DCE Le +3 ARE : e N CR ee « - æ, RTE end 0 s . dcr % pre ee ee ER LR k Put >» *. A A" « : a 5 É . 2 # 5 È ° L 7 me, , - RE é D CR D LIBRARY OF THE of Comparative Zoology THEODORE LYMAN OF THE Class of 1855. "2 j sv "1 EP OR A Me QUE, | LA a ‘FN 49 ADR 4 PER a 24 ra res La ARCHIVES LOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE is Ne r - + - HA A { { ? { D t 14 " . p-) . Lt L t Li U | ‘ 14 { 1 * j 4 . Poe À ‘ EF \ n \ E r "> | Fr , 1 2 D * / ‘+ # r t Ÿ x FRE). À ETS $ Re 2e Fr - À ‘@ "20: ww “ PARIS, — TYPOGRAPHIE A+ HENNUYER, F k MES hé Le PUR SA À cie 4, CARE Ÿ «+ Lire ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPERIMENTALE ET GÉNÉRALE HISTOIRE NATURELLE — MORPHOLOGIE — HISTOLOGIE ÉVOLUTION DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE , HENRI pe LACAZE-DUTHIERS MEMBRE DE L'INSTITUT DE FRANCE (Académie des sciences) PROFESSEUR D'ANATOMIE COMPARÉE ET DE ZOOLOGIE A LA SORBONNE (Faculté des sciences) FONDATEUR ET DIRECTEUR DES LABORATOIRES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE DE ROSCOFF j TOMÉËÉ HUITIÈME | A879 er 1880 PARIS LIBRAIRIE DE C. REINWALD 15, RUE DES SAINTS-PÈRES, 15 7 VTHO AE | L ad à AT AE Ad: 14 L'ait t # (} " f AE NUE, VER # Ja ve + “A ETS . pr à N'a WU | As ES AR 1 4 Lt ts LNTAMNNER ré à a dés $ EX Ca } à ; \ : | ». : i | É ie | " GRECE 1 ”. d , 4 * " » à ; ' \ 4 À - L Ur "TER " L ". "1 L n LÉ . NOTES ET REVUE. I SQUELETTE BUCCAL DES ASTÉRIES, par le docteur C. ViGuier. Au cours du travail que J'ai publié l’an dernier dans ce recueil, j'ai traité incidemment de l’homologation des pièces du squelette buccal des Astéries avec celles que l'on retrouve tout le long des bras de ces animaux. J’ai dit également un mot de la comparaison de ces pièces avec celles du squelette oral des Ophiures; enfin dans une courte note, ajoutée au dernier moment, j'ai combattu quelques-unes des idées théoriques de M. Ludwig, sur ces deux sujets. Cet auteur, qui m’'accuse de légèreté, vient de répondre ? à ces quel- ques lignes une douzaine de pages d’une prose à laquelle on ne saurait, à coup sûr, faire le même reproche. Je n'aurai garde de répondre à mon tour suivant une progression pareille, les journaux n'auraient bientôt plus assez de place, et Je reprendrai seulement les points qui me paraissent avoir un intérêt scientifique. M. Ludwig me reproche longuement tout d’abord de ne point m'être aperçu de l'alternance des pièces des séries ambulacraire et adambulacraire. Comme j’ai cité plusieurs fois moi-même les figures de Lovén, auxquelles il veut bien me renvoyer, il aurait pu tout au moins supposer que J'y avais jeté les yeux. II lui aurait suffi, du reste, de regarder les nombreux dessins que j'ai publiés, pour s’apercevoir que J'ai figuré bien souvent cette alternance régulière. Elle est toutefois assez fréquemment masquée, comme on le voit également sur mes planches. Le passage incriminé de mon travail veut dire que l’on peut con- sidérer théoriquement les séries comme correspondantes, et si sa rédaction laisse un peu à désirer, M. Ludwig, qui se plaint si amèrement que je n’aie point lu ses ouvrages avec toute l'attention qu'ils méritent, aurait pu trouver en deux autres endroits de mon texte (p. 48 et p. 52), cette alternance nette- nent indiquée : la première fois en décrivant les pièces elles-mêmes, la se- conde en indiquant les muscles qui les relient. Que, du reste, un pore ambu- lacraire fut limité par trois ou quatre pièces, ceci ne changerait rien au point important du débat, à savoir que la pièce à laquelle s’insère la musculature spéciale de la bouche est adambulacraire. Mais, en réalité, les pores ambula- 1‘ Anatomie comparée du squelette des Slellèrides, 1878, p. 33. ? Zeitschrift fur Wiss. Zool. (Aug. 1879). ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN, — T. VIII. 1879. A 1 NOTES ET REVUE, craires ne sont, dans la règle, limités que par les pièces ambulacraires elles- mèmes, les apophyses de deux pièces consécutives venant se rejoindre au- dessous des trous ; ceux-ci sont simplement formés par des dépressions des lames ambulacraires, comme cela se voit surtout chez les animaux de mon premier type. Comme j’admettrai toujours les réclamations fondées, J'avouerai ici que le passage du travail de M. R. Teuscher qui traite de la musculature de la bouche n'avait pas attiré mon attention bien que j'aie cité moi-même d’autres points de ce mémoire. Du reste, les opinions de M. Teuscher sont fort différentes des miennes ; et ce qu'il considère comme un anneau musculaire, réuni par des ligaments à chacune des premières vertébres des bras, est composé en réalité de dix muscles distincts. L'erreur de M. Teuscher provient peut-être de ce qu'il a pratiqué des coupes sur des animaux dont il avait dissous le squelette calcaire. Aucune figure n’indique la disposition réelle de ces muscles, dont un seul, l’abducteur des dents, se trouve figuré en coupe‘. Quant aux figures qu’a publiées M. Ludwig ?, elles ne représentent aussi que des coupes de ces muscles, ou des schémas informes. Si donc je reconnais de bonne grâce que ces muscles avaient été cités comme formation spéciale à la bouche (je n’ai jamais supposé qu’ils fussent demeurés jusqu’à moi complètement inconnus), je maintiens que mes dessins sont les premiers qui puissent donner une idée exacte de leur disposition. Pour en revenir au point principal, Je sais très bien qu’en considérant les muscles transversaux qui s’insèrent aux pièces buccales, on est porté à regar- der celles-ci comme ambulacraires par analogie avec ce qui existe tout le long du bras. Mais si l’on met à macérer dans la potasse caustique une de ces grosses pièces qui constituent le cercle oral, on la voit toujours se diviser en deux suivant une ligne qui passe par le trou ambulacraire, et les points d'insertion des muscles du cercle oral se trouvent toujours sur la portion inférieure ou adambulacraire. J'ai supposé que la portion supérieure ou ambulacraire, que j'ai appelée le support de la dent, était formée par la coalescence des deux pre- mières pièces ambulacraires, et que la portion inférieure était formée de deux pièces adambulacraires. Que l'on n’admette qu’une de ces dernières, si lon veut, cela ne change rien au point principal. Je n'ai dit nulle part que l’apo- physe en aile, que l'on voit dans le type adambulacraire, était la première pièce adambulacraire, le corps de la dent étant constitué par la seconde. Si M. Ludwig avait lu mon texte avec toute l'attention qu'il réclame lui-même de ceux qui lisent ses travaux, il ne m'aurait point à coup sûr attribué cette idée. Je ne suis point en effet persuadé de l'importance si grande de l’apo- physe en aile. Ceite apophyse manque chez toutes les Astéries du type ambu- lacraire ; mais alors les muscles de la bouche s’insèrent directement sur le bord de la pièce adambulacraire. Le support de la dent, ai-je dit, est formé par la coalescence de deux pièces 1 Jenaische Zeitschrift (Bd. X. pl. XVIII, fig. 2). 2 Beilräge zur Anatomie der Asteriden et Zur Kenntniss der Gatilung Brisinga. NOTES ET REVUE. ui (les deux premières ambulacraires). M. Ludwig se refuse aujourd'hui à ad- mettre une pareille coalesceuce, parce que, dit-il, toute trace de soudure manque. L'argument me paraît faible, et M. Ludwig n’était sans doute pas pénétré de sa force lorsqu'il a publié le schéma qui se trouve, page 231, dans son ouvrage Zur Kenntniss der Gatting Brisimga. Cette figure représente, en effet, daus sa moitié droite, les première et deuxième pièces ambulacraires intimement unies suivant une ligne ponctuée qui va perpendiculairement du pore ambulacraire au fond du sillon. La trace de soudure n'embarrassait pas alors M. Ludwig. La même indication se trouve dans le schéma (fig. 15, pl. XX V, Zeitschrift, vol. XXXI). La seule différence qui existe entre ces deux schémas et mes dessins, c’est que M. Ludwig fait descendre jusqu'au-dessous de l'apophyse en aile (les figures se rapportent à un type adambulacraire), la ligne de séparation entre sa première pièce ambulacraire et la dent. Aurait-il vu quelquefois l’apophyse se séparer de la dent, et rester adhérente à la partie ambulacraire? A-t-il seulement trouvé là une trace de soudure ? Je suppose, quant à moi, qu'il ne l’a pas même cherchée; car il aurait vu forcément que sa prétendue première pièce ambulacraire se compose, en réalité, de deux frag- ments qui se séparent toujours par simple macération dans la potasse, et dont le supérieur est intimement uni au support, et l'inférieur à la dent. Pourquoi ne pas admettre que la ligne suivant laquelle on voit toujours se diviser la grosse pièce buccale marque, du côté oral du premier pore, aussi bien que de l'autre côté, la limite des pièces ambulacraires et adambulacraires? Il est vrai que le nouveau schéma que publie M. Ludwig (on fait dire ce que l'on veut aux schémas) présente avec les précédents une importante différence. Serait- ellé due en partie à mon travail? Je n'ose pas espérer un pareil résultat ; mais toujours est-il qu’il s’est fait une évolution dans les idées de mon adversaire, et que la ligne de séparation de sa première et de sa seconde pièce ambula- eraire, court cette fois obliquement dans la direction de la ligne de séparation véritable, c'est-à-dire au-dessus de lapophyse en aile. Seulement comme il faut pour sa thévrie que celle-ci reste à toute force ambulacraire, M. Ludwig indique une ligne de séparation encore plus nette entre cette apophyse et la dent, là où il n’y a, en réalité, ni ligne de séparation véritable ni la moindre trace de soudure. Gette trace que l’on suppose devoir se retrouver toujours en- tre deux pièces de la même série, peut-elle disparaitre absolument entre pièces de deux séries distinctes? Mais M. Ludwig n’est pas au bout de ses contra- dictions. D'après lui, l'exception signalée par moi chez le Ctenodiscus (dans lequel la troisième pièce ambulacraire vient s'unir avec les deux premières, la pièce ambulacraire correspondante restant libre), renverse ma théorie, 1 oublie de dire comment, et cadre merveilleusement avec la sienne : cela s’eæ- plique simplement par ce fait, que la troisième piéce ambulacraire et la deuxième udambulacraire ont subi une liaison un peu plus intime avec les pièces situées à côté d'elles, du côté oral. Sauf le numérotage de la pièce adambulacraire, c’est exactement ce que J'ai dit, mais il me semble que M. Ludwig néglige un peu, cette fois, la trace de soudure. S'il regarde un Cfenodiscus, je l’avertis qu’il n’en trouvera pas plus entre la troisième et la deuxième pièce ambulacraire qu'entre la première et la seconde. Les autres arguments théoriques de mon adversaire ne me paraissent pas IV NOTES ET REVUE. plus probants. Le premier est que l’on doit considérer la pièce comme ambu- lacraire parce qu'il s’y insère des muscles transversaux, homologues à ce qui existe tout le long des bras. Or, je ferai remarquer que cette homologie est précisément en question, et que, si la pièce est démontrée adambulacraire, l’homologie ne saurait exister. Le second argument veut être exposé plus au long. « Chez les jeunes étoiles, les premières pièces ambulacraires ne sont pas encore écartées l’une de l’autre, mais s’articulent, comme toutes les autres pièces ambulacraires, au fond du sillon du bras. Plus tard, ces deux pièces se séparent et forment alors les apophyses en ailes, et le seul té- moin de leur articulation primitive est le muscle transversal qui les relie. » Ici je demanderai par qui cela a été vu. Nous ne possédons sur le sujet que l'affirmation de M. Ludwig, et un de ces schémas théoriques qui lui sont si chers, et qui ne se rapportent à aueun type déterminé. Les figures de Lovén ? et d'Agassiz *, auxquelles il me renvoie, se rapportent l’une à l’Asterias glacialis, l'autre à l'Asterias pallidus ; c’est-à-dire à des types ambulacraires où il n’existe pas d’apophyse en aile. Il est vrai que M. Ludwig ne parait pas avoir Jamais soup- çonné l'existence de deux types distincts chez les Astéries. Je me crois donc autorisé, Jusqu'ici, à supposer que l'articulation de la première paire ambu- lacraire subsiste aussi bien que les autres. J'ai dit moi-même que je n'avais pu me livrer à des études embryogéniques, et je suis tout disposé à accepter les faits réels que fourniront des recherches de ce genre; mais il ne suffira pas pour me convaincre de simples affirmations. Si M. Ludwig a eu, comme il le dit *, l’occasion d'observer toute une série de jeunes animaux, je m'étonne qu'il se soit, sur un pareil sujet, borné à publier un simple schéma. Je révoquerai également en doute, jusqu’à plus ample informé, cette pré- tendue migration de l’'Odontophore, que M. Ludwig aurait vu se former en de- hors des dents, et venir plus tard se placer au-dessus d’elles. Ni Lovén ni Agassiz, auxquels me renvoie toujours M. Ludwig, ne nous disent rien de la formation de l’'Odontophore, et ne l’ont pas figuré sur leurs dessins de jeunes animaux. Et puisque jen suis à l'Odontophore, dont mon adversaire trouve que j'ai exagéré l'importance, et que, pour un peu, il m'accuserait d'avoir cru découvrir, je demanderai s’il ne paraît pas étrange de voir cet auteur s'obstiner à le regarder comme la première pièce d’une série intermédiaire, alors que fort souvent cette série fait entièrement défaut, et que, quand elle existe, les pièces qui la composent sont d’un caractère essentiellement différent. Quant à la comparaison des Astéries et des Ophiures, j'étais bien loin d’é- mettre des affirmations comme le fait M. Ludwig; j'avais fait des réserves for- melles, en indiquant toute l'incertitude qui règne dans les homologations de types aussi différents ; et je m'étais borné à rechercher l’homolugue de l'Odonto- phore, en signalant moi-même toutefois une importante objection. Ayant dis- 1 Zur Kenntiniss der Galtung Brisinga, p. 231. ? Etudes sur les Echinoïdés (pl. LIII, fig. 256, 258). $ North American Starfishes. Mems of the Mus. of C. Zooi. (vol. V, n° 1, pl. VIII, fig. 9). * Zur Kenntniss der Gatitung Brisinga. NOTES ET REVUE. V cuté tout au long le travail de J. Müller, je n'ai jamais prétendu avoir décou- vert les plaques péristomiales. Mais j'étais dans mon droit d'affirmer que M. Lyman n'attachait aucune importance à ces plaques, car s’il les a en réalité figurées sur un de ses nombreux dessins, il ne leur a point donné place dans les schémas destinés à expliquer son interprétation de la bouche des Ophiures. Quant au nombre normal de plaques péristomiales, en admettant qu'il soit de deux dans chaque angle, ceci ne s’opposerait en rien à mon interprétation, puisque l'Odontophore est toujours symétrique par rapport à un plan vertical médian. Pour mon adversaire, l’homologue de l’Odontophore se trouve &Gans les écailles buccales, dont on voit l’une porter le madréporite ! Comme il ne discute pas à nouveau cette question et se borne à renvoyer à ses travaux, je ferai de même, en conseillant toutefois de les comparer à ceux de Lyman et au mien. Cette comparaison éveillera, je l'espère, plus d’un doute sur les affirmations de M. Ludwig. Enfin cet auteur critique les noms de dents et d'Odontophore. Le second s'explique par le premier. Quant à celui-ci, je le crois, après tout, aussi bon que celui de mâchotres, ne pensant pas que l’on ait plus de raisons d’ap- pliquer le nom de dents aux papilles buccales. M. Ludwig suggère le nom de porte-dents (zahnträger) l'Odontophore serait alors le porte-porte-dents. De telles combinaisons de mots sont difficiles à réaliser en français, et la querelle me semble, après tout, bien futile. Je ne poursuivrai pas plus longtemps cette discussion. Les critiques de M. Ludwig ne s'adressent, en réalité, qu’à des questions, pour ainsi dire, en dehors de mon travail principal, mais pour lesquelles toutefois je main- tiens mes conclusions. Quant à la partie la plus importante de ce travail, et même à cette grande division en deux types, que je suis le premier à avoir établie d'après l'étude du squelette, et qui avait absolument échappé à M. Ludwig, il n’en dit qu'un mot : « Il néglige de combattre une foule de particularités saus importance. » À le voir critiquer si àprement des points de détail, et passer d’un mot sur l’ensemble d’un ouvrage, il me semble avoir affaire à un de ces auteurs qui, après avoir étalé sur la couverture d’un livre la série entière de leurs titres, finissent par ajouter une ligne d’etc., pour faire croire qu'ils en négligent bien d’autres. C. ViGuiEr. Il SUR LA MORPHOLOGIE ET LA POSITION SYSTÉMATIQUE DES ÉPONGES, Par J.-M. Bazrour, M. A. Cambridge.) (Quart. Journ. Micros. Sc., jan. 1879.) Le dernier travail de M. le professeur Schultze sur l'embryogénie des Épon- ges calcaires confirme et étend les observations de Metschnikoff, et nous vi NOTES ET REVUE. fournit maintenant l'histoire assez complète du développement d’une de ces formes. Les faits m'ont suggéré une vue de la morphologie et de la position systématique des Éponges, assez différente, de ce qu’on admet aujourd’hui, et qui peut au moins servir à exciter de nouvelles recherches. Pour rendre plus clair ce que Je vais dire, je com mencerai par un court ex- posé des faits établis du développement du Sycandra raphanus, le type même étudié par Metschnikoff et Schultze. La larve quitte le corps du parent dans l’état qu'on appelle l’Amphiblastula. Une des deux aires dans lesquelles son corps ovale est divisé est formée par de nombreuses cellules columnaires, ciliées et claires, l’autre par des cellules larges, rondes et granuleuses, dont la moitié sont arrangées en anneau autour des bords des ceilules claires. La cavité de segmentation est limitée en grande partie par la surface intérieure voûtée des cellules larges et granuleuses. Après que l'embryon a joui pour quelque temps d’une existence libre, commence l'invagination, qui est entièrement terminée en une demi-heure. L’embryon s’aplatit un peu; la moitié ciliée devient de moins en moins saillante, et s’in- vagine. La cavité de segmentation est ainsi oblitérée, et la larve prend une forme plano-convexe, avec une cavité de gastrula dans son intérieur, et avec une ouverture — le blastopore — dans le milieu de la surface aplatie. On peut maintenant appeler les deux feuillets cellulaires de la gastrula l’ectoderme et l’endoderme. Le blastopore devient plus étroit par la croissance de la série ex- térieure des cellules granuleuses; et, quand il est devenu tout petit, l’em- bryon s'attache par la surface aplatie au milieu de laquelle se trouve le blas- topore. La fixation est produite par des prolongements protoplasmiques des cellules de l’anneau extérieur de l’ectoderme. Toutes les cellules ectodermi- ques deviennent alors amæboïdes. Entre l’ectoderme et l’endoderme apparaît une couche hyaline sans structure apparente ; elle est attachée plus intime- ment au premier, dont elle dérive probablement. Après l'invagination les cils de l’'endoderme ne sont plus visibles ; il est pro- bable qu’ils sont résorbés. Leur disparition à lieu simultanément avec celle du blastopore, évènement qui vient de suite après la fixation de la larve. Après la formation de la couche amorphe intermédiaire, des spicules y apparaissent comme des baguettes délicates, sans rameaux, et pointues aux extrémités. La larve, fixée, croît rapidement en longueur et devient cylindrique. Ses côtés sont hérissés de spicules calcaires, qui font saillie au-delà de la surface, et dont quelques-uns sont rayonnés. La partie du cylindre opposée à la surface fixée est aplatie, et n’a pas de spicules. A cette extrémité s'ouvre un petit trou qui conduit dans la cavité gastrique ; cette ouverture s'agrandit rapide- ment pour former l'oscule ; une série d'ouvertures d'aspiration se forme aussi sur les côtés du cylindre. Les périodes relatives d’apparition de l’osculum et des pores ne sont pas les mêmes pour les larves différentes. Lorsque la cavité centrale de l'Éponge est rentrée en communication avec l’eau extérieure, les cellules qui la tapissent deviennent encore ciliées, et développent ces collets de sarcode qui caractérisent les éléments de l’endoderme des Éponges. Dans cet état, nous avons une Éponge complètement semblable au type que Hæckel nous à fait connaître sous le nom d'Olynthus. Le premier fait, dans le développement du Sycandre, qui mérite notre atten- NOTES ET REVUE. vil tion, est le caractère de la larve libre nageante. Sa forme particulière, avec une moitié du corps composée de cellules amæboïdes et granuleuses, et l'autre de cellules ciliées et claires, est presque invariable parmi les éponges calcaires, et largement répandue, quoiqu'un peu modifiée, parmi les éponges fibreuses et les Myzosponges. Cette larve conserve-t-elle les caractères d’un type héré- ditaire des Éponges, et, dans ce cas, quelle est la signilication de sa forme ? il est possible, certainement, qu'elle n'ait pas d'importance héréditaire, mais qu’elle ait été acquise secondairement , cependant je ne le crois pas, car les caractères de la larve peuvent être expliqués en lenvisageant comme un type de transition entre les Protozoaires et les Métazoaires. Selon cette vue, il faut regarder la larve comme une colonie de Protozoaires, dont une moitié des individus sont différenciés pour servir à la nutrition, et l’autre pour la loco- motion et la respiration. Que le passage entre les Protozoaires et les Mé- tazoaires ait été effectué par une telle différenciation, cela est assez probable . à priori. Cette manière de voir parait assez satisfaisante pour l’état libre de l'Eponge larvaire ; mais le développement subséquent offre une difficulté fatale à pre- mière vue. Cette difficulté est l’invagination des cellules ciliées, et non des cellules amæboïdes. Si ces celiules granuleuses sont les individus nutritifs de la colonie, ce sont eux qui doivent tapisser l’intérieur de la gastrula. L’explica- tion que Jj'offre de ce paradoxe entraine avec elle une nouvelle manière de voir sur la nature et les fonctions de l’ectoderme et de l’endoderme de l'Éponge adulte. La voici : quand l'ancêtre libre nageant des Eponges se fixait, les cellules ciliées qui avaient servi à la locomotion perdaient leurs fonctions ; en même temps, les cellules amæboïdes nutritives avaient besoin d'exposer une surface aussi grande que possible. On peut trouver peut-être dans ces deux considé- rations une explication suffisante de l’invagination des cellules ciliées et de l'extension des cellules amæboïdes pour les couvrir. Pour la continuité de la respiration, fonction remplie par les cellules ciliées principalement, il fallait pourvoir l'Eponge d’un oscule et de pores. Les cellules colletées, qui tapis- sent les chambres ciliées ou quelquefois les tubes radiés, sont dérivées, sans aucun doute, des cellules invaginées, et, si mon hypothèse a du vrai, les cel- lules colletées doivent servir à la respiration et non pas à la digestion ; tandis que les cellules épithéliales normales qui couvrent la surface externe de l'Eponge et tapissent, en général, la plus grande partie des passages intérieurs, doivent servir à la digestion. Si l'inverse est vrai, toute ma théorie s'écroule, On n’a pas encore établi définitivement où est localisée la fonction de la di- gestion. Lieberkuhn paraît croire que c’est dans les cellules amæboïdes qui tapissent les passages, tandis que Carter soutient que c’est dans les cellules colletées des chambres ciliées. Si l’on démontre, par des expériences directes, que ce n’est pas dans les cellules ciliées, mais dans les cellules amæboïdes tapissant les passages que se trouve localisée la fonction digestive, il est évident que l’ectoderme et l’endo- derme des Eponges ne peut pas répondre aux couches du même nom chez les Cælentérés et les autres Métazoaires. L’endoderme invaginé sera donc le feuil- let respiratoire, et l’ectoderme le feuillet digestif et sensitif; la fonction de VHL NOTES ET REVUE. sensation appartenant probablement à l'épithélium superficiel, et la diges- tion dans celui des passages. Üne différence si fondamentale dans les homo- Jlogies des feuillets embryonnaires rendrait nécessaire la création d’une divi- sion spéciale des Métazoaires pour la réception des Eponges. P. GEDprs. III ÉTUDES SUR LES PHYSÉMAIRES, Par M-Saville KENT, FL 25. Directeur de la station zoologique de Jersey. I. Observations upon the Physemaria, etc., Ann. et Mag. Nat. Hist., 1878. Il. The Foraminiferal Nature of Haliphysema Tumanowicsii. Ibid. Les Physémaires sont considérées par M. Hæckel comme n'étant ni des éponges vraies ni de vrais polypes, mais comme «eine Kleine Gruppe von niedersten Pflanzenthieren, die der hypothetischen Stammform aller Metazoen, der Gastræa, näher stehen als alle anderen bis jetzt bekannten Thiere ». C’est- à-dire qu’il reconnait dans ce groupe la réalisation presque parfaite de la Gastræa hypothétique, sur laquelle repose tout l'édifice de sa célèbre Gastrea- Theorie. M. Hæckel décrit deux genres et sept espèces de Physemaires. Le premier genre (Haliphysema) est déjà connu ; le nom fut donné par Bower- bank à deux formes qu'il considérait comme les plus petites et les plus sim- ples de toutes les Eponges. Le second genre (Gastrophysema Stkl) montre une complexité un peu plus grande. Représentées dans leur forme la plus simple (H. primordialis et H. echinoïdes Stkl), ces Physémaires peuvent être décrites comme de petits corps pédonculés, dont l'extérieur est hérissé de spicules d’éponge, de grains de sable et d’autres particules étrangères. Dans l'intérieur du corps on trouve une chambre creuse qui s’ouvre par un seul orifice terminal. Mais le caractère le plus intéressant de ces êtres est le sui- vant : M. Hæckel a montré que la cavité intérieure est tapissée d’une couche de cellules, dont chacune possède un nucléus et un long flagellum entouré d'un collet ou entonnoir de sarcode. En effet, ces cellules sont identiques avec celles qu’on trouve dans l’intérieur des éponges ordinaires, et aussi avec les monades flagellées et coiletées découvertes par James Clark. La paroi externe de la Physémaire se compose d’un syncytium semblable à celui des éponges typiques, excepté qu'il projette des pseudopodes et ramasse dans le voisinage toutes les matières étrangères propres à bâtir son test, au lieu de sécréter un squelette spiculaire. L’embryogénie des Haliphysèmes, selon le travail de Hæckel, est tout à fait en accord avec celle des éponges ordinaires : — des gemmules, composées et ciliées, sont développées, comme chez Sycone, Grantia, etc. Le genre Gastro- physema ne diffère de l’Haliphysema que par la présence de deux ou plu- sieurs cavités intéricures, ct les deux types ont ainsi l'un à lautre, le même NOTES ET REVUE. IX rapport qu'ont entre eux, parmi les Foraminifères, les genres Nodosaria (poly- thalamien) et Lagena (monotholainien). M. Hæckel trouve que les germes ciliés et les masses amæboïdes qu’il considère comme des œufs sont plus abondants dans la chambre postérieure, la première formée, et, pour cette raison, il l'appelle l'utérus. La chambre antérieure est considérée comme l'estomac, el son orifice terminal comme la bouche. Certains corps pyriformes, qui se trou- vent dans la chambre antérieure, sont décrits comme des glandes rudimen- taires (Drusenzellen). Etant admise l'exactitude des figures et des descriptions de M. Hæckel, ces Physémaires, à mon avis, doivent être considérées comme des éponges sim- ples, les équivalents peu modifiés, d’une seule chambre, d’une éponge com- plexe. De même, il ne faut plus laisser parmi les Foraminifères le Squamulina scopula, car il est vraiment identique avec une de ces Physémaires. Mais, d'un autre côté, j'ai soutenu la nécessité d'accepter l'interprétation qu'a donnée, de cet organisme, Carter, qui le considère comme un foraminifère, si la pré- sence des cellules flagellées qui tapissent l’intérieur des Physémaires n’est pas confirmée. Au printemps, j'eus la bonne fortune de trouver ici, à Jersev, les Haliphy- sema Tumanowicsii Bow. en abondance suffisante sur le Wangeria sanguinea. En ajoutant à l’eau une solution de carmin, on ne pouvait voir entrer ou sor- tir le moindre courant, tel qu’on le voit toujours se produire quand on fait cette expérience avec une éponge véritable. Mais la question de son anatomie fut résolue définitivement par l'étude d’une coupe verticale avec un grossisse- ment faible. On voyait s'étendre, des bords coupés, des pseudopodes mobiles de protoplasme granuleux. Peu à peu émergeaient des prolongements du sar- code, encore plus fins, qui faisaient des ramifications et des anastomoses, sandis qu’une circulation des granules se montrait partout, comme chez Îles Foraminifères les plus typiques. Un examen plus minutieux, aidé par des grossissements de 800 à 2000 diamètres, démontra l’absence absolue d’une structure comparable aux zooïdes flagellés des éponges, et même celle d'un élément cellulaire quelconque. 11 fallait encore étudier le mode de vie de ce type intéressant dans les con- ditions normales. Après avoir laissé de côté quelques échantillons pour plu- sieurs heures, on voyait sortir de l’ouverture apicale du test des prolonge- ments délicats de sarcode, qui s’étendaient sur les spicules, s’unissaient en pellicules et formaient des pseudopodes ramifiés. Une petite larve de crustacé (Nauplius), qui avait été attrapée par ces pseudopodes, était lentement en- gloutie malgré tous ses efforts, et le lendemain matin elle était presque en- tièrement digérée. Le sarcode de l’Haliphysème, stimulé par cet ample repas, prit alors une activité et une extension nouvelles. Une masse de protoplame entourait encoré le reste du Nauplius, mais la plus grande partie formait des pseudopodes délicats. Leurs ramifications anastomosées s’étendaient loin au- delà du champ du microscope et saisissaient les corps étrangers. On peut com- parer l'organisme dans cet état à une toile d’araignée vivante, dont les fils porteraient au centre les matières uutritives ct les matériaux de construc- tion par leur circulation incessante. La position du Æaliphysema Tumano- wicsiè parmi les Foraminifères est ainsi établie sans contestation possible, x NOTES ET REVUE. Nous pouvons maintenant passer à l'étude du test. Sa base est toujours une chambre en forme de dôme, cloisonnée à l’intérieur, mais le reste est extrè- mement variable, même pour les échantillons trouvés sur la même touffe d’al- gue. On pourrait facilement couvrir deux ou trois planches avec les dessins de toutes les gradations du type, tantôt simplement claviforme ou peu courbé, comme l'original de Bowerbank ; tantôt de forme allongée et entortillée irré- gulièrement. Les matériaux de construction ne sont pas moins variables ; ils ne fournissent pas de caractères spécifiques, car les spicules d’éponges du type de Bowerbank sont, à Jersey, remplacés en grande partie par de petits grains irréguliers de quartz, dérivés de la décomposition du granit sous-jacent, et quelquefois même par des coquilles de Foraminifères calcaires. Ainsi on est amené à soupçonner que le H. echinoides et le H, globygemia de Hæckel ne sont que des variétés locales de l'espèce en question. Sa distribution bathy- métrique est assez étendue : je l'ai trouvée à basse marée, et aussi à une profondeur de plus de 20 brasses, et il n’est pas impossible qu’elle s’étende jusqu’à ces profondeurs où les globigérines forment les matériaux de con- struction les plus abondants,. La conservation des exemplaires vivants de notre foraminifère fournit quel- ques renseignements sur son développement. La première phase observée res- semble à un amibe, dont le protoplasme est Jaunâtre et granuleux, comme chez l'organisme adulte. Après une courte période de progression libre, l’amibe se fixe et prend la forme d’une poire à long pédoncule. Alors il pro- jette de nouveau ses pseudopodes. Maintenant filiforme, il ramasse des vivres et des matériaux, bâtit sa coquille et arrive bientôt à la condition adulte. Il ne reste plus qu’à savoir s’il ne faut pas reléguer également parmi les Foraminifères arénacés (Lituolides), les autres espèces du groupe des Physé- maires, décrites par M. Hæckel. Mes observations et celles de Norman tendent à cette conclusion : que ses quatre espèces de Haliphysema ne sont que des variétés locales, et que le Gastrophiysema n’est qu'une forme biloculaire de H. globigerina. M. Hæckel n'ayant communiqué, à l'état vivant, ni le 4. echi- noîdes ni le H. globigerina, les dessins qu'il a donnés de leur structure intime doivent se rapprocher un peu de l'idéal. Pareillement, puisqu'il croit avoir observé (Biol. Etud., p. 192, 193), chez le H. Tumanowicsii lui-même une disposition bilaminaire de cellules, on ne saurait accepter, sans une cer- taine défiance, l’assertion d’une structure similaire chez les autres espèces. P. G. IV LE DÉVELOPPEMENT DU LEPIDOSTEUS, Par A. AGassiz. Proc. Amer. Acad., vol, III, Oct. 8, 1878.) Il y a plusieurs années que, comme maint autre naturaliste américain, j'ai cherché à trouver les œufs et les embryons de notre Lepidosteus et Amia mais ce n’est que ce printemps que J'ai pu faire éclore les œufs de celui-là, NOTES ET REVUE. x! et garder les petits jusqu'à ce qu'ils montrassent les caractères principaux de l'adulte. Je ne donne, à présent, qu'une esquisse préliminaire du développe- ment. En sortant de l’œuf, le jeune poisson possède un sac vitellin énorme. La partie postérieure du corps, à l'exception de la grandeur du notochorde, res- semble à celle d’un poisson téléostéen, mais la tête est très remarquable. La vaste bouche s'étend presque jusqu’à l'ouverture branchiale, et,au-dessus d'elle, il y à une graude dépression en fer à cheval, bordée d'une série de mamelons, qui fonctionnent comme des ventouses. À première vue, je n'ai pu m'em- pêcher de comparer cette structure curieuse, qui n’a pas d’analogue parmi les Téléostéens ou les Ganoïdes, à la bouche des Cvclostomes, Le Lepidosteus se sert de cet organe comme d’une ventouse : au moment où le jeune poisson éclôt, il s'attache au côté de la cuvette et s’y fixe solidement, au point qu'il faut une commotion violente de l’eau pour le faire lâcher. L'œil est un peu moins parfait que dans l’état correspondant des Téléos- téens, et le cerveau est aussi relativement plus petit. Les arcs branchiaux sont formés comme chez les Squales, excepté qu'il y a un opercule. Le corps du jeune poisson est d’abord transparent et incolore, mais après quelques heures des cellules pigmentaires noires apparaissent sur la partie dorsale du vitello- sac et sur le tube digestif. La grande nageoire embryonnaire impaire est longue et mince ; la queue est un peu arrondie, et l'ouverture anale plus près de l’extrémité caudale que de la terminaison du vitellosac. La tête, vue d’en haut, est arrondie antérieurement et bordée par la rangée continue de ventouses; les yeux ne sont pas saillants. Le cerveau n’occupe qu’une petite partie du crâne ; ses lobes olfactifs sont bien développés et allon- gés, comme chez les Raies et les Squales. L'’extrémité postérieure du cerveau s'élève obliquement en arrière, laissant ainsi une distance considérable entre elle-même et la notochorde, qui se termine entre les capsules auditives. Le second jour, l’extrémité de la queue commence à se courber en haut; le *vitellosac diminue, la tête fait un angle moins prononcé avec la notochorde ; les ventouses se projettent bien en avant de la bouche. L'ouverture branchiale est cordiforme. On voit bien les battements du cœur entre le vitellosac et la partie supérieure de la bouche. La nageoire embryonnaire est plus large et plus longue, les muscles dorsaux sont plus nets, les veux plus distincts, et les narines se montrent comme deux dépressions elliptiques près des yeux. Le troisième Jour, le vitellosac est beaucoup plus réduit; le corps est tout noirci de pigment; les opercules sont devenus deux grands plis rectangu- laires, et nous trouvons les rudiments des nageoires pectorales. Le museau est plus allongé, et le disque à ventouses est plus proéminent. Les jeunes Lépi- dostées nagent bien quand ils sont dérangés, à coups de queue, comme des tètards, mais ils s’'empressent de se fixer par leurs ventouses et restent très inactifs jusqu’à ce que l'absorption du vitellosac soit accomplie. Deux jours plus tard, les changements décrits ont fait un progrès continu. La grande bouche, les arcs branchiaux et le grand développement du disque à succion sont les traits les plus remarquables. De plus se montrent sur la queue quatre taches de pigment qui sont les premières traces de ses nageoires permanentes. XII NOTES ET REVUE. Cinq ou six jours plus tard encore, la bouche est très réduite, les opercules peuvent presque se joindre en dessous, et le développement des ventouses du disque est très grand. Vue de profil, la tête n’a aucune ressemblance avec celle de l’adulte. L’œil est proéminent ; les mandibules s’avancent et la mà- choire supérieure se termine courtement par le gros museau charnu avecses ventouses. L’opercule est plus allongé, et les arcs branchiaux ont de petits rameaux transverses. Les nageoires pectorales ont maintenant le type cros- soptérygien, et le vitellosac est encore bien plus réduit. Le développement du pigment continue toujours et commence à représenter d'avance la coloration de l'adulte. Les plus importants des changements subséquents sont l'allongement du museau, la réduction du disque et la concentration de ses ventouses, ainsi donnant à la tête une forme allongée et pointue. A la quatrième semaine, les jeunes ont plus une forme de poisson; le disque est réduit à un renflement de l’extrémité de la mâchoire supérieure allongée ; la mandibule s’est aussi allongée beaucoup; la partie charnue de la pectorale est développée hors de proportion avec la base, l’opercule atteint les pectorales et le vitellosac est disparu. Les pectorales et l'extrémité de la queue remuent avec une rapidité extrème. Les ventrales commencent à paraître, et les jeunes poissons ont acquis l'habitude de l’adulte, de venir à la surface pour avaler l'air. À cette période, la ressemblance générale avec l’esturgeon est bien marquée. Les jeunes poissons continuent à grandir très rapidement : les dents appa- raissent; des échancrures dans le grand pli embryonnaire médian indiquent la séparation de la nageoire caudale d'avec la dorsale et l’anale, et les rayons permanents paraissent dans toutes les nageoires. Les embryons ne s’attachent plus par les ventouses, qui sont supprimées bientôt; mais ils restent à la sur- face, le corps, courbé en dessous, faisant vibrer rapidement leurs nageoires. Il ya cinq arcs branchiaux, à courts filaments latéraux ; les opercules s'unissent au-dessous de Ja nageoire inférieure. Le plus grand de mes Lépidostées n’atteignit qu’une longueur de 3 centi- mètres environ ; mais sa coloration était la même que celle d’un individu de 22 centimètres décrit par L. Agassiz. Enfin, comme résultat de ces observations sur le développement extérieur du Lepidosteus, nous pouvons dire que, malgré la similitude avec l’esturgeon dans quelques phases, et malgré son affinité avec les Plagiostomes par la for- mation des pectorales d’un pli latéral, et par le développement des ouvertures et des arcs branchiaux, ce poisson n’est pas si loin des Téléostéens que l’on à supposé. Il leur ressemble par le mode de formation des nageoires impaires du repli embryonnaire, par le développement des ventrales et par les rayons des nageoires. Les cellules pigmentaires, si bien développées avant l'appa- rition des écailles ganoïdes, ressemblent aussi à celles de poissons osseux. PE NOTES ET REVUE. XI V SUR CERTAINS POINTS DE L’ANATOMIE DU PERIPATUS CAPENSIS, ‘ Par M. F.-M. Bazrour, M. A. F.R.Ss. (Extrait des Proceedings of the Cambridge Philosophical Sociely, vol. IIT, part. vr, traduction.) La découverte faite par M. Moseley d’un système de trachées dans le Peri- patus doit être regardée comme l’un des plus intéressants résultats obtenus par les naturalistes du Challenger. Cette découverte prouve clairement que le genre Peripatus, qui est large- ment répandu sur la surface du globe, est le représentant d’un groupe de formes probablement fort étendu et qui a été la souche des Arthropodes tra- chéens actuels. Les affinités du Peripatus donnent un intérêt spécial aux éclaircissements qui peuvent être apportés à son anatomie. Grâce à l’obligeance de M. Moseley, j'ai eu occasion de faire quelques recherches sur plusieurs échantillons bien conservés du Peripalus capensis, et ce sont les résultats obtenus que je pré- sente ici. Je limiterai mes observations à trois organes : les organes segmentaires, le système nerveux, les corps graisseux de M. Moseley. Dans tous les segments du corps, excepté les deux ou trois premiers post-buccaux, on trouve des corps glanduleux qui semblent être les équivalents des organes segmentaires des Annélides. Ces organes n’ont pas complètement échappé à l'attention des précédents observateurs. Ceux de la partie antérieure du corps ont été mentionnés par Grube, mais leurs relations n’ont pas été éclaircies. Sænger également, si Je m'en rapporte au Bericht de Leuckart pour l’année 1868-69, a également si- gnalé ces organes et les a regardés comme des organes segmentaires. Il à vu avec exactitude les orifices extérieurs. Ils ont été omis par Moseley. Les ob- servations de Grube et Sænger semblent, en fait, avoir été par lui complète- ment oubliées. Ces organes sont placés à la base des pieds, dans deux compartiments laté- raux de la cavité du corps séparés de la région médiane par des cloisons lon- gitudinales. Chaque organe bien développé se compose de trois parties : 1° Une vésicule dilatée qui s'ouvre extérieurement à la base d’un pied; 20 Un tube glandulaire enroulé communiquant avec elle et subdivisé en plu- sieurs plus petites subdivisions ; 3° Une courte portion terminale s’ouvrant d’une part dans le tube enroulé et de l’autre, je pense, dans la cavité du corps. Cette dernière portion est très remarquable dans les préparations colorées, à cause de l'intensité avec laquelle les noyaux cellulaires de ses parois absorbent les matières colorantes. Les organes segmentaires du Peripatus, quoique présentant un type assez XIV NOTES ET REVUE. spécial, ressemblent plutôt à ceux de la Sangsue qu’à ceux d'aucune autre forme que je connaisse. Les affinités que ces organes montrent exister entre cet animal et les Anné- lides ne sont pas sans intérêt. Autour des organes segmentaires, dans les pieds, sont des cellules particulières richement pourvues de trachées et qui me pa- raissent être analogues aux corps graisseux des insectes. Il y a, dans les pieds, deux corps glanduleux à côté des organes segmentaires. Les caractères les plus généraux du système nerveux ont été mis en évi- dence par les précédents observateurs. Ils ont montré qu’il se compose d’une paire de gros ganglions sus-æsophagiens reliés à deux cordons ventraux large- ment séparés et qu’ils regardent comme dépourvus de ganglions. Grube dé- crit les deux cordons comme s’unissant en arrière de l’anus, particularité que Sænger a eu tort de nier. Ces cordons latéraux sont réunis par de nombreuses commissures (cinq à six par segment). Ce système nerveux pourrait paraître, à première vue, très dégradé, mais les nouveaux points que je erois avoir élucidés, aussi bien que certains faits déjà connus, me semblent indiquer le contraire. Ce qui suit est le sommaire des faits nouveaux que j'ai observés relative- ment au système nerveux : 1° Immédiatement en arrière de lœsophage, les commissures œsopha- giennes se dilatent et forment une paire de ganglions équivalents aux gan- glions sous-œæsophagiens des Annélides et des Arthropodes. Ces ganglions sont très rapprochés et réunis par cinq à six commissures. Ils fournissent aux papilles buccales des nerfs importants ; 2° Les cordons nerveux ventraux sont couverts, surileur face ventrale, par une couche ganglionnaire épaisse, et au niveau de chaque paire de pieds ils se dilatent en un renflement ganglionnaire petit, mais distinct. De chacun de ces renflements partent deux gros nerfs se rendant aux pieds. Les deux ren- flements de chaque paire sont réunis par deux commissures contenant des cellules ganglionnaires. Les autres commissures se trouvant dans l'intervalle des ganglions ne contiennent pas de cellules. Le principal trait par lequel le Peripatus s’éloignait jusqu'ici du type nor- mal des Annélides et des Arthropodes, l’absence de ganglions sur les cordons nerveux, ne subsiste donc plus en réalité, Sous d’autres rapports, par exemple l'existence de cellules nerveuses dans toute l’étendue des cordens et la per- fection du système de commissures, le système nerveux du Peripatus est véri- tablement élevé. Le système nerveux se trouve en dedans de l'étui formé par les muscles longitudinaux et transversaux et n’est pas, par conséquent, voisin des téguments. Sous ce rapport encore, le Peripatus ne présente pas un sys- tème nerveux se rapprochant du type primitif. Du bord postérieur du gan- glion sus-æsophagien part un nerf qui aboutit à l’æœsophage et | représente sans doute un système sympathique rudimentaire. Je erois aussi avoir découvert des traces d’un système sympathique pair. L'organe que M. Moseley a donné, avec doute, comme un corps graisseux, et que Grube a désigné comme un canal latéral, est, en réalité, un tube glan- dulaire couvert de magniäques cellules cylindriques, qui s'ouvre dans la bouche par l'intermédiaire d’un conduit non glandulaire. Il se trouve immé- NOTES ET REVUE. X\ diatement au-dessous des cordons nerveux, dans un compartiment latéral de la cavité du corps, et s'étend en arrière à une distance variable. Cet organe peut être comparé aux glandes salivaires simples des Jules. Il ne faut par les confondre avec les glandes mucipares de M. Moseley, qui s'ouvrent sur les papilles buceales. Si je suis fondé à le regarder comme l’homologue des glandes salivaires si généralement répandues chez les Arthro- podes trachéens, sa présence devra être considérée comme une nouvelle marque des affinités du Peripatus avec cette classe d'animaux. L. J. VI RECHERCHES RÉCENTES SUR LES BACTÉRIES, Par S. CossAT EwarrT, M. D., Professeur d'histoire naturelle à l’Université d’Aberdeen. (Ou Bacillus anthracis (Quart. Journ. Micros. Sc., april 1878); ou Bacterium termo and Micrococcus (Prac. Roy. Soc.i n° 188, 1878.) Dans le premier de ces travaux, l’auteur répète, corrige et étend considé- rablement les observations précédentes sur le Bacillus anthracis, cause de la fièvre splénique, si dangereuse à nos bestiaux. Ce Bacillus, comme on le trouve dans les vaisseaux ou dans la rate des ani- maux souffrants, n’est qu’un simple bâtonnet immobile, qui se multiplie très rapidement par division transversale. Après la mort de l'animal, ce filament peut s’allonger en un filament sporifère. Dans les cultures artificielles, chauffés sur le platine du microscope, les bâtonnets deviennent, mais rarement, mobiles. Les phases mobile et im- mobile peuvent alterner pour quelques heures; mais enfin le bâtonnet croit en un filament extrèmement long, dont le protoplasma se divise en seg- ments qui se contractent rapidement pour former des spores. Le filament casse et les spores échappent ; elles peuvent germer de suite ou bien se diviser chacune en deux et alors en quatre sporules, comme chez Batococcus. Ces sporules deviennent de nouveaux bâtonnets et le cycle recommence. Ainsi, des formes semblables à Micrococcus, à Bacterium et à Bacillus, aussi bien qu'un véritable mycélium d’hyphes sporifères, sont tous des phases dans la mème histoire. M. Pasteur a constaté que les spores du Bacillus anthracis retiennent leur activité après l’ébullition. Ewart a répété ces expériences avec le résultat in- verse, mais 1} confirme l'expérience de Paul Bert, que les spores sont détruites par une pression de 42 atmosphères d'oxygène. Klein publie simultanément, dans le même journal, ses études sur une ma- ladie infectieuse du cochon, analogue à la fièvre spiénique, et qu’il appelle XVI NOTES ET REVUE. pneumo-enterilis contagiosa. I trouve que cette maladie est due à un Bacillus, dont il a vu également la germination, les bâtonnets mobiles et immobiles, et les filaments sporifères. Ewart a cultivé le Bacterium lermo ordinaire, et il a pu constater que les bâtonnets, jusqu'ici les seules formes connues, s’allongent en filaments spo- rifères, dont les spores germent en nouveaux bàtonnets. Cependant, de sem- blables cultures du Micrococcus ne montraient aucun changement, et l’au- teur conclut que cette forme est ou distincte et indépendante, ou peut-être qu'elle peut avoir cette relation avec Bacterium, qu’a, selon l'avis de Huxley, la Tomla avec Penicillium, celle d’une spore modifiée. Les Bactéries adultes sont détruites par la dessiccation, tandis que les spores ne le sont pas. Les spores sont détruites par l’ébullition ; mais, séchées, elles peuvent soutenir une température de 110 degrés. Dans une nouvelle espèce de Bacillus, les mêmes formes, les spores, les bâtonnets et les hyphes sporiliées sont décrits, mais aussi la formation des masses granuleuses, comme chez Spirillum, par la division continue des spores. Les granules, infiniment petits, composant ces masses, germaient tout à fait comme les spores ordinaires. « Si une seule petite spore est ainsi capable de produire des sporules sans nombre bien plus petites encore, et (comme toute expérience tend à démon- trer) s'ils peuvent résister à la dessiccation aux températures ordinaires, on peut, sans hésitation, accepter le mot de Huxley : que, si l’on prend en con- sidération la distribution étendue des Bactéries et la légèreté de leurs spores, il est impossible de concevoir qu’elles ne soient pas suspendues en myriades dans l'atmosphère. » Le travail est accompagné d’une planche à moitié schématique, qui donne à première vue un excellent résumé de nos connaissances sur la morpho- logie des genres Bacillus, Bacterium et Micrococcus. Po 6 Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : G. REINWALD. NOTES ET REVUE. XVI VII SUR LE DÉVELOPPEMENT DES NERFS CRANIENS CHEZ LE POULET, Par À. MILNESs MansuaALr, D. Sc. (Quart. Journ. Micros. Sc., Jan. 1878.) Avant de rendre compte de ce travail important, il sera utile de rappeler les recherches précédentes qu’il confirme et complète. On avait toujours cru que les nerfs des Vertébrés se développaient dans le mésoblaste, et qu'ils acquéraient leur connexion avec la moelle par une soudure subséquente, opinion qui fait dériver de différentes couches embryon- naires les parties centrale et périphérique du système nerveux. Mais cette anomalie cessa d'exister grâce à Balfour (Phil. Trans., 1875), qui démontra que les nerfs des Elasmobranches bourgeonnent sur le cordon spinal. Les descrip- tions sont répétées avec plus de détails et avec un commentaire spéculatif dans son ouvrage On the Development of Elasmobranch Fishes (Journ. Anat. und Phys., 1877, et publié séparément, 1878). Il résume ses résultats ainsi : Le long du sommet dorsal extrême du cordon spinal il se forme, des deux côtés, une crête continue. Des prolongements de ces deux crêtes, correspondant en nombre aux plaques musculaires, poussent laté- ralement en dessous. Quoique les crêtes; à leur origine, soient attachées à la moelle épinière sur toute leur longueur, elles ne restent en connexion avec elle qu’à certains points définis, les Jonctions primitives des racines postérieures avec la moelle. La crête primitive longitudinale reste des deux côtés comme un pont unissant toutes les racines postérieures par les extrémités dorsales. Les racines postérieures, quoiqu’elles naissent au sommet dorsal de la moelle, descendent pour s'attacher aux côtés. D'abord homogènes, elles se différencient en une racine, un ganglion et un nerf. Les racines antérieures bourgeonnent aussi de la moelie, mais indépendamment les unes des autres. Elles naissent non pas verticalement au-dessous des racines postérieures, mais alternative- ment, et leurs points d'attache ne changent pas de position. Pareillement, les nerfs crâniens poussent du cerveau, mais ils n’ont que des racines posté- rieures. Marshall, dans un travail publié simultanément dans le même journal, dé- montra que les nerfs spinaux du Poulet ont une origine semblable, et donna quelque raison de penser que les nerfs crâniens naissent de la même manière. L'objet de son présent travail est de préciser davantage cette proposition, de faire l’histoire du développement de tous les nerfs crâniens et de discuter la portée de ces faits sur la morphologie générale du crâne et du cerveau. La première apparition des nerfs du Poulet a lieu vers la vingt-deuxième heure, sous la forme d’une crête de cellules Sphériques, située le long des deux côtés de la moelle. Cette arèle nerveuse apparaît dans la région moyenne du cerveau et s'étend en avant eten arrière ; en avant jusqu’à la partie antérieure ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GËN, — T, VII, 4879 et 18S0, B XVIII NOTES ET REVUE. des vésicules optiques, en arrière sur toute la longueur du cerveau et, pour une certaine distance, sur la moelle. Elles apparaissent avant la clôture du canal nerveux; ainsi les arêtes des deux côtés naissent indépendamment l’une de l’autre. Elles ne se développent directement ni de l’épiderine ni du canal nerveux, mais dans l'angle rentrant entre eux deux. Cependant, quand le canal nerveux se ferme, l’épiderme se sépare nettement de l’arête nerveuse. Vers la quarantième heure, la clôture du canal progresse plus rapidement en arrière que le développement de l’arête nerveuse, de sorte que l’arête se déve- loppe au sommet de la moelle pour la plus grande partie de son étendue sans aucune connexion avec l’épiblaste externe. Elle est d'abord très proéminente dans la région moyenne du cerveau; mais bientôt elle subit une grande di- minution et disparait presque entièrement. Elle s’avance à certains points pour former les rudiments des nerfs, et se rétrécit dans les intervalles, où elie disparait en forme de commissures. L'auteur discute d'une manière fort intéressante la nature des nerfs olfactifs. En opposition à l'avis généralement reçu, il soutient qu’ils ne sont autre chose que la première paire dans la série des nerfs crâniens. Il montre que l’arèête nerveuse se prolonge à l'extrémité du cerveau antérieur en avant des vésicules optiques; que les nerfs olfactifs naissent, non pas des hémi- sphères cérébraux, mais avant leur développement même du cerveau anté- rieur, et, très probablement, de l'arête nerveuse; qu'ils sont parfaitement solides, sans indication aucune des prétendues vesicules olfactives, et que, loin d’être tardifs, ils apparaissent parmi les premiers. L'arêce nerveuse existe sur toute la longueur des lobes optiques, mais ne paraît pas prendre part dans le développement de l'œil. Il semble que le nerf optique n’est pas strictement comparable aux autres nerfs crâniens, dont il se distingue nettement par son origine comme un diverticulum creux du cerveau aussi bien que par son indépendance de l’arête nerveuse. Le troisième nerf chez l'adulte provient de la surface ventrale du cerveau moyen, près de la ligne médiane. C’est sur la partie dorsale du cerveau moyen que se trouve la première apparition de l’arête nerveuse, et ici elle atteint un développement bien plus considérable que dans toute autre partie du canal nerveux. Comme pour le nerfolfactif, il y a, a priori, une probabilité très forte pour que cette proéminence se développe en l’un des nerfs crâniens, qui doit être le troisième, car celui-ci est le seul nerf qui provient du cerveau moyen. Le changement complet de haut en bas qu'il faut supposer dans la position du troisième nerf est une des plus grandes difficultés dans cette manière de voir. Mais tous les autres nerfs crâniens subissent un changement semblable en principe, et le septième en particulier presque autant que le troisième. Ce nerf doit certainement être un vrai nerf crànien, et non pas un rameau séparé du cinquième, comme disent Foster et Balfour, Huxley, etc. II res- semble aux autres imembres de la série par son origine indépendante de l’arète nerveuse, par sa descente, de très bonne heure, vers la ligne ventrale et médiane, et par la possession d’un renflement ganglionnaire d’où partent deux rameaux, aussi bien que par sa position et sa course. De tous les nerfs, il apparaît le premier, Le développement de la quatrième paire n'a pas été observé, NOTES ET REVUE, XIX Le cinquième nerf dérive d’une seule racine. Il faut donc le considérer comme un simple nerf segmentaire, dont les rameaux primitifs sont les nerfs maxillaires supérieur et inférieur. Le rameau ophthalmique traverse (?) le troisième nerf à angle droit, d’où il est évident que ces deux nerfs ne peu- vent pas être équivalents : si le troisième est un nerf segmentaire, le nerf oph- thalmique ne le peut pas être. Il est possible qu'il soit le rameau dorsal du cin- quième, ou bien le reste de l’arête nerveuse entre le cinquième, le troisième et le nerf olfactif, qui persiste comme une commissure longitudinale, comme dans la partie postérieure du corps. Le sixième nerf diffère de tous les autres nerfs pré-auditifs par son ori- gine de plusieurs petites racines, au lieu d’une seule grande racine ganglion- naire. Sur ce rapport, aussi bien que par sa position et ses relations, il res- semble aux racines antérieures spinales du poulet. Il est bien plus svelte que tous les autres : il n’a pas de rameaux; sa direction est perpendiculaire à celle des autres, et il apparaît bien plus tard. Un coupe transversale du cerveau à travers les racines du septième nerf traverse aussi celles du sixième nerf. On voit aussi que celles-ci commencent très près de la ligne médiane ventrale et qu’elles sont séparées de celles-là par un intervalle considérable. De toutes ces considérations, il semble bien résulter que le sixième nerf est la racine antérieure du septième, malgré l'avis de Balfour, que les nerfs cràniens n’ont pas de racines antérieures, Comme chez les Elasmobranches, les septième et huitième nerfs naissent d'une seule racine commune, qui se bifurque en une partie antérieure, le nerf facial, et une partie postérieure, le nerf auditif. Les deux nerfs n’en sont donc, morphologiquement, qu’un seul. Eu suivant la descente de ce nerf, de sa position première sur le sommet de la moelle épinière, on trouve que son point primitif d’attachement dispa- rait, et qu'un autre est simultanément formé plus bas. Le huitième nerf vient de très bonne heure en contact avec l’épithélium auditif et les deux structures épiblastiques, le nerf et l’épithélium sensitif, fusionnent complètement l’un avec l’autre. Les nerfs glossopharyngien et vagus se développent aussi d'une seule ra- cine, qui se bifurque et qui se divise aussi vers son attachement au cerveau en plusieurs parties, comme les racines postérieures des nerfs spinaux, La relation anatomique qu'ont les rameaux du pneumo-gastrique avec les fentes viscérales postérieures montre qu’il faut considérer ces rameaux comme les équivalents d’un nombre égal de nerfs spinaux. Une série de petits bourgeons dérivent de la surface inférieure du cerveau dans la région du vagus. Ces bourgeons sont tout à fait semblables en appa- rence, en position et en relation, aux racines antérieures des nerfs spinaux ; mais il est indubitable qu'ils appartiennent au pneumo-gastrique, Ici encore, nous trouvons des racines antérieures dans le cerveau. En dernier lieu, il est évident, par l'étude des coupes longitudinales des em- bryons, que les parties de l’arête nerveuse qui interviennent entre les saillies d'où se développent la plupart des nerfs crâniens et les racines postérieures des nerfs spinaux persistent, comme des commissures longitudinales, Tous les nerfs spinaux sont ainsi liés ensemble; mais, dans le éerveau, ces com- xx NOTES ET REVUE. missures n’ont pas été suivies plus loin que le glosso-pharyngien et le pneumo- gastrique, à moins que le rameau ophthalmique du cinquième nerf n’en soit une. Balfour, qui, le premier, a trouvé ces commissures chezles Elasmobranches, regarde, avec raison, cette découverte comme un des résultats les plus remar- quables de ses recherches sur le système nerveux de ces êtres. Là, elles pa- raissent disparaître sans laisser aucune trace ; leur destination, chez le poulet, est encore très peu connue. P::6r VIII OBSERVATIONS SUPPLÉMENTAIRES SUR L’ANATOMIE DU SPIRULA AUSTRALIS (LAMARCK), Par le professeur Richard Owen, C. B., F.R. S, (Ann. and Mag. Nat. Hist., Jan. 1879.) The Zoology of the Voyage of H.-M.-S. Samarang, 4 t. 1848, contient une monographie de la Spirule, à la conclusion de laquelle sont notés les détails suivants comme « restant encore à déterminer : par exemple la structure des organes mâles et celle des organes femelles, spécialement la question de savoir si l’oviducte est simple ou double, compliqué par des élargissements glandu- laires ou associé avec des glandes nidamentaires ; le cerveau et le crâne, les nerfs principaux, la langue, le bec et les lèvres; la structure des yeux et la condition des paupières, la relation entre la coquille de la Spirule, spécialement de sa chambre dernière et ouverte, avec le système musculaire de l'animal. » Les matériaux sur lesquels étaient basées les descriptions de cette monogra. phie étaient un individu du S. Peronii de Bl., sans la tête, et avec la partie postérieure détruite ; une partie du manteau du S. rcticulata, Ow., avec la coquille attachée, et l'échantillon, alors unique, du Spirula australis, Lam., parfait dans toutes ses parties, le bout d’un tentacule excepté, qui avait été trouvé par Earl sur la grève du port Nicholson, dans la Nouvelle-Zélande, Son possesseur voulait le conserver entier; mais il a pu me procurer plus tard le sujet de la présente description. La tête, avec ses bras non rétractiles, est un cylindre court et épais. Le manteau est allongé et légèrement comprimé ; ses deux lobes postérieurs ca- chent la coquille presque entièrement ; mais une partie du dernier tour fait saillie à la partie ventrale et dorsale. L'épiderme du manteau se continue sur le périostracum. On trouve, entre les lobes, une masse elliptique et convexe, le « bouton ter- minal » de De Blainville. Cet organe est flanqué par une paire de proéminences oblongues, qui sont mieux développées chez la Spirula reticulata. M, de Blain- ville l’a décrit comme des nageoires « fort semblables à celles qui se trouvent dans les Sépioles »; et je les regarde aussi comme élant les homologues de pe- NOTES ET REVUE. XX! tites nageoires terminales et latérales, telles qu’on les voit chez les Loligopsis. La masse terminale est fibreuse et vasculaire, et possède une dépression centrale. L'application du disque à une surface plate et la rétraction de la par- tie centrale feraient le vide, et cet organe serait une ventouse ; si la Spirule s'attache de cette façon, comme le décrit Rumphius, ses tentacules et ses bras seront libres pour saisir sa proie ; l’analogie avec la forme d’un polype, indiquée par le nom d’Aristote pour le « Poulpe », serait ainsi portée plus loin chez la Spirule, par imitation accidentelle d’une Actinie. L'entounoir est conique; sa petite ouverture est défendue par une valve semi-cireulaire. La surface intérieure du manteau présente deux boutons allongés cartilagineux, qui s’articulent avec deux cavités, situées une à chaque côté de la base élargie de l’entonnoir. Les huit bras ordinaires sont de longueur presque égale ; leurs bases sont unies par un repli de la peau. Leurs surfaces intérieures sont hérissées de nombreuses petites ventouses pédonculées, qui sont arrangées d’une manière irrégulière quinconciale ; on peut en compter cinq ou six dans chaque rangée oblique. Les ventouses des longs tentacules sont arrangées en une série double et alterne, sur une région allongée et élevée de l’expansion terminaie, comme chez Loligopsis Veranii. Les mandibules sont chitineuses, sans incrustation calcaire ; elles sont entourées de deux lèvres concentriques. Les branchies sont libres dans la dernière moitié de leur étendue ; une pe- tite proéminence entre leurs bases porte l’anus, l’ouverture de l’oviducte et celle des organes rénaux. Un peu à l’intérieur de l'orifice anal s'ouvre la poche à encre. L'ovaire est situé dans la partie gauche postérieure dorsale de la cavité vis- cérale, et les grandes circonvolutions de l’oviducte, bourrées d'œufs, sont à droite. Il y a une glande oviducale. Les glandes nidamentaires occupent pres- que la même position sur le côté ventral que chez le Nautile; mais, comme chez les Décapodes, elles ne sont pas attachées au manteau. La chambre viscérale est divisée en deux parties, postérieurement, par l’in- trusion de la coquille. Le péritoine est réfléchi sur la dernière chambre de la coquille, et est uni au périostracum. Le cerveau présente un petit lobe antérieur cérébral ou olfactif, situé sur les grands lobes optiques, comme le cristallin sur l'humeur vitrée. Les nerfs palléaux perforent les rétracteurs de l’entonnoir, et se dilatent en une paire de ganglions. Les nerfs viscéraux descendent sur le côté dorsal de l’œso- phage, donnant des rameaux aux glandes salivaires. Ils descendent au gan- glion gastrique, et envoient des filaments à la masse hémisphérique, dans la cavité postérieure de la coquille. Les grandes capsules auditives permettent la vue des otolithes blanches à travers leur paroi délicate. La pupille de l’œil est perforée. Le premier estomac est petit; le second est plus grand et fourni d’une grande masse de follicules hépatiques. Il y a deux paires de glandes salivaires ; mais la paire postérieure est unie. Le foie consiste en des saccules pyriformes ; il n'est pas unique comme celui des Octopodes ; mais, comme chez les Déca- XXII NOTES ET REVUE. podes, il consiste en deux lobes symétriques, dont les extrémités entrent dans la dernière chambre de la coquille, et aident à former la masse hémisphé- rique qui la remplit. Cette masse est couverte d'une membrane délicate, qui est continuée pour former le siphon. Les organes de la circulation et de la respiration ressemblent à ceux des Dibranches. La Spirule est presque aussi dépourvue d’organes extérieurs de nata- tion que le Nautile. Chez les deux, les mouvements sont rétrogrades. Le Nau- tile les exerce à l’aide de l’entonnoir ; mais la Spirule y ajoute l’éjection de l’eau, sur laquelle s'appuient les bras et leurs membranes unissantes. L’in- fériorité du Nautile, dans le moteur céphalique, est compensée par la supé- riorité du mécanisme de l’entonnoir. Dans les deux céphalopodes mul- tiloculaires, le pouvoir natatoire est inférieur à celui des Dibranches existants. Rumphius dit du Nautile « qu’il se tient en général au fond, et rampe quelquefois dans les filets des pêcheurs ; mais, après une tempête, on les voit en foule flottant à la surface de l’eau ; ainsi, on peut inférer qu'ils s'assemblent aussi en foule au fond. Cependant ce mode de locomotion ne dure pas longtemps, car ils rétractent tous leurs tentacules, chavirent leur bateau, et reviennent au fond. » | J'ai déjà renvoyé à l'autorité du même naturaliste, observant que « la Spi- rule pend aux rochers par uu disque mince et petit; qu’elle s'attache ferme aux roches. » En admettant cette fonction dui disque terminal, qui est parti- culier à la Spirule parmi les Céphalopodes, il est certain qu’elle flotte parfois, et probable qu’elle nage plus que le Nautile. Rumphius a observé ces deux genres sur les côtes d’Amboyna, et plusieurs échantillons de Spirules ont été trouvés à la Nouvelle-Zélande, portés de leur côte par les orages ou les cou- rants. Une Spirule t'ouverait subsistance longtemps en plein Océan. Les masses principales du système ont leurs origines semblables chez la Spi- rule et le Nautile. Dans les deux, la coquille est comme le point d'appui des mouvement de rétraction de l’entonnoir et de la tête avec ses organes préhen- siles et locomoteurs. Le plus, la chambre dernière de la coquille de la Spirule, partie des viscères, savoir : Ja terminaison du foie, qui, couverte par sa capsule en reçoit aussi une etencore par le péritoine, constitue la masse hémisphérique qui remplit la chambre et qui envoie le commencement du siphon membra- neux. Ce corps, la « calotte » de De Blainville, répond à la masse siphonifère et viscérale qui occupe le fond de la dernière chambre chez le Nautile, mais avec ses proportions renversées ; elle occupe une partie moins grande de la cham- bre, mais elle contient plus de viscères que chez la Spirule, Quoique, à cause de l’extension en avant de la dernière chambre au-delà des attaches musculaires, une portion encore plus grande du corps du Nautile soit contenue ou soit capable de rétraction dans cette chambre, néanmoins, par le degré auquel le manteau peut être réfléchi sur l'extérieur de la coquille, on peut regarder cette portion de la coquille comme étant intérieure. Ces proiongements du manteau peuvent s'étendre sur l’ombilic, et y déposent des matières calcaires, colorantes chez le Nautilus pompilius, et ces prolongements sont les homologues des lobes latéraux terminaux du NOTES ET REVUE. XXII manteau de la Spirule, qui couvrent la partie ombilicale de sa coquille d’une manière semblable. La distinction entre la Spirule et le Nautile, quant à la relation protectrice de la coquille, est relative, non absolue : chez l’un, une petite partie de la co- quille est toujours externe ; chez l’autre, une petite partie est toujours interne ; et, chez les deux, la coquille multiloculaire correspond au phragmocone d’un Bélemnite. On peut appeler le Tétrabranche orthoceras le représentant du Dibranche Bé- lemnite, comme le Tétrabranche Ammonite l’est du Dibranche Spirule. Le siphon est ventral et marginal chez les deux formes de coquilles roulées, mais il passe aux côtés opposés. Chez la Spirule, le siphon est interne ou ento- marginal ; chez l’'Ammonite, il est externe ou ectomarginal. PSG IX CONTRIBUTIONS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE DEUX GENRES DE POISSONS DE LA FAMILLE DES BAUDROIES, HIMANTOLOPHUS ET CERATIAS, HABITANT LES GRANDES PROFONDEURS DES MERS ARCTIQUES. Par M. Chr. LUTKEN. (Vidensk. Selsk. Skr., 5te Rœkkr, Ilte Bd V, 1878.) Le genre Himantolophus fut établi en 1857 par Reinhardt, d’après un pois- son jeté une seule fois sur la plage du Groënland, à la suite d’une forte tem- pête. Malheureusement l’échantillon était déchiré par les corbeaux, et dans un état de demi-décomposition ; c’ést pourquoi le rayon, ou houppe frontale, très singulière, est le seul fragment qui ait pu être conservé. Ce genre n’a jamais été revu jusqu’en 1876. Cependant, après la découverte des Ceratias, des Melanocetus et des Oneirodes, on n’a guère pu douter qu'il appartint à la famille des Baudroies, et qu’il formât avec ces trois genres une tribu à part, celle des Cératiades ou Lophioïdes, aux yeux petits, et dépourvus de ventrales, habitant ies plus grandes profondeurs de la mer. Mais, vers la fin de 1876, un second exemplaire, complet et intact, long de 40 centimètres, a été trouvé flottant à la surface de la mer du Groenland méridional. Ce poisson a reçu le nom de H. Reinhardti. Le corps, noir, très court et très épais, a la forme d’un ovale s’approchant du cercle. Le grand rayon frontal peut se loger dans une large rainure qui sillonne le front. Les yeux sont très petits et dépourvus de paupières. L’orifice branchial est situé uu peu au-dessous et en arrière de la nageoire pectorale, et fermé en partie en dedans par une membrane soutenue par les pointes de deux rayons branchiostèges, La pectoralé, petite, arrondie et portée sur un court pédoncule, est placée sur le milieu du côté. L'épiderme est mou, épais XX1V NOTES ET REVUE. et plissé; il prend, sur le museau, le caractère de papilles polygonales aplaties. Il couvre aussi la plus grance partie des écailles osseuses, qui s’élèvent en forme de cônes surmontés d’une épine, et quisontrépartis, au nombre de cinquante en- viron, de chaque côté du corps. Les dents maxillaires se rapprochent de celles des Baudroïes. La langue n’est pas distincte. Le côté concave des arcs bran- chiaux est armé de petits tubercules mobiles, couverts de dents en velours. Le premier arc branchial porte, dans sa moitié inférieure unie par une mem- brane à l'arc hyoïdien, une branchie courte et incomplète, formée, comme celle du dernier arc branchial, d’une seule série de feuilles étroites ; il n’y a pas de fente derrière celui-ci. Je n’ai pu découvrir aucune trace de ligne la- térale ; et, quoique ce soit un mâle, la papille génitale manque. L’estomac est un grand sac, séparé par une valvule de l'intestin ; il n’y a point de cæcums pyloriques. Reste à décrire brièvement la si curieuse houppe frontale. Elle est à peu près claviforme, et se termine en un disque aplati, dont la peau se continue en deux petites cornes ou appendices digitiformes, et en huit banderoles ou tentacules allongées. Les appendices, qui sont arrangés avec une certaine sy- métrie, se divisent chacun en trois ou quatre lobes obtus ; des deux tenta- cules supérieurs, l’antérieur est bifide, le postérieur quadrifide; deux de la première paire des rangées latérales sont quadrifides, les deux suivants bifides ; les deux inférieurs, les plus petits de tous, sont indivis. La longueur des plus grands tentacules égale la hauteur du rayon frontal lui-même. Ce curieux ap- pendice est noir comme tout le corps du poisson, à l’exception des pointes argen- tées — peut-être phosphorescentes dans l’état de vie — des tentacules, du bas terminal du disque, et des taches blanches qui ornent les lobes des cornes, Sauf la base du rayon et la moitié supérieure des tentacules, cet appendice est entièrement couvert d’écailles analogues à celles du corps du poisson et à celles du Ceratias, mais beaucoup plus petites. Par un accident assez curieux, J'ai pu étudier deux Himantoiophes très jeunes, appartenant peut-être à l'H. Reinhardti lui-même. Ces deux individus ne proviennent pas du Groënland, mais ont été trouvés en pleine mer équi- noxiale, l’un, à mi-distance entre l'Afrique et le Brésil, dans l'estomac d'un Scombéroïde nommé Albécore par les marins ; l’autre, à mi-distance entre les Etats-Unis méridionaux et l’Afrique, englouti également par un Albécore. Ces tètards d'Himantolophes diffèrent un peu, par la forme, les proportions, etc., des individus adultes; ils sont encore à peu près incolores, le pigment ayant juste commencé à apparaître, et les écussons de la peau font aussi com- plètement défaut dans cet état peu avancé. Quant au nombre des rayons des nageoires impaires, il présente la plus parfaite harmonie avec l'Himantolophe décrit ci-dessus ; et cette coïncidence nous parait décisive, vu qu'aucun autre Lophioïde connu ne possède les mêmes nombres. Sur l’individu le plus petit, on ne voit aucun vestige du rayon frontal ; sur le plus âgé, il a justement fait son apparition sous la forme d’un petit appendice claviforme ou pyriforme, mais qui ne présente encore aucunes traces des digitations et des tentacules si caractéristiques du poisson adulte. En prenant en considération la distribu- tion géographique très étendue des poissons de la haute mer et des grandes pro- fondeurs, dont les études et les découvertes modernes nous ont donné tant NOTES ET REVUE, XXY de preuves‘, et en tenant compte aussi du fait bien connu aujourd’hui que bien des poissons des eaux profondes habitent, dans le jeune àge, les couches plus superficielles, on cessera de s'étonner que de prétendus jeunes Himanto- lophes aient été pêchés dans des lieux si éloignés des parages où ont été trou- vés les deux seuls individus adultes connus, et si différents quant aux circon- stances climatologiques et biologiques. On trouvera une confirmation de notre manière de voir dans le fait non moins remarquable que l’Albécore qui conte- nait dans son estomac l’un des deux jeunes Himantolophes mentionnés ici, avait aussi avalé un jeune Pterycombus brama — espèce de Scombéroïde, ren- contrée jusqu'ici seulement dans les profondeurs de la partie norwégienne de Ja mer Glaciale atlantique. — Les collections du musée de Copenhague renfer- ment en outre quelques jeunes Lophioiïdes apodes, d’une taille plus petite en- core, trouvés en plein océan Atlantique, qui annoncent peut-être l'existence d'une troisième espèce d’Himantolophe ou d’un genre voisin. Entin, locéan Indien nous a fourni un troisième type de jeune Lophioïde, dépourvu non seu- Jement de ventrale, mais aussi de dorsale et d’anale, indiquant ainsi, selon toute probabilité, l'existence d’un type générique nouveau, que l’on ne tar- dera pas à découvrir à l’état adulte, à mesure que l'étude justement com- mencée de la faune abyssale de l'Océan aura fait de nouveaux progrès. Peut- être aussi que le Ceratias uranoscopus, tannoncé comme dragué par l'expédition si fameuse du Challenger, à la profondeur surprenante de 2 400 brasses, sera reconnu comme formant un genre à part. La famille des Baudroies comprend à présent cinq types : 4° la tribu des Lo- phioïdes vrais, embrassant les genres Lophius et Lophiopsis ; 2 celle des Mal- théides, comprenant les genres Malthea, Halientea, Halientichtys et Dibran- chus ; 3° les Chaunacides, représentés Jusqu'ici seulement par le Chaunax pictus ; 4° les Antennariides, c’est-à-dire les Antennartus, les Pterophryne, les Saccarius et les Brachionichtys, et 5° les Cératiades : Ceratias Himantolo- phus, Oneirodes et Melanacelus. Les Cératiades, les Chaunacides et les Lo- phioïdes proprement dits sont tous, à un degré plus ou moins prononcé, des habitants des grandes profondeurs, ainsi que la plupart des Malthéides; seules les Malthées vraies sont des poissons véritablement littoraux. Les Cératiades peuvent cependant être regardés comme des poissons bathyphiles, dérivés du type littoral ou pseudo-pélagique des Antennariens, mais constituant toutefois un embranchement à part. Jetons encore un coup d'œil rapide sur les principaux caractères distinctifs des quatre genres qui composent la tribu des Cératiades. La forme générale, la physionomie surtout, sont assez semblables dans les quatre genres; com- mune à tous est en outre l’absence des nageoires ventrales, de la ligne laté- rale et de ses rameaux, de la vessie natatoire, des pseudo-branchies (qui, à ce qu’il paraît, existent seulement chez les vraies Baudroïies), et des dents des pharyngiens inférieurs et des palatins; la petitesse des yeux et des 1 Citons le Chaunazx pictus pêché près de Madère et des îles Fidji; le Plagyodus feroxæ, connu de Madère et d'Islande ; le Malacocéphalus larvis de Madère, du cap Scague et du Bohüslaw, etc, XXVI NOTES ET REVUE. nageoires pectorales, le court pédoncule de celles-ci, la conformation des dents, la couleur noire, le nombre des rayons brachiostèges (6) chez tous les Lophioïdes probablement), des rayons des nageoires anale (4) et cau- dale (9), la structure à demi spongieuse du squelette, sont aussi, à ce qu'il semble, des caractères communs à tous les quatre. Dans deux des genres (Oneirodes, Melanocetus), les écailles ou écussons osseux font complètement défaut, la peau étant entièrement molle et nue; chez l’Himantolophe seul, l'épiderme est épais, plissé ou rugueux. Le premier rayon libre ou frontal pré- sente le plus grand épanouissement chez l’Onéirode et l'Himantolophe. Un se- cond rayon libre, mou et sans appendice, existe chez l’Onéirode et chez le Cératias. Chez les trois genres, le nombre des branchies est de deux paires et demie, le premier arc branchial en restant dépourvu; mais chez l’'Himantolo- phe, il existe, comme chez les Antennariens, dans sa moitié inférieure, une courte branchie unisériale ; on trouve aussi dans ce genre des tubercules den- tigères sur la face concave des arcs branchiaux. L’os du vomer est denté chez l'Onéirode et le Mélanocète. Le nombre des rayons de la nageoire dorsale, comme aussi la proportion entre les rayons simples et fourchus de la caudale, sont assez variables de genre en genre. Des cæcums pyloriques n’ont été ab- servés que chez le Ceratias Hobolli. La seconde partie contient la description du squelette du Ceratias Hobolli. Pi: G: X RÉSUMÉ DES RECHERCHES RÉCENTES SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MÉDUSES, Par F.-M. Bazrour. (Extrait du Quart, Journ. Micros. Sc., 1878.) Quoique le travail remarquable de Kleinemberg sur l’Hydre ait indiqué l'importance de l'étude des Cœlentérés pour la solution des questions sur l’origine du système nerveux, il n’v a que deux ans que le sujet a été repris. Depuis cette époque, la structure et la fonction du système nerveux des Mé- duses ont été le sujet de toute une série de recherches. Les très brillantes découvertes physiologiques de Romanes sont bien connues, et Eimer a fait aussi des recherches semblables. Pour la morphologie, il y a un travail de Claus, la monographie très appro- fondie des freres Hertwig, qui révolutionne nos connaissances, et une note importante de Schäfer. Le système nerveux à une constitution différente chez les Craspédotes et chez les Acraspèdes. La partie centrale du système nerveux, selon les frères Hertwig, est un anneau situé sur la ligne d'insertion du vélum, et composé de deux bandes, séparées par une continuation de cette lamelle anhiste qui se NOTES ET REVUE. XX VU trouve entre les deux couches épithéliales du vélum. Un système nerveux central de ce type est décrit chez une variété considérable de formes prises dans tous les groupes de Craspédotes, comprenant des Trachyméduses et des vraies Gonophores, des Ocellés et des Vésiculés. L'anneau nerveux atteint son plus haut développement chez les Géryonides ; mais, même dans sa forme la plus différenciée, il n'est point séparé de l’ecto- derme. La bande supérieure est formée de fibres extrêmement délicates, avec de petits renflements de distance en distance. Parmi les fibres sont parsemées un assez grand nombre de cellules nerveuses, bipolaires en général. Dans la partie inférieure, les fibres sont plus grandes et les cellules plus nombreuses. Les deux bandes paraissent être unies par des fibres délicates, qui perforent la lamelle interposée. L’ectoderme, dans le voisinage, n’a qu'une seule couche de cellules; mais on peut les diviser en deux catégories : a, cellules intersticielles ; b, cellules sensorielles. Celles-ci ont un cil délicat ; le corps, allongé, se prolonge en des fibres qui entrent dans les bandes nerveuses. Il y a un nombre bien plus grand de ces cellules en connexion avec la bande supérieure qu'avec l'in- férieure. Le système nerveux périphérique est formé de cellules ganglionnaires mul- tipolaires, qui sont disposées sur la partie inférieure du disque, entre l’épithé- lium superficiel et les muscles circulaires. On trouve aussi des cellules mul- tipolaires dans les tentacules, mais non pas dans le vélum. Les cellules ganglionnaires du disque forment un réseau complet en connexion avec la bande inférieure de l’anneau nerveux, et probablement aussi avec les muscles et les cellules sensorielles des tentacules. Le système nerveux des Acraspèdes a été aussi étudié par Claus, Schäfer et les frères Hertwig. La partie centrale présente un contraste bien marqué avec celle des Craspédotes, en ce qu’elle ne consiste pas en un anneau entourantie bord du disque, mais en une série de ganglions isolés. Il y en a huit généra- lement; mais quelquefois ils sont plus nombreux. Ces ganglions sont des épaississements de l’ectoderme qui prennent ordinairement la forme d'un an- neau qui entoure la base d’un organe des sens, et qui sont formés de cei- lules sensorielles continues avec les fibres nerveuses. Des cellules nerveu- ses, semblables à celles du système nerveux central des Craspédotes, font défaut, selon les frères Hertwig, quoique Claus affirme leur présence. Le sys- tème nerveux périphérique a été étudié spécialement par Schäfer. Il le décrit comme un entrelacement de fibres nerveuses qui couvre toute la partie infé- rieure de l’ombrelle, et qui est placé entre l’ectoderme et la couche muscu- laire. Chaque fibre nerveuse présente, dans le milieu de sa longueur, un ren- flement dans la forme d'une cellule nerveuse bipolaire, qui est aussi placé sur le trajet de la fibre. Ces fibres nerveuses ont rarement plus de 4 millimètres de longueur, et elles ne sont pas en continuité directe l’une avec l’autre. Elles se terminent ou en extrémités fines pointues, ou en expansions dilatées qui contiennent un noyau. Ces expansions sont considérées par Schäfer comme les plaques motrices terminales. On voit ainsi que le système nerveux périphéri- que des Acraspèdes paraît différer presque autant de celui des Craspédotes que le système central. XXVIL NOTES ET REVUE. Dans les organes des sens spéciaux, il faut encore distinguer entre ces deux groupes. Nos connaissances sur ce sujet, chez les Craspédotes, sont entière- ment dues aux frères Hertwig. Quoique les organes auditifs et optiques soient présents dans ce groupe, ils ne sont jamais associés dans une seule forme. Des organes de l’ouiïe se trouvent chez les Trachyméduses et chez les Vésiculés; mais ils sont formés sur un type différent dans les deux groupes. Chez les Vésiculés, la forme la plus simple de l'organe auditif est une série d’enfoncements ouverts, situés sur le bord adhérent du vélum, avec leurs ou- vertures dirigées en dessous. Les couches épithéliales prennent part toutes les deux à leur formation. L'épithélium de la partie supérieure du vélum couvre la surface convexe des organes, et ses cellules sont remplies de mem- branes épaisses et remplies de fluide. L’épithélium de la partie inférieure du vélum fournit les cellules du côté inférieur et concave de l'organe, et la plu- part de ces cellules sécrètent une matière calcaire ; mais une série, sur le bord interne de chaque enfoncement, prend la forme de cellules sensitives, pourvues de poils auditifs et continues avec les fibres de l’anneau nerveux inférieur. Cette forme d’organe auditif se trouve chez les Mitrotrocha, Tiaro- psis et d'autres genres. Dans un seul individu de Mitrotrocha, le nombre de ces enfoncements peut s'élever à quatre-vingts. Chez beaucoup de Vésiculés (Æquorea, etc.) les enfoncements sont remplacés par des sacs fermés. A pre- mière vue, ces formes ouvertes et fermées paraissent assez distinctes ; mais elles ont l’une avec l’autre la même relation qu'ont les enfoncements au- ditifs d’un embryon de vertébré avec les vésicules fermées de l'adulte. Chez les Trachyméduses, l'organe a plutôt la forme d'un tentacule modifié, Dans les cellules terminales de l'axe endodermique est située une concrétion, et quelques-unes des cellules ectodermiques portent des poils. Chez des types plus compliqués, toute papille est enveloppée dans une capsule, et, dans les plus élevées (Geryonia, etc.), cette capsule se transforme en vésicule, et la papille se trouve située dans une cavité close. Chez Geryonia, l'entrée d'un nerf dans la vésicule, décrite d’abord par Hæckel, est parfaitement éta- blie par les Hertwig et Eimer, et la terminaison de ses fibres dans les cellules à poils est nettement démontrée par ces premiers. L'organe optique est limité aux Ocellés. Dans sa condition la plus simple, il consiste en certains amas de cellules sensorielles, entourées par des cellules pigmentaires ; mais, dans les formes plus élevées, il y a addition d’une len- tille formée de l’épaississement de la cuticule externe. Les organes des sens des Acraspèdes ont été étudiés par MM. Schäfer, Hert- wig et Claus. Les frères Hertwig ont étudié en grand détail presque tous les types principaux ; et les observations de Claus portent aussi sur plusieurs for- mes ; celles de Schäfer sont limitées à l’Aurélie. L'organe du sens, qui paraît être auditif, est plus ou moins semblable à celui des Trachyméduses. Il consiste en un organe semblable à un tentacule, situé dans un sillon, sur la surface inférieure d’un des lobes marginaux du disque. Ce sillon est couvert d’un pli qui le convertit ainsi presque en un canal. Un prolongement d’un canal gastrovasculaire passe le long de la pre- mière moitié de l’axe endodermique de l'organe. La portion terminale est NOTES ET REVUE, XXIX solide et un peu gonflée ; elle contient des concrétions calcaires. A la base du renflement,.les cellules épithéliales deviennent cylindriques ; elles sont pour- vues chacune d’un poil raide, et prolongées en un filament nerveux. En effet, ces masses nerveuses annulaires constituent ce qui a été déjà décrit comme les ganglions du système nerveux central. Entre l’endoderme et l’ectoderme, il y a une lamelle dont parle Schäfer comme étant le mésoderme, quoiqu'’elle ne paraisse guère mériter ce titre. Des organes optiques, d’un caractère semblable à ceux des Ocellés, sont sur- ajoutés aux organes auditifs chez Nausithæ, Aurelia et Charybdea. Claus a trouvé un troisième organe des sens, chez l’Aurélie, situé sur la face dor- sale de la lamelle pendante qui recouvre chacun des organes des sens margi- naux, C’est un enfoncement tapissé par un épithélium de cellules sensorielles. Il l'interprète comme ayant une fonction olfactive. Enfin, la disposition du système nerveux, d’après ces travaux, aurait très bien pu être déduite des recherches physiologiques de Romanes. PAG XI SUR L'EMBRYOGÉNIE DES ÉPONGES. Par M. Savize KENrT. J.-L.-S. (Ann. et Mag. Nat. Hist., Août 1878.) Presque tous les embryologistes sont d'accord sur ce principe, que les Eponges forment des tissus et qu'elles sont de vraies Métazoaires. Au contraire, selon mon avis et celui de feu James Clark, elles ne sont que des colonies de monades colletées et flagellées, qui ne montrent ni dans l’état embryonnaire ni dans l'état adulte aucun phénomène qui ne trouve son pareil chez les Protozoaires. Le point de départ d'une éponge est une petite cellule amæboïde qui devient sphéroïdale et se fractionne en une masse framboisée comme un œuf de Métazoaire. La masse s’allonge et ses cellules deviennent cylindriques, divergent un peu à leur base pour laisser une cavité centrale et développent chacune un long cil vibratile avec un collet de protoplasme transparent autour de sa base. La gemmule devient ainsi une agrégation ovoide d'individus qui n’ont point de différence avec ceux de l’éponge adulte. Chaque unité est une monade parfaite qui se nourrit indépendamment à l’aide de son collet adhésif dont le protoplasme circule sans cesse, tout à fait comme j'ai décrit chez le Monosigr. gracilis. L'identité morphologique de l'individu de l'éponge avec celui de la monade devient patente en mettant côte à côte les dessins de la monade dans ses deux conditions, d’abord flagellée seulement, et puis colletée aussi avec les” xxx NOTES ET REVUE. deux phases correspondantes d'une cellule d’une jeune éponge. Sans explicas tion on pourrait bien les prendre pour des monades de la même-espèce. La composition de l'éponge à cette époque correspond à celle du Volvox Glo- bator. Plus tard, la gemmule se fixe, les cils et les cellules des monades sont rétrac- tés, uneexsudation de sarcode, le syncytium, les voilent, et leur développement dans l'éponge typique s’accomplit rapidement. Jusqu'ici aucune membrane n’a été formée et le seul caractère métazoïque est le fractionnement en une Morula, mais cette condition est commune à beaucoup de Protozoaires. Par exemple, le développement du Magosphæra de Hæckel correspond parfaitement à celui de l'éponge, mais la masse fram- boisée finit par se séparer et ses cellules constituantes recommencent le cycle de nouveau. L'existence d’un semblable cercle de développement a été démontrée par Dallinger et Drysdale, chez beaucoup de Monades, et mes propres recherches m'ont amené à considérer que la même chose a lieu chez la plupart des Infusoires flagellés. Selon Hæckel, l'œuf est le produit indépendant d’un prétendu tissu endo- dermique, mais jele regarde simplement comme une des monades qui, étant arrivée à maturité, a pris la forme amæboïde comme chez le Magosphæra. La métamorphose des cellules ciliées, en cellules amæboïdes, est déjà re- connue chez les Eponges, et les dimensions des œufs les plus petits corres- pondent parfaitement à celles d’une seule cellule flagellée. De plus, les Mo- nades colletées libres ont ce mode de développement, la Salfingæca, par exemple, perd son cil et son collet devient amæboïde et puis immobile et sphérique avant de se fractionner. Le développement des produits de segmen- tation est aussi identique, quoique celles de l'éponge restent unies pendant leurs métamorphoses, tandis que celles de l'éponge se séparent pour achever leur développement dans un état fixe et solitaire. De même que les Spongo- zoaires sécrètent leur syncytium commun, la Salpingæca construit sa lorica, qui, molle d’abord, acquiert bientôt une consistance chitineuse ou cornée, Cette distinction légère entre les deux types trouve sa pareille parmi les Monadinés. Comparez, par exemple, le genre Phalansterium (Monas socialis, Fres.) dont les individus habitent une glaire commune avec le Bicosæca ou quelque autre monade à Ilorica solitaire ; ou, parmi les Infusoires ciliées, la Cothurina ou la Vaginicola, avec l'Ophrydium, dont les individus sans nombre sécrètent une enveloppe mucilagineuse commune. Les chambres sphériques tapissées de monades ciliées, sont considérées par Hæckel comme n'étant que des dilatations des canaux ordinaires, tandis que Barrois soutient qu'ils apparaissent dans le syncytium comme des formations indépendantes, et que leur communication avec les canaux s'établit ensuite. Je puis corroborer complètement cette dernière interprétation, car je trouve chez l’Halisarca et chez d’autres types sans nombre que ces chambres ciliées dérivent du fractionnement d'une cellule, d’abord amæboïde et puis sphéroiï- dale, tout à fait comme les jeunes éponges libres, excepté que les cils se déve- Joppent à l’intérieur et se projettent dans la cavité centrale, Ainsi il ne faut que l'évagination de cette agrégation de monades ciliées pour produire le prétendu embryon, Ces monades, sauf leur disposition, n’ont rien qui les dis- NOTESYET REVUE. XXXI tingue du Pesmarella moniliformis, monade qui flotte librement dans la mer et qui forme de petites colonies de deux à six où huit individus. Quoique le corps ovoide cilié uniformément soit la forme caractéristique, on trouve une variété extraordinaire parmi des sujets différents pris de la même éponge. Dansune des plus fréquentes de ces variétés, les cellules flagellées sont remplacées dans la moitié inférieure par des cellules irrégulières et sphéroïdales. Ceux qui regardent les éponges comme des métazoaires appellent ces deux régions l’ectoderme et l'endoderme respectivement, et ils décrivent la retraite occasionnelle des éléments de la région postérieure dans la cavité centrale comme l'invagination de l’endoderme et la formation de la « gastrea ». Cette interprétation est réfutée par la nature inconstante de ces formes. Il est facile de démontrer que les grandes cellules postérieures ne sont que des modifications ou des états plus ou moins en avance sur le développement des cellules antérieures, et même d’expliquer la raison de ces degrés diffe- rents de développement. Quand on fait une coupe d’une éponge qui contient de ces embryons, on trouve parfois qu'ils sont dégagés entièrement du syn- cytium, parfois qu'ils restent plongés partiellement dedans. Dans le pre- mier cas, toutes les monades se développent également, dans le second celles de la moitié qui était enfoncée dans le syncytium sont retardées, et il paraît quelquefois qu’elles n’atteignent l’état colleté qu'après la fixation de l'embryon. Il est important de remarquer que les chambres ciliées d’une éponge fixe sont limitées strictement à la région basilaire et qu’elles tirent évidemment leur origine des cellules amæboïdes postérieures. On pourrait décrire et figurer d’autres variations sans nombre du type nor- mal ovoïde et cilié à des formes vers des plus irrégulières et des plus asymé- triques. Dans la même éponge aussi on trouve des variations de taille très considérables entre les embryons dans le même état. Il est bien probable que les masses amæboïdes d’où se développent les embryons sont produites par l'union quelquefois de deux, quelquefois d’un nombre variable des monades colletées de l’intérieur de l'éponge. Chez la monade Heteromila uncinata, on a parfois observé la confluence de deux individus, parfois d’un nombre bien plus considérable, et Hæckel a décrit l'union de nombreux individus de Protomyxa. L'union de deux cellules amæboïdes d’une éponge a été souvent remarquée et, par suite de toutes ces considérations, l’union de plusieurs ne paraît pas invraisemblable. La taille quelquefois prodigieuse de ces masses amæboïdes admet une seconde interprétation. Hæckel a souvent décrit que ces masses sont cou- vertes à l'extérieur par une couche des monades ciliées; et j'ai déjà démontré que les cellules flagellées, après s’être gorgées, passent les particules nutri- tives qui sont prises par leurs collets à travers leur corps dans le syncytium. Là, elles sont saisies par les cellules amæboïdes, qui sont ainsi nourries par les monades flagellées. Il est probable que quelques-unes de ces grandes cellules destinées à la reproduction ne sont que des zooïdes engraissées, pour ainsi dire, pour cette fonction par les monades ciliées qui les couvrent, Enfin, dans le développement de l’éponge nous n’avons qu’un mode de multiplication par un procédé de fusion multiple, comme chez le Mago- XXXIY NOTES ET REVUE. charge peu à peu de petits grains brillants, de deutoplasme, puis de gouttes graisseuses à la périphérie. Arrivé à maturité, son pédoncule s’étant rompu, il tombe dans la cavité géné- rale et présente alors une vésicule germinative excentrique contenant une tache germinative pourvue de plusieurs nucléoles. Le vitellus, comme l'avait déjà remarqué de Lacaze-Duthiers, présente deux couches assez distinctes, l’une interne jaunâtre, l’autre externe plus pâle, montrant des vésicules à contours mal définis éparses au milieu des granules de deutoplasme et des gouttes graisseuses répandues uniformément. Une membrane vitelline anhiste recou- vre le tout, enveloppée elle-même dans la membrane folliculaire qui maintient encore contre l'œuf l’amas de cellules. Celui-ci n’est nullement flétri, quoi qu’en dise Vejdovsky. Cependant l'œuf pris daus la matrice a perdu cette en- veloppe et présente sa membrane vitelline à découvert. On pourra sans doute tirer de l'étude d'autres espèces de Géphyriens des indications sur le rôle et la signification morphologique du follicule et de l’amas de cellules. Les poches décrites comme ovaires dans l'Echiurus ne sont en réalité que des matrices. Sur le revêtement péritonéal du vaisseau ventral se voient des « œufs primitifs » très reconnaissables. Dans le Thalassème l'ovaire présente tout à fait la même disposition que dans la Bonellie. Dans chaque follicule se trouve primitivement une seule cellule ; elle se divise en deux et la moitié la plus rapprochée du pédoncule devient l'œuf, tandis que l’autre finit par disparaître. Cette cellule représente à elle seule le petit amas de la Bonellie. Développement. — Les œufs sont pondus en cordons enroulés, formés d’une matière gélatineuse qui les empâte et déposés sous les pierres dans la vase. L'œuf pondu diffère de l'œuf dans la matrice en ce que les gouttes grais- seuses, au lieu d’être uniformément disséminées sur toute la surface de l'œuf, se sont ramassées à l’un des pôles. Le pôle végétatif se trouve ainsi, dès avant la fécondation, distingué du pôle animal, Le stade 2 n’a pas été observé. Au stade 4, l'œuf se trouve divisé par deux plans méridiens en quatre fuseaux. Dans chacun de ceux-ci les gouttes grais- seuses sont, comme dans l'œuf non segmenté, cantonnées au pôle végétatif. Bientôt le sommet animal du fuseau s’étrangle, et quatre sphères de segmen- tation se détachent ainsi, qui viennent se placer dans l'intervalle des faseaux restants. Le même phénomène se répète encore une fois, les quatre sphères détachées des quatre fuseaux primitifs venant se placer dans l'intervalle de leurs ainées, À ce moment l'œuf présente, à l’un des pôles, les restes des quatre fuseaux primitifs ; à l’autre, huit sphères réparties en deux cycles al- ternes. A partir de là les fuseaux continuent encore à produire de nouvelles sphères, mais en même temps les premières formées de ces sphères commen- cent, en se divisant, à se résoudre en sphérules de plus en plus petites et tendent, en s’étalant sur la surface de l'œuf, à englober les quatre fuseaux primitifs. Dans ces derniers aucun changement ne se produit, si ce n'est la diminution de volume et la coalescence des gouttes graisseuses en une seule plus grosse pour chacun d'eux. Les quatre sphères centrales ne tardent pas à être complètement entourées : NOTES ET REVUE. Lèét et l’un reconnaît encore le point où la couche superticielle s’est fermée, laissant une petite ouverture transitoire, le blastopore. Ce mode de segmentation se distingue bien nettement de ceux qui ont été observés jusqu'ici chez les Géphyriens. D'après Kowalevsky, chez le Thalas- sème il se produit une archigastrula succédant à une vésicule formée d’une seule couche de cellules. Selenka est arrivé aux mêmes conciusions en observant le Phascolosome et la segmentation est régulière chez le’ Sipon- cle nu. Même après leur inclusion les quatre sphères primitives continuent à pro- liférer et les éléments qui s'en détachent viennent se ranger sous la couche déjà formée et produisent l’endoderme. Au centre on reconnaît encore à leur goutte graisseuse les quatre macromères primitifs. En mème temps les cellules de l'ectoderme, continuant à se diviser, n’ont plus de place à la périphérie et font invasion par le blastopore dans l’intérieur de l’œuf, formant entre l’endoderme et l’ectoderme un bourrelet peu étendu, Ge bourrelet probablement doit être considéré comme l’origine du mésoderme, qu'on reconnait plus tard comme une couche à un seul rang de cellules, in- sérée entre l'ectoderme et l'endoderme qu'elle enveloppe. L’embryon et la larve libre. — La larve ovoide se tache de petits points de pigment vert. Peu après apparaissent des cils formant une bande en cein- ture. Un peu plus tard une nouvelle bande ciliée se montre en arrière de la première. L’embryon s’allonge et s’aplatit ; dans la région antérieure limitée par la première ceinture de cils se montre de chaque côté une tache oculaire. A ce moment la larve quitte l'œuf et se met à nager dans l'eau. Ses mouve- ments sont d’abord assez lents, puis son corps entier se recouvre de cils et elle se met à ramper sur les parois du vase. À ce moment elle ressemble tout à fait à une Planaire rhabdocæle. Un peu plus tard l’extrémité antérieure se renfle en massue, et une dépression située un peu en arrière fonctionne comme une ventouse. Sur des coupes longitudinales dorso-ventrales on reconnait d'abord le col- lier æsophagien se manifestant comme un épaississement de l’ectoderme, puis le cordon ventral; enfin, l'æsophage, sac primitivement clos, qui se forme aux dépens de l’endoderme et ne communique tant avec l'extérieur qu'avec la cavité digestive qu'un peu plus tard. Le mésoderme se dédouble en un feuillet splanchnique qui reste mince et un feuillet somatique qui s’épaissit sur les côtés de façon à former deux cor- dons. Aux dépens de ce tissu se forment : une couche extérieure de fibres musculaires transversales, une couche intérieure de fibres longitudinales et plus en dedans un tissu lâche en réseau. Ace moment, la larve n’a encore aucun caractère sexuel. Elle se montre comme une sorte de ver un peu aplati d’un vert de chlorophylle, couvert de cellules ciliées, et partagé par deux bandes transversales de cils plus longs en trois parties dont l'antérieure porte les yeux. Le tube digestif est un sac clos de toutes parts rempli de gouttes graissuuses sous lequel est appendu l’œsophage. Entre l’ectoderme et lendoderme se trouve le mésoderme, qui daus la partie antérieure se compose d’une masse compacte de pareuchyme arrondi, tandis que dans le reste du corps il se dédouble en XXXVI . NOTES ET REVUE. un feuillet viscéral mince et un feuillet somatique différencié en muscles et parenchyme. Métamorphose. — Femelle. — Bientôt les cellules de ce parenchyme mé- sodermique se désagrègent après avoir pris un contour bien défini et le tissu à mailles qui les retenait revient sur lui-même. Ces cellules nagent mainte- nant dans un liquide qui n’est probablement que de l’eau de mer et ainsi le ver parenchymateux se trouve pourvu d'une cavité générale. Cependant la région céphalique n’a pris aucure part à ces changements. Elle est destinée à former ce qu’on appelle « la trompe » de la Bonellie adulte. De très bonne heure on aperçoit dans la trompe les trois vaisseaux décrits par de Lacaze-Duthiers, et communiquant avec ceux du tronc, et sur les côtés les longues branches du collier œsophagien sur lesquelles sont disséminées de rares cellules ganglionnaires. Le parenchyme mésodermique y devient un lacis de fibres musculaires, le tissu contractile de la trompe. Les vaisseaux du tronc sont formés par de simples replis du péritoine et ceux qui suivent l'intestin sont formés par le péritoine même de l'intestin, en sorte que le tube digestif, l’œsophage excepté, semble inclus dans un vaisseau. Il n’est pas certain que cette disposition soit permanente, cependant l'élargissement en forme de sac que de Lacaze-Duthiers décrit dans le vaissseau attenant à l'intestin parait être un resie de cet état primitif. Les vaisseaux sont remplis des mêmes cellules flottantes que le liquide ca- vitaire et il n'y a nul doute qu'ils ne communiquent avec la cavité du corps, mais le mode de communication est difficile à observer. La ceinture de cils antérieure disparaissant avant la formation de la bouche, ilest difficile de dire si celle-ci se perce au-dessus ou au-dessous. Les vési- cules anales se présentent comme des bouteilles formées de deux couches de cellules et sur lesquelles il est encore difficile de découvrir le mouvement ciliaire. Les cils de Îa surface du corps ne persistent que sur la face ventrale de la trompe et les cellules de l’épiderme s’aplatissent. Sur la face ventrale, un peu au-dessous de la bouche se trouvent les deux crochets bien connus chez l’adulte et renfermés chacun dans une matrice celluleuse. | Entre eux et la bouche aboutissent une paire de cæcums extrêmement déli- cats et difficiles à voir ; ils flottent dans la cavité du corps, et bien qu'il n’ait été possible d'y distinguer ni orifice intérieur ou extérieur, ni mouvement cibaire, ils doivent être considérés comme organes segmentaires provisoires, distincts de céux qu’on connaît comme permanents au-dessous des soies chez les autres Echiuridés. Ils disparaissent de bonne heure. Quant aux organes segmentaires permanents, il n’a pas été possible d'étudier leur formation. L'ovaire apparaît de très bonne heure. Métamorphose de la larve mâle. — La nature du mâle parasite de la Bo- nellie a été reconnue par Kowalevsky, puis par Marion, Selenka et Vejdovsky. La larve en était imconnue. Elle se trouve sur la trompe des femelles, où elle se fixe de très bonne heure avec tant de force qu’on ne peut l’arracher qu'avec l'épiderme de la femelle. Elle ne diffère d’abord des larves nageuses de Bo- nellie que par l'absence de la ceinture ciliée et un étranglement en un point NOTES ET REVUE. XXX VII du corps. Le tissu en réseau du mésoderme se comporte comine chez la femelle; il contient des cellules d’abord indifférentes, dont les unes deviennent des globules sanguins, tandis que les autres, comparables aux {œufs primitifs), se transforment en petits paquets de cellules groupées autour d’une cellule centrale. Ces amas tombent dans la cavité générale qui environne le tube di- gestif et les noyaux des cellules périphériques s’allongeant deviennent des Z005permes. D'autres cellules restant attachées au mésoderme se transforment en fibres musculaires formant à différents endroits des cloisons dorso-ventrales et divi- sant la cavité générale en compartiments incomplets. Le tube digestif tend bientôt à disparaitre; en tous cas, ni la bouche ni l’anus ne se percent. Les mâles ne restent pas longtemps sur la trompe, ils descendent vers la bouche et entrent dans l’œsophage, où de Lacaze-Duthiers les a vus le premier sans tou- tefois reconnaître leur nature et sans que ses successeurs aient tenu compte de son observation. C’est dans l’æsophage qu'ils terminent leur métamorphose avant de pénétrer dans l’utérus, où ils se tiennent dans la partie antérieure au pavillon, au nombre de six à dix. Organisation du mâle. — L’anatomie du mâle a été étudiée par Kowa- levsky, Marion, Selenka, Vejdovsky; Spengel en fait l’histologie et précise plusieurs détails d'organisation. Sous l’épiderme cilié et couvert d’une cuticule se trouvent trois couches musculaires comme dans la femelle, et au-dessous d’elles, ce réseau de cellules rameuses, qui est, on l’a vu, le résultat de la trans'ormation du mésoderme après qu'il a abandonné les cellules mères du sperme. Le système nerveux en est resté au point où il est dans la larve au sortir de l’œuf. Les cellules ner- veuses sont rares dans les branches du collier œsophagien; dans le cordon elles se trouvent surtout sur les côtés formant comme deux files parallèles reliées de temps en temps par des traînées transversales. Elles ne sont pas toujours partout en même épaisseur, ce qui donne au cordon un contour on- duleux, Le collier est fort étroit, disposition en rapport avec la réduction du tube digestif. Le col du réservoir du sperme passe au travers pour aboutir à l'extrémité antérieure du corps. Il se compose de trois parties : l’une antérieure étroite, une moyenne et une terminale, qui porte l’entonnoir vibratile. Il n’est formé que d’une seule couche de cellules enveloppée par la membrane péritonéale, et l’entonnoir paraît verser dans le réservoir les zoospermes qu’il recueille, non pas directement, mais par l'intermédiaire d'un canal ménagé sur ses pa- rois. Cette disposition empêche les zoospermes accumulés dans l'utérus de sortir par la voie qui les y a amenés. Le tube digestif, constitué comme celui d’une larve dont l’œsophage ébau- ché se serait résorbé, ne possède ni bouche ni anus, est aminci aux deux extrémités, renferme encore des gouttes graisseuses, restes du vitellus, et ne se compose que d’une seule couche de cellules recouverte par le péri- toinc. Les organes segmentaires, découverts par Selenka, se trouvent vers le der- nier tiers du corps ; le droit, toujours un peu plus petit, est situé plus en ar- rière que le gauche. XXX VIII NOTES ET REVUE. Ils s'ouvrent sur les côtés de la face ventrale; l'extrémité opposée flotte dans la cavité générale, et Selenka y décrit un pavillon vibratile. Spengel a observé une seule fois le mâle découvert par Marion, et présen- tant deux crochets dans la première partie du corps. Son organisation corres- pondait tout à fait à celle des autres mâles, et il se trouvait dans l’utérus d’une de ces femelles qu'on rencontre à Naples, dans les cavités des Mélobésies, et qui ont fourni des larves munies d’une ventouse ventrale. Ces faits conduisent à penser que ces Bonellies, dont les œufs ont d’ailleurs une teinte rose parti- culière, appartiennent à une espèce différente de celle de Trieste. L. J. XIII SUR LES JEUNES FORMES DES POISSONS OSSEUX , Par A. AGASSIz. (Proc. Ann. Acad. Arts and Sc., vol. XIV, 1878.) Quanil un jeune Pleuronecte vient de sortir de l’œuf, il ne présente aucune différence importante avec les embryons des autres poissons osseux. Son corps est symétrique, la queue est parfaitement hétérocerque, et les na- geoires dorsale etanale ne sont pas encore différenciées du long repli primitif. Dans cet état, on ne peut trop insister sur sa ressemblance avec les types ga- noïdes anciens et spécialement avec celui des Amiadés, qui survit encore. Mais yes rayons embryonnaires sont bientôt remplacés par les rayons permanents, et la nageoire caudale se sépare de la dorsale et de l’anale ; les restes du pli embryonnaire disparaissent, et nous avons les trois nageoires principales dans leur proportion adulte. Chez les poissons osseux, on n’a pas encore vu le déve- loppement des pectorales et des anales d'un repli embryonuaire latéral, comme chez les Plagiostomes, mais nous le trouverons peut-être chez quelques types osseux, comme Lumpus où Liparis. Dans tous les poissons osseux que j'ai étudiés, les pectorales se développent de très bonne heure ; dans l’œuf mème elles prennent le type ganoïde crossoptérygien. Au contraire, les ventrales apparaissent beaucoup plus tard et se développent très rapidement; par ex- ception les rayons permanents ne sont pas précédés par des rayons em- bryonnaires. L'abondauce extraordinaire des cellules de pigment, et les changements qu’elles éprouvent pendant le développement, sont l’une des caractéristiques les plus remarquables de tous les poissons osseux, Pouchet a étudié cette pig- mentation et l’atrophie qu'elle subit sur le côté aveugle des Pleuronectides, fait qui indique l’atrophie partielle du grand sympathique effectuée pendant le passage de l'œil de l’autre côté de la tête. Peuchet a pu produire un côté blanc chez les Truites en détruisant l'œil correspondant. On ue peut distinguer aucune déviation de la symétrie normale avant que NOTES ET REVUE. XXXIX le jeune poisson ait 1 centimètre de longueur environ. L'œil qui va passer au côté opposé avance un peu et prend un mouvement de rotation en dessus. Cette rotation autour de l’axe longitudinal du corps se continue avec l'âge ; l'œil, bientôt visible en partie de l’autre côté du corps, le devient entièrement, et le terme du changement est marqué par l'extension de la nageoire dorsale vers le nez, séparant définitivement l'œil du côté qu'il a quitté. Ce caractère et la torsion du crâne de l’adulte ont donné naissance à beaucoup de théories ingénieuses pour expliquer le passage supposé de l'œil à travers la tête et au dessous de la nageoire dorsale. Mais les modifications de l'os frontal sont postérieures au changement de l’œil et sont Gues en partie sans doute à la tension de ses muscles. Cependant les observations de Steensirup sur la Plagusia paraissaient dé- montrer clairement, pour ce genre au moins, que l’æil passait réellement à travers les tissus de la tête. En 1875, j'ai pu élucider cette question par l'étude d’une espèce de Plie qui rivalisait en transparence avec la plus délicate des Méduses. Dans une cuvette on ne pouvait la distinguer sans une incidence spéciale de la lumière, à l'exception des veux, brillants comme des émeraudes. Quoique cette plie eût plus de 3 centimètres de longueur, la position des yeux était parfaitement symétrique; ils étaient situés assez loin de l’extrémité du museau et la nageoire dorsale s'étendait presque jusqu'aux narines. De l’en- semble de ces faits, je conclus que j'avais ici une nouvelle espèce dont les veux restaient plus ou moins symétriques, et où le transport de l'œil d'un côté à l’autre était remplacé par la transparence du corps, qui permettait à chaque œil, grâce à la grande mobilité dans tous les sens qui caractérise les veux des Pleuronectides, de fonctionner en même temps des deux côtés du COrps. Ce poisson, que je reconnus plus tard comme la Plagusia de Steenstrup, fut pèché, par une belle matinée, à la surface de l'eau, près du havre de New- port. Il nageait verticalement et chassait les Entomostracés ; mais, aussitôt qu'il fut mis dans une cuvette, il se tourna sur le côté droit. Cette habitude de nager verticalement persiste chez les autres Pleuronectides longtemps après que l'œil a changé de position. J'ai pu observer sur le même animal tous les changements suivants : | Deux Jours après sa capture, l’œil droit commençait à se déplacer. Il était visible à travers la tête, un peu en avant et au-dessus de l’autre; son mou- vement dans cette direction continua plnsieurs jours. Dans ce poisson, comme chez les autres Pleuronectides, le transport de l'œil s’est effectué par un mouvement de translation accompagné d'un mouvement de rotation au- dessus de los frontal. Cependant ce fait à un caractère spécial. Quand l'œil droit a atteint l'os frontal, et qu’il s'approche de la base de la nageoire dor- sale, nous trouvons, en renversant le poisson sur le côté gauche, que l’æil n'est plus à la surface extérieure. 11 n’occupe plus un vaste orbite, il n’est plus capable, comme l'autre œil, de se mouvoir dans toutes les directions, mais il s’est enfoncé profondément dans les tissus de la base de la nageoire dorsale, entre celle-ci et l'os frontal — et si profond est cet enfoncement, que le grand orbite est réduit à une petite ouverture circulaire. Peu à peu cette ouverture diminue encore, l'œil s'enfonce toujours de plus en plus au travers XL NOTES ET REVUE. des tissus, jusqu'à ce qu'il communique directement avec l'extérieur sur le côté gauche. A cette époque douce, il y a trois ouvertures orbitaires, une grande, l'orbite primitif de l'œil gauche, et deux petites ; celle du côté droit est le reste de l'orbite primitif de ce côté; elle se ferme et disparait com- plètement avant que l'œil aitterminé son passage; la troisième ouverture est le nouvel orbite, qui atteint des dimensions égales à celles de son voisin du même côté. Ainsi, par un mouvement de translation et de rotation, l'œil droit a pénétré les tissus entre la hase de la nageoire dorsale et l'os frontal et pa- rait avoir passé à travers la tète, comme l’a pensé Steenstrup, après avoir exa- miné des échantillons conservés dans l'alcool; mais il est évident que la dif- férence de ce changement avec celui déjà décrit pour les autres Pleuronectes n'est due qu'à l’extension de la nagcoire dorsale sur le front vers les narines avant le passage de l'œil. Si la dorsale attendait ce passage pour s'étendre en avant, le cas serait le même que chez les Pleuronectes ordinaires. Grâce à Ja (transparence de la Plagusia, on peut étudier son anatomie sans dissection. On est frappé par la longueur considérable des nerfs optiques, permettant le passage de l'œil droit au côté gauche sans tiraillement, et par le vaste développement des muscles oculaires. On peut aussi remarquer la cir- culation directe très active qui a lieu entre le cœur et les orbites ; les vais- seaux qui s’y rendent ont reçu le non de cœurs oculaires. Les Pleuronectites appartiennent particulièrement à l’époque actuelle; ils n'ont été trouvés que dans les couches les plus récentes, tandis qu’on trouve déjà des Téléostéens à la période jurassique. Toutes les causes assignées jusqu'ici au développement des poissons à côtés binoculaires sont insuffisantes ; par exemple, on dit que les-Pleuronectes res- tent sur un côté parce que la largeur de leur corps rend cette position plus naturelle, mais beaucoup de poissons, d’une largeur bien plus considérable, ne quittent jamais la position verticale. En effet, le grand développement des dorsales et des anales donnerait aux Pleuronectides un avantage spécial pour se maintenir dans la position normale. Leurs embryons aussi montrent une tendance à se coucher sur le côté avant d'acquérir la largeur qu'ils ont plus tard. On a expliqué leur mode de locomotion par l’absence de la vessie nata- toire, mais elle existe au moins dans un genre (Pseudorhumbus). La seule cause que nous puissions assigner à ce changement de position, c'est que les poissons larges trouvent plus commode de poursuivre leur proie en nageant au fond, s'ils sont cachés à la vue par leur position et par un système compliqué de cellules pigmentaires produisant, dans de certaines limites, une ressemblance avec le sable, la boue ou le gravier. Cela peut con- duire à l'emploi d'un côté seulement, au transport de l'œil, et aussi à la ré- sorption du pigment sur le côté inférieur. Mais, dans ce cas, pourquoi ne trouvons-nous pas de Pleuronectides parmi tous les types de poissons et dans toutes les couches géologiques ? Pourquoi aussi ces poissons ne transmettent-ils pas cette disposition des yeux, au lieu d'en transmettre seulement la tendance? Cette tendance est bien définie; nous trouvons très rarement des formes dextres d’une espèce sénestre par exemple. Cependant, chez la Plagnsia, les jeunes poissons s’ef- forcaient souvent de porter l'œil gauche à droite, en se reposant sur le côté NOTES ET REVUE. XLI gauche ; mais cet effort ne réussit jamais ; les embryons mouraient toujours d'une maladie de cerveau avant que le changement de l'œil eût fait beau- coup de progrès. Les expériences que je fis sur des plies pour empêcher le passage de l'œil et la disposition du pigment du côté inférieur par l'incidence de la lumière en dessous n’eurent aucun succès. Giard a suggéré que la cause fondamentale de la symétrie animale tenait à une différence de développement dans les organes des sens et il soutient sa thèse par des arguments tirés de l’étude dés Ascidies, des Ptéropodes, etc. En tout cas, il faut que l’action de la lumière sur les organes du sens, qui, chez tous les embryons, sont très developpés, ait une influence très importante. Dans la coloration des poissons et des animaux inférieurs, on distingue les couleurs produites par l'interférence de la lumière sur des corps lamellaires (Iridocytes de Pouchet)}, des couleurs qui sont dues aux éléments histolo- siques pigmentés. Ces derniers sont capables de changements de forme très considérables, qui sont en rapport direct avec les sensations de couleur per- çues par les yeux et sont effectués par des actions réflexes. Cette explication est démontrée assez nettement par le changement rapide de coloration que subissent les plies quand on les met sur des fonds de différente couleur. Toutes les colorations que nous voyons chez les Poissons, les Reptiles, les Crustacés, les Mollusques, etc., sont dues à des combinaisons du jeu des chro- inatophores rouges, jaunes et noirsunis à l’action des iridocvtes. Les chroma- tophores peuvent ou s'épanouir en forme dendritique ou se contracter extrè- mement et se retirer dans une couche plus profonde de la peau. Pouchet a démontré, le premier, que ces changements s'effectuent très rapidement et en apparence à volonté. J'ai quelquefois changé de cuvette une Jeune plie qui reposait sur une surface imitant un fond de sable pour la transporter dans une autre à fond brun foncé, et, en moins de dix minutes, le pigment noir avait pris une telle prépondérance que l’on ne pouvait presque plus recon- naitre le même poisson. En le mettant sur un fond de gravier, les taches du côté devenaient en peu de temps plus prononcées encore. Pendant ces expé- riences, la pigmentation du côté aveugle ne changeait pas; mais lorsqu'on prend le poisson avant le transport de l’œil, les deux côtés sont affectés d’une manière semblable. Nous pouvons concevoir facilement comment, chez les animaux qui possè- dent une pigmentation dermique, l'influence du milieu peut produire une co- loration semblable par action réflexe. Dans ce cas, la théorie de l'utilité de la mimique présente peu de difficulté. Chez les plies, nous voyons avec évidence que certains effets se produisent à la suite des impressions reçues sur Ja rétine, et que ces changements sont probablement dus à la propriété que possède le poisson de distinguer les cou- leurs. Mais il faut des expériences plus exactes que les miennes pour décider que Je sens de la couleur soit développé dans un animal aussi peu élevé dans la série des Vertébrés, ou que nous n'avons affaire qu’à des actions réflexes. Ces considérations physiologiques me font penser que les opinions souvent émises par les philologues sur le développement graduel du sens de la couleur chez l’homme depuis Jes anciens Grecs sont extrêmement hasardées. Si l’on juge par les recherches récentes sur les matières colorantes ani- XLIL NOTES ET REVUE. males, et par les discussions intéressantes de Weimann, Wallace, ete., nous ne sommes qu’au seuil d’un champ d’étude des plus intéressants et des plus nouveaux, P: Ge XIV SUR UNE ANOMALIE CHEZ LES HYDROMÉCUSES ET SUR LEUR MODE DE NUTRITION AU MOYEN DE L’ECTODERME, Par M. C. MEREJKOWskY. (Annales el Magasin d'histoire naturelle, mars 1879.) Dans uu de mes précédents articles sur les Hydroïdes, je mentionne, entre autres choses, une nouvelle espèce de petite méduse qui appartient au genre Bouguinvillea et que j'ai nommée Bougainvillea paradoxa,mais sans en donner de deseription; une très courte description en a été donnée en Russie dans les Transactions de la Société des naturalistes de Saint -Pétershbourg. Je veux simplement dire quelques mots de la Méduse à son état normal, ayant l'intention de faire un autre voyage à la mer Blanche et de faire des re- cherches plus détaillées sur cet intéressant animal. Dans cette note, je veux particulièrement parler d’une étrange anomalie que l’on peut assez souvent observer chez le Bougainvillea paradoxa et des conséquences physiologiques de cette anomalie. La Méduse adulte ne dépasse pas beaucoup 1 centimètre de longueur, elle a la forme d’une cloche légèrement contractée à son ouverture ; là, on trouve quatre canaux, chacun d'eux fournit une houppe de trois à sept tentacules et possède un point oculiforme rouge. Le manubrium, qui est d’un rouge foncé, a, lorsqu'on le regarde d'en haut, la forme d’une croix et de chaque bras de cette croix nait un canal rayonnant; autour de la bouche, il y a un cercle de quatre tentacules qui se divisent par dichotomie en un grand nombre de branches. Ce qu'il y a de plus remarquable dans cette Méduse, c'est que les œufs se développent directement sur la surface du manubrium ; de sorte que ce dernier, lorsque les œufs sont devenus des planula, acquiert un aspect tuberculeux dû au grand nombre de planula qui forment une couche recou- vrant sa surface, avec une de leurs extrémités libre et faisant saillie, l'autre attachée au manubrium. Parmi les innombrables individus de cette Méduse, on en rencontre quel- ques-uns qui au premier regard attirent l'attention de l'observateur par l'ab- sence complète du manubrium coloré. Ceux-ci sont à peine visibles à cause de leur parfaite transparence, tandis qu'ordinairement il est aisé de voir leur mouvement à cause de la couleur rouge foncé de leur manubrium. Je pensai d’abord que j'avais affaire à une espèce de Méduse differente ; mais en l’examinant avec plus d’attention sous le microcoscope, j'acquis la conviction que j'avais réellement devant moi une Bougainvillea paradora. » NOTES ET REVUE. XLHI En fait, la forme de la cloche, les quatre canaux rayonnants, les quatre pa- quets de tentacules et les quatre points oculiformes rouges étaient identiques à ceux de la Méduse que j'avais décrite ; mais je constatais, à ma grande sur- prise, l'absence complète de manubrium. Je pensai d’abord qu’on pouvait voir là une atrophie plus ou moins com- piète de cet organe et je cherchai ce qui pouvait en rester, mais en vain; au contraire, j'arrivai à cette conviction que les individus en question sont com- plètement privés de manubrium, et que tout le système gastro-vasculaire consiste seulement en un canal circulaire et en quatre canaux rayonnants qui se réunissent au sommet sans former rien qui ressemble à un estomac. En outre, je m'’assurai que tout ce système gastro-vasculaire, qui dans les autres individus avait une conformation normale, était absolument dépourvu de communication avec l'extérieur et qu’il n’y avait ni ouverture buccale ni aucune autre ouverture établissant une communication entre ce sytsème et l’eau ambiante. En plaçant la Méduse dans une certaine position dans laquelle je pouvais l’examiner suivant ja direction de son axe principal, on voyait les quatre canaux s'unir au centre sans former aucune dilatation ou cavité. Sous un fort grossissement les cellules de l’entoderme et leurs longs cils en mouvement pouvaient facilement être distingués, et j'aurais infailliblement remarqué une ouverture s’il y en avait existé une. C'est pourquoi, c’est un fait indubitable que, dans cette espèce, il y a des individus qui n'ont pas d'ouverture buccale, ni de communication entre l'eau extérieure et le système gastro-vasculaire de la Méduse, fait qui me parait très curieux et qui n’explique pas comment la nutrition et l’accroissement de cet organisme peuvent s’effectuer. Le fait est étrange, parce que ces anomalies ont été observées plus souvent chez des Méduses qui sont presque aussi grosses que les individus adultes et normaux. Elles doivent, par conséquent, avoir été capables de croître et de se nourrir elles-mêmes, puisque, d’embryons microscopiques qu’elles étaient, elles ont atteint une grosseur de plus de 4 demi-centimètre. Outre la Bougainvillea paradoxa, nous trouvàmes dans la mer Blanche une autre Méduse qui appartient au même genre, mais se distingue de la précé- dente par la forme générale du corps, qui estplus élégant, avec une petite coupole placée au sommet de la cloche, en outre par la présence de huit taches oculiformes noires au lieu de quatre, par la présence de trois tentacules (jamais plus) dans chacun des quatre groupes, enfin par les tentacules de la bouche qui sont très courts et peu ramiliés. Cette Méduse se montre moins souvent que la première ; elle est aussi un peu plus petite. Comme dans l'espèce précédente, quoique moins fréquemment, j'ai ren- contré des individus qui différaient du type normal, en n'ayant aucune partie colorée à l'exception des huit veux noirs et qui ne présenteraient pas de coloration rouge au centre, c’est-à-dire à l’endroit où le manubrium est situé. La cause en est la même, à savoir : l'absence totale du manubrium et d'ori- fice buccal. Les quatre canaux rayonnants s'unissent sans formes de cavité stomacale, et en examinant l’animal sous le microscope on s'assure aisément D XLIV NOTES ET REVUE. de l'absence complète de quelques orifices, ouverture ou pore par lesquels l’eau de la mer avec ce qu'elle contient d’aliments pourrait pénétrer dans les Canaux. | On peui donc prouver que, au moins dans deux espèces différentes, la Mé- duse peut vivre, s’accroitre et se développer sans avoir besoin d’organe de la digestion et aussi en apparence sans se nourrir, puisque les éléments nutritifs ne peuvent pénétrer dans l'intérieur du système gastro-vasculaire. On ne peut s'empêcher de se demander comment toutes ces fonctions s’ac- complissent, comment la Méduse peut grandir et devenir une Méduse com- plète d’un embryon presque imperceptible qu’elle était, sans l’aide d’organes de la nutrition et sans aliments. La supposition que la nutrition n'a pas lieu est absurde, et ne peut être acceptée. Il est absolument nécessaire que la Méduse puisse se nourrir d’une façon ou de l’autre pour s’accroître. Il reste donc à découvrir la façon par la- quelle la nutrition des animaux à l’état normal est remplacée dans le cas des anomalies en question. En cherchant toutes les façons dont cette nutrition peut s'opérer, je puis seulement m'appuyer sur une hypothèse qui me paraît seule probable. Nous somimes amenés par ces faits à admettre que la Méduse peut se nourrir au moyen de son ectoderme en absorbant les substances organiqnes dissoutes dans l'eau de mer. | Cette supposition est la plus probable, puisque, comme je l’ai démontré dans le cas des éponges, celles-ci, dans certains cas, se nourrissent aussi de la matière organique dissoute dans l’eau de mer et aussi au moven de leur ectoderme. Le nombre comparativement grand des anomalies de cette espèce que l’on peut observer prouve qu’il n’est en aucune façon impossible, ni même diff- cile pour une Méduse, de se passer de son entoderme pour vivre et atteindre son état normal absolument comme cela a lieu pour certaines éponges. Nous pouvons donc conclure que, dans certains cas au moins, l’ectoderme peut remplir la fonction de l’entoderme, c’est-à-dire qu'il peut aussi bien que ce dernier extraire et assimiler les matières organiques dissoutes dans l’eau. Il ne peut être mis en doute q@e nous ayons réellement affaire à des matières organiques dissoutes dans l’eau, et que ce ne soit pas sous forme de particules solides que la nourriture est absorbée; car l’examen de la surface de la Méduse prouve que jamais elle ne contient aucune particule solide. Nous avons ainsi deux cas de ce mode de nutrition presque complètement prouvé dans la classe des éponges et dans celle des Hydroméduses ; ce qui a été exposé plus haut peut être résumé comme il suit : F 1° Deux espèces de Méduses (du genre Bougainvillea) présentent assez com- munément une anomalie qui consiste dans l’absence complète du manubrium et d'orifice buccal et ne présentent ainsi pas de communication entre le sys- tème gastro-vasculaire et l’eau ambiante ; 2° Comme la nutrition ne peut pas se faire au moyen des organes de la digestion, elle doit se faire par l’ectoderme au moyen de l'absorption des ma- tières organiques dissoutes dans l’eau de mer. A. DE VARENNE. NOTES ET REVUE, XLY XV SUR LES RELATIONS DES COQUILLES CLOISONNÉES DES CÉPHALO- PODES AVEC LEURS CONSTRUCTEURS, Par R. OWEN. (Proc. Zool. Soc., 1878, n° LXIII.) Lors de la publication du voyage du Samarang, le professeur Owen exprima cette opinion que la coquille des Ammonites et du Nautile est enroulée du côté dorsal, tandis que celle de la spirule est enroulée du côté ventral, autrement dit que la courbure extérieure et convexe du Nautile et de l’Ammonite corres- pond au ventre de l'animal, l'inverse ayant lieu pour la spirule. Cependant, de Buch, dès 1829, avait défini comme dorsale la courbure ex- térieure. I fut suivi par de Blainville, d'Orbiguy et Morris. J.-E. Gray regarda la coquille de PAmmonite comme une coquille intérieure et son habitant comme un dibranche qu'il fallait rapprocher de la spirule et éloigner du Nautile. Les motifs qui peuvent servir à combattre ces dernières opinions sont nom- breux. Un spécimen très bien conservé d’Am. obtusus montre l'influence de l'habi- tant en putréfaction sur la marche de la pétrilication dans la dernière chambre. Un autre échantillon d’Am. Goliathus ayant été cassé et réparé du vivant de l’animal, il est facile de voir que cette réparation ressemble tout à fait à celles que le Nautile fait encore à sa coquille. Il n’est nul besoin d’un Ammo- nite vivant pour nous assurer que son manteau, Comme sa coquille porcellano- nacrée, avait la même structure que celui du Nautile. La dernière chambre de l’Ammonite a les mêmes proportions que celle du Nautile. Enfin, dans cette chambre l'animal a laissé la seule partie de lui-même qui fût fossilisable, l’Aptychus. On l’a regardé comgne un cirrhipède, puis comme une armure stomacale ou génitale. L'étude du Nautile donne la solution de cette question et l’Aptychus est tout à fait comparable à l'organe fibreux et dur, ressemblant à un épais cho- rion et biparti que l’on appelle l’opercule chez le Nautile. Si cet organe était calcifié il ressemblerait tout à fait à l’Aptychus. 11 sert à clore la coquille quand l'animal v est retiré. Nulle part on n’a trouvé de restes chez l’'Ammonite de la poche à encre souvent conservée chez les Bélemnites. Il est done probable que l’Ammonite était dépourvu de ce moyen de défense propre aux dibranches et qu’en re- vanche, comme le Nautile, dont il doit être rapproché, il était protégé par PAptychus, se refermant comme une porte sur sa maison. Enfin, tandis que la coquille de l’Ammonite ressemble tout à fait pour la Structure à celle du Nautile, elle diffère complètement de celle de la spirule, qui n’est formée que de nacre, XL#I NOTES ET REVUE. Le Nautile et l'Ammonite sont donc tout à fait comparables ; or, l'animal du Nautile est placé de telle façon que la grosse mandibule et l’entonnoit qui définissent dans un céphalopode la face ventrale répondent au côté de la courbure extérieure et convexe ; celui-ci doit par suite prendre le nom de . côlé ventral. " Le siphon qui occupe ce côté dans l’Ammonite est donc ventral. Dans la spirule l'inverse à lieu, le siphon est encore ventral, bien qu'il soit au côté interne et concave parce que la coquille est enroulée en sens opposé. Si de Buch s'était borné à définir le siphon comme exférieur ou intérieur, sa terminologie serait encore aujourd’hui inattaquable ; mais il a ajouté extérieur ou dorsal, intérieur ou ventral, faisant ainsi allusion à l'animal qu’il ne con- naissait pas. Sa nomenclature ne peut donc plus être conservée. On a admis diverses opinions sur l’utilité des diverses chambres dont se composent ces coquilles. Les céphalopodes ne sont pas les seuls mollusques qui en produisent. Le vermet construit ainsi un certain nombre de cloisons successives ; de même pour le spondyle. Les chambres ainsi formées sont remplies d’eau et semblent avoir pour but, chez le spondylus varius, de per- mettre à l'animal de suivre l’exhaussement des coraux sur lesquels 1l se tixe parfois et par lesquels il serait sans cela promptement étoulfé. Le contenu des chambres du Nautile est de l'azote et ces chambres ne sont sans doute qu'un appareil hydrostatique. Le contenu et les usages du siphon sont inconnus. En arrière de la première chambre il est fortement incrusté de calcaire et incapable de dilatation et de contraction. Pourvu d’une artère et d’une veine il sert sans doute à nourrir les parties abandonnées de la coquille. La différence supposée qui existerait entre la protoconque de l'Ammonite et celle du Nautile est due simplement à la disparition de cette coquille chez le Nautile lorsque la deutéroconque est formée. Une bonne embryologie des tétrabranches et de la spirule serait utile pour bien élucider cette question aussi bien que celle de la structure et des fonc- tions du siphon. 14 XVI SUR LES PRINCIPAUX CARACTÈRES DES DINOSAURES AMÉRICAINS ET SUR UN NOUVEL ORDRE DE REPTILES ÉTEINTS LES SAURANODONTES, Par O.-C. Marsu. (Extrait de American Journ. of Sc. and Arts, janvier 1879.) Sur les flancs des montagnes Rocheuses, on peut suivre sur une longueur de plusieurs centaines de milles un lit étroit, partout caractérisé par les osse- ments de Dinosaures gigantesques. Il se trouve au-dessus des banes rouges NOTES ET REVUE. xLVII triasiques et immédiatement au-dessous du grès dur du groupe de Dakota. Hayden, Cope et d'autres ont regardé cet horizon comme crélacé, mais les nombreux restes des vertébrés qui en ont été retirés prouvent sans aucun doute qu’il appartient au jurassique. Le dépôt consiste principalement en dé- pôts d’estuaire formés de coquille et de grès. Avec les Dinosaures, qui sont particulièrement abondants, on a trouvé de nombreux restes de Crocodiles (Diplosaurus), aussi bien que de Tortues et de poissons (Ceralodus) et avec eux un seul Pterodactyle (P. montanus). Un petit Marsupial (Dryolestes priscus) récemment décrit par l’auteur a été découvert dans les mêmes lits. Les restes de Dinosaures de cette série sont surtout de taille gigantesque et indiquent les animaux terrestres de beaucoup les plus grands qui aient été découverts jusqu'ici. L’Atlantosaurus immanis doit avoir eu au moins quatre- vingts pieds et plusieurs autres devaient à peu de chose près l’égaler en taille. A côté de ces monstres on trouve les plus petits Dinosaures qui aient encore été trouvés, l’un d’eux, le Nanosaurus, n'étant guère plus grand qu’un chat. Les Dinosaures herbivores aujourd’hui connus et provenant de ces couches présentent un grand intérêt. Parmi eux on devra faire un sous-ordre pour l’ancienne famille des Atlanto- saurides comprenant les genres Atlantosaurus, Apalosaurus, Morosaurus et Diplodocus. Ces animaux pourvus de membres antérieurs et postérieurs à peu pres égaux, fort voisins à beaucoup d’égards des Crocodiles, devront être réu- nis sous le nom de Sauropoda. | Le Morosaurus, connu par beaucoup d'ossements, et un squelette presque complet mesurait plus de 40 pieds, marchait sur ses quatre membres et diffé- rait beaucoup des vrais Dinosaures, qui ne progressaient que sur leurs mem- bres postérieurs. 11 devait être lourd et son cerveau proportionnellement plus petit que celui d'aucun autre vertébré. Le Diplodocus est remarquable par ses vertèbres caudales allongées, forte- tement concaves eu arrière, à doubles chevrons; il mesurait 50 pieds. L'Apatosaurus n'avait que trois vertèbres sacrées, qui présentaient une par- ticularité tout à fait remarquable. Leur canal neural était de deux à trois fois plus large que la cavité crànienne. L'Atlantosaurus avait quatre vertèbres sacrées de forme très particulière ; l'A. immanis est le plus grand saurien connu. Dans les mêmes couches se trouvaient, avec les restes des Sauropodes, ceux de leurs ennemis sauriens carnassiers à formes remarquables : c’étaient sur- tout l’Allosaurus, fort voisin des Megalosaurus; le Nanosaurus, qui paraît allié au Compsognathus, enfin le Creosaurus. Le Laosaurus, qui se trouve dans les mêmes lits, était herbivore, mais de petite taille et pourv ude membres antérieurs très courts ; il se rapprochait des vrais Dinosaures. En dehors des Sauropodes, tous les Dinosaures connus provenant des bancs à Atlantosaures, nom sous lequel on peut désigner le lit dans lequel tous les fossiles ici décrits ont été rencontrés, paraissent avoir marché seulement sur leurs pieds de derrière ; beaucoup de vertèbres, aussi bien que les os de leurs XLVIII NOTES ET REVUE. pieds, étaient creusées de cavités aérifères propres à faciliter des mouvements rapides. | L'étude du bassin chez ces animaux conduit à des résultats fort intéres- sants, Le bassin des Sauropodes se rapproche de la forme typique chez les reptiles ; mais dans les formes plus petites de Dinosaures herbivores, telles que les Lao- saurus, et surtout dans les genres carnivores, on trouve inséré sur la base du pubis et se dirigeant en arrière un prolongement fort remarquable, qui devra être désigné sous le nom de post-pubis et qui paraît correspondre à ce qu'on appelle généralement le pubis chez les oiseaux, qui seraient pour la plupart dépourvus du véritable pubis. Chez l'Emeu et surtout chez l’Aptervx et le Géococevx, on retrouve un rudiment du vrai pubis au-devant du post-pubis. Chez les mêmes oiseaux, l'os iliaque et l'ischion sont également fort semblables aux mêmes os chez les Laosaures et les Dinosaures carnassiers. On a longtemps remarqué l’absence d'Ichthvosaures en Amérique ; on vient de trouver dans le jurassique des montagnes Rocheuses, sous les lits à Atlan- tosaures, un nouveau genre allié de très près aux Ichthyosaures, mais dépourvu de dents et destiné à former un nouvel ordre, celui des Saurano- dontes. 1 EPRE P L \ à Le directeur : H. bE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : G. REINWALD. NOTES ET REVUE. XLIX XVII | PNR ORGANISATION : DES : ECHIURES, Par le professeur R; GREEFF: (Sitzungsberichte der Gesellschafls zur. Bof. der Ges.{Naturf. zu: Mar burg, n° & mai1879° ) DE M LP 0 * THALASSEMA' MOEBII (NON Sr Ne J [ \ ie | y a. ; . 4 Les poches anales des Echiures sont des branchies comparables aux poumons aquifères des Holothuries.: ; "rs 4 Dans le Thalassema Mæbii récemment décrit, R. Greeff, quelque soin qu'il ait mis dans ses recherches, n’a pu,, sur les poches anales, découvrir aucune l'ace “de pavillons vibratiles ni d'aucune communication avec l’ extérieur. sf Surpris de ce fait, il en chercha l'explication en étudiant de plus. près les mèmes poches chez l’Echiurus, où elles sont abondamment pourvues, de ces pavillons. Ces poches furent injectées avec soin et aucune trace de matière colorante ne pénétra ni dansles entonnoirs vibratiles ni dans les canaux qui y aboutissent. Un système de canaux formé par les cannelures et les bourrelets faisant saillie dans la cavité de la poche se trouva rempli, mais ne montra au- cune communication ni avec les pavillons vibratiles ni avec l'extérieur. L'observation des coupes montra un deuxième système de vaisseaux par- courant les parois de la poche et ses replis. 11 n'avait pas été pénétré par la matière colorante, étant sans communication avec l’autre système, montrait des trainées et des amas brunâtres et était en rapport avec les pavillons vibra- tiles et leurs conduits. Des injections, faites dans la cavité du corps de Fani- mal vivant, ont confirmé ces résultats. Les corps bruns et Jaunes qui forment des trainées dans le deuxième système de canaux ont une grande ressem- blance avec les corpuscules sanguins de la cavité du corps qui communique d’ailleurs avec le système sanguin par l'intermédiaire de l'artère de la trompe. Il ne peut plus rester aucun doute sur la signification des poches anales des Echiures, ce sont des organes respiratoires, et probablement rien de plus, des branchies comparables aux poumons aquifères des holothuries, dont on ren- contre les équivalents, mais atrophiés chez les Astéries. Le Thalassema Moœbii porte en arrière des soies antérieures trois paires de sacs génitaux qui répondent, pour la forme et la position, aux deux paires de l’'Echiurus Pallasii et sont remplis soit d'œufs mûrs, soit de sperme.A leur base se trouvent deux tubes communiquant avec leur cavité et qui servent évidem- ment à y conduire les œufs recueillis dans la cavité générale. En effet, un examen plus attentif montre que les glandes génitales se trouvent à la partie postérieure du cordon ventral. Il paraît en être de même dans le Thalassema gigas, dans l’Echiure et proba- blement chez tous les Echiuridés. Partout les glandes génitales se trouvent à la partie postérieure du cordon ventral, à l'endroit même où de Lacaze-Duthiers ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GËN.— T, VIII. 1879 et 1880. D L NOTES ET REVUE, les a découvertes dans la Bonellie. Les poches voisines des soies, remplies des produits de la génération, paraissent être les véritables organes segmentaires, tandis que les deux poches anales doivent être comparées aux branchies in- ternes des Holothuries. L. X VIII DES ORGANES DU GOUT CHEZ LES HÉTÉROPODES, Par le professeur T&paro. Communication préliminaire. (Reale Academia dei Lincei, vol. IIT.) Les boutons gustatifs se trouvent sur deux ou trois rangs de chaque côté de la cavité buccaie et s'étendent même un peu én dehors sur l'extrémité renflée de la trompe dans la Pterotrachæa. | Ces boutons sont recouverts par la couche épithélialé de la muqueuse buc- cale et par une couche cuticulaire percée d’un pore eñ un point correspondant à leur sommet. Ils ont la même structure que teux dés mammifères. À l’extérieur se trou- vent les cellules de soutien qui circonscrivent un cône intérieur formé par les cellules sensitives. Ces cellules ont un gros noyau vésiculaire qui occupe la plus grande partie de leur cavité. Par l'extrémité intérieure elles sont en rap- port avec une fibrille nerveuse, tandis que l'extrémité périphérique porte un long poil sensitif. Les divers poils sénsitifs de ces cellules traversent le canal de la couche cuticulaire et arrivent àäu niveau du pore gustatif. Dans les boutons situés extérieurement sur la trompe, la cuticule étant fort mice et le canal très réduit, les poils sortent en faisceau du pore et s’élè- vent un peu au-dessus de la surface. Chaque organe gustatif reçoit une fibre nerveuse qui est plus apparente dans ceux de la trompe. Les fibres nerveuses de la Ptérotrachæa possèdent une gaine élastique et très transparente et un cylindre d’axe qui se montre distinctement formé de fibrilles. Quand la fibre nerveuse a rejoint la base des organes du goût, elle se dé- pouille de sa gaine et les fibrilles du cylindre d’axe, en se dissociant, pénè- trent dans le corpuscule et se mettent en rapport avec l'extrémité centrale des cellules gustatives. Le NOTES ET REVUE, LI XIX LA STRUCTURE DES TRACHÉES ET LA CIRCULATION PÉRITRACHÉENNE, Par M. J. Mac Léon, de l’Université de Gand. (Mémoire couronné au concours universitaire de 1878-1879.) Les trachées chez les Articulés trachéates varient beaucoup pour la forme et la distribution, mais peu quant à la texture histologique. [. STRUCTURE DE LA TRACHÉE TUBULEUSE. — La plupart des anciens anato- mistes admettaient que la paroi du tube trachéen était formée par trois couches superposées : Une couche externe (tunique moyenne des modernes) ; Une moyenne formée par un fil chitineux enroulé en spirale ; Une couche interne cellulaire. Bientôt on reconnut que cette dernière couche n’était nullement celluleuse, mais se réduisait à une simple lamelle chitineuse (Leuckart, Dujardin). Dujar- din avança mème que le fil spiral était le résultat d'un épaississement local de cette lamelle. Les travaux de Levdig, Weissmann, Graber ont confirmé et complété ses vues. De nos jours on regarde généralement les trachées comme le résultat ä’une invagination du tégument externe. On doit donc s’attendre à retrouver dans leur paroï les trois couches qui constituent ce tégument, mais disposées en ordre inverse. C’est ce qui a lieu en effet, comme l’a démontré Graber. La trachée est formée de trois couches : 1° Une couche interne chitineuse qui est l’analogue de la cuticule superfi- cielle du tégument externe ; 20 Une moyenne de nature cellulaire qui correspond à la couche chitino- gène (matrix du tégument et donne naissance par sécrétion à l’interne pré- citée : c’est la couche périlonéale ; 3° Une couche externe complètement homogène correspondant à la couche profonde du tégument et qui serait d’après Graber également de nature chi- tineuse. 1° Couche moyenne. — On l'appelle à tort très souvent tunique péritonéale, car c’est un épithélium, on devrait lui donner le nom de tunique chitinogéène. Cette membrane traitée par le picrocarmin se montre sous la forme d’un épithélium pavimenteux composé de cellules disposées en rangées transver- sales ou obliques ou irrégulières. Ces cellules sont ordinairement incolores, quelquefois pigmentées, par exemple dans la Locusta viridissima. Les noyaux plus épais que la cellule font saillir ordinairement sa surface. 29 Couche chilineuse ou intima.— Sécrétée par la tunique chitinogène, l'in- tima lui est étroitement adhérente. Aucun vide n’existe entre elles. Il n’y a aucune trace d'espace intermembranulaire. L'intima la plus simple qu’on puisse concevoir serait un simple tube chiti- neux, sans aucun épaississement ni renforcement. Ce type ne se trouve réalisé que sur une petite longueur des trachées ordinaires près de l'extrémité. LU NOTES ET REVUE. Une première complication est réalisée chez les Aranéides où le fil spiral, ex- cessivement fin, visibleseulement avec un objectif 12 à immersion de Hartnack, parait être une portion de l’intima différenciée au point de vue des propriétés physiques de la réfringence et de la résistance plutôt qu’un épaississement. On trouve toutes les transitions entre le fil à peine visible de l’Argronète et celui des Lépidoptères par exemple, où il présente plusieurs micro-millimètres d'épaisseur, il est alors à la fois un épaississement de l’intima et une portion de cette membrane spécialisée au point de vue physique. Le diamètre du fil spiral varie en raison du diamètre de la trachée dans un même insecte. Il varie beaucoup avec les espèces. Il est tantôt cylindrique, tantôt aplati ou prismatique. Il peut se bifurquer, se trifurquer ou se ramifier. Il ne se continue que sur un petit nombre de tours. Il se termine en pointe à ses deux extrémités qui se placent entre deux fils voisins un peu écartés pour le recevoir. Quand une trachée se ramifie, il n’y a jamais continuité entre les fils spi- raux d'une trachée et ceux des ramifications auxquelles elle donne naissance. Les fils spiraux du rameau naissent indépendamment de ceux du tronc d’ori- gine et leur direction est dès l’origine en rapport avec celle de la trachée à laquelle ils appartiennent. Quelques fils appartenant au tronc d’origine s’écar- tent fortement et se déjettent de chaque côté de manière à laisser un espace libre dans lequel va prendre naissance la nouvelle trachée. Le fil spiral reste intact dans la potasse, tandis que le reste de l’intima devient plus transparent. 3° Membrane limitante externe. — Cette membrane, que les auteurs ont interprétée diversement, que Graber regarde comme une sécrétion de la membrane chitinogène au même titre que l’intima et que d’autres auteurs croient avoir vue se prolonger sur les corps adipeux, paraît bien être une membrane propre à la trachée et la limitant extérieurement. Elle n’est pas chitineuse, car elle disparaît lentement il est vrai, mais complètement, dans la potasse. Il est probable qu’elle doit rentrer dans la catégorie des tissus con- Jonctifs. Il. VÉSICULE TRACHÉENNE. — La tunique chitinogène y est facile à étudier et s’y maintient avec ses caractères. L'intima y subit des modifications importantes. Dans la Choretra plumicornis le fil spiral reste parfaitement régulier. Chez les mouches il ne s’y présente plus que comme un strié fin et régulier. Chez l'Oryctes nasicornis le fil spiral s’y ramifie, présente des anastomoses entre lesquelles se voient d'innombrables ponctuations. Dans le Bombus terrestris des épaississements rayonnent autour d’un ou plusieurs points. | LT. MANCHONS INTERSTIGMATIQUES. -— Sur les troncs longitudinaux qui relient les troncs d’origine de deux trachées successives chez l’Oryctes et chez le Ver à soie ; on observe vers le milieu un espace mat: c’est le manchon interstig- matique. Le fil spiral y disparaît et y est remplacé par des séries de points épaissis et d’épines faisant saillie dans la cavité du tube. IV. TRACHÉES FOLIIFORMES DES ARANÉIDES ET DES SCORPIONIDES. — Elles se composent d’un tronc d’origine ordinairement aplati et couvert d’épines in- NOTES ET REVUE. LIL térieurement, donnant naissance à un faisceau de trachées aplaties en feuilles dans lesquelles l’intimane présente pas de fil spiral, mais de petites épines et bâtonnets dressés qui servent à empêcher que les deux membranes ne s’ap- pliquent trop étroitement l’une sur l’autre. : ,:: | maire V. MODE DE TERMINAISON DES TRACHÉES. — Elles présentent ordinairement quelques ondulations avant de se terminer, la membrane limitante externe se confond avec la membrane enveloppante de l'organe dans lequel pénètre la trachée (par exemple, le corps adipeux) ; la tunique péritonéale se poursuit jusqu’au bout, mais ne se conserve pas sous la forme d’un tube, les cellules deviennent rares et l’intima se termine à l’intérieur de la dernière d’entre elles, qui n'est plus une cellule pavimenteuse, mais une cellule à prolongements de forme irrégulière. Il résulte de l’étude histologique de la trachée que la circulation péritra- chéenne ne peut avoir lieu, puisque l’espace intermembranulaire n’existe pas. Il est en outre impossible de découvrir les orifices que M. Blanchard suppose exister à la base des trachées et par où le sang pénétrerait dans l’éspace inter- membranulaire. Anatomiquement la chose est done impossible. D'ailleurs la quantité de sang qui circulerait ainsi entre les deux tuniques serait si faible, qu’on ne voit pas bien quelle serait l'utilité d’une telle disposition. Il est pro- bable que dans les injections faites par M. Blanchard les trachées se sont injectées complètement, puis vidées et la matière colorante restant dans les rainures entre les fils spiraux a causé l'illusion. Des nèpes, des courtillières plongées vivantes dans des liquides colorants injectent d’elles-mêmes leur appareil trachéen, qui, vidé, produit la même apparence. Chez certains dip- tères (Asilus), les globules du sang sont trente à quarante fois plus épais que l’espace compris entre deux tours successifs du fil spiral des plus grosses trachées. Le passage des globules à travers le prétendu capillaire péritra- chéen serait donc impossible. E. J. XX SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ALCYONNAIRES SYMPODIUM CORALLOIDES ET CLAVULARIA CRASSA MILNE EDW., Par le professeur Alex, KowaLEwsky, d'Odessa. (Traduit du Zoologischer Anzeiger.) « À Marseille, au mois de juin, j'ai eu en main quelques fragments de Sym- podium coralloides M. Edw., qui étaient remplis de larves. Je saisis cette occa- sion pour examiner l’origine du mésoderme. Les larves elles-mêmes étaient formées, comme celles de l’Alcyonium palmaltum décrites par moi depuis longtemps, d’un ectoderme et d’un endoderme très évidents, d’une membrane propre située entre les deux et d’une masse centrale sans cellules ct res- semblant à un vitellus; chez les très jeunes larves, l’ectoderme était formé de LIV NOTES ET REVUE. cellules à peu près plates; chez les larves plus âgées, les cellules devenaient toujours plus cylindriques et plus petites jusqu’à ce que finalement chez les larves müres pour la métamorphose les cellules fussent fines, allongées et pressées l’une contre l’autre avec les noyaux les uns sur les autres, de telle sorte que l’ectoderme prenait l'aspect d’un épithélium cylindrique à plusieurs couches. La membrana propria était dans tous les cas très clairement visible. Pendant la métamorphose la larve se fixe, comme on sait, par son extrémité antérieure et rétracte le pôle opposé élargi de façon à former l’estomac. Pen- dant ces changements l’ectoderme s’épaissit toujours, et en même temps s’in- troduit entre les cellules un tissu interstitiel transparent, gélatineux. Les cellules perdent leur forme cylindrique, deviennent allongées, fusiformes ou étoilées et forment alors plusieurs rangées de cellules placées l’une au-dessus de l’autre et séparées par un tissu interstitiel gélatineux. Les cellules les plus en dehors conservent la forme d’un épithélium pavimenteux semblable à celui qui revêt extérieurement le jeune Sympodium. Ce tissu formé en dernier lieu correspond complètement au tissu gélatineux des Alcyonnaires, qui est regardé comme le mésoderme; il n’est donc plus douteux pour moi que ce qu’on appelle le mésoderme chez les Alcyonnaires provient de f’ectederme de la larve. Plus tard, J'ai eu l’occasion de suivre la formation des spicules dans les cellules du mésoderme ; les spicules se comportent dansles cellules absolument de la même manière que les spicules dans les cellules des éponges. Au début, on voit encore dans les cellules à côté des spicules nouvellement formés le noyau de la cellule ; plus tard le noyau dépérit et le corps caleaire reste encore entouré du protoplasme de la cellule; enfin il reste tout à fait libre au milieu du tissu interstitiel. — Comme l’épithélium extérieur ne peut pas être séparé du tissu gélatineuxiet rempli de spicules placés au-dessus, il est à peine Juste de le regarder comme un mésoderme distinct et il serait peut- ètre plus conforme à la vérité de regarder toute cette couche, comme un ecto- derme très développé. J'ai étudié, de concert avec mon ami le professeur A.-F. Marion, le dévelap- pement de la Clavularia crassa M. Edw, et nous avons observé que cette espèce rejette ses œufs sous forme de grumeaux gélatineux, le grumeau est fixé à l'extrémité antérieure du polypide et bouche à un moment complète- ment l’orifice de sortie. Bientôt la substance gélatineuse se fend en son milieu et le grumeau gélatineux entoure l’orifice extérieur du polvpide en forme d’une collerette semblable à celle qu'on rencontre quelquefois chez les Sabelles. Les œufs de la Clavularia crassa subissent une segmentation complète, l’œuf entier se partage en sphères de segmentation, qui finissent par se répartir en deux couches : l’ectoderme et l’endoderme. Entre ces deux membranes, se trouve de très bonne heure une membrana propria très développée. Les cellules de l’endoderme, qui au début forment la partie la plus interne de la larve, se répartissent bientôt en deux couches : l’une, extérieure, formée de cellules, est l’'endoderme proprement dit; l’autre, intérieure, sans cellules, NOTES ET REVUE. LV ressemblant à du vitellus, est résorbée pendant la métamorphose. Après mon départ de Marseille la métamorphose de la larve a été observée par M. Marion seul, qui m’écrit qu’elle se passe tout à fait, comme chez le Sympodium coral- loides ; les spicules seulement ne font leur apparition que fort tard. C'est à M. Marion qu'appartient cette opinion que le mésoderme des Alcyonnaires doit être considéré comme ne formant avec l’épithélium extérieur qu’un simple ectoderme, opinion à laquelle je souscris d’ailleurs entièrement. LE XXI RAPPORT PRÉLIMINAIRE SUR LES HOLOTHURIDÆ RECUEILLIES PAR LE CHALLENGER SOUS LA DIRECTION DU PROFESSEUR WYVILLE THOMSON, Par HJaAzMarR THÉEL, (Bihang till K. svenska Vet. Akad. Handlingar, Bd. 5, n° 19, juin 1879.) Comme l’ouvrage complet sur les Holothuries, que l’auteur a été chargé de faire par le gouvernement anglais, ne pourra être publié avant quelque temps, il est nécessaire de donner des notes préalables, qui assurent au Challenger la priorité de ses découvertes. Les collections recueillies contiennent environ deux cents espèces, dont plus de la moitié sont nouvelles. La plupart des espèces, vivant à de grandes profondeurs, offrent des particularités si remarquables, qu’il paraît convenable d'instituer pour les comprendre un ordre nouveau, celui des £lasmopodes, équi- valent à ceux déjà connus des Pedata et des Apoda.— Les Elasmopodes com- prennent, outre les deux espèces déjà décrites : Elpidia glacialis Théel et Irpa abyssicola Daniellssen et Kowen, de trente à quarante nouvelles formes» dont plusieurs atteignent des dimensions gigantesques. Voici la caractéristique de l’ordre des Elasmopodes : Corps distinctement bilatéral. Zones ambulacraires bien définies. Zones am- bulacraires latérales du trivium portant des ambulacres grands, faiblement rétractiles, disposés sur un ou deux rangs de chaque côté de la surface ven- trale, et quelquefois avec une autre série de prolongements plus grands, très allongés, non rétractiles, placés extérieurement au-dessus des ambulacres des deux zones latérales disposés symétriquement, plus ou moins distincte- ment opposés. La zone impaire nue, ou très rarement pourvue de quelques ambulacres rudimentaires. — Bivium pourvu de prolongements très longs non rétractiles, souvent disposés sur un ou plusieurs rangs le long de chacune de ses zones ambulacraires et plus ou moins distinctement opposés; ou bien avec seulement quelques-uns de ces prolongements rudimentaires à la partie antérieure ; ou bien encore avec un seul prolongement, mais très grand, res- semblant à un lobe large découpé ou non, avec près de lui quelques petites papilles. Pas d’arbre respiratoire. Tégument nu, garni de spicules ou de plaques. et CE LVL NOTES ET REVUE. : Suivent'les descriptions de seize espèces nouvelles: appartenant aux genres : Deina, gén cno0v.; Oneirophanta, : sk nov. ; Orphnurgus, gen. nov. Cryo- dora, gen: :NOV.; Lametons: gen. nr Hyodæmon, gen. nOY.; à'dchtponers gen. NOV.; Elpidia Théelhicque 4hsi Wors PIE L IEEE ; ranfovy TERESA LM oi PEUT 1 FE RTE &r VA CA RC ; XXII si n'ait] 20 RAPPORT SUR LES RÉSULTATS DES DRAGAGES FAITS SOUS LA DIRECTION D'ALEXANDRE :AGASSIZ DANS LE GOLFE DU MEXIQUE EN 1877-78, PAR LE STEAMER BLAKE, COMMANDANT SIGSBEE ;: CONCLUSIONS GÉNÉRALES RÉSULTANT D'UN PREMIER EXAMEN } DES MOLLUSQUES, : PAr2ELMIDAT. (Bulletin of the Mus. of Comp. Zool. at Harvard College, VI, 3.) I. Les.faits déjà connus, prouvant que certaines espèces de Mollusques ont une distribution verticale très restreinte et forment une faune littorale et une faune-profonde distinctes, sont complétés, par ce fait jusqu'ici incoñnu-qe une bonne: proportion; (20 pour 100) ont une‘distribution verticale qui s étend de- puis laçzone;littorale (moins de 50 brasses):jusqu'aux ere ve de 250 à 2 000 brasses et que les différences de température’ ne limitent pas. ?! iüsut 3 ‘If. Parmi les espèces ‘qui ont une large: distribütion verticale (de 100 à 500-brasses), ‘la, plus: petite partie (40 pour'‘100)' appartient à des groupes re- gardés comme caractéristiques des rivages septentrionaux ; 20 pour 100 ap- partiennent à des groupes caractérisant les eaux tropicales chaudes et peu profondes, tandis que plus:de 60 pour 106 appartiennent à des ‘groupes qui ne caractérisent:la faune:littorale d'aucune région. : NL. Parmi les espèces trouvées dans lu faune abyssale sans avoir bar à leur distribution dans cette zone, 10 pour 100 sont boréales, 13 pour 100 tropicales et plus de 73 pour 100 sans caractère. sk IV. Comme les formes tropicales appartiennent aux mêmes groupes qui caractérisent la faune littorale locale, il est très probable que les régions pro- fondes ont des faunes particulières suivant leur situation et qu’une : faune abyssale universelle et exclusive des formes littorales n'existe pas, du moins en ce qui concerne les Mollusques. On doit admettre toutefois l'existence dans les grandes profondeurs d'espèces cosmopolites, mais qui ne constituent pas plus une faune abyssale universelle que lés Mytilus edulis, Saxicava rugosa et Poronia rubra ne constituent une faune littorale universelle. Le caractère local des différentes régions de la faune abyssale est encore confirmé par la différence qui distingue la faune de Mollusques recueillie par le Challenger de celle obtenue par le Blake, et qui est telle; qu’autant qu’un examen superficiel peut permettre d’en juger, ces deux faunes: contiennent très peu d'espèces 2ommunes. On ne peut douter queJ'uniformité de températures généralement basses ne facilite une large distribution des formes boréales dans les. régions profondes. Mais là où les rivages voisins (par les courants et les dépressions) NOTES .ET:REVUE. LIT apportent ane nourriture différente et variée sans changer trop la tempéra- ture, des faunes locales profondes sg développent avec des caractères qui les rattachent à celles des rivages voisins. La collection du Blake montre d’une façon très démonstrative que des différences de 41 degrés. comme tem- pératurer ‘et de 120 atiosphères! comme ‘pression, sont: sans inflägnce appré- ciable sur l'aspect extérieur des ‘coquilles chez, les différents individus d’une même espèce. a V. Les caractères spécifiques; de ;plusieurs'espèces exclusivement abys- sales paraissent indiquer un remarquable degré de variabilité dans les limites + regardées comme spécifiques, bién'que les conditions dans lesquelleë elles vivent doivent être d’une grande uniformité. Ce fait semble indiquer que les variations dépendent moins qu’on ne le croit généralement de l'influence des milieux. Le chiffre total des espèces littorales mentionnées par Adams et d’Orbigny est de 580. Celui des espèces recueillies par le Blake est de 461, dont 98 genres — 210 sont littorales, 251 abyssales ou indifférentes, 48 s'étendent de la zone httorale à 500 brasses, 24 de 500 à 750, 17 de 750 à 1000, 7 de 1060 à 1555. Si l'on pense ‘que la profondeur absolue de cette dernière étendue doit être beaucoup plus grande que ce chiffre, on arrive à cette conclusion étonnante que la EME espèce en deux de ses stations supporte une différence de pres- sion de près de 2 milles d’eau de mer, ce que la perméabilité des tissus mous rend seule possible. Il est cependant certain que les individus des grandes profondeurs périraient rapidement s'ils étaient transportés dans des eaux peu profondes, autrement que par degrés. insensibles. On doit notér que parmi les espèces des profondeurs l’ornementation tend à S ‘effacer, la coquille à devenir mince, pâle ou sans couleur; dans les coquilles spirales'le bord postérieur des tours à la suture tend à se denteler. A XXIII LES MAMMIFÈRES DE L’AMÉRIQUE DU SUD, Par le docteur Henri GERvAIS et Florentino AMEGHINO. (En français et en espagnol.) Ce mémoire n’est que le prodrome d’un plus vaste ouvrage entrepris par les auteurs et dans lequel ils se proposent de décrire et de figurer les différentes espèces de mammifères éteints dont les débris sont enfouis dans le sol de l'Amérique méridionale depuis le commencement de l’époque tertiaire jusqu’à nos Jours. 11 donne l’énumération, la synonymie et une courte diagnose de plus de trois cents espèces de mammifères, dont près de soixante-dix sont nouvelles, Ces chiffres, bien qu’ils paraissent énormes, sont encore au-dessous de Ja réalité, car le nombre des localités exploitées sur un si vaste territoire est extrèmement restreint, LVIll NOTES ET REVUE. XXIV SUR LE DÉVELOPPEMENT DU CŒUR DU CRIODRILUS (NOTE PRÉLIMINAIRE) Par le docteur Franz VEJDOvSsKkx. (Sitz. bericht der K. Bühmischen Gesellschaft der Wissenschaften, & juill. 1879.) L'auteur résume lui-même son travail de la manière suivante : Le cœur du Criodrilus est formé primitivement de deux rudiments parfai- tement séparés. Ceux-ci se rapprochent l’un vers l’autre plus tard du côté cardiaque de l'intestin jusqu’à ce qu’ils forment finalement un vaisseau dorsal situé au-dessus de l'intestin et qui est le cœur. Si ces rudiments ressemblent primitivement, pour la structure, aux vaisseaux latéraux, plus tard du moins se développe, après le rapprochement des deux moitiés, une couche formée de muscles longitudinaux et transversaux, qui du côté extérieur se couvre de grosses cellules péritonéales. Ces dernières se modifient sur le cœur une fois achevé et deviennent ces cellules colossales qu’on nomme Chloragogenzellen. Le cœur se compose donc de : | 4° Une couche intérieure épithéliale ; 2° Une couche de muscles longitudinaux et transversaux ; 3° Une couche de cellules péritonéales ou Chloragogenzellen. La formation du cœur par deux rudiments primitivement séparés a été éga- lement démontrée par Kowalewsky chez Le Lombric, et il est probable, d’après cela, que le même processus se retrouve chez d’autres Annélides. Cette induction est d'autant mieux justifiée que l’on connaît une Annélide chez qui la duplicité primitive du cœur subsiste chez l’animal adulte. D’après les belles recherches de de Quatrefages, les Hermelles possèdent dans la partie moyenne du corps deux vaisseaux dorsaux qui se réunissent en un cœur 1m- pair dans la région thoracique. Ces faits ont une signification importante pour la question des relations des animaux annelés. On connaît en particulier quelques Vertébrés et quelques Arthropodes chez qui le développement du cœur se fait comme chez le Crio- drilus et le Lombric. Semper a rassemblé les observations jusqu'ici faites sur ce sujet, et nous savons, d’après Claus, que le vaisseau dorsal de l’Apus n'est pas un organe impair, mais résulte de la réunion de deux moitiés symétri- ques. D'après les données de Meeznikow, la même chose se passe chez les Géophiles. Enfin, de nombreuses observations de Hensen, Külliker et Gasser nous apprennent que le développement du cœur des Vertébrés suit la même marche que chez les Annélides et les Arthropodes. Li NOTES ET REVUE, LIX XXV SUR LE CRASPEDACUSTES SOWERBII, NOUVELLE TRACHYMÉDUSE HABITANT L'EAU DOUCE, Par E. Ray LANKESTER. (Q. J. micr. sc., juillet 1880.) Cette intéressante espèce est décrite par l’auteur de la façon suivante : « Le 10 juin dernier, le secrétaire de la Société Botanique de Londres, sir Sowerby, remarqua dans le bassin de la serre des Lis d’eau, à Regent’s Park, des organismes particuliers dont il eut la bonté de mettre un grand nombre à ma disposition. Ces organismes furent reconnus pour des Méduses adultes appartenant à l'ordre des Trachyméduses et à la famille des Petasidæ, suivant la nomencla- ture de Hæckel. De tous les genres décrits, celui dont cette Méduse se rap- proche le plus est le genre Aglauropsis, imparfaitement connu, d’après Fritz Muller, et provenant de la côte du Brésil. Ce qu’il y a de plus intéressant dans l’histoire de cette espèce, c’est sa pré- sence en grande asondance dans l’eau douce à une température de 90 degrés Fabrenheit. Jusqu'ici aucune Méduse, de quelque ordre qu’elle soit, n’a été trouvée dans l’eau douce. Il est extrêmement difficile de comprendre comment s’est faite l’introduc- tion de cet animal dans le bassin de Regent’s Park, aucune plante n'ayant été récemment introduite dans la serre, et l’eau étant retirée tous les ans. Il est probable que quelques individus existaient dans le bassin l’année dernière ou l’année précédente, et que seulement cette année ils se sont multipliée suffi- samment pour attirer l'attention. Évidemment, cette espèce est tropicale, puis- qu'elle prospère dans une eau à une température si élevée. M. Sowerby a remarqué que cette Méduse se nourrissait de Daphnies, qui abondent avec elle dans ce bassin. Cette forme devra être placée dans un nouveau genre, pour lequel je propose le nom de Craspedacustes. Elle présente le caractère commun à jantes les Trachyméduses, et qui les distingue des Narcoméduses, d’avoir les sacs génitaux placés sur le trajet des canaux radiaires. Elle ressemble à la fois aux Narcoméduses et aux Trachymé- duses, en ce qu’elle a des otocystes endodermiques, et présente en outre les tentacules solides à axes cartilagineux, la direction centripète des tentacules, les rivets tentaculaires, « mantelspangen », l'anneau marginal épaissi du disque, observés chez beaucoup de Trachyméduses. Éntre les Trachyméduses, le genre Craspedacustes prend place parmi les Petasidæ, qui sont caractérisées comme des Trachyméduses avec quatre an- neaux radiaires sur le trajet desquels se trouvent les quatre «gonads » avec un long estomac tubulaire et pas de pédoncule stomacal. Parmi les Petasidæ, l'espèce est remarquable par le grand nombre de ses LX NOTES ET REVUE. tentacules, qui sont tous solides, et par ses très nombreux otocystes. En outre, elle se distingue parmi toutes les Hydroméduses (Méduses à vélum, excepté le Charybdæa) par ce caractère que les'cänaux radiaires centrifuges passent des concrétions otolithiques qu ils renferment dans le vélum où és se terminent . en CŒœCum. Ce genre sera caractérisé comme suit : Bouche quadrifide avec quatre lobes interradiaux. Estomac long et tubulaire, faisant saillie au-dessous du disque. Disque déprimé. Canaux radiaires, au nombre de quatre, se terminant dans le canal marginal. Canal marginal annulaire volumineux. Canaux centripètes (semblables à ceux des Olindias, Géryonias, etc.) man- quent. Tentacules solides, sur trois rangs superposés : 1° Une rangée supérieure (la plus rapprochée de l’ombrelle) de quatre grands tentacules ; 20 Un second rang de vingt-huit ou plus, placés entre les premiers par groupes de sept : ce sont les tentacules secondaires; 3° Un troisième rang de cent quatre-vingt-douze ou plus, placés par groupes de six entre les précédents : ce sont les tentacules de troisième ordre. Chevilles tentaculaires, « mantelspangen », reliant les bases de tous les tentacules à l'anneau marginal, « nesselring ». | Otocystes placés le long de la ligne d'insertion du vélum au nombre de quatre-vingts environ, de seize à vingt entre chaque paire de tentacules de premier ordre, et disposés par groupes de deux ou trois entre les tentacules secondaires successifs. Canaux centrifuges du vélum, passant de l’otocyste dans le vélum, où ils se terminent en cæcum. Ils paraissent répondre aux canaux centripètes trouvés dans le disque des autres Trachyméduses. Leur présence constitue la princi- pale particularité du genre Craspedacustes et rendra nécessaire l'établissement d’une famille spéciale ou d’un sous- HOFUTE pour sa réception. Ocelles manquent. Gonades : quatre sacs ovalaires suspendus dans la cavité, sous l'ombrelle, aux quatre canaux radiaires. Ces caractères sont donnés d’après le mâle adulte qui déchargeait librement dans l’eau des zoospermes mûrs et très actifs. Espèce : C. Sowerbii. J'ai nommé cette espèce du nom de M. Sowerby, qui l’a découverte. Le seul caractère que je puisse donner comme spécifique est celui de la taille. Le diamètre du disque n'excède pas un demi-pouce. Localité : le bassin des Lis d’eau de la Société botanique à Regent’s Park à Londres. Très abondante en juin 1880. Probablement importée des Indes occidentales. » Le 3: ‘ NOTES ET REVUE. | LKi XXVI RECHERCHES PHYSIOLOGIQUES ET HISTOLOGIQUES SUR L'ORGANE DE L'ODORAT CHEZ LES INSECTES, ‘ * ‘ ‘ ‘* Par M. Gustav. HaAUSER, d’Erlangen.- | UT ) (Zeitschrift f[. wiss. Zool., juill. 1880.) Le mémoire se divise en deux parties : la première relate les expériences faites pour étudier la manière dont les insectes se comportent après et avant l’ablation des antennes : 1° vis-à-vis des corps odorants; 2° dans‘ la recherche de la nourriture ; 3° dans la recherche des femelles. La seconde partie con- tient l'examen histologique de l'antenne considérée comme organe de l’odorat. L'ablation des antennes exige certaines précautions sans lesquelles des don- nées fausses pourraient s’introduire dans les expériences ; 1l faut laisser reposer les insectes un ou deux jours. Les uns d’ailleurs supportent l'opération facilement et survivent encore des mois ; d’autres, comme le Pyrrhocoris apterus L., en paraissent moins éprou- vés lorsqu'on la pratique pendant le sommeil hibernal; plusieurs enfin suc- combent tous peu de Jours après. Pour ces derniers on peut, au lieu d'enlever l'antenne, la plonger dans la paraffine liquide. Expériences relatives à l'action des substances odorantes. — On approcha des antennes du Philonthus æneus des baguettes de verre mouillées de térében- thine ou d'acide acétique; ces insectes manifestèrent bien nettement, en agi- tant leurs antennes et en se retournant brusquement, qu’ils avaient de l'odeur une perception très nette. Après la section des antennes, on put placer les mêmes substances dans leur voisinage sans qu'ils cherchassent à s'éloigner ni pe donnassent aucun symptôme d'inquiétude. Les expériences faites sur des espèces des genres Ptinus, Tenebrio, Ichneumon, formica, Vespa, Tenthredo, Saturnia, Vanessa et Smerinthus, sur beaucoup d’espèces de Diptères et d'Or- thoptères, :ur des Julus et des Lithobius et sur beaucoup de larves, ont donné les mêmes résultats. Celles entreprises sur Carabus, Melolontha et Silpha ont été moins con- cluantes; sans aucun doute, ces espèces paraissaient beaucoup moins sensibles aux odeurs après l’ablation des antennes; mais si on laissait auprès d'elles des substances odorantes pendant quelque temps, les sujets devenaient inquiets et se retiraient, beaucoup moins vivement, il est vrai, qu'avant l'opération. Les llémiptères ont fourni des résultats encore moins satisfaisants ; ces animaux donnaient presque autant de signes de sensibilité après qu'avant l'ablation. Expériences relatives à la recherche de la nourriture. — Elles ont été faites sur les espèces Silpha, Sarcophaga, Calliphora et Cynomyia. Les Silphas furent placés dans une caisse dans un angle de laquelle de la viande avancée avait été pplacée dans un verre ayant un petit orifice. Tant LXII de NOTES ET REVUE. que ces insectes conservèrent leurs antennes, ils trouvèrent toujours et faci- lement l’orifice; mais après l’ablation cela n’arriva plus à aucun d’eux. Pour les sujets appartenant aux trois autres genres, ils furent attirés dans une chambre par un morceau de viande corrompue placé sur le bureau. Chassés du morceau sur lequel ils se posaient, ils n’y revenaient que plus vite. La fenêtre fut alors fermée, plusieurs mouches capturées subirent l’amputa- tion du troisième article des antennes et furent relàchées ensuite dans la chambre, où elles se mirent à voler comme auparavant, mais aucune d’elles ne se mit plus sur la viande ni même ne chercha à s’en approcher. Expériences relatives à la recherche des femelles. — On a choisi des espèces chez lesquelles les antennes des mâles diffèrent de celles des femelles, comme Salturnia Pavonia, Ocneria dispar et Melolontha vulgaris. Chez les deux pre- mières espèces, aucun accouplement ne fut observé après l’ablation des an- tennes. Quant aux Hannetons, vingt paires intactes furent placées dans une caisse; le lendemain matin, douze d’entre elles étaient accouplées ; trente autres paires furent alors placées dans une caisse semblable après l’ablation des antennes de tous les mâles et de quelques femelles; le lendemain matin, il y avait seulement quatre accouplements, et cinq autres se produisirent pen- dant les trois Jours suivants. 11 faut ajouter que la caisse était si petite, que mâles et femelles se rencontraient constamment. Les résultats des recherches histologiques qui forment la deuxième partie du mémoire ont été résumés par l’auteur de la manière suivante : L'organe de l’odorat chez les insectes, c'est-à-dire chez tous les Orthoptères, Pseudonévroptères, Diptères et Hyménoptères et chez une grande partie des Lépidoptères, Névroptères et Coléoptères, se compose : 4° D'un fort nerf partant du ganglion cérébral et parcourant les antennes ; 20 D'un appareil terminal de perception formé de cellules terminées par des bâtonnets qui font saillie au-dessus de la couche cellulaire hypodermique et avec lesquelles sont en relation les ramuscules du nerf; 3° D'un appareil adjuvant ou de renfort, formé de fossettes ou de cônes remplis d’un liquide séreux et qui doivent être considérés comme de simples enfoncements ou de simples saillies de l’épiderme. Des formations anaiogues existent chez les Myriapodes. Chez le Lithobius forficalus, on trouve trois à cinq cônes à la partie antérieure de chacun des articles des antennes. L. J, XXVII SUR LE MALE DE LA SPIRULA AUSTRALIS LAM., Par R. OWEN. (Proceed. of the Zool. Soc. of London, avril 1878.) L'animal qui fait l’objet de cette description est à peine plus grand que l'exemplaire femelle décrit et figuré dans les Annals and Mag. of Nat. Hist., NOTES ET REVUE. LXHII sér. 3, vol. IE, p. 1, pl. I, fig. 4 (4879) et dans les Proceedings of the Zoological Society, 1878, p. 964, pl. IX, fig. 4. L'enveloppe du corps où manteau a la mème épaisseur et le mème dévelop- pement musculaire et présente les mêmes modifications. La surface du manteau est lisse et nefmontre aucune trace de ces dessins réticulés qui caractérisent la Spirula reliculala. Le bord antérieur du manteau envoie en avant un prolongement dorsal mé- dian et une paire de prolongements ventraux et sublatéraux. Ces derniers sont plus longs et plus larges, et tous sont obtus à l'extrémité. Quand l'en- tonnoir n’est pas rétracté, il fait saillie entre les prolongements ventraux. Les caractères de l’entonnoir de la femelle se retrouvent chez le mâle, par exemple les longues et étroites cavités articulaires qui reçoivent les éminences correspondantes de la surface interne du manteau et la petite ouverture val- vulaire terminale. Les principales modifications sexuelles atteignent comme d'habitude le système des bras. Les trois paires de bras ordinaires font saillie d’un peu plus que la moitié dorsale de la partie brachifère de Ja tête. La portion ventrale est occupée par les bases élargies des tentacules qui forment des cavités obliques, des sortes de fourreaux où est logée la paire de bras modifiés. Vu du côté ventral, le spécimen qui fait l'objet de cette description, pré- sentait à première vue un prolongement impair claviforme à la place de la quatrième paire de bras; ce prolongement monte pour une longueur de 10 millimètres entre les bases des tentacules, et sa propre base est unie par une paire de courtes membranes à celles des bras de la troisième paire. Vu du côté dorsal, le prolongement présentait une fente longitudinale près d'un des côtés. — En écartant la portion ainsi séparée, on reconnaissait en elle un second prolongement claviforme, plus petit que le premier, auquel il adhérait étroitement sans lui être relié organiquemient, et se détachant avec jui de la portion brachifère de la tête. Il était ainsi démontré que ces prolongements claviformes étaient les homo- logues de la quatrième paire de bras ordinaires des Céphalopodes, modifiés en vue de la reproduction; chacun d'eux était de forme carrée, le côté du plus long logeant le plus court dans une excavation. L’extrémité du plus court était tronquée comme si une partie avait été cassée ; celle du plus long était plutôt élargie, obtuse et supportant une petite protubérance accessoire. Des sections longitudinales et transversales montraient un solide tissu fibreux ; les fibres musculaires lisses étaient disposés en une couche extérieure annulaire et surtout en faisceaux internes longitudinaux, présentant sur la section transversale une disposition radiaire. Aucune trace de ventouses n’é- tait visible en aucun point de la surface de ces bras modifiés. La partie basilaire de chacun des tentacules est seule conservée. La région dorsale de la partie de la tète portant les bras logeait dans sa concavité ventrale le bec avec ses lèvres qui l’entourent, mieux limité, ainsi que dans la femelle, mais présentant la même structure. Les bras 1, 2 et 3 étaient plus courts, plus épais et plus obtus que dans LXIY NOTES ET REVUE. la femelle, et les vestiges des acétabula n'étaient visibles qu'avec la loupe, qui n’est nullement nécessaire quand on à affaire à la femelle” Ces vestiges sont de simples cupules :sessiles ne montrant aucun pédoncule.: Le plus long ou le moins raccourci des bras présentait une petite RE: de chaque côté de la base de son extrémité hémisphérique.: ‘ : Le testicule est un corps grand et oblong, aplati du côté ventral ou périphé- rique, et s'étendant irrégulièrement vers le centre, dans les espaces entre les tours de spire de la coquille. Un long canal déférent‘étroit et convoluté con- duiz;le sperme à un canal plus large et plissé, à paroi :glandulaire, qui com- munique avec une prostate en cæcum s’ouvrant dans‘une poche à sperma- tophores allongée. De cette poche un court canal conduit dans un pénis creux et charnu de 6 millimètres. Les bras modifiés pour la copulation sont les mêmés quisont l'objet d’une semblable adaptation dans les genres Sepia et Loligo ; mais; au lieu de s'être hectocotylisés, les bras copulateurs ont perdu dans la Spirule toute trace de ventouse. Les autres bras mêmes ont cette partie caractéristique de leur organisation réduite à la condition rudimentaire où on la voit dans la Sepia inermis et dans une portion d’un de ceux du mâle de la ee offi- cinalis. | DES La structure des systèmes circulatoire, respiratoire, ee excréteur, nerveux et musculaire est identique ou très semblable à ceux de la femelle décrite dans les Annals. L.' 3. Le directeur : H. DE LACAZE-DUTHIERS. Le gérant : CG. REINWALD. ARCHIVES DE Z00LOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE MÉMOIRE SUR LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL PAR M. H.