LA . s L HA { fai | Ce D Le re : t 0 + Y. : L 4 pa ; BE > L ge »# . L er "a #* : Nr De LC . A L o D L L : Yi a | .. ARCHIVES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. IT. CES 4 a A. Prnax DE LA Forgsr, Imp, de la Cour de cassation , rue des Noyers, 57. PUBLIÉES PAR LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. TOME IT Archives Mues.H. N.(Parie), II, 2 {840 È NA : k Fc à AE à DE pat ce. 1P41 - 990 5 Lo be mid.bes: cs 3 ubt-$534 mejrèsee À 184$ S — & re ve pad te ue A ASS RS 4° 4 à © Ka 8HERBORN'g F3 2Ex ANT ALIUM® Î _ 1 1541. JAI MALAQUAIS. À - D A. Praax DE LA Forgsr, Imp, de la Cour de cassation, Je 1 rue des Noyers, 37. | | | f « ï } ARCHIVES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. PUBLIÉES PAR LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. TOME IL. GIDE , ÉDITEUR , RUE DES PETITS-AUGUSTINS, N° D, PRÈS LE QUAI MALAQUAIS. 1841. :NOMS DE MM. LES PROFESSEURS-ADMINISTRATEURS DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE PAR ORDRE D'ANCIENNETÉ. MM. Georrroy-Saint-HiLaie, professeur de zoologie ( mammifères et oiseaux ). Corprer, professeur de géologie. + BronGnrarT (Alexandre), professeur de minéralogie. DuxériL, professeur de zoologie (reptiles et poissons). De Jussieu, professeur de botanique (cours à la campagne). Nirgez, professeur de culture. CHEVREUL , professeur de chimie appliquée. De BLainvicce, professeur d'anatomie comparée. Gay-Lussac, professeur de chimie générale. FLourens, professeur de physiologie comparée. VALENCIENNES, professeur de zoologie ( mollusques, annélides et zoophytes). à AupouIN, professeur de zoologie (arachnides, crustacés et insectes). BronGniarT (Adolphe), professeur de botanique et de physique végétale. BecQuEREL, professeur de physique appliquée à l'histoire naturelle. SERRES, professeur d'anatomie et d'histoire naturelle de l’homme. “ DESCRIPTION DES CRUSTACÉS NOUVEAUX OU PEU CONNUS, ET REMARQUABLES PAR LEUR ORGANISATION, CONSERVÉS DANS LA COLLECTION DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE; PAR MM. AUDOUIN ET MILNE EDWARDS. La Collection Carcinologique du Muséum d'histoire naturelle était peu nombreuse lorsque, vers l’année 1817, le savant Latreille en dressa un catalogue méthodique resté manuscrit dans les archives de cet établissement; mais depuis lors elle a complétement changé de face. Les Voyageurs-naturalistes envoyés par l’Administration du Muséum dans différentes parties de l’Asie, de l'Afrique et de PAme- rique ont puissamment contribué à son accroissement; les collections particulières de Bose , de Latreille et de quelques autres zoologistes y ont été réunies, et dans ces dernières années surtout elle a été con- sidérablement enrichie, grâce au zèle désintéressé des chirur- giens attachés aux grandes expéditions maritimes entreprises par ordre du Roï. On y voit aujourd’hui des exemplaires de presque tous les Crustacés décrits par les différents auteurs qui ont traité de l’histoire de ces animaux, et on y remarque une foule d'espèces nouvelles. Cette collection est certainement une des plus complètes qui existe; mais 6 CRUSTACÉS pour que la science tire des richesses qui y abondent tout le profit qu’elle doit en attendre, il ne suffit pas que ces animaux si variés y Soient rangés méthodiquement etexposés aux yeux des zoologistes, il faut aussi que les espèces nouvelles ou peu connues qu’elle renferme soient décrites avec exactitude et figurées avec soin. Dans un ouvrage général sur l'Histoire naturelle des Crustacés, Pun de nous” a déjà indiqué sommairement les caractères de la plupart des espèces nouvelles appartenant à cette vaste collection, mais il en reste encore plusieurs qui n’ont été mentionnées par aucun zoolo- giste, et il en est aussi beaucoup qui mériteraient une étude plus approfondie; enfin le nombre des espèces pour lesquelles on man- que de bonnes figures est encore plus considérable, et tous les natu- ralistes savent combien une représentation exacte surpasse en utilité la description la plus minutieuse. Il nous à semblé, par conséquent, qu'il serait utile d’offrir aux zoologistes une description détaillée de quelque-uns de ces animaux et d’accompagner ces descriptions de bonnes figures. Le nombre de ces espèces nouvelles ou imparfai- tement connues est trop considérable pour que nous puissions, dans ce moment, nous engager à entreprendre pour toutesun pareil travail, mais en nous restreignant à celles qui présentent le plus d'intérêt, la tâche cessera d’être impossible, et afin de nous en acquitter, nous nous proposons de donner successivement dans ce recueil une suite d’ar- ticles sur l’histoire zoologique d’un certain nombre de ces animaux. ? M. Milne Edwards. DU MUSÉUM. - ES SUR LE GENRE SÉROLE, DE L'ORDRE DES CRUSTACÉS ISOPODES. Les Séroles ont à plusieurs reprises excité l'attention des natura- listes à raison de leur ressemblance extérieure avec les Trilobites, dont la race tout entière a disparu depuis si longtemps de la surface du globe et n’a laissé de trace de son passage que dans les couches fossilifères les plus anciennes. Cependant ces Crustacés ne sont encore que très-imparfaitement connus et on manque complétement de données sur plusieurs points de leur organisation les plus intéres- sants pour le zoologiste. Fabricius est le premier auteur qui en ait parlé, car c’est à ce genre qu’appartient son Ouscus paradoxus'. À une époque plus rapprochée de nous, le docteur Leach a eu l’occasion d’étudier à son tour ce Crustacé, et c’est à Ini qu’on doit l'établissement d’une divi- sion particulière destinée à le recevoir et désignée sous le nom gé- nérique de Sérole* ; il est entré dans quelques nouveaux détails sur la structure extérieure de ces animaux, mais il n’en a publié qu’une description extrêmement succincte et n’a accompagné celle-ci d’au- cune figure. Desmarest * et Latreïlle “ ont adopté les vues de Leach relativement à la classification des Séroles , mais n’ont pu rien ajouter à nos connaissances sur ces animaux, car à l’époque à laquelle ces naturalistes habiles publièrent leurs ouvrages il n’existait dans nos musées aucun exemplaire de ce genre curieux. M. Gaudichaud en ? Oniscus paradoxus, Fabricius, Mantissa, t. 1, p. 240 (1787).— Cymothoa paradoxa, ejusd. Entom. Syst., t. 2, p. 503 (1793). 2 Dictionnaire des sciences naturelles, t. 12, p. 339 (1818). 5 Considérations sur les crustacés, p. 292 (1825). # Règne animal de Cuvier, t. 4, p. 132 (1829). 8 CRUSTACÉS a le premier enrichi nos collections. Il rapporta de Valparaiso une Sérole très-bien conservée dans l’alcool, et aussitôt l’un de nous” se hâta d’en étudier la structure. Diverses circonstances ont retardé jusqu’ici la publication de ce travail, mais les principaux éléments en furent communiqués à l’Académie des sciences, le 19 avril 1833. Vers la même époque un naturaliste américain, M. Eights, publia la description et la figure d’un Crustacé très-remarquable qu’il consi- dérait comme devant constituer un genre entièrement nouveau auquel il assigna le nom de Brongniartia* ; mais cet animal, comme nous le montrerons bientôt, n’est autre chose qu’une véritable Sérole. Peu de temps après, M. Alcide d’Orbigny (en 1834) a rapporté de l'Amérique du Sud et déposé dans les collections du. Muséum une autre Sérole, et lun de nous a eu l’occasion d’étudier un crustacé du même genre conservé dans le Muséum britannique de Londres. Enfin M. Buckland * a publié dernièrement une bonne figure de l'espèce déjà décrite par Fabricius et par Leach. Tous ces Crustacés ont été trouvés dans la région déjà signalée par Fabriciuns comme la patrie de son Oniscus paradoxus, et ils se ressemblent tous aussi par leur forme générale, mais il suffit de les examiner comparativement pour se convaincre qu'ils doivent consti- tuer quatre espèces distinctes. De ces quatre espèces, deux ont déjà été décrites par les zoologistes et n’existent pas dans la collection du Muséum, ce sont la Serolis Fa- bricit de Leach # et le Brongniartia Trilobitoïdes de M. Eights®. Les deux autres sont entièrement nouvelles et porteront les noms de M. Audouin. : Transactions ofthe Albany Tastitute, t. 2, n° 8, 8, (octobre 1833.) 5 Geology and mineralogy, t. 2, pl. 45, fig. G et 7 (1836) London 8°., 4 Dictionnaire des sciences naturelles, t. 12, p. 340 (1818). 8 Loc. cit. DU MUSÉUM. 9 Serolis Gaudichaudu et de Serolis Orbignyi, en l'honneur de ces naturalistes qui les ont déposées dans la collection du Muséum. La description de ces dernières espèces formera l’objet principal de cette notice; mais avant de les décrire , nous exposerons rapide- ment les connaissances que les naturalistes ont eues sur les Séroles, depuis l’époque où la première espèce a été décrite, jusqu’au mo- ment où nous publions ce Mémoire. Nous nous attacherons ensuite à faire connaître , avec tous les détails nécessaires à notre sujet, les caractères propres au genre-Sérole, et nous ferons ressortir ses rap- ports et ses différences avec les genres qui s’en rapprochent le plus; enfin, nous donnerons la description détaillée et comparative des espèces que nous connaissons , soit d’après des individus observés sur nature, soit d’après quelques descriptions et figures laissées par les auteurs. $ [. — DÉVELOPPEMENT DES CONNAISSANCES ACQUISES PAR LES ZOOLOGISTES SUR LE GENRE SÉROLE. ‘Comme nous l’avons déjà dit plus haut, Fabricius est le premier naturaliste qui, dans son Mantissa Insectorum, publié en 1787, fit connaître l’espèce qui, plus tard, devait être le type du genre Sé- role ; mais n’ayant pas reconnu tout ce que son organisation présen- tait de remarquable, il la rapporta au grand genre Oniscus de Linné, composé alors d’espèces bien différentes entre elles. Toutefois on peut croire qu’en donnant à cette espèce le nom de paradoxus, et en la plaçant en tête du genre, il a voulu faire sentir l’anomalie qu’elle présentait avec les autres Oruscus. T] lui assigne ce petit nombre de caractères : ÜNISCUS PARADOXUS : Æntennis qualernis, segmenlo- rum lateribus falcato-spinosis. Plus tard, le même auteur, dans son Entomologiu systematica , ouvrage qui a paru en 1793, rangea cette Anomives pu Muséum, tome II. 2 10 CRUSTACÉS même espèce dans son genre CYMOTHOA, en ajoutant aux carac- tères spécifiques énoncés dans son Marissa, ceux qui suivent, beau- coup plus propres à faire connaitre ce crustacé : Statura magna, lata, depressa Monoculi;.antennæ quaterneæ ; articulo primo secundoque longioribus, compressis, reliquis brevis- simis, selaceis. Oculi duo distincti in capilis segmento, segmenta corporis sex anteriora latissima : lateribus retro-fülcatis, aculs, 7, 8, 9, breviora, angustiora, lateribus haud exsertis; cauda magna, ovala lineis tribus dorsalibus, elevalis, apice utrinque foliolo brevi, obtuso. Pedes 1 A unguiculali. An protypon Entomolothi paradoxt. En examinant cette description, on verra facilement que la plu- part des caractères qui y sont énoncés ont plutôt une valeur généri- que qu'une valeur spécifique. Cependant, Fabricius pressentait ju- dicieusement les rapports de ce crustacé avec les Trilobites; car il termine sa description en disant : 7 protypon Entomolithi para- doxz. Bien des années s’écoulèrent avant que ce Crustacé remarquable n'ait fixé de nouveau l'attention des zoologistes. Ce ne fut qu’en 1818 que le docteur Leach établit le genre Sérole, fondé uniquement sur la Cymothoa paradoxa Fabr., et en publia les caractères dans le tome XII du Dictionnaire des sciences naturelles, à l’article Cyr10- thoadés. Le naturaliste anglais s'arrête peu sur les traits les plus remarqua- bles de l’organisation du genre Sérole'; il ajoute seulement, après * Voici les caractères génériques que lui donne cet auteur : «Antennes supérieures formées de quatre articles, plus grands que les trois premiers des antennes inférieures ; le dernier ar- ticle composé de plusieurs autres très-petits ; les antennes inférieures ayant cinq articles; les deux premiers petits, le troisième et le quatrième ( principalement ce dernier ) allongés ; le cinquième composé de plusieurs autres très-petits ; la deuxième paire de pattes ayant l'avant dernier article et les ongles très-allongés ; la sixième paire de derrière, servant à la marche DU MUSÉUM. 11 l’énumération de ses caractères : « Ce genre offre, au premier aspect, « quelque ressemblance avec le Trilobite ; mais il suffit d’un léger « examen pour $assurer qu'il n’y a pas le moindre rapport entre (CEUX. » Ce savant auteur s’abusait singulièrement, lorsqu'il se refusait à reconnaître les points de ressemblance qui existent entre les Séroles et les Trilobites. Toutefois, les caractères qu’il a reconnus chez ce crustacé sont très-exacts, mais il en a passé sous silence plusieurs qui eussent mérité d’être signalés. Après l'exposé des caractères généri- ques, il donne une description fort succincte de la Cyrnothoa pa- radoxa de Fabricius et change sans raison son nom spécifique en la dédiant à ce dernier auteur : (S. Fabricü). Latreille adopta dans ses Familles naturelles du Règne animal, publiées en 1825, le genre Sérole qu’il laissa, comme Leach, dans la famille des Cymothoadés ; il n’avait pu se procurer aucun individu de ce genre. Dans la même année, Desmarest publiait ses Const- dérations générales sur les Crustacés; mais ne connaissant aussi les Séroles que d’après les auteurs qui les avaient signalées, il repro- duisit textuellement, comme il le dit lui-même, la description et les observations de Leach. En 1829, Latreille, dans la seconde édition du Regne animal de Cuvier, après avoir indiqué les caractères les plus saillants du genre Sérole, renvoie à l'ouvrage de Desmarest. Ainsi, jusqu’à cette époque, deux auteurs, Fabricius et Leach, s'étaient seuls trouvés dans le cas de pouvoir observer une même espèce appartenant au genre Sérole; le premier n’y avait attaché un peu épineuse, ayant les ongles légèrement courbés ; les appendices antérieurs du ventre formés de deux parties égales, foliacées, arrondies à leur extrémité, garnies de poils à leur base, placées sur un pédoncule commun ; les deux appendices postérieurs du ventre petits -et étroits ; l'appendice intérieur n'étant pas saillant.» 12 CRUSTACÉS que peu d'importance, puisqu'il la plaçaït d’abord parmi les Onis- cus, ensuite parmi les Cymothoa. Le second avait bien reconnu la plupart des différences importantes qui caractérisent cette espèce, et s'était cru autorisé à établir pour elle un nouveau genre, sans qu’il ait saisi, comme l'avait fait Fabricius, son analogie avec les Trilobites ; car il nie au contraire cette analogie frappante qui existe entre ces animaux , et sur laquelle nous reviendrons plus loin. Telles étaient les connaissances acquises sur les Séroles; lorsque l’un de nous présenta, le 19 août 1833', à l’Académie des sciences un travail manuscrit sur le genre Sérole, et particulièrement sur une espèce inédite, qui venait d’être déposée tout récemment dans les collections du Muséum, par M. Gaudichaud, au retour de son voyage. Illa dédia à cet habile naturaliste voyageur, et en donna une description accompagnée de nombreux dessins grossis à la loupe et au microscope, représentant toute les parties essentielles de l’a- nimal. Bientôt après, une nouvelle espèce récoltée par M. d’Orbigny, vint s'ajouter à la première dans les collections entomologiques du Muséum, et l’occasion se présenta ensuite d’observer la Serolis pa- radoxa de Fabricius, qui fait partie du Musée britannique à Lon- dres*. Ces circonstances nous ont décidés à réunir nos observations, et d'autre part, l'intérêt qui se rattache à l’organisation de ces crusta- cés, nous a déterminés à les placer dans les Archives du Muséum. "M. Audouin.—Cest par erreur qu'à la page 8 du présent mémoire on a imprimé avril au lieu d'août. 2 M. Milne Edwards, dans un de ses voyages en Angleterre. DU MUSEUM. 13 6 IL. — GENRE SÉROLE.—GENUS SEROLIS LEACH, LATR. DESM. — Oxiscus ET CYMOTHOA FABR.— BRONGNARTIA Ercurs. CHARACT. ESSENT. Corpus depressum, ovatum, longitror- sum bisulcatum. CAPUT segmento thoracico septum, plis minusve depressum, ad oculorum insitionem utrinqué inflatum. Ocurr ma- gra, sessiles. ANTENNÆ elongalæ, compressæ, retrorsim arcuatæ. ManoBuzz validæ, ad basin latæ apiceque angustissimæ; palpis elongas articulo ulimo brevi, arcuato, villoso. Maxizzx primæ “elongalæ apice spinosæ. MaxILLzÆ secundeæ in lobis tribus ciliatis diviscæ. PEDES MAXILLARES latissimi, apice emarginati, palpo lato brevi instruct. THorAx latus; segmento primo alteris majore ; seg- menlis quinque sequentibus arcuatis, lateribus retro falcato-spino- sis, præserlim posticis ; septimoque suprà haud perspicuo. PEDES compressi, unguiculati ; pedes antici maximi, articulo primo, elongato, ad basin angusto, apiceque clavato; secundo mulid bre- viore; tertio quartoque brevissimis ; quinlo maximo, ovato, margine pilis numerosis instructo ; articulo ultimo, vel uncino termünali paulb incurvato. ABDOMEN paroum, distincté quadri-annulatum, annulis primo secundo tertioque brevissimis; ullimoque maximo scuti formé, medio carinato. Le corps (pl. 1, fig. 1 et 2) est plus ou moins ovalaire et sen- siblement déprimé ;, cependant il présente en dessus, dans sa partie: médiane, une légère convexité plus ou moins prononcée, suivant les espèces. Cette convexité médiane est limitée de chaque côté par un sillon longitudinal résultant de la soudure des flancs avec les piè- ces dorsales correspondantes, ce qui divise le corps de ces crustacés en trois lobes plus ou moins étendus : un lobe médian (fig. 2*) et deux lobes latéraux (fig. 2**), comme dans les Trilobites. 14 CRUSTACÉS Ce sillon est surtout apparent sur les 2°, 5° et 4° segments thoraci- ques; au contraire, il disparait toujours sur le 1° et s’eflace plus ou moins sur le b° et les suivants. La TèTE (pl. 1, fig. 2 A) enchässée dans le premier segment thora- cique, et qui fait une légère saillie au-dessus, ressemble assez bien à un écusson. Son bord antérieur présente de chaque côté de la ligne médiane une petite cavité destinée à recevoir le premier article des antennes supérieures et limitée en arrière par un rebord saillant; en dehors de ces deux cavités on remarque encore sur ce même bord un mébplat très-sensible (fig. 2 d), sur lequel s'applique le se- cond article antennaire; ce méplat s'étend dans toute la longueur des angles antérieurs de la tête, qui se prolongent un peu en forme d’anse. Cette tête est plus on moins déprimée vers sa partie centrale, et elle offre, de chaque côté, un renflement sur lequel sont enchässés les yeux. Ceux-ci (pl. 1, fig. 2 a), grands, réniformes, font un peu saillie au-dessus du renflement qui les supporte, mais ils sont entièrement sessiles et présentent des facettes très-distinctes et de forme arrondie. Les quatre antennes sont grandes, aplaties, situées au bord anté- rieur de la tête et rapprochées entre elles sur la ligne moyenne; elles sont visibles dès leur point d’insertion, le premier article, ou article basilaire de lantenne inférieure , n’étant pas masqué par celui de lantenne supérieure. Elles se dirigent horizontalement en dehors et décrivent ainsi la courbure du bouclier céphalo-thora- cique. Les antennes supérieures (pl. 1, fig. 2 b; fig. 5 b; et fig. 4), moins grandes que les inférieures, ont chacune leur point d'insertion dans la petite cavité située au bord antérieur de la tête ; leur pé- doncule est composé de quatre articles, dont les deux derniers, beau- coup plus grêles que les précédents; le premier est court et large, £ ë DU MUSEUM. 19 plus ou moins quadrilatère et son bord externe est en contact immé- diat avec le rebord supérieur de la cavité où l'antenne s’insère et qui même quelquefois parait lemboiter ; le second article, moins large et plus long, s'applique exactement contre le méplat du bord anté- rieur de la tête, dont nous avons déjà parlé; le troisième, beau- coup moins large que le précédent, atteint à peu près la même lon- gueur, et le quatrième est trés-court. Enfin, le filet terminal est un peu moins large à sa base que le dernier article du pédoncule, et diminue sensiblement de grosseur jusqu’à l’extrémité, il se com- pose d'environ vingt-cinq petits articles cylindriques, dont le premier est un peu plus long que les autres. Les antennes inférieures (pl. 1, fig. 2 c; fig.3 c; et fig. 5 ) sin- sèrent dans des cavités profondes, au-dessous des précédentes, leur premier article est très-court et entièrement caché sous larti- cle basilaire des antennes supérieures, le second, au contraire, assez long, dirigé un peu en dehors, dépasse très-notablement en avant le bord des antennes supérieures ; le troisième article se dirige com- plétement en dehors, de manière à former un coude avec le précé- dent, il est très-court et un peu moins large à sa base qu’à son extré- mité’; les deux suivants sont allongés, surtout l’avant-dernier, et ils décrivent une courbure très-prononcée ; le dernier s'articule avec le précédent par ginglyme, et peut se fléchir sur lui, à angle droit, mais pas au-delà. Le filet terminal est beaucoup moins long que le pédoncule, il décrit une légère courbure, et se compose d’en- viron vingt articles. L'appareil buccal, situé assez en arrière, est peu saillant, l’épis- * L'articulation de cet article avec le suivant, paraît tout-à-fait analogue à celle que l’on observe entre le trochanter et la cuisse des pattes des insectes ; de sorte que dans la position ordinaire de l'antenne, il ne peut exécuter que des mouvements de haut en bas et de bas en baut. 16 CRUSTACÉS tome (pl. 1, fig. 3*) est échancré à son bord postérieur, et cette échancrure reçoit la lèvre supérieure ( fig. 3**; et fig. 6) qui est petite, assez large, ayant son bord libre, muni de poils courts et roides. Les mandbulles (pl. 1, fig. 3***, etfig. 7), grosses et placées trans- versalement, ont une forme singulière ; elles sont très-larges, de- puis leur base jusqu'aux deux:tiers de leur longueur(fig.7 a), et of- frent à leur bord externe, un profond sillon (c) destiné à recevoir le premier article du palpe. Mais ensuite, elles deviennent très-étroites jusqu’à leur extrémité (b), en se dirigeant obliquement, de manière à former une espèce de coude avec la partie la plus renflée; cette ex- trémité est plus ou moins fortement dentée en dedans (fig. 7'). Le palpe (pl. 1, fig. 7 d) est très-long et inséré exactement à l'angle de la base de la mandibule; son premier article est logé en grande partie dans le sillon que nous venons de signaler ; dans le cas de clôture de la bouche (fig. 3), le deuxième article qui fait un angle rentrant avec le premier, s'applique sur le bord oblique de l’épis- tome (fig. 3*), et son dernier article est en rapport avec la base des antennes inférieures. Ce palpe est composé de trois articles, le pre- mier est long et cylindrique, le second est encore plus long et plus sinueux sur ses bords, et le dernier est court et légèrement arqué; ces articles sont généralement poilus sur le bord externe, particu- lièrement le dernier. Les mächoires de la première paire (pl. 1, fig. 10) se composent d’une pièce principale allongée (a), légèrement recourbée en de- dans, et d’égale largeur dans toute son étendue, avec son extrémité armée d’un grand nombre d’épines fortes et acérées ; mais à la base on remarque en outre deux petites pièces solides (d, c), et au côté interne une foliole membraneuse (d) d’une ténuité extrême, ayant à son sommet un petit tubercule (e) comme vésiculeux , DU MUSÉUM. 17 supportant un second article très-petit terminé par une soie roide”. Les mâchoires de la seconde paire (pl. 1, fig. 11) sont divisées en trois lobes à bords ciliés, comme dans plusieurs autres Isopodes, particulièrement les Idotées et les Spheromes; mais ces pièces basi- laires ne sont pas toutes superposées, comme cela a lieu chez ces der- niers, le lobe externe et le lobe du milieu sont parfaitement séparés entre eux, et ne tendent pas à se recouvrir lun l’autre, le lobe du milieu seul s’avance sur le lobe interne et le cache en partie. Les pattes-mâchoires se montrent sous forme de lamelles fermant exactement la bouche (pl. 1, fig. 3 :: ). Elles se composent de quatre pièces et d’un palpe de trois articles (fig. 12 et 12°). La pre- mière pièce ou la pièce basilaire (fig. 12 a) plus petite que les autres, st en contact, par son sommet, avec la quatrième pièce (d); mais elle s'articule réellement, par son bord externe, avec la deuxième pièce (b), qui est semi-circulaire, et dont le bord droit s'articule avec la base de la troisième pièce. Celle-ci (c) de forme plus ou moins qua- drilatère, est libre a son bord externe et antérieur, tandis quelle est jointe par son bord interne avec la quatrième pièce. Enfin cette pièce terminale (d) s'élève plus ou moins au-dessus des précédentes et son bord interne, en se rapprochant sur la ligne médiane de celui de la patte-mâchoire opposée, clot exactement l'ouverture buccale; elle supporte le palpe qui s'insère près de son bord externe. ? Nous crûmes d’abord que cette mâchoire manquait de palpe, et nous allions signaler ce caractère, lorsqu'un examen des plus minutieux de la première mâchoire d’une Serolis Gau- dichaudir nows fit découvrir, avec un fort grossissement microscopique et très-distinctement, la composition délicate de la base dela mâchoire. Nous vimes que cette base était pourvue de deux petites pièces solides (4, c) qui supportaient un prolongement membraneux (d) d’une ténuité telle que la moindre pression opérait son déchirement. Cette membrane, qui a un bord libre, est pourvue en avant et à la base de la pièce principale et cornée de la mâchoire (a), d’un très-petit tubercule (e) composé d’un premier article vésiculeux formant la partie prin- cipale, puis d’un petit renflement ou second article supportant une épine centrale ou poil d’une ténuité extrême. Ancmves pu Muséux, vome I. 3 18 CRUSTACÉS Ce palpe court et renflé vers son milieu se compose de trois arti- cles, le premier (fig. 12 e) très-peu développé; le deuxième (f) grand et épais, garni d’une touffe de poils à son bord interne, et le troisième (g) très-grêle et sensiblement courbé. Le Tnorax (pl. 1, fig. 2 B) mesuré sur la ligne médiane du corps, du bord postérieur de la tête au bord postérieur du sixième seg- ment, est toujours beaucoup moins long que large. Le premier seg- ment (fig. 2 e) est fort grand et entoure la tête avec laquelle il est soudé intimement ; il présente deux légers renflements en arrière de la tête, vers le côté externe ; ses bords latéraux sont arrondis et s’é- largissent d’avant en arrière, et les angles postérieurs sont prolongés en une petite pointe aigué ; les cinq segments suivants (f, +, , ü, &) beaucoup plus courts que le premier, présentent comme lui, de chaque côté, un petit renflement près du bord latéral de leur lobe médian (fig. 2*); leurs lobes latéraux (fig. 2 **) se prolongent en arrière d’une manière de plus en plussensible, depuis le premier an- neau jusqu’au sixième ou dernier, et deviennent ainsi de plus en plus falciformes. Le bord postérieur des premiers segments est presque droit, n’offrant que quelques légères sinuosités ; mais celui des au- res et particulièrement des deux derniers, décrit une courbure très- prononcée, de manière que le dernier devient même presque semi- circulaire, et que ses angles postérieurs atteignent le niveau de la partie moyenne du dernier segment abdominal; le septième et dernier anneau thoracique est rudimentaire, au point de dis- paraitre complétement en-dessus et de ne montrer en-dessous qu'un sternum linéaire, qui se distingue particulièrement dans les mäles par la présence des deux ouvertures génitales ( pl. 2, fig. 1 0*). Les pates (pl. 2, fig. 1! c-1) sont comprimées et toutes à peu près semblables entre elles, si lon en excepte la première paire qui DU MUSÉUM. 19 affecte une forme très-particulière ; ces pattes de la première paire (pl. 2, fig. x c, et pl. 1, fig. 15 isolée) sont reployées en dedans sous la bouche, et sont composées comme les autres de six articles ; le premier (pl. 1, fig. 13 a) est long, très-étroit à sa base, élargi en forme de massue vers son extrémité, légèrement recourbé et dirigé horizontalement ; le second (b) beaucoup plus court que le précédent et à peu près d’égale grosseur, forme ordinairement avec lui un angle droit ; mais cependant ces deux articles peuvent s'étendre l’un et l'autre dans la même direction; le troisième (c) est très-court et coupé obliquement au côté interne; le quatrième (d) est triangulaire et pré- sente à son bord libre, au moins dans les mâles, un bouquet de longues soies flexibles, disposées en pinceau et plumeuses à leur ex- trémité (fig. 13/); mais dans les femelles, ce bouquet de poils paraît remplacé par un tubercule plus ou moins épineux; le cinquième article (fig. 13e) qui a la forme de ce qu’on nomme généralement la main dans les crustacés, s’insère avec l’article précédent, non pas par son extrémité, mais sur le côté et par son bord interne. Il est très-développé, de forme à peu près ovalaire et aussi long que le premier article contre lequel il peut, dans l’état de repos, sereployer en dehors et en arrière (pl. 2, fig. 1 c); son bord interne est garni dans toute sa longueur d’une double rangée de petites lanières (pl. 1, fig. 13, et 13/). Les unes externes (fig. 13” b et 13/6), larges et courtes, les autres internes (fig. 13” « et 13// a)plusgrêles et plus longues; ce même bord offre, entre les deux rangées, une rai- nure qui reçoit le crochet terminal ou sixième article (fig. 13.f), ce dernier est légèrement courbé et terminé en pointe acérée. Les pattes de la seconde paire (pl. 2, fig. 1'd'et pl. 1, fig. 14 isolée) sont aussi grêles que les suivantes; leurs premier et deuxième ar- ticles ont la même forme que chez ces dernières; mais le troisième et le quatrième sont plus courts et un peu plus élargis; le cin- 20 CRUSTACÉS quième surtout (fig. 14/ b), affecte une forme toute particulière et se rapproche beaucoup, par son développement, de la main de la première paire de pattes. Son bord interne est concave et garni d’une double rangée d’épines (fig. 14, et 14”, 14/', 14!) enfin, le crochet terminal (fig. 14'c) est aussi un peu recourbé et se re- ploie sur l’article précédent, de manière à former encore une main préhensile. Ce développement des deux derniers articles n’existe pas dans les femelles de certaines espèces. Les pattes des troisième , quatrième, cinquième et sixième paires (pl. 1, fig. 15 et pl. 2, fig. 1'e, f, g, À) sont aplaties et en tout par- faitement semblables entre elles dans les deux sexes; leur premier ar- ticle est le plus long, le second d’environ un tiers plus court est lé- gèrement élargi vers son extrémité; Les trois suivants plus courts que le second et presque égaux entre eux, sont ciliés de poils roides, surtout à leur extrémité (pl. 1, fig. 15/a, b) ; le dernier article ou cro- chet terminal (fig. 15’ c) inséré exactement à l’angle supérieur de l’article précédent, est long et légèrement recourbé. Enfin les pattes de la septième et dernière paire (pl. 1, fig. 16) sont un peu plus petites que les autres, elles présentent, dans les mâles, des poils serrés plus ou moins réunis par touffes sur leur bord in- terne, et leur crochet terminal (fig. 16’ b) est plus court et un peu plus recourbé. L’ABDOMEN (pl. 1, fig. 2 C) est beaucoup moins large que le thorax et n’offre que quatre segments distincts, dont les trois pre- miers (fig. 2 /, m2, n) petits et enchâssés dans la courbure décrite par le sixième segment du thorax; mais le dernier (fig. 2 o) est très- grand, scutiforme et entièrement libre sur ses bords latéraux, et toujours il présente dans son milieu une carène dorsale ; et quelque- fois des carènes latérales plus ou moins marquées. L’Abdomen supporte en dessous des appendices de différente DU MUSÉUM. 21 nature (pl. 2, fig. 1 et fig 2 c'-c‘). Les trois premières paires d’appendices auxquelles on peut donner le nom de fausses pattes (pl. 2, fig. 2 c'-c'et fig. 3, 3*, 3** mäle, et fig. 4, 4*, 4** femelle) se composent de trois pièces lamelleuses : la première (fig. 3 a ; fig. 4 a) est très-développée transversalement et plus ou moins ciliée sur ses bords; la seconde (fig. 38, 4b) et la troisième (fig. 3c, 4 c), de forme ovalaire et garnies sur leurs bords, de soies plumeuses très-longues, s'articulent avec la première pièce sur deux points distincts; l’une se fixe par le milieu de son bord antérieur, au milieu du bord postérieur de la pièce basilaire ; l’autre, beaucoup plus grande, sarticule par l'extrémité de son bord antérieur à l'angle externe de cette même pièce basilaire et se fléchit en dedans, de façon à recouvrir la lame interne. Chez les femelles, ces trois paires d’appendices (pl. 2, fig. 4, 4*, 4***) ne présentent entre elles aucune différence essentielle ; mais chez les mâles, la lame interne de la seconde paire est pourvue d’un ap- pendice styliforme (fig. 3* b') extrêmement long, fixé à son angle interne. Les appendices de la quatrième paire (pl. 2, fig. 1 et 2c*, et fig. 5, 5!) diffèrent très-notablement des précédents par leur forme et leurs fonctions; ils recouvrent toute la face inférieure du dernier segment de l’abdomen, qui présente une excavation cir- conscrite par un rebord dans laquelle ils sont exactement conte- nus, se trouvant exactement enchâssés, de manière à constituer un véritable opercule qui protège l'appareil respiratoire, comme le font les valves des Idotées. Ces appencices operculaires se composent de trois articles, le premier (fig. 5 &) très-court, et les deux autres (fig. 5 8, c) réunis sur une ligne oblique, de manière à constituer dans leur ensemble, une grande lame semi-cordiforme. Cet appendice sup- 22 CRUSTACÉS porte à sa surface interne une lame membraneuse branchiale (fig. 5 d) de même forme que lui et qu’il recouvre complétement. Un peu en arrière de l’appendice operculaire et de la lame branchiale qu’il supporte, on remarque encore une double paire de lames branchiales (fig. 6 &, b) réunies à leur base, superposées June sur l’autre, et entièrement cachées sous les appendices operculaires. Ce sont évidemment les lamelles branchuiales servant à la res- piration; elles sont extrêmement minces, diaphanes et très-légè- rement fripées; on distingue vers leur base, à leurs côtés interne etexterne , un petit canal qui s’eflace vers l’extrémité. Enfin, les appendices de la cinquième paire (pl. 2, fig. 1 et 2 c° et fig. 7 etg) sont disposés à peu près comme chez les Cymothoa; ils s’insèrent sur le bord latéral du dernier article de l’abdomen, à peu de distance de son extrémité, et sont ordinairement cachés en dessous; mais ils peuvent s’en écarter et servir de petites nageoires caudales ; ils se composent d’un article pédonculaire (fig. 7 & et 9 a) dont l’angle postérieur interne se prolonge en forme de dent poin- tue et de deux lames terminales (b, c) étroites, allongées et garnies de soies plumeuses sur les bords. $ LIL. — Espèces Du GENRE SÉROLE. 1. SÉROLE DE GAUDICHAUD. SEROLIS GAUDicHAuUDIs Aud. et Edw. (PL 1, fig. 1.) Ovato-oblonga, parum conveza, pallido-fusca nigrescentibus macus minutis adspersa; capite anticè rostrato, posticè coarctato ; thorace oblongo, segments sex præsertim ultimis posticè sinuatis, incurvatis, lateribus pauld Jalcatis ; anticorum pedum articulo quarlo penicillato, articuloque quinto DU MUSÉUM. 23 enternè plumosis pilis elongatis lamellisque brevibus, in seriebus duabus dis- positis instructo ; pedibus posticis in mare alteris brevioribus , margine ex- terno penicillato; abdominis segmento ultimo medio carinato. Longucur de l'extrémité antérieure du corps, c’est-à-dire du bout de la pointe rostrale si- tuée entre les antennes, à l’extrémité caudale. . . . . . . . . . 0,027. Largeur la plus grande, prise vers le milieu du corps. . : . . . . . . 0,020. Le corrs (pl. 1, fig. 2) est en ovale oblong, plus large en avant qu’en arrière; son lobe moyen est très-sensiblement convexe, mais il l’est cependant moins que dans les autres espèces; toute la surface du corps est d’un brun chocolat clair, et parsemée de très-petites taches noirâtres. La TèTe (pl. 1, fig. 2 A) est très-rétrécie en arrière des yeux, presque complétement cyathiforme ; elle est munie, en avant, d’une petite pointe rostrale (fig. 2 x) qui se dirige entre la base des antennes, et elle présente, dans son milieu, une légère dé- pression. Les yeux (pl. 1, fig. 2 &) sont réniformes, et diminuent un peu de largeur d’avant en arrière. Les antennes (pl. 1, fig. 2, 3 b, c, et 4, 5) ont leur second article un peu échancré à l’extré- mité, le troisième et le quatrième à peu près de même longueur et légèrement arrondis en dessus. Le Taorax (pl. 1, fig. 2 B) est beaucoup moins large que dans les autres espèces que nous connaissons, et ses trois lobes sont aussi moins fortement marqués; le 1* segment (e) a des bords la- téraux étendus et très-arqués qui se terminent en arrière en une petite pointe peu prononcée; son bord postérieur est légèrement cintré sur les lobes latéraux et décrit une courbe un peu rentrante sur la ligne médiane. Les 2, 3° et 4° segments ( f, g, L) ont entre eux à peu près la même dimension : ils sont pourvus desillons curvi- 4 CRUSTACÉS lignes divisant le corps en trois lobes fortement marqués et de même forme; le bord postérieur du 2° segment peut être comparé à celui du 1°, il montre comme lui, sur le milieu du lobe mé- dian, une courbe rentrante qui manque aux 5° et 4° anneaux, lesquels ontun bord plus arqué, Les 5° et 6° anneaux (, #), sur lesquels on ne voit plus que vaguement les sillons curvilignes, sont plus courbés sur les côtés que les anneaux qui précèdent, et le bord postérieur de leur lobe est comme échancré, surtout celui du 6°. Les pattes de la 1" paire (pl. 1, fig. 1 et fig. 13 isolée), se font re- marquer par leur B° article qui est de forme ovalaire et plus déve- loppé que chez les autres espèces (fig. 13); son bord externe est lisse et prolongé inférieurement de manière à dépasser le 4” article, et son bord interne est garni d’une rangée de poïls au nombre de 40 à 42 et d’une série de petites lamelles superposées aux poils et en nom- bre égal. Ces lamelles (fig. 13/, 13” b) sont courtes, élargies, striées transversalement et terminées par une brosse de poils roides surmontée près de son bord d’une petite pointe élargie à sa base et aiguë à son extrémité. Les poils (fig. 15”, 15// &) ont plus de trois fois la longueur des petites lamelles, qui sont plumeuses depuis leur 1° tiers inférieur jusqu’à leur extrémité. Cette 1° paire de pattes présente encore, chez le mâle, au côté interne du 4° article, un bouquet de poils plumeux qui n’existe pas dans la femelle (fig. 13 d; —poil isolé, fig. 13). Les paltes de la seconde paire ( fig. 14) sont ciliées de poils roides peu nombreux sur leurs bords, et leur avant-dernier article (fig. 14'b) chez le mâle est garni à son bord interne de tubercules coniques (fig. 14/, 14", 14) aigus. Les quatre paires de pattes suivantes sont garnies de poils roides nombreux à leur extrémité et à leur bord externe, et seulement d’un bouquet de poils semblable au bord interne de chaque article et à son extrémité; enfin les pattes DU MUSÉUM. 25 dela dernière paire(fig. 16), très-semblables aux précédentes, chez la femelle, sont plus petites chez le mâle, ayant leurs 2°, 3°, 4°, et 5° ar- ticles un peu échancrés au bout, et garnis au côté externe d’un bouquet de longs poils. L’ABDOMEN a son premier segment triangulaire et les deux sui- vants coupés droits dans le milieu, avec les côtés rabattus à angle obtus ; le dernier, qui ne présente qu’une seule carène médiane, est arrondi latéralement, notablement rétréci en arrière où il est ter- miné comme en un petit lobe coupé carrément. Cette espèce a été trouvée pour la première fois en 1832 sur les côtes du Chili, près de Valparaiso, par M. Gaudichaud; depuis, M. Eydoux, chirurgien de la marine, l’a rencontrée dans les mêmes parages. 2. SÉROLE DE D'ORBIGNY. SeroLis ORBIGNYI Aud et Edw. (PL. 2, fig. 8.)- Rotundata, convexa, pallidè fusco-virescens, punctis flavis fuscisque ad- spersa; capite anticè vix dentato, posticè haud coarctato. Thorace latissimo ; segmentis sex, præsertim ultimis posticè sinualis, incurvatissimis ; lateribus mazximè falcatis; anticorum pedum articulo quarto , tuberculato, articu- loque quinto internè lamellosis pilis glabris, alteris longioribus alterisque brevioribus, ir seriebus duabus disposiis instructo; pedibus posticis, præ- cedentibus simillimis. Abdominis segmento ulimo quinque-carinato, apr- ceque emarginato. Longueur. . . : (0,022. Largeur. . . . . 0,020. Le corrs est presque rond, à peine plus long que large, et son lobe moyen est plus convexe que dans la S. Gaudichaudü, toute lasurface Ancnives pu Muséum, tome Il. 4 26 CRUSTACÉS du corps est d’un brun-verdâtre assez clair, parsemée de points bruns et jaunûtres. La TÈTE est large, sans rétrécissement sensible en arrière des yeux, elle ne présente en avant qu’une petite dent à peine sensible ; elle of- fre une forte dépression dans son milieu, et son bord postérieur presque droit, forme trois petits lobes très-peu prononcés. Les yeux sont bleus, mais cette couleur se perd beaucoup après la mort de Panimal , ils sont très-peu réniformes et plus larges que dans l’espèce précédente. Les antennes n’ont pas leur second article sensiblement échancré à l’extrémité, le troisième et le quatrième sont très-déprimés et même un peu creusés en dessus, et ce dernier est notablement plus long que le précédent. Le THOoRAx est très-large et ses trois lobes sont très-fortement marqués par un profond sillon cintré en dehors, sur les 2°, 3° et 4° segments, et cintré en dedans sur les 5° et 6°. Le premier segment offrant dans la moitié de sa longueur une crête transversale qui semble indiquer un point de soudure entre deux anneaux, a ses bords laté- raux coupés très-droits, de manière à former angle avec le bord an- térieur, et il est terminé de chaque côté par une pointe très-saillante ; son bord postérieur, très-snmueux, présente trois courbes dont une sur la ligne médiane, tend à se prolonger en une très-petite pointe, quelquefois à peine visible; les trois segments suivants suivent les mêmes courbures, mais ils deviennent de plus en plus arqués, le 5° et surtout le 6°, comme chez l'espèce précédente, décrivent dans leur partie moyenne une courbure très-considérable; les parties laté- rales de chacun de ces segments sont fort larges, et se prolongent en arrière en longues lames aigués. Les pailes de la première paire se font remarquer par la présence d’un tubercule cilié de petits poils et situé au côté interne du qua- DU MUSÉUM. 27 trième article, et aussi par les petites lanières qui garnissent le bord de la main ou cinquième article; ces lanières sont également sur deux rangs, mais les supérieures ne diffèrent des secondes que par un peu plus de longeur; elles sont dépourvues de poils et se terminent par un petit article pointu. Les paltes de la seconde paire sont ciliées de poils roides, sur- tout à leur bord interne, et l’avant-dernier article est garni du même côté chez le mâle, de fortes épines très-aigués. Les cinq paires de pailes suivantes ne présentent entre elles, dans les deux sexes, au- cune différence appréciable, et sont ciliées sur les bords et à l’extré- mité de poils assez longs. L’ABDOMEN a ses trois premiers segments cintrés, avec leur bord postérieur terminé sur la ligne moyenne, en une très-petite pointe à peine perceptible. Le dernier segment est très-large , profondément échancré à son extrémité et présente cinq carènes très-saillantes dont une médiane , surmontée d’une petite dent à sa base et deux autres de chaque côté partant du même point, l’une moins saillante, sui- vant presque le bord antérieur, et l’autre aboutissant au-dessous de la partie moyenne du bord latéral qui présente une petite pointe ai- guë à l’extrémité de cette carène. Cette espèce a été recueillie pour la première fois par M. d’Or- bigny sur la côte de Patagonie, près le Rio-Negro, avec beaucoup d'animaux jetés par un coup de vent. Depuis, M. Jacquinot, chi- rurgien-major à bord de la corvette la Zélée, faisant partie de l’ex- pédition autour du monde, commandée par M. Dumont-d’Urville, a pris, au port Famine, dans le détroit de Magellan, un grand nombre d'individus de cette Sérole en péchant sur la côte avec le grand filet connu sous le nom de seine. 28 CRUSTACÉS 3. SÉROLE PARADOXE. SEROLIS PARADOXA Fab. Ovato -rotundata; capite lato posticè tri-tuberculato; abdominis segmentis tribus baseos parvis, incurvatrs, segmento ultimo quinque carinato apice 0b- tuso, haud emarginato. Onrseus PARADOxUS Fabr. Mantissa insect. t. [, p. 240. (1787). Cymoraoa paranoxA eusd. Entom. systemat. t. IL, pag. 505 (1798). SEROLIS Fagricir Leach. Dictionnaire des sciences naturelles, t. XIL, p. 559 (1818). SeROLIS FABricI Desmnarest. Considérations générales sur la classe des Crustacés, p. 292 (1825). Seroris Buckland. Geology and Mineralogy, t. IE, pl. 45, fig. 6 et 7 (1856). Longueur. . . . 0,028. MATPEUL- NS NO; DA. Cette espèce que nous ne possédons pas, mais que l’un de nous a eu l’occasion d'étudier sur un individu étiqueté de la main de Leach, et conservé dans la collection du Musée britannique à Londres, a les plus grands rapports avec la Serolis Orbignyi, et se rapproche aussi à quelques égards de la S. Gaudichaudi. Le corps est très-arrondi, mais cependant il est un peu plus ova- laire que dans la S. Orbignyi. La TÊTE a une forme très-analogue à celle de cette dernière, mais en arrière des yeux, elle présente trois tubercules ou petites gibbo- sités disposées en triangle. DU MUSEUM. 29 Le ruorax est très-semblable à celui de la S. Orbignyt, mais la carène transversale du premier segment est plus prononcée. L’'ABDOMEN a son dernier segment ovalaire arrondi sur ses bords et terminé en pointe obtuse sans échancrure, comme dans la $. Gau- dichaudii, mais il présente cinq carènes très-prononcées, comme dans la $. Orbignyti. Cette espèce a été trouvée aux attérages de la Terre de Feu. M. Leach prétend qu’elle existe aussi au Sénégal, mais il ÿ a vérita- blement erreur, car certainement toutes les espèces du genre Sérole sont propres aux côtes de l'Amérique méridionale. 4. SÉROLE TRILOBITOIDE. Serozis TriLogiroines Eights. Magna, latissima, viridi-oleacea; thoracis segmentis sex incurvatis, la- teralibus lobis maximis, falcatis, marginibus dentatis ; abdominis segmen- #äs secundo tertioque mazximis retrd falcatis, ulüimoque apicè producto, margirübus dentatis, medidque carin& dentatissimd. BRONGNIARTIA TRILOBITOIDES Æights. Transactions of the Albany institute, t. 2, n° 1, pl. 1 et 2 (1833). Longueur. . . : 0,063 à 0,064. Largeur. . . . . 0,058. Cette espèce que nous ne connaissons que d’après la description peu zoologique etles figures un peu grossières données par M. Eights, se distingue principalement des autres, par une taille beaucoup plus considérable, par le développement très-grand des parties latérales de chacun des six premiers segments thoraciques qui constituent de très-grandes lames pointues et dentelées sur leurs bords; mais l’ab- 30 CRUSTACÉS domen fournit les caractères les plus essentiels propres à cette espèce. En effet, cet abdomen dont les deux premiers segments sont très-petits chez les autres espèces, sont très-développés dans celle- ci, et leurs lobes latéraux sont prolongés en longues lames falcifor- mes, comme les segments thoraciques; le dernier segment présente aussi les plus grandes différences; il est plus acumimé vers le bout que dans les espèces précédentes; ses bords sont dentelés, et la seule carène médiane qu’il présente est garnie d’épines dans toute sa lon- gueur ; enfin, la dernière paire d’appendices située dans toutes les es- pèces, sur les bords latéraux de ce dernier segment abdominal, est beaucoup plus développée chez la Serolis trilobitoides, que dans toutes les autres, et ses bords sont très-fortement dentelés. M. Eights assure avoir recueilli cette espèce près des côtes de la Patagonie, du cap Horn et aux iles de la Nouvelle Shetland du Sud. 6 IV.—RAPPORTS ET DIFFÉRENCES QUE PRÉSENTENT LES SÉROLES AVEC LES AUTRES GENRES DE L'ORDRE DES ISOPODES ET LES TRILOBITES. Les Séroles ont des différences trés-grandes avec tous les autres genres de la classe des Isopodes, mais quand on les étu- die dans leurs caractères zoologiques, on reconnait bientôt qu’elles offrent des traits de ressemblance avec plusieurs d’entre eux. En effet, les Séroles sont surtout caractérisées par les divi- sions du corps en trois lobes, et par l’enchässement de la tête par le premier segment du thorax. Or, ces caractères existent dans quel- ques autres Isopodes; chez les Idotées, les Anilocres, les Ligies ete., on retrouve la division du corps en trois lobes, mais chez tous ceux- ci les lobes latéraux sont rudimentaires et n’offrent rien de compara- # DU MUSEUM. 31 ble par leur étendue avec les lobes latéraux des espèces du genre Sé- role; il en est de même de l’enchässement de la tète qui, dans aucun cas n'étant aussi complet, se retrouve plus ou moins dans les Ligies, les Sphæromes. Mais ce n’est pas seulement avec ces animaux que les Séroles ont des rapports; elles en ont au moins d’aussi frappants avec les Trilobites qui n'existent plus qu’à l’état fossile; elles se rapprochent très-notablement de ces animaux par l’étendue des lobes latéraux du corps, sans atteindre cependant celle de la plu- part des Trilobites. La manière dont la tête est soudée avec le premier segment du thorax, de façon à constituer un grand bouclier dont le bord an- térieur est semi-circulaire et le bord postérieur presque droit, four- nit aussi un point de ressemblance très-frappant entre les Séroles et ces crustacés des époques géologiques les plus reculées. Les yeux les en rapprochent encore par leur position et leur structure ; et l’on remarque aussi que la région occipitale présente des dépressions et de légères gibbosités comme chez les Trilobites et particulièrement les Calymènes. Tous les rapports, toutes les différences que les Séroles présen- sentent avec les autres crustacés étant bien appréciés, il nous semble que ces animaux doivent se placer à la fin de l’ordre des Isopodes et établir ainsi le passage de ces animaux aux Trilobites. 