vivement ou si on cherche à le saisir, il se lance violemment en arrière par le jeu de son entonnoiret c’est alors qu'apparaissent les phénomènes de désorientation. Sile mouvement est très lent, on n'observe qu’une sorte de roulis FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. ù par lequel l'animal verse alternativement sur un côté, puis sur l’autre, par rotation autour de son axe longitudinal, de 20 à 30 degrés environ. Si le mouvement devient plus rapide, la rotation s’accentue. Enfin, lorsque l’animal se lance à toute vitesse, l'allure est tout à fait modifiée. Le départ a lieu toujours en direction et en situation nor- males; mais peu à peu le corps tourne soit autour de son axe longi- tudinal, et la trajectoire devient une hélice allongée, soit autour de l'axe transversal, et la trajectoire devient une sorte d’ellipse très excentrique, située dans le plan de symétrie et que l'animal parcourt en ayant toujours sa face dorsale tournée vers le centre. De toute manière, il arrive à se trouver la face ventrale en haut, situation ab. solument inusitée chez les poulpes intacts. L'animal s’aperçoit bien vite de son erreur, il cherche à se redresser, mais au premier mou- vement les mêmes phénomènes se reproduisent. Ces deux modes de rotation sont des types extrêmes qui sont souvent réalisés, mais qui fréquemment aussi se combinent de façons variées. Il arrive aussi que l'animal tourne dans un plan horizontal autour d’un point placé à sa droite ou à sa gauche et ce mode de déviation peut se combiner aux deux autres pour compliquer encore l'effet total. La trajectoire normale peut donc être modifiée par des mouve- ments de rotation quelconques autour de l’un des trois axes princi- paux du corps ou d'un axe intermédiaire. En somme, l'animal paraît entièrement désorienté et ne peut retrouver son attitude normale que lorsqu'il reste en repos, accroché par ses ventouses aux objets fixes du voisinage. L'interprétation de ces phénomènes n’est pas aussi aisée qu’elle le paraît. Il y a désorientation, déséquilibration locomotrice, la chose est évidente, mais le point délicat est de savoir à quoi elle est due. Je ne crois pas que nous soyons ici en présence de phénomènes d’excitation. Lorsque l’otocyste a été ouverte, que le liquide s’est écoulé, que sa cavité a été parcourue en tous sens par la curette, que l’otolithe a été enlevée, l'organe se trouve si complètement détruit qu'il ne peut plus donner de sensations même anormales. A la vérité, 6 YVES DELAGE, l'extrémité du nerf auditif est violemment excitée pendant l’opéra- tion, mais au bout de quelques jours, lorsque la plaie est cicatrisée, cette excitation a disparu. Tout au moins doit-elle aller en s’affai- blissant ; or, les troubles de la locomotion ne diminuent pas d’in- tensité. Il me semble que les phénomènes peuvent s'expliquer en admet- tant que les otocystes ont pour fonction (en laissant l’audition de côté), comme les canaux demi-cireulaires des Vertébrés, de renseigner l'animal par des sensations spéciales sur les mouvements de rota- tion que son corps accomplit et de provoquer par voie réflexe les petits mouvements correcteurs qui maintiennent le corps dans son orientation normale et l'empêchent de s’écarter de la trajectoire qu’il doit suivre. | Lorsque les fonctions ofocystiques (venia verbo) sont abolies, les petits mouvements de rotation inopportuns ne sont plus automa- tiquement corrigés, ils acquièrent une assez gande valeur et arrivent à changer complètement la forme de la trajectoire. Lorsque la nage est très lente, d’autres sens, la vue en particulier, peuvent intervenir et donner à l'animal les renseignements qu'il ne reçoit plus de ses otocystes. Mais leurs indications sont moins pré- cises et surtout moins rapides, car elles n’agissent pas par voie réflexe. Il faut que la sensation arrive au sensorium, éveille une idée et provoque un mouvement volontaire par lequel l’animal corrige son erreur. Tout cela demande du temps ; aussi la déviation a-t-elle le temps d'acquérir, avant d’être corrigée, une valeur assez élevée et d'autant plus grande que le mouvement est plus rapide. Pour m’assurer de la légitimité de ces déductions, j'ai supprimé les sensations visuelles en ouvrant la cornée et en extrayant le cris- tallin, L'animal peut survivre plusieurs jours à l'opération et ne meurt que parce qu'il refuse de manger. Les individus simplement aveuglés ont une nage lente, un peu hésitante, mais tout à fait correcte, même lorsque, par exception, elle devient rapide. On n’observe pas la moindre rotation pendant FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES., 7 le recul et la trajectoire est rectiligne. Cela prouve qu'il existe un organe régulateur, indépendant de la vue, et qui peut à lui seul assurer une allure tout à fait correcte. Les individus privés de leurs yeux et de leurs otocystes sont, au contraire, absolument désorientés. Non seulement ils tournent en nageant, mais ils ne savent plus retrouver rapidement leur situa- tion normale. Ils parcourent de longs espaces sur le dos et sur le côté, tournent de la façon la plus variée et, même après avoir gagné le fond, éprouvent une certaine difficulté à retrouver leur position naturelle : fréquemment on les voit faire une ou deux culbutes dans le plan de symétrie, sac par-dessus tête, avant d’y arriver. Tout cela s'explique aisément, puisque l'animal n’a plus que le faible secours de ses sensations tactiles pour se rendre compte de sa position. Lorsqu'il nage au sein de l’eau, ses sensations tactiles sont presque nulles, aussi la désorientation est-elle complète ; lors- qu'il trouve le fond, au contraire, il sent le sol, mais si par hasard il ne tombe pas en situation normale, il doit se retourner et, ne sa- chant plus mesurer l’amplitude de ses mouvements de rotation, il dépasse le but et tombe du côté opposé. Nous reviendrons sur ces interprétations à la fin de ce travail. Remarquons bien, d’ailleurs, qu'il n’y a pas trace d’ataxie et que les mouvements sont mesurés et parfaitement coordonnés. Je n'ai que peu étudié les effets de la destruction d’une seule oto- cyste. Les phénomènes décrits m'ont paru se produire au début, mais se dissiper au bout de peu de temps. IT. CRUSTACÉS. Les Crustacés ne sont pas tous pourvus d’otocystes. Ces orgañes manquent chez les Edriophthalmes et chez les Entomostracés. Ils commencent à apparaître à titre exceptionnel chez les Schizopodes, et c'est seulement chez les Décapodes qu’on les rencontre normale- ment et avec leurs caractères définitifs. 8 YVES DELAGE. Chez les Crustacés, les otocystes ne sont plus, comme chez les Mollusques, profondément placées près des centres nerveux ; elles sont toujours logées dans des appendices, anssi est-il le plus sou- vent très facile de faire des lésions rigoureusement déterminées sans trop endommager l'animal. A. Schizopodes. Chezles Mysis, on sait depuis longtemps que les otocystes se trou- vent dans la queue. La nageoire caudale est, comme toujours, for- mée de cinq lames aplaties, une médiane, le telson, qui représente le dernier anneau du corps, et quatre latérales, de nature appendi- culaire, formant deux paires. C'est dans la lame interne de chaque côté que se trouve la vésicule auditive, et il suffit de la sectionner à la base pour enlever celle-ci. Les Mysis auxquelles on a enlevé à la fois les yeux et les otocystes tombent d’abord au fond des vases. Elles sont évidemment fatiguées par l'opération et continuent à agiter leurs appendices, mais sans se déplacer. Cependant, si elles n’ont pas été froissées, l'opération en elle-même n'étant pas grave, elles se rétablissent au bout de quel- que temps et se mettent à nager. On observe alors qu'elles sont complètement désorientées. Elles tournent le plus souvent sur elles-mêmes autour de l’axe longitudi- nal du corps, toujours dans le même sens pendant de longues heu- res. L'une d'elles, celle qui manifesta ce phénomène au plus haut degré, continua à tourner ainsi pendant trois jours avec une vitesse d'au moins cent vingt tours par minute, sans changer de sens. Elle | mangeait en tournant et ne paraissait d'ailleurs nullement ma- lade. D'autres tournent de préférence sur le côté, en décrivant une courbe plane fermée, D’autres enfin décrivent des hélices allongées. La plupart, bien qu’elles manifestent une préférence marquée pour une certaine forme de rotation, font parfois quelques tours d’une FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 9 autre manière, Le sens de la rotation ne change que rarement et seulement à d'assez longs intervalles. Toutes, lorsqu'elles sont accrochées à un objet solide, restent immobiles, mais dès qu’elles ont lâché prise, elles se remettent en mouvement comme de petites marionnettes. Les phénomènes sont au début plus intenses qu'après quelques jours de repos, ce qui prouve que l'excitation opératoire ne leur est pas étrangère. Mais même après que la plaie s’est cicatrisée, que les animaux se sont remis à manger et ont repris toutes les apparences d’une santé parfaite, la natation correcte et normale reste impos- sible. La ressemblance est évidente entre ces phénomènes et ceux qui suivent la section des canaux demi-circulaires chez les Ver- tébrés. Nous avons vu qu'il fallait enlever à la fois les yeux et les otocystes pour obtenir ces résultats. Les Mysis auxquelles on enlève seule- ment ces derniers organes restent capables de nager d’une façon normale. Cela tient, à mon avis, à la grande valeur des sensations visuelles chez ces animaux. Ils voient très bien et font de leur vue un usage continuel. Il suffit de mettre la main dans les petites flaques d’eau qu’elles habitent à la grève pour les voir accourir, surtout s’il fait soleil, comme de petites curieuses, pour examiner sur toutes ses faces l’objet nouveau qui vient d’entrer dans leur domaine. Les sensations visuelles suffisent chez elles comme régulateur de la locomotion. Nous aurons à signaler un phénomène analogue chez les Crevettes, animaux assez voisins par leurs mœurs des Mysis. Mais, d'autre part, il est bien certain que ce n’est pas seulement la cécité qui produit les phénomènes observés, car les Mysis simple- ment aveuglées nagent tout à fait correctement. Il y a plus, celles auxquelles on a enlevé à la fois les yeux et la lamelle externe de la nageoire caudale ont une locomotion tout à fait normale et ne dif- 10 YVES DELAGE. fèrent en rien des Mysis simplement aveuglées‘, ce qui prouve que l'ablation de la lamelle interne n’agit pas en troublant mécanique- ment la locomotion. Que l’on ait enlevé la lamelle interne ou l’ex- terne, au point de vue mécanique la nageoire est dans les mêmes conditions. * B. Décapodes. Les otocystes sont situées chez tous les Décapodes dans l’article basilaire des antennes internes, ou antennules ou antennes de la première paire. 1. Macroures. a) Salicoques. — Chez les Crevettes (Palæmon), les otocystes sont visibles à l’œil nu ou à l’aide d’une loupe faible, sous l’aspect d’un point noir dans l’article basilaire des antennules. Pour les détruire, je les transperce avec une grosse aiguille en raclant, en outre, toute la cavité de l'organe, ou bien je sectionne l’antenne entière au-dessous de l’organe avec un scalpel bien tranchant, Plus encore que les Mysis, les Crevettes sont organisées pour trouver dans leurs sensations le moyen de suppléer aux indications de leurs otocystes détruites. Elles sont renseignées sur les mouve- ments accomplis par leur corps non seulement par leurs yeux très développés et très mobiles, mais encore par la résistance qu’éprou- vent leurs pattes et les six longs appendices qui terminent leurs antennes en se déplaçant dans un milieu dense comme l’eau. Il ne faut point perdre cela de vue pour comprendre les phénomènes qui vont être décrits. Les crevettes auxquelles on a seulement crevé les otocystes ne manifestent aucun trouble dans la locomotion. Si, en outre, on leur enlève les six filaments des antennes, quelques 1 On observe bien parfois quelques troubles au début, mais ils sont essentielle ment passagers et s'expliquent par l'excitation propagée au ganglion nerveux qui recoit des filets aussi bien de la palette externe que celle qui contient l’otocyste. FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 11 troubles apparaissent : dans la natation rapide, elles versent quel- quefois sur l’un ou l’autre côté ou tombent en avant sur le rostre. Celles qui ont subi une mutilation équivalente, c’est-à-dire aux- quelles on a enlevé les six filaments tactiles et transpercé l'antenne externe à sa base se montrent mécaniquement un peu moins stables, mais leur locomotion reste parfaitement correcte. Les six filaments antennaires étendus sur les côtés et en avant ont pour effet d’aug- menter la stabilité de l’animal, et ceux qui en sont privés doivent naturellement offrir une résistance moins grande aux déviations accidentelles que les mouvements rapides tendent à leur imprimer. Les crevettes auxquelles on a enlevé les yeux et crevé les oto- cystes montrent, après l'opération, une certaine agitation qui se manifeste par des mouvements rotatoires désordonnés. Puis elles se calment et au bout de quelques heures semblent entièrement remises. À partir de ce moment, les phénomènes ne se modifient plus. Elles nagent avec précaution en étendant les pattes en avant, ce qui n'arrive jamais lorsqu'elles ont leurs yeux. Par moments, leur natation est presque correcte, mais fréquemment leur corps se ren- verse en arrière et elles nagent à reculons. Ce n’est qu’au bout de quelques secondes qu’averties sans doute par des sensations tactiles, elles se redressent et se mettent à nager en avant. D’autres mani- festent une tendance inverse : elles plongent vers le fond, la tête en bas, mais tournent trop, dépassent la verticale, rasent le fond sur le dos sans l’atteindre et remontent à la surface ayant décrit ainsi une courbe plus ou moins circulaire dans le plan de symétrie. Elles recommencent parfois le même manège plus ou moins longtemps avant de pouvoir atteindre le fond pour se reposer. Pour déterminer quelle part revient à Paveuglement et à la des- truction des otocystes, j'ai observé concurremment d’autres cre- vettes auxquelles j'avais enlevé les yeux et transpercé à la base lantenne externe de manière à produire une lésion équivalente, mais respectant les otocystes. 12 YVES DELAGE. Les Crevettes ainsi opérées ont aussi de l’agitation post-opératoire, mais cette agitation se manifeste par des sauts violents à reculons et non par des mouvements de rotation. Une fois calmé, l'animal nage lentement et avec hésitation, les pattes tendues en avant, il ne sait pas éviter les obstacles, mais son allure est tout à fait correcte ; ïl n'y a ni renversement sur le dos, ni nage à reculons, ni rotation dans un plan quelconque. Les phénomènes de cet ordre observés chez les précédentes étaient donc bien dus à la lésion des otocystes. L’aveuglement ne les pro- duit pas, mais il leur permet de se produire en ne les corrigeant pas. Les crevettes auxquelles on a enlevé les yeux, coupé les filaments antennaires et fait, par transfixion de l’antenne externe à sa base une lésion équivalente à la destruction des otocystes, mais n'intéressant pas ces organes, diffèrent à peine de celles qui sont simplement aveugles. Elles nagent avec hésitation, paraissent mécaniquement moins stables, mais en somme ne sont aucunement déséquilibrées ni désorientées. Le seul trouble que j'aie pu observer est le suivant. Parfois, lorsqu'elles se trouvent près de la surface, elles s'abandon- nent en repliant leurs pattes et cessent tout mouvement de natation; elles tombent au fond parfois sur le côté, plus souvent sur le dos. C'est là évidemment un phénomène tout à fait mécanique et qui n'implique aucune désorientation locomotrice. L'animal peut èn effet se redresser avant d’avoir touché le sol et ne manque pas de le faire sans la moindre hésitation, s’il lui prend fantaisie de se remettre en marche avant d’avoir atteint le fond. S'il verse ainsi en tombant, c'est parce qu'il s’'abandonne inerte et se trouve alors dans la condi- tion d’un corps privé de vie. Les crevettes mortes déposées à la sur- face de l’eau tombent en effet de cette manière. C’est une affaire de centre de gravité. Ce phénomène ne s’observe d’ailleurs que sur les individus fatigués ; mais ceux qui sont complètement revenus à la santé nagent tout à fait correctement et avec d'autant moins d’hé- sitation que l'opération est plus ancienne. Si on les place sur le FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 43 dos, ils se retournent instantanément sans la moindre hésitation. Les crevettes auxquelles on a fait une lésion équivalente, mais inté- ressant les otocystes, c’est-à-dire auxquelles on a transpercé ces organes, enlevé les yeux et coupé les filaments antennaires, sont au contraire manifestement désorientées. Immédiatement après l'opération elles manifestent leur agitation par des mouvements rotatoires désordonnés. Puis elles se calment et alors apparaissent les phénomènes que je décrirai dans un instant. Mais je tiens à dire auparavant dans quelles conditions biologiques se trouvaient nos opérées. Elles ont vécu quarante-deux jours et sont mortes toutes à la fois, au milieu d'une santé parfaite, par suite d’un empoisonnement accidentel de l'eau des bacs. Pendant ces quarante-deux jours, elles ont-été élevées dans de l’eau parfaitement pure, bien renouvelée, à côté de grandes ulves qui leur fournis- saient un complément d'oxygène en même temps qu'un abri. Elles mangeaient avec avidité la nourriture qui leur était distribuée deux fois par jour et qui consistait en chair de crevette fraiche. Chacune en dévorait près de À centimètre cube dans ses deux repas. À ce ré- gime, elles étaient, malgré leur mutilation, si bien portantes que la plupart ont mué au moins une fois et que, chez plusieurs, les fila- ments antennaires ont repoussé de plus de 2 centimètres. On peut donc les considérer comme ayant entièrement guéri et cepen- pendant les troubles de la locomotion ont gardé toute leur intensité jus- qu'au dernier moment. Ces troubles sont un peu difficiles à décrire. L’animal reste le plus souvent immobile au fond du bac ou accro- ché aux ulves, parfois normalement horizontal, souvent un peu cou- ché sur le côté. Il ne se met pas volontiers en marche de lui-même, à moins qu'il n’ait faim et ne sente quelque aliment dans le voisi- nage. Mais en l’excitant avec une petite baguette, on arrive sans trop de peine à le faire nager. Lorsqu'il va très lentement, l'allure peut rester correcte tant que le corps reste dans son orientation normale, c'est-à-dire presque 14 YVES DELAGE. horizontal, mais cependant un peu relevé en avant. Mais pour peu qu'il vienne à se hâter, apparaît un mouvement de roulis qui devient de plus en plus fort à mesure que la nage s'accélère. 2 Même sans se presser, si par hasard il vient à se redresser vertica- lement, aussitôt il ne sait plus aller droit devant lui. Il agite ses pa- lettes abdominales et celles-ci le poussent tantôt en avant, tantôt en arrière. Il recule plus souvent qu'il n’avance et en outre tourne sur place ou décrit des courbes irrégulières. Il ne sait plus retrouver sa situation normale et n’y arrive que par hasard. Le plus souvent, lorsqu'il nage depuis quelque temps sans s'arrêter, il s’excite lui-même comme par impatience d’errer en vain sans re- trouver ni la lumière ni ses sensations otocystiques habituelles. Toujours est-il que la nage d’abord calme devient peu à peu préci- pitée. L'animal va à droite et à gauche avec une sorte d'inquiétude et traverse le bac dans tous les sens sans s'arrêter même s’il ren- contre un objet fixe. C'est alors que ses troubles locomoteurs se montrent avec toute leur intensité. [ne va pas droit un seul instant; il nage parfois sur le côté, plus souvent à reculons sur le dos, plonge en avant, décrit des courbes plus ou moins circulaires dans un plan horizontal ou vertical, tourne sur lui-même comme une marionnette ou bien enfin traverse le bac en décrivant une hélice à pas allongé. Il continue ainsi ses évolutions pendant plusieurs minutes, et lors- que enfin il se repose, la moindre excitation suffit pour le remettre en mouvement. Malgré leur intensité, ces phénomènes ne sont pas les plus carac- térisés que l’on puisse produire. Dans toutes les expériences, l’abla- tion des otocystes par section des antennes internes au-dessous d’elles provoque des symptômes plus accentués que leur destruction au moyen d'une aiguille. Les crevettes opérées par ce dernier procédé et privées de leurs yeux montrent au plus haut degré les effets de désorientation loco- motrice. L'animal ne peut faire un pas sans tourner. Lorsqu'il sent une proie dans le voisinage, il se précipite pour la saisir, mais la - FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 19 manque plusieurs fois de suite parce qu’une rotation inévitable le détourne de la direction prise. Même au repos, les individus ainsi opérés restent souvent sur le côté. Il n’est pas besoin de couper les filaments des antennes externes pour obtenir ces résultats. Au contraire, les crevettes auxquelles on a enlevé les yeux et sec- tionné à la base les antennes externes, nagent sans la moindre rotation. L'interprétation de tous ces phénomènes est encore fort délicate. La destruction des otocystes produit une désorientation locomotrice, la chose est évidente. Mais par quel mécanisme ? La première question à se poser est celle-ci: les phénomènes sont-ils l'expression d’une excitation de l'organe ou celle de son abo- lition ? À coup sûr, ce n’est pas l'organe lui-même qui peut être mis en cause, puisqu'il est entièrement détruit ou même enlevé. Mais l'extrémité du nerf coupé ou froissé peut envoyer au ganglion céré- broïde des sensations anormales. Il me paraît légitime d'attribuer à cette cause l’accès de rotation désordonnée consécutif à l'opération ‘. Mais il me semble bien difficile d’expliquer de la même manière les phénomènes qui per- sistent après plusieurs semaines lorsque la plaie est bien fermée et que les animaux sont manifestement bien portants. Ce qui tend à le prouver encore, c’est que la lésion d’une seule otocyste n’est suivie que de phénomènes transitoires et peu accen- tués. L’organe sain supplée l'organe lésé. Cela s’explique s’il y a abo- lition des fonctions, mais non s’il y a excitation violente propagée au ganglion cérébroïde. 1 J'ai observé une fois une Crevette qui, privée seulement de ses antennes in- ternes et munies de ses yeux, tournait autant et plus que ses voisines complètement opérées. Ce résultat me semble pouvoir être expliqué par une irritation insolite de l'extrémité nerveuse. D’ailleurs l’animal refusa toute nourriture et mourut au bout de trois jours. En plongeant une aiguille fine par le canal de l'antenne interne jusqu’à toucher le ganglion cérébroïde on détermine les phénomènes de rotation; en agissant de même sur le prolongement de l’antenne externe, on ne produit rien de pareil. 16 YVES DELAGE. Je crois donc que les troubles définitifs de la locomotion sont imputables à l'abolition des sensations otocystiques et des réflexes qui sont sous leur dépendance. b) Fouisseurs. — Parmi les macroures ordinaires, j’ai dû m'adres- ser à ceux qui ne restent pas toujours en contact avec le sol et qui nagent assez longtemps sans s'arrêter. Sous ce rapport, les Gébies (Gebia) sont très favorables. Ordinairement elles se tiennent dans leurs galeries qu’elles par- courent avec rapidité, et la natation en mer libre doit être excep- tionnelle chez elles ; mais, dans les bacs, elles sont bien forcées de recourir à ce mode de locomotion. Elles se déplacent de deux ma- nières bien différentes, selon qu'elles veulent nager vers un but ou qu’elles se lancent en fuite à reculons, n'importe où, pour éviter un danger. Dans ce second cas, elles donnent de violents coups de queue et progressent par bonds successifs. Leurs mouvements sont alors si impétueux que l'animal, même complètement intact, verse tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, sans conserver une orientation fixe. Il n’y a aucun renseignement à tirer d’une allure aussi irrégu- lière dans laquelle des troubles graves pourraient passer inaperçus. Il n’en est pas de même dans le premier mode de locomotion. L'ani- mal se tient alors horizontalement sur la face ventrale et nage au moyen de ses palettes abdominales, droit devant lui, avec un léger balancement latéral qui lui donne un air très gracieux. Lorsqu’on lui enlève une seule antenne interne, sans toucher aux yeux, il penche un peu sur le côté opéré, mais la natation reste régulière. | La section d'une ou des deux antennes externes n’est suivie d’au- cun trouble dans la locomotion. Si on enlève les deux antennes internes, aussitôt des troubles graves apparaissent. L'animal verse le plus souvent à droite ou à gauche, au point de se trouver la face ventrale en haut. Il cherche à se relever, mais tombe du côté opposé. Plus rarement, il tourne FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 17 dans le plan de symétrie. En somme, il est imcapable de nager cor- rectement et c’est à peine si, en avançant avec une grande lenteur, il peut aller à peu près où il veut sans autre trouble qu'un fort rou- lis. Aucun autre crustacé ne montre plus nettement ces phénomènes, et j’attribue cela uniquement à l'allure très vive de ces êtres et à leur forme allongée qui rend leur stabilité assez faible dans le sens latéral. Si on enlève à la fois les yeux et les antennes internes, la désorien- tation est complète. L'animal ne tourne pas beaucoup plus, mais il cherche moins à se relever et fait d’assez longs trajets dans une si- tuation incorrecte, ordinairement sur le dos, plus rarement sur Île côté. Si au contraire on enlève les yeux et les antennes externes, aucun trouble ne se produit dans la locomotion. L'expérience est très facile à répéter, car l’avulsion des antennules se fait sans la moindre difficulté. Tandis que, chez les Crevettes, les antennes tant internes qu’externes ne sauraient être arrachées sans provoquer une hémorrhagie le plus souvent mortelle ; ici ces appen- dices, de même que chez les Brachyures, sont très étroits à leur in- sertion et peuvent être enlevés sans lésion grave. Je ne sais pas si l'on a trouvé chez les Gébies des otocystes dans les antennules, et je n’ai point cherché à le voir moi-même. Mais j'affirme d'avance, de par les expériences précédentes, qu'il en existe, et, si l’on vient à démontrer le contraire, je déclare que toute ma théorie est à rejeter. 2. Brachyures. Chez les Brachyures, l’avulsion des antennules est encore plus aisée que chez la Gébie. Ces organes ont, comme on sait, un article basi- laire très renflé logé dans une petite cavité du bord antérieur de la carapace et sont surmontés d’un fouet court et grêle. C’est dans l’article renflé que se trouve l’otocyste. L'insertion se fait par un pédicule très étroit. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, == 2€ SÉRIE.—T, v. 1887. 2 18 YVES DELAGE. Pour enlever ces antennules, il suffit d'introduire une forte épingle dans l’article basilaire et de faire une pesée. L’appendice tout entier saute comme une dent et sans produire la moindre hémorrhagie. Les animaux paraissent à peine s’apercevoir de l’opération. a) Corystides. — Je n’ai eu à ma disposition qu'un seul Corystes, mais son observation a été tout à fait caractéristique. Cet animal très lent, presque inerte, vit enterré dans le sable, lais- sant dépasser seulement la pointe de ses longues antennes externes, et reste là, sans doute, pendant toute la marée sans bouger. Aussi serait-il très impropre à la constatation des phénomènes que j'étu- die, si une particularité singulière ne venait modifier cela. Ce crustacé se tient presque vertical, reposant seulement sur le bord postérieur de sa carapace et sur ses pattes postérieures qui limitent avec elle une très étroite base de sustentation. C’est là son attitude favorite, Dès qu’on le met à plat, il se redresse pour re. prendre cette position. Si on le renverse en arrière, ce qui est très facile, il se relève aussitôt pour reprendre la position d'équilibre peu stable que nous avons décrite. | Dès que je lui eus enlevé les antennules (sans toucher aux yeux), il devint incapable de conserver cet équilibre. Mis à plat sur le fond du bac, il se relevait aussitôt ; mais, incapable de mesurer l’ampli- tude de son mouvement, il dépassait la verticale et tombait à la renverse. Là 1l restait immobile et aurait conservé, je crois, indéfi- niment cette position, si on ne l’avait relevé. Mais, à peine relevé, il cherchait à se mettre bien en place et retombait invariablement sur le dos. L'expérience n’a pas manqué une seule fois. D) Portuniens. — Il ne nous reste à examiner que les Brachyures ordinaires. Les iypes marcheurs, comme le Crabe commun (Carcinus mænas), ne sont nullement propices à ce genre d'observations, car ils sont FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 19 sans cesse en contact avec le sol par huit points très espacés limi= tant entre eux une très large base de sustentation. Aussi, chez ce Crabe, après l’avulsion des antennules et des yeux, on observe seulement quelques chutes au début, expression de l’ex- citation opératoire ; mais bientôt les phénomènes se calment, et l'animal, renseigné par des sensations tactiles multiples, se com- porte comme s’il n’avait pas été opéré. Il en est tout autrement chez les genres nageurs, comme le Poly- bius, par exemple, qui nage bien et est très actif. J'ai eu à ma dis- position un bon nombre d'individus de ce genre, et voici ce que j'ai observé. L’ablation des yeux ou des antennes externes, ou de ces deux organes réunis, n'apporte aueun trouble dans la locomotion. Les animaux ainsi opérés se heurtent aux obstacles, puisqu'ils sont aveu- gles; mais ils marchent et nagent tout à fait correctement, et se relèvent instantanément lorsqu’on les place sur le dos. L’avulsion d’une seule otocyste est presque sans effet. Si on enlève les deux otocystes, même sans toucher aux yeux, l'animal, à peine remis à l’eau, exécute quatre ou cinq culbutes dans le plan de symétrie, parfois jusqu'à douze ou quinze, fait plusieurs tours à droite ou à gauche et enfin arrive au fond, où il se repose. Lorsqu'il s'est calmé, cette gyration désordonnée disparaît et fait place à des phénomènes moins violents, mais permanents et très caractéristiques. L'animal tourne en nageant autour de l’un ou l'autre de ses axes et ne peut, dans aucun cas, arriver droit à son but. Si on le place sur le dos, il a quelque peine à se relever. Si en outre les yeux sont enlevés, les phénomènes sont les mêmes, mais plus marqués, et surtout l’animal à beaucoup plus de peine à reprendre sa situation normale lorsqu'il a été mis sur le dos. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS, Nous avons indiqué çà et là incidemment les raisons pour les- quelles les troubles consécutifs à la destruction des otocystes ne 20 YVES DELAGE. peuvent être imputés à une excitation de ces organes ou des nerfs qui s’y rendent. Il importe de les rappeler, car c’est là un point de première importance dans l'interprétation des phénomènes. Les symptômes violents et passagers qui apparaissent immédiate- ment après l’opération peuvent être dus à une excitation trauma- tique. Mais pour ceux qui se montrent plus tard, il n’en est pas de même. Ces phénomènes sont en effet permanents. Non seulement ils ne disparaissent pas, mais ils ne diminuent pas, et cependant la plaie guérit et les animaux peuvent se rétablir si complètement qu'ils mangent, muent et régénèrent les parties coupées de leur corps. On ne s’expliquerait pas une excitation qui persisterait identique à elle-même si longtemps et dans de pareilles conditions. En second lieu, les opérations unilatérales sont presque sans effet dans la plupart des cas. Or nous savons que les excitations violentes des organes des sens n’ont pas besoin d’être doubles pour se mani- fester par des symptômes généraux. Tel est le cas précisément du vertige de Ménière. Enfin, s’il s’agissait d’excitation, on ne comprendrait pas que la persistance des indications d’un autre sens puisse atténuer les effets de l'opération au point de les annihiler parfois complètement, comme chez les Crevettes par exemple. * Je me crois donc autorisé à admettre que es phénomènes de désorientation locomotrice sont dus à l'abolition des fonctions oto- cystiques. Cela étant bien établi, si l’on met de côté les différences de détail imputables aux particularités de conformation et aux habi- tudes spéciales des diverses espèces, on voit que toutes nos expé- riences autorisent une conclusion uniforme, c'est que les otocystes ne sont pas seulement des organes de l'audition, mais qu'ils jouent un grand rôle dans l'orientation locomotrice. Car il ne viendra à l'idée dé personne, je pense, que c’est parce qu’ils sont rendus sourds que les animaux opérés présentent de si grands troubles dans la locomotion. FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 21 La correction de l'allure est assurée par trois sortes de sensations, celles du tact, celles de la vue et celles du sens spécial dont l’oto- cyste est l'organe. Mais ces trois sens n'ont pas une importance égale, et celui de lotocyste tient à coup sûr le premier rang, car, privé de la vue et des organes spéciaux du tact, un animal reste tou- jours capable de nager correctement, tandis que la destruction des otocystes est suivie de troubles locomoteurs graves. Ces troubles s'observent souvent lorsque cette lésion existe seule, et toujours lors- qu’elle s'ajoute aux mutilations précédentes. Il semble naturel de conclure que l'otocyste est l’organe spécial destiné à assurer une locomotion correcte, et que la vue et le tou- cher, destinés à des fonctions différentes, peuvent cependant sup- pléer les otocystes lorsque celles-ci sont détruites. Il est facile de comprendre que les sensations visuelles et tactiles ne remplacent pas celles des otocystes avec le même avantage chez tous les animaux. Des yeux bien développés et très mobiles, une allure lente, des points d'appui multiples, de nombreux appendices s'étendant à’ distance tendent à atténuer les effets de l'ablation de l'otocyste. Au contraire, une allure vive, une forme longue et étroite, des pattes courtes, des appendices peu nombreux et peu développés doivent les rendre plus manifestes, C’est dans ces différences qu’il faut chercher la cause de toutes les divergences de détail que nous avons rencontrées en expérimentant sur les divers animaux, Il semble donc bien démontré que l'otocyste possède une fonction indépendante de l'oute et relative à l'orientation locomotrice. Mais comment accomplit-elle cette fonction ? C'est ici que la question devient difficile. Autant les faits sont évidents, autant leur interprétation appro- fondie est délicate. Aussi, en cherchant à l'établir, me garderai-je de rien affirmer. En premier lieu, nous devons nous demander si l’otocyste agit sur 22 YVES DELAGE, la locomotion par voie réflexe ou par des sensations qui provoquent des actes volontaires. La première hypothèse me semble la meilleure. Seuls les réflexes ont ces qualités de vitesse et de précision qui sont nécessaires dans la locomotion. Si les déviations inévitables qui tendent à se produire surtout dans la locomotion rapide étaient corrigées volontairement et seulement après avoir été reconnues par le sensorium, elles se produiraient inévitablement en dépit de tous nos efforts. C’est ce que nous voyons chez la plupart des animaux privés de leurs otocystes et munis de leurs yeux. Ils arrivent à nager à peu près correctement, mais à la condition d’aller très lentement, et encore ne peuvent-ils éviter un certain roulis, parce que leurs sensations visuelles, non accoutumées à ce genre de travail, ne savent pas provoquer les ré- flexes nécessaires. Les oscillations ne sont corrigées qu'après avoir été senties, et par des actes musculaires volontaires. Tout cela exige plus de temps qu’un réflexe, aussi la rotation at-elle eu ile temps d'acquérir une valeur notable avant d’être corrigée. On comprend ainsi pourquoi les troubles sont d'autant plus accentués que l'allure est plus rapide. Que les otocystes agissent sur la locomotion par voie réflexe, cela ne prouve nullement que ces organes n’envoient pas au ganglion cérébroïde des sensations véritables. Rien n’empêche que l'excitation nerveuse, après avoir provoqué des contractions musculaires réflexes en passant par un centre excito-moteur ne continue son chemin et ne produise une sensation consciente. Je n’ai aucune preuve directe à donner en faveur de cette opi- nion, mais je suis conduit à l’'émettre par la physiologie comparée. Les otocystes représentent, à un état de développement imparfait, le labyrinthe membraneux des Vertébrés. Nous voyons, en effet, que chez ceux-ci les canaux demi-circulaires et le limaçon n’existent que dans les classes supérieures ; en descendant la série, on voit le limaçon se simplifier, puis disparaître et les canaux demi-circulaires eux-mêmes se réduire considérablement chez les derniers poissons FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 23 (Myxine). est donc clair que, malgré sa complication, le labyrin- the des Vertébrés dérive d’une vésicule unique à parois lisses, en tout semblable à Potocyste, comme le prouve d’ailleurs le déve- loppement ontogénétique de cet organe. A cette homologie morphologique vient s'ajouter une étroite res- semblance entre les fonctions. Les effets de la destruction des oto- eystes sont tout à fait comparables à ceux qui suivent la lésion des canaux demi-cireulaires. Il me semble donc légitime d'admettre que la fonction non acoustique du labyrinthe doit se retrouver dans l’oto- cyste avec ses traits principaux. Or, il résulte des recherches de Macu‘ et des miennes? que le labyrinthe nous donne de véritables sensations de mouvement, sensations spéciales et tout aussi auto- nomes que celles de la vue et de l’ouïe. Je pense donc qu'il doit en être de même chez les Invertébrés et que leurs otocystes doivent les renseigner sur les mouvements de rotation accomplis par leur corps au moyen de sensations spéciales. Je ne voudrais pas hasarder ici autre chose qu'une simple hypo- thèse, d’ailleurs conforme aux données de l’'embryogénie, mais je ne puis m'empêcher de dire comment je me représente le dévelop- ment phylogénétique de l'organe auditif et de sa double fonction. La vésicule auditive simple du Vertébré primitif aurait eu pour fonction, comme l’otocyste de l'Invertébré, de percevoir Les bruits et de régulariser la locomotion. Elle se serait séparée d’abord en deux parties affectées chacune à l’une de ces fonctions, le saccule pour la première, l’utricule pour la seconde, Enfin, peu à peu se seraient développés les diverticules de ces parties centrales, le limaçon pour percevoir les sons avec leurs qualités de hauteur et de timbre et non plus sous la forme de bruits ne différant entre eux que par leur in- tensité, et les canaux demi-cireulaires peut-être pour provoquer les mouvements des yeux compensateurs de ceux de la tête, afin 1 Mac, Grundlinien der Lehre von den Bewegungsem pfindungen. Leïpzig, 1875, 2 Yves DeLAGE, Etudes expérimentales sur les illusions statiques et dynamiques de direction. etc. (Arch. de zool. exp. ei'gén., 2e série, t. IV). 2% YVES DELAGE. d'éviter les illusions visuelles qui se produisent lorsqu'ils sont im- mobiles. Quant au mode d’excitation des otocystes, il faut le chercher sans doute dans une action mécanique exercée ‘pendant les mouvements par le liquide ou les otolithes sur les terminaisons nerveuses de la paroi. Nous pouvons résumer en ces termes les faits principaux et les conclusions de ce travail : La destruction des otocystes produit une désorientation locomotrice chez les animaux qui l'ont subie. Ce résultat est dû à l'abolition des fonctions de l'organe .et non à son excitation ou à une wrritation du nery correspondant. La suppression des sensations visuelles et tactiles! ne produit aucun effet de ce genre. La vue et le toucher peuvent, dans une certaine mesure, suppléer les etucystes détruites, mais le plus souvent la désorientation locomotrice n'est qu’alténuée par les indications de ces deux sens. Les otocystes, outre leur fonction auditive, jouent le rôle d'organes régulateurs de la locomotion, probablement en provoquant par voie réflexe les actes musculaires correcteurs qui maintiennent le corps sur la trajectoire voulue et dans son orientation normale pendant toute la durée du mouvement. Il'y a de fortes raisons de croire que ces organes envoient aussi aux ganglions cérébroides des sensations véritables qui renseignent l'animal sur les mouvements de rotation accomplis activement ou passivement par SON COTPS. Ces sensations, ainsi que les actes réflexes précédents, peuvent être provoquées par l'action mécanique exercée pendant les mouvements par le liquide ou par les otolithes sur les terminaisons nerveuses de la parot. 1 Ces dernières ne peuvent évidemment jamais être supprimées totalement, mais elles peuvent être considérablement diminuées par la destruction des appendices spécialement destinés au toucher. FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES. 25 Des deux fonctions auditive et régulatrice que possèdent les olo- cystes, laquelle est la plus importante ? Il y a probablement des différences sous ce rapport entre les divers animaux. Il est possible que chez des êtres peu mobiles, comme les Acéphales, la fonction auditive soit la plus utile ; mais chez les Céphalopodes et la plupart des Crustacés, je n'hésite pas à croire que la fonction régulatrice est la plus importante. Il suffit de voir les troubles que produit la destruction des otocystes pour comprendre qu'un animal privé de ses sensations auditives serait moins gravement atteint. Je dois, en terminant, signaler uñe objection qu'on ne manquera pas de faire à ma théorie et à laquelle je puis répondre d’avance. La voici : Si les otocystes sont nécessaires aux Mollusques et aux Crustacés supérieurs pour assurer la régularité de leur locomotion, comment les autres Invertébrés privés d’otocystes peuvent-ils s’en passer ? L'objection est sérieuse et le devient plus encore si on l’applique à des êtres doués, comme les insectes, d’une très grande vivacité d’allures. Mais elle tombe d'elle-même devant cette remarque que les oto- cystes ne sont pas les seuls organes capables de jouer ce rôle régu- lateur. Nous avons vu que chez tous les animaux expérimentés le toucher et surtout la vue pouvaient, en partie, suppléer les otocystes. Chez certains d'entre eux tels que les Crevettes et les Mysis, qui ont cependant des allures très vives, la vue supplée si bien la fonction des otocystes que l’ablation de ces derniers organes passe inaper- Que tant que la vue reste intacte. Il est donc tout naturel d'admettre que chez les insectes les otocystes absents sont entièrement rem- placés par la vue. S'il en est ainsi, et s’il n'existe pas ailleurs, dans le corps, quelque organe encore inconnu remplaçant plus spécialement les otocystes, on doit provoquer par l’ablation des yeux chez les insectes la même désorientation locomotrice que chez les Crustacés et les Céphalo- 26 YVES DELAGE. podes par la destruction des otocystes ; tandis que chez les êtres pourvus de ces organes, nous avons vu l’ablation des yeux n’ap- porter aucun trouble dans la locomotion. J'ai fait déjà quelques expériences qui me semblent confirmer ces prévisions. Mais elles sont encore trop peu nombreuses et trop peu variées pour que j'ose rien affirmer. Ce serait un point intéressant à étudier et j'espère qu'il le sera tôt ou tard. ÉTUDE SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA PAR PAUL MARCHAL Les mœurs des insectes ont eu de nombreux historiens, mais la plupart des auteurs, même parmi les modernes, ont vu dans leur étude l’occasion d’exposer d’une façon plus ou moins élégante des historiettes où l'amour du merveilleux et le désir peut-être aussi d'émerveiller le lecteur apparaissent souvent d’une façon trop évi- dente. C’est sans doute à cette tendance qu'il faut attribuer le dis- crédit jeté sur cette étude parmi beaucoup de naturalistes. Que l’on revienne donc sur des idées préconçues que rien ne justifie et, j’en . suis persuadé, l’étude méthodique des mœurs des insectes consti- tuera l’un des plus beaux chapitres de la psychologie comparée. L'auteur qui, semble-t-il, eût dû plus que tout autre donner l'élan pour ce genre de recherches est sans contredit M. Fabre, dont les savantes observations sur les Hyÿménoptères fouisseurs resteront à jamais classiques ; tous ceux qui ont lu son livre ont senti qu'il y avait autre chose que des anecdotes à glaner dans l’histoire des insectes et ils ont compris tout l'intérêt qui s'attache à une étude comparée de l’instinet et de l'intelligence basée sur l'observation et sur l'expérience. Les chapitres ayant trait à l'instinct du Sphex, qui va piquer les centres nerveux du Grillon, le plonge ainsi dans une torpeur qui dure plus d’un mois et le transporte dans son terrier pour le faire servir de pâture à sa progéniture, ont eu surtout le pri- vilège de susciter des commentaires. M.-Fabre se plaît à présenter le 28 PAUL MARCHAL. cas du Sphex ainsi que celui de ses congénères, tels que le Cerceris, l’'Ammophile ou le Pompile, comme fournissant les preuves les plus convaincantes que l’on puisse donner contre le transformisme ; et d'autre part il est piquant de voir l'embarras que témoignent les partisans de la théorie de l’évolution lorsqu'ils abordent ce sujet. Je ne saurais mieux faire que de citer à ce propos le passage suivant extrait de l’£volution mentale des animaux, par Romanes!'. « Tout bien considéré, dit-il, je dois, en toute sincérité, avouer que je re- garde ce cas comme l'un des plus embarrassants de ceux que l’on connaît, et comme étant celui qui est le plus difficile à expliquer au moyen de la théorie que j'ai exposée. Toutefois il serait très utile que les faits fussent étudiés plus à fond, car peut-être alors aurions- nous quelque clef relativement à l’origine et au développement de cet instinct. » Darwin lui-même ne peut dissimuler son embarras, mais cédant à sa hardiesse habituelle, il tente une explication : . &Il ne me semble pas impossible, dit-il, que les ancêtres du Pompilius aient primitivement piqué les chenilles, les araignées, etc., en un point quelconque du corps, puis qu'ils aient remarqué grâce à leur entelligence, que s'ils les piquaient en un point déterminé, entre certains segments sur la face ventrale, leur victime était paralysée aussitôt. Ilne me semble pas incroyable que cet acte soit devenu alors inshinctif, c’est-à-dire que le souvenir s’en soit transmis d'une génération à l’autre. Il ne me semble pas nécessaire de supposer que lorsque le Pompilius piqua le ganglion de sa victime il avait l'inten- tion de conserver sa victime vivante ou savait que cela arriverait ; le développement des larves a pu être modifié ultérieurement par suite de ce que la proie était seulement à moitié vivante au lieu de l'être totalement, ce qui eût nécessité beaucoup de piqüres *. » Ces derniers mots laissent entrevoir {comment la jeune larve d’un Sphégide, nouvellement éclose et qui mourrait fatalementsila cellule Traduction française par H. de Varigny. Loc. cit. (Mémoire posthume de Darwin sur l'Instincl). SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 99 qu'elle habite n'était approvisionnée de victimes paralysées, pouvait autrefois mettre moins de temps qu’elle n'en met aujourd’hui à pour- suivre son développement et se nourrir alors de victimes mortes et commençant même à se putréfier. Ce n’est là qu’une hypothèse timidement avancée. M. Fabre affirme d'autre part que la larve du Sphégide s’est nourrie de tout temps d'insectes paralysés, et que si l'instinct de 'Hyménoptère fouisseur n'avait pas été parfait dès le début, l'espèce serait morte dans l’œuf. Telles sont les deux opinions en présence. L'instinct d’un insecte met en échec l’une des théories les plus hardies des temps modernes. Aux faits de décider ! ce ne sont que de nombreuses observations dirigées avec méthode qui pourront lever le voile et résoudre le problème. Ï. LA CHASSE. Le Cerceris ornata est un de ces Sphégides dont je viens de parler. Son aspect rappelle celui d’une guêpe d’assez petite taille. Ses ailes sont déployées sur le dos et légèrement enfumées ; sa têle présente une large face jaune ; l'abdomen réuni au thorax par un segment noduleux est rayé de jaune et de noir et présente des taches jaunes qui varient suivant les individus ; tout le reste du corps est noir avec taches jaunes variables au niveau des écailles des ailes, des épaules et du métathorax. Cet insecte avait élu domicile dans une allée de mon jardin qui devint dès lors mon poste d'observation. Le sol durei et chauffé par les rayons du soleil offrait aux Hyménoptères un terrain favorable à l'établissement de leurs terriers, et certaines parties de l'allée étaient littéralement criblées de trous au-dessus desquels on voyait volliger une nuée d'insectes qui pour la plupart étaient des Andrénites du genre Halycte. Les unes revenaient chargées de leur provision de pollen. qui pendait à leurs pattes sous la forme de grosses pelotes jaunes; les autres, gardiennes du nid pendant que leurs sœurs 30 PAUL MARCHAL. étaient allées en quête de provendes, bouchaient l'entrée du terrier de leur large tête, agitant les antennes à la moindre alerte, et se te- nant prêtes à soutenir l’assaut du parasite qui tenterait de les déloger. Elles ont raison d’être sur le qui-vive ; car les Sphecodes sont là voltigeant de terrier en terrier, et plus d’une fois j'ai vu ces marau- deurs mettre le siège devant leur demeure pour en expulser les propriétaires légitimes ‘. Les Sphécodes ne sont pas les seuls enne- mis des Halyctes. L'un des plus redoutables pour ces abeïlles sau- vages est le Cerceris ornata. On voit les individus de cette espèce voler lentement à fleur de terre au-dessus du sol perforé par les Halyctes ; ils décrivent de nom- breux circuits, puis, de temps à autre, ils s’abattent lourdement au seuil d’un terrier d'abeille, avancent à plusieurs reprises la tête à l’intérieur, puis s’envolent au bout de quelques secondes. Parfois, lorsque la largeur du terrier le permet, ils pénètrent à l’intérieur, mais en ressortent bientôt pour continuer la même manœuvre aux terriers voisins. J’ai observé ce fait un très grand nombre de fois sans jamais voir le Cerceris engager le combat avec l’Halycte gardienne. Tout au plus quelques coups de tête échangés, quelques coups de mandibules et presque aussitôt le Gerceris s’envolait pour poursuivre sa Course errante. Je commencais à désespérer de voir le Gerceris s'emparer de sa proie, lorsqu'un jour je le vis fondre sur une Halycte qui revenait à son terrier chargée dé pollen. Au moment où celle-ci plane autour de sa demeure en décrivant quelques spirales irrégulières avant d'y pénétrer, le Gerceris épie sa 1 J'ai vu ainsi un Sphecodes gibbus (Saint-Farg) tuer plusieurs Halyotes dans le même terrier et les arracher de leur demeure pour se l’approprier après lavoir agrandie à sa convenance. Cette observation démontre le parasitisme des Sphécodes qui avait été nié par le docteur Sichel, dont l’opinion semble avoir prévalu. (Voy. Maurice Girard, Traité d'entomologie.) Elle prouve en outre un commencement de sociabilité chez les Halyctes qui, dans cette circonstance, cohabitaient le même terrier. SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 31 victime dans ses mouvements, puis se plaçant derrière 1l fond tout à coup sur elle et l’abat à terre *. Lorsque je les examine, vainqueur et vaincu, roulant sur le sable, je vois le Cerceris maintenant fortement sa victime par la nuque, tandis que son abdomen recourbé va darder à deux ou trois reprises l’aiguillon sous le thorax (fig.1). En quelques secondes, l'Halycte est immobilhsée ; le Cerceris la saisit alors par une antenne à l’aide de ses mandibules et chevauchant sur elle, la maintenant sous son Corps à l’aide de ses pattes, il l'emporte à sa demeure qui Fig. 1. — Le coup d’aiguillon. se trouve dans le voisinage ; arrivé à son terrier, le Cerceris y pénètre directement sans hésitation et tête première pour y déposer sa proie. J’ai pu ainsi quatre ou cinq fois suivre le Gerceris à partir du mo- ment où il venait de fondre sur sa victime jusqu’au moment où il disparaissait dans son terrier : la manœuvre n’a pas varié ; les coups _d’aiguillon une fois donnés, le Gerceris emportait sa victime sans lu faire subir aucune autre opération, jusqu'à son terrier, où il pénétrait immédiatement pour y déposer sa proie. Généralement le Cerceris saisit sa victime par une antenne, plus rarement par les deux antennes, qui sont rassemblées entre ses mandibules en un seul cordon. Lorsque la 1 Walkenaer a vu le Cerceris ornata fondre sur les Halyctes dans les mêmes cir- constances : « Lorsqu’elles se préparent, dit-il, à entrer dans leurs trous et que leur volest stationnaire, le Cercéris orné fond sur l’une d’elles, la saisit par le dos et l’enlève ; il vole quelques pas avec elles, se pose à terre. «ét lui enfonce son aïiguil- lon immédiatement au-dessous de la tête. Elle demeure alors sans force et palpi- tante, mais elle ne meurt point. » (Mémoire pour servir à l’histoire naturelle des Abeilles solitaires qui composent le genre Halycte, par Walkenaer. Didot, 1817.) Cette observation qui m'avait complètement échappé lors de la rédaction de ce mémoire est, à ma connaissance, la première qui signale avec précision le point d'élection adopté par un Hyménoptère fouisseur quelconque pour piquer l’insecte dont il fait sa proie ; elle méritait à ce point de vue d’être rappelée. | 32 PAUL MARCHAL. victime est trop lourde, le Cerceris s’abat quelquefois dans le voisi- nage de son terrier et continue le chemin pédestrement ; l'Halycte traîne alors librement entre ses pattes ; elle est couchée sur le dos et son ventre correspond par conséquent à celui du Cerceris; les six pattes du Cerceris sont entièrement libres pour la marche, et aucune ne sert à retenir la victime. Ainsi les Cerceris vont chercher leurs victimes dans le voisinage même de leurs terriers qu'ils onteu le soin d'établir dans les districts les plus fréquentés par les Halyctes, et c'est au moment où celles-ci reviennent chargées de pollen que les Cerceris s’en emparent. Il est possible néanmoins que dans certains cas, beaucoup plus rares, l’'Hy- ménoptère déprédateur aille déloger l’Halycteet l’arracher de son ter- rier pour lui donner le coup d’aiguillon. En effet, lorsque le Cerceris s'arrête au seuil d’un terrier d'Halycte, on le voit souvent baisser et relever brusquement la tête comme pour enlever la gardienne en dehors de sa demeure ; mais quoique cette manœuvre lui soit très habi- tuelle, il n’y déploie pas la moindre constance et s'envole au bout de quelques secondes. Il me semble probable que cette habitude, qui consiste chez les Cerceris à explorer l'entrée de tous les terriers d'Halyctes sans s’y arrêter davantage, soit la première manifestation d’un instinct analogue à celui du Sphécode (voy. p. 30, note). Je ne vois dans l'habitude du Cerceris et l'instinct du Sphécode qu'une différence de degré. Que, chez certains individus, la con- stance nécessaire pour expulser l’Halycte de sa demeure se mani- feste, et il en résultera un avantage incontestable sur les autres individus. Car, il faut en convenir, les Cerceris sont fort maladroits dans la recherche de leurs victimes, bien qu’il y en aït un assez grand nombre qui voltigent autour de leurs terriers ; un moyen de plus pour se les procurer ne serait donc pas pour eux chose à dédaigner. SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 33 IT. COUP D’AIGUILLON ET MALAXATION. Lorsque le Cerceris fond à l’improviste sur sa victime et la jette à terre, il est impossible de suivre les phases de la lutte et de se rendre compte de la méthode employée par l'agresseur. Le temps de se baisser pour assister de près au combat suffit pour vous faire manquer une partie du spectacle ; ajoutons à cela qu'il faut attendre des heures et souvent des jours avant d’avoir la bonne fortune de voir un Cerceris fondre sur sa proie, et que, même lorsque l’occa- sion tant souhaitée se présente, il arrive trop fréquemment que le Cerceris s'envole au moment où l’on se baisse pour l’observer. Pour étudier l'instinct de notre Hyménopière, il ne suffit done pas d’at- tendre l’occasion favorable, mais on doit encore la faire naître. La méthode est des plus simples. Au moment où le Cerceris arrive à son terrier chargé de sa victime, je le recouvre rapidement d’une cloche et, glissant sous la cloche une feuille de carton, je porte ma capture sur une table voisine. Le Cerceris maintient sa victime par une antenne et le plus souvent ne l’abandonne qu'au bout de quel- ques minutes, après s'être bien rendu compte de sa captivité; il arpente alors sa prison en tous sens et ne tarde pas à se trouver face à face avec sa victime ; il la considère quelque temps, puis tout à coup la saisit brusquement entre ses mandibules au niveau de la partie antérieure du corselet, immobilise le thorax avec ses pattes antérieures et intermédiaires. et, prenant un point d’appui à la fois sur ses pattes postérieures, sur la convexité de son abdomen et sur l'extrémité de ses ailes, il va darder son aiguillon sous le cou,-au ni- veau de l'articulation de la tête et du thorax. Ce coup d'’aiguillon est donné avec insistance de la part de l’insecte ; il semble lui apporter une importance capitale, laisse séjourner le dard et fouille à plu- sieurs reprises dans l'articulation. Un où deux coups d'aiguillon assez rapides sont donnés sous le thorax, principalement à l'articulation du prothorax et du mésothorax ; puis le Cerceris met sa victime face ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GËN. == 9€ SÉRIE,—T, V. 1887. 3 34 PAUL MARCHAL. à face avec lui et, après l’avoir considérée pendant quelques se- condes, il la retourne en sens inverse de façon à mettre la nuque de l’Halycte en rapport avec ses mandibules. À ce moment, les pattes antérieures du vainqueur sont passées autour du cou de l'Halycte ; ses tarses, flexibles comme des mains, sont appliqués de chaque côté sous le menton et tiennent la tête immobile ; les pattes inter- médiaires compriment les flancs, tandis que les pattes postérieures prennent un point d'appui à terre ou restent entièrement libres. L’Halycte étant ainsi bien assujettie, le Cerceris va fouiller la nuque de ses mandibules ; celles-ci sont animées de mouvements saccadés et malaxent le cou pendant un temps assez long, durant en moyenne de deux à trois et même quatre minutes. Fig. 2. — La malaxation; A, position la plus habituelle; B, position observée plusieurs fois. Pendant que le Cerceris procède à cette malaxation de la nuque qui forme la deuxième partie de son opération, il est en général campé sur le dos de sa victime, et tous deux se trouvent dans la position horizontale; dans ce cas, les pattes postérieures du Gerceris sont libres et traduisent par leurs mouvements de balanciers les efforts auxquels il se livre (fig. 2, A). Mais quelquefoisil arrive qu'après avoir redressé son abdomen à la suite du coup d’aiguillon, le Cerce- ris reste dans la station verticale debout sur ses pattes postérieures ; rien n’est alors plus comique que de le voir porter et retourner l'Halycte entre ses pattes, et procéder à la malaxation dans cette 1 J’emprunte le nom de maxalation à M. Mauvezin, qui l’a observée chez l’Ody- nère. Voir Revue scientifique, 3 avril 1886. SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 39 posture singulière (fig. 2, B); l'opération terminée, le Cerceris dé- pose sa victime sur le sol et l’abandonne. L'Halycte gît à terre, incapable de faire un pas, n’ayant que des mouvements désordonnés de toutes les pattes, mouvements qui, comme nous le verrons plus tard, ne tardent pas à se déclarer après une première période d’engourdissement complet qui succède au coup d’aiguillon. Malgré cet état de torpeur où se trouve plongée la victime, ce serait se tromper que de croire l’œuvre du Cerceris ter- minée. Qu'importe au ravisseur l’immobilité plus ou moins grande de sa proie ! L'instinct impérieux est là, dominant l'Hyménoptère, et dix minutes à peine se sont écoulées, que le voilà qui revient à la charge. Jusqu'à cinq fois de suite, je le vois revenir à l'assaut et recommen- cer identiquement sa manœuvre sur la malheureuse abeille. A vrai dire, le résultat immédiat obtenu par cette succession d'opérations ne me paraît pas en rapport avec l'énergie déployée, et, après la cinquième opération, l’immobilité n’est guère plus grande qu'après la première ; de plus, celle qui a reçu cinq fois l'assaut, prise à deux heures, remuait encore les pattes le lendemain matin, après excita- tion de l'abdomen ; c’est précisément ce que l’on obtient après une seule opération. L'acte instincüf du Cerceris orrata peut donc être considéré comme un réflexe commandé par la vue de l’Halycte, et pouvant s'effectuer sur le même sujet un nombre indéterminé de fois, tant que le Cer- ceris est en chasse, et sans que l’état de la victime paraisse immé- diatement en être modifié d’une façon notable. Les expériences précédentes, faites sur les victimes prises au mo- ment où le Cerceris les apporte à son terrier, peuvent, à bon droit, paraître insuffisantes : l'Halycte a en effet subi une première opéra- tion à laquelle nous n'avons pas assisté, et il serait intéressant d’ob- server dès le début l’œuvre de l’'Hyménoptère déprédateur. Enlevons donc au Cerceris sa victime et substituons-lui une Halycte vivante ; cette substitution réussit toujours ; il suffit de s’armer de patience, 36 ‘PAUL MARCHAL. et, au bout d’un quart d'heure ou d’une demi-heure, on voit le Cer- ceris aborder l’Halycte et engager le combat. On peut dire qu’à partir de ce moment le Cerceris se trouve amorcé, et, si l’on a eu soin de se munir d’une provision d’Halyctes suffisante, on peut les lui don- ner toutes successivement et assister, presque autant de fois que l’on voudra, à la manœuvre de l'Hyménoptère. Il n’est même pas né- cessaire de prendre un Cerceris avec sa victime, et de substituer à celle-ci une Halycte vivante ; il suffit d’enfermer sous la cloche une Halycte et un Cerceris femelle, à condition toutefois que ce dernier ait été pris pendant la chasse ; notons enfin que certains individus ont une nature plus ardente que les autres et donnent les meilleurs résultats. La scène à laquelle j'assiste après avoir substitué une Halycte à la victime du Cerceris se passe de la façon suivante : l'Halycte, avec l’insouciance de l'ignorance, approche du Cerceris. Celui-ci s'arrête, la regarde arriver ; son immobilité est complète ; il semble frappé de stupeur ; couché sur le flanc gauche, il à levé en l'air les pattes antérieures et intermédiaires du côté opposé, ses mandibules sont grandes ouvertes : 1l guette sa proie, il est en arrêt. L'Halycte lutte contre le verre pour sortir de sa prison, l’étourdie ne songe qu’à re- conquérir sa liberté perdue, sans se soucier du ravisseur quila guette. encore un pas, et sa tête touche celle du Cerceris: celui-ci la saisit brusquement, étreignant avec ses mandibules la partie antérieure de son corselet; son abdomen se recourbe, puis va darder l’aiguillon sous le cou de l’Halycte, si bien que celle-ci se trouve prise entre la têle et l'extrémité de l’abdomen du Cerceris, comme entre les deux extrémités d’un anneau brisé. Pendant quelques instants, les deux combattants roulent sur le sol ; enfin les coups d’aiguillon sont don- nés sous le thorax, et l'Halycte est immobilisée. Le ravisseur, de l’ex- trémité de son abdomen recourbée en crochet, donne alors trois ou quatre petits coups sous le menton de la victime, de manière à la redresser et à la mettre face à face avec lui dans la position ver- ticale ; il la considère alors quelques secondes, museau contre mu- SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 37 seau, et, les mandibules grandes ouvertes, il la caresse deux ou trois fois avec son chaperon, semblant ainsi l’embrasser à plusieurs reprises, Puis il la retourne entre ses pattes et procède à la malaxa- tion, comme nous l'avons déjà vu précédemment. L'ardeur du Cerceris à donner le coup d’aiguillon est si grande que, si l'on en met deux avec une des victimes que l’un vient d'ap- porter, ils se disputent la proie; et pendant que l'un opère, l’autre, excité par le spectacle, cherche à soutirer la victime en la tirant par une patte ou par une aile ; s’il réussit dans sa tentative, il recom- mence sur la malheureuse l'opération qu’elle vient à l'instant même de subir. Je les ai vus ainsi se succéder alternativement, et assouvir leur instinct par trois et quatre fois sur la même victime. Il est à remarquer qu'après lui avoir fait subir la malaxation, le Cerceris ne prend pas l’Halycte par une antenne pour la traîner de côté et d’au- tre, ce qui devrait avoir lieu si la malaxation précédait l’entrée au terrier ; d'autre part, il m'est arrivé de voir le Cerceris donner la série des coups d’aiguillon, puis, ne procédant pas à la malaxation, il se mettait immédiatement à trainer l’Halycte par une antenne, comme pour regagner son terrier, De ces faits et de l'observation directe répétée quatre ou cinq fois, il résulte que la malaxation n’a pas lieu en général en dehors du terrier : c'est donc à son intérieur qu’elle doit se passer le plus sou- vent 1. M. Fabre, qui a observé avec tant d’habileté les mœurs des Hymé- 1 Il se peut néanmoins que dans certains cas le Cerceris procède à la malaxation en dehors du terrier. GOUREAU (Histoire du Cerceris orné. Acad. des sciences de Be- sançon, 1834) a vu un Cerceris ornata mordre une Halycte à la gorge avant de pé- nétrer dans son terrier : « L'entrée, dit-il, était fort étroite et l’abeille se mettant en travers faisait des efforts pour s'échapper. Alors le Cerceris la replaçait directe- ment sous lui, ef la mordait à la gorge. Après une dizaine de tentatives infructueuses il parvint à l’entraîner dans son antre. » Cette observation est évidemment exacte; je dois pourtant ajouter que les observations de Goureau, sur le Cerceris, ont été prises un peu rapidement et manquent souvent de précision, Jl suffit de dire que l’auteur doute fort que le Cerceris ait un aiguillon. Une description très sommaire et assez vague de l’œuf, de la larve et de la coque est donnée dans la même note. 38 PAUL MARCHAL. noptères fouisseurs et en particulier des Cerceris, émet sur leur instinct si bizarre une opinion que je ne puis partager : « L'Hymé- noptère, dit-il dans ses Nouveaux Souvenirs entomologiques, est doué non seulement d'outils, mais encore de la manière de s’en servir. Et ce don est originel, parfait dès le début ; le passé n’y a rien ajouté, l'avenir n’y ajoutera rien. » Et quelques lignes plus loin, en parlant des théories transformistes, de la sélection, de l’atavisme, du combat pour la vie : « Je vois bien là de grands mots, dit-il, mais je préfé- rerais de tout petits faits. Ces petits faits, depuis tantôt une quaran- taine d'années, je les recueille, je les interroge ; et ils ne répondent pas précisément en faveur des théories courantes. » Ainsi l’insecte n’est pas perfectible ; les Hyménoptères fouisseurs ont tous été de tout temps des maîtres dans l’art de paralyser leur proie pour en approvisionner leur nid et nourrir leur postérité. — Comment pourrait-il en être autrement? nous dira M. Fabre. L'art d’apprèter les provisions des larves ne comporte que des maîtres et ne souffre pas d’apprentis ; si la paralysie n’est pas suffisante, la larve périra sous l'effort des contorsions de la victime : donc pas de milieu, ou bien l’insecte dennera le coup d’aiguillon d’une façon parfaite et sa race se perpétuera, ou bien d’une façon imparfaite et sa race périra. — Eh bien ! quelque logique que puisse paraître ce raisonnement, il ne me persuade pas, et moi aussi je répondrai que je préférerais quelques tout petits faits. Voyons notre Cerceris à l’œuvre; et d’abord constatons si Ja ma- nière dont il se sert de son outil exige de sa part une science mysté- rieuse et inexplicable. Il choisit en effet: sur la poitrine les points . faibles où son aiguillon peut pénétrer : mais quoi de plus naturel ? Ce n'est pas une science mystérieuse qui le conduit à piquer tel point ou tel autre; c'est la nature même de sa victime dont il explore la poitrine avec l'extrémité de son abdomen, et à chaque rainure marquant la limite de deux segments il sent que son aiguillon s’ar- rête et 1l l'enfonce. Cela est si vrai que peu lui importe l'articulation où s'arrête l’aiguillon, pourvu que, sentant celui-ci s’enfoncer dans SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 39 le corps de sa victime, il jouisse du plaisir que procure lassouvisse- ment de l'instinct. Aussi l’ordre dans lequel sont donnés les coups d’aiguillon est-il très variable ; pour l’observer, il importe que la victime reste immobile pendant que le Gerceris la maîtrise ; lorsque l'on a affaire à un Cerceris acclimaté, on y parvient en l’excitant par la vue d’une Halycte que l'on tient au bout d’une pince par une patte : lorsque l'attention du Gerceris est fixée sur la victime, on en- lève la cloche qui les sépare et il il vient opérer l’abeille au bout de votre pince. — Voici les résultats de quelques-unes de ces obser- vations . ; Coups d’aiguillon donnés. (a) 1° Au cou; 2° A l'articulation du prothorax et du mésothorax ; 30 Au cou. (6) 19 Au cou; 20 À l'articulation du prothorax et du mésothorax. (ce) 1° Au cou; 29 A l'articulation du prothorax et du mésothorax ; 3° En arrière, vers la naissance de l’abdomen, (d) Très probablement dans un nombre de cas assez considérable, soit uniquement à l’articulation du prothorax et du mésothorax, soit uniquement au cou. Ces deux dernières articulations sont de beaucoup les plus fréquem- ment atteintes par l’aiguillon du Cerceris. Pour les grosses victimes, l’'Hyménoptère semble s'adresser de préférence au cou : lorsque la victime est petite, il semble s'adresser de préférence au thorax, ou indifféremment au thorax et au cou. En résumé, le Cerceris donne à son abdomen une certaine cour- bure, et, tâätonnant avec son extrémité en forme de crochet, il la fait glisser lentement sous le thorax et va piquer les articulations qui se trouvent à sa portée. Il résulte de là que la précision avec laquelle opère le Cerceris est loin d’être merveilleuse. Du reste, elle n’a pas besoin de l'être ; l'expérience suivante le démontrera. Voyant la persistance avec laquelle un grand nombre d'individus attaquent la partie inférieure du cou, je prends une Halycte vivante et je lui recouvre cette partie d’une couche de gomme arabique en 40 PAUL MARCHAL, enclavant dedans un petit morceau de baudruche de facon à rendre le cou totalement invulnérable; je laisse sécher en maintenant la victime entre deux morceaux de tulle tendus avec des épingles, Ceci fait, je livre l’Halycte à un Cerceris qui procède à son opération, suivant l’asage ; mais, comme de raison, il ne peut atteindre que le thorax : néanmoins l’'Halycte est tout d’abord immobilisée, puis malaxée, et finalement l’état est le même que pour les autres victimes. Ainsi, pourvu que les coups d’aiguillon T'É- pondent au trajet de la chaîne nerveuse, c’est- à-dire à la ligne médiane de la partie ventrale du thorax, et encore n'est-il pas prouvé que cela soit nécessaire; il importe peu que la piqûre soit faite au niveau du premier ou du deuxième ganglion thoracique. Il convient du reste de rappeler, comme on fo LEE peut le constater facilement par la dissection, j ictus seæcinctus : : r Cdt HE Re que les endroits piqués ne correspondent pas très grossie). Après avoir dis- : : Se séquélesystémenerveux,une aux ganglions nerveux, mais précisément à la qe fine as SH 5 Are. de Là it :] : (6 3) sur la lIgne Mmecane 85 Ven moitié de la distance qui les sépare (lig. À trale, au niveau de l’articu- ; lation du prothorax et de la : : te L tête (a); une autre épinglea Cette distance est toutefois assez faible, je été enfoncée sur la ligne mé- ., 8 diane au niveau de l'articu- l'accorde, pour admettre que l'influence du lation du prothorax et du : mésothorax (b). Les points venin se transmet aux ganglions d’une façon rouges indiquent $ rio récis où la pointe de l'épin- : : r : DE s’est fait jour sur la pré- presque immédiate, paration, ils correspondent : , u , aux points d'élection pourla Mais c’est surtout la malaxation qui va nous piqûre du Cerceris ornata. à z 2 c, cerveau; s. 0e, ganglion (onner les renseignements les plus instructifs. sous-æsophagien ; ?», gan- glion prothoracique : m, gan- glion mésothoracique et mé- tathoraciqne réunis. D'après M. Fabre : «De la pointe des man- dibules, tout en respectant la fine et souple membrane de la nuque, le Sphex va fouiller dans le crâne de sa victime et mâcher le cerveau. Il n’y a pas effusion de sang, il n'y à pas blessure, mais simple compression extérieure; » et, plus loin, l'éminent observateur nous explique que cet acte a SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 41 pour but la compression du cerveau, et que c’est simplement pour obtenir une léthargie, une torpeur passagère, que le Sphex agit de la sorte. Je ne mets pas en doute un seul instant l'exactitude des faits observés par M. Fabre; mais ce que je certifie, c’est que, chez le C'erceris ornata, les choses ne se passent pas de la sorte. Ses allures sont loin d’être celles d’un chirurgien qui mesure la force de chaque coup qu'il donne; il n’a point de ces délicatesses ; il agit au contraire avec la brutalité du bourreau, et opère sa victime avec fré- nésie ; il se délecte dans son œuvre, il aime à palper sa victime, son instinct s’assouvit sur elle avec une satisfaction évidente. Maïs regar- dons-le attentivement, à la loupe s’il le faut, pendant qu'il est en train de malaxer sa victime : la langue est animée d’un rapide mou- vement de va-et-vient, comme s’il léchait avec avidité une liqueur, et cette langue va fouiller sous la tête aussi loin que possible. Puis, de temps à autre, il reprend les mouvements saccadés de ses mandi- bules pour comprimer la nuque, et recommence à lécher le cou de sa victime. J’examine maintenant l'Halycte en tendant la nuque d’une facon convenable, et je vois immédiatement un trou béant sur la ligne médiane. Par ce trou perle un liquide qui forme le régal de notre Cerceris. Toutes les Halyctes malaxées portent la trace des mandibules du ravisseur ; les unes ont un trou médian, d’autres deux trous latéraux, d'autres ont toute la nuque meurtrie, Ce n’est donc plus comme un Flourens qui irait comprimer le cer- veau pour obtenir la léthargie, que le Cerceris procède. Du reste, comment le ferait-il, puisque le cerveau se trouve enfermé dans une boîte chitineuse résistante qui ne communique avec le zoonite sui- vant que par un petit orifice ? Le Cerceris, proche parent du Sphex, que M. Fabre compare à l’un de nos plus illustres physiologistes, re- descend donc au rang du vulgaire furet qui prend son ennemi à la gorge pour se nourrir de ses liquides vitaux. Quels sont, en effet, les organes qui passent à la nuque ? C’est d’abord le grand vaisseau dorsal ou cœur tout à fait superficiel qui va se prolongeant jusque vers la tête,et dont à l’œil nu on perçoit parfaitement les battements 42 PAUL MARCHAL. en tendant doucement le cou d'une Halycte qui n’a reçu que le coup d’aiguillon. Et puis c’est le tube digestif qui, sans doute, verse aussi son miel par la plaie béante et, le mélangeant au sang qui sort du cœur, forme ce breuvage délicieux dont se délecte le Cerceris. Enfin ce sont les connectifs de la chaîne nerveuse, qui toutefois sont assez profondément situés pour pouvoir dans certains cas, sinon tou- jours, échapper à la malaxation. Mais, dira-t-on, l'Hyménoptère déprédateur ne procède peut-être pas de la même façon pour les victimes qu'il destine à sa progéniture ; peut-être les apporte-t-il toutes fraîches venant de recevoir le coup d’aiguillon et se garde-t-il de les malaxer ; ou bien, s’il les malaxe, ne le fait-il qu'avec modé- ration et pour ainsi dire de la pointe de ses mandibules. Gette supposition, à vrai dire bien improbable, tombe devant les faits suivants. Sur les Halyctes que je déterre dans les cellules où l'œuf est pondu ou la larve éclose, je rencontre plus de la moitié des victi- mes qui portent à la nuque la trace brutale de la malaxation du Cerceris ; quant aux autres qui ne portent pas de trace visible à la nuque, il est vraisemblable qu’une bonne partie a reçu des lésions entraînant la mort à bref délai. Sur cinq Halyctes prises en effet dans deux cellules où l'œuf du Cerceris n’est pas encore éclos, les Halyctes ne devant dater, par conséquent, que de deux ou trois jours, une seule donne une réaction au courant faradique et cette réaction consiste dans un simple mouvement de flexion des pattes antérieures au moment de l’ouverture du courant ; les autres ne présentent aucune réaction’, Il y a plus : sur trois victimes récol- tées dans une cellule non complètement approvisionnée, une ne donne déjà plus de réaction à l’électrisation faradique. Ces faits nous montrent que l'instinct admirable des Sphégides peut bien, quoi qu’on en dise, dériver de la lutte pour la vie. Si le 4 . 1 Les aiguilles servant d’électrodes sont implantées, l’une à l'articulation du cou et du prothorax, l’autre à l'articulation de l’abdomen et du thorax. SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 43 Cerceris ornata paralyse des Halyctes, c'est bien un peu dans son intérêt personnel, afin de pouvoir les malaxer tout à l'aise, L'instinet du Sphex, de l’Ammophile, de l’Odynère et de tant d’autres qui paralysent leur proie par un coup d’aiguillon pour en nourrir des êtres qu'ils ne connaissent pas, puisqu'ils sont encore dans l'œuf, qu'ils ne connaîtront jamais, puisque la mort viendra les surprendre avant l’éclosion de leur progéniture ; cet instinct qui, par une série d'actes si bien ordonnés, assure la propagation de la race, sans que l’insecte puisse avoir la moindre conscience du but à atteindre, ne paraît-il pas, mieux qu'aucun autre, réunir toutes les conditions exigibles pour servir d’argument aux partisans du sur- naturel dans la nature ? Et cependant nous voyons que dans le cas actuel cet instinct peut se laisser ramener aux choses les plus naturelles qui soient au monde : l'intérêt individuel et la conserva- tion de l'individu. Il se peut qu'il y ait d’autres causes originelles qui aient présidé à l’évolution de l'instinct chez les Hyménoptères déprédateurs ; mais en attendant l'observation de nouveaux faits, je crois que supposer ces causes, c’est faire une hypothèse inutile, IIT. ÉTAT DES VICTIMES. Lorsque le Cerceris abandonne sa victime après lavoir malaxée, elle présente des mouvements désordonnés de tous les membres ; incapable de faire un pas, elle roule sur le dos aussitôt qu’on la met sur ses pattes ; les mandibules sont immobiles, les antennes ne pré- sentent que de rares mouvements. Les mouvements spontanés cessent environ dix heures après l'opération ; il suffit alors d’exciter légèrement l'abdomen pour amener une réaction assez vive des pattes postérieures. _ Pendant tout le temps que dure cette demi-paralysie les tarses sont animés de mouvements d’oscillation assez rapides au commen- cement, et se ralentissant à la fin. Ces oscillations durent, en général, plus longtemps pour les pattes postérieures que pour les 44 PAUL MARCHAL. autres ; le centre nerveux qui préside à leurs mouvements est en effet le plus éloigné du point piqué par le Gerceris'. Sur huit individus, sept ne présentent plus le moindre mouve- ment spontané ou provoqué vingt-quatre heures (et moins pour quelques-uns) après l'opération. Un ne présente plus de mouvement quarante-huit heures après. Il est très rare que les mouvements per- sistent au-delà de cette limite. Si l’on faradise des Halyctes, on con- state que moins de douze heures après la cessation des mouve- ments il est impossible de ramener la moindre trace d'irritabilité. Ainsi l'opération complète à laquelle le Cerceris soumet les Halyctes a pour résultat de les plonger à bref délai, dans un état absolument comparable à l’état de mort. Il nous faut maintenant analyser le rôle du coup d’aiguillon et le rôle de la malaxation. Nous n'avons, en effet, constaté que le résul- tat mixte d’une opération complexe, et il importe de savoir quelle est la part qui revient à chacun des deux actes qui la composent. Dans cette intention, je fais piquer un certain nombre d’'Halyctes par des Cerceris, en ayant soin de les enlever des pattes de ce der- nier au moment même où il les retourne pour les malaxer. Ce n'est pas toujours chose facile, car le Cerceris n’entend pas se départir de sa proie au moment même où il va pouvoir se délecter de son breu- vage favori ; il tient bon, et je suis quelquefois obligé de le saisir par les ailes pour lui faire lâcher prise. L'Halycte, dès qu’elle est piquée par le Cerceris, se trouve tou- jours dans un état d'immobilité complète; il semble qu'elle soit foudroyée ; seule l'extrémité de l’abdomen est animée de légers mouvements de va-et-vient ; cet état ne dure, il est vrai, que quel- ques instants, une minute à peine, bientôt les mouvements d’oscil- 1 Ces mouvements d'oscil'ation ne sont pas caractéristiques de l’état dans lequel se trouve l’Halycte après l'opération. — On les retrouve parfaitement sur l’insecte sain, lorsque ses pattes restent immobiles et ne reposent pas à terre. — Le Cerceris à pour habitude de dormir couché sur le flanc, les pattes du côté opposé restant en l'air: or, dans ces conditions, on peut très bien observer les mouvements d’oscil- lation. SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 45 lation commencent, l’ébranlement débute danslestarses postérieurs ; quelques secondes après les tarses intermédiaires se mettent en branle ; puis viennent les tarses antérieurs ; bientôt un mouvement saccadé des pattes antérieures et des antennes annonce le réveil, et au bout de trois minutes on voit les pattes postérieures s’agiter d’une façon désordonnée ; l’insecte commence alors à sortir de son en- gourdissement général, et il se trouve à peu près dans le même état qu'une Halycte qui viendrait d’être malaxée. Or, la malaxation durant précisément environ trois minutes, il semblerait que la ma- laxation n’ajoute aucune action à celle du coup d’aiguillon. Mais il suffit de comparer une série d’Halyctes malaxées et une série d’Ha- lyctes non malaxées, et de les observer d'heure en heure pour se convaincre du contraire, Une demi-heure après l'opération, l’Halycte non malaxée est désengourdie au point de faire vibrer ses ailes avec rapidité ; ses pattes s’agitent avec une vitesse assez grande ; ses antennes sont dressées et mobiles et l’insecte conserve sa physionomie habituelle ; elle fait même quelques pas, mais roule aussitôt sur le dos. Cet état de désengourdissement progressif persiste en s’accentuant au moins trois heures durant. Deux heures après, on la voit tourner la tête à droite, à gauche, agiter ses antennes comme pour s'orienter ; elle cherche même à mordre avec ses mandibules. Ces mouvements, on le voit, ne sont pas automatiques, mais voulus ; tout à coup elle cherche à s'envoler, ses ailes vibrent avec une grande rapidité ; mais elle n'arrive qu'à tournoyer sur place sans quitter le sol. En un mot, elle est lourde, et son état se trouve caractérisé plutôt par l’impossibilité où elle est de se tenir sur ses pattes que par la para- lysie des membres. Ainsi, lorsque la malaxation n’a pas eu lieu, le réveil continue à s’accentuer pendant deux ou trois heures après l'opération ; au con- traire, lorsque le Cerceris a malaxé sa victime, l’état de torpeur du début persiste et ne changera que pour devenir encore plus com- plet. Ces différences d’état semblent tenir à la suppression de la vo- 46 PAUL MARCHAL. lonté chez l’insecte malaxé. Sa tête et ses antennes immobiles et indifférentes, la spontanéité des mouvements affaiblie montrent que le cerveau a abdiqué ses fonctions et ne commande plus à la ma- chine animale. Les seuls mouvements où l’on peut encore voir une trace de coordination de la part de l’Halycte consistent à se frotter fréquemment les flancs avec les pattes postérieures et à se frotter les pattes l’une contre l'autre, comme pour se débarrasser d’un pol- len imaginaire. Concluons donc dès maintenant que la malaxation, avant d'amener la mort, commence par abolir ou tout au moins par compromettre d'une façon sérieuse la volonté. Cette suppression de la volonté est déterminée non par la compression du cerveau, mais par la non-affluence du liquide nourricier résultant de l’hémorrhagie du grand vaisseau dorsal. Continuons notre observation sur les ÆHalyctes que nous avons fait piquer sans les faire malaxer, et voyons ce qu’elles vont devenir. Les mouvements persistent avec une certaine intensité jusqu’à la qua- trième heure, diminuënt ensuite et finissent par s’étemdre complè- tement. Le tableau suivant montrera qu'en moyenne les mouve- ments persistent beaucoup plus longtemps chez les Halyctes qui n'ont pas été malaxées que chez les autres. Maxalation après le coup d’aiguillon. Coup d'aigquillon sans malaxation. Sur 8 cas, les mouvements cessent : Sur 8 cas, les mouvements cessent : 7 fois le 1er jour après l'opération. A fois le 4er jour après la piqûre. 1 fois le 2e jour après l’opération. 2 fois le 2e » | 3 fois le 3e » 4 fois le 6e » 1 fois le 12e .D Dans un des cas sans malaxation l’état de paralysie était vérila- blement remarquable et tout à fait comparable à celui que M. Fabre a décrit chez les Curculionides du Cerceris tuberculés. Ce cas parti- culier mérite, je crois, d’être rapporté avec quelques détails : Le troisième jour après la piqüre, les oscillations des tarses per- sistent d'une manière constante ; les pattes postérieures réagissent SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 47 fortement lorsqu'on excite l’abdomen ; les antennes sont mobiles facilement excitables. Le quatrième jour, mêmes symptômes. Le cinquième jour, mêmes symptômes. Le sixième jour, mêmes symptômes ; je remarque que la déféca- tion s’est produite. Le septième jour, les antennes sont toujours à demi dressées, le oscillations des tarses persistent : lorsqu'on excite l'abdomen, le pattes postérieures ne réagissent plus, mais l’extrémité abdominal se recourbe ; la défécation s’est produite depuis la veille. Les huitième, neuvième, dixième et onzième jours, les oscillations des tarses persistent parfaitement rythmées et très accentuées. Le douzième jour, le matin, les oscillations sont assez affaiblies pour les tarses intermédiaires, très affaiblies pour les tarses anté- rieurs, persistent avec assez de vigueur pour les tarses postérieurs, Le soir, les oscillations des tarses ont cessé. ; Le dix-huitième jour, je constate que les tarses cassent, ce qui indique que la dessication est commencée. Le Cerceris peut donc paralyser sa proie ; il peut, en lui donnant le coup d’aiguillon la plonger dans un état de torpeur complète qui dure jusqu’au quinzième jour, et qui permette à la larve de la dévorer toute fraîche et toute vivante. Après avoir observé isolément ce que produit le coup d’aiguillon, il aurait fallu, pour pousser plus loin l’analyse, observer séparément la malaxation. Mais, quels que soient les moyens que l’on emploie, soit que l’on coupe l’aiguillon du Gerceris, soit que l’on protège les parties vulnérables de l’'Halycte, on se heurte à une difficulté presque insurmontable. En effet, le Cerceris ne veut procéder à la malaxation qu'après avoir bien constaté l’immobilité de sa victime : l’un d’eux, auquel j'ai coupé l’aiguillon sans l’arracher complètement afin d'éviter une déperdition de forces trop grande, s’escrima sur une Halycte qu’il tenait par la nuque à darder coup sur coup un aiguil- lon imaginaire. Après un certain nombre de coups il examinait 48 PAUL MARCHAL. l'Halycte, s’apprêtait même à la malaxer, mais, constatant qu’elle remuait encore, il recommençait. Finalement, l'Halycte s’échappa des pattes de son ravisseur qui resta plongé dans la stupéfaction la plus complète. Une autre fois, un Cerceris que j'avais également privé de son aiguillon, furieux de voir qu'il n’obtenait aucun résul- tat, se mit à mordre l’Halycte de tous les côtés, tant à la nuque qu’à l'abdomen, et la laissa morte sur le terrain. Je dus donc renon- cer à isoler l’acte de la malaxation. Mes expériences servirent du moins à me montrer que le but réel du coup d’aiguillon est d’immobiliser l’Halycte afin de permet- tre au Cerceris de procéder tout à son aise à la malaxation. En résumé, l'opération à laquelle l'Halycte est soumise par le Gerceris peut s’énoncer de la façon suivante : 1° Le système nerveux est excité par les coups d’aiguillon et cette excitation donne naissance à un de ces phénomènes d’arrêt connus en physiologie sous le nom de phénomènes d’inhibition. Ge phéno- mène d'arrêt permet au Cerceris de transporter facilement sa vic- time jusqu’à son terrier lorsqu'il ne se trouve pas trop éloigné. 2: Lorsque l'influence de l'excitation locale est terminée, le phéno- mène d’inhibition cesse ; mais le système nerveux ayant été lésé profondément par le venin de l’insecte, le réveil ne peut être com- plet ; la motilité se trouve donc notablement amoindrie et la coordi- nation des mouvements altérée ; néanmoins les mouvements persis- tent assez longtemps si une autre action ne vient pas se superposer à la précédente, celle de la malaxation. 3° La malaxation, par l’effusion de sang qu’elle provoque et peut- être aussi par la lésion de la chaîne nerveuse, porte un coup fatal à la volonté, et amène la suppression de la vie animale au bout de vingt-quatre heures environ. SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 49 IV. ÉTAT DE CONSERVATION DES VICTIMES. M. Fabre a conservé les Curculionides du Cerceris tuberculé soit dans des tubes de verre, soit dans des cornets de papier, pendant plus d’un mois, sans que les viscères de l’animal aient rien perdu de leur fraicheur ; les Grillons du Sphex à ailes jaunes sont conservés pendant un mois et demi, les Ephippigères du Sphex languedocien, pendant deux ou trois semaines; enfin le plus souvent des mouve- ments spontanés ou provoqués par l'électricité viennent trahir la présence d’une vie latente ‘. Des faits précédents, le savant entomo- logiste tire les conclusions suivantes : La vie végétative est conservée pendant plusieurs semaines chez les insectes opérés par les Sphégides précédents. La conservation de cette vie végétative est nécessaire pour le déve- loppement des larves qui ne peuvent se nourrir que de chair fraiche. Ces conclusions sont-elles applicables au Cerceris ornata? Telle est la question que je vais m'’efforcer de résoudre par l'observation des faits. Les individus qui ont subi de la part du Cerceris une opération complète (coup d’aiguillon et malaxation), étant mis à l'ombre dans des cornets de papier ne tardent pas à se dessécher ; au bout de cinq à six jours, les muscles sont entièrement desséchés et comme par- cheminés ; les individus qui n’ont reçu que le coup d’aiguillon ne se dessèchent pas aussi vite et quelquefois au bout de huit ou dix jours après la cessation des mouvements les muscles sont encore fa- cilement dissociables. Ces résultats sont nets ; ils démontrent claire Ù En 1835, Audouin avait déjà remarqué que les chenilles piquées par une Odynère Pouvaientse conserver vivantes pendant près d’une année, sans recevoir aucune nourri- ture, et sans opérer leur métamorphose (Ann. sc. nat., 2° série, 1839, t. XI). M. Lucas a également observé que les Diptères piqués par le Mellinus sabulosus pour l’approvi- sionnement de son nid, «exécutaient encore, après six semaines environ de captivité, des mouvements très prononcés, non seulement dans les organes de la locomotion, mais aussi dans ceux du vol. » (Ann. Soc. ent. de France, 1861.) pa ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GÉN, —= 2€ SÉRIE, — T, V. 1887. DO PAUL MARCHAL: ment qu'au moins dans certains cas le résultat capital de l'opération complète du Cerceris ornata est non pas la paralysie de la victime, mais un traumatisme brutal qui amène la mort à bref délai. Les individus que j'ai récoltés dans les terriers ne m'ont pas donné des résultats aussi nets, et ils se sont toujours desséchés moins vite que ceux que je tuais comparativement soit en les soumettant aux va- peurs du chloroforme, soit en les piquant fortement au niveau de l'articulation du prothorax et du mésothorax, soit encore par déca- pitation, ou par épuisement. Mais il faut avouer que l’énoncé des différences que j'ai trouvées dans les deux cas est loin de faire naître dans l'esprit le contraste absolu que l’on serait en droit d'attendre si l’on s’en tenait à l'étude des autres Sphégides. Voici en effet le résumé de mes observations prises sur une quinzaine de terriers : Lorsque les Halyctes ont été prises dans des terriers fraîchement approvisionnés, c’est-à-dire avant l’éclosion de l’œuf du Gerceris, les muscles peuventrester encore frais jusqu’au huitième jour, ils peuvent même se conserver frais jusqu’au neuvième Jour et peut-être davantage, mais dans certains cas, tou- tes choses égales d’ailleurs, la dessiccation se déclare le cinquième jour e tpeut être complète le septième jour (quatre cas de dessicca- tion complète sur treize en huit jours). D'autre part, les Halyctes que je prends vivantes dans le jardin et que je tue moi-même d’une façon quelconque commencent à se dessécher dès le début, et la dessiccation est complète le cinquième jour après la cessation des mouvements, sauf dans un cas de mort par épuisement. Au lieu de donner au Cerceris des Halyctes, je lui ai donné des Andrènes qui, suivant les auteurs, se rencontrent quelquefois dans son nid, et j'ai toujours observé une dessiccation très rapide (quatre ou cinq jours). Enfin, j'ai divisé le contenu de chacune des cellules fraichement approvisionnés par le Gerceris, en deux parts ; l’une des deux parts était soumise pendant cinq minutes aux vapeurs du chloroforme dans un flacon bien bouché, l'autre part était laissée hi intacte ; les deux parts étaient ensuite abandonnées à elles-mêmes SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 01 dans des conditions extérieures identiques, Suivant mes prévisions, dans presque tous les cas Ja dessiccalion ne se prononçait pas d’une facon plus rapide chez les individus chloroformés que chez les indi- vidus intacts de la cellule correspondante. Dans certains cas même les muscles étaient encore frais et facilement dissociables chez les individus chloroformés alors que les individus intacts correspondants étaient déjà complètement desséchés. Cette expérience tend donc également à démontrer qu'une bonne partie des Halyctes ensevelies par le Cerceris sont réellement mortes. On peut objecter, il est vrai, que les Halyctes se trouvent dans un état d’engourdissement ana- logue à celui des animaux hibernants et, respirant à peine, sont rendus à peu près réfractaires à l’action du chloroforme, Il est pos- sible que cette objection soit fondée ; mais il n’en est pas moins vrai que cet état d'engourdissement dans lequel se trouvent les Halyctes est de courte durée, et même quelquefois à peine saisis- sable. Ce n'est pas pendant un mois et demi que mes Halyetes se con- servent ; c’est à grand’peine pendant une dizaine de jours et encore beaucoup d’entre elles se dessèchent-elles dans un temps beaucoup plus court. De plus j'ai trouvé dans des cellules de Cerceris occupées par la larve de ce dernier des Halyctes qui étaient visiblement mortes depuis longtemps ; les pattes et la tête se détachaient presque d’elles- mêmes en y touchant à peine ; or ces Halycetes paraissaient absolu- ment intactes, et je n'ai pu y découvrir aueune lésion attribuable à la larve du Cerceris; mais ces observations isolées demanderaient à être répétées : pour que l'expérience fût complète, il aurait fallu suivre le développement de la larve et voir combien de temps elle met à acquérir sa taille définitive ; je n’ai malheureusement pas pu y réussir; les œufs que j'ai récoltés en ayant soin de les laisser adhérer à l'Halycte sur laquelle ils avaient été pondus, ne sont pas éclos ou ont donné naissance à une petite larve qui n'a pas tardé à mourir. Toutefois j'ai gardé un œuf qui est éclos le quatrième jour ; j'ai d'autre part gardé des larves assez grosses pendant trois ou 52 PAUL MARCHAL. quatre jours avant de les voir tisser leur coque. Cela porte au mi- nimum à une huitaine de jours le développement de la larve. Or nous avons vu que dans certains cas les Halyctes peuvent se trouver desséchées au bout de cinq jours. Il est donc à peu près certain qu’il arrive souvent aux larves de Cerceris de manger des Halyctes déjà mortes. Il serait intéressant de voir si, à mesure que linstinet de l’'Hyménoptère déprédateur se perfectionne, le temps nécessaire au développement de la larve devient plus long, comme le prévoyait sans doute Darwin. Quoi qu’il en soit à cet égard, nous voilà bien loin des insectes passés maîtres dans l’art de paralyser dont M. Fabre nous entretient dans ses mémoires. Ayant le pouvoir de paralyser par le coup d’ai- guillon, le Cerceris ornata égorge par la malaxation : la vie animale est totalement supprimée en moins de vingt-quatre heures et la vie végétative, lorsqu'elle subsiste, semble se borner à une simple pro- longation de la vie des éléments anatomiques. Enfin, l’irrégularité avec laquelle le Cerceris procède éclate avec évidence, soit que l’on observe directement la méthode avec laquelle il opère, soit que l’on constate l’état de ses victimes dont les unes se dessèchent au bout de très peu de temps, tandis que les autres se conservent avec toute leur fraîcheur pendant plus d’une semaine. Verra-t-on là des signes de perfection dans l'instinct ? Certainement non; l’infériorité est flagrante, et le Cerceris ornata, au pornt de vue de l'instinct, nous appa- raîit comme l’un des types transitoires les plus manifestes entre l’Hyménoptère bourreau et l'Hyménoptère paralyseur . L’insecte bourreau, c'est la guêpe qui décapite sa victime pour en apporter les parties les plus succulentes à ses larves, tout en se ré- servant, ne l’oublions pas, delaper ce qui peut lui convenir. L'insecte : ILest à peine utile de dire que je ne parle ici que de l'instinct et que je n’ai pas la prétention de faire une hypothèse sur les rapports phylogénétiques qui peuvent exister entre les différents genres auxquels je fais allusion. J'ai, toutefois, la convic- tion que pour établir ces rapports l'instinct fournira des données aussi précieuses que le sont pour les anthropologistes la connaissance des mœurs et celle des langues chez les races humaines. SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 93 paralyseur, c’est le Sphex à ailes jaunes, c'est l’Ammophile hérissée, ces héros des Souvenirs entomologiques de M. Fabre, ces maitres dont l'instinct ne présente pas le moindre vestige d'intérêt individuel, qui se gardent de mutiler leur proie et qui malaxent leurs victimes sans avoir de profit direct à en tirer. Entre ces types extrêmes, outre le Cerceris ornata nous pouvons placer le Chorion compressum, qui approvisionne son nid de Blattes après les avoir mutilées en leur arrachant les ailes et les pattes ‘; certains Pompilius, qui, d'après Goureau, coupent les pattes aux arai- gnées qu'ils capturent”; le Philanthe apivore, qui, d’après Fabre, presse le jabot de l'abeille qu'il a paralysée, pour lui faire dégorger son miel, et lécher ensuite sa langue qui s’étale en dehors de sa bouche, enfin, sans aucun doute, bien d’autres types encore qui montrent autant de variétés et de stades différents dans l’évolution de l'in- stinct chez l’'Hyménoptère déprédateur à. V. ERREURS DE L'INSTINCT CHEZ LE CERCERIS ORNATA. Pendant que le Cerceris est en chasse, je jette du sable sec au fond de son terrier, puis j’en bouche l'entrée avec un peu de sable humide assez agglutiné pour ne pas tomber à l’intérieur. Le Cerceris revient chargé de sa proie et, se voyant forcé de rc- prendre le métier de mineur, il abandonne sa victime, puis après avoir déblayé l'entrée de sa demeure, il y pénètre, et ne tarde pas à en sortir pour s'envoler à la recherche d’une nouvelle proie. Après deux voyages successifs, Je le vois pénétrer une troisième fois dans Voir BREuM, les Insectes, édition française, et MaiNDRoN, Annales de la Société entom. de France, 1879. 2 Annales de la Société entom. de France, 1839. 3 Je citerai encore le Palarus flavipes, dont les nids ont été observés par Léon Du- four. Les Hyménoptères dont il fait sa proie « avaient tous, dit-il, sans exception, la tête tordue comme si on les avait étranglés, et pour peu qu’on les maniât sans précaution, ils se décapitaient facilement. » (Ann. sc. nat., 2e série, t. XV, Histoire du Cerceris bupresticide.) 94 PAUL MARCHAL. sa demeure ; au lieu d’en ressortir, il rejette en dehors le sable sec que j'ai eu soin d'y jeter ; et au milieu d’une des petites ondées de sable lancées au dehors du terrier, je vois une Halycte apparaître à l'orifice : cette Halycte est à peu près immobile ; quelques mouve- ments des pattes, des oscillations des tarses, et c'est tout; en un mot, c’est une Halycte qui areçu depuis peu le coupd’aiguillon. Ilest évident que dans un des voyages que nous lui avons vu faire, le Cer- ceris ne pouvant arriver directement à la cellule qu'il était en train d’approvisionner, a abandonné la victime qu'il apportait à l'endroit même où il se voyait forcé de s’arrêter ; puis à la suite de cet exploit, le voilà reparti en campagne ; la journée s’avan- çant, il revient sans victime, entre dans son terrier, et en balaye le fond, sans oublier l’Halycte qu'il y a laissée, et qu'il rejette main- tenant comme un objet encombrant. Ainsi, des deux victimes qu’il s’est procurées à grand’peine, l’une est abandonnée au seuil du logis, l'autre est déposée à mi-chemin dans le terrier pour en être finale- ment bannie ; pas une ne servira à l'élevage des larves. Qu'importe ? le Cerceris a donné le coup d’aiguillon, et cela lui suffit. Il se peut du reste que l’Halycte qui a été rejetée ait été malaxée ; mais je ne Pai pas constaté. Un soir, je détruis un terrier dont l’une des cellules n'est pas complètement approvisionnée. Le lendemain matin, je vois le Ger- ceris venir rôder sur l'emplacement même de son terrier, et dans l’excavation faite par ma houlette gît une Halycte fraîchement abandonnée par l’Hyménoptère. Le jour suivant, je reviens au même endroit ; le Gerceris dépos- sédé arrive chargé de sa proie, il tournoie autour de l'emplacement, entre dans une des galeries qui débouchent sur les paroïs abruptes du trou que j'ai creusé et qui forment sans doute les derniers ves- tiges de son terrier ; mais tout en entrant dans la galerie il laisse tomber sa victime qui déboule jusqu’au fond de l’excavation. Aïnsi notre Cerceris a encore quelques Halyctes à apporter pour compléter l’approvisionnement de son nid ; l'instinct lui commande | SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. 55 de le faire : il obéit ; mais ne sachant où les mettre, il les laisse tom- ber, Ayant détruit ainsi un certain nombre de terriers, j'ai remar- qué que çà et là sur le sol gisaient des Halyctes étendues sur le dos qui, certainement, avaient été abandonnées par des Cerceris privés de demeure. Les faits analogues aux précédents sont très répandus dans l'his- toire des insectes ; ils nous montrent la force étonnante avec laquelle une habitude une fois acquise se fixe dans le cerveau de ces ani- maux et se transmet de génération en génération : c’est précisé- ment ce qui constitue l'instinct, et je ne vois pas en quoi les faits précédents pourraient, comme le veulent certains auteurs, nous faire considérer les insectes comme incapables d'acquérir certaines habitudes qui, en se fortifiant, se substituent peu à peu aux ancien- nes. En un mot, je ne vois pas comment on pourrait voir en eux la preuve de l’immutabilité de l'instinct. VI. LE TERRIER. Je terminerai cette étude en donnant quelques détails sur la de- meure du Gerceris et sur sa progéniture. Get hyménoptère choisit de préférence un endroit abrité pour l'établissement de son terrier, et son entrée en est souvent cachée par une touffe d'herbes, J’ai ob- servé un Cerceris occupé à agrandir un terrier de Blepharipus, ce qui montre que, dans certains cas, il ne dédaigne pas l’ouvrage des autres et trouve commode de l'utiliser pour son usage personnel. La profondeur du terrier, prise suivant la verticale, est en moyenne de 5 à 6 centimètres ; dans certains cas, il peut arriver à 85 milli- mètres de profondeur. La largeur est en moyenne de 6 millimètres. Il est recourbé en arc : la première partie du parcours est presque perpendiculaire au sol, puis vient un coude arrondi et une partie presque horizontale un peu plus courte que la première. La longueur totale varie de 7 à 15 centimètres. La partie horizontale se termine par une cellule de la forme 36 PAUL MARCHAL, d’une olive, et dont les parois sont tassées avec quelque soin. C’est là que le Cerceris dépose ses victimes. Tout autour de l'extrémité aveugle du terrier, se trouvent d’autres cellules semblables, entière- ment closes, et d'autant plus nombreuses que le terrier est creusé depuis plus longtemps, mais dont le nombre ne m'a jamais paru dépasser six ou sept. Les cellules contiennent chacune un nombre de victimes varia- ble ; les unes en présentent de sept à huit, les autres quatre ou cinq seulement : il est probable que les cellules les moins bien approvi- sionnées sont destinées aux mâles, comme c’est la règle chez beau- coup d’'Hyménoptères. Les espèces d'Halyctes qui servent à l'approvisionnement des nids sont assez nombreuses, et le collectionneur qui voudrait en réunir un nombre considérable trouverait avantage à fouiller les terriers de Cerceris. Je citerai entre autres les suivantes : Halictus interruptus (Panz); A. seladonius? (Lat.); A. minutus (Saint-Farg.); 1. albipes (Saint-Farg.) (variété à labre noire); 47. sub- hirtus (Saint-Farg.); À. sexcinctus (Lat.) (rare, mâle). Je ferai remarquer que contrairement à ce qui a été observé jus- qu’à ce jour chez les autres Hyménoptères fouisseurs, j'ai rencon- tré très fréquemment des mâles parmi les victimes. Certaines cellu- les étaient même exclusivement approvisionnées avec des mâles d’Halictus alhipes. Ici encore, nous voyons donc que l'instinct du Cerceris ornata est moins spécialisé et moins parfait que celui du Sphex. Certains Gerceris affectionnent des espèces déterminées ; les uns prennent de préférence les petites Halyctes ; les autres font la chasse aux grosses ; mais il arrive assez souvent qu’on trouve dans la même cellule des petites Halyctes à côté d'individus d’assez grosse taille, on comprend que ces divergences dans l’approvisionnement des terriers doivent avoir une influence directe sur la progéniture, et c'est sans doute ce qui explique les différences de taille très consi- dérables que l’on constate parmi les C'erceris ornata. Quelles qu’elles SUR L'INSTINCT DU CERCERIS OUNATA. 57 soient, ces victimes sonttoujours dans une position analogue à celle de la figuré 4. Dans chaque terrier on trouve généralement une cellule encore in- complètement approvisionnée, une autre avec un œuf, les autres avec des larves à différents degrés de développement. L'œuf (fig. 4) est allongé, sa longueur est de 3 millimètres environ ; il est légèrement recourbé en arc, et est placé sur l’une des Halyctes qui ser- vent à l’approvisionnement de la cellule ; il est situé diagona- lement sur la partie ventrale du thorax et sa concavité re- garde le corps. Son pôle anté- rieur, légèrement grisâtre, est fixé un peu en avant de l'ar- ticulation du prothorax et du mésothorax, entre les deux pattes antérieures de la vic- time ; son pôle postérieur est suspendu en l'air ; les rapports EP, Marcuas 061. V ch. de l'œuf et de la victime sont Le: | Fig. 4, — Halyctus albipes mâle piqué par le Cer- ] Ô InSi ceris ornata : sur sa poitrine est placé diagona- toujours les mêmes. Ainsi LS lement l'œuf de l'Hyménoptère ravisseur. Gr = 3. Sites j° »7 : - Fig. 5.— Larve du Cerceris ornata retirée de sa Je l'ai dit, l'éclosion à lieu au coque pendant la période d’hibernation et vue par boutde trois ou quatre jours. La Fig. 6. Goque dela Tarvé. G. N larve sort de l’œuf par son extrémité antérieure et laisse derrière elle une coque diaphane et ridée. La larve présente une forme assez singulière ; elle est très amincie et comme effilée vers son extrémité antérieure surtout pendant les premiers temps : cette disposition lui permet de s'insinuer facilement dans le corps de la victime et de fouiller ses viscères ; sa longueur moyenne, lorsqu'elle a atteint sa taille définitive, est de 12 millimètres. La tête est petite, ovalaire et cornée ; elle est armée de deux mandibules très aiguës vers leur ex- trémité libre, très larges, au contraire, vers leur base ; ces mandi- D8 PAUL MARCHAL. bules recourbées en faucille portent sur leur côté interne et vers leur pointe une petite dent. Les mâchoires sont représentées par deux tubercules charnus portant un palpe assez saillant. La languette présente quatre petits appendices palpiformes rudimentaires, dont les deux latéraux sont les plus développés, et représentent sans doute les palpeslabiaux. Le bord libre du labre estlégèrement sinué. Au-dessus de l'insertion des mandibules, on voit des antennes rudi- mentaires implantées sur un torulus relativement large et circulaire; elles offrent une trace de segmentation. La plupart de ces détails ne sont d’ailleurs visibles qu’à la loupe ou au microscope. Lorsque la larve est renfermée dans sa coque d'hiver, la tête et la partie anté- rieure du corps sont recourbées et s'appliquent sur la face ven- trale (fig. 5). Le corps se compose de treize segments sans compter la tête ; il est cylindrique dans les premiers jours, mais devient ensuite tétraé- drique ; cette particularité s’accentue pendant la période d’hiberna- tion et l’on distingue alors nettement quatre faces : deux latérales, une dorsale et une ventrale, délimitées par quatre crêtes latérales dont deux supérieures et deux inférieures. Chacune de ces crêtes est formée d’une série de tubercules correspondant aux différents anneaux ; la coupe transversale du corps donnerait done un trapèze dont la petite base correspondrait à la face dorsale et les angles aux tubercules. Tous les segments du corps, à l'exception du segment prothoracique et des deux derniers anneaux, portent une paire de stigmates : ces stigmates sont difficilement visibles ; ils sont très petits, circulaires et sont situés à la partie antérieure de chaque seg- ment au-dessus du tubercule inférieur correspondant. Le corps se termine en pointe à la partie postérieure : le dernier segment est étroit et allongé, il porte à son extrémité terminale une fente ven- trale en forme de croissant à concavité supérieure qui représente l'anus‘. _! Cette description est à rapprocher de celle qui a été faite par Léon Dufour de la larve du Cerceris bupresticide (Ann. sc. nal., 2e série, t. XV). SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA. »9 Tant que la larve n'a pas consommé sa ration, on voit ses man- dibules s'ouvrir et se fermer avec rapidité pour happer la nourri- ture qui se trouve à leur portée. Si l’on enlève la larve et qu’on l'éloigne de ses victimes, sa tête s'agite en tous sens et le mouve- ment des mandibules continue avec la même régularité et la même vitesse. Lorsque la provision est épuisée, elle commence à tisser sa coque (fig. 6), on lui voit alors agiter la tête et la partie supérieure du corps d'une facon continuelle en lui imprimant un mouvement de rotation assez rapide. En même temps, un réseau de fils excessivement fins se constitue tout autour d'elle ; c’est l’échafaudage destiné à la con- struction de la coque proprement dite. Celle-ci a la forme d’une poire dont la grosse extrémité correspond à la tête de la larve ; la petite extrémité adhère aux débris d'Halyete qui ont servi à l’alimen- tation de la larve. Malgré la faible profondeur des terriers de Gerceris, cette coque est très mince, elle est couleur feuille-morte, et de nature papy- racée ; on trouve, à son intérieur, du côté de la petite extrémité, une masse noire adhérente à la coque, reconnue par M. Fabre chez le Sphex à ailes jaunes pour être une masse excrémentitielle rejetée par la larve une fois pour toutes dans l’intérieur même de la coque. Une couche très légère de vernis la recouvre à l’intérieur et la rend imperméable, ainsi qu'on peut s’en assurer par la sub- mersion. Les observations précédentes ayant été faites aux mois d’août et septembre de l’année dernière, je n’ai pas encore eu l’occasion d'examiner la nymphe et d’assister à l’éclosion de l’insecte parfait. Ici se terminera l'histoire du Cerceris ornata. Si les circonstances sont favorables, j'espère pouvoir compléter l’année prochaine cette étude et les deux questions principales sur lesquelles se porteront mon attention seront les suivantes : 1° Combien de temps la larve met-elle à atteindre sa taille défini- tive ? Ce temps est-il en général supérieur ou inférieur au temps 60 PAUL MARCHAL. pendant lequel la vie se maintient chez les Halyctes piquées et ma- laxées par le Cerceris ? 2% Quelle est l’action physiologique du venin du Gerceris sur les insectes et sur les autres animaux ? Boran (Oise), août et septembre 1886. NOTE SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK (LANGIA OBOCKIANA) PAR L. JOUBIN Docteur ès-ciences Préparateur de la station de Roscoff. Parmi les nombreux et curieux animaux que mon ami le docteur Faurot à rapportés de sa mission à la station française d’Obock, se trouvent plusieurs Turbellariés. M. Faurot a bien voulu me les confier pour en faire une description. Dans cette note, je ne décrirai qu'une espèce de Némerte qui m'a semblé intéressante et que son état de conservation m'a permis d'étudier avec quelques détails. Dans un prochain mémoire, je donnerai la description des pla- naires dont quelques-unes atteignent de grandes dimensions. J'ai eu des difficultés pour arriver à déterminer le genre de cette Némerte. Comme on le voit par le titre même de cette note, je la rapporte au genre Langia de Hubrecht. C'est, en effet, celui qui me paraît s’en rapprocher le plus. Mais la diagnose et la caractéristique de ce genre donnés par l’auteur sont tellement restreintes qu'il me reste quelques doutes. En outre, je ne connais pas de figures de l'espèce (Langia formosa) que Hubrecht a découverte à Naples et que je n’ai pas pu trouver dans d’autres localités méditerranéennes, et j'ai dû me baser surtout sur une coupe schématique du corps contenue dans son travail relatif au système nerveux des Némertes, coupe 62 L, JOUBIN. dans laquelle la position des deux nerfs latéraux est caractéristique et se retrouve très exactement dans l’animal que j'ai étudié. Quant aux caractères de l'espèce, ils sont encore plus réduits dans la description de Hubrecht (the genera of European Nemerteans cri- , tically revised) et je me crois bien fondé en faisant une espèce nou- velle de cette Langia. En raison même de sa provenance, je l'ai appelée Obockiana. Je nomme donc la Némerte rapportée d’Obock par M. Faurot Langia Obockiana. Voici, d’après les Votes from the Leyden Museum, ce qui a trait au genre Langia (Note xziv, page 220). FAMILIA LANGIAIDÆ (HUBRECHT). « The margins of the body are slightly frilled and lapped up over « the back, which takes the aspect of a partly closed tube from the « head to the tail. Internally the nerve trunks lie more above the « intestine than beside it, « Genus Zangia nov. gen. Characters as in the family ; the « openings of the watervascular system are situated dorsally, in the « hollow space enclosed between the upturned body margins. « 27. Langia formosa (n. sp.). — Belly of a pale vermilion, margins « of the body whitish, back posteriorly yellowish. Especially int he « anterior part of the trunk the upturned, frilled body margins have « thick borders, posteriorly they diverge now and then, showing « the yellow colour of the intestine shining through the integument « of the back. Immediately behind the respiratory fissures the body « margins close together dorsally. Along the bottom of this dorsal « furrow the proboscidian canal often protrudes as a rounded lon- « gitudinal ridge. « After immersion in the spirit the head appears as if separated « from the body by a shallow grove, much less pronounced in life ; ”" = the tip of the tail has, often a very pointed appearance. » On verra par la description qui suit, qu'un bon nombre des détails SUR L’ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 63 indiqués par Hubrecht sont exacts pour la Zangra d'Obock, qui diffère de la Z. formosa par plusieurs points importants. M. Faurot avait eu soin de faire de l'animal vivant un croquis de grandeur naturelle et d'en reproduire la couleur. C'est avec ces documents et en me rapportant à l'animal tel que je lai eu entre les mains que j'ai fait le dessin qui figure dans la planche I sous les numéros 1, 2, 3. La conservation a été assez parfaite pour que j'aie pu en faire des coupes minces dans toutes les régions du corps; ces coupes m'ont donné des détails bistologiques qui ont, je crois, un certain intérêt. Elles se sont colorées avec difficulté par l’hématoxyline, mais avec une grande facilité par l’éosine dissoute dans l’eau. L'alcool trop concentré dans lequel l’animal avait été plongé vivant avait occasionné des ruptures, de sorte que je n’en ai eu que des fragments, assez considérables il est vrai. J'ai été obligé, pour en étudier les détails, de le faire repasser par des alcools de plus en plus faibles pour le ramollir un peu ; puis je l’ai fait durcir de nou- veau par un passage dans des alcools plus forts pour arriver à l'inclusion dans la paraffine. J'en ai obtenu facilement des séries de coupes au 4/200 de millimètre environ. Habitat. — D'après la notice que m'a remise le docteur Faurot, cet animal a été trouvé dans un herbier peu profond situé au pied du cap Obock. C’est donc une espèce côtière qui vit à une pro- fondeur peu considérable, 4 mètre à 1%,50 environ sous les pierres et dans la vase qui forment le fond de cet herbier, où se trouve abon- damment un beau thalassème rouge. Extérieur. — L'animal vivant et allongé atteint, d’après le croquis dont j'ai parlé, environ trente centimètres, Sa couleur est d’un carmin tirant un peu sur la laque carminée. C’est une première différence avec l'espèce de Naples qui est vermillon. Sur toute la longueur du corps se trouve un sillon dorsal, profond, limité par deux bourrelets qui sont ordinairement rapprochés, mais qui peu- vent s'écarter l’un de l’autre, ouvrant ainsi largement ce sillon. C'est 64 L. JOUBIN. ce qui est représenté sur la figure 1, planche I. Il est possible que, ainsi que l’a indiqué Hubrecht, le sillon qui sépare la tête du corps soit plus accentué après l'immersion dans l'alcool qu’à l’état frais. Comme dans l’espèce de Naples, la partie qui suit immédiatement le sillon céphalique est fermée. Les deux bords de ce sillon ainsi que la tête sont un peu plus clairs que le reste du corps, mais la diffé- rence n’est pas très sensible. L’espèce décrite par Hubrecht a au contraire les bords du corps blancs. La queue est légèrement jJau- nâtre. Le fond de la gouttière dorsale est garnie de plis longitudinaux, mais je n’y ai point vu la gaine de la trompe faire saillie sous forme d’un bourrelet longitudinal comme dans la ZLangia formosa. On verra la structure de ces replis à propos des téguments. Les deux lèvres du sillon n’ont point l'aspect « frilled » que décrit Hubrecht, mais çà et là on remarque de tout petits tubercules sur sa parol. L’extrémité caudale n’est point terminée par un prolongement filiforme, comme chez plusieurs Cerebratulus (Micrura de Mac- Intosh). La queue semble formée par la diminution progressive du corps, mais cette diminution se fait sur un espace de 8 à 40 centi- mètres, rappelant encore les Cerebratulus ou les Valencinia, mais s’éloignant des Némertiens à corps grêle et étroit, telles que les Céphalothrix ou les Némertes. L’anus est tout à fait terminal, et la bouche, ovale, plissée, assez petite, est située fort loin en arrière de la fente circulaire limitant la tête. Elle est au moins à un centimètre de ce sillon, et elle n’a pas plus de 2 millimètres de longueur. Elle était ouverte sur l'individu que j'ai étudié et laissait voir la paroi jaunâtre du tube digestif. La tête a une forme assez singulière, son extrémité est un peu pointue, à peu près comme chez les Valencinia, puis elle se renfle tout à coup et devient très large. Elle est divisée en quatre parties longitudinales par deux sillons latéraux qui seront étudiés un peu plus loin, et par deux autres sillons, l’un ventral peu marqué, l’autre SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 65 dorsal plus profond en continuité avec la longue fente dont il vient d'être parlé. Cette tête est très nettement séparée du reste du corps, d’abord par sa teinte beaucoup plus claire, ensuite par un gros et large sillon circulaire qui forme une espèce de cou bien plus étroit que la tête ou que le corps et qui a l’air d’avoir été fait à l’aide d’une ficelle fortement serrée. Sur la face dorsale, ce cou est plus large et limité en haut par les deux gros lobes de la tête, en bas par l’écar- tement des deux bourrelets du sillon dorsal. L’espèce de losange ainsi constitué est très profond à son centre où arrivent les deux moitiés du cou et le sillon dorsal, et même en ce point ce dernier est plus large à sa partie inférieure, qui s’introduit des deux côtés sous le cou, qu’à son bord supérieur où les deux bourrelets se tou- chent. Comme je le disais précédemment, il est possible que la pro- fondeur de ce sillon circulaire ait été exagérée par l’action de l’al- cool; c’est ce qu'indique Hubrecht. Les figures 1, 2,3, planche A, montrent la disposition de cette région dorsale du cou. Le sillon dor- sal est fermé immédiatement en arrière du losange pendant deux ou trois centimètres, puis ensuite il s'écarte de facon à devenir tout à fait ouvert. Je crois que l'animal vivant doit pouvoir écarter ou rapprocher les deux bords du sillon. Les sillons céphaliques sont très développés chez la Némerte d’O- bock. Ils occupent toute la longueur des deux côtés de la tête, comme on peut le voir par la figure 2 de la planchel. Ils remontent presque jusqu'à la pointe, où ils disparaissent en remontant au niveau de la peau. Ils sont deux fois courbés sur eux-mêmes, de façon à affecter la forme d’une $S, terminée inférieurement par un petit cro- chet au niveau du sillon qui sépare la tête du corps et qui ressem- ble à une espèce de cou. Ces sillons, peu profonds à la pointe du corpsle deviennent bientôt beaucoup, de sorte que sur une coupe faite au milieu de la tête, on obtient tout à fait le même aspect que chez un Cerebratulus ou un Lineus. Mais dans ces deux derniers genres, les fentes sont largement ouvertes au dehors, et leur fond ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 20 SÉRIE, -— T, V. 1887. 5 66 L. JOUBIN. est grand ; ici au contraire les sillons sont si étroits qu'ils semblent avoir été pratiqués comme par un coup de canif dans la tête. A leur partie inférieure, ils se terminent par la pénétration dans l'épaisseur de la tête, mais cependant ils semblent prolongés dans le sillon cir- culaire dont j'ai parlé plus haut par une ligne peu nette se dirigeant vers le grand sillon dorsal. Pour se rendre compte de leur structure, il faut étudier des séries de coupes. Près de leur origine, un peu en arrière de la pointe de la tête, presque au point de sortie de la trompe, les sillons sont à peine marqués ; un peu plus bas, ce sont de longues échancrures rectili- gnes, à bords parallèles et se terminant par un cul-de-sac. Les deux bords sont tapissés par la continuation de la peau réfléchie. Dans le fond du cul-de-sac, cet épithéllum augmente beaucoup de hauteur et repose sur une mince couche hyaline.Je n'ai pu voir sur l’animal conservé s'il était vibratile, mais, par analogie avec les autres Némertiens, il est très probable qu’il l'était. Sous la couche hyaline, au milieu des mailles du tissu conjonctif sous-cutané, sont placées de grandes cellules allongées, dirigées toutes radialement autour du fond du cul-de-sac ; leur grosse extré- mité, pourvue d'un noyau très apparent, estla plus éloignée du sillon; leur pointe effilée arrive jusqu’à la couche hyaline qu’elle traverse chez divers Némertiens. Ces cellules se retrouvent au même ni- veau avec les mêmes caractères, et souvent elles sont disposées en un seul groupe médian, ou bien en deux groupes latéraux et symé- triques. Ici elles semblent uniformément répandues autour du fond du cul-de-sac. Les prolongements de ces cellules, après avoir traversé la couche hyaline, pénètrent dans l’intérieur de l’épithélium, Les uns entrent dans certaines cellules, les autres sont rapidement perdus de vue entre deux cellules. Ces cellules, qui sont évidemment nerveuses et même qu'on peut considérer comme ganglionnaires, se termi- nent en arrière par un petit prolongement, en relation avec les nerfs venant du cerveau. SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 67 Il est à noter que dans cet épithélium on retrouve les cellules à mucus de la peau. Vers le milieu de la tête, le sillon n’est plus rectiligne sur des coupes. Le cul-de-sac se courbe sur lui-même légèrement, puis la courbure s’accentue et se rapproche de la périphérie; un peu plus loin, elle s’est allongée parallèlement au sillon, de sorte que cette cour- bure terminale, en forme de crochet, imite une sorte de presqu’ile. Un peu plus loin encore, le sommet de la courbure rejoint le sillon vers le milieu de sa longueur, de sorte qu’en reconstituant les choses dans l’espace on voit qu'il y a là une sorte de repli tout à fait com- parable extérieurement à un des cornets du nez des animaux supé- rIeurs. À mesure que l’on s'éloigne de la pointe de la tête, le sillon devient plus profond et se rapproche du centre ; au point d'insertion de la trompe, il se trouve intercalé entre les deux gros faisceaux muscu- laires qui pénètrent dans sa gaine. Dans la région cérébrale, on voit l'ouverture externe du sillon se fermer, puis celui-ci s’enfoncer obliquement vers le centre, et, là, devenir un simple canal à bords plus ou moins irréguliers et dentelés. Au niveau de la grande com- missure nerveuse, ce canal arrive au contact du cerveau, qu'il suit quelque temps, à partir du niveau d’émergence des nerfs qui remontent le long du fond du sillon. Au-dessous de la commissure, le lobe inférieur du cerveau se détache de sa masse, le canal arrive à son contact à son bord supérieur et externe; il y pénètre, 1l s'y divise rapidement en deux branches : l’une supérieure horizontale, l’autre inférieure, arrondie suivant la courbure inférieure du lobe. Sur toute leur longueur, ces sillons sont tapissés intérieurement par un épithélium à cellules allongées qui en bouchent presque complètement la lumière. Leurs noyaux sont gros et elles sont très probablement ciliées. Tout autour du canal sont disposées, dans ce lobe, de grosses cellules qui l'enveloppent complètement, le reste du lobe étant formé par des cellules plus petites qui sont peut-être l'origine des nerfs remontant sur le fond du sillon céphalique. 68 L. JOUBIN. Cette disposition des lobes postérieurs du cerveau, des fentes cé- phaliques et du canal faisant suite au sillon ne diffère pas nota- blement de celle des autres Schizonémertes. Peau. — La peau de la Zangia Obockiana présente à peu près les mêmes caractères histologiques que celle des autres Némertiens, les Schizonémertes surtout. Elle se compose d'un épiderme et d’un derme conjonctif avec fibres musculaires longitudinales et transver- sales faisant suite à la couche musculaire longitudinale sous-jacente, et y passant peu à peu par des transitions insensibles. Les fibres musculaires, en allant du centre vers la périphérie, deviennent de plus en plus rares, tandis qu’au contraire le tissu conjonctif devient de plus en plus abondant et se creuse de lacunes. Au dessus un haut épithélium limite le corps. Cet épithélium n’est pas cependant aussi élevé que dans différentes autres espèces de némertes ; j'y ai cependant reconnu les mêmes éléments. Ce sont de longues cellules dont la partie supérieure est renflée ou cylindrique, tandis que la partie inférieure est très grêle et contient un noyau situé plus ou moins haut. Un plateau épais re- couvre toutes ces cellules très également ; je n’ai pu voir s’il existait des cils vibratiles. Dans l’intérieur de l’épithélium on voit très dis- tinctement de grosses cellules à contenu se colorant fortement par l’éosine ; ce sont bien certainement les glandes à mucus; elles sont de formes variées, ordinairement pyriformes et à goulot étroit, puis évasé. Elles sont presque aussi hautes que l’épithélium et dix fois au moins plus grosses que les autres cellules. Un grand nombre d’entre elles, au moment de la fixation par l'alcool, ont évacué leur contenu au dehors ; il forme çà et là de petites éminences arrondies qui sont en certains points spéciaux très nombreuses et semblent une pro- duction cellulaire particulière. Je n’ai pas trouvé dans l’épithélium de la Zangia les cellules à contenu vert et pluriglobulaire qui se trouvent dans quelques autres espèces de Némertes et qui sont com- parables aux zoochlorelles de certaines planaires (Convoluta, par exemple). SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 69 Au-dessous de l’épithélium on rencontre la mince couche de tissu conjonctif en forme de lame qui forme la zone amorphe chez diverses Némertes. Ici elle est bien nettement fibreuse et donne attache par ses prolongements au réseau à mailles lâches de tissu conjonctif. Dans les mailles de ce réseau qui touche à la zone amor- phe, on remarque les cellules pigmentaires qui varient tant de formes et de couleurs chez les divers Némertiens; elles sont extrêmement ramifiées, anastomosées entre elles, et remplies d’un pigment rouge foncé. Elles se terminent en général en pointe vers la périphérie. Cette couche est ici relativement moins développée que chez nombre d’autres Némertiens et elle n’atteint pas une hauteur plus considé- rable que celle de l’épithélium. Au dessous, les mailles du tissu con- jonctif et les fibres transversales commencent à donner passage à quelques fibres musculaires qui ne tardent pas à augmenter et amè- nent rapidement à la couche musculaire longitudinale externe. Dans le sillon dorsal, l'épithélium ne subit pas de grandes modifica- tions ; il est un peu plus haut; les glandes à mucus y sont plus grandes et plus nombreuses, la partie cylindrique supérieure des cellules est plus grande et à contenu granuleux ; il m'a paru y avoir des cils vibratiles. Le tissu conjonctüf sous-jacent est à mailles plus petites, moins dépourvu de fibres musculaires sur une plus grande étendue que dans le reste de la peau. Sur une coupe d’une des papilles formées par les plis du sillon dorsal on voit les fibres musculaires plus rares el. le tissu conjonctif en mailles entrelacées pourvu de noyau assez bien visible (n, fig. 5, pl. ID) ; les mailles sont serrées sur le bord et plus larges au centre, où elles contiennent les fibres muscu- laires absentes sur les bords, mais en petit nombre (fig. 5, pl. I). Il m'a paru que les cellules à pigment n’existaient pas autour du sillon et ne commençaient qu'au niveau des bourrelets limitant les bords. Muscles. — Les muscles du corps comme ceux de toutes les Némertes présentent des couches emboîtées les unes dans les autres 70 L. JOUBIN. et s'étendant dans toute la longueur du corps. Pour se rendre compte de leur disposition on doit prendre une coupe faite dans une région moyenne du corps (fig. 4, pl. IH). On voit tout d’abord une couche moyenne de muscles circulaires doublée en dedans par une zone assez mince de fibres longitudinales, et en dehors par une autre couche fort épaisse de muscles longitudinaux située immédiatement au-dessous de la peau. La couche de muscles circulaires limite bien nettement la cavité générale, et l’on peut considérer la couche interne de muscles longitudinaux comme plongée dans cette cavité générale, car elle n’est pas partout com- plète et à l’état de gaine comme les deux autres. La couche externe des muscles longitudinaux est de beaucoup plus épaisse ; elle s'étend sur toute la longueur du corps depuis la pointe extrème de la tête jusqu'à l’anus. Ses fibres très longues sont parfai- tement parallèles et isolées par petites masses de cinq à dix dans des gaines conjonctives ou même d'autre nature. Sur des coupes trans- versales (fig. 4, pl. Il) on voit toute l’épaisseur de cette zone, et on voit aussi que les paquets de fibres sont dirigés suivant les rayons du cercle qui représente cette coupe. C'est entre ces paquets que serpentent les fibres rayonnantes partant de la couche circulaire, surtout des deux côtés du grand sillon dorsal (fig. 4, pl. I, et 8, pl. 1). Ce sont précisément ces fibres longitudinales qui forment la saillie des deux bourrelets limitant la rainure dorsale, et c’est en ces points que la couche externe des muscles atteint son épaisseur maximum. Dans la région céphalique, les fibres longitudinales sont intimement intriquées avec les fibres de la couche moyenne, comme on le verra un peu plus loin. C'est au niveau du fond de la gouttière dorsale, sur toute la longueur du corps, que la couche longitudinale des muscles atteint son minimum d'importance ; elle est même çà et là interrompue par les plus profonds des replis qui pénètrent dans son épaisseur jusqu’au muscle circulaire. La couche moyenne ou circulaire commence, à l’origine de la ca- vité générale, par lui former une gaine peu épaisse et surtout très SUR L’ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 71 dissociée à sa périphérie, de façon à se mêler intimement avec les fibres longitudinales, Au niveau du commencement de la trompe, la gaine musculaire se dédouble en quelque sorte, et tandis qu'une partie continue à entourer la cavité générale et son contenu comme d’un fourreau dans toute sa longueur, l’autre partie se dispose de la même facon autour de la trompe; en un mot, la couche circu- laire entoure dans la tête la cavité générale seule, puis au niveau du commencement de la trompe elle l’entoure d’une gaine également distincte. Le tube digestif étant l'organe le plus considérable con- tenu dans cette cavité, c’est lui qui donne sa forme à la gaine mus- culaire. Sur une coupe transversale (fig. 8, pl. [, et fig. 1, pl. I), celte forme est celle d’un croissant à concavité supérieure dans la- quelle est logé le sillon dorsal ; les deux branches du croissant re- montent de chaque côté du sillon et sont entourées dans toute leur étendue par la gaine musculaire à fibres circulaires. Au niveau de la bouche, les trois gaines musculaires sont percées _par cet orifice et c’est la zone circulaire moyenne qui fournit quel- ques fibres disposées en sphincter autour d'elle. Au sommet des deux cornes du croissant, et un peu en dehors sont placés les deux gros cordons nerveux que l’on pourrait appeler les ganglions longitudinaux ; ils sont situés au-dessous de la partie la plus épaisse de la couche musculaire périphérique (fig. 4, pl. Il, n). C'est autour de ces nerfs que partent les plus nombreuses fibres mus- culaires se détachant à angle droit de la zone circulaire moyenne. Ces fibres s'écartent les unes des autres en forme d’éventail, se diri- geant toutes vers la périphérie (e, fig. 4, pl. IL, et fig. 8, pl. D). C'est donc encore vers les deux bourrelets dorsaux que ces fibres en éventail sont le plus considérables et ils ont évidemment un rôle im- portant à jouer dans l’écartement ou le rapprochement des deux lèvres de ce sillon. D'ailleurs sur toute la surface externe de cette gaine moyenne il se détache des fibres perpendiculaires (z, fig. 8, pl. D); ce sont elles qui limitent entre leurs mailles les petits espaces où se logent les fibres longitudinales ; d’autres fibres conjonctives 79 L. JOUBIN. circulaires, c'est-à-dire parallèles à la gaine moyenne, divisent les zones radiantes en petits espaces qui divisent encore les paquets de fibres longitudinales. Ces fibres se détachant de la zone moyenne sont de moins en moins nombreuses à mesure que l’on s'approche de la ligne médiane centrale. Quelques-unes d’entre elles semblent traverser la gaine moyenne et venir jouer dans la zone interne le rôle de division qu’elles jouent dans la zone externe de fibres musculaires longitudinales. La disposition des fibres musculaires est intéressante à examiner dans la partie céphalique de l'animal. Elle rappelle ce que Mac-Intosh a décrit pour divers Némertiens d'Angleterre, mais leur enchevê- trement est moinsirrégulier et les croisements des fibres forment des figures géométriques très constantes. Au centrede la partiecéphalique se trouve la cavité générale qui contient en son milieu la gaine de la trompe, et des lacunes séparées par des trabécules conjonctifs. Autour de cette cavité centrale, la gaine circulaire est peu épaisse, et surtout ses fibres extérieures sont excessivement dissociées. La figure 6, plan- che B, donne une idée très exacte de cette disposition; c’est une coupe transversale passant près de l'extrémité antérieure du corps ; on voit en haut le fond du sillon dorsal (a, des deux côtés le fond des gout- tières latérales vibratiles (b). Les fibres musculaires forment des courbes symétriques dont les sommets sont tangents aux quatre côtés de la lacune centrale (/) dont il vient d’être question ; la conca- vité de ces courbes est située vers le dehors; mais il y a d'autres courbes semblables tangentes également aux quatre points précités, à convexité interne. Elles se croisent en de nombreux points avec les premières, de façon à limiter des espèces de losanges à côtés courbes. C'est dans les losanges que sont situées les fibres longitu- dinales qui descendent le long du corps. Il est à remarquer que les fibres tangentes au côté supérieur de la cavité centrale, descendent en dessous des fossettes ciliées et vice versa, de même celles qui sont tangentes au côté gauche passent à droite du sillon dorsal et réciproquement. SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 73 Cette disposition des fibres produit un entrecroisement très serré au niveau des quatre angles de la cavité générale ; c’est dans ces mailles étroites que sont logés les gros troncs nerveux qui innervent la tête de la Zangia. Il y en à cinq ou six de diverses grosseurs à chaque angle (n, fig. 6, pl. Il). Tout à fait à la pointe de la tête, les fibres musculaires qui vien- nent d’être décrites sont réduites au seul arc dorsal, formé seule- ment de quelques fibres ; un peu après, elles augmentent et descen- dent des deux côtés ; un peu plus bas, on voit naître les premières fibres arciformes ventrales, qui, elles aussi, augmentent et finissent par se rencontrer avec les premières qu'elles croisent un peu plus loin. On arrive enfin à la disposition que je viens de décrire. La couche interne des muscles longitudinaux peut être considérée comme située à l’intérieur de la cavité générale. Elle est bien moins importante que l’extérieure et est, comme elle, divisée en tranches par des fibres dirigées suivant les rayons et provenant de la couche circulaire. Elle n’est pas également importante dans toute son étendue et il est certains points où elle est bien plus mince; elle suit exactement la disposition intérieure du croissant décrit plus haut à propos de la couche de fibres circulaires. Elie est surtout épaisse sur la ligne médiane ventrale, au-dessous du tube digestif, puis des deux côtés de la ligne médiane dorsale, sur les côtés de la gaine de la trompe, enfin sur le milieu de chacun des deux côtés ou branches externes du croissant. Les endroits les plus minces sont au sommet des cornes du croissant ct sur la ligne médiane dorsale, au- dessus de la gaine de la trompe. Dans la région de l’œsophage, les fibres qui traversent radialement cette couche vont s'attacher d’une part à l’æœsophage, de l’autre à la couche musculaire circulaire, de façon à le saspendre comme par des cordages dans la cavité générale. Les muscles de la trompe seront décrits à propos de cet organe. C’est d’ailleurs, comme d'ordinaire, la reproduction des muscles du corps. 74 L. JOUBIN. Tube digestif. — L'appareil digestif de la Zangia obockiana est intéressant à considérer à plusieurs points de vue; il est en effet extrêmement développé par rapport aux dimensions générales de l'animal ; il offre ensuite une exagération extraordinaire des poches latérales qui se rencontrent plus ou moins développées chez les autres Némertiens; le tube digestif proprement dit est limité à une sorte de couloir central n'ayant d'autre but que de relier entre elles les poches latérales. La bouche est située assez loin en arrière de la fente circulaire que j'ai appelée cou, et est comme toujours ventrale. Elle a une forme ovale, assez allongée et est bordée par une sorte de lèvre en bourrelet irrégulier et plissé. Gette bouche s'ouvre dans une portion de l’œso- phage qui est intéressante à considérer au point de vue de sa struc- ture. Mais ce n'est pas la première partie du tube digestif. En effet, on trouve en avant de la bouche un cul-de-sac assez allongé qui s'étend depuis la bouche jusqu’à la rencontre du collier nerveux. Cette disposition,commune chez les Schizonémertes, est très exagérée chez la Langia d'Obock, où ce cul-de-sac atteint près de 5 milli- mètres de longueur. Les parois sont tapissées du même épithélium que l’æsophage. La bouche est donc une sorte de trou percé dans la paroi de l'æsophage qui s'étend au-dessus et au-dessous d'elle. L'æœsophage, lorsque l’on ouvre sa cavité, est parcouru par des bourrelets assez élevés qui réduisent considérablement son calibre. Sur des coupes, ces bourrelets ont l’aspect de papilles de forme et de dimensions variées (fig. 8, pl. 1). Environ à 15 millimètres en des- sous de la bouche l’æsophage se transforme en intestin proprement dit. Avant de passer à la description de cet organe, il faut étudier un peu la structure de la paroi de l’æœsophage. e Sur la figure 8, planche I, on voit une coupe passant par la bouche, et, par conséquent, par le premier tiers environ de l’œsophage. On voit en à la bouche tapissée par l’épithélium e qui passe insensible- ment de la peau à la muqueuse intestinale par un accroissement des SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 75 cellules qui acquièrent bientôt des caractères différents. Elles s’al- longent, prennent un noyau que l'on voit sur diverses préparations colorées par l'hématoxyline, et surtout se disposent sur des prolon- gements du tissu conjonctif sous-jacent, de façon à prendre l'aspect de papilles (p, fig. &, pl. 1). Quelques-unes de ces papilles sont simples : d’autres, au contraire, sont ramifiées et elles se trouvent surtout sur les côtés de l’æsophage. C'est, en effet, dans cette région que se trouve la plus grande épaisseur de l'épithélium. L'œsophage est rétréci entre la région buccale et la région de la trompe, qui fait saillie à son intérieur et qui occasionne la forme en croissant que prend la section de l’œsophage à ce niveau. Sous la trompe, l’épi- thélium digestif est à peine papillaire ; il est presque à plat sur les couches sous-jacentes,. L'æsophage est entièrement tapissé extérieurement par une couche circulaire de fibres musculaires, qui l'enveloppent comme d’une gaine élastique et doit avoir une action sur la déglutilion des aliments. En dedans et en dehors de cette gaine, 1l y a une mince couche de tissu conjonctif qui forme en dedans le substratum des papilles et se relie en dehors du tissu conjonctif de la cavité géné- rale, Cette couche de muscles circulaires périæsophagiens (#, fig. 8, pl. 1) se détache en #»° (même figure) de la couche de muscles circulaires qui entoure toute la cavité générale et renferme les or- ganes et la couche de muscles longitudinaux internes. Dans la région voisine de la bouche, la couche musculaire spéciale de l’æsophage est intimement unie aux fibres longitudinales (fig. 8, pl. [) et, par consé- quent, il n’y a pas là de cavité générale du corps; ce n’est qu’un peu plus haut que l’on voitla couche de l’œsophagese séparer de la couche interne des muscles, pour donner passage à des vaisseaux. Sous la trompe, la couche circulaire de l’œsophage s'applique intimement à celle de la gaine de la trompe et elles se confondent presque, car les fibres longitudinales passent là par dessus la gaine de la trompe (0, fig. 8, pl. D). La gaine qui vient d’être décrite est spéciale à l'œsophage; elle ne se rencontre pas sur le tube digestif proprement 76 L. JOUBIN. dit, bien que dans sa première portion elle soit représentée par quel- ques fibres qui ne tardent pas à disparaitre. A cet œsophage fait suite un intestin qui commence sans transi- tion bien marquée avec la première partie du tube digestif. Cet intestin occupe toute la longueur du corps et présente dans toute cette étendue les mêmes caractères anatomiques et histologiques. Les figures 4 et 5, planche I, et 1, planche II, donnent sur la struc- ture de cet organe des détails aussi complets qu'il m'a été possible de les observer sur des pièces trop durcies dans l'alcool. On voit tout d'abord la forme en croissant de la cavité digestive, forme qui dépend de la profondeur de la grande rainure dorsale. Les deux culs-de-sac latéraux sont remontés jusqu'à mi-hauteur de cette rainure, etles deux gros troncs nerveux sont situés au sommet des deux cornesde ce croissant. Surune coupe telle que cellede la figure, planche II, on pourrait croire que le tube digestif est représenté par tout l’espace vide compris au centre de la figure. Il n’en est rien cependant. Les deux grandes cavités latérales ne sont que des culs- de-sac, des espèces d’abajoues du tube digestif véritable qui, lui, est très étroit et n'est représenté que par l’espace compris entre les deux petits orifices o et o' (fig. 1, pl. Il). On voit quelle dispropor- tion il y a entre les dimensions de l'organe et de ses appendices. Si l’on fait une coupe longitudinale de la Némerte, on trouve des coupes dont une a été représentée figure 4, planche I. Elle passe par le milieu du vrai tube digestif et a été faite suivant les lignes AA' de la figure 4, planche IT; c'est donc une coupe frontale. On y voit un grand nombre de lamelles parallèles les unes aux autres, interrompues au milieu et recommençant en face, où elles vont jusqu'à la paroi opposée du corps. L'espace (e) compris entre deux de ces lamelles aa el celui qui lui fait vis-à-vis e” constituent à eux deux, sur une coupe transversale, les deux poches latérales qui sont figurées planche IF, figure 1. Le véritable tube digestif est réduit au petit couloir #, situé entre les deux épaisses couches de lamelles. Leurs extrémités étant flottantes et mobiles peuvent arriver à se toucher, comme je l’ai ob- SUR L'ANATOMIE D'UNE NEMERTE D'OBOCK. 71 servé sur diverses coupes, et ainsi le tube digestif est fermé. Il est à remarquer que les bords libres des lamelles sont tous inclinés vers l'arrière, suivant la direction de la progression des aliments. Ces lamelles existent jusque près de l'anus. Je n'ai malheureuse- ment pas pu constater comment elles s’y terminaient à cause de l’état des pièces qui étaient endommagées dans cette partie. Si l’on fait une série de coupes à un niveau supérieur, mais diri- gées suivant le même sens que celle dont il vient d’être question, c'est-à-dire frontales, on arrive rapidement à ne plus passer par le vrai intestin, puis on rencontre la gaine de la trompe, puis le sillon dorsal du corps. Là, les coupes sont représentées par deux parties distinctes et séparées, mais absolument pareilles ; c’est ce que repré- sente la figure 5, planche I, dans laquelle on voit en r la rainure dorsale. La structure intime de ces lamelles du tube digestif m'a semblé être la même dans les coupes que j'ai faites à différents niveaux. C'est toujours une couche mince de tissu conjonctif recouverte sur ses deux faces par un épithélium. Cet épithélium est évidemment vibratile, mais je n’ai pu constater de traces de cils sur mes coupes, sauf en deux points spéciaux que j'indiquerai tout à l'heure. Tandis que la cellule de l’æœsophage est transparente et à contenu homogène, celles des lames digestives est, au contraire, remplie de granulations que l’on constate très facilement à leur intérieur. Ces granulations semblent avoir été jaunes ou vertes, car, sur l'animal entier, la couleur générale du tube digestif est jaune. De gros noyaux y sont renfermés, et situés à des niveaux assez variables. La figure 3, planche II, indique la structure de ces parties. Les lames de tissu conjonctif sont un peu plus larges à leur base au point d'attache que dans leurs parties libres; c'est simplement la suite du réseau conjonctif qui relie la paroi du tube digestif au muscle longitudinal interne. Dans ce tube digestif sont des lacunes nombreuses qui représentent la cavité générale (6, fig. 3, pl. Il) et dans lequel sont logés les vaisseaux. C’est très probablement aussi 78 L. JOUBIN. dans ce tissu conjonctif que se développent les organes et les glandes de la reproduction; mais Je n’ai pu en constater la présence, car elles n'étaient pas en état d'activité sur l’animal que j'ai observé. Il reste maintenant à étudier deux parties intéressantes du tube digestif proprement dit. Sur des coupes transversales, c’est-à-dire pratiquées perpendicu- lairement à la longueur de notre animal, on distingue, comme je viens de le décrire, deux grands culs-de-sac latéraux entre lesquels se trouve le tube digestif proprement dit, réduit à un conduit mé- dian étroit, dans lequel s'ouvrent des espèces d’abajoues latérales. Ce tube étroit fait suite à l’æœsophage et est contigu à la face infé- rieure de la trompe par son plafond, et pour son plancher à une petite proéminence médiane du muscle longitudinal interne. Ces deux parties, plus ou moins surélevées et opposées, ressemblent à deux languettes étroites (fig. 4, pl. 11). Elles sont couvertes par l’épithélium du tube digestif, semblable à celui qui tapisse les culs- de-sac latéraux. Mais,enun certain point, non loin du commencement de l'intestin, après l'æœsophage, onrencontre sur ces deux languettes des formations spéciales. Ce sont, en réalité, deux gouttières opposées, parallèles, gouttières qui m'ont paru n'occuper qu'une étendue peu considé- rable en longueur. Ce sont encore deux canaux incomplètement fermés par deux lèvres en contact ou très voisines l’une de l’autre. La plus inférieure est représentée en coupe (pl. I, fig. 6) ; elle prend alors la forme d’une cupule enfoncée dans la paroi muscu- laire, et entourée d’une gaine conjonctive. Cette cupule est arrondie, perforée à sa partie supérieure et tapissée à l’intérieur par un épi- thélium d’une grande hauteur; cet épithélium est couvert de eils vibratiles; c’est le seul point où j'aie rencontré des cils vibratiles conservés dans les préparations. Ces cellules sont disposées à l’inté- rieur de la cupule de façon que celles qui sont au milieu sont les plus courtes ; celles qui leur sont accolées sont un peu plus longues, et ainsi de suite, jusqu'aux dernières, qui sont très longues et apph- SUR L’'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 79 quées par leur côté sur la paroi de la gouttière. Elles surplombent celles du centre qui sont plus basses (4, fig. 6, pl. 1) et ont un pédi- cule grêle, avec un sommet plus renflé (a, fig. 6, pl. 1). Ces cellules ont un gros noyau ovale, situé à peu près à mi-hauteur ; le contenu est granuleux. La cupule qui contient ces cellules est en rapport avec la couche musculaire circulaire par un long tractus ou pédicule (d, fig. 6), qui l’y rattache par l'intermédiaire de la couche de fibres conjonctives qui la tapisse en dedans et se mêle ensuite aux fibres longitudinales internes, pour les diviser en faisceaux à grand axe dirigé vers le centre de l'animal. Il me semble probable que les nerfs qui pro- viennent des deux grands troncs latéraux traversent là les fibres musculaires circulaires et pénètrent dans la cupule par le long pé- dicule qui l'y rattache. On voit, à droite et à gauche de la cupule, deux vaisseaux, logés dans le tissu conjonctif, qui, lui-même, s’avance sur elle, de façon à la fermer presque et à y contenir les longues cellules ciliées. Par dessus ce tissu conjonctif, on rencontre l'épithélium ordinaire du tube digestif. | En face de l'organe que je viens de décrire se rencontre l'autre souttière, qui fait le pendant à la première et lui est parallèle. Cette gouttière est encore formée par des cellules plus longues sur les bords qu’au fond ; les premières surplombant et dominant les secondes. Ces grandes cellules viennent presque au contact de celles qui leur font vis-à-vis de l’autre côté de la gouttière (fig. 2, pl. Il, a). Au-dessous d’elles sont des cellules plus courtes, puis, au centre, sont les plus courtes de toutes, de sorte qu’elles forment entre elles un canal ovale (ce, fig. 2, pl. I). Mais, ici, au lieu d’être enfoncé dans une cupule conjonctive, cet ensemble de grandes cellules est, au contraire, saillant et proéminent et fait suite, des deux côtés, aux cellules de l’épithélium digestif ordinaire (d, fig. 2, pl. II) par des transitions assez bien ménagées. Ces hautes cellules sont allongées, à contenu granuleux et renferment chacune un gros noyau ovale. 80 L. JOUBIN. Cet ensemble repose sur une base de tissu conjonctif qui offre une disposition bien particulière. Un vaisseau longitudinal court, dans la gaine de la trompe ; ilest à paroi assez épaisse (V, fig. 6, pl. I), contient un épithélium assez élevé et est entouré par une gaine serrée de fibres conjonctives rayonnantes, plus larges par leurs bases qui s’enchevêtrent que par leur partie externe. Elles sont toutes pourvues d’un gros noyau situé à une distance égale de la paroi du vaisseau. Mais, du côté où le cercle concentrique aimsi formé est en contact avec les grosses cellules de la gouttière, il s’in- fléchit, se rapproche du vaisseau, et les noyaux qui le forment s'insinuent entre les grosses cellules ou bien sont appliqués contre leurs bases. Autour de la gaine de la trompe sont des fibres con- jonctives arquées (V, fig. 9, pl. IT). Je n’ai pas pu voir si cette gouttière dorsale était, comme la ven- trale, garnie de cils vibratiles. Je n'ai pu constater non plus quelle longueur avaient ces gouttières, car malheureusement l’animal avait été brisé précisément en cette région. Je pense que ces gouttières peuvent servir en quelque sorte d'or- ganes du goût ; mais c'est une simple supposition. Trompe. — La trompe de la ZLangia Obockiana avait été rejetée par l’animal au moment où il fut plongé dans l'alcool. Je ne l'ai donc pas eue en place, mais M. Faurot ayant pris soin de la joindre à son échantillon j'ai pu l’étudier. Elle ne présente d’ailleurs rien de bien remarquable, et se rapproche en tous points de celle des autres Schizonémertes, les Cérébratules par exemple. Elle avait, après séjour dans l’alcoo!, environ 10 centimètres de long et je pense que sur le vivant elle avait bien, au moins, une longueur dou- ble. Elle était très grêle relativement au diamètre de l'animal ; et pouvait être considérée comme formé de deux parties distinctes, l’antérieure, constituant les deux tiers de l’ensemble, plus large, et la postérieure plus étroite, formant le troisième tiers. A la réu- nion de la région grêle et de l’épaisse on voit un renflement qui m'a paru n'avoir rien de spécial digne d’être signalé. SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 81 L'ouverture par laquelle la trompe se projette lau dehors n'est pas située immédiatement à la pointe du corps; elle est un peu inférieure à cette extrémité, et cet orifice se recourbe en forme d'arc pour gagner la partie médiane de la région céphalique où elle est logée au milieu du sinus, qui lui va jusqu’à la pointe propre- ment dite. L'orifice s’ouvre dans le canal faisant suite à la trompe, qui commence comme d'ordinaire à peu près au niveau du collier nerveux et est à partir de là contenue dans une gaine propre. L’ani- mal ayant rejeté sa trompe, je n’ai pu voir de quelle façon se fait l'insertion de cette trompe et sa continuité avec la gaine; Si l’on fait des coupes sur cette trompe, on voit qu'elle est con- stituée par des couches musculaires limitant une cavité centrale ta- pissée par un épithélium.Un autre épithélium en continuité avec celui qui tapisse la gaine de la trompe se réfléchit sur elle et la recouvre. Une couche de muscles longitudinaux (/, fig. 7, pl. I), doublée inté- rieurement par une couche de muscles circulaires (c, même figure), entoure une autre couche musculaire à fibres longitudinales (m, même figure). C'est en somme la répétition de la structure du corps de la Némerte. La couche de fibres circulaires est remarqua- ble par la disposition de ses fibres en petites piles ou faisceaux superposés (ec, fig. 7, pl. L). | En dedans de la couche de muscles la plus interne est une couche de tissu conjonctif {o, fig. 7, pl. [) qui çà et là s’allonge beaucoup et forme des papilles ordinairement simples, mais qui peuvent aussi se bifurquer. Ces papilles (p, même figure) sont plus renflées à leur sommet qu’à leur base, et sont recouvertes par un épithélium (e) contenant çà et là de grosses cellules glandulaires (a). Je n'ai pu voir s’il restait des traces de cellules urticantes. La gaine de la trompe occupe dans la première partie du corps le centre de la trompe et est logée au milieu du sinus céphalique. Elle est reliée à la paroi du corps par de nombreux trabécules. Cette portion peut être aussi bien considérée comme faisant suite à la trompe elle-même qu’à sa gaine. Cette gaine a une paroi propre de ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. = 2€ SÉRIE, — Te V. 1887. 6 82 L. JOUBIN. fibres circulaires, puis en dedans une couche de fibres longitudi- nales situées au milieu du tissu conjonctif. C’est sur la face infé- rieure de cette couche que repose un vaisseau dont il sera question à propos de la circulation. La gaine de là trompe est noyée au milieu de la masse des muscles longitudinaux qui forme la paroi interne de la cavité générale. Mais c'est plutôt sur sa face dorsale queces muscles existent, car sur sa face ventrale il y en a peu ou pas (fig. 8, pl. I). Dans la région œsophagienne (fig. 8, pl. I) la gaine est large et étalée. Au contraire, dans la région moyenne du corps, la gaine est réduite à une petite cavité plus ou moins irrégulière {fig. 4, pl. Il) qui finit par disparaître un peu plus loin. Je n’ai naturellement pas pu voir quelle était la nature du liquide contenu dans la trompe ou dans sa gaine, et je n’ai pas retrouvé de corpuscules comme on en voit dans d’autres espèces. Appareil circulatoire. — L'appareil circulatoire de la Langra formosa a fait l’objet d’une description fort soignée dans le Quarterly Journal of microscopical Science (1885, Supplément). J'ai pu, sur les coupes que j'ai faites, vérifier l'exactitude des résultats obtenus par M. Oude- mans sur la Zangia de Naples. Celle d'Obock m'a paru en différer par un certain nombre de détails. J’ai figuré dans un dessin demi-schématique les résultats qui m'ont été’fournis par l'examen des séries de coupes microscopiques : ce dessin est donc un résumé d’une foule de croquis pris sur les coupes à divers niveaux. Si l'on prend les coupes à partir de la pointe de la tête, on observe d’abord que jusqu’à la surface le centre de la tête est occupé par une lacune d’abord peu étendue, mais qui s’élargit peu à peu (a, fig. 4, pl. Il). Cette partie de l'appareil circulaire est limitée par les fibres musculaires arciformes qui sont situées du côté dorsal, sous le sillon ; l’épithélium qui tapisse intérieurement cette lacune est assez élevé. On arrive à environ ® millimètres du sommet de la tête, à l’orifice externe de la trompe. Cet orifice est courbé en quart de SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 83 cercle, allant de la face ventrale vers la face dorsale de la tête. A l'orifice, la lacune qui l'entoure est en forme de fer à cheval, dont l'ouverture est en bas, occupée par la trompe; puis les deux branches du fer à cheval se rapprochent et se soudent, c'est le point où la trompe, formant son are, est au milieu de son trajet, et occupe par conséquent le centre de la lacune (fg.6, pl. Il). Comme l'indique bien Oudemans, la lacune reste peu de temps circulaire, car elle se rapproche de la face dorsale à laquelle elle s’accole bientôt. Mais dans la Némerte d’Obock il y a un assez bon nombre de coupes où l’on peut voir la lacune circulaire, trente environ, tandis que celle de Naples n’en a que trois. Il faut remarquer que cette lacune circulaire est loin d'être libre dans toute son étendue ; elle est coupée par de très nombreux trabécules conjonctifs tapissés par l’épithélium, qui suspendent la trompe comme par des cordages, à la paroi. Au point où la trompe va s'accoler à la paroi dorsale, un des espaces compris entre deux de ces trabécules devient plat et est représenté en coupe (, fig. 6, pl. ID). Je ne pouvais représenter tous ces détails sur la figure d'ensemble (fig. 4, pl. Il). Aussi, je me suis contenté de représenter par trois interruptions les cloisons qui coupent longitudinalement la lacune autour de l'origine de la trompe (4, e, fig. 4, pl. I), Lorsque la trompe est ainsi appliquée à la face dorsale, elle baigne encore par ses trois autres côtés dans la lacune, qui a alors, comme le fait remarquer Oudemans, sur des coupes, la forme d’un fer à cheval, mais en sens inverse du précédent, Cependant, malgré cet accolement, il y a encore des communications par-dessus la trompe (4, fig. 4). Un peu plus loin, la trompe déjà liée à la face dorsale, s'applique aussi sur la face ventrale, de sorte qu'il ne reste plus que deux lacunes latérales (e, fig. 4). On est en ce point au niveau du fond des fentes céphaliques, et l’on arrive au collier nerveux. Un peu avant d'y arriver on voit l'ouverture dans la lacune du vaisseau longitudi- nal qui parcourt la gaine de la trompe (f, fig. 4). 84 L. JOUBIN. Cette ouverture est fort grande, très nette et se forme juste au moment où les coupes transversales commencent à entamer le tissu des centres nerveux. Je n’ajoute rien à la description d Oudemans qui est parfaitement applicable ici. En passant sous le collier, les lacunes fort resserrées forment des bandes plates verticales. La gaine de la trompe est toujours acco- lée aux deux faces dorsales et ventrales. Mais là elle se détache de la face ventrale et la lacune reprend la forme d’un fer à cheval à concavité dorsale. Un peu plus loin, en arrière de la commissure, on voit deux cloi- sons horizontales se former sur le plancher ventral et diviser la la- cune en trois parties, deux latérales et une médiane (/,L/., fig.4); la médiane est d’abord la plus large. Oudemans a aussi constaté cette division. Çà et là on voit des anastomoses entre ces trois gros troncs. Il est à remarquer que les deux lacunes qui sortent du collier nerveux, entourent les lobes postérieurs du cerveau qui y baignentet quec'est ensuite que se fait la division en trois parties. La lacune médiane ne se poursuit pas très loin sous la trompe ; elle s’amincit et disparaît au niveau de l’æœsophage. Les lacunes latérales se divisent en deux, puis trois autres lacunes. De chaque côté les trois branches provenant de la division des lacunes laté- rales communiquent entre elles, puis au niveau du commencement de l'intestin des branches transversales font communiquer les troncs longitudinaux aux points d'attache des lames séparant les chambres latérales du tube digestif; ceci a été vu aussi par Oudemans. Le même auteur a aussi étudié la disposition du canal rénal ; c’est pourquoi j'en dirai très peu de chose. Ce canal, sous forme d’un tube allongé, est situé dans la lacune latérale, après sa division en deux branches derrière le collier. Il est appliqué immédiatement sous le gros nerf latéral qu'il suit dans sa direction. Il est enfermé dans une gaine gélatineuse, appliquée contre la paroi musculaire longitudi- nale. Le canal excréteur du rein s'ouvre, comme l'a constaté SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 83 Hubrecht dans sa diagnose du genre Langia, dans la gouttière dorsale du corps de l’animal. La paire d'ouvertures est située un peu en arrière du niveau de la bouche, non dans les deux culs-de-sacs laté- raux que présente à ce niveau la coupe du sillon dorsal, mais sur les côtés des deux petits mamelons symétriques que présente le fond du sillon. ; Sur la figure 8, planche I, j'ai marqué d'un point l’endroit où se fe- rait cette ouverture, mais, en réalité, on ne la trouverait que sur une coupe plus inférieure que celle représentée par cette figure 8. Ces deux canaux excréteurs sont tortueux, peu larges, et traversent les trois couches musculaires qui, il est vrai, sont peu épaisses à ce niveau. Oudemans parle de la facilité avec laquelle on constate ces orifices sur la Langia formosa ; sur la Langia d’Obock, ils sont cer- tainement beaucoup moins grands, carils sont fort difficiles à trouver, et l’'épithélium du canal flexueux est fort malaisé à distinguer. Système nerveux. — Je ne dirai que très peu de choses relative- ment au système nerveux de la Langia Obockiana ; il ne diffère, en effet, de celui des autres Schizonémertes, par aucun caractère impor- tant, et l’on peut, pour sa description générale, se reporter aux tra- vaux si remarquables du savant hollandais Hubrecht. Cependant, puisque j’ai donné jusqu'ici une description des appa- reils connus chez d’autres Némertiens et dont la Zangia ne diffère pas sensiblement, je dois aussi esquisser rapidement la disposition de son système nerveux, d’après les coupes en série que j'ai ob- servées. Le centre nerveux, formé de deux gros ganglions (fig. 4, pl. Il), est situé à peu près au niveau de la rainure, limitant la tête par une sorte de cou. Ces deux ganglions, de forme ovoïde, ont la partie supérieure plus renflée; à leur partie inférieure est appendu une sorte de sphère, dans laquelle vient se terminer le canal provenant du fond des fentes céphaliques latérales, Les deux ganglions sont réunis par une grosse commissure inférieure, qui en est la continua- tion et par une mince commissure supérieure ou dorsale. Dans ce 86 L. JOUBIN. collier passe la trompe avec les deux lacunes provenant de la région céphalique. Les deux ganglions sé continuent en arrière par les deux gros troncs ordinaires des Némertes. Ils sont, comme chez les Cerébratulus, appliqués sut la partie externé de la couche des muscles circulaires, et occupent, comme l’a montré Hubrecht, le sommet, ou à peu près, des deux croissants de la cavité générale. C’est du point qu’ils occu- pent que partent les nombreuses fibres musculaires en forme d'éventail, qui se dirigent vers les deux renfléements des bords dû bourrelet. Ges gros nerfs latéraux sont formés d’un centre fibreux arrondi, entouré d'une gaine de grosses cellules ovales, dont une extrémité est dirigée vers le centre du nerf, Ces grosses cellules sont situées sur lés deux côtés du tronc nerveux, plutôt que sur sa face dorsale ; sur celle qui ést située contre le muscle circulaire, elles m’ont paru ne pas exister. En somme, ces gros nerfs latéraux sont bien plutôt des ganglions que des nerfs proprement dits. Sur des coupes du système nerveux central passant par la com- missure, on voit au centre un noyau double de fibres qui se réunis- sent en un gros paquet, qui vient former précisément la commissure (voir fig. 7, pl: I). Au centre de cette commissure, il m’a paru qu’il y à une décussation ou entrecroisement entre les fibres de droite et de gauche. Tout autour de ces fibres centrales on voit des amas ovales de grosses cellules, tout à fait pareilles à celles qui entourent le nerf latéral. Ces amas sont rattachés au centre fibreux, et ils semblent tous rayonner autour de lui et lui fournir les fibres nerveuses. Ces amas de cellules nerveuses sont surtout abondantes en deux ou trois points autour du centre du ganglion ; on en voit aussi un certain nombre dans la commissure. En certains points on voit des paquets de fibres qui se dirigent vers la périphérie, et même sortent du ganglion ; c’est surtout dans les coupes passant vers le sommet du ganglion, que l’on voit sortir SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 87 en grand nombré ces paquets fibreux. Enfin, le reste du ganglion est formé par des cellules extrêmement petites, très serrées et se pla- çant dans les espaces non occupés par les amas de grosses cellules ou par les fibres. Vers la partie renflée du ganglion, vers la périphérie, on voit aussi un amas de fibres (f, fig. 7, pl. Il). L'appendice du cerveau dans lequel vient se bifurquer le conduit du canal cilié, est formé par de grosses cellules entourant le petit canal, puis par un grand nombre de petites cellules pareilles à celles du cerveau lui-même, et qui se logent dans les espaces laissés libres entre les amas de grosses cellules. Ce sont elles qui complètent la forme arrondie de ces petits appendices. Du cerveau, partent en avant un grand nombre de nerfs que nous avons vu se loger dans les espaces losangiques formés par les fibres musculaires arciformes de la tête. Un gros nerf se rend de chaque côté, au fond du sillon cilié; c’est lui que l'on voit sortir sur le des- sin de la figure 7, planche IE, 7. Je n’ai pas trouvé d'autre organe attribuable à un sens spécial, que les deux rainures dont j'ai parlé à propos de la cavité digestive. La Langia Obochiana est dépourvue d’yeux. Il me reste encore un mot à dire à propos de la reproduction. La Langia d'Obock avait été pêchée au mois de février 1886 ; je ne sais si à Obock cette saison n’est pas celle de la reproduction des Né- mertes. Le fait est que je n'ai pas trouvé sur mon animal trace de glandes sexuelles. P.8S. Les épreuves de ce travail étaient corrigées lorsque j'ai pu me procurer un exemplaire de la Zangia formosa de Hubrecht. Je me suis convaincu que l'espèce d'Obock en était différente pour diverses raisons, surtout à cause de l’absence des bords ondulés du sillon dorsal qui y sont remplacés par des bourrelets arrondis; les fentes céphaliques sont aussi bien moins prononcées dans la Némerte méditerranéenne; le grand sillon dorsal y est moins profond que dans la Zangia Obockiana; enfin le corps de cette dernière est 88 L. JOUBIN. proportionnellement plus long et moins ramassé que dans l'espèce décrite par Hubrecht. Ces différences, jointes à celles qui ont été signalées dans le cours de ce travail, justifient bien suffisamment l'établissement de la Langia Obockiana comme espèce nouvelle. Banyuls-sur-Mer, 16 avril 1887. Laboratoire Arago. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. F16. 1. Extérieur de la Némerte d'Obock. Partie céphalique vue par la face dorsale, pour montrer l’origine du sillon, ses lèvres, son écartement autour d’une fossette plus profonde. Grossie 15 fois. 2, Vue de profil de la région céphalique montrant la forme de la fente ciliée du cou, et ses rapports avec le sillon dorsal. 3. Vue de la même région du côté ventral, montrant la situation de la bouche. 4. Coupe du tube digestif au niveau A À’ (fig. 1, pl. II). aa’, deux lamelles consécutives limitant un des culs-de-sac du tube digestif ; ce, couche circulaire des muscles; e, espace en forme de cul-de-sac limité entre les deux lamelles aa'; e’, espace semblable au précédent et qui lui fait vis- à-vis. Ces'deux espaces ee’ correspondent aux deux appendices figurés en aa (fig. 1, pl. II); 1, couche musculaire longitudinale externe ; mm, couche musculaire longitudinale interne ; p, peau; #, véritable tube digestif. 3, ce, couche circulaire des muscles ; mm, couche musculaire longitudinale interne ; p, peau; r, rainure dorsale ; {, couche conjonctive sous-épi- théliale le long de la rainure dorsale. 6. Coupe dans la gouttière intestinale; a, cellules longues de la cupule ; b, cellules courtes de la cupule ; c, tissu conjonctif entourant la cupule ; d, son pédicule ; e, épithélium digestif; m, muscles longitudinaux internes ; 0, ouverture ; v, vaisseaux. 7. Coupe longitudinale de la trompe. a, cellules glandulaires ; b, épithélium externe de la trompe ; c, couche musculaire circulaire ; d, épithélium interne de la trompe ; !, couche musculaire longitudinale externe ; m, couche musculaire longitudinale interne ; o, tissu conjonctif ; p, papilles, 8. Coupe passant par l’orifice buccal pour montrer la structure de l’æsophage et de la région périphérique. b, orifice buccal ; e, épithélium de la peau passant insensiblement par la bouche au revêtement de l’œsophage ; g, SUR L'ANATOMIE D'UNE NÉMERTE D'OBOCK. 89 parois des muscles circulaires de la gaine de la trompe; ti, points où s’ouvriraient sur une coupe plus inférieure, les canaux excréteurs des reins ; k, fibres musculaires en éventail ; /, point où la couche des mus- cles circulaires de l’æœsophage est unie aux fibres longitudinales ; m, muscle circulaire ; m’, point où le muscle circulaire périæsophagien se détache de la couche générale du corps du muscle circulaire ; n, nerf latéral ; 0, point où la couche circulaire des muscles périæsophagiens s'accole à celle de la trompe ; p, papilles de l’æœsophage ; {, canal rénal (néphridial); w, paroi des muscles longitudinaux de la gaine de la trompe ; v, vaisseau de la gaine de la trompe; z, trabécules fibreux divi- sant en faisceaux le muscle longitudinal externe. PLANCHE II. F1G. 4. Coupe passant par la région médiane du corps. A A’, niveau où a été faite la coupe représentée dans la figure 4, pl. I; BB’, niveau où a été faite la coupe horizontale représentée dans la figures, pl. [; aa’, poches latérales du tube digestif ; c, fibres musculaires en éventail, partant du -muscle circulaire au niveau des bourrelets du sillon; g, gaine de la trompe : "”, couche musculaire longitudinale externe ; m', couche mus- culaire longitudinale interne ; n, nerf latéral ; 00’, points entre lesquels est compris le véritable intestin ; p, peau ; r, couche musculaire moyenne circulaire ; S, sillon dorsal; ss’, les deux éminences entre lesquelles est le vrai tube digestif ; Zu, vaisseaux sanguins ; v, vaisseau sous la trompe : d, épithélium digestif. 2, Coupe de la gouttière digestive dorsale. aa, grandes cellules venant au contact et fermant le canal compris entre elles; 6b, les plus courtes cel- lules formant le fond de la gouttière ; c, canal compris entre les grandes _ cellules; d, épithélium digestif ; e, cercle de noyaux des fibres conjonc- tives rayonnantes ; g, gaine de la trompe ; m, fibres conjonctives arquées autour de la gaine de la trompe ; v, vaisseau parallèle à la gaine de la trompe. 3. Coupe frontale passant par les points d'attache des lames du tube digestif. a, cavité digestive; cc, cellules tapissant la cavité interne du tubedigestif: [l, lames du tube digestif; m, muscle longitudinal interne ; t, tissu con- jonctif lacunaire, dont les tractus attachent les lames à la paroi mus- culaire. | 4. Figure demi-schématique représentant l’ensemble de l’appareil circula- toire de la Langia, reconstitué d’après des coupes. a, lacune occupant la pointe de la tête; b, branche de division de la lacune a; c, espaces où s’attachent les lames qui divisent la lacune primitive en lacunes secon- daires, et suspendent la trompe comme par des cordages dans la lacune; d, communication des deux côtés par-dessus la trompe; e, point où la trompe, étant appliquée à la face dorsale et à la face ventrale, ne laisse 90 L, JOUBIN. que deux lacunes latérales ; f, point d’émergence du vaisseau qui par- court la gaine de la trompe ; L/3, divisions de la lacune en fer à cheval après le collier nerveux ; #, collier nerveux. Fic. 5. Coupe d’une papille formée par deux replis du sillon dorsal; d, fibres lon- gitudinales; e, épithélium ; m, couche de muscles circulaires ; #, noyaux du tissu conjonctif. 6. Coupe dans la région céphalique, pour montrer la disposition des diverses fibres musculaires. a, fond du sillon dorsal ; bb, fond des sillons latéraux; g, gaine de la trompe; h, lacune plate, fermée par le rapprochement de la gaine de la trompe de la paroi dorsale ; /, lacune ventrale; n, nerfs occupant les quatre angles de la lacune ventrale. 7. Coupe d'un des ganglions nerveux au niveau de la commissure. a, commis- sure avec indice d’entrecroisement des fibres nerveuses ; bb’, les deux lobes fibreux d’où partent les fibres pour aller vers la commissure ; cec’, centres d'accumulation des groupes de grosses cellules à direction pointant vers le centre du ganglion; d', amas de grosses cellules conte- nues dans la commissure; ff”, paquets fibreux contenus dans le ganglion; g, petites cellules ganglionnaires ; À, fond du canal cilié; /, lacune de gauche sous la commissure; ”, gaine de la trompe ; r, nerf allant au sillon cilié. STRUCTURE HISTOLOGIQUE TEGUMENTS ET DES APPENDICES SENSITIFS DE L'AFRMIONE HYSTRIX ET DU POLYNOE GRUBIA NA PAR M. ET. JOURDAN Chargé d’un cours complémentaire à la Faculté des sciences de Marseille, Professeur à l'Ecole de médecine. La plupart des observateurs qui se sont occupés des vers annelés ont été souvent détournés de l'étude anatomique d'un système orga- nique par l’abondance et la variété des matériaux. C’est là, je crois, ce qui explique le petit nombre de travaux dont certains organes des sens de ces êtres ont été l’objet. Sans doute les appareils visuels et auditifs ont donné lieu à des recherches remarquables, mais les organes des sens que nous appelons inférieurs sont moins connus. On admet que la plupart des appendices céphaliques servent au tact, mais on ignore leur structure, Presque tous les auteurs se sont con- tentés de les examiner par transparence et c’est l’aspect qu’ils ont observé qui est reproduit dans les ouvrages classiques. Les organes des sens étant des dépendances du système cutané, il en résulte que, pour acquérir une idée juste de leur constitution, il faudra prendre pour base de ces recherches une connaissance exacte des téguments généraux de l’animal. C’est alors seulement qu'il sera possible de voir quels sont les éléments nouveaux qui, en venant s'y ajouter, ont donné à ces organes des fonctions spéciales. 92 ET. JOURDAN. Les organes du toucher et la peau sont, en effet, si intimement con- fondus chez les vers que leur étude ne saurait être distincte ; aussi ai-je cru devoir examiner rapidement dans cette note la structure des parois du corps avant d'étudier les appendices qu'il est permis de considérer comme des organes sensitifs servant au tact. HERMIONE HYSTRIX. Ce représentant de la famille des Aphroditiens étant le plus com- mun sur les côtes de la Provence, c’est lui que j'ai choisi pour objet principal de mes investigations. On peut, en effet, se Le procurer facilement dans les filets des pêcheurs au gangu. Je n’ai pas étendu mes observations à l’Aphrodite aculeata, parce que cette espèce se rencontrant dans les fonds vaseux d’un accès plus pénible aux dragues du laboratoire, il était beaucoup plus difficile de l'avoir en bon état. J'ai eu l’occasion de faire quel- ques recherches sur deux Pontogenia chrysocoma ; j'aurais désiré avoir à ma disposition un plus grand nombre d'individus, mais cette espèce est beaucoup plus rare et d’ailleurs les particularités anato- miques qu'elle présente sont semblables à celles de l’Æermione hys- trixæ; elles contribuent seulement à mieux faire comprendre la structure des verrues de la face ventrale. On sait que l’Æérmione hystrix est hérissée de soies barbelées comme un fer de harpon et que la face dorsale de son corps est pro- tégée par des élytres souvent masquées par de la vase et par des corps étrangers de nature variée; tandis que la face ventrale est cou- verte de petites verrues qui lui donnent un aspect chagriné. L’Her- mione hystrix possède deux palpes, des tentacules, des cirrhes ten- taculaires, et des cirrhes dorsaux et ventraux. Ces appendices sont tous semblables entre eux, à l’exception des palpes, qui ont une structure différente. La description que je donnerai des cirrhes dor- saux pourra s'appliquer aux cirrhes tentaculaires et aux tentacules. Quelques-uns de ces petits organes ont déjà attiré l'attention. TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 93 Claparède les a examinés par transparence et en a donné une figure qui est connue de tous les zoologistes. Mais, on doit bien supposer qu'une étude faite par un procédé aussi primitif ne saurait montrer la structure intime et complète d’un organe. Pour obtenir des résul- tats meilleurs que ceux de mes prédécesseurs, j'ai dû recourir à la méthode des coupes. Les sections longitudinales des cirrhes dorsaux pratiquées suivant le procédé que j'ai déjà indiqué dans un autre mémoire, à propos des antennes des Euniciens, m'ont surtout donné des préparations qui m'ont permis d'arriver à une connaissance exacte et complète de ces petits appareils. Téguments. — En supprimant les élytres d’une Hermione, on aperçoit facilement les téguments de la face dorsale. À un examen superficiel ils semblent lisses et dépourvus des saillies qui garnissent la face ventrale. Avant de soumettre la peau de cette région à la méthode des coupes, je l’ai examinée -par transparence sur des lam- beaux provenant d'individus qui avaient été fixés à l’acide osmique ; et j'ai pu, grâce à sa minceur, acquérir sur sa structure des notions qui m'auraient complètement échappé, si j'avais négligé celte méthode, la plus simple de toutes. Une précaution à prendre lors- qu'on veut se livrer à ces observations consiste à nettoyer avec soin, à l’aide d’un pinceau, la surface libre de la cuticule. On enlève ainsi la plupart des corps étrangers qui s’y trouvent; mais, des Diatomées d’une espèce particulière adhèrent tellement à la peau, qu’on ne réussit jamais à les faire disparaître, sil’on n’apporte pas à cette opé- ration beaucoup de soin et une certaine persistance. Mes pièces étaient, après l’action du pinceau, colorées à l’éosine hématoxy- lique, déshydratées et montées dans le baume du Canada. Quelques- unes ont été aussi examinées dans la glycérine. Si, pendant que lon étudie une préparation ainsi obtenue, on imprime à la vis du microscope des mouvements dans des sens différents, on peut exa- miner divers plans de l’objet et acquérir une idée des assises qui constituent les téguments. On trouve d’abord à la surface de la peau quelques verrucosités semblables à celles dont je ferai bientôt une 94 ET. JOURDAN. étude plus attentive à propos des téguments de la face ventrale ; mais elles sont ici très rares et fort petites. On voit aussi quelques espaces hyalins semblables à tout autant de gros pores et dont je réserve aussi l'étude pour le moment où je m'occuperai des élytres. La cuticule ne présente aucune particularité remarquable si ce n’est sa minceur et un aspect spécial dû à des stries entre-croisées, sui- vant des directions exactement perpendiculaires, stries qui lui donnent l'apparence d’une étoffe. La couche épithéliale est très nette. Les éléments cellulaires qui la constituent sont bien visibles, mais ils présentent des aspects fort bizarres. Îls sont comparables, par leur forme générale, à tout au- tant de polygones irréguliers. Quelquefois, les bords de ces poly- gones restent à peu près droits et se soudent à ceux des cellules voisines ; mais, le plus souvent, les contours de ces. éléments changent tout à fait d'aspect. Les bords de la cellule paraissent se creuser, tandis que les angles s’allongent en filaments qui vont se souder à ceux d'une cellule voisine ou se terminer librement à la base de l’épiderme. Chaque cellule est alors comparabie à un cor- puscule osseux, dont le corps serait très volumineux, relativement aux canalicules qui s'en détachent (pl. IL, fig. 4, e). Ces cellules pos- sèdent toutes un noyau et il est facile d'en distinguer parmi elles de deux sortes. Les unes sont simplement granuleuses et sans ca- ractère spécial, les autres sont fortement pigmentées. Ces dernières sont plus petites, elles semblent quelquefois dispersées régulière- ment parmi les autres cellules qu’elles paraissent même entourer, tandis qu'ailleurs elles contribuent à constituer, à elles seules, cer- taines régions de l'épiderme qui possède ainsi des parties avec pig- ment et d’autres dépourvues de matière colorante. En continuant cet examen et en abaïssant légèrement le tube du microscope on découvre un plexus à rameaux fort nombreux et qui peut, suivant le point que l’on examine, donner lieu à des interpré- tations diverses. Un examen attentif permet d’abord de séparer de ce plexus un certain nombre de cellules à prolongements, ramifiés TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 93 et anastomosés à noyaux ovales qui rappellent complètement les cellules du tissu conjonctif lâche des Vertébrés et aussi des Mol- lusques ; on serait donc en droit de les considérer comme des élé- ments du tissu conjonctif; mais les formes bizarres des cellules épithéliales de l’épiderme chez l’'Hermione et chez les Annélides en général apportent qnelque doute dans notre esprit et je ne sais s’il ne vaudrait pas mieux voir en elles des cellules de la couche épi- dermique situées un peu plus profondément. Quant au plexus lui- même on doit reconnaître, en passant en revue les différentes opinions possibles, qu'il est difficile de le considérer autrement que comme un réseau nerveux. On ne peut admettre qu'il soit formé d'éléments musculaires ; les fibres contractiles du système des muscles longitudinaux sont là pour nous montrer qu'elles sont tout à fait différentes. Il ne reste‘donc que deux interprétations possibles ; le plexus en question doit être ou vasculaire ou nerveux. Bien que les Aphroditiens soient regardés comme étant dépourvus de vais- seaux, et cest d’ailleurs mon opinion, j'ai cru cependant que quelques-uns des rameaux que j'avais sous les yeux appartenaient au système circulatoire, mais j'ai dù reconnaître bientôt que cet aspect provenait de la présence d’une gaine hyaline autour des fibres nerveuses, gaine qui pouvait simuler des parois vasculaires, Il résulte donc des lignes précédentes que le plexus sous-épithélial des téguments de la face dorsale de l’Æermione hystrix est de nature nerveuse. La couleur caractéristique que prennent ces fibrilles con- stitutives après l’action de l’acide osmique, la présence de cellules nerveuses fort rares, 1l est vrai, soit aux points nodaux, soit sur le trajet des faisceaux fibrillaires, enfin et surtout la continuité qui existe entre ce plexus et les nerfs cutanés émanant de la chaîne nerveuse ventrale, ne saurait laisser aucun doute à cet égard. Il faut donc admettre qu'il existe à la base de l’épithélium de la face dor- sale des téguments de l’Æermione hystrix un véritable plexus ner- eux en contact intime avec les cellules de l’épiderme. Une étude attentive de ce plexus fait voir que les éléments anatomiques qui 96 ET. JOURDAN. entrent dans sa constitution sont semblables à ceux dont nous pour- rons faire bientôt une étude plus complète à propos des nerfs et des rameaux nerveux de la face ventrale. Les fibres sont onduleuses, avec quelques rares noyaux, et elles sont renfermées dans une gaine délicate qui disparait au niveau des dernières ramifications. Les cellules sont généralement bi-polaires (pl. IL, fig. 4, pn) ; elles peu- vent être isolées ou groupées en petit nombre, de manière à consti- tuer des ganglions rudimentaires. Les rapports de ce plexus avec les éléments épithéliaux sont diffi- ciles à apercevoir, et j'avoue que sur ce point mes opinions sont moins fondées. Dans quelques cas favorables, on peut voir cependant que les fibrilles nerveuses se réduisent de plus en plus en nombre et que les derniers rameaux du plexus paraissent se diviser en fi- brilles qui vont se mettre en rapport avec les prolongements basi- laires des cellules épithéliales. Les éléments de l'épiderme qui ren- ferment du pigment m'ont paru être ceux dans lesquels les fibrilles nerveuses se termineraient de préférence, mais le fait est loin d’être absolu. | Les coupes ne montrent aucune particularité nouvelle au sujet de la structure des téguments de la face dorsale, La cuticule et l’épi- derme apparaissent avec des caractères qui confirment la description précédente. La face ventrale de l’Aernione hystrix est garnie de verrues de dimensions diverses qui donnent aux téguments un aspect chagriné. Les particularités intéressantes que présente cette région sont liées surtout à la présence de ces saillies; aussi ce que nous avons dit précédemment au sujet du système cutané de la face dorsale nous permettra d’être ici beaucoup plus bref. En étudiant par transparence, suivant la méthode que j'aiindiquée plus haut, les téguments de la face ventrale, on distingue d’abord les verrucosités dont je viens de parler ; on voit aussi les cellules épithé- liales de l’épiderme avec des caractères semblables à ceux que j'ai signalés précédemment et enfin le plexus nerveux à mailles plus TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 07 serrées et à aspect mieux défini qu’au niveau de la face dorsale. Il est bien difficile, à l’aide de cette méthode primitive, d’arriver à une connaissance exacte de la structure des verrues; il faut pour cela recourir à l'examen des coupes. La face ventrale de l’Æermione hystrix est sillonnée de plis trans- versaux qui sont loin de correspondre chacun à un zoonite. Ges plis sont quelquefois assez profonds, de telle sorte que les coupes trans- versales pratiquées dans cette région des tégument peuvent être exac- tement perpendiculaires à la cuticule ou bien tangentes à sa face supérieure ou inférieure. On obtiendra ainsi involontairement des coupes quelquefois irrégulières et fort intéressantes. Les sections longitudinales offrent aussi quelque intérêt, elles montrent bien la situation des verrues sur la crête des plis cuticulaires, mais elles ne sauraient être préférées aux premières pour faire voir lesrapports des saillies épidermiques avec le système nerveux. Les verrues de l’Æermione hystrix ont été vues déjà par Claparède qui en a même donné une figure t, Elle montre bien qu'il n’était arrivé qu’à une connaissance bien rudimentaire de leur structure. Ces petits organes sont en effet fort délicats, ils s’aplatissent et se déforment souvent sous la simple influence d’un réactif employé d’une facon intempestive ou sous l’action des matières à inclusion. Les réactifs fixateurs qui m'ont donné les meilleurs résultats sont l'acide osmique en solution à 0,56 pour 400 et la liqueur de Lang. Le bichromate d'ammoniaque a été ici inférieur, et l’acide picrique, pour l’Hermione aussi bien que pour les autres Annélides polychètes que j'ai eu l’occasion d'étudier, m’a toujours fourni des résultats fort mauvais. Au niveau des points où les verrues sont fixées sur les téguments, on remarque que la cuticule, qui est beaucoup plus épaisse qu’à la face dorsale, est percée d’un pore qui la traverse perpendiculaire- ment dans sa totalité. Les appendices que je désigne sous le nom de 1 CLAPARÈDE, Annélides chétopodes du golfe de Naples (pl. 1, fig. 2, k). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GËÉN. — 2€ SÉRIE.—T. V,. 1887. 7 98 ET. JOURDAN. verrues, se composent eux-mêmes d’une sorte de coque qui les limite à leur périphérie et d’une cavité centrale en rapport à travers le petit canal cuticulaire avec les couches épidermiques des tégu- ments généraux (pl. II, fig. 2). Si la pièce a été mal fixée, on obtient sur les coupes un aspect semblable à celui qui a été figuré par Claparède, c’est-à-dire que ces petits organes paraissent vides. Lorsque au contraire le sujet que l’on étudie a été bien conservé, on distingue au-dessous de la cuticule un certain nombre de cellules qui y sont exactement appliquées. Ces éléments se composent tous d’un corps cellulaire à protoplasme granuleux renfermant le noyau et d’un prolongement basilaire dirigé vers le point d'insertion de ces petits organes. L'ensemble de la cellule présente ainsi la forme d'un cône à base appliquée à la face interne de la cuticule et à sommet se prolongeant sous forme de filament délié. Les pieds de toutes ces cellules, qui sont certainement homologues aux cellules épithéliales des téguments généraux, convergent tous vers l'extrémité externe du pore cuticulaire. Quelquefois plusieurs de ces prolongements se rencontrent et se croisent en un point commun au niveau duquel on apercoit un noyau. On voit, par ce qui précède, que les verrues du système cutané de l’Hermione peuvent être considérées comme de simples saillies de la cuticule et de la couche épithéliale et qu'elles ne présentent aucun élément nouveau. Elles ne diffèrent du reste des téguments que par la grande minceur de la cuticule à leur niveau. Cette délicatesse de la cuticule dans les points qui correspondent à ces petits organes nous laisserait déjà supposer à elle seule qu'ils possèdent sinon une sensibilité spéciale, mais au moins une sensi- bilité générale plus grande que celle du reste des téguments et cette idée est confirmée par l'existence très fréquente d’un rameau du plexus nerveux sous-cutané qui va s’y terminer. J’ai déjà dit qu'il existait aussi bien ici qu'à la face dorsale un plexus de fibres nerveuses disposées immédiatement au-dessous de l’épiderme. Lorsqu'on étudie ce plexus par transparence sur un fragment de peau détachée de TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 95 l’animal, on remarque sans peine que beaucoup de rameaux émanant de ce réseau nerveux vont aboutir aux verrues. Pour examiner les relations du filet nerveux avec les saillies en question, l'étude des coupes est nécessaire (pl. IL, fig. 2, n). On voit, en observant les sec- tions de ces appendices qui passent par leur axe vertical, qu’un certain nombre de fibrilles issues du plexus et réunies en faisceau pénètrent dans le pore cuticulaire et vont se terminer à l’orifice ex- terne de ce conduit en se mettant en contact avec les prolongements basilaires des cellules. Je crois qu'il est permis de conclure des faits précédents que chez l’'Hermione hystrix les fonctions tactiles des téguments de la face ventrale se sont localisées dans des saillies en forme de verrues sphériques. Les téguments de la face ventrale du Pontogenia chrysocoma pré- sentent aussi des saillies verruqueuses semblables par léur disposi- ton et leur structure générale à celle de l'Hermione. Ces petites ver- rues se voient très bien sur les coupes d'ensemble des téguments ; on remarque qu'elles sont disposées surtout près des flancs de l’ani- mal et qu’elles se composent essentiellement d’une éminence de la cuticule en forme de bouton pédonculé (pl. IL, fig. 3). Chacune de ces verrues renferme uue petite sphère creuse située près de son extrémité et un canal qui traverse la cuticule et la tige de lappen- dice suivant son axe. La cavité de la verrue est donc ici comme chez l’'Hermione en relation avec les couches sous-cuticulaires, etil est facile de voir que certaines cellules de l’épithélium épidermique groupées à l’orifice interne du canal cuticulaire envoient dans ces papilles des prolongements qui pénètrent jusque dans la dilatation terminale. On peut donc considérer la disposition que je viens de décrire comme un état rudimentaire de ce qui existe chez l’Her- mione. Les boutons cuticulaires du Pontogenia chrysocoma sont la première indication des verrues de l’Æermione hystrit. Il me parait résulter des observations précédentes qu’il est impos- sible de refuser des fonctions sensitives aux petits organes décrits 100 ET. JOURDAN. dans les lignes précédentes. Mais je dois faire remarquer qu'il faut se garder d'une exagération à laquelle on est trop souvent porté, et ne pes se laisser aller jusqu’à attribuer aux verrues de l’Hermione des fonctions analogues à celles d’un sens du toucher actif. Si l’on tient compte de l'épaisseur considérable de la cuticule de la face ventrale de cet Aphroditien, il n’est pas étonnant que la sensibilité cutanée soit localisée là où la minceur des téguments était la plus grande et que les nerfs du plexus sous-épithélial de cette région aillent aboutir aux points où le contact avec l'extérieur était plus facile, où la cuti- cule était la plus mince, c’est-à-dire au niveau des verrues. J'admets donc que ces saillies cutanées représentent des points du tégument doués d’une sensibilité générale plus grande, mais je ne saurais les considérer comme des organes du toucher actif. Nerfs cutanés. — Le plexus sous-épithélial est en rapport avec des nerfs assez volumineux qui se détachent de la chaîne nerveuse au niveau de chaque zoonite. Ces nerfs cutanés ont une structure sem- blable à celle des connectifs, c’est-à-dire qu'ils se composent de fibrilles remarquables par leur minceur. J'ai étudié ces filets ner- veux sur des coupes transversales. et sur des pièces dissociées, mais je crois devoir prendre pour base de cette description la structure des connectifs du système nerveux ventral. En dissociant des tron- çons de la chaîne nerveuse fixée par l'acide osmique, on voit que ces connectifs se composent de fibrilles très fines à trajet onduleux, à aspect homogène et à cassure nette. Ces fibrilles paraissent être fort longues, car il est impossible d’en rencontrer une seule qui ne se termine pas par une extrémité brusquement tronquée. Les nerfs cutanés sont formés de fibrilles semblables, mais, lors- qu'on examine une coupe transversale d’un de ces rameaux, on est frappé par l’existence, autour de la section de quelques-unes de ces fibrilles, d’une petite zone claire bien limitée à sa périphérie, indiquant l'existence d’une gaine véritable propre à chaque fibre. Cette gaine ne saurait être confondue avec des prolongements de celle qui enve- loppe le nerf tout entier ; elle tranche, en effet, par sa transparence TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 101 à la fois avec la fibrille qu'elle renferme et avec les prolongements de la gaine du nerf qui occupent les espaces intermédiaires aux fibrilles. On pourrait croire peut-être que l'aspect sur lequel j'insiste est le résultat de l’action des réactifs qui, en gonflant certains éléments, ont fait apparaître, sous forme d’espace clair, une zone pouvant passer pour la coupe d’une gaine. Gette interprétation ne peut être admise parce que, dans ce cas, toutes les sections des fibrilles du même nerf apparaîtraient avec des aspects semblables, tandis que nous remarquons, au Contraire, que les points, sous la forme des- quels se montrent les coupes des fibres, sont entourés, les uns d’un limbe fort large, tandis que les autres en possèdent un beaucoup plus réduit et même que la grande majorité des fibrilles semblent complètement dépourvues de toute formation analogue. On doit donc admettre que ces gaines existent réellement, mais qu'elles peuvent ou disparaître ou s'appliquer si étroitement sur la fibrille elle-même qu'elles ne sont plus visibles. La dissociation des nerfs appartenant à des pièces fixées par l’acide osmique ne nous fournit aucun renseignement nouveau. Les fibrilles nerveuses se présentent avec des caractères semblables à ceux que je viens de signaler pour les connectifs ; elles sont seule- ment plus droites, moins tortueuses, et lorsqu'elles sont complète- ment isolées, aucune d’entre elles ne présente la gaine dont je viens de parler, ce n’est que lorsque les fibrilles sont encore réunies en faisceaux qu'elles paraissent présenter un aspect variqueux, dont les dilatations correspondent sans doute aux gaines que l’on aperçoit sur les coupes. Fibres musculaires. — Les fibres musculaires de l’Hermione, sur- tout celles qui appartiennent au système des muscles longitudinaux, sont remarquables par l'irrégularité de leur forme. Elles présentent toutes des régions plus épaisses les unes que les autres. Souvent, certains de ces éléments se composent de deux extrémités renflées réunies par un étranglement d’une longueur variable.(pl. HT, fig. 4). Ces fibres n’offrent aucune strie transversale ou longitudinale; elles 102 Ej. JOURDAN. ne sont pas rubanées, mais irrégulièrement cylindriques et parais- sent entièrement constituées par une substance contractile, se colo- rant, comme toujours, en jaune orangé, par le picro-carmin. Ces fibres sont pourvues d’un noyau situé en dehors de l'épaisseur de la substance musculaire et accompagné d'une faible quantité de protoplasma hyalin. Ce protoplasma est maintenu en place par une membrane cellulaire très délicate, quise perd à la surface de la fibre (pl. I, fig. 5). Elytres. — Un naturaliste anglais, Haswell ‘, a récemment donné de la structure générale des élytres des Aphrodites une descrip- tion dont je reconnais volontiers la complète exactitude. On verra, par les lignes qui vont suivre, que je ne diffère de lui que par quel- ques points de détail et, surtout, par l'interprétation différente que je donne du tissu constitutif de la couche moyenne. Avant l’auteur précédent, d’autres zoologistes avaient compris, d’une manière assez exacte, la structure de ces organes. Ehlers ?, par exemple, avait si- gnalé les particularités essentielles de leur constitution et, surtout, l'existence du plexus nerveux, qui permet de leur attribuer des fonc- tions sensitives ; mais Haswell est certainement, de tous les auteurs qui se sont occupés de cette question, celui qui a le mieux interprété leur structure et leur rôle. Ce zoologiste distingue, dans les élytres, une double cuticule recouvrant les faces supérieure et inférieure, deux couches de cellules et une couche fibreuse. Il nie l'existence d'une cavité qui séparerait l’élytre en deux feuillets et serait en communication avec la cavité générale ; il admet que la couche fi- breuse représente morphologiquement le système musculaire des téguments. Il résume, enfin, les fonctions des élytres, en disant qu’elles servent à protéger l’animal, à produire de la lumière phos- phorescente, à participer à l’exercice des fonctions sensitives et à l’incubation. 1 W. Haswelz, On the structure and fonctions of the Elytra of Aphroditacean Annelids (Annals and Magazine of Natural History. Fifth series, t. X, sept. 1882). 2 EaLers, Die Borlenswurmer. TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 103 J'adopte complètement, pour l'Hermione, le plan général de structure que je viens d'exposer, d’après Haswell. J'étudicrai suc- cessivement une cuticule, une couche cellulaire et une couche in- termédiaire, que l'on peut appeler fibreuse, en faisant remarquer, toutefois, que ce mot ne doit pas avoir la signification anatomique qu'il a chez les Vertébrés. Je terminerai, enfin, par l'examen du plexus nerveux et de ses rapports avec la cuticule, La cuticule des élytres est, comme on peut le supposer, en continuité avec celle des parois du corps et elle possède des carac- tères semblables. Sa minceur relative rappelle celle de la face dor- sale; mais, un examen attentif permet d'y distinguer quelques particularités qui manquent ailleurs. On remarque d’abord, lors- qu'on examine par transparence la cuticule de la face supérieure de l’élytre, un certain nombre de contours polygonaux qui persis- tent même lorsque cette membrane a été complètement débar- rassée de sa couche cellulaire. En étudiant une coupe transver- sale, on voit que le même dessin se reproduit sous forme de dents, faisant saillie au-dessus du bord de la coupe. Il est donc permis de penser que la face supérieure des élytres n’est pas lisse, mais qu’elle est parcourue par de légères crêtes qui la divisent, en formant des lignes régulières. L'examen des mêmes préparations montre encore qu'il faut distinguer dans la cuticule deux couches différentes. Une couche profonde assimilable, par tous ses caractères histologiques, à celle des téguments et une mince zone superficielle, qui se dis- tingue de la couche profonde par la coloration jaune intense qu’elle prend par le picro-carmin, ainsi que par un ensemble de carac- tères qui permettent de la considérer comme une cuticule ayant subi un degré de plus de transformation, c'est-à-dire comme une membrane chitineuse, protégeant l’élytre à la facon d'un mince vernis. Cette cuticule ne présente rien de semblable à des verrues ou à des papilles, mais elle offre des pores volumineux, apparaissant sous forme de petits disques clairs, de volumes égaux et dispersés, sur- 104 ET. JOURDAN. tout, près du bord de l’élytre. Sur des coupes, aussi bien que sur des cuticules observées par transparence, on remarque, sans peine, que les branches terminales du plexus nerveux de l’élytre vont abou- tir à ces pertuis et s'y terminer. Au-dessous de la cuticule de chacune des faces de ces appendices on aperçoit une couche de cellules qui peuvent être considérées, à bon droit, comme homologues à celles de la couche épithéliale externe des parois du corps. Ces cellules ont des contours polygo- naux réguliers, bien visibles lorsqu'on examine par transparence un lambeau de ces petits organes ; on ne saurait douter de leur individualité cellulaire, d'autant plus que chacune d’elles possède un noyau fort net (pl. IL, fig. 7, e). Le protoplasma de ces cellules contient un grand nombre de granulations pigmentées brunes qui prennent une teinte encore plus foncée sous l'influence de l'acide osmique. Ces éléments sont tous semblables ; ils ne se modifient qu’au niveau des trous de la cuticule dont j'ai signalé plus haut l'existence ; ils sont dépourvus de membrane d’enveloppe. La couche fibrillaire intermédiaire aux deux couches cellulaires et comblant l’espace qui existe entre elles se compose de fibrilles ayant sur les coupes des dispositions un peu différentes, suivant que l’on considère le bord ou le centre de l’élytre. Près du bord, surtout lorsque la pièce a été traitée par un réactif qui ne rétracte pas les éléments, comme, par exemple, par l'acide chromique en solution faible, on voit que ces fibrilles vont directement, comme tout autant de fils rigides, d'une couche cellulaire à l’autre (pl. I, fig. 6). Lors- qu’on examine cependant une coupe du centre du même organe, on remarque sans peine qu'il existe au milieu un espace vide divi- sant en deux la zone fibrillaire. On serait donc tenté de croire qu'ici les fibrilles ne traversent plus l’élytre dans toute son épaisseur. Mais, pour peu que l’on examine cette question, on voit que, si l’on con- sidère la structure générale de cet organe, il faut plutôt admettre que les fibrilles, n'ayant pas toujours une disposition exactement perpendiculaire et traversant l'élytre obliquement, seront coupées TÉGUMENTS ET APPENDICÉS SENSITIFS. 105 par le rasoir, de telle sorte que la couche fibrillaire semblera formée de deux groupes de fibres délicates appartenant, les unes à la face dorsale, les autres à la face ventrale des parois de ces appendices. Il me reste à examiner de quelle nature sont ces fibrilles et quel est le groupe d'éléments anatomiques dont il est possible de les rap- procher. J'ai déjà eu l’occasion, dans une note ’, d'attirer l’atten- tion sur les caractères présentés par ces fibrilles, chez les Anné- lides du genre Polynoë. Les fibres qui entrent dans la constitution des élytres de l’/ermione hystréx et du Pontogenia chrysocoma, offrent les mêmes propriétés. Sur les pièces dissociées, on les rencontre sous forme de fibrilles fusiformes, légèrement renflées à leurs deux extré- mités. L’acide osmique ne les colore pas et leur conserve même une certaine transparence; elles sont hyalines et présentent, surtout lorsqu'elles sont courtes, une rigidité caractéristique et une cassure nette (pl. IE, fig. 6, je). Chez l'Hermione comme chez les Polynoës, elles ne se laissent jamais diviser en fibrilles plus petites. Elles se colorent difficilement et, grâce à cette particularité, contrôlée d’ail- leurs par plusieurs autres, on arrive à les distinguer sans peine des fibres musculaires qui s’y trouvent quelquefois mêlées. L’acide acé- tique et la potasse caustique ne leur font subir aucune modification, elles disparaissent lorsqu'on les chauffe dans le dernier de ces réac- tifs, en même temps que la cuticule. Tous ces caractères éloignent ces fibrilles, aussi bien du tissu musculaire que du tissu conjonctif classique, c’est-à-dire tel que nous le connaissons chez les Verté- brés. Je n'insiste pas davantage sur la nature de ces fibres, je me contenterai de rappeler les conclusions que j'ai posées à ce sujet dans le mémoire que j'ai déjà cité : « Ces deux groupes de faits m'engagent à voir, dans les fibrilles des élytres, des éléments anato- miques différant à la fois du tissu musculaire et du tissu conjonc- tif ; ils me portent aussi à les considérer comme des produits épi- * Et. Jourpan, Structure des élytres de quelques Polynoës (Zoologischer Anzeiger, 2 mars 1885, no 189). 106 ET. JOURDAN. théliaux ; en un mot, à faire entrer les fibrilles des élytres des Po- lynoës et des Aphroditiens dans le groupe des formations épider- miques interépithéliales, où je les rangerai volontiers à côté des cuticules, des basales, des membranes limitantes, des fibres de sou- tien de la rétine. » On a signalé depuis longtemps déjà, dans l’épaisseur des élytres, un plexus nerveux fort riche dont l'existence a été contrôlée par plu- sieurs observateurs ; je n’ai donc pas la prétention de décrire pour la première fois ce plexus chez l’Hermione, mais simplement de mieux l’étudier et de décrire le mode de terminaison de ses rameaux. Sur les pièces fixées à l’acide osmique, la démonstration de l’exis- tence de ce plexus est des plus faciles, ses fibres sont fortement co- lorées en noir et les rameaux les plus fins sont encore visibles, grâce à l’action de ce réactif. Si l’on examine par transparence une élytre entière ou bien un de ces appendices, que l’on a divisé en deux en séparant les deux lames cuticulaires, on distingue sans peine un plexus de fibres nerveuses assez volumineuses au centre de l’organe et diminuant à mesure qu’elles se divisent et se rapprochent des bords de l’élytre. Ces fibres paraissent homogènes, mais cet aspect disparaît lorsqu'on étudie des coupes de ces éléments, elles se mon- trent alors formées de fibrilles très fines qui se séparent pour former des faisceaux plus petits. Les rameaux de ce plexus nerveux sont accompagnés de noyaux qui appartiennent sans doute aux cellules de la gaine ; les cellules nerveuses me semblent manquer aussi bien aux points nodaux que sur le trajet des filets nerveux. Arrivés près des bords de l’élytre on voit un certain nombre de ces fibres nerveu- ses se diviser brusquement en plusieurs fibrilles qui constituent ensemble une sorte de cône à base implanté sur la cuticule et en con- tinuité avec la fibre (pl. II, fig. 7, in). Une étude attentive permet aussi de reconnaître que ce cône terminal est en rapport avec ces pores volumineux comparables à de véritables trous que j'ai déjà signalés dans la cuticule. Pour pénétrer davantage dans la connais- sance de ce mode de terminaison nerveuse et pour apprécier les rap- TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS, 107 ports qui existent entre les extrémités des fibrilles nerveuses et les cellules de l'épiderme au niveau des pores cuticulaires, il faut re- courir à l'observation des coupes (pl. IE, fig. 8). On voit qu’au niveau des orifices internes des pores cuticulaires les cellules changent d’as- pect, elles ont perdu leur forme pavimenteuse et les fibrilles épider- miques qui hérissent la face interne des autres cellules leur font complètement défaut. Ces cellules se présentent d’ailleurs avec des caractères qui sont loin d'être constants. Quelquefois elles sont pres- quecomplètement hyalines ; le protoplasma s’est accumulé à la base de l'élément, l'extrémité périphérique de la cellule offre au con- traire une transparence complète. Ailleurs les éléments épithéliaux sont devenus plus minces sans que le protoplasma cellulaire subisse les modifications que je viens de signaler. Get état se rencontre sur- tout sur les cirrhes dorsaux ; il est plus rare dans les élytres. Ces cellules épithéliales, aussi bien celles qui sont devenues hyalines que celles qui se sont allongées en éléments fusiformes, pénètrent au nombre de trois, quatre ou même davantage, dans les trous de la cuticule et les comblent complètement. Leurs extrémités périphé- riques sont en rapport direct avec l'extérieur, tandis que leurs pieds s’effilent et se mettent en rapport avec les fibrilles nerveuses for- mant les parois du petit cône terminal que j'ai signalé plus haut. Toutes les fibrilles nerveuses constitutives d’un de ces petits appa- reils terminaux ne vont pas aboutir aux cellules circonscrites par la base de ce cône. Quelques-unes se prolongent au-delà de cette base et courent au-dessous de l’épiderme, où elles paraissent se terminer par des extrémités libres (pl. IT, fig. 7, fn). Les lignes précédentes montrent que les élytres, sans être des organes actifs du toucher, possèdent une sensibilité générale encore plus grande que celle des téguments de la face ventrale. En effet, ces appendices renferment un plexus nerveux fort riche et les cellules épidermiques sont, sur certains points, en contact direct avec le milieu extérieur. Palpes. — Parmi les appendices du segment céphalique il est pos- 108 ET. JOURDAN. sible d'établir chez l'Hermione, aussi bien que chez les Polynoës, deux groupes d'organes bien distincts au point de vue de leur struc- ture anatomique. Les palpes représentent une première forme de ces appareils, tandis que les antennes diffèrent peu des cirrhes ten- taculaires qui sont eux-mêmes semblables aux cirrhes dorsaux. Les palpes se distinguent facilement. par leurs formes régulièrement co- niques, par leurs dimensions plus fortes et enfin par les nombreuses petites papilles qui les garnissent sur toute leur longueur. L'examen, par transparence, de ces petits organes ne nous permet pas de pé- nétrer beaucoup dans la connaissance de leur structure. La méthode des coupes est ici encore le procédé anatomique qui m'a le mieux réussi. J'ai pu, à l’aide des inclusions dans la paraffine, débiter en coupes transversales et longitudinales quelques-uns de ces petits organes. Les sections transversales sont les plus utiles pour arriver à une connaissance générale de leur structure. À un examen super- ficiel on voit que chaque palpe est essentiellement constitué par une cuticule reposant sur une couche épithéliale homologue de l’épithélium ectodermique des parois du corps ; par un étui muscu- laire comprenant une couche de fibres musculaires circulaires et une autre de fibres longitudinales et enfin par un axe constitué d’un tissu fibrillaire que l’on peut appeler conjonctif, mais qu'il est difficile d’assimiler complètement au tissu conjonctif, classique (pl. IL, fig. 9). Ces différentes assises présentent des particularités qui méritent de fixer un instant notre attention. L’hypoderme des auteurs est formé ici de cellules semblables à celles des ély- ires, mais offrant par quelques points des ressemblances avec celles des téguments généraux. Ces cellules se composent d’un corps protoplasmique appliqué à la face interne de la cuticule et ren- fermant le noyau et de deux ou plusieurs prolongements basilaires transformés en fibrilles fort délicates (pl. IV, fig. 10). La partie pro- toplasmique de ces éléments cellulaires semble encoreici dépourvue de membrane d'enveloppe, elle contient quelquefois des grains de pigment brun; les prolongements basilaires qui partent de l’extré- TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 109 mité interne de la cellule ont une longueur quatre ou cinq fois plus grande que la cellule elle-même. Ces fibrilles me paraissent repré- senter la première indication de ce que nous trouvons avec un dé- veloppement exagéré dans les élytres; elles pénètrent au milieu des fibres musculaires circulaires qu’elles soutiennent et vont se ter- miner sur une membrane limitante qui sépare sous la forme d’une ligne hyaline le système musculaire circulaire des fibres musculaires longitudinales. Entre ces fibrilles épidermiques, on trouve des élé- ments de différente nature. C’est là que l’on rencontre le nerf du palpe, remarquable par sa situation excentrique. Il se compose de fibrilles très fines, complètement dépourvues de gaine. Les cellules nerveuses sont très rares, et on ne peut constater leur existence qu’en examinant des coupes longitudinales. Chaque palpe possède encore, outre ce nerf, un ou deux autres filets nerveux moins volumineux, mais ils attirent peu l'attention, et ce n’est que près de l’extrémité libre de ces petits organes qu'il est permis de constater leur existence. La couche ectodermique renferme encore, dans cette région profonde, des fibrilles très minces, colorées en gris par l'osmium; on doit les considérer comme des éléments nerveux provenant de la dissociation des faisceaux. Cette région montre aussi des cellules indépendantes des éléments épithéliaux situées au-dessous d'eux, le plus souvent fusiformes, et dont la véritable nature est difficile à interpréter. Quelques-uns sont des éléments nerveux analogues à ceux qui font partie d’un plexus ayant une situation semblable dans les cirrhes dorsaux ; mais il est bien probable que tous ne sont pas de nature nerveuse. L’épiderme des palpes est, ainsi que je l’ai dit plus haut, surmonté d’une culi- cule mince et garnie de crêtes. Cette cuticule possède des papilles longues et très délicates ; elles reçoivent une expansion protoplas- mique d’une cellule épithéliale qui les pénètre comme le proto- plasma de la cellule des poils sensitifs des insectes. Les pieds de ces éléments épithéliaux, légèrement transformés, sont sans doute en rapport avec des fibres nerveuses; mais l’analogie de structure avec 110 ‘ET. JOURDAN. ce qui existe sur les cirrhes m’autorise seule, je dois l'avouer, à cette conclusion. Les fibres musculaires circulaires ne présentent aucune particula- rité remarquable, elles sont très petites, rubanées et dépourvues de ces irrégularités d'épaisseur que j'ai signalées à propos des muscles des parois du corps. Ces fibres musculaires sont séparées du système des muscles longitudinaux par une membrane très délicate, qui ap- paraît sur les coupes transversales, sous la forme d’une ligne moins colorée. Les fibres musculaires longitudinales elles-mêmes sont seulement un peu plus fortes que les précédentes, mais elles n’of- frent aucun caractère spécial. | Au centre du palpe, on trouve un tissu particulier, constitué de fibres et de noyaux, formant l’axe de l’organe, et qu'il est bien dif- ficile d’assimiler complètement à une variété quelconque de tissu connectif (pl. IL, fig. 9, fc). Lorsqu'on se contente d’un examen superficiel et à un faible grossissement d’une coupe transver- sale, il semble que toutes ces fibrilles émanent d’un point cen- tral et se dirigent, en rayonnant, vers la périphérie ; mais il est facile de se convaincre que les fibrilles en question s’entre-croisent au centre du palpe et qu’en réalité elles vont, sans discontinuité, d’un bord de l’axe fibrineux à l’autre. Elles traversent donc la masse centrale dans toute son épaisseur, pénètrent même dans lä couche des muscles longitudinaux et vont se perdre au niveau de la limite qui sépare les deux systèmes musculaires. Quelques-unes de ces fibrilles semblent indépendantes de n’importe quel élément cellu- laire, tandis que les autres, accompaynées de noyaux, paraissent liées intimement à une cellule et être le produit de leur évolu- tion. ‘ Quant aux fibres elles-mêmes, elles sont droites, rigides, et pa- raissent susceptibles de se décomposer en un grand nombre de fibril- les très fines, formant, entre les travées principales, un reticulum des plus délicats. Je n'ai pas réussi à dissocier cette partie axiale des palpes; aussi n’ai-je pu acquérir de ce tissu qu'une idée incomplète. TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 111 Peut-être qu’en étudiant d’autres types, on réussirait à mieux le comprendre. Cèrrhes dorsaux. — Claparède a figuré depuis longtemps, dans ses Annélides chétopodes du golfe de Naples, l'aspect de ces petits organes vus par transparence. Dans le cas où ces appendices étaient assez minces, il est arrivé à acquérir ainsi une idée juste de leur structure, chez l’'Hermadion, par exemple, mais, lorsque ces cirrhes étaient opaques et un peu épais, il lui a été impossible d'arriver à une connaissance exacte de leur constitution; aussi voyons-nous que, si ses descriptions sont justes dans certains cas, elles sont ailleurs incomplètes. Aujourd’hui, tous les auteurs s'accordent pour considérer les cirrhes dorsaux comme des organes sensitifs; mais c'est encore aux observations de Claparède que l’on s’en rapporte et personne, à ma connaissance du moins, n’a essayé de compléter ces études. Lorsqu'on examine une Hermione vivante, on remarque, sur la face dorsale et près des flancs de l’animal, un certain nombre de cirrhes dépendant chacun d'un parapode. Ces cirrhes se recon- naissent à leur couleur plus pâle que celle des soies et aussi à leur mobilité. L'animal les déplace avec facilité, et lorsqu on lracasse une Hermione, on la voit les diriger en même temps que les soies vers l’objet qui risque de la blesser. Ces appendices sont fort minces et très longs. Il est difficile de donner de leur longueur totale un chiffre qui puisse s’appliquer à tous les cas ; on peut dire seulement qu'ils atteignent quelquefois près d’un centimètre. Ils sont cylin- driques, mais ils offrent des dimensions un peu plus fortes à leur base que près de leur extrémité ; leur diamètre moyen est de vingt centièmes de millimètre. Chacun d'eux se compose de deux pièces que l’on dit articulées l’une avec l’autre, mais qui, en réalité, ne semblent pas jouir d’une grande mobilité. L'article inférieur est beaucoup plus long que l’autre, il est cylindrique, c’est la tige du cirrhe dorsal. L'autre est très court, sa longueur ne dépasse pas quarante à cinquante centièmes de millimètre ; il est en forme de 112 ET. JOURDAN. massue et entre en rapport avec le segment inférieur par son extré- mité effilée (pl. IV, fig. 13). Les coupes transversales sont sans doute bien plus faciles à prati- quer dans ces petits organes que les coupes longitudinales ; mais ces dernières sont de beaucoup les plus instructives, elles montrent, en effet, l’organisation du cirrhe dans toute sa longueur et permet- tent d'apprécier sur une seule coupe les différences qui existent entre la tige de ces appendices et leur article terminal. Ce sont ces coupes que j'aurai surtout en vue dans les lignes suivantes, On remarque d’abord, entre les palpes et les cirrhes, une différence fon- damentale. Le nerf de ces derniers organes n'est pas situé, comme dans les appendices que j'ai décrits en dernier lieu, dans l'épaisseur de la couche épithéliale et immédiatement au-dessous de la cuticule; il occupe au contraire l’axe du cirrhe ; de plus, les couches mus- culaires font défaut, enfin, le tissu conjonctif qui forme la plus grande partie de la masse du palpe manque complètement. Nous voyons donc que les cirrhes dorsaux se réduisent à une cuticule disposée au-dessus d’un épithélium ectodermique et à un nerf occu- pant l’axe de l’organe (pl. IV, fig. 43). La cuticule offre peu d'intérêt, elle est seulement plus mince au niveau de l’article terminal que sur la tige. De plus, on note une autre différence importante : la cuticule du segment basal est [per- cée de trous en entonnoir, celle de la massue terminale est conti- nue et sans pores. La couche cellulaire sous-jacente participe des caractères que j'ai déjà signalés ailleurs. Chaque élément épithélial se compose du corps de la cellule renfermant le noyau et d’un prolongement basi- laire filiforme. Le corps de la cellule est granuleux, pigmenté et appliqué exactement à la face interne de la cuticule. Lorsqu'on regarde la cuticule de face et par transparence, on remarque que ces cellules ont des contours polygonaux. Les prolongements basi- laires sont remarquables par leur délicatesse; ils constituent une masse de filaments qui dans l'épaisseur du cirrhe se dirigent dans TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 113 toutes les directions : tantôt, ils se soudent à des prolongements des cellules voisines ; tantôt ils viennent se perdre à la surface du nerf. L'espace entre ces fibrilles épidermiques ne se colore pas par les solutions de carmin. Le réseau formé par ces prolongements basi- laires (pl. IV, fig. 13, fe)entre-croisés donne aux coupes des cirrhes un aspect particulier et l’on admettrait difficilement, si l’on n’était pas habitué aux caractères bizarres que peuvent prendre les formations épithéliales chez les Annélides, que le tissu en question soit de nature ectodermique. Le nerf du cirrhe tranche par sa netteté et par la couleur grise, presque noire, que lui donne l'acide osmique. Ce nerf ne présente aucune particularité anatomique, je n’insiste pas sur sa structure ; ce que J'ai dit à ce sujet, dans les pages précédentes, suffit pour nous apprendre comment il est constitué. Entre ce filet nerveux et le corps des cellules épidermiques, on trouve, au milieu des fibrilles qui dépendent de ces éléments, un cer- tain nombre de cellules et de faisceaux fibrillaires dans lesquels il est facile de reconnaître un tissu tout à fait différent. Les cellules sont volumineuses, possèdent un gros noyau, sont munies de plu- sieurs prolongements; leur protoplasma est homogène et coloré en gris foncé, par les solutions d'acide osmique. Les faisceaux fibril- laires prennent aussi, sous l'influence de l’osmium, une teinte plus sombre, ils émanent du nerf, ils s’anastomosent avec des éléments semblables et viennent aboutir aux cellules situées au niveau des pores de la cuticule (pl. IV, fig. 15, n). De cet ensemble decaractères on peut conclure, sans le moindre doute, qu’il existe, entre le nerf et les parois du cirrhe, un plexus de fibres et de cellules nerveuses qui mettent en rapport intime ces deux parties de la tige de ces appendices. Il me reste à examiner comment les éléments nerveux se terminent au niveau des pores de la cuticule. Cette question est des plus difficiles à résoudre, et il faut examiner une série de ces terminaisons nerveuses pour arriver à comprendre comment elles sont constituées. J'ai déjà eu l’occasion de décrire, à propos des ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 9€ SÉRIE. — T, V. 1887, 8 114 ET. JOURDAN. élytres, les modifications que les cellules épithéliales subissent au niveau des trous cuticulaires de ces organes membraneux. Les élé- ments épidermiques des cirrhes présentent des transformations analogues. La cellule se modifie de manière à prendre de plus en plus l'apparence d’un bâtonnet; quelquefois, plusieurs cellules semblables sont groupées en faisceaux et les extrémités de ces cellules font saillie à la surface de la cuticule. Aïlleurs une seule cellule présentant tous les caractères d’un élément nerveux (pl. IV, fig. 15, cs) paraît se mettre directement en rapport avec l'extérieur. Ces cellules ainsi transformées sont souvent séparées de leurs voi- sines par un espace hyalin dont je n’ai pu apprécier la nature. Les rapports des pieds des cellules sensitives, qui garnissent les pores, avec le plexus nerveux et par conséquent avec le nerf lui-même, ne sauraient faire l’objet d'aucun doute ; aussi faut-il admettre que c’est bien là que les fonctions sensitives sont localisées sur la tige des cirrhes. Lorsqu'on suit le nerf jusqu’au point où la tige du cirrhe s'articule avec la massue terminale, on voit qu'avant d'y pénétrer en se disso- ciant, le nerf rencontre un petit ganglion formé de grosses cellules qui appartiennent bien certainement au groupe des éléments ner- veux (pl. IV, fig. 13, gn). Ges cellules sont à un seul ou à deux pro- longements; dans le premier cas, ce prolongement se dirige vers le centre dü ganglion et, de là, se perd sans doute dans le nerf (pl. IV, fig. 14). Lorsque la cellule possède deux pôles, le prolongement qui part de l’un de ces pôles se dirige vers l'extrémité du cirrhe, tandis que l’autre est en rapport avec le nerf. Ces éléments cellulaires sont constitués par un protoplasma à peine granuleux, renfermant un gros noyau sphérique, Elles montrent une région corticale qui peut passer pour une membrane d’enveloppe. Les fibres nerveuses qui émanent du nerf dissocié et celles qui proviennent de ces cellules ganglionnaires pénètrent, sans se recon- stituer en nerf distinct, dans l’article terminal. Elles se mêlent aux prolongements basilaires des cellules épidermiques, quelques-unes TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 115 s'arrêtent sur les parois de cette petite massue, mais le plus grand nombre arrive jusqu’à son extrémité et aboutit à la base des longues cellules qui sont groupées dans cette région (pl. IV, fig. 43, cs). De la description précédente, je crois que l’on peut conclure que les cirrhes dorsaux sont des organes du toucher actif. Grâce aux mouvements des parapodes dont ils dépendent, ils peuvent exercer de véritables fonctions tactiles. Nous avons vu, en outre, que le nerf qui les parcourt entre en communication avec l'exté- rieur au niveau des pores, dont la tige de ces appendices est percée eb aussi après avoir traversé un ganglion avec l’épithé- lium de l'extrémité de l’appendice. Cette richesse d’innervation et ces connexions fréquentes avec les éléments épithéliaux in- diquent bien les fonctions spécialement sensitives de ces petits ‘ organes. L'existence d’un petit ganglion de renforcement offre aussi quelque intérêt. Ge fait anatomique pourrait être considéré comme un exemple emprunté aux Invertébrés, à l'appui de l'opinion des histologistes qui croient que toute terminaison nerveuse sensitive est accompagnée de cellules ganglionnaires. POLYNOE GRUBIANA. Les résultats que j'ai obtenus sur l’Hermione m'ont engagé à étendre ces recherches anatomiques aux représentants d’une famille voisine, celle des Polynoïdiens. J'ai déjà fait connaître ailleurs les résultats de mes observations sur les élytres, et les particularités que je viens de décrire à propos de l’Hermione m'autorisent à entrer dans de moins grands développements. Je limiterai donc la des- cription qui va suivre aux points sur lesquels il m'a été possible de constater quelque différence avec les organes semblables de l’A- phroditien que je viens d’étudier. Téguments. — Les parois du corps du Polynoë Grubiana et celles de l’Æermione hystrix ne présentent aucune différence sérieuse. Seules les verrucosités de la face ventrale ont disparu chez les Po- 116 ET. JOURDAN. lynoës. Le plexus nerveux sous-épithélial est fort net, mais il offre les mêmes caractères que dans l’espèce précédente. L'étude des appen- dices offre plus d'intérêt, Je m'’arrêterai d’abord un instant sur les élytres, pour compléter mes observations à ce sujet; j'examinerai ensuite les cirrhes dorsaux qui présentent dans leur structure des différences notables avec ceux de l’Hermione. Elytres. — J'ai déjà décrit dans le mémoire cité plus haut la struc- ture de ces petits organes et leurs particularités anatomiques. Je n’y reviendrai pas. Je m’exposerais, en effet, à des répétitions inutiles et à décrire comme nouveau ce que j'ai déjà signalé ailleurs. Cependant, depuis la publication de cette note, j'ai pu mul- üplier les coupes et j'ai recueilli sur l’appareil nerveux des élytres et sur les papilles qui s’y rencontrent quelques observations com- plémentaires que je crois devoir énumérer ici. Les élytres du Polynoë Grubiana présentent un plexus nerveux analogue à celui qui existe dans les mêmes appendices chez l’Her- mione. Lorsqu'on suit les fibres de ce plexus on les voit se diriger vers les bords de ces organes lamelleux ; quelques-unes arrivent jus- qu'à ce niveau et se terminent simplement dans l’épithélium, les autres aboutissent aux papilles qui sont disposées sur la face dorsale. J'ai déjà attiré l'attention sur les saillies que cette face présente et J'ai indiqué qu'il en existait de deux espèces. Les unes que j’ai dé- signées sous le nom de verrues sont les plus grosses ; elles sont héris- sées de pointes coniques et ne reçoivent jamais un filet nerveux; les autres, que je désigne sous le nom de papilles, sont plus petites. J'ai assez insisté ailleurs sur la structure générale de ces petits appen- dices, pour qu’il me soit permis d’être ici plus bref. Nous avons vu que la forme générale de ces petits appareils était celle d’un calice et que la cuticule, au niveau de l’implantation de ces papilles, était percée d’un pore laissant passer un prolongement cellulaire ou une fibre nerveuse. J'ai signalé aussi l’existence d’un groupe de cellules qui formeraient un petit ganglion à la base de la papille; mais je n'avais pas, au moment de la publication de mon mémoire, réussi à TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 117 exécuter des séries de coupes assez heureuses pour voir les rapports de cet appareil sensitif avec le plexus général de l’élytre, et je dois avouer que les caractères des différents tissus sont souvent si peu distincts chez les Vers, que je désirais me convaincre encore davan- tage de la justesse de mon.interprétation, en démontrant l'existence d’une continuité complète entre le plexus nerveux et les ganglions des papilles. Il est fort rare de rencontrer sur une seule coupe à la fois la pa- pille, le ganglion et le rameau du plexus nerveux d’où il dépend. Néanmoins, en étudiant des coupes qui se suivent exactement on arrive à reconstituer ces relations (pl. IV, fig. 11 et 12). On voit le filet nerveux perdre sa striation longitudinale et devenir bosselé et granuleux ; on remarque, sans peine, au centre de chacune de ces saillies un noyau et autour de ces nucléus des contours cellulaires souvent fort difficiles à distinguer; quelquefois, surtout dans le cas des pièces montées dans le baume du Canada, ces limites se con- fondent au point qu'il est permis de douter de leur existence. Ces cellules prennent sous l'influence de l'acide osmique une teinte grise identique à celle du nerf; aussi me semble-t-il difficile d’ad- mettre que des éléments d’une autre nature, des cellules glandu- laires par exemple, soient venues s’adjoindre aux éléments nerveux. Ce groupe cellulaire envoie un ou plusieurs prolongements filiformes dans le canalicule qui traverse la cuticule. Ces fibres délicates arri- vent dans l'extrémité évasée de la papille (pl. IV, fig. 41, fn) et s'y terminent par un renflement au milieu d’une masse granuleuse ayant l’aspect et les caractères du protoplasma cellulaire. Ces der- niers détails sont fort difficiles à apercevoir et ce n’est qu’à l’aide de l'emploi des objectifs à immersion (je me suis servi habituellement du 40 de Prazmowsky) qu’il est possible de se convaincre de l’exis- tence des fibrilles qui traversent la cuticule. Cirrhes dorsaux. — La forme particulière qu’offrent ces appendices chez le Polynoë Grubiana m’a engagé à en faire une étude attentive. Lorsqu'on examine un Polynoë Grubiana vivant, on voit que ses 118 ET. JOURDAN. cirrhes dorsauxse distinguent de ceux de ses congénères par une forme en massue caractéristique (pl. IV, fig.16).Chacun de ces petits organes se compose, comme chez l'Hermione, d’une portion basilaire ou tige et d’un article terminal. Le’ segment basilaire est semblable à une petite colonne, dont la base serait un peu plus large que le sommet et qui porterait même à ce sommet un renflement sphérique donnant à l’ensemble l’aspect d’une massue. L'article terminal est beaucoup plus mince que chez l’Hermione ; il n’est représenté ici que par une pointe conique (pl. IV, fig. 47, A) implantée au milieu de l'extrémité renflée de l’article basilaire, comme une aigrette sur un casque. Cette pointe correspond entièrement par sa structure, ainsi que nous le verrons bientôt, au petit article renflé en massue des cirrhes de l’'Hermione; on voit cependant qu'il est d’une forme différente. Les coupes longitudinales totales et passant par l’axe sont difficiles à pratiquer. Le plus souvent lextrémité filiforme du cirrhe est plus ou moins repliée, ou bien l'organe tout entier est courbé en arc, et l'orientation en devient plus difficile. J'ai réussi néanmoins à exécuter des coupes passant par l'axe de l'extrémité de la tige du cirrhe et divisant aussi l’article terminal. La structure générale du segment basilaire est semblable à celle des mêmes appendices chez l’Hermione. Ils se composent d’une cu- ticule, d’une couche épithéliale, d’un tissu fibrillaire et d’un nerf occupant l’axe de l’organe. La cuticule est creusée à sa face interne de quelques dépressions en entonnoir, un pore étroit la traverse même à ce niveau, et des prolongements des cellules épithéliales y pénètrent ; ces formations rappellent ce qui existe chez l’'Hermione, mais elles sont bien loin d’avoir la même importance. Les cellules sont semblables aussi à celles de l’Hermione ; les éléments qui con- stituent l’extrémité renflée en sphère de l’article basilaire offrent seuls de l'intérêt par leur variété et leurs dimensions (pl. IV, fig.17, B). On remarque d’abord des cellules très volumineuses que la nature de leur protoplasma permet de classer parmi les éléments glandu- laires. Elles ont la forme de petits cœcums, dont les extrémités ou- TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 119 vertes seraient appliquées contre la face interne de la cuticule ; leur contenu est formé de grains sphériques, petits et réguliers qui occu- pent la totalité de l'élément. Ces granulations se colorent en vert pâle par le vert d'Hoffmann; elles prennent une teinte d’une inten- sité analogue par l’éosine et les autres couleurs tirées de l’aniline. Ces caractères et ces résultats donnés par les réactifs colorants m'’en- gagent à les considérer comme autant de glandes unicellulaires : mais je dois avouer que j'ai en vain cherché dans la cuticule ces pores glandulaires qui se voient si bien chez d’autres espèces. Le noyau de ces éléments est situé à l'extrémité centrale de la cellule et manque souvent; ce qui s'explique si l’on remarque que ces organites glandulaires, à cause de leur volume, ne sont jamais contenus en tota- lité dans l’épaisseur d’une seule coupe, Entre les cellules glandulaires on trouve d’autres éléments appartenant aussi à la couche épithéliale Sous-cuticulaire, et qui ont des aspects tout à fait différents (pl. IV, fig. 17, e). Ces cellules, beaucoup plus petites que les précédentes, sont en forme de cône à base appliquée contre la euticule et à som- met muni d’un prolongement basilaire. Les réactifs histologiques montrent qu’il en existe de deux sortes : les unes, d’une dimension un peu plus forte, renferment une substance protoplasmique, dans laquelle le vert d'Hoffmann fait apparaître des grains volumineux et irréguliers ; les autres sont plus petites et leur protoplasma fine- ment granuleux ne montre aucune tache qui puisse passer pour un grain de pigment. Ces deux types de cellules épithéliales sont munis de prolongements basilaires qui s’accolent souvent les uns aux autres et vont quelquefois se mettre en rapport avec le ganglion ou le nerf du cirrhe. Entre l’épithélium sous-cuticulaire et le nerf on trouve un tissu de fibrilles semblables à celles que j'ai déjà signalées dans les cirrhes et dans les palpes de l’Hermione. Je n’y reviens pas, ce que j’en ai déjà dit me permet de ne pas y insister. Le système nerveux du cirrhe est représenté par un nerf occupant l'axe et par un ganglion situé ici comme chez l’Hermione à l’extré- 120 ET. JOURDAN. mité de l’article basilaire (pl. IV, fig. 46 et 17). Le nerf ne présente aucune particularité; le ganglion est plus petit que celui de l’Her- mione, les cellules sont, pour la plupart, munies de deux prolonge- ments. Les fibres nerveuses, après avoir traversé ce ganglion, se reconstituent en faisceau qui pénètre dans l’article terminal fili- formé. Celui-ci peut donc être considéré comme le point où les fonctions sensitives s’exercent avec le plus d'activité ; on n’y ren- contre cependant aucune formation spéciale, mais la minceur de la cuticule et le fait qu’elle est appliquée directement sur les éléments nerveux expliquent la grande sensibilité spéciale à cette région. La description précédente montre que les cirrhes dorsaux du Polynoë Grubiana diffèrent fort peu par leur structure générale de ceux de l'Hermione. Les fonctions tactiles s’exercent, on le voit, sur- tout à l’aide du segment terminal et les pores tactiles de la tige du cirrhe, si développés chez l’Hermione, sont ici très réduits; de plus, les cellules glandulaires en se montrant en grand nombre et volu- mineuses à l'extrémité de l’article basilaire ont donné à ces appen- dices un aspect et des fonctions particulières. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE III. Hermione hystrix. Fic. 1. Téguments de la face dorsale vus par transparence. e, cellules épithéliales ectodermiques des parois du corps avec leurs prolongements protoplas- miques anastomosés ; pn, plexus nerveux; cn, une des rares cellules ner- veuses de ce plexus. Gr. 650. Acide osmique. 2. Cuticule et épiderme empruntés à une coupe transversale des téguments de la face ventrale. cw, cuticule ; v, une des verrues vue suivant une coupe passant par son axe ; Cv, cellules épithéliales des parois du corps, faisant partie de cette saillie cutanée ; n, nerf aboutissant à la base de ces cellules ; e, épiderme des téguments généraux. Gr. 340. Ac. osmique. 3.Coupe transversale des parois du cor ps de la face ventrale du Pontogenia chrysocoma. cu, cuticule ; e, épiderme des téguments ; me, fibres mus- culaires circulaires; v, papilles volumineuses, représentant la première TÉGUMENTS ET APPENDICES SENSITIFS. 121 indication des verrues de l’Hermione ; ne, cellules épithéliales émettant des prolongements qui pénètrent dans ces papilles. Gr. 340. Ac. osmique. Fic. 4. Fibre musculaire des parois du corps montrant des épaississements qui correspondent aux ondes de contraction. Gr. 470. Acide osmique. 5. Fibre musculaire vue au niveau de son noyau; no, noyau; p, protoplasma, se, substance contractile. Gr. 540. Acide osmique. 6. Cellules et fibrilles épidermiques d’un élytre de l’Hermione hystrix. On voit les cellules des deux faces de l’élytre, dont les prolongements basi- laires, transformés en fibrilles, s’entre-croisent ; e, cellules ; fe, fibrilles épidermiques. Gr. 410. Bichromate d’ammoniaque. 7. Cuticule, couche épidermique et plexus nerveux d’un élytre, vu par trans- parence. e, cellules épithéliales; pn, plexus nerveux ; {n, rameau nerveux dont les fibrilles se divisent et se terminent au niveau d'un trou de la cuticule. Une de ces fibrilles, fn, se prolonge au delà et paraît se ter- miner par une extrémité libre. Gr. 410. Acide osmique. 8. Coupe transversale de la cuticule et de l’épithélium sous-jacent d’un élytre de l’Hermione hystrix au niveau d’un pore sensitif. cu, cuticule ; e, cellules de l’épithélium ectodermique ; f e, fibrilles épidermiques ; cn, cellules sensitives. Gr. 410. Acide osmique. 9, Coupe transversale d’un palpe . cu, cuticule ; e, épithélium ectodermique ; mc, fibres musculaires circulaires ; ml, fibres musculaires longitudi- nales ; n, nerf; fc, tissu conjonctif axial. Gr. 100. Acide osmique. PLANCHE IV. Hermione hystrix. — Polynoë Grubiana. 10. Couche épithéliale et musculaire d’un palpe de l’Hermione, empruntée à une coupe longitudinale. cu, cuticule ; e, cellules épithéliales épidermi- ques ; fe, fibrilles épidermiques ; mec, fibres musculaires circulaires ; ml, fibres musculaires longitudinales. Gr. 410. Acide osmique. 11. Papille de la face dorsale d’un élytre du Polynoë Grubiana. cu, cuticule ; e, épiderme ; fe, fibrilles épidermiques ; c{, calice chitineux de la pa- pille; a, membrane cuticulaire, formant une sorte de couvercle à la papille ; p, corps protoplasmique ; g n, ganglion nerveux ; fn, prolonge- ments fibrillaires qui émanent de ce ganglion et pénètrent dans la pa- pille. Gr. 720. Acide osmique. Objectif, immersion à l’eau n° 10 de Prazmowski. 12. Un ganglion nerveux d’une papille des élytres du Polynoë Grubiana, mon- trant mieux que le précédent, ses rapports avec un rameau du plexus nerveux , Cu, cuticule ; e, cellules épithéliales ; fe, fibrilles épidermiques; n, rameau nerveux provenant du plexus nerveux général de l’élytre ; gn, ganglion nerveux. Gr. 720. Acide osmique. Objectif n° 10, à immersion; dans l’eau de Prazmowski. 13. Coupe longitudinale passant par l’axe d’un cirrhe dorsal de l’Hermione hystrix . À, article terminal; B, extrémité du segment basilaire ou tige ; cu, cuticule; e, cellules épithéliales; cs, cellules épithéliales sensitives 122 ET. JOURDAN. en rapport par leurs prolongements basilaires, fn, avec le ganglion et le nerf du cirrhe; gn, ganglion du cirrhe; nc, nerf du cirrhe ; fe, fi- brilles épidermiques en rapport avec les cellules épithéliales, en prove- nant, et formant, par leur entre-croïisement, un tissu de remplissage qui occupe tout l’espace entre les parois du cirrhe. Gr. 220. Acide osmique. FiG. 44, Ganglion nerveux de l’extrémité périphérique du segment basilaire d’un cirrhe de l’Hermione; nc, nerf du cirrhe ; n, cellules nerveuses. Gr. 480, Acide osmique. 15. Coupe longitudinale des parois de l’article basilaire d’un cirrhe dorsal de l’'Hermione ; cu, cuticule ; e, cellules épithéliales ; n, rameau du plexus nerveux du cirrhe ; cs, cellule sensitive. Gr. 480. Acide osmique. 16, Coupe longitudinale passant par l’axe d’un cirrhe dorsal du Polynoë Gru- biana. À, article terminal ; B, segment basilaire ; cu, cuticule ; e, cellules épithéliales avec leurs prolongements fibrillaires formant le stroma général du cirrhe ; gl, eellules glandulaires; nc, nerf du cirrhe ; gn, ganglion nerveux du cirrhe. Gr. 100. Acide osmique. 17. Extrémité d’un cirrhe dorsal du Polynoë Grubiana, vue en coupe longitu- dinale, A, article terminal filiforme du cirrhe ; B, extrémité en massue du segment basilaire; cu, cuticule ; e, cellules épithéliales à prolonge- ment basilaire; les unes renferment un protoplasma, avec de grosses granulations pigmentaires, les autres sont plus petites, leur protoplasma est uniformément et finement granuleux ; g!, cellules glandulaires. Ces éléments volumineux ne sont jamais entièrement contenus dans une seule coupe ; nc, nerf du cirrhe; gn, ganglion nerveux recevant les fibrilles du nerf et émettant des fibres qui pénètrent{dans l’article ter- minal. Gr. 350, Acide osmique. L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO (THOMPSON) PAR J0ZEF NUSBAUM, DE VARSOVIE. INTRODUCTION. Outre les anciens travaux de Rathke (1), de Frey et Leuckart (2), de Ed. Claparède (3), de H. Huxley (4), de P.-Y. van Beneden (3), de Ed. van Beneden (6), de E. Metschnikoff (47) et aussi d’une courte note de M, Buczynski (7), nous ne possédons, jusqu’à présent, aucun travail plus vaste sur le développement des Schizopodes, exécuté au moyen des méthodes nouvelles de la technique microscopique, et dans lequel seraient représentés les premiers processus embryonnaires de ces crustacés et aussi la formation de leurs organes, Les recher- ches spéciales dans cette direction-là étaient donc très désirables. C’est pourquoi, profitant de l'hospitalité généreuse du directeur de la station zoologique à Roscoff, M. le professeur Henri de Lacaze-Du- thiers, j'ai entrepris de Roscoff, l'été de l’an 1886, les recherches sur lembryologie de la Mysis C'hameleo. J'y ai fait une partie de mes obser- vations : lorsque vers l'automne je dus retourner à Varsovie, j'ai emporté des matériaux abondants bien conservés, et j'ai accompli mes recherches ultérieures à Varsovie dans mon laboratoire embryo- logique privé. Je suis heureux de pouvoir exprimer ici ma profonde reconnaissance à M. de Lacaze-Duthiers, pour la cordiale hospitalité qu’il m’a donnée, ainsi qu’à tout le personnel de la station zoologique de Roscoff. Une petite collection de faits scientifiques réunis dans ce travail sera, je pense, pour l'illustre directeur de la station le remerciement le plus éloquent de ma part. 124 JOZEF NUSBAUM. Les œufs et les embryons de Mysis conviennent très bien aux recherches. Les matériaux sont faciles à trouver à Roscoff. Après chaque reflux de la mer on peut trouver dans les petites mares peu profondes, qui restent sur la rive sablonneuse, des groupes de Mysis, qu'on pêche facilement. Les femelles portent, comme on sait, leurs œufs avec elles dans les cavités incubatrices spéciales, for- mées principalement par les lamelles membraneuses de deux der- nières paires de pieds thoraciques. Les œufs ou les embryons, en- fermés dans la cavité incubatrice d’une seule femelle, sont presque tous dans la même phase du développement, ce qui est très commode pendant la recherche des matériaux. On peut facilement s'orienter quant aux pôles de l'œuf, parce que la bandelette ventrale apparaît de bonne heure ; la queue (ébauche d’un abdomen) se montre déjà pendant le stade du nauplius et même plus tôt, ce qui permet de s'orienter très bien quant à la position de l’œuf dans la paraffine et la direction des coupes. En ce qui concerne la conservation des matériaux, je me suis per- suadé dans le cas présent, comme aussi pendant les recherches sur le développement d’autres Arthropodes, qu'une seule manière de conserver ne fournit jamais des résultats complètement satisfaisants, parce que chaque méthode peut avoir des suites bonnes ou mauvaises. Ainsi, en traitant les œufs frais avec le liquide de Kleinenberg ou de Perinyi, nous recevons dans les préparations des éléments cel- lulaires grands et distincts, mais le vitellus se perd alors très faci- lement ; au contraire, par le traitement des œufs pendant quelques secondes avec de l’eau chaude, ensuite avec du bichromate de po- tasse, le vitellus reste avec ses éléments, mais les éléments cellulaires mêmes deviennent petits, se contractent un peu et s'accumulent étroitement. Pour éviter les inexactitudes, qui pourraient résulter d’une seule méthode de conservation des œufs, nous avons contrôlé presque toutes les phases du développement par les préparations provenant de matériaux conservés différemment. Les œufs restaient pendant vingt-quatre à quarante-huit heures dans une faible solution L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 195 (4 pour 100) d’acide chromique ou de bichromate de potasse; dansle liquide de Kleinenberg ou de Perinyipendant quatre à cinq heures. En tout cas on mettait ensuite les œufs dans l'alcool (70 pour 100), puis dans l’alcool absolu. Les œufs durcis de cette manière furent colorés in toto par l’hématoxyline, le borax-carmin ou le magdala rouge. L'hématoxyline s’est montrée très utile, parce que pendant les jeunes phases du développement, elle coloraitautrementle vitellusnon encore modifié etle vitellus modifié déjà par l'influence des cellules immigrées dans son intérieur (voir plusloin). Le magdala rouge présente dans ce cas,comme en général danslesrecherches surles Arthropodes, un colo- rant parfait, parce qu'il colore les œufs et les embryons relativement très vite (au bout de quelques heures et d’une manière très intense, quoique quelquefois trop uniformément. Comme pour les œufs des différentes phases, tantôt l’un des colorants, tantôt l’autre se montrait plus utile, je choisissais pour le dessin de chaque phase les prépa- rations colorées par l’un de ces trois colorants, et c’est pourquoi les couleurs présentées sur les dessins et qui sont une représentation de la coloration des préparations mêmes, sont différentes. L’œufdurci et coloré était mis dans l'alcool, ensuite dans un mélange d'alcool (70 pour 100) et d'essence de girofle (en parties égales), puis dans l’essence de girofle pure {jusqu'à ce qu'il devint transparent), puis pour un court temps on le plonge dans de l’essence de térében- thine ; enfin on faisait l'inclusion dans la paraffine. Les coupes se faisaient à l’aide du microtome de Schanze ; les séries de coupes se collaient à l’aide du collodium avec de l'essence de girofle et se fer- maientidans le baume de Canada. Les dessins des préparations sont faits fidèlement à l’aide d’une chambre claire de Verick ou d’Abbé. LES CHANGEMENTS EXTÉRIEURS. Nous'commencerons par les changements extérieurs, qui se ma- nifestent dans l’œuf en voie de développement; plus tard nous nous occuperons des changements internes, vus sur les coupes. 126 JOZEF NUSBAUM. L’œuf de la Mysis est le plus souvent rond, quelquefois il est poly- gonal, ce qui résulte d'une pression réciproque des œufs. Le diamètre ovulaire est de 0,475 environ. Dans le stade le plus jeune nous trouvons à l’un des pôles de l’œuf, à sa surface ventrale et un peu postérieure (je nomme cette surface ventro-postérieure, ayant en vue la future position de l'embryon), un petit disque blastoder- mique, qui apparaît comme une tache blanche, visible à l'œil nu sur un œuf, plongé pendant quinze minutes dans le liquide de Perinyi ou de Kleinenberg (si on y laisse l’œuf plus longtemps, la tache rede- vient moins distincte, parce que le liquide commence à changer toute la surface ovulaire). L'œuf est entouré tout autour par une mince membrane homo- gène et transparente, qui s'éloigne dans quelques endroits de la sur- face vitélline. Le disque, mentionné ci-dessus, croît autour de l'œuf sous forme d'une mince membrane ininterrompue du blastoderme. Le blastoderme est très mince à la face dorsale et aux faces latérales de l’œuf, ici il est à peine visible ; à la face ventrale, au contraire, il est épais. | Les figures 1 - {4 (pl. V) présentent les œufs et les embryons traités pendant un court temps par le liquide de Kleinenberg, et c'est pourquoi les parties épaissies du blastoderme apparaissent comme des taches distinctes et plus sombres sur le vitellus jaune-verdûtre. À la place de cet épaississement ventral du blastoderme (fig. 1, d) se montrent bientôt trois parties distinctes, il se forme trois épaissis- sements blastodermiques: un moyen (fig. 2, g) et deux latéraux (fig. 2, 6), situés au commencement tous presque sur une ligne droite, mais celui du milieu est dirigé un peu en arrière. Les épaississements latéraux pairs s’allongent très vite en avant sous un angle obtus à l’épaississement impair ; ils représentent les bords épaissis de la ban- delette ventrale ; leurs élargissements intérieurs, que nous nommons épaississements optiques (fig.3,0), parce qu’ils sont les ébauches des yeux futurs et dés ganglions optiques. L'épaississement postérieur impair présente l’ébauchedel’abdomen = L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 127 futur ; dans sa partie antérieure se forme une gouttière transversale, qui s’enfonce de plus en plus dans le vitellus. Le bord postérieur de cette gouttière s'allonge, s'élève au-dessus de la surface ovulaire et croît en avant sous forme d'une lame triangulaire comme une ébauche d’abdomen (fig. 6, g), inclinée vers la face ventrale de l’œuf. Ensuite se montrent sur les bords de cette lame ventrale les ébauches de trois paires d’appendices (fig. 4-9, a’, a”, md), c’est-à-dire de la première et de la seconde paire d'antennes et de mandibules ; de deux côtés de cette lame, à la hauteur qui correspond plus ou moins à la limite entre la première et la seconde paire de pieds rudi- mentaires, apparaissent deux petits disques ronds (fig. 4-9, a), qui forment l'organe dorsal pair et provisoire. C’est le stade de nauplius. Les ébauches d'antennes s’allongent vite ; les ébauches des man- dibules restent pendant longtemps très petites. Les antennes de la paire antérieure sont le plus éloignées l’une de l’autre, celles de la seconde sont plus rapprochées, les mandibules sont le plus rappro- chées, ce qui dépend de ce que les deux moitiés de la lame ventrale divergent en avant, s’approchent en arrière. Dans la figure 7, nous voyons que l’œuf commence à s’allonger, les antennes deviennent beaucoup plus grandes ; le petit abdomen, qui se termine par une bifurcation, grandit de même. Le petit ab- domen, incliné sur la face ventrale de l'œuf, se redresse bientôt et prend une position horizontale, c’est-à-dire parallèle au grand axe de l'œuf (fig. 8, q). Dans la figure 8, nous voyons aussi que les ébauches de l’organe dorsal (a) se sont déplacées un peu vers la face dorsale ; elles se trou- vent déjà presque à la moitié de la hauteur de la paroi latérale du corps embryonnaire. L’abdomen est au commencement très mince, parce que presque toute la masse vitelline est accumulée dans l'in- térieur de la partie antérieure ronde-ovale de l'embryon. La forme représentée dans la figure 8 est d’une très courte durée et passagère, de sorte qu'il faut regarder plusieurs femelles portant les œufs et les embryons dans leurs poches incubatrices, pour trouver cette 128 JOZEF NUSBAUM. phase intéressante. Dans cette phase, l'embryon déchire la membrane ovulaire et nage librement. Dans tous les stades plus avancés (fig. 9, 10, mb) nous voyons de nouveau une membrane, qui entoure lâchement le corps embryonnaire ; dans les figures 19, 13, on voit même cette membrane sur les antennes. Nous verrons qu’elle n’a rien de commun avec la membrane primitive de l’œuf, car elle ap- paraît ensuite à la surface de l'embryon comme une cuticule. Bientôt une grande partie du vitellus nutritif passe de la partie antérieure du corps dans l’intérieur de l’abdomen ; celui-ci grossit, s'allonge, perd son aspect caractéristique d’une queue et se recourbe assez fortement, tourné par sa surface convexe vers le ventre, par la surface concave vers le dos, en vertu de quoi l'embryon reçoit une forme recourbée caractéristique, comme nous voyons dans la figure 9. Dans la partie céphalique de l'embryon de cette phase, le vitellus s’accumule en masse plus grande et forme ici une sorte de bosse. En regardant la lame ventrale de la surface, à la hauteur des antennes et des mandibules, chez un embryon dans la phase du nauplius, nous verrons (fig. 66, pl. IX) que dans la partie la plus an- térieure se trouvent deux épaississements pairs de la lamelle opti- que. Nous distinguons sur cette lamelle une section antérieure plus large (0), qui est l’ophtalmique proprement dite, et une postérieure moins: large (0'}, ou ganglio-optique. La partie antérieure donne nais- sance aux éléments de l'œil, la postérieure au ganglion nerveux optique. À la hauteur de la première et de la seconde paire d’an- tennes, nous voyons de même deux paires d’épaississements (c, c'), qui sont les ébauches du ganglion cérébral. En arrière de la seconde paire d'antennes nous trouvons l’ébauche de la lèvre supérieure (!, s). Les figures 10 et 41 présentent l'embryon dans une phase encore plus avancée, où il possède déjà les rudiments des pattes-mâchoires et des pieds thoraciques. La figure 10 présente l'embryon vu de côté; nous y voyons l’organe dorsal, dirigé encore plus vers le dos. Chez l'embryon encore plus âgé, présenté dans la figure 12, apparaissent L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO, 129 déjà les segments abdominaux distincts ; sur la lamelle optique, dans sa partie antérieure et supérieure, devient visible une tache rose- brun, c’est l'endroit où commence à s’accumuler le pigment de l'œil ; l’organe dorsal est situé ici juste sur le dos ; dans l'intérieur du corps on voit par transparence le canal digestif et l’ébauche du foie (4). Chez l'embryon représenté dans la figure 43, l'œil, ainsi que le gan- glion optique, se différencie plus distinctement ; la tache pigmen- taire est beaucoup plus grande et plus sombre ; l’œil forme avec le ganglion optique un lobe distinct, séparé du reste du corps et du vitellus par un étranglement visible et assez profond. Les lobes opti- ques (l'œil et le ganglion optique), en croissant énergiquement, re- poussent en arrière le vitellus, accumulé dans la partie antérieure du corps ; ce vitellus reste encore longtemps sur le dos comme une masse solide ovoïde, qui s'élève en forme de bosse et donne à Ia larve un aspect bizarre. Dans l'abdomen, le vitellus est résorbé beau- coup plus tôt. L’élévation des ganglions optiques et le repoussement en arrière de la masse vitelline dorsale entraînent une courbature plus grande de la larve, la convexité ventrale et la concavité dorsale deviennent plus distinctes que dans les stades précédents ; la partie antérieure de la larve (fig. 13, 14) prend une position presque verti- cale au reste du corps. Chez une larve, dans un stade le plus avancé de tous que j'’observais et dont la partie antérieure est représentée par la figure 14, les lobes optiques sont plus indépendants et séparés complètement du vitellus dorsal; ces lobes s'unissent à l’aide de courtes tigelles avec la tête. Chez les larves représentées par les figures 13 et 14, l'organe dorsal provisoire n'est plus visible. Juste derrière lui apparaissent les plis, qui forment la carapace du céphalo-thorax (fig. 12, 13, 14). Ainsi nous avons passé en revue douze principales phases de dévelop- pement de la Mysis, comme elles se présentent de la surface, sous un faible grossissement. Ces phases seront signalées dansle cours de ce travail par les chiffres 1, 9, 3, etc. Avant d'aborder le développement de la Mysis, comme il se pré- ARCH. DE ZOOL. EXP." ET GEN. — 20 SÉRIE. -— T, V,. 1887. 9 130 JOZEF NUSBAUM. sente sur les coupes, voyons comment les autres auteurs décrivaient les changements extérieurs qu’éprouve l’œuf de la Mysis en voie de: développement. P.-J. van Beneden (5), contrairement à l'opinion de Rathke (1), soutenait que le blastoderme se montre au commence-. ment sur la queue, qu'il croît successivement vers la face ventrale, ensuite vers la face dorsale de l'embryon. Selon Huxley (4), le blastoderme apparaît d'emblée à toute la sur- face ventrale de l'œuf et les lobes procéphaliques sont déjà bien développés, pendant qu’il n’y a pas encore de traces du mamelon caudal. Frey et Leuckart(2) etplus tard Ed. Claparède (3) admettaient que le blastoderme se forme au commencement sur toute la surface ovulaire, mais qu’ensuite il devient plus épais seulement à la face ventrale. Ed. van Beneden (6) a démontré que le blastoderme com- mence à se former sur l’un des pôles ovulaires, sous forme d’un disque qui croît tout autour de l'œuf. Selon lui, pendant que l’œuf est déjà complètement entouré par le blastoderme, formé à la face ventrale des cellules hexagonales et à la face dorsale des cellules aplaties, l’épaississement cellulaire de l'embryon se montre sur le ventre (Aerëmstreif). Ainsi, nous voyons que les observations d’Ed. van Beneden s’ac- cordent complètement avec les nôtres sur ce point que le blasto- derme se montre sous forme d’un disque, dont les bords croissent : autour de l’œuf entier. Mais selon nos recherches, ce disque apparaît à la future face ventrale de l’œuf. Après que le biastoderme a déjà entouré toute la surface ovulaire, le disque ventral ne subit aucune réduction; à sa place se montrent, comme nous l’avons déjà dit (fig. 2), trois épaississements : celui de la queue et ceux de la bande- lette ventrale. Les stades intermédiaires entre ceux qui sont représentés dans la figure 1 et ceux représentés dans la figure 2 ne pouvaient être observés. Après la phase, où l’épaississement unique a la forme d’un disque, j’observais immédiatement la phase avec l’épaississement L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 131 divisé déjà en trois parties distinctes. Il me semble cependant que le disque primitif se transforme directement et principalement en un épaississement caudal ; les ébauches de la bandelette ventrale (fig. 2,4) naissent, indépendamment de ce disque, comme des épaississe- ments locaux du blastoderme. FORMATION DES FEUILLETS EMBRYONNAIRES. Voyons maintenant comment se présente l’embryologie de la Mysis sur les coupes. Son œuf est recouvert par une mince membrane homogène et transparente. Le contenu ovulaire est constitué en grande partie par le vitellus nutritif, formé de boules plus ou moins grandes, de grains ronds et ovales et de gouttelettes graisseuses. Sous l'influence des réactifs et de l’alcool, ces boules reçoivent une forme irrégulière, polygonale, se contractent et se placent isolément l’une à côté de l’autre. Sur les préparations, soumises à l’action de la térébenthine, celle-ci a dissous les gouttes graisseuses, et c'est pourquoi des cavités plus ou moins grandes, le plus souvent exac- tement rondes, apparaissent dans la masse vitelline (fig. 15-17, pl. V; fig. 81, pl. XI). Quant au vitellus formatif et au noyau de segmentation, j'ai vu, dans la phase la plus jeune que je pouvais observer, les processus suivants : Au futur pôle ventral de l'œuf, juste au-dessous de sa membrane, se trouve un disque formé par un protoplasma finement granuleux, portant au milieu un noyau arrondi, un peu allongé. Ce noyau est délicatement et finement granuleux et renferme intérieurement un petit corps brillant (nucléole). La figure 15 (pl. V) présente cette accu- mulalion de plasma formatif avec son noyau de segmentation (n). Le plasme, granuleux au milieu, se transforme du côté du vitellus et du côté de la membrane ovulaire en une couche plasmique ho- mogène, qui réfracte fortement la lumière. Cette couche plasmique homogène et très mince tapisse toute la surface interne de la mem- 132 JOZEF NUSBAUM. brane ovulaire. Sous l’action des réactifs cette couche se contracte, se détache du vitellus et adhère si fortement à la membrane, qu’il est quelquefois très difficile de la voir. Du reste, je dois ajouter qu’il m'est impossible de dire avec sûreté, si cette couche provient réelle- ment du protoplasma formatif, ou si elle n’est qu’une couche externe un peu modifiée du vitellus nutritif. | Elle se colore par le borax-carmin d’une manière moins intense, que les boules vitellines, mais plus fortement que le protoplasma formatit granuleux, qui renferme le noyau de segmentation. La phase suivante, que j'ai observée, est représentée dans la fi- gure 16, pl.V. Nous y voyons dans l’accumulation du plasma formatif deux noyaux ronds ovoïdes situés l’un à côté de l’autre; ce sont les produits de segmentation du noyau primitif. Après cette phase, il y a une lacune dans mes observations. La phase la plus voisine de la précédente, que j'ai réussi à observer, est représentée dans la figure 17, pl. V. Ici nous voyons que l'accumulation plasmique formative s’est différenciée en une couche externe située au-dessous de la membrane ovulaire et une couche interne plus profonde. L'externe est finement granuleuse ; ses petits granules sont ran- gés de manière qu'ils donnent à la couche un aspect strié; ici j'ai vu dans la série des coupes seulement un seul noyau. La couche interne est formée par un protoplasma plus grossiè- rement granuleux ; outre les fines granulations, nous y voyons de grands corpuscules réfractant plus fortement la lumière. Dans la couche plasmique formative, qui aboutit au vitellus nutritif, nous trouvons quelques noyaux (n'). En comparant cette phase avec celle qui est représentée dans les figures 15 et 16, nous pouvons, je pense, conclure que le noyau de la couche externe, ainsi que les noyaux de la couche interne, sont les produits du noyau de segmentation. Le noyau, situé dans la couche externe du protoplasma formatif, se divise ensuite dans une direction transversale, ce qui donne naissance à un petit disque L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 133 blastodermique, formé d’une seule couche de cellules hexagonales. La couche interne plus profonde de protoplasma formatif, ainsi que ses noyaux, donne naissance à une petite quantité de cellules, situées au-dessous du disque blastodermique. La phase où le disque blastodermique ne serait formé que par deux cellules, a échappé à mon attention, malgré les nombreuses coupes que j'ai faites par les œufs très jeunes. En revanche, nous trouvons dans le travail de Ed. van Beneden (6) la phase où le disque blastodermique n’est formé que par deux cellules (voir la figure 2, pl. II, du travail de cet auteur). La phase suivante, que j'ai observée, présentait le disque blastodermique formé de huit à douze cellules hexagonales (fig. 18, 19, 20, pl. VI). Au milieu du disque, les cellules sont plus hautes et plus grandes; vers la périphérie, elles diminuent de grandeur. Juste au-dessous du disque, nous trouvons quelques cellules libres, qui sont : 4° les produits des noyaux nommés plus haut, ainsi que de la couche plus profonde du protoplasma formatif, et 2 un produit de la division des cellules du disque blastodermique même. Quant à la première source des cellules placées au-dessous du disque blastodermique, je n'ai, ilest vrai, aucune preuve directe, qu'elles proviennent en partie de la couche plus profonde du proto- plasma formatif ainsi que de ses noyaux, cependant le fait me paraît très probable. Je l’admets comme tel: premièrement, parce que je trouvais tou- jours, dans la phase où le disque blastodermique est formé par une petite quantité de cellules, quelques cellules librement placées au- dessous du disque. Secondement, il est difficile à admettre que les noyaux, placés dans la couche plus profonde du protoplasma for- matif, juste à la limite du vitellus nutritif, émigrent de nouveau vers la périphérie pour donner naissance aux cellules du disque blasto- dermique. Quant à la seconde source des cellules sous-discoïdales, je possède des preuves directes. Comme nous avons déjà dit plus haut, au milieu du disque les cellules sont les plus hautes. C’est à 134 JOZEF NUSBAUM. partir de cet endroit épaissi du disque blastodermique, que quelques- unes de ses cellules se divisent dans une direction tangentielle ou rayonnée. Dans le dernier cas, les cellules isolées du disque font l'effet de s'éloigner de leurs voisines et de s’enfoncer au-dessous du disque sous forme de coins. Il suffit de regarder les figures 18, 19, 20, 21 (pl. VI) pour vérifier cette dernière observation. La figure 18 nous montre au milieu du disque (c. v.) deux cellules, juste au moment de leur enfoncement ; par leurs sommets amincis elles se trouvent encore à la hauteur des cellules discoïdales, mais leurs bases élargies aboutissent déjà au vitellus. J'ai observé que les cellules qui s’enfoncent sous forme de coins et qui proviennent, ainsi que nous l'avons déjà dit, d’une division rayonnée (longitudi- nale) des cellules discoïdales, ne diffèrent point par leur grandeur des cellules voisines;elles sont au contraire un peu plus petites. Les cellules du disque, qui se divisent dans la direction tangente (trans- versale), sont primitivement beaucoup plus grandes que leurs voi- sines. Ainsi dans la figure 20, nous voyons une semblable cellule discoïdale d’une grandeur considérable (c. é.), qui a donné naissance à deux cellules plus petites. ; La figure 19 nous montre également une autre grande cellule-mère, possédant un grand noyau arrondi ; deux ou trois cellules transver- sales se sont séparées intérieurement de cette cellule-mère, qui elle-même commence à s’enfoncer, et occupe par sa base une posi- tion un peu plus profonde. Le résultat final de tous ces processus est une formation d’une accumulation cellulaire solide sous-discoïdale (fig. 21), dont nous étudierons plus loin le rôle. Pendant que cette accumulation a lieu, les bords du disque blastodermique croissent et entourent tout le vitellus, sous forme d’une couche de cellules très aplaties. Je ne suis pas en état de dire si la couche protoplasmique, très mince, que nous avons vue juste au-dessous de la membrane ovulaire, pendant les phases plus jeunes, joue quelque rôle actif dans la formation de la couche cellulaire qui entoure l'œuf. En tout cas, si le rôle de cette couche plasmique n’est pas actif ici, L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 135 son rôle passif me paraît indubitable; elle fournit, peut-être, les matériaux pour les cellules blastodermiques, qui se multiplient énergiquement. Tandis que le blastoderme, qui entoure l’œuf, à la face dorsale et aux faces latérales, est formé de cellules aplaties, sa partie ventrale, qui correspond au disque blastodermique primitif, reste épaissie et se compose de cellules hexagonales. Bientôt, comme nous avons dit plus haut, se montrent, à la place d'un seul épaissis- sement ventral, trois épaississements : un médian impair, situé plus en arrière, et deux latéraux (fig. 2, pl. V). Nous appelons caudal l’épais- sissement postérieur, parce qu'il donne, comme nous verrons, la queue ou l'abdomen de la larve. Les épaississements latéraux présen- tent les ébauches de la bandelette ventrale. Les coupes longitudinales par l'œuf, dans la phase intermédiaire entre la deuxième et la troi- sième (fig. 2 et 3, pl. V), donnent l’aspect suivant: les figures 22 et 23 (pl. VI) présentent deux coupes choisies dans une série ; l’une d’elles passe juste par le milieu de l’épaississement caudal, entre les épaississements latéraux gauche et droit; la seconde coupe passe par le bord de l’épaississement caudal et par l’un des épaississements latéraux. Le disque caudal est formé de cellules cylindro-hexagonales, Sur ce disque nous voyons au milieu (fig. 22) une gouttière trans- versale ; au-dessous du disque et principalement au-dessous du fond de la gouttière, nous voyons une accumulation cellulaire ; ce sont jes cellules du feuillet interne ou de l’entoderme (en). Ces cellules sont les produits de la division des cellules blastodermiques, qui forment le disque caudal. Dans la figure 22 (pl. VI) ainsi que dans la figure 79 (pl. XI) (phase un peu plus avancée), nous voyons que les cellules qui tapissent le fond de la gouttière, se divisent énergiquement, en présentant dans leurs noyaux de belles figures caryokinétiques (en). Plus tard, nous étudierons de plus près le rôle des cellules qui ont pris naissance au-dessous du disque blastodermique primitif : pour le moment, je me borne à faire remarquer quela plupart des cel- lules s’enfoncent dans le vitellus et ne prennent très probablement 136 JOZEF NUSBAUM. aucune part dans la formation de l’entoderme. Ce dernier apparaît un peu plus tard et indépendamment des cellules vitellines; il se forme d’une partie déterminée du blastoderme, lorsque celui-ci a entouré déjà l’œuf entier. Peut-être quelques cellules, en tout cas au nombre très restreint, qui n’ont pas émigré dans le vitellus, restent sous l’ectoderme et se joignent aux cellules ento- ou mésodermiques, Cependant les nombreuses préparations me donnent le droit d’ad- mettre, avec une grande probabilité, que l’accumulation cellulaire, qui apparaît de bonne heure sous le disque blastodermique, se dis- perse dans le vitellus, et que ses éléments ne s’unissent point aux ébauches de l’ento- et du mésoderme proprement dits. Dans la figure 93, qui représente une préparation de la même série que celle de la figure 22, nous voyons le disque du bord caudal ainsi qu’un des épaississements latéraux. Dans cet endroit périphé- rique du disque caudal, les cellules entodermiques sont beaucoup moins nombreuses, d’où il suit que leur formation a lieu principa- lement au milieu de ce disque. L’épaississement latéral est formé de même par une couche de cellules hexagonales. Les cellules signées par les lettres c. v. sont les cellules vitellines, dont nous étudierons plus loin l’origine et le rôle. Le mésoderme se développe sur toute la longueur de deux moitiés épaissies de la bandelette ventrale, entre le disque caudal et les élar- gissements antérieurs, que nous avons appelés optiques. La formation du mésoderme peut être bien observée chez les em- bryons de la troisième phase et même quatrième (fig. 3 et 4, pl. V). La figure 67 (pl. X) présente la partie ventrale de la coupe à travers l'embryon de la troisième phase, à la hauteur xx (fig. 3, pl.V). Cette coupe est celle d’une série entière et l’aspect qu’elle donne est vi- sible sur toute la longueur, entre le disque caudal et les épaississe- ments optiques. Nous voyons ici qu'au milieu de la face ventrale le blastoderme est formé par des cellules plates, semblables à celles que nous trou- vons à la face dorsale et aux faces latérales de l'œuf. Ces cellules L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 137 sont épaissies au centre, leur périphérie, au contraire, est très mince, pauvre en protoplasma et s’allonge en membranes délicates, qui joignent les cellules voisines. Dans les parties centrales épaissies de ces cellules sont logés les noyaux ovoïdes. Un aspect complète- ment différent se présente vers les bords de la surface ventrale. [ci les moitiés épaissies de la bandelette ventrale sont formées par une couche de hautes cellules hexagonalkes ou cylindriques. Sur toute la surface de ces parties épaissies nous trouvons au- dessous de l’ectoderme les cellules mésodermiques, qui tantôt sont isolées et libres, tantôt se trouvent dans une phase de formation. Les cellules mésodermiques se forment par la division des cellules de l’ectoderme primitif dans la direction transversale et longitudinale (c'est-à-dire tangente ou rayonnée), ou encore directement, par les cellules ectodermiques totales, qui s’enfoncent sous forme de coins au-dessous du feuillet externe. On peut facilement vérifier cette observation en regardant les figures 67 (pl.X), 24 (pl. VI) ou 81 (pl. XT). Dans la figure 67, nous voyons une partie des cellules mésoder- miques déjà isolées (m); une autre partie, en quittant la couche ectodermique, s'enfonce dans l'intérieur sous forme de coins (m'). La même chose se voit dans la figure 24 (pl. VI); ici à gauche, nous trouvons une cellule qui s’est presque complètement séparée de l'ectoderme en se joignant au mésoderme ; son col mince se trouve encore à la hauteur de l’ectoderme, tandis que la partie inférieure élargie va plus profondément. Les cellules du mésoderme se trouvent exclusivement au-dessous des bords épaissis de la bandelette ventrale. Ainsi le mésoderme a une origine paire et se forme par la division des cellules ectoder- miques sur les bords épaissis de la bandelette ventrale. Le méso- derme continue à se développer même encore pendant la phase, où existent déjà trois paires de pieds rudimentaires (de nauplius), qui ont la forme de petits sacs, formés par une couche des cellules hexa- gonales (fig. 24, pl. VI). Pour en finir avec la formation de l’ento- et du mésoderme, voyons 138 JOZEF NUSBAUM. encore une coupe longitudinale d’un embryon dans la quatrième _ phase, représentée par la figure 79 (pl. XI). Cette coupe passe par la queue de l’embryon et par toute la longueur du bord épaissi de la bandelette ventrale, du côté interne des pieds naupliens. La gouttière caudale est ici beaucoup plus profonde, en comparaison de celle que nous avons vue dans les figures 22 et 23 (pl. VI). L’ab- domen est développé plus fortement et s'incline vers la face ventrale de l'embryon. A la base de l’abdomen, on voit une accumulation solide de cel- lules entodermiques (en) qui se multiplient énergiquement, en mon- trant des figures distinctes caryokinétiques. Le long de la bandelette ventrale, nous voyons les cellules isolées du mésoderme (m) adhé- rant étroitement à l’ectoderme, qui est formé d'une seule couche, à l'exception de l’épaississement optique (o), où nous distinguons deux ou trois couches de cellules. Les cellules mésodermiques, qui se dispersent à la face ventrale de l'embryon, gardent encore pendant un certain temps une dispo- sition paire et symétrique. Dans les figures 28, 29, 30, 31 (pl. VID), qui représentent les coupes transversales d’un embryon de la sixième phase (fig. 7), nous voyons que le mésoderme (m) garde sa disposition paire; ce feuillet ne se trouve qu'aux parties latérales de la face ventrale du corps embryonnaire. Sur l'ectoderme se différencient de bonne heure trois segments, qui correspondent aux trois paires de pieds naupliens; ils sont visibles sur les coupes longitudinales sous forme de trois petites éminences successives, séparées par des enfoncements. Nous les voyons dans la figure 26, qui représente la partie ventrale d’une coupe longitu- dinale par un embryon de la cinquième à la sixième phase, du côté de la bandelette ventrale. Conformément aux trois segments primitifs externes, les cellules du mésoderme se groupent principalement dans ces trois faibles convexités ; il n’y a pas de mésoderme à la hauteur de l’élargisse- ment optique. Ces trois paires d’accumulations solides des cellules : L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 139 mésodermiques peuvent être regardées comme les somites rudimen- taires du mésoderme. Dans ma courte note préliminaire imprimée dans le Piologisches Centralblatt (1887, n° 21), j'ai dit qu'il ne se forme point de « ca- vités distinctes » dans ces somites mésodermiques. Je le répète ici; car, quoique j'aie observé plusieurs fois que les cellules du mé- soderme s'éloignent les unes des autres au milieu du somite, cepen- dant il me semble que les cavités apparues de cette manière sont d'une nature accidentelle. En général, ces cavités étaient très indis- tinctes, c’est pourquoi il est difficile de les comparer avec les cavités des somites (cælome) chez les Arthropodes trachéens ou les Vers annélides. Les accumulations solides du mésoderme existent pendant peu de temps; ses cellules se dispersent très vite. Nous reviendrons plus tard sur la formation de la cavité du corps. Après avoir décrit la formation de l’ento- et du mésoderme, il nous reste à parler de l’origine et du rôle des cellules vitellines men- _ tionnées ci-dessus. Or, comme nous l'avons déjà dit plus haut, pen- dant la phase où le blastoderme n’est constitué que par une seule couche de cellules hexagonales, formant un disque à l’un des pôles de l'œuf (fig. 18, 19, 20, 21, pl. VI), les cellules isolées se séparent de cette couche blastodermique et s’enfoncent dans le vitellus. Ces cellules se multiplient et pénètrent dans ie vitellus de plus en plus profondément. Au commencement on ne les voit que dans la couche superficielle du vitellus, à la face ventrale de l'embryon, mais plus tard, elles apparaissent aussi aux faces latérales et à la face dorsale de l'embryon. En même temps elles s’enfoncent de plus en plus profondément dans le vitellus. Les cellules vitellines possèdent au commencement une forme irrégulière, en s’allongeant dans différentes directions (fig. 65, pl. V), d’où nous pouvons conclure, qu’à l’état vivant elles possèdent des pseudopodes, à l’aide desquels elles peuvent se mouvoir dans la 140 JOZEF NUSBAUM. masse vitelline. Dans une phase très jeune, le vitellus est formé par une grande quantité de boules et de granulations, qui sont étroite- ment accumulées. Les cellules qui émigrent dans le vitellus absor- bent les boules et les granulations vitellines et les digèrent au moyen d'une nutrition intracellulaire. Dans la figure 65 (pl. IX), nous voyons à l’intérieur des cellules vitellines (c. v.) des boules du wi- tellus nutritif. Les cellules le digèrent évidemment; elles modifient les boules vitellines absorbées, car, à mesure qu’elles grandissent, elles se remplissent d’une quantité de petites granulations, réfrac- tant fortement la lumière. Ces granulations sont sans doute les pro- duits des boules vitellines, englouties par le plasme cellulaire. A mesure que les cellules vitellines grandissent, elles reçoivent une forme à peu près vésiculaire, leurs contours sont alors distinctement visibles (fig. 25,c.041pL I; fig. 23, €: 0: pl NI Me 6e sé pl. X). Le noyau occupe d’abord plus ou moins le centre de la cellule vitelline (fig. 67, c. v., pl. X et autres). Mais la masse vitelline, en s'y accumulant, repousse le noyau, ainsi qu'une partie du proto- plasme, vers la paroi de la cellule (semblable à une goutte graisseuse dans une cellule adipeuse), comme nous le voyons dans la figure 68 (pl. X), qui représente deux cellules isolées {a et b), aussi dans la figure 23 (pl. VI) et autres. Dans plusieurs cellules vitellines (fig. 68, a) on voit une ou plusieurs vacuoles. Les granulations vitellines, en s’'accumulant de plus en plus, masquent quelquefois entièrement le noyau. Les cellules vitellines, en grandissant ét en s’enfonçant dans la profondeur du vitellus, perdent successivement ses contours distincts, se confondent avec le vitellus et forment une masse ho- mogène granuleuse. J'admets, de plus, que les cellules vitellines modifient la consis- | tance du vitellus non seulement parce qu’elles l’absorbent, mais |! encore qu’elles affectent le vitellus ambiant en sécrétant à l'extérieur un liquide digestif. Je le suppose, parce que j'ai observé que le vitellus aboutissant aux cellules vitellines devient granuleux et opaque, semblable au | L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 141 contenu des cellules mêmes, tandis que, dans d’autres endroits, le vitellus est constitué par des parties homogènes et anguleuses. L’hématoxyline ‘ dont je me suis servi comme colorant des œufs en totalité, m'a rendu de grands services, parce qu'elle colorait d'une manière moins intense les boules vitellines modifiées, que le vitellus qui n’a pas encore subi l’action des cellules vitellines. Les figures 22, 23, 24 de la planche VI, la figure 67 (pl. X) et la figure 81 (pl. XI), dont les teintes sont une image fidèle de la coloration de l'objet même, nous montrent cela très distinctement ?. Le vitellus plus central, où les cellules n’ont pas encore pénétré, se colore d’un fort violet ; les boules vitellines sont ici polygonales (action du réactif) ou rondes, ramassées, homogènes et réfractent plus fortement la lumière; ce n’est que sous un fort grossissement qu’on peut voir leur structure très délicatement granuleuse. Le vitellus plus péri- phérique est, au contraire, coloré d’un violet très pâle et présente une structure distinctement granuleuse. Pendant les phases plus avancées, on ne voit plus dans le vitellus ces grandes et caractéristiques cellules vitellines. Chez les embryons plus âgés (particulièrement dans le vitellus qui forme une bosse à leur partie dorsale, fig. 9-14, pl. VI), nous trouvons çà et là, et presque exclusivement dans la partie antérieure du corps, des cellules et des noyaux isolés dans la masse vitelline. Ces éléments se transforment, selon toute probabilité, en corpuscules sanguins (voir plus loin); nous les trouvons, par exemple, dans les figures 80 et 84 (pl. XI), c. v. 1 L’hématoxyline employée était préparée par la méthode de M. le professeur Yves Delage : 2 grammes d’hématoxyline dissous dans 30 grammes d’alcool absoïu; 30 grammes d’alcool, 70 pour 100 d’alun ou chlorure de calcium jusqu’à saturation. On mélange deux parties égales de ces deux solutions. 2 Je dois remarquer que la coloration du plasma faite sur les dessins est un peu trop intense, 142 JOZEF NUSBAUM. CAVITÉ DU CORPS. La formation du mésoderme et l'apparition de la cavité du corps sont étroitement liées l’une à l’autre. Voilà comment se forme la cavité du corps chez Mysis. D'abord les cellules mésodermiques ne se trouvent qu’à la face ventrale du corps embryonnaire, juste au-dessous de l'ectoderme. A mesure de leur multiplication, elles apparaissent aussi aux faces latérales, et enfin à la face dorsale. Ainsi, par exemple, dans la figure 45 (pl. VIT) ou figure 91 (pl. XIT), nous trouvons partout les cellules mésodermiques (m) au-dessous de l’ectoderme, aussi sur la surface du système nerveux et du système digestif. Dans la partie an-, térieure de l'embryon, il n'y a pas, pendant un long temps, de cavité du corps; l’espace qui correspond à cette cavité, c’est-à-dire l’espace placé entre les parois du corps et le canal digestif, est occupé par le vitellus (fig. 914, pl. XIT ; fig. 83, 84,85, pl. XI). Ce dernier est résorhé, mais d’une manière lente. Dans la partie postérieure du corps, c'est- à-dire dans l’abdomen, le vitellus est entouré par l’entoderme (voir le développement du canal digestif), et l’espace entre l’ectoderme et l’entoderme se remplit des cellules mésodermiques isolées (fig. 82, m, pl. XI; fig. 97, pl. X; fig. 47, m, pl. VIII), Ces cellules adhèrent ensuite en partie aux parois du corps, en partie à l’entoderme; les lacunes et les espaces intercellulaires se correspondent, et il s’en différencie une cavité du corps définitive. CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES. Voyons encore quelle relation existe entre notre description de la formation des feuillets embryonnaires chez Mysis et celle des autres auteurs, et comment cette description s'accorde avec nos idées sur . le développement des feuillets embryonnaires chez d’autres crustacés et en général chez les Arthropodes, Les recherches sur le dévelop- L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 143 pement des feuillets embryonnaires chez les Mysidæ furent faites jusqu’à présent, à ma connaissance, seulement par M. Pierre Buc- zynski (7}, qui en parle dans une courte note préliminaire sur le développement de Parapodopsis cornuta. Le stade de segmentation le plus jeune observé par cet auteur présentait quatre noyaux, situés deux à deux aux pôles opposés de l'œuf, près de sa surface. Ensuite il a vu neuf cellules fusiformes (sans doute plates), situées à la surface ovulaire. Ce blastoderme pri- mitif entoure ensuite tout l'œuf. Les cellules blastodermiques de- viennent beaucoup plus épaisses à la face ventrale de l’œuf. Quel- ques-unes de ces cellules se divisent horizontalement en deux moitiés, dont l’une rèste à la surface et l’autre s’enfonce ; quelque- fois les cellules isolées du blastoderme entrent directement dans l’intérieur. Ces dernières cellules forment le mésobiaste. Ensuite sur la bandelette embryonnaire se montre un petit enfoncement, ou bien une partie des cellules de la couche externe s’allonge con- sidérablement. De cet enfoncement cellulaire ou de cet allongement se séparent quelques cellules, qui pénètrent dans l’intérieur plus profondément que les précédentes et viennent en contact avec le vitellus ; ce sont les cellules de l’entoblaste. Or les observations citées de M. Buczynski s'accordent avec les miennes seulement sur ce point, que l’entoderme et le mésoderme se forment indépendamment d’un endroit déterminé de l’ectoblaste primitif. M. Buczynski n’a observé ni l’apparition paire du méso- blaste sur les bords épaissis de la bandelette ventrale, ni les cellules dans l’intérieur du vitellus. Il est très probable que ces cellules, qui apparaissent de bonne heure et que M. Buczynski a prises pour le mésoderme, n'étaient autre chose que les cellules vitellines, sépa- rées du disque blastodermique épaissi. Quant au type de segmentation, que subit l'œuf de Mysis, nous remarquerons que jusqu'à présent on n’a en général observé chez les Crustacés que quatre types de segmentation; tous les autres ne sont qu'une modification de ces quatre types que voici : 144 JOZEF NUSBAUM. SEGMENTATION HOLOBLASTIQUE. 1° Totale et régulière, que nous voyons chez Palæmon selon le professeur Bobretzky (9). Après la division du noyau en deux moitiés, l’œuf se divise de même en deux sphères de segmentation ; ensuite se forment quatre cellules, puis huit, seize, et ainsi de suite. Les parties internes de toutes les cellules se confondent ensuite en une masse vitelline centrale, qui est entourée par une couche blastoder- mique. % Type de segmentation chez £Eupagurus Prideauxü, selon P. Mayer (10). Ici le noyau se divise dans l’intérieur du vitellus en deux, quatre, huit parties. Les cellules indépendantes apparues de cette manière émigrent vers la surface ovulaire, après quoi a lieu la segmentation totale et régulière de l’œuf en deux, quatre, huit par- ties. [Ici encore les extrémités internes des cellules se confondent ensuite en une masse unique du vitellus central. 3° Type décrit par M. Mereschkowski (41) chez Calianassa mediter- ranea, et vu avant cet auteur par M. Ed. van Beneden chez l’Asellus aquaticus. Il consiste en ce que le noyau, ainsi que le protoplasma qui l'entoure, subit une segmentation dans l’intérieur de l’œuf ; après la formation d'un certain nombre de cellules, celles-ci émigrent, comme chez l’Eupagurus, vers la surface ovulaire. Ensuite le vitellus commence à se segmenter superficiellement, de sorte qu'autour de chaque cellule blastodermique se différencie simultanément un segment vitellin; tandis qu’au centre reste une masse vitelline non modifiée, qui n’a subi aucune segmentation. Ce type nous rappelle de plus la formation du blastoderme chez les Insectes. Au type de segmentation méroblastique appartient : 4° Le type de segmentation observé par van Beneden (6), Buc- zynski (7) et par moi, chez les Schizopodes ; par Bobretzky (12), chez l’Oniscus. | _ L’'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 145 Dans ce cas, il se forme, comme nous l’avons vu, à l’un des pôles ovulaires un disque blastodermique, qui croît autour du vitellus. Ainsi nous voyons que la segmentation de l’œuf chez les Crustacés schizopodes rappelle beaucoup le type observé, pour la première fois, chez les Isopodes par le professeur Bobretzky ; nous voyons que cette segmentation appartient aux formes de divisions méroblas- tiques. La formation des cellules vitellines est, comme nous l’avons vu, le premier processus qui est en relation avec la formation ‘du disque blastodermique chez Mysis. Quant à la signification et au rôle de ces cellules vitellines dans les œufs des Crustacés et d’autres Arthro- podes, en général dans le développement des animaux dont les œufs contiennent beaucoup de vitellus nutritif, nous ne possédons jusqu’à présent que peu de connaissances. Fr. Balfour (8) dit dans son 7railé d'embryologie comparée (traduction allemande 1880) : « La plupart, sinon tous les œufs méroblastiques, montrent pendant et après la segmentation une certaine quantité de noyaux dans leur vitellus, qui aboutit au blastoderme ; autour de chaque noyau se différencie une cellule... Il est vrai que certains faits prouvent, en général, que les noyaux vitellins dans les œufs méroblastiques apparaissent spon- tanément. Cependant l'admission de cette conclusion rencontre une grande difficulté dans le fait que tous les autres noyaux de l’em- bryon sont les produits du noyau de segmentation. C’est pourquoi il me paraît toujours encore possible que les noyaux vitellins se . montreront comme n'étant autre chose que les produits de la divi- sion d’un seul noyau primitif, qui provient lui-même du premier noyau de segmentation. » Prenant en considération toutes les recherches les plus nouvelles sur la fécondation, l'hérédité et les premiers processus de segmen- tation, qui prouvent que tous les noyaux embryonnaires sont des produits du premier noyau de segmentation, il faut avouer qu'en général l'opinion sur lapparition spontanée des noyaux dans le vitellus nutritif est complètement erronée. Les observations de Bal- ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN,. = 2€ SÉRIE, — Te V. — 1887, 10 146 JOZEF NUSBAUM. four sur les poissons élasmobranches, les recherches antérieures de Kupper et de van Beneden sur les poissons osseux, ainsi que les re- cherches de R. Lankaster sur les Céphalopodes, paraissént constituer des preuves pour cette opinion ; cependant toutes ces observations doivent être regardées comme insuffisantes. L'apparition spontanée des noyaux dans l'œuf, indépendamment des produits du noyau de segmentation, serait une négation de l'aphorisme fondamental d’em- bryologie : Omnis cellula ex cellula. En réalité, presque toutes les recherches récentes prouvent que les éléments cellulaires vitellins tirent leur origine du premier noyau de segmentation et du plasma formatif de l'œuf. Quant aux Crustacés, il me semble que c'est : Bobretzky (12) qui le premier a démontré que les noyaux, dans le vitellus de l'œuf d’Oniscus murarius! proviennent réellement des cel- lules, qui se sont séparées du blastoderme et ont émigré dans le vitellus'. Bobretzky a pris ces éléments cellulaires vitellins pour l’hypoblaste. Mais mes recherches plus récentes 13) démontrent que l’entoderme se forme chez l'Oniscus indépendamment des cellules vitellines, et que ces dernières jouent seulement un rôle dans le ramollissement du vitellus. Chez les Insectes, tous les embryologistes trouvent des noyaux ou des cellules dans le vitellus, qui sont les produits du noyau de segmentation. Bobretzky (14) a démontré que le vitellus des Insectes est véritablement formé de grandes cellules, remplies par un vitellus nutritif. On a commencé à regarder ces cellules comme un hypoblaste. Mais, dans les derniers temps, le professeur A, Kowalevski (15), qui s’est occupé du développement des feuillets embryonnaires chez les Muscidæ, est arrivé à une conclusion, que l’entoblaste tire son origine de la même gouttière invaginée à la surface ventrale de i Le docteur W. Reinhard dit, dans sa courte note intitulée Zur Ontugenie des Porcellio scaber (Zool. Anzeiger, n° 24, 1887), qu’il n’a vu aucun élément cellulaire dans le vitellus. Mais mes collègues les ont vus comme moi plusieurs fois et très distinctement. Je suppose que M. Reinhard ne les a pas remarqués chez Porcellio à cause des matériaux mal conservés ou d’une coloration imparfaite des prépa- rations. L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 147 l’œuf, qui donne aussi naissance au mésoderme, Les cellules vitel- lines ne jouent, selon Kowalevski, aucun rôle dans la formation de l’entoblaste chez les Insectes. Ces recherches s'accordent avec les observations antérieures de cet illustre embryologiste sur le dévelop- pement del’Æydrophilus piceus (16). Bruce (17) est arrivé aux mêmes résultats; dans sa description du développement des papillons il dit : « The numerous sections in my possession leave little doubt, that the entoderm is formed from a portion of the inner layer, which arises at the floor of the germinal groove or blastoporus: » Selon les recherches les plus récentes de Kowalevski et de Schulgin (18) sur le développement du scorpion, il existe chez ce dernier des cel- lules vitellines en petite quantité, qui émigrent dans le vitellus et qui ne prennent aucune part à la formation des feuillets embryon- naires. Quelques-uns des observateurs plus récents ont trouvé aussi dans le vitellus des Crustacés macroures des éléments cellulaires, qui se sont montrés de bonne heure et indépendamment des cellules ento- dermiques. Ainsi Chtyomatsu Ischikawa (19) dit que, chez Atyephira compressa, de Haan, « within the yolk-segments are seen a fair number of nuclei, placed not a centre, but rather to one side of them. Each nucleus is furnished with a.:. nucleolus, and a layer of protoplasm prolonged in to a reticulum ». Plus loin, nous hisons : « I have not traced the origin of these nuclear bodies. It is however probable that they are derived from the segmentation nuclei. » Après avoir décrit la formation de l’entoderme, cet auteur dit (p. 412) : « After the closure of the blastopore the entoderm cells gradually travel in to the yolk-segments, and their nuclei become indistinguishable from those of the yolk. » P. Mayer (10) a observé aussi, chez £'upaqurus Prideauxr, des éléments cellulaires dans l’in- térieur des sphères vitellines. Balfour (Zraité d’embryologie) s’ex- prime ainsi à ce sujet : « Il est probable que tous les noyaux, prove- nant de la division du premier noyau de segmentation, ne prennent pas part à la formation du blastoderme ; quelques-uns restent dans 148 JOZEF NUSBAUM. la profondeur de l’œuf, afin de donner les noyaux des sphères vitel- lines. » F. Urbanowitsch (20) a observé aussi dans l’œuf d’un Cyclops formé de quelques segments un segment plus long qui donnait naissance à une cellule, située ensuite librement dans l’intérieur du vitellus, dont le blastocèle est rempli. Quant au sort ultérieur de cette cellule, l’auteur n’en dit rien, mais il la compare aux éléments intravitellins vus par P. Mayer et autres. Les éléments cellulaires dans le vitellus sont décrits aussi par Fr. Balfour (21) chez les Arach- nides, W. Patten (22) chez les Phryganidæ et par d’autres auteurs chez divers représentants des Arthropodes. Les éléments cellulaires observés par H. Reichenbach dans le vitellus de l’Astacus fluvratilis sont dignes d’une attention particulière. C’est encore pendant l’an- née 4877 que cet auteur (23) a décrit chez l’Astacus deux sortes de cellules mésodermiques, dont l’une fut nommée mésoderme primitif, l'autre mésoderme secondaire. Dans son bel ouvrage récent (24), Reichenbach confirme ses recherches précédentes sur ce point, car il dit que chez un embryon, « avec une bandelette ventrale ayant la forme d’un cœur et avec un blastopore qui est en voie de se fermer... le mésoderme est situé sur une éminence, au bord an- térieur du blastopore, et laisse voir deux sortes d'éléments, que je nommerai cellules mésodermiques primitives et secondaires ». Ce mé- soderme secondaire est formé de petites cellules rondes, pourvues des vacuoles et de nombreuses granulations, réfractant fortement la lumière. Quant à l’origine de ces formations énigmatiques, Reichenbach admet ce qui suit : ces éléments doivent être regardés comme des cellules, dont les noyaux ne possèdent pas toujours les pro- priétés des noyaux cellulaires ordinaires ; ces propriétés sont ac- quises plus ou moins tôt. Ces cellules apparaissent par voie endogène dans l’intérieur de cellules entodermiques, qui forment la paroi ven. itrale du mésenteron ; les noyaux de ces cellules entodermiques pa- raissent jouer ici un grand rôle. Au commencement, chaque cellule entodermique n’est pourvue que d’un seul noyau ; mais bientôt ce L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 149 noyau se multiplie, et enfin apparaissent les cellules du mésoderme secondaire. Cependant Reichenbach n’explique pas comment se fait cette transformation des noyaux entodermiques en cellules de ce mésoderme secondaire. Plus loin, Reichenbach dit : « Selon toute probabilité, ces cellules. sortent des cellules entodermiques et émi- grent au-dessous de l’ébauche embryonnaire, » Ainsi ces cellules émigrent, selon cet auteur, de l’entoderme à travers le vitellus vers la périphérie de l’œuf, où elles se confondent avec d’autres cellules mésodermiques (mésoderme primitif), de sorte qu’on ne peut pas les distinguer plus tard. Reichenbach suppose que les cellules de ce mésoderme secondaire donnent naissance aux éléments du sang. Mais voyons quels sont les faits qui prouvent, selon Reichenbach, que les éléments du mésoderme secondaire proviennent vraiment des cellules entodermiques et spécialement de ses noyaux. Il s'appuie principalement sur les quatre faits suivants : 4° il a observé dans l’in- térieur de cellules entodermiques les cellules du mésoderme secon- daire ; 2° il a vu une multiplication des noyaux dans les cellules en- todermiques ; 3° souvent il n’a pas trouvé sur les coupes des noyaux dans ces cellules entodermiques, où se trouvaient déjà les cellules du mésoderme secondaire ; 4° il a observé des cellules dans le vitel- lus, depuis l’entoderme jusqu’à la surface ovulaire. Je suppose que les cellules considérées par Reichenbach comme mésoderme secondaire correspondent tout à fait aux cellules vitel- lines, que j'ai décrites chez Mysis. J'aurai soin de prouver que Reichenbach avait tort d'admettre l'origine entodermique de ces cellules, car elles se montrent plus tôt que l’entoderme et le méso- derme, comme cela a lieu aussi pour les cellules vitellines de Mysis et quelques autres Arthropodes. C’est encore pendant la phase d’une blastule (fig. 16, 16 a, pl. IV, de son dernier ouvrage) que Reichenbach trouve dans le vitellus des éléments spéciaux qu'il nomme: schaumige £lemente des weissen Dotters. Ils sont formés par une substance protoplasmique finement gra- 130 = JOZEF NUSBAUM. nuleuse et renferment des vacuoles, qui leur donnent un aspect écumeux. Ces éléments sont situés au-dessous du blastoderme ou au centre de l’œuf. Ils rappellent complètement par leur forme, leur. grandeur et leurs vacuoles les mêmes éléments, que plus tard Rei- chenbach a désignés sous le ndm de mésoderme secondaire ; la dif- férence ne consiste qu’en ce que les éléments écumeux sont dépourvus des granulations brillantes. Dans la figure 30, Reichenbach dessine dans l’un de ces éléments un noyau et un nucléole distincts, ce qui démontre leur nature cellulaire. Selon moi, il est très probable que ces éléments, après avoir reçu leurs granulations brillantes, se trans- forment en cellules du mésoderme secondaire. Je l’admets en m’'ap- puyant sur les faits suivants : 1° comme le montrent les figures 30, 31,32 dans le travail de Reichenbach, les éléments écumeur se trouvent principalement au-dessous du blastoderme, où se montrent plus tard les éléments du mésoderme secondaire. 2° Reichenbach trouve ces éléments écumeux dans la phase C'; mais il ne trouve même pas de traces de ceux-ci dans la phase suivante 2, en revanche il voit pour la première fois les éléments du mésoderme secondaire, qui occupent la même place au-dessous du blastoderme, principalement à côté des cellules du mésoderme primaire. 3° Les grandeurs et les habitus généraux de ces deux sortes d'éléments vitellins se ressemblent beaucoup. 4° Un autre auteur, M. Morin (95), dit de l’Aséacus fluvia- tilis : « On peut trouver, de bonne heure encore avant la formation de l’entoderme, des éléments très semblables au mésoderme secon- daire, situés au-dessous des lobes céphaliques, ainsi qu’au-dessous de l'épaississement central du blastoderme. » Les éléments observés par Morin sont probablement identiques aux éléments écumeux de Reichenbach. Quant aux preuves dont se sert Reichenbach pour démontrer son opinion sur l'origine ento- dermique du mésoderme secondaire, Morin les critique, selon moi, d’une manière très convaincante. J'ai pensé aux mêmes arguments avant d’avoir lu le travail de Morin. Les cellules du mésoderme se- condaire, une fois formées, émigrent dans le vitellus ; comme les L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 151 cellules entodermiques de l’Astacus fluviatilis dévorent le vitellus, il n’est pas étonnant qu'avec ce dernier passent aussi dans leur inté- rieur les cellules dumésoderme secondaire. Ainsi les premiers et le quatrième arguments, (voir plus haut) de Reichenbach tom- bent. Quant au troisième argument, Morin fait remarquer avec justesse que, vu la grande épaisseur des cellules entodermiques (visibles à l'œil nu), ainsi que la minceur des coupes que faisait Reichenbach, il pouvait arriver qu'une cellule entodermique coupée ne présenta sur la coupe que l'élément du mésoderme secondaire, mais le noyau y manquait. : Nous trouverions ce noyau (dans la même cellule) sur une autre coupe de la même série, mais où manquerait l'élément du méso- derme. Enfin, quant au rôle des noyaux entodermiques dans la for- mation des cellules du mésoderme secondaire, Reichenbach ne donne aucune explication plus détaillée. En général, je considère une transformation d’un noyau en une cellule comme une absurdité histologique. En ce qui concerne l’origine si précoce des cellules du mésoderme secondaire, ou pour mieux dire, des cellules vitellines, elles sont très probablement, ainsi que le blastoderme même, des produits du pre- mier noyau de segmentation et du plasma formatif environnant, Ces produits se forment, selon Morin, au centre de l’œuf et émigrent d'ici vers la périphérie. De tout ce que nous avons dit plus haut sur les cellules vitellines dans les œufs des Arthropodes, nous pouvons tirer, avec une grande probabilité, les conclusions suivantes : 4° les éléments vitellins se montrent encore avant la différenciation de l’ento et du mésoderme ; ils apparaissent déjà pendant la phase de blastula et même (comme chez les insectes, en partie chez le Mysis et probablement aussi chez l’Astacus fluviatilis) simultanément avec la première formation du blastoderme; 2° les cellules vitellines ne prennent aucune part à la formation de l'entoderme, des muscles et des autres organes mésodermiques compliqués ; elles servent prin- 152 JOZEF NUSBAUM. cipalement à l'absorption et à la modification du vitellus, ainsi qu’en partie au moins à la formation des éléments du sang". Maintenant il faut poser la question : comment considérer les cel- lules vitellines au point de vue embryologique ? Présentent-elles des homologues du mésenchyme des frères Hertwig, du parablaste de His et de Waldeyer, du desmohaemoblaste de Rauber, c'est-à-dire des produits sur lesquels on a parlé et on a écrit beaucoup dans les derniers temps ? Puisque cette question se trouve jusqu’à un certain point en rap- port avec celle de la formation de la cavité du corps, nous revien- drons encore plus tard sur cette matière. Quant à la question, où nous devons chercher la gastrulation dans le développement de Mysis, il faut avant tout remarquer, qu’autant qu'il était facile d'observer chez les différents représentants des crus- tacés une gastrulation par invagination, autant il était difficile de la trouver chez les trachéates, particulièrement chez les Insectes. Les frères Hertwig (26) considéraient la gouttière ventrale des In- sectes, qui se ferme plus tard en tube et se transforme en mésoderme, comme une partie d’une invagination gastrulaire. La seconde partie plus profonde de cetteinvagination est représentée, selon ces auteurs, par le vitellus même, ou plutôt par les éléments cellulaires qu’il ren- ferme et qui donnent ensuite l’épithélium intestinal. Mais cette opi- nion était imcontestablement très artificielle. Les recherches de Kowalevski (15) sur le développement des Muscidæ, mentionnées déjà plus haut, démontrent que les éléments vitellins ne jouent aucun rôle dans la formation de l'entoderme et que la gouttière ventrale primitive constitue toute l’invagination gastrulaire. Cette partie invaginée donne naissance à l’entoderme, 4 1 Chez Blatta germanica j'ai observé très distinctement une pénétration des élé- ments cellulaires du vitellus dans l’intérieur des cavités des somites. Les grandes cellules vitellines, qui y sont entrées, subissaient une multiplication ; leur sort ulté- rieur m'est inconvu. Je suppose, cependant, qu’elles se transforment ici en corpuscules sanguins. Voir le numéro 27 dans la bibliographie donnée à la fin. L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 153 ainsi qu’au mésoderme ; c’est donc, comme dans la gastrula de Sagitta et d’autres enterocèles, l’ento-mésoderme, dont la partie médiane forme ensuite l’entoderme et les parties latérales le méso- derme. Cependant, chez les Insectes, l’entoderme ne se montre pas sous forme d’un sac central et ininterrompu (comme chez Sagitta). Puisque la gastrula est ici ordinairement très allongée, l’entoderme est ininterrompu au milieu; il se différencie primitivement de l’ento- mésoderme comme deux ébauches aux extrémités postérieure et an- térieure de la bandelette embryonnaire. Ces ébauches ont une forme des verres de montre, tournés l’un contre l’autre par ses surfaces concaves. Ces ébauches entodermiques croissent l’une vers l’autre, mais le croissement n’est pas partout égal, il est le plus fort aux bords de la bandelette embryonnaire. En se basant sur les recherches antérieures de Kowalevski (16), nous pouvons conclure qu'un pro- cessus semblable a lieu chez Hydrophilus. C'est depuis plus longtemps que Hatschek (28) a démontré, dans son travail sur le développement des papillons, que l’ébauche de l'entoderme se présente sous forme d’une petite accumulation cel- Julaire dans la partie la plus antérieure de l'embryon. Nous pouvons donc admettre que les indications de Hatschek diffè- rent de celles de Kowalevski en ce que chez les Muscidæ l'entoderme prend naissance aux dépens de la partie centrale du fond gastrulaire, sous forme des deux ébauches aux extrémités antérieure et posté- rieure de la bandelette embryonnaire ; chez les papillons, au con- traire, l’'entoderme apparaît sous forme d’une seule ébauche, située à l'extrémité antérieure de l'embryon. Bruce (17) est arrivé à une conclusion semblable. Quant à l'apparition du mésoderme chez l’Astacus fluviatilis, Reï- chenbach (23, 24) dit que ce feuillet se montre simultanément avec un pli ayant la forme d’un fer à cheval (gastrula). Le mésoderme est situé dans l'angle formé par le pli invaginé et par cette partie du blastoderme, qui s'étend en avant, par conséquent dans la partie antérieure de la bouche gastrulaire. Reichenbach ajoute encore : 154 JOZEF NUSBAUM. «Sein verbreitungshezirk (c’est-à-dire du mésoderme) liegt in Bezug auf die Embryonalanlage brlatéral symmetrisch. » Cette disposition symétrique bilatérale du mésoderme pendant les jeunes phases du développement était aussi décrite, il n’y a pas long- temps, par Morin (25) dans son travail accompli sous la direction du professeur A. Kowalevski. Selon Morin, c’est l’ectoderme primitif qui donne naissance aux cellules mésodermiques ; car cet auteur décrit l'apparition du mésoderme aux dépens des épaississements blastoder- miques, comme ayant lieu encore avant l'invagination gastrulaire. Ces cellules du mésoderme se séparent par une division transver- sale et rayonnée, que subissent les cellules du blastoderme (comme chez Mysis). Quant à la disposition du mésoderme pendant la phase de gastrula, l’auteur cité dit que la masse principale de ce feuillet se présente sous forme de deux troncs parallèles, qui s'étendent depuis l'invagination gastrulaire jusqu'aux lobes céphaliques (comme chez Mysis). Cette disposition du mésoderme pendant la phase de gastrula permet de croire, selon Morin, que ce feuillet embryonnaire, au moment de sa formation, se sépare du blastoderme dans deux en- droits symétriques. Cependant Morin n’a pas réussi à observer direc- tement ce fait, Néanmoins, il me semble que les observations citées de mon collègue démontrent une ressemblance entre les modes d'apparition de l’entoderme et du mésoderme chezl’Astacus et Mysis. Or, prenant en considération les modes indiqués ci-dessus de gas- trulation chez les Arthropodes, nous pouvons, je pense, admettre que les bords latéraux épaissis de la bandelette ventrale de Mysis, qui donnent le mésoderme, ainsi que le bord postérieur où se forme l’entoderme, présentent des homologues de parois invaginées ici très peu à cause d’une grande quantité de vitellus. nutritif, qui rem- plit le blastocèle, peut-être aussi à cause d’une consistance trop dure du vitellus, ne permettant pas une invagination plus profonde, Ainsi nous aurions chez Mysis, probablement aussi chez l’Astacus fluviatilis, le même mode de gastrulation que Kowalevski a décrit chez les Insectes. La différence ne consisterait qu’en ce que, chez L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 155 les Crustacés, tantôt toute la gastrula est très peu profonde et ses parois sont constituées seulement par un épaississement du blasto- derme (Mysis),tantôt la partie centrale seulement(le futur entoderme) s'invagine plus profondément (l’Astacus, selon les recherches de Morin). La ressemblance entre les modes de gastrulation chez les Insectes et chez les Crustacés (quelques-uns au moins) se retrouve encore en ce point, qu'ici comme là, la gastrula peut être allongée, avec un blastopore parallèle à l’axe longitudinal du corps et que dans les deux cas les parois latérales de la partie invaginée se transforment en mésoderme (comme chez Sagitta) et la partie centrale donne l'en- toderme, Cependant chez Mysis ce n’est que l'extrémité postérieure de la partie centrale, qui donne l’entoderme, tandis que chez les Insectes ce feuillet prend naissance aux dépens des extrémités pos- térieure et antérieure de cette même partie centrale (selon Kowa- levski). Cependant il peut arriver, chez les Insectes, que l’entoderme ne se forme qu'à un seul pôle de l’invagination (Hatschek). Je dois encore remarquer ici que le mode d’une apparition paire du méso- derme, que je viens de décrire, correspond à ce que dit Korotneff (29) sur le développement de ce feuillet chez Gryllotalpa où : « Keine Primitivrinne vorhanden ist... und das Mesoderm bildet sich aus dem Ektoderm..….…. nur seitwarts von der Medianlinie, diese selbst entbehrt solcher. » Lorsque la gastrula, au lieu d’être allongée, aura une forme très raccourcie, de sorte que son blastopore sera rond, nous aurons un type dans lequel le mésoderme se forme des bords de la partie ronde _Invaginée (de la lèvre gastrulaire) dans l’angle entre celle-ci et l’ecto- derme. Si les recherches de Reichenbach quant à l'apparition du mésoderme aux dépens de cette partie embryonnaire sont exactes, si ces recherches peuvent se concilier avec les observations faites par Morin sur la naissance paire du mésoderme pendant les phases très jeunes, on pourra peut-être admettre que le mode de formation de ce feuillet chez l’Astacus occupe le milieu entrele type que j'ai décrit chez Mysis et celui où le mésoderme se forme exclusivement 156 JOZEF NUSBAUM. ’ de la lèvre de gastrula invaginée avec un blastopore rond; ce serait un type d’une gastrula la plus raccourcie. Ces divers types de gastrulation chez les Arthropodes peuvent être représentés par les dessins schématiques suivants : I. Gastrula typique avec les entérocèles latéraux (comme chez Sagitta). II. Gastrula des Insectes (Mouches), selon Kowalevski. III. Gastrula hypothétique des Insectes (Papillons). IV. Gastrula de Mysis. V, Gastrula hypothétique de plusieurs Crustacés (admise par Reichenbach pour l’Asfacus flu- viatilis). Il nous reste à répondre comment il faut considérer la cavité du corps et les cellules vitellines sous le point de vue de l’embryologie générale ? Comme on sait, les frères Hertwig basent leur idée d’entérocèle et de pseudocèle sur le rapport qui existe entre le mode d'apparition du mésoderme et la formation de la cavité du corps. Je suis complè- tement d’accord avec les auteurs, qui critiquent l'opinion des frères Hertwig, d’après laquelle la cavité du corps des animaux supérieurs, désignés par eux d’un nom général d’Ænterocoelia, serait toujours une partie du mésenteron. L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 157 J'adopte entièrement les justes remarques du professeur Repia- choff (30), énoncées dans son ouvrage sur le développement de Dino- philus qyrociliatus. Dans la déterminaison d'une homologie réciproque de certains organes creux, c’est le caractère et l’origine de leurs parois, qui ont une signification principale, tandis que l’origine de la cavité même est d’une valeur secondaire. Repiachoff fait, par exemple, remarquer avec raison, que chez les Cœlentérés la cavité entourée par l’ento- derme, c’est-à-dire le canal digestif primitif, a partout la même valeur morphologique, est toujours un organe homoiogue. Et cependant cette cavité se forme tantôt par une invagination, tantôt par une réunion de nombreuses lacunes, qui se trouvent dans la masse de l’'entoderme mésenchymateux; tantôt enfin elle peut être un reste du blastocèle, comme dans une délamination typique. Les frères Hertwig, au contraire, jugent de l’homologie des parois limitant la cavité du corps, selon le mode d'apparition de cette cavité. Ainsi, dans le cas où la cavité du corps se forme par la réunion de nombreuses lacunes et espaces dans le mésoderme, ce dernier n'est qu'un mésenchyme. Lorsque la cavité du corps est une partie du mésenteron, ou lorsqu'elle provient d’une réunion de plusieurs somites creux, régu- lièrement placés, le mésoderme qui limite une semblable cavité est considéré comme un mésoblaste ; ce dernier n’est pas un homologue du mésenchyme. Cependant, certains faits dont le nombre grandit de plus en plus prouvent que la théorie des frères Hertwig ne peut pas résister à une critique scientifique. Nous en avons une preuve nouvelle dans le bel ouvrage de Y. Kennel (33) sur le développement de Peripatus Edwardsi et Peripatus torquatus. Cet auteur a démontré « que les cavités des somites chez les Péripatus ne se transforment pas en une cavité du corps définitive, car les somites entrent dans les sinus latéraux et dans les pattes... Tous les produits du mésoderme, qui entourent plus tard la paroi entoder- 158 JOZEF NUSBAUM. mique, se forment aux dépens d’un petit nombre de cellules isolées, qui se sont séparées des parois des somites et émigrent librement ». Kennel dit avec raison que ce fait prouve clairement toute la faiblesse de l’opinion des frères Hertwig, exposée dans leur Cælom- théorte. Selon Kennel, il est probable que les somites de plusieurs autres animaux arthropodes entrent dans les pieds, et que la cavité du corps se forme indépendamment de ces somites, comme cela a lieu chez l’eripatus. Chez Mysis, comme nous l'avons vu plus haut, la cavité du corps ne se forme pas par la réunion des somites régu- liers, mais elle se différencie lentement, à mesure que le vitellus s’absorbe, et que les Cellules du mésoderme sé désunissent, une partie de ces cellules s’applique contre les paroïs du Corps, une autre partie contre la paroi du canal digestif. M. Urbanowitsch (20) observa les somites mésodermiques chez le nauplius d’un cyclops, mais ce sujet est trop petit pour qu'on puisse déterminer avec sûreté si les cavités de ses somites se transforment en une cavité du corps définitive, ou si les somites sont entrainés dans les pieds. Du reste, cette question ne peut être résolue que par l'observation d’une série de coupes de diverses phases, depuis le nauplius jusqu’à la forme adulte, procédé dont ne s’est pas servi . M. Urbanowitsch (probablement à cause des petites dimensions de l’objet). En acceptant la théorie des frères Hertwig, il ne faudrait pas en conséquence considérer la cavité du corps de Mysis ou de Péripatus, ainsi que leurs feuillets pariétal et viscéral du mésoderme, comme des homologues de mêmes organes des entérocèles typiques (Sagitta), ou un peu modifiés (Annélides). Selon moï, éette manière de voir ne peut pas être admise. Je ne veux pas entrer ici en une critique détaillée de l'opinion des frères Hertwig, car elle à été déjà assez critiquée par d’autres auteurs. Je suis d'accord avec les obser- vateurs qui, comme par exemple Repiachoff, rejettent Fidée de deux formes du mésoderme, c'est-à-dire du mésoblaste et du mésenchyme, L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 159 dans le sens des frères Hertwig, idée qui est dans un rapport le plus intime avec celle de l’entérocèle ou du pseudocèle. Néanmoins il me semble que la distinction de certains produits histologiques indéter- minés, en opposition aux feuillets embryonnaires déjà différenciés, a une raison scientifique. Ces produits indéterminés, auxquels nous pouvons donner le nom de mésenchyme (mais pas dans le sens des frères Hertwig), de parablaste, etc., se montrent sans doute pendant le développement de plusieurs groupes d'animaux supérieurs. Ils ont tous ce trait commun, qu’ils apparaissent de bonne heure, le plus souvent encore avant la formation des feuillets embryonnaires, c’est- à-dire pendant la phase de blastula. Je les appelle produits indéterminés, parce qu’on peut les consi- dérer avec la même raison comme l’entoderme, ou comme le méso- derme, ayant en vue, que tantôt ils se différencient du blastoderme encore avant l'apparition de ces deux feuillets (comme chez Mysis, probablement aussi chez l’Astacus fluviatilis), tantôt se montrent simultanément avec le blastoderme (par exemple les cellules vitel- lines des Insectes). Comme nous l’avons vü plus haut, on trouve dans le blastocèle (ou dans le vitellus qui le remplit) des Crustacés, des Insectes et des autres Arthropodes, des cellules, qui ont apparu de très bonne heure. À là même catégorie appartiennent aussi, selon moi, les noyaux (Merocyten, Dotter-Kerne) trouvés dans le vitellus des ani- maux vertébrés, par exemple par Rückert dans l'œuf des Sélaciens, par Sensch et Kupffer dans l’œuf des poissons osseux. Ici appartien- nent encore probablement ces produits curieux et contestés jusqu’à présent, qui se trouvent dans le rouleau embryonnaire (Æeimwall) de œuf de poulet (Kôülliker, H. Virchow, His, Disse, Balfour, Kollmann, Waldeyer) et désignés par différents auteurs sous des noms divers: parablaste(Waldeyer), desmo-hæmoblaste (Rauber), akroblaste (Koll- mann), etc. En général, le rôle de ces produits n’est pas encore élu- cidé. Mais, en nous appuyant sur ce que nous avons vu chez les Arthropodes (Oniscus, Mysis, Tracheates), nous en pouvons con- 160 - JOZEF NUSBAUM. clure que ces produits possèdent la propriété de se nourrir par voie intra-cellulaire, qu'ils donnent peut-être naissance aux corpuscules sanguins (Reichenbach, mes observations chez Mysis) et à certains éléments du tissu conjonctüf. En tout cas, leur rôle formatif est d’une valeur secondaire : 1° parce que très souvent ils manquent entière- ment, et 2 parce qu'ils subissent une réduction dans la masse des matériaux nutritifs (Mysis). Mais laissons de côté le rôle formatif des éléments vitellins et oc- cupons-nous de cette question : comment faut-il considérer ces élé- ments sous le point de vue de la philogenèse? Leur apparition pré- sente-t-elle un processus palingénétique ou cénogénétique ? Or, selon Metschnikoff (32), la formation des feuillets embryonnaires des Méta- zoaires a commencé parce que la paroi de blastula donne naissance en divers endroits aux cellules, qui émigrent dans le blastocèle et y forment des éléments améboïdaux, possédant la propriété d’une nutrition intra-cellulaire (phagocytoblaste). Ces cellules constituaient la somme des éléments ento et mésodermiques, non différenciés n1 morphologiquement, ni physiologiquement, « Pendant qu'une partie du phagocytoblaste, dit Metschnikoff (p.158), s’est transformée en entoderme, dans lequel les cellules amé- boïdales primitives ont reçu le caractère d’un épithélium, une autre partie a donné le mésoderme. Ce dernier se présentait primitivement sous la forme de cellules isolées émigrantes, qui agissaient comme les phagocytes. » L'opinion de Metschnikoff est vérifiée par ses re- cherches, ainsi que par les observations des autres savants sur la formation des feuillets embryonnaires chez plusieurs éponges et autres Cœlentérés. De plus, des considérations et des preuves théo- riques parlent de même en faveur de l'opinion de Metschnikoff. La formation multipolaire des éléments ento et mésodermiques pendant la phase de blastula a subi une localisation successive chez les organismes supérieurs, Ce qui à Conduit jusqu’à une gastrulation. Or, cette apparition précoce des éléments vitellins dans le dévelop- pement ontogénétique des animaux supérieurs, où existe déjà la L’'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 161 gastrulation, peut-être expliquée, selon moi, par une répétition d’une phase du développement philogénétique, dans laquelle les éléments ento-mésodermiques se montraient isolés et séparés de la paroi blastodermique. Les cellules vitellines doivent donc être considérées comme des éléments ento-mésodermiques, rudimentaires, qui précèdent la gas- trulation et qui ont conservé leur propriété primitive des phagocytes (c'est pourquoi on pourrait les nommer vitellophages) et analogues au phagocytoblaste ‘. ORGANE DORSAL PROVISOIRE. Nous avons vu plus haut que, dans la quatrième phase (fig. 4, pl. V), où se montrent déjà les pieds naupliens, apparaissent, en deux endroits symétriques, deux petits corpuscules ronds, situés sur les côtés de la face ventrale de l'embryon, à la hauteur qui corres- pond plus ou moins à la limite entre la première et la seconde paire des pieds. Ce sont les premières ébauches d’un organe dorsal, Si dans la phase de nauplius on fait une coupe transversale de cet organe, on voit qu’il est constitué par un enfoncement peu profond de l’ecto- derme, formé ici par une seule couche de cellules cylindro-hexago- nales (fig. 24, pl. VI, a). Ces enfoncements deviennent ensuite plus profonds, en même temps que leurs cellules s’allongent et deviennent plus cylindriques. Tout l'organe prend la forme d’un petit sac; l'ouverture par la- quelle il communique avec le monde extérieur devient peu à peu plus étroite. Ce stade de l’organe dorsal se voit dans la figure 25, a (pl. VI), qui représente une partie d’une coupe d’un embryon de la cinquième phase (fig. 5 et 6, pl. V). 1! Selon Reichenbach, les cellules du mésoderme secondaire (ou vitellines) jouent de même le rôle des phagocytes, en mangeant çà et là le vitéllus (p. 110, 411 de son ouvrage sur le Développement d’Astacus fluviatilis). ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GEN, = 9€ SÉRIE, = T. V. 1887. 11 162 JOZEF NUSBAUM. Les cellules, qui forment la paroi de ce sac, reçoivent une forme un peu pyramidale, c’est-à-dire que leurs bases sont plus larges, leurs sommets plus étroits ; elles possèdent la forme des cônes tronqués. Dans la figure 25 nous pouvons voir les choses suivantes : Les noyaux des cellules, qui forment la paroi du sac, sont ovoïdes et granuleux ; çà et là, on voit entre les cellules une excrétion homo- gène qui remplit une sorte de vacuole (x); du pôle de chaque noyau s'étend un petit pilier granuleux, qui se colore comme le noyau d’une manière intense, jusqu’au sommet de la cellule. Je ne peux pas m'expliquer ce fait histologique. Il est peu probable que les noyaux jouent ici quelque rôle dans la fonction excrétoire des cel- lules du sac. L'intérieur du sac est rempli d’une multitude de granu- lations et de boules plus ou moins grandes, qui se colorent par l’hé- matoxyline d’une manière très intense. Ainsi nous voyons que cet organe commence à exécuter de bonne heure sa fonction excrétoire. Chez les embryons de la sixième et de la septième phase (fig. 7 et 8, pl.V), nous pouvons voir qu’ensemble avec l'organe dorsal se déve- . loppe une mince membrane homogène, qui entoure tout l'embryon. Dans les figures 28, 29, 30, 31 (pl. VII), qui représentent les parties ventrales des coupes transversales d’un embryon de la sixième phase, nous trouvons outre la membrane ovulaire (mb) très lâche, qui est déchirée par l'embryon déjà dans la phase suivante (septième), encore une membrane interne (». c.) ou cuticule, appliquée plus étroite- ment contre l’ectoderme et réunie à ce dernier çà et là à l’aide des traïnées protoplasmiques délicates (par exemple dans les figures 30, 31, m. p.), Cette membrane est aussi en connexion avec l'organe dorsal; elle s'enfonce et tapisse l’intérieur de ce dernier, comme nous le voyons dans la figure 30, a. C'est pourquoi j'admets que chez Mysis l'organe dorsal prend part, en partie au moins, à la formation de la cuticule, ainsi que l'ont admis divers auteurs pour les autres représentants des Crustacés. En décrivant les changements extérieurs nous avions eu déjà L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 163 l'occasion de dire que l'organe dorsal se déplace successivement depuis la face ventrale jusqu'aux faces latérales, et qu'ensuite il se rapproche vers la face dorsale de la larve de Mysis. À mesure que ce déplacement a lieu, l'organe dorsal subit une transformation : ses cellules s’allongent très fortement, mais gardent leur forme en cône. Pendant les phases les plus avancées, par exemple chez les larves de la neuvième et dixième phase (fig. 10, 114, pl.V), les limites entre les cellules de l’organe dorsal deviennent un peu indistinctes. Cet organe se présente alors de la manière suivante (fig. 83, a, pl. XI; fig. 73, 74, pl. X ; fig. 72, pl. XII) : Le lumen de l'organe dorsal est occupé par une substance densé, homogène, réfractant très fortement la lumière, se colorant d’une manière très intense par le borax-carmin, l’'hématoxyline et avant tout par le magdala rouge. Dans l’intérieur de chaque cellule en cône allongé se voit un petit pilier de la même substance, qui s’étend depuis le sommet jusqu’au noyau, situé vers la base. Ces petits pi- liers se colorent comme la substance centrale ; ils sont en connexion directe avec celle-ci, ce qui donne sur la coupe l’aspect d’un a$stre placé au milieu de l'organe dorsal, et dontles rayons pénètrent dans l'intérieur des cellules, qui limitent le lumen (fig. 72, pl. XII). Le protoplasma de ces cellules est grossièrement granuleux; ces granulations se colorent d’une manière intense. Dans les noyaux ronds, nous trouvons de même des granulations, qui réfractent la lumière et se colorent fortement. Les figures 72 (pl. XIT) et 73 (pl. X) présentent des coupes qui ont passé à peu près parallèlement à l'axe longitudinal des cellules de l’organe dorsal ; la figure 74 (pl. X) présente une coupe verticale à cet axe. Dans cette dernière figure, nous voyons plus distinctement les limites entre les cellules; elles ont, en vertu d’une pression réciproque, une forme polygonale,. Dans l’intérieur de chaque cellule on voit en coupe un pilier d’une substance homogène, fortement colorée (par le magdala rouge). Du côté interne, c’est-à-dire du côté du vitellus, s'appliquent contre la surface de l’organe dorsal les cellules aplaties du mésoderme, 164 JOZEF CHAMELEO. comme nous le voyons dans la figure 74 (pl. X) ou dans la figure 70 (pl. X). s L'organe dorsal communique avec le monde extérieur par une ou- verture très petite, et c’est pourquoi on ne la voit que sur un petit nombre de coupes. Les bords de l'ouverture s'élèvent un peu au- dessus de la surface du corps, ce qui est visible dans la figure 73, o (pl. X). La structure de l'organe dorsal prouve évidemment que celui-ci remplit la fonction d’une glande; mais quel est le rôle phy- siologique de cette glande, il est difficile de répondre. Il est possible que le contenu homogène du lumen de la glande est en rapport physiologique avec la membrane, qui se développe autour de l’em- bryon et qui est unie avec l'organe. Je n’ai pu réussir à observer comment se passe le processus de réduction de cet organe énigmatique ; cependant je suis persuadé . qu'il se réduit très vite. Chez les larves de la neuvième phase (fig.13, pl. V), il n’y a plus de traces de l’organe dorsal. Pendant les phases plus avancées, j'ai trouvé, aux endroits correspondant plus ou moins à la position de cet organe chez les larves plus jeunes, une accu- mulation solide de petites cellules situées juste au-dessous de l’ecto- derme (fig. 89, a’, pl. XI). Je crois donc que ces cellules présentent peut-être des produits de division, des éléments cellulaires, qui for- maient l'organe dorsal. Chez les formes adultes, je n’ai trouvé rien de semblable, de sorte que, définitivement, l'organe dorsal n’est qu'une formation provisoire, qui se montre de bonne heure, mais qui disparait aussi relativement tôt sans laisser de traces. CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES. P.