-E. SAUVAGE ÏJ. COUP D'ŒIL SUR LA FAUNE DE SAINT-PAUL. L'étude de la répartition des êtres à la surface du globe a, depuis quelques années, acquis une grande importance, et plus que jamais l’on s'intéresse de nos jours à cette branche de la géographie qui a nom la géographie des plantes et des animaux. C’est qu’en effet, par la connaissance seule de la distribution des êtres, on arrivera à com- prendre comment se sont groupées les formes diverses qui donnent parfois à un pays une physionomie toute spéciale, que l’on parvien- dra, sans doute, à savoir les migrations de ces êtres, et comment ils ont irradié de leurs centres d'apparition. Ce sont, on le comprend, les îles isolées qui, à ce point de vue, présentent le plus d'intérêt. Leur flore et leur faune sont, en effet, restées ce qu’elles étaient dès l’origine, et les variations, si variations ont eu lieu, n'ont pu se faire que dans d’étroites limites, ne dépas- sant pas ce qu'elles peuvent être dans le type. Sans nul doute, l'étude des animaux terrestres et fluviatiles est la plus utile à ce point de vue; celle des animaux marins n’en est pas moins des plus in- structives. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VII. 1879. 1 2 H.-E. SAUVAGE. Perdue dans l'océan Indien, loin de toute terre, située sous une haute latitude ‘, l’île Saint-Paul devait présenter un intérêt tout spécial ; aussi avons-nous étudié avec soin les quelques représentants de la faune ichthyologique de cette île, représentants que la science doit aux expéditions de la Vovara et de la commission du passage de Vénus. M. Kner signalait à Saint-Paul neuf espèces de poissons ; grâce aux recherches de MM. Vélain, Rochefort, Lantz, de l'Isle; grâce aux envois que ces naturalistes ont faits au Muséum, grâce surtout à la bienveillance toute spéciale avec laquelle M. le professeur Henri de Lacaze-Duthiers a bien voulu mettre à notre disposition les collections de la Sorbonne, nous avons pu étudier non seulement la plupart des espèces citées par Kner, mais ajouter huit autres espèces à la faune de l’île. ; Une note, insérée dans les Comptes rendus de l'Académie des sciences, nous à permis de jeter un premier coup d’œil d'ensemble sur la faune ichthyologique de Saint-Paul ; les matériaux plus com- plets, dont nous avons eu communication depuis 1875, nous mettent à même de compléter notre premier essai ? M. Kner cite les espèces suivantes : Serranus novemcinctus, Kn. ; Polyprion, sp.; Latris hecateia, Rich. ; Cheilodactylus carmichaelis, C. V.; Mendosoma elongatum, Kn. ; Ne- madactylus concinnus, Rich.; Bovichthys psychrolutes, Gthr.?; Motella capensis, Kp. ; Ophiosoma habenatus, Rich.? Dans la note présentée à l'Institut, nous indiquions les Acanthias vulgaris ; Serranus novemcinctus; Sebastes Mouchezi, n. sp. ; Bovichtys psychrolutes ; Mendosoma elongatum ; Nemadactylus concinnus ; Latris he- catera; Labrichthys isleanus, n. sp. Labrichthys Lantzi, n. sp.; Mo- tella capensis. De nouvelles études, avous-nous dit plus haut, nous ont permis de dresser la liste suivante des poissons jusqu'à présent signalés à l'île Samt-Paui : SÉLACIENS. — Acanthias vulgaris, Riss. PERCIDÆ. — Serranus novemeinctus, Kn.; Polyprion cernium, Val. ! D'après M. Mouchez la latitude de Saint-Paul est 38° 42° 50" E., sa longitude 2 faune ichthyologique de l'ile Saint-Paul (Compt. rend. Ac. sc.,t. LXXXI 5): LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. Es SCORPÆNIDÆ. — Sebastes (Sebastichthys) Houchezi, Sauve. cirkHiriDÆ. — Latris hecateia, Rich.; Mendosoma elongatum, Kner.; Nema- dactylus concinnus, Rich.; Cheilodactylus monodaclylus, Carm.; Cheilo- dactylus aspersus, Rich. TRACHINIDÆ. — Bovichthys Veneris, Sauve. TRICHIURIDÆ. — T'hyrsiles atun, Cuv. Val. CARANGIDÆ. — Seriolella Velaini, Sauvg. CENTRISCIDÆ — Centriscus armaius, Sauvé. LABRIDÆ. — Labrichthys Lantzii, Sauvg.; Labrichthys isleanus, Sauvg. GADIDÆ. — Motella capensis, Kp. MURÆNIDÆ. — Congromuræna habenala, Rich. LOPHOBRANCHES. — Belonichthys Sancti l'auli, Sauve. À l’aide de ces dix-huit espèces, discutons les analogies que la faune ichthyologique de. Saint-Paul présente avec celle d’autres régions. Ce qui frappe tout d’abord l'attention, c’est la grande prédomi- nance dans cette faune d'espèces appartenant à la famille des C?rrhi- tidæ, représentée par cinq types, différents, appartenant aux genres Latris, Mendosome, Némadactyle et Cheilodactyle. Les genres Latris et Némadactyle sont d'Australie, de Tasmanie, de la Nouvelle- Zélande ; le genre Mendosome, du Chili ; le genre Cheïlodactyle, du Cap, du Chili, du Pérou, dela Nouvelle-Zélande, des côtes d'Australie, des mers de Chine et du Japon. Les Latris hecateia et Nemadactylus concinnus ont été décrits comme provenant de Tasmanie ; le (heclo- dactylus monodactylus, du Chili ; l'espèce voisine du Mendosoma elon- gatum , le Mendosoma linealum, n'est connu que des côtes du Chili. Le Serranus novemeinctus est plus voisin du Serranus cabrilla de la Méditerranée que d'aucune autre espèce ; d’après M. Günther, ce dernier a été trouvé dans la même mer, à Madère, sur les côtes d’An- gleterre, à Ténériffe et à Saint-Paul du Brésil. Le Sebastes percoïdes d'Australie, de Tasmanie et de la Nouvelle- Zélande, a pour représentant, à Saint-Paul, le Sebastes Mouchezt; le Bovichthys psychrolutes de la Nouvelle-Zétande, le Bovichthys Venerts ; le Centriscus humerosus d'Australie, le C'entriscus armatus ; le Seriolella porosa du Chili, le Seriolella Velaini ; le Belonichthys zambezensis, de Zanzibar, le Belonichthys Sancti Pauli. Le Thyrsites atun est à la fois du Cap et du Chili ; le #Mofella capensis n'a été signalé qu'au Cap, quant au genre Labrichthys, 1 est de la partie chaude de la mer des Indes, des côtes d'Australie et de Tasma- 4 H.-E. SAUVAGE. nie. Le Congromuræna habenata, cité avec doute, à Saint-Paul, par M. Kner, est de la Nouvelle-Zélande. Pour nous résumer, sur 18 espèces, les affinités avec le Cap sont représentées par 4, avec le Chili, par 4 ; avec l'Australie, la Tasmanie, la Nouvelle-Zélande par 9 ; avec Zanzibar par 1 ; avec la Méditerranée par 3; mais nous devons faire remarquer que, dans ce dernier chiffre, sont compris les Acanthias vulgaris et Polyprion cernium, qui, nous le verrons dans le cours des pages suivantes, sont des espèces pour ainsi dire cosmopolites, de telle sorte que l’affinité, entre Saint-Paul et la Méditerranée, ne doit, en réalité, être représentée que par 1. L'étude des espèces décrites dans ce travail fera, nous l’espérons, mieux ressortir encore les diverses affinités qu'offre la faune ichthyo- logique de Saint-Paul avec celle d’autres régions. Il. DESCRIPTION DES ESPÈCES. SOUS-CLASSE DES ELASMOBRANCHES. SÉLACIENS. FAMILLE DES SPINACIDÆ. La famille des Spinaciens, à laquelle on doit réunir celle des Scymniens, sous le nom de Spinacidæ, apparue dès l’époque crétacée, connue à l’époque tertiaire, est représentée dans nos mers par sept genres, répartis en deux groupes, les Spinaciens et les Scymniens. Le premier groupe, celui des Spinaciens, est cantonné dans la Mé- diterranée et dans l’Atlantique, quoique quelques espèces, comme l'Acanthias vulgaris, puissent descendre jusque dans l’océan Indien (Réunion, Cap, île Saint-Paul) ; les deux autres espèces du genre Acanthias sont de la Méditerranée ; il en est de même du Spinax niger. Le genre Centroscyllium vit dans les parties les plus froides de l'océan Atlantique, tandis qu'une espèce du genre Spinax, le Spinax pusillus, est des parties tropicales (mer des Antilles). Le genre Oxynote se trouve dans la Méditerranée ; le genre Centrophore serait abondant sur les côtes du Portugal, d’après les recherches de MM. Barboza du Bocage el Capello, quelques espèces s'étendant dans la Méditerranée et à Madère (Centrophorus granulosus, calcens, crepidater, crepidalbus). LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 5) Le groupe des Scymniens est plus méridional, quoique les ZLemarqus borealis et brevipinna soient confinés dans les mers arctiques. Le Zæmar- qus rostraltus représente le genre Lémargue dans la Méditerranée, tandis que l’on trouve le Zœmarqus Laborder à Maurice. La seule es- pèce du genre Æchinorhinus (Echinorhinus spinosus) se pêche dans la Manche, dans la Méditerranée et au Cap. Le genre Scymnus compte deux espèces : une, Scymnus ilichia, de la Méditerranée ; l’autre, Scymnus brasiliensts, du Brésil et de Maurice. Certaines espèces ont, on le voit, une large distribution géogra- phique. 11 n’en est pas moins intéressant à signaler, à l’île Saint-Paul, la présence de l’Acanthias vulgaris, que l’on connaît déjà des côtes de Hollande, de France, d'Angleterre, de la Méditerranée, de la Réu- nion, du cap de Bonne-Espérance, de la Nouvelle-Hollande. D'après M. Ch. Vélain, l’Acanthias vulgaris est abondant à Saint- Paul, où il atteint une taille considérable ". SOUS-CLASSE DES TÉLÉOSTÉENS. FAMILLE DES PERCIDÆ. GENRE SERRANUS. Parmi les Percoïdes vrais à une seule dorsale, les ichthyologistes connaissent, sous le nom de Serrans, des poissons pourvus de dents canines, à la langue lisse, au palais garni de dents, au préopercule dentelé sur tout son pourtour, excepté suivant son bord inférieur, et dont l’opercule est armé d’épines plates. Si l’on divise ce genre Serranus tel que l’a compris Cuvier, les Anthas en étant toutefois séparés, on peut grouper les nombreuses espèces du genre en quatre sous-genres : les Serranus, les Paralabrax, les Paranthias, les Epinephelus. Ges derniers, les plus nombreux en espèces (plus de quatre-vingts), sont à la fois de l’océan Indien et de l’océan Atlantique, surtout des parties chaudes de ce dernier. Les trois espèces du genre Paralabrax sont américaines; sur quatre espèces qui rentrent dans le genre Parantias, le Serranus louti est de la mer des Indes et s’étend depuis la mer Rouge jusqu'en Polynésie, 1 Recherches au sujet de la faune des îles Saint-Paul et Amsterdam, p. 88 (Arch. z00l. exp. et gén., t. VI). 6 H.-E. SAUVAGE. le $erranus colonus n’est connu que desîles Galapagos, les deux autres espèces (Serranus creolus, Serranus furcifer) sont des Antilles. Quant aux espèces du sous-genre Serranus, c’est-à-dire celles chez lesquelles les écailles de la ligne latérale sont quadrangulaires, cténoïdes et dont la formule de la dorsale est X, celle de l’anale HIT, 7 ou 81, leur distribution est des plus intéressantes. Sept espèces peuvent rentrer dans ce genre ; deux espèces, Serranus cabrilla, Ser- ranus scriba, sont de la Méditerranée, la première pouvant remonter jusque sur les côtes d'Angleterre ; la patrie du Serranus oxyrhynchus est inconnue ; le Serranus panilionaceus à été pêché aux Canaries, sur la côte de Gorée, le Serranus gymnopareius dans la mer des Antilles ; quatre espèces sur six sont donc de la Méditerranée et de l'océan Atlantique, contrairement à ce fait que les affinités de la faune ich- thyologique de la Méditerranée sont bien plus avec celles de la mer des Indes qu'avec celle de l'Atlantique; comme nous l'avons établi ailleurs il est probable, en effet, que bon nombre de types de pois- sons qui vivent actuellement dans la Méditerranée, ont passé de la mer Rouge dans la Méditerranée pendant l’époque tertiaire. L'étude de la distribution des espèces du sous-genre Serranus viendrait con- tredire cetie hypothèse. Il est utile, toutefois, de faire remarquer que M. Kner a fait con- naître à l’île Saint-Paul, c’est-à-dire dans l’océan Indien, une espèce qui appartient à ce même sous-genre Serranus et qui a les plus orandes affinités avec le Serranus cabrilla de la Méditerranée ; de plus, le Serranus humeralis est des côtes du Ghih. Nous avons à si- onaler ici un nouveau trait d’analogie entre la faune ichthyologique de Saint-Paul et celle du Chih. Le genre Serran, pris dans son ensemble, date de l’époque ter- tiaire ; Agassiz a trouvé, en effet, à Monte-Bolca, trois espèces, dont deux se rapportent certamement au genre Serran, les Serranus occi- pitalis et Serranus microstoma, alliés aux Serranus cabrilla et scriba qui font partie des Perches de mer ; quant au Serranus ventralis, ses affi- nités paraissent être plutôt avec les Anthias ou Barbiers. M. Heckel a décrit sous le nom de Serranus pentacanthus une espèce des terrains tertiaires d'Autriche ; l'exemplaire est trop mal conservé pour que l’on puisse rapporter sûrement ce poisson au genre Serran ?. 1 Voir L. VAILLANT, Mission scientifique au Mexique et dans l'Amérique centrale, IVe partie, Poissons, p. 44 et seq. 2 Cf. Neue Beitr. zur Kennin. der foss. Fische Osterreichs, p. 20 pl. VIEIL. . LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL, 7 SERRANUS NOVEMCINCTUS (KNER). Serranus novemcinctus, Kner. Reise der Novara. Fische, p. 17, pl. I, fig. f. D. XII, 133 A. II, 83 L. lat. 79 à 75 Poisson allongé, la plus grande hauteur du eorps, prise au niveau du milieu de la longueur des pectorales, élant comprise quatre fois dans la longueur du corps. Longueur de la tête contenue trois fois et deux tiers dans la même dimension. La ligne du front est peu inclinée. Le bord postérieur de l'œil est à peine en avant du milieu de la longueur de la tête; son diamèire est compris cinq fois dans cette dimension; l’espace interoculaire, un peu concave, est aussi large que le diamètre de l’œil. Le museau est un peu plus long que l’œil. La bouche est fendue obliquement; le maxillaire supérieur s'étend jusqu'au niveau du tiers antérieur de l'œil; la mâchoire inférieure est un peu plus avancée quela supérieure; le maxillaire est large et tronqué carrément à son extrémité posté- rieure ; le sous-orbitaire est rhomboïdal, non dentelé. Les dents sont en velours et disposées suivant une bande plus large au milieu qu'aux extrémités ; à la mâchoire supérieure se voient quelques dents plus longues que les autres ; à la mandibule, les dents plus longues que celles qui les suivent, au nombre de quatre à cinq de chaque côté, sont latérales ; l’on voit toutefois à la symphyse des dents allongées. Le vomer est armé de dents disposées suivant un triangle un peu échancré en arrière; ces dents sont très fines et du milieu d'elles s'élèvent quelques dents allongées ; la bande palatine est étroite. La langue est petite, étroite, pointue et libre. La narine antérieure est allongée. ‘La joue, le dessus de la tête jusqu’au niveau du milieu de l'œil, les opercules sont garnis d’écailles. Le préopercule est arrondi ; son bord est finement dentelé, les dentelures étant plus fortes à l'angle, qui est arrondi, et au bord inférieur; celui-ci est dentelé dans la moitié environ de sa longueur. L’opercule se termine par deux épines plates, dont l’inférieure est la plus prononcée. Les os de l'épaule sont entiers. La dorsale commence à peine en arrière de la base des pectorales ; la distance qui la sépare du bout du museau égale la longueur de la nageoire ; les épines en sont assez fortes, aiguës ; les deux premières sont les plus courtes ; la quatrième épine a un peu plus du tiers de la 8 H.-E. SAUVAGE. hauteur du corps au point correspondant. La dorsale molle est à peine plus haute que la partie moyenne de la dorsale épineuse ; l’angle postérieur de la nageoire est arrondi ; la longueur de la nageoire est égale à la distance qui sépare le bord antérieur de l’œil de la pointe de l’opercule. Dans l’intervalle, aussi bien des épines que des rayons mous, se voit une bande pointue et assez large de petites écailles. La caudale est à peine échancrée; la longueur de cette nageoire est contenue cinq fois et un quart dans la longueur du corps. La distance de l’anus au bout du museau est à peine supérieure à l’espace qui sépare l’anus de l'extrémité de la caudale. L’anale s’in- sère vis-à-vis du deuxième rayon de la dorsale; les épines sont fortes et pointues, la première épine ayant les deux tiers de la longueur de la troisième, et la seconde étant la plus forte; la nageoiïre se termine au niveau du quatrième avant-dernier rayon de la dorsale. Les pectorales sont un peu pointues ; leur longueur égale la distance qui sépare le bout du museau de l’angle du préopercule ; on y compte seize rayons. Les ventrales, insérées à peine derrière l’aplomb des pectorales, sont un peu plus courtes qu'elles ; elles se terminent en pointe ; leur épine est acérée, ân peu plus longue que la moitié du second:rayon mou. Les écailles de la ligne latérale sont petites (longueur, 32,6; hau- teur, 3%%,5), ovalaires, à bord postérieur peu arrondi; un lobe mar- ginal, grand et arrondi, occupe presque tout le bord adhérent en face du canal; deux ou trois lobes plus petits se voient sur les côtés. Le canal est limité par une lamelle qui n’est hibre que dans sa portion antérieure ; l'extrémité postérieure est étroite. L’aire spinigère a son bord antérieur presqu'en ligne droite et remonte peu sur l’écaille. On compte environ cinquante spinules le long du bord libre. Les écailles des flancs sont de forme à peu près carrée, à bord anté- rieur droit, à bords latéraux et postérieurs arrondis. Le foyer est dif- fus et excentrique. De quatorze à seize lobes découpent tout le bord antérieur, ne remontant que très peu sur les lobes marginaux. Des crêtes fortes et onduleuses se voient entre le foyer et la zone spinigère, qui est limitée du côté antérieur par une ligne concave. L'on compte environ soixante et dix spinules le long du bord libre. Les écailles du ventre sont plus longues que hautes ; leur bord anté- rieur, en ligne droite, est découpé par huit ou dix lobules; Le bord postérieur ne présente pas de spinules. Dans l’alcooi la couleur est jaunâtre; les flancs sont traversés par LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 9 neuf lignes noires plus ou moins marquées et diffuses, descendant au- dessous de la ligne latérale d’une longueur égale à la portion située en dessus de cette ligne. Le dessus de la tête est noirâtre ; la Joue et l’opercule sont ornés de lignes onduleuses noires. Les pectorales et l’anale sont de couleur uniforme ; les ventrales sont légèrement lisé- rées de noir à leur bord externe ; les bords latéraux de la caudale sont rembrunis; l’extrémité de la dorsale épineuse est noirâtre et cette nageoire est noire dans certaines de ses parties; une ligne bru- nâtre se voit vers le milieu de la hauteur de la dorsale molle. Les dimensions prises sur un exemplaire rapporté au Muséum par M. de l'Isle sont : Ponsueuariotales.. ins RS due ds co 08,228 ee depldrtelens JE seur ie 4e Reine 0 ,064 — CD PATATE EN MR AT AnE Pr er PURE < 0 ,016 Hauteur du corps...... SÉRNEE 7 ROUE Fe 7 LRU NAT à 44 0 ,053 Mbirender Pelé RO ARE cu gere 0 ,013 Longueur de la quatrième épine dorsale..,.. 0,022 Plus voisine du Serranus cabrilla de la Méditerranée que d'aucune espèce, le Serran de l’île Saint-Paul s’en distingue par le profil de la tête moins incliné et par les dents de la mandibule plus fortes. Les écailles de la ligne latérale sont plus arrondies chez le Serranus cabrilla, Je lobe marginal qui fait face au tube est beaucoup moins grand, et accompagné de quatre à six lobes de chaque côté. Le tube est libre sur la plus grande partie de sa longueur; l’aire spinigère remonte en triangle sur l’écaille ; le bord postérieur de l’écaille, au lieu d’être presque droit, est arrondi ; de plus, les spinules marginaux sont bien plus longs. D'après M. Ch. Vélain cette espèce se trouve au milieu des macro- cysles. GENRE POLYPRION. Sous le nom de Polyprion, Valenciennes a fait connaître dans les Mémoires du Muséum ‘ un poisson de la Méditerranée qui, malgré son abondance et la 3rande taille {qu'il peut acquérir, avait été jus- qu'alors négligé par les naturalistes, ou déterminé comme une espèce exotique lorsqu'elle se trouvait dans les collections. T, XI, p. 265. 10 H.-E. SAUVAGE. Méconnue de Bélon, de Salviani, de Rondelet, l'espèce avait été prise par Schneider pour un Épinéphélus ; par Risso, pour la Scorpène marseillaise de Lacépède, qui n’est qu’une variété de la Rascasse ordinaire (Scorpæna porcus où scrofa); par Rosenthal enfin, pour le Maigre d'Europe ou Sciæna aquila, quoique Rosenthal ait possédé et figuré le squelette d’un vrai Gernier (pl. XVI, fig. 1). Ce genre Polyprion ne comprenait qu'une espèce, le Polyprion cer- nium Val., lorsque dernièrement M. Steindachner fit connaître sous le nom de Polyprion Anert, n. sp.,un poisson provenant de l’île Juan- Fernandez et de Santiago du Chili ‘; l'espèce aurait aussi été rap- portée de l'ile Saint-Paul par l'expédition de la Novara. Nous ne connaissons pas le type de l'espèce distinguée par M. Stein- dachner, mais nous avons sous les yeux un Polyprion de grande taille, pêché à Saint-Paul par M. Vélain,; cet exemplaire, qui se rap- porte presque certainement au Polyprion Kneru de M. Steindachner, ne nous semble pas pouvoir être distingué spécifiquement de l'espèce de la Méditerranée, bien que les différences soient grandes entre l’'exemplaire pris à Saint-Paul et les individus qui ont servi de types à Valenciennes. C’est ainsi que presque toutes les rugosités de la tête ont disparu, et que l’on ne voit plus les crêtes dentelées qui couron- nent l'œil et qui hénissent la joue, sur l'exemplaire figuré dans l’Aistoire des: Poissons. Mais l’on doit remarquer que les individus non adultes présentent seuls ces crêtes et ces dentelures, et que, par les progrès de l’âge, ces crêtes tendent à devenir mousses et à s’effacer. Nous avons, par exemple, sous les yeux, deux exemplaires capturés au cap Saint-Antoine par d'Orbigny, et étiquetés Polyprion cernier par Cuvier et Valenciennes ; sur le plus petit de ces exemplaires, long d'environ 20 centimètres, les crêtes sont bien marquées, tandis que sur l’autre, d'environ 33 centimètres de long, les crêtes et les dente- lures de l'orbite ont presque entièrement disparu, et que les arêtes de la tête sont mousses. L'exemplaire figuré par Ouvier et Valen- ciennes est un individu jeune, de 30 centimètres de long, pris à Naples par Savigny. Lorsque l’animal arrive à une taille de 50 centi- mètres, les arêtes tendent à disparaître ; c'est ce que nous constatons sur un autre exemplaire donné au Muséum par Dussumier, et dont la localité n’est pas connue. Un exemplaire de grande taille, rapporté de 1 Die Fische von Juan Fernandez in Sammlungen des Wiener Museums. Jchth. Bei- træge (4k. d. Wissensch., 1875). LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 11 la Nouvelle-Zélande par M. H. Filhol, est tout à fait semblable à l’in- dividu pris à Saint-Paul par M. Vélain et présente les mêmes parli- cularités. Si notre manière de voir est vraie, et si l’on doit regarder le Po/y- prion Knerii comme synonyme de Polyprion cernium, l'espèce aurait une très large distribution géographique. C’est du reste ce que notent Cuvier et Valenciennes; «il ne nous est pas possible, écrivaient-ils, de distinguer spécifiquement les individus rapportés du cap de Bonne- Espérance par Delalande, de ceux que M. Savigny a recueillis dans la Méditerranée... Il est certain que ce poisson est aussi le Perca pro- gnathus de Forster, qui est devenu, dans le système de Bloch, édition de Schneider, l’£pinephelus oxygeneios. Nous en avons pour preuve non seulement la description de Forster, insérée dans l’ou- vrage de Bloch, mais son dessin conservé à la bibliothèque de Banks... Or, Forster avait pris ce poisson près de lile de la Reine- Charlotte...; par conséquent il habite aussi l'océan Pacifique ! ». Un exemplaire capturé par d’Orbigny au cap Saint-Antoine, au sud de l'embouchure du Rio de la Plata,ne diffère aucunement ni de ceux du Cap, ni de ceux de la Méditerranée, suivant Cuvier et Valenciennes. D'un autre côté, Yarrel a décrit sous le nom de Serranus C'ouchtü, un Polyprion cernium pêché sur les côtes anglaises ? ; M. Günther signale l'espèce à Madère *. Le Polyprion cernium serait presque cosmopolite, vivant à la fois dans l'hémisphère boréal et dans l'hémisphère austral; la race Polyprion Knert habiterait dans l'hémisphère austral, l'océan Pacifique et la mer des Indes (île Saint-Paul, Nouvelle-Zélande, Chili, ile Juan-Fernandez), tandis que le Polyprion cernier type vivrait dans la Méditerranée et l'Atlantique, se trouvant le long des côtes d’Angle- terre, de France, du Portugal, s'étendant jusqu'à Madère, et pouvant se rencontrer jusque sur les côtes de la république Argentine. LA 1 Hist. Poiss., t. III, p. 29. 3 Brit. Fishes, t. 1, p. 42. 3 Cat. Fish. Brit. Mus , t. I, p.169. 12 Q H.-E. SAUVAGE. POLYPRION CERNIUM, VAL. Valenciennes, Mém. du Mus., t. XI, p. 265. — Cuv. et Val., Hist. Poiss., t.U, p. 21, pl. XLIT; t. VIH, op. 475. — Günther, Æish-"Brit:. Mas EL p. 169. D. X1,/ 41% AMIT "85 LL Alat cir1908 Le corps est gros et trapu, la hauteur étant comprise quatre fois dans la longueur totale ; la longueur de la tête est contenue près de trois fois et demie dans la même dimension. Le museau est allongé, pointu, la mâchoire inférieure avançant beaucoup sur la supérieure; le museau a deux fois la longueur du diamètre de l'œil; la ligne. rostro-dorsale, imclinée et convexe jusqu’au niveau du préopercule, s’'aplatit dans le reste de sa longueur. Toute la tête est couverte d’écailles. La bouche est largement fendue, et le maxillaire arrive jusqu’au niveau du bord postérieur de l’œil; les mâchoires sont gar- nies de dents en cardes disposées sur une large bande ; la langue porte des dents très courtes, insérées suivant un disque ovalaire etallongé ; le vomer est armé de dents disposées en un triangle dont l’angle postérieur est droit, l’angle antérieur, arrondi; sur les palatins se voit une large bande de dents. L’œil est arrondi; sa longueur est contenue six fois dans celle de la tête ; l'espace interoculaire est plat, près de deux fois aussi large que l’œil. Les narines sont grandes, situées l’une contre l’autre, à une petite distance de l'œil. L'espace interoculaire est lisse; l’on ne voit à la partie supérieure de la tête qu'une crête assez forte, située sur la même ligne que la dorsale ; le dessus des orbites est presque lisse et ne porte qu'une crête peu marquée; une crête se voit aussi au premier sous-orbitaire. Le préopercule est assez fortement dentelé, surtout à son bord inférieur ; la crête qui marque son limbe est saillante ; une crête assez forte, et se terminant en une épine aiguë, traverse l’opercule dans sa longueur ; une autre pointe, moins saillante, se remarque au-dessous de la pointe supérieure. Le sous-opercule et l’interopercule ont leur bord légèrement dentelé ; le scapulaire et l’huméral sont entiers. La dorsale commence à une distance du bout du museau égale à sa propre longueur. Les épines sont rugueuses et irrégulièrement sillonnées; la première épine est la plus courte; ces épines croissent régulièrement de hauteur jusqu’à la sixième ; les septième et huitième épines ont même hauteur que cette dernière, puis les épines dimi- LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUT. 13 nuent de hauteur; la hauteur de Ja sixième épine est égale à la lon- gueur du museau. La dorsale molle est à peine plus haute que la dorsale antérieure, et sa longueur n’est que la moitié de celle-ci. L’anale est placée au-dessous de la dorsale molle; ses épines sont fortes et sillonnées comme celles de la dorsale; la troisième épine est aussi longue que la troisième épine dorsale. La caudale est à peine échancrée; sa longueur est contenue cinq fois dans la longueur du corps. Les pectorales sont courtes ; on y compte dix-huit rayons. Les ventrales sont plus longues, armées d’une forte épine qui a près des deux tiers de la longueur de la nageoire. Les écailles de la ligne latérale sont petites (longueur, 5"",5 ; hau- teur 4,5); l’écaille est presque quadrangulaire, le bord antérieur étant à peine onduleux ; la zône spinigère porte cinq à six rangées de spinules. | Les écailles des flancs ont le bord antérieur droit, à peine découpé; on y remarque de cinq à sept lignes rayonnantes se prolongeant jusqu'au foyer, qui est reculé (longueur 7 millimètres; hau- teur, 5"",5). Les écailles ventrales ont le bord antérieur découpé par cinq à sept festons aigus. La zone spinigère occupe le tiers de la lon- gueur de l’écaille; nous comptons environ quarante spinules le long du bord libre. Les écailles des joues sont plus hautes que longues. ÉCHOS EO (AIR ea duree eos sons 0,630 — WéraiObe ra ers N MIS M 0 ,190 — demuseauhian der ii ER 0 ,060 Hauteur du corps. ..... PRESS TE PC MP Et 0 ,155 1 TS CAC OR ne 0 ,035 L'expédition de la Vovara a trouvé à Saint-Paul un exemplaire de Polyprion long de 4 pieds et demi, que Kner est disposé à rap- procher du Polyprion cernium, dont il différerait toutefois par le supraorbitaire et le préorbitaire ‘. L’exemplaire étudié par Kner cor- respond entièrement à ceux rapportés par la commission de Vénus, exemplaire que nous avons cru devoir classer sous le nom de C'ernier. Avec le Latris hecateia, le Polyprion forme à Saint-Paul le fond de la pêche ; les pêcheurs le désignent sous le nom de Cabot ; c’est un poisson de fond qui ne se prend que par 25 à 30 brasses et même plus ; il peut atteindre 1,20 de long. lEoc.: cil.; p.r28; 14 H.-E. SAUVAGE. FAMILLE DES SCORPÆNIDÆ,. GENRE SEBASTES, Si l’on prend pour type du genre Sebaste de Cuvier l’espèce dési- gnée par Linné sous le nom de Perca marina, on note que, dans les espèces que l’on peut grouper autour de celle-ci (Sebastes norvegicus, septentrionalis, viviparus), toutes trois des mers arctiques, la formule des dorsales est XV,15 ou XV,14; celle de l’anale, IF, 8 ou IE, 9, et que ces nombres correspondent à la formule de la colonne verté- brale, 12/19 ; de plus, le vertex ne porte que des crêtes à peine mar- quées ; le museau et la mâchoire mférieure sont garnis d’écailles. Ces espèces forment le véritable type du genre Sebastes. | D'autres espèces méridionales (Sebastes Kuhli, madurensis, ete.) peuvent se grouper autour de l'espèce de la Méditerranée, le Sebastes dactylopterus, chez lequel on compte vingt-quatre vertèbres, et qui a pour formule des dorsales X1,13 et pour celle de l’anale, IT,5 ; de plus, le museau et la mâchoire inférieure sont dépourvus d’écailles ; la forme des écailles des flancs est, du reste, différente dans les deux groupes ; on peut, du reste, classer ces espèces sous le nom de Sebas- tichthys. Etudiant la distribution géographique des espèces comprises dans les deux groupes que nous venons de mentionner, nous noterons que le genre Sebastes proprement dit est exclusivement cantonné dans les mers du Nord et ne descend pas au-dessous du 45° degré dans l'océan Atlantique et du 35° dans l'océan Pacifique. Les Sebastes va- riabilis, nebulosus, inermis, faisant partie des genres Sebastodes et Sebastosomus de Gill, remplacent, dans cet océan, les Sebastes norve- gicus, septentrionalis, viviparus de l'océan Atlantique boréal. Si l’on note la distribution des espèces appartenant au genre Sebas- tichthys, on verra que les espèces atlantiques, toutes cantonnées dans l'hémisphère nord, ne se retrouvent sur aucun des points de la côte américaine de cet océan, tandis que les mêmes espèces du genre Sebastes ont été signalées sur les côtes américaines et européennes de l'Atlantique. Quant aux espèces de ce genre Sebastichthys, deux sont de la Méditerranée, quatre des parties voisines, Madère, Canaries ; les espèces de l'hémisphère nord (océan Pacifique) sont surtout des mers de Chine : une espèce, Sebastichthys meleagris, est de la mer Rouge. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 45 Examinant les espèces de l'hémisphère sud, nous verrons toul d'abord que l'espèce de Madagascar et du Gap, le Sebastes maculr- tus, relie, et géographiquement et spécifiquement, l'espèce de la Méditerranée à celle de la Nouvelle-Zélande et de la Tasmanie, le Sebastes dactylopterus au Sebastes percoides, comme si ces trois espèces avaient dérivé d’un même point de départ ; il est intéressant de voir l'espèce tropicale rattachant la forme de l'hémisphère nord vivant par 40 degrés à la forme de l'hémisphère sud vivant sous la même latitude. Il est probable, d'après ce que nous venons de constater, que Îe groupe, dont le Sebastes dactylopterus est le représentant, s'est ré- pandu, pendant l’époque tertiaire, de la partie subtropicale de la mer des Indes dans la Méditerranée, et de là dans les parties de l’At- lantique voisines. Le genre n'est pas connu, il est vrai, dans la série des terrains ; mais un genre très-voisin, le genre Scorpène, dont les espèces pas- sent insensiblement aux Sébastes, a laissé deux représentants dans les formations tertiaires, la Scorpæna prior, Heck., d'Autriche, et la Scorpæna Tessieri, Sauvg., du Zancléen d'Oran. SEBASTES (SEBASTICHTHYS) MOUCHEZI (SAUVG). Sebastes Mouchezi, Sauvage, Sur la faune ichthyologique de l’île Saint-Paul (Compt.rend. Ac. sce., t. LXXXI, p. 987, 1875). 1 5,0 1e, 68e. CR à D ROEES DT CH A La hauteur du corps est contenue trois fois et deux tiers, la lon- gueur de la tête trois fois dans la longueur totale. Le museau est gros et obtus, à peine moins long que le diamètre de l'œil, qui est com- pris trois fois et un tiers dans la longueur de la tête. Le centre de l’œil se trouve beaucoup plus près du bout du museau que de lextré- mité de la tête. L’espace interoculaire est concave, moins large que le diamètre de l'orbite ; il porte deux lignes peu saïllantes; on re- marque trois épines assez fortes en arrière de l'œil, et une épine en avant ; le museau porte deux fortes épines. La narine postérieure, placée très près de l’œil, est grande; la narine antérieure, plus petite, est fermée par une valvule. Le maxillaire supérieur dépasse le niveau du centre de l’œil. Le À vomérien est étroit; la bande palatine n’a guère, comme longueur, que la moitié du diamètre de l’œil. La langue est libre en avant; elle est, ainsi que le pharynx, colorée en noir. La 16 H.-E. SAUVAGE. ligne de la joue porte une crête peu saillante. Le préopercule est armé de cinq épines fortes et longues ; les deux pointes de l’opercule sont aiguës. L’épaule est armée de deux pointes saillantes. La distance qui sépare l’origine de la dorsale de l’extrémité du museau est égale à la longueur de la dorsale épineuse. Les épines de la nageoire sont fortes, les troisième et quatrième étant les plus hautes et ayant le tiers de la longueur de la tête, La caudale est ar- rondie. L’anale commence au niveau du troisième rayon de la dor- sale, et se termine sous le troisième avant-dernier rayon de cette na- geoire ; les deuxième et troisième épines, de même longueur, mais plus courtes que celles de la dorsale, sont sillonnées. Les pectorales, composées de dix-neuf rayons, sont larges, arrondies ; les ventrales se terminent au même niveau que les pectorales. Le corps est rou. geâtre, largement marbré de noir ; la dorsale molle et l’anale portent des taches de couleur brune. Les écailles de la ligne latérale sont irrégulières, le lobe médian du bord adhérent étant excentrique et le tube muqueux lui-même étant obliquement placé ; le bord est découpé par huit à douze lobules ; le bord du tube est libre sur le tiers environ de son étendue; la zone spinigère est peu étendue. Les écailles des flancs sont quadrangulaires ; le bord antérieur droit est découpé par environ quatorze lignes rayonnantes; le foyer, assez grand, est reculé ; la zone spinigère est peu étendue. Les écailles du centre sont petites, elliptiques, et manquent de spinules; le bord antérieur, arrondi, présente une échancrure mé- diane. Longueur totale. AS 2 EUR STE 0m,340 — de dater MébeRt QE TOC COREs 0 ,110 — de la troisième épine anale. ...... 0 ,034 — de la quatrième épine dorsale. ... 0 ,026 — du MmuBea ee TP RE D A 0 ,027 Diarhètre de l'E SRI. DE ne 0 ,032 Hautes du COR ER RER EE. 0e 0 ,090 L'espèce, assez rare, se pêche à l'extérieur de l'ile. [| ILLE DES CIRRHITIDÆ. Près des Triglidæ (Joues cuirassées) de Cuvier et Valenciennes, M. A. Günther a placé, à l'exemple de Gray, la famille des Cérrhitidæ, démembrée des Percoïdes et des Sciénoïdes de Cuvier et Valenciennes, MALE SOUL EL MA Le tn cp ei A À : des LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 17 famille caractérisée par la dorsale, dont la portion molle et la portion épineuse sont d’égale longueur, et par lanon-division des rayons infé- rieurs des pectorales. Par le genre Æoloxemus (Holoxemus culaneus), la famille fait passage aux Scorpænidæ. Les autres genres peuvent se grouper autour des Cirrites et des Cheilodactyles, les premiers fai- sant partie de la famille des Percoïdes, telle que la comprenaient Cuvier et Valenciennes, les seconds appartenant aux Sciénoïdes des mêmes auteurs. Les genres que l’on peut ranger autour des Cirrites sont de l'océan Indien et surtout des parties les plus chaudes de cet océan; elles se retrouvent à Timor et aux îles Hawaï. Le genre Chironème, qui établit un passage entre ce groupe et le suivant, est d'Australie. Le groupe des Cheilodactyles est plus répandu que celui des Cirrites. Les Cheïlodactyles ont été signalés à la Nouvelle-Zélande, le long des côtes d'Australie et de la Tasmanie, au Pérou, au Chili, au Cap, au Japon et dans la mer de Chine ; les Latris et les Némadactyles sont d'Australie, de Tasmanie et de la Nouvelle-Zélande. Le genre Mendosome n'était connu que par une espèce du Chili, le Mendosoma lineatum, lorsque M. Kner fit connaître, sous le nom de Mendosoma elongatum, une seconde espèce trouvée à Saint-Paul par l'expédition de la Vovara. La famille des Cwrhitidæ est, outre cette espèce, représentée à Saint-Paul par le ZLatris hecateia, dont le type avait été indiqué par Richardson comme provenant de Tasmanie, par le Cheëlodactylus monodactylus du Chili et le Nemadactylus concin- nus de Tasmanie. | LATRIS HECATEIA (RICH). Latris hecateia, Richardson. Proc. Zool. Soc., 1839, p. 98. — Trans. Zool. Soc., IL, p. 106, pl. VI, fig. 1. Latris hecateia, Günther. Cat. Fish. Brit. Mus., t. IL, p. 86. Cheilodactylus hecateia, Richardson. Proc. Zool. Soc., 1850, p. 67. Latris hecateia, Kner. Reise der Novara, Fische, p. 95. D. XVII, 1-36; A. III, 27; L. lat. 112. Le poisson est allongé, la hauteur maximum étant contenue quatre fois et un tiers dans la longueur totale du corps; la hauteur diminue régulièrement en arrière, cette hauteur étant au niveau de la terminaison de l’anale les deux septièmes de la hauteur prise au niveau de l’origine des ventrales. Le profil supérieur de la tête est régulièrement incliné. ARCH, DE ZOOL, EXP. ET GEN,. — T, Vitt, 1879. 2 18 H..E. SAUVAGE. La longueur de la tête est contenue quatre fois dans la longueur totale du corps. Le museau est effilé, deux fois et un tiers plus long que l'œil, qui est placé au milieu de la longueur de la tête, et dont le diamètre est compris un peu moins de six fois dans la longueur de celle-ci; l’espace interoculaire est peu bombé, une fois et demie aussi large que le diamètre de l'orbite. Les narines, situées l’une contre l’autre, se trouvent un peu en avant du niveau supérieur de l’œil ; la narine antérieure est pourvue d’une valvule à son bord pos- térieur. La bouche est assez largement fendue et les lèvres sont épaisses ; le maxillaire n'arrive pas au niveau de l'œil. Les mâchoires sont armées d’une rangée de dents coniques assez fortes, derrière laquelle se voit une bande de dents en velours ras et serré ; il n’existe qu'un petit paquet de dents au vomer. Le préorbitaire, aussi haut que large, est très grand ; il est entier ; de fines denticulations arment le bord du préopercule, dont l'angle est arrondi. Les joues sont garnies d'écailles ; les écailles s’avancent au-dessus de la tête jusqu’au ni- veau des narines ; le museau est nu. La dorsale épineuse commence à une distance du bout du museau égale à la longueur de la tête ; cette nageoire a même longueur que la dorsale molle ; les épines sont fortes et augmentent régulièrement de la première à la huitième, pour, de ce point, diminuer de hauteur ; les premières épines sont toutefois plus hautes que les dernières. La dorsale molle est réunie par sa base à la dorsale épineuse ; elle com- mence par une épine faible et courte; les rayons mous antérieurs sont les plus hauts; les autres diminuent régulièrement de hauteur. La caudale est fortement fourchue; sa longueur est comprise quatre fois et deux tiers dans la longueur du poisson. L’anale commence sous le septième rayon de la dorsale et se termine au même niveau qu'elle; la forme de la nageoire est celle de la dorsale ; la première épine est faible, la seconde, plus courte que la troisième, est plus forte que celle-e1. Les pectorales sont subtronquées ; les huitième et neuvième rayons simples dépassent un peu le bord de la nageoire; ces rayons simples sont au nombre de neuf ; la longueur de la nageoire fait le sixième de celle du corps. Les ventrales s’attachent sous le milieu de la longueur des pectorales, plus près de l’anale que du bout du museau; elles sont formées d’une épine assez longue et de cinq rayons mous ; ces nageoires sont courtes, et leur longueur n’est que la moitié de celle de la tête. Le corps est noir, traversé de trois larges bandes blanchâtres, l'une LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 19 au-dessous de la ligne latérale, la seconde au niveau de cette ligne, la troisième en dessous; le ventre est blanchâtre ; la partie supérieure et le museau sont marbrés de lignes noirâtres. La dorsale épineuse est maculée de noir; la base des pectorales, dans l’aisselle, est de couleur foncée. Les écailles de la ligne latérale sont assez fortement enfoncées dans la peau; ces écailles, de petite taille (longueur, 5**,8 ; hau- teur, 4mw,2, chez un poisson de 500 millimètres), sont allon- gées, plus larges en avant qu'en arrière ; ces écailles sont cycloïdes ; le tube est long et occupe la plus grande partie de lécaille; le tube est étroit; le canal s'ouvre un peu après le milieu de sa lon- gueur : à partir de ce point, le tube se rétrécit un peu et se courbe légèrement en S vers le haut pour venir se terminer au bord. Un large feston fait face au tube; on ne remarque de chaque côté de ce feston médian qu'un ou deux festons peu prononcés. Les écailles des flanes sont à peu près quadrangulaires (longueur 7 millimètres; hauteur 6,8); le bord antérieur est droit, coupé par treize à seize festons peu marqués; le foyer est large et diffus; entre ce foyer et le bord se voient &es lignes concentriques. Les écailles ventrales sont petütes (longueur, 3%2,5; hau- teur 2%%,5), plus larges en avant, un peu rétrécies latéralement ; le bord antérieur, légèrement arrondi, est découpé par trois à cinq festons peu marqués; le foyer est reculé et diffus; comme aux écailles des flancs, l’écaille est rugueuse entre le foyer et le bord postérieur. Les écailles de la joue, sauf la taille, ressemblent à celles des flancs. Les écailles de la dorsale sont très allongées, et leur bord antérieur se prolonge en pointe. ÉOnsUEUr OMIS AU: COTDS. , : nus ons ernine 0m,500 —- de Ta fête... ..:,.. Fa ue 54 VOTES — du museau ..... DOTE PI TR Es ds De HAS 0 — HesMhÉCIOTAlES 6, de amas sx 07,085 — HE VEMIPAIES. Une de ani 0 ,060 — do Ta tandales 24 252 TIME NAS EL REE à: du MAMOUT AU LOTDSL 6. on vimiae di ur AUD: ELT Diane de, Pit... .,., 244 cu dpacten 250 21:00" 3029 Distance du bout du museau à l’origine de la DOPAIEL ie dis. ps RS TANE AE TS 0 ,125 Distance du bout du museau à l'atlache des MERAPARES ee dde » os ce v à à s AMRNDE ele are 0 ,166 D'après M. Vélain, le Zatris hecatera forme le fonds de la pêche et il n’est pas « rare d’en rencontrer du poids de 120 livres; il se 20 | H.-E. SAUVAGE. tient toujours dans les profondeurs, où il se nourrit principalement de mollusques (céphalopodes) et de crustacés (langoustes) ; les pêcheurs lui donnent le nom de cabot ou de porsson de fond. » Les couleurs, très vives lorsque le poisson est en vie, s’altèrent rapide- ment à l'air et l’animal devient d’un gris uniforme. Certaines variétés sont ornées de bandes variant du jaune vif et orange au jaune pâle. Les pêcheurs redoutent beaucoup la piqûre produite par les épines dorsales de ce poisson ; elles occasionnent rapidement du gonflement accompagné d’une vive douleur. MENDOSOMA ELONGATUM (KNER). Mendosoma elongatum, Kner. Reise der Novara. Fische, p. 92, pl. V, fig. 2. D. XXII à XXIII, 1-26 ; À. III, 18 ; L. lat. 65, Le corps est comprimé, allongé régulièrement, ovalaire, la hauteur maximum étant comprise quatre fois et demie dans la longueur totale du corps; derrière les nageoires verticales la hauteur du pédi- cule caudal forme les deux septièmes de la hautéur prise au niveau du milieu des pectorales. La longueur de la tête égale la hauteur maximum du corps; le museau est allongé, effilé, un peu plus long que le diamètre de l'orbite. La courbe supérieure de la tête est régulière. L’œil, situé au milieu de la longueur de la tête, est contenu un peu plus de quatre fois dans la longueur de celle-ci; il est séparé de celui du côté opposé par un espace un peu bombé, aussi large que son diamètre. Les orifices des narines sont situés, l’un presque au niveau du bord antérieur de l’œil, l’autre plus en avant, quoique près de l’orifice pos- térieur. L'ouverture de la bouche est petite, celle-ci étant très protractile, à cause de la longueur des branches de l’intermaxillaire, qui remontent jusqu'au niveau du bord postérieur de l’œil; la portion buccale de l’intermaxillaire est large, son bord inférieur est échancré, le bord supérieur irrégulièrement convexe; le maxillaire s'étend jusqu’au niveau du bord antérieur de l’œil ; des dents très fines gar- nissent le bord de la mâchoire supérieure, la mâchoire inférieure et le palais sont privés de dents. La langue est libre, échancrée en avant. Les os pharyngiens portent des dents en velours fin et serré. La distance du bout du museau à l'origine de la dorsale est com- prise trois fois et deux tiers dans la longueur totale du corps, Les LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 21 épines augmentent de hauteur jusqu'à la neuvième, pour décroître régulièrement en avant et en arrière ; la première épine n’a guère que le quart de la neuvième ; celle-ci est plus longue que le museau ; la dorsale molle est bien moins longue que la dorsale épineuse; les rayons diminuent régulièrement de hauteur, à partir du sixième ; la nageoire s'arrête loin de la caudale, qui est fortement fourchue et contenue près de cinq fois et demie dans la longueur totale du corps. L'anale commence au même niveau que la dorsale et se termine un peu avant celle-ci ; la seconde épine, un peu plus courte que la troïi- sième, est plus forte qu’elle ; la nageoire est échancrée, les derniers rayons étant plus longs que les rayons médians. Les pectorales, assez longues, sont un peu arrondies; on y compte dix-sept rayons; les rayons simples, au nombre de six, ne sont pas détachés du reste de la nageoire et n’en dépassent pas le bord. Les ventrales sont attachées un peu plus près de l’origine de l’anale que du bout du museau, très en arrière de l’attache des pectorales, sous la septième épine dorsale; elles sont composées de cinq rayons et d'une épine faible, plus courte que les rayons mous; la distance qui sépare leur extrémité de l’anus est égale à leur propre longueur. La couleur, dans l'alcool, est gri- sâtre, fortement rembrunie sur le dos et sur le dessus de la tête; à chaque rangée d’écailles correspond une étroite ligne longitudinale peu marquée, les nageoires sont transparentes; l’extrémité de la membrane qui réunit les épines du dos est noirâtre; la base des pectorales est, dans l’aisselle, de même couleur. Longueur totale du corps. ......... SOC RO LR DAS — dénimieie ose ERA LE + RE Poe 0 030 Longueur de la dorsale épineuse..,..,.,,,..... 0 ,042 _— — IRON LS PR TM 0 ,025 — 11 dés pectorales.s 24e Je de uen 0 ,026 — des ventrales..... PR RER osseux Danl6 Distance du bout du museau à l’origine de la OAI ee ee trnses ee durs ASF TR Adi side 0 ,037 HatteUR AU CODE eco 0e routes ses 07,033 Les écailles de la ligne latérale sont petites (longueur, 3 millimètres ; hauteur 2? millimètres), à bord postérieur arrondi, sans spinules; un grand feston marginal se voit au bord adhérent, en face du canal; un ou deux festons marginaux sont peu marqués ; l’ouverture antérieure du canal est large, l'ouverture postérieure est située un peu en arrière de la moitié de la longueur du tube, qui, à partir de cette perfora- 22 H.-E. SAUVAGE. tion, devient {plus étroit et se continue jusque près du. bord de l’écaille. Chez la seconde espèce du genre, le Mendosoma lineatum du Chili, les écailles sont aussi petites (longueur 4"%,6; hauteur 3 mil- limètres chez un individu de 200 millimètres de long), allongées, plus larges à leur partie antérieure qu’à la postérieure, qui se ter- mine en pointe mousse. Les écailles de la ligne latérale chez l'espèce du Chili sont pelites (5%®,5 de long, 4°%,3 de haut), le bord antérieur est un peu arrondi et découpé par huit à dix festons peu marqués; le foyer est reculé et assez grand. Chez l’espèce de Saint-Paul, les écailles sont de faible dimension (4 millimètres de long, 3*%,7 de haut), à bord antérieur droit, découpé par treize à quinze festons peu marqués, mais à lignes rayonnantes s'étendant jusqu’au foyer qui est grand et central. Chez le Mendosoma elongatum, les écailles des flancs sont petites (22% 5 de long, 14 millimètre de haut), allongées, à bords terminaux arrondis, le bord antérieur étant découpé par quatre à six festons ; le foyer est érodé, presque central ; chez le Mendosoma lineatum, ces écailles sont petites (longueur, 3°%,5 ; hauteur, 1"",2), allongées, un peu plus larges vers le bord postérieur; le bord antérieur est droit, assez profondément découpé par trois ou quatre festons ; le bord postérieur est arrondi, le foyer reculé. | Très abondante dans l’intérieur du cratère, cette espèce est dési- gnée par les pêcheurs sous le nom de Poisson bleu. NEMADACTYLUS CONCINNUS (RICH.). Nemadaclylus concinnus, Richardson. Trans. Zool. Soc., HI, p. 116, pi. IV, fig. 2. — Günther. Fish. Brit. Mus., t. I, p. 85. — Kner. Reise der No- vara, Fische, p. 94. D. XVITI-28 ; À. III, 15; L. lat. 50. Le Nemadactylus concinnus signalé en Tasmanie par Richardson, a été retrouvé à l’île Saint-Paul par les naturalistes de la Vovara. Le genre, voisin des genres C'heilodactylus et Mendosoma, se reconnaît à la présence d’une seule rangée de dents avec mâchoires. L'espèce décrite par Richardson est, jusqu’à présent, la seule connue. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL, 23 CHEILODACTYLUS MONODACTYLUS (CARMICH.). Chœtodon monodactylus, Carmichaël. Trans. Lin. Soc, t. XII, p. 500, pl. XXI. Cheilodactylus Carmichaelis, Guvier. Val., Hist. Poiss.,t V, p. 360 ; t. IX, p. 489. Cheilodactylus monodactylus, Günther. Fish. Brit. Mus., t. IT, p. 81. Cheilotactylus Carmichaelis, Kner. Reise der Novara, Fische, p. 90, pl. V, fig. 1. D. XVILI-24 ; A. III, 12; 12 lat. 45. M. Kner a indiqué, à l’île Saint-Paul, cette espèce que l’on n'avait encore trouvée que sur les côtes du Chili ; très voisine du C’heëlodacty- lus grandis, ce Cheïlodactyle s’en distingue par le second rayon simple de la pectorale s'étendant jusqu’au niveau de la seconde épine anale, tandis que chez le Cheilodactylus grandis ce rayon arrive à peine au niveau de l’anus; de plus, chez cette dernière espèce la for- mule de l’anale est ILE, 9, tandis qu'elle est IT, 19, chez le Cheïlodac- tylus monodactylus ; le C'heilodactylus aspersus se distingue surtout du Cherlodactylus monactylus par la formule des nageoires qui est: D. XVIII, 27; A. III, 11, pour cette dernière espèce, tandis qu'elle est: D. XVII, 24 ; A. II, 12, pour la première espèce ; de plus, chez le C'herlodactylus monodactylus Yon compte quarante-cinq écailles à la ligne latérale; ces écailles sont au nombre de cinquante-cinq à cin- quante-sept chez le Cherlodactylus aspersus. CHEILODACTYLUS ASPERSUS (RICH.). Cheilodactylus aspersus, Richardson. Proc. Zool. Soc., 1850, p. 64; Ann. et Mag. Nat. Hist., 1851, VIE, p. 280. — Günther. Cat. Fish. Brit. Mus., IL :-p 2 D: XVIII-27; A. III, 142; LD. lat. 57. L'expédition pour le passage de Vénus a rapporté de Saint-Paul un Cheïlodactyle qui, malgré quelque différence avec le Cheilodactylus aspersus, tel que l’a fait connaître M. Günther, d’après le type même de Richardson, nous semble devoir être rapporté à l'espèce citée plus haut. La plus grande hauteur du corps est comprise quatre fois dans sa longueur. La ligne du front est assez fortement inclinée de l’origine de la dorsale à l’extrémité du museau. La longueur de la tête est con- 24 H.-E. SAUVAGE. tenue cinq fois et demie dans la longueur totale du corps. L'æœil est situé au milieu de la longueur de la tête, dans la longueur duquel son diamètre est contenue quatre fois et demie. La dorsale épineuse commence presque à la nuque ; elle a même longueur que la dorsale molle ; les épines en sont fortes; la hauteur du cinquième rayon est contenue deux fois et demie dans la longueur de la tête. La dorsale molle est un peu plus basse que la nageoiïre antérieure et ses rayons diminuent graduellement de longueur, les deux ou trois derniers étant toutefois un peu plus longs que les précédents. On compte quinze rayons à la pectorale, les six rayons inférieurs étant simples ; le premier de ces rayons est allongé et arrive presque au niveau de l'anus. La caudale est fourchue ; sa longueur est comprise cinq fois dans la longueur totale du corps. Les épines de l’anale sont fortes, la seconde étant plus forte et plus longue que les autres. La description précédente a été faite d’après un exemplaire en peau long de 640 millimètres ; les autres dimensions sont: Longueur de la tête.......... tr ts Ne .... 0m,195 NO MeNle Che ES re trés 0 IS — de la première dorsale. ............ 0 ,180 — de la seconde dorsale.....,... "HET 0 ,173 Hatüteur di Corpse, AN RTE 0 ,160 Diamétire. de FE RC RER RER 0 ,030 Distance entre les yeux. "nt, PAPA 0 ,405 — de la base des pectorales à l’anale.... 0 ,205 Longueur du plus long rayon des pectorales... 0 ,160 £ Les Cheïlodactylus sont très abondants à Saint-Paul ets’approchent des côtes pendant la saison chaude, de novembre, en mars ou avril. Suivant M. Vélain, ils se tiennent très près de la surface, laissant, par les temps calmes, dépasser le corps à demi hors de l’eau ; d’autres fois ils s’élancent et sautent à la manière des Bonites. Ce sont de jolis poissons, longs de 50 à 75 centimètres en moyenne, d’une forme svelte et élégante. Quand ils viennent d’être pris, la robe, sur un fond gris-verdâtre, est marquée sur les flancs de bandes longitudi- nales, alternativement noirâtres, jaunes et bleu clair. Ces couleurs, dont les dispositions et l’intensité varient extrêmement, s’effacent pour ainsi dire de suite sous l'influence de la lumière. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 25 FAMILLE DES TRACHINIDÆ. Le groupe des 7rachinidæ, auquel appartient le genre Bovichthys, est presque exclusivement cantonné dans la mer des Indes et dans l'océan Pacifique, surtout dans l'hémisphère sud; c'est ainsi que nous notons les Zpicopus au Chili, les £'leginus au Chili, aux Falkland, en Australie, les ZBovichthys à l'île Saint-Paul, à la pointe sud de l'Amérique, à la Nouvelle-Zélande, au sud de l'Australie. Les Ch«œ- nichthys représentent les Vives à la terre de Kerguelen. Les Aphritis sont des côtes du Chili et de la Nouvelle-Zélande. La répartition des Vives est plus étendue; le genre est abondant sur les côtes atlantiques d'Europe et dans la Méditerranée, s'avançant au nord jusqu'au 55° degré; une espèce, Trachinus cornutus, rappelle le genre sur les côtes du Chili. Les Sz/lago et les Percis, formes chaudes du groupe, s'étendent depuis la mer Rouge jusqu'aux côtes d'Australie et aux mers de Chine (île de France, Amboine, Chine, Japon, Fidji, Nou- velle-Zélande, Nouvelle-Hollande). BOVICHTHYS VENERIS (N. SP.). Bovichthys psychrolutes ? Kner. Reise der Novara, F'ische, p. 128. DVI ASS A. CF De même que les autres espèces du genre, ce Bovichthys a la forme d'un Cotte. Le corps est allongé, comprimé, la plus grande hauteur étant contenue près de six fois dans la longueur totale; le corps se comprime d’autant plus que l’on approche de la caudale, de telle sorte que le pédicule, en arrière des nageoires verticales, n’est guère que le tiers de la hauteur prise au niveau de l’attache des pec- torales. La tête est comprimée latéralement; sa longueur est contenue quatre fois et demie dans la longueur totale du corps. Le museau est obtus, parabolique ; la courbe supérieure s’infléchissant assez forte- ment au niveau de l’œil,la partie postérieure de la tête est légèrement bombée et ne porte pas de ligne saillante. L’espace qui sépare les yeux est à peine concave et porte deux carènes obtuses ; cet espace est moins grand que le diamètre de l'œil. Les veux, grands, arrondis, éloignés du bout du museau par un espace un peu plus grand que 26 H.-E. SAUVAGE. leur diamètre, sont rapprochés sur le haut de la tête. L’opercule est grand ; il porte à l'angle une forte épine un peu dirigée en haut, ayant les deux tiers du diamètre de l'œil. La bouche est fendue jus-. qu'au niveau du tiers antérieur de l’œil. Des dents, en velours fin, forment une large bande aux mâchoires, au vomer et aux palatins ; les dents les plus externes de la mâchoire supérieure sont un peu plus grosses que les autres. Les narines sont presque terminales. La première dorsale commence à une distance du bout du museau égale à sa propre longueur ; les épines en sont flexibles ; les troi- sième, quatrième, cinquième épines sont un peu plus longues que les autres, sans être toutefois aussi hautes que les rayons de la dorsale molle. Cette nageoïre touche par sa base à la dorsale antérieure; elle est près de deux fois aussi longue qu'elle; les rayons augmentent régulièrement de hauteur jusque vers le milieu de la nageoire, le der- nier rayon à un peu plus de la moitié de la hauteur du plus long rayon. La caudale est subtronquée; sa longueur est contenue un peu moins de six fois dans la longueur totale du corps. L’anale commence sous le sixième rayon de la dorsale molle et se termine au même ni- veau que celle-ci; le dernier rayon est plus long que les autres. Les pectorales sont grandes, arrondies, et arrivent à l’anus ; on y compte quinze rayons, les cinq rayons inférieurs étant simples et plus gros que les autres. Les ventrales, écartées l’une de l’autre, s’attachent sous l’aplomb du bord du préopercule, bien en avant des pectorales; elles arrivent au niveau du milieu des pectorales. La peau est nue; la ligne latérale est droite. La couleur est d’un brun uniforme; la pre- mière dorsale estnuancée de noir. Longueur du corps...... LCR RE PIS M 0m,245 — dé IX Le SN RE A ne Pa ae 0 ,062 — *- du museau RES es. RETIRE 0 ,018 — de la première dorsale.......,,..., . 0 ,046 — de la Seconde dorsale... 7.5 0 ,080 nr des DECÉOTRLOS PEN RE RL LE Rr ex 0 ,048 — "des ventrales RME Een en . 0 ,042 # | 1fe d'analent fit AMSReRE PE auf ie 0 ,060 — del aude RE es à - . 0:08 Hauteur maximum. ........ + D RES TT CT AR +: Voisine du Bovichthys psychrolutes, Gthr.*, cette espèce, qui paraît 1 M. Günther (Cat. Fish. Brit. Mus., t. II, p. 250) indique l'espèce comme ayant été prise par 50 degrés de latitude sud et 170 degrés de longitude ouest; le British Museum a depuis reçu un autre exemplaire provenant du détroit de Cook, à la Nou- velle-Zélande. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 27 être assez abondante à Saint-Paul, en diffère par la tête plus courte, et surtout par les ventrales bien moins longues; chez le Bovichthys psychrolutes, ces nageoires arrivent à l’anus, tandis que chez l’autre espèce elles sont éloignées de l'anus par un espace plus grand que la moitié de leur longueur. M. Kner a figuré et décrit avec doute sous le nom de Zovichthys psychrolutes (?), Gthr., une espèce provenant de Saint-Paul qui par la briéveté des ventrales doit être rapportée au Bovichthys Veneris. M. Kner compare l'espèce au Bovichthys variegatus d'Australie, dont elle diffère, entre autres caractères, par l'absence de bandes en ira- vers du Corps. Abondante dans l’intérieur du cratère, cette espèce se tient cachée sous les rochers. FAMILLE DES TRICHIERIDÆ. Les genres Lepidopus, Trichiurus, Thyrsites, Gempylus, placés par Cuvier et Valenciennes dans la famille des Scombéroïdes. en ont été détachés par M. Günther; avec quelques genres voisins, tels que les Aphanopus, les £pinnula, les Dicrotus, cet auteur a constitué la fa- mille des 7 richiuridæ. Ces poissons se séparent, en effet, trop nette- ment des Scombéroïdes pour pouvoir leur être réunis, ainsi que l'a- vait pressenti Agassiz. Dès l’époque de la craie blanche et de la craie de Maëstricht, la famille naît parle type des £nchodus, de la craie d'Europe et d'Asie; ce genre n’est connu que par la dentition, qui a beaucoup de rap- ports avec celle des Thyrsites et des Lepidopus. Plus haut dans la série des formations, à Glaris, c’est-à-dire à l’époque du nummuli- tique, nous voyons apparaître les Anenchelum, qui sont, d’après Agas- siz, en quelque sorte les précurseurs des Lépidopes ; les VNematopteryx des mêmes terrains ne seraient que des Anenchelum à corps trapu *. Pendant l'époque du pisolitique, à Monte-Bolca, la famille est 1 Voir AGassiz, Poiss. foss., t. V. — Reuss, Kreidegeb, I, pl. 1V, fig. 65, 66. — ManTeLL, Geol. of Susseæ, pl. XXX, XXXI. — Dunxer, Nord-Deuische Wealden- bild, pl. XV. —EGERTON, Quart. Journ., t. IV, p. 66, et Trans. Geol. Soc., 2e série, t.. VII, p. 91. — Picrer, Traité de paléontologie, t. Il, pl. XXXII. — jJétiol. veron., pl. LVITI. — Sauvace, Mémoire sur la faune ichthyologique de la période tertiaire (Bibl. Ecole des hautes études, t. VIII, 1873). 28 H.-E. SAUVAGE. représentée par le genre Xiphopterus. Le genre Lepidopus paraît naître . dans les mers du Tongrien *. Ce dernier genre fait d’ailleurs son apparition certaine à Licata, en Sicile, à la base du pliocène, par deux espèces, les Lepidopus Albyi, Sauvg., et Lepidopus angquis, Sauvg. Avec lui vit un genre voisin des Thyrsites que nous avons fait connaître sous le nom de Æemithyrsites (Hemithyrsites armatus, alatus, Licatæ), et un autre genre, Trichiu- richthys, allié aux Trichiures ?. Le genre Lepidopides, créé par Heckel, a de grands rapports, par la forme du corps, la disposition de la colonne vertébrale, avec les Anenchelum ; les dents rappellent plutôt celles des Trichiures et des Lépidopes; le genre est du tertiaire de Moravie et de Gallicie *. La distribution géographique des 7richiuridæ est assez étendue. Le genre Aphanopus, qui ne comprend qu'une seule espèce, est de Ma- dère ; les Lépidopes (Zepidopus caudatus) remontent jusqu'aux côtes anglaises et se retrouvent dans la Méditerranée et au cap de Bonne- Espérance ; ce genre est celui qui s’étend le plus au nord. Parmi les Trichiures, le 7richiurus lepturus est des côtes de l'Amérique tropi- cale; les autres espèces, Trichiurus savala, muticus, lajor, haumela, des mers de l’Inde et de Chine ; le 7richirus japonicus remonte jus- qu'au Japon. L’unique espèce d’£pinnula (Epinnula magistralis) est signalée par Poëy à la Havane. Les Gempyles sont des mêmes parages (Gempylus serpens) et s'étendent jusqu'à Taïti (Gem- pylus coluber). Le genre Thyrsites vit dans la Méditerranée par une espèce, le Zrichiurus pretiosus, que l'on a retrouvé à Madère, aux Ca- naries, aux Antilles; le Trichèurus prometheus est de Madère et de Sainte-Hélène ; une autre espèce (Trichiurus lepidopoides) se pêche sur les côtes du Brésil, tandis que le Zrichiurus atun représente le genre au Cap, au Chili, en Tasmanie, le Zrichiurus Solandri, à la Nouvelle-Hollande, et le Zrichiurus prometheoides dans l'archipel Indien. 1 SAUVAGE, Notice sur les poissons de Froidefontaine (Bull. Soc. Géol. de France, 28 série, t. XX VI], 1870). 2 SAUVAGE, Faune ichthyol. pér. terliaire (loc. cit.). 3 Beitr. zur Kenniniss der foss. Fisch. Osterreichs, p. 41, pl. X et XV. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUT. 29 THYRSITES ATUN (EUPH.). Scomber atun, Euphrasen. Vetenskr, Acad. Nya Handl., XII, Stockl., 1791, p. 315. Thyrsites atun, Cuv. Val., t. VIIL p. 196, pl. CCXIX. — Cuvier, Règne ani- mal, Poissons, pl. XLIX, fig. 1. Thyrsites altivelis, Richardson. Proc. Zool. Soc., 1839, p. 99. Thyrsiles atun, Günther. Fish. Brit. Mus., t. II, p.350. D. XX, I-19 ; A. I, 10. fausses pinnules, VII, VI. Cette espèce est allongée, la hauteur aux pectorales étant près de huit fois dans la longueur totale du corps ; la longueur de la tête est contenue quatre fois et demie dans la même dimension. La tête est pointue ; le dessus en est plan; le profil est un peu incliné.La mâchoire inférieure dépasse la supérieure ; le maxillaire s’étend jusqu’au niveau du tiers antérieur de l'orbite ; les dents de la mâchoire supérieure sont plus faibles que celles de la mandibule; les dents qui arment la pointe du museau sont grandes, pointues, crochues ; les dents des palatins sont petites, pointues, dirigées un peu en arrière. L'œil est situé à égale distance du bout du museau et de l'ouverture des ouïes ; il est placé contre la ligne du front et son diamètre fait un peu plus du sixième de la longueur de la tête. La dorsale commence au-dessus de l’opercule, à une distance du bout du museau contenue deux fois dans la longueur de la nageoïire ; les épines en sont peu fortes et diminuent peu de hauteur, les deux dernières épines étant toutefois très courtes. La dorsale, molle, est courte, prolongée en pointe, basse à l'arrière, à peine plus longue que haute. Les fausses pinnules occupent entre cette nageoire et la cau- dale un espace égal au quart de la ligne du dos. La caudale est four- chue; elle est comprise un peu plus de six fois dans la longueur totale. L’anale commence sous le deuxième rayon de la dorsale ; sa forme est semblable à celle de cette dernière nageoire. Les pectora- les sont courtes, taillées en faux; les ventrales n’ont qu’un peu plus du tiers de la longueur des pectorales. A part quelques écailles sur l’opercule, la lête est nue ; les écailles du corps paraissent être fort caduques; nous notons toutefois que tout le corps est couvert d’écailles assez grandes. La ligne latérale marche parallèlement au dos, très près de la dorsale, jusque vis-à-vis du quinzième rayon de cette nageoire; à partir de ce point elle des- 30 H.,E. SAUVAGE. cend par une courbe oblique, puis, vis-à-vis de l’avant-dernier rayon, arrive au milieu de la hauteur du corps et reprend ensuite la direc- tion droite. D’après Cuvier et Valenciennes «le ventre et les flancs sont ärgen- tés ; le dos est teint de brun et de plombé. La membrane de la pre- mière dorsale est fine et teintée de noir, mais avec une large bande transparente derrière chaque rayon. Les rayons eux-mêmes sont jaunes. Les autres nageoires sont d'un brun jaunâtre, excepté les ventrales, qui sont blanchâtres. Dans le frai, le dos est bleu foncé, avec des reflets pourpres et verts, et un éclat métallique; le ventre est argenté; le dessus de la tête d'un vert noirâtre, l’anale et les fausses nageoires blanc-verdâtre. » Les écailles des flancs et des joues sont petites et n’ont que 8 et 32» 8 de diamètre chez un poisson de 740 millimètres de longueur ; ces écailles sont arrondies, ornées d’une série de lignes parallèles et concentriques. Les écailles de la ligne latérale montrent bien l’indé- pendance de la partie qui porte le tube; chez le Thyrsite l’écaille se compose de deux parties, une partie postérieure étroite et allongée (longueur de l’écaille, 5 millimètres; longueur de cette partie, 3,6) qui supporte le tube, partie à peine plus large que le tube ; une partie élargie se voit en avant, supportant l’origine du tube, qui s’ouvre près du bord de l’écaille par une large ouverture. M. Günther est disposé à rapprocher le Zhyrsites chilensis du Thyr- sites atun ‘; Guvier et Valenciennes disent, en effet, que l’espèce du Chili est très semblable à l’Afun pour les formes, les membres et les couleurs, mais que « la tête est sensiblement plus allongée et plus étroite, les dents latérales plus grandes à proportion». D’après l’exa- men des deux types étudiés par Cuvier et Valenciennes, le Zhyrsites chilensis forme une espèce bien distincte par sa ligne latérale presque droite, la longueur de la tête contenue six fois dans la longueur du corps. Le museau est fort pointu, la mâchoire inférieure dépassant largement la mâchoire supérieure. Tandis que chez le T'hyrsites atun le centre de œil est à égale distance du bout du museau et du bord de l’opercule, chez le Thyrsites chilensis l'œil est placé bien plus près de l’extrémité de la tête; le profil de la tête est plus bombé. Les pectorales sont beaucoup plus longues; tandis que chez le TAyrsites atun les nageoires ont comme longueur la distance qui sépare le 1 Cal, fish. Brit. Mus., t. II, p 350. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 31 centre de l’œil du bord de l’opercule, chez l’autre espèce les pecto- rales sont bien plus grandes que cette distance. Le Thyrsites atun habite la mer qui entoure le cap de Bonne-Espé- rance ; Quoy et Gaimard ont dessiné à la baie de Basmann, à la Nou- velle-Zélande, un Thyrsite qui doit être regardé comme appartenant à la même espèce que M. Günther cite sur les côtes de Tasmanie, d'où Richardson l’a fait connaître sous le nom de T’Ayrsites altivelis ; elle a été trouvée à Saint-Paul par MM. V élain et Rochefort. L’exemplaire rapporté par ces deux voyageurs, exemplaire d’après lequel a été faite la description donnée plus haut, est long de 740 millimètres ; les autres dimensions sont : Eonpüueur deda télés: 24... 4... RO ... 0m,165 — de CAUUMeS ins. ue jee di 0: ,125 — de la première dorsale....,........ 0 ,315 = de la seconde dorsale...........,. . 0 ,050 A CA CU CE PR NE EE 0 ,030 — MU HORDE D en ecran 0 ,075 PEUR URI OUTDS D. Liane denis ROC. 0 ,105 RER BL Lu sc ha dax AIN 28 VER 0 ,027 POBDÉUBUR du TUSeAN. |. se ner 15 à 2,:0:,070 Largeur de lespace interoculaire..,....... du 185081 Le Thyrsites atun est désigné par les pêcheurs sous le nom de Tazard ou de coupeur de lignes ; il est peu abondant et vit dans les erandes profondeurs. FAMILLE DES CARANGIDÆ, GENRE SERIOLELLA, Sous le nom de Sercolella, M. Guichenot a décrit ! des poissons des côtes du Chili, faisant partie de la famille des C'arangidæ et du pre- mier groupe Carangina tel que l’admet M. Alb. Günther. Le genre est caractérisé par ses épines anales séparées de la portion molle de la nageoire, la ligne latérale non armée, le préopercule dentelé, l’ouver- ture de la bouche de grandeur moyenne, les dents petites, disposées suivant une seule série, des dents au vomer, l'absence de dents aux palatins. Le genre comprenait trois espèces (Serzolella porosa, cærulea, violacea) provenant de Valparaiso et de l’île de Juan-Fernandez. 1 GuicnenoT in Gay, Fauñna Chilena, Peces, p. 238. 32 H.-E. SAUVAGE. Plus tard, M.A. Günther a désigné sousle nom de Veptonemus un genre qu’il place dans la famille des Scombridæ, entre les Cubiceps et les Pla- tystethus.:Ge genre, qui fait partie du groupe des Vomeina, est caracté- risé par deux dorsales, les pectorales plus longues que les ventrales, le museau subconique, les épines anales faibles, le palais nu, de petites dents disposées suivant une série aux mâchoires. D’après M. Günther, ce genre, établi sur un seul exemplaire empaillé, ressemble par l’ap- parence extérieure aux Seriolella; la forme de la colonne vertébrale ne doit toutefois pas être celle que l’on note chez les Carangidæ, et ce fait paraît avoir empêché M. Günther de réunir les deux genres f. Tout dernièrement? M. Günther, par la comparaison de plusieurs exemplaires de Neptonemus de divers âges provenant de Tasmanie et de la Nouvelle-Zélande, a pu s'assurer de l'identité du genre ÂVepto- nemus avec le genre établi antérieurement par Guichenot; il a remarqué que le préopercule dans le jeune âge est denticulé distinc- tement, des spinules épineux et rayonnants dépassant le bord de l'os; par les progrès de l’âge, les intervalles qui séparent ces dentelures sont envahis. M. Günther a du reste définitivement fixé la place du genre dans sa famille des Carangidæ *. Nous avons vu que les trois espèces types du genre Seriolella sont du Chili ; le Seriolella (Neptonemus) brama vient de Tasmanie et de la Nouvelle-Zélande; nous faisons connaître plus bas une espèce appar- tenant au même genre. Il est intéressant de signaler, ici encore, les analogies que l’on peut établir entre la faune ichthyologique de Saint-Paul et celle du Chili, de la Tasmanie et de la Nourvelle- Zélande. SERIOLELLA VELAINI (N. SP.). D. VII, 1-27; A. II-I, 20 ; L. lat. 90. Le corps est allongé, oblong, un peu comprimé, à profils supérieur et inférieur assez fortement courbés en avant; la plus grande hauteur se trouve au niveau de la dorsale molle ; elle est contenue trois fois et demie dans la longueur du corps. Le profil de la tête est régulière- ment convexe jusqu’au-dessus du bord antérieur de l’œil, puis devient abrupt jusqu’au bout du museau ; la longueur de la tête est contenue 1 Cat. Acanth. Fish. Brit. Mus., t. II, p. 389. ? Ann. and Mag. Nat. Hist., 1876, p. 394. 3 Proc. Zool. Soc., 1869. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 33 quatre fois et demie dans la longueur du corps. Le museau est obtus, arrondi, plus court que le diamètre de l'œil; les mâchoires sont d’égale longueur; la bouche est à peine obliquement fendue jusqu'au niveau du bord antérieur de l’œil ; les dents sont fines et aiguës, dis- posées suivant une seule rangée ; le palais est lisse; la langue est épaisse, charnue, libre en avant. On compte cinq rayons bran-= chiostèges. Les narines sont placées plus près du bout du museau que de l'œil; la narine antérieure est arrondie, la narine postérieure oblongue. L’œil est situé en avant de la longueur de la tête; son dia- mètre est compris près de trois fois et demie dans la longueur de celle-ci; l’espace interoculaire est fortement bombé, plus large que l'œil. Le préorbitaire antérieur est aussi haut que la moitié du dia- mètre de l'œil. Le bord postérieur du préopercule est échancré et porte quelques dentelures obtuses ; angle est arrondi. La dorsale commence au-dessus de l’aplomb des pectorales; la distance qui s'étend entre son origine et l’extrémité du museau est con- tenue un peu plus de quatre fois dans la longueur totale du corps; les épines sont faibles et peuvent se loger dans un sillon ; ces épines sont de même hauteur et ont à peine la moitié de la longueur du dia- mètre de l’œil; l'espace que la nageoire occupe sur la ligne du dos est compris deux fois et deux tiers dans la longueur de la dorsale molle. Cette dernière nageoire est basse, les premiers rayons étant toutefois un peu plus hauts que les autres; la base de la nageoire est écailleuse ; l’espace qui s'étend entre la terminaison de la nageoïre et l’origine de la caudale est un peu plus grand que l'intervalle qui sépare l'œil de la partie postérieure de l’opercule. La caudale est for- tement échancrée ; sa longueur est contenue quatre fois et deux tiers dans la longueur totale du corps. L’anale commence sous le dixième rayon de la dorsale et se termine au même niveau que cette nageoire ; elle est échancrée, les premiers rayons étant deux fois plus longs que les derniers ; ces premiers rayons sont plus longs que ceux de la dor- sale ; les épines, dont la troisième est de beaucoup la plus longue, sont presque entièrement cachées dans la peau. Les pectorales sont pointues, allongées, fortement échancrées en faux, les rayons infé- rieurs n'ayant que les deux septièmes de la longueur des rayons supérieurs ; les nageoires, dont la longueur est égale à celle de la tête, arrivent au niveau de l'anus. Les ventrales sont courtes et n’ont que la moitié de la longueur des pectorales ; elles sont attachées au ventre et s'insèrent immédiatement sous la base des pectorales; elles se ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GEN, —= T. Yitt, 1879, 3 34 H.-E. SAUVAGE. composent de cinq rayons et d'une faible épine ayant la moitié de la longueur des rayons mous. Les écailles sont assez grandes ; celles des flancs ont comme lon- gueur moyenne 8%%,5 et9%2,5; comme hauteur, 7°",7 et 872,4, Les écailles sont quadrangulaires, à bord antérieur droit, à bord postérieur arrondi; les bords marginaux sont légèrement échancrés, de telle sorte que l’écaille est un peu plus large à sa partie postérieure qu’à sa parie antérieure; le bord antérieur est à peine découpé par trois ou quatre festons peu marqués ; le foyer est central et très petit, entouré par des stries disposées circulairement; nous comptons sur une écaille soixante-huit stries concentriques dans la partie postérieure. Les écailles ventrales sont allongées (longueur ,9 millimètres; hau- teur, 4% 8), terminées en pointe à leur partie postérieure, à bord antérieur droit; ce bord présente un feston médian, et deux ou trois festons marginaux peu apparents; le foyer est central et petit. Les écailles de la ligne latérale (longueur, 7,5; hauteur, 6 millimètres) ont les bords antérieur et postérieur arrondis; le bord antérieur est, tantôt droit, tantôt découpé par deux ou trois festons peu marqués; le tube est large et court. La tête est nue, sauf une bande d’écailles située le long du bord antérieur du préopercule. Ces écailles sont allongées (6 millimètres de long, 3%%,8 de haut), quadrangulaires; le foyer est central. LONPUËUT OU :COTPRS eo tan enr eee 0m, 690 as (dette té RÉGMERU MAN RTES 0 ,150 — de la caudalestss vents dus Sie 0 ,140 — des peclordles nr Re seras Des 0 ,150 — GES VETUMRREPR ES EN naR met ae svt 0 ,077 _ du museau. ...... pra Pet ee Et 0 ,037 Diamètre de l'œil, editer friends tee 0 ,042 Hautéur du Corps Re nee 0 ,190 Assez rare, cette espèce atteint une grande taille ; les pêcheurs la connaissent sous le nom de poisson musique, à cause du bruit singu- lier que fait entendre le poisson lorsqu'il est capturé. FAMILLE DES CENTRISCIDÆ. La famille des Bouches en flûte de Guvier a été divisée par Müller, par Owen et par M. Günther en deux familles, les Cenériscidæ, avec les genres Centriscus el Amphisile, les Fistularidæ pour les genres Fistularia et Aulostoma. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 35 Suivant M. Günther, le genre C'entriscus est parallèle, dans sa dis- tribution géographique, aux genres Zeus et C'yltus. Le Centriscus scolo- pax est de la Mediterranée et des parties voisines de l'Atlantique ; l'espèce se rencontre accidentellement sur les côtes d'Angleterre; le Centriscus humerosus représente le genre dans les mers d'Australie; le Centriscus gracilis a été trouvé à Madère, le long de la côte ouest d'Afrique, dans les mers de Chine et du Japon. Les Amphisiles sont des parties chaudes du globe ; l’Amplusile scu- tata est connue de l'archipel Indien et des mers de Chine ; l'Amphisile punctulata dé la mer Rouge et des côtes de Mozambique ; l’Amphisile strigata, de Java. La famille des Fistularidæ est des parties tropicales de l'Atlantique et de l’océan Indien. La Fis/ularia serrata représente le genre Fistu- laire dans les mers de Chine, de la Nouvelle-Hollande et dans l'océan Indien ; le Fistularia tabaccaria est signalé des côtes de la partie atlan- tique de l'Amérique tropicale, et, d’après un Jeune exemplaire rap- porté du golfe de Guinée par l'expédition du Congo, se retrouverait sur la côte ouest d'Afrique. Les Aulostomes ont même distribution, l'Aulostoma coloratum étant de la mer des Antilles, l'Aulostoma chinense de la mer des Indes, de l'archipel Indien et des mers de Chine. Nous avons vu plus haut que le Centrisque que l’on trouve dans la Méditerranée est un type de la mer des Indes; c’est que le type date de l’époque tertiaire; Agassiz a signalé, en effet, à Monte-Bolca, un genre Ramphosus dont les affinités sont avec les Centrisques de nos mers. Au même niveau apparait le genre Fistulaire par la Festularia tenuirostris voisine de la Fistularia serrata de l'océan Indien, le genre A ulacostome représentant du genre actuel Aulostome, et un genre Urosphen, qui ne parait pas avoir de représentant dans la nature actuelle. Quant au genre Amphisile, nous constatons sa présence à Monte- Bolca (Amplusile longirostris) ; plus haut, dans la série des formations, dans le miocène de Gallicie et du Haut-Rhin, vivait l'Amphisile Hein- rich ‘; l'Amphisile du miocène vient se placer dans le groupe de l’Amplhisile scutata, de l'espèce des mers les plus chaudes ; sur la terre miocène de Froidefontaine, tout comme près de l’habitat actuel de l’'Amplusile scutata, poussaient des palmiers Sabal et des Eucalyptus. 1 Voy. Hrcxez, Beitr. zur Kennt. der Foss, Fische Œsterreichs (Denks. d. k. Ak. d. Wiss., 1850, t. I). — Sauvace, Notice sur les poissons de Froidefontaine (Bull. Soc. géol. de France, 2° série, t. XX VIT, 1870). 36 H.-E. SAUVAGE. CENTRISCUS ARMATUS (N. SP.). M. Vélain a trouvé dans l'estomac d’un poisson pêché à Saint-Paul un C'entriscus qui diffère des espèces connues par la forme du corps et la force de la seconde épine dorsale ; l’exemplaire est malheureuse- ment en mauvais état de conservation, de telle sorte que nous ne pouvons faire connaître l'espèce que d’une manière incomplète. Le corps, très comprimé, est élevé; sa plus grande hauteur, qui égale la distance qui sépare l’opercule de l’origine de la caudale, se trouve au niveau de l’origine de la dorsale. Le profil supérieur, d’a- bord un peu arrondi jusque par-dessus l’opercule, s'incline fortement pour venir, au-devant de l’œil, se continuer avec la ligne que forme le museau ; le profil de la partie postérieure du corps est également fortement incliné. La tête, museau compris, est aussi longue que la distance qui sé- pare l’opercule de l’origine de la caudale ; le museau a près de deux çois et demie la longueur de l'œil. La bouche, très petite, est oblique- ment fendue. L'orbite est grande; le rebord en est lisse; l’espace inter- orbitaire est garni d’une crête saillante, continuation de la crête qui, commencant à l’origine de la dorsale, vient se perdre au point où commence le museau. Les narines, très grandes, sont séparées l’une de l’autre par une mince cloison ; elles sont placées sous lie rebord que forme le dessus de la tête, tout près de l’œil. Le bord montant du préopercule est très-oblique et faiblement dentelé. La dorsale commence en avant du milieu de la distance qui sépare l’'opercule de la caudale ; on y compte cinq épines, les trois posté- rieures étant faibles et courtes; la seconde épine est forte, aussi longue que la distance qui sépare l’opercule de la base de la caudale; cette épine est comprimée, striée, fortement dentelée à son bord pos- térieur ; la première épine est très forte; elle a un peu moins de la moitié de la hauteur de la seconde épine. Longueur du tronc, sans la caudale........... 0m ,027 — dé la tête MURS LAS RARE (1 0 ,029 — du museau..... RSR de fe LE 0 ,017 — de la première Épine:2.:.:.......: 10 000 — de la seconde épiné.,# 05.7... 0008 Hauteirida corps MARS ERERRNORETES ‘. VOS Diamètre de l’'œil.......... "2 OR a er des . US LA FAUNE :ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 31 FAMILLE DES LABRIDÆ. GENRE LABRICHTHYS. Avec les genres ZLabroides et Duymeria, le genre Labrichthys fait partie d’un petit groupe que l’on peut établir dans la sous-famille des Julidina, groupe caractérisé par neuf épines dorsales, la ligne laté- rale non interrompue, les joues et les opercules écailleux. Les trois genres sont de la mer des Indes, des parties chaudes de l’océan Paci- fique et des côtes du Japon. Sur 16 espèces que comprend le genre Zabrichthys, A1 ont été trouvées sur les côtes de la Nouvelle-Hollande, de Tasmanie, de la Nouvelle-Zélande, 3 dans l'archipel Indien ; le Labrichthys rubiginosa remonte sur les côtes du Japon, le Zabrichthys Gayi a été signalé à l'île de Juan-Fernandez. La présence de deux espèces de ce genre à l'île Saint-Paul est une preuve en plus des rapports que présente la faune ichthyologique de cette île avec celles du Chili et d'Australie. LABRICHTHYS LANTZIL (SAUVG.) Labrichthys Lantzii, Sauvage. Sur la faune ichthyologique de Pile Saint- Paul (Compt. rend. Ac. sc. t. LXXXI, p. 988, 1875). RPM ACHETETE. Tat."23 + ES trans 2/7. Corps allongé, oblong, comprimé, couvert de grandes écailles ; hauteur contenue quatrefois et deux tiers dans la longueur du corps, caudale comprise. Tête petite ; profil supérieur sur un même plan que la ligne du dos; cette ligne est un peu bombée au-dessus de l’œil. Museau obtus, plus long que l'œil. OEil petit, contenu cinq fois dans la longueur de la tête ; espace interorbitaire un peu convexe, un peu plus large que le diamètre de l’œil. Lèvres épaisses, entières, recou- vrant complètement les dents. Dents arquées, petites, en une seule rangée; à la mâchoire supérieure, une paire de canines un peu re- courbées, entre lesquelles viennent se placer quatre dents de la man- dibule plus longues que les autres; une dent canine postérieure. Bouche peu fendue. Base de la dorsale non écailleuse ; dorsale com- mençant à une distance du bout du museau presque égale à sa propre longueur ; dorsale molle, une fois et demie plus longue que la dorsale épineuse ; épines dorsales peu fortes, augmentant progres- sivement de longueur, la plus haute étant un peu plus longue que le museau ; rayons de la dorsale molle étendus, arrivant à la caudale. 38 H.-E. SAUVAGE. Caudale courte et subtronquée. Anale commencant au même niveau que la dorsale. Pectorales arrondies, courtes, avec douze rayons. Ventrales pointues, de même longueur que les pectorales. Trois sé- ries d'assez grandes écailles à la joue. Le corps est de couleur acajou clair, le haut de chaque écaille étant de couleur violette tournant au lie de vin. La tête est de nuance plus pâle que le corps ; une ligne d’un violet pâle réunitles yeux, une autre ligne se dirige obliquement de l’œil à l’angle de la bouche et passe sous le menton; une bande va du bord antérieur de l’œii à la bouche, et une autre du bord postérieur de l’œil à la gorge; on voit encore une ligne violette au préopercule, une tache irrégulière al- longée à l’angle de l’opercule, et une ligne allant de la bouche au thorax. Une tache d’un noir profond occupe l’espace compris entre les deux premières épines dorsales ; les dorsales sont jaunâtres, lavées de brun et de rouge, avec trois bandes de couleur lie de vin, l’une à la base, l’autre près du sommet, la troisième bordant la nageoire. La caudale est d’un jaune rougeâtre et porte des taches irrégulières d’un violet lie de vin, formant trois bandes concentriques. L’anale est jaunâtre, lavée de violet ; on remarque une tache violette à la base de chaque rayon; une étroite bande de même couleur orne la nageoire près de son bord, qui est de couleur foncée. Les pectorales et les ventrales sont transparentes. Les écailles de la ligne latérale sont grandes (11,5 de longueur, 8 millimètres de hauteur), irrégulières, plus larges en arrière qu’en avant. Le tube commence près du bord adhérent par une partie arrondie et un peu dilatée, puis se rétrécit peu à peu jusque vers le milieu de la longueur de l’écaille; c'est à ce niveau que, par une large ouverture de forme ovalaire, s'ouvre le tube à la face profonde de l’écaille; le tube muqueux se ramifie ensuite en une série de tubes qui viennent tous s’ouvrir près du bord libre, donnant à l’écaille un aspect tout particulier. Le bord libre de l’écaille est formé par une partie beaucoup plus mince, comme membraneuse. Vis-à-vis de l’origine du tube se voit un feston plus grand que les autres, de chaque côté duquel sont de quinze à dix-sept lignes rayonnantes, dont les plus excentriques se prolongent jusqu'au point où s'ouvre le canal muqueux. Les écailles des flancs sont grandes (10 millimètres de long), de forme quadrilatère ; le bord antérieur, droit, est découpé par un granG nombre de lignes, quarante-cinq en moyenne, qui se prolon- LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 39 gent jusqu’à un foyer large ct diffus ; la partie libre de l’écaille est comme fissurée par un grand nombre de lignes, qui, partant du foyer, se prolongent jusqu’au bord. On remarque des lignes sembla- bles aux écailles ventrales, dont le bord antérieur est découpé par environ vingt-cinq lignes rayonnantes : Longueur totale....... ira spé Mahee2iet.0m,200 — RÉ dure à die sin ol a Lara 006 :045 — du museau....... ler PE D RER der (084 MOMOUMAONPER TU NAN Mr, 0 ,043 Longueur de la dorsale épineuse........., dora — — 1 0 NP NS PT TE MT PR . 0 ,064 antétrecde l'Œ1......:. 04: AU M Ne UNE: 0 ,008 LABRICHTHYS ISLEANUS (SAUVG.), Labrichthys isleanus, Sauvage. Sur la faune ichth.de l'ile Saint-Paul (Compt. rend. Ac. sc.,t. LXXXI, p. 988, 1875). DIX 49": À. TIP 42; L: 146. 26% Lans 911: Cette espèce, très semblable pour la forme du corps au Labrich- thys Lantzi décrit plus haut, s’en sépare par la hauteur, contenue près de cinq fois dans la longueur totale du corps, et par l'œil plus grand, compris quatre fois et demie dans la longueur de la tête. La couleur est aussi tout à fait différente et nous pouvons la décrire d’après un croquis fait sur nature par M. le docteur Rochefort. Le corps est de couleur rouge de Saturne, rouge jaunâtre et de teinte plus claire au-dessous de la ligne latérale; chaque écaille est ornée d’une tache d’un jaune rosé. La tête, rouge en dessus, de la couleur générale de la partie inférieure du corps en dessous, est ornée de lignes onduleuses et longitudinales de couleur rouge-vermillon: deux de ces lignes partent de l'œil; les trois autres traversent la joue. Les dorsales sont de couleur jaune rosé, le bord de chaque rayon étant de teinte plus foncée que la membrane ; elles portent de petites taches rougeûtres, celles de la base formant une étroite ligne longitudinale ; une tache d’un noir profond occupe l’espace compris entre les deux premières épines; une autre tache de même couleur se voit à la partie postérieure de la dorsale molle. La couleur rouge de Saturne de la partie supérieure du corps se prolonge sur le pédi- cule caudal et s'étend le long des deux bords de cette nageoïire; la nageoire est jaunâtre, les rayons étant teintés de rouge; l’on 40 H.-E. SAUVAGE. remarque, en outre, une tache noire arrondie au pédicule caudal, au- dessus de la ligne latérale. L’anale est de couleur moins foncée que les dorsales et ornée près de sa base d'une série de petites taches rou- geâtres, formant par leur ensemble une étroite ligne longitudinale. Les pectorales et les ventrales sont transparentes. Les écailles de la ligne latérale ont la même disposition que celles de l'espèce précédemment décrite; elles sont grandes (10ww,5), irré- gulières, à bords latéraux échancrés vers le milieu de la longueur de l'écaille. Le tube est élargi à son extrémité postérieure ; au lieu de se ramifier par un grand nombre de tubes, ce tube muqueux se divise à angle presque droit en deux tubes qui viennent se terminer à la limite du bord postérieur et des bords latéraux ; ces deux tubes sont de calibre inégal et présentent des séries de rénflements et de rétré- cissements ; environ vingt-cinq lignes rayonnantes, partant de la partie antérieure des bords latéraux, viennent se terminer le long du tube muqueux. Longueur tolé SEE SRE 0m,180 _ dé late tétanie en RENE ae 0 ,038 — En, hiPPaU MR UOLNS in Ses e Ses TOULON Hauteür>da:-corps:é4eceomcess de «Fee sos 1100085 Longueur de la dorsale épineuse............. 0 ,036 —- — HOME RUREE RE 0 ,058 Dtamétreïde: l'Œik SL MR LRE TN Lee SR TO ON Cette espèce, ainsi que la précédente, habite l’intérieur du cratère, la partie ouest principalement ; elle se tient le plus souvent dans les grandes prairies de Floridæ, à la profondeur de 20 à 25 mètres. FAMILLE DES GADIDÆ,. GENRE MOTELLA. Dans le groupe des Gades, caractérisé par la présence de deux dor- sales, d’une seule anale et d’une caudale distincte, l’on sépare sous le nom de Moteiles des poissons dont la tête n’est pas comprimée, dont la dorsale antérieure est réduite à de petites franges, la première frange se prolongeant en filament, dont le vomer et les mâchoires sont garnis de dents disposées en bandes. Sur six espèces que compte le genre, quatre sont des côtes d'Europe. La Wotella mustela est sar- tout du nord de l’Europe et s'étend jusqu'en Islande et au Groën- land ; les Jotella tricirrala et maculata descendent le long des côtes de LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 41 France et de Portugal jusque dans la Méditerranée, tandis que la Motella cimbria est cantonnée dans le nord de l’Europe. Le genre est représenté sur les côtes du Japon par la Motella pacifica, au Cap et à l'île Saint-Paul par la Motella capensis. D'après M. Günther', le squelette des Motelles ne diffère pas dans ses parties essentielles de celui des vrais Gades; la partie abdo- minale de la colonne vertébrale est moins étendue que la partie cau- dale ; c’est ainsi que l’on compte quinze vertèbres abdominales et trente-deux caudales chez la Motella mustela, seize abdominales et trente-trois caudales chez la Wotella tricirrata, quinze abdominales et trente-trois caudales chez la Motella maculata. Le crâne des poissons de la famille des Gadidæ présente une crête occipitale qui peut être très différente dans des genres qui, sous d’autres rapports, sont assez rapprochés. Chez les Motelles, les Mer- luches, les Lottes, les Phycis, la crête s’étend en arrière, sans s'élever au-dessus du plan général de l’occiput, tandis que chez les Merlans et les Gades proprement dits la crête occipitale s’avance jusqu’au-des- sus des orbites. en s’élevant sensiblement au-dessus de l’occiput?. La colonne vertébrale se termine d'une façon toute spéciale chez les Gades*. Les corps des deux dernières vertèbres deviennent gra- duellement de plus en plus courts et de plus en plus petits. Vers la quinzième avant-dernière vertèbre, les apophyses supérieures et infé- rieures s'inclinent de plus en plus. Par suite de la brièveté des corps des vertèbres, ces apophyses arrivent presque à se toucher par leur extrémité ; elles diminuent en même temps régulièrement de lon- sueur, de sorte que la terminaison de ka colonne vertébrale a une forme arrondie. Au segment supérieur, quelques apophyses, cellesdes cinquième, sixième, septième vertèbres, se dédoublent à leur extré- mité ; il en est de mêmeaux quatrième, cinquième, sixième apophyses inférieures, qui sont d’ailleurs divisées profondément près de leur base. Jusqu'à Pavant-dernière vertèbre, les neurépines des troisième et quatrième antépénultièmes vertèbres ne s’élargissent qu'un peu à l'extrémité ; au segment inférieur les apophyses des troisième, qua- trième, cinquième avant-dernières vertèbres sont très élargies; elles forment, avec les apophyses supérieures dont nous venons de parler, un ensemble arrondi, conjointement avec quatre plaques larges que " Cat. Fish. Brit. Mus., t. 1X,'"p. 364. ? AGassiz, Sur les poissons de l'argile de Londres (An. sc. nat., 1855, p. 34). 3 Nous avons pris comme exemple le Gadus callärias. 42 H.-E. SAUVAGE. donne la pénultième vertèbre, deux au segment supérieur, deux au segment inférieur. La dernière vertèbre se termine par une plaque triangulaire unique, située dans l’axe du corps, et dans laquelle, à un faible grossissement, on aperçoit quelques traînées obscures qui sem- blent indiquer que cette plaque est formée de plusieurs autres plaques soudées. Le bord supérieur de la plaque est creusé d’une faible rai- nure dans laquelle vient se terminer l’extrémité de la corde dorsale ; le bord inférieur porte une mince lamelle qui s’appuie sur l’apophyse inférieure de la pénultième vertèbre. Les Gadidæ sont à peine connus dans la série des formations, et encore les genres que l’on trouve dans l’argile de Londres n’ont-ils pas de représentants à l’époque actuelle ; c’est ainsi que les Æhinoce- phalus sont intermédiaires entre les Phycis et les Merluches ; les Gonto- gathus et les Merlinus sont voisins des Merlans. MOTELLA CAPENSIS (KP.). Motellu capensis, Kaup. Wieg. Arch., 1858, p. 90. — Kner, Reise d. Novara, Fische, p. 279, pl. XII, fig. 3. D. 601448: V: 6, Le poisson est allongé, la hauteur étant comprise sept fois dans la longueur totale. La longueur de la tête est contenue un peu plus de cinq fois dans la même dimension ; le museau est obtus, large, déprimé, deux fois plus long que l'œil ; l’on remarque un assez long barbillon au niveau de la narine antérieure ; le menton porte un bar- billon ; l’espace interoculaire a même largeur que le diamètre de l'œil. Les dents sont, aux mâchoires, disposées suivant une bande, les dents externes étant les plus fortes ; les dents du vomer sont rela- tivement fortes. Les pectorales sont arrondies, aussi longues que la distance qui s'étend du bord postérieur de l'œil au bord libre de l’opercule ; les ventrales ont même longueur ; leur second rayon est le plus long. Le corps est de teinte brune uniforme, nuancé de, plus foncé. Cette description a été faite d’après un exemplaire, . long de 130 millimètres, rapporté de l'île Saint-Paul par la commission du passage de Vénus. L'espèce, commune autour de la jetée du nord, se tient de préférence sous les rochers, dans les flaques d’eau laissées par la mer; elle est essentiellement littorale. LA FAUNE ICHTHYOLOGIQUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 43 FAMILLE DES MURÆNIDÆ. ? CONGROMURÆNA HABENATA (RICH.). Congrus habenatus, Richardson. Erebus and Terror, p. 109, pl. L, fig. 1-5. Congromuræna habenata, Kaup. Apod., p. 108, fig. 72. — Günther, Cat. Fish. Brit. Mus., t. VII, p. 42. ? Ophiosoma habenatus, Kner. Reise d. Novara, Fische, p. 374. M. Kner signale avec doute cette espèce à Saint-Paul ; il serait intéressant de retrouver cette Murène, qui a été signalée à la Nou- velle-Zélande et qui, d’après M. Günther, vivrait à la Nouvelle- Guinée et sur les côtes du Japon, M. Günther rapportant à une même espèce les Ophiosoma neogquinaicum et Myrophis heterognathus. Ne con- naissant pas l'espèce, nous reproduirons la diagnose donnée par M. Günther : Mâächoire supérieure dépassant beaucoup l’inférieure. Lèvres mé- diocrement développées; bouche fendue jusque sous le milieu de l'œil. Queue sensiblement plus longue que le corps. Dorsale com- mençant immédiatement au-dessus de la base de la pectorale. Nageoires verticales ornées d’une mince bordure noire. Six espèces composent le genre Congromurène. Deux de ces espèces, les Congromuræna mystax et balearica, se trouvent dans la Méditer- ranée, cette dernière espèce s'étendant jusque sur les côtes de l’Amé- rique tropicale. La Congromuræna punctus a été signalée par Jermyns dans le détroit du Beagle (Terre de feu); la C'ongromuræna Mellissi est de Sainte-Hélène, tandis que la Congromuræna ango représente le genre sur les côtes du Japon et dans l'archipel Indien. SOUS-CLASSE DES LOPHOBRANCHES. GENRE BELONICHTHYS. Dans la famille des Syngnathidæ, l'on peut, avec Auguste Duméril!, désigner sous le nom de Doryrhamphint les espèces, à caudale non pré- hensile, chez lesquelles la poche incubatrice des œufs est située sous le tronc, au lieu d’être placée sous la queue comme cela se remarque chez les Syngnathini. Cette sous-famille des Doryrhamphini ne com- 1 Hist. nat. des poissons, t. II, p. 585. 44 H.-E, SAUVAGE, prend qu'un petit nombre d'espèces réparties entre les cinq genres : Doryrhamphus, Belonichthys, Chœroichthys, Microphis, Hemithylacus, genres voisins les uns des autres et réunis par M. Alb. Günther ‘ sous la dénomination commune de Doryrichthys. Que l’on admette la réunion adoptée par M. Günther, ou qu'à l'exemple de M. A. Duméril l'on adopte les cinq genres établis par Kaup et Peters, les conclusions que l’on peut tirer de la distribotion géographique des espèces qui composent le groupe des Doryrhamphes restera la même. Le centre de création du groupe est l’archi- pel Indien (Bornéo, Philippines, Batavia, etc.) ; le Doryrham- phus excelsus est un peu moins tropical et se trouve dans la mer Rouge, tandis que les Chæroichthys brachysoma, Hemithylacus leias- pis, Belonichthys zambezensis sont signalés de Zanzibar, de Madagas- car et de Maurice ; par contre, le Microphis Jouani descend plus au sud et vient des eaux douces de la Nouvelle-Calédonie. Les côtes amé- ricaines ont fourni deux espèces ; l’une tropicale, le Wicrophis linea- tus, est de la Guadeloupe, du Mexique, du Brésil, et, d’après M. Gün- ther, se retrouverait au Gabon et au Vieux-Malabar ; l’autre espèce, le Doryrhamphus californius, est de l'hémisphère nord et M. Gill la signale au cap Saint-Lucas en Californie. Tandis que toutes les espèces du groupe sont comprises entre 20 de- grés de latitude nord et 20 degrés de latitude sud, cette dernière espèce est située en dehors du cercle tropical; il est dès lors intéres- sant de signaler dans l'hémisphère austral une espèce appartenant au même groupe et de régions plus froides encore. MM. Vélain et Roche- fort ont trouvé, en effet, à Saint-Paul une espèce appartenant au genre Belonichthys. Ce genre, caractérisé par la poche abdominale à replis membraneux bien développés, par le museau non garni d'épi- nes, par le corps non arqué, n’était connu que par une seule espèce décrite par Peters sous le nom de Zelonichthys zambezensis et prove- nant du Zambèze et de Zanzibar. L'espèce trouvée à Saint-Paul se distingue de celle-ci par la longueur de la caudale. De même que le Belonichthys zambezensis, le Belonichthys Sancti Pauli prend place dans la seconde division admise par M. Günther dans son genre Doryich- thys : « Ligne latérale se continuant avec la carène inférieure de la queue ; dorsale avec plus de soixante rayons. » 1 Cat. Fish. Brit. Mus., t. VITE, p. 179. LA FAUNE ICHTHYOLOGIGUE DE L'ILE SAINT-PAUL. 45 BELONICHTHYS SANCTI PAULK (N. SP.). Er Mar Ce Tête contenue un peu plus de sept fois dans la longueur totale du corps, et trois fois dans la longueur du tronc. Museau aussi long que la région postoculaire. Faible crête susoculaire et rostrale ; sur l’oper- cule une crête longitudinale assez forte, de laquelle partent de nom- breuses saillies granuleuses. Ligne latérale se continuant avec la carène latérale inférieure de la queue. Anneaux du tronc au nombre de dix-neuf, anneaux de la queue au nombre de vingt-cinq, soit qua- rante-cinq anneaux pour tout le corps. Dorsale commençant sur le septième anneau du tronc, et se terminant à la fin du quatrième an- neau de la queue, insérée sur douze anneaux du tronc; nageoire commençant à une distance du bord de l’opercule un peu plus petite que la longueur de la tête. Queue bien plus longue que le tronc et la tête réunis. Caudale en pinceau, très longue, contenue cinq fois et demie dans la longueur totale du corps, plus longue que la tête. Cou- leur acajou, avec des teintes noires sur les flancs ; des anneaux noirs étroits sur la queue ; museau noir ; opercules argentés ; nageoires de couleur foncée. | Longueur totale du corps. ........ sat ... 0m,0850 — dedaitéte: ss se dus RAR DE REP € 9 ,0145 — GNU. ss a dut tie a 0 0030 — de l'œil... ARTE Mode 0 SOUED — de la région postoculaire.......... 0 ,0050 — RÉAL SANS Les e sr ale 140%,0025 —- de:ta queue........ ARRET ET 12720007 0 — JeReandale,... et 0e ge ee 070125 — cad dorsale: ii: ee a se 0t 9180 Cette espèce a été draguée en vue de Saint-Paul. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I, F1G. 1. Belonichthys Sancti Pauli, Svg. 2. Seriotella Velaini, Svg. 2 a. Même espèce; écaille de la ligne latérale. 2 b. Ecaille prise sur les flancs. PLANCHE IL. Fi. 4. Labrichthys Lantzii, Svg. 1 a. Plaque pharyngienne inférieure. 1 6. Ecaille des flancs. Ex, MAT :# © PLANCHE IL. F1G. 1. Labrichthys isleanus, Svg. 1 a. Ecaille de la ligne latérale. 1 b. Ecaille des flancs. LES STELLERIDES DE L'ILE SAINT-PAUL PAR EDMOND PERRIER Deux espèces d’Etoiles de mer ont été recueillies à l’île Saint-Paul par MM. Vélain et Rochefort. Ce sont de nombreux exemplaires d’une petite Asterina déjà connue, et une C'ulcita nouvelle, pour laquelle nous proposons le nom de Culcita Veneris, en raison des circon- stances où elle a été recueillie. L’Asterina est celle que figure Seba dans son Thesaurus (t. II pl. V, fig. 43 et 15}, celle que Lamarck a nommée Asferina exiqua, et qui a recu depuis les noms d’Asterina minuta (de Blainville, Nardo, L. Agassiz), À. Araussti (Gray, Müller et Troschel), Aséeriscus penta- gonus (Müller et Troschel, Dujardin et Hupé, von Martens). Cette espèce se trouve au cap de Bonne-Espérance, dans la mer des Indes, sur la côte orientale d'Australie. L'ile Saint-Paul est donc comprise entre les points extrêmes où elle a été rencontrée ; on peut dire en conséquence qu’elle appartenait déjà virtuellement à son aire de répartition. La Culcite habite le cratère même de l’île Saint-Paul et y est assez commune ; mais elle arrive rarement assez près de la surface pour être saisie. Néanmoins, MM. Vélain et Rochefort ont pu s’en procurer quatre fort beaux exemplaires. Observant l'animal à l’état vivant, ils ont pu constater les remarquables changements d'aspect dont il est susceptible : on le voit prendre tantôt une forme presque entièrement sphérique, tantôt, au contraire, s’aplatir et festonner son bord de manière à rappeler bien nettement l’apparence étoilée des autres Stellérides. Les caractères sont du reste fort remarquables, et mériteraient de faire créer pour lui une section spéciale dans le genre Culcite, caractérisé par un tel développement du système tégumentaire, que toutes les parties calcaires de l’animal sont absolument cachées par la peau. Faut-il rapprocher ce caractère de la composition des eaux où vit l’animal, qui sont probablement un peu plus acidulées que l’eau de mer ordinaire ? C'est ce que nous ne faisons qu’indiquer. Voiei la description de cette remarquable espèce : 48 EDMOND PERRIER. CULCITA VENERIS (SP. NOV.). Corps de forme plus où moins pentagonale, pouvant mesurer envi- ron 12 à 13 centimètres de diamètre et 15 millimètres d'épaisseur, lorsque l'animal à expulsé l’eau qui remplit habituellement sa cavité générale, mais pouvant passer à une forme presque sphérique lorsqu’au contraire la cavité générale est gonflée par l’eau de mer, ce qui est le cas le plus habituel. Mais tandis que chez les autres Cul- cites les divers ornements calcaires du test, granulations, tubercules, piquants, pédicellaires, sont complètement à nu, ils sont ici tous enfermés, y compris les piquants des sillons ambulacraires, dans les prolongements des téguments, assez lâches, qui ne dessinent par con- séquent que très vaguement la forme des ornements qu'ils recouvrent, et se plissent autour d'eux de toutes les facons possibles. 11 semble donc que tout le corps de l’animal soit couvert d’une infinité de pro- longements cutanés, serrés les uns contre les autres, et ce n’est qu’au toucher que l’on peut reconnaitre qu'il existe dans chacun de ces tubes en forme de papilles une partie du squelette calcaire. Ge sque- lette calcaire n'apparait lui-même directement nulle part : il y a donc là une disposition rappelant un peu celle qu’on observe chez les Asfe- ropsts. C’est là, comme on voit, une particularité tout à fait nouvelle chez les Gulcites. Voici maintenant la description des mdividus que nous avons sous les veux : Corps mou, pentagonal lorsqu'il est aplati, mais pouvant devenir presque sphérique. Région dorsale présentant un grand nombre de petites épines mobiles, pointues, irrégulièrement disséminées, mais assez rappro- chées les unes des autres et entièremeut cachées par les prolonge- ments tégumentaires qui les recouvrent. — Point d’aires porilères distinctes, — Les tubes tentaculaires sont nombreux, incolores, éga- lement parsemés sur toute la surface dorsale du disque, et sur la totalité de l’étendue des faces latérales jusqu’à la partie plane et horizontale de la face ventrale. Plaque madréporique petite, située au premier tiers de la distance entre le centre du disque et les bords. Sur la face ventrale, les prolongements papillaires du derme masquent complètement la partie calcaire de l’ornementation. Ces papilles, en général terminées par une surface plane, irrégulière, LES STELLÉRIDES DE L'ILE SAINT-PAUL. 19 plissée, sont serrées les unes contre les autres ; seulement des sillons distants de 5 millimètres environ, et sensiblement perpendiculaires aux bords du disque, découpent la surface de celui-ci en bandes dans lesquelles ces papilles sont agglomérées. Ces sillons sont du reste extrêmement étroits, et souvent peu sensibles. Toute la surface ven- trale est parsemée de pointes obtuses, assez longues, minces, mobiles, fréquemment groupées deux par deux, et distantes en moyenne les unes des autres de 4 à 2 millimètres. C’est là encore, comme on voit, un mode d’ornementation de la face ventrale tout spécial, et qui n’a été trouvé, que nous sachions, chez aucune autre Culcite. Dans le voisinage des sillons ambulacraires ces pointes deviennent plus longues et plus fortes, et peuvent être considérées comme formant deux rangées qui se rapprochent de plus en plus vers le sommet des angles du pentagone. Les piquants externes de la plus extérieure de ces deux rangées sont en général inclinés en dehors ; les autres alternent avec eux et s’'inclinent en général vers le sillon ambulacraire. Dans le sillon ambulacraire même, il existe comme d’habitude une rangée de piquants sur chaque plaque; ces piquants sont au nombre de deux, rarement trois, sur chaque plaque ; ils sont aussi revêtus d’un prolon- gement cutané. Je n’ai pu constater la présence de pédicellaires ; mais il se peut qu'il en existe de cachés au milieu des innombrables prolongements tégumentaires de l’animal. La couleur, encore bien conservée, est d’un un rouge orangé. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GÉN. — T. VIII 1879. 4 EXPLICATION DES PLANCHES, PLANCHE IV. Fic. 1. Culcita Veneris, vue de dos et avec la forme qu'elle présente lorsqu'elle se gonfle d’eau de mer. Fic. 2. Culcita Veneris, vue par la face ventrale et avec l’une des formes qu’elle pré- sente lorsqu'elle est aplatie et rampe sur le fond de la mer. NoTa. — La teinte de ces figures est exactement celle des croquis pris sur l’ani- mal vivant, par M. le docteur Rochefort; les contours sont aussi ceux qui ont été relevés par le savant médecin de l'expédition de Saint-Paul. SUR LA CHLOROPHYLLE ANIMALE SUR LA PHYSIOLOGIE DES PLANAIRES VERTES PAR PATRICK GEDDES, Maître de conférences de zoologie à l’Université d’Aberdeen, directeur adjoint de la station zoologique écossaise, Il y a longtemps que l'existence de la chlorophylle à été reconnue chez beaucoup d'animaux, dont l'Æydra viridis est le plus commun et le mieux connu; mais jusqu'ici tous les renseignements sur sa fonction nous ont manqué. Il est vrai que Wôbhler, il y a près d'une trentaine d'années, a démontré que l'£'uglena viridis, exposée aux rayons du soleil, donne de l'oxygène, mais cette expérience isolée semblait plutôt indiquer la nature végétale de cet être tant ballotté entre les deux règnes, que justifier aucune hypothèse sur la ma- nière dont les choses se passent chez des animaux aussi bien orga- nisés que des Cœlentérés ou des Turbellariés verts. Cependant, cette hypothèse persiste à se présenter à l'esprit de l'observateur qui étudie la structure et les habitudes de l'Hydre d’eau douce ; et j'ai pour mon compte souvent essayé d'imaginer un appareil assez délicat pour soumettre à l'expérience la petite quantité de cet ani- mal que l’on peut obtenir. Pendant un séjour au laboratoire de zoologie expérimentale à Ros- coff au printemps de 1878, j'étais très intéressé par une Planaire verte très commune (Convoluta Schultzi, O. Schm.) qui se trou- vait en foule au fond des petits étangs laissés par la mer baissante. Quand le temps était beau, la grande abondance de ces petits ani- maux sur le sable blanc était très remarquable : ils avaient tout à fait l'air de se tenir au soleil. Je résolus de suite de rechercher si leur chlorophylle avait la même fonction qu'elle possède dans le règne végétal. Placé dans les conditions les plus favorables, et dont je pus jouir encore en automne en profitant de l'hospitalité inépui- sable de M. de Lacaze-Duthiers, 11 me fut possible de m'appliquer assidüment à cette recherche. Il est évident que l'expérience fondamentale était d'exposer les 52 PATRICK GEDDES. animaux à la lumière solaire dans un appareil convenable, d'observer s'il y avait une émission de gaz, et dans ce cas d'analyser celui-ci qualitativement et quantitativement. Après un ou deux essais un appareil, le plus simple que l'on puisse imaginer, fut fait, et il fonc- tionna admirablement. Une paire des cuvettes de verre employées dans le laboratoire comme de petits aquariums fut choisie de telle facon que le bord de l’une pouvait s'ajuster exactement dans le fond de l’autre. Dans la cuvette plus grande furent mises assez de Pla- naires pour en couvrir le fond ; elle fut alors enfoncée lentement dans un baquet d’eau de mer, et l’autre, aussi remplie d’eau, fut renversée sur elle. Les Planaires, ainsi emprisonnées sans per- mettre l'entrée de l'air atmosphérique, furent alors exposées à la lumière et à la chaleur du soleil. Leurs mouvements devinrent alors très accélérés, elles s’approchèrent du côté illuminé, et après un quart d'heure on pouvait voir de très petites bulles de gaz mêlées avec le mucus qu'elles avaient produit ; les bulles aug- mentèrent rapidement en nombre et en volume, et bientôt elles flottèrent au haut de la cuvette renversée, entraînant avec elles la pellicule de mucus, des grains de sable, et un grand nombre des Planaires. Le dégagement du gaz continua plus rapidement encore, jusqu'à ce que les animaux pussent se débarrasser et descendre au fond. Le mucus répandu dans l'eau permettait l'union des bulles, et en quelques heures la quantité de gaz fut très remar- quable. La première moitié de la question objet de la recherche reçut ainsi une réponse affirmative. Cependant, une objection se présenta tout de suite : puisque la température de l'eau est montée de 15 degrés à 25 degrés pendant l'expérience, n'est-il pas possible que ce gaz ne soit, en partie au moins, que de l'air atmosphérique, abandonné par l’eau de mer dans laquelle il était en solution ? Quoique ce fût assez peu probable que l’eau de mer à 15 degrés fût saturée d'air, néanmoins j'ai par plusieurs moyens évité la difficulté. Le premier fut de chauffer l'eau à 25 degrés avant d'introduire les animaux dans l'appareil, et de le laisser refroidir à 45 degrés avant de l’exposer à la lumière. Le vo- lume de gaz ne montra aucune diminution. La seconde méthode fut bien plus concluante : deux appareils absolument semblables furent mis en expérience, mais un seul renfermait des Planaires; ils furent remplis d'eau et exposés côte à côte. La température s'é- leva également dans tous les deux, mais celui dans lequel furent em- SUR LA CHLOROPHYLLE ANIMALE. 93 prisonnés les animaux brillait bientôt avec des bulles de gaz, tandis qu'il n'y avait pas une seule dans l’autre, et cela pendant toute la jour- née. Il aurait été mieux sans doute de tenir la température constante pendant les expériences, mais cela n’était pas possible dans la pra- tique, car il fallait travailler sur le toit du laboratoire pour avoir la lumière du soleil directe et sans ombre pendant toute la journée. Les animaux, accoutumés sans doute au chauffage rapide de leurs petits étangs, avaient plutôt l'air d’être agréablement stimulés par la grande élévation de température à laquelle ils étaient soumis que d'être malades ; cependant il faut avouer qu'ils ne survécurent guère que trois ou quatre jours à ce traitement. On ne peut pas faire une seule objection sérieuse contre l’appareil qui, quoique parfaitement simple, n'était pas imparfait pour cela. Les conditions naturelles étaient imitées; le gaz ne pouvait se perdre, et il n'y avait pas d'altération due à l'air dissous, comme nous venons de voir. Il faut se souvenir aussi qu'on ne pouvait pas bien se servir d’un appareil dans lequel eussent été employés des tubes, même s'ils eussent été avantageux, à cause de l'abondance de mucus. La déterminaison de la nature du gaz n'était pas difficile. En transférant la quantité produite dans un ou deux appareils dans une petite éprouvette, et en y plongeant une allumette presque éteinte, on voyait se produire l’incandescence blanche caractéristique de l'oxygène dilué. Après un résultat si satisfaisant, il était très dé- sirable d’en faire une analyse exacte, mais les engins employés pour les analyses du gaz, par la chimie moderne, manquaient complète- ment, aussi bien que l’expérience technique pour les employer. Ce- pendant, j'ai obtenu des résultats quantitatifs, imparfaits certaine- ment, Mais encore approximatifs, par le procédé simple et rapide dont on se sert dans tous les cas où l’on n’a pas besoin d’une ana- lyse parfaitement rigoureuse, tels que dans les estimations journa- lières du gaz illuminant. Un grand tube de verre d’un calibre assez égal, ayant environ 75 centimètres de longueur, fut fermé à l’une de ses extrémités et coudé, à 50 centimètres de cette pointe, à un angle de 60 degrés. Il fut rempli d'eau, et l’eau dans le long bras du - tube presque entièrement remplacée par le gaz. Cette quantité assez considérable de gaz fut préparée par l'exposition d’une douzaine d'appareils parfaitement semblables à celui déja décrit, excepté qu'il fallait quelquefois substituer pour la cuvette supérieure des clo- D4 PATRICK GEDDES. ches de verre ou des entonnoirs cachetés à la cire, et des assiettes blanches pour la cuvette inférieure. Ils étaient exposés à la lumière vers midi, et la quantité de gaz, ainsi obtenue d’une surface totale de presque le tiers de 1 mètre carré couverte de Planaires, fut re- cueillie avant le coucher du soleil. L'agitation du gaz dans le tube avec l’hydrate de potasse ne pro- duisit qu'une absorption d'acide carbonique, presque ou tout à fait inappréciable: mais, avec l'addition de l'acide pyrogallique, la colora- tion brune-foncée, avec l'ascension rapide et considérable du fluide dans le long bras du tube, fournit une vérification complète de la présence d'une quantité considérable d'oxygène. Après avoir conti- nué l'expérience de l'appareil assez longtemps pour que l'absorption fût complète, le volume pour 100 d'oxygène fut calculé d’après la proportion de la longueur du tube entre les niveaux du liquide, avant et après le traitement, par l'acide pyrogallique à l'altitude primitive du gaz. Les résultats d’un grand nombre d'expériences variaient de 43 à 52 pour 100 d’oxgène ; la proportion plus grande était fournie par des Planaires nouvellement recueillies, et l’autre après une captivité d'un ou deux Jours. Afin de juger du degré de précision des résultats obtenus par ce moyen rudimentaire d'analyser, j'estimai de la même façon l'oxy- gène de l’air atmosphérique. Je n'en trouvai que 19,9 pour 100, au lieu de 20,9 ; il y avait ainsi une perte de 5 pour 100 environ. On peut dire alors que le gaz dégagé par les Planaires ne contient pas moins que 45 à 55 pour 100 d'oxygène. J'ai considéré le résidu comme étant de l’azote, mais l'analyse pourrait peut-être révéler une composition plus intéressante. Je n'ai fait qu'aborder le sujet; et il reste pour un chimiste de profession un travail très intéressant à faire. Il faudrait non seulement préciser davantage ces résultats, mais les comparer aussi avec ceux qu'on ob- tiendrait par l'analyse des gaz que dégagent les algues vertes et les plantes terrestres. Lorsqu'on met les Planaires dans une cuvette, elles se portent toujours vers le côté d’où vient la lumière. Elles peuvent subir un emprisonnement très long; et j'ai cru d'abord qu'il y avait un con- traste extrême entre leur pouvoir de résister à la faim, selon qu’elles étaient gardées à l'obscurité ou laissées à la lumière. Des expériences plus nombreuses que j'ai entreprises à Paris, aussi bien que d'autres SUR LA CHLOROPHYLLE ANIMALE. 5D faites à Roscoff par Marty, le gardien si intelligent du laboratoire, m'ont convaincu que j'ai exagéré ce contraste. Cependant, je crois encore que les Planaires affamées vivent plus longtemps dans la lu- mière que dans l'obscurité; mais j'espère soumettre cette question à de nouvelles expériences. J'ai été souvent étonné que ces animaux, si en vue par leur couleur sur le sable, ne deviennent pas la proie facile de tous les animaux ra- paces qui parcourent la grève. Mais l'observation qu'ont faite Wallace et Bett pour plusieurs insectes et vertébrés — que les animaux ren- dus très évidents par leur couleur ne sont jamais bons à manger — est vraie ici. L'odeur des Convolutes est si forte et si désagréable, qu'elle seule pouvait bien les protéger contre le moins délicat des poissons ou des crustacés. Elles paraissent être aussi très venimeuses, car lorsqu'une ou deux Planaires meurent dans une grande cuvette qui en contient une myriade, on voit que tous les animaux vivants qui touchent aux morts sont tués ; et il est très curieux de regarder le cercle des morts et de le voir s’élargir sans cesse, aux dépens des vivants, jusqu’à ce qu'il n’en reste pas un seul à la fin de la journée. Les animaux morts qui donnent à l’eau leur odeur caractéristique se distinguent par leur immobilité et par leur teinte pâle, due à la diffusion du contenu de certaines vésicules jaunes qui se trouvent parsemées dans l’ectoderme. L'étude chimique de l’animal offre des résultats très intéressants. En les traitant par l'alcool, on obtient d’abord une solution d’un beau jaune foncé, fournie parles vésicules dont il vient d’être question. Quand la matière jaune est séparée, on extrait facilement la chloro- phylle : sa solution est d’un vert magnifique à fluorescence rouge, et absorbe très fortement les rayons rouges du spectre. Gette solution est très permanente, j'en ai gardé une grande quantité pendant plus de deux mois, qui ne changeait guère. Il serait très intéressant, quoi- que assez difficile, de faire l’étude spectroscopique de la chlorophylle des Planaires en détail, de l’analyser et de la comparer avec celles des plantes ; comme a déjà fait Sorby pour le Spongilla viridis. Ces animaux décomposant l'acide carbonique avec dégagement d'oxygène, on est conduit à se demander s'ils ne ressemblent pas aux végétaux, plus parfaitement encore, par la production synthétique de l’amidon aux dépens du carbone. Pour répondre à cette question, le résidu des Planaires, coagulé et décoloré par l’alcool, fut bouilli dans l’eau distillée. La solution filtrée fut traitée par l'eau iodée, D6 PATRICK GEDDES. et donna une coloration bleue-foncée, qui disparut par le chauffage et revint après le refroidissement. Cette réaction démontra que ces animaux produisent l’amidon végétal ordinaire dans une assez grande proportion. Pour séparer et pour purifier cet amidon, je faisais bouillir 200 ou 300 grammes de Planaires dans l’eau distillée ; je filtrais la solution, j'en précipitais l’amidon supposé par un grand excès d'alcool con- centré. Mais une solution nouvelle d’une partie de ce précipité, après traitement par l’eau iodée, ne donnait plus la teinte bleue, mais une coloration rouge-brunâtre — l’amidon avait été changé en dextrine par l’ébullition. Lorsqu'on fait digérer les animaux dans de l’eau froide, on ne trouve pas de dextrine dans la solutiun filtrée : cette substance n’est qu'un produit artificiel, Il est probable que le meilleur moyen de séparer l’amidon des Planaires serait d’imiter le procédé mécanique par lequel on extrait l’amidon des pommes de terre. On peut faire aussi un examen chimique de la Convolute sous le microscope même. Lorsqu'on déchire l’animal, on voit les tas de petites vésicules jaunes, parsemées dans l’ectoderme cilié et plus profondément, au- dessous de la couche musculaire de la peau, les cellules vertes du mésoderme. La chlorophylle se trouve dissoute dans tout le proto- plasme de la cellule, dont le noyau seulement reste incolore et non pas en petits grains comme dans les cellules vertes des plantes supérieures. On voit dans les cellules vertes de la Planaire de petites granulations de forme et de taille très irrégulières, que l’on parvient quelquefois, quoique avec difficulté, à rendre libres dans le fluide, et que l’on peut alors colorer par l’iode. La teinte bleue démontre que c'est l’amidon qui se précipite dans le protoplasme vert, tout à fait comme chez les végétaux. Get amidon animal ne montre pas de ré- fraction double, à cause de sa condition amorphe. Dans la même préparation des tissus frais traités par l'iode, on peut constater nettement la présence de glycogène, qui se trouve en abondance dans les cellules amæboïdes incolores du parenchyme du corps ; il est très curieux de voir ainsi côte à côte, dans le champ du microscope, l’amidon animal et l’amidon végétal, associés dans le même organisme. Les animaux, et mieux encore, leur infusion aqueuse, possèdent une réaction alcaline d’une intensité surprenante. Leur odeur est assez forte pendant la vie ; mais lorsqu'on dessèche une quantité dans SUR LA CHLOROPHYLLE ANIMALE. 97 la chambre chaude, elles donnent des vapeurs très alcalines et en quantité énorme. La première fois que j'en desséchai, ils com- muniquèrent les réactions d’un alcaloïde aux solutions d’un autre travailleur dans le même laboratoire. Une quantité considérable d'animaux fut distillée avec de la chaux sur le bain-marie, et les vapeurs alcalines furent reçues dans un ballon qui contenait de l'acide hydrochlorique dilué. Le sel produit par l'union de l'acide avec l’alcaloïde donna, après purification, un précipité avec le tétrachloride de platine. M. le docteur Magnier de la Source a eu la bonté d'analyser ce précipité : il a trouvé qu'il était le platinochloride de diméthylamine. Ce résultat n’était pas absolument d'accord avec l'odeur; et il est probable que l’alcaloïde est plus complexe, et qu’il se décomposa dans le procédé de distillation. On a obtenu la triméthylamine des fluides de nombreux animaux supérieurs ; on l’a soupçonnée même dans le sang humain, mais je ne connais pas un autre cas, dans le règne animal, du développement d’un alcaloïde organique volatil en quantité si grande. Il me paraît servir comme moyen de défense. La cendre des Planaires contient de l’iode : autre analogie avec les Algues. Il y a longtemps que M. Darwin a donné à la Drosera, à la Dionæa, etc., le nom de plantes carnivores, et il me semble que l’on peut éga- lement appliquer le titre d'animaux végétants à ces Planaires, car l’un de ces cas est comme la réciproque de l’autre. La Drosera imite l'animal carnivore, et la Convoluta le végétal vert ; de plus, chacun d’eux tend à perdre son caractère normal, les racines de la Drosera, la chlorophylle de la Pinguicula, et de même façon le tube digestif de la Planaire, sont presque atrophiés par leurs habitudes. La Convo- lute semble soumise à une abstinence extrême; j'en ai examiné des centaines sans les voir manger ou sans rien trouver dans l’intérieur de leur corps. Je renouvelle mes vifs remerciments à M. le professeur de La- caze-Duthiers, qui a facilité mes études à Roscoff ou à la Sorbonne ; et à M. le professeur Gauthier, directeur du laboratoire de chimie biologique de l'Ecole de médecine de Paris, qui a eu la bonté de me donner lant d'indications précieuses, pour la partie chimique de ce travail. D8 PATRICK GEDDES. POST-SCRIPTUM. Puisque nous savons que la chlorophylle des Planaires possède absolument la même fonction que celle des plantes, il semble né- cessaire de soumettre à l'expérience tous les animaux chez qui la présence de la chlorophylle a été signalée par lés spectroscopistes. Lankester en donne un catalogue qui sera peut-être utile au lecteur ; je le reproduis en note. Les seuls animaux verts, outre les Planaires que j'ai pu encore étu- dier pendant leur vie, sont la Bonellia viridis et Idotea viridis, qui ne sont pas très rares à Naples. M. de Lacaze-Duthiers, dans son travail classique sur la Bonellia?, a donné des raisons très fortes contre la nature chlorophyllienne appuyées aussi bien sur l'observation des habitudes de l'animal que sur les caractères physiques et histologiques de son pigment, et les recherches très approfondies de M. Sorby conduisent aussi à la même conclusion *. Ayant pris une Bonellie bien vivante, je l’ai posée au soleil, dans un tube de verre. Quoique ce fût pendant le mois de mars, et par un jour assez froid, j'avais pris la précaution de faire couler de l’eau froide sur l'extérieur du tube, dont le contenu ne pouvait pas ainsi être échauffé. Cependant, l'animal paraissait d’abord fort peu satisfait de sa si- tuation, mais il cessa ses mouvements bientôt. Après une demi-heure, l'eau commençait à prendre une teinte verte pâle, et après une autre, l'animal paraissait mort. Après deux heures le croyant mort certai- nement, Je le jetai dans une solution conservatrice, où une contrac- üon légère et momentanée de la peau montra que je n'avais pas tort. Il n'y avait pas eu du reste la moindre bulle de gaz formée pen- dant toute la durée de l'expérience. L'Idotée verte ne donne pas d'oxygène dans la lumière, et je doute fort que sa couleur verte soit vraiment due à la chlorophylle. 1 Sacus, À lext book of Botany : Infusoria : Slentor Mulleri, etc.; Radiolaria : Rha- phiodiophrys viridis, Heterophrynupiapoda ; Cœlenterata, Spongilla fluviatihs, Hydra viridis, Anthea cereus, var. smaragdina; Vermes : Mesoslomum viride, Bonellia viri- dis, Chætopterus Valenciennii ; Crustacea : [dotea viridis. ? Annales des sciences naturelles, Zuvlogie. 3 Quart. Journ. Micros. sc. REPRODUCTION ASEXUELLE DE LA LEUCOSOLENIA BOTRYOIDES (ASCANDRA VARIABILIS, HÆCKEL) PAR G. VASSEUR, Préparateur à la Sorbonne. La reproduction asexuelle est connue depuis longtemps chez cer- taines éponges. La gemmulation a été étudiée pour la première fois sur la Spongilla fluviatilis par Carter et Lieberkühn, qui décrivirent le phénomène. Mais ce mode remarquable de multiplication fut ensuite retrouvé chez un grand nombre d’éponges marines. Une reproduction asexuelle très différente de la précédente a été observée plus récemment par M. Merejskovski ! sur une espèce de la mer Blanche : la Zinalda arctica. Cette découverte montre la variété des procédés qu'emploie la na- ture pour multiplier ces êtres inférieurs. Cependant, les observa- tions précitées concernent exclusivement les éponges dites fibreuses, et je ne crois pas qu'aucun fait analogue ait encore été signalé relativement aux espèces calcaires. Laissons parler Hæckel au sujet de la gemmulation*?: « J'ai décrit, dit-il, dans ma Morphologie générale, cette sorte de reproduction qui paraît être particulière à la classe des éponges, et je lui ai donné le nom de Polysporogonte régressive. I reste à savoir si ce phénomène est très répandu chez ces êtres. Cependant, chez les espèces calcaires, la gemmmulation ne se rencontre pas. » Il ajoute plus loin: « Parmi les milliers d'exemplaires d’éponges calcaires que j'ai recueillis à diverses saisons et sur différentes par- ties de la terre, et que j'ai étudiés avec la plus grande attention, je n ai Jamais pu trouver de gemmules. » Puis il réfute le travail et les conclusions de Micklucho-Maclay, tendant à prouver qu'il existe chez la Guancha une véritable gemmulation, et il montre enfin que ces prétendues gemmules sont probablement les corps reproducteurs 1 Mémoires de la Société des naturalistes de Saint-Pélersbourg, 1878. ? E. Hzæckez, Die Kalkschwänume, t. 1, p. 397. 60 G._ VASSEUR:. d'une algue. Ainsi disparait, par suite de cette démonstration, la connaissance chez les éponges calcaires d'une reproduction asexuelle si fréquente chez les espèces fibreuses. L'observation que je vais exposer montrera que, dans certains cas, la gemmulation peut être remplacée par un procédé d’une simplicité vraiment remarquable. C'est à Roscoff (Finistère) et dans le laboratoire de M. de Lacaze- Duthiers, où je fus admis à travailler pendant les étés de 1877 et de 1878, que j'ai étudié ce nouveau mode de reproduction, facile d’ail- leurs à observer. En parcourant les grèves de Roscoff, au moment des plus basses marées, il n’est pas rare de trouver dans les herbters ou sur les petites algues attachées aux roches une fort jolie éponge, du blanc le plus pur, et qui se présente sous l'aspect de touffes formées de tubes rami- FIG. 1.— Leucosolenia botryoides.-Rameau chargé de bourgeons ; g, un tube ordinaire ; ÿ, son ori- fice terminal ; L, ses spicules dirigés en avant; à, b, c, d, e, f, bourgeons à divers degrés de développement ; ë, leurs longs spicules dirigés en arrière (20/1). fiés, plus ou moins contournés ; c'est la Zeucosolenia Botryoides ou : Ascandra variabilis de Hæckel. J'en avais recueilli de nombreux et beaux spécimens dans l’herbier de Per-Haridi ; je les trouvai conformes à la description de l'espèce, sans y observer la moindre particularité; mais lorsque j'examinai des exemplaires beaucoup plus petits provenant de l'île de Bas (pointe Bilvidic), je fus surpris de voir sur plusieurs d’entre eux de singuliers prolongements piriformes, hérissés de très longs spicules en aiguilles (fig. l'a, f). L'orientation de ces spicules (à) me frappa surtout, car ceux que LA LEUCOSOLENIA BOTRYOIDES. 61 l’on observe ordinairement à la surface de l'éponge (4) dirigent en avant, c’est-à-dire vers la terminaison du tube, leur extrémité libre; ceux-là au contraire, nombreux et pressés, offraient l'apparence d'un faisceau soyeux dirigé en sens inverse, c'est-à-dire en arrière. Je vis enfin que les prolongements étaient fermés à l'extérieur et ne présentaient jamais l’orifice terminal (7) des tubes normaux. En raison de caractères si remarquables, je pensai que j'avais sous les yeux des organes particuliers jouant sans doute un rôle spécial F1G. 2. — 1, spicule particulier aux bourgeons et représenté en à (fig. 1); le dessin en montre les dimensions comparées à celles du type 2, que l’on voit sur toute la surface de l'éponge (fig.1)4: 3, 4, divers types de spicules à trois branches ; 5, leur mode d'enchevêtrement ; les branches ver- ticales sont dirigées en avant dans les bourgeons et généralement en sens inverse dans les tubes ordinaires (80/1). dans l'économie ou la reproduction de l'éponge, et je les soumis àun examen plus approfondi. On peut d'abord constater sans difficulté, au moyen d’une coupe, que les prolongements en question, que nous appellerons dès main- tenant bourgeons, présentent à leur intérieur une cavité en commu- nication avec celle de l'éponge. Ce sont donc, en quelque sorte, des 62 G. VASSEUR. poches constituées par une expansion de la paroi du tube qui les porte. Si l’on fait exception des longs spicules que nous avons mention- nés (fig. 2) et qui atteignent 1 millimètre de longueur, la consti- tution squelettique des bourgeons se trouve être identique à celle qui caractérise les autres parties de la Zeucosolenia. On y voit en effet des spicules simples (fig. 2) en forme d'aiguilles de 0,16 de longueur, et des spicules (fig. 3) à trois ou quatre branches, de 0,14 de diamètre. Lorsque l’on examine, sous le microscope, la disposition de ces éléments, on remarque qu'ils ne sont pas enchevêtrés sans ordre, mais que leur agencement est à peu près constant (fig. 2). F1G. 3. — 1, bourgeon libre ; en à, il est rétréci en forme de col tubuleux, présentant un oritice terminal b ; €, ses longs spicules caractéristiques ; 2, bourgeon fixé à une algue par son extré- mité a, fermée et renflée, précédemment libre. Les spicules trifurqués ont presque toujours une de leurs branches dirigée en avant, ou vers l'extrémité du bourgeon, les deux autres étant orientées transversalement. C'est en général l'inverse que l’on voit dans les tubes normaux, où les mêmes spicules, ayant comme ici deux branches transversales, dirigent la troisième en arrière. On peut déjà conclure de ces premières observations que les bourgeons et les rameaux ordinaires ont une constitution presque semblable et présenteront même disposition de leurs éléments, si on les compare en ayant soin de les placer en sens contraire. LA LEUCOSOLENIA BOTRYOIDES. 643 Nous verrons plus loin l'explication de ce fait intéressant. J'avais disposé dans des cuvettes quelques spécimens de Leuco- solenia chargés de bourgeons, pour les étudier dans la suite de leur développement ; je les examinai quelques jours après. Je vis que de nouveaux prolongements s'étaient formés, tandis qu'un grand nombre d'autres, s'étant séparés des éponges mères, se trouvaient disséminés au fond des cuvettes. Quelques-uns enfin paraissaient sur le point de se détacher. On pouvait interpréter le fait de deux manières bien différentes : 4° Sous l'influence d’un commencement de décomposition, les pro- longements seraient devenus libres par suite d’une désorganisation des tissus entrainant la dissociation des divers tubes ou rameaux de l'éponge ; 99 Mais celle-ci pouvait être encore vivante, et dans ce cas la sé- paration des bourgeons devait avoir une cause inhérente à l’organi- sation de la Leucosolenia et ayant pour but la multiplication de l'espèce. Je m'arrêtai à cette dernière hypothèse, quime parut admissible, puisque les bourgeons n'étaient nullement décomposés, et que l'é- ponge ayant produit de nouveaux prolongements continuait certai- nement à vivre. | En étudiant les bourgeons devenus libres (fig. 3), je vis que la rupture avait toujours lieu à l'origine du prolongement, rétrécie en forme de col (fig. 4, a) et qu'elle y déterminait nécessairement _un orifice (fig. 4, b) semblable à ceux que présentent à leur extré- mité les tubes ordinaires. Parvenu à ce point, le corps reproducteur présente donc l'organi- sation très simple, mais complète, d’un jeune individu de Leucoso- lenia, qui n'aura plus dès lors qu'à s’allonger en tube et à seramifier. Il était nécessaire toutefois, de poursuivre ces recherches. Quelque temps après, j'eus la satisfaction de constater que plu- sieurs bourgeons libres s'étaient fixés aux petites algues portant les éponges mères placées dans les cuvettes (fig. 3). Ils adhéraient fortement aux plantes par l'extrémité fermée et renflée précédem- ment libre (fig. 3, a). Quelques-uns vécurent même plusieurs jours encore, et s'allongèrent sensiblement au point de présenter l'aspect de tubes véritables. Il n’y avait donc plus possibilité d'émettre des doutes sur la nature du phénomène dont je venais de suivre la mar- che pas à pas. Malheureusement, la décomposition rapide des éponges 6# G. VASSEUR. en expérience vint terminer subitement ces premières observations (1877). Ayant eu la bonne fortune de revenir à Roscoff l'été dernier, à la même époque, c'est-à-dire au mois d'août, je repris cette étude et obtins exactement les mêmes résultats. Je pus, cette fois, assister à la formation des bourgeons. On voit d'abord se dessiner sur un tube une légère proéminence, qui s’accentue de plus en plus, jusqu'à ce qu’elle constitue une petite poche. Les longs spicules commencent à se développer d'avant en arrière, en même temps que l'extrémité du prolongement s’élar- git en forme de poire. Mais l'origine du bourgeon présente au con- traire un faible diamètre. Bientôt ce col tubuleux se désorganise à la base et perd sa couleur blanche. Il devient brun-grisâtre. Les spi- cules cessent enfin de conserver en ce point leur situation relative. Le moindre courant les dissocie et les entraine, et le bourgeon se trouve ainsi séparé de l'éponge mère. C'est maintenant que l’on comprendra le rôle des longs spicules que portent les corps reproducteurs. On ne peut s'empêcher, en les considérant, de penser à la graine de Composée qui flotte dans l’es- pace ou s'attache à la terre au moyen des nombreux poils dont elle est armée. Les poils ici sont des spicules servant sans doute à la dis- sémination et plus encore à la fixation. Mais comment ce dernier phénomène peut-il s’accomplir ? Il n’est pas encore possible de répondre à cette question d’une façon caté- gorique. On doit présumer cependant qu’au moyen de ses barbules le bour- geon s'arrête dans les filaments d’une façon très mécanique. L’extrémité, obtuse et fermée, paraît bien disposée pour la fixation, puisqu'elle est dépourvue des longs spicules qui ont pour effet d’em- pêcher le contact immédiat des tissus de la plante avec ceux de l'é- ponge. Au contraire, les petits spicules très aigus, que l’on voit disposés sans ordre en ce point, peuvent agir comme autant d'ai- guilles ou crampons pénétrant dans l’algue en divers sens. Mais c’est là, je le répète, une simple hypothèse qui appelle de nouvelles et minutieuses recherches. Quoi qu'il en soit, je ne fus pas plus heureux, dans le reste de mes observations, que je ne l'avais été l’année précédente, et je ne pus suivre davantage le développe- ment des bourgeons. Cette étude est donc incomplète ; mais comme mes expériences m'ont à diverses reprises conduit aux mêmes résultats, je ne crois pas LA LEUCOSOLENIA BOTRYOIDES. 65 qu'il soit hasardé de conclure de ces faits qu'il existe chez la Leucosole - nia Botryoides une reproduction asexuelle par bourgeonnement dif- férente de tout ce que l’on connaît jusqu'ici dans la classe des éponges. N'ayant pas, à mon grand regret, les loisirs nécessaires pour pour- suivre ces investigations, j'ai cru devoir au moins signaler aux z00l0- gistes ce phénomène aussi surprenant que facile à observer. Il serait donc à désirer: 1° Que l’on reprit ces expériences afin de suivre les bourgeons dans leur croissance jusqu’à ce qu'on les ait vus s’allonger en tube et se ramifier ; 20 Que l’on en fit l'étude histologique en les examinant à divers degrés de développement ; 3° Que l’on expliquât ce fait, que jamais il n'existe de semblables prolongements sur les grands spécimens de Leucosolenia. Il est possible qu'il y ait génération alternante, et que les jeunes individus provenant de la reproduction sexuelle aient seuls la faculté de pousser des bourgeons. Ceux-ci constitueraient plus tard les in- dividus sexués. C'est là sans doute un programme de recherches fort intéressantes et sur lequel je ne saurais trop m'efforcer d'appeler l'attention des zoologistes. En usant à Roscoff des nombreux moyens d'étude que M. de Lacaze- Duthiers met avec tant de libéralité à la disposition des travailleurs et dont J'ai eu moi-même l'avantage de profiter largement, je ne doute pas que l’on n'arrive à une solution définitive qui confirmera ce premier aperçu sur la reproduction par bourgeonnement de la Leucosolenia Botryoides. ©c ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN, — T. VIII, 1879. NOTA. J'aurais pu certainement donner à cette notice une couleur qui eût, peut- ètre, paru plus scientifique, en faisant usage des différents termes introduits dans la science par M. Hæckel. Je m'en suis dispensé, parce que l'emploi de cette terminologie supposerait mon assentiment à une théorie qui ne me pa- rait nullement démontrée. Je laisse done aux zoologistes expérimentés le soin d'interpréter les obser- vations précédentes. N'ayant ni le goût ni le loisir d’entrer dans la discussion théorique, je préfère me limiter au simple exposé du phénomène que j'ai été à même de constater. RÉSUMÉ SUR LES ENCHAINEMENTS DES MAMMIFÉRES TERTIAIRES PAR ALBERT GAUDRY, Professeur au Muséum. Dans le temps où Cuvier fonda en France la paléontologie, on con- naissait un trop petit nombre d'animaux fossiles pour que ce grand naturaliste pût avoir la pensée de s'occuper de leurs enchaïnements. On n'avait pas cherché à comprendre quel avait été Le plan de la Créa- tion, et il est permis de dire que l'ordre suivant lequel les groupes du monde organique ont apparu dans les temps géologiques ne semblait guère plus compréhensible que l'ordre des fleurs que nous voyons s'épanouir dans nos prairies. Aujourd'hui il n’en est plus ainsi; la paléontologie s'est développée dans tous les pays avec une rapidité qui est certainement un des faits remarquables de notre siècle. En France, une forte impulsion a été donnée à l'étude des Invertébrés par la Paléontologie française d’Alcide d'Orbigny, et à celle des Ver- tébrés par la Zoologie et Paléontologie françaises de Gervais. C'est par milliers que l’on compte les espèces fossiles ; à mesure que les géologues stratigraphes dissèquent avec plus de soin l'écorce ter- restre, ils la voient se décomposer en une multitude de couches dont chacune est caractérisée par des espèces nouvelles. Parmi ces espèces, on commence à apercevoir quelques traces de filiation qui permettent d'entrevoir un plan dans la Création. On n'est pas d’ac- cord sur la manière dont ce plan a été réalisé : plusieurs natura- listes, considérant les nombreuses lacunes qui existent encore dans la série des êtres, croient à l'indépendance des espèces et admettent, avec Agassiz, que l’Auteur du monde a fait paraître tour à tour les plantes et les animaux des diverses époaues géologiques, de manière à simuler la filiation qui était dans sa pensée ; d’autres savants, frap- pés au contraire de la rapidité avec laquelle les découvertes paléon- tologiques diminuent les lacunes, admettent que la filiation a été réalisée matériellement, et que Dieu a produit les êtres des temps géologiques en les tirant successivement de ceux qui les avaient pré- 68 ALBERT GAUDRY. cédés. Cette dernière opinion est celle que je préfère; mais qu’on l’adopte ou qu'on ne l’adopte pas, ce qui paraît bien certain, c'est qu'il y à eu un plan. Il me semble que faire des efforts pour apercevoir quelque chose de ce plan, c’est travailler à une œuvre qui mérite l'attention des penseurs; il est important de connaître ce que sont devenus les êtres organisés au fur et à mesure que se déroulaient les âges géologiques. En dehors de son intérêt philosophique, l'étude des enchainements des êtres fossiles a son utilité au point de vue de la géologie pra- tique. Jusqu'à présent, les personnes qui veulent déterminer l'âge des terrains au moyen des fossiles qu'ils renferment, ont été obligées d'apprendre les listes des espèces notées comme caractéristiques de chaque étage. Ces listes deviennent si étendues, que la mémoire la plus fidèle est incapable de les retenir. Mais, s’il est vrai que les tres ont apparu suivant un certain ordre, il pourra quelquefois suf- fire de constater le stade d'évolution des fossiles pour deviner l’âge du terrain auquel ils appartiennent. Par exemple, on commence à connaitre la marche du développement des Mammifères pendant les âges tertiaires; on sait que, dans nos pays, ils ont progressé jusqu'au temps du miocène supérieur et qu’ensuite ils ont diminué ; cela étant, quand on apporte à un paléontologiste des Mammifères fossiles dont il faut déterminer l’époque géologique, il regarde s'ils sont plus ou moins Marsupiaux, plus ou moins Ruminants, plus ou moins Solipèdes, plus ou moins Lémuriens, etc. ; souvent 1l peut ainsi soupçonner leur âge avant de s'être préoccupé de savoir s'ils doivent porter tels ou tels noms spécifiques. Il y à ià, je pense, une voie qui sera un Jour féconde en applications géologiques. Parmi les travaux de paléontologie, ceux qui ont eu les Mammi- fères pour objet ont particulièrement contribué à jeter quelques lumières sur l'étude de l’évolution des anciens Étres. Comme je me suis depuis longtemps occupé de suivre les enchaînements des Mam- mifères à travers les âges tertiaires, M. de Lacaze-Duthiers a pensé qu'il pourrait être intéressant pour les lecteurs des Archives de zoolo- gte expérimentale et générale d'avoir un résumé de mes recherches. Afin de répondre au désir exprimé par cet éminent naturaliste, Je vais donner l'analyse des parties de trois de mes ouvrages qui ont été plus spécialement consacrées à étudier les faits propres à éclairer l’histoire de l’évolution des Mammifères tertiaires. ENCHAINEMENTS DES MAMMIFÈRES TERTIAIRES. 69 Ï. ANIMAUX FOSSILES ET GÉOLOGIE DE L'ATTIQUE. Les fouilles qui ont été faites à Pikermi !, dans l’Attique en 1856, et en 1860, ont été entreprises sur une grande échelle. J'ai retiré 4940 ossements répartis entre 371 individus. Les squelettes de plu- sieurs animaux fossiles ont été connus à peu près dans leur entier. Il a été possible d'essayer d'en donner des dessins dans lesquels toute la charpente osseuse était restaurée; on en a deux exemples dans les figures de la planche V, dont l’une (fig. 1) représente un Hipparion et l’autre (fig. 2) un Rhinocéros. En possédant ainsi la plus grande partie des squelettes de quelques-uns des Mammifères enfouis dans les couches de la terre, je me suis aperçu qu'ils offraient la réunion de caractères propres aujourd'hui à différents genres, de. sorte qu'ils ont révélé des enchainements entre des formes qui au premier abord avaient semblé des entités distinctes. C’est ainsi que Pikermi est devenu le point de départ des recherches que j'ai faites sur l’histoire de l’évolution des animaux fossiles. Voici les exemples de formes intermédiaires qui m'ont le plus frappé en étudiant les Mammifères de Pikermi. Singes. — Avant les fouilles faites en Grèce, les espèces de singes fossiles n'avaient été déterminées qu'avec un très petit nombre de morceaux ; j'ai rapporté vingt crânes du singe de Pikermi et des os de toutes les parties de son corps, de sorte que j'ai pu essayer de don- ner un dessin de l’ensemble de son squelette. Le résultat de cette étude a été de montrer que le singe de Grèce avait à la fois la tête d’un Semnopithèque et les proportions des membres des Macaques; il est naturel de croire qu'il a été un très proche parent de ces deux genres. Carnivores. — On trouve à Pikermi le genre Simocyon qui a beau- coup du Chien, un peu de l’Ours, très peu du Chat. La Promephitis établit un chaïinon entre les genres de la famille des Mustélidés très carnivores, comme les Putois, et les genres moins carnivores, tels que les Loutres et les Moufettes. Sur les trois espèces d’Zctitherium de Pikermi, l’une est voisine des Civettes, la seconde s'éloigne un peu 1 Ce gisement appartient à l’époque du miocène supérieur, par conséquent au mo- ment des temps géologiques où le monde animal a eu son apogée; depuis cette épo- que, il y à eu diminution. 10 ALBERT GAUDRY. des Civettes pour se rapprocher des Hyènes, la troisième ressemble beaucoups à une Hyène. Dans le même gisement, J'ai découvert des espèces de la famille des Hyénidés qui, réciproquement, indiquent une propension vers les Civettes, l’une par ses tuberculeuses (/Zyænictis), l’autre par ses prémolaires (Zycyæna). Enfin, à côté de ces animaux moitié Civettes, moitié Hyènes, on voit une Hyène proprement dite, intermédiaire entre les espèces communes actuellement en Afrique l'Hyène tachetée et l’'Hyène rayée. J'ai fait un tableau où j'ai placé au- dessus les unes des autres les espèces du miocène supérieur, du pliocène, du pleistocène, du quaternaire et enfin de l'époque actuelle; ce tableau indique un insensible passage des /ctitheriums de Pikermi aux Hyènes qui vivent maintenant. À côté de ces formes mobiles qui se sont longtemps perpétuées, le Wachærodus a présenté l'exemple d’une durée beaucoup moindre; ce genre, qui montre le type Chat parvenu à son plus grand perfectionnement, n’est point arrivé jusqu’à notre époque; la Paléontologie offre souvent ainsi la preuve que ce ne sont pas les êtres les plus parfaits qui ont eu le plus de conti- nuité; les branches qui avaient leur complet épanouissement se sont éteintes pendant que les branches plus humbles se sont conservées. Proboscidiens. — Pour faire ressortir les enchainements des plus anciens Mastodontes et des Éléphants qui vivent encore, j'ai dressé un tableau des proboscidiens depuis le miocène moyen jusqu'à l'é- poque actuelle; grâce surtout aux travaux des paléontologistes an- glais, on suit le passage entre les formes extrêmes de ces animaux. Pachydermes. — Pikermi a offert des genres de Pachydermes très différents des formes actuelles, mais on en voit aussi qui ressemblent extrêmement aux animaux de notre époque; tels sont le Sanglier d'Erymanthe el surtout le Rhinoceros pachygnathus ; la comparaison minutieuse de leurs différentes pièces avec celles des espèces actuelles fournit une preuve de la parenté des quadrupèdes qui vivent aujour- d'hui avec leurs prédécesseurs des temps tertiaires. J’ai donné un tableau de la succession géologique des Rhimocéros et des genres que je suppose avoir été leurs ascendants; j'ai placé en bas les animaux de l’éocène moyen, j'ai mis au-dessus ceux de l’éocène supérieur, puis ceux du miocène le plus inférieur, puis ceux du miocène infé- rieur, puis ceux du miocène moyen, puis Ceux du miocène supérieur, puis ceux du pliocène, puis ceux du pleistocène, puis ceux du quater- naire et enfin ceux de l’époque actuelle. J'ai dressé un tableau pareil pour les Cochons et les formes voisines qui les ont précédés dans les ENCHAINEMENTS DES MAMMIFÈRES TERTIAIRES. T1 diverses époques tertiaires; les espèces citées dans ce second tableau se rapportent à douze genres. Solipèdes. — Les fouilles de Pikermi ont contribué à faire res- sortir les liens des Æipparions avec nos chevaux ; beaucoup de natura- listes admettent aujourd'hui que ces derniers sont des Æipparions chez lesquels les doigts latéraux se sont atrophiés. Ruminants. — Les Ruminants de Pikermi offrent aussi des exem- ples de passages : le 7ragocerus a des cornes quiressemblent tellement à celles des Chèvres, qu'il a été d’abord décrit sous le nom de Chévre Amaltée ; cependant il a la dentition et les pattes des Antilopes. Le Palæoreas a des cornes d’'Oreas avec la plupart des caractères des Gazelles. Le Palæoryx rappelle l'Oryx par ses cornes et s’en éloigne par la forme de ses molaires. La Gazelle de Pikermi ressemble bien à des Gazellés actuelles dont les os du nez se seraient allongés. Ainsi la délimitation des genres d’Antilopes, déjà difficile quand on regarde les espèces actuelles, le devient encore davantage, lorsqu'on y ajoute les espèces fossiles. Voici les conclusions que j'ai tirées, il y a douze ans, de mes recherches sur les fossiles de Pikermi : «Il reste bien des lacunes entre les espèces d’époques consécutives ; il en résulte qu’on ne peut encore démontrer d'une manière positive que ces espèces sont des- cendues les unes des autres. Mais les vides n’existent-ils pas dans nos connaissances plutôt que dans la série des êtres fossiles? Quelques coups de pioche donnés au pied des Pyrénées, des monts Himalaya et du Pentélique, dans les sablières d'Eppelsheim ou aux Mauvaises Terres du Nébraska ont sufti déjà pour révéler entre des formes qui semblaient très distinctes des liens étroits. Combien ces liens seront plus serrés, alors que notre science sera sortie de son berceau ! Paléon- tologistes d'un jour, nous balbutions à peine quelques mots de l'his- toire du monde et pourtant ce que nous savons indique de toute part des traits d'union. Peu à peu les découvertes conduisent à adopter la théorie de la filiation des espèces; nous tendons vers elle, comme vers la source où nous démêlerons le pourquoi de tant de ressem- blances que nous apercevons entre les figures des vieux habitants de la terre. » 72 ALBERT GAUDRY. IT. ANIMAUX FOSSILES DU MONT LÉBERON (VAUCLUSE). Les études qui avaient été faites à Pikermi avaient eu surtout pour résultat de mettre en relief les enchainements des genres. Mais, pour établir que des animaux fossiles ont eu une commune origine, il ne suffit pas d'apercevoir des liens entre leurs genres ou même de décou- vrir des espèces qui ont été très rapprochées. Il faut encore trouver des preuves que les espèces fossiles ont été assez mobiles, assez plasti- ques pour passer des unes aux autres. [Il m'a semblé que je pourrais avoir de telles preuves si j'explorais un gisement riche en débris d’ani- maux à peuprès semblables à ceux de Pikermi; car, en comparantun grand nombre d'os des mêmes espèces, jJ'arriverais à connaître si ces espèces ont été des entités immuables ou bien si elles ont témoigné assez de plasticité pour faire supposer que le Créateur les a tirées les unes des autres. C’est pourquoi j'ai cru que je compléterais utilement mes travaux sur Pikermi en entreprenant des fouilles dans le mont Léberon, près de Cucuron (Vaucluse); les recherches qui avaient été faites sur les fossiles de ce gisement par plusieurs savants, notamment par de Cbhristol, Paul Gervais, Bravard, M. Pomel, M. Bayle et moi-même, me faisaient espérer que je retrouverais une partie des animaux de Pikermi. En effet, j'ai recueilli dans le mont Léberon des restes de Machærodus, d'Hyènes, d’/ctitheriums, de Dinotheriums, de Rhinocéros, d’Arpparions, de Sangliers, de Tragocères et de Gazelles qui ressemblent trop aux animaux de Pikermi pour ne pas admettre qu'ils sont descendus des mêmes parents. A côté des ressemblances, j'ai constaté quelque légères différences; ainsi j'ai donné des détails montrant que le Machærodus, l'Hipparion, le Sanglier, le Tragocère et la Gazelle, en passant de Grèce en France, ont présenté des parti- cularités suffisantes pour faire supposer qu'ils ont formé des races spéciales. IIL. LES ENCHAINEMENTS DU MONDE ANIMAL DANS LES TEMPS GÉOLOGIQUES (MAMMIFÈRES TERTIAIRES). J'ai cherché à faire sur les animaux de toute la classe des Mammi- fères des études analogues à celles que J'avais entreprises sur les animaux de Pikermi et du Léberon. Les Mammifères de l'époque tertiaire nous offrent des conditions ENCHAINEMENTS DES MAMMIFÈRES TERTIAIRES. 74 favorables pour étudier les questions relatives à l’évolution. A cette époque, la plupart des Invertébrés et des Vertébrés à sang froid (Poissons et Reptiles) ont atteint leur perfectionnement. Il n’en a pas été de même pour les Mammifères; ces êtres, dont la peau est le plus souvent délicate, nue ou couverte seulement de poils, n’ont eu leur complet développement que lors de l'extinction des énormes reptiles secondaires auxquels une peau coriace et quelquefois cuirassée don- nait des avantages dans la lutte pour la vie. Pendant la plus grande partie des temps tertiaires, les Mammifères ont été très différents des espèces actuelles ; ils étaient en pleine évolution. Je me suis d’abord occupé des Marsupiaux. Ces animaux, qui ont habité nos contrées à l’époque secondaire et ont eu encore quelques représentants dans la première moitié des temps tertiaires, n'y vivent plus de nos jours. Quand nous voyons les Placentaires succéder aux Marsupiaux et quand nous trouvons des fossiles tels que le Pterodon, l’'Hyænodon, la Palæonictis, la Proviverra, V'Arctocyon, qui présentent un mélange de caractères de Marsupiaux et de Placentaires, 1l nous est permis de penser que nos Placentaires peuvent n'être que des Marsupiaux modifiés. Cette hypothèse est vraisemblable au point de vue embryogénique ; car si l’on ne considère pas l’allantoïde rudi- mentaire du Marsupial à la lumière de la doctrine de l’évolution, elle semble une inutilité, et le mot #nufilité est bien choquant pour les géologues, habitués à admirer les harmonies de la nature à toutes les époques; lorsqu'un organe paraît inutile dans les êtres d’un âge géologique, on peut supposer qu'il a eu son utilité dans les êtres qui les ont précédés, ou qu'il aura son utilité dans les êtres qui leur succéderont. Après les Marsupiaux, j'ai étudié les Mammifères marins. Malgré toutes les recherches des nombreux géologues qui ont exploré les terrains de formation marine, et malgré les grandes publications de Gervais en France, de M. van Beneden en Belgique, nous avons encore peu de notions sur les Mammifères marins antérieurs à l'é- poque miocène ; il semble que le règne de ces animaux n’a eu lieu que dans la seconde moitié des temps tertiaires. En présence de cette tardive apparition, je me suis demandé ce qu'il faut croire de la loi terripète de Bronn. L’habile paléontologiste d'Heidelberg avait supposé que la vie avait commencé au sein de l'élément liquide et que peu à peu les êtres étaient sortis des eaux pour gagner la terre ferme. L'étude des Invertébrés a pu donner quelque vraisemblance à 14 ALBERT GAUDRY. cette hypothèse; est-elle vraie où fausse? Je l'ignore. Mais, quand même elle serait vraie pour plusieurs créatures, il ne s’ensuivrait pas que, dans toutes les classes du monde organique, les genres aqua- tiques ont précédé les genres terrestres. Puisque les Mammifères ma- rins paraissent avoir eu leur règne plus tard que les Mammifères terrestres, il est difficile de dire qu'ils en sont les ancêtres ; il serait plus naturel de supposer qu'ils en sont les descendants. L'examen du bassin de l'ÆZalitherium tendrait à appuyer la supposition que les Mammifères aquatiques sans membres postérieurs, tels que les Siré- niens, sont dérivés de quadrupèdes ayant des pattes de derrière, comme les Mammifères terrestres ; car l'Æalitherium avait ses mem- bres postérieurs bien moins réduits que ses successeurs d’aujour- d'hui, les Lamantins et les Dugongs. De tous les Mammifères fossiles, les Pachydermes sont ceux qui intéressent le plus les paléontologistes par la multitude des nuances que leurs espèces révèlent. Ges nuances présentent des séries de dé- gradations qui permettent de réunir des formes dont les types ex- trêmes semblaient très isolés. On découvre des liens entre le Rhino- céros, l’Acerotherium, le Palæotherium, le Paloplotherium ; entre le Tapir, l'Ayrachyius, le Lophiodon ; entre le Cochon, l’Æyotherium, le Palæochærus, le Chœæropotamus. Si les Pachydermes se lient entre eux, ils s'enchaînent aussi avec plusieurs des Herbivores de la nature actuelle. Entre les lourds Pa- chydermes omnivores et les Ruminants, la distance est grande ; ce- pendant on commence à trouver des transitions entre ces animaux. Comme les Pachydermes, les premiers Ruminants ont été dépourvus de bois et de cornes ; comme eux aussi, ils ont eu des incisives supé- rieures. Lorsqu'on réunit quelques-uns des Onguülés si nombreux, qui ont animé nos campagnes pendant les âges tertiaires, on conçoit commentles gros mamelons des dents d'Otfanivores, servant à broyer des substances dures, ont pu devenir insensiblement les minces crois- sants des dents de Ruminants propres à triturer les herbes ou les feuillages tendres. Par exemple, si l'on prend une molaire de Palæo- chœrus, qui est un omnivore du groupe Cochon, on voit qu’elle n’est pas loin de celle du CAæropotamus, qu'il n’y a pas loin non plus de celle du Chæropotamus à celle de l’Anthracotherium, de celle-ci à la molaire du Rhagatherium, de celle-ei à la molaire du Prcrocerus, de celle-ci enfin à la molaire des Cerfs, c'est-à-dire des Ruminants her- bivores actuels. De même, si on place à côté les unes des autres les ENCHAINEMENTS DES MAMMIFÈRES TERTIAIRES. 75 pattes de plusieurs Ongulés, on apprend comment les pattes larges et à quatre doigts, qui empêchaient les Pachydermes éocènes d'enfoncer dans la vase des bords des étangs, se sont peu à peu changées en pattes fines comme celles de nos Gazelles, qui traversent si rapide- ment les déserts. L'histoire des Chevaux a présenté des faits du même ordre que celle des Ruminants. En jetant les yeux sur la planche VI, on verra com- nent on peut supposér facilement le passage d'une molaire de Paloplo- theréum (fig. 1) à celle d'un Pachynolophus (fig. 2), de la molaire d'un Pachynolophus à celle d’un Anchitherium (Hg. 3), de la molaire d'un Anchitherium à celle d'un Aripparion (fig. 4 et 5) et de la molaire d'un Æipparion à celle d’un Cheval (fig. 6). On comprend non moins aisément comment les pattes lourdes à plusieurs doigts de certains Pachydermes éocènes ont pu devenir les pattes des Solipèdes. Ainsi dans la même planche, la figure 7 représente une patte d’Acerothe- réum où le troisième doigt n’est pas beaucoup plus fort que le deuxième et le quatrième, et où le cinquième doigt est si diminué, quil na plus d'utilité. La patte du Paloplotherium crassum (fig. 8) n’a plus son cinquième doigt qu'à l’état rudimentaire, représenté par le petit os (5m). Dans la patte du Palæotherium medium (fig. 9), les doigts s'allongent et celui du milieu (3m) est notablement plus développé que les autres. Dans la patte du Paloplotherium minus (pl. VI, fig. 10) et dans celle de l'Anchitherium aurelianense (pl. VIT, fig. 4 et 1’), les doigts latéraux ont encore moins d'importance. Les figures 2, 2’ de la planche VIE montrent la patte de l'Æipparion où les doigts latéraux ne touchent plus le sol; chez le Cheval (pl VIT, fig. 3 et 3°), les doigts latéraux sont réduits à deux stylets qui représen- tent le second métacarpien (2 m) et le quatrième métacarpien (4 m). Comme le montre la figure 4, faite d’après lé pied d'un Che- val de Normandie que m'a communiqué le savant anatomiste d'Alfort, M. Goubaux, le doigt interne de l’Æipparion réapparaît quel- quefois chez les chevaux actuels ; on y voit aussi tératologiquement le petit trapèze et le rüudiment du cinquième métacarpien qui existent normalement chez l’Æipparion. Les Proboscidiens nous offrent également des exemples de passages instructifs, car il est difficile de voir des dentitions plus différentes que celle des plus anciens Mastodontes, type parfait du régime om- nivore, et celle des Eléphants actuels ou quaternaires, type parfait du régime herbivore, et cependant on trouve entre elles d’insensibles 76 ALBERT GAUDRY. passages ; il n’y à pas loin du Wastodon angustidens au Mastodon pyre- naïceus, de celui-ci au WMastodon turicensis, de celui-ci au Mastodon latr- dens, de celui-ci au Mastodon elephantoides ; ce dernier est tellement intermédiaire entre les Mastodontes et les Eléphants, que Falconer, au lieu de l'appeler Mastodon, comme Clift l'avait fait, l’a appelé Æle- phas. I] n’y à pas loin non plus de ce WMastodon elephantoides à V'Ele- phas ganesa, de celui-ci à l’Zlephas insignis, de celui-ci à l’£lephas planifrons, de celui-ci à l’£lephas meridionalis, de celui-ci à l’£lephas antiquus et de celui-ci à l'Eléphant actuel de l'Inde. Mais si nous trou- vons des liens entre les Eléphants et les Mastodontes, nous devons avouer que nous ne savons pas encore de quels animaux les Masto- dontes ou les Déinotheriums ont eux-mêmes été tirés. Nous ignorons également la souche primitive des Carnivores. En compensation nous observons de curieuses transitions entre leurs différents genres. On en aura un exemple en regardant la planche VIIT : j'ai placé en haut une mâchoire de Chien (fig. 1) et en bas une mâchoire d'Ours (fig. 4): leurs différences sont très grandes, puisque les dents du Chien sont des dents de vrais Carnivores et que celles de l’Ours ont plutôt l’aspect des dents d’'Omnivores ; mais, si entre le Chien et l’Ours on met l’Amphicycn (fig. 2) et l’Hyænarctos (fig. 3), on voit se combler en partie l'intervalle qui les séparait. Les Quadrumanes eux-mêmes commencent à nous offrir des tran- sitions. Les observations paléontologiques diminuent l'isolement où ces Mammifères semblaient être. Le Lémurien qu'a trouvé M. Del- fortrie confirme les idées de MM. Alphonse Milne-Edwards et Grandidier sur les liens des Ongulés et des Lémuriens, car j'ai mon- tré que sa mâchoire supérieure avait été attribuée à un Pachyderme (Adapis) et sa mâchoire inférieure à un autre Pachyderme (Aphelo- therium); de telles attributions faites par d’éminents naturalistes, démontrent éloquemment leurs ressemblances avec les Pachydermes. D'autre part, la découverte du Pachyderme que Gervais a appelé Cebochærus et du Singe qu'il a nommé Oreopithecus, comblent un peu l'hiatus qui sépare les vrais Singes des Ongulés. Les exemples que je viens de citer, m'ont porté à supposer que beaucoup de genres et d'espèces regardés autrefois comme représen- tant des formes isolées sont simplement des phases d’un même type qui poursuit son évolution à travers les âges. Je suis encouragé à croire que mes idées théoriques sur le développement des êtres dont notre planète à vu les successifs épanouissements, ne sont pas sans ENCHAINEMENTS DES MAMMIFÈRES TERTIAIRES. 77 fondement, car il me semble qu'elles se rapprochent beaucoup des pensées de plusieurs des hommes qui en ce moment étudient de la manière la plus approfondie les Mammifères fossiles, par exemple MM. Owen, Huxley, Flower en Angleterre, M. Rütimeyer en Suisse, MM. Marsh et Cope aux États-Unis, M. Kowalevsky en Russie, M. Forsyth major en Italie. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE V. F1G. 1. Restauration du squelette de l’Hipparion gracile, à 1/20 de grandeur. Mio- cène supérieur de Pikermi. Le squelette est dessiné de profil, de sorte qu’on voit bien le larmier placé en avant des orbites et les doigts laté- raux qui caractérisent le genre Hipparion. 2. Restauration du squelette du Rhinoceros pachygnathus, à 1/27 de grandeur. Miocène supérieur de Pikermi. PLANCHE VI. Fi6. 1, Molaire de lait inférieure gauche de Paloplotherium minus, grandeur natu- relle. Z, à, à’, denticules internes; E, e, denticules externes, Lignite de la Débruge, Vaucluse (éocène supérieur). 2. Molaire inférieure gauche de Pachynolophus siderolithicus, grandeur natu- relle. Mèmes lettres que dans la figure précédente. Sidérolithique du Mauremont, Suisse (éocène supérieur). 3. Molaire inférieure gauche d’Anchitherium aurelianense, grandeur naturelle. Mêmes lettres. Miocène de Sansan (Gers). 4. Molaire de lait inférieure gauche d’Hipparion gracile, aux 3/4 de grandeur. Mèêmes lettres. Pikermi (miocène supérieur). 5. Molaire inférieure gauche d’Hipparion gracile adulte, qui est entamée par l'usure, aux 3/4 de grandeur. Mèmes lettres. Pikermi. 6. Molaire inférieure gauche d’un cheval actuel, aux 3/4 de grandeur. Mêmes lettres. 7. Patte de devant gauche de l’Acerotherium tetradactylum, vue en avant, à 1/4 de grandeur. ?, trapèze; tr, trapézoïde; g, o, grand os ; onc, onci- forme; 2m, 3m, km, 5m, les second, troisième, quatrième et cinquième métacarpiens; p', p”,p'", la première, la seconde et la troisième phalange, Miocène moyen de Sansan. 8. Restauration d’une patte de devant gauche du Palæotherium crassum, vue de face, à 1/3 de grandeur. Mèmes lettres (d’après une pièce du gypse de Paris qui est dans la collection du Muséum). 9. Patte de devant gauche du Palæotherium medium, vue de face à 1/3 de gran- deur. Mêmes lettres que dans les figures précédentes. On a représenté à part la face supérieure du troisième métacarpien. Gypse de Paris (éocène supérieur), 78 ALBERT GAUDRY. 10, Restauration d’une patte de devant gauche du Paloplotherium minus, vue de face, à 4/3 de grandeur. Les phalanges du doigt médian ont été dessinées d’après un pied de derrière. La face supérieure du troisième métacar- pien a été représentée à part. Les métacarpiens latéraux peuvent ne pas provenir du même individu que le métacarpien médian. Lignite de la Débruge. PLANCHE VII. Fig. 1 et 1". Restauration d’une patte de devant gauche d’Anchitherium aurelianense, vue de face et du côté interne, à 1/5 de grandeur. On a représenté à part la face supérieure du troisième métacarpien. Mêmes lettres que dans les figures précédentes. Cette restauration a été faite d’après les pièces de Sansan, qui sont au Muséum, d’après les moulages dela Grive-Saint-Alban que le Musée de Lyon a bien voulu m'envoyer, et d’après les travaux de MM. Fraas et Kowalevsky. J’ai mis un rudiment de cinquième mélacar- pien, parce que M. Kowalevsky a signalé un onciforme qui a une facette indiquant l’existence de cet os. 2 et 2’, Patte de devant gauche d'Hipparion gracile, vue de face et du côté interne, à 1/5 de grandeur, On a représenté à part la face supérieure du troisième métacarpien. Mêmes lettres que dans les figures précédentes. Miocène supérieur de Pikermi. 3 et 3". Patte de devant gauche d’un cheval, vue de face et sur le côté interne, à 1/5 de grandeur. On a représenté à part la face supérieure du troisième métacarpien. Mêmes lettres que dans les figures précédentes. Epoque actuelle. 4. Patte de devant gauche d’un poulain né en Normandie, vue du côté interne, à 1/5 de grandeur. Mèmes lettres que dans les figures précédentes (d’après une pièce qui a été préparée par M. Goubaux et donnée par lui à l'Ecole d’Alfort). PLANCHE VIII. F1iG. 4. Côté gauche de la mâchoire supérieure du Canis lupus, vu sur la face pala- tine, aux 2/3 de grandeur. 4, incisives; c, canine ; 1p, 2p, 8p, les trois pre- mières prémolaires; 4p, quatrième prémolaire (carnassière); 1a, 24, les arrière-molaires (tuberculeuses); À, m, inter-maxillaire ; ®, maxillaire ; p, palatin. Epoque actuelle. 2, Côté gauche de la mâchoire supérieure de l’Amphicyon major, vu sur la face palatine, aux 3/5 de grandeur. €, alvéole de la canine; 1p, première pré- molaire ; 2p et 3p, alvéoles de la seconde et de la troisième prémolaire; 4p, quatrième prémolaire (carnassière); 1a, 2a, 34, les treis arrière-mo- laires (tuberculeuses), Mioeène moyen de Sansan. 3. Côté gauche de la mâchoire supérieure de l’Hyœnarctos sivalensis, aux 3/5 de grandeur, c, canine; 2p, 3p, alvéoles de la seconde et de la troisième prémolaire; 4p, quatrième prémolaire (carnassière); 14, 24, les deux pre- mières arrière-molaires (tuberculeuses). Miocène supérieur des collines Sewalik. ñ. Côté gauche de la mâchoire supérieure de l’Ursus arvernensis, aux 3/4 de grandeur. 4, incisives ; e, eanine 1p. 2p, 3p, 4p, les quatre prémolaires; 1a, 2a, les arrière-molaires ; à, m, inter-maxillaire; m, maxillaire; p, pa- latin, Pliocène de Perrier. CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES EÉCREVISSES PAR T, H. HUXLEY Sec. R.S. Professeur d'histoire naturelle à l'Ecole royale des mines de Londres. (Proceedings of Zoological Socieiy, June 1878, traduit par P, Geppes,) l Le démembrement du genre Asfacus des anciens naturalistes fut commencé par Leach, qui en sépara le Homard de Norwège comme le type d’un nouveau genre, Nephrops. Milne-Edwards (1837) établit le genre Æomarus, ne laissant que les Ecrevisses d’eau douce dans Astacus. Guérin proposa le nom d’Astacoides pour l’Astacus madagas- cariensis d'Audouin et Milne-Edwards; et Erichson, dans sa monogra- phie du groupe, adopta cette modification et établit les nouveaux genres Cambarus, Chærops et Æugæus. Chez ces deux premiers, le nombre des branchies est pris comme un caractère générique im- portant. White constitua le genre Paranephrops pour quelques espèces provenant de la Nouvelle-Zélande mais Mason leur a nié toute affinité spéciale avec Nephrops, et a démontré qu’elles ressem- blent plutôt à quelques espèces d’Astacoides. Cependant, je ferai voir dans la suite que l’Astacoïdes de Madagascar est si distinct des au- tres Ecrevisses de l'hémisphère du Sud, que le Paranephrops ne peut pas être associé avec lui, et que celui-ci est assez distinct des Ecre- visses d'Australie et de Tasmanie pour rendre désirable son établis- sement en genre distinct. La distribution des Ecrevisses est très remarquable. On trouve l’As- tacus fluviatilis çà et là en Angleterre et en Irlande, mais jamais en Ecosse, où même quelques essais pour son acclimatation ont échoués. En Angleterre même il est restreint à quelques rivières, mais son absence des autres ne peut pas être attribuée à une trop faible quan- tité de chaux en solution. Enfin l'Asfacus fluviatilis s'étend sur l'Eu- rope occidentale, aussi loin au sud que les Pyrénées et la Méditer- ranée ; à l’orient il va à la Sicile, à la Grèce septentrionale et aux côtes occidentales de la mer Noire. En Espagne il se présente à Bar- celone, mais sa présence ailleurs est douteuse. Au nord et à l’est il se trouve en Suède et dans les provinces Baltiques de la Russie, et 80 T. H. HUXLEY. il s'étend par les bassins du Dniester et du Bug jusqu'à la mer Noire. Sur cette vaste surface, des variétés locales ne sont pas rares ; et la plupart des auteurs regardent comme distinct un type qui se trouve dans le midi de l'Europe, en France, en Suisse et en Allemagne, sous le nom d’Astacus torrentium ou Astacus saxatilis. Gesner (1550) reconnu cette distinction. A l'est de la région habitée par Astacus fluviatilis, entre l'océan Arctique et les mers Noire et Caspienne, se range une autre espèce, l’Astacus leptodactylus. On trouve aussi dans le midi de cette étendue deux formes peut-être distinctes, l’Astacus pachypus et l'Astacus an- qulosus. C’est un fait remarquable que ces Ecrevisses ne fréquentent seulement que les rivières qui débouchent dans la mer Noire et la Cas- pienne, mais vivent bien dans les eaux salées de ces mers. Les Ecrevisses sont inconnues dans toutes les rivières qui se dé- versent dans l’océan Arctique, mais on en trouve une ou deux espè- ces dans l'Amour. Il y en à une au Japon, et six qui proviennent de la Colombie britannique, de l'Orégon et de la Californie. A l’est de la Sierra Nevada toutes les Ecrevisses appartiennent au genre Gam- barus, dont Hagen distingue trente-deux espèces. Ils s'étendent des grands lacs au Mexique et aux Antilles. Aucune Ecrevisse n'est connue en Afrique, en Syrie ou dans la vallée de l’'Euphrate; en Perse; dans l'Hindoustan ou les Indes outre le Gange, en Chine ou dans les archipels Philippines, Papuan ou Malais. Un professeur, Agassiz, les chercha dans l’Amazone sans suc- cès ; cependant deux espèces proviennent du Brésil méridional, mais elles ont plutôt une affinité avec le genre Astacoides. Plusieurs es- pèces de Paranephrops, ont été décrites de la Nouvelle-Zélande, et une des îles Fidji. Des espèces d’Asfacoides et de Chærops se trou- vent partout en Australie; en Tasmanie, il y a l'£ugæus. Il paraît ainsi : \ | 4° Que les Ecrevisses de l'hémisphère septentrional sont générale- ment distinctes de celles de l'hémisphère méridional; 20 Que les Ecrevisses américaines à l’est de la Sierra Nevada sont génériquement distinctes de celles à l'ouest de cette chaîne aussi bien que des espèces du sud de l'Amérique, et que les espèces du nord de l'Amérique occidentale sont des mêmes genres que celles de l’ancien monde, tandis que les types de l'Amérique du Sud sont plus alliés avec ceux de Madagascar et de l'Australie ; CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 81 3° Que les espèces de la Nouvelle-Zélande sont des espèces aus- traliennes ; et que ces dernières sont du même genre que celles de Madagascar et du Brésil; 4° Qu'il y a un fait négatif de distribution inexplicable par des diffé- rences physiques ou de climat ; à savoir l'absence complète des Ecre- visses de l'Amérique équatoriale, de l’Afrique et du reste du vieux monde au sud du versant septentrional des grandes montagnes asiatiques. Le problème ainsi posé est un des plus remarquables présentés par le fait de la distribution géographique, et il m'a paru que le premier pas vers sa solution serait de préciser plus nettement qu’à présent les ressemblances et les différences entre les Ecrevisses qui se rencon- trent dans ces régions différentes de distribution. Telle est l’uniformité de structure parmi les Ecrevisses, que les par- ticularités qui divisent les genres sont presque triviales. Cependant on a indiqué quelques faits importants ; tels sont la diminution en nom- bre des branchies chez Gambarus et chez Astacus, l'absence des appen- dices du premier somite de l'abdomen chez beaucoup de formes de l'hémisphère méridional. Chez l'Astacus fluviatilis, j'ai trouvé récemment deux petits fila- ments, dont la structure et la position me menait à soupçonner qu'ils étaient des branchies rudimentaires. Puisque les Ecrevisses australiennes me paraissaient moins spécialisées que les nôtres, j'ai cherché des branchies fonctionnelles dans la position des rudiments chez l’Asfacus. Je les ai trouvées chez l’Astacoides avec beaucoup d'au- tres différences intéressantes dans les organes respiratoires ; et pour- suivant cette ligne de recherche, j'ai étudié toutes les formes princi- pales, et j'ai réussi à établir quelques relations parallèles remar- quables entre la morphologie et la distribution de ces êtres. Pour expliquer ces résultats, il faut par avance une étude détail- lée de l'appareil branchial chez l’Astacus fluviatilis pour servir comme base de comparaison. IT. MODIFICATIONS DES BRANCHIES CHEZ LES ÉCREVISSES. Les Branchies chez l'Astacus fluvratilis. LA Lorsqu'on ôte le branchiostégite on voit sept branchies courbées parallèlement, avec leur concavité en avant. Leur longueur aug- ARCH. DE ZOOL,. EXP, ET GÉN. = T. Viil, 1879. 6 82 T. H. HUXLEY. mente de la première à la sixième, la septième est plus courte, parce que l’attache de sa base est située plus haut. nr FiG. 1. — Chærops. 1. La surface extérieure de la podobranchie du membre thoracique antépénul- tième du côté gauche (X 3). II. La surface intérieure de la même podobranchie : B, base; st, tige; al, aile; br, filaments branchiaux, III. Une coupe transverse de la partie moyenne de la podo- branchie (X3). IV. Un hamecon en forme de faux d’un petit filament branchial. V. Vue des soies du coxopodite (sous un fort grossissement); à, l’invagination de la paroi de la soie, qui est creuse jusqu'à la fin. VI. Un faisceau des soies de la coxopodite (X 3), VII, L'extrémité d'une des lon- gues soies du bord postérieur de la tige. Dans chacune des six branchies antérieures, on peut distinguer une base, une fige, une lamelle et une plume apicale. La large base bordée de soies, est articulée librement avec le Coxopodite d’un des CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 83 membres thoraciques du second pied mâchoire à l'avant-dernière patte ambulatoire. Pour cette raison j'appelle cette série de six les podobranchies. La base est courhée en dessus et se continue avec la tige verticale, et celle-là se continue avec la large lame, qui est pliée comme un livre à moitié fermé, le dos en avant, pour recevoir sa voisine posté- rieure entre ses lobes. Les bords de la lamelle portent de petits hameçons, etils sont plats; mais, un peu en dedans du bord, chaque lamelle est pliée longitudina- lement dix ou douze fois. Les plis et les bords sont hérissés de petits piquants recourbés, chacun situé sur un mamelon bas (fig. 4, IV). Le lobe intérieur de la lamelle se continue sur la tige comme une frange récurrente. A / X4 X2 X4 #4 F1G. 2. — A, la podobranchie (épipodite) du premier maxillipède de l'Asfaeus fluviatilis, vue de l'extérieur (XL) ; B, la podobranchie du premier maxillipède d'Astacoides madagascariensis 'XZ); br, filaments branchiaux ; C, la podobranchie du premier maxillipède de l'Astacus fluviatilis, vue de derrière (XL) ; D, la podobranchie du premier maxilipède de Parastacus brasiliensis ; br, filaments branchiaux. Dans toutes les figures & indique le pédoncule par lequel la podo- branchie s'attache au coxopodite. Près du bord supérieur de la lamelle est située la plume apicale, continuation directe de la tige. Des filaments branchiaux couvrent le côté antéro-extérieur de la tige jusqu'à la base de la plume, qui devient simple et filiforme vers son extrémité. A côté de l'articulation de la podobranchie, on trouve sur le coxo- podite un mamelon, d'où proviennent un grand nombre de soies longues, flexibles et onduiées qui montent entre les branchies. Ges soies sont tubulaires ; elles portent vers l'extrémité aiguë de nom- breux rameaux courts et lamelliformes. Elles ont été à tort regardées 84 T. H. HUXLEY. comme des branchies; peut-être servent-elles à empêcher l'entrée des parasites. Les seules différences qu’on peut observer entre les podobranchies, à l'exception de celles de grandeur, sont, que le lobe extérieur de la lamelle, qui n’est pas si grand que le lobe intérieur, sur la podo- branchie postérieure s'agrandit relativement, si bien que, sur la branchie la plus en avant, il est plus grand que le lobe inté- rieur. On dit, et avec raison dans le sens physiologique, que le premier maxillipède n’a pas de branchies ; cependant son homologue existe comme une lamelle membraneuse, pourvue de hameçons, mais sans filaments branchiaux, située derrière et au-dessous du scaphognathite NL Î # Pot ! ! 