32 CRUSTACÉS EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I. SEROLIS GAUDICHAUDII. Fig. 1. SEROLIS GAUDICHAUDII (de grandeur naturelle). Figiue. idem. au trait (grossie). —AÀ. TÊTE.—a, les yeux.— D, antennes supérieures.— c, antennes inférieures. —d, dépression frontale. —B. THORAx.—* son lobe moyen.—** ses lobes latéraux. —e, f, g, h, à, &, les six premiers segments du thorax (le 7° ne s’apercevant pas en dessus). —C. ABDOMEN.—/, m, n, 0, ses quatre segments. Fig. 3. Partie antérieure du corps (très grossie), vue en dessous pour montrer la position des antennes et des parties de la bouche. — b, antennes supérieures. —c; antennes inférieures. —*chaperon.—**lévre supérieure. — *,* mandibu- les.— ** pieds-machoires. Fig. 4. Antenne supérieure isolée (très grossie). Fig. 5. Antenne inférieure isolée (très-grossie). Fig. 6. Lèvre supérieure. Fig. 7; Mandibule isolée (très-grossie).—a, sa partie renflée.—B, sa partie grêle. — e, son sillon destiné à protéger le premier article du palpe.—d, palpe. Fig. 7°. Extrémité de la même mandibule, vue en dessous. Fig. 8. Une lamelle interne de la mandibule (très -grossie). Fig. 9. Une pointe interne de la mandibule (très-grossie). Fig. 10. Mâchoire de la première paire (isolée). — &, pièce principale. — b, ce, deux pièces basilaires.—d, foliole membraneuse. le palpe très-rudimentaire). e, tubercule articulé (sans doute Fig. 11. Mâchoire de la seconde paire (isolée). Fig. 12. Patte-mächoire vue en dessus. 12. La même, vue en dessous.—a, le premier article. —b, le second article. — c, le troisième.—d, le quatrième.—e, f, g, le palpe composé de trois articles. Fig. 15. Patte antéricure d’un mâle, isolée (très-grossie).—a, le premier article. — b, le second. —c, le troisième. —d, le quatrième, offrant à son côté interne des DU MUSÉUM. 33 poils réunis en pinceau. — e, le cinquième article ou la main, présentant une double rangée de pelites lanières. — f, le dernier article ou crochet terminal. Fig. 15. Un des poils (isolé et très-grossi) du pinceau du quatrième article de la même palte. Fig. 13”. Une partie de la double rangée des petites lanières du cinquième article de la même patte.—a, les internes piliformes et plumeuses.—b, les externes la- melleuses. Fig. 13°”. Deux de ces laniéres isolées et très-grossies. — 4, une interne. — D, une exlerne. ; Fig. 14. Patte de la seconde paire dans un mâle. 14”. Ses derniers articles beaucoup plus grossis.—«, extrémité du quatrième article.—b, le cinquième.—-* les tubercules épineux qui garnissent son bord inférieur.—c, le cinquième article ou crochet termimal. 14”, 14”, 14”. Les différents tubercules qui garnissent le bord inférieur du cinquième arlicle de cette patte. Fig. 15. Patte de la troisième paire (isolée). 15. Son extrémité beaucoup plus grossie, pour faire voir plus distinctement ses poils et l’insertion du dernier article. —a, extrémité du quatrième article. b, le cinquième.—c, le dernier ou crochet terminal. Fig. 16. Patte de la septième et dernière paire du mâle (isolée). 16. Son extrémité beaucoup plus grossie.—«, le dernier article ou crochet terminal. 16”. Un des poils isolés de l’avant-dernier article de la même patte. PLANCHE II. Fig. 1-7, S. GauDicaauprr.—Fig. 8, 9, S. ORBIGNy1.—Fig. 10, S. PARADOXA. — Fig. 11, S. TRILOBITOIDES. Fig. 1. SEROLIS GAUDICHAUDII (mâle), vue en dessous. —AÀ. TÊTE. —B. Tnorax. b', D, D5, bi, b5, b5, br, les cavités recevant l'insertion des sept paires de pattes.—b*, les ouvertures génitales. —C. ABDOMEN. c! à c’, Les cinq paires d’appendices abdominaux. Fig. ». Serozis GAuDicHAUDI (femelle), vue en dessous. — a, antennes supé- ricures.—b, antennes inférieures.—c, d, e, f, g, h, à, les sept paires de pattes. Ancuives ou Muséus, roues II. 5 34 CRUSTACÉS +, 1, m,n, 0, les cinq paires d’appendices abdominaux.—x, lamelles situées au côté interne de la base de chacune des quatre premières pattes et dirigées horizontalement en dedans, de manière à former sous le thorax une grande poche ovifère semblable à celle des autres Isopodes. Mais nous avons eu lieu d'observer sur un grand nombre d'individus de la $. Orbignyi que ces lamelles étaient très-rudimentaires chez les jeunes individus femelles, et qu’elles ac- querraient tout leur développement avec Päge. Fig. 2. Partie postérieure de la SEROLIS GAUDICHAUDII très-grossie, pour montrer la position des appendices.— b’, b, le point d'insertion des deux dernières paires de pattes.—c' à c’, les cinq paires d’appendices abdominaux. Fig. 5. Un appendice ou fausse patte de la première paire dans un mâle.—a, sa pièce basilaire.—b et e, les deux pièces terminales. Fig. 5*. Une fausse patte de la seconde paire (mâle).—«, pièce basilaire.—b et c, les deux pièces terminales. Fig. 5**. Une fausse patte de la troisième paire (mâle).—a, pièce basilaire.—b et c, les deux pièces terminales. Fig. 4. Une fausse patte de la première paire, dans une femelle. —a, pièce basilaire. —b et c, les deux pièces terminales. Fig. 4*. Fausse patte de la seconde paire (femelle).—a, pièce basilaire.—b et c, les deux pièces basilaires. Fig. 4**. Fausse patte de la troisième paire (femelle). —a, pièce basilaire.—b, c, les deux pièces terminales. Fig. 5. Appendice operculaire isolé de la quatrième paire.— &, son premier article. —b, le second.—e, le troisième. Fig. 5. Le même appendice, vu en dessous.—a, premier article. — D, le second.— e, le troisième.—d, lamelle branchiale fixée à la base de cet appendice. Fig. 6. Une double lamelle branchiale située en arrière de l’appendice operculaire el recouverte entièrement par lui.—a, lamelle supérieure.—b, lamelle inférieure. Fig. 7. Appendice abdominal de la cinquième paire. — à, article basilaire.—b et c, les deux pièces terminales. Fig. 8. SeroLIS ORBIGNY1 de grandeur naturelle. Fig. 9. Appendice abdominal de la cinquième paire.—a, article basilaire.—b etc, les deux pièces terminales. Fig. 10. SEROLIS PARADOXA de grandeur naturelle. Fig. 11. SEROLIS TRILOBITOIDES de grandeur naturelle, copiée d’après une des figures qui accompagnent le mémoire de M. Eights. DU MUSÉUM. 35 SUR UNE ESPÈCE NOUVELLE DU GENRE ECREVISSE.— ASTACUS. ÉCREVISSE DE MADAGASCAR. AsTacus MADAGASCARIENSIS. (PL. 3, fig. 4.) Latus complanatus ; rostro brevissimo, subquadrato, obtuso; externarum antennarum appendice pedonculr crasso, brevissimo, margine externo den- tato; epistomale mazimo in lateribus tuberculoso antennarum intra basin producto; abdominis annulo secundo in lateribus tuberculoso , pinné supra spinosissimd; maribus MATIMuS ; subovats. La famille des Astaciens offre des particularités très-remarquables dans sa distribution géographique. L’un de nous a déjà fait voir que les Ecrevisses disparaissaient dans les contrées les plus chaudes du globe, où elles semblent être remplacées par les Crabes fluvia- tiles et terrestres, et qu’elles étaient répandues dans presque toutes les parties tempérées. Enfin, dans chacune des principales régions carcinologiques, dans nos mers, nos rivières et dans l'Amérique du Nord, au Chili, à la Nouvelle-Hollande et au cap de Bonne-Espé- rance, là où le climat se rapproche de celui de l'Europe, on trouve des espèces distinctes appartenant à cette famille des Astaciens *. La découverte d’une Ecrevisse nouvelle, propre à l'ile de Mada- gascar, vient confirmer la règle qui semble présider à la distribu- tion géographique de ces animaux. C’est principalement pour cette raison que nous nous sommes hâtés de faire connaitre aux zoologistes cette espèce, d'autant plus intéressante qu'elle établit, sous plu- ® Voyez Mémoire sur la distribution géographique des crustacés, par M. Milne Edwards. Annales des Sciences naturelles, à° série, t. 10, p. 129. 36 CRUSTACÉS sieurs rapports, un passage entre le genre Ecrevisse proprement dit et le genre Homard. Cette espèce a été recueillie à Madagascar par M. Goudot, qui en a cédé plusieurs individus à l'administration du Muséum. Nous lui avons donné le nom d’#stacus Madagascariensis, afin de rappeler son origine; elle est remarquable par sa grande taille, dé- passant celle des plus grosses Ecrevisses de nos rivières, et ne le cé- dant guère en grosseur à l’espèce signalée depuis peu dans les af- fluents de la Mer Noire sous le nom d’Æstacus leplodacty lus *. L’Ecrevisse de Madagascar se fait encore remarquer par sa forme trapue et déprimée , caractère bien prononcé surtout chez le mâle. Mais c’est surtout la largeur de la partie antérieure de la carapace qui donne à cette Ecrevisse un aspect particulier. En avant de Pinsertion des pattes-mâchoires externes, la région stomacale offre au moins autant de largeur que la région branchiale, qui est aplatie chez la femelle, mais qui l’est beaucoup plus fortement dans le mâle, où elle est presque plane. En outre, les côtés de cette portion de la carapace sont très-comprimés dans le mâle, maisils le sont à peine dans la femelle. Au contraire, dans les Asracus fluviatilis, leptodactylus Bartonü, affinis, la portion branchiale du thorax est beaucoup plus large que la portion stomacale. Chez l'Æstacus australasiensis’, où cette différence est peu prononcée, la plus grande largeur du thorax n’égale pas la largeur de la région stomacale , au lieu que dans P 4. Madagascariensis, la plus grande largeur du thorax dépasse la longueur de cette même région stomacale. ! Nous avons fait connaître les caractères les plus saillants de cette espèce dans une com- munication faite à la Société Philomatique le 27 avril 1839, et insérée dans le Journal l’fnsti- lut, année 1839, p. 152. : Rathke Fauva der Krym., etc. — Nordmann : Faune pontique ; Voyage dans la Russie méridionale, de M. Demidoff ; crustacés, tab. 1, variété Salinus mâle. 3 Edwards, Crustacés, t. 2, p. 333, pl. 24, fig. 1. rm” 5 DU MUSEUM. 37 Nous devons encore ajouter que le sillon qui sépare les portions stomacale et branchiale de la carapace est extrêmement profond et forme un angle plus ouvert que dans toutes les autres espèces. Les régions branchiales proprement dites sont à peine distinctes de la région cordiale, et cette dernière est sensiblement déprimée, surtout chez le mâle. La carapace est lisse en dessus, particulièrement sur la ligne médiane, mais en dessous de cette ligne, elle offre de petits points enfoncés, et tout-à-fait sur les parties latérales, un grand nombre de petits tubercules dont plusieurs même deviennent presque spiniformes, surtout chez la femelle. Le rostre (pl. 5, fig. 2 b) est extrêmement court, presque quadri- latère, creusé en gouttière à la face supérieure , et garni de chaque côté d'un petit rebord saillant, surmonté de quatre à cinq dents ou tubercules, ayant une apparence éburnée. On aperçoit encore une dent médiane à son extrémité antérieure. Les orbites sont larges et forment chacun une échancrure très- visible à la face supérieure de la carapace. Un peu en dehors de leur côté externe, on remarque une dent assez forte, et en dehors de leur contour postérieur, il existe encore une très-petite dent, qui, dans certains individus, s’oblitère presque complétement. L’abdomen est très-large et présente sur les parties latérales du second anneau une série d’épines ou de tubercules coniques, placées immédiatement au-dessus du bord; l'anneau suivant offre quelque- fois seulement des vestiges de semblables tubercules ; enfin, toutes les lames de la nageoire caudale sont hérissées en dessus d’épines très-acérées et dirigées obliquement en arrière; mais dans tout le reste de son étendue, cet abdomen est parfaitement lisse et les bords latéraux des anneaux du milieu sont arrondis. Le système appendiculaire de VEcrevisse de Madagascar offre également des parties caractéristiques. Les antennes sont petites et 38 CRUSTACÉS leur pédoncule est très-court, quoique cependant il dépasse le rostre de toute la longueur du troisième article ; le premier, offrant trois surfaces, est court, élargi et fortement comprimé; il circonscrit , par sa surface supérieure , la cavité oculaire, et par sa surface infé- rieure, la cavité recevant l’insertion des antennes externes, et sa troisième surface est appliquée contre la lamelle séparant les deux antennes. Le pédoncule des antennes externes est remarquable par sa brièveté et sa grosseur, et surtout par la petitesse de l’appendice lamelleux qui en recouvre incomplétement la base ; cet appendice, de forme pyramidale, présentant également trois surfaces, ne dé- passe pas l’extrémité du pénultième article pédonculaire; son bord supérieur externe est garni d’une série de trois ou quatre dents, et son bord inférieur en présente ordinairement une seule. La tige de ces antennes est longue et forte. L’épisiome, qui fournit souvent de bons caractères spécifiques dans d’autres espèces de ce genre, a beaucoup plus détendue que d'ordinaire dans notre Ecrevisse de Madagascar ; il présente à sa surface plusieurs tubercules ou épines dont les autres Ecrevisses offrent aucune trace; sa partie antérieure inter-antennaire est lancéolée, très-aiguë en avant, et prolongée jusqu’à la base du se- cond article des antennes externes, au lieu d’être en forme de lo- zange où semi-ovalaire comme dans les autres espèces. On remarque aussi vers le milieu de l’épistome une dépression très-marquée, et de plus, chez le male, une petite fossette médiane circulaire. Après avoir remarqué des différences si importantes dans les di- vers organes de l’Ecrevisse de Madagascar avec les mêmes organes des autres espèces du même genre, nous avons été frappés de la res- semblance presque complète de la forme de chacune des parties de sa bouche avec celles de l’Ecrevisse commune. En effet, les mandi- bules, les deux paires de zdchotres, la première paire de paltes- DU MUSÉUM. 39 mächotres n’offrent réellement pas de différence notable. Cependant on remarque dans le palpe des mandibules quelques différences de forme assez appréciables. Le premier article est triangulaire et sen- siblement plus gros que dans l’Ecrevisse commune, où il est assez fortement cambré ; le second est plus long, plus droit, coupé carré- ment à son extrémité dont le côté externe offre une troncature obli- que, tandis que dans l’espèce commune, ce même article est un peu arqué. Enfin, le dernier est plus long et plus pointu au bout, et présente au côté interne un prolongement en pointe. Nous observons encore plusieurs différences assez importantes à signaler dans la forme qu’affecte le deuxième et le troisième pred- mâchoire de V’Ecrevisse de Madagascar et de l’Ecrevisse commune. Le second pied-mâchoire de V_Astacus Madagascariensis se fait remarquer par son troisième article, un peu plus élargi et plus ar- rondi au côté interne que dans l’Æstacus fluviatilis, mais surtout par le quatrième qui est sensiblement plus long; le cinquième aussi se prolonge un peu en pointe au côté interne, ce qui n’a pas lieu dans l’Ecrevisse commune. Enfin, le dernier pied-mâchotre de V'Ecrevisse de Madagascar (pl: 5, fig. 4) est beaucoup plus élargi, et son troisième article, est bien plus fortement dilaté en pointe à l'extrémité, extérieure- ment et intérieurement que dans notre espêce indigène; l’article suivant, notablement plus large, est beaucoup plus arrondi au côté externe; le cinquième n'offre pas, à l'angle interne de son extrémité, d’épine analogue à celle que l’on observe dans l’Ecre- visse commune. Les pattes de la première paire sont plus grandes, surtout chez le mâle. Le bras, ou troisième article, offre, tout le long de son bord interne, deux rangées de dents spiniformes (pl. 3, fig. 5 c), mais sur son bord supérieur il n’en présente pas. Le carpe, ou quatrième 40 CRUSTACÉS article (fig. 5 d), est large , présentant à sa face supérieure, qui est lisse, une fossette ou sillon assez profond comme dans plusieurs autres espèces, et à sa face inférieure des dents spiniformes quelque- fois très-aiguës, aussi bien que sur son bord interne, où l’on en remarque une terminale sans tubercules, mais dirigée obliquement en avant. Enfin, la main (fig. 5e) est large, déprimée et subova- laire ; parcourue par quelques petits sillons, offrant l’aspect de petites radicules quelquefois très-sensibles, son bord supérieur est den- telé, et l’inférieur rebordé; on aperçoit encore sur ses deux faces de petites fossettes qui paraissent avoir donné insertion à des fais- ceaux de poils; quant aux doigts (fig. 5 f), ils sont forts, arqués, finement dentelés sur leurs bords et crochus au bout. Les autres pattes ne présentent rien de remarquable ; il est surtout à noter que les mains de la seconde et troisième paire sont grêles, et que le pénultième article des pattes de la quatrième paire est quelque- fois armé d’épines sur sa face externe, Les fausses pales abdominales ne nous ont offert rien de par- ticulier. La zageoire caudale est courte, large, et, ainsi que nous l'avons déjà dit, très-épineuse en dessus; enfin, les lames latérales de cet organe n’offrent, près de leur bord postérieur, qu'une con- sistance semi-cornée, et ressemblent un peu, sous ce rapport, à celles des Langoustes. Nous ne savons rien sur les mœurs de l’Ecrevisse de Madagascar. La longueur du plus grand individu est de 17 à 18 centimètres mesuré de l'extrémité du rostre au bout de la queue; sa couleur, autant qu’on peut en juger par la dessication, est d’un vert glauque. Mais nous devons ajouter qu'il existe sur certaines parties, principa- lement sur les pattes antérieures ainsi que sur la ligne médiane et les côtés de l'abdomen, des maculatures plus foncées tirant sur le gris bleuâtre , et que sur les parties latérales de la région stomacale de DU MUSÉUM. 41 la carapace, on observe une plaque ovalaire bien apparente for- mée par ces mêmes maculatures, très-rapprochées et très-forte- ment colorées chez les individus bien conservés, où elles semblent alors représenter un tissu aréolaire. EXPLICATION DE LA PLANCHE III. Fig. 1. EcREvIssE DE MADAGASCAR, Astacus Madagascariensis Aud. et Edw. — individu mâle de grandeur naturelle. Fig. 2. Extrémité antérieure du corps, vue de profil. — a, carapace. — b, rostre. — c, œil. — d, antenne interne. — e , antenne externe. — e’, appendice basi- laire du pédoncule de l’antenne externe. Fig. 3. Portion antérieure du corps , vue en dessous, les pattes-mâchoires externes ayant été enlevées. — a, a, régions ptérygostomiennes de la carapace. — b, épis- tome.— c, antennes internes.— d, antennes externes.— e, tubercule auditif. — f, mandibule du côté droit. — 4, palpe de la mandibule gauche, qui se trouve cachée. — g, appendice palpiforme de la seconde patte-mâchoire du côté droit qui a été enlevée.—5, patte-mâchoire de la seconde paire du côté gauche.—, ca- vité articulaire des pattes-mâchoires externes. Fig. 4. Patte-mâchoire externe droite, isolée. — a, article basilaire. — b, second arlicle. — c, troisième article. — d, quatrième article, suivi du cinquième et du sixième article. — e, palpe. Fig. 5. Patte de la première paire dans la femelle, vue en dessous. — à. portion de la carapace. — b, second et troisième article réunis par une soudure. — c, qua- trième article ou bras. — d, cinquième article ou carpe. — e, sixième article ou main. — f, septième arlicle ou pouce. Anoutves pu Muséom, Tour II. 6 BRUT (PAUL LE (T0) D He J'RPE safe be: ME Lu un ». 4) wh É De L Du RTE PR DA ; w VE ie «a LA "AI n Yi “ M » P* ’ sd titine) CAPI PURE PARA in li mi 1 EL LS tn ROTPTAATS dy NOUVELLES RECHERCHES SUR L'ORGANE ÉLECTRIQUE DU MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE Lacér. (Silurus electricus Linn.) PAR M. A. VALENCIENNES. LU A L'ACADÉMIE DES SCIENCES. —— —f 0-90 C—— — L'une des propriétés physiques les plus remarquables de certains animaux , est la puissance électrique dont la nature a doué un bien petit nombre de poissons. Je dis que très-peu d’entre eux possèdent cette faculté. Car, dans une si grande quantité d’espèces variées de toute manière dans leur forme et dans les détails de leur organisa- tion, les naturalistes n’ont encore signalé que douze ou quinze de ces vertébrés qui aient la puissance de donner des coups électriques. C’est à la grande famille des Raies qu’elles appartiennent pour la plupart. Elles vivent dans les mers tempérées, en dehors des tropi- ques, tout aussi abondamment que dans la zone équatoriale ; mais nous ne les voyons pas s'élever dans les latitudes froides. Linné n’en a connu qu’une seule espèce , et plusieurs variétés qu’il avait réunies sous la dénomination de Raia Torpedo. M. Duméril les a séparées des Raies, pour en faire le genre des Torpilles, subdivisé depuis en ceux des Temera (Gray), Astrape (Mull. et H.), Narcine (Henle) et Torpedo (Dum.), composant la sous-famille des ToRPEDINT du 44 NOUVELLES RECHERCHES prince Ch. Buonaparte de Canino. Ces dernières viennent des mers étrangères, tandis que l’on trouve des Torpilles dans toute la Médi- térannée et sur les côtes de l'Océan d'Europe, jusque dans le golfe de Gascogne. Cette position géographique les a déjà fait connaitre des anciens, dont quelques médecins employaient leurs vertus élec- triques pour la guérison de certaines maladies; ainsi que le prouve un passage de Scribonius Largus, médecin qui vivait sous les empe- reurs du premier siècle. Il est assez singulier que la propriété si ex- traordinaire des Torpilles, n’en ait pas fait graver la figure sur les médailles antiques, où plusieurs autres poissons sont parfaitement représentés, et entr’autres la Pastenague, très-bien figurée sur des médailles de la famille Proculeia. Ce poisson n’a probablement été signalé que pour prévenir des dangers qui suivent les blessures dé- chirées causées par l’aiguillon de sa queue. Quant à la Torpille, on n’en connaissait alors que les commotions causées par son con- tact; mais l’état des sciences physiques de cette époque n’était pas assez avancé pour rattacher à l'électricité les effets produits par ces piles vivantes, sous l'influence de l’action nerveuse et cérébrale. Toutes les espèces connues de la famille des Torpilles, possè- dent cette puissance électrique, et je ne vois pas que les espèces qui vivent entre les tropiques soient plus énergiques que celles qui sortent de la zône intertropicale. Tous les voyageurs citent comme une des espèces qui donnent les secousses les plus violentes, la Torpille du Cap (Astrape Capensis, Muller), tandis que M. de Humboldt a observé que la Torpille qui lui fut apporté vivante à Cumana , ne lui a donné que des commotions très-faibles, quoique ce tremblador, comme cet illustre savant à soin de le noter, parüt extrêmement vif. Je crois avoir aujourd’hui démontré qu'après les Torpilles, le poisson électrique le plus anciennement connu, est le Silure SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 45 d'Afrique, Silurus electricus Linn. (Malapterurus electricus Lac.), si l’on rapporte à ces poissons, comme je pense qu’on doit le faire, le passage de J. Nunnez Baretus, envoyé patriarche d’Ethiopie, et celui d'André Oviedo, son successeur, passages consignés dans le recueil des voyages de Purchass, dont la date est de 1554. Il est très- probable, d’ailieurs, que ce poisson qui abonde dans le Nil, a dû être connu des anciens; mais rien de ce qui nous est resté d’eux ne nous en donne la preuve. Comme le Mormyrus oxyrhynchus, le Barbus Bynni, il n’a pas encore été trouvé embaumé dans les ca- tacombes d'Egypte ; il n’est pas représenté sur leurs monuments, et je ne trouve aucun passage grec ou latin qui le fasse reconnaitre. M. Geoffroy Saint-Hilaire a pensé que ce pouvait être le +4dn cité par Athénée; mais je ne sais pas sur quel caractère il peut s'appuyer pour soutenir cette assertion. L'auteur grec (Ath. Deipn. lib. VII, pag. 312) cite de mémoire , des poissons du Nil. « Ce sont, si je me « souviens bien, la Torpille (à laquelle il donne l’épithète de sa- « voureuse, #derr), le Porcus, le Phragre, l'Oxyrhinque, l’Allabes, « le Silurus, le Synodontis, l’Eléotris, l’'Anguille, le Thrissa, A- € bramis, Ze Typhle, le Lepidotus, le Physa, le Cestreus et beau- « coup d’autres. » YŸ a-t-il rien dans cette simple énumération qui puisse faire soupçonner ce que l’on a entendu désigner par le nom de 7yphle. M. Isidore Geoffroy (Poissons du Nil, pag. 149) dit : «Que lœil est petit et recouvert d’une conjonctive épaisse ; « deux caractères qui paraissent avoir frappé les anciens, et qui ont « valu à l’espèce (en adoptant la détermination proposée par mon « père), le nom de typhlinus dérivé de vice, aveugle. » Est-il probable que si les anciens avaient voulu désigner le Silure sujet de ce mémoire, ils auraient été chercher un caractère aussi peu appa- rent, commun à beaucoup d’autres poissons, et qu’ils auraient né- gligé de signaler sa puissance électrique, eux qui connaissaient si = 46 NOUVELLES RECHERCHES bien leseffets de la Torpille qui, disent-ils, engourdit les mains de ceux qui la touchent; qui transmet les effets de sa vertu à travers le bois et les tridents. Ne pourrait-on pas appliquer au Silure, avec tout autant de fondement le nom d’A))4#%x (difficile à saisir), qui lui aurait été donné à cause des coups qui éloignaient ceux qui vou- laient le prendre ou même le toucher ? Nous restons donc à cet égard dans une complète incertitude. Aussi ce n’est, on peut dire, que depuis Adanson et Forskal, qui ont comparé les effets du Silure électrique à ceux de la bouteille de Leyde et à ceux de l'électricité en général, que les naturalistes ont commencé à connaître ce malacoptérygien. La troisième espèce de poisson armé d’une batterie électrique venue à la connaissance des savants d'Europe, est lAnguille élec- trique d'Amérique ou le Gymnote. C’est comme le Silure d'Afrique, un poisson d’eau douce ; ses effets ont été annoncés aux savants, vers 1671, par l’astronome Richer, qui était à Cayenne; mais son action et sa puissance n’ont été bien connues que depuis le mémoire publié sur ce poisson, par mon célèbre ami, M. Alexandre de Humboldt. Le dernier poisson électrique, sur lequel nous n'avons que des données peu étendues, est d’un genre et d’une famille toute diffé- rente des précédents. C’est le Te/rodon electricus Gm, que le lieu- tenant Paterson fit connaitre, par une lettre adressée de Saint-Jean des Comorres, à sir Joseph Bancks, et que cet illustre président de la société royale fit insérer dans le recueil des Transactions phi- losophiques pour 1786. Cet officier anglais en ayant pris deux individus, voulut les mettre dans un sac de toile pour les emporter; il fut obligé de lächer prise par suite des coups qu'il recevait ; il fit ressentir des commotions élec- triques à d’autres personnes. Nous n’avons aucune autre observa- tions sur ce poisson, chez lequel on ne connait pas encore le siége de sa batterie. Je ferai remarquer ici en passant, que ce Tetrodon SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 47 a la peau lisse et sans aucun aïguillon, caractères que nous retrouvons dans tous les poissons électriques, dont le corps est toujours couvert d’une peau lisse muqueuse, sans écailles, comme sans aiguillons. On pourrait encore ajouter à ce nombre des poissons électriques, le PURAQUE de Marcgrave. Bras., pag. 151. (Rhinobatus electri- cus BL. Schn.). En effet, ses paroles sont très-positives ; nous avons reçu cependant plusieurs Rhinobates du Brésil, l’un d’eux ressemble beaucoup à la figure de Marcgrave, et aucun observateur récent, que je sache, n’a ressenti l’effet de son appareil galvanique. Ce sont les seuls poissons électriques connus; on ne doit pas ran- ger parmi eux le Tricuiurus indicus de Gmelin, que Lacépède n’a pas hésité à nommer Trichiurus electricus. Nous avons démontré, Hist. nat. des poiss. tom. VIIE, chap. VIT, pag. 247, que ce pré- tendu Trichiure électrique est établi sur une confusion difficile à débrouiller, qui existe entre le texte de Nieuhoff et la figure qu’on y rapporte, et qui a été reproduite dans Willugby. Tout ce que l’on peut conclure du texte, c’est que ce n’est pas d’un Trichiure dont il s’agit; car on ne peut dire d’un poisson de ce genre : Anterior corporis parstenuior, posterior duplo crassior ; dentes acutissimi, non tamen facile conspicui : ce dernier trait montre également que Nieuhoff n’avait pas sous les yeux un Trichiure, et que par conséquent la fi- gure qui est sans aucun doute celle d’un Trichiure, ne se rapporte pas au texte, puisque sur ce dessin, la gueule est armée de dents longues et pointues, très-faciles à voir. Il me paraît à peu près certain qu’il n’existe pas de Trichiures électriques dans les mers de l'Inde. Patrick Russel dit positivement que les Trichiures vus par lui, ne possèdent pas cette faculté. Forskal qui avait l’esprit éveillé sur l’é- lectricité des poissons, puisqu'il avait vu le Silure électrique du Nil et qu’il avait comparé ses effets à ceux de la bouteille de Leyde, a observé dans la Mer Rouge des Trichiures qu’il a désignés sous le 48 NOUVELLES RECHERCHES nom de Clupea Haumela, et il ne parle pas de vertus électriques chez ces poissons. J’ajouterai que les recherches anatomiques que j’ai faites sur eux, ne m'ont offert aucun organe qui puisse être considéré comme comparable à ceux des poissons électriques. Je viens de rappeler dans ce résumé très-concis, ce que les ich- thyologistes connaissent des poissons électriques. Ce que les phy- siologistes en savent est encore peu étendu, et de nombreuses expé- riences restent à faire pour terminer ce que les recherches de MM. Gay-Lussac et Humboldt, sur la Torpille, et en dernier lieu , celles de M. Mateucci ont appris sur l'électricité de ces poissons. M. de Humboldt a publié, dans le recueil de ses observations zoologiques, un Mémoire très-savant sur l'électricité du Gymnote de l'Amérique, et le précis des expériences variées auxquelles il soumit, sur les lieux mêmes, ce remarquable poisson. Aucun travail de ce genre n’a encore été tenté sur leSilure du Nil. Ce serait un point de physiologie comparée très-curieux à étudier , et qui mettrait en parallèle les effets produits dans trois poissons si différents de forme, qu'ils appartiennent à des ordres et l’on pourrait même dire à des sous-classes distinctes dans ce grand groupe des vertébrés. Ce que nous savons cependant par les travaux des céle- bres physiciens que j'ai nommés, et par les recherches anatomiques faites sur les poissons électriques, c’est que les organes galvaniques de ces espèces sont essentiellement nerveux, et que c’est la huitième paire qui, dans un cas comme dans l’autre, fournit en abondance les rameaux qui viennent se perdre dans ces batteries. N'ayant à ma disposition, dans les riches collections du Jardin du Roi, dont j'ai entrepris la description, que des animaux morts de- puis longtemps, je n’ai pu mettre à profit mon heureuse posi- tion, qu’en m’efforçant d'éclairer, par des recherches anatomiques, les points encore obscurs de Porganisation de ces poissons. SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 49 En préparant la rédaction de l’histoire naturelle du Malaptérure électrique, j'ai vérifié, sur les individus que je pouvais disséquer, les recherches faites avant moi par M. Geoffroy Saint-Hilaire et par M. Rudolphi; et j'ai été assez heureux pour trouver que l’appareil électrique de ce Malaptérure est plus compliqué que M. Rudolphi lui-même ne l’avait reconnu. Je vais dans ce mémoire faire connaître ce résultat de mes observations, mais je crois utile de rappeler d’a- bord à mes lecteurs ce que l’on sait de l’histoire naturelle de ce pois- son. Le Malaptérure, qui partage avec la Torpille le pouvoir élec- trique, habite le Nil, et à ce qu’il paraît toute l'Afrique. Comme je Pai dit plus haut, on trouve dans le recueil des voyages de Pur- chass, les trois passages suivants. Un premier de 1554, est tiré de la relation de J. Nunnez Baretus, envoyé patriarche d’Ethiopie, et d'André Oviedo, son successeur. Il y est dit qu’il existe dans le Nil, un poisson appelé Torpedo , ne causant aucune action si on le tient sans aucun mouvement, mais qu'au plus léger que l’on fait, on sent aussitôt dans les artères, les articulations, les nerfs et par- tout le corps, une douleur vive avec de l’engourdissement, effets qui cessent dès qu’on lâche le poisson. Secondement. Maitre Robert Jobson rapporte qu’ils retirèrent du filet jeté dans la rivière de Gambia, parmi d’autres poissons, un qui avait le corps large, semblable à une Erême (oxe Like an english BREME ), mais d’une plus grande épaisseur. Un des matelots ayant voulu le prendre, il s’écria qu’il avait perdu l’usage de ses mains et de ses bras. Un antre matelot qui le toucha du pied sentit de l’en- gourdissement dans la jambe. Ces faits ont été recueillis en 1620 et publiés en 1625. Les formes de l'animal indiquées dans ce passage ne peuvent faire croire qu’il s'agisse d’une Torpille, et ils concordent très-bien avec ce que nous apprend plus tard Adanson. Aucnives pu Muséuw, vowe Il. nh à 5a NOUVELLES RECHERCHES En un troisième endroit, nous voyons que le frère Joao dos Sanc- tos raconte que la rivière de Sofala, abondante en poissons gras et savoureux , nourrit un étrange poisson, appelé par les Portugais Tremedor, et par les Cafres indigènes Tunta. I est d’une telle nature qu'on ne peut le prendre en vie sans que les mains et les bras ne soient frappés de douleurs; quand il est mort, il devient comme un autre poisson, c’est-à-dire qu'il perd cette faculté. Il est d’ailleurs de bon goût et estimé. Comme nous savons aujourd’hui que les Clarias et les Hétérobranches se retrouvent à travers toute Afrique, que le Crocodile du Nil vit aussi dans les eaux douces de Madagascar, nous ne devons pas être surpris de voir le Silure électrique traverser tout ce continent. Après ces citations tirées de Purchass, nous dironsqu’Adanson, en 1796 , observait le Malaptérure dansle Sénégal, maisil n’en a point laissé de description ni de figure. Plus tard, en 1775, les éditeurs des manuscrits de Forskal publiè- rent la description fort exacte laissée par ce célèbre naturaliste ; mais sous le faux nom de Raja Torpedo, erreur qui ne doit pas être at- tribuée à Forskal. Cependant ce n’est qu’en 1782 que Broussonnet donna, dans les Mémoires de l'Académie des sciences, la première figure du pois- son dont nous traitons, et il le rapporta au genre des Silures. Cette gravure fut reproduite dans l'Encyclopédie; et c’est d’après ces do- cuments et quelques autres que M. Geoffroy avait écrit du Caire à son collègue Lacépède que ce savant ichthyologue parla du Silure électrique. Remarquant l'absence de la dorsale antérieure, il fit du poisson un genre distinct qu'il appela Malapterurus, voulant ainsi désigner le caractère très-tranché de ce siluroïde, de n’avoir sur le dos de la queue qu’une seule nagcoire adipeuse. M. Geoffroy ne manqua pas de rechercher en Egypte le Silure élec- SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 51 trique ; et il publia ses premières recherches anatomiques sur l'organe auquel ce poisson doit cette merveilleuse propriété. Les observations faites à son sujet sont consignées dans le grand ouvrage sur l'Egypte, ou dans un mémoire inséré dans les Annales du Muséum d'histoire naturelle. Elles n’indiquent que l’organe considéré comme le siége de la puissance électrique; mais M. Geoffroy ne rapporta aucune expérience physique faite dans le but de comparer ces phénomènes physiques à ceux de la Torpille. Plusieurs années après, M. Rudolph fit à Berlin, en 1824, de nouvelles dissections du Sÿurus electricus. I] observa de nouveaux faits qui avaient échappé à M. Geoffroy Saint-Hilaire ; on les trouve imprimés dans les Mémoires de l’académie de Berlin. Sa description est accompagnée de grandes et belles figures anatomiques et fort dé- taillées de l'organe auquel ce poisson doit la faculté remarquable qui lui est commune avec un si petit nombre d’animaux de sa classe. Ce travail fait beaucoup mieux connaitre la structure de l'organe compliqué qui existe entre la peau et les muscles latéraux du tronc du Malaptérure, et dont les parties sont animées par des branches nerveuses de la huitième et de la cinquième paire. Le MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE (S{urus electricus, Linn.) est un poisson gros et court, à tronc arrondi, à museau déprimé , à queue comprimée, et dont l'épaisseur parait assez variable, se- lon l’état des individus. Sa hauteur moyenne, qui est égale à son diamètre transversal, est environ cinq fois et demie dans la lon- gueur. La tête est enveloppée, comme le reste du corps, d’une peau molle et très-lâche. Mesurée jusqu’au bout de l’opercule, elle est contenue un peu plus de cinq fois dans la longueur totale. Sa largeur fait les cinq sixièmes de sa longueur, et sa hauteur n’en est que la moitié. 52 NOUVELLES RECHERCHES Sa face supérieure est presque plane; elle parait carrée ou mieux tra- pézoïdale, rétrécie par-devant et coupée en arc de cercle très-ouvert, lequel est dessiné par la lèvre supérieure; la fente de la bouche ne s'étend que faiblement sur le côté; on voit aussi en dessus, sur le devant du museau, les deux orifices de chaque narine; ils sont un peu éloignés un de l’autre, l’antérieur a un rebord membraneux plus large que le postérieur. La base du barbillon maxillaire répond à peu près à leur intervalle, et est au-devant de l'angle de la com- missure. Ce barbillon a les deux tiers de la longueur de la tête; le sous-mandibulaire externe l’égale en longueur, l’interne est plus court. Il n’y a que ces six barbillons autour de la bouche. Les mä- choires seules portent des dents en fin velours; il n’y en a pas au palais; la fente des ouïes est oblique et ne s'étend pas sous la gorge. La membrane branchiostège a sept rayons cachés dans la peau épaisse qui ferme les ouïes. C’est à peine si l’on sent une ceinture osseuse autour de la poi- trine ; la pectorale attachée au bas de la ligne du profil inférieur, n’a pas de rayon épineux; tous les rayons sont mous, le premier, analogue de l’épine des autres siluroïdes, est de moîïtié plus court que les autres. On voit dans cette disposition un exemple bien frap- pant de cette précaution prise par la nature, de supprimer les corps pointus et saillants sur les poissons électriques. L’épine dure et solide qui forme le premier rayon de la pectorale des silu- roïdes, est un caractère que l’on retrouve dans toutes les autres espèces, armées de ce rayon pour leur défense. Les poissons élec- triques n’en sont pas porteurs, comme si la pointe de cet organe so- lide pouvait nuire à la condensation de l'électricité de leur bat- terie, ou parce que le poisson trouve dans sa puissance électrique un moyen de défense encore plus fort que celui qu'il üirerait de son épine pectorale. SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE, 53 Les ventrales, à peu près de la grandeur des pectorales, sont implantées sous le milieu du corps, elles sont arrondies et soutenues par six rayons. L’anale, moins haute que longue, en a douze. L’adipeuse répond aux trois derniers de l’anale, elle est basse et en ovale alongée. La nageoire de la queue est arrondie et porte dix-sept rayons. Bi, 7:0D 00: Aura Gou7. Ping: V: 6. La ligne latérale est droite saïllante comme un petit fil, et donne irrégulièrement d’espace en espace, des petits brins saillants, elle offre sur sa longueur les ouvertures de pores muqueux assez nombreux. La peau est lisse, sans écailles, muqueuse et comme veloutée ou tomenteuse. Examinée au microscope, on voit les filets nombreux qui rendent sa surface veloutée; cette peau, d’ailleurs, est d’une grande richesse en vaisseaux capillaires. Tout ce poisson est d’une couleur olivâtre, foncée sur le dos et blanchätre sous le ventre; sur les flancs on voit des taches noires nuagueuses de diverses tailles, le plus souvent arrondies ; elles for- ment quelquefois des vergettures, des bandes, mais sans aucune ré- gularité. Ces taches varient d’un individu à l’autre. A l’ouverture de l'abdomen , le foie de ce siluroïde parait petit, mais en réalité il est assez volumineux. On le trouve presqu’en entier dans l’hypochondre droit, où il se divise en plusieurs lobes, dont les supérieurs sont cachés dans les sinus latéraux de l’abdomen. Ces sinus que l’on observe dans d’autres siluroïdes, et principalement dans les espèces du genre Plotose, sont des cavités creusées dans l’épais- seur des muscles abdominaux et latéraux, le péritoine en tapisse la surface, et une bride péritonéale les retient et les resserre par en 54 ; NOUVELLES RECHERCHES haut. C’est dans cette cavité qu’entre le lobe supérieur du foie ; la vésicule du fiel est oblongue et assez grosse. L’estomac est petit, et terminé en un sac arrondi, dont le fond donne la branche montante de ce viscère ; elle est étroite, et après avoir longé le côté gauche, elle passe sous la courbure du foie pour entrer dans le côté droit de Pab- domen. L’intestin fait ici desreplis courtset nombreux, ce qui lerend plissé ou ondulé comme une fraise, et après être descendu jusqu'aux deux tiers de la cavité abdominale, il se termine en un tube droit, sans changer de diamètre, pour se rendre à l'anus. Les épiploons mesentériques de ce canal digestif sont larges, chargés de graisse, sur- tout près de l'estomac et du rectum. La rate est grosse et ovale, attachée au-dessus de l’estomac. La vessie natatoire est oblongue ou en fuseau et terminée en avant par deux lobes arrondis en boule, placées de chaque côté de la grande vertèbre, en avant des osselets de Webber. De ses tuniques , l’interne est mince et fibreuse, l’ex- terne est plus épaisse, mais spongieuse. La vessie urinaire a deux cornes comme celle des autres Silures. Le squelette montre un cräne étroit entre les orbites et élargi sur les régions mastoïdiennes et occipitales; les frontaux postérieurs donnent une longue apophyse cylindrique à laquelle se suspend, d’un côté, la chaine des osselets sous-orbitaires ; l’autre extrémité va s’at- tacher entre le palatin et le maxillaire, lessous-orbitaires sont grèles et filiformes; à l'angle postérieur du rectangle du crâne répond le mastoidien; le surtemporal grêle et presque cylindrique, s'étend de cet angle à l'extrémité de l’apophyse du frontal antérieur; sur le de- vant, le crâne est élargi par une lame horizontale des frontaux an- térieurs, qui se continue en descendant le long du sphenoïde anté- rieur ; l'os qui représente les deux pterygoïdiens, s'articule avec le frontal antérieur. C’est un second point de ressemblance de ce genre avec les Plotoses. SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 55 Le surscapulaire ne se soude pas avec le crâne ; il s’y articule en- tre l’angle du mastoïdien et une crête de l’occipital externe, il reste mobile. L’interparietal, aussi large que long, porte une crête transverse échancrée au milieu et qui donne en arrière une petite pointe compri- mée enchässée dans l’échancrure du sommet de la crête antérieure de la grande vertèbre. Celle-ci a trois apophyses transverses, dont l’an- térieure va s’appuyer contre le surscapulaire , et se dilate ensuite en une lame verticale mince, qui tient à la vessie natatoire. On retrouve ici une partie de l’organisation déja connue par lanatomie des Schals (Syrnodontis clarias nob. Silurus Clarias , Hasselq.) ; mais il y a ici cette différence, que le surscapulaire du Malaptérure ne produit pas de lame semblable. L’ossature de l'épaule ne présente aucune anomalie notable; nous avons soin de faire remarquer que le filet osseux, dans lequel M. Geoffroy a cru trouver le remplaçant du coracoiïdien, existe ici comme dans tous les autres siluroïdes, quoique le Malapterure manque de rayon épineux à la pectorale. Après la grande vertèbre, on compte seize vertèbres abdominales, dont les apophyses sont comprimées et peu hautes, dont les trans- verses déprimées et horizontales portent les côtes à leur extrémité. Sous Les vertèbres caudales il y a un anneau , elles sont au nombre de vingt-deux; la dernière en éventail est soudée avec les apophyses inférieures de la pénultième et de l’antepénultième, les côtes sont assez fortes, et de longueur médiocre. Cette description du Malaptérure, tant extérieure qu'intérieure, est faite sur des individus qui ont depuis 0",19 jusqu’à 0",60, et qui sont originaires, les uns du Nil, les autres du Sénégal. Il me reste à parler maintenant de l'organe électrique qui a rendu ce poisson si célèbre. 56 NOUVELLES RECHERCHES M. Geoffroy, qui l’a décrit le premier , le désigne comme un amas de tissu cellulaire serré et épais, composé de véritables fibres ten- dineuses qui, par leurs différents entrecroissements , forment un ré- seau dont les mailles ne sont visibles qu’à la loupe, et dont les petites cellules sont remplies d’une substance albumino-gélatineuse. Il est recouvert, du côté interne, par une très-forte aponévrose , que lon ne peut en séparer sans la déchirer, et qui tient aux muscles par un tissu cellulaire lâche et peu consistant; une branche du nerf de la huitième paire descend vers le bas de la poitrine et se porte sous le tronc aponévrotique qu’elle parcourt, en donnant à droite et à gau- che des nerfs qui la percent et pénètrent dans le tissu cellulaire de l'organe où ils s’épanouissent. Cette description ne donne qu’une idée de l’extérieur de Porgane. M. Geoffroy voulant le comparer aux batteries de la Torpille, a fait figurer dans les Annales du Muséum , tom. 1°, pl. XXVI, une Torpille à côté du Malaptérure. Le dessin de celui-ci, le seul dont nous devions nous occuper ici, représente la peau soulevée et l’organe électrique détaché du corps; l’auteur a montré la branche nerveuse et ses ramifications sous l'organe électrique ; et lon voit, par lex- plication, qu'il croit trouver en #, m, les muscles latéraux du corps. Quoique cette figure laisse beaucoup à désirer, elle est bien meiïl- leure que celle gravée dans l'ouvrage d'Egypte, pl. XIF, fig. 5. L’organe électrique est représenté, sur cette grande planche, relevé, mais comme sil formait une des parois de la cavité abdominale, puisque les côtes et les vertèbres sont dessinées, sans montrer entre elles et l'organe, la coupe des muscles abdominaux qui ont dù être enlevés; le nerf 7, 72, qui va à l’appareil électrique est mentionné dans l’explication des planches ; mais il west pas parlé du vaisseau 0, dont le dessinateur a suivi vaguement le trajet, c’est la veine de Por- gane électrique ; l'artère a été complétement oubliée. SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 57 Une autre erreur grave de cette figure, est d'indiquer des écailles sur la peau de notre Silure électrique. C’est non seulement contraire à la vérité, en ce qui touche le caractère spécifique du poisson, mais aussi contraire, et cela devient plus important, à cette loi de la phy- siologie galvanique des poissons électriques que j’ai rappelée plus haut ; puisque tous ceux que nous connaissons pourvus de cette puissance ont la peau nue, muqueuse, sans écailles, sans épines, et que, pour la suivre, la nature a supprimé l’épine osseuse de la nageoire pecto- rale de ce siluroïde, et qu’elle parait mème avoir conservé une peau lisse dans l’exemple le plus frappant, le Tetrodon electricus. M. Rudolphi a bien reconnu la Tunique aponévrotique, décrite par M. Geoffroy, car voici l'extrait de la description du célèbre anatomiste de Berlin. Immédiatement sous la peau , est une membrane propre, compo- sée decellulesrhomboïdales, dont les parois sont serréesles unes con- tre les autres, comme de petits feuillets. Un raphé aponévrotique longitudinal, allant de la peau aux muscles, tant sur le dos que sous le ventre, la divise en deux parties, une pour chaque côté. Toute sa face interne est doublée d’une aponévrose argentée, composée de fibres qui se croisent. Cette tunique s'étend jusqu’à l'œil, sauf une échancrure pour la pectorale en dessous; elle ne dépasse pas les ouies ; en arrière, sa cellulosité ne va pas plus loin que l’anale. Le nerf vague, marche sous cette aponévrose et fournit beaucoup de rameaux qui la percent pour se rendre dans son tissu. Il est accom- pagné d’une artère venant de la partie antérieure de laorte, et d’une veine qui se verse dans la veine cave près de l'oreillette. Jusqu'ici, M. Rudolphi ne donne qu’une description plus com- plète de la tunique observée par M. Geoffroy, mais il ajoute qu'il existe encore une Tunique propre, couverte de peu de cellulosité, et consistant en un tissu floconneux, irrégulier, d’un genre tout particu- Arcmwves pu Muséum, roue II. 8 58 NOUVELLES RECHERCHES lier. Ce tissu forme des paquets lâches de fibres molles dirigées sans ordre, une branche nerveuse se montre dessous; et les nerfs intercos- taux lui donnent aussi de petits filets. Il ny a pas trouvé de graisse. Ce mémoire de M. Rudolphi est accompagné de quatre planches : sur la première , il donne une nouvelle figure très-correcte de ce si- luroïde déjà très-bien représenté par M. Geoffroy, sur les magnifiques cuivres de l'ouvrage d'Egypte. Sur la seconde, l’anatomiste alle- mand a montré la tunique externe de l’organe électrique , la seule qui ait été mentionnée par M. Geoffroy ; on la voit relevée et animée par le nerf de la huitième paire, et ses branches qui sont suivies avec une grande exactitude : l'artère qui nait de l'aorte, la veine qui verse dans la veine cave. L’organe floconneux, comme l'appelle M. Rudolphi, est figuré sur la planche n°3; il y montre les nerfs qui s’y distribuent, et les muscles latéraux de corps qui sont sous cette couche y sont mis à découvert. Enfin sur la quatrième plan- che, le crâne est dessiné ouvert, afin de voir l'origine des nerfs dont il a marqué le trajet. Ayant repris ces travaux, j'ai reconnu, comme Les deux observa- teurs que je viens de citer, une tunique externe, immédiatement sous la peau, à laquelle elle adhère très-intimement. Elle consiste en un tissu celluleux, comme spongieux, composé de feuillets minces, entre- croisés, constituantles mailles qui sont abreuvées du fluide gélatineux, qui se retrouve l’analogue de ce que nous observons dans la Torpille ; cette tunique estdoublée àsa faceinterne parune aponévrose argentée, formée de fibres très-fortes, entre-croisées, et étendues depuis le front et les ouïes, jusqu’à la terminaison de Panale , son tissu se perd à cet endroit. Sous cette aponévrose, marchent les grands troncs vas- culaires et les filets nerveux si parfaitement représentés par M. Ru- dolphi. Le nerf vient de la huitième paire ; c’est le nerf de la ligne latérale des poissons. Il donne de chaque côté dix à douze gros filets SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 59 qui percent l’aponévrose, pour s’enfoncer dans l'organe en sy rami- fiant presque à l'infini. Quelque soin que j'aie mis à chercher im- médiatement sous la peau, le long de la ligne des flancs, un autre rameau nerveux analogue à celui des autres poissons, je n’ai pu en trouver la moindre trace. Je n’ai pas vu non plus le nerfde Webber, ce filet qui suit la ligne médiane du dos, et qui est si gros dans le Silurus glanis d'Europe. Il faut donc admettre avec M. Geoffroy, que le nerf de l’organe électrique du Malaptérure, est celui qui, dans les autres poissons, suit la couche interne de la peau, tantôt im- médiatement sous cette enveloppe, comme dans le Cyprins, tantôt enfoncé assez profondément dans le chevron des muscles latéraux du corps, sous les petits faisceaux musculaires suivant également, dans un grand nombre de poissons, le parcours de la ligne latérale. La plupart des Scombres offrent un exemple de cette disposition. Sous cette première tunique j’ai trouvé les membranes qui font le principal objet de ce mémoire. Ce que M. Rudolphi a soulevé comme une tunique simple, est composé de six feuillets au moins, superposés, semblables entr'eux, faciles à séparer lun de Pautre et des muscles sous-jacents, auxquels la dernière ne tient que par un tissu cellulaire lâche et peu abondant. Ces feuillets aponévrotiques s'étendent jusque sur les muscles de la queue, et se terminent à la base desrayons de la caudale. Ils sont assez résistants quoique minces; leur surface devient floconneuse par l’imbibition de l’eau. Ces tuni- ques reçoivent des filets qui naissent de la branche principale de la huitième paire, et d’autres filets qui viennent des intercostaux. Les dernières ramifications nerveuses quise perdent dansles membranes, comme la tunique externe de l’organe électrique, se réduisent à des filets fins comme les cheveux les plus déliés ; je n’ai pas pu voir leur extrémité terminée par un renflement semblable à celui des filets nerveux qui viennent se perdre dans notre peau pour animer. 