-J. van Beneden (5) fut le premier qui observa l'organe provi- soire chez Mysis. Cet auteur dessina, dans la figure 1 (pl. X) de son ouvrage, une éminence arrondie sur les faces latérales de l'embryon, mais n’ajouta rien sur ce produit ni dans le texte, ni dans les expli- cations de ses dessins. L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 165 La science doit à Ed. van Beneden une description plus détaillée de ce produit énigmatique (6). Voici ce que dit cet auteur : « Cet organe apparaît sous forme d’un mamelon cellulaire dans la concavité de la courbe décrite par les antennes supérieures, par conséquent sur les flancs de l’animal. Quand l'embryon s’est entouré de la cuticule nauplienne, et qu’il est sur le point de quitter les enveloppes de l’œuf, le tubercule cellulaire prend une forme ovale allongée et on y reconnait une couche externe de cellules cylindroïdes, serrées les unes contre les autres, circonscrivant une petite cavité remplie d’un liquide réfringent, qui paraît communiquer avec la masse deu- toplasmatique. » Quant à la signification morphologique de cet organe, van Beneden croit qu’il est sans doute un homologue des « appendices foliacés de l’Asellus », mais il ne détermine pas de plus près le rôle de ces formations. Ainsi van Beneden a vu de même quelque matière excrétée dans l'organe dorsal, mais comme il n'ob- servait pas celui-ci sur les coupes, il admettait à tort que cette matière se trouve au-dessous de la couche des cellules cylindriques, qui communiquent avec le vitellus. Cependant, il est possible que nous ayons ici affaire à une modification de l'organe dorsal, ear j'ai observé l'espèce Mysis chameleo, van Beneden Mysis ferruginea, et on sait que les organes provisoires et rudimentaires subissent facilement des modifications chez les formes voisines. Quant à la signification morphologique de l'organe dorsal chez les Crustacés, divers auteurs ont énoncé des opinions différentes. Meissner (33), qui a trouvé l'organe dorsal chez les Amphipodes, le considérait comme un Mikropylenaparat, tandis que la Valette Saint-George attribue à cet organe un certain rôle dans la respira- tion de l’embryon. Selon Sars, l’organe dorsal des Amphipodes, ainsi que les appendices foliacés de l'embryon d’Asellus, ont une signification dans la nutrition embryonnaire. Bessels et principale- ment Dohrn (34), considéraient ces organes comme des homologues des piquants de la larve Zoea. Leydig a comparé les appendices foliacés chez l’Asellus avec la « glande verte » ou la « glande coquil- 166 JOZEF NUSBAUM, lière» des autres Crustacés, Dohrn affirme que cette comparaison n’a aucune base, considérant que les organes provisoires se montrent de bonne heure et qu'ils n'ont aucune ressemblance avec les glandes. Quant à ce dernier point, Dohrn a tort, comme nous l’avons vu. Enfin le professeur B. Ulianin (35), qui a étudié le développement de l'organe dorsal provisoire chez l'Orchestia, affirme que c’est un homologue de la glande coquillière des Mollusques, et ajoute que les cellules de l’organe dorsal entrent dans le vitellus pour y former l'entoderme. Cependant, quant au dernier point, le professeur Ulianin s'exprime avec incertitude et avoue que ses observations sont ici insuffisantes. | Or, en me basant sur mes observations chez Mysis, ainsi que sur les considérations théoriques, je suis arrivé à des conclusions tout à fait différentes de celles de tous mes prédécesseurs. Avant tout, il faut poser la question, si les organes provisoires des Crustacés sont des homologues de l'organe dorsal provisoire, qui se montre chez les embryons des Insectes? Selon moi, ce sont des produits tout à fait différents, Les organes provisoires des Crustacés sont, comme nous le verrons, dans la plupart des cas, des formations paires, tandis que chez les Insectes, l'organe qui se montre sur le dos de l'embryon et se ferme en tube, est toujours impair. Ensuite, les organes provisoires des Crustacés proviennent toujours de l'ecto- derme; chez les Insectes, au contraire, l’organe dorsal est une for- mation entodermique, ainsi que l'ont démontré Korotneff et Grassi (29), Ces deux preuves directes, ainsi que d’autres indirectes, dont nous parlerons bientôt, me permettent de croire que nous avons ici affaire à deux formations morphologiquement tout à fait différentes. Korotneff affirme que l'organe déerit par le professeur Ulianin chez l’Orchestia est un homologue de l’organe dorsal chez Gryllotalpa et ajoute que l'organe sphéroïdal (Æugelfürmiges Organ) d'Orchestia « nach der Homologie zu urtheilen entodermatischen Ursprunges ist ». Quant à moi, il me semble, que justement l’ori- gine ectodermique de l'organe sphéroïdal de l’Orchestia (probable- L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 167 ment aussi d'autres Arthropodes) se trouve en contradiction com- plète avec l'homologie mentionnée ci-dessus. Selon moi, les organes dorsaux des Crustacés sont des homologues des membranes embryonnaires (amnion et serosa) des Trachéates et principalement des Insectes. Chez ces derniers se forment, comme on sait, à la face ventrale de l'embryon, des côtés de la bandelette ventrale, deux plis qui croissent l’un vers l’autre et se confondent de manière à former deux membranes embryonnaires : l'amnion et la sérose. Ces membranes sont une production de l’ectoderme primitif, ou bien ne sont qu’une partie du blastoderme, ainsi que le prouvent les faits connus de leur formation chez Libellulidæ, Or, chez les Crustacés, se forment de même deux plis ectodermaux des côtés de la bandelette ventrale ; cependant ces plis peuvent se déplacer vers les faces latérales de l'embryon et se rapprocher même jusqu’à la face dorsale (comme cela a lieu principalement chez Mysis). Ges plis ne croissent pas si fortement que chez les Insectes et ne se rencontrent pas sur la ligne médiane de la face ventraie de l'embryon. Leur développement est beaucoup plus faible que chez les Insectes; très souvent ces plis se ferment en sacs. Quoique ces organes ne forment pas des membranes cellulaires complètes, qui entouraient l'embryon comme chez les Insectes, néanmoins, ils sécrètent dans la plupart des cas des membranes homogènes (culi- culæ) qui entourent l'embryon; ces organes forment aussi des côtés de l'embryon des plis, qui ne recouvrent celui-ci que jusqu’à la moitié (Ligia), ou bien encore donnent des membranes cellulaires _ monostraüfiées, qui entourent l'embryon sous forme d’une selle (Oniscus). Les plis des membranes embryonnaires chez les Insectes sont longs et apparaissent sur toute la longueur de la bandelette ventrale, tandis que les plis des organes dorsaux des Crustacés, présentant des rudi- ments, sont beaucoup plus courts, réduits aux petites formations 168 JOZEF NUSBAUM, et n'apparaissant que sur un espace plus ou moins insignifiant. Je base cette opinion sur les faits suivants : 4° Quant à l'apparition paire des organes dorsaux, on sait que les appendices foliacés d’Asellus sont pairs et apparaissent d'emblée comme tels des côtés de la bandelette ventrale de l'embryon. Chez Mysis, comme nous l’avons vu, les organes provisoires se montrent de même comme pairs, des côtés de la bandelette ventrale et crois- sent successivement vers la face dorsale, sans se rencontrer. Donc si nous nous imaginons que ces organes croissent encore plus vers le dos jusqu’à leur rencontre, ils formeraient alors un organe impair, Mais qui aurait gardé sa structure bilatérale. C’est justement chez l'Onrscus murarius et chez Ligia oceanica, que nous trouvons une telle symétrie bilatérale dans la structure de l’organe dorsal, Quant à Ligia, c’est encore Fritz Müller qui dit dans son ouvrage connu : #ür Darwin (36), que son embryon se réunit directement par sa surface dorsale derrière la membrane qui l’en- toure. À cette surface dorsale se trouve un organe rappelant tout à fait la membrane qui entoure, comme une selle, l'embryon de l’Oniscus murarius, Selon la description de Bobretzky. Me Rosalie Nusbaum; qui travaille, dans mon laboratoire privé, sur le développement de ZLigia oceanica (matériaux apportés de Roscoff), a obtenu quelques préparations, qui prouvent que l’organe dorsal de ce crustacé présente deux plis, comme les enveloppes embryonnaires des Insectes. L’un de ces plis s'applique directement contre la membrane de la larve et joue le rôle d’une sorte de sérose des Insectes, c'est-à-dire d’enveloppe externe; l’autre pli joue le rôle d’un amnion ou d’enveloppe interne. Les plis sont courts et c'est pourquoi ils ne se rencontrent pas sur la ligne médiane du ventre. Les plis sont formés par une couche de cellules de lecto- derme et passent directement dans celui-ci. Entre ces deux plis émigrent une certaine quantité de cellules libres du mésoderme, ce qui nous rappelle les rapports qui existent dans les enveloppes em- L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 169 bryonnaires du Scorpion (selon la description de Kowalevski et de Schulgin (18). La structure et l'aspect de cet organe chez ZLigia oceanica per- mettent de croire que l'organe est formé par deux plis ectodermaux dès le moment de son apparition. Dans le cas où des plis semblables se formeraient non des côtés, mais juste à la surface dorsale et-sur la ligne médiane de l'embryon, ils seraient unis avec son corps à l’aide d’une mince lamelle cellulaire, sur laquelle l'embryon serait suspendu librement, ainsi que nous le trouvons plus ou moins chez l’Oniscus. Chez le nauplius de Cyclops, selon les observations de Urbanawitsch (20), l'organe dorsal (voir la figure 16, pl. Il, de l'ouvrage de cet auteur) se réunit aussi à l’aide d’une petite lamelle avec la peau du dos de la larve et possède une structure paire, c’est-à-dire il forme une aile gauche et une aile droite. Chaque aile représente une lamelle, formée de deux couches de cellules, ce qui indique que cet organe est apparu peut-être sous forme de deux plis du feuillet externe. 2 La seconde série des preuves, qui confirment mes suppositions quant à l’homologie de ces deux sortes de formations chez les Crus- tacés et les Trachéates, consiste en ce qu’on connaît, chez les In- sectes, des cas où les enveloppes (amnion et sérose) sont développées d’une manière incomplète. Elles représentent alors justement un organe impair, placé sur le dos et rappelant fortement l'organe dorsal de certains crustacés, Ainsi, par exemple, chez les Podurrides, selon les recherches antérieures de M. le professeur Ulianin (46), il se développe un tel organe impair sur le dos, qui rappelle l’organe sphéroïdal des Amphipodes ; à la surface de l'embryon se montre une membrane, qui communique à cet organe. Le professeur Met- schnikoff (45) dit que les vraies enveloppes embryonnaires chez les Fourmis de Madeira ne se développent pas, mais il se forme une petite quantité de cellules qui se sont séparées d’un organe monti- culeux, qui ressemble beaucoup au micropyle de jeunes embryons des Podurrides. 170 JOZEF NUSBAUM. 3° Une confirmation importante de mon idée consiste dans le fait que les deux séries des organes aussi caractéristiques que le sont l'organe dorsal et les enveloppes embryonnaires. s'excluent récipro- quement dans les deux groupes des Arthropodes, c’est-à-dire chez les Trachéates et les Crustacés, qui possèdent bien des traits carac- téristiques communs. Comme les enveloppes embryonnaires, ainsi que les organes dor- saux, se montrent de bonne heure et présentent des formations provisoires, ils sont sans doute dérivés des ancêtres communs et ne sont qu’un seul et même organe différemment modifié. TA lee: “| | Le fait est qu'une réflexion plus profonde relativement au rapport de ces deux séries des formations du type des Arthropodes nous a conduit, M. Kennel (31) et moi, tout à fait indépendamment l’un de l'autre, à la même idée, et il prouve encore que nos idées possèdent beaucoup de probabilité. J'ai médité sur l’homologie de ces forma- tions encore l'été de l’année passée, pendant mon séjour à Roscoff; après mon retour à Varsovie, j'ai lu la belle publication de Kennel sur l’'embryologie de Péripatus, où j'ai trouvé des preuves nouvelles de l’opinion énoncée ci-dessus. Je dois encore ajouter ici que déjà L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 171 le professeur Bobretzky (12) parle d’une homologie entre l'organe dorsal de l'Oniscus et les enveloppes embryonnaires des Insectes. Le fait que, dans certains cas, l'organe dorsal des Crustacés pré- sente le caractère d’une glande, ne peut être un obstacle à l’admis- sion de l’homologie dont nous parlons. Après avoir cessé de remplir la fonction des enveloppes embryonnaires, cet organe pouvait dans certains cas facilement changer son rôle physiologique, d'autant plus que les fonctions glandulaires de ces organes ont en partie, selon toute probabilité, le même but que les enveloppes embryon- naires des Trachéates, car chez Mysis (probablement dans tous les autres cas) à l’aide de ces organes et en rapport avec ceux-ci sont sécrétées les formations cuticulaires, qui entourent l’embryon, Les cinq dessins schématiques ci-contre expliquent l’homologie des enveloppes embryonnaires des Insectes ([) avec l’organe dorsal pair des Crustacés (Il, II ou impair (IV, V). DÉVELOPPEMENT DU SYSTÈME NERVEUX ET DES ORGANES DES SENS. Comme le développement du ganglion céphalique sus-æsophagien ou cerveau se trouve intimement lié au développement de l'œil et du ganglion optique, nous décrirons d’abord la formation de ces organes. Dans les phases qui précèdent la phase de nauplius, dépourvues encore des pieds, ainsi que dans le stade de nauplius, nous trouvons dans la partie la plus antérieure de la bandelette ventrale des épais- sissements arrondis, dirigés en avant et en dehors (0, fig. 3-9, pl.V). Ces épaississements oculaires de l’ectoderme, pairs et antérieurs, re- présentent les premières ébauches des ganglions optiques et de l'œil. Ces épaississements sont formés par une seule couche de hautes cellules cylindriques, comme nous le voyons dans la figure 23, o (pl. VP. Plus en dehors, les cellules de ces épaississements sont plus hautes (fig. 26, o, pl. VI). 472 _JOZEF NUSBAUM. Les parties externes et antérieures des épaississements oculaires sont les ébauches de l’œil même ; les parties internes et postérieures sont les ébauches des ganglions optiques. Dans la figure 66 (pl. V), nous pouvons déjà distinguer ces deux parties sur chaque épaissis- sement oculaire (0, ébauches des yeux ; 0’, ébauches des ganglions optiques). Simultanément apparaissent encore sur l’ectoderme deux paires d’épaississements derrière les épaississements oculaires, à la hauteur de la première et de la seconde paire des pieds naupliennes et du côté interne de ces derniers (c et c’, fig. 7, 8, 9, 40, 44, pl. V, et fig. 66, pl. IX). Ce sont les ébauches du ganglion nerveux sus- æsophagien. Nous étudierons de plus près le rapport réciproque qui existe entre les épaississements oculaires et cérébraux, comme ils se représen- tent sur les coupes longitudinales et transversales. Les figures 38-44 (pl. VIT) représentent sept coupes longitudinales, choisies dans une série entière des coupes d'un embryon de la cinquième phase (fig. 5, 6, pl. V); les figures 32-37 (pl. VIT) représentent six coupes transver- sales, choisies de même dans une série entière des coupes d’un embryon de la septième phase (fig. 8, pl. V). La figure 38 représente une coupe, qui a passé par les parties externes de l’épaississement pour l'œil. Nous y voyons une accumu- lation des cellules ectodermiques ; la couche externe de celle-ci est formée par des cellules hexagonales. Dans les figures 39 et 40, qui représentent des coupes plus in- ternes que la précédente, nous voyons déjà en coupe longitudinale les ébauches des ganglions optiques. Les cellules de la couche la plus externe de ces parties sont, comme nous voyons, hautes (ec) ; la disposition des cellules de la couche plus profonde permet de croire que celles-ci se sont formées par une division transversale des cellules de la couche externe. Quelques-unes des cellules de l’ectoderme sont, comme nous voyons, très grandes ; il arrive que la grandeur de leurs noyaux dépasse deux fois celle des noyaux dans d’autres cellules. L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 153 Ces grandes cellules ectodermiques s’enfoncent sous forme de coins, au-dessous de la couche externe, probablement à cause de la pression exercée sur elles par les cellules voisines, qui se multiplient. Dans la figure 39, par exemple, nous voyons une de ces grandes cel- lules (w. c), avec sa partie supérieure amincie et imférieure élargie. Dans la figure 40, nous voyons encore une grande cellule sem- blable, située déjà dans la couche plus profonde. Les noyaux de ces grandes cellules se distinguent par de nombreuses granulations, qui réfractent fortement la lumière et qui absorbent les colorants d’une manière intense, On peut facilement distinguer, pendant un temps très long, ces cellules parmi d’autres cellules nerveuses. Nous re- viendrons encore plus tard sur ces cellules, Les épaississements ectodermiques, qui sont les futurs ganglions optiques et que nous voyons dans les figures 39 et 40, communi- quent directement avec les épaississements cérébraux, visibles sur les coupes, qui passent encore plus intérieurement, c’est-à-dire presque par le milieu de la bandelette ventrale, comme nous le voyons dans les figures 43 et 44. Dans les figures 43 et 44, nous distinguons sur une coupe longi- tudinale trois segments, dont deux postérieurs (If, LIT) correspondent à la première et à la seconde paire des pieds naupliennes et pré- sentent les vraies ébauches cérébrales; le segment antérieur (I) présente l’épaississement du ganglion optique. Ces images, sur les coupes longitudinales, deviennent tout à fait compréhensibles si nous nous rappelons que les épaississements oculaires sont placés plus en dehors et en avant, et les épaississements cérébraux en de- dans et en arrière. Ainsi le cerveau et les ganglions optiques présentent la somme de trois paires des ganglions nerveux. Dans la formation du cerveau et des ganglions optiques prennent encore quelque part les parties qui se développent au milieu, entre deux ganglions de chaque paire. Je nommerai ces parties le cordon médian. Ces rapports s'expliquent encore par l'observation des coupes transversales. 174 JOZEF NUSBAUM. La figure 32 représente une coupe transversale d’une partie anté- rieure de deux épaississements pour les yeux (0). Ils sont formés, comme nous voyons, de trois ou quatre couches de cellules ; la partie de l’ectoderme entre eux (ec) est formée par une couche de cellules plates. Dans la figure 33 représentant une coupe qui a passé plus en arrière que la précédente, nous voyons les épaississements pour l'œil (0) et, intérieurement de ceux-ci, les ébauches des ganglions optiques (g. 0). Dans la figure 34, qui représente une coupe encore plus postérieure, nous trouvons les épaississements pour les gan- glions optiques (g. 0), et au milieu, entre ceux-ci, se trouve un épais- sissement impair (m. s) de l’ectoderme, formé de deux couches de cellules ; c’est le cordon médian. Enfin, dans la figure 35, qui est l’image d’une coupe à la hauteur de la première paire d'antennes, on voit les épaississements pour les ganglions cérébraux (g. c); entre ceux-ci, au milieu, nous trouvons de même un épaississement impair, formé d'une seule couche de cellules (7. s). Dans toutes les phases décrites ci-dessus, on trouve à la surface interne des ganglions nerveux rudimentaires des cellules mésoder- miques isolées, appliquées plus ou moins fortement (m). Les changements ultérieurs que subit dans son développement toute la partie céphalique du système nerveux sont représentés dans les figures 50-58 (pl. VIID), c’est-à-dire sur les coupes transversales d’un embryon de la huitième phase (fig. 9, pl. V). À la hauteur des ébauches des yeux (fig. 50, o) se voient deux épaississements eciodermiques, complètement séparés l’un de l’autre et beaucoup plus gros en comparaison avec ceux que nous avons vus dans la figure 32 (pl. VID. Les figures 51-57 représentent une série des coupes transversales à la hauteur des ganglions optiques. Toutes ces figures montrent un cordon médian impair (m. s). Dans la partie la plus antérieure des ganglions optiques, ce cordon (fig. 51 et 52) est développé moins for- tement ; mais, à mesure qu on s'éloigne en arrière, il est de plus en plus développé (fig. 53, 54, 55, 56 et 57). Ilest digne d'attention que (4 L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 175 le cordon médian même montre une disposition paire ; il présente en coupe transversale une sorte de X. Les ailes de la base élargie du cordon passent directement dans l’ectoderme, de sorte que ces ailes inférieures deviennent successivement plus minces, en se prolon- geant en une seule couche de cellules (fig. 56 et57}. Du côté interne, on voit sur le cordon médian un sillon longitudinal, qui va presque jusqu’à la base du cordon et qui le divise en deux moitiés : gauche et droite. Ce sillon est plus profond dans la partie antérieure des ganghons optiques (fig. 52); plus en arrière il devient moins pro- fond, et enfin il ne reste à sa place qu’une fossette peu profonde à la . surface supérieure du cordon (fig. 57, pl. VIT). Les ailes supérieures du cordon médian, en croissant fortement vers les côtés, recouvrent, dans une certaine étendue, les deux ébauches des ganglions optiques (gauche et droite). Dans la partie antérieure des ganglions optiques, les ailes supérieures sont, ainsi que les inférieures, faiblement déve- loppées (fig. 52), mais en arrière elles grossissent et croissent plus fortement vers les côtés. En vertu de la structure du cordon médian que nous venons de décrire, les parties internes de deux ganglions optiques se trouvent placées dans des enfoncements latéraux de ce cordon, entre les ailes supérieures et inférieures, comme le montrent les figures 56 et 51. À la hauteur de deux paires des futurs ganglions cérébraux, le cordon médian est très fortement développé pendant ce stade ; élargi en bas, il s’amincit en haut, et c'est pourquoi il présente en coupe transversale la forme d’un coin (fig. 58, m. s). Ici encore il montre une structure paire, car juste par son milieu passe une sorte de cloison (sp) formée par une couche de cellules aplaties. I1Ime semblait pendant un certain temps que les cellules, qui constituent cette cloison, ne sont pas d’une nature nerveuse, mais qu’elles appartien- nent au tissu conjonctif ; cependant le mode de leur coloration, la ressemblance de leurs noyaux avec ceux des cellules nerveuses, enfin l'absence pendant ce stade du tissu conjonctif dans l’intérieur 176 JOZEF NUSBAUNM. du système nerveux, me permettent de croire que nous avons affaire ici à des cellules nerveuses. Si les éléments du cordon médian total se transforment en cel- lules nerveuses des futurs ganglions, je dois considérer comme un fait que le cordon impair subit une réduction partielle. Ce sont ses parties basiques, qui montrent, après la séparation complète des ganglions nerveux, un épaississement ectodermique impair, qui subit plus tard une réduction complète, tandis que les parties su- périeures du cordon médian se transforment, selon toute proba- bilité, en tissu nerveux. Pendant le stade un peu plus avancé, la surface interne des ébauches des ganglions optiques et cérébraux est recouverte, du côté de vitellus, par une couche de cellules méso- dermiques fusiformes, qui donnent certainement naissance aux en- veloppes externes, ainsi qu'au tissu conjonctif du système nerveux (fig. 75, m, pl. X). Les ébauches de l'œil, situées en avant et un peu en dehors des sanglions optiques, forment une sorte de pli, leurs bords anté- rieurs se recourbent en arrière et s'enfoncent entre le vitellus et les ganglions optiques. Ainsi en regardant la figure 48 (pl. VIIT), qui re- présente une coupe longitudinale d’une larve de la huitième phase, nous trouverons dans la partie antérieure du corps les ébauches de l'œil (o), unies directement aux ganglions optiques (g. o), mais ne montrant aucun pli. Chez la larve de la neuvième phase, nous voyons déjà une autre chose ; les figures 59 et 60 (pl. IX) représentent les coupes longitudinales d’une larve de cette phase. La coupe dont l’image est donnée dans la figure 59, a une grande importance pour nous, parce que nous y voyons l’ébauche de l’œil (0), celle du gan- glion optique (g. 0), ainsi qu'en partie les ébauches du cerveau (g. c). Or l’ébauche de l’œil est formée ici en quelque sorte par deux la- melles : externe (e) et interne (+); elle est comme pliée en deux. La lamelle interne se trouve entre le vitellus et le ‘ganglion optique ; elle croît entre ces deux parties. Ce processus d’une pénétration de l’ébauche de l’œil au-dessus du vitellus est un commencement de sa L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 171 séparalion du vitellus céphalique, c’est-à-dire que l’œil commence à s'isoler comme un organe indépendant dans la partie ‘antérieure du corps larvaire. Nous signalerons dès à présent que la lamelle interne, qui aboutit au vitellus, grossit et se développe plus vite et plus fortement que l’externe ; c’est dans la première que se montrent le plus tôt les processus ultérieurs de la différenciation de l'œil. Derrière le bord postérieur de cette lamelle interne se forme dans le ganglion optique rudimentaire de chaque côté un petit enfoncement, qui apparaît sans doute à cause d’un déplacement local des cellules du ganglion. Cet enfoncement, visible dans la figure 59 (zg.), pl. IX, est ouvert du côté du vitellus et se remplit d’une exsudation homogène, pâle jaunâtre. nous voyons très distinctement ces enfoncements au nombre d'un de chaque côté (zg) dans la figure 75 (pl. X), qui représente une coupe transversale du ganglion optique. Dans l’enfoncement men- tionné ci-dessus, entrent quelques cellules isolées du mésoderme, qui forment, comme nous avons dit, une couche à la surface des ganglions optiques et cérébraux du côté du vitellus (ces cellules se voient dans les figures ë9 et 75). La différenciation ultérieure dans le développement de l’œil et du cerveau se voit dans les figures 77 et 78 (pl. X), qui représentent les coupes longitudinales de la partie céphalique des larves d’un stade un peu plus jeune que le dixième (représenté par la figure 19, pl. V). Dans la lamelle interne de l’ébauche de l'œil, les cellules com- mencent à se grouper régulièrement, en formant des séries verti- cales ; ces groupes réguliers de cellules (fig. 77) donnent naissance aux éléments des cornées, aux cônes cristallins, aux rhabdomes, aux retinules et aux deux séries de cellules pigmentaires de l’œil, ainsi que nous le verrons bientôt. À la limite du ganglion optique et cérébral (fig 77, pl. X) se voit un pli transversal et vertical de l’ectoderme, formé par deux couches de cellules (f) ; un pli semblable (f”) se trouve à la limite de deux ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN. — 20 SÉRIE.—T,. Ve 1887, 12 175 JOZEF NUSBAUM. ganglions, qui se sont confondus en une moitié du cerveau. Ces plis n'arrivent que jusqu’à une certaine hauteur, au-dessus de laquelle le ganglion optique, ainsi que les deux parties constituantes du cer- veau, se réunissent d’une manière ininterrompue. J’ai vu des plis semblables à la limite d’autres ganglions du système nerveux, mais développés moins fortement et pas toujours distincts. Dans le gan- glion cérébral de jeunes individus de Yysis adultes, les plis sembla- bles n’existent point. Dans le ganglion optique, ainsi que dans le ganglion cérébral, nous trouvons pendant les stades représentés dans les figures 77 et 78, de même que dans les stades plus jeunes (fig. 59, pl. IX; fig. 34, pl. VIE, w. c), des grandes cellules nerveuses, mentionnées déjà ci- dessus, qui se différencient de bonne heure. Quant au sort ultérieur du développement de l'œil, on peut re- marquer pendant les stades un peu plus avaneés que celui repré- senté dans la figure 78, que les cellules de la couche inférieure de la lamelle interne contiennent un pigment d'abord jaunâtre-brun, ensuite plus sombre. Ce pigment peut être observé dans la figure 96. (pl. XID, qui représente une coupe transversale de la partie anté- rieure de l’'ébauche de l'œil. Les parties antérieures des ganglions optiques sont entourées par les ébauches des yeux, de sorte que la lamelle interne pénètre entre le ganglion et le vitellus; c’est pour- quoi nous voyons sur une coupe transversale de chaque ébauche de l’œil deux couches séparées l’une de l’autre, à savoir : la lamelle oculaire interne (1), aboutissant au vitellus, et le tissu du ganglion optique (g. 0), situé à l'extérieur. Dans la figure 80 (pl. XI), nous trouvons déjà un pigment dans deux couches de cellules (pig), mais seulement dans la lamelle ocu- laire interne. Dans la partie externe de cette lamelle nous trouvons une certaine quantité de cônes cristallins, qui apparaissent avant tout, comme le pigment, dans l'angle le plus interne de la lamelle oculaire interne. Les cellules mésodermiques,que nousavons vues pendant lesstades : L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 179 précédents dans les enfoncements à la limite de l’ébauche oculaire et du ganglion optique (zg, fig. 75, 77, 78), pénètrent de plus en plus entre ces deux parties, en formant une membrane de cellules plates (nb), qui sépare ébauche de l'œil du ganglion optique (fig. 80, pl. XI). Aux dépens de ces cellules, prennent aussi naissance les cellules pigmentaires de la troisième couche la plus inférieure, qui apparaît plus tard (3, fig. 92, 93, pl. XI). Cette dernière couche se trouve déjà à la limite de la partie gan- glionnaire de l’œil et du réticule du tissu conjonctif oculaire. Dans le ganglion optique (fig. 80, pl. XI), on peut de même observer un groupement régulier des cellules ; elles forment des piliers situés d’une manière rayonnée. Ces piliers deviennent visibles avant tout au centre du ganglion, ensuite ils se montrent aussi vers sa périphé- rie, à la limite de l'œil. Il est très probable que les cellules de chaque pilier donnent naissance par leur réunion aux fibres ‘ner- veuses. Une différenciation définitive des éléments de l'œil est visible dans la figure 92 (pl. XI). La couche superficielle de l’œil est formée par des cellules cornéennes, qui se rangent en groupes réguliers for- més de quatre et prennent une forme allongée, légèrement conique. Au-dessous de chaque groupe de cellules cornéennes (4. c) se placent les cellules des cônes cristallins par groupes de quatre. Les parties internes de chaque groupe de ces cellules en se modi- fiant donnent par leur réunion un cône cristallin unique (c. c), un peu pyriforme. Entre chaque deux cônes cristallins voisins nous trouvons un pilier cellulaire (r), qui va jusqu’à la surface de l'œil. En les regardant de la surface, nous voyons que ces piliers sont formés : par deux séries de cellules placées l’une derrière l’autre, dans le même rang avec les cellules cornéennes ou avec les cônes cristallins. Il se montre de cette manière des rangées régulières, constituées successivement par des groupes de quatre cellules et par des piliers séparatifs formés de deux cellules ; dans chaque deux rangées voisines les groupes tétracellulaires et bicellulaires ne sont 180 JOZEF NUSBAUM. pas placés vis-à-vis l’un de l’autre, mais alternativement, ainsi qu'on le voit dans la figure 94, pl. XIT, demi-schématique. | Quant à la signification de ces piliers régulièrement placés entre chaque paire des groupes voisins de cellules cornéennes et cristal- lines, je ne la connais pas d’une manière exacte ; je pense cependant, en m'appuyant sur certains stades encore plus avancés, que ces piliers donnent naissance aux cellules'des retinules. Le pigment forme déjà . trois couches distinctement séparées l’une de l’autre. Les couches supérieure (1) et médiane (2) se réunissent vers les bords, de sorte qu’elles montrent sur une coupe comme un cercle allongé et aplati (voir la figure 95, pl. XID). La couche inférieure (3) diffère par sa couleur (plus brune) et est limitée du côté ganglionnaire par la membrane mentionnée ci-dessus (nb), formée de cellules aplaties. Dans les cellules de cette men- brane se trouve le pigment, caractéristique pour toute la couche pig- mentaire inférieure, ce qui prouve une origine commune de ces deux parties. Les trois couches pigmentaires : supérieure et médiane (ectodermique), ainsi que l’inférieure (mésodermique), qu’on voit aussi dans l’œil complètement développé, sont tellement opaques, qu’il est très difficile de voir la disposition de leurs éléments cellu- laires, malgré la minceur des coupes. Les cellules situées entre les couches pigmentaires (0) donnent sans doute naissance à la couche des rhabdomes. La chaîne nerveuse ventrale se développe indépendamment du cerveau, quoiqu'elle soit unie dès le commencement à cet organe. Pendant la sixième phase, l’'ébauche de la chaîne nerveuse ventrale se présente sous forme d’une seule couche de cellules cylindriques (fig. 28-31, cA. v, pl. VII). Juste au centre de cette ébauche, les cel- lules sont moins hautes (m. s); cet endroit correspond au cordon médian, que nous avons vu aussi à la hauteur du cerveau et des ganglions optiques. Pendant les phases très jeunes, ce cordon médian de la chaîne nerveuse ventrale est faiblement développé et ce n'est que pendant les phases un peu plus avancées, qu'il se manifeste L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 181 plus distinctement ; son développement atteint le maximum entre les ganglions thoraciques antérieurs ; tandis qu’en arrière il devient de plus en plus petit. La chaîne ventrale présente un cordon cellu- laire ininterrompu ; ce n’est que plus tard qu'elle se différencie en parties plus larges (les ganglions) et moins larges (les commissures). La figure 45 (pl. VIT) représente un des ganglions thoraciques en coupe transversale ; nous y voyons le cordon médian fortement dé- veloppé, élargi en haut, plus mince en bas et réuni encore direc- tement à l’ectoderme ; ces cellules sont fusiformes. Dans la parlie abdominale, on ne voit plus distinctement pendant ce stade le cordon médian; cependant on peut trouver au milieu de la chaîne ventrale, à la hauteur des ganglions, des cellules fusi- formes (m.5, fig. 47, pl. VII), qui sont sans doute les produits du cor- don médian. Dans la chaîne ventrale, ainsi que dans l'endroit cépha- lique, les parties basiques du cordon impair subissent une réduction (fig. 87, 88, m.s, pl. XII). La différenciation de la chaîne ventrale se fait d'avant en arrière ; pendant que dans les ganglions thoraciques apparait déjà la substance fibrillaire, il n’y en a point dans les ganglions abdominaux. Quant à la formation de la substance fibril- laire du système nerveux, mes observalions confirment celles de Bobretzky sur le mode d'apparition de cette substance chez les Crus- tacés décapodes. Dans l’intérieur des ganglions se forment des cavités sphériques, où entrent les cellules nerveuses isolées, qui don- nent ensuite naissance à la substance fibrillaire. Enfin je dois encore mentionner une formation, qui se trouve en rapport avec le système nerveux. Ainsi, chez les larves de la dou- zième phase (fig, 14, pl. V), j'ai trouvé dans toute la partie thora- cique du corps, à la hauteur de chaque ganglion, une accumulation de cellules, contenant une grande quantité d’un pigment brun- noir. Ces cellules sont placées au centre de chaque ganglion (4. b, fig. 88, pl. XID) ; les cellules externes de cette accumulation ont une forme conique et se prolongent en minces fibres, qui traversent le tissu cellulaire du ganglion dans différentes directions, Ces fibres 182 JOZEF NUSBAUM. croissent en bas, entre les deux parties de la'substance fibrillaire du ganglion, ainsi que vers les côtés, et divisent la substance cellulaire du ganglion en lobes supérieurs et inférieurs. Le pigment de ces fibres est jaunâtre. Juste au milieu de cette accumulation cellulaire le pigment est tellement sombre, qu’il est difficile d'y distinguer les limites exactes entre les cellules, ainsi qu'entre les noyaux. Ce n’est que vers la périphérie, où le pigment est plus pâle, qu’on peut ohb- server des noyaux ovoïdes. Quelques fibres de ces cellules arrivent presque jusqu'à la paroi du corps. Dans la partie postérieure du segment thoracique, ainsi que dans l'abdomen, il n'y a pas ces for- mations étranges, mais en revanche nous y trouvons de grandes cellules pigmentaires, fusiformes, en connexion avec la membrane qui entoure le système nerveux, principalement à la hauteur des ganglions (fig. 89, 4. b). Quelle est l’origine de ces formations ? Il semblerait plus naturel d'admettre qu'elles sont les produits du tissu conjonctif, qui a pénétré jusqu'à l'intérieur des gan- glions. Cependant il est possible que ces cellules pigmentaires, à la hau- teur des ganglions thoraciques, se trouvent dans un rapport géné- tique avec le cordon médian du système nerveux, La disposition de ces deux formations au milieu des ganglions (comparez par exemple fig. 45, pl. VIIL, et 88, pl. XII), les prolongements fusiformes des cel- lules du cordon médian ainsi que la réunion de ces formations pig- mentaires avec la peau, observée par moi plusieurs fois, me per- mettent de croire qu'il en peut être ainsi. Quant au développement de l'organe de l’ouïe chez Mysis, j'en possède aussi quelques indications. Cet organe chez Mysis se trouve, comme on sait, dans les lamelles internes de la nagéoire caudale, sous forme de vésicules, qui contiennent un grand Jotolithe. Or, chez une larve de la onzième phase, sur les coupes transversales d’une paire des lamelles internes de la nageoire caudale (fig.98, 99, pl. XI), on trouve des invaginations ectodermiques (0. a), qui se ferment L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 183 ensuite en vésicules acoustiques. L'origine de l’otolithe même m'est inconnue, CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES. Le mode de développement du système nerveux décrit par moi s'accorde dans les traits principaux avec la description donnée par Reichenbach dans son dernier ouvrage sur l’Astacus fluviatilis, Dans les deux cas, les ganglions optiques tirent leur origine des épais- sissements indépendants, situés en avant du cerveau. C’est pourquoi je suis tout à fait d'accord avec Reichenbach, qui, comme Mine Edwards, appelle cette partie de la bandelette ventrale de nauplius le premier segment et qui considère les yeux comme des homologues des extrémités du premier segment, Le cerveau ou ganglion sus-æsophagien de Mysis, ainsi que de l’Astacus fluvratilis, constitue la somme des ganglions du second et du troisième segment nauplien, sur lesquels se trouvent deux paires d'antennes. Quant au cordon médian, qui prend part dans le déve- loppement des ganglions optiques, du cerveau et de la chaîne ner- veuse ventrale, mes recherches s'accordent de même avec ce que Reichenbach a observé chez l'Astacus fluviatihs. Comme on a décrit un cordon impair semblable encore chez beaucoup d’autres Arthro- podes, il semble que c’est une formation propre à tout ce type. Le cerveau de l’Oniscus murarius est constitué, selon mes recherches (13), par deux ébauches ectodermiques latérales plus grandes et par deux médianes plus petites ; ces dernières correspondent sans doute aux deux parties paires du cordon médian de Mysis. J’ai observé un cor- don semblable dans la partie thoracique du système nerveux de l’'Oniscus. Ses cellules ‘ se prolongent en fibres fusiformes, qui entrent en rapport direct avec l'ébauche cellulaire mésodermique, que j'ai comparée avec la corde dorsale des Vertébrés. En comparant ces for- 1 Cette observation m'était encore inconnue quand j'ai publié une note prélimi- naire sur l’Oniscus murarius, dans le Zoologischer Anzeiger. 184 JOZEF NUSBAUM. mations propres au système nerveux des Arthropodes et des Vers annélides avec la corde dorsale des Vertébrés, je me suis basé parti- culièrement sur le fait démontré que les formations connues chez les Vers sous le nom de grands tubes ou fibres (resige Rhoren) n’ont rien de commun avec le tissu nerveux et sont d’une origine méso- dermique [Kowalevski (16), Buczynski (38), G. Semper (39), Fr. Vej- dovsky (40)]. Le nouvel ouvrage de Leydig (41), dans lequel ce savant démontre la nature nerveuse des formations en question, en se ba- sant sur leur structure histologique, permet de croire que telle ho- mologie est un peu douteuse. Les recherches nouvelles sur la structure et l’histoire du dévelop- pement de ces formations sont donc très désirables. Au même groupe des produits énigmatiques appartiennent aussi ces grandes cellules, riches en pigment sombre, qui se prolongent en fibres et que j'ai décrites dans la chaîne nerveuse de Mysis, mais dont l'origine m'est inconnue. Les grandes cellules isolées, dispersées çà et là, qui semontrent tôt dans le tissu nerveux et dont nous avons parlé plus haut, ont été observées aussi par Reichenbach chez l’Astacus fluviatilis. Cet auteur affirme, que ces formations se transforment chez l'animal adulte en grandes cellules ganglionnaires bien connues (grosse Ganglien zellen) ; probablement on peut appliquer la même idée à la Mysts. Reichenbach fait remarquer avec raison qu’il est intéressant que ces cellules acquièrent pendant un stade très jeune un haut degré de différenciation histologique. J’ai observé de grandes cellules sem- blables dans les ganglions cérébraux de l’Oniscus murarius, égale- ment pendant les stades relativement jeunes. Chez Myses, ces grandes cellules nerveuses ne sont pas très nombreuses et apparaissent isolé- ment, tandis que chez l’Astacus fluviatilis elles se montrent le plus souvent par groupes, comme on peut le vérifier par l'observation des figures 113, 114, 115 et autres de l'ouvrage de Reichenbach. L'œil de Mysis se compose, comme nous voyons, de deux parties principales : d’un épaississement oculaire ectodermique et du gan- L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO, 185 glion optique. Des couches externes de l’épaississement ectoder- mique se forment: les cellules cornéennes (cellules de Semper), les cônes cristallins et probablement aussi les cellules des retinules ; des couches internes proviennent les rhabdomes et les deux couches de cellules pigmentaires. La troisième couche pigmentaire est d'une origine mésoder- mique. Outre les observations de Bobretzky (9) sur le développement de l'œil composé des Crustacés, nous possédons encore des recher- ches détaillées de Reichenbach sur l'œil d’Astacus fluviatilis, ainsi que de Y.-S. Kingsley (37) sur le Crangon. Selon Kingsley, il se forme une invagination au milieu de la lamelle optique, qui se sépare de lPectoblaste. Ce dernier forme l’épiderme ; la couche externe de la partie inva- ginée donne retinal layer, la couche interne ganglionic layer. Selon Reichenbach, l'œil de l’Asfacus fluviatilis se forme de même d’une ébauche épidermique, d’une partie invaginée de l’ectoderme et du ganglion optique. La partie épidermique donne le Ærystallzellenstratum ; la partie invaginée forme deux masses (Zallen) : une eterne, aux dépens de laquelle prend naissance la couche des cellules retinales et proba- blement les rhabdomes ; l’autre, interne, sert pour la réunion avec le ganglion optique. Reichenbach aussi distingue les cellules pig- mentaires ectodermiques et mésodermiques. - Quant à Mysis, je n'ai observé aucune invagination de l’ecto- derme. La phase représentée dans la figure 38, où l’on voit au-dessous de l’ectoderme, dans l’ébauche oculaire, une accumulation solide des cellules, correspond sans doute à la phase de l’invagination chez l’Astacus ; mais, dans cette accumulation, il n’y a aucune cavité in- terne. Cependant il est possible qu'ici encore apparaisse une invagi- nation, mais en tout cas très peu profonde et d'une courte durée, qui à échappé à mon attention. 186 JOZEF NUSBAUM. DÉVELOPPEMENT DU CANAL DIGESTIF. Nous avons déjà dit plus haut que l’entoderme se forme aux dé- pens d’un point déterminé du blastoderme et qu’il présente au commencement une aceumulation cellulaire solide dans la partie postérieure de la bandelette embryonnaire. Les cellules de l'ento- derme se multiplient énergiquement, se dispersent, pénètrent dans les parties abdominale et thoracique du corps,en s'appliquant contre la face ventrale de l'embryon. Mais plus tard elles se montrent aussi aux surfaces latérales et dorsales, entourent tout le vitellus sous forme d’une mince couche de cellules aplaties. Dans la partie anté- rieure du thorax, derrière la troisième paire des pieds naupliens, l’entoderme forme latéralement deux demi-gouttières ouvertes, tour- nées l’une vers l’autre par ses surfaces concaves et appliquées étroi- tement contre l’ectoderme par les surfaces convexes. Chacune de ces deux demi-gouttières est formée par une seule couche de cellules hexagonales. D'abord elles sont complètement séparées ; mais plus tard elles se rencontrent dans la partie postérieure, en formant une couche ininterrompue de cellules hexagonales entodermiques, con: cave du côté du vitellus et appliquée contre les parois latérales et la paroi ventrale du corps. Cette partie postérieure commune se réunit directement avec la couche de cellules entodermiques plates, qui entourent le vitellus dans la partie abdominale du corps. Ainsi l’'entoderme présente dans l'abdomen un tube fermé, qui entoure le vitellus interne et qui communique en avant avec les demi-gouttières ouvertes du côté du vitellus ; ce n’est que plus tard que ces dernières se ferment successivement en tubes. Ces demi-gouttières antérieures de l’entoderme sont les ébauches de l'épithélium des tubes hépa- tiques ; le reste est l’épithélium de l'intestin moyen. L’intestin antérieur et l'intestin postérieur (très court) se forment par une in- vagination de l’ectoderme aux extrémités antérieure et postérieure de l'embryon (s{omodæun et proctodæum). Le stomodæum se forme L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS.CHAMELEO, 187 un peu plus tôt que le proctodæum et est considérablement plus dé- veloppé. Voyons sur les coupes comment s’accomplit le processus de for- mation du canal digestif et du foie. Le stade le plus jeune {stade nauplius) pendant lequel j'ai observé l’ébauche de l'intestin moyen, du stomodæum et du proctodæum, est représenté dans les figures 48 et 49 (pl. VIII). La figure 49 présente une coupe longitudinale par le milieu de l'embryon ; le stomodæum (sé) et le proctodæum (pr) pré- sentent ici des formations pleines, c'est-à-dire sans aucun lumen interne distinct. A la face ventrale du corps, nous trouvons une couche de cellules entodermiques aplaties (en). La figure 48 présente une coupe. de la même série, mais un peu de côté. Ici nous trou- vons l’ébauche du foie (2) sous forme d’une couche de cellules hexagonales, juste derrière la troisième paire des pieds naupliens ; ici nous voyons aussi dans la partie abdominale une couche de cel- lules entodermiques à la face ventrale du corps (l’épithélium de l'intestin moyen). Les figures 59 et 60 (pl. IX) représentent les parties antérieures des coupes longitudinales d’un embryon de la neuvième phase. Le sto- modæum (fig. 60, st) possède un lumen étroit ; ses parois sont con- sidérablement épaissies; en avant, il est recourbé en genoux et forme une éminence assez grande, qui recouvre en partie le ganglion cérébral. Tout le stomodæum est recouvert extérieurement par une couche de cellules allongées et fusiformes du feuillet viscéral du méso- derme. Sur une coupe, qui a passé un peu de côté du même em- bryon {fig. 59), nous voyons que l’ébauche du foie présente une couche de cellules hexagonales, recourbée en arrière, qui donne en coupe un demi-cercle. Gette ébauche est tournée par sa surface con- cave en avant et vers le vitellus ; par sa surface convexe, en arrière et vers l’ectoderme, Dans ce stade, on voit que le proctodæum n’a subi qu'une très petite progression dans son développement en comparaison 188 JOZEF NUSBAUM. avec le stade précédent; il est également court et fermé en cul- de-sac. Le développement ultérieur du canal digestif peut être observé sur les coupes transversales d'un embryon des neuvième et dixième phases, représentées par les figures 45, 46 et 47 (pl. VIII). Dans la fi- gure45, nous voyons le stomodæum en coupe (st); 1l montre un lumen très étroit limité par des parois, qui forment quatre épaississements: supérieur, inférieur et deux latéraux. Sur les coupes de la même série, derrière le stomodæum, nous trouvons (fig. 46) deux ébauches entodermiques (4) du foie, qui présentent des lamelles convexes à l'extérieur, appliquées contre les parois latérales äu corps. A la sur- face externe convexe de ces ébauches, nous voyons déjà les cellules mésodermiques (m”), qui donnent plus tard le feuillet viscéral des tubes hépatiques. Les parties du vitellus entourées par les ébauches hépatiques montrent plusieurs cavités et vacuoles, c’est pourquoi elles ont un aspect presque réticulé ; cela dépend évidemment de ce que, dans ces endroits, le vitellus est absorbé plus énergi- quement. à Enfin dans la figure 47, qui représente une coupe de la même série à la hauteur de l'abdomen, nous trouvons des cellules (en) en- todermiques, qui entourent complètement le vitellus sous forme d’une couche de cellules aplaties (mésenteron). Pendant le stade un peu plus avancé (fig. 69, 70 et 71, pl. VI), les deux ébauches du foie s'unissent par leur partie postérieure et par ses bords inférieurs en formant une seule couche ininterrompue (fig. 70 et 71), dont les bords externes et supérieurs sont fortement . recourbés vers l’intérieur. Au milieu, dans l'endroit où elle s’ap- plique contre la chaine nerveuse ventrale, cette couche est enfoncée et les bords de cet enfoncement s'élèvent sous forme de deux plis longitudinaux (fig. 70 et 71, f. m; fig. 16, f. m). L'accroissement ultérieur des bords hépatiques recourbés à l’intérieur et en bas, ainsi que la réunion de ces plis longitudinaux (dans la direction des aiguilles sur la figure 76), déterminent une formation de trois tubes: L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 189 un médian, qui est la partie antérieure de l'intestin moyen, et deux latéraux, qui sont les tubes hépatiques. Simultanément avec l'accroissement et la fermeture de deux tubes hépatiques, il apparaît sur la paroi de chacun de ceux-ci un pli longitudinal, considérable d’abord, mais ensuite de plus en plus grand, qui détermine enfin la séparation de chaque tube hépatique en deux. Ainsi la formation de quatre tubes hépatiques au lieu de deux, qui existent primitivement, a lieu en vertu d’une division longitudinale de ces derniers (j'ai fait la même observation chez les Isopodes, et M. Reinhard a confirmé mes observations); cette divi- sion s’accomplit successivement d’arrière en avant. Nous voyons ces rapports pendant un stade encore plus avancé (onzième) dans les figures 83, 84, 85 et 86 (pl. XI), et 97 (pl. X), qui représentent une même série de coupes de plus en plus postérieures. Dans la figure 83, nous trouvons : le stomodæum, dont la paroi inférieure croît dans l’intérieur du lumen sous forme d’un fort épais- sissement, et deux tubes hépatiques. Dans la figure 8%, nous avons déjà un commencement du mésen- teron, c’est-à-dire son extrémité antérieure; la paire des tubes hépa- tiques possède ici un diamètre beaucoup plus grand. Dans la figure 83, nous voyons sur la paroi des tubes hépatiques les extrémités antérieures des plis longitudinaux (/f. k). Dans la figure 86, nous trouvons déjà outre le mésenteron quatre tubes hépatiques. Dans la figure 97, nous ne voyons que les extrémités postérieures en cul-de-sac terminant les tubes hépatiques (4) : la paroï du mésen- teron est formée par une couche de cellules aplaties, qui entourent le vitellus {nous trouvons la même chose sur une coupe encore plus postérieure, dans la figure 82, pl. XI). Le mésenteron et les tubes hépatiques contiennent un vitellus avec une quantité de vacuoles ; nous trouvons encore dans quelques endroits de ce vitellus des cel- lules vitellines (par exemple, dans la figure 82). L'extrémité antérieure en cul-de-sac du mésenteron, et aussi 190 JOZEF NUSBAUM. les extrémités postérieures des tubes hépatiques, reçoivent leur lumen un peu plus tard que les autres parties et sont remplies pen- dant un certain temps de cellules (voir la figure 27, pl. VI). L’ab- sorption successive du vitellus (voir les figures 88 et 89, pl. XII) et la réunion directe du mésenteron avec le stomodæum et le procto- dæum déterminent une différenciation définitive du canal digestif. DÉVELOPPEMENT DU CŒUR ET DU SANG. Le cœur de Mysis commence à se développer plus tard que les autres organes internes. Nous avons déjà dit plus haut que le mésoderme ne se trouve d’abord qu'à la face ventrale de l'embryon et qu'il se montre en- suite comme le feuillet pariétal au-dessous de l’ectoderme, aux faces latérales et dorsale du corps. Or, dans le stade représenté par la figure 45 (pl. VIT), nous voyons à la face dorsale du corps, juste au- dessous de l’ectoderme, une petite accumulation des cellules du feuillet pariétal du mésoderme. Cette accumulation, formée par une seule couche de cellules, apparaît sur la ligne médiane du dos. D'abord elle n’existe qu’à la hauteur du stomodæum, mais ensuite elle s’allonge vite en arrière. Ce cordon cellulaire des cellules méso- dermiques forme bientôt un pli, qui croît en bas dans une direction verticale. Ge pli existe d’abord sur toute la longueur du stomodæum et sur la partie antérieure du mésenteron; le pli est formé de deux couches de cellules aplaties. En croissant en bas et dans une direc- tion verticale, il divise la masse vitelline en deux moitiés : droite et gauche ; enfin il atteint par son bord inférieur le feuillet viscéral du mésoderme, qui est appliqué contre la paroi du canal digestif. Dans la figure 91 (pl. XI), nous voyons ce pli vertical (f. p), qui aboutit à la paroi du stomodæum et qui passe ici directement dans le feuillet viscéral (spl.). Pendant les stades plus avancés, ce pli disparaît dans la partie antérieure du corps embryonnaire ; mais le long de la partie anté- L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 491 rieure du mésenteron les parois du pli divergent au milieu et limitent la cavité du cœur. Les figures 83-86 (pl. XI), qui représentent les coupes de la même série, donnent une image fidèle du processus de la formation du cœur. Dans la partie antérieure de l'embryon (flg. 83), le long du stomo- dæum, il n’y a aucun pli vertical, quoique le vitellus qui remplit la cavité du corps soit divisé en deux par une ligne distincte sur une coupe. Cette division du vitellus de la partie antérieure de l’em- bryon, constitue sans doute une trace d'une cloison verticale, qui a existé ici pendant les stades plus jeunes. Je dois cependant ajouter que, pendant les phases encore plus jeunes, j’ai observé une division semblable du vitellus de la partie céphalique du corps, à la hauteur des ganglions optiques (voir les figures 50, 51, 53, 54, pl. VIT). Dans la coupe représentée par la figure 84 qui a passé par le même embryon, mais plus en arrière, à la hauteur de l’extrémité antérieure du mésenteron, nous trouvons déjà le pli vertical (f. p), formé de deux couches de cellules apla- ties. Ce pli arrive, comme nous voyons, jusqu’à la moitié de la pro- fondeur du vitellus. Sur une coupe encore plus postérieure (fig. 85) nous voyons que les deux parois du pli divergent au milieu en Himitant une fente, qui est la future cavité du cœur (er). Le bord inférieur ou basique du pli vertical aboutissant au feuillet viscéral se sépare en deux ailes latérales (diap). | Encore plus en arrière (fig. 86), la cavité du cœur est plus grande et présente sur la coupe une forme triangulaire; les parois qui la limitent en haut viennent en contact avec le feuillet pariétai du mésoderme; vers la base ils se prolongent en ailes latérales forte- ment développées, qui présentent une sorte ‘de diaphragme provi- soire. Ce dernier, plus épais à la base (près des parois du cœur), s amineit vers la périphérie, où ses cellules deviennent distinctement fusiformes. Les bords périphériques du diaphragme s’attachent aux parois de la face dorsale du corps. La paroi du cœur est dans cet en- 192 JOZEF NUSBAUM. droit presque tout à fait libre, cen'’est que sa paroi inférieure qui est encore réunie au feuillet viscéral par l'intermédiaire de deux groupes cellulaires qui présentent un produit du pli vertical, particulièrement de son bord inférieur, Ces cellules se dispersent plus tard, de sorte que pendant le stade représenté par la figure 89 (pl. XII), les parois du cœur sont complètement libres; en outre, la cavité du cœur s’aplatit dans une direction dorso-ventrale. Il n’y a pas de diaphragme à l’état adulte; je suppose que ses éléments cellulaires donnent naissance aux parois cellulaires lâches dans la partie postérieure du segment thoracique d’un jeune indi- vidu presque adulte. Ces parois cellulaires limitent le cœur sur les côtés et présentent une sorte de péricarde (per), qui entoure un sinus péricardiaque (fig, 89). Je ne sais si l’animal adulte possède quelques traces de cet organe. Quant à l’origine du sang, il me paraît très probable que le plasma sanguin se forme aux dépens de ce qui du vitellus n’a pas été absorbé en totalité. Après que les tubes hépatiques se sont déjà fermés, il reste encore du vitellus dans la partie antérieure de la cavité du corps : dans les lacunes entre le foie, le canal digestif et les parois du corps. Ce vitellus est accumulé plus spécialement dans l'endroit supérieur de la partie antérieure du corps, de deux côtés du cœur; c’est ici que le plasma sanguin se trouve ensuite en masse plus considérable ; ce plasma se coagule sous l’action des réactifs (fig. 89). Il n'y aurait rien d'étonnant dans ce fait, car plusieurs ana- lyses chimiques ont démontré que le vitellus nutritif des œufs ne diffère pas au fond, sous le rapport de sa composition chimique, du plasma formatif ; et Virchow (48) a montré que le vitellus nutritif est une substance d'une nature albuminoïde. Les éléments cellulaires du sang sont, selon toute probabilité, le produit des cellules vitellines, qui restent, comme nous avons dit plus haut, en petite quantité dans l’intérieur du vitellus. Dans les figures 84, 86, 80 (pl. XI), qui montrent le stade de formation du L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 193 cœur, nous trouvons encore ces éléments dans l’intérieur du vitellus (c. v), principalement dans la partie antérieure du corps. CONSIDÉRATIONS THÉORIQUES. Le type de développement du canal digestif et du foie, chez Mysis, se rapproche du type propre aux Crustacés isopodes. Chez les Crustacés décapodes, où le mésenteron se forme par invagination et présente un sac fermé, le foie se différencie des parois de ce der- nier. Chez les Crustacés isopodes, le mésenteron et les tubes hépa- tiques, sont d’abord ouverts du côté du vitellus et leur fermeture ne s’accomplit que successivement. La même chose se voit chez les Schizopodes. Peut-être ce que Bullar (49) considère chez Cymothoa comme un sac vitellin n'est-il en réalité qu'un mésenteron ; dans ce cas, nous aurions une certaine ressemblance avec Mysis, car ici aussi tout le vitellus de la partie abdominale du corps est entouré par une couche entodermique (mésenteron). Dans la partie antérieure du corps se trouvent les tubes hépatiques, d’abord ouverts du côté du vitellus et comme indépendants dans leur formation. I résulte de l'histoire décrite du développement du cœur de Mysts, que la cavité de cet organe n’est pas une partie de la cavité secon- daire du corps, comprise entre les couches pariétale et viscérale du mésoderme, mais présente un reste de la cavité primitive entre l’ectoblaste et la couche pariétale du mésoderme. Cette cavité se prolonge sous forme d’une fente entre les deux lamelles du pli ver- tical, comme on peut le voir sur les dessins schématiques ci-dessus. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN,. == 2€ SÉRIE.=—T,. V. 1887. 43 194 JOZEF NUSBAUM. Le développement du cœur de Mysis observé par moi ne diffère pas au fond de ce que j'ai observé chez l'Oniscus murarius. Chez l'em- bryon de ce dernier se montrent latéralement, tout le long de la partie antérieure du proctodæum, des accumulations cellulaires paires du mésoderme. Ces accumulations limitent, des côtés, un espace dorsal ayant la forme d’un fer à cheval, compris entre l’ecto- derme et le feuillet viscéral du mésoderme, qui entoure le proc- todæum. Cet espace est rempli par le vitellus. Ces accumulations cellulaires latérales forment des gouttières, tournées par leurs con- cavités vers le dos. Les bords externes de ces gouttières, croissant en haut et vers la ligne médiane du dos sous forme d’une mince couche de cellules aplaties appliquée contre l'ectoderme, se rencon- trent. En vertu de la réunion des bords des gouttières se forme le tube du cœur, qui se développe comme chez Mysis, d’arrière en avant. Il en résulte que la cavité du cœur de l’Oniscus est, de même, un reste de la cavité primitive du corps, comprise entre l’ectoderme et le mésoderme. Il faut encore mentionner qu’un processus semblable a lieu proba- blement chez les Phyllopodes, où, selon Claus (42), le cœur se forme par la réunion des parties latérales mésodermiques de la bandelette ventrale. Ces observations sur le développement du cœur, chez Mysis en particulier et chez les Crustacés en général, sont intéressantes sous ce rapport qu'elles parlent en faveur de l’opinion, d’après laquelle la cavité cardiaque de tous les Métazoaires présente une partie du blastocèle. Cette opinion est démontrée par l'observation du déve- loppement des certains Vers annélides, des Arachnides, des Insectes, des Crustacés, des Tuniciers et des Vertébrés. C’est Bütschli (43) qui, le premier, a dirigé l'attention sur ce fait (voir aussi île travail de Szymkiewitsch (44) sur le même sujet). L’'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 195 DÉVELOPPEMENT DES ORGANES GÉNITAUX. Cette partie du développement ne pouvait pas être bien observée par moi. Cependant je possède quelques données, quant à l’origine des cellules génitales. Ainsi, déjà pendant le stade de formation de l’entoderme, on peut observer une ou plusieurs cellules très grandes dans l’ectoderme primitif (9, fig. 22, pl. VI). Pendant le stade un peu plus avancé, ces grandes cellules sont situées dans l'abdomen, der- rière l’'ébauche entodermique (9, fig. 79, pl. XI). Ce sont les cellules génitales. Pendant le stade de nauplius, ainsi que pendant les stades plus avancés, nous trouvons de chaque côté un groupe de ces grandes cellules, situées derrière l’ébauche du foie (fig. 59, g, pl. IX). Ces glandes génitales paires se déplacent ensuite en haut et en avant dans la partie thoracique, à mesure que les ébauches hépatiques se ferment en tubes. Nous les voyons (9) dans la figure 83 (pl. XI). Pendant le stade plus avancé nous trouvons une ébauche impaire de la glande génitale, située entre le canal digestif et le cœur. Cette glande unique est née probablement par la réunion de deux bran- ches paires (9, fig. 89, pl. XII), quoique je n’aie pas réussi à observer cette réunion, ni même quelque trace de celle-ci. Pour le déve- loppement des canaux excréteurs, je ne possède aucune donnée. Quant à la différenciation générale du corps de Mysis, nous remar- querons que, pendant les stades précoces, on voit dans l'abdomen rudimentaire un groupement très régulier des cellules mésoder- miques, placées en rangées, l’une derrière l’autre. Outre ces rangées, on voit encore sur les coupes une série régulière de cellules beau- coup plus grandes, qui correspondent probablement aux cellules semblables situées dans l’abdomen de l’Astacus fluviatilis, que Reï- chenbach a nommé « Knospungszone ». Aux dépens de ces cellules se forment sans doute les éléments cellulaires des nouveaux seg- ments (fig. 100, #, z, pl. XII). 196 JOZEF NUSBAUM. La carapace du céphalothorax apparaît comme deux plis de l’ecto- derme, formés chacun par une couche de cellules hexagonales. L’ectoderme de ces plis donne vers l’intérieur des nombreuses cloi- sons et trabécules délicates, qui font l'effet d’un tissu conjonctif (fig. 89, 90, tr, pl. XID), ce que Reichenbach a remarqué aussi chez l’Astacus fluviatilis, BIBLIOGRAPHIE. 1. RaTukre, Beobachtungen über die Entwickelungsgeschichte v. Mysis vulgaris (Wiegman’s Archiv für Naturg., 1839). 2. Frey et LeucrarT, Beiträge, zur Kenntniss der Wirbellosen Thiere, p. 127 (cité d’après M. Ed. van Beneden, n° 6). 3. CLAPARÈDE, Beobachtungen über Anatomie und Entwickelungsgeschichte d. wirbellosen Thiere an der Küste von Normandie angestellt, 1863. 4. HuxLey, Lectures on General Natural History; lecture XI (Medical Times and Gazette, 1857). 5. BENEDEN (P.-J. van), Recherches sur la faune littorale de la Belgique : crus- tacés (Bruxelles, 1861). 6. BENEDEN (Ed. van), Recherches sur l’embryologie des Crustacés : IT, Déve- loppement des Mysis (Bulletin de l'Acad. roy. de Belgique, XXVIHI, 1869). 7. Buczynsk, Predwarit. Soobsch. o razwitii Parapodopsis cornuta Cz. III, Protoc. Nowoross Obschez. Jesteswoispytatelej, 1885. . 8. Bazrour, Handbuch d. Vergleich. Embryologie; übersetrt v. B. Velter, 1880. | 9. BoBreTzxy, Kembriologii ezlenistonogich, Zapiski Kiewsk. Obschez. Jes- teswoisp,, 1873. 10. Mayer, Zur Entwickel. d, Dekapoden (Jenaische Zeitschrift f. Naturwiss., XI, 1877). 11. Merescurovsky, Eine neue Art von Blastodermbildung bei Decapoden(Zool. Anzeiger, 1882). 12. BoBretzxy, Zur Embryologie d. Oniscus murarius (Zeit. für Wiss. Z'oo- logie, XXIV). 43. Nuseaux, L'Embryologie de l’Oniscus murarius (Zool. Anzeiger, 1886). 14. BoBreTzxy, Ueber die Bildung des Blastodermes und d. Keimblätter bei d. Insecten (Zeit. f. Wiss. 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Tous les dessins sont faits à l’aide du microscope de Hartnack et de la chambre claire de Verick ou d’Abbé, le plus fidèlement possible (les dessins rouges présen- tent les préparations colorées par le borax-carmin et principalement par le magdala- rouge ; les dessins violets et bleus — les préparations colorées par l’hématoxyline). Les numéros des oculaires et des objectifs employés sont signalés à chaque dessin. Signification des lettres : a, organe dorsal; b, épaississement latéral de la bandelette ventrale ; c, c', épaississements cérébraux ; d, disque ventral; a’, antennes de la première paire; a”, antennes de la deuxième paire; c. v, cellules vitellines ; m. s, cordon médian de la chaîne ven- trale ; ñn, noyau de segmentation; n', noyaux dans la couche plus profonde du disque ventral ; h, foie ; p, pigment de l’œil ; mest, mésenteron ; c. t, grandes cellules dans le disque blastodermique ; 3, plasma formatif ; v, vitellus nutritif; ec, ectoderme; m, mésoderme. ; n, entoderme ; md, mandibule ; cr, CŒUr; mb, membrane ovulaire ; s t, stomodæum ; pr, proctodæum ; pig, pigment de l’œil (ectodermique) ; g. 0, ganglion optique; g. ©, ganglion cérébral; 9, cellules génitales ; î, lamelle interne de l’ébauche de l'œil; e, lamelle externe de l’ébauche de l'œil ; 0, épaississement oculaire; 29, enfoncement dans le ganglion opti- que; lb, lèvre supérieure ; q, ébauche abdominale; vac, vacuoles dans le vitellus ; v', vitellus non encore modifié par les cellules vitellines ; æ, excrétion entre les cellules de l’é- bauche de l'organe dorsal ; j, couche externe du plasma formatif (?); w. c, grandes cellules nerveuses ; ps, extrémités ; m. c, membrane cuticulaire ; sp, cloison au milieu du cordon médian du cerveau; ch. v, chaîne nerveuse ventrale ; 0’, épaississement du ganglion optique; m', cellules du mésoderme qui s'enfon- cent en forme de coins ; f. m, plis du mésenteron ; f, f, plis ectodermiques; f. h, plis des parois des tubes hépatiques; o. a, invagination auditive ; f. p, plis du cœur ; per, ébauche du péricardium ; r b, rhabdomes (?); k. c, cellules de la cornée; r, cellules de la rétinule (?); c. ©, cônes cristallins ; e, c, noyaux des cellules, qui forment les cônes cristallins ; k. bd, cellules pigmentaires de la chaîne nerveuse ventrale ; nb, couche des cellules mésodermiques dans l’œil. 200 JOZEF NUSBAUM. ceph, céphalothorax ; k. z, cellules, qui correspondent aux cel- spl, ,couche splanchnique et pariétale lules de la « Knospungszone », chez som, du mésoderme; l’Astacus (d'après Reichenbach). diap, diaphragme provisoire du cœur ; PLANCHE V. Fi, 1-14. OEufs et larves de diverses stades du développement (oc. 2, ob. 2). 15-17. Premières phases de segmentation du noyau primitif (oc. 4, ob. 5). PLANCHE VI. Fi&. 18-21. Coupes par le disque blastodermique (oc. #4, ob. 5). 29, 23. Coupes longitudinales par la bandelette ventrale de l’embryon du stade 2-3 (oc. 4, ob. 5). 24. Coupe transversale par la bandelette ventrale de l'embryon du stade 4 (oc. 4, ob. 5). 25. Coupe transversale par l’ébauche de l’organe;dorsal (oc. 4, ob. 5). 26. Coupe longitudinale par le bord de la bandelette ventrale d’un embryon du stade 5-6 (oc. 2, ob. 5). 27, Partie d'une coupe longitudinale par la larve du stade 41 (oc. 3, ob. 4). PLANCHE VII. Fic. 28-31, Coupes transversales par la bandelette ventrale de l'embryon du stade 6 (oc, 3, ob. 7). 32-37. Coupes transversales par la bandelette ventrale de l’embryon du stade 7 (oc. 3, ob. 7). ; 38-:4, Coupes longitudinales par la partie ventrale de l’embryon du stade 5 (oc. 3, ob. 7). PLANCHE VIII. Fic. 45-47. Coupes transversales par l'embryon du stade 9-10 (oc. 2, ob. 5). 48, 49, Coupes longitudinales par l’embryon du stade 8 (oc. 3, ob. 3). 50, 51, 53, 54. Coupes transversales par la partie céphalique de l’embryon du stade 8 (oc. 2, ob. 3). 52, 55, 56-58, Coupes transversales par la partie céphalique de l'embryon du stade 8 (oc. 3, ob. 7). PLANCHE IX. Fic. 59, 60. Parties antérieures des coupes longitudinales par l’embryon du stade 9 (oc. 3, ob. 7). Fic. FiG. Fic. Fic. L'EMBRYOLOGIE DE MYSIS CHAMELEO. 291 61-64. Parties ventrales des coupes transversales par l'embryon du stade 5-6 (oc. 3, ob. 7); on voit aussi sur les coupes l'abdomen. 65. Partie d’une coupe par le disque blastodermique avec les cellules vitel- lines au-dessous de lui (oc. 3, ob. 9). 66, Partie céphalique de l'embryon du stade 8, de la surface ventrale (ac, 2, ob, 4$ PLANCHE X. 67. Coupe transversale par la bandelette ventrale de l'embryon du stade 3 (oc. 4, ob. 5). 68, a, b. Cellules vitellines (oc. 4, ob. 5). 69-71. Coupes transversales par les embryons du stade 10 (oc. 2, ob. 5). 73. Coupe transversale par l'organe dorsal (oc. 3, ob. 7). 74. Coupe oblique par l’organe dorsal (oc. 3, ob. 7). 75. Partie ventrale de la coupe transversale (à la hauteur des ganglions opti- ques) par l’embryon du stade 8-9 (oc. 3, ob. 7). 76. Coupe transversale par l’ébauche du mésenteron et du foie (oc. 2, ob. 5). 77, 78. Parties céphaliques des coupes longitudinales par les embryons du stade 9-10 (oc. 3, ob. 7). 97. Coupe transversale par l’abdomen de l'embryon du stade 41 (oc. 2, ob, 7). PLANCHE XI. 79. Coupe longitudinale par la bandelette ventrale de l'embryon du stade 4 (oc. 4, ob. 5). 80. Coupe longitudinale par la partie antérieure de l'embryon du stade 11 (oc. 3, ob:-1}: 81. Coupe transversale par l'embryon du stade 4 (oc. 3, ob. 5). 82-86. Coupes transversales par les embryons du stade 11 (oc. 2, ob. 5). 98, 99. Coupes transversales par la base des lamelles internes de la nageoïire de l'embryon du stade 11 (oc. 2, ob. 7). PLANCHE XII. 87-89. Coupes transversales par l'embryon du stade 12 (oc. 2, ob. 5). 90. Coupe transversale par le pli du céphalothorax(oc. 2, ob. 7). 91. Coupe transversale par l'embryon du stade 10, à la hauteur du stomc- dæum (oc. 2, cb. 5). 92. Coupe de l'œil, dans la direction perpendiculaire, de l'embryon du stade 11-12 (oc. 4, ob. 7). 202 JOZEF NUSBAUM. F1G. 93. Un élément de l’œil composé définitif de Mysis. 94. Partie d'une coupe dans la direction tangentielle par l’œil de l'embryon du stade 11-12 ; demi-schématique (oc. 4, ob. 7), 95. Coupe par l'œil et par le ganglion optique de l’embryon du stade 12. 96. Coupe transversale par deux ébauches des yeux de l'embryon du stade 10 (oc. 4, ob. 4). 100. Coupe longitudinale par l’ébauche de l'abdomen de l’embryon du stade 4-5. NOTE SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE DISTOME PARASITE DE L'HOMME LE DISTOMUM RATHOUISI PAR J. POIRIER DESCRIPTION. Corps blanchâtre, teinté de brun sur les bords, long de 25 milli- mètres, large de 46 millimètres, ovale-oblong, obtus, plus large en arrière et arrondi. En avant, il se prolonge en une sorte de cou co- nique, court, 3 millimètres, très large; à la base, 5 millimètres. Peau nue, sans trace de piquants. Ventouse antérieure très petite, son orifice n'ayant pas plus d’un demi-millimètre de diamètre ; ventouse ventrale grande, à orifice circulaire de 2 millimètres de diamètre ; distance des deux ventouses, 2 millimètres. Orifices génitaux immé- diatement au-dessus de la ventouse ventrale; œufs ovoïdes, longs de 0,15 et larges de 0,08. Ce distome, que je dois à l’obligeance du révérend père Rathouis, a été rendu par une Chinoise de trente-cinq ‘ans, à la mission de Zi-ka-wei. Comme cette femme souffrait depuis longtemps de dou- leurs hépatiques, rebelles à tous les remèdes, il est plus que pro- bable que le distome habita’t les canaux biliaires. Par sa grandeur, par sa forme générale et par son habitat, ce distome pourrait être pris à première vue pour un D. hepaticum. Mais la grandeur de sa 204 J. POIRIER. ventouse médiane, la largeur de son cou l'en distinguent nettement, et cette séparation des deux espèces est encore confirmée par plu- sieurs caractères anatomiques. Couche dermique et parenchyme. — L'enveloppe dermique du D. Rathouisi présente des caractères bien différents de ceux que l’on rencontre dans la peau du D. hepaticum. La couche externe ou cuti- cule, beaucoup plus mince que celle de la Douve, est nue et entière- ment dépourvue de piquants. La couche sous-cuticulaire, plus épaisse que la couche correspondante de la Douve, est granuleuse et parcourue par de nombreuses ramifications de l'appareil excré- teur. Elle est suivie de la couche musculaire qui comprend trois zones : une zone de fibres annulaires, une zone de fibres longitudi- nales ne présentant pas la régularité et la continuité de la zone cor- respondante chez la Douve. Elle est formée, en effet, de faisceaux de grandeur variable assez distants les uns des autres et séparés par le parenchyme du corps. Enfin, la troisième zone est celle des fibres diagonales, groupées en faisceaux irréguliers et très espacés {pl. XIII, fig. 4 et 5). La peau se continue directement ensuite avec le paren- chyme et ne présente pas cette zone spéciale de cellules à contenu fortement granuleux, qui séparent chez la Douve l'enveloppe der- mique du parenchyme du corps. Le parenchyme, également, est nettement différent de celui du D. hepaticum. I est formé d'éléments cellulaires petits, à protoplasma finement granuleux, entourant un noyau sphérique de 5 t. et demi de diamètre. Les parois de ces cel- lules sont très minces. Par ce caractère et par leur petitesse, elles se distinguent nettement de celles qui constituent le parenchyme dela Douve. Comme chez cette espèce, le parenchyme est traversé par de nombreux faisceaux musculaires dorso-ventraux, surtout abon- dants sur les aïles du corps (pl. XIIT, fig. 4). On y rencontre également cà et là de grosses cellules nerveuses multipolaires. Ventouse ventrale. — La ventouse ventrale, très grosse (pl, XII, fig. 4, 2, V'), est située immédiatement à la base du cou. Par sa taille, elle permet de distinguer à première vue le D. ÆRathoursi du SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE DISTOME. 205 D. hepaticum. Son orifice circulaire a un diamètre de 2 millimètres. Sa forme est remarquable. Presque hémisphérique dans sa partie antérieure, elle se prolonge assez loin en arrière en diminuant gra- duellement de diamètre, de sorte que l’ensemble de 3 millimètres de longueur est piriforme. Elle est unie aux parois du corps, surtout à la paroi ventrale, par de nombreux faisceaux musculaires très puissants. Ventouse orale et appareil digestif. — La ventouse orale sphé- rique, de 12,5 de diamètre, présente un orifice très petit. La bouche n’a, en effet, que 0"®,5 de diamètre (pl. XII, fig. 2, V). Le pharynx (fig. 2, ph) fait immédiatement suite à la ventouse orale. Il n’est pas ovoide comme celui de la Douve; il est, au contraire, sphérique et son diamètre est à peu près le même que celui de la ventouse orale. L’œsophage (fig. 2, æ), excessivement court, à peine 1 millimètre, prend naissance vers le milieu de la face supérieure du pharynx. Il se dédouble pour former les deux cœcums intestinaux (fig. 2, :). Ceux-ci, nullement ramifiés, restent simples et d’un assez faible diamètre sur toute leur étendue. Leur paroi présente une couche interne cellulaire, dont les cellules longues et très étroites sont surtout très allongées dans la moitié postérieure de l'intestin, où elles atteignent 35 1; leur longueur, dans la moitié antérieure, n'étant que de 95 y. La couche externe de la paroi intestinale est assez mince et for- mée de substance conjonctive renfermant des fibres musculaires annulaires et longitudinales. Appareil génital. — Si l'appareil digestif éloigne le 9. Rathouisi du D. hepaticum , l'appareil génital, par contre, rapproche beau- coup ces deux espèces. Dans toutes les deux, en effet, les glandes principales de cet appareil, testicules et ovaires, sont formés de tubes ramifiés et anastomosés; dans toutes les deux également, l'utérus est entièrement situé en avant de l’ovaire et de la glande coquillière. Appareil génital mâle. — Les testicules, très développés (pl. XIII, 206 J. POIRIER. fig. 4, €), forment deux masses volumineuses occupant presque toute la moitié postérieure du corps. Ils sont formés de tubes très irrégu- lièrement ramifiés et anastomosés, d’un diamètre variant de Om®,2 à 0,7 (fig. 4, t). Le testicule gauche s’étend un peu plus en avant que le testi- cule droit, qui est arrêté en ce point par le développement de l’o- vaire. Les parois des tubes testiculaires sont très minces, sans structure. Je n’y ai pu observer les cellules fusiformes qu'on rencontre dans les parois des tubes testiculaires du 2. hepaticum. Les canaux séminifères (fig. 2, 5; s) forment deux tubes cylindriques d’un diamètre à peu près constant de 45 pu. Ils se dirigent en avant en se rapprochant graduellement et finissent par se réunir dans le plan médian de l'animal, à l’extrémité de la poche prostatique, pour don- ner naissance au canal déférent impair. Les parois de ces canaux séminifères, un peu plus épaisses que chez la Douve, comprennent une couche interne homogène et une mince couche externe renfermant quelques fibres annulaires très fines. La poche prostatique ou poche du cirrhe (fig. 2, pr), beaucoup plus allongée que chez le D. hepaticum, s'étend assez loin en arrière de la ventouse ventrale. Toute la partie située en arrière de la ventouse, est large et légèrement sinueuse. Son diamètre maximum est de un,5. Elle se rétrécit ensuite et se continue par une partie presque cylindrique située sur la face supérieure de la ventouse et allant aboutir en avant de celle-ci au cloaque génital. Celui-ci, très peu profond, ne semble être, comme chez la Douve, qu’un simple enfon- cement de la peau. Le réceptacle séminal, formé par la réunion des deux canaux sémi- nifères, est en forme de fuseau très élargi en son milieu et suivant les sinuosités de la partie postérieure de la poche prostatique, dans laquelle il est renfermé. Le réceptacle séminal se continue par le canal prostatique et le SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE DISTOME. 207 canal éjaculaleur, situés tous deux dans la région cylindrique de la poche prostatique. Appareil génital femelle, — Chez le D. Rathouisi, l'ovaire (fig. 1, O) présente la même forme, si caractéristique, de l'ovaire du 2. hepa- ticum. C'est une glande tubulaire, composée de tubes ramifiés et située dans la partie droite de l'animal, en avant du testicule droit. Les ovules mürs produits par cette glande sont assez gros, 0,90, et présentent un gros noyau sphérique de 85 x de diamètre. Les tubes ramifiés de l'ovaire aboutissent à un canal unique, l’ovi- ducte, qui pénètre dans la glande coquillière près de son bord supé- rieur droit. Le diamètre de ce canal va constamment en diminuant, et au point où il reçoit le canal de Laurer, il n’a plus que 35 y de large. . Le vitellogène (pl. XIE, fig. 4 et 4, v) forme deux glandes paires en grappes s'étendant de chaque côté sur les deux faces du corps, de- puis la base du cou jusqu’à l'extrémité postérieure du corps. Elles ont la structure et la disposition du 2. hepaticum. Les lobules attei- gnent Orz,1 et les cellules vitellines 07,02, Elles déversent leur contenu dans des canaux latéraux longitudi- naux (v') : les deux vitelloductes pairs. Ceux-ci, au niveau de la glande coquillière, donnent naissance à des canaux transverses (v”) abou- tissant à une poche piriforme située immédiatement en arrière, et au-dessous de la glande coquillière. De cette poche part le vitello- ducte impair qui va se réunir à l’oviducte pour former l'utérus. La grande coquilhère (pl. XHK, fig. 4 5, G.), comme chez la Douve, est une glande globuleuse aplatie latéralement et presque en con- tact avec la face dorsale et la face ventrale de l'animal. Elle est for- mée d’un très grand nombre de petites glandes unicellulaires ovoi- des, disposées sur cinq ou six rangées à la périphérie de l'organe, dont la masse interne est composée d’une substance conjonctive cellulaire parcourue par les nombreux et fins canaux excréteurs des cellules glandulaires de la périphérie. Ces cellules ont0®",03 de lon- gueur, et le diamètre de leur noyau est 0°*,0085. 208 J. POIRIER. L'utérus fait à l’intérieur de cette glande un assez grand nombre de circonvolutions. Son diamètre, primitivement de 35 pm, aug- mente graduellement de facon à atteindre 0"®,80 à sa sortie qui se trouve vers le bord gauche et ventral de la glande. L’utérus devient | alors très sinueux et se dirige en avant en présentant souvent un diamètre considérable provenant de la dilatation des parois sous l'action du grand nombre d'œufs que ce canal renferme. Arrivé sous le prolongement postérieur de la ventouse ventrale, il se recourbe, passe sur la face supérieure de cette ventouse, et se dirige alors en ligne droite vers le cloaque, en longeant à gauche la poche prosta- tique. La structure de ce canal, à l'exception de la partie contenue à l'intérieur de la glande coquillière, est assez différente de celle que présente l'utérus du D. hepaticum. Pour la première partie, les parois, comme chez la Douve, sont minces et formées de deux couches : l’une interne, sans structure, présentant un grand nombre de petits pores, orifices d’excrétion des cellules glandulaires de la glande coquillière, et une couche externe, musculaire, formée de fibres annulaires. En dehors de la glande coquillière, l'utérus présente une couche interne très épaisse, formée de longues cellules, unies seulement entre elles sur les deux tiers environ de leur longueur (fig. 6, a). Ces cellules ont vers leur base un gros noyau ovoïde de 4 y. de longueur. Chez la Douve, au contraire, cette couche interne de l'utérus présente à peine quelques traces de cellules. Dans les points où l'utérus n’est pas distendu par son contenu, ces cellules ont en moyenne 20 k de longueur sur 8 x de largeur, quand l'utérus est distendu. Cette longueur diminue et la largeur aug- mente proportionnellement à l’accroissement du diamètre du canal. La couche externe de l'utérus est musculaire et se divise en deux zones : une zone interne très développée (b) formée d'un grand nombre de fibres annulaires et une zone externe (e) renfermant de fines fibres longitudinales. SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE DISTOME. 209 Le canal de Laurer (fig.5,L), d’abord très étroit à son origine, 50, s’élargit rapidement pour atteindre un diamètre constant de 90 y. Il se dirige vers la face dorsale en s'inclinant à droite, et sort de la glande coquillière vers son bord supérieur droit. Ses parois, épaisses de 10 , sont formées d’une couche interne sans structure de 3 & et demi d'épaisseur (fig. 7, a), d’une couche mé- diane excessivement mince composée de fines fibres annulaires (4), et d’une couche externe cellulaire (c) formée de cellules aplaties à gros noyau. Les dimensions de ces cellules sont en moyenne de 6 1 et demi de longueur sur 3 4 et demi de largeur, et celles du noyau de 3 & et demi sur 4 1 et demi. Dans l'individu que j'ai eu à ma disposition, le canal de Laurer renfermait dans toute son étendue de nombreux ovules mélés de quelques spermatozoïdes et de globules vitellins. Ce fait vient donc encore à l’appui de cette opinion, que le canal de Laurer n’est pas un vagin, mais bien un canal de sûreté par lequel _ l'excédent de la production des glandes génitales femelles est rejeté au dehors, en même temps que l’excès des spermatozoïdes arrivés dans le commencement de l'utérus. Appareil excréteur. — Je n’ai pu observer cet appareil qu’en partie, mais ce que j'en ai vu montre bien la richesse de ses ramifica- tions, Le pore excréteur est très nettement visible à la partie postérieure du corps. Le canal qui en part est assez long, mais je n’ai pu voir le point où il se divise pour donner naissance aux branches laté- rales, Celles-ci se ramifient beaucoup, et leurs branches parcourent tout le parenchyme du corps en se divisant de plus en plus et en se dirigeant vers la surface du corps. Arrivées dans la couche sous- cuticulaire, ces branches devenant de plus en plus fines, parcourent cette couche sur une étendue plus ou moins grande, puis s’inflé- chissent de nouveau, au moins en partie, à l’intérieur du corps, pour se terminer par des pavillons vibratiles de forme absolument conique. ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 20 SÉRIE. -— T. V, 1887. 14 210 J. POIRIER. Les parois des principaux canaux sont épaisses et présentent une couche interne élastique et une couche externe musculaire formée de fibres longitudinales. A mesure que le diamètre du canal dimi- nue, ces fibres diminuent également, et elles font défaut dans les dernières ramifications de l'appareil. Système nerveux. — La partie centrale du système nerveux est très nette et se compose de deux ganglions assez gros, réunis par une longue commissure, placée exactement entre la ventouse orale et le pharynx (fig. 2, 1V). De chaque ganglion partent en avant deux nerfs : le nerf interne se dirige vers la ventouse orale, dans laquelle il ne tarde pas à pé- nétrer; le nerf externe contourne la ventouse orale en envoyant quelques ramifications à la peau voisine. £ En arrière, ces ganglions envoient trois nerfs : un nerf interne vers le pharynx, le gros cordon latéral (2), et un petit nerf externe vers la peau. Au voisinage de la ventouse ventrale, les cordons latéraux émettent une branche vers cette ventouse. Je n'ai pu observer de nerfs correspondant au nerf dorsal du D. hepaticum. - Ainsi, en résumé, si le D. Rathouwsi se rapproche du D. hepaticum par son habitat, par sa forme générale, par son ovaire et ses testi- cules formés de tubes ramifiés, et par la place occupée: par Puté- rus, il s’en éloigne par la grandeur de sa ventouse médiane, par ses téguments nus, par les plus faibles dimensions des éléments de son parenchyme, par la structure des parois de son utérus, et surtout par la forme simple de son tube digestif. Je me fais un plaisir de dédier cette nouvelle espèce au révérend père Rathouis, qui a bien voulu m'envoyer l'individu que j'ai étudié. Fig. 1. 2. = 6. 7 SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE DISTOME. 211 EXPLICATION DE LA PLANCHE XIII. Distomum Rathouisi, face ventrale. V, ventouse orale; V’, ventouse ven- trale; cl, cloaque; O, ovaire; t, testicules; vw, vitellogène; v', v”’, vitelloductes; G, glande coquillière; uw, utérus; p, pore excréteur. Gr. 3,6. Extrémité antérieure plus grossie, face dorsale. V, ventouse antérieure ; V’', ventouse postérieure; ph, pharynx; æ, œsophage; à, intestin; N, cen- tres nerveux; n, troncs latéraux; w, utérus; s, canaux séminifères; pr, poche prostatique. OEuf. Gr. 200. Coupe transversale au niveau des testicules. v, vitellogène; v’, vitelloducte ; t, testicule ; c, vaisseaux de l'appareil excréteur; 5, intestin; P, paren- chyme. Gr. 25. Coupe transversale au niveau de la glande coquillière. G, glande coquil- lière; O, ovaire; o, oviducte; #, utérus; v, viteiloducte; L, canal de Laurer; c, canaux excréteurs ; s, canal séminifère. Gr. 34. Coupe longitudinale des parois de l’utérus. a, couche cellulaire interne ; b, couche de fibres annulaires ; c, couche de fibres longitudinales; P, pa- renchyme. Gr. 340. Coupe longitudinale des paroïs du canal de Laurer. a, couche interne ; b, couche de fibres annulaires; c, couche externe ceilulaire, Gr. 340, Fo LA ù s D PU ME QT INIST 2 ? so 4 " + # ” £ > - Pat Lu h + "NS .f É A NE AURA ERRARTEULA , | Le . L- 7% ‘ 0 È à DA ° LE + ne ; ni CAF A0 "Hi C >” #1 : £ MST +4 PORUE Ke + ‘ à 1591 * à N 4 di È Re | UE € Na | 151 a +1 ? £ A ‘ 1 :} COUR, EF Son 28 * … y" !: MDP-TAU " : Re EN Lea CNET PARU MIT DOUTE NE FNENRNES è A € | PR CT 1 21007 1 a ” ir +” { La 0 2 apr \ À + ; : - ee 2 » 0 A PER: « 1 Fr ve D 1119 ! M Gin a : M 1 à Y : Ë s RAR EPP 37 RE i% HET Ga Aer AR EE RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA ET QUELQUES AUTRES ÉCHINIDES DE LA MÉDITERRANÉE PAR HENRI EROUHO Préparateur au laboratoire Arago. INTRODUCTION. Comment, après tant d’autres, ai-je été amené à entreprendre de nouvelles recherches sur l’anatomie des Echinides? C’est ce que je vais essayer d'expliquer en quelques mots. Les types d'Oursins, dont l’organisation a été approfondie par mes devanciers, sont principalement les espèces côtières, c'est-à-dire celles que le naturaliste peut se procurer le plus aisément. C’est ainsi que Tiedemann, Valentin, Hoffmann, Perrier, Teuscher, Kæh- ler, se sont adressés de préférence à des genres plus ou moins voi- sins du genre actuel Z'chinus. Après tous ces travaux, il était naturel de considérer l’organisation d'un £'chinus comme étant connue, et bien connue; mais il était tout aussi naturel de se demander s’il n’y avait pas quelques no- tions nouvelles à acquérir par l’étude anatomique d'un type appar- tenant à une famille différente et bien caractérisée. Les embarcations du laboratoire Arago rapportent souvent du large un Cidaridien, sur lequel mon vénéré maître, M. de Lacaze- 214 HENRI PROUHO. Duthiers, voulut bien attirer mon attention. Les conditions que m'offrait le laboratoire pour l'étude de ce bel Echinide étaient excep- tionnelles ; je ne pouvais laisser échapper une occasion si favorable et je commençai mes recherches. | Devais-je espérer recueillir de l'étude de ce Cidaris de nombreux faits nouveaux et intéressants? Je ne m'en préoccupai pas et je considérai que je ne ferais pas une œuvre inutile en essayant une étude approfondie d'un être insuffisamment connu au point de vue anatomique et qui représente dans nos mers actuelles une des plus anciennes familles d'Échinides qui aient vécu dans les temps géo- logiques. Mon intention première était donc de publier une monographie du Dorocidaris, espérant que l’étude de ce seul type me permettrait de répondre à toutes les questions que j'avais l'intention d'aborder. Je n'ai pu me restreindre à ce programme, et, comme on le verra par la suite, J'ai dû m'adresser quelquefois à d’autres genres choisis parmi les Échiniens. Bien plus, j'ai été conduit, pour ainsi dire malgré moi, à m’occuper d'un Spatangide le jour où, voulant vérifier par moi-même certains faits énoncés par les au- teurs, j’ai reconnu ces faits inexacts ou incomplètement observés. La base de ce travail n’en restera pas moins une étude à peu près complète du Dorocidaris papillata, point de départ de mes recher- ches. Je ne consacrerai pas un chapitre spécial à l'historique des tra- vaux antérieurs, | Un historique doit, à mon avis, être absolument complet, sinon il n’a plus sa raison d’être. Dans ces conditions, il serait ici très long, fastidieux et d’une utilité contestable. | En outre, il devrait contenir l’exposé des discussions et polémi- ques que l’organisation des Oursins a provoquées dans ces dernières années, ce qui nécessiterait les citations presque ?2n extenso des notes échangées entre les divers anatomistes. Je crois pouvoir me dispenser d'entreprendre ce travail, me réservant de critiquer en RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 215 temps opportun ceux des travaux qui se rattachent aux sujets des différents chapitres de ce mémoire, en tête duquel je placerai un aperçu de la faune échinologique des côtes du Roussillon. Cet apercu consistera en une simple énumération dans leur ordre bathymétrique naturel des espèces qui ont été recueillies dans les parages explorés jusqu’à ce jour par la balancelle du laboratoire Arago. Les caractères génériques ou spécifiques des Échinides énumérés se trouvent décrits tout au long dans les importants travaux d’A. Agassiz, il serait donc superflu de les reproduire ici. ÉNUMÉRATION DES ESPÈCES. STRONGYLOCENTROTUS LIVIDUS (BR.). Jl abonde de O0 à 10 mètres! de profondeur dans la baïe de Ba- nyuls ; les Catalans le nomment £ngarotta : ils en sont très friands et en font une grande consommation. L'animal se niche dans des trous pratiqués dans les schistes submergés des falaises. Est-ce l’Oursin qui fait lui-même son trou, et, dans ce cas, com- ment le fait-il ? Est-ce plutôt le trou qui, par le développement con- tinu d'algues calcaires, se constitue peu à peu autour de l’Oursin, qui a d’abord élu domicile dans une dépression préexistante du rocher? Personne, que je sache, n’a répondu à ces questions d’une manière irréfutable, et, quant à moi, je préfère m’abstenir pour le moment. SPHŒRECHINUS GRANULARIS (A. AG.). Ce bel Oursin, qui vit à la limite inférieure de la zone à Strg. lividus, est, en général, d’un beau violet foncé; mais on rencontre assez fréquemment une variété blanche. La couleur de cette variété ! Ces cotes n’ont et ne peuvent avoir qu’une exactitude relative. . 216 HENRI PROUHO. est uniquement due faux piquants; la teinte violette persistant tou- jours sur le test, les tentacules et les pédicellaires.. Le Sph. granularis est beaucoup moins abondant que le précédent. ECHINUS MICROTUBERCULATUS (DE BL.). Cette petite espèce se rencontre à 15 ou 20 mètres de profondeur et plus bas. Très disséminée sur les fonds qui ont été explorés, il est difficile de lui assigner un habitat préféré. Les plus grands échantillons que j'ai eus ne dépassaient pas 4 centimètres; la teinte générale est toujours verdâtre, avec des bandes rosées plus ou moins apparentes. ECHINUS ACUTUS (LAM.). Commence à 20 mètres environ et descend à 60 et 95 mètres de fond, ce qui ne doit pas surprendre, puisque le Challenger l’a recueillie par 1350 brasses'. LE. acutus est très répandu sur les côtes du Roussillon et on le voit; la profondeur à laquelle il habite est très variable; il semble, d’ailleurs, rechercher les fonds de sable coquilliers et fuir la vase. Dans cette région de la Méditerranée, il présente bien les carac- tères que lui assigne A. Agassiz?; mais il faut se tenir en garde contre celui qui ressort de la forme du test, car elle est essentiellement va- riable. Tantôt l'animal est franchement conique vers l’apex, tantôt il est, dans cette même région, presque complètement sphérique. Un caractère, très secondaire sans doute, mais qui ne fait jamais défaut, c’est celui de la coloration du test, qui offre toujours des bandes d’un rouge plus ou moins vif. Les piquants eux-mêmes sont quelquefois presque entièrement rouges, plus souvent lavés de jaune et un peu de vert; ils sont toujours acérés, excepté sur le pôle oral, où ils sont aplatis à leur extrémité. 4 A. Acassiz, Report on the scientific resulls of the Voyage of H.-M.-S. Challenger. 2 A, AGassiz, Revision of the Echini. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 247 Chez les jeunes, ils sont très longs et arrivent à égaler presque le diamètre du test. ECHINUS MELO (LAM.). C'est vers 45 mètres et plus profondément que l'on trouve cette belle espèce, confondue quelquefois avec l’£,. acutus, et qui se laisse cependant distinguer de ce dernier par des caractères de peu de valeur, il est vrai, mais constants. Le test de l’Z. melo est plus épais et sa teinte n’est jamais aussi rouge que chez l’£. acutus. Sa forme est généralement plus globu- leuse. Les piquants sont toujours verdâtres, les primaires étant dis- posés en rangées bien distinctes, ce qui n’a pas lieu chez l’£. acu- tus. Les piquants secondaires sont plus nombreux, ainsi que les pédicellaires, d’où il résulte que le test est moins nu que chez ce dernier. ; Ces caractères ressortent bien de la comparaison des deux types, qui, examinés côte à côte, ne peuvent être confondus. Ces quelques remarques concordent avec celles que M. Kæhlert a été conduit à faire au sujet des deux espèces dans le golfe de Mar- seille. On peut donc affirmer qu'il y a lieu de continuer à les distin- guer sur notre littoral méditerranéen. L'£. melo est rare sur les côtes de la Catalogne française. Il a été pêché au cap Abeille par 45 mètres sur un fond de rochers. Par contre, il est fréquent sur les côtes espagnoles, où le bateau du laboratoire l’a recueilli à la pointe du cap Creux, par 90 mètres, sur un fond coralligène. Dans ces mêmes parages, l’Æ. acutus est plus rare que sur les côtes françaises, Ces deux espèces paraissent s'ex- clure l’une l’autre. DOROCIDARIS PAPILLATA (A. AG.). Il est souvent associé à l’Z. acutus dans les parages qui ont été 1 Recherches sur les Echinides des côtes de Provence (1883). 218 HENRI PROUHO. explorés; mais comme il ne remonte jamais aussi haut, nous le pla- cons le dernier. | Les pêcheurs de Banyuls connaissent fort bien ce bel Échinide; ils l’appellent en catalan Courouno, qui signifie couronne, diadème. On le rencontre au large de Banyuls à partir d’une profondeur de 60 mètres ; cependant c’est surtout dans les fonds de 100 mètres en- viron qu'il est abondant. Là il vit soit sur un fond de sable coquillier, soit sur un fond coralligène. Les échantillons rapportés par les pêcheurs qui trainent le chalut sont souvent en mauvais état, cela tient à ce qu’ils sont trainés pen- dant des heures, accrochés aux mailles du filet. Il n’en est pas de même pour les individus rapportés par la balan- celle du laboratoire, qui, les pêchant à l’aide du faubert, les ramène en parfait état de conservation. SPATANGIDES. — Ge groupe est représenté par les espèces suivantes : ECHINOCARDIUM CORDATUM (GRAY). Cette espèce a été recueillie à 2 mètres de profondeur: on ne sau- rait dire jusqu’à quelle cote elle descend, car il est très difficile de la ramener à la drague. Les seuls échantillons que j'ai eus vivants, ont été pris dans l’anse de Fontaulé par mon excellent ami M. Costes, qui a fait cette bonne prise le premier jour où il a revêtu le sca- phandre. La vague rejette parfois à la plage de nombreux tests de ces Spa- tangides, mais il est à remarquer que c’est toujours pendant de vio- lentes tempêtes, ce qui semble bien démontrer qu'ils peuvent s’en- foncer profondément dans le sable fin où ils vivent. À. Agassiz distingue de l’£Z, cordatum VE, mediterraneum ; j'ai eu entre les mains des individus qui m'ont paru présenter les carac- tères de cette dernière espèce, mais j'avoue ne pouvoir me résoudre à la séparer de l’Z, cordatum. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 219 SCHIZASTER CANALIFERUS (A. AG.). Le premier échantillon de cette belle espèce, qui a été rapporté vivant au laboratoire, a été recueilli dans le port de Port-Vendres par M. le docteur Pruvot, dans une de ses nombreuses excursions sous-marines. | ; Le Schizaster habite là, par 10 mètres de fond, une vase noire d’une extrême finesse. D’autres échantillons, également en très bon état, ont été, depuis lors, dragués à l’entrée du port par 20 mètres environ. SPATANGUS PURPUREUS (LESKE). On le drague également à l'entrée du port de Port-Vendres dans un fond de sable par 15 à 20 mètres. Cette espèce habite les pro- fondeurs beaucoup plus considérables où vivent les Dorocidaris, par 90 mètres, et là elle est extrèmement abondante. Ce Spatangus purpureus du large reste toujours notablement plus petit que celui de la côte, en outre, il est généralement plus aplati et très souvent déformé de façons bizarres. D'ailleurs, il ne présente pas d’autres caractères distinctifs. ECHINOCARDIUM FLAVESCENS (A. AG.). Il vit par 30 mètres environ sur un sable coquillier et coralligène, non loin de la côte, au sud-est de la baie de Banyuls. Il est toujours de petite taille. | BRISSOPSIS LYRIFERA (A. AG.). La balancelle de la station l’a recueilli vivant à la pointe du cap de Creux, dans les eaux espagnoles. en même temps que l’Æ. melo, par 90 mètres de profondeur. Ce charmant Spatangide existe très certainement à l’est de Banyuls dans les eaux françaises, car le 220 HENRI PROUHO. chalut ou la drague en ont souvent rapporté des tests dépouillés de leurs piquants. Toutes les espèces que je viens d'énumérer ont été recueillies bien vivantes, et ont vécu dans les aquariums du laboratoire; il me reste à mentionner le seul Echinide que je n’ai jamais pu avoir qu’à l'état de dépouille. j C'est l’£chinocyamus pusillus (Gray), unique représentant du groupe des Clypeastres, sur les côtes de la Catalogne. J’ai eu l’occasion de l’observer à l’état vivant à Roscoff, où il habite un sable coquillier très caractérisé; j’ai retrouvé ce sable sur cer- tains points des côtes roussillonnaises, et je suis intimement convaincu que l’Z, pusillus ne tardera pas à être rapporté en bon état par les embarcations du laboratoire. ÉTUDE DU DOROCIDARIS PAPILLATA, On trouvera dans cette étude, non seulement l’histoire détaillée d'un Cidaridien, mais encore l'exposé de recherches sur quelques Echiniens, faites dans le but de résoudre certaines questions inté- ressant le groupe entier des Réguliers. L'utilité de ces recherches s’est imposée toutes les fois que le Dorocidaris n’a pas offert lui-même des conditions favorables à l’ob- servation. CARACTÈRES EXTÉRIEURS ET MŒURS. I. — Le Dorocidaris papillata a été souvent figuré ; Della Chiaje‘ en a donné un dessin quelque peu enfantin, A. Agassiz® en a publié d'excellentes photographies. Müller 3 et surtout Loven“ ont donné 1 Animali s. vert. d. regno di Napoli, 1829, 2 Revision of the Echini, 1872. 3 Uber den bau der Echinodermen, 1853. k Etudes sur les Echinoïdées, 1874. RECHERCHES SUR LE DORUCIDARIS PAPILLATA. 291 de très bonnes figures se rapportant à la structure du test. Il serait donc superflu de le représenter encore une fois dans ce mémoire, Nous ne discuterons pas les caractères du sous-genre Dorocidaris, ce serait sortir des limites que nous nous sommes tracées. On les trouvera indiqués par Agassiz lui-même dans sa «Revision of the Echini ». Nous nous bornerous à rappeler brièvement, et pour mémoire, les traits principaux de la structure d’un test de 2. papillata, en re- marquant qu'il peut être pris comme type de la famille des Cidaridés, dont tous les membres actuels présentent une si grande conformité de structure que l’on est en droit de se demander s'il ne convien- drait pas de les confondre tous dans le genre Cidaris, en ne ies dis- tinguant que par des caractères spécifiques. Les plaques coronales interambulacraires sont grandes et en petit nombre; elles portent un seul tubercule primaire dont le ma- melon est percé d’un trou (pl. XIV, fig. 1), les tubercules secondaires sont situés tout autour des aires scrobiculaires. Les interradi des plus grands individus que j’ai observés ne présen- taient pas plus de neuf plaques sur une même rangée méridienne, ou si l’on veut, il n’y a jamais plus de neuf assises de plaques inter- ambulacraires. Le nombre de ces plaques, cela va sans dire, ne saurait être ca- ractéristique; si je l'indique pour le Dorocidaris, c’est pour mieux fixer les idées. Toutefois je ne crois pas qu'il existe de Cidaris actuel chez lequel ce nombre neuf soit de beaucoup dépassé !. Au contraire, les plaques ambulacraires ou radiales sont très petites et très nombreuses, toujours simples, percées d’une seule paire de pores et disposées régulièrement les unes au-dessus des autres. Elles portent de petits tubercules secondaires. Les pores ambulacraires du test proprement dit se continuent 1 Quand je désignerai, sans plus d'explication, une plaque coronale par 1, ce chiffre se rapportera à l’une quelconque des plaques portaR le péristome ; la plaque 2 vient ensuite et ainsi jusqu'à l’apex. 292 | HENRI PROUHO. sans interruption sur la membrane péristomienne jusqu’à son bord interne, et cette membrane est recouverte de plaques calcaires ab- solument caractéristiques, ayant une tout autre signification que les écailles développées sur la membrane péristomienne de quelques Echinides : £'chinus sphæra, E. microtuberculatus, etc. Ces plaques, la chose paraît hors de doute’, au moins pour les radiales, sont chez les Cidaris de véritables plaques ambulacraires, tandis que chez les Echinidés, elles n’ont aucun rapport morpholo- gique avec celles du test lui-même. À ces caractères de premier ordre, il faut en ajouter un qui n’a pas une moindre importance; c’est l’absence complète d'entailles branchiales sur le bord du péristome. L'appareil apical a un diamètre au moins égal à celui du péris- tome. Les plaques génitales sont à très peu près égales entre elles, la membrane anale est entièrement couverte de petites plaques, anus est central (pl. XVII, fig. 1). Les piquants du Dorocidaris sont de deux sortes; les uns pri- maires sont caractérisés, comme chez tous les Cidaridés, par une couche corticale très dure. Ils sont exclusivement portés par les plaques interambulacraires sur le tubercule primaire desquelles ils sont articulés. Leur ornementation consiste en petites aspérités en dents de scie, disposées sur des lignes longitudinales se continuant jusqu'au sommet du piquant. Chez un adulte, les radioles des plaques interambulacraires 1 »2,et3 sont plus ou moins aplaties, le piquant le plus ancien, c’est-à-dire celui de la plaque 1, étant le plus court, le plus grêle et le plus plat. À partir du troisième, les piquants offrent une section circu- laire, ils sont légèrement coniques, et leur longueur va en augmen- tant jusqu’à l'équateur pour diminuer ensuite jusqu’au pôle apical.. La longueur de la plus grande radiole, chez un adulte intact, a environ deux fois le diamètre du test. 1 LOvEnN, loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 293 Aux différences que nous venons de constater dans la longueur et la forme des radioles d’un même individu, s'ajoutent des diffé- rences de coloration. : Les unes sont d’une belle teinte rouge, d’autres sont seulement rosées, certaines sont rouges au sommet, incolores à la base (pl, XV, fig. 14); d’autres enfin sont complètement décolorées et sont d’une teinte sale. Ces dernières sont presque toujours envahies par une faune spéciale. Ce sont des Hydraires, des Serpules, des Cirripèdes (Scalpellum et Alepas), qui, le plus ordinairement, se fixent sur les piquants du Dorocidaris comme ils auraient pu le faire sur tout autre support. Enfin je signalerai un ornement très original que portent parfois les radioles ; c’est une petite valve de Lamellibranche, transpercée par le piquant et disposée à sa base, non loin du collet, comme la garde de certaines vieilles rapières. C'est toujours sur un des piquants de l'hémisphère oral que l’on rencontre ces petites coquilles dont j'ex- pliquerai la présence dans un instant. Les piquants secondaires, toujours dépourvus de couche corti- cale, sont petits, plats, marqués d’une striation longitudinale. Ils sont disposés autour des piquants primaires, dont ils ne dépas- sent guère le bourrelet (pl. XV, fig. 6), dans les zones ambulacraires en lignes régulières, sur les plaques génitales, ocellaires, anales et péristomiennes. On le voit,til n’y a pas de plaque, si petite qu’elle soit, qui né porte au moins un de ces petits piquants dont le mode de distribution correspond à une fonction bien définie. Leur couleur est toujours blanche, lavée de jaune-paille, et c’est en somme eux qui donnent la teinte générale de l’animal. La teinte jaune-paille très clair est l'indice d’une bonne santé chez un Dorocidaris ; c’est là une couleur normale. Si l'animal devient brunâtre, c’est mauvais signe, et s’il se déve- loppe par places des taches vertes, c’est que l’Oursin ne tardera pas à être envahi par la putréfaction. 224 HENRI PROUHO. II. — Grâce aux conditions exceptionnellement favorables qui sont réalisées au laboratoire Arago, il m’a été facile d'observer sinon complètement, du moins en partie, les mœurs du D. papillata. Fait intéressant, de tous les Echinides dont la liste se trouve au début de ce mémoire, le Dorocidaris est celui qui s’acclimate le mieux en captivité. Transporté brusquement d'une pression d’au moins 7 atmos- phères à la pression de 1 atmosphère, le Dorocidaris ne parait pas en souffrir ; il vit et se nourrit sous quelques centimètres d’eau bien aérée, beaucoup mieux que nos espèces côtières, et cela, non pas pendant quelques jours, mais pendant trois, quatre et huit mois. Je retrouve dans mes notes le fait suivant qui paraît d'autant plus étonnant que, somme toute, il s’agit d’un animal habitué aux grands fonds. Quelques individus étaient en observation dans un bac de 45 cen- timètres environ de profondeur. Une nuit, un des Cidaris est parvenu à s'échapper et est tombé sur le sol où je l’ai retrouvé le lendemain matin. Depuis combien de temps était-il ainsi hors de l’eau ? je l'i- gnore, mais il était presque desséché extérieurement. Pour moi, l’ani- mal était mort, cela ne faisait pas de doute. Je ne sais pourquoi J'eus l'heureuse idée de le rejeter dans son aquarium, et quelle ne fut pas ma surprise de voir, au bout de quelques minutes, cet individu se mouvoir activement et présenter tous les caractères d’une parfaite santé. L'animal était bien vivant et est resté en parfait état jusqu'au moment où je l'ai sacrifié, c’est-à-dire quinze jours après. Le Dorocidaris paraît donc indifférent à la pression extérieure, du moins dans les limites que je viens d'indiquer ; c’est un être de plus à ajouter à la liste de ceux qui supportent sans en souffrir de grandes et subites décompressions. | Mon excellent collègue et ami, M. le docteur Joubin, a constaté un fait analogue chez les Cranies, qu’il a si bien étudiées, et, sans en faire l’'énumération, je dirai que les espèces ayant donné lieu à des observations de ce genre au laboratoire Arago sont nombreuses RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 225 et variées. Les Hydraires, Serpules et Cirripèdes, qui vivent fixés sur les radioles du Dorocidaris, à 90 et 100 mètres de profondeur, se contentent très bien de 10 centimètres d’eau. Le Dorocidaris adulte se meut à l’aide de ses piquants primaires ; les tubes ambulacraires ne sont pour lui que des organes locomo- teurs accessoires. Placé sur un plan horizontal, l'animal peut se déplacer dans n’im- porte quelle direction en se servant des radioles situées de part et d'autre du plan dans lequel il veut se mouvoir. Ces radioles latérales sont alors autant de béquilles dont le Cidaris se sert très adroite- ment, tandis que celles de l'avant, immobiles, semblent tendues vers le but. é Les seuls piquants qui peuvent servir à la locomotion sur un plan horizontal sont situés sur l'hémisphère oral, les autres sont inca- pables d'atteindre le sol. Dans ce mouvement, on ne voit jamais les tentacules du pôle oral s'attacher au sol, surtout si l'animal veut marcher vite. Mais ce n’est pas seulement sur un plan horizontal que le Doro- cidaris chemine ainsi avec la plus grande facilité; il gravit de la sorte les obstacles qui se trouvent sur son passage, si ceux-ci présentent assez d’aspérités pour donner de bons points d’appui à l'extrémité des piquants locomoteurs. Il y a plus, et si je ne craignais pas que l'expression ne parût triviale, je dirais que le Dorocidaris excelle à grimper au mât de co- cagne, J'ai maintes fois montré aux travailleurs venus au laboratoire Arago, en 1885, certains de ces animaux qui, à l’aide de leurs seuls piquants, étaient montés le long d’un tube de verre de 1 centimètre et demi de diamètre, placé verticalement dans le bassin de la salle d’aquarium,. C’est en embrassant étroitement le tube avec leurs pi- quants adoraux qu'ils réalisaient très aisément cette sorte de tour de force. Dans une autre circonstance, alors qu’on les avait parqués dans une partie de ce même bassin, on voyait les Dorocidaris grimper le ARCH, DE ZOOLs EXP, ET GÉN. == 20 SÉRIE, == T, Ve 1887, 15 226 HENRI PROUHO. long du treillage en fil de fer qui formait la séparation. Il est de toute évidence que, dans un cas comme dans l’autre, les tubes ambula- craires ne pouvaient être d'aucun secours, Ceux-ci, avons-nous dit, ne sont que des organes locomoteurs ac- cessoires ; cela tient à deux causes principales. La première, c’est que leur ventouse terminale est peu développée ; la deuxième résulte de ce que les pores ambulacraires ne se sont pas multipliés sur la face orale par l'élargissement des zones radiales, contrairement à ce qui a lieu chez la plupart des autres Oursins chez lesquels la face orale s’est de plus aplatie pour faciliter la locomotion à l’aide des tubes ambulacraires. À, Agassizi a signalé que l’Arbacia pouvait se mouvoir à l'aide de ses piquants ; je n'ai pu observer cet animal vivant, et je ne doute pas de l’observation du savant professeur de Cambridge. Je crois même que l’on peut ajouter : « tous les Oursins sont capables de se mouvoir à l’aide de leurs piquants.» Mais les mouvements ainsi réalisés sont de peu de durée, et peut-être irréfléchis. Pour tous les Echinidés latisteilés, les tubes ambulacraires sont les vrais organes locomoteurs ; le rôle des piquants est accessoire. Pour le Dorocidaris, les radioles sont les vrais organes locomo- teurs ; le rôle des tubes ambulacraires est accessoire. Les tentacules oraux d’un Dorocidaris adulte ne sont ni assez nom- breux ni assez forts pour développer une adhérence qui permette à l'animal de s’élever sur un plan vertical. Chez les jeunes, de À centi- mètre et demi de diamètre, il n’en est pas de même, car ceux-ci peuvent se soutenir aisément le long des parois d’un bocal. Le rapport de la force d’adhérence au poids du corps diminue à mesure que l'animal grandit. Maintenant que nous connaissons la façon de se mouvoir du 2. papillata, nous pourrons comprendre pourquoi l'on trouve de temps en temps à la base des radioles adorales les petites coquilles dont il 1 Loc, cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 227 a été question plus haut. Le D, papillata, avons-nous dit, habite fré- quemment des fonds coquilliers; or, parmi les nombreuses valves de Lamellibranches qui sont répandues sur ces fonds, il en est beau- coup qui ont été habilement perforées par quelque Gastéropode car- nassier, et il arrive alors parfois que le Cidaris, en cheminant sur ce sable, engage l’extrémité d’un de ses piquants locomoteurs dans le trou d’une de ces coquilles qu'il emporte avec lui. Pour compléter nos observations sur la locomotion de l’Oursin, qui nous occupe, prenons un individu avec tous ses piquants intacts et plaçons-le, la bouche en haut, sur un sol horizontal ; au bout de quelques minutes, il se sera retourné et aura repris sa position normale. Il est vraiment curieux de voir un Dorocidaris se retourner de la sorte à l’aide de ses seules radioles (les tentacules ambulacraires ne peuvent lui être d'aucun secours, puisque, Comme nous le verrons plus loin, ils sont sur l'hémisphère aboral, complètement dépourvus de ventouses). On voit d’abord l’animal s’affaisser sur ses piquants aboraux, puis explorer le liquide ambiant avec ses longues baguettes, sans doute pour chercher un obstacle qui lui faciliterait singulièrement la be- sogne. Ne trouvant pas cet obstacle, le Dorocidaris prend résolu- ment son parti et le voilà qui se met à l’œuvre. Combinant alors adroitement le jeu de ses radioles, il arrive après quelques efforts à donner à son plan équatorial, d’abord horizontal, une position oblique. Le mouvement continue dans le même sens et ce plan ne tarde pas à devenir à peu près vertical, À ce moment, l'animal dirige toutes les radioles sur lesquelles il ne repose pas vers son pôle oral, et, par cette manœuvre, il arrive lentement, mais sûrement, à déplacer suffisamment son centre de gravité pour retom- ber sur sa bouche. Certains piquants primaires cumulent avec la . fonction locomotrice une autre fonction non moins évidente; je veux parler des radioles aplaties des plaques coronales 1et2, qui sont incontestablement des organes de préhension ; c’est avec eux que le 228 HENRI PROUHO. Dorocidaris saisit et retient vigoureusement sa proie. J'ai maintes fois répété cette observation. Remarquons, d’ailleurs, que ces pi- quants des plaques 1, 2, et même 3, sont très bien disposés pour remplir cette nouvelle fonction, car la direction de leur tubercule les porte à s'incliner tout naturellement vers la bouche. Les radioles ne servent-elles pas, en outre, à protéger l’animal? Il serait mal aisé de soutenir la négative, et sans doute elles doivent, dans quelques cas, tenir à distance certains ennemis; mais, ce que je puis affirmer, c'est que ces longs piquants sont une protection bien ineflicace contre les jeunes Mulets (Mugrl) et les Asterias glacialis Les premiers arrivent par des morsures successives à arracher aux Cidaris tous les appendices du test, grands et pelits ; les seconds les dévorent dans l’espace de deux ou trois heures, après les avoir étroitement enveloppés de leurs bras, sans souci aucun des piquants- Je cite l'observation : Au mois de mars 1885, je plaçai trois Dorocidaris dans un bac où vivaient depuis plusieurs mois des Aséterias glacialis. Une demi-heure après, chacun de ces Oursins était devenu la proie d’une ou plusieurs Astéries, et, lorsque celles-ci eurent fini leur repas, il ne resta que les tests des Cidaris, aussi bien netloyés que s’ils avaient séjourné plusieurs jours dans la potasse. Les piquants secondaires sont exclusivement des organes protec- teurs et ils sont admirablement disposés en vue de cette fonction. L'orifice anal, les pores génilaux, les trous ocellaires sont protégés par eux; ce qui, soit dit en passant, est fort gênant pour l’observa- tion de ces derniers. Les aires ambulacraires sont pourvues de deux rangées de ces petits piquants, qui, à la moindre excitation des tentacules et lorsque ceux-ci se rétractent, se rabattent de façon à les masquer presque entièrement. Quant à ceux des zones interambulacraires, ils sont distribués tout autour des radioles, dont ils protègent la base en se rabattant contre elles, et formant ainsi une sorte de palissade conique impénétrable. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 229 Un Dorocidaris se sentant à l'abri de tout danger, dans une eau bien aérée, chemine constamment de côté et d'autre, sans doute en quête de nourriture. Il présente alors ses tentacules ambulacraires bien étendus et fait fonctionner ses longues baguettes, comme il a été dit. Les piquants secondaires qui entourent la base des radioles restent convenablement redressés pour'laisser un libre fonctionne- ment à ces dernières et ceux des aires ambulacraires sont également relevés pour ne point gèner les tentacules. Vient-on à surprendre l'animal dans cet état d’épanouissement en le blessant légèrement avec un corps étranger, on le voit rabattre immédiatement ses piquants secondaires, chacun sur l'organe qu'il a mission de protéger; les radioles se raidissent sur leur tubercule ; le hérisson-de-mer se met en boule. Les détails que je viens de donner paraïîtront peut-être un peu longs; je ne les crois pas inutiles à une époque où il semble qu’on néglige les observations les plus faciles à faire. En 1838, L. Agassiz ! disait, après avoir rapporté qu'il avait vu chez M. Forbes un Oursin grimper à l’aide de ses tubes le long des parois verticales d’un bocal en verre parfaitement lisse : «Il reste à savoir si, chez les Cidaris à longs piquants, ces baguettes ne sont pas le principal organe de mouvement...» Je crois avoir suffisamment répondu à cette question. IT. -- Le Dorocidaris se nourrit de substances animales. Dans les parages où jejl'ai recueilli, il paraît se nourrir surtout d'Eponges et de Gorgones, dont les spicules abondent dans ses excréments. En captivité, je l'aiivu manger les animaux les plus divers : Pois- sons, Crustacés, Annélides, Eponges et Gorgones sur lesquelles il grimpe tout à son aise, Il semblerait donc résulter de ces observa- tions quejle Dorocidaris se contente de la nourriture qu'il trouve, pourvu qu'elle soit animale, Et, à ce propos, il est bon de remar- } L. AGassriz, Monographies d’Echinodermes vivants ét fossiles. Neuchâtel, 1838, 230 HENRI PROUHO. quer que les Oursins paraissent s’accommoder de tous les régimes. Le Strongylocentrotus de nos côtes est, à bon droit, considéré comme se nourrissant d'algues; or, quand on le met en aquarium et que la faim le pousse, il n’est pas rare de le voir s’attaquer à ses semblables. Il choisit ceux qui présentent sur leur test une surface dénudée accidentellement et, de proche en proche, ronge tout l’épi- derme de sa victime. Un Dorocidaris accidentellement dépouillé de tous ses piquants primaires adoraux est condamné à mourir de faim; toutefois, même dans ces conditions, il résiste très longtemps. L'expérience a été réalisée, je dois le dire, malgré moi, dans les bassins du laboratoire où j'avais eu l’imprudence de faire vivre, en même temps que les Dorocidaris, de jeunes Mulets (Mugil). Les Oursins furent, au bout de peu de jours, complètement dépouillés de leurs piquants par les poissons ; je supprimai ces derniers et je conservai les Dorocidaris en observation. Six mois après, ils vivaient encore. Au bout de ce temps, j'en mis une partie dans l'alcool et je continuai à observer les autres. Après huit mois de jeûne et de com- plète immobilité, ces derniers n'étaient pas envahis par la putréfac- tion, ils vivaient toujours. Je crois pouvoir affirmer que jamais une pareille vitalité n’a été observée chez aucun Oursin de nos côtes. Ajoutons à cela que le Dorocidaris résiste plus que tout autre Oursin à l’action d’une eau corrompue et qu'il vit encore quelque temps dans un bac infesté, où le Strg. lividus, le Sphærechinus granularis, l'Echinus acutus, etc., ont résisté quelques heures à peine. X Cette prodigieuse vitalité, dont le pourquoi nous échappe, tous mes collègues venus au laboratoire de Banyuls l'ont observée comme moi; elle est maintenant bien connue de tout le personnel de la station, et quand on en a été le témoin attentif pendant trois années consécutives, on n'est plus surpris de l'extension géographique et bathymétrique du Dorocidaris, ni de la conservation à travers les temps géologiques d'un type qui s'’accommode des conditions les plus \ RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 231 diverses et les plus défectueuses de pression, de milieu et de régime. IV, — Si, maintenant, nous comparons un Dorocidaris à un Oursin dont les tentacules ambulacraires adoraux sont munis de puissantes ventouses et sont, en outre, considérablement multipliés par l’élar- gissement des zones radiales vers le pôle oral, nous voyons que ces deux êtres se trouvent dans des conditions bien différentes relative- ment au milieu extérieur. L'un, l’Oursin vulgaire, par exemple, adhérant très fortement au fond sur lequel il vit, pourra s'établir dans la zone constamment agitée par les vagues et encore, pour plus de sécurité, s’établira-t-il dans des trous; l’autre, le Cidaris ayant une force d’adhérence très faible sera obligé, sous peine d’être roulé sans cesse, de se réfugier dans les fonds où l’action de la vague est insensible ou très affaiblie. C’est là, selon moi, l'unique raison à invoquer pour expliquer l'absence du Dorocidaris dans les eaux peu profondes. Nous l'avons dit, cet Oursin s'acclimate très bien en captivité sous 10 centimètres d’eau; pourquoi ne s'est-il pas acclimaté sur nos côtes roussillonnaises à 10 mètres de profondeur, par exemple? il aurait en maints endroits trouvé des fonds convenables à son alimen- tation. La véritable raison me paraît être celle que je viens d’indiquer. Quant à l’Oursin muni de pieds ambulacraires nombreux, de ven- touses puissantes, il pourra, non seulement vivre à la côte, mais encore il sera susceptible de descendre dans les fonds calmes aux- quels le Dorocidaris est condamné. Il ne faudrait pas cependant vouloir trop généraliser et poser en règle absolue que : aucun Cidaridé ne peut vivre normalement à une petite profondeur, car, malgré leur structure si uniforme, il peut y en avoir de mieux doués que le Dorocidaris, pour affronter l’action de la vague, soit à cause de leur forme plus aplatie, soit à cause de leurs petites dimensions, et que, d’ailleurs, il y a toujours, même sur les côtes les plus exposées, des endroits abrités pouvant servir de refuge. 1 232 HENRI PROUHO. Quoi qu'il en soit, par sa structure même, le type Cidaris n’en reste pas moins un type des eaux calmes et, par conséquent, des eaux profondes. MICROSTRUCTURE DU TEST. On connaît très bien, depuis les travaux de Valentin !, Hoffmann et autres, la structure intime des réseaux calcaires qui constituent les plaques d'un test d'Oursin, et il est facile de l’étudier en exami- nant, sous le microscope, des coupes minces d’une partie quelconque du test; coupes que l’on obtient sans difficulté par friction sur une simple pierre à aiguiser bien plane. L'examen de ces coupes m'a montré que les réseaux du squelette calcaire du Dorocidaris ne présentaientrien de particulier. Nous n’in- sisterons pas, par conséquent, et nous passerons immédiatement à l'étude des éléments de nature organique qui entrent dans la com- position du test, Les renseignements que nous donnent les divers auteurs ne sont pas très précis. Valentin nous apprend qu'après le traitement des plaques par de l'acide chlorhydrique on obtient un « squelette mou, très délicat qui, examiné au microscope, reflète d’une manière plus ou moins distincte les contours des réseaux calcaires, tout en mon- trant une structure fibro-granulaire et membraneuse », Hoffmann * dit qu'après l’action de l'acide sur les plaques cal- caires, il reste une substance organique conjonctive qui offre aussi une structure réticulée et qui consiste en fibrilles mélangées de cellules et de noyaux. Les auteurs qui depuis se sont occupés de l’or- ganisation des Oursins, ne sont pas plus explicites, ou bien ont né- gligé complètement ce point d'histologie. L'expression de squelette mou, dont s’est servi Valentin, rend très bien l'impression que l’on éprouve quand on a sous les yeux un 1 Monographie du genre Echinus, 1841. 2 Zur anatomie der Echinen uni Spatangen, 1871. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 233 fragment de test décalcifié. Pour obtenir ce squelette mou dans des conditions qui permettent d’en étudier les éléments histologiques, il est bon d'opérer de la façon suivante, Les fragments du test, aussi petits que possible, sont d’abord plongés dans de l'alcool à 45 degrés, puis immergés dans de l'alcool au même titre additionné d’un dixième d'acide chlorhydrique {si les objets sont très petits, on diminue la proportion d'acide), L'attaque du calcaire commence immédiatement et on la laisse se continuer jusqu’à ce qu'il ait entièrement disparu, en ayant la précaution de renouveler souvent l'alcool acidulé. Si le fragment est gros, l'opération durera longtemps et, alors, il sera bon d'augmenter le degré de l'alcool et de se servir d'alcool à 60 degrés acidulé. Les bulles d'acide carbonique formées n'arrivent pas toutes à se dégager, elles se trouvent bientôt emprisonnées dans les mailles du tissu. Il faut à tout prix les en faire sortir, car elles retardent d'abord l'attaque des particules calcaires qu’elles entourent et, de plus, se- raient par la suite un inconvénient sérieux pour l’enrobage du tissu. Pour cela, il faut soumettre le fragment immergé dans l'alcool acidulé à une faible décompression qui facilite le dégagement des bulles. La décalcification étant terminée, la pièce est lavée soigneusement dans l’alcool à 60 degrés, traitée par les alcools successifs jusqu’à 400 degrés, et enfin enrobée dans la paraffine. Les coupes minces pratiquées dans un fragment du test ainsi traité sont colorées sur la lame. | Elles nous montrent : le réseau organique qui remplit les mailles du réseau calcaire, la peau qui revêt extérieurement le test et la membrane qui le tapisse intérieurement. Le réseau organique (pl. XIV, fig. 6; pl. XV, fig. 5) est constitué, comme le dit Hoffmann, par une trame conjonctive, mais les élé- ments qui en forment les mailles, ne sont pas de simples fibres, ce sont de véritables canalicules anastomosés, dont les parois, extrê- mement minces, se moulent sur le réseau calcaire lui-même. 234 HENRI PROUHO. Dans l’intérieur de ces canalicules, on rencontre de nombreux noyaux et aussi des globules müriformes amæboïdes, dont la présence et la façon de se présenter en certains points, ne nous laissent aucun doute sur la nature canaliculaire du réseau. A la face interne du test, la substance conjonctive qui forme tous ces petits canaux s'étale, de façon à constituer une membrane de revêtement très mince qui supporte un épithélium vibratile. Vers l'extérieur, le réseau canaliculaire se termine également en une couche conjonctive qui peut être considérée comme la partie la plus profonde de la peau (pl. XIV, fig. 6; pl. XV, fig. 5; pl. XVI, fig. 4). Celle-ci présenté à considérer des éléments divers, nous nous occuperons d’abord de ceux qui en forment le soutien. Ce sont des cellules allongées, dont les extrémités distales pressées les unes contre les autres supportent une cuticule toujours vibratile, tandis que les extrémités proximales s’attachent à la couche conjonc. tive profonde qui limite le réseau canaliculaire (pl. XVI, fig. 4), mais ce qui caractérise spécialement ces cellules, c’est que, tandis qu’elles se touchent toutes par leur partie supérieure, elles laissent inférieu- rement des espaces intercellulaires où viennent se loger des élé- ments histologiques nouveaux. On y trouve du tissu nerveux sur lequel nous reviendrons dans un instant, et on y rencontre aussi des globules libres variés. En premier lieu, il faut signaler les globules brun d’acajou qui donnent la teinte rouge à certains points du test. Ces corpuscules ne peuvent se distinguer sur des coupes, car leur coloration dispa- raît dans les acides (voir au chapitre Liquide périviscéral); pour s'assurer de leur présence, on doit examiner un lambeau de la peau à l’état frais. On ne voit pas, il est vrai, de cette facon les espaces intercellulaires, mais, comme on s’est préalablement convaincu de leur existence, on peut conclure que les corpuscules bruns y sont logés dedans, car ils ne sauraient se placer ailleurs. On rencontre aussi dans ces espaces intercellulaires des corpus cules müriformes et des amas de granulations brunâtres. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 235 Jamais je n’y ai aperçu de glandes soit simples, soit composées. Le réseau conjonctif canaliculaire change d’aspect sur les lignes de suture des plaques, et par le fait les petits canaux s'arrêtent là, leur lumière disparaît et leurs parois se continuent par des fibrilles conjonctives qui passent d’une plaque à sa voisine. Chez le Dorocidaris, les lignes de suture restent toujours unique- ment de nature organique, les réseaux calcaires de deux plaques voisines ne se soudent pas et ainsi s'explique pourquoi un test de Cidaris se désarticule si facilement et spontanément lorsque toute la substance organique a été détruite. La couche épidermique du test se continue sur tous ses appen- dices, piquants, pédicellaires, et recouvre également les tubes am- bulacraires. Le revêtement vibratile existe partout, les courants qu’il détermine ne m'ont pas paru constants dans leur direction, si ce n’est le long des piquants et sur la membrane péristomienne. Le cou- rant suit les piquants de la base au sommet, et celui du péristome se dirige en confluant vers l’orifice buccal. SYSTÈME NERVEUX PÉRIPHÉRIQUE. L'étude du système nerveux périphérique vient tout naturellement à cette place, car il est compris dans la couche épidermique, dont il vient d’être question. Mais ce n’est point au Dorocidaris que l’on doit d’abord s’adresser pour mener à bien cette étude, à cause des difficultés qu’elle présente chez cet animal. L'£chinus acutus, au contraire, présentant des conditions favo- rables, c’est par lui que nous commencerons. I. — J. Müller * admettait que les tentacules ambulacraires, les pé- dicellaires, les piquants recevaient des nerfs du tronc nerveux am- bulacraire, mais il n’en donnait aucune preuve à l'appui. Hoffmann ? 1 Ube den Bau der Echinodermen, 1853. ? Zur Analomie der Echinen und Spalangen, 1871. 236 HENRI PROUHO. essaye de voir ce système nerveux périphérique et il n’y réussit pas. En 1874 parut le beau travail de Loven! sur la structure des Echi- noïdées. Enimême temps qu’il découvrait les Sphéridies, l’auteur figurait un réseau nerveux qu'il était parvenu à mettre en évidence sur le test d'un Spatangide, le Prissopsis lyrifera. I était donc de plus en plus probable que les Oursins Réguliers devaient présenter un réseau nerveux périphérique tout comme les Irréguliers. Cependant L, Frédéricq * échoua dans sa recherche et dit en 1876 : « C'est en vain que j'ai essayé de constater anatomiquement l’exis- tence de ce plexus nerveux. » Les choses en étaient là quand MM. Romanes et Ewart* firent pa- raître, en 1882, un mémoire dans lequel ils décrivaient chez les Oursins un plexus nerveux externe. En 1883,:M. Kæhler“ écrit : « Je n’ai pas été plus heureux que Frédéricq, et il m'a été impossible d’apercevoir ce réseau nerveux. » A mon tour j'essayai de découvrir ce réseau nerveux vers la fin de l’année 1885 et j'étais déjà arrivé à des résultats, selon moi, certains lorsque je pus prendre connaissance du mémoire de MM. Romanes et Ewart. Les préparations que j’avais obtenues concordaient si peu avec les figures données par ces auteurs, qu’il m'était impossible d'y trouver une confirmation de leurs recherches, et je demeurai per- suadé que le plexus externe figuré par eux (fig. 15)° était unique- ment formé de cellules conjonctives. C’est à ce moment que, le 14 décembre 1885, parut dans le Zoolo- gischer Anzeiger, une note de M. Sarasin® datée de Trincomalie, dans laquelle, à propos d'yeux composés que l’auteur a découverts sur un iadema, il était incidemment question d’un plexus nerveux 1 Loc. cit. 3 Etudes sur les Echinides (Arch. zool. exp., t. V, 1876). 3 Observations on the locomotor syslem of Ecñinoäermala, 1882, k Loc. cit. b, Loc.*cêt. 6 Uber einen zusammengeselzen Augen bedeckten Seeigel, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 237 contenu dans la peau et traversé par de soi-disant petits vaisseaux. M. Sarasin ne cherchait pas à prouver que le tissu en question était bien un tissu nerveux. Or comme, d’après l'aperçu historique qui précède, il était important de fournir cette preuve, je ne crus pas devoir me dispenser de résumer mes recherches à ce sujet sur l'£'chinus acutus, dans quelques lignes présentées à l’Académie des sciences de Paris, le 22 février 14886. MM. Sarasin n’ont pas eu connaissance de ce résumé et ils ne le citent point dans leur mémoire‘ qui vient de paraître. t I. — C'est à l’Z'chinus aculus que je me suis adressé pour deux rai- sons : la première, c'est que les piquants sont clairsemés dansles aires interambulacraires et que l'on peut enlever facilement des lambeaux de peau assez larges; la seconde, c’est que cette peau est presque incolore dans l’espèce en question. Afin que ceux qui auront intérêt à vérifier ces recherches, puis- sent le faire sans peine, j'indiquerai en détail la méthode suivie. I faut, avant tout, prendre un Echinus venant d’être pêché et qui n'a point été roulé par le filet. On coupe avec des ciseaux des frag- ments de test d’un demi-centimètre carré environ, choisis vers le milieu d’une aire interambulacraire, en ayant soin d'y laisser au moins un piquant par où la pièce devra toujours être saisie dans les manipulations suivantes. On plonge alors les fragments dans une solution de chlorure d'or à un deux-centième, et on les y laisse séjourner jusqu'à ce qu'ils soient devenus bien jaunes. Ils sont ensuite mis dans de l'eau distillée avec quelques gouttes d'acide citrique et exposés à une faible lumière diffuse. Au bout de quelques heures, le dépôt d’or .se produit, les morceaux du test prennent une couleur rouge violacé ou bleuâtre; ce sont ces derniers qu'il faut surveiller de préférence, car ils don- neront probablement un bon résultat. 1 Dr Paul SarasiN, Dr Fritz Sarasin, Die Augen und das Integument der Diadema- liden. Wiesbaden, 1887. 238 HENRI PROUHO. Dès que la réduction a commencé, on doit, de temps à autre, examiner au microscope de petits lambeaux de peau que l’on en- lève des fragments préparés afin de suivre l'opération. Quand la coloration est réussie, on voit sur un fragment de la peau détachée du test le plus soigneusement possible, et examinée à plat soit dans la glycérine, soit après montage dans le baume, de nom- breuses lignes bleuâtres bien apparentes, courant dans une même direction et souvent anastomosées ; la figure 8 (pl. XVI) représente une de ces préparations. Ces trainées bleu ardoisé, mises ainsi en évi- dence par le chlorure d’or, ne sont rien autre chose que les faisceaux principaux du plexus nerveux recherché. En enlevant le lambeau de peau, on arrache la couche externe con- jonctive qui limite le réseau canaliculaire du test; quand donc on examine la préparation, on a sous les yeux des éléments histolo- giques très variés au milieu desquels il est difficile de se reconnaître et qui gênent beaucoup l'observation des faisceaux bleuâtres qui nous intéressent, Il faut les isoler pour les mieux voir, et on y arrive en traitant la préparation au pinceau. On voit alors que ces faisceaux sont fibrillaires et qu'ils sont réunis entre eux par une innombrable quantité de fibres extrêmement déliées qui courent dans tous les sens (pl. XVI, fig. 9), mais dont l’'enchevêtrement a pour résultat de limiter des mailles plus ou moins irrégulières et toujours très petites, puisque les plus grandes que j'ai pu observer ont environ 0"",013. On retrouve ce réseau fibrillaire sur toute la périphérie du test; il s’agit maintenant d’en déterminer la nature. Il faut pour cela recommencer la préparation, mais en prenant, cette fois, un fragment de zone ambulacraire dont on enlève un tentacule en respectant le mieux qu’il est possible le pourtour de la paire de pores correspondante. Cela fait, on remarque sur le bord adoral du pore interne, le filet nerveux tentaculaire venant du nerf ambulacraire intérieur et qui se rend dans le tentacule enlevé. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 239 On doit alors détacher soigneusement la peau qui entoure la paire de pores en s'appliquant à entraîner en même temps un fragment du filet nerveux tentaculaire; l’on observe comme précédem- ment. On aperçoit dans ce fragment de peau le réseau fibrillaire dé- crit ci-dessus, avec tous ses mêmes caractères, et on voit qu'il est renforcé sur le bord de l’espace vide correspondant au tentacule enlevé, par des faisceaux plus forts (pl. XVL fig. 10) qui entourent la paire de pores. Ces faisceaux identiques à ceux du réseau mis en évidence dans la première préparation (pl. XVI, fig. $, 9), sont en continuité de substance avec le fragment du nerf tentaculaire qui est resté attaché à la peau (pl. XVI, fig. 10, né). Le tissu réticulé, dont nous nous occupons, est donc de même nature que lui, c’est un tissu nerveux. D'ailleurs, les fibrilles qui le composent sont identiques à celles des nerfs tentaculaires et ambulacraires. Après avoir acquis la certitude par cette méthode que le tissu réticulé décelé par le chlorure d’or était composé de fibrilles ner- veuses, je lai recherché sur des coupes normales au test, et je l’ai retrouvé sans peine. Ces coupes montrent (pl. XVI, fig. 4, np) que le plexus nerveux est situé au-dessus de la membrane conjonctive limitant le réseau cana- liculaire et dans les espaces intercellulaires laissés par les cellules de _ soutien, qui s’attachent à la couche conjonctive sous-nervienne (c) au travers des mailles du réseau nerveux. Il était intéressant, après avoir constaté que le plexus nerveux naissait des nerfs tentaculaires, de voir ce qui se passait à l’extré- mité du nerf ambulacraire lui-même; les coupes pratiquées à l’ex- trémité du radius, donnent immédiatement la réponse. Le nerf ambulacraire s’enfonce dans le pore, ressort à sa surface 240 HENRI PROUHO. et s'épanouit sur la plaque ocellaire en se continuant avec le réseau nerveux périphérique (pl. XVI, fig. 2). Ainsi se trouve légitimée la conclusion que je publiais en 1886 : « L'Æchinus acutus est entièrement recouvert par un réseau nerveux périphérique comparable à une sorte de tulle tissé avec des fibres nerveuses et en connexion avec le système nerveux interne en au- tant de points qu'il y a de tentacules ambulacraires et de pores ocellaires, » II. — Jusqu'ici il n’a été question que de fibres nerveuses; où se trouvent les éléments ganglionnaires ? | Il n’est pas possible de reconnaître sérement une cellule nerveuse isolée chez les Echinodermes ; Baudelot l’affirmait dans ses £'tudes générales sur le système nerveux, et je crois que tous ceux qui ont étudié ces animaux sont du même avis. Cette impossibilité dispa- raîtra probablement un jour, pour le moment elle existe. Ni la forme, ni la dimension, ni l’action des réactifs connus ne nous four- nissent de criterium. Il n’y a qu’un seul cas dans lequel on pourra affirmer que la cellule est nerveuse; c’est quand on aura constaté, sans erreur possible, qu’elle est en continuité de substance avec une fibre nerveuse. £r, une pareille constatation est très difficile à faire, car, dans l'espèce, les causes d’erreur sont nombreuses. Quand on examine à plat un lambeau de la peau dans lequel les fibrilles nerveuses ont été mises en évidence, on y distingue des éléments cellulaires variés. On voit d’abord une couche conjonctive (celle qui reposait immé- diatement sur le calcaire) dans laquelle se trouvent de nombreux globules müriformes) pl. XVI, fig. 11, gm), des spicules calcaires en arc (sp), des cellules à protoplasma ramifié (z). Ces dernières méri- tent une attention spéciale, car on pourrait les prendre pour des cellules nerveuses. Elles ont un gros noyau granuleux, elles sont 1 Archiv. 2001. exp., t. I, 1872. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 241 uni, bi, multipolaires, et leurs prolongements}s’anastomosent fré- quemment. Mais on ne peut jamais arriver à voir un de ces pro- longements s'unir à une des fibrilles nerveuses auxquelles elles sont superposées (pl. XVE, fig. 11, np). Ge sont des cellules conjonctives, et ce sont elles qui, selon moi, ont été figurées par MM. Romanes et Ewart! (pl. LXXX, fig, 15) pour lesquels le plexus fibrillaire paraît être resté inaperçu. Tous ces éléments étant bien examinés, si l’on rapproche l'objectif de la préparation, on met au point le plexus nerveux lui-même (np) et enfin au-dessous de lui on distingue une grande quantité de noyaux en tout sembables à ceux des cellules conjonctives préci- tées, et qui ne sont rien autre chose que les noyaux des cellules épi- dermiques *?. C’est en observant des fragments isolés du réseau fibrillaire ner- veux, que l’on arrive à voir des éléments cellulaires en connexion avec les fibrilles. Ces cellules (pl. XVI, fig. 7, 12) qui, pour nous, re- présentent les véritables éléments ganglionnaires, sont situées dans l'épaisseur même des faisceaux du plexus nerveux. Elles sont bipo- laires, allongées dans le sens de la direction des fibres. Cherche-t-on à résoudre la question par des coupes normales à _ la surface du test? on se butte encore à de grandes difficultés ré- sultant de la diversité des éléments qui peuvent venir se mettre au contact du tissu nerveux dans les espaces intercellulaires, néan- moins on arrive à distinguer des noyaux (pl. XVI, fig. 4) qui sont compris dans l'épaisseur des faisceaux fibrillaires et qui ont la même signification que ceux observés précédemment par une autre méthode (fig. 7 et 12). Je ne voudrais pas affirmer qu’en dehors de ces cellules ganglion- naires il n'en existe pas d’autres, autrement situées sur le plexus nerveux, mais j'avoue ne jamais avoir fait d'observation assez dé- gagée des causes d'erreur pour me permettre de les dessiner. 1 Loc. cit. ? Ces noyaux n’ont pas été représentés, pour que la figure soit plus claire. ARCH. DE ZOOL,. EXP. ET GÉN. — 20 SÉRIE,—T,. Y, 1887, 16 242 “HENRI PROUHO. IV. — Comment le plexus nerveux se met-il en rapport avec l’épi. derme? où sont les terminaisons nerveuses ?:1l faudrait, pour aborder cette question intéressante, se livrer à une étude spéciale, en faire le sujet d’un mémoire où l’on ne se contenterait pas de dire : «voici la cellule sensitive », mais dans lequel on s’attacherait avant tout à le démontrer, après avoir fait connaître la méthode employée. Je n’ai pas affronté ces recherches et m'en suis tenu à l’examen de coupes obtenues comme il a été indiqué. On voit sur ces coupes de nombreux noyaux situés au-dessous de la cuticule; un grand nombre de ces noyaux appartiennent aux cellules épidermiques et peut-être dans le nombre y en a-t-il qui appartiennent à des cellules sensi- tives semblables à celles que Hamann‘ figure dans ses mémoires sur les Astéries (Sinneszellen), mais je n'ose l’affirmer. Les cellules épidermiques, avons-nous dit, envoient des prolonge- ment inférieurs qui traversent le plexus nerveux pour aller rejoindre la couche conjonctive sous-jacente, mais sur une même coupe ; tous ces prolongements des cellules de soutien ne traversent point le plexus nerveux de part en part; il en est qui, rencontrés par le rasoir sous une direction oblique, s'arrêtent sur le plexus et paraissent se mettre en rapport avec lui. De là une cause d'erreur qui doit être soigneusement écartée si l’on veut ne pas s’exposer à décrire comme cellule sensitive un élément de soutien de la peau. V.— MM. Sarasin? ont publié sur le tégument du Piadema setosum un mémoire dans lequel se trouve énoncé un fait qui mérite d’être discuté, à savoir que la peau de cet Oursin est traversée par une in- nombrable quantité de petits vaisseaux établissant la communication entre le milieu extérieur et le fluide du corps de l'Oursin. Ces petits canaux prennent naissance dans un espace vasculaire (Gefässraum) situé sous le plexus nerveux, et se dirigent vers la cu- ticule qui est percée de nombreux pores. 1 LOC: CH: 2 Loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 243 Les auteurs du mémoire ne nous disent pas s’ils ont observé ces pores chez le Diadème, et ils ne les figurent pas. Ils s’en rapportent à ce que dit Ludwig, au sujet des Astéries chez lesquelles il y aurait une cuticule présentant de petites ouvertures au travers desquelles passeraient les cils vibratiles. Ludwig se base sur ce que, quand on observe cette cuticule à plat, elle présente l'apparence d’un fin poin- tillé. On voit d’après cela qu’il est regrettable que MM. Sarasin ne nous aient pas donné plus de détails sur cette cuticule du Diadème. Je n'ai, quant à moi, jamais observé de pareilles perforations chez les Oursins que j'ai eu l’occasion d'examiner. Quant aux petits canaux qui viendraient déboucher sous cette ‘cuticule, c’est égalementen vain que je les ai cherchés chez l’£chinus aculus, et j'estime que tous les tractus que l’on voit sur des coupes partir de la couche conjonctive sous-nervienne pour se diriger vers la cuticule, sont formés par les prolongements des celluies épidermiques que MM. Sarasin n’ont pu suivre chez leur Diadème (pl. XIV, fig. 6, p.; pl. XVL, fig. 3, 4). L'espace sous-nervien que ces auteurs appellent Gefässraum, me paraît formé par la couche la plus superficielle des canalicules du test. Chez l’£chinus acutus, elle est souvent envahie par des globules müriformes : c'est là que se trouvent aussi les cellules conjonctives multipolaires et les spicules dont il a été déjà question (pl. XVI, fig. 11). C'est en somme à cette place, sous le plexus nerveux, que viennent aboutir tous les canalicules de la plaque. Que les glo- bules amæboïdes qui y cheminent et qui s’y réunissent souvent en grand nombre puissent passer dans les espaces intercellulaires de l’épiderme, la chose ne me paraît pas douteuse, mais je ne peux admettre qu’il y ait chez l’£chènus acutus de petits vaisseaux faisant communiquer cet espace sous-nervien, c'est-à-dire en somme le réseau canaliculaire avec l’extérieur, car, je le répète, il m’a été im- ! Beiträge zur Analormie der Asteriden (Zeit. f. Wiss. Zool., t. XXX, 1878). 244 HENRI PROUHO. possible de les apercevoir, ainsi que les perforations de la cuticule, et que, en outre, les figures données par MM. Sarasin, pour démon- trer le fait chez un Diadème, ne me paraissent pas suffisamment démonstratives. Quant aux cellules sensitives, ces auteurs admettent leur existence, mais ne la démontrent pas, et je maintiens toutes les réserves que j'ai faites précédemment. VI.— Le plexus nerveux innerve tous les appendices du test,et j'ai recherché spécialement de quelle manière il se met en rapport avec les piquants. En suivant ce plexus, soit par la première méthode indiquée, soit par des coupes, on arrive à cette conclusion que le plexus nerveux périphérique forme à la base de chaque piquant un anneau nerveux très évident, situé à une petite distance du point d'attache inférieur des muscles moteurs, et reposant directement sur ces derniers. On voit (fig. 4, pl. XVI) que cet anneau est formé par l’accumula- ton des fibrilles nerveuses qui, arrivées à ce niveau, entourent la base du piquant de telle sorte qu’une section, passant par l'axe de celui-ci, les coupe toutes transversalement, ce qui donne le fin pointillé caractéristique des sections transversales des nerfs d'Echi- nides. Mais on voit aussi que la section droite de cet anneau est entourée de nombreux noyaux dont un certain nombre présentent un prolongement évident dirigé vers la masse fibrillaire. Ici toute méprise est impossible ; ces noyaux appartiennent à des cellules ganglionnaires qui ne peuvent être confondues avec les élé- ments de soutien de la peau; ils font partie de l’anneau nerveux dont ils accompagnent les fibrilles en se cantonnant de préférence à la périphérie. La présence des cellules ganglionnaires sur la face interne de cet anneau s'explique aisément par ce fait que, l'anneau nerveux est, en réalité, formé de deux couches (pl. XVI, fig. 3), dont l’interne semble résulter du reploiement de la couche externe. L'anneau nerveux des piquants est extrêmement apparent chez RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 245 les jeunes Oursins. La figure 5 de la planche XVI représente la coupe longitudinale de la base d'un piquant appartenant à un Strg. livi- dus de 4 millimètres de diamètre ; elle montre en (an) deux îlots très bien délimités, qui sont les coupes de l'anneau en question. En terminant cet exposé de mes recherches sur le tégument de l’£, acutus, et, malgré toute la répugnance que j'éprouve à poser une question de priorité à laquelle la science n’a rien à gagner, je dois rappeler que MM. Sarasin ont indiqué l’anneau nerveux des piquants chez le Diadema selosum dans leur mémoire définitif (1887), et queje l'avais décrit chez l’£chinus acutus à la date du 22 février (1886). VII. — Dorocidaris papillata. — Si on cherche à appliquer au Doro- cidaris la méthode au chlorure d’or qui a servi pour l’£chinus acutus, on est bientôt arrêté par des difficultés de manipulation insurmon- tables; au contraire, la méthode des coupes transversales permet de voir le plexus nerveux périphérique que l'on retrouve à la place où nous l'avons décrit chez l’£. acutus. Quand on examine le test d'un Cidaris dépouillé de tous ses pi- quants et débarrassé de toute matière organique, on aperçoit sur les aires interradiales une quantité de petits sillons creusés dans le cal- Caire, qui vont d'une plaque à l'autre en traversant les lignes de suture, courent entre les tubercules miliaires et se perdent sur le pourtour de l’aire scrobiculaire (PI. XIV, fig. 4, sn). Ces sillons, on les retrouve sur le bord radial des plaques interam- bulacraires, où on les voit se diriger vers les pores du radius; ils lon- gent les lignes de suture des plaques ambulacraires et chacun d’eux aboutit à une petite encoche entaillée dans le bord adoral du pore interne d’un tentacule. C'est par cette encoche que le filet nerveux, venant du système nerveux interne et destiné au tentacule ambula- craire, arrive à la surface du test. En ce point, il abandonne un faisceau qui se met immédiatement en rapport avec le plexus et se loge dans le sillon dont nous venons de parler. Tous les faisceaux fibrillaires venus ainsi à la surface par les en- 246 HENRI PROUHO. coches des pores sont dirigés par les sillons et se rendent avec eux sur les plaques pour en innerver les appendices. Une coupe parallèle à !la direction du radius et intéressant plu- sieurs plaques ambulacraires, montre ces faisceaux nerveux (pl. XIV, fig. 3, sn); elle montre aussi, qu'ici comme chez l’Z. acutus, la base du tentacule est entourée par un véritable anneau, dont nous retrouvons la coupe en (np). La figure 12 de la même planche re- présente, à un fort grossissement, la coupe d’un des sillons dont il vient d’être question. Nous arrivons ainsi à ce résultat inattendu : c’est que, un test de Cidaris desséché porte la trace de l’ensemble du réseau nerveux pé- riphérique imprimée en creux sur le calcaire. Gette trace est con- située par les sillons précédemment décrits. Ceux-ci sont visibles, non seulement sur les tests des espèces actuelles, mais encore sur de nombreux échantillons d’espèces de Cidaridés fossiles. On les trouve figurés avec soin sur les dessins publiés par M. Cotteau, et je dois à l’obligeance de M. Munier- Chalmas d’avoir pu les observer moi-même sur des tests ou mou- lages divers. Autre particularité intéressante du Dorocidaris : l'anneau nerveux des radioles est visible à l’œil nu; il suffit pour le voir d’écarter ou d’arracher les piquants secondaires qui cachent la base de la ra- diole. On distingue très nettement, dans la peau, une ligne cir- culaire dont les contours sont accusés par une différence de colo- ration et qui n'est rien autre chose que l’anneau nerveux (pl. XV, fig. 5). Le système nerveux périphérique des Oursins, resté si longtemps inconnu, est donc en partie visible à l'œil nu chez l’un d'eux, le Dorocidaris, et l’on peut suivre le trajet de ses principaux faisceaux, non seulement sur des tests desséchés | d'espèces actuelles, mais encore sur des fragments d'espèces fossiles. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 247 PORE DIT OUELLAIRE. I. — Quoiqu'il soit admis aujourd’hui que la plaque ocellaire d’un oursin ne présente dans son pore ni œil ni tentacule impair, il était intéressant d'examiner à nouveau la question chez le Dorocidaris, afin de compléter, s’il était possible, les renseignements fournis par les auteurs qui ont exclusivement étudié à ce point de vue les Echinidés. Lüven ! à figuré une des cinq plaques ocellaires du /. papillata, ce qui me dispense d’en donner une nouvelle figure à grande échelle. Ces plaques ont toutes la même forme et la même dimen- sion (pl. XVII, fig. 3.4) ; elles sont cordiformes, parsemées de tu- bercules miliaires n’arrivant jamais à toucher le pore qui se trouve ainsi entouré d’une petite zone parfaitement lisse. Leur couleur ne diffère en rien de celle des autres plaques du test. Examiné à l’état vivant, le pore ne présente rien de particulier ; on voit que la peau du test le recouvre, et qu'il n’y a ni tentacule impair ni tache oculaire quelconque. La sensibilité des téguments est très grande en cet endroit ; sous l'influence de la moindre excitation, l'animal rabat les piquants secondaires qui entourent le pore pour le protéger, mais cette sen- sibilité ne saurait être caractéristique, car elle se manifeste en tout autre point du test. 0 Le nerf ambulacraire, après avoir traversé le pore, vient s'épanouir sur la plaque ocellaire; cette disposition est représentée (p. XIV, fig. 4) chez le Dorocidaris et (pl. XVI, fig. 2) chez l’£'chinus acutus", qui présente en outre une particularité relative au système nerveux 1 Loc. cit. ? Le supplément de Jenaische Zeil, f, Naturwissenchaft, Heft. II, 1886, contient une note dans laquelle O. Hamann confirme plusieurs de mes observations sans aucune allusiôn à la note des Comples rendus de l’Académie des sciences de Paris, 22 février 1886, où elles sont résumées. 248 HENRI PROUHO. interne dont il sera question plus loin. I] faut ajouter que le plexus nerveux superficiel ainsi formé par cet épanouissement, est tou- jours très épais sur le pore et tout autour de lui sur la plaque ocellaire. Il occupe souvent le tiers de l'épaisseur totale de la peau qui en cet endroit est plus grande que partout ailleurs. La constitution histologique (pl. XIV, fig. 6) de celle-ci est tou- jours la même, avec cette différence que les cellules sont plus hautes, plus pressées les unes contre les autres et, que par suite leurs différents noyaux s’étagent en un grand nombre de couches. On ne distingue plus les espaces intercellulaires. Quant aux cel- lules sensitives qui doivent être ici bien développées en raison de l'importance du plexus, je n'ai pu les séparer des éléments de soutien. On voit en résumé que, malgré l'absence d'un organe des sens spécial situé sur les pores ocellaires, ceux-ci n’en sont pas moins cinq points privilégiés au point de vue de l’innervation. Il ne fau- drait donc pas s'étonner que dans une espèce d'oursin encore inconnue on trouvât en ces points des organes des sens réellement différenciés. Et ces organes seraient d'autant mieux placés sur ces plaques dites ocellaires, que dès le plus jeune âge, elles sont à leur place définitive et n’ont plus à subir par la croissance que des mo- difications de dimension. IT, Chez de très jeunes Oursins, Strongylocentrotus lividus, Echinus microtuberculatus, de 3 à 4 millimètres de diamètre, les pores ocel- laires sont constitués comme chez un adulte, aux dimensions près. REMARQUES SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LES RÉPARATIONS DU TEST. Dans l’état actuel de nos connaissances, il n'est pas possible d’ana- lyser les divers phénomènes qui ont pour résultat final le dépôt du réseau calcaire du test. Tout ce que l'on peut dire, c’est que ce dépôt est provoqué par la vie d’un tissu réticulé spécial, que l'on RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 249 retrouve partout dans l’intérieur de toutes les formations calcaires des Oursins. Ce tissu, nous l'avons vu, est composé de fins canalicules, dans une plaque déjà bien développée, mais si on considère soit un bour- geon naissant d’une portion du test, soit une très jeune plaque nais- sante, on a de la peine à retrouver la nature canaliculaire du réseau organisé. Celui-ci apparaît dans ces jeunes formations comme constitué par des cordons conjonctifs très délicats, pleins, pourvus de nom- breux noyaux et, il faut admettre que c’est seulement plus tard et peu à peu, que ces cordons se transforment en canalicules. Est-il possible de déterminer quel est l’élément histologique spé- cialement chargé de sécréter le calcaire ? On rencontre, comme nous l’avons vu, dans le réseau organisé du test, de nombreux corpuscules mûriformes. Ges cellules, chez l’£. acutus, sont ordinairement en grand nombre dans la couche con- jonctive située au-dessous de la peau proprement dite, et nous ver- rons dans un instant, qu'on les trouve en abondance dans le réseau canaliculaire des piquants du Dorocidaris ; il est donc naturel de se demander s'ils ne sont pas l'agent direct de la sécrétion calcaire ? Pour répondre à cette question, il suffit d'examiner une jeune plaque en voie de développement; si le globule müûriforme est l'agent de la sécrétion calcaire, on devra le rencontrer en abondance dans ces jeunes tissus. Or, non seulement cette forme de cellule n’abonde pas dans les plaques en formation des jeunes oursins, mais fencore elle paraît en être complètement exclue. Il n’y a donc pas lieu de s'y arrêter plus longtemps. La formation d'une jeune plaque ou d’un bourgeon d'une plaque déjà formée cest toujours précédée de l’apparition d’un amas de noyaux, tous semblables, se colorant fortement par les réactifs (fig. 13), présentant une grande ressemblance avec ceux des cel- lules mésodermiques de la larve, et aussi avec ceux des amibes, si abondamment répandus dans le fluide périviscéral des oursins. 250 HENRI PROUHO,. Ces noyaux appartiennent aux cellules formatrices qui vont consti- tuer peu à peu le réseau organique de la jeune plaque en même temps qu’elles en sécréteront le calcaire. Il n'existe pas une forme de cellule spécialement chargée de cette sécrétion en dehors du réseau dont nous venons de parler. Une plaque en voie de développement s'accroît par sa périphérie; le centre de cette plaque sera donc toujours la partie la plus an- cienne, celle où le tissu formateur sera d’abord devenu inutile. Chez le Dorocidaris, où l'épaisseur des plaques est considérable, ce üssu n'arrive cependant pas à disparaître complètement et s’il subit un commencement de résorption, il n’en persiste pas moins pendant toute la vie de l'individu. I. — Nous avons vu que la membrane de revêtement du test con- tient le système nerveux périphérique ; c’est donc grâce à elle que l'animal reçoit à chaque instant les influences du milieu extérieur ; ce rôle est de la plus haute importance, mais il n’est pas le seul que la peau ait à remplir ; c'est elle en effet qui assure la conservation du test. Le meilleur moyen de le prouver, c’est de tenter l'expérience en enlevant la peau sur une certaine étendue pour observer les résultats produits. Or, cette expérience a été réalisée, sans mon consentement, par la bande de jeunes Mulets dont il a déjà été question. Ges vo- races compagnons de captivité des Dorocidaris, ne s'étaient pas contentés de leur arracher un à un les piquants, mais ils avaient encore enlevé la peau de certains d’entre eux sur différentes parties du test. Après quelques jours, les régions ainsi mises à nu se sont nette- ment circonscrites et ont été nécrosées, tandis que tout autour d'elles le revêtement du test conservait son aspect ordinaire. Quelques semaines plus tard, toutes les parties du test atteintes étaient rejetées par une véritable exfoliation et il était vraiment : RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 251 curieux de voir s’exfolier ainsi les Dorocidaris blessés dans les bassins du laboratoire ; l’un perdait quelques plaques interambula- craires, l’autre une partie de zone ambulacraire, un autre enfin reje- tait du même coup la moitié d’une zone interradiale. Qu'était-il arrivé ? Il s’était formé peu à peu, au-dessous de la partie dénudée et aux dépens du réseau organisé interne, une membrane continue avec la peau externe. La formation de cette membrane limitant la nécrose avait du même coup amené l'isole- ment complet et, par suite, l’exfoliation de la partie du test située au-dessus d'elle. | Cette destruction partielle du test se produit toujours si la surface dénudée occupe une certaine étendue. Si, au contraire, la blessure est peu importante, alors la peau a le temps de se reformer assez tôt au-dessus de la plaie pour empêcher{la nécrose, et l’exfoliation ne se produit pas. Ce qui est arrivé aux Dorocidaris en captivité dans les aquariums de Banyuls arrive parfois à ceux qui vivent librement au fond de la mer ; ils sont blessés soit par leurs ennemis naturels, soit par les engins des pêcheurs, aussi n'est-il pas rare d’en capturer qui ré- parent leurs blessures comme il vient d’être expliqué. La membrane qui se forme au-dessous de la partie exfoliée est toujours colorée en rouge brun par les corpuscules dont nous avons déjà eu l’occasion de parler. Il n’est d’ailleurs pas douteux que, après l’exfoliation de la partie blessée, la réparation du test ne s'opère d’une façon complète au- dessous de cette membrane, qui ne tarde pas à devenir identique à la peau environnante. Ces quelques observations montrent bien que la conservation et la reproduction du test sont assurées par la peau, dont l'existence est intimement liée à celle du réseau formateur du test. Je n’ai aucun fait nouveau à apporter au sujet de la croissance du test pris dans son ensemble ; on sait que les nouvelles plaques naissent autour de la rosette apicale et pas ailleurs. Dans une rangée, 952 19 HENRI PROUHO. \ la plaque la plus vieille est celle qui borde le péristome, la plus jeune celle qui touche la rosette apicale. Les plaques, une fois formées au pôle apical, sont peu à peu\refoulées par celles qui se forment ensuite, elles s’accroissent en même temps sur leur périphérie et l'on comprend aisément comment, de la sorte, l'ensemble du test s’achemine peu à peu vers sa dimension et sa forme définitives. Un Dorocidaris de 11 millimètres de diamètre a six plaques coro- nales interambulacraires (dans une rangée) et un adulte de 52 mil- limètres n’en a que neuf. Ces chiffres montrent bien quelle est l’im- portance de l'accroissement que l'on peut appeler intercalaires. PIQUANTS PRIMAIRES OU RADIOLES. I. — Valentin distingue dans un piquant d’Oursin la baguette, qui en est la partie libre, et la té/e ou partie condyloïde, qui s'articule sur le mamelon du tubercule. Entre les deux se trouve la collerette, ter- minée inférieurement par le bourrelet (pl. XV, fig. 14). L’articulation d'une radiole de Cidaris est constituée comme chez les autres Oursins, avec cette seule différence que la fossette articu- laire du piquant est attachée par son centre au mamelon à l’aide d'un ligament élastique très résistant. Ce caractère est bien un caractère de Cidaridé, mais n’est pas limité à la famille ; on le re- trouve notamment chez les Diadèmes. Le ligament est constitué par un faisceau de fibres élastiques formées aux dépens d'une partie du réseau organisé de la plaque correspondante ; il pénètre assez profondément dans le mamelon, qui se trouve, par conséquent, en partie perforé après sa disparition. La radiole est, en outre, maintenue sur le mamelon par un anneau tronc-conique de fibres élastiques très résistantes, recouvert lui- même d'un deuxième cône formé de puissantes fibres musculaires. Toutes ces fibres, élastiques ou musculaires, sont en continuité de substance avec le réseau organisé de la plaque, d'une part, et celui de la tête du piquant, d'autre part. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 263 Le tout est revêtu par la peau, qui recouvre également la collerette. L'anneau nerveux a été suffisamment décrit, nous n’y reviendrons pas. Quant à la structure intime d’une radiole de Cidaridé complète- ment développée, elle est bien connue depuis les recherches de Stewart !, A. Agassiz ? et Mackintosh*. Au centre, une moelle formée par un tissu calcaire lâche, peu consistant, puis une zone où les petites baguettes calcaires sont plus serrées et forment un treillissage régulier, dont l'aspect est franchement rayonné, c'est la {couche moyenne; enfin, une couche externe ou écorce, très dense, très dure et traversée par de fins ca- nalicules naïissants des intervalles de la couche moyenne. Cette écorce caractérise les radioles des Cidaridés (fig. 6), aux- quels Mackintosh* assigne l’épithète de Acanthostraca. Quant au tissu organique du piquant, il est identique à celui que nous avons décrit dans le test lui-même, les éléments figurés contenus dans ses canalicules sont identiquement les mêmes ; les corpuscules mûriformes n'y font jamais défaut. Il, — Développement. — Le développement des radioles du Doroci- daris doit être suivi sur les jeunes plaques qui entourent la rosette apicale. Il cest intéressant de remarquer que l'apparition d’une radiole est toujours précédée de celle des piquants secondaires. Ceux-ci, nous l'avons dit, auront mission de protéger, dans la suite, la base du piquant qu'ils entourent. Or, ce rôle protecteur, ils l’ont dès le début et on les voit déjà, presque complètement formés eux-mêmes, se pencher tous ensemble sur la jeune radiole à peine naissante, pour lui former comme une tente à l'abri de laquelle s’effectueront les premiers stades de son développement. 1 Onthe minule structure of Cidaris (Quart. Journ. of. micr, sc., 1871). 2, Locs cit. 3 Report on the Acanthology of the Roy. lrich Academy,1883. # Loc. cit. 254 HENRI PROUHO. Le centre de la jeune plaque, qui va produire un piquant, se renfle d'abord en une petite éminence arrondie qui s’accroît peu à peu et dans laquelle, au début, on ne distingue rien autre chose que les éléments mêmes de la plaque dont elle est un bourgeon. Mais bientôt la différenciation de ce bourgeon commence ; il se divise en deux parties: l’une inférieure, dépendant toujours de la plaque, l’autre supérieure ; la première formera le tubercule, la seconde se différenciera pour former la radiole. La peau recouvre le tout ; c’est au-dessous d’elle que se constituent les nouveaux tissus. Dès le début, le jeune bourgeon est vivement coloré en rouge par des corpuscules amæboïdes brun d’acajou; ces cellules se réunissent là en grande abondance dans la peau et elles se montreront toujours, sur les jeunes tissus, en nombre d’autant plus grand que ceux-ci seront plus jeunes. Si l’on rapproche cette observation de celle qui a été signalée à propos des réparations du test (p.251), on acquiert la conviction que ces corpuscules amæboïdes bruns ont à jouer un rôle dans la forma- tion des tissus de l’adulte. On ne peut toutefois faire que des hypo- thèses sur la nature et l’importance de leur rôle. Ne pourrait-on pas cependant considérer ces globules colorés comme chargés de provoquer, dans les points où ils s'accumulent, une respiration locale plus intense nécessitée par les jeunes tissus qu'ils recouvrent et qui sont sans cesse en voie de développement ? À ce moment, le piquant proprement dit est de- tt à venu indépendant du test (fig. 1), en ce sens qu'il est déjà représenté par une petite calotte de calcaire Cu me mt = ee mp mep—.— Fig. 1.— tub, tubercule naissant; rad,radiole recouvrant le tubercule en formation, et n'étant naissante : lig, liga- ny rattaché à celui-ci que par du tissu organique. Il est très facile de séparer ce rudiment de piquant du tubercule et, quand l'individu se dessèche, il s’en sépare de lui-même. Une coupe, menée après décalcification par l’axe du piquant futur (fig. 2), nous montre que la petite calotte est constituée par les réseaux conjonctifs que nous connaissons dans le test lui-même, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 255 mais que ces réseaux sont plus lâches au centre (moelle) qu'à la périphérie (couche moyen- ne). À la limite du tuber- cule, par conséquent im- médiatement au-dessous du piquant, se trouve une couche qui commence à se différencier en lissu élas- Fig. 2, — Coupe passant par l’axe du piquant et du tu- bercule de Ja figure 1. éub, tubercule; lig; ligament; tique, et, au sommet du mo, moelle ; em, couche moyenne; fel, fibres élastiques, : rs fm, fibres musculaires ; an, anneau nerveux. tubercule, on aperçoit déjà une masse fibreuse qui est le ligament en voie de formation ; sur le pourtour apparaissent aussi quelques fibres musculaires ainsi que l'anneau nerveux ; enfin sur le tout, la peau. En somme, nous retrouvons tous les e ; : ; Fig. 3. — tub, tubercule ; rad, éléments qui entreront dans la constitution radiole; lg, ligament, du piquant entièrement développé, l'écorce exceptée, et voici com- ment va s'effectuer la suite de ce dévelop- pement : La première partie qui se constitue défi- nitivement est la partie articulaire, la ééte ; pendant ce temps, la baguette ou tige se forme, elle aussi, et ne tarde pas à appa- raître distinctementau-dessus du bourrelet. Les figures 1, 2, 3, 4 permettent de suivre ces transformations. Remarquons que, dans la figure 4, le tubercule a acquis, sinon sa dimension, du moins sa forme définitive ; la base articulaire, presque com- Fig. 4. — Radiole dont la tète ar- ticulaire est presque entièrement à AS 4 Lis développée et dont la jeune tige plè tement développée, donne déjà attache n’est encore constituée que par la à d : SE À la moelle mo et la couche moyenne à des muscles puissants et à l’anneau élas- om. Le tubercule et les tissus de l’articulation ont acquis leurs ca- tique, non figurés sur le croquis ci-contre‘. ractères définitifs; 1 Ces figures ne sont que de simples croquis destinés à guider le lecteur et à 256 HENRI PROUHO. Quant à la baguette proprement dite, nous voyons qu'elle est encore bien différente de ce qu'elle sera plus tard ; sa structure est intéres- sante à étudier en ce moment. Dès le début (fig. 2), nous avons vu apparaître deux sortes de tissus calcaires : celui qui caractérise la moelle de l'adulte et celui de la zone moyenne. Une coupe de la jeune radiole de la figure 4 montre que ces deux tissus existent encore seuls (fig. 5). La moelle est très LEE développée et forme & e/le seule Ia partie terminale; FREE le tissu treillissé, qui caractérise chez l'adulte la partie moyenne, forme 1ci la périphérie de la base, remonte le long de la tige et se perd avant d’at- A4 0 ol où 00 Fes teindre le sommet. Fig.3.