10 Re ich \ 13 9 pdb P 2pdb np db opdb P FiG. 8. — Astacopsis Franklinii (XZ). — Le branchiostigite, toutes les podobranchies, à l'excep- tion de celle du premier maxillipède et toutes les arthrobranchies antérieures, excepté la pre- mière, sont enlevées. scg, scaphognathite : 7ep, la podobranchie du premier maxillipède ; 8pdb à 13p0b, les autres podobranchies ; 8arb à 13arb, les arthrobranchies ou leurs attaches aux mem- branes arthrodiales du second appendice et des suivants ; 11#9/b à 14plb, les pleurobranchies; 14, le coxopodite de la dernière patte ; cxp, les soies du coxopodite chez l'Astacus. auquel elle est parallèle. Ainsi tout membre thoracique, le dernier excepté, est pourvu d’une podobranchie, quoique celle du premier soit réduite à l'épipodite. Quand les podobranchies sont enlevées, on voit une autre série de six, les arthrobranchies antérieures. Elles sont attachées à la mem- brane flexible qui unit les coxopodites au thorax. Elles ressemblent aux podobranchies, mais il n'y a pas de lamelle, ni de dilatation à la base. CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 85 Derrière et au-dessus de cette série, on trouve les cinq arthrobran- chies postérieures. Elles sont attachées aux membranes arthrodiales du troisième maxillipède, et des quatre membres ambulatoires anté- rieurs. Après la séparation de toutes les branchies fonctionnelles, on trouve, à l’aide d'une loupe, au-dessus des bases des troisième et quatrième membres ambulatoires respectivement, deux filaments très délicats, longs de 4 à 5 millimètres. Le postérieur a la structure d’un filament branchial ordinaire ; sa base est attachée aux bords d'un foramen, dans la partie inférieure de l’épimère du pénultième somite du thorax. Le filament antérieur est quelquefois réduit à une papille, dans une pareille situation. Ces filaments sont des bran- chies rudimentaires de la même série que celle que nous allons dé- crire. La septième est la plus postérieure des branchies qui sont mises à nu Fic. 4. — Astacus fluviatilis (XL). Le branchiostégite, toutes les podobranchies, à l'exception de l'épipodite du premier maxillipède, et toutes les arthrobranchies du côté droit sont enlevées. par l'enlèvement du branchiostégite (fig. 3, 14p/6), la structure est semblable à celle d'une arthrobranchie. Cependant, elle n’est pas atta- chée à la membrane arthrodiale, mais au bord d’un écusson chitineux, couvert de soies. Cette lamelle est articulée au-dessous avec le coxo- podite et en arrière par un prolongement courbe, avec une sem- blable extension du premier somite abdominal. A l'intérieur, cet écusson est continu avec le sternum du dernier somite thoracique : il représente l'épimère de ce somite, qui n’est attaché au pénultième que par un prolongement mince et le tégument mou. Le dernier so- mite du thorax peut ainsi remuer facilement sur son devancier, quoi- que l'opinion ordinaire, qu'il est libre, ne soit pas tout à fait exacte. 30 T. H'AUREET. Il suit de cette détermination du caractère de l’écusson chitineux, que la branchie qu'il porte est attachée à l’épimère, où à la paroi du dernier somite thoracique. Elle peut recevoir, avec les deux rudi- ments qui sont situés pareillement, le nom de pleurobranchie. Nous pouvons supposer que le nombre entier de branchies que peut posséder un somite, est huit, quatre de chaque côté, savoir : une podobranchie attachée au coxopodite, deux arthrobranchies si- tuées sur la membrane articulaire et une pleurobranchie sur l'épi- mère. Et si l'on assigne pour chaque somite quatre places, le degré actuel de complétion de la formule hypothétique sera évident, et il sera facile de comparer l'arrangement des branchies chez toutes les Ecrevisses. Dans la formule branchiale de l'Astacus fluviatilis \, ep, indique une podobranchie qui est réduite à une épipodite par la perte de ses fila- ments branchiaux ; > indique l'existence d'un rudiment. Arthrobranchies. Somites Podobranchies. ee Pleuro- et leurs membres. Antér. Postér. branchies. VIT 5 RSS 0 (ep) 0 0 0 — O(ep) IE Ù NP TR Î 1 I (LE OR EX SE NE RES Î Î l FES Xi CE Lo retR 1 Î Ï Pris NI. Reel l Î l RENE XI. SSL RENTS à l 1 l fu SET AIIIRSERE ER 1 ll l DE - DRE +. XIV: RES 0 (] 0 SE | 6H ep + 6 + 5 + 1+9r=18+ep+92r Dans cette espèce aucun somite ne possède son complément hy- pothétique de branchies, à l'exception de XII et de XIII, chez qui, même les pleurobranchies, sont rudimentaires. Onze branchies pos- sibles ne sont pas représentées. Les Branchies de Cambarus. Ce genre se distingue d’Asfacus principalement par l'absence de la pleurobranchie ; mais aussi par la disposition de la lamelle de Ia sixième podobranchie. Je n'ai putrouver aucune trace de la dernière pleurobranchie, ni des 1 Il est entendu que la formule branchiale ne donne que lés branchies d’un seul coté du corps. CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 87 rudiments qu’on trouve chez l'Asfacus. La podobranchie (épipodite), de la première patte-mâchoire n'a point de filaments branchiaux, ni de soies. Les Branchies d'Astacopsis * Franklinir. Dans cette espèce il y a non seulement la dernière pleurobranchie comme chez l’Astacus, mais au lieu de ses deux rudiments on trouve trois branchies complètes. Les pleurobranchies et les arthrobranchies sont très semblables à celles d’Astacus, excepté que la tige a une rainure à bords aigus, et que les épines, les hamecons et les soies manquent dans les podobranchies. Une petite expansion plate de la tige représente la lamelle chez l’Astucus ; sa surface est couverte de filaments cylindriques terminés par des hamecons, qui représentent les papilles à crochets de l’Astacus. L'épipodite de la première patte-mâchoire a une forme semblable à celle de l’Asfacus, mais il porte sur son lobe externe seize ou dix- huit courts filaments branchiaux (fig. 4). Dans cette écrevisse, la pre- mière podobranchie retient donc un peu de son caractère branchial. On ne trouve que de petites touffes de soies à la place des fais- ceaux de longues soies coxopoditiques, chez Astacus et chez Cam- barus (fig. 5 et 6). La formule branchiale d'Astacopsis Arthrobranchies Somites. Podobranchies. em.” Pleuro- Antér. Postér. branchies. LU PARENT RL TE 0 (epr) (] 0 M 0 epr à UN APR 7 TE 1! a (Ù) | Ps ee MAN SI TE | 1 i| Dr D lens ER. À 1 1 1 PME D RARES Up TE (l 1 1 Pour 11 >, À PART CRÉENT 1 î 1 1 —= À ARE US ÉPPREN à 1 1 1 TA SN MEV is: Teri (l (] (] 1 1% 0: 4 GHepr. + 6 + 5 + 4 — 21+ep approche ainsi de la formule complète hypothétique bien mieux que Puisque ces écrevisses australiennes, qui n’appartiennent ni à Chærops ni à Engœus, sont distinctes de l’Asfacoides de Madagascar, je propose à leur appliquer le nom d’Astacopsis. 88 T. H.'AUXLEY. 4 l'Astacus : en effet, sa formule est la plus complète que je connaisse encore chez les Crustacés podophthalmes. F1G. 5, — Astacopsis Franklinii. 1. La face extérieure du membre antépénultième du côté gau- che (X 3r).II1. La face intérieure de la même podobranchie : br, les filaments branchiaux; /, la lamelle rudimentaire. II a, Sa terminaison, à plus fort grossissement. II]. Une ooupe transverse de la podobranchie vers l'union de ses parties inférieure, moyenne et supérieure. IV. L'extrémité d'un des filaments à hamecon, et V, celle d’une des soies (fort grossissement). VI. Les soies du coxopodite. Les Branchies de Chærops. Les podobranchies diffèrent de celles d’Astacopsis, par l'existence d'une aile, qui ne correspond qu’à une partie de la lamelle d’Aséacus. Les deux côtés sont tout à fait couverts de filaments branchiaux cy- CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES,. 89 lindriques, qui se terminent en hamecon. Il y a six arthrobranchies antérieures, qui n’ont plus que la moitié de la longueur des podo- ù AR \ \ \L F1G. 6. — I. La face extérieure de la podobranchie de la jambe thoracique antépénultième du côté gauche (XL): B, la portion basilaire ; sé, la tige; /, la lamelle; br, les filaments branchiaux; ap, la plume apicale. II.La face intérieure de la même podobranchie (XL) : g, la décurrente continuée du lobe intérieur de la lamelle. III. Une coupe transverse de la podobranchie, faite un peu en dessus du niveau de b dans II (XL) : «, le lobe intérieur de la lamelle ; b, son lobe extérieur ; st, la tige; or, les filaments branchiaux. IV. Vue des hamecons de la lamelle. V. L'extrémité d’une des soies de la base de la podobranchie. VI. Les soies de la coxopodite de la même jambe (XL). VII. La terminaison d’une de ces soies. IV, Vet VII sont dessinés fort grossière- ment. branchies, et cinq arthrobranchies postérieures plus petites encore, dont les plus en arrière sont presque rudimentaires. Comme chez l’Astacopsts, il y a quatre grandes pleurobranchies. 90 T. H. HUXLEY. L'épipodite de la première patte-mâchoire porte de petits fila- ments branchiaux. La formule branchiale est la même que celle de l’Astacopsis. Les Branchies d'E ngæus. Le nombre, la disposition générale et la structure des branchies est la même que chez l’Astacopsis et chez le Chærops. Les podobranchies n'ont point de lamelle. La première podobran- chie a une petite aile, comme chez le Chærops, mais quelques-uns des filaments branchiaux ont des hameçons terminaux. Les ar- throbranchies sont très petites, spécialement celles de la série postérieure, et les trois pleurobranchies antérieures sont bien plus petites que la dernière. L'épipodite de la première patte-màchoire n’a que quelques pe- tites papilles à crochets ; elle est presque aussi réduite que chez l’As- tacus. La formule branchiale est la même que chez l’Astacopsis et chez le Chærops. La formule branchiale est identique avec celle de ces genres. Les Branchies de Paranephrops. Chez le Paranephrops je trouve aussi un caractère et une disposi- tion générale, semblables à ceux qui se rencontrent chez l’Astacopsis et chez l’£ngæus, mais les arthrobranchies postérieures sont plus réduites encore. La formule branchiale de Paranephrops est : Arthrobranchies Somites. Podobranchies. ——— Pleuro- Antér. Postér. branchies. NAIL rue eve 0 (ep r) 0 0 de 1018821 ALES Fes Re VERS PE De: 1. 0 0 — 2 Vs SP as OT ; j & à Dr t3 « lise IE. Cned dell 1 l l Ju 3 TR PIN EU UT ; L 1 1 1 = & bla} ss k 1 [l 1, 4 NITE 538 RSR à 1 1 r 1 = 344 XIVe Hu 0 0 0 1 1 6+epr + 6 + 47 + 4 = 920 +epr+r CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 91 Les Branchies de Parastacus. Les podobranchies ont des ailes comme chez le Chærops, mais qui deviennent larges vers le sommet, où elles sont tronquées. La podo- branchie modifiée de la première patte-mâchoire porte de dix-à seize filaments branchiaux (fig. 2, D, P). Les arthrobranchies antérieures sont de belle taille, mais dans la série postérieure elles sont bien plus petites. La dernière est rudi- mentaire ; elle ne consiste qu’en une tige très courte, munie d'un ou deux filaments latéraux. Il y a quatre pleurobranchies très bien dé- veloppées, spécialement la dernière. Dans les podobranchies, un grand nombre de filaments branchiaux postérieurs sont terminés enjhamecon. Gomme à l'ordinaire, ces ha- mecons n'existent pas sur les autres branchies. Les soies que portent les coxopodites sont longues et tortillées, et se terminent en hamecon. Elles ont plus de ressemblance avec celles de l’Astacus et du Cambarus que tout autre genre des Parasta- cides. La formule branchiale est identique avec celle de Paranephrops. Les Branchies d'Astacoide. Les grandes podobranchies n'ont pas de lamelles. Lorsqu'on les a enlevées, on voit les arthrobranchies ; 1l n'y en a que cinq bien déve- loppées, ce qui distingue ce genre de toutes les autres Ecrevisses connues, et celles-ci même sont bien petites, en comparaison des podobranchies. Chez toutes ces branchies, les filaments sont courts et raides, et très nombreux, elles approchent du caractère des branchies du Ho- mard. Les arthrobranchies postérieures ne sont représentées que par quatre rudiments et l'unique pleurobranchie est aussi très petite. La podobranchie modifiée de la première patte-mâchoire porte de nom- breux et courts filaments branchiaux, dont la plupart sont terminés en hamecon. 92 T. H. HUXLEY. 2.1 Les tubercules des coxopodites portent de petites touffes de soies courtes qui ressemblent à celles de l’Asfacopsis. AGE F1G. 7.— Astacoïdes madagascariensis. 1. La surface extérieure de la podobranchie du membre thoracique antépénultième du côté gauche (X7'7r). II. La surface intérieure de la même : &r, fi- laments branchiaux. III, Une coupe transverse de la partie moyenne de la podobranchie; sé, le sillon de la surface intérieure de la tige. IV. L'hameçon terminal d'un filament branchial. V. Le sommet d’une des soies du coxopodite, La formule branchiale de l’Asfacoides madagascartiensis est : CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. Pleuro- 93 Arthrobranchies. Somites. Podobranchies. branchies. Antér. Postér, NL use 0 (epr) 0 0 0 —= epr RP Ie à a à a » € : r 0 vidé és > D à Res Da u à » e 1 1 0 (1 AE TU Rd ele ad 6 8 à 1 ; | r (Ne — NL A) 21 ÉCRAN AMENER 1 1 V 0 = 2—+ 7 RAR LA a 1 1 r OLES CPR? 21 À RS RE Pt 1 à r Or" SET Mit res SE DNEE 0 0 0 A =. 1 G+epr + 55H77 + 4Tr HO 1 = 12 +epr+5r Chez l’Astacoïdes les branchiés ont souffert une réduction plus grande que chez toute autre écrevisse connue; et cette réduction est, pour ainsi dire, la continuation du processus déjà commencé chez l’Engæus et le Paranephrops, dont les pleurobranchies anté- rieures et les arthrobranchies postérieures sont petites ou même ru- dimentaires. III. LA CLASSIFICATION DES ÉCREVISSES. Quelles que soient les variations dans la structure des branchies des espèces différentes, on voit que toutes les écrevisses possèdent des podobranchies qui sont peu ou point différenciées en une por- tion branchiale et une épipodite. De plus, Astacopsis, Chærops, En- gæus, Paranephrops, Parastacus et Astacoides, chez qui les sommets des prodobranchies ne sont pas séparés en une plume branchiale et une lamelle bien développées, présentent un type sous ce rapport inférieur à celui d’Astacus et de Cambarus. Ainsi je propose de séparer ces deux groupes sous les noms de PARASTACIDES et de POTAMOBIDES. CHEZ LES PARASTACIDES. Les podobranchies n’ont qu’un rudiment de lamelle, quoique la tige puisse s’é- tendre en une aile. La podobranchie de la première patte-mâchoire a la forme d’un épipodite,mais elle porte un certain nombre de filaments branchiaux pres- que toujours. Le premier somite abdominal ne pos- sède pas de membres chez l’un ou l’au- tre sexe, et les appendices des quatre somites suivants sont grands. CHEZ LES POTAMOBIIDES,. Les podobranchies de la seconde à la sixième incluse sont toujours pourvues d’une grande lamelle pliée. La podobran- chie de la première patte-mâchoire est convertie en un épipodite tout à fait garni de filaments branchiaux. Le premier somite abdominal porte toujours une paire de membres chez le mâle, en général aussi chez la femelle. Ces organes sont styliformes chez le mâle, et ceux du second somite sont aussi mo- difiés. Les appendices des quatre so- mites sont relativement petits. 94 T. H. HUXLEY. Le telson n’est pas complètement divisé par une a’ticulation transverse. Un nombre plus ou moins grand des filaments branchiaux des podobranchies sont terminés par des épines courtes crochues, et les soies des coxopodites, aussi bien que celles des tiges des podo- Le telson est ordinairement divisé com- plètement par une articulation transverse. On ne trouve point d’hameçons, à l’ex- ception des tubercules crochus de la tige et de la lamelle. Les soies des coxopo- dites sont toujours longues et entor- tillées. branchies, ont leurs sommets terminés en hameçon. Les Parastacides ressemblent aux Palinurides et aux Scyllarides par la possession de soies crochues et par l’état rudimentaire des appendices du premier somite abdominal. Chez les Potamobiides, et chez les Stomarides, les soies ne sont pas crochues, et, comme chez presque tous les crustacés Podophthalmes, à l'exception des Palinu- rides et des Scyllarides, les membres du premier somite abdominal existent et subissent une modification spéciale chez les mâles. Des six genres de Parastacides, l'Astacoïdes se sépare de tout le reste par la réduction du nombre de ses branchies fonctionnelles à douze, tandis que tous les autres genres connus en ont au moins vingt, et en général vingt et une branchies. Toutes les branchies des écrevisses consistent en une tige pourvue de nombreux filaments cylindriques. Ce sont des exemplaires ty- piques des branchies en brosse de Milne-Edwards, et on peut leur donner le nom de trichobranchies, en opposition aux phylilobran- chies que l'on trouve parmi tant d’autres crustacés. Tous les Podo- phthalmes Macroures, à l'exception des genres Gebia et Calianassa, les Crevettes et les Nupsides ont des trichobranchies. Chez les Nupsides, les branchies manquent ou sont rudimentaires. Gebia, Calianassa et les Crevettes, comme tous les Anomoures et Bra- chyures, ont des phyllobranchies. Les Podophthalmes sont ainsi séparables selon la structure de leurs organes respiratoires en trois groupes : les Abranchiens, les Tricho- branchiens et les Phyllobranchiens. Parmi les Trichobranchiens, les Euphonsides possèdent seulement des podobranchies, qui ne sont que de simples plumes sans différen- clation même en base et tige. Tous les autres Trichobranchiens ont des arthrobranchies avec ou sans podobranchies et pleurobranchies fonctionnelles. Parmi ceux qui possèdent les trois espèces de bran- chies, les Parastacides et les Palinurides font exception par l'absence des membres du premier somite abdominal chez les deux sexes. Ils possèdent à l'ordinaire des branchies (pdb. 6, arb. 44, plb. 5). CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 95 Chez la plupart au moins des Trichobranchiens, les premiers membres abdominaux existent et sont modifiés spécialement. Dans ce groupe, les Potamobiides se distinguent par la division impar- faite de leurs podobranchies en une branchie proprement dite et un épipodite. Chez Stomarus et chez Nephrops, chez Axius et chez T'halassina cette différenciation est complète. Chez le homard, les filaments branchiaux sont nombreux et multi- sériaux et la formule branchiale est : Arthrobranchies Somites. Podobranchies mm Pleuro- Antér. Postér. branchies. LE) PT OPA A RE 0 (ep) (] 0 0 == 0 (6) NÉE RER SM 1 (L 0 0 == 4 18. ES Le CRT RTE 1 1 | OK 238 PEER PRET ] I 1 in Ta: D AE Î 1  POS ET 1 1 l CES IS S 2 LA PRES AT ASP 1 1 : | À = D AU LE CEE FIM Rs 0 0 0 d=01 6<+ ep + SO + 8 + KO © 20 +0p Chez le Nephrops le nombre total est réduit à 19 par la disparition de la podobranchie de la seconde patte-mâchoire. Chez l’Axeus la podobranchie de la pénultième jambe thoracique est réduite à l’épipodite, et la dernière pleurobranchie manque. L'arthrobranchie de la seconde patte-mâchoire est rudimentaire. Formule : 5+26p +5+T +543 —=184+92ep +r. Les filaments branchiaux sont bisériaux. Mais ils sont filiformes, et la tendance vers le type phyllobranchien n’est que faible. Les épipodites chez Sfomarus, chez Nephrops et chez Axtus sont très pauvres ; mais Chez Thalassina, chez Stenopus et chez Penœus ils sont très réduits ; et l'élément branchial disparaît des dernières po- dobanchies. Chez le Thalassina scorpioides le premier et le dernier somite thora- cique sont complètement dépourvus d'appendices. Les podobranchies du second, du douzième et du treizième sont représentées par des épipodites. Il n'y a pas de pleurobranchies. Formule : 3+386p +6 +6+0—=15 + 3ep. La tige des douze arthrobranchies est pourvue de larges lamelles 96 T. H. HUXLEY. qui sont traversées par des vaisseaux ramifiés et qui remplacent ainsi les filaments branchiaux, dont il n'y à quelquefois qu'un très petit nombre, toujours limité à la base de la branchie. Les la- melles se distinguent de celles des vraies phyllobranchies par leur petit nombre et par leur disposition oblique ; cependant, il est très intéressant de trouver chez l’Axius et chez le Thalassine un rap- prochement vers le type phyllobranchien, atteint par Gebra et par Calianassa. Chez le Sfenopus hispidus les filaments sont extrêmement minces et multisériaux comme ceux d’Astacopsis. Les podobranchies sont ré- duites aux épipodites ; il ne reste qu’un rudiment de la seconde. Il y a sept pleurobranchies. Formule : 0+Tep+r +6+6+7= 19+7ep+r. Malgré la réduction des podobranchies, Stenopus se sépare nette- ment de Penœus, auquel il a été associé jusqu'ici, à cause de la structure de ses branchies. Celles de Penœus sont ramifiées. Formule branchiale de Penœus brasiliensis : 0 + 6ep + 7 + 6+ 7 —= 920 + 6ep. Les résultats de cet examen des formes principales des Trichobran- chiens qui possèdent plus d’une espèce de branchie sont exprimés dans le tableau suivant : I. Pas d’appendices au premier somite abdominal chez l’un ou l’autre sexe. Astyla. 1. Podobranchies non divisées... .... 6.44%. PARASTACIDES. 2. Podobranchies divisées en une partie branchiale etiun épipodite = Erin Rs LS JET PALINURIDES. 11, Membres du premier somite abdominal présents presque invariablement et modifiés spécialement chez les mâles. Stylophora. 1. Podobranchies divisées en partie......... sat POTAMOBIIDES. 2. Podobranchies divisées complètement ou réduites aux épipodites. À. Pas plus de quatre pleurobranchies. a. Pleurobranchie postérieure présente et la plus postérieure des podobranchies com- piètes SRE ER 0". + SET 5... DTOMARIDES. Stomarus nephrops. B. Pleurobranchie postérieure absente; un nombre plus ou moins grand des podobranchies posté- rieures réduit aux épipodites. a. Branchies pourvues de filaments seulement. Aœius. b. Branchies pourvues de lamelles aussi..... Phalassina. CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 97 b. Plus de quatre pleurobranchies. a. Branchies filamenteuses. ,............... Slenopus. D, Branchies tameuses::.,, ve Conieense Penœus. Tous les Trichobranchiens sont macroures, dans ce sens que l’abdo- men et ses membres sont bien développés ; mais chez les genres Ibacus et Thenus, l'abdomen se raccourcit et le céphalothorax s'étend. En attendant, les régions antennaires et oculaires sont modifiées d’une manière bien semblable à celle qui produit le visage ou le métope des Bachyures typiques. Une toute petite modification en- core convertirait Thenus, par exemple, en un type trichobranchien. On peut appeler ces formes qui imitent les Brachyures, mais en dif- fèrent encore profondément, des pseudo-carcinoides. Si les filaments branchiaux d’Axius étaient raccourcis et élargis la structure des branchies s’approcherait de celle qui se voit chez Gebia et chez Calianassa, qui sont de vrais phyllobranchiens. Mais ces deux genres s'éloignent d’Axtus et de Thalassina, qui sont ordi- nairement associés avec eux parmi les Thalassinides par la formule branchiale suivante : O+HS+5+0—= 10. Par l’avortement des podobranchies et par la présence de dix ar- throbranchies attachées en paires aux somites thoraciques médians, Gebia et Calianassa ressemblent aux genres Porcellana, Galathea, Li- thodes, Pagurus et Remipes. Mais chez la Galathée et chez la Porcel- lane, les quatre pleurobranchies postérieures existent aussi; chez Lithodes et chez Pagurus, la penultième podobranchie ; tandis que chez Remapes il n’y a pas de pleurobranchies et neuf arthrobranchies seulement. Dans ce groupe, qui correspond presque aux Anomales de De Haan et pour lequel je propose le nom d’Anomomorphes, il y a tous les degrés de modification entre des macroures si typiques que Gebia et Galathea et des pseudo-carcinoïdes tels que Lithodes et Porcellana. Il est intéressant que chez T'henus et chez Zbacus c’est la tête qui est la plus modifiée, tandis que chez les Anomomorphes c'est l'abdomen. Dans aucun de ces derniers les bases des antennes ne sont fixes ni ne sont formés de vrais orbites. Il est facile à comprendre la possibilité de la dérivation des Ano- momorphes de quelque forme alliée aux genres Axius et Thalassina, mais pourvue de quatre pleurobranchies par la réduction extrême ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — T. VIil. 1879. 7 98 T. H: HUXEEY: des podobranchies; les filaments bisériaux des branchies en même temps s’aplatissant vers la forme lamellaire. Les Salicoques, si nous excluons les Penœæides, constituent un groupe naturel, que j'appelle les Caridomorphes. Ce sont tous des macroures par excellence; leur système branchial est caractérisé par la prédominance des pleurobranchies et par la réduction ex- trême des autres séries. Formule branchiale de Palæmon : Arthrobranchies * Somites. Podobranchies. us“ Pleuro- Antér. Postér. branchies. VER ATOS TOR 0 («p) 0 0 d0 Æ VUE ANS SES 1 0 0 9: =, 4 LE Re 0 (ep) 1 l 1 =° 246 AS elec ee 0 Û () 0e --R : NET ST NES RAR 0 0 0 1 = 1 XIFs rs uMRaMrE 0 0 0 : SAR — ES ALES. 2e AÉRANÈDRE 0 0 0 Lots À AIN SNS PC ENRCEeE 0 (1) Ô 1 = 1 A+2ep + 1 + 1 5 —= 8+rep On peut faire dériver les Caridomorphes d'une forme comme Sfte- nopus par la réduction des podobranchies et des arthrobranchies, et par la conversion des cinq pleurobranchies postérieures en des bran- chies du type lamellaire. Chez les Brachyures la disposition des branchies est très caracté- ristique. Par exemple la formule du Cancer pogurus : Arthrobranchies Somites. Podobranchies. Te #0" 7 Pleuro- Antér. Postér. branchies. NAT ME AS OR: (: -) 0 0 0 æ— 0(ep) NAME SSSR LR ;| 1 0 = 9 EXPene ONE LL 1 A 1 0 = 3 OUT LCR EEE, M 0 1 1 0 — 2 A LÉ tr CLS TUE Ô 0 1 = À XII ; 6 (0 0 0 A = 1 DOUX . Aa E 0 (] 0 0 = 0 XIV PEL () () 0 0 = 0 2 HP, LEMPET EL + AN ESOESS Une réduction considérable a lieu chez quelques Brachyures, spé- cialement les Catometopes. Ainsi, chez Gelasimus, la pleur6branthie inférieure et les deux arthrobranchies sont presque rudimeñntaires. Le metope brachyure est incomplèt chez les Raninides et Chez Latreillia, mais le système branchial est essentiellement le même CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 99 que chez les Crabes véritables. On peut dire la même chose de Dro- mia, quoique ses branchies présentent des rapports avec le type modifié, duquel sans doute sont provenus les Brachyures. Formule branchiale de Dromia : 2 +ep +5 + 5 + 4# —= 16 + ep. Si nous supprimons les trois podobfanchies postérieures du Ho- mard, ét réduisons à l'épipodite la dérnière de celles qui restent, la formulé branchiale devient celle de Dromra. U est permis de penser de même quéles Anômomorphes peuvent bien dériver d'une forme alliée à Arvus, ét les Cafidomorphés d'un typé voisin de Senopus et de Penœus, ainsi lés Carcinomorphes (c'est-à-dire les Brachyures et les Raninides avec Stomala et Dromià), peuvent descendre d'une souche homardienne. En tout cas, les rélations morphologiques des Podophthalmes me paraissent représentées avec une grande exactitüde par le schéma suivant : CRUSTACÉS. THORACOSTRACÉS OU PODOPHTHALMES. IT. PHYLLOBRANCHIENS: Caridomorphes. Anomomorphes. (arcinomorphes. Il. TRICHOBRANCHIENs. Penœides Thalassinides Stomarides Palinurides stenspides. asciides. potamibiides. parastacides. RS, mm DR Um. en Enphansides. 1. ABRANCHIENS. Mysides. Stylophores. Astyles, 100 T. H. HUXLEY. IV. LA DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES, EN RELATION AVEC LEURS DIFFÉRENCES MORPHOLOGIQUES. Par ce qui précède, il est évident qu'il existe une correspondance frappante entre les divisions morphologiques et géographiques des Ecrevisses. Toutes les Ecrevisses de l'hémisphère du Nord sont des Potamobiides et toutes celles du Sud sont Parastacides. De plus, dans l'hémisphère du Nord, l’Astacus habite l'Europe, l'Asie et l’ouest de l'Amérique, tandis que le C'ambarus caractérise la région à l’est de la Sierra Nevada, c'est-à-dire les bassins qui se déversent dans le golfe du Mexique et l'Atlantique occidental. La région des Astacides correspond presque à la province paléarcti- que de Sclater, moins les côtes méridionales de la Méditerranée et plus le nord-ouest de l'Amérique; celle des Cambarus occupe la gtande partie de la province néarctique, avec la région néotropicale jusqu'à Guatemala et aux Indes occidentales. Dans l'hémisphère méridional, l’Astacopsis, le Chærops et l'En- gœus sont restreints à la région australienne, et Paranephrops à la Nouvelle-Zélande et auxîles Fidji. Le Parastacus de l'Amérique du Sud est distinct de tous les deux, mais il est allié aux formes austra- liennes; et la particularité de la faune de Madagascar est soutenue par l’Astacoïde. Si nous établissions des provinces de distribution pour les Ecre- visses seulement, elles ne ressembleraient qu'imparfaitement à celles formées pour les animaux terrestres. Mais si nous comparons la dis- tribution des Ecrevisses avec celles des Poissons d’eau douce, nous trouverons des similitudes curieuses. La distribution des Salmonides, par exemple, correspond très bien avec celles des Potamobiüdes, quoiqu'ils aillent un peu plus loin, jusqu'à l'Algérie, dans le monde ancien, et pas si loin dans le monde nouveau. De plus, la plupart des Salmonides, à l’est des montagnes Rocheuses, sont distinctes des espèces à l’ouest; et le genre Oxyrhynchus, comme l’As- tacus, est commun aux deux côtés de l'océan Pacifique septen- trional. A l'exception du Rétropinna, il n'y a pas de vrais Salmonides dans l'hémisphère méridional ; cependant Gunther a démontré que cette famille est représentée dans les eaux douces de la Nouvelle-Zélande, CLASSIFICATION ET DISTRIBUTION DES ÉCREVISSES. 101 de l'Australie et de l’Amérique du Sud, par les Haplochitonides et les Galaxiades, qui ont presque la même relation avec les vrais Sal- monides qu'ont les Parastacides avec les Potamobiides. Il faut remarquer que ces trois familles de Poissons sont remar- quables parmi les Téléostéens à cause de l’état rudimentaire de leurs organes reproducteurs femelles, qui n’ont pas d’oviductes, de même que les Ecrevisses sont distinguées parmi les Podophthalmes par le caractère indifférencié de leurs podobranchies. A l'exception d’une ou deux espèces en Algérie et Asie Mineure, les Salmonides et leurs alliés manquent dans l'Afrique et dans l’Asie méridionale, tout comme les Ecrevisses. Il sera très intéressant d'apprendre des investigations approfondies de la faune de Madagas- car, maintenant en progrès, si les Salmonides y sont représentées. Sans doute cette ressemblance de distribution, entre les Poissons salmoniformes et les Ecrevisses, est due à la similarité des conditions dans laquelle ces deux groupes ont atteint leur développement ac- tuel. Je crois incontestable que les Poissons et les Crustacés d’eau douce sont modifiés d’un prototype marin. Pour les Ecre- visses, au moins, il ne manque pas d’analogies, pour soutenir cette hypothèse. Il est bien connu que dans plusieurs régions du monde les Crevettes montent les rivières et deviennent fluviatiles. Le Palæmon lacustris du lago di Garda est identique avec une Cre- vette encore vivante dans la Méditerranée. Le Mysis relicta des lacs du nord de l’Europe et de l'Amérique n'est qu'une variété du Mysis oculata des mers arctiques'. Je pense que la descente des Crabes ter- restres et fluviatiles, des Brachyures marins, ne peut pas être sérieu- sement mise en doute. Supposez que, à quelque période antérieure de l’histoire du monde, l'Océan était habité par un Crustacé que nous pouvons appeler Pro- tastacus, semblable à Paranephrops ou à Astacus, mais avec la pre- mière paire de membres abdominaux bien formés, et qu'il avait une distribution aussi large que celle de Palæmon ou de Penœus aujour- d'hui. Supposons encore que la forme du Nord tendait à prendre les caractères des Potamobiides et celle du Sud ceux des Parastacides. 1 J.-0. Sars, Histoire naturelle des Crustacés d’eau douce de Norwege. Dans le Musée britannique il se trouve une espèce de ce genre marin par excellence, Pe- nœus, qu'affirment MM. Schlaginswsit d’avoir été trouvée à la base des Himalayas. Penœus brasiliensis remonte les rivières de l'Amérique du Nord pour de longues distances, 102 T. H. HUXLEY. Il est alors facile de comprendre comment les rivières accessibles des deux hémisphères, non déjà occupées par des concurrents trop for- midables, purent être peuplées par des Potamobiides ou par des Parastacides. Ces formes, acquérant leurs caractères spéciaux dans chaque provinee, produiraient la distribution actuelle. Le Protas- Lacus pouvait avec le temps disparaître, ou rester représenté seule- ment par des formes rares des grandes profondeurs, comme les Homards sont représentés dans l’acéan Indien par le Nephropsis. Une telle hypothèse me semble complètement justifiée par l’état actuel de nos connaissances, et quoiqu'elle ne soit pas encore ap- puyée directement par des faits paléontologiques, elle est d’aeeord avec ceux que nous avons. Car les couches marines mésozoïques abondent en Crustacés tels que Glyphœa, et que Hoploparria qui sont évidemment très voisins des Ecrevisses. La grande difficulté n’est pas d'expliquer la présence des Eerevisses où nous les trouvons; c'est de comprendre leur absence d’une étendue si vaste de l’ancien monde et de l'Amérique tropicale. L'ex- plication de ce fait, soit par des altérations géographiques, depuis l'extinction de Profastacus, soit par coneurrence des Crevettes et des Crabes fluviatiles, soit par d’autres circonstances encore inconnues, offre un sujet attrayant pour des recherehes futures. ÉTUDES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES MOLLUSQUES PAR LE DOCTEUR HERMANN FOL, Professeur ordinaire à l'Université de Genève. TROISIÈME MÉMOIRE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONES INTRODUCTION Le travail que le lecteur a sous les yeux a été entrepris, avant mes recherches sur les Mollusques marins, dans le laboratoire de mon excellent maître le professeur Gegenbaur. Interrompu par les circon- stances, il fut repris en 1873, puis mené de front avec mes recherches sur l'embryogénie des formes marines et terminé en 1876. D'autres occupations m'ont empêché de le publier plus tôt, ce dont je ne me plains pas, puisque quelques mémoires, parus depuis l'achèvement de mon travail, pourront être discutés et serviront à éclairer notre jugement. | Je ne m'étendrai pas sur les difficultés que l’on a de pénétrer l’or- ganisation des embryons de Gastéropodes pulmonés. Chacun a eu l'occasion d'en examiner, et tout le monde connaît l'aspect confus de leurs tissus, leur transparence incomplète et leur rotation conti- nuelle. Il est juste d'ajouter que l'on ne prend d'habitude que les 104 HERMANN FOL. espèces dont les pontes sont les plus faciles à se procurer, telles que Limnaæus stagnalis, Helix hortensis, Arion empiricorum, Limax agres- tis. Or, ce sont précisément les espèces les moins propices de tout le groupe. Toutefois, les espèces plus favorables ont été parfois utilisées. Que l'on jette un coup d'œil sur la bibliographie et que l’on compare le nombre et la qualité des observateurs avec l'étendue des résultats obtenus jusqu'à ce jour, et l’on aura une preuve convaincante de la difficulté de l'étude qui va nous occuper. DEs PonTes.— Avant d'aborder le sujet lui-même, je tiens à donner quelques détails sur la manière de se procurer les œufs de ces ani- maux et sur les méthodes de recherche. Le lecteur à qui ces détails paraîtraient arides n’a qu à passer directement au chapitre suivant. Ils ne s'adressent qu'aux chercheurs, à qui je désire éviter les tâton- nements qui m'ont fait perdre bien du temps. Les pontes des Pulmonés aquatiques sont les plus faciles à trouver pendant toute la belle saison. Celles des Limnées, en forme de sau- cissons attachés aux plantes aquatiques, sont trop connues pour que je les décrive. Pour l'observation directe, l'on devra s'adresser de préférence aux œufs de Limnæus palustris, que l’on trouve dans les petites mares en Juin et juillet. Les larves, plus grosses et très opa- ques de Zimnæus stagnalis, que l’on rencontre jusqu’en octobre dans les eaux plus profondes, sur les feuilles des Potamogétons, sont im- propres à l'observation directe, mais se prêtent, par leurs dimensions, à l'étude par la méthode des coupes. Le genre Planorbe a des embryons incomparablement plus faciles à étudier que ceux du genre précédent ; je n hésite même pas à leur donner la palme sur tous les œufs de Mollusques d’eau douce. Je ne saurais assez insister pour que l’on s'adresse désormais aux Planorbes et qu'on abandonne complètement les Limnées ; il y a tout à gagner au change. Pendant les mois de mai et de juin, l'on trouve, tout au moins dans les environs de Genève, les pontes des petites espèces, telles que le Planorbis contortus, en cherchant sur la surface inférieure de feuilles mortes tombées des arbres dans de petites mares; ces pontes sont petites, et il faut quelque habitude pour les distinguer de celles de l’'Ancyle. De juillet en septembre, le Planorbis marginatus dépose ses œufs en abondance sur la face inférieure des feuilles de nénuphars qui ornent les saignées des marais. Ces pontes sont plus faciles à DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 105 découvrir que les précédentes et tout aussi propices. Le P/anorbis corneus n'existe pas en Suisse. Je n'ai pu l'étudier que grâce à l’obli- geance de M. Carbonnier, qui eut l’amabilité de m'envoyer une centaine d'exemplaires adultes. Les embryons sont opaques, mais fort gros et relativement faciles à mettre en coupes. Les pontes d'Ancylus fluviatilis que l’on récolte sous les pierres du lit de petites rivières et celles d'Ancylus lacustris qui sont appliquées sur les feuilles et les tiges des nénuphars, en compagnie de celles du Planorbis marginatus, ne méritent notre attention qu'à cause de la manière dont s'opère l’enroulement de l'embryon. Les Physa, avec leurs petites larves fortement pigmentées, ne mé- ritent pas l'examen. Il en est de même de Succinea putris, qui est seulement curieuse à cause de la différence d'aspect des pontes qu'elle dépose, suivant les circonstances, soit dans l’eau, soit dans la terre humide. Dans le premier cas, la ponte ressemble à celle d’un Pulmoné aquatique ; dans le second cas, à celle d'une Limace. On fera bien d'étudier, autant que possible, des pontes récoltées dans leur situation naturelle et de ne pas s'arrêter à celles que pro- duisent des animaux gardés en captivité, si l'on ne veut pas risquer d'employer son temps à suivre les processus tératologiques. Les œufs se développent dans fort peu d’eau, pourvu qu'elle soit aérée et sans odeur, mais les animaux adultes sont plus délicats. En fait de Pulmonés terrestres, je n'ai étudié que les genres Æelix, Arion et Limax. Les Helix creusent, comme l'on sait, des cavités dans le sol et les remplissent de leurs œufs qu'ils recouvrent ensuite si soigneuse- ment, qu'il devient presque impossible de les trouver. Pour se pro- curer leurs œufs en nombres considérables, par centaines, le moyen le plus simple consiste à parcourir la campagne après une averse, pour marquer avec des baguettes les endroits où l'on voit ces animaux occupés à s'enfoncer dans le sol. On aura soin de ne pas les toucher, ni les déranger en aucune façon, sous peine de les voir quitter le nid commencé sans y déposer un seul œuf ; le lendemain, l’on déterrera les œufs à coup sûr. Les premières phases du fraction- nement ne peuvent être obtenues qu'en sacrifiant des animaux prêts à pondre. Helix pomatia dépose ainsi, en juin et juillet, des œufs très gros et que l'on réussit avec quelque habitude à débarrasser de leur coque, sans percer la membrane transparente qui entoure l’albumen, ni 106 HERMANN FOL. blesser l'embryon par une pression exagérée. Geite occupation de peler les œufs ne laisse pas que d'être fastidieuse à la longue et demande un soin particulier lorsqu'il s’agit d'œufs renfermant des sinus sanguins déjà formés, car la moindre pression des doigts suffit à les faire crever. La rupture des sinus défigure complètement la larve, ainsi qu'on le verra en comparant mes dessins à ceux des auteurs ; car ces larves maltraitées et méconnaissables sont les seules qui aient été décrites jusqu'à ce jour. Si l'on met des œufs soigneu- sement pelés dans un bon compresseur, où ils soient maintenus dans une humidité suffisante, sans exclure la circulation de l'air, on aura le plaisir de pouvoir suivre directement sous le microscope leur dé- veloppement, qui reste d'habitude tout à fait normal pendant plus d’une semaine. Je n'ai pas réussi à utiliser les œufs d’Æelix hortensis, à cause de la dureté de leur coque, et je le regrette, car les embryons paraissent très transparents. J'ai obtenu, vers la fin de juillet, des quantités d'œufs d’Arion em- piricorum, var. rufus pondus par des animaux que je nourrissais dans une caisse garnie de terre humide. Ces œufs, plus petits que ceux d’ÆAelix pomatia, demandent à être pelés de la même manière ; les embryons sont assez opaques. Les Zimax ont des œufs transparents et qui ne demandent aucune préparation pour être étudiés. Le Limax agrestis, qui pond abon- damment, à l'entrée de l’hiver, autour des racines des laitues et des chicorées de nos jardins potagers, est l’espèce qui a servi presque exclusivement aux embryologistes. Cependant, les larves sont opa- ques, leur rotation trop rapide, leurs dimensions trop faibles pour que les coupes réussissent facilement; c'est une espèce à rejeter. En revanche, les œufs de Limax maximus, var. cellarius, ou Limace cendrée sont incomparablement plus beaux que ceux de tous les autres Pulmonés terrestres. Laurent, le seul auteur qui ait choisi cette espèce, la signale comme très favorable. La Limace cendrée vit dans les jardins et se trouve le jour sous des pierres, dans les endroits humides, à l'entrée des puits et surtout dans les caveaux où l’on rentre les légumes; ses œufs se trouvent de septembre jusqu'en novembre, dans des recoins humides, sous des planches reposant depuis longtemps sur le sol. J'ai obtenu aussi des œufs en gardant des animaux en captivité; mais, en somme, la ponte est difficile à avoir. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 107 Je recommande donc tout particulièrement aux embryogénistes le Limax maximus et les Planorbis complanatus et marginatus. DEs MÉTHODES D'INVESTIGATION. — J'ai employé dans ces recherches principalement deux méthodes : d'abord l'observation des embryons vivants et ensuite les coupes à travers des embryons coagulés. Pour l'étude des œufs vivants, je me sers des compresseurs à lames parallèles que j'ai déjà décrits" et dont je ne saurais me passer. C’est à l'emploi de ces compresseurs que j'attribue, en grande mesure, le succès de mes recherches. Les œufs d’Aelix privés de leurs coquilles, les œufs entiers de Limazæ s'y développent à merveille. Les pontes de Pulmonés aquatiques, placées le matin dans le compresseur en fer- mant l'accès de l’air extérieur, se trouvent l'après-midi dans un état voisin de l’asphyxie éminemment favorable à la confection de dessins à la chambre claire. La rotation des larves se ralentit et s'arrête long- temps avant que ces dernières soient modifiées dans leur forme ou dans leur structure. La dilacération d'embryons coagulés ne mérite pas d’être recom- mandée dès que la méthode des coupes peut être employée, et elle est applicable à tous les œufs de Pulmonés. Les procédés techniques qui permettent de faire de bonnes coupes, même pour des objets très petits, sont maintenant assez générale ment connus ; je me borne done à indiquer les méthodes qui m'ont le mieux réussi dans le cas actuel et les précautions spéciales à ces objets. Pour être réellement utiles, les coupes d’embryons arrondis et peu symétriques doivent former une série continue et numérotée, sans qu'aucune tranche ni portion de tranche soit perdue; la super- position des dessins de toutes les coupes dans l'ordre indiqué doit reconstituer toute l'anatomie et toute l'histologie de l'embryon. Sans cette condition essentielle, cette méthode si préeise peut mener à de graves erreurs. Les coupes doivent être strictement parallèles entre elles et faites dans une direction déterminée. Il faut, autant que possible, faire, pour chaque stade important, trois séries de coupes dans les trois directions principales : transversale, faciale et sagittale. Ces directions demandent à être définies. Je nomme axe longitu- dinal, celui qui passe par la bouche et l’extrémité aborale du corps. Le plan transversal est perpendiculaire à cet axe. Le plan sagittal 1 IH. Fos. Ein neues Compressorium. Morphol. Jahrb., t. IL. 3e liv., p, 440, 108 HERMANN FOL. passe par l'axe longitudinal et par la ligne médiane du dos et du ventre, et j'entends par coupes sagittales toutes celles qui sont paral- lèles à ce plan. Le plan facial passe par l’axe longitudinal ; il est per- pendiculaire aux deux précédents et parallèle aux faces dorsale et ventrale. Lorsque l’embryon commence à s’enrouler, je l’oriente toujours d’après la direction de la tête et de la partie libre du COrps. Pour isoler les embryons, il suffit de plonger les œufs dans de l'acide chromique très étendu ; l'embryon se durcit, l'albumen reste relativement mou et peut être complètement enlevé sans blesser l'objet. On achève le durcissement des embryons dans de l’alcoo renouvelé plusieurs fois. Les jeunes larves de Pulmonés terrestres sont si délicates, qu'il y a plus d'avantage à durcir l'œuf en bloc, après avoir noté exactement la position de l’embryon; l'œuf sera ensuite traité comme un objet enfermé dans de l’albumine, mais l’on devra renoncer à teindre les coupes. Les larves durcies et isolées doivent être débarrassées des sels cal- caires qui incrustent leur coquille, lorsqu'elles en ont une; l'addition de quelques gouttes d'acide nitrique à l'alcool où elles sont conser- vées remplira le but. Il faut ensuite les teindre en les plongeant tout entières dans une solution faible de carmin ammoniacal, d'hæ- moxyline ou de toute autre matière colorante. Puis, il faut les enfermer dans une masse homogène. J'ai employé, dans ce but, le savon transparent pour les embryons très petits, en lavant ensuite les coupes dans de l’eau distillée et les enfermant enfin dans du glycérolé de gélatine ou dans la masse de Farrant. Pour des embryons plus gros, j'ai employé la paraffine, en ayant soin de tremper la pièce dans l’essence de girofle avant de l’empâter ; je lave les coupes avec la benzine et les enferme dans le baume. Pour des larves volumi- neuses et délicates, j'ai employé le blanc d'œuf, laissant détremper la pièce, puis coagulant par la chaleur et éclaircissant le morceau dans l'essence de girofle ; les coupes sont ensurte enfermées dans le baume. Quelle que fût la méthode employée, j'ai toujours eu grand soin d'orienter l'embryon avec une précision mathématique, de manière à connaître très exactement la direction du plan de section ; c’est, pour de très petits œufs, l'opération la plus difficile, mais aussi la plus importante. Les masses transparentes, comme le savon de glycérine ou l’albumine éclaircie dans l'essence, sont précieuses pour cette DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 109 orientation, qui doit être faite sous le microscope. Les plans de section seront toujours parallèles entre eux, si l’on emploie un bon microtome. Je me sers d’un microtome à vis, d’une forme qui est en usage depuis près d’un demi-siècle et que l’on désigne souvent à présent du nom de Æanvier. J'ai dû apporter à ce modèle quelques perfectionnements, afin d'obtenir avec facilité et régularité des coupes égales et très minces (de À cinquantième à À quatre-ving- tième de millimètre). Par ces procédés, j'ai pu diviser en huit coupes parfaitement com- plètes des embryons de Limnée de la phase où le voile et l’enfonce- ment coquillier commencent à se montrer. Il importe enfin de s'arranger de façon à ce qu'il ne puisse pas y avoir d'interversion dans l’ordre des coupes, et il est bon, lorsqu'on veut approfondir une série, de dessiner toutes les sections pour pouvoir comparer ensuite les dessins entre eux et avec des figures de la larve vivante. Division pu Mémoire. — Depuis l'analyse que j'ai publiée dans le premier mémoire de cette série sur les ouvrages plus anciens relatifs à l’'embryogénie des Lamellibranches, des Solénoconques et des Gas- téropodes, la bibliographie de ce sujet s’est enrichie de plusieurs travaux. On trouvera, à la fin du mémoire actuel, un index biblio- graphique des mémoires nouveaux sur les Gastéropodes. Je profite de cette occasion pour tenir compte d'un mémoire de Stépanof oublié dans mon premier index. Les données des auteurs récents ne sont pas assez nombreuses pour faire l’objet d’un chapitre à part; elles seront discutées dans le corps du mémoire. La description des faits observés sera partagée, comme je l’ai fait pour les Ptéropodes et les Hétéropodes, en trois chapitres, compre- nant les trois grandes périodes du développement : la période embryonnaire, la période larvaire et la période de la jeunesse. Un quatrième et dernier chapitre sera consacré à des considérations générales sur le développement des divers Gastéropodes et à la dis- cussion de quelques points contestés. 1 Je crois d'autant plus utile d'indiquer ces procédés, que certains naturalistes (voy. E. Ray LanKesrEeR, CLIX, p. 324) vont jusqu’à douter encore de la possibi- lité de mettre en coupes des embryons de Limnées quoique ces coupes aient été décrites et dessinées. 110 HERMANN FOL. ÏJ. PÉRIODE EMBRYONNAIRE. Je ne commencerai plus cette fois-ci l’histoire du développement par la description des phénomènes de formation de l’ovule, sa ma- turation, la fécondation et les détails intimes du fractionnement. Dans l’état actuel de la science, cette partie du sujet demanderaîit tout le développement d’un mémoire spécial; je puis renvoyer le lec- teur à la description qué j'ai faite du premier développement des Hétéropodes ‘, description qui est en majeure partie applicable aux Pulmonés. Je me borne à rappeler brièvement les faits les plus im- portants, tels que je les ai observés chez les Pulmonés. | L'œuf, au moment de la ponte, se compose du vitellus, de l’albu- men et de la coque. L'albumen est en général homogène, mais renferme souvent un petit lämbeau de membrane anhiste, diver- sement tordue ét enroulée, et qui n’adhèré ni au vitellus ni à la coque. Si l'œuf est fraîchement pondu, l'on verra presque toujours un petit nombre de spermatozoaires immobiles, plantés dans l’al- bumen. Plus liquide chez les Pulmonés aquatiques, ce blanc d'œuf présente chez les espèces terrestres une densité voisine de celle de l'œuf de Poule. Néanmoins la composition chirñique de l’albumen d'Escargot ou de Limace doit être très différente de celle de l’œuf de Poule, car les larves des premiers périssent rapidement dans cétte dernière substance. Entre l’albumen et le vitellus se trouve une couche li- quide, à peine perceptible au début du développement, mais qui va en augmentant par la suite. La limite de l’albumen du côté de ce li- quide a souvent été prisé pour une membrane ; c’est ainsi que V. [he- ring l'interprète chez Aelix (CH), et Ray Lankester (CLIX) va jus- qu'à la prendre pour un chorion! Ge n'est point uné membrane, encore moins un chorion, mais simplement un résultat du contraste optique sur la limite de deux substances possédant des indices de réfraction très différents. La coque se compose d’une membrane élastiqué ét résistante et, 1 Hermann For, Recherches sur la feécondalion et le commencement de l'héno- génie chez divers animaux, 1 vol. in-4° avec 10 planches gravées, A. Georg, Genève, 1879. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMOXÉS. 111 chez les Pulmonés terrestres, d’une couche souvent imprégnée de sels calcaires, entourée encore d’une membrane ou pellicule externe. Chez les genres aquatiques, la membrane qui enferme l'albumen est directement logée dans une gelée, molle chez le Limnée, presque cartilagineuse chez Planorbis corneus. Cette gelée se durcit à la sur- face en une sorte de pellicule; sa composition chimique diffère com- plètement de celle du blanc d'œuf. Les jeunes éclos mangent cette gelée, mais n’en sont pas extrêmement friands, et la quittent volon- tiers pour une nourriture végétale. Le vitellus est à peu près sphérique et se compose de protoplasme et de protolécithe. Le protoplasme, aussi désigné des noms de sar- code ou de vitellus de formation, est en apparence homogène, à peine granuleux, assez fortement réfringent. Le protolécithe se pré- sente sous forme de petits granules et de petites vésicules, d’une teinte jaunâtre chez les genres aquatiques, d’une coloration plus foncée chez les genres terrestres. Ces granules lécithiques sont dis- séminés dans tout le vitellus et tenus en suspension par le sarcode ; ils manquent seulement dans l’amas central de protoplasme et dans la couche la plus superficielle du vitellus. Cette dernière ne se présente nulle part sous forme de membrane distincte; c’est une simple condensation superficielle de sarcode. La membrane qui en- tourait l'ovule au sein de l'ovaire doit donc s'être dissoute avant la ponte. N'ayant pas donné une attention spéciale à la constitution et aux réactions chimiques des granules lécithiques, je ne suis pas en état de porter un jugement sur les résultats obtenus par Warneck et par Lereboullet, résultats qui ont été analysés dans mon chapitre bibliographique (voir CLIT, p. 22 et 23). Au moment même de la ponte, le vitelius renferme encore dans son centre un grand noyau qui n’est autre chose que la vésicule ger- minative, ou nucléus de l’ovule. Ge noyau se résout bientôt en un amphiaster, dit amphiaster de rebut, qui voyage et vient s'appliquer contre la surface par l’une de ses extrémités. L'’amphiaster de rebut se divise et sa moitié externe devient la première sphérule de rebut. La moitié interne du premier amphiaster de rebut se change en un amphiaster complet, mais plus petit que le premier; c'est le se- cond amphiaster de rebut. Ce dernier se divise à son tour, sa moitié externe devient le second globule polaire, sa moitié interne le pronucléus femelle. Pendant que ce pronucléus se forme, il en apparaît un second à la surface du vitellus, en général dans la moi- 112 HERMANN FOL. tié opposée à celle qui renferme le noyau femelle : c’est le pronu- cléus mâle. Bütschli a observé des œufs qui présentaient plusieurs pronucléus mâles ; ce cas ne s’est jamais présenté à moi. Je ne mets point en doute l'exactitude des observations de ce savant, mais Je suis disposé à croire qu'il a eu parfois affaire à ces œufs patholo- giques qui sont si fréquents dans les pontes des Pulmonés aquatiques tenus en captivité. Il est difficile de savoir exactement ce qu'il en est, car Bütschli prend les petites vacuoles, qui se montrent pendant la transformation de l’aster interne du second amphiaster de rebut en un pronucléus, pour autant de noyaux distincts qu’il classe dans la même catégorie que le pronucléus mâle. Les globules polaires représentent donc la majeure partie de la substance de la vésicule germinative qui doit, paraît-il, être expulsée de l’œuf pour que la fécondation interne et le développement puis- sent avoir lieu. Cette expulsion a ceci de particulier, qu’elle s'effectue par les procédés de division cellulaire ; ce n'est donc pas une simple sécrétion. À ce point de vue, l’on peut fort bien soutenir avec Büt- schli que les globules polaires sont de véritables petites cellules ou, ce qui revient au même, de petites sphérules. Mais ces éléments demandent à être considérés aussi au point de vue de leur rôle et de leur destinée. Or, il est évident qu'ils ne remplissent par eux-mêmes aucune fonction, puisqu'ils ne tardent pas à se décomposer. Leur seul usage consiste à débarrasser le vitellus de matières qui ont sans doute joué leur rôle pendant la croissance de l’ovule, mais qui sont deve- nues superflues et même nuisibles, puisque leur sortie est une con- dition indispensable de la fécondation. En un mot, ce sont pour le vitellus des matières de rebut. Quelques auteurs, parmi lesquels je citerai Flemming et Bütschli, sont d'avis que le terme que je viens d'employer n’est pas assez respectueux pour désigner des matières qui ont certainement joué un rôle important dans la vie de l’ovule et qui se présentent avec une constance si remarquable dans tout le règne animal. Ce raisonnement n’a pas le don de me convaincre; la plupart des excrétions proviennent d'organes importants et, de ce qu'elles sont si répandues dans le règne animal, il serait fautif de conclure qu'elles méritent un autre nom. Les globules polaires sont donc des sphérules par leur origine et des matières de rebut par leur rôle physiologique. Le terme que j'ai proposé de cellules ou sphérules de rebut me paraît caractéristique à ce double point de vue. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 113 Quant à l’origine historique ou physiologique de ces corpuscules, l’on réussira peut-être un jour à l'expliquer d’une manière plus ou moins plausible. La seule explication qui ait été tentée jusqu'à ce jour est due à Rabl et possède toute la valeur que l’on pouvait at- tendre d’un essai aussi prématuré. À l’occasion d’un travail, fait dans le laboratoire de M. Hæckel, sur l’embryogénie des Gastéro- podes pulmonés (CL), et dans le chapitre dans lequel l’auteur nous explique la signification des faits observés (p. 223), il nous apprend que les « corpuscules de direction » doivent être considérés comme « des organes de protection de l'embryon acquis par adaptation au fractionnement inégal ». Leur rôle serait d'empêcher le vitellus, qui a une tendance à tourner son pôle formatif vers le haut, de s’accoler par cette face à la membrane vitelline ! A cela j'ai à répondre que le vitellus n’a aucune tendance à monter ni à descendre dans l’albu- men, qu'il s’y trouve toujours suspendu à une distance considérable de la membrane de l'œuf, en sorte que cette explication n’est même pas plausible en ce qui concerne les Gastéropodes pulmonés. Inutile de dire que le vitellus ne peut avoir pris par adaptation l'habitude d’expulser sa vésicule germinative pour s’en faire un rempart contre la membrane de l’œuf, dans les cas si nombreux où l'œuf n’a pas de membrane ni dans ceux où le fractionnement est régulier. Je relève encore, comme pleine d’à-propos, la phrase par laquelle Rabl termine le chapitre qui renferme cette ingénieuse théorie : « Puissent, s’écrie l’auteur, puissent les naturalistes eux-mêmes, qui se sont donné pour tâche l'étude de l'embryogénie, chercher à discerner, au milieu de la variété des phénomènes, les lois auxquelles ces phénomènes sont soumis | » Pour en revenir à la fécondation interne, l’on voit les deux pronu- cléus se réunir dans l’intérieur du vitellus en un seul noyau conju- gué ; c'est le noyau de la cellule de première génération. Ces phéno- mènes sont parfaitement conformes à ceux qui se passent dans l'œuf des Hétéropodes, sauf que chez les Pulmonés ils s’accomplissent dans un temps trois ou quatre fois plus long. Le premier fractionnement partage la cellule de première généra- tion en deux cellules égales. Le noyau conjugué se résout d’abord en un amphiaster qui se partage par les procédés connus. Les noyaux de seconde génération se constituent principalement de sub- stance dérivée du premier noyau ; la quantité de matériaux qu'ils tirent du sarcode vitellin est relativement faible. Les filaments ARCH. DE ZOO, EXP, ET GÉN, == T, YIII, 1879, 8 114 HERMANN FOL. connectifs et le disque de cloisonnement sont assez faciles à voir. Pendant le sillonnement du globe vitellin, il est aisé de se convaincre de l'absence complète d’une membrane vitelline. Les quatre cellules de troisième génération qui prennent naissance à la suite du second fractionnement sont encore égales entre elles, mais le troisième partage les sépare déjà en quatre petites cellules voisines des globules polaires, et quatre grosses sphérules qui occu- pent le côté opposé de la blastosphère. C’est la même disposition générale que chez les Hétéropodes, et, pendant les phases suivantes, la coïncidence dans les règles du fractionnement continue à être complète pour ces deux groupes de Gastéropodes. Je puis donc ren- voyer le lecteur à la description que j'ai donnée précédemment (CLIV), en le priant de comparer mes dessins relatifs aux Hétéropodes avec les figures 4 et 2 (pl. IX et X) qui représentent les premières phases du fractionnement de Planorbis marginatus et avec la figure 21 (pl. XI et XIT) qui se rapporte à Ancylus lacustres. Dans sa description des premiers stades du développement du Limnée (CXLVII), E. Ray Lankester dit, à propos des globules po- laires, qu'une ou deux gouttes transparentes sont expulsées des sphérules pendant les contractions produites par le fractionnement, et il ajoute que des goutitelettes semblables de substance albumi- neuse sont occasionnellement expulsées par des œufs semblables à ceux du Limnée à des stades plus avancés de développement. Gette description est erronée de tous points et mes propres observations donnent pleinement raison sous ce rapport aux observations bien plus anciennes de Warneck (LXXV). Il y a toujours deux globules po- laires qui sont expulsés avant le commencement du fractionnement. Quant aux gouttelettes claires qui sortent plus tard de l'embryon, Warneck avait fort bien su les distinguer des globules polaires. E. Ray Lankester, en confondant de nouveau ces deux genres de glo- bules, est entraîné à faire une singulière erreur; il place les sphérules de rebut au point de rencontre des grosses sphérules de l'œuf, c’est- à-dire au pôle nutritif, et retrouvant ensuite ces globules au côté op- posé à celui où se forme l’invagination primitive, il est amené à croire que c’est la moitié formative de la blastophère qui s'enfonce dans l’autre. Toute cette série de méprises vient de ce que Ray Lan- kester a pris pour un globule polaire la gouttelette de liquide que la blastosphère expulse à un certain moment de son pôle nutritif. Après la description de Warneck une pareille erreur était inexeusable. L'’au- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 115 teur a du reste plus récemment corrigé son erreur à la suite des critiques dont son premier travail a été l’objet. Je le répète, chez les Gastéropodes pulmonés, comme chez les Hé- téropodes, les sphérules de rebut sont situées au pôle formatif, au milieu du champ occupé par les petites cellules formatives, au côté opposé à celui qui s'enfonce pour constituer l'entoderme. Pendant le travail du fractionnement, les sphérules prennent un aspect foncé et une forme arrondie. Les noyaux ne sont plus visibles et la cavité de fractionnement se perd dans l’obscurcissement de l'œuf (pl. IX et X, fig. 4). Pendant les temps de repos, les noyaux re- paraissent, les sphérules s’affaissent les unes sur les autres, la cavité de segmentation est denouveau visible. Dans ces périodes de repos, la limite entre les sphérules apparaît comme une ligne d'épaisseur très appréciable et dont la transparence contraste avec la teinte foncée des cellules (pl. IX et X, fig. 1 et 2); c’est la coupe optique de la couche de sarcode qui règne sur toute la surface des sphérules. Mais en outre nous remarquons, dans le plan de contact des cellules voisines, une accumulation de liquide, fait déjà constaté par Warneck. Ce liquide va sans doute remplir la cavité de fractionnement, mais une partie est aussi expulsée sous forme de gouttelettes qui sortent géné- ralement au pôle nutritif. J'ai observé une seule goutte chez les Hé- téropodes et les Pulmonés aquatiques, Warneck en a vu plusieurs prendre successivement naissance à la surface de l'embryon de Li- mace. Nous aurons bientôt à reparler de ce liquide intercellulaire. Le vitellus renferme dès l’origine deux sortes de protolécithe. Ce sont d’une part des granules foncés très petits, compacts selon toute apparence, et d'autre part des vésicules dispersées avec régularité au milieu des granules (voir pl. IX et X, fig. 4). Lorsque l’ébauche embryonnaire se sépare en sphérules de deux espèces, les petites sphérules claires du pôle formatif renferment beaucoup moins de protolécithe que les autres. Le pigment, qui est assez abondant dans certains œufs, s'accumule dans la partie supérieure des sphérules nu- tritives (pl. IX et X, fig. 2, et pl. XI et XII, fig. 21). En se disséminant dans les sphérules en voie de fractionnement, ce pigment contribue pour beaucoup à l’obscurcissement de l’œuf. À mesure que les sphé- rules diminuent par division, le pigment et les vésicules lécithiques se dissolvent, en sorte que la substance vitelline prend un aspect plus uniformément granuleux. Cet aspect homogène persistera jusqu’au moment où le deutolécithe commencera à se déposer. 116 HERMANN FOL. L'invagination primitive ou blastique, le blastocolpe !, puisque la mode est aux mots grecs, se forme ici de la même manière que chez les Hétéropodes (CLIV). Je n'insiste pas à nouveau sur ces processus que j'ai décrits en détail et qui paraissent très répandus chez les Gastéropodes.Bobretzky (CLVIT) à trouvé chez Vassa et chez Fususles mêmes lois, assez peu modifiées par l'abondance du protolécithe pour pouvoir encore se ramener au même type général; il en est de même des Ptéropodes (CLIT). Chez les Pulmonés, la ressemblance avec les processus décrits chez les Hétéropodes va presque jusqu'à l'identité. La cavité de segmentation, ou blastocele, reste presque nulle pendant que l'invagination se forme et ne commence à croître qu'après le rétrécissement du blastopore. D'après Rabl, le fractionnement aboutit à une forme framboisée compacte : «c'est la Worula ». Après sa formation, cette Morula se creuse intérieurement, les cellules se portent à la périphérie et s’ar- rangent en feuillet autour d’une vaste cavité de Baer. Cette descrip- tion est fausse de tous points et le dessin que l’auteur donne (sur la figure 9 de sa planche VIT, comme représentant la blastosphère des Pulmonés aquatiques ne ressemble à rien de ce que j'ai observé chez ces animaux. Le blastocèle reste toujours très petit et conserve à peu près les mêmes proportions que chez les Hétéropodes. Une cavité aussi grande que celle que représente Rabl ne se trouve que chez des œufs altérés, pondus par des animaux tenus dans une étroite réclu- sion, ou des œufs que l’on a laissés séjourner dans une eau gâtée. En pareil cas, l'embryon est arrêté dans son développement et se gonfle considérablement (voir pl. IX et X, fig. 5 et 6). Mais même ces em- bryons altérés ne ressemblent guère aux figures de Rabl, car leurs parois, loin de présenter l’uniformité toute schématique que leur at- tribue le disciple de Hæckel, sont composées de deux sortes de cellules dont les unes, occupant le pôle nutritif (pl. IX et X, fig. 5, en), sont plus grosses et plus foncées, tandis que les autres, qui occupent la plus grande partie de la périphérie, sont pyramidales.et munies de longs prolongements (pl. IX et X, fig. 5, ecp). Aucune blastosphère normale ni pathologique ne présente cette rondeur et cette régularité admira- bles que Rabl lui décerne. La figure suivante, du même auteur (fig. 10), et la description qui l’accompagne sont encore plus imaginaires si possible. L'une des i De giioses. germe, et de x%7, pli, enfoncement. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 117 parois de la blastosphère, telle que l'auteur se la représente, s'enfon- cerait dans l’autre, exactement comme une balle creuse de caout- chouc que l’on presse entre les doigts après l'avoir percée pour laisser échapper l'air intérieur. J'ai montré, à propos des Hétéro- podes, que le blastocolpe se forme petit à petit et non subitement, par les règles particulières de croissance et de partage des cellules nutritives, et je ne puis, vis-à-vis des assertions de Rabl], que répéter encore une fois que ces règles, établies en ce qui concerne les Hété- ropodes, sont également valables pour les Gastéropodes pulmonés. Le savant Allemand prétend avoir observé le mode de formation qu'il suppose à la « Gastrula », non seulement chez Limnœus, mais encore chez Physa, Planorbis et Ancylus. J'ai fait rentrer tous ces genres dans le cadre de mes études, et n'ai vu chez aucun une forme voisine de celle qu'il représente. Je n’ai surtout jamais vu le blasto- colpe prendre naissance à côté des globules polaires, comme le veut Rabl, mais au contraire toujours au pôle opposé aux sphérules de rebut; ce sont toujours les grosses cellules nutritives, que notre auteur n’a du reste pas su distinguer des autres, qui s’enfoncent dans le blastocèle. Les croquis que Ray Lankester a publiés sur les mêmes stades du Limnée (CXLVIT) s'écartent de la nature d’une autre manière. Je n’ai jamais vu d’embryons aussi aplatis, avec une forme de fer à cheval aussi prononcée qu'il les représente sur ses figures 7-10, La description de H. v. Jhering (CLI) nous représente, d’une ma- nière parfaitement juste, quoique brève et peu complète, la même période du développement en ce qui concerne Æelix pomatia. Je dit- fère du savant malacologiste seulement en un point. Je ne trouve pas que l’ectoderme devienne, chez cette espèce, tellement mince que l’on ait de la peine à le distinguer ; tout au contraire, je vois constamment ce feuillet composé de cellules plus pâles sans doute que celles de l’entoderme, mais fort épaisses et faciles à voir; les figures 2 à 6 de ma planche XV et XVI en font foi. Nous arrivons maintenant à un stade important du développement embryonnaire, celui que l’on à désigné des noms de #Wlastule inva- genée ou de gastrule. L'étude de ce stade m'a coûté un temps et un travail hors de toute proportion avec les résultats obtenus; c’est que les embryons des Pulmonés sont, à cette époque, d’une difficulté toute particulière, obscurs, confus, tournant rapidement sur eux- mêmes, et ne présentant pas dans leur forme un point de repère 118 HERMANN FOL. qui permette de les orienter avec certitude. Coagulés, ils deviennent encore plus obscurs et si ronds, que l’on ne peut plus du tout les orienter. Dans ces conditions-là, les résultats que j'ai obtenus à force de persévérance ne sont pas assez précis pour chasser complète- ment le doute de mon esprit. Je tiens à faire d'emblée cette réserve pour ne pas risquer de faire admettre comme démontrés des faits qui ne le sont pas. Je ne fais d'exception que pour les embryons de Limax maximus, qui sont assez grands et assez favorables à l’obser- vation pour permettre d'arriver à des résultats précis; seulement, les œufs de cette espèce sont difficiles à se procurer, et je n’en ai eu qu'un nombre insuffisant entre les mains. Je comprends sous les noms de blastule invaginée ou de gastrée les embryons de Pulmonés depuis le moment où le blastocolpe est constitué, jusqu'au moment où le voile et l’invagination préconchy- lienne commencent à se montrer. Les plus jeunes de ces embryons ont une ouverture, le blastopore, située au pôle opposé aux corpus- cules de rebut; les plus avancés ont une bouche située entre le voile et le pied, au côté opposé à l’enfoncement coquillier. La grosse question est de savoir quelle relation existe entre ces deux ouver- tures, question épineuse et que des théoriciens seuls peuvent traiter à la légère. Je commence ma description par les genres aquatiques, et prends pour point de départ le stade (pl. XI et XIE, fig. 16), où le blastocolpe est achevé et où l'embryon présente, chez Zimnæus, une forme un peu aplatie; la face supérieure, plate, est percée d’une ouverture al- longée, le blastopore (b); la face inférieure, plus arrondie, porte au milieu les globules polaires (fig. 46, x). L’ectoderme est composé de cellules nucléées sensiblement égales entre elles. L'intérieur de l'em- bryon est occupé par une masse sombre, où il est impossible de dis- tinguer aucun détail. La seule chose que l’on puisse dire sur cette masse sombre, c’est qu’elle est composée de boules, sans doute les cellules (fig. 16, em), et que son centre est creusé d’une cavité (fig. 146, S) qui communique avec l'extérieur par le blastopore. Chez Physa (fig. 11), la forme de l'embryon est moins déprimée. L'embryon commence maintenant à se balancer lentement, puis de plus en plus vite, et finit par tourner. L'opacité des tissus ne m'a pas permis de déterminer exactement la position des cils. Tout ce que je puis dire, c’est qu'ils ne sont pas répandus sur toute la sur- face, mais seulement sur une zone assez étroite. En fixant attentive- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 119 ment le bord de la coupe optique de l'embryon sous un fort grossis- sement, je crois m'être assuré de ce fait. Je me trouve donc en désaccord avec Rabl (CL), qui accorde des cils vibratiles à toutes les cellules de l’ectoderme. L'ectoderme de la face opposée au blastopore présente mainte- nant une modification singulière. Ses cellules sont séparées les unes des autres par de petits espaces lenticulaires, occupés par une sub- stance transparente (pl. XI et XII, fig. 44 et 12, ec). Nous avons vu que déjà auparavant les sphérules, s’affaissant l’une contre l’autre, étaient séparées par un liquide qui était expulsé au dehors de temps à autre. Ici, le processus semble analogue ; seulement le liquide, probablement visqueux, albumineux, reste enfermé entre les cellules et augmente constamment de volume. Les cellules ectodermiques qui sécrètent ces masses claires sont munies de noyaux réguliers (fig. 12, v), d'un protoplasma finement granuleux, et ont une forme d'osselets. La substance intercellulaire, continuant ensuite à s’accumuler dans la même région, sépare de plus en plus les cellules de l’ectoderme les unes des autres. De là cette forme conique qu'elles affectent (pl. XI et XII, fig. 43, £n), étant reliées par leurs bases en une membrane superficielle continue, tandis que leur extrémité intérieure, encore soudée à l’entoderme, s’étire en pointe. La disposition que je viens de décrire pour Physa se voit surtout lorsque l'embryon est tourné de profil (fig. 13), et se présente encore plus clairement dans le genre Planorbis (pl. XI et XII, fig. 10, ecp). Chez le Limnée, le processus est le même (pl. XI et XII, fig. 44, £n), mais moins facile à suivre. La quantité de substance claire augmentant encore progressive- ment, toute la région inférieure de l’ectoderme est détachée de l’en- toderme, sauf quelques filaments qui traversent encore l’espace transparent (pl. IX et X, fig. 7 et8, ecp); ces filaments appartiennent aux cellules de l’ectoderme, comme le prouvent suffisamment et leur genèse et leur histologie chez de jeunes embryons. La vésicule, ainsi formée, répond au sinus voilier des larves. Le liquide s'étend ensuite dans toute la fente qui sépare l’entoderme de l’ectoderme, et change cette fente en une vaste cavité, la cavité du corps (pl. XI et XII, fig. 3, An)‘. 1 Ces faits sont signalés dans ma note préliminaire (CLV) sur le développement des Gastéropodes pulmonés. Ray Lankester, qui les ignorail complètement lorsqu'il écrivit son travail sur le Limnée (CXLVIL), les utilise et les décrit dans un article 120 HERMANN FOL. Lorsque les œufs se développent dans une eau privée d'air ou gâtée, l'embryon présente un gonflement pathologique. Le sinus du voile devient énorme, comparé aux dimensions qu'il devrait avoir à cette phase de développement (pl. IX et X, fig. 5, k/). Les cellules de l'ectoderme sont étirées en cône dans une région où, normalement, elles ne devraient jamais présenter cette forme (fig. 5, ecp), et les cellules de la région du sinus ont souvent perdu cette particularité, qui est normale pour elles, par suite de la rupture des parties étirées qui les reliaient à l’entoderme (fig. 5, kf). En même temps, ces embryons présentent d’autres vices de conformation résultant d’une pression intérieure exagérée ; ainsi leur forme générale est trop ar- rondie (pl. IX et X, fig. 6), et l’entoderme comprimé se change en un amas informe de cellules (pl. IX et X, fig. 5, en). Lorsque cette mala- die affecte des embryons plus avancés dans leur développement, les mêmes causes produisent des effets un peu différents, sur lesquels je reviendrai plus tard. Je me suis étendu quelque peu sur ces em- bryons monstrueux, parce que l’on a souvent l’occasion d’en voir, que l’on est entraîné involontairement à les étudier de préférence aux embryons normaux, à cause de leur transparence plus grande et de leur rotation plus lente, et qu'ils peuvent, lorsqu'on n'est pas bien averti, occasionner de nombreuses erreurs. C’est effectivement ce qui est arrivé plus d’une fois. Le stade que je viens de décrire a été presque complètement négligé par Ray Lankester, qui n’en donne que quelques esquisses au simple contour. Les figures 13 et 14 de sa planche XVI appartien- nent déjà à un état un peu plus avancé, et paraissent se rapporter à des embryons gonflés de la manière que je viens d'indiquer. D'après ces croquis et d’après le texte, ce seraient les grosses cellules de l’entoderme qui se prolongeraient en filaments, attachés d'autre part à l’ectoderme. Cette erreur peut s’excuser chez un auteur qui n'avait aucune idée de la manière dont se sécrète le liquide de la cavité du corps. À ce même stade, le naturaliste anglais représente la bouche comme un enfoncement profond arrivant jusqu'au contact de l’entoderme. Nous verrons que cette observation, qui s'accorde avec les miennes, ne cadre guère avec les vues théoriques de notre auteur. publié une année après ma note. Il ne fait cependant aucune mention de cette note, quoiqu'il la connût fort bien. Ce procédé peut servir à illustrer d’autres procédés analogues dont j'ai eu à souffrir de la part du même auteur. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 121 Rabl (CL), qui place le blastocolpe à côté des globules polaires, continue ensuite à donner, pour le stade de la gastrée chez les Pul- monés aquatiques, des dessins schématiques qui ne répondent pas même théoriquement à la réalité. Entre les deux feuillets primor- diaux, il en représente un troisième, le mésoderme, qui forme deux plaques latérales entourant le blastocolpe comme un manchon. Il représente ensuite l’entoderme se scindant en deux couches concentriques, un processus qui n a certamement pas lieu. L'auteur ignore l’origine et la formation du sinus nucal et les filaments qui s'étendent de l’ectoderme vers l’entoderme lui restent inconnus. Le sinus lui-même, une fois formé, est représenté sur ses des- sins, quoique dans des proportions qui ne me paraissent pas justes. Peut-être cette faute d'observation et de dessin a-t-elle contribué à faire naître cette singulière théorie, que Rabl émet dans le chapitre où il nous explique la portée de ses observations. La larve des Gas- téropodes aurait, à cette époque, la forme de la larve à trois seg- ments d’un Annélide ou d’un Brachiopode; mais l’auteur hésite ce- pendant à poursuivre cette comparaison, à cause de la structure du « segment postérieur » (sinus du voile) de la larve des Gastéropodes, qui ressemble trop peu à un segment. Si les dessins de Rabl ne sup- portent guère son hypothèse, l’on aura, en présence des formes réelles de ces larves (voir pl. XI et XII, fig. 10, 13 et 14), encore bien plus de peine à comprendre qu'elle ait jamais pu être émise. Aussi persuadé que Rabl lui-même de la parenté des Mollusques et des Vers, je ne saurais voir dans cette opinion un motif pour chercher entre ces deux groupes les rapports là où ils ne sont pas. Les cils vibratiles sont, comme Rabl l'indique, extrêmement petits au moment où ils apparaissent; seulement, je puis affirmer qu'ils ne sont pas répandus sur toute la surface de l'embryon, mais limités dès l’origine à la région du voile. Chez les Pulmonés terrestres, la distance entre les deux feuillets est déjà considérable à cette époque (pl. XV et XVI, fig. 2 et 3, et pl. XVII et XVIII, fig. 2, Æn). Ici, l'entoderme est très sombre et opaque, en sorte qu'il est bien difficile de décider à quel moment le mésoderme fait son apparition. Ce stade du développement des Pulmonés terrestres n’a été décrit par aucun des embryologistes qui se sont occupés de ces animaux. Reprenant maintenant la suite du développement embryonnaire des Pulmonés aquatiques, nous arrivons à l'époque où l'embryon 122 HERMANN FOL,. commence à se différencier en régions, à prendre une forme plus facile à saisir. D'un côté qui, sur toutes mes figures, est tourné vers le haut, nous avons une fossette, allongée comme la larve elle-même et dans le même sens. De profil, on voit fort bien la longueur de la fente (pl. XI et XIT, fig. 10 et 13, B); de face, l’on croit voir un simple canal arrondi (pl. XI et XII, fig. 14, b). En regardant l'embryon d'en haut, l’a- justement superficiel nous montre une ouverture en forme de fente ; mais si l’on abaisse le foyer du microscope, l’on rencontre la coupe optique d’un canal rond (pl. XI et XIE, fig. 45, b) qui débouche, plus profondément, dans la cavité du blastocolpe. Le blastopore est donc comme un entonnoir dont on aurait pincé la partie supérieure, de manière à changer sa section ronde en une section très allongée. Cette ouverture, en forme de fente, est limitée latéralement par deux lèvres, un peu plus rapprochées à une extrémité (pl. XI et XII, fig. 10, Zs, à gauche) qu’à l’extrémité opposée, où elles sont séparées par un mamelon (pl. XI et XII, fig. 10, ?). La face opposée de l'embryon est occupée par le sinus voilier, que j'ai déjà décrit d'une manière générale. Il me reste à ajouter que, sur une vue de profil, ce sinus est beaucoup plus élevé à l’une de ses extrémités (voir pl. IX et X, fig. 8, £n, et pl. XI et XII, fig. 10, à droite), où il se termine abruptement, qu'à l'extrémité opposée, où il passe par des transitions insensibles à l’ectoderme régulier qui avoisine le blastopore. La portion la plus profonde du sinus répond à la région postérieure du champ voilier. Du côté où le sinus est plus gonflé, les filaments produits par l'allongement des cellules ecto- dermiques sont minces; du côté opposé, ils sont plus gros, plus courts et plus foncés. Les cellules coniques de l’ectoderme du sinus, devenant toujours plus basses, passent aux cellules cylindriques du reste de l’ectoderme. Nous remarquons encore, sur une vue de profil, que les deux extrémités latérales de l'embryon diffèrent beaucoup l’une de l’autre (voir pl. IX et X, fig. 8, et pl. XI et XIT, fig. 10), quoique présentant toutes deux une étendue d’ectoderme épais formé de cellules cylin- driques. L'une, plus aplatie et plus étendue (à droite sur les figures), se termine à l'endroit où le sinus du voile s'élève tout à coup et, s’in- fléchissant d'autre part à côté du blastopore, se termine ici par le mamelon dont j'ai déjà parlé (pl. XI et XIT, fig. 10, P). A l’autre extré- mité (fig. 10, ec), l'ectoderme à cellules cylindriques n’a que très peu d'étendue et vient aboutir au blastopore à l'endroit où les lèvres DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 123 latérales tendent à se rejoindre. Plus tard, l'entrée du sillon longitu- dinal se trouve dominée de ce côté parunmamelon beaucoup moins large que celui qui lui fait face (pl. IX et X, fig. 8, æs). La première de ces extrémités (celle qui est à droite sur la figure 40, pl. XI et XII) me parait répondre au pied et à l’invagination préconchylienne, et les lèvres qui entourent le blastopore me semblent être en relation avec le voile. Si cette détermination est juste, et c’est là une question que je pose aux futurs observateurs, il en résulterait que le blastopore devrait correspondre à la bouche chez les Pulmonés aquatiques. Les cils vibratiles sont implantés sur une zone qui répond à la position qu'occupera le voile. | Chez des embryons un peu hydropiques de ce stade (pl. IX et X, fig. 7), l'entoderme, refoulé vers le haut, paraît étalé en largeur, et sa composition en cellules sombres se montre avec assez de netteté. Le blastopore mène dans un canal, celui de l'œsophage, qui vient dé- boucher dans la cavité de l’entoderme. La cavité du corps, gonflée d'un liquide transparent, laisserait voir nettement le feuillet méso- dermique, s'il existait; or, je n’ai jamais pu me convaincre de sa pré- sence. Il y a cependant deux grosses cellules symétriques (pl. IX et X, fig. 7, et pl. XI et XII, fig. 3, emv) accolées au côté interne de l’ecto- derme et cela sur la face ventrale. Ces deux cellules n’appartiennent à aucun des deux feuillets primitifs, et devraient donc être consi- dérées comme mésodermiques. Les cellules entodermiques sont tou- jours foncées et bourrées de protolécithe; elles tendent à s’éclaircir et à se gonfler, mais ce n'est qu'au stade suivant que nous verrons apparaître les masses de deutolécithe dans leur intérieur. Chez les Pulmonés terrestres, l'embryon, à l’âge correspondant, présente déjà normalement une cavité du corps assez considérable. Toute la partie voisine des globules polaires se compose d’un ecto-- derme assez épais qui entoure un espace rempli seulement d’une sub stance claire (pl. IX et X, fig. 4, kn, et pl. XI et XIL, fig. 2, #n). L'autre moitié de l'embryon est très sombre. L'entoderme, encore rempli d’un protolécithe granuleux, est trop opaque pour que l’on puisse rien dire de précis sur son histologie. Je me suis souvent demandé si cette opacité ne serait pas due en partie à la présence d’un mésoderme localisé autour du blastocolpe, mais sans arriver à un résultat défi- nitif; la question reste ouverte. La forme générale de l'embryon est plus ronde, plus gonflée que chez les genres aquatiques; mais, de même que chez ces derniers, nous trouvons iei un enfoncement en 124 HERMANN FOL. forme de fente occupant le côté opposé aux globules polaires (pl. XV et XVI, fig. 4, B). Ce sillon est dominé à une extrémité par une proé- minence pointue. Au fond du sillon se trouve une ouverture, d’abord très large (pl. XVet XVI, fig. 2 et 3, 2), qui se rétrécit ensuite (fig. 5, B), surtout vers la profondeur, en un fin canal. Ce canal n’est pas très facile à voir; cependant, il suffit de mettre au foyer avec soin pour le trouver. En le regardant de face (fig. 5), nous remarquons une texture histologique particulière dans la saillie qui domine le blastopore; l’ectoderme de cette région renferme une accumulation de gros globules réfringents qui sont simplement du deutolécithe. Le dépôt de deutolécithe commence donc chez les genres terrestres plus tôt que chez les genres aquatiques, et il se montre, en premier lieu, dans une région circonscrite de l’ectoderme. Je crois retrouver cette région avec les mêmes caractères au bord de l'ouverture buc- cale chez des larves plus avancées. Outre cette saillie impaire, le blastopore est encore dominé par deux protubérances symétriques (pl. XV et XVI, fig. 3, 2s) qui répondent aux bords du sillon, dont le blastopore occupe le fond, et seront peut-être plus tard en rapport avec le voile. Chez des embryons légèrement plus avancés que ceux que je viens de décrire (pl. XVII et XVIIL, fig. 2), les cellules de l’entoderme com- mencent à se remplir d'une masse réfringente homogène. Gette substance, que j'ai déjà précédemment fait connaître sous le nom de deutolécithe (CL VII, p. 131) et que Bobretzky a décrite pour les Gastéropodes (CLVIT), se dépose dans la par- tie externe de la cellule, de façon que le protoplasme avec le noyau n’occupe plus qu'une petite place du côté qui limite la ca- vité du blastocolpe. J'ai réussi à obtenir de bonnes coupes sagittales de ce stade chez Limax mazximus, montrant très clairement Canne Ben Ne MR OUR détails histologiques (voir fig. I ci- Limaz maximus grossie 150 fois. contre). Le protoplasme granuleux a une dis- B, le blastopore ; ec, ectoderme ; : en, entoderme ; en y, noyaux des position plus ou moins étoilée et i cédoie cellules de l’entoderme ; à” deu- ‘tra tolécithe ;em, ectoderme épaissi des prolongements dans le deutoléci- ou mésoderme. * Fu the (à). Dans la partie voisine du blasto- pore, la couche externe est formée de cellules placées sur deux ou trois d'épaisseur. Dans la région aborale, l’ectoderme ne DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. . 125 compte qu'une seule rangée de cellules. Il est difficile de décider si la couche cellulaire plus épaisse de la région orale (em) doit être consi- sidérée comme un ectoderme épaissi ou comme un feuillet externe doublé d’un feuillet moyen déjà différencié. Le fait que les cellules de la région épaisse sont toutes égales entre elles, mèêlées et non disposées par couches et toutes beaucoup plus petites que celles de la région aborale, tendrait à montrer que nous avons affaire à une prolifération locale dans le sein de l’ectoderme, bien plutôt qu'à une scission en deux feuillets. Cette manière de voir ne serait pas ébran- lée, même s'il pouvait être démontré que les cellules les plus inter- nes de l’épaississement donneront plus tard naissance à des tissus mésodermiques. À ce stade en succède promptement un autre qui commence la transition entre l'embryon et la larve : c'est l’époque où le voile, le pied et l’invagination préconchylienne commencent à se montrer. Chez les Pulmonés aquatiques, le voile (pl. IX et X, fig. 10 et 11, vb)se présente maintenant sous forme d’un bourrelet bien marqué, courbé en croissant symétriquement sur les deux côtés de l'embryon. Dans le voisinage de la bouche, le bourrelet remonte vers la face dorsale et vient se perdre immédiatement en arrière de l’ouverture buccale. Plus bas, le voile décrit une courbe qui le rapproche du pied et de la face ventrale (fig. 10, vé); puis il se porte de nouveau vers le côté dorsal et va se perdre dans le voisinage de l’enfoncement co- quillier et du sinus voilier. Les cils dont il est garni sont petits et placés sur plusieurs rangs. Le champ entouré par le bourrelet voilier forme donc à l'origine presque la moitié de la surface de l'embryon. Plus tard cet espace ne sera plus qu'une très minime fraction de la surface de la larve, d'où il appert que les Pulmonés présentent ce même développement inégal des diverses régions que j'ai déjà fait ressortir à propos des Hétéropodes. Le pied n'est encore qu’une protubérance en forme de cône obtus chez Planorbis (pl. IX et X, fig. 10, P), plus arrondi chez Limnœus et facilement reconnaissable à cause de sa position. Il se constitue d’un ectoderme épais dont les cellules mésodermiques commencent à se détacher. Il ne paraît pas que sa surface soit déjà garnie de cils vibratiles. L'enfoncement coquillier n’est encore qu'une petite excavation (pl. IX et X, fig. 410 et 11, gi), dans une portion très épaisse de la paroi du corps. Autour de l'entrée de l’invagination, les cellules ecto- .:, HERMANN FOL. dermiques sont disposées en rosetite. Sa position est assez exacte- ment aux antipodes de la bouche. Du côté ventral, l’orifice de l’en- foncement coquillier est séparé de la base du pied par une portion d'ectoderme de force moyenne. Du côté dorsal, elle passe à l’ecto- derme mince du sinus nucal ou voilier. Le sinus du voile est proportionnellement plus petit qu'au stade précédent (pl. IX et X, fig. 40, £n). Sa paroi est toujours formée d'un ectoderme très mince à grandes cellules aplaties. Des éléments cellu- laires étirés relient cet ectoderme aux grosses cellules de l'entoderme tout autour du sinus. Ces filaments, qui dans l'origine appartenaient évidemment aux cellules ectodermiques, sont maintenant munis chacun d'un noyau et sont plus épais à leur extrémité interne. Si nous ne Connaissions pas la genèse de ces éléments mésodermi- ques, nous pourrions, d'après l'aspect qu'ils présentent dans le stade actuel, être tentés de les croire dérivés de l’entoderme; nous avons vu que cette erreur a été commise par un auteur. Le sinus du voile commence à se contracter faiblement et à de rares intervalles. Du sinus jusqu'à la bouche, l'ectoderme s'épaissit progressivement. C'est cette région qui donnera naissance aux ganglions cérébroïdes ainsi qu'aux organes de la vue. La bouche est maintenant très large à son entrée (pl. IX et X, fig. 9,10 et 114, b), mais se rétrécit rapidement vers le bas en un canal æsophagien très étroit. Les parois de l'entonnoir buccal sont très épaisses et proviennent, à mon avis, d'un enfoncement secondaire de l’'ectoderme; la cavité buccale définitive et la radule en dériveront. Un canal œsophagien extrêmement fin met la bouche en communi- cation avec la cavité digestive de l'embryon. La cavité digestive primitive n’est autre chose que le blastocolpe. Les cellules entodermiques de sa paroi subissent maintenant encore davantage cette modification singulière que j'ai fait connaître pour les Hétéropodes et que Bobretzky a trouvée de son côté chez divers Gastéropodes. Chaque cellule se bourre de deutolécithe qui s'accu- mule en masse compacte dans sa partie externe, tandis que le pro- toplasme et le noyau n'occupent qu une petite place au côté interne. Toutes ces grosses cellules à deutolécithe, rondes et réfringentes, rappellent une grappe de raisin à grains serrés (pl. IX et X, fig. 9, 10 et 14, en x"). A la surface de cet amas bosselé règne comme un réseau de cellules granuleuses étoilées appliquées sur les globes entodermi- ques (fig. 11, em). Chacune de ces cellules possède son noyau qui + DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 127 fait comme une tache claire au milieu de la substance granuleuse foncée. L'origine de ces éléments mésodermiques n’est rien moins que claire. S'ils proviennent de ces filaments tendus entre les deux feuillets et qui dérivent eux-mêmes de l’ectoderme, il faudrait ad- mettre que le mésoderme tout entier prend son origine dans le feuillet externe. Mais, si probable que cette interprétation puisse pa- raître pour les Pulmonés aquatiques, elle n’est cependant pas dé- montrée. Si une partie des cellules étoilées dérivaient par division des éléments entodermiques, il serait impossible de constater direc- tement le processus; je ne puis donc pas affirmer que tel processus n'existe pas. Enfin le mésoderme pourrait provenir d’une proliféra- tion des deux grosses cellules ventrales (pl. XI et XII, fig. 4 et 3, emv): mais je n'ai pas observé cela. La cavité digestive elle-même est assez grande et se trouve rem- plie de blanc d'œuf qui pénètre par l'œsophage, grâce aux cils vibra- tiles de ce dernier. Si l'on fait dureir un de ces embryons dans l'a- cide chromique et l'alcool et qu'on le mette en coupes, on trouvera le contenu dela cavité digestive transformé en une masse spongieuse formée de trabécules et de cavités, quelque chose qui fait penser au meis connu sous le nom d'œufs browWillés. Si une portion de blanc d'œuf est restée adhérente à la surface de l'embryon, l'on verra que cette substance présente exactement le même aspect que celle que renferme la cavité digestive. Telle est en effet l’action des réactifs, employés pour le durcissement, sur l’albumen de ces œufs. C'est donc bien du blanc d'œuf que renferme la cavité digestive. L'on se souvient de la description que Lereboullet à faite de cette partie du développement du Limnée (CXX VIII) et dont j'ai déjà donné un extrait (CLII, p.37 et 49). Cette description renfermait beaucoup de choses justes et je la préfère encore en somme à celles que l’on a faites depuis. Stepanof (CXLIV) ne donne qu'une description très superficielle des premiers stades du développement chez Ancylus. Les cellules de l’'ébauche embryonnaire s’arrangeraient en une couche enveloppante et une masse centrale et cette dernière deviendrait un vitellus de nu- trition par une transformation de ses cellules. L'auteur tire de ce fait la singulière conclusion que l'œuf est jusqu'à ce moment dé- pourvu de vitellus de nutrition. L'on voit par là combien la dis- tinction que j'ai établie entre le protolécithe et le deutolécithe est nécessaire à la compréhension de ces phénomènes. Stepanof ne 128 HERMANN FOL. distingue la cavité buccale qu'à un stade très avancé du dévelop- pement. | | Dans le premier travail de E. Ray Lankester (CXLVII) ce stade im- portant est favorisé de beaucoup de considérations générales, mais de bien peu d'observations positives. Au moment où se montre le voile, le blastopore se refermerait complètement, mais en laissant cependant une grosse traînée de cellules qui s’étendrait de l’ecto- derme à l’entoderme à l'endroit même où se trouvait le canal d’inva- gination. D'après l’un des croquis de l’auteur, cette traînée se trou- verait exactement au-dessus de l’enfoncement coquillier ; d’après une autre esquisse, elle correspondrait par sa position à l'intestin terminal. Ce sont probablement l’invagination préconchylienne et le rectum que le naturaliste anglais aura pris pour son « pédicule d'in- vagination ». Sans entrer pour le moment dans une discussion sur le sort du blastopore, je me borne à affirmer qu'au moment où se montre le voile, la bouche définitive existe et communique avec la cavité digestive par un canal très fin, mais cilié dans toute sa longueur. Je me suis assuré de ce fait tant sur des embryons vivants de P/a- norbis que sur des coupes d’'embryons de Limnæus. On a, du reste, de la peine à comprendre pourquoi les figures de cette phase chez Ray Lankester n’indiquent la bouche que comme un léger enfoncement en soucoupe, tandis qu’au stade précédent ce même enfoncement, situé au même endroit relativement au voile, est représenté comme une cavité profonde arrivant au contact de l’entoderme. Comme on le voit, les prémisses sont singulièrement incertaines et n’autorisent nullement les conclusions qu’en tire notre auteur. L’entoderme ou le sac alimentaire primitif est composé de cellules qui prendraient une « forme globuleuse, une granulation foncée etun haut pouvoir de réfraction ». Gela est juste, sauf la granulation fon- cée, qui disparaît au contraire au moment où les cellules se gonflent d'une substance réfringente déjà signalée par Lereboullet. Dans la suite du développement, les cellules entodermiques subiraient, tou- jours d’après Ray Lankester, des modifications aboutissant à la sépa- ration d'une matière pellucide à l'intérieur et d’une substance gra- nuleuse externe qui finit par donner naissance à un réseau cellulaire. L'auteur n’a donc pas vu que cette substance pellucide se dépose dans l'intérieur des cellules entodermiques, il ne sait pas que le protoplasme et le noyau de ces cellules se trouvent au côté interne de chacun de ces globes et croit au contraire les retrouver dans ce DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 129 réseau superficiel de cellules étoilées qui entourent l’entoderme. Sans me prononcer d’une manière définitive sur l’origine de ce ré- seau, j'ai montré qu'il dérive probablement de l’ectoderme ; ceci est certainement le cas pour ces cellules étirées qui rattachent les deux feuillets et que le zoologiste anglais fait provenir à tort de l'ento- derme. C’est encore à tort qu'il attribue aux globes entodermiques le rôle d’un vitellus en voie de fractionnement ; ce rôle appartient aux grosses sphérules à protolécithe des Ptéropodes et nullement aux cellules à deutolécithe des Gastéropodes pulmonés. Le voile est représenté avec assez de justesse sur les figures de Ray Lankester, seulement 1l ne s'étend pas aussi loin en arrière que le veut le naturaliste anglais. Contrairement à ses assertions, cet or- gane est toujours très peu développé chez les Pulmonés. C'est com- plètement à tort qu'il prétend avoir découvert l'existence de cet or- gane larvaire chez ce groupe de Mollusques, puisque C. Vogt en avait parlé depuis longtemps; j'ai déjà insisté ailleurs sur ce fait (CXLVIIT et CLVI) ‘. E. Ray Lankester parle aussi de l’enfoncement coquil- lier qui a été signalé pour la première fois, en ce qui concerne le Limnée, par Ganine (CXXXIX). Rabl (CL) croit à la fermeture complète du blastopore. D’après la manière dont il oriente ses figures, il semble que le point de ferme- ture corresponde à la partie inférieure du pied. Il se formerait en- suite, sur le côté de ce qu'il nomme « l'embryon à trois métamères », un enfoncement ectodermique qui va en s approfondissant et devien- dra la bouche. L'auteur représente cet enfoncement comme fermé en cul-de-sac jusque bien, bien au-delà du stade, où je me suis assuré de la manière la plus positive de l'existence d’un œsophage cilié in- térieurement. L'anus se montrerait, d’après Rabl, plus tard que la bouche et à l'extrémité opposée de l'embryon, aussi sous forme d'un enfoncementdont le rebord s'épaissirait considérablement. Ce rebord, s'élargissant par la suite, deviendrait le bourrelet cilié du bord du manteau. D'après cette description et mieux encore d'après les figures, il ne peut y avoir aucun doute que ce que Rabl a pris pour l'anus ne soit en réalité l’enfoncement coquillier. C’est la même erreur que Lereboullet avait déjà commise précédemment. Le mésoderme remplirait, d'après Rabl, au stade actuel, tout l’es- pace compris entre les deux feuillets primordiaux, à l'exception du 1 Fait que Ray LANKkESTER se refuse encore à reconnaitre (voir CLIX, p. 321-322), ARCH. LE ZOOL. EXP. ET GÉN:, == T, Vill. 4879. 9 130 HERMANN FOL. sinus voilier, que l’auteur prend pour le métamère postérieur de sa larve à trois segments. Ce serait un tissu assez considérable et tout composé de petites cellules ovales absolument uniformes. Mes observations sont en opposition complète avec celles de l’auteur que : je critique. Les cellules mésodermiques sont encore rares et clairse- mées dans le stade actuel. Elles sont toutes plus ou moins étoilées et sont de deux espèces: les unes, plus aplaties, rampent à la surface de l’'entoderme ; les autres, plutôt fusiformes, adhèrent à l’ectoderme. Mais c’est au sujet de l’entoderme que les données de Rabl s'éloi- gnent le plus de la réalité. A l'en croire, ce tissu entodermique qu'il se représente fermé de toutes parts, serait une masse compacte et non un sac creux. À la périphérie seraient placées les grosses cel- lules, destinées d’après lui à devenir un vitellus de nutrition et à être simplement résorbées sans donner naissance à aucun tissu per- manent. Mais, avant de se transformer ainsi, ces cellules se multi- plieraient et donneraient ainsi naissance par prolifération à un amas de petites cellules qui viendraient remplir tout l’espace entouré par les grosses cellules. Sur les figures, ces cellules intérieures qui n existent que dans l'imagination féconde de l’auteur, sont dessinées avec une clarié et une régularité admirables et chacune est munie d’un beau nucléus ! En réalité, l’entoderme entoure une vaste cavité remplie de blanc d'œuf parfaitement transparent, mais qui prend en se coagulant l'aspect irrégulier que j'ai décrit. Peut-être faut-il attri- buer à cet aspect la singulière erreur de Rabl, qui aura pris ce caillot pour un amas de cellules nucléées. S'il avait reconnu la nature de cet amas, il eût été sans doute amené à rechercher au fond de la bouche le canal béant de l'œsophage, au lieu d'en nier simplement l'existence. Rabl a vu le voile des Pulmonés aquatiques, qu'il qualifie avec rai- son de rudimentaire. De même que Ray Lankester, notre auteur s'imagine à tort avoir découvert l'organe chez ces animaux. Chez les Pulmonés terrestres, ce même stade de transition entre la période embryonnaire et la période larvaire se caractérise par le développement excessif du sinus nucal et par l’absence du voile qui, chez ces Pulmonés, n'apparaît que très tard pour disparaître bientôt après; dans quelques cas même, il paraît faire entièrement défaut. Si le voile nous manque ici pour orienter l'embryon, nous avons en revanche le sinus voilier et l’enfoncement coquillier, en sorte que nous obtenons une orientation complète dès que ce der- nier est reconnaissable, DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 131 Chez Limaz maximus (pl. XVIT et XVII, fig. 3 et 4), la large ouver- ture du blastopore occupe toujours l'extrémité opposée au sinus nu- cal. Nous nous rappelons que les globules polaires se trouvaient au sommet de ce dernier ; le large canal qui mène dans le blastocolpe oc- cupe bien la position du blastopore. Les cellules de l’entoderme com- mencent à se charger de deutolécithe et le même dépôt fait aussi son apparition dans une partie de l’ectoderme. Le mésoderme existe main- . tenant comme feuillet distinct entre l’ectoderme et l’entoderme dans la partie supérieure de la larve (pl. XVIT et XVII, fig. 3, em); il est épais surtout dans les régions latérales, plus mince du côté dorsal et du côté ventral. Sur l’une des faces, la face dorsale, nous remarquons la présence d’un enfoncement ectodermique (pl. XVII et XVIII, fig. 3 et 4, qe), l’'enfoncement coquillier, comme nous l’apprend la suite du déve- loppement. Cette invagination, chez Limax, diffère de celle des autres Pulmonés à coquille externe, par son peu d'’étendue en surface et la rapidité qu’elle met à s’enfoncer. Cette particularité est naturel- lement en relation avec son déve- Pig. IL. loppement subséquent, puisque, au lieu de s’étaler et de sécréter une coquille externe, cet enfon- cement coquillier doit bientôt se constituer en un sac clos de toutes parts et dans lequel se forme le rudiment de coquille interne. Déjà sur la figure 4 (pl XVII et XVIII) l'enfoncement coquillier est très profond, obliquement di- rigé en haut, et présente une ou- verture d’invaginati StréCi vas nation rétrécie Embryon de Limar maximus, d'après le vivant 2). j à en coupe optique, grossie 75 fois, b, la bouche ; (g ) Bientôt après (fig. Il) nous p, le pied; #n, le sinus nucal ; ec, l'ectoderme ; voyons un sac à parois épaisses gi, le sac coquillier; $S, la cavité digestive em- bryonnaire ; en », les noyaux des cellules ento- ‘refermé sur lui-même + l’ouver- dermiques ; em’, le deutolécithe de l’entoderme ; 7 em, le mésoderme; emp, cellules allongées du ture a complètement disparu. "ésoderme. Au-dessus du sac coquillier, l’ectoderme est épaissi et se com- pose de petites cellules prismatiques. De profil, cette région s'inflé- chit d'abord légèrement en dedans, au-dessus du sac coquillier, puis elle forme une saillie conique (fig. I, p), qui est évidemment le pied. A côté de ce rudiment de pied se trouve, sur la face supérieure, une 132 HERMANN FOL. excavation hémisphérique dont le fond est en communication avec le sac digestif par un fin canal. Ce canal est difficile à voir à cause de son petit calibre, et demande une recherche spéciale. Je pense que l’æsophage résulte d’un rétrécissement du blastopore et que l’ectoderme s'enfonce autour de cette ouverture pour constituer la cavité buccale. L'intestin terminal et l'anus apparaîtront plus tard à l’endroit situé immédiatement au-dessus du sac coquillier, où les deux feuillets primordiaux sont rapprochés; mais au stade actuel, je n'ai pu découvrir la moindre trace de cette partie du tube digestif. Le mésoderme se présente sous forme de cellules plus ou moins étoilées et placées soit dans le pied, soit autour du sac coquillier et de la bouche. D’autres cellules mésodermiques sont étirées en fila- ments qui relient le fond du sac entodermique à la partie supérieure des parois du sinus du voile (fig. Il, emp). La région moyenne du sinus en est encore dépourvue. L'ectoderme du sinus est muni de très petits cils vibratiles qui mettent la larve en mouvement et la font tourner rapidement. Les embryons d'Aelix pomatia, à une époque correspondante (pl. XV et XVI, fig. 6, 7 et 8), sont d’une étude plus difficile. Le ‘deu- tolécithe, qui remplit, sous forme de globules réfringents, toutes les cellules de l’ectoderme, donne à l'embryon une opacité qui ne permet pas de reconnaître avec certitude quelques points importants de son anatomie. Sur l'embryon encore jeune de la figure 6, l’on recon- nait l’enfoncement coquillier (gi) en voie de formation et peu accen- tué. Au-dessus de cette invagination, le contour de l’ectoderme présente une courbe rentrante suivie d’une protubérance, celle du pied (P). À gauche du pied se trouve une autre saillie plus petite (æs), que nous retrouvons plus tard à l'entrée de la bouche. Entre cette saillie et la protubérance du pied, se voit un angle rentrant, au fond duquel je crois bien avoir reconnu la présence d’un canal aboutis- sant à la cavité de l’entoderme. Toutefois, je me hâte d'ajouter que cette observation ne se présente pas avec le caractère d’une certi- tude, à cause du peu de transparence des tissus. Les globules polaires (pl. XV et XVL, fig. 6, x) se trouvent à l’extré- mité inférieure du sinus voilier et à l'opposé du pied. L’embryon est encore immobile, mais il ne tardera pas à se garnir de cils et à se mettre en mouvement. L’entoderme est encore très obscur. Il est possible qu'un mésoderme soit présent sur les côtés, mais je ne puis rien dire de certain à cet égard. Cette obscurité des cellules entoder- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 133 miques provient de ce qu'elles sont encore pleines de protolécithe. Une fois que cette substance s'est dissoute et que le deutolécithe a commencé à se montrer, ces cellules deviennent beaucoup plus transparentes. Au stade suivant (pl. XV et XVI, fig. 7), nous sommes frappés, avant tout, de l'énorme extension du sinus voilier (4n) ; l'ectoderme de cette région est distendu par le gonflement du sinus et ses cellules s'étalent en s'amincissant. Nous distinguons facilement les globules de deuto- lécithe (}) dans leur intérieur. L'enfoncement coquillier (fig. 7 et 8, ge) est plus profond et son entrée s'est rétrécie. Ses parois sont épaisses et formées d'un issu transparent. La protubérance du pied (P) est toujours constituée par une couche unique de cellules ecto- dermiques pleines de globules de deutolécithe. Au-dessous de lou- verture buccale, les cellules ectodermiques de la partie supérieure au pied (pl. XV et XVI, fig. 8, pa) renferment des globules de deutolé cithe plutôt petits, mais plus brillants que les autres. La saillie qui dominait l'entrée de la bouche (æs) se retrouve, mais relativement plus petite et semble rentrer dans l'ouverture buccale (fig. 8, æs). Ce déplacement apparent est sans doute en relation avec le gonflement du sinus nucal et l'inclinaison que prend cette région de l'ec- toderme. Le fond de la cavité buccale communique avec le sac di- gestif par un canal œsophagien étroit. ; Les cellules de l’entoderme sont complètement gonflées de deuto- lécithe dans toute la région qui avoisine le pied et la bouche, ainsi que sur les côtés du sac digestif (fig. 8, en\'). En arrière et en bas, jusqu'au-delà de l'enfoncement coquillier, les cellules entodermiques restent plus petites et ne renferment que des globules isolés et plus petits de deutolécithe (fig. 8). La cavité de l'entoderme est rem- plie de blanc d'œuf, d’où les cellules de la paroi dérivent, sans nul doute, les matières qu’elles déposent sous forme de deutolécithe. Les cellules de l’ectoderme sont en contact presque immédiat avec le blanc d'œuf, dont elles ne sont séparées que par la couche très mince de liquide dans laquelle tourne l'embryon. Le mésoderme se trouve sous forme de cellules isolées, plus ou moins étoilées, disséminées entre les deux feuillets primitifs dans la région du pied, de la bouche, de l’enfoncement coquillier, ainsi que sur les côtés. Le sinus du voile en est encore presque complètement dépourvu; ce n’est que vers la base de ce sinus que quelques cel- lules allongées s'étendent de l’entoderme jusqu'à l'ectoderme. Petit 134 HERMANN FOL. à petit, ces cellules gagneront par la suite toute la cavité du sinus nucal. L'embryon d'Escargot, parvenu à ce degré de développement, tourne régulièrement et assez rapidement sur lui-même, mais il ne présente pas encore de contractions du sinus voilier. Le stade actuel du développement des Pulmonés terrestres a été vu par Gegenbaur (LXX VIII) chez Limax et Clausilia ; le célèbre ana- tomiste a très bien vu l'accumulation du deutolécithe dans les cel- lules de l'entoderme, mais en le prenant pour de la graisse. Relative- ment au tube digestif proprement dit, sa description laisse beaucoup à désirer. Les cellules mésodermiques étoilées sont représentées avec exactitude. H. v. Jhering (CID) n'entre pas dans les détails au sujet de ce stade chez Helix. Il indique cependant avec justesse le fait que l’ectoderme de cet animal se charge des mêmes globules réfringents que ren- ferme déjà l’entoderme; seulement il prend à tort tous ces globules de deutolécithe pour une substance adipeuse. L'histoire de la formation du deutolécithe dans les cellules de l’en- toderme chez Fusus a été bien comprise par Bobretzky (CLVIT), le seul auteur récent qui ait soutenu, comme moi, que ce dépôt est intracellulaire et que les cellules ainsi bourrées continuent à pré- senter un noyau et un protoplasme. C'est pendant le stade que je viens de décrire et entre ce stade et le précédent qu'ont lieu des changements importants, établissant la transition entre l'embryon muni du blastopore et la larve munie d’une bouche et d’un œsophage. Les opinions diffèrent considérable- ment sur la manière dont ce changement s'opère chez les Mollusques; il est probable, comme nous le verrons, que ces divergences d'opi- nions reposent sur une diversité réelle dans les processus. Nous venons de voir que E. Ray Lankester et Rabl soutiennent que le blastopore se referme chez Limnœæus et correspond par sa situation à peu près à l'intestin terminal. Depuis lors, le premier de ces au- teurs (CLIIT) posa les mêmes conclusions en ce qui concerne Pesidium pusillum, dans une étude relativement soignée du premier dévelop- pement de cette espèce (CLIIT) *. La même opinion est avancée par « 1 L'auteur a vu chez ce Pisidium le dépôt de deutolécithe dans les cellules de l'entoderme, mais il comprend si peu ce processus, qu’il regarde les globules de deutolécithe comme des noyaux dans lesquels se formeraient des nucléoles. Ceux- ci grossiraient à leur tour et développeraient dans leur intérieur des nucléoles se- DEVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 135 cet auteur en ce qui concerne Aplysia, Tergipes, Polycera, Tethys, Neritina et Limax, mais la description et les dessins sur lesquels il s'appuie sont d'un genre trop superficiel pour inspirer quelque con- fiance. Plus tard, le même auteur décrivit la persistance du blastopore comme anus chez Paludina vivipara (GLX), confirmant une note écrite l’année précédente et dans laquelle 1l faisait connaître suc- einctement ce fait important. Ce mémoire et les dessins qui l’accom- pagnent sont faits avec assez de soin pour fixer l'attention. Du reste j'appris, par une communication verbale que Bütschli voulut bien me faire en juillet 1876, que ce savant zoologiste était arrivé pour cette espèce à un résultat concordant avec celui de Ray Lankester. Je pus encore examiner moi-même, la même année, des embryons de Paludina, grâce à l'extrême obligeance de M. Carbonnier, qui voulut bien m'envoyer de Paris une centaine d'exemplaires adultes de ce Mollusque. La saison était trop avancée et les jeunes stades trop rares pour me permettre d’en faire une étude suivie. Néanmoins ce que j'ai vu n'était pas en désaccord avec les opinions de Ray Lan- kester ; d'autre part, je ne me hasarderais pas à confirmer ces vues. Mes dessins diffèrent de ceux de Ray Lankester en quelques points, comme par exemple sur la forme du voile et sur le moment où l'œso- phage commence à être visible. Le premier de ces points a été déjà relevé par Bütschli. Les résultats de Bütschli, d'abord communiqués dans une note préliminaire (GLXT), viennent de paraître ?n extenso, accompagnés de planches. Les dessins de Bütschli concordent en somme avec les miens, sauf sur le moment où l’œsophage se montre perforé et au sujet de la formation du cœur, qui ne nous intéresse pas pour le moment. Il résulte de ces travaux, surtout du dernier, que le blastocolpe se forme chez Paludina, comme chez les autres Gastéropodes, au pôle opposé à celui qu'occupent les globules polaires. Le blastopore ne se referme pas et devient directement l'anus ; le reste de l’entoderme constitue l'intestin, l'estomac et le foie. Le voile est d'abord un bourrelet circulaire qui passe ensuite à la forme d'un 8 couché en travers. La bouche et l'æœsophage apparaissent assez tard, sous forme condaires et même tertiaires: il s'agirait d’une prolifération endogène de cellules. Les figures nous montrent que tous ces noyaux et nucléoles sont simplement des dépôts de deutolécithe. 136 HERMANN FOL. d'un enfoncement ectodermique situé sous le bord antérieur du voile ; ils n'entrent en communication avec l'estomac qu'à un stade avancé de la vie larvaire. Sur ce point, mes observations ne concor- dent pas avec celles de Bütschli. Ayant durci par les acides une larve à peu près de l’âge de la figure 10 (pl. XV) de Bütschli, je la coupai en travers sous le microscope et l'ayant tournée de façon à ce que le regard plongeât dans le fond du cul-de-sac œsophagien ou dans la partie supérieure de la cavité stomacale, je crois m'être as- suré de l'existence d'un fin canal œsophagien. Je ne considère nulle- ment cette observation comme démontrant autre chose que ce qu'elle renferme strictement, et en particulier je tiens à rappeler que mes observations très cursives ne m'autorisent nullement à jeter un doute sur ce que deux travaux soignés nous apprennent quant au rôle du blastopore. | Un peu avant ces mémoires sur l'embryogénie de la Paludine, pa- raissaient deux travaux, dont l’un, de Bobretzky (CLVII), traite de l'embryogénie de divers Gastéropodes ; l’autre est relatif aux Hétéro- podes (GLVIIT). Les conclusions de ces deux séries d'observations simultanées et indépendantes sont presque identiques : elles établis- sent que, chez les types étudiés, le blastopore ne se referme pas, mais persiste pour former la bouche, ou que, tout au moins, la bouche se forme à l'endroit même qui répond à l'entrée du blastopore. Les recherches de Bobretzky, faites avec grand soin par la méthode des coupes, sont de nature à inspirer confiance, et les miennes, qui s’adressaient à de petits embryons extrêmement transparents, sem- blent également concluantes. Il est bien évident que les processus diffèrent ici considérablement de ce que l’on a rencontré chez Palu- dina, en sorte que si jamais l’on réussissait à trouver un lien entre ces processus divers, ce ne pourrait être qu'un rapport très éloigné. Dans les embryons de Massa, Natica et Fusus, examinés par Bo- bretzky, l'intestin terminal est d'abord libre de toute attache avec l'ectoderme; il s’allonge et son extrémité finit par se souder au feuillet externe. La perforation de l'anus se produit ensuite à une époque où la bouche et l'œsophage existent incontestablement. Chez Firoloides, j'ai trouvé des faits analogues, mais encore plus marqués, car un œsophage étroit et cilié se montre ici de très bonne heure, tandis que l'intestin terminai et l'anus ne se forment que très tard. Chez cette espèce particulièrement favorable, je crois m'être bien DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 137 assuré de la persistance du blastopore comme œsophage. Si donc nous admettons une diversité aussi grande chez des types aussi voi- sins — et Jusqu'à preuve du contraire nous sommes bien forcés de l'admettre — nous aurons à nous demander quel est celui de ces deux types dont les Gastéropodes pulmonés se rapprochent le plus. Nous aurons même à nous demander s'il n'y aurait pas des diffé- rences jusque dans le sein d’un groupe aussi homogène que le sont les Pulmonés. Nous commencerons par examiner à cet égard l'espèce la plus pro- pice à l'observation, à savoir : Limax maximus. Comparant les dessins que j'ai donnés de cette espèce avec les embryons de Paludina repré- sentés par Ray Lankester et par Bütschli, nous constatons à première vue des différences considérables dans les formes et les proportions, ainsi que dans l’ordre d'apparition des organes. Il ne peut donc pas être question d'une identité, et les rapports, s'ils existent, ne peuvent être que très éloignés. Jusqu'au stade représenté par la figure 2 (pl. XVILet XVII), le blastopore persiste et conserve sa position à l'op- posé des globules polaires. De là, nous passons par la figure 3 au stade de la figure 4, avec des gradations si peu sensibles qu'une er- reur d'orientation ne paraît pas admissible. D'autre part, le stade de la figure IT (p. 131) possède déjà un sac coquillier, un pied, un sinus du voile, une bouche, si faciles à reconnaître et reliés par tant de transitions avec les mêmes organes des stades plus avancés, qu'ici le doute ne paraît pas non plus permis. Reste le temps qui s'écoule entre le stade de la figure 4 (pl. XVILet XVII) et celui de la figure I(p. 131). Pour établir une coïncidence avec Paludina, il faudrait admettre que, pendant ce temps fort court, le blastophore (fig. 4, B) se soit si bien refermé qu'il n'ait plus laissé aucun vestige de son existence, que la bouche se soit formée un peu plus loin (vers la gauche, sur ces figures) et soit entrée déjà en communication ouverte avec la cavité digestive. En outre, pour être d'accord avec Ray Lankester et Bütschli, il faudrait admettre que le blastopore répond à la région située au-dessous du pied, c’est-à-dire au fond de ce repli que l'on trouve sur la figure IT, immédiatement au-dessus du sac coquillier. Les larves de Zimazx se développent lentement; chez Paludina, la for- mation de la bouche et le rétrécissement du blastopore sont des pro- cessus extrêmement graduels, et chez Zimax ces choses-là devraient se passer en douze heures et ne laisser aucune trace ! Mais, même sans recourir à ces raisonnements, la simple inspec- 138 HERMANN FOL. tion de mes figures convaincra, je pense, la majorité de mes lecteurs que le blastopore ne se referme pas et que sa persistance sous forme de bouche est la seule hypothèse qui s'accorde avec mes dessins. Pour une espèce aussi répandue, il est à espérer que la vérification ne se fera pas attendre trop longtemps. Nous verrons dans le second chapitre que l'intestin terminal ne se forme que plus tard et vient s'ouvrir ensuite à l'extérieur. C’est un fait facile à constater, qui s'accorde avec les observations de Bo- bretzky et avec les miennes sur les Hétéropodes et qui diffère abso- lument de ce que l’on a vu chez Paludina, où l'anus serait constam- ment béant, puisqu'il répondrait simplement au blastopore. Il est donc démontré que le développement de Zimaæ et celui de Paludina diffèrent sous tous ces rapports et mes recherches tendent à montrer que ces différences sont profondes et portent sur les points les plus essentiels. Les embryons d'Arion et d’'Æelix ressemblent beaucoup à ceux de Limax. Cependant il y à cette différence regrettable, que les em- bryons des deux premiers genres sont obscurs et peu propices à l'observation. Nous devrons done nous borner à chercher si leur res- semblance avec ceux de Zimax est assez grande pour nous autoriser à croire à une coïncidence dans les processus, ou s’il est permis de soupeonner une diversité. Je n’ai pas reproduit sur les planches mes dessins d’Arion qui ne diffèrent presque pas de ceux d’Æebkix et puis donc m'en tenir à ces derniers. Sur les figures 2 et 3 (pl. XV et XVI), le blastopore (B), d'abord très large et se rétrécissant ensuite, est facile à reconnaître. D'autre part, les figures 41, 10, 9,8 et 7 nous montrent clairement la position de la bouche avec l’æœsophage cilié. Voilà deux jalons bien fixés, et il nous reste à examiner les stades intermédiaires entre celui de la figure 3 et celui de la figure 7. L'ouverture si large du blastopore de la figure 3 se rétrécit progressivement sur les figures 4 et 5, jusqu'à n'être qu'un fin canal (pl. XV et XVI, fig. 5, 2) ; il ne paraît pas dou- ieux que le canal ne dérive directement du blastopore par simple rétrécissement. Sur la figure 6, nous trouvons un canal menant de l'extérieur dans la cavité de l’entoderme ; l'entrée de ce canal répond par sa position à la bouche définitive, puisqu'elle se trouve à l'op- posé de l’enfoncement coquillier, déjà bien reconnaissable (com- parer pl. XV et XVI, fig. 6 et 7). Gependant, la certitude est iei moins grande, parce que l'embryon est trop opaque pour que je puisse DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS,. 139 répondre de n’avoir pas commis d'erreur au sujet de ses parties in- ternes. Enfin, entre les figures 5 et 6, la transition n’est pas parfaite- ment évidente. Il semble plus naturel et plus conforme aux dessins d'admettre que l'ouverture Z (fig. 5) passe directement à l'ori- fice à (fig. 6); nous nous trouverions alors d'accord avec ce que nous avons vu chez Limax, auquel le genre Æelix ressemble énormé- ment. Mais si l’on voulait établir la concordance entre Æelix et Pa- ludina, Von pourrait supposer que l'ouverture Z de la figure 5 se referme complètement, que son point de fermeture corresponde à la région située entre la protubérance du pied et l'enfoncement co- quillier de la figure 6, enfin, que le canal 4 de ce dernier embryon soit de formation nouvelle; et je ne pourrais pas repousser cette hypothèse comme inadmissible. C’est une supposition qui paraît re- cherchée, peu naturelle et peu probable, mais que nous ne saurions rejeter avant d’avoir fait de nouvelles observations plus approfondies. Chez les Pulmonés aquatiques, la position de la question n’est guère meilleure que chez elix. Nous avons vu quels sont les motifs quim'ont amené à penser que blastopore et bouche sont, chez ces animaux, une seule et même ouverture. Cependantles embryons sont opaques, et, au moment où l’orifice se trouve enfermé entre deux rebords laté- raux, l’on ne voit pas bien ce qui se passe au fond du sillon. Pour ramener le développement de ces Gastéropodes au type Paludina, 1 faudrait supposer que, chez des embryons répondant aux figures 8 (pl. IX et X) et 10 ou 16 ( pl. XI et XII), le blastopore se trouvât vers l'une des extrémités du sillon, qu'il se refermât et que l’æsophage prit naissance vers l’autre extrémité du sillon. Ces deux ouvertures seraient donc extrêmement rapprochées, à l'inverse de ce qui s’ob- serve chez la Paludine. De plus, pour qu'il y ait homologie avec cette dernière, il faudrait que l’une des ouvertures se trouvât au-dessus du pied, l’autre au-dessous ; ce qui revient à dire que le pied devrait se développer dans la région même où l'embryon présente un profond sillon. Enfin, il faudrait toujours admettre cette différence considé- rable que, chez Paludina, le blastopore reste constamment béant, tandis que chez les Gastéropodes pulmonés il se refermerait et dis- paraîtrait complètement. Toute cette comparaison semble si peu naturelle, l’analogie avec Zimax semble si évidente, que je ne puis m'empêcher de croire que tous les Gastéropodes pulmonés se déve- loppent suivant le type Zimar. Je reconnais cependant moi-même que la question n’est pas encore absolument tranchée. 140 HERMANN FOL. On se rappelle l'hypothèse émise par Hæckel sous le titre de Gastræa-Theorie et qui ne vise à rien de moins que d'expliquer les phénomènes du premier développement de tous les Métazoaires, en les ramenant à la formation d'une larve commune à tous et que l’on à baptisée du nom de Gastrule. Cette forme larvaire, constituée par deux feuillets concentriques avec une ouverture, devait ensuite se transformer de la même manière chez tous. Seulement, chose singulière ! l’auteur émit à cet égard, coup sur coup, deux théories diamétralement opposées. En 1875, Hæckel, se basant sur les obser- vations de quelques auteurs, posait, en thèse générale et avec une assurance admirable, que l'ouverture de la Gastrée devenait toujours et partout la bouche. Les auteurs qui soutenaient une opinion con- traire, il en fit bon marché ! En 1876, tout avait changé ; l'ouverture de la Gastrée était devenue l’origine de l'anus, les auteurs qui avaient soutenu cette opinion étaient réhabilités et ceux qui avaient précédemment raison ne méritaient plus désormais que l’oubli dans lequel Hæckel les plongeait ou les critiques peu courtoises qu'il leur adressait. Il faut dire, à l'honneur des naturalistes de notre époque, qu’à peu d’exceptions près, ils accueillirent avec méfiance une hypothèse éta- blie par des procédés aussi peu scientifiques et que les condamnations à priort, les volte-face de l’auteur ne contribuèrent pas à ramener la confiance ébranlée. Néanmoins, l’on dut examiner si l'intuition, le hasard n'auraient pas mené le naturaliste prussien sur la bonnevoie, dans l’une ou l’autre de ses suppositions contradictoires. Get examen amena la conviction que, dans l’état actuel de la science, toutes ces hypothèses sont insoutenables, puisqu'il y à des animaux chez les- quels le blastopore devient bouche, d’autres où il devient anus, d’autres enfin où il se referme complètement et reste étranger à la formation, soit de la bouche, soit de l'anus. Une hypothèse de Dohrn chercha à expliquer ce dernier cas, en ce qui concerne les Vertébrés, en supposant que les ancêtres des Vertébrés avaient une bouche et un anus terminaux, et que ces orifices, tels qu’on les rencontre chez les Vertébrés actuels, sont d’une origine plus récente. Mais il restait encore l’antithèse entre les animaux chez lesquels le blastopore devient bouche et ceux chez lesquels il devient anus, et cette anti- thèse suffisait amplement à faire reléguer les hypothèses de Hæckel au rang des chimères, aussi longtemps que des observations posi- tives ne viendraient pas rendre la comparaison possible. C'esi alors DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 141 que E. Ray Lankester (CLIX, p. 326) et surtout Bütschli (CLXXIIE p. 231) vinrent au secours de la Gastrée en danger, en émettant l'idée que, dans la forme primitive, le blastopore était allongé comme chez le Limnée, que cette seule ouverture répondait originairement à la bouche et à l’anus, que chez certains animaux elle continua à donner naissance à la bouche seulement, chez d’autres seulement à l'anus. L'hypothèse de la Gastrée n'en devient guère plus plausible, mais elle y gagne le droit de subsister jusqu'à nouvel ordre. Devant cet état de la question, je reconnais que mes observations sur les Pulmonés aquatiques sont insuffisantes. Chez Limax, je crois la question tranchée dans le sens d’une persistance du blastopore sous forme d'œsophage. La notion, qu'il puisse exister sous ce rapport une diversité jusque chez des animaux en apparence aussi voisins, trouve un appui dans les conclusions que H. von Jhering (CLXVI, p. 25 et 51; CLXVIIT, p. 223) üre de ses études sur l'anatomie comparée du système nerveux des Mollusques. On sait que ce malacologiste distingué, à la suite de recherches approfondies sur l'anatomie comparée de ces animaux, arrive à la conclusion que l'embranchement des Mollusques n’est pas un groupe naturel, mais se compose de deux embranchements dont lun aurait son origine dans les Turbellariés et comprendrait entre autres les Pulmonés, tandis que l’autre, partant des Anné- lides, a reçu le nom d’Arthrocochlides et renferme les Paludines. Si ces vues étaient justes, on s’étonnerait moins de voir subsister une différence aussi profonde dans le premier développement d'animaux dont la parenté ne serait pas réelle. H. v. Jhering place les Pulmonés dans deux ordres distincts : les Basommatophores et ies Stylommatophores, qui correspondent à peu près aux Pulmonés aquatiques et terrestres. Mes recherches sur le développement de ces animaux tendent à montrer qu'il y a réelle- ment des différences entre ces deux groupes, mais des différences d'ordre secondaire. Je n entends du reste nullement me prononcer ici au sujet des conclusions de Jhering; mes recherches ne sont pas assez étendues pour my autoriser. Je crains cependant que, malgré des études évi- demment très vastes et très soignées, le savant malacologiste n'ait commis l'erreur de prendre une branche descendante pour un tronc indépendant, un groupe en voie de dégénérescence pour un phylum distinet et qu'il n'ait, pour tout dire en un mot, suivi dans la classi- 142 HERMANN FOL, fication de ses Platycochlides l’ordre inverse de l’ordre naturel en prenant les êtres les plus dégénérés pour les premiers ancêtres, au lieu de les considérer comme les derniers descendants d’un groupe rétrograde. Laissant de côté cette question épineuse, je trouve dans la classification de Jhering beaucoup d'innovations qui me paraissent heureuses et concordent avec ce que je sais. Mais, je le répète, je ne me sens pas la compétence de porter un jugement sur cette malière. IT. PÉRIODE LARVAIRE. Comme point de départ de cette période, nous prenons les larves représentées sur les figures 10-12 de la planche IX et X, 17-18 de la planche XI et XI, 9 à 11 de la planche XV et XVI et 5 de la planche XVII et X VIIL. Ces larves tournent sur elles-mêmes; elles ont une bouche, un œsophage, un pied, un enfoncement coquillier, un sinus voilier bien visibles. La plupart sont munies en outre d'un voile plus ou moins rudi- mentaire, mais très reconnaissable, ainsi que d’un enfoncement pair qui va donner naissance au rein primitif. PULMONÉS AQUATIQUES. — Les larves de ce stade se ressem- blent beaucoup, sauf quelques légères différences de proportions. Je commence par le genre Planorbis, que j'ai le mieux étudié. La bouche et l’enfoncement coquillier, le pied et le voile ; les cel- lules à deutolécithe et les cellules étoilées qui les recouvrent étaient déjà tous bien marqués au stade précédent (pl. IX et X, fig. 40 et 41). Nous retrouvons maintenant toutes ces parties un peu plus déve- loppées (pl. IX et X, fig. 12). L'entrée élargie de l'æœsophage se pro- longe en cæcum du côté ventral; c'est le sac de la radule (fig. 19, ærs). En arrière de ce cæcum, l’œsophage n’est plus qu'un fin canal garni de cils et aboutissant à la cavité digestive. L'invagination préconchylienne (92) est beaucoup plus large sans être plus profonde ; elle tend déjà à s’étaler. Le voile présente toujours la même forme sinueuse avec une anse du milieu qui passe par derrière le bord de la bouche et deux anses latérales à convexité tournée en avant (pl. IX et X, fig. 12, vb). Sur les côtés de la région dorsale, le voile s’efface et disparaît au lieu d'aller, comine chez les Mollusques marins, se souder dans le dos avec le bourrelet du côté opposé. Les cils moteurs sont plus aliongés et DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 143 moins difficiles à voir que précédemment ; ils tendent à se placer sur une seule rangée. Immédiatement au-dessous de leur ligne d’im- plantation se trouve une rangée de cellules allongées (fig. 12, vb), chargées de granules qui leur donnént une teinte jaune-brun. Ges cellules sont en petit nombre, six ou sept de chaque côté ; celles qui occupent le milieu de chaque rangée, au nombre de trois ou quatre, prennent des dimensions considérables, tandis que les autres vont en diminuant rapidement de part et d'autre. Les cils moteurs sont implantés au bord supérieur de ces cellules, mais appar- tiennent aux éléments histologiques placés au-dessus de la rangée brune. Immédiatement au-dessous du bourrelet voilier, à l'endroit où celui-ci s’abaisse et s’efface en se dirigeant vers la face dorsale, se trouve le rudiment d'un organe qui mérite tout notre intérêt. Une petite fossette produite par une invaginalion de l’ectoderme, telle est la première origine de ce qui sera le rein primitif ou organe excré- teur larvaire. Cette fossette est assez difficile à distinguer dans ses premiers commencements et peut facilement échapper au regard, si l’on n’est pas averti de sa présence. Je l’ai vue assez souvent et l’ai observée avec assez d'assiduité pour acquérir la certitude que cette fossette se forme bien par invagination de l’ectoderme et qu'elle donne réellement naissance au rein larvaire. Elle se forme et s’ap- profondit rapidement, dans l’espace de quelques heures, de telle sorte que l’on peut fort bien suivre directement sous le micros- cope l'origine et les progrès de son développement sur un même objet. Je dois encore signaler un épaississement de l’ectoderme placé symétriquement à droite et à gauche, un peu en arrière de la bouche (pi. IX et X, fig. 12, emn). Ce sont des proliférations de cellules qui font saillie dans la cavité du corps. Ces amas sont un peu plus larges dansle sens transversal que dans le sens vertical, et leurs extrémités in- ternes se rapprochent vers le milieu de la région dorsale, sans cepen- dant arriver au contact l'une de l’autre. Nous verrons que ces cellules entrent en relation avec l’entonnoir vibratile de l'organe excrétoire larvaire. Les cellules à deutolécithe de l’entoderme ont grossi tout en con- servant les mêmes caractères ; elles ne sont pas encore séparées en deux groupes chez Planorbis, quoique cette séparation soit déjà opérée à la phase correspondante chez d'autres genres. Les cellules 144 HERMANN FOL. étoilées qui sont appliquées contre les globes entodermiques n’ont pas changé de caractère (fig. 19, em). Le stade correspondant du Limnée (pl. XI et XII, fig. 18) diffère de celui que je viens de décrire par une forme générale plus arrondie et plus ramassée. L'invagination préconchylienne (gë) est plus étroite et plus profonde. Le bourrelet voilier compte une dizaine au moins de grosses cellules à contenu granuleux jaunâtre et fait saillie sur les côtés de la larve, comme les bandeaux de cheveux d’une femme coiffée à la vieille mode (fig. 18, vb) ; la place de l'oreille est occupée ici par l'enfoncement qui donnera naissance au rein primitif (4). cette invagination de l'organe excréteur est représentée sur la figure à un état un peu plus avancé que sur le dessin de la larve de Planorbe ; la cavité est arrondie et l’orifice est rétréci (pl. XI et XIE, fig. 18, po). Nous remarquons que le bourrelet voilier avec ses grosses cellules granuleuses s'étend en arrière au-delà de l'entrée du rein larvaire et que l’orifice de cet organe se trouve immédiatement au-dessous du bourrelet voilier. Les globules à deutolécithe de l’entoderme sont déjà arrangés en deux groupes dont un dorsal et un ventral; dans l’espace qui sépare ces amas, le re- gard plonge jusqu'à une cou- che de petites cellules qui relient entre eux les groupes de grosses cellules et complè- tent la paroi de la cavité di- gestive. Cet entoderme à pe- tites cellules se voit sur la figure III (en), qui représente une coupe longitudinale d'une Coupe sagittale à travers une jeune larve de Limnée, larve de Limnée un peu plus grossie 200 fois. b, la bouche ; æ, canal œsophagien; s, cavité stomacale ; en, entoderme ; en\, entoderme Jeune que celle de la figure 18 bourré de deutolécithe ; em, mésoderme ; gi, enfon- cement coquillier; p, le pied ; Æn, sinus nucal. (pl. XI et XI). Fig, ALL Les larves des genres Physa et Ancylus, à un âge correspondant, ne diffèrent de Zimnœus et Pla- norbis que par les proportions. Les figures que Rabl (CL) donne de ce stade ne répondent par les formes et les proportions à aucun des genres que j'ai étudiés et ne peuvent non plus passer pour un bon schéma. La toison ci- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 145 liaire, dont il couvre la larve tout entière, n'existe pas en réalité. Après avoir décrit la jeune larve, nous allons suivre le développe- ment des divers systèmes d'organes chez les Pulmonés aquatiques jusqu’à la fin de la période larvaire. Le pre, chez la jeune larve, est une simple protubérance plus ou moins conique ou arrondie. Il s'étend ensuite du côté ventral, dans un sens perpendiculaire à l’axe du corps, et constitue une bosse creuse. Cette bosse est allongée chez Planorbrs (pl. IX et X, fig. 14, et pl. XI et XII, fig. 4,6 et 7, p) ;, chez Limnaæus elle est plus aplatie et chez Ancylus elle s'étale dans le plan de la face ventrale (pl. XI et XII, fig. 22). La division du pied en deux lobes n’est pas originaire, mais se produit assez tardivement; elle s'accentue surtout vers la fin de la période larvaire. Chez le Limnée elle est plus hâtive que che le Planorbe, et chez l’Ancyle elle manque presque complètement. Les cils qui tapissent toute la surface libre du pied apparaissent assez tard; ils manquent à la très jeune larve (pl. IX et X, fig. 19, et pl. XI et XII, fig. 18). Ils sont très petits à l’origine, à peine visibles sous de forts grossissements; plus tard, ils croissent progressive- ment jusqu’à la fin de la période larvaire et même au delà. Ces cils sont surtout très développés et très actifs le long de la gouttière qui sépare les deux lobes du pied et qui mène à la bouche (pl. IX et X, fig. 18, cp); chez des larves avancées de Zimnæus (pl. XI et XII, fig. 20), les cils de la gouttière sont très visibles, tandis que ceux du reste du pied tendent à diminuer. L'ectoderme du pied, d'abord formé d'un simple épithélium, pos- sède, au commencement de la période larvaire, déjà plusieurs cel- lules d'épaisseur. Ces cellules sont fusiformes, placées perpendicu- laiïrement à la surface de l'organe et sont entremêlées à tous les niveaux. Le mésoderme forme un réseau à larges mailles, composé de cellules étoilées qui deviennent toujours plus nombreuses et plus serrées (pl. IX et X, fig. 16 et 19, em). C’est au sein de ce tissu que se formeront les ganglions pédieux. Le pied présente des contractions rythmiques de la région qui s'étend entre l'extrémité inférieure de la surface de reptation et la paroi ventrale du corps. Pendant la contraction, la larve est plus re- courbée et se redresse pendant la diastole. Ces contractions alternent avec celles de la nuque. Il ne peut être ici question d’un sinus pé- dieux comme celui des Pulmonés terrestres, mais physiologiquement il y a quelque chose de comparable. ARCH. DE 400L, EXP, ET GEN, = T, VII. 1879, 10 146 HERMANN FOL. Le sillon médian qui partage le pied en deux lobes a été bien re- présenté et décrit par Lereboullet et plus tard par E. Ray Lankester (CXLVIT) en ce qui concerne le Limnée. Ge dernier auteur cherche à rapprocher cette forme de pied de celles que présentent les Ptéro- podes et déclare que la scission n'aurait qu’à s’accentuer un peu pour produire un organe identique aux nageoires de ceux-là. Un coup d'œil sur les figures qui accompagnent le présent mémoire et sur celles de mon mémoire sur les Ptéropodes montrera les différences de position et de relation des parties que Ray Lankester cherche à identifier et fera comprendre combien sa comparaison est peu fondée. Rabl (CL) représente le mésoderme du pied comme composé de cellules rondes et plus tard fusiformes. Les cellules en question ne sont jamais rondes ; elles sont étoilées dès leur première origine. LE vote atteint son plus grand développement relatif dès le com- mencement de la période larvaire ; dans Ja suite, il gagne bien encore un peu en extension, mais d'une manière qui n'est nullement propor- tionnelle avec la croissance de la larve. Il conserve toujours la forme de simple bourrelet portant une ligne de cils (pl. IX et X, fig. 44 et 16, vb et v). C'est donc un voile rudimentaire, puisqu'il ne dépasse jamais l’état qui caractérise cet organe vers la fin de la période em- bryonnaire des Gastéropodes marins. Jamais il ne prend cette forme étalée qui lui a valu son nom et il ne se munit pas du système com- pliqué de fibres musculaires que nous avons décrit ailleurs. Le bour- relet de droite et celui de gauche se réunissent au-dessus de la bouche, mais restent toujours séparés dans la région dorsale et ne forment donc pas une ligné continue, comme chez les familles de Gastéropodes où Cet organe atteint son plein développement. Un peu en avant de l’endroit où le bourrelet se rejoindrait du côté dorsal, s’il était continu, se trouve cette région amincie de l’ecto- derme qui se contracte alternativement avec le pied et que nous avons nommée le sinus du voile. Les systoles sont produites par la contraction de cellules mésodermiques étoilées qui paraissent être l'homologue des cellules musculaires beaucoup plus compliquées du voile des Gastéropodes marins. Le sinus voilier répond donc à la partie moyenne et postérieure du champ circonscrit par le voile (pl. IX et X, fig. 14, 17 et 19,-An). Il y a d'assez grandes différences entre les genres des Pulmonés aquatiques sous le rapport de la grandeur du voile. Chez Zimnæus DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 447 nous le trouvons encore relativement assez visible (pl. XI et XII, fig. 49 et 20, vb), tandis qu'il est plus petit chez Planorbis et plus petit encore chez Ancylus. Mais même chez le Limnée cet organe - ne dépasse pas l’état rudimentaire et ses cils vibratiles restent très petits. La grandeur du champ circonserit par ce bourrelet nous présente les mêmes modifications dont j'ai déjà fait ressortir l'importance à propos des Hétéropodes. Chez la jeune larve, la région ainsi circon- scrite comprend la plus grande partie du dos et des flancs, depuis la bouche jusque près de l’enfoncement coquillier, et assez bas sur les côtés. Cette portion de l’ectoderme subit un arrêt de développe- ment relatif, puisqu'elle ne constitue plus ensuite qu’une petite étendue comprise entre la bouche et la nuque (comparer pl. IX et X, fig. 19, 16 et 17). Le sinus du voile, qui s’étendait jusque près de l’enfoncement coquillier, se limite à une partie de la nuque. Les grosses cellules à contenu granuleux jaunâtre, qui sont alignées au-dessous de la rangée de cils, grossissent pendant la période lar- vaire. Les plus grosses, qui occupent les côtés immédiatement au- dessus de l’orifice de l’organe excréteur, se gonflent d’un liquide clair; il en résulte que la larve vue de face ou de dos semble flanquée de deux petits ailerons (pl. IX et X, fig. 45, et pl. XI et XII, fig. 20, vb). Ces saillies sont formées par les grosses cellules jaunes, surmontées de vésicules claires dont nous venons de voir l’origine, et sont pla- cées au-dessous du point d'insertion des cils moteurs (pl. IX et X, fig. 15, vb). Ganine (voir premier mémoire, CXXXIX) croit avoir vu chez la larve de Limnée de grosses cellules jaunes situées à la nuque et s’ou- vrant dans la cavité du corps par de longs canaux. Les cellules jaunes du bord du voile n’ont pas de canaux; comme je ne pouvais admettre que le savant naturaliste russe ait décrit une structure absente et que d'autre part les canaux de l'organe excréteur répondent fort bien à sa description, j'ai émis en un autre endroit (OLV) l’idée que les cel- lules décrites par Ganine répondaient au rein primitif. Bütschli est d'un autre avis ; il prétend (CLXXII, p. 226) que les cellules rénales de Ganine sont les grosses cellules du bord du voile. Je ne m'’éten- drai pas sur cette différence d'interprétation, qui n’a pas grande im- portance, mais je ne puis que maintenir ma précédente manière de voir. . E. Ray Lankester (OXLVIE, p. 381, et pl. XVIT) prend implicitement 148 HERMANN FOL. les cellules jaunes pour le voile lui-même soit dans le texte, soit dans ses figures. Il ne se doute pas que les cils vibratiles sont implantés au-dessus de ces cellules et non au sommet des cellules elles-mêmes; c'est pourtant un détail qui saute aux yeux lorsque le bourrelet voi- lier se présente en coupe optique. Sur sa figure 18 (pl. XVIT) l’auteur représente le voile comme un lobe saillant {lettre V); cela est abso- lument inexact. | Quant au voile lui-même, l’auteur anglais, qui s'imaginait avoir découvert cet organe chez les Gastéropodes pulmonés, lui attribue une extension qu'il n’atteint jamais. Quelle que soit l'importance théorique de cet organe, il n'en est pas moins rudimentaire. Rabl (CL), qui, lui aussi, s'imagine avoir découvert le voile de ces animaux, le décrit très sommairement et le représente sur ses figures d’une manière inexacte. L'INVAGINATION PRÉCONCHYLIENNE est de tous les organes de la larve celui qui perd le premier la symétrie originaire et qui commence l’enroulement de l'animal. L'enfoncement coquillier s’élargit et s'étale dès le début de la période larvaire, de telle façon que l’épithélium du fond de la cavité vient tapisser le sommet de la coquille et que le bourrelet qui entoure l’orifice externe devient le rebord du man- teau. Ge repli sécrète, comme l’on sait, la coquille, qui croît ainsi par les bords. Comme on peut s’y attendre, la coquille tend à s’enrou- ler dès le début ; aussi voyons-nous le bourrelet s’avancer beaucoup plus vite d’un côté que de l’autre (pl. XI et XII, fig. 6 et 7, gb). Le côté qui présente le développement le plus rapide de la coquille n’est naturellement pas le même chez les espèces à enroulement sénestre que chez celles qui s’enroulent à droite (comparer pl. IX et X, fig. 18, et pl. XI et XII, fig. 20). A cet égard, on remarquera que les larves de Planorbis ont une coquille à enroulement sénestre, comme l’on peut s'y attendre, puisque les ouvertures rénale et génitale sont à gauche. On sait que beaucoup de malacologistes pensent que le Planorbe est un Gastéropode sénestre à enroulement dextre. L'étude de la coquille de la larve montre que cette interprétation est abso- lument fausse; l’erreur des conchyliologues en question provient sans doute de ce qu'ils placent la coquille à l’envers, prenant l’apex pour l’ombilic et vice versd. J'ai déjà exposé pour les Ptéropodes (CLIL, p. 1433) et pour les Hé- téropodes (CLIV, p. 126) le mécanisme et les conséquences de cette extension énorme de l’ectoderme de l'extrémité postérieure du corps. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMOXNÉS. 149 Nous avons vu qu'il en résulte une sorte de retroussement du reste de l’ectoderme et un déplacement des orifices que présente cette couche; en même temps le pied s'aplatit et les tissus qui formaient le dos de la larve ne servent plus qu'à recouvrir la partie dorsale de la tête. Le bourrelet du bord du manteau devient fort épais (pl. IX et X, fig. 18 et 19, »m) et se garnit tout entier de cils vibratiles. Il est re- plié en dehors, de façon à recouvrir le bord supérieur de la coquille. La partie de la face ventrale, qui se trouve au-dessus de l’anus et qui rentrera plus tard dans la cavité palléale, présente, chez Planorbis, une légère protubérance creuse (pl. IX et X, fig. 16, 4m) de l’ecto- derme. La paroi de cette loupe estreliée à l’entoderme par une série de cellules contractiles fusiformes, ramifiées à leurs extrémités. Cet organe répond par sa position au cœur larvaire d’Aelix, et, comme chez ce dernier genre, il présente des contractions régulières. C’est, selon toute apparence, un cœur larvaire peu développé. L'enfoncement coquillier a été déjà vu par Lereboullet chez le Limnée, seulement cet auteur prenait cet organe pour le rectum. Les figures de stades plus avancés représentent fort bien le mode de croissance du manteau et de la coquille. Ganine (CXXXIX) est le premier qui ait assigné à cet enfoncement sa véritable signification en ce qui concerne les Gastéropodes pulmo- nés ; il le considère comme l'origine du manteau. E. Ray Lankester paraît avoir décrit cette invagination pour cer- tains Mollusques marins quelques semaines avant Ganine {CXL). En ce qui concerne le Limnée, sa description (CXLVII) est postérieure de plus d’une année à celle du naturaliste russe, dont il ne paraît pas avoir eu connaissance !. Ray Lankester décrit du reste et représente avec justesse cet organe chez Zimnæus (OXLVII, p. 381) et observe avec raison que les cas où l’enfoncement subsiste après que la co- quille a commencé à se constituer et où cette dernière prend la forme d’un bouton de chemise doivent être considérés comme anor- maux. LE TUBE DiGesTir est déjà constitué en majeure partie chez la jeune larve ; cependant l'estomac est encore à l’état rudimentaire et l’intes- tin manque complètement. 1 Rendu plus tard attentif à cette omission (CLVI, p. 37), le zoologiste anglais a mieux aimé contester la priorité de Ganine que de reconnaître son omission. (CLIX, p. 321). 150 HERMANN FOL. La bouche ne subit guère de modifications pendant la période larvaire ; elle devient plus saillante et les lèvres commencent à se former. Le sac de la radule, déjà ébauché, s’approfondit et devient tou- jours plus distinct de l’æœsophage. Ses parois s'épaississent et se dif- férencient (pl. IX et X, fig. 19, ps). La paroi antérieure se différencie en deux couches de cellules cylindriques. Les cellules de la couche externe se dirigent obliquement de haut en bas et de dedans en de- hors ; celles de la couche interne sont perpendiculaires à la cavité de l’organe. Ce sont ces dernières qui sécrètent, sur leur surface libre, la série de petites plaques chitineuses dont l’ensemble constitue la radule (pl. IX et X, fig. 19, p). La radule ne comprend d’abord que deux rangées de dents, à savoir les deux rangées du milieu. La paroi pos- térieure du sac est composée de cellules polygonales placées sur plusieurs d'épaisseur, mais sans aucun signe de stratification. Les fibres musculaires qui prennent plus tard un si grand développement et entourent tout l'organe apparaissent ensuite. Ces muscles semblent se former en partie aux dépens des cellules du sac lui-même (muscles circulaires) et en partie aux dépens du mésoderme environnant (muscles extenseurs et rétracteurs). Cependant je ne considère pas cette question de l’origine des muscles de la radule comme entière- ment élucidée. L'æsophage, assez court à l’origine et possédant des parois épaisses, s’'allonge à mesure que l'estomac s'enfonce dans la cavité de la co- quille ; ses parois s'amincissent d'autant (pl. IX et X, fig. 19, et pl. XI et XII, fig. 20, æ). Le canal est intérieurement tapissé de cils pendant toute la durée de la période larvaire. La cavité stomacale est, au début de ceite période, simplement arrondie et close de toutes parts, sauf au point d'insertion de l'œso- phage. Ses parois présentent cependant une différenciation assez compliquée que je vais chercher à exposer. Dans la plus grande partie de son étendue, les cellules entodermiques sont gonflées de deutolécithe de telle facon que le sarcode cellulaire forme un mince revêtement à la surface du globe lécithique et ne s’épaissit un peu que du côté qui limite la cavité de l'organe. C’est au milieu de cet épaississement relatif du sarcode qu'est situé le noyau cellulaire. Une autre partie de la paroi de la cavité stomacale présente une tex- ture histologique qui semble à première vue bien différente de celle que je viens de décrire. Elle est formée d’un simple épithélium à DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 451 cellules cylindriques, régulières, nucléées et dépourvues de deuto- lécithe. Quoique ces deux sortes de cellules proviennent du même épithélium et qu'elles continuent à former une couche unique au- tour de la cavité digestive, elles occupent cependant des régions net- tement limitées et ne présentent pas de transitions. Une partie de l’épithélium primitif a done conservé ses anciens Caractères, tandis que l’autre partie s’est modifiée par le dépôt de deutolécithe dans chaque cellule. La région ainsi modifiée comprend les parties dor- sale, latérale et antérieure de la paroi de la cavité, tandis que l’épithélium simple n'occupe qu'une petite étendue de la région ven- trale et postérieure. Nous n'avons donc pas deux couches concen- triques, mais une seule couche métamorphosée sur un certain es- pace. La portion de la paroi stomacale qui est formée d'un simple épi- thélium s’étendra rapidement par la prolifération de ses cellules et constituera l'estomac et l'intestin. Les cellules à deutolécithe, tout au contraire, ne se multiplient pas; elles augmentent seulement de volume par un dépôt toujours plus considérable de deutolécithe. 2ette portion de la paroi gagne donc en étendue, mais elle s'étend relativement moins que l’autre portion; elle se divise de bonne heure en deux lobes très distincts chez Planorbis, plus ou moins confondus chez Ancylus et Limnæus. A l'origine, ces deux lobes sont placés l'un à côté de l’autre et séparés par deux sillons longitudinaux. L'un de ces sillons est très profond et forme une séparation complète : c’est le sillon ventral qui correspond à l'endroit où l’épithélium de la ca- vité stomacale conserve sa forme primitive. Le second sillon, moins marqué, part de la face dorsale et remonte obliquement vers le côté qui formera la convexité de l’enroulement de l'animal (pl. IX et X, fig. 14). À mesure que la larve s’allonge et tend à s’enrouler, ces lobes se déplacent et tendent à se mettre l’un au-dessus de l’autre. Chez Planorbis, c’est donc le lobe de gauche qui se place en haut et du côté dorsal. Ce changement de position est accompagné d’un changement de forme. Plus ou moins étalés à l’origine, les lobes se recourbent et se changent en poches de plus en plus profondes; puis l’entrée des poches se rétrécit de telle sorte qu'au lieu d’une seule grande cavité digestive nous trouvons trois cavités communiquant par deux orifices. La cavité du milieu répond à l'estomac, les cavités latérales sont les cæcums hépatiques ou poches nourricières dont les parois sont encore bourrées de deutolécithe. 152 HERMANN FOL. L'estomac n'est à l’origine qu'un large canal entre les deux sacs à deutolécithe. Sa paroi, formée d'un épithélium simple, constitue une bandelette qui se place du côté ventral entre les poches nourricières et forme le prolongement de la paroi de l’æœsophage. Cette bandelette s'élargit et fournit vers la partie postérieure un cæcum de faible dia- mètre, l'origine de l'intestin. L'intestin s’allonge, en se recourbant Fi. IV. — Coupe transversale d’un embryon de Limnæus palustris du mème âge que celui de la figure 20 (pl. XI et XII), grossie 200 fois. S, estomac ; ets’, les poches nourricières ; r, le rein; k, le cœur ; mm, le bord du manteau; me, la cavité palléale ; g, la coquille ; 96, le bourrelet coquillier. un peu vers le haut (pl. IX et X, fig. 15, 2), arrive au contact de l'ec- toderme (fig. 15, a) et s'ouvre enfin au dehors (pl. XI et XII, fig. 7, a). Au début, l'intestin et l’anus se trouvent assez exactement sur la ligne médiane du ventre; l’anus se déplace ensuite vers le côté où se forme la cavité palléale, et l'intestin se recourbe en conséquence (pl. IX et X, fig. 48, et pl. XI et XII, fig. 20, 2). Pendant ce temps, la paroi de l'estomac s'étend en arrière entre les deux cæcums hépatiques ; l'entrée de ces cavités se rétrécit et de cette facon l'estomac s'individualise. Les ouvertures de communica- tion avec les sacs à deutolécithe étaient d'abord exactement latérales ; l’un des sacs se portant en avant, l’autre en arrière, les ouvertures se déplacent de même (pl. XI et XII, fig. 20, s et c’), en sorte que l’une se met à côté du cardia (pl. IX et X, fig. 19, cc), l’autre à côté du DEVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONES. 153 pylore. Sur une série de coupes transversales de larves avancées du Limnée, je trouve la communication de l'estomac avec le cæcum hépatique supérieur sur la quatrième et la cinquième coupe, l'orifice de l’autre cæcum sur la septième coupe (voir fig. IV, p. 153, sc). La paroi de l'estomac s’épaissit et les cellules qui la composent s’arran- gent en deux couches concentriques qui deviendront probablement l'épithélium et la tunique musculaire (fig. V, p. 153). Fic. V.— Coupe sagittale d'un embryon de Zimnæus stagn. du même âge que celui de la figure 20 {pl. XI), grossie 200 fois. ec, ectoderme ; em, mésoderme ; emn, cellules nucales ; mm, le bord du manteau ; mc, la cavité palléale ; 9, la coquille ; f, tentacules; vb, bourrelet voilier ; b, la bouche; æ, l'œsophage; S, l'estomac ; s et os’, les poches nourricières ; sc, canal entre l'estomac et la po- che nourricière; \, deutolécithe ; S, rein larvaire ; 04, blanc d'œuf; ocv, vésicule optique ; 0Cp, pigment de l'œil; oc/, cristallin ; nc, ganglions cérébroïdes ; #iæ, ganglions infra-æsophagiens. Le développement histologique des sacs à deutolécithe n'est rien moins que facile à déchiffrer. Les globes lécithiques augmentent toujours, tandis que le protoplasme et le noyau cellulaires ne gros- sissent pas en proportion. Il devient alors très difficile de retrouver ces parties essentielles des éléments histologiques au milieu des masses albumineuses. Vers la fin de la période larvaire, le deutolé- 154% HERMANN FOL. cithe est coagulé par l'acide chromique en masses granuleuses d’as- pects très différents. A côté de morceaux presque homogènes, s’en trouvent d’autres à pointillé très fin, d’autres à gros granules (voir fig. IV et V, p.152 et 153). Les plus homogènes sont de formation ré- cente, et prennent assez fortement la coloration du carmin ; les autres sont plus ou moins avancés dans le processus de décomposition qui les changera en une sorte de pulpe ou d’émulsion et ont perdu la pro- priété de fixer le carmin {voir pl. IX et X, fig. 19, À’). Chez le vivant, cette modification du deutolécithe s’accuse par l'apparition de glo- bules sphériques un peu plus réfringents que leur entourage et qui se montrent toujours plus nombreux dans la partie interne de chaque globe lécithique (pl. IX et X, fig. 16, et pl. XI et XII, fig. 22, Àg). Ces globules grossissent avec le temps, les plus petits étant les derniers formés. Un tissu épithélial, semblable à celui de l'estomac, constitue une petite portion de la paroi des sacs hépa- tiques autour de leur orifice; ce tissu s'étend à toute la partie in- terne de la paroi de ces sacs, refoulant devant lui les cellules à deu- tolécithe. Ce tissu donnera naissance aux canaux cholédoques. De tous les systèmes d'organes, le tube digestif est peut-être celui dont les auteurs ont le moins bien compris le développement. Lais-. sant de côté Lereboullet, dont la description st trop fautive en ce qui concerne la période actuelle et s'adresse plutôt aux stades avan- cés, je passe aux auteurs plus récents. E. Ray Lankester (CXLVIE, p. 383) croit à la préexistence de l’in- testin comme canal d'invagination de l’entoderme et représente cet intestin à une époque du développement où je crois m'être assuré de son absence. Du reste, l’auteur admet que l'anus ne provient pas directement du blastopore. D'autre part, la bouche nous est repré- sentée comme fermée en cæcum, et l’æsophage comme un cordon solide, à une époque (fig. 8 et 24, pl. XVII de notre auteur) où le canal béant de l’æœsophage, intérieurement garni de cils, est très fa- cile à voir. Quant à la disposition de l'intestin chez la larve toute formée, le zoologiste anglais a fait des confusions évidentes. Ainsi, sur sa figure 18, le canal désigné par la lettre ? n’est pas l'intestin, mais bien le rein, et l'intestin véritable se trouve à peu près à l'en- droit où l’auteur croit voir un muscle rétracteur (rm) que je n'ai jamais rencontré à ce stade de développement. En tous cas l’imtestin se trouve au bord médian de la cavité palléale et non à son bord latéral où Ray Lankester le place. Si cet auteur prend le rein pour DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 155 l'intestin, quelle valeur peuvent avoir les observations qu'il croit avoir faites sur ce dernier organe ? Sur la partie moyenne du tube digestif, la description du zoolo- giste anglais renferme en revanche quelques remarques très justes (CXLVIL, p. 385). Il a montré que cette cavité centrale est bilobée, que ces lobes à parois formées de grosses sphères iransparentes sont séparés par une bande d'’épithélium à petites cellules qui relie F'æso- phage à l'intestin, et enfin que cette bandelette doit être considérée comme le rudiment de l'estomac. Rabl (CL, p. 203) nous enseigne que le tube digestif a une triple origine, à savoir deux enfoncements tardifs de l'ectoderme, la bouche et l'anus, et une masse cellulaire interne qui constitue l’esto- mac, l’œsophage et l'intestin. Ce que l’auteur prend pour l'en- foncement anal est simplement l’enfoncement coquillier. La bouche communique très certainement avec l'estomac au moment où elle nous est représentée comme fermée en cæcum. L’entoderme n'est pas compact, mais creux et plein de blanc d'œuf et non d'un tissu cellulaire. Enfin Rabl croit que l'estomac est une cavité ronde entourée dès l’abord de deux feuillets concentriques, extérieurement flanqués d’un amas épais de grosses sphérules vitellines, et n'a point du tout compris qu'il s’agit ici d'une cavité trilobée dont la partie moyenne seulement a une paroi à petites cellules, tandis que les poches latérales sont circonserites par les grosses sphérules elles- mêmes. L'assertion que l’æœsophage serait une évagination de la paroi de l'estomac croissant à la rencontre de l’enfoncement buccal semble découler plutôt de considérations théoriques que d'aucune observation positive. Quant à l'intestin, il est facile de démontrer que l’auteur a commis à son sujet tout une série d'erreurs. Non seulement Rabl se trompe, comme nous l'avons vu, sur l’origine de l'anus, mais il se méprend encore d'une étrange façon sur la suite du développement de tout l'intestin. Au premier abord, il semble que les résultats généraux sont d'accord avec les miens, puisque l’auteur fait provenir l'intestin d’une excroissance de la paroi stoma- cale. Mais l'examen du texte et des figures nous montre qu'il n’en est rien. En effet, Rabl place l’anus en dehors de l'ouverture rénale (sa planche IX, fig. 39, À), c’est-à-dire à l'endroit qu'occupe la fossette olfactive, tandis que l’anus véritable est pris pour l’origine des or- ganes génitaux (G). L'intestin lui-même n’est représenté sur aucune des figures et il est évident que l’auteyr ne l’a pas vu, sans quoi il 156 HERMANN FOL. n’en placerait pas la terminaison au bord latéral de la cavité palléale. N'est-il pas singulier, du reste, que le naturaliste autrichien, qui pré- tend nous donner une embryogénie des Pulmonés aquatiques en général, ne dise pas un mot de la différence entre les genres dextres etles genres sénestres ‘? D’après le texte, « l'anus quitte sa place primitive et se porte petit à petit en avant du côté droit de l’animal ». Ceci semble s'appliquer au Limnée, mais les figures citées à l'appui nous montrent l’anus à l'endroit où se trouve l’ouverture du canal rénal chez cet animal. L'auteur ne s’est pas aperçu que l'intestin et l'anus sont originairement placés dans le plan médian et ne le quit- tent que fort tard. L'origine de la radule et de son sac est indiquée d'une manière juste et conforme à ce que l’on savait précédemment sur ce sujet. J'aurai à revenir plus tard sur les données relatives au tube di- gestif des larves chez d’autres groupes de Gastéropodes. LE REIN LARVAIRE, Que nous avons laissé à l’état de petite poche communiquant avec l'extérieur, prend dès le début de la période larvaire un accroissement très rapide. La poche s’approfondit dans la direction du dos, de telle facon qu'elle finirait par rencontrer celle du côté opposé sur la ligne dorsale. Mais la croissance dans ce sens s'arrête de bonne heure, l'organe se recourbe à peu près à angle droit et s'allonge maintenant dans la direction de la bouche. Pour décrire la chose plus exactement, je dirai que le cul-de-sac primitif s'étend d’abord vers le côté dorsal, puis reste stationnaire et fournit un prolongement canaliforme dirigé en avant (voir pl. IX et X, fig. 14 et 17; pl. XI et XII, fig. 4 et 5, p). Dès lors, le rein larvaire se compose de trois parties : 4° un tubule interne ; 2 une partie moyenne renflée, et 3° un canal excréteur. Le tubule est très mince, son canal est excessivement ténu et pourtant tapissé de cils vibratiles dans toute sa longueur. Ces cils, plus longs que le diamètre du canal, sont dirigés obliquement d'avant en arrière et battent de facon à chasser le liquide de dedans vers l'extérieur. À son extrémité postérieure, le tubule s’élargit brusque- 1 Et pourtant Rabl ne néglige pas de nous renseigner sur la forme fondamentale des Gastéropodes ni de nous apprendre qu’ils sont originairement des « zeugites homopleures » et que plus tard « de cette forme embryonnaire homopleure pro- cède, par déplacement du pôle postérieur de l’axe principal, la forme fondamen- tale hétéropleure, et plus spécialement, la forme dysdipleure, que les Gastéropodes conservent leur vie durant » (p. 226). DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 457 ment et ses parois sont en continuité avec celles de la partie moyenne de l’organe. L’extrémité antérieure du tubule est libre et se termine par un petit amas de cellules, élargi en sabot de cheval (pl. XI et XIT, fig. 6 et 7, ce). Cet amas est parcouru par la continuation du canal, qui se rétrécit de plus en plus et vient s'ouvrir dans la cavité du corps par un pore d’une finesse extrème (2e). Même cette partie terminale du canalicule est garnie de cils battant en arrière (pl. XI et XII, fig. 8, pe). Le nom d'entonnoir ou de pavillon vibratile s'applique mal à cette forme d'ouverture et nous ferons mieux de parler d'un pore vibratile. Il est en général assez difficile d'obtenir une vue bien nette de cet orifice interne, parce qu'il est presque toujours caché par un amas de grosses cellules polyédriques, appartenant au méso- derme, et que nous aurons à décrire plus tard (pl. IX et X, fig. 45, 16 et 17, emn). Le pore vibratile du rein primitif est toujours placé sous cet amas cellulaire; néanmoins, chez de jeunes larves de Pla- norbe en pleine extension, examinées par le dos ou le côté, le pore se montre à découvert en avant de ces cellules (pl. XI et XIL, fig. 5 et 8, pe). La partie moyenne’élargie du rein larvaire varie de forme, suivant les espèces (pl. XI et XII, fig. 6, 19, 22, es), et même chez les indi- vidus d’une même espèce. La paroi est formée d'une seule couche de cellules, petites et régulières au début (pl. XI et XII, fig. 6, ps), qui se gonflent plus tard par la formation de cavités d’excrétion dans leur intérieur. Ces cavités sont régulièrement arrondies et pleines d’un liquide dans lequel nagent de petites concrétions (pl. IX et X, fig. 17, ps). Chaque cellule se munit d’une de ces cavités vésiculaires qui va en croissant et renferme des concrétions toujours plus grosses et plus nombreuses. Ces vésicules ne doivent pas être confondues avec le noyau des cellules, qui reste petit, difficile à voir, mais que l’on réussit presque toujours à trouver à côté de la vésicule. Il s'agit donc ici de vésicules excrétoires (Excret-Bläschen), déjà fort bien comprises et décrites par Gegenbaur pour les embryons des Gasté- ropodes pulmonés {(LXX VIII). Le canal excréteur, très court et très large au début (pl. XI et XIT, fig. 4, Lo), s'allonge et se rétrécit par la suite (pl. IX et X, fig. 17, po). Il devient particulièrement long et étroit chez Ancylus (pl. XI et XII, fig. 22, po), tandis qu'il reste court et évasé chez ZLimnæus (pl. XI et XII, fig. 19, £o). Ses parois sont formées d’un épithélium simple, dont les cellules ne prennent pas le caractère glandulaire et ne présentent 158 HERMANN FOL. pas de vésicules excrétoires ni de concrétions dans leur intérieur. Elles sont également dépourvues de cils vibratiles, qui ne se mon- trent que dans le segment interne du rein primitif. Les fonctions de cet organe résultent avec évidence de sa struc- ture. L’analogie avec les organes excrétoires des Vers et de quelques Vertébrés inférieurs est trop frappante pour demander une démons- tration. Orifice et canal vibratile, partie moyenne glandulaire et enfin, canal excréteur, telles sont bien en effet les parties essentielles des canaux en lacet des Annélides, du rein primitif des Sélaciens et des Amphibiens. Gegenbaur n'a pas hésité à les considérer comme des organes rénaux. La signification morphologique est peut-être moins claire et la haute importance de cette question m'’oblige à la renvoyer au dernier chapitre, dans lequel je traiterai ce sujet avec les développements qu'il comporte. ù Le rein primitif des embryons de Gastéropodes a été découvert chez les Pulmonés terrestres. En ce qui concerne les Pulmonés aquatiques, l'organe n’est mentionné que par Gegenbaur d'une ma- nière incidente pour le genre Ancylus (Manuel d'anatomie comparée, traduction française, p. 526). Aucun autre auteur n’a vu cet organe chez les Pulmonés aquatiques, jusqu'au jour où j'en ai donné une description sommaire dans une note préliminaire (OLV), et personne n'avait jusque-là découvert l'existence d'un orifice interne. Parmi les auteurs plus anciens, aucun, à l'exception de Gegenbaur, n'a su voir le rein larvaire; Stiebel, qui l’a eu sous les yeux, ne l'avait point du tout compris. Les auteurs les plus récents eux-mêmes ne l'ont pas vu ou l'ont bien mal interprété. Stepanoff (CXLIV) ne mentionne pas le rein primitif chez Ancylus, et pourtant il l’a eu sous les yeux, comme le prouve sa figure 40, où cet organe est représenté comme constituant la partie moyenne du tube digestif. Le dessin est très infidèle et le rein très inexactement rendu. L'auteur le fait communiquer avec le pharynx et lui donne un calibre uniforme beaucoup plus considérable que la réalité. Néan- moins, la position assignée à ce prétendu tube digestif et sa forme ne permettent pas de douter que Stepanoff n’ait eu le rein larvaire sous les yeux. Le véritable tube digestif a complètement échappé au naturaliste russe, qui n'a su voir, à l'endroit où il se trouve, que du vitellus de nutrition! Ganine (CXXXIX), dont j'ai déjà précédemment (CLII) analysé le mémoire, semble avoir fait une confusion et avoir identifié des par- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 159 ties très dissemblables appartenant aux larves de divers groupes de Gastérepodes. En effet, ce naturaliste nous dit que les Céphalophores en général possèdent des reins primitifs sous forme de cellules très grossies de l'ectoderme. Ces cellules existent effectivement chez un assez grand nombre de Gastéropodes, mais ce ne sont pas les reins primitifs. Puis il nous dit que ces cellules contiennent les concré- tions caractéristiques des organes urinaires et s'ouvent dans la ca- vité du corps par un long canal qui se termine au-dessous des palpes buccaux. Cette dernière phrase indique bien clairement que l’auteur a vu le segment interne des reins primitifs des Pulmonés, mais que, guidé par une fausse analogie, il a pris ces organes dans leur ensemble pour de grosses cellules. Gette interprétation me pa- raît seule admissible et je la maintiens, malgré l'opinion de Bütschli (CLXXIIT, p. 226). Rabl (CL) a eu le rein larvaire des Pulmonés aquatiques sous les yeux, puisqu il le représente d'une manière parfaitement reconnais- sable sur la plupart des figures de sa planche VIIT. Et pourtant il ne s'est pas douté un seul instant que l'organe qu'il représentait était le rein primitif, dont l'existence lui était pourtant connue, d’après les travaux de Gegenbaur! Cela paraît tellement invraisemblable a priori, que je serai obligé de démontrer la justesse de mon appré- ciation. Rien n'est plus facile. Sur toutes les figures l'organe est désigné par la lettre , et dans l'explication des planches nous hsons : « , invagination de l'exoderme qui mène, à ce qu il semble. plus tard à la formation de la paire de ganglions sus-æsophagiens, et peut-être aussi du ganglion viscéral. » Dans le texte, nous ne trouvons à cet égard que les phrases suivantes (p. 219) : « Les reins primitifs ou primordiaux, tels qu'ils existent chez les Gastéropodes terrestres, #e se érouvent pas, à ce qu'il paraît, chez les Pulinonés aqua- tiques ; je dois laisser sans réponse la question de savoir si les deux invaginations de l'exoderme (fig. 20, »g), dont la signification est encore indécise, doivent être considérées comme des reins primitifs résorbés et dégénérés. » La figure citée par l’auteur nous montre une portion du rein primitif chez une larve correspondant à celle de ma planche XI et XII (fig. 4, es). Pour plus de renseignements, nous n avons qu à consulter le même mémoire à la page 206, au sujet de la formation des ganglions nerveux. Je cite encore textuellement pour être plus sûr de rendre fidèlement la pensée de l'auteur : « De la plus haute importance et du plus haut intérêt est la manière dont se 160 HERMANN FOL. forme le système nerveux. Bientôt après la formation du voile, l’on remarque sur les deux côtés du corps une invagination de l’exoderme dirigée en avant, laquelle pousse graduellement vers le côté supé- rieur de l'æœsophage et se termine là par un renflement en massue (ren- voi aux figures à la lettre A). Les deux renflements formés de ia sorte, qui ne comprennent d'abord qu'un petit nombre de cellules nucléées, représentent apparemment les blastémes des deux centres du ganglion sus-æsophagien..