6o NOUVELLES RECHERCHES Ainsi l’on doit conclure de ce mémoire que dans le Malaptérure électrique, il existe entre la peau et les muscles sept membranes au moins superposées, dont la première a été observée d’abord par M. Geoffroy, et dont les six autres ont été regardées comme une seule tunique, par M. Rudolphi; que le nerf de Porgane électrique est celui de la ligne latérale ; que, de même que dans la Torpille, il appartient à la huitième paire; qu'il a donc été inexact de dire que le système nerveux qui complète l'organe électrique du Malaptérure n’a pas plus de rapports avec les branches nerveuses examinées dans la Torpille et le Gymnote que les tuyaux de ceux-ci n’en ont avec l'enveloppe particulière du Silure trembleur. L'existence de ces deux couches superposées, l’une simple, autre composée de six ou sept membranes, montre aussi que l’organe élec- trique des poissons est toujours double sur chaque flanc, on voit en effet que dans les torpilles, il y a de chaque côté deux rangées de tubes hexagonaux, l’une dorsale, l’autre ventrale : M. de Hum- boldt a déjà distingué dans les Gymnotes, de chaque côté du corps, le grand et le petit appareil électrique. Je trouve dans le St/urus electricus une analogie frappante : dans ces trois poissons le nerf de la huitième paire, qui anime l'organe, traverse les deux lames. Ne peut-on pas supposer que ces deux lames différentes dans leur na- ture, et ayant, sous l’action nerveuse, une tension variable selon leur organisation, sont nécessaires pour constituer la pile voltaique qui développe l’électricité ? La vertu électrique du Silure n’a pas encore été le sujet de re- cherches de la part d’un physicien habile et pourvu d’instraments nécessaires pour faire à son sujet des expériences exactes. Adanson se borne à dire que son effet ne lui a pas paru différer sensiblement de celui de la bouteille de Leyde. Je fais remarquer cette obser- vation, car il semble que cet habile observateur ait trouvé quelques SUR LE MALAPTÉRURE ÉLECTRIQUE. 61 différences entre l’effet du poisson et celui produit par la bouteille de Leyde, ce qui concorde parfaitement avec ce que M. de Hum- boldt rapporte des effets du Gymnote. Les coups de ce Silure trem- bleur se communiquaient par le simple attouchement avec un bâton ou une verge de fer de cinq ou six pieds de long. Forskal en recon- nait aussi la ressemblance avec l'électricité, mais il représente ces effets comme très-faibles et ne pouvant causer aucune véritable dou- leur. Mais peut-être n’a-t-il eu qu'un individu affaibli, car M. le Prieur nous a affirmé qu’un individu de 0”,20 donnait déjà des com- motions vigoureuses. Forskal a remarqué que le coup a lieu quand on touche ce poisson à la tête, et il le produit en remuant la queue : si on le touche ou qu’on le saisisse même par la queue il n’agit point. On peut expliquer ce phénomène en se rappelant que la tunique externe du poisson, finit après l’anale, et ne va pas au-delà sur la queue , d’ou il résulte que la batterie complète ne peut s'étendre après l’anale. Mais alors l’action et la puissance du poisson de PAfri- que seraient très-différentes de la manière d’agir du Gymnote de la Guyane. Ce sujet de recherches sur la physiologie électrique du poisson ne saurait donc être trop recommandé aujourd’hui, surtout que les instruments plus délicats que nous possédons en rendraient les appréciations plus précises. EXPLICATION DE LA PLANCHE IV. a. Feuillet supérieur de l'organe électrique, rejeté et vu par sa face inférieure et apo- névrotique. b,b,b”,b”, bi, b,, etc. Feuillets du tissu floconneux soulevés et détachés les uns des autres. Brauche du nerf de la huitième paire. Artère de l'organe électrique se distribuant principalement dans la lame externe a, Veine de l’organe électrique. Les filets des nerfs intercostaux qui se rendent aux feuillets floconneux b, b”, b”, etc. . La peau du corps rejetée. Fr 9 & 9 Muscles latéaux et abdominaux du tronc, NOTICE SUR UN VOYAGE L’ARABIE HEUREUSE, ENTREPRIS PAR M. PAUL-ÉMILE BOTTA, NATURALISTE-VOYAGEUR DU MUSÉUM, D'APRÈS LES INSTRUCTIONS DE MM. LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. Arrivé à Hodeiïda, à la fin de septembre 1836, jy restai quelques jours pour attendre Ibrahim Pacha, neveu de Mohammed Ali et gou- verneur de l’Yémen, dont les recommandations n'étaient nécessai- res pour pénétrer dans les montagnes. Peu de jours après, c’est-à-dire dans le commencement d'octobre, j'en partis le soir, passai la nuit du lendemain à Beit el Fakih, d’où, le jour suivant, je me rendis à Zebid. Le surlendemain j’allai m'établir à Haïs, célèbre dans tout VYémen par ses fabriques de poteries. Cette petite ville est assise au pied des montagnes à l’entrée d’une plaine qui pénètre dans la chaîne qu’elles forment. Jy fus très-bien accueilli par l’ancien gouver- neur de Taaz, le cheikh Hassan Ebn Yahia, homme très-puissant dans cette partie de l’'Yémen. Les événements politiques de son pays, et surtout ses différends avec l’iman de Sana, l'avaient forcé dese jeter dans le parti des Turcs. C’est à son désir de donner des preuves d’a- mitié à Ibrahim Pacha, que je dus sa protection, qui me permit de 64 NOTICE SUR UN VOYAGE parcourir en sûreté une partie des montagnes et d'atteindre le som- met du mont Saber que n'avait pas visité Forskal. Vers le milieu d'octobre le cheikh Hassan me fit accompagner par un de ses hommes de confiance et quelques soldats pour aller vi- siter Djebel Ras, haute montagne située à environ deux lieues au N.E. de Haïs. Ce fut là que je rencontrai pour la première fois quelques pieds du singulier Nerium obesum Forsk. (Pachypodium) dont les troncs coniques, chargés seulement au sommet de quelques rameaux couverts de belles fleurs roses, contribuaient encore à donner à ce végétal un caractère tout bizarre et particulier. Après une journée très-fatigante, par des chemins qui ne permettaient pas de se servir de montures, nous parvinmes à atteindre environ la moitié de la montagne ; nous passimes la nuit chez le vénérable Cheikh Yasin, vieillard plus que centenaire, dont la maison est une sorte de bureau de bienfaisance ; les riches habitants de l’Yémen envoient à ce pa- triarche biblique des dons de toute espèce dontil se sert pour exer- cer la plus généreuse hospitalité. J’employai la journée du lende- main à herboriser dans les environs de l'habitation du cheikh Yasin, en attendant le retour d’un messager qu'il avait cru conve- nable d'envoyer dans le haut de la montagne , demander aux habitants qu’ils permissent à un Européen de visiter leur pays, afin d’y recueillir des plantes médicinales. (était le prétexte que j'étais obligé de donner à mesrecherches, et la réponse que je faisais à toutes les questions dont on m’accablait. Au reste je n’étais pas le premier que l’on eût vu herboriser dans ces contrées, car j’appris que de temps en temps des habitants de Maroc venaient chercher dans PYé- men, en quantité considérable, des plantes dont leurs livresleur ensei- gnaient l'existence et l’usage. Quelles sont ces plantes, et dans quel but des Arabes viennent-ls les cueillir si loin de leur pays? c’est ce que je n’ai pu savoir ; mais le fait, tout singulier qu’il est, na été DANS L'ARABIE HEUREUSE. 65 attesté par trop de personnes pour que je puisse le révoquer en doute. Le lendemain le messager revint; après beaucoup de chuchotte- ments et de précautions oratoires, on finit par m’avouer que les habi- tants, au risque d’encourir la colère du cheïkh Hassan (qui plus tard les punit sévèrement de leur désobéissance à ses ordres), refu- saient de me recevoir, sous prétexte que je venais, sans aucun doute, pour jeter un sort sur la végétation de leur pays. Ils me permet- taient cependant d’aller chez eux, mais à la condition de ne toucher aucune plante. Comme cette condition était inacceptable pour un botaniste, et qu'il était inutile de discuter avec eux, j’employai le reste de la journée à continuer mes recherches dans lesenvirons avant de retourner le lendemain à Haïs. Versla fin d'octobre, le cheikh Hassan partit pour son château de Maammara, bâti sur la cime d’une haute montagne, au sud de Haïs. C’était un endroit inaccessible avant que le cheikh, pour se ména- ger une retraite dans ses guerres avec l’iman de Sana, eùt dépensé des sommes considérables pour tailler un chemin en spirale jus- qu’au sommet de cette montagne où il construisit une petite forte- resse, qui, dans le pays, peut passer pour imprenable. Le cheikh Hassan me permit de l’accompagner, mais, à mon grand regret, vou- lanttransporter à son château une forte somme d'argent, il me de- manda à déposer dans chacune des caisses destinées à contenir mon herbier, un sac de mille dollars. Je fus forcé d’y consentir, mais quoique la chose se fit secrètement, le bruit se répandit que ces caisses contenaient le trésor du cheikh, ce qui plus tard faillit at- tirer le pillage de mes effets. Pour aller à Maammara, je partis le matin de Haïs. Après avoir traversé la plaine à l'entrée de laquelle se trouve cette ville, nous passimes une petite rivière nommée Suera, qur conserve ses eaux toute l’année, mais en entrant dans la plaine de Haïs, derrière le Arcuives Du Muséum, rome fI. 9 66 NOTICE SUR UN VOYAGE mont Mbaracha, elle se perd dans le terrain de transport dont tout le Tehama semble formé. Après avoir passé ce ruisseau, nous commençâmes à monter par des chemins assez praticables jusqu’à Hamara où nous nous reposà- quelques instants; puis continuant notre route, nous entrâmes, vers le coucher du soleil, dans la vallée marécageuse de Heïdan, que suit la route la plus fréquentée pour aller à Taaz. Nous y marchâmes quelque temps; puis, la laissant à gauche, nous montâmes jusque vers minuit dans la chaine occidentale de cette vallée. Après deux ou trois heures de repos, nous partimes avant le jour, continuant à gravir des ravins profonds ettrès-étroits, au fond desquels croissaient des Pandanus dont les fleurs répandaient alors dans air leur odeur pénétrante et si recherchée des Arabes. Ce fut avec un vif re- gret que l'heure avancée de la nuit, les lieux où croissaient ces arbres ne me permirent pas non-seulement de m’en procurer, mais même de les voir. Au lever du soleil nous nous trouvâmes au pied du pic de Maammara, sur le sommet duquel le château du cheikh commen- çait à s’éclairer de ses premiers rayons. Le chemin avait été endom- magé par les pluies, en sorte que dans quelques endroits il était à peine praticable ; cependant, en arrivant sur la plate-forme du chà- teau , nous vimes que les chameaux , chargés de nos caisses, avaient pu y parvenir avant nous. Je fus reçu par le cheikh Hassan, qui me fit les honneurs de son château avec toute la générosité d’un Arabe des anciens temps; ne négligeant rien pour me faire obtenir, à l'instant, tout ce dont je pourrais avoir besoin, sans qu’il fût permis, à qui que ce fût, de rien recevoir de ma part. Afin que personne ne s’opposät à mes re- cherches, le même homme qui m'avait accompagné à Djebel Ras, Ezzé el Hadrami, fut chargé de me suivre partout et de veiller à ce que je ne recusse aucune insulte. Je pus ainsi parcourir à loisir les DANS L'ARABIE HEUREUSE. 67 environs, et ÿ faire une riche récolte de plantes. J'aurais également pu prendre beaucoup de reptiles, mais les moyens de les conserver me manquaient; le cheikh Casem, fils du cheikh Hassan , sachant que j'avais avec moi une forte provision d’esprit de vin, voulut en goûter pour voir si cela enivrait ; comme l'effet surpassa son attente, il y prit tellement goût, qu’au bout de quinze jours ma provision fut épuisée ; plus encore à son regret qu’au mien. Ce fut au pied du pic de Maammara que je vis la première planta- tion de café. Elle se trouvait, comme toutes celles que je vis depuis, dans une profonde et étroite vallée dans laquelle le soleil ne donnait que peu d’heures. Ce n’est pas , au reste, dans cette partie de l'Yé- men que sont les plantations de café les plus nombreuses et les plus productives. C’est dans le territoire d’Uden et dans celui de Sana : que se cultive en grand le cafier. La plantation de Maammara n’était qu'un essai fait par le cheikh Hassan. Au bout de peu de jours, ce cheikh, appelé par les habitants de Taaz qui s'étaient révoltés contre l’iman de Sana, partit pour cette ville, me laissant dans son château avec son fils Casem qui, quelques Jours après, me mena à Cahim. C’est un autre petit château appar- tenant à son père et situé à l’est de Ouadi Heidan. Quoiqu’assez près, en ligne directe de Maammara, les vallées qui l’en séparent sont si profondes, et les montagnes si escarpées, qu’il nous fallut, pour ÿ parvenir, une journée de marche très-fatigante, dans des chemins à peine praticables pour des mulets; ce fut pendant cette route et à l’ombre deshaies, que je rencontrai une plante du groupe des Orobanches à fleurs d’un beau rouge, désignée par les Arabes par le nom de Zoubr el Bar. Les chameaux portant mes effets mirent deux jours pour faire le même trajet ; dans plusieurs endroits on fut obligé de les décharger et de faire porter les caisses à dos d'hommes, la route n’étant pas assez large pour le passage d’un chameau chargé. 68 NOTICE SUR UN VOYAGE Dans l’Yémen, comme pendant mon séjour au Mont Sinaï, J'ai pu remarquer combien est fausse l’idée que nous nous faisons du chameau, lorsque nous croyons qu'il n’est propre qu'aux pays de plaine, à cause de la forme de son pied. Aucun animal, sans en excepter le mulet, n’a le pas plus sûr dans les endroits extrème- ment dangereux, son pied ne glisse même jamais sur une surface très-polie, comme le fait trop souvent celui du cheval, et il sait choisir, avec un instinct admirable , les endroits où il peut le poser avec le plus de sureté. Ce n’est que dans les endroits fangeux et glissants que le chameau perd réellement ses utiles qualités; dans les nombreux trajets où jai eu occasion de m'en servir, ce n’est que dans des endroits pareils que j’en ai vus tomber. Je passai quelques jours à Cahim, moins à mon aise qu’à Maam- mara, parce que le cheikh Casem n’imposait pas autant que son père à la soldatesque qui remplissait le pays, et que trop souvent la nuit, j'étais dérangé par ses importunités pour avoir de l'esprit de vin. Cependant, je parcourus les environs qui augmentèrent consi- dérablement mon herbier. J'étais très-impatient d’aller à Taaz, re- joindre le cheihk Hassan, qui n'avait promis de me faire visiter le Mont Saber, où maintenant, comme du temps de Forskal, les Ara- bes prétendent que se trouvent toutes les plantes de la terre. La sai- son des pluies finissait, et je craignais d'arriver trop tard pour voir la végétation qu’elle avait produite. Enfin, le cheikh me fit dire d’al- ler le trouver. Je partis de Cahim, tres-heureux de quitter un endroit où, le jour comme la nuit, j'avais rarement pu goûter un instant de repos. De Cahim, j'allai coucher dans un misérable village, dont je ne me rappelle pas le nom, après avoir traversé un riche pays cou- vert de champs cultivés, de quelques plantations de café, qu’arro- saient de nombreux ruisseaux , au bord desquels j’eus le plaisir de DANS L'ARABIE HEUREUSE. 69 rencontrer, pour la première fois, des bosquets de Pardanus , mais dépourvus de fleurs. Un seul, parmi ces ruisseaux , était saumâtre et se répandait dans une plaine marécageuse où, à mon grand éton- nement, je retrouvai les plantes salines du bord de la mer, de nom- breux buissons de Dodonæa et des Baccharis à feuilles visqueuses. De ce dernier village, j’allai dans la matinée à Ouadi Sina, après avoir admiré à Bir el Bacha, un magnifique figuier qui pourrait abri- ter, de ses vastes branches, deux ou trois cents personnes. Ouadi Sina est un vallon très-étroit, par lequel on pénètre dans le Mont Saber ; jy rencontrai, mêlée à de nombreuses Acanthacées, le Mirabilis Jalapa, et fixé aux rochers, une espèce particulière de Ceropegia (C. squamulata Dw). Le cheikh Hassan, établi dans les ruines d’une maison, se trouvait entouré de deux ou trois mille soldats qui dévastaient les plantations de leurs alliés, les habi- tants de Taaz, en attendant l’occasion d’exercer leur instinct des- tructeur sur celles de leurs ennemis. Les habitants de l’Yémen ne servent point comme soldats, quoi- que tous soient armés; mais les principaux cheikhs font venir, du pays de Djof et de Hadramaut, des gens qu’ils prennent à leur solde et à l’aide desquels ils se font , les uns aux autres, tout le mal pos- sible. Ces sortes de compagnies franches sont le fléau du pays; les habitants sont si las de leur joug, qu'ils désirent ardemment un gou- vernement fort, qui puisse les en délivrer; c’est cette disposition de l'esprit public qui facilitera au pacha d'Egypte la conquête de ce pays. Le cheikh Hassan m’assigna un logement dans un petit village nommé Djennit, à une demi-heure de chemin au-dessus de celui qu'il habitait dansla vallée de Sina. J’y trouvai unetranquillité par- faite, le cheikh ayant défendu à ses soldats de venir m'importuner dans l'endroit que j’habitais, je pus sans crainte parcourir les envi- 70 NOTICE SUR UN VOYAGE rons où je rencontrais à chaque pas des plantes que je n'avais pas vues ailleurs. Le mont Saber, sur lequel je me trouvais alors, est une masse trachytique presque isolée de toutes parts et considérablement plus élevée que les montagnes qui l'entourent. Les flancs, très-escarpés, sont sillonnés par des ravins ou vallées très-profondes, générale- ment arrosées par des ruisseaux permanents, au bord desquels crois- saient diverses espèces de Figuiers, de grands Tamariniers, des Ca- roubiers; plusieurs plantes herbacées appartenant aux genres Poly- gonum, Sida, Hibiscus et quelques solanées épineuses. Au N. de sa base, dans une plaine qui s'étend fort loin au N. E. et qui sert de route vers Sana, se trouve la ville de Taaz, autrefois très-florissante, mais actuellement complétement ruinée par les guerres civiles, auxquelles se joignent toujours les déprédations des soldats au service de ceux qui s’y sont disputé le pouvoir. Les anciennes maisons, qui étaient fort bien bâties, sont maintenant remplacées par de miséra- bles cabanes; les habitants n’osant faire de dépenses pour en avoir de meilleures, parce qu'ils s’attendent toujours à s’en voir dépossé- dés par les soldats qui souvent s’en emparent, les démolissent, uni- quement pour faire du feu. Il y a encore aujourd’hui deux grandes mosquées d’une belle architecture qui, par leur étendue et leur as- pect imposant, peuvent être comparées aux plus belles mosquées du Caire; mais il est probable que s’il ne s’établit pas dans Yémen un gouvernement ayant la volonté et la puissance de veiller à la sûreté ainsi qu'à la prospérité des habitants, ces restes d’une ancienne gran- deur finiront par disparaître, abandonnés, comme ils Le sont, à l'ac- tion destructive du temps. La plaine du Taaz, autrefois bien cultivée, arrosée par de nom- breux aquéducs qui conduisaient l’eau du Mont Saber, est mainte- nant abandonnée ; les habitants n’osent pas la cultiver, sûrs qu’ils sont tte tte one ne tnt PRE DANS L’ARABIE HEUREUSE. Gal de ne pas récolter les fruits de leurs fatigues. Cette plaine est au- Jjourd’hui couverte d’une végétation d’Euphorbes à tiges charnues qui semblent en général affectionner le niveau où se trouve Taaz, c’est-à-dire, à ce que je crois, la moitié de la hauteur totale des montagnes, Car on les rencontre partout, en plus ou moins grande abondance, lorsqu'on arrive à ce niveau. Mais au Mont Saber, l'aspect de la végétation est tout différent. Les habitants, bien unis entre eux lorsqu'il s’agit de repousser un ennemi commun, aidés des difficultés locales, ont toujours réussi à se défendre contre les at- taques et les déprédations des soldats, aussi les nombreux villages qu’on y trouve offrent-ils l'aspect de l’aisance et de la propreté; par- tout les champs s’élevant en terrasses les uns au-dessus des autres, là où le terrain laisse possible ce genre de culture, présentent l’image d’une industrieuse activité. Quoique le blé et l'orge soient cultivés, dans les parties supé- rieures surtout, sur une étendue assez considérable pour subvenir aux besoins des habitants, c’est néanmoins à la culture du Celas- trus edulis, nommé Cät en arabe, qu’ils doivent leur richesse. Cet arbre est en effet l’objet principal de leurs soins. Planté par boutures, on le laisse trois années sans y toucher, en ayant le soin seulement de nettoyer, de fumer et d’arroser le terrain sil est nécessaire. Au bout de trois ans on le dépouille de toutes ses feuilles en réservant uniquement quelques bourgeons qui, l’année suivante, se développent en jeunes pousses que l’on retranche et vend en bottes sous le nom de Cät moubarreh ; C’est la qualité inférieure. L’année suivante, sur les branches ainsi tronquées, poussent de nou- eaux bourgeons ; on les coupe alors pour les vendre sous le nom de Cât methani ou de seconde année ; c’est le plus estimé. L'arbre se repose ensuite pendant trois autres années, après lesquelles on re- commence de nouveau la taille. Les bourgeons ainsi que les jeunes 72 NOTICE SUR UN VOYAGE feuilles se mangent sans aucune préparation, ils produisent une lé- gère excitation que les habitants aiment beaucoup et dont j'ai moi- même trouvé l'effet fort agréable. Le C&£, non cultivé, s'appelle C&t beledi, sa propriété enivrante est tellement forte, que les mauvais sujets du pays en font seuls usage. Dans l’Yémen, cette plante est l’objet d’un commerce intérieur considérable, beaucoup plus impor- tant, plus productif même pour le propriétaire que celui du café, car son usage, devenu une nécessité pour tout le monde, coùte assez cher lorsqu'on ne peut se contenter des qualités inférieures. Il est en effet facile d’en manger pour cinq francs par jour, et comme on a l’habitude, dans |’ Yémen, d’en donner à ceux qui vous entourent ou qui viennent vous visiter, la dépense devient considérable. Ainsi par exemple, le cheikh Hassan, pendant son séjour auprès de Taaz, obligé de recevoir les principaux personnages du pays, en achetait souvent pour plus de cent francs par jour. Le Cät cultivé sur le Mont Saber est le plus estimé de tout l’Yémen; tous les jours il en descend de la montagne une quantité considérable qui s’exporte en paquets qu'on a soigneusement enveloppés dans des feuilles de bana- nier, pour en conserver la fraicheur, jusqu'a Moka et Hodeida. Outre le Celastrus edulis, on cultive encore le Cafer sur le Mont Saber, mais principalement dans sa partie méridionale. Le seul soin qu'on lui donne consiste à l’abriter des rayons du soleil, soit par sa position dans une vallée profonde, soit par lombrage de grands arbres. Jamais on ne l’émonde, jamais non plus on n’enlève les mauvaises herbes qui pullulent autour de lui. Il est à remarquer que dans Yémen, l’usage du café, tel que les autres peuples l’em- ploient, c’est-à-dire en infusion de la graine torréfiée, est très- peu répandu; c’est la pulpe entourant la graine, qui seule est em- ployée; on la déchire et on en prépare une décoction dont les habitants font un usage de tous les instants; elle a un goût sucré DANS L’ARABIE HEUREUSE. 73 joint à une légère odeur de café, et participe de ses propriétés excitantes. Outre quelques fruits tropicaux, tels que d’excellentes bananes, des Anona muricata, etc. on trouve, sur le Mont Saber, la plupart des fruits européens, des raisins délicieux, des pêches, des abricots, des pommes, une espèce de coing à chair plus douce que dans la n6- tre, et différente encore par sa forme assez semblable à celle d’une pomme de calvil ; c’est un fruit qui, sans être cuit, est même assez bon. Après avoir exploré avec soin les environs du village de Djennät, j'obtins du cheïkh Hassan une escorte pour gagner le sommet du Mont Saber, sur lequel se voient les ruines du Hosn el Arous ou château de la Mariée. Je partis de Djennât le matin, et, suivant le fond de la vallée de Sina, j’arrivai dans l’après-midi par une montée très-rapide à Haguef, grand village, chef-lieu de la montagne, autour duquel le terrain, coupé en terrasses, est couvert de plan- tations de Celastrus edulis. J'avais dépassé dans ma route deux ou trois villages, entre autres Birket-Essheeba et Rahba. A Haguef, j'employai l’après-midi et la journée du lendemain à herboriser dans les environs. Ce fut là que je commençai à trouver, mêlées toutefois à des Orchidées de formes exotiques, à des Glayeuls et à des Solanées épineuses , quelques plantes qui me rappelèrent la végétation de nos pays, telles que fougères, vipérines, géranium, etc. Les murs des terrasses étaient couverts par un Rubus à fruits bons à manger, qui me rappelèrent ceux du À. idœus de nos haies, ainsi que par une espèce de Figuier voisin du F. Curica, mais à feuilles beaucoup plus découpées. Le lendemain je partis dans la matinée pour continuer mon excursion sur le Mont Saber. A partir de Djen- nât, la route n’étant plus praticable pour des montures, je fus obligé de faire transférer mes effets, ainsi que mon herbier, par des femmes qui les portèrent sur leurs têtes. Arcniwves pu Muséuu, Tou. Il. 10 74 NOTICE SUR UN VOYAGE De Haguef, montant toujours par un chemin très-escarpé, nous arrivâmes, après trois heures de marche, à Nabi-Shoaib, village près duquel se trouve un bois d’une espèce de genevrier, formant de grands arbres dont l'odeur résineuse me rappela d’autres temps et d’au- tres lieux. La végétation devenait aussi de plus en plus européenne ; c’est au milieu de ce bois qu’on voit une petite mosquéesous laquelleles Arabes prétendent qu’est enterré Jéthro, beau-père de Moïse, qu’ils appellent Shoaiïb. Non-seulement je ne pus pas y entrer, mais afin de complaire aux Arabes qui m’accompagnaient, je fus même obligé de suivre leur exemple, en ôtant mes souliers pour passer auprès de ce lieu sacré pour eux. De Nabi-Shoaïb nous continuâmes no- tre ascension, mais par une pente plus douce, jusqu’à ce qu'après avoir dépassé les vastes ruines d’un ancien château, la fatigue nous obligea à demander l'hospitalité, pour la nuit, dans un petit hameau dont les habitants, étant en guerre avec ceux des villages voisins, ne nous reçurent qu'après de longs pourparlers et après nous avoir bien examinés à travers les meurtrières dont sont percés les murs de leurs maisons. Quoique sédentaires et plus civilisés que les autres Arabes, les habitants de l’'Yémen n’en ont pas moins conservé le funeste usage des guerres de famille; elles sont si fréquentes, qu'ayant tou- jours à craindre de se voir attaqués par des ennemis disposés à venger sur eux la mort d’un de leurs parents, tué peut-être cent ans aupa- ravant, ils prennent soin de construire leurs maisons de manière à ce que, pour arriver au premier étage, le seul habité, on soit forcé de passer par des caves ou passages obscurs, où l’on est obligé de marcher à tatons, à moins d’avoir l'habitude de la localité. En cas d’attaque imprévue, ce mode de construction donne aux habitants le temps de préparer leur défense et de détruire les assaillants lorsqu'ils cherchent à reconnaitre leur passage au milieu de lobscurité qui les environne. N'ayant pas de représailles à craindre de notre part, les DANS L'ARABIE HEUREUSE. 7 habitants nous admirent enfin. Je passai cependant une nuit très- froide, au milieu des nuages, car je fus forcé pour éviter les puces, de chercher un refuge sur le toit d’une maison; ces insectes, qui n'existent pas dans la plaine, deviennent tellement nombreux quand on s'élève dans les parties les plus fraiches des montagnes, que les habitants sont littéralement obligés de dormir dans des sacs dont ils ferment l'ouverture après sy être introduits; ne pouvant me rési- gner à coucher dans un lit clos de ce genre, je pris le parti de dor- mir en plein air, malgré la fraicheur de la température. Nous partimes de bonne heure de ce village; après deux heures de marche, dans un pays tout-à-fait européen par sa culture et sa végétation, nous arrivâmes à un village nommé Ahl-Cäf, près du- quel on rencontre une mosquée élevée à l'endroit d’où, selon la tra- dition arabe, sortirent , après leur long sommeil, les sept dormants et leur chien. À une très-petite distance de ce village se trouve un étang, au bord duquel je m’assis en attendant que les Arabes qui m’accompagnaient eussent fait, dans la mosquée, leur prière du matin. Pendant ce temps, les habitants du village se rassemblèrent autour de moi, fort étonnés de mon costume , car j'étais vêtu à l’eu- ropéenne, me demandèrent qui j'étais, d’où je venais et où j'allais. Je répondis, selon mon habitude, que j'allais sur le sommet de la montagne chercher des plantes médicinales, mais ils me déclarèrent alors qu'ils ne me permettraient pas de m’y rendre, parce que le chà- teau de la Mariée étant plein de trésors, je venais sans doute les en- lever. Ne pouvant les convaincre du contraire, je jugeai inutile de répondre et m’occupai à mettre dans mon papier les plantes que j’a- vaisrecueillies en route. Pendant qu'ils considéraient curieusement ce que je faisais, l’un d’eux prit mon fusil, je le lui retirai des mains, et pendant qu'il examinait la batterie (c'était un fusil à piston, chose bien incompréhensible pour un Arabe qui n’avait jamais vu que des 76 NOTICE SUR UN VOYAGE fusils à mêche), je le lui fis partir sous le nez, ce qui causa un étonnement tel, qu'on me laissa tranquille jusqu'au moment où mes domestiques et mon escorte étant revenus, une vive discus- sion s’engagea pour obtenir le passage jusqu’au château. Je ne m’en mélai pas et restai indifférent à ce qui se passait; d’autant plus qu’é- tant arrivé presqu’au sommet de la montagne, je ne pouvais espérer y trouver une végétation différente de celle que j'avais déjà vue; ce n’était donc pour moi qu’un intérêt de curiosité ou de vanité à satis- faire, qui me fit désirer d’atteindre le Hosn el Arous, où jamais Eu- ropéen n’était parvenu et sur lequel les Arabes débitaient des fables merveilleuses. La crainte du cheikh Hassan finit cependant par opérer sur les ha- bitants, qui m’accordèrent le passage, mais à la condition de me faire accompagner et de rester sous la surveillance de deux d’entre eux; ce à quoi je consentis facilement. Je partis donc de Ahl Cäf, non sans être suivi par les regards inquiets et sauvages des Arabes; un d'eux alla même jusqu’à me dire, que si le cheikh Hassan, Bis- bas el Djebal, Piment des montages, comme on l’appelle dans le pays, n’était pas dans le voisinage, il me ferait voir que son fusil pouvait tuer son homme aussi bien que le mien. De Abhl Càf, je montai assez rapidement pendant environ une heure et demie à travers des bois de genevriers, sous lesquels je ra- imassai quelques Aroïdées et Labiées appartenant aux genres 4ri- sæma et Coleus. Les cultures devenaient de plus en plus rares. J’arrivai enfin à un large escalier, construit de grandes pierres ré- gulièrement taillées, jointes sans ciment et conduisant au portail du château de la Mariée. Passant entre d'immenses citernes , encore en très-bon état, je parvins bientôt sur les murailles ruinées d’où j'eus le plaisir de contempler à la fois la Mer Rouge du côté de Hodeïda, et l'Océan Indien du côté d’Aden. Du point où je me trouvais alors, DANS L’ARABIE HEUREUSE. 77 toutes les montagnes de l’Yémen paraissaient évidemment plus bas- ses, si ce n’est peut-être le Djebel Rama et le mont Sumara qui, malgré leur distance, étaient parfaitement visibles. Je n’espère pas retracer la magnificence de ce spectacle ; c’est refroidir son impres- sion que de chercher à décrire un tableau dont je ne pus jouir que quelques instants. Les mauvaises dispositions des gens de Ahl Cäf, qui nous avaient suivis, ne m’ayant pas permis de rester aussi long- temps que je l’eusse voulu, je me hâtai d’herboriser autour du château, et me mis en route pour redescendre, à la grande satisfac- tion des Arabes qui m’accompagnaient, et surtout de mes domesti- ques égyptiens que l'élévation à laquelle ils se trouvaient paraissait incommoder. Ayant à peine eu le temps d’examiner les ruines du château de Hosn el Arous, il me serait impossible de faire aucune conjecture sur son origine ; il me parut seulement évident qu’il était d’une épo- que antérieure à l’islamisme , et la tradition du pays en attribue en effet la construction aux Couffàr, c’est-à-dire aux Arabes non en- core mahométans. Les murailles, construites en grandes pierres, sans ciment, quoique son usage füt connu à l’époque de sa construc- tion , comme le démontrent les citernes qui en sont encore enduites, ne m'ont offert aucune inscription, malgré la grande étendue qu’elles occupent encore aujourd’hui; mais il est vrai de dire que je n’ai peut- être point cherché avec tout le soin nécessaire pour assurer qu’il n’y en a pas. L’escalier qui conduit au portail se continuait autrefois jusque dans la plaine auprès de Taaz ; j’en ai reconnu, sur la route, plusieurs portions encore en bon état. Quelle que soit l’origine de ce monument, sa grandeur, sa position, le rendent très-remarquable, et m’ont fait vivement regretter que les circonstances ne m’aient pas permis de le visiter avec plus de loisir et de sécurité. De Hosn el Arous nous redescendimes rapidement à Ahl Cäf, 78 NOTICE SUR UN VOYAGE mais sans nous arrêter, malgré lesinstances des habitants, convaincus alors que nous n’emportions pas de trésors; nous retournämes cou- cher dans l’endroit où nous avions passé la nuit précédente. Le len- demain, après une violente dispute entre mes gens et les habitants au sujet de la route que nous devions prendre, dispute qui alla non- seulement jusqu'aux menaces, mais jusqu'aux coups de poignards, je fus forcé de renoncer à mon projet de passer de nouveau par Nabi Shoaib , où j'avais remarqué plusieurs plantes que je comptais recueillir à mon retour et que je ne retrouvai pas sur la route, beau- coup plus courte mais plus dangereuse, qu’on nous força de suivre pour retourner à Haguef, où nous arrivâmes dans l’après-midi. Je n’y restai que le temps nécessaire pour faire une dernière herbori- sation et revins coucher à Djennât, très-heureux d’être arrivé sain et sauf à Hosn el Arous, enchanté surtout de la riche récolte de plantes que j'avais faite. Vers la fin de novembre, le cheikh Hassan , mécontent des habi- tants de Taaz, avec lesquels il ne pouvait s'entendre, me fit pré- venir de me tenir prêt à partir au premier moment, en m’avertissant que probablement il retournerait subitement à Cahim. Eflective- ment, on vint m’avertir une nuit que le cheikh était parti avec toutes ses troupes; quelques maraudeurs, persuadés que mes caisses con- tenaient de l'argent, étaient seuls restés et montèrent au village où je me trouvais, me disant que des chameaux n’attendaient au pied de la montagne pour emporter mon bagage. A la première nouvelle du départ du cheikh, les habitants du village sachant tout ce qu’ils avaient à redouter de ces bandes de pillards, avaient prisles armes, et leur répondirent qu’ils ne se fiaient pas à eux, que j'étais leur hôte, et qu’étant responsables de ma sureté, ils ne me laisseraient partir que sur un ordre du cheikh. Cette conduite me paraissant la plus prudente à suivre, je restai au milieu des habitants du village, mal- DANS L'ARABIE HEUREUSE. 79 gré les instances et les menaces des soldats. J’étais, au reste, à peu près sans inquiétude pour ma personne ; connu des habitants de la montagne, j'étais en sûreté parmi eux; mais je craignais pour mes collections, fruit de beaucoup de peines et de fatigues, aussi la plus grande partie de la journée se passa-t-elle dans une anxiété assez vive ; je redoutais à chaque instant de voir le village attaqué par les ennemis du cheikh Hassan. Dès-lors , je me voyais dans la cruelle nécessité de fuir à Haguef en abandonnant mes collections qu'il était impossible de transporter au haut de la montagne. Heureusement, le cheikh Hassan, avant d'arriver à Cahim, se souvint de moi, et dans l’après-midi nous vimes monter à Djennat quelques soldats que les habitants se préparaient à recevoir à coups de fusil, lorsque nous reconnümes parmi eux deux des officiers d’Hassan. Ils venaient en effet de sa part, avec leurs soldats, pour veiller à ma sûreté jus- qu’au moment où l’on pourrait trouver des chameaux pour trans- porter mes effets. On fut obligé d’en faire venir de fort loin, et ce ne fut qu'après trois jours d’attente que je pus partir de Djennât pour retourner à Cahim en suivant la route que j’avais prise pour venir. En traversant la plaine de Taaz, nous vimes rôder quelques bandes de maraudeurs attendant mon passage, mais l’escorte qui m’accom- pagnait, et la crainte d'attirer plus tard sur eux la vengeance du cheikh Hassan, firent que je pus passer sans recevoir autre chose que des injures. Le lendemain matin, j’arrivai à Cahim, où je me retrouvai en süreté auprès d'Hassan, mais, par contre, très-gêné par la curiosité importune des soldats qui l’accompagnaient. Aussi, ayant recueilli à peu près tout ce qu’il était possible de trouver à cette époque dans cette partie des montagnes, je pris la résolution de descendre à Moka. Le cheikh Hassan ne pouvant répondre de ma sûreté si je prenais la route directe, me fit suivre le Ouadi Hei- dan jusqu’à Hais, où j'arrivai vers le milieu de décembre. Après 80 NOTICE SUR UN VOYAGE. quelques jours de repos, j’allai passer une journée sur le bord de la mer, au milieu d’une immense plantation de dattiers appartenant à mon fidèle compagnon de voyage, Ezzé el Hadrami qui, par un goût singulier chez un Arabe, se plaisait à cultiver dans cet endroit toutes les plantes étrangères qu’il pouvait se procurer. C’est dans son jardin, arrangé avec goût, tenu avec une propreté presque an- glaise, que j'ai vu le seul cocotier qui existe, je crois, dansl’ Yémen, bien que les plaines qui bordent la mer semblent favorables à la culture de cet arbre précieux. Je me rendis de là, en suivant le bord de la mer, à Moushié (Mushid de Niebuhr), où je commençai à ressentir les premières atteintes de la maladie dont je souffris si longtemps à Moka, et qui me fit manquer l’occasion d’aller à Sana en traversant les montagnes dans une saison favorable. Je ne puis m’empêcher, en terminant cette petite relation de mon excursion dans l’Yémen, d’exprimer ma reconnaissance envers le cheikh Hassan pour la généreuse hospitalité avec laquelle il n’ac- cueillit, et la bienveillante protection qu’il ne cessa de m’accorder. Du moment où j'arrivai à Hais, jusqu’à mon retour à Moka, il voulut subvenir à mes dépenses, payer tous les frais de transport qu’occasionnait mon pesant bagage, et lorsque les circonstances le forcèrent à quitter subitement le mont Saber en me laissant en ar- rière, il ne négligea rien pour ma sûreté. Enfin, lorsque ses officiers meurent ramené à Cahim, il leur distribua, pour récompense, 300 dollars (plus de 1,500 fr.). Je regretterai toujours que mes con- seils n'aient pu avoir sur lui assez d'influence pour l’engager à se méfier de la perfidie des Turcs, car son alliance avec eux lui coûta plus tard la vie. J’appris, en effet, depuis mon départ de l'Yémen, qu'après s’être aidé de ses secours pour s'emparer de Taaz, Ibrahim Pacha, redoutant sa puissante influence dans le pays, lui déclara la DANS L’ARABIE HEUREUSE. 61 guerre , et finit par le faire lichement assassiner dans une entrevue qu'il lui avait proposée. D’après ce court exposé, on voit que si je n’ai pu pénétrer fort loin dans l’intérieur de lYémen, mes recherches ont été dirigées en général sur des points inexplorés avant moi. En effet, Forskal, ainsi que ses compagnons, n'avaient suivi que le fond de la vallée conduisant à Taaz, tandis qu’en me rendant au mont Saber, après avoir dépassé Hamara, j'ai presque constamment suivi les chaînes orientales et occidentales qui bordent cette vallée, en m’arrêtant sur leurs points les plus élevés. À ces avantages déjà très-grands, j’ai eu celui de pouvoir faire un assez long séjour sur le mont Saber, le plus élevé peut-être de tous ceux de cette partie de l'Arabie. Je dois encore faire remarquer que l’époque de mon voyage, différente de celle où l’illustre naturaliste danois voyageait dans l’Yémen, expli- que comment un grand nombre de mes espèces sont différentes des siennes, tandis qu'il manque dans mon herbier beaucoup de celles qui sont décrites dans son ouvrage, et cette circonstance peut faire espérer que l’on a maintenant une Flore à peu près complète de cette partie de l’Arabie. Mais il est des détails curieux touchant quelques points de la géo- graphie physique de ce pays, qui n’ont pu entrer dans le récit pré- cédent; ces détails je les rapporterai ici. Dans l’Yémen, comme sur presque toute l’étendue de la côte ara- bique , s'étend , entre la mer et la chaîne de montagnes qui la suit, une bande de terrain plat, très-bas en général, dont la largeur varie selon Les points de la côte; elle atteint quelquefois, dans sa plus grande largeur, jusqu'a quatre ou cinq lieues, tandis qu’en d’autres en- droits elle diminue au point de disparaitre presque complétement, mais ce cas est assez rare ; les montagnes de la presqu’ile du Sinaï et celle d’une partie de la côte comprise entre Comfouda et Loheia, Ancmives pu Muséum, rome Il. 11 82 NOTICE SUR UN VOYAGE s'avancent seules, à ce que je crois, jusqu’au point de plonger dans la mer. Le terrain de cette plaine, désigné par les Arabes sous le nom de Téhama ou Khabt, ne présente pas uniformément la même composition. Il est généralement sablonneux, mais quelquefois il est formé par un calcaire dans lequel on rencontre beaucoup de corps organisés semblables à ceux qui vivent encore aujourd’hui dans la Mer Rouge. Ce calcaire forme, sur quelques points, des collines assez élevées; la presqu’ile du Sinaï en présente, non loin de Tor, un exemple aussi remarquable par son élévation que par la source qui jaillit à son pied; cette source chaude et sulfureuse est connue sous le nom de Hammam Mousa ou bain de Moïse. Le Téhama, sablonneux et stérile dans quelques parties, est ce- pendant susceptible de culture dans d’autres ; le terrain parait même y être très-productif lorsqu'on peut l’arroser ; les habitants y par- viennent en détournant le cours des ruisseaux qui descendent des montagnes, en les faisant ensuite arriver successivement dans leurs champs, qu’ils entourent de digues, de manière à ce que l’eau se ré- pande partout en égale quantité, et séjourne plus longtemps aussi à sa surface. Le maïs, le doura ou sorgho, l’indigo, rarement le blé, sont les plantes le plus généralement cultivées. Les jardins offrent quelques-uns des fruits tropicaux, mais aucun de ceux de l’Europe. On trouve également dans le Téhama, de vastes plantations de dat- tiers, mais principalement dans le voisinage de la mer, et surtout dans les endroits où les ruisseaux descendant des montagnes, après s'être perdus dans le terrain de transport qui constitue le sol de la plaine , reparaissent au moment où ilsatteignent le niveau de la mer. Cette eau, que l’on trouve alors en creusant à un pied ou deux, n’est plus potable ; elle est devenue saumâtre , mais n’en semble pas moins très-favorable à la végétation des palmiers. C’est surtout entre Mouchié et Moka que l’on rencontre ces arbres donnant d’abon- DANS L’ARABIE HEUREUSE. 83 dantes récoltes ; ils croissent dans des plaines convertes d’une croûte de sel assez pur pour être exploité et servir aux besoins de la po- pulation. Forskahl avait déjà remarqué, et je puis confirmer son obser- vation, que dans l’Yémen les dattes sont attaquées par une espèce de fourmi qui les détruirait complétement, si chaque année, les ha- bitants n’avaient le soin d’aller chercher dans les montagnes des mor- ceaux de bois servant de demeure à une autre espèce de fourmi qui détruit celle du palmier. On attache un morceau de ce bois au sommet de chaque dattier, et cette précaution suffit pour les purger des fourmis qui les rongent. Quant à la végétation naturelle du Téhama de l’Yémen , elle ma paru avoir une physionomie tout-à-fait africaine. Les bois sont entièrement composés de diverses espèces d’acacias, parmi lesquels se rencontre un grand nombre de plantes semblables en partie à celles que je me souviens avoir vues pendant mon séjour à Sennar : ce sont des Indigofera, V Aristoloclua indica , des Solanées épineuses, des Capparis, des Amyris, des Cissus, les Cadaba, auxquels s’enla- cent plusieurs Asclepiadées. Enfin les terrains très-bas au bord de la mer sont occupées par de nombreuses espèces de Sa/sola et de Suæda, dont les habitants retirent de la soude. Les montagnes de l’Yémen forment, en courant parallèlement à la côte, une chaine dont la hauteur varie. Le sommet le plus élevé qui se puisse apercevoir de la mer, est le mont Rema au N. E. de Beit-el-Fakih ; il n’y tombe point de neige, mais il y gèle assez fort pendant l'hiver. Il en est de même du mont Saber qui, malgré son élévation, ne se voit pas de la côte : le Djebel Habeschi, bien moins haut, suflit cependant pour en intercepter la vue. Le manque d’ins- trument ne ma pas permis de mesurer ces montagnes, mais la vé- gétation que j'ai rencontrée à leur sommet suffit pour montrer qu’elles 84 NOTICE SUR UN VOYAGE sont certainement beaucoup plus élevées que le mont Sinaï qui, d’après M. Ruppel, a, je crois, 8,000 pieds. Les vallées qui les sé- parentsonttrès-irrégulières, sans connexion les unes avec les autres, très-profondes généralement et à bords escarpés. Ce défaut de sys- tème général de direction est dû, comme on peut s'y attendre, à la nature du terrain partout plutonique ou trachytique, et, par consé- quent, nulle part stratifié. Quoique je n’aie pas rencontré de cratère, il est évident cependant qu’il en existe dans les îles, à l'entrée de la Mer Rouge; Djebel Tar n’est elle-même qu’un volcan qui, il y a peu d'années, avait encore un reste d'activité. On y exploite aujourd’hui du soufre pour le compte du pacha. L'ile de Perim, dans le détroit, est également d’origine volcanique , comme je n’en suis assuré d’a- près l’examen des échantillons de laves rapportés par des Anglais. Enfin, il est hors de doute qu’un volcan a donné des signes d’acti- vité dans les environs de Médine postérieurement à la mort de Ma- homet, et s’est éteint après avoir menacé de détruire cette ville. En général, toutes les vallées du versant occidental de ces monta- gnes sont arrosées par de petites rivières qui se perdent en entrant dans la plaine, si ce n’est dans la saison des pluies où leurs eaux gonflées arrivent quelquefois jusqu’à la mer. Cette absence de cours d’eau permanents est un caractère général de toute la côte arabique; les seuls ruisseaux qui, à toutes les saisons de l’année, se jettent à la mer, appartiennent au Sinaï : ce sont ceux qui alimentent non- seulement la source chaude des bains de Moïse, mais encore celle beaucoup plus considérable qui descend du sommet de Ras el Ham- man et porte le nom de bains de Pharaon, où Hamman Pharaoum des Arabes. L’est des montagnes semble être occupé par un vaste plateau plus bas que la chaine, mais cependant considérablement plus élevé que le niveau de la mer, puisque, suivant le rapport des habitants de DANS L’ARABIE HEUREUSE. 