— Secteurd'une Gette structure va persister longtemps encore et coupe transversale RE alors même que la radiole se sera très allongée Cr UOTE CRT ME ADN La collerette n’est pas distincte, la baguette se raccorde sur la base par un simple congé; elle est lisse, marquée seulement de fines stries ; mais, la croissance continuant, la collerette ne tarde pas à se différencier et, alors, on voit apparaître au-dessus d’elle les petites dents qui ornent la radiole adulte (pl. XV, fig. 14). L’al- longement se continue toujours par le sommet et les petites dents, qui ont apparu d’abord à la base (fig. 7.3), se multiplient en se rapprochant de plus en plus de celui-ci, qu'elles finissent par atteindre (fig. 7.4). À ce moment, le développement du piquant est terminé, sa forme et sa dimension ne se modifieront plus. il est toujours entièrement revêtu de la peau colorée par les globules brun acajou, et possède à sa surface un revêtement vibratile très actif. | Une coupe transversale de la radiole adulte nous montre alors qu'aux deux tissus préexistants, moelle et couche moyenne, est venue éviter les équivoques; tous les détails sont supprimés, mais l’esquisse en est exacte, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 257 s'ajouter l'écorce (fig. 6) et une coupe longitudinale nous apprend que cette écorce se termine brusquement au-dessus de la collerette qu’elle n’envahit jamais. Celle-ci se montre nettement délimitée à la base de la tige dès que l'écorce se forme, c’est-à-dire quand les ornements de la base de la baguette adulte prennent leurs carac- tères définitifs. On peut résumer les diverses phases du développement ainsi qu’il suit : | a) Apparition d’un bourgeon au centre de la plaque; b) Division de ce bourgeon en deux parts : tu- < bercule et piquant ; apparition du ligament, de l'anneau élastique, des muscles et de l'anneau nerveux ; c) Différenciation du tubercule et de la base articulaire simultanément avec l’apparition de la ceeS baguette ; É . Oo L200p? Qi] " AE ; 8 ? | 7 &e = CE É LCR G sce d) Développement continu de la baguette ; ÉRr e) Apparition de la collerette, provoquée par le dépôt de la couche corticale qui forme les dents Fe ou ornements extérieurs de la radiole; différen- ces Q jo ke {e) 0 09, (1 OS ie 0627000 DA 000 À _ ÊLRSS <Ô Sd RERO | L = : à rm OA ciation complète de l'écorce. | Qu 0% . . Ld L ? © La conséquence immédiate est évidente : dans RS une radiole de Dorocidaris, la partie la plus an- Fig: 6. + Secteur cure coupe transversale d’un : - : ‘iquant adulte. m0, cienne est la base, le point le plus jeune est tou- RAD on, A (üche z moyenne ; ec, écorce. Jours le sommet. Il est non moins évident que le dépôt de calcaire se produit constamment dans la couche la plus externe du réseau organisé situé sous la peau et que, sur une sec- tion transversale, c’est toujours la moelle qui est la plus vieille. Ces idées sont d’ailleurs clairement énoncées par W. Carpenter, qui regardait la « substance organique des couches externes for- mées les dernières, comme la partie essentiellement intéressée ‘The Monthly Microscop. Journal. On the spines of Echinida, 1870. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GËN, == 20 SÉRIE,—T. V. 1887, 47 258 HENRI PROUHO. pour former ces remarquables productions (piquants d'Echinidés) ». Au point où nous l’avons laissée, la radiole a terminé sa crois- sance , elle est adulte. Sa structure ne sera plus modifiée, mais son aspect extérieur va l'être profondément, La formation progressive de l’écorce entraîne la résorption lente de la peau, et du même coup, limite absolument le développement de la radiole, puisque, nous l'avons vu, cette peau est indispensable à la vie du réseau sous-jacent. Stewart, dont j'aurai encore plus d’une fois l'occasion de rappeler les observations justes et précises, était donc dans le vrai quand il disait à propos des piquants des Cidaris que, probablement chez eux, la membrane molle qui revêt le test de tous les Echinodermes meurt après la formation de l'écorce. Mais cette membrane, la radiole ne la perd point simultanément sur tous les points de sa périphérie. Elle commence à se résorber là où l'écorce est la plus vieille, c'est-à-dire immédiatement au-dessus de la collerette ; d’autre part, la disparition de la peau entraîne celle de la couleur, et c’est pour cette raison que l’on voit les radioles- commencer à se décolorer par la base et que parfois on en observe quelques-unes qui présentent l'aspect étrange figuré (pl; XV, fig. 14). La baguette meurt peu à peu par sa base tandis qu'elle continue à vivre encore par son sommet, aux dépens des matériaux de réserve accumulés dans cette partie. Quoi qu'il en soit, la peau ne tarde pas à disparaître complètement et la radiole, désormais vouée au rôle d’une 7ambe de bois, est infail- liblement envahie par les êtres que j'ai indiqués au commencement de ce mémoire. Il est important de remarquer que jamais la collerette n’est dé- pouillée de sa peau, car elle n’est jamais recouverte par l'écorce et c’est là son caractère essentiel. Remarquons en passant qu'il est indispensable qu’il en soit ainsi pour assurer la conservation des muscles et autres tissus de l’articulation. 1 Loc. cil. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 259 J'ai disposé le schéma ci-contre (fig. 7), qui permet de suivre aisément les transformations d’ailleurs si simples de la baguette, mais pour être complet, je dois ajouter qu'il se forme autour de la fossette articulaire un bourrelet d’é- corce destiné à renforcer les bords de cette fossette et que le tubercule s’en- croûte lui aussi d’une couche très dure et lisse dont l'utilité est évidente. II, — Quand un piquant en voie de développement est brisé accidentelle- ment, il se répare très aisément; la peau se reforme au-dessus de la cassure et il se produit au centre, correspon- dant à la moelle, un foyer de dévelop- pement actif. On voit alors (pl. XV, fig. 6) apparaître une petite éminence (à) qui s’allonge peui à peu et sefdéve- loppe en passant par tous les états suc- cessifs décrits plus haut. Si le piquantsqui a été brisé était déjà dépouillé de sa peau, il ne peut se ré- parer de la même façon et ici nous avons deux cas à distinguer : 4° celui où la cassure se produit vers l'extrémité du piquant ; 2° celui où cette cassure a lieu non loin de la base articulaire. ul Û Æ TITLE L ALL Dr VAUT. /, EL : 72 21777772 Fig. 7. — Schéma représentant 4 stades du développement de la baguette d’un Cidaridé numérotés de 1 à 4. mo, moelle limitée par la ligne ponctuée; cm, cou- che moyenne; ec, écorce; col, limite supérieure de la collerette; b, bourrelet d’écorce renforgant les bords de la fos- setle; ce, croûte du tubercule adulte; p, peau; fm, muscles; fe, fibres élas- tiques. Dans le premier cas, il n’y a pas de réparation ; dans le deuxième, au contraire, il arrive très souvent que le fragment de baguette res- tant se détache de la base articulaire par suite de la formation d’une membrane transversale qui, partant de la peau de la colle- rette, traverse le piquant dans cette région. Le vieux tronçon étant rejeté, une nouvelle radiole naît sur la vieille tête articulaire. Ge 260 HENRI PROUHO. mode de réparation est très fréquent; presque tous les Dorocidaris recueillis en présentent quelques exemples. Si l’on veut bien tenir compte de ce qui a été dit sur la locomotion du Dorocidaris en même temps que des faits rapportés dans les lignes qui précèdent, on aura l'explication facile de toutes les formes affectées par les radioles d’un même individu. Considérons un Dorocidaris adulte à huit ou neuf plaques inter- ambulacraires et supposons-le intact. Il présente depuis le péristome jusqu’à l'équateur, des radioles dont la longueur augmente progres- sivement ; cette variation dans la longueur de la baguette est due à la place occupée par le piquant et non à son âge (puisque les plus vieux sont les plus courts), et elle résulte de la nécessité où se trouve l'animal, de pouvoir atteindre avec toutes ses radioles adorales le sol sur lequel il repose. Celles de ces radioles qui sont portées par les plaques 1, 2 et 3, ont une tige aplatie ; forme normale, adulte, adaptée à la fonction de préhension. (Je ne représente pas ces di- verses formes de radioles ; elles sont figurées dans les mémoires de A. Agassiz.) Les radioles suivantes .présentent leur extrémité quelque peu renflée et taillée en biseau; cette forme est aussi normale et défi- nitive ; elle caractérise le piquant essentiellement locomoteur, dont l'extrémité a été modifiée par suite du contact avec le sol. Depuis l'équateur jusqu'au pôle apical, les radioles diminuent progressivement de longueur, et cette variation est due à l’âge, ainsi que les formes diverses qu'elles affectent dans cette région. On y rencontrera toutes les formes de la radiole en voie de déve- loppement sur lesquelles nous avons insisté précédemment. Si l'individu considéré n’est pas supposé intact depuis sa naissance, alors on trouvera des variations brusques dans la forme des radioles, et cela dans toutes les régions ; l'explication de ces variations se trouve tout naturellement dans ce qui a été dit au sujet de la répa- ration des radioles après cassure. RÉCHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 261 Quant à la couleur des baguettes, nous avons également vu les causes qui la faisaient varier. Toutes ces considérations ont un intérêt pratique, si on les fait intervenir dans la détermination des espèces, J'ai eu entre les mains un Dorocidaris adulte, dont toutes les radioles (excepté celles du bord du péristome) étaient en train de renaître sur leur base articulaire, et elles se trouvaient à peu près au stade 2 de la figure 7; elles étaient par conséquent d’un beau rouge, effilées, lisses, sans collerette, et très certainement, si je n'avais été prévenu par mes observations antérieures, j'aurais cru avoir devant moi une espèce différente du D. papillata. IT. Observations générales sur les radioles des Cidaridés. — D'après ce que nous avons vu sur le développement de l'écorce, on serait tenté de croire que c’est elle seule qui prend part à la formation des ornements de la radicale, ce qui n’est pas exact. Ghez le Doro- cidaris, on voit déjà la couche moyenne dessiner sur la tige de légers sillons longitudinaux, mais en somme, c’est l'écorce qui produit les dents caractéristiques. Dans les espèces qui ont des ornements très proéminents et volu- mineux comme le Phyllacanthus verticillata par exemple, la couche moyenne prend une plus large part à leur constitution, comme on peut s’en assurer par des coupes; dans ce cas, et dans tous les cas semblables, les ornements de la baguette seront déjà bien dessinés quand l'écorce viendra les recouvrir. C'est la couche moyenne qui donne la forme générale, le galbe, dont l'écorce termine l'ornementation. A. Agassiz insiste très justement sur les différentes formes de radiole que l'on trouve chez une même espèce. Les figures 21, 22, 16,17, etc., de la planche (1)! donnent une idée de ce que peuvent être ces variations chez le Phyllacanthus annulifera et le Phyllacanthus baculosa ‘. Plus récemment, le même auteur revient 1 Revision of the Echini. 262 | HENRI PROUHO. sur le même ordre d'idées au sujet du Dorocidaris Blakei, qui présente d’une part des radioles très semblables à celles du 2. papil- lata, et d'autre part, d’autres radioles que, d’après lui, peu de pa- léontologistes auraient {hésité à rapporter à l'espèce Ahabdocidaris remus (Des.) du terrain jurassique *. | Agassiz fait remarquer le danger qu’il peut y avoir à déterminer une espèce sur le simple examen de ses radioles. Je partage complètement les idées du savant échinologiste de Cambridge, mais je crois qu'il est un ordre d'erreurs contre les- quelles on peut se prémunir. Etant donnée une espèce quelconque de Cidaris, il y a deux raisons pour lesquelles la forme et les dimensions des radioles varient. . La première résulte de la place occupée par la radiole sur le test. L'exemple du 2. Blakei est frappant et je ne vois guère d’autre moyen d'éviter les erreurs de détermination qui pourraient provenir de ce changement de forme, que par un examen comparatif de variations analogues dans des espèces entièrement connues. La seconde est la conséquence du développement de la radiole. Le Phyllacanthus imperialis a de ‘grosses baguettes qui ne sont pas complètement en massue, mais s’en rapprochent : leur extrémité est large, arrondie, ornée de côtes longitudinales saillantes. Au milieu de ces baguettes, j'en trouve une, aussi longue que certaines d’entre elles, qui est conique, pointue et lisse. Il est presque certain que si on avait à déterminer ces deux formes de radioles prises séparément, on ne les rapporterait pas à la même espèce de Cidaris. | | C'est ce genre d'erreurs qui ‘peut être évité dans bien des cas, si l’on veut bien admettre que ce qui a été dit sur le développement des radioles du Dorocidaris s’applique à tout autre membre de la même famille. Et en réalité, l'identité de structure des radioles, 1 Reports on the resulls of Dredging by the « Blake », part. I, Rep. on the Echini. Cambridge, 1883. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 263 chez tous les Cidaridés, doit entraîner forcément l'identité de leur développement. Pour mettre toutes les chances de son côté, il faut (dans le cas où le test est absolument inconnu) ne baser une détermination que sur l'examen de radioles adultes. IL faut donc avoir un moyen de re- connaître ces dernières. Pour les espèces vivantes, la chose est facile, il suffit de faire une coupe mince. Si l'écorce est développée sur toute la hauteur de la baguette, la forme de la radiole est définitive. Mais, pour les formes fossiles, il faut avoir recours à d’autres moyens. La première partie à examiner est la collerette ; supposons-la bien développée : il pourra se présenter deux cas : 4° La baguette possède des ornements, dents, granules, etc., sur toute sa longueur jusqu'au sommet ; dans ce cas, la radiole est adulte ; 2° La baguette n’a d’ornements que dans sa partie inférieure et est entièrement lisse sur le reste de sa longueur; dans ce cas, la radiole n’est pas adulte, mais elle n’est pas très éloignée de son état définitif; elle a acquis à très peu près sa dimension maxima ; sa forme générale ne peut être très différente de la forme adulte et on peut avoir une idée assez exacte de ce que la radiole serait de- venue, si son développement n'avait pas été arrêté, en restituant à la partie lisse les ornements de la base. Dans aucun cas, on ne pourra assigner comme caractère distinc- tif l'absence d’ornements dans la partie supérieure de la tige. Si la collerette n’est pas indiquée, la radiole doit être considérée comme une forme jeune, dangereuse à décrire même si on dis- tingue déjà des traces d’ornementation, car les modifications qu’a encore à subir la baguette peuvent être très profondes. Si, en même temps, la tête articulaire n’est pas bien différenciée, c'est qu’on a affaire à une forme très jeune. Pour apprécier l’âge d’une baguette, il ne faudrait dailleurs pas se fier à la tête articulaire (le cas précédent excepté), car, nous 264 HENRI PROUHO. l'avons vu, sur une tête très vieille peut naître une baguette très jeune. Les formes coniques, courtes, lisses, qu’elles possèdent ou non une tête bien développée, mais sans collerette, devront être rejetées absolument, car elles peuvent appartenir aux espèces et aux genres les plus éloignés. C’est ainsi qu'au stade 2 du schéma donné ci- dessus la tige d’une radiole de Dorocidaris et celle d’une radiole de Cidaris clavigera seront, si mes vues sont exactes, presque iden- tiques l’une à l’autre. PIQUANTS SECONDAIRES. Ils sont courts, aplatis, finement striés {longitudinalement; leur extrémité est mousse. La structure en est très simple : il n'y a point d’écorce, mais seulement, comme le dit Stewart, une «moelle passant graduellement vers la périphérie à une couche qui corres- pond à la couche moyenne des piquants primaires ». Ces piquants, privés d’écorce, restent donc constamment revêtus de la peau, comme chez les Echinidés ; leur articulation est consti- tuée, comme chez ces derniers, sans ligament. Le tubercule est peu proéminent et porte un tout petit mamelon. Quant à l'anneau nerveux, il n’est pas différencié. Les muscles de l'articulation sont simplement innervés par les faisceaux de fibrilles nerveuses qui passent entre les tubercules. J'ai figuré une coupe transversale ‘de la région supérieure d’un de ces piquants décalcifié, afin d'en montrer le réseau organisé (pl. XV, fig. 17 et 18). On voit les petits canalicules dans lesquels cheminent les globules mûriformes et l’on remarque que les cellules épidermiques sont exclusivement logées dans les sillons superficiels. Entre les sillons, se trouvent les baguettes calcaires À, recouvertes seulement par la cuticule. Il arrive souvent que les éléments ameæ- 1 Loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 265 boïdes cheminant dans le réseau viennent se loger dans ces petits sillons entre les cellules (fig. 18, gm). Tous ces piquants secondaires, quand on les observe sur un indi- vidu en bon état, présentent à la base une sorte d'ampoule (pl. XV, fig. 6) blanche, transparente, située du côté opposé à celui sur lequel le piquant s'incline, lorsqu'il se rabat pour protéger les parties voisines. Ces ampoules ont été vues par O. Hamann!', pendant que je pour- suivais mes recherches. Je n'avais pas jugé à propos de les signaler dans une note préliminaire, mais je dois aujourd’hui en dire quel- ques mots. O. Hamann écrit: «Jeder Stachel, der grüsste, längste, bis herab zum kleinsten, bezitzt an seiner Basis Drüsenballen, die aus grossen schlauchfôrmigen Zellen zusammengesetzt sind. » L'auteur entend-il désigner les radioles par grüsstle, längste ? Je le suppose et, dans ce cas, je ne puis confirmer son dire, car ce sont les piquants secon- daires seuls qui possèdent les ampoules basilaires. Quant à leur constitution histologique, elle paraît mal interprétée par O. Hamann. Pour nous, ces ampoules (pl. XV, fig. 6e) ne sont rien autre chose que des boursouflures de la membrane qui recouvre le piquant, boursouflures remplies de liquide et qui s’affaissent subitement quand on les pique à l’aide d’une aiguille bien acérée. IRL ASE La membrane quiles forme est constituéecomme Fig. 8. — Coupe opti- 1 que de la membrane la peau du test, avec cette différence qu’elle est d'uneampoule. beaucoup plus épaisse en cet endroit et que les espaces inter- cellulaires entre les cellules de soutien sont énormes et très ré- guliers. Observés sur le vivant , ceux-ci offrent en coupe op- tique l'aspect figuré ci-contre (fig. 8) et on peut alors très bien les prendre pour de véritables cellules, tandis que, en réalité, ce 1 Jenaische Zeits. f. Natur. Wissenschaft, Supplément, Heft. I, 1886. 266 HENRI PROUHO,. sont de simples alvéoles intercellulaires renfermant des globules müû- riformes amæbhoïdes, qui, sous une faible compression, s'échappent au dehors. « Si l’on fait une coupe normale à cette peau (fig. 9), après avoir traité le piquant par les réactifs, on voit que ces globules sont renfermés dans les espaces qui séparent les cellules de soutien disposées ici comme dans la peau du test, mais beau- coup plus hautes et très étroites. Ces cellu- les, réunies par la cuticule ciliée, se grou- Fig. 9.— Coupe de la membrane ; j d'ane ampoule.res, réseaucon- pent de facon à constituer les alvéoles jonctif; ei, espaces intercellu- laires: s, cellules de soutien; : m, globules müriformes ; e, ou, (fig+ 10) dans lesquelles se glissent les cor- ticule. =] puscules müriformes, tout comme nous l'avons vu précédemment. Je ne vois là rien qui mérite le nom de cellule glandulaire ; les Fig. 10. — Coupe tangentielle de la membrane d'une ampoule; ei, espaces inter- cellulaires; 7, noyau des cellu- les de soutien; m, globules mü- riformes. ampoules basilaires des petits piquants ne renferment pas plus de glandes que le reste de la peau, et je ne peux comprendre à quel élément histologique Hamann fait allusion lorsqu'il parle des Drüsenzellen revêtues de cils vibratiles sur leur surface et remplies de gra- nulations. | | Peut-être est-ce les globules müriformes que l’au- ieur allemand a pris pour des cellules glandulaires faisant partie de la membrane de l'’ampoule, PÉDICELLAIRES. I. Les pédicellaires des Cidaridés ont été souvent décrits et figurés , ceux du Dorocidaris papillata en particulier se trouvent dans les mémoires de MM. Perrier’, Agassiz? et Kœæhler*... où ils sont repré- 1 Recherches sur les pédicellaires et ambulacres des Astéries el des Oursins. 2 Loc. cit. 3 Loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 267 sentés avec plus ou moins d’exactitude. On sait que tous ces pédi- cellaires ont leur tête directement articulée sur une tige rigide. M. Perrier distingue deux formes : les pédicellaires inermes et les armés. Les premiers ont des valves étroites, allongées, garnies de très petites dents; M. Kœhler les appelle avec raison tridactyles ; ils correspondent bien, en effet, à ceux que l’on désigne ainsi chez les Echinidés. Les seconds (armés) n'ont été bien décrits que par Stewart !, qui a donné une excellente figure d’une des valves. Cet auteur a indiqué que les valves de cette sorte de pédicellaire sont creusées d’une vaste cavité, communiquant avec l'extérieur par une grande ouverture triangulaire bordée de dents, ainsi que par un étroit canal creusé dans le crochet ter- minal. Ces valves sont toujours courtes et très renflées. Stewart serait d’avis de les considérer comme les analogues des pédicellaires gemmiformes et je partage son opinion, car j'ai trouvé, dans la cavité des valves, une glande très semblable à celles des : : £ ape Fig. 11, — Coupe demi- pédicellaires gemmiformes des Echiniens, Quand schématique d’une valve de pédicellaire glandu- Ï 1 LÉ laire de Dorocidaris. gl on examine un de ces organes sous le micros RE ar A TENE-N tuées devant l'ouverture cope, dans de l’eau de mer additionnée d’al- triangulaire au-dessous dn crochet terminal. cool, on voit très souvent sourdre à son ex- trémité une certaine quantité de mucus, et, si l’on fait des coupes minces dans ce pédicellaire, on constate que le mucus est pro- duit par trois glandes qui remplissent les cavités des trois valves. Je ne m'arrête pas à étudier l’histologie de ces organes ; je donne simplement un croquis demi-schématique d'une coupe longitudinale d’une valve, pour bien montrer la position de la glande et aussi pour indiquer que la grande ouverture de la ca- 1 On certain Organs of the ciduridre, 1877. 268 HENRI PROUHO. vité située au-dessous du crochet n'est pas librement ouverte au dehors, maïs est fermée par de grosses cellules à contenu granuleux et pourvues d’un revêtement cilié très développé. Il serait bien pos- sible qu’il y eût là des terminaisons nerveuses ; je n’ai pas poursuivi leur recherche. Si nous Comparons une valve de pédicellaire gemmiforme de Do- frocidaris à l’organe analogue du Sph. granularis par exemple, nous voyons que leur analogie consiste dans la présence de la glande à mucus, mais que cette glande est différemment située dans ces deux types, par rapport aux valves calcaires. Chez le Sph. granularis, la glande est appendue à la valve calcaire et pour- Fig. 12,— Coupe transver- Fi “ sale d'une valve de pédi- Vue de muscles puissants ; chez le D. papellata, cellaire glandulaire de De a dl elle est renfermée dans la valve elle-même et La l’on ne s'explique pas facilement comment le produit de sa sécrétion est chassé mécaniquement au dehors, car elle ne paraît pas munie de fibres musculaires, et, d’ailleurs, le vo- lume de la poche à mucus n’est pas susceptible de diminuer, puis- qu'elle est attachée aux parois d’une chambre rigide, On ne peut faire que des hypothèses, mais on doit admettre que le mucus est capable de s'échapper à la volonté de l'animal, probablement sous l'influence de l'excitation des cellules qui ferment la grande fenêtre de la chambre glandulaire. Ces pédicellaires glandulaires sont gros, leur tête a tél plus de 1 millimètre de long, mais la tige reste toujours courte. Il existe un autre genre de pédicellaires beaucoup plus petits que les précédents et qui paraissent en être des diminutifs ; d'accord avec M. Kœhler, je suis d’avis qu'on doit les considérer comme des formes définitives, Cette forme, très répandue un peu partout sur le test, exclut les deux autres sur la membrane péristomienne. Or, O0. Hamann! dit 1 Loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 269 qu’il a trouvé des pédicellaires glandulaires chez le D. papellata sur la membrane buccale ; par conséquent, il s’agit forcément de ceux qui nous occupent en ce moment. Sans prétendre qu'il n'existe jamais de glandes dans cette forme intermédiaire entre le tridactyle et le pédicellaire glandulaire à grosse tête, je constate que, chez beaucoup d'entre eux, les glandes ont avorté et que le type du pédicellaire glandulaire reste celui dé- crit par Stewart et dans lequel j'ai observé, sans une seule exception, la présence des sacs à mucus. Ceux-ci se rencontrent sur les plaques anales {en petit nombre), sûr les plaques génitales, sur les aires interambulacraires, de pré- férence près des lignes suturales, et je confirme l'observation de Stewart au sujet des formes à quatre valves qn'il a trouvées sur le pôle apical ; cette anomalie est assez fréquente. Quant aux pédicellaires tridactyles, on les rencontre autour des radioles entre les piquants secondaires, et sur les aires radiales près de la suture médiane. IL—Considérations sur les fonctions et les homologres des pédicellaires. — Depuis que 0.-F. Müller a décrit les pédicellaires des Oursins, il n’est, pour ainsi dire, pas d'hypothèse que l’on n'ait émise au sujet de leurs fonctions et, il faut bien l'avouer, tout ce que nous savons de plus aujourd’hui, après avoir acquis des notions précises sur leur histologie, c'est que les pédicellaires ne sont ni des parasites ni des embryons d'Oursins. La seule hypothèse qui puisse être acceptée pour le moment est celle qui, basée sur la constitution de la tête de ces organes et sur la façon dont certains d’entre eux cherchent con- stamment à mordre, en fait des organes de défense. Il faut ajouter à cela la présence dans les pédicellaires gemmi- formes de glandes qui, à tort ou à raison, ont été considérées comme des glandes veninifiques. : Toutefois, il est à remarquer que les pédicellaires munis de glandes sont toujours les moins mobiles et les plus inhabiles à 270 HENRI PROUHO. mordre. Il suffit, pour s’en convaincre, d'observer, sur un Sphære- chinus granularis,les pédicellaires gemmiformes qui sont bien connus et atteignent des proportions inusitées. On les voit branler maladroitement leur grosse tête sur leur tige rigide, pendant que tout autour d’eux les pédicellaires trifoliés se tordent dans tous les sens. Vient-on à les toucher, ils mordent ; mais s’ils n’ont point saisi l’objet, ils restent longtemps avant de s'ouvrir de nouveau, et, si le corps étranger a été mordu, ils paraissent in- capables de s’en débarrasser. Quoi qu’il en soit, la présence de glandes appendues à ce que l’on pourrait appeler un crochet à venin et ce fait que l’on trouve très souvent des pédicellaires gemmiformes soit de Sph. granularis, soit de toute autre espèce, attachés aux téguments des poissons, mol- lusques, annélides, etc., ne permettent guère de douter que ce soient des organes de défense. On connaît l’observation rapportée par A. Agassiz d’après laquelle il regarde les pédicellaires du pôle apical comme chargés de débar- rasser le test des excréments rejetés par l’anus. Je n'ai, quant à moi, jamais pu vérifier cette observation, malgré le nombre considé- rable d'Oursins que j'ai observés. Dans ces derniers temps, on a voulu attribuer aux pédicellaires d’autres fonctions qui, pour nous, ne sont pas admissibles. Suivant MM. Romanes et Ewart, les pédicellaires serviraient à la locomotion. Il suffit d’avoir observé quelques Oursins sur le bord de la mer pour acquérir la conviction que le pédicellaire ne peut entrer pour rien dans la locomotion de ces animaux et que, si l’on voit parfois des £'chinus microtuberculatus suspendus à des Zostères ou autres plantes marines, c’est à l’aide de leurs seuls tentacules am- bulacraires qu'ils y sont attachés. D'autre part, O. Hamann'! dit: « Bei Æchinus microtuberculatus stehen die drüsentragenden Pedicellarien meist auf der Rücken- 1 Loc. cil, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 271 fläiche und dienen, wie ich mich an vielen im Aquarium gehaltenen Tieren überzeugen konnte, dazu Tangblätter, etc., festzuhalten, mit denen sich der Seeigel in Ruhelage wie in Bewegung begriffen mas- kirt. Hierbei ist ihnen das schleimige Sekret ihrer Drüsenpedizella- rien von grüsstem Nutzen. v Certainement l’£. microtuberculatus attire souvent sur son apex des débris d'algues ou de zostères, mais c’est à l’aide de ses ambula- cres et non de ses pédicellaires. Le Strongylocentrotus lividus est encore bien plus habile que le pré- cédent à couvrir ainsi son orifice anal. Le long de la côte de la baie de Banyuls, quand l’eau est calme et limpide, on aperçoit des cen- taines de ces Oursins immobiles dans leurs trous; ils ont tous attiré sur leur pôle apical quelque corps étranger, débris d’algues, frag- ments de carapaces de Crustacés, coquilles diverses, et souvent même des dépouilles de leurs semblables. Il ne viendra jamais à l'idée d’un observateur que ces Oursins retiennent ces corps avec leurs pédicellaires ; cela leur serait parfaitement impossible. D'ail- leurs, il est facile de s'assurer par la simple observation que tous ces débris divers sont retenus à l’aide des tentacules -ambulacraires. On doit donc rejeter les opinions de Romanes, Ewart et O. Ha- mann et, plutôt que d'attribuer aux pédicellaires des fonctions aussi singulières, il vaut mieux avouer que la question est toujours pen- dante, mais que la seule hypothèse ‘raisonnable est celle qui en fait des organes protecteurs du test. L’étudedes pédicellaires du D. papellata ne fournit aucun éclair- cissement sur la question. Ils sont peu redoutables comme organes de défense, car ils ne peuvent se mouvoir que dans des limites très restreintes autour de leur point d'attache, et que, par conséquent, leur zone d'action est très réduite. Ils sont d’ailleurs incapables de mordre un ennemi quelconque déjà fixé sur le test, à cause du peu de mobilité de leur tête. UT. — Agassiz a montré, par l'étude du développement de ces or- 212 HENRI PROUHO. ganes chez les Astéries et par d’intéressantes considérations que lui a suggérées la comparaison de divers types d'Echinides, que le pédi- cellaire était l'équivalent morphologique du piquant. Voici ce que l’on observe chez les Oursins réguliers. Le piquant, nous l’avons dit, apparaît, dès le début, comme un bourgeon du test. Ce premier stade, avant lequel rien n’annonce l'apparition du piquant, est représenté ci-contre chez un jeune Sfr. lividus. On voit une légère éminence qui soulève la peau plus épaisse à cet endroit (piq.). | À côté, se trouve un deuxième bour- geon de la même plaque (péd.) constitué rie ds. 2e tte COMIE le premier, mais de forme diffé- par deux bourgeons dont l'un, pig, : : formera un piquant, et l'autre, rente. L’un(piq.) formera un piquant, Pete l’autre (péd.) formera un pédicellaire. Suivons le développement de ce dernier: nous verrons que son extrémité distale se différencie très rapidement en trois lobes, qui sont la première indication des trois mâchoires du pédicellaire, dont les muscles ne tardent pas à se former aux dépens des cellules formatrices accumulées dans le bourgeon. Il se constitue ainsi une petite tête de pédicellaire et en même temps la tige apparait au- dessous nettement différenciée, mais courte. Dans le bourgeon (péd.) de la figure 13. On voit que déjà, vers l'extrémité, les cellules formatrices se groupent pour constituer la tête et, dans une coupe de pédicellaire naissant de Dorocidaris adulte (pl. XV, fig. 5), on voit cette tête plus nettement indiquée par le groupement des cellules à l'extrémité du bourgeon ainsi que par les différences d'épaisseur de la peau qui s’amincit vers le sommet où vont peu à peu se creuser les sillons limitant les trois valves. Il résulte de ce qui précède que, dans un pédicellaire, la partie qui se développe la première est la tête ou le sommet. Cette conclusion ne modifie pas l’équivalence morphologique du piquant et du pédicellaire qui ont tous deux la même origine, mais RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 273 elle nous indique une différence intéressante dans le mode de déve- loppement subséquent de ces deux sortes d’appendices du test. Dans un piquant de Dorocidaris, le sommet est la partie la plus jeune; dans un pédicellaire, au contraire, c’est la partie la plus âgée. IV.— Dans ces derniers temps, 0. Hamann! a décrit chez le Sphæ- rechinus granularis de nouveaux organes répandus sur la surface du test, auxquels il donne le nom de globiferes (globiferen). Quoique l’auteur ne nous ait fait encore connaître ces organes que par une. courte note, il est bon, d'ores et déjà, de faire quelques réserves. Les globifères existent chez le Sph. granularis tels que les décrit Hamann, la question est de savoir si ce sont des organes réellement distincts des pédicellaires, et voici pourquoi: On sait qu'il existe sur la tige de tous les pédicellaires gemmi- formes du Sph. granularis trois glandes volumineuses plus ou moins sphériques, munies chacune d’une ouverture par où elles laissent échapper un mucus abondant. Ces glandes ont été décrites par Fœæt- tnmger ?, puis par Kœhler 5, et sont connues de tous ceux qui ont eu entre les mains un Sphærechinus, Fœttinger a aussi observé de sem- blables glandes chez l’£', melo et l’'£chinometra subangularis. Ces glandes ont exactement les mêmes caractères que ceux assi- gnés par Hamann aux trois glandes des Globifères et se présentent en même nombre. Supposons un pédicellaire gemmiforme dont la Lête a été détachée, ce qui est très fréquent chez le Sphærechinus, il restera sur le test une tige portant trois glandes et, si de plus la portion de la hampe qui dépasse ces glandes vient à se résorber el à disparaître, ce qui est très possible, on aura un Globifère parfait. Dans ce cas, le Globifère ne serait qu'un reste de pédicellaire. Je ne crois pas que l’habile histologiste de Gœttingen ait commis 1 Loc. cit, ? Structure des pédicell. gemmiformes du Sphærechinus granularis (Arch. biol., t. II, 1881). 3 Loc, cit. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GËN, == 2€ SÉRIE. — T. Y. 48S7, 18 274 | HENRI PROUHO. cetté méprise, mais du moins il eût été bon dé discutér ce cas ém- barrassant. Écartons cette hypothèse et admettons que le Globifère n’a jamais eu de tête de pédicelläire: D’après ce qui vient d'être dit sur le développement de ces der- niers organes, le Globifère ne peut pas être un jeune pédicelläire, puisque la tête serait développée en premier lieu; ce ne peut être autre Chose qu’un pédicellaire gemmiforme dont la tête a avorté, et .ilest probable qu’on retrouvera les Globifères seulement chez les espèces qui possèdent des pédicellaires dont la hampe est munie de poches à mucus. TUBE DIGESTIF, I. — Quand on décrit l’organisation d’un Oursin, on le suppose généralement placé dans sa position naturelle, c’est-à-dire la bouche en bas. Nous n’adopterons pas cette orientation et nous pläcerons le Dorocidaris sur son pôle apical, la bouche en haut. Ce retournement de l’'Oursin peut, au premier abord, sembler inopportun ; voici les raisons qui nous ont paru le légitimer : | Le jour où les auteurs compétents se seront mis d'accord pour établir la morphologie des Échinodermes, il sera nécessaire d'adopter une orientation unique et, si l’on parvient à suivre la phylogénie de ces êtres, il est tout naturel de penser que le point de départ sera fourni par les Crinoïdes. | Or, ceux-ci, dans leur position normale, ont la bouche tournée vers le haut; on devra donc, pour faciliter les rapprochements et les comparaisons, placer également en haut la bouche des Astéries, des Ophiures et des Oursins. Quant aux Holothuries, cette position se trouvera toute naturelle pour un certain nombre d’entre elles. Ce n’est certainement pas en donnant une orientation convention- nelle à un être que l’on peut modifier la valeur morphologique d’un RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 275 organe, mais si cette position conventionnelle a pour effet de faci- liter les comparaisons, ne doit-on pas l’adopter ? On objectera que, puisque les Échinodermes ayant la bouche tournée vers lé bas, sont en majorité, il est plus logique de changer la station de la minorité et qu’il faut, par conséquent, retourner les Crinoïdes ét les Holothuries. Telle n’est pas notre manière de voir, car, en plaçant tous les Échinodermes la bouche en haut, non seulement on tient compte . de la station du type primitif, mais encore on se conforme à une règle que l’on est instinctivement porté à suivre et qui consiste à ‘placer en haut la bouche de tous les animaux que l’on décrit, ILy a longtemps déjà que M. de Lacaze-Duthiers a fait ressortir les avantages de cette règle, soit dans ses travaux, soit devant ses auditeurs de la Sorbonne. Si l’on voulait s’astreindre à figurer et à décrire chaque animal dans sa station préférée, on arriverait, et cela dans un même ordre, à des oppositions qui rendraient parfois les descriptions embarrassantes. Quand un zoologiste figure un être dont il ignore la station nor- male, soit parce qu’il n’a pu l’observer, soit qu’en réalité une station quelconque est indifférente à l'animal en question, comme c'est le Cas pour certaines formes pélagiques, il ne manque pas de se con- former à la règle énoncée plus haut et, s’il ne le fait pas, ceux qui ‘viennent après lui rectifient l'orientation d’un commun accord. J. Müller, dans ses beaux mémoires sur les formes larvaires d'Échinodermes, a orienté tous les Pluteus la bouche en bas. Les observateurs qui lui ont succédé ont renversé la position de la larve etils ont bien fait; quoique, si on se place au point de vue de la station naturelle du Pluteus, il n'y ait aucune bonne raison à invo- -Quer pour donner tort à Müller. | | Nous placerons le Dorocidaris la bouche en haut et quant à Son orientation autour d’un axe vertical, nous suivrons les vues de _Loven, pour qui ie radiusIll est antérieur et la plaque madréporique droite antérieure si l’animal est placé sur la bouche, gauche an- 976 HENRI PROUHO. térieure s’il est placé sur son pôle apical; cette plaque appartient à l'interradius II. II. Appareil masticateur et Pharynx. — Le D. papillata possède un appareil masticateur ou Lanterne, construit sur le même plan que celui des autres Oursins réguliers ; sans nous attarder à une description détaillée de cet appareil, nous rappellerons quelques- uns de ses caractères propres aux Cidaridés et nous insisterons sur ses rapports avec le pharynx et la membrane péristomienne. Les dents du Dorocidaris ne possèdent pas de carène dentaire (crista-dentalis, Val.). Leur extrémité inférieure ou plume (chez les Échinidés) ne fait point saillie au dehors de l'ensemble de l'appareil ; il n’y a pas de sacs dentaires. Les arcs transverses des mâchoires ne sont pas soudés. Les apophyses du test ou auricules, sur lesquelles s'attachent les muscles des mâchoires, appartiennent aux plaques interambu- lacraires. Elles ne se soudent deux à deux au-dessus des rad! que dans les vieux individus. Les pièces articulaires (faux) ne présentent rien de particulier ; les branches des pièces en Y (compas) sont très courtes et bilobées. Comment la membrane péristomienne est-elle attachée à l’appa- reil masticateur ? Sur le pourtour de l’orifice buccal, cette membrane forme une lèvre circulaire revêtue d’un épithélium qui rappelle celui de l’extré- mité supérieure du pharynx, et par sa couleur et par la forme de ses cellules. Les cinq arcs de cette lèvre correspondant aux cinq mâchoires sont rattachés à l’extrémité de ces dernières (pl. XVIIL fig. 4, 2), et les cinq parties correspondant aux radii se replient plus profondé- 1 Les cas de soudure des auricules sont assez fréquents chez les Dorocidaris de grande taille, il sera donc prudent, si l'on veut conserver dans les caractères des Cidaridés l'indépendance des auricules, d’ajouter que ce caractère est seulement applicable aux individus encore en voie de croissance, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 277 ment vers l'intérieur pour venir se souder à la paroi pharyngienne, dans l'intervalle de deux mâchoires (pl. XVII, fig. 1). De plus, la membrane péristomienne est, dans chacun de ces intervalles, solide- ment attachée aux extrémités des mâchoires. La partie du tube digestif, comprise dans l’appareil masticateur, a été appelée pharynz. Sa forme générale est celle d’un prisme droit à base pentagonale; les faces du prisme sont opposées aux mâ- choires et sont, par conséquent, interradiales, tandis que les arêtes correspondent aux aires ambulacraires. Vers l'extrémité buccale du pharynx, ces arêtes s’incurvent pour pénétrer entre deux mächoires contiguës, dans le radius correspondant (pl. XVII, fig. 1, ar ; pl. XVIL, fig. 4, ar). Le pharynx présente cinq lèvres situées vis-à-vis des dents dans la gouttière desquelles elles sont logées (pl. XVII, fig. 1, /), Chacune d'elles est formée par un repli de la paroi pharyngienne dont la sec- tion représente un S (pl. XVII, fig. 1, /); à l’un des ventres de l’S correspond la lèvre, tandis que l’autre forme un bourrelet (8) saillant vers l'intérieur. Après s'être repliée de la sorte, la paroi du pharynx s'attache à l’intérieur de la mâchoire correspondante, par une mem- brane conjonctive (9) (pl. XVII, fig. 1 ; pl. XVII, fig. 2). Avec les cinq lèvres pharyngiennes, alternent cinq sillons au fond desquels les lèvres péristomiennes (/p) se soudent par accolement à la couche épithéliale du pharynx. Toute communication entre l’intérieur et l'extérieur du test est donc impossible au pourtour des dents; il importe d’insister sur ce point, car Stewart’ est d'avis qu’elle doit exister. Le pharynx a, avec l’appareil masticateur, des attaches plus solides que celles dont nous venons de parler. Il est suspendu par dix lames conjonctives (pl. XVII, fig. 4 ; pl. XVII, fig. 1, s), renforcées surleurs bords libres par un cordon musculaire, situées de part et d'autre des arêtes pharyngiennes. Ces lames sont fixées aux mâchoires, aux 1 Loc. cil, 278 HENRI PROUHO. angles internes de leurs faces latérales, tout près des pièces artieu- laires ; elles se prolongent au delà jusqu'à la membrane de revête- ment de tout l'appareil, tandis que, vers la bouche, elles se réunis- sent par paires correspondant aux faces du pharynx, et se terminent en bordant l’infundibulum de la lèvre (pl. XVIL, fig. 4, s). En outre, le pharynx est solidement attaché aux mâchoires par cinq paires de ligaments (#”) qui, naissant de la paroi pharyngienne, passent à angle droit sur l’anneau nerveux et vont se fixer à l’inté- rieur des mâchoires, le long des bords de la dent (pl. XVII, fig. 1,2). IT. C'avité péripharyngienne. — L'ensemble de l'appareil mastica= teur est recouvert par la membrane désignée par Valentin ‘! sous le nom de membrane de la lanterne. Gelle-ci, soudée tout autour de l’æœsophage dans le plan de séparation de ce dernier et du pharynx se moule sur les mâchoires et leurs muscles et se continue avec la membrane de revêtement de la cavité générale en enfermant ainsi l’appareil masticateur dans une chambre close sans aucune communication possible avec le reste de la cavité périviscérale, Il est important de s'assurer de ce fait et la chose est aisée; on y arrive soit en constatant que des injections, pratiquées dans l’in- térieur de la cavité en question, ne peuvent pas pénétrer dans la cavité générale, soit en observant que le liquide renfermé dans l’ap- pareil masticateur ne peut s’en échapper après que l’on a fait écouler tout le liquide périviscéral; enfin, une dissection attentive montre que, nulle part, il n'y a la moindre solution de continuité dans la membrane de revêtement. | La cavité péripharyngienne, isolée dans la cavité générale, pré- sente cinq diverticulums qui correspondent à cinq appendices volu- mineux formés par la membrane recouvrante (pl. XVII, fig. 4, 3, 5 ; pl. XIX, fig. 4, sé), Ces organes, gonflés parle liquide péripharyngien, naissent dans l’angle des ligaments obliques ; ils sont gracieusement i Loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 279 recourbés en arc et portent, du côté convexe, deux rangées de proéminences mamelonnées. De chaque côté des pièces en Y $e trouvent de petits mamelons semblables à ceux des organes en question. La membrane qui forme ces derniers ne diffère pas de ce qu’elle est en tout autre point de l'appareil masticateur ; de nature conjonc- tive, très délicate, elle renferme de nombreux spicules et est revêtue sur ses deux faces d’un épithélium vibratile. Il est intéressant de remarquer que les spicules manquent dans les cæcums secondaires et que la membrane y acquiert une plus grande délicatesse que dans le reste de l’organe. Stewart ‘ a, le premier, fait connaître ces singuliers appendices de la lanterne du Dorocidaris, et,-jusqu'ici, on ne les connaîl point ailleurs que chez les Cidaridés, L'auteur anglais les a décrits et figurés ayec exactitude ; mais, il émet, sur leurs fonctions, une Opinion que nous aurons à discuter plus loin. Pour lui, ces appen- dices remplaceraient fonctionnellement les branchies externes absentes. Disons tout de suite que nous ne pouvons admettre cette manière de voir, que le nom de branchie ne peut conyenir à ces organes et que, ne trouyant dans la série des êtres rien qui puisse leur être comparé, nous proposons de les désigner sous le nom de: Organes de Stewart. IV. Œsophage et intestin proprement dit, — Immédiatement à la suite du pharynx vient l’œsophage, qui débouche dans l'intestin proprement dit, après un parcours plus ou moins sinueux (pl. XVII, fig. 3, 4; pl. XIX, fig. 1, 6). Celui-ci présente les: circonvolutions typiques souvent décrites chez les Échiniens,. | Le Dorocidaris étant placé sur son pôle apical, le radius Ill en avant, l'intestin va de gauche à droite (par rapport à l'observateur) et atteint le radius IT, qu'il ne dépasse pas. Li ‘ Loc. cit. 280 HENRI PROUHO. Cette première circonvolution constitue la première courbure; elle forme de gracieux festons moulés sur les glandes génitales et s’éten- dant depuis les environs du péristome jusqu'à une petite distance de la rosette apicale (pl. XVIIL, fig, 1, 3). Il n'existe pas ici de cæcum stomacal à la rencontre de l’œsophage et de l'intestin. La couleur de cette première courbure, d’abord brune-violacée, comme l’œsophage lui-même, passe peu à peu à un brun-jaunâtre, qui se maintient jusqu’au radius II. Dans cette région, l'intestin se réfléchit, chemine en sens inverse (de la droite à la ‘gauche de l'observateur) et atteint ainsi l’orifice anal par l'intermédiaire d’un court rectum (pl. XV, fig. 49; pl. XVII, fig. 2, r}. Cette seconde circonvolution est la deuxième courbure ; sa longueur développée est beaucoup moins considérable que celle de la première, quoique son parcours angulaire soit en réalité le même. Elle se distingue, en outre, par la plus grande délicatesse de ses parois, par sa couleur toujours plus claire, et est séparée de la pre- mière par un étranglement très apparent (masqué dans la figure 2 de la planche XVIIT). Elle est entièrement recouverte par les glandes génitales (pl. XVIII, fig. 1). La figure (2) de la planche (XVIII) représente l’ensemble de ces deux courbures chez le Dorocidaris et peut servir de schéma pour la description des circonvolutions de l'intestin d’un Oursin quel- conque. On voit que le radius IIT, placé en avant par Loven après une étude approfondie de la structure du test, se distingue des autres par ce fait, que les circonvolutions intestinales ne le traversent pas et que, en somme, il correspond à une particularité anato- mique impaire, qui se retrouve dans le radius IIT des Spatangues et des Clypéastres. Les circonvolutions intestinales sont accompagnées par deux lames mésentériques, l’une interne, l’autre externe. La lame interne semble se terminer avec l’œsophage sur la membrane de la lan- terne, mais, en réalité, elle forme autour de lui un anneau com- RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 281 plet, reparaît dans l’interradius 2, et longe de nouveau l’æœsophage (mo) qu'elle rattache à la glande ovoïde, elle atteint ainsi le dessous de la rosette apicale et là forme un anneau pentagonal qui relie entre elles les cinq glandes génitales (pl. XVIIE, fig, 4). Suit-on cette lame mésentérique interne vers le rectum, on voit qu’elle atteint ce dernier, l'entoure, et en même temps s'attache à la glande ovoïde (pl. XV, fig. 19, mi), pour l'accompagner jusqu’à la lanterne, avec la membrane de laquelle elle se confond. Quant à la lame mésentérique externe, c’est elle qui attache au test les circonvolutions intestinales sur tout leur parcours. Elle entoure le rectum en se confondant avec la lame mésentérique interne, et, vers l’œsophage, elle se termine en se soudant à la lame (mo) (pl. XVIII, fig. 3), qui relie ce dernier à la glande ovoïde. V. Histologie du tube digestif. — Disons tout de suite que, chez le Dorocidaris, les parois du tube digestif comprennent les mêmes couches fondamentales que chezles Échinidés, à savoir : épithélium externe vibratile, couche musculaire à fibres transversales et longi- tudinales, couche conjonctive, et enfin, épithélium interne vi- bratile. L’épithélium externe est pavimenteux, composé de petites cellules à contour polygonal. Si l’on se contentait d’étudier ces cellules sur des coupes transversales, on aurait une idée fausse de leur forme; en effet, il arrive que, par l’action des réactifs, le protoplasma de chacune d'elles se contracte en entraînant la membrane limitante, qui se moule exactement sur le noyau, de telle sorte que la cellule tout entière semble réduite à ce dernier, qui reste attaché à la couche sous-jacente. Il faut, pour avoir une idée exacte de cet épi- thélium, l’examiner à plat après l’action du nitrate d'argent. La couche épithéliale enveloppant l'intestin se continue sur tous les organes et tapisse toute la surface interne du test en conser- vant toujours les mêmes caractères. Nous n’insisterons pas sur les modifications de la couche muscu- 282 . HENRI PHOUHO. laire dans les diverses régions du tube digestif, nous contentant de dire qu'ici comme chez les Echiniens’, les fibres longitudinales sont rares. La couche conjonctive contient toujours et partout de nombreux spicules calcaires de formes variées, mais qui peuvent, en général, se ramener à celle d'une petite plaque à bords déchiquetés et percée de trous. Elle forme dans le pharynx cinq bandes longitudinales à section triangulaire, correspondant aux faces du prisme (pl. XIX, fig. 2, f). Ces bandes se perdent dans les lèvres pharyngiennes et se conti nuent, d'autre part, avec la couche conjonctive de l’æsophage, où les cinq plis du pharynx sont remplacés par des plissements beau- coup plus nombreux, longitudinaux et transversaux. Arrivée dans la première courbure, cette couche conjonctive diminue beaucoup d'épaisseur, et, tout en renfermant toujours à sa périphérie d'innombrables spicules, présente vers l’intérieur de nombreux canalicules, qui constituent le réseau des absorhbants intestinaux. Elle conserve ce caractère jusqu’à une petite distance du rectum, dans Ja deuxième courbure; puis les lacunes du réseau disparaissent et la couche conjonctive se poursuit jusqu'à l’orifice anal, où elle se continue avec la membrane péri-anale. Les trois couches : épithéliale externe, musculaire et conjonc- tive, dont nous venons de parler, prennent part à la formation des lames mésentériques. La couche épithéliale interne est celle dont les modifications sont les plus intéressantes à suivre?. Une coupe transversale du pharynx montre qu’il présente à l’intérieur cinq replis longitudinaux produits par les bandes conjonctives dont nous avons parlé plus haut ; l'épi- 1 Kœhler, loc. cil. 2 Je n’ai pas figuré en détail les diverses formes de cellules de cette couche épi- théliale, ne voulant pas trop multiplier les dessins déjà très nombreux de ce mé- moire ; la forme type à laquelle on peut les rapporter est celle d’une cellule longue, effilée à la base, qui renferme le noyau, renflée au sommet. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 283 thélium suit tout naturellement ces plis et forme sur la coupe une rosace à Cinq lobes qui correspondent à autant de sillons alternes avec les plis. Or, les éléments épithéliaux sont différents, selon qu’on les considère dans les sillons ou sur les plis. Sur ces derniers, on trouve des cellules longues, étroites, parmi lesquelles un grand nombre présentent une extrémité caliciforme, laissant échapper un mucus abondant. Ces cellules sont mises en évidence par l’hématoxyline. Mais la double coloration au carmin boracique et au vert de méthyle est bien plus instructive., On voit, en effet, sur des coupes ainsi traitées que ces cellules glandulaires sont de deux sortes; qu’elles sécrètent deux mucus distincts, dont l’un fixe très fortement le carmin et est très nettement granuleux, tandis que l’autre retient exclusivement le vert de méthyle et paraît de consistance homogène. Dans les sillons, ces cellules caliciformes sont très rares et sont remplacées par d’autres plus courtes en massue, à contenu finement _granuleux, se colorant par le vert de méthyle et l'hématoxyline. À la base de la couche épithéliale, sur toute la périphérie du pha- rynx, il existe, en outre, une assise continue de petites cellules piriformes, dont il est difficile de comprendre le rôle, mais que je regarderai volontiers comme produisant le pigment brun-violacé qui abonde souvent en cet endroit. Enfin, il faut signaler des amas de granulations brunes, sphéroi- dales, qui, chez les vieux individus, se développent en abondance entre les cellules épithéliales, où se glissent aussi fréquemment des globules müûriformes. | Quoi qu'il en soit, l’épithélium pharyngien est caractérisé par la présence des deux espèces de cellules à mucus signalées en pre- mière ligne. Ces cellules doivent jouer un rôle important dans la préparation des aliments; elles remplacent probablement les glandes salivaires absentes. | L'épithélium de l’æsophage est formé par des cellules identi- ques à celles des sillons du pharynx ; il n’y a pas de cellules à mucus. 284 HENRI PROUHO. Sur le vivant, les cellules épithéliales de l’æœsophage sont hyalines ou très peu colorées. Il n’en est plus de même dans la première courbure, où elles de- viennent opaques et prennent une teinte jaunâtre très nette. Ces changements sont produits par l'apparition de nombreuses granula- tions jaunes qui remplissent l'extrémité renflée de chaque cellule. D'ailleurs, ces dernières sont toutes identiques entre elles et ne dif- fèrent de celles décrites chez le Strg. lividus par M. Kœhler que par leurs dimensions. Elles sont très sensiblement plus larges. À partir de ‘la deuxième courbure, ces cellules deviennent plus petites, moins riches en granulations, et enfin, dans le rectum, elles sont complètement hyalines. De cette étude rapide, il résulte que les différentes régions dis- tinguées dans le tube digestif du Dorocidaris sont caractérisées, non seulement par leurs formes, dimensions et positions respectives, mais encore par des caractères propres à chacune d'elles, fournis par leur épithélium interne, et il est certain qu’à chacune de ces régions est réservé un rôle spécial dans le phénomène de la di- gestion. Les aliments subissent dans le pharynx, puis dans l’œsophage, une préparation qui les rend aptes à abandonner les matières assimilables qu'ils renferment pendant leur séjour dans la pre- mière courbure, où l'absorption est le plus active. Ce dernier phénomène continue également dans la deuxième courbure, mais avec moins d'intensité, et il cesse très probablement de se produire dans sa dernière portion. Tout porte à croire que c’est dans cette partie du tube digestif que les excreta s’agglomèrent pour former les petites boules que l’Oursin rejette par son anus, et que Rondelet comparait à des pilules. Par quel mécanisme s'effectue le trajet des matières alimentaires dans le tube digestif? L'observation directe est ici impossible ; on ne peut faire que des hypothèses. : RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 285 On comprend sans difficulté comment les mouvements mastica- toires des cinq dents forcent les particules broyées à entrer dans le pharynx. Arrivés dans cette première partie du tube digestif, les ali- ments sont conduits par les contractions successives des fibres mus- culaires transversales de l'intestin et aussi par le mouvement des cils vibratiles qui recouvrent toute la muqueuse intestinale et pro- duisent un courant continu allant de la bouche à l’anus. Les fèces s'accumulent ainsi peu à peu dans la deuxième cour- bure, encombrent le rectum, et l’orifice anal, cédant sous la pres- sion, s'ouvre pour donner passage aux boules excrémentitielles, qui s’échappent au dehors. VI, — On remarquera que jusqu'ici il n’a point été question d’un organe bien connu non seulement chez les Oursins' réguliers, mais encore chez les Spatangides, où il a été d’abord découvert. M. Per- rier ‘, qui l’a étudié chez quelques Échiniens, lui a donné le nom de siphon intestinal. Plus tard, Teuscher* l’a décrit à nouveau et a donné une coupe qui fixe très exactement ses rapports avec le tube digestif. Le siphon intestinal est un canal qui «naît de l’extrémité de l’œso- phage, tout près du point où celui-ci s'ouvre dans le sac stomacal, longe le bord interne de l'intestin et s'ouvre de nouveau dans cet organe, tout près de son point de réflexion. » Nous savons, en outre, par les recherches de Teuscher et de M. Kœhler, que les parois de ce canal sont tapissées d’un épithélium présentant de grandes analo- gles avec celui de l'intestin lui-même. Le siphon intestinal n'existe pas chez le Dorocidaris ; il est aisé de s'en convaincre soit par desinjections poussées dans le tube digestif, soit par simple dissection. Toutefois, l'examen de coupes transver- 1 Loc. cit. ? Loc. cit. 3 Perrier, loc. cit. 286 HENRI PROUHO. sales à l'intestin vient corroborer ces premières observations et est particulièrement instructif. On voit sur ces coupes que la lame mésentérique interne est di- rectement attachée à la paroi de l'intestin lui-même et que cette lame ne contient dans son intérieur aucun canal] pouvant être com- paré à un siphon (pl. XV, fig. 8). Mais on voit, en outre, qu'immé- diatement au-dessus du point d'attache du méséntère, la muqueuse dé l'intestin ést sensiblement modifiée et forme là deux replis beau- coup plus développés que les voisins, composés de cellules très différentes de celles qui constituent l’épithélium du reste de l'intestin. Elles sont plus longues, plus étroites; leurs noyaux, moins volumi- neux, se colorent très fortement par les réactifs, ne paraissent pas granuleux et sont placés à des hauteurs très variables dans le corps des cellules; enfin, les extrémités distales de ces dernières sont hyalines, non renflées en massue, dépourvues de granulations jaunâtres. Examine-t-on maintenant à la loupe la couche épithéliale interne de l'intestin, on aperçoit distinctement tout le long de la ligne d’in- sertion de la lame mésentérique interne deux séries régulières de _replis (ceux dont nous venons de parler) plus développés, mais moins colorés que les voisins et limitant une sorte de gouttière qui, com- mençant à l'extrémité postérieure de l’œsophage, suit le bord interne de la première courbure pour se terminer au commencement de la deuxième. Cette gouttière parcourt exactement le trajet que suivrait le siphon s’il existait, on ne la retrouve point chez les Oursins pour- vus de ce dernier organe, et il paraît logique de la considérer commé la première indication du siphon intestinal chez les Échi- nides. | | Mais si cette gouttière peut être considérée commé l'équivalent morphologique du siphon, elle ne saurait le suppléer dans son rôle physiologique, de telle sorte que nous nous trouvons en présence d'Oursins réguliers, chez lesquels tous les phénomènes dépendant RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 287 dé l'existence du siphon sont supprimés; et, s’il est vrai, comme le pense M. Perrier, que cet organe assure dans la dernière courbure un renouvellement d’eau suffisant pour permettre une respiration efficace du liquide périviscéral au contact des parois de la dernière circonvolution, les Cidatis sé trouvent, à ce point de vue, dans un état d'infériorité évident. GLANDES GÉNITALES. Comme chez les autres Oursins, chacune d'elles présente de part et d'autre d’un canal excréteur de très nombreuses ramifications terminées en culs-de-sac, dans lesquelles se développent les œufs ou les spermatozoïdes. Aucun caractère extérieur ne distingue une glande mâle d’une glande femelle et les sexes des individus ne sontindiqués par aucune particularité de forme, de taille ou de couleur. Les parois des culs-de-sac et ramifications sont très résistantes et renferment, comme toutes les autres membranes des Dorocida- ris, de nombreux spicules calcaires qui ont été décrits par Stewart, Chaque glande est attachée au test par une membrane qui est siluée dans son plan de symétrie et longe le canal excréteur, avec les parois duquel elle se confond. En outre, la glande présente de très nombreuses attaches secon- daires, soit avec le test, soit avec les organes voisins. Ces attaches sont de petites brides conjonctives nées des parois de la glande et soudées avec la membrane de revêtement de la cavité générale ou avec les parois du tube digestif et sa lame mésentérique externe. Le développement énorme des cinq glandes est leur trait le plus caractéristique. Elles encombrent les aires interambulacraires depuis le rectum jusqu’au voisinage du péristome. Vers le pôle apical, leurs ramifications sont tellement développées (pl. XVII, fig. 1), 1 Loc, cit, 288 HENRI PROUHO. qu’elles se touchent toutes d’une glande à l’autre au travers des brides qui soutiennent la deuxième courbure et qu'ainsi 1l paraît y avoir, tout autour de l’anus, un anneau constitué par une seule glande. Mais il ne faut pas s’y tromper ; malgré leur apparente con- fusion, les cinq glandes conservent toujours chacune leur indépen- dance propre. Leurs culs-de-sac se touchent, s’attachent même les uns aux autres par de petites brides conjonctives, mais ne se fu- sionnent jamais. Cette remarque nous conduit à insister sur l'indépendance des canaux excréteurs eux-mêmes. Les cinq glandes génitales sont reliées par un anneau pentagonal (pl. XVII, fig. 4) entourant le périprocte et formé par une dépen- dance de la lame mésentérique qui rattache l’œsophage à la glande ovoïde. La membrane qui forme cet anneau est continue avec l’en- veloppe des glandes, qui se trouvent ainsi n'être elles-mêmes qu'une dépendance de la portion du mésentère, mentionné plus haut; chez un adulte elle n’est pas entière, mais bien réticulée, comme le montre la figure (4) de la planche (XVII), et n’est rattachée au test que par ses bords internes et externes ; l’espace compris entre elle et le test appartient à la cavité générale. Nous aurons à revenir plus loin sur le pentagone génital, et nous verrons que la membrane qui le constitue contient dans son épais- seur un réseau lacunaire interstitiel appartenant au système lacu- naire viscéral (sanguin). Les extrémités des canaux excréteurs des glandes génitales sont masquées par l'anneau en question, mais si on soulève celui-ci, après l'avoir convenablement incisé, on aperçoit les canaux excréteurs pénétrant dans les pores génitaux correspondants et on voit, sans aucun doute possible, qu'ils ne sont reliés les uns aux autres par aucun canal circulaire. Ils sont indépendants, chacun porte au dehors les produits de sa glande; il est impossible qu'un œuf ou un spermatozoïde, né dans une glande, soit expulsé par le pore de la glande voisine. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 289 Ce n’est pas ainsi qu’il faudrait comprendre l’appareil génital d’un Echinus sphæra d’après M. Perrier. Cet auteur, discutant l'existence du canal circulaire péri-anal mentionné par quelques-uns de ses prédécesseurs, dit : « Il est pos- sible cependant de retrouver un canal circulaire autour de l'anus. Il faut pour cela enfoncer la canule de la seringue dans le canal excré- teur de l’une des glandes génitales et pousser l'injection vers le haut, On la voit alors remplir un canal circulaire et, de là, refluer en partie dans les canaux excréteurs des quatre autres glandes génitales et sortir en partie par les pores génitaux, Ce canal est donc une dépen- dance de l'appareil génital; c’est là que s'ouvrent les canaux excré- teurs des ovaires et des testicules!.., » Les cinq canaux excréteurs des glandes génitales d’un Oursin déboucheraient donc dans un an- neau commun qui, lui, communiquerait avec l'extérieur par les cinq pores génitaux. Ayant constaté que cette manière de voir n’était pas l’expression de la réalité chez un Cidaris, j’ai dû chercher à voir si l’appareil génital d’un Echinus était autrement disposé et je me suis convaincu que chez l’£. Acutus et tous les Oursins que j'ai pu observer, y com- pris l’£,. Sphæra, les canaux excréteurs des glandes génitales sont absolument indépendants les uns des autres. La coupe représentée (pl. XXII, fig. 10), se rapportant à l’£. 4cu- tus, indique suffisamment la façon dont se termine un canal excré- teur dans le pore correspondant. Elle montre également que ce canal débouche au sommet d’une papille qui surmonte le pore. Cette papille existe chez les Dorocidaris mâles et femelles ; elle est colorée en rouge-brun foncé et très développée à l’époque de la maturité sexuelle. LArch, Zool. exp., t. LV, série 4, 1875, p. 614, ARCH. DE ZOOL, EXP, FT GÉN. = 2€ SÉRIE, — T, V. 18874 19 290 HENRI PROUHO. SYSTÈME NERVEUX INTERNE. I. — Chez le Dorocidaris, comme chez tous les Oursins réguliers, le pentagone nerveux est appliqué sur la paroi du pharynx, au ni- veau de l'extrémité des mâchoires. Une dissection attentive permet d'observer ce pentagone en place (pl. XVII, fig. 1, N); chacun de ses côtés fournit une paire de filets () qui, à première vue, pourraient être pris pour des nerfs, mais sont, en réalité, des ligaments très résistants s’attachant, d’une part, aux mâchoires (pl, XVII, fig. 2, é), et, d'autre part, aux parois du pharynx qu’ils soutiennent (f'). Ils traversent à angle droit les côtés du pentagone nerveux et se confondent au passage avec son enveloppe. De chaque sommet du pentagone naît un tronc nerveux (nerf ambulacraire) qui, passant entre les mâchoires, se dirige le long du radius correspondant en suivant la ligne de suture médiane des plaques ambulacraires et{pénètre, à son extrémité, dans le pore ocellaire. Depuis son point de départ, c'est-à-dire depuis le sommet du pentagone, jusqu’au moment où il atteint le bord du péristome, ce nerf repose sur une membrane conjonctive, qui est, en réalité, un dédoublement de la membrane péristomienne et qui limite une cavité ne communiquant ni avec la cavilé générale, ni avec l'extérieur (pl. XIX, fig. 1; pl. XVII, fig. 5, 6, 7). Si les nerfs ambulacraires re- posaient directement sur la membrane péristomienne, ils seraient soumis aux contre-coups de toutes les déformations de cette mem- brane, tandis que, de la sorte, ils se trouvent plus isolés. D'ailleurs, quand on examine avec attention l’ensemble des dispositions anato- miques nécessitées par la complication de l'appareil masticateur, on trouve tout naturel qu’il se soit ainsi formé une sorte de pont sous chaque nerf ambulacraire, pour racheter la différence d’épais- seur existante entre le test et la membrane péristomienne, et faci- liter au nerf la traversée du péristome. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 291 Une coupe transversale du nerf ambulacraire, faite à une petite distance des auricules (pl. XVII, fig. 3), nous montre que ce nerf n'est pas une simple bandelette nerveuse, mais bien un tube aplati dans lequel on doit distinguer deux parties : l’une interne (n), l’autre externe (»'), et entre les deux, la lumière du tube (w), La partie in- terne est épaisse et contient les éléments nerveux, fibres et cellules ; la partie externe (»') est uniquement conjonctive (dans la prépa- ration représentée, elle était envahie par des granulations pigmen- taires), mais, quoique cette dernière ne contienne pas d'éléments nerveux, nous devons la considérer comme faisant partie du nerf, en ce sens qu elle est formée par le névrilemme. Examinons main- tenant d’autres coupes du même radius (pl. XVII, fig. 4-9), nous ne retrouvons plus la lumière (w) du tube; les deux parties (n, n) se sont accolées et l'ont oblitérée. Il y a par conséquent ma- tière à discussion; laquelle des deux coupes (3) (4) représente la réalité? Ne doit-on pas admettre que l’espace (w) a été ac- cidentellement produit par les réactifs, et que, dans la réalité, le tube formé par le névrilemme est bouché par l’accolement des parois? Quelle que soit l'interprétation adoptée, il n'en reste pas moins acquis que les deux parties (7) (n') existent et qu’elles comprennent entre elles un espace au moins virtuel. Nous 'appel- lerons espace intra-nervien, l’espace ainsi défini entre la partie interne et la partie externe du tube nervien. Suivons-le vers le pharynx. Les coupes transversales (4, 5, 6, 7), de plus en plus rapprochées de ce dernier, nous montrent le nerf toujours divisé en deux parties (x) (x'), mais une seule coupe longitudinale est bien plus instructive. On voit sur cette coupe (pl. XIV, fig. 9) que la partie interne (n), celle qui, en réalité, contient les éléments nerveux, se termine dans la paroi même du pharynx et se perd dans sa couche épithéliale (es), tandis que la partie externe (»') se continue avec l’épithélium de la lèvre péristomienne (ep), L'espace intra-nervien aboutit donc au point où s'accolent les deux épithéliums ei) et ep), et si la lu- 292 HENRI PROUHO. mière du tube n’était pas oblitérée, elle déboucherait à l'extérieur en (w). Une coupe passant par le milieu d’un des côtés du penta- gone (pl. XIV, fig. 10) montre que, dans cette région, le cordon nerveux (N) est également en continuité avec la couche épithéliale du pharynx, et on retrouve toujours l’espace virtuel (w) entre N)et N'), entre l’épithélium du pharynx et celui de la membrane (g) qui rattache le pharynx à la dent. Ce rapport du pentagone nerveux avec la couche épithéliale pha- ryngienne étant connu, il est inutile de rechercher s’il y a des filets nerveux spéciaux le mettant en relation avec cette partie du tube digestif, puisque sur toute sa périphérie il se confond, pour ainsi dire, avec elle. | Nous ne savons pas comment se développe le système nerveux d'un Oursin, mais sa constitution, chez un Dorocidaris adulte, nous engage à une hypothèse : L'anneau nerveux du Dorocidaris est constitué comme s’il s'était développé dans une invagination annulaire produite autour de la bouche, suivant la ligne idéale qui sépare l’ectoderme de l'endo- derme ; les nerfs ambulacaires sont ainsi faits, qu’ils paraissent pro- venir de cinq invaginations radiales de cet anneau; l’espace intra- nervien que nous avons, dans toutes les figures, désigné par (w), serait le vestige de la cavité de l’invagination supposée. Depuis le sommet du pentagone nerveux qui lui donne naissance jusqu’au pore ocellaire, le nerf radial est recouvert à distance par une membrane conjonctive bourrée de spicules calcaires, rattachée par ses bords au réseau du test, et formant au-dessus du nerf un espace tubulaire clos (espace périnervien) isolé de la cavité générale (pl. XVIL fig. 3-9). Cet espace contient en même temps les dépen- dances radiales du système vasculaire aquifère et du système lacu- naire viscéral. Le nerf ambulacraire émet, sur tout son parcours, des branches latérales ou nerfs tentaculäires qui pénètrent dans la paroi de chaque RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 293 tentacule en passant par celui des deux pores qui est le plus rap- proché du nerf ou pore interne. Ces nerfs tentaculaires sont con- stitués comme le tronc dont ils émanent. Ce sont des tubes dans la lumière desquels se continue l’espace intra-nervien (w). Les deux parties du nerf ambulacraire contribuent à la formation des branches latérales, et la paroi externe, qui dans le tronc prin- cipal ne renferme pas d'éléments nerveux, en acquiert dès la naïs- sance même de la branche latérale, de telle sorte qu’une coupe trans- versale de celle-ci présente des fibres nerveuses*tout autour de l’espace w (pl. XVII, fig. 11). Ceite coupe a été prise dans l’une des préparations voisines de la coupe (7); dans cette région, les branches qui se détachent du nerf ambulacraire doivent traverser en diagonale l’espace périnervien pour aller rejoindre le pore auquel elles sont destinées. Arrivé sur le bord du pore interne du tentacule qu’il doit innerver, le cordon nerveux se loge dans un sillon creusé dans la paroi du pore et aboutissant à l’encoche (x) (pl. XIV, fig. 2), visible à l'extérieur ; il chemine ainsi jusqu'à la surface du test. Une coupe transver- sale par rapport à ce nerf, c’est-à-dire tangentielle au test, pratiquée tout près du point d'émergence du nerf(pl. XIV, fig. 43), nous montre que celui-ci n’a point perdu son caractère essentiel pendant sa tra- versée du pore; les éléments nerveux entourent toujours un espace w. Examinons maintenant une coupe transversale du tentacule lui- même (pl. XV, fig. 10). Le nerf est devenu un simple cordon, il a laissé en route sa partie externe, qui s’est répandue à la surface du test pour constituer le plexus nerveux superficiel. La figure demi- schématique (pl. XIV, fig. 7) aide à comprendre cette disposition. La constitution histologique des nerfs ambulacraires et du penta- gone nerveux du Dorocidaris ne diffère pas de celle que les auteurs ont décrite chez les Échinidés. Les fibres sont très fines, courent toutes parallèlement à la direction du nerf; les cellules sont princi- palement situées sur la face externe de la partie interne du tube nervien, cependant on en trouve quelques-unes dans la masse 394 HENRI PROUHO. même du nerf. Celui-ci est traversé, normalement à sa surface, par de nombreux tractus conjonctifs qui se rattachent à l'enveloppe par de petits renflements (pl. XVII, fig. 10). Cette disposition est ana- logue à celle que Teuschér ‘ a figurée chez les Astéries et qui, à ma connaissance, n’a pas élé signalée chez les Échinides. Si nous réunissons ce qui vient d’être exposé avec les faits acquis dans le chapitre où il a été traité du système nerveux péri- phérique, nous aurons une notion à peu près complète de l’ensemble de l'appareil nerveux. Il reste à suivre les nerfs tentaculaires dans les tubes ambulacraires, ce qui sera fait à propos de ces derniers organes. Mais avant de passer outre, je dois insister sur un fait ana- tomique que m'a fourni l’étude de l’£'chinus acutus, je veux parler de l’innervation des glandes génitales. Il. /nnervalion des glandes génitales. — Chez VE, acutus, l'extrémité apicale d’un nerf ambulacraire est très curieuse à observer. On voit, sur des coupes de plus en plus rapprochées du pore ocellaire, que la bandelette nerveuse relevant ses bords se transforme peu à peu en gouttière à concavité interne et finit par former un tube complet autour du vaisseau aquifère, à une petite distance du pore (pl. XVI, fig. 4). Ce tube présente une partie enchâssée dans un sillon du test et une partie interne recouverte seulement par la membrane de revêtement de la cavité générale; la première (n) s'enfonce dans le pore et ressort à l'extérieur pour s'épanouir dans la peau (pl. XVI, fig. 2); la deuxième (»') reste sous la membrane qui la recouvre et fournit des fibres nerveuses à un anneau (ng) situé au bord externe et au-dessous de la membrane qui forme le pentagone génital, en suivant à peu près la ligne de raccord de celui-ci avec le test, Cet anneau nerveux est très apparent sur des coupes transversales (pl. XVI, fig. 6), on le suit par conséquent sans difficulté. On peut aussi arriver à le voir après coloration au chlorure d'or et par l’ob- servation directe de la membrane du pentagone génital. Il est con- 1 Beiträgé zur Analomie der Echinodermen Jena. Zeil. f. Natur.; 1876. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 295 tinu, passe au-dessus des conduits excréteurs des glandes génitales (pl. XXII, fig, 40) auxquelles il fournit des fibres nerveuses. Les fibrilles qui le constituent sont identiques à celles du nerf ambula- craire. Quant aux éléments ganglionnaires, je ne saurais affirmer s’il faut considérer comme tels les cellules situées à la surface de cet anneau; ceux qui connaissent quelle difficulté il y a à constater la nature nerveuse d’une cellule chez les Échinodernes, comprendront ma réserve. Quoi qu'il en soit, nous avons établi que l’£chinus acutus possède un anneau génital nerveux relié aux extrémités apicales des cinq nerfs ambulacraires, J'ai recherché cet anneau chez le Dorocidaris et je n’ai pu le trouver. Si l’on compare la coupe (4) de la planche (XIV) à la coupe analogue de l’Z, acutus, on voit que chez le Dorocidaris le nerf ambu- lacraire ne présente pas, à l’entrée du pore, la disposition particu- lière signalée précédemment. Faut-il en conclure que les glandes génitales du Dorocidaris ne sont pas innervées ? nullement. Chez V’Æ. acutus, l’innervation se fait par l'intermédiaire d’un anneau, reste à découvrir comment elle a lieu chez les autres Oursins. J'ai retrouvé l'anneau nerveux génital chez un jeune Sérongylocentrolus lividus de 4 millimètres, que j'avais mis en coupe pour étudier le développement des glandes génitales (pl. XXII, fig. 1, ng). FLUIDE PÉRIVISCÉRAL. Le liquide qui remplit la cavité viscérale du Dorocidaris est légère- ment rougeâtre et trouble. Pris dans un individu en parfait état et mis dans un verre de montre, il ne tarde pas à former un caillot (comme M, Geddes! l’a observé chez les Échiniens), contenant la majeure partie des éléments figurés, qui étaient auparavant libres dans le liquide. Ge sont ces éléments que nous avons étudiés à l'état vivant et après l’action des réactifs, afin de pouvoir les reconnaître 1 Observations sur le fluide périviscéral des Oursins (Arch. Zool. exp., série 1, t, VIII, 1879.) 296 HENRI PROUHO. dans tous les tissus où on les rencontre. Nous avons déjà plusieurs fois signalé la présence de certains de ces corpuscules dans-les tissus qui ont été étudiés jusqu'ici. La méthode suivie est des plus simples ; elle consiste à observer l'élément figuré vivant sous le microscope, puis à le soumettre, toujours sous le microscope, à l’action des réac- tifs habituels. Les changements de forme, s’il y en a, ainsi que les colorations particulières, sont suivis avec soin, et finalement les élé- ments observés sont montés en préparation, afin de constituer un témoin authentique. L'élément le plus abondant est le globule amæboide incolore à longs pseudopodes. Il est constitué (pl. XIX, fig. 7) par une masse de proto- plasma renfermant un gros noyau finement granuleux. Ce noyau n'est pas toujours visible sur le vivant; il faut, pour qu'il apparaisse, que la couche protoplasmique qui le masque soit suffisamment amincie par l'allongement des pseudopodes. Je n’ai jamais vu les pseudopodes d'un même Amibe former des arcs de cercle, comme ‘ cela a lieu chez les Échiniens. Ces Amibes, en se réunissant les uns aux autres, constituent des plasmodes qui englobent peu à peu les corps environnants et finissent par former le caillot. Traités par l’alcool à 45 degrés, les globules à longs pseudopodes ne sont pas sensiblement déformés ; l’éosine les celore, ainsi que l'hétoxyline, qui rend leur noyau très apparent (pl. XIX, fig. 8). . Celui-ci a une dimension qui varie entre 4 et 5 millièmes de milli- mètre, il contient plusieurs points nucléolaires. On reconnaît faci- lement les noyaux des corpuscules dont nous nous occupons dans le corps des plasmodes, à leur aspect et à leur dimension. A côté des Amibes à longs pseudopodes, ‘on observe des globules également incolores, amæboïdes, mais dont les pseudopodes restent toujours très courts et mousses. Ils renferment de gros granules ré- fringents pressés les ‘uns contre les autres, ce qui leur donne un aspect müûriforme très caractéristique (pl. XIX, fig. 9, a). Ces cor- puscules müriformes, traités par l'alcool à 45 degrés, laissent appa- raître un petit noyau de la même dimension que les grains du globule RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 297 et ordinairement leur aspect ne se modifie pas. Cependant, les gra- nules réfringents paraissent parfois être détruits, en partie, par ce réactif. La liqueur picro-sulfurique et l'acide osmique les fixent d’une manière plus régulière. Fixés par l'alcool, ils prennent avidement l’éosine et la retiennent ; l'hématoxyline les colore, mais moins vigoureusement ; le carmin boracique ne colore que leur noyau, l’acide osmique conserve leur réfrmgence. Quel que soit le réactif employé, si les granules sont conservés, on reconnaît ces éléments avec la plus grande facilité partout où on les rencontre (pl. XIX, fig. 9, a’; pl. XV, fig. 5, 18, gm). Il arrive parfois que le globule müriforme se désagrège sous l’action des réactifs ; dans de cas, on trouve à sa place les granules sphé- riques primitivement contenus dans son ectosarque (pl.XIX, fig.9, a”). On rencontre, mélangés aux précédents, des corpuscules amæ- boïdes, qui s’en distinguent seulement par les dimensions plus pe- tites de leurs granules (pl. XIX, fig. 40, b) ; l'alcool les rend globu- leux (fig. 10, d#') et fait apparaître leur membrane limitante en contractant le contenu. D’autres fois, ils prennent l'aspect (8) ; ils se colorent fortement par l’éosine. Le dernier élément figuré amæboïde dont nous avons à nous occu- per est le globule amæboïde coloré en brun-acajou. Cet Amibe présente à l’état vivant les caractères qu’on lui connaît chez les autres Our- sins et qui ont été très bien décrits par M. Geddes 1. Les granulations qu'ils renferment ne sont jamais aussi grosses que celles du globule müriforme ; elles sont à peu près de la taille de celles du corpuscule blanc, dont il vient d’être question ; l’alcool à 45 degrés les rend d'abord sphéroïdaux, puis leur pigment se dissout peu à peu et les granules disparaissent en grande partie en même temps que le noyau apparaît. Si l’action de l’alcool est de courte durée, il reste des traces évidentes de pigment ; si elle est prolongée, le pigment disparaît entièrement, et le même fait se produit avec rapidité si i Loc, cit. 298 * HENRI PROUHO. l'alcool est acidulé avec de l'acide chlorhydrique (pl. XIX, fig. 44, ce"). Ainsi transformé, le globule brun-acajou est méconnaissable ; il se colore, d’ailleurs, par l’éosine, comme le globule blanc à petits granules, et il en résulte que, dans une coupe de tissu décalcifé, il n’est pas possible de distinguer sûrement ces deux espèces d’élé- ments figurés. Enfin, on trouve, dans le liquide périviscéral du Dorocidaris, de très nombreux globules sphériques munis d'un long cil vibratile, qui se meuvent avec rapidité. Lorsqu'on met dans un verre de montre une certaine quantité de liquide périviscéral, ces globules, grâce à leurs mouvements rapides et constants, échappent aux atteintes des pseudopodes du plasmode, qui se forme pour constituer le caillot ; ils sont répandus dans toute la masse liquide, mais se réunissent principalement sur les bords, comme le feraient de petites larves cilées. Quand on les soumet à l’action progressive de l’alcool, ils s’ar- rêtent ; leur cil, qu'il était difficile de distinguer à l’état vivant, devient très apparent et un petit noyau se montre dans (pl. XIX, fig. 19, d’). Get aspect ne dure qu'un instant ; l’action du réactif con- tinuant, le œil disparaît et le globule est réduit à une petite sphère pourvue d’un noyau (fig. 12, d”). L'hématoxyÿline colore fortement ce noyau, qui est toujours plus petit que celui de Amibe à longs pseu- dopodes, comme on le voit d’après la comparaison des figures (8) et (12, d”) de la même planche. Si plusieurs de ces globules se touchent lorsque le réactif les saisit, les petites sphères, pressées les unes contre les autres, deviennent polyédriques et leur ensemble produit alors l'aspect figuré (pl. XIX, fig. 43, d”'; pl. XXI, fig. 7). Dans cet état, il serait impossible de re- connaître les globules ciliés du liquide périviscéral, si on n’avait suivi pas à pas les transformations que leur font subir les réactifs. Cet exemple est bien fait pour nous tenir en garde contre les interpréta- tions trop promptes auxquelles peut donner lieu la lecture d’une coupe histologique. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 299 Après cette série d'observations, il est intéressant d'examiner des coupes pratiquées dans l'épaisseur d'un caillot du fluide périviscéral, traité comme si c'était un fragment quelconque de tissu. On y retrouve tous les éléments que nous venons de passer en revue (pl. XXI, fig. G) : () amibes à longs pseudopodes, (9m) globule müri- forme, (gv) globule cilié. Quant à 9», il n’est point possible d'affir- mer s’il représente un glôbule brun d’acajou ou bien un globule blanc à petits grains ; ce doute résulte de ce que nous avons observé plus haut relativement à l’action des réactifs sur ces deux formes. Tous les éléments figurés qui flottent dans la cavité générale sont donc amæboïdes, à l'exception de la forme ciliée. Ces Amibes se rencontrent dans tous les tissus de l'individu, dans toutes les mem- branes mésentériques, dans la couche épidermique, dans le réseau du test et de ses appendices, jusqu’à l'extrémité du plus long pi- quant. Le plus facile à reconnaître sur les coupes est incontestable- ment le globule müûriforme, et il n’est pas possible de trouver, chez le Dorocidaris, un endroit qui en soit dépourvu. C'est par leurs mouvements propres que ces Amibes cheminent dans les tissus dont ils suivent les interstices et qu'ils peuvent, en outre, traverser aisément par une véritable diapédèse. Geddes dit, dans son mémoire sur le fluide périviscéral : « On trouve partout toutes les espèces de corpuscules amoœæboïdes ; ils passent facilement à travers les tissus. », il m’a paru bon de constater le fait de visu, ce qui ne présente d’ailleurs pas de sérieuses difficultés. Prenons un fragment de la lame mésentérique interne et mettons-le sous le microscope avec toutes les précautions nécessaires pour ne point le comprimer et pour pouvoir le conserver vivant le plus long- temps possible. Nous voyons dans ce fragment de nombreux corpus- cules bruns et de nombreux globules müriformes, qui se meuvent lentement dans le tissu conjonctif. Il faut observer de préférence ceux qui se trouvent le plus près du bord interne du mésentère, après s'être assuré que ces globules sont bien dans l'épaisseur du tissu et non à la surface, ce à quoi l’on arrive par une observation 300 HENRI PROUHO. suffisamment attentive. On voit certains de ces globules pressés contre le revêtement épithélial qu'ils soulèvent légèrement, d’autres qui sont déjà engagés, en partie ou en totalité, dans lépaisseur de cette couche épithéliale ; on fixe son attention sur un de ceux-ci (pl. XV, fig. 3, a) et l’on attend patiemment ; si l’on est favorisé par la chance (car tous les globules, qui paraissent devoir traverser l’épi- thélium, ne le traversent pas), on assistera à la sortie du globule müriforme observé. Les différentes phases du phénomène sont re- présentées (pl. XV, fig. 3, a, b, c, d, e). Au moment où le corpuscule parvient à se dégager complètement, il laisse derrière lui une légère dépression qui ne tarde pas à disparaître, et la couche épithéliale ne conserve aucune trace de son passage. Les globules bruns se prêtent également très bien à ce genre d'observation (pl. XV, fig. 4, a, b). Il n’est pas douteux que l’'Amibe à longs pseudopodes puisse, comme les précédents, traverser les mêmes lissus et la diapédèse de ces globules doit probablement s'effectuer facilement, mais l’ob- servation directe en est très difficile, car il n’est guère possible de se mettre à l'abri de toutes les causes d'erreur. Ces Amibes vivants se laissent très bien observer quand ils sont libres dans un liquide; mais, lorsqu'ils sont dans un tissu qui offre la même transparence, | la même réfringence qu'eux, 1l devient presque impossible de les distinguer et surtout de les suivre pendant tout le temps que dure le phénomène; d'autre part, on peut être trompé très facilement par des Amibes appliqués contre la surface du mésentère. Cependant, on voit fréquemment se former, sur le bord de ce dernier, de petites proéminences d’où sortent de fins prolongements protoplasmiques, qui s’allongent peu à peu et forment une petite houppe au milieu des cils vibratiles de l’épithélium : ces prolongements protoplasmiques ne peuvent être autre chose que les pseudopodes d’un ou plusieurs Amibes en train de se frayer un passage. Au milieu de tous ces éléments figurés du liquide périviscéral, on rencontre des granulations brunâtres, sphéroïdales, de différentes RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 301 grosseurs, tantôt éparses, tantôt ‘agglomérées. Il ne faut pas con- fondre ces sphérules, qui d’ailleurs sont rares dans la cavité générale d’un Dorocidaris bien portant, avec les globules brun acajou ; ceux-ci sont des cellules vivantes, les autres sont des produits de rebut. Le carmin et l’éosine ne les colorent pas, l’'hématoxyline les rend noi- râtres et le vert de méthyle les colore en vert jaunâtre. Ces sphérules proviennent probablement des globules müûüriformes qui absorbent peu à peu les matières excrétées par les tissus dans lesquels ils séjournent et finissent par se désagréger. APPAREIL AQUIFÈRE. La plaque madréporique du Dorocidaris a la même forme et les mêmes dimensions que les autres plaques génitales ; elle présente à sa surface externe de nombreux pores, qui sont les orifices d'autant de canalicules conduisant tous à un orifice unique situé sur la face in- terne (pl. XIX, fig. 3, 0), d’où naît le canal du sable ou tube aquifère, Cet orifice est situé à l’angle d’une concavité triangulaire ou creux maädréporique (cr) bordé par une crête saillante. La plaque n'est donc pas ;criblée de pores à sa surface interne sur laquelle, à part le pore génital (pg), on ne distingue que l’orifice dont nous venons de parler. ( | Les canalicules du madréporite sont tapissés par un épithélium vibratile continu, d’une part, avec la couche épidermique du test, et, d'autre part, avec l’épithélium du tube aquifère ; les cellules qui le constituent, longues et étroites à l'entrée des canalicules, s’aplatis- sent peu à peu, deviennent moins pressées etconservent ces caractères jusqu’à l’entrée du tube aquifère ; là, elles reprennent leurs dimen- sions premières qu'elles conservent tout le long du tube et forment un épithélium columnaire, identique à celui qui a été souvent décrit chez les Échinidés. Le tube aquifère n’est pas le seul canal qui s’ouvre dans le pore _ interne de la plaque madréporique ; il existe un deuxième conduit, 302 HENRI PHOUHO, que nous appellerons canal aquifère annexe (pl. XIX, fig. 5, c'), ne présentant pas l’épithélium columnaire du tube aquifère proprement dit et revêtu d’un épithélium vibratile simplement pavimenteux. Ces deux canaux cheminent côte à côte, mais, tandis que la lumière du tube aquifère conserve ses dimensions premières sur tout son par- cours, le canal annexe s’élargit peu à peu et finit par déboucher dans la cavité de l'organe ovoïde (pl. XIX, fig. 5, 6). Quand on pousse une injection en appliquant la canule à la sur- face externe de la plaque madréporique, la matière colorante pénètre dans le tube aquifère et en même temps dans le canal annexe pour aller remplir la cavité de l'organe ovoïde. D'autre part, si l'injection est poussée par le tube aquifère lui-même et dirigée vers le madré- porite, on voit la masse colorée sortir par les pores aquifères et en même temps refluer dans un conduit collatéral (canal annexe) pour se répandre dans la cavité de la glande. Enfin, par une série de coupes transversales, on suit aisément les deux canaux jusqu’à leur con- fluent dans l’orifice interne du madréporite (pl.XX, fig. 1-8, €, c'). On voit que, dans la coupe (7), la cloison de séparation des deux canaux à disparu en partie et que, dans la coupe (8), ceux-ci ont confondu leurs lumières en une seule. L’examen de ces coupes ne laisse aucun doute et on arrive à la même conclusion par des sec- tions longitudinales, normales à la plaque madréporique (pl. XIX, fig, 5). Il existe done, à côté du tube aquifère proprement dit, un canal annexe, qui est le prolongement de la cavité de l’organe ovoïde et qui, au même titre que le premier, communique avec l’extérieur par l'intermédiaire de la plaque madréporique. Suivons maintenant le tube aquifère : il longe l'organe ovoïde et débouche dans un anneau périæsophagien supporté par la mem- brane qui recouvre l'appareil masticateur (pl, XVIII, fig, 3, 4, 5). Cet anneau, beaucoup plus large que le tube aquifère, présente cinq lobes plus ou moins prononcés vis-à-vis des aires interradiales; il est revêtu intérieurement d’un épithélium vibratile ordinaire, l’épithé- RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 303 hum columnaire du tube aquifère ayant disparu à la rencontre du tube avec l'anneau. Cinq branches radiales naissent de ce dernier, s'engagent entre les pièces articulaires et les muscles intermaxillaires pour ressortir à la surface de la membrane recouvrante, qu'elles suivent jusqu’au mo- ment où elles se réfléchissent pour courir le long des radii, paral- lèlement aux nerfs ambulacraires, d’un côté vers le pôle apical et de l’autre vers la bouche (pl. XVIT, fig. 4 ; pl. XIX, fig. 1). Chacun de ces vaisseaux ambulacraires qui est supporté par la membrane for. mant le canal périnervien (pl. XVII, fig. 3-9), envoie, sur tout son trajet, des branches latérales aux vésicules ambulacraires. Celles-ci sont aplaties et, comme chez les Échinidés, leur cavité est subdivisée par des cloisons transversales, qui dirigent le liquide circulant à l’in- térieur, ces cloisons n’atteignent pas le bord de la vésicule, tout au- tour de laquelle il existe un canal marginal continu. Les parois des vésicules ambulacraires sont formées par une mince membrane conjonctive munie de fibres transversales {musculaires ?), vibratile sur ses deux faces et renfermant de nombreux spicules calcaires. À chaque vésicule correspond une paire de pores. Quand on injecte le système des vaisseaux ambulacraires, la masse colorée suit le canal marginal de la vésicule, arrive dans le pore externe (le plus éloigné du vaisseau ambulacraire), par où elle pénètre dans le tenta- cule et en même temps se répand entre les cloisons de la vésicule (pl. XVIII, XIX, fig. 3, 1). Le vaisseau ambulacraire se termine en cul-de-sac dans le pore ocellaire. Quant à la branche qui se dirige vers la bouche, elle four- mit des ramifications aux tentacules qui entourent l’ouverture bucale, Elle est recouverte par la membrane qui forme l’espace radial péri- nervien très développé dans cette région (pl. XVII, fig. 5-7), et ses vésicules ambulacraires, tout en conservant leurs caractères ordi- paires, diminuent peu à peu à mesure qu’elles se rapprochent de la bouche, Le système des vaisseaux ambulacraires communique avec l'exté- a: HENRI PROUHO. rieur par l'intermédiaire du tube aquifère et de la plaque madrépo- rique, et il n'existe aucune disposition anatomique capable d'’inter- cepter cette communication; il reste à examiner quelle en est la nature. Les causes mécaniques qui pourraient provoquer un courant dans les pores du madréporite sont : la vibration des cils et les change- ments du volume total de l'appareil aquifère, mais il faut ajouter que personne n’a jamais constaté l'existence d’un courant quel- conque à travers le madréporite d’un Oursin, et que, pour ma part, je n'ai pas été plus heureux en étudiant le Dorocidaris. L'observation directe faisant défaut, nous devons rechercher ce qui est le plus probable. Supposons l’Oursin épanoui; si les cils vibratiles produisaient un appel de l'intérieur vers l'extérieur, le système ambulacraire, ainsi que la cavité de la glande ovoïde, ten- draient à se vider, ce qui n’est pas admissible. Le volume de l’appa- reil aquifère restant le même, il ne peut se produire un courant de sortie sans qu'il existe en même temps un courant d'entrée, et réci- proquement. Mais, pour que ces deux courants existassent simulta- nément, il faudrait qu'il y ait dans le madréporite deux sortes de canaux, les uns afférents, les autres efférents, disposition que se refuséront certainement à admettre tous ceux qui ont examiné avec soin la structure du madréporite. Il est probable que la vibration des cils des pores aquifères tend à produire un appel du dehors en dedans. Cet appel ne pourra, Il est vrai, provoquer un courant d’entrée, tant que la pression inté- rieure restera constante, mais il aura comme effet utile de maintenir la pression voulue dans l’appareil aquifère. Supposons maintenant que les tentacules primitivement étendus viennent à se contracter, les vésicules se gonfleront en proportion; et il en résultera une peussée immédiatement transmise au test et à tous les viscères. Cette poussée aura deux effets : la compression du tube digestif éminemment déformable, etl’extension des membranes flexibles péristomiennes et anales. Ces deux effets compenseront RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 305 largement l'excès de pression qui tendait à se produire dans le li- quide périviscéral par suite du gonflement des vésicules, le volume de l'appareil aquifère restera le même après comme avant la contrac- tion des tentacules, dont le jeu ne nécessite la production d’aucun courant dans le madréporite. Cependant, si, à un moment donné, le volume de l'appareil aqui- fère est forcé de diminuer, le trop-plein pourra s'échapper au dehors par les pores aquifères, et les cils vibratiles serviront alors à empêcher la sortie des éléments figurés qui pourraient être entraînés par le courant. Dans ce cas, le madréporite remplira, selon l'expression de M. Perrier, le rèle d’une soupape de sûreté ; mais, somme toute, il n’est pas indispensable au fonctionnement normal des tentacules. Si, comme nous venons de le voir, on ne peut admettre l'existence de courants continus dans les canalicules du madréporite, il est un phénomène à l’accomplissement duquel rien ne s'oppose; c’est celui de la diffusion simple de l’eau ambiante dans les cavités qui commu- niquent avec ces canalicules. Notre conclusion sera donc la suivante : la plaque madréporique assure la pénétration du milieu extérieur dans l’appareil aquifère par diffusion simple et sans courants. II. Z'entacules ambulacraires. — Leur constitution varie selon les ré- sions du test où on les considère ; étudions un tentacule situé dans la région adorale, Sa base est aplatie et se continue en un tube grêle terminé par une ventouse au centre de laquelle on distingue, à l'état d'érection, une proéminence conique (pl. XIV, fig. 5); lorsque le ten- tacule est rétracté, il affecte la forme représentée (pl. XVII, fig. 3, £). Üne coupe transversale de la région basilaire montre que sa lumière est double (pl. XIV, fig. 8, d), formée de deux canaux, qui continuent les deux pores ambulacraires, etsont séparés par des brides transver- sales. Ces deux canaux ne tardent pas à se fusionner en un seul qui forme le reste du tentacule. La figure demi-schématique (7) de la planche XIV indique les rapports de la vésicule, des deux pores et du tentacule ambulacraire. La structure histologique de ce dernier ne diffère pas essentiel- ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, = 2€ SÉRIE, æ T, V. 1887, 20 306 HENRI PROUHO. lement de celle qui a été décrite chez les Échiniens par M. Kæhler! et par M. Niemiec *. La lumière du tentacule est tapissée par un épi- thélium vibratile continu avec celui qui revêt l’intérieur des pores, la vésicule et le canal ambulacraire lui-même. On distingue ensuite üune couche de fibres musculaires longitudinales, une couche très développée de fibres élastiques, une couche conjonctve et enfin une couche épithéliale qui se continue directement avec celle du test. La couche conjonctive est remarquable par les spicules calcaires qu'elle renferme, et qui, lorsque le tentacule est étendu, lui donnent un aspect annelé. Éloignés les uns des autres dans l’état d'extension du tube, ces spicules se touchent tous dans l’état de contraction. Leur forme, essentiellement irrégulière, ne peut être caractérisée ; ils sont arqués, simples vers la base du tube, mais compliqués de prolongements externes dans la partie supérieure. Ces ramifications, toujours exclusivement externes, sont d'autant plus développées que le spicule est plus rapproché de la ventouse (fig. 14). Examinés, soit sur le vivant, soit après l’action d’une solution faible de potasse, ces spicules apparaissent, disposés de telle sorte qu'ils {laissent libre une bande longitudinale allant depuis l’encoche du pore in- terne jusqu’à la ventouse (pl. XIV, fig. 5); immédiatement au-dessous de celle-ci, la dernière assise de spicules forme un anneau complet (pl. XV, fig. 11) que surmonte le squelette calcaire de la ventouse, c’est-à-dire la rosette, également située dans la couche conjonctive et constituée par des spicules à formes très complexes dont les rami- fications en buisson rayonnent autour d’un espace central corres- pondant à l'extrémité du canal tentaculaire. Il ne nous a point paru d’un grand intérêt de rechercher, au milieu de tous ces spicules, ceux qui représentent le cadre des tentacules d'Échinien. C’est dans la bande longitudinale laissée libre par les spicules, que se loge le nerf tentaculaire (pl. XV, fig. 10, né); il est compris dans i-Loc.'cil. ? Recherches morphologiques sur les ventouses du règne animal (Rec, zool. Suisse, 1886, t. IT). | RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 307 l'épaisseur de la couche épidermique du tentacule, et tout le long de son parcours les couches conjonctives et élastiques sous-jacentes sont réduites à une simple lame. Arrivé au sommet du tenta- cule, le nerf se renfle quelque peu (»#) et se termine par des fais- ceaux de fibres entourant la base de la ventouse qu’elles innervent. Celle-ci est munie de fibres musculaires (f) indépendantes des mus- cles longitudinaux, attachées, d’une part, au centre du disque acé- tabulaire, et d'autre part aux parois du tube. Il existe, dans l'ensemble du système ambulacraire d’un individu bien portant, une pression continue qui, si les tubes ambulacraires étaient dépourvus d'éléments contractiles, les maintiendrait en état d'érection constante ; considérons l’un d’eux. Il est érigé parce que ses fibres musculaires sont distendues et que tous ses tissus cèdent d’un commun accord sous la pression intérieure à laquelle résistent au contraire les muscles de la vésicule. Si toutes les fibres muscu- laires longitudinales du tube étaient dans le même état de disten- sion, celui-ci serait droit et immobile ; mais, certaines de ces fibres venant à se contracter, le teniacule obéit à leur action en s’incur- vant de leur côté, et l’on comprend comment, de la sorte, il peut exécuter des mouvements variés. Nous ayons dit qu’à l'état d’érection la ventouse présente une proéminence conique (pl. XIV, fig. 5) au centre du disque acéiabu- laire ; l’Oursin veut-il fixer un de ses tubes ambulacraires ? il applique le disque sur l'obstacle contre lequel s'écrase en quelque sorte le cône saillant, et, pendant que la ventouse est ainsi pressée contre la sur- face à laquelle elle doit adhérer, les fibres musculaires (f) attachées au sommet du cône se contractent et produisent une dépression là où précédemment était une saillie ; le vide tend à se faire au centre du disque acétabulaire et l'adhérence de la ventouse est réalisée. Cette adhérence est indépendante de l’action des fibres musculaires, lon- gitudinales ; la ventouse adhère avant que celles-ci entrent en jeu. Tout ce que nous venons de dire s'applique aux tentacules de Ïa région qui s'étend depuis la bouche jusqu’au voisinage de l'équa- \ 308 HENRI PROUHO. teur, y compris ceux de la membrane péristomienne (on sait qu’il n'existe chez les Cidaridés rien de comparable aux dix tentacules buccaux des Échinidés). Nous avons insisté, au commencement de ce mémoire, sur le peu d’adhérence que développent les ventouses du Dorocidaris; on voit, d’après ce qui précède, que cela ne tient point à l’imperfection de ces organes, puisqu'ils sont aussi bien constitués que ceux des Oursins latistellés. Leur faiblesse résulte uniquement de leurs petites dimensions ‘. Examinons maintenant les tentacules, depuis l'équateur jusqu'aux plaques ocellaires ; nous voyons qu'ils diminuent progressivement de longueur et que leur ventouse s’atrophie peu à peu pour disparaitre complètement dans la région apicale. Les figures (12) et (13) de la planche XV représentent les spicules de l'extrémité de deux tenta- cules, dont l'un (12) présentait encore une ventouse rudimentaire, tandis que l’autre (13), plus rapproché du pôle apical, en était com- plètement dépourvu. La présence de la ventouse étant liée à celie de la rosette, celle-ci est rudimentaire dans le premier et n’existe plus dans le second ; on assiste à sa formation progressive en examinant successivement les tentacules d’un radius, depuis le pôle apical jusqu’à la région orale. Les tentacules dépourvus de ventouse ne sont pas susceptibles d’une grande extension, leur partie basilaire double est très déve- loppée et le tube terminal est très court. Il est probable que l'absence de ventouse à l'extrémité des tentacules de la région api- cale est un trait commun à tous les Cidaridés, mais ce n’est point un caractère particulier à la famille ; nous savons en effet qu’on le retrouve chez les Diadématdés et les Arbaciadés ?. 1 Voici quelques chiffres qui montrent l’infériorité des Dorocidaris à cet égard : Dorocidarie de.,.,,, 40mm Diamètre des ventouses,..... 0®®,40 Strg. lividus de... . 46 hu 1, L., Al bear 0 ,75 AFDACIN AE PE Ets ne 42 — SRE A Acrocladia de........ 75 + OrUHON test + 1 ,% ? Le genre Arbacia s'éloigne des Cidaridés par des caractères de premier ordre, parmi lesquels il suffit de citer la structure de son péristome et de sa membrane péristomienne; voici cependant la deuxième fois que nous sommes conduits à citer RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 309 Le liquide contenu dans les vaisseaux de lappareil aquifère ren- ferme les mêmes éléments figurés amæboïdes que le fluide périvis- céral. Il se meut sous l’action de l’épithélium cilié qui revêt tous les canaux, et il est facile de suivre son mouvement dans les tentacules d’un animal bien vivant, grâce aux amibes bruns, qui ne font jamais défaut. On voit ces derniers arriver dans le tentacule par le pore externe, atteindre l'extrémité du tube et redescendre pour dispa- raître dans le pore interne; il y a, entre chaque tentacule et sa vési- cule, une véritable circulation ; le courant suit le même chemin que la matière d’une injection. Existe-t-il dans l’ensemble de l'appareil un vrai mouvement cireu- latoire ? l'observation directe n’est pas possible, mais un pareil mou- vement est difficile à admettre. Il faudrait, pour qu’il existât, qu'il y ait dans chaque canal faisant partie dudit appareil, deux courants en sens inverse; or, si l’on peut, à la rigueur, les admettre dans le vaisseau ambulacraire, il est difficile de comprendre qu'ils puissent - se produire simultanément dans des canaux aussi petits que les branches latérales destinées aux tentacules. Les courants qui pour- ront s'établir entre les vésicules etles vaisseaux ambulacraires seront des courants intermittents et principalement dus à l'érection ou à la contraction des tentacules. Lorsque l'animal est épanoui, les seuls. mouvements circulatoires possibles sont, à notre avis, ceux ‘qui s’établissent entre les tentacules et les vésicules correspondantes, indépendamment des courants qui peuvent exister dans les cinq vaisseaux ambulacraires, l’anneau œsophagien et le tube aquifère. I n'y a pas dans l'appareil aquifère une véritable circulation géné- ce genre à propos des Dorocidaris. Tout en conservant les puissantes ventouses des Echinidés sur la région orale des zones ambulacraires, il emprunte aux Cidaridés le mode de locomotion à l’aide des piquants (d’après les intéressantes observations d’Agassiz, loc. cit.), et, toutes ses facultés locomotrices s’étant ainsi concentrées sur sa face orale, les tubes ambulacraires aboraux ont perdu leur ventouse, ce qui est également un caractère de Cidaris. Il est d’ailleurs intéressant de constater avec Mackintosh (loc. cit.), que l'extrémité des piquants locomoteurs de l’Arbacia est en- croûlée par une couche corticale analogue à celle des :adioles du Dorocidaris, 310 HENRI PROUHO. rale, mais bien une série de circulations partielles vésiculo-tentacu- laires. SYSTÈME LACUNAIRE VISCÉRAL. Nous décrirons, sous cette dénomination, l'appareil qui est appelé très généralement, chez les Échinidés : système vasculaire sanguin, Blutgefässsystem, Blood-vascular system. La première épithète, vasculaire, doit être supprimée (au moins chez les Cidaridés}, car les canaux qui constituent le système en question ne sont pas des vaisseaux, mais de simples lacunes inter- titielles creusées dans le tissu conjonctif. Quant au qualificatif san- guin, il nous paraît préférable de ne pas l'employer, parce que le liquide auquel on l’applique, n'étant pas animé d’un mouvement circulatoire et n'étant pas chargé d'apporter l’oxygène aux tissus, n’a pas toutes les qualités requises pour mériter le nom de sang. H. Milne Edwards appelle ce système de canaux des Échinodermes, système vasculaire viscéral; nous lui empruntons cette dénomination en modifiant le premier qualificatif pour les raisons que nous avons indiquées. L'étude de ce système présente des difficultés qui seraient presque insurmontables si l’on se bornait exclusivement à une seule mé- thode d'investigation. J'ai employé la méthode des injections et celle des coupes, et toutes les fois que je l’ai pu, j'ai corroboré les résultats de l’une par ceux de l’autre. Les masses colorées dont je me suis servi sont : le blanc d'argent (gouache) délayé dans l’eau, l'essence de térébenthine colorée, le bleu soluble préparé à la géla- tine ou simplement dissous dans l’eau distillée. Cette dernière ma- tière a été employée toutes les fois qu’il était nécessaire de retrouver l'injection sur des coupes. Enfin une simple injection d’air m'a quel- quefois donné de très bons résultats. J'ai d’abord recherché les deux vaisseaux marginaux de l'intestin qui sont si faciles à distinguer chez les Echiniens; le seul qu'il soit RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 311 possible d’apercevoir chez le Dorocidaris, quand on n’est pas pré- venu par des recherches antérieures, est le vaisseau marginal externe (pl. XVIIL, fig. 1, 2, 3, ve). Sur le bord interne de l'intestin, on voit une lame mésentérique large, très résistante, bourrée de spicules calcaires, souvent très fortement pigmentée en brun, mais on ne dis- tingue rien de semblable au vaisseau marginal interne d'un Æchinus. Il faut donc tenter une injection par le vaisseau externe; l’opé- ration est délicate, car le diamètre de ce vaisseau est très petit. Il est toutefois possible de la réussir, et l’on voit alors la matière colorée se répandre dans un riche réseau capillaire (pl. XVII, fig. 3) qui chemine dans les parois intestinales et atteint le bord interne de l'intestin. Arrivée là, la masse colorée pénètre, par de courts canali- cules, dans l'intérieur de la lame mésentérique interne et s’y répand en dessinant une sorte de vaisseau marginal interne d’où partent de nombreuses et très irrégulières ramifications (rt). Une coupe transversale de l'intestin montre que le vaisseau mar- ginal externe est une dépendance de la lame mésentérique externe (pl. XV, fig. 7, ve). Quandil est gonflé, soit par son contenu naturel, soit par la matière injectée, il est parfaitement cylindrique et paraît un véritable vaisseau, mais comme ïl est dépourvu d’épithélium interne, on doit le considérer comme une simple läcune. Cette lacune marginale externe ést parfaitement régulière, bien endiguée et isolée en partie de la lame dans l’intérieur de laquelle elle a pris naissance ; ilen est tout autrement du pseudo-vaisseau mar- ginal interne. Celui-ci est contenü dans l'épaisseur même de la lame interne (pl. XV, fig. 7, vi); sa lumière est irrégulière, mal délimitée au milieu du tissu conjonctif; on ne saurait s’y tromper, ce n’est rien autre chose qu'une lacune interstitielle creusée dans la lame mésentérique interne. Quant au réseau capillaire qui recouvre l’intes- ün,ilest composé de canalicules lacunaires situés dans la partie dela couche conjonctive sur laquelle s’attachent les cellules épithéliales. Ayant ainsi, grâce aux premières injections, trouvé la lacune marginale interne, c’est en introduisant la canule dans son intérieur 312 HENRI PROUHO,. que j'ai, depuis ce moment, injecté le système lacunaire viscéral. Pour avoir plus de chances de réussite, il faut s’adresser à un indi- vidu dont les lames mésentériques sont peu pigmentées (nous ver- rons plus loin pourquoi). Une injection bien réussie nous montre que la lacune marginale interne se continue sur la deuxième cour- bure jusqu’à une petite distance du rectum.La lacune externe se perd ordinairement avant la première, et la limite de ces deux lacunes indique celle des capillaires intestinaux. Ceux-ci s'étendent depuis la région ainsi définie jusqu’à la rencontre de l’œsophage et de l’intes- tin. Le réseau qu'ils forment est très net et parfaitement dessiné sur tout le parcours de la première circonvolution; arrivé à la deuxième, ce réseau perd peu à peu de sa netteté, et enfin dans sa région ter- minale, on ne le distingue plus à l'œil nu, il devient confus et les canalicules semblent se perdre dans une lame lacunaire uniforme. Cela tient à ce que le réseau s’est peu à peu réduit à ses plus fins canalicules, et que ceux-ci se sont rapprochés à tel point que, même sous la loupe, ils paraissent se confondre. La lacune marginale interne se prolonge le long de l’æœsophage (pl. XVIII, fig. 4, vi)et arrive ainsi sur le nord interne de l’anneau aqui- fère où elle forme un deuxième anneau accolé au premier (pl. XVII, fig. 4, 5; pl. XIX, fig. 1, 2, 4,6). Cet anneau périæsophagien fournit, d’une part, cinq branches vers la bouche, et, d'autre part, une vers le pôle apical, Celle-ci consiste en un réseau lacunaire qui chemine dans les parois de l'organe ovoïde (pl. XVII, fig. 3, 4, D et se dirige avec lui vers la rosette apicale pour se prolonger dans l'épaisseur du penta- gone génital ({g) dont nous avons parlé précédemment (p. 288). Avant d'atteindre ce pentagone, les lacunes qui suivent l'organe ovoïde s’anastomosent avec un réseau naissant de l'extrémité de la lacune marginale externe (pl. XVIIL, fig. 3, 4, rm). Les cinq branches que l'anneau périæsophagien envoie vers le pôle oral sont formées de lacunes creusées dans les cinq arêtes pha- ryngiennes. Pour avoir une bonne idée de la constitution de celles-ci, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 313 il faut les étudier par des coupes transversales et longitudinales. Ces coupes nous apprennent que les arêtes pharyngiennes sont formées d’une quantité de tractus conjonctifs irrégulièrement anastomosés entre eux et s’attachant aux parois du pharynx (pl. XIV, fig. 9, ar). C’est dans l’intérieur des tractus conjonctifs que sont situées les lacunes dont nous nous occupons en ce moment. J'ai réussi plu- sieurs fois à les injecter partiellement en poussant l'injection par la lacune marginale interne; une de ces préparations est représentée (pl. XIX, fig. 2). On aperçoit cinq canaux à peu près réguliers, nais- sant de l’anneau œsophagien (av) et bordant le tranchant des arêtes pharyngiennes; cet aspect s'explique par la coupe (11) de la planche (XIV) sur laquelle on retrouve, au sommet du triangle (section droite de l’arête) la coupe d’une sorte de canal lacunaire à lumière presque circulaire. Cette partie canaliforme de la lacune disparaît dans la partie antérieure du pharynx où elle se transforme peu à peu en une lame (pl. XVII, fig. f) qui se recourbe pour passer au- dessus des muscles intermaxillaires. Quant au réseau formé par les tractus de l’arête, il se prolonge jusqu’à l’anneau nerveux (pl. XIV- XIX, fig. 9, 1). Il était important de s’assurer de l'existence des lacunes pharyngiennes; je n’ai plus eu aucun doute lorsque je suis parvenu à en obtenir une injection partielle. Chaque lacune pharyngienne se prolonge dans le radius corres- pondant en une lame lacunaire qui se place entre le nerf et le vais- seau ambulacraire auquel elle est accolée, et, de la sorte, se trouvent constituées cinq lacunes radiales dépendant du système lacunaire viscéral. Il ne m'a pas été possible d'injecter ces lacunes radiales et j'ai dû les étudier seulement par la méthode des coupes; cette étude doit _être faite d’abord dans la région péristomienne. Une coupe, pratiquée tout près du sommet du pentagone nerveux (point que n’atteint pas le vaisseau ambulacraire), nous montre la lacune radiale séparée du nerf par l'espace périnervien (pl. XVIL, fig. 8). Sur les coupes sui- vantes de (7) à (3), cette lacune (/r) s’est appliquée contre le vaisseau 314 HENRI PROUHO. ambulacraire {ag} préalablement injecté au bleu soluble. La coupe (4) est particulièrement intéressante, car elle montre une branche latérale ({f) se détachant de la lacune radiale et accompagnant la branche correspondante du vaisseau ambulacraire. Dans les coupes (6) (7), les branches tentaculaires (/) ont été coupées transversa- lement, et l’on voit que chacune d’elles enveloppe la ramification correspondante du vaisseau ambulacraire. Il est ainsi bien établi : 1° qu'il existe dans chaque zone ambula- craire une lacune radiale appartenant au système lacunaire viscéral, faisant suite aux lacunes pharyngiennes émanées elles-mêmes de l’anneau lacunaire périæsophagien ; 2° que cette lacune radiale envoie, comme le vaisseau ambulacraire, une branche à chaque ten- lacule. Après avoir étudié un radius dans la région péristomienne, on peut comprendre une coupe de ce même radius dans une région quel- conque du test, près de l’équateur par exemple; on y retrouve (pl. XVI, fig. 9) le nerf (n n'),le vaisseau aquifère (ag); entre les deux, une lame (}) dans l'épaisseur de laquelle est la lacune radiale; le tout est recouvert par la membrane qui limite l’espace périner- vien (e). Cet espace que l’on retrouve sur toutes les coupes, divisé de di- verses manières par les branches tentaculaires des appareils aquifère et lacunaire, se prolonge jusqu’au sommet du pentagone nerveux où il paraît se terminer en cul-de-sac (pl. XIV, fig. 9, e); cependant je n’affirmerai pas qu’il ne se continue entre les brides de l’arête pha- ryngienne. Ce qui est bien certain, c’est que cet espace périnervien n'accompagne point le pentagone nerveux autour du pharynx, et que, chez l'adulte, il n’a aucune communication avec la cavité géné- rale. Les cinq espaces radiaux périnerviens sont entièrement clos et ne communiquent pas les uns avec les autres. IT. — Le liquide du système lacunaire viscéral renferme les mêmes éléments amæboïdes que le fluide périviscéral, Mais ce qui le carac- RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 315 térise essentiellement, c’est la présence d’une matière amorphe, finement granuleuse, fixant bien les matières colorantes, et qui, chez des individus conservés dans l'alcool, s'aperçoit au travers des tissus, grâce à sa couleur blanc-jaunâtre et à son opacité. On ne ren- contre pas ce contenu opaque dans les vaisseaux aquifères ni dans les caillots du fluide périviscéral. Il est! plus ou moins abondant selon les conditions dans lesquelles se trouve placé l'Oursin, et, tandis qu'il remplit parfois le réseau capillaire intestinal et ses dé- pendances, chez ceux qui viennent d’être pêchés, on ne le retrouve plus chez les Dorocidaris qui ont jeûné quelque temps en captivité. Les sphérules brunâtres que nous avons observées dans le fluide périviscéral se rencontrent également dans les lacunes du système viscéral, et elles sont d'autant plus abondantes que l'animal est plus âgé. Chez les gros individus, elles sont développées à un tel point que les lacunes en sont presque obstruées; la lacune marginale interne est celle où se rassemblent en plus grande quantité ces gra- nulations qui parfois colorent entièrement, en brun foncé, la lame mésentérique correspondante. Entraïnées parle courant d'une injec- tion, ces granulations ne tardent pas à boucher la lumière des lacunes et sont alors un obstacle insurmontable qui arrête la masse colorée ; c’est pour éviter cet inconvénient qu’on doit s'adresser de préférence à des individus de moyenne ou de petite taille peu pig- mentés. Le contenu du système lacunaire viscéral n’est pas animé d’un mouvement circulatoire, 1l n’est soumis à l'impulsion d’aucun organe contractile ni d'aucun épithélium cilié. Il est cependant de toute évidence qu'il doit se déplacer pour se porter dans les tissus où il est utilisé; ce mouvement s'explique de la facon suivante : Quand les absorbants de l'intestin fonctionnent, ils tendent à se remplir de plus en plus, et il se produit dans cette partie du sys- ième lacunaire une poussée qui détermine un courant vers les par- ües éloignées du réseau capillaire; un pareil courant ne peut être que lent et sa direction est constante. 316 HENRI PROUHO. IT. -- Pendant que je poursuivais mes recherches sur ce système lacunaire viscéral et que je tàchais d’en découvrir toutes les dépen- dances, il m’est venu à l'esprit un doute sur leur véritable nature. Les divers espaces plus ou moins mal canalisés dans lesquels péné- trait la matière des injections, faisaient-1ils partie d’un appareil réellement disposé en vue d’une fonction physiologique, ou bien n’étaient-ils que des vides intersticiels, sans importance, apparais- sant dans les tissus selon les caprices d'une injection plus ou moins pénétrante ? | Deux arguments principaux nous paraissent propres à faire cesser ce doute : 1° La masse colorée d’une injection suit toujours le même trajet chez les divers individus, ce qui prouve que, chez tous, son parcours est tracé à l'avance, et cela quelle que soit la matière employée. La térébenthine colorée, le bleu soluble, le blanc de gouache, le carmin délayé et l’air lui-même suivent toujours les mêmes chemins; 20 Personne n’a jamais contesté que le vaisseau marginal interne d’un £'chinus ne soit un canal différencié en vue d’une fonction par- faitement déterminée. Or, nous avons vu que chez le Dorocidaris ce vaisseau est remplacé par un espace lacunaire irrégulier creusé dans le tissu conjonctif du mésentère, et nous sommes obligés d’attri- buer à cette lacune marginale une fonction identique à celle du canal bien régulier, bien endigué d’un Æ'chinus ; nous ne pouvons pas considérer cette lacune comme accidentellement produite par une injection. Dès lors nous ne pouvons plus arguer de ce que les divers réseaux du système lacunaire viscéral sont formés par les interstices plus ou moins irréguliers du tissu conjonctif pour leur refuser de véritables fonctions physiologiques. Nous ne pouvons refuser à l’un la qualité que nous accordons à l’autre. IV. — Examinons maintenant en quoi le système de lacunes que nous venons d'étudier chez le Dorocidaris, diffère de l’appareil que les auteurs ont décrit chez les Echinidés sous le nom de système san- RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 317 guin et quelles sont les notions nouvelles qui résultent de cette étude. MM. Carl Vogt et Yung' pensent qu'il ne faut voir dans ce système « qu'un système lacunaire d'irrigation de forme vasculaire ». Ces auteurs sont, à ma Connaissance, les premiers qui aient élevé des doutes sur la véritable nature des canaux ordinairement appelés vaisseaux chez les Oursins. Nous venons de voir que chez le Doroci- daris le caractère lacunaire est évident ?. Réseau de l'intestin. — Les deux lacunes marginales se prolongent sur la deuxième courbure jusqu’à une limite plus rapprochée du rectum que chez les Échinidés, de telle sorte que la partie de l’in- testin, dépourvue de capillaires, est, toutes proportions gardées, moins considérable chez le Dorocidaris. Le vaisseau collatéral n’existe pas ; l'absence de cette dépendance de lacune marginale externe est sans doute intéressante à constater chez le Dorocidaris, mais ce n’est point un caractère propre aux Cidaridés, car le Sérongylocentrotus lividus en est également dé- pourvu. Anneau périæsophagien. — 11 est connu chez les Échinidés depuis les recherches de M. Teuscher et de M. Kœhler. D'après ce dernier, l'anneau sanguin d’un Sphærechinus envoie une branche à chaque vésicule de Poli. Ces organes ne sont point distincts de l’anneau chez le Dorocidaris, tout au plus sont-ils représentés par les cinq lobes du double anneau œsophagien. ; Réseau de la glande ovoïde et des glandes génitales. — Chez le Sphære- chinus, il existe, d’après M. Kœæhler, un réseau distribué à la glande ovoide et relié à l’anneau sanguin œsophagien par un canal qui longe le canal du sable (canal glandulaire). Chéz le Dorocidaris, il n'ya point de canal glandulaire parce que l’extrémité de la glande 1 Traité d'anatomie comparée. 2? J’ai signalé ce caractère chez le Dorocidaris dans une note préliminaire (Compt. rend. Acad. sc., 7 mars 1887), mais je couservais encore un doute au sujet des capillaires de l'intestin que je considère aujourd’hui comme lacunaires, n'ayant pu réussir à constater la présence d’un endothélium, 318 HENRI PROUHO. touche l'anneau œsophagien lui-même ; le réseau de la glande ovoïde prend directement sa source dans cet anneau. Quant au réseau destiné aux glandes génitales et contenu dans l'épaisseur du pentagone génital, il est resté inaperçu jusqu’au jour où j'ai signalé sa présence chez le Dorocidaris’. Depuis lors, O. Ha- mann? l’a retrouvé, et j'ai moi-même constaté sa présence chez l'£. acutus et l'E. sphœra. A propos de ce dernier Oursin, je remarquerai que le système de tubes figuré par M. Perrier” sur la lame mésentérique qui s'étend de la glande ovoïde à l'æœsophage et décrit par lui comme un système de glandes s’ouvrant sous la plaque madréporique est composé, non de tubes glandulaires, mais de canaux lacunaires appartenant à un réseau continu avec celui du pentagone gémital. Il n'existe pas de conduit excréteur faisant déboucher, sous le madréporite, ces pré- tendues glandes qui ne sont en réalité autre chose qu'une partie du système lacunaire que nous retrouvons en (r#) (pl. XVII, fig. 3, 4) chez le Dorocidaris. Lacunes du pharynx. — M. Teuscher signale que l'anneau sanguin œæsophagien envoie cinq vaisseaux le long du pharynx, mais M. Kæhler n'ayant pu retrouver ces vaisseaux, en a nié l'existence. Les con- clusions de ces deux auteurs, relatives à ce point d'anatomie, ont été discutées par M. Herbert Carpenter qui, prenant parti pour l’opi- nion de Teuscher, estime que la preuve de l’absence de ces vaisseaux pharyngiens reste à faire. Comme on vient de le voir, ces vaisseaux ou mieux ces lacunes pharyngiennes existent chez le Dorocidaris, et ce fait anatomique n’a pas été plutôt signalé par moi, qu'il s’est trouvé confirmé par M. Kœhler lui-même dans les termes suivants : « L'existence des cinq vaisseaux pharyngiens ayant été beaucoup discutée, et leur 1 Compt. rend. Acad. sc., 15 juin 1886. ? Vorlaüfige Mittheilungen z. Morph. d. Echiniden. (Jenaische Zeits. f. Natur., ausgegeben am 29 oktober 1886). 8 Loc, cit, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 319 présence modifiant les relations des vaisseaux chez les Oursins, je tiens à déclarer que je les ai trouvés à mon tour‘. » Lacunes radiales. — Les auteurs sont loin d’être d'accord sur le nombre et la qualité des canaux radiaux d’un Oursin. M. Per- rier ne mentionne dans son mémoire sur l’Apparerl circulatoire des Oursins, qu'un seul vaisseau radial qui est le vaisseau ambulacraire. M. Kœhler en décrit deux : le vaisseau ambulacraire proprement dit et un vaisseau profond qui serait un dédoublement du premier ; ils communiqueraient tous deux avec l’anneau aquifère. Fig. 14. — Coupe transversale d’un radius d'Æchinus sphœra ; ag, vaisseau ambulacraire ; lr, laeune radiale ; e, espace périnervien ; n, nerf ambulacraire ; w, espace correspondant (?) à l'espace intra-nervien du Dorocidaris, M. Teuscher décrit deux vaisseaux distincts : l’un aquifère, l’autre sanguin, appelé nervengefass, qui renferme le nerf et communique avec l'anneau sanguin périæsophagien par l'intermédiaire des vais- seaux pharyngiens. Les résultats fournis par l'étude du Dorocidaris ne s'accordent | “avec aucune des descriptions des auteurs précités. I y a cependant une idée juste dans la manière de voir de Teuscher, qui admet dans chaque radius d’Oursin une dépendance de l'anneau sanguin. Mais, l'auteur allemand s’est trompé quand il a décrit comme branche ra- La 1 Compt, rend, Acad, sc., 5 juillet 1886, 320 HENRI PROUHO. diale sanguine son nervengefass. Quelques recherches sur les Échi- nidés m'ont convaincu de son erreur. Les coupes ci-contre pratiquées dans un radius d’£chinus sphæra montrent que la lacune radiale est située dans l’épaisseur de la membrane qui sépare le vaisseau ambulacraire du nervengefass de Teuscher. Elle est facile à reconnaître grâce au coagulum qu'elle renferme, D'autre part, l’espace périnervien qui est le nervengefass, n'est pas simple, mais bien composé de deux parties distinctes et séparées par le nerf lui-même. L'espace (e) correspond à celui que Fig. 15.— Coupe transversale d’un radius d’Zchinus sphœra au niveau où le vaisseau ambulacraire et la lacune radiale émettent chacun une branche latérale. nous avons désigné par la même lettre chez le Dorocidaris (pl. XVII), quant à la partie (w) elle me paraît correspondre à l’espace intra- nervien du Dorocidaris, mais je n’ai point poussé assez loin mes recherches sur l’£. sphæra pour pouvoir l’affirmer. Quoi qu'il en soit, nous retrouvons chez un Échinus comme chez un Cidaris, une lacune radiale appartenant au système lacunaire viscéral, située entre le vaisseau ambulacraire et l’espace périnervien. Les deux vaisseaux ambulacraires dont parle M. Kæhler sont très probablement le vaisseau ambulacraire proprement dit et l’espace périnervien (e). La figure qu’il donne (pl. V, fig. 36) reproduit l'as- pect que l’on obtient lorsqu'on injecte cet espace et le vaisseau am- bulacraire. J'avais d'abord supposé que le vaisseau profond de RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 321 M. Kœhler correspondait à notre lacune radiale, mais cette assimila- tion n’est pas possible, car le canal auquel l’auteur fait allusion est «un vaisseau profond plus large (que le vaisseau superficiel), étroi- tement appliqué contre le nerf »; ces caractères sont précisément ceux de l’espace périnervien. Nous avons dit que cet espace n'avait, chez le Dorocidaris, aucune communication avec la cavité générale, il en est de même chez les Échinidés ; quand on l’injecte, on voit la matière pénétrer jusqu'aux arêtes pharyngiennes où elle s'arrête, et jamais je n'ai pu constater qu’elle s’échappât dans la cavité générale au niveau des auricules, comme le prétend M. Kœæbhler. V. — Branches tentaculaires de la lacune radiale. = Nous avons montré l'existence de ces lacunes tentaculaires, mais nous ne nous sommes point préoccupés jusqu'ici de les suivre jusqu'au bout. La question est difficile à résoudre, il faut cependant l’aborder: voici ce que l’on observe chez le Dorocidaris : Sur des coupes transversales faites dans un radius, on voit la lacune radiale, ou plutôt sa branche latérale, s'appliquer contre la branche tentaculaire du nerf et l'accompagner jusqu’à l'entrée du pore. À partir de ce point il ne faut plus songer à la suivre sur des coupes ainsi orientées, et l’on doit s'adresser à des sections langen- tielles aux plaques ambulacraires. On observe, sur ces coupes, que le nerf tentaculaire est accompagné, pendant sa traversée du test, par un jpetit canal (/) situé vers l’intérieur du pore (pl. XIV, fig. 143). Ce canal se retrouve dans le corps du tentacule lui-même (pl. XV, fig. 10, vt) accompagnant toujours le nerf; or, si nous ad- mettons que la branche tentaculaire de la lacune radiale, après s’être accolée contre le nerf, l'accompagne jusque dans le tentacule, c’est . précisément à la place du petit canal révélé par les coupes que devra se placer la lacune que nous cherchons à suivre, il est donc très probable que c’est elle-même qui apparaît en (ut). On peut objecter que le canal (vt) pourrait aussi bien être le prolongement tentacu- * ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN, = 9€ SÉRIE, == T, V, 1887, 21 322 | HENRI PROURO. laire de l’espace périnervien (e), mais nous pouvons injecter cet espace, et nous voyons toujours l'injection s'arrêter, avant l’entrée du pore, dans un cul-de-sac. Je crois donc qu'il faut, jusqu’à preuve du contraire, admettre que les branches latérales de la lacune radiale se prolongent dans les tentacules en suivant la face interne du nerf. VI. — Glande ovoide. — La glande ovoïde du Dorocidaris s'étend depuis la plaque madréporique jusqu'aux anneaux œsophagiens qu'elle touche. Elle est supportée par la portion du mésentère (m0) qui relie l’æsophage au pentagone génital, et aussi par la lame (mwr) qui prolonge le mésentère interne de la deuxième courbure (pl. XVII, fig. 3, 4, 5; pl. XV, fig. 19). Sa forme n'a rien de caractéristique; je l'ai représentée aussi fidèlement que possible. L’organe en question est creux; si on l’ouvre par une incision longitudinale pratiquée le long du tube aquifère, on voit que sa ca- vité est traversée par de nombreux tractus qui se détachent des pa- rois, s'anastomosent d’une facon irrégulière et limitent des alvéoles, des. anfractuosités de dimensions et de formes variées (pl. XIX, fig. 6), de telle sorte qu'une coupe transversale présente laspect représenté (pl. XXI, fig. 1). Examine-t-on comparativement les or- ganes ovoides de plusieurs individus ? on voit la disposition des tractus varier à l'infini, mais on observe que, toujours sans exCep- tion, ils arrivent à former, dans j’axe de la cavité, une sorte de cordon bien apparent qui se dirige vers l’extrémité apicale (pl. XIX, £:6, Te La cavité de la glande se termine en cul-de-sac vers son extrémité orale, tandis qu’elle se prolonge vers le pôle apical par un canal col- latéral au canal aquifère, que nous avons déjà mentionné et désigné sous le nom de conduit aquifère annexe. C’est ce canal que M. Per- rier! a appelé canal excréteur chez l'Echinus sphæra, et c'est ainsi que je l’ai désigné dans les notes qui ont précédé ce mémoire, afin 1 Loc, cit, RECHÉRCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 323 d'éviter les équivoques. Telle ou telle dénomination importe peu, mais ici nous nous trouvons en face d’un nom qui indique une fonction bien définie et qui devrait, sans nul doute, être adopté s’il était démontré que la glande ovoïde est un organe d’excrétion. Cette dé- monstration n'étant pas faite, ilnous a paru bon de ne plus employer le terme de canal excréteur. Nous avons démontré, par des coupes excessives, que le conduit annexe débouche dans les pores du madréporite; ces mêmes coupes et ces mêmes injections montrent que ce conduit est le prolon- gement de la cavité de la glande (pl. XIX, fig. 5; pl. XX, fig. 1-8). L’eau extérieure pénètre donc par diffusion dans cette cavité. Le cordon axialmentionné plus haut augmente d'épaisseur à mesure qu'il se rapproche du madréporite. A quelque distance de ce dernier le tissu périphérique de ia glande disparaît, et il ne reste plus que le cordon; celui-c1 longe quelque temps le canal annexe, puis, s’incur- vant, pénètre définitivement dans un espace séparé de ce canal; à ce moment, le cordon axial que j'appellerai plus spécialement processus glandulaire a acquis ses plus grandes dimensions et mesure fré- quemment 4 millimètre de diamètre (pl. XIX, fig. 5,6). Il affecte la forme d’une massue à manche courbe. L’extrémité de la massue n’est pas libre et envoie plusieurs prolongements conjonctifs qui l’atta- chent au test. R L'espace dans lequel se loge le processus glandulaire correspond au creux madréporique (p. 301) et est limité par une membrane qui prolonge l'enveloppe de la glande; cet espace est clos, sans com- munication avec la cavité générale ni avec les pores de la plaque. La membrane qui le limite est profondément modifiée dans la partie qui confine au creux madréporique; elle est, dans cette région, molle, délicate, et ne renferme pas de spicules calcaires, caractère qui, sous la loupe, sert à la distinguer immédiatement des parties avoisinantes. Quand on la déchire, on aperçoit dans son épaisseur un tissu spongieux, très mou, fuyant devant le scalpel le mieux aiguisé. | 324 HENRI PROUHO. Histologie. — La glande ovoïde est revêtue par l’épithélium qui recouvre tous les organes contenus dans la cavité génitale. Sur une coupe transversale on distingue, à première vue, le canal du sable (c) (pl. XXI, fig. 1), la cavité de la glande (c') et ses parois propres. La structure de celles-ci est difficile à analyser; il faut, pour réussir, s’adresser à un individu placé dans des conditions physiologiques spéciales qui aient amené préalablement une diminution dans Île nombre des éléments cellulaires qui, d'ordinaire, se pressent dans ce tissu ; un jeûne prolongé réalise bien ces conditions. On reconnait alors, sans difficulté, que le substratum de la glande ovoide est un tissu conjonctif lâche, à alvéoles irrégulières qui se continue directement avec celui du mésentère., La zone périphé- rique externe est bourrée de spicules calcaires emprisonnés dans l'élément conjonctif, et elle renferme en outre les lacunes du réseau que les injections nous ont d’abord fait connaître (pl. XXI, fig. 1,9, /). De plus, on voit dans cette zone les lumières de petits canaux ta- pissés par un épithélium semblable à l'épithélium externe. Ces canaux débouchent sur la surface externe de l’organe (pl. XXI, fig. 2, 9). Le stroma conjonctif devient plus lâche dans la zone périphérique interne ; il forme les nombreux tractus et anfractuosités que l’on aperçoit lorsqu'on ouvre la glande et qui sont tapissés par un épi- thélium continu présentant les mêmes caractères que l’épithélium de la cavité générale. Immédiatement au-dessous de ce revêtement épithélial interne, les alvéoles conjonctives sont mieux délimitées ct quelque peu plus régulières (pl. XXL, fig. 3, 4). Lorsqu'on examine une section comme celle qui a été repré- sentée fig.(1), pl. (XXD), on aperçoitles coupes {g) des canaux périphé- riques externes et aussi celles de nombreuses anfractuosités (c') fai- sant partie de la cavité intra-glandulaire. On les distingue aisément, grâce à la couche d’alvéoles qui entoure ces dernières (comparez la figure (3) (g) à la figure (4, c’). De nombreux éléments cellulaires sont répandus dans les alvéoles du tissu conjonctif. | RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 325 Les plus abondants sont caractérisés par un noyau granuleux entouré d’une zone protoplasmique ramifiée. (La glande mise en coupe étant celle d’un Dorocidaris à jeun depuis longtemps, ces élé- ments sont peu nombreux; chez un individu venant d’être pêché, ils encombrent le tissu conjonctif.) Ces cellules (7) ne sont rien autre chose que des amibes à longs pseudopodes identiques à ceux que nous avons étudiés dans le fluide périviscéral; après l’action des réactifs, elles offrent le même aspect et les mêmes dimensions que les amibes emprisonnés dans un caïllot (pl. XXI, fig. 6, #). On rencontre aussi dans les parois de la glande des globules mûri- formes et des amibes bruns, mais ces deux éléments sont toujours moins abondants que les premiers. Pour constater la présence des amibes bruns, il est nécessaire d'examiner des fragments de la glande à l’état vivant, car les réactifs les rendent méconnaissables. Enfin, il existe dans les alvéoles du tissu que nous étudions des sphérules pigmentaires brunâtres plus ou moins abondantes, selon l'âge de l'individu, et principalement confinées dans la zone des lacunes périphériques. Ces grains de pigment sont identiques à ceux que nous avons observés dans le fluide périviscéral et dans le sys- tème lacunaire viscéral. En examinant des coupes de la glande qui, partant de sa région moyenne se rapprochent de plus en plus de l'extrémité apicale, on assiste à la formation progressive du processus glandulaire et à celle de la cavité sous-madréporique (pl. XX, fig. 4-7, e.).Le processus est formé par le tissu dela glande renforcé de fibres conjonctives épaisses, disséminées çà et là dans sa masse (pl. XX fig. 11, /); il est revêtu d’un épithélium vibratile sous lequel apparaissent des fibres longi- tudinales (7) musculaires (?). Sur tout son parcours il est traversé par de petits canaux (d), fig. (9, 41, 19) dont quelques-uns débouchent sur la paroi, mais qui pour la plupart s'ouvrent à son extrémité api- cale (fig. 10, pl. XX), (pl. XXI, fig. 8, d). Entre ces canaux, le tissu conjonctif renferme les mêmes éléments cellulaires que nous avons trouvés dans le tissu de la glande elle-même. Le processus se ter- 326 HENRI PROUHO, mine dans le creux madréporique, par quelques filets conjonctifs qui s’attachent à la plaque. Le tissu mou de la membrane qui recouvre le creux madréporique du côté de l’anus (pl. XIX fig. 5, x) est formé de sortes de vésicules à parois extrèmement minces, pressées les unes contre les autres et renfermant le plus souvent des globules à long cil vibratile qui, lorsqu'on met un fragment de ce tissu sous le microscope, s’'échappent en foule dans le liquide environnant (pl. XIX, fig. 14). Quelquefois, cependant, il m'est arrivé de trouver ces vésicules bourrées de glo- bules müûriformes (pl. XIX, fig. 13). Le fragment de coupe représenté (pl. XXI, fig. 7) montre l'aspect ordinaire du contenu du tissu en question, après l’action des réactifs; nous avons expliqué (voir fluide périviscéral) comment les globules à cil vibratile produisent cette apparence. Nous avons vu que le système aquifère et le système lacunaire viscéral forment chacun un anneau périæsophagien; les deux anneaux sont intimement accolés, l'un (externe) est constitué par le prolon- gement du canal aquifère, l’autre {interne) par le prolongement de la lacune marginale interne. Lorsqu'on injecte ce dernier, on voit qu’il envoie tout autour de lui de nombreuses ramifications qui se prolongent sur l’anneau aquifère (pl. XVIIE, fig. 3, 4, 5, av). Des coupes transversales nous apprennent que l'anneau appartenant au système lacunaire viscéral est formé de lacunes situées dans la paroi de l’anneau aquifère. Cette paroi est épaisse vers l’intérieur de l’an- neau et le tissu conjonctif qui la forme est un prolongement annu- laire du tissu de la glande; il faut remarquer toutefois que le tissu de l’anneauest surtout la continuation de la partie lacunaire périphé- rique de l’organe ovoïde. On trouve dans les lacunes de cet anneau les éléments figurés ordinaires, maisje n'aijamais vu que les amibes à longs pseudopodes y soient aussi abondantsque dans la glande. Le double anneau œsophagien du Dorocidaris me paraît constitué sur tout son pourtour comme une vésrcule de Poli d'Echinidé, c’est pour \ RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 327 rappeler ce fait que je l’ai appelé anneau de Poli dans mes notes pré- liminaires!. D’un autre côté, MM. Carl Vogt et Jung” font remarquer, avec juste raison, je crois, que les organes appelés vésicules de Poli chez les Oursins sont très différents de ceux qui portent le même nom chez les autres Echinodermes et, en ce qui nous concerne, nous renonçons très volontiers à cette dénomination (de Poli) que nous avions transportée d’un Echinus à un Cidaris. VII. — Quelles sont les fonctions de l’organe que nous venons d'étudier ? La glande ovoïde étudiée et nommée par M. Perrier chez les Echiniens a été considérée par lui comme un organe d’excrétion. Plus tard, M. Kœhler a montré que M. Perrier, trompé par la régu- larité des alvéoles dn tissu conjonctif qui forme le substratum des parois, avait pris ces alvéoles pour autant de cellules glandulaires; il a néanmoins adopté les idées de son prédécesseur sur la fonction excrétrice de cet organe. | M. H. Carpenter’ est d’avis que la glande ovoïde doit contribuer à la production des corps bruns qui sont si connus de tous ceux qui s'occupent d'Echinodermes, et il entend par là les amibes bruns dé- crits par Geddes. Ces corpuscules ne sont point un produit d’excré- tion, mais bien des éléments qui, à cet état pigmenté, ont à jouer un rôle actif (probablement respiratoire) dans l'économie de l’Our- sin.[l y adonc dans la manière de voir de H.Carpenter une idée nou- velle qui consiste à considérer la glande ovoïde d’un Oursin non plus comme un organe d'excrétion, mais au contraire, comme donnant naissance à de jeunes éléments destinés à vivre dans les tissus de l'animal. Les deux sortes de pigment que l’on rencontre le plus fréquemment chez les Oursins, sont essentiellement différentes l’une de l’autre. L'un de ces pigments fait partie d’une cellule vivante amæboïde, il est 1 Compt. rend. Acad, sc., 15 juin 1886. 2 Loc. cit. 3 On Echinoderm morphology (Quart. Journ. of Micr. sc,, 1883). 328 HENRI PROUHO. brun d’acajou, soluble dans l’alcool et apparaît déjà chez la larve. L'autre est une matière inerte, un produit de rebut ne participant à la vie d'aucune cellule, il est coloré en brun jaunâtre et se présente sous la forme de granulations tantôt isolées, tantôt groupées en amas (PI. XIX, fig. 45). Il n'apparaît que chez l’Oursin complètement développé, et c’est probablement la présence de ce dernier produit dans les parois de la glande ovoïde qui a conduit les auteurs à attribuer à cet organe une fonction excrétrice. Examinons si la glande ovoïde d’un Dorocidaris joue un rôle par- ticulier dans la production ou dans l'élimination de ce produit d’ex- crétion : On rencontre les granulations pigmentaires en question, non seulement dans la glande, mais partout ailleurs dans le mésentère et il arrive fréquemment que l'organe ovoïde d’un Dorocidaris n’en contient presque pas alors qu’elles abondent dans la lame mésenté- rique interne. Il est très rare de voir la glande d’un individu de petite ou de moyenne taille colorée en brun par elles, ce n’est que chez les Dorocidaris les plus gros, par conséquent les plus vieux, qu'elle est fortement pigmentée, mais alors les tissus de l’animal sont euvahis de toute part par les granules pigmentaires. Ces granulations sont probablement le résultat de la mort des globules müriformes qui se désagrègent après avoir absorbé les pro- duits excrétés par les tissus dans lesquels ils vivent; or, nous avons constaté que ces globules vont partout aussi bien dans la glande ovoïde que dans les glandes génitales, les parois des tentacules et jusque dans les intervalles des cellules épithéliales du pharynx; aussi rencontre-t-on partout les sphérules brunes qui proviennent de leur désagrégation ; ces sphérules s'accumulent peu à peu dans le mésen- tère et principalement dans ses lacunes, il est donc tout naturel d'en rencontrer dans les parois de la glande ovoïde et celle-ci ne peut être considérée comme spécialement chargée deles produire. D'autre part, puisque l’abondance de ce produit d’excrétion augmente au fur et à mesure de sa production, dans les tissus d’un individu RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA., 329 qui vieillit, c’est qu'il n'existe point d'appareil pour l’éliminer. __ L'organe ovoïde a-t-il pour fonction de donner naissance aux ami- bes bruns? Je n’ai aucune observation assez précise, assez dégagée des causes d’erreur pour soutenir l’affirmative, et ne puis, par con- séquent, me ranger à une opinion à l'appui de laquelle je n'ai à apporter aucune preuve même lointaine. Je dois ajouter, d’ailleurs, que les amibes bruns ne sont jamais plus nombreux dans les parois de la glande ovoïde qu'en un autre point du tissu mésentérique. Au contraire, les amibes incolores à longs pseudopodes sont extrè- mement nombreux dans la glande ovoïde et plus abondants que partout ailleurs; c’est leur présence qui caractérise le tissu de l'organe, et la seule manière d'expliquer leur accumulation dans ses parois, c'est d'admettre qu’ils y prennent réellement naissance. Une fois formés, que deviennent ces corpuscules ? Ils cheminent dans le tissu alvéolaire de la glande et un grand nombre, se faisant jour à travers les parois, passent dans la cavité générale. Les parois de la glande paraissent peu propres à la diapédèse, car leur couche externe est toujours plus dense et renforcée par de nombreux spi- cules, aussi existe-t-il une disposition spéciale qui favorise cette migration des globules, je veux parler des canalicules périphériques qui cheminent daus le tissu alvéolaire et débouchent à la surface (pl. XXI, fig. 2, 9). Ces canalicules constituent des points faibles très propres à la sortie des amibes qui trouvent là un chemin tout frayé pour tomber dans la cavité générale. Si les éléments formés dans la glande ovoïde sont destinés à en sortir pour être utilisés ailleurs, il est évident que les parois de lor- gane se videront peu à peu lorsqu'on supprimera la matière première qui alimente la prolifération de ces éléments, c’est-à-dire le liquide fourni par les absorbants intestinaux; c'est aussi ce que l’on observe. Quand un Dorocidaris cesse de se nourrir, le tissu alvéolaire de son organe ovoïde se vide peu à peu, car l’amibe à longs pseudopodes émigre et n’est point remplacé. Ce fait ne peut ètre mis sur le compte d'une résorption sur place, puisque les amibes qui restent sont aussi 330 HENRI PROUHO. bien constitués que lorsque l’animal se nourrit, et il est permis de considérer cette observation comme une preuve indirecte de la fonc- tion que nous attribuons à la glande ovoïde. Comparons maintenant les parois de la glande à une portion quel- conque du mésentère interne et voyons en quoi ces deux tissus dif- fèrent. Au point de vue histologique, la différence est peu impor- tante ; les parois de la glande peuvent être considérées comme une simple hypertrophie du tissu conjonctif mésentérique. Que manque- t-il donc à ce tissu du mésentère pour qu'il se trouve dans les mêmes conditions que les parois de la glande ? une seüle chose: le contact du milieu extérieur, ou du moins le contact d’un liquide dans lequel ce milieu puisse diffuser, et nous sommes ainsi conduits à admettre que l’eau extérieure apporte de son côté, un principe indispensable à la prolifération des amibes'. Cette appréciation des conditions dans lesquelles se trouve placé l'organe ovoïde, nous amène à penser que le tissu mésentérique d’un Oursin devient plastidogénétique quand il recoit, d'une part, la matière plastique fournie par les absorbants, et que, d’autre part, il peut réaliser des échanges osmo- tiques directs avec l’eau extérieure. C'est seulement dans les cavités dépendant de la plaque madré- porique que peut diffuser le milieu extérieur, c’est par conséquent dansles parois de ces cavités, irriguées par le système lacunaire vis- céral, que se localisera le phénomène dont nous nous occupons.L’an- neau périæsophagien se trouve dans ces conditions, aussi suis-je porté à croire que la prolifération des amibes peut s’accomplir dans cette partie du tissu conjonctif. Je n'ai pu arriver à me faire une opinion du rôle du processus glandulaire et de la cavité sous-madréporique dans laquelle il se loge. J’ai souvent trouvé ce prolongement de la glande bourré de 1 La fonction de la glande ovoïde étant ainsi comprise, il n’est point possible d'affirmer qu’il ne se produit pas dans cet organe un phénomène d’excrétion qui nous échappe, mais qui pourrait être la conséquence de la fonction plastidogène elle-même, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 331 corpuscules figurés qui s’échappaient de ses parois et se répandaient en masse dans la cavité sous-madréporique, et j'ai toujours observé des contractions lentes, mais très apparentes, dans sa massue termi- nale. Lorsqu'on le détache en coupant les filets conjonctifs qui le relient à la face interne de la plaque, il se rétracte immédiatement et les corpuscules renfermés dans son tissu se répandent autour de lui. Quant au tissu limitant l’espace sous-madréporique vers l’anus (pl. XIX, fig. 5), je l'ai trouvé, chez de nombreux individus, rempli de globules à long cil vibratile, qui, renfermés dans les alvéoles vésiculaires de cet étrange tissu, deviennent libres quand on met le fragment dans une chambre humide; on les voit alors grouiller dans le liquide de la chambre tandis que quelques-uns s’agi- tent encore emprisonnés dans les lobes du tissu (pl. XIX, fig. 14). Ayant souvent répété ces observations, je n'ai pu m'empêcher de le considérer comme un foyer de production des globules ciliés de la cavitégénérale. Quelque temps après j'ai trouvé, chez deuxindividus, le même tissu rempli non de globules ciliés mais de corpuscules müriformes (pl. XIX, fig. 43); ces corps étaient également abondants dans le processus glandulaire. VIII. — Le système lacunaire viscéral communique-t-il avec l'appareil aquifère? — La communication entre l'appareil décrit par les au- teurs chezles Échinidés sous le nom de système vasculaire sanguin et l'appareil aquifère est une des questions les plus anciennement controversées. D'accord avec Agassiz et Hoffmann, M. Perrier! affirme la commu- nication entre l'appareil circulatoire intestinal et l'appareil aquifère; il indique entre les deux une parfaite continuité : « ces deux parties de l'appareil circulatoire communiquent ensemble par l'intermédiaire d'un cercle vasculaire situé autour de l’œsophage immédiatement au-dessus de la lanterne ». 1 Loc. cit., Arch. Zool. exp., 1875. 332 HENRI PROUHO. Teuscher! n’a pas vu cette communication et, n’étant pas con- vaincu par les recherches de Hoffmann à ce sujet, auxquelles, dit-il, l’auteur semble n’accorder lui-même que peu de valeur, il attend de nouvelles observations sur des animaux frais. Non seulement Teuscher, n’a pas vu la communication des deux systèmes mais il a le premier décrit et figuré les deux anneaux périæsophagiens, l’un appartenant au système aquifère, l’autre au système vasculaire san- guin. M. Kæhler°, en retrouvant par des injections les deux anneaux de Teuscher,a vu qu'ils envoyaient tous deux des ramifications dans les vésicules de Poli et il admet que la communication peut s'établir entre les deux anneaux à travers le tissu des vésicules. J'ai moi- même, au cours de mes recherches?, dit qu'il devait se produire des échanges entre les deux anneaux du Dorocidaris, sans en préciser la nature, Car à ce moment je conservais encore quelques doutes. Le travail de M. Perrier sur la C'omatule de la Méditerranée ayant paru’, jy trouvai l'assurance que le savant professeur du Muséum n'avait point modifié sa manière de voir depuis son mémoire de 1875. Il dit en effet (page 94) : «Pour lui (Kæhler) comme pour moi, l'appareil aquifère et l'appareil vasculaire ne font qu’un» (page 215); « chez les premiers Oursins) il (canal du sable) communique avec le système des canaux intestinaux, tout à la fois sous la plaque ma- dréporique et par les vésicules de Poii »; enfin(page 266)« quoi qu'il en soit, abstraction faite de quelques détails dont la valeur reste à déterminer, il est manifeste que l'appareil d'irrigation des Comatules, tel que nous venons de le décrire, avec toutes les connexions que nous avons mises en évidence, présente de nombreux points de res- semblance avec l’ensemble constitué parl’appareil ambulacraire et le 1 Loc. cit. Beiträge z. Anat. d'Echinodermen (Jen, Zeit. f. nat., 1876). R'4L0C. CH, 3 Compt. rend. Acad. sc., 15 juin 1886. # Mémoire sur l'organisation et le développement de la Comatule de la Méditerranée, 1886. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 333 prétendu appareil vasculaire des Oursins, appareils qui d'après les résultats de mes recherches, confirmés et étendus par les belles études de M. Kæhler, sont en continuité l’un avec l’autre ». D'autre part, dans une note à l’Académie des sciences de Paris du 47 janvier 1887, M. Perrier dit : « Les deux systèmes (ceux dont nous nous occupons) communiqueraient l’un avec l’autre par l'inter- médiaire des vésicules de Poli chez les Échiniens, ou de l'anneau anastomotique qui, suivant les recherches mêmes de M. Prouho, remplace ces vésicules chez les Cidaridiens. J'ai montré, il y a douze ans déjà, à tout le personnel du Laboratoire de Roscoff, qu'une in- jection poussée dans le système des canaux ambulacraires passait régulièrement dans le système des canaux absorbants, » La communication entre les deux systèmes existe-t-elle chez Îles Échiniens et chez l'Z.sphæra en particulier ? Je ne l’ai point recher- chée sur cet Oursin, mais d’après les recherches de M. Kœhler sur le Sphærechinus, 11 est bien probable qu’il existe chez lÆ. sphœæra lui-même deux anneaux périæsophagiens, que ces deux anneaux envoient des prolongements dans les vésicules de Poli, et que leurs cavités respectives sont séparées par le tissu propre de ces vésicules, ce quirevient à dire quelles ne communiquent pas.Lesrésultats des injections que rappelle M. Perrier ne sont peut-être pas suffisants pour conclure à l'identité des deux systèmes, puisque ces injections ne lui avaient pas permis de voir les deux anneaux que M. Kæhler a pu injecter plus tard. Quant au Dorocidaris, la phrase de M. Perrier citée plus haut, ne traduisant pas exactement ma pensée, incomplètement exprimée dans la note à laquelle il fait allusion, je dus préciser la nature des échanges que je croyais seuls possibles entre les deux anneaux périæ- sophagiens, et j'écrivis! : « Un échange de courant entre les deux est impossible », ce qui ne pouvait laisser aucun doute sur ma ma- nière de voir, car deux cavités qui ne peuvent échanger un cou- 1 Compt. rend. Acad. sc., 7 mars 1887. 334 HENRI PROUHO. rant de leurs contenus liquides respectifs, ne communiquent pas. On arrive à cette conclusion par la méthode des injections ainsi que par l'examen histologique des parties intéressées, J'ai fait dans les deux anneaux des injections doubles avec les ma- tières les plus variées, sans obtenir de mélange des deux couleurs dans le collier périæsophagien, l’une des injections était poussée par la lacune marginale interne, l’autre par le canal du sable lui- même. Mais, à mon avis, ce qui est encore plus probant c’est une injection simple du système lacunaire avec une matière très péné- trante comme la térébenthine ; on peut avec cette matière injecter toutle système lacunaire (les lacunes radiales exceptées) sans qu’elle passe dans l’anneau aquifère ; s’il y avait une communication cana- lisée quelconque entre les deux systèmes, le système aquifère s’in- jecterait sûrement dans ces conditions. La figure (4, pl. XIX) représente la coupe du collier dont l'anneau lacunaire seul avait été injecté au bleu soluble (dans la figure la cou- leur a été changée afin de conserver les teintes conventionnelles adoptées et de plus j'ai coloré l’anneau aquifère qui en réalité n’était pas injecté sur la préparation); l'examen microscopique d’une série de pareilles coupes ne m’a point montré une seule parcelle de bleu soluble dans l’anneau aquifère. On peut cependant réussir à faire passer la matière d’une même injection dans les deux anneaux; il suffit d'augmenter suffisamment la pression dans la seringue. Un tel résultat ne doit pas infirmer la conclusion énoncée plus haut; il prouve simplement que les injec- tions peuvent parfois être trompeuses et qu’il ne faut jamais négliger l'examen des causes d'erreur qui entourent une expérience. Quand on cherche à injecter le système lacunaire, il arrive parfois que la masse colorée se répand dans l'intestin lui-même ; faudra-t-il en conclure que le réseau intestinal communique avec la lumière du tube digestif? évidemment non, le fait prouve simplement qu'il s'est produit une rupture dans les capillaires injectés. Enfin, si ces raisons ne suffisaient pas pour prouver que les deux RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 335 anneaux œsôphagiens ne communiquent pas entre eux, on pourrait invoquer l'observation suivante facile à faire et à l'abri de toute cause d'erreur : jamais on ne rencontre dans le système aquifère le contenu coagulé caractéristique du système lacunaire. Les coupes transversales corroborent les résultats obtenus par les injections, elles nous indiquent que l'anneau lacunaire est creusé dans la paroi de l'anneau aquifère etne nous montrent aucune com- munication entre lalumière de ce dernier tapissée par un épithélium continu et les lacunes du premier. La communication entre les deux systèmes ne peut s'étabtir par l'inter - médiaire de la glande ovoide. — Cette communication serait possible si le réseau lacunaire distribué à la glande débouchait dans sa cavité qui, nous l’avons vu, est une annexe du système aquifère ; mais, comme les lacunes des parois glandulaires ne communiquent point avec cette cavité recouverte d'un épithélium continu, le système lacunaire viscéral et le système aquifère ne peuvent, en ce point, échanger un courant de leurs contenus. Nous arrivons donc à la conclusion suivante : non seulement les caractères propres à chacun d'eux font que l’appareil lacunaire vis- céral et l'appareil aquifère sont deux systèmes de cavités distincts, mais encore ces deux systèmes sont entièrement séparés l’un de l’autre. IX. — Une autre question, d’une importance au moins égale, est celle de la communication du système dit sanguin avec l'extérieur. Cette communication est admise par M. Kœhler et d’après lui elle aurait lieu par l'intermédiaire de la glande ovoïde et de son canal excréteur. M. Perrier adopte volontiers cette manière de voir qui est conforme à ses idées générales sur les Échinodermes. Il est exact que le canal excréteur de la glande ovoïde d’un Doro. cidaris ou notre canal aquifère annexe communique avec l'extérieur, mais il n’est pas moins exact que ce canal n'est pas une dépendance du système lacunaire viscéral (sanguin) et que le contenu de ce sys- 336 HENRI PROUHO. tème qui arrive dans les parois de la glande ovoïde ne pouvant pas pénétrer normalement dans sa cavité, il ne saurait exister, à ce n1- veau, un échange de courant entre le système lacunaire viscéral et le milieu extérieur. Le liquide contenu dans la cavité de la glande et celui des lacunes de ses parois ne communiquent pas plus l’un avec l’autre que le contenu de la lacune marginale interne, par exemple, ne commu- nique avec la cavité générale. La cavité de la glande n’est point une lacune appartenant au système lacunaire viscéral, il était important d'insister sur ce point. Cecin'est pas particulier au Dorocidaris et doit être étendu aux Échi- nidés d’après les recherches de MM. Perrier et Kæhler eux-mêmes ; en effet, si la cavité de la glande (ou le canal excréteur) était une dé- pendance du système dit sanguin, M. Perrier aurait injecté le canal glandulaire de l'£chinus sphæra lorsqu'il cherchait à découvrir les vaisseaux qui aboutissaient au prétendu cœur ; au lieu de cela, l’au- teur, prenant toutes les précautions nécessaires pour que la matière colorante ne reflue pas vers le haut a vu la cavité de la glande se gonfler sous la pression d’une injection, se détendre et la matière colorante se refuser absolument à en sortirf. D'autre part, si, comme le dit M. Kæhler, le canal glandulaire était ja continuation du canal excréteur chez le Sph. granularis, il semble qu’il devrait suffire, pour l’injecter, de pousser l'injection dans le canal excréteur {ou cavité de la glande). Dès lors M. Kæhler* n’au- rail pas été obligé de piquer sa canule le plus près possible de la sur- face de la glande ovoïde, pour arriver à injecter les lacunes qui aboutissent à cet organe. H. Carpenter est d'avis que le système dit sanguin ne doit pas com- muniquer avec l'extérieur, mais il se déclare prêt à abandonner sa manière de voir lorsqu'on aura démontré « The communication of the so-called excretory canal of the ovoïd gland in an Urchin with the 1 Loc. cil., Arch. Zool., p. 612. 2? Loc, cit, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 337 space beneath the madreporite, into which the pore-canals and the water-tube both open! ». Nous avons démontré cette communi- cation par des injections et par des coupes (pl. XX, fig. 1-8), mais nous avons vu qu'elle n’entraîne nullement celle du système sanguin avec l’extérieur; par conséquent, malgré l'exactitude du fait anato- mique que H. Carpenter révoque en doute, ses idées au sujet de la‘ prétendue communication sont conformes à la vérité. Le sys- tème dit sanguin (syst. lacunaire viscéral) ne communique pas avec l'exté- rieur. Echanges possibles entre le système lacunaire viscéral et le système aquifère. — Les échanges qui peuvent avoir lieu entre les deux sys- tèmes sont dus, d’une part à l’osmose, d'autre part à la diapédèse des éléments figurés amæboïdes. Ces échanges sont principalement loca- lisés au contact des deux anneaux œsophagiens et dans la glande ovoide. Il est impossible d'assister au phénomène de la diapédèse dans ces deux régions, mais après avoir vu des éléments figurés amœæ- boïdes sortir sans difficulté d’une lame mésentérique, il est logique d'admettre que ce phénomène s’y produit normalement, car les amibes auront beaucoup plus de facilité à traverser les tissus moins compacts limitant les deux systèmes dans les régions considérées que celui du mésentère lui-même. J'ai représenté (pl. XV, fig. 2) un fragment d’une coupe transver- sale des deux anneaux œsophagiens afin de montrer que si par ce procédé on n'arrive pas à surprendre le passage des globules d’un anneau dans l’autre, du moins on peut observer des globules (gm) placés sous l’épithélium de l’anneau aquifère dans une situation telle qu'ils paraissent sur le point de le traverser. 1 On the vascular system of the Urchins (Quart. Journ. of micr. sc., suppl. 1885.) L'espace auquel -H. Carpenter fait allusion n'existe pas, il n’y a ni ampoule ni infundibulum intermédiaire entre le tube aquifère et le madréporite, mais cela ne change rien à la question. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — 9 SÉRIE. — T. Ve 1887. 