….. L'observation exacte des deux traînées en question (invaginations soi-disant nerveuses) n’est possible que sur des exemplaires particulèrement favorables et coûte beaucoup de temps et de peine (!). Les traînées elles-mêmes sont d'abord creuses dans toute leur longueur; plus tard, elles semblent se réduire à de simples nerfs peauciers. » Voilà qui est clair; et si, pour plus de sécurité, nous comparons encore les figures, nous pourrons aisément nous convaincre que Rabl n'a pas vu la terminaison interne du rein primitif, et qu'il fait terminer le canal cilié (dont 1l n’a pas vu les cils) par un renflement qui n'est autre que le ganglion sus-æsophagien. Et c’est cette fausse con- nexion qui lui fait prendre l'organe tout entier pour une invagina- tion nerveuse et l'empêche d'y reconnaître un rein primitif bien plus parfait et plus développé que celui des Pulmonés terrestres. Du reste, l’auteur ne s’est pas trompé seulement sur la signification et les connexions de l'organe ; il n’en a même pas compris la structure dans ses plus grands traits. En effet, Rabl prend la partie moyenne du canal qui est renflée en forme d'ampoule pour l’orifice externe de l'organe. Ce serait là que se trouverait l’invagination ectodermique donnant naissance au canal. L'invagination et l’orifice véritables lui ont complètement échappé dans leur origine, et, plus tard, il prend le canal excréteur pour une évagination qui aboutirait au ganglion pédieux. Dans ses considérations philosophiques, Rabl revient en- core sur ce sujet en ces termes : « Au sujet de l’absence probable des reins primitifs chez les Pulmonés aquatiques, nous renvoyons à nos précédentes remarques. » Le rein primitif des Pulmonés aquatiques est décrit pour la pre- mière fois avec quelque détail dans une de mes notes prélimi- naires (CLV). Dans ses mémoires sur le développement des Mollusques et du Limnée (CXLVI, CXLVII et CLII), E. Ray Lankester ne fait aucune mention du rein larvaire et ses figures ne présentent rien qui s’y DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 161 rapporte. Après la publication de mes notes sur le développement des Pulmonés (CLV et CLVI), l’auteur anglais reconnaît dans une nou- velle notice (CLIX, p. 325) l'existence des reins primitifs, qui lui avaient précédemment échappé si complètement, mais il attribue la description de ces organes... à Rabl!! Bütschli confirme presque en tous points mes données sur le rein primitif des Pulmonés aquatiques (CLXXIII, p. 226). Sa description diffère cependant de la mienne sur deux points. L’habile zoologiste voit dans la partie moyenne, élargie en forme de sac, de cet organe une très grande cellule qui remplirait à moitié la cavité du sac. Je n'ai jamais vu ces cellules chez les espèces que j'ai examinées, mais je dois ajouter que je n'ai pas repris cette recherche depuis la publication du mémoire de Bütschli. Quant à l’orifice externe de l'organe, le naturaliste allemand déclare l'avoir vainement cherché. Il est pourtant bien facile à voir, et cela même chez des larves très avancées, pourvu qu'on le cherche là où 1l est, c’est-à-dire immédia- tement au-dessous du bourrelet du voile, vers son tiers postérieur. Chez la Paludine, Bütschli (p. 221) décrit un organe rudimentaire qui correspond par sa position au rein larvaire des Pulmonés. Avant de quitter ce chapitre, je dois encore parler des grosses cel- lules jaunâtres qui forment une rangée de chaque côté du corps, immédiatement au-dessous des cils moteurs du voile. Ces grosses cellules ont été déjà mentionnées ci-dessus (voir pl. IX et X, fig. 45, et pl. XI et XII, fig. 48 et 19, vé). Nous avons vu que l'invagination du rein primitif se trouve exactement sur le prolongement de cette ran- gée de cellules, à son extrémité postérieure. Il se pourrait donc qu'il y eût une relation réelle, une sorte d'homologie sériale entre ces parties; et cette supposition trouve un appui sérieux dans l'aspect jaunâtre des grosses cellules et des granulations qu'elles renfer- ment. Il se pourrait que ces granulations fussent de très petites concrétions uriques. Les cellules qui nous occupent ont été vues et dessinées par la plupart des auteurs qui se sont occupés de l'embryogénie des Pul- 1 Ray Lankester connaissait mes notes sur ce sujét et doit avoir lu le travail de Rabl, puisqu'il en donne de longs extraits. Il savait donc que le rein primitif des Pulmonés aquatiques avait été décrit par moi, tandis que Rabl croit que ces animaux en sont dépourvus. Cela posé, le passage que je vise pourra paraître piquant, sur- tout si l’on songe qu’il se trouve dans le même article dans lequel l'auteur anglais m’accuse de « deliberate misrepresentation », ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GEN. —= T, VIII, 18794 11 162 i HERMANN FOL. monés, mais sans avoir jamais été l’objet d’une étude spéciale, On les considérait comme faisant partie du bourrelet voilier ; de là, sans doute, laitendance de certains auteurs (CXLVIT) à exagérer grande- ment l'importance de ce dernier. Bütschli (CLXXII, p. 226) est le seul qui établisse une distinction formelle entre ces cellules et le voile, et qui en fasse une mention spéciale. Mais des cellules ectodermiques de dimensions considéra- bles et pleines de granules jaunes ont été décrites dans une position analogue chez d’autres larves de Gastéropodes, surtout de Proso- branches, par Salensky (CXXXVIT et par Bobretzky (CLVIT. Il y à une homologie bien évidente entre tous ces organes et sans doute aussi une certaine analogie de fonctions. Ces grosses cellules jaunes se gonflent de liquide à un certain mo- ment et font, je lai déjà dit, saillie comme des oreillettes sur les côtés de la larve (pl. IX et X, fig. 15, vb). Plus tard, elles se rédui- sent et finissent par disparaitre. C’est chez le genre Limnée qu’elles persistent le plus longtemps (pl. XI et XII, fig. 20, vb). Je n'insisterai pas longuement sur le développement du MÉSODERME chez nos larves de Pulmonés aquatiques. Ce tissu, dont l’origine a été déjà discutée, prend un grand développement pendant la période larvaire. Presque nul dans toute la partie que recouvre la coquille, il devient épais et compact dans le bourrelet du bord du manteau, le pied, la tête et dans la région qui constitue les parois de la cavité palléale (pl. IX et X, fig. 19, em). C'est au sein de ce mésoderme que se différencieront petit à petit les muscles, les vaisseaux sanguins et le tissu conjonctif. Pour le moment, la distinction entre les blastèmes de ces divers tissus n’est pas encore possible. Le mésoderme ne pré- sente que des cellules fusiformes ou étoilées, polygonales même dans les endroits où elles sont serrées les unes contre les autres. Le corps de la cellule est petit, sa membrane peu épaisse, son noyau réguliè- rement ovale et relativement très gros, son nucléole parfaitement ré- gulier et constant. Les cellules mésodermiques du pied et de la nuque sont fusiformes ou étoilées, et déjà fort contractiles, puisque ce sont leurs contrac- tions qui produisent les mouvements alternatifs du sinus pédieux et du sinus voilier. Gette circulation larvaire devient de moins en moins marquée et ne tarde pas à disparaitre complètement, à l'inverse de ce qui s'observe chez les Pulmonés terrestres. Les cellules contractiles des sinus sanguins n’ont pas encore le caractère de cellules muscu- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 163 laires; ce sont encore morphologiquement des cellules embryon- naires, bien qué physiologiquement elles jouent le rôle de muscles. Une portion seulement du mésoderme mérite une description dé- taillée. C'est celle qui s’étend sur les deux côtés de la nuque et y forme des amas circonscrits de très grosses cellules (pl. IX et X, fig. 45, 17 et 49, et fig. VI, p. 163, emn). Nous avons vu ces amas se montrer de très bonne heure et provenir indubitablement de l'ec- 7 Fe ŒÆTS AO A 0 ec CHA ( : S | © (Er @ DPORN LEE 9 2 #5), v û 1 À G; ASC 3 : L > SAC UN DS. Oo? Po Ne Le ol PATO) ALES Fic. VI. -- Coupe transversale d'un embryon de Zimnæus stagn. de l'âge de celui de la figure 20 (pl. IL}, grossie 200 fois. ec, ectoderme; em, mésoderme ; emn, cellules nucales ; p, le pied ; vb, le bourrelet voilier ; æ, l'œsophage ; ærs, la paroi du sac de la radule; »c, les ganglions cérébroiïdes; ocv, vésicule optique; ocp, pigment de l'œil; ocl, le cristallin. toderme (pl: IX et X, fig. 12, emn). Les cellules qui les composent sont d’abord petites et arrondies (pl. IX et X, fig. 15, emn), plus tard de plus en plus grosses et polygonales par compression mu- tuelle (pl. IX et X, fig. 17, et pi. XI et XII, fig. 6 et 7, emn,. Une fois leur croissance terminée, elles présentent un gros noyau muni de son nucléole et un protoplasme rempli de granulations réfrin- gentes. Les amas sont pairs, séparés l'un de l’autre et situés sur les côtés de la nuque, en arrière de la bouche, de telle façon que le sinus du voile se trouve assez exactement entre les deux amas (pl. IX. et X, fig. 15 et 17, emn). Chez des larves plus avancées (pl. XI et XIE, fig. 7et 8, et pL.IX et X, fig. 17), nous voyons ces amas situés en arrière du ganglion céphalique et de l'œil, recouvrant plus ou moins complè- 164 HERMANN FOL. tement l’orifice interne ou pore vibratile du rein primitif. Chez Planor- bis et Ancylus, les cellules en question sont moins nombreuses (pl. IX et X, fig. 7 et 22, emn) ; chez Limnæus, elles se trouvent en nombre considérable (fig. VI, p. 163). Je n'ai pu réussir à découvrir un organe quelconque auquel ces cellules pussent donner naissance ; elles pa- raissent plus tard se confondre avec le reste du mésoderme pour entrer dans la composition des tissus qui proviennent de ce feuillet. Nous ne devrions, d’après cela, point les considérer comme le blas- tème d’un organe spécial et, pour expliquer leur constance et leur formation hâtive, nous serions contraints de supposer qu'il s’agit ici d’un organe rudimentaire, c’est-à-dire d’un reste, transmis par héré- dité, d’une partie qui, chez d’autres formes, posséderait une impor- tance physiologique. Nos amas de cellules nucales ont été vus par divers auteurs, mais tous leur ont attribué un rôle qu’elles n’ont pas.Lereboullet (CXX VIID) les a certainement vues, puisqu'il les représente sur ses figures 65 et 66 à la lettre g, mais il les confond avec les ganglions œsophagiens. Sa description assez fantaisiste nous représente ce tissu comme don- nant naissance au système nerveux central, ce qui est tout à fait inexact. E. Ray Lankester (CXLVII) représente nos cellules nucales d’une manière encore plus reconnaissable ( pl. XVII, fig. 8 et 18, ng), mais cen’est que pour accentuer encore l'erreur commise par Lereboullet. En effet, l’auteur anglais déclare de la façon la plus catégorique que ces tissus deviennent en totalité la masse nerveuse sus-æsopha- gienne (éhis is the supra-æsophageal nerve-mass, p. 382). IL fallait une observation des plus superficielles pour ne pas faire découvrir, chez l'embryon que représente sa figure 18, les ganglions sus-æsopha- giens très bien constitués et séparés par un espace assez large de la masse ng. Rabl (CL) ne fait aucune mention d’une partie aussi saillante que le sont ces amas cellulaires, et ses dessins schématiques ne nous montrent, à l'endroit où ils devraient se trouver, qu'un tissu uni- forme de petites cellules qui n’a jamais existé que dans la vive ima- gination de l’auteur. J'ai déjà indiqué depuis longtemps (CLV) l'origine et le rôle des cellules en question. LES ORGANES DES sENs se montrent assez tard chez nos larves de Pulmonés aquatiques, plus tard relativement que chez la plupart des DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS, 165 Gastéropodes marins. Les otocystes apparaissent les premiers, puis les yeux, et enfin la fossette olfactive. Les otocystes se montrent chez de jeunes larves (pl. IX et X, fig. 45, et pl. XI et XIT, fig. 6 et 7, w) sous forme de petites vésicules, à parois cellulaires, situées immédiatement au-dessous de l’ectoderme. Bien qu'il soit toujours dangereux d'être affirmatif en pareille matière, je crois pouvoir dire que ces vésicules ne se forment pas par le procédé d'invagination, comme chez les Hétéropodes, mais par simple scission de l’ectoderme, comme chez les Ptéropodes. Elles ne renferment à l'origine qu'une très petite cavité qui va croissant, et l’on voit alors l’otolithe faire son apparition tout contre la paroi externe ou anté- rieure de l'organe (pl. IX et X fig. 15, w/). Il reste accolé à cette paroi pendant la première période de sa croissance (pl. IX et X, fig. 16 et 47, 6). Plus tard, il se détache et tombe dans la cavité, où il est mis en mouvement par les cils vibratiles de l’otocyste. Plus tard encore, il est entouré par de nombreuses otoconies. La partie de l’ectoderme qui donne naissance aux otocystes se trouve sur les côtés de la tête, au-dessous des tentacules naïissants et vers la base du pied. Ensuite, la vésicule auditive quitte la surface pour se réunir aux centres ner- veux. L'histoire de la formation de l'œil ressemble beaucoup à celle de l’otocyste. Je n'ai pas réussi davantage à trouver, même chez les yeux les plus jeunes, la moindre trace d’invagination ectodermique; je dois donc admettre que l'organe prend naissance par scission du feuil- let externe. C’est d’abord une vésicule à cavité étroite, à parois épaisses et composées de cellules bien distinctes (pl. XI et XII, fig. 22, ocv). Le cristallin se montre ensuite suspendu dans le liquide intérieur, mais sans présenter de connexion avec la paroi de l'organe; je n'ai du moins pas pu en découvrir. Il m'a semblé que le cristallin est libre de toute attache dès sa première apparition, observation qui confirme l'opinion d'auteurs plus anciens. Il s'accroît par l'addition de cou- ches concentriques. A peu près en même temps que l'appareil de réfraction se montre le pigment dans la partie la plus interne des cellules de la paroï de la vésicule optique, au contact de la cavité in- terne de cette vésicule. Le pigment s’accumule petit à petit dans cette extrémité de chaque cellule et gagne ensuite les surfaces de contact de cellules voisines (voir fig. VI, p. 163, ocp). Le dépôt de pigment n’a pas lieu sur tout le pourtour de la vésicule. Il prend naissance d’abord dans la paroi la plus voisine du plan médian et des centres nerveux, 166 HERMANN FOL. et s'étend de là graduellement, mais en respectant toujours la por- tion périphérique de la paroi de la vésicule, celle qui regarde les côtés de la tête. De même que pour l’otocyste, l’organe prend naissance indépendamment du centre nerveux, avec lequel il n’entre que plus tard en communication. Quant à sa position première, l’œil apparaît à la base des tentacules naissants, c’est-à-dire en dedans du champ circonscrit par le voile, tandis que l’otocyste se forme en dehors de cette étendue. Les tentacules sont à l’origine de simples protubérances formées par l’ectoderme en dedans du voile. Leur apparition précède celle des yeux, mais vient après celle des otocystes. Les muscles qui les mettent en mouvement, les fibres nerveuses qui mettent les cellules épithéliales en communication avec les centres nerveux, ne se mon- tirent que beaucoup plus tard. Parmi les auteurs récents, Rabl est le seul qui ait accordé quelque attention au développement des organes des sens de nos Pulmonés aquatiques. Ce qu'il rapporte du développement des tentacules et des otocystes concorde, en somme, avec ma description, sauf que l’au- teur allemand ne parle pas des otolithes ni de leur formation et ne mentionne que les nombreuses otoconies. En ce qui concerne l'œil, le désaccord est très grand. Rabl prétend avoir vu le pigment se dé- poser dans les celluies de l’ectoderme et cette région pigmentée se changer ensuite en vésicule par invagination véritable. Telle est du moins, ce me semble, le sens de sa description un peu confuse. Je ne puis absolument admettre la possibilité des processus tels qu'ils nous sont décrits, car j'ai toujours vu la vésicule optique close sur elle-même et séparée de l’ectoderme, avant qu'il s'y déposât le moindre granule de pigment. L'organe est donc tout formé au mo- ment où Rabl a cru le voir prendre naissance par invagination. À ces organes de l’ouïe, du toucher et de la vue, vient encore s'ajouter, vers la fin de la période larvaire, un quatrième organe des sens, découvert chez l'adulte par de Lacaze-Duthiers (CXLV), mais dont le développement embryogénique est encore complètement in- connu; je veux parler de la fossette, probablement olfactive, qui se trouve à l'entrée de la cavité palléale. Chez des larves un peu ayan- cées, nous remarquons, à l'endroit indiqué et du côté vers lequel la coquille se dirige, c’est-à-dire du côté droit ou du côté gauche, sui- vant le sens de l’enroulement, à l'endroit où le bord libre du manteau vient se joindre au corps (pl. IX et X, fig. 47, y), une pette fossette DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS, 167 formée par enfoncement de l’ectoderme. Cette fossette est placée ori- ginairement à côté de l'orifice rénal, dont elle ne se distingue bien nettement que dans une vue de profil. D'abord très évasée, elle s’ap- profondit bientôt et devient infundibuliforme. Ses dimensions très notables, comparées à celles des autres parties de la larve, feraient croire qu'il s'agit de quelque organe considérable; mais la suite montre bientôt qu'à cette formation rapide succède un arrêt de dé- veloppement presque complet. Chez les jeunes, la fossette (pl. XHII et XIV, fig. 4, y) est à peine plus grande que chez les larves, et nous n'avons pas de peine à reconnaître « l'organe spécial » de Lacaze- Duthiers. La fossette est simple chez toutes les larves que j'ai observées ; le dédoublement de l'organe, que le célèbre anato- miste a décrit pour le genre Limnée, doit donc se produire plus tard. Je ne puis m'empêcher, puisque je suis sur ce sujet, d'attirer l’at- tention sur un rapprochement qui s’est imposé en quelque sorte à mon esprit par la comparaison de larves appartenant à des groupes aussi différents que le sont les Ptéropodes et les Pulmonés. Le bour- relet ciliaire qui se trouve à l'entrée de la cavité palléale des Ptéro- podes correspond très exactement par sa position à l'organe de La- caze-Duthiers. L'innervation est presque identique et la fonction est probablement aussi l’olfaction ; les Hétéropodes possèdent aussi un organe semblable et semblablement situé et innervé, que je n’ai pas encore eu l’occasion de décrire. Il en serait de même du Cyclostome, à en juger par le dessin qu'en donne de Lacaze-Duthiers (CXLV, pl. IL, fig. 8, p). Seulement, dans tous ces cas nous avons affaire à un bourrelet vibratile richement innervé, tandis que chez les Pul- monés aquatiques il s’agit d’une fossette également bien fournie de terminaisons nerveuses. Cette simple différence dans la forme de la partie épithélale ou terminale de l'organe peut-elle suffire à séparer des choses à peu près identiques sous tous les autres rapports? Je ne le pense pas, d'autant moins que la forme varie notablement chez des animaux aussi voisins que les Limnées et les Planorbes, ainsi que nous l’apprennent les belles recherches de Lacaze-Duthiers. Il s’agit donc ici, selon moi, d’un organe extrêmement répandu chez les Gastéropodes et qui peut varier de forme, mais présente partout les mêmes connexions et la même innervation. J'ai dit que personne n'avait suivi le développement de cet organe olfactif chez les Pulmonés. Pourtant Rabl le représente sur un 168 HERMANN FOL. dessin d’embryon (fig. 39, A), mais il le prend pour l’anus, qui en réalité se trouve au bord tout opposé de la cavité palléale. LE SYSTÈME NERVEUX CENTRAL se Compose primitivement de deux portions distinctes, les ganglions sus-æsophagiens: ou cérébroïdes et les ganglions pédieux. Les autres parties du système ne se forment que plus tard, soit par différenciation, soit par addition. Nous devons donc nous occuper avant tout de ces masses ganglionnaires primi- tives. Les ganglions cérébroïdes sont difficiles à suivre sur le vivant jusqu’à leur première origine. Si l'on observe des larves chez les- quelles cet organe soit déjà parfaitement distinct et qu'on remonte ensuite en étudiant des larves de plus en plus jeunes, on finit par trouver un stade chez lequel la région de l’ectoderme qui occupe les côtés et le bord supérieur de la bouche paraît épaissie, mais sans que cet épaississement soit bien limité sur son pourtour. Puis les contours se marquent de plus en plus et l’on finit par voir une masse, encore très voisine de l’ectoderme, mais bien individualisée (pl. XI et XI, fig. 6, nc); les états moins avancés sont trop peu nets pour pouvoir être dessinés. Je distingue le premier épaississement à l'époque de ia figure 5 (pl. XI et XII). La forme générale de cet organe est celle d’une double massue, ou, si l’on veui, d’un sac à moitié plein pendant sur les côtés d’une bête ae somme; la portion moyenne rétrécie du sac estreprésentée ici par la commissure dorsale (pl. XI et XII, fig. 6, ncd), tandis que les extrémités pendantes sont formées par les ganglions eux-mêmes des- cendani sur les côtés de l’æœsophage et du pharynx (fig.6,nc).La masse est donc unique dès l’origine. Nous ne voyons pas apparaître d’abord deux ganglions qui se réuniraient après coup par une commissure, car commissure et ganglions paraissent contemporains. Telles sont les choses qui se voient sur le vivant. Pour résoudre la question du feuillet embryonnaire auquel doit se rapporter le blastème de ces ganglions cérébroïdes, il faut consulter les coupes microscopiques. Eh bien, l'examen de ces coupes, même les mieux réussies, ne donne pas une solution aussi satisfaisante qu'on pourrait l’espérer. La peau se montre composée d’unépithélium externe et d’une couche dermique de cellules plus ou moins fusiformes ou étoilées appartenant théori- quement au mésoderme. Or cette couche dermique, d'abord assez mince, s’épaissit rapidement, apparemment aux dépens de l’ecto- derme, Get épaississement est rapide dans la région où va appa- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 169 raître la masse cérébroïde, et, à un moment donné, l'on s'aperçoit que l'épaississement n’est autre chose que cette masse nerveuse elle- même. L'on pourrait donc à la rigueur dire, comme Bobretzky, que ces ganglions se forment dans le mésoderme ; mais il me paraît plus juste de remonter un peu plus haut dans l'histoire de leur dévelop- pement et de dire qu'ils proviennent de l’ectoderme par prolifération interne des cellules de ce dernier. Si le mésoderme dérivait de l’en- toderme, cette question de feuillets ne manquerait pas d'importance. L RS DAS SE PX, R 5 GR | FE Ne ‘A ù O 0 * =? AS % e AD ec 2 2 > OR Ta - D 2 FAO > Q L F1G. VII.— Coupe transversale d'un embryon de Limnæus stagn. de l'âge de celui de la figure 20 (pl. XI), grossie 200 fois. ec, ectoderme ; em, mésoderme ; emn, cellules nucales ; p, le pied; f, ten- tacules; vb, bourrelet voilier; æ, œsophage; &r, radule ; nc, ganglions cérébroïdes; np, gan- glions pédieux. Mais, comme la portion de mésoderme qui constitue les ganglions cérébroïdes dérive certainement de l’ectoderme, la discussion me semble futile. L'origine des ganglions pédieux est assez différente de celle que nous venons de retracer. Ces ganglions se montrent séparés l'un de l'autre, vers les parties latérales du pied, immédiatement en avant du sac de la radule (pl. IX et X, fig. 6, np). Ils ne se relient entre eux et avec les ganglions sus-æsophagiens que longtemps après leur forma- tion. De plus, ils apparaissent comme condensations dans un méso- derme déjà formé et se trouvent plus près du pharynx que de l’ecto- derme au moment où l’on commence à peine à les discerner, Pour 170 HERMANN FOL, ces ganglions, on peut donc bien dire qu'ils prennent origine du mésoderme, sans préjuger la question encore pendante de savoir de quel feuillet primordial dérive la portion de mésoderme qui les constitue. Les deux masses ganglionnaires, une fois constituées, grossissent assez rapidement (pl. IX et X, fig. 17 ne et np) et se relient par des commissures de telle façon que le collier est complet chez les phases des figures 18 (pl. IX et X) et 20 (pl. XI et XII). Étudiés sur des coupes, les ganglions se montrent composés de cellules embryon- naires avec gros noyau ovale et nucléole. Chaque ganglion est par- couru par un faisceau de fibrilles nerveuses qui se trouve sur le pro- longement des commissures. Dans chaque ganglion cérébroïde (fig. VI, p.163, nc\ se distinguent un faisceau qui relie la commissure dorsale àlacommissurelatérale etun faisceau quis’écarte latéralement dans la direction de l'œil. Dans le ganglion pédieux (fig. VIE, #p), on re- marque un faisceau qui se rend de la commissure latérale à la com- missure ventrale et un autre faisceau qui se dirige vers la face ven- trale, mais que je n'ai pu suivre jusqu'à la surface du ganglion. Telle est l’origine des deux premières paires de ganglions, les plus importantes et les plus précoces. Mais à côté de ces centres nerveux s’en montrent bientôt plusieurs autres dont le mode de formation est plus difficile à étudier. Vers la base du tentacule, au-dessous de l'œil déjà formé, entre ce dernier et l’otocyste, j'ai cru remarquer, chez des larves de Planorbis, un épaississement de l’ectoderme (pl. IX et X, fig. 47, z). Si ce tissu appartient réellement au système nerveux, ce pourrait être l'origine du ganglion optique; mais les données posi- tives me manquent complètement et j'en suis réduit aux conjec- tures. À la même époque se montrent d’autres ganglions assez neis et clairement réunis par des commissures aux ganglions sus-æsopha- giens (pl. IX et X, fig. 16, niœ). Ils sont au nombre de trois, dont un médian et deux latéraux, et forment avec la masse cérébroïde un an- neau assez large qui descend vers la région ventrale. Chaque ganglion est bosselé à la surface et de forme peu régulière. Je n'ai réussi à voir nettement cette partie du système nerveux que chez les larves rela- tivement transparentes des Llanorbis, et cela seulement au stade des figures 16 et 17 (pl. IX et X). Plus tard, la région où se trouve cette partie du système nerveux est recouverte par suite de l’enroulement de l'animal et, chez des individus plus jeunes, je n'ai pu découvrir le DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMOXNES. 171 blastème de.ces ganglions. Je ne saurais dire, en conséquence, s'ils dérivent de l’ectoderme ou s'ils se différencient directement au sein du mésoderme. Je pencherais plutôt vers cette dernière supposition. Nous retrouvons plus tard ces ganglions, relativement plus rappro- chés les uns des autres, chez les jeunes Planorbes, et nous verrons qu'au lieu de trois, ils sont arrivés au nombre de cinq. La déter- mipation de cet organe ne présente aucune difficulté; il s'agit évi- demment de ces ganglions dont la description la plus récente et la plus soignée a été faite par de Lacaze-Duthiers (CXLYV, p. 460 et 478; pl. XVII et XX) et que l'illustre naturaliste désigne comme ganglions palléo-génitaux où centre inférieur, asymétrique. Les trois ganglions de nos larves répondent-ils aux cinq ganglions inférieurs de l'adulte ou seulement aux trois du milieu? Devront-ils se dédoubler plus tard ou bien la dernière paire s'ajoute-t-elle aux trois premières masses nerveuses ? J'incline d'autant plus vers cette dernière hypothèse que je ne suis pas bien sûr que nos larves (pl. IX et X, fig. 16) n'aient pas déjà cinq ganglions, dont la paire supérieure serait cachée par la masse cérébroïde ; la commissure s'élargit en cet endroit d'une facon qui fait présumer l'existence de ces ganglions. Je n ai pas suivi la formation des nerfs ; les Pulmonés ne s'y prètent pas. Aucun des auteurs qui se sont occupés de l'embryogénie des Pulmonés n'était parvenu jusqu ici à reconnaître l'origine véritable du système nerveux central. Les indications de Lereboullet (CXX VIII) sont complètement erronées, ainsi que je l'ai déjà montré. Ganine (GXXXIX) déclare que ses recherches sur l'origine du système ner- veux n ont pas encore abouti à un résultat concluant et se borne à émetire comme probable l'opinion que les ganglions centraux pro- viennent de l'ectoderme. Cette opinion, vague et dépourvue de tout détail, ne saurait être considérée comme une donnée positive. E. Ray Lankester (CXLVII) se contente de dire qu'une masse bilobée de cellules se forme dans le champ circonserit par le voile, appa- remment par prolifération locale de l'ectoderme, et devient la paire de ganglions sus-æsophagienne. Cette description aurait pu passer pour exacte, si l'auteur ne nous renvoyait à ses figures 8, 17 et 23, lettres 2g, où se trouvent représentés les amas de cellules mésoder- miques dont j'ai donné la description ci-dessus. L'auteur anglais tombe donc dans la même erreur que Lereboullet et n'a pas su voir les véritables ganglions sus-æsophagiens, qui sont pourtant bien apparents au stade de sa figure 23. 172 HERMANN FOL, L'interprétation de Rabl (CL, p. 206 et 230) est très différente de celle de Lereboullet et Ray Lankester, sans être plus juste que cette dernière. Les ganglions sus-æsophagiens sont pour notre auteur le produit d’une double invagination de l’ectoderme. Nous avons déjà vu que ces invaginations, dont l’auteur méconnaît entièrement la signification, sont simplement les reins primitifs, qui, d’après Rabl, manqueraient aux Pulmonés aquatiques. L’extrémité interne de l’in- vagination est représentée comme renflée en bouton et la série des figures nous montre ce renflement croissant un peu, mais restant toujours beaucoup plus petit que ne le sont les ganglions cérébroïdes. Le renflement paraît correspondre à la portion terminale du rein primitif, celle qui porte l'orifice interne, du moins sur toutes les figures de sa planche VIIT. Quant à la figure 26 de la planche IX de notre auteur, elle représente un ganglion qui ne répond ni par sa forme, ni par ses dimensions, ni même par sa position, au ganglion de la paire supérieure; mais il est impossible de fonder un juge- ment sur des dessins tellement schématiques, qu'ils ne sauraient pré- tendre à une exactitude quelconque. L'origine des ganglions du centre inférieur, que l’auteur nomme «la paire de ganglions viscéraux », est décrite par Rabl d’une ma- nière non moins singulière. L'auteur allemand a bien indiqué que les organes que nous nommons les reins primitifs sont le résultat d'une invagination de l’ectoderme, seulement il n'a pas vu le canal d'invagination et le place là où ce canal n’a jamais existé. L'invagi- nation, aux yeux de Rabl, répond à la partie moyenne élargie en forme de poche de notre rein primitif, et le véritable canal qui dé- bouche à l'extérieur n’est pour lui qu’un second prolongement de la paroi du sac d'invagination, ayant pour but la formation du ganglion viscéral, Ainsi sur ma planche XI et XII, fig. 6, ps serait pour Rabl l'invagination nerveuse, pe serait le prolongement donnant naissance au ganglion sus-æsophagien et pce serait le prolongement qui irait constituer le ganglion viscéral. Néanmoins sur ce dernier point l’au- teur ne s'exprime qu'avec réserve (CL, p. 207). En ce qui concerne enfin les ganglions pédieux, Rabl les a réelle- ment vus et les représente sur ses figures d'une manière parfaitement reconnaissable. Ils se formeraient par épaississement de l’ectoderme en deux endroits distincts. J'ai montré que ces ganglions se différen- cient au sein d’un tissu mésodermique déjà constitué, mais que ce dernier provient peut-être de l’ectoderme. L’assertion de Rabl me DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 173 paraît donc soutenable sans être tout à fait exacte. L'auteur ajoute que les ganglions pédieux sont plus gros et beaucoup plus foncés que les ganglions sus-æsophagiens, partant beaucoup plus faciles à voir (p. 208). D'après mes propres observations, ces deux paires de ganglions présentent très sensiblement le même aspect et les mêmes dimensions ; et comme Rabl a incontestablement vu les gan- glions pédieux, il semblerait que les véritables ganglions sus-æso- phagiens aient échappé complètement à ses recherches. Si les mémoires des auteurs ne nous apprennent pour ainsi dire rien sur l’origine du système nerveux central des Pulmonés, nous sommes en revanche mieux renseignés sur cette partie du dévelop- pement chez d’autres Gastéropodes. Sans insister à cet égard sur les travaux plus anciens, que j'ai précédemment analysés, ni sur mes observations relatives aux Ptéropodes et aux Hétéropodes, que je suppose connues du lecteur, je m’arrête aux données très précises, que renferme le beau mémoire de Bobretzky (CLVII, p. 140). Ces résultats sont obtenus surtout à l’aide de coupes et tendent à prou- ver, d'une manière qui me paraît convaincante, que chez Fusus tous les ganglions du système nerveux central se différencient dans le mésoderme. Je ne mets nullement en doute ces données très posi- tives, je les considère même comme suffisamment prouvées, mais je ne puis, malgré cela, leur attribuer toute l'importance que leur donne le zoologiste russe. En effet, il ressort des recherches mêmes de Bobretzky que les cellules mésodermiques, qui se réunissent pour constituer les ganglions, sont de formation très récente et provien- nent de l’ectoderme. Entre ce cas et celui dans lequel certains gan- glions naissent directement d’une prolifération de l’ectoderme, il n'y à pas à mon avis des différences bien profondes, et ce dernier cas se relie à son tour à celui dans lequel il y a une invagination véritable. Bien loin de trouver une antithèse entre les résultats de Bobretzky et les miens, j'y vois une série très instructive et intéressante au point de vue de la blastogenèse. LE REIN DÉFINITIF et LE CŒUR sont deux organes si bien liés morpho- logiquement et physiologiquement que l’on ne saurait les traiter sé- parément. Le rein est impair dès l’origine chez les Pulmonés. Il se montre à gauche chez les espèces sénestres (pl. IX et X, fig. 15, r) et à droite chezles espèces dextres (pl. XI et XIT, fig. 19, rop).L'organe cor- respondant du côté opposé ne se montre même pas à l’état de rudi- ment, quoiqu il existe chez les Lamellibranches, les Solénoconques 174 | HERMANN FOL. et jusque chez certains Gastéropodes. Le premier blastème de cerein impair est un gros bourrelet de cellules qui part de l’ectoderme et fait saillie dans la cavité du ‘corps, près de l’extrémité inférieure de la larve, à la même hauteur que l'anus, mais tout à fait sur le côté tandis que l'anus se trouve sur la ligne médiane (pl. IX et X, fig. 45, r). C'est donc le feuillet externe qui lui donne naissance. Ce bourrelet se creuse ensuite en un canal qui s'ouvre à l'extérieur (pl. XI et XII, fig. 19, rop) et s’allonge vers la région dorsale et postérieure déjà re- couverte par la coquille (pl. IX et X, fig. 17, r). Pendant ce temps, le cœur apparaît par simple différenciation dans le mésoderme. L'on distingue d'abord une cavité entourée de cellules"plates ; cette cavité se divise en ventricule et oreillette et l'organe commence ses contrac- üons(pl. IX et X, fig. 17, ). Le cœur est entouré de bonne heure d'une enveloppe constituée comme lui-même par le mésoderme ; maïs cette enveloppe ne prend qu'un peu plus tard l'aspect d'une véritable mem- brane continue. Dès que le péricarde est constitué, l’on voit que le canal rénal vient s'ouvrir dans la cavité de cet organe, faisant ainsi communiquer l'espace qui entoure le cœur avec l'extérieur. La dif- férenciation du rein en trois régions et la formation des vaisseaux sanguins n'ont lieu qu'après la fin de la période larvaire. Ganine (CXXXIX) est le premier auteur qui ait fait des observa- üons bien positives sur l’origine des organes qui nous occupent. D'après cet auteur, le péricarde apparaïîtrait le premier sous forme d’une cavité dans le mésoderme. Une prolifération solide de la paroi dorsale du péricarde se creuserait ensuite et se diviserait en deux chambres pour constituer le cœur. Les cellules internes de la proli- fération deviendraient les corpuscules du sang. L'auteur indique très exactement la position de l'organe, en sorte qu'il ne peut y avoir eu de confusion. Je regrette de ne pas pouvoir expliquer et de devoir simplement constater le désacord qui existe entre les résultats de Ganine et les miens, en ce qui concerne l'origine du péricarde et du cœur. La formation du rein définitif par prolifération de l'ectoderme et sa différenciation ultérieure sont indiquées d’une manière Ccon- forme à ce que j'ai vu. E. Ray Lankester (CXLVIT, p. 383) ne fait que mentionner le cœur et le rein, sans indiquer leur origine, et renvoie le lecteur à une figure (pl. XVI, fig. 48) où ces organes seraient représentés. Or cette figure nous montre le cœur (k) dans une position qu'il n'a jamais occupée et le rein (x) sous un aspect et une forme peu reconnais- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. A75 sables. En comparant la figure en question avec ma figure 47 (pl. IX et X) et retournant par l'imagination cette dernière qui se rapporte à un animal sénestre, l’on pourra, je crois, se convaincre aisément que l’auteur anglais a pris le rein primitif pour le cœur, la fossette olfac- tive pour le rein permanent et le rein pour la partie interne de l'in- testin. N'est-il pas singulier que le cœur, si facile à voir chez une larve de l’âge qu'il représente, ait pu échapper complètement à un observateur qui faisait un travail spécial sur l’embryogénie du Lim- née? Il faut, comme je l'ai déjà montré ailleurs (CLVI), que ce tra- vail ait été fait avec une hâte extrême. Rabl (CL, p. 216) a suivi avec soin la formation du cœur et nous le représente dans sa véritable position. Il le fait provenir directement du mésoderme, mais ne fait aucune menton du péricarde. En re- vanche, le développement du rein définitif nous est représenté d’une manière complètement erronée, quoique l'auteur affirme qu'il a «réussi, chez des embryons de Planorbis, non seulement à suivre pas à pas le développement graduel de cet organe important, mais encore à fixer avec précision ses rapports avec les feuillets ». En réalité, la description nous montre que l’auteur n’a su voir l'organe que lors- qu'il est déjà tout constitué et que son origine première lui a com- plètement échappé. En effet, le rein ne prend naissance pour Rabl qu'après la formation du cœur et de la cavité palléale:; il se formerait par invagination de l’ectoderme du bord du manteau et se montre- rait dès l’abord sous forme d'une poche creuse qui irait ensuite en s'approfondissant. Toute cette histoire est illustrée par une série de dessins qui ne laissent rien à désirer sous le rapport de la netteté (pl. IX, fig. 27-30). Le premier rudiment solide de l'organe tel qu'il se montre, chez des larves infiniment plus jeunes que celles où Rabl a cru trouver l’origine du rein, a donc échappé à son observation et la lacune dans les observations positives n’est comblée que par l’ima- gination de l’auteur. Comme point de comparaison, et quoique cela ne rentre pas di- rectement dans notre sujet, je rappellerai que Bobretzky a trouvé l'origine du rein sous forme de cellules ectodermiques modifiées chez des embryons de Prosobranches qui ne présentaient encore point de trace de cavité palléale. Le cœur est indiqué à l’extrémité interne du rein de larves plus avancées, mais l’auteur n'entre dans aucun détail à l'égard de cet organe. Le rein se montre ici plus haut 176 HERMANN FOL. que chez les Pulmonés, ce qui s'explique par l'existence d’un volumi- neux amas de protolécithe. Chez Paludina, Bütschli (CLXXIII) décrit un immense sac qui serait le péricarde. Dans ce sac se formerait ensuite le cœur avec ses deux chambres, tandis que le péricarde se réduirait dans ses dimen- sions. Ce n’est pas ici le lieu de discuter ce point, mais je ne puis m'empêcher de noter que mes observations sur l'espèce en question ne cadrent nullement avec celles de Bütschli et que le grand sac n’est à mes yeux rien moins qu'un péricarde. LA CAVITÉ PALLÉALE n'est, comme chez les autres Gastéropodes, que la poche comprise entre le repli du manteau et le corps et ne se montre que lorsque le bourrelet coquillier a déjà acquis une certaine extension (pl. IX et X, fig. 47 et 18; pl. XI et XII, fig. 20, mc). Cette cavité est toujours située oœæiginairement sur la face ventrale, à gauche chez les genres sénestres (pl. IX et X, fig. 18), à droite chez les genres dextres (pl. XI et XII, fig. 20). L'anus et l’orifice rénal se trouvent dans les angles latéraux de la poche, l'intestin remontant à son bord in- terne, près de la ligne médiane, tandis que le canal rénal suit le bord externe de la cavité palléale et se place ainsi tout à fait dans la ré- gion latérale. Près du rectum, et parallèlement à la direction de ce dernier, la paroi de la poche palléale porte une rangée verticale de gros cils vibratiles (pl. IX et X, fig. 17, mb) qui mettent en mou- vement l’eau dont la poche est remplie. En ce qui concerne les détails de la formation de la cavité palléale et ses relations avec l'extension de la coquille et l'allongement du corps de la larve, je ne pourrais que répéter ici les choses que j'ai déjà longuement exposées au sujet des Ptéropodes (CLII, p. 440) et surtout des Hétéropodes (CLVIIT, p. 126). On trouvera aussi dans les endroits cités quelques considérations sur l'influence qu'a cette ex- tension du rebord du manteau sur la forme générale de la larve. En ce qui concerne plus spécialement les Pulmonés, je me borne à noter que le rebord du manteau est tout couvert de petits cils vibratiles, tandis que la paroi de la poche elle-même n'est ciliée que par places. PULMONÉS TERRESTRES. — Après avoir étudié la période lar- vaire du développement chez les genres aquatiques, il nous reste à décrire la même période pour les genres terrestres. Nous avions laissé les embryons d'Æelix pomatia au point que DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 177 représentent les figures 7 et 8 de la planche XV et XVI. Je passe main- tenant à un stade important, d'autant plus intéressant qu'il est plus passager et qui nous permettra de fixer les homologies des parties de la larve, même pour les autres genres terrestres qui ne pré- sentent pas ce stade. En effet, la jeune larve(pl. XV et XVI, fig. 9)se munit d’une paire de reins larvaires et d'un voile rudimentaire bien caractérisé. La forme générale est à peu de chose près la même que celle d'un embryon avancé (comparer pl. XV, fig. 7 et9; par erreur, cette figure a été mal orientée; il faudrait la retourner pour l’amener dans une posi- tion comparable à celle qui a été adoptée pour les autres planches). L'enfoncement buccal en forme de soucoupe, l'æœsophage étroit et cilié, la protubérance du pied, l’'enfoncement coquillier, le vaste sinus du voile occupent les mêmes positions et présentent à peu près les mêmes proportions. Le deutolécithe est plus considérable dans les cellules de l’entoderme et se montre encore en abondance dans celles de l’ectoderme. Ce qui caractérise surtout cette jeune larve, c'est un rebord saillant qui frappe surtout lorsqu'on examine le contour du corps vu de face (fig. 9, vb). Cette saillie se trouve à la hauteur de la bouche et règne surtout sur les côtés du corps. Elle se prolonge un peu dans la direction de l'ouverture buccale, mais s'arrête avant de l'avoir atteinte. Dans la direction opposée, son ex- tension est encore moins grande, car elle se perd avant d’avoir atteint les deux tiers de la distance qui sépare la bouche de l’enfoncement coquillier. Le bord de la saillie est couvert de cils vibratiles assez gros, mais très courts (fig. 9, vb). La région cihiaire, assez large sur les côtés, s'amincit graduellement et se termine en pointe soit dans la direction de la bouche, soit dans la direction de l’enfoncement coquillier. Au milieu, les cils sont plantés sur plusieurs rangs, tandis que vers les extrémités de chaque bourrelet, ils ne sont plus que sur un rang. La position de ces bandes ciliaires, au niveau de la bouche et s'étendant de là vers l’enfoncement coquillier, correspond très exactement à celle du voile rudimentaire des Pulmonés aquatiques ; seulement, chez /Æ/elix, le voile est encore plus rudimentaire puisqu'il n'atteint plus même la bouche. Il est en outre de bien plus courte durée, puisque au stade suivant il a déjà disparu, tandis que chez les genres terrestres il persiste fort longtemps. Un fait qui vient encore confirmer mon interprétation et la changer en certitude nous est fourni par l'apparition du rein primitif. Cet ARCH. DE ZOOI. EXP. ET GEN. — T. VIII. 1879 et 1880. 12 178 HERMANN FOL. organe se montre peu après le voile, de chaque côté du corps, un peu en arrière du milieu de la distance qui sépare la bouche de l'enfoncement coquillier (pl. XV et XVI, fig. 9, po). Ce sont d’abord de petites fossettes de l’ectoderme qui partent d'un point situé immédiatement au-dessous du bord du voile (je rappelle que la figure 9 a été mal orientée et doit être retournée) pour se diriger obliquement vers la région dorsale et la bouche. La formation de ces invaginations de l’ectoderme est facile à suivre; l’on voit ces petites poches se creuser en un canal fermé en cæcum, et l’on voit à l'évidence que la cavité interne ne cesse pas un seul instant de com- muniquer ouvertement avec l'extérieur. La position de ces organes, comparée à celle du voile et des autres parties de la larve, corres- pond donc exactement à celle des reins larvaires des Pulmonés aqua- tiques ; l’'homologie est complète. Notre larve ne présente, du reste, aucune autre particularité sail- lante, si ce n'est une accumulation de deutolécithe dans une région de l'ectoderme située au-dessous de l'entrée de la bouche (pl. XV et XVI, fig. 9, p\'). Cette région est large au milieu et se termine en pointe de chaque côté (voir aussi pl. XV et XVI, fig. 10, p\’). Une au- tre région dans laquelle les cellules de l’ectoderme sont remplies de globes de deutolécithe se trouve immédiatement au-dessus de l’en- trée de la bouche (fig. 10, æs\). Ici, les globules sont, en somme, placés suivant des lignes divergentes à cause de l’arrangement égale- ment radiaire des cellules. Ces détails peuvent être utiles comme points de repère, mais n’ont pas d'autre importance. Chez Limax et chez Arion, la jeune larve, d'un stade correspondant à celui que je viens de décrire pour /Æelix, ressemble beaucoup à cette dernière et, à part quelques petites différences de proportion, elle ne s’en distingue que par l'absence complète du voile et par l'enfonce- ment coquillier qui est déjà refermé. En fait de voile, je n’ai rien pu trouver, même en cherchant attentivement à l’éndroit où l'Escargot présente un rudiment de cet organe. La portion de la surface, qui répond au champ voilier d'Æelix et des autres Gastéropodes, est énormément gonflée et distendue, comme chez Æelix, et constitue un vaste sinus voilier. Gegenbaur (LXXVIIT) passe rapidement sur ces stades peu avancés du développement chez Limax et Clausilia. Sa figure 13 (pl. XI), qui semble appartenir à cet âge, laisserait peut-être deviner en ec la pré- sence d’un bourrelet voilier chez ce dernier genre. Il paraît que l'en- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 179 foncement coquillier de Clausilia se referme de très bonne heure, comme chez Zimax, et que le sinus du voile est très petit, à moins que les exemplaires examinés n'aient subi une perforation du sinus, qui se produit si facilement lorsque l'œuf est manipulé sans de . grandes précautions. Ce sont des larves à sinus perforé et plus ou moins ratatiné que v. Jhering (GLI) a eues sous les yeux et qu'il a dessinées sur ses figures 6 et 7. L'auteur a, du reste, fort bien reconnu l'enfon- cement coquillier, l'entoderme à grosses cellules, le pied et la bouche. A l'entrée de cette dernière, il décrit un bourrelet vertical, garni de cils vibratiles et qu'il considère comme un rudiment de voile. Je donnerai plus loin une description de ce bourrelet et j'exa- minerai en même temps s’il peut avoir quelque relation avec l’or- gane en question. Les véritables bourrelets voiliers, situés sur les côtés de la larve, ont complètement échappé au savant malacolo- giste. Nous allons maintenant reprendre successivement les divers sys- tèmes d'organes pour étudier les modifications qu'ils subissent depuis le commencement jusqu’à la fin de la période iarvaire. Le prEp passe de la forme de bosse à celle d'un cône de plus en plus allongé (voir, pour Æeliz, pl. XV et XVI, fig. 7, 11 et 12 ; pl. XVII et X VIIL,, fig. 15, p; et pour Limax, pl. XVII et XVIII, fig. 5 et T, p). L’ectoderme, formé d’un épithélium régulier, est tapissé intérieu- rement par un tissu de cellules mésodermiques étoilées (pl. XV et XVI, fig. 12, em). Ces cellules sont très espacées, bien que reliées entre elles par leurs prolongements, et se trouvent toutes près de la surface, laissant libre tout l'intérieur de l'organe qui n’est oc- cupé que par un vaste sinus. Plus tard, le pied continue à s’allonger et se rapproche de la forme cylinärique. Son extrémité libre se gonfle démesurément ; l’ecto- derme de la portion gonflée devient extrèmement mince et les cellu- les, de cylindriques qu’elles étaient, deviennent aplaties, à contour polygonal. Les cellules mésodermiques étoilées deviennent plus nom- breuses et plus grandes et finissent par relier les parois opposées de la vésicule. Dès son apparition, ce sinus présente des contractions à rythme irrégulier, mais aiternant avec les contractions de la région dorsale. C'est le sinus contractile du pied, organe larvaire qui ne dis- paraîtra qu'au moment de l’éclosion. La forme de ce sinus varie d'un genre à l’autre. Chez Helix pomatia, toute l'extrémité du pied se trans- 180 HERMANN FOL. forme en une poche aplatie en forme de palette {pl. XVIT et XVII, fig. 16, kp) qui s'étend rapidement. Vers la fin de la période larvaire, cette excroissance foliacée du pied est tellement étendue, qu'elle ta- pisse intérieurement toute l'étendue de la membrane de l'œuf, recou- vrant l'embryon comme un vaste manteau. Son étendue est même si grande, que ses bords empiètent l’un sur l’autre et qu'une partie de la surface de l'œuf en est tapissée à double. L’épaisseur du sinus con- F16. VIII. — Embryon d'AÆelir pomatia vivant, dessiné à la chambre claire et grossi 20 fois. Z, la bouche ; £n, le sinus du voile ; em, le mésoderme ; gb, le bourrelet coquillier ; me, la cavité pal- léale ; mco, l'entrée de la cavité palléale ; km, le cœur larvaire ; kp, le sinus du pied; p, le pied; S, la cavité digestive ; s, la poche nourricière ; ne, le ganglion cérébroiïde ; oc, la vésicule oculaire. tractile est faible et assez uniforme. Les parois, formées d'un ecto- derme mince (pl. XV et XVI, fig. 13, ec), sont réunies par les cel- lules contractiles, perpendiculaires à la surface, et s’attachant aux parois opposées par leurs extrémités ramifiées (pl. XV et XVI, fig. 43, em). Tant que le sinus est petit, il se contracte tout à la fois; mais, quand il a acquis son extension, ses contractions sont successives et presque péristaltiques. Chez Limax maximus, le sinus contractile du pied présente à peu près la même forme que chez Helix, mais il est beaucoup moins vaste que chez ce dernier genre (pl. XVII et XVIII, fig. 13, p). Le pied est assez long, tandis que chez l'Estargot il est, à un certain moment, DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 181 presque tout transformé en vésicule contractile. Les contours du sinus de la Limace font penser à’un cœur de cartes où l’échancrure serait occupée par le pied. Chez Arion empiricorum (var. rufus), le sinus pédieux a la forme d’un boyau terminé en cœcum (pl. XVIT et X VII, fig. 14, kp); il est donc cylindrique au lieu d’être foliacé, comme chez les genres précédents. Les cellules contractiles étoilées ne s'étendent pas au travers de la cävité, mais forment seulement une couche de tissu réticulaire sur toute la surface interne de l’ecto- derme. Il existe une certaine corrélation entre le développement du sinus du pied et celui du sinus voiziEr. Ce dernier répond, comme nous l'avons vu, au champ circonscrit par le bourrelet du voile; la preuve de ce rapport est fournie par Æelx, qui possède à la fois, pendant un certain temps, le bourrelet et le sinus (voir pl. XV et XVI, fig. 9). Si l’on vient à crever la paroi du sinus voilier, son contenu s'échappe au de- hors, la paroi se ratatine et l’on voit alors qu’elle ne s'étend pas tout à fait jusqu'à la bouche ni jusqu'à l’enfoncement coquillier (pl. XV et XVI, fig. 11, kn). Il est vrai que plus tard le sinus, toujours plus gonflé, semble atteindre la bouche et l'enfoncement coquillier, mais les connexions de l'organe, avant qu'il ait ses dimensions extrêmes, indiquent clairement que nous devons le considérer comme n'étant originairement qu’un voile transformé. Chez les Céphalophores ma- rins, le voile sert à la fois à la locomotion et à la circulation larvaires; chez les Pulmonés terrestres, il a perdu la première de ces fonctions et ne remplit plus que la seconde. Sa forme et sa structure se sont modifiées en conséquence. Le sinus est, pendant un certain temps, tellement distendu, qu’il comprend non seulement toute la région du voile, mais encore les côtés et la partie dorsale de la larve jusqu'à l’'enfoncement coquillier (pl. XV et XVI, fig. 12, et pl. XVII et XVIII, fig. 15, kn). Plus tard, il se met à croître moins vite que le reste de l'organisme, en sorte que son importance relative diminue. Le sinus voilier est circonscrit d’abord par une simple membrane ectodermique formée de cellules tout à fait plates, étalées, polygo- nales lorsqu'on les regarde par la surface (pl. XV et XVI, fig. 12). Chacune de ces cellules possède un noyau (pl. XVII et XVIII fig. 8, y) que l’on voit assez facilement chez de jeunes larves. Autour de ce noyau se trouve le protoplasme cellulaire granuleux dans lequel ap- paraissent de très bonne heure des globules de deutolécithe (pl. XVII et XVIII, fig. 8, X). Ces globules croissent promptement et quelques- 182 HERMANN FOL. uns d'entre eux prennent un développement plus rapide que les au- tres (pl. XV et XVI, fig 12, À’). Il semble que les globules se fu- sionnent entre eux, car, chez des larves plus avancées, l'on ne trouve dans chaque cellule qu'un gros globule entouré d'autres très petits (pl. XVII et XVIII, fig. 15, x). Ce deutolécithe, accumulé dans le voisinage le plus immédiat du noyau, cache ce dernier aux regards ; par les réactifs et la coloration élective, l’on peut cepen- dant s'assurer que le cytoblaste ne disparaît pas. Le deutolécithe contenu dans cette partie de l'ectoderme diminue et se résorbe vers la fin de la vie larvaire. Le mésoderme à cellules étoilées manque dans le sinus voilier des jeunes larves (pl. XV et XV], fig. 9) et ne se rencontre qu’à la base du sinus, à la hauteur du bourrelet ciliaire du voile. Ensuite, ce tissu s'étend de proche en proche dans tout l'espace compris entre le tube digestif et la région avoisinante des parois du sinus (pl. XV et XVI, fig. 12, em). Continuant encore à se multiplier et à s'étendre, ces cellules étoilées forment des traînées à travers le sinus, surtout dans sa partie supérieure (pl. XVII et XVIIL, fig 16, em, et fig. 14, em), et finissent par constituer un réseau continu qui occupe toute l'étendue du sinus. L’entoderme est relié de la sorte à l’ectoderme par le tissu contractile, qui produit les battements du sinus en atten- dant de se transformer en muscles et tissu conjonctif. Tous les Pulmonés terrestres que j'ai étudiés se comportent exac- tement de même qu'Aelir pomatia, quant au développement de leur sinus voilier. Il n'y a que de petites différences de proportion; ainsi, le sinus est relativement moins grand chez Limax agrestis et Arion, un peu plus grand chez Limax maximus. L’embryon de la figure 7, pl. XVII et XVII, est un de ceux chez lesquels la paroi du sinus a été crevée et où l'ouverture s’est cicatrisée ; il n'indique donc pas les vraies proportions pour Limax maximus. L'on remarquera que, dans ce cas anormal, les cellules contractiles étoilées (em) s'étendent plus vite à travers le sinus réduit par accident. L'ectoderme du sinus pré- sente chez cette espèce un petit enfoncement très constant et placé en avant de la bouche (pl. XVII et XVIIL, fig. 43, *). J'ignore quelle peut être la signification de cette petite excavation. Le sinus voilier se développe le premier et atteint sa plus grande extension avant que celui du pied commence à se montrer (pl. XVII et XVIII, fig. 45). Au moment où le sinus contractile du pied se gonfle, celui de la nuque diminue d'autant et ne reprend sa dimension pre- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 183 mière que dans les moments où le sinus pédieux est contracté.Pendant fort longtemps, les deux vésicules opposées ont des pulsations alter- nantes et se renvoient ainsi le liquide nourricier que contient la ca- vité du corps. Cependant, le sinus du pied augmente constamment, tandis que celui de la nuque présente une diminution relative qui est surtout sensible chez les genres à coquille externe. Vers l’époque de l’éclosion, les deux sinus disparaissent; ils se vident, se ratati- nent et les derniers restes sont envahis par les tissus mésodermiques avoisinants. Les sinus contractiles du voile et du pied ont été fort bien vus et décrits par les auteurs anciens qui ont traité le développement des Pulmonés terrestres et en particulier par Gegenbaur (LXX VIII), qui a fort bien compris la disposition des cellules contractiles. Aucun de ces auteurs ne pouvait comprendre les homologies du sinus de la nuque avec la région du voile des autres Gastéropodes, puisque le bourrelet vibratile du bord du voile avait échappé à leur observation. C. Vogt (voir CLVI, p. XXX VIIL) indique bien d’une manière générale l'existence d’un voile chez les Pulmonés, mais ses indications trop générales ne permettent pas de juger si l’homologue de cet organe chez les Pulmonés terrestres a été réellement vu. D’après v. Jhering (CLI), les larves d'Helix pomatia n'auraient pas de voile véritable ; il ne leur resterait de cet organe qu'un petit ru- diment sous forme d’une crête garnie de cils vibratiles qui occupe le côté dorsal de l'entrée de la bouche. L'on peut discuter la question de savoir si cette crête ciliaire dérive ou non d’une petite portion du voile, mais il serait faux de donner sans autre à la crête elle-même le nom de vorle, comme le fait Jhering. Cette erreur trouve son ex- cuse dans le fait que l’auteur que je critique n’a pas aperçu le véri- table bourrelet voilier des larves d’Æelix. Les cellules étoilées du sinus voilier sont indiquées sur sa figure 10, mais d’une manière qui ne ressemble guère à la réalité ! H. v. Jhering indique en quelques mots la croissance du pied et le sinus pédieux, mais sans entrer dans aucun détail à cet égard. Ses dessins se rapportent à des larves dont l’ectoderme doit avoir été perforé en quelque endroit, car les sinus sont affaissés. LA COQUILLE et LE MANTEAU des genres à coquille externe se for- ment de la manière que j'ai déjà amplement décrite pour d’autres Gastéropodes (CLVIIT, p. 21). L’enfoncement coquillier persiste très longtemps chez Zelix (pl. XVIL, fig. 16, qi) ; il est infundibuliforme et 184 HERMANN FOL. son extrémité interne est attachée à l’'entoderme. Cette attache pro- duit à la fois l'allongement et la persistance de l'enfoncement coquil- lier et, d'autre part, elle maintient un petit prolongement en cæcum de l'extrémité inférieure de la cavité stomacale. Plus tard, l’attache, composée d'un cordon de cellules, s'étire (pl. XVII et XVII, fig. 16) et finit par se rompre, laissant ainsi l’enfoncement coquillier s’étaler et la cavité digestive reprendre une forme arrondie. La larve étant très grosse au moment où la coquille commence à se former, cette der- nière a dès l’abord un rayon considérable. L'apparition et l'extension de la coquille et du bourrelet qui la sécrète ne méritent aucune mention spéciale. A mesure que le bourrelet coquillier remonte du côté dorsal, le sinus voilier diminue, sans que le bourrelet se déta- che du corps pour former un manteau. Le repli du manteau ne s'étend que plus tard au côté dorsal. Du côté ventral, par contre, le bourrelet coquillier se détache presque aussitôt de la paroi du corps pour former la duplicature du manteau qui recouvre la cavité palléale. Cette cavité, qui commence déjà à se montrer avant l'apparition du manteau, est située à droite de la ligne médiane (puisque le genre Âelix est dextre), et laisse le rectum et l'anus à son bord interne. Le bord du manteau atteint bientôt la base du pied, et la cavité palléale est déjetée vers la droite, en même temps qu'elle s'élargit progressivement. Le premier rudiment de la cavité palléale se montre, comme je l'ai dit, avant l'apparition du manteau, et cette première excavation est en relation intime avec un organe transitoire, le cœur larvaire, que je vais décrire. Au milieu de la face ventrale, immédiatement au-dessous du pied, la larve d’Æelir pomatia présente de très bonne heure une protubérance creuse (pl. XV et XVI, fig. 19, zm). L'ecto- derme très mince de cette région se soulève un peu, et l’espace qu'il recouvre est traversé par des cellules étoilées qui s'attachent par leurs extrémités à l'ectoderme et à l'entoderme. La saillie s’accentue et se délimite nettement, en prenant la forme d'un œuf de poule fendu en long (pl. XVII et XVIII, fig. 45, km). On remarque, en même temps, que l'organe se place un peu à droite de la ligne médiane et que la base du pied est plus élevée à gauche qu'à droite. Un peu plus tard, le cœur larvaire se montre encore plus dévié vers la droite (pl. XVII et XVIIL, fig. 16, km), et la région comprise entre l'anus, la base du pied et le cœur provisoire présente une excavation de plus en plus profonde (fig. 16, mc). C’est l'origine de la cavité palléale, qui prend DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 185 donc naissance un peu à droite de la ligne médiane, mais à gauche du cœur larvaire, entre le pied et l'anus. A mesure que l’enfoncement s’accentue, le cœur larvaire s'éloigne de la surface et rentre dans la fossette palléale, aux parois de laquelle il appartient. Cette fossette s'étend sur les côtés et jusqu'en dessous de l'anus, mais reste peu profonde, jusqu'au moment où le bord du manteau vient la recou- vrir et la transformer en poche étroite. Le cœur larvaire, agrandi et surtout allongé, occupe alors tout le côté interne de cette cavité profonde qu'il remplit en partie (voir p. 180, fig. VIII, km). Les battements du cœur larvaire sont réguliers et commencent de très bonne heure. Dès que l'organe est visible, il présente des con- tractions capricieuses qui deviennent rythmiques au stade de la figure 45 (pl. XVII et XVIID), et sont ensuite toujours plus fréquentes et plus régulières. Ces battements sont ondulatoires ; la contraction a lieu suivant une ligne transversale, et commence à une extrémité du cœur pour se transporter successivement jusqu'à l’autre extré- mité. Au stade de la figure VIII, le cœur étant très allongé et les battements fréquents, l’on voit en général trois points de contraction à la fois, trois ondes, dont la première atteindra l'extrémité de l'organe au moment où une nouvelle commencera à l’autre extrémité. Ces battements ressemblent beaucoup à ceux du cœur d’une Ascidie ou d’une Salpe, sauf qu'ils progressent toujours dans la même direc- tion. L'on comprendra mieux leur mécanisme en étudiant la texture de l'organe. A l'origine, le cœur larvaire ne comprend que l’ectoderme et les cellules mésodermiques étoilées (pl. XV et XVI, fig. 12, km). Mais bientôt l’ectoderme se dédouble en deux couches dont l’une, externe, forme le revêtement épidermique, tandis que l’autre, sous-jacente, prend un arrangement régulier qui aboutira à la formation d'un tissu musculaire (pl. XVII et XVIIL, fig. 15, ). Les cellules de cette couche s’allongent dans le sens perpendiculaire au grand axe de l'organe et se placent suivant des lignes transversales ; puis elles donnent naïs- sance à des fibres musculaires transversales, sans doute par soudure bout à bout des cellules de chaque rangée. C'est la contraction suc- cessive de ces fibres qui produit les battements ondulatoires. Les cellules étoilées, qui s’attachent à l’entoderme et à l’ectoderme, existent encore et sont plus longues, mais elles ne sont ni plus nombreuses ni plus fortes qu’à l’origine et ne paraissent pas con- tribuer d'une manière notable à la production des battements. J'ai 186 HERMANN FOL. compté de 24 à 40 pulsations à la minute, tandis que les sinus du pied et du voile ne se contractent guère que dix fois par minute. Le cœur larvaire subsiste assez longtemps et se montre encore en pleine activité au moment où le cœur véritable commence ses batte- ments. Bientôt après 1l disparait, tandis que le cœur définitif croît rapidement. Comme ces deux organes sont très voisins l’un de l’autre, on pourrait être tenté de les confondre, si l’on ne pouvait constater pendant un certain temps leur existence simultanée et leurs battements indépendants. Les Pulmonés terrestres à coquille interne ne paraissent pas avoir de cœur larvaire ; je ne l’ai du moins trouvé ni chez Limax ni chez Aron. La coquille se forme, naturellement, d’après un procédé tout diffé- rent, suivant qu'elle est externe ou qu'elle reste interne. Chex Æebhx, l’'enfoncement coquillier conserve pendant longtemps une forme de cornet ou d’entonnoir (pl. XVII et XVILL, fig. 15, gi) dont l'entrée est entourée d’un bourrelet. Tant que le fond de la cavité reste attaché à l'entoderme par une sorte de ligament mésodermique, cette forme persiste et la coquille ne se montre pas (pl. XVII et XVII, fig. 16, gi). Le ligament une fois rompu, l'enfoncement se retourne et se change en une calotte proéminente, aussitôt recouverte par le commence- ment de la coquille. La base de la proéminence est entourée d’un bourrelet épais et très large qui couvre Le bord de la coquille (fig. VIT, p. 180). C’est Le bourrelet coquiller, qui se trouve aussi chez les autres Gastéropodes, mais présente ici une puissance tout à fait exception- nelle. Ce bourrelet ne s'étend cependant jamais au point de recouvrir toute la coquille, comme Gegenbaur (LXX VII) croit l'avoir observé chez Clausilia, et tend à diminuer relativement à mesure que la co- quille s'agrandit. La formation de cet organe de protection est du reste conforme à ce que nous en savons pour les autres Gastéropodes. Chez ZLimazx et Arion, les choses se passent tout autrement. La cavité coquillère, qui s’est déjà close pendant la période embryon- naire, présente maintenant dans son intérieur des cristaux isolés de carbonate de chaux (pl. XVII et XVIIT, fig. 7, g), qui m'ont paru être de l’aragonite. Ces cristaux deviennent toujours plus nombreux et s’arrangent les uns à côté des autres en une sorte de plaque (pl. XVII, fig. 143, q); ils paraissent reliés et tenus en place par une substance organique. Le sac coquillier est clos de toutes parts ; il s'étend en largeur et en longueur, mais sa paroi; composée d’un épithélum DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 157 simple, ne présente jamais de solution de continuité. La coquille interne reste toujours très petite et le manteau, fort insignifiant, se constitue d'une autre façon. Nous ne retrouvons pas ici le bourrelet coquilliér s’avançant rapidement et se détachant ensuite de la paroi du corps. Ce rebord se trouve supprimé dès le moment de la ferme- ture de l’enfoncement coquillier, et ce que l’on nomme /e bouclier chez les Limaces n’est qu'un élargissement, en forme de chapeau de champignon, de la portion de la peau qui se trouve au-delà des bords de la coquille interne (pl. XVII et XVIII, fig. 13, m). C'est donc une chose à part, que l’on a raison de désigner par un terme spécial; ce bouclier reste toujours très petit, tandis que le pied prend un grand accroissement et sert à loger une partie des organes qui, chez d’autres Mollusques, trouvent place dans la coquille. La cavité pal- léale conserve aussi des dimensions très réduites, et paraît se trans- former plus tard tout entière en poumon. L'invagination de l’ectoderme, que nous appelons l’enfoncement coquillier, était inconnue aux auteurs anciens. Ils ignoraient donc l'origine du sac clos dans lequel prend naissance la coquille interne des Limaces. Pour les genres à coquille externe, l’on ne doutait pas que cette coquille n’apparût sur la surface. Gegenbaur seul (LXX VIIT) soutint que, chez Clausilia, la coquille se forme dans un sac clos, comme chez les Limaces, et devient ensuite externe par rupture des tissus qui la recouvrent. Nous avons vu que chez Helix la coquille est certainement externe dès l’abord, mais que le bourrelet coquillier est très large, ce qui donne à la coquille encore très jeune une fausse apparence de coquille interne. En serait-il de même chez Clausilia ? À priori, cette supposition paraît assez plausible ; mais il serait imprudent de mettre en doute, pour de simples motifs d’ana- logie, les données positives d’un observateur aussi sagace. Jhering (CLI, p. 14) ne connaît pas non plus l’enfoncement coquil- lier, et voit l’origine du manteau dans un épaississement et non dans un enfoncement de l’ectoderme. Gette coquille ne se trouverait pas originairement à la surface; elle serait recouverte d’un épiderme mince, qui se déchirerait lorsque la coquille a atteint une certaine dimension. Ces données étant relatives à Æelix et particulièrement à Helix pomatia, l'espèce même que j'ai étudiée, je ne puis conserver aucun doute sur leur inexactitude. Je répète que, chez ce genre, la coquille est externe dès l’abord ; mais, comme le bourrelet coquillier est très large, l’on peut facilement se laisser induire en erreur si 188 HERMANN FOL. l’on ne considère pas des coupes optiques passant par le milieu même de la coquille naissante. Les REINS LARVAIRES s’allongent progressivement en se dirigeant vers les côtés de l'æsophage, mais un peu en arrière, c’est-à-dire du côté dorsal (pl. XV et XVI, fig. 12, et pl. XVII et XVIIL, fig. 45, p). Les parois du tube sont formées d’un simple épithélium, et son extrémité interne est fermée en cæcum ; je n'ai du moins pu y découvrir la moindre ouverture. L'organe, gagnant toujours en lon- gueur, se recourbe en arc de cercle (pl. XVIT et XVIIL, fig. 7, 14 et 16, pe). Son extrémité interne est noyée dans un tissu mésodermique à cellules étoilées, qui la cache bientôt aux regards (pl. XVII et XVIII, RSS =] \! TS ll ‘AL RSS K N NS NS TES N à N SES \ NS } k à 7 { EE SSS, De à ! See. KW EY NÉ + ; LES à 1 : RS NN S “it SS SR IN | SR Ê h # LR Î ” ‘ FiG. IX. — Région moyenne d'un embryon de Limax maxzimus, dessinée d'après le vivant et grossie 50 fois. B, la bouche; &, l’æsophage : ærs, la sac de la radule ; æs, la saillie ciliaire lon- gitudinale de l'entrée de l’œsophage; Æn, le sinus du voile; emn, les cellules mésodermiques qui entourent l'extrémité interne du rein larvaire; #, le rein larvaire ; em, le mésoderme ; oc, la vésicule oculaire ; nc, l'invagination du ganglion cérébroïde; p, le pied, fig. 16, emn, et fig. IX, p. 188). Cette extrémité est-elle maintenant percée d’un pore vibratile ? Je ne le crois pas ; mais je ne puis rien affirmer à cet égard, puisque une ouverture ne serait pas visible si elle existait. L'orifice externe est large et très facile à voir (pl. XVII, fig. 7 et 14, po). Le calibre du canal reste assez uniforme et ne présente pas de renflement en forme d’ampoule. Les concrétions uriques commencent assez tard à se montrer dans chacune des cel- lules de l'organe, et ne manquent que dans la partie la plus voisine de l'orifice externe. Ces concrétions deviennent toujours plus grosses, DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 139 tandis que l’organe se recourbe d’une manière irrégulière (pl. XVII. fig. 13, p). L'orifice diminue et finit par disparaître, le tube s’aplatit, prend les formes les plus diverses et serait méconnaissable, sans les concrétions qui ont cessé de croître, mais conservent encore leurs dimensions. Enfin la résorption des derniers restes se complète, l'organe disparaît sans laisser de traces et les concrétions sont dispersées ou absorbées ; elles ne sont pas expulsées, mais restent dans l'organisme. Ces phénomènes se passent tout à la fin de la période larvaire. Le rein larvaire des Pulmonés terrestres est connu depuis fort longtemps. Les premiers auteurs qui en aient fait mention le pre- naient pour un organe définitif et non transitoire, ce qui donna lieu à des idées fort erronées. Gegenbaur et 0. Schmidt furent les pre- miers à reconnaître sa véritable signification, et le premier de ces ‘auteurs (LXXVIIT) en donna une description détaillée, accompagnée de figures. La forme générale de l'organe, son orifice externe, son histologie et l’histoire de sa dégénérescence sont parfaitement dé- crits par Gegenbaur, qui reconnut en outre que les concrétions uriques se déposent dans l’intérieur des cellules, dans ces « vésicules excrétoires » déjà indiquées par Meckel. Pas plus que moi, l'illustre anatomiste n’a réussi à découvrir un orifice interne chez les Pulmonés terrestres, ni des cils vibratiles, le long du canal. Les diverticules qu'il représente sur la paroi du rein larvaire des Limaces n'existent pas, selon moi. Tout au plus y a-t-il des plissements irréguliers au moment où l'organe tombe en dégénérescence. Jhering (CLI) n’entre pas dans la description du rein larvaire chez Helix. Ses dessins sont loin de donner une idée exacte de la forme, de la position et des relations de cet organe. Le TUBE DIGESTIF est plus simple et plus facile à comprendre chez les Pulmonés terrestres que chez les genres aquatiques. L'entrée de la bouche, très évasée, mène dans un œsophage étroit, mais facile à trouver. Bientôt l’'enfoncement buccal se sépare en deux ouvertures, dont l’une (pl. XV et XVI, fig. 12, b) est l'entrée de l'æœsophage devenu plus large, l’autre (fig. 12, œrs) aboutit à un petit cæcum qui devien- dra le sac de la radule. La poche de la radule débouche donc à l’ori- gine directement au dehors, au lieu de n'être qu'un diverticule de l’æsophage, comme chez tous les autres Pulmonés. La Limace même (pl. XVIT et XVII, fig. 7, ærs) et l’Arion (pl. XVII, fig. 14, ærs) se com- portent, sous Ce rapport, comme les autres Gastéropodes. J'attribue 190 HERMANN FOL. cette anomalie des larves d’Æelix au gonfiement extrême de leur corps, qui maintient à la surface ces parties qui devraient autrement se trouver à l'intérieur. Quoi qu'il en soit, cette petite poche devient toujours plus profonde (pl. XVII, fig. 15, ærs) et rentre ensuite de manière à déboucher dans l’æsophage (pl. XVII fig. 16, ærs). La radule elle-même prend naissance par les mêmes procédés que chez les Pulmonés aquatiques. Pendant que la poche de la radule se forme au côté ventral de l'æsophage, la paroi dorsale de ce canal donne naissance à une crête longitudinale couverte de gros cils vibratiles. Une protubérance à l'entrée de la bouche s’observe de très bonne heure (pl. XV et XVI, fig. 8, æs) et se montre bientôt garnie de cils ; mais la forme de crête longitudinale et la grosseur des cils vibratiles ne s’accentuent qu’au stade de la figure 16 (pl. XVII et XVIIL ; voir à la lettre æs). Chez Limaz, la crête est plus précoce (pl. XVIT, fig. 5, æs) et peut-être aussi plus saillante que chez Helix. Sur une coupe transver- sale (fig. X, æs), elle se montre composée de cellules coniques disposées en éventail, les poin- Fi. XI. — Coupe transversale par l'extrémité teS de tous ces cônes se ren- buccale d'un embryon de Limazr mazximus prêt Ê , à éclore, grossie 175 fois. æs, la crète ciliaire contrant au pomi d'attache de ere do ten ee de la bouche; em. le ]'oroane, tandis que leurs bases, dirigées vers l'extérieur, portent les gros cils vibratiles. Cet organe n'est pas larvaire, car il survit à la métamorphose et se rencontre chez de jeunes exemplaires long- temps après l'éclosion. La signification morphologique de cette crête ciliaire semble diffi- cile à établir. On pourrait, à première vue, être tenté de croire que son origine se rattache au bourrelet ciliaire du voile ; mais un examen plus attenüf rend cette interprétation bien peu probable. En effet, le bourrelet ciliaire passe généralement sans interruption à quelque distance au-dessus de l'ouverture buccale et ne vient jamais s'en- gager dans cette dernière; chez les Ptéropodes, nous avons reconnu l'existence indépendante du voile et d'une saillie garnie de cils qui occupe l'entrée de l’æœsophage du côté dorsal et, à ce propos, j'ai déjà attiré l'attention sur les homologies de cette saillie (CLIT, p. 128). Chez Felix, elle n'a aucune relation avec les rudiments du voile. À DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 191 Nous avons donc affaire, selon toute probabilité, à un organe indé- pendant dont la fréquence, chez les divers types de Gastéropodes, est encore à établir. Quant à sa signification physiologique, il ne semble pas possible de l'expliquer autrement qu'en admettant que ce soit un organe de déglutition. L'œsophage, très étroit chez la jeune larve, s’élargit bientôt, mais sans gagner d'abord en longueur (pl. XV, fig. 12, et pl. XVII, fig. 7, 44 et 15); il semble, au contraire, se raccourcir en proportion de son élargissement. L'enfoncement secondaire de la région buccale avec le sac de la radule a pour conséquence de faire descendre l’æso- phage dans la profondeur, son entrée se trouvant au fond de l’en- foncement secondaire. Les parois de ce canal se dédoublent plus tard en épithélium et tunique musculaire ; il ne prend sa forme dé- finitive qu'à l'époque de la métamorphose de l'estomac. La cavité stomacale perd petit à petit la forme ronde qu'elle avait chez la jeune larve et devient allongée (pl. XV et XVI, fig. 41 et 12, S). Dans toute la partie supérieure, le dépôt de deutolécithe contenu dans les cellules entodermiques va sans cesse en augmentant et ces cellules deviennent toujours plus grosses. Dans l'extrémité inférieure, au contraire, le deutolécithe, déjà peu abondant, que renfermaient les cellules de la paroi, diminue et disparaît (pl. XV, fig. 12, et pl. XVII, fig. 7, S). Cette différenciation de la paroi stomacale en deux régions dont l’une est formée d'un épithélium simple, tandis que l’autre est modifiée par le deutolécithe, est un fait que nous avôns déjà con- staté chez les Pulmonés aquatiques ; mais il y a cette différence, que la cavité stomacale des genres terrestres ne présente pas deux lobes, comme celle des genres aquatiques, et conserve fort longtemps une forme simplement arrondie. Cette forme varie du reste d’un genre à l’autre ; ainsi chez Æelix, où la bouche et l'anus sont plus éloignés l'un de l’autre, la cavité stomacale est plus allongée (pl. XVIL et XVII, fig. 15 et 16, S); chez les Limaces, où l'anus est plus voisin de la bouche, la cavité s'étale plutôt en largeur (pl. XVII, fig. 7 et 14, S). Il y a même chez Zimazx (pl. XVII, fig. 7) une faible indication de deux lobes sur les côtés de la ligne ventrale, mais ces saïllies ne tar- dent pas à s’effacer. L'intestin n'est, à l’origine, qu'une excroissance creuse de la paroi stomacale dans la région postérieure moins garnie de deutolécithe. Cette poche prend naissance chez la larve toute jeune (pl. XV et XVI, fig. 9) d'Aelix, où son origine est difficile à étudier. Chez Limax, j'ai 192 HERMANN FOL. pu suivre pas à pas l'apparition et les progrès de cette boursouflure de la paroi ; elle commence chez des larves un peu moins avancées que celle de la figure 7 (pl. XVIT). L'intestin récemment formé est toujours difficile à voir; on peut cependant le mettre en évidence en crevant le sinus nucal, ce qui fait dégonfler la larve et permet à l’entoderme de s’écarter de l’'ectoderme (pl. XV, fig. 44, et pl. XVII, fig. 7, &). Dans ces conditions, j'ai pu voir chez ZLimax le cæcum intestinal croître à la rencontre de l'ectoderme, se souder à lui, et l'anus s'ouvrir à travers le point de soudure. L’intestin est en forme de goulot de bouteille (pl. XVIL, fig. 6 et 7, #), et le canal rectal est très fin. Les cellules de l’ectoderme sont arrangées en rosette autour de l'anus nouvellement formé (fig. 6 et 7, a). La région de l’entoderme qui s'étend de l'æœsophage à l'intestin, le long de la région ventrale, prend de bonne heure, chez les Limaces, le caractère d'un épithélium normal, par suite de la disparition du deutolécithe qu'il contenait. Cette région, qui va toujours en s’élar- gissant, deviendra la paroi de l'estomac (pl. XVII et XVIIL fig. 7 et 14, S). Chez Helir, les mêmes phénomènes se retrouvent, mais ils sont plus tardifs. Toute la portion de l’entoderme qui n’est pas utilisée pour la formation de l'estomac et de l'intestin constitue une vaste poche dorsale, qui occupe la partie centrale du sinus voilier (pl. XVII, fig. 7, 13, 14 et 16, 5). Le deutolécithe reste accumulé dans les parois de cette poche et y subit petit à petit une modifi- cation, un groupement en globules de toutes dimensions (pl. XVII, fig. 143, kg). Ces globules de toutes grandeurs remplissent les cellules polygonales aplaties qui forment la paroi de la poche nourricière et cachent les noyaux cellulaires. Vers la fin de la période larvaire, cette poche nourricière rentre, à mesure que le sinus voilier diminue ; elle est déplacée à chaque contraction des sinus opposés, et finit par venir se placer à côté et en arrière de l'estomac. Nous reviendrons sur ces changements au sujet de la métamorphose. Jhering (CLI, p. 9) donne, en peu de mots, une description parfaite- ment juste de l’origine de l'intestin chez Æelrx. Le MÉSODERME, très peu abondant chez les jeunes larves, et com- posé de cellules étoilées clairsemées, devient plus compact vers la fin de la période larvaire et remplit presque entièrement le pied et l’espace périviscéral. Je ne me suis pas arrêté à l'étude de la diffé- renciation de ce tissu en muscles, vaisseaux, nerfs et tissu conjonctif. Les organes des sens se forment relativement tard et par des pro- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 193 cédés autres que chez les Pulmonés aquatiques. Les tissus avoisi- nants sont malheureusement déjà fort opaques, lors de la première apparition de ces organes, en sorte qu'il est difficile d'arriver à des notions bien précises sur leur origine. Voici en peu de mots ce que j'ai cru voir : Les tentacules se montrent, sous forme de mamelons, quelque temps avant l'apparition du système nerveux central. Le premier mamelon qui se soulève deviendra le tentacule oculaire. Il est à peine marqué, que déjà l’on voit un petit enfoncement de l'ecto- derme à son bord postérieur, près du point de terminaison du rein larvaire. Cet enfoncement devient une invagination profonde, com- muniquant avec l'extérieur, se refermant ensuite et se détachant de l’ectoderme sous forme de vésicule close ; c’est la vésicule oculaire. Cette vésicule possède des parois épaisses formées d’un simple épi- thélium à longues cellules cylindriques. Le cristallin apparaît comme un tout petit grain rond contre la paroi de la cavité, encore très étroite, de la vésicule, à côté de l'endroit où cette cavité se prolonge en un fin canal, dernier reste du canal d’invagination. Le reste de l'histoire de la formation de l'œil ne m'a pas paru différer sensible- ment de ce qui s’observe chez les Pulmonés aquatiques. Vers l’époque de la fermeture de la vésicule oculaire, se montrent : deux autres enfoncements de l’ectoderme. L'un des deux, assez vaste et situé à la base du tentacule, à son bord antérieur, est l’ori- gine du ganglion cérébroïde ; je le décrirai plus loin. L'autre enfon- ‘ cement, plus petit, est situé au-dessous de ce dernier, à la base du pied, et mène à la constitution de la vésicule auditive. Les procédés de formation de cette dernière m'ont paru semblables à ceux de l'œil ; cependant Je n'ai pas élucidé ce sujet à ma satisfaction. Presque aussitôt après le tentacule oculaire (pl. XVII et XVIIL, fig. 13 et 14, {), une seconde saillie se dessine entre lui et la bouche (fig. 13 et 14, tb). Cette saillie, placée longitudinalement, se divise par une échancrure oblique en deux lobes, dont l’un, placé en avant et en dehors, deviendra le tentacule antérieur ; l’autre, situé en dedans et en arrière, est simplement la lèvre supérieure (fig. 43 et 14, 46 et /s). Je n'ai pas trouvé chez les genres terrestres la fossette olfactive à l'entrée de la cavité palléale ; il ne faut pas en conclure que cette fossette n'existe pas, car elle peut facilement échapper à l’observa- tion chez des larves plus ou moins opaques. Les auteurs relativement anciens ont fait, sur le développement ARCH. DE ZOO!I. EXP. ET GËN, —- T. VItl. 4879 el AK80. 43 194 HERMANN FOL. des organes des sens des Pulmonés terrestres, diverses observations que j'ai déjà analysées (CLIT, p. 87 et suiv.). L'origine première de ces organes leur avait échappé. Aucunides auteurs plus récents n’a traité ce sujet. | Le SYSTÈME NERVEUX CENTRAL se forme, comme chez les Pulmonés aquatiques, de deux côtés à la fois. Les ganglions pédieux se diffé- rencient en lieu et place, au sein des tissus mésodermiques du pied. Ils ont dès l’abord une forme très allongée, comme l’est du reste le pied des larves des genres terrestres à cette époque du développe- ment, et sont effilés à leur extrémité aborale. Un peu avant cette paire de ganglions, se montrent les ganglions céphaliques ou cérébroïdes. Ils se forment par invagination de l’ec- toderme à la base du tentacule oculaire, chacun de son côté, pour se rapprocher ensuite et se réunir par une commissure. L'enfoncement qui donne naissance à chaque ganglion est très large, puis il se change en une fossette profonde et enfin une petite vésicule à parois très épaisses communiquant au dehors par un fin canal. Le canal et la cavité interne s'oblitèrent, et le ganglion se détache complètement de l’ectoderme. J'aurai à revenir sur l'importance théorique de la diversité, dans les procédés de formation d'un même organe, chez des genres aussi voisins que le sont les Pulmonés terrestres et aquatiques. Je ne possède aucune observation sur l'origine des ganglions du centre inférieur ou asymétrique des genres terrestres. Sans revenir sur les données assez peu instructives des auteurs plus anciens, quant à l’origine du collier æsophagien (voir CLII, p.94), je rappellerai seulement que 0. Schmidt a vu, dans l’angle entre le pied et les tentacules oculaires, une paire de vésicules jaunâtres qu'il considère comme l'origine des ganglions pédieux. Ces derniers gan- glions étant compacts dès l’origine et situés plus loin de la bouche, les vésicules en question ne peuvent être que les ganglions cépha- iques au moment où ils vienneni de se former. Gegenbaur décrit, au contraire, fort exactement la formation des ganglions du pied. H. von Jhering (CLI, p. 20 et suiv.) entre dans des détails sur le système nerveux central des jeunes d'Æ/elx. Ces renseignements nous intéressent d'autant plüs que j'ai négligé cette partie du déve- loppement des Pulmonés terrestres. L'auteur n'a pas étudié l’origine première des ganglions ; il montre seulement que les ganglions, une fois formés, sont, chez Felix, au nombre de neuf : une paire sus-œ@so- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 195 phagienne, une paire pédieuse et cinq ganglions palléo-viscéraux ou asymétriques. En outre, il y a une paire de petits ganglions buccaux et des ganglions sympathiques. C'est donc exactement le même arrangement que de Lacaze-Duthiers a décrit pour les Pulmonés aquatiques, et que j'ai retrouvé chez les larves de ces animaux. Il y à cependant cette différence que, chez les genres aquatiques, cette dis- position persiste la vie durant, tandis que chez Æehx les ganglions du pied et les cinq ganglions du centre inférieur, asymétrique, se soudent en une masse unique. Ihering ne nous dit pas à quelle époque il a trouvé les ganglions encore distincts, n1 à quelle époque a lieu leur soudure, mais je présume qu'il s’est adressé à des larves très avancées ou à des jeunes déjà métamorphosés. Je ne suis pas en mesure de donner des détails sur le développe. ment de la cavité palléale pendant la période larvaire, n1 sur l'origine du cœur et du rein définitif. Le peu que j'ai vu à cet égard concorde avec ce que présentent les Pulmonés aquatiques. Le cœur se forme vers la fin de la vie larvaire. La cavité palléale est relativement plus étroite que chez les genres aquatiques. IIT. PÉRIODE DE MÉTAMORPHOSE. On a l'habitude de réunir sous ce nom tout l’ensemble de chan- gements qui font passer l'animal de la forme larvaire à la forme défi- nitive. Ces modifications, encore assez promptes et presque simul- tanées chez la plupart des Gastéropodes marins, sont, au contraire, graduelles et successives chez les Gastéropôdes pulmonés. Il en ré- sulte une impossibilité de fixer des limites précises à cette période, qui est purement conventionnelle et que je n’admets que pour faci- liter ma description. Chez les Pulmonés aquatiques, la métamorphose, commencée un certain temps avant l'éclosion, se termine bientôt après que le jeune est sorti de l'œuf. Les changements portent principalement sur les organes d'excrétion, de circulation, de nutrition et de locomotion. Le système nerveux et les organes des sens ne présentent aucun trait d'organisation spécial à la vie larvaire ; ils n’ont donc pas de métamorphose à subir et leur développement est direct. Le changement dans les organes de locomotion, qui est un des points capitaux de la métamorphose chez la plupart des Gastéro- podes, n'a pour nos Pulmonés aquatiques qu'un intérêt morpholo- 496 HERMANN FOL. gique. La modification est à peu près nulle au point de vue physio- logique. En effet, le bourrelet vibratile du voile, qui n’est jamais que rudimentaire, s’efface petit à petit pendant la vie larvaire et n'existe plus, à la fin de cette période, qu’à l’état de fragments bientôt dis- parus. Il ne peut aider que pour une faible part à produire la rota- tion de la larve, et sa disparition passe inaperçue pendant que les tapis ciliaires du pied et du bord du manteau causent une rotation rapide. Les dernières cellules vibratiles du bourrelet voilier (pl. XIHT, fig. 2, vb) tombent avant l’éclosion. ; E. Ray Lankester (CXLVIT), qui aime à exagérer les dimensions et l'importance du voile des larves de Limnaæus, cherche encore à dé- montrer que cet organe joue ici un rôle plus considérable que chez les Gastéropodes marins eux-mêmes. En effet, le voile du Limnée persisterait jusque chez l'adulte, tandis qu'il est caduque chez les au- tres Gastéropodes, et il persisterait sous forme de « lobes subtenta- culaires ». Ces lobes labiaux, ou appendices buccaux, apparaissent en effet à l’époque où le voile est encore reconnaissable, et le bourrelet ciliaire passe sur le côté dorsal des lobes naïissants (pl. XI etXII, fig. 49, vb et tb). Plus tard, les restes du bourrelet voilier tombent complète- ment et les lobes se garnissent d’un tapis ciliaire uniforme qui n’a rien de commun avec les cils du voile. La relation directe qu’indique notre auteur ne me paraît donc ni prouvée, ni même probable. De ce que le bourrelet voilier passe sur une partie des lobes, il ne ré- sulte pas nécessairement que ces lobes fassent partie du voile. Le terrain n'est en tous cas pas assez solide pour supporter tout un échafaudage de considérations, s'étendant à tout le règne animal. Rabl (CL) n'indique pas de rapports entre le voile et les appendices buccaux, et pense que cet organe larvaire disparaît entièrement. Les organes de circulation larvaire, les sinus contractiles du voile et du pied cessent de fonctionner et d'exister vers la fin de la période Jarvaire ; ils se resserrent et sont envahis par les tissus mésodermi- ques avoisinants. Pendant ce temps, le cœur est entré en fonctions, quoique dépourvu encore de vaisseaux sanguins. Ces derniers ne prennent naissance et le cœur ne présente une différenciation histo- logique complète que vers le moment de l’éclosion. L'aorte est le premier vaisseau sanguin qui fasse son apparition (pl. XII et XIV, fig. 4, 3, 4 et 5, La). Elle semble n'être qu'un prolon- gement du ventricule. Ses éléments constitutifs sont-ils dérivés des parois du ventricule, ou ne sont-ce pas plutôt des cellules mésoder- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONEÉS. 197 miques qui se différencient èn situ? C'est ce que je ne saurais dire ; mais, en tous cas, les artères se forment par ce dernier procédé. La paroi de l'aorte est composée de cellules fusiformes, placées trans- versalement, et dont les prolongements forment des cercles autour du canal (pl. XIII, fig. 4, La). Ces cellules font partie d’une paroi membraneuse continue. L'aorte est contractile et doit sans doute cette propriété aux cellules que Je viens de décrire. Le ventricule se compose de deux sortes d'éléments cellulaires, dont les uns forment la paroi, les autres s'étendent au travers de la cavité. Les éléments qui entrent dans la composition de la paroi sont aplatis, lenticulaires, à contours irréguliers, et sont noyés dans une membrane continue (pl. XIII et XIV, fig. 1, Av). Les cellules de Ja se- conde catégorie sont contractiles ets’attachent aux parois opposées du ventricule par une quantité de filaments très déliés et ramifiés (pl. XII, fig. 4 et 5, hv). Les anastomoses entre des filaments provenant de différentes cellules sont très fréquentes et il en résulte un véritable réseau. Le corps de la cellule renferme un gros noyau entouré de protoplasme. À chaque battement, les filaments se raccourcissent et exercent une traction évidente sur la membrane du ventricule ; ils sont certainement la principale, sinon l'unique cause, de la contrac- tion de l'organe. Cette disposition, qui tamise le sang à travers un réseau très serré, est assurément fort singulière. L'oreillette à une paroi membraneuse, parsemée de cellules lenti- culaires, presque identique à la paroi du ventricule. Dans l'intérieur se trouvent quelques cellules étoilées, mais en très petit nombre et ne fournissant chacune qu'un nombre très restreint de prolonge- ments, Ces cellules ne traversent pas l'oreillette en tous sens, mais sont toutes plus ou moins voisines de la paroi. L’oreillette s'ouvre par un large orifice dans la cavité du corps; autour de cette ouver- ture, la paroi de l'oreillette est soudée à celle du péricarde. Les veines se montrent plus tard que les artères. Le péricarde (pl. XII, fig. 4, Ap) enveloppe extérieurement le cœur et m'a paru constituer une bourse fermée de toutes parts, sauf trois ouvertures, dont deux pour le passage de l'aorte et de la grosse veine et une pour le pavillon vibratile du rein. Le péricarde est une mem- brane très mince, dans laquelle on reconnait de place en place, sur une coupe optique, des renflements lenticulaires (fig. 4, Ap). Ces renflements sont, sans doute, les éléments cellulaires de la mem- brane, 198 HERMANN FOL. Le cœur est situé, à l’origine, près de la ligne médiane du dos, un peu sur la gauche et un peu au-dessous du milieu de la coquille (pl. IX etX, fig. 17, 2). Il dévie ensuite de plus en plus vers la gauche ‘chez Planorbts) et se place sous le fond de la cavité palléale (pl. XHT, h, sur toutes les figures). TI quitte le sommet de la coquille et remonte dans la région dorsale, à mesure que le fond de la cavité palléale se porte en haut. Le seul auteur qui ait étudié le cœur des espèces aquatiques à ce point de développement, Rabl (CL, p. 216), mentionne les cellules étoilées, mais ignore l'existence des cellules lenticulaires de la paroi et n a pas su trouver le péricarde. Il remarque l'absence, à ce stade, des valvules du cœur et fait provenir l'aorte d'un prolongement direct de la paroi du ventricule. Le dessin qu'il donne de notre organe (sa pl. IX, fig. 36) est peu ressemblant. Les reins primitifs tombent en dégénérescence et disparaissent vers la fin de la vie larvaire. Le rein permanent, par contre, est entré en pleine fonction. Nous y distinguons trois parties ou régions : l'orifice interne avec le siphon vibratile, la partie moyenne glandu- laire et le canal excréteur avec son orifice externe. Le siphon vibratile (pl. XIIT et XIV, fig. 4, roh) est placé de telle facon que, de quelque côté qu’on regarde l'animal, il est toujours recouvert par d’autres parties qui gênent la vue. C’est encore par le côté droit (pl. XII, fig. 4) qu'on le voit le mieux. Le canal rénal présente en cet endroit un fort calibre et des parois relativement très minces. Des cils vibratiles longs et nombreux le garnissent intérieurement et paraissent s'étendre jusqu'à la partie glandulaire. Ce tube se termine au niveau de la membrane du péricarde, dans la cavité duquel il vient s'ouvrir, vis-à-vis de l’orifice atrio-ventriculaire; il est taillé oblquement et ne présente en cet endroit ni élargissement ni rétré- cissement. Cette portion interne, que l'on peut nommer le siphon, est recourbée en arc de cercle et aboutit au sommet de la région glan- dulaire. La courbure se trouve, chez Planorbis, à peu près dans le plan de courbure de la coquille et tourne sa convexité vers le côté dorsal, et un peu vers la gauche. Par une transition assez brusque, le canal se rétrécit de plus de moitié, tandis que ses parois s'épais- sissent considérablement : c’est la région glandulaire qui commence. Cette portion présente d'abord une forte courbure dans un plan per- pendiculaire à celui de l'enroulement de la coquille, la convexité re- gardant la face ventrale (voir pl. XII, fig. 1, 3et4). Le canal continue DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 199 ensuite en suivant la courbure de la coquille. Dans cette région, les cellules de la paroi ont des contours polygonaux très nets et sont munies d'une membrane. Chacun de ces éléments renferme une concrétion urique, fortement réfringente et de forme sphérique (pl. XII, fig. 3 et 4, xr). Ces concrétions, d'abord très petites, vont en croissant rapidement (fig. 1, 2, 3 et 4). La limite entre la portion glandulaire et le canal excréteur du tube rénal n’est d’abord marquée que par la présence des concrétions (pl. XIIT et XIV, fig. 1, ret rc). Plus tard, les parois de la région glandulaire s’épaississent et le calibre du canal diminue, tandis que l'inverse a lieu dans le canal excréteur. La limite devient donc de plus en plus tranchée (pl. XII, fig. 4). Le canal excréteur s'allonge à mesure que la coquille croît (pl. XIII, fig. 1, 2 et 4, rc); il suit la cour- bure de la coquille, entre cette dernière et la cavité palléale, et vient se terminer au bord du bourrelet du manteau, à l'entrée de la cavité palléale. Un peu avant d'aboutir à son orifice externe, le canal pré- sente une courbure à angle droit (pl. XIIT, fig. 3 et 4, rop) et sa pa- roi devient plus mince. La paroi du canal excréteur est formée d'un simple épithélium à cellules régulières. Le rein permanent, à cette époque avancée du développement, n’a été examiné par aucun auteur récent, à l'exception de Rabl (CL, p. 218). L'auteur allemand ignore l'existence du siphon qui s'ouvre dans le péricarde et fait serpenter le canal rénal en zigzag à travers le corps. L'inexactitude de sa description n’est surpassée que par celle de ses figures {sa pl. IX, fig. 27 à 30). En revanche, nous som- mes informés que le rein serait certainement dérivé d’une glande cutanée et ne pourrait en aucune facon être comparé aux organes en lacet des Vers (CL, p. 231). C'est une question que nous aurons à discuter. La métamorphose du tube digestif se prépare à la fin de la période larvaire et s'achève assez rapidement à l’époque de l'éclosion. L'entrée de la bouche prend au repos une forme de fente longitu- dinale (pl. XIIT et XIV, fig. 5, 6). Trois bandes de cils vibratiles par- tent du côté dorsal de l’orifice et pénètrent dans la cavité buccale en convergeant (pl. XII, fig. 2); elles forment un sillon tapissé de cils vi- bratiles, qui s'étend le long de la paroi dorsale de la cavité buccale jusqu'à l'entrée de l’æœsophage. Ces bandes vibratiles paraissent être homologues avec la crête ciliaire, que l’on trouve au côté dorsal de la cavité buccale des Pulmonés terrestres. Elles ne tardent pas à dis- 200 HERMANN FOL. paraître, ou tout au moins à se confondre avec la toison ciliaire de la bouche et de l’æœsophage. La bouche est elle-même profonde et s'élargit au fond pour laisser à la radule l’espace nécessaire à ses mouvements (pl. XIIT, fig. 2, ær). La radule est déjà formée et compte trois, puis cinq rangées de dents. Les rangées du milieu sont les premières formées, les rangées latérales s'ajoutent plus tard succes- sivement. La poche de la.radule a pris un volume considérable, dû principalement au développement de la musculature compliquée de cet organe. L'æsophage prend son point de départ dans la paroi dorsale de la cavité buccale, au-dessus du sac de la radule. Il prend un allonge- ment considérable et devient extrêmement élastique et contractile, puisqu'il possède la propriété de s’étirer autant que le corps de l'ani- mal (pl. XIII, fig. 4, æ) et de rester droit et tendu, lorsque l'animal se retire dans sa coquille (pl. XIII, fig. 2, æ). Les parois de l’æœsophage présentent maintenant un épithélium interne et une tunique muscu- laire. Ce canal est flanqué d’une paire de glandes salivaires (pl. AIIE, fig. 4, gs) en forme de simples poches. Les canaux efférents de ces glandes passent à l’intérieur du collier œsophagien, pour venir bien- tôt déboucher dans les côtés de l’œsophage. Le cardia est situé près de la columelle et, de quelque côté que l'on cherche à le voir, il se trouve toujours recouvert par d’autres organes ; on le devine, plutôt qu’on ne le voit. L’estomac à une forme de cornue tubulée dont le pylore représente la tubulure (pl. XII, fig. 3 et 5,s). Il est placé près de la face ventrale de la coquille, avec le pylore dirigé vers le haut (fig. 5, s). Au point de vue histologique, l'estomac présente encore à peu près la même structure que l’æso- phage et que l'intestin : tunique muqueuse ou épithéliale à l'inté- rieur et tunique musculaire à l'extérieur. L'intestin s’allonge énormément et forme plusieurs sinuosités que je vais décrire brièvement, car elles sont constantes. En quittant l'estomac, l'intestin se dirige d’abord vers le haut et la face ventrale, puis dessine une forte courbure vers la droite (pl. XIIT et XIV, fig. 5 et 4, DE Il s'infléchit ensuite vers l'intérieur (fig. 4 et 5, i) pour passer derrière l'aorte (ka), revient à la surface et passe sous l'estomac (fig. 5, i). I remonte du côté gauche de l’estomac et vient passer tout à côté du pylore (pl. XII, fig. 3 et 5, i), décrivant ainsi un cercle irrégulier qui à l'estomac pour centre. Quittant ensuite le voisinage du pylore, l'intestin forme une anse complète et redescend du côté gauche DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 201 (pl. XIE, fig. 3 et 5, r’). Après avoir contourné la columelle, l'intestin remonte le long de la courbure interne de la coquille, parallèlement à l'œsophage, mais à gauche, tandis que l'œsophage est à peu près au milieu (fig. 4, 3 et 4, #6). Il suit donc la paroi interne de la cavité palléale et vient se terminer à l'entrée de cette dernière par un anus saillant (pl. XII, fig. 5, a). L’anus est situé du même côté que la ca- vité palléale (c'est-à-dire à gauche, chez Planorbis, que j'ai surtout en vue dans cette description) ; il se trouve au bord interne de l'entrée de cette cavité (fig. 5, a). L'entrée de l'anus est taillée obliquement et s'ouvre non pas dans la cavité palléale, mais franchement au de- hors. Le rectum forme une sorte de papille saillante, aussi bien à la surface, où elle constitue une proéminence conique (fig. b, #), que dans la cavité palléale, où elle se présente comme une crête longi- tudinale couverte de gros cils vibratiles (pl. XIIL, fig. 3, 4 et 5, ml). J'ai décrit l'intestin du genre Planorbis, où la disposition des anses et sinuosités est plus simple et plus facile à saisir. Cette disposition reste à peu près la même chez les autres genres aquatiques, sauf les modifications provenant de l’enroulement plus ou moins spiral de la coquille. J'ai pris pour type un genre à enroulement sénestre ; chez les espèces à enroulement dextre, la disposition est l’exacte contre-partie de celle que j'ai décrite. En parlant de l'estomac, je n'ai pas mentionné un organe impor- tant qui en dépend. A la fin de la période larvaire, les deux poches nourricières occupent encore les côtés du sac viscéral et conser- ent la texture histologique remarquable que nous leur connais- sons. Les parois sont très épaisses et formées de masses de deuto- lécithe ; la cavité interne est pleine de blanc d'œuf. Cependant ces parois subissent des modifications graduelles dans leur texture, qui aboutissent à un changement important.Les membranes des cellules entodermiques, dans lesquelles le deutolécithe s'accumule, se dis- tendent et finissent par disparaître. Le protoplasma de chaque cel- lule, avec le noyau dans son intérieur, constitue un élément histo- logique noyé dans le deutolécithe qui a cessé d’être intra-cellulaire. Ces éléments histologiques régénérés se multiplient par division, de- viennent surtout nombreux près de la surface de la poche nourricière et serviront sans doute à la reconstitution de l'organe sous une nou- velle forme. Les masses de deutolécithe présentent pendant ce temps un nouveau groupement de leur substance ; il se forme dans leur intérieur des agglomérations sphériques (pl. XIIT et XIV, fig. 4 et2, xg 202 HERMANN FOL. toujours plus nombreuses, qui amènent une dissociation des masses dans lesquelles elles ont pris naissance. Cette série de modifications est graduelle et a lieu pendant les dernières heures du développement dans l’intérieur de l'œuf. Aussitôt après l’éclosion, les changements s'accélèrent. Le deutolécithe se désagrège et tombe par masses gru- meleuses dans l'intérieur des poches nourricières, d’où il pénètre dans l'estomac ; il parait être digéré et servir de nourriture au jeune animal. Pendant ces phénomènes, qui durent quelques heures, les poches nourricières se ratatinent, se plissent et présentent l’image d'un chaos (pl. XIE, fig. 3, f). Bientôt cependant l'image s'éclaircit et, au lieu de deux poches à parois épaisses, chargées de lécithe, nous trouvons un organe divisé en une série de lobes ou poches acineuses, disposées en grappe autour du cardia (pl. XII, fig. 5, /). Les éléments cellulaires, rassemblés à la surface des poches nourricières, consti- tuent à eux seuls les parois de ces acini. Le deutolécithe s'est pres- que entièrement écoulé et le peu qui en reste est absorbé par les cellules. Ges dernières sont rendues très visibles par l’accumulation, dans leur intérieur, de granules d'un brun-jaunâtre (pl. XIII, fig. 5 et 6, f); c'est l’origine de la coloration caractéristique des éléments hépatiques. En effet, le lecteur l’a sans doute deviné, cette méta- -morphose complète, histologique et morphologique, a pour but de transformer les poches nourricières, organe essentiellement larvaire, en un foie définitif. Un détail est pourtant resté obscur, malgré tout le soin que j'ai mis dans cette recherche, à savoir : le sort des orifices des poches nourricières dans l'estomac. La position de ces ouvertures ne permet pas de les voir nettement chez le vivant et mes coupes ne sont pas très instructives sous ce rapport. À priori, l'on peut supposer que ces orifices deviennent simplement les canaux cholédoques ; mais ce n'est là, je le répète, qu'une hypothèse. Le fait n’a pas été directe- ment constaté. Ces phénomènes se passent les premières heures après l’éclosion, temps pendant lequel le jeune se promène, soit sur les enveloppes de la ponte dont il vient de sortir, soit sur les objets environnants, léchant tout ce qu'il rencontre et avalant pêle-mêle tout ce qui reste sur les dents de sa radule : glaires, diatomées, terre, sable, ete. Tous ces objets se retrouvent dans son estomac, que remplissaient naguère les masses de deutolécithe et qui contiendra bientôt des aliments colorés par la bile. Ils v sont mis en mouvement par des cils vibra- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 203 tiles, en attendant les mouvements péristaltiques, qui commencent à peine. ' La bibliographie de la métamorphose du tube digestif est riche de données hypothétiques, mais pauvre en faits d'observation. E. Ray Lankester (CXLVIT, p. 384 et suiv.) décrit bien les poches nourri- cières ; mais, si je comprends sa description, pleine d'incertitudes et d'équivoques, il suppose que ces poches seront simplement résor- bées comme matériel nutritif. Il ne fait aucune distinction entre ces accumulations de deutolécithe et les amas de protolécithe que ren- ferment d’autres larves de Mollusques, et qui sont effectivement ré- sorbées dans certains cas. L’estomac à parois composées de petites cellules serait un prolongement soit de l'œsophage, soit de l'intestin, et fournirait des prolongements en forme de cæcums qui devien- draient le foie. Le foie aurait donc une origine complètement diffé- rente de celle que je lui assigne, en ce qui concerne les Pulmonés, puisqu'il ne proviendrait nullement des sacs nourriciers. Du reste, l’auteur termine ces considérations par l’aveu qu'il n’a pas observé le développement du foie du Limnée‘. Les Pulmonés sont donc le prétexte et non l'objet de sa dissertation. Rabl (CL, p. 214 et suiv.) donne une description exacte du déve- loppement de la radule et de son sac. Ses notions sur la structure de l'estomac et de ses annexes étaient trop erronées pour lui permettre de se faire une idée juste de leur métamorphose. D'après notre au- teur, le foie aurait son origine dans une série de proliférations cellu- laires de la paroi de l'estomac, détruisant et absorbant dans leur croissance les masses de deutolécithe, considérées comme exté- rieures au tube digestif et dépourvues de tout élément histologique. Il y aurait de l’ironie à mettre les déductions philosophiques de lau- teur (CL, p. 233) en regard de ces résultats réels de ses recherches; déductions qu'il cherche à étendre à tout le règne animal. La coquille continue à croître régulièrement et rapidement pen- dant et après la métamorphose, par l'addition de nouveaux anneaux à son bord libre. La cavité palléale est devenue profonde (pl. XIII et XIV, fig. 3 et 4, mc). Ses parois interne et inférieure portent de petites houppes de cils vibratiles (pl. XIII, fig. 4, mk), qui mettent en mouve- * «The later Development of the Alimentary Canal, the breaking through of the anus to the exterior, and of the pharynx to the stomach or middle intestine, I have not followed, nor have [ observed the development of the liver and absorption of the two masses of pellucid cells wich Lereboullet has described, since I have not pursued the embryons to that phase (CXL VII, p. 386). » 204 HERMANN FOL. ment le liquide dont elle est remplie. Près de l'entrée de la coauille, la peau, s'étendant entre le corps de l'animal et le bord du man- teau, forme une sorte de plancher (pl. XHL, fig. 4 et 5). Ce plancher est percé d'une ouverture qui forme l'entrée rétrécie de la cavité palléale (pl. XII, fig. 4 et 3, mco), et dont les bords sont garnis de cils vibratiles. Le reste du plancher est traversé par des cellules étoilées contractiles, qui s’insèrent d'une part à la peau extérieure et d'autre part à la paroi de la cavité palléale (pl. XII, fig. 4 et 4, um). La fossette olfactive se trouve toujours au bord de l’orifice de la cavité (pl. XEET, fig: 4j 2)et/A; 4h L'entrée de la eavité palléale est très dilatable et peut se refermer presque complètement, grâce aux fibres musculaires ramifiées. Dès que le jeune animal en trouve l’occasion, 1l ne manque pas de rem- plir d'air cette cavité, qui commence à fonctionner comme poumon. Je n'ai pas étudié un nombre suftisant de jeunes à différents âges pour savoir exactement si le poumon dérive de la totalité ou seule- ment d'une partie de la cavité palléale ; mais tous les faits observés parlent fortement en faveur de la première hypothèse. Ce que l’on considère chez l'adulte comme la cavité du manteau est, à mes yeux, un enfoncement secondaire qui a pour fond le plancher décrit ci- dessus. L'ouverture dont ce plancher est percé et qui donne accès au poumon est, pour moi, l'entrée de la véritable cavité palléale ou pulmonaire. Notons encore, pour compléter cette description, que les bords du pied, les tentacules, le bord du manteau sont couverts d’un tapis ciliaire continu (pl. XI, fig. 5), et que les parties dorsale et latérales de la région céphalique sont parsemées de petites saillies de l’épi- derme qui portent des mouchets de cils vibratiles (pl. XII, fig. 4). Les tissus mésodermiques, surtout ceux du pied, renferment des concré- tions calcaires (pl. XIIL, fig. 5, xc), bien connues chez l'adulte. Les tentacules sont plus allongés et portent les yeux à leur base; la tête est très protractile. Les mouvements de ces jeunes sont relativement très vifs, leurs sens paraissent déjà fort développés. Les organes de la génération font encore complètement défaut et ne se montreront que beaucoup plus tard. L'origine du poumon n'a été étudiée par aucun des auteurs ré- cents. La présence de concrétions calcaires dans le pied est signalée par Rabl(CL, p. 217), qui les considère comme un « squelette interne incomplet du pied » ! DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 203 L'origine des organes génitaux n’a pas été reprise depuis le travail de H. Eisig (GXXXD, dont j'ai déjà donné un extrait (CLIL, p. 94). Ce que Rabl indique dans une de ses figures comme étant l'ouverture génitale (CL, pl. IX, fig. 39, G) n'est autre chose que l'anus. Ray Lankester dessine, près de l’orifice rénal, un groupe de cellules (CXLVIT, pl. XVIL, fig. 48, g), qu'il considère comme le blastème des organes génitaux. Il n’y a point en cet endroit d’amas de ce genre, et j'ignore ce qui peut avoir donné heu à cette erreur. Les organes génitaux n'existent même pas à l’état de blastème chez des jeunes plus avancés encore que ceux dont Ray Lankester et Rabl se sont occupés. La métamorphose des Pulmonés terrestres est échelonnée sur un temps beaucoup plus long que celle des genres aquatiques. Les jeunes des genres terrestres sont du reste beaucoup plus difficiles à étudier, à cause de leur grosseur et de leur opacité. J'ai cherché à m'éclairer sur les processus internes de leur métamorphose par des coupes que j'ai faites par centaines. Mais la description de ces coupes serait fastidieuse et confuse, sans l’aide d’un grand nombre de dessins. L'extension qu'a déjà prise le présent mémoire m'inter- dit de songer à l'agrandir encore à ce point ; aussi me bornerai-je à indiquer, en peu de mots, en quoi la métamorphose des genres ter- restres diffère de celle des genres aquatiques. Je parlerai d’abord des Limaces, et ensuite des Escargots. Chez les genres Limax et Arion, la larve, prête à se métamor- phoser, est mise en mouvement dans l'œuf par les contractions des deux sinus et par les cils vibratiles qui couvrent le sinus voilier. Les autres parties de la larve m'ont paru dépourvues de cils. À mesure que les sinus diminuent, le pied s'étend et sa surface de reptation, devenue plate, commence à fonctionner. Au moment de l’éclosion, le sinus voilier a disparu, recouvert par la peau et par le bouclier, le sinus du pied s’est réduit à un petit appendice ratatiné qui se dé- tache, en général, au moment où le jeune sort de l’œuf, sans laisser au bout du pied une cicatrice visible. Chez des jeunes pris au moment de l’éclosion, les coupes transver- sales révèlent l'existence d'un canal qui longe le milieu de la plante du pied, à une faible profondeur. C'est la glande pédieuse, qui s'ouvre, comme l’on sait, à l’extrémité du pied, près de la bouche, Ce canal glandulaire est de forme triangulaire sur une section trans- versale, et ses parois sont formées d’un épithèle assez épais. Je n'ai 206 HERMANN FOL, pas trouvé son origine première, ni suivi son développement pour les Limaces. Chez les Hétéropodes, cette glande est une invagination de l’'ectoderme. Le rein larvaire se voit encore avant l’éclosion (pl. V, fig. 43, e) sur les côtés du sinus voilier. Son canal efférent pénètre sous le bouclier, en sorte qu'il est impossible de distinguer s’il débouche encore au dehors ou si son orifice externe est oblitéré. Dans chacune des cellules de l'organe se voit une grosse concrétion ronde. Il se ratatine bientôt après, et ses restes, cachés aux regards par la dispari- tion du sinus voilier, ne tardent sans doute pas à se dissoudre. Le rein définitif se voit ©), pa D 19 © ©? Res a vaguement sous le bou- clier. Sur des coupès, on Fig. XI. Coupe transversale du pied d'un embryon de à 1. ? 4: Limaz mazimus, prêt à éclore, grossie 175 fois. gp, la reconnait qu il s'étend du glande à mucosité du pied; em, mésoderme du pied; péricarde jusqu'au bord de ec, ectoderme du pied. la cavité palléale; cette distance étant très minime, le rein est extrêmement court, mais il est d'autant plus large et aplati. Au lieu d'être en canal, il est en forme de sac étalé. Sa portion glandulaire présente une série de replis parallèles de la paroi, servant à augmenter la surface de cette dernière. Le canal excréteur est très court et se réduit presque à l'orifice par lequel la glande débouche à l'entrée de la cavité pal- léale. Je n'ai pas réussi à trouver sûr mes coupes le siphon qui doit mettre le rein en communication avec la cavité du péricarde ; mais diverses considérations me font apparaître comme très pro- bable l'existence de ce siphon, chez les Pulmonés terrestres. La cavité palléale, fort petite, m'a paru se transformer en enüer en poumon. Rien ne m'autorise à admettre que le poumon dérive de l'organe rénal ; tout ce que j'ai vu dans mes coupes me pousse à une conclusion contraire. Le cœur, dont les battements sont visibles, même à travers le bou. clier, se compose d’une oreillette et d’un ventricule. Les coupes font apparaître le péricarde et montrent que la texture histologique du cœur est à grands traits la même que chez les Pulmonés aquatiques, ’ DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 907 Le tube digestif est extrêmement court avant la métamorphose. L'æsophage (pl. XVILet XVII, fig. 43, æ), partant du fond de la bouche, en arrière du sac de la radule (fig. 13, ærs), aboutit presque aussitôt à une vaste cavité. Les parois de cette chambre sont constituées par un épithélium à petites cellules dans la partie ventrale (fig. 13, s), qui deviendra l'estomac. En arrière, ce sont de grandes cellules à deutolécithe qui forment la paroi de toute la portion dorsale, destinée à devenir le sac nourricier (fig 13, 5). L’estomac et le sac nourricief sont encore réunis, et ce dernier est unique au lieu d'être double, comme chez les genres aquatiques. Un intestin très court part de la partie inférieure de l'estomac et s’infléchit à droite (pl. XVIE fig. 43, 4), ‘ pour aboutir à l’anus situé au bord de la cavité palléale. Le pylore et le cardia sont donc très rapprochés l’un de l’autre et, entre deux, la paroi stomacale présente un petit repli transversal qui fait saillie à l'intérieur. Lorsque le moment de l’éclosion approche, l'intestin s'allonge et commence à former une anse dont la convexité est tournée en avant et vers la droite. L’estomac et la poche nourricière s’individualisent et se séparent l'un de l’autre par un étranglement toujours plus pro- noncé. En même temps la poche nourricière, chassée de sa place primitive par la réduction du sinus voilier, commence à passer en partie dans la cavité du pied. Elle passe à cet effet à côté de l’esto- mac, en le faisant tourner sur lui-même et amenant une torsion de l'æœsophage et de l'intestin. Pendant un certain temps, on voit, à chaque contraction du sinus voilier, la poche nourricière s'enfoncer dans la cavité du pied et revenir en arrière à chaque battement du sinus pédieux. Petit à petit, cependant, cette poche quitte le sinus voilier, toujours plus réduit, et remplit l’espace interne du pied. Lors- que les sinus contractiles s’oblitèrent, le sac nourricier a passé tout entier dans le pied, faisant ainsi tourner l'estomac sur lui-même d'un angle de 180 degrés. La métamorphose de la poche nourricière en glande hépatique m'a paru se faire par les mêmes procédés que chez les Planorbes et les Limnées. Au moment de l’éclosion, les jeunes d’Arton présentent déjà, sur les côtés du pied, ce sillonnement de la peau qui se trouve chez l'adulte. Chez Limaxæ, ces rangées de saillies, séparées par des sillons réguliers, ne se montrent qu'un peu plus tard. Bientôt après l'éclo- sion, les yeux s'avancent dans les tentacules oculaires et arriveront plus tard au sommet de ces derniers, 208 HERMANN FOL. Chez Helix, les sinus contractiles s’oblitèrent peu de temps avant l’éclosion. La coquille s'accroît comme chez les Pulmonés aquatiques, et fait en général un tour complet au moment de la sortie de l'œuf. Les viscères trouvent une place suffisante pour se loger dans l'intérieur de la coquille et ne descendent pas dans le pied comme chez les Limaces. Il en résulte que la poche nourri- cière d’AJelix n’a pas besoin de se déplacer, avec torsion du tube di- gestif, comme c’est le cas des Limaces. Au moment de l'éclo- sion, cette poche est si vaste, qu'elle remplit aux trois quarts la cavité de la coquille. Sa transformation en organe hépatique se fait comme chez les autres Pulmonés. Une expérience facile à répéter, que j'ai faite sur les jeunes ré- cemment éclos d'Aelix pomatia, me paraît jeter un grand jour sur les causes physiologiques de la métamorphose du tube digestif. Si l’on place ces jeunes dans un petit espace tenu suffisamment humide et qu'on leur donne des œufs de la même espèce, dont on a soin de percer la coque pour que l’albumen leur soit accessible, ils conti- nueront à manger exclusivement ce blanc d'œuf pendant tout le temps qu'on leur en fournit. Peut-être avalent-ils quelques frag- ments de coquilles d'œufs, qui leur procurent le calcaire nécessaire à la croissance de leur coquille. J'ai pu élever ainsi des jeunes jus- qu'à ce que leur coquille ait terminé son second et même son troi- sième tour ; ils sont donc déjà très gros. Eh bien ! chez ces jeunes- là, la poche nourricière était encore pareille à celle des animaux avant l’éclosion ; la texture histologique était la même. Seulement cette poche était énorme et remplissait presque toute la cavité de la coquille. Elle était absolument pleine de blanc d'œuf, et sa paroi ne présentait aucune trace de la division en lobes ni de la différen- ciation histologique qui la fera passer à l’état de glande hépatique. Lorsque je sevrais un de ces Jeunes en le mettant à la nourriture végétale, il présentait une métamorphose assez rapide de son tube digestif. Le blanc d'œuf emmagasiné commençait par se digérer, puis venait le tour du deutolécithe. Ensuite le jeune commençait à manger les feuilles que je lui donnais, et pendant ce temps la poche nourricière, très réduite, se divisait en lobes, se colorait en brun et montrait toutes les modifications histologiques qui en font un jo1e. Je conclus de ces expériences que le foie joue le rôle de réservoir de nourriture, tant que le jeune se nourrit d’albumen. Lorsque le DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 209 blanc d'œuf vient à manquer, le jeune vit d’abord aux dépens de la provision qu'il a emmagasinée, puis il attaque sa nourriture nor- male et aussitôt le foie se transforme pour remplir sa fonction définitive. De même que chez les Limaces et chez les Pulmonés aquatiques, je crois avoir remarqué que le poumon d’Aelix provient d'une trans- formation de la véritable cavité palléale et point du tout d’une transformation du rein. La cavité du manteau n'est, comme chez le Planorbe, qu'un enfoncement secondaire qu'il faut se garder de confondre avec la cavité palléale. Les auteurs qui se sont occupés du développement des Pulmonés terrestres ont fait au sujet de leur métamorphose, principalement de celle du tube digestif, une série d'observations que j'ai déjà résu- mées précédemment (CLII, p. 39 et suiv.). Le seul auteur qui se soit occupé depuis lors de l’embryogénie de ces animaux, v. Jhering (CLI), ne parle pas de cette époque importante du développement d'Aelix, ou plutôt il ne la traite que pour un seul système d'organes: le système nerveux central. Comme je n’ai pas moi-même étudié le système nerveux central des genres terrestres après l’éclosion, je donnerai, à titre de renseignement, un résumé des résultats exposés par notre auteur. Chez des individus adultes d’Æelix pomatia, l'on ne trouve qu'une seule masse nerveuse sous-æsophagienne. Chez des exemplaires tout à fait jeunes, il existe en cet endroit sept ganglions distincts, bien que très rapprochés les uns des autres. Ce sont les deux ganglions pédieux et les cinq ganglions du centre asymétrique, pareils à ceux qui se trouvent chez les Limnées et les Planorbes. La masse nerveuse sous-@sophagienne résulte de la coalescence de tous ces sept gan- glions bien distincts chez le jeune, ce qui permet d'établir les homo- logies avec les dispositions que Lacaze-Duthiers a si bien décrites pour les Pulmonés aquatiques. Le développement du poumon n’a pas jusqu’à présent beaucoup attiré l'attention des observateurs. Mes résultats ne cadrent guère avec ceux de Semper (CXXXII) relatifs à l’Ampullaria polita, à moins que la petite cavité qu'il décrit chez les larves de cette espèce, et qu'il considère comme l’origine du poumon, ne soit l’homologue de la cavité palléale. Guidé par des raisons purement anatomiques, v. Jhe- ring (CLXVIIL et CLXX) arrive à la singulière conclusion que le poumon des Pulmonés terrestres n’est qu'une portion élargie du ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GËN, — T, VII. 1879 et 1880. 14 210 HERMANN FOL. rein ou du cloaque, et il donne en conséquence à ces animaux le nom de Vephropneustes. Chez les Pulmonés aquatiques ou basom- matophores, le poumon serait une partie de la cavité branchiale (palléale). Je m'abstiens de porter un jugement sur les motifs d’ana- tomie comparée qui peuvent avoir conduit l’auteur à ce résultat ; mais Je ne puis concevoir qu'une différence si considérable dans l'origine d'un organe tel que le poumon ait pu exister, sans laisser de traces dans l’hénogénie de ces deux groupes. Je ne puis donc admettre que les conclusions de l’auteur soient fondées, et je crois que, malgré son peu d'estime pour les données de l’embryogénie, il eût agi prudemment en tenant compte des enseignements de cette science. IV. DISCUSSIONS THÉORIQUES. Les dissertations sur la portée morphologique et phylogénique des connaissances embryologiques sont si fort à la mode, que je ne puis résister à la tentation d'indiquer les idées générales qui déeou- lent pour moi des faits que j'ai moi-même constatés, ne füt-ce que pour empêcher que l’on ne tire de ces faits des conséquences exa- gérées. Je passerai en revue les systèmes d'organes qui n’ont pas été traités à ce point de vue dans les chapitres précédents. DU VOILE ET DES SINUS CONTRACTILES. — Le voile transitoire, si ré- pandu dans plusieurs embranchements du règne animal, se pré- sente le plus souvent sous forme d'un bourrelet ectodermique cou- vert de cils vibratiles particulièrement gros qui mettent la larve en mouvement. Ce bourrelet est généralement cireulaire et placé à la hauteur de la bouche, le plus souvent un peu au-dessus de l’orifice buccal. Chez les Mollusques lamellibranches et céphalophores, le bourrelet voilier affecte à l’origine la même forme ; mais il ne tarde pas, chez la plupart des types marins, à prendre une extension beau- coup plus grande. Le bourrelet s'agrandit et se développe surtout sur les côtés, et l’ectoderme de cette région s'étale en conséquence. L'extrémité supérieure de la larve devient donc un vaste sinus rem- pli par le liquide de la cavité du corps. Pour pouvoir se replier, lors- que la larve rentre dans sa coquille, cet organe doit être mumi de fibres musculaires qui lui sont fournies par des cellules mésoder- miques contractiles, ramifiées à leurs deux extrémités. Telle est, à grands traits, la forme la plus répandue chez les Gastéropodes ma- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 211 rins. Les Gastéropodes pulmonés ont un voile très pétit et même ru- dimentaire ; mais ce voile diffère considérablement de celui des formes marines à voile petit. Le bourrelet n’est gas en forme de zone continue, mais développé seulement sur les côtés. Les cellules con- tractiles ramifiées, qui manquent au voile des formes marines infé- rieures, sont très développées chez les Pulmonés. En un mot, le voile des Pulmonés se dérive par réduction des formes compliquées du voile et n’a rien de commun avec la forme primitive. Cette réduction n'a pas lieu d'une manière uniforme pour toutes les parties de cet organe larvaire ; le bourrelet vibratile diminue plus que le sinus et les fibres musculaires, qui ne sont pourtant pas les parties les plus essentielles du voile. Cette disproportion est appa- rente surlout chez les genres terrestres, où le bourrelet voilier est tout à fait petit et éphémère et disparaît même entièrement, tandis que le sinus et ses muscles sont plus développés encore que chez les larves marines les mieux douées sous ce rapport. Le sinus voilier des genres terrestres dépasse la région voilière et s'étend à la région dorsale. Nous assistons donc à un changement de forme et de fonc- tions d'un organe. La fonction primitive est la locomotion, accom- pagnée d’une préhension de nourriture; plus tard vient s'y ajouter celle de la mise en mouvement du liquide nourricier. Enfin, chez les Pulmonés terrestres, cette dernière fonction subsiste presque seule, tandis que celle de la locomotion disparaît plus ou moins complètement. Je reparlerai bientôt du voile au point de vue de la classification générale. Le sinus contractile du pied n’est qu'une portion de la paroi du corps, modifiée de manière à servir temporairement à la circulation larvaire. Nous savons déjà que les contractions du pied jouent un rôle important dans la propulsion des liquides nourriciers, chez la plupart des larves de Céphalophores. La partie du pied qui présente ces contractions rythmiques est presque toujours située sur la sur- face inférieure ou aborale de cet organe; telle est aussi la disposition que nous rencontrons chez les Pulmonés aquatiques. Pour les genres terrestres, la région contractile n’est plus la même; elle ne com- prend que l'extrémité pointue du pied et acquiert une importance sans exemple. Ge sinus paraît donc être un organe larvaire propre aux Pulmonés terrestres et n'avoir pas strictement son homologue chez les autres Céphalophores. Le cœur larvaire du genre Æelix ne laisse pas que d'être fort em- 212 HERMANN FOL. barrassant au point de vue des homologies. Par sa forme et sa struc- ture, il se rapproche d'une manière évidente du cœur laryaire de Buccinum et Purpura, décrit par Koren et Danielssen (LXXX), et de celui de Calyptræa, décrit par Salensky (CXXXVII) ; seulement ces derniers organes occupent une position bien différente de celle du cœur provisoire d’Aelix, puisqu'ils sont placés du côté dorsal, au- dessous de la tête et dans l’intérieur de la cavité palléale. Il est vrai que, chez Æelix, le cœur larvaire descend dans la cavité palléale et que, par le déplacement graduel de celle-ci, il quitte la face ventrale pour se placer de côté et puis se rapprocher de la face dorsale. Si l’on admet que les larves des genres cités de Prosobranches sont aussi avancées dans leur développement, quant à la cavité palléale, que des /Zelix près d’éclore, la comparaison entre les cœurs larvaires deviendrait possible; elle ne serait tout à fait plausible que si l’on pouvait démontrer que la cavité palléale et le cœur larvaire des Pro- sobranches sont placés à l’origine du côté ventral. Ampullaria polita et Bulimus citrinus ont, d'après Semper (CXXXII), un organe contractile qui répond tout à fait par sa position, sinon par sa structure, au cœur larvaire d’Æelix. Il en est de même chez Paludina contorta, où l'organe est encore plus réduit. Lei, l’homolo- gie ne paraît pas douteuse. En revanche, le sinus contractile de la nuque de Paludina vivipara me paraît difficile à classer. Tous ces organes sont apparemment des produits d'adaptation acquis par les larves de Céphalophores et, autant que nous en pouvons juger, ne paraissent pas être un héritage provenant d'animaux qui auraient présenté des structures analogues à l’état adulte. L'ENROULEMENT du corps, chez les Céphalophores, a été parfois attribué à celui de la coquille. Jhering (CLI) combat cette conclusion et croit trouver la cause de ce phénomène dans l’asymétrie des vis- cères, qui serait d'ordre primordial, tandis que la torsion de la co- quille en serait la conséquence. Il me semble que ces deux opinions sont trop absolues. L’asymétrie se manifeste de fort bonne heure, ainsi que je l’ai déjà montré pour les Hétéropodes (CLVII), à un mo- ment où tous les systèmes d'organes n'existent qu'à l’état d'ébauche. Elle se manifesie à la fois dans divers blastèmes et d’une manière indépendante pour chacun, de façon que l’on ne saurait attribuer ce déplacement à un organe, à un feuillet plutôt qu'à un autre. Chez Helix et Limax, où la torsion est bien plus tardive, elle apparaît aussi simultanément dans les viscères et le bourrelet coquillier. Pour trou- DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 213 ver la cause première ou du moins la cause déterminante, il faudrait sans doute remonter beaucoup plus haut, peut-être jusqu'au frac- tionnement de l'œuf. On sait que le sens de l’enroulement, loin d’être constant, varie d’un genre à l’autre et même chez les espèces de certains genres. Dans une même espèce, les cas d’inversion du sens de l’enroulement ne sont pas rares et sont accompagnés d’une inversion dans la position de tous les organes asymétriques. Ces faits rappellent les monstruosités observées chez les Vertébrés supérieurs et connues sous le nom de sttus transverse. La cause déterminante de cette inversion, chez des animaux qui présentent une constance si complète dans le sens de leur asymétrie, n’est malheureusement élucidée que dans les cas de monstruosité double, et remonte à l’époque du fractionnement. Dans les autres cas, la cause est.obscure, mais il est à présumer qu'elle se produit à une période tout aussi précoce du développement, ce qui concorderait avec nos conclu- sions relatives aux Céphalophores. L'on sait, du reste, que les larves les plus jeunes ne présentent que le blastème d’un seul rein perma- nent et d’un seul cœur, tous deux situés de côté. L’anatomie et l’em- bryogénie comparées nous enseignent qu’originairement ces organes devaient être pairs, comme chez les Lamellibranches et comme chez quelques rares Géphalophores. Si donc l’un des reins ne se montre mème pas chez l'embryon de l’immense majorité des animaux de cette classe, c’est une preuve, convaincante à mon avis, que l’asy- métrie se produit avant la période embryonnaire. DE L'ESTOMAC ET DU FOIE. — J'ai déjà discuté au long l’origine de la bouche et de l'æœsophage chez l'embryon, en rapprochant mes opi- nions de celles des auteurs qui ont traité ce sujet pour d’autres Cé- phalophores ; je n'y reviens pas. Il nous reste à considérer la façon dont le foie et l'estomac se constituent par différenciation de la cavité digestive embryonnaire, en tenant compte surtout du rôle que jouent les dépôts de substances nutritives. Avant tout, nous devons faire une distinction fondamentale entre les cas où les cellules de l’entoderme possèdent dès l’abord un dépôt de nourriture qui leur vient du vitellus, c’est-à-dire une accumula- tion de protolécithe, et le cas où elles empruntent au blanc d'œuf avalé par la larve une provision que je nomme deutolécithe. Le pro- tolécithe n'augmente pas pendant le développement embryonnaire et larvaire et tend au contraire à diminuer ; le deutolécithe prend naissance pendant la période embryonnaire et se résorbe rapidement 214 HERMANN FOL. après l'éclosion. Le protolécithe se présente sous forme de globules généralement petits ; leur grosseur varie d’une espèce à l’autre, mais reste assez constante chez une même espèce. Le deutolécithe s'as- semble en masses compactes, relativement très grosses, et dont la croissance n'est limitée que par l'épuisement de la provision d’'albu- mine contenue dans la coque de l'œuf. Si l’on continue à fournir du blanc d'œuf aux jeunes éclos, la croissance du deutoléeithe ne con- naît, pour ainsi dire, pas de limites, tant que dure l'expérience. Le protolécithe et le deutolécithe ne s’excluent pas ; loin de là, ils coexistent dans la grande majorité des cas, mais sans se mêler n1 se confondre. La distinction que j'ai établie est tout aussi tranchée dans ces cas mixtes que dans ceux où il n'existe qu'une seule des deux formes de lécithe. Un exemple de larves complètement dépourvues de deutoléeithe nous est fourni par les Ptéropodes thécosomes (voir CLIT). Ici l’ento- derme, composé originairement de grosses cellules bourrées de pro- tolécithe, se sépare en un tissu à petites cellules, qui forme la paroi de l'estomac et de l'intestin, et un amas de grosses cellules lécithiques qui constitue le sac nourricier. Le protolécithe tombe plus tard dans l'estomac pour être digéré, et de la paroi du sac nourricier naîtra le foie. L'autre extrème est représenté par ##roloides, où le protolécithe peu abondant est bien vite résorbé. Ici, le deutolécithe s'aecumule dans les petites cellules d’une partie de la paroi stomacale, qui devien- dra le sac nourricier et se changera ensuite en foie. Les Aplysiens étudiés par Ray Lankester (CLIIT) semblent constituer un exemple de processus mixte ; mais l’auteur n'a pas compris ces phénomènes, et sa description, pleine de lacunes et d'incertitudes, ne permet pas de formuler un jugement. Le beau travail de Bobretzky (GLVIT), par contre, nous fait connaître avec beaucoup de détail et de précision les processus dans un autre cas mixte, celui des Prosobranches marins. Chez ces Gastéropodes, la cavité digestive embryonnaire est eir- conscrite en partie par un entoderme à cellules de dimensions ordi- naires et en partie par quelques très grosses sphérules bourrées de protoléeithe. C’est, en somme, la même disposition que chez les Ptéropodes thécosomes, mais le développement ultérieur de ces parties est tout différent. L'entoderme à petites cellules s'étend et se referme par-dessus les grosses sphérules, qui perdent ainsi leur con- nexion avec la cavité digestive et tombent dans la cavité du corps; DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 215 ces grosses cellules seront simplement résorbées et ne feront donc pas partie intégrante du tube digestif, comme chez les Ptéropodes. Pendant ce temps, les autres cellules de l'entoderme se chargent de deutolécithe, emprunté sans doute au blanc d'œuf dont ces larves se remplissent. Ce dépôt a été fort bien décrit par Bobretzky pour les Prosobranches en même temps que Je le faisais connaître pour les Hétéropodes. Enfin, le deutolécithe disparaît d'une partie de la paroi qui devient l'estomac et l'intestin ; l’autre partie forme une poche qui deviendra plus tard le foie. Chez les Gastéropodes pulmonés, le protolécithe est minime et disparaît de bonne heure, comme chez les Hétéropodes, et la diffé- renciation du tube digestif suit les mêmes règles que chez ces der- niers. Il y a pourtant cette différence que, chez les Pulmonés aqua- tiques, il y a deux poches à deutolécithe, au lieu d'un seul sac nour- ricier. Chez les genres terrestres, la poche est unique, comme c'est le cas le plus fréquent chez les Gastéropodes. C’est une différence de peu d'importance et le processus fondamental reste le même. Ce processus peut s'énoncer ainsi : la cavité digestive embryonnaire des Gastéropodes se différencie en deux parties, dont l’une commu- nique avec l’æsophage et l'intestin et devient l'estomac, l’autre s’ouvrant dans la première, devient le sac nourricier et plus tard le foie. : Les idées que j'ai émises sur le rôle du deutolécithe (CLVIIT), se trouvent pleinement confirmées par les résultats de mes recherches actuelles. L’accumulation de cette substance a été considérée par les auteurs qui l'ont vue, et en particulier par Bobretzky, comme un simple épisode du développement du foie. Cette interprétation me paraît inadmissible pour deux raisons : le deutolécithe manque dans les tissus destinés à former le foie de la plupart des animaux ; ce n'est donc pas un stade nécessaire au développement des tissus hépati- ques — le deutolécithe se rencontre dans des tissus qui n’ont aucune relation quelconque avec le foie, tels que les tissus ectodermiques des larves d'Helix ; ce dépôt est donc totalement étranger aux fonctions hépatiques, In'y a, par conséquent, pas de corrélation entre la disso- lution du deutolécithe et la formation des matières biliaires, puisque le deutolécithe contenu dans l'ectoderme se dissout sans donner naissance à des substances de ce genre. La poche nourricière des larves remplit donc une fonction tout à fait distincte de celle que ses tissus sont destinés à accomplir par la 216 HERMANN FOL. suite, et ce changement de fonctions est précédé d’une métamor- phose profonde de tout l'organe. Nous avons vu que le deutolécithe ne se dépose que dans les cel- lules qui sont en contact immédiat avec le blanc d'œuf, ce qui con- firme mes conclusions quant à l’origine de cette substance. De plus, l'expérience rapportée sur les jeunes d’Aehx montre que la paroi du sac nourricier emmagasine le deutolécithe tant qu'elle est pleine d'albumen, et ne se métamorphose que lorsqu'elle se trouve privée de cette substance. DES PROCÉDÉS DE FORMATION DES GANGLIONS NERVEUX. — Les auteurs qui ont} étudié l’origine des ganglions cérébroïdes de l’œil et de l'oreille chez les Céphalophores sont arrivés à des résultats très dif- férents, suivant le groupe auquel ils se sont adressés. Aïnsi, chez les Ptéropodes, j'ai trouvé les ganglions cérébroïdes se formant par invagination de l’ectoderme ; chez les Hétéropodes, par scission de ce même feuillet. Chez les Prosobranches étudiés par Bobretzky, ces mêmes ganglions se forment par condensation dans le mésoderme. Chez les Pulmonés aquatiques, nous avons trouvé un processus ana- logue à celui que Bobretzky à décrit, sauf que je crois pouvoir dire que le mésoderme où le ganglion apparaît dérive lui-même directe- ment de l’'ectoderme, et se montre dès l’origine plus épais et plus compacte à l'endroit où le ganglion apparaîtra. Enfin, chez les Pul- monés terrestres, nous rencontrons une invagination ectodermique tout aussi accusée que chez les Ptéropodes. Une telle diversité dans les résultats ne peut guère provenir d'erreurs d'observation, ni des préoccupations des observateurs et indique bien une diversité réelle dans les processus. La même conclusion s'impose, si nous comparons les modes de formation des otocystes et des yeux. Les otocystes prennent nais- sance par invagination de l’ectoderme chez les Hétéropodes, les Pro- sobranches et les Pulmonés terrestres, par délamination du même feuillet chez les Ptéropodes et les Pulmonés aquatiques. Les vésicules oculaires se forment par les mêmes procédés que les otocystes, chez les Prosobranches et les deux subdivisions des Pulmonés. Les ganglions pédieux présentent, en revanche, une constance remarquable dans leur mode de formation. Ils se différencient par- tout au sein d’un mésoderme préexistant et ne peuvent donc pro- venir de l’ectoderme que d’une manière très indirecte, à moins que cette portion du mésoderme n'ait une autre origine. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 217 Bobretzky paraît convaincu que les modalités embryogéniques doi- vent rester les mêmes dans toute l'étendue d'une classe ou même d’un embranchement du règne animal. C'est pour ce naturaliste un axiome tellement fondamental, qu'il ne se croit même pas obligé de le formuler avant d'en tirer ses déductions. Ayant vu que les gan- glions cérébroïdes et pédieux se différencient au sein du mésoderme chez les quelques Prosobranches qu'il à étudiés, le naturaliste russe étend, sans un instant d'hésitation, cette conclusion à tous les Cépha- lophores; il considère ce résultat comme contredisant le mien relatif aux Ptéropodes et le prend pour base de ses considérations géné- rales. À l’en croire, les Céphalophores et même les Mollusques en général seraient nettement séparés des autres embranchements du règne animal par cette origine mésodermique du système nerveux central, et n'auraient en commun avec les autres animaux que le stade de la gastrée. Les faits que j'ai énoncés ci-dessus montrent clairement toute la distance qui sépare mon point de vue de celui de Bobretzky. Pour moi, l'identité des processus embryogéniques ne se présume pas et demande à être démontrée; les variations dans les procédés de for- mation sont un fait général, et nous devons rechercher les causes et les lois de ces variations. Il serait téméraire de prétendre établir ces lois, tant que le nombre des faits utilisables dans cette recherche sera aussi restreint; mais J'ai émis à titre de présomption l'idée que la grosseur des cellules et l'époque de la formation d’un organe in- fluent sur la manière dont il se constitue. Il me semble qu'en deve- nant plus précoce la formation tend à emprunter le procédé de scission des feuillets, tandis qu’en devenant plus tardive elle emploie plutôt le procédé d’invagination. Dans le premier cas, les cellules formatrices seront plus grosses que dans le second cas. Quoi qu'il en soit, je ne pense pas qu’il y ait antithèse entre les deux procédés de formation, et je suis d'avis que les ganglions cérébroïdes des Cépha- lophores peuvent être considérés comme dérivant originairement de l’'ectoderme. La différence que Bobretzky croit pouvoir établir entre les Mollusques et les autres embranchements serait done sans valeur. En revanche, il me semble que les différences observées chez les Mollusques ont une portée générale, en ce sens qu'elles montrent que les procédés d'invagination et de scission des feuillets peuvent dériver l’un de l’autre et n’ont pas l'importance qu'on leur à souvent attribuée. 218 HERMANN FOL. DES GLANDES RÉNALES. — Les larves des Gastéropodes pulmonés sont particulièrement intéressantes pour l’histoire des organes excré- teurs, puisqu'elles possèdent deux catégories de glandes rénales : les reins larvaires et le rein permanent. Les reins larvaires ne sont pas absolument limités à ce groupe, puisque Bütschli (CLXI et GLXXITT) a signalé quelque chose d’analogue chez Paludina, et que Brooks ! indique aussi un organe de ce genre chez Urosalpinx, un proso- branche marin. Cependant ils paraissent très peu répandus, puis- qu'ils n'ont pas été vus chez la grande majorité des Gastéropodes marins étudiés jusqu'à ce jour. Le rein larvaire est un organe pair, et sa conformation le place évidemment dans la même catégorie que les organes en lacet des Vers. J'ai le premier signalé ce rapprochement (CLV), sur lequel d'autres ont déjà élevé de fragiles échafaudages. J'aurai bientôt à. démontrer le peu de solidité de ces constructions prématurées. Le rein permanent, par contre, est impair chez les Gastéropodes ou, pour parler plus exactement, il est unilatéral. Il ne se développe jamais sur la ligne médiane, comme les organes impairs, mais tou- jours du côté dont la croissance prédomine. Cependant cette règle n'est pas invariable, puisque Bergh et Jhering nous ont fait connaître plusieurs Gastéropodes possédant un rein de chaque côté ; dans ce cas le rein du côté, à croissance plus rapide, est plus développé que l’autre. Ce fait gagne encore en importance, si on le rapproche de la disposition strictement paire des organes de Bojanus des Soléno- conques et des Lamellibranches; car il n'est pas douteux que l'or: gane de Bojanus ne soit l’homologue du rein permanent des Cépha- lophores. Le rein permanent de ces derniers est donc primitivement un organe pair, dont une moitié a disparu par suite de l’atrophie générale d’une moitié du corps. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un organe de formation relativement tardive disparaisse d’un côté chez des animaux dont l’asymétrie est si précoce et si complète. En théorie, nous pouvons donc considérer les larves de Pulmonés comme possédant virtuellement deux paires d'organes rénaux. La 1 Chesapeake Zoolog. Laborat. ; Scient. Resulls 1878, p. 121. L'auteur donne sur le développement de cette espèce des dessins au contour et une notice très incomplète. Le rein primitif serait placé ici comme chez les Pulmonés, mais il est impossible de se faire une idée de sa forme d'après les croquis et encore moins d’après le texte. Le rein permanent serait originairement en contact avec le rein larvaire par une de ses extrémités. Ce travail cadre, du reste, si peu avec ce que l’on sait du développement des Gastéropodes, que nous préférons attendre des données plus sérieuses. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS,. 219 structure de ces organes est très analogue; l’un et l’autre possède une ouverture interne garnie de cils vibratiles, une partie moyenne glandulaire avec dépôt de concrétions uriques dans les cellules de la paroi, un canal efférent et un orifice externe. L'orifice est placé sur les côtés de la larve à des hauteurs différentes, l'un immédiatement au-dessous du bourrelet voilier, l’autre dans le voisinage de l'anus. A côté de ces analogies nous remarquons, il est vrai, une différence : le pore vibratile du rein larvaire s'ouvre dans la cavité du corps, tandis que celui du rein permanent s'ouvre dans le péricarde. Toute- fois, cette dissemblance paraîtra bien peu importante, si l’on songe que le rein larvaire se forme à un endroit et à une époque où il ne saurait être question d'une cavité mésodermique. En‘somme, il sem- ble exister, entre les deux paires d'organes rénaux, des rapports d’homologie sériale f. Est-il permis de considérer en théorie les deux paires d'organes rénaux des Pulmonés comme l'apanage des Gastéropodes en général ? La question est épineuse ; car si le rein larvaire manque réellement à tous les types inférieurs de Gastéropodes, pour ne faire son appa- rition que chez un type dérivé et partiellement dégénéré, comme celui des Pulmonés, il serait bien permis de le considérer comme une néoformation propre à ce dernier groupe et acquise par adaptation à un milieu de développement tout nouveau. D'autre part, il serait téméraire d'affirmer que notre organe fasse réellement défaut chez toutes les formes inférieures des Gastéropodes. L'on sait aussi que les animaux d’eau douce, pour lesquels la lutte pour l'existence pré- sente des conditions particulières, surtout à l'époque larvaire, peu- vent conserver certains caractères primitifs qui s’oblitèrent chez les types marins. Il y a donc des raisons pour et contre ; la question ne sera tranchée, à mon avis, que par des recherches sur l'existence des reins larvaires chez les Gastéropodes les plus inférieurs. Si l’on me demande de conclure, tout bien considéré, je conclus au doute. Cette conclusion ne sera sans doute pas du goût des adeptes de certaine école. L'on croit volontiers de nos jours qu'on n'est pas bon transformiste, si l’on n’est doctrinaire. Je tiens à protester contre cette tendance et à établir que le darwinisme, dont je suis un par- tisan convaineu, n'a rien à faire avec le dogme. 1 À ce propos, il n’est peut-être pas inutile de faire observer que le rein larvaire des Pulmonés se dirige en avant et non en arrière, comme Hatschek le représente dans un dessin théorique. Un schéma ne doit-il pas être une abstraction de la réalité? 220 HERMANN FOL. Pour en revenir à nos reins larvaires, nous sommes donc en pré- sence d’une alternative non résolue. Ces organes sont primordiaux et typiques, ou bien ils sont accidentels et acquis par quelques Pro- sobranches et les Pulmonés. Cette incertitude ne doit pas nous empêcher de rechercher les homologies qui peuvent exister entre ces divers organes rénaux et ceux d'animaux appartenant à d’autres embranchements. C'est ce que nous allons faire à propos des homo- logies générales des diverses larves. | DES HOMOLOGIES GÉNÉRALES DES LARVES DE PULMONÉS. — L'homologie entre les diverses parties des larves de Céphalophores et celles de certains Vers, de Polygordius, par exemple, la larve dite de Lovén, est si frappante, qu'elle ne demande pour ainsi dire pas à être dé- montrée. I en est de même si nous comparons ces larves à des Roti- fères adultes. Seulement il est à noter qu'aucune larve de Mollus- que ne réalise cette analogie d'une manière à peu près complète, et que les traits de ressemblance sont épars et ne sont jamais tous réunis chez une même espèce. Ce sont les Ptéropodes qui ont le mieux conservé la phase dans laquelle le voile n’est qu'une zone vibratile circulaire, ainsi que la houppe de cils du sommet de la tête, si répandue chez les Vers. C'est encore chez les Ptéropodes que la masse ganglionnaire céré- broïde dérive le plus directement de l’ectoderme du champ voilier. Le même fait se retrouve chez Polygordius et chez les Rotifères. Les yeux et les tentacules des Céphalophores tirent leur origine de l’ec- toderme, à côté de l'endroit où le ganglion prend naissance ; c'est aussi ce qui s’observe chez Polygordius. | Sous tous ces rapports, les Pulmonés s'éloignent du type primitif, si nous admettons que le type le plus primitif est celui qui a le plus de ressemblance avec les formes inférieures d’autres embranche- ments. Les homologies du tube digestif des larves de Céphalophores avec celui des larves d’Annélides, décrites par Claparède et Metschnikoff, ou de Polygordius, connues surtout depuis les travaux d’Oulianime et de Hatschek, sont trop évidentes pour demander une démonstra- tion spéciale. Les Pulmonés ne s’écartent du type que par les accu- mulations de deutolécithe, communes à tant d'animaux, dont l’al- bumen est considérable relativement au vitellus. , Les homologies des organes excréteurs sont beaucoup moins évi- dentes. Les reins larvaires des Pulmonés, débouchant immédiatement DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS, 224 sous le bord du voile, n’ont pas de correspondant chez les larves d'Annélides ou de Polygordius, ni chez les Rotifères. En revanche, la paire de reins définitifs (j'ai indiqué ci-dessus pourquoi je parle d'une paire) correspond parfaitement par sa position aux organes excréteurs des Rotifères et à la première paire de la larve de Poly- gordius. L'homologie existe non seulement pour la situation, mais aussi pour la structure de l'organe, puisque le rein permanent pos- sède une ouverture vibratile interne. Ceci posé, nous devons chercher quelle peut être la signification des reins larvaires des Pulmonés. Puisque ces organes n’ont pas d’homologue direct chez les Vers, il ne nous reste à leur égard que deux alternatives : nous pouvons les considérer comme une forma- tion nouvelle et spéciale aux Pulmonés, hypothèse qui me répugne pour plusieurs motifs, ou bien nous pouvons les considérer comme un organe primitif qui se serait conservé chez ces Mollusques, tandis qu'il aurait disparu chez les Vers. Cette disparition peut être conçue de deux manières : soit par oblitération complète, soit par fusion avec les reins qui correspondent aux reins permanents des Mollus- ques. Si cette dernière hypothèse était juste, nous devrions nous attendre à rencontrer soit chez des Vers, soit chez des Mollusques inférieurs, une paire d'organes excréteurs débouchant immédiate- ment sous le bourrelet du voile. En éclaircissant ce point, les re- cherches ultérieures établiront la valeur de notre seconde hypothèse. Les organes excréteurs nous obligent à comparer les larves de Vers et de Mollusques sous le rapport de la composition en méta- mères. L'on sait que Rabl a cherché à comparer les embryons très jeunes des Pulmonés à une larve de Ver à trois métamères ; inutile de réfuter cet essai ni de faire remarquer que les homologies que j'ai en vue n'ont rien de commun avec celle-là. Nous savons que les larves d'Annélides et de Polygordius se composent d'une partie an- térieure, appelée la tête, qui porte le voile et renferme les ganglions cérébroïdes, les organes des sens, peut-être une première paire de ganglions de la chaîne ventrale, une paire d'organes excréteurs, le tube digestif larvaire et enfin des fibres musculaires. Tout cela se retrouve chez la larve de Mollusque d'un âge correspondant. Ensuite apparaît chez les Annélides ce prolongement, cette prolifération de la région anale qui se segmente à mesure qu'elle s'allonge comme un véritable stolon proligère. Ce stolon n'existe pas chez les Mollusques. Si nous Comparons ces derniers à la partie céphalique de la larve 222 HERMANN FOL,. des Annélides, toutes les comparaisons sont faciles et naturelles ; si nous voulons établir leurs homologies avec une larve de Ver à plu- sieurs métamères, nous échouerons. Nous venons en effet de voir que les deux paires d'organes excréteurs sont hors de cause, puisque la seconde paire correspond à la paire céphalique des Annélides. Quant aux ganglions palléo-viscéraux, que v. Jhering voudrait com- parer à la chaîne ganglionnaire ventrale des Vers, tandis que le gan- glion pédieux serait spécial aux Mollusques, je regrette de me sépa- rer complètement sur ee point des vues du savant malacologiste. L'endroit où se montrent les cinq ganglions du centre inférieur ou asymétrique des Pulmonés aquatiques ne correspond en aucune facon à la localité où ils devraient prendre leur origine, conformé- ment à cette théorie. En revanche, le ganglion pédieux peut fort bien se comparer à une première paire de ganglions ventraux d’un Annélide, de même que le pied n’est rien de plus qu'une face ven- trale spécialisée. Pour moi donc, les larves de Mollusques ne peuvent se comparer qu'à la portion céphalique des larves d’Annélides ou à un Rotifère tout entier. Les Mollusques ne sont pas des animaux segmentés dont les métamères se seraient fusionnés secondairement, mais des ani- maux qui restent simples et ne présentent pas même un rudiment du stolon à métamères des Annélides. Qu'il me soit permis, en terminant, de faire remarquer combien les recherches récentes parlent en faveur du rétablissement des Vermes de Linné. Cette forme larvaire, que l’on a désignée des noms de Z’rochosphère, Veliger, Trochophore, la larve de Lovén, en un mot, se représentant avec des variations de forme, mais toujours très reconnaissable, à travers les groupes des Vers, des Annélides, des Bryozoaires, des Brachiopodes et même des Echinodermes, nous oblige à rapprocher tous ces animaux en un phylum distinct de celui des Arthropodes, d'une part, et de celui des Chordéides (Tu- niciers et Veriébrés), d'autre part. Les faits embryogéniques, les seuls dont j'aie à m'occuper ici, parlent hautement en faveur de cette classification. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE CXLIV. — P. Srepaxor. Ueber die Geschlechtsorg, und die Entwickelung von Ancylus fluviatilis. (Mém. Acad. Saint-Petersbourg, t. X, n°8.) 1866. CXLV.— H. pe Lacaze-Durmiers. Du système nerveux des Mollusques Gas- téropodes pulmonés aquatiques. (Arch. de z0ol. erpér.et gén. t. I, p.437.)1872: CXLVI. — E. Ray Lankesrer. Contributions to the Developmental History of the Mollusca. (Proceed. Roy. Soc., n° 151, p. 232.) 1874. CXLVIL.—E. Ray Lanxester. Observ. on the Devel. of the Pond-Snail (Lym- nœus stagnalis). (Quart. Journ. Micr. Sc., t. XIV, n° 56.) Octobre 1874. CXLVIN. — H. For. Note sur le développement des Mollusques ptéropodes et céphalopodes, (Arch. de zoo. exp. et gén., t. KE, p. xxur.) Décembre 1874. CXLIX. — H. Fos. Sur le développement des Mae (Comptes rendus Acad. sc., t. LXXX, no 3). Janvier 4875. CL. — C. Ragr. Die Ontogenie der Süsswasser pulmonaten. (fenaische Zeitschr., t. IX, 2 livraison, p. 195.) Mai 1875, CLI. — H. v. JHEeriNG. Ueber die Entwickelungsgesch. von Helix (Ienaische Zeilschr.. t. 1X, 3° livraison, p. 299). Juillet 1875. CLII.— H. Fos. Etudes sur le dével. des Mollusques. 4er Mém. : Sur le dével. des Ptéropodes. (Arch. de soul. exp. et gén.. t. IV, p. 1. Juill, et sept. 1875. CL. — E. Ray Lanxesrer. Contributions to the Developmental History of the Mollusca. (Phil. Trans. Roy. Soc.) Août 1875. CLIV. — H. For. Sur le développement des Hétéropodes. (Comptes rendus Acad-sc.; 4: LXXXI, n°11, p. 472.) Septembre 1875. CLV.— H. For. Sur le développement des Gastéropodes pulmonés. (Comptes rendus Acad. sc., t. LXXXI, n° 143, p. 523.) Septembre 1875. CLVI. — H. Fo. Réponse à une réclamation, etc. (Arch. de z00l. exp. et gén., t. IV, n° 3, p. xxx.) 1875. CLVIT. — N. Bogrerzxy. Studien über die embryonale Entwicklung der Gasteropoden. {Archiv f. mikr. Anat.,t. XIIX, 4e livraison, p. 95.) Juillet 1876. CLVIIL. — H. Fos. Etudes sur le dével. des Mollusques. 2° Mém.: Sur le dévelop. des Hétéropodes. ( (Arch. de zool. exp. et gén., t. V,n°1, p.105.) 1876. CLIX. — E. Ray Lankester. Remarks the Shell-gland of CURE and the Planula of Limnæus. (Quart. Journ. Micr. Sc., n° 63, p. 320.) Juillet 1876. CLX. — E. Ray Laxkesrer. On the Coincidence of the Blastopore and Anus in Paludina vivipara. (Quart. Journ. Micr. Sc., n° 64, p. 377.) Octobre 1876. * Voir, pour les ouvrages moins récents, l’Index de mon mémoire sur le déve- loppement des Ptéropodes. 224 HERMANN FOL. CELXI. — O. Burscaui. Mittheilung über die Entwicklungsgesch. der Palu- dina vivipara. (Zeitsch. f. w. Zool.,t. XX VII, 4° livr., p. 518.) Novembre 1876. CLXII. — F. Leypic. Die Hautdecke und Schale der Gastropoden, etc. (Arch. f. Naturgesch., t. XLII, 2° et 3° livraison, p. 209 et 241.) 1876. CLXIIT. — H. Simrorx. Ueber die Sinneswerkzeuge unserer einheimischen Weichthiere (Zeitschr. f. ww. Zool., 3° livraison, p. 227.) Janvier 1876. CLXIV.—H. v. JaeriNG. Ueber die Ontog. v. Cyclas und die Homol., etc., b. d. Mollusken. (Zeitschr. f. w. Zool., t. XXVI, 4° livraison, p. 414.) Mars 1876. CLXV. — H. v. JaeriNc. Tethys. Ein Beitrag zur Phylogenie der Gastro- poden. (Gegenbaur's Morphol. Jahrbuch,t. Il, p. 27.) 1876. CLXVI — H. v. JaeriNG. Versuch eines natürl. Systems der Mollusken. (Jahrb. d. Deutschen Malakoz. Gesellsch.) Frankfort, 1876. CELXVET. — H. v. JnerixG. Die Gehôrwerkzeuge der Mollusken, etc. Habi- litations schrift. Erlangen, 1876. CLX VII. — H. v. JsErING. Vergleich. Anat. der Nervensystems und Phy- logenie der Mollusken. 1 vol. in-folio. Leipzig, 1877. CLXIX. — H. v. JHeriNG. Zur Morphologie der Niere der sog. Mollusken. (Zeitschr. f. w. Zool., t. XXIX, 4° livraison, p. 583.) Octobre 1877. CLXX. — H. v. JHeriNc. Ueber die Systematische Stellung von Peronia und die Ordnung der Nephropneusta. Erlangen, 1877. CLXXI. — H. v. JaeriG. Beitr. z. Kennt. d. Nervensystems der Amphi- neuren, etc. (Morphol. Jahrbuch, t. IT, 2° livraison, p. 155.) 1877. CLXXII. — C. Semper. Einige Bemerkungen über die Nephropneusten von Jhering. (Arb. Zool. Instit. Würzburg, t. I, 4° livraison, p. 480.) Févr. 1877. CLXXIIL. — O. Burscut. Entwicklungsgeschichtliche Beiträge (Zeischr. f. w. Zool., t. XXIX, 2° livraison, p. 216.) Juillet 1877. EXPLICATION DES PLANCHES. EXPLICATION DES LETTRES. a, anus. B, l’orifice d’invagination primitive ou blastocolpe. Bs, les saillies latérales qui entourent le blastocolpe. b, la bouche définitive. c, les cils vibratiles. cp, la ligne des cils du milieu du pied. cm, les cils moteurs. ec, l'ectoderme ou feuillet externe. ecp, prolongements de cellules ectodermiques. eci, interstices entre les cellules de l’ectoderme. ex, cellules de l’ectoderme pleines de deutolécithe. em, le mésoderme ou feuillet moyen. emv, les deux grosses cellules de la face ventrale de l’embryon. emn, les amas de grandes cellules mésodermiques de la nuque. en, l’entoderme ou feuillet interne, en\', cellules de l’entoderme pleines dedeutolécithe,. f, le foie. g, les glandes. gs, les glandes salivaires. gp, la glande à mucosité du pied. h, le cœur permanent ou définitif. hv, le ventricule du cœur. ho, l'oreillette. ha, l'aorte. hp, le péricarde. i, l'intestin. it, l'intestin terminal ou portion rectale. k, les sinus larvaires. kf, la cavité de fractionnement ou cavité de Baer. kc, la cavité du corps. En, le sinus de la nuque ou sinus du voile. kp, le sinus contractile du pied. km, le sinus contractile de la cavité palléale ou cœur larvaire, ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GËN, — T. VIII, 1879 et 1880. 15 226 HERMANN FOL. x, les concrétions. xe, les concrétions calcaires dans les tissus mésodermiques. xr, les concrétions uriques de la glande rénale. ls, la lèvre supérieure. >, le protolécithe ou lécithe vitellaire. x', le deutolécithe ou lécithe embryonnaire. xg, globules adipeux résultant d’une décomposition du deutolécithe. m, le repli du manteau. mc, la cavité pailéale ou branchiale, mco, l’orifice ou entrée de la cavité palléale. mm, le rebord du manteau. mh, les houppes de cils de la cavité palléale. ml, la saillie longitudinale ciliée qui aboutit à l'anus. mp, la paroi qui sépare le corps de lacavité palléale. u., les fibres musculaires. um, les fibres musculaires ramifiées du manteau. n, les ganglions nerveux. nc, les ganglions cérébroïdes ou céphaliques, ou sus-æsophagiens. np, les ganglions pédieux. niæ, les ganglions palléo-viscéraux ou centre inférieur, asymétrique. nv, les petits ganglions viscéraux de lœsophage. ncd, la commissure dorsale entre les ganglions cérébroïdes. v, les noyaux des cellules. vv, les nucléoles. O, l'œuf dans son entier. Om, la membrane de l'œuf. Oa, l'albumen de l’œuf. oc, l'œil. ocv, la vésicule oculaire. ocl, le cristallin. ocp, le pigment rétinien. w, les otocystes. wl, les otolithes. æ, l'æœsophage. œs, la saillie longitudinale ciliée de la paroi dorsale de l’œsophage. ær, la radule. œrs, le sac de la radule. Pf, le pôle formatif du vitellus ou de la morule. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 227 Pn, le pôle nutritif. P, la région de l'embryon qui deviendra le pied. p, le pied déjà formé. p\, amas de globules de deutolécithe dans l’ectoderme du pied. g, la coquille. qi, l’'enfoncement coquiller ou invagination préconchylienne. qgic, le canal de l’invagination coquillère. gb, le bourrelet coquiller qui sécrète le bord de la coquille. gs, le sac coquiller interne des Limaces. r, le rein définitif ou permanent. rc, le canal du rein. rop, l'ouverture du canal rénal dans la cavité palléale. roh, l'ouverture du canal rénal dans le péricarde ou siphon rénal. p, le rein larvaire ou primitif. pi, l'invagination qui donne naissance au rein larvaire. pe, l’entonuoir vibralile ou orifice interne du rein. p0, l’orifice interne du rein larvaire. pci, le canal intérieur ou région interne du rein. pce, le canal extérieur ou région externe du rein. es, la poche ou portion moyenne du rein primitif (sur la pianche I, fig, 19, lisez œs et œrs, au lieu de b et ps). + S, la cavité digestive embryonnaire, s, l’estomac déjà délimité. 6, la poche nourricière ou sac nutritf. cc, Canal excréteur d’une poche nourricière. 6, le sac nourricier ventral. 5’, le sacnourricier dorsal. les tentacules proprement dits ou tentacules oculaires. tb, les tentacules buccaux. v, le voile. vb, le bourrelet ciliaire du bord du voile, æ, les globules polaires ou corpuscules de rebut, y, fossette à l’entrée de la cavité palléale, sans doute la fossette olfactive. 3, épaississement problématique de l’ectoderme à la base du tentacule oculaire. 228 Fc, d: 16. 174 HERMANN FOL. EXPLICATION DES FIGURES. | PLANCHES IX et X. Planorbis marginatus. Vitellus fractionné en huit sphérules, dessiné d’après le vivant et grossi 300 fois. Vitellus fractionné en seize sphérules, dessiné d’après le vivant pendant un temps de repos dans le travail de division. Grossi 200 fois. Vitellus parvenu à la forme framboisée (morule), dessiné d’après le vivant, pendant un temps de repos. Grossi 200 fois. Le même,'dessiné pendant le travail de division des sphérules. Même gros- sissement. Embryon anormal qui s’est développé dans une eau trop peu aérée, en coupe optique, d’après le vivant. Grossi 200 fois. | À _Le même, montrant seulement la surface, c’est-à-dire l’ectoderme, d'après le vivant. Grosissement, 200. Embryon normal d’un stade plus avancé, vu par la face ventrale, dessiné d’après le vivant et grossi 200 fois. Embryon normal, du même âge que le précédent, vu de profil, d’après le vivant. Grossi 200 fois. Embryon vivant, un peu plus âgé que les précédents, vu par la face ven- trale. Grossissement, un peu moins de 200. Très jeune larve, vue de profil, dessinée d’après le vivant, au grossissement de 200 diamèires environ. La même que la précédente, vivante, vue par la face dorsale et grossie 200 fois. Jeune larve, préparée à l'acide osnique, dessinée de profil au grossissement de 200. . Larve un peu plus avancée que la précédente, dessinée d’après le vivant au grossissement de 200, à peu près, et vue par l’extrémité orale. Larve un peu plus âgée que la précédente, vue de profil et dessinée d’après le vivant, à un grosssisemeut de 175 à peu près. . Larve toute formée, vue par la face ventrale et dessinée d’après le vivant au grossissement de 209 environ. Larve âgée, dessinée d’après le vivant au grossissement de 200. Vue par le côté droit et un peu par la face ventrale. La même que la précédente, dessinée de même, mais vue parle côté gauche et un peu par la face dorsale. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 229 18. Larve prête à éclore et à se métamorphoser, vue par la face ventrale et 19. FiG: 1. 10. a: 12. 13. 14. 15. 16. dessinée vivante au grossissement de 209 diamètres. Coupe sagittale d’une larve au même point de développement que celles des figures 17 et 18, mais plus grosse, grossie 200 fois. La pièce a été durcie à l’acide chromique et à l’alcool, coupée dans le savon transparent et la coupe teinte au carmin et conservée dans le glycérolé de gélatine (au lieu des lettres p et ps sur cette figure, lisez ær et œrs). PLANCHES XI et XII. Planorbis, Physa, Lymnæœus, Ancylus. Embryon de Planorbis contortus un peu anormal et gonflé, vu par la face ventrale et dessiné d’après le vivant au grossissement de 200 diamètres. . Le même que le précédent, vu par la face dorsale et dessiné d’après le vivant au même grossissement. . Embryon de Planorbis contorlus vivant, du même âge que les précédents, mais parfaitement normal, vu par le côté droit et grossi 200 fois. . Très jeune larve de Planorbis conlortus, préparée à l’acide osmique, vue par le côté droit et grossie 200 fois. . Jeune larve de la même espèce, vue par la face dorsale et dessinée vivante au grossissement de 150 diamètres. 4 . Larve loute formée de Planorbis contortus, vue par le côté droit et dessinée vivante au grossissement de 150 diamètres environ. . Même larve que la précédente, vue par le côté gauche, dessinée de même, au même grossissement. . Partie céphalique d’une larve vivante prête à éclore, de Planorbis contor- tus, vue par le côté gauche et un peu par le dos, grossie 200 fois. . Région dorsale et sinus voilier d’un embryon vivant de Planorbis de l’âge de ceux des figures 4 et 2, vu de profil à un fort grossissement. Embryon jeune de Planorbis corneus, vu par le côté droit, dessiné d’après le vivant au grossissement de 200 diamètres. Jeune embryon de Physa hypnorum, dessiné sur le vivant au grossisse- ment de 150 diamètres, Petite portion de l’ectoderme de la région voilière du même embryon, dessinée en coupe optique d’après le vivant à un fort grossissement. Embryon de Physa hypnorum, un peu plus âgé que celui de la figure 11, vu de profil et dessiné, vivant, au grossissement de 150 diamètres. Embryon avancé de la même espèce, vu par la face ventrale et dessiné d’après le vivant au grossissement de 150 diamètres. Embryon de Physa hypnorum, du même âge que le précédent, vu par le côté oral et dessiné au grossissement de 150 diamètres. Jeune embryon de Limnæus stagnalis, vu par le côté dorsal {ou ventrai? d’après le vivant, au grossissement de 150 diamètres. 230 Frc. Fi. HERMANN FOL. 17. Très jeune larve de la même espèce, vue par le côté oral, dessinée d’après le vivant et grossie environ 150 fois. 18. Jeune larve de Limnæus stagnalis, vue par le côté gauche, dessinée d’après le vivant au grossissement de 150 diamètres. 19. Larve toute formée de la même espèce, vue par le côté droit et un peu par l'extrémité orale ; préparation à l’acide osmique. Grossissement, 150. 20. Limnæus slagnalis, prêt à éclore, traité par l'acide acétique et la glycérine, vu par la face ventrale. Grossi 150 frois. 21. Vitellus d’Ancylus lacustris, fractionné en seize, dessiné d’après le vivant au grossissement de 150 diamètres. 22. Larve avancée d’Ancylus lacusiris, vue par le côté gauche et dessinée vivante au grossissement de 150 diamètres, PLANCHES XIII et XIV. Planorbis. 1. Jeune P{. marginatus, au moment de l’éclosion, vu obliquement par la face dorsale et l'extrémité postérieure, vivant. Grossi 150 fois. 2, Jeune de PI. marginalus, prèt à éclore, vu par la face dorsale, dessiné d’après le vivant dans l’état de demi-extension. Grossissement, 150 fois. 3. Jeune de PL. contortus, récemment éclos, vu par le côte gauche, dessin fait d’après le vivant. Grossi 150 fois. 4. Jeune de Pl. marginatus, éclos de quarante-huit heures, vu par le côté droit et dessiné vivant. Grossissement, 150 diamètres. 5. Le même que sur la figure précédente, dessiné de même, au même grossis- sement, mais vu par la face ventrale. PLANCHES XV et XVI. Helix pomalia. 1. Vitellus vivant, quelques heures après la ponte, arrivé à la forme framboisée, vu en coupe optique verticale et grossi 150 fois. 2. Embryon très jeune, du troisième jour après la ponte, vu par la face ven- trale, dessiné d’après le vivant et grossi 150 fois. 8. Embryon vivant du même âge que le précédent, vu par l'extrémité orale. Même grossissement. - < 4. Embryon un peu plus avancé, vu par le côté gauche, dessin fait d’après le vivant. Grossi 150 fois. 5. Embryon du cinquième jour après la ponte, mais relativement peu déve loppé, vivant, examiné par l’extrémité orale et grossi 150 fois. 6. Embryon plus avancé, du cinquième jour après la ponte, vu par le côté droit, dessiné d'après le vivantiau grossissement de 159 diamètres. DÉVELOPPEMENT DES GASTÉROPODES PULMONÉS. 231 7. Embryon du septième jour après la ponte, vu par le côté droit, vivant. Grossi 50 fois. 8. Portion ventrale du précédent embryon, vue et dessinée de même, Grossis- sement, 150. 9. Très jeune larve, aussi du septième jour, vue par la face ventrale et dessinée d’après le vivant au grossissement de 50 (le dessin est orienté avec le pied en haut et le sinus voilier en bas; il eût mieux valu le placer en sens inverse). 10. Région buccale de la larve de la précédente figure, vue et dessinée de même. Grossie 150 fois. 11. Jeune larve du septième jour, mais avancée pour son âge, vue par le côté droit et dessinée d’après le vivant au grossissement de 50 diamètres. L’exemplaire est anormal en ce sens que le sinus voilier a crevé, par suite d’une manipulation maladroite de l’œuf, s’est ratatiné et la déchirure s'est cicatrisée. 12. Larve vivante du huitième jour, vue par le côté droit et dessinée au grossis- sement de 50 diamètres. 13. Coupe optique verticale du sinus du pied d’une larve plus âgée que celle de la figure 16 de la planche XVII et XVIII ; vivante et grossie 150 fois. PLANCHES XVII et XVIII. Limazx, Arion, Helix. FiG. 1. Jeune embryon de Limax maximus, dessiné d’après le vivant, vu par le côté et grassi 150 fois. 2. Embryon de Limax max. du sixième jour après la ponte, vu par la face ventrale, dessiné d’après le vivant au grossissement de 150 diamètres. 3. Embryon plus avancé de Limax maæximus, vivant, au sixième jour, vu par le côté gauche et grossi 150 fois. + Embryon de la même espèce, au huitième jour, présentant son côté droit et dessiné d’après le vivant au grossissement de 100 diamètres. 5. Partie orale et pied d’une larve de Limax maæximus, du onzième jour, vivante, regardée par l’extrémité orale et grossie 140 à 150 fois. 6. Région anale et coquillère d’une larve du treizième jour de la même es- pèce, examinée par l’extrémité inférieure et dessinée d’après le vivant au grossissement de 75 environ. 7. Larve de Limax maximus, du quatorzième jour, vivante et regardée par le côté gauche, grossie 50 fois. Le sinus voilier a été crevé par suite d’une pression exercée sur l’œuf, la déchirure est cicatrisée et le sinus s'est regonflé en partie. 8. Quatre cellules ectodermiques de la paroi du sinus voilier d’une larve de Limax maximus, du douzième jour, vivante; ces cellules sont vues par la surface externe à un assez fort grossissement 232 HERMANN FOL. 9, Portion d’une coupe optique de la base du sinus du voile d’un embryon de la même espèce et du huitième jour, dessinée d’après le vivant et assez fortement grossie. 10. Deux cellules de l’ectoderme de la base du pied d'un embryon de Limax max., dessinées d’après le vivant et fortement grossies. 11. Portion de l’entoderme d’un embryon de la mème espèce, vue par la sur- face et dessinée à un grossissement assez fort. 12. Petite portion de l’ectoderme du pied d’un embryon de huit jours de Limax maximus, vue en coupe optique et dessinée d’après le vivant. 43. Larve avancée de Limax maximus, vivante, vue par son côté gauche et grossie 30 fois. 44. Larve d’Arion rufus, àägée de plus de six jours, vivante, vue par le côté droit et grossie 30 fois. 15. Larve d’Æelix pomatia, de dix jours à dater de la ponte, présentant son côté droit au spectateur et dessinée d’après le vivant au grossissement de 40 diamètres. 16. Larve plus âgée d’Helix pomatia, vue par son côté droit et dessinée vivante au grossissement de 20 diamètres. GLANDES GÉNITALES ET ORGANES SEGMENTAIRES DES ANNÉLIDES POLYCHÈTES PAR LÉON-C. COSMOWVICI (ROUMAINN !) HISTORIQUE. En lisant les nombreux ouvrages qui traitent des Annélides proprement dits, on est véritablement embarrassé encore aujour- d’hui sur ce qu'on doit entendre par organe segmentaire. La même confusion règne en ce qui touche la détermination des glandes génitales. Avant 1840, les naturalistes ont peu contribué à la connaissance des glandes génitales. Mais, pendant la période de 1807 à 1840, un grand nombre de zoologistes illustres se sont occupés de l'organi- sation des vers, et les différents recueils scientifiques du temps sont pleins de leurs travaux. En 1840, quand Stanius eut annoncé /a séparation des sexes, un premier pas fut fait, et, trois ans plus tard, M. de Quatrefages donna beaucoup de détails sur les sexes des An- nélides. M. Thomas Williams publia, en 1858, un mémoire sur les organes segmentaires des vers, dont un résumé complet se trouve dans les Transactions philosophiques de Londres. C'est à cet auteur que la science doit le nom d'organes segmentarres. 1 Les lecteurs comprendront, il est à peine besoin de le dire, que le Gérant et le Directeur des Archives laissent à l'auteur l’entière responsabilité de son travail quant à la forme et quant au fond. Il est regrettable que la rédaction, faite dans une langue qui n’est pas celle de l’auteur, laisse autant à désirer. 9234 L.-C. COSMOVICI. En peu de mots on peut résumer ce que Williams entendait par cette dénomination. « L'organe segmentaire est, suivant les sexes, un ovaire ou un testicule, et leur conduit évacuateur. » Voici sa description : « Les organes segmentaires sont des tubes ciliés à deux branches, fixés contre la paroi du corps. Une des branches : branche d'entrée (ëngoing limb), laisse pénétrer l'eau par le pore qu’elle présente à son point d'attache avec la paroi du corps, l’autre : branche de sortie (outgoëng limb), laisse sortir cette eau par un pore analogue. Le courant aquifère est entretenu dans ces tubes par les cils vibratiles qui tapissent leur intérieur. Enfin sur une partie de la branche d’en- trée de ces organes se trouve la partie génitale. Sur celle-ci arrivent une foule de petits vaisseaux sanguins, formant un lacis vasculaire excessivement riche, apportant ainsi le plasma nécessaire à la nais- sance des produits de la génération. » Quant à la manière dont ces organes fonctionnent, l’auteur avance: des théories qui ne sont guère en rapport avec les faits anatomiques si précis qu'il indique. Ainsi, pour lui: « Les œufs ou les spermatozoïdes naissent sur la paroi interne de la branche d'entrée des organes segmentaires. Ces produits tombent chez la plupart des Annélides, par des procédés inconnus, dans des espèces de trames aréolaires, dépendantes desdits organes. Chez les Arénicoles et les Térébelles, les œufs tombent d’abord à l’intérieur de l'organe segmentaire, puis par un tout petit orifice situé sur la branche de sortie, ces produits passent dans la chambre viscérale. Enfin la dernière fonction des organes segmentaires est l'évacuation en dehors des produits mâles ou femelles. » M. Williams ne s'est pas borné à l'étude des organes segmen- taires chez les Annélides, et il a trouvé des homologies bien larges chez d’autres animaux inférieurs. I suffit de lire ses descriptions, pour voir que les faits anatomiques laissent à désirer, ce que, du reste, M. de Quatrefages, dans son mé- moire sur les Annélides!, à la page 102-104, signale clairement. Comme on a vu plus haut, c’est à partir de cette date que les natu- ralistes ont cherché avec plus d'attention ces organes. Leurs idées à ce sujet diffèrent beaucoup. 1 Annélides, Suites à Buffon, 1865, 2 vol. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 235 Ainsi, M. de Quatrefages dit (p. 104): « En ce qui me concerne, j'ai peu de chose à dire de l'organe segmental. Comme à tant d’au- tres anatomistes, qui se sont occupés des Annélides, cet organe m'a entièrement échappé, à moins... » Et, après avoir fait certaines revues et critiques, il ajoute (p. 105) : « Je pourrais multiplier ces exemples, mais je crois en avoir assez dit pour montrer qu'au point de vue anatomique, l'organe en ques- tion a besoin d’être encore sérieusement étudié. » Enfin, au point de vue physiologique, M. de Quatrefages est encore en désaccord avec Williams. Aïnsi, pour lui, les glandes génitales sont en général situées de chaque côté de la chaîne nerveuse {Né- réides, Eunices, Syllides, etc.). Donc, si ces organes segmentaires existent, ils ne servent point comme glandes génitales, c'est un fait assez intéressant, qui ne doit pas être oublié. Pourtant, à propos des Térébelles et Arénicoles, ce savant dit (p. 107): « Je me trouve d'accord avec M. Williams et ses prédécesseurs, qui depuis Cuvier jusqu'à MM. Edwards et Grube ont tous regardé comme des organes reproducteurs les poches glandulaires, disposées par paires à la partie antérieure du corps de ces Annélides. » On verra bientôt par mes recherches que ces poches ne sont point les glandes génitales. En analysant le travail de M. de Quatrefages on peut tirer presque cette conclusion : Chez les Annélides errants, les ovaires ou les testicules se trou- vent sur la ligne médiane du corps. Chez les sédentaires, ces glandes sont situées dans des poches extérieures: Térébelles, Arénicoles, Clyménies, Dujardinies. On doit regretter le manque de figures explicites montrant, si peu que ce soit, l'organisation de ces poches génitales. Grübe ! considère les poches latérales des Térébelles comme des ovaires. Il dit même que les œufs naissent autour du vaisseau qui traverse la glande. Trévirianus ? décrit, à la base des pieds, des masses ovales comme des glandes génitales. On trouve des vues pareilles chez les anato- mistes plus modernes. Pallas', voyant des œufs et des spermatozoïdes dans la chambre 1 GRUBE, Zur Analomie der Kiemenwürmer, Kônigsberg, 1838, p. 16. 2 TrévirrANUS, Zeitschrift f. Physiologie, t. LIT, Darmstadt, 1829, p. 165, 1 PaLcas, Miscellania Zcologica. 236 L.-C. COSMOVICI. viscérale, suppose que ces produits prennent naissance dans le li- quide qui remplit cette cavité. Delle Chiaje? décrit aussi des ovaires à la base des pieds chez beau- coup d'Érrants. Enfin bien d’autres anatomistes ont cité, çà et là, quelques faits qui se rapportent plus ou moins aux glandes génitales. A propre- ment parler, c’est après le travail de Williams que des recherches plus précises ont été publiées par différents auteurs. En première ligne M. Keferstein” doit être cité. On est frappé de la clarté de ses expositions. Il détaille fort bien ce qu'il a vu et ce qu'il n'a pas vu, et en même temps l’auteur cite très exactement les tra- vaux précédemment publiés. Keferstein cite les organes segmentaires des Terebella conchylega, T. gelatinosa, Capitella rubicunda, Cirratulus filiformis, C. bioculatus, Syllis divaricata, etc. Mais partout l’auteur dit n'avoir jamais vu les glandes génitales. A propos de chaque animal étudié dans cet ou- vrage, il y aura le parallèle entre les faits exposés, et ceux que Keferstein en donne pour les mêmes espèces. Nous pouvons passer tout de suite à M. Claparède. Ce grand savant change souvent d'opinions, ses vues pourtant se résument bien dans des chapitres exposés à deux dates différentes”. Il est d'accord avec M. de Quatrefages sur l'isolement des glan- des génitales, qui n'ont aucune relation avec les organes segmen- taires, comme le veut l’auteur anglais. Cependant, sur le rôle de ces organes, M. Claparède semble hésiter. Ainsi dans son mémoire : Structure des Annélides sédentaires, on trouve un chapitre assez étendu où dès le commencement l’auteur dit : « Qu'on admet généralement et avec raison que ces organes (organes segmentaires) servent à emmener au dehors les éléments reproducteurs. Cependant, comme Je l’ai montré à différentes reprises ces organes ont en outre, dans une foule de cas, des fonctions sécré- Loires. » Bien plus encore, après tant de descriptions et de recherches, le ? DEecce Cnrase, Descrizione et Anatomia comparata, t&. III et V, Napoli, 1836, etc. 3 KEFERSTEIN, Zeitschrift für wissenschafs. Zool., t. XII. 18692, taf. VIII-XI. * CLAPARÈDE, Annélides chétopodes du golfe de Naples (Soc. phys. et d’hist. nat. de Genève, t. XIX, 1868, p. 333, t. XX. — Structure des Annélides sédentaires, 1863. — Beobachtung über Anatomie und Entwickelungs-ges. wirbellose Thiere (fig. 17, taf. XII, fig. 4, taf. XI, fig. 19, taf. XI, elc, — CARPENTIER" et CLAPARÈDE, 1860, Furter Researches on Tomopteris onisciformis (Trans. of. the Linn. Soc., t. XXII). LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 237 savant génevois dit dans son mémoire, à la page 134, à propos des organes segmentaires des Myxicoles : « Mais c’est pour moi une raison de plus de douter que les élé- ments reproducteurs suivent cette voie si complexe pour arriver au dehors. Je ne puis abandonner entièrement l’idée des anciens auteurs, que ces éléments sont évacués par des pores latéraux de l'abdomen, d'autant plus que je crois me souvenir d’avoir été une fois témoin de cette évacuation chez une Serpulle. » Pourtant M. Claparède dessine l'organe segmentaire chez beaucoup d’Annélides errants, exemple : Æermadion, Eunice schizobranchia, Lycodiriens (Néréidiens), Alciopiens, Asteropa candida, etc. Get organe paraît consister en un tube plus ou moins long avec un pawvil- lon interne et une ouverture à l'extérieur. Quelquefois, à ce qu'il paraît, il y a un réservoir séminal chez les femelles. Mais comment les zoospermes arrivent-ils dans ces poches? l’auteur avoue que, là encore, il y a un mystère pour lui, en l’absence d'organes copula- teurs et en présence d’un si grand nombre de pores éjaculateurs chez les mâles. On trouve de plus dans ce mémoire un fait très remarquable, qui confirme mes opinions sur les organes segmentaires exposées dans le courant de ce travail. « La paroi de ces organes, dit Claparède, est souvent glanduleuse, histologiquement comparable aux éléments du rein des Gastéro- podes (Amphictemiens, Pherusiens). Ainsi doutais-je à peine que ces organes remplissent un rôle excrémentitiel. Et, comme chez:les Oligochètes, ce n’est non plus qu’une partie des organes segmen- taires qui se chargent du rôle d'appareil efférent de la génération. » Restent à connaître les opinions sur les glandes génitales. Trois cas peuvent se présenter : 1° Les œufs naissent sur l'épithélium des dissépiments, exemple : Protula Dysteri ; 2° Les glandes sexuelles sont des grappes ou des lacis de cordons, dont les axes sont occupés par des rameaux sanguins, et les œufs ou spermatozoïdes naissent aux dépens d’une couche de nucléus contique au vaisseau. C’est le cas le plus général pour Claparède. J'ai souligné à dessein le mode de naissance des produits de la généra- tion, pour rappeler que Grübe, Selinka! disaient la même chose, et comparer ensuite ce fait à ceux exposés dans ce travail à propos des mêmes glandes : 238 L.-C. COSMOVICI. 3° La troisième disposition est au fond la même. Il existerait chez les Lycodiriens et d’autres Errants un tissu particulier, nommé : tissu sexuel, duquel naissent les œufs. Je citerai les propres expres- sions de l’auteur. « Le tissu sexuel consiste en vaisseaux situés à la base des pieds, et dans la cavité du corps, entourés par un tissu considéré comme un tissu connectif, chargé de gouttelettes d'apparence huileuse. Les cellules pâles n'ont pas de membrane. Le protoplasma, homogène et incolore, renferme un nucléus, une vacuole pleine d'un liquide aqueux et une gouttelette à réfrigérence comme de l'huile. A la ma- turité des individus, les œufs apparaissent au milieu de ce tissu. Il est difficile de ne pas croire que chaque ovule résulte de la transfor- mation d'une des cellules du tissu connectif, soit graisseux. « Le seul fait établi d'une manière incontestable est donc que les ovules apparaissent isolément au sein du tissu adipeux. Même chose pour les mâles. » Bien que Claparède réponde à M. de Quatrefages en disant que les organes segmentaires penvent facilement être décrits, sans le secours du crayon et du pinceau, il eût été utile de montrer ce tissu et le mode de formation des œufs ou des spermatozoïdes. Presque en même temps, M. Ehlers (1864-68) publia des recher- ches sur les Annélides chétopodes, où on trouve des faits assez remarquables sur ce qui concerne les organes qui nous occupent le plus. Ainsi, à l'article : Organes de la reproduction”, ce savant dit tout de suite que les glandes génitales sont distinctes des organes seg- mentaires; que les œufs ne naissent point, comme on l’a cru Jus- qu'alors, d'un blastème situé dans la cavité du corps, mais qu'il y a une masse cellulaire, en forme de grappe de raisin, engendrée à la surface interne d’une partie de la paroi du corps, ou sur les dissépiments, jouant, suivant les sexes, tantôt le rôle d'ovaire, tan- tôt le rôle de testicule. Enfin, que les produits de la génération naissant dans ces glandes se détachent à un moment donné de leur souche, et flottent dans la cavité générale jusqu'à ce qu'ils soient recueillis par les organes segmentaires et rejetés au dehors. Ce savant est bien plus explicite, mais on est forcé de faire la 1 SELINKA, Sur les org. de la reprod. de l’Aphrodite hérissée. ? EnLers, Borstenwiürmer. Ann. Chetopoda, 1-2, 1864-1868. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 239 même observation : Montrez-nous ces glandes, montrez leur situa- tion, leurs rapports, pour que tout naturaliste qui veuille les cher- cher puisse les trouver sans difficulté. Quant aux organes segmentaires, quoique M. Ehlers semble être plus clair, on le voit toujours hésiter un peu sur leur véritable fonc- tion. Ainsi il dit : «Avec ces organes germigènes,se trouvent constamment des appa- reils qui ont la propriété de recueillir les produits de la génération du corps de l'animal une fois qu'ils sont mürs, et de les verser au de- hors. Ce sont des organes attachés à la paroi du corps, ayant une ouverture dans la chambre viscérale pour recevoir les produits, et une autre en dehors pour laisser sortir ces mêmes produits. » Je crois que c’est une chose connue depuis qu'on a étudié les organes segmentaires chez les Lombrics (Oligochètes). Tout le monde admet à priori, malgré les opinions des différents savants, que chez les vrais Annélides telle devait être la forme des organes segmen- taires. Ce qui est nécessaire, c’est de montrer les canaux à deux ouvertures, et de bien préciser leur organisation. Les vues de M. Ehlers sur ces organes se résument ainsi : 1° Chez la majorité des Annélides, 1l y a dans chaque segment du corps une paire d'organes segmentaires, ayant leur ouverture externe près de la sortie des soies des rames ; exemples : Vereës, Syllis, etc. ; 2° Chez les Annélides à branchies céphaliques (Céphalobranches), les organes segmentaires sont limités à un certain nombre déterminé de segments. Le tube qui les constitue est courbe, et la branche interne est excessivement pigmentée. Il affirme que, chez ces der- niers, On voit sans difficulté la dilatation et le resserrement {les con- tractions) de l'ouverture externe ; exemple : Terebella, Polycirus, Sabellides, Siphonostomes, Pectinaria et Euphrosine ; 3° Enfin, une troisième forme se trouve chez les vers à élytres. Chez eux, l'organe segmentaire est transformé en un sac contrac- tile, ayant une ouverture interne au sommet d’un canal court et l'ouverture externe au bout d’un autre canal tout petit; exemple : Sigalion. Le plus souvent, ces sacs contractiles s’ouvrent par plusieurs pores garnis de cils, exemple : Polynoë. M. Ehlers resta encore indécis sur un point : la forme de l'organe segmentaire est-elle la même chez les individus mâles que chez les femelles ? 240 L.-C. COSMOVICI. M. Ehlers se pose encore quelques questions sur les fonctions de ces organes pendant le repos des glandes génitales : il se demande si ces organes laissent entrer quelque chose du dehors ou sortir quelque chose du dedans ? si ces organes servent à la respiration, et surtout à l’excrétion ? A la fin de ce chapitre on trouve un fait assez intéressant. Chez les Eunices il paraît que la fécondation des œufs à lieu à l’intérieur de la femelle et par conséquent M. Ehlers dit qu'il est possible que les spermatozoïdes soient repris par l’ouverture externe de l'organe segmentaire, pendant le rapprochement des deux individus (6 et Q). A cette opinion de M. Ehlers, j'ajouterai d’autres observations dues : à MM. Carpenter et Claparède, qui ont vu des rudiments d'ovaires dans la cavité des pieds d'un individu mâle (7'omopteris onisciformis). Par contre, M. Vejdovsky!' dit avoir vu des spermatozoïdes dans la cavité d'un individu femelle. Busch a vu également des petits corps se mou- vant avec agilité à l’intérieur du corps d'une femelle. Qn le voit, les opinions sur la nature et le rôle de ces glandes sont très diverses, et l’on pourraïît encore ajouter celles de MM. Sem- per, Balfours, Hugo Eisig *. Les dessins qui doivent montrer l’organisation des organes seg- mentaires et des glandes génitales, font presque défaut dans les di- vers mémoires énumérés. Je serais heureux que mes études pus- sent apporter plus de certitude dans l’histoire de ces organes. Ce travail a été fait en 1876, 77, 78 et 79. Durant la belle saison de ces années, J'ai habité le laboratoire de Roscoff, où j'ai pu jouir de tous les avantages qu'il fournit, avec une égale libéralité, aux Français et aux étrangers. En dehors de ce temps, c'est dans le laboratoire de M. de Lacaze-Duthiers, à la Faculté des sciences de la Sorbonne, où les animaux vivants nécessaires à mes études arrivaient régulièrement de Roscoff, que j'ai continué mes re- cherches. 1 Vespovsky, Organes de la reproduction chez les Tomopteris onisciformis. Zeit- Schrift für wissenschaftlische Zoologie, 31 Band, Erstes Heft. ? Die Segmentalorgane der Capitelliden {Mitheilungen aus der zoologischen Station zu Napel, I, Band; I, Heft, taf. IV, 1878). LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 241 PREMIÈRE PARTIE. ————— ANNÉLIDES SÉDENTAIRES. M. de Quatrefages divise ses Polychètes (Annélides proprement dits) en Sédentaires et Errants. Cette classification, je crois, est admise généralement, et je puis dire que, d’après mes recherches, les organes de la reproduction ont des dispositions différentes dans les deux ordres. Mes premières études ont eu pour objet l’ordre des Sédentaires. J'ai choisi plusieurs types dans différentes familles, et j'ai étudié les organes de la reproduction dans leurs détails les plus minutieux. C'est un premier travail que j'espère continuer sur un plus grand nombre d'espèces. Voici lestypes étudiés ! : Famille des Arénicoliens : Arenicola piscatorum ; Famille des Térébelliens : a, Terebella gigantea ; b, Terebella conchylega ; Famille des Ophéliens : Ophelia bicornis ; Familles des Chétoptériens : C'hetopterus Valencinri ; Famille des Serpuliens : «, Sabella arenilega; b, Myxicola mo- desta ; Famille des Clyméniens : C/ymenia zostericola ; Famille des Pectinaires : Pectinaria belgica ; Famille des Hermelliens : Æermella crassissima. Nous allons suivre l’ordre indiqué : CHAPITRE [. FAMILLE DES ARÉNICOLIENS. C'est sur une espèce excessivement commune sur les plages de Roscoff et sur tout le littoral de la Manche : l’'Arénicole des pè- cheurs (Arenrcola piscalorum), que j'ai fait les recherches. ! Les spécifications ont été faites d’après l'ouvrage classique de M. de Quatrefages. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GEN. — T. VIII, 1879 et18S0. 16 242 L.-C. COSMOVICI. Avant d'aborder l'étude des poches ou organes segmentaires d’après M. Williams, je dois rappeler quelques faits de l’ensemble de l'organisation de l'animal, en m'attachant surtout à la circulation, qui est du reste en relation très intime avec ces parties. J'aurai deux articles : l’un traitant de l’ensemble de l'animal, et l’autre, des organes de la reproduction et des organes segmentaires. ARTICLE Î. — DE L'ANIMAL. Dans cet article, je vais mentionner en peu de mots tout ce qui concerne les fonctions concourant à la conservation de Pindi- vidu. S 1. Corps. Le corps de l'animal a été bien étudié par tous les naturalistes; son intérieur m'arrêtera un instant. Les figures À et 2 de la planche XIX éclaireront ces observa- tions. Sur la figure 2, représentant une coupe faite perpendiculai- rement à l'axe du corps, on voit sur la ligne médiane et inférieure un sillon qui traverse la longueur de l'animal; c’est là que se trouve la chaîne nerveuse (n). De chaque côté naissent des bandes mus- culaires (4) de structure remarquable, se portant . obliquement en haut et en dehors, et s'insérant sur la paroi du corps, sur une ligne qui passe au niveau des branchies et au-dessus des rames séti- sères des pieds. Ces bandes passent entre les fibres musculaires lon- gitudinales du corps (m') et pénètrent dans les fibres musculaires cir- culaires (m). La ligne d'insertion de ces bandelettes est très manifeste sur un animal ouvert par le dos. Sous le microscope, une de ces bandelettes paraît formée d’un amas de longues fibres très délicates, parallèlement réunies (fig. 3, pl. XIX), traversées dans leur longueur par de petits vaisseaux. Leurs deux faces sont couvertes par un épithélium pavimenteux s{ra- tifié, à cellules plus ou moins hexagonales, avec granulations pigmen- taires, jaunâtres. Par la compression avec les lamelles minces à pré- parations microscopiques, on désagrège des espèces de sphérules de 1 centième de millimètre de grandeur, transparentes, ayant un ou deux nucléoles graisseux à mouvement brownien. D'après cela, la cavité du corps est partagée en trois loges, dont une médiane, plus grande, et deux latérales. Dans la première se LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 243 trouve logé l'intestin; dans les chambres latérales et à la partie antérieure du corps se trouvent les organes de la reproduction avec toutes leurs annexes, et le reste se trouve vide de tout organe. Je dois dire que plus on s'approche de l'extrémité postérieure de l'ani- mal, plus les bandes musculaires sont minces et délicates. La cavité générale du corps est divisée encore dans le sens de la longueur. En effet, en avant et au niveau du commencement du quatrième anneau se trouve une cloison verticale en forme de dia- phragme (d) (fig. 4), limitant antérieurement la cavité du corps. La loge située au-devant du diaphragme (d) est à son tour parta- gée en deux par une cloison diaphragmatique d', qui se trouve au commencement du troisième anneau. Enfin, au deuxième an- neau on retrouve un diaphragme d”, cette fois-ci bien mieux dé- nommé. Car, tandis que les deux précédemment décrits sont de simples membranes excessivement minces et transparentes, le der- nier est épais et musculeux. Partant ainsi de la {ête, nous rencon- trons quatre compartiments: un correspondant au premier anneau, et, comme il renferme la trompe, on peut le nommer chambre de la trompe. Un autre correspond à l'étendue du deuxième anneau céphalique. Là se trouve la première partie du pharynx. Une troi- sième chambre correspond au troisième anneau céphalique renfer- mant la deuxième portion du pharynx. Ges deux dernières chambres peuvent être dénommées chambres pharyngrennes. Enfin, vient la quatrième, ou la chambre viscérale, qui s'étend dans toute la longueur du corps. Les bandes musculaires citées plus haut ne se trouvent que dans cette dernière chambre. Je dois ajouter que, dans la région abdominale, chaque anneau est séparé l’un de l’autre par un dia- phragme (voir le dessin de M. Milne-Edwards). Chacune des cloisons s’insère tout autour de l’anneau et s’ap- plique étroitement sur l'intestin qui le traverse. Le dernier dia- phragme d se réfléchit à la manière du péritoine sur la face interne du corps et sur le tube digestif. De sorte que, sur une coupe de la portion musculeuse du corps, on voit à la face interne de la couche musculaire à faisceaux longitudinaux une autre couche de nature presque amorphe, ayant à sa face interne un épithélium analogue à celui qui entoure les bandelettes. Sur une coupe faite perpendiculairement à un anneau on voit l’hypoderme (4) assez épais, ensuite les muscles circulaires (#) en faisceaux composant l’anneau coupé, puis les fibres musculaires 244 L.-C. COSMOVICI. d’un des muscles longitudinaux ("'), enfin, le péritoine assez épais (p). La figure a été un peu schématisée pour obtenir plus de clarté, mais elle est exacte en ce qui concerne la disposition des couches. Le diaphragme d”" est musculaire et ses fibres, d’une part, se con- linuent avec les fibres musculaires longitudinales du pharynx et, d'autre part, en se fixant à la circonférence de l'anneau, s’entre- mêlent avec les fibres des muscles longitudinaux du corps. Ces faits relatifs à la présence des diaphragmes ne sont point si- gnalés dans les mémoires des auteurs qui se sont occupés de l’Are- nicole. Ainsi il y a deux figures dans le journal /sses', d'Oken, et les diaphragmes n’y paraissent pas. Même chose se remarque dans les figures de Home”? et dans celle de M. Milne-Edwards”, c’est pourquoi j'ai cru nécessaire d’insister. Leur intérêt se fera sentir bientôt. J'ajouterai un mot sur l'extérieur. Tout le monde connait les trois couleurs du corps de ces Annélides : la tête est d’un vert foncé, le thorax jaune et rouge de sang, l'abdomen tout à fait jaune. Cette coloration est due à des cellules pigmentaires qui se trou- vent sous l’épiderme à la face supérieure du derme ou hypoderme (Claparède). Ces cellules allongées, coniques en se désagrégeant, ont la propriété de former une matière verdâtre qui tache la peau en jaune. Il suffit de toucher ou mieux d’exciter un Arénicole qui baigne dans l’eau de mer et immédiatement on voit des nuages verdâtres qui coulent en quelque sorte de tous les côtés du corps, surtout de la portion céphalique, et se dissolvent dans l’eau. Je n'ai pas cherché la nature de ce liquide coloré, pourtant il serait inté- ressant d'en faire l'analyse. Enfin, la tête présente une particularité remarquable. La figure 5, planche XIX, représente cette partie vue par sa face dorsale. Lorsqu'on observe un Arénicole à l’état de repos, on voit aisément au-dessus de la bouche soit une simple fente, soit mieux encore un espace triangulaire plus blanc. Pour comprendre la nature de cette portion, il faut se souvenir 1 OKEN, Sur l'anatomie de l’'Arenicola piscatorum, avec planches dans l’{ssis, 1817, p. 466-475. ? Home, Philosophical Transactions, 1827, Plate IIT, p. 142. Sur la circulation des Vers, Dati de $ Mizxe-Epwarps, Ann. de la Soc. de Sc. Nal., 1838, 2e sér.,t. X, p. 212-217, pl. 1, et Règne animal de Cuvier. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 245 que chaque anneau du corps se compose de cinq segments dont le premier est sétigère. Le premier anneau se compose de sept ou neuf segments, dont les deuxième, troisième et quatrième avoisinant la bouche, sont incomplets en haut, d’où résulte cetespace triangulaire. Là se trouve le cerveau (c). Gette masse nerveuse fait saillie à chaque instant dans l’espace triangulaire, elle est recouverte seulement par la peau réfléchie et qui empêche l’eau de pénétrer à l’intérieur du corps. | J'ai dit plus haut que les fibres musculaires se sont arrêtées sur la face dorsale, pourtant il n’en est pas tout à fait ainsi. Les fibres circu- laires des trois segments qui concourent à la formation de cet espace, passent au-dessous du cerveau, à la manière d'un pont sur lequel reposent les deux ganglions cervicaux. Enfin, les fibres musculaires longitudinales se trouvent plus profondément et continuent leur route. Comme conclusion on peut dire que le deuxième, troisième et quatrième segment du premier anneau céphalique sont déprimés au niveau du cerveau et ont passé au-dessous de lui, laissant seule- ment la peau tapisser la dépression ainsi limitée, et la masse ner- veuse. Ce fait, étant assez remarquable, méritait d'être signalé. S 2. Organes de la nutrition. Dans ce paragraphe, je me propose de revoir la circulation. Circulation. Les organes de cette fonction ont été surtout étudiés par M. le professeur M. Milne-Edwards !. Il y a très peu de chose à dire sur l'ensemble de l'appareil; c’est surtout sur les détails de la distri- bution de ses branches que je m'étendrai. Pour procéder méthodiquement je vais décrire d’abord les gros troncs qui composent la partie centrale, et puis les petits troncs de distribution ou la partie périphérique. I. Partie centrale (fig. 4, 2, 6, pl. XIX). — Toute la partie centrale est située autour du tube digestif; elle comprend : | Un vaisseau dorsal (v') qui suit toute la longueur du tube di- gestif; FAL0C.: ci. 246 L..C. COSMOVICI. Un vaisseau ventral (v) attaché à la face inférieure du même tube ; | Deux vaisseaux latéraux (v") creusés dans les parois mêmes du tube digestif, et d'une longueur limitée ; Deux vaisseaux sous-intestinaux (vs) creusés encore à la face infé- rieure du tube digestif et au-dessous desquels se trouve le vaisseau ventral ; Un cœur, composé de deux ventricules (va) auxquels sont atta- chées deux oreillettes (0), lesquelles ne sont que les vaisseaux laté- raux très dilatés. Voyons chaque vaisseau en particulier. Vaisseau dorsal. — Ce vaisseau longe tout le tube digestif. Il commence en arrière tout autour de l’anus et s’avance en augmen- tant de calibre vers la tête. Dans la région thoracique le vaisseau est très dilatable et recoit les vaisseaux péri-intestinaux (vp). Le tube digestif présente des îlots entourés de sang et toutes ces gouttières sanguines communiquent d'une part avec le vaisseau dorsal, et, d’au- tre part, avec les vaisseaux latéraux et avec les vaisseaux sous-intes- tinaux. Chaque ilot à son tour n'est qu'un réseau de fins vaisseaux sanguins. Le vaisseau dorsal continue son chemin en passant au-dessus de l'étranglement post-pharyngien, entre les deux poches cæcales (p) et. arrive ainsi sur le pharynx (p'). Plus loin le vaisseau est attaché à la voûte de la chambre par une cloison (rs) comme un mésentère. De sorte que le vaisseau et le pharynx sont maintenus ainsi attachés, et si l'on coupe ce mésentère, le vaisseau continue à recevoir le sang qui lui arrive d’arrière pour s’avancer plus loin dans la tête. M. Milne-Edwards dit que les vaisseaux latéraux, après avoir formé les orerllettes (0), débouchent dans le vaisseau dorsal. Or, ces vaisseaux continuent leur chemin sur les parties latérales du pharynx jusqu'au bout. Les injections multiples que j'ai pratiquées sur ces animaux me l'ont bien démontré. | Le vaisseau dorsal parvenu au diaphragme musculaire (d”) le tra- verse et arrive sur le cerveau, se loge entre les deux ganglions cer- vicaux, puis se ramifie à droite et à gauche et s'anastomose avee le vaisseau ventral. Le vaisseau dorsal est extrèmement contractile. Le sang lui arrive d'arrière en avant et le gonfle énormément. Dès qu'on touche un point quelconque de son trajet, le sang en est chassé en avant, en LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 247 arrière et sur les côtés, et il se produit alors une espèce de spasme local, ne permettant plus au sang d'avancer, ni de reculer pendant un certain temps. On voit alors le liquide nourricier de couleur rouge intense arriver jusqu’au point touché, s’accumuler et dis- tendre le vaisseau, et s’il y a plusieurs de ces points touchés, le vaisseau aura l'aspect d’un thermomètre dans lequel la colonne de liquide aurait été fragmentée par parcelles. D'autres fois, après une excitation, le sang est refoulé entièrement dans le corps; le vaisseau s’affaisse complètement, etsi l’on veut faire une injection, on ne peut y parvenir. Vaisseau ventral (v). — Ge vaisseau présente un aspect tout diffé- rent. D'abord, dans toute sa longueur 1l-a le même calibre et l’on n'a percoit en lui aucune contraction. Sa couleur est due à une couche de cellules pigmentaires analogues aux cellules qui couvrent les culs- de-sac sanguins (c), si abondants à la face interne du corps. Ces cel- lules pigmentaires recouvrent les trois quarts de la circonférence du vaisseau, laissant à nu seulement la face supérieure, par laquelle il est attaché à l'estomac à l’aide du péritome. Le vaisseau ventral naît tout à fait dans la loge de la trompe, par un double cercle de ramuscules sanguins anastomosés avec les der- nières ramifications du vaisseau dorsal et des vaisseaux latéraux. Ensuite, il passe dans la première chambre pharyngienne, fixé à la face inférieure du pharynx, traverse le deuxième diaphragme (d°), ensuite le troisième (d), et arrive dans la chambre viscérale propre- ment dite. Il suit toujours le tube digestif auquel il est accolé, et ne repose pas directement sur la chaîne nerveuse, comme le ferait un vaisseau ventral proprement dit, et comme il est représenté dans les figures de M. Milne-Edwards. Vers l'extrémité postérieure du thorax, au niveau même de la septième paire de branchies, le vaisseau ven- tral s’accole complètement à l'intestin, et communique dès lors avec les ramuscules très fins que présente encore ce tube. Ce fait résulte de l'arrêt des vaisseaux sous-intestinaux à ce point ; de sorte que, dans la région abdominale, il ne reste que le vaisseau dorsal et le ventral qui continuent encore leur route jusqu'au bout du corps. Tout autour de l'anus, le vaisseau se ramifie et s'anastomose avec le vaisseau dorsal. Vaisseaux latéraux. — Ces vaisseaux se trouvent sur les parties latérales de l'estomac (e). Ils communiquent en haut avec le vais- seau .dorsal par les canalicules latéraux (vp) qui limitent les gros 248 L.-C. COSMOVICI. ilots stomacaux, et en bas avec le vaisseau sous-intestinal corres- pondant. En arrière ces vaisseaux, se rapprochant toujours du vais- seau dorsal, finissent par s’aboucher avec lui, paraissant ainsi naître de celui-ci et avancer ensuite vers la tête sur les parties latérales de l'estomac (comme on voit sur la figure 1, pl. XIX). En avant, les vais- seaux latéraux ont une marche toute différente. D'abord, en s’appro- chant de l'extrémité antérieure de l'estomac, tous les deux montent en haut vers la ligne médiane. Là, ils s’élargissent beaucoup en forme de vésicules contractiles jouant le rôle d'oreillettes (o). Les vésicules envoient un tout petit rameau aux ventricules (on), autres vésicules avoisinantes : l’ensemble constitue le cœur de ces animaux. Les vaisseaux latéraux, après avoir communiqué avec les ventricules, se continuent en avant sous forme de vaisseaux excessivement grèles qui côtoient la partie étranglée ou l’œsophage (é). Arrivés au niveau des poches cæcales (p), ils leur envoient un rameau qui remonte par leur bord antérieur, lequel s’épanouit ensuite sur leurs deux faces en formant un réseau d’une délicatesse extrème. Ensuite les vaisseaux latéraux ainsi réduits montent sur les parties latérales du pharynx, où ils prennent le nom d’artères pharyngiennes latérales (a), et se ramifient sur les parois de cette portion du tube digestif jusque autour de la trompe, où les dernières ramifications s’anastomosent avec le vaisseau ventral. L'oreillette ne communique pas avec le vaisseau dorsal dans cette région, et sil’on pousse une injection dans son intérieur, on rem- plit le ventricule, ainsi que le prolongement du vaisseau latéral, et l’on arrive à injecter même le vaisseau dorsal, après que le liquide s'est porté en arrière dans le vaisseau latéral et que les vaisseaux de communication péri-stomacaux se sont eux-mêmes gonflés. Ce qui a fait croire que le vaisseau dorsal communique avec les vaisseaux latéraux au niveau du cœur formant un véritable sinus, ce sont les nombreux rameaux qui naissent à cet endroit du vaisseau dorsal, lesquels se ramifient dans les parois de l'œsophage en réseau excessivement riche. Or, sur un animal vivant et dont l'appareil vasculaire est turgide, on voit le sang s’accumuler et distendre les oreillettes et les ventricules ; il en est de même pour le vaisseau dorsal etle réseau qui en dépend. Comme toutes ces artères et poches se dilatent énormément, elles arrivent à se toucher; de là cette ressem- blance à un vaste sinus. Cette idée m'est venue presque toujours, et la vérité fut mise en évidence seulement, après avoir fait des injec- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 249 tions avec de la graisse colorée. Voici pourquoi M. Milne-Edwards à décrit et dessiné un sinus, quand en réalité 1l n’en existe point. Du reste, il est très facile de s’en convaincre. L'animal étant préparé pour une injection, on plonge la canule dans le vaisseau dorsal tout près du bord antérieur de l'estomac. Le liquide pénètre immédiatement dans les rameaux péri-æsophagiens, qui se gon- flent énormément, tandis que le cœur reste intact. S'il y avait un sinus, on devrait l'injecter et ensuite remplir le cœur. Au contraire, si l’on pousse l'injection dans un ventricule droit ou gauche, on voit le liquide coloré passer dans le vaisseau ventral, dans l’orerllette correspondante et son vaisseau; et puis, par les canaux verticaux, l'injection passe dans le vaisseau dorsal en haut et dans le vaisseau sous-intestinal correspondant en bas. Par consé- quent point de sinus. Deux vaisseaux sous-intestinaux. — Dans l'ouvrage cité !, il n'y à de décrit qu'un seul vaisseau sous-intestinal. Les injec- tions m'en ont toujours démontré deux, chose très facile à vé- rifier, car de chaque côté il y a de petits vaisseaux qui arrivent des branchies (vb) et qui débouchent en eux. S'il n’y avait qu'un vaisseau sous-intestinal, toutes les fois qu'une injection y arri- verait, le liquide coloré devrait pénétrer dans un des vaisseaux branchiaux autant du côté droit que du côté gauche. Il n'en est rien cependant, et si l’on injecte, je suppose, le vaisseau latéral du côté gauche, le liquide arrivant dans le vaisseau sous-intestinal ne passe que dans les rameaux branchiaux du même côté, ce qui prouve qu'il il y a deux vaisseaux sous-intestinaux. A côté de ce moyen très sûr, 1l y en a un autre tout aussi utile dans ces recherches. On fait macérer un Arénicole pendant vingt-quatre heures dans de l'acide acétique étendu; tout le sang se coagule, toutes les artères prennent une consistance remarquable, et leur ensemble est de couleur noire grisâtre. En pratiquant des coupes, on voit très bien les deux artères tout près l’une de l’autre, et au- dessous d'elles la coupe du gros vaisseau ventral (v). On les voit en- core, avec la dernière netteté, en enlevant ce dernier vaisseau et re- gardant de face le tube digestif (vs) (fig. 6, pl. XIX). Ils communiquent avec les rameaux péri-intestinaux, et c'est dans leur cavité que dé- bouchent une partie des vaisseaux venant des branchies (vb). 1 Ann. des Sc. Nat., 2e série, t, X. 250 L.-C. COSMOVICI. Les deux vaisseaux sous-intestinaux commencent au niveau de l'extrémité antérieure de l'estomac et disparaissent vers le point où se trouve l'insertion de la septième paire de branchies, communi- quant alors directement avec le vaisseau dorsal. Les vaisseaux arri- vant des branchies se portent aussi vers ce dernier et y débouchent. Au-delà de ce point, le tube digestif n’est en rapport direct qu'avec les vaisseaux dorsal et ventral, toujours en communica- tion l’un avec l’autre par les canaux péri-intestinaux. En suivant ces descriptions sur les figures, on pourra facilement éviter toutes les difficultés que mon langage peut soulever. Cœur. — Le cœur des Arénicoles se compose de deux ventri- cules (v n) très contractiles, formés de fibres musculaires et de tissu conjonctif. ls sont situés sur les côtés de l’œsophage; dans leurs cavités débouchent en haut les oreillettes (o) par un tout petit canal, et lorsque ces deux portions du cœur sont gonflées par le sang, elles se touchent sur une large surface. Cela se voit très bien sur de gros Arénicoles conservés dans l'acide acétique. Le sang coagulé dans les ventricules et les oreillettes permet de voir l'é- tendue des surfaces de contact en même temps que le tout petit orifice de communication. Chaque ventricule communique avec le vaisseau ventral par un canal grêle, oblique en bas et en arrière. Sur des animaux vivants et ouverts, on voit facilement le sang couler dans l'appareil cir- culatoire. Pour les ventricules, voici ce que j'ai observé : l'ouver- ture auriculo-ventriculaire étant située tout près du bord antérieur du ventricule, le sang arrivant de l'oreillette remplit d'abord la portion antérieure correspondante. De là, on le voit passer dans la partie postérieure de la poche pour couler ensuite dans le vaisseau ventral. On dirait que chaque ventricule est double, et 1l est très difficile de les découvrir à cause de la délicatesse de leurs parois. Nous pouvons passer à l'étude des vaisseaux périphériques. Il. Partie périphérique. — Dans ce paragraphe je dois décrire tous les vaisseaux du corps qui naissent de l'appareil central ou qui débouchent dans son intérieur. Comme il n'y a que le vaisseau ventral proprement dit qui envoie des branches, tandis que les autres en reçoivent, je commencerai par ce dernier vaisseau. Branches du vaisseau ventral. — Le vaisseau ventral, dès quil a passé le deuxième diaphragme, envoie une paire de branches très fines, lesquelles suivent le bord inférieur du diaphragme et pénè- LES ANNÉLIDES POLYCHETES. 251 trent dans un sillon (s’) que l’on trouve sur toute la longueur du corps et sur lequel sont attachés les organes segmentaires. Ces rameaux sanguins donnent des branches aux pieds et aux segments de l’an- neau. Après le premier diaphragme (d), naît une autre paire de vais- seaux qui suit la mème marche ; seulement, à une certaine distance du lieu où elle plonge, une petite branche se détache de chacun d'eux pour aller dans un organe voisin, qui est l'organe segmentaire (os), où elle se ramifie d’une manière très remarquable, comme nous le verrons dans un instant'. Les deux paires de vaisseaux émises par le tronc ventral sont accompagnées d'autres canaux qui remontent vers le vaisseau dorsal pour déboucher dans son intérieur ; de sorte que le sang chassé dans chaque anneau par les branches inférieures du vaisseau ventral retourne par d'autres branches dans l'appareil central. Près de l'extrémité postérieure du pharynx du vaisseau ventral, naissent deux canaux. Ils suivent la même voie, et au niveau de la deuxième paire de poches segmentaires ils envoient des branches: ensuite ils pénètrent dans le sillon indiqué près du pied, et un vais- seau efférent remonte vers le vaisseau dorsal. En arrière des poches cæcales (p) naît la quatrième paire d’artères branchiales (a), les- quels portent le sang aux branchies, et les vaisseaux efférents ou les veines branchiales (v b) débouchent encore dans le vaisseau dorsal. À partir de là, toutes les veines branchiales débouchent dans les vaisseaux sous-intestinaux, jusqu'au niveau de la septième paire de branchies, où de nouveau les vaisseaux efférents débouchent dans le vaisseau dorsal. Dans la région abdominale il y a un anneau vas- culaire dans chaque segment sétigère, dans le point où l'intestin est fixé à l’aide du mésentère, et de ces circuits naissent les artérioles qui serpentent dans les parois de chaque segment abdominal. Jusqu'à présent nous avons énuméré les branches principales de la portion périphérique de l'appareil circulatoire. Il reste à con- naître la manière dont ces branches se comportent à leur tour. Il y à trois cas à distinguer : a. Les branches du vaisseau ventral vont à une branchie : b. Ils rencontrent un organe segmentaire ; ce. Ils rencontrent à la fois une branchie et un de ces organes. a. Le premier cas se présente en particulier au niveau de la 1 Org. segmentaire, p.271. 252 L.-C. COSMOVICI. troisième paire de branchies, où finissent les organes segmentaires. Comme je l'ai dit déjà, le vaisseau se bifurque et une branche suit la direction du vaisseau principal vers le sillon sétigère (fig. 4, pl. XIX, et fig. 10, pl. XX), et plonge dans la base de la branchie. Là elle se ramifie, formant un réseau auquel font suite d’autres ra- meaux réunis en un vaisseau efférent de la branchie (vb). Ce dernier sort tout près du vaisseau afférent, en suivant la direction de l'artère branchiale qu'il remonte, puis il débouche dans le vaisseau sous- intestinal correspondant. L'autre branche (s) de bifurcation de l’ar- tère branchiale se porte en arrière et plonge dans un sillon (s) parallèle à celui des pieds. Sur ce sillon se trouvent attachés les corps de Bojanus (b). Chacune des branches, avant de s’enfoncer ainsi, envoie un tout petit rameau qui longe la ligne d'insertion des pieds, et fournit les artérioles de la moitié supérieure de chaque segment annulaire, La branche (s) se bifurque aussi et pénètre dans le sillon (s’). L'un de ces rameaux se porte en haut, l’autre en bas. L'un et l’autre fournissent les vaisseaux sanguins de la moitié in- férieure de chaque segment, qu'on voit parfaitement bien lorsqu'on incise un anneau. Alors, aidé d’une loupe, on aperçoit la lumière du vaisseau circulaire du segment coupé et les gouttes de sang qui s’échappent de temps en temps (v, fig. 4, pl. XIX). Sur des animaux conservés dans de l'acide acétique, les coupes longitudinales ou transversales montrent très bien ces vaisseaux sanguins sous-der- miques. En résumé, dans chaque segment annulaire il y a, sous l’hypoderme, un cercle vasculaire fourni par la branche postérieure de l’artère branchiale. Pareille chose a lieu de chaque côté de la chaîne nerveuse et les rameaux tant de la moitié supérieure que de la moitié inférieure s'unissent entre eux sur la ligne médiane. Dans le cas supposé, il se peut qu'il n'y ait pas de branchies; les vaisseaux sanguins cependant ne changent point de dispo- sition. b. Passons au second cas, où le rameau naissant du vaisseau ventral rencontre une de ces poches qu'on trouve de chaque côté du corps dans la région thoracique. Nous en avons un exemple immédiatement en arrière du premier diaphragme (d). En pareil cas rien ne change dans le plan indiqué plus haut. Seulement la branche postérieure de la bifurcation croise la face supérieure de la poche avant de péné- trer dans le sillon. La manière dont cette branche croise ces poches sera indiquée plus loin, lorsque nous ferons connaître l’organisation LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 53 des poches mêmes’. On verra, d'autre part, le rôle que jouent ces vaisseaux sanguins par rapport à la reproduction, et surtout après que les glandes génitales auront été étudiées chez les Térébelles et les Ophélies. ce. Pour le troisième cas, on conçoit comment les choses doivent . se passer, après les descriptions qui précèdent. Dans la portion périphérique de l'appareil circulatoire je dois dé- crire les culs-de-sac qui se trouvent soit à la face interne du corps dans la région thoracique, soit de chaque côté du vaisseau ventral au niveau des septième et huitième paires de branchies. III. Culs-de-sac. — Les culs-de-sac se trouvent en abondance chez des Arénicoles très pigmentés. On a interprété de différentes facons le rôle de ces culs-de-sac. En général on les compare à des espèces de glandes sécrétoires. Or, le mot glande impliquant une certaine structure, on a dû la chercher. Malheureusement les auteurs se sont contentés de donner un nom sans chercher aucune preuve à l'appui de leurs vues. Ainsi, M.Milne- Edwards dit que les culs-de-sac jaunâtres qui tapisssent la face interne du corps servent à sécréter la matière jaune-verdâtre qui enduit le corps de l’animal lorsqu'on le touche, et que ceux qui se trouvent de chaque côté de l'intestin servent peut-être à sécréter la bile. Le microscope m'a indiqué des faits complètement contraires aux vues des différents naturalistes. En arrachant un de ces culs-de-sac et en le soumettant à l'obser- vation, on constate que ce n'est qu'un vaisseau sanguin terminé en cæcum (fig. 7, pl. XIX), et que tout autour de lui se trouvent des cellules sphériques, petites, à granules graisseux imbriqués les uns sur les autres et cachant ainsi presque complètement le vaisseau central. J'ai observé la même chose pour les culs-de-sac noirâtres qui se trouvent à la face interne du corps de la Sangsue. C’est tou- Jours un vaisseau entouré de cellules pigmentaires. Ces cellules ressemblent beaucoup à celles qui tapissent les poches mentionnées et que je considère comme des reins ou des corps de Bojanus. C’est à ces cellules qu'est due aussi leur coloration jaune foncée. En résumé, il n’y a rien là qui ressemble à une glande, et la figure 7 donne une idée de leur structure. | Un examen attentif montre à la face interne de toute la surface du 1 Voir p. 263. 254 L.-C. COSMOVICT. corps ces culs-de-sac sanguins qui sortent entre les fibres muscu- laires et flottent dans la chambre viscérale. Seulement, comme ces derniers sont dépourvus de cette enveloppe pigmentaire, ils passent inaperçus. Nous devons nous demander quel est le rôle de ces culs-de-sac. Malheureusement, la réponse est souvent difficiles. Ce qui est cer- ain, c'est que ces organes n'ont aucun rôle sécrétoire, ou du moins pas celui qu'on leur attribue. IV. Cérculation du sang. — Après avoir pris Connaissance de l’organisation de l’appareil, voyons en peu de mots quelle est la marche du sang coloré qui le remplit. En première ligne, il faut dire qu'elle n’est pas toujours régulière, du moins sur les animaux que l’on vient de recueillir. Peut-être dans leurs tubes si admirable ment creusés dans le sable des plages marines où ils ont peu d’oc- casions d’être inquiétés, la circulation a-t-elle plus de régularité. Et cela est si vrai, que si l’on observe des Arénicoles placés dans des cuvettes pleines d'eau de mer, il est impossible de déterminer la route suivie par le sang. En effet, tantôt l’Arénicole s’allonge et reste calme pendant quelques minutes ; on voit alors des renfle- ments commencer dans la région postérieure du thorax et se pro- pager de segment en segment et d’anneau en anneau jusqu'à l’extré- milté antérieure. Au moment où une onde va arriver à la région branchifère, les paires de branchies des derniers segments, flétries, ratatinées, sont de couleur jaune pâle. Plus l'onde s'approche de leur insertion, plus elles se distendent de la base vers le sommet, se colorant en même temps d'un beau rouge de carmin. Ce que je viens de dire se passe dans chaque anneau, et quand toutes Îles branchies ont été colorées, les dernières se flétrissent et le cyele recommence. Il faut croire que les choses se passent toujours ainsi. Mais depuis que j'ai commencé cette description, la marche du sang a bien des fois changé chez l’Arénicole ! Car, à peine en observation, l'animal change de place, roule quelque temps sur lui- même, et pendant toutes ces manœuvres les branchies sont contrac- tées, sinon toutes, du moins la plupart; çà et là on en voit une qui est distendue, ou, comme il arrive souvent, les branchies d’un seul côté sont flétries et ne fonctionnent pas, tandis que l’autre rangée se contracte comme à l'ordinaire. Quelle voie suit le sang alors ? I n'est pas facile de indiquer. J'ai donc pu dire avec raison : « La marche du sang n’est pas toujours régulière. » LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 255 Après de longues observations on arrive à constater, comme l'a très bien décrit du reste M. Milne-Edwards, que le vaisseau dorsal contient en général du sang artérialisé, marchant d’arrière en avant, et que ce sang lui arrive soit directement, soit par l’intermé- diaire des canaux péri-intestinaux ; que le vaisseau ventral contient surtout du sang veineux, et que le liquide poussé par le cœur marche d'avant en arrière. Le cœur serait veineux. Jetermine ici cette longue et pénible description. En somme, je n'ai fait que relever quelques petites erreurs. S 3. Oraanes de l’innervation. Arrêtons-nous un instant sur le cerveau et sur les otocystes (fig. 5, pl. XIX ; fig. 8, pl. XX). Cerveau. — Le cerveau, comme il à été dit dans le premier para- graphe, se trouve presque à nu, n'ayant au-dessus de lui que la pean très amincie. Les deux ganglions qui le composent, très allongés, sont séparés par le vaisseau dorsal qui passe entre eux. C'est par leur bord antérieur qu'ils sont réunis à la chaine nerveuse à l'aide du collier œsophagien. Les fibres musculaires qui vont du pharynx aux parois du corps, passent au-dessus du collier et le fixent de cette facon contre ses parois. Lorsqu'on a détaché le diaphragme musculaire, on le voit tout entier avec la dernière clarté à cause de sa coloration jaunâtre. Sur la structure sans doute 1l y aurait beau- coup de choses à faire, mais le temps m'a manqué, L'organe de l'audition (0) a été découvert par Grube et Stannius !, et décrit par M. de Quatrefages ?. Je le nommerai Ofocyste, en me servant ici du nom employé pour la première fois par M. le profes- seur de Lacaze-Duthiers chez les Mollusques. Il y à un otocyste de chaque côté de la trompe, maintenu appli- qué contre le collier œsophagien par les fibres musculaires indi- quées plus haut. Chaque organe se compose d’une vésicule jaune et d'un pédoncule qui s'applique à la concavité du collier œsophagien (e”) pour se confondre avec ses éléments. Chaque otocyste sous le microscope, à un grossissement de 580 diamètres, se montre formé de plusieurs couches. En pre- mière ligne on trouve une couche striée (m) (fig. 9, pl. XX), ana- 1 SIEBOLD et STANNIUS, Anal. comp., t. I, p. 201. 2 Loc. cil., Suites à Buffon. 256 L.-C. COSMOVICI. logue au névrilème de la chaîne nerveuse avec laquelle elle se conti- nue, disposée circulairement tout autour de la poche otocystique. Au-dessous se trouve une autre couche d’une teinte jaune (e) et très granuleuse. C’est à cette couche que l'organe de l’audition doit sa couleur. Elle se continue dans le pédoncule et arrive au collier œsophagien, avec les éléments duquel elle se met en relation. Plus en dedans se trouve la poche auditive (p), qui se continue assez loin dans la base du pédon_ cule ; on la voit quelquefois arriver presque à la moitié de la longueur de ce dernier. Cette poche a une paroi assez épaisse, et toute sa surface interne est tapissée par un épithélium ciliaire, de sorte que sur des otocystes récemment arrachés à un Arénicole on voit parfaitement bien les mouvements que les cils vibratiles impriment aux otolithes. Ce fait est assez remarquable et confirme les vues de M. le professeur de Lacaze-Duthiers, qui a étudié si bien ces organes chez les Mol- lusques. Enfin à l’intérieur de la poche se trouve un amas de concré- tions, qui ont la forme de disques plus ou moins irréguliers. Ge sont les otolithes {o), qui se présentent dans des positions très différentes. Tantôt ils sont groupés vers la base du pédoncule, tantôt ils forment un amas sur un des côtés de la poche, et d’autres fois ils sont situés tout autour du centre, en contact avec la paroi de l'organe, laissant çà et là, à l’intérieur, un ou deux de ces corps. Mais tous ces grou- pements sont le résultat de la compression, car les mouvements des cils vibratiles tendent à les éloigner le plus possible de la paroi. La cavité centrale de l’otocyste se prolonge assez loin dans le pédon- cule. Les concrétions n'ont pas donné d'’effervescence avec l’acide azotique el même ne se sont pas dissoutes. Il y a sans doute beau- coup d'études à faire sur ces organes mentionnés en passant. ARTICLE IL. — ORGANES DE L'EXCRÉTION ET DE LA REPRODUCTION. C'est dans cet article qu'il faut étudier les organes segmentaires. Car, d'après ce qui a été dit dans l'historique, M. Williams admet que ce sont ces organes qui produisent les œufs ou les cellules sper- matiques, et que ce sont eux également qui évacuent au dehors ces mêmes produits. Puisque le mot de segmentaire est admis dans la science, 1l faut le conserver, seulement en lui donnant une signmifi- cation qui soit plus en rapport avec ses fonctions. Les organes segmentaires sont des tubes évacuateurs des produits de la LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 257 génération ou, en d'autres mots, c'est un oviducle ou un spermiducte, Situé par paires, tantôt dans la plupart des anneaux du corps (Errants el quelques Sédentatres), tantôt dans un nombre limité de segments. Chaque organe segmentaire se compose d’un pavillon cilié suivr d'un tube plus ou moins long, encore cilié, s’ouvrant en dehors par un tout petit pore. Ce qui complique ces organes, c’est souvent la présence des es- pèces de poches annexées, qui ont dérouté les naturalistes. Maintenant il reste à savoir où se trouvent les glandes mâles et femelles. Ici on peut dire comme règle générale : Les organes de la reproduction sont voisins des organes segmentaires. Enfin, puisque nous sommes chez les Annélides sédentaires, il faut ajouter que les poches qui se trouvent dans la région thora- cique, considérées par les différents naturalistes comme les organes de la reproduction (Williams) ou comme organes segmentaires (Ehlers), sont des organes dépurateurs, ou des corps de Bojanus. Ces faits seront mieux connus lorsque nous aurons passé en revue les différents types pris parmiles Annélides sédentaires. Nous avons donc à étudier trois choses : Les corps de Bojanus ; Les organes segmentaires ; Les glandes génitales. S 1. Corps de Bopanus. (PI. XX, fig. 10-19, et pl. XXI, fig. 13-15.) Tous les naturalistes connaissent l’histoire des corps de Bojanus, si bien étudiés chez les Mollusques, surtout par M. le professeur de Lacaze-Duthiers. Ce sont les reins de ces animaux, et ie sang en les traversant se débarrasse en partie de son acide urique. Je crois que ces corps rénaux existent en réalité chez les Anné- lides sédentaires, du moins chez quelques-uns d’entre eux. Anatomie. — Ges corps doivent être étudiés d’abord au point de vue anatomique ; il faut les considérer quant à l'extérieur, l’in- térieur, le nombre, la situation et la forme. Nombre. Situation.—Les corps de Bojanus chez l’Arénicole sont au nombre de six paires, situées de chaque côté de la chaîne ganglion- naire, et dans la portion céphalo-thoracique des chambres latérales ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GEN, == T, Vitl. 1879 eb 1880. 17 258 L.-C. COSMOVICI. du corps. Sur les figures 1 et 2, pl. XIX, et sur la figure 10, pl. XX, on peut suivre et voir très bien tout ce que je vais décrire sur ces organes. Les poches sont fixées contre la paroi par leur bord externe. Elles commencent dans le troisième anneau du corps et finissent dans le huitième, auxquels correspond la troisième paire de branchies. La ligne d'insertion se trouve à une distance d’un demi-centimètre au- dessous de celle des rames supérieures des pieds, et elle est très marquée sur toute la longueur du corps. Extérieur. Forme. — A l'extérieur, c'est leur forme et leurs rapports qu'il faut considérer. La forme des poches en question est difficile à décrire, et à la rigueur on pourrait la comparer à un crois- sant très ouvert. Du reste, les poches changent d'aspect avec l’état de contraction du corps. On doit examiner leurs faces, leurs bords et leurs extrémités, mais il ne faut pas oublier que leurs rapports changent suivant qu'on considère l'animal entier ou ouvert sur le dos, comme dans les figures. Bords. — 11 ÿ a deux bords. L’externe est concave, et c’est par lui que la poche est accolée à la paroi du corps. Le bord interne est convexe, libre et regarde la chaine ganglionnaire. Faces. — Les deux faces sont planes ou convyexes, suivant l'at- titude de l'animal. L'inférieure est constamment appliquée sur la paroi du corps. La supérieure est en rapport avec les ban- delettes musculaires (6), qui la croisent en se portant vers la ligne de leur insertion. C’est sur cette dernière face et’plus près de l'extrémité antérieure des poches que se trouvent accolés les organes segmentaires. Enfin, elle est croisée par la branche pos- térieure de l'artère branchiale (s), qui se porte dans le sillon d’inser- tion des corps de Bojanus. E'xlrémités. — Les extrémités des poches sont intéressantes à observer, surtout pour bien se convaincre de l'apparence trompeuse dont M. Williams fut victime autrefois. L’extrémité antérieure (a) est toujours convexe et fermée. La postérieure (p'), au premier abord, semble être occupée par une glande très bosselée, Par un examen très attentif (et, si J'insiste, c'est que j'ai hésité très long- temps, et que ce n’est qu'après deux mois de dissections constantes et suivies, sur des animaux vivants ou conservés dans les acides acétique, picrique et chromique, que je suis arrivé à connaître leur véritable nature), on constate que cette extrémité n’est point glan- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 259 dulaire, du moins dans le sens de l’auteur anglais, pas plus que le reste de la poche. L'apparence glandulaire est due à la grande contractilité de cette extrémité, moins colorée que le reste de lor- gane, qui, étant presque toujours contractée et froissée, prend cette apparence glandulaire. C’est sur le bord externe de l’extrémité pos- térieure que se trouve l'ouverture qui fait communiquer cette poche avec l'extérieur. Sur la figure 2, pl. XIX, qui représente une coupe faite à ce niveau, on voit la manière dont cette poche communique avec l'extérieur, et l'ouverture ou les pores (p) se trouvent en ar- rière et en haut de la lèvre postérieure des rames inférieures (7") et tout près des soies qui les garnissent (fig. A4, pl. XX). Il y à six paires de poches et six paires de pores. C’est du troi- sième anneau du corps jusqu'au huitième qu'on aperçoit les pores puisque dans cet espace sont aussi logés les organes que nous étudions. Dans chaque anneau de la portion mentionnée du corps, le sillon intermusculaire, sur lequel se trouvent fixées les poches, est très profond et l'hypoderme même est plus mince dans ces points. La poche s'insinue entre les fibres musculaires limitrophes du sillon et s'accole à la couche circulaire. Les fibres longitudinales sont très espacées et les fibres circulaires s’écartent seulement là où elles vont former la rame inférieure. Le pore est presque circulaire et assez grand pour être vu à l’œil nu, lorsqu'on est parvenu à enlever la peau. Sur un animal vigoureux et bien vivant, on l’apercoit avec beaucoup de difficulté, et cela se concoit, vu la rugosité de la peau. Or, le pore est une ouverture ménagée entre les fibres musculaires, éléments excessivement contractiles, et le pourtour même de l’orifice présente un sphincter; par conséquent ce pore est presque fermé, et en même temps plus ou moins caché par les saillies de la peau. On est véritablement en face d'une foule d'obstacles qui empêchent de bien voir ces pores, et voilà pourquoi ils ont été vus surtout par les yeux de l'esprit, et quelquefois on a décrit, comme l’a fait M. Wil- liams, un plus grand nombre d'orifices qu'il n’y en a réellement. Voici comment je suis parvenu à voir ces pores : Sur un Arénicole laissé mourant d'inanition dans son eau de mer, par conséquent sans qu'il se contracte, j’enlevai lentement la peau avec les pinces et sous la loupe ; alors et toujours, je vis sur six paires de pieds ces pores à la place indiquée plus haut. Sur des animaux morts récemment dans de l'eau non renou- velée, je poussai, dans l'extrémité postérieure d’une des poches, une 260 L.-C. COSMOVICT. injection avec de la térébenthine, et même avec de la graisse co- lorée en rouge, et le liquide sortit par le pore correspondant. Alettant sous le microscope une portion du pied détachée du corps _et dépourvue de la peau, j'ai pu dessiner la manière dont les fibres musculaires sont disposées pour ménager ces pertuis. La figure 12 montre en (x) l'écartemeni des fibres longitudinales et la coupe de la poche, et en (6) l'ouverture à l'extérieur. Je crois que cette démons- tration anatomique est suffisante pour éloigner le doute sur la pré- ‘sence de ces pores. Enfin, je fis l'injection en sens inverse, c’est-à-dire en introdui- sant la canule dans le pore ; alors, ouvrant l’animal, je trouvai le liquide dans la poche correspondante. J'ai vérifié ces faits maintes fois, et toujours je me suis convaincu de leur réalité. Avec un peu d'habitude on est sûr de trouver les pores, et si j'ai fait un mois d'études très attentives pour y parvenir, il ne faut pas s’en étonner, parce que je n’avais aucun indice cer- tain. Toutes ces détails guideront le naturaliste qui voudra vérifier ces faits par lui-même. Sur des animaux vivants j'ai dit qu'il est presque impossible .d’in- jecter quoi que ce soit. Un fait, qui véritablement m'a fait admirer la vitalité de ces animaux, pourra nous faire comprendre ces obstacles. Toutes les fois que je fixais un animal vigoureux sur du liège dans les cuvettes à dissection, j'étais frappé de la force avec laquelle l’a- nimal se contractait et se tordait. Les anneaux se rapprochaient les uns des autres, la peau devenait rude et j'avais beaucoup de difficulté à inciser les téguments. La contraction est tellement forte, que de grosses épingles sont tordues. Comment voir des pores dans ces condi- tions ; il y a plus : quand des Arénicoles étaient chauffés dans l'eau, pour être injectés au suif, même après avoir été injectés, 1is reve- naient à eux et vivaient encore vingt-quatre heures si on les plaçait dans de l’eau de mer froide, pour que le liquide püt se solidifier ! Ces faits se rencontrent à chaque instant, et le naturaliste ne s’é- ionnera pas des difficultés invincibles qu’on rencontre lorsqu'on cherche des orifices sur des animaux vivants. Les faits anatomiques et les expériences ci-dessus indiquées éloigneront tous les doutes sur l'existence de ces pores. fniérieur.— A l'intérieur des poches iln’y a qu’une cavité plus large en avant, qui diminue de plus en plus en s’approchant vers l'extré- mité postérieure. Tout près de cetle dernière, il y a un étrangle- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 261 ment séparant cette extrémité du reste de la poche. De là résulte encore l'apparence d'une glande fixée sur celle-ci, comme du reste l'indique l’auteur anglais. La cavité des poches, chez les Arénicoles, communique d’une part avec l'extérieur par le pore si longuement décrit, d'autre part avec la chambre viscérale par une ouverture située sur leur face supérieure tout près de leur extrémité antérieure, au point où l’or- gane segmentaire est fixé. La communication est indirecte et a lieu par l'intermédiaire de ce dernier organe annexé. _ Une idée vient naturellement après cette description. Pourquoi .la poche ainsi décrite ne serait-elle pas une partie de l'organe segmentaire, et pourquoi ce dernier se serait-il ajouté, ou mieux au- rait-il fait un emprunt à ces poches, que je considère comme des corps de Bojanus, avec des fonctions toutes différentes ? Rien n’est plus facile que d’expliquer ces vues. Mais plus tard, quand les Térébelles, les Ophélies, Clyménies, Pectinaires, Myxi- coles, Sabelles et Chétoptères seront connus, nous verrons que les corps de Bojanus sont indépendants, sans communication avec l’in- térieur, et que les organes segmentaires situés soit en arrière, soit en avant, s'ouvrent directement au dehors. Toute la surface interne des corps de Bojanus est ciliée. Les cils très longs produisent un courant très vif, dirigé de l'extrémité antérieure vers la postérieure, par conséquent vérs l'ouverture externe. Structure. — La structure de ces corps me permet de les compa- rer aux Corps de Bojanus des Mollusques. On doit leur considérer une paroi et un épithélium. Parois. — Les parois sont formées de fibres musculaires très déhiées et de fibres de tissu conjonctif. Les fibres musculaires abon- dent surtout dans l'extrémité postérieure de la poche, de sorte que, toutes les fois qu'on touche cette portion, on voit des contractions assez rapides, déterminant un resserrement considérable, par consé- quent une diminution notable du volume. Ce fait nous explique les bosselures que présente la partie postérieure contractée. M. Wil- liams, ne tenant compte que du simple aspect, a attribué une na- ture glanduleuse à l'extrémité postérieure de chaque poche. Bien plus, il admet un orifice au centre de cette portion qui s'ouvre dans l'organe. Bientôt je ferai la comparaison entre les données de ce savant et les miennes ; mais dès à présent je suis forcé de relever 262 | L.-C. COSMOVICI. une grande erreur, malheureusement trop souvent répétée dans les “descriptions anatomiques de ces poches chezles Arénrcoles et les Téré- belles. D'abord l'extrémité postérieure n’est point glandulaire, comme il a été dit déjà, ensuite il n’y a point d'orifice de communication avec la cavité du corps. Il est très facile du reste de s’en convaincre. Sur des Arénicoles récemment morts (non en putréfaction) ef ou- verts, on voit les parties postérieures des corps de Bojanus distendues par suite du relâchement des fibres musculaires qui les composent, ce qui du reste a lieu dans toute l'étendue du corps. Ainsi dilatées, elles sont transparenis,.et on ne voit trace d’orifice ou de glande. C'est d'une netteté telle que l’on ne trouve aucune objection qui puisse . ètre soulevée et demander de nouvelles observations. Pourtant j'ai essayé de me rendre compte sur des Arénicoles vivants, et j'injectai dans les poches de la graisse colorée. Après beaucoup de difficultés, je vis le liquide passer dans l’extrémité postérieure, qui se dilata. La résistance que j'avais à vaincre était grande. C’est d’abord l’étrangle- ment qui se trouve au point de communication de l'extrémité avec le reste de la poche, qui s'oppose au passage de l'injection ; et, d'autre part, la grande force contractile que cette extrémité elle- même déploie. Alors j'imaginai un autre moyen plus facile à ap- pliquer. J'injectai de l'air par la partie antérieure de la poche. Les boules d'air arrivaient facilement dans la région postérieure et la di- lataient considérablement. Alors sous la loupe je la vis gonflée, trans- parente, sans orifice, et tant que je n’eus percé la poche, l'air ne sortit pas. Après ces expériences, je crois qu'il ne reste aucun doute sur l'imperforation de cette extrémité. Æ'prithélium. — L'intérieur des parois des poches est tapissé par un épithélium stratifié, formé de cellules (c) sphériques pleines de granules jaunes (fig. 44, pl. XXI). Les plus superficielles ont de longs cils vibratiles. {1 y a des cellules qui ont deux noyaux Jaunes et une foule de petites granulations pâles, douées du mouvement brow- nien. Les cellules les plus superficielles sont très pigmentées, et par leur superposition elles produisent l’opacité des poches et leur co- loration foncée. Quand on les écrase un peu, on voit les cellules épithéliales se désagréger, et alors deux faits se produisent : io Ces cellules ont des mouvements dus à leurs cils. Or, il est im- possible de les confondre avec les spermatozoïdes, qui sont infini- ment plus petits et qui se déplacent, tandis que les cellules ciliées LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 263 ont un mouvement local de bascule à droite et à gauche. Une confusion ne peut donc pas avoir lieu. 2° On voit que les parois de la poche sont excessivement vascu- laires. La figure 13, pl. XXI, qui représente une portion d’une poche vue à un grossissement de 180 diamètres, montre cette grande richesse vasculaire. Des sortes de sillons à directions variées repré sentent les anastomoses des vaisseaux qui serpentent dans la paroi des poches. Les îlots foncés compris entre leurs ramifications sont remplis par l’épithélium que nous étudions. La figure 14 représente une portion de la poche grossie 580 fois et montre les vaisseaux (v) qui s’anastomosent et limitent les îlots. Les vaisseaux mêmes sont couverts par des cellules épithéliales à granules pigmentaires (e), et dans les îlots l’épithélium est plus épais. Si on se rappelle les culs-de-sac de la cavité du corps, on verra qu'il y a une ressemblance parfaite avec ces vaisseaux ainsi recouverts. Peut-être pourrais-je dire même que ces poches ré- sultent d’un entrelacement de ces culs-de-sac sanguins, que le tout a été recouvert par une membrane et que les vides ont été remplis par de l’épithélium. Les cellules épithéliales (c) très grosses et pigmentées sont dispo- sées en couches, et toujours les plus superficielles sont remplacées par d’autres situées au-dessous. Sur la figure 15, j'ai dessiné une coupe schématique qui repré- sente bien ces faits. La peau (p}, exagérée en épaisseur, esttraversée par des vaisseaux (v), et entre eux se trouve l’épithélium (e), qui recouvre même un peu les vaisseaux. Une portion de la paroi d’une poche détachée d'un animal vivant laisse voir très bien les vaisseaux; mais c'est surtout sur des frag- ments arrachés à des animaux conservés dans les acides acétique, picrique et même dans l’hématoxyline, qu'ils se voient avec la plus grande netteté; car le sang qu'ils renferment se coagule et on peut dessiner jusqu’à leurs derniers ramuscules. Les vaisseaux se voient aussi sur l'organe segmentaire. Je n'ai jamais réussi à les mJecter, excepté sur une petite partie de ce dernier organe. Maïs ceci ne se- rait pas une objection valable pour infirmer leur existence. Du reste, l'emploi de l'acide acétique m'a donné des faits innombrables en ce qui concerne la circulation chez les différents Annélides. Même sur les Arénicoles, avant de faire des injections, j'avais dessiné tout 264 L.-C. COSMOVICI. l'appareil circulatoire d’après les traces laissées par le sang coagulé, et ce n’est que plus tard que j'ai vérifié les faits. Les vaisseaux sanguins serpentent dans les parois mêmes des poches. Ils s’anastomosent entre eux, formant des lacis sur leurs deux faces, et tous tirent leur origine du vaisseau sanguin qui traverse le pavillon segmentaire et qui croise une des faces de ces poches. | Fonctions. — Il nous reste à connaître les fonctions de ces or- ganes. Leur structure ressemble beaucoup à celle des corps de Bo- janus des Mollusques. J'ai essayé de trouver des cristaux d'acide urique. Or, toutes les fois que ces organes ont été traités par de l’acide azotique et chauffés un peu, on voyait ensuite, en ajoutant dans la liqueur de l’ammoniaque, une grande quantité de cristaux allongés en aiguilles ou des cristaux à base rhombique. Il me semble que tous ces faits réunis justifieront mes vues. Le sang circule abondam- ment dans les parois des poches ; leur aspect, je le répète, est celui du corps de Bojanus d’un Pecten. Get exemple a été choisi à dessein, car chez ce Mollusque les œufs et les spermatozoïdes s’'échappent au dehors par le pore même de cet organe. Eh bien, chez les Arénicoles les poches en question servent encore au charriage des produits de la génération. Les œufs ou les spermato- zoïdes recueillis par les organes segmentaires arrivent dans ces po- ches, et les courants ciliaires les entraînent au dehors. La compa- raison est donc justifiée, dans les deux cas les corps de Bojanus étant empruntés par les organes de la génération comme moyen de transport et d'évacuation. Il ne faut voir dans cet exemple qu'un moyen d'expliquer des faits très connus chez les Mollusques et peu connus chez les Annélides, mais point du tout des homologies. S 2. Organes segmentarres. (PI. XX, fig. 40, et pl. XXI, fig. 16-21.) Chez les Arénicoles les organes segmentaires sont au nombre de six paires. Ils sont greffés sur la face supérieure des corps de Boja- nus, tout près de leur extrémité antérieure (0). On doit les considérer aux points de vue anatomique, histologique et physiologique : LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 265 Anatomie. — L'anatomie des organes segmentaires est très fa- cile à faire. Extérieur. Forme. — Chaque organe segmentaire a la forme d’un cornet assez évasé. On doit lui considérer : deux faces, deux bords, une base et un sommet. Faces. — Les deux faces sont planes, une d'elles est supérieure, l’autre est inférieure en contact avec l'extrémité antérieure de la poche (a). Bords. — Un bord est antérieur et l’autre postérieur. Le premier est peu concave vers la base de l'organe, et presque rectiligne vers le sommet. Le bord postérieur est très concave. = Sommet. — Le sommet est tronqué, c’est par lui que l'organe segmentaire est fixé sur le corps de Bojanus correspondant. En même temps, par son intermédiaire, l'organe segmentaire commu- nique avec l'intérieur de la poche ; grâce à une ouverture au point de son insertion. Base. — La base de l'organe segmentaire représente le pavillon de l’oviducte chez les femelles ou le pavillon du spermiducte chez les mâles ; tandis que le reste de l'organe est le représentant du tube plus ou moins contourné des oviductes ou spermiductes. Un de ces tubes contournés des Lombrics, supposé raccourci de beaucoup, nous donnerait l’idée de ces organes chez l’Arénicole. Le pavillon mérite plus d'attention. Il est formé par deux lèvres, l’une inférieure et l’autre supérieure, comme les faces de l’organe. La dernière est plus longue et plus large que la première, de sorte que, pour voir l’orifice du pavillon, il faut renverser l'organe entier au dehors. Les deux lèvres sont soudées sur une petite étendue en avant et en arrière limitant une ouverture assez large. La manière dont le pavillon est disposé fait que les produits de la génération peuvent facilement y parvenir et passer à l’intérieur de l'organe segmentaire. Lèvre supérieure. — Gette lèvre est formée par une large bande traversée par la branche postérieure(s) de l'artère branchiale (ab). Sur elle se trouvent arrangées des espèces de cornets qui diminuent de grandeur à mesure qu'ils approchent du bord postérieur de l'or- gane. Chacun d’eux présente une concavité qui regarde le dos d'un autre cornet situé en avant, s’imbriquant ainsi les uns sur les autres. Leurs bords et toute leur concavité sont ciliés. Vers le bord postérieur de la lèvre, les cornets sont dirigés en sens inverse; ainsi, tandis que Jusqu'ici leur dos regarde en avant et leur concavité en arrière, à cette 266 L.-C. COSMOVICI. extrémité, c'est en arrière que se trouve leur dos et leur concavité en avant (c), fig. 46, pl. XXI. L'aspect change suivant qu'on regarde ce feston du côté de l'ouverture du pavillon ou par la face opposée, fig. 17. Dans le premier cas on voit des espèces d'éperons à la base des cornets, ce qui leur donne l'air d’être à cheval sur l'artère seg- mentaire, et rien de semblable dans le dernier. Enfin, quelquefois les cornets sont remplacés par des espèces de houppes à deux, trois, quatre ou cinq branches (c), fig. 18. L'aspect est alors bien différent, et chez l'Ophelia bicornis on trouve aussi de semblables variations. Lèvre inférieure. — L'autre lèvre, bien plus petite (/), fig. 16, a la forme d’une lame à bord plus ou moins festonné et rabattue en | bas. Les bords et toute la surface de cette lèvre sont ciliés. L'aspect de cette partie du pavillon est bien plus simple que celui de la lèvre supérieure. Intérieur. — J'ai dessiné schématiquement une coupe passant par le milieu de l'organe segmentaire, fig. 40, pl. XX. On voit qu’à l’ori- fice du pavillon fait suite une vaste cavité formée par le tube de l’or- gane, se rétrécissant au fur et à mesure qu'elle s'approche du sommet. Là se trouve un autre orifice débouchant dans la cavité du corps de Bojanus correspondant. Dans tout son trajetle canal est extrêmement cilié et le courant vibratile est dirigé du côté du pavillon vers l’ori- fice du sommet. Structure.— Le tissu qui compose l’ensemble de l’organe segmen- taire est d’une transparence parfaite. On dirait un tissu amorphe. Pourtant les parois sont formées de rares fibres très délicates de tissu musculaire, mélangées de tissu conjonctif ayant un réseau très riche de vaisseaux. L'intérieur du goulot et la face des lèvres regardant l'ouverture du pavillon sont tapissés d’un épithélium pavimenteux ciliaire. Épithélium. — Les cellules épithéliales sont de différente nature. Celles qui tapissent l’intérieur de l'organe segmentaire et la lèvre inférieure sont allongées et hexagonales, fig. 20. En général elles ont des granulations très fines, jaunâtres, logées immédiatement sous la paroi de la cellule. Enfin leur surface est couverte de cils courts et très vifs. Sous le microscope le mouvement ondulatoire des cils donne l'apparence de ce phénomène dont tout campa- gnard est témoin lorsqu'il regarde de loin l'herbe onduler sous la brise. C'est quelque chose de lent et de doux que le pinceau de LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES, 267 l'artiste ne pourra jamais imiter, et la plume du poète jamais dé- crire. C'est plus subtil que toute imagination humaine. Sur les bords de la lèvre inférieure se trouve un épithélium cylindrique, et les noyaux, situés au centre de chaque cellule, sont dirigés sur une même ligne, fig. 21. L'épithélium qui tapisseles franges dont la lèvre supérieure est gar- nie se présente avec un aspect tout différent. Les cellules parais- sent être sphériques et toujours pigmentées et ciliées, fig. 49. Cha- que cornet offre deux lèvres festonnées. Si on soumet une d'elles au microscope, on constate que le sang circule entre les deux feuilles qui la composent, et que sur leurs bords sont des cel- lules sphériques. Si on varie les oculaires de manière à voir la surface des franges, on constate tout de suite qu'elle est recouverte par un épithélium pavimenteux hexagonal cilié, fig. 20. L'aspect est par conséquent pareil à celui de la surface interne du tube et à celle de la lèvre inférieure. Du moment que le sang circule largement à l'in- térieur des cornets qui la garnissent, on conçoit facilement pour- quoi la lèvre supérieure est rouge. Vaisseaux. — 11 nous reste maintenant à connaître les vaisseaux qui serpentent dans l'organe et qui en font partie intégrante. D'a- bord il y en à un pour la lèvre : vaisseau segmentaire fs). Celui-ci, par son bord externe, émet des rameaux plus ou moins gros, les- quels se ramifient et s’anastomosent entre eux sur toute la sur- face de l'organe. Ces vaisseaux arrivent au corps de Bojanus et sc répandent sur leurs parois. La branche qui longe le bord antérieur de l'organe segmentaire se distribue à l'extrémité antérieure du corps de Bojanus. Pour la partie moyenne, les vaisseaux sanguins v naissent d'une branche détachée du vaisseau segmentaire, lorsqu'il croise cette poche ; enfin, l'extrémité postérieure est nourrie encore par plusieurs autres petites branches qui naissent du vaisseau seg- mentaire avant qu'il pénètre dans le sillon d'insertion indiqué. En somme, la même artère fournit les vaisseaux de l'organe segmen- taire et du corps de Bojanus. Faisant une comparaison entre les branches postérieures des ar- tères branchiales au niveau des corps de Bojanus et celles situées au-delà des poches, nous ne trouvons aucune différence, aucune déviation de la règle générale qui prédomine dans l’organisation en- üière de lappareil circulatoire. Le sang afflue en grande quantité dans la lèvre à franges, et ceci était nécessaire, vu la grande activité 268 L.-C. COSMOVICI. des cils qui maintiennent un aussi fort courant à leur surface. Ensuite, pour que le sang affluât assez facilement dans le corps de Bojanus, afin d’y subir la dépuration, il était nécessaire que le nombre des branches de distribution fût augmenté ; ce qui facilite mieux encore l’accomplissement de leurs fonctions. | Plusieurs conséquences découlent de cette disposition anato- mique ; elles peuvent être résumées ainsi : 1° L'existence des corps de Bojanus sur le trajet des artères bran- chiales ne change en rien le mode de distribution de ces dernières: 2° Etant ainsi placés, les organes de Bojanus reçoivent le sang facilement et abondamment ; 3° Les organes segmentaires, par suite du voisinage des vaisseaux sanguins, ont le fluide nécessaire au maintien de leur bon fonc- tionnement : 4° L'ouverture du pavillon est toujours béante, grâce à la dispo- sition des lèvres, qui sont toujours maintenues écartées et allongées par le vaisseau qui traverse la base de la lèvre supérieure et par conséquent de cette disposition résulte une sûreté dans l’accomplis- sement de leurs fonctions. En résumant bien tous ces caractères, on voit avec la dernière net- teté ces phénomènes d'adaptation, ou d'emprunt, que M. Milne-Ed- wards a si bien fait ressortir des études de chaque organe dans la série des animaux. hezles Annélides les faits se combinent de façon telle, que le plan ne changeant en rien, les fonctions si importantes de tant d'organes sont néanmoins parfaitement assurées. Fonctions. — Il nous reste à étudier ces organes au point de vue physiologique. Comme il a été dit précédemment, les organes segmentaires servent à l'évacuation des produits de la génération. I m'est arrivé souvent de percer un corps de Bojanus, et d'en voir sortir quelques œufs très mûrs. J'ai vu aussi des Térébelles, des Hermelles pondre, et les œufs sortaient par les pores que j’indi- querai bientôt et qui correspondent aux organes segmentaires. Si l'on parvient à dégager un de ces corps des fibres musculaires qui le re- couvrent, on verra, sous la loupe, les œufs, appelés par le courant cillaire du pavillon vers son ouverture, pénétrer et se diriger vers le sommet de l'organe. Bien plus encore. J'ai trouvé un parasite qui me parait être un distome à crochets. Je l’ai toujours vu enkysté dans les muscles de la paroi du corps. Or, à un moment donné, ces kystes LES ANNELIDÉS POLYCHÈTES. 269 entourés d'une matière jaunâtre arrivent dans la cavité du corps de l'animal. La plupart de ces kystes se réunissant sont entraînés vers le pavillon d’un des organes segmentaires. Là, comme l’amas est bien plus volumineux que la lumière de l'orifice, par suite de cet appel continu des cils, il commence à s’effiler et passer peu à peu à l'intérieur de l'organe segmentaire. Au mois de mai, on est sûr de trouver ces parasites dans presque tous les Arénicoles et de les voir s'échapper au dehors en parcourant ces organes : c’est encore un moyen de se convaincre de leur nature et de leurs fonctions. Les œufs ou les spermatozoïdes sont chassés d’un anneau à l’autre du corps, à chaque mouvement vermiculaire de l'animal. Si, dans ce ballottement, ils tombent dans les gouttières que présentent les pavillons des organes segmentaires, ils arriveront à leurs orifices, les traverseront et très rapidement seront dirigés vers les sommets. Là, ils sfationnent quelque temps, jusqu’à ce que le courant ciliaire les entraîne dans les corps de Bojanus. Une fois dans ces poches, les produits introduits se dirigent vers leur partie postérieure, franchissent les étranglements et arrivent dans leurs extrémités contractiles. Là, grâce à cette disposition anatomique, les œufs ou les spermatozoïdes sont chassés au dehors par les pores indiqués *. = Avant de finir ce paragraphe, je ne puis m'empêcher d'ajouter une remarque sur des faits inexplicables. Pourquoi l'animal ne pond-il pas toujours, du moment que cette ponte se fait si mécaniquement, et que les organes évacuateurs sont ainsi béants et toujours aptes à conduire ces produits au dehors ? En effet, les œufs ou les spermatozoïdes, quand ils se détachent de l'ovaire ou du testicule, sont très jeunes. Ils passent quelque temps dans la cavité du corps, mürissent et plus tard sont évacués au de- hors. Voilà un fait que je ne puis expliquer encore. Faut-il invoquer quelque chose de sympathique pour les produits mûrs? Il y à en- core là un mystère devant lequel on est impuissant. Enfin, malgré mes recherches, je n'ai pu voir les conditions biolo- giques nécessaires au développement des œufs. Où pondent les Aré- nicoles et comment se fait la fécondation? Seul, M. Max. Schultze a vu les embryons ?. Les logements de ces animaux communiquent les uns avec les autres, et par conséquent les œufs pondus pourront 1 Voir plus haut et fig. 41, pl. XX. ? Abhandl. der nalurforsch. Gesellsch, zu Halle, &. V, p. 213, pl. IX. 270 L.-C. COSMOVICI. être fécondés par les spermatozoïdes qui nagent dans l’eau des loges. Peut-être, à la suite de recherches continues sur ces animaux, pourra-t-on voir un jour quelque chose qui nous éclairera. S 3. Ovarre el testicule. (PL XX, Fig. 24-96, et pl. XXI, fig. 22-25.) Aucun auteur n’a décrit encore les organes de la reproduction comme ils doivent l'être. Chez les animaux qui nous occupent, on se souvient! que tous les auteurs placent les glandes génitales dans les poches latérales de la cavité du corps. Nous avons étudié assez longuement la nature de ces poches pour ne plus y revenir. J'ai longtemps cherché les ovaires et les testicules, et le 16 Juin1878, en détachant un morceau des corps de Bojanus pour en dessiner la structure à la chambre claire, j'ai vu un morceau d’ovaire. Immédia- tement, reprenant l’examen de chaque portion des poches et des organes segmentaires, j'ai vu avec la dernière netteté ce que je cherchais. Cette découverte fut faite d’abord sur les Arénicoles, ensuite chez les autres Annélides sédentaires, et les glandes affectent dans cha- que espèce une position constante. Avant d'entrer dans la description des glandes, on peut dire que : « L'ovaire ou le testicule occupent la même place; qu'il suffit d’avoir étudié l’un pour connaître l’autre, avec cette différence que chez l’un on trouve des œufs, chez l’autre des cellules mères des spermatozoïdes. » Anatomie. — Les ovaires ou les testicules chez les Arénicoles sont au nombre de six paires, comme les organes segmentaires. Ils sont voisins de ces derniers. Il suffit de bien dégager un de ces organes, ensuite de suivre la branche postérieure de l'artère bran- chiale au-delà du pavillon de l'organe segmentaire, là où elle croise le corps de Bojanus correspondant, pour voir, soit l’ovaire (ov), soit le testicule (suivant les sexes), attaché à cette branche. Si, avec beaucoup de précaution, on détache cette portion du vaisseau avec les organes qui l'entourent et qu'on la place sur le 1 Voir Introduction. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 271 porte-objet d’un microscope, immédiatement on reconnaitra la na- ture des organes de la reproduction. C'est une glande en grappe, allongée, bosselée, mesurant la longueur du vaisseau, qui s'étend depuis le pavillon jusqu'au sillon d'insertion de la poche (fig. 22, pl. XXI). Le vaisseau se voit au milieu de la glande et cà et là donne des rameaux à droite et à gauche pour la portion postérieure du corps de Bojanus. Structure, — Au microscope chaque bosselure en cul-de-sac est formée d’une mince pellicule et en dedans se trouve un amas de cel- lules, qui sont les œufs à différents degrés de développement. A la base du cul-de-sac, c’est-à-dire tout près du vaisseau, on voit un amas blanc dans lequel on ne peut rien distinguer qui caractérise un ovaire ou un testicule. Mais plus on se rapproche des bords de la glande, plus les éléments reproducteurs se reconnaissent. Ovaire. — Si c'est un ovaire, les cellules ont un contenu pâle avec un nucléole. Celles qui vont se détacher de la glande ont tout au- tour du nucléole un petit nuage de granulations limitant une toute petite aréole. Alors on distingue bien le vitellus qui commence à de- venir granuleux, la vésicule germinative ou le corpuscule de Pur- ckinge sous forme d'’aréole, et la tache germinative ou le corpuscule de Wagner, qui paraît être formé par le noyau primitif de la cellule. D'après ces observations, c’est la tache germinative qui paraït la première et ensuite la vésicule germinative. Lorsque les Arénicoles sont bourrés d'œufs, on peut voir, à côté des œufs mûrs, d’autres très jeunes. Or, parmi ceux-ci il y en a qui sont très blancs avec un nucléole, d’autres avec le commencement de la vésicule germi- native, d’autres ayant le vitellus encore plus foncé ; enfin, les œufs complets ayant une membrane vitelline mince, un vitellus gris très granuleux, une vésicule germinative très large, au centre de laquelle se trouve la tache germinative très pâle. Dans la cavité du corps des animaux, à l'époque de la ponte, on trouve à côté des œufs une grande quantité de ces cellules à granu- lations graisseuses qui tapissent les vaisseaux sanguins. T'esticule. — Si c’est un testicule, ce n'est encore que sur les bords des glandes en cul-de-sac qu’on peut en voir les éléments. La figure 95, (pl. XXI) représente une portion de cette glande grossie deux cent soixante fois. Les cellules bien plus grandes que celles de la glande ovarienne ont un contenu pâle. Plus près des bords, le contenu de 272 L.-C. COSMOVICL. chaque cellule est plus ou moins framboisé, comme s’il s'était seg- menté. En effet, c’est une véritable segmentation, et chaque cellule ainsi née sera un spermatozoïde, car les cellules mères se détachent entièrement de la glande, et tombent dans la cavité générale du corps. Arrivées là, les cellules mürissent, leur paroi se dissout, lais- sant le contenu framboisé flotter dans le fluide cavitaire. Bientôt on voit au microscope un petit pédoncule faire saillie hors de chaque cellule (fig. 26): ce sont les queues des futurs spermatozoïdes. Ceux- ci, en effet, ne tardent pas à se désagréger et se présentent avec une tête grosse, pointue, une queue très courte et mince. Pour les voir il faut employer un très fort grossissement. Tous ces faits anatomo-histologiques ne laissent aucun doute sur la nature, le lieu et le nombre des ovaires ou des testicules. On conçoit également aussi pourquoi la cavité du corps est remplie, suivant les sexes, par les œufs ou les spermatozoïdes. Ces produits se détachent des glandes étudiées ; et tombent dans la cavité du corps; de là, àun moment donné, ils sont entraînés vers les orifices des organes seg- mentaires, et enfin ils sont évacués au dehors. La quantité d'œufs et de spermatozoïdes pondus par un Annélide en une année est énorme. Cela se conçoit, vu que la fécondation . est confiée plus ou moins au hasard. Pour l'étude des glandes génitales, on peut choisir l'hiver et le printemps. Pendant ce temps elles se préparent à la production des œufs ou des cellules spermatiques, et enfin la ponte a lieu dans la belle saison. On peut suivre ainsi les phases de l’évolution de ces produits. Les glandes sont petites; à peine voit-on, dans la mauvaise saison, quelques bosselures à leur surface. Ces renflements grossis- sent au fur et à mesure qu’augmente la masse protoplasmique qui les compose et qui plus tard se résout en autant de cellules qu'il y aura d'œufs. Au commencement du printemps, la glande est assez apparente, ressemblant à une grappe de raisin. À son intérieur, on aperçoit bientôt une foule de tout petits noyaux jouant le rôle d'autant de centres d'attraction de la masse protoplasmique, et de toutes petites cellules se dessinent. Ce sont les futurs œufs, ayant déjà au centre leurs taches germinatives et qui ne tarderont pas à se compléter. Les produits femelles arrivés à cet état de développement, sont dessinés dans la figure 23, pl. XXI, qui représente un des culs-de-sac de l'ovaire, grossi à 580 diamètres. On voit une foule de cellules transparentes, à noyau central, et plus ou moins compri- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 273 mées. Celles qui sont à la périphérie commencent à montrer leur vésicule germinative, et leur vitellus présente alors quelques granu- lations. Ces faits, qui se rapportent à l'ovaire, peuvent s'appliquer aussi au testicule. Gelui-ci se présente avec les mêmes formes, seulement les cellules qui naissent de sa substance protoplasmique subissent à leur tour une segmentation de leur contenu, et chacune des pe- tites cellules nées ainsi sera plus tard un spermatozoïde. $ 4. Comparaison entre les faits exposés ci-dessus touchant les organes segmentaires et les descriptions de M. Williams *. M. Williams donne une description anatomique toute différente de la mienne sur les organes étudiés. La figure ci-jointe représente une des poches, considérées par l’auteur comme étant l'organe seg- mentaire. Pour lui, chacune d'elles se compose de deux branches (A,B), s'ouvrant au dehors. L'intérieur de la poche (c) est cilié. La branche d'entrée (2ngoëng limb) (A) présente un renflement glandulaire à per- foration centrale qui arrive jusque dans le tube. Il ajoute que la nature et le rôle de cette glande sont très remarquables, pourtant il ne dit nulle part exactement quel est ce rèle. Ensuite, sur la bran- che de sortie (B) (outgoëng limb), il y a un processus (N) qui fait communiquer la chambre périviscérale avec elle. Enfin, sur le côté de l'organe, il y a une mince mem- brane excessivement vasculaire, traversée par une artère (G) à long cæcum (E). Tel est l'ensemble de l'organe segmentaire. Quant aux fonctions qu'il leur attribue, on trouve encore des interprétations peu admissibles. Ainsi, à l'intérieur de la poche, il décrit un courant continu d’eau de mer qui entre par la branche (A) et sort par (B). Les œufs chez les femelles (Q), les spermatozoïdes chez les mâles (à), naissent sur la paroi de la poche (c), au point où se trouve accolée la mince membrane 1 Philosoph. Transact., 1857. ARCH, DE ZOOI. EXP. ET GÉN.— T. vlll. 1879 ct 18S0, 13 274 L.-C. COSMOVICI. vasculaire (K), où par conséquent le sang afflue en grande quantité et apporte les principes nécessaires à la formation de ces produits. Ces œufs, tombés à l'intérieur de la poche, sont entraînés par le courant d'eau vers l'ouverture B. Mais; arrivant au niveau du processus (N), ces produits ne sont plus entraînés au dehors, mais pénètrent dans la cavité du corps. Or, pour expliquer ce phénomène, l’auteur dit qu'il faut admettre en cet endroit un sphincter pou- vant faire le choix entre les œufs müûürs ou non. Enfin, les pro- duits tombés dans la chambre viscérale sont repris par ces organes segmentaires et évacués au dehors. Le procédé, dit-il, est encore inconnu. En jetant un coup d'œil sur mes planches, on verra que l'or- gane segmentaire correspond à cette membrane mince (K), et la glande qu'il indique sur sa branche A n’est autre chose que l’ex- trémité postérieure du corps de Bojanus contracté. Gette compa- raison est ajoutée ici, pour faire voir que l’ensemble de ses des- criptions sur les organes segmentaires se rapproche de la vérité, seulement M. Williams n’a pas assez cherché la nature de chacune de ces parties. Enfin, pour en finir avec les Arénicoles, je nôterai que dans les muscles de la tête et du corps se trouvent enkystées deux espèces d'Helminthes. Je n'ai pas eu le temps de les étudier, cela du moins pourra-t-il servir de guide aux helminthologistes ? Sur les branchies de l’Arénicole il y a un vorticelle à queue articulée. CHAPITRE IL. FAMILLE DES TÉRÉBELLES. Parmi lesfgenres qui composent cette famille j'ai choisi deux types assez communs sur les plages de Roscoff, lesquels font partie de l'ordre des Térébelliens à trois paires de branchies. Le genre est Tere- bella, les espèces Terebella gigantex et Terebella conchylega. Il est utile de donner les descriptions de ces deux espèces séparé- ment, la méthode suivie sera la même que pour les Arénicoles. C'est à-dire qu'avant de décrire les organes de la VOPPOUTSERS nous exa- minerons l'ensemble de l'animal, LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 975 À. TEREBELLA GIGANTEA. Cette espèce, assez abondante sur la plage de Penpoull (près Ros- coff), est de taille remarquable. ARTICLE 1. — DE L'ANIMAL. Sur l’organisation du Terebella ÿ y a peu de chose à signaler. Quel- ques mots seulement sur l’intérieur du corps et sur la circulation; le reste étant assez bien connu pour ne pas nous arrêter davantage. SL. Corps. Le corps doit être considéré autant à l'extérieur qu'à l’intérieur. La forme de l'animal et ses particularités externes sont connues: il présente trois régions bien distinctes, et sur la portion céphalique se trouvent les trois paires de branchies, grandes et arborescentes. Lorsqu'’elles sont pleines de sang, elles sont d'un rouge vif qui con- traste avec la couleur rouge-brique du corps tout entier. Enfin, sur la lèvre supérieure de la bouche il y a ces longs tentacules exces- sivement contractiles, qui donnent tant de grâce à ces animaux. Les pieds sont biramés et sétigères. Intérieur. — Nous ferons quelques remarques sur la forme de la chambre viscérale. Ici, comme chez les Arénicoles, il y a des dia- phragmes et des bandes musculaires, mais avec des dispositions un peu différentes, comme on le voit sur les figures 1, 2 et 3 (pl. XXI). Diaphragme. — La cavité du corps est séparée par un diaphragme (d) en deux compartiments inégaux, au niveau du commencement de la région thoracique. Celui-ci est très musculeux, fixé tout au- tour de la cavité du corps, laissant passer à son centre l’æœsophage et au-dessus le cœur branchial (c). La figure 3 montre la manière dont ses fibres musculaires sont distribuées, toutes viennent s'épa- nouir à la surface de l’æsophage, après s'être entre-croisées sur la ligne médiane, celle du côté droit avec celle du côté gauche. Enfin on aperçoit encore deux paires de trous de largeur inégale (c’) plus ou moins oblongs, auxquels correspondent autant de culs-de-sac qui font partie intégrante du diaphragme. Ceux qui sont à droite de l’æsophage sont très volumineux par rapport à ceux du côté gauche, il est difficile de concevoir leur rôle. Pour bien voir cette disposi- tion, il faut ouvrir des Térébelles conservées pendant cinq jours dans l'acide acétique ou chromique étendu. 276 L.-C. COSMOVICI. Bandes musculaires. — La cavité du corps proprement dite est encore divisée en trois compartiments, dont un médian, plus grand, renfermant le tube digestif et l'appareil circulatoire, et deux autres latéraux, plus petits, pour les organes de la reproduction. Or, ces derniers diminuent de largeur, au fur et à mesure qu'on s’appro- che de l'extrémité postérieure du corps, et leur séparation de la ca- vité centrale est faite par des bandes musculaires obliques (b, fig. 2). Celles-ci naissent de chaque côté de la ligne médiane et inférieure etse portent en haut vers la base des pieds, laissant entre elles des espaces libres permettant des communications entre les Chambres. Il y à quelque chose de différent avec ce que nous avons vu chez les Aré- nicoles au point de vue de l'insertion des bandes. La figure 2, qui représente une coupe faite dans la région thoracique sur une Téré- belle durcie et vue à un grossissement de 350 diamètres, montre deux couches de fibres musculaires : une interne, à fibres longitu- dinales, disposées par gros faisceaux (f) parallèlement accolés les uns aux autres; l’autre externe, à fibres circulaires (/”), et ensuite vient la peau (Â), ayant un derme très épais et un épiderme assez mince. Vers la partie inférieure du corps semble s'être produit un certain écartement dans la couche à fibres circulaires, duquel résul- tent les deux grandes cavités latérales mentionnées. Or, ceci est si vraisemblable, que sur la coupe on voit parfaitement bien comment les fibres des bandes (4) se continuent sans interruption dans la cou- che musculaire externe du corps. Elles tendent à se mêler entre elles sur la ligne médiane inférieure, c’est pourquoi elles plongent en bas, tandis que les fibres du corps, au contraire, tendent à s'éloi- gner et, s’entre-croisant avec les premières, remontent et limitent ainsi une petite cavité centrale et inférieure remplie par la chaine ganglionnaire du système nerveux (2). De sorte que dans cet endroit les fibres des bandes du côté gauche passent au-dessous de la chaine nerveuse pour se continuer du côté droit dans la paroi du corps, tandis que les fibres de cette dernière (toujours du côté gauche) passent au-dessus de la chaîne nerveuse pour se continuer dans les bandes du côté droit. On aurait trouvé la même disposition en commençant parle côté droit pour finir par le côté gauche. Il n'y a plus de ces bandes musculaires au-delà du diaphragme, comme chez les Arénicoles. 4 LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 977 $ 2. Organes de la nutrition. _ Nous devons revoir un peu la circulation, qui, chez la Terebella nebulosa, est assez bien décrite par M. Milne-Edwards‘. L'espèce que nous étudions, présentant quelque chose de différent, je crois bien faire de m'y arrêter un peu, surtout sur la partie centrale de l’ap- pareil. Partie centrale. — Elle se compose : D'un cœur branchial ; D'un vaisseau sus-intestinal ; D'un vaisseau sous-intestinal ; D'un vaisseau ventral ; D'une paire de vaisseaux latéraux. I n’y à rien à dire sur le cœur et le vaisseau sus-intestinal après les descriptions de M. Milne-Edwards. Le vaisseau sous-intestinal est unique à l'extrémité antérieure de l'estomac (+”, fig. 4, pl. XXD), mais bientôt il se bifurque et se continue jusque près de l’extrémité cau- dale, où de nouveau il se réduit à un seul canal. Même sans injec- tion, on peut voir ces faits sur des Térébelles conservées pen- dant vingt-quatre heures dans de l'acide acétique étendu. Le sang se coagule, devient brun-noir, et les vaisseaux ainsi colorés peuvent être suivis avec facilité. Le cœur naît à l'extrémité postérieure de l’æsophage par l'intermédiaire d’un cercle vasculaire venant du vais- seau sous-intestinal. Nous verrons bientôt quel est le rapport de ce dernier avec les vaisseaux latéraux. Le vaisseau ventral naît par deux veines : veines branchiales (v), qu'on voit sur la figure 3 (pl. XXII), traversant en bas le diaphragme musculaire (d). De là le vaisseau médian et unique longe tout le corps immédiatement au-dessus de la chaîne nerveuse. Il donne dans tout son trajet des artères qui se portent dans les cavités latérales du corps, longent les parois de l'animal et fournissent le sang à ces parties, de même qu'aux orga- nes de Bojanus qui se trouvent dans ces cavités. Vers la partie anté- rieure du corps, dans la portion thoracique les artères envoyées par le vaisseau ventral sont assez volumineuses (a, fig. 10, pl. XXIIT). Elles serpentent tout près de l'insertion des corps de Bojanus et à leur tour envoient de petits ramuscules qui se dirigent vers la ligne médiane, s anastomosent entre eux, formant un lacis vasculaire au milieu 1 Loc. cit. 278 L'-C. COSMOVICI. duquel se trouve un amas glandulaire jaune-orangé (g). Enfin, le vaisseau ventral envoie dans chaque anneau une paire de petites ar- térioles qui le mettent en relation avec les vaisseaux latéraux (vw). Les vaisseaux latéraux ne sont pas mentionnés chez l'espèce de M. Milne-Edwards ou du moins il dit que le vaisseau ventral, après avoir fourni les artérioles pariétales, envoie des artères qui remontent vers le dos et débouchent dans le lacis vasculaire dont les parois de l'intestin sont garnies. Chez la nôtre, on trouve deux vaisseaux latéraux réunis d'une façon remarquable. Du vaisseau latéral droit, je suppose, part une artériole qui remonte versle tube digestif (6, fig. 5, pl. XXID), contourne cet organe et, arrivant vers le vaisseau dorsal, se courbe de nouveau et descend, s'accolant cette fois-ci à la paroi du tube digestif. Enfin, cette branche descendante débouche dans le vaisseau sous-in- testinal correspondant {v”). Entre ces deux artérioles qui contournent ainsi l'estomac et, plus en arrière, l'intestin, se trouveune mince mem- brane qui les réunit en affectant la forme de cornets (7). Dans l’épais- seur de celle-ci se trouvent une foule de petits vaisseaux qui s’anasto- mosent dans tousles sens et offrent l'aspect d’un réseau vasculaire des plus riches. Lorsque ces cornets vasculaires sont appliqués étroi- tement sur le tube digestif, comme cela arrive lorsqu'on a affaire à une Térébelle vivante, ils sont alors imperceptibles, et au contraire il semble que ce sont les parois mêmes du tube digestif qui sont sil- lonnées par ces lacis, comme on le voit chez les Arénicoles. Il n’en est rien pourtant, et sur des Térébelles presque mortes on les voit dis- posés par paire dans chaque anneau et dans presque toute la lon- gueur du corps. Ils existent non seulement chez la Terebella gigan- tea, mais aussi chez la T. conchylega. La manière dont le sang circule dans ces cornets est assez remar- uable. De la branche ascendante naissent perpendiculairement des petits rameaux sanguins qui se bifurquent bientôt et s’anastomosent de différentes sortes, comme on le voit sur la figure 6 (pl. XXII). De ce réseau sanguin ainsi étalé dans l'épaisseur de la mince membrane qui forme le cornet, naissent de nouveau de petits canaux, qui dé- bouchent perpendiculairement dans la branche descendante, de sorte que le sang qui monte d'un côté passe de l’autre et se rend vers le vaisseau sous-intestinal. Les vaisseaux latéraux communiquent également avec le vaisseau ventral et ils donnent l’aspect représenté sur la figure 4 de la même planche. Enfin, les vaisseaux qui nous occupent se réunissent dans la portion thoracique en un seul tronc (#) LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 279 qui s'applique contre le vaisseau ventral. Mais, de distance en dis- tance, ce vaisseau se transforme en un réseau sanguin sous forme d'une large expansion transparente comme on en voit une dessinée sur la figure 10, pl. XXII. C'est de ce tronc que naissent les artères qui vont aux organes segmentaires, et qui seront étudiées en même temps que ces derniers. Enfin, tout à fait à la partie antérieure du corps, au niveau du diaphragme, il se résout en deux artérioles qui vont aux organes segmentaires de la deuxième paire. Comme on le voit, ces faits méritaient d’être signalés. ARTICLE 2. — ORGANES DE L'EXCRÉTION ET DE LA REPRODUCTION. Chez la Térébelle gigantesque, comme chez l’Arénicole, les orga- nes segmentaires sont annexés aux corps de Bojanus. $ 4. Corps de Bojanus. Ces organes sont en plus grand nombre chez la Térébelle que nous étudions que chez l’Arénicole, et la disposition en est différente. Anatomie. — Ils doivent être considérés d’abord à l'extérieur, ensuite à l'intérieur. Extérieur. — Léès corps de Bojanus sont au nombre de huit paires, dont sept dans les cavités latérales et une dans la cavité antérieure et céphalique , immédiatement avant le diaphragme (d, fig. 4, pl. XXII). Ils sont fixés contre la paroi du corps dans l'espace compris entre les deux mamelons sétigères des pieds (p), tout près de l'endroit où les bandes musculaires y plongent. Forme. — L'aspect de chaque poche diffère de celui qu’on trouve chez les Arénicoles. Cette différence, facile à voir, consiste autant dans leur forme que dans leur coloration. Elles sont plus ou moins triangulaires : une moitié est couleur terre de Sienne très foncée et l’autre bien plus claire. Pour bien voir les détails nous considérerons les faces et les bords. Faces. — Les corps de Bojanus ont deux faces : l’une supérieure et l’autre inférieure, et sur chacune d'elles il y a une ligne qui, al- lant du sommet à la base de la poche, la partage en deux parties de couleurs différentes. Bords. — Il y a deux bords, l’un antérieur et l’autre posté- rieur, la position des poches étant toute différente de celle des Aré- nicoles, En effet, chez ces dernières, les corps de Bojanus son 280 L:-C. COSMOVICI. mieux fixés contre la paroi du corps et moins libres que chez les Térébelles, chez lesquelles ils sont fixés par leur base. Parmi les bords, l’antérieur est convexe et de ce côté la poche est plus foncée ; l'autre est concave, regarde en arrière et limite l’autre moitié. qui est moins foncée. C’est encore sur le bord antérieur et tout près de la base de la poche que se trouve fixé l’organe segmentaire (0, fig. 10, pl. XXIIT.) Sommet. — Le sommet de la glande, plus ou moins pointu et dirigé en arrière, présente le commencement du sillon indiqué, empiétant un peu plus sur la portion moins foncée que sur l’autre. Base. — La poche est fixée par sa base contre la paroi, et l'inser- lion se fait obliquement de haut en bas et d’avant en arrière (fig. 10, pl. XXII). Cette portion de la poche est très amincie, et vers le bord postérieur il y a un tout petit orifice qui fait communiquer la cavité de l'organe avec l'extérieur. Ge pore se trouve au dehors entre les deux rames de chacune des sept premières paires de pieds (p, fig. 10, pl. XXII). | Des préparations bien faites et que j'ai dessinées démontrent très bien leur existence. Des portions du corps détachées, comme chez les Arénicoles, montrent que les fibres musculaires longitudinales de chaque côté de la chaîne nerveuse laissent entre elles un grand inter- valle (1), à où se trouvent les mamelons sétigères. Les fibres cir- culaires limitent d’une part les rames inférieures par deux grosses lèvres longitudinales (/); et, d'autre part, les rames supérieures, aux- quelles elles laissent des trous ovales (0) à bords épais, et où se meuvent les pieds sétigères. Eh bien! c’est près de la lèvre posté- rieure de chaque rame inférieure que se trouvent les orifices corres- pondants des corps de Bojanus. Ils sont laissés entre les fibres mus- culaires longitudinales, entre lesquelles se prolonge le corps de Bojanus pour mieux s'assurer un passage (p, fig. 43). Voyant la ma- nière dont ces orifices sont ménagés, on conçoit la difficulté de les apercevoir sur des animaux vivants. Intérieur. — A l'intérieur les corps de Bojanus ont encore un aspect tout différent de celui que nous avons vu chez les Arénicoles. Au lieu d’avoir une seule cavité il y en a deux. Le sillon que nous avons vu à l'extérieur montre l'endroit de leur séparation. Si sur des Térébelles durcies dans l’alcool ou autres réactifs comme l'acide chromique, on fait des coupes dans ces poches, on voit à l'œil nu la lumière des deux cavités accolées l’une à l’autre suivant la ligne indi- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 281 quée. Elles communiquent entre elles au sommet de la poche où manque la cloison, et la direction du courant des cils qui se trou- vent à leur surface interne nous aidera à comprendre leur organi- sation. Structure. — La structure des poches est la même que celles étudiées chez les Arénicoles. Seulement ici la moitié antérieure de chacune d'elles est plus foncée par suite d’une accumulation consi- dérable de ces cellules à pigments. La couche épithéliale est épaisse dans les deux portions de la glande et le courant ciliaire dans la moi- tié antérieure est dirigé de la base vers le sommet et en sens inverse dans la portion postérieure moins colorée. Par conséquent, tout corps introduit dans la première partie sera entrainé vers le som- met de la glande ; là il franchira le trou de communication et sera ensuite dirigé vers la base, par conséquent vers l'orifice externe. C'est donc la route que suivent les œufs. Les vaisseaux sanguins qui serpentent dans les parois du corps de Bojanus tirent leur origine du vaisseau segmentaire (4'). Ils forment un Jlacis très serré (b, fig. 44), tapissé par l'épithélium ciliaire (fig. 15). En somme, c’est toujours la même disposition; en compa- rant la structure de ces corps de l’Arénicole et de la Térébelle, on ne voit que des différences d'aspect. Je crois devoir mentionner un fait intéressant. La paire de corps de Bojanus située au-delà du diaphragme dans la cavité céphalique est dépourvue d'organes segmentaires, et, par suite, n’a pas de com- munication avec l’intérieur de la cavité du corps. Ceci prouve en- core que ces poches ne servent point comme organes segmen- taires, et les glandes génitales, n’existant pas dans cette partie du corps, les conduits évacuateurs deviennent inutiles. Fonctions. — Les fonctions de ces poches sont les mêmes que chez les Arénicoles. Elles servent à l'épuration du sang; elles sont par conséquent des reins ou des corps de Bojanus. Si elles don- naient naissance aux œufs ou aux spermatozoïdes, elles auraient la structure des glandes génitales. Si elles étaient des poches évacua- trices des produits de la génération, à quoi servirait la paire de ces corps situés au-devant du diaphragme, où il n'y a jamais d'œufs ni de spermatozoïdes? Comme il a été déjà dit, les organes segmen- taires font seulement un emprunt à ces poches qui les aide dans leurs fonctions évacuatrices, et Terebella conchylega le prouve par ses corps de Bojanus, qui n’ont point d’organe segmentaire annexé, 282 L.-C. COSMOVICI. ; encore mieux que ne le fait cette paire de poches située au-delà du diaphragme chez la Z'erebella gigantea. S 2. Organes segmentaires. Les organes segmentaires, au nombre de sept paires, sont fixés sur chacun des corps de Bojanus. La paire située au-delà du diaphragme en est dépourvue. Anatomie. — L'étude de ces organes devient facile avec cer- taines précautions. L'animal étendu sur le hège d’une cuvette à dis- section et sous l’eau, on l’incise, sur la ligne médiane et dorsale, depuis la tête Jusqu'à la région abdominale. On écarte, à l’aide d'épingles, les lèvres de la plaie ainsi pratiquée. Ensuite, avec une seringue pleine d'eau, on lave la préparation jusqu’à ce que chaque organe interne devient visible. Alors on enlève avec beaucoup de prudence les bandelettes musculaires d’un côté de l'animal et, sous la loupe, on voit tout ce qui concerne les organes que nous allons étudier. Une préparation semblable doit être faite aussi sur un animal conservé dans de l'acide acétique par exemple; et alors il est très facile de comparer l’une avec l’autre et de mieux voir tous les détails. La figure 10, pl. XXIIT, qui représente deux de ces glandes du côté gauche, montre la première dans sa position naturelle, tandis que la dernière est renversée en dehors et laisse bien voir l'ouverture de l'organe segmentaire attaché à cette glande. Extérieur. Forme. — Chaque organe segmentaire (0) a la forme d'un cornet très court, à l'ouverture duquel serait attachée une feuille plissée très longue (/). Pour mieux me faire comprendre, je lui décrirai un Corps, un sommet et une base. | Corps. — Le corps de l'organe est tout à fait semblable à] celui d'un cornet qu'on fait avec le quart d'une feuille de papier. Sommet. — Le sommet du cornet perforé s'attache au bord anté- rieur et tout près de la base du corps de Bojanus correspondant. Base. — La base de l'organe segmentaire est le pavillon ou la trompe qui recueille les produits de la génération pour les porter au dehors. L'ouverture, très grande, oblongue, est limitée par deux lè- vres, l’une supérieure (/) et l’autre inférieure (7). Celle-ci est mince et dépourvue de toute garniture, tandis que la première présente une conformation toute particulière. Quand le corps de Bojanus est dans sa position naturelle, on voit sur son bord antérieur une série de LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 283 panaches assez longs qui s'étendent depuis le sillon où s'arrêtent les fibres musculaires longitudinales jusqu'à la ligne médiane sur les côtés de la chaine nerveuse. Ges panaches, très courts d’abord, augmentent de longueur au fur et à mesure qu'ils se rapprochent du corps de l'organe segmentaire, pour diminuer de nouveau de l'autre côté. L'ensemble de ces parties, uni par une mince pelli- cule, prend la forme d'un voile étendu et fait corps avec l'organe segmentaire. Maintenant renversons celui-ci avec son pavillon en arrière et, sous la loupe, observons mieux ce voile, ainsi que nous l'avons fait sur la dernière glande dessinée (fig. 10, pl. XXII). Alors on aperçoit l'ouverture béante protégée par cette lèvre, qui est toujours tendue pour assurer les fonctions de l'organe segmen- taire. Sur le pourtour de l’orifice et, au-delà même, sur toute la lon- gueur du bord inférieur de la lèvre, est un repli (u) formant avec le reste du voile labial une gouttière longitudinale (fig. 14, pl. XXII). Ensuite, sur toute la surface de la lèvre sont des plis qui, partant de son bord libre, descendent vers son bord fixe. À l’œil nu on les aperçoit bien sous forme de striations qui se prolongent aussi sur le bourrelet (w). Toute la surface des franges est ciliée, de sorte qu'un courant très fort, déterminé par ces cils, est dirigé vers l'ou- verture du pavillon. La lèvre inférieure est bien plus simple, fait observé déjà chez d’autres Annélides. Son bord libre est dépourvu de toute garniture, il se présente sous la forme d’une ligne un peu courbe et lisse. Sur des animaux conservés dans l'alcool l’aspect est tout différent, car la plupart des cellules épithéliales se désagrègent et il ne reste alors que la trame vasculaire qui entre dans la structure de ces organes. Intérieur. — À, l'intérieur il n'y a qu'une cavité ciliée, qui di- minue de largeur vers le sommet. Là par l'ouverture dont le cor- net est perforé, l'organe segmentaire communique avec la cavité antérieure du corps de Bojanus correspondant. Structure. — Sur leur structure, il n’y a rien de nouveau à ajouter, après ce que nous avons vu chez les Arénicoles. On ne trouve de différences que dans l’arrangement des vaisseaux san- guins et des cellules épithéliales. Le vaisseau qui fournit les artères à ces organes arrive du tronc commun des artères latérales. Chacun d'eux, entouré par les deux bourrelets de la lèvre supérieure (4, fig. 44, pl. XXIIL), contourne l’orifice de l'organe segmentaire, et puis, 284 L.-C. COSMOVICI. s’accolant à la paroi du corps, se porte en avant et s'enfonce ensuite entre les fibres musculaires. Le vaisseau, dans tout son trajet, suit la lèvre supérieure du pavillon, de sorte que, étant presque toujours tendu, cette lèvre est elle-même étalée, chose importante pour les fonctions que ces organes ont à accomplir. Au moment où le vaisseau segmentaire s'engage dans la base du voile labial, il envoie des artères en bas pour le corps de l’organe seg- mentaire et pour la plus grande partie du corps de Bojanus annexé. Mais il y a encore un fait remarquable à observer : de distance en distance les franges qui garnissent la lèvre supérieure du pavillon présentent des écartements dans leurs éléments, où le sang afflue. On a l'apparence d’un large vaisseau courbé, et le fluide rose monte d'un côté et descend de l’autre (fig. 17). Il y a ici une ressemblance avec ce qu'on trouve chez les Arénicoles. Les feuilles qui ornent le bourrelet de la lèvre supérieure sem- blent être formées de bandes transparentes courbées sur elles- mêmes et recouvertes par un épithélium conique et cilié (fig. 18). Les autres franges et tout l’intérieur du corps de l’organe segmen- taire sont tapissés par un épithélium hexagonal à cils vibratiles. Ses cellules ont des granulations pigmentaires, situées du même côté et immédiatement au-dessous de leur paroi, de sorte qu'il a un aspect particulier (fig. 49, pl. XXII). Le bord de la lèvre inférieure est dépourvu de toute garniture et, sous le microscope, on constate qu'elle est limitée par une rangée de cellules cylindriques à noyau central et ciliées (fig. 20). Ces faits mon- trent bien que le plan d’après lequel sont conformés les organes que nous étudions est partout le même. Ce qui varie chez les diffé- rents genres, c'est leur nombre et leur distribution, ce qui est en rapport du reste avec toute l’organisationide l’animal. Fonctions. — Les fonctions des organes segmentaires ont déjà été indiquées, savoir : «ils servent à recueillir les produits de la géné- ration qui baignent dans la cavité du corps, et ensuite les portent au dehors pour assurer la fécondation. » | Or, voyant la manière dont le pavillon de l'organe segmentaire est arrangé, on conçoit facilement comment les phénomènes se passent. D'abord l'ouverture du pavillon est toujours béante, grâce à la lèvre supérieure, qui est tendue. Ensuite la surface d'appel est très élar- gie par ce voile, par ces plis et par cette gouttière. Tout corps qui tombe sous ce voile est forcément attiré vers l’ouverture du pavil- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 9285 lon, et la route lui est tracée par le sillon qui borde le pourtour de l’orifice. De toute la surface de la lèvre, les courants ciliaires conver- gent vers l'ouverture du pavillon. Tout est disposé de la manière la plus favorable pour l'évacuation des produits sexuels. Une fois introduits dans l'organe segmentaire, les produits de la génération passent dans le corps de Bojanus correspondant, de là remontent vers le sommet de la poche, redescendent dans l’autre moitié, après avoir franchi l'ouverture de communication connue, et ensuite sont évacués au dehors par les pores indiqués. Ainsi s'effectue le phé- nomène connu sous le nom de ponte. 8 3. Ovaire et testicule. Les glandes génitales chez Terebella gigantea ont une disposition particulière. Comme il a déjà été dit, lorsqu'on connaît l'ovaire, le testicule est connu aussi, l’un et l’autre ayant les mêmes rap- ports. Ces glandes se trouvent dans la région thoracique sur la ligne mé- diane et au-dessus de la chaîne nerveuse (0', fig. 40, pl. XXII). Leur couleur est blanche, ce qui les fait reconnaître tout de suite, parce que, tout autour et sur une surface bien plus large, il ÿy à un amas glandulaire d'un jaune orangé très marqué, sur le rôle duquel on n'est pas encore suffisamment renseigné. M. Milne-Edwards et M. Williams lui assignent une propriété sécrétoire. Glandes médianes. — T1 est facile de voir, avant que les testicules ou les ovaires soient bien développés, les glandes médianes se tumé- fier énormément, et de leur surface se désagréger d'innombrables cellules un peu allongées, pleines de granulations sous forme de nucléoles à contenu jaune. Plus ces corpuscules sont abondants, plus la cellule est colorée. La cavité du corps est remplie de ces sortes de produits. Bientôt viennent se mêler des œufs ou des cellules sperma- tiques, qui se sont détachés de leurs glandes respectives. Quand ces derniers produits augmentent en nombre, les cellules à granulations diminuent. On peut observer en même temps que les œufs en müris- sant se colorent en jaune foncé (fig. 9, pl. XXII). Seraient-ce ces cel- lules qui leur fournissent la coloration? Ensuite la membrane vitel- line s’épaissit beaucoup. Ces glandes sont placées entre les fibres musculaires longitudi- nales de la paroi du corps. À cet endroit les faisceaux s'écartent, 250 284_ L.-C. COSMOVICI . ed mr s'entre-croisent, limitant des îlots où les glandules d'abord très pe- tites augmentent en longueur et en épaisseur (fig. 41, pl. XXIID. On voit alors à leur surface des cellules à parois minces et à leur intérieur un commencement de granulations. Bientôt la surface des glandes, de sphérique et unie, devient bosselée, et la glande elle- mêms se bifurque ou même se trifurque (fig. 20, pl. XXIV). Les gra- nulations se multiplient et s'arrangent immédiatement contre la paroi de chaque cellule. Mais, une fois celles-ci détachées, leurs nucléoles se dispersent à leur intérieur dans toutes les directions (fig. 25). Avec ces pigments on trouve encore de toutes petites granulations pèles à mouvement brownien. Ovaire. — Comme il a été dit, c’est sur la ligne médiane qu'on le trouve et dans la région thoracique ou région segmentaire. Là, le vaisseau ventral est réuni au tronc commun des vaisseaux laté- raux par de petits anneaux artériels. Eh bien, c'est tout autour de ces vaisseaux sanguins que la glande génitale se trouve. En arra- chant un de ces canaux, on enlève aussi une portion de l'ovaire. Celui-ci consiste, à l’état jeune, en tout petits mamelons (fig. 29), composés d’une substance blanche amorphe. A cet état on est dans l'impossibilité de reconnaître là quelque chose de glandulaire. Mais à côté on voit d’autres renflements plus développés dans lesquels on distingue déjà de toutes petites cellules ayant un noyau central, ce sont les œufs. Au fur et à mesure que les acini de la glande grossis- sent par suite d’un accroissement de la matière protoplasmique, les œufs premièrement nés se dessinent de mieux en mieux. Enfin, il arrive un moment où la glande a la forme d’une grappe (fig. 21, pl. XXIV), et un de ses renflements se montre sous le microscope avec une mince pellicule comme paroi, à l’intérieur de laquelle il y a un amas d'œufs. Il suffit d’un déchirement pour que ces éléments tom- bent dans la cavité du corps. Les œufs mürissent; leurs vésicules germinatives ne tardent pas à se dessiner et le vitellus commence à se remplir de granulations. Lorsque le contenu devient très coloré, l'œuf est mr, et il peut dès lors être rejeté au dehors par un des or- ganes segmentaires. Testicules. — Les testicules ont le même mode de conformation et de développement. La différence consiste dans la structure. Là, on trouve, à l’état mûr, des amas de cellules mères de spermato- zoïdes (fig, 24); une fois celles-ci mises en liberté, elles perdent LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 285 leur paroi, laissant ainsi, encore pour quelque temps, flotter dans la chambre viscérale les spermatozoïdes réunis sous forme d’amas framboisé ; bientôt la queue de ceux-ci apparaît, ils se détachent et à un grossissement de 580 diamètres laissent voir une têle assez grosse, pomtue, avec une queue très courte. Ils s’agitent avec viva- cité et sont toujours mêlés à des cellules pigmentaires (fig. 25, pl. XXIV). $ 4. Comparaison entre les organes segmentaires d'après M. Williams et d’après nos observations. En lisant le travail de M. Williams, on est étonné de la manière dont il décrit ces organes. En finissant cette comparaison, je résu- merai les preuves qu'il invoque à l’appui de ses vues. û La figure ci-jointe représente celle qu’il donne dans son mé- moire *. Malgré l'aspect différent que présen- tent ces poches chez les Térébelles et chez les Arénicoles, M. Williams les figure à peu près semblablement. Pour cet auteur, c'est toujours un tube, divisé plus profon- dément. L'eau circule dans ces tubes, mais sur la branche d'entrée (A) est fixé l'organe repro- ducteur, voilà pourquoi dans cet endroit 11 Y Fig. 2. Organe segmentaire a une anse vasculaire (N') qui fournit à cette OT LEE portion une grande quantité de sang. Le procédé d'évacuation est lem ème que celui qu'il a indiqué chez l'Arénicole. Or, nous avons vu ces glandes graisseuses situées de chaque côté de la chaîne nerveuse. Comme je l’ai dit : depuis Cuvier, MM. Milne- Edwards, de Quatrefages, Grüber, Stannius et autres, elles ont été considérées comme des glandes génitales. M, Williams dit que long- temps il a attribué à ces glandes les mêmes propriétés reproductrices; mais, depuis qu'il a étudié ces poches latérales, il a vu que c’est à ces dernières que doit être attribuée cette fonction, M. Williams ne s'est point trompé sur la nature des glandes médianes, mais bien sur celle des poches latérales, Il suffit de rap 1 Loc. cit, 288 L.-C. COSMOVICI. procher la figure 10 de la planche XXIII de la figure ci-dessus pour constater cette erreur. | Voici encore ses derniers mots sur les organes segmentaires des Térébelles. « L'auteur, récapitulant les faits, désire démontrer que les po- ches latérales sont les véritables organes de la reproduction, et ses vues sont prouvées par les faits suivants : «{°Il y a des saisons particulières où les poches sont bourrées d'œufs chez la femelle, et de spermatozoïdes chez le mâle. Ces pro- duits sont respectivement moins développés que ceux contenus dans la cavité générale; « 2° Une preuve négative, c'est l'absence de tout autre organe ayant les attributions d'un appareil génital ; «3° Enfin, une preuve sans contradiction, c'est la division de chaque poehe en deux moitiés, l’une vasculaire et l’autre non, enfin la posi- tion segmentaire de l'organe. » Il suffit de bien lire ces preuves que l’auteur apporte à l'appui de ses vues et de les comparer avec les faits résultant des descrip- tions données, pour voir le peu de foi qu'on doit leur accorder. Keferstein ! décrit aussi l'organe segmentaire des Terebella gelati- nosa et conchylega. Il représente ces organes comme un tube recourbé dont une moitié est foncée et l’autre plus claire, ce qui existe en réalité. A l'extrémité de la branche foncée il indique une ouverture ciliée. Par conséquent, cet auteur décrit encore le corps de Bojanus comme organe segmentaire, tandis que ce dernier organe, qui est fixé sur la moitié foncée du corps rénal, n’a pas été vu. Ceci est im- portant à noter, car il représente l'ouverture de l'organe segmentaire juste à l'endroit où ce dernier organe prend son insertion. Pour en finir avec cet animal, j'appelle l'attention des helmintho- logistes sur an parasite qui est enkysté dans les muscles du corps. Il m'a paru être le mème que celui trouvé chez l’Arénicole. B. TEREBELLA CONCHYLEGA. Terebella conchylega est une espèce bien plus petite que la précé- dente. Elle me servira à passer des deux familles étudiées à une autre famille, celle des Ophéliens. 1 KEFERSTEIN, Zeilschrif. f. wiss, Zoo!., t. XII, 1862. L Lu LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 289 Sur cette espèce, je ne m'arrêterai plus sur la disposition des or- ganes qui est la même que celle du Terebella gigantea, et je passerai immédiatement à l'étude des organes segmentaires et de la repro- duction. ORGANES DE L'EXCRÉTION ET DE LA REPRODUCTION. Ces organes ont chez l'espèce que nous étudions une disposition toute particulière, fait très remarquable, qui sera encore une preuve des plus évidentes à l'appui des vues avancées dans ce travail sur les organes de la reproduction des Annélides sédentaires. En effet, tandis que jusqu à présent nous avons trouvé les organes segmentaires atta- chés aux corps de Bojanus, ici ils en sont éloignés : « donc les poches en question ne font point partie intégrante des organes segmentaires, comme on le croyait, mais sont des organes indépendants » ; et si, chez les espèces étudiées jusqu'à présent, ces deux organes parais- saient au premier coup d'œil faire un tout commun, cette espèce prouverait qu'il n’en est pas toujours ainsi. $ 1. Corps de Bojanus. Ces organes sont au nombre de deux paires chez cette espèce, l'une en avant du diaphragme céphalique (fig. 1, pl. XXIV) et l’autre immé diatement en arrière. Aucune de ces poches n’a d'orifice interne pour communiquer avec la cavité du corps, et elles sont tout à fait semblables à la paire de poches située au-delà du diaphragme chez T. gigantea. L'organisation et la structure sont absolument les mêmes que celles des corps de Bojanus de Zerebella nebulosa, seulement leur volume est bien plus petit, la taille de l'animal étant moindre. Il n'y à donc rien à ajouter de nouveau, et les vaisseaux qui leur fournissent le sang leur arrivent du vaisseau sus-imtestinal. J'ai observé un fait remarquable chez une Z'erebella conchylega. Tous ces animaux ont trois paires de branchies (br) céphaliques, ce nombre étant carac- téristique du genre. Une fois j'en ai trouvé une qui, ayant les trois branchies du côté droit, n'avait du côté gauche qu'une toute petite branchie très grêle et à peine touffue. Or, en faisant l'incision tant de fois indiquée, j'ai constaté une paire seulement de corps de Bo- Janus, et cela du côté où les branchies existaient. En d’autres termes, ARCH. DE ZOOL EXP, ET GEN, — T. Vin. 1879 ct 18S0. 19 290 L.-C. COSMOVICI. une poche à droite en avant du diaphragme (4) et une autre en arrière. Rien de tout cela à gauche, où les branchies manquaient. Ce serait encore une preuve qu'il y a une relation entre ces poches et l'appareil de la circulation. S 2. Organes segmentaires. Si pour les corps de Bojanus il n'y avait rien à ajouter, pour les organes segmentaires tout est à revoir, leur organisation étant différente. | Anatomie. — Sur un animal ouvert par le dos, placé dans une cuvette, on apercoit (fig. 1, pl. XXIV), en arrière des corps de Bojanus post-diaplagmatiques (4), deux paires de corps blanchâtres boursou- flés qui ne sont autre chose que les organes dont nous nous occu- pons en ce moment. Extérieur. Forme. — Chaque organe a la forme d'une urne à bords très évasés. La corolle campanulée d'une fleur avec le limbe renversé en dehors (0) (fig. 3, même pl.) rappelle parfaitement cet aspect. Corps. — Le corps de l'organe ressemble à une bourse gonflée. Sommet. — Le sommet est représenté par le fond de la bourse un peu étiré vers le bord interne, où se trouve l'ouverture qui fait communiquer ces poches avec l'extérieur. Base. — La base représente le pavillon de l'organe segmentaire. Il y a là une large ouverture bordée d'une lèvre plus ou moins circu- laire. Sur le côté qui regarde la ligne médiane, un prolongement de la lèvre en forme de gouttière arrive au niveau de la chaîne ner veuse. Si l’on se souvient de la forme du pavillon chez les animaux étudiés,on voit toujours ce prolongement, qui n’est autre chose que le vaisseau sanguin, qui arrive à cet organe, et qui en même temps est entouré par les franges qui garnissent les lèvres, disposition qui à pour effet de tenir le pavillon tendu. La face supérieure de toute la lèvre présente des striations qui partent du bord libre en s'irradiant vers l’orifice central du pavillon. Chaque strie est due à une lame mince ciliée, disposée tout à fait comme les feuilles du chapeau chez le champignon de couche par exemple. Toute la surface du pavillon est extrêmement ciliée, Intérieur, — L'organce est creux et toute la surface est également : : È É L- E 5 # + LES ANNELIDES POLYCHÈTES. 291 cihée. Le courant vibratile est dirigé de l'orifice du pavillon vers l'ori- fice du sommet de l'organe, de sorte que tout corps recueilli par le pavillon dans la cavité viscérale est dirigé vers l’orifice de communi- cation avec l'extérieur, après avoir franchi l'orifice central du pa- villon et parcouru l'intérieur de l'organe segmentaire. 9° Structure. — La structure du corps même de ces organes n'a rien de particulier. Comme toujours, c'est une membrane mince, élastique et transparente, tapissée à l'intérieur par un épithélium pavimenteux à cils. Dans les parois du corps se trouvent une foule de petits rameaux vasculaires. Les bandelettes qui garnissent le pavil- lon de l'organe segmentaire méritent une attention particulière. Cha- cune d'elles à son tour n'est point simple, et si un morceau déta- ché est soumis à l'observation microscopique, on constate que par le bord inférieur la lame est fixée à la paroi du pavillon. Le bord su- périeur (fig. 5, pl. XXIV) présente dessaillies descendant plus ou moins profondément vers le bord fixe. Chaque saillie à un plus fort grossis- sement présente l'aspect d'une feuille mince couverte de tout côté par un épithélium payvimenteux à grosses cellules granuleuses et ciliées (fig. 6). De sorte que sur les bords on aperçoit bien le courant ciliaire, mais pour le voir sur les surfaces il faut faire varier les objectifs. Parmi les cellules épithéliales, il y en a une ou deux qui ont des granulations pigmentaires jaune d'ocre. Nous avons mentionné un prolongement de la lèvre, qui mérite encore d’être observé de près. A un grossissement de 350 diamètres (fig. 4, pl. XXIV), on voit d'abord un vaisseau sanguin (v”) qui, naissant du vaisseau sus-intestinal, arrive au pavillon segmentaire. Or tout près de celui-ci les bandelettes à cils vibratiles se fixent tout autour du vaisseau, toujours en sens irradiant, et quelques-unes de ces bandes se portent même un peu plus loin sur le vaisseau, en l’entourant de tout côté, donnant à celui-ci l'aspect d'une mosaïque. Ce qu'il y a de curieux, ce sont ces taches pigmentaires jaune d'ocre qui se trouvent aujbout de chaque bande (g).Ces bandes, par leur entre-croi- sement, forment des figures rhomboïdales ayant chacune une de ces taches au centre. Lorsqu'on ouvre une Térébelle on déchire souvent quelques-unes des bandelettes ciliaires et alors sous la loupe on voit des espèces de corps blanchâtres qui tournent assez rapidement sur eux-mêmes. Et comme les parties des bandelettes qui se déchirent sont celles où se trouvent ces taches, il semble alors qu'on a sous les yeux 299 L.-C. COSMOVICI. quelque animal parasite. Ce sont justement ces portions du pavillon qui ont attiré mon attention sur les organes segmentaires, qui jus- qu'alors m'avaient échappé complètement. La structure est telle que nous l’avons décrite, et elle ne diffère en rien de ce que nous connaissons déjà chez les autres animaux. Fonctions. — Après avoir vu leur position, leur forme et leur structure, il n’y a aucun doute sur le rôle de ces organes. Les pro- duits de la génération sont appelés incessamment par les pavillons et ensuite évacués au dehors, quand le phénomène de la ponte s ac- complit. Je résume les particularités qu'offrent ces organes chez l'espèce que nous étudions : « 4° Les corps de Bojanus n'ont qu'un orifice qui leur permet de communiquer avec l'extérieur, et par lequel les résidus de l'épuration du sang s'échappent ; « 2° Les organes segmentaires se trouvent en arrière des corps de Bojanus, et communiquent directement avec l'extérieur, sans l'inter- médiaire de ces derniers organes, comme cela a lieu chez les Aré- nicoles et chez T'erebella gigantea. » Les déductions qui peuvent être tirées de ces faits sont faciles à concevoir : « 1° Les corps de Bojanus n'ont aucun rôle dans l’acte reproduc- teur, comme on l’a cru jusqu'ici ; « 2° Les produits de la génération sont évacués au dehors par des oviductes ou des spermiductes, nommés plus généralement organes segmentaires. » S 3. Ovaire et testicule. Les glandes génitales sont voisines des organes segmentaires, et toujours en relation intime avec un vaisseau sanguin. Nous avons dit que les organes segmentaires reçoivent un vais- seau quivient du vaisseau sus-intestinal. Celui-ci, arrivant au pavillon de l’un d’entre eux, se recourbe en bas et longe le bord interne du corps de l'organe jusqu’à son point d'insertion, au niveau duquel il s'enfonce dans la paroi du corps. C’est autour de ce vaisseau sanguin et tout près du sommet de l'organe (ov, que les glandes se trouvent (fig. 3, pl. XXIV). Au microscope on constate comme toujours une glande en forme LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 293 de grappe, dont chacun des culs-de-sac est rempli soit par des œufs très jeunes (fig. 7), soit par des cellules mères des spermatozoïdes (fig. 9). Quand la glande est assez développée, on voit à côté de chaque organe segmentaire un renflement (ov) assez considérable de couleur blanche qui attire tout de suite l'attention de son côté. D'après ce que nous venons de dire, il y a deux paires d'ovaires ou de testicules, suivant les sexes, et leurs produits, une fois mûrs, tombent dans la cavité du corps: les œufs grandissent, leur vitellus d'abord granuleux se colore en jaune terre de Sienne (fig. 8). Les cellules mères des spermatozoïdes, par suite du déchirement de leur paroi, laissent ceux-ci en liberté. Ils ont une tête assez grosse et une toute petite queue. Il faut un grossissement de 580 diamètres pour-les apercevoir. Le développement de ces éléments à l'intérieur des culs-de-sac se fait de la même manière que chez l'autre Térébelle. Toujours dans cette masse amorphe, qui augmente incessamment par suite d’une nutrition exagérée, on voit de petits noyaux, autour desquels se dessine une paroi, formant ainsi l'ébauche de l'œuf. Ensuite, ces éléments subissent les tranSformations indiquées jusqu'à ce que le moment de la ponte arrive. Ponte. — En hiver, les Térébelles ne pondent pas. Il suffit de re- garder leurs glandes pour s'en convaincre tout de suite. En effet, elles sont à peine développées. Ce n'est qu'au commencement du printemps et surtout aux mois d'avril et de mai que la ponte a lieu. J'ai vu une Terebella conchylega pondre pendant deux heures dans une cuvette, au mois de mai 1878, quand j'étais à Roscoff. L'animal restait tranquille sur son côté droit. Les tentacules, si con- tractiles en tout autre temps, étaient ramassés autour de la tête et en repos. Enfin, par les pores correspondant aux organes segmen- taires, un jet continuel d'œufs rouges s'écoulait. Au bout de deux ou trois minutes l'acte de la ponte s'arrêtait, pour recommencer de nouveau. Dans ces intervalles l'animal se déplaçait assez souvent, pour se remettre dans l'attitude primitive. La quantité d'œufs que l'animal a pondus était prodigieuse. De cette observation on peut tirer une conclusion : c'est que la ponte ne se fait point mécaniquement. Elle est soumise à la volonté de l'animal, ou du moins les organes segmentaires, après avoir re- cueilli une certaine quantité d'œufs, se reposent un instant pour recommencer immédiatement après. Ce n'est pas encore tout. Com- 294 L.-C. COSMOVICI. ment la ponte est-elle provoquée, puisque ces produits depuis long- temps flottent librement dans la cavité viscérale ? Je ne puis le dire encore. CHAPITRE III. OPHÉLIENS. (PI. XXV. Fig. 1-93.) Après les trois types étudiés, on peut se faire une idée dé la na- ture véritable des organes de reproduction chez les Annélides sédentaires. Néanmoins, je prendrai encore un type régulier de ce groupe, qui montrera Jusqu'à la dernière évidence la vérité des faits mentionnés ici, et la véritable nature des organes sur lesquels on à fait tant de conjectures jusqu'à ces derniers temps. C'est l'Ophelia bicornis très commune à Roscoff dans le sable à l’est de l'île de Batz. Chez cette espèce les corps de Bojanus sont encore séparés des or- ganes segmentaires. Je vais dans un tout petit article jeter un coup d'œil sur l’ensemble de l’organisation. ARTICLE À. — CORPS. À l'intérieur du corps on trouve encore ces bandelettes muscu- laires obliques, très minces, en rapport, du reste, avec l’organisa- tion délicate de ces petits Annélides. Le tube digestif, plus long et courbé, est situé sur la ligne médiane d’une extrémité à l’autre de l'animal (fig. 1, pl. XXV). Il n'y à pas de diaphragme, comme chez les animaux précédents. Appareil circulatoire. — L'appareil circulatoire se compose d'un vaisseau dorsal (v') assez dilatable, rempli d’un sang rouge très vif et qui circule d’arrière en avant, d’un vaisseau sous-intestinal très volu- mineux et de couleur terre de Sienne (v) et enfin de deux vaisseaux latéraux à sang très rouge (v”’). Ces derniers, situés au-dessus des rames supérieures des pieds, s’anastomosent entre eux d’anneau en anneau tant sur le dos de l'animal que sur la partie ventrale. On voit facilement la marche du sang dans ces derniers vaisseaux sur les LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 293 Ophélies bien vivantes qui se meuvent au fond d’une cuvette pleine d’eau de mer. De toutes ces parties de l'appareil circulatoire, c’est le vaisseau sous-intestinal (v) qui fournit les artères branchiales. Ces artères, dans l’espace des dix premiers anneaux du corps, sont en rapport avec les organes segmentaires et les corps de Bojanus, enfin avec les branchies. Branchies. — Les branchies (6) ont la forme de longs culs-de-sac irès contractiles. Elles sont logées dans des pores situés au-dessus des rames des pieds (fig. 2 et 3, pl. XXV), et tantôt sortent au dehors, tantôt y rentrent et font saillie à l'intérieur du corps. Le sang leur arrive du vaisseau sous-intestinal; ensuite, après avoir passé à l’intérieur de chaque cul-de-sac branchial, le liquide très rouge retourne et se déverse dans le vaisseau latéral correspondant. Une fois orientés dans l’organisation, nous pouvons passer à l'étude des organes de la reproduction et des corps de Bojanus. ARTICLE 2, — ORGANES DE L'EXCRÉTION ET DE LA REPRODUCTION. Jusqu'à présent nous avons vu chez l’Arénicole les corps de Boja- nus supporter les organes segmentaires et les glandes de la repro- duction. Chez la Terebella gigantea, nous voyons à peu près la même chose, si ce n’est une séparation des glandes génitales, situées sur la ligne médiane, des autres organes excréteurs. Chez la Terebella conchyleya la séparation entre ces organes est complète. Les corps de Bojanus se trouvent en avant des organes de la reproduction. Enfin, chez l'Ophélie encore la séparation est com- plète, seulement l'arrangement des différentes parties est inverse, à savoir : les organes de la reproduction sont en avant et plus en arrière les corps de Bojanus. S1. Corps de Bojanus. Les corps de Bojanus (c, fig. 1), au nombre de cinq paires, sont si- tués au milieu de l’espace compris entre les deux rames des pieds. Anatomie. Forme. — Chacune de ces poches a la forme d'une cornemuse. On peut lui considérer deux extrémités, deux bords et deux faces (fig. 4 et 5, pl. XXV\. 296 L.-C. COSMOVICI. Faces. — L'une des faces est supérieure, l’autre inférieure ; la première esten rapport avec les bandelettes musculaires, et la der- nière avec la paroi du corps. E'xtrémités. — L'antérieure est très gonflée et fixée contre la paroi du corps. La postérieure, effilée en tuyau, se rapproche un peu de l'extrémité antérieure après s'être courbée en avant. Par cette extrémité, l'intérieur de la poche communique avec l’exté- rieur. En effet, ce bout plonge entre les fibres musculaires du corps et s'ouvre au dehors par un pore (p) qu’on aperçoit facilement à la loupe un peu plus bas et en avant des rames inférieures (7’) du pied (fig. 2 et 3). On voit de ces pores sur les dix premiers anneaux du corps, dont cinq correspondent aux cinq paires d'organes segmentai- res et cinq autres aux corps de Bojanus. Bords. — Le bord externe est concave, courbe par suite de la torsion de l'extrémité postérieure de la poche. Le bord snterne est convexe et en relation avec le rameau posté- rieur (a) de l'artère branchiale correspondante (a). En effet, tout près de l'extrémité antérieure de chaque poche passe l'artère qui va à la branchie de l’anneau correspondant. Cette artère à ce niveau donne une branche qui longe le bord convexe de la poche et se porte ensuite dans la paroïidu corps. Or c’est de ces branches que les poches reçoivent le sang nécessaire. Enfin çà et là on trouve tout autour du vaisseau sanguin des culs-de-sac jaunâtres analogues à ceux mentionnés chez les Arénicoles. Intérieur. — L'intérieur des poches est vide. La cavité unique se rétrécit vers l'extrémité postérieure et toute sa surface est tapissée par un épithélium ciliaire. Le courant déterminé par les cils est très vif et présente une direction de la grosse extrémité vers le pore de sortie (fig. 5). Structure. — Quant à la structure, il y a comme toujours dans leurs parois un véritable lacis vasculaire. D'une part, ces vaisseaux sont recouverts par des cellules à granulations jaunâtres, rouges, lesquelles ressemblenttout à fait à celles qui tapissent les vaisseaux en culs-de- sac déjà mentionnés à la face interne du corps et au voisinage des gros troncs vasculaires. Ensuite les vacuoles laissées entre les vais- seaux sont remplies par des cellules de différentes grandeurs, en couches stratifiées, dont la plus superficielle est garnie de longs cils vibratiles. Chez les Ophélies il faut remarquer la forme de ces der- aières cellules épithéliales, Elles sont très allongées et fortement gra- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 2097 nuleuses (fig. 6). Les granules sont fins et la coloration des poches leur est due. Fonctions. — Comme toujours, ces organes servent à l’épura- lion du sang. $ 2. Organes segmentaires. Les organes segmentaires (0) de l’Ophelia bicornis sont au nom- bre de cinq paires, situées dans la région thoracique en avant des corps de Bojanus (c). Anatomie. — En ouvrant un animal par le dos et en l’étalant sur un liège dans une cuvette pleine d'eau, on voit les organes segmen- aires, même à l'œil nu, de chaque côté de la chaîne nerveuse. Forme. — Leur forme est toujours la même, c’est-à-dire celle d'un cornet. En général elle ne varie point, si ce n’est dans la configu- ration des lèvres qui garnissent leur pavillon. Sur la figure 4 on voit le dernier de ces organes dans son état naturel et sur la figure 7 est représentée une coupe passant par le milieu de l'organe. On leur dis- tingue comme toujours un corpset deux extrémités (base et sommet). Corps. — Le corps supporte sur sa partie dorsale les glandes mâles ou femelles, selon les sexes (9). C'est toujours dans cet endroit que la branche postérieure de l'artère branchiale correspondante (a) croise la face de l'organe segmentaire. Sommet. — Le sommet du cône que représente un organe seg- mentaire est tronqué. Son ouverture débouche au dehors à l’aide d'un de ces pores (p) signalés déjà en avant de la rame inférieure sur le segment médian de l’anneau. Vers le sommet de l'organe, le corps se rétrécit et prend l’apparence d'un tube assez long. En exa- minant la forme de l’organe segmentaire chez cette espèce, on voit la forme typique de cet organe si bien décrit chez les Oligo- chètes. Tout autour du sommet se trouve un amas de culs-de-sac jaune- brun de la structure desquels nous nous sommes déjà occupé plu- sieurs fois. Il y a toujours un vaisseau sanguin central entouré de cellules à pigments et à granulations graisseuses. Base. — La base de l’organe segmentaire représente physiologi- quement le pavillon, ou, si l’on veut, la trompe de Fallope de l’oviducte des Vertébrés. En effet, c'est par son intermédiaire que les produits de la génération sont appelés, recueillis et évacués au dehors, Cette 298 L.-C. COSMOVICI. partie de l'organe présente une ouverture ovale assez large, mettant ainsi l'intérieur du cornet en communication directe avec la cham- bre viscérale. Cette ouverture est limitée par deux lèvres, dont l’une est supérieure et l'autre inférieure. Chacune d'elles présente une conformation particulière. Lèvre supérieure. — Presque toujours la lèvre supérieure déborde de beaucoup l'inférieure, Les artères branchiales, arrivant au niveau des pavillons des organes segmentaires, se bifurquent, comme cela a lieu pour les mêmes artères situées plus en arrière ou plus en avant. Une de ces branches croise le dos de l'organe segmentaire. C'est la même disposition que pour les corps de Bojanus. L'autre branche, qui continue l'artère pour aller à la branchie correspondante, s'engage dans la lèvre supérieure de l'organe segmentaire. De sorte que dans ces endroits les artères branchialesne sont plus libres, et ici se répète ceque nous avons vu chez l'Arénicole, c’est-à-dire qu'une artère passe par la lèvre supérieure de chaquepavillon, avec cette différence que, chez ce dernier Annélide, ce n’est pas l'artère branchiale elle- même qui traverse la lèvre, mais une de ses branches, analogue à la branche postérieure dorsale de l'Ophélie. Ce n’est qu'après avoir ainsi traversé la base du pavillon que l'artère passe dans la branchie cor- respondante. Le bord libre de la lèvre est garni de franges et 1l offre trois aspects différents tandis que chez l’Arénicole nous n'en avons trouvé que deux. Tantôt ces franges ont la forme de doubles feuilles s emboîïtant plus ou moins par leur base (fig. 9), tantôt elles ressem- blent à des houppes touffues et pédiculées (fig. 8); tantôt enfin, les franges manquent et le bord a tout à fait la même forme que la lèvre inférieure (iig. 10). Toute la surface des franges est extrêmement ciliée et le courant vibratile est très vif. Lèvre inférieure. — Gette lèvre est simple, rectiligne. Un morceau détaché nous montre une série de cellules cylindriques à noyau cen- iral, granuleuses et excessivement ciliées. Plus haut il a été men- tionné des cas où la lèvre supérieure présente la même forme. Intérieur. — En faisant une coupe dans un de ces organes on voit à l'intérieur une cavité cihée. La direction du courant est diri- gée du côté de l'ouverture du pavillon vers le sommet. Structure. — La structure de ces organes est toujours la même. Les parois sont vasculaires, et les franges labiales se remplissent du sang qui leur arrive en grande quantüté : de là leur coloration d'un beau rose, La lèvre inférieure, au contraire, est pâle. _ LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 299 Les cellules tapissant l'intérieur constituent, comme toujours, un épithélium pavimenteux stratifié. Fonctions. — Chez les individus mâles les organes segmentaires jouent le rôle de spermiductes. Chez ies individus femelles, ces or- ganes jouent le même rôle que les oviductes. En un mot, dans un cas comme dans l'autre : « Les organes segmentaires servent à l'évacuation des produits de la génération au dehors, après les avoir recueillis de l'intérieur du corps des animaux. » . S 3. Glandes génitales. _ Les testicules ou les ovaires ont la même position, le même arran- gement, les mêmes rapports, et ne diffèrent guère que par la nature de leurs produits. Pendant la fin de l'automne et tout l'hiver jusqu'au mois de janvier, les glandes ne peuvent être distinguées l’une de l’autre. Ce n’est que lorsque le travail de la génération s’est réveillé, quand ces glandes entrent en fonction, que les testicules se distin- guent des ovaires. Jusque-là ces glandes ont la forme d’amas plus ou moins saillants de couleur blanche et d’une structure amorphe (fig. 12). Pour reconnaître leur nature il faut donc les étudier à un moment plus ou moins rapproché de la ponte. Ovaires. — Il y à cinq paires d'ovaires, autant que d'organes segmentaires. Ils sont placés sur le dos de ces derniers, de chaque côté du vaisseau qui longe cette partie (fig. 11). On voit de petits culs- de-sac attachés à ce vaisseau faire saillie à travers la glande, séparant ainsi plusieurs lobes. Au moment de l'activité de ces organes, on voit les œufs à différents degrés de développement. Ceux qui occu- pent la surface de la glande, sont les plus mûrs. Ils ont un contenu pâle renfermant à peine quelques granulations et au centre un beau noyau transparent (4), fig. 13. Les cellules ou les œufs situés au centre n'ont qu'un noyau à peine visible (a). Il faut employer un grossisse- ment de 350 diamètres pour les apercevoir. Les œufs, encore jeunes, se détachent de la glande et tombent dans la cavité du corps, où ils mürissent. On voit des œufs chez lesquels le vitellus commence à devenir granuleux quand déjà s'aperçoit une auréole autour du noyau central, qui est la vésicule germinative (corpuscule de Purckinge), tandis que le nucléole sera la tache germinative ou le corpuscule de Wagner (h). ” 300 L.-C. COSMOVICI. Enfin l'œuf mûr (d), fig. 43, a une membrane vitelline, un vitellus très granuleux, une vésicule germinative transparente assez large et un corpuscule de Wagner. Avec les œufs il y a, comme chez les autres Annélides, un grand nombre de ces cellules, à granulations jaunes-brunes et à granulations pâles, douées de mouvement brownien. | Testicule. — Les glandes mâles ont une structure différente. Les cellules qui bordent les glandes, par conséquent les plus mûres, ont leur contenu comme framboisé. C’est à cet état que le plus grand nombre de ces cellules se désagrège et tombe dans la cavité du corps. Chacune des cellules constituant la partie framboisée est un sperma- tozoïde. En effet, bientôt la cellule mère se dissout, et chacun des amas se désagrège, laissant voir de petits filaments qui sont les queues des spermatozoïdes ; enfin, bientôt les individus se séparent à leur tour et deviennent libres. Les spermatozoïdes de l'Ophélie ont toujoursla tête conique, poin- tue en avant, la queue est un peu plus longue que celle des espèces étudiées (fig. 14). ARTICLE 3.— PONTE ET DÉVELOPPEMENT. Il m'a été envoyé dans l'hiver de 1878, au mois de, février, des pontes d’Annélides dont j'ai pu suivre assez loin le développement. Il fut facile de reconnaître l'espèce à laquelle ces œufs appartenaient, parce qu'on les recueillit dans les endroits où les Ophélies abondent, ensuite parce qu'on trouva ces dernières en train de pondre. Ces obser- vations ont été suivies à Paris dans le laboratoire de zoologie expé- rimentale (Sorbonne), où, malgré toute la difficulté de transport de l'eau de mer, il me fut possible de voir les premières phases du déve- loppement de ces Annélides. Malheureusement, au mois de mai, les petites Ophélies sont mortes, et les observations se sont arrêtées là. Or, comme il y a quelques faits assez remarquables dans leur déve- loppement, il me semble utile de les décrire aussi rapidement que possible. S 1. Ponte. C'est à la fin du mois de février que les Ophélies pondent. Ces animaux vivent librement dans le sable et au moment de la ponte ils sortent à la surface du sol. Là ils commencent à s'entourer d'une LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 301 glaire collante qui par le contact de l’eau de mer prend la consis- tance de la gélatine. Gette matière est sécrétée par la peau et devient très abondante pendant l'acte de la ponte. En effet il suffit de mettre une de ces Ophélies dans une cuvette pleine d'eau de mer, au fond de laquelle il y a un peu de sable, pour voir l'animal s’entourer de sable, les grains étant réunis par la glaire. La femelle dépose ses œufs à l'intérieur de cette gélatine, et après, elle se retire et pénètre dans le sable. Au fur et à mesure que l'Ophé- lie avance dans le sol, la glaire la suit en s’effilant en un long tube. De sorte qu'à un moment donné, quand l'animal a arrêté toute sécré- tion, la ponte prend la forme représentée sur la figure 15, pl. XXV. C’est une grosse boule de gelée assez consistante, à l’intérieur de la- quelle se trouvent disséminés les œufs et qui se continue avec un long tube de même nature, ouvert à son extrémité. C’est par cette dernière partie que la ponte est fixée au sol. Alors, quand la mer se retire, on voit à la surface du sable ces corps flotter en quelque sorte par milliers. Lors du reflux la plupart des pontes sont arrachées du sol par la force du courant et entraînées plus loin. Il reste à se de- mander comment se fait la fécondation des œufs.Il m'est arrivé de trouver dans les paquets de ponte qu'on m'a envoyés, une Ophélie engagée dans le tube de sortie d’un de ces renflements. Cet animal était entouré d’une masse blanchâtre, qui n’était autre chose que des spermatozoïdes. Il paraît probable, d’après ce fait, qu'après que les femelles ont pondu, les mâles arrivent pour arroser ces œufs avec la liqueur sémi- nale. Ces faits sont assez fréquents chez les animaux inférieurs, pour que l'explication donnée ci-dessus ne soit pas dépouvue de fon- dement. Quand la ponte a-t-elle lieu? La question n'est pas facile à résoudre, Aux mois de mai et juin les organes de la reproduction des Ophélies sont dans un état de repos remarquable. Les œufs sont à peine des- sinés dans les glandes. Pourtant il y a des individus qui en sont bourrés. Il en est de même en hiver. On trouve des individus chez lesquels les glandes génitales sont très développées, et la cavité gé- nérale du corps est pleine de leurs produits. Enfin, d’autres Ophélies ne montrent aucun indice d'activité reproductrice. Il eût fallu faire, à ces différentes époques, un relevé Imdiquant combien d'Ophélies étaient pleines d'œufs et combien étaient vides, 302 L.-C. COSMOVICI. On aurait pu juger ainsi, par la majorité des cas, de l'é ‘pou la plus active de la ponte. En se rapportant un peu à ce fait que c'est surtout au commence- ment du printemps que les pontes abondent, on peut conclure qu'à cette époque le phénomène doit s'accomplir dans la plupart des Ophélies. Après chaque ponte, sans aucun doute, les animaux se reposent et les glandes génitales s’effacent. S 2. Développement. En faisant des fécondations artificielles on observe des faits assez remarquables qui seront décrits bientôt à propos du Chetopterus Valencinii sur lequel ils ont été vus. Dès à présent on peut dire qu'il y a trois périodes dans la fécondation, et ce n’est qu'après trois séries de phénomènes que cet acte s'accomplit, savoir : Contact du spermatozoïde avec l'œuf, disparition de la vésicule germinative ; Mouvements vitellins suivis d'un repos ; Nouveaux mouvements vitellins suivis également d'un repos, plus long que le premier ; | Segmentation. Les œufs qu'on trouve à l’intérieur de ces boules de gélatine res- tent longtemps en repos avant de subir la segmentation. En cet état même à un fort grossissement, on n'aperçoit aucune trace de leur vésicule germinative. Leur vitellus très-granuleux remplit tout l'in- térieur de l'œuf limité par la membrane vitelline. Les différentes phases du développement des œufs des Ophélies ont été suivies pro- gressivement par un examen journalier ; et pour la facilité des des- criptions j'ai classé mes observations (qui ne s’arrêtèrent que quand les embryons moururent) en cinq séries. Savoir : Segmentation des œufs; Première forme de l'animal ; Formation de la bouche et du tube digestif ; Sortie des embryons de leur coque et leur groupement. Formation de l'appareil circulatoire et de ses annexes. Perforation de l'anus. Beaucoup d'études ont déjà été faites sur Îles premières phases du développement des Annélides: je citerai entre autres celle de M. Milne- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 303 Edwards sur les Térébelles, celle de Claparède et de Mecznikow ‘ sur quelques Errants, celle de M. de Quatrefages sur les Hermelles, etc. Mais comme j'ai remarqué quelques particularités dans la ma- nière d'être des embryons de l’ophélie, je crois bien faire de les si- gnaler. Segmentation. — Les œufs renfermés dans les boules de géla- tine indiquées déjà, se réveillent, en quelque sorte, de la léthargie où ils étaient plongés et commencent à se segmenter. La masse vitelline se sépare d'abord en deux amas (a), fig. 16. Bientôt on apercoit sur l’un d'eux un petit sillon qui le divise rapidement, et on voit l'œuf ayant trois cellules à l'intérieur (6). Un sillon de même nature se montre au sommet de l'autre amas, non encore divisé, et en défini- tive, on voit quatre cellules (c). En résumant ces premières observa- tions on remarque que la masse vitelline s'est segmentée successive- ment en 2, 3 et 4 cellules. Bientôt nous voyons l'état framboisé, et, l'œuf étant regardé par le côté où plus tard sera la bouche, on aper- çoit un cercle central entouré par douze cellules allongées et s'irra- diant vers la périphérie. Tout l'intérieur de l'œuf est rempli de cel- lules de différentes grandeurs. La membrane vitelline s'applique étroitement contre le vitellus framboisé, fait cité par tous les auteurs qui se sont occupés des Annélides. Formation de l'embryon. — La masse vitelline une fois segmen- tée, l'œuf, de sphérique qu'il était, s'allonge vers l'un de ses pôles, tandis qu'il reste arrondi à l’autre (fig. 48). La portion allongée, pointue, sera la tête. Les cellules composant l'ébauche de l'embryon ont des dimensions variables. Les plus grosses occupent l'extrémité postérieure de l’animal. À un grossissement de 350 diamètres, elles se montrent avec un gros noyau central et quelquefois aussi avec un nucléole (fig. 17). Le contenu de chaque cellule est extrème- ment granuleux. L'embryon s'allonge davantage et sur son extrémité antérieure apparaissent deux petites taches ressemblant à des veux. Il commence à se mouvoir, mais très lentement ; son corps prend des ondulations, et des cils vibratiles apparaissent à sa surface. Ces pro- longements protoplasmiques (sarcodiques Duj.) se trouvent sur les saillies qui, plus tard, seront les pieds, et paraissent progressivement, par paires, de la partie antérieure vers la partie postérieure du corps del’'Embryon. Zeitschrift für wiss. Zoologie, t, XIX. 304 L.-C. COSMOVICI. Formation de la bouche et du tube digestif. — Après quinze jours on voit sur la ligne médiane du corps de l'embryon, et dansles trois quarts antérieurs, une partie plus foncée. C’est le tube digestif. Ce sont les cellules centrales qui le constituent en se réunissant entre elles et ce phénomène commence d’abord dans le premier anneau céphalique, pour avancer peu à peu vers l'extrémité postérieure (fig. 20). La bou- che,jainsi qu'il a été dit plus haut, apparaît làoù les cellules primitives limitent un cercle central ; et cet arrangement a lieu sur la face ven- trale de l'embryon. Je n’ai pu voir de cils vibratiles autour de l'orifice buccal. Les anneaux du corps se dessinent de mieux en mieux, et leur nombre augmente. Les soies apparaissent au nombre de trois sur chaque pied, et le tube digestif, rendu visible par ses contractions vermiculaires, avance vers l'extrémité postérieure où une dépression centrale (futur anus) se manifeste (fig. 21). Dans la région céphalique une communication s'établit entre la bouche et le tube alimentaire et l'animal projette de temps en temps l'extrémité antérieure de cet organe à la manière d’une trompe. De chaque côté de la dépression anale on voit un tout petit tuber- cule transparent : ce sont les premiers indices de la rosette anale. Le tube digestif semble confondu vers cette extrémité avec les élé ments de l’anneau. A cette période du développement des embryons, on voit encore, sur les deux derniers anneaux du Corps, deux petits tubercules coniques et ciliés dont j'ignore les fonctions. Les soies garnissant les anneaux sont allongées, pointues et coudées. Sortie des embryons et leur groupement. — Quand les animaux commencent à se mouvoir, ils cherchent à quitter leur demeure pri- mitive. On les voit alors se diriger vers l'embouchure du tube de com- munication (fig. 23). Dès qu'ils sont libres, ils cherchent à se cacher. C'est un fait assez remarquable. Voilà des êtres qui ont des taches oculaires etfuientle grand jour. Toutes les fois que le bocal où se trou- vaient les embryons était placé à la lumière, on les voyait courant de tous côtés, s’enroulant et se cachant la tête le mieux pos- sible, et ne restant en repos qu'à l'obscurité. Dès lors ils sécrètent une matière glutineuse à l’aide de laquelle plusieurs embryons s'ac- colent entre eux par la queue (fig. 24), ne restant libres que par leur extrémité antérieure. Mais bientôt on observe un autre phéno- mène : ces groupes d'Annélides exsudent, comme toujours, une ma- tière gluante qui les recouvre complètement, et l’on voit au fond de LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 305 la cuvette des amas jaunâtres qui représentent autant de tubes à deux ouvertures à l’intérieur desquels se trouventles embryons. Vient-on à casser un de ces tubes, il s’en forme bientôt un autre à sa place.On voitencore beaucoup d’embrvyons libres, roulant sans cesse au fond de la cuvette. Formation de l'appareil circulatoire. Anus. — Après un mois on aperçoit de nouvelles transformations chez les embryons. Le nom- bre des anneaux est augmenté. La peau de la tête laisse voir les cellules épithéliales qui la couvrent. Le bulbe pharyngien devient manifeste. L'æœsophage, beaucoup allongé, s’infléchit plusieurs fois (fig. 22). L’estomac, assez dilaté, montre indistinctement l’épais- seur de ses parois et les cellules épithéliales qui tapissent son inté- rieur. L'intestin, très plissé, s'ouvre au dehors par un pore situé au centre de la dépression citée plus haut. Les mamelons branchifères se sont allongés et toute leur surface est ciliée. Bientôt on assiste à la formation de la chambre viscérale, car la séparation entre la paroi du corps et celle du tube digestif com- mence à avoir lieu. Cette séparation se produit d’abord dans la région antérieure de l'animal et se prolonge peu à peu en arrière. Au bout de deux mois je vis, dans la portion antérieure du corps, le commencement des vaisseaux sous-intestinal etsus-intestinal, tous les deux accolés au tube digestif, et vers l'extrémité de la tête, la bi- furcation du vaisseau dorsal. Toutes les artères naissent sur place dans les différentes parties du corps et vont à la rencontre l’une de l’autre. Dans les branchies on voit aussi un liquide apparaître de couleur rose, qui devient de plus en plus foncé. En même temps, du vaisseau sous-intestinal, une artère leur est envoyée. Dans le huitième anneau du corps apparaît une paire de poches très contractiles. Le sang, arrivé à leur intérieur, en est immédiatement chassé. D'abord on observe une seule paire de ces poches, ensuite deux, trois, qui apparaissent au fur et à mesure que la cavité du corps se prolonge vers l’extrémité caudale. D'après leur position et leurs rapports on peut se demander si ces poches ne seront pas plus tard les corps de Bojanus. ! Malheureuse- ment c’est là que mes observations se sont arrêtées. Je laisse sur ce point intéressant une lacune que j'espère combler plus tard. ARCH. DE ZOOL, EXP. ET GEN, = T. ViIll. 1879 et 1SS80. 20 306 L. C. COSMOVICI. CHAPITRE IV. FAMILLE DES CHÉTOPTÉRIENS. (PI. XX VI, fig. 1-17.) Dans cette famille nous allons étudier le Chetopterus Valencinri, espèce assez abondante à Roscoff. Bien que le but de mes recherches soit l'étude des organes de la reproduction, je dois m'arrêter un instant sur l’ensemble de l'organisation. Historique. C'est Dicquemare et non Cuvier, comme on l’a dit, qui, le premier, mentionna le Chètoptère. Nous trouvons un travail de cet auteur ‘inti- tulé: Sur le Boudin de mer, qui n’est autre chose que le Chétoptère de Cuvier. C'est à ce dernier naturaliste que nous devons le nom de Chétoptère (Kaïrn, crinière, et zreoév, ailes), c’est-à-dire animal avec des ailes garnies de soies. En 1833, M. Milne-Edwards et Audouin ont repris l'étude de ce même type, donnant une description un peu plus détaillée?. Sars, plus tard, mentionna un nouveau Chétoptère sur les côtes de la Norwège, différant de celui du CGuvier ; c’est ainsi qu’une famille fut créée dans le groupe des Annélides sédentaires : celle des Chétoptéridées. En 1849, Rud. Leuckart, de Gôttingen, reprit l'étude de cette famille, donnant une description encore plus précise sur l’ex- térieur de ces animaux ”. Dans les Müller's Archives de 1855, on trouve une planche avec un texte de 11 pages qui montrent les différences des Chétoptères : le Pergamentaceus et le Norvegicus. Claparède, dans son grand travail sur les Annélides sédentaires, donne plusieurs figures représentant des coupes faites sur le même animal. En 4867, M. Jourdain, ancien professeur à la Faculté de Nancy, lutà l'Association scientifique de France un mémoire sur un Chétoptère de la Manche, dont le résumé se trouve dans le Bulletin hebdomadaire de l'association scientifique de France, n° 33, 15 sept. 1867, et un court extrait de Ce mémoire parut dans les Annales des sciences naturelles *. 1 Rozrez, Observations et Mémoires sur la physiologie, t. XII, 1778, p. 416. 2 Ann. Sc. nal., 1693,"E: AX, p:7r10 $ Archiv. fur Naturgeschichte, 1849, n° 29. p. 340-351. k Ann. sc. nat., 5° série, t. VII, 1867, p. 380. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 307 Enfin M. Lespès !, professeur à la Faculté des sciences de Marseille, publia en 1872, dans les Annales des sciences naturelles, un mémoire sur une nouvelle espèce nommée : Chelopterus brevis, trouvée sur les côtes de la Provence. Comme on le voit, bien des naturalistes ont étudié ces animaux. Cependant les organes segmentaires eg les glandes génitales récla- maient de nouvelles études. ARTICLE À. — DE L'ANIMAL. Nous étudierons rapidement l'organisation du Chetopterus Valen- cinit en ce qui concerne les organes de la relation et la nutrition. D'abord du corps de l'animal, du système nerveux et des organes des sens. à Corps. Comme chezles autres annélides, on distingue chez le Chétoptère trois régions : une céphalique, une thoracique et une abdominale. Chacune d'elles à un aspect différent; mais, comme organisation, elles se ressemblent, ainsi que nous le verrons dans les descriptions suivantes. Région céphalique. — Il est utile de compléter les descriptions données sur cette région, en y ajoutant quelques détails. On y distingue un large entonnoir, au fond duquel se trouve la bouche. Cette partie, considérée comme la tête, présente en avant et sur le côté dorsal deux prolongements nommés antennes. Gelles-ci ont à leur base et sur leur côté externe des taches noirâtres nommées yeux. L'entonnoir est suivi d’une partie quadrilatère limitée par une rangée de neuf prolongements coniques, qui sont autant de péeds, garnis de soies, lesquelles sortent par des fentes situées à la face im- férieure de ces prolongements. Les soies de la troisième paire de pieds sont plus grosses et plus foncées que celles des autres, ce qui fait qu'on ies prend pour des yeux. Cette région est terminée par deux longues expansions aliformes, qui représentent la dixième paire de pieds (a). Sur la face dorsale de 1 Ann. sc, nat., 5° série, t. X, p. 63. ? Pour ces descriptions je considère l'animal placé sur un plan horizontal ayant la tête en avant. Il a une face supérieure ou dorsale, une autre inférieure ou ven- trale, et les deux extrémités. 308 L.-C. COSMOVICI. la partie céphalique existe, sur la ligne médiane et immédiatement en arrière du bourrelet qui représente la lèvre supérieure de l’nfun- dibulum buccal, une toute petite dépression (d) suivie d’une gout- tière arrivant jusqu'à l'extrémité postérieure de la région, pour se continuer en arrière sur la partie thoracique du‘corps. Cette extrémité de l'animal], formée de fibres musculaires, est creuse au centre, où se trouve l’æsophage. Sisur une têteide chétoptère, ayant macéré pendant vingt-quatre heures dans l'acide acétique étendu, on enlève la peau de la face ventrale (fig. 2, pl. XXVI), on voit une cloison (c) au niveau de chaque paire de pied, ce qui indique que cette région est formée par neuf anneaux soudés intimement les uns aux autres. De sorte que ce n’est véritablement que le premier limitant l’entonnoir qui représente la tête. Les fibres musculaires du corps s'étendent d'une cloison à l'autre. Les prolongements sétigères représentent les rames dorsales des pieds. Si l’on fait une coupe, à cet endroit du corps, en passant par le milieu d'un de ces pieds {fig. 5), on voit deux grandes cavités latérales se prolongeant à l'intérieur des rames. Au centre et sur la ligne mé- diane il y a un espace ménagé entre les fibres musculaires, tapissé par un épithélium (e). C’est l’œsophage qui n’a pas de parois propres. Sur la face dorsale on voit la gouttière déjà indiquée, garnie de deux bourrelets. Sur la face ventrale, et dans les angles formés par les pieds et le corps, on trouve, contre la couche musculaire, la coupe de deux cordons (x) sur la nature desquels nous reviendrons. Enfin le tout est recouvert par la peau, dont l'épiderme présente une structure particulière. Les cellules quile composent, à contenu granuleux, ont des diamètres variables, et çà et là, entre leurs parois, on voit un et quelquefois deux ou trois noyaux, ayant un nueléole. L'ensemble du tissu épidermique est d’une grande délicatesse : il a l'apparence d’un tissu en voie de formation. Les bourrelets qui limitent la gouttière indiquée sur le dos de la partie céphalique, méritent une étude plus approfondie. Leur por- tion centrale est formée par des fibres musculaires, recouvertes par une peau qui, à un grossissement de 350 diamètres, montre des pla- ques assez larges, formées par des amas de cellules allongées, pleines de toutes petites granulations qui se désagrègent par la compres- sion. Les rainures qui séparent les plaques sont tapissées par un épithélium cilié. Enfin à chaque bourrelet s'attache une mince membrane recouverte par un épithélium pavimenteux, renfermant LES ANNÉLIDES POLYCHETES. 309 aussi des glandules en forme de tubes, et sur le bord libre de laquelle sont des cellules cylindriques ciliées, à noyau central; ce qui dé- termine dans cesillon dorsal un courant vibratile très} vif dirigé vers la tête. Sur les antennes et sur toute la surface du corps, il y a de ces cellules allongées, granuleuses, que nous avons vues sur la gouttière dorsale. L'acide acétique les gonfle considérablement et les transforme en une sorte de mucilage transparent au milieu duquel on aperçoit, à l’aide du microscope, les détritus des cel- lules. Les pieds de la dixième paire ont la forme d'ailes tronquées. Leur face ventrale convexe est lisse, tandis que la dorsale est divisée en deux parties par une rainure. La postérieure est garnie de glandules longues, disposées sur les lignes fines qu'on peut observer à la loupe. L'autre partie est lisse, et par transparence on voit les soies qui se trouvent à l'intérieur des pieds. Le pourtour de ces espèces d'ailes est cilié. Les glandes indiquées se prolongent jusque sur la ligne médiane de la région, et sur un animal macéré dans l'acide acétique, toute la portion céphalique est couverte par une masse tu- méfiée, due au gonfiement des cellules, composant cet amas glandu- laire. Sans aucun doute la glaire excessivement abondante qui enduit le corps de ces animaux est sécrétée par les cellules allongées que nous venons de décrire. Les ailes tronquées (a) représentent les rames dorsales de la dixième paire de pieds ; les rames inférieures se sont réunies en une large cupule garnie de soies à crochets, fait qui se répète aussi dans la région thoracique. Quand on essaye de retirer un chétoptère de son tube, on le voit s'attacher assez solidement aux parois à l’aide de ces expansions musculaires, jouant le rôle de ventouses. Le tube digestif, près de l'extrémité postérieure de larégion cépha- lique, a des parois propres, et il présente un renflement ou jabot (j) qui se voit à la face dorsale à ce niveau du corps. Région moyenne. — Cette région commence immédiatement en arrière des pieds aliformes et se termine après la troisième vésicule d'où part l'abdomen, qui a un aspect tout différent. Après la cupule ventrale que représentent les rames inférieu- res réunies de la dixième paire de pieds, on apercoit deux gros cor- dons musculeux d’un blanc nacré (m) qui suivent toute la longueur du ventre de l'animal. Ces muscles sont manifestement visibles dans 310 L.-C. COSMOVICI. cette région. ils diminuent de volume au fur et à mesure qu'ils se rapprochent de l'abdomen. Dans cette région on distingue quatre anneaux. Le premier diffère des trois derniers, qui ont tous la même conformation. Premier anneau. — Le premier anneau est le plus long et mérite d'être examiné de près. Sur sa face ventrale se trouvent les deux muscles accolés l’un à l’autre, supportant sur leur face dorsale la continuation de l'intestin. Cette partie du tube digestif affecte une disposition remarquable. Immédiatement après le renflement situé au centre de la dixième paire de pieds, le tube digestif, devenu étroit, forme deux ou trois courbures vers le commencement du premier anneau de la région moyenne. Là, la peau assez résistante le recouvre; puis, à environ un demi-centimètre, le tube digestif se présente presqu'à nu {2), fig. 1. Il est fixé par un mésentère dans la rainure que laissent entre eux les deux muscles. Sur la ligne mé- diane et dorsale du tube digestif se trouve encore la continuation de la gouttière indiquée sur la portion céphalique. Ses bords sont glan- dulaires, festonnés et ciliés. Les rames que forment les pieds de cet anneau ont une disposi- tion particulière. Les dorsales sont réunies en une cupule museu- leuse assez profonde (v) attachée de chaque côté par une bandelette à une autre cupule plus ouverte située au-dessous, qui représente les rames inférieures de cette paire ({). Chaque cupule est remplie de ces glandules citées déjà, et leur épithélium est cilié. Dans les rames inférieures ainsi conformées arrivent deux groupes de faisceaux musculaires : l’un descend des rames supérieures, forme les bandelettes latérales, puis pénètre dans l'intérieur de la cupule (4), où il s'entre-croise avec l'autre fais- ceau, qui, parti des cordons ventraux, est entré dans la cupule par la partie antérieure, pour ressortir par la partie postérieure, d’où il va rejoindre les cordons, avec lesquels il se confond. Au microscope il est très facile de voir que la cupule ventrale est double, car les portions musculeuses qui y arrivent forment deux lames recourbées, réunies par une mince membrane fibreuse re- couverte par une quantité innombrable de glandules. Les bords de chaque lame sont recouverts par de longues cellules à contenu granuleux ; au-dessous, sur trois rangées parallèles, on trouve des soies ; et la circonférence de la cupule est toujours garnie de cils vibratiles. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 311 En arrière des pieds de ce premier anneau, le tube digestif, moins gonflé, s’atténue pour passer dans l'anneau suivant. Notons un fait toujours constant chez le Chetopterus Valencinii : dès qu'on tracasse cet animal, une scission s'opère suivant une ligne qui passe à un demi-centimètre en arrière de la dixième paire de pieds, et la portion céphalique est ainsi séparée du reste du corps. Chez beaucoup d’autres Annélides surtout errants, on voit, avant cette segmentation, qui se produit sur différents points du corps, l'animal se tordre sur lui-même. Chez le chétoptère, rien de pareil. Le corps reste immobile, et les vésicules que nous allons décrire continuent à se mouvoir alternativement comme d'habitude ; la por- tion céphalique seule se sépare avec une rapidité extraordinaire, et il est curieux de la voir s'éloigner en marchant à l'aide des pieds de la dixième paire. Deuxième anneau. — En décrivant cet anneau, toute la région dont il fait partie nous sera connue. Ici les pieds ont pris un développement considérable et affectent la forme de grosses vésicules (v'). On doit distinguer deux faces et une arête. Si l’on regarde une de ces vésicules, on constate à sa surface une ligne circulaire concen- trique à la bordure, limitant une partie centrale plus dilatable et de couleur bien plus foncée que le reste de la vésicule. Là se trouvent l'intestin et les glandes génitales, mâles ou femelles, suivant les sexes. Dans cette partie centrale il y a une cavité qu'il faut appeler cavité viscérale. Le reste de la vésicule compris au-delà de la ligne de séparation (fig. 3 et 4, pl. XX VD) forme encore une cavité, mais elle présente une foule de trabécules qui passent d’une paroi à l’autre. La coupe faite au milieu d'une de ces poches montre d’abord deux parties réunies en une seule, et par conséquent les deux rames dorsales se confon- dent sous forme d'une grosse vésicule. La cavité viscérale (fig. 8) renferme le tube digestif (#) attaché à l'aide du mésentère sur la ligne médiane et inférieure. Enfin, latéralement, il y a la coupe du bour- relet, où les trabécules indiqués abondent. Chaque vésicule repose sur les cordons musculaires (m), et au- dessous d'eux se trouve la cupule musculaire (/) qui représente la rame inférieure ou ventrale du pied correspondant. La structure est la même que celle des pieds précédents. … En regardant attentivement la circonférence d'une de ces vési- 312 L.-C. COSMOVICI. cules, on constate de chaque côté, sur le prolongement qui les réu- nit à leur rame ventrale, et un peu au-dessus des cordons muscu- laires, une tache ({), fig. 6, due à la présence des soies et représentant sans aucun doute les lambeaux externes des rames inférieures. Les lambeaux internes se sont réunis en bas pour former la cupule déjà indiquée (é). Maintenant, si l'on étudie la structure des parois, on constate fa- cilement que l’antérieure est formée par l'irradiation de deux fais- ceaux de fibres musculaires très délicates (f), qui arrivent des cordons ventraux pour s'entre-croiser sur la ligne médiane. Vers les bords de la vésicule les fibres se resserrent de plus en plus, et passent per- pendiculairement en arrière, pour s'épanouir de nouveau sur la paroi postérieure et se concentrer, après de nouveaux entre-croisements, en deux faisceaux (/f”) qui pénètrent dans la cupule inférieure de la vésicule précédente. Toutes ces fibres sont réunies par une mince pellicule transparente et par des fibres circulaires plus abondantes sur le pourtour; de sorte que les parois de la vésicule laissent facile- ment voir l'intérieur. C'est pour cette raison que l'intestin, coloré en noir, se voit à travers les téguments, comme une masse de teinte sombre. Toutes les vésicules sont donc excessivement musculeuses : on conçoit dès lors leurs contractions incessantes. Elles s'appliquent tantôt en avant, tantôt en arrière, et prennent des formes très di- verses. Nous reviendrons avec plus de détails sur ces cavités à l’occa- sion des organes segmentaires. Région abdominale. — Gette région, la plus uniforme, se com- pose d’un grand nombre d’anneaux. Prenons l’un d'entre eux pour l’analyser : on verra du côté dorsal deux prolongements coniques (r), garnis de soies, qui représentent les rames supérieures de la paire de pieds correspondants. Du côté ventral (fig. 14), et immé- diatement au-dessous des cordons musculaires, bien amincis, on voit un lambeau médian bifurqué ({), fig. 14; plus en dehors, et de chaque côté, se présente une autre lame saillante garnie de soies (/"). L'ensemble de ces dernières parties constitue les rames infé- rieures des pieds correspondants : la saillie médiane représente les deux lambeaux internes soudés, et les saillies latérales, les lambeaux externes de la même rame. Dans cette région les anneaux diminuent de volume vers l’extré- mité postérieure où se trouve l'anus, qui est terminal. Entre deux anneaux correspondants, 1l y à un étranglement assez LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 313 considérable, de sorte que les cavités de chacun d’eux sont presque isolées. Ici, comme pour la région moyenne, il y a une cavité cen- trale, remplie par l'intestin dilaté et par les glandes génitales. Enfin, dans chaque rame dorsale se trouve une cavité qui commu- nique directement avec la cavité centrale. Système nerveux. — Le système nerveux est très difficile à trou- ver. Dans le mémoire de M. Lespès ! on voit figuré le système ner- veux, mais ce dessin diffère de ce que j'ai vu. En effet, M. Lespès représente le cerveau sous la forme de deux ganglions et le place sur la ligne médiane de la lèvre dorsale de l’entonnoir. Or, là nous avons mentionné un tubercule corné auquel aboutit le sillon dorsai. Pourtant, M. Lespès indique le tubercule, et au-dessous les gan- glions. Si l’on examine la figure par laquelle il représente la chaine abdominale, on voit une série de doubles ganglions, correspondant à chaque anneau de la région céphalique. Il est regrettable que, dans l’article qui traite de cette partie importante, l’auteur n'indique pas la couche du corps que traverse la chaîne. Ceci à une grande im- portance. En effet, en faisant des coupes, on constate chez quelques Anné- hdes sédentaires et errants que la chaîne nerveuse est contenue dans la couche musculaire du corps, et même que les muscles lui forment une sorte d’étui ou de canal fermé de tous côtés. Chez d’autres Annélides errants, on trouve, superposée au système nerveux emboîté dans les muscles, une bandelette nacrée présentant au-dessus de chaque paire de ganglions nerveux un renflement, qui envoie alternativement des ramifications à droite ou à gauche. On peut se demander si c’est à cette bandelette que M. Semperet M. E. Ray Lankester ? donnent le nom de corde dorsale. Pour revenir au Chetopterus, le système nerveux se présente dans notre espèce avec des caractères tout différents de celui du C'hetopterus brevis. Sur des Chétoptères ayant macéré pendant vingt- quatre heures dans l'acide acétique étendu, on arrive à suivre ce système assez loin ; mais on peut aussi l'apercevoir sur des ani- maux vivants. La peau tuméfiée par le réactif s'enlève par lambeaux, de la surface musculeuse du corps jusqu’à la limite des pieds (fig. 2). On voit alors la disposition des couches musculaires en même temps 1 Loco cit. ? Annals and Magaz. of Nat. Hist., 4° sér., 11, 1873, p.92, Notocordal Rudiments in Glycera. 314 L.-C. COSMOVICI, que les diaphragmes de séparation d'un anneau à l’autre. Sur la limite des pieds se trouve un cordon nacré (n) qu'on peut détacher à l’aide des pinces. Voici sa disposition : si nous suivons ce cordon du côté droit, nous le verrons remonter vers le pavillon de la bouche; arrivé là, il contourne cette expansion, passe au-devant du tentacule droit et arrive ainsi sur la face dorsale ; il suit la lèvre supérieure, passe au-dessous du bouton cilié indiqué, pour se continuer sans interruption au-delà du tentacule gauche, revenir de nouveau sur la face ventrale et descendre vers la dixième paire de pieds. Là les deux bouts de ce cordon passent au-dessous de la cupule muscu- leuse qui représente les rames inférieures de cette paire de pieds. On peut les suivre plus loin entre les deux muscles ventraux, où ils se trouvent sur la ligne médiane et très rapprochés l’un de l’autre (fig. 8). Claparède les figure aussi sur les coupes du Ch. variope- datus au-dessus des muscles ventraux. Par conséquent, la chaîne nerveuse indiquée par M. Lespès n'existe pas sur le milieu de la portion céphalique, à moins que le Chetopterus brevis ne fasse exception. Les ganglions cervicaux, à proprement parler, n'existent pas à la place où M. Lespès les indique du moins, mais près des tenta- cules, où se trouvent les yeux. Claparède indique aussi sur ses coupes deux renflements qui correspondent aux ganglions cervicaux si- tués près de ces tentacules. Yeux, — L'œil est le seul organe des sens que l'animal semble posséder, Si je le décris, c’est pour montrer ses relations avec le sys- tème nerveux. Les yeux se présentent sous la forme d'une tache noirâtre-violacée sur le côté externe et antérieur de la base des tentacules. A cet en- droit, quand on enlève le cordon nerveux, blanc, on détache aussi l'œil. Sous le microscope on constate à ce niveau un renflement du cordon à peine sensible, sur lequel repose la tache oculaire. Serait-ce là un ganglion cervical ? C’est possible. L'épithélhum stratifié de la peau recouvre le renflement, de même que l'œil, au-devani duquel il passe. Chaque tache oculaire se présente sous la forme d’une massue, supportée par une baguette qui s’im- plante dans le cordon nerveux. Tout cet amas est formé par des cel- lules qui ressemblent beaucoup aux bâtonnets de la rétine d’un ver- tébré. En effet, sur le pédicule on peut constater de petits filaments, surmontés par de larges plaques très pigmentées, qui se recouvrent LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 315 les unes les autres et sont placées en file. L’œil consiste donc ; en une accumulation de plusieurs rangées de ces cellules en bâtonnets, reposant directement sur le renflement correspondant du système nerveux, et à leur surface se trouve un épithelium pavimenteux encore pigmenté. NUTRITION. — Pour ce qui concerne l'appareil digestif et l’ap- pareil respiratoire, il n'y a rien à dire. L'appareil excréteur sera le sujet de l’article suivant. Il resterait à parler de l'appareil circula- toire. Tout ce qu'il m'a été possible de voir se résume en un vais- seau sanguin suivant le bord inférieur de l'intestin. Or, comme dans les vésicules de la région moyenne, le tube digestif se contourne en une anse (fig. 7) soutenue par un mésentère, c'est suivant le bord de son insertion que se trouve le vaisseau cité. Enfin, on voit avec un peu de difficulté deux autres vaisseaux sur les côtés de l'intestin dans le premier anneau de la région moyenne. ARTICLE 2. — ORGANES DE LA REPRODUCTION ET DE L'EXCRÉTION. Ces organes ont été étudiés d’abord par Claparède!, ensuite par M. Lespès ?; et si l’on compare les figures données par ces auteurs avec les miennes, on voit tout de suite des différences. Pour bien comprendre ces organes, très difficiles d’ailleurs, nous les étudierons dans l’ordre suivant : Corps de Bojanus et organes segmentaires dans la région moyenne ; Glandes génitales dans la même région; Ces trois sortes d'organes dans la région abdominale ; Comparaison entre mes descriptions et celles des auteurs cités plus haut. $ 4. Corps de Bojanus et organes segmentarires (région moyenne). Chez le Chétoptère nous suivrons une autre marche, car les organes segmentaires sont intimement unis aux corps de Bojanus. I faut aussi, pour suivre mes explications, observer les figures et avoir toujours présente à l'esprit l'organisation des poches, car il est très difficile de bien exposer les faits qui vont suivre ; d'autant plus que je m'exprime dans une langue qui n’est pas la mienne. Anatomie. — Prenons la première poche vésiculeuse de la région ‘ Struct. des ann. sédent. Genève, 1875. £ Loc. cil., Ann. Sc. Nat. 316 L.-C. COSMOVICI. moyenne et examinons d'abord sa face postérieure. On verra sans difficulté, de chaque côté de la ligne médiane, et sur la limite de la cavité centrale et de la cavité périphérique, une toute petite saillie blanchâtre avec un petit pore au sommet. C'est l’orifice externe des corps de Bojanus (c) (fig. 4 et 4, pl. XXVI). En même temps, on aperçoit par transparence, et sur les parties latérales, une poche très plissée (0, (fig. 1 et 4) un peu jaunâtre ; et, plus en arrière, une partie blanchâtre qui paraît être en continuation avec la poche qui fait un peu saillie en dehors. La poche n’est autre chose que l'organe segmentaire, et la partie blanche saillante est le corps de Bojanus. Pour bien examiner ces organes, il faut faire deux dissections, très minutieuses : l’une latéralement allant de l’exté- rieur à l'intérieur; l’autre en sens inverse. Partie externe (fig. 4). — A l’aide de pinces très fines, on {déchire la paroi d’une des vésicules médianes, un peu au-dessus de la tache (o), puis on écarte les deux parois en déchirant les nombreux trabé- cules qui les réunissent et l’on aperçoit à l'intérieur des cavités laté- rales, près de la base de la vésicule, une poche très plissée (o) qui communique avec un tout petit corps blanchâtre (c) (fig. 9) fixé très intimement à la paroi postérieure de la vésicule. Toujours à l’aide des pinces on constate aisément que la poche est molle, compres- sible, tandis que la partie blanche est dure et résistante; les pinces glissent sur sa surface. Les organes indiqués se trouvent dans les cavités latérales. Partie interne. — Une fois que nous nous sommes rendu compte de la position de ces poches, procédons à un autre examen plus délicat. Fendons une vésicule par sa partie moyenne; immédiatement l'anse intestinale fera hernie par la plaie. Écartons les deux lèvres de l'incision, fixons-les avec des épingles sur du liège au fond d’une cuvette à dissection, puis rabattons de côté l’anse intestinale (+) fixée déjà par le mésentère (m) (fig. 7). Je suppose ces préparations faites du côté droit. Nous pouvons examiner ainsi plus commodément la face interne du côté gauche telle que nous l'indique la figure ci-jointe. On voit alors sur cette face une fente (p) transversale, placée plus près du bord antérieur que du bord postérieur. Elle est susceptible de s'élargir ou de se resserrer, suivant l’état de contraction des pa- rois musculeuses au milieu desquelles elle se trouve. C’est le pavillon de l'organe segmentaire. G LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 317 Ceci dit, on comprend de suite quelle doit être la forme de cet organe. D'abord, le pavillon se trouve sur les parois latérales de la cavité centrale avec laquelle l'organe segmentaire communique. Au pavillon fait suite une poche très plissée située dans une des cham- bres latérales de la vésicule. Cette poche se porte en arrière et dé- bouche dans un autre organe en forme de tube blanchâtre et re- courbé : c’est le corps de Bojanus. Par l'intermédiaire de celui-ci, l'organe segmentaire débouche au-dehors sur la face postérieure de la vésicule. Maintenant, détachons ces deux organes des parois de la cavité et examinons-les à part (fig. 9). On voit alors qu'à l’intérieur de l’or- gane segmentaire, 1l y à un grand nombre de franges, partant du pourtour du pavillon (p\ en s'irradiant vers l'extrémité postérieure de la poche. Là les parois de l'organe s’insèrent sur un tube (c), perforé à ses deux extrémités. Par sa partie antérieure, la cavité de ce dernier communique avec celle de l'organe segmentaire, sa partie postérieure s'ouvre au dehors, après que le tube a traversé la paroi postérieure de la vésicule. Tout l’intérieur des deux organes est tapissé par un épithélium pavimenteux ciliaire. Le courant des cils, excessivement vif, se dirige du côté du pavillon, vers l'extrémité postérieure. On comprend dès lors que les œufs, une fois recueillis par le pa- villon, seront entraînés vers l’extérieur par le courant cilaire. Structure. — L'organe segmentaire a des parois assez résistantes constituées par des fibres musculaires très délicates, et un tissu con- jonctif très abondant. L’épithélium est pavimenteux et ses cellules renferment des globules assez volumineux qui contiennent eux- mêmes un ou deux noyaux. Il faut varier l'objectif pour bien les voir (fig. 11 et 19). Les parois du corps de Bojanus sont assez musculaires ; elles sont épaissies par la présence d’un épithélium d’une structure toute par- ticulière. C’est un tissu formé de cellules allongées (fig. 10), à granu- lations très fines, se gonflant énormément dans l'acide chromique et donnant à l'organe une dureté considérable. En résumé : « Dans la région moyenne du corps, les organes segmentaires sont en union intime avec les corps de Bojanus. Les premiers sont fixés sur les derniers, fait déjà observé chez l’Arénicole et chez la Te- rebella gigantea. 