85 Djaf, ils ne cultivent que le blé ou lorge, le climat étant trop froid pour le sorgho. Le climat des montagnes diffère à plusieurs égards de celui de la plaine. Sans parler de la température plus froide, résultant de leur élévation, je ferai observer que la saison des pluies n’est pasla même sur la côte et dans l’intérieur. En effet, dans les montagnes paral- lèles à cette côte et comprises entre les tropiques, ou, en d’autres termes, de Djedda à Moka, il pleut, depuis mai ou juillet, jus- qu’en octobre, selon la règle à laquelle sont soumis les pays tro- picaux. Seulement les pluies, quoique toujours orageuses ne sont pas, à beaucoup près, aussi abondantes à latitudes égales, qu’en Afrique ou en Amérique; ici elles manquent même trop souvent. Les mois d’été sont au contraire, dans les plaines, d’une extrême sécheresse ; il n’y commence à pleuvoir qu’en décembre et pendant les mois d'hiver, époque à laquelle les montagnes de l’Yémen sont au contraire dégagées de nuages. De cette absence d'humidité ré- sulte probablement celle de la neige sur les hautes sommités. Ce- pendant, d’après Niébuhr, il tombe quelquefois au printemps de la pluie dans les montagnes. Néanmoins, les pluies sont encore beaucoup plus régulières et plus abondantes dans l’Yémen que dans les parties plus septentrionales de l’Arabie, où elles sont sou- mises aux lois des pays situés en dehors des tropiques ; cependant les sécheresses qui y règnent n’en sont pas moins remarquables, puisqu'on les a vues se prolonger pendant plusieurs années de suite, et j'en ai été moi-même témoin pendant mes divers séjours au Sinaï. La température est extrêmement élevée sur la côte, surtout à Moka où, pendant les mois les plus chauds de l’année, le calme se fait généralement sentir, mais cette température baisse à me- sure que lon s’élève, et là on voit avec elle la végétation changer de caractère. Ainsi, tropicale au pied des montagnes, elle de- 86 NOTICE SUR UN VOYAGE vient de plus en plus européenne vers le sommet. Elle est moins élevée sur la côte de l’'Hedjaz que l’on ne serait porté à le croire d’après la nature du terrain environnant;*ce phénomène tient à la violence du vent du nord qui règne pendant l’été : la chaleur ne devient très-forte que pendant les moments de calme, mais alors même je ne l’ai jamais vue dépasser, à l’ombre, 30° Réaumur. Les vents dominants dans la Mer Rouge, suivent presque cons- tamment sa direction, c’est-à-dire qu'ils sont S. E. ou N. O., tandis qu’au contraire il est três-rare d’en observer venant de l'Afrique ou de PArabie. Pendant le mois de mai jusqu’en octobre, celui de N. O. soufle avec une violence extrême, surtout dans la partie resserrée comprise entre Suez et le Ras Mohammed ; c’est aux environs de ce cap et dans toute l'étendue du golfe l’Acaba que règne encore celui N.E., connu des Arabes sous le nom d’Aili : il souffle principalement avec violence de minuit à dix ou onze heures du matin, heure vers laquelle il cesse peu à peu. Cette sorte de raffale, très-dangereuse pour les barques arabes, est souvent assez violente pour rendre fort dificile, même à un navire européen, la navigation du golfe Elanitique. Ce n’est même qu'après y avoir renoncé une première fois que les Anglais, occupés à faire la carte de la Mer Rouge, sont parvenus au fond de ce golfe. Au mois d'octobre, à un intervalle de calme succède un vent de S. E. qui souffle dans toute l’étendue de la Mer Rouge, mais avec plus de violence et beaucoup plus de régularité dans la partie méri- dionale que dansle N., où souvent il est remplacé par des alterna- üives de calmes ou de vents irréguliers. Ilarrive aussi dans cette saison que le vent du N. O. reparait avec toute sa force; cette mousson du S. E., avec toutes ses irrégularités, dure jusqu’au mois de mars où d'avril, époque à laquelle elle cesse encore après un temps de calme. DANS L'ARABIE HEUREUSE. 87 Tels sont les détails que je crois utiles de faire connaître sur la route que j'ai suivie, sur les observations que jai pu recueillir durant mon voyage. Il me serait facile d’en ajouter d’autres, mais je ne ferais que répéter ce qui a été dit avant moi par Niébuhr, à l’exactitude duquel je dois rendre pleinement justice, après avoir pu l’apprécier moi-même. J’ajouterai cependant encore une ob- servation relative à la race humaine qui peuple aujourd’hui l’Yé- men, parce qu’elle semble n'avoir point attiré lattention des célèbres voyageurs qui m’y ont précédé. Ainsi, dans tout le Téha- ma, la population parait extrêmement mélée; ce mélange je lattribue à des migrations d’Abyssins et de Saumalis ou Berbers, peu- ples qui, par tradition , se disent descendus de Cush. Cette fusion de différentes races me semble démontrée non-seulement par les carac- tères physiques, mais encore par le langage de la population. En ef- fet, l'arabe des habitants du Téhama est tellement rempli de mots étrangers à cette langue, qu’il est à peine intelligible pour ceux des autres parties de l'Arabie. Il n’en est pas de même dans les montagnes. La population y est presqu’entièrement blanche et re- marquable par la beauté de ses traits à peu près européens. Les femmes surtout ont le teint et la physionomie des Italiennes, et il est facile de s’en assurer, car, en opposition à l’usage de tous les pays musulmans, elles sortent sans voile; leurs cheveux sont longs, leurs yeux très-grands et ouverts. Au total, la physionomie des mon- tagnards de l'Yémen présente une différence remarquable quand on la compare à celle des populations des autres parties de l’Arabie. Cette différence vient bien à l’appui de la diversité d’origine qui leur est attribuée par la Bible et les traditions arabes, qui font descen- dre les Yéménites du patriarche Joctan, et ceux du reste de l’A- rabie, d’Ismaël, fils d'Abraham et de son esclave (noire peut-être) Agar. La physionomie européenne, plus race blanche, si je puis 88 NOTICE SUR UN VOYAGE m’exprimer ainsi, des Yéméhnites, est aussi en rapport avec le degré plus élevé de civilisation qu’ils ont atteint. Ce peuple qui a vécu de tout temps en société régulièrement organisée, cultivé la terre, ha- bité des demeures fixes, a formé un empire dont la stabilité ne le cède qu’à celui de la Chine, tandis qu’on voit encore les autres races conserver les mœurs nomades, la répugnance pour tout ce qui, en les fixant et les attachant au sol, pourrait porter atteinte à leur sauvage liberté. ee EN ES mr PLANTES DE L'ARABIE HEUREUSE, RECUEILLIES PAR M. P.-E. BOTTA ET DÉCRITES PAR M. J. DECAISNE, AIDE DE BOTANIQUE AU MUSÉUM. Les traditions et le récit de quelques voyageurs, Saccordent à nous représenter l'intérieur de l’'Yémen ou Arabie Heureuse comme déployant au plus haut degré le luxe de la végétation tropicale. L’antique célébrité attachée à plusieurs plantes indigènes de cette partie de PAsie, la valeur commerciale d’un certain nombre d’autres, ont dù de tout temps attirer l’attention des naturalistes, et cependant, si nous en exceptons deux voyages, l’un de Belon au Sinaï, vers le milieu du seizième siècle, l’autre de Forskal, dans l’Yémen, à la fin du dix-huitième, nous ne trouvons sur les productions naturelles de ce pays que des mémoires peu considérables, des fragments et des matériaux épars. Mais si nous ajoutons aux résultats des voyages qu'ont exécutés dans ces derniers temps MM. Léon De Laborde, Rüppell, Bové et Schimper, ceux qu'a obtenus Aucher-Eloy après l'exploration de la côte orientale voisine de Mascate, nous pouvons espérer posséder maintenant, grâce aux recherches de ces infatigables Anomves pu Muséux, ro II. 12 g0 PLANTES DE L'ARABIE. voyageurs, des collections assez nombreuses pour nous fournir des notions précises sur la végétation de l’Arabie, notions qu’il était réservé à M. Botta d'étendre encore, en marchant sur les traces de Forskal, et en explorant en détail les principaux points de lYémen que n’avaient pu visiter ses prédécesseurs. Cest l’ensemble de ces riches matériaux que je me propose de faire connaître dans ce recueil. L’herbier formé par M. Botta du- rant son voyage dans l’Yémen, se compose d’environ cinq cents es- pèces, toutes récoltées avec soin, bien conservées et susceptibles d'être étudiées et décrites complétement. M. Botta ne s'est pas borné à parcourir, comme il vient de nous l’apprendre dans sa rela- tion, les chaines de montagnes de l’Arabie, si remarquables par leurs productions végétales; il a également étendu ses actives explorations à la végétation sous-marine. Sa mission ayant pour objet toutes les parties de l’histoire naturelle, les productions si variées de la Mer Rouge devaient surtout fixer son attention; cette obligation de faire pêcher, de recueillir, de préparer des objets sur lesquels pouvaient nécessairement se trouver des plantes marines, a fourni à M. Botta l'occasion de récolter, sur toute l’étendue de la côte, les Algues qu’il y rencontrait. Cependant, malgré le soin particulier apporté par ce zélé naturaliste à la recherche de ces plantes, d’après la recomman- dation spéciale de MM. les professeurs du Muséum, le nombre d’es- pèces nouvelles qu'il a recueillies est assez restreint. Cette uniformité qu'il a observée sur une grande étendue de la côte occidentale de l'Arabie, le petit nombre des plantes différentes qu'il a trouvées, malgré des recherches très-attentives, font présumer que le même caractère de végétation se prolonge, à partir de la péninsule du Sinaï, sur une grande étendue de la côte arabique, et se confond avec celle de l'Océan indien dont les productions sont déjà bien connues. Cependant sa collection renferme plusieurs espèces qui PLANTES DE L'’ARABIE. 94 avaient échappé aux recherches de MM. Bové, Rüppell et Schimper : ce sont plusieurs Surgassum, des Caulerpanouveaux, de nombreux échantillons fructifiés du Leveillea et plusieurs autres Algues fort intéressantes et dont l’existence n’avait pas encore été reconnue dans la Mer Rouge. En commençant à m'occuper de la détermination de ces plantes marines, je n’ai pas tardé à m’apercevoir de l’état d’imperfection dans lequel se trouvent encore certains points de la botanique qui s’y rat- tachent, malgré tous les efforts des hommes de mérite qui ont le plus travaillé à la rendre correcte. Aussi mes recherches, bornées dans le principe à la détermination de quelques espèces de la Mer Rouge, se sont souvent étendues à toutes celles du genre, et m'ont insensiblement conduit pour plusieurs d’entre elles à des sortes de mo- nographies. L’énumération pure et simple de plantes, déja décrites pour la plupart, ne me paraissant plus dès-lors d’un intérêt suffisant, j'ai cru en donner un plus réel à mon travail en y ajoutant des ob- servations sur les Algues en général. Ces plantes, comme on le sait, ont été, depuis la dernière moitié du siècle passé, objet de travaux nombreux et importants; aussi en entreprenant, au sujet des espèces rapportées par M. Botta, un exa- men du groupe entier qui les renferme, trouvé-je dans le nombre des écrits de ceux qui m’ont précédé, et beaucoup de secours et en même temps des difficultés auxquelles sont venues nécessairement s'ajouter encore l’incertitude et la défiance de soi-même que l’on éprouve au début d’une étude nouvelle : si sous quelques rapports la marche que j'avais à suivre était tracée avec précision, d’un autre côté je trouvais de nombreuses erreurs à rectifier, des contradictions à accorder ou à faire disparaître. En commençant à m'occuper d’une branche de la science à laquelle je ne m'étais pas encore livré, je ne me suis point dissimulé que je trouverais des lecteurs plus exigeants, 92 PLANTES DE L'ARABIE. et d'autant plus disposés à la sévérité, que j’apporterais plus d’obser- vations contraires à celles de mes prédécesseurs. Ces considérations qui auraient pu m’arrêter au moment d'entreprendre mon travail, ont été pour moi un stimulant de plus après que je l’ai eu commencé; j'étais d’ailleurs soutenu dans mes efforts par l'attrait puissant qui s'attache toujours à étude d’un ensemble d'organisation, étude que lon poursuit avec lespoir d'obtenir des résultats utiles pour la science. Comme je me trouvais souvent en désaccord avec des hommes d’une haute valeur, j’ai dû multiplier mes recherches, répéter mes observations, les critiquer l’une par l'autre, et je crois avoir rempli ce devoir avec toute l'exactitude dont je suis capable. Ces études ne furent pas entreprises dans le but de les rattacher à un système quelconque de classification, et c’est à cette circonstance, à l’observation des faits sans idées préconçues et peut-être même à l'ignorance dans laquelle je me trouvais au début de mes recherches, que je dois d’avoir pu tirer une déduction exacte des faits généraux ainsi observés, et d’avoir jeté quelque lumière sur une question qui n’était pas suflisamment éclaircie. Je me suis donc efforcé de faire mieux comprendre qu’on ne a fait jusqu’à ce jour, les caractères de fructification des Algues et le parti que l’on doit surtout en tirer pour arriver à une classification naturelle de ces végétaux. Mais pour at- teindre complétement ce but, il est nécessaire d'abandonner la marche suivie jusqu’à ces derniers temps, et de subordonner enfin les ca- ractères de végétation à ceux que fournissent les organes reproduc- teurs, les seuls dont l’étude puisse conduire à d’heureux résultats. La confusion dans laquelle se trouvent encore les Algues dépend surtout du manque de caractères précis, au moyen desquels on puisse reconnaître les organes reproducteurs : il suffit, pour s’en convaincre, de voir par combien de noms ces organes ont été désignés, la di- versité de formes avec laquelle on représente les mêmes objets, et tue. PLANTES DE L'ARABIE. 93 l'incertitude qui règne encore au sujet de la place qu'ils occupent dans ces végétaux. Je me suis donc efforcé de rechercher ces organes et de leur trouver un caractère invariable et saillant qui püt les dis- tinguer au milieu de ceux qui les entourent. Pour obtenir ce résultat j'ai commencé par étudier en détail et sur le vivant, quelques-unes des espèces les plus communes de nos côtes; puis, partant des don - nées fournies par cette étude, j'ai cherché à constater ces caractères dans plusieurs espèces de chacun des genres qui ont servi de type à l'établissement des divisions créées par M. Greville. C’est après avoir examiné, décrit et figuré, dans leurs princi- * paux détails, plus de trois cents espèces, que j’ai cru pouvoir coor- donner mes observations, rapprocher, d’après des caractères cer- tains et de première valeur tirés de la fructification, des genres ou même des espèces éloignées les uns des autres, en prenant pour base de classification la forme ou la couleur des frondes. Mais je n'aurais pu donner à mon travail toute la précision que j'ai cherché à y mettre sans les riches matériaux conservés dans les herbiers du Muséum. En effet, la collection d’Algues se compose de plus de mille espèces nommées et revues par des hommes dont les travaux sont classiques, tels que Lamouroux, Mertens, Agardh et tout ré- cemment encore par le fils de cet habile algologue. Aussi mes dé- terminations ont-elles été rendues faciles : toutes les fois que j’ai eu à citer une espèce, elle avait été reconnue par les savants que je viens de nommer. Grâce à ces riches matériaux et aux nombreux secours qu'ils m'ont procurés, ce travail, j’ose l’espérer, offrira quelques résultats nouveaux et intéressants. Jai cru, pour l'intelligence de certains points, devoir l’accom- pagner d’une planche de détails relatifs à la fructification des Algues. Ces figures n’ont donc qu’un rapport indirect avec le sujet principal de mon mémoire destiné à faire connaître les plantes 94 PLANTES DE L'ARABIE. d'Arabie. Je sens peut-être mieux que tout autre combien cette plan- che laisse encore à désirer, car pour donner quelque chose de com- plet sur la fructification des Algues, il eût fallu y consacrer un nombre beaucoup plus considérable de figures, et, dès-lors, dénaturer en- core plus que je ne l'ai fait la spécialité d’un travail dans lequel celui-ci n’est pour ainsi dire qu’accessoire. Je mai, en effet, ni l'intention ni les moyens de traiter avec autant d’étendue les différentes familles dont se compose l’herbier formé par M. Botta, pour la publication duquel je suivrai, au contraire, la marche la plus simple et la plus habituellement adoptée, celle d’énumérer les espèces connues, et d'accompagner les nouvelles de descriptions et d'observations né- cessaires à leur parfaite connaissance. J'ai cru devoir faire précéder mon mémoire d’un examen rapide des principaux travaux entrepris sur les Algues, afin de montrer la marche, les progrès et le point où en est arrivé aujourd’hui cette partie de la botanique. Tournefort réunisssait dans la deuxième section de sa dix-sep- tième classe, les herbes marines ou fluviatiles sur les organes re- producteurs desquelles on ne possédait, à cette époque, aucune notion ; il désignait sous le nom d’#/ga le Posidonia, les Zostera, et ajoutait encore à cette classe quelques genres de Polypiers ou Zoophytes. Pour arriver à une classification méthodique des Algues, il était nécessaire d’en rechercher et d’en bien définir les organes repro- ducteurs, aussi voyons-nous les naturalistes de la dernière moitié du dix-huitième siècle, grâce à l'impulsion donnée par Tournefort, Vail- lant, Linné, etc., s'occuper de ce sujet, mais, dès le principe, établir PLANTES DE L'ARABIE. 95 entre les organes reproducteurs des Algues et ceux des végétaux d’un ordre plus élevé, une comparaison que nous verrons se reproduire à tort jusqu’à ces derniers temps. On s'accorde généralement à regarder Réaumur comme celui des savants à qui l’histoire des Algues doit ses premières pages. Ce célèbre naturaliste rechercha en effet, quels pouvaient être, dans les végétaux, les organes appelés à concourir à la reproduction, et il crut les reconnaitre dans les filaments confervoides faisant saillie en dehors des petites cavités qu'il avait particulièrement remarquées sur les frondes de plusieurs plantes marines faisant actuellement partie des Fucacées. Deux mémoires successifs (Acad. de Paris, 1711-12) sont consacrés à ces recherches. Réaumur, pénétré de l'importance de la méthode de Tournefort, accorde des fleurs aux Algues. Ces fleurs lui paraissent formées, en partie, par une espèce de petite houpe ou aigrette composée d’une infinité de fils extrêmement déliés ; mais comme ces fils manquent de sommets (anthères), Réaumur convient qu’on ne saurait leur accorder le nom d’étamines, si on s’en tient à la définition de cet organe donnée par Tournefort. Pour arriver à l'explication des phénomènes qu’il croit nécessaires à la fécondation des Algues, il a recours à deux hypothèses : dans l’une, il admet la chute de ces sommets au moment où les filets commencent à se dé- velopper; dans l’autre, il suppose qu’ils donnent issue dans toute leur longueur à la poussière destinée à la fécondation. Cependant, d’après les remarques de Réaumur, toutes ces fleurs ne sont pas fertiles, et les seules qui le soient se trouvent placées aux extrémités des frondes. Après leur chute, on distingue aisément divers petits trous pénétrant dans la substance de la fronde, et si l’on vient à couper transversalement celle-ci à son extrémité supérieure, où se trouvent ces fleurs fertiles, on aperçoit quantité de petits grains ronds de couleur rougeître, qui ont environ une demi-ligne de diamètre. 6 PLANTES DE L'ARABIE. 9 Ces petits grains font partie de la substance des frondes gorgées à cet endroit d’un fluide mucilagineux. A la première vue, dit Réau- mur, on prendrait volontiers ces grains pour les semences de la plante, mais lorsqu'on les regarde de plus près, on découvre qu’ils ne sont que des sortes de capsules, en forme de petites bouteilles à col court, compris dans l’épaisseur de la fronde et laissant son ou- verture saillir en dehors. Pour s'assurer que ces petits corps sont bien des capsules, il suffit de les couper en deux: les yeux seuls aper- çoivent quantité de petits grains ronds collés contre les parois de la capsule, de la même manière que chacune de ces dernières est collée contre le tissu interne la fronde. Telle est l'opinion de Réaumur sur les fonctions des filaments con- fervoïdes et la définition qu’il donne des conceptacles aux parois inté- rieures desquels se trouvent fixées les spores. Ces dernières obser- - vations qui, par une fatalité singulière, paraissent avoir échappé à l'attention de tous les naturalistes, puisqu'elles ne sont citées nulle part, sont pourtant très-supérieures à tout ce qu'on avait eu jus- que-là, supérieures à une grande partie de ce qui s’est fait depuis sur le même sujet. Mais ces remarques très-exactes, lorsqu'on les applique aux Fucacées, cessent de l’être quand on les étend aux La- minaires ou aux Floridées, et c’est en généralisant ainsi ses décou- vertes d’après des observations inexactes, que Réaumur contribua, plus tard, à les faire tomber presque toutes dans loubli. Néanmoins, si la théorie dessexes se trouvait, à cette époque, adoptée et appliquée aux Algues par la généralité des naturalistes, il en était quelques-uns qui en niaient l'existence chez ces végétaux. Gmelin, dans son His- toria Fucorum generalis (1768), combat la théorie de Réaumur par de spécieux arguments. Ne reconnaissant dans les Algues ni étamines proprement dites, ni ovaires, ni styles, il leur refuse une fécondation analogue à celle qui se passe dans les autres végétaux. PLANTES DE L’ARABIE. 97 Voyant, en outre, dans certains animaux d’un ordre inférieur, leur multiplication s’opérer par une sorte de bourgeonnement, il se trouve conduit à accorder la même propriété aux plantes qu’il décrit. Mais Gmelin tombe lui-même dans l'erreur, quand il attribue aux filaments, décrits par Réaumur, des fonctions de nutrition, et lorsqu’il les regarde comme destinés à absorber des fluides et les transmettre dans l’intérieur de la plante. La manière de voir de Gmelin, au sujet des corps reproducteurs, semble avoir été vaguement suivie par Gærtner (De fruclib. et sem. p- XVI, etc.), qui admet, du moins pour son groupe des Ceramia, une multiplication au moyen de gongyles où gemmes carpomor- phes, formés sans le secours de la fécondation. Cependant il recon- nait pour les Fucus une reproduction par graines renfermées dans une sorte d’utérus gorgé de mucilage, auquel il attribue les fonctions de fluide fécondant : il distingue également les gongyles des Fucus de ceux de ses Ceramia (Laminaires), qui, par leur nature, parti- cipent beaucoup plus du tissu de la plante-mère, au milieu duquel il suppose qu’ils sont souvent renfermés. Correa (1796) revient à l'opinion de Réaumur, qu’il formule plus nettement encore. Pour lui les vésicules qui, dans les tiges des Fucus, renferment des graines entourées de mucus, doivent être considérées comme des fleurs hermaphrodites dont les graines seraient les femelles, et la substance muqueuse l’analogue du fluide fécondant ou pollen. On comprend que des expériences directes, mais d’une excessive délicatesse, peuvent seules résoudre cette im- portante question; cependant, comme l’a déjà très-bien fait observer Meyen, et quoiqu’on n’ait pas encore découvert dans les Algues de formations anthérales, il est permis de croire que ces végétaux, quelque simple que soit d’ailleurs leur structure, possèdent aussi une substance analogue à la matière fécondante des plantes d’un ordre Arcomves pu Muséun, voue II. 13 98 PLANTES DE L’ARABIE. supérieur, mais qui, au lieu d’être séparée des graines, serait au contraire mêlée et en contact immédiat avec elles. Quoi qu'il en soit, ces idées sur la présence des sexes dans les Algues prévalurent pendant longtemps, jusqu’à ce qu’on les aban- donnût enfin pour se livrer complétement à l’étude des formes exté- rieures, au moyen desquelles on espérait arriver à une classification satisfaisante de ces végétaux. Et si nous portons nos regards sur la succession des travaux généraux dont le groupe qui nous occupe a été l’objet, nous le verrons, très-étendu d’abord, embrasser dans son ensemble un grand nombre de végétaux de structure diverse, se limiter progressivement, puis, et par une conséquence nécessaire, s'étendre de nouveau et se diviser encore jusqu’à nos jours. Sous le nom d’4/gæ, Linné réunissait dans ses Classes plantarum (1747) les Algues, les Hépatiques, les Lichens, le Marsilea, auxquelles il ajouta plus tard les Lemna. Dans le catalogue du jardin de Trianon (1759), le groupe des Algues se compose d’un certain nombre de genres, dont les uns lui appartiennent véritablement et dont quel- ques autres lui sont étrangers ; les divisions qui y sont indiquées ont formé plus tard autant de groupes naturels”. Dansses Familles, Adanson (1763) circonscrit assez nettement celle qu’il désigne sous le nom de Fucus ; il y crée plusieurs genres, et ceux qu'il y comprend, à exception des Tremelles, ont continué à faire partie des Algues. En 1765, S. G. Gmelin que j'ai déjà cité, partage les Fucus en * Ce n'est pas sans surprise que l’on voit, dans le catalogue de Bernard de Jussieu, figurer à la suite des genres cryptogames le J’iscum, et les raisons pour lesquelles cetillustre botaniste placait cette plante parmi les Algues seraient peut-être une énigme pour nous si Guettard ne nous avait donné les motifs qui lui faisaient admettre ce rapprochement. Le gui, dit-il, n'a point de filets (étamines), il germe sur les pierres, et tous ces caractères le rapprochent des Algues. PLANTES DE L’ARABIE. 99 dix ordres. Son ouvrage écrit avec méthode, et dans lequel il dis- cute l'importance des principaux organes des végétaux qu’il décrit, donna lieu à une première tentative de rapprochement entre des espèces, semblables en beaucoup de points, dont l’ensemble servit plus tard à former des genres. À l’égard des Fucus proprement dits, qui composent son premier ordre , il fait même remarquer les différences que présentent les espèces d’après leur mode de fructification, et le résumé qu’il en donne a été depuis adopté sans contestation. Les neuf ordres qui suivent, reposent sur des carac- tères moins importants : et quoique Gmelin se soit servi presque uniquement du port pour les distinguer, il en résulte cependant quelques rapprochements naturels, comme on en peut juger par son troisième ordre, auquel on a donné depuis le nom de Spo- rochnoïdées. Quant au quatrième, il le propose avec réserve, et c’est pour ainsi dire afin d’obéir aux idées du temps qu'il admet les Fucus pavonius et squamarius parmi les Algues : le premier surtout à cause de l’enduit calcaire dont il est recouvert, lui semble devoir faire partie des polypiers. Dans le cinquième, qu'il désigne sous le nom de Fuci radicat, il réunit des Floridées et des Dictyotées, dont les organes reproducteurs lui sont presque complé- tement inconnus; il en est de même pour son sixième ordre ren- fermant les Laminariées. Il compose son septième des trois espèces à frondes percées de trous auquel il donne le nom d’4garum. Celui qu'il désigne par le nom des Tremelles comprend les Nostocs, les Ulves, etc. Il termine enfin par les Byssus, mais il avoue, avec raiï- son, ne reconnaitre dans ces filaments que des végétaux incomplets, par lesquels la nature manifeste seulement ses premiers essais. Lamark, qui semble n’avoir pas eu connaissance des travaux de Gmelin, réunit dans l'Encyclopédie (1789), à l’article Algue, quel- ques Champignons, les Lichens et les Hépatiques. Cette réumion, 100 PLANTES DE L'ARABIE. empruntée aux ouvrages de Linné, est inférieure à celle proposée par Adanson. Le Generu plantarum (1789) fixa un peu plus nette- ment les limites des Algues dont les caractères restent néanmoins encore mal définis : le genre Fucus est décrit comme muni de fleurs monoïques ; les Hépatiques en sont retirées pour constituer une fa- mille distincte. Cependant l'exclusion de certains groupes et surtout les rapprochements indiqués à la suite de la famille annonçaient déjà des affinités dont la vérité s’est plus tard confirmée. Stackhouse (1802) adopte en partie la manière de voir de ses de- vanciers : il reconnait dans plusieurs espèces les caractères de la monoëcie, dans d’autres un mode de reproduction au moyen d’or- ganes extérieurs analogues aux gemmes. Comme ses prédécesseurs, il décrit sous le nom de Fucus des plantes appartenant à des groupes d'organisation bien différente, mais il cherche par les moyens anatomiques et à l’aide d'instruments amplifiants à découvrir la fructification de certaines espèces. Ce sont les Fucacées qui, à exemple des autres botanistes, fixent surtout son attention; la des- cription qu’il donne des Laminaires, exacte en quelques points, se trouve défectueuse et vague en plusieurs autres. Ses idées, à l’égard des organes reproducteurs, sont loin d'atteindre à la précision de celle de Gmelin. Je crois inutile de passer en revue plusieurs ouvrages ou mé- moires qui parurent vers la fin du siècle dernier; ce qu'ils con- tiennent d’intéressant se réduit à bien peu de chose, et se trouve d'ailleurs reproduit dans les principaux travaux de ce temps. A partir de cette époque, l’idée de la différence des sexes, dans les Algues, disparait de plus en plus; on se contente de suivre avec de légères modifications la route tracée par Gmelin, mais les règles pour l'établissement des genres étant encore très-incertaines, ceux-ci se trouvèrent dès-lors défectueux. En effet, tout en re- PLANTES DE L'ARABIE. 101 connaissant l'importance des caractères tirés de la fructification, comme ces organes étaient difficiles à apercevoir, ils ne purent être d’un emploi commode, et l’on continua à décrire, sous le nom col- lectif de Fucus, la plupart des plantes que l’on découvrait. Pour arriver à une classification plus précise, ainsi qu’à l'établissement de genres naturels, il était en même temps nécessaire de faire con- naître et de figurer avec soin un grand nombre d’objets : cette tâche füt remplie par Turner ( Æistoria Fucorum). La science possédant dès-lors un nombre considérable de plantes représentées et décrites avec exactitude, on a pu s’en servir pour tenter de les grouper en genresnaturels, mais comme, d’une autre part, lesnombreuses espèces représentées par Turner manquent de détails suffisants, on s’est habitué à se servir des caractères de végétation et à les faire prévaloir sur ceux de la fructification. Aussi voyons-nous à cette époque les premières divisions des Algues, créées dans le principe sans fonde- ments assez solides, s'établir d’une manière presque définitive sur deux caractères de peu de valeur, l'articulation et la continuité des frondes. Plusieurs années s’écoulèrent sans que l'étude de ces végétaux fit des progrès sensibles sous le point de vue de leurs caractères géné- riques, et sans que ce groupe éprouvât d’autres changements que l'addition d’espèces nouvelles dues aux découvertes des voyageurs. Cependant Lamouroux, après avoir consacré plusieurs années à l’é- tude des Algues, et après avoir publié différents mémoires sur les principaux genres qu’il cherchait à y établir, fit paraître, en 1813, son Essai sur la classification des Thalassiophytes non articulées. Ce travail et les mémoires qui l'avaient précédé servirent de point de départ à la généralité des botanistes qui s’occupèrent du même sujet. Lamouroux, partant d’une idée philosophique, suivie depuis par d’autres naturalistes, considère l’ensemble des Algues comme représentant les diverses parties d’un seul végétal et les partage en 102 PLANTES DE L'ARABIE. quatre groupes, d’après le rapport qu'il croyait retrouver pour cha- cun d’eux entre lestiges, les feuilles, les fleurs et les fruits des végétaux phanérogames. Malgré son apparente lucidité, l'ouvrage de Lamou- roux offre de nombreuses imperfections; chacune de ses divisions renferme des genres étrangers les uns aux autres; mais il a cherché à faire des rapprochements naturels sous le nom de familles, et si son travail, qui n’était qu'un Essai en ce genre, ne peut aujourd’hui être considéré comme classique, il a au moins le mérite d’avoir eu, le premier, l’idée de la réunion des Algues en groupes composés eux- mêmes de genres assez nettement circonscrits pour avoir été depuis généralement admis. En 1819, Lyngbye, dans son Æydrophytologia danica, partage les Algues en six sections basées sur la forme des frondes; et les sub- divise d’après les mêmes considérations. Cette classification, défec- tueuse dans la majorité des cas, produit cependant quelques rappro- chements nouveaux et des affinités assez heureuses ; néanmoins il suffit de jeter les yeux sur la série des genres admis dans chacune de ces divisions pour condamner la méthode employée par Lyngbye : le Delesseria suit immédiatement le Fucus, le Plocamium se trouve à côté de l'Halidrys, etc. L’ Hydrophytologia danica donna cepen- dant, plus tard, une direction plus sûre à l’étude des Algues, par les soins consciencieux avec lesquels son auteur se livra à la recherche des organes de la fructification, malgré le peu de cas qu’il en faisait comme moyen de classification, suivant ainsi l’opinion de la plupart des algologues, qu'il exprime dans le passage suivant : « Fructum Odonthaliæ dentatæ et Gigartinæ subfuscæ si invicem referre, quis non videt? Habitu vero hæ plantæ adeo discrepant, ut utram- que ad idem genus referre, cuidam vix unquam in mentem veniat, Quid igitur in his faciendum? Si fructum ut fandamentum divisionis eligimus, contra naturam peccamus, si habitum, contra regulas artis PLANTES DE L'ARABIE. 103 delinquimus; ut autem natura legibus humanis prævalet, sic etiam dispositio Hydrophytorum naturalis, ex habitu sumita, artificiosæ, ex fructu sumtæ, me judice, anteponenda..…. » La classification proposée par M. Fries en 1825 (Systema orbis vegetabilis; Plant. homonemæ), en rapprochant en un seul groupe, pour en former sa troisième cohorte, les Byssacées, les Lichens et les Algues, ainsi qu’au temps de Linné, ramène la branche de la botanique qui nous occupe à son point de départ. En effet, la première de ces classes n’est, à mes yeux, qu’une réunion de végé- taux d'organisation très-différente et souvent même imparfaits ou mal connus; quant aux Lichens, il est évident que leur structure anatomique, leur fructification , leur mode de végétation n’offrent rien de comparable ni aux Byssacées ni aux Algues, au milieu des- quelles l’auteur croit cependant pouvoir les classer, en les liant par l'intermédiaire des Lichina, Collema qui sont de vrais Lichens, soit par leur organisation, soit par leur fructification. M. Fries, qui con- sidère ces derniers comme des Algues aériennes, divise celles-ci en deux sections, partagées elles-mêmes en quatre groupes, suivant leur couleur et leur consistance. Or, l'étude des organes reproducteurs suflit pour montrer tout ce que cette classification systématique offre de contraire à la méthode naturelle. Au milieu de cette confusion, de ce rapprochement de genres et d'espèces appartenant à des familles considérées aujourd’hui comme distinctes, on ne doit pas être surpris de voir M. Ad. Bron- gniart (Hist. vég. foss.) réunir sous le nom de Fucacées, non-seule- ment les Dictyotées, mais encore les Floridées de Lamouroux. Cette conclusion était rationnelle, car tout botaniste exercé et habitué à se servir de caractères bien définis, trouvant rapprochés, par la gé- néralité des algologues, des genres chez lesquels la fructification présentait le plus de différence, devait nécessairement être conduit, 104 PLANTES DE L'ARABIE. en jugeant de leur ensemble, à la négation des groupes qu'ils ad- mettaient. Cependant, nous arrivons à une époque où la classifica - tion des Algues tend à devenir plus naturelle. M. Agardh, considé- rant successivement les ordres et les genres établis par Lamouroux et les savants qui lui ont succédé, cherche à se rendre compte de la valeur des caractères qu'ils ont employés. D'accord avec eux sur le plus grand nombre de points, il diffère d'opinion sur d’autres, no- tamment sur la division des différents groupes établis par Lyngbye. Mais la famille des Characées, intercallée au milieudes Algues, montre bien le peu de notions que l’on possédait sur leur fructification et l'importance que l’on attachait, au contraire, à la forme extérieure de ces végétaux. Les botanistes français de cette époque, auxquels l’histoire .des plantes marines doit de bons et d’utiles travaux de détails, ont suivi, à de légères modifications près, la classification de Lamouroux. On doit placer en tête de ceux qui ont le plus contribué aux progrès de cette partie de la botanique, et à divers titres, MM. Bonnemaison, Gaïllon, Chauvin, Lenormand, et principalement M. Bory de Saint- Vincent. La Flore de Terre-neuve, publiée, en 1829, par M. de Lapylaie, renferme également des observations assez précises sur le groupe des Fucacées. L'organisation interne des conceptacles, l’in- sertion des spores à la base des filaments, sur lesquels elles naissent, y sont décrites avec exactitude. Mais ces organes, suivant la mé- thode des algologues français, sont comparés aux différentes parties des fruits ou des graines des phanérogames : ainsi la membrane transparente des spores (périspore) est désignée sous le nom de sper- moderme ; les filaments sous celui de sétules syncarpiennes. En 1850, M. Duby (Bot, Gall. pars 2) partage la plupart des Algues en douze tribus fondées sur la structure des frondes. Il donne aux réceptacles généraux le nom de conceptacles si heureusement PLANTES DE L’ARABIE, 105 appliqué par M. De Candolle, à chacune des petites cavités où s’or- ganisent les spores dans les Fucacées. Cette première division, com- posée de cinq genres, en comprend deux, le Desmarestia et le Po- lyides qui doivent en être exclus. Aux Laminariées, M. Duby joint l’Himanthalia qui offre, au plus haut degré, les caractères des Fu- cacées, comme il réunit aux Floridées le Sporochnus, que l’on a considéré, avec raison, comme une famille distincte. M. Greville, se servant des travaux de ses devanciers, de Lyngbye surtout, établit avec sagacité dans ses 4/gæ britannicæ (1830) les premières divisions naturelles des Algues à frondes continues, basées principalement sur la disposition des organes reproducteurs. On peut néanmoins reprocher à cette classification d’accorder une égale va- leur à chacun de ses groupes, de laisser au rang de simple famille celui des Floridées, d’en séparer les Céramiées, et de tenir à de grandes distances des premiers ordres celui des Siphonées, dont la plupart des genres s’en rapprochent par les plus importants caractères. M. Endlicher, dans son Genera plantarum (1831), revient à la classification de M. Agardh, et rejette à tort les genres établis par M. Greville, tandis que M. Meneghini, de son côté, Cenni sulla organogr., fisiolog. dell. Alg (1838), suit presque complétement la série adoptée dans les Æ/gæ britannicæ , et reproduite plus tard en entier dans le Natural system of bot. de M. Lindley. MM. Meneghini (op. cit.) et Link (Sur les zooph. et les alg. Ann. sc. nat. 1834, iom. 2) font, à peu près à la même époque, rentrer de nouveau parmi les plantes certains êtres classés antérieu- rement dans le règne animal : ce sont les Corallines, les Galax- aures et les Halimèdes, que la nature des tissus et l’organisation rapprochent en effet de plusieurs genres rangés aujourd’hui sans contestation parmi les Algues. Enfin, en 1836, parurentles Noviiæ Floræ Sueciæ ex Alg. fu, Agcomves pu Muséux, rome II. 14 106 PLANTES DE L’ARABIE. et les Obs. sur la propag:. des Alg. de M. J.-G. Agardh, ouvrages remarquables, dans lesquels on trouve des vues neuves résultant d’une étude approfondie de ces végétaux que l’auteur divise, comme quelques-uns de ses prédécesseurs, en trois grandes sections. Ce sont les Algues Zoospermées, Olivacées et Floridées. Dans la première de ces classes on trouve rapprochés les Bryopsis, Bangia et Porphyra ; la seconde établit, suivant l’auteur, le passage entre les Conferves et les Floridées, par l'intermédiaire des Lichinées et des Chordariées qui souvent revêtent les teintes rouges de l’un de ces groupes. Ce sim- ple aperçu suffit pour montrer que la division réelle des Algues en trois embranchements naturels, n’a pas été saisie par M. Agardh, pour lequel ces plantes composent un seul et vaste groupe, suscep- tible seulement de divisions secondaires. Cependant, M. Agardh laisse entrevoir la nécessité de faire disparaître certaines sections fondées sur la continuité ou l'articulation des frondes, et réunit ainsi avec raison les Céramiées aux Floridées. Enfin, sa notice se termine par une description du conceptacle des Fucacées et une appréciation exacte des spores des Floridées. Les publications modernes les plus importantes au sujet des Al- gues sont dues à M. Montagne, qui a cru, dans ses derniers écrits, devoir adopter sans réserve la classification proposée par M. Fries. Si nous résumons maintenant les travaux qui précèdent, nous voyons qu'ils peuvent se partager en trois époques : la première où l’on cherche à reconnaitre les organes reproducteurs des Algues; la seconde, où, sous une dénomination générique commune, on décrit presque tous les végétaux en opérant seulement dans ce vaste genre des divisions secondaires ; la troisième enfin où, ces divisions mieux étudiées encore , deviennent les types d'autant de genres qui, eux- mêmes, se groupent en familles plus ou moins naturelles, suivant le point de vue où se plaçaient les auteurs. Dans toutes ces classifica- PLANTES DE L’ARABIE. 107 ons, on peut en outre remarquer trois principes qui ont présidé à leur établissement : 1° la méthode naturelle, dont quelques frag- ments imparfaits, révélés par cet instinct qui fait saisir à l’œil le moins exercé, des rapports véritables ; 2° le système, dù à des rap- prochements fondés sur les caractères les plus faciles à saisir et trop souvent sur des observations incomplètes ou mal dirigées ; 3° l’arbi- traire, où les observations venant à manquer complétement, on rejette dans un groupe tout ce qui ne peut entrer dans les autres. On a essayé infructueusement de plusieurs méthodes artificielles, celles qui ont été présentées suffisent pour montrer qu’elles ne sont que de simples tables disposées suivant des signes de convention plus ou moins com: modes pour trouver le nom des plantes, mais elles ne peuvent joindre à cet avantage celui de faire connaître leurs rapports naturels et leur organisation entière. C’est donc vers les caractères qui seront les plus propres à remplir ces conditions, que j'ai dû diriger mes re- cherches. En effet, les premières divisions des Algues, comme celles des autres végétaux, doivent être fondées sur des caractères admis sans contestation, comme étant ceux de premier ordre et, par suite, rouler sur la structure des organes reproducteurs ; et, lorsque les familles auront été formées d’après ces règles invariables, qui seules déterminent le degré réel d’aflinité, alors seulement on pourra tenter de les distribuer toutes en classes naturelles. Il doit, à mes yeux, en être des Algues comme des autres familles, où dès qu’on eut reconnu à la fructification le privilége de fournir de bons caractères génériques, on reconnut facilement aussi qu’elle seule pouvait présider à la classification générale. Mais dans l’état actuel de nos connaissances, cette marche ne peut étre adoptée qu’à la condition de laisser comme incertæ sedis une foule de plantes sur la fructification desquelles on ne possède pas encore les moindres données. 108 PLANTES DE L'ARABIE. Gaillon' avait déjà reconnu la valeur de ce principe en disant que la fructification est tellement une conséquence de l’organisation interne, que l’on peut indiquer à l'examen de celle-ci quelle doit être la forme de l’autre dans les individus où elle n’est pas encore apparente. Malheureusement, ce naturaliste ne fit pas l’application de sa méthode, mais on voit qu'il était plus près de la vérité que Lamouroux, qui subordonnait complétement la fructification au caractère tiré de la consistance des tissus pour l'établissement de ses différents groupes. Ainsi nous avons vu l’emploi de la forme, de la couleur, de la con- sistance, infructueusement essayé comme moyen de classification, et si ces caractéres, purement extérieurs, ont pu mettre quelquefois sur la voie des rapports naturels, ils n’ont jamais suffi pour rattacher les genres par un lien méthodique. Pour sen assurer il suffit d'ouvrir les ouvrages originaux dans lesquels on trouve exactement autant de systèmes de classifications qu'il y a d’auteurs. Or, en voyant les opinions se partager sur ces points les plus importants, on peut être assuré que la vérité ne se trouve pas encore établie dans la science; car en jetant les yeux sur le plan général suivi jusqu’à ce jour par les botanistes qui ont embrassé l’étude des Algues dans leur ensemble et les ont considérées comme ne devant former qu’une vaste famille, on peut se demander si, entre les Floridées ou les Fucacées représentées par le C/audea, le Durvillea et le Proto- coccus, toutes les plantes placées entre celles-ci occupent le rang qui leur est rigoureusement assigné par leur degré d’organisation; si toutes sont classées de telle sorte, que chaque genre présente une structure plus simple ou plus composée que celui qui précède ou qui suit, ce qu’exigent en effet les systèmes suivis jusqu’à ce jour. Or, ! Gaillon, Résumé méth. des class. Thalassiophytes, p. 29. PLANTES DE L'ARABIE. 109 en étudiant les classifications établies selon le principe d’une série continue, on ne tarde pas à s’apercevoir que les genres y sont arbi- trairement rapprochés d’après les caractères tirés de la forme ou de la couleur, caractères qui, surtout pour les végétaux d’un ordre inférieur comme les Algues, les Champignons, etc., sont les moins rigoureux. M. Agardh fils a, dans ces dernières années, divisé les Algues en trois groupes ou embranchements principaux, basés en particulier d’après leur coloration; mais ce caractère, précis et vrai pour l’en- semble de ces végétaux, ne pouvant suffire, à mes yeux, pour établir une classification , ainsi que l’avait déjà exprimé M. Duby!, je crus devoir rechercher si des caractères, admis comme importants dans d’autres familles, ne salliaient pas à ceux de la structure des tissus et de leur coloration. Il s'agissait encore de vérifier si toutes les espèces d’un groupe présentaient entre elles certains traits d’organi- sation qui en excluaient ou en nécessitaient d’autres. Le résultat de ces recherches m'a conduit à la classification que je propose, et se fonde en particulier sur le mode de structure des organes reproduc- teurs que je considère comme un des caractères de première va- leur dans les végétaux, puisqu'il exerce sur l’ensemble des espèces l'influence la plus marquée, en servant à leur conservation. Si la méthode que j'ai suivie vient confirmer le maintien d’un certain nombre de genres dans les divisions établies jusqu’à ce jour, d’un autre côté elle délimite, ainsi qu’on en pourra juger, les prin- cipaux groupes créés par M. Agardh. A l'exception des modifications de détails, dont il est inutile de parler, on peut adresser à cette clas- sification, en ce qui regarde les Floridées, le reproche d’accorder plus de valeur à la fructification capsulaire, qu’à celle dite granu- ! Duby, 2° Mémoire sur les Céramiées, p. 4. 