29 338 | HENRI PROUHO, Le phénomène normal de la diapédèse explique la présence, dans le liquide ambulacraire, de tous les amibes que l’on y rencontre. Nous devons essayer maintenant de définir le rôle de chacun des trois systèmes que nous avons précédemment étudiés, à savoir : appareil lacunaire viscéral, appareil aquifère, cavité générale. L'appareil lacunaire renferme un liquide que les absorbants intes- tinaux puisent à sa source, dans les parois de l'intestin, à la base des cellules épithéliales; ce liquide ne circule pas (j'entends par là qu'il ne revient pas à son point de départ); il est simplement guidé par les lacunes dans lesquelles il se meut en obéissant à l’impul- sion que lui imprime une sorte de vis à tergo provenant de la réplé- tion des absorbants. Il est utilisé dans les tissus où il parvient au fur et à mesure de sa production, ne traverse aucun organe respiratoire etne prend par conséquent aucune part à la répartition de l'oxygène dans l'organisme; il fournit l'élément plastique et rien de plus. Le liquide périviscéral circule activement à la surface des organes grâce au mouvement des cils vibratiles ; il reçoit d’une part l'élément plastique, sous forme de globules figurés que lui fournit spécialement la glande ovoïde, et d'autre part il emprunte l’oxygène aux vésicules ambulacraires. Il est permis de penser que ce fluide est plus parti- culièrement chargé de fournir ce gaz aux tissus qu’il baigne. Le liquide contenu dans l'appareil aquifère est mis en mouvement par un épithélium vibratile, il circule dans des organes respiratoires (tentacules et vésicules ambulacraires). C'est lui qui, à l’aide des ten- tacules, emprunte l'oxygène au milieu extérieur pour le transmettre au fluide périviscéral par le moyen des vésicules. Ce système de canaux aquifères n'irrigue aucun organe, c'est un intermédiaire entre le milieu respirable et le milieu périviscéral auquel il cède l'oxygène qu’il a emprunté au premier. Incapable lui-même de ré- partir ce gaz dans les tissus, il l’abandonne à un liquide très bien RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 339 disposé pour cela, puisque aucun organe n'échappe à son contact. Il est l’agent d’une respiration médiate. Le système des vaisseaux ambulacraires a donc deux fonctions dis- tinctes, l’une locomotrice, l’autre respiratoire. | La première fonction peut disparaître complètement dans une partie de l'appareil ambulacraire chez les Cidaris, les Arbacia, les Diadèmes et probablement d’autres encore qui n’ont pu être obser- vés à ce point de vue. Les £'chinus, au contraire, les Strongylocentrotus et autres, ont des tentacules qui sont tous, à la fois locomoteurs et respiratoires. Pour que la deuxième fonction s'accomplisse dans de bonnes con- ditions, 1l est nécessaire que les tentacules soient étendus ; on pour- rait donc croire qu'elle est subordonnée à la fonction locomotrice; il n en est rien. Un oursin placé dans de bonnes conditions de milieu présente toujours ses tentacules épanouis, qu’il soit en mouvement ou non. Le Sirongylocentrotus de nos côtes passe la plus grande partie de son existence immobile dans son trou et cependant ses tentacules sont constamment étendus. Le Dorocidaris étale ses ten- tacules aboraux dès qu’il se sent en sécurité et A. Agassiz nous apprend que ceux de l’Arbacia, également dépourvus de ventouse, atteignent une longueur considérable. L’accomplissement régulier des phénomènes dont nous venons de parler : transport des matières absorbées par l'intestin, circulation | du fluide périviscéral au contact des organes internes, respiration médiate accomplie par le liquide aquifère, ne nécessite en aucune façon l'entrée d’un courant d’eau par la plaque madréporique. Le liquide du système lacunaire qui ne communique pas avec l’eau de mer se meut sans son intervention, le liquide ambulacraire réalise des échanges osmotiques sans avoir besoin d’appeler un cou- rant de l'extérieur. La pénétration de l’eau par diffusion, au contact des lissus de la glande ovoïde et de son prolongement annulaire périæsophagien paraît être seule indispensable. Nous verrons plus loin que chez certains Echinides (Spatangues), la communication de 340 HENRI PROUHO. la plaque madréporique avec le système ambulacraire est supprimée et que la pénétration de l’eau de mer au contact de la partie glan- dulaire de l'appareil lacunaire viscéral persiste seule. Les conclusions auxquelles nous sommes conduits sont donc en désaccord avec celles que M, Perrier a formulées de la façon suivante dans son beau travail sur le développement de la C'omatule'; « chez les Comatules {et nous pouvons ajouter chez tous les Echinodermes, dont l’organisation se rattache étroitement à celle des Crinoïdes) l’eau extérieure entre librement et d’une manière constante dans le système des canaux d'irrigation. Elle y est appelée incessamment par les mouvements des cils vibratiles dont les parois internes d’une partie au moins de ces canaux sont munies; une fois dans les ca- naux, elle continue à y circuler sous l’action des cils vibratiles et se charge de la répartition des matières nutritives et de l’oxygène. » Revenons au liquide de la cavité générale; nous savons qu'il est divisé en deux parties, l’une extérieur à l'appareil masticateur, l’autre contenue à l’intérieur de cet appareil, dans une cavité close péripha- ryngienne, Cette dernière partie du liquide périviscéral n’est en con- tact avec aucune vésicule ambulacraire et la membrane qui la sépare de l'extérieur esttrès impropre aux échanges osmotiques à cause de son épaisseur et de sa consistance; il faut cependant qu’elle renouvelle son oxygène. Ne pouvant l’emprunter ni au milieu extérieur, ni au liquide ambulacraire, elle le puise dans le fluide périviscéral qui l'entoure et c’est pour cela que la membrane de l’appareil masti- cateur est munie des cinq appendices que nous avons appelés Organes de Stewart, Ceux-ci sont admirablement disposés ‘pour favoriser l’osmose :; leurs parois sont très minces, leur surface est multipliée par de nombreux cœæcums ramifiés dont la délicatesse est augmentée par l’absence de spicules calcaires, un revêtement vibratile actif renou- L Mémoire sur la Comatule, loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 341 velle le liquide péripharyngien à Pintérieur et le liquide périviscéral à l'extérieur; en outre, par leur situation radiale, ils sont placés dans les courants intérieurs les plus oxygénés, c’est-à-dire ceux qui se produisent au contact immédiat des vésicules ambulacraires. En résumé, grâce aux échanges qu'ils provoquent, ces remarquables organes maintiennent entre le liquide péripharyngien et le fluide périviscéral un équilibre qui se traduit par l’égale répartition dans les deux, de tous les principes qui peuvent s’échanger par voie osmo- tique. Chezles Oursins latistellés, la cavité péripharyngienne est, comme chez le Dorocidaris isolée du reste de la cavité générale, mais au lieu de présenter cinq appendices en forme de branchie, flottants dans le fluide périviscéral, elle possède dix véritables branchies qui s’épa- nouissent dans le milieu extérieur’. Il en résulte que la cavité pé- ripharyngienne au lieu d'emprunter l’oxygène à la cavité générale, le puise directement dans l'eau ambiante; de là une différence essen- tielle entre les organes de Stewart d’un Cidaridien et les branchies externes d'un Échinien?, qui se trouve résumée dans le tableau sui- van : Echinus. Dorocidaris. Milieu extérieur, Milieu extérieur. ne NRC RS Branchies. () Cavité péripharyngienne. : Cavité péripharyngienne. 0 Organes de Stewart. SR RE ee R Rn “Ne Cavité générale. Cavité générale, 1 Les auteurs qui ont étudié l’organisation des Oursins ne paraissent pas avoir remarqué que les branchies externes ne communiquent pas avec la cavité générale et qu’elles sont uniquement des diverticulums de la cavité péripharyngienne. D’ail- leurs, ils n’indiquent pas l’indépendance des deux cavités. 2 Stewart suppose que l’eau extérieure peut entrer dans la cavité péripharyngienne du Dorocidaris : «.. So that if the chamber (cav. périph.) communicate with the surrounding water, as it probably does near the tips of the teeth, water would then pass in and out of the space, and bathe the interior of the gills. » S'il en était ainsi, ces organes serviraient à la respiration du liquide périviscéral. Nous avons vu que cette pénétration de l’eau n’est point possible et que le rôle des organes de Stewart est tout autre. 342 HENRI PROUHO. FORME LARVAIRE DU DOROCIDARIS PAPILLATA. Le Dorocidaris papillata at-il une forme larvaire libre ou bien se développe-t-il sans métamorphoses? Il était permis de poser cette question après les intéressantes observations de W. Thomson’ sur le Cidaris nutrix. W. Thomson lui-même en a cherché la solution en examinant un grand nombre de D. papillata afin de voir si cet Oursin, comme le €. nutrix, abritait ses jeunes sur son test, et 1l dit n’avoir jamais rien trouvé de semblable au Cidaris de Kerguelen. De mon côté, j'examinais avec soin tous les 2. papillata qui étaient apportés au Laboratoire sans être plus heureux attendant impatiemment l’époque de la maturité sexuelle de ces êtres, afin de pouvoirrésoudre la question en opérant des fécondations arüficielles, ce que j’ai pu faire au mois de février 4885 grâce à de nombreux individus pêchés à cette époque et qui ne tardèrent pas à rejeter abondamment des œufs et des spermatozoïdes. Le Dorocidaris qui expulse le contenu de ses glandes génitales, reste immobile pendant tout le temps que dure l'opération; les pa- pilles qui surmontent les orifices génitaux sont alors érigées et il s’en échappe un jet qui atteint parfois 1 centimètre de hauteur ; les œufs retombent sur le test, mais sont aussitôt balayés par le mouvement vibratile de la surface et s'accumulent peu à peu autour de l’Oursin; quant aux spermatozoïdes, ils se dispersent dans l’eau ambiante dès qu'ils ont été expulsés. Les œufs sont sphériques, d’un blanc jaunâtre peu transparent ; vus en masse, ils sont franchement jaunes, leur dimension varie de 02,16 à 0®7,18. Les spermatozoïdes présentent les mêmes earac- tères que ceux des autres Oursins; ils ont une tête conique très effilée et une queue très développée. Pour obtenir de bonnes fécondations, il est nécessaire d’avoir un assez grand nombre d'individus afin de pouvoir se procurer en même ? Voyage of the Challenger, vol. II. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 343 temps des œufs et des spermatozoïdes frais, c'est-à-dire sortant des glandes génitales. Aussitôt qu'un individu commence à pondre, on l'isole dans un récipient qui doit être d’une propreté absolue et l’on recueille à l’aide d’une pipette une certaine quantité d'œufs que l'on sème dans un bol de cristal; les œufs tombent au fond et l’on prend les précautions nécessaires pour qu'ils s’y disposent en une seule couche. Cela fait, on isole de la même facon un mâle en train de rejeter ses spermatozoïdes et l’on prend une petite goutte de liqueur séminale que Pon disperse dans le bol contenant les œufs; la quantité de spermatozoïdes ajoutés ne doit pas troubler la limpidité de l’eau. En opérant de cette façon, la réussite est certaine. La segmentation commence environ trois heures après que les spermatozoïdes ont été mis en contact avec les œufs (pl. XXII, fig. 2), elle est totale, régulière, et se continue activement sans présenter rien de particulier. Au bout de vingt-quatre heures l’œuf s’est transformé en une blastosphère dont la cavité de segmentation est bien apparente (fig. 6). Pendant les vingt-quatre heures suivantes la plupart des blastos- phères acquièrent un revêtement cilié, et, s’échappant de leur enve- loppe, deviennent hbres. Elles nagent alors rapidement, viennent à la surface et ne tardent pas à se presser sur les bords du vase où l’on les recueille avec une pipette pour les transporter dans un deuxième bol. Quant aux œufs qui, après quarante-huit heures, ne se sont pas transformés en blastosphère ciliée, ils doivent être rejetés. À partir du moment où les petites larves sont écloses, elles réclament des soins attentifs. Deux fois par jour, je renouvelais leur eau en ayant soin, chaque fois, de nettoyer soigneusement Les bols où je les élevais ; cette précaution est indispensable pour éviter que les larves ne s’accrochent aux impuretés qui se déposent toujours plus ou * moins sur les parois du récipient. | La blastosphère ciliée, aussitôt libre, commence à se transformer en gastrula. Elle s’aplatit légèrement en un point de sa surface et la formation de ce méplat détermine un axe de symétrie (dia- 344 HENRI PROUHO. mètre perpendiculaire au plan d’aplatissement) à l'extrémité duquel on distingue une houppe de cils plus longs que leurs voisins [fig. 7); en même temps les cellules du mésoderme (m) commencent à se former, Bientôt le pôle aplati s’invagine pendant que la larve s’al- longe suivant son axe; les cellules mésodermiques bourgeonnent au sommet de l’invagination et deviennent libres entre l’ectoderme et l’'endoderme; cinquante-trois heures après la fécondation, la gas- trula est parfaite (fig. 8). Le cinquième Jour, la larve s’aplatit, parallèlement à sa grande dimension, et s’incurve légèrement, elle perd ainsi son axe de symétrie qui est remplacé par un plan perpendiculaire à la face aplatie, contenant le blastopore et la houppe de cils ; en même temps, des taches ide pigment brun d'acajou apparaissent dans l'épaisseur de l’ectoderme. | Le sixième jour, l'extrémité de l'intestin larvaire forme deux diver- ticulums (fig. 9, v) de part et d'autre du plan de symétrie. Le pôle correspondant au blastopore devient peu à peu triangu- laire, et le huitième jour on distingue, autour du blastopore, trois mamelons (fig. 41), dont l’un, médian, correspond à la partie infé- rieure du lobe anal, tandis que les deux autres, latéraux, sont la première ‘indication des bras postérieurs; des cellules mésoder- miques se sont groupées dans chacun de ces derniers lobes, et un spicule calcaire apparaît au milieu d'elles (fig. 10). En même temps, l'intestin larvaire s’est incurvé vers la face concave pour aller à la rencontre de l’ectoderme, enfin les deux diverticulums se sont sépa- rés du sommet de l'invagination pour former chacun une vésicule vaso-péritonéale (fig. 10, 11, 42). La larve présente alors une face ventrale, une face dorsale, un lobe oral et un lobe anal avec une paire de bras. L’extrémité du tube digestif opposée au blastopore ne s'ouvre pas encore à l'extérieur, on aperçoit toutefois une invagination {b) indiquant l'endroit où va se former la bouche (fig. 41). Le dixième jour, les bras postérieurs (1) se sont allongés, la RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 349 bouche s’est ouverte et le tube digestif s'est divisé en trois lobes : un œsophage (/), un estomac (d) et un intestin (9); le blastopore est devenu l'anus larvaire (pl. XXHIL, fig. 13). Dès ce moment nous savons que le Dorocidaris paprllata a une forme larvaire, et que cette larve est un plufeus; mais le plutéus de dix jours est trop jeune pour nous donner une idée de ce que doit être la larve adulte de notre Oursin, il faut suivre son dévelop- pement. Le quatorzième jour, les trois parties du tube digestif sont très accentuées, la bouche est grande ouverte, l'anus, au contraire, est réduit à un petit pore. Les bras se sont considérablement allongés, les cils vibratiles sont devenus plus rares à la surface de la larve, tandis qu’ils se sont, pour ainsi dire, concentrés le long d’une bande qui borde le lobe oral, le lobe anal et les deux bras (pl. XXIV, fig. 1). Quant aux spicules, les figures (4) et (2) indiquent leur disposition. Considérons l’un d'eux, on y distingue quatre branches principales partant du même point: l’une sert de soutien au bras, elle est recti- ligne et formée de trois baguettes calcaires réunies entre elles par de petits croisillons (pl. XXV, fig. 7), les autres sont simples, et parmi celles-ci nous distinguons : 4° un spicule arqué et rameux qui sou- tient la coupole ; 2 un spicule situé dans l'épaisseur du lobe anal et qui se termine au-dessus de l'anus; 3° un spicule qui pénètre dans le lobe oral (2) et porte vers sa base une branche arquée située dans la coupole. Les vésicules vaso-péritonéales sont très apparentes, et l’une d'elles (vésicule gauche), s’est mise en communication avec l’exté- rieur par le pore dorsal (pl. XXIV, fig. 2, vg). | Le plutéus ne possède encore qu'une paire de bras (bras posté- rieurs); pendant les jours suivants, les spicules latéraux du lobe oral s'allongent et leurs extrémités pénètrent dans deux prolongements qui se sont développés de part et d’autre de la bouche, et au-dessus d'elle (pl. XXIV, fig. 3, 4, 5) ce sont les bras antérieurs qui appa- raissent (2). 346 HENRI PROUHO. Les bras postérieurs ne cessent de s’accroître, un lobe {/) apparaît au-dessus de l’anus et la larve reste dans cet état pendant quinze jours environ en accentuant peu à peu sa forme. Les cellules du mésoderme sont répandues çà et là dans le COrps du plutéus. Les unes, les plus nombreuses, sont incolores, amæboïdes (pl. XXIV, fig. 44) et offrent tous les caractères des amibes à longs pseudopodes de l'adulte. D’autres, également incolores, mais globu- leuses, sont groupées à l'extrémité des spicules (fig. 3); enfin des amibes brun d’acajou sont dispersés un peu partout. Le pigment qui colore ces amibes a pris naissance, dès le cinquième jour, dans l’ec- toderme de la gastrula (pl. XXII, fig. 9). Les cellules dans lesquelles il s’est développé sont peu à peu devenues amæboïdes et ont émigré dans le mésoderme. Il faut d’ailleurs remarquer que, même après leur émigration à l'intérieur, ces amibes restent de préférence appliqués contre l’ectoderme. L'œsophage est muni de fibres contractiles circulaires qui produi- sent, à sa surface, une striation transversale irrégulière (pl. XXIV, fig. 3), il est revêtu intérieurement de cils vibratiles sans cesse en mouvement. L’estomac se distingue par sa couleur jaunâtre, il affecte la forme d’une cornue renversée, les particules alimentaires tourbillonnent à son intérieur sous l’action de son épithélium cilié. L'intestin est étroit et pourvu de rares cils vibratiles. Les vésicules vaso-péritonéales ont grandi, et chacune d'elles est divisée en deux lobes dont l’un est étroitement appliqué contre l'œsophage, tandis que l’autre se prolonge le long de l’estomac (pl. XXIV, fig. 3, vd, vg), et si ce n’était le pore dorsal, la vésicule gauche serait identique à la vésicule droite. Les larves sont assez transparentes pour pouvoir être étudiées directement dans une chambre humide, néanmoins, j'ai cru utile de pratiquer des coupes minces dans quelques-unes. La coupe (40, pl. XXIV), passant par le plan de symétrie, montre les iroisrégions du tube digestif, on voit quel’æsophage et l’estomac sont séparés par un étranglement qui, d’ordinaire, intercepte la commu- RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 347 nication entre les deux. Lorsque le plutéus veut introduire dans son estomac une particule alimentaire préalablement attirée dans l'œæso- phage, il contracte vivement les fibres circulaires de ce dernier, et il en résulte un mouvement de déglutition qui rend béant l'orifice inférieur de l’æsophage et refoule le corps étranger dans l'intérieur de l'estomac; les fibres circulaires cessent immédiatement de se contracter et l’orifice æœsophago-stomacal se referme aussitôt. Entre l'estomac et l'intestin il existe aussi un étranglement, mais qui n’in- tercepte pas la communication. Les parois de l’æœsophage possèdent des cellules plus longues et plus serrées que dans les autres parties du tube digestif (fig. 7). L’ectoderme {est constitué par une seule assise de cellules égales entre elles, cependant, tout le long des bandes ciliées elles deviennent plus longues et plus pressées (fig. 8,9). Les cellules du mésoderme se retrouvent, sur ces coupes, dissémi- nées un peu partout. Enfin ces coupes nous apprennent que les vésicules vaso-péritonéales sont des formations parfaitement creuses (fig. 8, 9), et que le pore dorsal communique avec la vésicule gauche par un véritable canal (fig. 8, pd). Le pluteus représenté (pl. XXIV, fig. 3) est âgé de trente jours ; à ce moment apparaissent deux formations nouvelles : ce sont deux mamelons du lobe oral, latéraux et inférieurs (pl. XXIV, fig. 5), au milieu desquels on distingue un petit spicule triangulaire (3). Ces . mamelons sont les rudiments de la troisième paire de bras (bras antéro-latéraux) qui, au bout du deuxième mois, ont atteint les pro- ‘portions qu’indique la figure 4 de la planche XXV. Le spicule qui avait d'abord apparu, s’est développé en une baguette treillissée, identique à celles des bras postérieurs. En même temps, les bras antérieurs se sont allongés, enfin un spicule est apparu au sommet de la coupole (fig. 1, q). L'apparition d’un spicule se fait toujours au milieu d’un petit amas de cellules mésodermiques globuleuses (pl. XXV, fig. 6, 4), et ces cellules accompagnent également l'extrémité d’un spicule en voie de formation pendant toute sa croissance, il est donc logique de les 348 HENRI PROUHO. considérer comme les éléments formateurs des baguettes calcaires. Pendant que les bras antéro-latéraux s’allongent, un spicule trifurqué apparaît sur la face dorsale, tout près du pore [ce spicule a été omis sur Ja figure (4, pl. XXV), il est représenté isolément fig. (4)]; il se développe peu à peu, et ses deux branches latérales s'engagent dans deux petits mamelons (4) situés entre les bras anté- rieurs (fig. 2); ces deux mamelons et les spicules correspondants représentent les bras antéro-internes. D'autres changements se produisent en même temps dans la larve par suite de la formation de lobes tout le long de la bande ciliée. Le lobe postérieur (/), déjà formé dans le pluteus de trente jours, se . découpe comme l'indique la figure (3) de la planche (XXV), deux lobes (/”) se développent de part et d’autre de la coupole, entre les deux paires de bras à spicules treillissés, enfin deux lobes (7) (fig. 2) se découpent dans la bande ciliée dorsale, et trois mois après la fécondation, les pluteus ont acquis la forme représentée (pl. XXV, fig. 2). Le pluteus de Dorocidaris est dépourvu d’épaulettes ciliées, aussi ses mouvements sont-ils lents; il flotte difficilement, malgré les mouvements vibratiles de la bande ciliée qui paraît surtout destinée à entretenir des courants alimentaires. Mes observations se sont encore prolongées pendant un mois, durant lequel, espérant toujours assister à la formation du jeune Cidaris, je redoublai de soins et d'attention. Malheureusement mes espérances ont été déçues, et le dernier pluteus résultant d’une fécondation opérée le 14 février, est mort au mois de juin sans que rien indiquât encore la formation du jeune. Le pluteus de trois mois est-il la forme larvaire adulte, définitive du D. papillata ? il y a lieu de le penser, car après avoir assisté à ses transformations successives depuis la fécondation, transformations lentes, mais continues, nous avons vu la larve conserver cette forme pendant trente jours encore sans modifier ses caractères. Si le jeune n’a pas commencé à se développer pendant ce laps de temps, c’est RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 349 qu'il ne m'a point été possible de placer les pluteus adultes dans les conditions de milieu et d'alimentation qu'ils auraient trouvées à l'état de liberté. Parmi les nombreuses larves que J. Müller a figurées, il en est une que l’auteur à recueillie une seule fois, à Messine, et qu'il décrit dans un chapitre intitulé : Über eine larve mit Gitterstäben, auricular fortsätzen und Wimpeln des Schirms1. J. Müller ne sait à quel Oursin rapporter ce pluteus, cependant il est disposé à le considérer comme une larve d'Échinocidaris (Arbacia). Les longueurs relatives des quatre paires de bras, le grand déve- loppement des lobes de la bande ciliée, les spicules treillissés sont autant de caractères qui me portent à croire que la larve de Messine, de Müller, n’est rien autre chose qu’un pluteus de Dorocidaris papil- lata. IL est cependant un caractère qui, s’il existe réellement, ne permet pas de faire cette identification ; les spicules treillissés de la larve de Messine portent de petites épines, tandis que ceux du pluteus de Dorocidaris sont absolument lisses. Ces épines existent sur les spicuies treillissés de toutes les autres larves figurées par Müller, et il est possible que l’auteur les ait dessinés par inadvertance sur ceux de la larve de Messine. Les détails que je viens de donner sur le développement du plu- teus du Dorocidaris papillata permettront, je l’espère, de le recon- naître avec certitude à ses différents âges, partout où on le rene contrera. Au milieu des nombreux pluteus de Dorocidaris que j'’aiélevés pour mener à bien ces recherches, j'ai eu un petit nombre de larves mon- strueuses ; deux d’entre elles méritent d’être signalées. L'une (pl.XXV, fig. 8) présentait, entre les deux bras postérieurs, une paire de bras supplémentaires (x) développés aux dépens du lobe (/). L'autre (fig. 9) présente un intérêt tout particulier, car elle possède le bras impair (sp) caractéristique des pluteus de Spatangides. Ces deux 1 Uber die Gattungen die Seeigellarven, 1855. 350 HENRI PROUHO. larves étaient âgées de trente jours, et leur organisation interne ne présentant rien d’anormal, elles n’ont cependant pas continué à se développer et n’ont pas tardé à mourir. STRONGYLOCENTROTUS LIVIDUS DÉVELOPPEMENT DE L'APPAREIL GÉNITAL. Dans une note à l’Académie des sciences (17 janvier 4887), M. Per- rier rappelle qu’il écrivait dans le numéro 194 (1885), du Zoologischer Anzeiger : « On a souvent comparé l’organe dorsal des Crinoïdes à la glande ovoïde ou prétendu cœur des Oursins et des Étoiles de mer; il y a lieu de rechercher maintenant si ce corps problématique n’a pas quelque rôle à jouer dans la formation des glandes génitales des Échinodermes », et il ajoute : « J'annonçais que je comptais entre- prendre des recherches dans ce sens. Personne jusque-là n’avait émis une pareille opinion sur le rôle du prétendu cœur des Échino- dermes ; l’idée première de ces recherches et la méthode à suivre pour les mener à bien, comme je l’avais fait pour les Comatules, m'appartiennent donc. » Rien n’est plus juste que cette revendication et, pour ma part, Je tiens à déclarer que les recherches de M. Perrier sur la Comatule m'ont engagé à étudier le développement de l'appareil génital d'un Oursin. Ayant pu recueillir, à la grève de Banyuls, de très jeunes Strongylocentrotus lividus, j'ai essayé de résoudre une partie de la question qui venait d'être soulevée. En cela, je ne crois pas avoir outrepassé mes droits et je suis Cer- tain que M. Perrier n’a pas eu, un seul instant, la pensée que j'avais l'intention de m’approprier l’idée premiere de ces recherches. Les plus jeunes Strg. lividus, que j'ai pu étudier, avaient de 4 mil- limètre à 122,5 ; à cet âge, leur rosette apicale est constituée comme l’a décrite Loven ‘. Les cinq plaques génitales et les cinq ocellaires ‘ Loc, cit. RECHERCHES=SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 351 entourent le disque central; l’anus et les pores génitaux ne sont pas encore formés. Si on met en coupe un Oursin de cette dimension, on constate que la plaque madréporique est percée de deux ou trois pores, qui conduisent dans un tube aquifère bien développé, et tout le long de ce tube on aperçoit un corps allongé dans lequel on dis- tingue une substance granuleuse renfermant de nombreux noyaux. Cette formation est la glande ovoïde naissante ; elle se prolonge jusque sous le madréporite et est enveloppée par une membrane délicate, qui la rattache à l’œsophage. I n’y a pas traces de glandes génitales. Examinons maintenant des' coupes parallèles à l’axe d’un jeune Strg. lividus de 3 millimètres : nous constatons que les plaques génitales sont imperforées et qu’il n'existe dans leur voisinage au- cune formation particulière. Comme précédemment, nous retrou- vons le canal du sable et la glande ovoïde rudimentaire se terminant dans un espace (e) qui est l’espace sous-madréporique (pl. XXII, fig. 4). Mais, de part et d'autre, nous distinguons une formation (g) qui n'existait pas dans l’Oursin plus jeune. L’une de ces formations (9) est immédiatement appliquée sur le test, l’autre est accolée à la mince membrane qui enveloppe la glande ovoïde et le canal du sable. Etudions la série des coupes dans les deux sens, à partir de la coupe (4). Dans un sens, les formations (g) disparaissent (fig. 3, 2); dans l'autre, au contraire, elles augmentent d'importance (fig. 5, 6, 7,8), pendant que le tube aquifère et la glande disparaissent à leur tour. Dans la coupe (8), les deux formations (g) se touchent presque ; dans la coupe suivante, elles se confondent et plus loin on ne les retrouve plus. On arrive ainsi, en tenant compte de l'orientation des coupes, à trouver que le corps (g) a la forme et la situation représentées sur le schéma (fig. 9). | Enveloppée par une mince membrane, qui prolonge la lame mé- sentérique reliant la glande ovoïde à l’œsophage, cette formation est caractérisée par les cellules nucléiformes qu’elle contient (fig. 7). 392 HENRI PROUHO. Ces gros noyaux ont un contour très accusé, ils sont généralement ovoïdes, possèdent un point nucléolaire central très apparent ; leur dimension est de 6 à 8 millièmes de millimètre. . Pour déterminer la nature de la formation qui nous intéresse, il est nécessaire d'étudier des individus plus âgés. Chez un Strg. lvi- dus d’environ 6 millimètres, on remarque cinq petits boyaux en cul-de-sac (un dans chaque interradius) appliqués contre la face interne du test, au-dessous de chaque plaque génitale ; ils sont réunis par une membrane qui entoure le périprocte et se continue avec le mésentère qui supporte la glande ovoïde : ce sont les cinq glandes génitales naissantes ; or, ces cinq boyaux interradiaux contiennent des cellules nucléiformes identiques à celles que nous avons trouvées dans la formation (g) du Strg. lividus de 3 milli- mètres. Celle-ci n’est donc rien autre chose qu’un bourgeon génital. Ayant déterminé la véritable nature de ce bourgeon, il faut exa- miner quels sont ses rapports avec la glande ovoïde. Sil était formé par elle, il y aurait continuité de substance entre les deux et, de plus, on rencontrerait les cellules nucléiformes au moins dans la partie de la glande donnant naissance à ce bourgeon ; or, le bour- geon est tout entier à l’extérieur de la glande; il se termine en pointe sur le prolongement de son enveloppe, qui recouvre l’espace sous-madréporique, et il ne m'a pas été possible de constater, dans la glande, la présence d’une seule des cellules nucléiformes qui caractérisent le bourgeon génital. Dans la note citée plus haut, M. Perrier écrit : « Comme ce bourgeon et la glande ovoïde;qu'il touche presque sont l’un et l’autre le produit de la membrane sur laquelle ils re- posent, on peut dire que les résultats obtenus par M. Prouho, si tant est qu’ils soient définitifs, ne diffèrent pas autant qu'il semble le penser de ceux que je viens de rappeler et dont la concordance doit l’inviter à de nouvelles recherches. » | Je ne peux que répéter ce que j'ai dit dans ma note du 3 jan- vier 4887 : « Si le bourgeon génital du Strg. lividus émanait de la RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 353 glande elle-même, le développement de l'appareil génital des Our- sins s’accomplirait par un procédé analogue à celui que M. Perrier décrit chez les Comatules. On pourrait dire que la glande ovoïde naissante du jeune Échinide est ou contient un stolon génital, tout comme l’organe dorsal des jeunes Comatules.Mes observations ne me permettent pas de conclure dans ce sens.» La conclusion à laquelle ces observations nous conduisent est la suivante : le bourgeon géni- tal primitif d’un Strongylocentrotus lividus dépend de la lame mé- sentérique reliant l'œsophage à la glande ovoïde, et il naît indépen- damment de cette dernière. Le bourgeon génital primitif que nous avons observé chez un jeune de 3 millimètres se développe peu à peu à mesure que l’animal grandit. Il s'avance d’abord sous la plaque madréporique, puis, se prolongeant de part et d'autre au-dessous des plaques génitales, il arrive à faire le tour du périprocte et, en même temps, il pousse, devant chaque interradius, un prolongement en cul-de-sac. Pen- dant que le bourgeon se développe de la sorte, 1l reste rattaché à son point d’origine, mais les éléments nucléiformes se portent dans les points les plus éloignés du foyer primitif, c’est-à-dire dans les cinq cæcums interradiaux, | Il en résulte que bientôt on ne les rencontre plus ni dans le voisinage de la glande ovoïde, ni dans la membrane que le bour- geon a formée derrière lui à mesure qu'il entourait l'anus. Cette membrane n’est rattachée au test que par ses deux bords laté- raux ; il y a, par conséquent, entre elle et le test, un espace annulaire périanal (pl. XXII, fig. 1, À); cet espace, chez la plupart des Oursins adultes, se met en communication avec la cavité générale par suite des perforations qui se produisent dans la membrane qui le limite (voir le pentagone génital du Dorocidaris). Le jeune Oursin possède donc, à ce moment, cinq bourgeons géni- taux réunis entre eux par une membrane pentagonale, qui est la continuation du mésentère, et, si on n'avait point observé le bour- geon primitif unique né sous le madréporite, on serait tenté de ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GEN. — 90 SÉRIE, = Te. V. 1887. 23 354 HENRI PROUHO. croire que les cinq bourgeons ont pris naissance indépendamment l'un de l’autre, sous chaque plaque génitale. Chacun de ces bourgeons s’allonge peu à peu par son extrémité adorale, tandis que son extrémité apicale pénètre dans la plaque génitale correspondante (fig. 4), qui ne tarde pas à être complètement perforée ; ainsi se constituent les cinq pores génitaux. Pendant que cette perforation s'accomplit, les bourgeons, qui jusque-là étaient de simples cordons, commencent à pousser des ramifications latérales; il est alors facile de voir directement les cinq glandes génitales nais- santes d’un S{rqg. lividus de 7 à 8 millimètres à l’aide d’une forte loupe. Je ne me suis pas préoccupé de suivre leur développement ultérieur et n'ai pas étudié l’évolution des cellules nucléiformes. En dernier lieu, je signalerai la présence, chez un Strg. lividus de 6 millimètres, de l’anneau nerveux génital (fig. 4, »g) à la place où nous l’avons rencontré chez l’£chinus acutus adulte. SPATANGUS PURPUREUS RECHERCHES SUR LE SYSTÈME AQUIFÈRE ET LES’ DÉPENDANCES LACUNAIRES DU SYSTÈME DES ABSORBANTS INTESTINAUX. Il existe, à la face interne du pôle apical du Spt. purpureus, deux lames calcaires qui se réunissent entre les quatre pores génitaux (pl. XX VI, fig. 46) et sont, sur le vivant, recouvertes par la membrane qui relie entre elles les quatre glandes génitales (pl. XXVI, fig. 2, 4). Ces deux plaques comprennent entre elles un espace occupé en partie par un tissu mou, spongieux, auquel aboutit un cordon qui se détache de la glande ovoïde (pl. XXVI, fig. 4, p).Selon Hoffmann!, le commencement du canal du sable est situé entre ces deux pla- ques ; il est probable que l’auteur a pris pour le canal du sable le cordon dont nous venons de parler. M. Kæhler désigne ce prolongement de la glande ovoïde sous le { Loc. cit. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 395 nom de canal madréporique et, qu'il le considère soit comme le canal excréteur de cette dernière, soit comme l'extrémité du canal du sable, il admet qu’il communique avec l'extérieur par l’intermé- diaire du tissu spongieux, ce qui, d’après mes recherches, n’est point exact. Chez le Spt. purpureus, pas un seul pore aquifère ne s'ouvre entre les deux plaques sous-apicales, où se trouvent situés le tissu spongieux et le canal madréporique (de Kæhler). Ce dernier est l’'homologue du processus glandulaire du Dorocidaris, ce n'est, par conséquent, ni le canal du sable ni le conduit excréteur de la glande ovoïde ; l’espace compris entre les deux plaques correspond à l’'es- pace sous-madréporique, et le tissu spongieux représente très pro- bablement le tissu qui, chez le Dorocidaris, borde le creux du madré- porite. Mais, puisque les pores aquifères ne débouchent pas entre les deux plaques apicales et que le canal madréporique ou plutôt processus glandulaire est une formation absolument différente du tube aqui- fère des Réguliers, où donc est le canal qui représente ce dernier chez le Spatanqus ? Teuscher est, à ma connaissance, le seul auteur qui ait pressenti le véritable lube aquifère ; il le désigne ;clairement en ces termes: « Der Steincanal welcher an seinem Cylinderepithel leicht kenntlich ist, liegt dem Herzen aüsserlich an, aber näher, als bei den Echi- nen ! », Malheureusement, l’auteur n'a point donné de figure expli- cative et, d'autre part, M. Kœhler?°, faisant allusion à ce canal, dit : « Jamais, sur les coupes de la glande, on ne trouve de traces d’un canal qui lui serait accolé, comme le dit Teuscher. » Il en est résulté une incertitude et une confusion que H. Carpenter n’a pas tardé à dévoiler dans une de ses argumentations’. La découverte du véritable tube aquifère d’un Spatangue est / 1 Beiträüge zur Analomie der Echinodermen (Spatangus meridionalis), Jenaische Zeits. f. Nat. wiss., 1876. 2 Loc. cit. .* Notes on Echinoderm morphology (Quart, Journ. of micr, sc., octobre 1833). 306 HENRI PROUHO. cependant facile à faire; il s’agit simplement de suivre les pores aquifères du madréporite, ce qui peut être fait soit à l’aide des injections, soit à l’aide des coupes. Quand on injecte le madré- porite en appliquant la canule sur sa face externe, on voit que la masse colorée pénètre dans un canal (pl. XXVIE, fig. 4) situé à l’ex- trémité de la plaque sous-apicale droite, et, si l’on brise avec pré. caution cette plaque, on s'aperçoit qu’elle est creusée de canaux longitudinaux remplis par l'injection; ces canaux sont la con- tinuation directe des pores aquifères, Les coupes transversales con- firment le fait avec la plus grande évidence et nous montrent que les canaux de la plaque sous-apicale sont tapissés par un épithélium vibratile, analogue à celui qui caractérise le canal du sable des Oursins. Une coupe, menée dans la région où la plaque en question ou apo- physe madréporique se détache du test proprement dit, montre les canalicules aquifères se portant tous vers la droite ; sur une coupe (pl. XXVI, fig. 7) passant en (6, fig. 16), on voit que ces canalicules ont pénétré dans l’apophyse (am). On aperçoit aussi la plaque gauche (pl) et, entre les deux, l’espace sous-madréporique (e) renfermant le processus (p) et le tissu spongieux (sp). Continuons les coupes en nous éloignant progressivement du madréporite: nous voyons la cavité dont est creusée l’apophyse madréporique se régulariser peu à peu pour former un Canal régulier qui apparaît dès que les coupes ont dépassé l'extrémité de l’apophyse (pl. XX VI, fig. 9, c); ce canal est le tube aquifère muni de son épithélium columnaire caractéris- tique, et c’est lui que M. Kœhler a cru voir se perdre dans le tissu conjonctif de la membrane génitale, Le tube aquifère du Spatangue est donc un canal à épithélium columnaire, qui débouche à l'extrémité postérieure de l’apophyse madréporique.Jusqu'ici, à la forme et aux dimensions près, l’analogie avec le Dorocidaris est complète; il reste à trouver le canal aquifère annexe. Ce canal se forme aux dépens de la cavité de la glande ovoïde ; il est facile de le suivre par une série de coupes transversales. Sur la coupe (9), il est encore (c”) en rapport avec un reste du tissu de RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 397 la glande et accolé au canal du sable (e) (comparez cette coupe avec celle de la planche XX, fig. 5); nous le retrouvons {fig. 14) toujours séparé de ce dernier ; enfin (fig. 8, 15), la cloison qui séparait le canal annexe du tube aquifère à disparu et les deux canaux débou- chent à l’extrémité de l’apophyse madréporique (schéma fig. 3, c, c'). Avant de pousser plus loin l'étude du système aquifère, il est indispensable d'examiner de près les branches lacunaires qui dé- pendent du système des absorbants. Quand on pousse une injection par le vaisseau marginal interne, la matière passe dans la soi-disant branche de communication (Hoff- mann), de là dans un anneau péribuccal (av) pour aller, d’une part, \ Fig. 6, — Coupe transversale d'un radius de Sp. purpureus injecté par le vaisseau marginal interne : ag, vaisseau ambulacraire ; /r, lacune radiale, e, espace périnervien; n, nerf ambu- Jacraire. dans les cinq radii et, d'autre part, dans un canal (cg) (pl. XXVE, fig. 3, 5) qui suit le trajet assigné par les auteurs au canal du sable. L'examen de coupes pratiquées’ dans les pièces injectées nous apprend que la masse colorée a pénétré dans un anneau lacunaire accolé à l’anneau ambulacraire, indépendant de l’espace périner- vien, et que cet anneau fournit cinq lacunes (fig. ci-contre, /r) lon- geant les radii au-dessous d’un canal qui, nous le verrons plus loin, est le vaisseau ambulacraire, La lacune ainsi injectée repré- sente chez le Spatangue la lacune radiale des Oursins réguliers ; elle se laisse injecter ici sans difficulté, probablement parce qué la résis- tance, créée par les lacunes pharyngiennes des Réguliers, n'existe pas ; cette lacune est, comme chez les Réguliers, située dans la 358 HENRI PROUHO. membrane qui sépare le vaisseau ambulacraire de l’espace péri- nervien. Faisons maintenant une coupe transversale dans la branche qui se détache pour suivre le canal du sable (des auteurs). Gette coupe est représentée dans le mémoire de M. Kæhler (pl. V, fig. 34) ; elle montre la lumière de deux canaux (C, C'jet c’est le canal marqué (C) que notre injection a suivi (pl. XXVL, fig. 5, 3, cg). Jamais je n'ai vu la masse colorée pénétrer dans le canal C’ de Kœæbhler, désigné par va’ sur nos dessins. Nous suivons le canal cg jusqu’à la glande ovoïde; arrivé àce point, il fournit à celle-ci un réseau lacunaire (/), puis l'injection reparaît à l’autre extrémité de la glande et forme un réseau (/g) dans la membrane de l’appareil génital (pl. XXVL, fig. 4, 2). Le canal (cg) est représenté, chez les Oursins latistellés, par la lacune que M. Kœhler a nommée canal glandulaire chez le Sph. granularis et qui, chez le Dorocidaris, n’est point différenciée à cause du contact de la glande ovoïde avec la lanterne. Il existe donc, chez le Spatangue, un anneau péribuccal apparte- nant au système lacunaire viscéral, qui fournit cinq lacunes radiales, plus une lacune (canal glandulaire) irriguant les parois de la glande ovoïde et les glandes génitales (fig. 3). Revenons au système aquifère : une injection, poussée par le ma- dréporite, pénètre, avons-nous dit, dans le tube aquifère (c), mais elle ne s'arrête pas là. Elle remplit un canal à petites ramifications latérales (fig. 3, 1), qui passe sur la glande ovoïde et se continue le long du canal glandulaire jusqu’à une petite distance de l’æœsophage. Ce prolongement ramifié du tube aquifère ne possède plus l’épithé- lium columnaire ; celui-ci disparaît peu à peu dans la région même où paraissent les premières ramifications du tube sur la glande ovoïde. Après avoir dépassé cette dernière, le canal ramifié s’accole intime- ment au canal glandulaire, mais ne se confond pas avec lui; les injections sont indispensables pour s’assurer de ce fait et leurs ré- sultats sont constants. Une injection poussée par le vaisseau margi- nal interne remplit le canal glandulaire et ne passe jamais dans le RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 399 canal aquifère ramifié (fig. 13). Inversement, une injection poussée dans le tube aquifère ne pénètre jamais dans le canal glandulaire. Chez les Oursins réguliers, quand on injecte le tube aquifère, la masse pénètre dans les vaisseaux ambulacraires ; ici, la chose n’a jamais lieu ; la matière colorée s’arrête à l'extrémité du canal ramifié, c’est-à-dire à une petite distance de l’œsophage, et cela tient à ce que ce canal se termine là en cul-de-sac. Si on fait une coupe à 1 millimètre ou 2 de son extrémité, on ne trouve plus que la lumière du canal glandulaire devenue simple, Cependant, dans la coupe d'un radius donnéeplus haut, il existe un vaisseau (ag) situé comme le vaisseau aquifère d’un radius d’Our- sin régulier; il semble que chez le Spatangue, ce vaisseau devrait être également en relation avec le tube aquifère ; injectons-le direc- tement. Nous voyons l'injection pénétrer dans les vésicules ambula- craires et remplir un anneau qui suit l’anneau lacunaire ; de là, elle s’introduit dans un canal onduleux, qui accompagne la région œæso- phagienne du canal glandulaire (fig. 5, 3) (c’est le canal marqué (C) dans la figure 34 du mémoire de M. Kæhler). Ce canal onduleux se termine en cul-de-sac à quelque distance de l’extrémité du canal aquifère ramifié ; il n’y a pas continuité entre les deux. Il résulte de cette étude que, chez le Spatangue, l'appareil appelé aquifère chez l’'Oursin régulier s'est scindé en deux parties : 4° une partie apicale réellement aquifère, comprenant le madréporite, le tube aquifère proprement dit, le canal annexe et le canal aquifère ramifié ; 2 une partie adorale ambulacraire, composée du canal onduleux, de l’anneau péribuccal et des cinq vaisseaux ambula- craires,. H. Carpenter ‘ émet des doutes sur les connexions de la branche de communication que Hoffmann et les auteurs venus après lui consi- dèrent comme établissant une communication entre le système des vaisseaux intestinaux et les vaisseaux ambulacraires ; il demande de 1 Loc. cit. 360 HENRI PROUHO. nouvelles recherches pour établir « the connection of the intestinal vessel of Spatangus with both the oral rings ». Les doutes de H. Car- penter sont justifiés ; la soi-disant branche de communication de Hoffmann n’est en rapport qu'avec l’anneau lacunaire péribuccal (pl. XXVI, fig. 4, av) et nullement avec l'anneau ambulacraire (aa'). Il est incontestable que, si cette branche de communication (v?) se bifurquait à son extrémité pour déboucher dans les deux anneaux, on injecterait ceux-ci simultanément quand on pousse une injection par le vaisseau marginal interne ; or, c'est toujours l'anneau lacu- naire qui est injecté avec les lacunes radiales, et jamais l'anneau et les vaisseaux ambulacraires ; mais, pour s'assurer de ce fait, il ne suffit point d’un examen sous la loupe, il faut, de plus, faire des coupes transversales des radii et des anneaux péribuccaux ainsi injectés, sans quoi l’on s’expose à confondre l'anneau et les vaisseaux ambulacraires avec l'anneau lacunaire et les lacunes ra- diales. Hoffmann ignorait la présence des lacunes radiales et, lorsque, poussant une injection dans les vaisseaux de l'intestin, il voyait la matière pénétrer dans les aires radiales, il croyait avoir injecté les vaisseaux ambulacraires (Wassergefasscanale). Je ne me suis pas d’abord rendu compte de la séparation des deux parties de l’appareil aquifère; aussi ne l’ai-je point signalée dans ma note préliminaire du 21 juin 1886 (Comptes rendus de l'Académie des sciences). N'ayant jamais pu réussir à injecter les vaisseaux ambulacraires et le canal onduleux, en poussant l'injection par le tube aquifère, mais persuadé que, chez le Spatangue comme chez l’Oursin régulier, le système ambulacraire devaitcommuniquer avec le madréporite, j'at- tribuais les résultats négatifs que j’obtenais à l'insuffisance de pénétra- tion des injections et je ne doutais pas que le canal aquifère ramifié ne s’'abouchât avec le canal onduleux ; en cela, nous venons de le voir, . je commettais une erreur, qui se trouve corrigée dans les lignes qui précèdent, et dans laquelle je ne serais point tombé, si je n’avais * RECHERCUES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 361 pas suspecté la valeur des injections qui m’avertissaient d’un fait anatomique intéressant et absolument imprévu. Nous avons vu que, chez le Dorocidaris, la glande ovoïde possède un prolongement annulaire (anneau lacunaire périæsophagien), qui, grâce au prolongement annulaire du tube aquifère (anneau aquifère périæsophagien), est en contact avec le milieu extérieur qui diffuse dans ce dernier anneau. Chez le Spatangue, le tissu de la glande se continue le long du canal glandulaire et il se trouve également en contact avec le milieu extérieur, grâce au prolongement ramifié du tube aquifère. Il y a donc une analogie de structure évidente entre le double anneau du Dorocidaris et la partie du soi-disant canal du sable des auteurs, qui s'étend depuis la glande ovoïde jusqu’à l’ex- trémité du canal aquifère ramifié. En résumé, chez le Spatangue, le milieu extérieur peut diffuser seu- lement au contact du tissu de la glande ovoïde et de son proionge- ment. Quant au système ambulacraire qui, chez l'Echinus, commu- nique avec l'extérieur, il est devenu une cavité close, mais il reste toujours propre à entretenir la respiration du fluide périviscéral, grâce aux tentacules et vésicules des pétales. Ce système demeureégalement propre à aider la locomotion, puisque, nous l’avons vu dans un cha- pitre précédent, la communication avec l’extérieur par l’intermé- diaire du madréporite n’est pas une condition indispensable au fonc- tionnément des tentacules, Si cependant cette condition est favorable, il serait très intéressant de pouvoir étudier une espèce de Spatangue présentant des tentacules ambulacraires mieux développés et plus actifs, pour voir si la rupture du système aquifère en deux parties existe. Mais il serait d’un plus grand intérêt encore d'étudier, à ce point de vue, de très jeunes individus ; il me paraît probable que la séparation des deux parties du système aquifère ne doit avoir lieu que quelque temps après la formation du jeune Spatangue. 362 HENRI PHOUHO. RÉSUMÉ. Dorocidaris papillata. — Après avoir donné un aperçu de la faune échinologique des côtes du Roussillon, nous avons étudié les mœurs du Dorocidaris papillate et déterminé le rôle de ses piquants, Le développement des radioles a été suivi depuis leur apparition jusqu’à la forme définitive et cette étude, jointe à quelques obser- vations sur leur mode de réparation après cassure, nous a fournides renseignements utiles pour la détermination des espèces. Le ?. papillata possède des pédicellaires glandulaires dont chaque valve calcaire renferme un sac à mucus. Le rôle des pédicellaires demeure inconnu. Les faisceaux principaux du plexus nerveux périphérique sont logés dans des sillons particuliers creusés dans le calcaire à la surface du test. La nature de ces sillons connus chez quelques espèces fossiles se trouve ainsi déterminée. Le plexus nerveux périphérique forme à la base de chaque radiole un anneau nerveux visible à l’œil nu. Les nerfs ambulacraires sont des formations tubulaires présentant un espace virtuel intra-nervien qui aboutit entre l’épithélium du pharynx et celui de la lèvre péristomienne. La partie interne des tubes nerviens ambulacraires forme l'anneau nerveux péri-buccal qui est en continuité avec la couche épithéliale du pharynx. Le tube digestif est dépourvu de siphon intestinal; ce caractère ne se retrouve chez aucun des Échinidés étudiés jusqu’à ce jour. Les pores aquifères de la plaque madréporique communiquent avec deux canaux distincts ; le tube aquifère (canal du sable) et le canal annexe (conduit excréteur de Perrier). Ce dernier est le pro- longement de la cavité de la glande ovoïde. L'entrée de l’eau par la plaque madréporique a lieu par diffusion simple. Le système des canaux ambulacraires ne diffère de ce qu'il est RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 303 chez les Échinidés que dans la région péristomienne (absence de tentacules buccaux). Les tentacules ambulacraires sont de deux sortes;les uns, propres à aider la locomotion, sont munis de ventouses (hémisphère adoral); les autres dépourvus de ventouses sont exclusivement respiratoires (hémisphère aboral). Le fonctionnement de la ventouse s’explique par le ‘jeu de fibres musculaires indépendantes des muscles longitudinaux. Le système lacunaire viscéral (vasculaire sanguin des auteurs) est uniquement composé de lacunes creusées dans le tissu conjonctif des lames mésentériques. Le réseau capillaire absorbant débouche dans deux lacunes marginales : l’une externe, l’autre interne. Il n’existe pas de vaisseau collatéral. La lacune marginale interne conduit dans un anneau péri-æso- phagien creusé dans la paroi interne de l'anneau aquifère. Cet anneau lacunaire fournit : 4° un réseau qui se distribue à la glande ovoïde et _se continue dans le pentagone génital ; 2° cinq lacunes pharyngiennes d’où naissent cinq lacunes radiales accolées à la face externe des vais- seaux ambulacraires; ces lacunes émettent des branches latérales pour les tentacules. il n’y pas de vésicules de Poli différenciées des anneaux œsopha- giens. Le système lacuhaire viscéral ne communique pas avec l'extérieur. L’anneau appartenant au système lacunaire viscéral ne commu- nique pas avec l'anneau aquifère. Les seuls échanges possibles entre les deux ont lieu par osmose et diapédèse. Les deux sysièmes, système lacunaire et système aquifère, ne communiquent pas entre eux sous la plaque madréporique. Le système lacunaire viscéral est donc un appareil complètement séparé du système aquifère. La glande ovoide est le lieu de formation des globules blancs amæ- boïdes à longs pseudopodes qui sont répandus dans le fluide péri- viscéral, les canaux ambulacraires et dans tous les tissus. L’anneau 364 HENRI PROUHO. lacunaire œsophagien est un prolongement des parois de la glande, Le rôle des trois cavités distinctes : cavité générale, système lacu- naire, système aquifère, a été étudié dans un chapitre spécial. La cavité générale comprend deux parties ne communiquant pas entre elles: la cavité générale proprement dite et la cavité péri-pha- ryngienne. Cette dernière n’est point munie de branchies externes contraire- ment à ce qui a lieu chez les Échinidés ; elle possède cinq appendices internes (organes de Stewart) destinés à favoriser les échanges osmo- tiques entre le liquide péri-pharyngien et le liquide péri-viscéral. La forme larvaire du D. papillata est un pluteus à quatre paires de bras dont deux présentent des spicules treillissés à baguetteslisses, ce sont les bras postérieurs et les bras antéro-latéraux. Les bras antérieurs et surtout les bras antéro-internes sont courts; la coupole est aplatie et présente deux lobes latéraux, il existe en outre d’autres lobes très développés le long de la frange ciliée; les épaulettes ciliées font défaut, Echinus acutus. — Son étude nous a permis de démontrer qu'il existe chez les Oursins un système nerveux périphérique situé dans la couche épidermique du test, constitué par un plexus réticulé en relation avec le système nerveux interne par les nerfs tentaculaires et par l'extrémité apicale des cinq nerfs ambulacraires. Ce plexus forme à la base de chaque piquant ün anneau nerveux riche en éléments ganglionnaires. En outre, nous avons découvert chez cet £chinus un anneau géni- tal nerveux en rapport avec les cinq nerfs ambulacraires. Strongylocentrotus lividus. — En étudiant de très jeunes individus de cette espèce, nous avons observé le développement de lappareil génital. Les cinq glandes génitales proviennent d’un bourgeon primitif unique, développé aux dépens du mésentère. La glande ovoïde n’est pas un stolon génital. Spatangus purpureus. — Le madréporite présente une apophyse RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 365 interne à l'extrémité de laquelle s’abouchent le tube aquifère (canal à épithélium columnaire) et le canal annexe. La glande ovoïde en- voie entre l’apophyse madréporique et la lame sous-apicale gauche, un prolongement qui est l’homologue du processus glandulaire du Dorocidaris. La lacune marginale interne fournit une branche qui forme un anneau lacunaire péri-buccal. Cet anneau émet d’une part cinq la- cunes radiales et d'autre part une lacune (canal glandulaire) qui parvient jusqu’à la glande ovoïde, se distribue dans ses parois et se termine en un réseau dans la membrane qui relie entre elles les quatre glandes générales. L'appareil appelé aquifère chez les Oursins réguliers est chez le Spatangue divisé en deux parties qui ne communiquent pas entre elles : 4° le tube aquifère proprement dit, prolongé par un canal ramifié qui longe le canal glandulaire et se termine en cul-de-sac vers la région œsophagienne ; 2° le système ambulacraire compre- nant cinq vaisseaux radiaux, un anneau péri-buccal et un canal onduleux appliqué contre la partie du canal glandulaire qui longe l'æsophage et terminé en cul-de-sac. Le système lacunaire viscéral ne communique avec aucune de ces deux parties. La soi-disant branche de communication ne débouche que dans l'anneau lacunaire péri-buccal et nullement dans l’anneau ambula- craire qui accompagne ce dernier. Le système lacunaire viscéral ne communique pas avec l’extérieur. APPENDICE. Les recherches qui viennent d’être exposées étaient entièrement terminées, lorsque O. Hamann 1 a publiéles résultats définitifs de son travail sur l’histologie des Echinodermes. Sans avoir l'intention de 1 Beiträge zur hislologie der Echinodermen (Jen. Zeits. f. Nat,, bd. XXI, 1887). 366 HENRI PROUHO. donner ici une analyse complète de ce mémoire, qui clôt une im- portante série de recherches sur un groupe d'animaux dont je m’ai moi-même étudié qu'une partie, je me bornerai aux quelques remarques suivantes : O. Hamann confirme les observations que j'avais résumées le 22 fé- vrier 4886 !, relativement à l'existence du plexus nerveux périphé- rique de l’£'chinus acutus et au mode d'innervation des piquants par ce plexus (anneau nerveux basilaire des piquants). I signale la présence d’un anneau lacunaire sanguin (anale Blutla- kunenring), situé dans l'épaisseur de la membrane qui forme le pen- tagone génital; j’ai moi-même fait connaître l'existence du réseau lacunaire péri-anal, chez le Dorocidaris, à la date du 45 juin 1886 ?. L'auteur allemand semble attacher une grande importance à la présence d’un espace annulaire compris entre la membrane du pen- tagone génital et le test (Schizocülring). Get espace n'existe pas avant que le bourgeon génital n’ait entouré le périprocte ; il est la consé- quence du développement de ce bourgeon, derrière lequel il se con- stitue peu à peu, et si, chez le jeune Oursin, cet espace annulaire est une cavité close, chez l'adulte il communique largement avec la ca- vité générale. Il est d’ailleurs complètement séparé de l’espace sous- | madréporique, qui paraît être passé inaperçu pour Hamann, et qui, lui, est une cavité close, dans laquelle se termine la glande ovoïde. Cet espace péri-anal a-t-il une réelle importance morphologique ? La question paraît discutable et l’on ne devra pas oublier quil est, chez l’Oursin adulte, une simple dépendance de la cavité gé- nérale. O. Hamann n’a point observé que la cavité de la glande ovoïde communique avec l'extérieur par l’intermédiaire du canal annexe; pour lui, cette glande est un organe dans lequel les matières deve- nues inutiles se séparent du sang. Ce serait donc un organe d’excré- | 1 Compt. rend. Acad. sc. Paris. 2 Compt. rend. Acad. sc. Paris. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 367 tion sans conduit excréteur. Les conclusions auxquelles nous à con- duit l'étude du Dorocidaris sont tout autres. Nous sommes d'accord avec l’auteur allemand relativement à la séparation des deux anneaux œsophagiens ; mais je lui laisse la res- ponsabilité de son hypothèse, quand il considère les vésicules de Poli comme des organes respiratoires. O. Hamann n’a point vu les lacunes radiales des Oursins réguliers ; je ne les ai pas recherchées chez le Sphærechinus ni chez l’Æ. acutus ; mais, les ayant retrouvées chez l’£,. sphæra, je ne crois pas m'a- vancer beaucoup en disant que ces lacunes existent chez tous les Oursins. C’est dans l'épaisseur de la membrane qui sépare le ca- nal W de l’espace Sch! (mémoire d’'Hamann, pl. XIV) qu'il faut cher- cher à découvrir la lacune radiale. D'ailleurs, l'existence de ces lacunes a été méconnue par Hamann chez le Spatangus purpureus lui-même, où cependant il est facile de les injecter, en poussant l'injection par la lacune marginale interne. Dans la deuxième partie du mémoire, consacrée aux Oursins irré- guliers, je trouve, page 223, la phrase suivante : « Dass der Stein- kanal nur von der madeporenplatte bis zur Drüse reicht und hier in ein Gefassgeflecht mündet, istihm (Teuscher) wie allen folgenden Beobachtern, auch Kæbler, entgangen. » Hamann n'aurait point écrit cette phrase, s’il avait eu connaissance de ma note du 91 juin 1886 ‘. Les conclusions de l’auteur allemand relatives à la structure du soi-disant canal de sable des auteurs, qu’il appelle Gefässgeflecht, sont essentiellement différentes des miennes. Pour Hamann, toutes les cavités qui composent le Gefässgeflecht communiquent entre elles ; ‘pour moi, il existe deux sortes de cavités distinctes, appartenant les unes au système lacunaire viscéral, les autres au système aqui- fère. Mais pour découvrir l'indépendance de ces deux sortes de cavités, il ne suffit pas de faire des coupes transversales du Gefäss- 4 Compt. rend. Acad. sc. Paris. 368 HENRI PROUHO. geflecht, il faut l'avoir préalablement injecté au bleu soluble. Si Ha- mann n'avait pas laissé de côté la méthode des injections, il aurait pu faire les observations suivantes : En injectant la lacune marginale interne, il aurait vu la matière colorée passer dans les lacunes marquées BI et K! sur la figure 8, pl. XVII, de son mémoire, sans jamais pénétrer dans les lacunes marquées K. Il en aurait conclu que BI et K' ne communiquent pas avec K, et que ces cavités dépendent exclusivement du système lacunaire viscéral (sanguin). Du même coup, il aurait injecté; les > ec | … ‘Ob.Lippe D a PS WGR dé BLR Vi \ # Fig. 17, — Coupe verticale de la bouche d’un Sptg. purpureus, d'après O. Hamann. GR, anneatü nerveux ; WGR, anneau vasculaire aquifère ; BLR et Sch, anneau lacunaire sanguin ; Sph, sphincter. parois de la glande, la membrane génitale, et la matière colorée n'aurait pas pénétré dans le tube aquifère. Au contraire, sil eüt poussé l'injection par le madréporite, il aurait vu la masse colorée pénétrer dans le tube aquifère, de là dans les cavités K de la figure en question et nullement dans les lacunes BI et K'. En même temps il aurait constaté que l'injection ne péné- trait pas dans les aires radiales, Ces deux injections, l’une par le madréporite, l’autre par la lacune | marginale interne, auraient montré à l’habile histologiste de Gôt- tingue qu'il existe, dans la partie du canal de sable des auteurs dont nous nous occupons, deux catégories de cavités ne commu- niquant pas entre elles. D’après Hamann, les lacunes sanguines qui accompagnent l’æso- : RECHERCRES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 369 phage débouchent dans un anneau péribuccal contenant le système nerveux, et de cet anneau (Schizocülringkanal) partent cinq lacunes sanguines, dans lesquelles sont logés les cinq nerfs radiaux. M. Kæbhler a déjà fait remarquer, très justement, que les espaces dans lesquels sont logés les troncs nerveux d’un Spatangue ne sont pas des vaisseaux, et, si Hamann avait mis en coupe des pièces préa- lablement injectées au bleu soluble, il serait arrivé à des conclusions bien différentes de celles qu’il a publiées. PR V£ ee Fig. 18. — Même coupe que figure 17, dans laquelle une injection par la lacune marginale interne a mis en évidence le véritable anneau av du système lacunaire viscéral; aa!, anneau ambula- craire ; V, anneau nerveux; e, espaces périnerviens. Hamann n'a point vu la lumière de l'anneau lacunaire av (lèvre supérieure) et il a attribué à l’anneau aquifère, la lumière av (lèvre infé- rieure), alors qu’elle appartient en réalité à l’anneau lacunaire. En outre, il n’a pas figuré la véritable lumière aa’ (lèvre inférieure) de l’anneau aquifère. J'ai reproduit ci-contre (fig. 17) la coupe de la bouche d'un Spa- tangus purpureus, donnée par Hamann (pl. XVII, fig. 3), et, à côté (fig. 18), la même coupe, corrigée après injection au bleu soluble par la lacune marginale interne. La comparaison de ces deux figures remplace avantageusement la description la plus minutieuse, et l’on doit en conclure que l’auteur dont nous discutons en partie le mé- moire n’a pas observé le véritable anneau péribuccal du système lacunaire viscéral (sanguin). Cet anneau av (fig. 18), ainsi que les lacunes radiales qui en dépendent (fig. 16, }), sont en commu- nication avec le système des absorbants intestinaux, qui n'ont au- cun rapport avec les Schizocülbildungen : Langskanale et Schlundsinus de O. Hamann. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, == 9€ SÉRIE, == Ts Ve 1887. 24 370 HENRI PROUHO. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XIV. Dorocidaris papillata. . Fi. 1, Fragment du test (aire interambulacraire); "», mamelon des tubercules primaires ; {, tubercules secondaires ; sn, sillons du réseau nerveux périphérique. Gross. 2 d. 2, Quatre plaques ambulacraires et morceau de la plaque interradiale voisine; p, pores ambulacraires; #, encoche dans laquelle est logé le nerf tenta- culaire ; r, tubercules des pédicellaires ; les autres lettres comme précé- demment. Gross. 9 d. 3. Coupe longitudinale d’une zone ambulacraire près du pore ocellaire ; va, vésicules ambulacraires; s, lignes de suture ; ta, tentacules coupés obliquement ; sn, coupe des faisceaux nerveux logés dans les sillons sx des figures précédentes; np, coupe du faisceau nerveux entourant le ten- tacule. Gross. 25 d. 4, Coupe longitudinale de l’extrémité d’un radius et du pore ocellaire ; aq, vaisseau ambulacraire ; a, pore ocellaire ; 0, plaque ocellaire ; np, réseau nerveux périphérique ; n, nerf ambuiacraire. Gross. 25 d. 5. Tentacule ambulacraire coupé près de son altache au test; n, nerf tenta- culaire. Gross. 8 d. 6. Fragment de la coupe (4) pris sur les bords du pore oceilaire ; ep, noyaux des cellules épidermiques ; p, prolongements de ces cellules au travers du plexus nerveux, np; c, membrane conjonctive limitant le réseau du test, rc; k, espaces occupés par le calcaire ; gm, globule müriforme. Gross. 460 d. 7. Coupe demi-schématique menée transversalement à un radius ; ta, tenta- cule rétracté ; va, vésicule correspondante non coupée ; sp, spicules calcaires ; p, pores ambulacraires ; aq, vaisseau ambulacraire; {r, lacune radiale ; e, espace périnervien ; », nerf ambulacraire ; np, plexus ner veux périphérique ; nt, nerf tentaculaire. 8. Coupe transversale d’un tentacule suivant & (fig. 7) ; d, brides qui divisent sa lumière en deux parties. Gross. 45 d, 9, Coupe longitudinale passant par le plan médian d’une arête pharyngienne ; ei, épithélium du pharynx; ep, épithélium de la lèvre péristomienne ; ar, tractus de larête pharyngienne, dans lesquels sont creusées les lacunes ; /r, lacune radiale ; e, espace périnervien ; #, nerf ambula- craire ; N, anneau nerveux; w, point où aboutit l’espace virtuel intra- nervien. Gross. 25 d. 10. Coupe du pentagone nerveux N, dans un interradius ; N' correspond à Ja partie n' du tube nervien (pl. XVIL); w, sillon qui continue l’espace virtuel intra-nervien ; g, membrane qui se rattache à la dent. Gross. 250; RECHERCHES SUR LÉ DOROCIDARIS PAPILLATA. 3% fic. 41. Coupe transversale d'une arête pharyngienne; ar, tractus de l’arète; ce, coagulum contenu dans les lacunes de ces derniers ; ei, épithélium d’un des sillons du pharynx coloré au vert de méthyle. Gross. 115 d. 42. Coupe d’un sillon du test; sn, fibrilles nerveuses ; ep, cellules épider- miques. Gross. 265 d. 43. Coupe tangentielle menée près du point d'émergence d’un nerf tenta- culaire ; né, nerf tentaculaire ; g, cellules nerveuses ; w, espace intra- nervien; {{, canalicule qui accompagne le nerf ; fm, fibres musculaires du tentacule correspondant. Gross. 265 d. PLANCHE XV. Dorocidaris papillata. Fi. 4. Coupe iransversale du double anneau périæsophagien ; ag, anneau aqui- fère ; av, anncau dépendant du système lacunaire viscéral, Gross. 45 d. 2 Partie de la figure 1 ; gm, globules müriformes, dont quelques-uns sont situés immédiatement au-dessous de l’épithélium ; ef, éléments figurés contenus dans l’anneau aquifère; sp, emplacement des spicules cal- caires dissous. Gross. 265 d. 3. a, b, c, d,e, globule müriforme traversant la couche épithéliale de la lame mésentérique interne, observé sur le vivant. Gross. 385 d. 4. a, b, giobule müriforme, m; et globule brun, gb, traversant la même membrane. 5. Coupe d’un pédicellaire naissant ; ep, couche épidermique ; f, cellules formatrices ; la tête commence à se différencier ; à la partie supérieure, elle est séparée de la fige par une assise de noyaux plus fortement co- lorés ; r, réseau canaliculaire du test; c, membrane qui le limite, Gross. 265 d. 6. Base d’une radiole en réparation, dépouillée en partie des piquants secon- daires qui l’entouraient ; h, bourgeon médullaire par lequel débute la formation de la nouvelle baguette ; a, limite inférieure de la collerette (bourrelet); e, ampoules des piquants secondaires; an, anneau nerveux. Gross. 3 d. 7. Deux portions d’une même coupe transversale de la première courbure intestinale; e, épithélium de l'intestin ; gf, gouttière ; wi, lacune margi- nale interne creusée dans la lame mésentérique ; ve, lacune marginale externe. Gross. 25 d. 9,40. Coupes longitudinale et transversale d’un tentacule ambulacraire de l'hémisphère adoral; ep, couche épidermique ; c, couche conjonctive conténant les spicules et par conséquent la rosetie ; sp, spicules de la région basilaire; el, couche élastique ; m, fibres musculaires longitudi- nules; nt, nerf tentaculaire ; n, renflement du nerf qui forme au-dessous de la ventouse un anneau dont la coupe se retrouve en »’; f, fibres mus- culaires propres à la ventouse ; vf, canal qui accompagne le nerf tenta- culaire, Gross, 115 d. #1; Spicules calcaires d’un lentaculé adoral rétracté, dessinés en placez la 372 HENRI PROUHO. moitié antérieure de ia rosette est enlevée ; on voit l’espace laissé libre par les spicules, dans lequel était situé le nerf tentaculaire. Gross. 80 d. Fic, 12. Spicules calcaires de l'extrémité d’un tentacule situé dans l’hémisphère aboral, près de l’équateur ; la rosette est rudimentaire. Gross. 80 d. 13. Spicules calcaires de l’extrémité d'un tentacule du pôle apical. Gross. 80 d. 14, Radiole adulte dont le sommet est encore recouvert par la couche épider- | mique du test; {, tête articulaire ; a, bourrelet : c, co!lerette. Gross. 1 d. 15. Radiole plus jeune. 16. Radiole encore plus jeune. 17. Coupe. transversale d’un piquant secondaire, au-dessus de l’ampoule,après décalcification. 48. Détail du même ; r, réseau canaliculaire ; K, espace vide laissé par les ba- guettes calcaires de la périphérie ; ep, cellules épidermiques logées dans les stries du piquant; gm, globule müriforme. Gross. 460 d. 19. Coupe du pôle apical suivant un diamètre de la rosette apicale ; &, anus; r, rectum; #p, pore génital; G, plaque génitale; g, morceaux des glandes génitales; ag, pentagone génital ; O, plaque ocellaire ; po, pore ocellaire; ov, glande ovoïde ; mi, lame mésentérique allant du rectum à la lanterne en longeant la glande ovoïde ; c, tube aquifère. Gross. 2 d. PLANCHE XVI. Echinus acutus. F1G. 1. Coupe transversale 28 (fig. 2); aq, vaisseau ambulacraire ; n, nerf ambu- lacraire ; ep, couche épidermique du test; np, plexus nerveux périphé- rique. Gross. 65 d. 2. Coupe longitudinale du pore ocellaire ; a, pore ocellaire ; n, nerf ambu- lacraire ; #’, partie du nerf ambulacraire qui fournit les fibres nerveuses à l’anneau génital ng ; np, plexus nerveux ; ep, couche épidermique ; O, plaque ocellaire (la teinte plate remplace le réseau du test). Gross. 45 d. 3. Anneau nerveux basilaire des piquants coupé transversalement ; an, anneau nerveux ; g, cellules nerveuses ; ep, cellules épidermiques ; p, leurs pro- longements ; e, espaces intercellulaires. Gross. 460 d. 4. Portion d’une coupe longitudinale d’un autre piquant. Mèmes lettres, np, plexus nerveux périphérique ; 3, cellules conjonctives ; gm, glo- bules müriformes ; m, fibres musculaires des muscles moteurs du piquant, Gross. 460 d. 5. Coupe longitudinale de la base d’un piquant (Echinus de 4 millimètres), Mèêmes lettres. el, fibres élastiques ; T, tubercule ; {, tête articulaire, Gross. 115 d,. 6. Coupe transversale de l’anneau nerveux génital; ng, anneau nerveux; lg, lacunes du pentagone génital. Gross. 460 d. 7. Fragment d’un faisceau nerveux du plexus périphérique; g, cellules ner- veuses. Gross, 460 d. | 8. Lambeau de la couche épidermique du test, vu à plat; np, faisceaux Pig. 9. 10% VE. Mie. 1. 10. 11. 12. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 31 principaux du plexus nerveux mis en évidence par le chlorure d'or; sp, spicules calcaires ; k, espace vide correspondant à l’attache d’un pé- dicellaire. Gross. 115 d. Portion du plexus nerveux isolé. Gross. 460 d. Lambeau de la couche épidermique entourant une paire de pores; nf, reste du nerf tentaculaire arraché, en continuité avec les fibres du plexus, np; k, emplacement d’un pédicellaire. Gross. 25 d. Couche épidermique du test vue par la face qui reposait sur le calcaire et dans laquelle les cellules épidermiques ou de soutien ont été suppri- mées ; 3, cellules conjonctives ; gm, globules müûriformes ; sp, spicules calcaires ; np, fibres nerveuses du plexus (coloration au chlorure d'or). Gross. 460 d. Fragment d’un faisceau du plexus avec une cellule nerveuse g. Gross. 460 d. PLANCHE XVII. Dorocidaris papillata. Extrémilé buccale du pharynx ; d,extrémité d’une dent (en place); m, frag- ment de la mâchoire voisine, également en place (les muscles inter- maxillaires ont été enlevés) ; ph, lumière du pharynx; ar, arêtes pha- ryngiennes ; s, lames conjonctives ; N,pentagone nerveux ; /,/’, ligaments; l, lèvres pharyngiennes; b, bourrelets ; g, membrane qui se rattache aux mächoires ; ag, vaisseau aquifère; va, vésicules ambulacraires. . d, dent en place dans un fragment de sa mâchoire ; le côté m° a été coupé de façon à montrer le ligament é. . Coupe d’un radius, passant en (:) de la figure 1, ag, vaisseau aquifère ; lr, lacune radiale ; e, espace périnervien ; n, partie interne du tube ner- vien; #’, partie externe ; ©, espace intra-nervien. Gross. 65 d. . Coupe (), mêmes lettres. /é, lacune tentaculaire. Gross. 65 d. Coupe (Y) ; j, cavité qui accompagne le nerf pendant sa traversée du péri- stome (voir pl. XIX, fig. 1). Coupe (8). Gross. 25 d. Coupe (4); le vaisseau aquifère ag touche à sa fin; il est bifurqué nt, dé- part d’un nerf tentaculaire. , Coupe (6) ; le vaisseau aquifère n’existe plus. Coupe d’un radius dans le voisinage de l'équateur ; s, suture des plaques ambulacraires. Gross. 65 &. Partie d’une coupe transversale du nerf ambulacraire ; f, fibres nerveuses; g, cellules nerveuses; c, tractus conjonctifs s'attachant à l'enveloppe du nerf, Gross. 460 d. Coupe transversale d’un nerf tentaculaire ; x, fibres nerveuses ; ©, espace intra-nervien. Gross. 265 d. Portion d’une coupe transversale du nerf ambulacraire, montrant la nais- sance d’un nerf tentaculaire nt. Gross. 215 d. 374 HENRI PROUHO. Lelires communes à loutes les figures des planches (XVIII et XIX) : M, plaque madréporique. tum à la lanterne et longeant la glande C', première courbure intestinale, ovoïde, C2, deuxième courbure intestinale. mo, lame mésentérique réunissant l’æœso- G, plaques génitales, phage et la glande ovoïde. 9, glandes génitales. æ, œsophage. vi, lacune marginale interne. ov, glande ovoïde, ve, lacune marginale externe, c, tube aquifère. l, lacunes se distribuant à la glande c', canal aquifère annexe. ovoïde. Ÿ, processus glandulaire, av, anneau lacunaire périæsophagien, e, espace sous-madréporique. lph, lacunes pharyngiennes. ar, arêtes pharyngiennes, aa, anneau aquifère (ambulacraire). r, rectum. va, vésicules ambulacraires. st, organes de Stewart, mi, lame mésentérique interne. ag, vaisseau ambulacraire. me, lame mésentérique externe. y, pièces en Y. mir, lame mésentérique allant du rec pa, pièces articulaires. Nota. — Les aires ambulacraires et interambulacraires sont numérotées d’après la nomenclature de Loven. ; PLANCHE XVIII. Dorocidaris papillata. Fi. 1. Dorocidaris dont le test a été enlevé, à l’exception des plaques génitales et de la membrane anale, a, anus; pg, pores génitaux ; d, l'ame mem- braneuse qui attache chaque glande génitale au test; j, brides de la lame mésentérique de la deuxième courbure intestinale recouverte par les glandes génitales. Gross. 1 d. 2. Les deux courbures intestinales, dont les deux lacunes marginales sont colorées en rouge; l'injection des capillaires est supprimée et les dimen- sions transversales de l'intestin sont un peu réduites pour rendre la figure plus claire. Gross. 1 d. 3. Dorocidaris injecté (vue latérale) ; les glandes génitales 2 et 1 sont enle- vées, ainsi qu'une partie de l'intestin. T, test dépouillé de ses appen- dices; m, tubercules primaires ; ps, piquants secondaires ; o, plaque ocellaire ; L, appareil masticateur ; £, tentacules ambulacraires; qu, au- ricules. Gross. 2 d. 4. Rosette apicale et pentagone génital vus par la face interne ; la glande ovoïde et l’æsophage sont rabattus, {g, réseau lacunaire génital injecté (par la lacune marginale interne) ; à, trous de la membrane du penta- gone génital. Gross. 2 d. 5. Appareil masticateur dont la membrane recouvrante a été enlevée en partie ; cph, cavité péripharyngienne ; la pièce articulaire qui recouvrait le vaisseau ambulacraire aq a été enlevée. Gross. 2 d. | Fie. 1. 2. 3, Ta 8. 12, RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA. 375 PLANCHE XIX. Dorocidaris papillata. Coupe reconstituée de l'appareil masticateur et du péristome ; ph, pha- ryox; Mm, mâchoires (les muscles intermaxillaires sont enlevés, la mâchoire de droite est coupée suivant son plan de symétrie) ; d, dent ; r, membrane qui recouvre l'appareil masticateur; u, muscles qui relient entre elles les pièces en Y, coupés transversalement ; s, lames conjonc- tives ; c’, cavité de la glande ovoïde ; {r, lacune radiale ; n, nerf ambu- lacraire; N, anneau nerveux ; /, lèvres pharyngiennes ; b, bourrelets pharyngiens ; 4, membrane qui se rattache à la dent ; lp, lèvre péristo- mienne ; t, attache de la lèvre péristomienne avec la mâchoire ; e, espace périnervien ; 7, cavité formée par un dédoublement de la membrane péristomienne. Gross. 2 d. Extrémité œsophagienne du pharynx et anneaux périæsophagiens vus par leur face interne ; les pièces en Y ont été coupées et la membrane recouvrante incisée tout autour des anneaux, il en est résulté que la contraction des muscles qui relient les pièces en Y a produit le renver- sement de la membrane tel que le représente le dessin. Les arêtes pha- ryngiennes ph ont été injectées par la lacune marginale interne et l’anneau aquifère par le canal du sable. Gross. 6 d. Plaque madréporique vue par sa face interne ; pg, pore génital ; o, orifice où débouchent les pores aquifères et où viennent aboutir le tube aqui- fère et le canal annexe; cr, creux madréporique. Gross. 2 d. * Coupe transversale du double anneau périæsophagien ; l’anneau lacunaire av avait été injecté seul par la lacune marginale interne. Gross. 45 d. . Figure reconstituée à l’aide de coupes pour montrer les annexes du ma- dréporite ; æ, tissu limitant l’espace e vers le rectum ; pag, pores aqui- fères. Gross. 15 d. Glande ovoïde ouverte longitudinalement; cc, cordon axial ; rm, réseau lacunaire qui était visible sans injection, grâce à son contenu opaque; g, conduit excréteur d’une glande génitale ; ag, pentagone génital. Gross. 2 d. Amibes à longs pseudapodes, vivants. Gross. 460 d. Amibes à longs pseudopodes fixés par l'alcool à 45 degrés et colorés à l’hématoxyline. Gross. 460 d. a, globules amæboïdes müûriformes ; a’, fixé par l'alcool; a/, désagrégé. Gross. 460 d. b, globule amæboïde à petits grains; b’, b”, après l’action Ide l’alcool. Gross. 460 d. . €, c', globule amæboïde brun d’acajou ; c”, après l’action de l'alcool. Gross. 460 d. d, globule cilié vivant dont le cil, peu visible, n'a pas été figuré; d’, le même, immédiatement après l’action de l'alcool; d”, d'", après colora- tion à l’hématoxyline. Gross. 460 d. 376 HENRI PROUHO. Fi. 13. Vésicules du tissu (x, fig. 5), remplies d’amibes müriformes. Gross. 195 d. 14. Vésicules du même tissu, d’où se sont échappés les globules ciliés qui les entourent. Gross. 195 d. 15. Granulations pigmentaires répandues dans tous les tissus des vieux indi vidus. Gross. 460 d. PLANCHE XX. Dorocidaris papillala. Fi. 1. Coupe transversale de la glande ovoïde non loin de l'endroit où Le processus s’en détache ; c, tube aquifère ; c’, cavité de la glande; p, naissance du processus glandulaire ; g, tissu périphérique de la glande. Gross. 35 d, 2. Coupe plus rapprochée de la plaque madréporique ; mêmes lettres; e, es- pace sous-madréporique. Gross. 35 d. 3, 4, 5, 6, 7, 8. Coupes ou portions de coupes de plus en plus rapprochées de la plaque madréporique. On y voit se former le processus et grandir l’espace sous-madréporique e; la coupe (7) montre la communication des deux canaux €, c’, qui se confondent dans la coupe (8). Dans la coupe (7) l’espace e est limité par le tissu mou æ, et l'extrémité apicale du pro- cessus glandulaire est indiquée en pointillé. Gross. 35 d. 9. Coupe transversale du processus glandulaire pour montrer les canalicules qui le traversent, d. Gross. 115 d. 40. Coupe de l'extrémité apicale du processus montrant un réseau de canali cules, d. Gross. 115 d. 11. Portion d’une coupe du processus prise à la périphérie; À, épithélium vibratile (l'aspect de cet épithélium s'explique par les raisons données dans le courant du mémoire, p. 281); /, fibres longitudinales (muscu- laires?); d, lumières des eanalicules ; #, noyaux d’amibes à longs pseu- dopodes ; f, faisceaux conjonctifs coupés transversalement. Gross. 460 d. 12. Portion d’une autre coupe prise dans la pactie centrale. Gross. 460 d. PLANCHE XXI. Dorocidaris capillata. FiG. 1. Coupe transversale de la glande ovoïde dans la région moyenne; €, tube aquifère; c’, cavité de la glande; q, canalicules périphériques; /, lacunes injectées par la lacune marginale interne. Gross. 45 d. 2 Portion d'une coupe transversale de la glande prise à la périphérie ; e, épi- thélium externe; sp, vides laissés par les spicules dissous; gm, glo- bules müriformes ; y, granulations pigmentaires ; qQ, canalicules péri- phériques dans lesquels se prolonge l’épithélium externe; les noyaux disséminés dans le stroma conjonctif appartiennent à des amibes à longs pseudopodes. Gross. 215 d. 3. Portion d’une coupe transversale de la glande prise à la périphérie interne ; e, épithélium interne ; &, amibes à longs pseudopodes; q, lumière d’un canalicule périphérique. Gross. 460 d. RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 377 Fi. 4. Coupe d’une anfractuosité c’ de la cavité intra-glandulaire. Gross. 460 d. 5. Détail de la portion s de la coupe (1); à, amibes à longs pseudopodes ; e, épithélium de la cavité intra-glandulaire. Gross. 460 d. 6. Coupe dans un caillot du liquide périviscéral ; à, amibes à longs pseudo- podes; gv, globules ciliés; gm, globule müriforme ; gm/ est probable- ment un amibe brun modifié par les réactifs, Gross. 460 d. Portion d’une coupe dans le tissu mou (x) qui borde le creux madréporique (pl. XIX, fig. 5) pour montrer l'aspect produit par un amas de globules ciliés après l’action des réactifs. Gross. 460 d. 8. Détail de la coupe (10, pl. XX) pour montrer la terminaison des canalicules d du processus glandulaire. Gross. 215 d. 1 PLANCHE XXII. Strongylocentrotus lividus. FiG. 1. Coupe longitudinale d’un bourgeon génital (Strg. lividus de 6 millimètres); g, bourgeon génital; v, cellules nucléiformes ; pg, pore génital en train de se constituer dans la plaque correspondante ; r, réseau organique de cette plaque; ng, anneau nerveux; ag, membrane du pentagone génital; h, espace compris entre cette dernière et le test. Gross. 460 d. 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8. Coupes successives normales à la plaque madréporique d'un Strg. lividus de 3 millimètres. M, plaque madréporique; c, tube aquifère ; ov, glande ovoïde ; ov', extrémité apicale de la glande; e, es- pace sous-madréporique ; g, bourgeon génital primitif; v, cellules nucléi- formes ; p, pores aquifères ; mo, lame mésentérique reliant la glande ovoïde à l’œsophage. Gross. 460 d. pour les coupes 8, 4, 7; 115 d. pour les coupes 2, 5, 6, 8. 9. Rosette apicale d’un Strg. lividus de 3 millimètres vue par la face interne, sur laquelle ont été représentés schématiquement le bourgeon primitif g et les cinq bourgeons radiaux 1, 2, 3, 4, 5, qui en proviennent lorsque l’Oursin a atteint une dimension de 4 à 6 millimètres. La ligne «F5 indique la direction des coupes qui ont été représentées précédemment. 10. Coupe du pore génital d’un E. acutus adulte. G, plaque génitale ; cg, canal excréteur de la glande; ng, anneau nerveux; pg, pore; m, papille géni- tale, Gross. 25 d. Détail de la coupe précédente pour montrer l’anneau nerveux ng ; !, lacunes du pentagone génital. Gross. 265 d. 11 PLANCHE XXIIL, Dorocidaris papillata. Fi. 1. OEuf fécondé, Gross. 107 d. 2, 3,4,5. Stades successifs de la segmentalion. Gross. 107 d. 6. Blastosphère ; c, cavité de segmentation vue par transparence.Gross, 107 d,. 7. Blastosphère libre présentant un aplatissement à l'endroit où va se pro- 378 Ç HENRI PROUHO. duire linvagination; m, premières celluies mésodermiques (vue en coupe optique). Gross, 215 d. Fic. 8. Coupe optique d’une gastrula âgée de quatre jours; a, blastopore ; e, ecto derme ; à, endoderme ; m, cellules mésodermiques. Gross. 215 d. 9. Coupe optique d’une gastrula âgée de six jours. Mêmes lettres. v, diverti- culums destinés à former les vésicules vaso-péritonéales. Gross. 213 d. 10. Coupe optique d’une larve de huit jours ; vd, vésicule vaso-péritonéale droite ; vg, vésicule gauche; {, intestin Jlarvaire; 1, spicules des bras postérieurs naissants, Gross. 107 d. 11. La même larve vue par la face ventrale; b, enfoncement de l’ectoderme où va s'ouvrir la bouche, Gross. 107 d. 12. La même larve vue par son côté droit; V, face ventrale ; D, face dorsale ; Lo, lobe oral ; La, lobe anal. Gross. 107 d. 13. Pluteus âgé de dix jours; a, blastopore qui est devenu l’anus; f, œæso- phage; d, estomac ; g, intestin. Gross. 107 d. PLANCHE XXIV. Dorocidaris papillata. Fic. 1. Pluteus de quatorze jours ; b, bouche; à, anus ; f, œsophage ; d, estomac; 9, intestin ; vd, vésicule droite ; wg, vésicule gauche; 1, bras posté- rieurs: 2, spicules des bras antérieurs. Gross. 115 d. 2. Face dorsale d'un pluteus de quinze jours ; mêmes lettres. pd, pore dorsal. Gross. 115 d. . Pluteus de trente jours ; 2, bras antérieurs ; ®, cellules mésodermiques. On voit sur l’æœsophage des stries produites par les fibres contractiles : circulaires. Gross. 115 d. | 4. Le même vu de trois quarts; Lo, lobe oral; La, lobe anal. 5. Moitié gauche de la face dorsale d’un pluteus de trente-cinq jours ; 3, mamelon indiquant la naissance d’un bras antéro-latéral ; apparition du spicule correspondant; pd, pore dorsal. Gross. 115 d. 6.a Coupe (x, fig. 10); mêmes lettres que précédemment. Gross. 115 d. 7.8 Coupe (6, fig. 10); e, ectoderme; Lo, lobe oral; La, lobe anal; les autres lettres comme précédemment. Gross. 115 d. 8.7 Coupe (y, fig. 10); mêmes lettres; m, cellules mésodermiques. Gross., 115 d. 9, Coupe (Ÿ, fig. 10); mêmes letires. Gross. 145 d. 10.0 Coupe longitudinale suivant le plan de symétrie du pluteus (w, fig. 8); mêmes lettres. Gross. 115 d. 11. Deux cellules méscdermiques vivantes. Gross. 385 d. 12. Deux amibes brun d’acajou du pluteus ; ce sont eux qui produisent les mouchetures de la larve. Gross. 385 d, LE) RECHERCHES SUR LE DOROCIDARIS PAPILLATA, 379 PLANCHE ;XXV. Dorocidaris papillata, Fic, 1. Pluteus âgé de deux mois ; 1, bras postérieurs ; 2, bras antérieurs; 3, bras antéro-latéraux ;'q, spicule naissant au sommet de la coupole; pd, pore dorsal. Gross. 57 d. 2. Pluteus âgé de trois mois vu par la face dorsale ; mêmes lettres que pré- cédemment ; #4, spicules des bras antéro-internes se réunissant en 4 ; l”, l”", lobes de la frange ciliée. Gross. 115 d. 3. Le même renversé, la bouche en bas, pour montrer les lobes /, pr, l”, Gross. 65 d. 4,6. Spicules naissants entourés de cellules mésodermiques globuleuses. Gross. 115 d. 5. Fragment d'un spicule des bras postérieurs montrant deux ramifications en train de s’accroître, entourées des mêmes éléments globuleux, Gross. 115 d. 7. Extrémité d’un spicule treillissé. Gross. 870 d. 8. Pluteus monstrueux de Dorocidaris, âgé de trente-six jours ; æ, bras sup- plémentaires. Gross. 57 d. 9. Pluteus monstrueux de Dorocidaris, âgé de trente-six jours ; sp, bras impair supplémentaire caractéristique des larves de Spatangides. Gross. 57 d. f {PLANCHE XXVI. Spatangus purpureus. Lettres communes à toutes les figures de celte planche : M, madréporite. am, plaque calcaire, droite, sous-apicale ou apophyse madréporique. pl, plaque calcaire, gauche, sous-apicale. pa, pores aquifères. pg, pores génitaux. ov, glande ovoïde. p, processus glandulaire. sp, tissu spongieux. €’, canal annexe. €, tube aquifère. e, espace sous-madréporique. lg, réseau lacunaire destiné aux glandes génitales. l, réseau lacunaire creusé dans les parois de la glande ovoïde, mg, membrane qui relie les quatre glandes génitales. d, lambeau du diverticulum. æ, lambeau de l’extrémité buccale de lœsophage. va, canal aquifère ramifié. cg, canal glandulaire. av, anneau lacunaire dépendant du sys- tème lacunaire viscéral. lr, lacunes radiales. vi, branche venant de la lacune mar- ginale interne (branche de communi- cation de Hoffmann). va', canal onduleux. aa’, anneau ambulacraire. aq', vaisseaux ambulacraires, 380 Fic, 4. 25 3. HENRI PROUHO. Pôle apical du Spt. purpureus vu par sa face interne ; la membrane mg, qui relie les glandes génitales, a été fendue pour montrer les plaques sous-apicales. Gross. 1,5 d. Cette préparation diffère de la précédente en ce que la membrane mg a été laissée en place et la glande ovoïde retournée. . Schema montrant, chez le Spt. purpureus, les annexes du madréporite, la partie centrale du système lacunaire viscéral et la séparation des deux parties du système dit aquifère chez les Oursins réguliers ; les anneaux péri-buccaux ont été rabattus vers le haut de la planche autour le xy a, région dans laquelle le canal glandulaire existe seul. 4,5. Parties gauche et droite des anneaux péri-buccaux, injectés. Gross. 2 d. 6. 7. 8. 41: Coupe suivant (x, fig. 16). Gross. 6 d. Coupe suivant (6, fig. 16). Gross. 6 d. Coupe transversale passant par l’extrémité de l’apophyse madréporique. Gross. 6 d. Coupe suivant (5, fig. 1); g, commencement du tissu de la glande ovoïde. Gross. 25 d. . Portion d’une coupe transversale dans la région apicale de la glande ovoïde pour montrer le tube aquifère c. Gross. 25 d. Portion d’une coupe plus rapprochée de l’extrémité adorale de la glande ; le tube aquifère c se transforme en canal ramifié va. Gross. 25 d. 12. Coupe transversale de la glande ovoïde das la région où le tube aquifère 13. Lee 15. 16. 17: proprement dit est entièrement remplacé par le canal aquifère ramifié va c', cavité de la glande. Coupe du soi-disant canal du sable des auteurs, suivant (y), fig. 3). Nota. — Les coupes 10, 11, 12, 13, ont été faites sur des pièces préala- blement injectées par la lacune marginale interne. Partie d’une coupe transversale menée tout près de l’extrémité de l’apo- physe madréporique pour montrer les deux canaux c, c’. Gross. 65 d. Détail de la coupe (8) ; les deux canaux c, c’ communiquent. Gross. 65 d. Lames calcaires sous-apicales. Gross. 1 d. | Schéma des annexes du madréporite, des parties centrales du système lacunaire viscéral et du système aquifère chez le Dorocidaris ; aa, anneau aquifère ; ag, vaisseaux aquifères ; /ph, lacunes pharyngiennes. CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE PAR Le Dr P. FISCHER, Aide-naturaliste au Muséum, Après avoir décrit, il y a douze ans, les Actinies du sud-ouest de la France et de la Manche’, j'ai entrepris récemment l'étude com- parative des espèces de la Bretagne et de la Méditerranée, dans les laboratoires maritimes de Roscoff et de Banyuls. J'ai trouvé, dans ces établissements scientifiques, l'accueil le plus cordial, et je suis heureux d’offrir ici l'expression de ma gratitude à M. le professeur H. de Lacaze-Duthiers, ainsi qu'à MM. Delage, Pruvot, Joubin et Prouho, qui n'ont rien négligé pour faciliter mes recherches. Ce travail, purement descriptif, est suivi de quelques observations sur la biologie et la physiologie des Actinies. En faisant connaître _ les caractères de nos espèces françaises, j'ai voulu aplanir, à ceux qui s’occuperont de leur anatomie, les difficultés que présente la spécification d'animaux essentiellement variables. D'autre part, en suivant les mêmes types sous des latitudes éloignées, j'ai pu con- stater leurs modifications régionales, si utiles à connaître, pour arriver à une conception suffisamment large et philosophique de l'espèce actuelle. Il est arrivé, trop souvent en effet, que les natura- listes cantonnés dans l'étude des formes océaniques ou méditerra- néennes ont décritla même espèce sous des noms différents, comme si l'Océan et la Méditerranée étaient des mers fermées. Cette erreur | Recherches sur Les Actinies des côles océaniques de France (Nouv. 4rch. du Muséum vol. X, p. 193-244, 1875). — Anthozoaires du département de la Gironde et des côtes du sud-ouest de la France (Actes de la Soc. linnéenne de Bordeaux, vol. XXX, p. 183- 192, 1875). 382 P. FISCHER. est attribuable tantôt à l'ignorance de travaux publiés dans des pays éloignés, tantôt à la variabilité d’un même type dans des régions différentes où se créent des races distinctes. On ne saurait choisir un meilleur argument pour démontrer la nécessité des laboratoires maritimes institués sur divers points du littoral de la France. À la suite des catalogues des Actinies recueillies à Roscoff et à Banyuls, j'ai dressé la liste de toutes les espèces françaises. Afin de rendre cette énumération plus complète, j'ai sollicité les communi- cations de plusieurs savants versés dans la connaissance de notre faune marine, et je remercie de leur concours empressé MM. de Qua- trefages, E. Sauvage, J. de Guerne, Chevreux, Durègne, Marion; Jourdan, Faurot, Bureau, J. Barrois, etc. PREMIÈRE PARTIE. ACTINIES DE ROSCOFF (FINISTÈRE). Une liste sommaire des Actinies de Roscoff, comprenant huit espèces, a été publiée en 1873 par E. Grube (Mittheilungen über Saint-Malo und Roscoff, und die dortige Meeres-besonders die Anneliden- fauna), qui avait séjourné un mois environ, du 1° au 29 sep- tembre 1869, dans cette localité. Avant et après cette époque, des travaux importants ont été publiés sur l'anatomie et l’embryogénie des Actinies de Roscoff', mais le nombre des espèces n’a presque pas été augmenté. Celles qui sont énumérées dans la liste ci-jointe, vivent, à l'exception d’une seule (Awreliania augusta), sur les plages de la région armoricaine étendue du cap de la Hague à l'embou- chure de la Loire, en y comprenant les îles anglo-normandes dont la faune actinologique est aujourd’hui bien connue”. Les Actinies du 1 EH. de Lacaze-Duthiers, Dévéloppement des Coralliaires : Actiniaires sans polypief (Arch. de z0ol. exp., vol. I, 1872). — Korotneff, Organes des sens des Actinies (Arch. de zool. exp., vol. V, 1877). — Faurot, Sur l’anatomie dé la Peachia hastata (Compt. rendus de l'Acad. des sC., p. 756, 1884). | 2 J. Haime, Nofe sur le déveluppement des Aclinies (Compt. rend. de l’Acad. des sc., p. 37,439, 1854). -— Gosse, À history of the British Sea-Anemones and Corals, p. 257, CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 383 sud-ouêst de la Bretagne ont été récemment étudiées par Chevreux et de Guerne et feront l’objet d’une prochaine et intéressante publi- cation. En joignant à ces diverses sources les indications relatives aux espèces des îles Chaussey‘, on possède les éléments de l’acti- nologie armoricaine. 1. CERIANTHUS.... INDET. D'après des renseignements qui m'ont été communiqués par Delage, Joubin et Faurot, un Cérianthe de grande taille a été trouvé sur la plage de Pen-Poul, près de: Saint-Pol-de-Léon, et sur celle de Lannion. N'ayant pas vu d'exemplaires de cette provenance, j'ignore si l’espèce armoricaine appartient au Cerianthus membrana- ceus, Gmelin, qui vit plus au sud sur le littoral du Croisic et de Quiberon, ou au Cerianthus Lloydi, Gosse, qui a été recueilli à Herm, une des iles anglo-normandes. La spécification des Cerianthus est peu satisfaisante. Le Cerianthus Lloydi a 64 tentacules marginaux en 2 cycles (32,32); ses tentacules buccaux sont rangés en 4 cycles, et les cloisons mésentéroïdes sont au nombre de 24. Le Cerianthus d'Arcachon, que j'ai rapporté au C. membranaceus, porte 76 à 74 tentacules marginaux disposés en 3 cycles : les deux premiers formés de 19 à 20 tentacules, et le troisième de 32 à 34; les tentacules buccaux sont rangés en 4 cycles ; 28 à 30 cloisons. Le Cerianthus des Baléares, décrit comme membranaceus par J. Haime et figuré par Lacaze-Duthiers, montre 198 tentacules mar- ginaux en 3 cycles (32, 32, 64) ou 4 cycles (32, 32, 32, 32); les ten- tacules buccaux, en nombre égal, sont rangés en 3 cycles; le nombre des cloisons dépasse 30. Le Cerianthus membranacèus de Naples, étudié par Andres, a 144 ten- 1860. — Kæhler, Contribulion à l'étude de la faune littorale des Îles anglo-normandes (Ann. des sc. nat., 1885). , | 1 De Quatrefages, Mém. sur les Edw ardsies (Ann, des sc. nat., série 2, vol. XVIII, p. 65, 1912), 384 P. FISCHER. cules marginaux en 3 cycles (36, 36, 72); les tentacules buccaux sont disposés en 3 cycles ; les cloisons sont très nombreuses. Si l'on regarde comme spécifique le nombre des cycles tentacu- laires, on devra établir une nouvelle. espèce pour le Cerianthus d’Âr- cachon et l'appeler alors C. aquitanicus; il se rapproche en effet du C. Lloydi par ses 4 rangs de tentacules buccaux, mais il en diffère par ses tentacules marginaux plus nombreux, disposés en 3 cycles au lieu de 2. D’autre part on le distinguera du €. membranaceus par ses tentacules buccaux quadricycles et non tricycles, et par ses ten- tacules marginaux moins nombreux. Mais il ne faut pas oublier que J. Haime a vu, à Mahon, des Cerianthus membranaceus adultes, pourvus de 64 tentacules margi- naux, et d’autres qui en montraient 96 en tout. Il est donc probable que les différences dans le nombre des tentacules et des cycles n’ont qu'une valeur très contestable, et que les divers C'erianthus devront être réunis sous un même nom, comme Jourdan l’a proposé. Peut- être pourra-t-on faire exception pour le Certanthus solitarius, Rapp (C. Breræ, Delle Chiaje), dont les tentacules marginaux, au nombre de 60 à 64, sont tricycles ainsi que les tentacules buccaux, et dont les cloisons seraient très réduites (de 8 à 12). Mais cette espèce est- elle établie sur des individus adultes ? Même observation pour le Cerianthus vestitus, Forbes, de la mer Égée, pourvu seulement de 32 tentacules marginaux et de 8 cloisons. En résumé, on obtient le tableau suivant en se servant du nombre des tentacules marginaux : Cerianthus vestitus (mer Egée)........., ...... . 32 tentacules. — solitarius (Cette, Naples) ..,.,,....... 60-64 — — membranaceus (Baléares) ....., Te 64 — _ Lioyes (mer d'Irlande)... 64 S — membranaceus (Arcachon)....,....... 70-74 — — membranaceus (Baléares) ............ 96 —- — membranaceus (Baléares). .......... 128 — — membranaceus (Naples)....,,...... …. 144 — Relativement à la taille, les Cérianthes les plus grands sont ceux CONTRIBUTION À L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 380 de Naples, déterminés comme €. membranaceus (35 centimètres de longueur); et les plus petits, ceux de Naples, figurés comme C. soli- tarius (3 centimètres). 2. PEACHIA HASTATA (GOSSE). Peachia hastata, Gosse, Trans. Linn. Soc., XXI, p. 267, pl. XXVIIL. — Gosse, Brit. Sea-anem., p. 235, pl. VHL, fig. 3.— Faurot, Comptes rendus de l'A ca- démie des sciences, p. 756, 1884. Je n'ai pas recueilli cette belle espèce qui vit sur la plage de Perros-Guirec (Lacaze-Duthiers) et de Morgate (Faurot). La colonne est perforée à son extrémité postérieure comme celle des Certanthus. Il existe 12 replis mésentéroïdes, dont 2 plus longs que les autres, se prolongent jusqu’à l'extrémité postérieure du COrps. Le Peachia hastata paraît rare sur les côtes d'Angleterre où il a été découvert, à Torbay (Gosse). En France, il a été retrouvé récem- ment au Croisic (Chevreux et de Guerne). 3. HALCAMPA CHRYSANTHELLUM (PEACH). Actinia chrysanthellum, Peach, in Johnston, Brit. Zooph., édit. 2, vol. I, p. 220, pl. XXX, fig. 10-15, — Jalcampa chrysanthellum, Gosse, loc. cit., p. 2X7, pl. VIL, fig. 9, 10. — Fischer, loc. cit., p. 20%. — Peachia chrysanthellum, Grube, Mitth. über Saint-Malo und Roscoff, ete., p. 111 et 115.— Xanthiopus bilateralis et vittatus, Keferstein, Zetéschr. f. Wiss. Zool., p. 34, pl. IL, fig. 22 et 15, 1863? — Halcampa Kefersteini, Andres, le Attinie, p. 314? Corps vermiforme, cylindrique, allongé ; partie postérieure de la colonne (physa, Gosse) renflée, ovoïde, terminée en pointe translu- cide; partie moyenne (scapus) de couleur rosée, avec 24 bandes lon- gitudinales, blanches, de largeur inégale : 6 de ces bandes sont plus larges que les autres, et, dans chaque intervalle, on en voit 3 plus étroites ainsi intercalées : 4. &. 4. 3. 1. 3. 1.3. 1. 3. 1. 3. Cette cu- rieuse disposition a été parfaitement représentée par Johnston, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN.-— 90 SÉRIE, = T, V, 1887. 95 386 P. FISCHER, d'après ün dessin de Peach, Partie supérieure de la colonne (capi- tulum) d’un jaune pâle ou rougeûtre. Disque de couleur variable, tantôt d’un gris très pâle, pellucide au centre, blanc vers la périphérie, tantôt d’un beau jaune, tantôt orné de rayons étroits formant une étoile à 42 branches. Ouverture buc- cale étroite, sans plis ni tubercules. Tentacules au nombre de 12, égaux, se touchant à la base, parfai- tement rétractiles, cylindriques, relativement assez courts, d'un gris pellucide, ornés de 4 ou 5 taches. La tache basale, plus foncée, a la forme d’un W, à ouverture dirigée vers la bouche; elle est ordinai- rement bordée de blanc. Au-dessus on voit une deuxième tache blanche, opaque, en forme de w ; la troisième tache est sublinéaire, à peine ondulée; la quatrième est blanche, non ondulée; la cin- quième, non constante, ressemble à la quatrième. Sur quelques individus, la tache basale est blanche; sur d’autres, toutes les taches sont jaunes; rarement enfin elles manquent et sont remplacées par une traînée blanche, longitudinale. Le nombre des tentacules est plus faible que celui des bandes blanches de la colonne ; 6 des tentacules correspondent aux 6 larges bandes; chacun des 6 autres correspond à 3 bandes étroites. Les Halcampa vivent très bien en captivité, si on a la précaution de les enterrer presque complètement dans le sable; ils ne font saillir alors que leur disque et leurs tentacules qui se ferment au moindre attouchement. Leur extrémitépostérieure (physa), très dila- table, adhère fortement au fond des cuvettes. On les recueille sur la plage de Roscoff, à marée basse, ou à une faible profondeur. | Les deux Actinies de Saint-Vaast-la-Hougue décrites par Kefers- tein sous les noms de Xunthiopus bilateralis et vittatus, me paraissent identiques avec l’Æalcampa chrysanthellum ; le nombre des tentacules est le même ; ils ont tous la même coloration et les mêmes marques chez le X, vittatus, tandis que les tentacules gonidiaux du ZX. bilate- ralis sont seuls incolores et sans marques, La colonne est jaune. À . CONTRIBUTION À L'ACTINOLOGIE FRANCAISE, 381 Andres réunit les deux espèces de Keferstein sous le nom commun de Æalcampa Kefersteini, qui deviendra inutile s’il tombe en syno- nymie de /Z. chrysanthellum. 4. EDWARDSIA CALLIMORPHA (GOSSE). Scolanthus callimorphus, Gosse, Ann. and Mag. nat. Hist., vol, XIX, p. 157, 4853. — Edwardsia callimorpha, Gosse, Brit. Sea-anem., p. 253, pl. VIT fig. 9. — Fischer, Actinies des côtes océaniques de France, p. 206. 9 Corps vermiforme, allongé, atteignant jusqu’à 65 centimètres de longueur. Partie postérieure de la colonne (physa) nue, d’un jaune pâle, renflée en forme de gland, légèrement déprimée à son extré- mité, ornée de 8 lignes longitudinales blanchâtres, entre chacune desquelles on aperçoit, par transparence, une bande rougeûtre. Partie moyenne (scapus) revêtue d’une gaine épidermique rugueuse, de teinte rouillée, devenant plus foncée et brunâtre en avant. Quand on enlève cette gaine, la surface de la colonne montre la même coloration que celle de la physa : elle est rayée de blanc et de rose. Partie antérieure (capitulum) nue, complètement rétractile dans la gaine du scapus, munie de 8 sillons longitudinaux bien marqués. La coloration du capitule est très variable : parfois elle est d’un brun violet, vineux, uniforme; plus souvent d’un brun rayé de jaune avec 8 taches claires, blanches ou jaunes, au voisinage des tentacules. Disque brun uniforme ou rayonné de blanc et de brun; les rayons du disque se prolongent jusqu'à la base des tentacules et les entou- rent d’un cercle violet. Parfois le disque est divisé symétriquement par les deux rayons gonidiaux, de couleur blanche ou foncée. Tentacules normalement au nombre de 16, atteignant, quand ils sont bien développés, deux fois le diamètre du disque, grêles, transparents, ornés de très petites taches blanches, opaques, nom- breuses, et d’anneaux brunâtres, visibles seulement vers leur extré- mité. Les tentacules correspondant aux rayons gonidiaux ont une coloration différente des autres, ils sont d’un violet foncé uniforme ou d’un blanc laiteux. 388 P. FISCHER. “ Les £dwardsia comme les Halcampa vivent enfoncés dans le sable; ils sont très contractiles et timides. Lorsqu'on les conserve dans des cuvettes sans les avoir enterrés, ils restent longtemps fléchis, con- tournés, contractés, cachant leur capitule dans la gaine épider- mique dont les parois se touchent à leur bord supérieur. Au con- traire, lorsqu'on les a recouverts de sable, ils font saillir leur capi- tule, épanouissent leurs tentacules qui paraissent disposés sur deux rangs, et adhèrent par l'extrémité de la physa au fond des cuvettes. À la moindre alarme, les tentacules se rétractent brusquement. La transparence des tentacules permet d'examiner la curieuse circulation signalée par Quatrefages 1. On voit se mouvoir dans un liquide incolore des petits corpuscules de taille inégale, de forme et de couleur variables, les uns blanchâires, les autres brunâtres, et dont les mouvements sont déterminés par le revêtement ciliaire des parois internes de la cavité tentaculaire. Je crois que ces animaux évitent la lumière, leur disque étant tourné généralement du côté opposé au jour. L’£dwardsia callimorpha est pêché dans le sable, à marée basse, sur tout le littoral et particulièrement à Pen-Poul, où l’on trouve les plus grands spécimens, Ceux de Roscoff forment une variété carac- térisée par sa petite taille et ses tentacules parfaitement transpa- rents, sans aucune marque colorée. L'identification de cette espèce avec l'Edwardsia Beautempsi, Quatrefages, des îles Chaussey, est probable, mais non certaine. La taille de l’£. Beautempsi est la même (60 à 70 millimètres); le capitule est violacé, se fondant en arrière dans une teinte légè- rement jaunâtre, le disque est fauve; les tentacules transparents, au nombre de 14 seulement, ont leur extrémité d’un beau jaune rougeâtre, opaque; le scapus, muni de 7 ou 8 sillons longitudinaux, est d’un jaune rougeâtre ou verdâtre; la physa est transparente, légèrement rosée. Mémoire sur les Edwardsies (Ann,.des sc. nat., 2 série, t. XVIII, p. 99, 1842). CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 389 La principale différence est donc fournie par le nombre des tenta- cules : 14 chez l’Æ. Beautempsi et 16 chez l'£. callimorpha. À ce sujet, je ferai remarquer, d’une part, que j'ai vu à Roscoff un exemplaire de grande taille d’Æ". callimorpha, portant seulement 15 tentacules; et, d'autre part, que Quatrefages indique, dans sa description de lZ. Beautempst, l'existence d'individus à 7 et8 sillons du scapus, et par conséquent à 144 et 16 tentacules. Il ne resterait donc plus comme caractère distinctif des deux espèces que la coloration de Pextré- mité des tentacules chez l’£. Beautempsi, ce qui est sans valeur. Gosse signale à Torbay la présence probable de l'£. Beautempsi, d’après un spécimen à 44 tentacules; d'autre part, E. Bureau m'in- dique à Piriac (Loire-Inférieure), un £’dwardsia à 14 tentacules, auquel il donne le nom d’Z. Beautempsi. Il serait nécessaire, pour élucider cette question, de revoir les ÆEdwardsia des îles Chaussey. 9. ACTINIA EQUINA [LINNÉ). Actinia equina, Linné, Syst. nat., 129 édit., p. 1088, 1767. — Fischer, oc. cit, p. 206. — Actinia mesembryanthemum, Ellis et Solander, Zooph., p. 4, 1786. — Gosse, loc. cit., p. 175, pl. VL fig, 1-7. Espèce commune dans les rochers de la zone littorale, au-dessous des Chthamalus stellatus et Littorina rudis, qui sont eux-mêmes sur- montés par le Ztttorina neritoides. La couleur de la colonne est d’un brun violacé, d’un rouge plus ou moins brunâtre ou d'un vert-olive. Les chromatocystes (bourses marginales, Hollard ; tubercules calicinaux et bourses chromatophores, Milne Edwards et Haime; sphærulæ marginales, Gosse; acroragi, Andres) ont toujours, à Roscoff, une couleur bleue azurée. Pendant tout le mois d'août, les exemplaires qne j'ai observés ont rejeté, par la bouche, des petits vivants et de faible dimension. Il est à peu près certain que tel est le mode exclusif de reproduction de cette Actinie. 390 P. FISCHER. J'ai tenté néanmoins d'obtenir la reproduction au moyen de frag- ments détachés du pied, me rapprochant ainsi des conditions phy- siologiques qui ont été signalées chez quelques autres Actinies. On sait, en effet, d’après les observations de Dicquemare (A third essay on the sea-anemones. Philos. Trans., vol. LXVIE, p. 56 et suiv., 1771), qu'un spécimen de Metridium dianthus fixé dans un vase d’eau de mer abandonna spontanément, en déplaçant sa base, le 26 oc- tobre 1775, un petit lambeau allongé, en forme de croissant irré- gulier, qui prit, quelques jours après, une forme arrondie. Le 7 no- vembre suivant, on constata sur ce fragment la présence d'un orifice buccal et de rudiments de tentacules; le 16 novembre, les tentacules étaient parfaitement visibles et la petite Actinie était constituée. Dicquemare entreprit alors une série d’expériences pour repro- duire le phénomène qu'il avait observé. Le 12 décembre 1775, il coupa, avec la pointe d’un bistouri, dix petites portions de la base du Âfetridium dianthus dans les points où elle était étalée et où elle adhérait à des valves d’huîtres. Chaque fragment de la base fut placé dans un vase d’eau de mer. Le 27 décembre, tous ces frag- ments adhéraient au fond du vase, et, le 4% mars 1776, ils étaient pourvus de tentacules. Gosse (loc. cit., p. 19) et J. Hogg ont confirmé les observations de Dicquemare sur le bouturage spontané du Metridium dianthus. Des faits semblables ont été observés chez d’autres espèces : Sagartia miniala, S. coccinea, S. venusta (Gosse, loc. cit., p. 46, 65, 86); S. lacerata (Dalyell, Rare and rem. anim. of Scotland, p.228, pl. XLVII, fig. 12-17); S. pellucida (Fischer, loc. cit., p. 214). Il est possible même que ce procédé soit presque aussi souvent employé par l'ani- mal que la reproduction sexuelle, puisque Dalyell a vu, en une année, un individu de S. lacerata, détacher ainsi spontanément 10 fragments qui se sont tous transformés en Actinies complètes. Ayant donc prispour sujet d'expériencel’A céinia equina, j'ai coupé, le 8 et le 40 août 1887, plusieurs petits fragments du bord de la base, CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 391 en leur donnant autant que possible une forme allongée, et en pre- nant bien soin de ne pas détruire leur adhérence au fond de la cuvette sur laquelle ils étaient fixés. La base de l'individu ainsi mutilé se rétracta après l'opération, et le lendemain je l’enlevai avec précaution en ne conservant plus dans la cuvette que les petits fragments séparés. Je fis disparaître également quelques jeunes Actinies rejetées la veille et l’avant- veille. Du 10 au 30 août, les petits fragments ont vécu; leur forme s’est modifiée et est devenue ovoïde; la surface de section s’est cicatrisée rapidement, et l’adhérence par la face basale a persisté chez deux seulement. Les autres se sont détachés, mais sans donner aucun signe de la mort. Du 30 août au 15 octobre, M. Y. Delage, qui avait bien voulu se charger de continuer ces observations, ne remarqua pas de change- ments dans les divers fragments libres ou fixés; pas de trace, par conséquent, de la formation d’une cavité viscérale et d’une couronne tentaculaire. La vie a persisté dans ces conditions anormales. J'ignore ce que sont devenus ces fragments à partir du 15 oc- tobre, mais, à cette date, ils avaient vécu de soixante-six à soixante- huit jours après leur séparation. Il est probable que les tentacules se montreront ultérieurement ; s’il en est ainsi, leur apparition tar- dive provient peut-être de cette circonstance que, chez l’Actinie en expérience, la reproduction par bouturage est insolite. Au con- traire, chez le Metridium dianthus et les Sagartia miniata, coccinea, venusta, pellucida, ce mode de reproduction est habituel. On notera même, relativement au Metridium dianthus, que l'expulsion de jeunes par la bouche n’y a pas été constatée, à ma connaissance, et que, d'autre part, cette espèce présente assez fréquemment des monstruo- sités attribuables à la gemmation. Ainsi, Gosse a vu un petit indi-< vidu ayant bourgeonné près de la base de la colonne d’un grand; Dicquemare a figuré dans son Portefeuille une grande Actinie dont la colonne, simple à la base, se divisait vers la moitié de sa longueur 392 P. FISCHER. et portait par conséquent deux disques égaux; Johnston et Gosse ont signalé la même monstruosité. Chez le Sagartia miniata, on a vu aussi des individus à deux disques, et ce cas, comme les précédents, ne me semble pas avoir pour point de départ une scissiparité, dans laquelle, chez d’autres Actinies que j'ai observées, un individu se sé- pare complètement en deux parties, et ne saurait avoir par consé- quent deux disques sur une même base intacte. _ La plupart des auteurs préfèrent, au nom linnéen Actinia equina, celui d'A. mesembryanthemum, Ellis et Solander. Mais la légitimité du vocable employé par Linné est très claire quand on se reporte aux sources. En effet, P. Belon, qui a donné la première description indiscutable de cette espèce, nous fait connaître son nom vulgaire (cul-d'asne) sur la côte normande. Rondelet rapporte aussi ses sur- noms de cul-d'asne et de cubasseau, Enfin, Réaumur (Mémoires de l'Académie des sciences, p. 466, 1610) l'appelle cul-de-cheval. Linné a appliqué par conséquent à cette espèce une dénomination latine qui rappelait son nom trivial français. Sa diagnose est d’ailleurs carac- téristique : À. semiovalis, læviuscula, et s'applique aux individus con- tractés comme celui qui est représenté par Rondelet. C'est par pruderie que Johnston, Gosse, Hollard ont rejeté systé- matiquement les noms linnéens, qu'ils trouvaient obscènes et répu- gnants. Mais la loi de l’antériorité, en matière de spécification, n’admet pas d'exception sous prétexte d’indignité du vocable em- ployé à l'origine par un maître comme Linné. 6. ANEMONIA SULCATA (PENNANT). Actiniu sulcata, Pennant, Brit. Zool., vol. IV, p. 102, 1777. — Actinia cereus, Ellis et Solander, Zooph., p. 2, 1786. — Anthea cereus, Gosse, loc. cit., p. 160, pl. V, fig. 2, et pl, VI, fig. 9. — Anemonia sulcata, Fischer, loc. cit., p. 205. Espèce commune sur les zostères et dans les fentes des rochers. La coloration de la colonne et des tentacules varie entre le vert CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 393 plus ou moins clair et le brun-olive ; les extrémités des tentacules sont rosées. 1. TEALIA FELINA (LINNÉ). Actinia felina, Linné, Syst. nat., 12° édit., p. 1088, 1767, — Tealia felina, Fischer, loc. cit., p. 231. — Actinia crassicornis, O.-F, Müller, Prodr. Zoot. Dan., p. 231, 1776. — Tealia crassicornis, Gosse, loc. cit., p. 209, pl. IV, dec 1. Cette belle Actinie m'a paru généralement plus petite à Roscoff que sur les côtes de Normandie ; mais, en compensation, sa colo- ration est plus vive et plus variée. La colonne est rose, verte ou olive, marbrée de rouge, de brun foncé ; les tubercules d’adhérence sont généralement clairs, blanchâtres. Le disque est rose, violet, unicolore ou rayé de brun. Les tentacules, tantôt hyalins, blanchà- tres, tantôt grisâtres ou d'un beau violet, portent des anneaux d’un blanc opaque ou de teinte brune ; ils sont rangés en cinq cycles. La dénomination spécifique proposée par Linné a été rejetée par la plupart des auteurs, qui lui ont substitué celle d’Actinia crassi- cornis, Müller, sous prétexte qu’on ne pouvait clairement reconnaître l'espèce visée par Linné. Rien n’est moins exact. Linné, en 1761 (Fauna suecica, ed. alt., p. 510), a décrit, sans aucune référence et en ces termes, un «Priapus felinus, cylindricus, lævis, glande muri- cata », qu'il comparait à la verge d’un chat et qu'il différenciait, par sa colonne verruqueuse, d'une autre Actinie de Norvège à colonne simplement ridée, son « Priapus senilis, subcylindricus, rugosus ». Ce Priapus felinus était probablement un ealia (T. digitata, Müller, ou T. crassicornis, Müller). Mais, en 1767, dans la douzième édition du Systema naturæ, qui peut être considérée comme l'expression définitive de sa pensée, Linné adopta le genre Acfinia et y inscrivit le Priapus felinus de sa Fauna suecica sous le nom d’Actinia felina. C'est alors qu'il fixa étroitement et sûrement les caractères de l’Acfinia felina, en citant pour unique référence synonymique une belle figure de Baster (Upus- s 394 P. FISCHER. cula subseciva, p.120, pl. XIII, fig. 1), et en reproduisant la diagnose latine donnée par cet auteur (Actinia rugis longitudinalibus, probosci- dibus longis, crassis). Or, la figure de Baster représente certainement une très grande Actinie des côtes de Hollande, identique aux figures de l’Actinia crassicornis données par Johnston et Gosse. Dans ces con- ditions, le doute n’est pas permis et l’on peut s'étonner que tout récemment Andres ait cité l’Actinia felèna de Linné dans la synonymie du Metridium dianthus, Ellis (Le Attinie, p. 346). Rondelet a-t-il connu le Tealia felina ? La figure de son Ortie rouge (Urtica rubra) est faite d’après un individu de grande taille (8 centi- mètres de diamètre) et dont l’estomac est en partie renversé (list. ent. des Poissons, p. 382). Or, le Zealia felina en captivité se présente fréquemment sous cet aspect. En outre, l'Ortie rouge différerait de l’Actinia equina parce que «elle ha ses poils ou sa cheveleure plus grande, plus espesse et plus estendue », Enfin le nom vulgaire cité par Rondelet posterol, et dont il est inutile ici d'établir l’étymo- logie, est encore conservé sous la forme peu altérée de potreau par les pêcheurs de Boulogne, qui l’appliquent au 7Tealia felina (Sau- vage). Ces diverses considérations me portent, contrairement à l’opi- nion que j'ai exprimée en 4875, à considérer comme probable l’iden- tification de l'Ortie rouge de Rondelet avec le Zealia felina, Linné. Réaumur, en 1710, a figuré cette Actinie, d'après un individu de grande taille, dont les tentacules sont rétractés (Du mouvement pro- gressif, etc., Hist. de l'Acad. des sciences, p. 470, fig. 21). Dans sa description, il s’exprime en ces termes : « La chair de la surface exté- térieure paraît chagrinée, au lieu que celle des autres n’est jamais telle. » Andres s’est encore mépris à ce sujet en supposant que la chagrinée de Réaumur appartenait au genre Bunodes (loc. cit., p.424). CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 8. BUNODES VERRUCOSUS (PENNANT). A ctinia verrucosa, Pennant, Brit. Zool., vol. IV, p. 103, 1777. — Bunodes ver rucosus, Fischer, loc. cit., p. 288. — Actinia gemmacea, Ellis et Solander, Zooph., p. 3, 1786. — Bunodes gemmacea, Gosse, loc. cit., p. 190, pl. IV, fig. 2,13. Base d’un blanc rosé avec des rayons étroits et rougeâtres ; colonne rose, portant six rangées principales de tubercules blancs, relati- vement gros; les intervalles compris entre ces six rangées ren- ferment chacun trois séries verticales de tubercules de couleur gri- sâtre ou foncée; enfin, les interstices de ces trois séries sont de couleur rouge et portent chacun une rangée verticale de petits tubercules. Par conséquent, le nombre total des séries verticales de tubercules de la colonne est 48 (6, 18, 24). Disque d'un vert jaunâtre, orné de rayons rouges, étroits, entou- rant la base de chaque tentacule où l’on remarque une tache foncée, interrompue à sa partie moyenne. Bouche légèrement élevée en cône ; lèvres blanches, sillonnées ; une belle tache carminée au voi- sinage de chaque commissure labiale, Tentacules verdâtres ou pellucides, avec des taches blanches, opaques, existant seulement à la face supérieure ou interne, et n’in- téressant, par conséquent, que la moitié environ de la surface ten- tacuiaire. La seule variété un peu constante de cette espèce, à Roscoff, peut être appelée var. #sochroa, Fischer, Les tubercules des diverses séries verticales de la colonne ont sensiblement la même dimension et la même couleur ; la différenciation des six rangées de gros tubercules blancs, si visible dans les formes typiques, n'existe donc plus; la colonne est alternativement rayée de rose et de gris. Le Bunodes verrucosus n’est pas rare à Roscoff, à basse mer. En captivité, cette espèce est vorace; les glandes de la colonne sé- crètent une matière visqueuse, assez abondanie et qui l'entoure tous les matins. 396 P. FISCHER. 9. ADAMSIA PALLIATA (BOHADSCH). Medusa palliata, Bohadsch, De quibusd. anim. mar., p.135, pl. XI, fig. 1, 1761. — Adamsia palliata, Gosse, loc. cit., p. 125, pLIT, fig. 7, 8. — Fischer, Loc. cit., p. 225. — Aclinia maculata, J. Adams, Trans. Linn. Soc., vol. V, p. 8, 1800. Les exemplaires que j'ai vus à Roscoff étaient de petite taille, fixés sur des Vatica Alderi et des Trochus magus, dragués par 10-20 mètres. Leur colonne est blanche ou jaunâtre, pâle, avec des taches espa- cées de couleur carmin. Tentacules blancs. Acontia très déliés et blancs. Cette couleur est exceptionnelle; presque toujours les acontia des Adamsia sont lilas. 40. CALLIACTIS EFFŒTA (LINNÉ). Actinia effœta, Linné, Syst. nat., 12° édit., p. 1088, 1767. — Sagartia effœuu, Fischer, loc. cit, p. 222. — Actinia parasitica, Couch, Cornish Fauna, p. 38, 1838, non À ctinie parasite, Dugès, 1836. te parasitica, Gosse, loc. et. p.182, DLL: 66. 6. Les exemplaires de Roscoff sont obtenus à la drague et fixés géné- ralement soit sur des coquilles de Buccinum undatum, soit sur des carapaces de Crustacés (#aia squinado). .. La colonne est rayée de jaune et de brun, avec des taches irrégu- lières violettes ou d’un brun rougeâtre. Les tentacules, d'un gris très clair ou d'un rose pellucide, sont orangés au sommet. Les acontia blancs, remarquablement allongés, sont émis avec profusion et forment, en se déroulant, des amas inextricables. Mais, après avoir provoqué l'issue d’un grand nombre de ces filaments, j'ai constaté qu'ils pouvaient être complètement rétractés dans la cavité centrale du corps en moins d’une heure, Le nom linnéen effæta doit être appliqué sans hésitation à l'Actinra parasitica, Couch. En effet, Linné décrit ainsi son espèce, dans la douzième édition du Systema naturæ : « A. subcylindrica, anguloso- striata », et il ne donne qu’une seule référence synonymique : celle CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 397 de Baster (Opuscula subseciva, Liv. HE, p. 122, pl. XIV, fig. 2, Harlem, 1761). Or, la figure de Baster, très reconnaissable et de grandeur naturelle, comme il a le soin de l'indiquer, représente une Actinie des côtes de Hollande, mesurant 60 millimètres de hauteur (de la base de la colonne à l'orifice buccal) et 38 millimètres de diamètre. Les tentacules sont nombreux, régulièrement étalés, non flexueux ; la colonne est ornée de rayons clairs et foncés. En un mot, Baster a eu sous les yeux l’Actinie appelée S. parasitiea par Couch et Gosse. Andres a rapporté la figure de Baster au $agartia viduata, Müller, espèce grêle, à tentacules flexueux, portés en tous sens, à extrémité supérieure de la colonne marquée de taches brunes ; mais l'opinion de l’auteur italien ne saurait être prise en considération. Gmelin, Bruguière, Lamarck ont suivi exactement Linné, au sujet de la synonymie de l’Actinia effœla. La confusion a donc été établie par les auteurs anglais : Couch, Johnston, Gosse, toujours hantés par cette idée, que les espèces linnéennes du genre Actinia ne pou- vaient pas être convenablement identifiées. L’Actinia effæta à été placé dans le genre Calliactis, de Verrill, caractérisé par la présence d’une rangée de verrues perforées à la partie inférieure de la colonne. On en trouve souvent deux rangées, et d’autres fois les verrues sont disposées sans ordre régulier. Milne Edwards et Haime avaient, en raison de ce caractère, placé l'Actinia effœta, Linné, dans le genre Adamsia ; mais les Adamsia typiques diffèrent des Calliactis par leur base prolongée en expansions ali- formes, leur colonne déprimée et leurs tentacules imparfaitement rétractiles. Je n'ai pas vu, à Roscoff, la variété du Calliactis efflæœta caractérisée par des tentacules ornés de deux bandes brunes interrompues, et qui abonde sur les côtes du sud-ouest de la France et de la Méditer- ranée, où elle vit dans la zone littorale. 398 P. FISCHER, AÂ. SAGARTIA SPHYRODETA (GOSSE). Actinia sphyrodeta, Gosse, Ann. and Mag., 3° série, vol. I, p. 415, 1858. — Sagartia sphyrodeta, Gosse, Brit. sea-anem., p.73, pl. I, fig. 8, 9.— Fischer, loc. cit., p. 213. — Actinia candida, Gosse, Nat, rambles in Devonsh., p. 430, pl. VII, fig. 11-13, 1853. Cette espèce vit dans la zone des Laminaires, par 45 à 20 mètres de fond, sur des pierres et des débris de coquilles. Elle présente les variétés suivantes : a). Var. æanthopis, Gosse. La colonne très molle, pellucide, porte, à sa partie supérieure, vingt-quatre rayons blancs, qui sont bi- furqués vers la base. Disque rayonné, orangé. Tentacules blancs, hyalins, à base bordée d’une ligne pourprée; parfois, une petite raie orangée, se prolongeant sur le milieu de dAeur-face supérieure ou interne. Le nombre des tentacules est très variable et l’on ren- contre souvent des irrégularités individuelles. Après avoir passé bien des heures à les compter, je crois qu'ils sont généralement rangés en quatre cycles, plus rarement en cinq cycles, et qu’ils ont pour formule tantôt 19, 12, 24, 48, tantôt 8, 8, 16, 32, 64. Par conséquent, cette espèce présenterait le curieux phénomène du dimorphisme dans le type tentaculaire. | b). Var. candida, Gosse. Getie variété est un peu moins commune que la précédente. La colonne est rayée de blanc sur un fond olive très clair, qui devient légèrement verdâtre ou brunâtre à sa partie supérieure ; les tentacules, disposés en cinq cycles, ont le plus sou- vent pour formule : 8, 8, 16, 32, 64 ; de couleur blanche opaque, ils sont bordés, à la base, d’une ligne ou d’une tache grisâtre. c). Var, roseola, Fischer. Colonne rose pâle, rayée de jaune bru- nâtre ; tentacules pellucides, d’une teinte olive très pâle ; une tache violette, étroite, de chaque côté de leur base, et une ou deux taches blanches opaques près de la base et vers la moitié de leur longueur ; disque jaune doré pâle ; lèvres blanches ; pharynx rougeûtre. Le Sagartia sphyrodeta est extrêmement irritable. Au moindre CONTRIBUTION À L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 399 attouchement, on voit sortir ses acontia de couleur blanche, d’une longueur de 4 centimètre ou plus, et qui rentrent dans la cavité du corps dans un espace de temps variant de trois à cinq minutes. La colonne se gonfle et se dégonfle très rapidement. Les individus à cycles irréguliers sont nombreux ; j'en ai vu plusieurs dont les ten- tacules voisins de l’une des commissures manquaient ou étaient extrêmement petits. À Arcachon, je n’ai trouvé que la variété xanthopis, Gosse. 12. CEREUS PEDUNCULATUS (PENNANT). Actinia pedunculata, Pennant, Brit. Zool., vol. IV, p. 102, 1777. — Cereus pe- dunculatus, Fischer, Loc. cit, p. 211. — A ctinia bellis, Ellis et Solander, Zooph., p. 2, 1786. — Sagartia bellis, Gosse, loc. cit., p. 27, pl. I, fig. 2. On trouve cette Actinie fixée sur des fragments de rochers et en partie enfoncée dans le sable. Les tubercules d’adhérence sont très développés à la partie supérieure de la‘colonne ; ils agglutinent des débris de pierres ou de coquilles. La colonne s’évase à sa partie supérieure et prend un aspect cali- ciforme caractéristique. Lorsque l’animal est légèrement irrité, il contracte incomplétement son disque, qui devient alors ondulé ou lobé ; en cet état, qui a été représenté fidèlement par Johnston (Brit. Zooph., ed. 2, pl. XLII, fig. 4), les lobes sont presque toujours au nombre de cinq. La colonne peut s’allonger beaucoup; sa coloration est d’un jaune pâle à sa moitié inférieure et d’un gris bléuâtre à sa moitié supé- rieure ; les tubercules d’adhérence sont blancs sur le fond bleu. Disque rayonné, de couleur gris de lin, et marqué souvent de cinq rayons plus foncés. Tentacules extrêmement nombreux, disposés en six cycles et de coloration très variable. Tantôt on voit distinctement une tache obscure, en forme de B, située à la base, et de nombreuses taches claires sur un fond gris de lin vers le sommet ; tantôt le B manque, ACÙ P. FISCHER. et à sa place existe une tache brunâitre, simple, suivie d’une raie jaunâtre, médiane. La présence d’un B, bien dessiné, à la base des tentacules, montre que cette particularité n’est pas caractéristique du Sagartia troglo- dytes, comme le pensait Gosse. Jourdan a, d’ailleurs, démontré que le B existait sur des C'ereus pedunculatus de la Méditerranée, et il m'a été facile, à Banyuls, de confirmer l'exactitude de cette observation. Le Cereus pedunculatus varie peu à Roscoff ; quelques individus, adhérents à des roches de gneiss granulitique tourmalinifère, pré- sentent une coloration adaptive : le disque et les tentacules étant ornés de taches foncées, éparses, qui rappellent la couleur des cfis- taux noirs de tourmaline. Les deux seules variétés un peu aberrantes à signaler sont les sui- vantes : a). Var. rhodostyla, Fischer. Base blanchâtre, avec quelques rayons étroits et roses ; colonne rose de chair ; disque jaune pâle; tenta- cules transparents, avec quelques taches obscures, arrondies, et quelques points blancs. b). Var. olivacea, Fischer. Base d’un jaune pâle ou d’un gris pâle ; colonne blanchâtre à sa partie inférieure ; tubercules d'adhérence blanchâtres, assez larges, irrégulièrement disposés, inégaux ; disque marron-olivâtre ou d’un brun rougeâtre unicolore, parfois orné de rayons pourprés; tentacules assez longs, d'un brun clair ou d'un gris de lin, ornés de ponctuations plus foncées, qui pâlissent vers le sommet; acontia très grêles ; formule tentaculaire : 12, 12, 24, 48, 96. En examinant une nombreuse série de Cereus pedunculatus, on peut constater que généralement un des tentacules du premier cycle est sensiblement plus gros que les autres, qu'il présente une colo- ration différente, tantôt plus foncée, tantôt claire, uniforme et sans vestige des taches brunes ou de la marque en B de la base. Il se distingue également par sa direction ; il est plus redressé que les tentacules voisins, qui affectent normalement une position horizon- tale. Sa sensibilité n’est pas plus développée que celle des autres CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 401 tentacules ; je ne l’ai jamais vu s’allonger notablement et dépasser les limites des tentacules du premier ou du deuxième cycle. Ce tentacule différencié, correspondant à l’une des commissures labiales, peut être appelé tentacule gonidal. Son importance mor- phologique doit être considérable si, comme je le pense, il n’est autre chose que le premier tentacule formé par l'embryon. Il per- mettrait alors d'orienter exactement l’Actinie adulte. On sait, en effet, depuis les beaux travaux de Lacaze-Duthiers sur l'embryogénie des Actinies ‘, que le premier tentacule formé est placé dans le prolongement de l’axe de la bouche et qu’il est, au début, beaucoup plus grand que les autres. « Toujours deux tenta- cules, opposés l'un à l’autre et correspondant aux deux commissures, entrent dans la formation du premier cycle formé des six plus grands tentacules de la couronne... Ce n'est pas immédiatement que dis- parait la prépondérance du premier ou du plus grand des six tenta- cules ; quelque temps encore après la régularisation des grandeurs, on peut le reconnaitre en étant guidé par sa position, car il corres- pond à l’une des commissures de la bouche. » Il me paraît possible de reconnaître avec un peu d'attention, sur des individus adultes, le tentacule primordial de l'embryon, quoique, dans certains cas, il ne soit pas différencié. Mais, sur d'autres espèces d’Actinies, cette recherche ne donne pas de résultats satis- faisants, à moins que le tentacule ne soit placé dans le prolongement d’un rayon gonidial du disque. Le tentacule gonidial, assez inerte el peu extensible, du Cereus pedunculatus est probablement très différent du tentacule explorateur d’autres espèces, qui peut s’allonger dans des proportions extraor- dinaires et qui agit indépendamment des tentacules voisins. Dalyell a signalé un fait de ce genre chez une espèce nommée par lui Actinia explorator*; Lloyd, chez le Metridium dianthus* ; Holdsworth, 1 Développement des Coralliaires (Arch. de 300l. expér., vol. I, p. 344, 1872). 2 Rare and remark. anim. of Scotland, vol. II, p. 227, pl. XL VI, fig. 11, 1848. 3 Gosse, Brit. sea-anem., p. 16. ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN, — 20 SÉRIE, = T, V. 1887. 96 409 P, FISCHER, chez le Sagartia miniata! ; et moi-même chez le Sagartia erythro- chila * nous avons constaté cette particularité. Mais l’élongation du tentacule explorateur paraît être accidentelle, temporaire et, d’ail- leurs, sa position, relativement à la commissure buccale, n’est pas déterminée. La synonymie générique et spécifique du Cereus pedunculatus est l'objet de quelques divergences d'opinions. Il semble d’abord néces- saire d'adopter une coupe générique pour cette Actinie à forme si remarquable. C’est ce qu'avait compris Oken, lorsqu'il institua, en 1815 (Lehrb. der naturg. zool., p. 349), son genre Cereus, qui avait pour type l’Acéinia bellis : « 2. Gattung. Cereus. Leib schlank, unten enger, sehr contractil, mund ectig, Fühler einfach, meist bunt wie kopfkiemen. — 4. Art. C. bellis ». La diagnose générique indique le caractère remarquable que présente l’élongation de la colonne du €’. bellis. Le genre Cereus d'Oken fut plus tard complètement modifié par Milne Edwards et Haime, qui comprirent sous ce nom les Actinies appartenant actuellement aux genres Bunodes et Tealia de Gosse. En 1858, Thompson proposa un genre Heliactis pour le C'ereus pe- dunculatus %; en 1860, Gosse créa, pour la même espèce, un sous- genre Scyphia *. Aujourd’hui l’on devra revenir au nom générique d’Oken, en l’ap- pliquant uniquement au Cereus pedunculatus. Quant au vocable spécifique pedunculatus proposé par Pennant, en 1777, son antériorité sur le nom de bellis, créé par Ellis et Solander, en 1786, ne peut être contestée. 1 Gosse, loc. cit., p. 44. 2 Actinies des côles océaniques de ae p,. 221. $ Proceed. Zool. Soc., p. 145, 1858. * Loc. cit., p.123. — Ce nom Scyphia est appliqué depuis longtemps à des Spon- glaires par Oken (1815). CONTRIBUTION A L'AGTINOLOGIE FRANÇAISE, 403 43. CORYNACTIS VIRIDIS (ALLMAN). Corynactis viridis, Allman, Ann. of nat. hist., 17e série, vol. XVIÏ, p. 417, pl. XI, 1847. — Gosse, loc. cit., p. 289, pl. IX, fig. 1-5. — Fischer, loc. cit., p. 234. Vit sur les rochers ; très commun à l’îlot de Duon. Les exemplaires recueillis sur trois points de la côte constituaient trois colonies différentes par la coloration des individus qui les composaient ; par conséquent, la livrée de chaque colonie étant uni- forme, indique une origine commune, et peut-être aussi une repro- duction par gemmation. 4. Var. smaragdina, Gosse, loc. cit., p. 290. Colonne verte, tirant un peu sur le jaune; disque rayonné de vert; orifice buccal bordé de vert pâle; tentacules pellucides, d’un gris brunâtre ; renflement de l'extrémité tentaculaire de couleur lilas. 2. Var. hyalocera, Fischer. Colonne de couleur jaune brunâtre claire, bordée de vert à sa partie supérieure; disque transparent, rayé de blanc, avec un petit cercle vert autour de la bouche ; tenta- cules transparents comme du cristal, terminés par un renflement rose ou lilas. | 3. Var. tephrina, Gosse, loc. cit., p. 290. Colonne d’un brun rosé, bordée de vert à sa parlie supérieure ; extrémité des tentacules de couleur marron. À Arcachon, je n’ai vu que la variété smaragdina ; dans le golfe de Marseille on ne trouve guère que la variété chrysochlorina de Gosse (Jourdan) ; dans le golfc de Naples vivent les variétés rhodo- prasina, tephrina et corallina, de Gosse (Andres). 44. AURELIANIA AUGUSTA (GO8SE). Aureliania augusta, Gosse, Brit, sea-anem., p. 283, pl. IX, fig. 11. Cette magnifique Actinie a été apportée une fois par des pêcheurs au laboratoire de Roscoff; sa coloration écarlate était semblable à celle du type de Gosse (Faurot). 404 P. FISCHER, L'Aurelianta augusla n'est indiqué jusqu'à présent que sur la côte du Devonshire. A5. PALYTHOA ARENACEA (DELLE CHIAJE). Zoanthus Couchi, Johnston, Brit. zooph., 2° &dit., vol, [, p. 202, pl. XXXV, fig. 9. — Gosse, loc. cit., p. 297, pl. IX, fig. 9-10, et pl. X, fig. 5. — Paly- thoa Couchi, Fischer., loc. cit., p. 235. Les colonies de cette espèce sont fixées généralement sur des coquilles draguées par une vingtaine de mètres. Le revêtement arénacé de la colonne se termine à sa partie supé- rieure par 42, 43 ou 14 denticulations triangulaires. Les tentacules, très extensibles, semblent disposés sur deux rangs; leur nombre varie de 24 à 28; leur coloration est translucide, avec une tache terminale laiteuse ; mais, à l’état de contraction, ils ont une teinte rosée. DEUXIÈME PARTIE. ACTINIES DE BANYULS (PYRÉNÉES-ORIENTALES). Banyuls est une localité très intéressante, à cause de sa position géographique voisine de l'Espagne et de son éloignement de la Pro- vence, dont la faune actinologique nous est bien connue, grâce aux recherches de Risso (Æistoire naturelle de l'Europe méridionale, vol. V, 1826), de Vérany (Catal. degl'invert. del qolfo di Genova, 1846, et Zoo- logte des Alpes-Maritimes, 1862), de Jourdan (Zoanthaires du golfe de Marseille, 1880), et de Marion (£squisse d'une topographie z0olo- gique du golfe de Marseille, 1883). Mais, malgré cet éloignement, la faune est la même, et nous y avons reconnu aussi la plupart des espèces de Naples, repré- sentées dans la belle publication de A. Andres (Le Attinie. Atti dei Lincer, sér. 3, vol. XIV, 1883). La Méditerranée paraît donc avoir une population actinologique remarquablement uniforme et assez éga- lement distribuée. La iliste des espèces de cette mer a été donnée CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 405 récemment par F.-V. Carus (Prodromus Faunæ Mediterranex, pars I, 1884). Le nombre assez élevé (20) des espèces que nous avons reconnues à Banyuls nous donne la certitude que de nouvelles recherches en ce point seront très fructueuses. 1. CERIANTHUS MEMBRANACEUS (GMELIN). Tubularia membranacea, Gmelin, Syst. nat., 13° édit., p. 3836. — Cerianthus membranaceus, Haime, Ann. des sc. nat., p. 341, pl. VIL, fig. 1, 1854. — Jourdan, loc. cit.,p.k#, — Andres, loc. cit., pl. XIT. — Fischer, oc. cit., p. 200, La présence du genre Cerianthus à Banyuls m'a été signalée par M. de Lacaze-Duthiers, qui avait recueilli dans les herbiers à Posi- donta du port un spécimen de petite taille et de coloration pâle. Je n'ai pu réussir à retrouver cette Actinie durant mon séjour dans cette station; mais grâce à la persistance des recherches dirigées par M. de Lacaze-Duthiers, un exemplaire vivant, expédié de Banyuls, est arrivé le 31 janvier 1887, à Paris, où il est conservé dans le labo- ratoire de la Sorbonne. C’est là que j'ai pris sa description, insérée en post-scriptum de ce travail (p. 440). 2. PEACHIA TRICAPITATA (ANDRES). Siphonactinia tricapitata, Andres, Le Attinie, p. 321, pl. IX, fig. 7. D'après les renseignements qui m'ont été communiqués par Fau- rot et Prouho, le Peachia tricapitata a été dragué plusieurs fois à Banyuls et paraissait conforme à la description et à l’iconographie données par Andres. 3. ILYANTHUS PARTHENOPEUS (ANDRES). Ilyanthus Parthenopeus, Andres, Le Attinie, p. 459, pl. IX, fig. 1-4. Colonne conoïdale-piriforme, atténuée, déprimée et subombili- quée à la base, dilatée à sa partie supérieure. Surface de la colonne brunâtre, jaune fauve ou rosée, plus pâle en haut, devenant trans- parente quand l'animal est complètement développé, et portant 48 sillons longitudinaux bien marqués. Bord supérieur muni de 406 P. FISCHER. 48 crénulations translucides, arrondies, de dimensions alternative- ment inégales. Disque pellucide, orné de rayons päles et brunâtres. Pharynx souvent renversé. Tentacules rétractiles, longs (4 à 5 centimètres), coniques, extrê- mement adhérents aux doigts, comme ceux des Anemonza, très iné- gaux, gonflés vers leur base, blanchâtres ou brunâtres, plus foncés à leur extrémité. On trouve souvent un anneau brun pâle vers leur base, et parfois une ligne longitudinale brunâtre ou violacée, mal limitée, de chaque côté. Lorsqu'on vient de draguer cétte Actinie, elle est méconnaissable ; la région buccale est renversée et forme un cône saillant, tandis que la région basale est aplatie, disposition inverse de l’état normal ; mais, vingt-quatre heures après, il n’y paraît plus. L'animal, de forme conique, s'enfonce alors dans le sable, ne laissant passer que la partie supérieure de la colonne, qui est tantôt fermée, tantôt ouverte, avec les tentacules portés dans toutes les directions. Presque toujours, une partie des tentacules manquent ; ceux qui restent sont tellement inégaux de taille qu’on peut supposer qu'ils tombent facilement et qu'ils se régénèrent de même. Durant les expéditions scientifiques du Travailleur et du Talisman, nous avons souvent dragué de très grands tentacules isolés, coniques, renflés à leur base, et provenant probablement de gigantesques Z/yanthus de la zone abyssale. . Quand la colonne est fermée à sa partie supérieure, mais assez gonflée d’ailleurs, la plus légère excitation suffit pour la faire ouvrir brusquement et pour provoquer le développement des tentacules. Au contraire, chez les autres Actinies, l’attouchement de la colonne surexcite la contraction de l'orifice supérieur et détermine la rétraction des tentacules. La coloration de la colonne se rapproche de celle du type figuré par Andres. Généralement, la partie inférieure est plus foncée que a partie supérieure. Les exemplaires que j'ai vus atteignaient, bien CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANCAISE, 407 développés, 8 à 10 centimètres de longueur. L'absence d’un grand nombre de tentacules ne m'a pas permis de les compter; leur for- mule serait 6,6, 12,24, 48, d'après Andres. Delle Chiaje a-t-il vu cette espèce et l’a-t-il figurée sous le nom d’Acfinia diaphana, Rapp (Deser. et notom., vol. IV, p. 126; pl. CLIV, fig. 4)? Je n'ose l’affirmer, parce que la figure qu’il donne montre une base circulaire et trois cinclides d’assez grande dimen- sion ; or ces caractères manquent chez les //yanthus. D'autre part, la représentation de la couronne tentaculaire mutilée et celle du bord supérieur de la colonne concordent avec notre espèce. L’Ilyanthus parthenopeus a été dragué plusieurs fois à Banyuls par des profondeurs ide 30 à 60 mètres. D’après Marion, on le trouve aussi dans les fonds vaseux de la région N.-0. du golfe de Marseille, au large de Méjean. A Naples, Andres l’a obtenu à la faible profon- deur de 140 mètres. 4. ANEMONACTIS MAZELI (JOURDAN). Tlyanthus Maxeli, Jourdan, Zoanth. du golfe de Marseille, p. 41, pl. I, fig, 5, 1880. — Marion, Esquisse d’une topographie zoologique de Marseille, p. 106. 1883. — Anemonactis magnifica, Andres, Prodr. Neapol. Actin. faunæ, p. 329, 1880. — Eloactis Mazeli, Andres, Le Attinie, p. 465, pl. VITE, fig. 4-7. Cette forme intéressante, découverte par Marion dans les fonds vaseux du golfe de Marseille, a été vue une seule fois à Banyuls par Faurot. Andres l’a retrouvée à Naples, et a figuré des variétés de coloration différentes du type. Le genre Anemonactis, proposé par Andres, en 1880, pour l’{/yan- thus Mazeli, Jourdan, a été changé en Zloactis, en 1883, par Andres lui-même, sous prétexte que le mot Anemonactis ressemblait trop à Ammonactis, Verrill ; mais cette substitution n’est possible que lors- que deux vocables génériques ont la même étymologie et peuvent provoquer une confusion dans la nomenclature. Tel n’est pas le cas actuel. | nil Risso a décrit et figuré, en 1826, sous le nom d’Acfinia rosea (His- 408 " P.-FISCHER. toire naturelle. des principales productions de l’Europe méridionale, vol. V, p. 287, pl. V, fig. 34) une espèce qui me parait avoir quelque ressemblance avec l’Anemonactis Mazeli. La figure montre des tenta- cules globuleux à l'extrémité, peu nombreux, et une colonne sub- conique, renflée à sa partie moyenne. En cet état, l'Actinia rosea rappelle la figure 39 d’Andres, intercalée dans le texte et représen- tant un Anemonactis Mazeli, dont les tentacules sont en demi-exten- sion. En outre, d’après la description, l'espèce de Risso serait carac- térisée par ses tentacules, disposés en deux cyeles, comme ceux de l'Anemonactis Mazeli, mais leur nombre serait différent : 24 (49, 49) au lieu de 20 (10, 10). Au surplus, voici la diagnose originale de Risso : ACTINIA ROSEA, — C'orpore subconico, inflalo, roseo, cirrhis hyalinis, fusco annulatis. Très jolie espèce, d'un rose tendre, ornée de deux rangs de courts tentacules, transparents, annelés de brun, au nombre de 24 ; bouche variée de brun, entourée d'une étoile de points blancs. Longueur : 20 millimètres. D. ACTINIA EQUINA (LINNÉ). Urtica marina, P. Belon, de Aquatilibus, p. 341-342, 1553. — Urtica parva, Rondelet, de Piscibus, p. 528, 1554. — Actinia equina, Jourdan, Loc. cit., p. 26. — Andres, loc. ct., p. 397, pl. I, fig. 2, 3, 4,9. — A ctinia corallina, Risso, Hist. nat. de l'Europ. mérid., vol, 5, p. 285. Plusieurs variétés existent à Banyuls : a. Colonne d'un rouge vif, bordée de bleu près de la base ; tenta- cules rouges. Cette variété est l’A. corallina, Risso. b. Colonne d'un rouge brunâtre, bordé de brun foncé près de la base ; tentacules bruns, plus clairs. c. Colonne et tentacules d'une teinte carmin. d. Colonne orangée; tentacules de même couleur, mais plus Ciairs. e. Colonne verte, bordée de carmin ou de bleu près de la base ; tentacules d’un vert plus clair. CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 409 La variété à colonne d’un rouge vif est la plus commune. La va- riété verte vit cachée à la face inférieure de petites terrasses sail- lantes, sous-marines. Transportée dans des cuvettes, elle se développe très difficilement. | Sur ces diverses variétés, les chromatocystes sont uniformément bleus. C'est à P. Belon (1553) qu’on doit les premières figures originales de cette espèce, qu'il a représentée fermée (Urtica contracta) et ou- verte (Urtica explicata). « 11 y en a, dit-il, de beaucoup d'espèces : les unes sont rougeastres, les autres sont entournées de petits grains de couleur de ciel.» (Za nature et diversité des poissons, 1555). Ce passage indique clairement que P. Belon avait observé les chroma- tocystes ou bourses calicinales caractéristiques de cette Aclinie. 6. ANEMONIA SULCATA (PENNANT). Urtica cinerea, Rondelet, de Piscibus, p. 529, 1554. — Orfie cendrée, Rondelet, Hist. ent. des poissons, p. 381, 1558. — Anemonia sulcata, Andres, loc. cit., p. 405, pl. I, fig. 7, 10, 15. — Jourdan, loc. cit., p. 25. Cette Actinie, si commune sur le littoral méditerranéen de la France, présente quelques variétés de coloration : a. Colonne verte, avec des rayons plus pâles ; tentacules d’un gris-perle, devenant parfois presque blancs. b. Colonne verdâtre, rayée de blanc ; tentacules roses. ce. Colonne verdâire ; tentacules verts, à extrémité rose ou vio- lacée. d. Colonne verte ; tentacules uniformément verts. e. Colonne verte ; tentacules verts, teints de rouge vif sur les côtés et à extrémité rose. Les individus pris à la profondeur de quelques mètres ont une taille considérable. Un très jeune individu m'a permis de pouvoir compter ses tenta- cules, ainsi disposés : 6, 6, 12, 24, etc. Le type tentaculaire est donc 410 P. FISCHER. hexacère. Chez l'adulte, Gosse donne pour formule : 36, 36, 36, 72. Le disque de cette jeune Actinie était brunâtre, avec 6 rayons blancs aboutissant à la base des tentacules du premier cycle; un rayon gonidial partait d'une des commissures labiales. La première description de cette espèce et sa première iconogra- phie ont été données par Rondelet, d’après un exemplaire du littoral du Languedoc. « Geste Ortie s'appelle cendrée, de sa couleur. Elle n’a guère de chair ; au reste, elle est comme une grande cheveleure. Elle vit entre les fentes des rochiers, jamais ne se retire. Véritable- ment est ortie, car, si vous la manies, elle pique fort. On en trouve en Frescon, près d'Agde. On ne la peut arracher entière du ro- chier. » Rondelet avait remarqué, par conséquent, que ses tentacules ne sont pas rétractiles. Les dimensions de la figure originale et le grand nombre de tentacules représentés prouvent que l’Urtica cinerea est bien l’Anemonia suleata, Pennant, et non l’A. C'ontarinti, Heller (A. ci- nerea, Contarini). | Peut-être serait-il équitable de reprendre, pour désigner l’Ane- monia sulcata, le nom spécifique proposé par Rondelet, qui, d'ail- leurs, s’est servi, dans ce cas, de la nomenclature binaire. L'Anemonia suleata est très abondant, à Banyuls, dans la zone littorale et dans la zone des Laminaires, fixé soit aux rochers, soit aux Posidonia. 7. PHELLIOPSIS NUMMUS (ANDRES). Phellia nummus, Andres, Prodr. Neapol, Actiniar. faunæ, etc., p. 326, 1880. Andres, Le Atlinie, p. 335, pl. V, fig. 8. Les spécimens que je rapporte à cette espèce constituent une variété à laquelle on peut appliquer le nom de vwirgo, Fischer. Base large, solidement adhérente, blanche. Colonne de consis- tance ferme, conique, uniformément blanche, paraissant lisse, mais, dans certains cas, finement tuberculeuse ou vermiculée, revè- CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANCAISE. 411 tue d’une couche cuticulaire d’un jaune pâle, non limitée nettement à la partie supérieure, non continue et formant de petites plaques légèrement saillantes, plus marquées vers le haut. La cuticule manque ou est indistincte chez les individus jeunes. Partie supérieure de la colonne (correspondant au capitule) très contractile, finement striée ou plissée longitudinalement, privée de tout revêtement cuticulaire, ainsi que de tubercules saillants, Sa coloration est d’un blanc rosé. Disque rayé de rose et de blanc, ou montrant une teinte grise pâle, avec des rayons d’un blanc argenté qui se divisent pour entou- rer la base des tentacules du premier cycle et qui se prolongent sur une partie de la face supérieure des tentacules du deuxième cycle. A sa limite extérieure, le disque prend ,une teinte rose générale, Bouche non proéminente ; lèvres bordées de rouge brunâtre ; pha- rynx rayé de blanc et de brun. Tentacules disposés en quatre cycles : 12, 49, 24, 48, Ils sont mé- diocrement longs, de forme conique, parfaitement rétractiles, mais pouvant s’étaler complètement. Ceux des premiers cycles ont une coloration d’un rose pellucide uniforme, passant au blanchâtre vers là pointe ; ceux des deux derniers cycles sont courts, ornés de deux bandes longitudinales d’un rouge orangé vif et terminés par une pointe blanche ; la partie comprise entre les deux bandes orangées est rose pâle. Pendant plusieurs jours, j'ai presque désespéré de pouvoir exa- miner cette espèce, à cause de son excessive timidité. Dès qu'elle commençait à s'entr'ouvrir,le moindre bruit ou le moindre ébranle- ment provoquait la rétraction instantanée des tentacules et la con- traction complète du capitule, qui duraient alors des heures en- tières. Je n'ai pu arriver à en prendre la description qu'en l'entou- rant et en couvrant son bocal de morceaux de planches noircies que j'enlevais progressivement pour l’habituer à l'action de la lumière. Au bout d’une huitaine de jours, elle a pu se développer sans écrans. 412 P. FISCHER. Par contre, un exemplaire qui m'a été envoyé à Paris est arrivé complètement développé, avec le pharynx étalé. Jamais je n’ai pu le faire fermer, et les excitations ont plutôt augmenté cet état, en déterminant des contractions vers le milieu de la colonne, qui est devenue très allongée, tuberculeuse, et montrant, comme chez le Chitonactis coronata, des séries transverses de tubercules disposées un peu irrégulièrement. Je n'ai pas vu d'acontia émis par la surface de la colonne; pas plus que chez les Chitonactis. Le fait me paraît, d’ailleurs, peu pro- bable, à cause du revêtement cuticulaire. J'ai proposé un nouveau genre Phelliopsis pour cette espèce, qui ne peut, en effet, rester dans le genre Phellia, où elle a été placée par Andres : les Phellia ayant pour caractères une colonne lisse, percée de cinclides et laissant passer ides acontia, un revêtement épais du scapus, distinctement limité dans le haut où commence le capitule. Or, les Phelliopsis sont caractérisés par leur colonne fine- ment tuberculeuse, non perforée, et à cuticule non limité dans le haut. D'autre part, les Phelliopsis diffèrent des Chitonactis, dont ils sont très voisins, par l'absence d’une ligne cuticulaire limitant en haut le scapus, ainsi que par le manque des douze rangées verticales de séries de gros tubercules de la partie supérieure du scapus!. Le capitule fermé des Phelliopsis a un orifice central simple, finement plissé, tandis que celui des Chitonactis a une apparence remar- quable par suite de l'existence de douze gros plis dentiformes. Les exemplaires vus par Andres ont leurs tentacules diversement colorés, blancs avec deux ou trois paires de marques brunes don- nant une apparence zonée. En outre, on remarque une tache blanche à la base des tentacules des premiers cycles. Il est peu pro- bable que ce système de coloration ait une valeur spécifique: les différences de coloration que nous avons constatées sur les tenta- ! C’est à cause de ces douze rangées de tubercules que Gosse avait placé le Chi- lonaclis coronata, à l’origine, dans le genre Bunodes. CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 413 cules des Calliactis effœta, Cereus pedunculatus, etc., nous ont édifié sur le peu d'importance de ce caractère. Le Phelliopsis nummus est dragué à Banyuls par 40 à 60 mètres sur des coquilles mortes (Cassidaria echinophora, Buccinum Humphrey- sianum). À Naples, Andres l’a obtenu par 35 à 90 mètres sur des coquilles bivalves et univalves, ces dernières habitées par le Pagu- rus calidus. 8. CHITONACTIS CORONATA (GOSSE). Bunodes coronata, Gosse, Ann. and Mag. of nat. hist., 3° série, t. I, p. 194, 1858. — Gosse, Brit. sea-anem., p. 202, pl. VIE, fig. #4. — Chifonactis coro- nata, Fischer, loc. cit., p. 226. Il est rare de donner un coup de drague à Banyuls sans ramener cette espèce, et cependant elle n’a pas encore été signalée dans la Méditerranée. Je l'ai trouvée parfaitement identique avec les spé- cimens de l’ouest de la France. | Base adhérente, assez large. Colonne de forme très variable : conique, subsphérique, cylindrique, aplatie ou gonflée, parfois étran- glée au milieu de sa longueur. A l’état le plus ordinaire, elle est sub- globuleuse et a l'apparence d’un melon, par suite de la présence de douze grosses côtes longitudinales, limitées par un nombre égal de sillons ; l’animal ne montre pas alors ses tentacules. La colonne est revêtue d’une tunique cuticulaire plus ou moins épaisse, quelquefois aussi consistante et aussi ridée transversale- ment que celle des Z'dwardsia, mais le plus souvent mince, de cou- leur cornée. Quand la contraction est complète, cette tunique couvre toute la colonne. Au-dessous de la cuticule, l’ectoderme montre un grand nombre (30 environ) de séries de petits tubercules alignés transversalement et plus ou moins régulièrement ; à la partie supérieure de la colonne on trouve douze rangées verticales de gros tubercules, chaque rangée contenant deux ou trois nodosités. Au niveau de ces tubercules, le 414 P. FISCHER, revêtement éutculaire devient toujours plus épais, adhérent, et prend une teinte rouillée ou rougeâtre particulière. La limite supérieure du revêtement cuticulaire, et par Conséquent du scapus, est indiquée par une ligne transverse, saillante, foncée, cuticulaire. Sous la cuticule, le scapus est d’un jaune orangé pâle, devenant presque blanchâtre. Le capitule, toujours dépourvu de revêtement cuticulaire, con- traste nettement par sa couleur avec le scapus. À l’état de demi-con- traction, il porte douze gros plis saillants, de couleur claire, alter- nant avec douze dépressions triangulaires, orangées, brunes ou noi- râtres. Mais, en réalité, chaque gros pli est trifide, et, lorsque le capitule est dressé et que les tentacules sont bien développés, on aperçoit trois colonnes convergentes, partant de la limite supérieure du scapus et se dirigeant à la partie supérieure du capitule pour former une de ses denticulations pliciformes. Disque d’un brun vineux, avec des traînées de points blancs et quelquefois des secteurs d’un jaune doré ou d’un blanc jaunâtre irrégulier. Lèvres fortement plissées; pharynx orangé, avec douze sillons profonds. Les tentacules, rangés en quatre cycles, ont pour formule: 42,12, 24, 48. Ils sont médiocrement longs, ornés, sur tous les indi- vidus que j'ai vus, de deux rangées longitudinales de taches brunes ou violettes, disposées commes celles de la variété la plus commune du Calliactis efjæta. Cette espèce n'expulse pas d’acontia par la colonne sous l’in- fluence d’excitations diverses. Une seule fois, un spécimen conservé dans une eau corrompue a rendu par la bouche un gros paquet d’acontia blanchâtres. Après un séjour plus ou moins prolongé dans des cuvettes, le revêtement cuticulaire se détache partiel- lement. Les variétés sont peu tranchées; elles sont caractérisées par une teinte plus pâle ou plus foncée de la colonne ‘et par des différences dans la couleur des taches trigones du capitule, Jen'ai jamais trouvé CONTRIBUTION À L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 415 d'exemplaires colorés en rouge orangé vif comme le type figuré par Gosse. Le Chitonactis coronata est essentiellement vivipare et paraît gar- der ses petits dans la cavité générale du corps beaucoup plus long- temps que les autres Actinies. Durant une vingtaine de jours (du 24 octobre au 43 novembre 1887), les individus que j'ai observés ont rejeté constamment des petits vivants par la bouche. Un seul indi- vidu en a rendu, en une fois, douze de taille très inégale, et dont quelques-uns étaient déjà relativement grands. Leurs dimensions sont même énormes, comparées à celles des Acéinia equina au mo- ment de leur expulsion. Ces jeunes Chitonactis avaient au moins 24 tentacules répartis en trois cycles (6,6,12); les 6 tentacules du premier cycle étaient plus allongés que les autres, et le disque montrait 6 rayons blancs inter- rompus, dirigés vers leur base. La colonne était cylindrique, assez longue, assez transparente pour laisser voir les viscères. La couche cuticulaire n’existait pas. La base était bien nette et l’animal se fixait immédiatement. J'en ai trouvé quelques-uns adhérents au revêtement épidermique de la colonne de leurs parents. Le Chatonactis coronata est dragué à Banyuls, par 20 à 30 mètres et plus, sur des valves de Mollusques pélécypodes (Pinna, Cardium), des coquilles de Mollusques gastropodes (Turritella, CORaUS Sca- phander) et des tubes de Serpuliens. 9. GEPHYRA DOHRNI (KOCH). Gephyra Dohrni, G. von Koch, Morph. Jahrb., IV, p. 74-87, 1878. — Sagartia Dohrni, Andres, loc. cit., p. 381, pl. IL, fig. 1. — Gephyra Dohrni, Marion, Considérations sur les faunes profondes de la Méditerranée, p. 23, 1883. Base rose-orangé, de forme ovale-allongée, beaucoup plus large que le disque, adhérente à des corps sous-marins relativement étroits, qu’elle embrasse en formant à l’âge adulte un anneau com- plet par suite du contact des deux lobes opposés sur une même ligne, Malgré ce contact, il n’y a pas de soudure des lobes entre 416 P. FISCHER. eux. L’adhérence de la base n’est pas, d’ailleurs, excessive, et j'ai pu sans trop d'efforts détacher un individu de son substratum. Colonne subaplatie, jaune rougeâtre près de la base, blanche à sa partie moyenne, rosée en haut, ornée de rayons blanchâtres ; sur- face lisse, Disque pellucide, hyalin, rayé de blanc ; bouche saillante, à pour- tour rayé de blanc opaque ; pharynx généralement ouvert. Tentacules parfaitement rétractiles, disposés en quatre cycles (12, 49, 24, 48), coniques, médiocrement longs, de couleur rose de chair, avec une teinte d’un rouge orangé vif à leur base. Quand on retire cette espèce de la mer, la colonne est très aplatie et son orifice supérieur est très étroit, fermé ; les tissus sont consis- tants; mais, après quelques heures, les tentacules s'étalent, la bouche s'élève en cône et le pharynx se renverse en partie. En irri- tant l'animal, j'ai provoqué l’expulsion, par la bouche, d’un paquet d'acontia très grêles et d’un blanc légèrement rosé. Je n'ai pas vu d’acontia sortir par les parois de la colonne, ce qui est assez insolite pour une Actinie placée par quelques auteurs dans le genre Sa- gartia. Par sa consistance et son apparence, elle rappelle les jeunes Phelliopsis nummus, Andres, tant qu’elle reste fermée; mais, lors- qu’elle se développe, la saillie de la bouche permet de la distinguer immédiatement. La colonne sécrète un mucus assez abondant, mais elle n'est jamais protégée par une cuticule. Le Gephyra Dohrni est dragué à Banyuls par 30 à 50 mètres sur des axes de Gorgones ou d'Hydrozoaires. Les spécimens que j'ai examinés formaient une petite colonie de cinq individus sur une tige de Plumularia. Marion l'indique dans le golfe de Marseille sur des Hydraires dragués par 80 à 200 mètres, et Andres l’a trouvé à Naples par 59 mètres sur des Gorgones, des Isis et des Antipathes. L'espèce vit également dans le golfe de Gascogne, mais à des pro- fondeurs beaucoup plus considérables ; sa coloration est d’un rose plus vif que dans la Méditerranée. CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 417 10. ADAMSIA PALLIATA (BOHADSCH). Actinia carciniopados, Otto, Nova Acta Acad. cur., XE, p. 288, pl. XL, 1823. — Lelle Chiaje, Anim. senza vert., vol. V, p. 137, pl, CLIV, fig. 3. — Actinia picta, Risso, Hist. nat. Eur. mérid., vol. V, p. 286. — Actinie parasile, Dugès, Ann. des sc. nat., 2 série, vol. VI, p. 97, pl. VIL, fig. c, 1836. — A damsia palliata, Jourdan, loc. cit., p. 38.— Andres, loc, ct., p. 371, pl. IE, fig. 2, 3. La colonne est molle, aplatie, incrustante, à base blanche, réni- forme, bilobée ; la partie inférieure de la colonne est légèrement brunâtre, protégée par une mince cuticule cornée ; la partie moyenne est pellucide, avec des rayons longitudinaux très étroits, d’un blanc opaque, et des taches éparses, rouges ou d'un violet carminé; la partie supérieure est bordée d’un cercle étroit, rose ou rouge, géné- ralement moins vif que les taches de la partie moyenne. Disque hyalin, rayé de blanc, ovale, placé latéralement et par con- séquent excentrique. Bouche blanche. Tentacules cylindriques, relativement courts et grêles, obtus à leur extrémité, blancs, sans aucune tache, non complètement ré- tractiles, nombreux, et me paraissant disposés en cinq cycles. Les acontra sont très abondants et émis par des cinclides placés à l'extrémité de tubercules plus ou moins saillants, visibles surtout au voisinage de la base de la colonne, et formant plusieurs, rangées irrégulières. Quand l’animal est violemment excité, il rend également des paquets d’acontia par l’orifice buccal. Leur couleur, à Banyuls, est toujours lilas ou violacée. Les spécimens de Banyuls sont ornés de taches très vives et plus montés en couleur que ceux de la Bretagne. Les individus de la baie de Naples, figurés par Andres, ont au contraire une coloration pâle et des acontia blancs ‘. Cette espèce est bien décrite et figurée, en 1836, sous le nom d’Ac- 1 Boxapscn (De quib. anim. mar., p.135, pl. XI, fig. 1), en décrivant cette espèce, lui attribue des acontia de couleur blanche (filamenta prælonga, candidissima). ARCH. DE ZOOL,. EXP, ET GÉN, == 2€ SÉRIE, =— T, IV. 1887. 27 418 | P. FISCHER. tènie parasite, par Dugès, qui l’avait examinée sur les côtes du Lan: guedoc et qui l'avait soigneusement distinguée de l’Actinia effæta, Linné. Ce nom d’Actinie parasite, latinisé, a été appliqué par Couch, en 1838, à l’Actinia effœæta de Linné, et a causé ainsi une certaine confusion qui n’est pas encore dissipée. puisque Andres place en 1883 l’Actinie parasite de Dugès dans la synonymie de l’Acéinia Rondeletr, qui n’est que la forme méditerranéenne du Calliactis efjæta. L’Adamsia palliata est extrêmement abondant à Banyuls, par 20 à 40 mètres de profondeur, et se fixe sur les coquilles de Frochus ma- qus, Zizyphinus granulatus, Natica millepunctata, etc., habitées par l’£‘upagurus Prideauxi. J'en ai vu quelques exemplaires adhérents à des coquilles d’Aelix aspersa, qui avaient été entraïînées à la mer par les torrents, ou qui avaient été jetées à l’eau par des pêcheurs. Des observations intéressantes sur l’association de cette Actinie et de son Pagure ont été récemment publiées par Faurot (Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. CI, p. 173, 4885) et Chevreux (Association française pour l'avancement des sciences. Congrès de Blois, 1884). 11. CALLIACTIS EFFŒTA (LINNÉ). De la quatrième espèce d’Ortie, Rondelet, Hist. ent. des Poissons, p. 382. — A ctinia Rondeleti, Delle Chiaje, Descriz. e notomia, etc., pl. CXIL, fig. 18. — Adamsia Rondeleti, Andres, loc. cit., p. 367, pl. IL, fig. 4. — Calliactis effæta, Jourdan, loc. cit., p. 37. — Actinia purpuriphaga, Berini, 1824, ide Andres. — A ctinia effœta, Delle Chiaje, loc. cit., pl. CEIT, fig. 12. Les exemplaires de Banyuls ne diffèrent pas de ceux des côtes océa- niques de France. | La colonne est ornée de bandes longitudinales alternantes, jaunâ- tres et d’un brun violacé ; les bandes brunes sont généralement plus étroites. Vers le quart inférieur de la colonne, on remarque des tu- bercules saillants, formant deux rangées transversales, plus ou moins régulières, et perforés pour le passage des acontia. Tentacules de couleur très variable : tantôt d'un blanc pur, tantôt blancs à la base et jaunes au sommet, ou d’un rouge orangé uni- CONTRIBUTION À L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 419 forme. Les individus à tentacules tachetés ne sont pas moins nom- breux ; on remarque alors deux lignes longitudinales, étroites, bru- nâtres, interrompues quatre ou cinq fois sur un fond hyalin ou d’un violet très pâle. Les acontia des spécimens de la Méditerranée ont une coloration lilas assez constante. Rondelet avait remarqué leur belle teinte. « Ceste espèce, dit-il, croist sur les testes des huistres, principale- ment des Pourpres. Le dessus est plus dur et plus espès qu'aux au- tres. Elle ha à l’entour des poils (tentacules) courts. Du dedans sor- tent des filets longs, de couleur de pourpre si belle et si naïve, qu’elle est digne d’estre comparée au vrai suc de la Pourpre. » La figure de Rondelet est très reconnaissable. Elle représente la coquille du Murex brandaris, portant deux Calliactis efjæta contrac- tés, mais dont l’un rejette par la bouche un assez'gros paquet d'acon- tia. Les auteurs subséquents : Berini, Contarini, etc., ont confirmé l'observation de Rondelet. On pouvait donc croire que la coloration violacée des acontia était un caractère spécifique; mais Jourdan a démontré qu’elle n’avait pas d'importance. « Nous avons vu un même individu émettre des fila- | ments qui tantôt étaient blancs, tantôt étaient roses » (/oc. cit., p. 38). Andres a figuré des individus à acontia blancs, sortant par la bouche. Risso, enfin, dit que les acontia de cette espèce sont roses, lilas ou blancs (£'urope méridionale, vol. V, p. 285). A Banyuls, le C'alliactis effæta est commun par 20 à 30 mètres. Il vit sur les coquilles des gros Gastropodes (Murex brandaris et trunculus, Cassidaria echinophora, Cassis sulcosa, etc.), habitées par des Pa- gures (Pagurus striatus). Généralement chaque, coquille porte deux Actinies. Delle Chiaje a donné deux noms spécifiques à cette espèce : son Actinia effæta est la variété à colonne plus foncée, à tentacules plus courts et ornés de séries de taches brunâtres, disposées sur des lignes interrompues (corpore castaneo, longitudinaliter albo-vittato, urticante, subcompacto, conico elongato; tentaculis brevibus, vittis fuscrs 420 P. FISCHER, communitis) ; son Actinia Rondeleti comprend les formes à colonne plus claire, à tentacules sans taches et d’un rose jaunâtre (corpore albo, rubro-fusco, vel luteo per longum fasciato, elevato, compacto, ur- ticante ; tentaculis pluribus, luteo roseis ; basi tuberculis pertusis, du- plice serie). 12. SAGARTIA VIDUATA (0. F. MULLER). Actinia viduata, O.-F. Müller, Zoo!. Dan. Prodr., p. 231, n° 2799, 1776. — Sagartia viduata, Gosse, loc. cit., p. 105, pl. IL, fig. 3 et pl. VL, fig. 11. — Fischer, Loc. cit., p. 216. — Cylista viduata, Andres, loc. cit, p. 359. Base large, pâle, à contour souvent irrégulier. Colonne d’un jaune fauve, rayée de blanc à sa partie inférieure, blanchâtre-unicolore vers sa partie moyenne, blanche avec des taches d’un brun rosé, saillantes (tubercules d’adhérence) à sa partie supérieure. Disque jaune rosé; lèvres fortement sillonnées. Tentacules nombreux, allongés,‘coniques, grêles, hyalins, à extré- mité blanchâtre, munis à leur base d’une tache brunâtre, surmontée d'une zone d'un blanc laiteux. Sur quelques individus, cette tache prend la forme d’un B; sur d’autres, la face supérieure du tenta- cule porte une bande longitudinale grisâtre, occupant sa partie moyenne et prolongée jusqu’à son extrémité ; parfois, enfin, on remarque les. deux bandes longitudinales considérées comme spé- cifiques par Gosse. Acontia fins, blancs. L'Actinia viduala est assez commun à Banyuls par 20 à 50 mètres; il adhère aux coquilles et surtout aux valves de Pélécypodes (Penna, Cardium). On le trouve également sur les Cynthia microcosmus. Lors- qu’on vient de le draguer, sa colonne est très aplatie. Je n’ai trouvé aucune différence entre les spécimens de la Médi- terranée et ceux du littoral atlantique de la France, que j'ai désignés sous les noms de Sagartia viduata, typus et var. troglodytes, suivant qu'ils étaient pourvus ou dépourvus d’une marque en forme de B. Mais il resterait à établir si la variété que j'ai décrite comme éroglo- dytes est bien le Sagartia troglodytes des auteurs anglais. CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 421 Andres considère l’Actinia viduata de Müller comme identique avec l'A. effœta de Linné. Cette opinion a été déjà réfutée ci-dessus. En outre, l’auteur italien donne comme synonyme de Sagartia viduata l’Actinia effæta de Delle Chiaje (vol. V, p. 137, pl. CLIL fig. 12), qui n'est autre chose que la variété du Calliactis effœta à tentacules or- nés de taches brunes interrompues. 13. SAGARTIA MINIATA (GOSSE). Actinia miniata, Gosse, Ann. and Mag. nat. hist., série 2, vol, XII, p. 127, 1853. — Sagartia miniata, Gosse, Brit. sea-anem., p. #1, pl. I, fig. 2-4. — Jour- dan, loc. cit., p. 355. — Heliactis miniata, Andres, loc. cit., p. 355. — A cti- nia ornata, T.-S. Wright, Proceed. roy.Soc. Edinb., p. 70, pl. VI, 1855. Base large. Colonne d’un jaune fauve ou d’un brun-olive pâle à sa partie inférieure et devenant d’un brun-marron foncé à sa partie supérieure, marquée sur toute sa surface de taches claires, blanchi- tres, assez larges (tubercules d’adhérence ?). Disque tantôt brun uniforme, tantôt rayé de jaune, de gris ou'de noir, avec des taches blanches, laiteuses, irrégulières, disposées en couronne et placées à égale distance de la bouche et de la base des tentacules. Ces taches prennent quelquefois la forme d’un B et sont en nombre égal aux tentacules des deux premiers cycles.Lèvres for- tement sillonnées, blanchâtres, grisàtres ou rouges. Le disque n'est jamais ondulé. Tentacules nombreux, disposés en cinq cycles (12, 19, 24, 48, 96), atteignant la longueur du diamètre du disque, plus ou moins redres- sés, normalement coniques. Ceux des premiers cycles ont, en géné- ral, une couleur jaune orangé ou rougeâtre, âvec une extrémité blanche. Ceux des cycles externes sont d’un rouge orangé plus vif et tranchent nettement, par leur coloration, sur la surface brune foncée de la partie supérieure de la colonne. A l’état de contraction, ces tentacules ressemblent aux papilles dorsales des Æ'olis, par suite de l’accumulation des matières colorantes dans un espace réduit. 