318 L.-C. COSMOVICI. « Ges deux organes sont situés dans les cavités latérales des trois poches vésiculeuses, et appliqués contre la paroi qui sépare ces ca- vités de celle qui est au centre. « Enfin, les organes segmentaires s'ouvrent dans la chambre viscé- rale, et par l'intermédiaire des corps de Bojanus débouchent au de- hors sur la face postérieure des vésicules. » | $ 2. Glandes génitales mâles ou femelles. Dans la région moyenne les glandes génitales sont situées dans la chambre centrale de chaque côté de l'ntestin. Anatomie. — Les glandes génitales, testicules ( 4 ), ou ovaires (9 ), sont situées par pairé dans chaque poche vésiculeuse. Leur forme est curieuse. Ce sont deux tubes très longs, contournés, fixés par une de leurs extrémités de chaque côté du tube digestif, l’autre extrémité restant hbre (fig. 7 et 15). Les œufs naissent à l’intérieur de ces tubes, de sorte qu'au moment de la ponte, ceux-ci sont très gonilés et distendus par les œufs. À un moment donné, Ces pro- duits tombent dans la chambre péri-intestinale pour être recueillis par les organes segmentaires et évacués au dehors. Après la ponte, le tube s'affaisse, s'amincit et devient à peine visible au fond de la chambre. Structure. — Au microscope on constate que les parois du tube sont assez épaisses (fig. 16), et qu'à l’intérieur se trouve une sub- stance amorphe qui sert à la production des œufs où des cellules mères spermatiques. Ovaire. — Si c'est un ovaire (fig. 16), on voit autour des noyaux de la masse protoplasmique se limiter autant de cellules qu'il y aura d'œufs. Elles sont d’abord transparentes et très petites, plus tard des granulations apparaissent à leur intérieur ; bientôt on distingue aussi la vésicule germinative et les œufs s'entassent pour devenir libres à un moment donné et mürir ensuite. Leur vitellus alors est excessi- vement granuleux et la membrane vitelline assez visible (fig. 17). Testicule. — Si c’est un testicule, les parois du tube ont là même structure que celle de l'ovaire. La masse protoplasmique primitive se sépare en petites bosselures qui sont autant de cellules mères spermatiques. Ces cellules s’entassent dans l’organe et ne tardent pas à laisser voir à l’intérieur de toutes petites granulations qui correspondent à autant de spermatozoïdes. Une fois que les cellules LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 319 mères sont en liberté, les spermatozoïdes se désagrègent par résorp- tion de la paroi cellulaire et commencent à se mouvoir dans la cavité viscérale. Les spermatozoïdes sont très petits. Il faut au moins un grossis- sement de 580 diamètres pour bien les voir. Leur tête est, comme toujours, conique ; leur queue, très grêle, est assez longue. De ces faits il résulte que les glandes génitales sont tout à fait séparées des organes segmentaires. C'est là quelque chose de fort important qui démontre bien la séparation des fonctions de ces différents organes. S 3. Organes de la reproduction et leurs annexes, dans la région postérieure. Dans la région abdominale, on trouve une paire de ces trois organes dans chaque anneau. Nous les avons déjà étudiés dans la région moyenne ; l'organisation et la structure sont les mêmes dans la région postérieure ; ce qui diffère, c'est la disposition de la chambre viscérale. Ici, comme nous l'avons déjà dit, la cavité centrale, remplie par l'intestin, communique directement avec les cavitées creusées dans les rames dorsales des pieds. C'est contre la paroi postérieure de chaque paire de pieds que se trouvent attachés l'organe segmentaire (0) (fig. 13 et14)et le corps de Bojanus (c). Si l’on regarde la face postérieure de chaque rame, on voit par transparence une partie blanchâtre, courbée légèrement en %, et qui n est autre chose que le corps de Bojanus. Cette partie est située dans la paroi même; un tout petit pore indique son ouverture à l’extérieur. Si l’on observe maintenant une de ces rames par sa face latérale, on voit au-dessus de la masse blanchâtre une autre masse très plissée, plus large, jaunâtre et encore attachée à la paroi du corps ; c'est l'organe segmentaire. Enfin, toujours par transpa- rence, on voit une partie plus ou moins contournée, jaunâtre, qui est l'ovaire ou le testicule. S1 l’on fend maintenant par la face dorsale (fig. 14) un de ces pieds, on voit sous la loupe que les glandes génitales sont sur les côtés de l'intestin (g), et que les organes d'évacuation sont contre la paroi postérieure, dans la cavité des pieds. | Pour arriver à ces résultats, il faut beaucoup de patience et d’ha- 320 L.-C. COSMOVICI. bitude. Malgré la rareté de ces animaux et la difficulté de leur dissection, je me suis convaincu maintes fois de la vérité de ces faits. $ 4. Comparaison entre les études de Claparède et de M. Lespès sur le Chétoptère et les miennes. Claparède figure l'organe segmentaire du Chetopterus variope- datus, d'après des coupes faites dans la région abdominale. Il dit que l'organe segmentaire se compose de deux parties. D'abord, un canal tortueux en bas ayant les concrétions indiquées plus haut et qui, sans doute, sert à une secrétion quelconque. La partie supérieure, également tortueuse, mais sans concrétions, se colore en rouge par la fuchsine ; elle est destinée à saisir les éléments reproducteurs. Enfin au-dessus de ces tubes et dans la même cavité se trouve l'ovaire ou le testicule. Donc, d’après ce que ce savant avance, il résulte : Que l'organe segmentaire est double ; Que chaque partie de cet organe présente des différences fonction- nelles et histochimiques ; Que l'ovaire se trouve dans la méme loge que ces organes. Mais comment ces produits sont-ils saisis ? Comment sont-ils évacués ? Les figures données dans les planches paraissent consa- crer une erreur dont je vais chercher à expliquer la cause. Toutes les fois qu'on veut durcir un animal, il est impossible que toutes ses parties deviennent également dures. Ceci est un fait incontesta- ble, quel que soit le réactif employé. La coupe représentée, étant faite dans la région abdominale, le rasoir à entamé une portion du corps de Bojanus, de l'organe segmentaire et de l'ovaire. De là cette superposition de deux tubes contournés, mal délimités. Ensuite, comme les œufs sont sortis du tube ovarien, ils se sont dispersés çà et là, ce qui du reste a été dessiné. Ceci prouve l'insuffisance des coupes employées seules. Loin de se contenter deice procédé, il faut ensuite chercher ces organes par la dissection eticela dansiles différentes parties du corps. J'ai donc bien fait de décrireîces orga- nes dans les deux régions. On n’a qu’à comparer maintenantpour voir le contraste. Et puis mes descriptions ne rattachent-elles pas cette manière d'être de l’organe segmentaire à {celle étudiée déjà chez les autres Annélides sédentaires ? LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 321 Si nous passons inaintenant aux descriptions de M. Lespès, nous verrons qu'il a décrit au contraire les organes qui nous occupent dans la région moyenne. On peut dire tout de suite que l’auteur à vu certains faits, mais ses descriptions laissent beaucoup à désirer. Il décrit d'abord une cavité particulière qu'il appelle sexuelle, située de chaque côté de la chambre intestinale, et entourée d’une autre cavité plus externe commune. C'est dans les cavités sexuelles qu'il place d’une part l’ovaire sous forme d’une traînée jaunâtre et plus en dehors l'organe segmentaire, lequel s'ouvre par un pore sur la face postérieure. Quant à la forme de ce dernier organe, elle nous paraît imexactement figurée. Il y a là, comme on voit, quelque chose qui se rapproche de la vérité, mais ce sujet m'a paru mériter une étude plus approfondie, plus suivie et j'espère l’avoir menée à bien. ARTICLE 3. == FÉCONDATION ET DÉVELOPPEMENT, Dans cet article il sera question d’un phénomène que j'ai observé en faisant des fécondations artificielles. Du reste M. de Quatrefages a fait sur les Hermelles des observations semblables, quoique différant un peu des miennes, comme on en jugera par les faits qui suivent. En effet, ce savant a remarqué des mouvements à l'intérieur de fœuf avant la fécondation. D'abord c'était un globule transparent rejeté par la masse vitelline, qui tournait autour d'elle, puis un mouvement continuel de déplacement dans les granulations qui composent cette masse. J'ai observé des phénomènes presque semblables après une écondation artificielle. On peut distinguer trois séries de mouve- ments vitellins bien caractérisés, suivant qu'un, deux ou trois globules s'échappent de la masse vitelline. Après ces phénomènes vient une période de repos assez longue, suivie de la segmentation du vitellus. Pour procéder méthodique- ment, nous avons à étudier : La fécondation ; Les mouvements vitellins ; La segmentation. Fécondation. — Dës le mois de mai, les Chétoptères ont leurs glandes génitales complètement développées. A l'extérieur il est ARCH, DE ZOO. EXP. ET GÉN.—7T. VIII. 1879 et 1880. 21 322 L.-C. COSMOVICI. très facile de distinguer les mâles des femelles, les premiers ayant leur région abdominale d'un blanc de lait, tandis que les dernières l'ont d'une couleur gris-jaunâtre. Il suffit de piquer un anneau des uns ou des autres pour avoir des spermatozoïdes ou des œufs en grande quantité. Le 47 mai 1878, nous avons fait une fécondation artificielle en procédant de la manière suivante : Dans une cuvette pleine d'eau de mer, nous avons laissé couler des œufs et des spermatozoïdes obtenus par l’incision de plusieurs anneaux, mélange qui rendit l’eau trouble et blanchâtre. Une partie de cette eau fut mise dans un verre de montre peu profond et portée sous le microscope, tandis que le reste fut placé sous un courant d'eau très lent. Les observations, commencées à neuf heures et demie du matin, furent continuées toute la journée jusqu’à minuit. Les œufs du Ch. Valencini, assez grands, ont une vésicule ger- minative manifeste, au centre de laquelle se voit la tache ; le vitellus est très granuleux. Les spermatozoïdes ont une tête conique et une queue très longue. Uné fois que les œufs et les spermatozoïdes sont en présence, ces derniers Commencent à entourer les œufs en leur donnant des coups de tête. Je n'ai pu voir s'il y a un micropyle et si un ou plusieurs de ces animalcules pénètrent dans chaque œuf. Le premier fait qu'on observe, c’est que la vésicule germinative pâlit ; un quart d'heure après, où n’en voit plus trace, tout l’intérieur de l’œuf étant devenu sombre. Un court repos suit immédiatement cette période. Mouvements vitellins. — Après que la fécondation a eu leu, la masse vitelline se retracte vers le centre de l'œuf et c’est alors qu'apparaissent les premiers mouvements qui se font avec une rapidité remarquable. Nous avons dit que trois cas pouvaient se présenter. | En un certain point de la circonférence, dans le segment supé- rieur !, on voit d'abord un petit globule transparent qui tourne à la périphérie de la masse vitelline de gauche à droite. Quand il se 1 Je désigne par segment inférieur l'hémisphère de l'œuf tourné vers l’observa- teur ayant l’œil sur le microscope; par segment supérieur, l'hémisphère opposé. Je n’attache aucune autre importance à ces expressions, qui ne sont empioyées ici que pour faciliter une description difficile. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 323 rapproche de son point de départ, le globule se gonfle et un filet granuleux de la masse vitelline pénètre à son intérieur et le rem- plit. Il semblerait qu'une cloison sépare le globule primitif de la masse vitelline contre laquelle il est appliqué. Cette première série de phénomènes est suivie d’un repos. La cloison devient de moins en moins distincte et la masse du globule semble se fondre de plus en plus dans la masse vitelline. A ce moment un second globule apparaît, toujours dans le seg- ment supérieur, et descend vers le segment inférieur, tandis qu'un troisième se forme à côté du second. Bientôt les deux globules se confondent en un seul, qui commence à tourner de droite à gauche autour du vitellus rétracté, et qui, parvenu près de son point d’origine, se remplit de granulations qui lui arrivent du vitellus. I semble alors que le globule ainsi constitué s'applique en s’aplatissant sur le reste du vitellus, et qu'une cloison l'en sépare, après quoi un nouveau repos suil. Ce globule s'étant fondu comme le premier dans la masse du vitellus, un nouveau petit globule transparent apparaît sur le côté et non à la base du segment inférieur. Il descend à droite et remonte à gauche vers le segment supérieur. Sur ce dernier naissent l’un après l’autre et à droite deux autres petits globules un peu transparents qui vont à la rencontre du premier de droite à gauche. Cette rencontre a lieu vers le sommet de la masse vitelline, et en ce point les trois globules se fondent en un seul. Puis le vitellus pénètre à l'intérieur de ce dernier et tout rentre en repos, l'œuf reprenant alors son aspect primitif. Ainsi donc, premièrement le vitellus rejette un globule qui des- cend dans un sens et disparaît ensuite, puis deux globules qui tournent en sens contraire et disparaissent de même, enfin en der- nier lieu trois globules dont l’un va dans un sens, les deux autres en sens contraire, ei qui finalement se confondent en un seul, puis avec la masse vitelline. IH m'a semblé bon de signaler ces phénomènes, qui trouveront sans doute leur explication quand de nouvelles observations de ce genre se seront multiphées. Segmentation. — Les mouvements vitellins finirent vers cinq heures du soir, et de dix heures à minuit les œufs observés ne mon- trèrent plus de changement. Le lendemain, à neuf heures du matin, les premiers indices de la segmentation se manifestèrent. La masse 324 L -C. COSMOVICI. vitelline qui remplissait la veille tout l’intérieur de l'œuf commença à se rétracter de nouveau vers ie centre, et bientôt une cloison la sépara en deux cellules. J'ai vainement employé l’acide chromique et le carmin pour voir si un nucléus précédait la division, les œufs se dissolvaient immédiatement. La cellule inférieure grandit beaucoup et arrive à toucher la paroi vitelline ; la supérieure s’ac- croit également et se divise en deux cellules qui à leur tour se partagent en deux autres, de sorte qu'à ce moment-là l'œuf ren- ferme une cellule inférieure très grande, surmontée de quatre supé- rieures plus petites. | Après un Certain temps, la segmentation commence dans la cel- lule inférieure, deux cellules symétriquement placées parmi les quatre supérieures se segmentant aussi, l'œuf observé de face par sa partie supérieure montre six cellules limitant une portion centrale, où plus tard sera la bouche de l'animal. Ensuite les deux cellules supérieures qui n’ont pas pris part à la segmentation se segmentant à leur tour, on a huit cellules autour de la bouche. La segmentation est bientôt terminée et tout l'intérieur de l'œuf est rempli par un amas de grosses cellules pourvues d’un nucléus qui devient de plus en plus manifeste. Les œufs arrivèrent à cet état à la fin de la journée. Le lendemain, la plupart d’entre eux se déformèrent ; de circulaires qu'ils étaient, ils devinrent un peu allongés et des cils apparurent à leur surface. L'embryon, à peine ébauché, commençait à tourner un peu. C'est par la partie inférieure que l’œuf s’est allongé; à la partie supérieure se forma une dépression, ensuite apparut un petit tubercule qui s'’al- longea un peu. Enfin, trois jours après la fécondation, l'embryon était entièrement constitué. Il se présente à peu près comme une sphère ciliée sur toute sa surface et ayant un cil très long à l'opposé du tubercule oral. Mes observations se sont arrêtées là, car, pendant la nuit, tous les embryons se sont échappés de la cuvette. Les faits que je viens d’'énumérer brièvement m'ont paru assez intéressants pour prendre place ici. Du reste, je ne me suis pas res- treint dans ce mémoire à des observations sur les organes segmen- taires ou les glandes génitales ; mais J'ai cru devoir ajouter sur l'or- ganisation de ces animaux les faits qui m'ont semblé intéressants. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. OC CHAPITRE V. FAMILLE DES SERPULIENS. (PI. XX VIL, fig. 1-4.) Dans cette famille, j'ai plus particulièrement étudié la Sabella arentlega et la Myxicola madesta. Pour la facilité des descriptions des organes segmentaires, des corps de Bojanus et des glandes génitales, il faut nous arrêter un peu sur la forme du corps et sur le mode d’arrangement des différents organes. ARTICLE 1. — DE L'ANIMAL. Pour aller plus rapidement, ces deux genres seront examinés en même temps. Du reste, il y a beaucoup de ressemblance dans la disposition des couches musculaires et des différents appareils. La Sabelle vit dans la vase et habite un tube parcheminé très résis- tant, couvert de quelques grains de sable, surtout dans la portion enfoncée en terre. La Myxicole habite un tube gélatineux, très épais, également en- foncé dans la vase. Pour trouver ces deux espèces à Roscoff (plage de Penpoul), il faut aller les chercher aux grandes marées. Le tube de gélatine semble formé de plusieurs couches superposées, et quelque- fois on trouve un ou deux tubes accolés l’un à l’autre, habités chacun par une Myxicole, ou deux individus dans un même tube. Après cet aperçu très rapide, voyons le corps, le tube digestif, l’appareil circulatoire, etc. S 4. Corps. Extérieur. — À l'extérieur, une Sabelle se laisse facilement re- connaître, de sorte qu'il est aisé de la mettre en position. Il n’en est pas de même pour la Myxicole. L'une et l’autre ont le corps annelé, la bouche et l'anus terminaux et point de tête distincte. L'orifice buc- cal est entouré de longs cirres appelés branchies. Examinons maintenant un pied de plus près, car l’ R de cet organe est nécessaire à connaître pour bien comprendre les organes segmentaires. 326 L.-C. COSMOVICI. Un anneau du corps chez une Myxicole se compose de deux segments, dont l'un antérieur, sétigère, est plus volumineux que le postérieur plus étroit et non sétigère, de sorte que le corps devient manifestement annelé. Sur les parties latérales et sur les grands segments, 1l existe une rangée de soiïes à cro- chets, et au-dessus, à une certaine distance, un tout petit fais- ceau de soies en forme de poils. Ge dernier constitue la rame supé- rieure et la rangée à crochets la rame inférieure. Sur la ligne de séparation des deux anneaux et à un niveau correspondant à la ligne d'insertion des mamelons sétigères se trouve un point noir (p); à l'examen microscopique, on constate un pore, qui est l'ouverture externe de l'organe segmentaire, et tout autour sont des cils vibratiles qui éloignent les granulations, et par conséquent servent à empèê- cher l'obstruction des pores. Claparède, en parlant de la Wyzxicola infundibuluin (laquelle ne me semble guère distincte de celle-ci), décrit en arrière des soles des taches oculaires avec cristallin et cornée. Je ne pourrais pas répondre à ces assertions ; du reste, il me semble que les auteurs ne décrivent pas les deux rames. Un anneau du corps d'une Sabella présente encore une paire de pieds biramés. La rame supérieure est formée d'un mamelon por- ieur d'un faisceau de longues soies, et pourvu à son sommet de plusieurs bandes musculaires (7). L'inférieure, plus volumi- neuse, est formée de deux lèvres, l'une antérieure, l'autre posté- rieure. Celle-ci est garnie de haut en bas d'une rangée de soies à crochets (r'). La lèvre antérieure en est dépourvue. Mais si l'on ob- serve au microscope cette lèvre, on voit d’abord à l'intérieur un laeis vasculaire des plus riches, fait cité par M. Milne-Edwards', et à la surface de la lèvre une garniture de cils vibratiles qui entretiennent un courant très fort. En raison de cette disposition anatomique, on ne peut douter que le sang qui circule dans ce lacis ne respire. Entre les deux lèvres on trouve encore un petit point noir. C'est l'ouverture externe de l'organe segmentaire. Les œufs, en sortant par le pore indiqué, sont entraînés par le courant ciliaire très vif qui existe là. Intérieur. — Deux faits méritent particulièrement l'attention : La cavité du corps est dans toute sa longueur divisée par des diaphragmes en autant de chambres qu'il y a d'anneaux. Ces celoi- i Ann. Sc Nat., 9° sér., t X. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 397 sons empêchent toute communication entre deux compartiments VOISINS : Si l'on arrive à disséquer les couches musculaires sans entamer le péritoine, on constate que ce dernier, de couleur jaune terre de Sienne, enveloppe complètement tous les organes internes et res- semble à un cylindre coloré s'étendant dans toute la longueur de l'animal. Ce fait s'observe facilement, surtout chez les Myxicoles, Sur des coupes, transversales, on constate au-dessous de la peau (p) une mince couche musculaire à fibres circulaires (m), et en dedans de celle-cijune seconde à fibres longitudinales bien plus dé- veloppée (m'). Gette dernière se compose de quatre gros muscles, dont deux dorsaux et deux ventraux, limitant ainsi la chambre viscérale. Celle-ci n’est point cylindrique, parce que les muscles s’avancent beaucoup vers le centre (fig. 3). Chez les Sabelles, on voit sur la face ventrale deux boucliers glan- duleux très épais, séparés par une fissure extrêmement ciliée (4). Immédiatement après cet aperçu, nous devrions passer en revue le système nerveux; mais M. de Quatrefages l'a si bien étudié que nous le laisserons de côté. S 2. Organes de la nutrition. Tube digestif. — 11 s'étend dans toute la longueur du corps et il est étranglé à chaque diaphragme (4). Ce tube est fixé contre la voûte de la chambre par une membrane (m) en forme de mésentère, et c’est autour de lui que l'appareil eircu- latoire est disposé. Appareil circulatoire. — Claparède ‘, qui l'a beaucoup étudié chez les Serpuliens, donne des descriptions toutes différentes de celles de M. Milne-Edwards. Les résultats-auxquels je suis arrivé se rap- prochent davantage de ceux du dernier auteur. En effet, le premier nie l'existence d’un vaisseau dorsal, mais il décrit un sinus sanguin péri-intestinal qui chasserait le sang par ses contractions d'arrière en avant. Il est pourtant facile de se faire une idée du mode d'arran- gement de cet appareil. Chez une Myxicole vivante ou plongée pendant trente-six heures ‘ Annélides Chétop. (de Naples). 328 L.-C. COSMOVICE. dans l'acide chromique, on constate un vaisseau sus-intestinal (v), qui devient en arrière sous-intestinal et double, et un double vais- seau central ou sus-nervien. Vaisseau dorsal. — Ce vaisseau s'étend depuis l’æœsophage jus- qu'à la moitié du corps. Il est d’abord situé au-dessus du tube di- gestif, appliqué contre lui, et engainé par le mésentère qui suspend cet organe. En avant, il entoure l’æsophage en formant un très large sinus facile à découvrir. Plus en arrière, le vaisseau dorsal se bi- furque, descend sur les parties latérales du tube digestif, et chacune des branches se réunit en tronc unique au-dessous de lui. Du vaisseau dorsal naissent latéralement des artères qui cheminent sur les parois du tube digestif en s’anastomosant entre elles, limitant des îlots plus ou moins larges. Ces îlots sont tellement vasculaires, que les parois du tube digestif semblent un véritable lacis sanguin. On pourrait s'expliquer jusqu’à un certain point l'erreur de Clapa- rède en supposant qu'il a fait passer la coupe par un de ces vaisseaux latéraux primitifs. Vaisseaux ventraur. — Ils s'étendent dans toute la longueur du corps et sont très rapprochés l’un de l’autre. | Les branches latérales qui mettent en communication ces deux troncs vasculaires avec le tronc dorsal sont importants à connaître. Du tronc dorsal part de chaque côté une artère (a) qui se porte en dehors, descend en bas, puis, se recourbant en dedans, gagne le tronc vasculaire ventral correspondant (a'). Dans tout son trajet, l’ar- tère est appliquée contre une cloison diaphragmatique. Au moment où, parvenue à la région ventrale, elle se recourbe en dedans, elle envoie des branches aux pieds. Chez les Sabelles, on trouve à peu près la même disposition. Du milieu de l’anse vasculaire, qui met en communication le vaisseau dorsal avec le vaisseau ventral correspondant, naît l'artère qui va con- courir à la formation du riche làcis vasculaire de la rame inférieure. Les vaisseaux ventraux fournissent encore des artérioles aux muscles et deux branches plus importantes qui vont se ramifier dans les bou- cliers ventraux (6). Enfin, il est à remarquer que d'innombrables culs-de-sac san- guins, couverts de cellules pigmentaires, font saillie autour des vais- seaux., M. Milne-Edwards dit que ce sont probablement des glandes sécrétoires. On pourrait plutôt penser que le sang se débarrasse de quelques principes en passant à travers ces cellules. Cette interpré- LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 329 tation a plus de vraisemblance ; mais c’est une simple hypothèse, qui a besoin d’être vérifiée. Il importait de préciser la disposition de l'appareil circulatoire avant de parler des glandes génitales et autres. ARTICLE 2. — ORGANES EXCRÉTEURS ET GLANDES GÉNITALES. Les organes excréteurs sont faciles à reconnaître ; mais les glandes génitales, et surtout les organes segmentaires, sont excessivement difficiles à trouver. Il faut pour cela faire beaucoup de coupes sur des animaux vivants et les observer dans l’eau de mer. Les organes segmentaires dans cette famille n’ont jamais été vus, car tous les naturalistes, sans exception, ont pris comme tels les deux glandes pigmentées périæsophagiennes, considérées par d’autres comme des glandes génitales (Milne-Edwards). Claparède attribue une double fonction à ces glandes. Ce seraient des glandes tubipares et en même temps des organes servant à l'évacuation des produits de la géné- ration. Quand cet auteur a dit à propos du Myxicola infundibulum que les œufs peuvent être évacués par des pores latéraux, 1l disait vrai; et il ne se trompait point, quand il a cru voir une Sabelle pondre. 0 S 1. Corps de Bojanus. Il n’y à qu'une paire de ces corps. Ils peuvent être rapportés à la paire pré-diaphragmatique des Térébelles. Ces poches sont situées chez les deux espèces que nous étudions de chaque côté de l’æso- phage et débouchent de part et d'autre de l’entonnoir buccal. D’après Claparède, chez la Myxicole, la paire de poches débouche par un seul pore. Mais c’est une simple apparence, et en disséquant avec patience on parvient à reconnaître l’individualité dé chaque poche. Chez les Myxicoles les corps de Bojanus sont d'un noir très foncé. Du reste, l'appareil circulatoire tout entier est de cette teinte. Gette apparence est due au grand nombre de cellules pigmentaires qui couvrent de tous côtés les vaisseaux sanguins et non point au sang, qui est vert. La structure de ces poches est analogue à celle que nous avons déjà vue chez d’autres animaux. En effet, leurs parois sont parcou- rues en tous sens par du sang et l’épithelium cilié qui tapisse leur 330 L.-C. COSMOVICI. intérieur est très pigmenté. Sans aucun doute ces poches sont les homologues des corps de Bojanus des autres Annélides sédentaires. Claparède dit qu’elles servent à la production du tube gélatineux qui sert de demeure à l'animal. Mais il m'est arrivé de couper le corps d'une Myxicole en deux, et l'extrémité postérieure ainsi déta- chée ne cessait de s’entourer d’une mince couche gélatineuse. Par conséquent, il est probable que les glandules de la peau sécrètent cette glaire durcie par le contact de l’eau et qui forme leur tube. | Chez les Sabelles les organes de Bojanus sont également situés à la partie antérieure du corps et s'ouvrent par un pore propre à chacun d’eux (c) (fig. 2). Les poches qui les représentent sont bien plus longues que chez les Myxicoles, et pour se faire une idée exacte de leur forme, il leur faut considérer deux extrémités, deux bords et deux faces. Les faces sont convexes, l’une regarde en haut, l’autre en bas. Les extrémités diffèrent. L'’antérieure s'atténue en un tube long qui s'ouvre au dehors sur les parties latérales des branchies cé- phaliques. Si l'on regarde de face l’entonnoir buccal, on voit deùx points noirâtres qui correspondent à ces pores. L'extrémité postérieure de chaque poche es en massue et dépourvue de toute ouverture ou pavillon, comme le veut Claparède. Les bords de la poche- sont différents. Celui qui regarde l’œso- phage est à peu près droit, suivant un peu les ondulations de ce dernier. Mais le bord externe est prolongé en diverticulums bifurqués qui pénètrent dans la base des pieds. Sur le bord interne, on voit une foule de petits vaisseaux qui se rendent dans les parois de la poche pour s'y ramifier, Ces vaisseaux proviennent du sinus æsophagien. L'épithélium qui tapisse l'intérieur des corps de Bojanus est stratifié, pigmenté et ciliaire. Le courant intérieur est dirigé du fond de la poche vers l'embouchure externe. | $ 2. Organes segmentatres. Jusqu'à présent 1l nous a été facile de voir les organes segmentaires, mais chez les Annélides de cette famille il n’en est plus ainsi, leur corps étant très étroit et très musculeux. Situation. — Les organes segmentaires chez ces animaux sont LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 331 disposés par paire dans chaque anneau à partir du milieu du corps, vers la région caudale. Forme. — Leur forme est celle qu'on trouve partout, c’est-à-dire qu'ils se composent d’un pavillon cilié, suivi d’un long tube qui plonge par son extrémité inférieure dans la paroi du corps et s'ouvre au dehors. Position. — Pour bien comprendre l’arrangement de ces organes, il faut faire des coupes transversales et des préparations qui nous présentent l'animal ouvert par le dos. Dans les deux procédés employés on constate que l'organe seg- mentaire est accolé à la face postérieure de chaque cloison diaphrag- matique. Son pavillon est formé par deux lèvres : l’une supérieure, appliquée contre le muscle dorsal correspondant, et l’autre infé- rieure, contre le muscle sous-jacent (0) (fig. 3, pl. XXVIT). Il est suivi d'un tube qui passe au-dessous du mamelon sétigère de la rame dorsale, arrive dans la cavité pédieuse, se porte au dehors et s’ouvre par le pore indiqué plus haut. Grâce à cette disposition du pavillon, on peut arriver à comprendre les deux faits suivants : 4° lorsque l'animal est en mouvement et se contracte, les masses musculaires de la couche interne (#»’) se rapprochent et le pavillon se ferme; 2° lorsque l'animal est immobile, comme par exemple pendant la ponte, les muscles sont écartés, par conséquent le pavillon reste ouvert, et l'organe segmentaire peut fonctionner. Chez les Myxicoles les organes segmentaires ont tout à fait la même disposition; chaque anneau à parür du milieu du corps a sa paire d'organes situés de chaque côté du tube digestif, appliqués contre la face postérieure des diaphragmes. Mais leur délicatesse est extrême, de sorte qu'il faut beaucoup de patience pour bien les voir. $ 3. Glandes génitales. Les sexes dans les genres que nous étudions sont séparés. Mais dans cette famille le genre Spirorbe est le seul qui renferme des espèces hermaphrodites. Or, dans l'espèce qu'on trouve en abon- dance à Roscoff, Spérorbis communis, et qui ressemble beaucoup à celle de Pagenstecher, j'ai reconnu encore l'hermaphrodisme. Les œufs se trouvent dans la région moyenne du corps et les testi- 332 L.-C. COSMOVICI. cules à la partie postérieure. Les spermatozoïdes se détachent par paquets. Ils sont accolés par leur tête et libres par leur queue, qui est assez longue. Il me semble que l’hermaphrodisme va se géné- ralisant chez les espèces qui composent le genre Sprrorbis. Revenant aux genres Sabella et Myxicola, nous trouvons chez eux les glandes avec une netteté parfaite. Seulement c’est au mois d'août qu'il faut les chercher. Car, tant que les glandes sont en repos, ilest impossible de les voir, vu que le tout consiste en une matière amorphe. Or, cette matière ne peut donner aucune idée d’un ovaire ou d’un testicule si les éléments ne sont point encore des- sinés. Et lorsqu'on soumet des préparations à l’observation micros- copique, on a sous les yeux d'innombrables cellules à granulations graisseuses, qui proviennent de l’épithélium du péritoine et empèê- chent de voir les glandes génitales. Une fois que les œufs commen- cent à se dessiner, la glande se reconnait. Ici encore il est im- possible d'admettre que ce soient les cellules qui tapissent les vaisseaux, ou celles du péritoine (comme le veulent beaucoup de naturalistes) qui donnent naissance aux œufs ou aux spermatozoïdes. En effet la glande se trouve annexée au vaisseau latéral infé- rieur (g) (fig. 1); sous le microscope elle semble formée d’un grand amas d'œufs plus ou moins comprimés (fig. 4). En arra- chant le vaisseau latéral supérieur, qui est aussi tapissé de gra- nulations, on n’y trouve rien de comparable à une glande. La même chose a lieu pour la branche de communication des deux vaisseaux latéraux, ainsi que pour les gros troncs vasculaires. Arrachons par portions le péritoine couvert de cellules grais- seuses, celles-ci vont se désagréger par compression ; employons les plus forts grossissements et nous ne verrons rien qui ressemble à un œuf ou à une cellule mère spermatique. Ces faits se reprodui- sent à chaque instant, et comme nous le verrons bientôt, même chez les Néréides, Aphrodites et autres Errants qui ont servi de base aux théories énoncées par les naturalistes, il y a des glandes à situation fixe, et le tissu graisseux, épithélial ou autre, n'a rien à faire avec la production des œufs ou des spermatozoïdes. Telle est la position des ovaires et des testicules chez les deux genres que nous étudions. Les œufs des Myxicoles sont verts. Les individus mâles se distinguent, à la maturité de leurs produits, par leur coloration plus claire que celle des femelles. En effet, les spermatozoïdes, libres dans les cavités des anneaux, forment une LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES, 333 substance lactescente qui donne plus de clarté au ton pigmenté du COTps. Les œufs de ces animaux ont souvent une double tache germina- tive. Les spermatozoïdes sont bien plus grands que ceux des Arénicoles ou des Térébelles. La tête est toujours conique et la queue assez longue. J'ai essayé des fécondations artificielles sur les œufs des Myxicoles pendant mon séjour à Roscoff et les faits précédant la segmenta- tion chez le Chétoptère se sont répétés exactement. CHAPITRE VI. FAMILLE DES CLYMÉNIENS. (PI. XX VII, fig. 8-13.) Sur les plages de Roscoff, on trouve plusieurs espèces de Clymé- nies. Les observations qui suivent ont été faites sur une grosse espèce trouvée en 1878, au mois de mai, sur la plage de Penpoull, port de Saint-Pol-de-Léon. Elle se rapproche de la Clymenia zostericola, mais je ne puis certifier ma détermination. La longueur du corps dépasse 40 centimètres, et on arrive avec beaucoup de peine à l’avoir tout en- tière. Elle vit dans le sable, près des prairies de zostères, dans un tube arrondi, courbé en plus ou moins ouvert, ayant chacune des extrémités du tube située au centre d’un monticule, Les faits observés en 1878 sur les organes segmentaires et les glandes génitales furent vérifiés en 1879 pendant le mois d'août. Quoique ces glandes et ces organes soient semblables à ceux des espèces déjà étudiées, il est intéressant pour nous de les examiner de nouveau. Pour bien com- prendre leur position, nous sommes forcés de donner un coup d'œil sur l’ensemble du corps de l’animal. | ARTICLE À. — DE L'ANIMAL. Extérieur. -—- Dans tous les ouvrages traitant des Clyménies, on a décrit la position des pieds dans les régions antérieure, moyenne et postérieure. Cette étude est nécessaire au point de vue de l’arrange- ment des corps de Bojanus et des organes segmentaires. Sur la figure 8, on voit après la tête trois anneaux non ouverts, dont les rames sétigères sont plus ou moins rapprochées des sillons antérieurs 334 L.-C. COSMOVICI. qui séparent les anneaux entre eux. Dans le quatrième et le cin- quième anneau, les rames se rapprochent du milieu de l'anneau; dans le sixième et le septième, elles se rapprochent du sillon anté- rieur ; dans le huitième, elles sont situées sur le sillon même de sé- paration; puis, dans la région postérieure, il y a de nouvelles varia- tions qui ne nous intéressent point. Si l’on opère une traction sur la tête et sur chacun des trois premiers anneaux du corps, on voit chaque anneau tiré sortir cemme d'une gaine de eelui qui le suit. Il n'y a pas de déchirure, mais un simple décollement des anneaux ainsi emboîtés les uns dans les autres. Le même fait s'observe sur les anneaux suivants, seulement il devient de moins en moins évident à mesure qu'on avance dans la région moyenne, et même nul vers la fin du corps. Intérieur. — Les corps de Bojanus des Clyménies sont disposés par paires et sur leur extrémité antérieure sont accolés les organes segmentaires. On trouve dans le quatrième anneau une paire de corps de Bojanus qui se termine vers la région moyenne du cinquième, au niveau des rames correspondantes ; dans le cinquième anneau, une autre paire, commençant à son milieu et finissant vers l'extrémité antérieure du sixième, où se trouvent les pieds ; dans le sixième anneau, une troisième paire, ayant le même trajet que celle du cin- quième ; enfin, dans le septième anneau et dans toute sa longueur, une quatrième paire, commencant vers son extrémité antérieure et sarrètant à son extrémité postérieure. En conséquence, l'extrémité postérieure des corps de Bojanus se trouve [à où sont les pieds, c’est là en effet que se trouvent les pores de sortie. Voilà pourquoi il est intéressant de connaître la posi- tion des rames. Ce n’est pas tout. Les trois premiers anneaux ne communiquent point entre eux, car des diaphragmes musculaires les séparent complètement ; en détachant ces anneaux, ils se décol- lent comme autant de boîtes enclavées les unes dans les autres. Ensuite, en faisant une coupe transversale, on voit facilement dans les autres anneaux les trois cavités tant de fois citées, à savoir : une médiane, la plus grande, renfermant le tube digestif, et deux autres, latéro-inférieures, contenant les mamelons des rames sétigères, les organes rénaux et segmentaires et les glandes génitales. La sépa- ration entre ces dernières cavités et la première se fait, comme tou- jours, à l’aide de fines bandelettes musculaires, dont on voit l'arran- sement sur les figures ci-jointes. Enfin, si nous observons à l'extérieur LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 335 et à l’intérieur la position du sillon de séparation de deux anneaux, le quatrième et le cinquième par exemple, nous verrons qu'ils ne se correspondent pas. La ligne de séparation à l’intérieur (+) est toujours située plus en arrière qu’à l'extérieur (e). Avec des pinces fines et sous la loupe, on peut décoller les deux anneaux et se convaincre que, dans la région antérieure du corps, les extrémités des deux anneaux juxtaposés sont taillées en biseaux ; l’antérieure aux dépens de la face externe, la postérieure aux dépens de la face interne, et qu'ainsi les anneaux s’articulent en quelque sorte entre eux. On verra bientôl l'utilité de la connaissance de ces faits. ARTICLE 2. —— ORGANES DE L'EXCRÉTION ET DE LA REPRODUCTION. L'espèce que nous étudions possède quatre paires d'organes seg- mentaires attachés à autant de corps de Bojanus. Bien que nous soyons forcé de nous répéter, il faut pourtant nous appesantir un peu sur chacune de ces deux parties. S 4. Corps de Bojanus. La première de ces quatre paires se trouve dans le quatrième an- neau de la région antérieure et la dernière dans le septième (fig. 8 et 9). Pourtant, ce n’est pas constant, et souvent on trouve dans le quatrième anneau un seul corps de Bojanus à droite ; et dans ce cas, ” dans le huitième anneau, on trouve un autre corps de Bojanus, mais à gauche de la chaîne nerveuse ; les quatre paires deviennent com- plètes ainsi. Pour bien étudier ces organes, il faut, comme toujours, disséquer à la fois des animaux vivants et d’autres conservés dans les acides chromique, picrique et acétique. Ce dernier réactif surtout coagule le sang dans les vaisseaux, et on peut les suivre alors jusqu'aux dernières ramifications. Les poches en question, très allongées, sont fortement plissées (c) par lacompression des bandelettes musculaires (6) qui les recouvrent. Bords. — Is sont fixés par leur bord externe, et la face infé- rieure elle-même est plus ou moins accolée à la paroi du corps. Le bord interne libre recoit une multitude de vaisseaux sanguins venant du vaisseau latéral de son côté (v). L'ætlrémilés. — L'extrémité antérieure, très renflée, recoit le corps de l'organe segmentaire correspondant. La postérieure (p), _ 336 L.-C. COSMOVICI. bien plus atténuée, s'engage entre les deux plans musculaires super- posés, unissant deux anneaux consécutifs, ainsi qu'il a été dit plus haut, et puis, se recourbant de dehors en dedans, se porte vers la ligne médiane pour aboutir au pore situé en arrière de la rame infé- rieure correspondante (fig. 10). De même qu'il y a un autre mode d'arrangement des anneaux, il y a aussi un autre mode d'arrange- ment pour les corps de Bojanus. En ce qui concerne la structure, je ne pourrais que me répéter : toujours un lacis vasculaire extrêmement serré, rempli d’une multi- tude de cellules à granulations pigmentaires, et couvert à l'extérieur par une fine membrane, à l'intérieur par un épithélium vibratile. M. de Quatrefages dit (p. 232!) : « Les organes de la génération sont distincts, au moins chez les Clymènes proprement dites. Ils consistent en de petites poches noi- râtres placées par paires sur les côtés des 4-9 anneaux de la région moyenne. Au mois d'août, J'ai trouvé ces poches renfermant des œufs en voie de formation et la cavité générale était remplie d'œufs à divers états de développement, mais tous plus avancés. » Je crains que l'illustre savant n'ait fait erreur. A-t-il pris pour des œufs les cellules qui se désagrègent du tissu de la glande par com- pression (fig. 17)? A-t-il, avec les poches, arraché la glande génitale située à côté (g) et confondu ces deux organes ? Je ne saurais le dire. J’aicité ce passage à dessein pour pouvoir encore m'en servir comme d'une preuve contre l'opinion des naturalistes qui veulent que les œufs ou les spermatozoïdes naissent des cellules pigmentées qui cou- vrent les vaisseaux sanguins. A l'intérieur des poches il y a un courant ciliaire très vif, dirigé de l’extrémité antérieure vers la postérieure. En somme, c’est tou- jours la même structure. S 2. Organes segmentatres. Il y a aussi quatre paires d'organes segmentaires, subissant les mêmes variations que les corps de Bojanus, auxquels ils sont at- tachés. Le corps de chacun de ces organes est court (0), l'ouverture du pavillon assez large (fig. 9); la lèvre supérieure, ou mieux, l’externe, 1 QuaTRErAGEs, Annélides, suites à Buffon, t. 11, 1re partie. LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 337 très large, est frangée ; l’interne est moins festonnée. Le pavillon est maintenu toujours tendu par le rameau qui lui arrive du vaisseau sous-intestinal (v’). Partout nous voyons la même disposition, et il y a un vaisseau sanguin segmentaire qui, après avoir côtoyé la base de la lèvre externe, se continue avec le vaisseau latéral, fournissant à droite et à gauche de petits rameaux au corps de Bojanus corres- pondant. La circulation des Clyménies mérite d'être étudiée avec un peu plus de détail. Du reste, sur la circulation des Annélides on n’a pas encore dit le dernier mot. Il reste beaucoup d’études à faire sur ce sujet, surtout quant au mode exact de distribution des branches de la portion centrale. S 3. Glandes génitales. J'ai été assez longtemps avant de pouvoir découvrir ces glandes. Me guidant sur les figures que donne M. Selenka sur la produc- tion des œufs chez l’Aphrodite hérissée, j'ai cherché et recherché si ces produits naissaient autour des vaisseaux sanguins. Si, en effet, cette origine, citée depuis longtemps par d’autres auteurs, était vraie, je devais voir tout de suite les œufs, ou les cellules mères spermatiques, en voie de développement. Mes recherches ont été vaines, et pourtant ce ne sont pas les lacis vasculaires qui man- quent chez les Clyménies ; Car, dans tous les anneaux du corps, à partir du premier, on trouve de chaque côté du tube digestif un treillis vasculaire des plus riches (fig. 11). On dirait autant de corps de Bojanus, représentés seulement par leur charpente vasculaire. Ces plexus sont en relation avec le vaisseau dorsal, d’une part, et avec les vaisseaux latéraux, de l’autre. Comme toujours, les plus grèles el ies plus gros de ces vaisseaux sont couverts de cellules à granulations pigmentaires et graisseuses, disposées plus ou moins en spirale autour du vaisseau (fig. 12). Quand l’animal est en pleine reproduc- tion, la cavité du corps est remplie d'œufs ou de cellules mères des spermatozoïdes, mélangés à des cellules à granulations pigmentaires et graisseuses. Ces amas sont emprisonnés entre les mailles des plexus cités, et, si l’on ne fait pas attention, au premier abord on croirait que ces produits naissent là. Mais, si on les détache et qu'on les lave dans l’eau de mer, puis qu’on les porte sous le microscope, on ne voit jamais, même aux plus forts grossissements, des œufs en voie de développement attachés à ces vaisseaux. ARCH. DE ZOOL. EXP. ET GËN. — T. VIII, 4879 et 1880. 29 338 ÿ L.-C. COSMOVICI. Voyant qu'il m'était impossible de trouver les glandes, j'ai essayé de voir si les faits observés chez les Arénicoles, Terebella conchylega, Ophéles, etc., ne se répétaient pas chez cette espèce. Sous la loupe alors, cherchant au voisinage des corps de Bojanus, il me fut facile de trouver la glande (g, fig. 9), Sur le bord externe, point d'attache de ces poches glandulaires, et surtout vers leur extrémité posté- rieure, on trouve tout autour d'un vaisseau sanguin, branche du vaisseau latéral, ia glande génitale. Elle est toujours plus ou moins en grappe. En général, les œufs, au fur et à mesure qu'ils se déve- loppent, s'entassent les uns sur les autres et forment un amas plus ou moins saillant. Les plus superficiels se détachent et d’autres les remplacent. Si donc les cellules tapissant les vaisseaux donnent naïs- sance aux œufs, pourquoi celte propriété se manifeste-t-elle seule- ment sur des parties limitées de l'appareil vasculaire, tandis que, sur le reste de cet appareil, il n'existe rien de semblable ? Les faits que j'ayance me paraissent bien évidents, et il m'est impossible de partager les opinions des naturalistes cités plus haut. En résumé, chez la Clyménie étudiée, il y a dans le voisinage de chaque poche rénale une glande génitale, qui avait échappé jusqu'ici aux observateurs et dont je crois avoir suffisamment prouvé l'exis- tence. Les œufs ont souvent une double tache germinative. Les œufs mûrs offrent un arrangement remarquable dans leurs granulations vitellines, Il y en a de toutes petites et de grosses. Celles-ci occupent presque les trois quarts du volume de l'œuf, et à la imite se trouve la vésicule germinative avec sa tache. Ces granulations, et surtout la vésicule germinative, se colorent fortement par le carmin (fig. 13). Ce fait avait déjà été signalé par M. de Quairefages. On trouve encore, dans les parois du corps de la Clyrnénie, un parasite enkysté, C’est un trématode à crochets, CHAPITRE VIT. FAMILLE DES PECTINAIRES. (PI. XX VIE, fig. 14-19.) À Roscoff, dans un dragage, on m'a rapporté des fragments de tube du Pectinaria belgica. Plus tard, par un heureux hasard, on PE. | LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 339 découvrit deux individus entiers dans le sable de Pen-ar-Vill (plage de Roscoff). J'ai pu faire quelques observations sur l’une de ces Pectinaires. Si je n'ai pu faire d'observations précises sur les glandes génitales, il n’en est pas de même pour les corps de Bojanus et les organes seg- mentaires, et je vais exposer rapidement ce que j'ai yu. Au mois d'août 1879, nous avons cherché en vain à retrouver des Pectinaires, de sorte que mes observations sur ce genre restent mcomplètes. ORGANES DE L'EXCRÉTION ET DE LA RÉPRODUCTION. Pectinaria belgica est d'une grande transparence, et pourtant je n'ai pas vu les organes segmentaires à travers les parois du corps. Je me demande comment on a pu voir ces organes si délicats, si transparents, chez des Annélides à parois bien plus opaques comme les Néréides, etc. S 1. Corps de Bojanus. L'ensemble de l’organisation des Pectinaires se rapproche beau- coup de celui des Térébelles. Il y a trois paires de poches glandulaires. La première (ec, fig. 44), très grosse, ne communique qu'avec l'extérieur. Les deux autres pré- sentent sur leur extrémité antérieure l'embouchure des organes segmentaires (0, fig. 14 et 15). Les pores externes correspondants se trouvent sur la face postérieure des rames inférieures (p, fig.16). Leur structure et leurs rapports sont les mêmes que d'ordinaire, et il n'y a pas lieu d’insister. Les cellules qui constituent les parois des corps de Bojanus ont des granulations qui se colorent fortement par le carmin ; et celles-ci remplissent ie champ de l'observation, après que les parois cellulaires ont éclaté. $S 2. Organes segmentarres. Il y en a deux paires, attachées aux deux dernières paires d’or- ganes rénaux. Le cornet, représenté parle corps de ces organes, est assez long (fig. 15) et se fixe par son sommet aux poches sous- jacentes. La lèvre supérieure du pavillon est très frangée (fig. 18), l'nférieure à peine festonnée (fig. 19). Les vaisseaux sanguins, qui 340 L.-C. COSMOVICI. traversent la base de la lèvre supérieure, proviennent du vaisseau sus-nervien, après quoi ils débouchent dans le-vaisseau latéral cor- respondant. Nous voyons partout le même plan d'organisation ; seulement l'origine des vaisseaux sanguins varie. Les franges ciliées du pavillon, sur l'animal vivant, sont d’un rouge-carmin très vif. En effet, le vaisseau segmentaire envoie des prolongements en cul-de- sac dans chacune des franges (fig. 18), et c’est ainsi qu'il leur com- munique sa couleur. Le courant ciliaire est des plus vifs, toujours dirigé vers le sommet de l'organe où se trouve la communication avec la poche rénale. La direction des organes segmentaires est un peu spéciale à ce genre. L'ouverture regarde l'extrémité postérieure de l'animal, ce qui me fait croire que les glandes génitales sn situées dans cette dernière région. S 3. Glandes génitales. Dans la région moyenne du corps et se prolongeant plus ou moins en arrière, se trouve de chaque côté de la chaîne nerveuse un amas glandulaire gris blanchâtre (g). Je n'ai pu faire d'observations pré- cises pour savoir si cette glande sert à la production des œufs et des spermatozoïdes ou si, comme chez la Terebella gigantea, tout autour du vaisseau sus-nervien se trouve la glande génitale ; cet amas sous- jacent, lui formant comme un coussin, sert peut-être à une autre fonction que je ne puis concevoir. Il reste là un point d'interroga- tion, qui ne pourra s’élucider que par une étude nouvelle de la Pec- tinaire. En tout cas, je suis convaincu qu'il doit y avoir une glande ayant une position fixe. Claparède figure, chez Pectinaria napolitana, un organe segmen- taire. La physionomie de cet organe rappelle l’ensemble des deux parties étudiées par nous. « Gomme structure, dit-il, il se rapproche des organes excrémentitiels (glande salivaire des auteurs) des Phéru- siens et en est l’'homologue. CHAPITRE VIIL. FAMILLE DES HERMELLES. (PI. XXVIL, fig. 8-7.) Au retour d’une excursion faite sous la direction de M. H. de Lacaze- Duthiers aux environs de Brest, on me rapporta à Roscoff, où Je tra- LES ANNEÉLIDES POLYCHÈTES. 341 vaillais au mois d'août 1879, plusieurs gâteaux de tubes d'Her- melles. Les individus qui s'y trouvaient se rapprochaient bien plus d'Aermella crassissima que d’Hermella alveolata. Quoique M. de Quatre- fages ait fait des études très étendues sur la dernière espèce, j'ai essayé de vérifier ses observations. Du reste, il me semble qu'il n’a pas décrit l'organe segmentaire. Mes observations ne sont point complètes, car la plupart des Hermelles apportées étaient presque mortes. Le temps employé pour chercher les organes segmentaires étant assez long, les animaux périrent et il me fut impossible de continuer mes recherches. Je répète que, pour bien voir les organes segmentaires, il faut disséquer les animaux vivants: le courant ciliaire si vif de ces organes attire l'attention ; une fois averti, on cherche avec précaution, en employant les réactifs, et on arrive ainsi à les connaître d'une manière parfaite. ORGANES DE L'EXCRÉTION ET GLANDES GÉNITALES, > ! Je n'ai rien à dire sur les corps de Bojanus, que je n'ai pas vus. Peut-être autour de l’œsophage y en a-t-il des représentants, comme chez les Serpuliens (Sabelles, Myxicoles). Il n’en est pas de même pour les organes segmentaires. Organes segmentatres. Les Hermelles se rapprochent beaucoup des Serpuliens. Les anneaux présentent des parties similaires, et, comme chez ces der- niers, les organes segmentaires se trouvent par paire dans la plus grande partie des anneaux du corps. Il faut employer les dissections et les coupes. Sur la figure 5, contre le dissépiment qui sépare l’an- neau coupé de celui qui le précède, on voit l'organe segmentaire (0). L'ouverture, assez évasée, se trouve au voisinage du tube digestif. Le tube qui suit le pavillon, toujours appuyé contre le diaphragme et reposant sur le muscle inférieur, se porte dans la cavité pédieuse correspondante, s’accole à la face postérieure de la rame dorsale et débouche par le pore(p). M. de Quatrefages dit avoir vu ce pore situé entre la branchie et la ligne médiane du dos. Comme lui, j'ai assisté à la ponte. Des Hermelles mâles et femelles, placées sous le microscope, dans des verres de montre, m'ont permis de voir avec précision le pore par où ces produits s'échappaient. La figure 6 est 342 L.-C. COSMOVICI. un dessin pris sur nature. Le pore est en arrière de la rame dor- salée. Les œufs étaiént entraînés vers le dos de l’äñimal par lé cou- rant ciliäire des bränchies. Peut-être chez l'A. alveoläta 16 pore est-il ailleurs ou peut-être doit-on lire, au lieu de ligne veñtralé, ligne dorsale. Les glandes génitales se trouvent pär paires contre les diäphräg- mes, en face des organes segmentaires toujours attachés aux vais- seaux inférieurs. De sorte que dans chaque anneatü, sur le dia- phragme limitant en avant la cavité annulaire, se trouvent les organes segmentaires, et sur le diaphragme postériéur les glandes: Nous verrons la même chose chez beaucoup d’Errants. Versant sur des œufs l’eau qui contenait dés spermatozoïdes, j'ai vu au bout d'un certain temps la membrané vitelliñe se gonfler, se boursoufler, et les spermatozoïdes se heurtaient par groupes contre cette masse amorphe. Mais je n'ai vu ni la fécondation ni la seg- mentation. Quoique mes observations soient bien limitées, elles me parais- sent intéressantes, surtout à l'appui de mes vues, car élles établissent uné distinction éntre les organes segmentairés et lés poches glandu- leuses. DEUXIÈME PARTIE. ANNÉLIDES ERRANTS. D'après la classification de M. de Quatrefages, il y à onze familles d’Annélides sédéntaires. Après avoir examiné un type de chacuñe de ces familles, j'ai limité més observations à quatre familles des Er- rants. La plupart des travaux, et entre autres ceux de Claparède ét Eblers, traitent surtout des Errañts ; voilà pourquoi Mon attention a été portée surtout vérs les Sédéntaires. Dans le résurné donné à la fin de ce travail, nous rapportérons les descriptions des organes ségmen- taires ét génitaux donnéés par les différents savants, pour constater l'état de la science en cette matière. | A Roscoff, les Errants sont assez bien représentés, et parmi les différents types j'ai choisi : Famille dés Aphroditiens : #erinione fallax et Sthenélais Ed- war dsté ; Famille des Cirrhatuliens : Crhalulus filiformes ; Famille des Néréidiens : Nereis bilineata : LES ANNÉLIDES POLYCHÈTES. 343 Famille des Euñiciens : Marphysa sanquinea. Comme il y a une forme typique unique pour les organes que nous étudions chez ces divers Annélides, nous ne ferons point de chapitres à part, comme cela à été fait pour les Sédentaires, mais tous seront étudiés à la fois. FAMILLES DES APHRODITIENS, CIRRHATULIENS, NÉRÉIDIENS, EUNICIENS. (PI. XX VIII, fig: 1-15.) ARTICLE 4. — ORGANISATION. Dans le mémoire de M. de Quatrefages, comme l'a dit Claparède lui-même :, la description de l'organisation des Annélides est faite avec un art digne du grand savant. Je me propose ici de rappeler seulement certains faits ayant trait à la cavité du corps, pour bien faire saisir ensuite la disposition des organes segmentaires et des glandes génitales. Les Errants ont le corps composé d’une multitude d'anneaux similaires. Pourtant on arrive facilement à distinguer trois régions. Le plus important est de savoir que ces animaux, ou du moins la plupart d’entre eux, ont une trompe; or, les anneaux de toute la région proboscidienne sont différents de ceux du reste du corps. Ce n’est pas à l'extérieur que cette dissemblance existe, mais à l’intérieur, car ils sont dépourvus d'organes segmentaires. Cela se conçoit, la trompe, étant exsertile, a besoin d'être largement logée, condition peu favorable à l'existence des organes segmen- taires qui sont si délicats. Pour s'en convaincre, et je le dis tout de suite, il faut choisir la Marphyse comme sujet d'étude. En l'observant, on est frappé de deux faits : lorsqu'on l’excite ou qu'on la cherche dans la vase, on voit qu'elle se brise, à chaque mouve- ment, se partageant en un certain nombre de segments. Cette ségmen- tation, caractéristique des Errants, se produit toujours de l'extrémité caudale vers l'extrémité céphalique. Mais le segment dont la tête fait partie est toujours le plus long et ne se divise plus. Pourquoi? Parce qu'il renferme la trompe et pas autre chose. Ouvrons maënte- nant les segments du reste du Corps, nous verrons, avec une netteté parfaite, les organes segmentaires et les glandes génitales (fig. 7). 1 Introduction (Mém de physique et hist. naturelle de Genève, 1868. t. IX). 344 L.-C. COSMOVICI. Il semble que l’animal, en se segmentant ainsi, sépare de son corps les parties qui portent les fruits de la progéniture avec l'espoir de les mettre à l'abri. La cavité du corps n’est point unique, mais séparée par des dia- phragmes en autant de compartiments qu'il y a d’anneaux (fig. 11). L'intestin, en traversant chaque diaphragme, est étranglé. Cette séparation n’a pas lieu dans la région du corps renfermant la trompe, car cela serait incompatible avec la fonction de cet organe. La connaissance des diaphragmes est de toute nécessité, comme nous le verrons dans les études suivantes. ARTICLE 2. — ORGANES SEGMENTAIRES. * D’après l'historique des travaux traitant des Annélides, nous voyons que c’est surtout Clarapède et M. Ehlers qui se sont occupés le plus des glandes génitales et des organes segmentaires. Le premier, à plusieurs reprises et dans des mémoires de grande valeur, a com- muniqué ses recherches autant sur les Annélides sédentaires ! que sur les £rrants”. Ehlers, d’après les deux volumes que j'ai trouvés à la bibliothèque du Muséum, les seuls qui paraissent avoir été publiés, donne la description de ces organes chez un certain nombre d'Annélides errants. Bientôt nous mentionnerons les genres et les espèces chez lesquels les organes segmentaires ont été indiqués. L'important est de savoir comment ces organes ont été vus. Il semble que c’est par transparence, et alors je me demande com- ment, pendant trois ans de manipulations, jamais il ne m'a été donné de voir un organe segmentaire à travers les tissus du corps. D’après les figures de la planche XX VII, on voit clairement que c’est à l’aide de dissections que je suis arrivé à reconnaître ces organes sur place. Il me sera permis d'indiquer la manière dont je m'y suis pris pour arriver à ces résultats. Je fixe des fragments tout vivants d’Annélides dans de petites cuvettes à fond de liège noirei et sous l’eau de mer. La préparation éclairée, je la dissèque sous la loupe. Une fois la cavité du corps ouverte, après l’avoir nettoyée à l’aide (Japarède, Structure des Ann. sédentaires et Mémoires de physique et hist. natu- relle de Genève, t. XX. ? Claparède, Annélides chélopodes de Naples (Mém. Soc. »hys. et hist. naturelle de Genève, t. XIX, 1868). Idem, Beohachtung über Anatomie und Entwickelung verte par le dos. Le tube digestif ({) supporte le vaisseau dorsal très gonflé et pigmenté (vw); les diaphragmes sont couverts de cellules jaunà- tres ; les glandes génitales (g) sont attachées aux vaisseaux sanguins qui suivent le bord inférieur des diaphragmes. Diaphragme du Cirrhatulus grossi. g, glande génitale ; /, tube digestif; v, vaisseau dorsal ; v’ vaisseau sous-intestinal ; »” branche postérieure du vaisseau sanguin latéral et inférieur. Culs-de-sac de l'ovaire, grossi 360 fois. Anneau du Nereis bilineata ouvert par le dos. a, artère latérale et dorsale; a’, artère latérale et inférieure; d, diaphragmes ; g, glande génitale ; v, Vaisseau ventral; v’, vaisseau dorsal. OEufs mêlés à des cellules épithéliales des diaphragmes et des nucléus périvasculaires, trouvés dans la chambre viscérale des Néréis. MÉMOIRE SUR L'ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE BATRACOBDELLA LATASTII (C. Vic.) PAR LE DOCTEUR CAMILLE VIGUIER Professeur de zoologie à Alger. La PBatracobdella Latastii est une Hirudinée fort petite, comme on en peut juger par notre figure 1, quila représente de grandeur natu- relle. Je n’en ai pas trouvé d'individus qui eussent plus de 8 milli- mètres de longueur ; mais peut-être n'étaient-ils pas encore arrivés au terme de leur croissance, quoique les organes génitaux fussent déjà bien développés. Les sujets dont j'ai pu disposer avaient été remis à M. le professeur Ed. Perrier par M. F. Lataste, répétiteur à l'Ecole pratique des Hautes Etudes. Ces petites Sangsues étaient arrivées d'Algérie sur des Désco- glossus pictus et avaient envahi, paraît-il, les cages de Batraciens de M. Lataste. On prit malheureusement cette Annélide pour espèce connue, la Glossiphonia algira, avec laquelle elle présente une certaine ressemblance, et qui vit également sur les Batraciens ; aussi, tout fut-il détruit, sauf les quelques individus remis à M. Perrier. En voulant vérifier quelques points de l’histologie des Clepsines, je ne tardai pas à reconnaître que ce n’en était pas une; mais qu'il s'agissait 1à d'un type nouveau. Comme il existe déjà beaucoup d’'Hirudinées dont le nom se ter- mine en bdelle, et indique en même temps l'habitat de l'animal, j'ai appelé PBatracobdelle ce parasite des Batraciens, et je l'ai dédié à M. Lataste, de qui je tenais les sujets. | Comme la Glossiphonia algira, la Batracobdelle présente deux yeux seulement, très rapprochés, et de forme irrégulièrement quadrangu- laire. Le corps, très aplati en dessous, est de largeur à peu près régulière, etimoins atténué en avant que chez l’autre espèce. Il porte, sur le vingt-unième anneau, la verge très peu développée, et réduite, comme celle des Glossiphonia, à un simple bouton ; l'orifice femelle se 374 CAMILLE VIGUIER. trouve entre le vingt-troisième et le vingt-quatrième anneau. Le corps entier contient de soixante-cinq à soixante-dix anneaux, assez distincts, sauf vers la tête et vers l'extrémité postérieure du corps. La ventouse postérieure est proportionnellement plus large que chez les Glossiphonies. Il n'existe pas de glande dorsale ; enfin, les dimensions de l’animal sont de 7 à 8 millimètres sur {ou 1,5, au lieu de 17 à 18 millimètres et même 23 ou 24, sur 3 à 5. La couleur de la Batracobdelle est plutôt verte que brune, du moins sur la plupart des sujets, et l’opacité du corps est presque absolue. On ne distingue, par transparence, qu'un point noir situé au niveau des orifices géni- taux, et qui n'est autre que le renflement hépatique dont je parlerai plus loin. Il m'a paru utile d'indiquer, tout d'abord, les caractères extérieurs qui distinguent cet animal de la Glossiphonie algérienne, avec la- quelle il pourait être confondu ; mais nous verrons que l'étude ana- tomique nous indiquera des différences bien plus grandes. J'ai conservé pendant quelque temps plusieurs Batracobdeélles, qui m'ont paru assez peu délicates. Je ne les ai jamais vuëés sé rouler en boule Comme les Clepsinés; elles se contractent plutôt commé les Sangsues médicinales. Elles ne sortaient pas de l’eau, mais $e te- naient d'ordinaire tout près de la surface du liquide, et abritées de là lumière par l'étiquette du flacon. Souvent aussi, on les voyait fixées par leur ventouse postérieure et agitant leur corps d'un mouvement ondulatoire, comme les Néphélis ou la Glossiphonie marginée ; mais elles pouvaient aussi rester fort longtemps immobiles comme la Glossiphonie sexoculée. La trompe ne sortait jamais. Il est presque absolument impossible, tout d'abord, de rien voir par transparence ; mais j'ai cependant observé qu'un animal laissé long- temps dans la glycérine, et comprimé, permet d'apercevoir quelques traits de son organisation. Ce qu’on distingue le plus aisément, après le renflement hépatique, ce sont les douze testicules et la masse des épididymes, et les poches gastriques quand l'animal est gorgé. Il est nécessaire, pour étudier l'anatomie en détail, d'en venir à une dissec- tion, assez difficile, vu les dimensions du sujet. C’est ainsi qu'ont été obtenues presque toutes les pièces d’après lesquelles ont été faits mes dessins. J'ai employé aussi la macération dans l'acide azotique dilué au cinquième, que conseille Baudelot pour l'étude de la chaîne nerveuse. Ce procédé a l'inconvénient de racornir les éléments et de raccourcir les connectifs, de facon à rapprocher les ganglions d'une ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE. 375 façon tout à fait anormale ; mais il est très commode pour isoler le vaisseau cardiaque qu'il serait, sans cela, assez difficile de dégager. Enfin, pour le durcissement des pièces destinées aux coupes, j'ai em- ployé tantôt l'acide chromique, tantôt l'acide osmique. Je ne donnerai point ici de figures relatives à l'enveloppe générale du corps, sauf toutefois quelques cellules pigmentaires (fig. 10, pl. XXX|. Les muscles superficiels m'ont paru se rapporter tout à fait à ce que Budgé à décrit dans son mémoire sur la Glossiphonie binoculée *, et je ne pouvais point multiplier outre mesure le nombre de mes dessins. Les ouvrages qui m'ont le plus servi, comme termes de compa- raison, sont ce mémoire de Budge et celui de Baudelot sur le sys- tème nerveux des Clepsines. L’excellent ouvrage de Moquin-Tandon reste, pour ce qui se rapporte à l'anatomie des Glossiphonies, bien en arrière de ces deux travaux; et plusieurs de ses figures, comme celles de l'appareil circulatoire et du système nerveux de la Glossi- phonie Sexoculée, sont absolument inexactes. APPAREIL DIGESTIF. Le tube digestif s'étend presque en ligne droite d'une extrémité à l’autre du corps, comme on le voit sur la figure 2 (pl. I). La bouche, qui, suivant qu'on la considère à divers moments, peut paraître comme une simple ligne ou comme un entonnoir profond se continuant avec la cupule formée par la ventouse antérieure, prend ordinaire- ment la forme indiquée sur la figure, lorsque l'animal est au repos, et fixé seulement par sa ventouse postérieure. On remarque alors quatre plis sur la lèvre antérieure et sept sur la lèvre postérieure. En arrière de la bouche s'étend un tube, à parois excessivement délicates, au- quel on peut à peine donner le nom d'œsophage: &s, fig. 3(pl.XXIX). En réalité, ce n'est que la gaine dans laquelle se meut la trompe. Celle-ci, que l’on voit en place sur la figure 2 ex isolée sur la figure 3 (pl. XXIX), parait intimement soudée avec sa gaine, dans son tiers postérieur. Les muscles protracteurs sont des faisceaux grêles (fig. 2 et 3, m) qui s'insèrent d'une part à la partie de la trompe qui est soudée avec la gaine, de l’autre à l'enveloppe générale du corps, près de la bouche. 1.7. Buocr, Clepsina bioculata. — Verhandlungen des naturhistorichen Vereines der Preussischen Rheiniande und Westphalens. 1819, Bd. VI, 3. 376 CAMILLE VIGUÜIER. Ces muscles sont extérieurs à la gaine. Les muscles rétracteurs (7) sont encore plus grêles et s'insèrent tout à fait à la base de la trompe. Is vont, sans doute, aussi se rattacher à l'enveloppe générale, mais je n'ai pu les suivre jusque-là. Ils sont peut-être aidés dans leur action par les fibres longitudinales de l’œsophage proprement dit, c’est- à-dire de la partie postérieure à la trompe, bien que ces fibres soient relativem entpeu importantes. | La trompe n'est point crénelée à son bord antérieur, comme on le voit sur les figures de Budge et de Moquin-Tandon, pour celle de la Clepsine. Elle augmente régulièrement ‘de volume d'avant en ar- rière (fig. 3) et ne forme pas de bulbe distinct. Si l'on examine la coupe transversale (fig. 4) qui a porté sur la partie antérieure de l'organe, on verra que sa cavité a la forme d’une fente à trois branches. Cette fente est limitée par une couche membraneuse très mince, en dehors de laquelle les trois coins qui déterminent la forme de la fente sont comblés par une sorte de tissu un peu spon- gieux dans lequel on distingue cependant des fibres rayonnantes. Autour de cette partie centrale vient une couche de fibres muscu- laires annulaires, que l'on voit aussi par transparence sur la figure 3 (m, a, fig. 3 et 4). En dehors de cette couche, en vient une de fibres musculaires longitudinales, mêlées de quelques fibres annulaires, au milieu desquelles on distingue de gros filets nerveux longitudi- naux (/f,n), très apparents sur la figure 4, la préparation ayant été for- tement colorée, et formant une sorte de plexus, visible sur la figure 3. Ce plexus nerveux avait été déjà figuré par Budge pour la trompe des Clepsines, ainsi que les grosses cellules nerveuses (e,n, fig. 3) qui sont enrapportavec lui à la base de la trompe. La figure de Budge, toutefois, ne représente que l'organe ouvert longitudinalement, Enfin la couche externe, marquée &æs sur la figure 4, représente la section de la partie libre de la gaine de la trompe, ou portion antérieure de l’æsophage. L'œsophage proprementdit(æs, fig. 2, pl. XXIX)commenceenarrière de la trompe à laquelle il fait suite, et se prolonge, en décrivant quelques sinuosités, jusqu'au niveau du sixième ganglion de la chaine nerveuse. [ne décrit pas de boucle complète, comme chez la Clepsine d'après Budge. Sa lumière est circulaire et non plus étoilée comme celle de la trompe. Ses parois sont composées de fibres mus- culaires longitudinales et annulaires. Ces dernières sont de beau- coup les plus importantes, comme on le voit sur la figure 5 (æs), et souvent le calibre de l'œsophage est irrégulier par suite de la con- ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE. 371 traction de quelques-unes de ces fibres. Les rapports de la portion antérieure du tube digestif sont : avec le collier nerveux qu'il tra- verse (c), la chaîne nerveuse qui suit sa face inférieure, et l'extrémité antérieure du vaisseau dorsal qui longe sa face supérieure. De chaque côté, se trouvent massées les glandes salivaires (gs, fig. 2), dont la figure 7 (pl. XXIX) montre quelques-unes isolées, et qui versent leurs produits dans l'æsophage par des canaux excessivement fins. Au ni- veau du cinquième ganglion de la chaine nerveuse, l'œsophage passe au-dessus de la grosse poche formée par la réunion des deux épidi- dymes. Au niveau du sixième ganglion, il se dilate en un renflement pyriforme, à grosse extrémité tournée en arrière (4, fig. 2), que l'on voit isolé et plus fortement grossi sur la figure 5. Ce renflement pré- sente un aspect müûüriforme, et les cellules qui le couvrent ont une couleur jaune sombre, ou même tout à fait brune. Aussi le voit-on très nettement comme un point noir, lorsqu'on regarde par transpa- rence l'animal vivant. En menant une coupe transversale par ce renflement, on voit qu'il est légèrement aplati latéralement (fig. 6, pl. XXIX, et fig. 8, pl. XXX) et que sa cavité est limitée par une couche mince de tissu conjonctif, en dehors de laquelle vient une assise de grandes cellules à contenu clair et à noyau brillant. C'est en dehors de celles-ci, que sont disposées, sans ordre apparent, les cel- lules beaucoup plus petites et à contenu brun, qui donnent au renflement son aspect müriforme. Immédiatement en arrière de cette partie, au niveau du septième ganglion de la chaine nerveuse, se trouve la première paire de cæcums ou poches gastriques, qui passe en avant de la première paire de testicules. Six autres paires de poches viennent ensuite au niveau des six ganglions suivants et les cinq premières s'insinuent dans l’espace que laissent entre eux les testicules. Ces poches sont assez étroites et, le plus souvent, divisées en deux cornes à leur sommet (fig. 2, pl. XXIX, cæ) ; on voit, sur la figure 9 (pl. XXX), la section cæ d'une de ces cornes. Le tissu de ces poches est spon- gieux et contient peut-être des éléments glandulaires très fins ; mais on n'y voit pas de cellules distinctes, tandis qu'il y en a, au contraire, de très visibles sur la portion médiane du tube digestif, entre les poches. Ces cellules (c.k', fig. 5, pl. XXIX) sont du reste beaucoup plus petites que celles du gros renflement; mais présentent à peu près les mêmes caractères. La coupe (fig. 9, pl. XXIX) montre, en z, la section de la portion axile du canal alimentaire. En arrière des sept premières 3TR CAMILLE VIGUIER. paires de poches, et là où la cavité du corps n'est plus occupée par les testicules, viennent quatre paires de grandes poches simples, les deux premières légèrement dirigées en avant, la troisième à peu près transversale, et la quatrième tournée en arrière. L'extrémité du tube digestif se compose d'un intestin, d'abord légèrement renflé, et décrivant une anse très courte dirigée à gauche, puis s'étendant en ligne droite jusqu à l'anus, qui est fort petit. L'extrémité de la masse ganglionnaire qui termine la chaine correspond à l’anus; les quatre ganglions rapprochés, à la portion rectiligne de l'intes- Lin (fig. 2, pl. XXIX). Le mécanisme de la déglutition chez les Sangsues est loin d’avoir été élucidé Jusqu'ici; mais, chez la Batracobdelle, je crois que les contractions successives, et se propageant d'avant en arrière, des fibres annulaires de l'œsophage suffisent à expliquer le mouvement imprimé aux liquides ingérés. Sans doute aussi, les fibres annulaires de la trompe doivent concourir à cette action. Je n'ai rien à dire de particulier sur les glandes salivaires, qui sont remarquablement semblables à ce que Budge à figuré chez la Clepsine. Quant au tissu hépatique, on n'en Connaissait pas encore de localisation distincte chez les Hirudinées. On avait bien remarqué, sur les parois de l'estomac, une couche de tissu utriculaire qui pa- raissait être un organe hépatique ‘; c'est ce que quelques auteurs ont appelé la {unique villeuse de l'estomac. Mais la nature de ce tissu a été contestée, entre autres par Leydig?, qui veut n'Y voir que des tissus graisseux. Je crois qu'il ne saurait y avoir de doute chez la Batracobdelle, et que l’on doit considérer comme un appareil hé- patique le gros renflement mûriforme, interposé entre l’œsophage et le commencement des poches gastriques. Les petites cellules qui sont accolées à la portion axile du tube digestif, entre les poches, sont sans doute aussi de nature hépatique. Il est probable que la di- gestion est assez rapide chez ces animaux. En effet, ceux qui m'ont été remis, avaient été recueillis sur des Piscoglossus qu'ils venaient sans doute de piquer. Or, le sang de ces Batraciens est assez facile à voir dans les poches, et sur les Annélides que j'ai sacrifiés je n’en ai ! Carus, Traité d'anatgmie comparée; t. IL, p. 253. — BLAINVILLE, art. SANGSUES, Dictionnaire des sciences naturelles, 1827, t. XLVII, p.214. — C. B. Jones, On the Structure of the Liver. Phil. Transact, 1849, p. 202. — Moquin-TANDON, 0p. cté., p. 109. 2 LevniG, Lehrbuch der Histologie des Menschen und der Thiere, p. 366. ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE. 379 trouvé qu'une seule qui en contint, encore était-il en grande partie digéré. ORGANES GÉNITAUX. Les organes génitaux de la Batracobdelle ne rappellent ceux de la Clepsine que par la situation des orifices mâle et femelle, et la forme de la verge. Pour tout le reste, ils se rapprochent plutôt de cé qu'on voit chez les Pontobdelles, bien qu'avec des différences im- portantes. Douze testicules de dimensions relativement très considérables sont disposés en séries régulières dans le tiers moyen du corps (fig. 2, pl. XXIX). Leur forme est à peu près sphérique ; on distingue une vague lobulation de leur masse (6, fig. 9, pl. XXX). Leur surface est comme villeuse. Une des villosités, examinée à un fort grossissement (fig. 5, pl. XXX),se présente comme une masse de cellules claires, sans noyau visible, et de dimensions variables. L'’enveloppe conjonctive du testi- cule se continue directement avec le tube court qui réunit l'organe au Canal déférent. Ce canal déférent, qui reçoit successivement les conduits spermatiques provenant des divers testicules, et cela sans, que son diamètre augmente sensiblement, est un tube grèle légère- ment sinueux, à parois fort délicates. Arrivé au niveau du sixième ganglion de la chaîne nerveuse, il augmente rapidement de dimension, et décrit des circonvolutions assez nombreuses, tandis que ses parois s'épaississent beaucoup et deviennent spongieuses. La figure # (pl. XXX) montre la disposition générale: et l'on voit sur la coupe (fig. 8, pl. XXX, ep) les sections plus où moins obliques de plusieurs anses, qui laissent apercevoir l'épaisseur des parois. J'appellerai épidr- dyme, pour me conformer à l'usage, cette partie dilatée et spongieuse des conduits spermatiques. Les épididymes des deux côtés viennent se réunir sur la ligne médiane, au-dessous de la chaîne nerveuse, entre: le cinquième et le sixième ganglion. C'est de la grosse poche ainsi formée que part la verge réduite à un bouton très court (v, fig. 2, pl. XXX,et fig.#%,pl. XXX). Elle est généralementsituée un peu à gauche de la ligne médiane, et s'ouvre par une fente longitudinale. Il n'y a pas de bourse distincte pour cet organe, du moins n’ai-je pu la décou- vrir. J'ai recherché avec beaucoup de soin les spermatozoïdes ; mais je n'ai pu trouver dans les testicules, dans les épididymes, et au bout de la verge de l'animal mort dans l’eau chaude, que les granulations déjà signalées par divers auteurs et que j'ai figurées (fig. 41, pl. XXX). 380 CAMILLE VIGUIER. Je n'ai pu découvrir aucun filament spermatique. Sans doute les organes génitaux n'étaient-ils point en période d'activité à ce mo- ment, et cela est-il aussi la raison pour laquelle les cellules des vil- losités testiculaires paraissaient parfaitement claires et sans noyau visible. L'orifice génital femelle ou vulve (v’, fig.2, pl. XXIX, et fig. 4, pl. XXX) s'ouvre par deux anneaux en arrière de la verge. C’est une fente trans- versale fort difficile à voir, et donnant dans une petite poche à parois très minces (w), qui est l'utérus. Get utérus est situé immédiatement en arrière du sixième ganglion, au-dessous de la chaîne nerveuse. Ces rapports sont les mêmes que chezles Pontobdelles. Comme chez ces animaux aussi, les deux oviductes partent de la partie antérieure de la poche ; mais ils se replient en arrière, en décrivant parfois une circonvolution complète (0v, fig. 4, pl. XXX) avant d'aboutir aux ovai- res, qui sont de petites masses pyriformes situées sur les côtés du renflement hépatique (0, fig. 4 et 8, pl. XXX). | Les organes génitaux femelles sont d’une étude délicate chez toutes les Hirudinées. Dans la Batracobdelle la présence du renflement hé- patique, situé exactement au-dessus de la matrice, vient ajouter une nouvelle cause de difficulté. La figure 6 représente, plus fortement grossi, un des ovaires de la figure 4. Je n'ai pu distinguer nettement des ovules à son intérieur, ni parvenir à en isoler. Les faibles dimen- sions des ovaires et le nombre restreint d'animaux que j'ai eus à ma disposition, expliqueraient déjà cet insuccès; mais j'ai tout lieu de croire quil n’y avait pas d'ovules bien développés à cette époque. La masse qui occupe la cavité de l'ovaire et que l’en voit sur la coupe (fig. 8, pl. XXX, o), et plus fortement grossie sur la figure 7, présentait une vague lobulation, peut-être due, en partie, à l’action de l'acide chromique employé pour durcir les pièces. Cette masse, fortement colorée par l'acide et très réfringente, est sans doute la glande elle-même; mais pas plus sur les nombreuses coupes que par la dissection fine je n'ai pu arriver à découvrir des ovules distincts. Peut-être les animaux que j'ai eus à ma disposition n'étaient-ils point encore arrivés à l’état adulte. La figure 8 montre la situation respective du renflement hépatique (A), des ovaires (0), de la chaîne nerveuse (n) et du vaisseau dorsal (v, d). On voit aussi plusieurs anses de l'épididyme (ep), qui sont coupées plus ou moins obliquement et reconnaissables à leurs épaisses parois glan- dulaires. ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE. 381 Je ne puis rien dire des œufs, ni du développement embryogé- nique. Les animaux dont J'ai disposé n'étaient, je l’ai dit, peut-être pas adultes; en tous cas, les organes génitaux n'étaient point en période d'activité. APPAREIL CIRCULATOIRE. Si l’appareil digestif et les organes génitaux de la Batracobdelle diffèrent grandement de ceux de la Clepsine, l'appareil circulatoire, au contraire, ressemble beaucoup, du moins pour ce que j'ai pu en découvrir, à ce qu'on trouve figuré dans le mémoire de Budge. «Je n'ai pas besoin de mentionner, dit cet auteur, que plusieurs cen- taines d'observations me furent nécessaires pour arriver à découvrir l’ensemble complet de l'appareil circulatoire *. » Si l’on réfléchit que Budge opérait sur un animal transparent, tandis que la Batracobdelle est presque absolument opaque, et si l'on pense au nombre restreint de sujets dont j'ai pu disposer et à leur petite taille, on excusera, je pense, ce qu'il y a d'incomplet dans ma description. Comme chez les Clepsines, le sang est chez notre type absolument incolore ; il ne faut donc pas compter voir directement les vaisseaux. Leur calibre, d'autre part, interdit complètement l'espoir d'arriver à y introduire la pointe d’une canule. I faut donc avoir recours à des artifices. J'ai essayé, mais sans succès, l'injection à l'acide carbonique en faisant successivement macérer la pièce dans le bicarbonate de potasse et dans l'acide acétique dilué. Sauf le vaisseau cardiaque, qu'il est assez facile d'isoler sur les pièces qui ont macéré dans l'acide azo- tique dilué, je renonçais à rien voir de la circulation, lorsqu'en con- lorant simplement au picrocarminate un animal que j'avais trouvé mort dans son flacon, et déjà légèrement macéré, je découvris une très belle injection des vaisseaux de la tête (fig. 14, pl. XXIX). Poursui- vant cet examen, j'arrivai à voir tout ce qui est figuré en traits pleins sur la figure 8 (pl. XXIX). Les sujets m'ayant manqué pour renouveler cet essai, J'ai cru bon de compléter leschéma de la circulation d’après ce qu'on voit dans le mémoire de Budge. Tout ce qui se trouve en traits pointillés n’est donc figuré là qu'à titre de probabilité, et pour relier entre elles les diverses parties observées. L'appareil vasculaire des Hirudinées se compose, comme on le sait, 1 Loc. cil., p. 89. 382 CAMILLE VIGUIER. de deux systèmes de vaisseaux. J'ai représenté en teinte plus claire, sur les figures 8 et 11,le système des vaisseaux latéraux. J'ai vu dis- tinctement ces vaisseaux sur les côtés du corps, mais leurs anasto- moses (vaisseaux commissuraux inférieurs) m'ont complètement échappé, sans doute à cause du défaut de transparence de l'animal, et ne se trouvent portées sur mes dessins que d’après le mémoire de Budge. L'autre système se compose du vaisseau dorsal et de ses branches, et du vaisseau ventral. Le vaisseau dorsal commence à la partie postérieure du corps, par un léger renflement ampullaire situé au niveau de l’anse œue forme l'intestin. I se prolonge par une partie plus grêle dans toute la longueur correspondant aux grandes poches gastriques, et chacune de ces huit poches est entourée par un vais- seau qui aboutit à ses deux extrémités dans le vaisseau longitudinal. En avant des grandes poches gastriques, commence la portion car- diaque, C'est à ce même niveau qu'elle commence chez la Clepsine ; mais les anses vasculaires dont nous venons de parler n'entourent que les petits cæeums de l'intestin, et non de véritables poches gas- triques. La longueur de la portion cardiaque du vaisseau dorsal cor- respond à peu près, chez la Batracohdelle, à l’espace occupé par les rangées de testicules, On peut voir sur la figure 9 (pl. XXX) la situation de ce vaisseau (v, d) relativement aux autres organes. Cette portion cardiaque se compose d'une série de chambres dont on peut prendre une idée en regardant les figures 9 et 10 (pl. XXIX). Budge a compté quinze de ces chambres chez la Clepsine. J'en ai trouvé quatorze ou quinze chez la Batracobdelle. Les chambres postérieures sont presque sphériques, comme on le voit sur la figure 10, les antérieures sont au contraire fort allongées. F'eurs parois sont assez épaisses et renferment des fibres musculaires longitudinales et annulaires, ces dernières surtout assez apparentes ; mais l'épaisseur principale paraît être due à une sorte de tissu spongieux ou glandulaire. II est en apparence de même nature que les petites masses ou sphères valvulaires (s, v), qui sont situées à l'entrée postérieure de chaque chambre et reliées par un pédieule à leurs parois. Ces valvules pé- donculées ont été découvertes d'abord par Leo chez la Péscicola geo- metra, puis par Budge, chez la Clepsine, enfin par Leydig, chez le Branchellion ‘. On à contesté leur efficacité comme valvules, et on 1 Leo, Ueber einige ausgezeichnele analomische und physiologische Verhällnisse der ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE. 3N3 a voulu y voir surtout des modificateurs du sang. Je me garderai bien de nier cette dernière action, que rend possible leur nature pro- bablement glandulaire, quoiqu'il soit, après tout, assez difficile de la démontrer ; mais je ne vois pas pourquoi on refuserait à ces petites masses le rôle de soupapes sphériques, qu'elles paraissent éminem- ment propres à remplir. ) Ce n'est qu'à son extrémité antérieure que le vaisseau cardiaque émet des branches. Ici se présente une différence, assez importante, avec ce qu'a figuré Budge. Chez la Clepsine, d'après cet auteur, la dernière chambre, c'est-à-dire la plus antérieure, n'émettrait qu'un seul vaisseau par son extrémité antérieure, et les trois chambres si- tuées immédiatement en arrière d'elle en émettraient chacune deux, un de chaque côté. Chez la Batracobdelle, comme le montre la figure 9, trois vaisseaux partent du sommet de la chambre antérieure, et il n'y a que les deux chambres situées en arrière de celle-ci qui en émettent chacune une paire. Les six vaisseaux, après un trajet que je n'ai pu entièrement élucider, viennent former des anses à la partie antérieure du corps, avant de s’aboucher dans le vaisseau ventral. Quant au vaisseau impair, qui n'est que le prolongement du vaisseau dorsal, il se poursuit jusqu'au niveau du collier nerveux et se bifurque là pour envoyer deux anses, qui s’avancent jusqu'en avant des yeux et viennent abouür, à l’origine du vaisseau ventral, dans l'espèce de sac qui entoure le collier œsophagien (fig. 44, pl. XXIX). Chez la Clepsine, la bifurcation du vaisseau dorsal serait re- portée plus en avant, d’après Budge, et les anses vasculaires ne dépas- seraient pas les yeux. Le grand vaisseau ventral, qui accompagne la chaine nerveuse dans toute sa longueur, reçoit successivement les deux branches qui proviennent de la bifurcation du vaisseau dorsal, et les six vaisseaux latéraux provenant des dernières poches car- diaques. Les embouchures de tous ces vaisseaux sont assez rappro- chées, moins pourtant chez la Batracobdelle que chez la Clepsine. Le grand tronc ventral se poursuit, sans donner de branches visibles, jusqu'à l'extrémité postérieure du corps. Arrivé là, il aboutirait di- rectement dans l'arc de jonction des vaisseaux latéraux, tandis qu'il enverrait, d'autre part, une série de branches qui se réuniraient à l'extrémité postérieure du vaisseau dorsal. Je n'ai pu vérifier ces dispo- Piscicola geometra (Müler's Archiv., 1835), — BUDGE, loc, cil, — LEYDIG, Analo- misches über Branchellion und Pontobdella (Zeitschr. f. Wiss. Zool., 1851). 384 CAMILLE VIGUIER. sitions signalées par Budge chez la Clepsine, non plus que les bran- ches anastomotiques entre le vaisseau dorsalet les vaisseaux latéraux. La figure 12 (pl. XXIX) représente isolés quelques globules du sang contenu dans la cavité générale. On peut voir que leurs dimensions sont relativement très considérables. SYSTÈME NERVEUX. Le système nerveux de la Batracobdelle ressemble beaucoup à celui de la Clepsine, non pas tel qu'il est décrit dans l'ouvrage de Budge, qui parait avoir mal vu le collier œsophagien, mais tel qu’on le trouve dans le mémoire plus récent de Baudelot !. Le travail de Baudelot est très bien fait ; bien que l’on puisse reprocher à ses des- sins d'être trop schématisés. C’est ainsi que, dans sa figure 3, il repré- sente Le collier comme tout entier dans le même plan, tandis que sa figure 4 montre bien la position réelle. J'ai cru préférable, sauf une seule modification que j'indiquerai plus loin, de représenter les pièces telles quelles. On a surla figure 2 (pl. XXIX) une vue générale de la chaîne, sauf un ganglion caché par le lambeau de peau qui porte les orifices géni- taux ; mais cette portion se voit sur la figure 4 (pl. XXX). La chaîne ner- veuse se compose de vingt et un ganglions, non compris le collier et la masse terminale postérieure. Au niveau de chaque ganglion, les deux cordons connectifs, parfaitement disuncts dans l'intervalle des ganglions et reliés seulement par leur gaine conjonctive, se réunis- sent dans la moitié de la longueur du ganglion, comme l’a très bien vu Baudelot. Cette disposition semble avoir échappé à Budge, et, du reste, les figures que cet auteur a consacrées au système nerveux sont les plus mauvaises de son travail. Au point où les deux connec- fs se réunissent, viennent s’accoler six grosses vésicules : deux de chaque côté et deux en dessous. La figure 3 (pl. XXX) a été ob- tenue en regardant un ganglion entier et frais, par sa face supérieure, et en mettant au point l’origine des nerfs. De cette façon, les deux vésicules de chaque côté paraissent se confondre entre elles, et les deux vésicules inférieures sont très vaguement indiquées; mais on voit très nettement les racines des nerfs se prolonger dans l'in- 1 Observations sur la structure du système nerveux de la Clepsine (Ann des sciences naturelles, Zool., III, 1865). ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE. 383 térieur de la masse fibreuse. Les nerfs latéraux, deux de chaque côté du ganglion, porteraient, chez la Clepsine, des cellules nerveuses attachées de loin en loin ; disposition que je n'ai pu retrouver chez la Batracobdelle, bien que j'aie réussi à isoler ces nerfs sur une assez grande longueur. Quant aux grosses cellules unipolaires qui rem- plissent les vésicules appendues aux ganglions, elles présentent des différences importantes avec ce qui se voit chez la Clepsine. Leurs dimensions sont variables, mais généralement beaucoup plus grandes, leur disposition est lom d'être aussi régulière ; enfin elles sont en nombre beaucoup moindre pour chaque vésicule. Tous les ganglions se ressemblent et sont à peu près régulièrement espacés comme le montre la figure 2 (pl. XXIX), sauf quatre, fort rapprochés les uns des autres en avant de la masse ganglionnaire terminale. Cette extré- mité de la chaîne a été figurée à part (fig. 2, pl. XXX). Je n'ai pas, du reste, à entrer dans de grands détails, que le mémoire de Baude- lot rend à peu près superflus, ni à insister sur les rapports, que mes figures montrent suffisamment. La masse ganglionnaire terminale n'offre elle-même pas grand’chose à signaler. Il est bien évident qu'elle résulte de la confluence d’un certain nombre de ganglions, moindre cependant que chez la Clepsine. Quant à la grosse masse antérieure, je m'y arrêterai davantage, pour expliquer les dessins que j'en donne. A très peu de distance en avant du premier ganglion normal de la chaine se trouve la masse œsophagienne, qui a, comme on le voit, à peu près la forme d’un triangle dont le sommet tronqué serait tourné en arrière (fig. 1, pl. XXX). Sur les deux angles antérieurs de ce triangle vient se raccorder à peu près à angle droit, une sorte d’anse fibro-nerveuse qui entoure l’æœsophage. Cette anse présente deux portions plus renflées (s, æ) auxquelles on peut donner le nom de ganglions sus-æsophagiens ou cérébroïdes. Chacun de ces ganglions cérébroïdes porte six vésicules, trois en avant et trois en arrière (v, s); la portion de l’anse nerveuse qui les réunit en dessus de l'æœsophage, non plus que celles qui les unissent aux coins du triangle sous-æso- phagien, n'en portent aucune. Sur la figure 1 (pl. XXX), on voit toute celte anse nerveuse se projeter sur l'extrémité antérieure du triangle sous-æsophagien. Celui-ci porte de chaque côté une série de grosses vésicules (v, /), et, en-dessous, d'autres vésicules encore plus grandes, allongées transversalement, et que l’on voit par transparence sur le dessin (v, #). Le nombre de ces vésicules inférieures est de sept chez ARC. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. —e T, vil. 1879 et 1880. 95 386 CAMILLE VIGUIER. la Batracobdelle; la plus antérieure est parfois remplacée, comme on le voit sur la figure 2 (pl. XXIX), par deux vésicules symétriques, une de chaque côté de la ligne médiane. Il y aurait chez la Clepsine, d’après Baudelot, trois paires de vésicules symétriques et deux vésicules im- paires seulement, en arrière ; encore ces dernières ne seraient-elles pas allongées transversalement. En regardant le ganglion par sa face supérieure, tel qu'il est représenté sur la figure 4 (pl. XXX), on voit un certain nombre d'orifices (o), qui marquent le nombre de ganglions fusionnés. Baudelot n’en a compté que trois chez la Clepsine, tandis que j'en ai vu distinctement cinq chez la Batracobdelle ; ce qui est du reste en accord avec le plus grand nombre de vésicules. En menant une coupe par le collier œsophagien (fig. 4, pl. XXIX), on peut juger de la grande épaisseur de la masse sous-æsophagienne (c). La coupe a rencontré une des grandes vésicules transversales (v, à). Quant aux vésicules supérieures (v, s), appendues aux renflements la- téro-supérieurs du collier, ou ganglions cérébroïdes, elles sont en réalité situées sur un plan un peu différent, et ne sont portées sur la figure que pour indiquer leur situation. Si je n'ai pu arriver à constater l'existence de cellules appendues aux branches des nerfs latéraux, j'ai, par contre, fort bien vu celles du plexus nerveux de la trompe (c, n, fig. 3, pl. XXIX) dont ne parle pas Baudelot. Quant au nerf intermédiaire ‘ signalé par Faivre chez la Sangsue, et retrouvé chez la Clepsine par Baudelot, il est très facile de constater son existence chez la Batracobdelle; mais je n'ai pu distinguer les rameaux anas- tomotiques qu'il enverrait aux connectifs, ni savoir au juste ce qu'il devient au niveau des ganglions; c’est la raison pour laquelle il ne figure pas sur mes planches, et je suppose que c’est aussi pour cela que Baudelot ne l’a pas représenté. : Je n'ai pu élucider non plus complètement la structure des yeux. On sait que J. Ranke, qui a étudié assez récemment ceux de la Sangsue médicinale, pense que ce ne sont pas seulement des organes de vision, mais probablement aussi de toucher et de goût; en un mot des organes sensoriels neutres, agissant de diverses manières sui- vant les occasions. Il me semble que chez la Batracobdelle, et sans doute aussi chez les Clepsines, les sens du toucher et du goût doivent plutôt avoir leur siège dans la trompé, munie, comme nous l'avons vu, d'un plexus nerveux très riche et de grosses cellules nerveuses. UE. Faivre, Etude sur l'hislologie comparée du système nerveux, ches quelques ani- maux inférieurs (Ann, des sc, nat., 1857). ORGANISATION DE LA BATRACOBDELLE. 387 L'idée que la trompe des Clepsines peut servir d’organe de tact, avait été, du reste, déjà énoncée par de Filippi. Les yeux de la Batracobdella Latastir ne sont qu'au nombre de deux, et fort rapprochés. Leur forme est irrégulièrement quadrangulaire, comme on le voit sur la figure 41 (pl. XXIX). Je n'ai pu faire d’expé- riences pour constater si ce sont bien là des organes de vision même indistincte. On sait que nombre d'auteurs leur ont refusé cette qualité, bien avant que Ranke en fit des organes servant indifférem- ment à divers sens. Du reste, les expériences de divers auteurs, même celles de Brandt, sont assez peu probantes. Je n'ai pu, les sujets m’ayant manqué, examiner les organes seg- mentaires; et quant à l’embryogénie, je n'ai pas eu l’occasion de l’'observer. Peut-être me sera-t-il donné plus tard de combler ces la- cunes, ainsi que celles qui restent encore dans ma description de l'appareil circulatoire. Nous voyons, en résumé, que la Batracobdelle se range parmi les Hirudinées siphoniennes, et qu’elle ressemble beaucoup aux Glossi- phonies par son appareil vasculaire et son système nerveux. La dispo- sition générale de ses appareils génitaux la rapproche au contraire des Pontobdelles. Quant à l'appareil digestif, la disposition des poches gastriques est complètement différente de ce que l’on voit non seulement chez les Clepsines, mais chez toutes les autres Hiru- dinées. Il faut aussi remarquer cette localisation des cellules hépa- tiques en unrenflement particulier et bien distinct, dont je ne con- nas pas encore d'exemple dans cette classe. On pourrait se demander si l'animal unique qui a servi à Moquin- Tandon à établir son espèce: Glossiphonia algira, ne serait pas une Batracobdelle de grande taille ; rappelons ici que les nôtres n'étaient peut-être pas entièrement développées. Moquin-Tandon décrit dans son espèce, «aprèsle vingt-sixième ou le vingt-septième anneau, un corps arrondi, granuleux, couleur d’ambre, muni d'un petit orifice extérieur ». La position de cette prétendue glande dorsale corres- pondrait beaucoup mieux à celle du renfiement hépatique de la Batracobdelle, qu'à celle de la glande dorsale de la Glossiphonie bi- nocle, qui se trouve au onzième anneau. Dans ce cas, Moquin-Tan- don se serait trompé en croyant voir un orifice extérieur; le renfle- ment fait bien partie de l'appareil digestif, et je l'ai parfaitement isolé par la dissection, avec une partie de l'æsophage et plusieurs paires de poches gastriques. 388 CAMILLE VIGUIER. Moquin-Tandon ne donne pas d'anatomie de cette espèce; mais l'animal qu'il avait reçu étant venu à pondre, il a figuré un des petits (fig. 45, pl. II de son atlas). Or, on peut remarquer que sur ce dessin, représentant au simple trait ce qu'il a pu voir par transpa- rence, la forme du corps est beaucoup plus régulière et la ventouse postérieure proportionnellement beaucoup plus grande ; la position de la prétendue glande dorsale correspond au renflement hépatique, et les poches gastriques répondent beaucoup mieux à ce qu'on voit dans la Batracobdelle qu'à ce qui existe chez les véritables Glossi- phonies. Aussi, bien que j'aie donné, au commencement de ce travail, les caractères extérieurs qui distinguent la Batracobdella Latastii de la Glossiphona algira de Moquin-Tandon, je ne saurais affirmer que la Batracobdelle adulte diffère de cette espèce, qui a du reste les mêmes habitudes et la même patrie. Dans ce cas, le nom de Glossiphonia algira devrait disparaître, car l'examen anatomique démontre qu'il s’agit d'un type entièrement distinct, et le nom définitif de l'animal deviendrait Patracobdella algira ‘. 1 Le travail qui paraît aujourd’hui a été fait dans le laboratoire de M. le profes- seur Ed. Perrier, au Muséum, au mois de mai 1879. Venu ces temps derniers en Algérie, j'ai recherché de nouveaux échantillons de la Batracobdelle. Cette petite Aunélide est fort abondante, et se prend aisément sur les batraciens qui peuplent les mares du Jardin d'essai, près d'Alger. Je n’ai toutefois pas grand’chose à ajouter, pour le moment, à ce mémoire. Les échantillons que j’ai pu recueillir ne dépassent point la taille de 15 millimètres, et les organes génitaux ne sont pas plus faciles à observer. Les testicules sont, au contraire, beaucoup moins volumineux, en général, que chez les échantillons que j'ai examinés à Paris, et les ovaires sont à peu près dans le même état. J’ai, du reste, l'intention de surveiller l’époque de la ponte, pour étudier le développement embryogénique, qui me fournira peut-être les élé- ments d’un second travail, auquel viendrait se joindre naturellement ce que j'aurais appris de nouveau sur l'animal adulte. Fig + EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXIX. L'animal entier, (Grandeur naturelle.) . L'animal est ouvert par la face ventrale: y, les yeux, vus par transpa- rence; b, la bouche; c, collier œsophagien; #r, trompe; m, muscle qui s’y insère ; g,s, glandes salivaires ; æs, œsophage; ep, épididyme ; c, d, canal déférent ; #, testicule ; v, verge ; v’, vulve; u, utérus ; 0, ovaire ; h, renflement hépatique; cæ, cæcum du tube digestif; gn, ganglions de la chaine nerveuse ; gn', grosse masse terminale. (Grossi 21 fois.) . La trompefisolée, vue à travers les parois de l’œsophage, æs: m, un des muscles protracteurs de la trompe ; c, n, grosses cellules nerveuses, en rapport avec le plexus nerveux dont les fibres f, n dessinent des mailles oblongues; m, a, fibres musculaires annulaires, vues par transpa- rence, et dont la position exacte se voit sur la figure 4. (Grossi 70 fois.) . Section transversale de la trompe, de l’œsophage et du collier œsopha- gien: !, lumière du tube digestif, en forme de fente à trois branches; ma, fibres musculaires annulaires; ml, fibres musculaires longitudi- nales, parmi lesquelles se voient les grosses fibresnerveuses /n du plexus ; æs, œsophage ; c, masse du cellier æœsophagien ; v, à, vésicule inférieure ; v,s, vésicules supérieures. Ces dernières sont en réalité sur un plan diffé- rent, on les a figurées pour marquer leur place. (Grossi 140 fois.) Renflement hépatique : æs, œsophage ; h, le renflement ; c, h, cellules bru- nes à contenu trouble; cæ, cæcum de la première paire ; ©, h', petites cellules à contenu jaunäâtre. (Grossi 70 fois.) . Section transversale du renflement hépatique montrant au milieu la lumière du canal, circonscrite par une couche de tissu conjonctif et entourée de grandes cellules claires à noyau brillant, autour desquelles viennent les cellules brunes à contenu trouble. (Grossi 140 fois.) 7. Glandes salivaires. (Grossi 140 fois.) 10. 44. . Figure demi-schématique représentant l’appareil circulatoire. — Les vais- seaux latéraux et leurs anastomoses sont figurés en teinte plus claire. Les traits pointillés sont établis d’après la figure qu’a donnée Budge de l'appareil circulatoire de la Clepsina bioculata. (Grossi 12 fois.) . Extrémité antérieure du vaisseau cardiaque, pour montrer l’origine des vaisseaux : s, v, sphères valvulaires. (Grossi 120 fois.) Quatre poches de la partie postérieure du vaisseau cardiaque; s, v, sphères; valvulaires. (Grossi 120 fois.) Circulation de la tête : y, yeux; vw, !,s, vaisseau longitudinal supérieur, prolongement du vaisseau cardiaque. — Sa bifurcation est à peu près au 390 Fi. 12, CAMILLE VIGUIER. niveau de l'extrémité antérieure du collier œsophagien. — Le système des vaisseaux latéraux est représenté en teinte plus claire. (Grossi 45 fois.) Globules du sang. (Grossi 250 fois.) PLANCHE XXX. Fig. 1. Collier œsophagien, vu en dessus; g,œ, masse ganglionnaire sous-æsopha- ©O 10: Li: gienne ; v, L, vésicules latérales ; v,t, vésicules inférieures, vues par transparence ; 0, orifice ; s, æ, pont de substance nerveuse passant au- dessus de l’æœsophage et présentant de chaque côté un renflement, gan- glion sus-æsophagien, auquel s’attachent les vésicules supérieures v, s; g, premier ganglion normal de la chaîne; g, c, gaine conjonctive. (Grossi 120 fois.) Extrémité postérieure de la chaîne nerveuse avec les nerfs qui en partent, vue par la face inférieure : ç, connectif ; w, vésicules ; n, nerfs; g, c, gaine conjonctive. (Grossi 80 fois.) Dixième ganglion de la chaîne, vu par sa face supérieure, Le ganglion est vu entier, et non comprimé ; la mise au point porte sur les origines des nerfs n; les vésicules latérales du même côté paraissent se confondre ; les vésicules inférieures sont vaguement indiquées: c, connectifs ; c, n, grosses cellules nerveuses ; gc, gaine conjonctive. (Grossi 400 fois.) Rapport des organes génitaux et de la chaîne nerveuse: gn5, cinquième ganglion normal de la chaîne; v, verge; ep, épididyme; €d, canal déférent ; {, testicule de la première paire ; v’, vulve ; u, utérus; ov, ovi- ducte; o, ovaire. (Grossi 40 fois.) . Fragment de la surface du testicule montrant une des masses cellulaires, dans les cellules de laquelle se forment les spermatozoïdes. (Grossi 700 fois.) Ovaire isolé. (Grossi 170 fois.) . Section transversale d'un ovaire. (Grossi 190 fois.) Section transversale du corps, entre le sixième et le septième ganglion nerveux; À, renflement hépatique; 0, ovaire; ep, sections plus ou moins obliques d’anses de l’épididyme; c, d, canal déférent ; v, d, vais- seau dorsal ; #, chaîne nerveuse. (Grossi 40 fois.) . Section légèrement oblique pour montrer la position des testicules : £, tes- ticules ; ©, d, canal déférent ; v, d, vaisseau dorsal ; n, chaîne nerveuse; i, portion médiane du tube digestif; cæ, section d’une corne d’un des cæcums. (Grossi 40 fois.) Corpuscules pigmentaires. (Grossi 140 fois.) Corpuscules extraits des testicules. (Grossi 400 fois.) mars me nc matos dec mie mods DU DÉVELOPPEMENT DE LA LINGULE ET DE LA POSITION ZOOLOGIQUE DES BRACHIOPODES PAR W.-K. BROOKS. Extrait du Chesapeake Zoological Laboratory (Scientific Results of the Session of 1878). Ballimore, 1879, Depuis environ vingt ans on sait que quelques Brachiopodes pas- sent par un état de vie libre. Fritz Müller l’a brièvement décrit et figuré pour un Brachiopode indéterminé de la côte brésilienne, et Mac Crady à donné de mémoire une courte description de la larve de la Lingule. Ces travaux sont fort incomplets. M. Brooks a trouvé la larve de la Lingule en très grande abondance près du fort Woo! à Baltimore, du milieu de juillet au milieu d'août. N'ayant pu qu'assez tard recueillir des individus adultes, il n'a pu suivre les premiers stades du développement embryonnaire. DESCRIPTION GÉNÉRALE DE LA LARVE LIBRE. La larve libre est enfermée entre deux valves orbiculaires et apla- ties qui ne sont pas articulées ensemble, mais libres sur tout leur pourtour (fig. 4, 2 et 3). ; Les organes digestifs, en forme de bouteille, de couleur foncée, occupent le centre de la cavité de la coquille, et sont en contact en haut et en bas avec le tégument qui tapisse les valves. Autour des organes digestifs se trouve la cavité du corps, limitée extérieurement par le tégument. Sur les côtés, derrière et en avant, est une vaste chambre palléale communiquant avec l'extérieur sur toute la circonférence. La bouche s'ouvre au centre d’un lophophore à peu près circu- laire et entouré de tentacules ciliés. Le plan du lophophore n’est pas perpendiculaire au grand axe du corps, mais, au contraire, si incliné sur lui qu'il lui devient presque parallèle. Les extrémités des tenta- cules peuvent être étendues au-delà du bord des valves et former ainsi un appareil locomoteur comparable au vélum d'un Mollusque. 392 W.-K. BROOKS. L'auteur n'a jamais vu le lophophore épanoui au dehors comme Müller l’a figuré. Coquille. Changements de forme de la larve. — Les changements qui conduisent la larve à l'état adulte sont tout à fait graduels. La première larve pêchée le 22 juillet avec un filet à main (fig. 1) était plus large que longue, la partie antérieure était régulièrement con- vexe, tandis que la partie postérieure présentait un bord rectiligne terminé par deux dents. Sur la valve ventrale, c'est-à-dire sur celle qui chez l'adulte est 72 He > ; ‘ Lace HA AT à VE: MAT AD 309 t} NN UT mi K NEC F1G..1. — La plus jeune larve observée, vue par la face dorsale, 250/1. Le corps, en forme d'urne, contenant les organes digestifs, occupe la ligne médiane et le tégument adhère intimement à la surface de l'estomac et du foie, oblitérant complètement la cavité du corps. A son extrémité su- périeure, l'œsophage se recourbe vers la face ventrale et la bouche 0 se voit à travers ses parois transparentes. Le lophophore porte cinq paires de tentacules sur les côtés du tentacule impair et médian d. Postérieur à la bouche, le lophophore est ventral par rapport à l’æœsophage. Au- dessus de la bouche on voit la lèvre e, à travers le lophophore transparent. La chambre palléale est un large espace, f, t,t, sur les côtés et en avant de l'animal. D, bord antérieur; C, bord postérieur ou pédonculaire; a, a, dents cardinales de la valve abo- rale; b, b, dents cardinales de la valve orale; €, plaque semicireulaire de la valve aborale ; d', d', paire de tentacules bueccaux; d?, di, d', dS, ete., tentacules numérotés suivant leur ordre d'apparition; dr, paire de tentacules la plus nouvelle en voie de développement sur les côtes du ‘entacunle aboral ; f, parois latérales du corps (parietal fonds); g, cavité du corps; h, foie ; t, æso- phage ; k, chambre hépatique de l'estomac (chambre cardiaque des Bryozoaires); /, chambre in- testinale de l’estomac (chambre pylorique des Bryozoaires); m, intestin; #, anus: p, museles qui passent d'une valve à l’autre, de chaque côté de l’œsophage; gg, le lophophore. attachée au pédoncule, ce bord postérieur est plus long et ses dents sont par conséquent en dehors de celles de la yalve dorsale. Les valves sont presque plates et leur cavité est fort étroite. L'épais- seur de la larve est si faible que, quand en évoluant dans l’eau elle se présente par la tranche, elle semble disparaître. Les dents dela valve dorsale sont reliées par une ligne délicate for- DÉVELOPPEMENT DE LA LINGULE, 393 mant un arc de cercle dont le bord droit de la valve serait la corde et dont la flèche a, à cet âge, environ le tiers du diamètre antéro- postérieur de l'embryon. Dans le cours du développement ce diamètre antéro-postérieur augmente considérablement et les dimensions relatives de l'arc de cercle se trouvent par suite très réduites. I n'a pas été possible de reconnaître la signification de cette ligne arquée; peut-être pourrait-on la comparer à la plaque mobile trou- vée par Müller dans l'embryon, qu'il a décrite à la même place, mais sur la valve ventrale. Si réellement c’est une plaque portée par le bord de la valve dorsale et faisant saillie en-dedans, elle correspondrait exactement par sa position et ses rapports à l'appareil complexe qui, chez les Brachiopodes articulés, forme la charnière, les jambes et les supports des bras. Organes digestifs. — Dans la larve au premier stade observé et vue €. = fe Fi. 2. — Larve un peu plus âgée, vue par la face ventrale, 250/1. L'intestin m s'ouvre dans la chambre palléale, sur le côté droit. Le tégument est séparé de la surface des organes digestifs par une cavité du corps distincte g. Du côté droit à la partie postérieure du corps, le pédoncule, s, apparait. La bouche ciliée, o, et la lèvre, e, se voient de face au centre du lophophore, qui main- tenant porte huit paires de tentacules de chaque côté. Les autres lettres, comme dans la figure 1. de dos, le tube digestif se présente sous la forme d'un ballon de verre dont le long col représenterait l'œsophage. Les parois en sont épaisses et couvertes intérieurement de cils vi- bratiles. Quand on le regarde de profil, on voit que l'æœsophage se recourbe 394 W.-K. BROOKS. presque à angle droit vers la bouche placée sur la face ventrale du Jlophophore. L'orifice buccal est largement ouvert, cilié comme l’æsophage, et se remplit constamment de particules alimentaires. L’estomac est une poche à parois épaisses, constamment béante et imparfaitement divisée en deux chambres. L'une, la plus rapprochée de la bouche, est la plus grande et ses parois sont remplies de globules huileux d'un jaune foncé et fortement réfringents. Cette cavité contient une masse de nourriture en partie digérée, FiG. 3. — Embryon plus àgé, vu par la face dorsale, La coquille s'est allongée et le bord épaissi du manteau a commencé à développer des soies. Le pédoncule a beaucoup augmenté de lon- gueur. Il s’enroule sous la partie postérieure du test, mais ne fait pas saillie au dehors. La cavité du corps s’est agrandie et sa paroi est bien séparée de la surface des organes digestifs. L'anneau nerveux et les otocystes se voient autour de la partie antérieure de l'estomac. Les tentacules sont au nombre de dix paires et les côtés du lophophore commencent à s’enrouler vers la face dorsale. r, muscle postérieur; ss', pédoncule. Les autres lettres, comme dans la figure 1. qui en occupe toujours le centre, animée d'un mouvement de rota- tion lent et incessant produit par le revêtement ciliaire. Près du fond, les parois sont un peu relevées, de manière à former une ligne saillante dont le bord inférieur deviendra le foie de l'adulte, divisé à cette époque en deux lobes. La partie postérieure de l'estomac est formée par une seconde chambre presque sphérique, à parois épaisses, transparentes, ciliées et sans globules huileux. Cette chambre, qui communique avec DÉVELOPPEMENT DE LA LINGULE. 395 l'intestin, est imparfaitement séparée de la chambre antérieure. L'intestin naît sur la face ventrale de la partie postérieure de l’es- tomac, et passe en avant de lui pour gagner l'anus situé sur le côté droit du corps. Sa cavité ne communique pas tout d'abord avec celle de l'estomac et il est probable qu'il naît de ce vis- | cère sous forme d'un prolongement plein, qui se creuse par la suite et se met en communication tant avec l’es- tomac qu'avec l'extérieur. Le tube digestif ne subit avec l’âge que des modifications de détail, et ses caractères généraux se retrouvent chez l'adulte. Cavité périviscérale. — Autour des organes digestifs se trouve une cavité périviscérale limitée extérieurement par la paroi du corps. Son volume est très restreint dans la larve jeune, plus tard il augmente, mais il est rendu très variable par la contractilité des parois. La cavité est remplie d'un li- quide pourvu de globules mis con- *fure 2, vu par la lacs dorsale, 140/ é un peu déformé par la compression. stamment en mouvement par l’action 2", otocystes. &”, ganglions latéraux de cils vibratiles qui tapissent les pa- RP te tomate n'onfesbae rois extérieures aussi bien que parles RU rs contractions musculaires. Dans l'adulte cette cavité du corps est tout à fait remplie par les muscles et les organes reproducteurs, qui la font complètement dis- paraître. Cependant, comme le prouve l'examen de la larve la plus âgée qui présente les caractères de l'adulte, la disposition de la ca- vité générale est au fond la même que dans la larve. Le sang. — I contient deux sortes de corpuscules. Les uns sont arrondis, transparents, etleur surface se hérisse parfois de petits ma- melons saillants qui disparaissent bientôt pour faire place à d'autres. Les globules de la seconde espèce sont fusiformes, d'une teinte. légèrement violacée, souvent munis à chaque extrémité d'un long . 396 W.-K. BROOKS. flagellum. Ils semblent doués de mouvements propres et indépen- dants de ceux que leur communiquent les cils de la paroi. Ces deux sortes de globules sont à peu près en nombre égal dans le sang, qui doit à leur présence la teinte violette qu'il présente. Manteau et téqument. Sinus palléauxr.-— Le manteau, d'abord trans- parent, s'épaissit de bonne heure sur les bords. Ces bords se cou- vrent de soies d'abord clairsemées, puis plus rapprochées: elles sont semblables à celles de l'adulte, dirigées en dehors, dépassant la coquille, mobiles et caduques. Le manteau est formé de deux feuillets primitivement intimement Fic. 3. — Corps d'une larve de même âge que celle représentée figure 3, vu par la face ventrale. La masse nerveuse ventrale x se voit en avant de l'œsophage. Le tégument est largement sé- paré des organes digestifs et la cavité du corps ciliée est remplie de corpuscules sanguins. Il en est de mème de la cavité du pédoncule. De l'extrémité antérieure et ventrale de la surface du corps, deux longs diverticulums de la cavité du corps en forme de cornes partent, pour pénétrer dans le manteau, de la valve ventrale et forment les sinus palléaux ». Ils sont ciliés, remplis de corpuscules sanguins et communiquañt avec la cavité périviscérale par de larges ouvertures ci- liées et en entonnoir. g, muscles rétracteurs: », muscle (Davidson). unis ; l'un tapisse la surface des valves, l'autre forme la cavité dü corps et la cavité palléale, en se réfléchissant sur les surfaces interne et externe du lophophore. Un peu plus tard (fig. 5), entre les deux feuillets du manteau appa- Auot sème à Ales. M tate Ph dt ‘es 3 ‘ Ë É } ë DÉVELOPPEMENT DE LA LINGULE. 397 aissent sur chaque valve deux diverticulums de la cavité générale, qui finissent par s'insinuer; comme deux cornes creuses, en avant jusque vers le bord antérieur de la valve. Leur extrémité antérieure est pointue, leur extrémité postérieure est au contraire évasée et S. CS f \ À GET , [] É ! À @ j JE 1 Hal LE LA KOAZ IR) LEA à 14 À = SZ AN KQ Di) Z4 4: VA Il gl HNS2 LÉ HX n Se > KSS = CRÉES D PTS ANT NE REY Fi1G. 7. — Jeune Lingule, vue par la face ventrale peu de temps après sa fixation. Le trait placé à droite donne la grandeur réelle. La grandeur relative peut être donnée par la ligne nu, bord de la coquille larvaire. 11 y a maintenant seize tentacules et les bords latéraux du lophophore com- mencent à gagner la surface dorsale. A cet âge, la coquille est trop opaque pour permettre un examen détaillé des organes digestifs, dont le profil seul est indiqué. v, sinus palléaux ; r, muscle postérieur ; w, ouverture des sinus dans la cavité palléale. s'ouvre dans la cavité générale ; enfin leur surface est ciliée et l’on voit circuler dans leur intérieur les globules sanguins; à une époque un peu plus avancée, de chacun de ces quatre diverticulums primi- üfs en naît un autre partant comme un épéron de sa base pour se 398 W.-K. BROOKS. diriger en arrière toujours entre les deux feuillets du manteau vers le bord postérieur de la coquille (fig. 7) Sur cet ensemble de cæcums bourgeonnent alors ces sortes de papilles ou d'ampoules qui constituent les organes respiratoires bien connus de la Lingule adulte. Dans tout ce système, le sang circule li- Fi. 8.— Mème embryon, face dorsale. La valve dorsale B a été déplacée par un mouvement de rotation autour du corps. L'enroulement des bords latéraux du lophophore est bien marqué en 9. brement sous la double impulsion des cils vibratiles et des muscles du manteau, et il n'existe, quoi qu'on en ait dit, ni cœur ni vais- seaux sanguins. Les muscles. — Ts se développent dans l'ordre suivant : DÉVELOPPEMENT DE LA LINGULE. 399 1° Une paire de muscles situés de chaque côté de l'œsophage et allant perpendiculairement d’une valve à l’autre (pp). 2° Un muscle impair également perpendiculaire aux deux surfaces valvaires et situé sur la ligne médiane à la partie postérieure du corps (7). Ces trois muscles ont pour effet, quand ils agissent ensemble, de rapprocher les valves. Quand le muscle postérieur agit seul, il tend à faire bâiller l’ouverture antérieure des valves. 3° Trois paires de muscles situés de chaque côté de l'estomac, se rendant obliquement d’une valve à l’autre et provoquant les mouve- ments de rotation qu'elles effectuent souvent l’une sur l’autre (w, uw}: 4 Une paire de muscles attachés d'une part à l'extrémité posté- rieure de la coquille, de l’autre à l’estomac et servant à faire rentrer Fic. 6. — Mème larve que figure 4, vue par la face dorsale. L'anneau nerveux 4’, les ganglions latéraux æ!! et les otocystes z"/! se voient entre le manteau et le tube digestif; n’, n', muscles rotateurs. le corps de l'animal et le lophophore (y). On peut les appeler muscles rétracteurs. "Système nerveux. — Le système nerveux à un stade déjà un peu 400 W.-K. BROOKS. avancé se compose d'un anneau entourant l’æsophage près de son entrée dans l'estomac. Il porte du côté ventral un ganglion volumineux (x), sur les côtés deux ganglions d'assez petite taille (x”), et du côté dorsal, deux oto- cystes remplies d’otolithes vibrantes (x). Dans l'ordre du dévelop- pement, le ganglion ventral apparaît le premier, on le voit émettre du côté dorsal deux prolongements qui se garnissent bientôt de deux renflements, les deux ganglions latéraux qui correspondent proba- blement aux corps pigmentés de la larve décrite par Fr. Müller. Puis ils continuent leur chemin, se chargent de deux otocystes et enfin se réunissent sur la ligne médiane dorsale (x). Le pédoncule. — Primitivement on n’en voit aucune trace, il appa- De, À Los, F1G. 9. — Extrémité postérieure du corps, face dorsale pour imontrer les relations du pédoncule et de la paroi du corps. Age un peu plus avancé que celui de la figure 1. rait en même temps que le muscle impair postérieur, et un peu sur F1G. 10, — Mème objet. face FiG. il. — Mèm objel au stade représenté ventrale, par la figure 2. Face ventrale. la droite. Son extrémité est dilatée, il s'allonge beaucoup et reste pelotonné à la partie inférieure de la coquille tant que la larve nage. DÉVELOPPEMENT DE LX LINGULE. 401 Il semble être un diverticulum de la cavité du corps, il est com- posé de trois couches, un épithélium interne cilié, une membrane externe et une tunique moyenne musculeuse. Le lophophore et les tentacules. — Le lophophore est à peu près pa- rallèle aux surfaces des coquilles. Il porte au premier àge observé cinq tentacules, dont un postérieur dorsal ; c'est le premier paru. Les nouveaux venus naissent à sa base et repoussent les autres du côté ventral où se trouvent les paires les plus anciennes. Le nombre des tentacules augmentant, les deux cornes ventrales du lophophore, aussi bien que le sommet médian, se retournent du côté dorsal et deviennent les bras enroulés bien connus chez l'adulte. Comme les tentacules des Bryozoaires, les cirrhes ou tentacules de la larve et de l’adulte sont ciliés et non contractiles. DE LA VALEUR DU DÉVELOPPEMENT DE LA LINGULE COMME ARGUMENT POUR LA CLASSIFICATION DES BRACHIOPODES. Il suffit de comparer les écrits des auteurs marquants en zoologie, pour se convaincre qu'il existe une grande diversité d'opinions tou- chant la position qu'il convient d’assigner aux Brachiopodes dans la classification. Tant que l'attention des observateurs s'est portée avant tout sur la coquille, il a semblé tout naturel de rattacher les Brachiopodes aux Lamellibranches à l’aide de formes, telles que l’Anomie. Bien que l'examen anatomique le plus simple suffise à montrer que ce n'est là qu’une ressemblance superficielle, cette opinion est encore conservée par quelques conchyliologistes. Cette manière de voir a cependant été généralement remplacée par une autre qui ne peut encourir, comme elle, le reproche de légè- reté, car elle est fondée sur l'anatomie de l'adulte, et l’'embryologie seule a pu montrer qu'elle est également erronée. Les Brachiopodes et les Bryozoaires seraient reliés aux Lamelli- branches par les Tuniciers. Le sac branchial d’un Tunicier corres- pondrait aux tentacules rétractés d’un Bryozoaire, et tous deux se- raient les homologues des branchies des Lamellibranches. | Les connaissances nouvelles que nous avons de l’embryologie des ARCH. DE ZOOT, EXP, ET GÉN.— TT. VIII, 1879 ef 1880. 26 402 W.-K. BROOKS Tuniciers et des Mollusques, et de la structure des branchies des Lamellibranches, montrent que ce n’est là qu'une ressemblance réa- lisée dans l'adulte par des voies fort différentes et sans importance morphologique. Quelque opinion qu'on ait des affinités des Tuniciers avec les ver- tébrés, on doit reconnaître ce fait que, morpho- logiquement, le sac branchial est une partie du tube digestif nullement comparable à un lopho- phore ou à une branchie tentaculaire. Les formes dégradées d’ailleurs, telles que les appendi- culaires, ne ressemblent en rien aux Lamelli- branches, aux Bryozoaires, ni aux Brachio- podes. Cependant plusieurs auteurs admettent leur affinité. La plupart des auteurs modernes reconnaissent Ac -— 7777} 2. me E—-—- une relation étroite entre les Bryozoaires et les Brachiopodes. Mais les uns les associent aux Mollusques, les autres les regardent comme un groupe à part (Molluscoïdes), d'autres enfin les confondent avec les vers. En présence de telles divergences, il faut de- mander une solution à l'embryogénie. Or, si l’on Fic. 16. — Diagramme examine les embryons de Brachiopodes élevés, d'une section longitudi- nale de l'embryon au si l’on compare les figures qu'en ont donné La- stade représenté fig. 3. 25r , a, extrémité des valves; caze-Duthiers et Kowalewsky, on est frappé de la b, bord épaissi du man- + A teau; 6, manteau; d,ten- ressemblance qu’elles présentent avec la larve du tacule median dorsal; e, lophophere; f, lèvre; Loxosome représentée par Barrois et Vogt, les g, bouche; A, cavité buccale; à cavité du ressemblances s'étendent jusqu'aux détails. Si au corps ; #, paroi de l’œ- sophage; /, œsophage: contraire on étudie les larves de Brachiopodes m, chambre hépatique de l'estomac; 7, cham- primitifs, tels que la Lingule, on est frappé des bre intestinale; 0, in- testin; g, ganglion ven- rapports qu'elles présentent avec les Bryozoaires tral: », muscle posté- x. ; rieur; s, valve dorsale; adultes et spécialement avec les formes d’eau ft, valve ventrale, Pr: douce. Les détails que nous avons donnés sur l'embryon de la Lingule montrent qu'elle ne ressemble pas seu- lement à un Bryozoaire, mais qu'elle en est un véritablement, tout aussi bien qu’un Hydraire est une Méduse, que la larve à queue d'un Botrylle est un Appendiculaire, et qu'un Tétard est un Ba- (tracien urodèle, DÉVELOPPEMENT DE LA LiNGULE. 403 Si, au lieu d'être larve, notre larve était un animal adulte, on en ferait incontestablement un Bryozoaire solitaire et nageur, pourvu d'un système nerveux et d'organes des sens hautement spécia- lisés. Morse a beaucoup insisté pour rattacher ies Brachiopodes aux vers, et en particulier aux Annélides, il a fait une longue énuméra- tion de caractères parallèles, mais ces caractères sont les uns de peu d'importance, les autres communs non seulement à ces deux groupes, mais aussi aux EchimoGermes et aux Mollusques. En réalité les rapports des Brachiopodes avec les vers sont vagues et peu précis : leurs relations avec les Bryozoaires sont au contraire bien définies et de toute évidence: Si l'on considère le Bryozoaire comme la forme ancestrale du Brachiopode, il faudra, pour ratta- cher ce dernier aux autres classes, chercher les affinités du premier. Certainement il y a une ressemblance générale entre un Bryozoaire lophopode et un Rotifère, mais il y a aussi des différences fonda- mentales ; le système nerveux esi entre la bouche et l'anus chez le Bryozoaire, il est du côté opposé chez le rotateur. La ressemblance entre le Bryozoaire et le Veliger est au contraire beaucoup plus complète et les relations plus étroites. Il suffit de jeter un coup d'œil sur une vue de profil d'un Yeliger bien développé, tel que celui du Tergipes figuré par Selenka, pour voir combien il ressemble par la forme et parles détails à un Brvo- zoaire. Le velum correspond au lophophore et sert comme lui à la respiration et probablement à la préhension des aliments. Il n'y a pas de cœur, et le fluide cavitaire est agité par les contractions mus- culaires des parois du corps. Les organes digestifs sont similaires quant à la forme et quant aux connexions. L'épistome avec son ganglion correspond au pied et au ganglion pédieux, et, dans le rhabdopleura, l'épistome est fonctionnellement aussi bien que mor- phologiquement un disque adhésif. La coquille et son opercule cor- respondent à la cellule età l'opercule des cheilostomes, etles muscles rétracteurs sont clairement homologues. Il est vrai que la bouche, comme l'épistome, est dans le cercle des tentacules, tandis que le pied occupe une position différente; mais la ressemblance générale n'en est pas moins assez grande pour qu'on puisse penser que le Rotifère, le Bryozoaire et le Veliger sont trois branches divergeant de très bonne heure d'un type commun parmi les vers. Les Brachiopodes sont les représentants les plus hautement spé- 404 W.-K. BROOKS. + cialisés de la branche Pryozoaire et les vrais Mollusques sont dans une situation semblable vis-à-vis de la branche Veliger. Comme conclusion, il est bon d'appeler l’attention sur ce fait que la persistance de la Lingule, absolument sans changement pendant une période trop grande pour être mesurée par les termes en notre usage, montre d’une manière irrésistible que les faits de la zoologie interdisent absolument l'admission d’aucune théorie basée sur une évolution nécessaire par progrès continu. (Analysé par M. L. JozieT, maître de conférences à la Sorbonne.) D DE L'EXISTENCE DES SAIGAS EN FRANCE A L'ÉPOQUE QUATERNAIRE PAR D LE PROFESSEUR A. GAUDRY Du Muséum de Paris. Les bords charmants de la petite rivière de l’Angoumois qu'on appelle la Tardoire, comme ceux de la Vézère dans le Périgord, ont été longtemps pour nos aïeux des séjours de prédilection. Ces hom- mes qui, au milieu des difficultés si nombreuses dont ils étaient en- tourés, ont laissé des preuves de leurs tendances artistiques sur les ossements des rennes et l’ivoire des mammouths, semblent avoir recherché les sites où la nature présente ses plus beaux paysages. Lartet, Christy, le marquis de Vibraye, MM. Massénat, Philibert La- lande et d’autres encore ont exhumé les restes de l’industrie hu- maine et les os des animaux qui sont ensevelis dans les abris sous roche des bords de la Vézère. Les débris enfouis sur les rives de la Tardoire ne sont peut-être pas beaucoup moins nombreux, mais, jusqu à présent, ils ont moins attiré l'attention du monde savant. C'est l'abbé Bourgeois qui, le premier, s'est occupé activement des gisements quaternaires de l’Angoumois ; la mort de cet homme très instruit et en même temps s' bon que nul ne pouvait le connaître sans l'aimer, est une grande perte pour notre science. En 1865, il avait été explorer, avec M. l'abbé Delaunay, une grotte située auprès au château de Lachaize, qui appartient à M. de Bodard. Il avait en- suite fait des recherches à Rochebertier ‘. Plus récemment, M. l'abbé Delaunay a continué seul les travaux qu'il avait entrepris avec l'abbé Bourgeois ; il a bien voulu me faire assister à ses fouilles dans les roches du Bois-du-Roc et dans l'abri sous roche du Pla- card à Rochebertier. M. Fermond a formé à La Rochefoucauld une remarquable collection d'objets de l'industrie humaine et de débris ! BourGrois et DELaunay, Notice sur la grotte de Lachaize (extrait de la Revue archéologique. Paris, in-8, 1865. — Grotte de Rochebertier (Matériaux pour l'histoire primilive de l'homme, vol, X, p. 191, 1875). 406 GAUDRY. d'animaux trouvés surtout à Rochebertier et à Vilhonneur ; il a pu- blié une note sur les résultats de ses découvertes !. Un ancien ju- risconsulte, M. Paignon, a fouillé avec succès les grottes qui sont dans son domaine si pittoresque de Mongaudier. En 1877, M. de Bo- dard a repris les explorations commencées douze ans auparavant dans la grotte de Lachaize. Enfin, M. de Maret a réuni de très nom- breux objets provenant des abris sous roche des bords de la Tardoire et principalement de celui du Placard, à Rochebertier. Au point de vue paléontologique, on peut rapporter à trois épo- ques les couches des bords de la Tardoire où l’on trouve des traces de l’homme. {. Age du mammouth, ou âge des animaux éteints. — Il est re- présenté par la couche inférieure de la grotte de Lachaiïze, par le fond de la grotte du Bois-du-Roc ; une des grottes de Mongaudier a fourni à M. Paignon des débris de la même époque. On a rencon- tré quelques silex taillés dans la partie inférieure des grottes, mais on n'y a encore découvert ni sculptures, n1 gravures ; MM. Bourgeois el Delaunay ont recueilli dans la grotte de Lachaize un os gravé qu'ils avaient d'abord supposé provenir de la couche où sont les dé- bris des espèces éteintes ; depuis, ils ont reconnu qu'il devait ap- partenir aux couches de l’âge du renne, placé au-dessus. D’après les pièces que j'ai vues chez MM. de Bodard, Fermond, Paignon, Bour- geois, Delaunay et celles que M. de Bodard m'a envoyées dernière- ment au Jardin des plantes, je peux citer les espèces suivantes comme ayant été trouvées dans les couches inférieures : Hyæna crocuta (race spelæa). Ursus spelæus. Elephas primigenius, petit, à molaires dont les lames sont serrées. Rhinoceros tichorhinus. Equus caballus. Bovidés de grande taille (race quaternaire). Cervus elaphus (race canadensis de la plus ‘grande taille), d’après une énorme mâchoire supérieure et des bois de mue avec les deux andouillers basilaires. | Ces animaux qui vivaient sur les rives de la Tardoire ont été, Je t Un extrait de cette note a paru sous le titre de Notice sur les àges de la pierre el du bronze dans la vallée de la Tardoire, Charente (Matériaux pour l’histoire primilive de l’homme, 2e série, vol, V, p. 5, 1874). DES SAIGAS EN FRANCE A L'ÉPOQUE QUATERNAIRE. 407 pense, contemporains de ceux de l'abri sous roche du Moustier. Les bords de,la Vézère, ainsi que ceux de la Tardoire, ont vu l’Ursus spelœus, l'Hyæna crocuta (race spelæa), V'Elephas primigenius et de nombreux chevaux ; le renne, dit-on, s’est trouvé au Moustier, mais très rarement. I importe de noter que jusqu'à présent il est difficile de tracer une démarcation nette entre l’âge où les espèces aujourd'hui éteintes étaient encore nombreuses et l’âge du renne ou des espèces émi- grées. La destruction des espèces et des races fossiles paraît s'être faite peu à peu. Les personnes qui ont fouillé dans l’'Angoumois et dans le Périgord ne peuvent y établir de distinction entre les grottes de haut et de bas niveau. M. Massénat m'a montré au Moustier une grotte, située très près du niveau actuel de la Vézère, où il a trouvé les mêmes silex taillés que dans l'abri sous roche du Moustier, type du Moustiérien de M. de Mortillet. Les dépôts quaternaires qui ont été jusqu'à présent observés dans cette partie de la France, ont été formés après le creusement des vallées ; je ne pense pas que les plus anciens d’entre eux remontent plus loin que notre diluvium de Gre- nelle ou de Levallois. 2. Age du renne. — Ce sont surtout les dépôts de l’âge du renne qui ont été exploités dans la Charente. Les grottes de Mongaudier, de Lachaize, de Bois-du-Roc et principalement l'abri sous roche du Placard à Rochebertier ont fourni une multitude de débris. MM. De- launay, de Bodard, Fermond, Paignon et de Maret en ont de très belles séries. Ils ont particulièrement réuni des objets travaillés par l’homme : silex des types nommés couteaux, grattoirs, rasoirs, per- coirs, pointes de flèche ; nucléus ; dents percées pour être suspen- dues ; bois de renne ou os disposés en jolies aiguilles, en poinçons, flèches, lissoires et ces instruments qu'on a appelés bâtons de com- mandement, mais que M, Pigorini suppose avoir été simplement des pièces servant à l’attelage des bêtes de somme. Beaucoup d'os sont ornés de fines gravures ; cependant on n'y a remarqué encore qu’un petit nombre de représentations d'animaux. Un morceau de bois de renne sculpté, découvert par MM. Bourgeois et Delaunay à Roche- bertier, a été considéré comme un essai de représentation de figure humaine. On à recueilli de nombreuses coquilles, soit d'espèces actuelles, soit d'espèces fossiles, qui ont été apportées dans les grottes par les chasseurs de rennes; M. le docteur Fischer a donne sur elles de curieux détails. Je n'ai vu qu'un seul fragment de sque- 408 GAUDRY. lette humain, c'est une dent. Au milieu des cendres, des charbons des résidus de cuisine, on a rencontré une profusion d'os d'oiseaux et de mammifères ; tous ceux qui renfermaient de la moelle ont été brisés. Parmi les animaux dont on m'a montré les restes, je ci- terai : | Hyæna crocuta (spelæa). Je ne suis pas certain que ses débris pro- viennent des mêmes couches où abondent les os du renne. Ursus ferox, d'après des canines et des os des pattes un peu plus grands que ceux que | Ursus arctos, moins trapus de ceux de l’Ursus spelæus. Canis lupus. C'anis vulpes. Lepus timidus. Lepus cuniculus. Equus caballus. E’quus asinus ? lrès rare. Elephas primigentus, très rare. Bovidés de la taille des grandes races quaternaires. Bison europæus. Cervus tarandus, c'est de‘beaucoup l'espèce dominante. Cervus elaphus, d'assez grande taille. Saiga tartarica. Capra tbex. M. de Maret m'a dit que M. Milne-Edwards avait aussi reconnu parmi les fossiles de la Charente : Arvicola amphibrius, Arvicola agres- {is ? Spermophilus et Putorius erminea. Ces animaux ont eu sans doute pour contemporains ceux des bords de la Vézère, dont on trouve les débris dans les abris sous roche de la Madeleine, des Eyzies, de Laugerie-Basse que M. de Mortillet rap- porte à son étage magdalénien. D'après ce que j'ai vu dans la col- lection de M. Massénat, les curieux spécimens de l’art humain qui ont si Justement rendu célèbre Laugerie-Basse, ont été recueillis à côté des débris des mammifères suivants : Hyæna crocuta (spelæa). J'en ai remarqué trois dents. Canis lupus. C'anis vulpes. Ursus. J'ignore l'espèce. Felis leo (race spelæa. Sciurus vulgaris. DES SAÏGAS EN FRANCE A L'ÉPOQUE QUATERNAIRE. 409 Lepus timidus. Elephas primigenius (vertèbres, partie de bassin, éclats de gros os des membres, une défense, de nombreux objets en ivoire sculpté, une molaire à lames très fines et serrées qui présente le type ex- trême du mammouth). £quus caballus. Ses restes sont très abondants. Bovidés de grande et de moyenne taille. Cervus elaphus, race ordinaire et race canadensis de très grande taille. Cervus tarandus ; c'est l'espèce dominante ; ses restes se trouvent en profusion. Hupicapra europæa. Saiga tartarica. 3. Age de la pierre polie. — C'est surtout auprès de la grotte de Bois-du-Roc que les explorateurs de l’Angoumois ont trouvé des dé- pôts de l’âge de la pierre polie ‘. Il y a une brusque séparation entre ces dépôts et ceux de l’âge du renne. L'abondance des morceaux de poterie et la nature des instruments les font de suite reconnaitre. On n'y rencontre plus de traces des animaux dont les espèces sont aujourd'hui émigrées, comme le renne, le saïga ou les grands bo- vidés. Les mammifères qui m'ont paru les plus abondants sont le cochon, le cheval, le cerf élaphe ordinaire et un bovidé qui ressem- ble bien à nos petites vaches bretonnes. Je n’entreprendrai pas de décrire les diverses espèces qui ont été trouvées dans les gisements des rives de la Tardoire et de la Vézère. Je veux seulement donner quelques renseignements sur les restes des saïgas qui ont vécu à l’âge du renne. L'Europe a nourri des antilopes, belles, grandes et variées, pen- dant une partie des temps miocènes et pliocènes ; mais de nos jours elle n’en à plus que deux espèces : le chamois et le saïga ; encore ces animaux ont-ils dû fuir loin de nos populeuses cités. Le cha- mois, qui se rapproche de la chèvre par ses pattes et est comme elle un habile grimpeur, a pu rester dans nos pays en se réfugiant sur les montagnes inaccessibles aux autres êtres. Le saïga, qui à des . g « <#- - à ‘ MM. Bourgeois, Delaunay, Fermond et de Maret ont publié sur les formations néolithiques de Ja Charente des notes qui ont Clé insérées dans les Matériaux pour l'histoire de l’homme. 410 GAUDRY. pattes moins fortes proportionnément à l'ensemble du corps, mais très fines et bien disposées pour une course rapide, habite encore les plaines. On dit qu'il se promène depuis les frontières de la Pologne jusqu'à l'Altaï ; cependant il préfère à la richesse des pâturages où l’homme le rencontrerait la pauvreté des steppes de la Russie, où il erre en liberté ; là, 1l forme des troupes qui comptent des milliers d'individus. I y à plus de cent ans, Pallas a donné une excellente description de cet animal ‘, et récemment M. Murie a fait un étude approfondie de ses caractères anatomiques ?. A l’âge du renne, il y avait en France des saïgas. C’est Edouard Lartet qui le premier y a signalé leurs vestiges *. Mais cet habile paléontologiste ne vit que des chevilles de cornes ; il eñ conclut que sans doute le saïga n'avait pas vécu dans notre pays, et que, si on en trouvait des cornes, c'est que nos ancêtres se les procuraient par voie d'échange avec quelques peuplades étrangères. Voici les paroles de Lartet : J'ai pu m'assurer que, dans le nombre presque incalcula- ble d'os du diluvium et de nos cavernes de France qui, dans les dix der- nieres années, ont passé sous mes yeux, tl ne S'est pas trouvé, ou tout au moins, je n'ai pu reconnaître nt fragment de maxillarre, ni dents détu- chées, ni même un seul fragment d'os des extrémités qui püt être rap- porté au saïqa, bien que j'aie eu à ma disposition des noyaux de cornes toujours isolées et provenant de six à sept localités différentes. Un seul morceau plus considérable, une portion de frontal encore surmontée des deux noyaux osseux de ses cornes, a été extrait par M. Gaillard de la Dionnerie..…. de la célèbre grotte de Chaffaut près Civray (Vienne). Comment alors faire accorder cette rencontre assez fréquente des prolon- gements frontaux du saïga, dans les cavernes de notre France centrale et méridionale, avec l'absence complète de toute autre partie du squelette de l'animal, si ce n’est en admettant que ces cornes de Saïga, longues, so- lides el pointues, constituaient une arme puissante que nos chasseurs de rennes du Périgord se procuraïent probablement par voie d'échange ou de toute autre transaction commerciale avec des peuplades chez lesquelles cette espèce d'antilope se serait trouvée indigène *? 1 PaLLas, Spicilegia zoologica, fase. 1929, pl. I, Ii, ILE, in-4. Berlin, 4777. ? James Murie, On the Saiga Antelope, Saiga tartarica, Pall. (Proceed. af the Zoolo- gical Sociely of London, for the year 1870, London). — Trois ans avant, M. Wolf avait donné à la Société zoologique un dessin de saïga (Proceed. of the Zoological Socteiy of London, pl. X VII, 1864). 5 Cumples rendus de l'Académie des sciences, séance du 27 juin 1864. * E. LarTer, Remarques sur la faune de Cro-Magnon, d'après les débris osseux ES DES SAIGAS EN FRANCE A L'ÉPOQUE QUATERNAIRE. 411 Depuis Lartet, plusieurs personnes ont {rouvé des cornes de saïga sur les bords de la Vézère et de la Tardoire ; M. Émile Cartailhac m'a écrit récemment qu'il en avait rapporté d'un abri sous roche à Bourdeilles (Dordogne). Lyell a compris le saïga dans la liste des fossiles recueillis à Bruniquel auprès de Montauban ‘. M. Dupont à découvert en Belgique dans le trou de Chaleux, qui appartient à l'âge du renne, une partie de la tête avec les chevilles des cornes ? ; Paul Gervais a attribué avec doute au saïga une extrémité inférieure de canon brisé provenant des fouilles de M. Piette dans la grotte de Gourdan, près Montrejeau (Haute-Garonne); il a remarqué parmi les pièces si curieuses retirées de cette grotte un os sur lequel une tête de saïga est gravée : « On voit, dit-il, sur cet os la tête d'une antr- lope pourvue de cornes que ses caractères, forme générale, renflement proboscidiforme du museau, disposition ef cannelures des cornes, ne permettent de rapporter qu'au saiga *. » M. Arcelin a cité le saïga comme ayant été trouvé avec le grand febis, l'Ursus spelæus la grande hyène dans les couches les plus anciennes de l’éboulis de Solutré *. Lors d'une excursion que j'ai faite dans l'Angoumois, j'ai été frappé du grand nombre de débris de saïga qui existent dans la col- lection de M. Fermond à La Rochefoucauld, et j'ai remarqué qu'il n y avait pas seulement des chevilles de cornes, mais aussi des mâ- choires et des os des diverses parties du corps. J'ai fait la même observation dans le Périgord en examinant la collection de M. Mas sénat à Brive. M. de Maret m'ayant communiqué les résultats de ses intéressantes recherches dans la grotte du Placard à Rochebertier, jé le priai de me confier les restes de saïga qu'il possédait; il me les a très libéralement donnés pour le Muséum. Parmi les pièces que nous devons à sa générosité, je compte des cornes qui appar- tiennent à sept individus et des dents qui se rapportent à neuf indi- découverts soit dans la sépulture humaine, soit dans les restes de foyers places à proxi- milé. Cette note est une traduction des Reliquiæ Aquitanicæ, in-4. London, 1869. 1 The Gevlugical Evidence of the Antiquity of Man, p. 142, 4e édit., in-8. Lon- dres, 1873. 2 C’est d’après ce morceau que M. Dupont a cité le saïga parmi les animaux du trou de Chaleux qui ont été margés par l'homme (les Temps préhistoriques de la Bel- gique, p. 169, in-8, 2€ édit. Paris, 1872). $ Gervais, Journal de zoologie, vol. II, p. 230, 1873. * Adrien ARGELIN, les Formations quaternaires aux environs de Mâcon (Matériaux pour lhistoire de Vhomme, 2: série, vol. VIII, p. 112, 1877). 412 GAUDRY. vidus !; il y à aussi plusieurs os des membres; les cornes ne sont pas plus nombreuses que les autres parties. Il faut donc admettre qu'à l'âge du renne 1l y avait dans notre pays des saïgas; ces ani- maux doivent être ajoutés à la liste des espèces qui ont disparu de la France à une époque récente. Ils ont été mangés; leurs crânes et leurs os des membres sont brisés comme ceux des rennes au milieu desquels on les rencontre. Il est vraisemblable que ce n'étaient pas des animaux élevés en domesticité, car l'usure de leurs dernières molaires indique que la plupart étaient plus vieux que les bestiaux actuels, employés à notre nourriture. Si, en dehors des cornes, les restes des saïgas ont en général échappé à l'attention des naturalistes qui ont exploré les gisements quaternaires, c'est, je pense, parce qu'on a confondu leurs mâchoi- res avec celles des bouquetins (Capra ibex) et leurs os des membres avec ceux des chamoiïs (Rupicapra europæa) qu'on rencontre dans les même dépôts ‘. En effet, les saïgas se rapprochent des moutons et des capridés par leur dentition, des antilopes par leurs pattes. Dans son excellent mémoire sur les saïgas vivants, M. Murray a bien fait ressortir ces rapports : The saiga, a-t-il dit?, may be regarded as an Antilopine Sheep, not absolutely a Sheep. Voici comment les géologues pourront reconnaitre les pièces des saïgas qu'ils trouveront dans les dépôts de l’âge du renne : Les chevilles des cornes se distinguent de celles des bouquetins parce qu'elles s’épaississent davantage au point où commence leur étui, parce qu'elles ont de bien plus fortes cannelures longitudinales, parce qu'elles sont plus arrondies, plus pointues à leur extrémité et moins obliques en arrière. On ne peut les confondre avec celles des chamois, car ces dernières sont plus minces, comparativement à 1 Comme les femelles des saïgas n’ont pas de cornes, on devra trouver moins de cornes que d'os des autres parties du corps. ? Il y a encore des doutes sur les caractères des Capra que l’on trouve dans les gisements de l’âge du renne. Leurs dents sont plus grandes que celles des chèvres ordinaires (Capra hircus); elles ont la même taille que celles des bouquetins (Capra ibex) ; les chevilles de leurs cornes (celles du moins que j'ai vues} sont plus petites que celles des bouquetins, mais plus celluleuses et moins plates que celles des chè- vres ordinaires. Peut-être quelques-uns de ces animaux représentent la transition entre les bouquetins et les chèvres proprement dites qui ont des cornes plus petites et plus comprimées. S'il en était ainsi, on pourrait en faire une race particulière sous Île nom de race primigenia, que Paul Gervais avait proposée d’une manière très dubitative, Mais sans doute il y a eu aussi de vraies C'epra theæ. 2x ATÉMOTE-CIEU TOUS DES SAÏGAS EN FRANCE A L'ÉPOQUE QUATERNAIRE. 413 leur longueur, insérées plus verticalement sur le crâne et bien moins sillonnées. Les dents des saïgas diffèrent de celles des chamois non seule- ment par leurs dimensions plus fortes, mais aussi par leurs formes qui s’écartent bien plus de celles des antilopes ordinaires pour se rapprocher de celles des capridés. La mâchoire inférieure de nos saïgas quaternaires se distingue de celle des bouquetins, dont les débris se trouvent mêlés avec les leurs, par les caractères suivants : 1° Les denticules internes des molaires, qui, déja chez les bou- quetins sont plus comprimés que chez les antilopes, sont encore plus comprimés dans les saïgas quaternaires ; il en résulte que le creux laissé entre les denticules internes et externes a complètement perdu la disposition en croissant qui caractérise en général les ru- minants; il a pris une forme allongée. Il en résulte aussi que la muraille interne des molaires des saïgas à un aplatissement tout à fait insolite qui permet de reconnaitre ces dents au premier abord. En vérité, il est impossible d'imaginer un type de dentition de ru- minant parvenu à une plus grande divergence; à voir les denticules internes des molaires des saïgas quaternaires, On à peine à s'ima- giner qu'ils ont dù, chez les anciens animaux tertiaires, avoir la forme des mamelons arrondis dn type cochon; 2 Les prémolaires des saïgas quaternaires sont réduites à deux sur chaque mandibule, au lieu qu'il y en a trois chez les bouquetins ; 3° Les prémolaires sont non seulement moins nombreuses, mais aussi plus petites que chez les bouquetins. Quoique les bouquetins aient leurs prémolaires plus raccourcies que celles des antilopes et des cerfs, leur dernière prémolaire à ses quatre denticules bien marqués; au contraire, chez le saïga, les denticules sont très atté- nués ; la dernière prémolaire, est plus petite que la première mo- laire ; celle-ci est plus petite que la seconde qui, à son tour, est notablement plus petite que la dernière. Ces caractères donnent aux mandibules des saïgas un aspect particulier. A la mâchoire supérieure des saïgas, la seconde molaire de lait se distingue de celle des bouquetins parce que son lobe antérieur est plus étroit que le postérieur, tandis que, chez les bouquetins, il y a peu de différence entre les deux lobes. En général, les caractères des molaires supérieures des saïgas sont bien moins accusés que ceux des molaires inférieures. Mais, 414 GAUDRY. pour peu que l'os où elles sont engagées soit conservé, on recon- naîtra le saïga, car l'énorme ouverture nasale de ce ruminant amène de notables changements dans la forme des trois os qui bordent le nez chez la plupart des autres animaux; l'intermaxillaire est très raccourci, le maxillaire est abaissé et le nasal ne s’avance qu'au ni- veau de la première arrière-molaire. Les os du squelette sont à peu près de même grandeur que ceux des chèvres avec des formes plus grêles. C'est évidemment avec les pattes des chamois que les pattes des saïgas ont dû être plus facile- ment confondues. Comme ces animaux ont le poil extrêmement épais, surtout lorsqu'ils sont en robe d'hiver, leurs membres parais- sent plus forts qu'ils ne le sont réellement; leurs os des pattes sont minces et effilés. Les canons de membres de devant sont un peu plus allongés que chez les moutons et les chamois, à plus forte raï- son que chez les bouquetins; leur région digitale est moins élargie que dans les capridés, et la fente qui sépare les poulies du troisième et du quatrième métacarpien est plus étroite ; Le trou de la face anté- rieure est plus bas. Comme on devait le présumer, d'après l'inspection de la face digitale des canons, les doigts des bouquetins, des mou- tons, et même des chamois, sont plus épais que dans les saïgas. Les rainures d'emboiîtement de leurs phalanges sont moins excavées: elles marquent quelque tendance vers le type de leurs ancêtres du groupe cochon; ces différences sont bien légères, cependant elles seront perceptibles aux yeux de tout évolutionniste. Les canons des membres postérieurs des saïgas se distinguent, ainsi que ceux des membres de devant, d'avec ceux des bouquetins, des chamois et des moutons, parce qu'ils sont plus longs et moins larges; ils ont aussi leur trou antérieur placé plus bas. La rainure qui correspond à la séparation du troisième et du quatrième métatarsien est plus mar- quée que dans le chamois, que dans le bouquetin et surtout que dans le mouton. Chez ce dernier, il n'y a le plus souvent aucune trace de rainure ; cependant le Muséum a le squelette d'un mouton du Cap où la rainure existe. En comparant les pièces des saïgas quaternaires avec celles des saïgas vivants qu'il m'a été donné d'étudier, je fais les remarques suivantes : | Les saïgas quaternaires et actuels ont la même taille. Les molaires de nos saïgas quaternaires ont plus de cément que celles des saïgas actuels que j'ai vus. DES SAIGAS EN FRANCE A L'ÉPOQUE QUATERNAIRE. 415 Les molaires inférieures de nos saïgas quaternaires ont leurs den- ticules internes plus comprimés et leur muraille interne est encore plus aplatie. Les rainures des canons, qui représentent la séparation du troi- sième et du quatrième métatarsien, sont plus marquées sur nos saïgas fossiles que dans les vivants. Je n'ai pas assez de spécimens de saïgas actuels pour décider si ces différences tiennent à l’âge, sont individuelles, ou bien indiquent une race de saïgas qui, s'étant trouvés dans des conditions spéciales, ont pris des caractères particuliers. Ce qu'il y a de certain, c’est que le cément abondant des molaires, la transformation complète de leurs denticules en lames et la dimi- nution des prémolaires donnent aux saïgas fossiles, dont j'ai eu l'oc- casion de faire l'étude, l'aspect d'animaux qui ont été modifiés pour un régime exclusivement herbivore. Les antilopes, qui les ont pré- cédés dans les temps tertiaires, avaient besoin de leurs prémolaires pour couper les bourgeons et les branches des arbres angiospermes dont notre pays était couvert; mais si, pendant r& période glaciaire, les bois d'arbres verts et les steppes ont remplacé les bois d'angios- permes, les antilopes ont été réduites à manger des herbes, et alors peut-être leurs prémolaires ont perdu de leur importance. Les saïgas ne sont pas les seuls animaux quaternaires qui suggèrent la possibi- lité de transformations. Par exemple, il est naturel de penser que l'Ursus spelæus est un carnivore qui a perdu les mœurs sanguinaires de ses ancêtres; car, tandis que ses tuberculeuses sont devenues très grandes et aussi mousses que des dents de cochon, la plupart des prémolaires, destinées chez les carnivores à couper la chair, ont disparu. Les éléphants qui ont habité les derniers notre pays sont les mammouths, dont le corps était couvert d’une laine épaisse et dont les molaires, formées de lames très serrées, recouvertes d'un épais cément, sont très bien disposées pour triturer des graminées ; ne peut-on pas croire que ces mammouths sont des éléphants, qui, se trouvant pendant l’époque glaciaire dans les prairies du centre et du nord de l’Europe, ont perdu de plus en plus la disposition omni- vore de leurs ancêtres les mastodontes pour présenter le type le plus parfait d’une dentition de proboscidien herbivore? Le Æhino- ceros tichorhinus, dont la dentition a aussi un cachet plus herbivore que celle de tous les autres rhinocéros fossiles, n’est il-pas un pachy- derme qui a cessé de se nourrir des buissons coriaces des régions 416 GAUPRY. chaudes pour brouter dans les herbages de nos pays? Le curieux £lasmotherium, que Brandt vient de nous faire connaître, n'est-il pas quelque rhinocéros transformé pour un régime exclusivement herbi- vore ? Ainsi, non seulement il y aurait eu pendant les temps quater- naires des animaux tels que les hyènes, les lions, les bœufs, les au- rochs, les cerfs dont la taille se serait grandement modifiée, mais encore 1l y aurait eu des changements d'espèces. Ge n'est là, je l'avoue, qu'une simple supposition, mais cette supposition n'a rien que de vraisemblable, car les harmonies de la nature veulent que les chan- gements du monde organique aient coïncidé avec ceux du monde physique. REPRODUCTION DES ÉPONGES PAR BOURGEONNEMENT EXTÉRIEUR PAR C. DE MEREJKOWSKY. Les Eponges, ainsi qu'il ressort d'observations récentes encore, se reproduisent par génération sexuelle : l'œuf est fécondé par des spermatozoïdes qui, dans la classe des Eponges, apparaissent déjà clairement différenciés, puis il se segmente et, au moins comme il a été constaté quelquefois, en passant par le stade de gastrula flottante, se fixe à quelque objet par l’orifice buccal ; après quoi, à l’extrémité opposée s'ouvre une autre ouverture qui dégénère en osculum. j | Outre la génération sexuelle les Eponges possèdent encore des modes de propagation asexuelle dont on connaît deux formes dif- férentes : 1° formation des cystes dits gemmules, c'est-à-dire un bourgeonnement intérieur, ou plus justement une décomposition de la masse protoplasmatique en petits globules (avec deux variétés), et 2° le bourgeonnement extérieur. Le premier de ces deux modes a été mieux étudié que le second et il est connu dans un plus grand nombre d'Eponges ; le meilleur exemple peut être fourni d’un côté par les Eponges d’eau douce (Spongilla, E’phidatia, etc.), de l'autre, par quelques Eponges marines telles que Tetrlla*, Reniera ?, etc. Pour ce qui regarde le deuxième mode de reproduction asexuelle, notamment la formation des bourgeons extérieurs, nous ne possé- dons que fort peu d'indications, et celles que nous avons sont pour la plupart très décousues. Ce procédé est, à ce qu'il semble, excessi- vement rare et s’observe surtout chez les éponges appartenant à l’an- cien groupe des Corticatæ (Tethya, Rinalda) ; selon la classification al- lemande contemporaine, on peut dire que le mode de reproduction par bourgeonnement extérieur est, à ce qu'il paraît, exclusivement 1 BOoWERBANK, Philosophical Transactions, 1862, p. 818. ? 0, Scamir, Zeitschrift für wissenschatlliche Zoologie, XX V, Supplément, p. 139. ARCH. DE ZOO. EXP. ET GEN. — T, VIII. 1879 et 1880. 97 418 C. MEREJKOWSKY. propre aux représentants de la seule famille des Suberitidinæ, car il n'a été observé jusqu’à présent que dans quatre genres : /cthya, Tetilla, Suberites et Rinalda, appartenant tous à cette famille. Nous trouvons, autant que je sache, les premières indications re- latives à la formation des bourgeons sur la surface de l'Eponge chez le célèbre spongilogue anglais Bowerbank, qui en 1862 dessinait et décrivait en quelques mots un de ces bourgeons appartenant à la Tethya lyncurium *. « Les faisceaux rapprochés de la base de la Téthye, dit il, s'étendent considérablement au-dessus de la surface de l’animal, et à l'extrémité de chacun d'eux il apparaît une petite agglomération de sarcode affectant une forme plus ou moins globu- leuse. Si l’on trempe ces bourgeons dans du baume de Canada &t qu’on les examine au microscope, il se trouve qu'outre les spicules provenant de l'organisme mère ils contiennent encore un genre par- ticulier de spicules formées par la substance même du bourgeon et ayant pris la position caractéristique pour le genre Tetha ». Deux ans plus tard (1864), dans un autre ouvrage du même au- teur?, ce même fait est de nouveau cité avec les mêmes dessins sans qu'il y soit ajouté aucun nouveau détail. En 1868, Oscar Schmidt $, mentionnant dans sa description des Eponges des côtes de l'Algérie le Zethya lyncurium des environs de Cette, décrit le même phénomène dans les termes suivants : « Die Sprossen erscheinen auf der Oberfläche als Zahlreiche gelbliche keulenformige Fortsatze. Ueber eine kleine der Oberflachenschicht selbst angehorige kegelformige Erhebung schiebt sich Zuerst ein Bündel Nadeln etwas hervor, mit ihm zugleich eine Schicht farbloser Sarcode, während die Zwischenraume zwischen den Nadeln mit einer rotgelben Masse sich fullen. Indem das Nadelbündel sich ver- längert, wird es zum Stiel der sich mehr und mebr isolirenden und abrundenden Sprossenkugel, in welcher noch ehe eine Rindenschicht sich gebildet hat, Nadeln und Sterne entstehen. Von letzteren finden sich in den Sprosslingen ausser den grosseren, welche in den Maas- sen mit denen der Mutter-Tethya identisch sind,auch weitkleinere. » 1 BoOwERBANK, On {he Anatomy and Physiology of the Spongiadae, part. II (Phy- losophical Transactions, 1862, p. 819, pl. XXXI V, fig. 19). ? BowerBaAnx, À Monograph of the Brilish Spongiadae, vol. I, p. 149, pl. XXV, he. 349. > Oscar Scamipr, Die Spongien der Küste von Algier (Drittes Supplement, 1868, Do): BOURGEONNEMENT DES ÉPONGES. 419 En 1872, Bowerbank, dans son article : « Contributions 16 à Gene- ral History of the Spongiadae » !, décrivait deux espèces de Tethya, une de l'Australie qu'il nommait 7ethea ingali, l'autre des bords de la Norwège septentrionale qu'il nommait Tethya norvegica. Dans la première espèce ? il trouva à la surface de l'éponge quelques protu- bérances munies à leur extrémité de petits bourgeons sous forme de renflement, exactement à l'instar de ce que j'ai vu chez les Tethya lyncurium de Sicile. Dans l’autre espèce 1l observa que toute la sur- face de l'éponge était couverte de bourgeons atteignant parfois le chiffre de onze sur la même éponge *. « They are projected from all parts of the surface. The length of their fleshy thread-like attachments to the parent sponge varied considerably ; and in one gemmule very perfectly developped with a diameter of 4 1/2 line, the attaching filament was 1/2 inch in length and very slender. On many of the nature specimens of sponges on which there were no gemmules remaining, there were short fleshy filaments which had every apparence of being the remains of the attachments of these little bodies which had separated from the parent sponge. » Comme on le verra plus loin par la description des cas de bour- geonnement que j'ai observés, le passage de l'article de Bowerbank que je viens de citer se rapporte presque exactement à l'Eponge de la mer Blanche, d’où je conelus que nous avons eu l'un et l'autre le même animal sous les veux. Dans le troisième volume de son ouvrage sur les éponges de la Grande-Bretagne * paru en 1874, Bowerbank cite un eas de bourgeon- nement extérieur encore dans une autre éponge Zetrlla cranium, ou, comme il la nomme 7ethea cranium. lei le bourgeon atteint déjà de bien plus grandes dimensions que dans la Zethya lyncurium ; de forme ovoïdo-globuleuse, elle a environ 4,5%" de diamètre et est supportée par un pédoncule assez développé ayant approximative- ment 6 millimètres de longueur. Oscar Schmidt 5 observa en 1875 la présence des bourgeons exté- 1 Proceedings of the Zoological Society of London, 1872, p. 115. 2 BOWERBANK, loc. cit., pl. V, fig. 11. 8 Loc. cit., pl. V, fig. 18 et 19. ‘ # BowERBANK, À Monograph of the British Spongiadae, vol. III, 1874, p. 34, pl. LXXXIX, fig. 5. 5 Oscar ScamipT, Zur Orientirung über die Entwicklung der Spongien. Zeilschrift für wissenschaflliche Zoologie, Band XXV, Supplementband, p. 139,Taf, X. fig. 28-30, 420 C. MEREJKOWSKY. rieurs chez une Subérite qu'il avait trouvée dans la mer Méditerra- née, près de Naples, et il en fait la description en ces termes : « Ein Sprossungsprocess, den ich bei einem ebenfalls im Aquarium angesiedelten rothlichen Suberites mit feinen dickkopfigen oft ge- krümmten Nadeln beobachtete, schliesst sich eng an die knospen bildung von Tethya an. Aus incrustirender Basis erhelen sich faden, bestehend aus Nadeln und kitlartigem Protoplasma. Diese Faden schwellen zu den Knospen. Neben solchen Knospen, die im unmit telbaren lebendigen Zusammenhange mit dem Mutterschwame, fanden sich solche Gebilde, welche sich wie die Plasmakugeln von Reniera verhielten. » (1 sous-entend par là une décomposition de la Reniéra en glo- bules-gemmules.) On peut inférer de cette description qu'ici, aussi bien que dans les cas précédents, le bourgeon apparaît indifféremment sur n'importe quelle partie de la surface de l'Eponge et que chaque bourgeon est supporté par un pédoncule plus ou moins long dont il se détache par la suite. Enfin je décrivis en détail, en 1878, la formation des bourgeons de la inalda arctica de la mer Blanche ‘, chez laquelle ce procédé s'effectue d'une manière beaucoup plus compliquée que dans tous les autres cas qui viennent d’être cités. Toute l'éponge est recou- verte de longues protubérances coniques creuses à l'intérieur el s'allongeant à leur extrémité en minces filaments formés par des faisceaux de spirales et d’une couche de syncytium ; il m'est arrivé de voir les bourgeons se détacher de ces cônes et se fixer au fond du vase, évidemment afin de s'y développer en une nouvelle éponge. Ici le mode de propagation par voie de formation de bourgeons ex- térieurs a atteint le degré le plus élevé de développement et de com- plication ; ce n’est plus déjà la surface entière de l'éponge, comme cela a lieu pour le Z'ethya ou Suberites, qui peut donner naissance à ces corpuscules, mais il apparaît des organes spéciaux sous forme de protubérances coniques qui sont spécialement adaptées à cette fin. Seulement au bout de ces protubérances il se forme des rangées de bourgeons. 1 Eludes sur les éponges de la mer Blanche (Mémoires de l Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, vol. XXVI, n° 7, 1878, p. 9 et suiv., pl. I, fig. 12, et pl. IT, fig. 1-3}, En langue russe, ce travail a paru dans les Travaux de la Société des natu- ralistes de Suint-Péte:sbourg, vol. X, 1879, p. 13. BOURGEONNEMENT DES ÉPONGES, 421 Voilà, à ce qu'il me semble, tout ce qui était connu jusqu'à ce jour sur ce mode de propagation des Eponges. Dans l’article présent j'ai l'intention de décrire un nouveau cas de bourgeonnement extérieur, qui présente des particularités fort inté- ressantes. Dans la mer Blanche, outre la Æinalda, mais beaucoup plus rare- ment que celle-ci, on rencontre encore un autre représentant de la famille des Subertidinæ ; la Tethya, offrant également un très curieux exemple de la propagation des Eponges par bourgeonnement. Rien que dans l’année 1876 j'ai recueilli jusqu'à dix exemplaires de cette éponge, mais exclusivement dans un endroit ‘. Je n’ai pu ensuite la retrouver en aucun autre endroit de la mer Blanche; on peut affir- mer avec certitude qu'elle ne se rencontre pas du tout près des îles Solowetzk, car, bien que la faune environnante ait été étudiée avec le plus grand soin (par le professeur N. Wagner en 1876, par moi en 1877) et qu'il ait été fait pendant ce temps une quantité innombra- ble de dragages, cette éponge n'a pas été trouvée. La taille de cette éponge ne dépasse pas de beaucoup 1 centimètre de diamètre ; elle présente un corps globuleux de forme extrêmement régulière, fixé d'un côté à un objet quelconque, souvent à la surface intérieure d’un coquillage (Terebratula). Sa couleur jaune clair est quelquefois rendue brun foncé par une couche de vase et de sable, ainsi que cela a lieu chez la Rinalda. Il ne m'est arrivé qu'une fois (voir pl. XXXI, fig. 5) de rencontrer un exemplaire assez grand, ainsi qu'un autre très jeune encore, tous'deux de forme globuleuse par- faitement régulière, dont la surface ait été absolument dépourvue de rejetons et d'inégalités. Dans tous les autres exemplaires que j'ai recueillis toute la surface était couverte de rejetons de toutes sortes, de globules, reposant ordinairement sur de longs pédoncules, de pe- its cônes ou fils et autres semblables formations, cachant quelque- fois la surface entière de l’éponge (voir pl. XXXI, fig. 1-4). Dans les dessins ci-joints, où sont le plus fidèlement possible reproduits les exemplaires les plus caractéristiques de ma collection, j'ai tâché de rendre l'étrange aspect que donnent à l'éponge ces petits corps ar- rondis qui l’enveloppent de toute part. De prime abord on est porté x à croire qu'on à affaire à quelques parasites attachés à l'éponge, * En deux ou trois points de la baie d’(inéga, côte occidentale, au sud de la” ville de Kem. 422 C. MEREJKOWSKY. mais un examen plus attentif montre que tout cela n'est rien autre chose que les rejetons de la Téthya même, qu’en un mot ce sont les bourgeons par lesquels elle se propage et qui dans le cas actuel affectent les formes et les dimensions les plus variées. Le plus souvent on trouve des bourgeons ovoïdes ou pyriformes avec une extrémité arrondie et l’autre dégénérant graduellement en un pied plus ou moins long et mince, mais qui pourtant ne fait ja- mais défaut (fig. 1). Cependant de temps en temps (fig. 4, a, et 2, a)on rencontre aussi des bourgeons globuleux d’une excessive régularité et déjà recouverts de cette couche de matières organiques qui indi- que une éponge adulte. Le diamètre d'un de ces globules atteignait environ 6 millimètres (fig. 1) et par sa taille ce bourgeon dépassait tant soit peu le jeune exemplaire représenté fig. 5, fixé à un coquil- lage. Des bourgeons de pareille grandeur n'ont pas été rencontrés par les auteurs qui m'ont précédé chez la lethya lyncurium ni même par moi chez la Æinalda arctica. Ge ne sont plus des bourgeons ni des embryons fixés à l'organisme mère, ce sont de véritables épon- ges en plein développement, mais n'ayant pas encore atteint toute leur taille et croissant sur une éponge mère. Outre les formes globuleuses et pyriformes, les bourgeons peuvent encore avoir toutes sortes d’autres formes, les plus variées et les plus irrégulières, ainsi que le font constater les dessins 1, 2, 3, 6 et 8. Quant au pied supportant le bourgeon, ce n'est rien autre chose qu'un mince fil cylindrique assez flexible et atteignant parfois des proportions assez considérables. Ainsi, par exemple, un des bour- geons posés sur l'éponge de la figure 3 est soutenu par un fil ayant 12 millimètres de longueur, autant par conséquent que le diamètre de l'éponge mère elle-même. Une pareille longueur du pédoncule n est pas rare en même temps que la largeur reste toujours insignifiante et à peu près la mème. Du reste la longueur du fil n’est pas toujours aussi considérable ; quelquefois le bourgeon repose sur un pédon- cule plus court et plus large; mais dans l’un comme dans l’autre cas 1] n'existe à l’intérieur ni creux, ni canal, ni pores ; tout le fil est massif et composé de faisceaux de longs spieules enveloppés d'une couche de syncytium dans laquelle se trouvent en outre disposés les spicules étoilés caractéristiques pour le genre Tethya. Il faut mentionner que dans une des colonies (fig. 2 et 8) il sest trouvé un pied assez long et assez mince qui se partage d'une ma- BOURGEONNEMENT DES ÉPONGES. 123 nière dichotomique en deux, et chacune des extrémités porte un bourgeon plus ou moins développé (fig. 8). Mais le cas où un bourgeon offre à sa surface un ou plusieurs bourgeons de second ordre est bien plus curieux encore. Un des cas les plus simples de ce genre est représenté sur la figure 7, où les deux bourgeons parfaitement distincts ont des pédoncules bien dé- veloppés ; le plus bas des deux est lui-même posé sur un individu adulte (voir fig. 3, a). On peut observer la mème chosesur les figures 1 et 2, où le bourgeon de second ordre apparait encore plus développé et d'une forme ronde plus régulière (4, a, et 2, a). Enfin le dessin 6 re- présente un cas où le bourgeon (a) a donné naissance à sa surface à toute une colonie de quatre bourgeons secondaires munis chacun de son pédoncule filiforme. L'un d'eux (6) est un globe parfaitement régulier ; l'autre (c) a produit à son sommet encore un bourgeon de troisième ordre (d) réuni au bourgeon (c) producteur par un pédon- cule assez visible. Dans ce dernier cas nous avons par conséquent une disposition de quatre étages. Ainsi nous avons tout un système compliqué de bourgeons sup- perposés les uns sur les autres, provenant de ce que les bourgeons se séparent très tard de l'organisme mère, sur lequel ils atteignent des proportions importantes et donnent même naissance à des bour- geons de second et même de troisième ordre. De cette manière se forment des colonies entières d'éponges disposées cependant sans aucune symétrie, sans la régularité qu'on remarque, par exemple, chez les Sycones parmi les éponges calcaires, ou chez tous les hydroïdes où les individus (les tentacules que je considère comme individus primitifs) sont toujours disposés en croix et d’après la formule 2Xn. Cette régularité dans la disposition est une des principales distinctions morphologiques entre les éponges et les hydroïdes . Quant au développement de ces bourgeons et de leurs pédoncules, il consiste en ce que sur certaines parties de la surface de l'éponge il se produit une agglomération de syncytium dans lequel pénètre un faisceau de longs spicules. Le sarcode ou syncytium aggloméré avec les longs spicules, dedans, forme un petit corps cylindrique, le premier indice du bourgeon futur. Ce petit corps cylindrique s’al- 1 Voir, pour plus de détails, Etudes sur les Eponges de la mer Blanche (Mém. de PAcad. de Saint-Pétersbourg, n° 7, 1878, p. 37). 424 C. MEREJKOWSKY. longe de plus en plus et le faisceau de spicules qu'il renferme et qui lui sert de soutien s'élève avec lui et monte vers le sommet du bour- geon naissant, souvent même ressortant par les bouts au-dessus de la surface. Il paraît que ce déplacement des spicules est un fait bien réel et non pas seulement apparent, qui s'effectue par suite de l'apparition continuelle de nouveaux spicules. Je n'ai jamais pu aper- cevoir de fins, c'est-à-dire jeunes spicules, renfermés dans le bour” geon naissant, et en outre, comme je viens de le dire, ces spicules parfois en nombre considérable, ressortaient à la surface de l’extré- mité du rejeton (fig. 9, 10 et 44) Ià où il n'y avait plus de syncytium. I est clair qu'ils s'étaient formés, ou bien dans la base du fil, ou bien, ce qui du moins peut avoir lieu en partie, dans l'éponge même ; puis elles avaient été poussées au dehors par une force inconnue par suite de quoi leurs extrémités s'étaient montrées au-dessus de la surface du syncytium. Après avoir atteint une certaine longueur, qui du reste est sujette à de grandes variations, le filament, qui déjà peut être envisagé comme le pédoncule du futur bourgeon, com- mence à produire à son extrémité le bourgeon même. On voit clai- rement sur la figure 9 une petite agglomération de syncytium placée sur un long pédoncule et entièrement remplie de menues étoiles, cest le premier rudiment du futur bourgeon ; sur les figures 10 et 11 ce procédé se dessine beaucoup plus nettement ; mais ici encore le petit renflement globulaire n’a pas encore formé ses propre spicules de la longue catégorie. Enfin sur la figure 6 (représentée sous un plus faible grossissement que les figures 9 et 11) le bourgeon globuleux (b) qui a déjà atteint son développement entier, possède de longs spi- cules élaborés par lui-même, qui rayonnent à la surface. Il ny a pas de doute que dans le cas donné, comme je l'ai observé par exemple chez la Æenalda arctica, un semblable bourgeon globuleux se sépare finalement de son pédoncule afin de produire, et mène une vie tout à fait indépendante, se transformant en une nouvelle éponge. En comparant les bourgeons et leur mode de formation dans l'é- ponge que Je viens de décrire avec ceux qui ont été décrits aupara- vant dans la Tethya lyncurium, on peut remarquer l'extrème ressem- blance de ce procedé dans les deux cas. J'ai moi-même observé les bourgeons d’un assez grand nombre d'exemplaires de Tethya lyncu- rèum de Naples et de Sicile qui se trouvent au musée zoologique de l'Université de Saint-Pétershourg et j'ai représenté sur les figures 12 BOURGEONNEMENT DES ÉPONGES. 495 et13 de la planche XXXI deux d’entre eux presque entièrement déve- loppés qui, ainsi qu'on le voit, rappellent excessivement le premier stade du développement des bourgeons de la Tethya de la mer Blan- che ; il n'y a de réelle différence que dans la grandeur du bourgeon même, dont le diamètre est plus faible dans la Tethya de la mer Mé- diterranée. et dans la longueur du pédoncuie, auquel est fixé le bour- geon. Toute la surface de ces éponges méditerranéennes globuleuses, se distinguant des éponges de la mer Blanche par leur grandeur beaucoup plus considérable, était entièrement couverte de rejetons coniques ou cylindriques menus et courts, à l'extrémité desquels se remarquait parfois un renflement rond. Ces rejetons se distinguent, non seulement par leur moindre grandeur, des cônes si caractéris- tiques pour la ÆRinalda arctica, mais encore et surtout par l'absence de cavités, car ils sont entièrement massifs. Quant à ce qui concerne l'espèce à laquelle il convient de rappor- ter la Tethya de la mer Blanche qui vient d'être décrite, c'est, à en juger d’après les spicules, une véritable Fethya lyncurium. En comparant, par exemple, les longs spicules cylindriques de la Zethya lyncurium, ainsi que ses grands spicules étoilés, avec ceux de la Zethya norvegica Bowerbank, nous ne trouvons pas la plus petite différence, et en général, dans la description que donne des deux formes le savant anglais nous ne trouvons rien, si ce n'est la différence de grandeur qui puisse autoriser à faire de ces deux for” mes deux espèces différentes. Quant aux petites étoiles qui se trouvent toujours à côté des plus grosses, il existe une petite différence, du moins il en était ainsi dans les exemplaires que j'ai eus sous les yeux, dont les uns, Zethya lyncurium, provenaient de Naples et de Sicile et les autres, Zethya norvegica, de la mer Blanche. La différence est insignifiante et consiste seulement en ce que les rayons sont plus courts que le corps même de l'étoile dans l'espèce de la mer Blan- che, tandis que dans la Tefhya lyncurium le corps est très minime et les rayons longs, minces, cylindriques et pointus, ce qui leur donne l'air plus délié, moins massif. Somme toute, je crôis possible de conserver l'espèce de Bower- bank, qui sera caractérisée par conséquent par la constance de la formation des bourgeons extérieurs, leur abondance, leur grande taille et leur complexité et ensuite par la dimension constamment plus petite de l'éponge même, qui ne dépasse pas en diamètre. un demi-centimètre. Enfin, les petits spicules étoilés, très massifs. 426 C. MEREJKOWSKY. ont plutôt l'apparence de globules à la surface desquels sont placés des rayons courts et coniques. Du reste, quant à ce qui concerne la grandeur de l'éponge, elle n'a de signification que rattachée aux autres traits caractéristiques : par elle-même elle sert peu à la caractéristique de l'espèce. Bower- bank ! rapporte par exemple, à propos de la Zefhya cranium (qui ap- partient au genre Tetilla d'Oscar Schmidt ?), que tous les individus qui provenaient de l’île d’Arran se distinguaient par l'extrême peti- tesse de leur taille, qui ne dépassait pas la grandeur d'un pois, tandis que d’autres exemplaires de cette même espèce, mais provenant d’un autre lieu, atteignaient des dimensions beaucoup plus considérables. RÉSUMÉ. 1. La reproduction asexuelle par bourgeonnement extérieur est reconnue seulement dans la famille des Suberitidinæ (dans les genres Suberites, Tetilla, Tethya. Rinalda). 2. Les bourgeons se produisent toujours sous forme d'un renfle- ment plus ou moins grand à l'extrémité d’un pédoncule plus ou moins long (fin et cylindrique, ou conique), qui s'élève ou bien à toute la surface du corps, ou bien à l'extrémité d'organes particuliers (Rinalda arctica). Ge pédoncule qui porte le bourgeon est toujours massif et est composé de spicules et de syncytium sans canal et sans pores. 3. Le bourgeon est produit uniquement par le syncytium avec ses spieules sans aucune participation de l’entoderme. 4. Le bourgeon, par conséquent, n’est pas une invagination de la paroi de l'éponge mère ; les cavités, qui d’abord sont entièrement absentes, se forment dans la jeune éponge toutes à neuf et ne pro- viennent pas de la cavité maternelle. EXPLICATION DE LA PLANCHE. (Les figures 1-5 sont représentées de grandeur naturelle; fig. 6-8, augmentées 7 fois; fig. 9-11, augmentées près de 40 fois ; fig. 12 et 13, augmentées 10 fois.) FiG. 1-3, Exemplaires entièrement adultes de Tethya de la mer Blanche ; grandeur naturelle; à la surface se trouvent des groupes de bourgeons montés 1 BowEerBaxk, À Monograph of the british Spongiadae, vol. TIT, 1874, p. 36. ? Oscar ScHM1oT, Spongienfauna des Atlantischen Gebietes. dits à ébate RE. à 2. ot En de BOURGEONNEMENT DES ÉPONGES. 427 sur des pédonceules plus ou moins longs, de forme et de grandeur dif- férentes. Fi. 4, Probablement un bourgeon détaché, projetant dans toutes les directions de longs fils et des protubérances qui plus tard porteront des bourgeons à leur extrémité. 5. Deux exemplaires de la même Tethya, fixés à la surface intérieure d’une Terebratula, entièrement dénués de bourgeons et de toute espèce de protubérances à la surface. 6. Sur un long pédoncule monté sur le corps maternel {æ) est fixé un bourgeon de forme irrégulière (a), sur lequel sont encore implantés plusieurs bour- geons (6, c, &,. Augmenté près de 7 fois. 7. Métamérie dans la disposition des bourgeons. 8. Ramification dichotomique du pédoncule portant à chaque extrémité un bourgeon. Le bourgeon gauche semble se diviser dans sa longueur, ce qui probablement donnera lieu à une nouvelle dichotomie. 