110 PLANTES DE L’ARABIE. laire ou de sphérospores quaternés. Ce premier mode de repro- duction me parait évidemment un état anormal du second, ainsi qu’on peut s’en convaincre facilement, soit en étudiant les espèces sur lesquelles on les a signalés, soit surtout en se rappelant que la fructification capsulaire manque dans une foule de genres, et qu’ainsi ce serait regarder comme de second ordre, un caractère commun à la presque totalité des genres et invariable, comme nous le verrons plus tard, dans son type essentiel. Admettre l’opinion des algolo- gues, et accorder la prééminence de la fructification dite capsu- laire sur celle granulaire quaternée, c’est, à mon sens, sacrifier évi- demment une foule de considérations de la plus haute valeur, à un caractère qui n’a d'autre importance que d’être plus visible et par suite plus facile à saisir que le premier. Ainsi, en portant le nombre total des genres des Floridées à cinquante, j’en trouve dix sur lesquels on n’a observé que des capsules, en faisant même rentrer dans ce nombre les Polyides et Furcellaria; dix-neuf m’ont offert des sphérospores sans capsules, enfin vingt-un munis de ces deux modes de reproduction, et, chose digne de remarque, presque toutes les espèces appartenant aux genres du second groupe présen- tent des frondes planes, tandis qu’à l'exception des Chondrus, toutes celles du premier sont plus où moins cylindriques. Ainsi en considérant l’ensemble des Algues, d’après les princi- pes que je viens d'exposer, et en se débarrassant des préjugés établis sur les divisions anciennement admises, en n’ayant égard qu’à la fructification, et non à la forme ou à la couleur de ces végé- taux, on trouve quatre groupes principaux parfaitement distincts, indépendants les uns des autres et renfermant des genres qui, par leurs caractères extérieurs, ont leurs analogues dans chacune de ces quatre divisions qui sont, en allant du simple au composé les Zoosporées (—Ulvacées, etc.), les Synsporées (— Conjuguées), les PLANTES DE L'ARABIE, 111 Aplosporées( —Algues Olivacées) et les Choristosporées ( —Floridées). La première de ces quatre divisions quil est indispensable d'étudier sur le frais, et sur laquelle je n’ai pu jusqu'ici réunir assez d'observations, paraît se composer de plantes articulées filiformes, foliacées ou microscopiques , renfermant dans leur intérieur des spores simples, de couleur verte, qui s’'échappent en général au dehors après la destruction du végétal. La seconde comprend les Algues dont les spores résultent de l’accouplement de deux tubes, dont l’un transmet à l’autre, et par un mécanisme particulier, la substance qu'il contenait pour former une ou deux spores distinctes et séparées par une cloison qui s’or- ganise après la copulation. Dans d’autres cas, la matière, au lieu de pénétrer latéralement, passe simplement d’une cellule à l’autre’. Ces organes reproducteurs, comme dans la division précédente, ne sont jamais placés en dehors des tubes; il en résulte, ainsi que l’a déjà très-judicieusement fait observer M. Morren’, que dans ce groupe, la formation des corps reproducteurs ou embryons, dépend d’une concentration de la matière organisée. La troisième à laquelle je donne le nom d’Æplosporées, com- prend les Fucacées, Laminariées, Dictyotées, Siphonées, Ecto- carpées, Sporochnoidées, Chordariées. Les organes de la fructification, analogues à de véritables gem- mes, se composent de spores ovoïdes ou claviformes, constamment de couleur verte, revêtues et renfermées, en général, dans une seconde membrane externe avec laquelle ces spores se détachent ou qu’elles percent à l’époque de la maturité. Ces spores sont sessiles ou portées sur des filaments confervoides simples ou ra- " Léon Leclerc, Mém. mus. 3, p. 462, t. 23. ? Morren, Mémoire sur les Clostéries ; Annales des Sciences naturelles, 1836, p. 333. 112 PLANTES DE L'ARABIE. meux, filiformes ou renflés au sommet. Leur substance propre, presque fluide et homogène dans le premier âge, acquiert à la ma- turité un degré plus grand de consistance, se colore davantage et devient sensiblement granuleuse. Cette matière, dans son état normal, reste indivise ; cependant on la voit, mais seulement par suite d’altération, se partager en plusieurs petits groupes partiels. (Cuileria, Thorea). Ces corps reproducteurs qui ne sont pas formés par copulation comme dans la classe précédente, peuvent être considérés comme des sortes de gemmes ou bourgeons, car ils sont en partie indépendants des tissus environnants. Le groupe qui renferme les familles chez lesquelles on remarque cette disposition, peut se désigner par le nom de Gymnospores ou d’Exospores, car ces mots rappellent en effet des caractères auxquels je n’ai trouvé au- cune exception. Il est permis d’ajouter encore que ces spores se déta- chent de la plante ou des réceptacles, et se renouvellent chaque année. Je désigne la quatrième division par le nom de Choristosporées. Elle renferme les familles suivantes : Anomalophyllées, Rytiphléées, Céramiées, Polyphacées, Thamnophorées, Gastérocarpées, Spon- giocarpées. Les spores sont plus compliquées que dans la division précédente. Elles se développent constamment dans des utricules spéciales fai- sant partie intégrante du tissu des frondes. Ces utricules renferment, dans le principe, une substance mucilagineuse qui se condense, s’é- paissit, devient granuleuse et se partage naturellement en quatre parties égales, distinctes et toutes recouvertes, à leur parfait état d'organisation, d’une membrane propre. Cette organisation sem- blable à celle des spores des Mousses, Hépatiques, Fougères, etc., a été comparée, avec justesse, par M. Hugo Mohl à la division des granules polliniques, mais avec cette différence que lutri- cule-mère persiste dans les Algues, au lieu d’être résorbée. Cette PLANTES DE L'ARABIE. 113 division quaternée présente trois modifications dont on peut avoir des exemples dans les Rytiphléées, les Thamnophorées et le Zona- TiQ squamarta. Ces corps reproducteurs se forment et se renouvellent chaque année, soit dans les utricules des frondes, soit dans celles des réceptacles particuliers qui, eux-mêmes, persistent ou tombent à des époques déterminées. Ce groupe possède encore différents modes de propagation analogues à ceux des deux divisions précédentes, et comparables aux gemmes des Aplosporées. Ces organes de mul- tiplication occupent en général la place des réceptacles pourvus de spores quaternées. Il nous reste maintenant à examiner l’ordre suivant lequel doivent se placer ces quatre groupes. En partant de l’idée que les moyens de reproduction varient et se multiplient à mesure que l’on descend dans la série des végétaux, on serait disposé à placer les Choristosporées à la fin des Algues, puis- qu’elles sont pourvues de plusieurs sortes d’organes au moyen desquels elles peuvent se propager, tandis que les Zoosporées, Synsporées et les Aplosporées n’en présentent qu’un seul. Mais les corps repro- ducteurs de ces dernières diffèrent à peine des organes de la végé- tation, tandis que nous voyons, au contraire, les spores des Choris- tosporées s’en éloigner, non-seulement par leur forme et leur com- position, mais présenter encore le mode de division quaternée particulier aux végétaux cryptogames d’un ordre plus élevé. Cette dernière considération m’a engagé à regarder les Choristosporées comme supérieures en organisation aux trois divisions précédentes. Ainsi, considérée en elle-même, la classification que je propose, mesemble offrir une importance pratique bien suffisante pour justifier les distinctions et les changements que je me suis vu forcé d’ap- porter, dans une foule de cas, aux anciennes divisions. Ces chan- Arcuives ou Muséuu, tour II. 15 114 PLANTES DE L'ARABIE. gements, ces divisions devinrent nécessaires à mes yeux , du moment où je crus pouvoir circonscrire les plantes qui nous occupent, de ma- nière à les envisager comme un vaste groupe comprenant plusieurs embranchements, et à séparer nettement les Algues des Lichens et des Byssacées avec lesquels les confond M. Fries. Car, à cette espèce d’instinct qui avait conduit si souvent à classer les genres de la ma- nière la plus arbitraire, paraissait succéder enfin, selon moi, la certitude à peu près complète que mes recherches, en se liant à l’un des caractères les plus importants dans les autres groupes des végétaux cryptogames, devaient avoir pour résultat de déterminer une divi- sion aussi complète des Algues que celle établie par M. Léveillé au sujet des Champignons que l’on considérait, avant lui, comme une seule famille subdivisée seulement en tribus. Si on me reproche la création de plusieurs ordres nouveaux, qu’on veuille bien se rappeler, d’une part, la confusion qui régnait avant l'établissement de ceux fondés par M. Greville et d’une autre, que je n'ai fait, en divisant les Choristosporées, que suivre la marche adoptée, avec tant de sagacité, par cet habile botaniste. Ainsi, en établissant des divisions pour certains groupes, je crois même avoir été trop réservé, et je suis convaincu que d’autres sentiront comme moi la convenance de multiplier encore le nombre des familles, lorsque toutes les Algues auront été soumises à un rigoureux examen. Décrire avec exactitude la fructification qui reste à découvrir dans nos espèces les plus vulgaires, suivre leur développement et les modifications qu’elles éprouvent, ainsi que MM. Agardh fils et Crouan l'ont fait pour quelques-unes d’entre elles, ce sera, on n’en peut douter aujourd’hui, rendre d’éminents services et hâter les progrès si grands encore que doit faire l’histoire des végétaux qui nous occupent. PLANTES DE L'ARABIE. 119 ALGÆ ZOOSPOREÆ. HYDRODICTYEÆ. MrcropicryoN, Gen. nov. Char. gen. — Fructus.... Frons umbilicata, sub- sessilis, simplex v. prolifera, plana, sinuosa, rigidius- cula è rete nudo quadratim anastomozante constituta, venisque utriculosis irregulariter percursa. — Algæ virides , perennes ? marinæ, reticulatæ, membranà destitutæ. 1. Micropreryon AgarpmranuM + M. fronde foliosà proliferä. Hab. in mari rubro circà Djedda. Obs. C’est à ce genre, et peut-être à la même espèce, qu'il fau- dra, ce me semble, rapporter lAnadyomene Calodictyon Montg.!. Le type du genre Anadyomene proprement dite, est une Algue membraneuse à l'intérieur et au travers de laquelle on aperçoit un système particulier de cellules d'une régularité parfaite et disposées en éventail. Rien d’analogue ne se rencontre nisur la plante dé- trite par M. Montagne, ni sur les autres espèces de Microdictyon composées de cellules courtes, et agencées de façon à constituer un réseau irrégulier à claire-voie tellement remarquable , qu'il avait servi, jusqu’à ce jour, à distinguer presque exclusivement VHydrodictyon. M. Agardh avait cru pouvoir rapporter les plantes ! Montagne, PI. cell. Canar. in Webb et Bcrth. phylogr. Canar. p.180. 116 PLANTES DE L'ARABIE. qui nous occupent à ce dernier genre, mais elles m'ont paru, par leur organisation, s’en éloigner trop, pour les laisser réunies. En effet, au lieu de vivre flottantes dans les eaux douces, les Micro- dictyon se fixent aux rochers sous-marins par une sorte de callosité de laquelle partent des expansions dépourvues de membranes, irré- gulières, plissées, roides, naissant quelquefois l’une de l’autre et composées d’utricules courtes, en général octogones, dont les unes, d’un diamètre plus grand que les autres, constituent des sortes de nervures irrégulières qui, en s'étendant dans chacune de ces frondes, en forment pour ainsi dire le squelette. Ces utricules sont remplies de matière verte granuleuse appliquée à linté- rieur des parois. La membrane qui les constitue n'a paru simple, tandis qu’elle est double dans l'Hydrodictyon , ce qu'il est facile de reconnaitre en automne , époque à laquelle cette plante at- teint son maximum de développement. Dans le jeune âge, l’é- paississement de la membrane externe de chacun des articles est moins apparent, et c’est probablement à cette cause qu’il faut attri- buer la divergence d’opinion qui règne à ce sujet". Les échantillons de Microdictyon recueillis par M. Botta, sont beaucoup moins grands que celui figuré par Velley; ils forment une sorte d'expansion foliacée simple, presque plane, du centre de laquelle nait, au contraire, un nombre assez considérable de la- melles. Malgré ce caractère, je crois pouvoir rapporter la plante de la Mer-Rouge à la variété décrite par M. Agardh. S'il n’en était pas ainsi, le genre Microdictyon se composerait de trois espèces, lune anciennement décrite par Velley, et dont le Muséum possède un fragment rapporté des Sandwich par M. Gaudichaud, à laquelle on pourrait appliquer le nom spécifique de Felleyanum, pour rap- " Kjellberg, De Hydrodictyo utricutoso, Lund. 1839. PLANTES DE L'ARABIE. 147 peler celui du botaniste qui, le premier, l’a bien fait connaître ; l’autre, signalée comme variété du C. wmbilicata par M. Agardh, conserverait le nom de M. tenuius. Ces changements me paraissent d'autant plus motivés, que le caractère tiré de la fronde ombili- quée, peut s'appliquer indistinctement à chacune des espèces au- jourd’hui connues et qui sont : : Hyÿdrodictyon umbilicatum, var. tenuius, Ag. Syst. Alg. p. 85. Conferva umbilicata, Velley, Lin. Transact. 5, p. 169, t. 7. Anadyomene Calodictyon, Montg. PJ. cell. Canar. p. 180. ULVACEÆ. 2. ULVA LATISSIMA, L. Ag. Spec. Ag. p. 4o7. Esp. Ulo. t. 1. —U. indica, Roth. Catal. TT, p. 327.—U. Lactuca, Eng]. bot. 151. Grev. Ag. brit. 171. Flor. Edinb. p. 299. Schimp. Un. tin. 265, exsicc. Hab. circa Kosseir, Djedda. 5. ULva RETICULATA, Forsk. Ægyps. p. 187. Roth. Caal. I, p. 528. Ag. Spec. Alg. p. 12; Syst. p. 189. —Schimp. Un. in. P. 929, exsicc. Hab. circà Kosseir. 4. ENTEROMORPHA COMPRESSA , Link, Grev. 4/9. brit. 180, t. 18. — Solenia compressa, Ag. Syst. p. 186, Bory, 72 Duperr. voy.p. 201.—Ulva compressa, L. For. Suec. p. 453. DC. F1. Jr. IL, p. 7. Engl. bot. t. 1759. Ag. Spec. Ale. p. 420. Duby, Bot. gall. p. 958.—Ilea compressa, Gaill. Dict. sc. nat. —Hydrosolen compressus, Mart. For. Bras. 1, p. 10. Hab. in mari rubro circàa Kosseir et Djedda. 118 PLANTES DE L'ARABIE. HALIMEDEÆ. 5. HazimEnA OpPuntIA, Lamx. Hist. polyp. p. 508, n. 454. Ejusd. Exposit. méth. des genr. des polyp. p. 27, t. 20, fig. d. — H. multicaulis, Schimp. Un. win. n. 952. — Flabellaire festonnée, Lamk. Anim. sans vert. 2, p. 345, n. 7. Hab. circa Djedda et Kosseir. 6. HALIMEDA MACROLOBA + EL. stipite bulboso filamentoso , lo- bis grossis diametro pollicari et ultra, sectione transversal ellip- soideis. Halimeda, Schimp. Un. in. n. 871. Hab. circa Suez, Yambo, Djedda. Os. Mes observations sur la structure des Halimeda, s'éloi- gnent à certains égards de celles publiées par M. Link. Le tissu de ces végétaux se compose de filaments non articulés, enche- vêtrés les uns dans les autres, dilatés de distance en distance et produisant des sortes de rameaux dichotomes, dont lextrémité libre, et par suite la plus nouvellement formée, constitue, pour ainsi dire, la surface de chacun des articles. Ceux-ci, observés à un faible grosissement, offrent de nombreuses ponctuations corres- respondant à chacune des utricules dont se composent les ramifica- tions des filaments internes et qui toutes atteignent extérieurement un même niveau. C’est entre ces jeunes utricules et non à l’intérieur de leurs membranes, que se dépose la substance calcaire. En lais- sant plusieurs heures, dans de lacide chlorhydrique étendu, un rameau d’Halimeda chargé de sels calcaires, on parvient à dé- gager chacun des filaments et à bien distinguer leur épanouissement à la surface des articles. Ces plantes offrent alors une structure PLANTES DE L'ARABIE. 119 comparable à celle des Codium Bursa et analogue au Valonia Savigniana. (Ouvrag. d'Egyp. zool. Ale. t. 1, fig. 4.) Cependant il n’en est pas ainsi si on observe , par le même procédé, V'H. Tuna. Sa surface, après avoir été dépouillée de l’enduit calcaire, se trouve recouverte d’une mince pellicule sous laquelle se dessine un réseau à mailles penta- ou hexagones très- régulier. Je considère cette sorte de membrane comme le résultat d’une sécrétion mucilagineuse et concrétée, car sur des articles plus âgés, cette pellicule disparait pour laisser se déposer la sub- stance calcaire entre les filaments. La macération prolongée ne dé- termine aucune désagrégation entre les mailles qui semblent com- poser cette espèce de pellicule dont lexistence me parait d’autant plus problématique, qu’elle s’opposerait au développement cen- trifuge des filaments. 7. LiacorA viscina, Ag. Sp. Alg. 395; Syst. 4 lg. p. 193.—L. versicolor, var. Lamx. Hist. polyp. corall. flex. p. 237.—Fu- eus viscidus, Forsk. For. Æg.- Arab. p. 195, n. 37. Turn. Hist. Fuc. n. 119.—F. lichenoides, Desf. F7. All. tom. 2, p. 427 (excl. syn.) Schimp. Un. tn. n. 927. Hab. in mari rubro circa Kosseir. Ogs. Je classe les Liagora à la suite des Halimeda à cause de la ressemblance de leur tissu. En effet, ces plantes sont dépour- vues de membranes, composées au centre de filaments confervoïdes, ramifiés , anastomosés, et s’épanouissant à la circonférence en un bouquet d’articles dichotomes, comprimés ou ovoides. Cette or- ganisation s'éloigne de la description donnée par M. Link et pré- sente, au contraire, ainsi que la précédente, une certaine analogie avec celle des Codium. Les jeunes rameaux offrent souvent encore sur toute leur étendue, mais principalement à leur extrémité supérieure, 120 PLANTES DE L'ARABIE. des articles ovoïdes, des agglomérations plus denses, qui coïncident probablement avec la place des spores. Je n’ai pu découvrir ces der- nières ; quant aux analyses du Fucus (Liagora) lichenoides Turn. elles appartiennent à une plante du groupe des Floridées et peut-être même à une espèce de Gigartina ; c’est à cette erreur qu’il faut sans doute attribuer la place que M. Agardh a cru devoir donner aux Liagora en les classant en tête des Floridées avec lesquelles ces végé- taux n’ont cependant, à mon sens, aucun rapport, CAULERPEZÆ. 8. CAULERPA DENTICULATA + C. caule repente filiformi ramoso, frondibus membranaceis planis tenuissimè venulosis petiolatis inciso-pinnatis, pinnis supernè marginibus denticulatis. Hab. ad littora Arabiæ occidentalis, Tor, Djedda, etc. Descr. — Alga parva tenuis, læte-viridis. Rapices filiformes, obtusæ , v. fibrillosæ v. in massam irregularem, carnosam, fissam, aggregatæ. Raizoma pennà passerinà tenuius, cylindricum, hic illic radicans. Fronprs planæ, circumscriptione obovatæ v. oblongæ, erectæ,. membranaceæ, tenuissimè venosæ, venis ad apicem evanescentibus ; inciso-pinnatæ, pinnulis obtusis, obliquuis, margine exteriori supernèque duplicato-denticulatis, denticulis secundariis ternis quaternisve. Ogs. Cette espèce ressemble au C. scalpelliformus, mais elle en diffère par ses frondes plus larges, moins allongées, à pinnules den- ticulées et non entières. L'une et l’autre présentent un caractère par- ticulier, celui d'offrir des masses charnues, irrégulières, fendillées dans toute leur épaisseur et renfermant souvent des petits fragments de roches ou de sables. Ces masses charnues paraissent être formées par des racines développées dans les anfractuosités des madrépores PLANTES DE L'ARABIE. 121 sur lesquelles végète la plante. Suivant la remarque de M. Botta, il n’est pas rare de la voir croitre à la face inférieure des roches qui surplombent et, dans ce cas, les frondes sont dirigées en sens inverse de leur état normal, c’est-à-dire qu’elles sont flottantes avec leur sommet dirigé vers le fond de la mer. g. CAULERPA CLAVIFERA, Ag. Spec. Alg. 457, Syst. p. 181. —C. turbinata, Hering, #2 Scimp. Un. tin. 9b7.—Fucus clavifer, Turn. Hist. Fuc. t. 57.—F. racemosus, Forsk. F7. Ægypt.-Arab. p. 191. — Var 6 Lamourouxnr, Ag. Spec. Alg. 458. — C. obtusa, Lamx. Journ. bot. 1809, 2, pl. 2, fig. 3. — Var. y UVIFERA, Ag. Spec. Alg. A38. — Fucus uvifer, Turn. Hist: Fuc. t. 230. Schimp. Un. tin. n. 470 et 950. Hab. circa Kosseir, Djedda, Noweba. 10. CAULERPA CHEMNiTzrA, Lamx. Journ. bot. 1809, p. 144; Essai, p. 68; Ag. Spec. Alg. p. 440 ; Syst. p. 82.— Fucus Chem- nitzia, Esp. Fuc. t. 88, fig. 1. Turn. His. Fuc. t. 200.— Ulva cuneata, Forsk. F7. Ægypt.- Arab. p. 188 (ex Ag.). Hab. circa Djedda. 11. CAULERPA PELTATA, Lamx. Journ. bot. p. 145, t. 3, fig. 2; Essai, p. 68. Ag. Spec. Alg. p. 440.—Fucus Chemnitzia var. $ peltatus, Turn. Æisi. Fuc. t. 200. + Oss. Les échantillons que j'ai sous les yeux me semblent établir sans réplique le passage entre cette espèce et le C. Chemnitzia. En effet, on rencontre sur la même branche, et suivant leur degré de développement, des rameaux cylindriques, dressés et appliqués Aucmves pu Muséuw, voxe Il. 16 122 PLANTES DE L'ARABIE. contre la tige, tandis que d’autres s’épanouissent au sommet en un disque parfaitement plan semblable à ceux de lespèce précé- dente. Il faudra donc, ainsi que l'avait déjà reconnu Turner, et comme semble le croire M. J. G. Agardh, réunir ces deux espèces quoiqu'il les ait encore séparées dans sa dissertation sur les Algues d’Abyssinie. 12. CAULERPA WEBBIANA, Monte. Ænn. sc. nat. 1838, p. 129, tab. 6; Ejusd. in Web. et Berth. PJ cell. Canar. p. 178. Hab. circa Djedda. 13. CAULERPA FREYGINETH, Ag. Syst. Alg. p. 184. Bory, in Duperr. Joy. p. 193, t. 21. Hab. circa Djedda. O8s. On trouve sur le même individu des rameaux à divisions fortement dentées etmême garnies de pointes, tandis que d’autres sont au contraire entières, cylindracées, mais flexueuses et contournées en spirale. Ces caractères me portent à considérer la plante suivante comme une variété sur laquelle prédomine lune de ces formes. 14. CAULERPA SERRULATA , Ag. fil. Nov. sp. Ale. in Fresen. pl. Abyssin. mus. Schenk. p. 174. — Fucus serrulatus, Forsk. ? (secund. cl. Agardh.) Os. Il me restera peu de chose à ajouter au sujet de lor- ganisation des plantes de cette famille, après ce qu’en a dit M. Ad. Brongniartt dans son rapport sur le Mémoire de M. Montagne. Je ferai seulement remarquer que la structure in- 1 Compt. rend. hebdom. de l’Institut, 26 février 1838. PLANTES DE L'ARABIE. 123 terne et filamenteuse des Caulerpa n’est pas sans exemples. Le Splachridium, le Champia, plusieurs plantes du groupe des Chordariées, Sporochnoïdées, quelques genres nouveaux voisins des Cladostephus, plusieurs Nostochs offrent de lanalogie avec _ la structure des Caulerpées, car on rencontre, à l’intérieur de ces divers végétaux, un liquide mucilagineux plus ou moins abondant entremélé de granules verts et répandu autour des filaments. Les jeunes frondes surtout en sont gorgées ; mais pour sen convaincre, il est nécessaire d'étudier ces plantés avant leur dessication et à l’aide de tranches obtenues par un instrument très-acéré. Sur les tiges desséchées des Caulerpa, les filaments se montrent libres et recou- verts de petits amas de matière verte tenue en suspension dans le liquide avant son évaporation. Le caractère le plus remarquable du Caulerpa, se trouve dans l’épaississement par couches concentriques de la membrane qui en constitue les tiges. Ces zones d’accroissement ne se rencontrent pas sur toutes les espèces, mais elles sont extrêmement évidentes sur les C. Lamourouxu, ericoides, panicoides, ete. M. Ad. Brongniart les a observées sur la première de ces espèces; je les ai remarquées, non-seulement sur la plupart des autres, mais encore sur les tiges du Dasycladus * que Von place peut-être à tort près des Ecto- carpées. Pendant la vie, l'extrémité supérieure des frondes des Caulerpa se trouve en général colorée en jaune, dont les teintes varient, de la nuance la plus tendre jusqu’à celle de l’orangée la plus bril- lante; la portion inférieure au contraire est, sans exception, d’un vert bien prononcé. Cette observation appartient à M. Botta qui, ayant d’abord remarqué cette différence de coloration sur le C. La- ” Savigny, Ouvrag. d'Egypt. Zoul. Aly. tab. 1, vol. 3, p. 81 (édit. in-8°). 124 PLANTES DE L'ARABIE. mourouxu , s’est attaché à la constater sur les nombreuses espèces qu’il a eu occasion de voir et de recueillir dans la Mer Rouge. Cette teinte jaune, limitée à la partie supérieure et par consé-" quent la plus jeune des frondes, ayant été considérée comme un indice de fructification, j'ai dû m’appliquer à la constater sur les tiges qui avaient offert cette coloration d’une manière bien tranchée à M. Botta. Cependant, quoique mes recherches aient été faites sur des échantillons provenant des Canaries, ainsi que sur de nombreux individus conservés dans l'alcool et recueillis sur différents points des côtes de la Mer Rouge, je n'ai jamais été assez heureux pour rencontrer les corpuscules reproducteurs, observés par M. Mon- tagne, soit dans les parties colorées des frondes de son C. ÆFebbiana, soit dans celles de plusieurs autres espèces. Tousles granules contenus à l’intérieur des jeunes frondes renflées et colorées, des divers es- pèces de Caulerpa m'ont offert la plus grande ressemblance avec des grains de fécule : ils en ont les caractères physiques et bleuis- sent comme eux par la teinture d’iode. La comparaison de ces gra- nules avec ceux du Bryopsis, demande done à être refaite de nouveau. En effet, au moment où ces petits corps sortent des tubes de cette plante, ils sont ovales, réguliers, obtus aux deux bouts, tandis que ceux découverts et figurés par M. Montagne, présentent déjà, et lorsqu'ils sont encore contenus à l’intérieur de la plante, le petit prolongement qu'ils acquièrent seulement, sui- vant les observations de M. Agardh, à l’époque de leur germi- nation. Il résulterait des remarques de M. Montagne, que les spores des Caulerpa éprouveraient un commencement de végéta- tion avant leur sortie de la plante-mère : ce fait, qui peut-être n’est pas sans exemple pour certaines plantes cryptogames, demande de nouvelles preuves pour appuyer les conclusions tendant à rappro- cher les Caulerpa des Bryopsis, dont la fructification, bien obser- PLANTES DE L'ARABIE. 125 vée et décrite par M. Meneghini', et plus tard par M. Monta- gne lui-même’, rentre, par ses principaux caractères, dans toutes celles que nous avons eu occasion d'étudier, c’est-à-dire qu’elle forme, sur la face externe des rameaux, des globules verts ren- fermés dans un périspore. Cette observation prouve encore que les tiges ou les frondes des Caulerpées comme celles des Siphonées ne peuvent être assimilées à de vastes conceptacles dans lesquels seraient contenus les organes de la reproduction. L'opinion de M Harvey”, qui réunit les Caulerpées aux Siphonées, dont la fructification est externe, me semble done, jusqu’à ce jour, la plus probable et la plus conforme à l’organisation générale de ces plantes, quoique aucun caractère ne puisse encore rigoureusement établir, non pas la réunion, comme le veut M. Harvey , mais même le rapprochement de ces végétaux. APLOSPOREÆ. SIPHONEÆ. 15. Bryorsis PLUMOSA, Ag. Sp. Alo. p. 448; Syst. Ale. p. 178. Grev. IT Edin. p. 307; Aloe. britan. p. 187, t. 19. —B. Lyngbyei, F1 Dan. t. 1063. Lyngb. Æydroph. dan. p. 75, t. 19.—B. composita, Ag. Sp. Alg. p. 451; Syst. p. 179. — Ulva plumosa, Huds. F1. angl. p. 571. Hab. circà Tor et Djedda. Oss. Les échantillons recueillis par M. Botta et conservés dans l'alcool présentent souvent à l'extrémité, mais à l’intérieur des ra- * Flora, oder Bot. Zeit. 4837, tom. II, p. 724, tom. 11. 2 Ann. sc. nat. 1839, tom. XI, p. 370. 5 Hooker, Journal of Bot. p. 155, in notula. 126 PLANTES DE L'ARABIE. meaux , des amas de matière verte qui sy trouve condensée et of- frent, dans cet état, l'apparence de spores. Celles-ci, comme on le sait aujourd’hui, sont externes, globuleuses, et séparées du tube qui les supporte par une cloison qui semble s'organiser comme dans les V'aucheria. M. de Notaris' à remarqué et figuré sur son B. tenuissima des petits corps ovoides, rosés, partagés à l’intérieur en plusieurs masses distinctes, qu'il est disposé à regarder comme des germinations d’une espèce de Griffithsia. J'ai fait la même observation sur un échan- tillon du B. confervoides ( Conferva prolifèra, Roth.) envoyé par M. Lenormand, et j'ai pu m'assurer que le corpuscule rouge appartenait à une Delesseriée. Cette germination d’une Algue rosée sur une espèce verte d’une organisation plus simple est identique avec celle du Chondrus et du Conferva nurabilis, au sujet de laquelle je reviendrai plus loin. Peut-être conviendra-t-l de séparer les Bryopsis, V'aucheria de la famille des Siphonées, pour consti- tuer un groupe particulier fondé sur la forme des spores et la struc- ture des tiges. 16. SPONGODIUM ADHÆRENS, Lenorm. Mss. in herb. Mus. Par. —Codium adhærens, Ag. Spec. Alg. p. 557; Syst. p. 178. Grev. Syn. p. Ixvü. Schimp. Un. itin. n. 469. Hab. circà Tor, in mari rubro ad saxa. Ogs. Je suis porté à considérer cette plante comme un état jeune du $. Bursa, car le tissu de ces deux espèces est exactement le même. Ce sont des filaments confervoïdes qui viennent s'épanouir à la circonférence en tubes cylindriques arrondis à l’extrémité et remplis de matière verte. Les corps reproducteurs du $. Pursa * Flor. Caprar. p. 203, tab. 6, fig. 3. PLANTES DE L'ARABIE. 127 naissent vers le sommet de ces tubes. Leur forme est semblable à celle du Codivm tomentosum, mais ils sont légèrement pedicellés, ordi- nairement solitaires, quoiqu'il me soit arrivé d’en rencontrer jusqu’à trois sur un même tube. Ceux du C. adhærens me sont inconnus. J’ai pensé qu'il était convenable de séparer génériquement le S. Bursa du {omentosum et espèces congénères, à cause de leur mode si différent de végétation, et de restituer à l’un de ces EURE l’ancien nom de Na 0 pa proposé par Lamouroux. 17. CODIUM TOMENTOSUM, Stackh. t. 7 et 12. Ag. Spec. Alg. 4532; Syst. 177.—Spongodium tomentosum , Lamx. Essai, p. 75. *Gaïll. Dict. sc. nat. vol. 53.—S. commune, Bory. Duperr. VOY. p. 210.—Fucus tomentosus, Turn. Hist, Fuc. 156. Sm. Engl. bot. 712. Schimp. Ur. itin. n. 468.—Spongodium parvu- lum, Savig. Egypt. zool. Ale. 1. 2, fig. 1. . ECTOCARPEZÆ. 18. SPHACELARIA CERVICORNIS, Âg.? Aufzahl. Flor. od. bot. Zeit. 1857. Schimp. Un. tin. 476. Hab. in mari rubro propè Tor, in Sargassis parasitica. Ogs. C’est par erreur que l’on a attribué à ce genre, ainsi qu’au Cladostephus, une double fructification. Les spores sont sem- blables à toutes celles du groupe des Aplosporées et ne présentent aucune ouverture à leur sommet. Les sphacelles n’ont rien de commun avec les organes reproducteurs : elles résultent de l’agglo- mération de la substance propre du végétal vers un des bouts du tube, déterminée par la dessication. Le Sphacelaria calltricha Ag. appartient à la division des Cho- 128 PLANTES DE L'ARABIF. ristosporées. On a encore décrit’ comme corps reproducteurs, l’ex- trémité de la série d’utricules qui constituent la nervure des pinnules qui, dans leur développement, commencent par se montrer avant les séries secondaires ; celles-ci, dans leur première période d’orga- nisation, sont retenues entre elles par une substance mucilagineuse qui semble se durcir suivant l’âge de la plante. Les ramifications commencent donc à se développer par leur nervure moyenne, et celle-ci, au moment où elle se forme, se compose d’utricules placées bout à bout. Or, comme la plus jeune se trouve souvent remplie de matière colorante, elle a été, dans ce cas, décrite comme corps repro- ducteur. La fructification de cette plante se trouve à Vaisselle de chacune de ces dernières divisions. Elle consiste en un faisceau de filets articulés assez roides, du milieu desquels naissent, comme dans les Ceramuum, de 1 à 3 utricules tétrasporées. Ce sont les poils qui accompagnent les fructifications qui, par leur persistance, donnent à la tige son apparence velue. j 19. GALAXAURA RIGIDA, Lamx. His. polyp. 265, n. 402, tab. 8. Ejusd. 7’oy. de Freytinet, p. 523, t. 91, fig. 10 et 11. Hab. circx Djedda. Ogs. Cette plante forme ordinairement des touffes serrées qui s’é- lèvent de 4 à 5 centim.; ses rameaux grèles, non-articulés, roides et cassants, présentent, de distance en distance, des sortes d’anneaux, composés de filets étalés et rayonnants. Leur structure anatomique semblable à celle des Cladostephus, en diffère seulement par la présence de filaments qui les parcourent dans toute leur longueur et forme une sorte de tissu médullaire. Les poils des rayons naissent de la partie utriculaire serrée de la circonférence, et paraissent avoir * Voyage de d'Orbigny ; PI. cellul. tab. 4, fig. ». PLANTES DE L’ARABIE. 129 pour origine une utricule plus développée. L'ensemble de cette or- ganisation tend à rapprocher cette plante des Cladostephus ou Sphacelaria. 20. DIGENEA SIMPLEx, Ag. Sp. Alo. 589; Syst. p. 194. —D. Ly- copodium, Hering, Un. tin, Schimp. n. 931.—Fucus Lycopo- dium, Stachk, Ner. brit. p. 147, t. 17. Turn. Æist, Fuc. t. 199. Hab. circa Tor, Djedda. CHORDARIÉES. 21. MESOGLOJA VERMICULARIS, var. gracilis, Hering. Schimper Uruio in. n. 475. Hab. propè Tor, Sargassis aflixa. Ogs. Dans une note adressée à l’Académie des sciences de Bruxelles, et insérée dans ses Bulletins', j’avais cru pouvoir réunir en un seul groupe, non-seulement les Dictyotées, mais encore les Spo- rochnoïdées et les Chordariées. Cette erreur, de ma part, dépendait de ce que je conservais, dans lune de ces familles, des espèces que j'ai reconnu depuis devoir être placées ailleurs. Les Sporochnus rhizodes, adriaticus, etc. m’offrant, en effet, la fructification des Chordariées, et retrouvant dans celles-ci une organisation semblable à celle de certains genres de Dictyotées, je fus conduit à considérer ces trois familles comme n’en devant former qu’une seule. Un exa- men plus attentif, une comparaison plus sérieuse m’ont fait admet- tre aujourd’hui les groupes proposés par M. Greville ; mais pour ob- tenir ce résultat, j'ai été forcé de faire abstraction de plusieurs es- pèces sur lesquelles on manque encore de données suflisantes. * Decaisn. Bullet. Acad. sc. Bruxelles, 18/0. Ancuives 0 Muséuu, tour IE. 17 130 PLANTES DE L'ARABIF. Dans les Aplosporées en général, les spores sont entourées d’une membrane transparente ( périspore) sur laquelle on ne découvre au- cune cicatrice particulière. Dans les Chordariées, au contraire, on distingue nettement à la partie inférieure, souvent oblique et légère- ment atténuée du périspore , une cicatricule correspondant au point d'insertion vers la base de chacun des filaments. La présence d’une sorte de hile sur cet organe, peut donc servir à faire distinguer les Chordariées des autres familles. Les filaments ordinairement simples, renflés en massue ou en forme de clous, sont cependant presque cy- lindriques, articulés dans le C. flagelliformis. Ce sont eux que Lyngbye!, Turner’, etc. ont pris pour les organes reproducteurs, que M. Greville a figurés et décrits sous le nom de filaments fructifères, mais sans mentionner les véritables fructifications. Quoi qu’il en soit, il est évident que le Mesogloja ne peut faire partie du groupe où l'ont placé Lamouroux et M. Duby3. La structure des spores du Chorda Filum ne différant pas de celle des Chordariées, jy réunis ce genre, au lieu de le classer par- mi les Dictyotées, chez lesquelles les organes reproducteurs, dis- posés par groupes plus où moins étendus, ne recouvrent jamais toute la surface des frondes, comme on le remarque dans celui-ci. Ce caractère, presque particulier à cette plante, a fait croire à M. Link‘ que ses fibres étaient mises à nu dans toute son étendue. Le tissu des tiges, cependant assez résistant, se compose de deux sortes utricules : les unes cylindriques, qui en occupent le cen- tre, vont se confondre avec celles de la circonférence dont la forme * Lyngbye, Hydrophyt. p. 51, tab. 13, 4. 2 Turner, 1. c. tab. 85. 3 Duby, Bot. Gall., tom. 2, p. 952. 4 Link, Ælem. Philos. bot. p. 400. « Membranam externam non habet sed apices fibrarum superficiem exteruam sistunt, » PLANTES DE L'ARABIE. 131 est irrégulière. Celles-ci constituent à leur tour une zone plus dense encore, d’où partent les filaments claviformes simples, à la base desquels sont fixées les spores ; cesfilaments ont encore été dé- crits par les auteurs sous le nom de capsules’ ou réceptacles’. Ce- pendant, si on observe avec attention leur point d'insertion, on découvre, immédiatement à côté, celui des corps reproducteurs qui se forment après les filaments, de manière qu’en examinant l’ex- trémité la plus jeune des frondes, il arrive souvent que ces premiers se présentent seuls aux yeux. Dans le Sporochnus rizodes et les espèces voisines, qui devront constituer un genre particulier, les organes reproducteurs sont dis- posés par petits groupes, composés de filets confervoïdes, articulés. Ceux-ci, quelquefois recourbés au sommet, plus rarement encore bifurqués, donnent naissance à leur base à une spore légèrement pédiculée qui, se détachant à l’époque de sa parfaite maturité, montre alors k à son extrémité amincie, la trace de son point d’attache. Le Cutleria présente les mêmes caractères ; les groupes de fructi- fication, dispersés sur toute la fronde, se composent également de filaments sur lesquels s'insèrent les spores. On voit quelquefois ces filaments, simples dans leur partie inférieure et formés d’utricules assez larges, en présenter une au sommet de laquelle on distingue une spore, naissant de la base d’un filament secondaire articulé, qui offre souvent un caractère particulier : la matière verte qu’elle contient se trouve partagée en un nombre indéterminé de petites masses de volume à peu près égal. Cependant toutes les spores ne manifestent pas cette disposition , qui semble réservée aux plus an- ciennes : les plus jeunes sont, au contraire, remplies d’une substance homogène, dans laquelle on ne distingue aucun indice de division. ! Lyngbye, Greville, L. c. etc. * Duby, Bot. Call. tom. 2,p 957. 132 PLANTES DE L'ARABIE. J'ignore si ce caractère se présente sur les individus vivants ; mais tout me porte à le considérer comme un état particulier d’altération. Les Mesogloja Griffithsiæ et vermicularis Lingb., s’écartent trop peu des Algues que nous venons d’examiner, pour en être éloignés. Dans le M. gracilis, le centre de la tige parait vide, mais la circonfé- rence est formée par des utricules larges, assez régulières, dont le diamètre va en diminuant à mesure qu’elles se rapprochent de la partie externe couverte de filaments articulés. Les parois des utri- cules internes épaisses, marquées de zones concentriques d’accrois- sement qui en diminuent le calibre, sont les plus grandes, rem- plies de mucilage sans addition de matière verte, tandis que le contraire a lieu pour les externes et les filaments, chez lesquels la substance verte prédomine au point de les remplir en totalité. Parmi ces filaments simples, confervoides, on en découvre sur le M. Griffithsiæ, qui se terminent par une sorte de bouquet, de filets plus grêles articulés, au milieu et non à Vaisselle desquels se trouve une spore d’un volume considérable relativement aux organes qui l'entourent comme une sorte d’involucre. Cette spore, semblable à celles des genres précédents, est légèrement atténuée à lune de ses extrémités et présente un hile très-distinct. Si les espèces du genre ÆZelminthocladia de M. Harvey? ont pour fructification des spores composées (sporidies), il sera nécessaire d'admettre la divi- sion qu’il propose au sujet des Mesogloja. Enfin, ce sera encore dans les Chordariées et près du genre précédent qu’il faudra, je pense, classer le Nermalium*, tour à tour transporté dans les groupes les plus éloignés les uns des autres sous le rapport de la fructification. Je ne connais point celle de l'U/oa * Lyngbye, Tent. hydropt. dan. p. 190, t. 65. * Harvey, Gen. of south Afr. plant. p. 397. 3 Bertol. Amæe. ital. p. 301. PLANTES DE L'ARABIE. 133 refracta ( Eng]. bot. 1626 ) près de laquelle M. Bory! croit devoir ranger le Nemnalium. Mais si l’on étudie comparativement les ca- ractères tirés de la structure interne et de la fructification des Ecto- carpées, avec ceux des genres précédents, on sera nécessairement conduit à rapprocher les diverses familles qu'ils constituent. En ad- mettant les divisions établies par M. Greville, les Chordariées doi- vent, à mon avis, comprendre les genres suivants : Chordarta, Scytosiphon, Sporochnus (part.), Cutleria, Myrionema, Meso- gloja, et probablement les Nemalium et Thorea qui se confondent avec le groupe des Sporochnoïdées, lesquelles sont des plantes cylin- dracées, rameuses, gréles, souvent couvertes, sur une grande éten- due, de poils mous qui sécrètent un fluide mucilagineux. La partie centrale des tiges n’offre pas de caractère constant; ainsi, dans le S. comosus, ce sont des utricules cylindracées à calibre étroit, sé- parées les unes des autres par du mucilage qui en occupe la partie moyenne, autour de laquelle on remarque une zone d’une texture irrégulière recouverte par les cellules les plus externes remplies de matière verte. Les tiges du S. pedunculatus sont au contraire pres- que composées en totalité par la zone des utricules irrégulières ; la portion centrale très-réduite semble manquer quelquefois, ou n’of- frir qu’un petit nombre d’utricules cylindriques verticales. Si on pratique des coupes transversales très-minces des réceptacles, on y reconnait la structure des tiges à laquelle s’en ajoute une autre appartenant spécialement aux organes de la reproduction : elle con- siste en une couche épaisse de filaments très-rapprochés, renflés au sommet et qui donnent à l’extérieur des réceptacles l'apparence d’un corps granuleux. Ces filaments qui partent de la zone d’utri- cules sinueuses externe des tiges, sont cloisonnés, souvent rameux, * Bory, Voy. en Morée, p. 325, n. 1477. 134 PLANTES DE L'ARABIE. et chacune des ramifications se termine par une spore dont les carac- tères paraissent d’abord semblables à ceux des Laminaires. Ces or- ganes ont échappé à la plupart des algologues qui ont pris pour corps reproducteurs les filaments renflés sur lesquels ils sont insérés. Ce- pendant Lyngbye, tout en interprétant mal cette structure, la représente avec assez d’exactitude, et sous ce rapport la figure qu'il donne d’un réceptacle du $. pedunculatus, est préférable à celle de M. Greville. Dans les deux espèces dont nous avons à nous occuper ici, le nombre (3-5) et le point d'insertion des corps re- producteurs ne présentent rien de constant ; ceux-ci se composent d’une utricule membraneuse externe (périspore) à l'intérieur de la- quelle se trouve la spore revêtue elle-même de lépispore. En gé- néral, la matière verte forme une masse compacte et indivise. Cepen- dant elle offre quelquefois des divisions plus ou moins régulières, mais cette séparation ne coïncide avec aucune structure spéciale ; elle est tout accidentelle et dépend d’un état d’altération de la sub- stance, ainsi que je l’ai fait remarquer pour le Culeria. Si on examine avec soin les filaments sur lesquels les organes re- producteurs prennent naissance, on distingue souvent à leur partie inférieure et dénudée, d’autres filets excessivement tenus, transpa- rents : ce sont les périspores qui seuls persistent après la sortie des corps reproducteurs, et, dans cette circonstance, on peut les comparer aux paraphyses des Champignons ou des Lichens. En pressant légèrement quelques filaments chargés de spores, on parvient à faire sortir ces dernières de leur enveloppe externe qui, vide alors, semble se rouler sur elle-même, de manière à se pré- senter comme un fil d’une extrême ténuité. On retrouve la même structure dans le Desmarestia caudata, mais les filaments qui nais- sent des tiges sont beaucoup plus longs, et les spores portées sur des sortes de pédoncules secondaires quelquefois articulés, étant PLANTES EE L'ARABIE. 135 elles-mêmes plus allongées que dans le genre précédent, il en ré- sulte que les paraphyses sont à leur tour plus distinctes. J’ignore si le Dichloria, ainsi que les autres espèces de Sporochnus et de Desmarestia citées par M. Greville, présentent les mêmes carac- tères. Quant aux S. ruzodes, adriaticus et à leurs congénères sur lesquels je n’ai pu constater cette organisation remarquable , ils doi- vent faire partie des Chordariées. C’est encore, àmon avis, près des Sporochnoïdéesque devra venir se classer le T'horea dont la tige est formée de filaments articulés, transparents, entremêlés les uns dans les autres. Ceux-ci, arrivés à la circonférence, présentent des articles d’un plus grand diamètre, sphériques, du sommet desquels naissent les filaments confervoides articulés qui caractérisent les Thorea. Cependant tous ces filaments des tiges ne se terminent pas de la même manière à l’extérieur. Il en est d’autres qui, au lieu de se prolonger, portent au contraire trois utricules oblongues ou ovoïdes. Celle du milieu est ordinaire- ment plus renflée, d’une couleur plus intense et déja mieux orga- nisée que les deux latérales. Comme elle se détache aussi la première du périspore qu’elle laisse vide , il en résulte qu’à certaine époque, au lieu de voir trois corps reproducteurs, on n’en découvre que deux : laspore moyenne étant déjà sortie de son enveloppe extérieure avant que les deux autres soient arrivées à maturité. Plus tard, on voit à l’égard de ces dernières le même phénomène se repro- duire, mais comme l’affaissement des périspores suit les mêmes phases de destruction, il s'ensuit qu’on trouve celui du milieu plissé et flétri, lorsque ceux qui l’accompagnent se présentent en- core sous la forme de gobelets évasés et à bords recourbés en dehors. Si cette disposition régulièrement ternaire se présente dans les spo- res d’autres genres, il sera peut-être nécessaire d’en former une famille particulière. 1 36 PLANTES DE L'ARABIE. M. Duby: a le premier entrevu la disposition ternaire des spores du Thorea; voici comment il en fait mention dans la discussion qu'il établit au sujet des organes reproducteurs de ce genre avec ceux des Céramiées. «Je soupçonne qu’elle est composée de petits corps en forme de poire, agrégés au nombre de deux ou trois à la base des cils qui couvrent la tige, laquelle serait formée par les pro- longements jusqu’au centre des cils et des corpuscules pyriformes. Dans cette hypothèse, le Thorea appartiendrait aux Chætophoroï- dées. » Cette description, comme on en peut juger, est très-ambigué, car elle semble indiquer tout d’abord que les spores sont extérieures, puisqu'elles sont entremélées dans les tiges avec les filaments. Ce serait sans doute ici le lieu d'établir la comparaison entre les organes reproducteurs des Algues que je viens d’examiner et ceux des autres familles où ces organes sont extérieurs, comme dans le Codium et les Ectocarpées. Les spores offrent en effet les mêmes caractères et, de plus, l’organisation générale des tiges s'éloigne peu de celle que nous avons reconnue dans les Sporochnoïdées. Ce rapprochement aurait l’avantage de réunir, par des caractères de première valeur, joints à ceux de la végétation, des plantes évidem- ment placées trop loin les unes des autres. Les corps reproducteurs des Sporochnoïdées, en ÿ comprenant provisoirement le Thorea, diffèrent donc des Fucacées et des Lami- naires par la rupture des périspores, et la présence des paraphyses qui résultent de ce phénomène. Cette organisation en la suppo- sant exceptionnelle, ce que je suis loin d'admettre, tendrait à faire placer cette famille à la suite des Dictyotées dont la fructification offre plus d’analogie avec celle des groupes précédents. On sait que la plupart des Thorea sont de couleur violâtre à l’état sec. Si on les observe au moment où on les retire de l’eau, ! Duby, 2° Mém. Céram. p. 16. PLANTES DE L'ARABIE, 137 la substance qu'ils renferment est au contraire du plus beau vert, mais cette couleur saltère bientôt en passant à une teinte olive ; les utricules elles-mêmes cessent d’être transparentes et se remplis- sent d’un liquide vineux. Enfin, la matière verte, au lieu d’être répandue à peu près uniformément dans toute la longueur des articula- tions, se réunit en masses cylindriques, subdivisée elle-même en petits groupes secondaires, souvent assez réguliers pour nous fournir l'explication des divisions que l’on remarque sur certaines spores des Sporochnus, Haliseris, Ci utlerta, etc. Ces changements, et surtout ceux de colorations, se passent très-peu d'heures après que la plante a été retirée de l’eau, et malgré son immersion immédiate dans le même liquide, elle ne tarde pas à lui communiquer une odeur nauséa- bonde ct une couleur rouge opaque par réflexion, très-limpide au contraire et légèrement vineuse lorsqu'on le voit Par transmission. M. Dujardin, en s’occupant de la structure du Nostoc, a fait une remarque semblable; il a vu que l’eau, dans laquelle cette plante avait été plongée, présentait également une belle teinte bleue par réflexion ou rouge par transmission, répandait une odeur pénétrante ammoniacale, et verdissait la teinture de violette. DICTYOTÉES. 22. Dicryota picotromAa, Lamx. Es. P. 28; Journ. bot. 2, P- 41. Duby, Bot. gall P- 94. Grev. Alg. brit. 57, t. 10. Mart. FT. bras. 1, P- 22.— Zonaria dichotoma, Ag. Spec. Alg.1, p.155; Syst. 266.— Ulvapunctata, Lin. Tr. vol. 3, p. 236.—U. dichoto- ma, Engl.Bot.t.1 77-Lyngb. Hydroph.t.6.—Haliseris dichotoma, Spreng. Syst. Veg. 4, p. 328.—Fucus zosteroides, Lamx. Dss. | Dujardin, Thése sur quelq. végét. inférieurs, 1838. AncCmives pu Muséum, rome II. 18 135 PLANTES DE L'ARABIE. p.22,t.22,f. 5,t. 25, f. 1._—F. dichotomus, Bert. 4mnæn. ual. p. 314. | —— Var Bintricata, Ag. Spec. Alg. p. 154; Syst. Al. 266, 25. D. ImPLExA, Lamx. Greo. Synop. p. xlüj. Del. F7 Egypt. t. 56, fig. 2. Duby, Bot. oall. p.955.—Zonaria linearis, Ag. Sp. Alg. p.151; Syst. p. 266.—Fucus implexus, Desf. F7. All. p. 425. Hab. circa Tor, Djedda. 24. D. MARGINATA, Grev. Æ/g. brit. xlin. —Zonaria marginata, Ag. Syst. Aloe. p. 266.—7Z. patens, Hering. Schimp. Un. in, n. 473. Hab. propè Tor, Djedda. 20. PapiNa PavonrA, Adans. Fan. pl. p. 13. Gaïll. Dict. Just. nal. vol. 53. Duby, Bot. gall. p. 955. Grev. 4ls:. britan. p. 62, t. 10. Hook. Engl. FT. 1, p. 281.— Dictyota Pavonia, Lamx. Es. p. 57.—Zonaria Pavonia, Ag Spec. Alg. p. 125; Syst. Alg. 263. Mart. F1 brasil. p. 24. — Ulva Pavonia, Linn. Sm. En. bot. t. 1276. Bertol. 4mæn. tal. p. 310. Schimp. Un. ilin. exsicc. n. 463.— Fucus Pavonius, L. 8p. pl. p. 1630. DC. FT. Fr. IL, p. 17. Eng. bot.t. 1276. Hab. in Sargasso latifohia circà Tor, Djedda. 26. HYDROCLATHRUS CANCELLATUS, Bory. Düict. class. tom. 8. Savigny, Ouvr. d'Egypl. 1. à, fig. 2. Duby, Bot. gall. tom. 2, p- 960. Montg. P/. cell. Canar. p. 144.—Encœlium chlathratum, Ag. Syst. Alg. p. 262, et Ag. fil. Moss. in herb. mus. Pur. — Stilophora chlathrata, Ag. Aufzahlung Flora. 1827. Grev. Sy. p. xl. —Ulva chlathrata, Ag. Spec. Alg. p. 412. Hab. circàa Suez, Hodeïda. PIANTES DE L'ARABIE. 139 27. STILOPHORA SINUOSA, Ag. Spec. Ale. 146; Syst. Alg. 260. —Stilophora sinuosa, Ag. Aufzahl. Flora. 1817. Grev. S;nop. xlii. — Montag. PJ. cell. Canar. p. 144. — Ulva sinuosa, Roth. Cat. MX, p. 327, t. 12.