422 P, FISCHER, La base des tentacules est embrassée par une ligne noirâtre prove- nant du disque. Les individus de Banyuls varient peu; j'en ai vu cependant quel- ques-uns dont les tentacules des premiers cycles étaient d’un vert olivâtre pâle, mais les tentacules des cycles externes gardaient leur coloration rose caractéristique. À Marseille, Jourdan a trouvé les mêmes caractères. La race méditerranéenne diffère essentiellement du type décrit par Gosse par la coloration des tentacules, beaucoup plus simple et presque uniformément rose. Les exemplaires d'Angleterre ont leurs tentacules ornés de deux lignes longitudinales foncées et d'une large tache blanche basale, croisée par deux barres noirâtres, inégales. Cette livrée a été considérée comme caractéristique par Gosse; mais elle paraît être purement locale. Conservé dans les bocaux, le S. miniata atteintune grande taille. À la moindre excitation il répand à profusion des acontia blancs ou légèrement rosés, très fins, longs, sortant par les cinclides nom- breux de la partie inférieure de la colonne, ou expulsés en assez gros paquets par la bouche. Cette particularité ‘m'a permis souvent de déterminer des individus non encore étalés ; elle devient presque un caractère spécifique. Cette espèce vit assez communément à Banyuls par des profon- deurs de 50 et 60 mètres, fixée sur des coquilles et des Cynthia microcosmus. Elle n’était connue jusqu’à présent,dans la Méditerranée, qu'à Marseille (Jourdan). Quelques auteurs ont cru devoir rapporter le S. miniata à l’Acti- nia elegans, Dalyell (Rare and rem.anim. of Scotland, p.225, pl. XLVIE, fig. 9-41), mais ce rapprochement me paraît erroné. Q ur" CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 423 14. CEREUS PEDUNCULATUS (PENNANT). Actinia bellis, Delle Chiaje, Anim. senzsa vert., pl, CLVI, fig, 1. — Sagartia bellis, Jourdan, Loc. cit., p. 35, pl. I, fig. 4. — Heliactis bellis, Andres, loc. cit., p. 300, pl. IV, fig. 1-6.— A cfinia brevicirrhata, Risso, Eur. mér., vol. V, D 207. Espèce très commune à Banyuls où elle atteint des dimensions extraordinaires. J'en ai vu un exemplaire dont le haut de la colonne étalé mesurait 10 centimètres de diamètre. Les variétés sont nom- breuses, mais peuvent se répartir en deux groupes d’après le sys- tème de coloration des tentacules : 4° Tentacules de couleur uniforme, sans taches ni marques spé- ciales à leur face supérieure. a. Var. fusca, Andres, loc.cit., p, 352. — Colonne jaunâtre ou d’un gris pâle à la base, violacée à la partie supérieure; tubercules d’adhérence d’un blanc bleuâtre clair. Disque vineux-violet au centre, brun à la périphérie ; lèvres de même couleur. Tentacules d'un brun uniforme, avec deux petites marques blanches à leur base; tentacule gonidial pâle, restant dressé verticalement, tandis que les autres sont rabattus horizontalement. Un spécimen de cette variété en diffère légèrement par sa colonne bleuâtre en haut, son disque, ses lèvres et ses tentacules d’un bleu ‘ardoisé uniforme. b. Var. hstrionica, Fischer. — Colonne jaunâtre à sa partie infé- rieure, d’un brun violacé vers le sommet. Disque de coloration irré- gulière : la moitié environ est brunâtre, uniforme ; un secteur repré- sentant environ un quart de cercle est d’un gris clair, et l’autre quart, séparé du précédent par un rayon brunâtre, est d’un jaune d'or brillant. Tentacules d'un brun clair et d’un gris clair, devenant blanchâtres vers leur extrémité. 2 Tentacules portant des marques et des taches spéciales. c. Var. conspersa, Fischer. — Colonne rose à sa partie inférieure, violacée ou vineuse en haut; tubercules d’adhérence -d’un blanc 424 P. FISCHER. bleuâtre. Disque rayonné de brun et de blanc, avec une tache en forme de B, blanche et bordée de brun vers la base des tentacules. Ceux-ci sont bleuâtres à la base, munis de grandes taches brunâtres en forme de B, et ornés de petites taches rappelant celles des Pu- nodes Balli, thallia, verrucosus; leur extrémité est d’un blanc jau- nâlre. d, Var. vartegata, Fischer. — Colonne d'un jaune orangé à sa partie inférieure, olivâtre au sommet. Disque vert, ponctué de jaune avec quelques taches obscures en forme de B et placées près de la base des tentacules des premiers cycles; lèvres fortement sillonnées et d’un violet intense. Tentacules verdâtres, avec de nombreuses taches jaunes et brunes; tentacules des derniers cycles opaques, d’un jaune doré. e. Var. interrupta, Fischer. — Colonne d’un blanc rosé à sa partie inférieure, bleuâtre en haut. Disque ;brun avec des rayons jaunes ; parfois deux taches foncées à la base des tentacules; rayon gonidial bien marqué, d’un brun uniforme. Tentacules ornés d’anneaux bleuâtres, interrompus à la partie moyenne de leur face supérieure, et de taches jaunes, éparses, de forme variable. Ces diverses variétés présentent toutes les caractères spécifiques du C'ereus pedunculatus : la colonne très évasée en haut;les tuber- cules d’adhérence nombreux à sa pärtie supérieure, et contrastant, par leur coloration blanc bleuâtre, avec la teinte violacée ou ardoi- sée du fond; la disposition ondulée de la périphérie; la brièveté rela- tive et le grand nombre des tentacules disposés en plus de cinq cycles chez les grands individus et ayant pour formule : 192, 49, 24, 48, 96, etc. L’expulsion des acontia me paraît exceptionnelle chez cette espèce; je ne l’ai constatée qu’une seule fois et par des cinclides de la partie supérieure de la colonne. Les acontia, d'un faible diamètre, étaient d’ailleurs peu abondants. Le Cereus pedunculatus est dragué par des profondeurs de 95 à 40 mètres. On le trouve aussi dans les herbiers à Posidonia, et, par . CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 495 conséquent, à une moindre profondeur. Il adhère généralement à des cailloux, des coquilles et des tuniques de Cynthia micro- Cosmus, 15. AIPTASIA MUTABILIS (GRAVENHORST). Actinia mutabilis, Gravenhorst, Tergestina oder Beobacht. über einige bei Triest im Meer. leb. Arten, ete., p. 141, 1831. — Cribrina punctata, Schmarda, Denkschr. d. Wiener À kad. math. nat., p. 16, pl. VI, fig. 1,2, 1852. — Su- gartia Penoti, Jourdan, loc. cit., p. 33, pl. LE, fig. 3. — Aiplasia mutabihs, Andres, loc. cit., p. 376, pl. I, fig. 8, et pl. IL, fig. 24. Base peu étalée et de même couleur que la colonne, assez molle, infundibuliforme, d’un vert-olive, brunâtre ou d’un fauve pâle, avec des bandes longitudinales d’un brun obscur finement ponctué. Disque marron, orné de petites taches blanches, opaques, éparses. Lèvres sillonnées, grisâtres, entourées d’une couronne de rayons blancs, laiteux. Tentacules longs, assez gros, subcylindriques, à pointe aiguë, marqués d’un pointillé de taches brunes très petites, rhomboïdales sur un fond plus clair, et ornés de demi-anneaux transverses d'un blane bleuâtre existant seulement à la face supérieure ouinterne. La face inférieure ou externe des tentacules est lisse, sans saillie appré- ciable, tigrée de taches brunes, larges, irrégulières, séparées par des lignes claires et formant un dessin de mosaïque. Les tentacules, non complètement rétractiles, sont disposés en quatre ou cinq cycles du type hexacère. Ils sont flexueux, dirigés dans tous les sens, surtout ceux des cycles internes, qui se croisent souvent au-dessus de la bouche. Au) moment de la capture, cette Actinie était méconnaissable, extrêmement contractée et entourée d’une quantité inouïe d'acontia . blancs, très longs et très déliés. Mais, après une nuit, elle était admirablement développée, et son diamètre, de la pointe d'un ten- tacule à celle du tentacule opposé, atteignait 10 centimètres. Les acontia étaient expulsés par la surface de la colonne, surtout vers sa partie supérieure, par la bouche et par les tentacules. Ce 426 P. FISCHER. “ dernier fait a attiré toute mon attention à cause de son caractère insolite, et j'ai examiné dans quelles conditions il s'était produit. Lorsque les tentacules sont bien développés, leur extrémité est remarquablement aiguë et ne montre, à la loupe, aucune perforation apicale. On distingue alors, par transparence et seulement dans cer- tains cas, un acontiuwn plus ou moins déroulé, s'étendant à l’inté- rieur du tentacule, sans arriver néanmoins jusqu'à sa pointe. Mais lorsque l’animal a souffert pendant sa pêche, l'extrémité du tentacule, sur une longueur de quelques millimètres, est contractée, flasque, flétrie, contournée, dans un état de collapsus évident et qui contraste avec la turgescence du reste du tentacule dont l'irriga- tion est régulière. Au point même où l’extrémité du tentacule devient brusquement flasque, on aperçoit alors une petite ouverture noirâtre, trigone. Je n'ai pas constaté si cette ouverture était normale ou accidentelle, mais c'est toujours par elle que se produit l'expulsion des acontia qui partent des tentacules. J'ai pu suivre plusieurs fois la rentrée des acontia à travers cet orifice. Il semble donc qu'il y a un lieu d'élection pour la position normale ou pour la production acciden- telle d’un cinclide tentaculaire, quoique j'aie vu aussi un acontium sortant d’un tentacule par un orifice voisin de sa base, et que j'aie remarqué sur d’autres tentacules, quelques étranglements bien pro- noncés au niveau desquels se montrait Wh petit point noir indiquant l'existence d’une ouverture cinclidienne. Un état particulier des tentacules se montre accidentellement, Leur extrémité était large, obtuse et portait une ouverture ou dé- pression centrale, provenant, soit d'une rupture de l'extrémité ten- taculaire, soit d’une invagination de celle-ci. La deuxième hypothèse me paraît peu vraisemblable. Les auteurs qui ont étudié les Aiptasia sont en contradiction avec les faits que je viens de signaler relativement à la position de l’orifice tentaculaire destiné au passage des acontia. Gosse déclare que chez l'Aiptasia Couchi, Cocks, les tentacules sont munis d’une grande CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 427 perforation terminale (perforate with a large terminal aperture). Andres indique la perforation de l’extrémité tentaculaire chez les Aiptasia carnea, Andres; A. mutabilis, Gravenhorst; A. saxicola, Andres; À. diaphana, Rapp. Il s'exprime en ces termes au sujet de l'A. mutabilis : « Aconzi presente, abbondanti, spesse volte fuores- centi dall’apice dei tentacoli» ; et de l'A. d'aphana: « Aconzi emessi dai cinclidi della colonna e dall’apice dei tentacoli ». En présence de ces divergences, je ne puis qu'invoquer le témoignage de M. Prouho, x préparateur du laboratoire Arago à Banyuls, qui a vu nettement, comme moi, que jamais les acontia n'étaient expulsés par l’extré- mité des tentacules des Aiptasia mutabrles. Un jeune individu mesurant environ 1 centimètre de hauteur a été conservé pendant quelques jours. La colonne était allongée, cylindrique ; la base était assez étroite ; l’une et l’autre étaient mar- quées de taches brunes, irrégulières, éparses, allongées. Disque brun, avec une belle étoile blanche, opaque, centrale, à 6 branches, et des séries rayonnantes de points d’un brun foncé. Tentacules dis- posés en quatre cycles (6, 6, 42, 24); ceux du premier cycle beau- coup plus larges et plus longs que les autres, d’un jaune pâle avec des teintes bleues, marbrés de blanc et de brun foncé, à extrémité jaunâtre et munis d’un anneau blanc près de la pointe. Les tenta- cules des cycles extérieurs sont courts, ornés de taches irrégulières d'un blanc opaque. L’Aiptasia mutabilis vit à Banyuls, dans les herbiers à Posidonra, par 5 mètres de profondeur. Jourdan l'indique dans le golfe de Marseille, J. Barrois à Villefranche et Andres à Naples. Le type de Gravenhorst provient de Trieste. 16. RAGACTIS PULCHRA (ANDRES). Ragactis pulchra, Andres, Le Attinie, p.467, pl. XIII, fig. 1-2. Base rougeâtre, adhérente. Colonne courte, étalée, caliciforme, marbrée de rouge et de blanc à sa partie inférieure, violacée à sa 428 P. FISCHER. partie supérieure, où elle porte, en outre, de nombreuses taches blanches, correspondant probablement aux tubercules d’adhé- rence. Disque gris jaunâtre, tacheté de noir et de jaune, orné d’une étoile centrale, blanchâtre, à six branches séparées par des rayons foncés, qui se dirigent vers la base des tentacules du premier cycle. Rayons du disque visibles, mais ondulés. Bouche petite, jaunâtre, légèrement saillante, à lèvres plissées. Tentacules non rétractiles et'd’une forme insolite. Leur face infé- rieure ou externe est lisse, unie, tandis que leur face supérieure ou interne présente plusieurs demi-anneaux saillants, transverses, gé- néralement au nombre de 5. Les demi-anneaux sont inégaux; 2 ou 3 sont plus élevés que les autres ; le plus rapproché de l'extré- mité du tentacule est presque toujours le plus large. Par suite de cette semi-annulation des tentacules, leurs bords latéraux sont si- nueux. La pointe du tentacule est obtuse. L'ensemble de ces organes rappelle assez bien les rhinophores de quelques Doris et Æolis. Leur coloration se rapproche de celle du disque. La formule tentaculaire est : 6,6, 12, 24, 48. Les 6 tentacules du premier cycle sont assez écartés de ceux du deuxième cycle et plus rapprochés, par consé- quent, de l’orifice buccal ; ils se maintiennent dressés presque verti- calement, ainsi que les tentacules du deuxième cycle ; ceux des der- niers cycles sont très courts, étalés horizontalement. Comme je l'ai dit ci-dessus, les tentacules ne paraissent pas ré- tractiles. J'ai fait de nombreuses et infructueuses tentatives pour provoquer la clôture de la partie supérieure de la colonne et la ré- traction des tentacules. J’ai échoué également en cherchant à déter- miner l'expulsion des acontia. Mais, sous l'influence de ces diverses excitations, l'animal a rendu, le 4 novembre 1887, des petits vivants et de dimensions très faibles. Leur colonne était allongée, leur base bien nette et circulaire; leurs tentacules, au nombre de 8, étaient grêles, bruns, tachetés de blanc, et ne montrant pas encore leurs demi-anneaux saillants. Ces jeunes ont passé assez rapidement au Fr‘ 3 CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 429 stade dodécacère ; mais la taille respective de leurs 42 tentacules élait très inégale. Ils se sont fixés assez solidement par la base. Cette curieuse Actinie a été découverte à Naples par Andres, quin’en a jamais vu qu'un seul individu, dont la coloration du disque était brunètre claire. Je n'ai examiné, de mon côté, qu'un seul spécimen adulte, dragué à Banyuls, par 15 à 18 mètres, dans une touffe de Posidonia. Dans une communication récente, Marion m’apprend qu'il a dragué, dans les fonds coralligènes de l’île de Riou, en dehors du golfe de Marseille, un individu de grande taille et de teinte plus vio-: lacée que le type figuré par Andres. La découverte du Æagactis pul- chra peut donc être considérée comme l’une des plus importantes additions à la faune actinologique française. 47. AURELIANIA REGALIS (ANDRES). Aureliania regalis, Andres, Le Attinie, p. 496, pl. X, fig. 4-6. Quelques exemplaires de cette curieuse Actinie ont été dragués à Banyuls, en 1885, et ont vécu un certain temps dans l'aquarium (Prouho, Faurot). D'autre part, Marion l'indique dans les fonds coralligènes de la station de Riou, en dehors du golfe de Marseille, où elle paraît rare, Car il n’en a obtenu qu’un seul exemplaire de petite taille. Andres n’en a vu que trois exemplaires dans le golfe de Naples. 48. PALYTHOA ARENACEA (DELLE CHIAJE). Zoanthus arenaceus, Delle Chiaje, Descriz. e ‘not., vol. IV, p. 123, pl. XCVIH, fig. 11,12, 1841. — Palythoa arenacea, Jourdan, loc. cit., p.42, pl. I, fig. 6. — Andres, loc. cit., p. 522, pl. X, fig. 8. Les spécimens de Banyuls ne diffèrent pas de ceux de Roscoff. Le revêtement arénacé de la colonne se termine, à sa partie supérieure, par 43 ou 14 denticulations. Extrémité des tentacules d’un blanc opaque. 230 P. FISCHER, Espèce draguée par 20 à 60 mètres, sur des coquilles ; se montré aussi sur les Cynthia. Les figures de Delle Chiaje sont très imparfaites : l’auteur italien ne représente que 14 tentacules sur un seul rang. Les spécimens de Marseille ont 28 tentacules sur deux rangs ; ceux de Naples, 30 ; ceux d'Arcachon, de 28 à 30, et ceux de Roscoff, de 24 à 28. DelleChiaje a donc omis de représenter les tentacules du deuxième cycle. 19. PALYTHOA AXINELLÆ (0. SCHMIDT). Palythoa axinellæ, O. Schmidt, Spongien des Adriat. Meeres, p. 61, pl. VE, fig. 2, 3, 1862. — Jourdan, loc. cit., p. 43.— Andres, loc. cit., p. 525, pl. X, fig. 7. Cette espèce a été plusieurs fois draguée, à Banyuls, sur des Épon- ges du genre Axinella (Lacaze-Duthiers). 20. PALYTHOA MARIONI (JOURDAN). Palythoa Marioni, Jourdan, Zoanthaires du golfe de Marseille, p. 43. Palythoa norvegica, Andres, loc. cit., p. 531, Je rapporte provisoirement à cette espèce quelques individus d’as- sez grande taille, dragués à Banyuls sur des valves d’Auwcula taren- ina, par 40 à 50 mètres. Chaque colonie se compose d'un petit nombre d’individus ; les tentacules sont au nombre de 36 (18, 18), comme ceux du type de Jourdan. Le Palythoa Marioni, découvert dansle golfe de Marseille, n’a pas encore été figuré. Son identification avec le Palythoa norvegica, Koren et Danielssen, reste douteuse. TROISIÈME PARTIE. DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ACTINIES DES COTES DE FRANCE. La liste suivante donne l’'énumération des Actinies du littoral français. Chaque nom spécifique est suivi d’un chiffre, dont voici la signification : CONTRIBUTION À L'ACTINOLOGIÉ FRANÇAISE, 431 A.== Région de la Manche, De Dunkerque au cap de la Hague, 2, — Région armoricaine. Du cap de la Hague à l'embouchure de la Loire, y compris les îles anglo-normandes (Jersey, Guernesey, Auri- gny, Sark, Herm) et les autres îles du littoral (Chaussey, Bréhat, Belle-Isle, les Glénans, etc.). 3. — Région aquitanique. De l'embouchure de la Loire à l’'embou- chure de la Bidassoa. 4. — Région méditerranéenne. De Banyuls à Menton. En outre, la distribution bathymétrique de chaque espèce est in- diquée par les abréviations suivantes": Lirr. — Zone littorale. Comprise entre les limites du balancement des marées, pour la Manche et les côtes océaniques; et entre le ni- veau de la mer et 2 ou 3 mètres de profondeur, pour la Méditer- ranée. Lam. — Zone des Laminaires. Du plus bas étiage des marées à 27 mètres de profondeur. C’est aussi la zone des Zostera et des Posidonia. Nue. — Zone des Nullipores et des Corallines. De 98 à 72 mètres. Elle est appelée aussi zone des grands Buccins, zone des graviers à Bryozoaires, etc. Bracu. = Zone des Brachiopodes et des Coraux.De 72 à 500 mètres. AByss. — Zone abyssale. De 500 à 5 000 mètres et au delà. Plusieurs espèces de nos mers ont été omises dans cette liste : telles sont les diverses Actinies de Nice, décrites par Risso *, et dont l'identification n’a pas été faite: Actiniaalba, rosea, violacea, rufa, etc., et quelques formes intéressantes du golfe de Gascogne, décrites par Marion , d’après des spécimens recueillis durant l'expédition du Travailleur (Edwardsia rigida, flaccida, scabra ; Palythoa glomerata, E'upaguri), mais qui ont été dragués trop loin de nos côtes et trop 1 Cette classification des zones bathymétriques est celle que j'ai adoptée dans le Manuel de conchyliologie, p. 179 et suive 2 Histoire naturelle des principales productions de l'Europe méridionale, vol. V, p. 288 et suiv. {1826). 3 Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. XCIV, p. 68 (1882). 439 P. FISCHER. près de l'Espagne pour pouvoir compter au nombre des Actinies françaises. Fam. CERIANTHIDÆ, 1. Cerianthus Lloydi, Gosse. 2. Ile Herm. ZLatt. 2. Cerianthus membranaceus, Gmelin. 2. Roscoff, Lannion (?), le Croisie, Quiberon. 3. Arcachon. 4. Banyuls, golfe de Marseille. Zatt, Lam. Null. 3. Cerianthus solitarius, Rapp. 4. Côtes du Languedoc. Lam. &. Saccanthus purpurescens, Edwards et Haime. 4. Nice. Lam. Fam. PEACHIIDPÆ. Peachia hastata, Gosse. 2. Roscoff, le Croisic. ZLitt. Lam. Peachia undata, Gosse. 2. Ile Herm. Lam. Peachia triphylla, Gosse. 2. Guernesey, Concarneau. Lam. Peachia tricapitata, Andres. #. Banyuls. Lam. =} © © Fam. ILYANTHIDÆ. 9. Zlyanthus parthenopeus, Andres. 4. Banvuls, golfe de Marseille, Nice. Nul. 10. Anemonactis Mazeli, Jourdan. 4.Banvyuls, goife de Marseille, Nice. Nul. Fam. EpwWwARDSIDÆ. A1. Halcampa chrysanthellum, Peach. 1. Saint-Vaast-la-Hougue (4. Kefersteine, Andres). 2. Roscoff, Piriac. Litt. Lam. 12. Edwardsia Beautempsi, Quatrefages. 2. [les Chaussey, Piriac. Laté. 13. Edwardsia callimorpha, Gosse. 2. Jersey, Guernesey, Herm, Saint-Malo, Roscoff, Concarneau, les Glénans, 3. Cap Breton (?). Laét. Lam. 14. Edwardsia Harassei, Quatrefages. 2. Iles Chaussey. Lit. 45. Edwardsia timida, Quatrefages. 2. Iles Chaussey. Lité. 46. Edwardsia carnea, Gosse. 2, Concarneau. Lam. 47. Edwardsia Fischeri, Chevreux et de Guerne. 2. Les Glénans. Lam. 18. Edwardsia lucifuga, Fischer. 2. Ile Bréhat. Lati?. 19. Edwardsia, sp. (?). 4. Villefranche . Fam, ACTINIDE. 20. Actinia equina, Linné. 1. Dunkerque, Boulogne, Etretat, le Havre. 2. Jersey, Guernesey, Sark, Herm, Saint-Malo, Roscoff, le Croisic. 3. Le 1 Nouvelle espèce qui doit être décrite prochainement. ? Cette magnifique espèce, découverte par de Quatrefages, est décrite dans le Bulletin de la Societé zoologique de France (janvier 1888). | # Espèce non déterminée qui m'a tié signalée par d. Barrois, et qui est probable- ment identique avec l'E. Claparedei, Panceri, de Naples. 21. 22. 23. 29: 30. 31. 33. 34. CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 433 Pouliguen, Pornic, la Rochelle, Royan, Biarritz, 4. Banyuls, Cette, Marseille, Nice, Villefranche, Menton. Laét. Actinia Cari, Delle Chiaje (A. concentrica, Risso). 4. Marseille, Nice, Villefranche, Zatt. Paractinia striata, Risso '(A. depressa, Rapp). 4. Cette, Marseille, Nice, Villefranche, Litt. Fam. ANEMONIIDÆ, Anemonia sulcata, Pennant. 4. Dieppe, le Havre, Trouville, Cherbourg. 2. Portrieux, Saint-Malo, Roscoff, îles anglo-normandes, Concarneau, Belle-fsle, les Glénans, le Groisic, Piriac. 3. Pornic, la Rochelle, Royan, Arcachon, Biarritz, 4. Banyuls, Agde, Cette, Marseille, Nice, Menton. Litt. Lam. , Anemonia Contarinu, Heller (A. cinerea, Contarini). 4. Nice, Villefranche. Litt. Lam. Fam, PEL. >. Phelha elongata, Delle Chiaje. 4. Marseille, ZLitt. Lam, Null. Brack. . Phelliopsis nummus, Andres. 4. Banyuls. Null. . Chitonactis coronata, Gosse, 2. Le Croisic. 3. Arcachon. 4. Banyuls. Null. Brach. . Chitonactis Richardi, Marion. 2. Au large de l'île de Groix et de Belle- Isle. 3, Au large de Rochefort, Arcachon et du cap Breton. Brach. Abyss. Fam. Bunoninx. Cereactis aurantiaca, Delle Chiaje. 4. Nice, Villefranche. Lam. Tealia felëna, Linné. 1. Boulogne, Etretat, le Havre, Trouville, Dieppe, Port-en-Bessin, Cherbourg. 2. Jersey, Guernesey, Herm, Portrieux, Roscoff, Concarneau, le Croisic, Piriac. 3. Pornic, la Rochelle. Lutf. Lam. Bunodes verrucosus, Pennant. 1. Cherbourg. 2. Jersey, Guernesey, Herm, Portrieux, Saint-Malo, Roscoff, le Croisic. 3. La Rochelle, 4. Marseille, Nice, Villefranche. Litt. Lam. , Bunodes Baili, Cocks. 1. Boulogne. 2. Saint-Malo, Pen-Bron, Piriac, le Croisic. 3. Arcachon. #4. Marseille, Villefranche. Zaff, Lam. Bunodes biscayensis, Fischer. 3. Arcachon. Lité. Alicia Costæ, Panceri (Cladactis). 4. Golfe de Marseille. Lam, Null. . Buneodopsis strumosa, Andres. 4. Villefranche. Lam. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN, — 96 SÉRIE, — "7, V. 1887, 28 36, 37 38 39, o1. 52. P. FISCHER. Fam. SAGARTIIDÆ: Gephyra Bohrni, Koch. 2. Au large de Belle-Isle. 3. Au large de Biar- ritz. 4. Banyuls, golfe de Marseille. Null. Brach. Abyss. Adamsia palliata, Bohadsch. 1. Port-en-Bessin. 2. Jersey, Guernesey, Roscoff, Belle-Isle, le Croisic. 3. Au large d'Arcachon. 4,B anyuls, Cette, Marseille, Nice, Villefranche. Lam. Null. Brach. Calliactis effæta, Linné. 1. Dunkerque, Boulogne. 2. Jersey, Guernesey, Herm, Saint-Malo, Roscoff, Concarneau, le Croisic. 3. La Rochelle, Ar- cachon. 4. Banyuls, Cette, Agde, Marseille, Nice, Villefranche. Laéé. Lam. Nuil. Sagartia viduata, Müller. 1. Boulogne. 2. Guernesey, Sark, Herm, le Croisic, Piriac. 3. Pornic, la Rochelle, Arcachon. 4. Banyuls, Nice. Litt. Lam. Null. Sagartia troglodytes, Johnston. 1. Dunkerque, Boulogne, Etretat, le Havre, Trouville, Port-en-Bessin, Cherbourg. 2. Jersey, Guernesey, Herm, Portrieux, Saint-Malo, Concarneau, le Croisic, Piriac. 3. Pornic, le Pou- liguen, Arcachon. 4. Marseille, Nice. ZLatt. Lam. . Sagartia ignea, Fischer. 2. Le Croisic. 3. Pornic, la Bernerie, Arcachon, Guéthary. Latt. . Sagartia miniata, Gosse. 4, Boulogne. #4. Banyuls, Marseille. Litt. Lam. Null. . Sagartia venusta, Gosse. 2. Guernesey, Sark, Saint-Malo. 4. Marseille. Litt, Lam. Brach. . Sagartia nivea, Gosse. 2. Guernesey, Concarneau. Lam. Sagartia erythrochila, Fischer (S. pellucida, Hollard?). 2. Le Croisic. 3. Pornic, la Bernerie, Arcachon. Zatt. Lam. . Sagartia Fischeri, Andres (S. rosea, Gosse, non Risso). 1. Wimereux, 2. Guernesey, Concarneau, le Croisic, Pen-Bron. 3. Arcachon. Lam: . Sagartia pura, Alder. 2. Le Croisic. Lam. . Sagartia Sphyrodeta, Gosse. 1. Boulogne. 2. Jersey, Guernesey, Herm, Sark, îles Chaussey, Roscoff. 3. Arcachon, Guéthary. Lam. . Cereus pedunculatus, Pennant. 1. Boulogne, le Havre, Trouville. 2. Jersey, Guernesey, Herm, Portrieux, Saint-Malo, Saint-Quay, Roscoff, le Croisie, Concarneau. 3. Pornic, le Pouliguen, #%, Banyuls, Marseille, Nice, Villefranche. Litt. Lam. Null. . Metridium dianthus, Ellis. 1. Boulogne, le Havre. 2. Guernesey, Sark, Pen-Bron, au large du Croisic, Piriac. Litt. Lam. Nul. Aiptasia Couchi, Cocks. 2. Guernesey, Herm. Lift. Lam. Atptasia mutabilis, Gravenhorst. 4, Banyuls, Marseille, Villefranche, Litt. Lam. Nul, CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 435 Fam, HETERACTIDÆ. 53. Ragactis pulchra, Andres. 4. Banyuls, golfe de Marseille. Lam. Null. Fam, CORYNACTIDÆ. 54, Corynactis viridis, Allman. 1. Boulogne. 2. Guernesey, Herm, Sark, Saint- Malo, Roscoff, Piriac, Concarneau, les Glénans, 3, Arcachon. #4. Golfe de Marseille, Lett. Lam. 55. Aureliania augusta, Gosse. 2, Roscoff. Null. 56. Aureliania regalis, Andres. 4. Banyuls, golfe de Marseille, Mu, Fam. ZOANTHIDÆ. 57. Palythoa arenacea, Delle Chiaje. 1. Boulogne. 2. Guernesey, Roscoff, Concarneau, le Croisic, 3. Arcachon. 4. Banyuls, Marseille. Null. Brach. 58. Palythoa sulcata, Gosse. 2. Le Croisic, Piriac. 3. Arcachon, Guéthary. Lit. 59. Palythoa azinellæ, O. Schmidt. 4. Banyuls, golfe de Marseille. Mull. Brach. 60. Palythoa Marioni, Jourdan. 4. Banyuls, golfe de Marseille. Nul. Brach. a. Sur ces 60 espèces, 17 sont communes au littoral océanique (Manche comprise) et au littoral méditerranéen de la France, La plu- part ont, en dehors de la France, une distribution géographique très étendue, dont les limites sont connues dans les mers du nord de l’Europe, mais non établies au sud de la Méditerranée’. Telles sont : Cerianthus membranaceus, — Naples, Adriatique, Baléares. Actima equina. — Grande-Bretagne, Shetland, Danemark, Belgique, Norvège. Madère, Mogador. Naples, Adriatique, mer Noire, Égypte, Algérie. Anemonia sulcata. — Grande-Bretagne. Mogador, Madère. Naples, Adriatique. 1 Ainsi, j'ai trouvé à Mogador les Actinia equina et Anemonia sulcala. Ces mêmes espèces ont été signalées à Madère par Johnson, ainsi que d’autres formes euro- péennes, et il est possible que l’une d’elles (Actinia equina) arrive jusqu'aux îles du Cap-Vert, où elle aurait été désignée sous le nom d’Actinia fabella, par Drayton. 436 P. FISCHER. Chitonactis coronata. — Grande-Bretagne. Bunodes verrucosus. — Grande-Bretagne, Belgique. Portugal, Naples, Adriatique, Algérie. Bunodes Balli. — Grande-Bretagne. Gephyra Dohrni. — Nord de l'Espagne. Naples. Adamsia palliata. — Grande-Bretagne, Shetland, Norvège. Nord de l'Espagne. Naples, Adriatique. Calliactis effæta. — Grande-Bretagne, Belgique, Hollande; Norvège. Madère. Naples, Adriatique. Mer Rouge, Obock'. Sagartia viduata.— Grande-Bretagne, Shetland, Danemark, Baltique, | Norvège. Naples, Adriatique. Sagartia troglodytes. — Grande-Bretagne, Shetland, Belgique. Sagartia miniala. — Grande-Bretagne, Shetland. Sagartia venusta. — Grande-Bretagne. Cereus pedunculatus. — Grande-Bretagne. Portugal. Naples, Adria- tique, Algérie. Metridium dianthus, — Grande-Bretagne, Shetland, Belgique, Hol- lande, Danemark, Baltique, Norvège. Adriatique. — ? Côtes est et ouest de PAmérique du Nord (M. marginatum, Lesueur). Corynactis viridis. — Grande-Bretagne, Shetland. Naples, Messine. Palythoa arenacea. — Grande-Bretagne, Shetland, Norvège. Naples. b. Deux espèces du littoral océanique de la France vivent, dans l'Atlantique, plus bas que la Méditerranée, mais manquent dans cette mer : Chitonactis Richardi. — Nord de l'Espagne, côte ouest d'Afrique. Aiptasia Couchi. — Grande-Bretagne. Madère. c. D'autre part, 22 espèces de la Manche et du littoral océanique de la France manquent dans la Méditerranée ainsi qu'au-dessous de cette mer. La plupart se montrent sur les côtes de la Grande-Bre- 1 La présence de cette espèce à Obock m'a été affirmée par Faurot. CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 437 tagne, dans la mer du Nord et sur les rivages de la Scandinavie. Quelques-unes sont spéciales à la France et sont marquées d'un astérisque. Cerianthus Lloydi, — Belgique, mer d'Irlande, Norvège. Edwardsia Beautempsi. — Grande-Bretagne. Edwardsia callièmorpha. — Grande-Bretagne. * Edwardsia Harassei. * Edwardsia timida. Edwardsia carnea. — Grande-Bretagne. * Edwardsia lucifuga. * Edwardsia Fischeri. Halcampa chrysanthellum. — Grande-Bretagne, Baltique, Norvège. Peachia hastata. — Grande-Bretagne. Peachia undata. — Grande-Bretagne. * Peachia triphylla. Tealia felina. — Grande-Bretagne, Shetland, Belgique, Hollande, Danemark, Baltique, Norvège, Islande. — ? Circumpolaire. Nord de l'Asie, rivages est et ouest de l'Amérique du Nord (#hodactinia Davisi, Agassiz). | * Bunodes biscayensis. * Sagartia ignea. Sagartia nivea. — Grande-Bretagne, Shetland. Sagartia Fischeri. — Grande-Bretagne. * Sagartia erythrochila. Sagartia pura. — Grande-Bretagne. Sagartia sphyrodeta. — Grande-Bretagne, Shetland. Aureliania augusta, — Grande-Bretagne. Palythoa sulcata. — Grande-Bretagne. d. Les espèces purement méditerranéennes sont au nombre de 19. L'astérisque indique celles qui n ont été trouvées jusqu'à présent que sur notre littoral français. Cerianthus solitarius. — Naples, Adriatique. 438 P. FISCHER. * Saccanthus purpurescens 1. Edwardsia, sp. (?). Peachia tricapitata. — Naples. Ilyanthus parthenopeus. — Naples. Anemonactis Mazeïi. — Naples. : Anemonia Contarinii.— Naples, Messine, Adriatique. A ctinia C'ari. — Naples, Adriatique ?. Paractinia striata. — Naples (?) Cereactis aurantiaca. — Naples, Messine, Adriatique. Phelliopsis nummus. — Naples. Alicia Costæ. — Naples *. Buneodopsis strumosa. — Naples. Aiptasia mutabilis. — Naples, Adriatique. Phellia elongata. — Naples, Palerme, Adriatique. Aureliania regalis. — Naples. Ragactis pulchra. — Naples. * Palythoa Marioni *. Palythoa axinellæ*. — Naples, Adriatique. CARACTÈRES NÉGATIFS DE LA FAUNE ACTINOLOGIQUE FRANCAISE, Comparée aux Faunes britannique et scandinave, la Faune fran- çaise est caractérisée par l'absence d’un grand nombre d’espèces d'origine boréale, celtique, ou bien étroitement localisées, Nous citerons les suivantes : 1 Cette curieuse forme n’a pas été retrouvée à Nice depuis sa découverte, Une autre espèce du même genre vit à Madère (S. maderensis, Johnson). ? [’Actinia virgata, Johnson, de Madère, et l’Actinia graminea, Dana, des îles du Cap-Vert, sont très voisins de cette espèce. 3 Une espèce de ce genre, provenant de Madère, a été décrite par Johnson {Alicia mirabilis) en 1861. Peut-être même est-elle identique avec le Cladactis Costæ, Pan- ceri, de Naples, décrit en 1868; mais de toutes façons le genre Alicia, ayant la prio- rité, doit être préféré à Cladactis. # Espèce identifiée par Andres avec le P. norvegica, Koren et Danielssen, de Nor- vège (Zoanthus). | 5 Ce Palythoa est donné par Andres comme synonyme de P. Swifli, Duchassaing et Michelotti, des Antilles (Gemmaria). CONTRIBUTION A L'ACTINOLOGIE FRANÇAISE, 439 Sagartia ichthystoma, pallida, coccinea, etc. Phellia murocincta, Brodricki, qgausapata, picta, tubicola, abyssicola. Gregoria fenestrata. Bolocera Tuediæ, eques. Bunodes thallia. Aulactinia Alfordi. Tealia digitata, tuberculata. Hormathia Margaritæ. Stomphia Churchix. Ilyanthus scoticus, Mitchell. Peachia Boecki. Actinopsis flava. Arachnactis albida. Halcampa microps. Edwardsia Sarsi, clavata. Philomedusa Fultoni. Capnea sanquinea. Aureliania heterocera. Zoanthus Alderi, arcticus. Palythoa norvegica, anguicoma, rubricornis. Comparée, d'autre part, à la population actinologique propre à la Méditerranée, notre faune est également caractérisée par l'absence des espèces qui suivent : Sagartia minor. Phellia limicola, timida. Aiptasia carnea, saxicola, diaphana. Paranthus chromatoderus. Bunodes rigidus, sabelloides, Aulactinia crassa. Edwardsia Claparedei (?). Halcampella endromitata. _ lyactis torquata. 440 P. FISCHER. Mesacmea stellata. Palythoa C'avolinii, spongiosa. Il existe donc dans les mers d'Europe une douzaine de genres et environ 50 espèces d’Actinies qui n'ont jamais été vus sur les côtes de France. Hi est probable que bon nombre de ces formes seront décou- vertes ultérieurement, mais l'importance de ces lacunes indique que les naturalistes ont encore à faire des efforts soutenus pour arri- ver à une connaissance exacte des richesses de notre littoral. NOTE ADDITIONNELLE. Au moment où le bon à tirer de ce travail allait être donné, un Cerianthus membranaceus a été pêché par les embarcations du labo- ratoire Arago, à Banyuls, par 55 mètres de profondeur, et à3 milles au nord du cap Béarn. Ce spécimen que M. de Lacaze-Duthiers a mis gracieusement à ma disposition, constitue une variété remar- quable et non décrite, à ma connaissance. Ses dimensions sont médiocres (longueur de la colonne, 66 milli- mètres environ). La colonne est d’un brun violacé, vineux, passant au brun noirâtre au voisinage des tentacules ; elle est protégée par un fourreau adventif assez épais, lâche, couvert d’un enduit limo- neux et agglutinant du sable et des menus débris de coquille. La moilié seulement de la colonne est logée dans le fourreau. Disque étroit, d’un brun foncé. Tentacules marginaux disposés en trois cycles, ayant -probable- ment pour formule 18.18.36—72, d’un vert pâle, très brillant, uni- forme et qui tranche nettement sur la coloration vineuse de la co- lonne. Quelques-uns d’entre eux montrent à leur base une traînée longitudinale de couleur brunâtre ; sur d’autres, on voit quelques lignes étroites, brunes, longitudinales, mais ces variations. acciden- telles ne modifient en rien l’ensemble de la coloration des tenta- cules., Aucun d’eux ne porté vestige de ces taches annelées, espa- CONTRIBUTION A L’ACTINOLOGIE FRANÇAISE. 44 cées, qui caractérisent le type de l'espèce. Leur extrémité est un peu plus pâle que la base et parfois d’une teinte tirant sur le brun clair. Tentacules buccaux relativement assez longs, inégaux, d’une cou- leur brune, claire, mais non violacée comme celle de la colonne et devenant parfois semblable à celle du bois. Cette variété, pour laquelle je propose le nom de dichroa, Fischer, se distingue des autres par la coloration brune de ses tentacules buccaux contrastant avec la teinte verte uniforme de ses tentacules marginaux. Andres a bien décrit une variété vridis du Cerianthus membranacéus (loc. cit., pl. XIE, fig. 3), mais dont les tentacules mar- ginaux et buccaux sont uniformément verts. On pourrait se demander si la coloration verte des tentacules marginaux de la variété dichroa n’est pas adaptive, comme celle des tentacules de l’Anemonia sulcata, qui montre la même teinte que les Zostera sur lesquels on le trouve. Mais cette hypothèse ne parait pas soutenable en raison de la profondeur (55 mètres) à laquelle le Cérianthe a été pêché. D'autre part, le Cérianthe recueilli à Banyuls il y a quelques années par M. de Lacaze-Duthiers, et dont la teinte était d’un brun pâle ou fauve, proviendrait d’un fond d’une coloration générale différente. Enfin, Jourdan (/oc. cit., p. 45) a remarqué que dans les prairies assez profondes de Zostères du golfe de Marseille, les Cérianthes prennent une couleur fauve, uniforme, que leurs tentacules ne portent pas d’anneaux colorés comme le type et que leur taille est moindre. La question du mimétisme serait jugée si l’on trouvait en une station restreinte et à la même profondeur, des Cérianthes uniformément ou diversement colorés. La vitalité des Cerianthus paraît assez grande, L’exemplaire de la variété dichroa, que M. de Lacaze-Duthiers m'a récemment com- muniqué, a pu supporter le long voyage de Banyuls à Paris, en janvier 1888 et par une température glaciale, tout aussi bien que d’autres Actinies plus rustiques (Sagartia miniata, Adamsia palliala, Calliactis effæta, Chitonactis coronata, Phelliopsis nummus, etc.), que 442 P. FISCHER. j'avais reçues de Banyuls, en parfait état, à la fin d'octobre 1887. Grâce à l'institution des laboratoires maritimes, il est possible aujourd'hui d’étudier à Paris, des animaux rares et précieux qu’on ne voyait autrefois que déformés et méconnaissables dans les bocaux de nos musées, SUR L'EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIRES ECTOPROCTES PAR SIDNEY F. HARMER, M. A., B. Sc., Fellow of King’s College, Cambridge. C’est à la bienveillance de M. le professeur de Lacaze-Duthiers, qui a bien voulu, pendant l’été de 1883, m’'admettre dans son labo- ratoire zoologique de Roscoff, que je dois d'avoir pu étudier le déve- loppement de l’A/cyonidium. Je lui dois mes meilleurs remerciements pour son hospitalité si courtoise et pour la possibilité que j'ai eue d'y recueillir une remarquable série d'exemplaires d’Alcyonidium. Je désire exprimer aussi le bon souvenir que j'ai emporté de l’égale bienveillance avec laquelle j'ai été traité, durant mon séjour à Ros- CO, tant par M. de Lacaze-Duthiers lui-même que par tous les mem- bres de la station. | L'Alcyonidium polyoum est extrêmement abondant sur les Fucus serratus qui croissent sur les rochers, au bas de l’eau, dans la rivière de Penzé, près de Roscoff. Les embryons étaient mis en liberté dans les mois de juillet et d'août de l’année où j'ai pu examiner cette espèce. L'A/cyonidium polyoum a été d’abord décrit par Hassall (VIT) ‘ sous le nom de Sarcochitum polyoum, englobé ensuite par Hincks (VII) dans le genre Alcyonidium. L'espèce qui se rencontre dans la rivière de Penzé a été identifiée, par Joliet (IX), avec le S. polyoum de Hassall, et je puis me reposer, pour la justesse de cette détermina- 1 Les numéros entre parenthèses renvoient à la liste des mémoires donnée à la fin du présent travail. 414 SIDNEY F. HARMER. tion, sur M. Charles Marty, du laboratoire zoologique de Roscoff, qui rapporte mes exemplaires à l'espèce décrite par Joliet pour la même localité. Je mentionne ce fait, parce que la description de Hassall et de Hincks aurait besoin de quelques corrections, si leur espèce est réellement identique à celle qu'on trouve à Roscoff, ce dont je ne suis pourtant pas absolument convaincu. Mes échantillons ne montrent pas les grandes papilles mentionnées par Hincks, d’où sortent les polypides. Ge fait cependant peut être dû à la contraction produite par le sublimé corrosif ou par l'alcool dans lequel ils ont été conservés. Il faut aussi mentionner deux au- tres différences avec la diagnose donnée par Hincks : d’abord, la facilité avec laquelle on distingue de la surface de la colonie les septa entre les zoécies, et, en second lieu, ce fait que les embryons sont invariablement agrégés en bouquets sphériques, contenus chacun dans la gaine tentaculaire d'une zoécie dont le polypide est atrophié au lieu d’être « dispersés simplement à travers le polypidome », comme dans la description de Hassall. Il ne me paraît pas pourtant nécessaire d'établir une nouvelle espèce pour la forme de Roscoff, jusqu'à ce que l’éxactitude de la diagnose originale de Hassall soit bien établie. J'ai observé des polypides à 20 tentacules, nombre donné par Hassall, quoique, dans mes individus, le nombre des tentacules pa- raisse être plus communément 21. On doit remarquer que ces nom- bres sont considérablement plus élevés que ceux qui caractérisent la plupart des espèces d’'Alcyonridium. La plupart de mes observations sur le développement ont été faites au moyen de coupes de colonies entières, conservées dans le sublimé corrosif. La matière colorante qui a donné les meilleurs résultats est le picrocarmin suivi du lavage à l’eau et du transport dans les alcools de plus en plus forts; tous les alcools ainsi que l'eau étaient additionnés d'une petite quantité d’acide picrique. Par cette méthode, les noyaux sont colorés en rouge et les sphères vitellines en jaune.ll est d'ordinaire extrémement difficile de distin- EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIÏIRES ECTOPROCTES. 445 guer les sphères vitellines des noyaux, à moins d'employer, pour différencier les deux, quelque méthode, comme la double coloration. J'ai aussi employé, avec beaucoup de succès, l’hématoxyline, suivie d’éosine, et le carmin au borax, suivi d'hématoxyline. Les œufs, dont plusieurs se développent simultanément dans la même zoécie, sont grands et possèdent de nombreuses sphérules vitellines, semblables à celles figurées dans les embryons, répandues uniformément dans leur protoplasma. Pendant la segmentation et le premier développement de l'embryon, les sphérules vitellines se rencontrent indifféremment dans toutes les cellules, sans qu'elles prédominent à un plus haut degré dans les éléments hypoblastiques. La segmentation, qui est précédée de la formation de globules po- laires, appartient au type remarquable qui paraît caractéristique ‘de tous les Cténostomes et Cheilostomes, tels que l’ont décrit Re- piachoff (XIV), Barrois (I, Il) et autres. La cavité de segmentation apparaît dès que l'embryon est composé de 16 cellules, qui sont disposées en quatre séries longitudinales de 4 cellules chaque, deux rangées appartenant à la moitié orale de l'embryon, les deux autres à la moitié aborale. Au stade à 48 cellules la moitié aborale se compose de 32 cellules, et la moitié orale de 12; 4 sont inté- rieures. Dans la région aborale, l’arrangement est le suivant : 1° Deux rangées longitudinales de 4 cellules, disposées symétri- quement, à droite et à gauche du plan médian, et occupant le centre de la surface aborale ; 2° Un cercle complet de 8 cellules, entourant le groupe central et entouré à son tour par : | 3° Un anneau périphérique de 16 cellules qui sont, comme l'a montré Barrois, le commencement de la couronne ciliaire. La moitié orale possède un groupe central de 4 grandes cellules, surmonté de 12 cellules périphériques. La cavité de segmentation est à ce stade relativement grande, mais remplie en partie par 4 cellules, qui sont disposées immédia- tement au-dessus des cellules orales centrales et en sont dérivées 446 SIBNEY F. HARMER. probablement, Les 4 cellules placées dans la cavité de segmentation sont le commencement de l’hypoblaste. | A un stade un peu plus avancé, j'ai observé l'existence d’une forte dépression, le blastopore, situé exactement au milieu de la face orale et se continuant avec une cavité quelque peu irrégulière, en- tourée de plusieurs grandes cellules hypoblastiques. | À un moment où la cavité de segmentation est partiellement comblée par une grande masse de cellules (représentant probable- ment l'hypoblaste et le mésoblaste), le blastopore semble se fermer complètement. A un stade encore plus avancé, la cavité de segmen- tation est complètement oblitérée par la masse cellulaire interne, et : les organes variés de la larve commencent à faire leur apparition. Au premier stade, figuré (pl. XXVII, fig. 1, section longitudinale mé- diane d’un jeune embryon), beaucoup de ces organes sont déjà con- stitués en partie. Les sphérules vitellines se rencontrent encore dans tous les tissus de l'embryon. Deux des grandes cellules qui forment la couronne ciliaire {c, 7) se voient aux extrémités opposées de la coupe. La partie antérieure de la surface orale (qui est entourée par la couronne ciliaire) est en forme de dépression : l'organe pyriforme de Barrois. Cette partiese développe comme une involution en forme de coupe de l'épiblaste, et il n’y a aucune raison de supposer que, chez l’Alcyonidium, il apparaît d’abord à l’intérieur de l'embryon, pour se fusionner ensuite avec le tégument, comme l’a constaté Bar- rois (II, p. 24) pour le Zepralia. Un peu en arrière du milieu de la face ventrale, se trouve l'ouverture de la grande ventouse (s, sac interne de Barrois), qui, de même que l’organe pyriforme, se forme par une invagination de l'épiblaste. Aux stades précédents, cette ouverture est beaucoup plus grande que dans l'embryon repré- senté. Le canal alimentaire de l'embryon est bien développé. Il comprend un vaste estomac ( sé) limité par un épithélium extrèmement irré- gulier et qui s’estprobablement formé par un creusement de la masse hypoblastique solide des premiers stades. L'œsophage (æs), qui se EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIRES ECTOPROCTES. 447 forme peut-être comme un stomodæum, présente une cavité très étroite et communique avec l'estomac, d’un côté, el de l’autre, avec l'extérieur, au moyen de la bouche. Celle-ci ( m ) est grande et plus évidente, à ce stade, qu'à aucun des suivants. Il y a quelque raison de penser que la région immédiatement en arrière de l'ouverture de la ventouse représente la région anale (voir fig. 1). Si tel est en réalité le cas, 1l se trouve que l’embryon est entoprocte et que la partie du corps entre l'extrémité de la ven-. touse et la couronne ciliaire représente le cône anal. Les figures 2 et 3 représentent des coupes longitudinales d’em- bryons à différents âges ; celui que montre la figure 3 est presque près d’éclore, tandis que celui de la figure 2 est presque exactement intermédiaire entre ceux des figures 1 et 3. Au stade représenté figure 2, le canal alimentaire a acquis son maxi- mum de développement, et la cavité de l’estomac (st) peut être, à bon droit, qualifiée de gigantesque. Il n’est cependant pas facile de distinguer l’épithélium qui le tapisse, pas plus à ce stade qu’à au- cun autre; il doit se composer d’une masse de sphérules vitellines, en- veloppées de protoplasma, avec quelques noyaux de distance en di- stance, ou il doit se présenter comme une couche de protoplasma très mince,dans laquelle des noyaux sont épars. L'épithélium de L’es- tomac est, en un mot, aussi complètement différent d'un épithélium sécréteur ordinaire qu'on peut l'imaginer, et ce fait, rapproché de ce que la lumière de l'estomac devient plus petite à mesure que le dé- velpppement progresse et qu'il n’y a probablement dans les der- niers stades aucune communication avec l'extérieur me conduit à penser que chez l’Alcyonidium le canal alimentaire est un organe rudimentaire. Cette vue est confirmée par la figure 3, représentant un stade plus avancé dans lequel la nourriture peut à peine, si même c'est possible, traverser l’œsophage. C’est grâce à la provision con- sidérable de vitellus nutritif dans l'œuf, à ce fait que le développe- ment s’accomplit dans la paroi du corps du parent, à l’extrème brièveté de la vie larvaire libre et à la dégénérescence de beaucoup 448 SIDNEY F. HARMER. des organes embryonnaires pendant la métamorphose, que le canal alimentaire doit de n'avoir pas à conserver plus longtemps sa forme fonctionnelle. La bouche (#) est facile à reconnaître sur la figure 2. L’œsophage ne présente pas de cavité dans sa première partie, mais elle de- vient distincte près de l'estomac. Les parois de l'œsophage contien- nent un grand nombre de sphères vitellines, et, de plus, la région anale supposée de la figure 1 s’est munie, à la figure 2, de quelques cils. Les parois de la ventouse sont plus dépourvues de vitellus qu'aux stades précédents, quoiqu’un petit nombre de sphères vitellines y persistent encore. Autour de la région aborale de l'embryon est apparu un profond sillon (mc) courant sur le côté dorsai de la couronne cihaire et con- centrique à elle, Ce sillon, qu'on peut déjà reconnaître sur la figure 4, est ce qui a été décrit par Barrois el autres comme la cavité palléale. Ïl a probablement pour fonction de permettre l’involution de l’an- neau ciliaire à l’intérieur du vestibule qui se forme pendant le pro- cessus de fixation. Pour comprendre les changements qui ont lieu subséquemment dans le tube digestif, dans la ventouse et dans la cavité palléale, il faut se reporter à la figure 3, coupe d’un embryon plus âgé. L’œso- phage est quelque peu difficile à distinguer au milieu de son trajet, et la cavité de l'estomac est considérablement plus réduite qu'au stade précédent, bien que ses parois soient devenues plus épaisses qu'auparavant. : La ventouse est caractérisée par l’absence presque complète de vitellus dans ses cellules qui sont grandes et columnaires, la cavité étant alors réduite à de très faibles proportions. La ventouse s'étend à quelque distance sur les régions latérales de l'embryon où elle s'étend plus en avant que sur la ligne médiane, de sorte que son bord antérieur est concave, comme l’a figuré Barroïs (1) à la fois chez les Cheilostomes et les Cténostomes. La cavité palléale est limitée par un épithélium très élevé. EMBRYOGENIE DES BRYOZOAIRES ECTOPROCTES. 449 Il a toujours régné une grande incertitude sur la fonction de l’or- gane pyriforme, Repiacholf (XV) a constaté que chez la Zendra un amas de cellules se détache de l’hypoblaste de l'embryon, amas qui est censé représenter la vésicule hypoblastique décrite par Hatschek chez les embryons et chez les stolons de Pedicellina. J'ai, dans des occasions précédentes (V et VI), tenté de montrer qu'Hatschek s’est mépris dans cette identification, que l’ «organe dorsal » de la larve est en réalité le ganglion sus-æsophagien, et qu’en réalité la vésicule endodermique du stolon n’existe pas.Il me semble d'ailleurs probable que, chez l’Alcyonidium, la région qui correspond à celle occupée par l’éminence hypoblastique supposée de Repiachoff renferme un amas de tissu nerveux qui constitue le cerveau des larves des Ecto- proctes. | La figure 4 représente une coupe transversale à travers la région de l’organe pyriforme dans un embryon d’A/cyonidium à peu près du même âge que celui que montre la figure 3. La couronne ciliaire (er) et la cavité palléale ont la même disposition que dans la figure précédente. Au milieu de la face ventrale on voit la dépression, en forme de coupe, qui constitue l’organe pyriforme, et sur les côtés de ce dernier, jusqu’à la couronne ciliaire, l’épiblaste est épaissi, montrant un protoplasma finement granuleux et quelques sphères vitellines. Comme dans les figures précédentes, il n’y a pas de cavité géné- rale bien définie, quoique certains espaces irréguliers se rencon- trent par intervalles dans le mésoblaste. Le milieu de la figure 4 est occupé par un grand développement de fbrilles bordées latéra- lement par des amas de protoplasma nucléé et dépourvue de sphères vitellines, et ces amas semblent se continuer avec l’épiblaste dorsal des deux côtés de la ligne médiane. Je regarderai provisoirement ces parties comme de nature nerveuse, et j'estime qu'elles représentent le cerveau de l'Aicyonidiumembryonnaire. L’organe pyriforme offre, à première vue, l’apparence d’une glande muqueuse, grâce à la présence, dans son intérieur, de larges ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, — 26 SÉRIE, — T, V. 1887, 29 450 SIDNEY F. HARMER. espèces pleines d’une substance transparente qui ne prend pas aisé- ment les matières colorantes. A un examen plus attentif pourtant, l’organe semble composé d'une série de cellules étroitement serrées ensemble à leur extrémité externe, tandis que du côté interne elles se prolongent en fins pro- cessus entre lesquels se trouvent des autres cellules pleines des espaces vacuolisés. Les noyaux sont situés pour la plupart à l’ex- irémité interne de ces cellules vacuolisées. Il est important à noter qu'il n’y à pas de limite tranchée entre l'organe pyriforme et la masse centrale de fibres nerveuses, qu'on voit, en réalité, se pro- longer dans les bases des cellules de l'organe pyriforme. 11 me semble probable, d’après les faits ci-dessus, que la principale fonction de l'organe en question est sensorielle. La larve nage ordinairement l'organe pyriforme en avant, et il est possible qu’il ait pour rôle d'apprécier les caractères du corps sur lequel la larve désire se fixer. La connexion intime de l'organe pyriforme avec le système ner- veux central, jointe à la ciliation à peu près complète de l'organe, plaide en faveur de l’idée que la partie en question est de nature plutôt nerveuse que glandulaire. Je suis hors d'état de dire si toutes les cellules de l'organe pyriforme sont ciliées!. Le cerveau supposé de l'embryon d’A/cyonidium consiste en une masse de fibres nerveuses entourée en partie de cellules ganglion- naires qui sont, sur la figure 4, les masses de protoplasma nucléé qu'on voit sur les côtés de la masse fibreuse. Les cellules ganglion- naires sont unies à l'épiblaste dorsal, excepté au voisinage de la ligne médiane, où s’intercale comme un coin, au milieu du système ner- veux, une masse de tissu caractérisé par l’abondance des sphères 1 Il est à remarquer que l'organe pyriforme a beaucoup de similarité avec le Kopfschild décrit par Kieinenberg (Zeits. f. wiss. Zool., t. XLIV, 1886, p. 61) dans’ la larve d’une Annélide (Lopadorhynchus). Le Kopfschild est une dépendance de la région préorale, et ainsi n’a probablement pas de relation génétique avec l'organe pyriforme, Ilest constaté qu’il est composé de cellules vacuolisées, qui ne sont pas elles-mêmes de nature nerveuse, mais qui ont une relation La plus intime avec le sys- tème nerveux. Le Kop/schild est d’ailleurs uni à un organe cilié de sens dans ja larve de Lopadorhynchus. EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIRES ECTOPROCTES. 451 vitellines, La masse fibreuse du ganglion émet une paire de forts nerfs dont l’un se voit sur le côté droit de la figure 4 (nv) et que l’on peut suivre sur les coupes jusqu'à la couronne ciliaire, Ges deux nerfs, probablement, servent àrégulariser l'action des cils de celle-ci et paraissent fournir quelques fibres à l’épiblaste ventral épaissi entre elle et l'organe pyriforme. La figure 3 montre l’organe pyriforme et le cerveau d’un embryon àgé coupé longitudinalement. On voit le cerveau en connexion avec l'épiblaste dorsal, comme dans la figure 4. Sur la figure 1, la région du cerveau futur est indiquée en br. Il est difficile d'affirmer qu'il y ait des éléments nerveux développés à cette époque, mais on peut remarquer que l’épiblaste dorsal est for- tement épaissi au-dessus de l’organe pyriforme. Ge caractère se ren- contre encoredans les embryons au stade représenté figure 2, où l'on peut voir d'ordinaire, et souvent d'une façon plus distincte que figure 2, que l’épaississement dorsal de l’épiblaste est intimement uni aux cellules ganglionnaires du cerveau au point qu'on peut à peine douter que ces cellules sont dérivées de l’épaississement dorsal lui- même. L'origine des fibres nerveuses est plus difficile à établir. Il est possible qu’elles se développent du côté dorsal et n’entrent que plus tard en relation avec l'organe pyriforme et les autres parties de la région ventrale, ou qu'elles dérivent en partie de la face dorsale eten partie de la face ventrale. Des coupes comme celles des figures 3,et 4 semblent écarler la possibilité d’une origine purement ventrale des fibres nerveuses, Il me semble probable, en somme, que la plus grande partie du système nerveux provient de l’épiblaste dorsal. Si on consent à admettre cette origine même pour une portion du « cerveau », il s'ensuit que nous rencontrons dans les larves des - Ectoproctes, comme dans celles des Entoproctes, le tissu nerveux développé du côté dorsal de la couronne ciliaire dans la région anté- rieure de l'embryon. La partie ci-dessus décrite comme cerveau dans l’A/cyonidium sera alors l'homologue de « organe dorsal», la vésicule endodermique supposée des Entoproctes, Il serait inté- 452 SIDNEY F. HARMER. ressant de savoir si les taches pigmentaires décrites par Nitsche (XI) et autres chez les larves de Pugula, sont unies en quelque façon à cet « organe dorsal », comme c'est le cas pour les yeux larvaires du Loxosoma. Les conclusions ci-dessus ne concordent pas entièrement avec les résultats des observateurs précédents, auxquels il faut mainte- nant accorder notre attention. Ïl est bien certain que la séparation d’une masse de cellules endo- dermiques ne se produit pas chez l’A/cyonidium comme l’a décrit Repiachoff (XV) chez la Tendra. L'æsophage tranche vivement, sauf aux premiers stades, sur les tissus immédiatement adjacents par le grand nombre de sphères vitellines que renferment ces parois (voir fig. 2 et 3), et on peut à peine supposer que le tissu fibrillaire, au niveau de l’æœsophage, puisse en aucun cas en dériver. Je me sens amené à douter de l'exactitude des observations de Repiachoff sur cette partie du développement de la Tendra, bien qu'il faille noter que, sur d’autres points, la description que je viens de donner con- corde étroitement avec celle de Repiachoff. Vigelius (XVI) a publié certaines figures de coupes sur des em- bryons de Bugula qui donnent à penser que, dans ce genre, il peut se rencontrer un système nerveux semblable à celui de l'Alcyonr- dium. Dans la figure 49 de la planche XXVII, Vigelius montre une couche de fibrilles entourant l'organe pyriforme exactement dans la même position que le nerf nv de ma figure 4, mais cependant il n’a pas, dans sa description, appelé l'attention sur l’existence de ces fibrilles nerveuses supposées. Encore dans la figure 14 de la planche XXVI, Vigelius montre que la calotte de la larve à une structure presque identique à la région dorsale représentée à la figure 4 du présent travail, c’est-à-dire qu'il y a une prolifération interne bien apparente des cellules épiblas- tiques de chaque côté de la ligne médiane. Ces cellules doivent peut-être correspondre à ce que je regarde comme le cerveau chez l’Alcyonidium, et la ressemblance entre ce EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIRES ECTOPROCTES. 453 genre et le genre PBugula est rendue encore plus frappante par l’exis- tence dans ce dernier, comme le montre la figure de Vigelius, d’une région centrale qui ne prend pas part à la prolifération et qui pé- nètre comme un coin dans le tissu nerveux supposé (tout comme sur ma figure 4). Mais pourtant Vigelius ne montre pas qu’il existe une connexion entre les cellules nées par prolifération de la calotte et les fibres qui entourent l'organe pyriforme. Maintenant on admet très généralement que la structure des larves d'Ectoproctes peut être ramenée au type des larves d’Entoproctes, et que ces derniers sont de vraies trochosphères. Cette conception est maintenant adoptée par Barrois (IV), qui admet que, chez les larves des deux groupes, les organes suivants se correspondent, à savoir : « Le tube digestif, les faces orale et aborale, la couronne ciliaire et enfin [a fente vestibulaire.. avec le sac interne *. » Je suis entièrement d'accord avec lui en cela, mais je pousserais encore un peu plus loin la ressemblance entre ces deux types en tentant d’éta- blir l’homologie d’une partie de l'embryon d’Alcyonidium avec ce qu'on appelle l'organe dorsal des Entoproctes. Bien qu'il soit vrai que dans mon travail sur le Loxosoma (V) j'aie admis la possibilité que l'organe pyriforme lui-même représente le cerveau des Entoproctes, Lankester a rapporté inexactement l'insi- nuation que j'ai émise à cette époque dans son article Polyzoa de l’'Encyclopaedia Britannica (X). Dans la figure 20 de Lankester (de Balfour, d’après Barrois), ”m(?) est l'organe pyriforme, tandis que st (que Lankester affirme que je considère comme le ganglion cépha- ! Le mémoire de Barrois a été publié simultanément avec mon fravail On the life history of Pedicellina (VI) et quelques-unes des figures de ce dernier auraient été inutiles, sile mémoire de Barrois avait paru un peu plus tôt. Il sera à peine nécessaire de donner un exposé détaillé des critiques de Barrois sur mes résultats antérieurs, puisque certaines modifications aux idées émises précédemment par moi, spéciale ment en ce qui concerne la nature de la métamorphose, et que j'ai expliquées dans mon travail précité, m'amènent à un accord presque complet avec Barrois sur les points les plus importants où il me fait l'honneur de rappeler mes résultats. 454 SIDNEY F,. HARMER. lique) est la ventouse, la larve étant orientée de manière à repré- senter sa face dorsale en bas. En se reportant à la figure 22 de la planche XX de mon mémoire sur le Zoxosoma, reproduction d’une des figures de Repiachoff sur le Tendra, on verra que la structure de l'embryon dans ce dernier genre est, comme cela a déjà été expliqué, extrêmement semblable à celle de l’Alcyonidium à l’état larvaire. L'organe pyriforme (x), le canal alimentaire (0, g.) et la ventouse ou sac interne (v) correspondent à ceux de l’Alcyonidium. L'épaississement dorsal de l’épiblaste (y), que j'avais supposé d’abord représenter la glande cémentaire des Ento- proctes, est plus probablement l’équivalent de l’épaississement dorsal de l’épiblaste en connexion avec le cerveau dans l’A/cyonidium ; les cellules e considérées par Repiachoff comme de nature hypoblas- tique sont peut-être une partie du tissu du cerveau lui-même. Dans la figure 24 de la même planche j'ai reproduit un des dessins de Repiachoff sur le Cyphonautes, animal pour lequel mon impuis- sance d'alors à lire la description de Repiachoff m’a conduit à cer- taines interprétations erronées.Je comprends maintenant que la for- mation x est simplement la partie antérieure de la bande ciliaire, que se est regardé par Repiachoff comme l’organe pyriforme, et que e est le bourgeon endodermique supposé. Repiachoff ne montre pas cette dernière formation donnant naissance au premier polypide, comme je l'avais d’abord supposé. Ostroumoff (XII) a montré récemment que l'organe figuré par Repiachoff juste au niveau du rectum, l'organe énigmatique de Schnei- der, est en réalité laventouse ou sac interne par où s'effectue la fixa- tion. La structure du Cyphonautes se trouve par là plus semblable à celle des autres larves d’Ectoproctes qu'on ne l'avait imaginé jusque-là. | Il est cependant difficile d’affirmer encore que la glande cémen- taire des Entoproctes est représentée chez les Ectoproctes. De nou- velles recherches sont nécessaires pour établir si la calotte de ces derniers doit être regardée comme homologue de la glande cémen- EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIRES ECTOPROCTES. 455 taire, de l'organe dorsal ou de quelque autre formation offerte par les larves d'Entoproctes, J Le canal alimentaire paraît fonctionnel chez le Cyphonautes seu- Jement, c'est-à-dire la larve de Membranipora. I a pourtant été ren- contré plus ou moins développé chez le Tendra (Repiachoff, XV), plusieurs Cyclostomes (Ostroumoff, XIIT), et je crois l'avoir trouvé aussi chez le Flustrella. Barroïs (TV) a émis l'opinion que c’est réelle- ment la bouche qui se montre en la dépression ce (pl. VIL, fig. 13 et ailleurs) dans son grand mémoire (l), en sorte qu'il y a un ensemple considérable de preuves en faveur de cette idée, que les larves d'Ec- toproctes sont, à l’origine, pourvues d’un tube digestif distinct. Même dans les cas où il n'existe pas de tube digestif avec une cour- bure ventrale complète, l’hypoblaste se forme chez l'embryon exac- tement comme chez les autres Bryozoaires à canal alimentaire mieux développé, mais prend plus tard la forme d'un amas de cellules remplissant presque tout l’intérieur de l'embryon, fait démontré, par exemple, par Barrois (IV) et Ostroumoff (XIIT) pour les Cyclostomes, par Vigelius (XVI) pour le Zugula, et par Repiachoff (XV) pour le Bowerbankia. La découverte d’un tube digestif bien développé, quoique proba- blement sans fonction, chez les larves de Cténostomes (A /cyonidium) et de Gyclostomes (comme l’a montré Ostroumoff), me sauve de la nécessité de supposer que le C'yphonautes est réellement une larve archaïque, supposition très difficile à concilier avec les idées cou- rantes sur la haute spécialisation des Cheilostomes. Il me semble, au contraire, que le Cyphonautes est probablement un type de larve très modifié chez lequel le canal alimentaire a con- servé une forme fonctionnelle (grâce peut-être à la vie larvaire plus prolongée que chez les autres Bryozoaires?), tandis que la face orale s’est transformée en un atrium où sont situés l’organe pyriforme et la ventouse. Il est à présent difficile d'affirmer que les caractères de la larve de l’Alcyonidium sont conservés dans tout le groupe des Cténo- 456 SIDNEY F. HARMER. stomes, puisque les résultats publiés par Barrois (I, I et IV) et Repiachoff (XV) touchant les larves de cette division des Bryozoaires: ne concordent en aucune façon. Barroïs (IT) a constaté que les Cténostomes (groupe dans lequel il est à présumer qu'il ne fait pas rentrer l’Alcyonidium) sont carac- térisés par l’absence de sac interne. Repiachoff (XV) a pourtant donné une description, accompagnée de figures, du développement de la Powerbankia, qui tend peut-être à montrer que le sac interne n’est pas réellement absent dans cette forme. La description et les figures de Repiachoff sont extrêmement difficiles à bien comprendre, et si nous acceptons ses résultats, la larve de la Bowerbankia diffère beaucoup de celles des autres Cténostomes. Une comparaison du travail de Repiachoff et spécialement de la série de coupes de larves, figurée à la planche IV, avec mes propres préparations d’Alcyo- nidium, me conduit à douter de l’exactitude des identifications pro- posées par Repiachoff pour les faces de ses larves. Une nouvelle étude de la larve de la Bowerbankia est nécessaire pour éclaircir entièrement sa structure. Je ferai seulement remar- quer à présent, qu'une grande partie de la difficulté pour la compa- raison entre la larve de Repiachoff et celle de l’Alcyonidium dispa- raitrait, si l’on pouvait démontrer {confme je soupçonne que c’est le cas) la vérité des points suivants : | 4° Que la cavité du manteau pour Repiachoff (ct dans toutes les figures) est en réalité le sac interne ou ventouse; 2° Que le sillon dorsal cilié de la larve de Bowerbankia est l'organe pyriforme. En terminant, je dois signaler l’observation de Repiachoff que le corps brun des larves récemment fixées est cilié. Repiachoff n’au- rait-il pas pris les cils de la surface externe du corps rentrée à l’inté- rieur, au moment de la fixation, pour des cils appartenant au corps brun ? EMBRYOGÉNIE DES BRYOZOAIRES ECTOPROCTES. 457 BIBLIOGRAPHIE, 4, Barnrois (J.), Recherches sur l'embryogénie des Bryozoaires, Lille, 1887. 2. D —? 10. 14 16. Barnois (J.), Mémoire sur la métamorphose des Bryozoaires (Ann. des sc. nat., 6° série, t. IX, 1879-80, n° 7). . Barnois (J.), ÆEmbryogénie des Bryozoaires (Journ. de l’anat. et de la physiol., t. XVIII, 1882, p. 124). . Barrois (J.), Mémoire sur la métamorphose de quelques Bryozoaires (Ann. des sc. nat., 7e série, t. [, 1886, n° 1). . Haruer (S.-F.), On the structure and devel. of Loxosoma (Quart. Journ. Micr. Sc., t. XXV, 1885, p. 261). . Harer (S.-K.), On the hfe history of Pedicellina (Quart, Journ. of Micr. Se., t. XXVII, 1887, p. 239). . Hassazz (A.-H.), Descr. of two new genera of Irish Zoophytes (Ann. and Mag. of Nat. Hist., t. VII, 1841, p. 484). . 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ViceLius (W.-J.), Zur ontogenie d. marinen Bryozoen (Mitth. a. d. Zool. Stat. zu Neavel, t. VI, 1886, p. 499)1. 1 Je tiens à établir que mon manuscrit du travail ci-dessus fut reçu par M.le pro- fesseur de Lacaze-Duthiers au commencement du mois d’août 1887. Depuis ce temps, j'ai eu l’occasion de voir deux mémoires de M. le docteur A. Ostroumoff, publiés, le premier, dans les Archives slaves de biologie, et le second, en langue russe, à l'imprimerie de l’Université de Kazan. [l ne m’est malheureusement pas possible, 458 SIDNEY F. HARMER. EXPLICATION DES PLANCHES. DÉVELOPPEMENT DE L'AZCYONIDIUM POLYOUM. N. B. — Les figures 1-3 ont été dessinées avec l’oc. 1, obj.1/12 à immersion à l’huiie de Zeiss. La figure 4 est plus fortement grossie. Lettres identiques dans toutes les fiqures. æs, œsophage. br, cerveau. po, organe pyriforme. cr, couronne ciliaire, im, bouche, $, Sac interne ou ventouse. mc, cavité palléale, st, estomac. nv, nerf, PLANCHES XXVII, XXVIII. FiG. 1. Coupe médiane longitudinale d’un jeune embryon. 2, Coupe médiane longitudinale d’un embryon plus âgé, 3. Coupe médiane longitudinale d’un embryon presque près d’éclore. 4. Coupe transversale d’un embryon du même âge que fig. 3, plus fortement grossi. La coupe passe par la région du cerveau et de l’organe pyri- forme. pendant la correction de mes épreuves, de faire une critique de ces travaux, qui se rapportent, tous les deux, à la structure et à l’embryogénie des Bryozoaires du golfe de Sébastopol. HISTOIRE DE LA TESTACELLE PAR H. ge LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut de France. Il L'histoire de la Testacelle est des plus intéressantes et des plus in- structives. Instructive s’entend, au point de vue des transformations morphologiques que subissent chez elle les organes caractéristiques du type Gastéropode pulmoné. Dans quelques monographies que j'ai publiées antérieurement, beaucoup de faits précis et importants ont été établis, et plus d’un malacologiste a pu voir avec quelle minutie de détails les descrip- tions par exemple du système nerveux des Pulmonés aquatiques dextres ou senestres ! a été donnée. Certes l’anatomie de détails est toujours utile ; mais il faut bien le dire, son utilité est surtout remar- quable malgré la sécheresse de ses descriptions, quand elle fournit le moyen de reconstituer sûrement et méthodiquement le plan typique d’un groupe. | Quelques-unes des monographies auxquelles je fais allusion n’ont paru être que des œuvres isolées, alors qu’elles n'étaient qu’une ac= cumulation de matériaux destinés à faire une histoire générale des différents types de mollusques. | Il en est qui n’ont point reconnu la liaison qui unissait mes études éparses publiées de loin en loin. Le temps qui m'a souvent manqué et la maladie qui à plusieurs reprises est devenue accablante ne m'ont pas permis d'établir encore 1 Voir Archives de zoologie expérimentale, année 1872, vol. I, p. 437, pl. XVII, XVIII, XIX et XX, 460 H. DE LACAZE-DUTHIERS. la liaison destinée à relier ces travaux divers, Pour Une introduction à la malacologie que je prépare serai-je dans l'avenir plus favorisé ? Après une longue interruption dans la publication de mes études sur les Mollusques j'essaye d’en reprendre le cours. Les soins maté- riels donnés à la création et au développement de mes laboratoires de Roscoff et de Banyuls m'avaient pris un temps considérable, un temps précieux, je dirai presque: avaient épuisé mes forces. Ce n’est pas en courant d’une extrémité à l'autre de la France, en surveillant des entrepreneurs et faisant quelquefois soi-même le métier d’ou- vrier, qu'on à en effet la liberté d'esprit propre aux rédactions et la sûreté de main qui permet des dissections fines, des préparations délicates, des travaux de longue haleine. Si des regrets inséparables d’une telle perte de temps et de force ont souvent attristé les moments de répit que me laissait le malcon- {racté dans le rude labeur d'organisation, une vive satisfaction peut sinon les faire oublier, du moins les atténuer, quand on constate ce qu'étaient autrefois les moyens de travail pour les jeunes zoologistes de la Sorbonne et ce qu’ils sont aujourd’hui. L'histoire de la Testacelle, dont je ne peux plus retarder la publi- cation, n'est pas aussi complète que je l’eusse voulu. Sur quelques points délicats, des détails minutieux manquent. Je ne désespère pas de combler ces lacunes. Car plus j'ai étudié cette limace transformée où déformée, plus l’intérêt s'est accru. Aussi j'es- père pousser plus loin quelques observations ‘déjà bien avancées. Je regrette surtout de n'avoir pu donner aujourd'hui l'histoire em- bryogénique et surtout l’évolution des organes, mais ces études exigent des conditions toutes particulières, comme on le verra plus loin. Au point de vue morphologique, bien des résultats contenus dans ce travail sont déjà intéressants, et si des lacunes se présentent, le lecteur comprendra qu'il n'en pouvait être différemment pour des études plusieurs fois interrompues. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 461 Bien souvent j'ai dit et conseillé dans mon enseignement, de faire l'étude des Étres qu’on est convenu d'appeler anormauz ; c’est dans leur comparaison avec ceux qui, normalement constitués, sont pris comme types, que l'intérêt des recherches zoologiques est surtout grand. Cette proposition trouvera ici une nouvelle confirmation. Les malacologistes ont donné des descriptions succinctes et géné- rales de l’extérieur de la Testacelle, mais les études anatomiques publiées sur elle sont peu étendues, elles n'ont pas eu pour but spécial “Ja comparaison des organes avec leurs homologues chez les autres Gastéropodes pulmonés. Il y a cependant dans cette comparaison un grand intérêt, dès lors nous serons conduits à donner quelques dé- tails sur l'extérieur et sur les organes déjà décrits, dussions-nous ré- péter ce qui se trouve dans les ouvrages: il sera du reste facile d'établir une distinction entre les travaux fort peu nombreux de nos prédécesseurs et les nôtres, La bibliographie anatomique de l'animal qui nous occupe n’est pas étendue. On peut considérer le mémoire de MM. Fischer et Gas- sies, publié en 1856, comme l’un des plus importants. Il renferme l’indication de ce qui avait été écrit sur ce mollusque avant eux. Nous renvoyons donc à ce travail sans reproduire ici une nomenclature des textes qui du reste ne renferme pas de renseignements anato- miques bien importants. Nous n’analyserons pas non plus le mé- moire de ces auteurs, devant trouver l’occasion au cours des déve- loppements qui vont suivre de rapprocher les résultats déjà obtenus par eux de ceux que nous apportons. IT MŒEURS. Les mœurs des Testacelles sont connues, MM. Fischer et Gassies dans le mémoire cité en ont indiqué les traits principaux que nous rappellerons en y ajoutant nos observations propres. 462 H. DE LACAZE-DUTHIERS. La Testacelle est nocturne, on ne la trouve que la nuit; au crépuscule elle commence à sortir de ses terriers, au matin elle se dispose à y rentrer, elle n’en sort que pour faire la chasse aux vers de terre qu'elle avale gloutonnement, elle ne paraît en outre qu’au printemps, mars, avril, mai, et à l’automne, en septembre et octobre. Je l’ai trouvée encore à la Toussaint, sous la neige, elle sort plus volontiers le soir, lorsque pendant la journée une légère pluie a humecté le sol. À l’époque de l'année où elle abandonne les profondeurs de ses galeries, elle se cache pendant le jour sous tous les corps solides qui peuvent l’abriter ; on la trouve alors en retournant les pierres, sur la lisière des bois, dans les jardins; sous les débris jetés derrière les maisons, surtout à l’est et au nord. Elle se blottit également sous les pots de fleurs, en un mot, partout où les vers de terre habitent eux- mêmes. Ge sont surtout les pierres ayant conservé sous elles quelque fraicheur qu'elle préfère. Je n’ai jamais rencontré un seul individu sous des pierres où s'étaient installées des fourmis. Cela se com- prend, celles-ci recherchent le sec. Les vers recherchent l’humide et la Testacelle ne se nourrit pas de fourmis. Le soir, à la lueur d’une lanterne on la trouve rampant lentement, s’allongeant beaucoup et cherchant les vers sortis à moitié de leurs trous. On la voit pénétrer dans les terriers de ces animaux en s’effi- lant pour ainsi dire. C'est surtout dans les allées des jardins, que cette chasse à la lumière, le soir ou de grand matin, donne de bons résultats. Néanmoins 1l est quelquefois difficile de se la procurer et au com- mencement de mes études, qui remontent déjà loin, je m'estimais fort heureux lorsque après une longue excursion j'en rapportais une douzaine. Depuis longtemps, je ne prends plus la peine de faire des courses et de tourner des pierres pour la chercher, on va voir pourquoi. Disons d’abord qu’elle est beaucoup plus commune qu’on ne le pense en général. Je l'ai trouvée partout où je l’ai cherchée : à Noir- HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 463 moutiers, à Roscoff, à Paris, au Jardin des Plantes, en Périgord, dans le Lot-et-Garonne, dans le Gers, à Banyuls et dans ses environs. Mais me guidant sur une particularité de ses mœurs, j'ai complè- tement modifié la manière de la rechercher. Quand les froids et les chaleurs arrivent, les Testacelles dis- paraissent, cela a été dit et répété par tous les auteurs. Elles s’en- foncent dans des galeries souterraines quelquefois assez profon- dément (50 centimètres) et là agglutinent tout autour d’elles des parcelles de terre, qui finissent par former une sorte de cocon, tapissé intérieurement parune couche de mucus desséché etbrunâtre. Cette observation intéressante est due, je crois, à M. Gassies, qui jusqu'au moment de leur léthargie avait conservé et suivi des ani- maux. Il les plaçait dans des caisses remplies de terre, les nourris- sait en leur donnant des vers et les conservait fort longtemps. Il en obtenait ainsi la reproduction. J'ai moi-même répété ces observations bien souvent, car, dans ces dernières années, il n’est pas de printemps et d'automne où je n’ai eu quelques centaines d'animaux et où je n’aie vérifié la parfaite exactitude des faits indi- qués par le malacologiste agenais. Presque jamais je n’ai pris soin de nourrir mes animaux, et cepen- dant après un hiver j’en ai trouvé au printemps suivant sur deux cents une trentaine d’enkystés ou enfermés dans une loge dont la paroi interne était tapissée par une couche de mucus desséché, gris roussâtre, tout à fait anhistes, dans lequel je n’ai jamais ren- contré d'éléments figurés. Dans les gîtes complètement clos, sphériques, qu'on reconnait assez facilement lorsqu'on les à vus une première fois et qui sont assez solides, la Testacelle est fortement contractée, sa tête est ren- trée et invaginée, son corps forme une boule. Ceci explique comment en hiver ou en été, pendant le travail de la terre, on ne la reconnaît que si ses gîtes sont brisés ; aussi faut-il recommander aux travailleurs de terre qui ont mission de la cher- cher, alors qu'elle est encore en léthargie, d’émotter attentivement 464 H. DE LACAZE-DUTHIERS,. le terrain soulevé, et d’aller assez profondément pour la rencontrer. En faisant démolir un talus dans mon jardin, j'ai trouvé des pontes de Testacelles à plus de 4 mètre de profondeur; on comprend donc qu'à l’époque de la léthargie un travail superficiel ne peut faire dé- couvrir que peu d'individus, ceux qui n’ont pas pénétré profon- dément pour se mettre à l'abri des variations climatériques. C'est surtout dans les terrains un peu gras et bien fumés, assez frais, qu'on a plus de chance de rencontrer les animaux, puisque c'est là aussi que les vers de terre sont plus abondants. Lors de la récolte des pommes de terre, en octobre dans le Périgord, des paysans, à qui je l'avais fait connaître et demandée, m'en appor- taient beaucoup et de très belles. J'ai voulu connaître le nombre des individus qu'on pourrait trouver dans une certaine étendue de ter- rain. En septembre 1887, dans un jardin, dont la terre est forte, et dans une étendue de 2 ares à peu près, le travailleur intelligent et attentif, à qui j'avais donné la mission de recueillir tous les indi- vidus grands et petits quil verrait, en avait trouvé plus de deux cents pendant une journée de travail. Je ne me serais peut-être pas pro- curé ce nombre par des courses en cherchant sous les pierres pen- dant toute une saison. Aujourd’hui je ne fais plus la chasse, je me contente de faire travailler la terre qui me semble dans de bonnes conditions. Il est probable que, par ce mode de recherche, pas mal d'individus échappent encore à la vue, recouverts qu'ils sont par les pelletées de terre jetées en avant par l'ouvrier. Aussi le nombre doit être plus grand, bien qu'il soit d’après ces chiffres déjà considérable. Voici une autre observation : Je fis bêcher avec soin une plate-bande de 2 mètres de largeur sur 5 de longueur, qui avait été beaucoup fumée et souvent arrosée pour la culture des cornichons, et l’on me rapporta 182 individus, c’est un nombre considérable pour 10 mètres carrés environ de su- perficie. J'avoue qu’à l’origine de mes recherches, j'étais loin de con- sidérer la Testacelle comme, étant aussi commune, et aujourd’hui, HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 465 lorsque je désire des individus, je fais défoncer un carreau et j'ai tout de suite une belle provision. L'été de 1887 a été particulièrement sec. Cependant en fin d'août, j'ai pu me procurer les individus qui m'étaient nécessaires; toutefois, comme il était difficile de pénétrer profondément en raison de la dureté du sol desséché, le nombre des animaux récoltés n’était pas comparable à celui que l’on vient de voir. Pour bien observer les mœurs et les habitudes des Testacelles j'ai coutume de les placer dans de grandes cuvettes de verre à dissection ou de grands bocaux à moitié remplis de terre meuble humectée de temps en temps par quelques gouttes d’eau, et couverts d’une lame de verre. Dès que l’on a déposé les mollusques à la surface de la terre, on les voit glisser en s’allongeant et chercher à fouir le sol artificiel qui leur a été donné. Bientôt ils disparaissent et on les dis- tingue contre les parois du vase, où la couleur jaune blanchâtre de leurs pieds les fait reconnaître. Le soir ils reviennent tous à la surface de la terre. Il faut bien se garder de ne pas surveiller avec le plus grand soin la fermeture des cuvettes, car les animaux s’échappent avec une facilité extrême, une fente même fort étroite entre le couvercle et le bord du vase leur permet de fuir. Un jardinier qui cherchait et avait recueilli bon nombre d’indi- vidus fut tout étonné de n’en plus trouver un seul dans le vase où il les avait placés et qu'il me disait rempli d'animaux. Il avait sim- plement bouché son flacon avec un paquet de feuilles, il eut beau fouiller la terre au-dessous du vase, il n’en retrouva aucun, ils avaient pénétré assez profondément et assez vite, pour n’être plus dans le voisinage. Lorsqu'on aura conservé des animaux pendant quelques jours, on reconnaîtra que, dans leurs déplacements, ils ont labouré la terre dans tous les sens, et comme ils ont laissé sur leur trajet beaucoup de mucosité, leurs galeries se trouvent tapissées d’un enduit qui ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GÉN, == 2C SÉRIE, == T, V, 1887, 30 466 H. DE LACAZE-DUTHIERS. ‘ leur donne une certaine résistance ; ce qu’on reconnaît en renversant le contenu des vases. J'ai conservé ainsi longtemps des Testacelles qui tous les soirs, pendant la période non léthargique, revenaient à la surface, tandis que le jour elles restaient tranquillement enfouies. Ainsi conservées en captivité, elles pondent le plus souvent des œufs très gros et blancs, au moment de la ponte, mais qui, plus tard, jaunissent. Ils sont surtout déposés dans les parties basses des galeries. C’est aussi sous terre qu'a lieu le rapprochement des sexes, je le pense du moins, Car je n'ai jamais vu d'animaux accouplés. Les manœuvres de la Testacelle sont la conséquence de ses habi- tudes : elle se nourrit en effet exclusivement de,vers de terre ; ceux-ci sont fort vifs et rentrent avec une grande agilité dans leurs terriers à la moindre alerte; lorsque le soir ils sortent de quelques centimètres seulement, la Testacelle doit les saisir du premier coup en dardant sur eux non moins rapidement un coup de langue. Si elle manque de harponner sa proie, elle doit la poursuivre et pour cela s’effiler afin de pouvoir pénétrer dans le trou du ver. Celui-ci, quelquefois simplement retenu par quelques-uns des crochets de la langue de son ennemi, se relire en.se cramponnant à l’aide de ses soies aux parois de son gîte et entraine alors avec lui le chasseur vorace ; c’est donc une nécessité pour la Testacelle de s’allonger et de suivre sa victime afin del a saisir plus complètement. Nous verrons quelle est la structure de cette arme meurtrière commune à tous les Gastéropodes et qui, dans le cas, prend des pro- portions énormes. Si Fon admet que l'action des milieux détermine des habitudes, des mœurs, lesquelles à leur tour conduisent à des modifications or- ganiques, on trouvera ici un argument bien favorable à cette théorie. En effet, toute l’organisation de cet animal est dominée par ce fait que pour se procurer sa nourriture, lorsqu'il ne la rencontre pas en dehors des lieux où elle habite, ce qui est le plus fréquent, 1l doit pénétrer dans des canaux soüvent fort étroits, et, pour employer une HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 467 expression qui traduira mieux la pensée, il doit passer à la filière et s’allonger proportionnellement au diamètre du tube à parcourir. Or que l’on considère un Gastéropode pulmoné ordinaire, un coli- maçon par exemple, l’on verra sa tête et son cou doublés en avant par la lame musculaire pédieuse ; celle-ci se prolonge en bas en une sorte de queue assez longue dans laquelle il n’y a plus que le mus- ele pédieux lui-même. Sur le milieu de la longueur du corps s’élève en arrière le tortillon rempli par les viscères qu’enferme la coquille. Dans une Limace proprement dite, le tortillon extérieur disparaît, la coquille s’aplatit et le manteau ne forme sur le dos qu’un disque ou bouclier ovale. Que l’on suppose l’un ou l’autre de ces êtres essayant de forcer l'entrée d’un trou étroit : bien certainement, la tête et le cou en s’al- longeant, en s’effilant, pourraient pénétrer, mais le tortillon ou le bouclier « étant d’autre mesure » resteraient à l’entrée de l’orifice et seraient retenus au dehors. Si l’on suppose les efforts grands et re- nouvelés, le tortillon et le bouclier, refoulés de plus en plus vers l’extrémité inférieure du corps, s’éloigneraient peu à peu de la tête. De là des changements dans les proportions des parties; le cou et l’extrémité supérieure du pied s’étendraient pendant que la coquille et le manteau émigreraient plus bas vers l'extrémité inférieure du corps et du pied. Ces quelques mots suffisent pour caractériser la physionomie ex- térieure de la Testacelle. On peut la considérer comme une limace dont ie cou a pris des proportions telles qu’il occupe à lui seul presque toute la longueur du corps et dont le pied, ayant suivi cet allongement supérieur, a perdu en longueur dans le bas! ce qu'il a gagné en hauteur. De sorte que, loin de voir ici comme dans la limace ou le limaçon une longue queue inférieure trainée par l’ani- mal qui rampe, on aperçoit à peine une petite pointe au-dessous du crochet de la coquille placée sur la terminaison du pied. 1 On n'oublie pas que toutes les descriptions sont faites, l’animal étant supposé la tête en haut. 468 H. DE LACAZE-DUTHIERS. On dit vulgairement que la Testacelle est une Limace portant comme un ongle sur sa queue. Cet ongle est la coquille, il couvre à peu près toute l’étendue du tortillon, dont les proportions sont telle- ment réduites que les viscères proprement dits, l’ont abandonnés, ne pouvant se loger dans son intérieur. Le manteau qui double et sécrète la coquille est d’une petitesse extrème. Cela s'explique par le déplacement des viscères qui, remon- tés dans le cou, ne sont plus protégés par lui. Les conditions biologiques dans lesquelles vit la Testacelle ont amené la réduction à leur plus simple expression de toutes les parties extérieures du tortillon, et par suite les organes se sont échelonnés au lieu ‘de se grouper et de former une masse, comme cela se voit dans la plupart des Gastéropodes à coquille turbinée ? Quelle que soit la cause de ces dispositions et indépendamment de toute interprétation, manteau, coquille et torüllon ne sont plus que des vestiges de ce qu'on les voit être dans les pulmonés à coquille, et c’est à la démonstration de ce fait qu'est consacré le présent tra- vail; cette démonstration ne peut être obtenue que par la recherche des parties homologues, c’est-à-dire par des études morphologiques basées sur des détails d'anatomie délicate et précise. IT ESPÈCES. Les espèces observées sont : Z'estacella haliotidea, Testacella Mau- gei, Testacella bisulcata. La première espèce, la plus commune, est celle qui a surtout servi à ce travail. Elle a été décrite par tous les malacologistes ; il est donc inutile d’en reproduire la diagnose, qu’on retrouve dans tous les traités spéciaux. Je renverrai, pour la distinction des espèces et l’in- dication des variétés, au travail de MM. Fischer et Gassies. Je ferai remarquer que sa couleur est très variable, non pas sur le pied qui reste d’un blanc jaunâtre, mais sur le dos. La teinte de HISTOIRE DE LA TESTACELLE,. 469 celui-ci varie d’un brun quelquefois foncé à un brun un peu verdâtre ou bistre à un gris presque clair, piqueté finement de brun. Il n’est pas possible d’assigner une couleur positive, car la variation d’un individu à l’autre est toujours très accusée. Aussi serait-on fort en peine de colorer un dessin et de le donner comme type. C’est, en général, sur le milieu du dos que la teinte est la plus foncée et la mieux caractérisée; elle s’éclaircit à mesure que l’on s'approche plus près du mince bourrelet bordant le pied, dont la couleur blanche lavée de jaune est constante et permet même de reconnaître aisé- ment ces animaux quand on remue la terre. La couleur devient si pâle dans quelques individus que les animaux paraissent blanchâtres. J'ai eu deux échantillons, complètement blancs, lavés, d’un jaune très léger; ils étaient de fort belle taille. Cette variété est signalée par MM. Gassies et Fischer ; elle m’a paru rare. J'ai bien eu plu- sieurs milliers d'individus depuis le moment où j'ai commencé ce travail. N’en trouver que deux tout à fait blancs, c’est bien peu ; aussi je crois que cette variété est très rare, en Périgord du moins. Les individus trouvés dans le jardin de Roscoff étaient d’un ‘brun plus jaunâtre que ceux du Périgord, La seconde espèce est plus rare que la première. Je dois cepen- dant exprimer quelques réserves, car je ne l’ai point cherchée en fouillant la terre comme je l’ai fait pour l’haliotidea. Je n’en ai eu qu’une douzaine d'échantillons, il y a de cela longtemps. M. Gassies pense que la Zestacella Maugei est l'espèce des zones maritimes. Je ne saurais me prononcer. Je m'étais procuré les quel- ques échantillons que j'ai étudiés en suivant les indications fort pré- cises que M. Gassies m'avait données, Je m'étais rendu près de Bor- deaux, à Gradignan, dans le jardin d’une auberge indiquée comme une station particulière de cette espèce. Je trouvai, en effet, sous les briques et les débris de toute sorte accumulés derrière la maison et au nord quelques beaux individus, une douzaine, dont les caractères, 470 | H, DE LACAZE-DUTHIERS. à certains points de vue, étaient assez différents de ceux que pré- sente l'espèce commune (pl. XXXIX, fig. 7 et 8, 7. Maugei). Tous les malacologistes n’admettent pas la réalité de cette espèce. Il faut reconnaître que la coquille seule ne permettrait peut-être pas de la distinguer facilement, et c’est surtout par les coquilles que les espèces ont été définies et diseutées. Il importerait de préciser les faits surtout à l’aide des caractères de l'animal vivant, observé bien étendu et non, comme on le fait trop souvent, conservé dans l'alcool, c’est-à-dire contracté. Les différences que j'ai pu constater se rapportent au manteau ; l'occasion se présentera de les indiquer. Maïs je conseille au lecteur de consulter la description du malacologiste agenais. La station de cette espèce m'avait été si bien précisée, que je n’ai eu aucune difficulté à la retrouver. Il ne m’a pas été possible de re- venir à Gradignan. Les collectionneurs n’auront-ils pas épuisé cette station fort limitée, où je n'ai point trouvé d’ailleurs d’autres espèces? Si la station de la 7. Maugei était la zone maritime, j'aurais dû la trouver à Roscoff, d’où mon gardien dévoué, Ch.Marty, fort habile à la chasse des animaux, m'a envoyé de beaux échantillons de 7. ha- liotidea trouvés dans le jardin du laboratoire. Ces échantillons étaient d’une teinte plus jaunâtre que les indi- vidus du Périgord. La coquille était un peu plus grande et moins enchâssée dans les rebords du pied ; elle était surtout corrodée, comme le sont les coquilles d’Haliotide à la mer, par des éponges ou des algues perforantes, La physionomie générale était différente, maïs le caractère indiqué par MM. Fischer et Gassies n'existait pas ; ils ne donnent, en effet, à la 7, Maugei que trois muscles rétracteurs du bulbe radulaire, et les Testacelles de Roscoff en ont un grand nombre. De la troisième espèce, l'Æ. bisulcata, je n’aï eu que deux individus, très contractés par l'alcool dans lequel ils avaient été plongés. Ils m'avaient été donnés par feu le docteur Penchinat, de Port-Vendres, HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 471 qui s'était beaucoup occupé des mollusques des Pyrénées-Orientales Il me disait la trouver assez fréquemment sous les pierres dans la montagne, naturellement dans les lieux humides. J'en ai donné la figure (pl, XXIX, fig. 9); plus loin, il en sera de nouveau question. IV EXTÉRIEUR. L’extérieur de la Testacelle doit nous arrêter tout d'abord. Son étude demande quelques détails de plus que ceux que l’on trouve dans les ouvrages. La forme générale (pl. XXIX, fig. 4 et 3) du corps est celle d’un cône fort allongé et aplati sur une partie de sa surface. Il est pres- que inutile de remarquer que, suivant l’état de contraction ou d’al- longement, la forme du corps varie beaucoup. Au sommet du cône correspond la tête ; à la base se trouve le manteau, que recouvre la coquille ; enfin, l’aplatissement répond au pied. La surface des téguments des parties dorsales, moins le manteau, est couverte de sillons plus ou moins accusés dont l’étude serait à faire comparativement dans les espèces. N'ayant eu qu’un petit nombre, un nombre trop restreint d'individus de quelques-unes d'elles, je ne voudrais pas me prononcer sur les particularités qu'ils présentent, sans de plus amples observations, Il y a là quelques re- cherches de zoologie descriptive à entreprendre. La partie plate ou le pied est limitée par une bordure saillante comme un feston, peu étendue, mince (pl. XXIX et XXX, fig. di- verses, sa), qui, par cela même qu’elle existe, produit un sillon peu profond au point de sa rencontre avec la partie arrondie du corps. Ce feston s'étend d’une extrémité à l’autre des deux côtes. Dans le haut, les deux sillons se confondent en un seul et s’accentuent en séparant bien nettement la lame pédieuse et la tête proprement dite, au-devant de la bouche. Là, ses bords se relèvent en bourrelet et sa dépression 472 H, DE LACAZE-DUTHIERS, augmente sur la ligne médiane ; nous appellerons ce sillon præbuccal (id., 6). Si l’on suit les limites de la petite coquille, on voit que tout au- tour d'elle les téguments de la partie environnante sont taillés à pic et changent de nature, que cette disposition produit un autre sillon très profond, circulaire, que nous nommerons son péripalléal (id., sp). La coquille ne fait que recouvrir le manteau qui est caché au-dessous d'elle. Si l’on suit à droite et à gauche le sillon péripalléal en partant du crochet jusqu’au bord supérieur de la coquille, on arrive à une sur- face dorsale médiane qui remonte jusqu'aux tentacules et recouvre latéralement la tête. Cette partie est limitée par deux sillons qui, assez rapprochés et ouverts à leur origine, près de la coquille, dans le sillon péribranchial, vont en s'écartant et descendent sur les côtés du corps pour s'approcher, vers leur terminaison supérieure, tout près des sillons pédieux que nous avons indiqués (pl. XXIX, fig. 1, 2, 3; 64et 7, SX: Ces deux sillons seront désignés par le nom de s#lons latéraux (sl). L'un de ces sillons, le droit, vient se terminer directement dans la dépression qui se voit au-dessous du grand tentacule de ce côté et au fond de laquelle se trouvent les orifices de la reproduction (pl. XXX, fig. 41, 0g). L'autre va se perdre dans ‘le lacis de petites fentes du tégument formant mosaïque en dehors du gros tentacule gauche. | Sur la ligne médiane du dos, depuis le milieu de l’espace inter- tentaculaire jusqu’au sillon péripalléal, on voit un sillon très peu profond que dessine une ligne droite peu accusée. C’est le sillon dorsal (sd), non indiqué en général dans les figures qu'on a données des Testacelles, tandis que les sillons latéraux n’ont échappé à aucun auteur. Du reste, si l’on observe un Hélix ou une Limace, on reconnaîtra ces trois sillons sur leur cou : un médian dorsal et deux latéraux. A part la face antérieure du pied qui est lisse, toute la surface du HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 473 corps est partagée, par des lignes correspondant à de tous petits sil- lons, en une infinité de quadrilatères ou losanges plus ou moins réguliers et de grandeurs différentes ; ils déterminent une ornc- mentation particulière, une sorte de guillochage en mosaïque qui, je n’en serais pas surpris, pourrait varier dans ses détails d’une espèce à l’autre et fournir des données utiles dans les distinctions spécifiques. De chaque côté du sillon dorsal, il y a une rangée de ces quadri- latères plus petits, assez distincts, plus réguliers que sur le reste du corps (pl. XXIX, fig. 5, sd). Ce sont même ces petits quadrilatères qui limitent et déterminent le sillon médian dorsal. Sur le dos, dans la partie comprise entre les deux sillons latéraux ; les quadrilatères, en dehors des deux rangées médianes qu'on vient de voir, sont plus petits et moins bien circonscrits que sur les côtés du corps, c’est-à-dire entre les bords du pied et les sillons latéraux. Aussi dans les dessins de grandeur naturelle, comme dans ceux qu'on trouve dans les ouvrages, on ne voit point ces figures qui sont trop petites pour être représentées. Il faut la loupe pour les distin- guer sur les animaux bien étalés (pl. XXIX, fig. 2, 5 et 7). De loin en loin et assez régulièrement, des lignes obliques (voir pl. XXIX, fig. diverses, g) allant des sillons latéraux aux sillons pé- dieux partagent les bandes latérales en bandes secondaires trans- versales, obliquement dirigées d’arrière en avant et de bas en haut. Ce sont des sillons transverses (q, h) fort accusés surtout en bas vers la coquille. On rencontre bien aussi dans toute l'étendue du dos des sillons transverses semblables aux précédents, mais qui, s'ils sont nets en partant du sillon latéral et presque correspondants aux sillons trans- verses latéraux, tout en étant moins accusés qu'eux, n'arrivent pas jusqu’à la ligne médiane dorsale ; car, sur les côtés où ils sont bien visibles, ils vont en s’éteignant peu à peu en se rapprochant du milieu. Dans la Zestacella haliotidea, de la tête à la limite supérieure de 474 H. DE LACAZE-DUTHIERS. la coquille, on compte de treize, quatorze à quinze de ces sillons transverses, Ce nombre m’a semblé un peu variable. La rencontre des sillons latéraux avec le sillon péripalléal déter- mine un angle de la partie latérale. Jamais le sommet de cet angle n'est coupé par un de ces sillons transverses (pl. XXIX, fig. 2 et 7). Sur les côtés du manteau, la zone pleurale diminue très rapi- dement d’étendue, en venant se terminer sur la ligne médiane au- dessous du crochet de la coquille. On compte de cinq à six sillons transverses bien distincts, à partir du point de jonction des sil- lons transverses longitudinaux et du sillon: péripalléal jusqu'à la fin du pied. L'état de contraction accuse quelquefois beaucoup les sillons transverses, tout en modifiant leur direction. Il suffit de comparer la figure 5 avec la figure 9 de la planche XXIX pour reconnaître que, dans la 7. bisulcata conservée dans l'alcool, les sillons transverses latéraux ont pris une tout autre direction et qu'ils sont dirigés d’ar- rière en avant et de haut en bas. Ce changement de direction est dû à la contraction produite par l’alcool sur le muscle pédieux. Autour de la tête et à la base des grands tentacules, les petits quadrilatères semblent régulièrement disposés par bandes dirigées de bas en haut et d’arrière en avant (pl. XXIX, fig. 5) ; mais bientôt cette disposition régulière fait place à une confusion, que les sillons transverses ne parviennent pas à faire disparaitre. En y regardant de près et avec une loupe, on reconnaît que ces parties, que nous venons d'appeler des qguadrilatères, ne sont que des sortes de papilles peu élevées, de vraies éminences ‘cutanées, cir- conscrites par les petits sillons dont la régularité et la direction sont fort variables. | Il faut le dire, l'observation de cette sorte de partage des tégu- ments en éléments losangiques est difficile à faire. Car on ne voit bien ces parties que lorsque les animaux sont étalés, ou morts dans un bon état. Il m'a semblé que, sur des animaux asphyxiés et jetés dans une HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 175 solution forte d'acide chromique ou de sublimé, toutes les lignes et sillons s'accentuaient, et cela beaucoup trop peut-être. Cette disposition est commune aux Pulmonés terrestres, et, dans la description des espèces si nombreuses que contiennent les ou- vrages, on ne voit guère qu'elle ait fourni des caractères distinctifs. Il y a peut-être là un sujet d'études zoologiques à traiter, et c’est pour appeler l'attention sur lui que je suis entré dans ces détails. Dans tous les cas, la ressemblance de ces sillons dans la Testa- celle et les Limaces ou les Limaçons vient à l'appui de l'idée, déjà mise en avant, que toute la partie du corps au-dessus de la coquille est l’'homologue du cou des Pulmonés terrestres normaux. La tête est relativement fort effilée (pl. XXIX, fig. 1); elle porte les quatre tentacules habituels. Deux oculifères plus grands, plus postérieurs et plus latéraux (fig. 5 et 6, {) que les deux petits (id., “); ceux-ci, rapprochés sur la ligne médiane, paraîtraient in- sérés entre les deux grands, s'ils ne leur étaient un peu antérieurs (fig. 5 et 6). Pour observer la tête par la face antérieure, il faut placer la Testa- celle sur une lame de verre ; et, lorsqu'elle rampe tranquillement, on peut voir (pl. id., fig. 6,ba) en dessous des deux petits tentacules, sur un plan antérieur, deux papilles fort mobiles, s’allongeant et se raccourcissant pour palper, explorer la surface sur laquelle elles se meuvent. Ces deux papilles, véritables babines, laissent entre elles un espace représentant un triangle isocèle à sommet dorsal et supérieur. On distingue aussi en suivant la progression du Mollusque, un peu au-dessous de la pointe de ses babines, le sillon transverse sous- buccal (pl. XXIX, fig. 6, b), dont les deux extrémités descendent pour venir sur les côtés se confondre avec les deux sillons pédieux. Pour le moment, nous ne nous étendrons pas plus longuement sur la description de la tête, dont l’histoire reviendra souvent dans le cours de cette étude. On a vu que la forme générale du corps était celle d’un cône dont 476 H. DE LACAZE-DUTHIERS. la base n’est point, comme dans le solide, perpendiculaire à l’axe même. En effet, vers le bas, le corps (fig. 3) présente un pan coupé dirigé de haut en bas et d’arrière en avant, et c’est dans ce pan coupé, répondant à la base, que se trouvent le manteau ainsi que le tortillon, qui, l’un et l’autre, sont recouverts par la petite coquille dont la forme rappelle la coquille d’une Haliotide. La coquille a été fort bien figurée et décrite ; elle à tout à fait la forme d’une coquille d'Haliotide, moins les trous. Fort petite, elle semble enchâssée dans les rebords dont l’entourent les limites du sillon péripalléal. Lorsque les animaux sont morts, elle tombe facilement, car le muscle columellaire est faible et ses attaches sont facilement rom- pues. Il ne me paraît pas nécessaire ici de renouveler sa description, car on la trouve dans tous les traités de conchyliologie. Le manteau (fig. 2, 3, 7 et 8) se dessine bien sur les animaux dont : la coquille est tombée, mais ses formes sont grandement modifiées par ses contractions si difficiles à éviter ; sur les animaux conservés dans l'alcool, il est d’une petitesse si grande que la description en est difficile ; aussi est-elle insuffisante dans les ouvrages. Voici comment il se présente : lorsque sur un animal noyé la co- quille est tombée, on voit une surface médiane lisse qui lui corres- pond et qui se termine en bas par un petit crochet inférieur, un peu tordu, dont la pointe se dirige vers la droite. Ce petit crochet est tout ce qui reste du tortillon, c’est un tortillon vraiment bien mesquin et plutôt un souvenir de cette partie qu'une représentation réelle, on le verra plus loin. Autour de la partie centrale lisse existent des re- plis plus ou moins plissés, dépendant du bord libre du manteau (pl. XXXIX, fig. diverses, mn'). Pour plus de facilité dans la description on doit considérer le bord du manteau comme formé de deux lames, l'une concentrique à l'autre, par conséquent circulaires, entourant et dépassant la surface lisse ou partie sous-coquillière, HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 477 Ces deux lames s'unissent et se confondent en remontant à droite dans un point où le sillon latéral de droite, séparant le cou et le pied, arrive dans le sillon péripalléal. Prenons le manteau à ce point et suivons-le (fig. 2 et 7, à, à) : Arrivée à peu près au quart supérieur dela hauteur totale du man- teau, cette languette, simple et aiguë dans le haut, est partagée en deux par un sillon longitudinal qui s’accuse de plus en plus à mesure qu'on descend plus bas. La différence entre les deux moitiés s’ac- centue de même. La portion externe devient plus mince, plus large et présente des plis (id., fig. 2 et 7, mn', mn’), dont les saillies sont fort marquées. La moitié interne reste lisse et présente deux bosselures, l’une latérale, l’autre (pl. XXIX, fig. 2, 7, 7, j') inférieure, celle-ci (#) est située en face du sommet du tortillon (#r). Ces deux moitiés, arrivées plus bas que le tortillon, sont alors le plus ‘dissemblables possible ; l’une extérieure offre là le maximum de ses plissements (mn', mn'), et toutes les deux remontent sur le côté gauche, toujours avec leur caractère, l’une ressemblant à un bourrelet, l’autre à une lame plissée. Elles entourent ainsi la partie lisse, centrale sous-coquillière. Arrivées au haut du côté gauche, le sillon qui les sépare s’efface peu à peu, ainsi que les plis de la lame externe, alors passant en sautoir au-dessus du muscle médian coquillier, le bord qui n’est plus composé que d’une lamelle simple passe à droite en s’approchant de la languette aiguë dont nous sommes partis sans s'unir à elle, redescend pour venir se terminer sur le tubercule inférieur du bourrelet interne signalé au-dessus du tortillon. Dans cette dernière partie du trajet terminal, une ligne longitudinale distingue le bord libre {7) de la partie adhérente (7'). IL est maintenant facile de préciser la position de lorifice respi- ratoire. Si l’on soulève le repli réfléchi simple et terminal, que l’on a vu descendre à droite jusqu’au tortillon, on découvre une dépression conduisant dans la cavité respiratoire. Cette dépression est allongée, plus large et arrondie en haut en dedans du mamelon latéral de la 478 H. DE LACAZE-DUTHIERS. lame interne. L’orifice respiratoire (or) est grand, relativement aux proportions des parties du manteau. Il est situé en somme entre les . deux moitiés du repli, l’une descendante, l’autre ascendante. Nous aurons à revenir sur lui en raison même de l'intérêt qu’il présente. La lame plissée, celle qui forme le bord externe en arrivant vers le milieu de la longueur de sa partie ascendante comme dans sa partie descendante, se reploie en haut antérieurement et forme ainsi une sorte de capuchon inférieur qui embrasse en bas ce qu’on peut à peine appeler le pédoncule du peu qui reste du tortillon (voir fig. 9, mn). Quand on laisse mourir les animaux dans l’eau, et que la putré- faction commence, il arrive quelquefois que cette sorte de doublure du bord libre s'étale naturellement, et forme alors une grande et mince membrane flottante, qui ne ressemble plus du tout au man- teau contracté. | Dans les échanüllons de 7°, bisulcata que m'a donnésle docteur Pen- chinat, cette bordure plissée du manteau (voir pl. XXIX, fig 9, mn) retroussée sur le bas du pied, remontait jusqu’à la hauteur du bord supérieur de la partie dorsale du manteau; plus haut que la limite de la coquille, est-ce là un caractère de l'espèce? sans doute ce repli doit être fort développé dans la 7. bisulcata, pour envelopper toute la partie antérieure et inférieure du pied. Cependant, pour l’affirmer, il serait utile de multiplier les observations, car il m’est arrivé de trouver des individus morts de 7°. haliotidea dont le repli palléal in- férieur était retroussé de même, toutefois les proportions de ce capu- chon palléal étaient bien moindres. D'ailleurs c'était des exceptions, car sur les très nombreux individus que j'ai tués, je n’en ai vu que trois ou quatre offrant cette disposition. Je dois ajouter qu’à l’automne, sur des animaux tenus dans des vases comme il a été dit, et commencant à s’enkyster, j'ai trouvé le bord plissé du manteau étendu et recouvrant la pointe inférieure du pied, le capuchon commençait à se produire, mon attention étant appelée sur cette particularité, j'ai retrouvé cette disposition plus HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 479 fréquente que je ne le pensais d’abord chez des Testacelles enfer- mées dans leurs cocons, Dans un animal dont la coquille est aussi petite et les parties supé- rieures du corps relativement aussi grandes, il est naturel de recher- cher ce que deviennent les muscles qui habituellement s’attachent sur le test. Les conchyliologistes ont décrit dans la partie supérieure de la coquille une impression, qui correspond bien évidemment aux inser- tions d'un muscle puissant. Cette dépression a la forme d’un crois- sant, son extrémité droite est renflée et non pointue, comme la gauche; elle est d’ailleurs un peu oblique de droite à gauche et des- cend beaucoup plus bas sur le côté gauche. Elle correspond à un muscle bien défini et limité, dont on voit la terminaison des fibres, en haut de la partie lisse et médiane du manteau, pl. XXIX, fig. 2 et7; m, partie lisse; à, impression. La question se pose naturellement. Est-ce le vrai muscle columel- laire ? est-ce même ici avecla grande ressemblance, aux proportions près que présente la coquille de l’Haliotide avec celle-ci, est-ce bien le muscle homologue de celui qui occupe une si grande place dans l'organisme de l’Haliotide ? La réponse sera plus facile quand nous aurons pénétré dans l’étude de l’organisation interne; pour le moment, disons que ce muscle vient des parties dorsales, des téguments du cou, on verra plus loin ce qu'est le véritable muscle columellaire, et il sera facile alors de prouver que celui dont on voit la terminaison sur la partie dor- sale (:) sous-coquillière ne peut présenter aucune homologie avec le muscle columellaire proprement dit et par conséquent n’est point l’homologue de celui de l’Haliotide. Telles sont les principales dispositions de l'extérieur del’animal qui devaient tout d’abord appeler notre attention, Abordons maintenant l'étude de l’organisation même. 480 H. DE LACAZE-DUTHIERS. y DESCRIPTION GÉNÉRALE DE L'INTÉRIEUR DU CORPS. Si l’on fend l'animal suivant le sillon dorso-médian indiqué plus haut, de la tête au sillon péripalléal, l’on est frappé des différences que présente le mode de groupement des organes que l’on vient de mettre à découvert avec celui que l’on rencontre dans les autres Pulmonés terrestres. Dans les Pulmonés ordinaires, la fente du cou montre les centres nerveux et une partie des organes digestifs et génitaux, l'æœsophage et les premières dilatations du tube digestif, le bulbe lingural et les glandes ou tubes annexes de la reproduction, mais l’intestin et le foie, les glandes ovo et spermogènes manquent. Le cou est creusé d’une cavité générale qui descend en formant un infundibulum, jusqu’au voisinage du cœur. | Ici, dès que la fente a ouvert la cavité de ce qui nous semble de- voir être appelé le cou, la vue est frappée par deux ordres d'organes qui ne se montrent pas chez la Limace. D'abord, pour peu qu'on écarte le tube digestif et les annexes des organes reproducteurs, on voit, sur le devant de la cavité (pl. XXX, fig. 13, 0l,), un organe cylindroïde, mesurant à lui seul plus de la moitié de la longueur totale du corps, blanc, à reflets nacrés, résis- tant, et paraissant vigoureusement musclé. De l'extrémité inférieure de cet organe partent des bandelettes de muscles, larges, s'étalant en éventail et s’attachant aux parois du corps. Cet organe, qui occupe une place considérable dans l’organisme, est la radula ou le bulbe lingual, qui est, dans les Pulmonés normaux, représenté par un tout petit tubercule. Plus bas, l'attention est attirée par une masse glandulaire, d’une coloration vive, bistre, un peu orange ou rougeâtre, ou terre de Sienne, ou brunâtre, suivant l'état des individus ; pour peu qu’on ait fait de l'anatomie des Mollusques, on reconnaît immédiatement HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 481 le foie dans cette glande énorme (pl. XXXII, fig. 29, /e), et en écar- tant ses lobes on trouve au milieu d’eux une seconde glande blanche dont la nature n’est pas non plus difficile à reconnaitre, la glande génitale (voir id., fig. 30, gg). Voici un premier fait établissant une différence fondamentale qu’il importait de mettre en lumière tout d’abord. Le foie et la glande gé- nitale vraie sont passés dans le cou et le bulbe lingual acquiert un développement inaccoutumé. Ces dispositions apportent des modifications profondes dans la position des autres organes; aussi le plan général semble-t-il avoir été complètement transformé. Mais il y a plus : Si dans un Pulmoné normal on ouvre la cavité respiratoire on reconnait qu'elle est limitée en avant par une membrane anté- rieure se continuant avec les téguments du cou; que la cavité de celui-ci, en arrière, présente une surface très richement vascularisée ; on sait aussi qu'on peut sans préparation autre que l'ouverture de cette chambre à hématose voir les gros vaisseaux afférents et la veine cardiaque conduisant le sang à l’oreillette du cœur placé sur le flanc gauche de l’animal. Cette cavité est bien circonscrite et tout à fait extérieure, c’est-à-dire sans aucune intromission dans le corps pro- prement dit. Je rappelle enfin que pour bien voir la cavité respira- toire d’un limaçon il faut, introduisant la lame à extrémité mousse des ciseaux dans l’orifice respiratoire, détacher du cou le manteau en coupant de droite à gauche l’attache tout près du tégument et rabattre en bas le lambeau ainsi obtenu. Ici peut-on agir de même et que voit-on ? | Si l’on introduit la lame mousse des ciseaux dans l’orifice respi- ratoire en la dirigeant non plus perpendiculairement à l’axe du Corps, mais parallèlement à cet axe et faisant l’incision au-dessous des bords réfléchis du manteau, on remonte très haut et l’on arrive jusqu’à la limite supérieure du tiers de la longueur totale du corps, alors on reconnaît que toute la surface lisse {m, pl. XXIX) sous-co- ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GENs =" 2€ SÉRIE, — T, V, 1987, 31 482 H. DE LACAZE-DUTHIERS. quillière est la paroi postérieure de la cavité, qui d’un côté descend jusqu’au sommet du crochet du tortillon, et de l’autre remonte en haut, sous les téguments, en formant deux poches (voir pl. XXXII, fig. diverses, k, 4’) qui s'élèvent dans la cavité générale du corps sans communiquer toutefois avec elle, car elles en sont séparées par une membrane mince. lei les vaisseaux sont difficiles à voir, surtout leurs rapports avec l'oreillette, car ces deux grandes poches n'offrent pas du tout sur leurs parois la physionomie ou l'apparence vasculaire, si caractéris- tique, si évidente chez les Pulmonés normaux, Quelles grandes différences nous montrent ces premières don- nées! d’une part, les glandes hépatiques et génitales proprement dites, remontées dans le cou; d'autre part, sous la coquille, le man- teau tout entier, transformé en chambre respiratoire, et le tout petit tortillon n'ayant dans son intérieur qu’une cavité aérienne, les viscères qui le remplissent ordinairement ayant émigré plus haut et l'ayant abandonnée. | Dans cette chambre dont nous ne pousserons pas ici plus loin la description, ayant à y revenir, on trouve encore une grosse éminence de couleur variable, dont la teinte plus ou moins briquetée est cau- sée par le corps de Bojanus, et tout près de l’orifice, un canal (le rectum), coupé en bec de flûte et arrivant juste au bord antérieur de l'ouverture respiratoire pour s'ouvrir par l'anus (voir pl. diverses, surtout XXXIL, fig. 30, 314, re, an). Telle est à grands traits la position de quelques-uns des viscères les plus importants dans cet organisme passé à la filière et où les "parties sont déplacées par suite d’une sorte d’atrophie du torüllon habituellement si développée, et des grandes proportions prises par le cou qui d'ordinaire est fort réduit. Reprenons successivement ces différents organes pour en faire une étude détaillée. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 183 VI ORGANES DE LA DIGESTION. La bouche est et doit être essentiellement variable de forme, en raison même de la nature de la matière alimentaire qui la traverse. Sa description doit donc se rapporter à ses divers états. L'orifice buccal proprement dit, lorsque l'animal rampe et cherche sa proie, paraît fendu verticalement (pl. XXIX, fig. 6, ob) et donne à la tête un aspect particulier. Il est placé dans le fond d’un triangle isocèle dont les côtés identiquement semblables, formés par la lèvre supérieure, se terminent chacun par une éminence inférieure, véri- table babine (ba) ; mais, lorsqu'il est voisin de sa proie, alors l’angle sommet du triangle disparait, en faisant place à un arc de cercle, et ses deux côtés s’écartent en se courbant pour laisser apparaître au fond de la dépression, ainsi complètement modifiée et défigurée, une sorte de tampon qui grandit peu à peu, s’allonge et finit par prendre des proportions considérables (pl. XXX, fig. 12). C'est l’'évagination de la radula qui commence et qui plus tard déforme entièrement l’extrémité céphalique, car, lorsque la ràpe linguale est devenue saillante, les grands et petits tentacules, ainsi que les babines labiales, ne forment plus que de petits mamelons, et l’orifice buccal démesurément distendu ne se traduit plus que par un pli circulaire, au-delà duquel la teinte et la nature des tissus sont très différentes, puisqu'ils appartiennent aux téguments du corps. Dans une évagination de moyenne étendue, on voit (pl. XXX, fig. 11) comme trois tuyaux de longue-vue en partie tirés. C'est d'abord à la suite de la bouche (ob), c’est-à-dire à la limite des tégu- ments, une membrane (g) blanche formant comme un premier tuyau rétréci, auquel en succède un second (s), plus petit, semblant sortir du premier; enfin, un troisième (r), d’un diamètre plus faible, ar- rondi, faisant saillie hors du second, Ce dernier, couvert de dents acérées, est la râpe linguale elle-même, évaginée, 484 H. DE LACAZE-DÜTHIERS. Dans le cas d'évagination complète (id., fig. 10 ; ph, paroi du pha- rynx retourné ; ob, ouverture buccale ; 4/, bulbe liugual ; r, radula), le bulbe lingual mesure plus de la moitié de la longueur totale du COrps. La radula est, dans la Testacelle, plus facile à analyser que dans beaucoup d'autres Mollusques ; quoique compliquée, sa structure se reconnaît sans difficulté, et, comme elle est très volumineuse, ses éléments peuvent aisément être dissociés. On sait que la râpe des Gastéropodes est supportée par un carti- lage, enfermée dans une gaine et entourée de muscles puissants. L'ensemble de ces parties constitue le bulbe lingual dont la portion supérieure est occupée par une cavité limitée en arrière par une membrane formant, à proprement parler, le palais ou plafond de la cavité buccale. | lei l'allongement du bulbe a modifié la cavité buccale proprement dite. Dans un travail ultérieur, je donnerai le moyen précis pour arriver à la définition de cette partie, fort variable chez les Gastéro- podes, et dont les transformations DS a sont fort inté- ressantes à étudier comparativement. Sur une Testacelle, morte après asphyxie dans l’eau et ayant con- servé son bulbe lingual rentré autant qu'il peut l'être, on trouve, au- dessous de l’orifice extérieur buccal de l'extrémité céphalique, d’abord un tube membraneux; puis, à quelque distance de l’orifice, un an- neau musculaire très marqué; enfin vient un autre tube unissant l’æsophage et le sac radulaire. La partie du tube après l’orifice buccal extérieur jusqu’au muscle circulaire, que MM. Fischer et Gassies ont appelé le constricteur supérieur de la bouche, peut être considérée comme une courte trompe, qui se retourne en dehors lors de l’évagination du bulbe; au-dessous du sphincter, le tube est une dépendance de la bouche proprement dite; c'est cette partie qui forme le second manchon, celui qu’on vient de voir au-dessous du muscle sphincter; jusqu’à la radula, la distance est plus grande que du sphincter à l’orifice HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 485 extérieur, et cette partie de la bouche peut s’allonger beaucoup, car elle est fort extensible. Habituellement la radula, dans la partie étalée en dehors de sa gaine productrice, forme le plancher de la cavité buccale. Ici, l’on voit que cette cavité est un tube fort allongé, qui rejette assez bas l’origine: de l’œsophage. Cette disposition est la conséquence de la nature même de la nourriture et de la forme allongée de la proie (pl. XXX, fig. 10 et 11 ; æ, entrée de l’œsophage). Le bulbe lingual est, pour ainsi dire, flottant dans la cavité géné- rale ; il jouit de la plus grande mobilité, bien qu'il soit retenu par de nombreux paquets de fibres musculaires allant de son extrémité inférieure jusqu’à l'extrémité inférieure du pied. Aussi, suivant qu’on l’étudie après des contractions d'intensité variée, se présente-t-1l dans des positions fort différentes ; mais, qu'il soit plus ou moins haut ou incliné à droite ou à gauche, il occupe toujours un plan antérieur aux organes génitaux, à l'estomac et au foie. En ouvrant donc l'animal par le dos, on ne le voit qu’en haut et fort peu (pl. XXXIL, fig. 29, 4), bien qu'il atteigne les proportions de 2 et même 3 centimètres de longueur (pl. XXX, fig. 13, 4). Dans la plupart des Mollusques dont le bulbe lingual n'offre pas comme ici des proportions exagérées, il paraît comme une sorte de renflement sous-buccal, renflement que, par la dissection, on recon- naît toujours placé en avant de l’'æsophage ; ici on trouve tout de suite en ouvrant le corps et en écartant les organes, sans autre préparation, une sorte de boudin cylindrique, pendant au-dessous de l’origine de l’æsophage, et que ses attaches musculaires supé- rieures retiennent dans sa position, Sa surface est blanche, lisse et brillante, comme satinée. I faut remarquer que, chez la plupart des Gastéropodes, le bulbe paraît formé de deux parties latérales, semblables et symétriques, entre lesquelles se montre plus ou moins élargie ou allongée l’ex- trémité inférieure du sac lingual proprement dit ou partie produc- trice des dents de la carde, Ce sac ne forme quelquefois qu’un 486 H. DE LACAZE-DUTHIERS. tubercule, comme dans la Paludine, les Limaçons, etc.; tandis que, chez les Turbos, les Patelles et autres espèces, il prend des propor- tions et une longueur énormes, si bien que Troschel a proposé d'appeler Tænioglosses quelques mollusques à long ruban lingual. Ici rien de semblable ne se présente. Si l’on reconnaît dans la composition de l'organe deux moitiés semblables; ce n’est que par la dissection ; mais on peut cependant la préjuger en remarquant la disposition symétrique des paquets musculaires rétracteurs, qui, partant d’un raphé médian, se partagent en deux moïitiés latérales, du côté de la ligne dorsale (pl. XXX, fig. 14, mr). Dans la Testacelle, la partie jouant le rôle de matrice de la radula est tout à fait cachée, enveloppée dans les muscles puissants qui, eux-mêmes, en se réfléchissant, viennent se loger dans la cavité du cartilage (pl. XXXI, fig. 17, ma). Commencons donc l'étude de cet appareil compliqué par la partie que j'appellerai fondamentale, ou pièce de soutien, celle qui, dans quelques espèces, peut être désignée par le nom de cartilage, mais qui ici, comme on va le voir, en raison même de sa structure in- time, ne mérite pas ce nom seul. Le cartilage ou pièce de soutien est fort différent de ce qu'il est dans beaucoup de Mollusques. Sa forme est bien en rapport avec le rôle qu'il doit remplir ; mais sa structure présente quelques dispo- sitions intéressantes à signaler, Sa forme (pl. XXXI, fig. 22 et 23) est celle d'un demi-cylindre, non pas exactement régulier, mais un peu comprimé vers son milieu ; il est terminé en haut par une calotte, qui transforme cette extrémité en une sorte de capuchon arrondi ; en bas, il est plus ou moins bifide suivant les individus, et toujours ses deux moitiés latérales sont unies par une lamelle médiane (24., fig. 148 et 19, car, car). Les bords de la gouttière qu'il représente sont plus rapprochés vers le milieu de la longueur qu'aux deux extrémités ; aussi, dans une série de coupes faites à des hauteurs différentes, trouve-t-on la HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 487 courbe en forme de croissant, qui se présente, plus ou moins ou- verte, quelquefois presque fermée par le rapprochement des bords libres des deux moitiés. Quand on enlève les divers plans de fibres musculaires qui la re- couvrent, la pièce centrale ou de soutien conserve sa forme. Le capuchon terminal supérieur est peu accusé ; mais, lorsque l’animal meurt, sa radula étant évaginée, alors on voit qu'il a subi comme une légère inflexion en haut et sa courbure est plus marquée (fig. 17, car). Il est des animaux chez qui il suffit d'enlever une parcelle des tissus de la pièce de soutien pour y trouver très vite et exclusivement l’ap- parence de la texture cartilagineuse ; ici, ce n’est pas sans étonne- ment qu'en faisant des coupes dans ce que je supposais être pure- ment un cartilage, je n’ai vu tout d’abord que des fibres musculaires. Cela était fait pour étonner, car la pièce de soutien n’est pas facile à déformer ; elle conserve sa rigidité, et, dans l’évagination exagérée de la radula, elle paraît au travers des membranes minces, buccales, avec sa forme et son apparence très caractéristiques (pl. XXX, fig. 10). Des fibres musculaires seules pourraient-elles conserver une forme aussi persistante et devenir une pièce aussi résistante qu’un carti- lage? pourraient-elles porter hors du corps une arme offensive re- doutable, comme c'est ici le cas ? La structure intime de cette pièce offrait donc un intérêt tout par- ticulier. Voici les faits qu'il sera facile de vérifier, en observant les indications qui suivent. D'abord, chez les animaux conservés, la pièce de soutien durcie par l'alcool offre une plus grande rigidité ; elle est facile à enlever de ses gaines musculaires et à avoir toute dépouillée (pl. XXXI, fig. 22 et 23). Sa surface est lisse et semble couverte d'un glacis de substance transparente, homogène. A l’intérieur comme à l'extérieur du canal qu’elle forme, on trouve partout ce caractère. Dans le fond de sa gouttière sur la ligne médiane court un bour- 488 H. DE LACAZE-DUTHIERS. relet longitudinal et médian, qui descend du bout du capuchon jus- qu'à l’angle de bifurcation de l'extrémité inférieure (pl. XXXI, fig. 23, ou dans les coupes, fig. 26,0). Ce bourrelet transparent, bien évident, est de moins en moins saillant à mesure qu’on l’observe plus bas (fig. 48 et 19). Le plus souvent sur le dos et correspondant en dehors à la ligne médiane, une très légère dépression tout à fait superficielle marque le milieu de la pièce (id., fig. 26, o). | Sur la surface extérieure, dans la moitié inférieure on voit se diri- geant obliquemment de chaque côté, l'insertion des deux muscles qui s’euroulent obliquement de bas en haut, de dehors au dedans pour constituer en se réfléchissant dans la gouttière de la pièce de soutien un autre muscle destiné à enfermer la matrice même de la radula (pl. XXXI, fig. 17, ma, matrice). Sauf cette double insertion de deux muscles obliques, la pièce de soutien surtout dans la partie supérieure estlibre d’adhérences, tou- tefois en la débarrassant de ses enveloppes on voit, lelong de la ligne médiane dorsale, quelques fibres qui l’unissent aux couches muscu- laires extérieures environnantes. En faisant une coupe (pl. XXXI, fig. 18, 19) perpendiculaire à son axe, la figure qu'on obtient est constante et rappelle un croissant dontles deux extrémités sont arrondies et épaisses. Voici les éléments qu’on observe facilement dans l’intérieur des coupes de la pièce de soutien. D'abord à l'extérieur existe une couche relativement peu épaisse, très transparente, hyaline, et dans laquelle la nature cellulaire se trouve démontrée par la rangée des noyaux gros et irréguliers | faisant élection des matières colorantes, tandis que le reste de l'épaisseur se colore fort peu, des lignes très délicates et fort diffi- ciles à faire manifester par les réactifs se dirigent perpendiculaire- ment à la surface et apparaissent fort différemment suivant les pré- parations sur les bords delagouttière, vers l'extrémité des croissants, dans la partie supérieure. Ces cellules, qui ne forment le plus géné- 1 HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 489 ralement qu’une seule couche, semblent s'empiler sur deux et trois rangs, mais l'enveloppe générale n'offre qu’une seule assise (pl. XXXI, fig. 26, 0). Enfin sur le milieu, dans la partie correspondant au bour- relet, on voit clairement des noyaux se colorant avec intensité et for- mant un semis dans la substance hyaline, entre eux sont disséminées des traînées légères accusant à n’en pas douter des séparations cel- lulaires. qui restent encore dans le vague et que le plus souvent la présence des noyaux permet seule de déceller. En examinant la surface même de ce bourrelet et ses côtés, on voit cependant des lignes limitant un ensemble de petits espaces polygonaux qui rappellent bien le partage des cellules cartilagineuses (pl. XXXIX, fig. 82) telles qu’on l’observe dans une foule de mol- lusques marins. Entre les deux couches limitantes, qui sont toujours fort carac- térisées et dont les noyaux se trouvent plutôt placés du côté de la surface externe que profondément, on voit des fibrilles tendues et rectilignes allant d’un bord à l’autre de la coupe (fig. 26, p.). Ces fibres se voient avec une grande netteté sur les animaux même fort anciennement conservés; aussi la première impression en les voyant est que la pièce de soutien est formée: d’un tissu fibreux re- couvert de cellules cartilagineuses. Vers les extrémités du croissant, surtout dans la partie haute de la pièce, les fibres paraissent tenues écartées par de petits amas fusiformes composés de corpuscules, de cellules, à contenu plus ou moins granuleux et à noyaux fortement accusés et facilement colorables (fig. 27 et 28, s, s). Les fibrilles, qui sans se diviser paraissent tendues d’une surface à l’autre, toujours perpendiculairement à ces surfaces et au grand axe de la pièce, sont serrées et fort régulièrement disposées; au centre, elles semblent rayonner vers le bourrelet (fig. 26) occupant le fond du croissant, puis elles sont toujours et partout parallèles entre elles et perpendiculaires aux limites qu’on a vues formées par la couche de cellules hyalines cartilagineuses. 490 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Au point de contact de ces fibres et de la couche hyaline limi- tante on voit l'extrémité de chacune d'elles arrondie et, sous {un fort grossissement, la ligne marquant l’ensemble des extrémités est comme un feston dont les dents très délicates répondent à leurs terminaisons (même pl., fig. 28). Une réaction acide après l'immersion dans une matière colorante telle que le carmin au borax, ou lepicrocarminate, le simple carmin ammoniacal, détermine la manifestation fort évidente des noyaux, qui, dans une coupe perpendiculaire à l’axe longitudinal, paraissent allongéset fusiformes. Ordinairement les noyaux sont en plus grand nombre dans une zone voisine de la surface convexe extérieure de la gouttière. Ils sont moins nombreux du côté interne du croissant, Vers les extrémités des branchesils sont fort rapprochés et répandus également partout (pl. XXXI, fig. 27, s). Les réactifs chimiques colorants et durcissants produisent toujours les mêmes effets, maïs les manipulations, pour arriver aux coupes dans la paraffine, rapetissent beaucoup les pièces, et rendent l’ob- servation moins facile en défigurant les éléments. J'ai surtout employé le procédé que j'ai indiqué il y a long- temps !. Après avoir empâté la pièce colorée dans de la colle à bouche liquéfiée et l'avoir fixée sur une tablette de cette même colle solide, mais un peu ramollie, et l’avoir recouverte avec des lames minces de gélatine simplement humide, j'ai obtenu au rasoir et à main levée sous la loupe des lames d’une excessive délicatesse qui, traitées par l'acide formique surtout, m'ont donné des résultats par- faitement démonstratifs. L'action de cetacide gonfle etéclaireit les fibres, accuse les noyaux et ne laisse aucun doute sur la nature musculaire du tissu. Quand la gélatine a été dissoute par l’eau, la couche de cellules hyalines limitant la courbe du croissant se tuméfie et se contourne ; l’acide met en jeu l’élasticité de la couche des cellules cartilagineuses, et par 1! Voir Archives de zoologie expérimentale et générale, vol. VI, p. xxxvin. Notes et Revue. HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 491 le recroquevillement les deux cornes du croissant s’enroulent en spirale en sens inverse. Alors les fibres musculaires se dissocient d'elles-mêmes et deviennent les rayons du centre d’enroulement placés sur le bourrelet médian. Dans ces préparations, on trouve des fibres tournées sur leur plat et alors les noyaux paraissent ovales et aplatis (pl. XXXL,fig. 28, p, p', 500 diam.). Les fibres musculaires sont plates. Dans une coupe perpendicu- laire à l’axe de la pièce de soutien elles sont vues de champ par leur tranche et non par leur surface. Il est préférable de faire les coupes à l’aide du procédé indiqué plus haut que par l'emploi de la paraffine. Il est vrai que les éléments du tissu sont excessivement contournés ; mais lorsqu'on a d’abord pris une connaissance générale de lélément histologique, on peut avec ce procédé acquérir sur la disposition et la grandeur relative des parties des notions plus exactes qu'avec la paraffine. Il nous paraît donc qu'ici l'élément cartilagineux est représenté à la fois par les deux couches externes et internes hyalines, plus épaisses dans le bourrelet médian intérieur de la gouttière, et par les lacunes remplies de cellules occupant entre les fibres musculaires vers les extrémités du croissant les espaces fusiformes. Du reste, dans la Limace et les Hélix, au point de vue histologique, la pièce de soutien offre une grande analogie avec ce que l’on vient de voir; seulement l'élément musculaire est beaucoup moins abon- dant et régulier qu'ici; les lacunes fusiformes remplies d’amas de cellules cartilagineuses sont au contraire beaucoup multipliées. Telle est la pièce cardinale, la pièce centrale de soutien, autour de laquelle viennent se grouper des muscles puissants et sur laquelle reposent les pièces importantes qui nous restent à décrire. Nous aurons à revenir sur elle, à propos du système nerveux, disons seulement pour mémoire en ce moment qu’elle est très riche- ment innervée. La Radula proprement dite ou Carde linquale offre la plus grande 492 H. DE LACAZE-DUTHIERS. analogie avec les radulas surtout des Gastéropodes carnassiers. Il est facile de l'avoir tout entière en ouvrant le bulbe par sa face pos- térieure. Il n’est pas même besoin de faire la préparation si facile et si commode à l’aide de l’ébullition dans une lessive de potasse, on peut l’enlever tout d’une pièce (pl. XXXI, fig. 17, 20, 21, 22, 23, 24 et 25). On aura une idée exacte de sa disposition générale (fig. 20 et 21), si l’on imagine un cornet dont on aurait d'abord enlevé une moitié de la partie élargie et puis rabalttu en dehors la portion non enlevée. Le reste du cornet, ce qui est le sommet du côñe, est de faible di- mension comparée à la partie rabattue, celle-ci est large et descend parallèlement à la portion infundibulaire restée intacte (pl. XXXI, fig:20;,21): On le voit, on peut considérer la radula ou la carde proprement dite comme formée de deux moitiés, l’une tubuleuse se terminant en tube conique, l’autre étalée et large qui, par une flexion forcée, s’abaisse et devient parallèle à la première. La partie tubuleuse est au centre de tous les éléments constituants du bulbe dont elle occupe l’axe, l’autre, sans devenir absolument ex- térieure, est cependant réfléchie en avant de la pièc: cartilagino- musculaire et des gros muscles protecteurs. Une membrane chitineuse, épaisse et résistante, sert à la fixation des dents acérées de la râpe, elle est souple et permet à l’organe tout entier de se modeler sur les proies et d’obéir à tous les mouve- ments que déterminent les muscles nombreux du bulbe. En se réfléchissant en bas, la partie étalée forme un capuchon qui coiffe très exactement le sommet recourbé de la pièce de soutien (pl. XXXI, fig. 17). Nous reviendrons sur ce rapport qui explique facilement la sortie au dehors de la radula. La partie infundibulaire cylindro-conique, légèrement courbée d’arrière en avant, est terminée inférieurement par une pointe coupée un peu obliquement, sur laquelle une ligne établit la démarcation HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 493 entre la partie productrice ou matrice des dents et la partie tubulaire où sont pressées les dernières pièces complètement développées. Je remettrai à une autre publication l’étude de la structure intime de la matrice de la radula, Je dirai seulement que sur la ligne mé- diane postérieure descend, depuis l'ouverture supérieure de l’infun- dibulum dans l’æœsophage jusque vers le sommet pointu de la ma- trice, un bourrelet cellulaire épithélial, lequel vers son extrémité inférieure produit les dents qui se rangent en séries latérales et sy- métriques. Ces séries de dents sont perpendiculaires à l'axe de l’infundibu- lum ; elles décrivent deux courbes venant se rejoindre sur la ligne mé- diane où se trouve la dent impaire (voir pl. XXXI, fig. 20, 21 et 24). Il est utile d'étudier la forme des dents à différentes hauteurs de la ràpe et à différents points des séries, leur longueur varie en effet avec leur situation, de même que leur courbure, circonstances dont il faut tenir compte si l’on veut se servir de leurs caractères pour la spécification. Les dents sontsimples, allongées et cylindroïdes, terminées par une pointe aiguë (pl. XXXI, fig. 25) à leur extrémité libre. Elles portent deux apophyses arrondies en forme de talon (2d., 1", 4”, 4', 4", dont l'une est à peu près au milieu de la longueur et l’autre à l’extrémité opposée à la pointe. Ces deux talons sont reliés par une arête saillante qui court sous la tige de l'une à l’autre. L'apophyse médiane est toujours en dedans de la courbure dans la concavité et à cette courbe correspond aussi le crochet en retour placé sous la pointe. Cette arête fournit la ligne à insertion de la membrane chiti- neuse dans laquelle sont immergés les talons des dents {pl. XXXI, 6125, 1,4", 4"). Le croc ou la pointe de la dent est formé par son extrémité libre conique ; il est fort acéré, un peu infléchi dans le sens de la courbure générale. Non loin de sa pointe et du côté de sa concavité une en- coche obliquement taillée produit une sorte de denticule en retour, 494 H. DE LACAZE-DUTHIERS. qui ne permet pas à la dent, une fois implantée dans les tissus, d’en sortir. C’est quelque chose de semblable au croc d'arrêt qui fait suite à la pointe d’un hamecon (fig, 25, 3 cr). On sait combien, sousle microscope, les dents de radula semblent changer de forme, quand elles sont éclairées par des incidences di- verses de la lumière transmise. Cela tient à des effets de réfraction causés par les nouvelles directions des rayons lumineux sur des pans coupés souvent fort obliques. Il en est pour ces corps comme pour les cristaux, chez qui une position nouvelle semble faire apparaître des arêtes ou des lignes obscures parfois fort embarrassantes pour l'observateur. Ici la forme cylindroïde et l’absence de facettes écartent un peu ces difficultés d'observations. J’ai donné la figure de plusieurs dents prises à différents points d’une rangée étendue de la ligne médiane au bord de la partie étalée et réfléchie, de facon à bien montrer la dif- férence des grandeurs et des courbures (pl. XXXI, fig. 25). Le dessin montre la courbure plus forte dans la première dent (1) un peu tordue ayant une longueur un peu moins grande que dans la dernière (4), où la torsion est à peine sensible. Aussi dans celle-ci, les deux talons sont-ils sur le même côté que l'encoche formant le denticule d’arrêt. Quelques dessins ont été donnés de la radula qui ne me semblent pas être l'expression de la vérilé; j'ai copié à la chambre claire une partie de deux séries pour montrer la position respective des dents (fig. 24) couchées et se recouvrant. Les séries des deux côtés sont séparées par un sillon médian qui règne depuis l’extrémité inférieure de la matrice jusqu’à la limite de la lame réfléchie. Au fond de ce sillon, se cache, une petite, très pe- tite dent médiane impaire, qui n’a pas été signalée, je crois, et qu'on ne voit qu’à l’aide d'assez forts grossissements, 200 et 300 diamètres. Il importe donc de rectifier la formule dentaire que j'écrirai, d’abord en représentant les deux côtés pour éviter tout mal entendu, comme suit : (4) + (18) + (0 + (18) + (1). HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 495 Il faut encore interpréter cette formule qui ne représente pas exac- tement l’état des choses. | La dent impaire médiane, fort petite, échappe facilement à l’obser- sation, elle a pu être méconnue ayant la forme d’un très simple petit stylet; quant aux dix-huit dents latérales, elles sont d'autant plus grandes qu’on s'approche davantage du bord de la lame, à peu près comme l'indique la figure 25. Mais la première dent voisine de la dent médiane impaire est tou- jours plus petite et n’a pas un caractère aussi nettement tranché que celles qui la suivent et arrivent près de la fin de la série; enfin, à l'extrémité de chaque rangée il y a une dent, comme cela résulte de la formule ci-dessus, plus petite que celles qui la précèdent, 1l serait donc mieux d'écrire la formule ainsi : AHATHAI)HC)H HAT + 0), Ou bien en supprimant la moitié : CENENTEZ) Les séries, en partant du sillon médian, décrivent des courbes pa- rallèles à convexité supérieure, dans lesquelles les talons des dents, empâtés dans la membrane qui les porte, sont du côté de la conca- vité, et en général les dents se recouvrant les unes les autres dans la moitié de leur largeur, le talon médian de l’une répond à peu près au talon terminal de celle qui la suit, en outre la pointe libre est dirigée du côté du sillon impair médian et le talon terminal corres- pond au côté externe. Il suit de là encore que la convexité de la dent correspond aussi à la convexité de la série. Vers le bord externe les dents ont une longueur presque double de celle du milieu, là elles sont presque droites, à peine courbées; aussi leurs rapports sont-ils modifiés, car elles sont plus redressées et moins couchées les unes sur les autres. Il résulte de cette disposition que, par suite de l’inflexion de la ra- dula, les dents de ses deux extrémités ont des directions totalement différentes et opposées. Dans l’infundibulum elles sont dirigées de haut en bas, leur pointe 456 H. DE LACAZE-DUTHIERS. aiguë hbre est inférieure; dans la portion réfléchie, le point d'’at- tache étant inférieur, l'extrémité libre est supérieure; dans la partie moyenne, elles sont horizontales, leurs talons terminaux étant an- térieurs et la pointe aiguë en arrière. Or, cette disposition est éminemment favorable à leur action ; car pendant l’évagination, c’est-à-dire pendant le renversement de l’or- gane au dehors, les dents ont leur pointe libre supérieure, puis elies prennent une position tout à fait inverse quand l’invagination se produit. Pendant le mouvement elles ne peuvent que s'implanter dans la proie qu’elles touchent, puisque de verticales à pointe su- périeure qu'elles sont, elles doivent redevenir verticales en décri- vant presque une circonférence, et arriver à avoir leur pointe infé- rieure. Elles pénètrent donc par le seul fait du retrait de la radula. Aussi plus le nombre de dents évaginées est grand et plus les chances de réussite dans le harponnement sont grandes. Pour exécuter les mouvements, nécessaires à son action, la radula doit être mue par des muscles répondant à l’évagination et à l’inva- gination. Il y a d'abord des muscles extérieurs au bulbe produisant les mouvements de tout l'organe. Ensuite il y a des mouvements qui se passent dans le bulbe lui-même, et ceux-ci ont pour but de favo- riser l’action propre des dents de la ràpe. Porter au dehors ou faire rentrer le bulbe tout entier, telles sont les fonctions des muscles extrinsèques ; faire agir l’une des parties in- térieures, tel est le rôle que jouent les muscles intrinsèques. Les muscles extrinsèques sont eux-mêmes de deux ordres. Le groupe le plus puissant est celui des rétracteurs (voir pl. XXX, fig. 13, 14, 16, mr). Fort nombreux, ils s’attachent sur la ligne médiane dorsale du bulbe dans la moitié inférieure de sa longueur. Quoiqu'ils paraissent ne former qu'un paquet de rubans d’un blanc nacré, ils naissent cependant sur deux rangées symétriquement placées de chaque côté HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 497 de la ligne partageant le bulbe en deux moitiés symétriques. Ils sont fort nombreux dans la Testacelle commune (7°. haliotidea), leur nombre s'élève pour chaque côté de 42 à 15. Ces chiffres ne m'ont pas paru être absolument constants. Cependant MM. Fischer et Gassies ont considéré le nombre comme pouvant aider à la diagnose des espèces ; ils indiquent la Testacella Mauger comme n'ayant que trois ou quatre rubans. Il ne m'a pas été possible de vérifier cette indica- tion, n’ayant plus un seul individu de cette espèce à ma disposition. Les deux rubans rétracteurs les plus larges, les plus longs et aussi les plus épais, sont fixés à l'extrémité libre inférieure du bulbe, les autres un peu moins longs s’attachent plus haut. Dans les différents dessins leur nombre n’a pas été toujours rigoureusement repré- senté. Leurs contractions très violentes les rendent onduleux, et ceux des deux côtés se mêlent en formant un gros paquet en appa- rence unique (pl. XXX, fig.13, mr). Quoi qu'ilken soit, ils se portent à gauche et vont se perdre dans les parois inférieures du corps, en mèê- lant leurs fibres terminales avec celles du pied et du cou; vers leurs insertions inférieures ils décrivent une courbe, et à mesure qu'ils se rapprochent de plus en plus de la ligne médiane, les bandelettes les plus antérieures s’unissent surtout à la face interne du pied, tandis que les dernières, les plus longues, arrivent jusqu’au-dessous de la partie correspondant au manteau et au tortillon. On sait que le muscle columellaire des Gastéropodes contient des fibres musculaires d'ordres divers. Toujours les fibres des rétracteurs de la radula s’accolant en un faisceau venant du pied entrent dans sa composition, ici le tortillon est, on l’a vu, extrêmement petit et la coquille qui le renferme n'offre pas une surface et une base assez grandes et fortes pour donner insertion à un gros muscle columellaire qui, du reste, n'aurait pas de raison d'être. Aussi quelques fibres du pied remontant dans la base de la partie sous-coquillière et accompa- gnées par les fibres les plus médianes des rubansradulairesinférieurs viennent, au côté droit du tortillon, au-dessous de l’orifice respira- toire, former un petit faisceau qui représente morphologiquement le ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEN,. — 9€ SÉRIE, — T. v. 1887, 32 498 H. DE LACAZE-DUTHIERS. muscle columellaire tout entier. Ce muscle puissant chez les Gastéro- podes à grosse coquille turbinée ramène avec une grande force le corps tout entier dans l'intérieur de la coquille. Ici (pl. XXX, fig. 13, mr, pl. XXXIL, fig. 29, mr) rien de semblable; c’est au bas de l'éventail qu’on voit le vrai muscle rétracteur ou columellaire, et non celui qui s’observe sur le dos de la partie du manteau cachée sous la coquille (pl. XXIX, fig. 2 et 7, à, t,). Le faisceau musculaire s’at- tache d’ailleurs à la partie qui représente la columelle et qui est ici à peine tordue; aussi trouve-t-on les extrémités de ses fibres sur le côté droit du tortillon (pl. XXXII, fig. 32, mc). La puissance des muscles rétracteurs du bulbe est telle, que dans les animaux qu'on cherche à tuer par l'immersion dans des liquides irritants, l’on trouve quelquefois l'extrémité inférieure de l’organe lingual mvaginée dans le fond de l’infundibulum de la cavité générale d'où il a chassé le foie; quelquefois même, la paroi des poches res- piratoires est en partie retournée par l'extrémité du bulbe qui arrive alors jusqu’à l’orifice pulmonaire. Dans cet état des choses, les té- guments de la tête se sont eux-mêmes invaginés pour permettre à l'organe lingual de descendre dans la partie la plus inférieure du COrps. Les muscles protracteurs (pl.XXX, fig. 13, mp) forment par la réunion des bandelettes délicates qui les constituent deux lames, l’une à droite, l’autre à gauche, naissant sur les flancs du bulbe dans sa partie supérieure, à partir de la limite de l'œsophage. Elles s'insèrent sui- vant, une ligne oblique dirigée d’arrière en avant et de haut en bas en partant de l’origine de l’œsophage et s'étendant dans une lon- sueur égale au quart de la longueur totale de l'organe. Elles n’ont d'autre rapport avec le bulbe que dans le point de leur insertion. En formant deux lames ou deux muscles, elles remontent en arrière jusqu'aux parois supérieures et latérales de la tête, et en avant de la bouche ; enfin elles se rencontrent sur la ligne médiane et concou- rent à former ainsi presque. un tube qui entoure la première partie de la cavité buccale et traverse le collier œæsophagien. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 499 Évidemment quand la partie céphalique se raidit, la contraction des fibres symétriques et synergiques de ce muscle porte le bulbe vers l’orifice buccal en prenant point d'appui autour de lui. Les muscles intrinsèques sont nombreux et compliqués. Le premier (pl. XXX, fig. 16, w, u) est extérieur, et forme une tunique délicate, mince, enveloppant tout le bulbe, c’est le muscle superficiel. Ses fibres sont dirigées peu obliquement d'avant en ar- rière et de haut en bas ; elles se perdent dans le haut autour de la | paroi buccale en remontant jusque vers le constricteur supérieur ; nées sur la ligne médiane antérieure, elles se portent symétrique- ment de chaque côté en passant obliquement en sautoir sur les cou- ches sous-jacentes, pour arriver à l'insertion des bandelettes nom- breuses des rétracteurs du bulbe. Elles sont en certains points presque verticales à partir des premières bandelettes des rétrac- teurs, c'est-à-dire de la moitié de la longueur du bulbe. Les fibres supérieures sont beaucoup plus fortes et semblent former comme un muscle spécial embrassant l’origine de l’œsophage en remontant | | sur les parois buccales, vers le point où se réfléchit la radula. Au-dessous de ce muscle, on trouve une seconde couche de fibres circulaires perpendiculaires à l’axe du bulbe formant avec lui une première enveloppe constituée comme du reste dans l'intestin, dans lequel on trouve une tunique externe à fibres longitudinales et une tunique interne à fibres circulaires. En enlevant ces deux couches musculaires on rencontre en avant et en haut la portion réfléchie de la radula enfermée dans une poche (pl. XXX, fig. 16, sp’, et, 15, rd), membraneuse, de nature épithéliale et résistante. Des bords inférieurs et latéraux de cette poche, naissent des bandelettes fort délicates formées de fibres musculaires qui vont s'attacher en bas sur le bord inférieur de la pièce de soutien et sur les côtés de cette pièce (id., id., w, w). Ces bandelettes, en se rac- courcissant, abaissent la poche linguale et par conséquent agissent pendant l’évagination de la radula, puisque la membrane qui porte 300 H. DE LACAZE-DUTHIERS. les dents est fixée par ses bords sur les limites latérales et inférieures de cette poche. Quelques faibles paquets de fibres antagonistes à celles-ci s’atta- chent, d’une part, au dos du capuchon supérieur de la pièce de soutien (pl. XXX, d'autre part, fig.16,v)et, d'autre part, à la face postérieure du sac lingual; leurs contractions doivent, quand les premières ont cessé d'agir, relever la poche linguale etaider à l’invagination de la radula. Sur les côtés de ces bandelettes et en bas, quand on a enlevé ie muscle superficiel, paraît la pièce de soutien ; mais on n’en voit qu'une partie, car elle est encore recouverte par un autre muscle puissant auquel elle donne attache. En effet, la gouttière du cartilage est remplie par une masse cylindroïde de laquelle partent sur la ligne médiane postérieure deux muscles symétriques qui, à droite et à gauche, descendent du sommet du capuchon sous lequel ils sem- blent naître en se recroquevillant comme des oublies et viennent s'insérer tout du long d’une ligne verticale quipartage en deux moi- tiés les faces latérales de la pièce de soutien (fig. 16, g). Ces deux muscles latéraux sont unis si intimement avec la partie centrale qu’on peut les croire dépendant les uns des autres. La partie centrale (pl. XXX, fig. 16, y’) occupe toute la gouttière du cartilage, elle forme un second tube inclus dans le premier (pl. XXXI, fig. 17, 18, y’). Les deux moitiés de ce tube sont unies par un raphé médian antérieur et leurs bords se rapprochent en arrière, mais sans confondre leurs éléments. Là sur ces bords, un peu rentrés vers l’axe de l’organe, naissent les fibres du muscle latéral oblique allant de la ligne médiane postérieure du bulbe, au milieu de la face latérale du cartilage sur laquelle elles se terminent. Si, reprenant les fibres de ce muscle oblique à leur point d’inser- tion sur le cartilage, on les suit, on voit qu’elles remontent pour arri- ver à la ligne médiane postérieure, que là celles des deux côtés | se rapprochent sans se souder et se réfléchissent en dedans pour constituer le tube musculaire à fibres verticales, lequel se loge dans la concavité du cartilage (pl. XXXI, fig. diverses, y' y). HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 501 Enfin, si l’on remarque que les muscles rétracteurs inférieurs et extrinsèques s’insèrent sur la ligne médiane postérieure du bulbe (pl. XXXI, #r) et que lorsque, déchirant avec soin le tissu conjonctif qui enveloppe toute la partie sur la ligne médiane, on voit.les ban- delettes rétractiles faire suite aux bords réfléchis du muscle oblique, on est conduit à penser que le muscle creux intérieur, concentrique au cartilage, se déroule au dehors de celui-ci, en le recouvrant en partie et s’attachant à lui, mais qu'aussi les muscles rétracteurs du bulbe viennent mêler leurs fibres d’origine à celles de ce muscle tubuleux dans l’angle dièdre que forment leurs deux bords réfléchis en dedans sur la ligne médiane postérieure. Il est maintenant aisé de fixer nettement la position de la radula (pl. XXXI, les figures diverses 17, 18 et 19). On vient de voir que le muscle creux interne forme un tube co- nique fermé en bas, ouvert en haut, et logé en entier dans le canal de la pièce de soutien, son ouverture supérieure étant placée presque en dessous du capuchon. La matrice de la radula est logée dans la cavité de ce tube mus- culaire interne ; elle y pend dans toute la longueur de sa partie cy- lindroïde (pl. XXXI, fig. 17, 18, ma), et de la sorte sa portion large et réfléchie repose en se renversant en dehors et en avant sur le sommet du capuchon du cartilage. Elle y est retenue et attachée par un collier de tissu conjonctif tendu entre la limite du muscle creux et le pourtour de l'entrée de l'infundibulum radulaire. En observant à la simple loupe le sommet de l’infundibulum cor- respondant à la matrice, on voit une ligne oblique au-dessus de laquelle se dessinent les denticules, tandis qu'’au-dessous d’elle les tissus offrent une différence très grande avec la partie où est déjà formée la râpe. En avant et en arrière de cette partie naissent des bandelettes musculaires peu obliques, presque verticales, qui vont sinsérer sur les raphés correspondants antérieur et postérieur du muscle creux interne (pl. XXXI, fig. 17, 2). Il suffit d'observer la direction de ces fibres pour reconnaître que 502 H, DE LACAZE-DUTHIERS., les postérieures dirigées en haut doivent relever l’infundibulum, et par conséquent être les coadjutrices des muscles de la poche linguale existant en avant et sous le muscle superficiel; tandis que les pa- quets antérieurs qui vont s'attacher inférieurement, doivent ra- mener en bas la matrice. Les fibres postérieures servent donc à l’évagination, les antérieures à l'invagination. Quelles sont les fonctions des muscles enroulés en spirale? A cet égard il n’est guère possible que de faire des suppositions. La cavité de ces muscles creux doit être remplie de sang, ils doivent dans leurs contractions servir à chasser ce liquide; mais aussi s'ils le tiennent emprisonné quand ils se contractent, ils doivent donner à tout l'or- gane une rigidité qui favorise son action. Les fibres musculaires de la pièce de soutien doivent en se con- tractant produire aussi la rigidité de la partie et servir par là à faire appliquer la portion évaginée contre l’objet à saisir. Il est en résumé possible, d’après ces conditions anatomiques, de reconnaître quels sont les organes qui projettent au dehors le bulbe tout entier ou bien le font rentrer, et quelles parties servent à en assurer l’action soit en se raidissant, soit en facilitant la sortie ou la rentrée de la lame étalée de la radula. Une dernière observation en terminant l’étude de la radula. Dans la plupart des Gastéropodes, la matrice linguale fait saillie à l'extérieur du bulbe qui semble partagé en deux lobes latéraux symétriques entre lesquels la partie infundibulaire de l’organe s'al- longe d'une facon très différente suivant les groupes ou les espèces même, ici rien de semblable ne se présente, la radula dans sa partie productrice est, on vient de le voir, enveloppée et ne peut être dé- couverte que par l’écartement des deux moitiés du bulbe qui l’en- tourent doublement. La cavité buccale est dans la Testacelle allongée et cylindroïde, elle n'offre pas d’élargissement sur ses côtés; malgré la puissance des HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 503 dents de la radula, elle n’est point munie de plaques protectrices de nature chitineuse, comme cela existe dans beaucoup d'espèces ; seu- lement elle est tapissée par un épithélium pavimenteux à cellules serrées, cubiques, épaisses, ayant un très gros noyau très facilement colorable. Get épithélium est très résistant, et par cela même pro- tecteur. Sur les animaux tués par immersion et commençant à se putréfier, il conserve ses caractères et se détache au pourtour de l'orifice buccal ; aussi peut-on, par une légère traction, l'enlever sous la forme d’un tube dont la longueur égale l'étendue qui sépare l’orifice de la bouche du commencement de l'æœsophage. Dans la poche où se loge la portion réfléchie de la radula, cet épi- thélium est aussi fort caractérisé (pl. XXXIIL, fig. 34). Il forme une cavité supplémentaire par invagination au-dessus de cette poche (pl. XXX, fig. 17, 2) et doit s'étaler lors de l’évagination de la radula pour permettre à celle-ci de se porter plus loin. Sur un épithélium enlevé après macération et bien étalé sur une plaque de verre, lorsqu'on à pris soin de l'imbiber au carmin bora- cique ou toute autre matière colorante, on remarque des points semés çà et là fortement colorés (pl. XXXII, fig. 33, ec, c’, c”). Dans toute l'étendue de la membrane, les cellules cubiques sont placées sur un seul rang; mais dans ces points vivement colorés existe un petit cul-de-sac formé par dépression de la membrane, à la surface de laquelle on voit l’orifice, tandis qu’en dessous pend un petit ma- melon. Ce sont les cellules de ce petit mamelon qui, se superposant, rendent la coloration plus intense. Faut-il considérer comme glandules ces petits culs-de-sac? Rien ne s’y oppose, mais ce sont bien là, s’il en fut, les premiers rudiments d'une glande simple en cul-de-sac. L'orifice buccal, dans la première partie de la muqueuse faisant suite aux téguments externes, se couvre d’une couche assez épaisse . de chitine {pl. XXXIL, fig. 36, a) que l’on voit très nettement, au-dessus de la série des cellules pavimenteuses, sur les coupes minces pratiquées au voisinage de l’orifice buccal. Bien que cette 304 H. DE LACAZE-DUTHIERS, couche ne se colore que faiblement par les réactifs, on l’observe faci- lement. Elle doit protéger les tissus sous-jacents contre les piqüres des dents acérées au moment de leur rentrée, cependant elle ne se prolonge pas loin au-delà de l'entrée de la bouche. L'œsophage' semble exister ou faire défaut suivant l’état de con- traction des animaux, et surtout avec la rentrée plus ou moins pro- fonde du bulbe lingual. Souvent, après l’union de la gaine radu- laire et du tube digestif, celui-ci se dilate et l'estomac paraît s'ouvrir immédiatement au-dessous de la première; quelquefois, au con- traire, un tube de quelque étendue fait suite au point d'union de la gaine et de la paroi buccale, et dans ce cas, il existe évidemment un æsophage, mais toujours fort court. Du reste, en général, chez les animaux qui avalent de grosses proies, le plus souvent, la dis- ünction entre l'æsophage et l'estomac est peu marquée ou s’efface complètement. C'est ainsi que chez les serpents, quelques oiseaux, poissons, etc., l'estomac n’est qu'un grand cul-de-sac ouvert au bas d'un œæsophage aussi large que lui. Ici, la poche que l’on est tout naturellement conduit à nommer estomac, est allongée, ovoïde, suspendue au-dessous du bulbe, et pré- sente de grandes dimensions (pl. XXXIII, fig. 37, Ja); elle est forte et musculaire, et porte sur ses côtés deux masses glandulaires épaisses, lobulées, qui lui sont étroitement unies (pl. XXXII, fig. 29, gs, et pl. XXXIIL, fig. 37, gs). Ces masses sont les glandes salivaires dont les conduits (id., cs), faciles à suivre, vont s'ouvrir très exactement à la jonction du sac radulaire et de la cavité buccale. Ce rapport est constant et doit servir à distinguer les limites de la cavité buccale proprement dite de celles de l’æœsophage. Il ne manque jamais chez les Gastéropodes. Ici une question se présente. Cette poche ovoïde allongée que l’on trouve remplie par les vers de terre que l'animal a dévorés et qui y sont incontestablement digérés, 1 Voir pl, XXXV les fig. 52, 53 et 54 montrant les rapports du jabot et du bulbe lingual. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 905 est-elle bien l'estomac ou l’homologue de l’organe ainsi appelé dans les mollusques ? On verra plus loin et en détail quelles sont les dispositions que présente le tube digestif, mais pour répondre à la question, il faut remarquer que l'estomac des mollusques est toujours en rapport avec l'ouverture des canaux biliaires. Or, ici, il y a une différence très grande entre la partie dilatée du tube digestif où l’on voit se faire la digestion et celle où viennent s’aboucher les canaux biliaires. Il faut aussi ajouter que jamais l’on ne rencontre la partie du tube digestif dilatée par les proies en digestion dans le voisinage de lou- verture des canaux biliaires. Il était nécessaire qu'une proie aussi longue et aussi vivace que les vers püt être, très prochainement, après son entrée, rendue immobile par l’action des sucs digestifs. Aussi, rien ne s'oppose à admettre que. la bile remonte dans cette grande poche, où la disso- lution des vers s'accomplit indubitablement, car on la trouve sur des Testacelles depuis quelque temps et privées de nourriture, encore remplie d’un liquide rouge qui doit certainement sa couleur au sang des lombrics. En général, chez les mollusques, lorsqu'une première dilatation est suivie par une seconde dans laquelle s'ouvrent les canaux hépa- tiques, on appelle la première 7abot et on la considère comme un réservoir; mais ici les rôles semblent renversés, et je crois qu'après ces explications, le nom d'estomac peut continuer à lui être appliqué. L'estomac est suspendu par des fibres musculaires formant deux plans, deux lames, qui vont à droite et à gauche se fixer aux parois du corps (pl. XXXII, fig. 29, a, b). Les glandes salivaires sont aussi retenues dans leur situation par ces mêmes fibres musculaires. La surface de cet organe, lorsqu'on l’observe sur un animal ouvert vivant et dans de bonnes conditions, c’est-à-dire lorsqu'il n’est pas démesurément dilaté par une proie nouvellement avalée, présente à sa surface des stries longitudinales (pl. id., ja, et pl. XXXIIL, ja) irré- gulières, se bifurquant quelquefois, qui lui donnent une apparence 500 H. DE LACAZE-DUTHIERS. analogue à celle que présente chez les animaux supérieurs l'intestin fortement contracté. Cette apparence est due de même aux fibres des muscles des parois qui, en diminuant le diamètre de l'organe, forcent la muqueuse à se plisser (pl. XXXIII, fig. 38, 39, ja, ja); aussi, quand on ouvre l’es- tomac, le trouve-t-on couvert de bourrelets longitudinaux fort épais et lui donnant une apparence veloutée tout à fait caractéristique, L'histologie des parois stomacales est intéressante ; elle montre que les bourrelets qui, dans leur intérieur, descendent du haut en bas, sont formés par une lame très mince de tissu conjonctif et par une couche épaisse épithéliale dont les cellules sont fort longues et py- riformes. Les parois du tube sont constituées par deux couches musculaires, l'une à fibres longitudinales, l’autre à fibres transversales ; celle-ci, plus épaisse, est intérieure. Au dedans de ces fibres musculaires, se trouve du tissu conjonctif très lâche, après lequel vient l’épithélium. Les cellules épithéliales pyriformes ont leur extrémité arrondie la plus grosse tournée du côté de la cavité de l’organe (pl. XXXIIT, fig. 40, 40 bis, 41). Dans les coupes perpendiculaires à l’axe longitu- dinal, les replis de la muqueuse paraissent comme des festons dont les découpures arrondies (pl. XXXIIL, fig. 41, a, b) sont plus étendues que leur pédoncule d'attache et les cellules rayonnant autour d'elles ont leur grosse extrémité tournée vers leur circonférence. Ces cellules, à apparence toute particulière, ont un contenu gra- nuleux et un beau noyau qui se colore aisément par les réactifs or- dinaires (pl. id., fig. 40, 40 bis), mais leurs granulations ne résistent pas aux réactions nécessaires pour arriver aux coupes dans la paraf- fine. Aussi, leur apparence est-elle différente sur une préparation dans laquelle les cellules ont été dissociées toutes fraîches sans réactifs et dans une coupe à la paraffine(fig. 40 bis). Dans la première condition on reconnaît, au-dessus de l'extrémité des bourrelets dus au plisse- HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 907 ment de la muqueuse, une zone transparente (fig. 40, b, d) qui res- semble à cette couche de chitine, exsudée au-dessus de certains épithéliums. En-dessous de cette couche et, dans la partie supé- rieure renflée des cellules, paraissent des globules;ovoïdes assez gros, transparents, réfractant vivement la lumière, qui disparaissent par l’action des réactifs employés pour la coloration et les coupes. Je n'ai point déterminé chimiquement leur nature, mais ils paraissent devoir jouer un rôle dans l’acte de la digestion; on doit du moins le supposer. Ils existent encore quelque peu dans la partie inter- médiaire à la zone transparente externe et la portion supérieure arrondie des cellules, après coloration des noyaux (fig. 40). Il y aurait beaucoup d'intérêt à étudier chimiquement la digestion de la Testacelle. Les cellules qui viennent d’être décrites doivent cer- tainement renfermer un ferment propre à dissoudre;les matières animales, que des recherches de microchimie dévoileraient. Sous la couche de ces cellules, le tissu conjonctif est très lâche et suit la muqueuse dans les plissements que causent les contractions musculaires ; on distingue nettement dans la partie centrale des den- telures ou festons des trainées fibrilleuses et des noyaux qui sont les points d’origine des cellules de nouvelle formation et des cellules jeunes de remplacement naissant entre l’épithélium bien constitué et les lames du tissu conjonctif. | Le jabot est ovoide et vertical, mais au point où il cesse et où le tube digestif se porte à droite, le diamètre change brusquement, et une ligne accusée sépare la partie dilatée que nous venons d'étudier (pl, XXXIIL, fig. 37 et 38) de la suivante qui reçoit les canaux hépa- tiques. À partir de cette ligne, Le tube se porte en se courbant à droite et, subitement, sa direction devient perpendiculaire à l’axe du corps. Non loin de son changement de direction il se réfléchit si complète- ment vers la gauche, qu'il s’accole à lui-même pour revenir tout près de son point de départ ou dela fin du jabot; alors il se porte en haut et à droite et s'engage entre les lobules du foie (pl. XXXII, fig. 37). 