9-11. Premiers stades de développement des bourgeons. Outre les lougs spicules, on en aperçoit encore de petits en forme d'étoiles. Augmenté près de 40 fois. 12-13. Bourgeons à la surface d’un exemplaire d’un Tethya lyncurium prove- nant de Sicile. Augmenté près de 10 fois. MORPHOLOGIE GÉNÉRALE ET COMPARÉE. [Nous croyons devoir reproduire ici quelques idées de morphologie générale et comparée de l’auteur sur les rapports des Éponges et des Hydroïdes. | Elles sont extraites des mémoires de l'Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, vi série, 1878. — Mémoire sur les Éponges de la mer Blanche.] « Je veux encore, pour conclusion, toucher à quelques questious générales, morphologiques, et m’efforcer de réunir en une seule idée générale les faits particuliers et variés que présente la morphologie des éponges. Je tàcherai de démontrer quelles analogies et quelles différences existent entre la classe des éponges et la classe voisine des hydroïdes, que j'ai aussi eu l’occasion d'étudier ; en un mot, en formant une idée générale de l'éponge, je veux trou- ver son rapport avec l'idée générale des hydroïdes, et de cette comparaison, la nature de l'éponge ressortira clairement et pourra être exprimée en peu de mots. « Avant tout, portons notre attention sur quelques analogies d’un côté, sur quelques différences de l’autre qui apparaissent lorsqu'on compare les épon- ges aux hydroïdes. Dans un article que j'ai publié dans les Annals and Maga- 428 C. MEREJIKOWSKY. zine of Natural History *, voici comment j'ai défini l’individualité des hydroï- des : on appelle individus, parmi les hydroïdes, toute cavité gastrale à un seul axe diplopôle, entourée de deux couches de tissus; l’ectoderme et l’ento- derme, sans compter la couche musculaire. Me fondant sur une semblable manière de comprendre l’individuaiité dans les hydroïdes, et aussi sur plu- sieurs autres faits et considérations qui sont développés dans l’article ci-dessus mentionné, je considère chaque hydranthe ayant, par exemple, quatre ten- tacules, non pas comme étant un seul individu, mais comme étant une colonie polymorphe composée de cinq individus, qui, cependant, vu la division du travail, sont appropriés à des fonctions différentes ?, et, en même temps, ont perdu quelque peu de leur indépendance, car chaque individu est devenu le serviteur de toute la colonie, de toute la communauté. Une semblable co- lonie polymorphe peut être comparée aux colonies que nous présentent les Siphonophores, chez lesquelles, seulement, la division du travail, et par con- séquent le polymorphisme, a atteint de plus grandes proportions. La même définition de l'individu que j'ai donnée pour les hydroïdes pourrait servir éga- lement pour les éponges * ; par conséquent, chaque cavité gastrale à un seul axe diplopôle devra être considérée comme individu et autant il y a de ces axes, autant il y a d'individus *. 1 C. MereskowsKky, Studies on the Hydroida {Annals andMagazine of Nat. History 1878, 5 Ser., VOL AL p.290) 2 Quatre individus, ou tentacules, servent spécialement à défendre la colonie contre ses ennemis, et surtout à attraper sa nourriture, tandis qu’un individu, ou l'estomac, est adopté spécialement à la digestion de cette nourriture qui, sous forme de chylus, part de là pour se rendre dans toute la colonie et par conséquent dans les individus-tentacules aussi. 3 Excepté pourtant l’intéressante forme Cladorhiza décrite par G. Sars dont J'ai fait mention plus d’une fois. # Cependant il ne faut pas prendre pour individu chaque tube uniaxe, chaque canal composé d’ectoderme el d’entoderme, car un semblable canal, ainsi qu'on le voit clairement en comparant les Ascons et les Leucons, n’est rien autre chose que le pore primitif qui traversait les parois de lOlynthus et qui, à cause d’un grand développement de ces parois dans la direction de l’épaisseur, s’est transformé en un canal plus ou moins long et même souvent ramifié. Du reste, dans ces derniers temps \r. W. SaAviLLe KENT s’est exprimé au sujet de l’individualité dans la classe des éponges d’une manière très originale et que je crois pouvoir être juste (V. An- nals and Magazine of Nat. Hist., ser. IV, vol. XX, 1877, novembre, p. 448). En parlant des Physemaria de M. HAECKEL, 1l exprime l'opinion que ce groupe d’or- ganismes est composé de vraies éponges, de représentants inférieurs et les plus simples de cette classe. In this simplicity, dit-il ensuite, they are shown to closely correspond with a single spherical « ciliated chamber » or « ampullaceous sac » of certain of the more complex types. D'après cette manière de voir un vrai individu d’éponge serait une « chambre cillée », rien qu'une petite partie de ce qu'aujourd'hui nous sommes habitué à appeler individu. En acceptant cette manière de voir nous serions donc conduit à envisager, par exemple la figure 15, pl. Il, ou bien la figure 16, pl. III dans l’'articie de F. Scnccrze (Zeischr. fur wissensch. Zoologie, vol. XXVIIF, 1877), non cotuime un système gastrovasculaire, comme des canaux qui d'endroils en endroits MORPHOLOGIE GÉNÉRALE ET COMPARÉE. 429 «Après nous être éclaircis sur ce point, nous pouvons poursuivre. Dans l'ex- trème jeunesse, pendant les premiers stades de son développement, l’analogie entre les.hydroïdes et les éponges est complète; les œufs, les morula, les blastulæ et souvent même les gastrulæ dans les deux classes d'animaux sont tout à fait semblables. Mais habituellement l'éponge ne s'arrête pas au point morphologique représenté par la gastrula, c'est-à-dire à un seul individu avant plus où moins la forme de sac uniaxe; ce stade en forme d’olynthus est très rare. Il en est de même des hydroïdes ; dans les deux groupes l'individu pri- mitif poursuit plus loin son développement ; il commence à se multiplier par bourgeonnement, et de telle sorte que les bourgeons ne se détachent pas de l’organisme-mère, mais lui restent attachés, formant avec lui un tout, une co- lonie. Ce mode de reproduction est commun aux éponges et aux hydroïdes, et, chez ces derniers, les bourgeons dont je parle ne sont rien autre chose que les tentacules. Ordinairement lorsque ce mode de reproduction avance, on constate une différence très importante entre les éponges et les hydroides ; mais 1] arrive aussi que l’analogie la plus complète continue d'exister entre elles-mêmes, dans ce stade de développement, qu’on pourrait appeler stade colonial. On observe ceci le mieux et le plus souvent dans les éponges cal- caires, surtout dans quelques représentations de la famille des Sicones qui est tout entière composée d’éponges à colonies. Si nous portons notre attention sur des formes comme celle de la Sycetta sagitlifera, Sycaltis conifera ou Sy- celta primiliva H.!' et que nous comparons l’une de ces formes avec un hydroïde, comme par exemple avec une Syncoryne ou avec la Gemmaria im- plexa ?, leur analogie apparaîtra poussée au plus haut point. « En comparant les deux dessins de M. Haeckel et de M. Hincks on voit clai- rement la ressemblance entre les formes des éponges et des hydroïdes ; on voit comment, de même que la Sycetta primitiva est une colonie, la Gemmaria implexa est de la même manière agencée en colonie, ainsi que j'ai tâché de le prouver dans l’article sur les hydroïdes, dont j'ai déjà parlé ?. Mais il v a s’élargissent en chambres ciliées sphériques, en un mot non comme des organes, mais comme des individus à forme sphérique réunis ensemble par une couche or- ganique et communiquant au moyen de canaux. Une Halisarca entière, d’:près ce point de vue, ne serait pas un seul individu, mais un amas immense composé de milliers de petits individus sphériques, pareils aux têtes rondes des Physemaria ou de Wagnereila. De même, la Leurortis pulvinar (et en général tous les Leucons et les Lycons) se serait pas un seul individu, mais une colouie composée d’innom- brables individus. La figure 24, pl. V du travail de F. ScHuLTZE ci-dessus cité nous présenterait aussi dans ce cas toute une colonie, mais ici les individus auraient pris une forme cylindrique, quelquefois se ramifiant, à l'instar des tentacules d'un hydroïde. En gé- néral toute cette figure nous rappelle infiniment une C{ava, Coryne ou quelque autre hydroïde dans ce genre. Du reste, je vais encore revenir à cette analogie. 1 E. HaECkEL, Monographie der Kalkschwämme, 1872, vol. III, pl. XXXXI, fig. 2. 2 J. Hixcxs, British Hydroid Zoophytes, 1878, vol. II, pl. IX, fig. 3, où cet hydroïde est appelé Zanclea implexa. Voir aussi ALLMAN, Monogr. of Tubul. Hydr. à Ann. Nat. Hist., 1878, ser. V, vol. I. +30 C. MEREJKOWSKY. un cas d’analogie encore plus frappant et où 1! n’y a positivement plus aucune différence morphologique entre les deux classes. L'éponge présentant cette complète analogie avec l’hydroïde est la Sycetta stauridia H. que M. Haeckel a décrite dans sa monographie des Calcispongiaires !. On voit que cette éponge est composée de cinq individus parfaitement sem- blables les uns aux autres ; l’un d'eux, l’individu-mère, porte au milieu de son corps quatre individus-filles placés en croix et dont les axes sont verti- caux à l’axe principal. Si l’on compare cette éponge à un hydroïde quelconque ayant quatre individus-tentacules, l'analogie apparaîtra frappante, et pourra encore servir à prouver que l’hydranthe avec ses quatre tentacules est vérita- blement une colonie, et que chaque tentacule est bien un individu. Dans l'éponge qui nous occupe, ainsi que cela est visible d’après le dessin de Haeckel, chacun des quatre individus latéraux a, tout comme lindividu- mère, une cavité s’ouvrant à son extrémité en une ouverture ronde, de ma- nière que l'indépendance de ces cinq individus s’est conservée au même degré dans chacun d'eux ; cela se comprend, car chaque individu-fille étant immobile ne peut saisir de proie comme le font les tentacules des hydroïdes ; donc il n’a pu se produire de division du travail, ni la bouche n’a pas pu se fermer dans les individus des côtés qui sont restés d’aussi bons estomacs que Pindividu-mère. Les tentacules des hydroïdes, au contraire, n’absorbant pas directement la nourriture, et n'ayant pas à la digérer, ont perdu leur carac- tère de cavité gastrale, et leur orifice buccal restant sans usage s’est atrophié. Enfin, je ne puis passer sous silence un autre cas tout aussi frappant d'ana- logie entre les hydroïdes et les éponges, bien que, je l’avoue, l'analogie dans ce cas ne soit pas si évidente et si claire : je veux parler de la Halisarca Du- jardinii, dont l'anatomie a été si bien dernièrement étudiée par F.-E. Schultze dans les articles qu'il a publiés dans le Zeitschrift für wissenschaftliche Zoo- logie?. Si l'on fait attention aux figures 24 et 25 de la planche V de son mémoire, on verra une mince découpure transversale à Ja surface du corps à laquelle on peut remarquer que les canaux se dirigent en droite ligne à la surface sous forme de cylindres uniaxes et diplopôles, et que, dans tous les sens, sur toute leur étendue, ils donnent de petites protubérances cylindriques, ou tentacu- les, semblables au cylindre lui-même : quelquefois ces protubérances se ra- milient, comme cela se remarque également dans les tentacules de certains hydroïdes. Toutes ces protubérances sont composées d’un entoderme et, en outre, sont entourées d’une couche épaisse d'ectoderme dans lequel elles sont comme submergées. Maintenant si l’on se représente quelques hydroïdes placés en une rangée, par exemple Gemmaria implexa où même Sycoryne ou Coryne, et si l'on suppose que cette rangée soit submergée dans l'ectoderme, et qu'à travers cette rangée nous pratquions une découpure transversale, nous aurions obtenu un tableau presque absolument semblable à celui dessiné par ? 1 E. Harckez, Mon. d. Kalkschw.. vol. II, pl. XXXXII, fig. 43-16, p. 245 (du volume ]I). < 2 F. E. ScauLTze, Z. f. w. Zoologie, Bd.. XXNHIT, 1 us 2-Helt; "1877: MORPHOLOGIE GENÉRALE ET COMPAREE. 131 F. E. Schultze !, En réalité ces dessins nous rappellent excessivement par leurs contours intérieurs quelque hydroïde dans le genre de la Syncoryne, mais qui seulement aurait l'ectoderme très développé en épaisseur, raison pour laquelle le tout se serait fondu en une masse donnant à l'éponge l'aspect d’un corps compact. Toutes ces analogies, si saisissantes et si frappantes entre les éponges et les hydroïdes sont cependant des apparitions exceptionnelles qui ne sont pas fréquentes ; comme je lai déjà dit, il arrive ordinairement qu'aus- sitôt après la formation de l'individu primitif il se manifeste dans la marche du développement de l'éponge et de l'hydroïde des distinctions dont dépend toute la différence ultérieure morphologique de ces deux classes d'êtres. Comme on sait, l'éponge se présente ordinairement sous l'aspect d’une masse informe, ou, pour mieux dire, multiforme et compacte, et dans le fait chaque éponge peut être considérée comme formée d'une colonie d'un grand nombre d'individus apparaissant par voie de bourgeonnement de l’individu-mère ou de l'individu-embryon. L'organisation de la Halsarca dans ses traits généraux peut être entièrement rapportée à celle de toutes les autres éponges, avec cette différence, seulement, qu'on est loin &’v voir toujours la même régularité relativement assez grande, dans la disposition des parties ; la plupart du temps cette disposition est si irrégulière, si confuse, qu'on ést très embarrassé pour se faire une idée claire de la structure anatomique de l'éponge ; ceci explique notre ignorance, parfois complète, de l'organisation du système, gastrovas- culaire. Mais, quoi qu'il en soit, chaque éponge provient d’un individu primitif régulier et symétrique, par voie de bourgeonnement de cet individu, c'est-à- dire, par la formation d’une colonie s’effectuant par la même voie que la for- mation de colonies dans les hydroïdes ; mais en même temps on remarque Îles importantes différences suivantes : « 4° Dans les hydroïdes, lorsqu'il commence à se former une colonie de la forme embryonnaire rappelant l’hydroïde primitif ou l’Archhydra Haeck., c’est-à-dire quand il apparaît à la surface de cette dernière de nouveaux indi- vidus ou tentacules, comme nous continuerons à les appeler, ces nouveaux individus s’attachent à l’individu-mère, non pas au hasard, mais d’après une loi rigoureuse et précisément de manière que l’äpparition de chaque tentacule appelle l'apparition d’un autre tentacule identique, placé en face du premier; en un mot il apparaît toujours simultanément deux tentacules et jamais moins, disposés d'une manière symétrique : après cette paire il peut en appa- raître plusieurs autres, mais de telle sorte que leur nombre puisse toujours s'exprimer par la formule 2 X n, c’est-à-dire qu'il soit toujours pair. Tous ces tentacules s’attachent régulièrement autour de l'axe ou de l'individu principal, en même temps que chaque paire de tentacules opposés forme un axe secondaire ; cette loi est remarquablement constante parmi les hydroïdes. Pourtant dans les éponges, à part les quelques exceptions dont nous avons déjà parlé (particulièrement la Sycelta stauridia) on ne remarque rien de semblable; ici, rien de régulier sous ce rapport, et l’apparilion des bourgeons, c’est-à-dire de nouveaux individus, non plus que leur répartition sur l'organisme ile. fig. 24, pl. V. 432 C. MEREJKOW SKY. mère, n'est soumise à aucune loi; elle s’accomplit sans ordre et d'une façon tout à fait arbitraire. Cette différence est très sensible et contribue beaucoup à éclaircir les rapports existants entre les hydroïdes et les éponges. La seconde distinction n'est pas moins importante que la première. Elle consiste en ce que : « 2° Dans les hydroïdes les nouveaux individus ou tentacules, au fur et à me- sure de leur apparition sur l’organisme-mère s’étirent, en même temps que ce dernier, dans tous les sens, mais particulièrement en lung, sans se rencon- trer jamais ni s'unir, et forment ainsi une colonie ramifiée au milieu de laquelle chaque individu demeure distinct de ses voisins. Nous avons vu le pendant de ceci dans les éponges, par exemple dans la Sycetta primiliva, où une quan- tité de petites éponges-filles sont attachées à l’organisme-mère, mais chaque fille n’est nullement unie à sa voisine, elle est toujours clairement limitée et liée seulement par sa base à l’organisme-mère. Mais de semblables cas sont des plus rares et l'on peut dire qu'ils se rencontrent presque seulement dans les éponges calcaires, qui ont, en général, peu de tendance à se fondre en masse compacte; la famille des Ascoues, particulièrement, nous présente des exemples de ce genre. La plupart des éponges des colonies de la famille des Svcons sont en- tièrement semblables à la Sycetta primitiva, seulement leurs individus-filles ne sont pas indépendants ; ils sont plus ou moins soudés par leurs parois, de manière que l'œil n’aperçoit qu'un seul organisme à grosses parois. Mais outre ces exemples empruntés aux Ascons, dans une foule d'autres cas nous pouvons remarquer une chose diamétralement opposée à ce qui a lieu pour les hydroïdes. Dans les éponges, les bourgeons nouvellement formés, les individus-filles, ainsi que leurs rejetons à eux, ne s'étendent pas dans l’espace. Ils sont unis par leur surface entre eux ainsi qu'avec l’organisme-mère qui les a produits, et forment par là non pas de petits arbrisseaux déliés et très ramifiés rappe- lant la disposition régulière des fleurs, mais une masse lourde et informe qui est caractéristique pour la plupart des éponges. « Ainsi l'hydroïde, aussi bien que l'éponge, est une colonie composée d'une multitude d'individus qui se sont développés par ce bourgeonnement de l'indi- vidu primitif; par conséquent, l’hydre, aussi bien que l'éponge, est le produit de la muliplication de cet individu primitif; mais, tandis que l'hydroide est une colonie polymorphe, s'épauouissant et s'étendant dans l’espace, composée d'individus complètement distincts et séparés, régulièrement disposés dans un ordre déterminé par une loi rigoureuse, l'éponge est formée d’une colonie d'individus dispersés irrégulièrement, sans aucune loi et fondus en une seule masse compacte. « Voilà, en quelquesimots, les faits caractéristiques, quoique très généraux, des deux classes ; il me semble qu'en lisant tout ce qui précède on peut se former une idée assez claire sur les éponges en général et sur le rapport qui existe entre elles et la classe voisine des hydroïdes. » RECHERCHES SUR L'ORGANISATION HISTOLOGIQUE LE DÉVELOPPEMENT DE LA CAMPANULARIA ANGULATA CONTRIBUTION L1 A L'HISTOIRE DE L'ORIGINE DU TESTICULE ET DE L'OVAIRE PAR JULIEN FRAIPONT Les présentes observations ont été faites pendant les mois d'août et de septembre 1879, au iaboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff. Je prie monsieur le directeur, Henri de Lacaze-Duthiers, de bien vouloir recevoir mes plus vifs remerciements pour l'hospitalité qu'il m'a accordée dans son institut. Grâce aux bons soins de M. Delage, préparateur ; au dévouement des marins et à l'installation exceptionnelle de cette station zoolo- gique, je me suis trouvé dans les meilleures conditions de travail. BIBLIOGRAPHIE SUR LES CAMPANULARIDES. ELus. — Hist. nat. des Corallines, 1756. CAVOzINI. — Mem. da serv. alla storia de pol. mar. (Naples, 1785). GRANT. — Ann. des sc. nal., t. XIII, 1828. MEYEN. — Reise um die Erde (Nova Acta Acad. nat.), cur., vol. XVI, suppl. LisTER. — Some observations on the struct. and fonct. of tubulars and cellu- lars Polypi {Philosophical Trans., 1834). É DaBveLL. — (Edinb. New Phil. Journal, XXI, 1836.) Froriep’s Notizen, Bd. 1, n° 6, et Bd. XLII, n° 18, 1838. LOWEN. — Verhandel. der Kæingl. 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ORGANISATION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 435 ORGANISATION. Il n'existe pas, à notre connaissance, de travail spécial sur l'organi- sation histologique des Campanularides. Toutefois, E. van Beneden s’est occupé il y a plusieurs années déjà de la constitution intime de la C. dichotoma, mais il n'a pas publié ses recherches. Nous nous servirons dans nos descriptions de la terminologie d'Allmann. La Campanularia angulata se rencontre sur des Zostéra. Elle est d'une taille fort restreinte; sa hauteur est de quelques millimètres. Ses colonies sont peu importantes. Ce qui caractérise surtout cette espèce est l'existence d'un organe appendiculaire spécial, se dévelop- pant à l'extrémité des tiges. Hincks l’appela : organe en forme de vrille'. La grande majorité des colonies que l’on recueille est en- vahie par de petites diatomacées arborescentes, qui les recouvrent quelquefois complètement et leur donnent alors une apparence velue, une coloration jaunâtre. Dans cet état elles sont tout à fait impropres à l'observation. Par contre, les colonies qui ne sont pas in- festées sont d'une transparence admirable. L'hydrorhize ou stolon chemine ordinairement le long des bords hbres des feuilles de Zostéra, sur leurs faces supérieures et inférieures, en suivant une direction rectiligne et parallèle au grand axe de ces feuilles. Sur le stolon principal sont insérées des ramifications secondaires. Sur celles-ci naissent quelquefois des stolons tertiaires. Nous n'avons pas observé d'anastomoses. Sur les hydrorhizes s'élèvent de distance en distance des tiges dressées. Ces tiges sont rectilignes au début et se terminent par une loge d'hydranthe; chez l'adulte, elles ont une direction en zigzag. A chaque angle du zigzag la tige se prolonge et se termine par une loge d'hydranthe alternant. Cette forme provient du mode de développe- ment de l'organisme. Une jeune tige dressée est d'abord rectiligne. Puis à une certaine distance, en dessous de la loge de l'hydranthe, naît un bourgeon qui se développe obliquement et latéralement par rapport à la tige primordiale. Sur ce bourgeon complètement déve- loppé naît un nouveau bourgeon, qui se termine à son tour par une loge d'hydranthe à son extrémité libre. Ce bourgeon alterne de po- 1 À Hist. of the Brit. hydr. Zooph., vol, T, p. 170. 436 JULIEN FRAIPONT. sition et de direction avec le premier. Le mème processus se répète un certain nombre de fois. C’est ainsi que la tige dressée prend cette forme, commune d’ailleurs à beaucoup de Campanulaires. En hau- teur absolue, ces tiges mesurent, suivant les individus, 5 à 10 mil- limètres. Chez certains individus, on remarque, à l'extrémité supé- rieure des tiges dressées, un long organe appendiculaire en forme de vrille, dont la longueur peut être quelquefois égale à celle de la tige tout entière (fig. 3). Cet organe, aminci à son point d'insertion, s’élargit faiblement et progressivement jusqu'à son extrémité libre, où il se termine en forme de crosse. Il n’est pas rectiligne, mais ondulé ou recourbé. A sa base, le périsare forme un nombre plus ou moins considérable d'étranglements annulaires. Nous n'avons pu déterminer sa signifi- cation. Les Gonangium sont fixés sur l’hydrorhize entre les tiges des hy- dranthes. Ils mesurent 4 ou 2 millimètres de hauteur. Nous n’avons jamais rencontré sur une même colonie des Gonophores mâles et femelles; en d’autres termes, les colonies sont dioïques. Îl. LE SQUELETIE OU PÉRISARC. C’est le périsarc qui donne à la Campanulaire sa forme déterminée, sa consistance. Il entoure complètement les parties molles, sauf à l'extrémité des hydranthes et des Gonangium mürs. En ces deux points, il existe des solutions de continuité sous forme d'orifices cir- culaires ou ovalaires. C’est le périsarc qui donne aux rameaux leur forme cylindroïde plus ou moins régulière. Au point d'insertion des rameaux, des tiges sur les stolons et des Gonangium, à la base des rameaux secondaires, quelquefois intéressant toute la longueur de ces rameaux secondaires, au point d'insertion des têtes d'hydranthes, on distingue dans le périsarc des étranglements annulaires plus ou moins nombreux. Le chiffre 5 est le plus ordinaire. A l'extrémité libre des rameaux, le périsarc s’épanouit en forme de calice pour constituer l'hydrothèque. Il varie d'épaisseur dans les différentes portions de l’hydrothèque. Si l'on examine cet organe, en allant de sa base vers son sommet, on trouve que, vers le premier tiers, que la pa- roi s'épaissit du côté de sa face interne et constitue à ce niveau un bourrelet circulaire, un véritable diaphragme (pl. IL, fig. 4, 4). La paroi de l'hydrothèque s'épaissit encore en un bourrelet allongé suivant ORGANISATION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 437 les faces latérales du bord libre (pl. If, fig. 4, x). Par contre le pour- tour du bord libre est excessivement mince et même difficile à dis- tinguer avee un grossissement de 600 diamètres. Sur les stolons, le périsarc a une forme subcylindrique du côté de sa portion libre; il est aplati du côté de la face qui est appliquée sur le substratum. A ce niveau, sa surface externe n’est pas lisse comme partout ailleurs, mais rugueuse (pl. I, fig. 4, c). Je crois pouvoir expliquer ce fait. Lorsqu'une planula se fixe à une feuille de Zostéra et qu'elle se transforme en un polype sédentaire, la portion de son corps qui donne naissance au stolon est revêtue d’une cuticule mince encore, qui se moule suivant l’une de ses faces sur toutes les petites tubérosités et anfractuosités, dont la surface de la feuille de Zostéra est couverte. Il en est de même pour les portions de nouvelle formation du stolon. Plus tard, lorsque cette cuticule à pris une plus grande consistance et s'est accrue d'un certain nombre de couches, elle conserve alors la forme des empreintes des rugosités. C’est ainsi que le stolon reste fixé sur son substratum. Il devient dans ces con- ditions très difficile d'enlever un stolon sur une grande étendue sans le briser ou sans enlever des parties de l’'épiderme de la feuille de Zos- téra. Les Gonangium sont pourvus d'une gonothèque variant d’épais- seur d’un point à l'autre de la surface de l'organe. Le périsarc des pé- dicules est très épais et formé de trois à quatre étranglements annulaires. Vers les deux tiers extérieurs de l'organe, il s'épaissit de nouveau en proéminant à l’intérieur du Gonangium, de facon à con- stituer un bourrelet circulaire de forme caractéristique (pl. Il, fig. 20,0). Au niveau de l'extrémité libre terminée en crosse des organes ap- pendiculaires, le périsarc devient excessivement mince. Quant à la constitution intime du périsarc, il est formé par une substance chitineuse se présentant sous forme de lamelles adja- centes en nombre plus ou moins considérable. Cette structure est manifeste au niveau des étranglements annulaires des pédicules des Gonangium (pl. IT, fig. 22, cj. Dans d'autres parties du périsare ces lamelles ne sont que très peu ou pas du tout visibles. ÎII. LE CÉNOSARC. Le cénosarc constitue une paroi qui délimite un canal : la cavité gastro-vasculaire. Le diamètre et la forme de ce canal varient suivant : le point où on l'examine. I chemine dans les stolons, il émet des 438 à JULIEN FRAIPONT. prolongements rectilignes dans les tiges, dans les rameaux, dans les bourgeons et dans l’appendice en forme de vrille, des prolongements en forme de cul de-sac dans les Gonangium. Ce canal est en com- munication avec l'extérieur à l'extrémité libre de chaque tête d'hy- dranthe par l’orifice buccal de l’hypostume. Au point de vue histo- logique, on distingue dans le cénosarc trois couches : l’ecétoderme, l'endoderme et la lamelle intermédiaire. Ges trois éléments varient d'épaisseur et de forme. La portion céphalique de l'hydranthe, c'est-à-dire la portion située à l'intérieur de la loge et que l’on peut encore appeler hydranthe proprement dit, se laisse subdiviser en : un corps, une région hypo- stomienne, une région tentaculaire et vingt-quatre tentacules. La forme de cette partie de l'organisme varie énormément selon que l’hydranthe est épanoui, qu'il est rétracté ou qu'il affecte une des mille positions intermédiaires entre ces deux états. Complètement distendu, le corps à la forme d'un cylindre rétréci vers le milieu et s'élargissant vers les bords libres. Le bord inférieur du cylindre repose sur le bourrelet ou diaphragme que forme la paroi de la loge à ce niveau. La portion supérieure du cylindre, qui s’élargit en forme d'entonnoir, repose sur le pourtour du bord libre de la loge. Le reste du corps, c'est-à-dire ses faces latérales, n'est pas en contact avec les parois de l’hydrothèque. Les bords supérieurs de l’entonnoir constituent la région tentaculaire ; sur le pourtour de cette région sont insérés les tentacules. Ils sont disposés en deux séries alternan- tes ; ce qui est le cas, je pense, pour la grande majorité des Campa- nulaires. À l’état d'extension complète, douze tentacules contour- nent le bord libre de la loge, s'infléchissent en bas pour se redresser tant soit peu à leur extrémité (pl. IL, fig. 1). Une autre rangée est insérée en dedans par rapport aux premiers. Les tentacules, qui la constituent sont dirigés en dehors et en haut. Telle est la position d'un individu complètement épanoui et à l’état de repos. Mais cha- que tentacule peut prendre une position tout autre et indépendante de celle de ses voisins. Chaque tentacule peut s’étaler ou se contrac- ter individuellement; il peut s’infléchir dans toutes les directions, se recourber en dedans ou en dehors et même pénétrer plus ou moins profondément à l'intérieur de l'hypostome par son extrémité libre. Du milieu de ce double cercle de tentacules s'élève l'hypostome (4), organe qui, chez le vivant, varie d’un moment à l'autre dans sa forme. - ORGANISATION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 439 Il se termine par la bouche ou orifice de la cavité gastro-vasculaire. La forme de cette bouche est aussi excessivement variable. L'hypo- stome affecte tantôt l'apparence d'un ovoïde ou d'une sphère, tantôt il prend la forme d'un quadrilatère à faces concaves; d’autres fois c'est un parallélipipède très aplati; d'autres fois enfin, sa forme est tout à fait irrégulière. Lors de l'extension complète, la région tentaculaire, les tentacules et l'hypostome émergent en dehors de la loge. Lors de la rétraction, la paroi du corps se contracte, ses éléments diminuent de volume dans le sens de la hauteur. Comme le corps est fixé à l'intérieur de la loge par sa face inférieure, la diminution de volume dans le sens de la hauteur entraîne une augmentation en largeur et le refoulement à l'intérieur de la loge de la région supérieure du corps, de la région tentaculaire et de l'hypostome. De plus, les tentacules prennent une position perpendiculaire au plan du bord libre de la loge. Les extré- mités de ces organes s'infléchissent en dedans et ces organes eux- mêmes se contractent. L'hypostome peut à son tour se contracter, diminuer de ses huit dixièmes en hauteur. Dans ces conditions, l'hy- dranthe rentre tout entier à l'intérieur de la loge et y est à l'abri. Tous ces stades de contraction et de rétraction peuvent s'accomphr à la fois par tous les organes ou par chacun d'eux en particulier. Quand l'hydranthe est épanouïi, la cavité gastro-vasculaire présente son maximum de largeur en dessous de la base des tentacules, son minimum à la base de l'hydranthe. Immédiatement en dessous de la base du corps de l'hydranthe, le cénosarc se prolonge en un tube mince d'abord, puis qui s'élargit bientôt pour conserver à peu près le même diamètre dans les ra- meaux, les tiges et les stolons. Ce diamètre est plus ou moins considérable suivant l'importance des rameaux, des tiges ou des stolons. Le cénosare n’est pas, dans la plus grande étendue de son parcours, en contact avec le périsarc. Il émet de distance en distance des prolongements plus ou moins considérables à la face interne de la cuticule; quelquefois il lui est adjacent, suivant une portion varia- ble. Cela se voit aux bifurcations des rameaux, aux points d'insertion des tiges sur les stolons, ou même dans le corps des rameaux, des tiges ou des stolons. A l'extrémité libre de l'organe appendiculaire, en forme de vrille et dans les jeunes bourgeons, il est en contact avec le périsarc suivant toute sa surface. L'ectoderme. — Les cellules de l'ectoderme sont, en général, mal 440 JULIEN FRAIPONT. délimitées. Le plus souvent leurs limites sont difficiles à distinguer, mème après l’action des réactifs. Ce sont des petites cellules plates, polygonales, plus ou moins allongées. Leur taille et leur constitu- tion varient dans les différents organes du cénosarc. Dans l'hydranthe proprement dit, sur le pourtour latéral du corps ces cellules sont finement granuleuses. A la face inférieure du corps l’ectoderme émet des prolongements, les uns latéraux, les autres dirigés de haut en bas, qui s'engagent dans l'épaisseur du bourrelet de la loge. Ces prolongements sont de véritables petites radicelles protoplasmiques servant à fixer l’hydranthe au fond de la loge. Au niveau de la base d'insertion des tentacules, l’ectoderme se prolonge sur ces organes sans changer tout d'abord de caractères. À une courte distance de ce point, il se résout en une lame très mince. A l’aide de forts grossissements, on peut encore distinguer dans cette lamelle des granulations, et, par-ci par-là, un noyau ovalaire. Il arrive parfois que l’ectoderme est plus développé suivant une portion du pourtour d’un tentacule que suivant l’autre ; en d’autres termes l'épaisseur de cette couche n'est pas la même sur tout le pourtour (pl. IL, fig. 4). Vers le milieu ou vers le tiers antérieur du tentacule, l’ectoderme prend des caractères bien différents (fig. 3, a et b). On y remarque, de distance en distance, des épaississements et des rétré- cissements. Au niveau des épaississements, il existe quatre paires ou six paires de petits nématocystes ovalaires, quelquefois sphériques. Ils sont transversalement placés par rapport à l'axe du tentacule. A leur intérieur est un liquide hyalin transparent; et à l’aide d’un grossissement de 600 diamètres, on n'y distingue qu'une petite tigelle très réfringente disposée suivant le grand axe de l'organe et dontune des extrémités est insérée à l'extrémité polaire externe ; l’autre est libre et aboutit aux deux tiers postérieurs de l'organe. Quand l’or- gane a fait explosion, un mince filament assez long en part. Au ni- veau de chaque nématocyste correspond un petit palpoeil. Il ressem- ble à une virgule renversée à contours très réfringents. Au point du protoplasme correspondant aux étranglements, on remarque sou- vent un petit noyau de cellule sphérique, pourvu d'un nucléole. Cette disposition est beaucoup plus accentuée et plus manifeste dans un tentacule de Campanuluria flexuosa (pl. IT, fig. 2, a et 4). Si l’on di- lacère l’ectoderme d’un bras, on trouve qu'autour de chaque organe urticant il existe une couche protoplasmique individualisée, souvent nucléée. Ce palpocil ne paraît être qu'un prolongement de ce pro- ORGANISATION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 441 toplasme. Schultze à observé un fait analogue chez la Cordylophora lacustris ‘. C’est là une relation importante au point de vue de la physiologie, du mode d'action des organes urticants. Par l'intermé- diaire du palpocil, le protoplasme est mis en relation avec l'extérieur; si une excitation affecte le palpocil, elle est transmise au protoplasme, par son intermédiaire ; celui-ci réagit en se contractant et amène ainsi l'explosion du nématocyste. Les cellules ectodermiques de l’hypostome paraissent mieux déli- mitées, plus épaisses. Sous l’action de l'acide acétique dilué, de l'a- cide osmique à ! pour 1000, il apparaît à leur intérieur des noyaux sphériques à nucléoles constants (pl. IL, fig. 4, L). Dans les rameaux, les cellules de l’ectoderme, au lieu d’être tou- jours régulièrement polyédriques, sont souvent allongées dans le sens du grand axe de l'organe, plus allongées que dans le corps de l’hydranthe; quelquefois elles sont fusiformes. Il arrive qu'elles se remplissent de grosses vacuoles qui déterminent le refoulement de la substance protoplasmique granuleuse à la périphérie du corps. Cette constitution est surtout remarquable dans l’ectoderme des appendices en vrille (pl. I, fig. 9). Dans ces conditions, le proto- plasme se dispose en minces couches délimitant des espaces irrégu- lièrement polygonaux. Il nous a semblé que la surface libre des cellules ectodermiques des rameaux et même du corps de l’hydranthe et des tentacules était finement cuticularisée. Schultze décrit chez la C. lacustris ‘ une constitution de la couche périphérique de ces cellules rap- pelant un plateau canaliculé constitué par des bandes plus foncées et des bandes plus claires alternantes. Nous avons déjà parlé des rapports de la face libre de l’ectoderme avec la paroi du périsarc. Vers la partie profonde de ces cellules on remarque quelquefois et en certains points des tiges, indépendam- ment des noyaux propres, d’autres petits noyaux sphériques. Mais il nous à été impossible de déterminer une individualité cellulaire autour de ces noyaux, de façon à les rapporter aux éléments, dont l’ensemble constitue la couche interstitielle de Klemenberg chez l'Hydre. Dans d’autres parties des tiges l'ectoderme affecte une épaisseur plus considérable. On trouve encore, dans ce cas, plusieurs noyaux à différentes profondeurs, surtout là où l'ectoderme émet { SCHULTZE, loc. cit. 442 JULIEN FRAIPONT. des prolongements jusqu'au contact du périsarc. Tantôt l’ectoderme est en relation avec la cuticule par de simples expansions pseudopo- diques, qu'il envoie de distance en distance ; tantôt ces prolongements sont beaucoup plus volumineux; d'autres fois 1l est en contact avec le périsarc suivant une portion de la tige plus ou moins considé- rable. A l'extrémité libre de l'organe en vrille, l'ectoderme prend un dé- veloppement considérable. C'est dans son épaisseur que l'on ren- contre des éléments particuliers et caractéristiques. On prendrait tout d'abord ces corps pour des noyaux de forme irrégulière. Ces éléments sont relativement volumineux par la taille ; ils sont ovoïdes, sphériques, en forme de larmes ou tout à fait irréguliers: ils sont délimités par une membrane fort réfringente ; ils contiennent, à leur intérieur, des granulations dont les contours sont aussi fort réfringents (pl. I, fig. 6). Le carmin les colore comme des noyaux de cellules. Dans les stolons, les rapports de l'ectoderme avec le périsarc sont les mêmes que dans les rameaux. La constitution des cellules n'offre rien de particulier. Comme l'ectoderme dans les Gonangium est en connexion intime avec le développement des Gonaphores et de leurs produits sexuels, nous en ferons la description en même temps que celle de ces organes. L'endoderme. — L'endoderme constitue une couche épithéliale simple délimitant la cavité gastro-vasculaire au niveau de l'hypo- stome, du corps proprement dit de l'hydranthe, des rameaux, des tiges, des stolons, des organes appendiculaires et dans les Gonan- gium. Il constitue l'axe des tentacules. Les cellules de l’endoderme sont en général plus volumineuses, mieux délimitées et ont une teinte différente de celles de Fecto- derme. À la surface elles paraissent plus ou moins régulièrement polyédriques ; à la coupe optique elles sont tantôt cylindriques, tan- tôt cuboïdes. Le plus souvent elles sont arrondies à leur extré- mité libre et pourvues à ce point d’un fouet vibratile. Leur proto- plasme contient des granules de différentes grosseurs. L'extrémité libre est quelquefois rendue presque opaque par l'accumulation de granules. Les noyaux sphériques ou ovalaires sont irrégulière- ment disposés dans le corps ; tantôt ils en occupent le centre, tantôt ils sont accolés à la face externe ; d’autres fois, aux faces latérales. Is sont toujours pourvus d’un ou quelquefois de deux nucléoles. Ces cellules sont rarement vacuoleuses. ORGANISATION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 443 L'axe d’un tentacule est constitué par une rangée de grandes cel- lules endodermiques placées bout à bout, les unes au-dessus des au- tres. Dans un bras complètement épanoui, ces cellules sont sub- cylindriques. Elles diminuent de largeur de la base au sommet de l'organe. Les cellules dont la hauteur est la plus considérable occu- pent la région moyenne du tentacule. Chaque cellule est constituée par une substance hyaline transparente, à travers laquelle cheminent quelques travées protoplasmatiques (deux à huit). Ces prolonge- ments traversent le corps de la cellule dans sa hauteur et dans sa largeur, en se ramifiant. D'autres fois ils ne le font pas. Une couche de protoplasme finement granuleux, quelquefois très mince, revêt toute la périphérie de la cellule. Le noyau, petit, sphérique ou ovoide, affecte une position variable, et souvent c'est de sa surface que par- tent les filaments protoplasmiques (fig. 3). En un mot, ces cellules ressemblent, d’une facon frappante, à des cellules végétales. Nous croyons avoir observé deux ou trois fois des changements de forme dans le réseau protoplasmique. Dans l'hypostome et le corps proprement dit, les cellules de l'en- doderme sont ordinairement conoïdes ou subcylindriques ; dans les rameaux, elles sont souvent cylindroïdes. Dans les stolons, l'endoderme est moins développé que l’ectoderme (fig. 4, pl. [). Les cellules sont petites, aplaties, quelquefois cuboïdes. Nous n avons pas pu leur distinguer de fouets vibratiles. Cependant, nous avons constaté très souvent la progression de granules à l'inté- rieur de la large cavité gastro-vasculaire qu'elles délimitent, et nous avons tout lieu de croire qu'elles en possèdent comme les cellules endodermiques des rameaux. Nous ferons la description de l'endo- derme des Gonangium lorsque nous parlerons de ces organes. La lamelle intermédiaire. — La lamelle intermédiaire, interposée entre l'endoderme et l’ectoderme, apparaît à la coupe optique sous forme d'une lame mince, transparente, délimitée par deux lignes très réfringentes. Elle nous a semblé amorphe dans les rameaux, dans les stolons, dans l'organe appendiculaire. Au niveau du point d'in- sertion du tentacule sur le corps, nous croyons avoir vu la lamelle intermédiaire passer sous la première cellule endodermique, de fa- con à former une cloison entre l’'endoderme des bras et Fendoderme du corps. | Un fait très intéressant et qui à notre connaissance n'a pas encore été observé chez les Campanulaires, c’est l'existence à la surface 444 JULIEN FRAIPONT. de cette lamelle, au niveau du corps proprement dit de l'hydranthe, d'un système de fibrilles. Celles-ci ne sont pas répandues uniformé- ment, mais disposées par faisceaux; les uns sont disposés transversa- lement, les autres obliquement, par rapport au grand axe du corps. Ces fibrilles se trouvent placées immédiatement sous la face pro- fonde des cellules ectodermiques. Elles sont constituées par une substance très réfringente. Etant donnés leur disposition et leurs points d'insertion, ces fibrilles doivent concourir largement à la ré- traction et à l'extension du corps si elles sont de nature musculaire, comme nous le supposons. En effet, la plus grande partie de ces fibrilles ont un point d'insertion au niveau de la base de sustentation de l'hydranthe, c'est-à-dire à cette partie du corps qui reste fixée à l'hydrothèque: l’autre point d'insertion se trouve soit un peu en arrière de la base des tentacules, soit un peu en avant (pl. I, fig. 6). On comprend facilement quel sera l'effet produit par ces fibrilles, si elles se contractent. Dans les tentacules on peut aussi observer des fibrilles à la surface de la lamelle intermédiaire. Elles sont dispo- sées parallèlement au grand axe du bras. Elles doivent aussi jouer un grand rôle dans la rétraction des organes. REPRODUCTION. a. Reproduction par bourgeonnement. — La reproduction agame des Campanulaires est connue depuis longtemps. Dans le nombre fort considérable de colonies que nous avons Ma- niées, nous avons eu sous les yeux à peu près tous les stades de développement des bourgeons, et nous avons pu en faire l'étude par comparaison. La position des bourgeons est déterminée, par rapport aux autres branches déjà formées. Chez les individus d'une certaine taille, c'est presque toujours à l'extrémité libre et supérieure, un peu au-des- sous de l'insertion de la dernière loge, qu'apparaît le bourgeon. Au début, il se présente comme un simple diverticule de la pa- roi du corps. À l'extérieur se trouve la cuticule de la tige ou du rameau ; à l'intérieur, le cénosarc ayant les propriétés du cénosarc de ces mêmes rameaux. Jl remplit complètement la cavité délimitée par le périsarc. Un peu plus tard le bourgeon prend la forme d'un cône inséré par sa base ; son extrémité bbre est arrondie ; sa surface présente des vestiges de deux à trois anneaux circulaires. Puis le REPRODUCTION DE LA CAMPANCLARIA ANGULATA. 445 cône s'allonge ; sa surface est sillonnée de quatre ou cinq étrangle- ments annulaires. Le cénosarc remplit encore entièrement la cavité délimitée par le périsarc. Le bourgeon s’allonge de plus en plus. Il affecte une forme cylindrique dans la plus grande partie de son corps. À sa base d'insertion, on trouve des étranglements annulaires du périsarc, ordinairement au nombre de cinq. Vers son extrémité libre, le tube diminue de volume et sa surface est ornée de quatre à cinq étranglements. Il se termine par une tête renflée, de forme ovoïde. On peut distinguer dans un bourgeon de cet âge : une base, un corps, un col et une tête ; le cénosarc s'étale au niveau de la tête. A partir de cette phase, la base du bourgeon et son corps ne s’agran- dissent plus guère ; la tête seule subit encore de profondes modi- fications ; elle présente alors la forme d'un cône inséré sur la tige par son sommet et la loge commence à s’'ébaucher. A l'intérieur, le cénosarc se différencie. Un sillon circulaire et transversal, par rapport au grand axe du bourgeon, détermine dans le cénosarc de la tête une division en deux parties ; la portion supérieure constituera l’hypos- tome et la portion inférieure : le corps propement dit de l'hydranthe. De plus, la portion supérieure du corps, délimitée en dedans par le sillon, va constituer la région tentaculaire ; au niveau de cette région on remarque deux épaississements en forme de petites tubérosités de positions diamétralement opposées qui sont les deux premiers bourgeons tentaculaires (a). A une phase plus avancée encore, la forme extérieure de la tête du bourgeon rappelle de plus en plus l'aspect d'une loge d’hydranthe. On trouve dans la loge trois portions : l'hypostome, le corps propre- ment dit et, entre les deux, les quatre premiers tentacules, sous forme de quatre tubérosités opposées deux à deux. Plus tard encore, la tête a pris un plus grand développement et l’on distingue à la région tentaculaire toute une rangée de bourgeons tentaculaires. Dans les phases précédemment décrites, toujours le cénosarc était en contact continu avec le périsarc. Lorsque le bourgeon est encore plus âgé, il se fait un retrait du cénosarc, suivant la plus grande partie du pour- tour de la loge. Il ne reste en contact avec la paroi que vers la base de la loge, suivant un plan perpendiculaire au grand axe de l'organe ; à l'extrémité supérieure il est simplement accolé à la paroi très amincie. Enfin les tentacules s’allongent de plus en plus ; l'extrémité de l’hypostome se perfore ; le pourtour supérieur de la loge se ré- sout en un orifice circulaire. Dès lors l’hydranthe, complètement 446 JULIEN FRAIPONT. formé, n'a plus qu'à s'épanouir à l'extérieur. Il eût été fort intéressant d'étudier la genèse histologique des différents organes de ces bour- geons ; mais le temps nous a manqué pour conduire à bonne fin cette étude. Les quelques observations que nous avons faites à ce sujet, sont trop incomplètes pour que nous puissions les publier. b. Reproduction sexuelle. — Le principal but de notre voyage à Roscoff était l'étude, chez quelques types de polypes hydroïdes, de l'origine, de la formation et du développement des organes et des produits sexuels. Nous ne croyons pas inutile de faire ici, en quel- ques mots, l'historique de la question en l’étendant à tout le groupe des Zoophytes. Elle peut se poser ainsi: les organes sexuels provien- nent-ils de l’ectoderme ou bien de l’endoderme, ou bien encore les uns ont-ils une origine ectodermique, les autres une origine endo- dermique ? Huxley le premier chercha à préciser le point de formation des produits sexuels chez les Méduses. Dans un premier travail magis- tral sur les Cryptocarpées, les Phanérocarpées et les Rhisostomides !, il décrit les œufs et les spermatozoïdes comme se développant entre l’'ectoderme et l’endoderme; mais il n'ose préciser davantage. Plustard, dans ses Oceanie Hydrozoa”?, il pencha vers l’origine ectodermique des produits sexuels. Keferstein et Ehlers *, Claus chez les Siphonopho- res*, Kleinenberg chez l'Hydre ÿ, Schultze chez le Cordylophora lacus- très etla Sarsia tubulosa, O. et R. Hertwig chez les Méduses ?, Cia- mician chez les T'ubularia mesembryanthemum 8, défendirent successi- vement l’opinion que les organes sexuels proviennent de l’ecto- derme. 1 Huxzey, On the Anatomy and the Affinilies of the Family of the Medusæ (Philo- sophical Transaclions, 1849, part. I, p 420). ? Huxzey, the Oceanic Hydrozoa, dans Roy. Society, 1858, p. 16. 3 KerEeRSTEIN et EHLERS, Zoologische Beiträge, p. 2. “ CLaus, Neue Beobachtungen über die Structur und Entwickelung der Siphono- phoren (Zeitschrift. [ur wiss. Zool., Bd XIT, et dans Ueber Physaloptera hydr'ostatica Zeitschr. für wiss Zuol., Bd. X). 5 KLEINENBERG, Hydra. 6 ScHULTZE, Ueber den Bau und die Entwickelung von Cordylophora lacustris, Leip- zig, 1871; Ueber den Bau von Syncoryne Sarsü, Leipzig, 1873. T O.et R. HenrwiG, Der Organismus der Medusen und seine Stellung zur Keim- blättertheorie, Iena, 1878. 8 CiamiciAN, Zur Frage über die Entstehung der Geschlechtsstoffe bei den Hy- droïdèn Zeitschr. f. wiss. Zool., 1878, Bd. XXX, p. 504, et même publication, Bd. XXXII, n° 2, Ueber den feineren Bau und die Entiwickelung von Tubularia Mesem- bryanthemum, 1879. REPRODUCTION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 447 Kleinenberg, dans son admirable travail sur l'Hydre, dit que les œufs et les spermatozoïdes se développent aux dépens des cellules interstitielles de l’ectoderme. D’après lui, l'œuf ne serait qu’une cel- lule fortement agrandie de ce tissu. F.-E. Schultze, dans les travaux cités plus haut, décrit les œufs et les spermatozoïdes comme se formant dans certains épaississements de l’ectoderme. O0. etR. Hertwig déclarent, dans leur grand travail sur l’organisation des Méduses, que les produits sexuels sont d'origine ectodermique. Voici leurs conclusions... : « Les dernières découvertes nous per- mettent cette seule manière de voir, que les cellules, femelles et mâles, sont des produits de la couche cellulaire située extérieurement par rapport à la lamelle d'appui; en d'autres termes, que les deux pro- duits appartiennent à l’ectoderme ‘. » Ciamician est très explicite au sujet des organes sexuels de la T'u- bularia mesembryanthemum *. D'autre part, Külliker * soutient que les œufs et les spermato- zoïdes proviennent des cellules endodermiques. Hæckei partage aussi cette opinion, basée sur ses études sur les Géryonides *. Allmann soutient également l’origme endodermique des produits sexuels chez les Tubularides ÿ. I dit avoir observé, dans certains cas, la lamelle musculaire de Kleinenberg entre ces produits et l'ecto- derme. Claus est arrivé aux mêmes conclusions chez les Acraspèdes f. Korrotneff s'exprime ainsi au sujet des organes génitaux de la Lucernaire? : «La capsule génitale entière appartient à la couche interne endodermique. » 1 O. et R. HerTwiG, loc. cit., p. 31 : Die geschilderlen Befunde lassen somit nur die eine Doutung zu, dass männliche una weibliche Geschletszellen AbkOmmlinge der nach aussen von der Strützlamelle gelegenen Zellenlage sind, mit anderen W'orlen, dass beide dem Ektoderm angehôren. 2 J. CramicraN, Es folgt somit aus diesen Beobachtungen dass bei Tubularia sowohl die Eïier als auch die Samenzellen aus d m Ecloderm hervorgehen. 3 KoruKeR, Îcones Histolugicæ, 1867, part. Il, p. 89. * HzæckeL, Die Familie der Rüsselquallen. lenaïsche Zeitsch., Bd. I, 1864, p. 449. # ALLMANN, À Monograph of the Gymnoblastic or Tubularian Hydroids (Roy. So- ciely, 1872, p. 149). 6 C CLaus, Studien über Polypen und Quallen der Adrix. 1 Acalephen. Denkschriften der Wiener Akad. Math. nat, CI., XXX VIII, Bd. I Abth., p. 24. 1 KorroTNerr, Histologie de l'Hydre et de la Lucernaire |Arch. de 300l. exp., t. V, n° 3, 1876, p. 396). 448 JULIEN FRAIPONT. La troisième opinion fut défendue par mon maitre, E. van Bene- den. Il l'appuya sur ses recherches concernant : / Hydractinia echr- nata, la Clava squamata et la Campanuluria gelalinosa *. Ses con- clusions furent celles-ci : Chez les Hydractinies : 1° Les œufs se développent exclusivement aux dépens des cellules épithéliales de l'endoderme. Ils restent jusqu'au moment de leur maturité entourés par les éléments de l’endoderme ; 2 Le testicule et les spermatozoïdes se développent aux dépens de l’ectoderme ; cet organe résulte de la transformation progressive d'un repli cellulaire primitivement formé par invagination ; 3° Il existe dans les sporosacs femelles un rudiment d’organe tes- ticulaire ; dans les sporosacs mâles un rudiment d'ovaire. Les spo- rosacs sont donc morphologiquement hermaphrodites. Généralisant ensuite ses observations, il émit sa théorie sur la fé- condation et la sexualité des feuillets. L’endoderme et l'ectoderme «ont au point de vue sexuel une signification opposée ». « L'endo- derme est le feuillet femelle et végétatif, l’ectoderme le feuillet mâle (nerveux et musculaire). » «La fécondation consiste dans l’union d'un œuf de l’endoderme avec un certain nombre de spermatozoïdes produits de l’ectoderme ». G. von Koch *?, lui aussi, fait provenir les œufs de l’endoderme et les spermatozoïdes de l’ectoderme. Dans un travail récent, R. S. Bergh confirme chez la Gonothyrea Loveni* (Campanularia geniculata) la théorie de E. van Beneden : Tandis, dit-il, que les Zoospermes chez la Gonothyrea Loveni, comme chez les hydroïdes qu'on a étudiés avec soin Jusqu'à présent, proviennent des tissus interstitiels de l’ectoderme, de même les œufs doivent leur origine de l’endoderme. Enfin, Ciamician* soutient que chez l’£udendrium ramosum les 1 E. van BENEDEN, De la distinction originelle du testicule et de l'ovaire (Bull. de l’Acad. de Belgique, 2e série, t. XXX VII, n° 5, 1874. ? Kocx, Miftheilungen über Cælenteraten (Mcrph. Jahrb., Bd. Il, 1876, p. 83-86, AR AA 5 R-S. BERG, Studien über die erste Entwicklung des Eies von Gonothyrea Loveni (Morph. Jahrb., V, 1, Leipz., 1879. « Während die Zoospermien bei Gonothyrea Loveni wie bei sämmtlichen, bisher genauer untersuchten Hydrvïden von dem in- terstitiellen Gewebe des Ectoderms herstammen, nehmen die Eier ihren Ursprung vom Entoderm. » * Ciamicran, Zeits. f. wiss. Zooïi., vol. XXX, n° 4, p. 507. « Bei Eudendrium aber sich die Lier aus dem Ectoderm und die Zoospermien aus dem Entoderm entwic- keln. » REPRODUCTION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 449 œufs proviennent de l’ectoderme, et les spermatozoïdes de l’endo- derme. Korrotneff a voulu concilier ces différentes manières de voir et est arrivé à cette conclusion, qui actuellement est purement théo- rique, «les organes génitaux mâles ainsi que les femelles se déve- loppent du mésoderme, en tant que les éléments du dernier feuillet se trouvent indifféremment d’un côté et de l’autre de la membrane élastique » !. Nous trouvons, avec O. et R. Hertwig, qu'enlever à la lamelle intermédiaire toute signification est une façon peu heureuse d'expliquer les divergences de résultats auxquelles sont arrivés les différents observateurs. O. et R. Hertwig ont, de leur côté, longuement discuté cette question de l’origine des organes sexuels dans leur magnifique travail sur l’organisation des Méduses, et ils ont cherché à concilier avec leur théorie ectodermique les observations de leurs prédécesseurs ?. Mais cette critique nous entraînerait trop loin. Arrivons à nos observations. Nous avons passé environ six semai- nes à étudier exclusivement les Gonophores mâles et femelles de Campanularia angulata et C. flexuosa. La famille des Campanula- rides est représentée à Roscoff par un certain nombre d'espèces. Nous les avons successivement passées en revue avant de nous mettre à faire des observations suivies. Nous avons pris, en premier lieu, la Campanularia angulata, à cause des avantages d'ordre capital que cette espèce présentait au point de vue des re- cherches que nous nous étions imposées. Les tissus de la Campa- nularia angulata sont d'une transparence admirable, et l’on trouve celte espèce à deux pas du laboratoire. J'ai pu ainsi me procurer des matériaux frais à peu près tous les jours. Un mot, tout d’abord, sur le développement des Gonangium. Développement des Gonangium.— Les Gonangium sont fixés sur les stolons chez la Campanularia angulata et ne se développent jamais sur les tiges; tandis qu’au contraire, chez la Campanularia flexzuosa, c'est toujours sur les tiges, à l’aisselle d'un rameau. Au début, c'est un simple diverticule de la paroi dans lequel s'engage le céno- sarc; en d'autres termes, c’est un bourgeon. Celui-ci prend bientôt une forme caractéristique : c’est un petit cône aplati et fixé par son som- met. Le cénosarc, qui au début remplit l’espace circonscrit par le pé- 1 KORROTNEFF, loc, cil., p. 399. 2 HERTWIG, loc. cil., p. 37. ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN, == T. VIit, 1879 et 1880, 29 450 JULIEN FRAIPONT, risarc s'en dégage dansle cône, suivant son pourtour latéral. L'organe grandit, se pédiculise de plus en plus et la cavité gastro-vasculaire ou du blastostyle pousse en avant et latéralement des diverticules. Ces diverticules en cul-de-sac prennent une forme spéciale; ils sont étranglés à leur base d'insertion et dilatés à leur extrémité. C’est au niveau de ces dilatations que se forment les sporosacs mâles et fe- melles. A l'extrémité antérieure du Gonangium, le blastostyle s'étale en tête de marteau. Les cellules endodermiques du blastostyle sont en ce point plus volumineuses, plus claires que dans le reste de l'organe. Les cellules ectodermiques, chez un jeune Gonangium, sont très allongées à l'extrémité antérieure de l'organe. Elles paraissent cylindroïdes à la coupe optique et polygonales à la surface (pl. III, fig. 20). Il existe une couche ectodermique de revêtement plus ou moins mince, qui s'étale à la surface des gonophores et qui reste en continuité d'un organe à l’autre. Comme nous le verrons plus loin, les rapports de la lamelle intermédiaire avec les différents tissus varient suivant que le Gonangium est mâle ou femelle. À mesure que le Gonangium se développe, à mesure que ses produits s'appro- chent de leur maturité, les caractères des cellules ectodermiques changent complètement. Nous étudierons ces changements plus loin. Enfin, le Gonangium prend sa forme définitive et caractéristique d'ovoide pédiculé, ou de calice allongé et aplati suivant deux faces atérales opposées. Organes sexuels mâles et leurs produits. — Nous commencerons par décrire un Gonangium mâle complètement développpé (pl. IV, fig. 9). Il y a lieu de distinguer au Gonangium une enveloppe ou gono- thèque, un système central de canaux et de culs-de-sac constituant le blastostyle, en troisième lieu les organes essentiels : les gono- phores. Ceux-ci ne sont que des diverticules de la paroi du corps dans lesquels un ou plusieurs éléments cellulaires ont pris des ca- cactères spéciaux pour devenir un testicule ou un ovaire. Les gono- phores sont d'autant plus développés qu'ils sont plus éloignés du point d'insertion du pédicule sur le stolon. Nous avons vu la constitution de la gonothèque lors de la descrip- lion du périsarc. Ù Chaque gonophore est revêtu à sa surface d’une couche de cel- lules ectodermiques à limites non appréciables. Cette couche ecto- dermique est en continuité de substance avec l’ectoderme du pédi- cule du Gonangium et par celui-ci avec la lamelle ectodermique des REPRODUCTION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 451 stolons. Gette couche est finement granuleuse; on y remarque de petits noyaux sphériques. Le corps protoplasmique . de ces cellules émet surtout vers la base de l'organe des prolongements qui vont s'insérer à la gonothèque. A l'extrémité supérieure de l’or- gane, aussi bien qu'à la surface des gonophores, on trouve, dans ce feuillet, de distance en distance, des corps ovoïdes relativement vo- lumineux, dont nous avons déjà donné la description à propos de l'ectoderme des rameaux. Au niveau des testicules complètement développés, la lamelle ectodermique qui les recouvre est fortement tendue, très amincie, et en voie de dégénérescence. À mesure que les produits sexuels arrivent à maturité, l’'ectoderme de la portion antérieure du Gonangium change de caractères. Les cellules, primi- tivement allongées et cylindroïdes, perdent leurs limites et l'ensem- ble prend l'apparence d’un tissu muqueux. Les granules protoplas- miques deviennent alors plus volumineux et plus réfringents. Dans les pédicules et dans les parties mtermédiaires entre les culs- de-sac, les cellules endodermiques du blastostyle affectent les ca- ractères des cellules endodermiques, précédemment décrites dans les rameaux. Elles sont assez grandes, cuboïdes, arrondies à leur extrémité libre, fortement granuleuses, à noyau sphérique ordinaire- ment central. Elles possèdent un fouet vibratile. Les cellules endo- dermiques qui tapissent les diverticules latéraux sont conoïdes et elles ont les autres caractères des cellules du blastostyle. A l’extré- mité du blastostyle, les cellules délimitant la cavité sont plus vo- lumineuses et quelquefois vacuoleuses. Mais, chez un Gonangium arrivé à maturité, cette portion du blastostyle et les premiers di- verticules latéraux, c'est-à-dire les plus rapprochés de l'extrémité libre, sont en voie d'atrophie. Arrive maintenant la question du développement des produits sexuels. Pour faire cette étude, il suffit d'étudier un Gonangium mûr de sa base vers son sommet. À la base du pédicule on remarque que le.cénosarc a tous les caractères qu'il possédait dans le stolon. Plus haut, mais toujours dans le pédicule, on trouve un ou deux épaississements de la paroi du cénosarc. Get épaississement est produit par une évagination de cette paroi (quelquefois très faible). Ce petit diverticule est constitué par l'ectoderme, l'endoderme et, entre les deux, la lamelle inter- médiaire. Souvent l'ectoderme est un peu plus épaissi à ce niveau, et les cellules un peu mieux individualisées (pl. IV, fig. 9, «). Plus près 452 JULIEN FRAIPONT. de l'extrémité supérieure de cet organe on trouve ordinairement un second diverticule; mais déjà, ici, un changement s'est manifesté. On trouve que ce diverticule est constitué au centre, une petite cavité qui n’est qu'un cul-de-sac de la cavité gastro-vasculaire. Ce cul-de-sac est délimité par quatre, cinq ou six cellules endodermi- ques. En dehors de cette couche on trouve quelques cellules ectoder- iniques à caractères spéciaux. Elles sont au nombre de quatre à dix. Elles sont beaucoup mieux délimitées que les autres cellules ecto- dermiques, plus volumineuses, plus ou moins globuleuses. Elles sont finement granuleuses (fig. 9, m s; fig. 10, m s). La lamelle intermédiaire chemine entre ces cellules et les cellules endodermiques. Ges cellules ectodermiques différenciées constituent les premières cellules mères des spermatozoïdes. En dehors de ces cellules, on trouve encore une mince couche cellulaire ectodermique. L'ensemble de ce diverticule constitue le premier gonophore mâle rudimentaire. Si l’on observe ensuite un jeune gonophore situé à l’intérieur du Gonangium, on trouve, en allant de dedans en dehors : un cul-de-sac de la cavité gastro-vasculaire ; une couche de cellules endodermiques délimitant cette cavité; puis, plus en dehors, la lamelle intermédiaire ; plus en de- hors encore le tissu testiculaire ; enfin, une mince couche de cellules ectodermiques. Les quelques cellules testiculaires, dont nous venons de parler se sont rapidement multipliées et ont donné naissance à de petites cellules polygonales possédant de petits noyaux sphéri- ques très nets à nucléoles constants. A la coupe optique, l’ensemble du jeune testicule ressemble à un fer à cheval, emboîté autour du diverticule endodermique (pl. IV, fig. 9, et fig. 10, fs). Dans un go- nophore plus âgé on retrouve, en plus grand, la même disposition des feuillets et des éléments. Le tissu testiculaire a pris un dévelop- pement beaucoup plus considérable que dans le diverticule précé- dent. La prolifération des cellules mères des spermatozoïdes a été de plus en plus rapide. L'ensemble du testicule est constitué par un grand nombre de petits corpuscules globuleux, accolés les uns aux autres. Par leur compression mutuelée, ils prennent des formes po- lygonales. À la partie profonde du tissu testiculaire, c’est-à-dire au voisinage de la lamelle intermédiaire, on distingue encore une rangée ou deux, quelquefois une portion seulement de la première rangée où les petites cellules ne sont pas encore transformées, mais posse- dent encore leur corps protoplasmique et leurs noyaux distincts. Il en est de mème pour les couches périphériques. II semblerait REPRODUCTION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 453 donc, par cette observation, que la transformation aurait lieu du centre du tissu testiculaire vers la périphérie (fig. 114, b). Dans un gonophore plus âgé, le volume du tissu testiculaire s’est encore accru; ses éléments sont plus nombreux et plus petits, surtout vers le centre de l'organe (fig. 11, d). Enfin, dans un gono- phore arrivé à maturité, on trouve souvent, à l'angle interne et inférieur de la masse testiculaire, le diverticule de la cavité du blastostyle considérablement réduit et les cellules endodermiques qui le délimitent en voie d’atrophie. A cause de la compression du tissu testiculaire sur tous les organes qui lui sont contigus, les con- tours de la lamelle intermédiaire ne sont plus appréciables. La cou- che ectodermique superficielle est considérablement amincie, et souvent même elle est réduite à une simple lamelle homogène ou finement grapuleuse ; quant au tissu testiculaire, il s’est transformé en un nombre colossal de petits corpuscules très réfringents, serrés les uns Contre les autres (fig. 9, £s, en haut). À ce moment, les sperma- tozoïdes sont formés. Lorsque le gonophore n'est pas comprimé, il a, en ce stade, une forme convexe à l'extrémité; ses faces latérales inférieures et supérieures se moulent sur les gonophores voisins. C'est le cas pour les deux ou trois gonophores les plus antérieurs d'un Gonangium complètement développé. A ce moment, une petite compression détermine la rupture de l'enveloppe du testicule. En même temps que cette rupture a lieu, la cuticule de l'extrémité an- térieure du Gonangium se déchire, se résout en un orifice livrant passage aux produits sexuels. Lors de la rupture de la paroi du tes- ticule, son contenu est projeté à l'extérieur avec une certaine force. Immédiatement après, les spermatozoaires, en contact avec l’eau de mer, se mettent à progresser avec une grande agilité dans tous les sens. Ces spermatozoïdes n'ont pas tous la même forme. Leur corps est plus ou moins sphérique et se prolonge souvent à l'une de leur extrémité en un petit rostre ; à l’autre extrémité se trouve la queue. A l'intérieur du corps, ou tête du spermatozoïde, on distingue une, deux ou trois granulations très réfrirgentes, dont une est ordinaire- ment plus volumineuse que les autres (quand il y en à plusieurs). Celle-ci se trouve placée ordinairement au voisinage du point d'’in- sertion de la queue. Cette queue est très mince, très longue; elle mesure jusqu à dix et douze fois la longueur du corps. L'interpréta- tion que nous croyons devoir donner à nos observations est ceile-ci : chaque corps de spermatozoïde est constitué par un petit novau ou 454 JULIEN FRAIPONT. 4 fragment de noyau entouré d’un peu de protoplasme. Le reste du protoplasme de l’ancienne cellule spermatique constitue la queue. Orgages sexuels femelles et leurs produits. —Le Gonangium femelle, complètement développé, est plus volumineux que le mâle. Il a une forme assez différente. Il est plus allongé et rappelle davantage la forme d'un calice (pl. INT, fig. 20). Les caractères de la gonothèque sont les mêmes que ceux de la cuticule du Gonangium mâle. L’ecto- derme de revêtement des gonophores, sa constitution à l'extrémité antérieure du Gonangium, l'ectoderme du blastostyle ont la même structure que dans le Gonangium mâle. Le Gonangium femelle adulte comporte huit à dix gonophores. Ces gonophores ont une taille de plus en plus considérable de la base du Gonangium à son sommet. A la coupe optique, on voit que les go- nophores alternent dans leur position de part et d'autre du blastostyle. Nous étudierons le développement et la formation des produits sexuels femelles de la même facon que nous avons fait l'étude des produits mâles, en observant un Gonangium de sa base d'insertion à son sommet. Si l’on observe un pédicule de Gonangium femelle arrivé à son complet développement, on remarque que certaines cellules de l’'endoderme affectent des caractères spéciaux, qui les dif- férencient de leurs voisines. Elles sont plus volumineuses que ces dernières, proéminent plus que les autres dans la cavité gastro- vasculaire. Elles sont dépourvues de fouet vibratile. Leur corps protoplasmique est finement et régulièrement granuleux. Elles sont pourvues d'un grand noyau contenant un nucléole et souvent plu- sieurs pseudo-nucléoles (pl. IE, fig. 20 et 21). Ces cellules ont tous les caractères des cellules œufs. Ce sont, en effet, des œufs en voie de développement, mais qui n'arrivent jamais à maturité, ou plutôt qui se trouvent dans de telles conditions que la fécondation ne serait pas possible, alors même qu'elles arriveraient à maturité. Bien plus, on trouve quelquefois de ces cellules, ayant tous les caractères des cellules œufs, dans l'endodermé des stolons. au voisinage des pédicu- les des Gonangium. Chez la Campanularia flexzuosa, nous avons trouvé de ces cellules œufs dans l’endoderme des rameaux primaires et se- condaires (pl. IT, fig. 19). E. van Beneden avait déjà fait cette ob- servation importante chez la Campanularia dichotoma. On observe toutes les transitions entre les cellules endodermiques ordinaires el les cellules œufs typiques. La sexualité n'est done pas exclusivement REPRODUCTION DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 405 dévolue à un point déterminé et restreint de l’endoderme, mais com- porte tout le feuillet. Dans le pédicule du Gonangium, au niveau de telles cellules endo- dermiques, l’'ectoderme n'a pas changé de caractères. Entre les deux feuillets chemine la lamelle intermédiaire. Elle est nette, transparente et amorphe. Vers l'extrémité supérieure du pédicule, ou bien à la base du Gonangium, on trouve encore une ou deux de ces cellules œufs. Mais une modification s’est accomplie : la cellule endodermique œuf n'intervient plus dans la délimitation de la cavité gastro-vasculaire ; sa face externe est toujours en contact avec la lamelle intermédiaire; mais, à sa face interne, une couche de petites cellules endodermiques la recouvre. Alors, au niveau de cette grande cellule, la paroi de la cavité gastro-vasculaire fait saillie à l'intérieur de la cavité (pl. HI, fig. 22). Il arrive que deux, trois et même quatre cellules endodermiques voisines prennent les caractè- res des cellules œufs. Mais nous avons tout lieu de croire que ces cellules n'arrivent jamais à maturité. Vers la base du Gonangium on trouve de jeunes gonophores. Leur constitution est la suivante : en allant de l'intérieur vers l'extérieur, on voit d'abord un cul- de-sac de la cavité du blastostyle; il est délimité par une rangée de cellules endodermiques conoïdes. A la face externe de cette couche cellulaire se trouve accolé un œuf, qui se moule sur la paroi externe de ces cellules. À la coupe optique cet œuf a souvent la forme d’un croissant s’emboîtant sur la face externe du diverticule endoder- mique. Sa face libre est nettement convexe. La lamelle intermédiaire suit les différents contours des cellules endodermiques en-decà et au-delà du gonophore. Au niveau de l'organe, elle le contourne et passe sur la face externe de l'œuf. Enfin, une couche de cellules ectoder- miques revêt le tout (pl. II, fig. 20). L'ectoderme émet souvent, à ce niveau, plusieurs prolongements à la face interne de la gonothè- que. Les gonophores suivants ont la même constitution ; seulement, ils contiennent chacun un œuf de plus en plus volumineux, à mesure que l'on observe un organe plus éloigné de la base du Gonangium. Dans les gonophores contenant un œuf arrivé à maturité, on trouve les différents éléments qui l'entourent, qui le soutiennent, en voie d’atrophie. L'enveloppe ectodermique et la lamelle intermé- diaire se réduisent petit à petit en une membrane amorphe, la la- melle endodermique du blastostyle se résorbe progressivement. Ordi- nairement, il arrive que les gonophores supérieurs contiennent des 456 JULIEN FRAIPONT. œufs complètement mûrs et prêts à être fécondés, tandis que les inférieurs ont leurs tissus encore pleins de vigueur entourant de jeunes œufs. De nos observations sur les organes sexuels de la Cam- panularia angulata il résulte : 1° Que les œufs sont d’origine endodermique ; 2° Que chaque gonophore ne contient qu'un œuf; 3° Que dans un Gonangium les œufs sont d'autant plus mürs qu'ils se trouvent placés dans des gonophores plus éloignés de la base d'insertion de ce gonophore : 4° Que les spermatozoïdes sont d'origine ectodermique. DÉVELOPPEMENT. L'œuf avant sa fécondation. — À notre connaissance, P. Müller!, sur l’Aippopodius luteus ; Kleinenberg*?, chez l’Æydra ; Korrotneff ?, chez la Lucernaria octoradiata; Bergh, chez la Gonothyrea Loveni*, sont les seuls auteurs quise soient occupés de la constitution intime de l’œuf avant la fécondation chez les Hydroïdes. Prenons tout d'abord une cellule œuf située dans un pédicule de Gonangium. On lui distingue un vitellus finement granuleux, une vé- sicule germinative centrale volumineuse, claire, très brillante sur le frais, et à contour indécis (pl. IL, fig. 22). Après l’action des réactifs, on remarque que la vésicule germinative est de constitution com- plexe et son contour devient très net, circulaire. À son intérieur se trouve une tache de Wagner très réfringente, dont la position varie. Le corps de la vésicule germinative est constitué par un réticulum à mailles serrées (le nucléoplasme de E. van Beneden). Au niveau de certaines bifurcations des travées nucléoplasmatiques, on observe de petits corpuscules. Une mince couche nucléoplasmatique s'étale à la périphérie de la vésicule et autour de la tache de Wagner. Dans les espaces circonscrits par les travées du réseau se trouve un li- quide hyalin, transparent (suc nucléaire}. W. Flemming, chez les Anondotes et les Uno *; E. van Beneden, chez les Lapins et l’Astera- ‘ P, MuLcer, Jagttagehen over nogle Siphorsphorerdiss, Kjôbenhaun, 1871, p. 10-69. 2? KLEINENBERG, loc, cit. 3 KORRO'TNEFF, loc. cil., p. 368-400. k BerGu, loc. cit. 5 FLEMMING, Studien der Entwicklungsgeschichte der Nayaden, p. 20. DÉVELOPPEMENT DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 451 canthium rubens ‘; Kleinenberg, chez l'Æydra*; O. Hertwig, chez le Toxopneustes lividus et chez la Souris *, et d'autres ont décrit une constitution analogue de la vésicule germinative. Bergh, chez la Go- nothyrea Loveni*, en fait la même description, sauf pour ce qui re- garde les pseudo-nucléoles, qu'il n’a pas observés. De plus, il décrit une membrane à la vésicule, chose que je ne puis affirmer pour les deux Campanulaires que j'ai étudiées. La tache de Wagner paraît sphérique. Elle est constituée par une substance homogène, claire, se colorant fortement par le carmin. Dans cette tache germinative se trouve un petit corpuscule clair. De ce corpuscule partent radiai- rement trois ou quatre filaments qui aboutissent à la face interne de la paroi de la tache germinative (pl. IL, fig. 19). Telle est la constitution d'un jeune œuf ou d'une cellule œuf endodermi- que, soit du pédicule d’un Gonangium, soit des rameaux des tiges dressées. Nous n'avons pas observé de mouvements amœæboïdes de la tache germinative, comme l’a fait Bergh chez la Gonothyrea Loveni $. Ces mouvements ont été précédemment décrits par de Lavalette, chez la Libellulef; par Mecznikow, chez plusieurs animaux inférieurs et dans les cellules salivaires des larves de fourmis 7; par Balbiani, chez les Araignées 8 ; par Alexandre Brandt, chez la Periplaneta orientalis”; par Auerbach, chez les cellules embryonnaires des Muscides et dans l’œuf du Brochet *; par Hertwig, chez l'œuf de la Grenouille et chez le Pferotrachea"; par E. van Beneden, dans les cellules germinatives du Polystomum integerrimum, chez la Gregarina gigantea et le Mono- 1 E. van BENEDEN, la Maturation de l'œuf et la Fécondation, etc. (Bull. de l'Acad. royale de Belgique, 2 série, t. XL, n° 12, 1875), et Contribution à l’histoire de la ve- sicule germinative (Bull. de l'Acad. royale de Belgique, 2e série, t, LXT, n° 1, 1876). 2 KLEINENBERG, loc. cit. 3 O. HEerRTwIG, Beitr. z. Kennt. d. Bild. Befrucht. u. Theil. des Thier-Eies. II. Morph. J“hrb., Bd. I, 1876, p. 351-352. k Loc. cil., p. 6 de l'extrait. ÿ BERGH, loc. cil., p. 6. 6 DE LavaLeTTE, Ueber den Keimfleck und die Deutung der Eïilheile (Arch. für Mikr. Anat., Bd. IT, 1866). T Meczikow, Virchow’s Arch., Bd. XLI. 8 BauBranr (cité par Auerbach). Voir Keferstein Jahresb. für 1865. 3 A. BRANDT, Ueber active Formvweränderungen der Kernkürperchen (Arch. f. mikr. Anat., Bd. IX). 10 L. AUERBACH, Organologische Studien, Heft I, p. 167 et 168. 11 HERTWIG, cité par E. van Beneden dans Contribution à l’histoire de la vésicule germinative (Bull. Acad. royale de Belgique, 2° série, t. LXI, n° 1, 1876). 458 JULIEN FRAIPONT. cystis lumbricorum'; par W. Schleicher, dans les cellules cartilagi- neuses ?. Je n'ai pu, d’ailleurs, m'occuper d'une façon un peu complète de ces phénomènes, une impossibilité matérielle m'en empêchant. En effet, dans les œufs frais, la vésicule germinative paraît le plus souvent amorphe, et ce n'est que par l’action des réactifs que sa constitution complexe apparaît. Les œufs des premiers gonophores affectent, comme nous l'avons vu, la forme d'un croissant; ils possèdent une vésicule germinative centrale. Le vitellus a les mêmes caractères que ceux précédemment décrits. Ces œufs sont de plus en plus volumineux, et l’accroisse- ment intéresse également la vésicule germinative et la tache de Wagner. A ce stade, nous n'avons plus remarqué la constitution précitée de la tache germinative. Chez la Gonothyrea Loveni, Bergh dit que le réseau nucléoplasmatique n'existe plus chez les œufs qui ont atteint une certaine taille; de plus, qu'au centre, au lieu d'une tache germinative, on en trouve un grand nombre variant de forme et de dimension. Il à même observé directement la division de la tache «...… Je trouvai, un jour, dans un œuf, une tache germinative non encore divisée, qui avait pris la forme de biscuit; je l’observai pendant un temps plus long, et après une demi-heure il était ecom- plètement divisé en deux *.: Dans un œuf plus avancé de la C'ampanularia angulata les dimen- sions sont plus considérables encore. La vésicule germinative n'occupe plus le centre du vitellus, mais a gagné la périphérie (pl. IT, fig. 2). Elle prend une forme ellipsoïdale et s'étale à la surface de l'œuf. A une phase plus avancée on ne distingue plus, dans l'œuf, de vésicule serminative (fig. 3). Bergh a observé ces différents phénomènes chez la Gonothyrea Loveni beaucoup plus en détail que je n'ai pu le faire. A ce stade, l’œuf prend souvent une forme globuleuse ou sphérique. Nous n'avons eu sous les yeux que fort peu d'œufs arrivés à ce stade, et nous nous sommes trouvés dans l'impossibilité d'observer les phénomènes intimes qui se passent dans l'œuf à ce moment. Vu 1 E. van BENEDEN, Contr. à l'hist. de la vés. germ., p. 26 de l'extrait. 2 WW. SCHLEICHER, Nouvelles communications sur la cellule cartilagineuse vivante, (Bull, de l’Acad. royale de Belgique, 2e série, t. XLVII, n° 6, 1879). 3 BerGu, loc. cil., p. 8. « Als ich daher einmal in einem Eie einen noch ungetheil- ten Keimfleck fand, welcher die Biscuitform angenommen hatte, beobachtete ich denselben längere Zeit hindurch und nach etwa einer hatben Stunde war er vell- ständig in zwei Slücke getheilt. » DÉVELOPPEMENT DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 459 la parenté de la Gonothyrea Loveni avec la C'ampanularia angulata et flexuosa, nous ne croyons pas inutile de reproduire ici ce que Bergh a vu sur un tel œuf. «Sur une préparation d'œuf, dans lequel, suivant toute apparence, la vésicule germinative vient de dispa- raitre récemment, on voit vers la périphérie une formation par- ticulière. Elle consiste en deux masses claires; autour de chacune le vitellus montre une disposition radiée. Entre ces deux masses se trouve un nombre considérable de fils assez réfringents, épaissis à leur milieu. Ces fils convergent vers deux points, un point dans chaque masse, claire vers son centre !.» C'est là le processus de divi- sion des noyaux de beaucoup d'organismes. Ce stade ressemble à ce qui a été observé par E. van Beneden sur l’ovule et les feuillets du blastoderme chez le lapin. Enfin, Bergh à vu aussi l'expulsion des corps directeurs et la formation d’un nouveau noyau, choses que Je n'ai pu observer. L'œuf fécondé. — Nous avons opéré plusieurs fois la féconda- tion artificielle avec succès. Nous placions sur un porte-objet, dans une goutte d'eau de mer, un ou deux Gonangium femelles conte- nant des œufs mürs, et quelques Gonangium mâles dont les pro- duits étaient arrivés à maturité. Au moyen d’aiguilles fines, nous dilacérions un des Gonangium mâles, après l'avoir rapproché le plus possible d’un Gonangium femelle. Il suffisait quelquefois d'une sim- ple compression sur la gonothèque d'un Gonangium mâle pour dé- terminer sa rupture et l'expulsion de ses produits à l'extérieur. Le tout était alors recouvert d'un couvre-objet. Immédiatement une quantité énorme de spermatozoïdes se répandaient dans toutes les di- rections. Un certain nombre de ces spermatozoaires ne tardaient pas à pénétrer dans un Gonangium femelle par l'extrémité antérieure de Ja gonothèque. Bientôt quelques-uns d'entre eux se trouvaient en contact avec un œuf et s’y accolaient. Malheureusement, à cause de l’opacité de ces œufs, nous n'avons pu déchiffrer ce qui se passait alors. Nous n'avons pu voir si les spermatozoïdes, une fois accolés à l'œuf, s'y diffusaient directement ou s'ils pénétraient à son intérieur. 1 Loc. cit., p. 11. « An einem woh!gelungegen Präparate von Eiern, an welchem das Keimbläschen kürzlich dem Anscheine nach votlständig verschwunden ist, sieht man gegen die Peripherie hin ein eigenthümliches Bild. Es besteht aus zwei hellen Hôfen ; rings um jeden zeigt der Dotter eine radiäre Anordnung; zwischen diesen zwei Hôlfen verläuft eine Anzahl feiner, ziemlich stark lichtbrechender Fäden mittleren Verdickungen; diese Fäden laufen in zwei Punkten, einem in jedem der bellen Hôfe, in der Nähe der Centren dieser zusimmen. » 460 JULIEN FRAIPONT. Les phénomènes intimes qui suivent immédiatement la fécondation nous ont échappé. Nous avons pu suivre sur un œuf qui venait d’être fécondé les premiers stades de la segmentation. Il se manifeste tout d’abord dans l'œuf fécondé des mouvements amæboïdes. Tantôt il est tout à fait sphérique, tantôt il prend la forme d'un ovoïde. A un moment donné on voit apparaître à la surface de l'œuf, perpendicu- lairement à son grand axe, vers sa portion médiane, une fente. Cette fente n'intéresse qu'un côté de l'œuf et progresse en envahissant de plus en plus le vitellus. Souvent on remarque à la coupe optique que les lèvres du sillon se touchent, tandis que le fond est élargi en forme de gouttière, ou plutôt de canal. Lorsque le sillon a envahi les deux tiers du diamètre transversal de l'œuf, ou même une portion plus considérable encore, on voit apparaître à l'extrémité opposée de ce diamètre, à la surface du vitellus, une petite dépression qui s’accentue de plus en plus. Le sillon primitif continue à progresser ; les deux sillons se rejoignent ; l'œuf est fractionné en deux. Ce mode de division est presque identique à celui que Kleinenberg a décrit chez l’Aydra et Bergh chez la G. Loveni. Les deux globes pren- nent ensuite une forme sphérique. L'un paraît un peu plus volumi- neux que l'autre (pl. II, fig. 4). Des mouvements amæboïdes très prononcés se manifestent surtout dans celui des deux globes qui va se diviser le premier et que nous appellerons, pour abréger, globe supérieur (pl. IL, fig. 5). Il s'affaisse sur l’autre, qui reste relative- ment sphérique. Des bosselures délimitées quelquefois par des étranglements se forment à sa surface. Ces bosselures sont parfois si considérables, qu'on croirait, en les voyant, à une véritable division. Nous nous y sommes même laissé prendre. Puis, vers le milieu de la face interne du globe, c'est-à-dire de la face accolée à l’autre globe, on aperçoit une échancrure. La forme de ce sillon varie d’un mo- ment à l’autre; mais nous n'avons pas aperçu de prolongements am@æboïdes sur les lèvres de la fente. Le sillon s’accentue de plus en plus et le reste du processus estle même que pour l'œuf non encore divisé. Le globe inférieur commence à son tour à changer de forme (pl. IL, fig. 6). Il s’allonge dans un sens et se place obliquement par rapport aux deux globes supérieurs. Du coté de sa face interne ap- paraît un sillon (pl. II, fig. 7). Les mêmes phénomènes que ceux que nous avons décrits pour le globe supérieur se passent et le globe in- férieur est divisé en deux globes secondaires. A ce moment les qua- tre globes sont simplement accolés l’un à l’autre, deux à deux (les DÉVELOPPEMENT DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 461 deux globes provenant de la segmentation du globe supérieur et les deux globes provenant de la division du globe inférieur). Petit à petit ils se moulent les uns sur autres et prennent la forme dessinée figure 8 (pl. HT). La phase suivante est caractérisée par la segmentation de l’un des globes secondaires supérieurs, peut être des deux. Puis l’un des globes provenant de la division du globe primitif inférieur se divise à son tour, tandis que l’autre parait ne pas le faire (fig. 9, pl. IT). Ensuite le nombre des globes devient de plus en plus considérable ; ils exé- cutent des mouvements amæboïdes très actifs, ils peuvent cheminer lun sur l’autre. Il devient alors impossible de déterminer exactement l'origine des différents globes. Il nous a semblé, toutefois, que l’un des globes provenant de la division du globe primitif inférieur se multiphait beaucoup moins rapidement que les autres (pl. II, fig. 10). On arrive ensuite à une phase caractérisée par l'existence d'une masse cellulaire centrale et d’une couche superficielle unique (pi. HI,-t8 44) Nous avons fait les observations de ces différentes phases du développement de l’œuf sur un même individu. La division en deux s'était effectuée vers midi et demi. Il était six heures et demie du soir lorsque nous observions la phase 10. À neuf heures et demie du soir, l'œuf était arrivé au stade dessiné figure 11. A dix heures et demie, la division cellulaire continuait à s’accomplir, mais nous n'avons pu prendre de croquis. Le lendemain, à cinq heures du matin, l'œuf était mort. Nous n'avons pu malheureusement répéter ces observations sur les premières phases du développement de l'œuf, plusieurs fois. Aussi nous nous abstenons de tout commentaire. Le reste du développement nous a été donné par une étude com- parative. Plus tard les cellules se juxtaposent, se moulent les unes sur les autres de facon à se présenter sous forme de deux couches bien dis- tinctes : l’une périphérique, constituée par des cellules arrondies à leur face externe, tronquée du côté de leur face profonde. Ces cel- lules sont bien délimitées. En dedans de cette couche on trouve une masse cellulaire. Les cellules qui la constituent sont polygonales (fig. 19, pl. HT). Le feuillet externe constitue l’ectoderme, la masse centrale l’endoderme. La multiplication cellulaire continue à se faire très activement, en suivant toujours le même processus indiqué plus haut.Cesontsurtoutles cellules externes, quise multiplientrapidement 462 JULIEN FRATPONT. (fig. 13, pl. HT). Dans un stade ultérieur on trouve que dans la masse cellulaire interne il s’est creusé une cavité et que les cellules ont été: refoulées à la périphérie. Elles constituent alors une couche conti- nue à la face interne de l'ectoderme (fig. 14, pl. HI). Les cellules ectodermiques apparaissent à la surface sous forme de petites cel- lules polygonales ; à la coupe optique elles sont cylindroïdes. On ; distingue à leur centre un petit noyau sphérique pourvu d'un nu- cléole. Elles ont leur corps protopiasmique finement granuleux et contiennent par-c1 par-là quelques granules de plus forte taille et plus réfringents. Les cellules de l'endoderme sont beaucoup plus grosses. Elles paraissent aussi polygonales à la surface et conoïdes à la coupe optique. Elles sont toutes pourvues d’un beau noyau sphé- rique à nucléole bien net. Leur corps protoplasmique est plus foncé que celui des cellules de l’ectoderme. Cela provient de la grosseur et du nombre des granules. A ce stade la planula est formée. L'em- brvon s'allonge de plus en plus ; des cils vibratiles apparaissent à la surface de l’ectoderme et dans l'épaisseur de ces cellules se for- menti des organes urticants. Grâce à l’activité de ces cils, la planula est animée d’un mouvement de rotation autour de son grand axe, qui est tout à fait caractéristique. Le corps peut prendre une imfinité de formes, mais la forme ordinaire de l'organisme à l'état de repos est celle d'un ovoïde étiré en longueur {fig. 15, pl. II). De telles pla- nula se trouvent encore emprisonnées dans le Gonangium, Ordinai- rement on en compte qualre ou cinq. Nous avons plusieurs fois assisté à la sortie d’une planula par l'extrémité antérieure de son Gonan- gium et nous en avons suivi pendant plusieurs heures, nageant dans des porte-objets cellules. Ces planula progressent le plus souvent en ligne droite, tout en étant animées d'un mouvement de rotation autour de leur grand axe. Nous en avons remarqué plu- sieurs qui se fixaient par un de leurs pôles après avoir nagé pendant trois où quaire heures ; mais elles ne tardaient pas à mourir. Nous n'avons donc pu voir leur transformation en polype sédentaire. P.-J. van Beneden a été témoin de ce fait chez la C. lacerafa, et voici comment il s'exprime à ce sujet : « À mesure que les cils se flétrissent, la forme ovale et régulière change et le jeune animal s'étale à un de ses pôles d'abord en s'élargissant sous forme de dis- que, puis bientôt en se découpant en languettes qui s'attachent comme des racines au corps solide qui les porte. En même temps qu'il s'étale ainsi à l'un des pôles et élève le corps resté libre, DÉVELOPPEMENT DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 463 une mince pellicule surgit à la surface, le jeune semble logé dans une cavité vitrée, et le polypier existe. « C'est ainsi que le corps du polype agame est entièrement changé. « Le côté libre du corps s'élève, en même temps que les racines en languettes qui doivent fixer la colonie s'étendent pour élargir la base ; le sommet s'arrondit, grandit de plus en plus et le caractère du polype surgit presque immédiatement. Le bouton de l'extrémité du corps augmente encore, le polypier devient plus distinct, un cer- tain espace se montre même entre la masse charnue et l’étui, et cette nouvelle génération couvre les corps solides comme des bougies microscopiques dont le bout libre est terminé par un bouton. « Puis une première séparation se montre : on commence à aper- cevoir le corps du polype et la tige qui le porte ; on distingue même déjà un commencement d'anneaux. « Le bouton se fractionne à son tour ; l'extrémité s’effile ; le bou- ton se sépare en une partie grêle et une partie arrondie qui forme le sommet, et tous les caractères du polype campanulaire se trahissent avant même l’apparition des tentacules. Sur le bord du bouton s'élè- vent maintenant des tubercules qui s'allongent, grandissent, ne sont encore qu'au nombre de douze, mais qui se multiplient à mesure qu'ils s'étendent en longueur. « Le corps du polype s’est séparé de la tige charnue, en même temps que le bout de l’étui polypiaire à pris une forme ovalaire, puis s'est encore élargi à son sommet pour devenir une clochette qui a valu à tout le groupe le nom de campanulaire. Voilà la mère agame de la communauté !. » Un jour que nous observions des tiges dressées de Campanularia angulata, nous trouvâmes engagé entre le périsarc et le cénosarce de l'une d'elles un gros infusoire. Sa face dorsale était convexe et sa face ventrale plate. L’extrémité antérieure et postérieure du corps était moins large que la portion médiane. Ces deux extrémités étaient un peu relevées. A la partie antérieure de la face ventrale se distinguait un large péristome dont le bord externe était entouré d'une rangée de cirrhes buccaux. Ceux-ci se conlinuaient Jusqu'au berd antérieur pour s'incurver ensuite et suivre une ligne parallèle 1 P.-J.vanN BENEDEN, Extrait des Mémoires de l’ Acad. royale de Belgique, t. XXX VIT, 1866, p. 161 et 162. 464 JULIEN FRAIPONT. au bord droit jusqu'au niveau des deux tiers postérieurs du péri- stome. La face ventrale était sillonnée par deux rangées longitudi- nales de cirrhes insérées sur les bords droitet gauche, et deux autres parallèles aux premières, implantées sur la face ventrale même. A l'extrémité postérieure ces cirrhes étaient un peu plus allongées que sur le reste de la région ventrale. Le corps protoplasmique était rempli de grosses granulations très réfringentes ; un certain nombre de ces granules avait la réfrangibi- lité de gouttelettes graisseuses. Un peu en dessous de la région du péristome se trouvait une grosse vacuole pulsatile. Nous croyons que nous avons eu sous les yeux un Oxytricha gibba *. 1] rampait le long de la face interne du périsarc et de la face externe du cénosarc de la tige. Les différents hydranthes de cette tige étaient parfaitement épanouis. Dans la suite nous avons rencontré plusieurs fois de sem- blables infusoires rampant à la surface des tiges de C'ampanularia angulata. C'est probablement par l'extrémité antérieure d’un Go- nangium flétri que cet infusoire avait pénétré dans le périsarc et le cénosarc du polype. Nous n'avons observé ce fait qu’une seule fois, aussi nous ne pouvons dire si c’est là un simple fait accidentel ou bien si nous avons affaire là à un véritable commensalisme ou parasitisme. Résumé. 1° Chez les Campanularides, comme chez tous les Hydroïdes, la pa- roi est constituée par deux feuillets : l’un externe : l’ectoderme ; l’au- tre interne, délimitant la cavité gastro-vasculaire : l'endoderme ; entre les deux chemine la lamelle intermédiaire. 2% Chez les deux espèces qui nous ont occupé, les cellules de l'ec- toderme sont en général mal délimitées ; celles de l’endoderme, beau- coup mieux. 3° Les nématocystes sont entourés chacun d’une petite couche protoplasmique individualisée en connexion avec un palpocil. 4 L’extrémité libre de l'organe appendiculaire chez la Campanu- laria angulata, terminée en crosse, est caractérisée par le grand dé- veloppement de l’ectoderme, par l'accumulation dans ce tissu de corpuscules particuliers, par l’amincissement considérable du pé- risarc. ‘ G. ERRENBERG, Die Infusionsthierchen, Leipzig, 1838, p. 865, pl. XLI, fig. 2. DÉVELOPPEMENT DE LA CAMPANULARIA ANGULATA. 465 5° Chez la Campanularia anqulata, etc., flexœuosa, on rencontre dans l'endoderme des stolons et des rameaux de grosses cellules endo- dermiques ayant tous les caractères des cellules-œufs. On trouve toutes les transitions entre ces cellules et les cellules endodermiques. Go Il existe à la surface de la lamelle intermédiaire, au niveau des tentacules et du corps, des fibrilles musculaires (Campanularia an- qulata). 1° Les gonophores chez la C'ampanularia anqulata et la Campanularia flexuosa ne prennent ni la forme d’une méduse comme chez la C'am- panularia gelatinosa, ni la forme d’une demi-méduse comme chez la Campanularia dichotoma et d’autres, mais restent à l’état de simples diverticules de la paroi du corps, dans lesquels certains éléments cellulaires prennent des proportions et des caractères spéciaux de facon à constituer un ovaire ou un testicule. 8° La tache de Wagner de l'œuf non fécondé est complexe. 9 Il n'existe qu'un seul œuf dans chaque gonophore femelle. 10° La segmentation de l'œuf par des sillons transversaux à di- rection unilatérale donne naissance à une planula ciliée. 11° Chez la Campanularia flexuosa et chez la Campanularia anqu- lata les œufs se développent aux dépens de l’endoderme, les sperma- tozoïdes aux dépens de l’ectoderme. 12° Etant données les observations faites par E. van Beneden sur la Campanularia gelatinosa, celles de Bergh sur la Gonothyrea Lovent et les nôtres sur la Campanularia angulata etla Campanularia flexuosa, nous croyons pouvoir étendre nos conclusions au sujet de l’origine des organes sexuels à la famille des Campanularides tout entière. EXPLICATION DES PLANCHES. b, bourrelet. h, région hypostomienne. bl, cavité du blastostyle. l, lamelle intermédiaire. ce, cuticule. m, {, masse testiculaire. c, c, cavité du corps proprement dit. ñn, Noyau, C, 9, cavité gastro-vasculaire. p, travées protoplasmatiques. c, l, cul-de-sac latéral du blastostyle. pl, planula. c, 0, cellule-œuf. c, p, corpuscule de l’ectoderme. €, s, corpuscule de Schôürn. e, t, cellule mère spermatique, ect, ectoderme. en, endoderme. f, fibrilles musculaires. 9, gonangium (cavité du). p, p, palpocil. r, région tentaculaire. r, d, radicelles ectodermiques. t, w, tache de Wagner, u, nématocyste. v, vésicule germinative. v, C, vacuole, ARCH, DE ZOOL. EXP, ET GÉN, == f. Vlif, 1879 KT 1880, 30 PiGi ir Fic.1 8. JULIEN FRAIPONT. PLANCHE XXXII. Une colonie de C. angulala fixée à l’extrémité d’une feuille de Zostera et vue à l’œil nu. . Hydrante Cpanoui aux deux tiers (gross. obj. 4; oc. 2 Harinack, amplifié). . Disposition des fibrilles musculaires dans le corps proprement dit, au ni- veau de la lamelle intermédiaire (obj. 8; oc. 2 Hartnack). x . Extrémité d’un tentacule, vu à la surface (obj. 10 à immersion; oc. 2 Hart- nack). Extrémité d’un tentacule, vue à la coupe optique (même grossissement). . Portion du même tentacule, vers son tiers antérieur, vue à la coupe optique (id. gross.). . Portion médiane du même tentacule (id. gross.) . Portion basilaire du même tentacule, vu à la coupe optique (id. gross.). . Portion médiane d'un tentacule dans son maximum d’extension (id. gross.) . Extrémité supérieure d’un tentacule de C. fleæœuosa (id. gross.). . Organe appendiculaire en forme de vrille. . Infusoire engagé entre le périsarc et le cénosarc d’une tige de C. angulala. . Le même, vu par sa face ventrale. | . Coupe optique d’une tige (obj. 7 à imm., Seibert; oc. 2 Hartnack). PLANCHE XXXIII. à 8 de cette planche et 9 à 16 de la planche XXXIV. Développement de la C. angulata (obj. 2; oc. 2, chambre claire, Hartnack, pour fig. 1 à 7 et9 à 11 de la planche XXXIV). — (Fig. 12 à 16 de la planche XXXIV, obj. 8; oc. 2 Hartnack). . Un gonangium femelle (obj. 8; oc. 2 Hartnack). . Base d’un gonangium femelle (obj. 10 à imm.; oc. 2 Hartnack). . Ectoderme de la base d’un organe en forme de vrille (obj. 7 àimm.; Seibert, oc. 2 Hartnack). . Base d’un organe appendiculaire, vu à la coupe optique (même gross.). 4. Portion médiane du même organe (même gross.). 5. Extrémité en crosse du même organe, vue à la surface (même gross.). PLANCHE XXXIV. . Un gonangium mâle un peu comprimé (obj. 8; oc. 2 Hartnack). . Base d’un gonangium mâle (obj. 10 ; oc.,2 Hartnack). . Un gonangium femelle dont les produits ont atteint leur complet dévelop- pement (oc. 3 ; ob]. 4 Hartnack). . Spermatozoaires (obj. 10 ; oc. 2 Hartnack). . Développement des spermatozoïdes. . Coupe optique d’un stolon de C. angulata (obj. 8 ; oc. 2 Hartnack). Cellule endodermique différenciée d’une tige de C. fleæuosa, vue de face (obj. 10 à imm.; oc. 2 Hartnack). Id., vue de côté. à 16. Développement de la C. angulata (voir. pl. XXXIIT). Tache de Wagner (obj. 10 ; oc. 2 Hartuack, amplifiée). ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES PAR A. KOROTNEFF, (PLANCHES XXXV ET XXXVI.) iràce aux recherches de ces derniers temps, nous connaissons ac- tuellement une quantité considérable de formes de la classe des Pro- tozoaires. Néanmoins il n'est pas encore possible de réunir en un tout systématique les groupes séparés de la classe désignée, en démontrant leurs affinités génétiques, parle fait que les espèces in- termédiaires nous sont presque inconnues. C'est la raison pour la- quelle une description détaillée des nouveaux représentants de cette classe est bien désirable et, en dehors de son intérêt particulier, elle est importante au point de vue d’une étude phylogénétique du type protozoaire. Les observations mentionnées ci-dessous forment une partie des recherches faites par moi pendant les mois d'été de 1876-77, princi- palement dans la Russie centrale ; mais, obligé de changer assez sou- vent le lieu de mes observations, j'étais forcé de me restreindre à des notions quelquefois incomplètes, surtout en ce qui concerne le développement des formes mentionnées. Dans la description je suivrai l’ordre de la complication des parti- cularités. PROTAMOEBA PRIMORDIALIS (N. GEN. ET SP.). (PI. XXXV, fig. 1 à 2.) Les excellentes recherches de Hæckel * nous ont fait connaïtre un groupe entier d'êtres (Monères) tellement primitifs, qu'ils ne peuvent pas être considérés comme organismes, car ils sont complètement privés d'organes. Néanmoins, par tout l'ensemble de leurs fonctions physiologiques et surtout par leurs rapports avec le monde extérieur, ces êtres peuvent se joindre aux Rhizopodes en occupant évidem- ment la place la plus inférieure dans la classe entière. Comme représentants les plus simples du groupe des Monères, 1 Monographie der Moneren. 468 A. KOROTNEFF. nous pouvons signaler deux amibes, décrites par Hæckel, sous les noms d’'Amæba primitiva et: Prologenes primordialis, qui, à cause de l'absence des autres particularités, se distinguent d’après la forme de leurs pseudopodes ”. Sur la même ligne que ces amibes on peut placer la Protamæba primordhalis, qui ne se distingue aussi guère que par ces prolongements. En commun avec d’autres Rhizopodes, cette amibe se rencontre principalement dans de petits bassins d’eau faiblement courante remplis de plantes aquatiques et de leurs détritus. Analogue aux formes voisines, la Protamæba n'a pas "de contours nets : ces der- niers changent constamment, en commençant par un plasmodium simple, qui se dilate comme une membrane sur le porte-objet, et finissant par une forme tortueuse ?. Il est bien curieux d'examiner le changement des contours de cette amibe; il commence par un al- longement cylindrique du plasmodium, dont la surface produit bien- tôt des prolongements en forme de boules, comme si c'étaient des bourgeons. En peu de temps ces bourgeons s’allongent en massues, le contenu plasmique se déverse dans ces derniers. Ses prolonge- ments se confondent, forment de nouveau une membrane qui se couvre de bourgeons, etc. Tous ces processus se produisent avec une rapidité qui ne donne presque pas le temps de surprendre une de ces formes pour en faire un dessin exact. L'examen du plasma prouve qu'il est composé d'une substance hyaline, parfaitement homogène, n'ayant pas les moindres traces d'une division en ecto et entoplasma, ou autrement dit cette amibe est complètement privée de l’entoplasme et tout son corps est con- stitué uniquement de l’ectoplasme. Le nucléus et la vacuole, qu’on peut envisager comme les seuls organes de la plupart des êtres amiboïdes, sont entièrement absents. I ne me reste qu'à mentionner que la longueur de l’amibe, re- présentée planche L, fig. 4, n'est que 0" 075. Maintenant nous allons passer à une autre amibe, qui, quoique plus composée que la Protamæba primordals, semble ne pas avoir de noyau. ! La première forme des prolongements obtus et lobulaires, tandis que la seconde se distingue par des pseudopodes minces et radialement distribués. 2 PLXXXV, ie. 1. ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES. 469 DACTYLAMOEBA ELONGATA (N. GEN. ET SP.). (PI. XXX V, fig. 1-2.) Cette amibe n'a pas jusqu'à présent été signalée et elle a peu de parenté avec les formes connues des Protozoaires. Cette amibe se dis- tingue par son corps allongé, lequel se sépare nettement en deux moitiés : l’antérieure, parfaitement transparente, et la postérieure, remplie de granulations. En examinant attentivement l’amibe, on parvient à voir que l’ex- trémité antérieure est allongée, occupée par des pseudopodes d’une longueur considérable ayant une forme conique ; ils sont dirigés en avant, dans la direction des mouvements de l’amibe. Les pseu- dopodes, de même que toute la moitié antérieure du corps, sont complètement transparents et privés d’une structure quelconque. La partie postérieure est plus compliquée : on y distingue une masse centrale et une enveloppe périphérique. La masse centrale est gra- nuleuse et renferme des éléments colorés en brun, dont l'intensité varie beaucoup, ainsi que des granulations cristallines et des bandes brunâtres d’une origine végétale, qui ont servi probablement à la nu- trition de l’amibe. L’enveloppe périphérique est composée du même protoplasma hyalin que la partie antérieure, mais se distingue de ce dernier par des pseudopodes courts et obtus, ou même lobaires, et je n'ai jamais vu des prolongements longs et coniques vers la moitié postérieure de l'animal. Tout à l'extrémité postérieure du corps on voit de petits et minces prolongements, qui pendant les mouvements de l'animal lui servent comme points d'appui ‘. Dans ses mouve- ments l'amibe peut bien s’allonger ou se contracter, maïs ses deux moitiés restent toujours bien distinctes. Dans la partie centrale du corps se trouvent deux vacuoles, qui al- ternent leurs pulsations : une de ces vacuoles est plongée dans le contenu granuleux, tandis que l’autre se trouve ordinairement à la base de la partie hyaline, antérieure. Je n'ai pas pu avoir la preuve de la présence d’un noyau dans cette amibe, quoique je ne puisse pas nier complètement son existence, car l'étude de la forme en ques- tion oppose des difficultés considérables, à cause de la grande quan- tité de granulations qui la remplissent. La grosseur de l’amibe n'est t PI. XXXV, fig. 8. 470 A. KOROTNEFF. pas considérable : ainsi, étendue, elle ne dépasse pas Om ,13, et ses deux parties sont à peu près de la mème longueur. Tous les détails mentionnés, mais particulièrement la séparation précise du corps en deux moitiés ; la différence de forme des pseu- dopodes et la constance de leur position démontrent la nécessité d'établir un genre à part, dont le nom générique dépend de la pré- sence des pseudopodes coniques sur l'extrémité antérieure du corps. En comparant la Dactylamæba avec les formes jusqu'à présent connues, Je trouve chez elle quelque ressemblance avec le Dactylo- spherum vitreum, décrit par Hertwig et Jesser dans leur précieux mémoire sur les Rhizopodes ‘. Mon amibe se distingue par la forme allongée du corps et par la pulsation des vacuoles, tandis que la pré- sence des pseudopodes coniques et l'absence du noyau sont des ca- ractères communs. LONGICAUDA AMOEBINA (NOV. GEN. ET SP.). (PI. XXXV, fig. 3-6.) J'ai eu l'occasion de trouver plusieurs fois dans l’eau d'un petit marais forestier, comblé par des feuilles tombées en automne, cette amibe, trop curieuse pour ne pas être mentionnée. La première par- ticularité qui frappe les yeux et qui a donné le nom générique à l'animal est la queue longue et triplée, qui se trouve à son extrémité postérieure. Grâce à la queue et à ses mouvements, l’amibe est une forme nageante : elle parcourt ordinairement le champ du micro- scope avec une rapidité considérable. Longicauda présente une diffé- renciation bien marquée du contenu et de la couche périphérique. Tandis que la couche périphérique est hyaline et très mince, la par- tie centrale est granuleuse et forme presque tout le contenu de l’amibe ; elle consiste en un plasma parsemé de corpuseules réfrin- sents qui remplissent quelquefois tellement l’amibe, qu'ils obseur- cissent les autres parties du corps ; ces corpuscules perdent par l'ac- tion de l’acide acétique leur réfringence et finissent par disparaitre entièrement. Un examen attentif prouve que ces derniers sont constamment dans un état demouvementmoléculaire qui se manifeste cependant d'une manière tout à fait indépendante des mouvements 1 Archiv für mikroskopische Anatomie, 1 B, Supplement Heft. R. Hertwig und Jesser, Ueber Rhisopoden und denselben nahertcheden Organismen. ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES. 471 de la masse commune du corps de l’amibe. Excepté les corpuscules décrits, le plasma granuleux de l’amibe possède encore de petites boules graisseuses réfringentes, qui ne changent pas par l’action des acides ; elles sont analogues à celles qu'on trouve dans le corps de Diplophrys Archeri'; la différence unique des deux est que les unes (Longicauda) sont incolores, tandis que les autres sont colorées. A côté de boules graisseuses se trouvent des corps irréguliers bru- _nâtres ou jaunâtres, qui dérivent de la digestion. Comme parties ou organes les plus essentiels du corps apparais- sent le nucléus et la vacuole. Le nucléus ? est réniforme, courhbé, et atteint la longueur de 0%%,035, tandis que sa grosseur ne dé- passe pas On®,007. Ce nueléus se caractérise par un contour bien limité, qui laisse supposer l'existence d'une enveloppe, dont la pré- sence ne pouvait pas cependant être démontrée à l’aide des réac- tifs. La substance du noyau consiste en un protoplasma finement sranuleux, bien différent de la masse du corps par l'absence des corpuscules réfringents. La vacuole située près de la queue de l’amibe à la forme d'une boule sphérique de 02,015 en diamètre, faisant des pulsations constantes et rythmiques. Comme chez la plus grande partie des amibes, la vacuole disparaît en état de con- traction et dans peu de temps réapparait à la même place. Cette vacuole est privée de parois indépendantes, séparées du plasma du. corps. Passons maintenant à la description de la partie la plus ca- ractéristique pour la ZLongicauda amæbina, à la queue de l'animal. Cette queue est triple ; ses trois parties sont complètement indépen- dantes et ont la forme des cornes ramifiées d'un cerf. La longueur de la queue est de 0%%,001, avec une largeur moyenne de chaque branche de 0%%,002. Les ramuscules de la queue se présentent irrégulièrement courbés, ayant une largeur différente sur les dif- férents points de leur parcours et se terminant par des extrémités arrondies ?, Les points d'union des différents ramuscules reçoivent des épaississements bien marqués, après lesquels les ramuscules s'amincissent pour reprendre bientôt leur taille primitive. Comme particularités les plus essentielles de la queue doivent être considérées la précision du contour etla constance parfaite de l'extérieur. La cause du fait est que la queue n'est pas d'une consistance exclusivement 1 Hertwig et Jesser, loc. cit. 2 PI. XXXV, fig. 3. PI XXX V,afig: 5. 472 A. KOROTNEFF. plasmatique : ses ramuscules ont une enveloppe assez ferme !, qui devient bien accentuée dans le. cas où l’amibe vit dans des condi- tions peu favorables ; ces conditions d'existence se manifestent sur la forme et la structure des ramuscules de la queue. Ces ramuscules sont les premiers qui subissent une transformation, par les phéno- mènes suivants : les ramuscules s’étranglent en forme de grains de chapelet *, ce qui commence ordinairement par l'extrémité. Puis le contenu plasmique intérieur de ces épaississements se sépare et se transforme en de petites masses en forme de cubes, qui changent bientôt leur consistance plasmique granuleuse et deviennent forte- ment réfringentes $. Le plasma, en subissant ces transformations, se sépare de l'enveloppe, qui prend l'aspect d'une tunique transparente et mince. Ainsi, les queues ne sont autre chose que des prolonge- ments, pseudopodes, ayant formé des enveloppes constantes, des gants. Maintenant nous allons passer aux fonctions, à la physiologie de l’amibe. Le corps de l'amibe, n'ayant pas de contours permanents,peut s'étendre, ou se ramasser en prenant la forme d’une boule ; étendu, il ne dépasse pas 0%®,14; contracté en boule, il mesure à peu près 0%%,%4 en diamètre. Dans les mouvements de l’amibe c’est seulement la couche périphérique qui prend une part active, tandis que le contenu suit ses mouvements d'une manière toute passive. Le dessin * nous prouve que les pseudopodes peuvent être de deux genres : lobulaires et filiformes. Dans ces deux cas ils sont constitués par une couche corticale hyaline et par un contenu granulé, qui est bien ‘minime dans les pseudopodes filiformes, se trouvant à l’ordi- naire seulement à la base de ces derniers. Les prolongements lobu- laires se rencontrent ordinairement près du bout antérieur et pro- duisent les déplacements de l’amibe, tandis que les pseudopodes filiformes, se trouvant tout près de la queue, s’attachent aux objets environnants, et dans ces cas-là servent comme points de résistance. L'amibe en question peut aussi mouvoir sa queue, ce qu'elle fait en déversant son contenu vers cette dernière, et par cette raison la distance entre ses trois branches augmente et les branches mêmes se dirigent dans des directions différentes. Pendant ces mouvements PI. XXXV, fig. 6. PI XXXV, 6:56: PI. XXX V, fig. 6. PLEXXSNVIME,"S: Er 00 TN à ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES. 473 cette singulière amibe fait converger et diverger alternativement ces prolongements — ce qui donne l'idée qu'elle s’en sert comme de rames. En parcourant les différents iypes des Protozoaires connus jusqu’à présent, il n’est point possible d’en trouver un duquel on pourrait rapprocher génétiquement la Zongicauda amæbina. Toutefois Hert- wig a décrit ‘ dernièrement, sous le nom de S#cholonchae Zan- cleæ, un organisme qui physiologiquement peut être comparé à notre amibe en ce qu'il possède des organes constants en forme de lames, qui à l’aide de ses mouvements occasionnent le déplacement du Sticholonchae, autrement dit, jouent un rôle analogue à celui de la queue de la Longicauda. Si les lames du Sticholonchae ont la même signification physiolo- gique que les queues de l’amibe décrite, on trouve aussi parmi les Protozoaires des espèces qui possèdent des organes comparables aux queues de Longicauda. Ainsi les infusoires parasites, comme par exemple, la Podophrya, le Dendrocometes, possèdent des faisceaux de tentacules et des sucoirs ramifiés non rétractiles. Ces organes sont constitués par des prolongements protoplasmiques, entourés d'une enveloppe transparente et hyaline ; ce sont, comme les queues de Longicauda, des pseudopodes permanents. PELOMYXA (GREEFF). C'est un être amiboïde, constitué par une masse centrale et par une couche périphérique bien distinctes sous le point de vue de leur structure. La masse centrale (entoplasme) contient une multitude de vacuoles accolées et une quantité considérable de noyaux ; la couche périphérique (ectoplasme) est tout à fait hyaline et se dis- tingue par des pseudopodes lobulaires ?. PELOMYXA PARVIALVEOLATA (NOV. SP.). L'ectoplasme est privée de baguettes de même que de corps lui- sants (Glanzkôrper). Les alvéoles de l’entoplasme sont extrêmement 1 Studien über Rhizopoden von Richard Hertwig (Jenaische Zeitschr. f. Nalurwiss. XI B., 3 Heft). 2 Greerr, Pelomyæa palustris (Pelobius), ein amæbinartiger Organismus des süssen Wassers (Arch. f. mik. An., X B., I IH.; — Franz Schulze, Rhizopodenstudien IV (Arch. f. mik. An., XI B.). 474 A. KOROTNEFF. petites et l’amibe elle-même n'atteint jamais la grandeur de l'espèce décrite par Greeff (Pelomyxa palustris). Cette petite Pélomyxe a été trouvée par moi. de même que la Pe- lomyxa palustris, dans l'eau stagnante d'un petit marécage. Le corps de cette amibe se présente sous la forme d'une boule et seulement après une compression elle prend une forme aplatie. Un changement brusque des contours, tel qu'il est décrit par Greeff pour la Pelomyxa palustris, n'existe guère chez la mienne ; elle présente seulement des changements onduleux des bords, qui ne parviennent jamais à for- mer des prolongements lobulaires considérables. En même temps l’'ectoplasme prend peu part aux changements de forme de l'animal et la soi-disant précipitation de la masse interne dans les prolonge- ments nouvellement formés (ce qui distingue tellement la Pelomyæa palustris) ne se trouve pas. | La teinte ! brune de l'espèce que je viens de décrire est bien con- stante, tandis que la Pelomyxa palustris est incolore ou foncée à cause _de la présence d’une multitude de particules étrangères. La taille de cette amibe n'atteint jamais une grandeur considérable et surpasse rarement 3%%,003 en diamètre, mais dans la plupart des cas elle n’atteint même pas ce chiffre. Passons maintenant à la description détaillée de la structure de la Pelomyxa parvialveolata. Son corps peut être délimité en deux parties distinctes : couche périphérique et masse centrale. Tandis que la première est complètement hyaline, sans trace de granulation, la se- conde consiste en un plasma, qui contient des alvéoles caractérisées par leur extrême petitesse ?, difficiles à mesurer ; leur taille est envi- ron de 0%%,001. Ces alvéoles sont entièrement closes et se pré- sentent comme de petites boules, remplies d’une substance parfaite- ment claire, transparente et aqueuse. L'examen de ces alvéoles chez l’'espèeg en question est impossible, à cause de leur taille minime, mais leur étude chez la Pelomyxa palustris * m'a démontré, contrai- rement à l'observation de Greeff, que ces boules doivent avoir des pa- rois propres, Car elles peuvent être isolées, et elles flottent quelque temps librement dans l’eau et commencent à perdre leurs contours nets ; seulement, après trois ou quatre minutes, elles gonflent et de- viennent solubles. Outre ces alvéoles, lentoplasme contient de vraies 1 PI XXX VI, fig, 1 et: ? PL XXX VI, fig:9,1a, S'PE XXAVE ie. 200: ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES. 475 vacuoles d'une grandeur considérable !, remplies d’eau pure, qui se mélange immédiatement avec l'eau, si on écrase l'animal. L'entoplasme de Pelomyxa parvialveolata possède aussi des noyaux ronds ou elliptiques ?, qui se trouvent dispersés entre les alvéoles du plasma et atteignent la grandeur de 0®®%,008. Dans chaque noyau il n'est guère difficile de voir un, deux ou même trois nu- cléoles, qui se distinguent par une assez forte biréfringence. Sous l’action des acides et de la potasse, le contenu du noyau se dissout entièrement et à sa place il ne reste qu'un contour léger, à peine reconnaissable. L'action de l'alcool est cependant bien différente, ainsi sous son influence le noyau prend des contours bien pronon- cés et le nucléole sé sépare en deux parties : une centrale foncée et compacte, l’autre périphérique, plus claire et granuleuse, ce qui est représenté planche XXX VI, fig. 4. Je n'ai point trouvé chez la Pelomyxra parvialveolata les formations que Greeff décrit pour la grande Pélomyxe sous le nom de corps lui- sants (Glanzkürperchen). Mais dans toute la masse centrale sont dis- persées en grande quantité des concrétions brunes et amorphes * ; leur présence produit la couleur de l’amibe et peut bien faciliter sa recherche dans la masse de débris végétaux parmi lesquels elle se trouve ordinairement. Outre ces concrétions, la masse du corps con- tient des grains de sable et quelques autres corps inorganiques. Il me reste à désigner une formation qui est aussi décrite par Greeff pour sa Pélomyxe, ce sont des prolongements plasmatiques très fins qui ont la forme d'une brosse et se trouvent à un des points de la surface “. Ces prolongements ne sont pas constants, ils peuvent être retirés par l'animal et formés sur un autre point du corps. En ce qui concerne le développement de cette amibe, jen'ai malheu- reusement pas eu l’occasion de l'’observer. J'ai seulement vu de jeunes Pélomyxes, qui se trouvent souvent à côté des adultes. La jeune amibe * est pourvue d'une queue, qui accomplit des mouve- ments ondoyants, assez lents. Le corps lui-même est capable de changer ses contours, en formant des pseudopodes à sa surface. La 1 PI. XXXVI, fig. 2, 6. 2 PI. XXXVI, fig. 2, c; fig. 3. Le dessin montre des granules qui appartiennent, non pas aux noyaux, mais au plasma entourant, et après l'isolement des noyaux les granulations restent à la surface. | 3 PI. XXX VI, fig. 2, d. # PI. XXX VI, fig. 1, a. 5 BI. XXX VI, fig.s. 476 A. KOROTNEFF. masse intérieure n'est pas alvéolaire ; elle est remplie de granula- tions et renferme une vacuole pulsatile, un noyau et quelques con- crétions brunâtres. PELOMYXA PALUSTRIS (GREEFF). L'entoplasme contient des amas de corpuscules en forme de pe- tites baguettes et des corps luisants. Les alvéoles sont grandes et le corps de l’'amibe peut atteindre une taiile considérable. Relativement à l'histologie de la Pélomyxe, je suis parfaitement d'accord avec le travail de Greeff !, sauf quelques détails déjà men- tionnés sur la structure des alvéoles de la masse interne. Dans les lignes suivantes je m'empresserai d’insister sur quelques traits 1S0- lés du développement que j'ai eu l'occasion d'observer. Sur la question du développement il n'y a presque rien de connu. Néanmoins l'attention des observateurs s’est dirigée sur les corps luisants comme points de départ du développement. Ainsi Greeff dit qu'il a vu parfois à l'intérieur de ces corps de légers contours d’une figure irrégulière, comme si la masse intérieure s'était retirée fen partie des parois internes de la capsule, tout en restant encore liée à cette dernière ‘à l’aide de quelques prolongements, comme si un mouvement amiboïde avait eu lieu. Dans la substance nouvelle- ment formée de ces corps, Greeff a cru remarquer les contours légers d'un noyau. Le savant Allemand n'a pas eu l’occasion d'observer les changements ultérieurs des corps luisants, mais il suppose que ces derniers, ayant atteint une certaine phase de développement, doivent être éliminés de la masse de l'amibe. Un phénomène curieux, que j'ai observé aussi, fixe de nouveau l'attention de Greeff sur les corps luisants. De plusieurs Pélomyxes qui se trouvaient dans un verre de montre il transporte sous son microscope une amibe qui semblait mourir, avait déjà un aspect rugueux et n'était pas loin d'un état de décomposition. Mais dès que Greeff voulut l’observer plus attentivement, il s’aperçut d’un fait excessivement curieux : le long du bord extérieur de l’amibe se détachaient une quantité énorme de jeunes amibes. Toutes ces amibes avaient le même extérieur, les mêmes mouvements et la même grandeur. A l'intérieur on pouvait facilement voir un noyau avec un nucléole et une vésicule contrac- tile. Après quelque temps ces petites amibes recevaient des queues flagellées et disparaissaient aux yeux de l'observateur. La multitude CS SSI NS ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES. 417 de ces amibes ne permet pas de supposer qu'elles ont une origine pa- rasitique. Enfin le savant Allemand est plutôt de l'opinion que le fait de l'apparition des petites amibes doit être rapproché des change- ments des corps luisants ; comme généralisation de tous ces phéno- mènes, il admet que ces corps doivent être considérés comme des spores de la Pélomyxe. Mes observations constatent parfaitement le point de vue du savant Allemand ; néanmoins, n'ayant pas le moyen de suivre le développe- ment sur un seul et même sujet, je dois avertir que mes observations exigent nécessairement une confirmation. Mais laissons passer avant quelques mots sur les particularités des corps luisants. Ces corps sont dispersés, analogues aux noyaux par la masse entière de l’amibe, et pendant l'examen de celle-ci attirent dès l’abord l'attention de l'observateur à cause d'une très forte ré- fringence. Ces formations sont tout à fait hyalines, rondes et très variables en grandeur, qui est ordinairement entre 0,005 et 0"",008. Excepté les rondes, on trouve bien souvent des corps qui ont des formes différemment contournées, comme c'est démontré parle des- sin’.:Ces corps sont capables de se multiplier par division, comme c'était démontré par Greeff ; pour cela ils deviennent allongés, prenant une forme de biscuits, et tombent enfin en deux boules. Bien probable- ment les formes contournées présentent une phase de la division simultanée en plusieurs corps. Après l’action des acides et de l'alcool, ces corps perdent leur réfringence, deviennent granuleux et disparais- sent. Le carmin et surtout l’hématoxyline les colorent intensivement. Passons aux transformations des corps luisants. Déjà Greeff ‘a remarqué sur quelques-unes des ouvertures, qui cependant ne les per- forent pas entièrement, mais se prolongent dans de petits enfonce- ments. Je prêtai l'attention à ces changements et les circonstances m'ont favorisé dans les observations suivantes. Les corps luisants commen- cent par changer leur extérieur : à l'un des points de leur surface se produit un petitenfoncement ?, qui s'agrandit et se remplit du plasma dans lequel le corps même est plongé. A la suite de cela son vo- lume augmente etil prend la forme d’un petit pot sphérique *, ayant une petite ouverture à l’aide de laquelle on voit constamment passer 1 Loc. cit. 2 PL XXX VI, fig. 13. 3 PI. XXX VI, fig. 14. #78 A. KOROTNEFF. les grains du plasma; néanmoins je n'ai jamais observé la pénétra- tion des alvéoles à l'intérieur de la cavité du petit pot, ce qui s’ex- plique par des dimensions beaucoup plus considérables des alvéoles, comparativement à l'ouverture du corps luisant. Parallèlement aux phénomènes décrits, les parois du pot s'atténuent, probablement par l'extension, et il augmente considérablement de volume. Bientôt les bords de l'orifice convergent, l’orifice même s’oblitère et le petit pot sphérique se transforme en une vésicule complètement fermée et remplie d'un plasma finement granuleux, privé d’alvéoles ‘. En même temps que les vésicules fermées, on rencontre des formations qui présentent certainement la phase suivante du développement du corps luisant. Cette phase, comme je l’ai représentée planche XXXVI, fig. 16, a la forme d'une vésicule plus grande, ayant des parois minces, quise distinguent principalement par un petit prolongement sphérique, dirigé à l'intérieur de la vésicule et réuni aux parois à l'aide d’un pédoncule. Ce petit prolongement, d’après l’action des réactifs, est tout à fait analogue à un corps luisant. Mes observations sur un même individu se restreignent malheureusement aux faits cités. En parcourant une quantité considérable de Pélomyxes, je suis tombé sur une dont le corps était rempli de nombreuses Capsules. Chacune de ces capsules est une vésicule sphérique, complètement fermée, avec des parois très réfringentes et très minces. Intérieüre- ment cette capsule est remplie par un plasma finement granuleüx, dans lequel on voit une petite boule, qui d’après ses caractères op- tiques n’a pas la moindre différence avec un corps luisant, et je la considère comme telle. A côté du dernier on trouve toujours une vacuole, faisant des pulsations fortes et rapides. La grandeur ordi- naire de chaque capsule est de 0%%,007 à Omm,009 ?. En faisant la comparaison de cette forme avec les précédentes, nous voyons qu'elle se distingue par sa grandeur beaucoup plus considérable, de même que par la présence d’une vacuole et d'un corps luisant ; ce dernier existe dans les phases précédentes, mais il n’était pas séparé des parois propres de la capsule. N'ayant pas le moyen de suivre le 1 PL XXX VI, fig. 15. 2 PI. XXX VI, fig.22 et 23 présentent deux formes des corps luisants, qui se distin- guent en ce que le prolongement intérieur de la capsule est devenu triangulaire en se confondant par ses extrémités libres avec les parois. N'est-ce pas le commen- cement d’une formation réciproque de plusieurs corps luisants ? ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES. 479 développement et le rapport des deux dernières formes des capsules, je ne peux pas affirmer avec une évidence complète la succession mentionnée, et en publiant tous ces faits j'ai pour but de pousser par cela les études sur le développement de Pelomyra, très curieux en tous Cas. Deux ou trois fois J'ai eu l’occasion d'observer le phénomène dé- crit par Greeff : j'ai vu l'apparition rapide d’une quantité considé- rable de petites amibes sur le corps de la Pélomyxe. Chacune de ces amibes était munie d'une vésicule pulsatile et d’un corps luisant. La vésicule se contractait fortement et la petite amibe faisait des mou- vements bien rapides dans le champ du microscope. En même temps je trouvai des amibes qui possédaient des noyaux au lieu de corps luisants, comme l'avait décrit Greeff. L’analogie entre les petites amibes et le contenu des capsules nous persuade indubitablement que ces petites amibes s'étaient délivrées après la rupture des pa- rois de la capsule et à l’aide d'une occasion, la moins importante qu'elle soit : après avoir couvert l’objet avec la lamelle en verre ou simplement après la translation de l1 Pélomyxe sur le porte-objet, les jeunes amibes s’'échappent du corps de la mère. Les changements ultérieurs de ces amibes et leur transformation en ces Pélomyxes adultes sont pour moi inconnus. En tout cas il serait très important de vérifier si la Pélomyxe se développe d’une seule petite amibe ou si la forme adulte estun amas, un Corps colonial, qui provient d’une liaison de plusieurs jeunes amibes. Résumé. — 1] n’est pas douteux que les corps luisants, conformé- ment à l'opinion de Greeff, sont des spores qui donnent naissance aux jeunes amibes. COCHLIOPODIUM. (PL XXXV, fig. 9.) Le genre Cochliopodium a été établi par Richard Hertwig, qui en a donné la description suivante ! : La coquille, flexible, est de lamême structure que chez l’Arcella, avec une ouverture permanente, qui s'étend facilement pour la sortie des pseudopodes. Le corps plasma- tique esttrès variable. Le nucléus est simple, il est disposé au fond Fe 1 Archiv. f. Mikr. Anat., B, X, Supplement Heft, 1874, p. 480 A. KOROTNEFF. de la coquille. Les vacuoles, en quantité assez considérable, de même que les vésicules contractiles au nombre de deux ou trois, se trou- vent immédiatement sous la coquille. Les pseudopodes sont libres de granulations et coniques ; ils sortent de la coquille en forme de faisceaux. Le genre Cochliopodium contient deux espèces : Cochliopodium pellucidum et Cochliopodium pilosum ; la première espèce a été décrite par Hertwig, la seconde signalée par Archer ‘. Ci-dessous, je décrirai une forme, qui grâce à quelques particularités s'approche du genre en question. Malgré plusieurs variétés, qui caractérisent cette forme, je la rapporte au genre Cochliopodium sous le nom de Co- chliopodium echinatum, pour ne pas établir un nouveau genre et compliquer par cela le groupe des Protozoaires, déjà tellement em- brouillé par la quantité de formes décrites. Le corps protoplasmique de ce foraminifère est inclus dans une coquille, qui a la forme d’un petit pot avec des parois transparentes et flexibles, qui porte sur sa base et ses côtés des prolongements épineux. Vers l'extrémité antérieure, qui contient l’ouverture, la co- quille devient mince en taille, ses bords se retournent et reçoivent un aspect onduleux. En examinant la surface de la coquille, il est fa- cile de voir qu'elle est couverte par de petites protubérances, comme de petits points, qui donnent à la surface l’aspect de la peau de cha- grin. Le contenu plasmatique de cette coquille n’a pas des caractères bien spécifiques : il est finement granulé et contient un noyau trans- parent, qui se trouve ordinairement dans la base de la coquille. Le noyau possède un nucléole plus foncé et il a une enveloppe, qui est beaucoup plus réfringente que le noyau même. Le contenu n'a pas de vésicules contractiles et de vacuoles non plus. Par l'ouverture le plasma fait sortir les pseudopodes, qui présentent la particularité cu- rieuse de former le passage entre les pseudopodes filiformes et lobu- laires : ils sont beaucoup plus solides que les premiers et se termi- nent toujours par des extrémités minces. Il n’est pas rare qu'un des pseudopodes se divise en deux ou trois branches, qui divergent en sens opposés. On trouve aussi souvent des pseudopodes qui com- mencent par de larges bases communes et après cela se divisent en branches séparées. La comparaison entre cette description et la définition du genre 1 Proceedings of the Royal med. Academy, déc. 4870, vol. IL, 1. ÉTUDES SUR LES RHIZOPODES. 481 Cochliopodium, faite par Hertwig, nous démontre que la différence se manifeste par l'absence des vacuoles dans l'intérieur du plasma et par la présence des prolongements épineux à la surface de la co- quille. Mais la structure et la forme de la coquille et surtout celle des pseudopodes nous permettent d'adjoindre l'organisme en question au genre Cochliopodium. ACANTHOCYSTIS VIRIDIS, (PI. XXXV, fig. 10-13.) Le développement des Radiolaires maritimes, de même que de ceux d'eau douce, est presque inconnu Jusqu'à présent et toute notre expérience se borne à de petites notes séparées. Ainsi dernièrement, Richard Hertwig a fait connaître quelques faits du développement de l’Acanthocystis aculeata ‘, ainsi il a trouvé des individus qui por- taient immédiatement sous l'enveloppe aiguillée de petits corps ovoides qui, se délivrant du corps maternel, recevaient des flagel- lums, flottaient quelque temps et se transformaient en des êtres amiboïdes. Hertwig ne pouvait pas constater avec une évidence com- plète que les phénomènes décrits ne présentent pas une manière spécifique du parasitisme et que l'être flagellé, de même que l'être amiboïde, présente les phases du développement de l'Acanthocystis. J'ai réussi à voir un procédé complètement analogue chez une autre espèce, chez l’Acanthocystis véridis et j'ai eu le moyen de me con- vaincre que c'est un phénomène du vrai développement. La plan- cheXXX, fig. 10, nousreprésente un corps ovoïde qui élève les aiguilles du squelette et contient un nucléus avec une vésicule pulsatile et un ou deux grains de chlorophylle ; la présence du dernier prouve que tout le corps ovoïde doit être regardé comme une partie intégrante de l'animal entier. Bientôt les aiguilles du squelette divergent et le corps ovoïde sort en forme d’un embryon avec un ou deux flagel lums. Get embryon se transforme en peu de temps en un être ami- boïde, ayant des pseudopodes filiformes, dirigés dans tous les sens. En même temps j'ai trouvé assez souvent des Acanthocystis viridis dont le contenu, le corps plasmatique, s'était retiré de l'écorce ai- guillée, son volume avait diminué considérablement et toute la masse plasmatique se couvrit d’une enveloppe cuticulaire bien épaisse et 1 Jenaische Zeit. f. Nalur, XI B., 3 Heft. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN, == T, Vlil. 1879 et 1880. 31 482 A. KOROTNEFF. transparente. Ce phénomène est-il en rapportavec le développement ? Je n’en sais rien. Fic. FiG. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XXXV. 1-2. Protamæba primordialis. Différents états de contraction. Gross. 600 Hart. 3. Longicauda amæbina, 540. 4. Terminaison d’un ramuscule de la queue. 5 et 6. Différentes phases de dégradation de la queue, 1000, 7. Dactylamæba elongata, 540. 8. Prolongements terminaux. 9. Cochliopodium echinatum. 10. Partie du corps de l Acanthocystis viridis, qui contient un embryon. 11-13. Différents changements de l'embryon de l’Acanthocystis, PLANCHE XXXVI. . Pelomyxa parvialveolata. . Coupe optique, 1 000 ; a, alvéole ; b, cavité; c, noyau; d, concrétion. . Noyaux séparés du corps, 1 100. . Noyaux après l’action des acides, 1100. . Jeune Pelomyxa. . Coupe optique d’une Pelomyæa palustris. a, alvéoles; b, noyaux; e, corps luisants ; d, baguettes, 1100. 7-12. Différentes formes des corps luisants. 15-16. Transformation des corps luisants, 17, Capsule munie d’une vésicule contractile et d’un corps luisant. 18-21. Jeunes amibes, sorties des capsules. 22-23. Formes anomales des corps luisants. Où F7 C0 RO > nt nil OBSERVATIONS SUR LE FLUIDE PÉRIVISCÉRAL DES OURSINS PAR PATRICK GEDDES, F.R.S.E. Professeur libre de zoologie à l'Ecole de médecine d'Edimbourg. A cause de sa quantité extraordinaire, aussi bien qu'à cause des éléments histologiques qu'il contient, le fluide périviscéral des Oursins a été le sujet d'un nombre très considérable d'études. Les auteurs principaux sont Valentin', Williams * et Hoffmann *, spécia- lement le dernier. Il ne manque pas de bonnes descriptions chez les groupes voisins; celle de Semper ‘ sur le fluide périviscéral des Holothuries est la meilleure, Sous'ce rapport les Siponcles aussi ont été souvent étudiés : voir les travaux de Keferstein *, de Brandt ° et de Lankester ’, Cependant il me parait utile, mème nécessaire de décrire et de figurer une fois encore les corpuscules de l'Oursin, quoiqu'il faille répéter quelques faits déjà connus, non seulement pour les con- naître avec une exactitude plus grande, mais pour séparer les élé- ments accidentels des éléments constants, et pour avoir un point de départ pour l'étude de leurs fonctions et de leur développe- ment, qui sont restés jusqu'ici très obscurs, je puis dire même com- plètement inconnus. Cette description nouvelle peut avoir de l'intérêt non seulement au point de vue de l'animal qui en fournit le sujet, mais aussi de celui de l'étude des fluides organisés et de la cavité périviscérale chez les animaux invertébrés en général. Il faut com- Monographies d'Echinodermes. Phil. Trans., 1852. Niederl. Archiv, 1871. Reisen im Archipel d. Philippinen, Bd. 1, Fieft 4. Zeits. wiss. Zool., Bd. XII. Mém. Pélersb., XVI. Ann, Mag. Nat. Hist, VII. dl © O1 _# M 1912 ete SR 7 NÉ 484 PATRICK GEDDES. parer aussi de nouveau le fluide périviscéral avec les ffuides que l'on trouve dans les vaisseaux sanguins aussi bien que ces deux derniers avec celui du système aquifère, pour pouvoir critiquer ce qu'ont prétendu plusieurs anatomistes : qu'il y à une connexion entre ces systèmes. Enfin, on peut prendre le point de vue de l’histologie gé- nérale. j Dès les premiers jours de l’histologie, on a toujours été frappé par cette ressemblance extraordinaire qu'ont les corpuscules inco- lores du sang, les « corpuscules amæboïdes », avec les vrais amœæbes ; cette physionomie de protozoaire est mieux marquée, peut-être, chez les corpuscules de l'Oursin que chez ceux de tous les au- tres animaux; elle a porté quelques observateurs ! à croire que ces êtres qui mènent une vie en apparence si indépendante des issus qui les environnent sont des parasites. Ces corpuscules doivent fournir alors un moyen de répondre à cette question, une des plus importantes de l'histologie : ce nom « amæboïde » exprime-t-il une analogie pour ainsi dire accidentelle, ou une ressemblance profonde? On pense, en général, que c’est une vraie ressemblance ; cette hy- pothèse est plus philosophique et, qui plus est, elle est soutenue par l’'embryogénie ; mais il est important de préciser davantage nos conceptions sur ce sujet. Il faut étudier toute l’histoire des corpusecu- les ; il faut les suivre de leur développement jusqu’à leur mort pour savoir où commence et où finit cette ressemblance avec les Rhizo- podes. Le fluide périviscéral d’un Oursin régulier commun, par exem- ple l'Echinus sphæra, ou le Toxopneustes lividus, est un peu trouble, avec une teinte légèrement grise-rougeâtre. Il exhale une odeur agréable qui rappelle celle du musc. Le poids spécifique, pris avec l'hydromètre, est 1026, le mème que celui de l’eau de mer. Cependant le plasma dans lequel flottent les corpuscules n’est pas simplement de l’eau de mer; sa réaction est nettement alcaline, et il contient une quantité, quoique minime, de matière albuminoïde, comme cela a été déjà démontré par Williams?. Quand on prend le fluide d'un Oursin bien vivant, on le voit subir un changement rapide, que l’on peut appeler une coagulation, et les corpuscules se séparent très complètement du fluide pour former ! Ex. gr. Giard? Voir Comptes rendus, t. LXXXIÏ, no 21. 2 Op. cil. LE FLUIDE PÉRIVISCÉRAL DES OURSINS. 485 un caillot. Le volume du caillot est d’abord assez considérable, mais il se contracte très rapidement, et après une ou deux heures il ne reste que quelques petits morceaux rouges-brunâtres au fond d’un liquide transparent et presque incolore. Lorsqu'on soumet une goutte de ce fluide à l'examen microsco- pique, on voit des corpuscules colorés et incolores mêlés avec d’au- tres éléments. Il faut les décrire méthodiquement, et il vaut mieux commencer par les corpuscules amæboïdes incolores, dont il existe deux espèces bien marquées. Le premier type de corpuscule blanc est certainement le plus important; c'est cette celiule amæboïde et nucléée, à protoplasme finement granuleux, que l'on rencontre chez tous les animaux vertébrés et invertébrés qui possèdent des fluides organisés. Ce- pendant ces corpuscules présentent quelques caractères spéciaux’ assez curieux. Chez quelques-uns les pseudopodes sont longs, filiformes et ramifiés; chez d’autres, ils s'unissent l'un avec l’autre pour former des anneaux complets (fig. 1). On trouve ces an- neaux avec des pseudopodes filiformes chez le même corpuscule (fig. 2, 3, 4); quelquefois aussi ils sont produits en si grand nom- bre, que l'on ne voit guère de corps dans le corpuscule, car pres- que tout le protoplasme est employé à former les anneaux, et le noyau reste au centre, presque découvert (fig. 5). Je crois que ces types extrêmes ne se produisent que pendant la mort graduelle de l'animal. Cette disposition annulaire des pseudopodes parait carac- tériser les Echinodermes. Semper! l’a décrite chez les Holothuries, et je l’ai trouvée aussi chez les Astéries, chez les Ophiures et chez les Comatules, mais jamais chez les autres Invertébrés. J'ai vu, mais une ou deux fois seulement, la division d'un corpus- cule en deux parties (fig. 27, 28). J'ai parlé de la coagulation du fluide comme elle parait à la vue simple : on peut suivre très facilement le phénomène sous le mi- croscope. Il suffit de suspendre une goutte du fluide frais à la surface inférieure d’un couvre-objet, supporté par un anneau de verre ou de cire fixé d’avance au porte-objet. On se souviendra de ce que l'on voit dans une goutte de sang humain se coagulant sous le microscope : des filaments délicats de fibrine se développent dans le sérum, et c'est par leur contraction que les corpuscules 1 Op. cil. 480 PATRICK GEDDES. sont retenus et mêlés dans le caillot ferme. Le phénomène qu'on remarque ici est tout à fait différent ; on ne voit pas de fibrine, mais les corpuscules blancs que nous venons de décrire s’attachent l’un à l’autre, et forment des tas irréguliers ou des masses en forme de mûres. Semper et Hoffmann ont respectivement figuré ces masses chez les Holothuries et les Oursins. Elles ont été décrites chez d'autres animaux invertébrés, par exemple par Leydig, chez la Palu- dina . On a décrit ces masses comme étant normales. Cependant on ne les voit jamais quand on examine rapidement le fluide des Echinodermes bien frais, mais toujours chez les animaux qui ont été emprisonnés longtemps dans l'aquarium. En prenant une goutte de fluide d’un Oursin vigoureux, et en la protégeant de la pression et de l'évaporation par le moyen simple qu'on vient de décrire, on peut garder les corpuscules vivants pen- dant plusieurs heures, et l’on peut se convaincre que ce rapproche- ment des corpuscules n’est qu'un préliminaire à leur union complète. Les pseudopodes d'un corpuscule touchent ceux d’un autre dans le voisinage, s'unissent avec les siens (fig. 6), et les deux corpuscules s’approchent l’un à l’autre et deviennent bientôt une seule masse ho- mogène. Cette masse nouvelle poursuit sa marche, elle saisit avec les longs pseudopodes qu'elle projette sans cesse tous les corpuscules qu'elle rencontre : elle les incorpore et elle croît ainsi bien rapide- ment, comme une pelote de neige qu'on roule par terre. Il est très intéressant de mêler avec la goutte de fluide quelque matière colo- rante, par exemple le bleu d'outre-mer, et de voir les grains de pig- ment engloutis par les corpuscules. Ces granules bleus servent à montrer que l’union des corpuscules est complète, car on peut re- garder passer tel ou tel morceau de pigment de forme et de taille caractéristique, de l’endosarque d’un corpuscule à l'endosarque de la masse plus grande qui l’engloutit (fig. 43-19). De cette façon sont produits de vastes plasmodiums qui se différencient bientôt en un ecto- sarque transparent et homogène et un endosarque granuleux, comme s'ils n'étaient que des amæbes gigantesques. L'endosarque est très- granuleux, il contient des corps étrangers, mais surtout presque tous les corpuscules bruns et les corpuscules blancs à grands granules que nous allons décrire plus bas. Ces autres corpuscules amæboïdes sur- vivent très bien à leur emprisonnement, et le caillot paraît mourir 1 Zeils. Wiss, Zool, Bd. IT. LE PLUIDE PÉRIVISCÉRAL DES OURSINS. 487 avant de pouvoir ou incorporer ou digérer ces autres corpuscules. Ils font leur chemin dans l’'endosarque du plasmodium, sans pa- raître gènés et sans faire aucune union entre eux ou avec le milieu qui les entoure. Ce plasmodium, cet amœæbe composé, prend maintenant une ac- tivité nouvelle. Son ectosarque pousse rapidement des pseudopodes d'une longueur extraordinaire qui dépassent un grand nombre de fois le diamètre du champ du microscope, qui seramifient et qui forment des anastomoses, et pour lesquels il faudrait une planche in-folio pour en donner une idée suffisante. Le bord d'une partie du plasmodium est représenté dans la figure 52, il ne fait que commencer à pousser ses pseudopodes. En général les pseudopodes de la même masse amæboïde composée sont ou fillformes ou émoussés, en général fili- formes; mais j'ai trouvé aussi des cas où ces deux espèces de pseudo- podes se prolongeaient côte à côte, avec une transition brusque que l'on ne pouvait expliquer (fig. 52). Il existe dans le fluide périviscéral un nombre assez considérable de cellules, pourvues chacune d'un long cil vibratile à l'aide duquel elles nagent (fig. 7). Ces cellules sont évidemment détachées d'une partie du revêtement épithélial qui tapisse toute la surface intérieure de la cavité périviscérale. On est bientôt frappé de leur ressemblance pour la taille, le noyau et les granulations avec les plus petites des cellules amæboïdes dont nous venons de parler ; on cherche des types intermédiaires et on en trouve facilement. Aussi bien que les cellules parfaitement sphéri- ques etrapidementmobiles, on en voit d’autres moins actives ou même en repos dont la forme est un peu irrégulière, d'autres qui paraissent avoir perdu le cil, et d’autres qui poussent un pseudopode excessi- vement fin, qui peut être produit par le changement direct du cil. De ces formes on passe facilement au corpuscule ordinaire. Il est vrai que je n'ai pu réussir à suivre le changement sur la même cellule, la transformation paraît être trop lente, et la cellule meurt sous le microscope, avant de l’achever. Cependant je n'ai aucun doute que les cellules amæboïdes ne se développent, en grande partie au moins, aux dépens des cellules ciliées. A l'abondance des types intermédiaires on peut ajouter d’autres preuves. Une heure après qu'on a extrait le fluide périviscéral, le caillot s'est séparé, et il contient presque toutes les cellules amæboïdes ; on trouve dans le fluide très peu de celle-ci {à moins qu'on ne l'ait pas agité pendant la coagulation), mais beau- coup de cellules ciliées. A la fin de la journée on trouve que la propor- 488 PATRICK GEDDES. tion des cellules amæboïdes libres aux cellules ciliées est beaucoup plus grande, et le matin suivant, les cellules ciliées sont moins nom- breuses que les cellules amæboïdes. On ne peut expliquer ce phéno- mène qu'en supposant le renouvellement des cellules amæboïdes aux dépens des cellules ciliées. De plus, si l’on dirige sur l’épithélium de la lanterne le jet d’une pipette remplie d’eau de mer ou de fluide périviscéral filtré, on lave cet épithélium de tous les corpuscules amæboïdes libres mais dans une préparation microscopique de l'épi- thélium, on trouve en général, parmi les cellules ciliées qui lui sont propres, des cellules amæboïdes avec toutes les gradations déjà dé- crites. Il paraît alors que ce changement peut avoir lieu ou avant ou bien après que la cellule a quitté l'épithélium dont elle prend son ori- gine. De mème j'ai vu souvent les cellules d'un autre tissu animal, l'ectoderme cilié d'une Planaire rhabdocèle (Convoluta Schultzü), passer à l’état amæboïde. Dans la comparaison des corpuscules des fluides organisés des ani- maux supérieurs aux Protozoaires, ilne faut pas se borner à l’amæbe commun, il faut chercher parmi les organismes inférieurs ceux qui présentent une histoire plus compliquée, des métamorphoses plus grandes, pour voir si l'on peut poursuivre l’analogie ou s'il faut l’'abandonner. Prenons doncle Protomyxa de Hæckel, ou mieux peut- être les Myxomycetes, formes si parfaitement intermédiaires entre le règne animal ét le règne animal; on se souviendra que ces êtres se développent comme des cellules pourvues chacune d'un long cil, et qu'ils prennent bientôt la forme amæboïde ; qu'ils subissent enfin cette transformation de « Mastigopode » en » Myxopode», dontl'importance dans la morphologie des Protozoaires a été exposée dans le dernier ou- vrage de Huxley ‘. Ces Myxopodes, dans de nouvelles cirtonstances, s'unissent complètement l’un avec l’autre pour former un vaste plasmodium mobile, qui après quelque temps se contracte dans une masse sphéroïdale. Jusqu'ici cette description s'applique aux corpuscules tout aussi bien qu'aux Myxomycètes ; mais chez les corpuscules la masse sphéroïdale meurt, faute des conditions né- cessaires à la vie; chez les Myxomycètes cette masse s’enkyste et se divise dans des germes d'où sort une nouvelle génération de cellules flagellées. On peut arranger ainsi ces ressemblances et ces différen- ces en forme de tableau : 1 Anal, Invert. LE FLUIDE PÉRIVISCÉRAL DES OURSINS. 489 Corpuscules. Myxomycètes. . Développement par division transverse. 1. Développementpar divisionendogène. . Cellule flagellée (mastigopode). 2. Mastigopode. . Cellule amœæboïde (myxopode). 3. Myxopode. . Plasmodium mobile (produit dans de 4. Plasmodium mobile. nouvelles circonstances). . Sphéroïde immobile. 5. Sphéroïde immobile. 6. Mort. 6. Enkystement et division de nouveau. + GO DO [SH Il est intéressant de comparer aussi ces plasmodies avec des Rhi- zopodes comme le Microgromia socialis de Hertwig !. La théorie qui regarde le caractère amæboïde comme étant un caractère fondamental de la cellule animale me paraît alors ample- ment justifiée. L'autre type de corpuscule blanc est plus rare. Il est bien plus grand et rempli de gros granules sphériques et réfringents qui cachent le noyau, qui ne se révèle qu'après l'addition de réactifs. Les pseudopodes sont très émoussés et très courts, et les mouve- ments très lourds, quoique rapides ; l'ectosarque hyalin pousse un petit processus court et rond dans lequel coulent soudainement des granules. Semper a décrit cette forme de corpuscule chez les Ho- lothuries, c'est sa Schleëmzelle ; c'est enfin ce corpuscule à grandes granulations que l’on trouve chez tous les animaux, les invertébrés ou même les vertébrés. Mais les corpuscules les plus intéressants de tous sont ceux qui sont pigmentés en brun d’acajou. Ils ont été remarqués les premiers par Erdl ?, et tous les auteurs subséquents les ont décrits. Ils se trou- vent chez tous les Echinides et chez quelques Holothurides, mais je ne les ai Jamais trouvés chez les autres Echinodermes. Ils ressem- blent beaucoup aux corpuscules incolores, aux pseudopodes courts que nous venons de décrire, et les granules pigmentés de leur en- dosarque ont presque la même taille que les granules réfringents (fig. 9 et 46). Les mouvements sont très rapides et très curieux; les granules y coulent dans les pseudopodes avec une rapidité qui fait croire à l'observateur qu'ils sont en ébullition (fig. 32). 11 y a un noyau clair, quelquefois deux (fig. 41), mais je n'ai jamais vu la division. Leur développement est très curieux. On trouve dans les vaisseaux 1 Mes dernières recherches me permettent d'appliquer à beaucoup d’autres ani- maux invertébrés ces observations sur les plasmodiums. Voir Proc. Koy. Soc. mai 1880. 2 Wiegmanns Archiv, 1842. 490 PATRICK GEDDES. sanguins de l'intestin, et souvent aussi dans les poches ambulacraires, des cellules qui contiennent des sphères jaunes-verdâtres, assez ré- fringentes, de taille très variable (fig. 34). Les granules se trouvent aussi libres en grand nombre et ils s'unissent pour former des amas irréguliers. Dans ces cas, lorsqu'on ajoute de l'acide acétique, on voit qu'ils sont entourés d'une couche de protoplasme, mais qu'il n'y a pas de noyau. Parmi les corpuscules on en trouve quelques-uns qui sont plus grands et qui ont une teinte brune plus ou moins foncée, qu'on représente en ajoutant de la terre de Sienne brûlée au jaune-verdâtre des autres granules. Des sphérules brunes plus grandes encore ne manquent pas, et leur couleur approche toujours de plus en plus de celle des corpuscules pigmentés (fig. 36), d’autres en ont acquis la cou- leur parfaitement, et elles commencent à montrer une granulation et même à prendre une forme irrégulière. Dans une de ces sphères brunes paraissant encore homogène, on peut faire paraître le noyau etles granules de pigment par l'emploi de l'acide acétique, aidé peut- être par un peu de pression sur le couvre-objet (fig. 38, 39). Enfin on trouve presque toujours et partout dans les vaisseaux sanguins et bien souvent aussi dans les poches ambulacraires de l'£chinus sphæ- ra et du Toxopneustes lividus toutes les phases que l’on peut imaginer entre les granules jaunes-verdâtres et les corpuscules à pigment brun d'acajou (fig. 48). Il est impossible de douter que l’un ne se déve- loppe de l’autre. Ce phénomène fournit une nouvelle exception à la règle générale que toute cellule chez les animaux pourvus de tis- sus (Métazoaires), provient de la division transverse d'une autre cellule. On voit quelquefois des corpuscules bruns en apparence bien vi- vants, qui se cassent tout d’un coup et qui disparaissent très vite (fig. 47). Je pense que la matière colorante est plutôt répandue dans le sérum que perdue, mais on ne la voit presque plus. Quelle est la fonction de ces corpuscules bruns ? On pense naturel- lement à la respiration etil ne manque pas d'arguments en faveur de cette manière de voir. Quand on tue un Toxopneustes et qu'on le laisse sur la table, on voit au bout de quelques heures que la couleur du tégument externe devient par degrés un peu sale et pâle, et on la trouve changée en vert le matin suivant. On voit bien à l’aide du microscope que ce changement de couleur est dû aux corpuscules. Lorsqu'on laisse pendant un ou deux jours une quantité de fluide dans deux bocaux, l'un bien bouché et l’autre ouvert, le fluide, dans ce LE FLUIDE PÉRIVISCÉRAL DES OURSINS, 491 dernier, prend une teinte légèrement verte, due sans doute au chan- gement de la matière colorante qu'ont perdue les corpuscules. J'ai fait au laboratoire de chimie biologique (grâce à la bonté de MM. les professeurs Wurtz et Gautier) des analyses nombreuses avec la pompe à mercure du gaz qui sort du fluide, mais sans aucun résultat posi- tif, à cause de la difficulté extrême de la recherche. La capacité de l'appareil ne permet pas d'opérer avec une quantité plus grande de fluide périviscéral que celle du sang que l’on emploie ordinai- rement'; et quand on se souvient que ce fluide ne contient pas un corpuscule pigmenté pour cent que l’on trouve dans le sang, on comprend comment l'analyse devient difficile, sinon impossible. On pourrait réussir mieux peut-être avec l’Arbacia de la Méditer- ranée, dont les fluides sont beaucoup plus riches en corpuscules et possèdent une couleur brune foncée. J'ai tâché d'enrichir le fluide du Toxopneustes en y ajoutant des caillots, ou en brossant au-dessus de lui le pigment de la paroi externe du corps, mais je n’ai pu réussir. Cependant, il était très intéressant de voir le changement ra- pide de couleur, de brun d'acajou normal en brun sale sous la brosse même, et plus tard en vert. Le fluide brun sale revenait très rapide- ment à sa couleur naturelle, quand il était exposé au vide mercu- riel. La matière colorante est très ferrugineuse, mais je n'ai pu réussir à en préparer des cristaux. En somme, on peut dire qu'il y a dans ces corpuscules bruns un pigment ferrugineux, qui subit des changements de coloration sous l’action de l'atmosphère et qui, par sa distribution étendue dans les tissus et par la marche incessante des corpuscules qui le contiennent, pourrait bien remplir la fonction respiratoire. L'instabilité de cette matière colorante est très remarquable chez le Spatangus purpureus. On trouve dans les vaisseaux sanguins et ailleurs des corpuscules pourpre, bleus, verts, olive et jaunes, comme l’a décrit Hoffmann. Les corpuscules pourpre et verts, au moins, ne sont que des corpuscules bruns changés; car quand on déchire un morceau de l'ovaire, par exemple, on voit sans le micro- scope qu'il se change rapidement de brun en pourpre, et à l'examen microscopique on voit nettement le changement chez tel ou tel corpuscule. On ne peut douter alors que la coloration pourpre du test et des épines, etc., chez beaucoup d'oursins réguliers est un produit de la décomposition de la matière brune. Quand on extrait par l'alcool le pigment pourpre, on peut changer facilement sa cou- 492 PATRICK GEDDES. leur en vert en y ajoutant quelques gouttes d'acide nitrique ou chlorhydrique. Des corpuscules jaunes de limon f{fig. 44) se trouvent en petit nombre chez l'Arbacra, très abondamment chez le Spatangus, l'Echi- nocardium, etc. Je pense qu'ils sont de caractère et d'origine dis- tincts des corpuscules bruns, quoiqu'ils paraissent avoir un déve- loppement analogue. Les éléments constants et fondamentaux qu'on trouve à l'examen histologique du fluide périviscéral sont donc les deux types de cor- puscule blanc, les cellules ciliées d’où se développent les corpus- cules blancs amæboïdes aux longs pseudopodes, et les corpuscules bruns. On trouve aussi beaucoup d’autres choses, mais qui n’ont pas d'importance fonctionnelle. Tels sont des granulations provenant des cellules épithéliales (fig. 43), des spermatozoïdes (fig. 74), et des cel- lules du testis (fig. 20-23), parfois des cristaux (fig. 75), et même un ou deux genres de parasites infusoires, alliés au Balantidium de la Grenouille. Une seule fois aussi, J'ai trouvé dans la cavité périvis- cérale de l'Æ£chinus sphæra un ver parasite très remarquable qui avait la couleur des corpuscules bruns. Son organisation est très remarquable, il avait les ventouses et les viscères d'un Trématode, mais l’épithélium cilié comme un Turbellarié. L’échantillon fut par malheur écrasé, et je n’ai jamais pu en retrouver un autre. Hoffmann! est d'avis que les spermatozoïdes que l’on trouve par- fois dans la cavité périviscérale y sont jetés normalement. J'ai sou- vent répété son expérience d'ouvrir les animaux mürs par la surface inférieure pour ne pas déchirer le testis, et je n'ai trouvé presque jamais de spermatozoïdes. Dans le cas très exceptionnel où l'on en trouve, je n'ai aucun doute que le testis a été déchiré par les nom- breux chocs qu'a subis l'animal dans la pêche et avant d'arriver sur la table de travail. De plus, si l’on prend des Æchinus, ou mieux des Arbacia parfaite- ment mürs, et si on les ouvre par la membrane qui entoure la bou- che, les fibres musculaires qui revêtent le testis se contractent extrèmement et font sortir par les pores génitaux une quantité énorme de fluide spermatique ; mais on ne trouve cependant, pour cela, pas un seul spermatozoïde égaré dans la cavité périviscérale. On peut facilement se convaincre par la même expérience qu'il 1 Op. cit. LE FLUIDE PÉRIVISCÉRAL DES OURSINS. 493 y à une voie de communication entre cette cavité et le monde exté- rieur. Lorsqu'on place l'animal, qui a été ouvert soigneusement par la bouche, au-dessus d'un verre on voit tomber le fluide péri- viscéral goutte à goutte. Les corpuscules en sont presque entière- ment séparés, sans doute en passant à travers le tubercule madrépo- rique. Je crois que ces infusoires, si abondants spécialement chez le Toxopneustes lividus, ne sont pas propres à la cavité périviscérale, mais qu'ils sortent de l'intestin, leur demeure ordinaire, par quelque lésion accidentelle. Je n'ai jamais trouvé de parasites chez les Our- sins irréguliers ou chez les Holothuries: en effet, le contenu sablon- neux de leur intestin parait s'y opposer. Dans les poches ambulacraires, chez l'Echinus et plus souvent même chez le Toxopneustes lividus, on trouve des corps de forme et de taille très irrégulières, homogènes ou au plus avec une striation longitudinale indistincte, quelquefois perforés où recourbés (fig. 28- 31). D'abord ces corps m'ont beaucoup embarrassé, mais ils ne sont autres que des fibres musculaires ou plutôt des morceaux de fibres des poches. Ce n’est pas un cas de migration des cellules, c'est une action tout à fait mécanique. Ges fibres flottent accidentelle- ment dans le fluide ambulacraire ; quelquefois, chez le 7, Fividus, elles deviennent plus nombreuses que les corpuscules. Chez: d’autres genres ou même chez d’autres individus de la même espèce on n'en trouve pas une seule. On n’en trouve jamais ni dans la cavité péri- viscérale, à moins qu'après une lésion arüficielle, ni dans les vais- seaux sanguins. Williams et d'autres auteurs ont cru que le fluide périviscéral, le fluide ambulacraire et le sang ont absolument les mêmes éléments histologiques, mais on peut assez facilement se convaincre que ces histologistes se sont trompés. Bien entendu que l’on trouve partout toutes les espèces de corpuscules amæboïdes : ils passent facilement à travers les tissus, mais les autres éléments restent. Les fibres musculaires libres ne se trouvent jamais ailleurs que dans le système aquifère; les cellules à granules jaunes-ver- dâtres et bruns (fig. 34-37), se trouvent toujours dans le fluide san- guin du Zoxopneustes, mais à de certaines saisons seulement dans ses poches ambulacraires (fig. 48)'. Mais c'est chez le Spatangus que 1 Ceite différence entre le contenu des vaisseaux sanguins et celui des vaisseaux aquifères implique une indépendance des deux systèmes. Ce résultat est en désac- cord avec celui qui a été obtenu par M. Perrier (Arch. de Zool. exp.,t,[V, p. 875). 194 PATRICK GEDDES. l'on voit le mieux l'indépendance des trois systèmes. Le fluide san- guin est rempli de vésicules gris-jaunâtres, de forme et de taille très variables (fig. 50). Ox ne sont pas de véritables cellules : elles se cas- sent et disparaissent lorsqu'on ajoute des réactifs, et je n'ai pu les conserver. Les parois des vaisseaux sont remplies de granulations grises, jaunes et brunes (fig. 51). A l'exception de quelques observations confirmatives sur les es- pèces méridionales que j'ai faites récemment à la station zoologique de Naples, ce travail à été fait pendant l’année 1878 aux labora- toires de zoologie expérimentale de M. le professeur de Lacaze-Du- thiers à Roscoff et à Paris, et j'éprouve le plus grand plaisir à offrir à mon excellent maître les plus vifs remerciements pour sa franche hospitalité. EXPLICATION DES PLANCHES. Tous les dessins sont faits avec le microscope de Nachet oc. 3 obj. 5. Sauf indi- cation spéciale, ils se rapportent à l’Echinus sphæra. PLANCHE XXXVII. Fic. 1. Trois corpuseules blancs amæboïdes du fluide périviscéral de l'Oursin, pour montrer les pseudopodes allongés et annulaires. 2, 3, 4. Trois dessins successifs du même corpuscule. 5, Un corpuscule dont tous les pseudopodes sont réunis en anneau. 6. Deux corpuscules qui commencent à se réunir; on voit à côté d’eux un corpuscule à grandes granulations. 7. Formes intermédiaires entre la cellule ciliée et le corpuscule amæboïde, trouvées dans ie fluide périviscéral. S. Formes intermédiaires que l’on obtient de l’épithélium de la lanterne (de Spatangus, etc.) après le lavage. © . Corpuscule amæboïde à grands granules. 10. Trois formes du mème corpuscule; forme rare, dont les pseudopodes sont beaucoup plus longs et plus fins qu’à l'ordinaire. 11. Deux dessins du mème corpuscule. 12. Corpuscule à grande vacuole. 13-19. Sept dessins successifs d’un petit plasmodium pour faire voir le mode de formation du caillot par l'union des corpuscules amæboïdes (les corps au moyen d’une méthode toute différente, celle des injections. M. Perrier affirme Les ps s . . que le système aquifère et le système sanguin communiquent par un cercle vaseu- laire silué autour de l'æœsophage. LE FLUIDE PERIVISCÉRAL DES OURSINS. 495 sombres sont des granules de bleu d’outremer pris par les pseudopodes\ Voir aussi les figures 6 et 32. 20. Masse qu'on trouve parfois dans le fluide périviscéral (cellule du testis). 21-22-23. Trois dessins successifs de la même cellule du testis. 24, Spermatozoïdes qu’on trouve quelquefois libres dans le fiuide périviscéral, avec des morceaux de protoplasme clair amæboïde qui proviennent aussi du testis déchiré. 25. Cristaux transparents et incolores trouvés rarement dans la cavité pé- riviscérale de l’Echinus sphæra. 26. Deux dessins successifs d’un corpuscule blanc amæboïde qui se divise en deux. 27. Un autre corpuscule qui paraît prêt à se diviser. 28-31. Fibres et morceaux de fibres musculaires que l’on trouve souvent en grand nombre dans les poches ambulacraires du Toxopneustes lividus et de l’Echinus sphæra, et rarement aussi dans la cavité périviscérale. PLANCHE XXXVIII. “ 32. Dix dessins successifs des changements de forme du même corpuscule brun pendant cinq minutes. 33. Un corpuscule brun tué par l’acide osmique et décoloré par l'alcool pour faire voir plus clairement le nucléus. 34. Une série de cinq cellules à grandes granulations jaunes-verdâtres, qu’on trouve dans les vaisseaux sanguins de l'intestin. 35-36, 37. Des cellules semblables, dont quelques-unes prennent les teintes brunes, mais paraissent encore homogènes. 38. Le même corpuscule figuré au n° 37, comprimé légèrement; la masse brune montre des granules bruns et un noyau incolore. 39. La pression ayant été diminuée, le jeune corpuscule brun a pu sortir, et il a pris définitivement la forme amæboïde adulte. 40. Un autre jeune corpuscule amæboïde : d’abord il paraît homogène (a) ; par l’addition de l'acide chromique il paraît granuleux (b), et sous l’ac- tion prolongée du réactif il devient tout à fait granuleux et incolore (c). 41. Corpuscule brun à deux noyaux. 42. Un de ces corpuscules écrasé. 43. Granules jaunes-verdâtres qu’on trouve dans les vaisseaux sanguins et parfois aussi dans les poches ambulacraires. Ils paraissent tout à fait libres; mais les réactifs font paraître une couche mince de protoplasme incolore. 41. Corpuscules jaunes de citron que l’on trouve parfois chez l’Arbacia et tou- Jours chez l’Echinocardium, le Spatangus, etc. 45. De semblables corpuscules, dont le nombre moins considérable de granu- lations jaunes laisse voir l’ectosarque claire et le noyau. 46. Des corpuscules bruns vivants à plus fort grosssisement (Nachet, oc. 3, obj. 5). 47 (a-b). L’éclatement d’un corpusceule brun, suivi par la disparition plus ou moins parfaite de la couleur. 47 a. Corpuscules anormaux que l’on rencontre assez souvent et qui sont où 496 48. 59. 20. 51. 52. PATRICK GEDDES. des corpuseules blancs ordinaires qui ont englouti des granules bruns ou jaunes libres, ou bien des corpuscules bruns en voie de destruction. Une préparation fraiche d’un morceau d’une poche ambulacraire du Toxo- pneusles lividus. Les granulations jaunes-verdâtres sont en partie con- tenues dans des cellules épithéliales, en partie libres, en partie unies dans de grandes masses sphéroïdes; on en voit d’une couleur brune très foncée, d’autres qui prennent la couleur brun d’acajou qui caracté- rise le corpuscule adulte; d’autres qui sont complètement développés. Un morceau de lépithélium de la poche ambulacraire du Spatangus pour faire voir le développement des granules jaunes aux dépens du noyau de la cellule épithéliale. Des sphéroïdes grisâtres qui remplissent les vaisseaux sanguins de l’in- testin du Spatangus. . Granulations et corpuscules que l’on voit dans la paroi d’un vaisseau san- guin du Spatangus. Un petit morceau du bord d’un caillot ou plasmodium formé par l’union des corpuscules blancs. On voit l’ectosarque et l’endosarque, les pseudo- podes filiformes ou émoussés, etc. ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIRES ENDOPROCTES PAR M. LUCIEN JOLIET, Maître de conférences à la Sorbonne. Dans son excellent travail sur l’embryogénie et le bourgeonne- ment de la Pédicelline ‘, Hatscheck a signalé, décrit et figuré, aussi bien dans la larve que dans l’animal adulte, un canal cilié placé dans la cavité du corps où une de ses extrémités semble s'ouvrir, tandis que l’autre aboutit sans doute au dehors. Ce canal est situé dans le voisinage du ganglion nerveux et ses parois sont formées d’un petit nombre de cellules perforées semblables à celles que Claparède a le premier décrites chez le Lombric et qui sont très fréquentes dans l'organe excréteur des Vers. L'auteur allemand avoue *? que les grandes difficultés de l’observa- tion l’ont empêché de suivre avec exactitude les deux extrémités. L'une lui à paru s’ouvrir dans la cavité générale en s’élargissant lé- sèrement ; l’autre, être en relation avec des cellules du mésoderme, au milieu desquelles il a cru quelquefois pouvoir suivre un canal secondaire. Ces rapports cependant sont restés pour lui très dou- teux. Dans là Pédicelline adulte, l’organe excréteur est identique à celui de la larve, placé de même sur les côtés, et s'ouvre dans l’espace intertentaculaire non loin du ganglion nerveux. Hatscheck s'exprime à son sujet de la manière suivante : « Comme déjà l'observation de ce canal lorsqu'il vibre faiblement est en elle-même fort difficile, je fus d'autant plus surpris, dans un cas où le mouvement ciliaire était très actif, de voir un second canal légèrement flexueux, parallèle au 1 Zeitschrift. f. wiss. Zool., 1877, t. XXIX, p. 515 et 522, pl. XXIX, fig. 26E ; fig. 32 r, et pl. XXX, fig. 45 E, 2? « Trotz Anwendung von stärkeren vergræsserungen (Hartn,imm 10) wares nicht môglich das hintere und vordere Ende genau zu verfolgen. Doch schien mir das Hinterende mit einer schwachen Erweiterung in die Leibeshôhle zu münden, das vordere Ende aber mit den dunkelkornigen drusenähnlichen Mesodermzellen in Ver- bindung zu stehen die zum Theil wenigstens eine reihenweise Anordnung zeigen und in welchen ich mehrmals einen Canal zu verfolgen glaubte: doch sind mir diese Verhältnisse sehr zweifelhaft geblieben. » ARCH DE ZOO!. EXP, ET GÉN. — T. Viit, 14879 et 4N80. 32 4958 L. JOLIET. prémier et paraissant se continuer avec lui en se contournant vers l'extrémité inférieure, tandis que de l’autre côté il s'ouvre peut-être librement dans la cavité du corps'. À mon grand étonnement, le mouvement ciliaire dans les deux canaux était dirigé dans le même sens. Je n'ai observé l'appareil excréteur de la Pédicelline adulte qu'avec l’objectif8, de Hartnack ; de plus forts grossissements condui- raient peut-être à des résultats plus satisfaisants. » ; On le voit par sa description et encore mieux par ses figures, Hatscheck n’est pas bien fixé sur la forme et surtout sur les extré- mités du canal qu'il a découvert. Quelle est sa forme réelle ? S’ouvre-t-il dans la cavité générale, d’une part, pour aboutir au dehors, établissant ainsi une communication entre l'extérieur et la chambre périgastrique et constituant alors un organe segmentaire. N'existe-t-il que chez la seule Pedicellina echinata, où bien peut-on le retrouver chez d’autres Bryozoaires et notamment chez les autres membres de la famille des Endoproctes ? Telles furent les questions que je me posai. Il me paraissait d’au- tant plus intéressant de leur donner une solution, que l'existence bien constatée d’un véritable organe segmentaire chez un Bryo- zoaire est sans aucun doute un caractère d’une réelle importance et pouvant servir utilement à déterminer les affinités d’un groupe dont la position donne encore lieu à tant de discussions. Pendant l'été de 1878, ayant passé quelques semaines au labora- toire de Roscoff, mon premier soin fut d'examiner une belle variété sans piquants de la Pedicellina echinata, qui abonde en certains points de la grève, Je ne tardai pas à reconnaître dans l'adulte l'organe vibratile, et dès le premier abord la description et surtout les figures de Hatscheck me parurent différer de ce que j'avais sous les yeux. Je fis quelques dessins qui ne me satisfirent point complètement, car ils n'indiquaient pas avec assez de précision la forme et la nature des orifices, et je me trouvai bientôt tout à fait d'accord avec Hat- scheck, au moins sur le fait de l’extrème difficulté que présente cette recherche. En revanche, m'étant rendu un compte exact de la position et des rapports de l'organe en question, et l'ayant cherché à la même ! Harscnecxk, Ueber Embryonalentwickelung und Knospung der Pedicellina echinata, pl. XXIX, fig. 32 r. ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIRES ENDOPROCTES. 499 place dans un Loxosome, qui n'est pas rare à Roscoff, sur le Phasco- losoma elongatum, et qui a fait l’objet d'une monographie de M. Carl Vogt', j éprouvai une grande satisfaction en découvrant au point précis un mouvement cillaire des mieux accusés. Arrêté par diverses circonstances, je fus forcé d'interrompre long- temps mon travail à peine commencé, et c'est seulement dans le courant de l'hiver et de l'automne de 1879 que j'ai pu y remettre la main à différentes reprises, grâce à des envois de Pédicellines qui me furent faits de Roscoff à la Sorbonne. | Au mois de février 1879, je fis connaitre dans une note insérée aux Comptes rendus de l’Académie des sciences ? les premiers ré- sultats acquis. Je me propose ici de les confirmer et de les compléter par quelques observations faites depuis cette époque. La Pédicelline est le type qui se prête le mieux aux observations ; l'aplatissement latéral de son corps la place le plus souvent sur le porte-objet dans une position favorable ; ses tissus, plus consistants et plus fermes que ceux du Loxosome, se prêtent mieux à la dissec- ton; enfin sa cavité générale, plus spacieuse et moins encombrée de üssu interstitiel, se laisse plus facilement pénétrer par la lumière. Toutes ces conditions m'engagèrent à la choisir comme sujet de recherches plus spéciales qui pourraient ensuite me guider dans l'étude du Loxosome. Pédicelline.— Bien que l'organe vibratile soit présent chez les Pédi- cellines dans tous les individus, il s'en faut de beaucoup qu'il soit visible chez tous et c'est dans un petit nombre de cas qu'on peut l'observer d'une manière réellement satisfaisante. En effet, la position de la couronne de tentacules, l'état de tur- gescence des glandes génitales ou de la matrice, sont autant de causes qui, en rétrécissant l’espace dans lequel il se trouve, suffisent à le masquer en totalité ou en partie. Souvent aussi, cet espace est obscurei par la densité du tissu qui le remplit. Enfin, mille raisons empêchent ce canal de vibrer. Alors il devient difficile de l’observer et ce n'est qu'avec une grande habitude que dans ce cas on arrive à le distinguer, tant sa transparence est grande 1 C. Vocr, le Loxosome des Phascolosomes (Arch. zoo! exp., t. V, 1876. * L. Jortrr, Sur la présence d'un organe segmentaire chez les Bryussaires endo- procles (C. R. Ac. se , 21 février 1879, t. LXXXVIIL, p. 392). 5 00 L. JOLIET. et tant il est facile de le confondre avec les cellules du tissu inter- stitiel qui l'environnent. Une Pédicelline bonne pour l'observation doit avoir la matrice peu remplie, les glandes génitales à l'état de vacuité et le rectum dirigé à peu près verticalement ou même en dehors. Dans ces con- ditions, l’espace entre la matrice, l’æœsophage et le ganglion nerveux est large et bien éclairé. Si l’on a affaire à un animal bien vivant, on distingue sans peine avec l'objectif 4, de Hartnack, un petit stylet court qui semble partir de l'endroit où le plancher de la matrice aboutit à la couronne ten- taculaire dans le voisinage de la bouche pour se diriger obliquement et en bas vers l’æœsophage, laissant du côté opposé le ganglion ner- veux. Cette baguette semble se terminer à quelque distance de l’æsophage par une sorte de petit bouton. Tout le long du stylet on distingue nettement le mouvement ciliaire dirigé de la cavité du corps vers la matrice et semblant tourner comme une roue autour du renflement terminal. En changeant le foyer, on distingue bien le mouvement ciliaire et vaguement le contour d'un autre stylet pareil au premier, lui fai- sant pendant et semblant aboutir au même point sur la paroi de la matrice. On le voit déjà par ce simple apercu, l'organe vibratile tel qu'il s’est présenté à moi dans cette espèce est double, il en existe un de chaque côté de l’œsophage et chacun d'eux est un simple tube à peu près droit d'un côté aboutissant à la matrice et de l’autre se termi- nant par une sorte de bouton. Rien de semblable à cette sorte de 8 que Hatscheck a représenté dans sa figure 32. Quant au second ca- nal, « parallèle au premier et semblant se continuer avec lui vers l'extrémité inférieure », qu'il a cru distinguer dans un cas où le mou- vement ciliaire était actif, je suis persuadé que c'est le canal du côté opposé que l'observateur de Prague aura pris pour une annexe du premier. Cela est d'autant plus probable que le mouvement ciliaire s'y pro- duisait dans le même sens. D'ailleurs, la forme de l'organe vibratile est tellement nette et bien définie lorsqu'on emploie les réactifs et les forts grossissements, qu'il n'y a place pour aucune autre explication. Maintenant, que nous en connaissons bien la position et les rap- ports, examinons l'organe qui nous occupe avec un pius fort gros- sissement, avec l'objectif 9 de Hartnack. ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIRES ENDOPROCTES. 501 La partie qui se présentait à nous tout à l'heure sous la forme d'un stylet se montre maintenant nettement, comme un canal ren- flé légèrement en son milieu, atténué aux deux bouts et dont la cavité axiale se distingue facilement comme une ligne noirâtre, fine en certains points, épaissie en d’autres, parfois dédoublée aux en- droits les plus dilatés du canal dont elle indique la situation. Tout cela est facile à voir, mais ce qui l’est beaucoup moins, ce sont les tenants et aboutissants de cette partie moyenne. La partie supérieure atténuée semble bien aboutir à l'extérieur, mais en quel point précis? Y a-t-il réellement communication de la cavité du canal avec la cavité de la matrice ? La partie inférieure au contraire, atténuée un instant, semble implantée &ans une sorte de bouton autour duquel le mouvement cillaire prend une direction particulière. Qu'est-ce que ce bouton ? Est-ce un épaississement, est-ce un véritable pavillon communi- quant avec la cavité générale ? 1Relativement à la première question, aux rapports du canal avec l'extérieur, l'observation de l'objet vivant avec un grossissement faible montre avec toute la netteté désirable que le canal vient s’at- tacher sur la matrice assez près de la bouche; on voit aussi dans ces conditions que son congénère aboutit presque, sinon tout à fait, au même point. Pour se rendre compte des faits d’une manière précise, il faut une préparation convenable. Des coupes ne donneraient aucun résultat. Isoler l’objet vivant par dilacération réussit rarement à cause de la délicatesse des tissus. J'ai eu au contraire un plein succès en durcissant les Pédicellines par l'acide osmique, puis en les colorant par la glycérine purpu- rinée. Dans ces conditions on peut dilacérer sous le microspope, sans endommager la pièce. Une préparation faite presque au hasard en écrasant un peu avec l'objectif du microscope est quelquefois celle qui donne les meilleurs résultats. De ces différentes façons, J'ai obtenu des préparations, soit de face, soit de profil, qui donnent les idées les plus nettes sur la ques- tion qui nous occupe. La préparation de face représentée pl. XXXIX, fig.3, montrelepoint précis où les deux tubes aboutissent après être restés jusqu'alors 502 L. JOLIET. parfaitement distincts. On peut voir également que, tout en parais- sant à peu près rectilignes à un grossissement faible, ils peuvent en plusieurs points de leur parcours, et notamment à l'extrémité, être sinueux ou légèrement convolutés. | Enfin, on peut se convaincre que ces deux canaux sont bien isolés d'un bout à l’autre, qu'aucun d'eux ne reçoit ce second canal mentionné par Hatscheck, et n'est assez long pour ressembler à ce 8 dessiné par le même auteur. Sur la préparation représentée pl. XXXIX, fig. #4 et 5, et montrant l'objet de profil, on voit avec la dernière évidence la cavité axiale de l’un des canaux se continuer jusqu'au dehors, les deux tubes aboutissent au sommet d'un même mamelon. S'y ouvrent-ils par un orifice commun ou bien leurs deux orifices sont-ils distincts, quoique extrêmement rapprochés, c'est ce que je ne saurais décider d'une manière absolue ; je penche cependant vers la première opi- nion. Dans tous les cas, le vestibule commun dans lequel ils débou- cheraient serait extrêmement court. 2 Quelle est la forme et la constitution du bouton ou renflement terminal inférieur ? Cette deuxième question est fort difficile à élucider et m'a coûté beaucoup de temps. Sur l'animal vivant ou sur une préparation colorée de l'animal entier, on distingue évidemment un évasement, un épaississement fortement réfringent. La première idée qui se présente est de voir dans cette apparence une sorte de dilatation en cornet du canal, une sorte d’entonnoir faiblement évasé et à lèvres épaissies. Sur cer- taines préparations on croit vraiment saisir cette forme à merveille, on ne voit rien de plus, et dans la communication que j'ai faite à l’Académie en février 1879 j'ai décrit ce bouton comme un épais- sissement en forme de fer à cheval présentant une fente au milieu. Cependant un fait m'intriguait dont je ne pouvais trouver aucune explication. Sur les Pédicellines vivantes, quand le mouvement ci- liaire était bien actif, il me semblait voir parfois, et sur quelques exemplaires seulement, que le mouvement en question partait d'un peu plus loin que le bouton. Au repos cependant je ne pouvais rien distinguer au delà. Je me demandais si ce point où se voyait nettement le mouve- ment ciliaire au-delà de l’entonnoir n'appartenait pas à ce second ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIRES ENDOPROCTES. 