—Ulva cavernosa, Forsk.? F7. Ægypt.- Arab. 187. — Tremella rugosula et cerina, Clem. Ens. p. 321. — Unio ilin. Schimp. n. 964 et 965. Ogs. Les remarques générales que j'ai faites au sujet des familles suivantes, me dispenseront de m’étendre à l’égard de celle-ci. Après en avoir exclu le genre Chorda, il sera nécessaire, pour la cir- conscrire plus nettement encore, d’y établir une première section comprenant le Padina et Haliseris, chez lesquels les spores sont recouvertes d’une cuticule épidermique qu’elles déchirent et soulè- vent à leur maturité parfaite, caractère très-remarquable déjà bien observé par M. Greville’. Les spores des Dictyotées s’éloignent peu de celles des Fucacées, mais elles sont en général ovoides ou glo- buleuses, et ne montrent, détachées de la plante, aucun indice de leur insertion. M. Link? les considère à tort comme de vrais sporanges, et en cela il s'accorde avec M. De Candolle. M. Agardh® a déjà signalé la singulière disposition des corps re- producteurs du Padina Pavoria, qui s'étendent par zones sur toute la largeur des frondes, et entre lesquelles s’en trouvent d’autres uniquement composées de filaments claviformes assez courts, mais qu'on ne peut néanmoins confondre avec les spores elles-mêmes, clont les zones sont beaucoup plus larges. Enfin, on distingue encore entre chacune de ces dernières, une légère empreinte lais- sée par le bord enroulé de la fronde au moment où elle $y appli- * Greville, 4/gæ brit. p- 61, tab. X, et Ejusd. Act. nat. cur. vol. 14, p. 424, f. 2 (u). ? Link, Æoræ physic. Berol. p. 6. tab. 1. 5 Agardh, Syst. Alg. p. 126. 140 PLANTES DE L'ARABIE. quait. J'ai fait la même remarque sur une espèce voisine du P. Pa- voria, recueillie par M. d’Orbigny sur les côtes du Brésil. Quant aux spores elles-mêmes , elles m'ont également fourni la preuve de l'existence d’un périspore, renfermant une vésicule qui contient la substance verte. Lorsqu’elles sont très-àgées la membrane externe se plisse, et comme le corps reproducteur, de son côté, atteint un vo- lume assez considérable, on parvient à lisoler dela vésicule externe. Il se présente alors sous la forme d’un globule entouré d’une mem- brane transparente renfermant une masse verte qui, lorsqu'on la fait rouler entre deux lames de verre, se partage sous les yeux de lob- servateur , en portions plus ou moins régulières : si le nombre des spores que l’on observe ainsi est assez grand, on les voit alors plus ou moins dégagées de la membrane qui les recouvrait. Les mêmes phé- nomènes se reproduisent sur l’Haliseris, chez lequel on voit quel- quefois les spores sortir librement de l’enveloppe externe, ainsi que l'a représenté M. Greville”. j'ignore à quoi correspondent les taches irrégulières observées par ce savant sur quelques frondes de cette dernière plante, mais on ne peut certainement les regarder comme un mode particulier de fruc- üfication. Enfin, il n’est pas rare encore d’y rencontrer çà et là des petites houpes de filets confervoides; mais comme dans ce cas, la place qu’elles occupent n’est pas celle des spores, on ne peut, comme certains auteurs l’ont pensé, les regarder comme des organes re- producteurs avortés. Plusieurs espèces de Dictyota (linearis, fasciola, Kunthüi) ont les spores et les filaments disposés en petits groupes distincts, tandis qu'il en est où ces organes sont entremélés ; j'ignore si dans ce cas, et comme je crois l'avoir remarqué sur le D. marginala, les corps ! Greville, /. c. t. 8, fig. 3 et 5. PLANLES DE L’ARABIE. 1/41 reproducteurs sont, dans le principe, recouverts par une mem brane semblable à celle des Padina Pavonia et Haliserts. Le Striaria attenuata , dont les spores sont quelquefois accompa- gnées de filaments, me parait très-voisin du Dichloria par lop- position de ses rameaux. Enfin dans les Padina flava, interrupta, lobata, les spores sont réunies par petits groupes entremélés de fila- ments confervoides. Quant aux P. squamarta, rosea etc., dont la couleur est rose, ces plantes doivent constituer, dans la division des Choristosporées, un genre particulier fondé sur la fructification qui consiste en agglo- mérations de filaments articulés, naissant verticalement sur la face supérieure des frondes et au milieu desquels se voient des utricules en forme de massue renfermant quatre spores qui, au lieu de former un globule comme dans les autres Floridées, représente un corps allongé ou cylindrique arrondi aux deux extrémités, partagé à la maturité en quatre parties semblables. Ce caractère n’a pas échappé à M. de Martius, quoiqu'il conserve cette espèce à côté du Padina Pavonia. Si, après avoir enlevé, de la surface de la fronde, un des groupes de fructification, on le soumet, entre deux lames de verre, à une légère pression, on voit que les utricules sporifères formaient elles-mêmes des petites agglomérations secondaires entourées de fi- laments. Cette disposition qui se retrouve dans d’autres genres de la même classe se présente également avec de légères modifications parmi les Lichens. Je propose de consacrer ce genre formé aux dé- pens des Padina squamaria, rosea etc., à la mémoire de J. A. Peyssonel dont les écrits ont contribué à bien faire connaitre plu- sieurs des plantes qui nous occupent. Le nom de P{erigospermum, proposé par Targioni Tozetti‘, pour désigner le Padina Pavonta, * Martius, Flor. brasil. pars I, crypt. p. 23. 2 Bertol. Amænit. ital. p. 310-11. 142 PLANTES DE L’ARABIE. squamaria et Tournefortü, ne peut être admis puisque son auteur ne connaissait pas la fructification des deux dernières espèces, et que ce nom ne pourrait rigoureusement s'appliquer qu’au P. Pavomia, dont les lignes de spores présentent, jusqu’à certain point, quel- que ressemblance avec la fructification des P£erts. Enfin , si les caractères attribués à | Hi/denbrantia: sont exacts, ce que je wai pu vérifier sur les échantillons que j’ai eus à ma disposi- tion , il sera encore nécessaire d’exclure cette plante du groupe où on lavait classée jusqu’à ce jour FUCACEÆ. 29. SARGASSUM VULGARE, Ag. Spec. Ale. p. 5; Syst. p. 295. — Fucus natans, Turn. Æfist. Fuc. t. 47. —— Var. x acanthicarpum, Ag. Spec. Alg. p. 5; Syst. p. 294. Var. 3.—Fucus acanthicarpus, Turn. Hist. Fuc. p.101. Schimp. Un. tin. n° 459. Hab. cirea Tor, Djedda. 50. SARGASSUM DENTIFOLIUM, Âg. Spec. Alo. p. 8 ; Syst p. 29b.— Fucus dentifolius, Turn. Hist. fuc. t. 45. — F. denticulatus Forsk. Æ2yp. p. 191. Delil. #7 Egypt. 1.55.—Fucus Forskalii, Lamx. 27 herb. Mus. Par. Schimp. Un. tin. n° 460 et 958. Hab. cirea Tor, Djedda. 51. SARGASSUM SUBREPANDUM, Ag. Spec. Abo. p. 8; Syst p. 295. — Fucus subrepandus, Forsk. Æoyp. p. 192. — F. acinarius, Forsk. 77. Æoyp. p. exxv, n° 676 ( pars superior, test. Ag.) iNardo, sis, Fasc. VI et VII, et Meneghini, Cenni sulla organogr. fisiol. dell. 4lg. p. 4a. PLANTES DE L'ARABIE. 143 52. SARGASSUM VIRGATUM, Ag. Spec. Alg. p. 10; Syst. p. 296.— Fucus virgatus, Mert. Mém. Mus. vol. 5, p. 117. p. Var. 8 majus Ag. Syst. Alo. p. 296. Hab. circà Djedda. 33. SARGASSUM CRISPUM, Ag. Syst. Alo. p. 297. — Fucus cris- tæfolius Ag. Spec. Alg.p. 13?—F. crispus, Forsk. For. Ægyp.- Arab. p. 191.—F. latifolius, Del. Ægyp£. t. 54.—F. Forskalii, Mert. Mém. Mus. vol. 5, p. 179. — Schimp. Un. in. n° 956. Hab. circà Tor, Noweba, Djedda. 34. SARGASSUM AQUIFOLIUM, Ag. Spec. p. 103 Syst. p. 297. — F. aquifolius, Turn. Hist. fuc.t. 5o. Hab. circàa Djedda. 35. SARGASSUM LATIFOLIUM, Ag. Spec. p. 13; Syst. p. 298. — F. latifolius, Turn. Æist. Fuc. t. 94. Hab. circa Djedda. 36. SARGASSUM TELEPHIIFOLIUM, Ag. Spec. Alg. p. 14; Syse. p. 298. — F. telephiüfolius, Turn. Hist. Fuc.t. 95. Hab. circa Tor, Djedda. 37. SARGASSUM LINIFOLIUM, Ag. Spec. p. 18; Syst. p. 500. — Fu- cus linifolius Turn. Hist. Fuc. t. 168. Var. } Ag. Spec. p. 19; Syst. p. 300. 38. SARGASSUM ACINARIA, Ag. Spec. p. 22 ; Syst. p. 301. — Fu- cus Acinaria, Turn. t. 49. —— Var. y megalocarpum, Turn. t. 49, p. 109. Ag. Spec. p. 24; Syst. p. 301. 144 PLANTES DE L'ARABIE. 39. SARGASSUM CONFUSUM, Ag. Sysé. Ag. p. 301. 40. SARGASSUM DIVERSIFOLIUM, Âg. Spec. Alg.p. 20; Syst. p. 304. Fucus diversifolius, Turn. Hist. Fuc. t. 103. Hab. circà Tor, Djedda, etc. O8s. Comme les espèces de ce genre m'ont paru extrêmement difficiles à caractériser , que leur connaissance est plutôt le résultat d’un certain tact, que l’application de principes rigoureux, j'ai admis sans contestation les espèces telles qu’elles ont été reconnues par la plupart des algologues, persuadé cependant qu’on parviendra à ré- duire de beaucoup le nombre des plantes que l’on a cru devoir considérer comme distinctes. Tous ceux qui se sont occupés de spé- cification ont eu fréquemment occasion de reconnaitre cette vérité annoncée par M. de Mirbel et, depuis, appliquée avec tant de saga- cité par Steinheil‘ dans son travail sur les Rumex, qu'il y a des genres par groupes, c’est-à-dire dont les espèces se séparent en plu- sieurs petits sous-genres desquels on peut donner une description typique et bien distincte, tandis qu'il en est d’autres par série dont les espèces, évidemment différentes l’une de l’autre, se confondent cependant entre elles par des nuances intermédiaires telles que l’on a souvent de la peine à les distinguer. Lorsque les genres sont par groupes, on peut se demander si ces groupes sont des espèces ou des sous-genres? Les uns présentent un type unique parfaitement recon- naissable partout, mais qui se nuance sous mille formes variées, comme cela se remarque dans les Sargassum, tandis que d’autres, au contraire, offrent deux ou trois types extrêmement rapprochés mais toujours reconnaissables au milieu de leur transformation paral- ièle. C’est en considérant ces derniers comme des genres parfaite- ! Steiuheil, Matériaux pour servir à la Flore de Barbarte, Ann. sc. nat. 1838. PLANTES DE L'ARABIE. 145 ment caractérisés que j'ai cru devoir, non-seulement adopter ceux créés aux dépens des Sargassum , mais encore en former de nou- veaux pour le Cystoserra. 41. TURBINARIA DECURRENS, Bory, 22 Duperr. #oy. Cog. p. 117. — Sargassum turbinatum, Ag. Spec.; Ejusd. Syst. p. 368.— Var. 6 ornatum Ag. Sp.—Fucus turbinatus, Turn. Hist. Fuc. t. 24, fig. b.—F. conoiïdes, Forsk. Æor. Æxyp.-arab.p. 192. Hab. circa Tor, Djedda et Noweba. 42. TURBINARIA TRIQUETRA, Ag. Fil. Moss. in herb. Mus. Par. Hab. circà Suez, Tor, Djedda, etc. 45. Cysroserra Myrica, Ag. Spec. p. 53; Syst. p. 282.—Fucus Myrica, L. Turn. t. 192. Gmel. t. 5, fig. 1.—F. seticulosus, Forsk. Æoyp.- Arab. p. 190? — F. antennulatus, Delil. F7. Egypt. t. 55. — Var. tenella, Hering et Mert. #7 Schimper. Un. in. n° 953. — Var. muricata, Ag. Schimp. Un. tin. n° 935. Hab. circa Djedda, Hodeida, Noweba, etc. 44. CYSTOSErRA TRINODIS, Ag. Sp. p. 67; Syst. p. 286.—Fucus trinodis, Dell. Egyp. t. 54, fig. 1. Forsk. Flor. Ægyp.-arab. P. 192. — Var. 6 confluens, Ag. Syst. p. 286. Schimp. Un. in. n° 462 et 854. Hab. circà Djedda, Hodeida, Noweba, etc. 45. MoNILIFORMIA TRIQUETRA — Cystoseira triquetra , Ag. Sp. 61; Syst. 284. —Fucus triqueter, L, Mant. p. 312. Turn. Ancuives pu Muséux, Tone II. 29 146 PLANTES DE L'ARABIE. Hist. Fuc. t. 54.—Fucus articulatus, Forsk. #7. Ægyp.- Arab. P: 191. O8s. M. Greville n’admettait qu'avec beaucoup de doute cette dernière espèce parmi les Cys{oseira. En effet, ses caractères la rappro- chent tellement des Moniliformia qu'il na paru nécessaire de ly faire entrer. Les nœuds des tiges sont autant de réceptacles placés les uns à la suite des autres comme les grains d’un chapelet. Ces nodosités, d’abord pleines, se creusent en se développant davantage : la des- truction du tissu commence en géneral à chacun des angles rentrants tandis que les conceptacles correspondent, au contraire, le plus ordi- nairement aux parties saillantes. La forme triangulaire des nœuds est la seule différence qui tendrait à éloigner cette plante des espèces particulières à lAustralasie chez lesquelles les nodosités sont sphéroïdes. Le Moniliformua triquetra porte souvent à sa base des rameaux stériles presque plats et sur lesquels on distingue à peine les nodo- sités qui sont remplacées par une membrane décurrente, tordue de distance en distance. Ce caractère, qui se trouve très-prononcé sur des échantillons recueillis sur les côtes occidentales de la Nouvelle- Hollande, devra servir à distinguer cette plante comme variété, surtout si cette disposition ne se remarque pas sur les M. Banksu et Billardiert dont nous ne connaissons que des rameaux détachés et flottants en mer. La seconde plante que je crois devoir encore ajouter aux Moruliformia est le C. nodularia Ag. Toutes ces espèces pré- sentent un mode de végétation qu’on retrouve dans chacune d'elles en particulier et d’où résulte un groupe très-naturel comprenant aujourd’hui les cinq espèces suivantes : M. Banksu, Bor. Billardieri, Bor. Siebert, À. Rich. triquetra et nodularia +. Tous les Cystoseira, compris dans la seconde section établie par PLANTES DE L'ARABIE, 147 M. Greville, sous le nom de re/roflexæ, doivent également cons- tituer un genre distinct fondé sur des caractères constants de fructifi- cation et de végétalion. Je consacre ce genre à la mémoire du commandant de la Lilloise, M. de Blosseville, un des jeunes officiers les plus distingués de la marine française, perdu dans les glaces du Nord, victime de son zèle et de son dévouement pour les sciences. Le genre Blossevillea se distingue des Cystoseira par la disposition de ses rameaux, qui naissent de la partie aplatie des tiges, se recour- bent à leur origine, pour se redresser ensuite. Ce caractère, com- mun à une vingtaine d'espèces de l'Océanie, coïncide avec un mode particulier de fructification. Les réceptacles offrent, dans toutes, deux séries longitudinales de conceptacles, tandis que dans les Cys- losetra proprement dits, ces organes sont disposés sans ordre. À l’ex- ception du Blossevillea Platy lobium, ces réceptacles sont allongés, linéaires, souvent toruleux. Dans cette dernière espèce ils sont au contraire lancéolés, aplatis et assezsemblables à ceux de l'Halidrys!, près duquel les Blossevillea semblent devoir se classer. Le ca- ractère tiré de la disposition des rameaux et des conceptacles, n’a pas échappé à Turner, car, à l’exception d’une espèce où pourtant elle existe de la manière la plus évidente, ou la trouve représentée avec exactitude dans toutes les figures analytiques qu’il en a données. La largeur et la forme des réceptacles du B. Platylobium, dans lesquels on n’observe également que deux séries de conceptacles, devra servir à former, dans ce genre, une petite section. Enfin, il est une plante sur la classification de laquelle tous les algologues se sont trouvés en désaccord. C’est le Dictyopteris ser- rulata Lamx. dont M. Agardh a fait tour à tour un Æabiseris ou un * Cette ressemblance avait également frappé M. Mertens, qui compare son espèce au Fucus siliquosus (Mém. mus. tom. V, p. 182). 148 PLANTES DE L'ARABIE. Rhodomela, et que M. Greville a cru pouvoir réunir au Dictyo- menia. Cette plante appartient ni aux Dictyotées ni aux Floridées. Ses frondes planes, linéaires, dentées en leur contour, de couleur brune ou olivâtre foncé, présentent, le long d’une nervure moyenne, des conceptacles ostiolés, à l’intérieur desquels on trouve des spores accompagnées de filaments. J’avais cru * pouvoir réunir cette plante au Carpodesmia, ne connaissant cette dernière que par la figure donnée par Turner, mais le caractère fourni par le réceptacle tuber- culeux placé vers la base des frondes, m’a déterminé aujourd’hui à former, pour le D. serrulata, un genre distinct que je nomme Myriodesma, à cause dunombre considérable de conceptacles répan- dus, sous forme de petites glandes, sur toute l’étendue de la fronde. C’est sur ce genre que j'ai constaté en premier lieu la présence des deux membranes qui forment le rebord transparent des spores. En exerçant sur elles une légère pression, et en les faisant rouler entre deux lames de verre, on parvient à détacher lune de Pautre les deux membranes, périspore et épispore, dont on ne pouvait avant que soupconner l'existence. J’ai montré, au commencement de ce mémoire, la tendance des algologues français à assimiler les Algues aux Dicotylédones, en appuyant leur comparaison sur les organes de la reproduction. Dans la plupart de ses écrits, Lamouroux * étend même cette similitude à ceux de la végétation et surtout aux tiges des Fu- cacées ou des Laminaires, dans lesquelles il trouve quatre parties bien caractérisées analogues à l’épiderme, à l’écorce, au bois et à la moëlle des plantes phanérogames dicotylédonées; chacune de ses parties, selon lui, se reconnait par sa situation et par une * Decaisne, Bull. Acad. roy. Brux. 1840. Lamouroux, Bull. soc. philom. 1829. — Essai Thalass. p. 6, etc. PLANTES DE L'ARABIE. 149 organisation qui lui est propre. M. Bory' admet l’opinion de La- mouroux ; il attribue aux tiges des plantes qui composent sa famille des Varecs, une première substance corticale parfaitement distincte, une seconde de consistance cornée, formée, comme le bois, par cou- ches concentriques ; enfin au centre, un tissu médullaire de couleur et de structure très-différente de celle qui occupe la circonférence de la tige. Enfin s’il est permis de citer ici des planches inédites? d’un travail sur les Algues par Palisot-Beauvois, elles pourront servir encore à montrer la tendance des esprits à retrouver, à cette époque, de l’analogie entre la structure des Algues et celle des végétaux d’un ordre plus élevé. Ces planches, qui représentent des coupes hori- zontales et verticales de plusieurs Fucacées et Floridées, sont destinées à prouver que les Algues ne sont pas composées d’un tissu cellulaire homogène, mais qu’elles sont pourvues d’un système fibreux. En effet les dessins montrent non-seulement le tissu fibreux vertical, mais encore des fibres horizontales croisant les premières, de manière à simuler des rayons médullaires. Quant aux coupes horizontales, elles offrent la plus grande ressemblance avec celles de certaines mono- cotylédones du groupe des joncées et des palmiers. Cette comparaison me parait tout-à-fait gratuite. Les tiges des Fucacées se composent, ainsi que l'ont déjà fait remarquer Kieser * et plus tard MM. de Mirbel* et Link”, d’un tissu utriculaire plus ou moins allongé, entouré d’un fluide mucilagineux, qui remplit les utricules ou s'interpose surtout entre elles de manière à les isoler les Bory, Voy. de la Coquille, p. 62. Bibliothèque de M. de Jussieu, in-fol. 10 pl. gravées avec expl. mss. de Palisot. Kieser, Mém. sur l'organisat. des pl. p. 88. etc Mirbel, Elém. physiol. vég. p. 26. 5 Link, Ælem. philosop. bot. p. 398. » + 150 PLANTES DE L’ARABIE. unes des autres, tout en les réunissant cependant en une masse indivise. Cette substance, d’abord mucilagineuse, finit par acquérir, dans les espèces d’une grande dimension, une consistance cornée ; sa pré- sence m'a paru constante dans toutes les Fucacées, et les seules diffé- rences appréciables entre organisation de leurs tiges se trouve dans la quantité plus ou moins grande de cette substance, à laquelle M. Mohl' a donné le nom d’intercellulaire, M. de Mirbel celui de cambium, et que M. Mulder* assimile chimiquement à un pectate. En général, le tissu est plus dense et plus coloré à la circonférence qu’au centre destiges, et c’est à cette circonstance qu’est due proba- blement l'erreur dans laquelle sont tombés les naturalistes qui ont suivi les traces de Lamouroux. Il arrive qu'après une macération peu prolongée dans l’eau douce, on parvient à enlever, dansune étendue considérable de la tige, une membrane excessivement mince, sur la- quelle se dessinent les impressions des utricules sous-jacentes. Cette membrane, dont M. de Mirbel* a nié l'existence, me semble compa- rable à la cuticule externe, reconnue, dans les végétaux aquatiques phanérogames, par M. Ad. Brongniart. Je viens de dire que les tiges des Fucacées ne présentaient entre elles que de légères différences ; elles ne portent, en effet, que sur la densité plus ou moins grande du tissu de la circonférence. Celui du centre se compose d’un tissu à mailles beaucoup plus lâches et la substance intercellulaire y est moins abondante; mais cette règle n’est pas générale, car il arrive au contraire dans certaines espèces que les utricules y sont tellement écartées les unes des autres, et si gorgées de mucilage, qu’on a de la peine à se rendre compte de * Hugo Mohl, Ann. sc. nat. tom. 8, 1837, p. 307. 2 Mulder, Composit. du mucil. végét. dans les Algues. Bull. soc. phys. néerland. 1838. 3 Mirbel, Essai sur l'anatomie des végétaux, article Fucus. Jour. phys. an IX. PLANTES DE L'ARABIE, 1541 l’organisation de cette partie des tiges comparable, sous plus d’un rapport, à celle de certains périspermes cornés. En effet, les utri- cules dont se composent les tiges des Algues comme celles des pé- rispermes ne m'ont jamais présenté ni ponctuations ni cristaux dans leur intérieur. Enfin leur membrane ne bleuit point instantanément par la teinture d’iode, comme cela s’observe dans un grand nombre de Lichens. Lestigesdes Durvilleaet Splachnidiums éloignentà plusieurs égards delastructure ordinaire des Fucacées. Dans le premierdeces genres, le tissu général de la fronde, au lieu de se composer d’utricules arron- dies ou cylindracées, plus ou moins serrées les unes contre les autres, est formée par un lacis de filaments entrelacés qui, de distance en distance, se rapprochent pour se constituer en lames, lesquelles se réunissent à leur tour les unes avec les autres pour représenter à l'extérieur des frondes, des alvéoles qui persistent pendant toute la durée du végétal. La structure du Splachnidium se rapproche, à certains égards, du Durvillea. Des parois, extrémement minces de la fronde, partent des filaments qui se dirigent librement vers le centre, en s’enroulant ensuite de manière à former, non plus des lames comme dans le Durvillea, mais des sortes d’écheveaux qui, en s’entrecroisant, réprésentent à l’intérieur des tiges une espèce de réseau entre les mailles duquel se trouve répandue une quantité con- sidérable de mucilage. Les utricules cylindracées ou filamenteuses qui se dessinent en nervures sur le milieu des ramifications des frondes n’ont aucune connexion avec les fructifications, ainsi que l’admettait La- mouroux. La durée des Fucacées ne parait pas égale et semble varier. Dans les unes on reconnait distinctement la succession des conceptacles, par les impressions qu'ils ont laissées sur les frondes, tandis que 122 PLANTES DE L’ARABIE. chez d’autres ces caractères ne se retrouvent pas et la plante parait réellement, sinon annuelle, du moins monocarpienne. D’après les observations de M. d’Orbigny!, les varecs peuvent être coupés, sans inconvénient, à certaines époques de l’année et reproduisent de nou- veau, dans l’espace de quelques mois, des frondes analogues aux premières qui se couvrent de fructifications. Celle des Fucacées consiste en de petites poches ou cavités formées, soit dans l’épaisseur des frondes, soit dans des appendices de formes variables, auxquels j'ai conservé le nom de réceptacles. Je me suis servi, pour désigner les cavités qui renferment les spores, du nom de conceptacles, proposé par M. De Candolle. Ces conceptacles, qui communiquent toujours à l'extérieur au moyen d’une ostiole plus ou moins évasée, renferment des spores presque sessiles, fixées à leurs parois, où àla base des filaments qui les accompagnent. A l’époque de leur maturité, ces spores se détachent de leur support, tombent dans les conceptacles et en sont expulsées par une action particulière des filaments. On les a décrites comme étant entourées d’un sac mucila- gineux; ce sac membraneux, auquel je réserve le nom de péri- spore, renferme lui-même un corps oblong, de couleur ver- dâtre, enveloppé d’une autre membrane intimement appliquée sur la substance verte. J'ai désigné cette seconde membrane par le nom d’épispore. En faisant rouler légèrement ces spores entre deux lames de verre, on parvient facilement à séparer et constater la pré- sence de ces deux membranes; cette séparation s'opère naturelle- ment dans d’autres familles où l’on voit le périspore s'ouvrir au sommet et donner issue à la spore elle-même recouverte de son épispore. Malgré l'extrême facilité d’observer les organes reproducteurs des © C. d'Orbigny, Essai sur les pl. marines, Mém. mus. tom. 6. p- 163. PLANTES DE L'ARABIE. 153 Fucacées, ce groupe est un de ceux qui, parmi les Algues, est resté le moins bien connu. Jusque dans ces dernierstemps, on s’est contenté de voir ces corps reproducteurs à leur maturité, après les avoir expulsés violemment et en masse des conceptacles. Parmi les bota- nistes modernes, M. de La Pylaie‘ est celui dont les observations à légard de l'insertion des spores présentent le plus de précision. Quelques années après, M. J. G. Agardh ? publia ses observations sur le Fucus vesiculosus, et décrivit avec soin l’insertion des spores sur les parois internes des conceptacles qu'il nomme glo- mérules. Leur structure, telle que je viens de la décrire, se rencontre sans exception dans toutesles Fucacées ; elle m’a servi à rapporter à cette famille le Durvillea qui se trouvait rangé parmi les Laminaires, à retirer des Floridées le Dictyopteris serrulala, et à réunir à ce der- nier groupe le Polyphacum qu’on plaçait dans les Fucacées. La plupart des algologues ont décrit les spores comme des graines. M. De Candolle®, qui a eu occasion de les étudier, les regarde au contraire comme des sporanges. Ces corps, placés sous le micros- cope, paraissent ponctués, et cette apparence, suivant M. De Can- dolle, est due à ce qu'ils renferment un grand nombre de petits globules qu'il a vu sortir, par l'extrémité du sporange, et tomber au fond de l’eau avec le mucus auquel ces globules sont mélés. Je dois avouer n’avoir jamais rien observé de semblable, malgré des recher- ches que j'ai été à même de faire sur plusieurs espèces vivantes de Fucacées. Je ne crois donc pas que l’on puisse admettre l’opinion qui considère les spores de toutes les Algues, comme renfermées dans un sporange membraneux, et cette opinion se trouve encore ! De La Pylaie, F1. de Terre-Neuve et des îles St-Pierre et Miclon, Firmin Didot 1829. 2 J. G. Agardh, Novitiæ Fl. Sueciæ, p. 11. 3 De Candolle, Organ. veget. vol. 2, p.167. Arouives pu Muséum, Tome I. 20 154 PLANTES DE L'ARABIE, infirmée par les observations de M. J. G. Agardh sur leur mode de germination ‘. Le nombre des spores dans chacun des conceptacles est irrégulier et ne peut servir de caractère. Leur volume varie également; dans le Coccophora elles sont peu nombreuses et d’une grosseur extrême relativement à la cavité qui les renferme, tandis que dansle Durvillea, la plus grande des Fucacées, elles sont au contraire excessivement petites, fort nombreuses, et se rapprochent de celles des Laminaires. Les filaments, comme les spores qui les accompagnent ont été le sujet de nombreuses dissertations. On ne peut admettre aujourd’hui, à leur égard, ni l'opinion de Réaumur qui les considérait comme des organes mâles, ni celle de Guettard * qui les regardait comme des poils en houpes appartenant à l’épiderme et analogues à ceux des Malvacées, opinion reproduite par MM. de Mirbel et De Candolle. Stackhouse les représente, avec assez d’exactitude, dans trois de ses planches(1, 11, 13), mais c’est principalement dans l’une de celles de M. Greville* que l’on peut prendre une idée exacte de la sortie de ces filaments par l’ostiole des conceptacles. MM. Crouan # ont reconnu l'erreur dans laquelle était tombé M. Duby * en décrivant ces filaments comme un végétal parasite sur certaines Fucacées : mais ces botanistes me paraissent, à leur tour, confondre deux choses en parlant de lÆlachistea. Cette production ne fait point partie du tissu propre de la fronde de l'Himanthalia, qu'ils classent à tort parmi les Laminaires ; elle est formée par les filaments qui sortent de l’orifice des conceptacles, ainsi qu’on peut le recon- * J. G. Agardh, Ann. sc. nat. tom. VI, p. 109, 1839. ? Guettard, Observ. sur les pl. append. vol. IT, p. 392. 3 Greville, Scou. crypt. Flor. t. 181. # Ann. scienc. nat. 1839, tom. 1°, p. 290. S Bot. gall. tom. Il, p. 972. PLANTES DE L'ARABIE. 155 naitre en jetant les yeux sur la figure 2511 de PEnglish botany qui exprime très-exactement cette disposition. Pour s'assurer davantage de cette organisation, il suflit d'opérer des tranches transversales très-minces de la portion de l’Himanthalia recouverte par l'Ela- chüstea. On voit alors, à l’aide du microscope, que ces filaments, après être sortis du conceptacle, se sont développés et ont recou- vert une étendue plus ou moins grande de la tige sur laquelle ils sé trouvent. Le tissu externe de | ÆZinanthalia étant coloré en brun, comme celui de beaucoup de Fucacées, et celui de l'Eachustea ren- fermant une matière moins foncée et plus verte, la distinction des deux tissus est rendue très-facile. Avec un peu de précaution, on parvient même à détacher de la plante-mère, contre laquelle elles étaient simplement appliquées, les petites pelotes formées par ces fila- ments. Ainsi l’opmion de MM. Crouan est exacte en ce point, que la production décrite par M. Duby appartient à l’'Hinanthalia, mais il y a erreur quand ils considèrent ces filaments comme étant ter- minés par les corps reproducteurs en forme de massue, dont Lyngbye : avait déjà donné une figure exacte en décrivant la fructifi- cation du F. serratus. Cependant les filaments, qui accompagnent les spores des Fucacées, ne font point toujours saillie en dehors des conceptacles, de manière à représenter de petites houpes ou des pelotons; ils y restent même assez généralement renfermés et sy développent quelquefois de telle sorte qu'ils constituent, en se rami- fiant, des espèces de grappes très-tenues, ainsi que l’a représenté Lyngbye. Dans ce cas, on les a confondus avec de jeunesspores?, qui cependant paraissent toujours à peu près sessiles. Enfin ces filaments prennent quelquefois, à l’intérieur des conceptacles et après la sortie ! Lyngbye, Tent. Hydrophytol. dan, t. 1, fig. B, 3 et4. * Montagne, ir Ram. Sagr. Hist. Cuba, part. bot. p. 52.— Sargassum polyceratium. 156 PLANTES DE L'ARABIE. des spores, un tel développement, qu'ils finissent par oblitérer complétement, ces derniers ainsi qu’on peut le voir dans le Dur- villea. LamINaRIÉESs. Lamouroux, Gaillon et principalement MM. Bory etde La Pylaie ont reconnu dans les tiges des Laminariées une orga- nisation ligneuse, plus évidente encore que dans la famille des Fuca- cées. Cependant les observations que j’ai faites au sujet de ces derniè- res, peuvent également s'étendre à la structure anatomique des plantes qui nous occupent. Celles-ci, comme l'avait déjà fort bien fait remarquer M. de Mirbel' dans un de ses premiers mémoires, sont composées d’utricules larges et régulières, souvent plus denses et plus sinueuses vers la partie moyenne qu’à la circonférence. Dans les Macrocystis, quelques utricules voisines de lépiderme atteignent une dimension considérable , et semblent remplir les fonctions de lacunes. Cette structure, particulière aux frondes des différentes espèces de ce genre, semblerait pouvoir correspondre aux plis qu’elles présentent, si on ne retrouvait pas ces lacunes sur les ex- pansions du genre Æckloria, qui sont parfaitement lisses. Le con- tour de chacune des utricules qui composent les tiges se distingue plus nettement que dans les Fucacées : la matière intercellulaire, au lieu de sinsinuer entre les utricules, se dépose au contraire en grande abondance dans leur intérieur, de manière à réduire quel- quefois leur cavité à un très-petit calibre, où se trouve accumulée la matière colorante verte : cette disposition se rencontre également dansles pinnules desfrondes de la variété de _Æ/aria esculenta, dé- signée sous lenom d”_4. musæfolia, par M. de La Pylaie. Ces plantes, ! Mirbel, Essai sur l'anat. vég. — Fucus. Journ. phys. an \X. PLANTES DE L'ARABIE. 159 ainsi que les Fucacées, ne mont jamais offert, dans leur tissu, ni cristaux, ni cellules poreuses. La frucüfication des Laminaires a, dans ces dernières années, fixé l’attention de M. C. A. Agardh”. Avant lui, on la faisait consister en corpuscules très-petits, dispersés dans le réseau des frondes, ou bien en filaments insérés verticalement sur leur surface externe. C’est ainsi que la présente Lyngbye et lEnglish botany (t. 1759 et 2274). M. Greville, tout en adoptant cette dernière manière de voir, regarde cette fructification comme à peu près inconnue et la figure del Æ/aria, qu’il emprunte à Sowerby et Turner, contraire à tout ce que nous offrent ces végétaux, ne peut être comparée qu’à l’orga- nisation des Nostocs®. M. Bory, après une étude spéciale de ce groupe, n’en donne éga- lement qu’une idée très-imparfaite en décrivant son Lessomia ni- grescens *. M. Montagne * a cru la reconnaitre dans les tubercules semblables à ceux mentionnés par Turner sur son Fucus comosus (Marginaria, À. R. Phyllospora), et a comparé de là la fructification des Macrocysts à celle des Sargassum. M. Hornemann* la signalait de son côté dans les callosités qui se trouvent sur Le bord des frondes, et fondait sur ce caractère son genre Ecklomia, tandis que M. Ru- dolphi * Pindiquait au contraire sur la partie supérieure et renflée du stipe de cette même plante. M. de La Pylaie l’a décrite avec plus de précision; elle se pré- sente, dit-il, sous la forme de taches irrégulières, éparses sur la | Act. Acad. Ces. Leopold. Nat. Cur. vol. XIX, p. 284. : Hedwig, Theor. gen. t. 36, fig. 10.— Tremella aquatica. 3 Bory, Voy. de la Coq. p. 83. # Montagne, Voy. d'Orbigny, pars bot. 1, p. 12. ® Hornemann, Vid. Sclsk. naturvid. og. mathem. A. M] deel. 5 Rudolphi, Plant. Ecklon. Linneæu, 1831, p. 171. 155 PLANTES DE L'ARABIE. fronde, ou quelquefois sur des pinnules accessoires, et consiste en une réunion de graines microscopiques subcylindriques ou plutôt pyriformes oblongues, toutes contigués, implantées verticalement sur le parenchyme externe qu’elles recouvrent, en formant de chaque côté de la fronde une couche superficielle et finement grenue. Cette description ne laisserait presque rien à désirer, si en décrivant le Laminaria Agarum (Myriotrema), M. de La Pylaie ne faisait mention de conceptacles consistant en pustules fort petites, ou- vertes par un pore; caractères particuliers, selon moi, au groupe des Fucacées. Enfin, dans l'explication des figures, l’auteur avoue n'avoir rencontré nulle part rien d’analogue à des séminules; en effet, en cherchant à se rendre compte de ces remarques contradictoires, on s'aperçoit que ces observations s’appliquaient seulement aux filaments et non aux spores elles-mêmes. M. Agardh, dans son travail sur les Macrocysus, et M. Montagne, en décrivant les périspores comme tronqués au sommet, arrivent au même ré- sultat, c’est-à-dire qu'ils prennent pour les corps reproducteurs ceux qui les accompagnent. La forme habituelle des spores des Laminaires est celle d’un cylindre arrondi à ses deux extrémités, ou celle d’un ovoiïde plus ou moins allongé. Elles sont faciles à observer lorsqu'on les étudie fixées encore à la fronde, et se distinguent à la première vue des filaments qui les accompagnent et à la base desquels elles prennent naissance : ceux-ci les dépassent, et sont seuls renflés ou tronqués au sommet. Leurstructure etleur mode d'insertion sont les mêmes que celle des Fucacées, la différence réside principalement dans leur moindre volume. Comme dans ce groupe, le sporidium, pour me servir de l'expression de M. Agardh, se trouve renfermé dans une double membrane. L’opinion émise par ce savant, au sujet des observations de MM. Mertens ‘ et Rudolphi’, est juste; ces botanistes paraissent PLANTES DE L’ARABIE. 159 avoir pris, pour organes de fructification, des corps avec lesquels ceux-ci n’ont aucune analogie. Si on examine une tranche très-mince, et passant par le grand dia- mètre d’une fronde fructifère du Larmunaria saccharina, on voit que cette surface n’est pas unie, mais qu’elle présente des sortes de cré- nelures. Cette disposition est due à ce que les spores sont disposées par petits groupes, à chacun desquels correspond une élévation. Dans le L. brevipes, les spores et les filaments sont à peu près de même longueur. Les fructifications occupent seulement une des surfaces de la fronde, tandis qu’elles s’observent sur les deux côtés des pinnules dansle genre Æ/aria, maisnon placées à l’intérieur de leur tissu, ainsi que l’avance M. Montagne :. C’est en vain que j'ai cherché à les constater dans le L. bulbosa et les espèces voisines, dont la texture membraneuse offre un caractère particulier, celui de présenter de petites cavités cylindracées occupées par des filaments verticaux, articulés, confervoïdes, dont l'extrémité libre vient affleurer les bords de cette cavité et la surface des frondes : vus à plat, ils se présentent sous forme de petits corpuscules arrondis groupés en rond. Ces filaments ne sont pas accompagnés de spores; il n’est pas rare de les voir s’allonger au point de former des petites houpes, comme l'avait déjà indiqué Réaumur. La fructification des Lessonia est semblable à celle des Laminaires, mais il sera nécessaire de retrancher de ce genre le Lessonia quer- cifolia dont le mode de fructification rentre dans celui des Fuca- cées, si l’on en juge par la figure et la description qu’en donne M. Bory:. ! Mertens, Mem. mus. tom. 5. : Rudolphi, Linnæa, 1831, p. 171. * Montagne, Consid. sur les Laminatres. — Journal de EInstit. 23 juillet 18/0. # Bory, Voyag. de la Coq. p. 79, t. 4. 160 PLANTES DE L'ARABIE. M. Agardh, dans le travail que je viens de citer, suppose, par analogie, que la fructification des Macrocyslis estrecouverte par une membrane dont j'avais cru moi-même constater la présence dans plu- sieurs de mes observations, mais en les répétant de nouveau, je suis arrivé à un résultat opposé ; la pellicule que j'avais considérée d’abord comme une membrane, analogue à celle qui recouvre les spores de quelques Dictyotées, m'a paru n'être ensuite qu’une couche très- mince et concrète de mucilage, répandue sur toute la portion fructifiée de la fronde, substance que dissout Pammoniaque en laissant à nu les filaments. Ce point demande donc encore à être vérifié. Je me suis servi ici du mot de périspore pour désigner lamembrane qui enveloppe la spore; M. Agardh l’emploie dans le même sens, mais comme il ne fait pas mention des filaments, et qu'il attribue à ses périspores la forme de ces derniers, on peut, avec raison, supposer qu'il a confondu deux organes distincts. Les filamentssont en effet souvent cunéiformes, déprimés au sommet, vides et transparents, et leur volume étant de beaucoup plus considérable que celui des spores, M. Agardh a cru qu'ils renfermaient ces corps reproducteurs. Cette opinion à été reproduite par M. Montagne dans des considérations sur les Laminaires'; mais en examinant attentivement des tranches minces des parties fructifiées des divers genres de cette famille, on pourra s'assurer que les corps cunéiformes ne renferment jamais les spores, lesquelles forment, au contraire, par leur mode d’insertion, une zone d’un vert foncé, à la base des filaments sur lesquels elles prennent naissance. M. Montagne s’est encore rangé à l’opinion de M. Agardh en réunis- sant aux Laminaires les Phyllospora et Durvillea; ces deux genres, au * Montagne, Considérat. suce. sur les Laminaïres. Ann. sc. nat. 1840, tom. 14, p. 48. PLANTES DE L'ARABIE. 161 premier desquels appartient le Marginaria', doivent faire partie des Fucacées et non des Laminariées, ainsi que le soupçonnait déjà M. Greville:. Les Laminariées diffèrent donc des Fucacées en ce que les spores, au lieu d’être contenues dans des conceptacles ou sortes de poches, forment, à la superficie de la fronde, des plaques plus où moins étendues, constituées par la réunion et la soudure des filaments renflés à leur partie supérieure. Ce groupe comprend les genres suivants : Laminaria, Agarum, Alaria, Costaria, Lessoni, Capea et Macrocy sus. CHORISTOSPOREZÆ. RYTIPHLEÆZÆ. LEVEILLEA. Gen. nov. Receptacula arcuata, lateralia, sessilia, loculosa , loculis abortu ? uniserialibus 4-sporis, ad apicem haud rard foliosa. Frons ramosa, distichè pinnata ; pinnulæ foliosæ, rotundatæ, apiculatæ, subimbricatæ, reticula- tæ, juniores apice filis tenuissimis fasciculatis ornatæ. —Plantulæ marinæ, rubræ, ad Sargassa vigentes atque repentes, habitu J ungermanniæ. 46. L. Schimperi, ramis sparsis pinnatim lobatis, lobis distichis "A. Richard, Voy. de l’Astrolab. vol. 2, p. 137; tom. 3 et 4 N.-Zél. 2 Greville, 4lg: Brit. Synop. p. xxxiüi.. ARctives pu Muséum, Toe II. 24 102 PLANTES DE L'ARABIE, subimbricatis, foliolis rotundatis sæpiüs apice penicillatis muero- nulats, receptaculis arcuatis supernè haud rard foliosis. Amansia jungermanioides, Mert. et Hering. //or. allgem. Bot. Zeit. n° 31. Augt. 1856, p. 485 cm tab. Schimp. Un. in. exsiccat. n. 472. — À. Schimperi, Decaisn. nn. sc. nat. 1839, p. 475. Descr. — PLanruLA pulchella, tenerrima, rubra, habitu Jungermanniæ ad Sargassa Cystoseirasque vigens. RanicuLæ primÔ teretes, obtusæ dein in areolas crenulatas dilatatæ Sargassis arctè adhærentes. Frons 2 ad 3 centim. longa medio nervosa, subtüs radicifera, ramosa, ramulis apice circinatis. Foziora (v. frond. pinnulæ) disticha , approximata , subimbricata , plana, subobliquè cauli adnata, juniora appendite penicilliformi reflexo dein erecto ornata , apiculata, apiculo crassiori y. rariüs obtusa, superiora imbricata, tenerrima, reticulata, rete denso regulari; areolæ minutæ, hexagonæ, illæ frondis mediæ, irregulares laxioresque. RecepracuLA frondi continua, late- ralia arcuata, margine superiori crenata, fructum Æippocrepidis referentia , loculosa , loculis infimis vacuis , mediis tetrasporis, supremis haud rard in foliola areolata desinentibus circinatisque. SPora cuneiformia extrorsüm con- vexa, introrsüm plana v. concaviuscula, granulosa, rubo-tincta. Oss. J’ai exposé, dans ma notice sur la fructification des 4mansia', les raisons qui m'ont déterminé à retirer cette plante du genre où on l'avait classée pour en former un nouveau que j'ai dédié à M. H. J. Léveillé , dont les découvertes sur la fructification des divers groupes de Champignons ont déjà si puissamment contribué à l’avancement de cette branche de la cryptogamie. Le genre Leveillea est voisin du Polyzonia*, mais il en diffère à plusieurs égards. On connaît aujourd’hui trois espèces de chacun de ces deux genres, et toutes ont des caractères communs qui ne per- ! Decaisne, L. c. > Suhr. Polyzontia; Flor. allg. bot. Zeit. n° 47, octobre 1834, p. 739, n°16. PLANTES DE L'ARABIE. 163 mettent pas de les confondre. Les Levellea sont tellement sembla- bles entre eux qu’on a besoin de les comparer attentivement pour les distinguer spécifiquement. Les Polyzonia sont plus nettement caractérisés, si j'en juge par les deux espèces que j’ai eu occasion d'examiner. Les Leveillea Schimperi, gracilis et comosa ont toutes trois le port des Jungermannes; les rameaux ou les frondes, roulés en crosse au sommet, portent des sortes d’appendices foliacés entiers, réticulés, souvent terminés par un pinceau de poils très-fins. Il n’en est pas de même pour les Polyzomia; les frondes , qui paraissent presque simples, ne s’enroulent pas, et les folioles, au lieu d’être entières, sont, au contraire, plus ou moins profondément divisées en leurs bords supérieurs, enfin leur tissu n’offre pas les élégantes et régulières réticulations des Leveillea. Quant aux réceptacles, ceux du P. elegans sont pédicellés et dentés supérieurement, tandis que ces mêmes organes sont sessiles et entiers dans le Leveillea. Enfin la structure et la place des radicelles présentent également entre les deux genres quelques légères différences. Les rameaux du L. Schimperi offrent deux modifications qui coïncident également avec la disposition des pinnules auxquelles ils donnent naissance. Dans la plupart des cas, ils se roulent en crosse à leur partie supérieure, et portent des folioles imbriquées de manière à se recouvrir alternativement. Sur d’autres rameaux au contraire, beaucoup moins développés, les appendices foliacés, au lieu d’être alternes-distiques, paraissent insérés obliquement, concaves et disposés de façon à ce que les plus jeunes folioles se trouvent cachées sous les plus anciennes. Chacune d’elles se développe cependant; le capuchon se renverse, s'étend, et l’on a ainsi, lorsqu'ils sont tous étalés, des sortes de feuilles alternes-distiques comme dans le pre- mier cas. | À cette époque, les folioles des ramaux normaux, au lieu d’être 164 PLANTES DE L'ARABIE. terminées par une petite pointe, semblent au contraire échan- crées ; cette échancrure résulte de la courbure des pinceaux ter- minaux qui se trouvent rabattus sur la face interne du limbe. Lors du développement des appendices foliacés, ces pinceaux se re- dressent, les poils se détachent vers la base, et la feuille se trouve terminée par une petite pointe formée par la portion inférieure du pinceau. En général, dans les Rytiphléées, ces poils tombent sans laisser de traces. Les racines, ordinairement disposées sans ordre dans les végétaux terrestres, affectent, au contraire ici, une régularité des plus curieuses. En effet, on les voit poindre, sur la face inférieure de la nervure moyenne des frondes, les radicelles à des distances constantes, et en général à trois utricules d'intervalle les unes des autres. Elles se montrent d’abord comme de légers mamelons composés d’un petit nombre de cellules cylindriques verticales assez courtes, et différentes de forme et de couleur de celles des frondes; puis elles s’allongent et finissent, lorsqu'elles viennent à rencontrer un poirit d'appui, par former un épatement circulaire composé d’utricules cunéiformes à sommets convergents, légèrement concaves en des- sous. Ces sortes de ventouses adhèrent tellement à la plante qui leur sert de support qu’on ne parvient qu'avec peine à les désunir, et, dans le cas où on a détaché la radicelle sans la rompre, on dé- couvre, à la place qu’elle occupait, une légère cicatrice de couleur différente du tissu environnant. Le mème phénomène se présente sur le Polyzorua, mais l’épa- tement, au lieu d’être formé par un petit nombre d’utricules con- vergentes par leur sommet, se compose de cellules bifurquées à la circonférence du disque, qui semble remplir encore ici les fonctions de suçoir. En me servant de ce mot, je n’admets cependant pas le parasitisme des Polyzonia et Leveillea, etc. Les expériences de PLANTES DE L'ARABIE. 165 Réaumur, répétées depuis par M. De Candolle, en mettant hors de doute la non-transmission des liquides d’un point à l’autre dans les Algues, doivent nécessairement éloigner toute idée de parasi- tisme, et, par suite, d'absorption aux dépens des corps qui les sup- portent. L'exemple le plus remarquable de cette intime juxta-position de deux Algues, est celui que nous offre le Sphærococcus confervicola Cham. ‘(Chondrus mirabilis Harv. Gelidium), qui se développe sur la Conferva mirabilis ou hospita Mert. dont le tissu, comme celui de toutes ses congénères, est parfaitement lisse. Si on examine avec soin et à l’aide du microscope, les portions simplement teintées en rouge que présente cette Conferve lorsqu’elle est accompagnée du Sphærococcus, on y découvre une membrane utriculaire excessivement mince, renfermant une substance rosée, qui contraste avec le tissu uni et vert des parties voisines. Cette mem- brane aréolaire, en se développant, s’épanche, pour ainsi dire, sur la Conferve dont elle recouvre souvent en entier plusieurs articles. Après s'être ainsi accrue en étendue, cette membrane Sépaissit, se colore davantage, produit de petits mamelons qui se bifurquent et donnent naissance au Chondrus où Sphærococcus. J'ai répété la même observation au sujet du Bryopsis confervoides Lenorm. Mais pour s'assurer mieux encore de la simple application du Sphærococcus sur la Conferve, il suffit d’opérer des tranches minces de la portion simplement colorée en rouge : on obtient alors des disques, dont lépaisseur se partage en trois zones de couleurs différentes. L’exté- rieure rouge appartient au Chondrus, la moyenne, cornée, transpa- rente, incolore au tissu de la Conferve, enfin la masse centrale doit sa couleur verte au liquide épaissi renfermé dans le tube de cette * Cham. in Verhand der Ges. naturf. Freunde zu Berlin, t. 3, p.177, t. 5 et Rudolphi #n Linnæa, 1831, p. 173. 166 PLANTES DE L'ARABIE. dernière plante. Au moyen d’une faible traction, on parvient facile- ment à isoler les deux zones de coloration différente, dont chacune appartient à un végétal distinct. Enfin si lon observe des coupes transversales des parties les plus épaisses du Chondrus, on remarque sur ce tissu des zones plus ou moins rosées, qui me paraissent déter- minées soit par l’âge, soit par la superposition des thallus apparte- nant aux individus voisins. M. Rudolphi (1. c.) avait déjà réfuté l’opinion de M. Agardh père, au sujet de la prétendue métamorphose d’une Conferve en un Sphærococcus', mais sans appuyer sa réfutation de preuves sufli- santes. Ainsi en avançant, comme on l’a fait”, que la coloration rouge de plusieurs Conferves, et en particulier du C. rurabilis, dé- pend du développement de cette plante sur une Floridée, on s’écarte doublement de la vérité : premièrement en faisant croitre le C. mirabilis sur un Sphærococcus , ce qui est précisément le cas con- traire ; secondement en attribuant à la Conferve une coloration qui lui est complétement étrangère et à laquelle sa substance propre ne participe en rien. Quoi qu’il en soit, cette question de la couleur de deux espèces, vivant l’une sur l’autre, mérite encore d’être étudiée avec soin. Bonnemaison * assure avoir vu son Boryna variabilis prendre une teinte rouge plus foncée, lorsqu'il était fixé sur le Grammutis elongata ou une couleur sombre, quand il vivait sur une plante du groupe des Fucacées. Lyngbye annonce de son côté avoir observé un phénomène analogue sur son Ectocarpus libtoralis var ? rubra, et M. J. Agardh * a remarqué le même changement sur le Calothrix confervicola, suivant que cette plante croissait sur * Agardh, Zcon. Als. t. VII et IX. 2e Voyage de d'Orbigny, partie cryptogamique, p.10. 