908 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Il y a vraiment une certaine analogie entre ces courbures et celles que présente le duodénum des animaux supérieurs. Sans attacher à cette comparaison plus d'importance qu'il ne faut, et pour la facilité des descriptions, on nommera cette anse le duodénum (voir. id., dd). L'ouverture des canaux hépatiques se fait sur la première partie du duodénum, tout près du point où la courbure va se produire et le ramener vers la gauche (dans la figure 37, on voit très distinctement les conduits hépatiques s'ouvrant sur dd). En fendant l'estomac et le duodénum, on reconnaît qu'à l’inté- rieur des différences bien marquées correspondent à chacune de ces deux parties. | Vers la ligne qui accuse la fin de l'estomac (pl. XXXIIL, fig. 38 et 39), les plis de la muqueuse s'arrêtent et forment par leur ter- minaison un bourrelet, au-dessous duquel les plis plus régulière- ment parallèles sont encore bien accusés, mais bien moins déve- loppés ; ils suivent l'intestin jusques au-dessus de l'ouverture des canaux hépatiques, où de nouvelles modifications se produisent. De la fin de l'estomac jusqu'aux orifices biliaires, la tunique mus- culaire est près de trois fois plus épaisse que dans les parois de l'estomac ; c’est l'inverse pour la muqueuse (comparer fig. 38 et 39, es el Ja). Les orifices des conduits hépatiques sont vastes et doubles ; l’un est supérieur, l’autre inférieur (pl. XXXIIL, fig. 39). Leur ouverture même est très large et présente, l’une, celle d'en bas, trois ; l’autre, celle d’en haut, quatre gros replis, qui se prolongent assez loin dans les canaux. *Ces replis paraissent s'élever dans la lumière des canaux biliaires comme des lames, mais sur la moitié seulement de leur pourtour; du côté de la paroi de l'intestin, ils sont accompagnés par huit à dix replis saillants et minces qui s’effacent bientôt (même figure). Après le duodénum, l'intestin a des parois minces et son calibre est régulièrement le même d’un bout à l’autre. Ilremonte entre les lobes HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 509 supérieurs du foie (pl. XXXIIL, fig. 37, int), s'engage entre eux, se reporte à droite et descend en avant de la glande pour s'engager dans l’infundibulum inférieur de la cavité générale, laquelle se pro- longe jusque sous la cavité respiratoire, entre celle-ci et la face dor- sale du pied (pl. XXXII, fig. 30, #n), enfin, il se termine à l'anus (id, fig. 30, an). L’orifice terminal de l'intestin est situé tout près de l'ouverture même de la cavité respiratoire (voir les différentes figures représentant cette cavité) ; il est obliquement coupé en bec de flûte (pl. XXXIII, fig. 42), et ses lèvres se prolongent en pointe vers la partie inférieure de l'ouverture pulmonaire, Un bourrelet saillant (id., fig. 42, a’) existe dans son intérieur du côté de sa face adhérente, et accompagne la pointe inférieure de ses lèvres. Il est toujours béant, et son observation est facile. Les glandes salivaires (différentes figures, gs) sont larges et peu épaisses ; leurs bords déchiquetés sont prolongés en languettes for- mées par des lobules, dont l'épaisseur peu considérable permet de les soumettre à l'observation microscopique directe, même sous un grossissement assez fort. Dans la planche XXXIIT, fig. 43, une extrémité de ces languettes a été représentée en coupe optique; on y reconnait les cellules sali- vaires à gros noyaux, plus ou moins remplies de fines granulations. L'histologie de ces lobules est très facilement lisible; la glande se colore par tous les réactifs, les noyaux très finement granuleux s'imprègnent vite et très bien par le carmin boracique, après un séjour peu prolongé ; sous l'influence de l'acide formique dilué, le tissu devient très transparent et ses éléments se différencient net- tement. Les cellules ont quelquefois un volume énorme. J'ai donné la figure au même grossissement (pl. XXXIIT, fig. 43) des éléments sa- hvaires les plus volumineux en (a) naturels et en (b), tels qu'on les obtient après la coloration et la déshydratation, pour en faire des coupes dans la paraffine. Il suffit d’opposer les différentes parties de 510 H. DE LACAZE-DUTHIERS. la figure 43, pour voir quelles modifications les manipulations et l’action des réactifs font subir à ces éléments. Dans toute l'extrémité saillante et dégagée d’un lobule primitif on peut remarquer au bas (en /) le paquet de fibres musculaires reliant la glande aux parois du corps et de l’estomac, et en même temps les éléments cellulaires du tissu conjonctif formant un revêtement aux acini, qu'ils enveloppent complètement. Ce revêtement, du reste, se retrouve partout ; nous aurons occasion d’en parler de nouveau. Les acini semblables à celui dont il vient d’être question s’empi- lent les uns sur les autres et forment des lobules peu distincts, mais qui existent et dont on démontre bien l'existence par les coupes gé- nérales, dont il m’a paru inutile de donner les figures. Un canal excréteur se dégage très flexueux du bord supérieur de chaque glande, et, comme onile verra, est accompagné d’une arté- riole et d’un nerf. Les nombreuses inflexions qu’il présente sont en rapport avec les différences de volume que subit l’estomac qu'il doit suivre, puisqu'il lui est accolé (pl. XXXIIL, fig. 37, es). Arrivés à l’union de l’æœsophage et de la cavité buccale, en avan du premier, au-dessous de la seconde, en arrière du sommet du bulbe radulaire, les conduits salivaires passent au-dessus des nerfs nés des ganglions stomato-gastriques, en dedans des connectifs stomato- cérébraux, et percent la paroi de la cavité buccale, juste au point où cette cavité passe à celle de l’æsophage. Ces rapports constants chez les Gastéropodes sont ici de la der- nière évidence et très faciles à constater. Le foie, ou ce que l’on est habitué d'appeler ainsi, est une glande énorme occupant une grande place dans l’économie de la Tes- tacelle. Il est d’une couleur un peu jaunâtre, tout en rappelant la teinte brique rougeâtre. En ouvrant le corps sur le dos du cou, on le voit s’élevant assez haut dans la cavité générale (pl, XXXIL, fig. 29, je, fe; pl. XXXII, fig. 37, fe; pl. XXXIV, fig. 45, fe). HISTOIRE DE LA TESTACELLE. o11 Il n’est pas libre dans cette cavité générale. Une membrane très délicate et transparente l’enveloppe de toutes parts; sauf dans le haut, où elle laisse comme un grand orifice par lequel on peut le retirer de cette sorte d’enveloppe péritonéale. Les lobes et lobules s’empilent, laissant entre eux des lignes de démarcation assez brusquement heurtées. On peut admettre dans cette glande deux lobes principaux : l’un supérieur, l’autre inférieur, composés eux-mêmes de lobes et de lobules secondaires, lâchement unis par un tissu conjonctif fort peu serré (pl. XXXIIL, fig. 37 ; ici les deux lobes sont séparés par le duo- dénum, dd), Cette condition rend les lobules faciles à séparer et à'distinguer. C'est l’un des exemples dans les Mollusques où il est le plus com- mode de dissocier les lobules hépatiques et de suivre leurs canaux biliaires. La séparation est si distincte et si nette, qu’il m’arrivera bien cer- tainement de dire souvent le foie supérieur et le foie inférieur, en voulant désigner ainsi les deux lobes principaux. Le lobe supérieur est le principal, Le plus considérable ; il remonte Jusque vers l’origine de l’æœsophage (pl. XXXII, fig. 29, fe). L'infé- rieur, plus petit, est partagé en deux lobes secondaires bien séparés par la glande génitale, qui vient se loger entre eux (pl. XXXIII, fig. 37, gg, glande génitale). Ces deux lobes principaux sont rendus très nettement distincts par une profonde scissure horizontale perpendiculaire à l’axe du corps, laquelle est occupée par l’anse intestinale, aussi constante que remarquable, et dont la ressemblance avec le duodénum des ani- maux supérieurs est frappante. Les canaux biliaires remontent ou descendent, très gros et large- ment ouverts, dans les lobes et lobules; aussi, sur des animaux con- servés dans les liquides, les coupes du foie durei montrent-elles de larges vacuoles qui correspondent aux canaux coupés transversa- lement. 512 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Voici quelle est la forme la plus habituelle des éléments histolo- giques qu'on peut observer dans la glande. il y a de grosses cellules (pl. XXXIIT, fig. 44, a) bourrées de cor- puscules oblongs, réfringents, et qui, lorsque l'endosmose les fait éclater, remplissent le champ du microscope d'éléments granuleux. Cette apparence résulte de la désagrégation des corpuscules ovoïdes transparents. Au milieu de ces cellules, on en rencontre d’autres et en assez grand nombre, plus petites, sphériques {(id., fig. 44, b), fort claires et transparentes, renfermant un ou plusieurs corpuscules arrondis, colorés, réfractant vivement la lumière et ayant l'aspect d’une con- crétion. Ce sont ces concrétions qui donnent la couleur à la glande ; elles sont solides et fragiles, elles éclatent sous une pression légère. Une différence certaine existe entre ces deux éléments ; leur ana- lyse chimique différentielle offrirait de l'intérêt. On sait que, dans le foie des Mollusques, il a été décrit trois ordres de cellules : 1° les cellules hépatiques ; 2 les cellules à ferment ; 3° les cellules dites calcaires. Les premières, ou cellules hépatiques, sont cylindriques et existent dans l’épithélium de la glande ; leur noyau et le protoplasme n'oc- cupent qu'une faible étendue de leur cavité, qui est presque entière- ment remplie par un amas globuleux renfermant des grains colorés, lesquels particuliers à ces éléments, leur valent le nom de cellules granuleuses. Ces grains renferment, eux aussi, des granules très colorés, très réfringents. Il y a encore des gouttelettes de graisse, des grumeaux d’albumine. La couleur des grains devient verte par l’action de l'acide chlorhy- drique et l’acide sulfurique concentré. Ils sont enlevés par l'alcool, et les parties albumineuses par l’'ammoniaque. Les cellules à ferment, variables d'aspect, renferment aussi une masse globuleuse dans laquelle se trouvent leurs éléments caracté- ristiques, variables en grandeur, liquides ou demi-solides et diverse- HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 913 ment colorés avec les espèces. Leurs parties caractéristiques ne ré- sistent pas aux acides, comme chez les premières. Enfin les cellules calcaires, qu’il serait mieux de nommer à calcaire, ont un volume plus considérable ; elles ne font point saillie et sont recouvertes par les autres. On les a considérées comme ne faisant pas partie de l’épithélium et comme dépendant du tissu conjonctif extérieur à la glande. Dans leur protoplasma se trouvent répandus des corpuscules calcaires, solubles dans des acides sans effervescence ; comme l'acide oxalique produit avec eux de l’oxalate de chaux, on en conclut que ces produits sont des sels organiques de chaux. On vient de voir quelle est l'apparence que présentent les éléments histologiques du foie de la Testacelle ; une espèce de ces cellules semble difficile à y reconnaître ; les éléments à concrétions sont toujours fort évidents et facilementreconnaissables. Ils sont variables avec les espèces, j'en ai indiqué de bleuâtres chez le Pleurobranche de Mahon. Il serait fort utile, dansle but d’éclaircir l’histoire de cette glande, que de nouvelles recherches de microchimie fussent entre- prises pour avoir une série d’observalions propres à nous éclairer définitivement. Peu de travaux ont été faits sur les fonctions de la glande hépa- tique des Mollusques ; mais il faut citer les recherches de M. Bour- quelot, qui, avec toute l’autorité que donnent de grandes connais- sances chimiques et une grande habitude des expériences, a voulu savoir quel pouvait être le rôle de la bile chez les Céphalopodes. IL a trouvé dans ce liquide les trois ferments digestifs qui existent chez les animaux supérieurs, mais dans des organes séparés, tels que les glandes salivaires, l’estomac et le pancréas : ce sont, la dia- stase salivaire, la pepsine et la trypsine, tous ferments qui ne se trouvent point dans la bile proprement dite; de sorte qu’une grande différence existerait, d’après ce travail, entre ce qui est le foie dans les animaux vertébrés et ce que nous appelons ainsi chez les Mol- lusques. Dans le cas de la Testacelle, il y aurait un intérêt tout particulier à ARCH, DE ZOOL. EXP. ET GËN. — 9 SÉRIE, — T. v, 1887. 33 014 H. DE LACA\ZE-DUTHIERS. rechercher quels sont les principes actifs qui peuvent agir sur une proie vivante avalée sans être divisée, et qui cependant est digérée avec une puissante activité. Depuis longtemps, en ne prenant que les données anatomiques pour point de départ, j'ai soutenu et enseigné dans mes cours que le foie des Mollusques n’était qu'un analogue et non un homologue de la glande ainsi appelée dans les Vertébrés, qu'il n’était pas possible d’assimiler ni l’estomac ni le foie dans les êtres des deux divisions ; que les fonctions de ces glandes versant leurs produits en dehors ou en dedans de l'estomac ne pouvaient être homologues, et qu'il impor- tait de bien connaître les principes contenus dans les liquides pour pouvoir affirmer quels étaient leur mode d'action ou leur nature. Les recherches de M. Bourquelot sont venues confirmer les opinions que l’observation anatomique avait fait prévoir. VII ORGANES DE LA RESPIRATION. La Testacelle est un Pulmoné déformé. Son manteau ayant été rejeté tout au bas de son corps et le pou- mon étant une dépendance du manteau, c’est à l'extrémité inférieure du corps que l’on doit chercher l’organe de la respiration, puisque c'est là que se trouve le manteau. Habituellement l'organe se reconnaît à sa vascularité, au volume de ses vaisseaux arborescents qui sont saillants sur sa surface, à sa position sur la face dorsale de la cavité palléale ; enfin, les gros troncs veineux qui lui apportent le sang d’un côté, et la grosse veine qui amène le liquide au cœur, suffisent pour faire distinguer à première vue le poumon. Si, dans un LimaCÇon, on détache du cou le bord supérieur du manteau, on tombe dans la cavité pulmonaire et, en rabattant en bas le lambeau formé, on constate facilement les caractères qui »: viennent d'être indiqués, HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 19 Sans difficulté encore, on distingue sur le flanc gauche et un peu en arrière de la cavité le péricarde transparent, dans lequel flotte le cœur ; enfin, sur le bord postéro-inférieur de la cavité ouverte, on voit le sac de Bojanus. | Si, par la pensée, l’on remplace le poumon par une branchie, le panache respiratoire se trouvera en avant du cœur ; mais il peut aussi arriver qu'une disposition inverse existe, c’est-à-dire que le cœur soit antérieur à la branchie. M. Milne Edwards a désigné par le nom de Prosobranches les Mol- lusques branchifères offrant la première disposition, et par celui d'Opistobranches ceux qui présentent la seconde. Si je rappelle cette distinction, ainsi que la division classique des Gastéropodes à la- quelle elle a conduit, et qui sont très généralement adoptées, c'est pour examiner si, dans les Pulmonés, pareille chose ne peut se présenter, et si le caractère tiré de la situation relative des deux organes de la respiration et de la circulation à une aussi grande valeur qu'on l’affirme. Chez la Testacelle, où est le poumon ? Nous avons vu dans la description générale que la partie du man- teau située sous la coquille est lisse et membraneuse, et ne présente pas extérieurement l’aspect d’un poumon; c’est donc plus profon- dément qu'il faut chercher l'organe. On à vu encore que ce n’est pas seulement sous la coquille qu'il existe une cavité communiquant avec l'extérieur, mais que deux grands culs-de-sac remontaient à droite et à gauche, au-dessus de la cavité sous-palléale. En incisant les parois du corps à partir de l’orifice palléal et en re- montant à droite, on découvre descendant entre les deux culs-de-sac _un gros bourrelet adhérant à la paroi antérieure (pl. XXXII, XXXIV, fig. 29, 31 et 45), présentant plusieurs bosselures dues à des étran- glements de grandeur variable avec l'état des contractions, mais à peu près constantes. Une première saillie se présente entre les deux culs-de-sac supérieurs. Un peu plus bas à droite, au-dessus du sillon péripalléal, on voit encore une assez grosse tubérosité, bien limitée F 016 H. DE LACAZE-DUTHIERS. et accentuée. Enfin, au-dessous de ce renflement, le bourrelet se termine en se portant brusquement à gauche, puis va se perdre et s’effacer peu à peu sur la paroi gauche de la cavité sous-coquillière. On dirait que cette dernière partie forme comme un pédoncule d’at- tache à ce bourrelet central. Précisons cette description en indiquant quels organes occupent chacune de ces bosselures. La portion supérieure au sillon transverse est formée par la saillie de l’infundibulum de la cavité viscérale (pl. XXXIV, fig. 45, inf) ; elle est remplie par le foie inférieur. Au-dessous du sillon transverse, la saillie gauche correspond à la portion supérieure du corps de Boja- nus (cb); celle de droite renferme le péricarde et le cœur, c’est le mamelon cardiaque (cr); enfin, le pédoncule de terminaison ou d'at- tache, à gauche, est formé par le paquet des vaisseaux cärdiaques et pulmonaires. . En somme, foie en haut, cœur à droite, corps de Bojanus en haut et à gauche, pédoncule vasculaire en bas et à gauche. Il devient facile maintenant de fixer la situation du poumon, ou du moins de la partie de tissus fort peu étendue qui représente le poumon et rappelle de loin par son aspect cet organe dans les Pul- monés. Au-dessous et à droite du mamelon cardiaque et du pédoncule d'attache, la cavité sous-coquillière se prolonge jusqu’au sommet du petit tortillon situé dans le très petit crochet de la coquille (pl. XXXII, différentes figures, pn, poumon). C’est dans une partie seulement de cette cavité que le tissu pulmonaire existe. Il n’occupe pas toute la face dorsale de la cavité ; il est en partie antérieur. C’est dans l’ar- rière-fond de la cavité que l’on reconnaît les vaisseaux assez réguliè- rement disposés et saillants rappelant l’organe de la respiration. Ces vaisseaux se prolongent jusque vers le sommet du tortillon (pl. #4., fig. 32, pn). Le poumon proprement dit est formé d’un lacis de vaisseaux de deux ordres : les uns afférents, les autres efférents. Trois ou quatre HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 017 troncs principaux vont dela pointe du tortillon à la base de la tubé- rosité gauche ou pédoncule d’adhérence. Les vaisseaux secondaires, allant des uns aux autres, font de l’ensemble de ces parties un véri- table tissu spongieux, surtout à gauche, mais toutefois un peu diffé- rent par leur apparence du tissu pulmonaire d’un Hélix (pl. XXXHI, fig. 30, pn) !. Avec l’état de contraction et les tiraillements indispensables pour pouvoir, dans les préparations, observer la cavité pulmonaire, la place du poumon semble se modifier, et dans les différentes figures qui en ont été données, on pourrait croire à des différences de situation qui ne sont pas réelles. Elles sont la conséquence de l’état de la pièce au moment où elle était dessinée. Le poumon occupe la partie antérieure, surtout supérieure et gauche de la cavité sous-coquillière. Quand on fend la poche du tor- tillon, on reconnaît que la paroi dorsale n’est pas couverte par le tissu pulmonaire, c’est-à-dire par un lacis de vaisseaux (pl. XXXII, fig. 32), et que, sur la paroi antérieure, l’un des vaisseaux principaux descend obliquement de haut en bas et de gauche à droite, en la partageant en deux parties : l’une supérieure, vasculaire et pulmo- naire, l’autre lisse, tournée du côté de la convexité de la courbure du tortllon. Quand on fend le corps de l'animal par la face ventrale (pl. XXXII, fig. 30, pn), on découvre la partie supérieure du poumon et les trois ou quatre vaisseaux principaux, saillants en dessus du tissu spon- gIeUX. Il n’est même pas nécessaire d’avoir décrit les vaisseaux et le cœur pour reconnaître que l'organe central de la circulation est supérieur à l'organe de la respiration et qu’il est presque médian. Son grand axe élant parallèle à celui du corps, l’oreillette est forcément inférieure et le ventricule supérieur, d’où il suit que l’on rencontre ici une 1 Voir aussi les différentes figures (pl. XXX VII) relatives à la circulation veineuse, Les vaisseaux du poumon ont été mal représentés et sont fort peu ressemblants dans cette planche dont l’exécution laisse beaucoup à désirer. 018 H. DE LACAZE-DUTHIERS, disposition absolument opposée à celle rappelée plus haut chez le limaçon, et pour tout dire, la Testacelle est franchement opistopulmo- née, tandis que l’Hélix est franchement prosopulmonée. On ne trou- vera pas un cas plus marqué de ces rapports des organes de la respi- ration et de la circulation parmi les mollusques à branchies. Comment donc admettre ici une valeur réelle des caractères tirés de la position relative de l'organe de la respiration et du centre cir- culatoire? Sans aucun doute la classification rappelée ne s’adressait pas aux pulmonés, mais il était utile de montrer, par un exemple aussi catégorique, que ce caractère pouvait être complètement mo- difié, bien que dans le fond les rapports zoologiques des êtres res- tassent les mêmes. Evidemment la fonction de respiration, à ne voir que l’étendue du poumon proprement dit, devrait être considérée ici comme étant fort modeste. Mais on verra, à propos de la circulation, que les parois de ces grandes chambres aériennes , remontant haut, sont fort minces, qu’elles doivent permettre l’échange des gaz et favoriser l'acte de l’hématose, et que dès lors ces poches (pl. XXXII, fig. 29 et 30, £, &”), voisines de la cavité générale, doivent être considérées comme des cavités respiratoires supplémentaires, venant s'ajouter au poumon très petit que l’on vient de voir. Une dernière réflexion s'impose : n'est-il pas évident que tout ce qui a été dit sur l’atrophie et le refoulement en bas du tortillon et du manteau devait se trouver vrai à priort pour l'organe respiratoire lui-même, qui est une dépendance du manteau. Il faut encore remarquer que le peu qui reste du tortillon est creusé d’une cavité occupée par l’organe de la respiration. Nous n'avons qu’à le répéter, dans aucun des pulmonés on ne trouve une disposition plus remarquable et des modifications plus profondes. En décrivant le trajet du sang, de nouveaux détails viendront compléter cet aperçu, qui devait précéder l'étude de la circulation, toujours indissolublement liée à celle de la respiration. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 019 VII SÉCRÉTION RÉNALE ET CUTANÉE. À, ORGANE DE BOJANUS. Comme le poumon, l’organe rénal ne s'éloigne jamais du cœur ; aussi l’a-t-on nommé quelquefois glande précordiale. Il présente des particularités d'organisation qui sont la consé- : quence de ses relations avec les organes de la circulation; il est donc utile de le faire connaître, avant d'aborder l'étude de la distribution des vaisseaux sanguins. On a vu la cavité respiratoire occupée par un bourrelet vertical (pl. XXXIV, fig. 45 et 46); le corps de Bojanus se trouve sur le côté gauche de ce bourrelet, Il remonte en haut jusqu'au sillon trans- versal, qui le sépare de la saillie formée par linfundibulum viscéral ; il produit de ce côté une voussure bien accentuée. La couleur de la glande est plus ou moins jaunâtre, lavée de terre de Sienne ; les différences de la teinte sont fort nombreuses et dé- pendent de l’état des animaux; c’est surtout la nuance jaunâtre qui _a été employée dans les différentes figures. Le tissu glandulaire descend dans toute l'étendue du pédoncule des vaisseaux cardiaques. C’est même lui qui forme la plus grande partie de ce pédoncule. La cavité du sac de Bojanus n’est pas grande ; elle est à peu près obstruée par les replis glanduleux descendant de ses parois. Dans sa partie antérieure et voisine du péricarde, ces replis n’existent pas, aussi elle est plus vaste en haut; enfin, elle descend assez bas sur la gauche. Là, elle se contourne un peu en avant pour revenir vers la droite et décrire une courbe, qui apparaît comme une petite bos- selure au-dessus de la surface pulmonaire, C’est vers ce point infé- rieur que naît le canal excréteur, qui offre une remarquable parti- cularité (pl. XL, fig. 83, bp). | Né sur un plan antérieur, à gauche de la surface pulmonaire, le d20 | H., DE LACAZE-DUTHIERS. conduit excréteur se porte d’abord transversalement à droite. Là, il rencontre le rectum, qui s'est dégagé du dessous du mamelon car- diaque ; alors il change complètement de direction et, s’accolant à la fin de l'infundibulum qui renferme le rectum, descend verticale- ment en bas (pl. XL, fig. 83, cb). Il s'avance dans la cavité du petit tortillon, au-dessous (dans la position de l'animal vu par le dos) ou en réalité en avant des vais- seaux pulmonaires qu'on vient de voir dans la paroi antérieure et supérieure de cette cavité, et il s'ouvre tout à fait au fond du cul- de-sac de la poche du tortillon, soit en définitive au sommet même du torüllon (fig. 1d., dr). Voilà certes une particularité bien inattendue ! Cette disposition est tellement en dehors des choses connues, que j'ai multiplié les recherches pour être bien assuré de la vérité du fait. Et il faut remarquer que la démonstration est fort embarras- sante et difficile dans quelques circonstances. En effet, le cul-de-sac terminal de la cavité de l'organe remonte à gauche, vers le point où se rendent les gros troncs des vaisseaux pulmonaires; et là se con- tourne pour prendre les directions qui ont été indiquées et qui l'amè- nent au sommet du tortillon. Les lamelles qui obstruent la cavité peuvent, étant poussées, jouer le rôle de valvules dans le fond de ce cul-de-sac, par suite des contractions vigoureuses des parois muscu- laires du corps ; toujours est-il que souvent l’on a de la peine(et sur certains individus la chose est impossible) à faire sortir par le canal excréteur une injection lancée dans l’intérieur du sac de la glande. En frappant tout doucement avec la tête d'une épingle sur l'organe, on réussit quelquefois à faire sortir le contenu granuleux par l'ouver- ture, et l’on fait remplir le sommet du tortillon par la matière sé- crétée. Mais il y a des cas où il est impossible d'obtenir ce résultat. Je préfère, n’ouvrant le tortillon qu’à moitié, introduire une canule fine et mousse de seringue dans le cul-de-sac terminal, non loin du sommet; puis, sans toucher le fond pour éviter les déchirures, je pousse du bleu soluble. Presque toujours, dans ces conditions, le HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 521 canal excréteur se remplit seul, et la démonstration ne laisse aucun doute; dans ce cas, l'injection pénètre par l'orifice et remonte dans le conduit excréteur. Quant à disséquer ce canal, les parois en sont tellement délicates qu’on n’y peut guère songer. D'autre part, l'injection poussée par l’intérieur du sac de Bojanus produit quelquefois des effets qui font naître les doutes. On ne peut en effet la pousser ainsi sans blessér les parois de l'organe, et, comme la glande est très perméable, souvent les vaisseaux pulmonaires s’injectent, et l’on se demande, lorsqu'on a réussi à remplir le canal excréteur, si ce n’était pas un vaisseau du poumon qu'on a injecté; l'embarras est d'autant plus légitime que l’on sait que l’un des gros vaisseaux est parallèle au canal et couché sur lui (pl. XL). | Mais l'injection directe par l'orifice ne peut laisser aucune prise au doute, pourvu toutefois qu'on s’entoure des conditions ne per- mettant pas les blessures. La structure de l'organe de Bojanus est ici ce qu’elle est dans la plupart des espèces. R Les éléments constitutifs sont des cellules de moyenne grandeur, avec un noyau ou un corps nucléolaire coloré, véritable concrétion, à contours durs et très accusés. Ce sont ces particules qui don- nent la couleur à la glande ; elles sont d'autant plus accentuées et anguleuses, qu’on observe des couches plus superficielles et plus près de l’intérieur de la cavité. Lorsque ces cellules sont isolées et placées dans l’eau, une auréole claire et transparente paraît autour de leur concrétion centrale, et, entre la membrane de la cellule et cette partie transparente centrale, le protoplasma, souvent granuleux, présente des mouvements brow- niens extrêmement actifs. Quelquefois les cellules sont claires et renferment la concrétion, sans que celle-ci soit entourée par une sorte de limite interne la sé- parant du reste de la cellule (pl. XL, fig. 84 et 85). 922 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Entre les cellules à concrétions, surtout dans les couches les plus éloignées de la surface interne, on trouve de très jeunes élé- ments à gros noyaux et ayant un nucléole brillant à contenu fine- ment granuleux jaunes verdâtres (pl. 2d., fig. 85, c). Il semble légi- time de considérer ces éléments comme de jeunes cellules, dans lesquelles le noyau n’a pas encore disparu sous la concrétion carac- téristique qu'on vient de voir (pl. id., fig. 83, a, b). De même que dans les autres pulmonés, ces cellules s’amassent autour des vaisseaux dont nous indiquerons plus loin la provenance et forment le parenchyme de la glande, laquelle peut être considérée comme un sac à parois éminemment vasculaires, dont les vaisseaux forment un lacis donnant l'apparence spongieuse à sa face interne. Ces vaisseaux, recouverts d’une épaisse couche d'éléments cellu- laires, forment le tissu glandulaire propre de l’organe; dans les glandes, le plus généralement les parois s’enfoncent en culs-de-sac excréteurs, et c'est au dehors de ces culs-de-sac ou acini que vien- nent ramper les vaisseaux. Ici, c’est l'inverse ; les vaisseaux pénètrent dans l'épaisseur du tissu cellulaire, et sont recouverts par lui, de la sorte le tissu sécréteur semble pendre, sous forme de villosités lamel- laires et anastomosées, dans la cavité générale de la glande. Dans la partie antérieure, et contre le péricarde, la cavité du sac de Bojanus est tout à fait membraneuse, comme il a été dit, et non couverte de tissu glandulaire. En résumé, si les rapports spéciaux du sac de Bojanus et du péri- carde sont semblables à ceux bien connus chez les autres pulmonés, le rein dé la Testacelle offre une seule particularité fort curieuse : l'ouverture de son canal excréteur au.sommet du tortillon. B. GLANDE PÉDIEUSE ET GLANDES CUTANÉES, 19 Glande pédieuse. La glande pédieuse est très développée dans la Testacelle ; elle est si évidente qu'il suffit pour la reconnaitre d'ouvrir l’animal et HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 923 d'écarter les organes, alors on la découvre immédiatement sur la face dorsale de la sole pédieuse (pl. XXX VI, fig. 59, gp). Son orifice est en avant de la paroi antérieure de la bouche, et en arrière du bord ou repli supérieur terminal du pied. Ainsi, les pro- duits de sa sécrétion peuvent être versés en avant de l'organe de la locomotion et faciliter son glissement sur le terrain qu'il parcourt. La glande s'étend de l'extrémité supérieure du corps jusqu’au tiers inférieur de la longueur totale ; elle est flexueuse chez les ani- maux contractés, et rectiligne chez ceux qu’on à réussi à tuer bien étalés. Elle serait libre et flottante dans la cavité générale du corps, sielle n’était en rapports directs avec l'artère pédieuse, qui descend du collier œæsophagien jusqu’au bas du corps, accolée à elle sur le milieu de la face postérieure et lui fournissant ses vaisseaux nour- riciers. De plus, cette artère pédieuse envoie à droite et à gauche (pl. id., fig. 59, api), dans toute sa longueur, de nombreuses arté- rioles dans le tissu du pied ; de la sorte, la glande, qui par sa dispo- sition et sa forme générale a tout à fait l’aspect d’une bandelette flottante, se trouve suspendue ou retenue contre la’ face interne du pied, sans cependant lui adhérer autrement que par l'intermédiaire des artérioles partant de l’artère pédieuse, Lorsque l’on enlève une portion de la glande et qu’on l’observe à un faible grossissement, on reconnaît bientôt que le ruban qu’elle représente est constitué par les inflexions nombreuses d’un tube simple, cylindrique, allant de l’orifice præœbuccal jusqu'à son extré- mité inférieure (pl. XL, fig. 95, d, d). Ces inflexions du tube sont telles que, dans la bandelette, elles sont perpendiculaires à l’axe de la glande. Le tube glandulaire, allant par exemple à droite, se replie tout à coup vers la gauche ; là, il se porte de nouveau à droite en s'accolant à lui-même, et ainsi de suite, par une série de zigzags, il parcourt toute l'étendue du ruban. Toutes ces courbes et ces anses sont enfermées dans une couche de tissu conjonctif (pl. XL, fig. 95, a, a) qui elle-même est recouverte … par des cellules, grandes et peu serrées, semblables à celles que l’on 524 H. DE LACAZE-DUTHIERS. trouve à la surface de tous les organes : nerfs, vaisseaux, etc. Elles sont à peine comprimées. Quelques-unes renferment des granula- tions, qui, disparaissant par la macération dans les acides, doivent être calcaires. Leur noyau bien nucléolé est très nettement limité, et facile à déceler par les colorants ordinaires. ? Cette couche mérite à tous égards le nom de tunique cellulaire; elle se prolonge sur les artérioles naissant de la pédieuse, qui elle- même est recouverte par places et adhère à l’aide de ce tissu. La structure de cet organe est peu compliquée ; on a affaire ici à une glande simple par excellence. Le tube sécréteur très long n’est nulle part ramifié ; mais il est un grand nombre de fois ployé et reployé sur lui-même, et il offre une structure simple. Il faut cependant distinguer deux portions dans le ruban glandu- laire pédieux. Immédiatement au-dessous de son orifice, la glande descend jusqu'au collier œsophagien et un peu au-dessous de lui, sans éprouver aucune inflexion. Là, son canal est étroit, rectiligne et ses parois sont épaisses. La couche de cellules destinées à la sé- créti a, dans cette partie, des proportions tout autres que dans la partie inférieure. Les éléments constitutifs sont aussi plus remplis de granulations, plus ovoïdes et moins allongées (pl. XL, fig. 96); des intervalles paraissent entre ces éléments comme des diverticulums latéraux. Tout le long du tube en zigzag, on trouve, au-dessous de la couche cellulo-conjonctive dont il a été parlé, une membrane fort mince ayant quelques noyaux épars dénotant son origine cellulaire ; puis en dedans, dans la cavité même du tube, un épithélium à cellules plus longues que larges dont la grosse extrémité est tournée du côté de la lumière du canal. Chaque cellule à un beau noyau, et, dans une coupe, l’ensemble de ces éléments ressemble à une palissade (pl. XL, fig. 97). Ces cellules ont un contenu granuleux, qui est loin d’être aussi abondant que dans la partie supérieure de la glande, ou tout près de l’ouverture. Elles sont transparentes, et, lorsqu'on observe avec HISTOIRE DE LA TESTACELLE. _ d25 un faible grossissement le ruban glandulaire en faisant varier le foyer afin de reconnaître les différentes couches constituantes dela glande, on à quelquefois de la difficulté à voir la surface libre de cet épi- thélium. Le produit de la sécrétion de la glande pédieuse ne m'a pas paru très visqueux. Jamais les préparations d’une partie du ruban, faites à l’aide de l’eau seule, n’ont été filantes et semblables à cette muco- sité que laisse aux doigts une Limace ou la Testacelle elle-même. Peut-être sert-il plutôt à liquéfier et à diluer la sécrétion des autres glandes mucipares dont il reste à parler. 20 Glandes mucipares cutanées. L'histologie des téguments est intéressante. Il n’en sera indiqué ici que les principaux traits. Les fibres musculaires et conjonctives, fort serrées et feutrées au- dessous de la surface libre du corps, sont recouvertes partout d’un épithélium formé de grosses cellules pyramidales dont le sommet tantôt simple, tantôt une ou deux fois divisé, repose sur la couche feutrée de tissus conjonctif et musculaire, et dont les bases plus ou moins polygonales se rapprochent et limitent la surface du corps. Observés par dissociation, sans avoir macéré dans des liquides dur- cissants ou autres, ces éléments (pl. XXXV, fig. 56 et 57) sont d’une belle taille ; leur contenu finement granuleux est naturellement coloré en brun Jjaunâtre, car c’est lui qui donne la couleur au corps de l’animal. Ils renferment un beau noyau, que les réactifs ordi- naires rendent très évident. Sous ces cellules et entre leurs sommets plus ou moins divisés (pl. id., fig. 56, cellules vues de profil), on en trouve d'autres plus petites et arrondies ou polyédriques, qui éta- blissent l'union des sommets entre eux et l’union des épithéliums proprement dits avec les fibres sous-jacentes. Parmi ces éléments, on en trouve d’autres qui s'offrent dans une position tout à fait inverse. Ge sont les glandes mucipares unicellu- laires, bien connues des malacologistes, et qui ont été décrites et F- 526 H. DE LACAZE-DUTHIERS. figurées par les auteurs. M. le professeur Joyeux-Laffuie, en parti- culier, en a donné de bons dessins dans son travail sur lOnchidie. Ces glandes sont toutes simples (pl. XXXWV, fig. 58, b) ; elles res- semblent à ces petits ballons des chimistes, dont le col est allongé et la boule ovoïde ; leur col s’insinue entre les éléments de l’épithé- lium, et leur ouverture vient se placer dans les interstices des bases des cellules polygonales. Le contenu de ces petites et innombrables glandules, en forme de bouteille, est pâteux et visqueux ; il s'échappe en gouttelettes sur toute la surface du corps, surtout sous le pied. La liqueur fournie par la glande pédieuse, plus fluide que cette mucosité, sert, en se mêlant à elle, à la dissoudre et à favoriser la lubréfaction des sur- faces sur lesquelles l'animal glisse. Quand on plonge les Testacelles dans un liquide irritant et coagu- lant comme le sublimé ou l'acide chromique, la mucosité (pl. XXXV, fig. 58, d) de ces glandules vient faire un bouchon à leur orifice, et on le retrouve très vivement coloré dans les coupes minces, qui du reste sont faciles à réussir, et qui montrent les relations parfaite- ment conservées entre les éléments de l’épithélium et des glandes. On se rend, en faisant ces préparations, un compte exact des changements considérables que les éléments microscopiques éprou- vent dans leur volume à la suite des manipulations ayant pour objet de déshydrater les pièces, afin de les inclure dans la paraffine. Aussi est-il bien utile, pour modifier les impressions que fait naître la vue des coupes conservées dans le baume, de faire des dissociations sur des parties fraîches que l’on colore, sans les altérer, par des liquides aqueux, et de suivre les modifications progressives qu'é- prouvent les éléments des tissus quand on les met au contact des réactifs énergiques. Il n’est pas douteux qu’on a publié beaucoup de dessins donnant les idées les plus fausses sur les éléments des Mollusques, et cela parce qu'on les à représentés après des mani- pulations et des traitements qui les ont profondément modifiés. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 527 IX ORGANES DE LA CIRCULATION. A. CIRCULATION ARTÉRIELLE. L'organe central de l’appareil de la circulation a subi des déplace- ments et des modifications que les considérations générales pla- cées en tête de ce travail devaient faire prévoir (pl. XXXIV, fig. 45, 46, 47, 0, »). Le cœur accompagne constamment l'organe de la respiration, et c'est en recherchant celui-ci, plus évident, qu’on doit trouver celui- là toujours profondément placé. Mais si ce voisinage est constant, la position relative des deux est sujette à varier. Aussi ne m’a-t-1l jamais paru que les divisions des Gastéropodes en opistobranches et proso- branches, introduites dans la classification par M. Milne-Edwards, pussent être invariablement légitimées, ainsi qu’on l’a vu à propos de la place occupée par le poumon chez la Testacelle. Le cœur est facile à mettre à découvert. On n’a qu'à fendre de bas en haut le mamelon cardiaque pour tomber dans le péricarde et reconnaître ses deux parties fondamentales. L’oreillette est en bas, le ventricule en haut, disposition qui devait exister d’après la posi- lion même du poumon. La cavité péricardique se prolonge en haut, au-dessous du point par où sort l'aorte et forme un cul-de-sac supérieur (pl. XXXIV, fig. 46) qui arrive jusqu’au voisinage du sommet du mamelon boja- nien. Cette particularité ne doit pas être oubliée lorsqu'on pousse des injections par le ventricule; car la canule peut repousser dans ce cul-de-sac devant elle l’origine de l'aorte, et alors le liquide ne passe pas. Le ventricule est très exactement piriforme, son axe est vertical, et sa base inférieure reçoit, dans une sorte de dépression, le sommet de l'oreillette (pl. 24, fig. 47), qui, plus mince, plus arrondie et 528 H. DE LACAZE-DUTHIERS. moins allongée, se termine à gauche et en arrière par un prolonge- ment qui la fait adhérer au péricarde, en l’unissant au pédoncule terminal que l’on a vu exister à gauche, au bas du bourrelet central de la cavité respiratoire. Le ventricule a des parois musculaires épaisses et résistantes. Aussi est-il facile de pousser dans son intérieur des injections qui réussissent généralement bien. L’oreillette elle-même a ses parois relativement plus résistantes que dans les autres pulmonés. En ré- sumé, ici l’organe central de la circulation est plus robuste que dans les cas ordinaires, et cette différence peut s'expliquer par sa position non plus au milieu, mais à l’extrémité du corps. L'aorte, comme je viens de le dire, ne sort point du péricarde par le sommet le plus élevé de cette cavité. On la voit glisser sous la paroi antérieure du sac, se porter sur la ligne médiane, car le cœur est un peu à droite, et entrer dans la cavité générale du cou. Elle est très courte, et à peine a-t-elle franchi les limites du péricarde qu'elle se divise en deux branches, l’une 2n/férieure, qui se porte à droite, c’est l'artère hépatique inférieure et en même temps ovaro- Lesticulaire ; l'autre supérieure, qui fournit à tout le reste de l’orga- nisme. Celle-ci, véritable aorte (pl. XXXII, fig. 29, ao), longe la scissure verticale qui sépare les lobes secondaires du lobe inférieur du foie, et remonte toujours très exactement jusqu’à la'séparation horizontale des deux lobes principaux supérieur et inférieur, dans laquelle on a vu cette anse si constante et si particulière de l'intestin ressemblant à un duodénum. En général, l'aorte des Gastéropodes se divise en deux branches : une aorte ascendante, dite céphalique, et une aorte inférieure ou vis- cérale, celle-ci est destinée aux organes contenus dans le tortillon, c’est-à-dire au foie et à la glande génitale proprement dite, toujours logée au sommet de l’enroulement du corps. L'aorte viscérale ou inférieure est ici moins importante que dans la plupart des Gastéropodes normaux. Elle s'enfonce entre les deux HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 5219 moiliés du foie inférieur, auquel elle se distribue ainsi qu’à la glande génitale (pl. XXXII, fig. 37, a). C'est l'aorte supérieure ou céphalique qui a le plus d'importance. Elle est l'aorte principale, la vraie ; nous la nommerons aorle ascen- dante, car elle remonte du bas du corps jusqu’à la tête. Entre le cœur et l’anse duodénale de l'intestin, elle ne fournit pas un seul ramuscule {pl. XXXIIL, fig. 37, as). Elle passe en sautoir en arrière et en dessus de cette anse, se courbe à gauche et en bas, puis se redresse et vient se placer au côté droit de l'estomac (24., as), qu'elle longe tout en se rapprochant du plan musculaire pédieux, Cette aorte s'enfonce dans la concavité de la courbe de l'intestin ouverte à droite, et se relève pour se porter au milieu des Ilobules du foie supérieur. Il se forme sur ce point comme deux croissants : Fun intestinal, l’autre aortique, s'embrassant réciproquement par leur .concavité. En effet, dès que le gros tronc artériel est arrivé en avant de l’anse duodénale, il se bifurque et ses deux branches se portent directement en sens opposé, l’une en haut, l’autre en bas, de telle sorte qu'à ne considérer que la branche inférieure, l’anse duodénale se trouve embrassée étroitement par le croissant de l’aorte. Entre sa première inflexion et sa bifurcation, dans son trajet au travers de la courbe sus-duodénale, l’aorte ascendante donne de nombreux rameaux, six ou sept, allant : 4° à l’anse duodénale; 2 à lintestin ; 3° au foie supérieur ; 4° enfin au canal déférent, en même temps qu'aux parties droites du corps à cette hauteur. Toutes ces branches s’injectent bien et sont faciles à suivre au mi- lieu des lobules du foie, sur les différentes parties de l'intestin, où souvent on trouve des réseaux capillaires d'une excessive finesse (pl. XXXIV, fig. 49 et 50), dont l'injection, parfaitement réussie, démontre que, dans les Mollusques, la négation des capillaires dans tous les organes n’est pas soutenable. Nous reviendrons sur ce fait à propos du système nerveux. Prenons la branche descendante de l’aorte supérieure. Cette artère passe en avant de l’anse duodénale et redevient en ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — 9€ SÉR'E. — T. V. 1887. 34 930 H. DE LACAZE-DUTHIERS. avant d'elle parallèle à l’aorte principale. Elle se porte directement vers l'extrémité inférieure, passant au-devant du corps de Bojanus, du péricarde, et arrivant pour s’y distribuer dans les parties du manteau où est l’orifice respiratoire (pl. XXXIV, fig. 47, ph). Il faut préciser cette marche. La cavité générale du cou, devenue en fait cavité viscérale, renferme le foie, qui descend dans la partie supérieure du bourrelet de la cavité respiratoire. Des deux côtés de cette cavité, on l’a vu, les deux culs-de-sac latéraux de la poche respiratoire en s’élevant donnent à la partie centrale, en diminuant son étendue, la forme d’un infundibulum. C’est dans cet infundibu- lum, quise prolonge jusqu'au-devant du corps de Bojanus et du péricarde, queidescend le rectum. C'est là une particularité méritant de fixer l’attention et sur laquelle, on le voit, nous revenons à plu- sieurs reprises. | L'artère palléale droite, qui mériterait tout aussi bien le nom de satellite rectale, à cause de sa situation auprès du rectum, reste à gauche sur un plan antérieur jusqu'au cul-de-sac infundibulaire, passe en arrière de la fin de l'intestin qu’elle croise en lui devenant postérieure, se dégage des lobules du foie et alors vient s'engager dans la fin de l’infundibulum, en se plaçant au côté droit du rectum qu’elle suit en lui fournissant des ramuscules jusqu'à l'anus (pl. XXXV, fig. 55, int, intestin; re, rectum ; pli, palléale droite infé- rieure ; pdi, pédieuse inférieure). Un peu avant l'ouverture anale, elle se bifurque et fournit un rameau gauche qui de l'anus se porte. au sommet du tortillon, où il se distribue ainsi qu'à la partie infé- rieure de la paroi lisse de la cavité palléale. L'autre branche, restée à droite de l'anus, se divise en se rami- fiant beaucoup dans toute la partie droite des deux replis interne et externe du manteau. Chose curieuse, les injections de cette branche patléo-rectale, quoiqu'elle soit fort éloignée du cœur, sont faciles, et l’on voit des subdivisions d’une ténuité extrême arriver jusqu’au bord libre des replis palléaux. Ainsi, le sang lancé du bas du corps vers la tête, arrivé au milieu HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 591 de la hauteur de sa course, revient dans les parties inférieures. Cela se conçoit; ces parties étant autrement situées qu'elles ne le sont habituellement, par suite de leur déplacement, ont dû être suivies par les artérioles destinées à les nourrir; et celles-ci elles-mêmes ont été déviées de leur direction primitive. L'artère descendante (pl. XXXIV, XXXV et XXXVI, fig, diverses), après avoir embrassé la crosse duodénale, se bifurque et donne une branche à gauche destinée en partie aux portions voisines du pied, mais surtout à la glande pédieuse qui arrive à peu près jusqu’à cette hauteur. Cette artère de la glande pédieuse décrit un arc de cercle à courbure d’un très court rayon, et remonte directement en haut; nous la reprendrons un peu plus loin, après avoir vu les terminai- sons supérieures de l'aorte principale qui continue sa course verli- cale jusqu’au collier œsophagien (pl. XXXIV, fig. 47, ac’). - Il faut bien le remarquer, toutes ces courbures, ces marches dans un sens, suivies de contremarches dans un sens diamétralement opposé, sont, il faut toujours en revenir là, la conséquence des dé- formations du corps. | Suivons maintenant la branche terminale de l'aorte ascendante (pl. XXXV, fig. diverses, ac). Elle s'élève et arrive, en longeant le côté droit de l’estomac et de - la poche radulaire, sur la ligne médiane, aux ganglions inférieurs du collier œsophagien. En décrivant le système nerveux central, nous aurons à revenir sur les rapports de quelques-uns de ses rameaux de terminaison. Ils sont importants. Mais avant d'arriver au système nerveux et à la hauteur du milieu de l'estomac (pl. id., fig. 52 et 53, as), en face de la masse des glandes “salivaires, un ramuscule grêle naît à droite du vaisseau, passe en arrière de lui et vient se distribuer à la glande salivaire droite et à la partie voisine de l’estomac. L’artère salivaire gauche a une autre Origine ; un peu avant la naissance de la salivaire droite un rameau assez considérable naît à gauche, qui se porte directement de ce côté 932 H. DE LACAZE-DUTHIERS. en passant en avant de l'estomac. Ce rameau se bifurque bientôt : son rameau supérieur revient en arrière après avoir dépassé l’es- tomac, donne d’abord la salivaire gauche, puis une stomacale gauche, et’enfin une pariélale qui se distribue à la paroi du corps en face de laquelle elle est née. La seconde branche pariélo-palléale, tournée vers le bas, descend verticalement en donnant des ramuscules, de loin en loin, aux parois du corps,au cul-de-sac gauche de la cavité respiratoire, et parvient au manteau dans les replis gauches duquel elle se termine comme la palléale droite le fait du-côté opposé. C’est donc la palléale gauche (pl. XXXIV, XXXV, fig. 47, 52, 53 et 55, plg). A parir de l'origine des salivaires jusqu’au collier œsophagien, l'aorte ascendante ne fournit plus que deux collatérales, mais qui sont importantes. Ce sont les deux génitales accessoires, destinées aux glandes annexes (pl. XXX VI, fig. 63, ag et ags). L'une est inférieure (ag) et naît presque à la hauteur de la pal- léale gauche ; elle se porte directement vers le centre de la grosse masse glandulaire arrondie, qui fait suite au canal ovo-spermiducte. Là, ses divisions se dirigent dans tous les sens en rayonnant et couvrent cette partie d’un réseau extrêmement riche. Souvent l’une de ses branches suit le canal déférent,ets’anastomose à plein canal avec une artériole ovo-spermatique qui vient de l’artère de la glande hermaphrodite ou l'artère génitale proprement dite. La seconde branche, qui naît à mi-longueur, se porte sur le côté de la glande longue et godronnée qui sert d’oviducte, et se ramifie sur elles d’une façon fort régulière; elle se bifurque, et ses deux ra- meaux, marchant en sens absolument contraire, descendent ou mon: tent en suivant le bord non godronné du canal; ils lui fournissent, perpendiculairement à sa direction, des ramuscules fort régulière- ment espacés et qui se divisent dichotomiquement dans chacun des godrons de ce canal vecteur. Le rameau supérieur, fort long, re- monte jusqu'aux parties voisines de l’orifice copulateur. Habituellement, du rameau inférieur se détache une branche qui . HISTOIRE DE LA TÉSTACELLE. 533 gagne le col de la vésicule copulatrice et la couvre de ses divisions, ainsi que son long pédoncule,. Remarque : Ces deux artères accessoires des glandes génitales sont constantes, mais leur développement est très variable, car, tan- tôt l'inférieure l'emporte par son volume sur la supérieure, tantôt c’est l’inverse, et bien souvent toutes deux s’abouchent à plein canal et se suppléent ainsi l’une l’autre. Les arteres terminales de l'aorte ascendante sont nombreuses ; il est intéressant de les étudier au point de vue morphologique. Le tronc terminal s'engage dans le collier œæsophagien, et pénètre entre le centre asymétrique (2) et le centre pédieux (X), lesquels, unis par un connectif, lui forment un collier particulier (pl. XXXV, fig. 52). Je montrerai plus tard dans d’autres espèces l'importance de cette connexion, dont on a trop négligé la constance et la valeur(pl.XXXVI, fig. 59). Ainsi, l’aorte ascendante arrive entre ces deux centres nerveux, pénètre dans l'aire du collier, et là se divise comme un trépied cœliaque, mais un trépied à quatre branches ; une branche supé- rieure, la pédieuse ; une inférieure, la /nguale (ar) ; deux latérales symétriques, les cervico-céphaliques droite (acd) et gauche (acg). L’artère pédieuse, née en haut, pourrait à la rigueur être consi- dérée comme la terminale de l'aorte ascendante (id., fig. 59, aps, api). Elle sort du collier œsophagien en se courbant sur la commissure pédieuse et les ganglions pédieux, qu’elle embrasse dans la conca- vité de sa courbe, et se divise en deux branches : l’une, supérieure, court sur le milieu de l'extrémité supérieure de la glande pé- dieuse (aps), en lui fournissant des rameaux et en fournissant sur- tout la partie correspondante du muscle pédieux ; l’autre, infé- mieure (api), la plus considérable se recourbe en crosse au-devant des ganglions pédieux et, longeant toute la glande pédieuse et même au delà en bas, fournit à tout le reste du disque pédieux à gauche et à droite des branches régulièrement symétriques et égales. 534 H, DE LACAZE-DUTHIERS, Deux remarques trouvent ici place. D'abord, le sang du pied n'’ar rive à cet organe, même dans sa partie inférieure, qu'après être re- monté jusqu’au collier œsophagien, d’où il redescend par cette artère pédieuse supérieure qui part du collier asymétrico-pédieux. Il y a là une connexion fixe dont toute l'importance sera mise en lumière plus tard dans l'étude d’autres exemples tirés de différents groupes. Une autre remarque doit encore être faite. L’artère pédieuse, par- tant de l’extrémité supérieure du corps et devant arriver jusqu'aux parties terminales les plus inférieures, serait peut-être insuffisante à donner assez d'activité à la circulation. Aussi, constamment après la crosse pylorique, on a vu deux artères nées du même tronc se porter en bas, l’une, fort longue, se rendant au côté gauche du man- teau, et l’autre suivant le dos de la glande pédieuse, C’est cette der- nière branche qui rencontre l’artère pédieuse descendante sortie du collier, qui s’abouche avec elle à plein calibre et qui fournit des branches destinées à la nutrition de toute la partie inférieure du pied. Ainsi se suppléent par anastomose ces deux artères. Dans la Zesta- cella Maugei (pl. XXXIV, fig. 48, ap), l'artère pédieuse naît plus direc- tement de la terminaison de l'aorte et ne reçoit pas une division aussi considérable de l'aorte ascendante. Le tronc principal qui suit le milieu de la glande pédieuse donne, on l’a vu, des artères au pied ; mais d’elles partent aussi des rameaux destinés à la glande. Ces rameaux (pl. XXXVI, fig. 62 ; ap, artère pé- dieuse ; gp, cavité de la glande) embrassent la glande et lui fournis- sent de nombreux capillaires. L’artère linguale à une distribution extrêmement constante (pl. XXXV, fig. diverses, ar); on a vu qu’elle était née au sortir du collier pédieux asymétrique. De même que l'artère pédieuse se courbe en avant en crosse sur le centre pédieux, de même l’artère lingquale se courbe en arrière en remontant, puis redescend sur les ganglions asymétriques pour gagner la face antérieure du sac hingual, à la hauteur du point où ce sac s'unit à l’œsophage HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 39 (pl. XXXV, XXXVL fig. 52 et 59, ar, Z, ganglions asymétriques), Cette artère est soumise à de grands changements de direction et d’élongation ; des tiraillements inévitables se produisent, qnand la radula, projetée au dehors, entraîne avec elle les organes qui lui adhèrent. La position et les indications présentes se rapportent au moment où l'organe lingual est au repos; mais on sent qu’en raison même des changements de position, les flexions de l'artère doivent être aussi nombreuses que considérables. Il y a certainement des variations dans le mode de distribution de cette artère ; cependant, à part quelques différences individuelles sur les points où naissent les branches collatérales, voici à peu près ce qui s’observe : Le tronc rampe flexueux sur la face antérieure du bulbe lingual, puis se partage en deux rameaux secondaires volumineux (pl. XXXV, fig. 54, ar), qui se portent soit vers l'ouverture des canaux sali- vaires à l’origine de l’œsophage, soit sur la partie inférieure du bulbe. Plusieurs troncs se divisent eux-mêmes en branches desti- nées au canal excréteur de la glande salivaire et se terminent ou s’anastomosent avec les salivaires décrites précédemment, ou bien remontent directement en haut et s’épuisent sur la trompe et aux bords de l'orifice que limite le sphincter supérieur (pl. XXXV, fig. 52). En somme, ce sont quatre branches terminales qui, symétrique- ment de chaque côté, apportent le sang aux deux glandes salivaires, aux deux moitiés du bulbe lingual et à la trompe. Les parties intérieures du bulbe lingual sont fort richement pour- vues d'artérioles (pl. XXXVI, fig. 60 et 61). _ Ona vu que l’artère radulaire se bifurquait pour embrasser le bulbe en remontant vers son dos, Arrivée à la hauteur des premières bandelettes des muscles rétracteurs, elle leur fournit des branches extrèmement déliées, puis elle se répand dansles muscles extérieurs, et ses terminaisons, contournant le bord du muscle intérieur recro- 236 H, DE LACAZE-DUTHIERS. quevillé en dedans comme un oublie, pénètrent entre les deux lames qui résultent de l’enroulement; enfin elles viennent couvrir d’un ré- seau semblable et symétrique, des deux côtés, la face interne de la cavité dans laquelle est cachée la matrice de la radula (pl. XXXVI, fig. 60 et 61). Avant de pénétrer dans la cavité, une branche se dé- tache d’elle et, suivant la base d’origine de chaque ruban muscu- laire rétracteur, fournit à chacune un ramuscule fort grêle. Dans la cavité, l’une des branches supérieures s’élève jusqu'à moitié de la longueur de la partie infundibulaire de la radula, s’unit à son homologue du côté opposé et lui forme un collier, d’où des- cendent et naissent les artérioles des parties supérieures et infé- rieures de la matrice et de l’infundibulum (id., fig. 60). Comme on le voit, toutes les parties du bulbe sont richement nourries ; et, quand on considère les dessins représentant ces parties grossies, On a peine à se refuser d’admettre l'évidence de capillaires ärtériels chez ces animaux. Restent les deux troncs latéraux que nous avons désignés par les noms d’artères cervico-céphaliques. La distribution est identique, à droite et à gauche, et la description de l’une suffit pour l’autre ; il ne restera qu'à indiquer une particularité du côté droit. Chacune des artères céphalo-cervicales (pl. XXXVI, fig. 59, ac, acd) s’accole d’abord à la face interne des deux longs connectifs cérébro-pédieux et cérébro-asymétrique, puis sort du collier, devient extérieure, tout en restant voisine de lui, et remonte jusqu'aux gan- glions cérébraux. Au moment où cette artère se porte en avant pour sortir du collier, une branche considérable se détache d'elle, en dehors, passe entre les deux connectifs cérébro-pédieux et cérébro-asymétrique, marche directement en dehors et se distribue aux téguments du cou dans un bon tiers de la longueur totale du corps. Il faut remarquer que ces relations des branches diverses de ces artères avec le collier œsophagien compliquent beaucoup la prépa- HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 537 ration des nerfs ; et, si quelques naturalistes ont pensé que j'avais cru voir un nerf acoustique là où il n'y avait qu'un tractus con- jonctif, ne pourrait-il pas leur être arrivé, à eux-mêmes, d'avoir pris quelque artériole pour ces prétendus tractus conjonctifs ? Dans l'étude des nerfs, nous reviendrons sur ces faits. La branche terminale, qui s’est dégagée du collier et qui l’a suivi en dehors jusqu'aux ganglions cérébroïdes, fournit à ceux-ci un premier rameau qui les couvre de ses fines arborescences, puis un second, ophthalmique et tentaculaire, qui remonte jusqu’à l'œil; enfin, elle se termine par des branches allant aux petits tentacules, aux babines et à la peau des lèvres (pl. XXXV et XXXVI, fig. diverses). On peut voir maintenant que le nom de cervico-céphalique, donné à ces artères latérales du trépied, est parfaitement justifié. Reste une particularité à signaler : l'artère ophthalmo-tentaculaire droite est plus volumineuse que la gauche, et cela, parce qu’elle doit donner un rameau destiné à la partie supérieure du flagellum, du canal éjaculateur et, enfin, aux téguments du pourtour de l’orifice génital. Observons encore que de l'artère salivaire droite se détache un ramuscule allant à la partie inférieure du flagellum pour ren- forcer la première. Il faut, enfin, insister sur un fait qui se trouve mis en évidence par ces descriptions peut-être un peu minutieuses. La distribution des artères est constante. La trompe reçoit ses vaisseaux de l'artère linguale; la tête, les tentacules etles téguments, des deux latérales ; le cou, des branches des collatérales ; enfin, le rapport avec les deux connectifs offre une particularité morpholo- gique des plus remarquables. B. CIRCULATION VEINEUSE. Les descriptions de la circulation veineuse sont toujours moins précises parce que la distribution des vaisseaux est plus variable que pour les artères par suite d’une foule de circonstances. Aussi, nous n'en indiquerons que les traits principaux. Les capillaires, qu'on injecte en partant des veines, sont souvent 938 H. DE LACAZE-DUTAIERS. fort délicats ; les réseaux qu’ils forment ont les mailles habituelle- ment allongées, et leurs derniers ramuscules sont souvent paral- lèles. On trouve surtout ces dispositions évidentes sur les membranes tapissant les cavités respiratoires accessoires. Dans les parois du pied et du manteau, les ramifications sont arborescentes et touffues, souvent fort délicates à leurs extrémités, où l'existence de vrais capillaires est incontestable. | Les vaisseaux déliés débouchent dans des troncs arborescents, dont le calibre est de beaucoup supérieur à celui des artères et dont la distribution est infiniment moins régulière que dans ces dernières. Aussi, dans les différentes parties du corps, les apparences varient- elles beaucoup et dépendent-elles surtout de l’état de contraction plus ou moins grand des parties. De chaque côté dans le pied, on trouve, allant d’une extrémité à l’autre, un gros canal facile à injecter et même à voir sans injection, qui est à la limite de la lame pédieuse proprement dite et des tégu- ments latéraux (pl. XXXVIL fig. 64, 68, a, a). Ces deux vaisseaux, que j'’appellerai sinus pédieux latéraux, s’ abou- chent ensemble, en haut, par une anastomose en arc de cercle placée en avant de la glande pédieuse, sous son orifice, et, en bas, à l’ex- trémité du pied, tout à fait sous le manteau. Ces deux sinus sont symétriques et reçoivent le sang des veines latérales revenant des téguments dorsaux du cou, ainsi que de celles du disque pédieux proprement dit (pl. XXXVII fig. 68). Chose remarquable, des perforations ou pores, s’ouvrant directe- ment dans la cavité générale ou viscérale, font communiquer celle-ci avec ces sinus. On en voit aussi, sur les parois des veines, descendant du dos et se rendant aux deux sinus longitudinaux ; ils sont allongés et transver- saux, situés ordinairement entre des écartements de paquets de fibres musculaires. C'est dire que la cavité générale est remplie par le liquide sanguin, tombé dans son intérieur par les pores qu'on vient de voir, et que HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 039 réciproquement le pied peut être gonflé par le refoulement du li- quide de la cavité générale dans les sinus. A propos de la circulation veineuse, quelques questions se pré- sentent : par exemple, comment le sang des organes arrive-t-il, soit au corps de Bojanus, soit au poumon ? Ceci revient à chercher l’ori- gine des gros troncs veineux et à voir leur arrivée au poumon. On sait, enfin, que chez les mollusques, en un point spécial, le courant du sang artérialisé reçoit un peu de sang veineux n'ayant pas passé par l'organe de la respiration. lei, où se fait ce mélange ? On a vu que la cavité générale du corps se prolonge en un infundi- bulum, dans lequel se trouve le rectum. Cet imfundibulum estrempli de sang, comme la cavité générale dont il n’est qu'un prolongement. :’ L’extrémité de cet infundibulum (pl. XXX VII, fig. diverses, in) finit par se transformer en une veine, qui reste au côté droit du rectum. Cetteveine s’injecte facilement; elle apporte le sang venant de la partie du manteau voisine de l'orifice respiratoire, dans l'infundi- bulum d’abord et de là dans le grand sinus général occupant toute la cavité cervicale. Sur le milieu du dos, ou de cette partie que je considère comme le cou, naît, à mi-hauteur, un gros canal veineux recevant le sang qui arrive de tous les capillaires de la partie dorsale et qui n’est pas des- cendu sur les côtés dans les deux sinus longitudinaux du pied. Ce vaisseau ne répond guère qu’à la portion du dos sous laquelle est la grande cavité respiratoire supplémentaire (pl. XXXVIL, fig. 63, 64, 65, 67, b, b, b), et à l'infundibulum rectal, Près de l’anus les sinus pédieux et ce dernier sinus dorsal commu- niquent entre eux à l’aide d’un gros canal circulaire qui entoure, de sa circonférence oblique, le milieu de la cavité respiratoire (pl. #4., fig. 64; le cercle est représenté par les vaisseaux que désignent les lettres c, c’, d, d', l, k). J'appelle ce canal la veine circulaire. Si on la prend au niveau du pédoncule du poumon et de l'oreillette, on la voit passer, à droite, au-dessus de l'orifice respiratoire et, à gauche, remonter pour faire 910 H. DE LACAZE-DUTHIERS. le tour du côté du dos des points d’attache des replis palléaux. Sur la ligne médiane, elle s’abouche avec le sinus dorsal (b), sur les côtés, avec les deux sinus pédieux (a, a) et, dans le voisinage du rectum, avec le sinus infundibulaire qui l'accompagne (in). A la hauteur du pédoncule pulmonaire et presque en face de la communication avec le sinus médian dorsal, cette veine circulaire communique avec un gros vaisseau arborescent, qui se ramifie à la surface du corps de Bojanus (pl. id., fig. 64, 65, /, D). C'est au niveau du pédoncule pulmonaire que ce vaisseau circu- laire envoie le sang dans le poumon, dont les vaisseaux les plus su- perficiels et les plus gros renferment le sang veineux. Du reste, le mode de distribution de ces vaisseaux veineux diffère peu de celui des canaux qui rapportent à l'oreillette le sang ayant respiré, et dont on a vu l’origine dans le fond du péricarde,'au fond duquel elle arrive jusqu’au pédoncule. Dans l’ensemble de ces canaux veineux communiquant avec la veine circulaire, on voit un moyen de déversement du liquide sanguin d’une partie dans l’autre de l’économie, pendant les contractions si grandes et qui modifient si profondément les formes des Testacelles. Sans aucun doute, la partie rappelant ici l'organe de la respiration produit l’'hématose, mais il est bien certain que, par son peu d’éten- due, elle ne doit pas produire une modification proportionnée à la quantité de liquide contenu dans toutes les cavités, les organes et les sinus. Il faut donc admettre qu’au travers des membranes minces qui séparent la cavité générale de la partie supérieure ou sac supplé- mentaire de la cavité respiratoire il doit se passer un échange de gaz et que la respiration s’accomplit, en grande partie, dans la cavité générale, avant que le sang soit passé par le poumon. Un point reste à indiquer. Le sang veineux, ayant traversé les parois des sacs respiratoires, a certainement, au travers des mem- branes qui le séparent de l'air, échangé des gaz et, lorsqu'il arrive au poumon, il peut être considéré comme ayant en partie respiré, faiblement sans doute, mais enfin ayant respiré. HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 941 Chez les Acéphales, la presque totalité du sang veineux passe d'abord par le corps de Bojanus pour aller ensuite subir l’hématose dans les branchies. Ici, le vaisseau qui apporte le sang du vaisseau circulaire au corps rénal représente bien un vaisseau analogue à l’un de ceux qui conduisent le liquide nourricier au corps de Bojanus ; mais 1l est fort difficile d’injecter,isolément et indépendamment les uns des autres, les vaisseaux du sac de Bojanus et ceux des organes voisins. Si l’on réussit quelquefois en partie, le plus souvent on échoue, car la perméabilité est telle, que tout l'organe s'’injecte en masse et que l’on ne distingue plus du tout les origines des canaux sanguins. Une fois seulement j'ai cru voir, sur le plan antérieur du sac, une série de ramifications se réunissant en un tronc, qui pa- raissait aller aux vaisseaux pulmonaires, mais il m'a été impossible de bien reconnaître en quel point ce tronc s’abouchait avec les vais- seaux afférents de l’organe de la respiration. I est donc incontestable que la majeure partie du sang veineux ne passe pas par le corps de Bojanus pour aller ensuite au poumon. Ce n'est même qu'avec doute que j'ai cru voir un vaisseau allant du sac rénal à l'organe de la respiration, La difficulté qu'on éprouve pour isoler les injections est très grande, et je ne désire indiquer ici que les choses les plus certaines. Ce qui ne fait aucun doute, c’est l'existence d’une veine rénale allant s'ouvrir directement dans l'oreillette, tout près du point où celle-ci reçoit les gros troncs veineux pulmonaires (pl. XXXVII, fig. 66, vb). Cette veine s’injecte facilement soit par les vaisseaux afférents du sac, ses capillaires étant très perméables, soit par l’oreil- lette elle-même. Pour voir cette veine, il faut ouvrir le péricarde, rejeter le cœur un peu à droite et le corps de Bojanus, le plus pos- sible, à gauche. En agissant ainsi, dans la préparation indiquée plus haut, on rend visible la face du sac rénal correspondante au péri- carde, et alors on voit très nettement et l’abouchement de la veine avec l'oreillette et ses ramifications sur le sac. Du reste, dans les Pulmonés et en particulier dans l’Æelix aspersa, 942 H, DE LACAZE-DUTHIERS. où je l’ai recherchée pour établir la comparaison plus sûrement, on trouve une disposition semblable très évidente; il faut donc admettre chez ces animaux qu’une partie du sang veineux va au Cœur, après avoir traversé le rein, et cela sans passer par le poumon *, Une dernière observation. — Un fait incontestable est celui qu'on peut observer toutes les fois qu’on prend une Testacelle entre les doigts. Les contractions de l'animal sont violentes, et l’on voit les replis du corps entourant la coquille devenir d’abord brillants et hu- mides ; puis le sillon péripalléal se remplir peu à peu d’un liquide incolore tout à fait analogue à de l’eau; ce liquide n’est pas visqueux, et quand l'animal persiste à se contracter, l'air chassé de la cavité respiratoire produit des bulles. D'où vient ce liquide ? Il n’est pas de la mucosité, car il ne semble pas être un produit de sécrétion ; il ressemble au sang qui est tout à fait incolore. Serait-il une partie de ce liquide échappé par quelque pore invisible et bien difficile à découvrir ? Je ne saurais répondre à cette question, n'ayant rien vu qui me permette de l’affirmer. X REPRODUCTION. Les organes de la conservation de l’espèce n’ont pas, chez la Tes- tacelle, cette complication excessive que cause le luxe des appendices et des glandes accessoires qui se trouve, en général, chez les Pul- monés, en particulier chez les Hélix ; aussi leur description sera-t-elle plus simple et plus courte. 1 Ce vaisseau, qui va du corps de Bojanus à l’oreillette et qui est représenté par une teinte noirâtre dans les figures, devrait être plus voilé qu'il ne l’est. Il est en effet du côté de l’intérieur de la cavité du sac de Bojanus, et il est supposé vu par transparence. Son ouverture. dans l'oreillette est très grande et tout près de la veine pulmonaire, de sorte que les courants du sang hématosé et du sang épuré par le rein se mêlent à l’entrée de loreillette. : À ce propos, je dois faire remarquer que la planche XXXVII laisse beaucoup à désirer pour son exécution. La plupart des capillaires veineux manquent absolument, et la reproduction lithographique ne rerid en aucune façon la netteté et la précision des dessins originaux, HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 543 Une glande hermaphrodite se trouve, charmante d'aspect et d’une délicatesse extrême entre les deux moitiés du lobe inférieur du foie ; on la découvre facilement dans la grande anfractuosité hépatique en écartant le lobe supérieur et laissant encore engagée dans l’infun- dibulum la pointe du lobe inférieur. Son aspect est différent, cela se comprend, avec l’état de l’ovo- genèse, de la spermatogenèse, et après la ponte il est peu de glandes présentant une forme en grappe mieux accusée. Ici elle a absolument l'apparence d’une grappe de raisin dont les grains incolores, libres, pour ainsi dire, tant ils sont disjoints, ont conservé leur forme sphéroïdale parfaite et sont suspendus aux ramifications des canaux excréteurs par un court pédoncule. Ils offrent une transparence par- faite, sauf au pôle opposé à leur pédoncule, où l’on voit une tache ou plusieurs taches blanchâtres, qui sont les points de départ d’une nouvelle ovulation (pl. XL, fig. 89). Ces caractères expliquent l'extrême facilité avec laquelle on re- connaît la glande génitale au milieu des lobes et lobules du foie dont la teinte sombre forme un fond bien propre à faire ressortir sa blane cheur. Lors de la maturité des produits, les culs-de-sac sécréteurs de- viennent plus blanches, opaques et beaucoup plus oblongs que ne indique le dessin qui accompagne ce travail; dessin qui n’a été donné que pour montrer le type presque idéal d’une glande en grappe. Chacun des culs-de-sac se subdivise et présente des culs-de-sac secondaires assez petits et irréguliers de grandeur (pl. id., fig. 90). Le canal commun aux deux ordres de produits sécrétés par chacun des acini résulte de la fusion de tous les canalicules secondaires née à la base des grains. D'abord droit, il devient très flexueux et décrit de courtes et serrées circonvolutions dès qu’il se dégage de la glande. Vers le milieu de sa longueur, il redevient lisse et rectiligne et dé- bouche dans le point où s'unissent une grosse glande, appelée habi- tuellement glande de l'albumine (ga), et le gros canal vecteur commun 544 H. DE LACAZE-DUTHIERS. aux deux éléments, caractérisé par une partie de sa paroi bouillonnée et godronnée à la manière du gros intestin des vertébrés (pl. XXXVI, fig. 63). C'est dans ce gros canal godronné, dont les parois sont glandu- laires, que sont sécrétés ou versés les liquides annexés à l'œuf pri- mitif et que s'établit la séparation des produits mâles et femelles. Arrivé tout près du point où la glande de l’albumine (ga) se con- tinue avec le canal godronné, le conduit ovo-spermiducte, qui est très étroit, se renfle un peu sur l’un de ses côtés ; bientôt après 1l s'ouvre dans un prolongement de la première partie du canal‘ go- dronné. Si l’on ouvre ce petit renflement et la partie qui lui fait suite, on découvre dans son intérieur un sillon causé par la présence d’une crête saillante. En ouvrant, d'autre part, le canal godronné, on re- marque que la partie lisse, épaisse, glandulaire non bouiilonnée, est unie par l’un de ses bords presque directement aux extrémités des godrons formant des replis transversaux (cg), tandis qu’à son autre bord, elle est séparée des godrons par une lame saillante presque aussi large qu'elle. Pour mieux expliquer l’état des choses, supposons une coupe perpendiculaire à l’axe de ce gros canal vecteur : d’abord on reconnaitra dans un tiers de la circonférence la partie lisse, épaisse (g), dont la nature glandulaire ne peut être douteuse; puis le reste de la circonférence sera occupé par la paroi godronnée (cg) plus mince et membraneuse, Enfin, sur l’un des deux points, l’union de ces deux parties sera simple; sur l’autre, la membrane terminale de la portion godronnée se ploiera vers l’intérieur de la cavité, puis, se réfléchissant brusquement, s’accolera à elle-même et, revenant à son point de départ, s’unira à la partie lisse (fig. 88). De là résultera la formation de deux angles dièdres séparés par la lame saillante (/), qui est assez étendue pour arriver jusqu’au milieu 1 Voir pl. XL, fig. 87, ovs, ovo-Spermiducte ; al, glande dite de l’albumine : cg, partie du canal godronné ; g, partie lisse non godronnée ; cs, canal où glissent les œufs et le sperme et qui est au-dessous de la lamelle /, HISTOIRE DE LA TESTACELLE. B45 de la cavité générale du tube. Or, cette lame se couche sur la partie lisse, d’où il suit que l’un des angles dièdres est extrèmement ouvert, tandis que l’autre est aussi aigu qu’on puisse le supposer. De là aussi résulte encore que la lamelle saillante tombant et se couchant sur la partie lisse, l’un des angles dièdres devient un sillon profond, on pourrait presque dire un tube aplati. Le sillon commence au petit renflement que nous venons de si- gnaler dans la fin de l’ovo-spermiducte, et la lamelle saillante a son point de départ dans la crête qui s'élève dans ce renflement de la fin de l’ovospermiducte. Les produits mâle et femelle mélangés dans le canal grêle, en par- tant de la glande hermaphrodite, sont séparés mécaniquement dans le canal godronné qui, en définitive, est double et partagé en deux cavités secondaires par la lame saillante qu’on vient de décrire. Mais dans la partie godronnée du canal proprement dit, on trouve les œufs complets et entourés d’une coquille, tandis que les sperma- tozoïdes sont dans l’angle dièdre séparant la lamelle centrale et la paroi lisse opposée à la partie godronnée. La séparation des deux sortes de produits génitaux s'établit par un mécanisme que M. Dubreuil a, le premier, je crois, comparé à celui bien connu de l’acte de la rumination. Relativement aux spermato- zoïdes, l'œuf, étant très volumineux, soulève la membrane, peut se dégager et tomber dans le canal godronné proprement dit; les sper- matozoïdes, au contraire, restent sous la lamelle et glissent sous elle. Dans l'acte de la rumination, les aliments, à peine divisés en gros morceaux, écartent les lèvres de la gouttière, s'ouvrent ainsi un passage dans la panse située au fond de l’œsophage, et tombent dans ce réservoir; mais lorsque de nouveau ils arrivent bien broyés après la rumination, ils glissent dans la même gouttière sans en faire entrebâiller les lèvres et peuvent descendre alors dans l’estomac proprement dit. De même ici la différence de la taille de l'œuf et du spermatozoïde ARCH. DE ZOOL,. EXP. ET GÉN. — 2 SÉRIE. — T. y. 1887. 35 946 H. DE LACAZE-DUTHIERS. cause mécaniquement leur séparation et leur marche dans les deux parties voisines, mais distinctes du canal vecteur. M. Dubreuil avait, dans la Æevue des sciences naturelles de Mont- pellier, publié ces idées. Il à donc la priorité, mais j'avais depuis longtemps observé une disposition plus caractéristique encore chez l’Ancyle, et j'en avais entretenu mes auditeurs quand je faisais l’his- toire des mollusques. Le retard général apporté à la publication de toutes mes recherches me fait arriver après le naturaliste du Midi, mais je puis ajouter que dans beaucoup de mollusques franchement hermaphrodites, comme les Aplysies, la Philine, les Bulles, il existe des dispositions organiques variées avec les types, mais conduisant au même résultat : la séparation mécanique des deux ordres de pro- duits. Le canal (pl. XXXVI, fig. 63) semi-vecteur, semi-producteur des matières destinées à compléter l’ovule, est contourné dans son en- semble et remonte à droite et en avant du lobe supérieur du foie, de l'estomac pour passer au-dessous, c’est-à-dire en avant des fibres musculaires par lesquelles l’estomac est attaché aux parois du cou. Arrivé non loin de la tête, les godrons cessent et l’on voit leur suc- céder deux canaux blancs de dimension différente ayant perdu toute apparence glandulaire, qui se dirigent vers le côté droit de la tête, en avant du paquet en éventail des nerfs du cou, pour arriver au voi- sinage des tentacules. Comment la fin de ce canal godronné se comporte-t-elle avec ces deux canaux ? Le voici. En ouvrant le conduit, le long de sa partie simple entre ses deux moitiés (pl. XL, fig. 88), on voit le bord libre de la lame se souder avec la fin de la partie lisse glanduleuse, et produire par cette soudure un cul-de-sac au fond duquel vient prendre naissance le plus petit des deux canaux (cs), tandis que le plus gros s'ouvre largement vers la fin des godrons, dans la partie du canal godronné proprement dit. Les spermatozoïdes restés engagés dans l'angle dièdre suraigu placé sous la lamelle venant se ter- fr LA miner au cul-de-sac formé par cette soudure, n’ont plus quà À # £ HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 947 cheminer pour arriver dans le petit canal qui est bien le canal défé- rent. Les œufs, au contraire, qui, au sortir de l’ovo-spermiducte, se sont entourés d’une couche d’albumine et puis d’une coque calcaire, et sont tombés dans le canal godronné proprement dit dans lequel on les trouve toujours sur les animaux, au moment des pontes, au nombre de trois à quatre, sortent par le plus gros des canaux, qui est assez large pour les recevoir et qui, en définitive, est l’oviducte proprement dit. Il en est de la séparation des éléments mâles et fe- melles comme de la séparation des grains gros et petits dans un crible métallique. Les grains de petite taille passent par les petits trous, les gros ne le peuvent et continuent leur route pour arriver dans les canaux assez larges qui doivent les recueillir. Entre la fin du canal godronné et l’orifice copulateur ou la vulve, on trouve s’abouchant directement avec lui le pédoncule de la poche copulatrice (pc). Ge pédoncule étant long, ramène en bas, jusque vers le milieu de la longueur du canal godronné, la sphère ou ampoule de la vésicule (pl. XXXVI, fig. 63, pc, poche copulatrice). Cette partie du canal vecteur des produits femelles mérite bien le nom de vagin, car c’est lui qui recoit l’organe copulateur mâle. Quant au canal grêle né dans le fond de l’infundibulum terminant l'angle dièdre du canal vecteur commun, c’est le canal déférent pro- prement dit. Il arrive jusqu’au voisinage de l’orifice extérieur vulvaire. Là, il se réfléchit brusquement, redescend jusques au quart de la longueur du corps et, rencontrant le flagellum de la verge, s’unit à lui dans sa partie renflée. Le flagellum (pl. XXXII, f; pl. XXXVI, fig. 63, f) est libre et flotte entre les organes dans la cavité générale; de son extrémité libre, renflée en massue, part un paquet fort grèle de fibres muscu- laires allant se fixer, au fond de la cavité, sur la paroi du dos des cavités respiratoires, annexées tout près du bord supérieur du man- teau. Ce paquet musculaire est le rétracteur du flagellum, ou mieux de la verge, car celle-ci n’est autre que le flagellum lui-même éva- giné, transformé en organe copulateur. 948 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le canal déférent (ds), au-dessus de son union avec le flagellum vers le milieu de sa longueur, s’accole au vagin et vient s'ouvrir sur son côté gauche, ce qui fait que la verge semble sortir par l'orifice unique qui sert à la fois à la copulation et à la ponte. Mais, quand l'accouplement doit avoir lieu, le pore génital extérieur laisse sortir un mamelon percé distinctement de deux orifices : un petit, latéral, orifice de la verge ; un autre, terminal, plus grand, orifice vulvaire proprement dit ou ouverture du vagin. (pl. XL, fig. 86, à, orifice mâle ; ©, orifice femelle). On le voit, les organes sont ici simples quant aux parties adju- vantes, et l’on est loin de la complication qu’on observe chez le Li- maçon où un luxe d'organes accessoires existe véritablement. Les œufs de la Testacelle sont (pl. XL, fig. 87, æ, un œuf grandeur naturelle) entourés d’une coque calcaire ; ils sont fragiles, ovales et assez gros. M. Gassies les a bien fait connaître. Ils sont pondus tan- tôt isolés, tantôt par petits groupes. En démolissant un talus dans mon jardin du Périgord, j'en ai trouvé de nombreux dépôts à 40 et 50 centimètres de profondeur. Dans les vases mêmes où j'ai conservé longtemps vivantes des Testacelles, il était rare de n’en pas rencon- trer, ce qui prouve que ces animaux pondent, après s'être accouplés à peu près à toutes les profondeurs. Il est probable aussi que les pontes doivent se renouveler de loin en loin, et que cette succession est la conséquence de l'inégalité du développement des œufs dans la glande hermaphrodite. Quelques questions doivent être posées, qui pourraient être seule- : ment résolues par l'observation directe de l’accouplement et de la ponte. 1° Où se fait la fécondation ? 2 Où se produit la coquille de l'œuf? 3° A quoi sert la poche copulatrice ? Si la fécondation s’accomplissait au passage de l’œuf devant l’ou- verture du pédoncule de la poche copulatrice qui est considérée HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 549 comme un réservoir du sperme, la coquille, qui semble par sa na- ture devoir s’opposer à la pénétration du spermatozoïde, ne devrait être produite que dans la partie vaginale. Cela semble difficile et n’est d’ailleurs pas en rapport avec les faits observés. D'autre part, ne peut-on pas admettre que la fécondation a lieu en dehors de la durée de l'orgasme génital, et que l’accouplement n'a d'autre but que de verser la liqueur séminale dans la poche co- pulatrice ? Il faudrait alors qu'une sorte d’éjaculation profonde par- tit de la vésicule et remontât très haut dans le canal godronné, pour produire la fécondation au-dessus du point où certainement la coquille est sécrétée et formée. La fécondation, quelque supposition qu’on fasse, doit s’accomplir dans le canal godronné, mais avant le dépôt calcaire de l'œuf et par conséquent très près du point où débouche l’ovospermiducte. A moins que l’on n’admette que la fécondation s'opère dans la glande génitale hermaphrodite même, par l’action directe des deux éléments nés côte à côte, toutes ces suppositions demandent à être confirmées par l'expérience. Laquelle des deux parties, soit la grosse glande dite de l’albumine, soit la portion épaisse, lisse, du canal godronné, produit l’albumen et la coquille ? Les œufs, déjà entourés de leur coquille, se rencontrent très haut dans le canal godronné ‘. Quand, d’autre part, on laisse macérer la grosse glande de l’albumine dans l’eau, elle se gonfle et présente ses lobes séparés et formant des amas gélatineux; elle ne semble guère, d’après cela, être propre à produire une coquille calcaire : enfin, son orifice est en rapport avec le haut de l'angle suraigu de la gouttière sous-lamellaire, lequel recoit les produits mélangés de la glande hermaphrodite. Ce doit donc être dans cet angle que l’ovule s’entoure de son albu- mine et que, prenant une taille disproportionnée avec le peu d’éten- 1 PI. XL, fig. 8. Les œufs sont entourés dans la coquille et cependant très haut. D90 H. DE LACAZE-DUTHIERS. due de cette gouttière, il doit soulever la membrane et tomber dans la partie godronnée proprement dite, où on le trouve entouré de sa coquille qui à dü se former là. Si telle est bien l'interprétation du rôle de la glande de l’albumen, il ne reste plus que la bandelette glandulaire, lisse, du canal go- dronné et les godrons eux-mêmes pour produire la coquille ; on comprend combien il est difficile, sans des observations multipliées, de pouvoir faire autre chose que des suppositions plus ou moins plausibles ; mais, ce qui semble certain, c’est que la coquille de l'œuf se dépose dans le canal godronné. Dans une autre publication, l'étude de l’histologie, des glandes de la reproduction et l’embryogénie seront reprises. En ce moment, quelques indications biologiques seront seules données. Deux saisons sont propices aux études du développement des Tes- tacelles : l’automne et le printemps ; à ce moment, les animaux sortent de leur léthargie, se cherchent, s’accouplent et pondent bientôt après. L’incubation des œufs se passe au fond des galeries ; sa durée n’est pas longue, et les jeunes éclosent rapidement. Une quinzaine Je jours suffit pour que la naissance ait lieu. On comprend combien il est difficile d'observer les différentes phases de l'évolution, car la ponte a presque toujours lieu sous terre, sans qu’on puisse la voir. On doit donc, s’occupant spéciale- ment de ce sujet, instituer des expériences permettant d'assister aux premières phases de l’embryogénie. La jeune Testacelle au sortir de l’œufest, à la grandeur près, sem- blable à l’adulte (pl. XL, fig. 94). Elle à une petite coquille, et les sillons latéraux de son corps sont déjà bien marqués chez la plupart des jeunes individus dont l’éclosion a été déterminée par la rupture de la coque de l’œuf; la lamelle antérieure et plissée du manteau enferme, comme dans un capuchon, l'extrémité inférieure du pied (pl. XL, fig. 94). HISTOIRE DE LA TESTACELLE. do L'albumen considérable qui remplissait la coque de l'œuf a été entièrement consommé par le jeune embryon et a servi à son déve- loppement. Le jeune animal, qu’on dégage de sa coque quand il est à terme, est, comme l'adulte, fortement contracté ; sa tête est ren- trée, et, dans son ensemble, il est ovoïde. Plongé dans l’eau, il se gonfle rapidement, ses tissus deviennent transparents et sa longueur peut atteindre 1 centimètre et plus. Il ressemble alors absolument à un adulte noyé; ses tentacules deviennent saillants et paraissent bien constitués. La teinte de son dos présente déjà le gris mêlé de jaune verdâtre des adultes. Lorsque l’éclosion est naturelle, les animaux vivent comme leurs parents dans la terre, et ils s’allongent tellement qu’ils ressemblent à des brins de gros fil ; aussi sont-ils fort difficiles à reconnaître. C’est en mettant dans l’eau des portions de terre où l’éclosion a dû se faire qu’on trouve plus facilement les jeunes animaux, car ils se gonflent et la blancheur de leur pied les décèle aisément. Ils recherchent pour se nourrir les jeunes lombrics proportionnés à leur taille, et qui échappent comme eux par leur petitesse à l’ob- servation. Lorsqu'ils sont nés au moment où va arriver la période léthar- gique, ils doivent, comme les adultes, s’enkyster dans une boule de terre et attendre ainsi la période d'activité pour continuer leur déve- loppement. Quant aux glandes génitales, au moment où les animaux entrent en léthargie, elles sont souvent flétries et vidées; mais toujours il existe des spermatozoïdes mûrs, remplissant surtout le canal déférent dont la couleur blanche est due au sperme pâteux et filant qu'il renferme. Des œufs existent aussi, mais à un état peu avancé, bien recon- naissables au fond du cul-de-sac de la glande où ils forment des taches blanches. J'ai donné les figures (pl. XL, fig. 94, 92 et 93) d’un filament spermatique et d’un œuf pris sur des animaux à la fin d’oc- _tobre, alors que déjà, dans des cuvettes remplies de terre où je les 19 ss) H. DE LACAZE-DUTHIERS, conservais, ils étaient immobiles et s'enfermaient dans leur cocon. Les questions d’ovogenèse et de spermatogenèse sont trop à l'ordre du jour pour ne pas mériter un développement qui soit en rapport: avec l'importance du sujet. Je remettrai cette étude à un autre mo- ment ; je la ferai surtout sur d’autres espèces. Lorsque le réveil a eu lieu, l’évolution de l’œuf est très rapide, et bientôt on en trouve huit, neuf, douze mùrs; alors l’accouplement a lieu, suivi bientôt de la ponte. Le sperme étant préparé d'avance, il peut être utilisé pour la fécondation dès que l'œuf descend dans l'oviducte. Telles sont les observations trop insuffisantes que j'ai cru devoir rapporter sur la reproduction, espérant qu'elles pourront du moins fournir quelques indications propres à guider des recherches ulté- rieures. XI SYSTÈME NERVEUX. Le système nerveux de la Testacelle n’est pas moins intéressant et curieux que les organes que nous venons d'étudier. | Sa description détaillée nous permettra d’établir avec précision les homologies des parties déformées et par conséquent de reconnaître la nature morphologique des organes les plus profondément modifiés. Les ganglions centraux sont régulièrement disposés. Aussi sont- ils facilement reconnaissables, et le collier œsophagien, devant être fort large pour laisser libres les mouvements étendus du bulbe lin- gual démesurément gros, permet mieux de juger que dans quelques autres Pulmonés les formes et les proportions relatives des différents éléments qui le composent. J'ai déjà donné la figure de ce collier æsophagien à propos de l'histoire des Otocystes ". 1 Voir H. de Lacaze-Duthiers, Archives de zoologie expérimentale, vol. I, 1872. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 03 MM. Fischer et Gassies! ont, bien avant mon travail, publié un dessin de la disposition générale qui apparaît lorsqu'on ouvre le corps de l'animal. Si l’apparence dans cette représentation répond à ce qu’on observe superfciellement, l'analyse à l’aide des réactifs histologiques ne permet pas d’en accepter l'interprétation. Je crois d’ailleurs que M. Fischer a modifié son opinion première. Je reprendrai d’abord ici une idée déjà publiée et sur laquelle je suis revenu plusieurs fois. Il n’y à que quatre centres nerveux chez les Gastéropodes, et les ganglions accessoires que lon rencontre çà et là peuvent toujours se rapporter à l’un de ces quatre groupes fondamentaux. Dans nul autre type, cette vérité n’est plus facile à démontrer que chez la Testacelle. Les deux ganglions pédieux (pl. XXX VIIT et XXXIX), symétriques et semblables, forment le groupe que j'appelle antérieur (X), car ils sont le plus en avant. Les cinq ganglions du groupe asymétrique (Z, Zg', Zd', Zg", Zd") sont un peu 2nférieurs et remarquablement évidents, car ils sont nettement distincts les uns des autres et postérieurs aux premiers. J1s descendent plus bas qu’eux et leur union se faisant par une com- missure assez longue pour leur permettre de ne pas paraître confon- dus, leur ensemble dessine un arc de cercle à concavité supérieure, dont la commissure des ganglions pédieux prolongée à droite et à gauche représenterait la corde (pl. XXX VIIL, fig. 72). Ces deux centres sont unis par de très courts connectifs, ce qui cause leur rapprochement, et comme l’un et l’autre sont enveloppés par une épaisse couche de tissus conjonctifs, les anatomistes ont pu être trompés par l'apparence et les désigner tous ensemble par un nom collectif, Mais nous reviendrons sur ce fait après la descrip- _ lion détaillée des différents centres. De chaque côté de ces deux centres, partent deux longs connectifs 1 Loc, cit. D94 H. DE LACAZE-DUTHIERS. qui remontent vers la tête et décrivent en s’écartant deux arcs de cercle symétriques dont la concavité tournée en dedans limite un espace libre assez vaste par où passe etlrepasse le bulbe lingual qui, on l’a vu, est ici colossal (pl. XXX VIII, fig. 69). Ces deux paires de connectifs, formant un double cordon, se rap- prochent sur la ligne médiane, en haut et en arrière, et s'unissent aux ganglions postérieurs ou cérébroïdes (V). Enfin, dans l’angle dièdre très aigu (pl. XXXIX, fig. 78) qui résulte du rapprochement et de l’union du sac de la radula et de l’œsophage, se trouvent deux ganglions symétriques et très constants. C’est le centre stomato-gastrique (pl. XXXIX, Y, fig. 78 et 79) que de fort longs et extrêmement flexueux connectifs (») rattachent au centre céré- broïde. Cette dernière condition répond aux tiraillements excessifs qu’éprouvent les parties environnantes en suivant la radula pendant son évagination. On le voit, cette description générale est de tout point semblable à celle que j'ai donnée pour les Pulmonés aquatiques et pour plu- sieurs autres types’. Je suis bien obligé de la rappeler, car tout der- nièrement encore, dans un ouvrage d'anatomie comparée, des. descriptions du système nerveux du Limaçon ont été données qui s’éloignent de celle-cr. Reprenons la description de chacun de ces groupes. Le centre cérébroïde? ou postérieur est formé de deux masses irré- gulièrement coniques, contiguës, symétriques, dont le grand dia- mètre est vertical et dont l’apparence, quand on ouvre le corps, varie suivant la situation dépendant elle-même de l’état de contraction de l'animal. Une commissure très courte, mais toujours fort évidente, les unit. Elle est cachée sous leurs bords internes rapprochés, qui arrivent au contact. 1 Voir H. de Lacaze-Duthiers, Archives de zoologie expérimentale, vol. I, 1872. 2 Voir pl. XXX VIII, fig. 70; pl. XXXIX, fig. 76. — Tout ce qui dépend de ce centre est représenté en noir. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. : 599 Vers le sommet de la masse conique et en dehors, on observe une petite éminence piriforme, se répélant symétriquement des deux côtés et semblable à un lobule surajouté. Ce lobule sépare les points d'origine des nerfs (pl. XXX VIII, fig. 70, x) et en est le prolongement. Avant d’aller plus loin, il est utile de remarquer que l'origine des nerfs est souvent difficile à reconnaïtre par la simple dissection et que plusieurs causes déterminent cette difficulté. On a vu plus haut qu'autour du collier œsophagien et au milieu de ses éléments passent de très nombreuses artérioles, dont l’appa- rence sous la loupe, quand elles ne sont pas injectées, est identique à celle des nerfs : elles sont blanches et subdivisées comme eux. Aussi peut-on les prendre facilement les uns pour les autres, dans une dissection des plus attentivement faites, même sous une forte loupe. La chose m'est arrivée plus d’une fois, et j'ai dù, pour lever tous les doutes et éviter des erreurs, recourir à l'examen histolo- gique, employer les réactifs et les colorations. Dans l’un et l’autre cas, le vaisseau, comme le nerf, est recouvert d'une couche de tissus conjonctifs à grosses cellules (pl. XXXVIIT, fig. 74). Ce revêtement seul pourrait induire en erreur ; mais, quand on à affaire à une artériole, la lumière vide (a) du vaisseau la diffé- rencie aisément du paquet fibrillaire intérieur du nerf semé de petits épaississements allongés, semblables à des noyaux délicats et longs (b). Dans bien des cas, l'examen à un fort grossissement est néces- saire pour établir la nature précise d’un filament qu'il s’agit de rap- porter soit au système nerveux, soit à celui de la circulation (pl. XXX VIII, fig. 74). De même pour la détermination des origines réelles des nerfs, aussi bien pour les gros troncs que pour les petits, les voiles con- jonctifs, cellulaires, mêlés de quelques fibres musculaires dont ils sont recouverts, obligent à recourir à la technique histologique. Il n est pas jusqu'aux limites des ganglions qui ne soient mises en lu- , sou 996 H. DE LACAZE-DUTHIERS. mière par l'emploi des réactifs. C’est probablement pour ne s'être point servis de cette méthode que quelques anatomistes disent et dessinent : « Le ganglion cérébral ; » expression qui renferme une erreur, Car il y a toujours deux ganglions post-œsophagiens. Je ne saurais donc trop conseiller ces manipulations, qui rendront les plus signalés services. Il faut employer brutalement quelques réactifs énergiques, tels que l'acide acétique cristallisable, pour bien reconnaître le nombre et la forme des ganglions cérébroïdes. On s'assure alors que leur bord inférieur n’est pas coupé perpendiculairement à leur grand axe ; qu'il est arrondi et convexe en dedans et en bas, et que leur sommet conique, incliné en dehors, se termine en pointe. Sous l’in- fluence des réactifs, les éléments ganglionnaires se dessinent net- tement ; alors les noyaux deviennent obscurs, et, comme ils sont d'autant plus rapprochés qu'ils sont plus petits et plus nombreux, ils modifient la transparence et la teinte des parties qu'ils occupent, et dont les limites deviennent plus évidentes. L'acide acétique cristallisable fait apparaître encore dans les gan- glions, au milieu des cellules, des traînées plus claires, qui se diri- gent de l'insertion des gros nerfs aux commissures et aux connectifs. Ces traînées répondent aux parties fibreuses des ganglions. La calotte conique, qui occupe le sommet, est remplie de corpus- cules extrêmement petits dont les noyaux, fort rapprochés, donnent une teinte obscure à tout ce sommet. Cette partie, qui paraît nol- râtre sous la lumière transmise et blanchâtre à la lumière directe, se prolonge jusque vers la commissure en occupant le bord interne supérieur du ganglion. On trouve une disposition semblable chez tous les Pulmonés. Chez tous, en effet, un lobule du cerveau à cor- puscules ganglionnaires serrés et fort petits se retrouve, avec quel- ques variétés de formes, de grandeur et de situation. On sait que les centres cérébroïdes fournissent surtout des nerfs aux organes des sens. Les origines de ces nerfs sont faciles à préciser. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 007 En dedans et en haut, tout près de la commissure, naissent deux gros nerfs, que j'appellerai grands tentacularres (1 + 3) ; ils se cour- bent en arc dès qu'ils sont dégagés de l’espace fort réduit inter- ganglionnaire, se portent en haut d’abord, puis en dehors, entourent le bord supérieur des ganglions et gagnent la base des grands tenta- cules oculifères, pour pénétrer dans leur intérieur et arriver jusqu’à leur extrémité, où ils donnent à l'œil un nerf optique grêle, et se terminent par une dilatation fort grosse d’où partent les ramifica- tions olfactives destinées à la peau de l'extrémité du tentacule. Le nerf optique, qui ie plus souvent ne se détache du tentaculaire que tout près de l'œil, naît quelquefois cependant, comme dans beau- coup d’autres espèces, plus ou.moins près de l’origine du grand tentaculaire, lequel représente les nerfs réunis de ces deux organes des sens. L’œil n’est pas à l'extrémité même du tentacule; il est un peu en dessous de cette extrémité, et tout près d'elle, du côté dorsal. Dans son voisinage, le nerf tentaculaire, déjà très gros, se renfle beaucoup en prenant la forme d’un cône renversé. Cet accroisse- ment des proportions est dû non à la réunion d’un amas de corpus- cules ganglionnaires, mais à la multiplication des éléments consti- tutifs des nerfs. De la partie supérieure de cet élargissement partent les nombreuses, courtes et grosses branches olfactives, qui donnent à l’ensemble de cette terminaison du nerf l’apparence d’un gou- pillon. En dedans du grand tentaculaire se trouve l’origine d’un nerf constant (4) bien différencié, qui se ramifie à la fois dans la peau de la tête et dans les parois, au pourtour de l’orifice interne du grand tentacule. | Sur la face antérieure du cerveau, et à peu près vers le milieu de celte face, se dégage un autre nerf (4) destiné aux parties latérales des parois antérieures de la tête, au voisinage de la bouche; le point d'émergence des fibres d’origine de ce nerf remonte quelquefois assez haut, près de la base du lobule conoïde du sommet. DD8 H. DE LACAZE-DUTHIERS. - Entre le grand tentaculaire et le cône apical à corpuscules gan- glionnaires extrêmement petits, sort du cerveau un filet (4) destiné au bourrelet qui termine les téguments, près de la bouche. Ce nerf se ramifie dans les portions latérales de cette partie de la têtef. Sur leurs côtés extérieurs, les ganglions cérébroïdes semblent échancrés ; cela tient à ce que le cône supérieur, à petits corpus- cules, se porte en s’inclinant en dehors. C’est dans le milieu de cette échancrure, et à peu près à moitié de la distance qui sépare le som- met du cône du point d'insertion des connectifs inférieurs, qu'émer- gent trois nerfs, le plus souvent deux seulement, car l’un des trois n’est alors qu’une bifurcation du plus gros (pl. XXXVIIL, fig. 70, et 5) . Lorsqu'il n'existe que deux nerfs, le tronc supérieur, aussi volu-= mineux que le grand tentaculaire, se divise en deux branches égale: ment fort importantes et très grosses ; l’une va au petit tentacule (..…) et s'y termine à peu près comme le nerf grand tentaculaire, par une sorte de goupillon. L'autre branche (pl. XXXVIIE, fig. 70, .…) se porte à la base de la babine buccale, et, avant de pénétrer dans son intérieur, se renfle en un petit ganglion, après lequel deux nerfs assez délicats se déta= chent et se ramifient dans la peau ou le voisinage de la base de cette. partie; puis le tronc se divise en ramuscules multiples, courts, disposés encore en une sorte de goupillon, et chaque terminaison nerveuse de la peau est entourée de corpuscules ganglionnaires; gros et nombreux. Il suffit d’avoir vu une Testacelle palpant et explorant le terrain qu’elle parcourt, et s’approchant de sa proie, pour reconnaître que ces trois paires d’appendices jouent le rôle d’organes des sens mais, comment l’odorat, le goût et le toucher sont-ils distribués entre ces trois parties ? On ne peut guère, à cet égard, faire que des ‘ Sur la figure 70, les trois paires des nerfs (4, 4', 4) sont relativement beaucoup trop grosses, elles égalent le nerf grand tentaculaire (1 + 3), ce qui n’est pas exact. Les deux plus gros nerfs sortant du cerveau sont (1 + 3) et (.. et ...). HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 399 suppositions, les expériences réussissant très difficilement, l'animal étant nocturne. La contractilité non seulement des tentacules, mais de l’animal tout entier, qui boude longuement après une blessure et qui ne prend pas de nourriture aussi souvent et facilement qu'un Escargot ou une Limace, rend l'observation peu facile. Toutefois, par analogie, d'après les expériences faites par Moquin-Tandon sur les Limaces, on doit supposer que les gros tentacules portent le sens de l’olfaction d’une facon toute particulière. Au-dessous du gros tronc qui fournit ces deux nerfs importants naît le /abial inférieur (5), dont l’origine est constamment dans le point indiqué; il accompagne les deux nerfs du petit tentacule et de la babine, puis les abandonne et se porte sur le plan antérieur de la paroi buccale. Ce nerf tégumentaire est l’un des plus considérables parmi ses congénères. Il se bifurque (pl. XXXIX, fig. 76, 5 et 6) à la hauteur du petit ganglion du nerf de la babine, et envoie une branche dans la membrane supérieure, au bord des téguments, etune interne, qui se porte en avant sur la ligne médiane ; il innerve la peau entre l'ouverture de la glande pédieuse et la première partie de la cavité buccale. Quelques particularités sont à noter. Du sommet du cône ou lobule à petits corpuscules ganglionnaires part un prolongement (pl. XXX VII, fig. 70, x), qui ressemble, sous la loupe, à un nerf, mais dont la nature et le rôle me paraissent en- core un peu problématiques. Après le sommet du cône, il y a un léger étranglement, et le prolongement, d’abord d’un assez fort dia- mètre, paraissant rempli de globules bien moins définis que les cor- puscules nerveux ordinaires, se termine rapidement par une extré- mité effilée difficile à suivre. Ces globules se déplacent facilement dans la cavité du tube, qui, dans son ensemble, est bien conique, mais qui, de loin en loin, est comme étranglée. Le sommet du cône s’effile et devient tellement grêle qu’il est le plus souvent impossible de le suivre, au milieu des trabécules conjonctifs ou musculaires qui s’entre-croisent en tous sens dans cette partie de la tête. Une 060 H. DE LACAZE-DUTHIERS. seule fois, je l'ai trouvé avec l’apparence bien nette d’un nerf se por- tant directement en avant du grand tentaculaire ; mais, dans les nombreuses préparations que j'ai faites pour me rendre un compte exact de ce que pouvait bien être ce prolongement, je n’ai jamais pu lui reconnaître, à son origine du moins, la nature histologique des nerfs proprement dits. Une fois aussi, j'ai cru voir ses ramifica- tions d’une grande délicatesse se porter vers la partie supérieure du pourtour de la bouche ; mais je n’ai pu répéter cette préparation douteuse, difficile et très délicate, malgré l'emploi des réactifs les plus variés et des soins les plus minutieux. Une seconde particularité est celle qui se rapporte au nerf copula- teur et à la marche rétrograde du nerf grand tentaculaire droit (pLiKXK VINS fe TE: Le nerf qui se porte à la partie du canal qui, en s’évaginant, doit former la verge, naît d’une façon constante, et sans le moindre doute ni exception, du cerveau, au-dessus et tout près de l’origine du nerf petit tentaculaire et de la babine. Ce nerf copulateur se porte à droite, croise, en restant en arrière d'eux, les divers nerfs tentaculaires, et se distribue à la gaine du pénis. Il présente souvent une bifurcation non loin de son origine, et ses deux branches ainsi nées se rapprochent, s'anastomosent et forment quelquefois un petit plexus (fig. 70, 7). Le voisinage de l’appareil copulateur mâle détermine une dévia- tion du nerf grand tentaculaire droit ; constamment, en effet, ce nerf, pour aller à la base du grand tentacule, doit s’infléchir, former une anse qui embrasse, dans sa concavité ouverte en haut, à la fois le canal déférent, qui est très grêle, et le fourreau de la verge. Ces rapports, rendus évidents dans la figure 71 de la plan- che XXX VIII, ne m'ont jamais paru manquer. On sait que des diver- gences d'opinions sont nées relativement à l’origine du nerf pénial; ici, le doute est impossible. C'est le cerveau et non les autres cen- tres qui la fournissent. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 961 L'étude de l’innervation de la tête offre un intérêt réel, au point de vue de la morphologie générale. La distribution des nerfs labiaux est constante ; elle permet de dé- terminer avec précision la place de l’orifice buccal réel (pl. XXX VII, fig. 76, cs). | On a vu qu'un muscle fort et très développé formait, sur le tube digestif, un sphincter au-delà des limites des téguments. La portion membraneuse rentrée, étendue du muscle constricteur jusqu’à la limite des téguments, appartient-elle au tube digestif proprement dit ou bien faut-il la considérer comme dépendant des téguments ? On sait que les lèvres proprement dites sont toujours innervées par des nerfs du cerveau, et doivent être considérées comme dépen- dant des téguments extérieurs. Souvent on trouve cette limite des téguments rentrée en dedans et pouvant s’évaginer sous forme de trompe. Jamais la distinction de ces parties en apparence rentrées et modifiées ne peut faire de doute, si l’on se laisse guider par les connexions nerveuses. La cavité buccale est le commencement du tube digestif; par conséquent, elle est innervée toujours par le sto- malo-gastrique, jamais par le cerveau. Aussi, on peut ici tracer la limite nette entre la dépendance du tube digestif et des téguments extérieurs. La distribution des nerfs est là pour établir la distinc- tion. Au muscle constricteur commence réellement le tube digestif; la partie qui le sépare des téguments est une trompe rudimentaire ; elle dépend des lèvres et des téguments, non du tube digestif! La tête jouit d’une si grande mobilité, ses contractions sonk si puissantes, que la direction de ses nerfs offre à chaque instant des modifications profondes pendant la vie, et suivant que les animaux sont morts dans des états divers de contracture ; aussi voit-on que la longueur et, par suite, les flexuosités des nerfs céphaliques sont considérables ; ils peuvent prendre toutes les positions qui sont les 1 De {c à cs, la partie (/v) est innervée par le ganglion cérébroïde, et dépend des lèvres ; ({c) est la limite des téguments, en (cs) et (bc) se trouvent les ramifications du stomato-gastrique. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — 2€ SÉRIE. — T, V. 1887. 36 962 H. DE LACAZE-DUTHIERS. conséquences des extensions et des contractions extrêmes. Ce qui ne varie pas, ce sont les origines réelles et, d'autre part, les termi- naisons. Aussi peut-on dire que, au milieu des déplacements qui déroutent l’anatomiste au premier abord, il n’est pas d'exemple où les origines et les distributions nerveuses soient plus constantes (pl. XXXVIII et XXXIX ; voir les différentes figures relatives au sys- tème nerveux dont les colorations conventionnelles indiquent les différents centres). Les ganglions pédieux 1 (pl. XXXVIIL, fig. 72 et 73, x) sont symé- triques et très semblables ; leur volume est le même des deux côtés et leur forme n'offre rien de particulier ; leur taille, comparée à celle des ganglions voisins, est considérable; vus du côté du dos (fig. 72), ils semblent un peu pyriformes et leur face postérieure paraît se prolonger dans les connectifs cérébroïdes ; vus par la face antérieure (pl. id., fig. 73, X), ils paraissent être prolongés identiquement en dehors, à droite et à gauche, par une série de nerfs dont la distri- bution est intéressante, comme on va le voir. C’est surtout cette face antérieure qu'il importe de considérer. Habituellement, trois ordres de nerfs se détachent d’elle pour se porter dans les différentes parties du pied ; le plus ordinairement il y à un nerf pédieux supérieur (1), un moyen (I) et un énférieur (IN), celui-ci étant le plus volumineux, parce qu'il est le plus étendu. Ici”, le nombre des nerfs est beaucoup plus grand. J’en ai compté jus- qu’à onze paires, qui, toutes, se dirigent dans les différentes parties de la lame pédieuse. La paire inférieure est la plus grande, la plus longue ; elle innerve, à elle seule, à peu près la moitié inférieure du pied (pl. XXXIX, fig. 75, IT). Tous les nerfs pédieux naissent très régulièrement sur deux lignes 1 Les ganglions pédieux et les nerfs qui en dépendent sont représentés en orangé. ? Les chiffres romains 1,11 et III ont été employés pour que la comparaison avec les figures de mon travail (Arch., 1872) fût plus facile; mais ils ne sont pas aussi particulièrement applicables ici, le nombre des paires étant considérable. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 563 verticales qui partagent la face antérieure de chacun des ganglions en deux moitiés égales, Ces nerfs sont entièrement distincts des paires latérales nées beaucoup plus en dehors et dans le voisinage de l’origine des connectifs (fig. 73). On a vu, en étudiant la circulation veineuse, que deux longs sinus existent dans la limite qui sépare les téguments du dos et la sole du pied. Les nerfs pédieux, qui du sommet du corps descendent jusqu’à l'extrémité inférieure et qui sont libres et flottants dans la grande cavité générale, ne dépassent pas cette limite tracée par les deux sinus. On voit leurs divisions plonger toujours entre les fibres musculaires, en dedans des sinus (pl. XXXIX, fig. 75). L'étendue du pied se trouve donc déterminée par la distribution même des nerfs nés sur les ganglions pédieux. Cette distinction se trouve très nette- ment établie dans la figure 75. Nerfs du cou', — Dans tous les Pulmonés que j'ai étudiés, j'ai trouvé et décrit des nerfs dont l’origine est constante et qui vont innerver les téguments étendus entre la tête et le repli dorsal du manteau. | Leur existence dansles Zymnœus, Helix, Limax, Zonites cellarius est certaine, mais, dans nul autre plus que dans les Testacelles, ils ne sont plus distincts et mieux séparés des nerfs pédieux. Quand on ouvre l’animal par le dos et que l’on enlève les organes, de chaque côté des ganglions réunis en avant des nerfs, que nous allons étudier et qui partent du ganglion asymétrique, l’on voit comme un éventail de tissu conjonctif dont le sommet passe en avant du centre asymétrique et dont les rayons vont s’étaler, en s’y fixant, sur les côtés du cou (pl. XXX VII, fig, 72 et 73, IV, v, vi, el pl. XXXIX, fig. 76, 1v, v, vi). Les rayons ou baguettes de cet éventail sont représentés par des _ nerfs nombreux et de longueurs diverses. ! Pour ne pas trop multiplier les couleurs, les nerfs du cou ont été représentés en noir moins fencé que les nerfs du ganglion cérébroïde, 304 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Il est possible, en coupant l’ensemble du paquet à son point d’at- tache sur les parois du cou, de le conserver en entier et de le sou- lever du côté du ganglion. Si, d'autre part, on détache les nerfs pédieux aussi loin que pos- sible et si l’on retourne alors l’ensemble des centres sous-æsopha- giens, pour les regarder par leur face antérieure; on voit que les nerfs pédieux sont insérés sur les ganglions antérieurs suivant une ligne bien définie, et sont tout à fait distincts par l'éloignement du sommet de l'éventail, qui reste en dehors (pl. XXXVIIL, fig. 73). Rien n’est clair, précis comme les origines des onze paires de nerfs pédieux. Le point où naît l'éventail est moins évident ; il faut avoir recours aux réactifs histologiques pour bien reconnaître ses origines. Voici un procédé que j'avoue être un peu brutal, mais qui réussit bien, surtout s’il est accompagné de ce tour de main qui préside à la bonne conduite de tous les procédés de technique. Il faut d’abord détacher l’ensemble des parties, comme il vient d’être dit, puis couper tous les nerfs pédieux proprement dits aussi près que pos= sible des ganglions, Ceci se fait facilement en deux coups de bons ciseaux courbés sur le plat ; on porte alors le tout sur une plaque de verre en remettant en place les ganglions et les nerfs et disposant les choses de façon à avoir la face antérieure en dessus pour l'ob= server directement ; on traite alors par l’acide acétique fort ou cris- tallisable, on lave jusqu'à disparition complète de l’acide, puis on colore par de l’éosine dissoute en forte proportion dans la glycérine. En très peu de temps, la coloration est totale ; on lave et ajoute de la glycérine incolore. | Par ce procédé expéditif et, je le répète, brutal, on obtient ce qu'on désire, la distinction des origines des nerfs de l'éventail. En effet, les nerfs prennent ainsi une teinte rouge un peu jaunâtre, foncée, qui les différencie et les fait distinguer de tous les tissus dont ils sont environnés et ayant un autre ton de rouge. Ce procédé donnant le résultat désiré, est donc bon, il est surtout expéditif. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. ù 969 On voit, sur les pièces ainsi préparées, trois nerfs nés à peu de distance les uns des autres, dans l’espace compris entre le connectif cérébro-pédieux et cérébro-asymétrique (fig. 73, 1v, v, vi). L'un des nerfs, le supérieur (fig. 76, 2) naît au point où le connectif cérébro-pédieux entre dans le ganglion pédieux. Ce nerf se divise rapidement en deux branches, dont l’une, la plus supérieure, va innerver les téguments jusque dans le voisinage de la base du grand tentacule et s’anastomose même avec le nerf né du cerveau qu'on a vu se distribuer dans ce point (pl. XXXIX, fig. 76, 1v). Un second sort du ganglion pédieux, vers le milieu de l’espace séparant l’origine des deux connectifs, et se porte, en se ramifiant, sur les parties latérales du cou (pl. XXX VIIL, fig. 74, v, et 75, v). Enfin, le troisième émerge dans le voisinage du connectif pédieux- asymétrique ; c’est le plus considérable, et il se subdivise rapidement en branches longues et multiples, qui descendent jusqu'aux poches respiratoires supplémentaires (pl. XXX VII, fig. 73, vi; pl. XXXIX, fig. 75, vi). Voilà trois groupes de troncs nerveux fournissant des rameaux nombreux à une partie spéciale du corps. Si on les compare dans les Pulmonés, on reconnaît qu'ils sont d'autant plus développés que le cou, ou partie dorsale du corps entre la tête et le manteau, est plus étendu. Ici, cette partie est à son maximum de développement et ses nerfs sont proportionnellement fort nombreux et très déve- loppés. Il me parait impossible de se refuser à assimiler, comme étant semblables, les parties des téguments innervés par des nerfs homo- logues, et c’est pour cela que j'ai considéré tout le dos de la Testa- celle entre la tête et le bord du manteau comme étant un cou, car personne ne se refuse à considérer comme telle, dans un colimaçon ou une limace, la partie inférieure à la tête. Je crois donc que, dans la série des Gastéropodes, il est nécessaire d'établir une distinction semblable à celle qui vient d’être indiquée 966 H. DE LACAZE-DUTHIERS. et, pour cela, qu'il importe toujours de remonter à l’origine des nerfs. Le centre asymétrique !, caractéristique du groupe Gastéropode, est facile à étudier chez la Testacelle. Il est formé de cinq ganglions de grosseur différente et qui, à l’aide de leur union par une commis- sure, forment une chaîne en arc descendant un peu plus bas que les ganglions pédieux. Les deux premiers ganglions de la chaîne (74, Z9'), l’un à droite, l’autre à gauche, pyriformes et réguliers, d’un volume à peu près égal, sont unis aux ganglions pédieux par un connectif si court qu'ils leur semblent soudés (pl, XXXVIIL, fig. 72). Ils ne fournissent jamais de nerfs. C’est un fait important à noter et sur lequel il y aura lieu d’in- sister dans une étude générale du système nerveux des Gastéropodes. Le ganglion impair (7) ou médian est le plus volumineux des cing; sa forme, un peu triangulaire, est en rapport avec sa position au fond de la courbe; il vient, comme un Coin, s’introduire entre les ganglions de droite et de gauche (Zd", Zg"). Ce ganglion est celui qui fournit le plus grand nombre de nerfs; ordinairement il en donne trois et l’on s’explique ainsi qu'il soit le plus volumineux. Les deux ganglions intermédiaires aux deux premiers de la chaîne et au ganglion impair médian sont un peu différents de taille, et cette différence est en rapport avec le nombre de nerfs auxquels ils donnent naissance. Celui de gauche ne donne qu’un nerf; celui de droite en donne deux. Ajoutons que cette nouvelle différence est en rapport encore avec la non-symétrie. Ainsi, en tout, six nerfs naissent de ce centre; nous avons à les suivre et à reconnaître leur distribution. 1 Il est représenté en bleu dans les planches qui accompagnent ce travail ; ce qui permettra de le comparer immédiatement et sans peine aux figures qui ont été données pour les pulmonés aquatiques (H. de Lacaze-Duthiers, Archives de zoologie expérimentale, 1872). HISTOIRE DE LA TESTACELLE. L 567 On sait que l’on a désigné le centre asymétrique par des noms fort divers. Le nom de centre splanchnique ou viscéral n’est pas plus exact que celui de palléal; ils sont tous les deux vrais, mais insuffisants, C'est pour cela qu’en raison même de l'importance de ce centre, au point de vue morphologique, je le désigne par un qualificatif qui donne une idée exacte de ce que sont sa situation et sa consti- tution indépendamment de son rôle. Les organes génitaux, le cœur, les organes de la respiration, le manteau, sont innervés par Jui. Il se décompose donc lui-même en ganglions fort distincts et dont les attributions sont évidemment différentes. Mais dans son ensemble, au point de vue de la distribution de ses nerfs, il est un centre fort, hétérogène, puisqu'il innerve, par les deux extrémités de sa chaîne, le manteau, et par son centre des viscères d'ordre différent. Le nom de ganglions viscéraux ne peut, en vérité, s'appliquer qu’à quelques-uns de ses éléments, à ceux de son milieu. De même le nom de ganglion palléal ne doit s'attacher qu'à quelques-uns des amas ganglionnaires des extrémités de la chaîne. Il suffit d’avoir rappelé ces conditions pour prévoir d'avance, d’après les descriptions qui précèdent, quels seront les caractères particuliers de la plupart de ses nerfs. Ils doivent tous être d’une excessive longueur, car pour aller aux organes de la respiration, au manteau, etc., ils doivent parcourir toute l'étendue du corps et tra- verser tout l’espace qui sépare les deux extrémités de l'animal (pl. XXXVIII, fig. 69). Six nerfs naissent des trois ganglions médians de ce centre ; à quels organes se distribuent-ils ? (Voir pl. XXXVIIL, fig. 69, et pl. XXXIX, fig. 77.) _ Les deux plus extérieurs, le droit (r) et le gauche (2), descendent dans la cavité générale et vont, l’un et l’autre, se perdre au-devant _ des paroïs des poches supplémentaires de la cavité respiratoire. Celui de gauche (2), né du second ganglion gauche (Zg"}, se place à côté de l’artériole venant de l’aorte ascendante qui, elle aussi, se distribue à gauche, à la poche accessoire de la respiration et au manteau. 968 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le second nerf de droite (6), né sur le deuxième ganglion de droite (Zd”"), est un nerf palléogénital. En effet, arrivé à la hauteur de la naissance du canal déférent, il se bifurque et envoie un rameau aux organes accessoires de la reproduction, canal godronné et vésicule copulatrice, puis il descend verticalement, passe au-dessus de la poche respiratoire supplémentaire droite (6') et, en arrivant au sillon péripalléal, se distribue à la partie droite du manteau ainsi qu'au pourtour de l’orifice respiratoire. Restent les trois nerfs nés du ganglion impair (Z). Ils offrent un caractère constant : unis par du tissu conjonctif, ils forment une sorte de bandelette accolée à l’aorte qu'on a vue re- monter jusqu'au collier œsophagien pour s'engager entre le centre pédieux et le centre asymétrique; c’est surtout sur le côté droit de l’aorte ascendante que l’on observe bien cette bandelette nerveuse. A la crosse duodénale, elle se dissocie et ses différents nerfs ont alors des rapports particuliers et constants. De ces trois nerfs ‘ nés dans un même plan sur le bord inférieur du ganglion, celui du milieu est impair, les deux autres sont, l'un droit, l’autre gauche, et ont chacun une distribution particulière. Le nerf de droite (5) se détache de la bandelette au niveau de la crosse aortique duodénale, passe sous elle, la contourne et vient au côté droit de l'aorte ascendante, qu’il abandonne bientôt pour s’ac- coler à la partie contournée du canal ovo-spermiduete et rejoindre plus bas l'intestin. Il s'accole à celui-ci, et enfin se distribue (5', 5) dans les téguments du bourrelet longitudinal de la cavité respi- ratoire, en face du péricarde, et peut être suivi, mais difficilement, jusque dans la partie antérieure du tortillon. Les deux derniers, le médian (4) et le gauche (4), arrivés à la hau- teur de la région duodénale, accompagnent l’artère palléale descen- dante qu’on a vue se détacher à gauche de la crosse et aller à côté de l'intestin rectum dans le voisinage de l'anus. t Souvent les nerfs 4 et 5 naissent par un trone commun. C’est ce qui existait dans les animaux ayant servi au dessin des planches. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 569 Ces deux nerfs accompagnent très exactement l'artère jusqu’au voisinage de l'anus en se tenant, l'un à droite (4), l’autre à gauche (3) d'elle. L'un et l’autre se distribuent dans le manteau et les parois de la cavité respiratoire. Enfin, l’un de ces rameaux pénètre jusque dans le plancher du tortillon, où il est possible encore, malgré sa ténuité, de le suivre. Il n’est pas sans intérêt de remarquer que les nerfs qui s’accolent à des organes comme le canal ovo-spermiducte et l'intestin, four- nissent des ramuscules fort délicats qu'il est, sinon impossible, du moins fort difficile de disséquer et qu’on ne peut reconnaître que par des préparations histologiques, ainsi qu’on le verra plus loin. XI DES ORGANES DES SENS. A part l'organe de la vue et celui de l'audition qui présentent des dispositions organiques particulières permettant de les reconnaître, il est bien difficile de déterminer et de limiter par l'expérience le siège exact des autres organes des sens. Passe encore pour celui de l’olfaction, mais le toucher est très généralisé tout en ayant sans doute quelques parties spécialement chargées de percevoir et d’ap- précier le monde extérieur pour que l’on puisse fixer son siège princi- pal. Quant au goût, malgré quelques assertions, on n’a pas encore décrit d’une façon suffisamment claire son organe. Pour l’audition nous n'avons aucune expérience démonstrative prouvant que l’otocyste est bien un organe permettant d'apprécier les vibrations des corps. Néanmoins, la présence des otolithes dans une poche dont les parois sont en rapport avec le système nerveux, conduit à une conclusion légitime d’après les comparaisons établies avec ce qui se voit dans beaucoup d'animaux supérieurs. Les lecteurs des Archives connaissent les études si pleines d'intérêt du professeur Yves Delage; ses expériences prouvent que la notion 970 H. DE LACAZE-DUTHIERS. que l'animal tire desimpressions fournies par des otocystes lui sert à pondérer et à régulariser ses mouvements !, | De semblables expériences ne se peuvent faire que dans le cas où les otocystes sont dans une situation telle qu'il soit possible de les enlever sans détruire ou léser les centres nerveux. Ici la chose n’est pas possible, et ce n’est que par induction qu'on peut appliquer aux mollusques qui nous occupent les résultats acquis sur d’autres In- vertébrés, chez lesquels les expériences ne peuvent laisser de doute, Dans un travail étendu, j'ai montré que la relation de l’organe de l’ouïe avec les ganglions cérébraux était un fait constant chez tous les Gastéropodes. Il n’est pas d’études nouvelles qui, faites avec soin, ne viennent démontrer chaque jour la valeur de la connexion que j'ai établie le premier en créant le nom d’ofocyste qui manquait dans la science. Dans ce travail, le cas de la Testacelle se trouve développé, je n’en aurai donc rien à dire de plus ?. Si je rappelle ce travail, c’est pour rétablir la vérité que semblent avoir méconnue quelques auteurs. Mes recherches datent de 1867 et 1868. Elles sont résumées aux Comptes rendus, et la liste des espèces, sur lesquelles le nerf acous- tique a été suivi jusqu'au cerveau, y est donnée. Mon travail avec planches et dessins était à l’impression en 1870, lorsque les événements vinrent en interrompre la publication. Trou- vant sans doute qu'il importait de vérifier les assertions si positives que renfermait ma note de 1868 insérée aux Comptes rendus de l'Aca- démie des scences, vol. LXVII, p. 882, M. Leydig publia, en Alle- magne, pendant les triomphes de sa patrie, alors que les désastres s'amoncelaient de tous côtés chez nous et s’opposaient à nos publi- cations, un mémoire sur le même objet. Il n’ajouta pas un fait, pas une idée nouvelle. Il confirma simplement mes assertions. Et l’on a pu dire qu’un Allemand et moi étions arrivés en même temps au même résultat. C'est avec un sentiment bien pénible que 1 Voir Yves Delage, Archives de zoologie expérimentale, vol. V, 2e série, p. 1. ? Voir H. de Lacaze-Duthiers, Archives de zoologie expérimentale, vol. I, 1872. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 971 j'ai lu cette phrase dans le travail d’un zoologiste français. Les Alle- mands nous critiquent assez sans que ce soit nos compatriotes qui viennent encore renchérir sur eux pour amoindrir la valeur des études faites en France. Je n'accepte donc pas que la découverte du nerf acoustique des Gastéropodes ait eu lieu à la même époque, et je ne considère le travail de M. Leydig que comme une démonstration donnée à ma découverte dont la priorité est et reste établie par la note des Comptes rendus. Si je réclame cette priorité, c’est que je tiens tout particulièrement: à ce travail qui n’est que la conséquence de mes études et de mes idées de morphologie générale sur les Mollusques ; c’est parce que j'y vois l'application la plus juste des lois de la morphologie générale qui m'a toujours guidé dans mes recherches multipliées, non sur une seule espèce prise isolément, comme on le fait trop souvent, mais sur un ensemble d'êtres variés appartenant au même groupe. C'est qu'enfin, ce travail estle modèle de tous ceux que j'ai entrepris, et qu’il résume la méthode qui m’a toujours guidé. Centre stomato-gastrique !. — Les deux ganglions, placés entre l’'æœsophage et le bulbe lingual, près du point où viennent s'ouvrir les glandes salivaires, offrent une position constante et caractéris- tique (pl. XXXIX, fig. 78, Y). On trouve invariablement dans ce point l'union du sac radulaire avec l’æœsophage, l'ouverture des glandes salivaires dans le tube di- gestif et les ganglions stomato-gastriques. Dans tous les Gastéro- podes, la constance de cet ensemble de rapports peut servir à fixer le point où commence l'œsophage et celui où finit la cavité buccale. Il est intéressant de reconnaître cette particularité servant à pré- ciser la limite des organes, car il est des cas où la détermination en est difficile. 1 Dans les planches, le stomato-gastrique et ses nerfs sont représentés en vert. 272 | H. DE LACAZE-DUTHIERS. De ces deux ganglions égaux, parfaitement semblables et symé- triques (pl. XXXIX, fig. 79, Y, Y), unis par une commissure très courte, partent des nerfs destinés d'une part à l'appareil buccal, d'autre part au tube digestif proprement dit. Les uns remontent vers l’orifice buccal, mais ne dépassent jamais le cercle musculaire du constricteur supérieur ; nous avons déjà vu que les nerfs labiaux, de leur côté, ne franchissaient pas cette limite et ne descendent pas au-dessous d'elle. Il y a dans ces relations des données précises permettant d’'homologuer sûrement les parties. Deux gros nerfs, un de chaque côté, descendent sur l’æsophage et l'estomac (e) où ils se distribuent. Mais, au milieu des fibres mus- culaires épaisses des parois de l'estomac, 1l est difficile de les suivre et d'en étudier les réseaux. Cependant, par les procédés de la technique histologique, en employant surtout le chlorure d'or, sui- vant la méthode indiquée par M. Ranvier (jus de citron), on voit des | réseaux du sympathique sur les premières parties de l’æœsophage, qui, d’après leur richesse et le nombre des cellules de renforcement qu'ils présentent de loin en loin, donnent à penser que, sur tout le tube digestif, doivent exister des réseaux sympathiques des plus riches (fig. 80). De chaque ganglion, deux nerfs se portent sur le bulbe lingual et le couvrent de leurs ramifications. Ici, rien de particulier à noter, si ce n’est que le développement des nerfs est en rapport avec celui des muscles et de tout l'appareil radulaire, c'est-à-dire considé- rable (pl. XXXIX, fig. 78, b). Tout près de l'origine du nerf œsophagien, l’un des plus gros, sort du ganglion un filet extrêmement grêle, qui, s'accolant au conduit salivaire, l'accompagne jusqu’à la glande sur laquelle il se distribue (pl. id., fig. 78 et 79, g'). Une particularité, qui ne m'a paru jamais faire défaut, c'est la naissance (pl. id., fig. 79, a) de deux nerfs pairs et symétriques, sur le milieu de la commissure unissant les deux ganglions. Ces deux nerfs se réfléchissent en avant, après être descendus un peu sur la . HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 573 face postérieure du bulbe, pénètrent dans le sillon médian au-dessus des muscles rétracteurs et s’avancent vers le centre, enfin se distri- buent dans la partie médiane, postérieure et cellulaire, de l'infandi- bulum de la matrice de la radula (ma). Les nerfs fournis par le centre stomato-gastrique naissent pres- que tous sur le bord convexe et supérieur des ganglions. Les con- nectifs eux-mêmes (k), qui les unissent au centre post-æsophagien, prennent naissance sur leur bord extérieur et en haut de ce bord ; c’est entre l'insertion de ces connectifs etla commissure, sur le bord convexe supérieur, que tous les nerfs dont nous avons parlé ont leur origine, sauf les deux filets de l’infundibulum que l’on a vus sortir de la commissure. Ces nerfs sont tous ou æsophagiens, ou buccaux. Restent les nerfs du bulbe proprement dits. Au-dessous du point d’émergence du connectif, un peu plus haut que le milieu de la hauteur, naît de chaque côté un gros nerf, qui marche parallèlement au bulbe lingual, fournit d’abord des rameaux à la couche des muscles extérieurs de l'organe, puis pénètre perpendiculairement à l'axe vertical, innerve d'abord les muscles profonds et arrive sur le bord de la gouttière dn musculo- cartilage, vers le milieu de sa longueur. Le plus souvent, il n’y a qu'un nerf pour la pièce de soutien ; mais quelquefois, ordinaire- ment à gauche, le nerf se bifurque avant d’arriver à l'organe. Mais ce détail est sans importance. Dès que le nerf a pénétré sous la couche enveloppante de la pièce centrale, il se bifurque, et ses branches, se dirigeant en sens directe- ment inverse, c'est-à-dire en haut et en bas, remontent (4’) et des- cendent (4") en suivant le bord de la gouttière ; souvent, chacune des branches ascendante ou descendante se divise, tout près de son origine, et l’on trouve alors deux nerfs descendants et deux nerfs ascendants. Puis dans toute la longueur et perpendiculairement à leur direc- tion, à de très courtes distances, des branches naissent et se portent dans l’épaisseur de la pièce, en s’y ramifiant et s’anastomosant, en 374 H. DE LACAZE-DUTHIERS. produisant surtout vers les extrémités des réseaux d’une richesse extrême. Si l’on enlève la pièce de soutien sur un animal vivant, on la trouve, quand elle est toute fraiche, d’une très grande transparence, et les nerfs, avec leurs divisions et subdivisions, apparaissent claire- ment comme des lignes sombres, accompagnés dans les espaces qu'ils parcourent par des cellules ou des granulations blanchâtres, opaques. Dans bien des cas, les interstices laissés entre les éléments car- tilagineux accusent seuls les trajets des nerfs ; et, plus d’une fois, je me suis demandé si les divisions mêmes des espaces intercellu- laires ou intermusculaires ne causaient pas l’apparence des arbori- sations. Quand on réussit de bonnes préparations, surtout avec la glycérine colorée vivement par les différentes éosines, le doute dis- parait. En voyant cette richesse dont un dessin donne l’idée (pl. XXXIX, fig. 78), je m'étais demandé si le nerf n’était pas un vaisseau, une artériole. Les préparations histologiques, dont il a été déjà question, ne permettent pas le moindre doute. J'ai dit quelle était la préparation brutale qui permettait de bien reconnaître les origines des nerfs sur le cerveau. C’est le même procédé qu'on peut employer pour être assuré que les filets pénétrant dans le cartilage sont bien des nerfs. Aucun doute ne peut subsister. D'ailleurs, cette question ayant un certain intérêt, j'ai poursuivi l'observation sur des nerfs longs et des vaisseaux, tels que ceux qui naissent des ganglions pédieux ou du centre asymétrique, et des collatérales de l'artère pédieuse. Voici ce qu’une comparaison attentive permet de constater sur les uns et les autres (pl. XXXVIIL, fig. 74). Avec le carmin boracique, on peut colorer plus ou moins complè- tement les nerfs et la gaine qui les entoure ; puis, par un traitement avec l'acide formique, après un lavage convenable, les pièces s’éclair- cissent beaucoup et les cellules de la gaine se dessinent avec HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 575 une grande netteté, surtout leurs noyaux ronds renfermant trois ou quatre granules obscurs, à contours très vivement accusés. Pour le vaisseau, les cellules et leurs noyaux ronds sont tout aussi nombreux ; ils paraissent l’entourer tout comme le nerf. Mais celui- ci, lorsque l’action de l'acide se fait sentir, se resserre, et la matière qui le remplit flue par ses extrémités coupées. On voit alors le con- tenu des fibres nerveuses (fig. 74, c) qui n’est pas fixé, et dans lequel des traînées plus colorées laissent deviner des apparences de fibrilles, s’'écouler et rester pâteux vers les extrémités. Dans ces amas, on découvre de très nombreux et très petits noyaux fusiformes, qui du reste se décèlent, même au travers des parois, dans les nerfs durcis, car ils sont beaucoup plus colorés que le reste du contenu. Des résultats semblables sont obtenus avec les bleus d’aniline, quand après un lavage suffisant on a fait agir les acides. Toujours, dans les vaisseaux capillaires, le canal reste vide et la confusion ne peut se produire. Ainsi donc, dans ce cartilage, où les fibres musculaires l’emportent de beaucoup par leur nombre sur les cellules cartilagineuses, l’in- nervation est largement assurée et la richesse des réseaux nerveux y est excessive. Je dois avouer avoir été fort surpris, dans cette ana- tomie déjà si curieuse de la Testacelle, de rencontrer cette richesse prodigieuse des nerfs dans une simple pièce de soutien. Lorsqu'on ouvre vivante, sans l’avoir asphyxiée par la submersion, une Testacelle, surtout vers ie moment où commence la léthargie, il n’est pas rare de trouver la portion de l'intestin, qui, après s'être dégagée du foie, précède le rectum, gonflée et distendue par un li- quide très transparent ; en attachant les deux extrémités de cette ampoule naturelle et la plongeant dans le suc de citron, puis dans le chlorure d’or, en suivant les indications du professeur Ranvier, jai obtenu un réseau de nerfs d’une délicatesse et d’une richesse | drès grandes, ainsi que le dessin de la planche XXXIX, figure 81, | en fait foi. 576 H. DE LACAZE-DUTHIERS. L'épaisseur et l’état habituel des parois dans les autres parties du tube digestif ne permettent pas de faire ces sortes de préparations ; mais n'est-il pas légitime de supposer que, si le rectum, qui n’est plus qu'un canal évacuateur, est aussi richement innervé, dans les parties essentiellement actives pendant l'acte de la digestion, la ri- chesse en nerfs ne peut être inférieure ? D'où il est permis de con- clure que nos observations d'anatomie grossières ne nous donnent guère l’idée de ce que doit être, au point de vue de l'innervation, l'organisme des Mollusques. On a vu plus haut que l’un des nerfs qui descend du centre asy- métrique croise l'intestin et s’accole à lui dans une certaine étendue. Ce nerf est représenté, dans la préparation qui vient d’être indiquée, figure 81 de la planche XXXIX (5), dans le haut du lambeau d’in- testin, le nerf gros est représenté en bleu. Il est incontestable que quelques rameaux partent de lui et viennent se mêler, en s’anasto- mosant aveC eux, aux réseaux si riches qui couvrent l'intestin et dépendent du stomato-gastrique. Ce fait est important ; il vient s’ajouter à une observation déjà an- cienne, que j'avais faite sur la Philine et la Bulle. Chez ces animaux, en effet, un ou plusieurs filets se détachent de l'un des nerfs (d’un nerf de droite, comme ici) du centre asymétrique et viennent se dis- tribuer ou s’anastomoser dans les réseaux du stomato-gastrique, dans le voisinage de l'appareil masticateur. Nous aurons à revenir sur ce fait important, qui montre l’union de deux ordres de nerfs. L'origine des connectifs du groupe stomato-gastrique mérite une mention particulière. Il y a déjà longtemps que j'ai émis l’opinion que les fonctions spéciales étaient l'apanage de chacun des groupes des ganglions et que, par leurs communications à l’aide des connectifs, il devait s'établir un échange de ces propriétés. Ainsi, l'on peut admettre que les ganglions pédieux sont des cen- tres moteurs et qu’ils reçoivent du ganglion cérébroïde, qui est, sans HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 971 contredit, un centre de sensibilité, des fibres leur permettant d’ap- précier les impressions portées sur les parties qu'ils innervent. Sans développer davantage cette manière de voir, il est rationnel de supposer que le grand sympathique doit recevoir des filets mo- teurs et des filets ayant des propriétés semblables à celles qui carac- térisent le centre asymétrique et le cerveau. Dans le Zonites cellarius, j'avais, il y a déjà longtemps, remarqué que le connectif unissant le ganglion stomato-gastrique aux autres centres était formé par trois racines naissant sur les deux connectifs cérébro-pédieux, cérébro-asymétrique et sur le cerveau. Ici (pl. XXXVIL, fig. 70 et 71, À, k), l’on ne voit pas trois racines, mais on en trouve deux ; l’une d'elles! s'approche tellement du cer- veau, qu elle prend à la fois son origine sur le cerveau etsur le con- nectif pédieux; l’autre descend plus ou moins basle long du connectif cérébro-asymétrique. Cette disposition vient légitimer cette manière de voir que, dans le centre stomato-gastrique, il doit y avoir des fibres venant des centres divers ; et, en effet, le stomato-gastrique ne doit-il pas présider à une certaine sensibilité et déterminer des mouvements importants ? Il serait certainement très intéressant de pouvoir inslituer des expériences permettant de juger ces opinions, que les données ana- tomiques seules ont suggérées, mais qui, pour être admises défini- tivement, devraient être soumises au contrôle expérimental. L'histologie des organes d’innervalion des Mollusques n’a pas été faite d’une façon satisfaisante ; le réactif de la fibrille nerveuse est encore à trouver. Quant aux cellules ou corpuscules ganglionnaires, ils sont très faciles à reconnaître chez les Pulmonés, et la Testacelle ne fait point exception. Il suffit de faire agir sur les ganglions quel- ques colorants, un peu d'acide formique ou acétique, pour voir qu'il “existe deux parties distinctes. De l’origine des nerfs aux origines 1 La distinction des trois connectifs est facile à faire par la simple vue des cou- leurs, tout le système stomato-gastrique étant représenté par la couleur verte. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN,. — 2 SÉRIE, — 1. v. 1887. 37 278 H. DE LACAZE-DUTHIERS. des connectifs ou des commissures, on voit apparaître, par l’action des réactifs, des traînées fibrillaires plus claires, qu’entourent des cellules de taille variable. Je reviendrai, dans un travail spécial, sur ces dispositions. Dans les ganglions stomato-gastriques, les cellules semblent égales et de grandeur moyenne; dans le cerveau, les petits corpuscules sont très nombreux et serrés dans le petit lobe conique apical, aïnsi que sur les bords supérieurs du ganglion ; les corpuscules de moyenne grandeur existent à droite et à gauche et en bas; mais, au centre, quelques gros corpuscules sont isolément semés. Dans le centre pédieux, les cellules de grandeur moyenne prédo- minent; vers les origines des deux connectifs, quelques cellules plus grandes que les moyennes s’observent ; enfin, sur le bord antérieur, il y a aussi des corpuscules fort petits, qui déterminent la teinte sombre de cette partie. C'est dans le centre asymétrique que se trouvent les cellules les plus dissemblables et les plus volumineuses ; il y a aussi des cellules fort petites ; celles-ci remplissent exclusivement les deux premiers ganglions (Zd', Zg') de la chaîne. Les trois autres ganglions ont la majeure partie de leur contenu formé par des cellules de moyenne grandeur ; mais on observe constamment, dans le deuxième ganglion à droite (Zd"), trois cellules au moins très volumineuses, occupant toujours le bord inférieur du ganglion; il n’y a place que pour une de ces cellules de chaque côté de l’origine du nerf qui en part; à l'opposé, sur le bord supérieur de ce même ganglion, il y a toujours une cellule très grande et très visible. Dans le ganglion impair et médian (2), on trouve deux de ces grosses cellules entre les deux origines des nerfs; elles occupent, à alles seules, tout cet espace; il y en a une à droite du nerf. Enfin, dans le deuxième ganglion gauche (Zg"), on voit encore deux gros corpuscules situés ordinairement à gauche de l'origine du nerf unique fourni par le ganglion. Ce ne sont là que des indications superficielles ; il serait bon, en HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 079 effet, pour avoir une idée complète du système nerveux central des Mollusques, d’aller plus loin. Il importerait de pouvoir déterminer les rapports des cellules et des éléments des nerfs, surtout des par- ties fibrilleuses de l’intérieur des ganglions. Telle est l’histoire du système nerveux de la Testacelle. Les quel- ques points laissés incomplets seront traités prochainement dans un travail spécial d’histologie. Depuis longtemps j'ai recueilli des matériaux nombreux destinés à établir un essai de classification des Gastéropodes, d’après les dispositions variées que présente le centre asymétrique. * Il n’est pas douteux que dans la Testacelle, comme dans les autres Pulmonés, les cinq ganglions asymétriques forment un arc et vien- nent se grouper en arrière du ganglion pédieux. Ils sont donc rap- . prochés et placés du côté ventral ou antérieur de l’animal. Je me propose d'appeler GAsrroNeuRÉs ! les animaux offrant cette disposi- tion. du centre asymétrique, qu'il est toujours possible de recon- naître chez les Pulmonés, à l’aide de l’action de l'acide acétique. Ce nom de Gastroneuré n’indiquera que la position d’un groupe spé- cial de ganglions et ne se rapportera pas à une autre partie du sys- tème nerveux. Il me paraît naturel de prendre, pour caractériser les différentes divisions des Gastéropodes, les variations que présente le centre asy- métrique qui, lui-même, est caractéristique de la grande classe que Cuvier avait si heureusement nommée Gastéropode, d’après la situa- tion de l’organe de la locomotion. Remarque. — Les descriptions qui précèdent n’ont rien qui ne soit en parfaite concordance avec celles que, depuis longtemps, j'ai fait connaître dans mes études sur le système nerveux des Mollusques ?. 1 Dans un travail qui paraîtra prochainement, ce nom de Gastroneurés, de Yxorñp, abdomen, estomac, ventre, et veüpov, nerf, désignera un ordre où se trouveront réunis tous les Pulmonés, les Ancyles, les Gadinies, les Onchidies, etc. ? Voir H. de Lacaze-Duthiers, Archives de z0ologie expérimentale, vol, I, 4872. 580 H. DE LACAZE-DUTHIERS. Revenir sur ces idées, surtout sur celles relatives à la distinction des quatre centres, m’eût paru tout à fait inutile. Cependant, un traité d'anatomie comparative, publié par MM. C. Vogt et Yung, de Genève, renferme des détails et des figures qui peuvent étonner et qui certai- nement justifieront la présente remarque et les détails donnés plus haut. | | C'est ainsi que, page 776, on trouve ce passage : « Le ganglion « supérieur ou ganglion cérébroide (8, fig. 363, et a, fig. 367) est plus « large que long. !l est relié au ganglion inférieur ou ganglion visce- « ropédieux (10, fig. 363, et b, fig. 367) par une double commissure « (9, fig. 363, et d, fig, 367), qui contourne l'œsophage immédiate- « ment derrière la masse du pharynx...» Le singulier étant employé dans ce passage et les dessins qui l’ac- compagnent ne montrant qu’une masse en haut et en bas, on doit supposer que les auteurs pensent que le ganglion cérébroïde est simple et unique. Or, cette notion est absolument contraire à la vé- rité; une goutte d'acide acétique cristallisable versée sur le cerveau du colimaçon le prouvera, avec la plus absolue évidence, à quiconque voudra faire la préparation. On a peine à comprendre qu'un ouvrage, destiné à faire connaître la structure des organes et où les dessins de coupes abondent, donne une figure semblable à celle de la page 777 (fig. 367). Elle paraît, en effet, dater d'un autre temps: Celle que donne Cuvier n’est pas plus incomplète et plus inexacte. Une confusion est reproduite dans ce passage. Elle avait contribué à propager quelques erreurs d’interprétations morphologiques. Je n'aurais pas supposé, je l’avoue, qu'il fût nécessaire de la relever: -car depuis longtemps H. Milne Edwards avait indiqué l'utilité de la distinction entre les connectifs et les commissures ; et moi-même je crois n'avoir jamais publié un travail sur le système nerveux sans avoir particulièrement insisté sur la nécessité de n'employer ces termes qu'après les avoir bien définis et leur avoir réservé un sens bien précis. | Les commissures unissent transversalement des centres nerveux ho- HISTOIRE DE LA TESTACELLK,. d81 mologues , semblables et symétriques. Il y a une commissure, que les coupes démontreront toujours entre les deux ganglions cé- rébroides, de même entre les deux ganglions pédieux, ou encore entre les cinq ganglions asymétriques, enfin entre ies deux stomato- gastriques. Les connectifs unissent le cerveau au centre pédieux, celui-ci au centre asymétrique, celui-ci encore au cerveau; enfin le cerveau au stomato-gastrique, c’est-à-dire des ganglions ou centres non homologues el tout à fait dissemblables ; tandis que les commissures - sont transversales, impaires, les connectifs sont latéraux, symétriques L4 et pairs. ; J'avoue que je eroyais ces distinctions passées dans la science. Elles permettent d'éviter les confusions semblables à celles que l’on trouve dans le passage cité plus haut. Que si la valeur de ces expressions n’était point admise, il serait au moins nécessaire d’en donner les raisons, et les raisons devraient : être basées sur quelques considérations générales relatives à l’inter- \ prétation du système nerveux des Gastéropodes ou des Mollusques en général. Elles devraient encore être accompagnées de critiques in- diquant pourquoi on n'accepte point ces idées. Aujourd'hui on arrive à une singulière et bien facile façon de rappeler les opinions ayant.cours dans la science. On énumère les noms des auteurs ; on cite les titres de leurs travaux ou même simplement les recueils où ils ont été publiés, en les numérotant à la fin ou au commencement du travail. Mais des travaux en eux- mêmes, quelquefois pas un mot. C'est plus commode, et le lecteur peut croire ainsi que tout est nouveau dans l’ouvrage qu'il consulte. Mais ce procédé a aussi son revers de médaille, et les opinions ou les interprétations fausses qu'on indique se trouvent consignées à l'avoir de l’auteur. La morphologie se fait autrement. La similitude des parties ne peut être établie sans que les homologies anatomiques des organes aient été poussées aussi loin que possible, sans que les connexions / 582 H, DE LACAZE-DUTHIERS. aient été reconnues. Alors de la constance bien constatée des faits peuvent découler des règles et des lois précises. Dans le prochain travail que je me propose de publier sur la clas- siffcation des Gastéropodes d’après les différences que présente leur système nerveux, je serai donc conduit à répéter quelques-unes des idées que je défends depuis bien longtemps et qui, si quelques- unes du moins sont passées dans la science, sans que ceux qui s’en servent aient souci d'en reconnaître l’origine, semblent être ou ignorées ou non admises par des savants dont les travaux méritent cependant considération. | XII CONCLUSIONS. Quelque tourmentée qu’elle soit, l’organisation de la Testacelle peut être ramenée facilement, d'après ce qui précède, à celle de tous les autres Pulmonés. Les organes déplacés et déformés par une sorte de dissociation sont, quelques-uns du moins, méconnaissables ; mais la loi des connexions, en permettant de découvrir leur homologie avec les organes normaux, a conduit à en reconnaître la nature. Ainsi, le manteau et la coquille qui le recouvre, quoique fort pe- tits, sont restés l’un et l’autre comme les témoins des mêmes parties si amplement développées dans les groupes voisins. Mais si, par leurs connexions, il a été possible de démontrer qu'il sont morpho- logiquement les représentants modestes, mais réels, de ces mêmes parties fort développées, on a vu toutefois que leur rôle se borne à abriter dans sa totalité une seule portion du corps : la cavité respi- ratoire proprement dite. N’est-il pas curieux de voir le tortillon, dépendant du manteau, répondre tout entier à la cavité respiratoire et ne plus renfermer aucun des organes qu’habituellement il loge et protège, et qu’enfin il reçoit dans le fond de sa cavité les produits de la sécrétion rénale? HISTOIRE DE LA TESTACELLE, 583 Ces faits, quelque extraordinaires qu'ils paraissent, s'expliquent par le refoulement en bas du manteau et de la coquilie, par l’émi- gration en haut du foie et des organes de la reproduction. Ces deux modifications fondamentales en déterminent d’autres non moins importantes. Ainsi, lorsque l'organe de la respiration, qui est toujours si immédiatement uni à l'organe central de la circu- lation, change de position, celui-ci le suit invariablement et vient occuper telle place que le premier lui laisse seule libre.On a vu que, le poumon occupant tout l’espace terminal du corps, le cœur a dü remonter et venir se placer au-dessus de l'organe de la respiration ; de même pour le rein, qui est toujours accolé au péricarde, il s’est logé à gauche du cœur et au-dessus du poumon. Rien de semblable n'existe dans le Limacon où les positions sont renversées : chez lui en effet le poumon est en haut, le cœur à gauche, et, au-dessous se place le corps rénal. Habituellement les replis bordant le manteau sont tous voisins de la tête, si bien qu'ils l’abritent souvent ; de là, le peu de longueur des nerfs palléaux qui les innervent. Ici, le manteau est séparé de la tête, et par conséquent des centres nerveux, par un espace consi- dérable mesurant presque la longueur totale du corps. Qu’arrive-t-il? . Les nerfs palléaux prennent des proportions nouvelles, s’allongent assez pour aller d’une extrémité à l’autre du corps, mais conservant des relations fixes, innervent des organes fort éloignés. Les nerfs grêles et longs, comme ceux du pied, flottent dans la cavité générale et ne sont reconnaissables que par leurs origines et leurs terminaisons. Les connexions du système nerveux sont tellement constantes et à ce point impératives que, suivre un nerf, c’est prendre en main le fil d'Ariane qui guide et conduit sûrement à la partie qu'il faut déterminer, et dont au premier abord on a pu méconnaître la nature parce qu’elle est transformée. Même chose arrive pour les artères. Le cœur étant relégué dans le bas du corps, les organes, relativement déplacés par rapport à lui, ont 284 H. DE LACAZE-DUTHIERS. entraîné, pour parler au figuré, les artères qui leur étaient destinées. Ainsi, celles qui doivent fournir le sang au manteau, étant nées très haut, doivent-elles retourner en bas pour rapporter le sang jusque dans les parties inférieures, plus bas même que le point de départ. … Une relation fort intéressante s’est présentée dans le passage, au travers du collier œæœsophagien, de la terminaison de l’aorte ascen- dante. L’artère pédieuse, se courbant en crosse au-dessus des gan- glions pédieux, doit passer en avant d'eux pour redescendre et nourrir! e pied jusqu'à son extrémité inférieure. Cette connexion ne manque jamais dans les Pulmonés. Ici, la partie la plus inférieure du pied reçoit le sang, qui redescend tout du long de la glande pédieuse, après avoir été lancé dans la partie la plus élevée du corps. Mais, comme la distance à parcourir ‘est jconsidérable, l'aorte ‘fournit une branche de renforcement vers le milieu de sa course, qui, s’abou- chant à plein calibre avec la pédieuse proprement dite, vient sup- pléer à l'insuffisance résultant de la trop grande longueur de celle-ci. lei encore, déformation par allongement, mais fixité des rapports ; et les parties, quoique se modifiant, ont pu conserver des relations toujours identiques. Ce qui montre bien la supériorité de la valeur des caractères tirés des connexions sur ceux que la diversité des formes et les déviations . peuvent fournir, c'est la place relative que le cœur etle poumon oceu- pent dans l’économie de la Testacelle. La connexion fixe des deux or- ganes se trouve dans l'union de l'oreillette avec le vaisseau efférent du poumon. Mais la position relative des deux organes pris dans leur ensemble, par rapport au corps tout entier, dépend des changements que celui-c1 éprouve par suite des déplacements de quelques-uns des viscères Le poumon très réduit reste ici sous le manteau, qui lui-même a été rejeté au bas du corps où il occupe toute la place. Dans ces con- ditions, le cœur ne peut se loger, comme il l’est chez le Limaçon, à gauche et au-dessous de l'organe de la respiration; alors il remonte, de même que le rein, et vient se placer au-dessus du poumon. Il oc- HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 98) cupe ainsi une position tout à fait exceptionnelle dans les Pul- monés. - En terminant, il n’est pas inutile de rappeler le point de vue auquel nous nous étions placés en commençant. La Testacelle, quelle que soit la nature des causes qu'on veuille invoquer et admettre pour ex- pliquer les faits, se présente à nous atrophiée dans quelques-unes de ses parties et démesurément développée dans quelques autres. Si on lui oppose la Limace ordinaire, on voit que le manteau est chez celle-ci rudimentaire comme chez elle, et qu'il est devenu im- propre à sécréter une coquille assez grande pour pouvoir abriter un tortillon formé par les viscères. L’insuffisance dans les deux cas est évidente ; elle a pour consé: quence l'émigration des principaux viscères dans des parties du corps autres que celles où on les voit ordinairement. Chezla Limace,le manteau est resté dorsal et à peu près au milieu de la longueur du corps ; chez la Testacelle, il est terminal et des- cendu tout au bas du corps. Chez la première, c’est dans le pied que tombent les viscères ; chez la seconde, c'est dans le cou qu’ils remon- tent. Dans l’une, c’est le pied qui devient sac viscéral; dans l’autre, c’est le cou. Mais, dans l’une comme dans l’autre,c’est la distribution des nerfs qui permet d'établir la nature vraie des parties modifiées pour répondre à de nouvelles fonctions et devenues méconnaissables. Il est clairement établi par cette comparaison combien est grande et précieuse la valeur des résultats que fournissent les connexions nerveuses. De l’ensemble des faits réunis dans ce travail, il faut tirer une dernière conclusion. Si les modifications dans la position de quel- ques organes peuvent changer la physionomie générale et l'extérieur d’un animal, il n’en est pas moins vrai qu'on ne doit pas regarder ces déplacements comme fournissant un criterium de première va- leur pour caractériser les divisions dans les classifications. Les re- lations du poumon et du cœur, considérés comme formant un tout, peuvent paraître modifiées, quand on cherche-le rapport de ce tout 286 H. DE LACAZE-DUTHIERS. avec l’ensemble de l’économie ; mais, au fond, le rapport absolu des deux organes est invariable, il n’éprouve aucune modification. Il n’y a qu'une apparence, due à une déviation des dispositions générales, déviation qui est la conséquence d’un développement anormal d’une partie voisine pouvant faire croire à un changement de situation, Le cœur est toujours interposé entre le corps qu’il doit nourrir et le poumon d’où lui vient le sang vivifié. Il peut paraître antérieur ou postérieur, suivant les changements de forme et de volume éprou- vés par les organes, mais il occupe toujours et forcément la même place relative. Dans les Pulmonés, qui forment un groupe si naturel, si homogène, il est tantôt en arrière, tantôt à côté ou en avant du poumon, bien que sa position absolue par rapport à celui-ci n’ait pas varié. De cette dernière considération, le lecteur peut déduire cette con- séquence : les classifications basées sur la situation relative des organes de la circulation et de la respiration doivent être revisées, car les bases sur lesquelles elles reposent n’ont pas la valeur qu’on leur a attribuée. Ce travail de revision s'imposant, il fera l’objet d’une prochaine publication. a \f M Li % wi 7 # + À HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 987 EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres ayant toujours la même signification : Extérieur. ba, babine. 9, sillons transversaux latéraux. h, sillons dorsaux. m, mn, mn/, manteau. sa, sillon pédieux ou antérieur. sd, sillon dorsal. sl, sillon latéral. sp, sillon péripalléal. t, tentacule oculifère. P, petit tentacule. pd, pied. tr, tortillon. Digestion. an, anus. bl, bulbe lingual. car, cartilage lingual. cb, canal biliaire. cs, canal salivaire. dd, duodénum. es, estomac. fe, foie. gs, glande salivaire. Ja, jabot. in, infundibulum. ins, intestin. ma, matrice de la radula. æ, œsophage. ob, orifice buccal. rd, radula. re, rectum. sp, spinule de la radula. Circulation artérielle. a, ao, as, ai, aorte ascendante, supé- rieure, inférieure. ap, artère pédieuse. cr, cœur. 0, oreillette. v, ventricule. Circulation veineuse. c, d, d’, k, les conduits formant un cercle autour de la base du poumon et rece- vant le sang de l’infundibulum, in, et des deux sinus pédieux latéraux, à, a’. Excrélion. cb, corps de Bojanus. gp, glande pédieuse. pn, poumon. Reproduction. cg, canal godronné. fl, flagellum. ga, glande annexe. 99, glande génitale, hermaphrodite. od, oviducte. ovs, ovospermiducte. pc, poche copulatrice. sd, spermiducte, canal déférent, uc, vésicule copulatrice, Système nerveux. V, cerveau (noir). X, ganglion pédieux (orangé). Z, centre asymétrique (bleu), ganglion impair médian. Zd!', zd”, ganglions de droite. Zg', 39”, ganglions de droite. Y, stomato-gastrique (vert). ?” {groupe des nerfs pédieux, supé- IT, rieur, moyen, inférieur LV s. les nerfs du cou, de même sup. 6 / moy., inf. VI, à 1+3, nerf grand tentaculaire et optique. 4,4, 4", nerfs cutanés céphaliques. væ, connectif cérébro-pédieux. vz, connectif cérébro-asymétrique. h, cérébro stomato-gastrique. 288 H. DE LACAZE-DUTHIERS. PLANCHE XXIX. Extéricur, Testacella haliotidea, T. Maugei, T. bisulcata. Fi. 1. Échantillon de grande taille de la T. haliotidea, du Périgord, très allongée. 2. Extrémité inférieure du corps (grossie), la coquille étant enlevée ; or, ori- fice pulmonaire; les replis du manteau 7, 7! étant rejelés à gauche, i, terminaison d’un muscle indiqué à tort comme l’homologue du colu- mellaire (il occupe le milieu de l’espace sous-coquillier). 3. La même, vue de profil par le côté droit, un peu plus grossie, 4, La même, vue par la face antérieure; pd, le pied, a été relevé pour laisser voir,.nn', la partie antérieure du manteau, plissée et entourant le pé- doncule pédieux; c’est cette partie qui, dans la figure 9 de la Testacella bisulcata, enferme dans un capuchon l'extrémité inférieure du pied. 5. Extrémité céphalique grossie, vue par le dos, pour montrer l’ornemen- tation et les sillons près de la tête. 6. La même, montrant l’orifice buccal, ob, et les babines, ba, au moment où l'animal rampe et cherche sa proie. 7 et 8. Extrémité inférieure du corps d'une T. Maugei. La différence entre la grandeur de la région palléale, relativement à la taille de l'animal, pa- raîtra évidente si on compare ces deux figures aux figures 2 et 4 cor- respondantes dans :’espèce précédente. Les mêmes lettres permettent une comparaison facile. 9. Une T. bisulcata déterminée par le docteur Penchinat, de Port-Vendres, un peu grossie. Le développement en forme de capuchon du manteau qui enferme le pied est-il un caractère ? L'animal était fort contracté par sa conservation dans l’alcool. À PLANCHE XXX. Radula. F1G. 10. T. haliotidea, noyée et grossie. Le bulbe lingual s’est évaginé, il repré- sente plus de la moitié de la longueur totale du corps; æ, ouverture de l'æsophage ; ph, est évidemment la paroi retournée de la cavité pha- ryngienne. A1. Extrémité céphalique de la même montrant le bulbe radulaire au com- mencement de son évagination; ph, le pharynx ; q, le muscle constric- teur supérieur ; ob, orifice buccal proprement dit; r, radula avec ses spi- nules, sp'; b, le sillon pédieux antérieur sous-buccal ; og, orifice génital qui s'ouvre à l'extrémité supérieure du sillon latéral droit, s/. 12. La tête, vue de face par son extrémité buccale. Les babines, ba, sont rejetées sur les côtés pour l’agrandissement de l’orifice buccal, à, autour duquel paraît un premier bourrelet, q, qui cor- respond au constricteur du pharynx ; s est le commencement de l’éva- gination de la cavité buccale; b est le sillon entre la tête et le pied au fond duquel s’ouvre la glande pédieuse. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 289 L'animal est vu dans la position qu’il prend au moment où, poursui- vant sa proie, il va darder sa radula. F1G. 13. Animal ouvert par le dos, tous les viscères enlevés, La préparation a pour but de montrer la grandeur et la position du bulbe lingual, b}, ses muscles rétracteurs, mr, avec leurs terminaisons inférieures venant se terminer en mc, près du tortillon, pour former là le vrai muscle colu- mellaire. V. Le collier œsophagien en dedans duquel passe le muscle protrac- teur du ‘bulbe, dont les attaches supérieures, mp, vont aux téguments, tandis que les attaches inférieures, mp’, descendent sur les limites de lœsophage, æ, et du bulbe lingual, bl,. 