503 canal mentionné par Hatscheck comme aboutissant dans le premier, mais mes préparations de face ne me permettaient pas plus que l'observation directe d'admettre cette explication. Le mouvement ciliaire ne s’étendait que très peu au-delà du pavillon. Ce ne fut que par l'examen de nombreuses préparations isolées par dilacération et placées dans des situations différentes, que je parvins à me rendre compte de la physionomie réelle du pavillon. Après l'étranglement qui termine la partie moyenne, le canal se dilate en entonnoir faiblement évasé (fig. 5), mais le bord libre de cet entonnoir, au lieu de former un cercle dont le plan serait per- pendiculaire sur l’axe du canal, est en bec de flûte, très oblique et très irrégulier. Il est en effet plus ou moins convoluté, épaissi sur une certaine étendue en une sorte de bourrelet qui présente l'apparence décrite dans ma note à l’Académie, tandis qu'un peu plus loin il se prolonge en une lèvre mince et délicate garnie de cils vibratiles, pouvant prendre différentes positions. L'existence de cette lèvre délicate débordant l'épaississement en bourrelet explique comment, sur l'échantillon vivant, le mouvement cililaire semble se prolonger un peu au-delà du pavillon. Nous résumerons les résultats anatomiques de ces observations de ia manière suivante : Dans la Pédicelline, le plancher membraneux intertentaculaire se déprime pour former entre la bouche et l'anus un enfoncement, la poche incubatrice décrite par Nistche. Dans l’espace existant entre cette poche, l'estomac et l'æsophage, se trouvent les organes génitaux, composés des ovaires, testicules et glandes accessoires, dont les produits débouchent, d'après Nitsche, dans le fond de la matrice par un canal impair situé sur la ligne médiane. Toujours contre la paroi de la matrice nous trouverons encore en remontant vers la bouche : 1° Le ganglion nerveux ; 2° Le ou les orifices justaposés des organes vibratiles. Ceux-ci sont deux canaux assez courts, atténués vers l'extrémité, renflés au milieu, formés, d'après Hatscheck, de cellules perforées, mais où je n'ai pu distinguer, avec des grossissements supérieurs à ceux employés par cet auteur, qu'une obscure division transversale, 204 L. JOLIET. sans qu'il m'ait été possible de constater une structure cellulaire bien nette. Le pavillon qui termine chaque canal ressemble à un entonnoir taillé en bec de flûte, fendu sur la ligne médiane sur une certaine longueur et dont le bord libre serait épaissi en bourrelét sur une certaine étendue et se prolongerait plus loin en une lèvre délicate. La surface interne du canal est couverte de cils vibratiles actifs. Le mouvement ciliaire, dirigé de dedans en dehors, prend dans le pa- villon une direction spirale particulière et s'étend jusque sur la lèvre. Loxosome. — Si le mouvement ciliaire se voit sans difficulté dans le Loxosome, la structure et les orifices de l'organe, pour les raisons que j'ai déjà indiquées, sont au contraire fort difficiles à reconnaître, etj'avoue n'avoir pu dans cette espèce déterminer la position de l'orifice extérieur. Quand on place le Loxosome sur le porte-objet dans le sens antéro- postérieur, le rectum du côté du miroir du microscope, l’æsophage du côté de l'observateur, on distingue parfaitement, avec les objectifs 4 où à de Hartnack, deux courtes trainées vibratiles de chaque côté de l’æsophage, un peu en arrière et au-dessus des organes génitaux. Vers le bas de cette trainée le mouvement vibratile ressemble à un petit tourbillon. Observe-t-on le même objet avec un fort grossissement, on voit que le tourbillon correspond à un pavillon qui se présente de face et rappelle celui de la Pédicelline, car il est convoluté et se termine par une lèvre saillante (fig. 8). Il n’est possible d'observer qu'une très courte portion du canal qui en part, car le reste se trouve masqué par l’æsophage, qui est lobé et très large en cet endroit; la région ci- liée est encore plus courte, car elle n’atteint même pas la marge de l'æsophage. C’est évidemment à ce niveau que doit se détacher de la bouche la membrane intertentaculaire, et je suppose par analogie que les orifices y sont percés, mais en quel point ? Sont-ils très rap- prochés ou même confondus sur la ligne médiane comme dans la Pédicelline, ousont-ils rejetés sur les côtés, comme semble l'indiquer la brièveté de l’espace revêtu de cils? Je ne saurais donner actuelle- ment une réponse précise à cette question ; mais, quoi qu'il en soit, l'organe vibratile de la Pédicelline et celui du Loxosome occupent, on le voit, exactement la même position et sont absolument homo- logues. ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIRES ENDOPROCTES. 505 Connaissant maintenant chez les Endoproctesnon seulement l’exis- tence, mais l'anatomie d'un organe segmentaire, nous devons nous demander : | 4 Sil'on ne pourrait pas trouver quelque chose d'analogue chez les autres Bryozoaires ; 2° Quel est le rôle physiologique de cet organe. Dans son mémoire sur la Pédicelline, Hatscheck mentionne, d’après Claus, l'existence d'un organe vibratile chez les Wembranipora prlosa et Alcyonidium gelatinosum. Ce qu'en dit Claus est extrêmement peu de chose et, comme on le verra, inexact; voici le passage en entier : « Dans plusieurs formes, telles que A/cyonidium gelatinosum, Mem- branipora pilosa, on a observé dans la cavité viscérale un canal vibra- tile vésiculaire qui débouche près des tentacules et qui correspond peut-être aux organes segmentaires des Annelés ‘. » Cette assertion est faite d’après Farre et Smitt, dont Hatscheck n'a pu consulter les mémoires. J'ai eu assez de peine moi-même à retrouver les passages de ces auteurs qui ont trait à cette question ; toute la bibliographie relative à ce sujet se réduit en somme à deux dessins de Farre ? et à deux remarques de Hincks et de Smitt. | Dans son remarquable mémoire Onthe Ciliobranchiate Polypi, Farre a décrit et figuré dans l’A/cyonidium gelatinosum et dans la Membranipora prlosa un organe, en forme de bouteille, cilié intérieu- rement, situé entre les tentacules, terminé par un pavillon vibratile flottant dans l'eau ambiante, tandis qu'il semble communiquer par son extrémité inférieure avec la cavité générale, étant implanté sur le lo- phophore. Farre pense que cet organe, qui n'existe pas chez tous les individus, doit traduire une différence sexuelle. Hincks* et Smitt *, sans donner de nouvelles figures, n'ont fait que confirmer les observations de Farre quant à la forme et à la position de l'organe vibratile dans la Membrantipora prlosa. 1 Craus, Trailé de zoologie, trad. Moquin-Tandon. Savy, 1878, p. 333. 2 FARRE, Onthe Structure of Ciliobranchiate Polypi (Philos. Transact., 1837, p. 408, pl. XXVLI, fig. 6; pl. XX VII, fig. 3 et 4). 3 Hincxs, Notes on British Zoophytes with descriptions of some new species (Ann. and. Mag. of nat. hist., 2e série, t. VIII. 1851, p. 855. * Sir, Kritisk. forteckning ofver skand. Hafs Bryoz. OEfversigl. af K. Vetensk. Akad., VI, 514. 906 L. JOLIET. On le voit, l'organe en question n'est point dans la cavité générale, comme le prétend Claus, mais bien en dehors, ce qui change beau- coup la question, car on n'a pas souvent vu d'organe segmentaire dont le pavillon, au lieu de vibrer dans la cavité générale, flotterait dans le milieu ambiant. Je n'ai pas eu d’Alcyonidium gelatinosum entre les mains, et avec la Membranipora prlosa je n'ai obtenu jus- qu'ici que des résultats négatifs. Bien que j'aie examiné à diverses reprises et avec soin d'assez nombreux individus de cette espèce, je n'ai réussi encore à rien découvrir de semblable à l'objet figuré par Farre ; je n'ai donc pas d'opinion personnelle à présenter, mais jus- qu'à plus ample informé je ne puis admettre que l'organe vibra-. ile retourné de la Membranipore soit l'homologue de celui de la Pédicelline : les analogies me manqueraient pour soutenir une telle interversion. Cependant deux faits me semblent mériter d’être pris en consi- dération : si l'organe vibraüle de la Membranipore ne me paraît pas comparable à celui de la Pédicelline au point de vue morphologique, physiologiquement, au contraire, son rôle serait le même ; il éta- blirait une communication entre la cavité générale et l'intérieur, et le point où la membrane intertentaculaire se trouverait perforée cor- respondrait précisément, sije m'en rapporte à Smitt, au point même où aboutit le canal vibratile de la Pédicelline ; il se trouverait en effet entre la bouche et l'anus. En second lieu, Hincks déclare avoir vu sortir les zoospermes par ce canal, qui serait d’après lui destiné à évacuer les produits de la génération. La Membranipora pilosa n'est pas la seule espèce chez laquelle on observe les zoospermes sortant d’entre les tentacules lorsque l’ani- mal se rétracte; j'ai décrit dans ma thèse la manière suivant laquelle se fait cette évacuation dans les Valkeria cuscuta et Bowerbankia tmbricata, je pensais que les zoospermes sortaient peut-être à travers les mailles de la membrane de l'étui. Van Beneden décrit dans la Laguncula repens la sortie de l'œuf par un orifice situé près des ten- tacules. À défaut d’organe vibratile, on peut se demander si d'autres espèces ne présentent pas en son lieu et place un orifice spécial remplissant le même but. | J'espère pouvoir répondre plus tard à cette question, mais pour le moment je ne regarde l’existence d'un véritable organe segmen- taire comme démontrée que chez les seuls genres Pedicellina et Loxo- ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIRES ENDOPROCTES. 507 x soma, composant à eux seuls la division des Bryozoaires endo- proctes. Quant au rôle physiologique de cet organe, je serais fort embar- rassé de le définir. Nitsche a décrit le canal spécial qui sert à la sortie des zoospermes et des œufs. D'autre part, Je n'ai jamais vu de ces éléments dans la cavité générale, etles organes segmentaires ne leur servent certaine- ment pas de canaux évacuateurs. Les parois de ces canaux sont si minces, qu'elles ne peuvent guère Ôôtre regardées comme glandulaires et formant un organe excréteur. La même indétermination subsiste donc à cet égard que pour bien d'autres animaux où les fonctions des organes segmentaires restent à peu près inconnues. L'existence d’un organe segmentaire chez les Bryozoaires endo- proctes étant, je pense, suffisamment démontrée par ce travail, il nous reste à examiner quelle valeur ce fait peut avoir au point de vue de la classification, à quels rapprochements il peut donner lieu, et quelles affinités il peut révéler entre les Bryozoaires et les groupes voisins. Hatscheck compare les cellules dont l'organe segmentaire se com- pose chez la Pédicelline aux cellules du même organe chez le Lom- brie. A-t-il voulu faire un rapprochement entre les deux êtres ? Il ne serait pas le seul. On a beaucoup cherché, surtout dans ces derniers temps, des points de contact entre les Bryozoaires et les Vers. Je suis loin de vouloir nier ces affinités, et l'existence d'un or- gane segmentaire, je l'ai déjà indiqué dans la note publiée en 1879, est évidemment un caractère de plus que les Brvozoaires possèdent en commun avec cette grande ciasse d'animaux. A mon avis cependant, si des rapports réels existent entre les Vers et les Bryozoaires, il en existe d’autres et de plus étroits entre ceux-ci et un autre groupe d'animaux. Si les Bryozoaires touchent d'un côté aux Vers, ils se lient d'autre part aux Mollusques. Les relations qui les unissent aux Brachiopodes ont été depuis longtemps signalées par Huxley. L'existence et la position de l'organe segmentaire sont, j'espère le montrer, une preuve de plus à l'appui de cette opinion. L'hiver dernier, avant de présenter mes premiers résultats à l’Aca- démie, mon savant et excellent maitre M. de Lacaze-Duthiers eut sous les yeux mes dessins. La connaissance approfondié que ses re- D08 L. JOLIET. cherches lui ont donnée de l’organisation des Brachiopodes et les idées, conformes à celles de Huxley, qu'il professe depuis longtemps touchant les affinités réelles de ces êtres avec les Bryozoaires, lui sug- gérèrent, entre les organes segmentaires de mes Pédicellines et les corps de Bojanus de la Thécidie, un rapprochement dont il me fit part et qui, je lui dois cette justice, ne me frappait point alors. Pendant le reste de l’année, distrait de mon travail, je ne pensai plus à la conversation d’ailleurs assez brève que nous avions eue sur ce sujet et je continuai à chercher plutôt parmi les Vers des traits de ressemblance que je ne désespère nullement de trouver. Cetautomne, ayantrepris l'étude plus exacte de la Pédicelline, ayant eu en outre l’occasion d'analyser pour les Archives le remarquable travail de Brooks sur l'embryon de la Lingule, je fus très frappé de la ressemblance vraiment saisissante que présente la larve de ce Brachiopode avec un Bryozoaire. Mon attention se reporta cette fois sérieusement sur les rapports des Bryozoaires et des Brachiopodes, et de l'étude à laquelle je me suis livré sur cette question il me pa- rait résulter clairement que les organes segmentaires des Endo- proctes ont non pas seulement leurs analogues, mais leurs homo- logues non seulement chez la Thécidie, mais chez les autres Brachio- podes. Ce sont ces corps que Cuvier a pris pour des cœurs dans la Lingule, auxquels Owen a maintenu ce nom, dont Huxley a soup- conné la nature et dont M. de Lacaze-Duthiers ! pour la Thécidie et la Térébratuline, Hancock ? pour la plupart des autres genres vivants, ont reconnu et démontré presque simultanément le véritable rôle, en les désignant, le premier sous le nom de « corps de Bojanus », le second sous celui d’« oviductes ». Ce n'est pas seulement sur la forme de ces organes que je me fonde pour admettre leur homologie dans les deux groupes, mais surtout sur leur position, sur leurs rapports avec les organes voisins, sur leurs connexions en un mot. Si l’on plaçait d’une part une Térébratule, une Waldheimie ou une Thécidie sur la valve dorsale ou apophysaire et d'autre part une Pédicelline dans sa position naturelle ; si l’on faisait une coupe lon- gitudinale et médiane des deux objets, on obtiendrait deux diagram- mes qui à coup sûr se ressembleraient beaucoup. L'intestin à cour- 1 DE Lacaze-Duraiers, Hist. de la Thécidie (Ann. sc. nat., 4° série, 1861). Hancock, On the organisat. of the Brachiopoda (Philosophical transact., 1858). ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIRES ENDOPROCTES. 509 bure neurale se présenterait dans la même position, couronné dans l’un et l’autre cas par un lophophore, qui, pour être rejeté en arrière dans le Brachiopode, n’en répond pas moins très exactement à celui des Bryozoaires, des Lophopodes en particulier, laissant sur ses côtés et au-dessus de lui dans les deux cas une cavité générale où les glan- des génitales, le ganglion nerveux principal et les organes segmen- taires se rencontrent presque dans des situations identiques. Si le ganglion nerveux dans la Pédicelline ne s’éloignait pas de la bouche A, coupe schématique d'un Brachiopode. B. coupe schématique d'un Endoprocte. #, intestin. 9, glandes génitales. D, bras. », ganglion nerveux. s, organe segmentaire, plus qu'il ne le fait dans les autres Bryozoaires et ne descendait pas un peu au-dessous des orifices del’organe excréteur, ce quid'ailleurs, le ganglion étant dans un plan différent, n’est qu’une question de chevauchement de peu d'importance, il y aurait similitude com- plète. L'organe segmentaire dans les deux cas est placé sur les côtés du tube digestif, son pavillon est en rapport plus ou moins direct avec les organes génitaux, son orifice extérieur, simple ou dou- ble, s'ouvre du côté neural non loin de la bouche et du système nerveux. Ce sont certes là des traits de ressemblance bien frap- pants. Si les organes segmentaires des Brachiopodes sont destinés à éva- cuer les produits de la génération et à sécréter, ceux des Bryozoaires endoproctes ne paraissent retenir tout au plus que la dernière de ces fonctions, puisque les produits génitaux sont jetés au dehors par une autre voie. Mais, dans les Brachiopodes mêmes, on trouve plus d'une variation dans ces mêmes organes : chez les uns la fonction sé- > 0 L. JOLIET. crétoire paraît dominer et les tubes excréteurs de la Thécidie sont assez chargés de tissu glandulaire pour avoir mérité le nom de corps de Bojanus sous lequel M. de Lacaze-Duthiers les a décrits ; chez d'autres ce même tissu est si peu développé, que Hancock hésite à attribuer aux oviductes une fonction de sécrétion. I n'est donc-point étonnant que dans un animal aussi éloigné des Brachiopodes connus que l’est encore la Pédicelline, malgré tous les rapprochements morphologiques qu'on peut établir, le même or- gane soit encore plus modifié. Nous fondant sur la similitude de position et de rapports et sur les différents traits de ressemblance que nous venons d'énumérer, nous considérerons l'organe vibratile des Bryozoaires endoproctes, sous quelque nom qu'on veuille le désigner, comme le représentant ré- duit, mais authentique, de l'organe vibratile des Brachiopodes qu'on appelle corps de Bojänus ou oveducte, et nous terminerons en ci- tant les paroles que Huxley écrivait en 1854 ! : « Tout ce que j'ai vu de la structure des Brachiopodes me conduit à apprécier de plus en plus la valeur des idées de Hancock d’après lesquelles les affinités réelles de ces animaux sont avec les Bryozoaires. Comme dans les Bryozoaires, la courbure de l'intestin est neurale, et les Brachiopodes prennent une position très naturelle parmi les Mollusques neuraux entre les Bryozoaires d’une part, les Lamellibranches et les Ptéro- podes de l'autre. Les bras des Brachiopodes doivent être comparés à ceux des Bryozoaires à lophophore, et si l'on vient à prouver que les pré- tendus cœurs n'en sont pas véritablement, ce sera une dissemblance de moins. » Les travaux de MM. Hancock et de Lacaze-Duthiers ont fait voir queles prétendus cœurs n’en étaient point: «c'était une dissemblance de moins ». J'espère avoir montré qu'ils sont les homologues d'or- ganes qui existent aussi chez les Bryozoaires et à la même place : ce sera une ressemblance de plus. 1 HuxLev, Contribut. Lo the Anal. of the Brachiopoda | Proceed. of the Royal. Soc. of London, 1854-55). ORGANE SEGMENTAIRE DES BRYOZOAIÏIRES ENDOPROCTES. 511 FIG. EXPLICATION DE LA PLANCHE XXXIX. 'ète de Pedicellina echinata, var. glabra, vue de profil, monñtrant la situa- tion de l’organe segmentaire dans la cavité générale et ses rapports avec le tube digestif, la poche incubatrice et le système nerveux. p, parois, s, organe segmentaire ; b, bouche; m, matrice ; o, œufen voie de déve- loppement; #, ganglion nerveux; g, organes génitaux; e, estomac; à, in- testin rempli de matières fécales; a, anus; /, larve sur le point de sortir ; 2 r, tentacules. - Hartnack. 2 2, Portion de la cavité générale d’une Pédicelline de l’île Saint-Paul. æ, æso- phage; e, estomac; m, matrice; g, organes génitaux; #, ganglion ner- ù 2 veux; s, organe segmentaire; €, son canal; p, son pavillon. - Hartnack. NUS 2 ? ? 2 7 3. Figure d’ensemble d’après une préparation obtenue en détachant la paroi de la matrice qui avoisine l'œsophage et l'estomac. Cette membrane a entraîné avec elle la base du lophophore !, au voisinage de la bouche, les deux organes segmentaires s et sr, qui lui sont adhérents par leur ori- fice externe o. e., le ganglion nerveux n;la glande décrite par Nitsche au confluent des oviductes gl. La membrane transparente est étalée sur le porte-objet et les organes qu’elle supporte se présentent par la face æsophagienne et dans leur ordre. On voit en 0. e. que les orifices externes, s'ils ne coïncident pas tout à fait, sont en tout cas extrêmement 1 rapprochés. > Nachet. Fic, 4. Organe segmentaire fortement grossi. s1, s2, les deux organes; c, le canal 3 interne cilié ; p, le pavillon; b, le bourrelet ; /, la lèvre. à Hartnack. 5. Le mème organe segmentaire plus grossi. 0, e,, orifice externe qui semble propre à l'organe s1 et distinct de celui de s2; c, canal vibratile. Les pa- rois du.tube présentent une obscure division transversale, e, étrangle- ment inférieur ; p, pavillon dans une situation un peu différente de celle k représentée fig. 4; b, bourrelet ; /, lèvre, 4 Hartnack. 6. Organe segmentaire montrant de face l’orifice interne o. &., et la confluence pe d. de son congénère au point 0. e. û Hartnark. l'ête de Loxosoma Phascolosomatum vue par la face postérieure ou œsopha- 012 L. JOLIET. gienne. {, couronne de tentacules resserrés par le sphincter et laissant encore un espace au centre ; 0, œuf en voie de développement; b, b, bour- geon;e, estomac; æ, osophage; s, s, trainées ciliaires qui indiquent la position des organes segmentaires de chaque côté de l’æœsophage; g, or- d 2 ganes génitaux. ; Hartnack. + 8. Côté gauche de l’œæsophage avec ses lobes, très grossi, montrant l’organe segmentaire, ç, canal avec ses cils; p, pavillon. ô Hartnack. SUR LA VITESSE DE TRANSMISSION DE LEXCITATION MOTRICE DANS LES NEREFS DU HOMARD PAR MM. LÉON FREDERICQ (DE LIÈGE) ET G. VANDEVELDE (DE GAND Travail fait au laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff. Quand on excite un muscle vivant à l’aide d’un choc d’induction, on obtient une secousse musculaire ; mais, entre le moment où l’excitant est porté sur le muscle et le moment où ce dernier se con- tracte, il s'écoule un certain temps (une fraction de seconde) que les physiologistes appellent la période latente de la contraction mus- culaire. Ce temps perdu est naturellement plus long si, au lieu d’ex- citer directement le muscle, on s'adresse à son nerf moteur, puisque dans ce dernier cas vient s'ajouter le temps employé par l'excitation pour se propager le long du nerf jusqu’au muscle. Autrefois on considérait ces phénomènes comme presque instan- tanés : la notion de la période latente est d'introduction relativement récente en physiologie. L'illustre Jean Müller affirmait en 1844 qu'on ne parviendrait sans doute jamais à déterminer la rapidité avec laquelle se propage l’exci- tation nerveuse, tant il croyait cette vitesse considérable". Six ans plus tard, Helmholtz? résolvait le problème réputé inso- luble. Il parvenait à l’aide de deux méthodes entièrement différentes à déterminer rigoureusement la vitesse avec laquelle se transmettent les impressions motrices, et cela sur un animal de petite taille (la grenouille); cette vitesse est de 27 mètres par seconde. Helmholtz étendit lui-même ses expériences à l’homme, et depuis la méthode de Pouillet et la méthode graphique ont été souvent em- 1 J. Muecrer, Handbucth der Physiologie, 1, 4e édit. Coblentz, 1844, p. 581, 583. ? HeLMHOLTz, Monatsber. d. Berliner Acad., 1850, p. 14 (Arch. f. Anal. u. Physiol., 1850, p. 71, 276 et 1852, p. 199). ARCH. DE ZOOL, EXP, ET GÉN, — T, vitt, 4879 et 4880. 33 d14 LÉON FREDERICQ ET G. VANDEVELDE. plovées dans un but analogue, tantôt chez la grenouille, tantôt chez l’homme et chez un petit nombre d'autres mammifères. On a modifié de différentes facons les appareils dont s'était servi Helmholtz, Bernstein * a même imaginé une méthode basée sur un principe tout à fait différent ; cependant les nombreux expérimenta- teurs qui se sont adonnés à ce genre de recherche ont en général trouvé, pour les nerfs moteurs de l’homme et de la grenouille, des chiffres du même ordre que celui indiqué par Helmholtz. Il nous à paru intéressant de rechercher si la vitesse de transmis- sion de l'excitation motrice resterait la même chez un animal appar- tenant à un tout autre groupe zoologique, chez un articulé de grande taille, le Homard. Nous avons, dans ce but, fait usage de la seconde des deux méthodes employées par Helmholtz, c’est-à-dire de la méthode graphique. On excite le nerf en un point rapproché du muscle, on inscrit le moment précis de l'excitation et le moment de la contraction, on connaît ainsi le temps qui s'écoule entre ces deux phénomènes : on répète la même expérience pour un point du nerf plus éloigné du muscle. La différence de temps observée dans les deux expériences, c'est-à-dire le retard de la seconde contraction sur la première, donne le temps employé par l'excitation motrice pour parcourirla distance qui sépare les deux points excités. Connaissant cette dis- tance, on déduit facilement la vitesse de transmission : E MO. (E = espace entre les deux points excités; T = temps employé à parcourir cet espace.) Nos premières expériences ont été faites au mois de mars 1879 au laboratoire de physiologie de l'université de Gand, à l'aide du cylindre enregistreur de Marey. Les résultats de ces recherches ont été publiés dans les Bulletins de l’Académie des sciences de Bruxelles?. Nous n'avions pas emporté à Roscoff le cylindre de Marey. Nous avons dü nous arrêter à une forme d'appareil d’enregistreur que nous pouvions exécuter nous-mêmes. | 1 BERNSTEIN, Centralbl. f. d. med. Wissensch., 1866, p. 593 (Arch. f. d. Ges. Phys., 1, 5. 173, 1868; Untersuchungen über den Erregungsvorgang, etc, Heïdelberg, 1871). ? Physiologie des muscles et des nerfs du Homard (Bulletins de l'Académie des scien- ces de Bruxelles, juin 1879, 2e série, t, XL VII). EXCITATION MOTRICE DANS LES NERFS DU HOMARD. D15 Il existe déjà tant d'appareils de ce genre que nous ne songerions pas à en donner la description, n'était sa grande simplicité, son fonc- tionnement irréprochable et l’extrème facilité avec laquelle on peut le fabriquer. L'appareil récepteur du tracé auquel nous nous sommes arrêtés rappelle le myographe à ressort de du Bois-Reymond, avec cette diffé- rence que nous remplaçons le ressort par une bande élastique et que la plaque sur laquelle nous recueillons les graphiques est horizon- tale dans notre appareil (voir fig. 1). Sur une planche longue de 65 centimètres, large de 22 centi- mètres et solidement fixée à la table d'opération, sont tendus, au moyen de deux chevalets ch, ch, deux forts fils de laiton FF et F'F", qui servent à guider la plaque P (une simple planchette de bois longue de 24 centimètres et large de 10 centimètres) dans son mou- vement horizontal. La plaque P porte à cet effet latéralement quatre pitons de cuivre, dans les œillets desquels passent les fils de laiton FF, FF’: Une bande de bretelle élastique E relie le bord droit de la plaque P' à l'extrémité gauche de la planche, en passant sous la plaque P’. | Si, saisissant le bouton bo de la plaque P’, nous faisons glisser celle-ci vers la droite jusqu'au bout de sa course, et si nous la lâchons brusquement, la tension de la bande élastique chassera la plaque P de droite à gauche avec une vitesse assez considérable, d'abord cerois- sante, puis décroissante. Nous contrôlons la vitesse de la plaque à l’aide du signal Marcel- Desprez, inscrivant les interruptions d’un courant électrique pro- duites par un diapason de 100 vibrations à la seconde. Les deux fils conducteurs étant légèrement graissés avec une goutte d'huile d'olive, la plaque possède toujours rigoureusement la même vitesse, si on la considère à la même phase de son mouvement. Sur la plaque P' nous fixons à l'aide de punaises un rectangle de papier bien lisse (papier porcelaine) légèrement enfumé au préalable et destiné à recueillir les graphiques de contraction. L'appareil est disposé de facon à exciter le nerf à une phase tou- jours identique du mouvement de la planchette. À cet effet, le bord gauche A’ de la planchette rencontre dans sa course l'aiguille métallique A contre laquelle elle frotte pendant un instant très court. Cette aiguille est reliée à l’un des pôles de la pile à courant constant P. Le bord de la plaque P' porte un petit carré de 916 LÉON FREDERICQ ET G. VANDEVELDE. laiton relié lui-même à l’autre pôle de la pile par l'intermédiaire d’un fil de laiton, des pitons et des fils FF, F'F". La plaque sur laquelle on inscrit les courbes de contraction se trouve ainsi intercalée dans le circuit qu’elle ferme automatiquement à chacune de ses excursions, pendant un instant très court. Comme le fil de la bobine primaire B du chariot de du Bois-Reymond se trouve également dans le circuit de la pile, chaque fois que la plaque A’ frotte l'aiguille A, il se développe dans la bobine secondaire B' deux chocs d'induction fort rapprochés". Ces chocs d’induction sont uti- lisés comme excitant du nerf. | JOËREE (qe MINE B = R FiG. 1. — Myographe à mouvement horizontal pour l'étude de la transmission de l'excitation mo- trice dans le nerf de la pince. M, plaque myographique portant la pince du Homard; S, style attaché au doigt mobile; A, paire d’'électrodes rapprochés; b, paire d'électrodes éloignés ; G et G', deux paires de godets de mercure permettant de chasser la secousse fournie par la bobine induite B' dans les fils allant à A ou dans ceux allant à b; P, pile; P’, plaque portant le papier enfermé, glissant par traction de la bande élastique E sur les deux fils métalliques FF, F’F'; A’, pièce métallique destinée à fermer le circuit de la pile par son contact avec l'aiguille A. La figure 1 marque aussi de quelle facon ces chocs d’induction sont conduits tantôt à la partie rapprochée du nerf (a), tantôt à sa partie (b) éloignée. Il suffit de plonger l'extrémité des fils qui viennent de la bobine secondaire B’ du chariot, dans l’une des deux paires de godets G ow &. M représente la plaque myographique sur laquelle est fixée la pince de Homard munie de son style écrivant $S, a et b sont les deux points où le nerf a été dénudé. Voici la facon d'opérer qui nous a paru la plus convenable. Comme le nerf de la pince se distribue à la fois au muscle extenseur et au muscle fléchisseur du doigt mobile, et que nous désirons n'’exciter 1 Il eût certainement mieux valu r’exciter le nerf que par un seul choc d’induction de rupture. Il suffisait de remplacer l'aiguille À par un petit levier basculant au moment du passage de la plaque et produisant la rupture du circuit primitivement fermé, EXCITATION MOTRICE DANS LES NERFS DU HOMARD. 917 que le second, nous prenons de préférence un de ces homards aux- quels les pêcheurs ont sectionné le muscle extenseur dans l'articula- tion du pouce (pour rendre les homards inoffensifs en les empêchant d'ouvrir la pince). A l’aide de liens nous fixons solidement la pince sur le myographe M, puis nous tendons le doigt mobile par un mince ruban de caoutchouc faisantressort?, ou par un poids. Nous dénudons ensuite le nerf, en deux endroits différents de son parcours, au niveau du deuxième et du quatrième article ; et après avoir, au moyen de ciseaux, séparé la patte au niveau de son premier article, nous appli- quons les deux paires d'électrodes en platine sur chacune des deux portions du nerf; après nous être assurés au préalable que le muscle réagit suffisamment à l'excitation du nerf à ces deux endroits, nous mettons l'extrémité du style inscripteur en contact avec l'extré- mité gauche du papier enfumé, la plaque P étant maintenue à droite ; puis, sans mettre les électrodes de la bobine induite en con- tact avec les godets, nous lâchons la plaque, sur laquelle le style inscripteur trace alors une ligne horizontale ; mettant ensuite les Fic, 2. — Graphiques pour la détermination de la vitesse de transmission de l'excitation motrice. A, moment de l'excitation du nerf; CD, graphique de contraction obtenu par l'excitation du point rapproché du nerf; EF, graphique de contraction obtenu par excitation du point éloigné du nerf; MN, centièmes de seconde. électrodes de la bobine induite successivement en contact avec l’une où l'autre paire de godets et faisant manœuvrer la plaque mobile, nous obtenons, comme la figure 2 l'indique, deux tracés, l’un corres- pondant à l'excitation du segment du nerf le plus rapproché du muscle, l'autre au segment le plus éloigné ; et afin de connaître exac- tement la vitesse de la plaque au niveau des deux courbes, nous inscrivons à l'aide du signal Marcel-Desprez les interruptions du cou- rant électrique produit par un diapason de 400 vibrations à la seconde, * en ayant soin de mettre l'extrémité du stylet inscripteur en contact 918 LÉON FREDERICQ ET G. VANDEVELDE. avec l'extrémité gauche du papier enfumé au moment du début de la course de la plaque. C’est à l’aide de ces graphiques que nous arrivons, en déterminant au préalable la distance des deux points excités du nerf, à connaître la vitesse de l’influx nerveux chez le Homard. Le nerf a été excité en A. Les graphiques CD représentent les points de départ des courbes inscrites par le muscle lors de l'excita- tion du point rapproché du nerf; le graphique EF a été obtenu en excitant le nerf à son point éloigné ; la distance entre les débuts de ces deux espèces de courbes représente en centièmes de seconde 6 e Ë F c . 17 77 AOUS avons aussi mesuré la distance des deux points excités du nerf, en mettantles pointes du compas à chaque paire d'électrodes en rapport avec celui des fils qui est tourné du côté du muscle : cette distance = 55 millimètres. La vitesse cherchée est donc de 19m. 83 par seconde. Voici les chiffres obtenus à Roscoff dans nos expériences : Homard 9 ; température, 19°,5 ; longueur du nerf, 6 centi- mètres ; intervalle en centièmes de seconde + soit 12 mètres par, Seconde: Vu. fi Homard d'; lempérature. 19 por longueur de na 7 1 : er vallé en centièmes de seconde © 1 ? soit 10”, 65. PA Homard d': fémpétanne, 19, D; ‘longueur du nerf, 3 », 8 : intervalle en centièmies de seconde à ip? Pébit 19" 83. Homard oi température, 19, 4: longueur du nerf, L Cpaneirese intervalle en centièmes de seconde M soit 13 mètres. Homard c'; température, 19°,4 ; longueur du nerf, 5,9; intervalle en ee avr. -centièmes deseconde FT: soit 2m,99. La moyenne entre ces chiffres est de 11 à 12 mètres par se- conde; l'excitation nerveuse motrice se propage donc avec beaucoup plus de lenteur chez le homard que chez la grenouille ou chez l’homme. À Gand, où nous opérions à une température comprise entre 11 et 12 degrés centigrades, nous obtenions des chiffres bien inférieurs. Homard o de 559 grammes (sans le sang), pince droite. Longueur du nerf, 59 millimètres. EXCITATION MOTRICE DANS LES NERFS DU HOMARD. 19 Expérience A : intervalle en centièmes de seconde, 0,9, soit 6",49; expérience B : intervalle en centièmes de seconde, 0,8, soit 6,80 ; expérience CG : intervalle en centièmes de seconde, 4,0, soit 5",9 ; expérience D : intervalle en centièmes de seconde, 0,8, soit 6,8. Homard G' de 487 grammes (sans le sang), pince gauche. Longueur du nerf, 56 millimètres. Expérience E : intervalle, 1,4, ce qui fait 5,04 par seconde; expé- riènce F : intervalle, 1,1, ce qui fait 5,04, par seconde ; expérience G : intervalle, 1,0, ce qui fait 5,6, par seconde; expérience H : in- tervalle, 0,9, ce qui fait 6,16, par seconde; la moyenne entre ces huit valeurs est 5",95 par seconde, en chiffres ronds : 6 mètres. La distance AC qui sépare le début de la courbe CD (contraction du muscle par excitation du point rapproché du nerf) du point Af{mo- ment de l'excitation du nerf) correspond environ à 3 centièmes de seconde. Cette durée représente la somme de deux temps : 1° le temps qu'il à fallu à l'excitation produite au point (A) pour cheminer le long du nerf jusqu'à sa terminaison dans le musele et 2° Ie temps de l'excitation latente du muscle. Ce dernier temps nous est connu et se détermine d’ailleurs facilement sur le même muscle. Il suffit d'in- scrire un graphique de secousse musculaire en plaçant directement les électrodes excitateurs sur le muscle fléchisseur du doigt mobile. A cet effet, nous enlevons, à l’aide d’un petit trépan, deux rondelles de la coque chitineuse de la pince et nous introduisons les électrodes de platine par ces ouvertures. Nous obtenons alors à l'aide du myographe une courbe identique à celle de la figure. Nous trouvons que ce temps ne dépasse pas un centième de seconde. Il reste donc au moins 3 — 1 — 2 centièmes de seconde pour représenter le temps nécessaire à l'excitation motrice pour se rendre du point (A) le long du nerf jusque dans l’intérieur du muscle; la longueur de cette portion du nerf n’a certainement pas atteint 10 centimètres. Cela nous donnerait, pour nos homards de Roscoff, une vitesse de 5 mètres par seconde. Les homards sur lesquels nous avons opéré à Gand nous avaient donné comme maximum 3,33. Nous sommes donc conduits à admettre que la propagation de l’influx nerveux moteur, dans son passage du nerf au muscle, éprouve dans les dernières ramifications nerveuses un retard considérable. Les nerfs du Homard séparés du corps paraissent perdre très rapi- 920 LÉON FREDERICQ.ET G. VANDEVELDE. dement leur excitabilité, cela rend ces expériences fort laborieuses ; la préparation demandant assez de temps, il nous est arrivé souvent que le muscle ne réagissait plus à l'excitation du nerf au moment où nous allions commencer à recueillir les graphiques. La température paraît exercer une grande influence sur la rapidité avec laquelle les nerfs s'altèrent. À Gand, nous obtenions de meilleurs résultats sur les homards qui avaient fait le voyage d’Ostende à Gand, qu’à Roscoff, où nous avions des sujets d'expérience plus vigoureux et plus frais. Dans le premier cas la température de l’air était de + 12 degrés centi- grades environ (mars 1879), tandis qu'à Roscoff, où nous opérions en plein été, la température était de + 20 degrés (août 1879). Dans un nerf coupé, l’excitabilité diminue progressivement tranche par tranche, en allant de la surface de section à l'extrémité périphé- rique. Ainsi sur une pince séparée du corps de l'animal, il arrive un moment où l'excitation électrique du nerf près de la surface de sec- tion ne produit plus de contraction du muscle, alors que la même excitation appliquée sur un point plus rapproché du muscle y pro- voque de violentes secousses. C'est grâce à l'hospitalité si libérale que nous avons rencontrée à Roscoff et grâce aux ressources variées du laboratoire de zoologie expérimentale que ce travail a pu être exécuté dans des circonstances matérielles exceptionnellement favorables. Nous tenons à témoigner ici toute notre reconnaissance au créateur de la station zoologique de Roscoff, M. le professeur de Lacaze-Duthiers. ae me mr ÉTUDES SUR LES NÉMERTIENS I RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES DES RECHERCHES ENTREPRISES SUR LES NÉMERTIENS PAR LE DOCTEUR A.-A.-W. HUBRECHT (DE LEYDE) Extrait du Zoolog. An3zeiger, 1875. (Traduction.) 1° En outre des deux cordons nerveux latéraux se trouve pro- bablement, chez beaucoup de Némertiens, un troisième cordon très fin et qui court le long de la ligne médiane et dorsale. 2° Chez quelques Némertiens, contre l'opinion jusqu'ici admise, existe vers l'extrémité de la queue une commissure réunissant les deux cordons latéraux. Cette commissure est située, comme les gan- glions cérébraux, au-dessus du tube digestif. 3° Dans la commissure dorsale des ganglions cérébraux on ne doit pas chercher (comme Semper l’a fait) l’'homologue de ce nerf qu'avec Leydig on à nommé nervus vagus chez beaucoup d’invertébrés. Il existe chez certains Némertiens un véritable nervus vaqus qui se détache des deux côtés du ganglion inférieur et se distribue dans la paroi œsophagienne. % L'innervation spéciale de la trompe se fait principalement à l’aide de branches nerveuses qui abandonnent le ganglion dans le voisinage de la commissure cérébrale antérieure et qui pénètrent dans les parois musculeuses de la trompe au point où celle-ci s’atta- che à la tête. M. Kennel a émis le premier l'opinion que des nerfs devaient se trouver dans la trompe du Drepanophorus ; de semblables nerfs se trouvent chez des genres nombreux, même parmi les Némertiens 922 A.-A,-W. HUBRECAT. inermes, et dans l'espèce en question leurs relations avec le ganglion cérébral sont très nettes. 5° L'hypothèse déjà émise par moi de l'existence probable d’une activité respiratoire spéciale dans le tissu nerveux de ces animaux, indépendamment du fluide sanguin en circulation, est devenue pour moi de plus en plus vraisemblable. La substance nerveuse est le plus souvent imbibée d'hémoglobine qui, dans les organes latéraux (divi- sions du ganglion cérébral auxquelles je pourrais appliquer le nom de « renflements respiratoires »), se trouve mise en rapport avec un courant d'eau riche en oxygène, amené par des canaux convolutés et ciliés intérieurement. 6° Quant à la cavité générale, j'étais il y a plus de cinq ans arrivé à ce résultat que des dissépiments fibro-musculaires la divisent et montrent que ces animaux sont réellement composés de métamères. Cette assertion a été depuis vérifiée pour les espèces armées, mais contredite pour les espèces inermes par le docteur Barrois. Les recherches que j'ai de nouveau dirigées vers ce sujet m'ont amené à cette conviction que l’auteur a dû fonder ses conclusions sur une série d'observations insuffisantes. J'ai trouvé des dissépiments aussi bien que des traces profondes d’une division intérieure en métamères chez toutes les formes que j'ai étudiées, les pièces justificatives sont entre mes mains, sous forme d'une longue série de coupes. Dans les parois de la trompe, chez presque tous les Némertiens ar- més, j'ai rencontré les organes urticants que Max et John Müller ont décrits une fois dans une espèce qui n'a pas été retrouvée de- puis. Ils sont de grosseur très variable et sont rejetés comme de pe- tits bätonnets lorsque la trompe est déroulée. Tous ces bâtonnets laissent échapper un fil urticant qui se répand par milliers dans l'eau ambiante. Le liquide qui remplit la gaine close de la Rave et deu laquelle celle-ci se meut de côté et d’autre contient des .cor- puscules caractéristiques qui chez quelques Némertiens paraissent colorés en rouge par l’hémoglobine. Chez d’autres, la gaine se fait remarquer par l'existence de cæcums régulièrement disposés par métamères. Comme chez ces vers {Drepanophorus) la trompe est de plus souvent très vite sortie et très vite rentrée, ces cæcums servent sans aucun doute à recueillir rapidement le liquide qui reflue. Pour le sytème aquifère dont l'anatomie exacte a été faite par ÉTUDES SUR LES NÉMERTIENS. 023 V. Kennel, je puis confirmer complètement les résultats de cet obser- vateur. Chez de nombreuses espèces j'ai indiqué cet organe. Les deux orifices sont le plus souvent ventraux, quelquefois dorsaux. Il RÉVISION LES GENRES DES NÉMERTIENS D'EUROPE ET DESCRIPTION DE PLUSIEURS ESPÈCES NOUVELLES. La plus grande division à régné longtemps dans la classification des Némertiens, les seules espèces d'Europe ont été classées dans plus de quarante genres dont il ne doit rester guère plus d’une dou- zaine, et le même nom a souvent été appliqué à des espèces fort dif- férentes. Trois auteurs se sont occupés spécialement des Némertiens. Quatrefages a adopté six genres. Keferstein en a admis onze répartis en trois familles et a conservé la division de Schultze en £'nopla et Anopla. Enfin Mac Intosh a fait certainement les recherches les plus com- plètes ; mais il est regrettable qu'il se soit borné aux espèces an- glaises et qu'il n’ait pas étudié par lui-même les types méditerra- néens qui l’auraient obligé à faire plus d'une correction. On peut comprendre en réalité les espèces européennes dans trois groupes. | Les genres Carinella, Cephalothrix, Valeacinia, Polia formeront la division des Paleonemertini, d'où dériveront : D'une part, les Hoplonemertini, renfermant les genres Amphiporus, Drepanophorus, Œrstedia, Nemertes, Tetrastemma, Prosorhochmus ; D'autre part, les Schizonemertini, contenant les genres Borlasia, Li- neus, Cerebratulus, Langia. C'est le genre Carinella qui a retenu le plus de caractères primitifs, son système nerveux central se trouve immédiatement sous la peau. Les deux nerfs longitudinaux ne sont nulle part inclus dans l’enve- loppe musculaire dans la paroi du corps, mais lui sont extérieurs. Or, on doit se souvenir que dans l'embryon le système nerveux dé- rive de l'épiblaste. L'intestin et la trompe présentent le même ca- ractère. Le premier est dépourvu de ces cæcums nombreux et régu- liers qui dans les formes plus perfectionnées accompagnent le tube D24 A.-A,-W. HUBRECAT. digestif d'un bout à l'autre, l'æœsophage excepté. Dans la Carinella, le canal intestinal est simple dans la queue aussi bien que dans les autres régions. La trompe est mince et déliée, rarement développée et pourvue à sa partie antérieure d'organes urticants. Un étrangle- ment à peu près six fois plus long que large sépare la partie anté- rieure de la partie postérieure. Un étranglement semblable, bien que d’un caractère différent, s'’observe dans les genres Valencinia et Polia ; il disparaît dans les Linéides, tandis que dans les espèces ar- mées il s’accuse plus fortement et est représenté par le bulbe mus- culaire de la trompe contenant le stylet et les vésicules stylifères. L'intérieur de la trompe paraît être divisé en compartiments par des rides en forme d'anneaux minces et transversalement disposés et qui semblent se présenter de manières diverses dans les trois sous- ordres proposés. Dans les Schizonemertini ces cloisons sont visibles sur toute la longueur de la trompe à des distances égales et relativement faibles. On les voit dans les Paleonemertini seulement à la partie antérieure en avant de l’étranglement. Dans les Æoplonemertini ils semblent avoir disparu tout à fait. Chez eux au contraire, aussi bien que chez les Paleonemertini, on remarque en arrière de l’étranglement une apparence granuleuse caractéristique qui fait défaut dans les Schizonemertin, dont la trompe est cloisonnée dans toute son étendue. On ne trouve pas dans les genres Carinella et Cephalothrix un lobe postérieur du ganglion cérébral communiquant avec l'extérieur par un canal cilié comme il s’en trouve chez les Polia et les Valencinia, en relation intime avec les lobes antérieurs. Dans ces deux genres, l'ouverture extérieure de ce canal cilié est petite ; on remarque chez les Polia un sillon transversal dans l’épiderme communiquant avec de nombreux sillons perpendiculaires fortement ciliés et semblant aboutir à cet orifice. Ce degré de complication ne se retrouve pas chez les Valencinia. On retrouve le même appareil dans les genres armés Amphiporus et Drepanophorus, où il ressemble exactement à celui d’une Polie inerme. Chez eux cependant les lobes postérieurs sont mieux détachés du ganglion et lui sont même simplement reliés par des commis- sures fibreuses. Au niveau du ganglion cérébral on trouve dans la Carinella des traces d'un simple sillon transversal, bien qu'on ne rencontre pas ÉTUDES SUR LES NÉMERTIENS. 525 de canal cilié. Dans le Cephalothrix le sillon même semble manquer. Dans les quatre autres genres de Némertiens inermes : Zineus Sor- verby, Borlasia Oken, Cerebratulus Renier, Langia mihr, le sim- ple orifice extérieur de la Valencinia est représenté par de pro- fondes fissures latérales des deux côtés de la tête, situées dans le plan de l'axe du corps. Le simple orifice a été changé en deux fissu- res qui peuvent être ouvertes ou fermées à volonté par l’arrangement des muscles de la tête et qui sont revêtues intérieurement d'une épaisse couche de longs cils vibratiles. Les quatre genres se ressemblent encore par la teinte rouge foncé de leur système nerveux, ce qui est dû à l’hémoglobine contenue dans ce tissu. Sous tous les rapports ils forment un sous-ordre très naturel. Dans le genre Cerebratulus on pourra renfermer toutes les espèces décrites sous le nom générique de Micrura par Ehrenberg et ensuite par Mac Intosh. Les éléments urticants qui ont été trouvés dans la trompe de Ca- rinella et Cephalothrix manquent dans les genres Pola, Valencinia et dans tous les Némertiens armés ; ils réapparaissent dans de nom- breuses espèces de Schizonemertini, où ils atteignent même un développement considérable. Les six genres de Némertiens armés forment une subdivision non moins naturelle ; cinq d’entre eux at- teignent rarement une longueur qu’on puisse dire considérable par rapport à la largeur. Cependant le genre Nemertes contient des vers qui sont extrêmement longs et filiformes. Ces deux subdivisions doivent être considérées comme deux sous- ordres, tandis que les formes primitives, présentant des caractères qui se sont graduellement développés dans les autres, doivent former un troisième sous-ordre. Cette division semble plus en accord avec les affinités naturelles que la division proposée par Max Schultze en Anopla et Enopla. La classification des genres européens sera donc la suivante : # 526 A.-A.-W. HUBRECAT. CLASSIFICATION DES NÉMERTIENS. Ordo. Nemertini. I. Subordo Paleonemertini. II. Subordo Schizonemertini. III. Subordo Hoplonemertini. Cephalothricidæ. Carinellidæ. Valenciniadæ. Poliaidæ. Lineidæ. Langiaidæ. Amphiporidæ. T'etrastemmidæ. Nemertidæ. Cephalothrix. Carinella. Valencinia. Polia. Lineus. Borlesia. Cerebratulus. Langia. Amphiporus. Drepanophorus,. Tetrastemma. OErstedia. Prosorhochmus. Nemertes, NEMERTINI. ÉTUDES SUR LES NÉMERTIENS. 527 TABLEAU ANALYTIQUE DES GENRES EUROPÉENS. ! Très long et grèle souvent enroulé en nœuds; trompe assez longue. yeux grands, corps Nemertes. / Bouche en court ettrapu. OErstedia. | avant des yeux petits{ vivi- ganglions. Avec ; corps plus) pares. Prosorhochmus. Trompe quatre | orêle très | ovi- ; armée de plus ou contrac- \pares. etraste mma . strlets. moins l tile. Corps. Ho-f court et | ulmemere Dlos avec un stylet F7 à central dans la Amphiporus. lini. trompe Avec trompe | longue, Le avec un crochet jèle. yeux recourbé dans la non | pi trompe et pour- Drepanophorus. vu de nombreux petits stylets. Côtés du corps relevés en dessus, se Une pro- rencontrant presque. Langia. fonde k ; fissure laté- pas extrême- bien déve- | ment long loppée, Dnriee Ça] POUR Cerebratulus les côtés de PARMEPRPORE d'organes la tête largeur, yeux Ÿ urticants. Schizo- LE rarement atternué, amering ol. Pat OÙ nombreux, | muscles du | Pas de arrondi. \ généralement COTpS Borlasia. ANT fortement stylets nd colorés dans la | trompe. en rouge. trompe. Bouche extrêémement long, yeux AE en ar- très nombreux. : | rière | Lobes pos-/ Pas d’yeux, ouverture de la | des gan- | AE trompe éloignée de l’ex- Yalencinia. | lions. dE pre trémité du museau. sents et Pas de réunis fissures la- Ÿ avec Île térales pro= /l0be anté- fondes aus € r0:Supé- Des yeux, ouverture de la AT ù | : "a la tête rieur. | frompe terminale. Se Palæonemer-- lini. as de lobe k d'art Tête pointue continue avec | visible le reste du corps. Cephalothrix. | aux San- { Tête distincte du reste du glions, corps, en spatule. Carinella, à Pa ; * = 4 ê nt “ 2 pe ' à “118! à 4 ) 70: : >; Es LE . Log ‘ M £ . c. { h + + Le } t ré ] Û ‘ , ) _ À 4 i se - | | ca . _ $ 4 EL # 8 Son , d er ! Lai ' IE c * à : CCE 1 PT “ * LIN », ' . 1 AE Vi, \ Ca i N L Us " LE |: Va ON 1 é ta J , ; E .: état é : à , n t [2 N . 7 | , = ki U É à + , L | ni à » ha re x » af: y ! * a af “ L L : 3 a « TK y L 172 LM TUE Lo | € 4 PE VOS vas 4 A EPA: CAE © Le | 3 ‘ PL LUN + « %a 1748 NEA NAT » N\; à A #1! 4 « \ PF MAT EC L ? LR TEE + "A LR À y LÉ y} AL FI OBSERVATIONS SUR LA VIVIPARITE DE L'HELIX STUDERIANA ([FÉRUSSAC) PAR LE DOCTEUR C. VIGUIER Professeur de zoologie, à Alger. L'Helix Studeriana (Férussac) est une grande espèce dont la coquille jaune-brunâtre, assez fortement bombée, mais avec le sommet de la spire aplati, peut avoirun diamètre de 75 millimètres, et six tours complets. D'après le naturaliste Dufo, qui passa quatre ans aux Seychelles et aux Amirautés vers 1835, l'animal «habite le sommet des montagnes, sur les arbustes et les lianes, et se nourrit de feuilles vertes ; ses mouvements sont lents. » La localité indiquée par Duso est Preslin, où cette ÆHelix est rare. Le voyageur céda en 1840 sa collection au Muséum de Paris ; malheureusement, s'il avait fait des observations intéressantes, sur lesquelles nous aurons à revenir tout à l'heure, il ne songea pas à mettre l'animal entier dans l'alcool ; du moins, rien de lui ne s'est-il conservé jusqu'à ce jour. Il existe dans la collec- tion un nombre relativement considérable de coquilles ; mais les deux seules pièces dans l'alcool sont des fragments des organes génitaux qui ont été rapportés des Seychelles par M. G. de l'Isle, naturaliste d'une des missions du passage de Vénus en 1875, et que M. le professeur Perrier a bien voulu mettre à ma disposition. Il est regrettable que ce voyageur n'ait pas songé non plus à rapporter l'animal entier, bien qu'il eùt évidemment attiré son attention. Ce sont ces deux pièces sur lesquelles il est très facile de con- stater la viviparité qui ont servi de sujet à ces courtes observations. Des cas de viviparité ou, plus exactement, d'ovoviviparité ont été signalés déjà chez un assez grand nombre de Gastéropodes : Zitto- rina, Paludina, Achativa, Glandina, Papa, etc. Mais je n’en ai relevé jusqu'ici que trois exemples dans le genre #elix proprement dit, et deux dans des espèces séparées de ce genre. Les voici : ARCH, DE ZOOL, EXP, ET GÉN, = T, VII, 1879 ET 1880, 31 230 C. VIGUIER. Dans le deuxième volume de la Zoologie du voyage de l’Astrolabe on trouve ! cette indication : « L'utérus (de l’Æelx ou Partuha gtbba) contient un assez grand nombre de jeunes individus. » Les figures ne représentent aucun détail anatomique. J'ai examiné les échantillons rapportés par Quoy et Gaimard, mais leur mauvais état de conservation ne permet pas de constater autre chose que le fait même de la viviparité. Le deuxième exemple est cité par Moquin-Tandon ?. Il s’agit iei de l'Helix rupestris, petite espèce du sud de l’Europe. L'auteur ouvrit trois échantillons, dont l’un contenait trois petits, l’autre quatre, et le troisième sept. Les jeunes Hélices avaient près d’un tour et demi de spire et à peu près quatre cinquièmes de millimètre de diamètre. Moquin-Tandon n'entre pas dans plus de détails à ce sujet. Le troisième cas est décrit plus en détail par M. Fischer *. Je cite le passage, bien qu'il se rapporte à l'Æélix inœqualis que l'on doit, d’après M. Sleenstrup, ranger parmi les Testacelles. « La verge est peu allongée, subcylindrique, atténuée vers l'extrémité de son sac où s’insère le muscle rétracteur. Le canal déférent se détache près du cul-de-sac de la verge et va ensuite gagner les côtés de la matrice. Le vagin est assez long, épais, cylindrique, il s’abouche dans la matrice, dont les parois sont excessivement minces et distendues par les œufs. Ceux-ci, au nombre d'une douzaine environ, présentaient divers états de développement. Les plus rapprochés du vagin étaient plus gros, leur enveloppe calcaire semblait plus solide ; leur grand diamètre atteignait 3 millimètres. En brisant l'enveloppe des œufs on trouvait une petite coquille jaune pellucide, portant deux tours de spire aplatie au-dessus... Il n'existe aucun appareil acces- soire ; la poche copulatrice est arrondie et petite, son col peu allongé. » On verra que, sauf ce dernier caractère, le reste de la des- cription des organes génitaux ressemble assez à celle que nous don- nons plus loin. Arrivons maintenant aux observations de M. Dufo, qui touchent plus directement à notre sujet. Je n'avais pas connaissance de ce mémoire lorsque j'adressai ma note à l’Académie. A la suite de t Voir p. 113. 2? Journal de conchyliologie, 1853, p, 295, 3 Journal de conchyliologie, 1873, p. 8, LA VIVIPARITÉ DE L'HELIX STUDERIANA. 931 cette communication ‘, M. le professeur J. Steenstrup fit devant la Société d'histoire naturelle de Copenhague, dans la séance du 6 février 1880, quelques remarques qu'il a bien voulu me commu- niquer ?. I réclame pour M. Dufo la priorité quant à la contes- tation du fait même de la viviparité de l’Helix en question, et nous allons voir que sa réclamation est tout à fait fondée ; mais il me paraît n'avoir pas bien remarqué ce qu'il y a en plus dans ma note, dont une partie confirme absolument, il est vrai, les observations de M. Dufo. Pour rétablir exactement les droits sur ce point, je crois ne pouvoir mieux faire que de citer le passage même du mémoire de cet auteur où il est question des Æelix unidentata et Studeriana. Le Y OICI : } « Helix unidentata (Férussac). Cette espèce est vivipare ou plutôt ovivipare ; c'est, je crois, avec l'espèce suivante, les seules de tout le genre AHélix qui ne soient pas ovipares ; au moins je n'ai trouvé cette particularité signalée dans aucun des livres de malacologie que j'ai pu consulter. | « Elle porte soixante jours ; avant de naître, les petits, placés dans l'oviduete et les uns à la suite des autres, sont entourés d’une matière glaireuse plus épaisse vers l'ouverture de leur tête. Le corps de la mère ne s'étend pas hors de sa coquille lorsque les petits viennent au monde ; après avoir quitté l’oviducte, 1ls sortent au dehors en se glissant de leur propre mouvement entre le corps de Ja mère el sa coquille. Ils sont ordinairement au nombre de deux, quelquefois de trois ; mais ce dernier cas est rare, et quand il arrive, il y a un des petits beaucoup moins fort que les deux autres. Pendant tout le temps de la gestation, l'animal maigrit considérablement ; rendu au terme, il a perdu plus de la moitié de son volume *. « J'ai constamment remarqué que les individus dont la tête est le moins foncé en couleur étaient les seuls qui produisissent des petits ; mais je n'ose conclure de cette observation que ces individus soient des femelles et les autres des mâles ; cette séparation des 1 Comptes rendus, 17 novembre 1879. ? Om Ovo-vivipariten hos Helix Studeriana (Fér.), En historisk Bomer king, of prof. J, Steenstrup (Videnskabelige Meddelelser, 1879-80, p. 301). 2? Observations sur les mollusques marins, terrestres el fluvialiles des {les Seychelles el des Amiraulés (Annales des sciences naturelles, 2 série, vol, XIV, Partie Zoulogié p. 199), 032 C. VIGUIER. deux sexes serait trop opposée à l'hermaphroditisme avec accouple- ment réciproque, si bien reconnu jusqu'à présent dans toutes les espèces d'Aelix; je dois seulement me borner à consigner ici, sans en tirer aucune conséquence, que certains individus de l'Æelir uni- dentata donnent naissance à des petits vivants, tandis que d’autres n'en font point. C'est en conservant vivants, pendant longtemps un grand nombre de ces animaux, et à plusieurs reprises, que j'ai pu constater ce fait avec certitude, et qu'il m'a été permis en même temps de recueillir les diverses autres observations qui pré- cèdent… « Helir Studeriana (Fér.). Têt: Dans le jeune âge, la spire est pres- que plate, la base est un peu bombée ; il y a au bord droit un coude qui provient de ce que, à cet âge, le dernier tour est fortement ca- réné. La carène disparaît entièrement quand l'individu est adulte. La spire des jeunes est jaune brun ; la base est blanche. « Toutes les particularités relatives à l'ovoyiviparité de l'A. une- dentata sont également applicables à l'A. Studerriana : dans cette dernière espèce, les individus dont le têt est le moins coloré, sont aussi les seuls qui produisent des petits ; mais un ou deux seu- lement. » On va voir que ces observations sont confirmées par l'examen des deux pièces que j'ai pu examiner. Elles comprennent : N° 1, la matrice seulement ; N° 2, la matrice, le vagin, la vésicule copulatrice et la verge. Le numéro 1 présentait un aspect blanc-mat, comme encrayeux, et ne laissait rien voir à son intérieur. On constatait par le tou- cher la présence de deux coquilles. Dans le numéro 2 (fig. 1 et 2, pl. XL) les parois de la matrice étaient au contraire tout à fait transparentes et laissaient voir deux coquilles à peu près de même dimension (14 à 15 millimètres de diamètre), et quelques grumeaux épars de substance blanche. Le vagin (va) est assez long, étroit, et à parois épaisses. La vésicule copulatrice (va) est pyriforme, munie d’un long col, et se trouve appliquée sur la matrice, le long de la bande testiculaire, et logée dans une petite dépression. Le canal déférent (cd) présente les rapports ordinaires, La verge (v)est de fortes dimensions. Il n'existe pas de trace de glandes multifides ni de bourse du dard, LA VIVIPARITÉ DE L'HELIX STUDERIANA. 33 En ouvrant avec précaution la pièce n° 1 du côté opposé à la bande testiculaire (fig. 3, pl. XL) je vis que les parois de la matière étaient excessivement minces et parfaitement transparentes. L'organe était rempli d'une substance blanche granuleuse ne faisant pas efferves- cence avec les acides, et se dissolvant en partie dans le chloroforme. Cette substance tombant au fond du vase laissait voir deux poches membraneuses qui, incisées à leur tour, furent trouvées gorgées de la même substance. Dans chacune des deux poches se trouvait une jeune coquille portant à peu près deux tours de spire et mesurant 9 à 10 milli- mètres de diamètre. Ces coquilles étaient également remplies par la matière blanche, sauf l’espace occupé par le jeune animal. Au milieu du pied (fig. 4, pl. XL) de celui-ci, on voit s’enfoncer une sorte de cordon (c) tordu en spirale, et formé par l’enroulement de la membrane qui constitue la poche. En dissolvant avec précaution dans l'acide azotique étendu une des jeunes coquilles, je me suis assuré que ce cordon se continue directement avec des organes internes qu'il m'a été malheureu- sement impossible de déterminer, vu l’état de la pièce. Il ne s'agit pas toutefois ici d'une véritable placentation comme celle qui a été observée chez les Salpes. Le jeune animal est sus- pendu par son cordon au sein de la poche membraneuse qui le ren- fecme ; mais cette poche elle-même n’est qu'en rapport de conti- guité et non de continuité avec les parois de la matrice, et elle s'en sépare avec la plus grande facilité. De plus, une coupe transversale, dans le cordon suspenseur (fig. 5), montre qu'il n'est traversé par aucun vaisseau, mais seulement rempli par de la matière granu- Jeuse. La substance qui remplit les poches joue très probablement le rôle de vitellus nutritif. C'est évidemment la « matière glaireuse plus épaisse vers l'ouverture du tét» des jeunes animaux dont parle Dufo. Le passage en italique se rapporte assurément au cordon sus- penseur, dont Dufo n'a point reconnu la vraie nature et qui est devenu plus facile à voir par suite de son séjour prolongé dans l’al- coo! ; ainsi que les poches membraneuses qui renferment chacune des coquilles et les isolent des parois de la matrice. Dufo ne les avait assurément pas remarqués, puisqu'il dit que « les petits sont placés à la suite les uns des autres et entourés de matière glai- reuse » 4 | 34 | C. VIGUIER. Quant à cette substance, nous sommes d'autant plus fondé à la regarder comme servant d’aliment au jeune animal, qu’elle est encore très abondante dans la matrice n° 1, tandis qu'elle a pres- qu'entièrement disparu de la matrice n° 2, où les jeunes sont plus développés. Comment l'embryon absorbe-t-il cette matière, qui est sans doute produite par les parois de l'oviducte ? c'est là une ques- tion que je ne saurais résoudre actuellement. Quant à la manière dont s'opère la sortie des jeunes, Dufo nous dit que «le corps de la mère ne s'étend pas hors de sa coquille lorsque les petits viennent au monde ; après avoir quitté l’oviducte ils sor- tent au dehors en se glissant de leur propre mouvement entre le corps de la mère et sa coquille. » Si l’on regarde nos figures 2 et 3, on verra que c'est à tort que Blainville à dit ! que «les œufs éclo- sent dans la fin de l’oviducte ». Dufo lui-même n’a rien dit de pareil. Les jeunes coquilles se développent en effet fort loin de l’ori- fice génital (6) ; et si l’on regarde les dimensions considérables qu'elles ont aiteintes, et l’étroitesse du vagin au-dessous de la matrice, on peut bien se demander comment s'opère cette sortie. Il est regrettable que Dufo ne nous dise rien là-dessus. D'après ce voyageur ce seraient les animaux à coquille de couleur claire qui produiraient seuls des petits. J'ai bien remarqué, sur le nombre très grand de ces coquilles que possède le Muséum, que celles qui atteignent les dimensions les plus grandes sont généra- lement moins foncées en couleur ; mais cela n’a rien d’absolu, et il existe, au surplus, des gradations de teintes presque insensibles des plus foncées aux plus claires. Que dire maintenant de l'idée que ces coquilles claires seraient des femelles et les brunes des mâles ? Nous avons vu plus haut que Dufo ne voulait pas se prononcer en ce sens, et faisait des réserves formelles. C’est donc à tort que M. Des- hayes a transformé son doute en affirmation ?. Rien n'’eüût été plus aisé pour le voyageur que de s'assurer directement du fait. Mais bien que nous ne puissions point nous décider absolument dans le sens de l'hermaphrodisme, la bande glandulaire £ (fig. 1, 2 et 4) res- 1 Rapport fait à l’Académie des sciences dans la séance du 9 mars 1840, par M. de Blainville, sur un mémoire de M. Dufo, intitulé : Observations sur les mollusques marins, terrestres et fluvialiles des iles Seychelles et des Amirautés {Annales des sciences naturelles, 2° série, vol. XIII, Zool., 1840). ? Histoire naturelle générale et particulière des mollusques terrestres et fluviatiles Férussac et Deshayes, 1850-51, p. 215. LA VIVIPARITÉ DE L’'HELIX STUDERIANA. 099 semble trop à la bande testiculaire qui accompagne ordinairement l'oviducte, pour que nous ne nous prononcions pas en Ce sens, jus- qu’à preuve du contraire. | Sur ce point comme sur d'autres, la nécessité de conserver ces pièces encore uniques ne m'a Jamais permis qu'un examen assez incomplet. Aussi cette note n'est-elle guère que la préface du travail que je compte faire, dès que j'aurai en main les échantillons dans l'alcoo! que M. le professeur Perrier a bien voulu faire demander aux correspondants du Muséum. Je ferai toutefois une dernière remarque. Si l’on examine une Helix Studeriana adulte, on remarque que les premiers tours dif- fèrent absolument par la forme et l’ornementation du reste de la coquille. Le changement de forme s'opère graduellement, bien qu’as- sez vite. IL est, comme on l'a vu plus haut, parfaitement signalé par Dufo, et l’on peut voir la grande différence de forme qui existe entre les premiers et le dernier tour de spire en jetant les yeux sur les figures 6 et 7, qui représentent des sections verticales de ces tours. Quant au changement d’ornementalion, il est très brusque, comme on le voit sur la figure 8, et les stries dans le sens de la spire s'arrêtent net. Ce changement dont Dufo ne parle point à été remarqué par Deshayes, mais ce que nous pouvons ajouter, c'est que cette pre- mière partie de la coquille correspond fort probablement à ce qui se forme dans l’intérieur de la matrice et que le changement d’orne- mentation survient au moment où le jeune animal commence à mener une vie indépendante. En examinant en effet la pièce n° 2, on voit que les jeunes coquilles qu'elle renferme et qui sont presque arrivées au terme de leur vie utérine, ainsi que l'indique l'épuisement presque complet de la substance nutritive, ont à peu près les dimen- sions de la portion granuleuse des coquilles adultes. Je borneraïi là ces courtes observations, en espérant qu'il me sera bientôt permis de leur donner une suite. 036 C. VIGUIER. EXPLICATION DE LA PLANCHE XL. Fi. 1 et 2. Pièce n° 2 : f, bande testiculaire ; u, matière dans laquelle on voit par transparence deux jeunes coquilles et des grumeaux de substance blan- che; ve, vésicule copulatrice; va, vagin; cd, canal déférent; v, verge; o, orifice génital. ; 3. Pièce n° 1, matrice ouverte laissant voir deux jeunes coquilles au milieu des grumeaux de substance blanche. . Montre l'insertion du cordon c formé par l’enroulement de la membrane de l'œuf, au centre du pied p du jeune animal; f, bande testiculaire, vue par transparence. & . Coupe du cordon suspenseur. (14 6 et 7. Coupe du second et du dernier tour d’une coquille adulte. 8, Montre le changement brusque d’ornementation de la coquille. HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ TYPE NOUVEAU DE CRUSTACÉ PARASITE : PAR HENRI DE LACAZE-DUTHIERS Membre de l’Institut de France, Il y à déjà longtemps que, pendant les nombreuses excursions à la mer que j'avais eu l’occasion de faire pour mes études sur la repro- duction du Corail, j'avais rencontré un crustacé singulier dont l'his- toire intéressante aurait dû être publiée. Parmi les richesses zoologiques rapportées par les engins des corailleurs et sur lesquelles j'avais des notes très étendues, bon nombre d'espèces méritaient d'être encore observées ; la ZLaura Gerardiæ, objet du présent travail, était de ce nombre. Dans une com- munication succincte faite à l'Académie, dès 1866, je m'étais contenté d'esquisser quelques-uns des traits importants de l'histoire de cet” animal. En 1873, une occasion m'était offerte de revenir en Afrique et d'étudier de nouveau la Laura. J'ai été assez heureux, dans cette campagne, pour retrouver les animaux que je désirais avoir ; aussi puis-je en publier lhistoire à peu près complète. Il. STATION. La Laura habite un Antipathaire qui a été décrit sous trois noms différents, suivant qu'on l’a trouvé desséché dans les collections avec ou sans son enveloppe animale, ou bien qu'on l'a étudié conservé dans des liquides. Desséché et couvert de ses polypes, ses rameaux sont tuberculeux; c'est alors la Gorgonia luberculata de La- { Ce travail est extrait des Mémoires de l’Académie des sciences, où 1l à paru 2n extenso accompagné de huit planches, 338 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. marck ; le polypier seul, sans la couche animale, est noir et lisse ; on l'appelle l'Anfipathes glaberrima. Quelques auteurs, ayant cru voir dans le vrai Antipathes glaberrima des différences suffisantes pour sé- parer ce polypier du genre Antipathes, ont proposé de faire du poly- pier de la Gerardia le genre Lœæiopathes Lamarckà (Milne-Edwards et Jules Haine). Enfin j'ai trouvé, dans les galeries du Muséum, des échantillons parfaitement conservés dans l’esprit-de-vin, dont les polypes, très bien épanouis, étaient étiquetés Palythoa. Toutes ces désignations sont impropres et doivent correspondre au genre Gerardia (H. L. D.); c’est lui qu'il faut chercher pour avoir le parasite. Il vit sur les fonds coralligènes et habite les mêmes loca- htés que le corail. La Laura se trouve beaucoup plus fréquemment qu'on ne pourrait le penser dans les musées, sur les échantillons de la Gorgonia tuber- culata de Lamarck. Quand les échantillons sont desséchés, on ne peut naturellement connaître que sa forme extérieure ; quand ils sont conservés dans l'alcool, il est possible de vérifier, dans beaucoup de cas, quelques- uns des faits importants d'organisation dont il va être question ; mais aussi le plus souvent les tissus deviennent cassants, et les dissections .de l'animal sont par cela même rendues difficiles. [IT La forme extérieure est celle d'un haricot, d'un rein dont le hile serait fortement accusé et dont l'épaisseur serait réduite à celle d'une lame (fig. 4 et 2). Le hile est toujours à l'opposé du point d'attache sur le polypier, el l’un des plans qui passerait par l'axe du polypier serait parallèle ou se confondrait avec le plan de surface du corps de la Laura. En un mot, le grand axe du corps en forme de rein est parallèle au polypier et jamais les deux directions ne sont perpendiculaires : elles peuvent être obliques l’une sur l’autre, mais c’est tout. Cette position est la conséquence du mode d'union- des deux êtres. La Laura vit complètement immergée dans les tissus de la Gerar-- dia ; elle ne présente qu'un point extrêmement limité qui soit nu. Ce point est situé vers le milieu de la longueur du grand dia- mètre, à l'opposé de la ligne d'insertion. Celle-ci s'établit sur à peu près toute l'étendue du bord convexe de la carapace ; c’est à cette HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 539 longue étendue de contact, entre le bord convexe et lepolypier, qu'il faut rapporter la position constamment parallèle et jamais perpen- diculaire à la tige de l'Antipathaire. Lorsque les polypes de la Gerardia qui recouvrent la Laura sont très épanouis, par leur nombre, leur taille et les grandes proportions de leurs tentacules, la forme et même la présence de la Laura sont presque complètement masquées : on croit avoir alors sous les yeux quelques-unes de ces dilatations irrégulières du polypier si communes dans les Gorgones. Mais, pour peu que les polypes se contractent, la forme rénale du parasite se dessine tout de suite. F1G. 1. — Laura de très grande taille; FiG. 2, — Laura vue de face. mais cependant de grandeur natu- Vers le milieu de la lon- relle. Vue de profil, elle est fixée, par gueur,on voit les tubercules le bord opposé au hile, au polypier moussus entourant. l’orifice d'une Gerardia G dont tous les poly- B de la carapace, Les polypes pes ont été enlevés. de la Gerardia ont été enlevés. Lorsque la Laura est complètement dénudée, on reconnaît que son enveloppe extérieure est d'un rose assez vif mêlé dans quelques-unes de ses parties d'un violet délicat et sombre. Cette teinte se mani- feste visiblement pendant le grand épanouissement des polypes de la Gerardia et quelquefois même malgré leur contraction sur la limite de chacun d’eux, tout comme, du reste, on voit la teinte noire du polypier là où celui-ci n’est pas sous une couche épaisse de sarco- some, par exemple dans les limites des bases polygonales des polypes. : 940 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Vers le milieu de la longueur du corps, sur le bord tranchant et libre, opposé à celui adhérant au polypier, dans la dépression qui, en ce point, constitue le hile, on voit un petit ovale que le sarco- some de la Gerardia entoure de toute part, mais ne recouvre pas ; au centre de cette surface, dont la teinte rose sur les animaux vivants décèle la présence, est une petite fente en boutonnière qui conduit dans la cavité de la poche ou sac renfermant le corps proprement dit du crustacé. Cet orifice n’est pas placé dans la partie la plus profonde du hile, il est entouré de plusieurs {ubercules ou mamelons disposés réguliè- reMmEnt. S1 l’on place la Zaura devant soi, en la posant sur le plat de sa surface et la regardant ainsi de profil, l’on ne découvre pas l’orifice ; mais on remarque que le hile est formé par une dépression brusque du bord libre qui rentre en se rapprochant de la ligne d’attache. Cette dépression simule de profil une échancrure et n'occupe pas exactement la moitié de la longueur du grand axe. Nous dirons qu'elle est un peu au-dessus de cette moitié, en considérant la partie du corps la plus courte comme étant supérieure. Le bord libre supérieur, en arrivant à l'échancrure, se termine par une saillie arrondie impaire et médiane, au-dessous de laquelle est l'échancrure, et plus bas encore se voit un avancement inférieur en forme de rostre également impair et médian et symétrique au premier. C’est près de l'extrémité supérieure de cette carène termi- née en rostre que s'ouvre l'unique orifice d'entrée de l'enveloppe ou carapace de l'animal. Entre les deux extrémités rostrales du bord libre et qui séparent, comme on le voit, en allant de haut en bas, d’abord l’échancrure de la dépression formant le hile, ensuite l'orifice, se groupent cinq autres tubercules qui entourent l'ouverture et se trouvent par cela mème au-dessous de l’échancrure. Ces tubercules sont disposés de la facon suivante : l’un est mé- dian et fait face au rostre supérieur, il est immédiatement au-dessus de l'ouverture d'entrée. Les quatre autres sont disposés par paires : la paire inférieure est la plus voisine de la ligne médiane, tandis que la supérieure est plus écartée. En définitive, en regardant de face le bord tranchant libre de la Laura, on voit, vers le milieu de la longueur, une série de bosselures HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ, 041 dessinant, dans leur ensemble, une sorte de figure cordiforme rap- pelant grossièrement un cœur de carte à jouer, dont la pointe est inférieure et recouverte par l’arête qui remonte jusque vers son mi- lieu, dont la base est supérieure et occupée par un mamelon, et dans le centre duquel se montre la fente ou entrée en boutonnière longitudinale ayant à ses côtés inférieurs deux autres mamelons plus petits et fort voisins de la fente. S'il existe d'autres espèces de Laura, il est probable que dans les particularités de détails de forme et d’agencement de cette partie on trouvera des caractères spécifiques. La surface plane des deux côtés de la Laura est extérieurement lisse et unie. Si elle présente parfois quelques inégalités et quelques lignes blanchâtres ou Jaunâtres, il faut les attribuer à des organes intérieurs placés au-dessous d'elle. On ne voit rien de plus à l'extérieur de cette coque aplatie, dans l’intérieur de laquelle il faut pénétrer pour reconnaître un animal avec sa forme caractéristique d'animal articulé. IV Le corps proprement dit est tout à fait caché. Pour le voir dans sa position naturelle il importe de séparer sa coque du polypier auquel elle adhère. Il suffit de prendre la première par l’une de ses extré- mités, et de tirer en sens inverse à la fois sur elle et sur le po- lyvpier. Les deux se détachent sans déchirures, bien qu'il se soit établi une véritable adhérence due à un contact fort intime et quel- quefois à une soudure résultant du dépôt de quelques lames de tissu du polypier sur l’arête courbe arrondie et convexe de la coque. Ceci explique pourquoi on trouve souvent sur des tiges de Gérardia des sortes de sillons, bordés de deux lames, dus au recouvrement par- tiel d'une coque déchirée d’une Laura morte et en partie disparue. Quand la coque est libre, pour respecter le corps proprement dit il faut inciser suivant le bord adhérent, c’est-à-dire à l'opposé du bord présentant le hile. Il est facile, du reste, de déchirer la paroi de la coque, car elle est cassante, et dès qu'on a fait une ouverture sur son bord, assez grande pour pouvoir introduire les mors d'une pince en opérant des tractions en sens inverse sur les deux lèvres de l'in- cision, la déchirure qu'on produit suit assez exactement le bord con- vexe. J'aimerais presque à dire qu'on sépare, comme deux valves, 942 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. comme deux moitiés d’une Carapace qui se seraient unies et auraient formé ce bord. Il est de fait qu'il est facile de partager très exacte- ment en deux moités la coque de la Laura et d'étendre à droite et à gauche ses deux moitiés. Je ne puis oublier l'impression et l'étonnement que la vue d’un #1G. 3.— La carapace de la Laura a été coupée perpendiculairement à son grand axe, mais en arrière en passant par l'orifice B de la carapace. De la sorte, on a respecté le corps de l’ani- mal, qui parait suspendu par deux appendices symétriques et latéraux. On voit le petit crustacé L par le dos. La tête est cachée en dessous. petit articulé, d’un petit crustacé fixé par un point seulement de son corps, me fit éprouver la première fois que j ouvris une coque de la Laura! Tout d'abord je songeai à un crustacé parasite comme on en trouve tant et logé dans le corps d’un animal transformé par l’action de son parasitisme. J'avais aussi supposé un moment que la Laura, introduite dans les tissus de la Gérar- dia, avait causé chez celle-ci un épais- sissement des tissus tout autour de son habitation, un véritable kyste à parois résistantes et cartilagineuse ; mais- il me fallut bien vite abandonner ces idées, fort naturelles cependant, en pré- sence des faits anatomiques qui se pré- sentaient à mesure que je pénétrais dans l’organisation. Une parcelle de la coque, portée sous le microscope, montrait une structure toute spéciale, et l’adhérence du crus- tacé n’était point de celles qui sont pro- duites par des crochets ou des suçoirs dus à des modifications des pièces de la bouche et des pattes. Il était facile de reconnaître des organes fortimportants, logés en grande partie entre les deux lames de la coque et de recon- naître que la tête était libre. Mais la disposition des membres ne pouvait expliquer les rapports de l'animal avec son enveloppe, Le corps du crustacé avec ses segments et ses appendices latéraux est fortement courbé en arc. Sa tête et son extrémité inférieure sont très rapprochées, on compte facilement huit segmentalions ou annelures en arrière du point d'attache. Les membres sont inchinés HISTOIRE DE LA LAURA GERARDLEÆ. 543 en bas, mais l'extrémité anale de l'animal, formée de deux segments, remonte vers la tête, qui s'incline fortement en avant. Supposons que l'on ait ouvert suivant son bord adhérent une coque de Laura, on verra alors seulement le dos convexe du petit animal, La partie supérieure paraîtra plonger sous des membranes qui la cachent entre les faces internes des deux moitiés de la coque ; en bas, on verra les deux derniers articles qui se relèvent en arrière ; le dernier surtout, vu de face, paraîtra formé de deux moitiés symé- triques et latérales. Sur les côtes, les extrémités libres des six paires de pattes, dont la description va nous intéresser à un haut degré, se recouvrent en se dirigeant en bas et en arrière. Pour mieux apprécier la position du corps et ses nr e avec la co- que, on doit enlever l’une des deux moitiés de celle-ci, et il estbien de séparer d’abord la couche molle interne, ce qui s’accomplit facilement: mais, dans cette opération, on éprouve dans un point, au voisinage du hile, une grande résistance. C’est que là un fort paquet musculaire s'insère sur la coque. Lorsque l’on aura rompu les attaches de ce muscle et que l’on aura divisé exactement sur la ligne médiane la coque, dans toute l'étendue du hile, en ne laissant qu’une moitié à partir des bords de la fente, on reconnaitra fort nettement les rap- ports des parties, surtout si, avec des ciseaux fins, on coupe exac- tement les couches molles tout autour de l'union du corps et de la coque, mais d'un côté seulement. Alors l'animal se présentera de profil, et l’on appréciera très exactement sa position et ses rapports. Un peu au-dessus et très en avant de l'union de l'animal et de sa coque, est la tête, fort petite, entièrement libre, mais très infléchie en bas. Sa description est difficile, nous devrons la préciser. Dans cette position, on peut remarquer que la tête répond à peu près au tubercule médian, qu’on a vu entre la limite supérieure de la fente de l’orifice et l’échancrure la plus profonde du hile dans la base de la figure cordiforme. Les deux insertions des masses musculaires se font dans les tuber- cules latéraux formant la base de la partie cordiforme. Enfin les deux pièces symétriques terminales formant le dernier anneau, si l'on veut la queue du corps, correspondent exactement à l’orifice de la carapace. En considérant l’animal de profil, préparé ainsi qu'il vient d'être dit, on se rend un compte exact de sa position, et l’on peut dire 044 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. qu'il est suspendu dans la cavité de la coque, que j'appellerai dé- sormais /a carapace, par la partie postérieure de son cou, ou mieux par la partie immédiatement postérieure de sa tête, ou bien encore par la peau de sa nuque et par les deux extrémités d’un fort paquet musculaire transversal passant au-dessus de la première paire de pattes et au-dessous de la tête. Lorsqu'on veut comprendre, encore mieux que les préparations précédentes ne permettent de le faire, la condition générale de l'existence de la Laura, 1l faut enlever complètement, sur les deux côtés, Les tissus et la carapace, et alors on n’a plus que le petit crus- tacé, ayant entre son dos et sa tête une plaie correspondant à l'insertion des membranes et de chaque côté l'épanouissement terminal de l'insertion du muscle transversal (fig. 6). + On peut alors retourner l’animal dans tous les sens et voir sa tête fortement fléchie vers la racine des premières paires de pattes. Si l’on fait deux coupes de la carapace perpendiculairement à son grand axe au-dessus et au-dessous du hile, on ne touche pas au corps proprement dit de la Laura, qui se trouve ainsi placé et comme suspendu au milieu d'une double et grande cavité, en partie dor- sale, en partie abdominale (fig. 3). y Résumons cette description générale. | Le corps en forme rénale qui est plongé dans le sarcosome de la Gérardia peut être considéré comme une carapace, formée de deux écailles soudées sur la ligne médiane. Entre ces deux valves ou écailles vit, suspendu par sa nuque, un petit être offrant la forme et les caractères d’un crustacé. L'ouverture placée à l'opposé du bord adhérent n'est probable- ment qu'un reste de la séparation des deux valves existant pendant la forme cypridienne, et la carapace, dans son développement, a pris des proportions telles, qu'elle a profondément modifié ses rapports avec le crustacé. Dans l’état adulte, celui qui sert aux présentes descriptions, le hile répond à la face antérieure ou abdominale. La tête de l'animal est voisine de la portion la plus profonde du hile, et la queue ou extré- mité du corps correspond à l'ouverture de la carapace, laquelle est placée immédiatement au-dessus du rostre inférieur du hile. Dans HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 045 ces conditions, c'est le côté dorsal de la carapace qui est adhérent, c'est le bord antérieur qui est libre. Il est évident qu'à l'origine l'animal n’était point infléchi aussi fortement qu'il l'est à l’état adulte, et que sa carapace lui était atta- chée par la partie dorsale intermédiaire à la tête et à l'abdomen. Telle est l'idée générale qu'il faut se faire de l'être singulier dont nous allons étudier l’organisation. Les proportions du corps proprement dit ne dépassent guère 1 centimètre, quand on prend la plus grande distance entre la tête et la queue. Si l’on redresse l'animal, sa longueur augmente natu- rellement un peu. Quant à la carapace ou test, elle présente de 2 à 3, quelquefois 4 centimètres dans sa plus grande étendue. VI Etudions d’abord les organes de la relation. La carapace est formée d'une partie dure cartilagineuse, la plus extérieure, et d'une couche molle qui limite sa cavité interne ; c’est entre ces deux lames que sont logés le foie et l’une des glandes gé- nitales (voir fig. 3, F, foie, Ov, ovaire), ainsi qu'un réseau vasculaire fort riche. La partie externe a une consistance carülagineuse et une certaine épaisseur ; lorsqu'on en enlève un lambeau à l'aide de ciseaux fins, on voit d'abord qu'elle offre une résistance particulière qui, sans être très grande, n’en rappelle pas moins celle des tissus auxquels je la compare ; elle est un peu cassante, de sorte que si l’on tire légère- ment et obliquement sur elle, elle se fendille irrégulièrement comme si elle se cassait en se déchirant. Vue à un faible grossissement sa face externe paraît toute hé- - rissée de petits points saillants, qui ressemblent à des étoiles, car de leurs sommets partent en tout sens des filaments radiés. Quand on a exactement enlevé le tissu et les polypes de la Gérardia, la carapace paraît, ainsi qu'il a été dit plus haut, d'un rose assez vif et les petits points étoilés qu'on vient d'indiquer semblent offrir une coloration un peu plus intense, ce qui parait tenir à l'existence dans ces points d'une épaisseur plus forte de la couche dure. Il faut successivement observer à des grossissements de plus en plus forts ces parties, pour se rendre un compte exact de leur struc- ture. L'observation de la carapace a un intérêt particulier. ARCH. DE ZOOL. EXP, ET GÉN. — T, vint, 1879 et 1880, 35 546 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. Sur la face interne on trouve, correspondant aux petites étoiles, autant de petits orifices tantôt circulaires, tantôt ovalaires, et dont le pourtour semble s'élever en un bourrelet régulier. Le diamètre de ces orilices varie entre 2 et 13 centièmes de milli- mètre. Le bourrelet qui paraît les entourer est plus vivement coloré que le reste et contribue à donner à la teinte générale une nuance plus foncée. Le centre de l’orifice est incolore et transparent. Autour de ces apparences de bourrelets restent attachés les débris du tissu cellulaire et conjonctif, unissant la face interne de la lame externe de la carapace aux vaisseaux, au foie, et aux autres éléments constituant la doublure molle interne. Du côté extérieur, 1l existe aussi un orifice correspondant à cha- cun de ceux qu'on vient de voir sur la face intérieure présentant non plus une cavité libre, mais un appareil relativement assez compliqué. La limite de ses bords est, comme en dedans, très nettement taillée à pic et de même circulaire ou ovale, suivant la forme, mais fermée par une membrane mince et transparente. Sur son pourtour naissent quatre, cinq et jusqu’à dix appendices radiés se dirigeant dans tous les sens, à peu près parallèlement à la surface de la carapace. Leur limite interne, par rapport à l’orifice, correspond à la limite de l’orifice central même ; par conséquent leur base étant fixée au-dessus du bourrelet, l'orifice externe paraît avoir un diamètre bien plus petit que l'orifice interne ; aussi aperçoit-on en dessous et tout autour de leurs bases d'insertion l'apparence d’un bourrelet qui paraît garnir l'ouverture interne. Ainsi donc la carapace est criblée d’un nombre infini de petits con- duits dont les deux orifices présentent une disposition différente ; celui du dedans a une ouverture simple et celui du dehors est fermé par une membrane obturatrice et entouré de filaments déli- Cats. Les appendices ou filaments étoilés de orifice externe sont libres dans toute leur étendue et, comme les orifices auxquels ils appar- tiennent sont rapprochés, ils s’entre croisent et forment une sorte de chevelu à la surface externe de la carapace. . En soumettant à un grossissement de cinq à six cents fois chacun de ces filaments, on reconnait que leur centre est occupé par un pelit canal relativement fort étroit, ayant à peine pour diamètre un HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ,. 547 dixième du diamètre total, ce qui indique une forte épaisseur. Ce canal se prolonge d’un bout à l’autre du filament, depuis l'extrémité libre jusqu’au centre de l’orifice, où tous les canalicules d'une même étoile viennent se réunir et s'ouvrir dans un cul-de-sac formé sous la membrane mince qu'on à vue clore l'orifice externe. Cette disposition, aussi remarquable que spéciale, nous conduira à l'interprétation du mode de parasitisme et de nutrition si particu- lhiers de la Laura. Les filaments rejetés en dehors ne paraissent, dans aucun cas, se redresser et devenir perpendiculaires à la surface de la carapace ; ils lui sont au contraire à peu près parallèles. Leur nature est semblable à celle de la carapace et leur consistance est cartilagineuse ; ils sont transparents et laissent voir très clairement leur conduit central. Ce conduit semble avoir comme un double contour, lequel paraît dù à un prolongement du tissu général conjonctif dans son intérieur. Cela paraît aussi démontré par la disposition qu'on observe dans le centre même du cércle que hmitent les bases d’insertions des fila- ments autour de l’orifice externe étoilé. + Chaque canalicule intérieur dépasse en effet la base du filament qui le renferme, se prolonge un peu vers le milieu de la lumière de l'orifice et puis s’unit à son voisin : de là résulte une figure irrégu- lière inscrite dans le cercle fort régulier de l’orifice, présentant des angles saillants correspondant chacun à l’un des canalicules des fila- ments. Cette disposition, jointe à l'apparence d’un double contour dans le canalicule, conduit à elle seule à supposer qu'une duplica- ture de la membrane fermant l'orifice externe, après avoir formé un cul-de-sac central, se prolonge en dedans dans chacun des fila- ments. Si l'on applique la méthode des coupes et des colorations à l’étude de la texture intime de la carapace on obtient des résultats d'une grande netteté. Le tissu cartilagineux se colore vivement par l'emploi de la pur- purine dissoute dans la glycérine. Quand la coloration de toutes les autres parties est encore hésitante, si l’on place la préparation dans la glycérine pure, les tissus, soit de la Gérardia, soit cellulaires, con- jonctifs ou vasculaires de la couche interne de la carapace de la Laura abandonnent assez promptement leur couleur au liquide ambiant, mais la couche cartilagineuse retient la belle teinte violette rosée D48 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. caractéristique de la purpurine et la distinction des parties s’accuse alors très clairement. Le picrocarminate rend aussi la distinction bien évidente, Si l’on ne laisse point réagir trop longtemps le réactif, si l’on lave la prépa- ration, tous les tissus autres que le cartilage de la tunique sont et restent roses, le cartilage seul est coloré en jaune. L'emploi de ces deux réactifs est donc fort utile. Mais à l’aide de l’ammoniure de carmin, de l’éosine, etc., on ob- tient aussi de très belles préparations, qui permettent d'établir les faits suivants : Les canalicules intérieurs des mamelons étoilés sont taillés à pic dans la lame cartilagineuse, ils s’évasent un peu à la face interne, tandis que leurs bords s'élèvent dans les mamelons coniques vers la surface externe. Les coupes transversales ne laissent aucun doute à cet égard. C'est du sommet de ces petits cônes que partent les filaments étoilés. Chaque monticule s'accuse avec la plus grande évidence dans les coupes perpendiculaires à la surface. Avec de forts grossissements et la lumière oblique, on voit dans le tégument les stries d’accrois- sement par couches ondulées. Ces couches se relèvent de la face plane jusqu'au sommet des cônes. On peut s'expliquer cette apparence en examinant normalement la face interne de la carapace. On la voit très finement granulée. Chacune des très petites bosselures déterminée par les granulations qu'elle présente est la cause des ondulations des couches que la coupe fait reconnaître sous la forme de stries ondées. Dans les préparations bien colorées, on peut exactement recon- naître, immédiatement au-dessous de la face interne de la couche car- tilagineuse, une bande cellulaire, dont la description sera faite plus loin et qui est un vaisseau capillaire, duquel s'élèvent des prolon- gements de même nature qui pénètrent dans le canalicule cen- tral du monticule. Dans les coupes, on observe aussi avec une grande facilité le tissu cellulaire, appartenant à la Gérardia, entourant de toute part les sommets des monticules et les filaments étoilés. Ceux-ci sont immer- gés dans ce tissu de cellule que recouvre une couche fort épaisse d'une nature toute spéciale. Les relations de la Laura et de la Gérardia sont maintenant simples HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIEÆ. 249 à expliquer. En étudiant les organes de la circulation, on verra qu'il existe, dans l'épaisseur des tissus mous doublant intérieurement la carapace, un réseau capillaire d'une grande richesse, entourant tous les organes et y laissant des espaces que remplissent les liquides nourriciers, mais aussi des capillaires d'une ténuité ex- trème. Ces espaces et ces capillaires se trouvent dans le voisinage des organes et aussi des orifices inférieurs des organes étoilés. Ceux-ci sont donc directement en communication, par leur ouverture in- Lerne, avec les cavités où circulent les liquides nourriciers de l’ani- mal ; et, comme les pertuis de la carapace se prolongent pour ainsi dire en une foule de filaments, on peut dire que, par toute la surface extérieure de sa carapace, la Laura envoie, dans les tissus de la Gérardia, des milliers de radicelles, qui sans doute sont destinées à puiser des liquides nourriciers. On verra plus loin que les organes de la digestion ne semblent guère bien disposés pour pourvoir à l'alimentation directe, et que le mode particulier de nutrition que nous indiquons ici peut expliquer comment les organes de la digestion offrent une disposition spéciale et cominent le système tégumentaire doit suppléer à leur insuffisance. La carapace est bien évidemment une dépendance des téguments ; mais, si on la considère comme étant le résultat d'un grand déve- loppement et de la soudure des deux valves datant de la forme cypridienne, il faut bien, puisque toujours il y a un orifice, regar- der la surface interne de la cavité comme dépendant aussi des téguments ; de plus, cette enveloppe générale renferme le corps du crustacé, qui est dans un milieu sans doute limité, mais communi- quant cependant avec l'extérieur. On doit donc rapporter la carapace aux téguments ; voir en elle une immense duplicature de la peau entre les deux lames de laquelle se sont glissés des organes et dont la lame externe est dure et résistante, tandis que la lame interne est restée molle et délicate. Quand on ouvre une Laura et qu'on écarte les deux moitiés de sa carapace, on est frappé de l'apparence que présente sa surface interne; elle est tout autre que celle qu'on vient de voir. Sa couleur est d'un brun-chocolat très vif et très intense, rehaussée d'une nuance terre de Sienne à ton très chaud, mais elle est plutôt semée par petits îlots fort rapprochés que régulièrement étendue en couche uniforme. Du reste, dans toute la surface, des teintes JOÛ HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. blanches et jaunes laissent deviner l'existence de glandes placées au-dessous d'elle. | Cette membrane limitante interne n’est pas hsse ; elle forme des plis longitudinaux qui ne sont pas très éloignés et qui semblent de longs bourrelets saillants sur sa face libre, dont le volume et l’éten- due dépendent beaucoup de l’état de vacuité ou de plénitude des organes sous-jacents. Par une légère macération, obtenue très vite dans les pays chauds, il se détache de toute la surface interne une pellicule mince, trans- parente, dans laquelle on ne peut voir d’abord qu'une cuticule anhiste et extrêmement délicate. Des prolongements grêles, courts, coni- ques et nombreux, sont disposés sans ordre sur cette surface, qui peut donc être considérée comme couverte de poils. Il faut un gros- sissement de 500 diamètres pour reconnaître ceux-ci. Si l’on n'y voit point d'organisation cellulaire évidente, par les imbibi- tions on y découvre des noyaux faisant saillie du côté des tissus, à l'opposé des poils, et indiquant évidemment une origine cellu- laire. Cette cuticule jouit indubitablement d’une certaine élasticitée ; car, abandonnée à elle-même, elle se ride immédiatement, et c’est à cette élasticité qu'il faut rapporter en grande partie les plis dont il a été question. On peut, sur les bords de ces plis, constater facilement l'épaisseur de la membrane et la présence de poils à sa surface. Dans une coupe optique, la membrane'se manifeste par une ligne ou bande trans- parente bordant de chaque côté la matière colorante formant bour- relet et séparant celle-ci de la base des poils. | Dans les coupes directes de la carapace, on rencontre toujours cette membrane fort mince, avec ses deux éléments opposés par leur position : les poils et les noyaux. Immédiatement au-dessous de cette cuticule, est une couche pigmentaire dont les cellules donnent la couleur à la face interne de la carapace. Ces cellules mesurent de 1 à 2 centièmes de milli- mètre de diamètre ; elles sont polyédriques et se montrent sous des aspects assez différents, tenant à la disposition des granulations qu'elles renferment. Tantôt leurs granulations sont assez nombreuses pour les remplir presque complètement; elles paraissent alors avec une teinte foncée ; mais, dans d'autres cas, il semble qu'un noyau transparent occupe HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ, ob leur milieu et refoule les granulations vers la paroi en les écartant du centre. Si l’on choisit une des cellules renfermant le moins de granulations, on voit celles-ci se mouvoir d'un mouvement brownien très vif, très remarquable, qui continue encore lorsque les cellules, crevées par endosmose, les répandent dans le liquide de la préparation ; et, chose curieuse, ce mouvement reprend avec une grande vivacité sur les cellules des animaux conservés dans l'alcool, après plusieurs an- nées, pourvu qu'elles restent quelques jours dans l’eau pure. Peu de temps après que les cellules ont été mises dans l’eau, on voit s’accomplir un déplacement assez curieux de leur contenu : dans les unes, la matière pigmentaire se porte vers la paroi, et alors le noyau, où mieux le centre transparent, semble augmenter, pour occuper la plus grande partie de la cellule ; dans d’autres, les granu- lations se réunissent au milieu, et y forment un petit amas de cou- leur très foncée et d'apparence nucléolaire. Telles sont les couches qui limitent extérieurement et intérieure- ment la carapace. Examinons ce que sont les parties placées entre ces deux lames fort différentes, on le voit, dans leur consistance, leur couleur et leur structure. | il ne faut jamais perdre de vue qu'entre ces deux lames limitant la carapace, serpentent et se ramifient des vaisseaux sanguins qui se terminent en un réseau capillaire à mailles fort serrées, et qu’en outre deux glandes importantes et volumineuses y introduisent aussi leurs cæcums sécréteurs gros et longs. Tous ces organes sont tenus dans leur position respective par de nombreuses cellules, de toutes grandeurs et de toutes formes, dont le contenu est un assemblage de petits globules rappelant des glo- bules vitellins transparents ou des gouttelettes sphériques et petites de matière grasse, au milieu desquels on découvre un noyau, qui est d'autant plus visible à l’état frais que ces globules sont moins nombreux. L'ensemble de ces éléments constitue le tissu con- jonetif. On trouve encore, de loin en loin, des amas de cellules, toutes contiguës, sphériques, sans les prolongements habituels. Elles sont rapprochées, mais non assez serrées les unes contre les autres pour devenir polyédriques. Le corps du petit crustacé suspendu dans la carapace, présente 502 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. des annelures marquées, mais n'est pas incrusté de cette matière dure le rendant crustacé à proprement parler. Le nombre des anneaux du corps est de onze, d'assez inégale grandeur ; si l’on compte la tête et les deux valves caudales ou ter- minales du corps pour un anneau, le nombre total serait de douze. La tête et le premier anneau sont séparés par une grande étendue qu'occupent les attaches du corps à la carapace. Du côté du dos, les deux premiers anneaux se relèvent en bosse de polichinelle vers le haut et font une saillie qui, variable du reste avec les individus, n’en est pas moins toujours constante et très marquée. (Voir fig. 4, p. 555.) Les troisième, quatrième, cinquième et sixième anneaux sont les plus grands après les précédents, et se recouvrent réciproquement par leurs bords postérieurs. Ils diminuent progressivement et insen- siblement de diamètre. Le septième remonte vers le haut et s'élève à la hauteur du cin- quième ; le sixième est le premier d’une série qui descend plus bas: c'est, comme on le voit, à partir du septième que se produit la se- conde inflexion ; le huitième est le plus élevé de la partie caudale, et les neuvième et dixième redescendent rapidement, de façon à décrire, avec les deux appendices terminaux, un second are dont la con- cavité est en sens inverse de l’arc décrit par la première moitié du Corps. | Le corps est donc courbé deux fois comme un $. Une dernière fois sa concavité est tournée en avant, et les deux extrémités de l'arc, représentées par la tête et le huitième segment, arrivent presque à se toucher, tant l’inflexion est grande. Une seconde fois, l'arc formé, est ouvert en bas et en arrière, compris entre les deux éléments ter- minaux et le sixième segment-du corps ; il décrit tout au plus une demi-circonférence. En somme, le corps est courbé en $, mais l’une des courbures, la supérieure, est Imcomparablement plus forte et plus grande que l'in- férieure. La flexion de la tête sur l'abdomen est quelquefois si con- sidérable, que, sur les animaux conservés dans l’alcool, en les regar- dant par la face abdominale, la calotte céphalique vient au contact de l'extrémité supérieure des deux pièces terminales anales. Le bord inférieur de chacun des segments à partir du quatrième où cinquième est porteur de poils fins qu’on ne voit guère qu'au microscope, à un fort grossissement. Ges poils sont surtout accusés HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 993 sur les derniers segments et particulièrement sur les deux parties terminales, Les anneaux huitième, neuvième et dixième sont cylindro-coni- ques et ne portent pas d'appendice. Le onzième est formé de deux moitiés allongées symétriquement latérales, rapprochées comme deux valves plus larges à leur base qu'à leur extrémité libre, échancrées sur leur bord antérieur, cou- vertes également de petits paquets de poils et en définitive terminées chacune par quatre gros cirrhes inégaux dont les postérieurs sont les plus grands. Du tissu conjonctif, le même que dans la carapace, existe dans le corps et unit les organes dont la description viendra plus loin en son lieu. Quand on traite l'animal par la solution de potasse, on voit bien- tôt les parties devenir transparentes, comme c’est l'habitude, mais aussi l’on voit se dessiner très nettement des paquets de fibres mus- culaires. Ces paquets de fibres sont striés et symétriquement disposés de chaque côté ; ils se croisent comme les branches d'un #, dont le point d'entre-croisement serait sur la ligne d'union de deux segments voisins ; on reconnaît, en les voyant, qu'elles ont pour but les mou- vements des anneaux les uns sur les autres, puisqu'elles s'insèrent sur les parties chitineuses de deux anneaux contigus. Il nous reste à parler d’un muscle occupant une place toute spé- ciale et qui ne doit avoir d’autres fonctions que de faire mouvoir le corps de l'animal dans la carapace et peut-être de faire bâiller l’ou- verture unique de celle-ci. C'est un muscle digastrique dont les deux ventres semblent unis sur la ligne médiane par un cordon tendineux et relativement très grêle. Les deux masses diminuentrapidement en se rapprochant de la ligne médiane et deviennent coniques. Elles vont au contraire en grossis- sant à l'extérieur et s’attachent par une très large base dans le fond des deux tubercules latéraux, qu'on a vus sur les côtes du hile, former la base de la figure cordiforme entourant l'ouverture. Il est possible que ce muscle digastrique en se contractant vigou- reusement puisse faire rapprocher de la ligne médiane les deux tn- bercules dans le fond desquels ils s’insèrent, et par suite, que la partie de la carapace leur correspondant ait une tendance à l'apla- D04 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. tissement: alors les deux lèvres de l’orifice doivent s’entr'ouvrir. Il peut se produire à la suite de ce mouvement et des con- tractions du corps une agitation et un déplacement du liquide contenu dans la carapace, et, l’orifice étant en ce moment béant, l'eau contenue dans l'intérieur peut être renouvelée au grand béné- fice des embryons qui se développent et séjournent dans cette cavité. Quoi qu'il en soit de l'interprétation des fonctions de ce muscle, il est utile de tenir grand compte de sa présence dans les études anatomiques de la Laura, car il occupe une place beau- coup trop centrale pour n'être pas à chaque instant rencontré, quand on dissèque ou détache l’animal de sa carapace. Il est placé immédiatement au-dessous de la tête, et l’on pourrait considérer la forte inflexion de la première courbure du corps comme s'accomplissant tout autour de la partie tendineuse ou mé- diane de ce muscle, ainsi qu'autour d’un axe. Les membres sont au nombre de six paires. IS pourraient tout aussi bien être décrits à propos des organes de la reproduction, en raison des relations fort intimes qu'ils ont avec ces organes, qu'à propos de la locomotion. Certainement leur rôle dans la reproduction est bien plus important que dans la locomo- Lion, du moins dans l’état adulte, c’est-à-dire dans l’état que nous décrivons. 51 de nouvelles espèces sont plus tard reconnues, il sera certaine- ment utile de tenir compte des moindres particularités de détails que présentent les membres, afin de trouver un critérium propre à faci- liter les distinctions spécifiques. L'on compte six paires de membres. La première appartient évidemment au premier segment et se voit smmédiatement au-dessous du point d'attache du corps à la cara- pace. Longue, grêle, elle présente un talon énorme et est liée à la reproduction par ses rapports directs avec l'organe femelle. Après cette première paire, on en trouve quatre appartenant aux quatre segments suivants du corps. Celles-ci ont un rapport encore plus intime avec la reproduction, elles renferment les glandes mâles dont la description va suivre. Elles sont, du reste, comme la précédente, un peu courbées ; à convexité, regardant en avant: et offrent comme elle un talon et des éléments organiques semblables, mais avec des proportions différentes. HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ, 555 Enfin la sixième paire est courte et ressemble à une palette ; elle n'a plus aucun rapport avec les organes de la reproduction ; aussi n'a-t-elle pas de talon. Tous les membres sans exception, à part la disposition spéciale qui est propre aux organes de la reproduction, présentent une com- Fic. 4. — Laura fortement grossie vue de profil du côté droit dans la position qu'elle occupe dans sa caparace, Cr, dont il n'a été contenu qu'une faible partie; B, orifice de la carapace ; T, tête; À, autennes; Ai, aiguillon ; 1, intestin ; An, partie anale ; F, foie; Ov, ovaire ; Od, ovi- ducte transversal; Or, orifice femelle; OE, œuf; Po, patte de la première paire femelle; Pt, 4 pattes testiculaires. position identique. Tous ont un revêtement chitineux et résistant, analogue à celui du corps, semblable à celui qu'on rencontre chez les crustacés parasites. La surface de ce revêtement porte dans toute son étendue de très nombreux petits paquets de poils, disposés absolument de même, 906 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. implantés côte à côte, suivant une ligne un peu courbe ou droite, au nombre de 4, 6, 10, dont la direction est perpendiculaire à l’axe du membre. Ces poils sont disposés comme autant de petits peignes. Leur nature est chitineuse et ils ressemblent en cela aux poils qu'on voit sur les carapaces des crustacés. Vers les extrémités des pattes, des cirrhes forts, et quelquefois multiples, se montrent en nombre variable. Enfin la sixième paire, celle qui est la plus rapprochée de la ter- minaison anale du corps, offre des caractères absolument différents de ceux qu'on vient de voir dans les précédentes. N'ayant aucune re- lation avec les organes reproducteurs, elle ne présente plus cette apparence particulière que donne la présence soit du testicule, soit de l'oviducte dans leur intérieur. Il y à donc des pattes de trois espèces : les premières, grêles, lon- gues, garnies de deux cirrhes seulement; les quatre suivantes, gros- ses et gonflées surtout à leur base, ayant des cirrhes, grands, varia- bles, mais toujours au moins au nombre de trois ; enfin, la dernière ou sixième, simplement poilue, et moins volumineuse que les autres. Les cirrhes terminaux sont garnis de deux rangées de poils extrè- mement délicats que l’on ne voit qu'avec de forts grossissements. Ceux de la première paire sont également barbus, mais les poils qu'ils portent sont encore plus déliés et moins visibles. Les articles des pattes ne sont pas faciles à limiter, quelques plis ou rides de l'enveloppe externe peuvent seuls en indiquer la sépara- tion. On doit, je crois, en admettre trois. Le premier terminal se voit à mi-chemin de l'extrémité au renflement que déterminent les glandes génitales ; un second ou moyen compris entre ce premier et le renflement génital, enfin un troisième ou basilaire renferme les glandes. Mais ces limites, qui sur quelques individus semblent fort pré- cises, ne sont pas aussi nettes et aussi faciles à déterminer dans tous les cas. La transparence des tissus et des téguments des pattes permet d'étudier, même à des grossissements assez forts, l'organisation in- terne, sans autre préparation qu'un peu de compression. Sur les bords, on aperçoit un double contour dû à l'épaisseur de l'enveloppe chitineuse et de la couche du tissu mou formé de cellules qui tapisse celle-ci. En faisant varier la distance focale, on reconnaît avec facilité un réseau tout à fait semblable à HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 597 celui qui a été décrit entre les deux lames de la carapace, réseau dont les cellules, plus clairsemées, sont remplies de granulations fines, le plus souvent jaunâtres, ayant aussi quelques-unes et la couleur teinte neutre et les prolongements anastomosés, comme on l’a déjà vu. | Le noyau clair est évident, à peu près, dans toutes les cellules, et les granules formant le contenu sont plus petits que dans les cellules de la carapace. On observe encore bien clairement la présence de paquets mus- culaires déliés, composés de fibres longues, grosses et très nette- ment striées transversalement à l'état frais. La tête est petite et fort difficile à analyser ; à elle appartiennent la bouche et les antennes. Quand on regarde par sa face antérieure le corps du crustacé, en dessus et tout près de sa dernière courbure qui constitue la dernière partie du corps on découvre sur la ligne médiane un petit globe offrant en haut un sommet pointu, et en bas deux tubercules pairs. C’est la tête qui semble s’enfoncer entre les plis de la membrane interne de la carapace venant finir à la nuque ou partie postérieure du cou. C'est avec beaucoup de difficultés, sous une loupe assez forte, que de chaque côté de ce petit globe céphalique l’on découvrira les deux antennes. Elles s’attachent dans le fond d’un sillon latéral à la tête et ré- pondent à la partie supérieure et rétrécie du globe céphalique. On peut leur compter trois articles. Un basilaire court se dirigeant en haut; un second, moyen, faisant suite à celui-ci, se dirigeant en bas, c’est le plus long ; enfin un dernier marchant en sens Imverse du précédent, et se portant en haut par conséquent. Le troisième, en partant de la base, donne attache à deux cirrhes, quelquefois trois, dont un très petit et un plus grand; celui-ci termine l'antenne et devient quelquefois assez gros pour imiter un quatrième ar- ticle. Reste enfin le système nerveux. Les détails qu'il est possible de donner sur cette partie de l'orga- nisme ne sont pas très étendus. En dessous de l’échancrure antérieure du globe céphalique et sur la ligne médiane paraît la bande transversale et tendineuse du muscle digastrique ; sur cette bande, à droite et à gauche, et sur son bord 258 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. inférieur, se montrent deux mamelons symétriques ayant tout à fait l'apparence glandulaire. Sur ces mamelons je n'ai aucune autre donnée, et une étude nou- velle serait utile ; car leur tissu sur les animaux conservés m'a paru cellulaire et d'une nature spéciale que je n’ai pu déterminer. Entre ces deux mamelons, et tout à fait sur le devant de la partie tendineuse du muscle, j'ai découvert non sans de grandes difficultés de dissection, sur les animaux frais comme sur les animaux conser- vés dans l'alcool, un corps olivaire blane {fig. 5, Na), assez long, Fic. 5. — Terminaison supérieure de l'intestin — et système nerveux, — I, intestin: Fe, canal hépatique gauche, dont on voit l'ouverture dans l'intestin en OH; T, la tête; À, an- Lenne droite : Ai, l'aiguillon; Mu, le muscle transverse dont on ne voit que la coupe. — Na, le ganglion nerveux antérieur entre l'antenne A et l'orifice œsophagien en forme de museau de tanche OE dans la cavité terminale supérieure de l'intestin 1. On voit le ganglion dorsal, dont la désignation par une lettre a été omise sur ce cliché, Ce ganglion est uni à l'antérieur Na, par un cordon, côté droit du collier æsophagien. impair, médian, rappelant par sa forme, par sa position et surtout par les nombreux filaments qui naissent de sa partie inférieure, un ganglion nerveux. | C'est là tout ce que j'ai vu sur la face abdominale du corps. Suivre les filets nerveux est d’une excessive difficulté. En faisant des préparations à Ja lessive de potasse pour constater certains détails, en rendant les animaux transparents, il m'a semblé HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ, 099 voir la forme de petits amas brunissants en face de chacun des an- neaux du corps, très distincts des paquets musculaires et toujours placés sur la Hgne médiane du côté ventral. Malheureusement les dissections que j'ai répétées sur les animaux frais n'étaient pas de celles qui conduisent facilement à des prépa- rations démonstratives ; elles sont trop minutieuses, trop délicates, et ne sont guère possibles à bord : aussi je n'ai pu, malgré ma campagne de 1873, revoir ce qui me restait à élucider sur les ani- maux frais du côté du système nerveux de l’abdomen. En ce qui concerne le collier œsophagien, je suis arrivé à quelques résultats certains. En mettant à nu l'extrémité supérieure de l'intestin, on peut suivre, entre elle et la calotte céphalique, un tube cylindrique, qui est incontestablement le prolongement de la première vers la sc- conde, et qu'il faut considérer comme l’æsophage (fig. 4). Au dos de ce tube et tout de suite au-dessous du bord de la calotte céphalique, existent deux petits ganglions, qui sont reliés par une commissure et sont unis par deux cordons au centre antérieur. Ils forment l'appareil nerveux dorsal ou sus-æsophagien et complètent ainsi le collier. Très probablement ce centre dorsal innerve les antennes et les parties sensibles de la tête, mais je n'ai pu trouver les filets nerveux qui doivent exister et présider à cette innervation. VII. ORGANES DE LA DIGESTION. Quand l'animal est en bon état, on distingue dans la partie ccnvexe du corps, en général très transparente, un canal, d'un beau jaune, sans plis ni circonvolutions, s'étendant de l'extrémité céphalique à l’ex- trémité caudale et diminuant de diamètre, surtout dans cette dernière (fig. 4). En voyant ce tube rempli d’une matière granuleuse d'un beau jaune d’or, et considérant son volume et sa position, on est tout de suite porté à le considérer comme représentant le fube digestif ; seu- lement, en cherchant ses orifices naturels, la bouche et l'anus, on ne peut faire sortir la matière pultacée, pâteuse quil renferme, et si sa position n'indiquait assez par elle-même sa nature, on pourrait avoir sur lui quelques doutes. En suivant la direction de bas en haut et d’arrière en avant, ce 000 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. qui est facile, même sans dissection, puisque les parois du corps proprement dit peu épaisses sont transparentes, on rencontre du côté du dos, au point où le corps adhère au tissu de la carapace, deux énormes Canaux symétriques, l'un à droite, l'autre à gauche, qui, perpendiculairement à la direction du tube digestif longitudinal. qu'on vient de voir, s’abouchent avec lui. Ces deux canaux se ren- dent dans la carapace, où l’on peut les suivre avec assez de facilité au milieu des tissus mous logés entre les deux lames, imitant en dedans et en dehors la carapace. Ces canaux (fig. 4, F, F), d'un jaune de soufre très vif, sont, il est vrai, un peu masqués par la substance pigmentaire qui les recouvre, mais ils sont rendus plus évidents par deux traînées blanches d’un beau blanc de lait qui les accompagnent presque dans toute leur étendue. Il paraît naturel de considérer ces deux canaux comme étant les deux conduits hépatiques apportant dans le tube digestif les pro- duits de la sécrétion du foie qui s’est glissée sous la forme d'arbo- rescences entre les deux lames de la carapace. Le foie proprement dit est formé de quelques culs-de-sac rameux logés dans l'épaisseur des deux moitiés de la cavité protectrice et venant se réunir dans les deux canaux hépatiques qu'on vient de voir. Si l’on part de ceux-ci, on voit à droite comme à gauche que très près de leurs origines ils se bifurquent et qu’un rameau se dirige en haut, tandis que l’autre se dirige en bas. Ce n’est pas tout près de cette bifurcation, mais un peu plus loin, que commencent les ramifications digitiformes, en général fort peu nombreuses, qui attei- gnent jusqu'aux extrémités etjusqu’au bord supérieur de la carapace. Tout près de la bifurcation, les deux branches ascendante et des- cendante présentent un calibre peut-être plus gros que le tube di- gestif lui-même : c’est que dans ce point les granulations sont abon- dantes, et les produits de la sécrétion, assez considérables, s'y accumulent et les distendent,. xQ Peut-on considérer ces deux branches comme répondant à autant de lobes? les éléments ou canaux sécréteurs de la glande sont trop dissociés pour les regarder comme les analogues des réunions de culs-de-sac formant les divisions et subdivisions des glandes ; cela du reste n'a aucune importance. La branche supérieure se ramifie tout au plus cinq ou six fois, et chacune de ses ramifications ou reste simple ou le plus souvent se HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 561 bifurque simplement et se termine par un canal digitiforme arrivant jusques auprès du bord de la limite de la carapace. La bifurcation inférieure est la plus étendue ; souvent elle com- mence tout près du tube digestif, et l’ensemble de ses divisions, avant d'arriver aux extrémités, est tout au plus de sept, huit ou dix. Il faut remarquer que la glande hépatique à une position bien net- tement fixée; qu’elle est immédiatement placée en dehors. de la couche pigmentaire tapissant la face interne de la carapace ; en un mot, qu’elle est plus près de la cavité de la carapace que de l’enve- loppe externe à consistance cartilagineuse. Nous verrons qu'une autre glande placée à côté d’elle occupe justement une position opposée et que les rapports de la partie de ces tubes excréteurs arrivant aux ori- fices doivent, par suite de ces positions, offrir quelques particularités. Si l’on porte sous le microscope, et la chose est facile, un des culs- de-sac sécréteurs du foie, on trouve une structure qui est bien en rap- port avec la nature des fonctions que nous assignons à ces organes. Vus à un faible grossissement, ils montrent un pointillé qu'on sent tout de suite être dù à la présence d'éléments cellulaires, pensée que justifie l'emploi de grossissements suffisamment forts. La paroi du cul-de-sac est tapissée par des éléments polyédriques bien moins grands que ceux que l’on trouve détachés et flottants dans la cavité. Ceux-ci sont ordinairement complètement sphéri- ques, d’une belle teinte jaune d’or ou soufré, et sont remplis de gra- nulations moléculaires de taille différente réfractant vivement la lumière. Ce sont elles qui donnent la teinte à ces culs-de-sac. Ces éléments rappellent complètement, par leurs formes et les granulations qu'ils renferment, les cellules caractéristiques du foce de la plupart des animaux inférieurs. | À mesure que l’on s’avance vers le tube digestif, on voit que les corpuscules tapissant les parois sont de moins en moins volumineux, et quand on arrive au tube digestif proprement dit, on ne rencontre plus qu'une couche de cellules tellement petites qu'un groupe de sept à huit d’entre elles serait recouvert par un seul des corpuscules de l'extrémité des culs-de-sac excréteurs. Une question importante se présente ici: dans le groupe des Rhi- zocéphales, on sait, ainsi que l'indique le nom, que des appendices en cul-de-sac partent de la tête de ces animaux et se rendent dans les tissus de l'animal qu'habite le parasite ; faut-il considérer comme les analogues de ces appendices radiculaires les ramifications dont ARCH. DE ZOO. EXP. ET GËN.—T, VIII, 1879 et 1880. 36 562 . HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. il vient d’être ici question ? Je ne le pense pas ; il me parait y avoir dans le cas présent tout à fait la disposition qui caractérise un /ote à canaux sécréteurs simples et dissociés. Ce qui embarrasse dans notre petit être, c'est que sa bouche, quoique armée de pièces particulières, n’est guère faite, par la posi- tion de l’animal, pour la préhension des aliments ; elle semble desti- née à la succion; mais de quel être, de quelle proie pourrait-elle entamer les tissus, dans la position où elle se trouve, car 1l est bien difficile d'admettre qu'elle devienne saillante en passant au travers de l'onifice de la carapace et qu'elle puisse s'appliquer contre des tissus extérieurs destinés à lui fournir une nourriture ? On a vu déjà quelle devait être très probablement l’origine des ma- tières nutritives. D'un autre côté, il est fort difficile de démontrer l'existence de l'anus. L extrémité céphalique de l'intestin est aussi difficile à suivre et à découvrir que l'inférieure ; mais cependant on peut se rendre compte pour la première de la disposition. L'intestin, ce gros tube bourré de matières granuleuses incontes- tablement produites par la sécrétion hépatique, est très facile à re- connaître et à découvrir par transparence comme par la dissection. Loin de s’effiler dans sa partie supérieure, on le voit se terminer en un bouton arrondi arrivant à la hauteur de la calotte céphalique. Les axes de cette terminaison supérieure et de tout le reste du tube forment un angle droit, tant l'inflexion de la tête en avant est forte. C'est dans cet angle que se loge le muscle adducteur des valves. Ges inflexions sont cause des grandes difficultés que l’on rencontre dans la dissection du système nerveux. Ce qui frappe quand on cherche à reconnaitre la disposition de l'extrémité supérieure ou céphalique, c'est surtout l’immensité des orifices que laisse de chaque côté l'enlèvement des canaux hépati- ques. On arrive en effet par eux dans une vaste chambre dont Ja cavité est arrondie, de sorte qu'avant de l'avoir ouverte, l'intestin semble être terminé en haut par une dilatation ou vaste renfle- ment. Cette dilatation s'avance jusqu'au contact du bord postérieur de la calotte céphalique, et c'est en l'écartant un peu en bas et en arrière que l’on peut voir le tube ou cylindre œsophagien, Pour voir l’ouverture de l'æœsophage dans le tube digestif, il faut ouvrir cette partie terminale ; alors on reconnaît dans son intérieur HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 563 en haut une saillie, un mamelon semblable à un petit museau de tanche, au sommet duquel est l’orifice (fig. 5, OE). Cette disposition explique comment il se fait qu'il est à peu près impossible de refoulér vers la bouche la matière pultacée jaunâtre qui remplit l'intestin. Les éléments histologiques du tube digestif sont des cellules dont les noyaux relativement immenses remplissent presque tout leur intérieur. Cette disposition rappelle très bien ce que l’on voit chez bon nom- bre d’Ascidies dont le foie n’est point différencié et tapisse la face interne de la partie dite stomacale de l'appareil digestif. Vers la partie supérieure, tout près du globe céphalique, les cel- lules sont plus grandes et les noyaux aussi plus développés, plus espacés et disposés en une seule couche. Étudions maintenant la tête et la bouche. Quand on a, par des préparations délicates, enlevé foutes les mem- branes qui unissent l'animal à sa carapace, en respectant toutefois les canaux de l'ovaire et du foie, lesquels se trouvent dans le point où ont lieu les adhérences du corps et de l'enveloppe, on voit poin- dre en avant de ces parties un petit corps globuleux et un peu coni- que, dont le sommet est dirigé en haut tandis que la base est en bas; c'est la tête (fig. 5, T). Les bords de sa base sont arrondis en dedans ; aussi serait-il mieux de comparer sa forme à un cœur de carte à jouer régulier, dont l’'échancrure fournirait les attaches au corps. En regardant l'animal, non plus par le dos, mais par la face abdo- minale, on retrouve bien encore la même figure, mais cette fois l’'échancrure de la base est dégagée et non recouverte par les tissus ; dans cette position, le sommet, ou la pointe, parait plus aigu, et même avec la loupe on reconnaît qu'il doit son acuité à deux pointes effilées paraissant sortir de son intérieur. Pour peu que l’on incline les parties un peu plus en avant ou en arrière, la figure change de forme. De profil, la projection de la tête rappelle à peu près la figure d'un triangle dont les côtés, loin d’être droits, sont tout à la fois et suc- cessivement concaves ou convexes et dont les angles sont aigus. Dans la position naturelle, deux angles du triangle, l'un supérieur, J'autre inférieur, sont postérieurs; le troisième est antérieur et cor- respond à peu près à la mi-distance des deux précédents, C'est celui- d04 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. ci qui offre un petit orifice par lequel sortent les pointes des deux stylets. En partant de cet angle facile à reconnaître et suivant les contours du côté inférieur et antérieur, on voit, après l'angle, laligne s'infléchir un tout petit peu en dedans, mais bientôt se porter en dehors et décrire une longue courbe à convexité extérieure, puis se courber de nouveau en dedans tout près de l’angle inférieur. Même chose arrive aux deux autres côtés, de sorte qu'on peut dire que les angles sont rendus plus aigus par la double inflexion que chacun des côtés éprouve au voisinage des angles et que le milieu des côtés se courbe ou devient saillant et convexe en dehors. Toutes ces courbes et formes dépendent de la facon dont on con- sidère la pièce unique qui peut être enlevée et isolée et qui, double- ment et symétriquement recroquevillée en oublie sur ses deux côtés, limite à la fois la tête et renferme les stylets appartenant à la bouche. Cette pièce unique repose sur les pièces buccales comme une selle dont les parties latérales recroquevillées, ainsi qu'il a été dit, vien- draient jusqu au contact en avant, et c'est le petit espace qui, en haut, résulte d’un rapprochement moindre des bords, qui forme comme un petit orifice par où sortent les extrémités des stylets. On peut appeler cette pièce unique la calotte céphalique. Elle est de nature chitineuse comme les téguments et est nettement unie sur ses limites au reste du corps par des parties membra- neuses. À sa base en avant se trouvent deux petits mamelons assez sail- lants, symétriques, et qui, morphologiquement peut-être, représen- tent quelques paires de pièces buccales ou appendices supérieurs. Au-dessous de ces deux tubercules, les tissus se gonfient en avant du muscle transverse et viennent s'unir aux deux masses de nature probablement glandulaire signalées au-devant du muscle. Enfin, c est dans l'angle dièdre que forment d'une part les mem- branes d'union du cou et de la carapace en dehors, et d'autre part la paroi latérale de la calotte céphalique en dedans, que l'on voit s'insérer les antennes. Leur base d'insertion se trouve à la réunion du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs du côté du triangle que représente la calotte vue de profil, en face du point où le côté postérieur du triangle s'infléchit vers le centre pour décrire une courbe à concavité ouverte en arrière. Les deux pointes saillantes à l'extérieur du sommet du cône cé- HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 90 phalique appartiennent à deux pièces symétriques, assez régulières : elles constituent l’armature buccale. Vues par la face antérieure et rapprochées, elles présentent, à elles deux réunies, une figure régulièrement losangique, dont les angles aigus sont très aigus et formés par les deux pointes de chacune des pièces rapprochées : l'un est le supérieur, c'est celui qui fait saillie ; l’autre, inférieur, est moins défini, car les deux ex- trémités qui le ferment s'écartent un peu. Quant aux angles obtus, ils sont absolument mousses et arrondis. Ces deux pièces, qui forment la partie centrale de l'armature buc- cale, ne sont pas de simples lames, comme leur observation par la face antérieure le ferait supposer. Leur bord, sur la ligne médiane, est irrégulièrement inégal, et pourrait faire croire dans quelques cas à l'existence de dentelures; il est mince et lamellaire en haut, épais dans le bas, et vers le milieu tellement épais qu'on croirait à une sorte d’articulation et même de soudure des deux pièces. Ces pièces, enfermées dans la calotte céphalique, sont accompa- gnées sur les côtés par une paire d'appendices qui les recouvrent un peu du côté de leur dos. Ceux-ci sont lamellaires et ressemblent à deux lames de sabre larges, un peu recourbées en arrière et aiguës à leur sommet. Ils sont latéraux et symétriques, relativement à la pièce centrale. Ils constituent avec celle-ci un appareil éminemment propre à percer. Il faut donc penser que, dans l’état jeune, avant la période de parasitisme, la Laura étant libre devait prendre ses ali- ments en perforant les tissus de quelque proie. Les appendices lamellaires se recouvrent en partie l'un l'autre et s'appliquent latéralement sur les faces latérales recourbées de lai- guillon central. Il est difficile de donner une signification précise à chacune de ces pièces. Peut-on dire qu'elles sont des pièces buccales ordinaires, modifiées, comme chez un crustacé suceur ? Comment et à quoi peut servir cet appareil ? Des animaux étrangers peuvent-ils pénétrer dans la carapace par l'orifice, très petit, qu'on a vu correspondre à l'extrémité caudale du corps de la Laura? En supposant que quelques particules ou animal- cules aient pénétré dans la carapace, comment comprendre que la Laura, suspendue et fixée par sa nuque dans cette cavité relative- 966 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. ment grande, puisse darder ses pièces buccales avec succès sur des matières alimentaires mobiles, que du reste je n’ai jamais ren- contrées et que les membres ne semblent guère propres à retenir ? Faudrait-il voir dans les deux tubercules placés à la base et en avant de la calotte céphalique deux ventouses destinées à la préhen- sion des aliments? Ce sont là des suppositions qu'aucun fait ne vient prouver. Il semble plus naturel de voir dans cette armature buccale un reste de l’armature que la Laura avait à l’état larvaire et qui était destinée à piquer et à lui permettre de sucer; elle pouvait alors se cramponner probablement à quelque proie et la percer avec ses aiguillons. Dans son développement et son passage à l’état adulte, la calotte céphalique a exagéré ses caractères, et ses pièces internes ont été par cela même d'autant plus gênées dans leurs mouvements et leurs fonctions réduites ont été en quelque sorte annulées. En résumé, ce qui frappe dans l'étude de l'appareil de la digestion, c’est : en premier lieu le développement de la glande hépatique, dont les cæcums sont noyés dans les tissus de la carapace, en second lieu l'absence probable de l'orifice buccal et de l’orifice anal; mais surtout l'état de réplétion constant du tube digestif causé par l’accumula- tion d’une matière jaune pultacée, paraissant identique à la sécrétion du foie. Ainsi, en s’en tenant à ces faits, on trouve un foie sécrétant beau- coup pour un tube digestif prenant fort peu de matière alimentaire, si même à l’état adulte il en prend, c'est-à-dire pour aider à une digestion fort peu active ; il y a certainement dans ces conditions quelque chose de fort anormal et de peu conforme aux données or- dinaires de la physiologie : aussi il nous semble légitime de penser que, les conditions d'alimentation étant à peu près nulles, il doit y avoir corrélation entre cette sécrétion hépatique considérable et l'excrétion ; ce qui sera montré après avoir pris connaissance de la circulation. VIII. ORGANES DE LA CIRCULATION. Nous dirons peu de chose de ces organes. Quoique l'animal soit petit, les injections sont possibles et réussissent même sans trop de peine et dans une certaine mesure : cela est heureux, car ce n’est qu'à l’aide de ce procédé anatomique que l’on peut prendre une idée HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 367 de l'appareil circulatoire. Il est en effet impossible de songer à porter le corps de la Laura sous le microscope, sans produire des altérations extrêmement profondes des organes et sans faire dispa- raitre évidemment toute trace de mouvement des liquides intérieurs. Établissons d’abord un fait : Les organes de la respiration man- quent. Or, toutes les fois qu'un organe d’hématose existe, sa présence seule implique des conditions spéciales dans la circulation, et le cen- tre d'impulsion surtout est modifié d’après les conditions organiques que présente l'organe respiratoire. Ici donc point de modifica- tions spéciales tenant à la respiration : c’est là une cause évidente de simplicité. On trouve trois vaisseaux longitudinaux impairs et médians : l’un dorsal et deux abdominaux. Ceux-ci sont à peu près superposés ; entre les uns et les autres il existe des branches anastomotiques formant un réseau latéral de chaque côté du corps. La carapace est très riche en capillaires et l’on en réussit facile- ment l'injection en piquant le cartilage et poussant les liquides colorés au hasard. Des troncs volumineux établissent de larges et importantes com- munications entre les réseaux fort riches de la carapace et les extré- mités céphaliques des vaisseaux longitudinaux dans le voisinage de Ja tête. De ces vaisseaux principaux partent des branches destinées aux membres, à la tête, etc. Revenons en arrière et cherchons maintenant à éclairer la ques- tion relative à la nutrition de la Laura en tenant compte de son mode particulier de parasitisme et de la disposition de ses appareils de la circulation et de la digestion. A ce point de vue, l’histologie de toutes les parties de la carapace est des plus importantes à étudier ; on en connaît déjà quelques traits. Les coupes perpendiculaires à la membrane enveloppante sont des plus utiles. Elles montrent avec la dernière évidence que sous la couche cartilagineuse, immédiatement au-dessous d'elle, s'étend un réseau de capillaires des plus délicats, microscopiques, dont les pa- rois sont formées de cellules grandes, peu polyédriques, avec de gros noyaux. De ces capillaires se détachent perpendiculairement à leur direc- tion de très petits prolongements qui pénètrent dans la lumière des 068 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. canalicules dont sont percés les mamelons stellifères ; dans ces cana- Jicules, la structure cellulaire est des plus faciles à vérifier ; avec des grossissements de 500 à 600 fois, avec ou sans l’action des acides acé- tique et picrique et des matières colorantes, on voit très bien les éléments importants (noyaux, etc.) des corpuscules remplissant les canalicules. Il est bien peu de coupes qui ne présentent des capillaires du même calibre que ceux courant sous la lame cartilagineuse, perpen- diculaires à ceux-ci, d'une structure identique et s’avançant vers le Fic. 6, — Coupe de la caparace vue à un fort grossissement. Cr, carapace; Va, vaisseau capil- laire courant sur la partie cartilagineuse et envoyant un prolongement, Ca, dans chaque mouti + cule, Ma, se prolongeant jusque dans les filaments radiés, E, milieu de la couche molle. Des portions d'ovaires, de foie, des fibres musculaires et des cellules conjonctives se mêlent dans ces prépa- rations et s’y reconnaissent facilement. Dans les points voisins de la marge de la carapace, là où les glandes génitales et hépatiques n'arrivent pas, il n’est pas rare de rencontrer des portions du réseau capillaire allant du vaisseau sous-cartilagineux à la couche pigmen- taire sous-épidermique ; on a dans ce fait la preuve de la grande ri- chesse du réseau capillaire, qui permet d'arriver par l'injection à colorer d’une facon uniforme toute la carapace. Ainsi voilà un appareil de la circulation plongeant ses dernières ramifications par l'intermédiaire de ses innombrables radicelles dans les tissus de la Gérardia. On conçoit donc qu'il puisse puiser direc- tement au dehors les éléments nécessaires à la nutrition de la Laura, en les absorbant sans doute par endosmose. Si tel est bien le procédé employé par la nature pour arriver à sa- tisfaire les besoins de la vie de la Laura, on comprend que bouche HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. | 569 et tube digestif deviennent, pendant la période de parasitisme, à peu près sans activité et que l'alimentation directe doit être nulle. Mais, si ce mode de parasitisme et la position si singulière de la Laura suspendue par sa nuque dans la prison qu’une partie de son corps même lui fournit, expliquent les dispositions particulières de cet appareil disgestif, on peut se demander encore à bon droit pourquoi le foie est, relativement aux proportions du corps et du tube digestif, aussi énorme et sa sécrétion aussi abondante. Il sem- blerait y avoir là une sorte de contradiction, car d’un côté il y aurait cessation des fonctions digestives, tandis que de l’autre il y aurait grand développement et grande activité de la glande, considérée par tous comme nécessaire à ces fonctions. On peut expliquer cette apparente contradiction. Si le foie sem- ble inutile en tant qu'organe annexe de la digestion dans un appareil impuissant à recevoir directement la matière alimentaire, il ne faut point oublier que les cæcums sécréteurs sont entourés des innom- brables capillaires remplis de liquides puisés à l'extérieur par les radicelles de la carapace; or ces liquides doivent certainement éprouver des modifications, être épurés avant d’être assimilés par la Laura. On est donc tout naturellement conduit, par les faits anatomiques qui précèdent, à penser que le foie n’a retenu de ses fonctions que celle qui a trait à l’excrétion et qu'il est devenu presque exclusive- ment un organe dépurateur. En résumé, l'alimentation directe n'existe pas ou est très problé- matique ; l'absorption se fait par la carapace dans les tissus de la Gé- rardia et l’'épuration des produits absorbés s’accomplit par l’excrétion biliaire rejetée dans le tube digestif qui chez l'adulte a perdu l'activité de ses fonctions. Si cette interprétation des phénomènes de la nutri- tion est exacte, on trouvera ici une preuve à l'appui de l'opinion de bien des auteurs qui voient dans le foie, sans doute, une glande ai- dant puissamment à la digestion, mais aussi un organe dépurateur et par conséquent excréteur par excellence. Dans ces faits et ces conditions bien remarquables, on rencontre un ensemble de particularités peu habituelles qui rendent, on le voit, l'histoire de la Laura aussi intéressante que curieuse. HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. CE ne (ae Ÿx IX. REPRODUCTION. On sait quelle importance les naturalistes attachent aujourd’hui, avec raison, aux Connaissances embryogéniques ; aussi il était natu- rel de rechercher quelles conditions offraient les organes reproduc- teurs pour aborder l'étude des premières phases du développement de la Laura. Malheureusement les déplacements forcés d'un voyage ne sont point propres à faciliter quelques-unes des observations déli- cates que demandaient les recherches d'embryologie ; en beaucoup de points, les résultats obtenus ici sont insuffisants ; toutefois, il faut le dire, il n'y a pas de difficultés à se procurer les embryons ; Car, pour les avoir, on n’a autre chose à faire qu'à ouvrir la carapace. Les œufs, en effet, tombent dans cette cavité et y sont fécondés par le liquide mâle fourni par l'animal même qui a pondu les œufs. L'observation de l’un des états du développement dépend donc du hasard et du moment où l’on ouvre l’animal ; c'est par centaines que l'on rencontre dans la carapace des œufs en voie de transformation ou des embryons dans divers états de transition. On n'a qu’à les pêcher à la pipette pour les avoir vivants et en grande quantité. X. ORGANES MALES. Les glandes chargées de la sécrétion de la liqueur fécondante sont constituées sur un plan différent de celui présenté par les glandes fe- melles. L'ouverture des conduits excréteurs offre toutefois la même position; mais la .glande même, par la place qu’elle occupe, pré- sente des différences très marquées. Les cinq paires de pattes postérieures sont fortement courbées en arc, leur concavité est postérieure ; — elles paraissent blanches dans leur moitié supérieure et transparentes dans la moitié inférieure ré- pondant à leur extrémité libre. Vers leur point d'attache, un mamelon très développé forme un gros talon, dont le sommet est dirigé en bas et en arrière, en suppo- sant toujours la tête de l’animal placée en haut. Autant il est facile, en pressant sur les ovaires, quand au moins les pontes ne sont pas finies, de faire sortir des œufs par les orifices existant au sommet du talon des deux premières pattes, autant on est sans aucun renseignement à cet égard pour les mâles. I faut HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 571 de toute nécessité avoir recours immédiatement à l’observation mi- croscopique, et cela sous un fort grossissement. Si l’on enlève une patte sans la déchirer, sans la tirailler, mais en coupant avec des ciseaux ses attaches au corps, on voit bien vite dans sa base, sous le microscope, comme les grains empilés d’une grappe dont on cherche en vain la tige, et qui, sans être absolument sphériques, sont allongés vers l’un de leurs pôles comme des larmes bataviques dont toutes les queues se dirigeraient vers le talon. Si d'un coup de ciseau rapide, afin d'éviter les tiraillements, on enlève une calotte terminale du talon sur sa partie la plus saillante, sur son sommet, on peut la porter sous un objectif à fort grossisse- ment et l’observer normalement à sa surface. Des pores très nombreux se présentent très rapprochés et de leur orifice partent des conduits à double contour très distincts, très nets, qui s'irradient dans tous les sens, si, du moins, l'on est au centre du mamelon formant le talon. Dans cette condition on voit vers le centre des pores dont le canal plonge directement et verticalement et pour cette raison disparaît promptement. En déchirant la patte et ne portant sous les lentilles qu’un lambeau du talon et des tissus sous-jacents, on voit que chacun des grains de la grappe, chacune des larmes bataviques vient se terminer par un canal grêle à l’un des pores du talon dont il vient d’être question. On constate, à n’en pas douter, le rapport de l’ampoule blanche avec un Canal unique, et un orifice percé dans le talon, et l'on re- connait alors que chacun de ces testicules, — car ce sont autant de glandes mâles simples, — s'ouvre directement au dehors sans que les canaux de chacun d'eux s’anastomosent pour s'aboucher dans un canal excréteur unique. Lorsque l’on à déchiré une patte, afin d’avoir les organes mâles isolés, on voit ceux-ci se présenter encore comme des ballons de chi- miste un peu oblongs dont le col aurait été étiré à la lampe. Le col, fort allongé, est très grêle, mais son canal surtout est fort petit. Les parois de l’ampoule ou de la vésicule jouissent d'une certaine élasticité, car j'ai toujours remarqué, surtout quand l’endosmose avait pu agir quelque temps, que le contenu de la vésicule était lancé comme un jet à une assez grande distance dans le champ du microscope, et puis que la membrane se plissait. Lorsque l’on observe l'une de ces capsules séminales à l'état de D12 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. maturité, on voit sortir les spermatozoïdes avec une grande rapidité : ce qui donne à l'œil la sensation d’un courant d'eau qui passerait dans un canalicule fort étroit. Voici à quoi cela est dù : Le spermatozoïde est allongé et immobile ; il se présente comme un petit bâtonnet légèrement courbé et pointu à ses deux extrémités. Il peut être représenté assez exactement par un trait de crayon dur et finement taillé. Le canalesttrop étroit pour donner passage à plusieurs spermatozoï- des à la fois, de sorte que chacun des filaments fécondateurs s'engage dans le tube en en suivant un qui le précède et étant suivi par un autre qui l'accompagne; cette succession très rapide de petits corps allongés filiformes passant très vite donne la sensation très nette d'un courant de liquide. Bien évidemment, pour des êtres aussi hermétiquement enfermés, aussi invariablement fixés, la fécondation ne peut s’accomplir par le concours de deux individus et certainement aussi dans l’acte de la fé- condation le même animal se suffit à lui-même. En résumé, les testicules, au nombre de quatre paires, sont logés dans la base des pattes et s'ouvrent par une infinité de pertuis à la surface du talon de ces organes, qui ne méritent plus guère le nom d'organes locomoteurs; car leurs fonctions, au point de vue des mouvements, sont très limitées. XI. ORGANES FEMELLES. L'ovaire est tout autrement situé que le testicule : on le trouve, en effet, dans l'épaisseur de la carapace. Il n'a, pour ainsi dire, aucun rapport avec le corps proprement dit dans sa partie sécrétante. Dans sa partie excrétante, ainsi qu'on va le voir, il a des relations directes avec la première paire de pattes. L'ovaire représente deux glandes semblables etsymétriques, l’une droite et l’autre gauche, arborescentes, d’un blanc de lait pur, ce qui permet de les reconnaître facilement, car leur couleur tranche erûment au milieu des tissus brun marron qui forment la doublure interne de la carapace, et du jaune du foie tout voisin d'elles. Ses ramifications doublent en effet exactement celles du foie et celles des vaisseaux. Tous ces gros troncs s'accolent de telle sorte que les ovaires se trouvent intermédiaires aux vaisseaux qui sont en dehors et aux canaux biliaires qui sont en dedans ; aussi, quand HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIX. 573 on ouvre la carapace sans avoir fait d'injection et qu'on enlève la partie cartilagineuse en respectant la couche interne, on tombe immédiatement sur les ramifications de l'ovaire, qu'on distingue avec la dernière facilité en raison même de la couleur blanche. Pour leur mode de distribution, les oviductes se modèlent a5s0- lument sur celle des gros troncs des vaisseaux biliaires ; mais, tandis que ceux-ci ne présentent qu'un petit nombre de cæcums, ce qui rend les terminaisons peu nombreuses et peu rameuses, l'ovaire, au contraire, est riche en culs-de-sac ou cæcums terminaux, ce qui, lorsqu'on ouvre la carapace complètement et lorsqu'on l’examine par la partie interne, donne l'apparence suivante : Les canaux biliaires, caractérisés par leur couleur jaune, semblent bordés de chaque côté par un liséré et des mamelons blancs. Cela se com- prend, puisque, dans les conditions où est supposée faite l’observa- tion, ils paraissent reposer sur la couche ovarienne blanche qui dépasse leur bord. De même que pour les voies biliaires et pour les canaux san- guins, ily a deux troncs principaux, l’un inférieur, l’autre supérieur, et ces deux canaux s’abouchent en un seul qui se porte sur la ligne médiane au-dessous de la tête entre l’union de deux vaisseaux san- guins formant la barre supérieure d’un 7. Quand on observe par le dos une Laura renfermant des œufs, après avoir eu soin de relever un peu sa tête, on croirait en arrière de celle-ci voir une barre transversale blanche, portant sur ses côtés deux autres bandes également blanches qui contournent les deux bases des troncs biliaires pour se porter au point d'attache de la pre- mière paire de pattes. Ainsi les deux oviductes communiquent par leurs canaux excré- teurs au-dessous du point d'union de la carapace et du corps et au- dessus du dos du premier article, à l’aide d’une anastomose trans- versale parallèle et intermédiaire aux deux vaisseaux transversaux de la terminaison supérieure de l’appareil sanguin dorsal. L'orifice des glandes génitales femelles occupe une position fort remarquable et très précise. Pour bien en juger, il faut regarder l'animal de profil après avoir rejeté du côté de sa tête les membranes de la couche interne formant l’union du corps et de la carapace. Des six paires de pattes, les cinq dernières présentent un caractère constant ; elles sont courbées et leur convexité regarde en haut et en avant ; elles sont épaisses et l’on a vu la raison de cette forme D74 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. dans la présence des testicules à leur intérieur. Parmi les cinq der- nières, quatre, les moyennes, sont seules en rapport avec les orga- nes mâles ; une seule, la dernière du côté de la queue, est sans fonctions spéciales. La première du côté de la tête est à la fois plus grêle, plus longue et moins courbe que toutes les autres. Comme celles-ci, elle porte près de son attache un talon qui forme comme un mamelon conique, dont le sommet est dirigé du côté du dos. Le sommet de ce mamelon est mousse et présente un orifice très facile à démontrer, comme on va le voir. Enfin, pour caractériser cette première paire, qu'il faut appeler paire femelle, disons que, loin de se porter en avant comme les cinq paires suivantes, elle se dirige directement en bas et devient par con- séquent parallèle à l'axe du corps, qu'elle est relativement beaucoup plus longue que les autres et que, passant au-dessus d'elles en de- hors, elle les croise presque à angle droit et arrive quelquefois jus- qu à l’origine de la sixième paire. Les deux oviductes, après s'être abouchés au sortir de la tuniqueet avoir formé le canal transverse placé en sautoir en arrière du tube digestif au-dessus de la tête, au-dessus d’abord, puis au-dessous des voies biliaires, entre les deux vaisseaux transverses terminaux dor- . Saux, descendent sur les côtés du corps et viennent à la base des pattes supérieures, en s’insinuant dans leur talon, s'ouvrir à l'exté- rieur par l'orifice postérieur qu'on y a vu. Il est facile, sur des ani- maux dont les ovaires sont turgides et gonflés d'œufs, de faire sortir ceux-ci à l’aide de légères pressions et de s'assurer non seulement que les deux glandes communiquent entre elles-en arrière et au-des- sous de la tête par suite de l’abouchement des deux canaux vecteurs, mais encore que ce canal commun vient s'ouvrir au dehors dans le point indiqué plus haut. Il suffit d'exercer de légères pressions pour refouler les œufs et les faire sortir; leur couleur blanc mat permet, ainsi que leur volume, de les voir aller d’un oviducte à l’autre et en définitive de sortir par l’orifice du talon de la première paire de pattes. Pour s'as- surer du fait, il n’est pas besoin de préparation et la transparence des tissus, aidée par la blancheur des œufs, permet de constater ces faits avec la certitude la plus complète. Presque toujours, au moment de la belle saison on trouve des œufs mûrs etpondus sans modifications dues au développement dans la ca- HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 975 vité de la carapace. Ils sont d'un beau blanc delait, vus par la lumière réfléchie ; observés, au contraire, à l’aide de la lumière transmise, ils paraissent obscurs et noiràtres. Gela lient au nombre extrèême- ment considérable de granulations volumineuses arrondies et réfrac- tant vivement la lumière qu'ils renferment. L'impression que pro- duit l'observation d'un œuf peu développé est tout à fait celle qu on éprouve en voyant des œufs de poisson dont le vitellus, on le sait, est rempli de gouttelettes réfringentes, comme huileuses; aussi sur l'œuf arrivé à complète maturité a-t-on beaucoup de difficulté à voir la vésicule germinative, qui cependant s’accuse dans le milieu par une éclaircie facile à reconnaitre. Les œufs me paraissent se développer ici comme dans les mollusques qui m'ont occupé à ce point de vue. Toutefois, on ne les rencontre pas attachés par un pédoncule. La rapidité de leur croissance en est peut-être la cause. La taille énorme des ger- mes comparée à celle de beaucoup d’autres types s'oppose à ce qu'il soit aisé de voir les relations intimes des œufs très développés avec les parois qui les ont produits. En somme, la glande femelle étend ses ramifications dans les pa- rois mêmes de la carapace et la structure intime de ses éléments est assez facile à voir. | L'hermaphrodisme ne peut laisser ici le moindre doute, et la dis- position des glandes est aussi visible qu'on puisse le désirer. La fécondation s’accomplit dans là cavité de la carapace et chaque animal peut se sufffre à lui-même. XII. DÉVELOPPEMENT. Le développement de la Laura n’est pas de ceux qu'on puisse étu- dier avec toute la suite désirable. Le peu de facilité que j'ai eu à faire vivre ces animaux dans les aquariums, les irrégularités auxquelles est soumise leur possession, produisent des interruptions nom- breuses dans les études ; aussi est-il bien difficile de voir surtout les premières phases de l’évolution. Un hasard heureux peut seul les faire rencontrer. Les œufs étant fécondés dans la carapace et sortant de cette cavité à l’état de Vauplius, c'est en ouvrant des Laura au hasard qu'on doit rechercher les différentes phases du développement sur les ovules renfermés dans la cavité générale, 976 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. La ponte, et par suite la fécondation, ne s'accomplissent pas à un seul moment ; il y a des pontes et des fécondations successives ; c'est là ce qui, heureusement, permet de trouver dans une même carapace plus d’un état du développement embryonnaire. Le premier travail évolutif consiste, si nous n’'exagérons les con- séquences des faits observés, dans la séparation d’un vitellus hyalin, transparent, se portant par une ou deux masses vers l’un des pôles de l'œuf et s'isolant de la masse granuleuse qui reste à un autre pôle comme vitellus nutritif. Celle-ci ne semble nullement se modifier pendant ce travail. Il y a donc spécialisation et localisation, partage des deux éléments formatif et nutritif de l'œuf. Le travail de segmentation s'’accomplit dans la première de ces parties, qu'on pourrait presque dire de nou- velle formation. Après ce partage commence le fractionnement vrai, suivant les formes habituelles. Le volume total de l'œuf ne s'accroît pas encore, et ce qu'on observe, c'est l'accroissement relatif de la partie vraiment embryon- naire, celle qui, d’une apparence tout à fait différente de celle que présentait l’œuf ou le vitellus granuleux nutritif, se compose de cel- lules parfaitement nettes et distinctes, remplies de fines granulations jaunâtres, dont le centre est occupé par un grand noyau clair et qui forment un disque parfaitement séparé de la seconde moitié par un sillon circulaire fort régulier. Cet état müriforme n'occupe guère que la moitié du globe de l'œuf, et c’est cette moitié qui représente le blastoderme, si du moins l’on veut employer un nom qui me semble avoir déjà une signification propre et qui ne rappelle que de très loin, dans les crus- tacés, la disposition qu’on observe dans les animaux supérieurs. On a beaucoup écrit sur la formation de l'embryon des crustacés ; les interprétations les plus diverses ont été données pour expliquer les variations fort nombreuses que présente l’évolution première de ces animaux. | Je prierai le lecteur de consulter le mémoire de M. Hoek, publié dans les Wiederländisches Arch. für Zoologie, volume III, avec les planches IIT et IV sur l’'embryologie des Balanus. Les résultats que je présente ici sont fort concordants avec ceux que le savant hollandais a fait connaître. Je considère la masse cellulaire née du fractionnement de la partie HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 971 protoplasmatique ou du vitellus de formation, comme étant la partie embryonnaire par excellence ; c’est elle que l’on à pu appeler blas- toderme et qui certainement donne naissance aux organes de la vie de relation. Il est bien difficile, sans le secours des dessins, de décrire les transformations successives qui conduisent au Vauplius. Je prierai donc le lecteur de se repporter à mon travail étendu inséré aux Mémoires de l’Académie. Le Nauplius, bien développé, naît ou se débarrasse de l’enveloppe qui l’enferme souvent sous les yeux de l'observateur. Il présente un point oculaire coloré fort évident à droite ou à gauche en avant, au-dessous duquel sont les pattes simples de la première paire. Les deux autres paires bifurquées sont longues et, comme les premières, couvertes de longs poils. Un rostre très développé et couché sur la face ventrale, entre les points d’attache des pattes, descend du point oculiforme jusques assez près de l’extrémité anale. FiG.7.—Nauplius de Laura Les Nauplius acquièrent un grand développe- Mt ce ment dans l’intérieur de la cavité de la carapace. Je ne les ai point suivis ou rencontrés au dehors. Je ne saurais dire si la forme cypri- drenne existe et leur succède ; j'avoue être porté cependant à l’admettre. XIIT. POSITION ZO0LOGIQUE DE LA LAURA, De quels animaux faut-il rapprocher la Laura ? Il est évident que ce n’est qu'avec les Cirrhipèdes et plus particu- lièrement les Rhizocéphales qu’on peut trouver quelques relations zoologiques. On a l'habitude de réunir, dans cette grande division des crustacés nommés Cirrhipèdes, tous les animaux marins aquatiques articulés, hermaphrodites et ayant un embryon naupluforme ; puis établis- sant des distinctions, peut-être un peu artificielles, on a subdivisé ces animaux tantôt en abortiva et genuina, tantôt en Cirrhipèdes or- dinaires et en Rhizocéphales. Dans ce dernier groupe on a réuni tous les animaux dont l'histoire semble encore assez énigmatique. : ARCH,. DE ZOOL, EXP, ET GÉN, — T, VIT, 1879 et 1880, 37 918 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. C'est ainsi que la Sacculine ne me paraît rien moins que bien connue; on à bien étudié ses œufs, le mode de production de ses embryons, de même que pour le Peltogaster. Peut-être le Lerneo- discus de Fritz Müller est-11 mieux compris; mais, 1l faut le recon- naître, il y a réellement plus de difficulté à rapporter une Sacculine au type crustacé que, par exemple, un Balane ou un Anatife. Je crois donc que le groupe des Rhizocéphalidés n'est pas suffi- samment étudié encore, au point de vue morphologique, pour qu'il soit possible de le caractériser avec plus de précision qu’on ne l'a fait. Les conditions de l’hermaphrodisme sont mal indiquées, mal défi- nies ; elles sont même niées par quelques-uns. L'histoire des mâles pygmées, vivant en parasites accrochés sur la femelle, est Ià pour soulever des doutes. Ici, il n’en est pas de même : l’idée que nous pouvons nous faire de la Laura adulte est fort simple et très claire. Que l’on considère, si l’on veut, une écrevisse, un homard, un crabe ; n'est-il pas évident que ce que l’on nomme la carapace n'est autre chose qu’une duplicature de l'enveloppe extérieure, assez ra- battue sur les côtés pour recouvrir et contenir dans une vraie cavité, des appendices absolument extérieurs, les branchies ? Rien ne nous empêche de concevoir un crustacé dont cette carapace serait encore plus développée et couvrirait tout le corps. Dans les articulés, les faits de cette nature sont loin d’être rares. Ne voit-on pas dans les hémiptères des espèces dont tout le corps est couvert par un déve- loppement exagéré de l’écusson, ou même du prothorax ? Dans la Laura, il nous paraît fort légitime de considérer le sac cartilagineux enfermant le corps comme une dépendance des téguments du dos, qui vers la partie intermédiaire, à la tête et à l'ab- domen, se sont démesurément étendus et dont les bords soudés entre eux n'ont laissé qu'un tout petit orifice. En cherchant dans les Cirrhipèdes proprement dits, on peut trou- ver quelque disposition se rapprochant de celle que nous montre la Laura. C'est ainsi que dans le genre Alepas (Rang), on voit un petit être à six paires de pattes courtes, enfermé dans les lobes d’une du- plicature de ses téguments formant à la fois son pédoncule et son enveloppe générale ; dans ce pédoncule et dans cette enveloppe se- logent les ovaires. (Voir Lovén et Darwin.) Mais une différence capitale distingue ces animaux de la Laura : HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ, 319 les pieds sont bifides, comme dans les autres Cirrhipèdes, et sem- blent en cela conserver le caractère larvaire ou nauplien. D'ailleurs, le genre Alepas fait partie d’une famille très distincte, et pour toutes ces raisons on ne peut rapprocher la Laura de ce genre ; nous n'avons voulu qu'indiquer en passant une relation morphologique dans les modifications des parties tégumentaires. D'un autre côté, en partant de la forme cypridienne supposée, on peut considérer les deux valves attachées à la nuque de l'animal comme ayant grandi démesurément, quand il a eu fixé son habi- tation dans les tissus de la Gérardia; les glandes génitales femelles et le foie se sont logés entre les lames des valves, se sont étendus et peu à peu le corps du petit crustacé a été sus- pendu dans la prison que la soudure des bords de ses valves lui a faite. N'y a-t-il rien dans la Sacculine, le Peltogaster d’analogue à ceci ? Les glandes femelles n’ont-elles point acquis un développement tel que les grappes d'œufs aient bientôt masqué toute trace de cavité, le corps proprement dit restant tout petit ? Ce sont là des questions qui ne pourront êtré résolues que par des études suivies d’'embryogénie et la vue directe de la fixation et de la métamorphose de la Sacculine. Il y a là un problème important de morphologie à résoudre. Il doit être mis à l'étude, et je ne vois qu'un seul moyen pour arriver à la solution, c’est de faire vivre les Nauplius des Sacculines, après en avoir étudié les mœurs et les conditions biologiques naturelles afin de voir leurs métamorphoses quand ils deviennent parasites. Nous placerons donc pour le moment la Laura dans le groupe des Cirrhipèdes ; mais en faisant toutes réserves, car il nous paraîl im- possible, en raison même de l'incertitude que notre ignorance laisse encore planer sur la vraie nature des Sacculines et des autres Rhi- zocéphales, de pouvoir les réunir dans une même coupe secondaire ; le nom de Æhrzocéphalidés n'étant pas applicable à la Laura. Peut-être serait-il préférable, pour une partie des Cirrhipèdes, de rétablir le groupe et le nom de SUCTORIA créé primitivement par Lilljeborg ; mais toutes les modifications de la classification sont su- bordonnées aux études ultérieures, qui nous feront connaître la vraie transformation du Nauplius de Sacculine et de Peltogaster. Dans le groupe des Cérrhipedia abortiva admis par Gerstæcker (Bron's Klassen und Ordnungen des Thier-Reirhs), trois divisions, : D60 HENRI DE LACAZE-DUTHIERS. répondant aux Suctoria ou Rhizocéphala, aux Apoda et aux Abdo- minalia de Darwin, renferment des animaux caractérisés : dans les deux premières divisions par l'absence complète de pieds arti- culés, dans la troisième par trois paires de pieds articulés. Or, il suffit de citer le groupe renfermant le Proteolepas dans les APOD4, et la famille des Cryptophyalides, dans le troisième sous-or- dre les ABDOMINALIA, pour comprendre quil n'est pas possible d'établir entre la Laura et ces trois groupes un rapprochement quel- que peu logique. Si donc l’on accepte provisoirement, et je ne vois pas de raison en ce moment pour la rejeter, cette division des abortiva qu'on peut appeler Cérrhipèdes anormaux, il faut incontestablement ajouter une quatrième division pour la Laura. Aux Rhizocéphalidés, aux Apodes et aux Abdominaux de Ger- stæcker, nous ajouterons donc le groupe des ASCOTHORACIDES ou RÀHIZOTHORACIDES en prenant le caractère de la carapace tout entière qui forme un sac, une outre thoracique, ou bien le ca- ractère de la surface de cette partie thoracique couverte de radicel- les, lesquelles, relativement au thorax, seraient les analogues de ces longs filaments qui pénètrent dans les tissus des Crabes et qui par- tent de la tête de la Sacculine, du Peltogaster, etc. En résumé, nous diviserons ainsi qu'il suit les Cirrhipèdes anor- maux, en formant une quatrième division : Sub-Ordo. I Suctoria aut Rhizocephala, Sacculina, Pellogaster. IT Apoda, Proteolepas. I11 Abdominalia, Cryptophyalus. IV Ascothoracida aut Rhizothoracida, Laura. Cirrhipèdes anormaux ou Cirrhipedia abortiva. On remarquera que la Laura doit occuper un rang incontestable- ment supérieur aux trois premiers groupes : toute son organisation l'indique, surtout la forme très caractérisée de son corps articulé. Voilà pour l'adulte ; voyons si les jeunes peuvent fournir quelques indications pour les rapprochements zoologiques. Si l’on cherche des relations dans la forme des Nauplius, on trouve de grandes différences entre le Nauplius des Cirrhipèdes et celui de la Laura ; dans l’un, des appendices partant du dos, ou de l'extrémité inférieure, donnent une physionomie étrange à ce petit être : ici rien de semblable, les parties sont simples et aucun appendice saillant ne HISTOIRE DE LA LAURA GERARDIÆ. 08 vient troubler l'harmonie et la régularité des contours du corps du Nauplius. À part les formes, extérieure et générale, que les auteurs ont re- produites parce qu'elles sont saillantes, on ne!trouve rien dans les dessins d'assez précis et de détaillé pour pouvoir comparer les ap- pendices locomoteurs et en déduire quelques rapprochements entre les différents Nauplius. Une histoire comparée de ces petits êtres manque; il faut, ainsi que cela arrive pour tout fait nouveau, ne plus se contenter des grands traits de ressemblance généralement indiqués à la hâte. Il faut des détails et des études plus suivies. . Telle est l'histoire de la Laura, dont le parasitisme est curieux et dont l'étude embryogénique plus complète eût été désirable. Les difficultés des recherches à bord et en mer, les nécessités impé- rieuses et les obligations d’une mission dont le but était nettement différent des études générales de l’histoire naturelle pure, ont été cause de bien des interruptions apportées à la continuation de mon travail. De plus heureusement favorisés par les circonstances retrouveront, guidés par ces premières études, la métamorphose du Nauplius, et dans cette partie de l’histoire de cet animal singulier arriveront peut- être à modifier la place zoologique que les détails qui précèdent ont conduit à admettre. Mais je crois que la Laura doit être considérée comme un type bien caractérisé d'une division nouvelle. ce ‘e> CA F MNT E Ca rr L TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES TOME VIII Agassiz (Alex.). Le développement du Lepidosteus, N.etR., p. x. — Sur les jeunes formes des poissons osseux, N.et R., p. XXXVIII. — (Voir Dall). Alcyonnaires (Voir Kowalewski). Annélides polychètes [Voir Cosmovici). Ascandra (Voir Vasseur), p. 59. Astéries (Voir Viguier), N. etR , p.1. Bactéries (Voir Cossat-Ewart). Balfour. Sur la morphologie et la posi- tion systématique des Eponges, N. et RL — Sur certains points de l’anatomie du Peripatus capensis, N. et R.,p. xui. — Résumé des recherches récentes sur le système nerveux des Méduses, N. et R+, D. sa vE Bonellie (Formation de l’œuf, dévelop- pement et mâle de la), N.et R,., p. XXXIII. Brachiopodes {Voir Brooks), p. 391. Brooks (Voir Lingule), p. 391. Bryozoaires (Voir Joliet), p. 497. Campanulaire. (Ovaire et testicule), p. 433 (Voir Fraipont). Céphalopodes à coquilles cloisonnées, N. et R., pay. Challenger (Voir Théel). Chlorophylle animale (Voir p.. 5: Cosmovici. Glandes génitales et organes segmentaires des Annélides polychètes, p. 233. Cossat-Ewart. Recherches récentes sur les Bactéries, N. et R., p. xv. Criodrilus (Voir Vejdovsky). Culcite (Voir Perrier). Dall, Rapport sur les résultats des dra- Geddes), gages faits sous la direction d’Alexan- dre Agassiz dans le golfe du Mexique, en 1877 et 1878 par le steamer Blake, commandant Sigsbée. Conclusion gé- nérale résultant d’un premier examen des Mollusques, N. et R., p. Lvr. Développement des Mollusques, p. 103: — du Poulet {Voir M. Marshall). — du cœur du Criodrilus (Voir Vej- dovsky). Dragages (Voir Al. Agassiz, Dall, Chal- lenger, W. Thompson). Echiure (Organisation des) (Voir Greeff). Ecrevisse (Voir Huzxley), p. 79. Eponges (Voir Vasseur). — (Voir Balfour). — {Voir Saville Kent). — (Voir Merejkowsky). Fol (Hermann). Etudes sur le dévelop- pement des Mollusques, p. 103. Fraipont. Recherches sur l’organisation histologique et le développement de la Campanularia angulata; contribution à l’histoire de l’origine du testicule et de l’ovaire, p. 433. Fredericq et Vandevelde. Sur la vitesse de transmission de l’excitation motrice dans les nerfs du Homard, p. 513. Gastéropodes (Voir Fol), p. 103. Gaudry (Albert). Résumé sur les en- chaînements des mammifères tertiai- res p-.67. — De l'existence des Saïgas en France à l’époque quaternaire, p. 405. Geddes (Patrick). Sur la chlorophylle animale et sur la physiologie des plantes vertes, p. 51. — (Voir Huæley), p. 79. — (Voir Balfour). 84 Geddes (Patrick). (Voir Saville Kent). — (Voir Agassiz). — (Voir Cossat-Ewart). — (Voir M. Marshall). — (Voir Lutken). — (Voir Balfour). (Système nerveux des Méduses.) — (Voir Saville Kent). (Embryogénie des | Eponges.) — Observations sur le fluide périviscé- ral des Oursins, p. 483. Gervais (Henri). l'Amérique du Sud, N. et R., p. Lvir. Greeff. Organisation des Echiures (Tha- lassema Mæbri), N.et R., p. xrix. Hauser, Recherches physiologiques et histologiques sur l’organe de l’odorat chez les insectes, N. et R., p. Lxi. Helix (Voir Viguier). Hétéropodes (Des organes du goût chez les). (Voir Todaro), N. et R., p 1. Holothurides (Voir Théel). Homard (Voir Fredericq). Hubrecht. Etudes sur les Némertiens, | . Mac Leod. La structure des Trachées et p. 521. Huzxley. Classification et distribution des | Ecrevisses, p. 79. Hydroméduses (Voir Merejkowsky). Ichthyologie (Voir de D Insectes (Odorat des) {Voir Hauser:). Joliet (Voir Balfour:). — (Voir R. Owen). — (Voir Brooks). — Brachiopodes, Lin- | gule. — {Voir R. Owen). — Spirule. — (Voir Marsh). — Organe segmentaire des Bryozoaires endoproctes, p. 497. — (Voir Greeff). — (Voir Todaro). — (Voir Mac Leod). — (Voir Kowalewsky). — (Voir Théel). — (Voir Dall). — (Voir Vejdovsky). — (Voir Ray-Lankester). — (Voir Hauser). Kent (Saville). Etudes sur les Physe- maires, N. et R., p. vi. — Sur l’embryogénie des Eponges, N. CLR D XEIXS Les Mammifères de | | Laura (Voir de Lacaze-Duthiers). Saint-Paul) , | | Mammifères de l'Amérique du Sud (Voir TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. Korotneff. Etudes sur les Rhizopodes, p. 467. Kowalewsky. Sur le développement des Alcyonnaires Sympodium coralloïides et Clavularia crassa , N. et R., Am urt | 700 Lacaze-Duthiers (Henri de). Histoire de la Laura Gerardiæ, type nouveau de crustacé parasite, p. 537. Lankester (Ray). Sur le Craspedacustes Sowerbii, nouvelle Trachyméduse ha- bitant l'eau douce, N. et R., p. Lx. Lepidosteus (Voir Agassiz). Leucosolenia (Voir Vasseur), p. 59 Lingule (Du développement de la) et de la position zoologique des Brachio- podes, par Broock, p. 391. Lutken. Contribution pour servir à l’his- toire de deux genres de poissons de la famille des Baudroiïes, Himantolophus et Ceratias, habitant les grandes pro- fondeurs des mers arctiques, N.et R., D xxiir la circulation péritrachéenne, N. et R?;D°'8r. Mammifères tertiaires (Voir Gaudry); p. 65. H. Gervais et Ameghino). _ Marsh. Sur les principaux caractères PET A CR des dinosaures américains et sur un nouvel ordre de reptiles éteints, les Sauranodontes, N. et R.,p. xLvI. Méduses (Voir Ray-Lankester). . Méduses (Voir Balfour). Merejkowsky. Reproduction des Epon- ges par bourgeonnement extérieur, Di #17. — Sur une anomalie chez les Hydromé- duses et sur leur mode de nutrition au moyen de l’ectoderme, N. et R., D: XIE. Milnes Marshall. Sur le développement des nerfs crâäniens chez le Poulet, N. CLÉ D: XVIe Mollusques (Développement des) (Voir Fol), p. 103. Morphologie des Eponges (Voir Merej- kowsky). Némertiens (Voir Hubrecht). TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES. 585 Nerfs du Homard (Vitesse de transmis- sion dans les) (Voir Frederick). Nerveux (Système) des Méduses) (Voir Balfour). Organes segmentaires p. 497. Oursins (Fluide périviscéral des), par Patrick Geddes, p. 483. Owen (prof. Richard). Observations sup- plémentaires sur l’anatomie du Spirula australis, N. et R., p. xx. — Sur les relations des coquilles cloi- sonnées des Céphalopodes avec leurs constructeurs, N. et R.,p. xLv. — Sur le mâle de la Spirula australis, N. et, ps Lx, Peripatus capensis (Voir Balfour). Perrier (Stellérides de l’île Saint-Paul), pe AT, Physemaires (Voir Saville Kent). Planaires vertes (Voir Geddes), p. 52. Poissons (Voir Sauvage). — (Voir Lutken). — (Voir Agassiz). Poulet (Voir M. Marshall). Pulmonés {Voir Fol), p. 103. Saïga (Voir Gaudry), p. 405. (Voir Joliet), Saint-Paul, p. 1. Sauranodontes (Voir Marsh), N. DeTXLVI Sauvage, p. 1. Spengel (Voir Bonellie), N. R., p.xxxuit. Spirula (Voir Owen), p. xx. Spirule (Voir R. Owen). Stellérides de Saint-Paul (Voir Perrier), pDeÆts Théel (Hjalmar). Rapport préliminaire sur les Holothurides recueillies par le Challenger sous la direction du profes- seur Wyville Thomson, N.etR., p.Lv. Todaro. Des organes du goût chez les Hétéropodes, N. et R., p. 1: Trachées (Voir Mac Leod), N.etR , p. Lt. Vandevelde (Voir Fredericq). Vasseur. Reproduction asexuelle de la Leucosolenia botryoides, p. 59. Veydovsky. Sur le développement du cœur du Criodrilus, N. et R., p. Lvur. Viguier. Squelette buccal des Astéries, N.etK.,p. 1. — Observations sur la viviparité de l’'He- lix studeriana, p. 529. — Mémoire sur l’organisation de la Ba- tracobdelle, p. 373. et ER , PA "AO. à LA …. b «2 7. | #4 re | pie LAN 4 QUE » 48 3 " à bitai TABLE DES PLANCHES I, Il, III. — Poissons de la faune de l’île Saint-Paul. IV. — Culcita Veneris. V, VI VII, VIII. — Mammifères tertiaires. IX et X, XI et XII, XIII et XIV, XV et XVI, XVII et XVIII. — Développement des Gastéropodes pulmonés, XIX, XX, XXI, XXII, XXIIT, XXIV, XXV, XXVI, XXVII, XX VIII. — Organes génito-réno-segmentaires des Annélides. XXIX, XXX. — Organisation de la Batracobdelle. XXXI. — Bourgeonnement des Eponges. XXXII, XXXIII, XXXIV. — Campanularia angulata. XXXV, XXXVI. — Rhizopodes. XXXVII, XXXVIIL. — Corpuscules de la cavité générale des Oursins. XXXIX. — Organes segmentaires des Endoproctes. XL. — Hélix vivipare. ue eme er à LE L VAUT ES 5 LCA L'TRTALE la + « LANON TR APRES ï À À d d À \ + nl | L x CARAROLIL “à s, ne ler | à À ï j l \ LA ; j pt ho Lt 2. LE ! # ; » ) L NEPAL à Le SPA ET , D RU CAE TOURS MNT CTP ar ll ) “ PACE MAL F AE © FA À ui MON SM RS ME RP tal Tete . ] ÿ” RENE SLAM ER MALE : ER À Leu Lu A i ” L A | l à CET LT | ds Rev Be AROTOT ' 1 EN = PL À 14 DR Le PANEL el 6 | PRE n À den SE Ans ARE e BONE ne TA ou PQ PE Y 4 Ê . FAT bai , x PET - Ep [LIT QUE PART ! F1 LU { DATE FER UE RARE Re A i fh | NC . “, ati ER ne tue LA : \ AE LAC TI « À PR k “ ii 1 de, ï L2 Ÿ : à P - ; 4 x Arch. de Zool. Exp'° et Génl® Shine Aves Et imus mp .B ecquet, Paris. AÀ.Karmanski lith. | +8s- 1. BELONICHTHYS SANCTI PAULI, Syq. MPSERIOLELLATVELAINT, Svg Librairie C.Remwald, Paris. % Fe re rch.de Zool.l pe et Gén!° a AB RICI RCE PUTER Librairie C.Re 1 I J LYS à LAN EARES VE. (#, inwald, Paris . vok VIT PTT Fig. 1° ANNE A DNA REEES st ÿ fs \ No Areh.de Zool xp et Gén? Vol. VII. PI. II. 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FORMANT DEL. MAMMIFÈRES TERTIAIRES. Pb PL, VEL TYP. A. HENNUYER ARCIH. DE ZOOL, EXP. ET GÉN. RHONE Pl: VIIL po Fig. 4. H. FORMANT DEL. TYP. A. HENNUYER. 2 MAMMIFÈRES TERTIAIRES. “ #28 È dr ’ 0 " ” > LS , 4 > 4 ÿ n ’ 2 0 Ja n° da ? + oi eo PRNEE PLIX &X Arch. de Zool Exp et Genk T.VIII Lermann Fol cam: del Amp Ch Charden ciné Parir Planorbis maréinatus Librairie Reinwald | Go + 0 De 0 L d Arch de Zool Exp"et Genk T VII] P1.XI & XII Lermann Fol cam del Imp.Ch. Charden ainé F'arër Planorbis, Physa, Limnæus et Ancylus Librairie Reinwald 7 0 4 _ L Arch de Zool.Expl® et Gén!° p'- Vol. VIIL. PL XIII et XIV Vol. VIT. PL. XV et XVI Pierre se Imp. Ch Oardornainés s” Ë F : à É : 7] .. $ HELIX POMATIA. £ Librairit :-Reinwald. » Vol. VIIL. PL XVII et XVIII PR Arch de Zool Exple et Geni° Ê - ÿ. : Hermann Fol cam. det. Imp.lh Chandon ainé Pierre ro LIMAX, ARION, HELIX. Librairie Reinwald . 4 Lagesse se’ & È È LS [SJ S S Es M, à $ LA. NOR 5 8 RSR à Ü $ A2 & Ed. 4 ÿ : «fr] © è 2 0 Eure Ie et 42 À “is <, E. losmovioi ad nat del Arch de Zool. Expl° et Cen!° Vol VII P1.XX Imp.Ch Cardor ciné Paris Léon CRlormoviei ad nat dt Lagesse se fm ORCANES RENQ SECMENTAIRES 4 pévarun | Libraime C. Reinwald. se, LL? F AS \S: F4 & PSE Lx Lagesse se PI.XXI = — Oo = ‘ Ë à à & un FH] de de à e È É à D ee È = à 0 & & à = È 8 1 k Geni® E Ari ORGANES GENITO- RENO-SEGMENTA Ne Lool. E ve - - Le 2 p L nn "vP - 2 re Se AS. # PE ‘ 1 LC . ET TS lee 2 È 2. St TU re ; SFR LS E RS r . NS à a fc NS is" - LEE NV He do Cia Se ë ps E . = « LE F ne ri À ch. de Zoo!. Expl® et Genie Vol VIT PI1.XXI £ i PRE * £ La + ER nt == + A a, Dr. ai ET Enp. Ch. Chardon ane Paris Lagesse se Annélides TEREBELLA GCIGANTEA organisation Librairie C.Reinwald à > | - : : $ A. = > “ ss : c res NS NUM = # 2 UN F Le LC = TD « è = > No ve à n À R l (æ) É =) OR AR | ie el Ê durs È Es 6 ARE Er] . t> à m Ci De) LD : 5 : O "B- Ex] 2 le) le] NI] o "TT « à man ee : PA Li = 2S PS A: ame ete HANN , Lagewve :re Imp.Ch. Charder ainé Paris ANNELIDES ORGANES DE LA REPRODUCTION DES TEREBELLES Librairie C.Reimwald q QE rt MANN L d ER 3 æ : ie © L sd cs. à): © © Vol VIII PI.XXV mm HE É ( AT | : Ut : LIT Th à W® TT Ty t. | pré 4 AAATE # A4 # 4 L me k 170 pee È { Mo S v, 8 Mad a a Ü à “ SRE = 6 LS) 18 thin ( [AL FAT AULA QUE AN ANAI “ EANNMLLA RENAN NE Ent a ;! QU NU MY À Imp. Ch. Chardon aine Paris ANNELIDES OPHELIA BICORNIS organisation Librairie C.Reinwald its ms tt $ " fi 4 7 nf ARE CL" ON Fe , 11 «| h LA Ara MALTE * i FT LA HN ts ESSRER SENS 4 ÿ” 2. D Q AAARAK A I Organ ésalion Li Imp. Ch BEA di aine l'aris ANNELIDES CHETOPTERUS VALENCIN mn ro monnr ee ere ee #\. ‘4 | Librairie €. Renwald C Arch. de Zo ol. Expi et Gen 2 Le a \t: SL in à LA ar à À à À TER ge Lori « ie + Pre ot , # é l Et ARE AL. 24 + = vtr ñ Loic, = NÉ LL ET. : M nn. A - É ; , LESC « È sé . HE + s'att ja, es +7 =: FO fut v4 f" Hits? " = Se Lie DS ET VC ONU die Sri 42e PUR rch.de Zool. Exp{ et Cenl° Vol. VII P1.XXVII hu a pre À r ) ï 14 FE RSC EN DTA AE > PILE MOI | DAS h e mp. Ch Chardon aine Paris owmovier ad nat del. Lagesse #e È ANNELIDE S | MYXICOLE SABELLE CLYMENIE, PECTINAIRE HERMELLE oganiraton | DRAP RE OR NS 2 a LT 5 D Vol.VII PI.XXVHI mp. Ch. Chardon ane Paris | ANNELIDES …_APHRODITIENS, CIRRHATULIENS NEREIDIENS EUNICIENS aganisation ici ad, nat del. Lagesse SC Ee. Librairie C.Reinwald ni” DEAR œ* Fefià PF.» a #< Vol VII PLXXIX. € ÆExpl° et Gén! a Ke Zool LA »- me Meteo + RE ET à ” FA D 1 ee PL Î DEL CT RER CURE CERN ES Ter Ti LCL] À ; Î Pierre se. sh ERCTRASE TU TI eet ae RRQ Tasse Se V1 NE 7 ho LL 2 RS SEEN EE JImp. Ch. Chardon ane’. C.Viguier, ad nat, del. Organisation de la BATRACOBDELLA LATASTII (CVig) PP TT I 7 RL n Vol.VIIT PL XXX. er =S ©— 7 À ==" RE GE mt MS MS Fisneree tr 7 pr EN Bar PAT UE 2 d / ne Imp.Ch. Chardon ainé, Pierres ce: Or$anisation de la BATRACOBDELLA LATASTII (CVige) e Î l nt di t, ha KE TOR PA A: V Aa LMI 5 ; x wa n'y e Pan % & 4 e at * f vs h , AAA Lei RTE U TES sfr CAR ÿ ii ' : , ' 4 Û \ ! 74 A J "nd ü x # à | A), TA Ci 8 FT. \ NU LU PAP, d k Æ * \ y Vo ver sl * : Pa 12 an 4: 1 n " / d : 17 pt ; à : 1 © FNAC 14 a UN AL À QAU Ar, ss Lu fi \f (EE M + N ï \ CR LME RACE D AD M AN Te x agé Meg! t'a pu D ' L 12 D pe 7 M 2 À î s CHUT au Ne TU 14 fo { (RAT ÿ te er # Pierre se. ORNT PURE D de POS NO ST Vol. VII. PI XXXI. Librairie Reinwald, BOURGEONNEMENT EXTERIEUR DES EPONGES. 0 -A----0 ; N Ü S te. r * Lao & 2e 8 > F ë Ë À = Ë G s <0£ … à F- — Le À } re 1 «4 Fa fe rd # Zi Ë s À ; 1 sf 4” Fd ,* a j y ft PAT e # EL F4 en 2 13 ) F9 = * y n ec À y AD L cé , Q Ù Lo ee + en . [e æ # ps. ë 14 é ; e ï - \ 4 ’ Le) | : | » # ot PP PE D Lee r'd n 12 ze JFraipont ad. nat. del Imp.Ch.Chardon ane Pierre sc N CAMPANULARIA AI J Librairie Reinwald FL Fgl La . pa dr : ia ME ie a CAMPANULARIA ANGULATA. Librairie Reinwald. Vol. VIIH] 7e XX I] Ds Le me JArch.de Zool.Expl° et Cénl® Vol. VIII. PI. XXXIV E pes Lg ect APTE, JL Fraipont ad nat. del, CAMPANULARIA ANCULATA. ibrairie Reinwald. ED On 2 vu Vol. VIII, P1.XXXV otneff ad nat .del. Zmp. Ch. Charden atné. Pierre se. ja 2. Protamoeba primordialis 3a 6.Longicauda amoebina 7 à 8-Dactylamoeba elongata._ 9 Cochleopodium echinatum 10 a 13. Développement de l'Acanthocystis viridis (Ls Vol. VIIL PI XXXVI . de Zool. Expl° et Géni° 6 ? Pierre se. DEVELOPPEMENT DE PELOMYXA. = POS Do 0 à de Monte ie / € Pa PE = Le £ L CPE EM J / : | w : Æ + É 6 AE æ) res € # #4 % re * # : Le”. [st 19 j na a PS, Eve) ] ! . S ré) FierTe SE \ P Geddes ad nat. del Imp.Ch. Chardon aine OURSIN .__ Corpus ules de la canté enerale s AL” à & Ed AS AN MREIUE “ ; te ] 14 get Lee À rer Mde Zool Exp° et Cent à | } 74 b in & €) © 47 a " 22 be Ed Te ee nr A xs > ove® PTE L7 P. Geddes ad nat. del. Imp.Ch. Chardorn aine . Pierre se OURSIN. __ Corpuscules de la cavité éénerale. “Arch. de Zool Exp'° et Génl® L Jolet ad. nat:del Imp. Ch. Chardon aine v ra dy r h. de Zoo Wiquier ad. nat. del Pierre sc ve + Den mn. An, (! GS | CR “es Return this book on or before the last date stamped below Library Bureau |Cat. no. 1174 PTE LÀ 5e ET dus nent 2e Pronos attentes comte 50 o4 ln ait en.