3 Bonnemaison, Essai Thalass. locul.—Mém. mus. XVI, p. 49. 4 Agardh, Nov. flor. Suec. p. 5. PLANTES DE L'ARABIE. 167 un Ceranuum ou sur le Rhodomela subfusca, enfin une observation semblable se trouve rapportée par Rudolphi' au sujet du Sphæ- rococcus villatus, quand il prend naissance sur le Fucus buccinalis. Dans les trois embranchements précédents nous n’avons trouvé qu’un seul mode de reproduction au moyen de spores semblables entre elles, libres, si ce n’est par leur point d’attache, de toute ad- hérence avec les tissus environnants. Il n’en est pas de même pour les familles suivantes, chez lesquelles on peut reconnaitre quatre formes distinctes pour les seuls organes reproducteurs, auxquels M. Agardh fils a donné le nom de Sphérospores. Au moment de leur formation, ils se présentent comme une masse indivise arrondie ou allongée, renfermée dans une utricule spéciale d’un diamètre plus grand que celui des autres parties des frondes. Ce noyau offre plus tard, en se partageant, trois types distincts : dans le premier, la division procède d’un sphéroïde coupé en portions égales, de manière à produire des petits corps triangulaires à base arrondie. Cette disposition est la plus commune; on l’a comparée avec beaucoup de justesse à celle des jeunes grains de pollen, avant la rupture de lutricule pollinique au sein de laquelle ils s'organisent. Ce groupe renferme les Rytiphléées, Gastérocarpées, etc. La seconde modification de cette division quaternée se rencontre isolément, ou quelquefois confondue avec la précédente, dans les Thamnophorées, chez lesquelles les réceptacles, disposés par petits bouquets à l’aisselle ou sur le bord des divisions des frondes, sont composés d’utricules presque transparentes, souvent muqueuses, contenant chacune une masse à peu près sphérique qui, au lieu de se diviser en parties cunéiformes, se partage souvent au contraire transversalement, de manière à nous offrir quatre portions, la su- ? Rudolphi, Plent. Eckloniane ; Linnæa, 1831, p. 173. 168 PLANTES DE L'ARABIE. périeure et l’inférieure hémisphériques, les deux moyennes discoi- des. Tels sont les corps reproducteurs des Plocamium, Hypnea, Thamnophora, certains Palota et ceux d’une plante du Cap que jai reçue de M. Harvey, sous le nom de Rytiphlæa? et pour laquelle il sera nécessaire de former un genre particulier. Enfin on découvre dans les Peyssonellia* (Padina squamaria et rosea) un troisième mode de division des spores. La masse, au lieu d’être sphérique, présente la forme d’un cylindre arrondi aux deux bouts, de façon que les corps qui résultent de son partage en quatre portions égales, sont des demi-cylindres tronqués à une des extrémités. Quelles que soient au reste les modifications danslaformedes spores, celles-ci procèdent toujours d’un noyau, simple dans le principe, renfermé dans une utricule qui se rompt à l’époque du dévelop- pement complet du corps qu’elle renferme. Or, d’après la constance de ce caractère, je crois pouvoir accorder à ces organes une plus grande importance qu’à ceux que nous allons avoir occasion d’é- tudier, car dans une longue série de genres et d’espèces, rapprochés d’après leurs degrés de similitude, ces caractères des sphérospores sont les derniers à varier. Je me suis en effet assuré qu'il y avait erreur toutes les fois qu’on avait représenté ces corps reproducteurs en nombre moindre ou au-delà de quatre dans chacune desutricules. On à, je le sais, généralement accordé la prééminence à ceux des corps reproducteurs renfermés dans les globules sphériques aux- quels Lamouroux a donné le nom de capsules. Mais celles-ci, dans un grand nombre de cas, conservent la forme et occupent la place des réceptacles à spores quaternées, qui acquièrent alors une consis- tance cartilagineuse tellement grande, que les granules que renfer- ment ces réceptacles ne peuvent en sortir. Ces modifications se rencontrent fréquemment sur les Plocamium, Thamnophora, et Dictyomenia, etc. PLANTES DE L'ARABIE. 169 Je viens de dire quele tissu des capsules est ordinairement plus coriace et plus dense que celui des frondes, et qu’elles ne présentent en général aucune ouverture. Dans quelques espèces on remarque cependant à leur sommet, un petit trou par lequel les corps repro- ducteurs paraissent s'échapper. Ceux-ci constituent, au milieu des capsules, une masse arrondie d’une belle couleur rouge, et se mon- trent sous deux formes principales : ils sont globuleux ou allongés. Dans le premier cas, les parois des capsules sont épaisses, et les cor- puscules se trouvent renfermés chacun dans un tissu particulier, dont l’ensemble concourt à la formation du noyau central coloré. Meyen‘ avait déjà constaté cette organisation pour les Ceramium, mais elle peut s’étendre à toutes lesChoristosporées. On parvient toujours à voir les corps reproducteurs renfermés isolément dans le tissu utriculaire, en fendant avec précaution l’enveloppe des capsules de certaines espèces de Delesseria et Gigartina à frondes membraneuses. Ainsi j'ai pu soulever celle du D. Leprieurü, de plusieurs Gigartina*, et mettre à nu la masse utriculaire remplie de corps reproducteurs qu’elle contenait ; on arrive également au même résultat, pour les capsules coriaces, en pratiquant des coupes très-minces, au moyen desquelles on distingue très-nettement le tissu qui forme le noyau central sporifère. Le second mode de reproduction par organes qui ne procèdent pas d’une masse unique et simple, consiste en corps claviformes pédicellés, auxquels on a plus généralement donné le nom de gongyles. Ils sont, comme les précédents, contenus dans une enve- loppe commune (capsule) à parois minces, souvent ouverte au sommet, mais ils m'ont paru ne pas s'organiser dans un tissu utri- culaire spécial : on les trouve en outre presque constamment envi- * Meyen, Neues system der Pflanzen-Physiologie. 2 Delesseria Leprieurii. Montg. Ann. sc. nat. 1840, p. 196. Axcuives pu Muséum, Tone Il. 22 170 PLANTES DE L'ARABIE. ronués de filaments incolores, simples ou le plus souvent cloisonnés. Ces corps claviformes naissent assez fréquemment, et par groupes, sur un petit mamelon pulpeux placé au fond de l’enveloppe générale ou capsule. Les Bonnemaisonia, Hymenena, Odonthalia, Polysi- phonia, Calocladia, ete. rentrent avec de légères modifications dans cette catégorie. Cette structure se rencontre en outre, comme on le sait, dans les espèces chez lesquelles on trouve en même temps des spores qua- ternées. C’est encore par erreur, sans doute, qu’on a représenté ces dernières renfermées à l’intérieur des corps claviformes, car en les analysant avec soin, on y distingue seulement des granules transpa- rents semblables à de la fécule. Si, à ces caractères différents des organes de la reproduction, on associe ceux de la végétation, on voit au premier coup d’œil qu’ils suflisent pour constituer, dans le groupe des Choristosporées (Floridées), des divisions secondaires ou familles parfaitement distinctes. Nous allons donc étudier successivement chacun de ces groupes, en prenant pour point de départ ceux chez lesquels les sphérospores se rencontrent sans adjonction de capsules. Les genres groupés sous l’ancienne dénomination de Floridées présentent, comme on à pu en juger, dans leur structure et leur mode de fructification, trop de dissemblance pour rester réunis et ne pas constituer entre eux un embranchement parallèle à celui des Aplosporées. M. J. G. Agardh* a le premier compris la nécessité de subdiviser, après M. Greville, les Floridées en deux groupes, distincts peut- être des Gastérocarpées auxquels il a appliqué le nom de Chondriées et Delesseriées ; mais, comme, tout en fondant ces nouvelles famil- les, ce savant n’a mentionné à leur suite qu’un très-petit nombre de 1 J.-G. Agardh, Novitiæ Flor. Sueciæ, p.8. PLANTES DE L’ARABIE. 174 genres, ceux-ci n’ont pu suffire jusqu’à ce jour pour donner une idée précise de ces divisions. En prenant aujourd’hui en considération la structure et le mode de fructification de plusieurs de ces genres, on obtient aux dépens des Floridées des groupes parfaitement cir- conscrits. Le premier, auquel je donne le nom de Rytiphléées, comprend lesgenres suivants: Rytphlæa, Amansia, Heterocladia, Spirhymenia, Dictyomenia, Odonthalia, Rhodomela, Leveillea et Polyzomia. Dans chacune de ces plantes, les frondes sont composées d’un tissu à mailles régulières, disposées de façon à dessiner des zones plus ou moins distinctes à leur surface. En général les nervures sont peu prononcées et les frondes qu’elles parcourent ont leur contour divisé ou doublement denté. Dans ces cas, chacune des dentelures s’en- roule sur elle-même et ne s'étend qu'avec le développement complet des frondes. Il arrive fréquemment aussi qu’elles se terminent par une petite houpe de poils rameux dichotomes, qui tombent au mo- ment de extension des divisions où des dentelures. Ces sortes de poils renferment une matière colorante semblable à celles des autres parties de la plante. Quant à la détermination des parties de la fructification, elle est simple et claire et se trouve correspondre à chacune des dentelures, ou sous forme d’appendices placés sur différents points des frondes. Ces deux modifications peuvent servir à grouper les genres. Dans les deux cas les organes de la fructification présentent les mêmes carac- tères essentiels : ils se composent de deux séries d’utricules parallèles, d’un diamètre d’autant plus grand qu’on les observe à la partie infé- rieure des réceptacles (stychidies) ou à la base des dents des frondes. Ces réceptacles, parcourus par une ou plusieurs séries d’utricules for- mant une sorte de nervure moyenne, sont en outre transversalement et régulièrement divisés par petits carrés au milieu desquels on voitune 172 PLANTES DE L'ARABIE. utricule d’un diamètre plus considérable que les autres, renfermant quatre spores. En général, ces réceptacles sont ou lancéolés-aigus, ou linéaires-oblongs. Lorsqu’ilsse continuent avec la plante elle-même, à l'exemple des Rytiphlæa, leur extrémité se roule commeles dents des frondes avec lesquelles on peut les confondre d'autant plus faci- lement qu’ils se terminent souvent aussi par un petit faisceau de fila- ments, qui semblent manquer dans le cas où les réceptacles se pré- sentent extérieurement sous forme d’appendices. Ceux-ci peuvent naître isolément ou par petits groupes, et les spores qu’ils renferment suivent un mode d’accroissement semblable à celui où les récep- tacles se continuent avec la fronde. Le développement des corps re- producteurs marche de la base versle sommet du réceptacle; aussiles voit-on souvent alors très-distinctement, partagés en quatre spores, à la partie inférieure quand ceux de la zone moyenne se présentent encore avec l’apparence d’une masse mucilagineuse , de forme arron- die, à peine colorée. Dans certains cas le noyau nva semblé se diviser de la circonférence au centre. Tousles genres appartenant aux Ryti- phléées ont la même fructification ; mais dans quelques-uns, et en particulier dans POdonthalia, à ce caractère commun on voit s’en ajouter un autre bien fréquent dans le groupe des Floridées, c’est celui d'une utricule spéciale renfermant des gongyles claviformes. Dans les Rytiphléées ce mode de reproduction est propre à certains individus et ne semble pas se retrouver en même temps sur les plantes pourvues de réceptacles à utricules quaternées. Je crois de- voir former encore dans cette famille une petite section pour les Leveillea et Poly zonia chez lesquels les réceptacles, au lieu d'offrir des utricules sporifères disposées symétriquement dans deux rangs, n’en présentent au contraire qu’un seul, par défaut de développe- ment. Dans ces deux genres les réceptacles sont arqués ou recourbés en hélice, à la manière des fruits de certains Medicago. Cette pe- PLANTES DE L'ARABIE. 173 tite section se compose aujourd’hui de plantes d’un tissu extrême- ment délicat et vivant fixées sur des Fucacées, sur un Desma- reshia et un Gigartina. J'ai déjà dit, dans ma note sur la fructification des 4mansia', que ce genre présentait des caractères assez importants pour être divisé ; je me fondais d’abord sur les diversités d’aspect de chacune des espèces, puis sur celles dela continuité des réceptacles, ou, pour ainsi dire, de leur indépendance avec le tissu des frondes. Comme ce premier caractère est particulier au Rytiphlæa, je crois pouvoir y réunir les Æmansia glomerata, rhodantha*, undulata, mul- fida qui toutes offrent la même organisation, et si la présence d’une nervure, parcourant toute l'étendue et les ramifications des frondes, semble d’une valeur suffisante pour former un genre, il faudra établir sur le À. Duperreyi* qui présente seul cette disposi- tion. Dans toutes les espèces que je viens de citer les dentelures des frondes ou l’extrémité des réceptacles sont souvent terminées par de petits bouquets de filaments articulés très-caducs. M. Greville n’a admis qu'avec beaucoup de doute 4. semipen- nata Lamx. parmi les autres espèces. En effet, la structure de cette plante est tellement remarquable qu’elle nécessite seule la formation d’un genre pour lequel il sera convenable de réserver le nom dAmansia. La figure publiée par Lamouroux n’en donne qu'une idée fort imparfaite. En effet, les frondes sont planes, entières sur un des côtés de la nervure moyenne, et munies de l’autre de deux rangées paralèlles de dents qui se joignent tellement par la dessi- cation qu’à la première vue les frondes paraissent simplement dentées ! Decaisne, Sur la fruct. des Amansia, Ann. sc. nat. 1839. * Delesseria rhodantha, Harv. Jour. of botany, p.151, t. 126. $ Rhytiphlæa.— Rhodomela Duperreyi.—Duby, Mém. Céram. 174 PLANTES DE L'ARABIE. sur un des côtés, ainsi que l’a représenté Lamouroux:. La disposi- tion des mailles du réseau n’est pas moins remarquable; ainsi le grand diamètre des utricules se trouve placé verticalement du côté entier de la fronde tandis qu’elles se relèvent obliquement, après avoir traversé la nervure moyenne, de manière à se diriger ensuite suivant le sens de la longueur des dents, du côté où elles leur correspon- dent ; celles-ci sont entières en leur bord supérieur et denticulées sur l’inférieur. La fructification de cette plante curieuse m'est incon- nue, mais si j'en juge d’après certains caractères de végétation, peut- être devra-t-elle venir se ranger près du Claudea. Les frondes très- finement dentées de l_Æmansia mamnullaris donnent naissance sur toute leur surface à des réceptacles épars, oblongs, obtus, dans les- quels on ne trouve qu'un petit nombre d’utricules sporifères. Je réunis cette plante, ainsi que lÆ. fraximifolia, aux Dictyomenia qui se composent en outre des D. tridens, volubilis, Telfüiri.Toutes ces plantes sont pourvues de frondes assez épaisses, coriaces et den- tées en leur contour. Le D, serrulata Grev. doit faire partie des Fucacées, et le D. dorsifera du groupe des $pAærococcus, voisin du Billardiert, originaire desmêmes lieux. Le seul échantillon de l 4. proliféra conservé dans l’herbier du Muséum est dépourvu de fruc- üfication , mais le mode d'insertion des rameaux, la couleur foncée des frondes, leur épaisseur, leur enroulement aux extrémités servi- ront un jour, lorsque la fructification sera connue, à en former un genre distinct, voisin peut-être du Dictyomenia. Aïnsi je réduis le genre Æmansia à espèce décrite par Lamouroux (À. semi-pennala); je réunis au Rytiphlæa, comme l'avait fait M. Agardh, V4. obtusiloba, puis les mulufida, glomerata, undu- lata, rhodantha; je reporte au Dictyomenia V A. mammullaris, au ! Lamouroux, £ssar, L. 2, fig. 4. PLANTES DE L'ARABIE. 175 Thamnophora Ÿ À. triangularis, et laisse comme éncerti generis le proliféra sur lequel je ne possède pas de données suffisantes. Une des espèces de Dictyomermia* (D. volubilis) produit, sur le milieu ou les bords des frondes, des corps sphériques à paroïs épaisses, cartilagineuses, renfermant un nucule composé de filaments entre lesquels se rencontrent des utricules claviformes qui contiennent elles-mêmes des corpuscules oblongs de couleur rose. Les échan- tillons sur lesquels j'ai remarqué ces capsules, sont dépourvus de réceptacles tétrasporés. La structure anatomique et la fructification du D. dorsifera éloignent cette espèce des Rytiphléées, près desquelles on l’a classée. Les protubérances en forme de cratère, situées vers le milieu ou plus généralement à l’extrémité supérieure des frondes, rapprochent cette plante du Sphærococcus Billardieri. C’est près des Rytiphléées que doit venir se ranger le petit groupe auquel appartiennent les Polyphacum et Castraltia’, dont la fructifi- cation, située à l’extrémité des frondes, ainsi que l’a vaguement repré- senté Lamouroux*, se compose de plusieurs réceptacles oblongs, obtus, semblables à ceux des Dictyomenia. Le mode différent de ra- mification de ces deux genres, joint à leur structure anatomique, peut suffire à l’établissement d’une petite famille distincte des précédentes. L’extrême ressemblance entre la forme si curieuse des rameaux du Polyphacum et du Castraltia n'avait engagé à réunir ces deux genres, mais un examen plus attentif me porte aujourd’hui à les séparer. L’un offre en effet des frondes comprimées aplaties, tandis que l’autre les a cylindriques et munies de vésicules, qui manquent dans le Polyphacum. J'ai conservé le nom de Castraltia, malgré la ! Delesseria spiralis Lamx. Ess. t. 9, fig. 2. * Ach. Richard, Astrolab. vol. 2,p. 143. 3 Lamouroux, Ess. p. 22, t. 7, fig. 4: 176 PLANTES DE L’ARABIE. presque certitude où je suis de son identité avec le Scaberia de M. Greville, mais afin de dissiper les doutes au sujet de ces plantes, j'ai représenté un fragment de celle décrite par M. Richard. M. Suhr' a publié, sous le nom de Carpophyllum scalare et denticulatum, deux Algues qui font partie des collections de Drège. L'examen de la dernière de ces espèces, la seule qui me soit connue, n’a suffi pour reconnaitre, d’après la structure des frondes et celui des organes qu’elles supportent, que ces plantes ne doivent point faire partie du genre ni même du groupe auquel M. Suhr les a rapportées. Le seul échantillon du Carpophyllum denticulatum conservé dans les collections du Muséum, est dépourvu de récep- tacles analogues à ceux dont nous venons de constater la présence et l’organisation dans les familles précédentes. Mais on retrouve, sur le milieu de chacune des dents, des organes particuliers omis dans la description de M. Suhr. Ceux-ci consistent en petits bouquets de rameaux roulés en crosse à leur extrémité et portant à leur face inférieure des vésicules d’un volume assez considérable relativement aux corps sur lesquels elles prennent naissance. M. Montagne * à décrit, au sujet du Rytiphlæa tinctoria, une organisation analogue qu'il considère comme la structure normale. En examinant ici leur point d'insertion, on y découvre des filaments articulés semblables a ceux des Rytiphlæa; ces globules, remplis en outre de petits grains, sont renfermés eux-mêmes dans un tissu spécial. Enfin ces vésicules-mères diminuent de grandeur à mesure qu’elles s’avancent vers l'extrémité des rameaux ; les plus jeunes sont ovales, contiennent un très-petit nombre de granules, mais, toute proportion gardée, d’un diamètre cependant plus considérable que celui des grosses 1 Suhr, Flora, 1840, n° 17, p. 257. » Montagne, PL. cell. Canar. p. 152. 477 PLANTES DE L'ARABIE. 7 vésicules, d’où il est permis de conclure qu'il y a, à l’intérieur de chacun de ces organes, formation de tissu nouveau et division de la matière qu’ils contiennent. Pour moi ces vésicules représentent un état particulier anormal des réceptacles tétrasporés. M. Suhr n’ayant point décrit les fructifications des deux espèces qu'il nous a fait connaitre et qu'il rapporte, probablement d’après les descriptions, au genre établi par M. Greville, nous laisse ignorer encore si elles présentent une organisation semblable à celle que je viens de décrire. Quoi qu'il en soit, il me semble évident que ces plantes, non-seulement ne peuvent être réunies au Carpophyllum, mais qu'elles doivent encore venir se placer près des Dictyomenia où elles formeront un genre distinct (Spirhymenia) basé sur le mode de fructification, la forme et la disposition spirale des frondes. Il me reste encore à signaler iciune Algue recueillie, par les natura- listes du voyage aux Terres Australes, sur les côtes occidentales de la Nouvelle-Hollande. Cette plante classée dans l’herbier du Muséum, parmi les Delesseria portait, de la main de M. J. G. Agardh, le nom de D. ruscifolia var. firmior. Son port la rapproche effectivement assez bien des Delesseria, mais sa couleur opaque et d’un rouge de brique la sépare à la première vue de l’espèce à laquelle M. Agardh avait cru pouvoir la réunir. Un des caractères les plus remarquables de cette plante, c’est de porter, vers l’extrémité des divisions secon- daires des frondes, de très-petits réceptacles rameux, cylindracés, couverts de poils dichotomes tellement épais qu’on pourrait les prendre pour des groupes de certains Ceramium. L'erreur serait même d'autant plus facile, que la couleur rosée et la villosité de ces réceptacles contraste avec les autres parties des frondes. Mais en examinant cependant avec soin leur origine, on peut s'assurer de leur parfaite continuité avec le tissu d’où ils s'élèvent. Légèrement élargis à la base, dégarnis de poils, souvent irréguliers, tortueux, ARcuives ou Muséum, tome Il. 23 178 PLANTES DE L'ARABIE. ils ressemblent assez bien à un petit pied de corail. Enfin en écartant les poils qui couvrent le sommet des rameaux, on trouve lesutricules sporifères, biseriées comme dans les autres genres des Rytiphléées. J'ai donné à ce genre remarquable le nom d’Æeterocladia. Le genre Claudea , réuni encore aux Floridées, doit constituer une famille particulière à laquelle M. Dumortier", sans la caractéri- ser et en la rapprochant des Sphérococcées et des Fucacées, a donné le nom de Scalidies” qui me parait peu approprié à la forme de la plante et moins encore à ses caractères. Je propose donc de le rem- placer par celui d’Anomalophyllées, afin de rappeler la singulière structure des frondes, dont le limbe n’occupe que l’un des côtés des nervures. Lamouroux a décrit sa plante comme pourvue de quatre ordres de nervures, mais il west, à cet égard, entré dans aucun détail. En examinant celles qui partent des côtes arquées unilatérales, on re- marque dans toute leur longueur et sur deux des faces une lame verticale extrêmement mince entre lesquelles nait le limbe réticulé. Enfin, chacune des mailles qui constituent le réseau se compose d’un nombre considérable et illimité de feuillets intimement juxta- posés. Plus tard ceux-ci se séparent les uns des autres à mesure que la fronde se développe, et servent ainsi, par leur écartement et leur division, à l'accroissement du limbe. La figure donnée par M. Mirbel5 indique assez nettement la décomposition des mailles en lamelles verticales plus étroites. Aussi trouvera-t-on peut-être un jour des Claudea à frondes à peu près pleines, car leur réticulation paraît être le résultat de l’écartement d’un tissu à mailles serrées les * Dumortier, Comment. bot. p. 101. : Du mot grec czxhis ceahiToc, fourche à soutenir les rets. s Mirbel, £lém. bot. 1. 67, B. PLANTES DE L'ARABIE. 179 unes contre les autres dans l’origine, plutôt que celui de la destruc- tion du parenchyme, comme on le voit pour certains végétaux phanérogames. Les réceptacles du Claudea nous présentent encore une orga- nisation toute spéciale. Les figures données par Lamouroux et M. Mirbel sont trop régulières ; les utricules sporifères ne sont point disposées avec symétrie, elles naissent, au contraire, sans ordre apparent, et l’on en voit de plus ou moins développées les unes à côté des autres dans un même réceptacle. Ceux-ci sontmembraneux, cellulaires, formés par une lame ovale fixée aux deux extrémi- tés et pliée sur le dos, de manière à ce que les bords libres s’étalent ou se rabattent les uns sur les autres ; ces réceptacles, qui se trouvent toujours dirigés dans un même sens, offrent une certaine ressem- blance avec une gousse de Légumineuse ouverte et fixée par les deux bouts. Or, pour se rendre compte de cette singulière organi- sation, il faut admettre que le côté ouvert des réceptacles corres- pondait, dans le jeune âge, au dos du réceptacle supérieur. A une époque plus avancée , et lorsque les réceptacles sont étalés, on voit les utricules sporifères pour ainsi dire mises à nu, tandis que, dans le jeune âge, elles se trouvaient, au contraire, renfermées entre les deux lames. CÉRAMIÉES. 47. CERAMIUM ACULEATUM, Ag. — Schimp. Un. tin. 966. Hab. circàa Noweba. Os. Les tiges des Ceramium sont grèles, de petite dimension, et formées, dans leur état le plus simple, d’utricules cylindriques placées bout-à-bout, renfermant un liquide de couleur rouge, plus ou moins intense. Celles des Pol/ysiphonia constituent, au contraire, des 180 PLANTES DE L'ARABIE. sortes de faisceaux superposés dont les points de jonction, loin de se désarticuler, comme dans plusieurs Ceramium, sont d’une nature celluleuse, coriace, dense et beaucoup plus résistante que les autres parties des tiges. En suivant le développement de celles du C. dia phanum, on remarque à l'extrémité de chacune des utriculesun cercle d’un tissu particulier, homogène, rempli, dans le principe, de matière verte qui passe ensuite à une teinte rose très-prononcée. Plus tard encore ce tissu se multiplie à l’intérieur, par séparation, et forme les nodosités coriaces d’où naissent souvent des prolongements séti- formes ou même des rameaux qui caractérisent les tiges de certaines espèces. J'ai cru devoir admettre pour les Céramiées les limites tracées par M. Greville‘, en retranchant néanmoins de cette famille les Thorea et Calodictyon, ainsi que les Cladostephus, Dasycladus, Sphace- laria, Ectocarpus, réunis par M. Duby?. Leur mode de coloration, la structure des tiges, celle des organes de la fructification ne pré- sentent, en effet, aucune analogie avec les vraies Céramiées et doivent faire classer ces genres parmi les Aplosporées, comme jai cherché à le démontrer ailleurs. Quant au Calodictyon, si j'en juge par la courte description donnée par son auteur, 1] me semble devoir se placer dans un groupe différent de celui qui nous occupe. Le Champia, de son côté, appartient aux Gastérocarpées, si espèce commune offre la fructification du C. compressa, Harv. dont les spores quaternées sont éparses à l’intérieur et vers l’extrémité des frondes. Enfin je retranche encore de cette famille les Ry&- phlæa qui se distinguent par le port, la disposition et la forme des réceptacles. Néanmoins, les Céramices, quoique réduites au r Lindley, Zatrod. to nat. Syst. of bot. 2° édit. » Duby, Mém sur les Céramiées. PLANTES DE L'ARABIE. 181 plus grand degré de simplicité, et malgré la diversité des organes de la reproduction, doivent, ainsi que l’admettent MM. Duby et J. G. Agardh", se classer à la suite des Rytiphléées. Les spores de ces végétaux, comme l'ont très-bien reconnu MM. Agardh et Meyen”, se partagent à leur maturité et à l'exemple des grains de pollen, à leur sortie de l’utricule pollinique , en quatre corps distincts. Ainsi, en combattant l’opinion de ces savants, en soutenant que l’anthosperme (spores quarternées) n’est qu’un gongyle qui se développe sans séparation aucune, M. Desmazières me semble s’écarter de la vérité. En effet, l’idée de gongyle entraine celle d’un organe complexe , renfermant lui-même ceux de la reproduction; or, il n’en est pas ainsi. Les expériences directes de M. Agardh, entreprises sur la germination des Choristosporées, ont démontré que chacune des divisions d’une spore, indivise dans le principe, et comparable à un embryon simple, ne produisait en effet qu’un seul individu. Ainsi, l’anthosperme, loin de simuler trois gongyles, lorsqu'il n’est pas suffisamment élaboré, n'offre, au contraire, ces caractères qu’à la parfaite maturité des spores, et celles-ci encore, loin de se désagréger en corpuscules, sont revêtues chacune, lors de la germination, d’une enveloppe particulière aux dépens de laquelle se forment la tige et la racine. M. J. G. Agardh, en nous faisant con- naitre les changements qu’éprouvent ces spores, qui d’angulaires deviennent globuleuses, nous a démontré jusqu’à lévidence la présence d’une membrane commune à chacun de ces organes, ré- sultant de la division d’un corps simple dans l’origine. La fructification des Céramiées, assez semblable à celle des Ryt- phlæa, consiste en réceptacles auxquels les algologues ont donné le * Agardh, Nov. For. Succiæ et Propag. des Algues. Ann. sc. nat. * Meyen, Beür. zur Bildungsgesch. verschiedener Pflanzentheil. Mull. Arch. 182 PLANTES DE L'ARABIE. nom de Stichidies. Quant au développement des corps reproducteurs, ainsi qu'aux phénomènes qui l’accompagnent , ils sont exactement semblables à ceux qui se passent dans les familles précédentes ; seu- lement les réceptacles paraissent tétragones à cause de la transpa- rence des utricules qui permet d’en saisir d’un même coup d’œil les deux faces, et par suite, les quatres séries de spores. On observe quelquefois encore sur le C. cihalum, avortement complet de toute une série verticale de spores; dans ce cas, les réceptacles se cour- bent comme ceux des Leverllea et Poly sonia. Dans quelques espèces on les voit se réduire souvent à l’état le plus simple d'organisation ; ainsi, ils consistent parfois en une utricule sphérique qui en renferme une seconde à parois excessivement minces et à l’intérieur de laquelle s'organisent les quatre spores. Cette disposition se rencontre sur les C. diaphanum, spongiosum, gutlatum, Deslonchampü et tetrichum des collections de M. Desma- zières. Enfin quelques-unes de ces plantes(C. diaphanum, ete.) pré- sentent encore un mode particulier de reproduction : il consiste en utricules externes dans lesquelles on trouve un nombre indé- terminé de corpules ovales. Quant aux organes désignés sous le nom de spores dans les C. polyspermum, etc., ils doivent, à mon sens, être assimilés à de véritables gemmes : ce sont des corps ovoides, courtement pédicellés, presque lisses, d’un rose tendre et que l’on rencontre très-abondamment sur le C. clavulatum et qui, par ce caractère, diffèrent à peine de l'espèce précédente. GASTEROCARPEZÆ. 48. HypnE4a MusCrroRMIS, Lamx. Essai, p. 43. Grev. Synop. Alg. L c. p. lix. Montg. in Webb et Berth. PJ. cell. Can. p. 161. — H. spinulosa, Lamx. Ess. p. 43. Duby, Bot. gall. p. 952. — PLANTES DE L'ARABIE. 133 Sphærococcus musciformis, Ag. Sp. Ag. p. 326; Syst. p. 238.— Fucus spinulosus Del. F7. Egypt. p. 151, t. 57. Turn. Hist. Fuc. t. 127. Hab. Tor, Djedda. 49. HYPNEA VALENTIæ, Montg. var. « hamulosa. — Chondria ha- mulosa Ag. Sp. Alg. p. 361. — Fucus hamulosus Turn. Æist. Fuc. t. 79. Esp. Ic. Fuc. p. 129, t. 89. — Sphærococcus mus- ciformis, var. à Valentiæ, Ag. Syst. Alg. p. 238. Schimp. Urio in. n. 925. Hab. circa Djedda. Ogs. La plante que j'ai sous les yeux se rapporte parfaitement au fragment représenté par Turner (t. 79). Ses rameaux extrêmement enlacés les uns dans les autres portent latéralement des capsules sphériques, des tubérosités plus ou moins prononcées, ou enfin, sur les ramuscules, des sortes de réceptacles arrondis. Les corps repro- ducteurs que l’on y découvre ont été exactement décrits par M. Montagne. Ce sont pour les capsules, des filamenits cylindriques naissant des parois internes et portant à leur extrémité des bouquets de corps ovoïdes semblables aux organes reproducteurs des Cera- müium poly spermum, etc. La membrane extérieure des capsules, assez épaisse comme celle des autres parties de la plante, n’offre aucune ouverture. Îl en est de même à l’égard des réceptacles. Lorsque ces derniers se développent sur les ramuscules, ils sont arrondis et ter- minés par une petite pointe appartenant au rameau lui-même. Si l’on opère des coupes très-minces soit horizontales soit verticales de la portion sporifère de ces deux sortes de récepitacles, on remarque au centre un tissu utriculaire assez lâche, semblable à celui des tiges, autour duquel s’en développe, en tous sens, un autre plus allongé, 184 PLANTES DE L'ARABIE. dans lequel s'organisent les organes reproducteurs qui se partagent à la maturité en quatre spores superposées semblables à celles des Pülota, Thamnophora, ete. 50. CorALLOPSIS SALICORNIA, Grev. Synop. Ale. in Alo. britan. p. li. — Sphærococcus Salicornia, Ag. /c. Alo.t. 8. Spec. Alg. p. 502; Sysé. p. 232. Hab. Tor, Djedda. 51. CHONDRIA OBTUSA, Ag. Sp. Aloe. p. 340; Syst. p. 202. Grev. Alg. brit. p. 111.— Laurencia obtusa, Lamx. Ess. p. 42. — L. intricata, Lamx. L. c. p. 43, t. 3, fig. 8-0. — L. perforata, Montg. in Webbet Berth. P/. cell. Canar.. p. 155.—Fucus obtusus, Turn. Hist. Fuc.t. 21; Engl. Bot. t. 1201. Hab. Djedda. Oss. Les spores de cette espèce m'ont constamment offert, sur des échantillons conservés dans l'alcool, et par conséquent, sans avoir subi de changements, une disposition que je n’ai rencontrée sur aucune autre plante. Elles dessinent sur les jeunes rameaux, obtus et déprimés, des lignes obliques au nombre de six ou de huit, qui pa- raissent être des commencements de spirales dirigées de droite à gauche. Ces spirales, et les utricules sporifères dont elles sont formées, placées à égale distance les unes des autres, aboutissent sur le bord de la concavité que l’on remarque au sommet des rameaux. Le développement des spores marche de la base au sommet : ainsi, les inférieures sont déjà partagées en quatre, quand celles de l’ex- trémité opposée se montrent encore sous la forme d’une masse arrondie sans indice de division. Ces corps reproducteurs m'ont quelquefois présenté un petit mamelon ou pédicule transparent. Enfin si l’on observe la dépression du sommet des jeunes rameaux, PLANTES DE L'ARABIE. 185 on voit qu’elle est occupée, comme l’a très-bien remarqué M. Mon- tagne, par un bouquet de filaments excessivement fins, dichotomes semblables à ceux qui se trouvent à l’aisselle des pointes de l’_14- canthophora. 92. CHONDRIA PAPILLOSA, Ag. Spec. Alo. p. 344; Syst, p. 203. — Laurencia papillosa, Grev. Syn. p. Hi. — Fucus papillosus, Forsk. FT. Ægyp.- Arab. p. 190. Hab. Tor, Djedda. 53. ACANTHOPHORA Dei, Lamx. Es. P- 44. Grev. Syn. p. liv. — Chondria Delili, Ag. Spec. Al. p. 563; Syst. p. 209. — Fucus najadiformis, Del. F2. Egypt. 1. 56, fig. 1. Hab. Djedda. Oss. Les protubérances qui couvrent cette plante, décrivent autour de la tige des spirales dirigées de droite à gauche et sur lesquelles on retrouve quelquefois la fraction ?, mais ordinaire ment les spires sont peu régulières. CRYPTOGAMES VASCULAIRES. FILICES. 94. NEPHRODIUM (Lastrea) ERIOCARPUM T: — Lastrea eriocarpa, Presl, Tentam. Pterid. P- 77; tab. 2, fig. 9. — Hypodematium onustum, Kze. A{nalect. Pieridogr. pag. 45, tab. 28. —H. Ruppellianum, Kze. Sckkuhrs F'arrenk. Suppl. — Aspidium ARCHIVES pu Muséuu, Toxe 11, 24 186 PLANTES DE L’ARABIE. a eriocarpum, Wall. Cat. et herb. — A. fimbriatum, Wall. herb. — Nephrodium hirsutum, Don, Prod. Flor. nepal. pag. 6. Hab. Haguef, Mons Saber. Oss. L'examen d’un grand nombre d’espèces n’a déterminé à réunir les Lastrea comme sous-genre aux Nephrodium, chez lesquels l’indusium se trouve fixé latéralement vers la base ou le sommet d’une nervure secondaire qui le dépasse. Ce caractère, au moyen duquel on le distingue du Nephrolepis, ma paru l'emporter sur celui de la confluence ou de la division des nervures, d’après les- quelles M. Presl a cru pouvoir limiter les genres Lastrea et Nephro- dium. D’une autre part je partage complétement Ta manière de voir de ce savant relativement à lÆ/ypodematium Kze., car malgré tous mes soins il ne m’a jamais été possible de reconnaitre à la base de lindusium le pédicelle sur la présence duquel M. Kunze a fondé son genre. Îl m’est souvent arrivé, il est vrai, en cherchant à sou- lever lindusium, d’entrainer avec lui un lambeau du tissu cel- lulaire allongé de la nervure sur laquelle il prend naissance , acci- dent qui probablement aura induit M. Kunze en erreur. Enfin comme ce pédicule est en outre à peine indiqué dans les ana- lyses de l'A. Ruppellianum, figuré par M. Kunze lui-même, on est en droit de diminuer l'importance qu’il y a d’abord attachée. Ce n’est qu'après un examen très-détaillé que j'ai cru pouvoir éga- lement réunir les diverses plantes que j'ai citées et les considérer comme une seule espèce qui s'étend, sous une même latitude, des montagnes de l’Inde jusqu'aux iles du Cap-Vert, en passant par l'Arabie et l'Abyssinie. 55. NePxRODIUM (Lastrea) PALLIDUM, Bory, For. de Morée, 287, t. 56. Boiv. Enum. pl. Barbar. in Quenesv. rev. scientf. vol. 2, PLANTES DE L'ARABIE. 187 p- 301. — Polypodium Filix-mas, Desf. 7. A4l. 11, p. 405. Ex part. et excl. diagn. et Syn. (non Linn.) — Aspidium rigidum, Var. australe, Ten. Sy/. Flor. Neapol. 488. — A. nevadense, Boiss. Ælench. pl. hisp. p. 93. Hab. Mons Saber. Ogs. Cette espèce, d’après les consciencieuses recherches de M. Boivin, est extrêmement répandue dans toute la région médi- terranéenne; on la rencontre au Liban, en Andalousie, ainsi que dans le département des Basses-Alpes, localités qui montrent à peu près les limites extrêmes de cette espèce. Les synonymes que je viens de donner, extraits de l’énumération des plantes de Barbarie que publie M. Boivin, peuvent servir à compléter la série des lieux où on l’a découverte. 56. ASPLENIUM TRICHOMANES, L. Swartz, Syr. Fiic. 80. Willd. Sp. pl:b; 851: Hab. Mons Saber. 57. ASPLENIUM FURCATUM, Thunb. Swartz, Syzop. Filic. 83. Wild. Sp. pl. 5, 340. Blum. Enum. pl. Jav. p. 186. Hab. Haguef, Mons Saber. 58. ASPLENIUM RADIATUM, Swartz, Synop. Filic. 75. Willd. Sp. Pl. 5, p. 308.— Acrostichum australe, Vahl, Symb. p. 84, t. 25. Excl. Syn. Linn. — A. radiatum, Kœnig. — A. dichotomum, Forsk. F7. Æoypt.- Arab. p. 184. (Arab. Mejabese Forsk.). Hab. Djebel Ras, Mons Maammara, Cachim, etc. 99. PrERIS ENSIFOLIA, Swartz, Syn. Filic. p. 95. — P. lanceolata, 188 PLANTES DE L'ARABIE. Desf. FT. AU. 11, p. 401, et herbar.! — P. longifolia, Tenor. Sy. p. 490.— P. obliqua, Forsk. F7. Ægyp.- Arab. 185. fid. Willd. — P. longifolia, var. B, Ag. fil. Perid, p. 2. Hab. Mons Saber. 60. PrErts SERRULATA, L. fil. Suppl. p. 425 (excl. Syn.) Swartz, Syn. Fil. 97. Wild. Sp. pl. 375. Ag. fil. Plerid. p. 15. Hab. Mons Saber, Haguef, Ahl-el-Caf. Oss. Les échantillons que j’ai sous les yeux ont le stipe très-lisse, profondément sillonné, muni d’un léger duvet au fond des sillons; leur couleur est d’un jaune safrané qui passe au brun-rouge (badius) dans sa portion inférieure. Cette plante se rapproche, par quelques- uns de cescaractères, du P. arguta. M. Agardh regarde, je pense avec raison, le P. serrulata, Forsk. comme appartenant à l’espèce du même nom que je viens de citer, plutôt qu'au P. arguta, Wahl. au- quel certains auteurs avaient cru pouvoir la rapporter. 61. ADIANTHUM CAUDATUM, Linn. Burm. Zey/. t. 5, fig. 1. Willd. Sp. pl. 5, p. 431. Swartz, Syn. Filic. 122. Wight et Arn. herb. cryp. n. 150 c. Kaulf. Enum. Fülic. 201.— A. incisum, Forsk. FT. Æg.- Arab. 187. Hab. Haguef, Mons Maammara. (Meschüt el ghoräb, Arabicè.) 62. A. CarrzLus VENERIS, L. Swartz, Syn. Filic. 124. Willd. Sp. Hab. Djebel-Ras, Taifa. 63. CETERACH OFFICINARUM, Willd. Sp. pl. V, p. 136. — Asple- nium Ceterach, Linn. Spec. pl. 1080. Hab. Mons Saber, Maammara, etc. PLANTES DE L'ARABIE. 189 64. ALLOSORUS MELANOLEPIS Ge A. rhizomate repente squamis sphacelatis brevibus acutis rigidis vestito, fronde supradecompositä, stipite stramineo supra Cana- liculato, pinnulis sterilibus cuneatis incisis, lobulis lanceolatis acu- üusculis, fertilibus oblongo-ellipticis obtusiusculis nervis capsuli- feris arcuatim anastomosantibus. Hab. Yemen; Mons Saber. Descripr. Fizix affinis 4. crispæ, cespitosa è rhizomate prostrato , terræ parüm immerso, tereti, Squamisque subintegris, acutis, brevibus, sphacelatis veslito ; radices graciles, primd pilis fusco-violaceis vestitas, dein glabras frondesque plures 2 decimetr. circiter alt. efferens. Sripes infernè pennæ passerinæ crassus, in rachim communem partialesque ambiens, pariter atque illæ sulcatus, erectus, levis, stramineus. Fronpes supradecompo- sitæ, pinnis petiolatis, alternis, suprà sulcatis, marginatis ; pinnulæ steriles inciso-lobatæ , lobis integris, lanceolatis v. ovatis , haud rard cuneatis præ- serüim inferioribus 3-5-dentatis , dentibus ovatis v. ovato-lanceolatis, inte- gris, acutiusculis, nervo medio ad apicem evanido percursis ; pinnulæ fertiles lobis majoribus lineari-oblongis , simplicibus, v. imà basi auriculà v. lobulo stipaüs, suprà planis, subaveniis, marginibus subundulatis, acutiusculis, pe- uolulatis. Sorr sequuntur pinnularum cursum ; indusium paginam pinnularum inferiorem totam adpressum, membranaceum tegens, marginibus integerri- mis contiguis, glaberrimum, ad maturitatem parm dejectum v. potiüs aper- um , pinnalim nervosum, nervo medio gracili lateralibusque ad marginem arCuatis, anastomosantibus, capsuliferis. Capsucæ fuscæ, nitidæ, uniseriales apparenti nervo breviter affixæ. Oss. Cette espèce est très-voisine de 4. crispus dont elle diffère par la couleur et la forme des écailles du rhizome, par celle des pinnules stériles qui sont terminées par des dents aiguës plus ou moins profondes, enfin par le mode de nervation des lobes fertiles qui, au lieu d’offrir des nervures simples ou bifurquées, se courbent et se réunissent pour porter sur toute leur étendue une série de 190 PLANTES DE L'ARABIE. capsules. La même espèce a été recueillie par Aucher-Eloy dans les montagnes de Perezend en Perse. 65. CHEILANTHES OpORA, Swartz, Syrop. Filic. 127 et 527. Boivin, Enum. pl. barbar. p. 501. — Polypodium fragans, Desf. For. Al, 2, p. 408, t. 257 (et herb.!) — Adianthum fragrans, Linn. Suppl. p. 447. Hab. Mons Saber, Maam mara. 66. CHEILANTHES CORIACEA f. C. cespitosa 2-5 decimetr., stipitibus teretibus Re pilis squa- mulisque attenuatis vestitis, frondibus bipinnatis supernè simpli- citer pinnatis, pinnis oppositis, inferioribus bifidis , laciniis ap- proximatis lineari-oblongis obtusis integris coriaceis suprà sulcatis opacis, subtüs in junioribus indusio ferrugineo nitidoque tectis. Hab. Haguef. Descripr. Fiix affinis Ch. pulchellæ, cespitosa, caudice brevi pros- trato , terræ parüm immerso, radices pilis fulvis densè vestitas frondesque plures, 2-3 decim. efferens. Sripes infernè pennæ passerinæ crassus , in ra- chim communem ambiens pariter atque hæc teretiusculus, suprà ad apicem, sulco lævi subcanaliculatus, præsertim infernè pilis fuscis squamulisque attenuatis, angustis, vestitus, fuscus v. ferrugineus. FRoNDES usquè ad medium bipinnatæ , supernè pinnalæ , circumscriptione ovatæ , 4-5-jugæ , jugis infi- mis bifidis inæqualibus; pinnæ oblongæ cum impari, oppositæ, sessiles, ad apicem sensim breviores ; pinnulæ oblongæ v. lineares oppositæ v. alternæ , decurrentes, integerrimæ, suprà sulcatæ , aveniæ, coriaceæ, opacæ, glaber- rimæ, virides, subtùs indusio scarioso nitido undulatoque ferrugineæ. Sori sequntur pinnularum cursum ; indusium, paginam pinnularum inferio- rem adpressum , nisi nervo medio pilis ferrugineis vestito, tegens, ad matu- rilatem dejectum. CarsuzÆ nigro-fuscæ numerosæ nitidæ apparent. Oss. Cette plante, le C. pulchella ainsi qu’une espèce nouvelle d’A- PLANTES DE L'ARABIE. 191 byssinie ont, dans leur jeune âge, les pinnules totalement recouvertes pas un indusium entier, lisse, brillant, qui donne à la face inférieure des frondes un aspect cuivré. Malgré ce caractère, ces trois plantes appartiennent au groupe du C. farinosa , remarquable par la forme, la consistance et la couleur desstipes. Le mode de division des frondes et la bifurcation de la pinnule inférieure , en imprimant à toutes ces plantes un aspect particulier, les lie beaucoup plus intimement aux vraies Cheilanthes qu'aux Allosorus auxquels les réunit M. Presl. Je crois donc pouvoir, en me laissant guider en cette occasion par le port général de toutes ces espèces, les laisser parmi le genre où les ont classées la plupart des savants qui ont eu occasion de les étudier. LYCOPODIACEZÆ :. 67. SELAGINELLA ŸEMENSIS, Spring. mss. S. caule repente, continuo, obtusè tetragono, goniotropo, lævigato, distiche ramoso : ramis solenniter secundis, subcuneato-ramulo- sis; foliüs cathedris, undiquè dimorphis : rameis lateralibus (vix 3 millim.) ovatis acutis pallidè marginatis, basi et margine su- periore inæqualiter et longè ciliatis, suprà hirtellis, subtüs uni- nerveis, basi uni-auriculatis, inæqualiter reduplicatis, deorsum remotioribus, sursum imbricatim congestis : intermediis pa- rm minoribus, oblongis, acuminatis, rectis, albo-marginatis, ciliatis, albo-mucronatis, subdivergentibus, basi longè productis. Lycopodium Yemense, Swartz, Sy7. Fil. p. 182 et 407, tab. IV, fig. 4.—L. sanguinolentum? Forskal, F/. Ægypt.- Arab. p. cxxv, n° 651. Hab. Mons Saber, Maammara. (Herfa, Arabicè.) 1 Je dois à l’obligeance de M. le docteur Spring la rédaction de cette famille. 192 PLANTES DE L'ARABIE. Descr. Caulis longè et latè sub saxis repens, humo adpressus, filum empo- reticum crassus, firmus, durus, stramineo-nitens, foliosus, flexuosus, subexcurrens. Rapicuzx posticæ, axillares, teretes, stramineo-nitentes, crassiores, firmulæ. RAMIFICATIO UNIVERSALIS interrupto-subpyramidata : SECUNDARIÆ elongato-subcuneatæ. Rai solenniter secundi et conduplicati, erecto-patentes, synedri, cauli similes : lateralia vix 2 millim. 1g. 1 millim. It., subrectangularia, subtorsa (siccitate?), reduplicata, margine subrevoluta, nervo suprà non conspicuo , subtüs quidquam fuscescente prominulo, basi longè producta, lobo basilari integro lato , obtuso : intermedia adpressa , ci- liata, versüs apicem serrulata, convexa, nervo vix distincto, lobo basilari recto æquali attenuato integro. AMENTA 1 centim. circiter longa, quadrangularia : bracteis ovato-lanceolatis, carinatis, ad margines carinamque serrulato-den- üculatis, basi productis, lobo basilari Hibero , reduplicato (antheridia subja- centia in formam galeæ tegente). ANTHERIDIA suborbicularia, subcordata, farina cinnabarina repleta. OopnoriprA solitaria ad basin amentorum, majus- cula, 4-cocca, globulos 4, albissimos continentia. Os. Cette plante a le facies du S. marginata(Lycop. Auct.) et du - S.contorta (Lyc. Mart.), bien qu’elle s’en distingue, au premier coup d'œil, par sa tige non articulée. La figure donnée par Swartz est inexacte, quant à l’insertion des feuilles, sur lesquelles on a omis d’in- diquer le lobe basilaire et le caractère si remarquable que présente la base des bractées. MM. Hooker et Greville ! ont rangé cette espèce dans leur groupe des Crcinata, malgré la figure b indiquée par Swartz, qui rend assez le facies de la plante. L'erreur vient proba- blement de ce que Swartz considérait son espèce comme voisine du L. circinale dont il ne connaissait que les descriptions. La torsion et le redressement des feuilles dans le S. Yemensis est un caractère très-différent de celui sur lequel se fonde le groupe des Circinata. l Enum. Filic, n. 100 in Bot. Miscell. Vol. 2. PLANTES DE L'ARABIE, 193 68. SELAGINELLA IMBRICATA, Spring, mss. S. siccitate convolvenda : cauliculis erectis, foliosissimis, basi sim plicibus pyramidato-ramosis : ramis suboppositis, pinnatis; foliis synedris adpressis, conformibus : rameis lateralibus (3 millim.) im= bricatis, caulis dorsum vaginantibus ovato-lanceolatis, inferioribus breviter apiculatis falcatis, superioribus obtusis rectis, integer- rimis, margine superiore latè membranaceis, basi oblique aflixis productis, subtüs fasciatis : intermediis parüm minoribus, ovato- attenuatis, rectis, subintegerrimis, pallidè marginatis, enerveis, inæquilateris, subconvergentibus. Lycopodium imbricatum, Forsk. 77. Ægyp.- Arab. p. 137. — L. circinale, Auct. divers. (Herb. illd. ne 19372, fol. 1 dextra. — Cfr. Spring ë7 Botan. Zeit.1838, 1, p. 221.) — Dillen, Hist. Musc. t. 66, fig. 11. F Hab. Cahim. Desc. Rapices densè cespitosæ » fibroso-ramosæ. CauLicuzt à rhizomate communi immediatim erecti, semipedales , tetragoni , enodes, firmuli, foliis delapsis grisei, deorstun simplices , sursûm densè ramosi. Rami sibi approxi- mati, paralleli, subæquales, rarissimè subalternantes, (angulo 70-80°) pa- tenti-divergentes , undiquè foliis obtecti, interiores & foliis dorso fusci et insuper albidi incurvati. RamuLI 1-3 brevissimè divisi, siccitate cum folis insigniter convoluti. FoLtA caulina incana, lanceolata » arciè adpressa, submembranacea, margine lacera, basi longè producta, lobo basilari lami- Pam æquante : ramea rigida, suprà obscurè viridia > Subiüs inferiora fusco- fasciata, superiora albo-viridia : lateralia 3 millim. longa, ad axin erecla, valdè inflexa , densissimé congesta, adpressa, suprà subconvexa, margine Superiore membranacea sublacera » inferiore non reflexa , lobo basilari inte- gro, irregulari, adpresso , nervo Conspicuo nullo : intermedia plana, patula, densè imbricata, inferiora apice mucronata, superiora obtusiuscula. AMENTA 1 centim. circiter longa, acutè quadrangularia, bracteis suborbicularibus, cari- nalis et in carinà breviter acuminalis, arClè adpressis, margine membranaceo- ARCHIVES pu Muséum, rowe Il. 25 194 PLANTES DE L’ARABIE. scariosis, ANTHERIDIA minima , suborbicularia : farinà sordidè fuscà repleta. Oopnoripia . . . .