14. Le bulbe lingual vu de profil du côté droit; mp, muscle protracteur dé- taché de la peauet s’élevant au-dessus du muscle constricteur, g, du pha- rynx, ph; cs, canal salivaire venant s'ouvrir en avant et sur les côtés de l’æœsophage, æ, au-dessus des ganglions stomato-gastriques Y ; cg, con- nectif cérébro-stomato-gastrique : mr, les muscles rétracteurs écartés pour montrer leur double rangée; u, muscle superficiel à fibres déli- “cates et longitudinales formant la gaine externe. 45. Bulbe vu par la face antérieure; uw, muscle superficiel ouvert et écarté sur les côtés ; w, faisceaux musculaires longitudinaux, abaisseurs de la partie de la poche radulaire dans laquelle on voit ia radula refléchie, rd. 16. Les éléments musculaires, intrinsèques du bulbe écartés; u, muscle su- perficiel; w, muscles rétracteurs de la radula; ils s’insèrent en bas sur le cartilage, car; y, muscle interne remontant du bas du cartilage en haut et en arrière, se recroquevillant en forme d’oublie dans le haut et rentrant, y’, dans la gouttière du cartilage, en allant s'unir à celui du côté opposé qui se comporte de même; sp, partie ascendante de la râpe linguale; sp’, partie horizontale; sp”, partie réfléchie ; h, poche supplé- mentaire de la gaine radulaire; v, muscles protracteurs de la partie réfléchie du sac radulaire, g. PLANCHE XXXI. Radula. Fic. 147. Même préparation que dans la figure 16 : seulement, la moitié droite de l’or- gane a été enlevée pour mettre en évidence les parties profondes, y', et le muscle réfléchi dans la gouttière du cartilage, car, formant lui-même un tube inclus dans la pièce de soutien et renfermant la matrice. Cette matrice, ma, ou partie profonde sécrétant les dents, présente des mus- cles rétracteurs et protracteurs, 3, prenant attache sur les raphés du muscle en oublie. 18 et 19. Coupes du bulbe lingual à deux hauteurs différentes ; mêmes lettres, mêmes parties que dans les deux figures précédentes. 20. La carde linguale vue de profil telle qu'on l’obtient facilement sur les ani- maux noyés depuis quelque temps; 3, muscles élévateurs de la matrice, ma, attachés à l’extrémité inférieure de la première partie en tube de la radula ; 2’, muscles abaisseurs, à Ê Î ! 590 Fia. H. DE LACAZE-DUTHIERS. 21. La râpe linguale vue en arrière par la face buccale; sp, commencement de l’infundibulum conduisant à la matrice, ma. 22 et 23. Vues de la pièce de soutien débarrassée de ses enveloppes muscu- laires (22 vue en avant, 93 vue en arrière). 24. La râpe linguale; une très faible partie de deux de ses rangées latérales de droite; la partie moyenne des rangées de erochets, k, pour montrer la situation des spinules ; ?, la dent médiane impaire fort petite qui n'avait pas été reconnue et qu’on trouve toujours en observant à l’aide d’un grossissement de 500 diamètres ; 7, 7, la première dent à côté de la dent impaire ; !, la dernière en dehors de la rangée. 25. Dans une même rangée 1, dent interne plus courbe, les deux talons 1’, 1” sont encore contenus dans la membrane chitineuse qui la fixe ; la der- nière dent 4, la plus extérieure, est bien plus longue et presque droite. 26 et 27. Coupe perpendiculaire à son grand axe du muscle cartlagineux ; 0, 0’, la couche de cellules cartilagineuses extérieures ; 0’, le bourrelet qu’elles forment sur la ligne médiane de la cavité de la pièce ; p, fibres musculaires, perpendiculaires aux deux couches cartilagineuses ; s, amas de cellules cartilagineuses entre les fibres musculaires (faible grossis- sement, 150 fois). 28. Une partie fortement grossie, 600 diamètres; p, une fibre musculaire déta- chée de ses voisines et tordue, elle montre son noyau ovale, p'; dans les autres fibres, les noyaux se présentent de champ; s, un interstice rempli de cellules cartilagineuses; en o, on voit la première couche du cartilage avec des séparations et des noyaux correspondant aux cel- lules; entre elle et les muscles, une bande transparente semble plus dif- ficile à définir. PLANCHE XXXII. Position des viscères. 29, Corps d'une T. haliotidea ouvert par le dos, des téguments étant écartés, ‘les organes paraissent en place. Avec l'indication générale des lettres, il est facile de reconnaître les parties. Il faut ici remarquer surtout, k, kK!, les poches supplémentaires de la cavité pulmonaire ; l'intestin en bas; le long muscle du flagellum, ft; la position de l’aorte, ao, et les muscles, a, b, fixant latéralement l’estomac ou jabot ja aux parois du corps. 30. Corps ouvert par le milieu du pied. A remarquer surtout ici : la glande génitale, gg; les replisiplissés du manteau, mn'; le poumon, pn; le tor- tillon, tr, et particulièrement le muscle columellaire vrai, mc. 31. La cavité pulmonaire pn proprement dite, ses prolongements 0’, 0 allant jusqu’en k, k'; le cœur, cr; le corps de Bojanus, cb ; le rectum, re; l’anus, an, et l’orifice respiratoire, or, paraissent ainsi dès qu’on a ouvert cette cavité en faisant partir l’incision de l’orifice, or à droite, et la continuant en haut. 32, Extrémité fort grossie du tortillon montrant le vrai muscle columellaire, mc, se terminant en dedans sur le bord droit du tortillon, le poumon pn HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 391 et l’orifice os du corps de Bojanus, d’où il sort un boudin de matière excrétée. PLANCHE XXXIII. Digestion. FiG. 33. Portion de l'épithélium de la cavité buccale qui s’enlève avec la plus grande facilité sur les animaux noyés. Les noyaux sont fort gros, très colorés ; à remarquer, €, c’, ec”, les petits mamelons que forment les dépressions de cet épithélium, ce sont de véritables cryptes ou glandules primitives. Sur le bord b de la membrane, les cellules sont vues de champ, 500 diamètres. (Coloration borax carminée, acide formique.) 34. Cellules prises dans la poche épithéliale supplémentaire, h, figure 17 (500 dia- mètres). Coloration idem. 35, Cellules de ces épithéliums buccaux naturelles, sans action des réactifs. 36. Coupe de l'entrée de la bouche, b; la couche d'épithélium, a. La couche bien plus épaisse de chitine qui protège l’orifice buccal ne se colore que bien peu par le réactif, la figure a une coloration beaucoup trop intense. 37. Cette figure est complexe, elle a pour but de donner les rapports du foie 42. fe offrant deux lobes distincts séparés par la circonvolution duodénale, dd. Elle donne une idée très exacte des rapports de la glande pédieuse, 9» ; des glandes salivaires gs avec le jabot 7a ; des canaux biliaires s’ou- vrant dans le duodénum dd de l'intestin, inf ; enfin des branches arté- rielles nées de la crosse aortique duodénale, cd. Bien qu'il y ait une dissociation légère des organes, les rapports sont tous à peu près con- servées, - 38. Coupe longitudinale du jabot, a, et de ce qui le suit, es, qu’on peut ap- peler estomac; elle est destinée à montrer les replis de la muqueuse. 39. Ouverture de la dernière partie de l’estomac, es, et de la première de l’in- testin, int,pour montrer l'ouverture des canaux hépatiques, bi, bi', bs, bs". 40. Une extrémité des replis de la muqueuse du jabot dont les noyaux seuls ont été colorés; le bord libre b est transparent et renferme entre les extré- mités des cellules et la limite des corpuscules réfringents ; en d, on voit normalement cette extrémité. Les cellules sont coniques et leursommet répond à la couche musculaire (500 d., ér). bis. Ces cellules naturelles en a, à noyau coloré par le picro-carminute ayant à peine agi. (Gross. 500 d.) . Coupe de la muqueuse du jabot faite à la paraffine; les plis de l’épithé- lium sont inégaux, à, b; en c on voit les trabécules de tissus conjonctifs reliant les couches musculaires à la base des cellules épithéliales. Anus coupé en bec de flûte, dont les lèvres se prolongent, et dans l’inté- rieur duquel on voit la fin d’un bourrelet, d. . Structure et éléments des glandes salivaires. Dans le bas f de la figure, coupe optique d’un lobule avec ses cellules à gros noyaux; en g, les éléments conjonctifs de la cavité générale ; a, c, d, les mêmes cellules naturelles ; les noyaux n’ont pris qu’une teinte rose par suite du peu de durée de l’action du réactif colorant ; b, cellules après l’action ordinaire Fi. FiG. F1G. H. DE LACAZE-DUTHIERS. pour conduire à l'inclusion dans la paraffine. On peut juger des change- ments de volume produits; les cellules a sont les plus grandes, remplies de granulations fines ; c, les plus petites, et d, celles en voie de for- mation. hk. a, cellules du foie à granulations se désagrégeant facilement ; b, cellules à concrétions vivement colorées en jaune orangé, terre de Sienne ; ce sont ces cellules qui donnent la couleur au foie. PLANCHE XXXIV. Circulation artérielle. 45. Corps ouvert afin de mettre en évidence la position du foie, du corps de Bojanus, cb ; du cœur, cr; de l’aorte ascendante ou supérieure, as, et de l'aorte inférieure, inf. 46. Le péricarde étant ouvert, le ventricule » et l’oreillette o injectés en rouge. Le poumon pn supposé rempli par la même couleur. Le graveur a très mal rendu l'apparence des vaisseaux pulmonaires. ; 47, Disposition générale des artères principales et position du cœur par rap- port à l’arbre artériel vu dans son ensemble. 48. L’artère pédieuse ap, dans la Testacella Maugei, descendant du collier æsophagien au-devant de :a glande pédieuse; ac, aorte ascendante. 49. Une portion de l’intestm grossi 10 fois ; injection fine dont la réussite est complète ; Les capillaires y sont de toute évidence. 50. Une portion de la précédente préparation; grossie 300 fois ; richesse très grande des capillaires. | PLANCHE XXXV. Circulation artérielle. 51, 52, 53, 54. Distribution des artères nées de la terminaison de l’aorte supé- rieure, la tête vue ouverte par le dos 51 et 53, par le côté 52 et par le pied 54. Ces figures sont destinées à indiquer les origines des artères pé- dieuses, ap; radulaire, ar; cervicales, acr, aci. 55. Artères du manteau, pig, palléal gauche ; pli, palléal inférieur; pdi, pé- dieuse inférieure ou supplémentaire. | 56 et 57. Épithélium de l’enveloppe extérieure du corps vue de face 57 et de profil 56. Ces cellules à gros noyau brillant, à extrémité centrale co- nique ou bifurquée, sont représentées normales sans avoir subi l’action des réactifs, elles semblent séparées les unes des autres par un espace clair dû à l’épaisseur de leurs parois transparentes. Gross., 700 d. 58. Portion de la paroi du corps vers la tête; a, tissu conjonctif général ; b, glandes mucipares à gros noyaux, en forme de bouteille; leur col s’insinue entre les cellules de l’épithélium, c, et leur contenu coagulé sous forme de globules à l’orifice de leur col est coloré par les réactifs, d. Gross., 500 d. HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 593 PLANCHE XXXVI. Circulalion artérielle. Fi. 59, Tête grossie, ouverte par le dos; le but de cette figure est de mettre en évidence la terminaison supérieure de l'aorte, ac', fournissant, comme par un trépied cœliaque, les artères pédieuses, aps, api; les artères cépha- liques, acd, acg, dont les rapports avec le collier œsophagien sont très clairement visibles et qui fournissent les artères cervicales, acg, acd, l'artère radulaire, ar. 60, Terminaison de l'artère radulaire dans l'intérieur du bulbe, dont les mus- cles rétracteurs, mr, et le muscle recroquevillé en oublie, y, y', ont été écartés pour qu'il fût possible de voir les réseaux capillaires fort riches, se répandant sur eux et sur la matrice, ma. 61. Même figure, vue de profil. Mêmes lettres. 62, Coupe de la glande pédieuse; gp, cavité de la glande; ap, artériole pé- dieuse, d’où partent les ramuscules embrassant la glande, 63. Ensemble de l'appareil génital ; gg, glande génitale hermaphrodite placée | au milieu du foie, fe, recevant le sangfartériel de l'aorte inférieure ai ; ga, glande annexe de l’albumine recevant le sang de l'aorte inférieure, aa. | Cette artère remonte le long du canal godronné qu’elle nourrit, et s’a- nastomose à plein canal avec une artère génitale, ags, supérieure, four- nissant à la poche copulatrice, pe, à l’oviducte, od. On voit aussi, dans cette figure, que la verge et le flagellum, f!, comme le canal déférent, sd, reçoivent le sang de l’artère céphalique droite, acd (fig. 59). PLANCHE XXXVII, Circulalion veineuse. Observation. — Cette planche a été fort mal réussie par le graveur litho- graphe. Les dispositions sont à peine rendues par suite des ombres sou- vent mal placées. Les capillaires et les gros vaisseaux même ne sont 7 pas dessinés avec leur nombre ou leur volume, FiG. 62. Coupe schématique du bulbe lingual avec les différentes artérioles qui pénètrent dans leur intérieur, ca, pièce de soutien. 63. Extrémité inférieure du corps ouverte du côté droit ; pn, le poumon et les vaisseaux afférents, A Elle présente la position du corps de Bojanus, du cœur, de l’infun- dibulum, in, in, bien évidente. Le cercle veineux, c, e’, d, d , a été ou- vert, aussi voit-on l’infundibulum, tn, se prolongeant à côté du rectumet recevant le sang du manteau. La figure était destinée à montrer la richesse des capillaires du dos et de la poche respiratoire supplémentaire, s’anastomosant avec les vais- seaux superficiels du corps de Bojanus, cb’ ; elle ne donne pas l’idée de cette richesse, la majeure partie des capillaires n’ayant pas été rendue. 64. Les poches respiratoires supplémentaires £/ sont ouvertes par le dos et en ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. —- 9€ SÉRIE. — T. V. 1887. 38 394 H. DE LACAZE-DUTHIERS. partie enlevées ; a, a’, les sinus pédieux formant les vaisseaux latéraux, e, €’, qui passent en avant du cœur et du corps de Bojanus, s’abouchent avec le vaisseau, d, d', pour former une autre courbe dorsale par la jonc- tion en /. En k, une branche anastomotique fait communiquer le cercle veineux, €, C', d, d’, L, avec l’infundibulum, in, que l’on voit autour du rectum, rc; à ce cercle veineux arrive une veine dorsale volumineuse, 6. Fi. 65. La mème figure que 64, mais la partie dorsale a été plus profondément ouverte pour laisser voir les vaisseaux pulmonaires; le cerele veineux a élé coupé et les deux moitiés, d, d’, rejetées des deux côtés. 66. Extrémité inférieure du corps fendue en avant, par le milieu du pied. — Les lettres indiquent les mêmes organes, Le but de cette figure est de montrer, après que le corps de Bojanus a été écarté du péricarde, la veine, ob, venant de la glande et allant s’aboucher avec l'oreillette dans le point où arrive le grand canal pulmonaire. Cette veine est représentée par une teinte noire légère. Sa terminaison dans l'oreillette a manqué * de repérage dans l'impression, elle s’abouche avec la veine pulmonaire. 67. Capillaires veineux des téguments. Gross., 25 d. 68. Tous les organes ont été enlevés, il ne reste que le pied et les parois laté- rales du cou pour bien mettre en évidence les deux longs sinus pédieux a, a’ qui reçoivent le sang du dos et du pied et qui s’anastomosent en arcade en avant de l’æœsophage, en hant et en bas, ë, j, les artères cer- vicales ou les artères du cou. Ce que montre aussi cette figure, c’est l’a- nastomese de l’artère pédieuse supérieure avec l’artère pédieuse supplé- mentaire inférieure naissant de l’une des branches de la crosse duodé- nale. Les deux artères ainsi unies suivent la face postérieure de la glande pédieuse, gp. PLANCHE XXXVIII, Système nerveux. Observation. — Des couleurs conventionnelles ont été données aux nerfs et ganglions des différents groupes : noir, centre cérébral ; bleu, centre asy- métrique ; orangé, centre pédieux; veré, centre stomato-gastrique. Fa. 69, Le collier œsophagien est conservé pour montrer sa situation. Le jabot, ja; le duodénum, dd; l'intestin et le conduit ovospermiducte, soa, avec les organes copulateurs du haut de la tête, sont seuls conservés, (Double de grandeur.) La figure a surtout pour but de mettre en évidence les différents nerfs nés du centre asymétrique et leur excessive largeur. Leur teinte bleue permet de les lire sans difficulté. 70. Le cerveau, fortement grossi, avec les origines réelles des nerfs. La teinte noire des nerfs cérébraux les distingue des connectifs : bleu, pour le centre inférieur, vr ; orangé, pour le pied, vx. 71. Une portion du côté droit de la tête avec un seul ganglion cérébral, M: Cette figure a pour but de montrer le rapport constant du conduit, sd; spermatique, ou déférent, de la gaine de la verge et du nerf grand tens taculaire, 1 +3, qui passe au-dessous des conduits génitaux. TA LE 7 = Re Ten re 2 HISTOIRE DE LA TESTACELLE. 595 Dans cette figure comme dans la précédente, les origines doubles du conñectif, allant du cerveau au centre stomalo-gastrique, sont bien mar- quéés. Dans le cas représenté par cette figure, la branche du conneclif, #, allant au connectif, vz, asymétrique, est surtout très longue. Fic. 72. Centres pédieux et asymétriques fortement grossis et en place vus par la face dorsale. Dans le centre asymétrique, on remarque quelques diffé- rences remarquables entre les cellules des ganglions. IV, V, VI, nerfs (formant l’éventail cervical. 73. Les centres asymétriques et pédieux vus en avant. La figure a pour but surtout de montrer l'origine des paires des nerfs pédieux I, II, III, suivant une ligne verticale au milieu des ganglions, et très distinct et éloignée des nerfs cervicaux disposés en éventail, IV, V, VI. 74. Un nerf, b, et un capillaire, a, paraissent, l’un plein, autre vide, en c, contenu nucléé, sortant de l’extrémité du nerf, par suite de l’action de l'acide. 500 diam. « PLANCHE XXXIX. Système nerveux. Fig. 75: Nerfs pédieux et cervicaux seuls conservés. Ces derniers ont été repré- sentés en noir pour éviter de trop multiplier les couleurs, la distinction des deux sortes de nerfs, quant à la distribution, est ainsi rendue bien évidente. 76. Collier œsophagien, et distribution des nerfs céphaliques, apparence en éventail, IV, V, VI, des nerfs cervicaux. Dans cette figure, pour éviter la confusion, les nerfs ont été coupés tout près de leur origine et leurs indications symboliques répétées sur les bouts périphériques et du centre. Les nerfs babinaire et petit tenta- culaire ont été désignés par ces signes : le premier (..), le deuxième, LS 77. Extrémité inférieure du corps et terminaisons des nerfs du centre asymé- trique dans le manteau et de la cavité voisine du péricarde. Leur teinte bleue et les numéros qu’ils portent les désignent assez. 78. Distribution des nerfs nés du stomato-gastrique. Ce qui est surtout à remarquer, e’est la richesse des réseaux et le nombre des branches qui innervent la pièce de soutien, car. 79. Les ganglions stomato-gastriques isolés et les nerfs qui en partent. a, nerfs nés de la commissure et allant à la partie centrale ou ma, matrice ; .b, nerfs des muscles profonds, surtout du musculo-cartilage ; k, con- nectif d'union avec le cerveau ; c, nerf de la partie latérale supérieure du bulbe ; d, nerf buccal supérieur ; e, nerf gastrique ; /, annexe du nerf gastrique. 80. Une partie du réseau sympathique œsophagien montrant de loin en loin des renflements ganglionnaires, 81. Une portion de l'intestin présentant un réseau nerveux sympathique très riche. 996 Fic. 82. Fig: 183. 84 el 85. 86. 87 et 88. SE 96, H. DE LACAZE-DUTHIERS. Ce qu’il y a de curieux dans cette figure, c’est que, du gros nerf que traverse en haut la préparation et qui dépend du centre asymétrique, part un filet qui vient se mêler en s’anastomosant au réseau sympathique. Gross., 50 d, Apparence des cellules cartilagiennes de revêtement de la pièce de sou- tien, vues à 500 diamètres par la face extérieure. PLANCHE XL. Reproduction et excrétion. Le corps de Bojanus, bÿ, à côté du cœur, cr, dont le canal excréteur, cb, passe en avant du poumon, pn, et s’ouvre au sommet du tortilion. Les éléments et le tissu du corps de Bojanus. Gross., 500 d. Papille, grossie, de la reproduction, sur laquelle on voit les orifices : ©, femelle: à, mâle. Le canal godronné ouvert en partie et ayant deux œufs dans son intérieur. l, la lame qui partage le canal en deux cavités, l’une godronnée, cg, l’autre épaisse, lisse, g. C'est au fond de la gouttière, cs, que glissent les “spermatozoïdes qui arrivent dans le canal, cs. Ces deux figures se com- plètent; dans la première, on voit l’ouverture du conduit, 0os, de la glande hermaphrodite, s’ouvrir au voisinage de la glande à albumine, al. . Une moitié de la glande après la ponte. Cette figure n’a d'autre but que de montrer la disposition en grappe parfaite de cette glande. Cette dis- position est aussi évidente que possible. . Apparence vraie au moment de la reproduction des acini de la glande. . Un œuf ovarien au moment de la léthargie. Gross., 25 d. . Un paquet de spermatozoïdes à la même époque. Gross., 25 d. . Un filament spermaiique à la même époque pris dans l’ovospermiducte, Gross., 700 d. Le dessin ne rend pas la délicatesse du filament ; &, sa tète, b, sa queue. . Une jeune Testacelle avec sa coquille, son manteau en capuchon, au moment de son éclosion. Une portion de la glande pédieuse, d, d, d, contournée.dans son enveloppe conjonctive, &, b, c. L | a, tissus de la paroi du tube de la glande; b, les cellules allongées cylin- driques fort régulières de la glande dans la partie où existent des replis. Gross., 500 d. Cellule de la première partie de la glande qui fait suite à l’orifice et qui, jusques un peu au-dessus des ganglions pédieux, n’est pas-contournée comme dans le reste de son étendue. Ces cellules sont pleines de gra- nulations et n'ont pas la même forme et la même grandeur que celles de la figure précédente. Gross., 500 d. TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES 93e SÉRIE. TOME V Actinologie (voir Fischer). Anodonte (voir Griffiths et Follows). Baldwin Spencer. Sur la présence et la structure de l'œil PER des Lacer- tiens, N. et R., p. vi. Beyer. Structure de la Lingule, N.etR., DS XV, Blatte (voir Griffiths). Bourne (Gilbert). The anatomy of the madreporarian coral Fungia, N. et RD. xxIr. Bryozoaires (voir G.Sidney, F. Harmer). Cellule (voir #lemming). Céphalopodes (voir Griffiths). Cerceris ornata (voir Marchal). Corps de Bojanus (voir Griffiths et Follows). Cuénot. Etudes sur le sang, son rôle et sa formation dans la série animale, N. et R., p. xLuI. Delage (professeur Yves). Sur une fonc- tion nouvelle des otocystes comme organe d'orientation locomotrice, p.1. Dendrocæles (voir P. Halles). Distomum (voir Poirier). Dorocidaris (voir H. Prouhe). Echinides (voir H. Prouho). Fischer. Contribution à l'actinologie française, p. 381. Flemming. Nouvelle contribution à la connaissance de la cellule, N. etR., P. XXXIII. Follows (Harold), (voir Griffiths), Fungia (voir Bourne). Griffiths. Recherches sur quelques points de la physiologie du canal ali- mentaire de la Blatte, N. et R., P. XXIX. Griffiths. Recherches chimico-physiolo- giques sur le foie des céphalopodes, Ns'et RS ps xEx. Griffiths et Follows (Harold). Examen chimico-biologique des organes de Bojanus chez l’Anodonte, N.et R., pe XXIX. Halles (Paul, professeur à Lille). Em- bryogénie des Dendrocæles d’eau douce, N. et R., p. xxxIx. Harmer (Sidney). The life-history of pe- dicellina, N. et R., p. xx. Harmer (Sidney F.). Sur l’embryogénie des Bryozoaires ectoproctes, p. 443. Haswell. Sur la structure du prétendu ventricule glandulaire des Syllis, N. Êt-R:,. D 2XX, Hermione (voir Jourdain). Hubrecht. Embryogénie des Némertes, N°: etR.,p. xnx. Hubrecht. The relation of the nemertea to the vertebrata, N. et R., p. xLvii. Jhering (H. von). Existe-t-il des Ortho- neures? N. et R., p. xvir. Joliet (voir Pruvot}. Joubin. Note sur l'anatomie d’une Né- merte d'Obock, p. 61. Jourdain. Structure histologique des téguments et des appendices sensitifs de l'Hermione hystrix et du Polinoe Grubiana, p. 91. Korotneff (de). Polyparium ambulans, N.etR.,p. xxxv. Lacaze-Duthiers (H. de). Histoire de la Testacelle, p. 459. Lacaze-Duthiers (H. de) Hommage à M. de Lacaze-Duthiers. Introduction, p. 1. 298 Langia obockiana (voir Joubin). Lingule (voir Beyer). Locomotion (voir Delage). Marchal. Etude sur l'instinct du Cer- ceris ornata, p. 27. Madreporarian coral(voir Bourne). Mesoglæa (voir Bourne). Mollusques (voir Simr'oth). Mysis (voir Nusbaum). Némerte (voir Hubrecht). Némerte (voir Joubin). Nusbaum (Jozef). L'embryologie de My° sis Cameleo, p. 123. Obock (voir Joubin). OŒEil pinéal (voir Baldwin Spéncer). Orthoneures (voir V. Jhering). Otocystes (voir Delage). Parasites de l’homme (voir Poirier). Pedicellina (voir Harmer:). Petromyzon fluviatilis (voir Schipley). Poirier. Note sur une nouvelle espèce TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. de Distome parasite‘ de l’homme, le Distomum Rathouisi, p. 203. Polinoe (voir Jourdain). Polyparium ambulans (voir «/e Korot- ne/|). Prouho (Henri). Recherches sur le Do- rocidaris papillata et quelques autres Echinides de la Méditerranée, p. 213. Pruvot. Notice historique sur Lucien Joliet, N. et R., p. 1. Sang (voir Cuénot). Sangsue (voir Witman). Schipley (Arthur E.). Sur‘ le dévelop- pement du Petromyzon fluviatilis, N. et K:, D. xX1. Simroth. Sur les mollusques d'Alle- magne, N.etR., p. xxvi1. Syllis (voir Haswell). Testacelle (voir H. de Lacaze-Duthiers). Witman. Les sangsues du Japon, la sangsue terrestre, N. etR., p. x. TABLE DES PLANCHES 96 SÉRIE, TOME V Planche hors série (Introduction) : Portrait de M. de Lacaze-Duthiers (Directeur). 1 et II. Langia obockiana. IT et IV. Appendices des Annélides. V à XII. Embryogénie de la Mysis cameleo. XIII. Distomum Rathouisi. XIV et XV. Dorocidaris papillata. XVI. Echinus acutus. XVII à XXI. Dorocidaris papillata. XXII. Strongylocentrotus lividus. XXIII à XXV. Dorocidaris papillata. XXVII et XXVIII. Bryozoaires ectoproctes. XXIX à XL. Anatomie de la Testacelle. Erratum : pl. 1 et 1v, lisez : Annélides pour ARMELIDES. PARIS. — TYPOGRAPHIE A. HENNUYER, RUE DARCET, TE en Li - b e ‘ « * » € r4 . , 1 - LitLiertss NOTES ET REVUE. LUCIEN JOLIET. Une douloureuse nouvelle vient de nous frapper. Un des meilleurs dans cette famille d'élection qui se serre autour de notre commun maître, M. de Lacaze-Duthiers, M. Joliet, vient de s’éteindre à Paris, le 4 avril 1887. Bien que depuis longtemps aucune illusion ne fût plus permise sur l’issue fatale du mal qui le minait, il luttait si obstinément, non pour lui, mais pour ceux qu’il aimait, il leur montrait une humeur si égale, un visage si souriant, que personne autour de lui ne s'attendait à un dénouement si proche. Lucien Joliet naquit le 23 février 1854, à Chartres, où son père, ancien . magistrat, a laissé le souvenir d’une nature bonne, généreuse jusqu’à la _naïveté. Esprit cultivé, épris de toutes les manifestations intellectuelles de l'esprit humain, peu soucieux des réalités mesquines de la vie, poète dont nombre de pièces, réunies et publiées après sa mort, respirent un charme délicat, il a su communiquer à son fils cet enthousiasme pour les belles choses et ce mépris des petites infamies courantes qui fut un des traits les plus saillants de son caractère ; admirablement secondé, du reste, dans cette tâche par sa femme, peintre et musicienne, dont la nature d'élite alliait aux dons les plus brillants, les qualités solides d’une femme d'intérieur et d’une maîtresse de maison accomplie. C’est à l’abri de ces deux tendresses inquiètes, également éclairées, que se développa la précoce intelligence du jeune Lu- cien, dans cette calme maison de Chartres et surtout dans cette propriété de Nogent-le-Phaye, qu'il ne pouvait se rappeler sans attendrissement. L’idée d'une séparation, si courte qu’elle fût, était ‘insupportable à cette famille si étroitement unie, et quand l’âge vint pour le jeune homme de commencer ses études, son père le suivit à Paris. Lucien Joliet avait de bonne heure montré une grande aptitude pour les sciences. Il fit, au lycée Condorcet, de brillantes études qu’il poussa jusqu’aux mathématiques spéciales, se destinant alors à l'Ecole polytechnique. Mais atteint, en 1873, de deux pleurésies à la suite desquelles sa santé alla tou- - jours déclinant, il dut renoncer à l'avenir qu’il entrevoyait et chercher une autre direction. Il commença des études de médecine et c’est alors que Vamitié étroite qui le liait à deux jeunes naturalistes de grand avenir, MM. H. Hermite et Ch. Flahault, le premier enlevé prématurément à la | Science comme lui, le second aujourd’hui professeur de botanique à la Faculté | des sciences de Montpellier, détermina sa voie vers les sciences naturelles. Il ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN,-— T. V, 1887, A " NOTES ET REVUE. y marcha d’un pas rapide. Après avoir étudié quelque temps sous la direc- tion de M. Milne Edwards, il entra dans le laboratoire de M. de Lacaze- Duthiers, dont l’enseignement l’attirait particulièrement et dont le caractère lui inspirait une vive sympathie qui se changea bientôt en respectueuse et sincère affection. Le maître et l'élève se comprirent rapidement. Après avoir été reçu le pre- mier à la licence ès sciences naturelles, Lucien Joliet fut appelé par la con- fiance de son maître à diriger en son absence l'établissement de Roscoff. Pas plus d’un an après, il soutenait brillamment en Sorbonne sa thèse de doctorat sur l’organisation des'Bryozoaires, et lorsque les besoins croissants de l’ensei- gnement supérieur déterminèrent, en 1877, l’adjonction aux professeurs de maitres de conférences, il fut natureliement choisi pour ce poste. Il inaugura ainsi ce système auquel M. de Lacaze-Duthiers a voulu et entend bien rester toujours fidèle, qui prend le jeune homme dès qu’il a pu donner la mesure de son aptitude au travail et l’élève peu à peu, l’initiant progressivement comme préparateur du cours au détail de l'administration, comme préparateur de station maritime à la responsabilité personnelle et à l’administration d’un vaste établissement, comme maître de conférences à l’enseignement et à la direction des élèves. Il a ainsi fait, sous une direction expérimentée, comme la répétition du rôle multiple qu’il aura, dans le développement actuel des moyens dont dispose la zoologie, à jouer comme professeur de Faculté. Lucien Joliet ne devait pas franchir cette dernière étape. En 1878, à son retour de Roscoff, il épousa une jeune fille à laquelle il avait voué depuis l'enfance la plus tendre affection. Tout semblait devoir assurer le bonheur à cette union. Mais sa santé s’altéra peu après, il eut la douleur de perdre son premier enfant et, cédant aux instances de sa femme, il consentit à inter- rompre ses conférences et à demander, le cœur brisé, à être mis en non- activité pour raison de santé. Il passa successivement les hivers dans le Midi, depuis 1880, consacrant au travail les courts instants de répit que lui laissait la maladie, publiant des travaux variés qui témoignent de la souplesse et de la liberté de son esprit, cachant au fond de son cœur avec une admirable énergie la douleur qu'il éprouvait à voir brisée à son début une carrière qui s’annonçait si belle: Plusieurs fois, se sentant irrévocablement condamné, il offrit sa démission de maitre de conférences à la Sorbonne, qui fut toujours refusée. Nous lui gar- dions sa place, ses collections, ses instruments de travail au milieu de nous: M. de Lacaze-Duthiers ne voulait pas renoncer à revoir auprès de lui cet ami si apte à comprendre et à partager son amour pour la science. Mais tous les soins dévoués, toute la tendresse dont il était entouré étaient impuissants; il revint s’éteindre à Paris, le 4 avril 1887. Ce n’est pas dans ces archives où tient toute sa vie scientifique si courte, entravée dès le début par un mal continu et pourtant si remplie qu’il con- vient d’insister sur le nombre et la valeur de ses travaux; ce n’est pas aux lecteurs de ce recueil, où pendant onze ans il soutint presque seul le poids de la partie Nofes et Revues, qu’il est nécessaire de vanter l’heureux choix, la concision et l’élégante clarté de ses analyses de mémoires étrangers. NOTES ET REVUE. mi La zoologie lui doit aussi nombre d'observations ingénieuses et de mémoires de valeur. Séduit, dès son premier voyage à Roscoff, par la richesse de cette faune en Bryozoaires, il se mettait à l'œuvre et, en peu de mois d’un labeur infatigable, il recueillait une riche moisson de faits. Il en sortit les Contributions à l'histoire naturelle des Bryozoaires des côtes de France , que les traités généraux étrangers citent fréquemment avec éloges, honneur dont ils se montrent d'ordinaire si ménagers à l'égard des travaux français. Trois questions surtout lui sont redevables d’une solution qui semble définitive : 1° Comme Nitsche l'avait déjà entrevu, le corps brun n’est que le reste d’un polypide flétri qui sera digéré et expulsé de la loge par son successeur ; 2° Le prétendu système nerveux colonial de Fr. Müller n’a rien de ner- veux ; ce n'est qu'une partie d’un tissu formateur (endosarque) répandu par- tout, et destiné à donner naissance aux polypides, aux éléments reproduc- teurs et aux globules sanguins ; 3° Le polypide et la zoécie sont deux individus distincts, emboîtés ; le pre- mier chargé des fonctions de la vie végétative et de la reproduction sexuée, la seconde, de la reproduction par bourgeonnement. Puis, étendant ses recherches aux Bryozoaires entoproctes ?, il mettait hors de doute chez eux la présence d’un véritable organe segmentaire dont l'importance morphologique est grande, car c’est un trait commun de plus avec les Brachiopodes et qui les rapproche des Vers. Les Rotateurs avaient aussi de bonne heure attiré son attention. Bien des points de leur anatomie et surtout de leur reproduction restent encore obscurs. Il en préparait une étude monographique complète pour laquelle il a amassé de nombreux matériaux et que la mort ne lui a pas permis de con- duire jusqu’au bout, Les Mélicertes seules ont fait l’objet de plusieurs publi- cations* qui montrent dans tout leur jour cette persévérance, cette ténacité dans l'observation, qui sont une des qualités les plus précieuses du z00l0- giste et qu'il possédait au suprême degré ; il n’hésitait pas à rester l'œil fixé à l'oculaire du microscope jusqu'à sept heures de suite d’une observation con- tinue, jour ou nuit, à suivre les ébats de ces petits êtres dans l'espoir de prendre sur le fait l'acte de la fécondation. Il fut récompensé de son obstina- tion par la découverte du mâle à forme larvaire, encore inconnu des z0olo- gistes ; la connaissance de trois formes femelles : pondeuse d’œufs d'hiver ou durables, pondeuse d'œufs femelles et pondeuse d'œufs mâles, la première 1 Arch. de 300!, exp. et gén. t. VI, 1877. Syst. nerv. colonial du Bowerbankia im- bricata (C. R., 1877, t. LXXXIV, p. 623). — Sur quelques points de l'organisalion des Bryozoaires (C.R., 1877, t, LXXXV, p. 406). 2 Sur la présence d'un organe segmentaire chez les Bryoz. entoproctes (Comptes rendus, 1879, t. LXXX VIII, p. 392). — Organe segment. des Bryoz. entopr. (Arch. de 3ool. exp. et gén., t. VIII, p. 497). 3 Obs. sur les Rotaieurs du g. Mélicerte (C. R., 1881, t. XCIII, p. 748). — Déve- loppement de l'œuf des Mélicertes (id., p. 856), — Monographie des Mélicertes (Arch. de 300. exp. et gén., 1883, 2° série, t, I, p. 131). IV NOTES ET REVUE. naissant d'œufs fécondés, les deux autres par parthénogénèse, et par une con- naissance à peu près complète de tous les phénomènes du développement. Ses lorfgues stations sur les plages de la Méditerranée ne furent pas non plus perdues pour la science. De nombreuses observations! sur les fonc- tions du sac rénal chez les Hétéropodes, divers Crustacés, les Pyrosomes en font foi. C’est là qu’il jeta les bases d’un grand travail d’ensemble sur une des questions les plus ardues et les plus controversées de la zoologie moderne, la reproduction par bourgeonnement. Là encore nous n’en possé- dons malheureusement qu'une amorce ? relative au bourgeonnement des Bryozoaires. Les travaux de Lucien Joliet n’ont pas tous recu le développement qu'il rêvait de leur donner. Mais tous témoignent hautement de son ardeur in- fatigable au travail, de l'étendue de ses connaissances, de ses fortes qua- lités d’observateur. Bien d’autres travaux inachevés sont restés dans ses cartons, d’où, nous en avons l’absolue conviction, la main pieuse à qui ils ont été confiés suivant ses dernières volontés, ne tardera pas à les faire sortir. Maïs ce qui rend sa perte si cruellement douloureuse, c’est, plus encore que le regret de voir fauchée en pleine fleur cette brillante intelligence, la douleur profonde que laisse à tous ceux qui l’ont connu son caractère d'élite. D'une bienveillance extrême, naturellement enjoué, il était la joie et l’ani- mation de ce laboratoire de Roscoff où, dans la salle d’aquarium de la maison louée qui en fut le berceau, au milieu du désordre pittoresque des bacs à expériences et des apparaux de pêche, les travailleurs aimaient, la journée finie, à se réunir dans une causerie pleine d'abandon. Ce sont là des souve- nirs inoubliables et dont l'écho nous revient journellement de toutes les par- ties du monde que ces soirées exquises où se sont fondées bien des amitiés solides dans la détente de l'esprit fatigué et dans la paix de la nuit qui tombe. Il n’est certainement pas un établissement similaire où la cordialité des rap- ports soit plus grande, où l’étranger arrivé du matin se trouve enveloppé dès le début d’une atmosphère plus sympathique. Cet accord a toujours été un des désirs les plus caressés du fondateur du laboratoire ; il n’a rien ménagé pour l’obtenir et il était admirablement secondé par Lucien Joliet, dont la bonne grâce dans l’accueil arrivait sans peine à réaliser ce miracle que des gens de situation et d'humeur diverses, ne s’étant jamais vus, se trouvaient naturellement d'emblée sur un pied d’amicale familiarité. 1 Observations sur quelques Crustacés de la Méditerranée (Arch. de 2001. exp. et gén., 1889, t. X, p. 101). — Remarques sur l'anatomie du Pyrosome (C. R., 4881, t. XCII, p. 1013). — Développement du ganglion et du sac cilié dans le bourgeon du Pyrosume (C. R.. 1882, t. XCIV, p. 988). 2 Sur le bourgeonnement du Pyrosome (C. R., 1881, t. XCII, p. 472). — Observa- tions sur la blastogénèse et la génération alternante chez les Salpes et les Pyrosomes (C. R., 1883, t. XCVI, p. 1676). — Bourgeonnement du polypide chez plusieurs Ecto- proctes marins (Arch. de zool. exp. et gén., 2e série, t. III, N. et R, p. xt). — Re- cherches sur la blastogénèse (id., 1886, t. IV, p. 37). NOTES ET REVUE. \ Profondément imbu de sentiments religieux qu’il conserva inébranlables jusqu'au dernier jour dans un milieu où ils ne sont plus guère fréquents au- jourd'hui, il ne les consulta jamais dans son appréciation de ceux qui l’en- touraient et montra toujours la tolérance la plus élevée. Je n’en donne pour preuve que l'estime et la sympathie avec lesquelles il à suivi la marche rapide de celui qui l’a remplacé dans des fonctions devenues trop lourdes pour sa santé défaillante, à qui il a voulu que fussent confiés ses travaux inachevés et dont les opinions philosophiques formaient, il n’en à jamais fait mystère, le plus parfait contraste avec les siennes. Mais le trait dominant de son caractère était encore une fermeté stoïque alliée à la plus complète abnégation. Il ne transigea jamais avec ce qu’il regardait comme un devoir. Pendant le siège de 1870, il était à Paris; quoique âgé de seize ans seulement, il s’engagea dans la garde nationale, faisant nuit et jour son devoir de soldat, en supportant avec un dévouement absolu les fatigues et les privations. Plus tard, lors de l'exécution des mesures qui émurent si profondément les consciences catholiques, il voulait absolument donner sa démission ; la crainte d’affliger M. de Lacaze-Duthiers en se sépa- rant de lui avec éclat le retint seule. Il était tout aux autres et sa correspondance pleine du souci des amis com- muns, préoccupée par-dessus tout des moyens de soulager ceux que quelque affliction est venue frapper, est presque muette sur lui. Dès 1883, il cesse même de parler de sa santé à son ami le plus intime : « Mon médecin me promet une amélioration dans six, huit, dix ans ; tu vois que si elle doit se produire, nous avons du moins le temps d’en causer. » « Quelle tentation ! voir partir les bateaux, savoir qu’il y a ceci ou cela à étudier, et ne pouvoir le faire ! Je suis toujours le même; quand je me sens mieux, je ne doute de rien et me mettrais encore à l’eau pour une Sabelle. Il ne faut plus de ces entrainements; l’essentiel est d’être entouré des miens ; alors je travaille toujours. » (Lettre à M. Flahault, 11 avril 1883.) « J'ai passé au lit la première semaine de l’année nouvelle... Tout cela pour une course trop longue par un trop beau soleil. Cela m'a fait méditer ces paroles de Pascal, dont je n’avais pas jusqu'ici saisi le sens, je l'avoue : « Tout « le mal de l’homme vient de ce qu’il ne sait pas rester en repos dans une « chambre. » (13 janvier 1884.) C’est la dernière allusion à sa santé ; ne voulant pas feindre une confiance qu’il n’éprouvait pas ni affliger par la certitude qu'il avait de sa fin prochaine ses amis impuissants, il se taisait, voulant écarter les consolations qui ne pou- vaient le consoler. M. de Lacaze-Duthiers faisait le plus grand cas de son jugement ; il aimait à s’entretenir avec lui des élèves et le consultait volontiers sur son choix quand il désirait en appeler un près de lui en qualité de préparateur. Sa perspicacité à juger les aptitudes et les caractères est certainement une des causes de la cordiale sympathie qui fait de ces laboratoires, comme je le disais au début, une véritable famille dont tous les membres sont unis par des liens solides d’estime et d’affection. J'ai eu l’honneur de lui succéder quand, se sentant irrévocablement perdu, ! VI NOTES ET REVUE. il refusa l’année dernière, malgré les affectueuses instances de M. de Lacaze- Duthiers, une prolongation de congé et se retira définitivement de la Sor- bonne. C’est à ce titre que je dois de pouvoir envoyer ici, au nom de tout le personnel des laboratoires de zoologie expérimentale, un dernier adieu à celui qui est parti trop tôt, mais qui vivra toujours dans notre mémoire. C'était pour nous tous un devoir pieux de fixer, pour ceux qui nous suivront dans la carrière et qui ne l’auront pas connu, le souvenir du maître à qui nous devons, après M. de .Lacaze-Duthiers, nos premières joies de naturalistes et quelques-unes de nos plus solides amitiés. G. PruvoT, Maître de conférences à la Faculté des sciences de Paris. Il SUR LA PRÉSENCE ET LA STRUCTURE DE L'OŒÆIL PINÉAL DES LACERTILIENS, Par W. BALDWIN SPENCER, (Quarterly Journal of Microscopical Science, n° 106, vol, XXVII, pl IL, octobre 1886.) Depuis quelques mois, l’attention du monde savant a été appelée sur la découverte si intéressante d’un véritable œil pinéal chez les Lacertiens, et de la trace de cet organe chez les autres vertébrés. Un des mémoires les plus importants sur ce sujet a été publié par M. Baldwin Spencer; nous en don- nons aux lecteurs des Archives une analyse succincte. C'est à peine si les anciens auteurs, tels que Brandt, Dugès, Milne Edwards, mentionnent vaguement l'existence d’une écaille modifiée sur le sommet de la tête, bien loin de songer à en faire une étude approfondie. Levdig indiqua plus tard avec un peu de clarté l’existence d'un organe spécial, mais sans reconnaitre ses connexions avec l'épiphyse. Rukhard reconnut en 1882 la liaison entre la glande pinéale et les vésicules optiques primitives, et pensa qu'il était possible que la glande pinéale se transformât en un œil, comme le font ces vésicules. Ahlborn (1883), décrivant l’épiphyse du Petromyzon, distingue trois parties : ; 4° un pédicule, 2° et 3° deux vésicules antérieures superposées, à la supé- rieure desquelles est attaché le pédicule; elles sont creuses, à cavités sépa- rées. Il remarque que la glande pinéale et les vésicules optiques ont la même origine. Van Wijhe, chez les Sélaciens, montra d’abord que le neuropore antérieur correspond à la glande pinéale, comme l'avait vu Gœætte chez les Amphi- biens. Il reconnut ensuite que chez les oiseaux, jusqu’au stade à 28 somites, le neuropore existe, puis alors disparait, tandis que le premier rudiment de l'épiphyse apparaît au stade à 29 somites. L'ouvrage le plus récent et le plus intéressant est dû à de Graaf, à qui NOTES ET REVUE. VII revient l'honneur d’avoir clairement démontré que la glande pinéale de l'An- guis fragilis, est actuellement modifiée en un œil dont la Structure est com- parable à celle d’un œil d’invertébré. B. Spencer donne ensuite un résumé des résultats du présent travail. Les matériaux destinés à la confection de ce mémoire étaient en grande partie, conservés dans l'alcool ; quelques Lacertiens étaient vivants. Il a pu passer en revue la structure de vingt-neuf espèces. Le premier type étudié est la Hatteria punctata. Dans cette espèce, l’œil est très peu visible à l'extérieur, aucune écaille n’est modifiée en cornée; il n’y a pas de pigment sur le foramen, c’est ce qui décèle sa présence. Cependant, cet orifice est fermé par un tissu conjonctif qui empêche cet œil de fonc- tionner comme un œil ordinaire, et iui forme une capsule dans laquelle il est dirigé en haut et en avant. — L’œil est conique, et son sommet est en connexion avec le pédicule pinéal. Les parois de la vésicule optique sont divi- sées en deux parties: l’une antérieure, formant la lentille, l’autre postérieure, les membranes sensibles. La lentille de l'œil pinéal diffère de celle de l’œil ordinaire, en ce qu’au lieu d’être une invagination de l’épiblaste, elle paraît être un produit du cerveau lui-même ; elle est formée de grandes cellules à noyaux proéminents et nom- breux. Les éléments de la rétine sont disposés comme chez les invertébrés. Ainsi dans le même vertébré, nous trouvons des yeux développés à la fois, selon les types vertébré et invertébré, comme étant formés des parois modifiées de prolongements cérébraux. La rétine se compose de bâtonnets fusiformes, entourés de pigments et striés; le pigment est spécialement dense autour de la lentille. Au fond de l'œil, les cellules pigmentées sont très longues et en rapport avec un groupe de grosses cellules logées dans le pédicule pinéal. Sous les cellules pigmen- tées, est une couche de cellules rondes à gros noyaux, qui s’y rattachent par des prolongements. En dehors, une couche moléculaire à fins granules, séparant en deux couches les éléments rétiniens. Une couche de cellules sphé- riques entoure encore celle-ci, puis une couche d'éléments coniques entre- mêlés à de petites cellules à prolongements filiformes. Chez la Hatteria, comme chez les autres types examinés, il est constant que l'œil est relié à l’épiphyse par un cordon net et solide, que l’on peut nommer le pédicule pinéal. Il pénètre dans la partie postérieure de l'œil, et contient des éléments comparables à ceux que renferme le nerf optique à l'état embryonnaire, . Telle est, avec quelques détails, la structure de l’œil de Hatteria. L'auteur passe ensuite en revue l’œil pinéal d’un grand nombre d’autres espèces, Nous ne ferons qu’indiquer les faits les plus saillants. Chez le Varanus giganteus, l'œil se voit très bien. Au centre de l’écaille de S millimètres quile porte, se voit une tache noire circulaire, due à laprésence de pigment dansle cristallin. Au-dessus est une cornée transparente. La capsule renferme un grand nombre de vaisseaux, dont le tronc d’origine suit le pédi- cule optique, et se résout en nombreuses branches. La lentille est formée de VIII NOTES ET REVUE. longues cellules à grand axe parallèle à l'axe de l’œil. Cette lentille transpa- rente présente une remarquable particularité. Son centre est occupé par une masse de grosses cellules sphériques, fortement pigmentées, qui donne la couleur noire à l’œil vu de l’extérieur. La rétine ne diffère pas sensiblement de celle du type précédent. — Le nerf optique est triple dans sa portion distale; mais dans sa portion proximale, il est simple. Chez le Cameleo vulgaris, la vésicule optique existe, mais elle est fort peu perfectionnée ; le foramen pariétal est petit, recouvert par une cuticule trans- parente. La vésicule optique est sphérique, un peu aplatie, à parois formées de longues cellules nucléées, et sa cavité centrale est ciliée; il n’y a aucun pigment, et il n’y a point de différenciation spéciale pour une rétine ou une lentille, car toutes les cellules qui composent cette sphère sont semblables entre elles. Le prolongement de la glande pinéale vient s'appliquer directe- ment contre le fond de cette vésicule sphérique. Chez l'Anolis, l'œil est situé à fleur de tête; sa forme est allongée de haut en bas, le cristallin cellulaire. Chez l'Iquana tuberculata, l'œil est parfaitement net à l'extérieur, il est entouré de tissu conjonctif, mais est dépourvu de capsule. La lentille est fortement convexe en dedans; les bâtonnets bien marqués et enfoncés dans du pigment sont en contact avec des cellules sphériques, sauf au point de contact avec le nerf optique où ils sont extrêmement longs. Chez le Calotes, l’écaille médiane ressemble parfaitement à un œil à cen- tre noir. L’œil est considérablement aplati, le cristallin est cellulaire, mais les noyaux sont peu distincts. Les bâtonnets sont bien développés, maisil n’y a pas autour d’eux d'éléments sphériques, un gros vaisseau passe sur le côté de l'œil. La glande épiphysaire est absolument séparée de l'œil et se termine en cul-de-sac, en avant du foramen. Il en est de même du Leiodera nitida qui, par plusieurs points, se rapproche du genre Culotes. Chez l'A nguis fragilis,l'épiphyse s'arrête à quelque distance de l” ie mais sa terminaison en cul-de-sac est entourée de pigment. Un type remarquable est le Cyclodes gigas. L’épiphyse n’est point déve- loppée en un œil, mais sa structure montre un état transitoire de l'œil dans d’autres types. — La cornée n’est que rudimentaire. Dans tout son trajet, l'épiphyse est largement creuse, sa cavité étant en communication directe avec le troisième ventricule, ciliée, et à cellules columnaires. L’extrémité renflée de cette vésicule peut être considérée comme l'œil pinéal des autres lézards dans un état rudimentaire. Les cellules qui forment la surface externe de cette vésicule diffèrent fort peu de celle d’un cristallin. A la surface postérieure, les noyaux s'accumulent vers la périphérie, et la partie des cellules, qui confine au centre de la vésicule, diffère peu des bâtonnets des autres types. On peut considérer cet état comme un stade du développement de la rétine. Le Lacerta ocellata a un œil pinéal très proéminent, hémisphérique, à surface externe plate, à surface interne convexe et noyée dans une masse de cellules pigmentaires rameuses. Deux nerfs terminent l’épiphyse et pénètrent dans la rétine. Chez le Seps, l'œil est absolument séparé de l’épiphyse. NOTES ET REVUE, IX Signification de l’œil pinéal. — Dans toutes les formes de vertébrés, l’épi- physe est un prolongement creux du plafond du thalamencéphale. C’est là le type du Petromyzon où l’épiphyse se distingue en un pédicule suivi de deux vésicules, le tout enfoncé dans les cartilages céphaliques. Les cellules n’ont point de pigment, mais on y soupçonne pourtant déjà l'apparence de bâtonnets. Chez les Elasmobranches, la vésicule est creuse et renflée à son extré- mité ; chez les Amphibiens, le développement est le même dans le jeune âge, et chez les Urodèles, l'organe reste comme un corps spongieux, tandis que chez les Anoures il se forme une vésicule distale, fixée à un cordon proximal. Chez les Reptiles, l'épiphyse est creuse, à direction antérieure, à différencia- tion poussé chez les Lacertiliens à son summum, où la vésicule distale est, en mainte occasion, transformée en un œil. Chez les Oiseaux, la vésicule dis- tale devient vasculaire, et le pédoncule proximal devient solide. Dans les Mammifères, la structure est encore moins développée, l’épiphyse est très courte et dirigée en arrière. En considérant l’ensemble des animaux, on voit que dans toutes les formes au-dessous des Mammifères, l’épiphyse présente dans sa structure les points suivants communs : 1° elle est un prolongement en avant et creux du plafond du thalamencéphale ; 2° elle se divise, pendant son développement, en une vésicule distale portée sur un pédoncule creux ou plein en relation avec le plafond du cerveau. A Chez les mammifères, la première condition est satisfaite, à part la direc- tion postérieure, mais de bonne heure elle disparaît par sécrétion de maté- riaux solides et dégénérescence des tissus dans la partie correspondant à la vésicule, Chez les Oiseaux, deux points sont vérifiés, mais dans la suite du déve- loppement, la vésicule distale devient solide et fortement vasculaire. — Au dessous des Oiseaux, on voit chez les Anoures la vésicule se solidifier et res- ter extracraniale. Chez les Lézards, se fait la plus haute modification que nous connaissions, la vésicule s’y transforme en œil. Enfin, chez le Petro- myzon, On peut y reconnaitre quelques rudiments d'éléments optiques, bien qu'il y ait entre lui et les Lacertiliens de grandes différences. Il faut noter que chez les Labyrinthodontes, on trouve un foramen très bien conformé, aussi considérable que chez les Lacertiliens actuels. Comme il est constant que le développement du foramen est en rapport avec celui de l’épi- physe, on peut conclure que chez les Amphibiens fossiles, l’œil pinéal était extrèmement développé, tandis que chez les Amphibiens actuels, l’épiphyse est dégénérée. Chez les reptiles supérieurs, chez les oiseaux, l’organe dégé- néra avec rapidité, tout en conservant des traces de son état passé, à divers degrés, suivant les divers groupes; chez les seuls Lacertiliens, il persista. Chez les mammifères, toute trace de son importance ancestrale a disparu. Les conclusions à tirer des faits et des hypothèses sont les suivantes : 4° Nos connaissances actuelles ne nous permettent pas, chez lAmphioxus, de reconnaître un rapport, soit avec l'œil azygos des Tuniciers, soit avec l’épi- physe. x NOTES ET REVUE. 2° L'épiphyse des « Chordata » supérieurs est l’homologue de l'œil larvaire des Tuniciers. 3° L’œil pinéal est le produit d’une différenciation secondaire de la portion distale de l’épiphyse. 4° TT n’y a point de preuve suffisante pour nier ou reconnaître dans le groupe Poisson l’existence de cet organe. Il existait chez les Amphibiens éteints et se trouve seulement dans les vertébrés vivants chez les Lacertiliens. 5° Dans toutes les formes actuellement vivantes, il est dans un étatrudimen- taire, et bien que sa structure soit plus ou moins bien développée, nulle part il ne peut fonctionner parfaitement. 6° Son summum de perfection a été: a) chez les Amphibiens éteints (Laby- rinthodonte); b) dans le grand groupe de formes éteintes (ichthyosaure, Plésio- saure, Iguanodon) qui peuvent être considérés comme les ancêtres des reptiles et nés oiseaux actuellement vivants. 7° L'œil pinéal peut probablement être considéré comme un organe des sens particulier à la période -prétertiaire. L. JOUBIN. III LES SANGSUES DU JAPON. LA SANGSUE TERRESTRE, Par C.-0. WitTMmaw, Ph. D. (Q. J. micr. sc., avril 1886.) M. Whitman entreprend une étude détaillée des sangsues du Japon et des régions voisines. De son premier article nous détachons quelques passages relatifs à l’une des espèces les plus intéressantes, la Sangsue terrestre, qui vit hors de l’eau parmi les hautes herbes et dans les forêts, qui est très avide de sang, et dont les récits des voyageurs ont souvent parlé, sans qu'une description scientifique en ait encore été donnée. Les sangsues terrestres ont été signalées par les voyageurs, missionnaires et militaires, en différentes parties de l'Orient, notamment à Ceylan et dans l'Himalaya, comme un petit ennemi très fatigant pour les bêtes et pour les gens. Un chirurgien militaire a signalé plusieurs cas dans lesquels des hommes ont été rendus malades par leur morsure. Une ancienne auto- rité, Bosc, a mis en circulation cette assertion que des personnes endormies ont été attaquées par ces animaux en si grand nombre que la mort s'en est suivie. Des naturalistes, dans leurs tournées d’exploration, ont souvent trouvé les bois tellement infestés par ces suceurs qu’ils ont dû battre en re traite. Un bataillon entier de soldats anglais a été, dit-on, chassé des bois par une telle armée de sangsues' qu’il était impossible de leur tenir tête. Elles marchent avec une si grande rapidité que quelques observateurs ont cru qu’elles pouvaient sauter. | NOTES ET REVUE. | XI . On a trouvé des sangsues terrestres en abondance sur les pentes infé- rieures de l’Himalaya, où la limite supérieure de leur extension monte, sui- vant Hooker, jusqu’à 11 000 pieds au-dessus du niveau de la mer. Elles sont très communes à Ceylan, d’après Schmarda, dans les districts montagneux au-dessous de 4 000 pieds. Thurnberg et Meyer l'ont rencontrée à Java; Man- den, à Sumatra ; Meyer Semper et Meyer, à Luçon ; Knorr, au Japon; Meyer, à la Nouvelle-Guinée et aux Célèbes; M. Haswell, en Australie ; Gay et Phi- lippi, dans les provinces méridionales du Chili; MM. Jijima et Sasaki l'ont trouvée très abondante dans les montagnes centrales du Japon; l’auteur l’a recueillie dans l’est du même pays et à Kesbawa, à 12 milles de Colombo. Parmi tous les récits et descriptions publiés, ceux seulement d’'Emerson Tennent, de Schmarda et de Grube conservent une valeur scientifique. Ces auteurs n’ont décrit que deux espèces, et n’ont parlé de celle du Japon que pour dire qu’elle a été vue par Knorr. On réunissait autrefois les sangsues terrestres dans le genre Hirudo; mais il a fallu bientôt créer un genre nouveau pour les sangsues de Ceylan, de l'Inde et du Japon. L'auteur en propose un autre, le genre Geobdella, pour les sangsues terrestres de l'Australie qui ne possèdent que les mâchoires latéro- ventrales, la mâchoire dorsale étant totalement absente. En outre, chez ces dernières, les orifices génitaux sont séparés par sept anneaux et demi, au lieu de cinq, qui les séparent dans le genre Hœmadipsa. Hæœmadipsa Tennent. — Caractères : Terrestres, corps au repos long de 2 à 3 centimètres, sub-cylindrique, s’atténuant légèrement en avant. Lobe céphalique au repos arrondi, mais pointu à l’état d'extension. Ventouse mo- dérément grande, ronde ou ovale, souvent obtusément amincie en avant ; attachée au centre, séparée du corps par une faible constriction. Cinq paires d’ocelles. Les anneaux portant les troisième et quatrième paires ne sont pas, comme dans le genre Hirudo, séparés par un anneau intermé- diaire. Les anneaux qui portent les quatrième et cinquième paires sont sépa- rés par deux anneaux intermédiaires. L'œsophage présente trois plis, un dorsal et deux ventro-latéraux; mâ- choires au nombre de trois, armées de denticules nombreux, qui croissent en taille vers les extrémités antérieures et convergentes des màchoires et s’'incurvent légèrement dans la direction opposée. Le clitellum comprend quinze anneaux (trois somites). Les orifices génitaux sont séparés par cinq anneaux. Les pores rénaux sont situés sur les côtés et non sur la face ventrale, la dernière paire s’ouvrant sur l’étranglement qui sépare la ventouse du corps et marquée par trois petits lobes d’une couleur ordinairement plus claire que le reste du corps ; papilles segmentaires au-dessus et au-dessous fortement développées du côté dorsal. Hœmadipsa japonica (nov. sp.). — Corps à l’état d'extension presque cy- lindrique, s’atténuant graduellement vers la tête, large d’environ 5 milli- mètres au-dessus de l’acetabulum et de 2 en arrière du lobe céphalique ; à l’état de repos, plus aplatie, ressemblant pour la forme à la sangsue. Lon- |” gueur au repos, 20 millimètres, en extension 50 millimètres. Lobe céphalique en extension très pointu, au repos arrondi; ventouse de XII NOTES ET REVUE. 6 à 7 millimètres en diamètre; circulaire ou ovale arrondie, avec le bord an- térieur un peu en pointe ; attache centrale. | Anneaux au nombre de quatre-vingt-seize ; les trois premiers, portant les première, seconde et troisème paire d’yeux, sont obscurément marqués, les quatrième et cinquième s'unissent sur la face ventrale, les sixième et septième sont encore plus marqués sur la face dorsale. La partie antérieure du corps paraît mieux annelée à l’état d'extension que la partie postérieure. L'orifice mâle se trouve entre le vingt-cinquième et le vingt-sixième an- neau, si on commence aux anneaux buccaux (quatrième et cinquième), et si on ne les compte que pour un, ainsi qu'ils apparaissent du côté ventral. L'orifice femelle est entre le trentième et le trente-cinquième anneau, en comptant de même. Le clitellum comprend quinze anneaux (trois somites) ; il commence avec le vingt-cinquième et finit avec le trente-neuvième. L'’anus est situé entre le dernier anneau et la ventouse postérieure. Il y a cinq paires d’ocelles; les quatre premières sont arrangées en demi- cercle sur les quatre premiers anneaux, le cinquième sur le septième an- neau. L'absence d’anneau nu entre les troisième et quatrième paires est un caractère commun à toutes les sangsues terrestres, et qui les distingue des genres Hirudo, Hæmopis et Aulastome. L'æsophage porte trois plis, un médian dorsal et deux latéro-ventraux. Il y a trois mâchoires correspondantes; elles sont relativement plus grandes, plus hautes et plus aiguës que celles de la sangsue ; armées chacune de quatre-vingt-dix denticules, qui augmentent en taille dans le sens de la convergence «des mâchoires et s’incurvent légèrement dans la direction opposée. Les pores rénaux s'ouvrent sur les côtés. Lis sont au nombre de dix-sept, situés sur le bord postérieur de l’anneau qui précède celui qui porte les papilles segmentaires. Les papilles segmentaires sont disposées au nombre de six dorsales et six ventrales sur vingt anneaux qui se répètent de cinq en cinq {chaque somite), excepté dans la région antérieure, où ils sont plus rapprochés, chaque somite ne comprenant qu'un plus petit nombre d’anneaux. Quant à la couleur, la face dorsale est divisée en trois bandes longitudi- nales, une médiane et deux latérales. La bande médiane ‘est toujours plus claire et un peu plus large; elle est divisée en deux par une ligne d’un brun foncé. Cette ligne brune se répète à la limite des lignes latérales. La couleur de l'espèce cinghalaise ne diffère pas sensiblement de celle du Japon. L'espèce Japonaise est confinée dans les gorges montagneuses et dans les ravines; elle ne descend jamais dans les plaines basses. M. Jijima l’a re- cueillie à Akihagan, montagne de 4000 pieds, M. Sasaki dans les provinces de Mino et Iga et l’auteur à Suberigama. On l’a signalée à l’est dans la pro- vince d’Idyn. Elles se tiennent dans les mousses épaisses et humides et sous les feuilles mortes, Si le pas d’un homme ou d’un animal se fait entendre, elles pa- NOTES ET REVUE. XII raissent aussitôt à la surface. Elles sont redoutées des natifs, qui marchent les jambes nues. Extrèmement voraces et agiles, il est extrêmement difficile de s’en débarrasser quand elles sont une fois sur vous. Pendant qu’elles pompent, elles exsudent un mucus, qui sort en grande partie des pores rénaux. Gorgées, elles restent volontiers dans l’eau, d’où elles s’éloignent quand elles sont à jeun. Dans l’eau, elles ne nagent pas comme la sangsue médicinale, mais marchent seulement sur le fond. La plaie est faite comme celle de la sangsue médicinale, mais elle est profonde et lente à se cicatriser. Une comparaison attentiveentre les yeux et les papilles segmentaires a conduit l'auteur à un résultat intéressant. Les yeux de la cinquième paire correspon- dent exactement, pour la position, à une papille absente, qu’ils remplacent. Dans la sangsue terrestre, comme dans la sangsue médicinale, la pre- mière paire d’yeux fait partie des deux rangées médianes des papilles seg- mentaires et les autres yeux des deux rangées latérales internes. Les yeux et les papilles segmentaires sont donc primitivement équivalents morphologi- quement et physiologiquement, mais cela n’implique pas nécessairement que ces deux sortes d'organes ont actuellement la mème signification fonction- nelle. Ce sont sans doute primitivement des organes des sens qui se sont spécialisés chacun dans un sens différent. L’histologie confirme cette vue. Les - papilles renferment chacune de deux à quatre cellules claires particulières, qui caractérisent également les veux. Le pigment seul est absent. Les sacs rénaux ou poches des organes segmentaires sont relativement très volumineux. Cette particularité, jointe à l’abondance et au développement des glandes muqueuses de la peau, est en rapport avec le genre de vie de la sangsue terrestre qui, constamment exposée à l’air, est obligée d'entretenir la surface de son corps dans un état constant d'humidité pour maintenir l’activité respiratoire. R L. Jougix. IV EMBRYOGÉNIE DES NÉMERTES, Par HUBRECHT. (Contributions toithe Embryology of the Nemertea (Quarterly Journal of Microsco- - pical Science, t. XXVI, 3e partie, et Provincial Utrechisch genootschap, avec six planches). L'auteur a étudié par la méthode des coupes l’embryogénie du Lineus obscurus. Quatre disques se forment latéralement dans l’épiblaste par division radiale de ses cellules ; ces disques, bientôt recouverts par l’épiblaste, se trouvent à l’intérieur de l'embryon. Un cinquième disque apparaît dans la région aborale par délamination ; ces cinq organes se détachent bientôt de l’épiblaste en commençant par leur milieu, et n’y sont plus adhérents que par leur bord. XIV NOTES ET REVUE. L'auteur nomme ces parties l’épiblaste secondaire. C’est une lame formée d'une seule couche épaisse de cellules qui grandissent, se divisent, finissent par se rencontrer sur leurs bords, s'unissent et forment le revêtement continu se- condaire, en dehors duquel est l’épiblaste primitif, destiné à bientôt dispa- raitre. Le cinquième disque est dorsal ; les deux premiers en avant, et les deux autres, troisième et quatrième, en arrière du blastopore. Au pôle antérieur, on trouve encore dans l’épiblaste un autre centre de délamination ; c’est l’origine de la trompe. Ses bords vont rejoindre ceux des autres disques. Pendant que l’épiblaste se délamine, l’hypoblaste de son côté bourgeonne des cellules qui deviennent libres dans la cavité de segmentation ; c’est le mésoblaste, qui se forme aussi bien par des cellules provenant de l’épiblaste que de l’hypoblaste, et il n’est point localisé d’une façon définie. L’épiblaste primaire forme de chaque côté du blastopore une invagination qui se ferme, se sépare et tombe dans le blastocæle et se trouve ensuite en- fermée dans la cavité de l'épiblaste secondaire, en remontant sur les côtés du corps ; puis leur cavité se met de nouveau en rapport avec l’extérieur par un canal, latéralement, dans les fentes céphaliques. Ce sont les sacs céphaliques, que l’auteur pense réunir une fonction sensitive à la fonction respiratoire. Le système nerveux du Lineus provient du mésoblaste et non des épiblastes primaire ou secondaire. L'intestin est largement ouvert en dehors par le blastopore ; mais un peu plus loin il est fermé, ce qui constitue un premier cul-de-sac. En arrière, sa cavité est de nouveau ouverte, mais ne communique pas avec le premier cul- de-sac, ce qui forme deux cavités séparées dans le même intestin. L'auteur pense que cette division est due à une simple constriction de l’hypoblaste. La section postérieure deviendra la portion médiane et postérieure du ver adulte, qui possède des paires de diverticules, tandis que la section antérieure formera l’œsophage dépourvu de diverticules latéraux. Le système rénal (néphridial), qui ne se complète que fort tard chez l'adulte, est extrèmement difficile à trouver dans l'embryon. fl semble provenir d’une vésicule cellulaire située près de l’æsophage, tout en en étant séparée, mais provenant certainement du même tissu-mère. Les cellules du mésoblaste ont une tendance à se réunir en une couche de. cellules plates. Cependant elles s'accumulent rapidement autvur de l’origine de la trompe, et c’est là que se forment les cellules nerveuses et musculaires simultanément. Le cerveau, qui se forme par deux masses d’où partent les ironcs latéraux et le plexus nerveux périphérique, provient aussi du méso- blaste. La couche musculaire longitudinale en provient aussi, à la même époque que le système nerveux périphérique. C’est un peu plus tard, toujours dans le mésoblaste, que la couche circulaire et la couche longitudinale interne des muscles apparaissent. L’épithélium interne de la trompe dérive directement de l’épiblaste primi- tif. Les muscles de cet organe proviennent des cellules mésoblastiques qui viennent s'appliquer contre lui, à mesure qu’il s'avance dans le blastocæle. NOTES ET REVUE. XY La cavité dans laquelle se meut la trompe est, chez cet embryon, le blasto- cæœle lui-même. Dans la Némerte adulte, c’est la cavité de la gaine de la trompe et aussi la cavité du système vasculaire sanguin, qui peut être regar- _ dée comme un véritable archicælôme. Le tissu conjonctif qui se trouve entre les fibres musculaires, entre celles- ci et l’épiderme et entre l'intestin, provient aussi essentiellement du mésoblaste. Les lacunes et vaisseaux avec leurs anastomoses proviennent des espaces non ocupés par le tissu conjonctif, qui là affecte la forme d’un endothélium tapissant ces cavités, d’une membrane basale et d'un revêtement externe dans lequel on peut quelquefois distinguer des fibres. L'épiderme de l’embryon reste longtemps à l’état d’épiblaste, mais bientôt il s’y forme des glandes unicellulaires ; les autres cellules portent les cils vibratiles. Quant aux organes reproducteurs, l'auteur les a vus en connexion par un tractus avec l’épiblaste, tractus qui disparaît plus tard et qui n’a point de rapport avec les ouvertures génitales définitives. L. Jousin. y STRUCTURE DE LA LINGULE, Par BEYER. (A Study ofthe Structure of Lingula | Glottidia) pyramidata). (Studies from the Biological Laboratory, Johns Hopkins University, Baltimore.) La coquille, ainsi que le pédoncule, est recouverte par une cuticule qui se recourbe en dedans du bord externe jusqu’au point de l'insertion des soies. Des corpuscules sans noyaux sont disposés dans les couches cornées et sous la cuticule. Les couches cornées de la coquille sont identiques à la substance de soutien (tissu conjonctif cartilagineux). Le manteau n’est qu’un repli de la paroi du corps, et celle-ci se continue dans le pédoncule, qui n’en est qu’un prolongement, ayant identiquement la même structure que le manteau. Ils consistent tous en : 4° un épithélium ecto- dermique externe ; 2° une couche de tissu de soutien, modifiée suivant la position ; 3° une couche interne d’épithélium péritonéal. Les paquets fibreux qui, dans le manteau, vont s’insérer à la base des folli- cules des soies ne sont autre chose que des fibres conjonctives non muscu- laires. Il a été impossible de découvrir chez la Lingula pyramidata aucune trace de l'organe d’impulsion du sang décrit par M. Hancock. Cependant il y a, des deux côtés de l’œsophage, deux organes tubulaires oblongs, généralement - remplis de corpuscules sanguins et s'étendant de la chambre périviscérale à l'origine des bras, communiquant par un diverticulum avec les veines sub- XVI NOTES ET. REVUE. œæsophagiennes. Ils semblent être contractiles et pouvoir de quelque manière aider à la propulsion du sang. Divers corpuscules flottent dans le liquide de la cavité générale. Il y en a qui ne seraient autres que des œufs jeunes qui tôt ou tard achèveraient leur développement. Le foie est formé de canaux ramifiés qui se terminent en culs-de-sac ; ceux- ci sont entourés d’une gaine conjonctive et d’un épithélium péritonéal. Dans toute sa longueur l'intestin est soutenu par diverses brides mésentériques. La Lingule possède cinq ganglions nerveux distincts, réunis par la com- missure préœsophagienne. L’un est central sub-æsophagien, deux ventro- latéraux et deux dorso-latéraux. Le premier est le plus grand, les deux derniers les plus petits. Ils sont tous entourés d’une couche ectodermique. Les élé- ments nerveux sont de dimension très réduite. | Des œufs et des spermatophores se développent côte à côte sur le même individu ; les œufs sont produits surtout sur les bandes mésentériques, tandis que les spermatophores occupent les parties périphériques de la' chambre périviscérale. Bien que, dans ces conditions, la Lingule. soit hermaphrodite, il est cepen- dant rare de trouver des œufs ou des spermatozoïdes en proportions égales. Les œufs, tombant à un état peu avancé dans la cavité générale, s’y ac- croissent, y prennent leurs diverses parties et y mürissent. Ils proviennent, de même que les spermatozoïdes, des cellules de la couche péritonéale. L. JouBin. Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : CG. Rewwar. NOTES ET REVUE. XVII VI EXISTE-T-IL DES ORTHONEURES ? Par le docteur H. von JHERING. (Zeitsch. fur Wiss. Zool., Band XLV, Heft 3, 1887.) Depuis la publication du grandtravail de Jhering sur le système nerveux des Mollusques, dans lequel cet auteur divise les Prosobranches (Arthrocochlidés) en deux grands groupes : les Orthoneures et les Chiastoneures, diverses pu- blications, dues en particulier à B. Haller, Spengel, Bütschhi, etc., ont tendu à démontrer que cette division était inexacte et qu'il n’y avait que des Chias- toneures parmi les Prosobranches. Jhering, dans son nouveau travail, revient sur cette question et cherche à prouver que sa division des Prosobranches, qu'il nomme maintenant Cochli- és, est bien exacte et que les autres auteurs se sont trompés ou se sont trop “hâtés de généraliser les résultats obtenus par l'étude de quelques espèces seu- “lement de Prosobranches. ÿ Jhering avait cherché à établir que, chez certains Prosobranches, la com- missure viscérale est un arc simple renfermant ou non des ganglions, et situé “sous l’æsophage. Les nerfs issus du côté droit se rendent au côté droit du “corps, les nerfs de gauche au côté gauche du corps. Il n’y a d'exception que “pour le nerf branchial, qui a toujours son origine à droite, mais se dirige sou- “vent à gauche par suite du déplacement de la branchie vers ce côté du corps. “Jhering nommait Orthoneures les Gastéropodes pourvus de cette commissure Dscérale simple. Il nommait, au contraire, Chiastoneures ceux chez lesquels “la moitié de la commissure qui a son origine à droite est déplacée à gauche “par-dessus la masse viscérale ; la commissure viscérale forme ainsi une figure “en 8 dans laquelle un ganglion supra-intestinal inclus dans cette branche droite envoie des nerfs à gauche tandis qu’un ganglion subintestinal situé sur la _moitié gauche ramenée à droite envoie des nerfs à droite. —…._ Le type que Jhering choisit dans son nouveau travail pour établir l’exacti- “iude de ses premières observations et le bien fondé de sa division des Proso- branches en Orthoneures et en Chiastoneures est l’Ampullaire. La description du système nerveux de l’Ampullaire est, d’après Jhering, la Suivante : | «Les ganglions cérébroïdes sont unis entre eux par une assez longue com- “missure. Un puissant nerf se rend de ceux-ci dans le tentacule, un autre à “| l'œil et d’autres à la peau de la tête et de la nuque. Les ganglions pédieux sont unis entre eux par une assez longue et épaisse commissure. Celle-ci se di- | 4 en deux cordons parallèles dont l’antérieur va dans la commissure céré- bro-pédieuse, l’autre dans le ganglion commissural; ce dernier est confondu À ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, =— T, V, 1887. B XVII NOTES ET REVUE. avec le ganglion pédieux. Une simple et forte commissure viscérale a son ori- gine à l’extrémité postérieure du ganglion commissural, passe sous l’æsophage et forme un faible arc allant d’un côté à l’autre. « Le ganglion commissural droit donne, outre de nombreux rameaux pour les parois latérales du corps, un fort tronc, qui se dirige à droite et en de- hors, et, après s'être renflé en ganglion, donne deux branches, dont la pos- térieure se rend au plafond de la cavité palléale courant au-dessous du rectum, tandis que l’antérieure passe devant l’anus et va jusqu’à la branchie, où elle envoie des rameaux. Le ganglion commissural gauche donne, outre de petites branches, un fort nerf au siphon et se prolonge en arrière et en dehors en un tronc puissant, qui bientôt envoie un fort nerf à la pseudobranchie, puis se renfle en un ganglion. De ce dernier, part d’abord un fort nerf palléal qui, par ses branches extrêmes, innerve le poumon. Il est en relation par une anastomose avec le nerf de la pseudobranchie, c’est-à-dire avec le prolonge- ment de ce nerf, qui est exclusivement destiné à la pseudobranchie, mais envoie aussi une branche palléale. = «Le prolongement du ganglion palléal gauche en arrière, donne quelques rameaux au péricarde, puis se renfle en un ganglion situé sur Île péricarde et qui lui envoie des branches. À ce ganglion péricardique arrive aussi un puissant nerf viscéral qui a son origine sur le bord postérieur du ganglion commis- sural droit et envoie quelques branches en arrière à l’ovaire et à l'appareil génital, le prolongement de ce nerf va également dans lé rein. Le ganglion péricardique avec les deux nerfs viscéraux qui s’y rendent se trouve au-dessus de l'intestin, Dans l’anastomose de ces deux nerfs viscéraux, il ne peut s'agir d'une commissure viscérale, mais seulement d’une anastomose du système nerveux périphérique, anastomose que j'appelle anse viscérale. » Jhering en conclut que Spengel et B. Haller ont pris pour une commissure viscérale une anse viscérale comparable à celle qu’il décrit chez l’Ampullaire et que par suite leurs conclusions sur l’absence de Prosobranches orthoneures sont inexactes et que les animaux qu'ils ont étudiés sont bien orthoneures et nullement chiastoneures. Si Jhering s'était rapporté à la description du système nerveux de l’Ampul- laire donnée par Bouvier, et qui a paru dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, du 12 juillet 1886, il eût remarqué que le ganglion commissural droit uni au ganglion pédieux correspondant, n’est pas simple, mais équivaut au ganglion commissural droit et au ganglion subintestinal, qu'il existe une commissure viscérale tordue formée par sa commissure viscérale, une partie de son anse viscérale et par un nerf dorsal qui a échappé à son attention ; que par suite son raisonnement pèche par la base, puisque le type qu'il choisit pour établir qu'il ÿ a des orthoneures est chiastoneure. Il eût vu, de plus, que le nerf qu’il indique comme partant du ganglion commissural droit, et allant innerver la branchie, n’est nullement un nerf branchial, mais un nerf palléal, et que la branchie qu'il dit être une branchie droite est comme toujours une branchie gauche innervée par le ganglion su- pra-intestinal et la partie de la commissure viscérale qui unit le ganglion supra- intestinal au ganglion abdominal correspondant à son ganglion péricardique. NOTES ET REVUE. XIX La description et la figure que Jhering donne du système nerveux du Céri- thium sont également inexactes. Ainsi le nouveau travail de Jhering n'apporte aucune preuve de l'existence de Prosobranches orthoneures. Il résulte, au contraire, des travaux de B. Hal- ler, de Spengel et surtout de ceux plus complets et plus généraux de Bouvier, que les Prosobranches sont tous chiastoneures, à l’exception des deux fa- milles, les Néritinés et les Helicinés, dont le système nerveux présente une orthoneurie apparente, Dans ce même travail, Jhering s'occupe également de la classification des Mollusques. Il fait remarquer que l’on admet généralement comme classes naturelles les Ptéropodes, les Céphalopodes, les Solenoconches, les Acéphales et les Amphi- neures. Mais les divergences se montrent dès qu'il s’agit du groupement de ces classes et de leur degré de parenté les unes avec les autres, et ces diver- gences existent également pour les Gastéropodes, qui d’après son opinion forment un groupe nullement naturel. Il n’admet pas que les Céphalopodes soient rapprochés des Ptéropodes, chez qui les reins et les oviductes sont simples, tandis qu’ils sont doubles chez les Céphalopodes. Par ce caractère, au contraire, les Céphalopodes se rappro- chent des Lamellibranches, des Dentales, chez qui les reins et les organes sexuels sont doubles. Il faut remarquer, de plus, pour justifier son rapprochement, que le con- nectif viscéro-pédieux existe chez les Ptéropodes et les Gastéropodes et qu'il manque chez les Amphineures, lés Céphalopodes, les Solénoconches et les Lamellibranches. Ces derniers forment donc un groupe naturel de Mollusques caractérisés par un système nerveux dépourvu du connectif viscéro-pédieux, par des reins pairs et par des canaux déférents génitaux également pairs. Par ces deux derniers caractères les Zeugobranches se rapprochent de ce groupe et avec eux, tous les Cochlidés. Par contre, les Schnopodes (Opistobranches et Pulmonés), chez qui le rein et l’appareil génital sont simples, s'en éloignent, et Jhering conclut que sous le nom de Gastéropodes on réunit deux groupes de Mollusques entièrement distincts. Il fait remarquer aussi que chez les Schnopodes les canaux déférents sexuels peuvent être simples comme chez l’Aplysie, ou doubles comme chez le Janus, ou simples comme chez les Doris, d'où trois types : les Monaula, les Diaula et les Triaula, ce dernier nom seul est conservé dans son tableau. Enfin, il admet la parenté des Schnopodes avec les vers Turbellariés, qui se relient par les Rhodopes aux Nudibranches. Le tableau suivant résume sa classification et son groupement des Mollus- ques : MOLLUSCA (CUVIER.) Are classe, Amphineura, von Jhering. 2e classe. Acephala. Guvier. 3e classe. Cephalopoda, Cuvier. ñe classe. Solenoconchæ, Lacaze-Duthiers. XX NOTES ET REVUE. 5e classe. Cochlides, von Jhering. 4er ordre. Chiastoneura, von Jhering. 2e ordre. Orthoneura, von Jhering. 3e ordre. Heteropoda, Lamarck. 6e classe. Protocochlides, von Jhering (Rhodopidæ). 70 classe. Pteropoda, Cuvier. 8e classe. Schnopoda, von Jhering. Aer ordre. Nudibranchia, Cuvier. 4er sous-ordre. Phanerobranchia, von Jhering (avec Tassis). 2e sous-ordre. Triaula, von Jhering (Doridiens et Phyllidiens), 3e sous-ordre. Saccoglossa, von Jhering. 2e ordre. Pleurobranchia, von Jhering. 3e ordre. Steganobranchia, von Jhering. 4e ordre. Branchiopneusla, von Jhering. 5e ordre. Nephropneusta, von Jhering. VII THE LIFE-HISTORY OF PEDICELLINA, Par Sidney F. HARMER. (Quart. Journ. of Micr. Science, 1886.) L'auteur résume lui-même son travail en ces termes : L'histoire de la fixation et de la métamorphose publiée par le docteur J. Bar- rois est, sur la plupart des points, tout à fait exacte. La fixation de Ja larve a lieu par la face orale, et elle est suivie par une évolution du canal alimen- taire et d’une portion du vestibule, vers l’extrémité postérieure de Ja larve. La portion du vestibule située auprès du plan de fixation entre complètement en dégénérescence, pendant qu'une autre portion, qui persiste dans l'adulte, vient se placer au pôle opposé de l’animal. Pendant la durée de ce proves- sus, l'organe dorsal (ganglion sus-œæsophagien ou cerveau) et la ventouse (sucker) subissent une dégénérescence complète. L'auteur propose l’explication suivante de la métamorphose : il suppose que, dans le développement phylogénétique, l'ouverture vestibulaire était d’abord une fente étendue dans le plan médian de la larve et régnant tout le long de Ja face de fixation et de l'extrémité postérieure. L'état actuel proviendrait de cette phase hypothétique par le moyen des modifications suivantes surve- nues dans le vestibule et dans la couronne ciliaire : une portion du vestibule entrerait en dégénérescence ; la portion correspondante de la couronne ci- liaire pourrait persister, comme glande du pied, chez le Loxosoma adulte (trans- formation qui n’a pas été observée, il est vrai); enfin l’autre partie de la couronne ciliaire se déplacerait peu à peu, et les tentacules de l'adulte se développe- raient sur elle. Les colonies adultes de P. échinata n’ont, ei général, plus qu'un point d'ac- NOTES ET REVUE. XX1 croissement, dans lequel iln°y a nulle apparence d’une vésicule endodermique, comme Hatschek le décrit. Les bourgeons sont probablement développés en- tièrement de l'exoderme et du mésoderme du stolon. La formation des corps bruns des ÆEctoproctes peut être une modification du processus par lequel les calices sont perdus et régénérés, comme un évé- nement normal, dans les colonies adultes de Pedicellina. Dans les Ectoproctes, la dégénérescence des individus n'affecte plus, en général, la paroi du corps, et la seule partie qui, dans ce cas, est renouvelée, c’est le polypide. Chez Pedicellina, du reste, le calice (une portion du zoæcium) tombe de sa tige, portant avec lui le canal alimentaire entier. Un nouveau polypide est alors développé sur la tige par un processus de bourgeonnement, la tige elle-même représentant une autre partie du zoæcium. La métamorphose des Æctoproctes peut être regardée comme résultant de la formation d’un zoœæcium, qui, à la fin, développe, comme bourgeon, un polypide. Le canal alimentaire de l’embrvon est entré en dégénérescence par une anticipation de la coutume acquise par l’adulte de former des corps bruns, pour constituer le premier corps brun de la colonie. L. J. VIN SUR LE DÉVELOPPEMENT DU PETROMYZON FLUVIATILIS, Par Arthur-E. Scurpzey. (Extrait du Quarterly Journal of Microscopical Science, janvier 1887.) L'auteur a suivi le développement de la Lamproie depuis la fécondation de l'œuf jusqu’au jeune Ammocète d’un demi-centimêtre de long. Il y avait peu de chose à ajouter aux observations des derniers auteurs quant à la segmentation de l'œuf, mais il a été impossible de trouver trace de l’élongation du micropyle et de sa transformation en premier sillon de seg- mentation, comme l'a décrit Calberla. Le résultat de la segmentation est une blastosphère, et tout d’abord la cavité de segmentation est entièrement entourée par diverses couches de cellules. — Les cellules du pôle supérieur sont plus petites que celles du pôle inférieur, qui sont pourvues de vitellus. La couche supérieure finalement s’amincit, de sorte que, juste au moment où va com- mencer l’invagination pour former la gastrula, la cavité de segmentation est tapissée par une seule couche de petites cellules. Cette invagination commence environ cent trente heures apès la fécondation de l’œuf ; la cavité de segmentation est oblitérée et le mésentéron est formé entièrement par les cellules invaginées, différant, sous ce rapport, de celles de la grenouille. Le mésoblaste se produit de deux bandes des cellules vitellines qui sont si- tuées dans les angles formés par le mésentéron et l’épiblaste. Ces bandes sont XXII NOTES ET REVUE. séparées dorsalement par la juxtaposition de la paroi dorsale du mésentéron et de l’épiblaste, et ventralement par les cellules vitellines hypoblastiques qui sont en contact avec l’épiblaste ventral. Le mésoblaste est, à une période plus avancée, complété ventralement par l'accroissement en bas de chaque côté des plaques mésoblastiques, et non, comme Scott j'a décrit, d’une plaque ven- trale délaminée des cellules vitellines hypoblastiques. Le blastopore ne se ferme jamais, comme les observateurs récents l'ont soutenu, mais il persiste comme anus, ainsi que l’a décrit Max Schultze il y a trente ans. Il n’y a pas de canal neurentérique, mais un cordon solide de tissu part en arrière du canal alimentaire et s’allonge avec une masse indiffé- rente de cellules, dans lesquelles le système nerveux épiblastique et le méso- blaste passent aussi. Une persistance semblable du blastopore pour former l'anus est connue chez les Amphibiens. Il a été démenti qu’on le rencontre chez Triton par Miss Johnson, chez la Grenouille par Spencer, et chez l’Alytes par Gasser. L, a — ———— fé IX THE ANATOMY OF THE MADREPORARIAN CORAL FUNGIA, Par M. Gilbert BourNe. (Quarterly Journal of Microscopical Science, n° CVII.) Pendant un voyage que j'ai fait à l'ile de Diego Garcia, un attoll de Chagos qui se trouve dans le milieu de l’océan Indien (lat, sud, 7° 43; long. est, 72° 23"), j'ai eu l’occasion d'observer une grande quantité de Fongies (Fungia dentata), qui forment le sujet de ce mémoire. L'échantilion le plus petit que j'aie pu trouver avait un diamètre de 5 cen- timètres, et, malgré une longue recherche, je n’ai pu rencontrer d’échantil- lons encore plus petits, ou de jeunes Fongies en état de strobilisation. Cela tient sans'doute à ce que les Fongies de Diego se trouvaient à une profondeur de 3 pieds au moins à mer basse, tandis que celles qui furent trouvées à Tahiti par Stutchbury et Moseley n'étaient recouvertes que par environ 8 centimètres d'eau. Les Fongies se reproduisent ordinairement par voie sexuelle, suivie d'une strobilisation, mais quelquefois aussi par bourgeonnement et fissiparité. Les bourgeons se forment toujours à la base du polypier, et il est bien pro- bable que cela a lieu quand le corail a été brisé par quelque accident. La fissiparité est très rare, mais j'ai en ma possession un échantillon d’une Fongie dont le polypier est presque divisé en deux calices qui sont nettement séparés. ù Il y a dans le Musée d'histoire naturelle de la Grande-Bretagne un échan- » _ NOTES ET REVUE. XXII tillon d’un strobile! ramassé par S, Alert dans les Seychelles. Le premier bourgeon de ce strobile, encore très jeune, n’est pas encore détaché, et ses tissus mous s'étendent jusqu’au disque basal de l'animal. Malheureusement il n’était pas dans un état assez bon de conservation pour pouvoir être soumis à l’étude. Le polypier de la Fongie est connu depuis longtemps, mais l’arrangement de leurs parties molles et les rapports de ces dernières avec le polypier n’ont pas encore été étudiés. Martin Duncan? a décrit le polypier si exactement, que je n'ai rien à ajouter. Mais il ne nous dit rien des parties molles. « Polypier simple, discoïdal. La base généralement concave, la face supé- rieure convexe ; la muraille, nettement distincte et restreinte à la face basale, est continue dans les parties centrales du disque, mais dans les parties péri- phériques elle est perforée de plusieurs ouvertures qui conduisent dans les chambres intercloisonnaires. Les cloisons sont nombreuses et continues, ar- rangées en sept cycles dans les échantillons assez grands ; leurs bords libres sont dentelés. La muraille est garnie d’épines rayonnantes ; chaque rang rayonnant, qui correspond en position à la cloison située au-dessus, repré- sente une côte. La fosse axiale est allongée et peu profonde. La columelle est trabéculairé et*rudimentaire. Les Fongies sont caractérisées par des structures particulières, les synapticules. Ceux-ci présentent la forme de tra- verses verticales un peu courbées en dedans, qui lient les moitiés inférieures de deux cloisons contiguës. Ils divisent les parties inférieures des chambres intercloisonnaires en canaux verticaux bordés sur deux côtés par les synap- ticules sur les deux autres par les cloisons. » La forme plate est secondaire et résulte du mode de croissance. La jeune «nourrice » de la Fongie a la forme d’un gobelet, et rappelle une Caryophyllia ayant une muraille latérale nettement distincte du disque basal. La sépara- tion de la jeune Fongie s’accomplit à la taille de 5 à 9 millimètres, au-dessous du disque ovale : ainsi une petite partie de la muraille latérale de la nourrice passe seule dans la forme libre. L'individu libre s'agrandit toujours dans un plan horizontal, formant ainsi le polypier discoïdal de Padulte. La Fongie qui vient de devenir libre a une ouverture circulaire au-dessous dans le milieu du disque aboral, qui conduit dans les chambres intercloisonnaires et donne la preuve de sa fixation antérieure ; cette ouverture se remplit bientôt par un dépôt de carbonate de chaux. Il est important de remarquer que la muraille se forme pendant la croissance périphérique par la fusion des parties exté- rieures des cloisons voisines, comme cela arrive, d’après G. von Koch, dans les autres Madréporaires. Les tentacules sont groupés en cycles réguliers, contrairement à ce qu'avaient cru voir les auteurs précédents. 1 Ce nom de strobila s'emploie également pour la reproduction asexuelle d’Aurelia qui est très différente de celle de la Fongie ; aussi comme il n’est guère possible d'employer le même terme pour deux phénomènes très différents, je me sers du mo nourrice pour le parent fixé de la Fongie. , 2 Journal of the Linnean Society of London, fase, XVII. XXIV NOTES ET REVUE, I y a douze cloisons du premier ordre, dont dix s'étendent jusqu’à la bouche pendant que deux situées aux extrémités de la longueur de la bouche sont plus courtes que les autres. Les tentacules placés aux angles intérieurs de ces deux cloisons, quoique rudimentaires, sont penchés vers la bouche. Comme le dit M. de Lacaze-Duthiers aussi bien que von Koch, douze cloisons prennent naissance ensemble dans le premier cycle, et c’est pourquoi le nombre élé- mentaire des cloisons est douze et pas six, comme on l’a souvent dit. De ces douze premières, six cloisons alternes croissent plus vite que les autres formant ainsi deux cycles de dix; cela n’a pas lieu chez li Fongie dont les douze cloisons du premier ordre sont, sauf l’exception donnée, de la même grandeur. Il y a douze cloisons secondaires alternant avec les premières ; les tentacules qui leur correspondent forment avec ceux du premier cycle une Couronne entourant la bouche. Les chiffres pour les cycles suivants sont, pour le troisième 24 cloisons, pour le quatrième 48, pour le cinquième 48, et encore pour le sixième 48. Ces derniers deux cycles représentent peut-être un seul ordre de cloisons et de tentacules, mais puisque la différence de ja longueur des cloisons correspond évidemment à une origine différente, j'ai pensé qu'il serait mieux de les regarder comme distinctes. Le septième ordre contient 192 cloisons avec leurs tentacules correspon- dants ; les cloisons sont extrêmement courtes, les tentacules sont placés tout près au bord du disque. La suite des cloisons est, 4, 7, 5, 7, 4, 7, 6, 7,:3, 7, 6, 7,4, 7, 5,17,:2,17,5,0 4,7, 6,729, 7,6, 004 41, 5, TI RE Système. Les tentacules sont arrangés en 10 cercles assez distincts, qui en- tourent la bouche à des distances diverses. Ainsi, malgré les affirmations des auteurs précédents, les Fongies ont une structure extérieure parfaitement régulière. La forme des tentacules courts est assez exactement dessinée par Dana, L'examen des parties molles montre que les lames mésentéroïdes sont semblables à celles des hexactiniaires. Elles sont arrangées par paires et dans chaque paire les muscles longitudinaux sont sur les faces qui se re- gardent, excepté pour les deux paires de lames situées aux extrémités de la longueur de la bouche, dont les muscles longitudinaux sont placés sur les faces opposées. J’appelle d’après Fowler l’espace compris entre les deux mé- * sentères d’une même paire un entocæle ; dans chaque entocæle se trouve une cloison. Dans la Fongie il y a sept ordres des mésentères correspondant aux sept ordres des cloisons. Les mésentères du premier et deuxième ordre sont attachés au stomodœum, traversant dans leurs moitiés supérieures l’espace entier entre la bouche et la périphérie du disque. Les mésentères tertiaires, au contraire, ne sont pas liés au stomodæum, quoiqu'ils y touchent presque. Les autres ordres de mésentères diminuent toujours jusqu’à ceux du septième, qui sont excessi- vement petits. Tous les mésentères s’attachent par leur bord supérieur au disque oral. Dans les parties supérieures des chambres intercloisonnaires il n’y a pas de synapticules, et là les lames mésentéroïdes peuvent rayonner librement de la bouche à la périphérie du disque, mais dans les parties infé- rieures des mêmes chambres les synapticules s’interposent et interrompent de g à l'A NOTES ET REVUE, XXV la continuité des mésentères. Ces derniers sont en effet perforés de nom- breuses ouvertures correspondant aux synapticules. Les muscles longitudi- naux, qui sont agrégés en faisceaux plus distincts que-dans la plupart des Actiniaires, sont attachés, comme on sait, aux plis de la mesoglæa'. Ces plis se continuent dans les intervalles intersynapticulaires en forme de ligaments forts, auxquels les faisceaux des muscles sont attachés. Les ligaments sont liés selon leur position à la paroi aborale du corps ou aux lignes épaissies de la mesoglæa. Commela muraille est perforée partout à l'exceptiondeses parties centrales, les ligaments des mésentères traversent les perforations et se continuent en dehors de la muraille, pour se fixer à la paroi aborale du corps. La muraille est complètement revêtue de tissus mous qui ne s'appliquent pas étroitement au polypier, mais sont séparés du dernier par une partie de la cavité gastrovasculaire ; il est à remarquer que cette portion placée au dehors de la muraille est en partie, sinon tout à fait, divisée en chambres par les continuations des mésentères de la manière décrite. Les bords libres de chaque lame mésentéroïde sont renflés en forme des filaments biens connus. La cavité gastrovasculaire est composée de la chambre axiale au-dessous du stomodæum, des chambres périphériques intercloisonnaires (exocæles et entocæles de Fowler), et de l’espace déjà décrit au dehors de la muraille. Chaque partie du polypier est revêtue des trois couches, c’est-à-dire : 4° une couche des cellules qui sécrète le calcaire — les calicoblasts de von Strider; 20 une couche très mince de mesoglæa ; 3° une couche d’endoderme, et elle est ainsi séparée de la cavité gastrovasculaire par les trois couches qui limitent chaque partie du corps. Il existe au dehors de la muraille basale et perforée une partie de la cavité gastrovasculaire qui est en communication avec les chambres par le moyen des canaux qui traversent les perforations de la muraille. Cette cavité est-elle aussi divisée en exocæles et entocæles par les prolongements des mésentères ? Ces rapports compliqués ne peuvent être expliqués que par la théorie de von Koch, d’après laquelle le polypier est dérivé en premier lieu de l’ectoderme basal, et que la muraille se forme des parties périphériques des cloisons, qui se soudent entre elles et ainsi divisent les lames mésentéroïdes en deux, en laissant une portion de la cavité gastrovasculaire au dehors de la muraille. La jeune nourrice de la Fongie, tant qu’elie a forme d’un gobelet, présente tous les caractères d’une Caryophyllia. Quand la jeune Fongie quitte la nour- rice, il se forme une cicatrice bien marquée, au milieu de sa base, au point où elle était autrefois attachée. Là, pendant quelque temps, existe une com- munication libre avec l'intérieur ; mais elle est bientôt fermée par un dépôt de calcaire entre les bords centraux des cloisons, et bientôt les tissus mous revêtent la muraille (qui est maintenant presque limitée à la face basale, c’est le cas chez l’adulte) et se rencontrent au milieu de la base, pour se sou- der ensemble. Aïnsi le polypier, qui était d’abord à l'extérieur, est mainte- nant tout à fait renfermé dans les tissus mous, et on peut seulement affirmer 1 Je me sers de ce nom mesoglæa au lieu du nom mésoderme dans le Cœlentéré; j'en donne la raison à la fin de ce mémoire. XXVI NOTES ET REVUE. son origine, parce qu'il est partout revêtu des trois couches de l’ectoderme, représentées par les calicoblastes, la mesoglæa et l’endoderme. Cette partie de la cavité vasculaire, qui se trouve, dans la Fongie, en dehors de la mu- raille, sur la face aborale, est l’homologue de cette partie de la cavité du polypier, qui est au-delà de la muraille, dans les autres Madréporaires. (Voyez les œuvres le von Koch, von Strider et Fowler sur ce sujet.) Le stomodæum est dans la Fongie très court, Je n’ai pu découvrir des si- phonoglyphes, quoique sans doute il y en ait. L’histologie de la Fongie ressemble à celle d’Actinia et ne demande pas à être décrite en grand détail. Les calicoblastes ont la forme de cellules arrondies granulées, qui ne sont pas facilement colorables par le carmin. Je n'ai pu découvrir aucune structure dans la couche désignée sous le nom de mésoderme, Stützlamelle, et que je nomme mesoglæa. Je n’ai pu trouver les organes de reproduction. MM. Milne Edwards et Haine ont eu raison de placer les. Fongies entre les Madrépores apores et les Perforés. Comme nous l’avons vu, la muraille est perforée dans ses parties périphériques, apore dans ses parties centrales. Les canaux qui traversent les parties perforées sont sans doute les homologues des canaux décrits par Fowler dans Rhodopsammia parallelu.Le résultat le plus im- portant de mes recherches est l’appui qu’elles ont donné à la théorie de von Koch sur la formation du squelette des Madréporaires. Surtout il me paraît que j'ai établi qu'il y a une partie de cavité gastrovascuiaire au dehors de la muraille, LA MESOGLÆA OU MÉSODERME DANS LES COELENTÉRÉS. Dans le Mémoire précédent, j'ai fait usage du terme mnesoglæa pour distinguer la couche qui sépare l’ectoderme de l’endoderme chez les Fongies, comme chez tous les Cœlentérés. On appelle cette couche, en Angleterre : « meso- derm »; mais, comme ce nom est devenu synonyme de mesoblast et comme l'homologie du mesoblast des Métazoaires cœlomés avec la couche du milieu des Cælentérés est loin d être établie, il en résulte la confusion et l'erreur. Nous devons à Allmann les noms ectoderme et endoderme pour distinguer les deux couches internes et externes des Cælentérés, et s’ils avaient gardé leur signification primitive, on ne pourrait rien dire contre ce nom mésoderme pôur distinguer la couche intermédiaire. Mais, depuis que Huxley a comparé et homologué les deux couches germinales, l’épiblaste et l'hypoblaste des au- tres Métazoaires avec l’ectoderme et l’endoderme des Cœlentérés, on s’est servi de plus en plus de ces derniers noms, comme équivalents d’épiblaste et d'hypoblaste; et enfin le terme mésoderme est devenu équivalent de mé soblaste. à Le mésoblaste est une couche de cellules non différenciées, qui se déve- loppe dans l'embryon de l’une ou de l’autre des deux couches primitives, avant la formation soit des organes, soit des tissus. Mais la couche intermé- diaire des Cœlentérés ne se forme pas ainsi, Dans plusieurs groupes, elle NOTES ET REVUE, XXVII manque entièrement de cellules. Parmi les autres groupes, c’est-à-dire parmi les Scyphoméduses, les Discoméduses, les Cténophores, les Acti- niaires, les Madréporaires et les Alcyonnaires, quelques cellules, soit des cel- lules musculaires étoilées, soit des cellules dans lesquelles se développent les spicules calcaires du squelette, ont place dans la substance gélatineuse de la couche intermédiaire. Dans plusieurs cas, les cellules dérivées de l’une ou de lautre des couches primitives prennent leur situation définitive après la formation de la couche gélatineuse, On nous a donné très peu de renseignements sur le développe- ment de cette substance gélatineuse. D’après Fol, Claus et Chun, elle se forme, comme une substance hyaline, entre les deux couches primitives de l’em- bryon ; mais on ne sait de laquelle elle tire son origine. Les recherches de Kowalevski et Marion sur les Alcyonnaires montrent que, dans ce groupe, la substance gélatineuse est formée entre les cellules de la couche inférieure de l'ectoderme, et que celles-ci deviennent étoilées et s’isolent les unes des au- tres par l'accroissement de la matière gélatineuse. Chez quelques Méduses, les cellules étoilées du tissu gélatineux de l’ombrelle ont une origine hypo- blastique. Metschnikoff, il est vrai, a dernièrement décrit la formation d’une troisième couche cellulaire — un vrai mésoblaste — dans l'embryon de Callianira bialata (Cténophores) ; mais cette seule exception ne permet pas d’attribuer un mésoblaste, sensu stricto, aux embryons des Cœlentérés. Néanmoins il est bien probable qu’une partie du mésoblaste des Cœlomates est représentée par la couche intermédiaire des Cœlentérés ; mais, comme la partie n’est pas la même chose que le tout et ne doit pas recevoir le même nom, j'ai mieux aimé donner le nom provisoire de mesoglæa (gelée du milieu) à la troisième couche des Cœælentérés. Pour une discussion détaillée de ce sujet, voyez mon Mémoire original et les ouvrages de MM. Kowalevski et Marion. (Extrait par l’auteur.) X SUR LES MOLLUSQUES NUS DE L’ALLEMAGNE Par SIMRoTu. (Zeitschr. f. Wiss. Zool., XLI, 2 août 1885.) L'auteur étudie avec un soin minutieux les Mollusques nus de l'Allemagne du Nord au point de vue de l'anatomie, de l'habitat, des mœurs, de la distri- bution géographique, des particularités extérieures et de leurs variations. Il passe successivement en revue les espèces allemandes appartenant aux genres Limax, Agriolimax, Amalia, Paralimax et ArtO®, et les espèces euro- péennes alliées. XXVIII NOTES ET REVUE. Les détails particuliers à chacune d'elles intéresseront surlout les spécialistes ; mais les conclusions du travail, aussi bien que les chapitres relatifs à la colo- ration de l’Arion rufus et du Limax maximus, méritent de fixer l'attention. Rien n’est plus variable que la coloration de l’Arion rufus, soit dans le même pays, soit dans des régions différentes. Moquin-Tandon en distinguait onze variétés passant du blanc au blanc gris, au blanc vert, au jaune, puis au brun rouge et au noir. On a surtout cherché à distinguer dans cette espèce deux formes principales : la rouge et la noire. Simroth confirme l’opinioñ générale et admet que toutes ces variétés ap- partiennent à une seule et même espèce. On trouve chez les Arions deux sortes de pigment : le pigment noir et le pigment rouge ; de la présence ou de l’absence de ces pigments ou de l’un d'eux, de lies proportions rela- tives, résultent toutes les teintes qu’on observe. Leur absence donne les variétés blanches ou verdâtres chez lesquelles le pigment noir subsiste seulement un peu sur la tête et aux tentacules; le pig- ment rouge seul et peu abondant donne la teinte jaune et ses gammes suc- cessives. Le pigment noir réside dans les cellules de l’épiderme, le pigment rouge dans les cellules des follicules de la mucosité. Lorsqu'on fait macérer des Arions rouges dans l'eau, celle-ci est bientôt colorée par ce dernier pigment. D'un grand nombre d'observations et de plusieurs expériences, il résulte que la prédominance du pigment noir a pour cause le froid. Les Arions des pays montagneux, comme ceux de la Suède, appartiennent presque exclusive- ment à la variété noire. Une température plus modérée, un climat plus doux, augmentent la proportion des individus rouges. Cette influence de la température agit principalement pendant la période de rapide développement des Arions, c’est-à-dire, en Allemagne, de mars à mai. La variété noire est plus vigoureuse, plus robuste et plus résistante. En revanche, la couleur rouge est une protection pour ceux qui la revé- tent. Les animaux mangeurs de Mollusques refusent presque tous les Arions ou les Limaces rouges. De nombreuses expériences ont été faites et ne lais- sent à cet égard aucun doute. Il semble que l'odeur du mucus rouge leur répugne ou leur fasse soupçonner un poison. Weissmann a déjà signalé un fait semblable à propos du pigment rouge de certaines chenilles que les oiseaux n’attaquent pas. Les poules, les corncilles, les mouettes, les pélicans, les oies, les canards, les hérons, qui mangent avi- dement toutes les autres limaces, refusent l’Arion rouge; les uns le dédai- nent, les autres jouent avec sans l’avaler; le héron le mange quelquefois, mais après l’avoir longtemps lavé dans l’eau. La poule le pique du bec, mange les viscères, mais laisse la peau. Les mêmes oiseaux se comportent de mème avec la variété rouge du Limax maximus. Bien souvent les limites entre diverses espèces d’un même genre sont très difficiles à établir et il faut avoir recours à l'anatomie aussi bien qu'à l'aspect extérieur, Certaines formes doivent sans doute leurs caractères particuliers aux pays qu’elles habitent, par exemple, les Agriolimax, Melanocephalus, Dymc- PR PP NOTES ET REVUE. XXIX zewiczi, Berylensis, Panormitanus, Maltzani, qui habitent le Caucase, la Crimée, la Syrie, la Crète, la Sicile, le Portugal. L. J. XI RECHERCHES SUR QUELQUES POINTS DE LA PHYSIOLOGIE DU CANAL ALIMENTAIRE DE LA BLATTE, Par À. GRIFFITHS!. Les glandes salivaires fournissent une sécrétion alcaline au papier de tour- nesol. Cette sécrétion saccharifie l’amidon, mais n’exerce aucune action sur les albuminoïdes. Elle renferme des traces de sulfocyanure de calcium. Le ventricule chylifique (intestin moyen) renferme une sécrétion légèrement acide qui digère l’albumine, la caséine, la fibrine. Le ferment actif de cette sécrétion serait de la pepsine. Les glandes de Malpighi renferment de l’urée et de l’acide urique. Griffiths a pu séparer ces deux produits à l'état cristallisé. Em. B.. EXAMEN CHIMICO-BIOLOGIQUE DES ORGANES DE BOJANUS CHEZ L'ANODONTE, Par MM. A. Grirritus et Harold FozzLows ?. La sécrétion de l'organe de Bojanus est acide au papier de tournesol. En traitant le liquide obtenu à l’aide d’un grand nombre de ces organes par une solution diluée de soude caustique et ajoutant ensuite de l’acide chlorhydrique, on obtient un précipité de cristaux rhombiques d’acide urique, avec lesquels la réaction de l’alloxantine réussit parfaitement. Si on traite des organes de Bojanus par l'alcool, si ensuite on évapore la solution alcoolique, si enfin on reprend l'extrait par l’eau, on obtient un liquide qui, additionné d'acide oxalique et abandonné à lui-mème, laisse déposer de longs cristaux prismatiques d’oxalate d’urée. 1 On some points in the phys. of certain organs of the alimentary canal of Blatta pe- riplaneta. Chemical News, t. LII, p. 195. 1885. 2? Chemico-biological examination of the organs of Bojanus in Anodonta. Chemical News, t, LI, p. 241, 1885. XXX NOTES ET REVUE. Le sang examiné chimiquement avant son entrée dans l’organe de Bojanus contient de l'acide urique et de l’urée ; celui des branchies ne renferme au- cune trace de ces deux corps. L’organe de Bojanus est donc physiologiquement un rein dans lequel le sang impur se débarrasse des matières azotées de rebut (acide urique et urée). L'existence de concrétions d’acide urique dans le corps de Bojanus a été établie 11 y a longtemps par MM. de Lacaze-Duthiers et Riche dans le Lutraria solenoides (Ann. des sciences naturelles, 4° série, t. IV, 1855, p. 319). Eu. BouRQUELoT. CSSS ho) XIII SUR LA STRUCTURE DU PRÉTENDU VENTRICULE GLANDULAIRE DES SYLLIS, Par W.-A. HASWELL. (Q. J. Micr. sc.) L'auteur résume ses recherches de la manière suivante : La partie du canal alimentaire des Syllis qu’on regardait jusqu'ici comme un ventricule glandulaire est en réalité un gésier et ses parois ne contiennent pas de glandes. Les corps regardés comme des glandes sont des colonnes creuses formées par des muscles striés fortement développés. Les éléments musculaires de l’organe conservent un caractère embryon- raire et contiennent au centre plusieurs noyaux. Les fibrilles de chaque muscle se montrent formées par la coalescence linéaire de rangées de ces granules grands et arrondis dont presque toute la substance centrale est composée. XIV RECHERCHES CHIMICO-PHYSIOLOGIQUES SUR LE FOIE DES CÉPHALOPODES, Par À. GRIFFITHS 1. Le prétendu foie de la Seiche possède les propriétés suivantes : 1 A.-B. Gnrirrirus, Chemico-physiolcgical Investigations on the cephalapod liver, Chemical News, t, LI, p.160 et 241, avril et mai 1885. Les recherches de Griffiths sont surtout des travaux de revision, Elles l’ont con- | | NOTES ET REVUE. XXXI 40 Il transforme l’amidon en dextrose ; 90 Il a une réaction alcaline; 30 [| émulsionne les graisses. L’émulsion est tout d'abord alcaline ; plus tard, elle devient acide par suite de la formation d'une certaine quantité d’a- cides gras ; 4e Il reti le lait transparent dans l’espace de quatre heures, comme le fait le pancréas ; ° Sa sécrétion renferme de l’albumine. Le ferment que l’on obtient en précipitant par l'alcool une macération du foie dans la glycérine possède à un haut degré les propriétés du foie lui-même. En traitant avec ce ferment des fibres musculaires, on obtient de la leucine et de la tyrosine. Il n’exerce aucune action sur la cellulose. Ce foie n’est donc pas un foie, mais un pancréas, puisqu'on n’a Eu y déceler ni acides biliaires, ni glycogène. Em. B. duit à des résultats qui concordent presque entièrement avec ceux que divers phy- siologistes ont publiés dans ces dernières années sur le même sujet. Signalons pour- tant un désaccord. Griffiths a trouvé au foie de la Seiche une réaction alcaline. D’après les observations de CI. Bernard, de P. Bert, de H. Frédéricq, de E. Bour- quelot, cette réaction est manifestement acide lorsqu’on la prend sur le vivant ou sur un foie frais. Il est probable que Griffiths a fait ses observations sur des animaux morts depuis quelque temps. Em. B. Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant: C. Rernwar», NOTES ET REVUE. XXXHI XV NOUVELLE CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE LA CELLULE. {re partie : La division cellulaire dans les spermatocytes de Salamandra maculosa *. Par N. FLeMMiING (de Kiel). Ce mémoire est la continuation d’un travail antérieur sur la spermato- genèse et la division des spermatocytes chez les Urodèles, publié par l'auteur, dans leg Archiv fur Mikroskopische Anatomie, en 1880 (p.233). Certains points que l'auteur n'avait pas pu éclaircir sont repris ici avec de meilleures mé- thodes. La question offrait un grand intérêt pour la cytologie, car les formes de la karyomitose ‘, dans ces spermatocytes, s’éloignent fort du type commun. L'auteur établit cependant que ces différences n’ont rien de fondamental. Il trouve d'abord que les spermatocytes de Salamandra offrent un remar- quable dimorphisme de la Mitose. La Mitose revêt ici, en effet, deux formes différentes : l’une, désignée sous le nom de héférolypique, parce qu'elle diffère en des points importants de la Mitose des autres cellules; l’autre, dite homéotypique, parce qu’elle est plus conforme à la Mitose ordinaire. La forme hétérotypique est celle dans laquelle les formations chromaliques, en forme de tonneau, décrites précédemment par l'auteur, se présentent dans la métakynèse. Au sujet de ces deux formes de Hitose, Flemming donne une description générale de l’état des glandes sexuelles mâles de Salamandra, selon l’époque de l’année. Je renvoie ici à l’original. Ces deux formes se rencontrent parfois mélangées dans les mêmes spermatocytes; mais le plus souvent, la forme hétérotypique lemporte dans la première multiplication de l’épithélium testiculaire après la fécondation (avril-mai). A cette époque, dans la formation des spermatocytes, la première génération de spermatocytes se fait le plus souvent par Mitose hétérotypique. Plus tard, au contraire, dans les générations suivantes, la Mitose homéotypique devient la règle. La description spéciale que donne Flemming des différentes phases du phénomène dans les deux formes serait difficile à comprendre sans le secours des figures et ne peut être résumée qu'à grands traits. Voici les résultats principaux auxquels il est arrivé. Les filaments chromatiques subissent dans les deux types, et déjà dans leur forme pelotonnée, un dédoublement longi- 1 Neue Beiträge zur Kenniniss der Zelle. 1ex Theil : Die Kerntheilung bei den Sper- matocyten von Salamandra maculosa. | 2 L'auteur traduit ainsi lui-même le mot Kerntheilung (division du noyau). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN,-— T. V, 1887. C REKIY NOTES ET REVUE, tudinal qui n'existait pas auparavant. L'auteur avait déjà montré précé- demment que c’est aussi le cas tout à fait normal dans les autres espèces de cellules. L'observation d’ailleurs difficile de ces phénomènes et qui réclame une observation attentive aidée d’une coloration intense, montre que toutes les différences que présente la Mitose aussi bien dans les spermatocytes que dans les autres espéèces de cellules sont de simples particularités de forme et d'aspect et n'ont rien de fondamental. La série habituelle des formes, Spire, Aster, Metakynèse, Diaster, Dispire, est aussi représentée au complet La forme hétérotypique, en particulier, offre des particularités remarquables. Les extrémités d’une paire de filaments dédoublés s'unissent ensemble de la même manière que dans l’œuf d’Ascaris megalocephala, d'après van Beneden. Ces parties soudées sont plus tard, dans la métakynèse, placées à l'équateur ; et, quand a lieu la séparation définitive, on pourrait croire que la dislocation des anses (dont chacune appartient à une cellule fille) a eu lieu par séparation transversale, tandis qu’elle s’est opérée longtemps auparavant par dédouble- ment longitudinal. Enfin il se produit dans ce type un second dédoublement longitudinal des filaments dans les cellules filles dans la phase de Diaster. Ce fait réclame de nouveaux éclaircissements., La même chose a lieu d’après van Beneden, probablement dans les cellules de segmentation de l’œuf d’Ascaris. On pourrait être conduit par ce phénomène à l’opinion erronée que la scission des filaments a lieu d’abord et principalement dans ce stade. Mais, comme je l'ai dit, il y a eu auparavant une première scission dans la forme pelotonnée de la figure mère. | Dans la forme homéotypique, il y a ceci de particulier, que les filaments dédoublés, après s’être séparés les uns des autres dans la métakynèse, ne se retirent pas immédiatement aux pôles pour y former deux groupes, mais restent d’abord assez longtemps dans la région de l’équateur. En considérant ces figures, on pourrait croire qu’elles représentent l’Aster, et comme le nombre de leurs filaments est déjà égal à la somme totale des filaments dans les deux noyaux filles, on pourrait penser. que la scission longitudinale des filaments fait absolument défaut. Ce serait une erreur, car cette scission a déjà eu lieu à ce moment. Le nombre des segments primaires est, dans les deux types, seulement “moitié de ce qu’il est dans la Mitose des autres espèces de cellules de Sala- mandra (douze au lieu de vingt-quatre). Dans la forme hétérotypique, le nombre des filaments se trouve doublé par le fait de leur scission dans les figures filles ; dans la forme homéotypique il reste invariable. Toutes ces différences se réduisent à un fait principal, le prolongement du processus uni à une forme spéciale de la métakynèse, c’est-à-dire de cette phase dans laquelle les segments dédoublés se séparent les uns des autres pour former les deux groupes de figures filles. Ces formes spéciales se retrou- vent avec des caractères très semblables dans un œuf (Ascaris, d’après van Beneden) et vraisemblablement (d’après Carnoy) dans les spermatocytes des Arthropodes. J M c’est seulement dans les cellules sexuelles qu’elles ont été retrouvées. Ces découvertes stat un vif intérêt général, parce qu’elles jettent de j { à; NOTES ET REVUE. KXRV la lumière sur cettains résultats de Carnoy !, qui étaient de natuïe à plonger dans le plus grand étonnement ceux qui s'occupent du problème cytologique. Carnoy arrive à cette conclusion : « que les phénomènes caractéristiques de la karyokynèse sont variables; aucun cas ne paraît essentiel ». Il décrit comme exemple des formes de Mütose dans lesquelles le dédoublement longi- tudinal des filaments manque entièrement, d’autres dans lesquelles elle se produit par division transversale et d’autres enfin, dans lesquelles la division longitudinale n’a lieu que dans les figures filles. Carnoy a basé ses conclu- sions presque uniquement sur l'étude des cellules testiculaires des Arthro- podes. Mais ces cellules sont considérablement plus petites que celles de Salamandra, et il est possible, je dirai même vraisemblable, que la première division longitudinale des filaments ait échappé même à un bon observateur. Si l’on admet cela, les difficultés invoquées par Carnoy se laissent expliquer de la manière la plus heureuse par les types de Mitose hetéro et homéotypique découverts par Flemming dans la Salamandra, types qui ne diffèrent, comme le montre Flemming, que par des différences secondaires et sans importance. En somme, les phénomènes caractéristiques de la karyokynèse sont constants et non variables comme Carnoy cherche à l'établir. C’est là un résultat im- portant, et la haute compétence de Flemming, dans ces sortes de questions, inspire une grande confiance dans son exactitude. X VI NOTE SUR LE POLY PARIUM AMBULANS. Par'de KoroTNnerr, professeur à Kiew. (Extrait de Zeülschrift für Wiss. Zool., Bd. XLV, 1887). L'animal portant ce nom est un polypier qui peut se déplacer à l’aide de ventouses, qui se trouvent le iong de la face inférieure, c’est-à-dire du soi- disant pied. J’ai recueilli cet être curieux, à l’aide des dragages, a une pro- fondeur de 7 à 10 mètres, dans le détroit des deux îles Billiton et Mendane, de l'archipel malais. Parmi une quantité d’autres êtres : échinodermes, coraux, ascidies, débris des coquillages, j'ai aperçu un corps enroulé, de ja grandeur d'un marron. Laissé en repos dans une cuvette, ce corps s’est bientôt dilaté, prenant la forme d’un ruban, long de 7 centimètres sur 25 mil- limètres de largeur et 8 millimètres à peu près d'épaisseur. La surface supérieure de ce ruban est couverte de petits cônes, portant des orifices ronds, tandis que la face inférieure porte des ventouses en forme de boutons avec un enfoncement au sommet. Les cônes correspondent assez exactement aux ventouses : chaque cône possède sa propre ventouse, et le développement 1 G, Carnoy, la Cytcdiérèse c'es les Arthropodes, 4885, table des matières, p, virt, XXXŸI NOTES ET, REVUE. des cônes correspond exactement à celui des ventouses. Ainsi, la ventouse d’un cône, qui n’a pas encore d'ouverture, est à peine développéeet présente une toute petite protubérance. Le nombre des cônes est quatre à six sur les rangées transversales et dépasse une centaine sur les rangées longitudinales. Pour ce qui est du soi-disant pied, il est à mentionner : premièrement, que ses borüs sont bien différents (d’un côté, on trouve une transition insensible entre la face supérieure et l’inférieure, et de l’autre, il y a entre les deux faces une frange qui longe le corps) et, secondement, tout le long du pied on remarque deux sillons qui divisent sa surface en trois parties longitudinales. La structure intérieure du Polyparium est non moins curieuse que l'extérieur de cet animal; on v trouve une cavité, qui est séparée par des cloisons transversales. Ces cloisons sont disposées par paires, de telle manière, que c'est seulement l’espace, qui sépare les paires, qui communique avec l’exté- rieur à l’aide des ouvertures buccales des cônes, tandis que l’espace intime de chaque paire resterait clos, sans les ouvertures, qui percent les cloisons mêmes. Si nous nomimons le premier espace enclave, et le second entre- clave, nous pourrons signaler une succession des enclaves et entreclaves ; toute la série des cônes, disposée transversalemert (quatre à six), correspond a une seule enclave. En ce qui regarde l’histologie, l'animal est tout à fait identique aux tinies ; comme dans ce dernier type, on distingue : l’ectoderme, composé d’un épithélium, d’une couche nerveuse et d'une couche musculaire, et l’entoderme ayant des fibres musculaires, disposées en sens inverse de celles de l’ecta- derme, Une étude détaillée nous démontre, que l’épithélium ectodermique est formé d'éléments simples, sensitifs, glanduleux et de nématocystes ; la plupart de ces éléments se prolonge en fibrilles, qui arrivent jusqu’à la couche nerveuse ; comme exception, Je pourrais citer les fibrilles des nématocystes qui traversent la couche-nerveuse pour se terminer par de petits disques à la surface des fibrilles musculaires. Cette dernière observation, jointe à celle qui prouve que les fibres musculaires sont privées de noyaux, permet de supposer que les cellules des nématocystes sont des cellules épithélio- inusculaires, qui ont abandonné leur position primitive auprès des fibrilles, sont restées à la surface et se sont munies en même temps des nématocystes. Pour ce qui regarde le pied, je mentionnerai seulement que sa structure est très simple; la cavité musculaire et nerveuse n'existe plus, et tout l’'ectoderme est composé de cellules glandulaires, ayant entre elles de vrais éléments sensitifs. Les ventouses ont la même structure que le pied, et l’ab- sence des muscles prouve qu’on ne pourrait pas les identifier avec les vraies ventouses des autres animaux. Comme base des cloisons, on y voit une membrane élastique, qui est couverte des deux côtés par une couche des fibres musculaires. Ce côté, dirigé vers l’enclave, est couvert par des fibres transversales (Mt), tandis que celui de l’entreclave porte des fibres verti- cales. La couche transversale est différente comme épaisseur ; ainsi, près des cônes ou, ce qui revient au même, près des bouches, cette couche forme un bourrelet, qui touche le bourrelet du côté opposé et ferme, de cette manière, l'entrée des enclaves. Une comparaison avec les actinies ordinaires nous NOTES ET REVUE, KXXYIL montre entre les deux types une grande différence, ou même une organisation inverse : ainsi, la couche verticale des actinies est la plus épaisse, elle est connue chez les auteurs allemands sous le nom de Fahnen ; ce sont des rétracteurs pour les tentacules. Cette distinction, purement quantitative, s'explique par un fait physiologique ; l'absence des tentacules occasionne une dégradation des muscles verticaux, tandis que les muscles transversaux deviennent fortement développés à cause du rôle important qu'ils jouent dans le mouvement de marche du Polyparium : en s’avançant la bête s’allonge et en s’allongeant elle rapproche ses bords par la contraction du bourrelet de la couche transversale. Pour en finir avec la description du Polyparium, je n’ai plus à men- tionner que l’absence des filaments mésenteriques et des produits sexuels ; ce n'était probablement pas la vraie saison de reproduction. Ce n’est pas une tàche bien facile de trouver la vraie place taxonomique du fill \ EU "= AN ED 0) à ! LOT JSTOR) JE VA: N : ANT CAREATIS CAS) DEA A f. de M A \) À / . - HONG CES EE Polyparium. 1° L'absence de l’œsophage et des tentacules ; 2 la présence de cloisons tout à fait distinctes du type ordinaire et des bouches coniques, tout cela fait du Polyparium un ètre tout à fait exceptionnel. Au point de vue taxonomique, la grande question serait: Où faut-il chercher les traces des tentacules chez le Polyparium? La Méandrine nous permet d’élucider cette question ; chez cet animal, nous trouvons les cônes buccaux disposés en forme de rubans à la face bombée du polypier. Cette disvosition rappelle tout à fait” le Polyparium avec la seule différence, que ses cônes sont beaucoup moins nombreux ; en même temps, les tentacules, déjà en dégradation chez la Méandrine, ont disparu chez le Polyparium. La multiplication des ouvertures buccales pouvait occasionner une jonction des cloisons opposées, ce qui devait avoir une certaine influence sur les œsophages des bouches multiples. Le savant professeur allemand Ehlers émet une tout autre théorie, pour expliquer le mode de formation d’un être si curieux que le Polyparium umbulans. Le point de départ u professeur Ehlers est celui-ci : la bête en XXXVIHI NOTES ET REVUE, question n’est pas une colonie, mais un individu, une personne ; ainsi, alors les ouvertures disposées aux sommets des cônes ne sont pas certainement des bouches, mais des formations d’une tout autre nature : ce sont, d’après lui, des tentacules dégradés. Une pareille dégradation est déjà décrite par Hertwig, pour les hexactinies et paractinies ; ainsi les tentacules des lipone- mides (polystomidium et polysiphonium), des sicyonides (sicvonis) et enfin des polyopides (Polyopis) sont tellement transformés, ayant aussi des orifices largement ouverts, qu'ils rappellent les cônes du Polyparium ambulans. Pour compléter cette comparaison, il ne reste qu’à ajouter que Hertwig a trouvé très probable que l’alimentation s'opère par les ouvertures des tenta- cules, Je suis tout disposé à admettre que cette interprétation n’est que très probable en raison des rapports des cônes et tentacules avec les cloisons. Parmi les particularités morphologiques du Polyparium, il y a un fait qui attire surtout l'attention du professeur Ehlers : c’est l'inégalité des bords; ce fait lui sert comme indication pour une théorie qui embrasse toute une série d'êtres énigmatiques. D’après son opinion, le Polyparium doit être envisagé comme une partie, un morceau d’une actinie typique, qui avait une bouche centrale et une couronne tentaculaire. Cette partie détachée ne portait que des tentacules, autrement dit, c’était un séquestre du bord, qui ne touchait pas le centre, la bouche de la bête. Si les bords libres d’une pareille partie détachée se sont soudés, il en résultera évidemment un être dans le genre du Polyparium, n'ayant pas de cavité centrale, possédant des cloisons transver- sales; en un mot, tout ce qui caractérise le Polyparium. Pour résoudre la question de la forme primitive, qui pourrait produire de cette manière, tout artificielle, le Polyparium, le professeur Ehlers rappelle que les formes ayant des tentacules raccourcis sont les habitants des profondeurs considérables ; il est évident que le producteur du Polyparium doit être cherché parmi eux. La théorie ci-dessus, du professeur Ehlers, à laquelle le Polyparium sert de point de départ, admet l'existence de deux types dans le règne animal : le type paranormal, qui contient des organismes développés d’une manière tout exceptionnelle, et par opposition, le type eunormal ou régulier. Comme formes paranormales, le professeur Ehlers envisage quelques êtres transportés dans des conditions artificielles : Trichoplax adhærens, de Schulze; Ctenodrilus monostylos, de Zeppelin, et peut-être le Protohydra Leuckartii. Quant au Polyparium, c’est, comme il a été déjà dit, une partie d’actinie séparée d'une certaine façon (par un coup de dent d’un poisson, ou par la pince d’un crustacé) qui, étant transportée dans des eaux peu profondes, riches en toute sorte de nourriture, a trouvé possible sans atteindre sa forme complète, typique, de cicatriser sa plaie et de se nourrir à l’aide des tentacules. Ce mode de production d’un être doit être tout à fait exceptionnel, et, en tout cas, il ne peut pas être prouvé empiriquement. Ainsi, les propres expériences du professeur Ehlers, sur des actinies, qu'il gardait dans les aquariums, sont restées sans résultat. Les observations de mon célèbre maitre, le professeur de Lacaze-Duthiers !, qui coupait des caryophilides dans le sens 1 De Lacaze-Durmiers, Observations sur la déglutition et la vitalité des Caryo- phyllus de Smith et Balanophyllie royale (Arch. de zoo. expér., t. VI, 1877): NOTES ET REVUE, XXXIX de la longueur et les gardait vivants, prouvent seulement la résistance vitale de ces animaux. Les observations du professeur Semper ! sont beaucoup plus démonstratives, sous ce point de vue; un morceau de fungia avec des cloisons, étant séparé, a reproduit en quelque temps la bête entière. Néan- moins, cette expérience ne peut pas être bien décisive : 1° parce que Ja orandeur de la partie détachée n’est pas bien déterminée (fait d’une grande importance); 2 ce phénomène a peu de points communs avec le Polyparium, en ce que, dans le premier cas (Fungia), nous voyons une simple reproduc- tion, dans Le second, une formation d’un être tout nouveau, qui a seuiement une ressemblance lointaine avec les actinies. Si même Ja supposition du professeur Ebhlers était plausible, il serait bien douteux que la forme productrice du Polyparium provint des grandes pro- fondeurs. Nous savons que ces formes, habituées à de fortes pressions, étant transportées à la surface, meurent. Comment pourrait-on admettre qu’une partie d’une pareille forme transportée aurait, non seulement vécu, mais se serait même transformée si complètement ? XVII EMBRYOGÉNIE DES DENDROCŒLES D'EAU DOUCE, Par le docteur P. Hazrez (de Lille). Les résultatstrès différents auxquels sont arrivés M. Metschnikoff et Jijima en étudiant l’'embryogénie des Dendrocæles d’eau douce, suffisaient pour justifier de nouvelles recherches sur la question. Cependant, l'auteur du travail que nous résumons dit, dans son Introduction, qu’une autre considé- ration l’a encore engagé à étudier à nouveau ce sujet. Il s’est demandé si, chez des animaux comme les Planaires, dont toutes les parties même très petites du corps sont également aptes à régénérer un individu entier, les phénomènes du développement pouvaient être comparés à ceux qu’il avait précédemment observés chez les Nématodes, où chaque blastomère occupe une position parfaitement déterminée, et représente une région, un organe ou une partie d’organe définis. L'auteur étudie d’abord l’accouplement, la structure et la fonction de l’uté- rus et de la bourse copulatrice, la formation du cocon, la ponte et l’éclosion. Il constate que, chez PI. polychroa, le cocon se forme dans l'utérus et non dans le cloaque génital, comme c’est le cas pour Dendr. lacteum, et, tout en reconnaissant que de nouvelles recherches doivent être entreprises pour fixer d’une manière définitive le rôle de la bourse copulatrice (organe énigmatique d'O. Schmidt), il émet l'avis que cet organe pourrait bien être un organe propulseur destiné à introduire dans l'utérus les œufs et les éléments fécon- 1 Ueber Generationswechel bei Steinkorallen (Zeit. f. wiss. Zoo!,, bd. XXII, 1872). XL NOTES ET REVUE, dateurs. Il base son opinion d’une part Sur la constatation de la présence de spermatozoïdes à l’intérieur de la bourse copulatrice et de l'utérus chez Dendr. lacteum, et d'autre part sur ce fait d'anatomie que, dans les espèces comme Pl. polychroa, où les produits génitaux arrivent directement dans l'utérus et non dans le cloaque génital, tout organe propulseur fait défaut. L'auteur aborde ensuite l’étude de l’'embryogénie proprement dite. Il con- sacre d’abord un chapitre à l’histoire des cellules vitellines; il décrit avec soin leur structure, leur distribution dans le cocon, leur diffluence, qui donne naissance à une masse syncytiale nutritive entourant les œufs en seg- mentation, et dont les restes non utilisés comme nourriture par les blasto- mères passent devant le réticulum conjonctif de la jeune Planaire. La période de maturation des œufs est caractérisée par la formation d’un certain nombre de vésicules claires (constamment trois chez Dendr. lacteum) qui prennent naissance dans le voisinage du noyau à l’un des pôles de l'œuf. Ces vésicules claires sont finalemeut éliminées ; elles sont certainement ho- mologues des formations sur lesquelles Sabatier a particulièrement appelé . l'attention, et l’auteur émet l’avis qu’elles n’ont peut-être pas plus d’impor- tance morphologique que le liquide éliminé par les vésicules contractiles des Protozoaires. Il n’y a pas formation de globule polaire. L’œuf fécondé est entouré par une vingtaine de cellules vitellines radiaires, ayant à peu près là forme de cônes adhérents à l’œuf par leurs bases. Nous ne pouvons pas, dans cette courte analyse, suivre l’auteur dans la description des phénomènes intimes de la division, ni dans celle des blasto- mères à l’état quiescent. Les blastomères du stade 2, engendrés par un plan de segmentation per- pendiculaire au grand axe de l’œuf, sont égaux. Le stade 4 est engendré par un plan perpendiculaire au premier plan de segmentation et méridien comme celui-ci; les blastomères qui le constituent sont égaux. Le troisième plan de segmentation, qui donne naissance au stade 8, est perpendiculaire aux deux premiers et par conséquent équatorial. C’est après la formation de ce stade que commence la diffluence des cellules vitellines radiaires. Mais la masse syncytiale qui en est le résultat n’est pas encore assez abondante pour for- mer un milieu autour des blastomères; elle commence seulement à s’infil- trer entre chacun de ceux-ci. Jusqu'au stade 16, l'œuf segmenté constitue une blastosphère dont les cellules présentent peu de cohérence entre elles. Mais à partir de ce stade, la diffluence des cellules vitellines est très active, la masse syncytiale augmente rapidement, et les blastomères, n'étant plus maintenus dans leur position respective par la pression des cellules vitellines, se séparent pour se répandre dans le syncytium nutritif. Vers le stade 20, une nouvelle série de cellules vitellines se dispose radiairement autour de l'embryon, pour diffluer comme la première. La masse du syncytium nutri- tif augmente donc constamment ; toutefois il n’existe aucun rapport entre le nombre des cellules vitellines diffluées et celui des blastomères. A cause du mode de distribution des éléments nutritifs et du mode de segmentation tout spécial qui en est la conséquence, l’auteur désigne les œufs des Den- drocæles d’eau douce sous le nom d’ectolécithes. NOTES ET REVUE, XLI À partir du moment où la blastosphère se disloque, les cellules de seg- mentation disséminées dans le syncytium nutritif constituent une masse très irrégulière, Le premier organe qui se différencie, c'est l'éctoderme primitif. Celui-ci est constitué par les cellules embryonnaires les plus externes, les- quelles se rapprochent de la périphérie du syncytium nutritif où elles s’a- platissent. L'auteur confirme donc l’observation de Metschnikoff et rejette la manière de voir de Jijima pour qui l’ectoderme est constitué, au début, par une couche périphérique de blastomères fusionnés. Pendant tout le cours du développement, de nouvelles cellules embryonnaires viennent s’aplatir à la surface de l'embryon, et s’y transforment en cellules ectodermiques, de sorte que le nombre de celles-ci s’accroit incessamment, et que la membrane ectoermique de l'embryon passe insensiblement au revêtement épidermique de l’adulte. Quand l’ectoderme primitif est constitué, on peut distinguer dans l'embryon trois groupes de blastomères qui sont : 1° celui de l’ébauche du pharynx pro- visoire comprenant approximativement une vingtaine de cellules ; 2° celui des quatre cellules endodermiques primitives, toujours immédiatement en arrière du groupe précédent ; 3° le groupe des cellules migratrices en nombre variable (cinquante environ). L'endoderme primitif n'avait pas encore été signalé. Cependant l'auteur démontre que cet organe important a été vu par Metschnikoff et par Jijima, mais confondu par ces deux observateurs avec les grosses cellules inférieures de la couche interne du pharynx embryonnaire. Aussi longtemps que le pharynæ provisoire ne fonctionne pas, l’archentéron est tapissé seulement par les quatre cellules initiales de lendoderme; mais quand les cellules vitellines affluent dans la cavité intestinale, celle-ci augmente eonsidérablement en volume, en même temps que quelques cellules migratrices viennent s’ad- joindre aux quatre endodermiques primitives. Cet endoderme provisoire est formé de trois couches dont l’auteur a décrit avec soin la structure et le mode de formation. Nous nous contenterons de rappeler ici le fait intéressant que les blastomères, au moment de leur différenciation histologique, incorporent une certaine quantité du syncytium nutritif qui les entoure. Après que le pharynx embryonnaire a fonctionné, les cellules migratrices, disséminées dans la masse syneytiale, continuent toujours à se diviser, de sorte que leur nombre devient de plus en plus considérable. Dans le chapitre qui a pour titre Achèvement de l'embryon, M. Paul Hailez étudie les transformations que subit la jeune Planaire depuis la disparition du pharvnx provisoire jusqu'à l’éclosion. Il suit la formation du pharvnx définitif, et le changement de forme de l'embryon. À ce moment, la cavité digestive primitivement droite prend une forme dendrocælique par suite de l'apparition de cloisons qui, partant de la périphérie, se dirigent vers l’inté- rieur, et dont le mode de formation rappelle celui des cloisons des Antho- zoaires. L'endoderme provisoire disparaît et est remplacé par un endoderme définitif. Celui-ci est constitué par les cellules embryonnaires (cellules mi- gratrices) qui se trouvent à la surface interne des parois du corps, tapissant par conséquent la cavité intestinale. L'auteur réfute l’opinion de Metschaikolf XLIL NOTES ET REVUE. qui croit que l’endoderme est formé par les cellules vitellines avalées par l'embryon. Les rhabdites ou organes urticants, le cerveau et les organes des sens pren- nent naissance aux dépens @es cellules du reticulum conjonctif. L'auteur a également eludié les phénomènes d'histogenèse et d’organo= genèse qui se produisent pendant la régénération des parties mutilées, et il a reconnu que ces phénomènes ne sont que la répétition de ceux qui sont révélés par l’étude de l’embryogénie. Il a essayé aussi de déterminer l’orien- tation de l'embryon, mais des difficuités nombreuses et presque insurmon- tables l’ont empêché de résoudre la question par l’observation directe, En résumé, l’auteur n’admet, chez les Planaires d’eau douce, que deux feuillets : l’endoderme ef l’ectoderme. Les cellules migratrices, qui donnent naissance au pharynx, aux rhabdites, au système nerveux, etc., sont consi- dérées par lui comme une dépendance de l’ectoderme, comme homologues du pseudomésoderme des Cœælentérés proprement dits, la masse syneytiale nutritive correspondant à la masse gélatineuse deïces derniers. La seule dif- férence qui existe entre les deux groupes à ce point de vue, c’est que la couche conjonctive intermédiaire dépendant de l’ectoderme existe déjà, chez les Dendrocæles, quand s'opère la différenciation des deux feuillets, tandis que, chez les Cœlentérés, la substance gélatineuse qui lui correspond n’ap- parait qu'après que les deux feuillets primitifs sont déjà constitués. Le dernier chapitre du travail de M. Paul Hallez est consacré à la discussion des affinités des Turbellariés. L'auteur admet : 4° que le mésoderme solide des Pseudocæliens des frères Hertwig est homologue du mésoderme des Entéro- cœliens ; 2° que le pseudomésoderme des Cœælentérés et les Cutiszellen des Echinodermes sont des différenciations ectodermiques homologues ; 3° que les diverticules stomacaux des Cténophores et ceux des Echinodermes sont également homologues. Et, partant de là, il divise les animaux pluricellulaires en quatre groupes : 1° les Mésozoaires, caractérisés par un ectoderme et un endoderme seuls; 2° les Porifères et les Cœlentérés proprement dits, carac- térisés par un ectoderme, un pseudomésoderme et un endoderme; 2° les Cténophores et les Echinodermes, caractérisés par trois feuillets, plus un pseudomésoderme ; 4° les Nématodes, Rotifères, Mollusques, Annélides, etc, caractérisés par trois feuillets sans pseudomésoderme. Il constate ensuite que la plupart des Polyclades ont un mésoderme vrai, tandis que les Triclades et le genre Stylochus n’en ont pas. Il en conclut que les Dendrocæles, qui possèdent un mésoderme primitif formé par quatre ou huit cellules doivent être rapprochés du quatrième groupe, tandis que les Dendrocæles, qui ne possèdent qu’un pseudomésoderme, doivent être rappro- chés du deuxième groupe, et plus particulièrement des Cœlentérés proprement dits. Une conséquence de cette manière de voir, dit-il, c’est que le reticulum conjonctif des Polyclades ne correspond pas morphologiquement à celui des Triclades; et cette interprétation est vérifiée par des différences anatomiques et par les données de l’embryologie sur l’origine du système nerveux, des organes des sens et des rhabdites qui se forment aux dépens de l’ectoderme NOTES ET REVUE. XLII chez les Polyclades, et aux dépens des éléments cellulaires du reticulum chez les Triclades. Cela posé, l’auteur critique l'opinion des auteurs qui rapprochent Îles Dendrocæles des Cténophores, il passe rapidement en revue les trois ordres d'arguments mis en avant (formes prétendues intermédiaires, caractères anatomiques, caractères embryologiques) et il arrive à cette conclusion géné- rale que c'est plutôt dans le groupe des Anthozoaires, ou d’une manière plus générale dans le groupe des Cœlentérés proprement dits, que doivent être recherchées les affinités des Dendrocæles. Quant aux Rhabdocæles, il croit, d'après ce qu’il à pu voir jusqu’aujourd’hui en étudiant leur embryologie, que ces animaux devront être, comme les Dendrocæles, partagés en deux groupes suivant qu'ils sont tristratifiés ou qu'ils ne possèdent que deux feuillets avec un pseudomésoderme. Il croit, en outre, que les Microsiomes devront être rapprochés un jour de la forme Hydra ou Protohydra, et il dit que, si ses vues se confirmaient, les Rhabdo- cœles devraient être considérés comme se rattachant aux Hydroïdes, tandis que les Dendrocæles se rattacheraient aux Coralliaires. Ces deux divisions des Turbellariés nous présenteraient un développement en quelque sorte parallèle et nous feraient assister à l'apparition d’une différenciation morpho- logique des plus importantes : l'apparition d’un feuillet moyen défini. XVIII ÉTUDES SUR LE SANG, SON ROLE ET SA FORMATION DANS LA SÉRIE ANIMALE. 2e partie : Invertébrés. Note préliminaire, par M. L. CuÉnor. Les études sur le Hiquide sanguin des Invertébrés, quoique fort nombreuses, présentent cependant beaucoup de lacunes ; elles ne s’occupent toutes que de quelques parties constituantes du sang, sans en rechercher à fond ni l'ori- gine ni le rôle. La comparaison du liquide sanguin des Invertébrés à la lymphe des Vertébrés (Rudolph Wagner, etc.) est classique ; ce n’est pourtant pour la plupart des types qu’une erreur manifeste. À la suite d’études sur les Echi- nodermes, où j'ai reconnu et étudié la formation des globules sanguins dans un certain nombre de glandes, j'ai entrepris la recherche des glandes forma- trices dans la série animale, où elles n’ont été que très rarement signalées et toujours avec doute : ce travail m’a donné des résultats inespérés ; la pre- mière partie, relative aux Vertébrés, paraîtra prochainement ; je vais pré- senter ici les renseignements que m'a fournis jusqu'ici l'étude des Invertébrés, de façon à former un ensemble qui permettra de voir que le liquide sanguin, XLIV NOTES ET REVUE. comme beaucoup d’autres appareils, ne peut servir de critérium absolu pour distinguer ces deux grands embranchements. Le liquide sanguin et ses éléments figurés ont pour rôles fondamentaux la nutrition et la respiration : la nutrition est assurée par la transformation des peptones produites par la digestion en albuminoïdes non dialysables ; c'est cette albumine qui est la véritable chair coulante, assimilée directement par toutes les cellules de l’animal. La respiration est assurée par la présence d’un albuminoïde spécial, doué de la propriété de se combiner à l’oxygène en pro- portions variables, toujours très supérieures à la simple dissolution de ce gaz. Cet albuminoïde fixateur d'oxygène peut être différent de l’albuminoïde chargé de la nutrition des organes : c’est le cas chez les Vertébrés, les Annélides et les Sipunculides (peut-être les Ascidies), où le premier est représenté par l'hémoglobine ou un corps analogue, le second par l’albumine du sérum. Chez la plupart des Invertébrés, c’est le même albuminoïde qui joue à la fois les deux rôles (Insectes, Myriapodes, Arachnides, Crustacés, Mollusques), comme cela a été vu pour la première fois chez les Céphalopodes par Fredericq, qui a donné le nom d’hémocyanine, à l’albuminoïde particulier de ces animaux. Chez tous, la transformation des peptones en albumines non dialysables et assimilables, est dévolue à un ferment spécial, le ferment albuminogène, dont le rôle est exactement inverse de celui du ferment digestif; J’ai reconnu ce ferment depuis les Echinodermes jusqu’à l'Homme, avec des caractères à peu près identiques et certainement moins variables que ceux du ferment digestif chez les mêmes animaux; on l’observe sous la forme de fins granules lége- rement colorés en jaune, parfois bruns, violets ou verdâtres, toujours très réfringénts. Ce ferment, sauf de très rares exceptions, est contenu dans des éléments figurés du sang, caractérisés également par leurs mouvements amæboïdes, ce que Je rappellerai par le nom d’amæbocytes. Ces amæbocytes et le ferment qu’ils contiennent sont produits par des organes spéciaux, les glandes lym- phatiques, qui, au fur et à mesure de la dissolution des cellules dans le sang, donnent naissance à de nouveaux amæbocytes qui suivent le même cycle de transformation. Si le ferment albuminogène est constant dans ses caractères, il n’en est pas de même de l’albuminoïde fixateur d'oxygène, qui sert en même temps à la nutrition des cellules ; il varie presque à l'infini, d’une espèce à l’autre; en le précipitant par lalcool, on voit que si sa composition chimique présente au fond une grande identité, ses caractères physiques (couleur, puissance d'ab- sorption de l'oxygène, etc.) varient énormément, | Echinodermes. Dans mon travail sur les Astérides (Arch. xool. eæp., 2 sér., 1887,t. V bis, 2 mém.), j'ai examiné en détail la formation des amæbocytes dans la glande ovoïde et ses dépendances, les vésicules de Poli et les corps de Tiedemann ; je n’en parlerai done pas ici. La glande ovoïde (glande madréporique, glande dorsale) des Oursins (Prouho), des Ophiures (Kæhler et Cuénot) et des Crinoïdes, les vésicules de- Poli des Ophiures et des Holothuries sont aussi des glandes lymphatiques. Malgré les dires d'Howell et de Fœttinger, il n’existe pas d’hémoglobine NOTES ET REVUE. XLY chez les Echinodermes : le ferment albuminogène, coloré en jaune, rarement violet ou noir, se trouve dans les amæbocytes, qui nagent dans un liquide qui n’est autre que de l’eau de mer, avec seulement une quantité très faible d'al- bumine en dissolution ; les amæbocytes sont donc à peu près les seules parties nutritives du liquide sanguin. Insectes. Chez les Insectes, le liquide de la cavité générale renferme un albuminoïde dissous, de teinte variable, qui sert à la fois à l’hématose et à la nutrition des tissus ; il est parfois vert (chenille du Bombyx rubi), verdàtre (larve de Libellula), légèrement brun {Hydrophilus piceus). De nombreux amæ- bocytes, bien typiques, nagent dans le sang ; ils sont produits par une glande considérable, entourant complètement le cœur et s'étendant surtout sur ses flancs et sur les muscles aliformes (couche cellulaire du cœur, Leydig) ; cette lande est constituée par un stroma conjonctif déterminant d'innombrables lobules, remplis de noyaux et de fines granulations. Les noyaux s’entourent peu à peu de ferment albuminogène et s’échappent de la glande ; chez quelques types (Zerene grossularia, chenille du Bombyx rubi), on trouve dans cette couche lymphatique du cœur de gros amas de nucléine (jusqu’à 50 y) qui par bourgeonnement donnent naissance aux petits noyaux (12 &) destinés à former les amæbocytes. Cette glande lymphatique existe aussi bien chez les larves que chez les adultes, dans toutes les classes d’Insectes. Une seule exception est fournie par la larve du Chironomus plumosus (ver de vase) : l'albuminoïde du sang est l'hémoglobine et ne renferme pas l'élément figuré , le ferment albuminogène est contenu dans un amas de cellules situées du côté de la tête, où elles forment une masse verte, irrégulière, que l’on voit par transparence sur l'animal vivant. Scorpionides. Chez les Scorpions, la glande lymphatique est un corps allongé, situé sur la partie dorsale de la chaine nerveuse (découvert par E. Blanchard, glande annexe de M. Houssay); elle communique directement et n’est pour ainsi dire qu'un diverticule spongieux de l'artère spinale ou artère dorsale de la chaine nerveuse. Crustacés. Chez l'Ecrevisse, les Crabes et les Pagures, le liquide sanguin, outre l’albuminoïde habituel, de teinte variable, renferme des amæbocytes à ferment jaunâtre ; ceux-c1 sont produits par une glande située dans la branchie et disposée de telle façon que le sang qui vient de respirer la traverse et emporte les éléments mürs qui s’y sont formés. Chez l’Astacus fluviatilis, la glande est située sur les parois du vaisseau artériel de la branchie ; chez les Crabes et les Pagures, elle est interposée entre les vaisseaux arteriel et veineux; c’est simplement un réseau conjonctif parsemé de noyaux qui s’entourent peu à peu de ferment albuminogène, pour former enfin des amæbocytes ordinaires. Mollusques. Chez les Mollusques, les glandes lymphatiques sont placées en général dans le voisinage de l'appareil respiratoire, comme chez les Crustacés décapodes. * Chez les Lamellibranches (Ureissena polymorpha, Mytilus edulis), la glande *’.est située dans la branchie même au voisinage du vaisseau afférent, de telle sorte que le sang qui va respirer entraine les éléments mürs, KL#t NOTES ET REVUE, Chez les Gastéropodes, la glande varie beaucoup de positiofi et de rappotts} chez la Paludina vivipara, c’est une petite glande allongée située le long de la branchie vers sa base et débouchant dans le vaisseau veinéux branchial ; l’albuminoïde du sang est d’un bleu verdâtre. Chez le Pleurobranche, c’est la glande rouge que M. de Lacaze-Duthiers a découverte et décrite sur l'aorte, près du cœur; elle occupe la même position chez les Bullidés (Vayssière). Chez les Limazx et Helix, chacun des gros vaisseaux pulmonaires est entouré d’un stroma conjonctif épais, rempli de noyaux qui se transforment en amœæ- bocytes ; le tout constitue une glande lymphatique diffuse et étendue le long de tous les vaisseaux efférents du poumon ; l’albuminoïde du sang, très dis- tinct de l’hémocyanine, est d’un blanc pur quand on le précipite par l'alcool. Chez les Lymnées et Planorbes, l’intrication des vaisseaux pulmonaires et des parties lymphatiques est encore plus grande que chez les Pulmonés pré- cédents; on ne peut établir une ligne de démarcation exacte entre les vais- seaux et la glande. Les premiers traversent très irrégul:èrement les parties lymphatiques ; pourtant, chez les Planorbes, on peut dire que les trois crêtes qui parcourent la cavité pulmonaire sont plus spécialement destinées à la pro- duction des amæbocytes. Je rappellerai que chez les Planorbes l’albuminoïde sanguin est l’hémoglobine (Ray-Lankester). Dans Les amæbocytes des Pulmonés on ne trouve qu’un petit nombre de granules de ferment toujours très réfrin- gents. Chez les Céphalopodes, c’est la glande branchiale, située sur le trajet du sang veineux (M. Joubin), qui est le siège de la formation des amæbocytes. L’albuminoïde sanguin est l’hémocyanine (Fredericq). Annélides. Chez les Oligochètes (Lumbricus terrestris), le liquide de la cavité générale, peu abondant, est rempli d’'amæbocytes à tous les degrés d'évolution. Ces amæbocytes sont formés par la couche jaune de l'intestin (couche hépa- tique, cellules brunes œsophagiennes de Vedjowsky, cellules chloragogènes de Claparède). Les cellules, d'assez grande taille, renferment un nombre consi- dérable de granules d’un jaune clair, très réfringents ; lorsqu'elles sont arri- vées à maturité, elles se détachent, tombent dans la cavité générale et pré- sentent des mouvements amæboïdes très nets; peu à peu les granules se segmentent, diminuent de taille et de nombre ; la cellule revêt alors la forme classique de l'amæbocyte arrivé à la fin de son évolution (comme chez les Ver- tébrés, sous le nom de Leucocytes). 11 ÿ a ainsi une assez grande différence entre la cellule chloragogène mûre et amæboïde et l’amæbocyte vide de gra- nules, mais il est très facile de reconnaître la filiation qui les relie. En con- séquence, le revêtement jaune de l'intestin doit s'appeler couche lymphatique. Chez les Hirudinées (Aulastoma gulo, Glossiphonia sexoculata et bioculata, Nephelis octoculata), la cavité générale est à peu près nulle, il n’y a pas d’élé- ments figurés libres, mais les cellules à ferment albuminogène n’en existent pas moins. Elles forment une couche épaisse (foie diffus de Leydig, tissu bothryoïdal de Ray-Lankester) dans les téguments et surtout aux environs du tube digestif ; ce sont des cellules de taille souvent considérable (54 y) ren- fermant de gros granules jaunes ou verdâtres ; elles sont souvent mêlées à des cellules graisseuses (Glossiphonia). C’est en traversant les cellules jaunes que NOTES ET REVUE, PAL les produits de la digestion se transforment en albuminoïdes assimilables ; peut-être aussi ont-elles un rôle dans la formation de l’hémoglobine du sys- tème circulatoire proprement dit. Géphyriens. Le sang (Phascolosoma, Sipunculus nudus) a une grande ana- logie avec celui des Vertébrés inférieurs ; il est bourré de giobules de deux sortes : 1° des amæbocytes très nets, à ferment jaune ; 2° des hématies à noyau, contenant uu liquide incolore différent de l’hémoglobine (c’est la seule différence avec les Vertébrés). Ces deux éléments figurés sont produits chez le Sipunculus nudus par un organe lobé (houppe sensitive de Carl Vogt et Yung) situé sur le cerveau, et qui correspond exactement par sa fonction à la rate des Vertébrés. Tuniciers. Les quelques Ascidies que j'ai examinées m'ont montré dans le sang deux sortes d'éléments, comme chez les Géphyriens ; des amæbocytes ordinaires et des hématies, mais très différentes de celles des Vertébrés. Les résultats que je présente dans cette note suffisent pour prouver la généralité de mes assertions ; le mémoire (texte et figures) sera publié dès que j'aurai pu compléter les faits relatifs à l’anatomie des glandes Iympha- liques dans quelques groupes que je n’ai pas encore étudiés à fond. XIX THE RELATION OF THE NEMERTEA TO THE VERTEBRATA, Par W. HUBRECHT. (Quarterly Journal of Microscopal Science.) L'auteur a pour but, dans ce travail, de développer la proposition suivante : « Plus que toute autre classe d’invertébrés, les Némertiens ont conservé dans leur organisation des traces de dispositions semblables à celles qui doivent avoir caractérisé les formes d’animaux qui ont graduellement établi une transition entre le type archicælien diploblastiques (Cœlentéré) et ces entéro- cœliens triploblastiques qui se sont ensuite développés en Chordata (Urochorda, Hemichorda, Cephalochorda et Vertebrata. » Voici maintenant l’énumération des caractères communs aux Némertes et aux Cœlentérés, d’une part, et aux Chordata, de s’autre, par laquelle l’auteur termine son travail. Les caractères de Cœlentéré que l’on retrouve chez les Némertiens sont les suivants : a. La présence de nématocystes dans l’épithélium de la trompe. b. Le riche réseau nerveux du tégument, et sa structure histologique. c. La présence d’une couche épiblastique de fibres musculaires séparée de la musculature générale du corps, XLVI NOTES ET REVUE. d. La présence et la constitution chimique d’une gelée intermusculaire souvent très épaisse, et par laquelle les autres organes internes sont en même temps entourés. e. Le mode de développement du mésoblaste qui est moins spécialisé que dans nombre d’autres invertébrés. f. L'absence d’un enterocæle distinct. Les points de ressemblance avec les Chordata peuvent être ainsi établis : a. Dispositions générales du système nerveux. b. La présence d’un homologue de l’hypophyse du cerveau, sous forme d’un organe massif et important (la trompe). c. La présence d'un tissu qui peut s'être transformé en notochorde. d. L'adaptation respiratoire de la partie antérieure du tube digestif. Le directeur : H. pEe LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : G. REINWALD. | 2 ludin- ad. nat.del. le Lee : a en 7 Dit Arch de Zoo! EXP Fat (rer 4° Serte Vol V:-P1I si C4 ren une = = C (un - CHINE < RRQ NU (ue N SE Z N4 NO NA WZz Si S NZ Dèy ë , PUNNTunE 41 e 77 74 72 Becquet LANGIA OBOCKIANA TT 2L rie. Vol. V.:P1 € 20 Î \rch de Zoo Ve » Ÿ ve \/ va S ed \ : | ENS 0 Eu \ * F ES #; 5 J D ST TRS 1 TD SR = CE D = = Si NS 7t 5 »: 5 23 - FA my. Becquet ; LANGIA OBOCKIANA Lubin ad nat «tel . Cu C1 APPENDICES DES ARMELIDES ool. Exp et Genl® TZ “À ir ad rad .del . rch de A Le CRAN ne.Vol VE PA Ê Ag Eve Img. Pecga APPENDICES DES ARMELIDES 2 Jourdan au. nat. del . Æ Et Arch.de Zool.Exp* et Gen* 2*Sèërie. Vol V PI Ad nat del LNusbsum HithWoDowezems Varsovie MMISIS\ C'HANTE M ENON (Em linynfente ) | PPch de Zool.Expl* et Gen!° , | 2° Série. Vol.V PI VI i : MYSIS CHAMELEO. | RASE Hith W Gômozewsk Varsovie. ( Embryogenie ) (7 PRET . » ga VA Gr F2 ” Û 2 À Arch de Zool.Expl° et Gen: | 2* Série. Vol VW PI VII | 38. Admat del LNusbaum MYS IRSC: HAM EF L E [e] ù on Lith W Œôwozewski Varsovie, ( Embryogenie ) En: 2° Série. Vol. V. PI VII. 1 1 4 Liti W Ciéwezewski Varsovie, © [ea] A [a] ä < (as [©] u Loos | 71 D = co o A) [«b] 2 e & 5 È E ; # > 2 ° 5 E = É # Le) ( Embryogeme ) 1 Li De Arch. de Zool.Expl et Gen 8 : : | : 2° Série. Vol.V PI IX. E : | k 0 nee à -@@éà, 0608 4 {Il {] \ ( a , MYSIS CHAMELEO. Fadinat del LNusbsum. En (Ernbryogenie ) | Jith Wi Gtovrozewski Varsovie Arch de Zool. Expl° et Gen: A nat dd INusbaum. MYSIS CHAMPLE O. | (Embryogenie ) , 6 | | ; € É RE Pr von pers assititioe oil ne nes Os Se réunie Fa) rs mn oi D po 1 L- - 4 2 es À . : 4 LA SQ::: 2° Série 84. 85. mr Arch. de Zool.Expl° et Gen! e- À . ® Se; G e°°°e e .. ee $@ æ®\ Eth. W Gowczewsla. Varsone. 1.22 del I Nusbaum A$ (Embryogenie ) 1 [ed TE le N\ le Arch. de Zool. Exp” et Gen 3 nat del LNusbaum- Li. W Clowezewski Varsovie MVSIS CHAME LE O. (Embryogenie ) Vol. V. PI, XIII © Séme 2 PISRPORMMEM -RATEÉOTTAT, We 1 \z Q NN e@ \ \US Û NES jé S RC ne É DETTE à nent 7 S # DOROCIDARIS PAPILLATA 777 T4] 4] : f TE | à >. 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OT » Zool, Expl° et Génl° VoLV.PLXXV. à DOROCIDARIS PAPILLATA Arch de Zool Expl® et (rénl° 2° Série Vol V Pl XXVI É 4 E / k r A : r Le: en de me 0 où pe je pie À 4 "LILAS EL D) 1, AT. + CPI et LU DPARANGUS PURPUREUS sv" rh se \ æ pr .) < CA es | À M 2 Epé et Get 2 Série Vol V. PLV iv 5 ç Luÿeur. SC LA ALCYONIDIUM POLYOUM 4 # ' DAPch de Zoo! Exp et Gen! 2° Série Vol PL L 5 0772 r Ml meet Génie. " A ME TE MS Série Vol. V.P1,Æ HUE ALT +0 € YU & rc Cu % s 5 er F6 A Ye La | rt METAL | ra ni F TESTACELLE (Exténieur,) ” (à Des 4 CS \ DLÉtEE 0 oniniumon ele 0 | XKX. NACE 2° Série Vol TESTACELLE (Radula.) ms rss ses = = === 1 y US MT m6 (ee a reines D pres pl rase vec LA fa f ! Lau ! Ce ! TE STACELLE (Radula.) 29 Série Vol V.PLXXX + #. 4 Dés +7 LM ” 4 - pi . CIO Se TE TR M CP PEN VS | ARE NT PNR IV UT FR Fr LS RE OS ET MRC NP RIT - LE TA LA A - LA XXII ! É Y. Pi. Pierre.se - 2° Série Vo à PES FACFLIE, (Dige stion.) NE Ie 0.) | L LV. PL XXXIV. TIRTA is Oo DS A érie EE TES TACELLE, (Circulation artérielle.) F1eu RER wT “EUR à bn x ü Wu AO BP MO Ni PT AN, ss é ir EE = ST TT PTE SRE M SPEED 2 Pierre se TE STACELLE (Circulation artérielle.) on] Les H Ë £ D” E Nef a + 4 pie Vol V PI XXXVIL F7. SeTLé.. S % Pure Eure. ss af i PP RESULT as à SS d Arch de Zool Expl° et Génie VE in PLTEg À AÎNÉ in ns ENT [=] 4 a me F PESTRC Arch de Zool. Expl® et Gent 2e Série Vol V PL. XXII # 7 deL D æeL 1) UJOUT SE RESTACELELE Systeme nerveux) \ / LA ME L2 HS ch de ‘Zool. Exp et Gén TE STACELLE (Systeme nerveux) rie. Vol V. PL XAXIX PURE” OSEO "+ y MC a ÿ; F2 = Lan. L'or Se ” ECC | Res, ROME EE." I AA TT STE Pr dc NEA LENS 7 Î L Pur Nail" ACF lu IAA 7m LA 5) D A ES CN RE ER EAN PL A À à" 2 . ve HE 441 ’ " Pr oel ANS OS nus ARCHIVES DE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE Le HENRI DE LACAZE- DUTHIERS É FÉLE MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE : RE, re ._. . (Académie des sciences) : “SSI | ÉROFESSEUR D "ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE EE, se (Faculté des sciences) à | FONDATEUR LL DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE. ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE g 7 : 4: DE ROSCOFF | ns er DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR- -MER | (Laboratoire Arago). Es PAT RTE De DEUXIÈME SÉRIE . ee D ve TOME CINQUIÈME . . ANNÉRIiSS7.- Ni LIBRAIRIE €. REIN WA LD. 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 45 ANNÉE 1887. N°1 TABLE DES MATIÈRES HOMMAGE A M. H. DE LACAZE-DUTHIERS... 4, : 4 SN M EL | É I SUR UNE FONCTION NOUVELLE DES OTOCYSTES COMME ORGANES D'ORIENTATION LOCOMOTRICE, par Yves DELAGE, professeur à. Ja Faculté des sciences de Paris is SRE ÉTUDE SUR L'INSTINCT DU CERCERIS ORNATA, par Paul MARCHAL..…. 27 NOTE SUR L’ANATOMIE D’UNE NÉMERTE D OBOCK (LANGIA OBOCKIANA), par L. JouB, docteur ès sciences, préparateur de la station de SR STRUCTURE HISTOLOGIQUE DES TÉGUMENTS ET DES APPENDICES SEN- SITIFS DE L'HERMIONE HYSTRIX ET DU POLYNOE GRUBIANA, par Et. Jourpan, chargé d’un cours complémentaire à la Faculté … des sciences de Marseille, professeur. à l'Ecole de médecine, CIE L'EMBRYOLOGIE DE Mysis CHAMELEO (THOMPSON), par Jozef Nus: BAUM, de VAPSO MIE à a er AE 123 4 NOTES ET REVUE. I. Lucien Joliet, par G. Pruvor, maître de conférences à la. LE à . LL A Ar 5% A A ne ELLE EAST ES ms x Ma Bec or e 4 ; ERA Lave DA A Rex FN ALFA CAT x ne Re _ * Ur AI REA é sera Faculté des sciences de Paris....... .....:...,..... He 3 I. Sur la présence et la structure de l’œil pinéal des Lacer-… tiliens, par W. BALDwWIN SPRNQBR 65e «22 O we If. Les Sangsues du Japon. La sangsuë terrestre, par C.-0. WITMAN, Ph. D IV: Embryogénie des Némertes, par HUBRECHT......:....... XII V. Structure de la Lingule, ue Brand DE xv ae BLANGBES, "neue Lan gia Obockiana, L, I. D dr. “ d Appendices des Annélides,-TIE, IV. TE Mysis Chameleo, V, VI. ss f. # or REUTERS _ , 5 NO z,35 ARCHIVES À AIV-LIAET DE |Z00LOGIE EXPÉRIMENTAL HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIKECYIION LE HENRI DE LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE, (Académie des sciences) PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET. DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLUGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF ET DE LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR-MER (Laboratoire Arago). DEUXIÈME SÉRIE TOME CINQUIÈME a ANNÉE 1SS7. — N2 PARIS LIBRAIRIE G REIN WALD 2 45, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 EN VENTE A LA LIBRAIRIE C. REINWALD SE MT AC RFI À ’ LE VOLUME III bis SUPPLÉMENTAIRE (Année 1885) DES ARCHIVES DE Z00LOGLE EXPÉRINENTALE BT D | Accompagné de 45 planches dont 24 doubles et quelques-unes en couleur. CONTENU DU VOLUME YVES DELAGE, professeur de zoologie à la Sorbonne. — Histoire du Balænoptera musculus échoué sur la plage de Langrune. Avec 93 planches doubles dont #4 en couleur. H. DE VARIGNY, docteur ès-sciences. Recherches expérimentales sur la contraction musculaire chez les. invertébrés: Nombreuses figures dans le texte (34). 5 DENIKER, docteur ès-sciences. Recherches anatomiques et embryogéniques sur les singes anthropomorphes. Avec 8 planches dont 2 en couleur. BOUTAN, docteur ès-sciences. Recherches sur l'anatomie et le développement de la Fissurelle. Comparaison de la Fissurelle avec les types voisins. Avec 14 planches dont 2 en couleur. Malgré le grand nombre des planches, le prix dece volumeest le même que celui des Archives. E M BRYOLOGIE ou TRAITÉ COMPLET DU DÉVELOPPEMENT DE L'HOMME & DES ANIMAUX SUPRIEURS | Par A. KOLLIKER Professeur d'anatomie à l'Université de Wurzburg. | TRADUCTION FAITE SUR LA DEUXIÈME ÉDITION ALLEMANDE Par AIMÉ SCHNEIDER Professeur à la Faculté des sciences de Poitiers. AVEC UNE PRÉFACE Par H. de LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut de France, sous les auspices duquel la traduction a été faite. Un vol. gr. in-8 avec 606 figures dans le texte, cartonné, toile anglaise. Prix : 30 fr. MANUEL D'ANATOMIE COMPARÉE Par CARL GEGENBAUR AVEC 319 GRAVURES SUR BOIS INTERUALÉES DANS LE TEXTE TRADUIT SOUS LA DIRECTION DE CARL VOGT Un volume grand in-8. Prix : broché, 18 francs; cartonné à l'anglaise, 20 francs. ÉLÉMENTS D EMBRYOLOGIE | Par M. FOSTER et Francis BALFOUR TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR LE DOCTEUR E. ROCHEFORT Un volume in-8 avec gravures. Prix : cartonné à l'anglaise, 7 francs. Paris. — Typographie A. HENNUYER, rue Darcet, T. HENRL DE LAGAZE- DUTHIERS k à fn MEMBRE DE L'INSTITUT DE : FRANCE ‘(Académie des sciences) È w PROPESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET. DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE x Re SG S TAB ap open nee ANNÉE : 1887. N 3. on PR Er dé eures PARE à ae AE = paratur au laboratoire Arago. as . ee. 1 N C ee contribution : à a connaissance de F E È PER TES EP ET EEE N OS CURE NN ENTNCT M ME IP E PET enr | ARCHIVES | ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE HENRI DE LACGAZE-DUTIHTERS MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE À LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR, ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE, ZOOLUGIE EXPÉRIMENTALE (Laboratoire Arago . - DEUXIEME SÉRIE TOME CINQUIÈME ANNÉE 1887. — N°4 PARIS LIBRAIRIE CG REIN WALD DE ROSCOFF ET DE. LA STATION MARITIME DE BANYULS-SUR-MER 48, RUE DES SAINTS-PÈRES 5 = Le RER RER LE 1 LEE F DRE UN ME CNE NEW r { Éa ….…. Be I HARMER DE L: oaires se r : h STOI | h \ A | f A a: LE , à à dE A # Lee (l . à vi ut À L " 4 Net dot 4 072 1 Date Due " sil se. Lot < on “ « nn LL Edo tout ét 2, » p». ER D mb eng eds ds + à RS, nn te. nt s” ph … _ ..— > de Le 0 dé ” PL mn + 4 4 + r s. . % bd € Re. air e dues D EF "4 ss a »’ # . - à RS sr = RL RTL rt ete RS RTE Re pes te 5 = re -. ms . ? Loups SE IE - . F r- ee. rs ee + D TE ET tn de De re LU je ss ae ve we pe mr Aer ER PRE, =, er - 2 er = = ae" se se Pb vu D fes LS AC AT re eq ee = , oil ’ Pre ‘ « Pè VRP PT 2e SAS: ar PL Le nn _ cbr rt ns 4e he Le a 6 ee “rime an. ST An LS mu — RS TT ” A me ee =, € = L 3 mdrr >. Pret rs — ah PE TT 2 SE un. a re » 4 2 pe / DE . 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