— Planta convolvitur aere sicco, sed pluviis irrigata iterùm sese expandit, indè nomen vernaculum Schaker rabba, id est, secund. Forskal, gratias agens Domino suo. Os. C’est avec une vive satisfaction que j'ai pu étudier cette espèce intéressante, qui avait été confondue dans quelques herbiers avec le L. circinale, L. Elle se distingue facilement des $. convoluta (Lycopod. Arnott.), S. pallescens (Lycopod. Pres.) et S. Orbigniana Spring. par sa ramification et l’absence des nervures et dentelures des feuilles. ss 90 0 a EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE V. FRUCTIFICATION DES ALGUES APLOSPORÉES ET CHORISTOPORÉES. Fig. 1. FucacÉes. Fragment d’une fronde adulte du Durvillea utilis, de grandeur naturelle : les petits points que l’on remarque à la surface correspondent aux ouvertures des conceptacles oblitérées à cette époque. 2. Le même, coupé transversalement afin de montrer les cloisons qui divisent l'intérieur des frondes. On remarque (en a) sur la paroi, les points qui cor- respondent aux conceptacles. Fig. 3. Coupe horizontale d’un conceptacle : a son ouverture, b tissu externe de la fronde composé d’utricules presque régulières ; celles de l’intérieur se con- fondent avec le tissu filamenteux c, qui compose le reste de la fronde. On remarque les spores et les filaments qui naissent de toute la circonférence du Fig. conceptacle. Fig. 4. Trois spores de grandeurs différentes fixées à la base des filaments qui les ac- compagnent , ainsi qu’une portion du tissu qui compose les conceptacles. Fig. 5. Spore coupée vers le milieu afin de montrer le périspore a, séparé dela masse verte qui compose le corps reproducteur. Fig. 6. Coupe transversale d’un conceptacle pris sur une fronde âgée (fig. 1 et 2) son ouverture est fermée; la cavité a, entièrement occupée par les filaments souvent renflés au sommet d ; c portion d’une cloison. Fig. 7. LAMINARIÉES. Coupe passant par le grand diamètre transversal d’une PLANTES DE L'ARABIE. fronde fructifiée du L. saccharina. En a utriules du centre de la fronde sé- parés les unes des autres par la substance intercellulaire 4°; b grandes utri- cules voisines de la superficie; c spores et filaments qui les accompagnent ; la structure et l'insertion de ces spores sont semblables à celles des Fucacées. 8. SPOROCHNOIDÉES. Coupe transversale d’un réceptacle du Sporochnus pe- dunculatus. 9- Portion de ce même pédoncule; a tissu utriculaire central ; à filaments ren- flés au sommet , et supportant plusieurs spores. Fig. 10. Filament isolé. 11. Filament isolé du Desmarestia caudata sur lequel on voit une spore et quatre périspores (a) sous forme de fils d’une extrême ténuité. 12. Coupe transversale d’une fronde du Mesogloja gracilis ; on y distingue le tissu central formé d’utricules à parois épaisses, sans zones d’accroissement appréciables ; les spores solitaires sont portées à la base des filaments, sembla- bles à ceux des familles précédentes. Fig. 15. Un filament isolé et la spore qu’il supporte, appartenant à la même espèce. Fig. 14. Spores du Thorea ramosissima ; elles sont disposées par trois à l’extré- mité de filaments particuliers : celle du milieu se développe la première, les deux latérales renferment seulement à cette époque un mucilage vert. Fig. 15. Les trois périspores privés des spores qu’ils contenaient et ouverts au som- met; celui du milieu commence déjà à se plisser. À une époque plus avancée encore, la membrane s’enroule sur elle-même de manière à former une sorte de filament. Fig. 16. CHORISTOSPORÉES. Coupe verticale d’une fronde fructifiée du Peyssonnelia (Zonaria squamaria) ; en a, filaments radiculaires ; b, tissu de la fronde com- posé d’utricules superposées et disposées en séries verticales; c, filaments qui accompagnent les spores d; celles-ci sont oblongues et se partagent en quatre parties égales. Fig. 17. Quatre spores sorties du périspore. Fig. 18. Portion de la fronde de l’Æeterocladia de grandeur naturelle. Fig. 19. Fructification isolée et grossie, afin de montrer son mode de ramification. Fig. 20. Base d’un réceptacle très-grossi, pour montrer sa continuité avec le tissu de la fronde. Fig. 21. Sommité d’un réceptaclesur la base duquel on a enlevé une partie des poils qui la couvrait; les utricules sporifères sont très-développées relativement à celles de la fronde ; le sommet n'offre point de fructification. PLANTES DE L’ARABIE, 197 Fig. 22. Un des poils du réceptacle considérablement grossi. Fig. 25. PoryrHAcÉEs. Portion de grandeur naturelle du Castraltia salicornioides, A. Rich. Fig. 24. Le mème très-grossi, sur lequel on a détaché quelques rameaux, afin de montrer le mode d'insertion de l’un d’entre eux. Fig. 25. Réceptacle de l'Osmundaria(Polyphacum) pris sur l'échantillon authenti- que figuré par Lamouroux. Fig. 26. Rameau du Rytiphlæa purpurea pour montrer la continuité des récepta- cles avec les frondes, ainsi que les filaments qui les terminent; ceux-ci, d’a- bord peu nombreux, paraissent tellement rapprochés qu'ils forment une sorte d’éventail a; plus tard ils s’allongent et présentent des divisions dicho- tomes. Tig. 27. Fragment de l Amansia semipennata, sur lequel on remarque le mode de division des frondes, et la disposition différente du réseau, relativement à la nervure moyenne. Fig. 28. Organes reproducteurs du Calocladia, Grev. Ces corps sont disposés par petits groupes qui naissent, ainsi que les filaments qui les accompagnent, sur une petite masse utriculaire. Cette figure, qui représente les organes reproducteurs rayonnants, ne doit cette disposition qu’à leur compression entre deux lames de verre. On observe une disposition semblable sur le Peyssonnelia (Zonaria squamaria) etc. PLANCHE VI. A. LEVEILLEA. Fig. 1. Portion d’une fronde de Sargassum sur laquelle se trouve fixé un rameau du Leveillea de grandeur naturelle. Fig. 2. Rameau fructifié considérablement grossi. Fig. 3. Extrémité d’un jeune rameau, afin de montrer la manière dont il s’enroule et la naissance, à distance presque régulière, des radicules a. Celles-ci se com- posent d’utricules linéaires en nombre variable, suivant leur degré de dévelop- pement. Fig. 4. Plan de la disposition distique des folioles les unes par rapport aux autres. Fig. 5. Une jeune foliole détachée du rameau : on remarque en a l’appendice fila- menteux réfléchi et appliqué à cette époque contre le limbe. Fig. 6. Jeune ramean anormal? qui, au lieu de s’enrouler et de porter des folioles PLANTES DE L'ARABIE. 198 alternes distiques, en produit de concaves, presque en capuchons et qui se recouvrent l’une l’autre. La foliole a enveloppait la foliole b, comme celle-ci renferme à son tour la foliole c, que l’on distingue seulement par transpa- rence. Fig. 7. Réceptacle accompagné d’une foliole : celle-ci a perdu son appendice fila- menteux, et le réceptacle présente à son extrémité de petits appendices foliacés. Cette disposition, quoique fréquente, n’est cependant pas constante; comme on le voit par la fèg. 2. Fig. 8. Spores retirées des utricules qui les contenaient ; elles sont constamment dis- posées par 4, mais une des figures en offre seulement 3, afin de montrer la relation de ces organes. Fig. 9. Radicule à son parfait développement; elle s’élargit à son point d’adhérence, de manière à former une sorte de sucoir ou de trompe, dont le contour est lobé. Fig. 10. Un des lobes de la radicule vu par la face inférieure, adhérente au Sar- £gassum. B. CAULERPA DENTICULATA + Fig. 1. La planteentière de grandeur naturelle. On remarque en a des racines anor- males et charnues qui renferment à l’intérieur des débris organiques, mêlés à des particules de terre, au milieu desquels la plante a végété. Fig. 2. Portion supérieure d’une fronde, pour montrer la forme des dentelures qu’elles offrent sur leur contour. Fig. 5. La même, coupée transversalement, sur laquelle on remarque le tissu interne filamenteux. Fig. 4. Coupe d’une jeune fronde du C. uvifera, qui montre en a la substance mu- cilagineuse verte entourant les filaments; cette substance s’est séparée de la membrane épidermique. Fig. 5. Coupetransversale d’une tige très-âgée du C. uvifera. On voit en a les zones qui ont successivement tapissé la faceinterne de l’épiderme b, qui donne nais- sance aux filaments c, lesquels se trouvent recouverts et empâtés dans la subs- tance cornée qui forme les zones. La substance mucilagineuse a disparu en dé- posant contre les filaments la matière verte d, qu’elle tenait en suspension. Fig. 6. Portion de tissu d’une racine avec un des fils qu’elle produit. Leur structure est semblable à celle des jeunes frondes; la matière verte y est seulement en très-pelite quantité. Fig. 7, 8,9. Partie inférieure de trois filaments de formes diverses. PLANTES DE L'ARABIE. 199 l'ig. 10. Granules amylacés très-abondamment répandus dans la substance des frondes. On ne distingue pas de zones à leur surface comme sur les grains or- dinaires de fécule. PLANCHE VII. SELAGINELLA IMBRICATA. Spring. Fig. 1. La plante de grandeur naturelle présentant des rameaux à différents états de développement. Fig. 2. Extrémité grossie d’un jeune rameau et vue par la face supérieure. Fig. 3. Le même rameau, vu par la face inférieure : on remarque en a, uue foliole supplémentaire et dressée à chacune des ramifications secondaires. Fig. 4. Extrémité plus grossie encore d’un rameau secondaire fructifié. Fig. 5. Portion d’un rameau, pour montrer la disposition respective des folioles. Fig. 6. Foliole détachée, afin de montrer leur côté membraneux. Fig. 7. Portion inférieure d’un vieux rameau, couvert de folioles lancéolées et très- finement acuminées. Fig. 8. Coupe transversale du même : en &, tissu cellulaire externe, d tissu prosen- chymateux, corné, qui occupe la plus grande partie de la tige et au milieu du- quel on distingue les faisceaux vasculaires e qui se rendent aux feuilles; en d. zone de tissu utriculaire qui circonscrit le tissu vasculaire central f. Fig. 9. Portion du même rameau plus grossi ; les lettres indiquent les mêmes parties. Fig. 10. Bractée et capsule vues par la face interne. Fig. 11. Capsule ouverte, montrant les quatre spores qu’elle renferme. Fig. 12. Une spore isolée sur laquelle on remarque une impression triangulaire. Fig. 13. Capsule entr’ouverte laissant échapper les granules. RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES SUR LA TEINTURE, Par M. CHEVREUL. Lues à l'Académie des sciences , le 27 janvier 1840. INTRODUCTION. 1. Les travaux que j'ai entrepris sur la teinture, considérée sous le point de vue le plus général et le plus approfondi, forment trois séries distinctes. 2. Première série. Elle comprend tout ce qui se rapporte au principe du contraste simultané des couleurs; principe d’une telle fécondité, que, malgré mon désir de concentrer mes efforts sur la chünie appliquée à la teinture proprement dite, je n’ai pu n’em- pêcher de les diriger vers l'institution d’une théorie propre à régler les arts et les industries, dont l’objet est de parler aux yeux par des couleurs, dans l’assortiment et l’arrangement qu'ils font de ces mêmes couleurs pour atteindre leur but. Cest ce qui explique comment Anconives pu Muséux, voue II, 26 202 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES mon premier écrit sur ce sujet, publié en 1828, et imprimé dans le tome XI des Mémoires de l’Académie , w’a engagé dans des re- cherches si étendues, qu’elles forment avec les premières un volume in-8° de 721 pages, qui a paru l’année dernière. 3. Deuxième série. Elle comprend des recherches que j'appelle physico-chimiques, parce que, dépendant du principe du mélange des couleurs qui est du domaine de la physique, elles se rattachent en même temps aux actions chimiques dans tous les cas où il s’agit d'appliquer ce principe à la fixation de plusieurs matières colorées sur les étoffes, au moyen des procédés de la teinture. 4. C'est à l’exposé de ces recherches que ce Mémoire est spécia- lement consacré. Il me suffira de définir le principe du mélange des couleurs, de bien faire sentir l’extrême différence qui le distingue du principe de leur contraste simultané, puis de passer aux ap- plications les plus générales que je fais du premier principe à la for- mation du noir, pour qu’il soit facile d'apprécier toute l’importance dont il est en teinture et dans le blanchiment; car, résultat remarquable de mes derniers travaux, c’est ce même principe qui régit et le procédé général de faire du noir par le mélange de diver- ses couleurs, et le procédé général de faire paraitre des étoffes lége- rement colorées, moins colorées ou plus blanches qu’elles ne sont, en y ajoutant cependant une matière colorée. Nous allons donc en- visager le principe du mélange des couleurs; 1° sous le point de vue abstrait; 2° sous le point de vue de l'application , précisément comme nous avons envisagé le principe de leur contraste simultané. 5. Troisième série. Elle comprend mes recherches chimiques proprement dites sur la teinture. Cinq Mémoires ont paru déjà dans le recueil de PAcadémie; le sixième ne tardera point à paraître. SUR LA TEINTURE. 203 Je vais en rappeler les litres, ainsi que quelques publications qui, plus tard, doivent se fondre dans des Mémoires destinés à compléter les recherches de cette troisième série. Prenuer Mémoire. Introduction et considérations générales sur la teinture. T. XV, p. 383, des Mémoires de l’Académie et T. [V, » D p. 409 des Nouvelles Annales du Muséum. Deuxième Mémoire. Des proportions d’eau que les étoffes absor- bent dans des atmosphères à 65°, 75°, 80° et 100° de l’hygromètre de Saussure. T. XV, p. 409 et T. [*, p. 99 des Archives du Muséum. Introduction aux troisième, quatrième, cinquième et sixième Mémoires. T. XVE, p. 41 et T. E°, p. 48 des Archives du Muséum. Troisième Mémoire. De action de l’eau pure sur des étoffestein- tes avec différentes matières colorantes. T. XVI, p. 47 et T. [°, p. 22 des Archives du Muséum. Quatrième Mémoire. Des changements que le curcuma, le rocou, le carthame , lorseille , l'acide sulfo-indigotique, l’indigo et le bleu de Prusse, fixés sur les étoffes de coton, de soie et de laine, éprou- vent de la part de la lumière, des agents atmosphériques et du gaz hydrogène. T. XVI, p. 53etT. [”, p. 56 des Archives du Muséum. Cinquième Mémoire. Des changements que le curcuma, le rocou, le carthame , l’orseille, l'acide sulfo-indigotique, l’indigo, le bleu de Prusse, etautres matières colorantes fixées sur les étoffes de coton, de soieet de laine, éprouvent dela part de la chaleur et des agents atmos- phériques. T. XVE,p. 181 et T.[*, p.337 des Archives du Muséum. Sixième Mémoire. De plusieurs changements de couleur qu’é prouve le blen de Prusse fixé sur les étoffes. 204 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES Appendice à ce Mémoire, contenant quelques considérations générales, et inductions relatives à la matière des êtres organisés vivants. Examen des matières grasses de la laine (1828). Des propriétés caractéristiques de la lutéoline, du quercitrin, du morin, du morin blanc, retirés de la gaude, du quercitron, du bois jaune (1830). De l’aurine, nouvelle espèce de principe immédiat colorant. Procédé pour obtenir à volonté la dégradation du bleu de Prusse, soit pur, soit mêlé de cyanoferrite de cyanure de potasium, soit mêlé de peroxide de fer (1826). Ï. DU PRINCIPE DU MÉLANGE DES COULEURS SOUS LE POINT DE VUE ABSTRAIT. Définition du principe du mélange des couleurs. 6. Lorsque des rayons rouges émanent de points matériels assez rapprochés d’autres points matériels qui réfléchissent en même temps des rayons jaunes, pour que nousne puissions distinguer les premiers des seconds, nous percevons la sensation d’une couleur unique que nous appelons l’orangé. Si les points nous envoyaient des rayons rouges et des rayons bleus, nous aurions la sensation du violet. Enfin, s'ils nous envoyaient des rayons jaunes et des rayons bleus, nous aurions ja sensation du vert. On vérifie ces propositions par deux voies différentes; la première consiste à faire coïncider deux à deux sur une surface blanche les rayons diversement colorés du spectre solaire , et la seconde à mêler deux à deux des matières très-divisées qui réfléchissent chacune une des trois couleurs, rouge, SUR LA TEINTURE. 205 jaune et bleue. Le mélange peut étre fait avec des poudres sèches, avec les couleurs du peintre, avec les matières colorantes du teintu- nier , avec les fils colorés du tapissier. 7- Si, au lieu de méler deux à deux des matières colorées en rouge, en jaune et en bleu, on méle ces trois matières ensemble, de façon que la couleur d'aucune d’elles ne domine sur celle des au- tres, on a du noir, ou, ce qui revient au même, du gris équivalant à du noir, plus du blanc. On peut obtenir ce résultat en mélant les couleurs des peintres, en appliquant sur une méme étoffe des ma- tières tinctoriales, rouge, jaune et bleue; enfin, comme je lai démontré, en travaillant, d’après les procédés de l’art du tapissier , des fils teints en ces trois couleurs. 8. Sur ces faits, j'établis le Principe du mélange des couleurs pour les arts, en disant que les mélanges binaires du rouge, du Jaune et du bleu, donnent l'orangé, le violet et le vert, tandis que le mélange de ces trois couleurs , en proportions convenables donne du noir. Si ce principe est reconnu depuis longtemps par les tein- turiers et les peintres, il est vrai de dire qu'il n’a pas donné à l’ap- plication tout ce qu’on peut en tirer, et c’est particulièrement sous ce point de vue que je l’ai envisagé. 9- L’opposition absolue entre le principe du mélange des cou- leurs, et le Principe de leur contraste simultané deviendra évidente par l'exemple suivant. Des parties jaunes et des parties bleues, assez divisées pour que l’œil ne les distingue pas les unes des autres, font naître en nous la sensation du vert, conformément au principe du mélange, tandis que, conformément au principe du contraste , qui nous fait voir deux couleurs juxtaposées les plus différentes possible, quant à la hauteur de leur ton et à leur composition optique, si nous regardons une feuille de papier bleu clair à côté d’une feuille de papier jaune, loin de tirer sur le vert, les deux feuilles s’en éloi- 306 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES gnent, en paraissant prendre, la première du violet et la seconde de lorangé, ou, ce qui revient au même, en paraissant perdre tou- tes les deux du vert; de sorte que ce qu’il y a d’analogue ou d’iden- tique en elles s'évanouit ou du moins s’affaiblit beaucoup. IT. DU PRINCIPE DU MÉLANGE DES COULEURS SOUS LE POINT DE VUE DE L'APPLICATION. 10. L'application du principe du mélange des couleurs que je me propose de faire, concerne : 1° la formation du noir; 2° ce qu'on nomme en teinture les brunitures ou le rabat des couleurs ; 5° le blanchiment. I. Application du principe du mélange des couleurs à la formation du noir. 11. Peut-on dire que tous les noirs produits de Part de la teinture sont formés de matières qui, si elles étaient séparées, nous paraitraient de couleurs rouge, jaune et bleue? Cest une question que nous ne traitons pas dans ce Mémoire. Partant du fait, qu'une éloffé chargée de matière rouge, de matière jaune et de matière bleue, en proportions convenables, parail noire, nous voulons en développer la conséquence dans la pratique, après lavoir transformé en cet énoncé ; une éloffe chargée, en proportions convenables , soit de rouge et de vert, soit de jaune et de violet, soit de bleu et d’orangé, ou, ce qui est la même chose, de matières réfléclussant séparément des lumières colorées mutuellement complémentures , parait noire. 12. J’ai démontré non-seulement ce dernier énoncé pour la con- SUR LA TEINTURE. 207 fection en teinture d’un noir ou d’un gris normal, c’est-à-dire d’un noir où d’un gris qui n’est nirouge, ni jaune, ni bleu, ni orangé, ni vert, ni violet, mais encore pour des noirs résultant de mélange, soit de matières pulvérulentes de couleurs mutuellement complémen- taires , soit de fils teints en ces mêmes couleurs. La conséquence de ces faits pour les arts de la teinture, de la peinture et de la tapis- serie, soit qu'il s'agisse de faire du noir ou du gris, soit qu'il faille éviter d’en faire, est évidente , et rien de plus facile que de la mettre en pratique, lorsqu'on a sous les yeux la construction que j'ai décrite ailleurs sous la dénomination de chromatique-hémisphérique *. En effet, lesnoms de toutes les couleurs mutuellement complémentaires se lisant à la circonférence d’un plan circulaire aux extrémités d’un même diamètre, il devient aisé de savoir, lorsqu'on voudra faire du noir avec une couleur donnée, ce qu’on devra ÿ ajouter, ou ce qu’on devra s'abstenir d’y mêler lorsqu'il faudra éviter de la ternir en la mélangeant avec une autre couleur, 15. Il est essentiel de remarquer que les matières colorées qu’on mélange, doivent être sans action chimique mutuelle, ou, si elles en ont, cette action doit s'effectuer sans changer les couleurs respec- tives des matières mélangées, autrement la condition des couleurs complémentaires n’existerait plus. 14. Sil s’agit de faire du noir sur une étoffe par la fixation succes- sive de différentes matières colorées, il faut éviter de commencer par en fixer une à saturation, de façon que Pétoffe perdrait telle- ment de son aptitude à s'unir à d’autres corps, qu'il deviendrait im- possible d’y fixer la quantité convenable de la matière dont la cou- leur doit neutraliser celle de la matière fixée en premier lieu à saturation. Par exemple, si de la laine destinée à être teinte en noir ! De la loi du contraste simultané des couleurs, et de ses applications. 208 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES reçoit un pied de bleu d’indigotine tellement abondant qu’elle de- vienne d’un violet cuivré, il sera bien difficile, pour ne pas dire impossible, de neutraliser cette couleur au moyen d’un jaune ver- dâtre, sa teinte complémentaire. La théorie est dans ce cas parfaite- ment d'accord avec l’économie de l’opération. IL. 4pplication du principe du mélange des couleurs à la formation des brunitures. 19. Lorsqu'on méle trois matières présentant les trois couleurs simples, ou deux matières de couleurs mutuellement complémen- ares , en des proportions différentes de celles où la neutralisation est possible, le résullat du mélange est du noir, plus la couleur sample ou binaire dominante; et ce résultat s'observe aussi bien en teinture qu’en peinture et en tapisserie, comme je l’ai démontré ailleurs pour ce dernier cas. La proposition que je viens d’énoncer est un principe parfaitement applicable à la teinture, comme je le démontrerai d’une manière spéciale dans quelques-uns des mé- moires de la troisième série de mes recherches; je me borne main- tenant à en faire sentir la généralité, en en déduisant quelques consé- quences principales appliquées à la confection de ce qu’on nomme en teinture des couleurs rabattues au moyen du noir. 16. On rabat généralement aux Gobelinsles étoffes qui ont reçu des couleurs plus ou moins brillantes, dans un bain dont la composition est tout-à-fait analogue à celle de l’encre, puisqu'il se compose de sulfate de protoxyde de fer, de campêche, de noix de galle ; il con- uent en outre du sumac. Mais la couleur que cette composition donne aux étoffes, n'ayant aucune solidité, il est avantageux de re- courir au mode suivant de rabat : on rabattra le rouge avec du jaune et du bleu, ou avec du vert; L’orangé avec du bleu ; 1 SUR LA TEINTURE. 209 Le jaune avec du rouge et du bleu, ou avec du violet ; Le vert avec du rouge ; Le bleu avec du rouge et du jaune, ou avec de l’orangé; Le violet avec du jaune. Bien entendu que la couleur ou les couleurs du rabat devront être en proportion d'autant plus fortes, que l’on voudra ternir davantage les teintes auxquelles on les ajoutera. 17. Si je n’ose pas assurer que la solidité des couleurs rabattues par ce procédé, soit égale à celle des couleurs élémentaires que l’on a mélées, du moins, dans tous les cas, je suis certain qu’elle est in- comparablement plus grande que celle des couleurs rabattues par le procédé suivi aux Gobelins , toutes les fois que les couleurs consti- tuantes ont été convenablement choisies. 18. Si le reproche qu’on peut faire aux tons clairs de la plupart des gammes qui sont teintes avec des matières réputées solides (voyez 4° Mémoire de la série des recherches chimiques sur la tein- ture, 55, 56, 57, 58) est applicable aux tons clairs des gammes ra- battues par ces mêmes matières réputées solides, j’annoncerai que j'ai le moyen de remédier à cet inconvénient, ainsi que le constate des couleurs gris de perle, bleu excessivement clair, bleu clair plus ou moins rabattu, etc., que j'ai faites dans les manufactures royales, et qui ont déjà soutenu l’épreuve de plusieurs années, dans des cir- -constances où quelques mois auraient sufli pour dénaturer compléte- ment les couleurs semblables faites par les anciens procédés. 19. Le moyen de ternir soit une couleur simple par l'addition de deux couleurs, soit une couleur binaire par l'addition d’une couleur simple, indique ce qu’il faut éviter, lorsqu'on veut composer des couleurs binaires aussi brillantes que possible. Evidemment les deux couleurs mélangées devront être simples; ou, si elles sont com- plexes, le mélange ne devra présenter que deux couleurs simples. Arcurves pu Muséum, Toxe II. 27 210 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES Par exemple : pour faire du vert, lorsqu'on manque de jaune et de bleu purs, il ne faut pas prendre du jaune orangé, ni du bleu violet, mais du jaune et du bleu verdâtres. Pour l’orangé, il faut, lors- qu’on manque de rouge et de jaune purs, recourir à du jaune et à du rouge tirant sur l’orangé, et non à du jaune verdätre et à du rouge violâtre. Enfin, pour le violet, on choisira du bleu et du rouge vio- lâtres de préférence à du bleu verdâtre et à du rouge orangé. La construction chromatique hémisphérique donne le moyen de ne ja- mais s’égarer, lorsqu'on connait la place qu'y occupent les matières colorées que l’un veut mêler. UT. Zpplication du principe du mélange des couleurs au blan- chiment. 20. Il y a long-temps qu’on a imaginé d’ajouter du bleu au papier, au linge, et généralement aux étoffes qu’on veut avoir blanches. Que fait-on réellement dans l’azurage? C’est ce que j'ai cherché à expli- quer ; mais avant de donner la théorie de cette opération si vulgaire, distinguons deux cas possibles, celui où objet azuré a un œil bleu, et celui où il ne l’a pas. 21. L'objet a un œil bleu. I a donc perdu la couleur rousse qui déplaisait, par addition de la matière bleue qu’il a reçue ; et cepen- dant, la plupart des yeux trouvent l’objet r7oins coloré ou plus blanc qu’il n’était, malgré l'addition d’une couleur à sa couleur naturelle. 22. L'objet ra pas un œil bleu. Vous obtenez ce résultat, non pas toujours avec du bleu violet, tel que le bleu de Prusse, l’azur, l’outremer, mais assez fréquemment avec du bleu et une quantité de rouge suflisante pour faire du violet. En un mot, ce résultat est ob- tenu, lorsque la couleur ajoutée à celle de l’objet est sa complémen- taire et que la proportion des deux couleurs donne la neutralisation. SUR LA TEINTURE. 214 Une conséquence de ce principe est que, si la couleur de l’objet est l'orangé, il faut du bleu pour la neutraliser ; si elle est le jaune, il faut du violet. Enfin, si elle est le jaune orangé, un bleu tirant au violet doit être employé. 23. Toutes les expériences que j'ai faites dans l'intention de con- trôler ce principe, l'ont vérifié. Je le donne donc aujourd’hui comme démontré par l’expérience , et j'insiste sur la remarque exprimée au commencement de ce Mémoire, que l’art de faire du noir sur une étoffe par la fixation de matières de couleurs mutuellement complé- mentaires, repose sur le principe d’après lequel on b/anchit par l’'ad- dition d’une matière colorée , une étoffe qui a elle-même une légère couleur. 24. Exposons les expériences et les observations dont le principe précédent est la conséquence. J'ai pris une soie torse, très-légèrement jaune, quoiqu’elle eût été non-seulement décreusée et blanchie, mais encore passée à l'acide sulfureux. Je lai partagée en quatre échevaux, n° 1, n° 2, n° 3 et n° 4. Le n° 1 n’a reçu aucune préparation; il est resté terme de com- paraison ou 720rme. Le n°2 et le n° 3 ont été passés dans de l’eau d’acide sulfo-indi- gotique convenablement préparée; ils ont pris la même couleur verdâtre. Le n° 2 a été mis de côté. Le n° 3 et le n° 4, également mouillés , ont été passés dans de l’eau colorée avec de la cochenille ammoniacale. Il est évident que le n° 2 et le n° 4 ont été préparés dans le dessein de représenter les quantités de matière colorée fixée sur eux, pour les comparer respectivement à ces mêmes quantités réunies sur le n° 3. La preuve maintenant que le bleu du n°2 + le rouge du n°4 - le bleu et le rouge fixés sur le n° 3, c’est que le n° 3 donne au tissage 212 RECHERCHES PHYSICO-CHIMIQUES un tissu identique à celui qu’on forme en tissant un fil du n° 2 avec un fil du n° 4. 25. Passons aux conséquences de l'expérience : Le n° 1 est sensiblement jaune; le n° 2 a la teinte verdâtre qui doit résulter du mélange dujaune avec du bleu, et le n° 4, la teinte oran- gée qui doit résulter du mélange du jaune avec le rose. Mais quelle est la couleur du n° 3? Pour l’apprécier, il faut le placer sur un fond blanc, d’abord entre les n° 2 et 4, en laissant un intervalle suffisant pour détruire autant que possible leffet du contraste, puis à côté , mais à distance du n° 1. Dans la première position, le n° 5 ne parait d'aucune couleur. Dans la seconde position, le n° 3 ne parait d'aucune couleur ; ou, s’il en a une, c’est la teinte violacée que la vue du n° à déve- loppe par contraste. Dans tous les cas, le n° 3 a été jugé sans hésitation et à lunani- mité par deux chefs d’atelier des Gobelins, par un peintre, par qua- tre teinturiers et par moi, comme étant plus blanc que les trois au- tres numéros, et ces jugements ont été portés par chacun de nous individuellement. 26. Mais pour que le jugement soit complet, il faut comparer Le blanc du n° 3 avec un blanc parfait. En prenant pour le terme de corhparaison, la neige éclairée par la lumière diffuse du jour, le n° 3 a paru avoir une leinte grise sensible. Conséquemment le procédé suivi pour neutraliser le jaune de la soie par du violet a produit du noër. Mais quand la matière noire est, comme dans le cas qui nous occupe, excessivement petite relativement à la surface où elle a été mise, elle devient moins sensible que le jaune et le violet qui la cons- tituent : dès-lors nous jugeons ceite surface blanche; et sil nous ar- rivait de la comparer à une surface parfaitement blanche, nous ju- gerions la première couverte d’une ombre légère, tandis que la SUR LA TEINTURE. 213 seconde ne nous le paraîtrait pas. Je tire de cette observation la conséquence, qu’en {eënture comme dans le blanchiment, neutrali- ser une couleur par sa couleur complémentaire, c’est faire passer l’étoffè d’une gamme colorée dans la gamme du gris normal. 27. Pour peu que la couleur neutralisée par une autre ait de l’in- tensité, le mélange est manifestement d’un ton plus élevé que ne l’é- tait celui des couleurs neutralisées; quoiqu'il semble devoir en être de même pour les tons légers, cependant , lorsque j'ai fait juger des couleurs neutralisées sur des étoffes blanches, les opinions ont été partagées, parce que, quoiqu'il y ait réellement moins de parties à réfléchir de la lumière blanche dans l'échantillon neutralisé que dans Péchantillon primitif, l'absence de toute lumière colorée qui fait pa- raître l’étoffe plus blanche, peut aussi la faire juger plus lumineuse, ou , ce qui revient au même , d’un ton plus léger que l’étoffe , qui a une couleur déterminée, comme le jaune par exemple. 28. MM. Tresca et Eboli ont appliqué à la fabrication de la bou- gie stéarique, le principe précédent, et des échantillons que je dépose sur le bureau de l’Académie donnent la preuve expérimentale, 1° Que si la matière de cette bougie est légèrement colorée en jaune, il suffit d’y ajouter une quantité convenable de violet, ou de bleu et de rouge, pour lui donner de la blancheur ; 2° Que si la matière de cette bougie est très-sensiblement colorée, l’addition du violet, ou du bleu et du rouge, donne du gris ou du noir affaibli par du blanc. Je joins à la fin de ce Mémoire une note que M. Tresca a bien voulu rédiger. 29. Enfin, un de mes élèves, directeur de verrerie, M. Cham- blant, a obtenu des résultats analogues aux précédents, en fondant des matières vitrifiables susceptibles de produire des couleurs mu- tuellement complémentaires. RECHERCHES PHYSICO—CHIMIQUES © L ES CONCLUSIONS. 1° Lorsqu'on mélange en proportions convenables des corps co- lorés suffisamment divisés, soit des matières tinctoriales, soit des poudres colorées employées en peinture, soit enfin des fils propres à la tapisserie, le résultat du mélange est du noir, si le mélange réflé- chit peu ou pas de lumière blanche; il est du gris normal, sil en ré- fléchitune quantité notable. 2° Ce principe et l'observation que deux tons complémentaires très-légers sont plus perceptibles, comme lumières colorées, que le gris très-päle auquel leur mélange donne naissance, expliquent le résultat qu’on obtient par tout procédé où l’on détruit une teinte lé- gère d’un objet blanc par l’addition d’une matière colorée; de sorte que, comme je lai dit, le procédé de faire du noir avec les couleurs complémentaires, et celui d’augmenter la blancheur d’une surface légèrement colorée, découlent d’un même principe. La généralité du résultat auquel je suis parvenu paraitra encore plus grande, lorsque je rappellerai le parti que j'ai tiré du principe précédent, pour détruire un effet du contraste qui a quelque incon- vémient dans le cas où l’on veut que des dessins paraissent incolores, c’est-à-dire blancs ou d’un gris normal léger sur des fonds colorés, au lieu de paraitre de la couleur complémentaire de ces fonds, comme cela a lieu. Il suffit de méler à la matière du dessin un peu de la couleur du fond, pour que l'effet de cette couleur complé- mentaire soit neutralisé par la couleur ajoutée. Le résultat est du gris normal, comme si la couleur complémentaire résidait réelle- ment dans une matière alliée à la matière blanche. La même addition peut être faite à la matière des dessins noirs sur fond de couleur. SUR LA TEINTURE. 215 NOTE DE MM. TRESCA ET EBOLI. Guidé par le souvenir d'une lecon que fit en 1835 M. Chevreul sur la théorie des couleurs complémentaires, l’un de nous pensa qu'il pourrait tirer part de cette théorie, pour détruire dans l’acide stéarique le ton jaunâtre qu'il doit à la présence d’une certaine quantité d'acide oléique qu'il retient toujours. Vers la fin de 1838, nous avons essayé d'introduire ce perfectionnement dans notre fabrication , el successivement nous avons fait usage de la plupart des matières colorantes, dont le mélange pouvait nous fournir le bleu violet dont nous avions besoin pour atteindre notre but. Toujours cette addition a rendu la blancheur de notre bougie plus écla- tante ; l’indigo seul nous a présenté une exception qui doit sans doute être attribuée à une action chimique que les acides gras exerceraient sur lui; la couleur que nous avons préférée est un mélange de carmin et de bleu de Prusse, ou mieux encore le bleu de cobalt ou l’outremer; ce procédé qui, dans le principe, avait présenté quelques difficultés d'exécution, recoit chez nous, depuis plus de neuf mois , une application facile et journalière. Lorsque nous avons voulu appliquer ce même principe à des produits très- colorés , jamais nous n'avons pu produire qu'une teinte grise très-prononcée, au lieu du blanc que l’on obtient avec des matières plus belles. Nous avons observé, dans ces derniers temps, un fait qui nous prouve qu'il peut exister entre des corps colorés organiques, que l’on réunit de cette ma- nière, une sorte de combinaison qui les rend chacun plus stable; certain corps très-altérable, tel que l’orcanette, qui disparaîtrait rapidement par son expo- sition à l'air, devient très-stable lorsqu'elle se trouve mélangée avec d’autres corps colorés dans la proportion convenable , pour qu'il y ait neutralisation de couleur, tandis que si la lumière agissait sur l’orcanette unie au bleu de Prusse, comme elle agit sur l’orcanette qui est isolée, elle détruirait dans le mélange la portion de coloration qui est due à l’orcanette, et dès-lors amè- nerait au vert la bougie naturellement jaunâtre qui aurait recu un mélange de bleu de Prusse et d’orcanette. TT "1 PMU À to ob-tgil 4 ie PE. SECOND MÉMOIRE SUR LES KAOLINS OÙ ARGILES A PORCELAINE, SUR LA NATURE ET L'ORIGINE DE CETTE SORTE D'ARGILE, Par MM. ALEXANDRE BRONGNIART er MALAGUTI. Lu à l'Académie Royale des Sciences, le 11 octobre 18/41. . ? = ————— en GO © ee On a cherché dans le premier mémoire ! à déterminer les carac- tères précis des kaolins, à donner sur la composition de cette sorte de terre des notions plus exactes que celles que l’on possédait, à prou- ver de quel minéral ils tirent leur origine, et enfin, à faire con- noitre leur véritable position dans Pécorce du globe, leur manière d’être si singulière dans les roches qui les renferment, à faire re- marquer surtout l’association et les rapports constants des kaolins avec des roches ferrugineuses ; on a cherché enfin à déduire de ces observations, seul genre d'expérience qui soit à la disposition des géologues, quelques idées théoriques sur leur formation. Nous nous proposons dans ce second mémoire de comparer les * Lu à l'Académie royale des Sciences le 24 décembre 1838 et inséré dans les Arche es du Muséum d'Histoire naturelle, t. X, p. 243, avec 8 planchss. , »P , P Auounives pu Muséuw, vose Il. 28 218 MÉMOIRE résultats des recherches chimiques faites dans le laboratoire de Sèvres, et les considérations qui s’y rattachent, aux conséquences précédemment établies, afin de voir si ces deux ordresdifférents d’ob- servations et de raisonnements se prêtent un appui mutuel pour ar- river aux mêmes conclusions. Enfin, nous terminerons ces re- cherches en examinant sil y a obligation de se servir du silicate naturel d’alumine, nommé #aolin, pour faire de la vraie porce- laine, ou si on peut faire cette sorte de poterie en réunissant, dans les mêmes proportions, les éléments terreux qui la composent. ARTICLE IV. De la composition rationnelle des kaolins ; comparaison entre la composi- aon des felspaths et celle de la partie inattaquable des kaolins. S Le Pour suivre de la manière la plus logique l’ordre des idées qui s’attachent à la question des kaolins et deleur production, on a porté l’attention sur la composition chimique des felspaths dont les loca- lités et le gisement étant assez bien connus, pouvaient permettre de faire un rapprochement entre leur composition et celle de cer- tains kaolins qui, par leur position géognostique, paraissent en dériver. Le procédé suivi pour les analyses a consisté à les attaquer par l'acide fluorhydrique, et à déterminer la silice par un traitement spécial fait avec un mélange de carbonate de soude et de potasse. Ce deuxième traitement a eu pour but non-seulement de doser di- rectement la silice, mais de vérifier la quantité d’alumine trouvée en premier lieu. (Voir le tableau n° 1.) SUR LES KAOLINS. 219 Le tableau n° 1 A renferme les résultats de l'analyse de huit fel- spaths très-bien cristallisés. Sur ces huit felspaths , il y en a sept qui ont sensiblement la même composition; où du moins dans lesquels le rapport entre l’oxigène de l'acide silicique et l’oxigène des oxides d'aluminium, de potassium, etc., etc., est le même. Il n’y a que le felspath n° 6 (celui de Dixon-Place) qui présente une composition différente. Ici, au lieu que le rapport de loxigène de l’acide soit à celui des bases comme 1 est à 5, il est comme 1 est A2 Si l’on compare le tableau de la composition des kaolins (tabl. n° 1 B), dont les gisements paraissent être identiques avec ceux d’une grande partie des felspaths analysés, on verra que 5 sur 6 présentent la même formule définitive ?, et si le sixième donne une formule définitive particulière, on trouve précisément que le fel- spath auquel on le compare a également une composition toute particulière. Quelle que soit donc la composition absolue du kaolin (sujet sur lequel on reviendra plus tard), on voit jusqu'a présent qu’elle est uniforme , dès que la source dont il parait dériver est la même, et cette source est précisément, dans 5 cas sur 6, celle que l’on a es- sayé d'établir dans le premier mémoire. : Un felspath un peu laiteux de la côte du Coromandel, rapporté par M. Leschenau, et analysé à Sèvres, présente à peu près la même composition. SIICe Ps ie EE 2 161200 RTONnE MEL PME 23536 Potasse avec très-peu desoude. 9,50 Chans. Le 046 2 Yoir la note 2 annexée au tableau n° 1 B; 220 MÉMOIRE $ II. Après avoir examiné autant qu'il a été possible le rapport qui existe entre le felspath dans toute sa pureté et le kaolin qui parait en dériver, on va examiner le rapport qui existe entre le felspath altéré et le kaolin, que l’on supposera être la dernière phase de son altération. On a été assez heureux de posséder des échantillons de roches felspathiques qui présentaient toutes les conditions favo- rables à un pareil examen. 1° Un échantillon de felspath, dit pierre de Lune, employé dans la bijouterie de Kandy, ile de Ceylan. Cet échantillon présen- tait dans la même masse : (a) le felspath rendu seulement friable par un commencement de désagrégation, mais étant encore trans- parent et parfaitement cristallisé ; puis (b), ce même felspath pre- nant, avec un éclat tout-à-fait nacré, une plus grande friabilité et un blanc de lait; enfin (c), le même entièrement altéré et trans- formé en une matière terreuse blanche, mélangée de quarz. 2° Un felspath tout-à-fait altéré, impur, mais ayant une forme bien déterminée, de Bilin en Bohème. 3° Un felspath à demi-décomposé, d’Aue, près Schneeberg, mais montrant encore la structure laminaire du felspath. On a séparé avec le plus grand soin les trois matières a, b, c du premier échantillon, et on les a soumises à l’analyse : pour a et à on a suivi le même procédé que pour les analyses des felspaths du tableau n° 1; mais on a eu la précaution, avant d’analyser la partie b, qui paraissait déjà un peu altérée, de la traiter successivement par acide sulfurique bouillant et par la potasse , agents qui ont en- levé une très-faible quantité de matière argileuse. La matière terreuse blanche c a été analysée par la méthode suivie Re SUR LES KAOLINS. 224 pour toutes les analyses rationnelles des kaolins, insérées dans le premier mémoire : méthode que l’on décrira plus tard. Les résultats de ces analyses sont consignés dans le tableau suivant. ES ne dr “ Silice. Alumine. | Potasse, Chaux. |Magnésic: 5 | —__— |__| a. Felspath, PARUS de lune, dans un état de désagréga-) 64,00 19,43| 14,81] 00,42| 00,20 tion incipiente ; mais transparent. 6. Felspath, ae pierre de lune’, d ans un état de désagréga- 4 nude 67,10| 17,83] 13,50] 00,50 |Traces. un éclat nacré et d'un blanc de lait. Humidité cL perte. Totaux. 100 Fer oxidé, Silice. | Alumine. Euu. chaux, Résidu. potasse. c. Felspath, dit pierre de lune, dans un état d’altérat. com- FAR 9,60! 19,30] 12,03| 1,32] 56,79 reuse blanche, mé- lée de grains de quarz. ne a Perte. 0,96 Totaux. 100 L'identité des deux compositions a et b ne peut pas être révoquée 229 MÉMOIRE en doute, et la petite différence tient à ce que la partie D était mé- lée avec du quarz très-reconnaissable à la loupe. La partie vraiment argileuse de €, et que l’on considère iei comme telle, non-seulement par son état physique, mais encore par son caractère chimique de se laisser attaquer par les acides, présente une composition bien singulière, si on la compare à la composition générale des argiles kaoliniques ; car, tandis que celles-ci contien- nent en général plus de silice que d’alumine , celle qui provient du felspath dit pierre de Lune contient beaucoup plus d’alumine que de silice. Le deuxième échantillon, c'est-à-dire le felspath de Bilin en Bohême, a été soumis au lavage par décantation. On s’est borné à analyser les partiesles plustenues par le procédé ordinaire des acides et des alcalis employés successivement. On a obtenu : SCOR LE SRE RUGUE, LURT E EOPMVEE Alüumines se 2h Mel bo Oridedérfer. à. 1. hr hr 4,29 Manpinèses. et 2 Cha Mes: nsthes 2 EP Magnésie et potasse . . . . . . . 1,60 HU RENTE SET OMC ES LEE ME ERP Re Re RE LES ONE cet ahctohe CE a oc DURS 100, O Il est évident que, dans ce cas-ci, ce n’est pas une argile que l'on à analysée. La matière provenait sans aucun doute du fel- spath, puisqu'elle en avait conservé la forme; mais le mode d’al- tération est tout-à-fait spécial, et ne peut être comparé ni à celui SUR LES KAOLINS. 223 du felspath pierre de Lune, ni à celui du felspath d’Aue, comme on le verra tout-à-l’heure. Le résidu du traitement précédent présentait un aspect tellement hétérogène que l’on a jugé tout-à-fait inutile d’en déterminer la com- position. {1 est présumable que ce felspath a été modifié dans sa composition par une des épigénies mentionnées dans notre précédent mémoire (p. 255) et qui, lorsqu'elle est complète, remplace le felspath tantôt par la stéatite, tantôt par du sable, tantôt par de oxide d’étain. Le troisième échantillon, c’est-à-dire le felspath à demi-décom- posé d’Aue, près Schneeberg, s’est trouvé composé comme il suit : Partie argileuse attaquable par les acides. . . . . . . . 14,46 Résidu inattaquable par les acides. . . . . . . . . . . 85,54 100,00 Composition de la partie argileuse. Soc M LOST Bab AN eines de 48,13 Mluminesrr SEL ER at fs 8457 JET QT RARES SE UETS US s'ErA 13,55 Bases terreuses et alcalines . . . . . D,11 101,36 Composition de la partie inattaquable par les acides. CEE TO ee + 108 0U,00 MIRE. - - Hi 17:09 BOSS M Et ee : 10,00 LATE er Partie) Etre 70,40 Magnésie . . . . . RS ee Le 10500 SCORE SR NN ao 0 292/ MÉMOIRE La partie inattaquable par les acides du felspath altéré d’Aue, est incontestablement un felspath que l’on peut même considérer comme pur. La partie terreuse attaquable par les acides, s'approche de la composition de certains kaolins qui se trouvent inscrits dans le ta- bleau général du premier mémoire, et diffère essentiellement de la partie terreuse du felspath pierre de Lune en ce que, dans celui-ci, l’alumine excède la silice, tandis que dans le premier, la silice au contraire excède l’alumine, et si, pour fixer les idées, on traduit en formules la composition de ces deux matières terreuses dérivées sans doute du felspath (A°K'S"), on trouve que celle du felspath pierre de Lune est SA et celle du felspath d’Aue est S'A? ("). Pourrait-on hésiter de conclure que le felspath, en s’altérant, ne produit pas tou ours les mêmes combinaisons, et si on considère le résultat de l’analyse du felspath de Bilin , ne pourrait-on pas ajouter que le felspath, en s’altérant, ne se transforme pas toujours en un silicate alumineux ? Il est à remarquer que lorsque l’on a pu interroger pour ainsi dire la nature d’une manière directe sur la question de la dérivation des kaolins, au lieu d’en retirer une réponse décisive, on n’a fait qu’aug- menter l'incertitude, et on est toujours réduit aux conjectures et aux inductions plus ou moins probables C’est sous l'influence de cetie remarque que lon passera à la discussion des analyses ration- nelles, qu’on les interprétera de la manière qui paraîtra le plus d’ac- cord avec l’ensemble des faits, et qu’on tirera des conséquences non décisives (car la nature du sujet s'y oppose), mais capables d'élargir le cercle des connaissances que l’on possède en pareiïlle matière. " L'on ne donne ici ces formules que pour faciliter une comparaison et non pour représen- ter réellement une combinaison : le silicate alumineux contenu dans la partie désagrégée du {elspath d'Aue ne peut pas être S3 A2, les bases terreuses et alcalines qui l'accompagnent étant certainement à l'état de silicate. SUR LES KAOLINS. 295 $ IT. On appelle analyse empyrique d’un kaolin, l'analyse que Von fait de la masse plus ou moins lavée. Or, cette masse étant un mélange de véritable argile, de débris de la roche désagrégée et de quarz, sa composition ne peut être que complexe et impossible à interpréter d’une manière scientifique. Aussi a-t-on fait un véritable progrès dans l'analyse des argiles en général, dès qu’on a découvert un procédé qui, en séparant les dif- férents éléments du mélange argileux, assignait à chacun sa compo- sition particulière. Geprocédé est celui qui est appliqué aux analyses rationnelles. \ consiste à enlever l'argile mélangée impure par Pac- tion successive et alternée des acides et des alcalis bouillants. Ces agents dissolvent le silicate alumineux ou partie argileuse, ils n’exer- cent aucune action sur la roche désagrégée, le quarz, le felspath, etc. La dissolution acide contient l’alumine et les quantités plus ou moins grandes d’autres bases. La dissolution alcaline contient la si- lice qui leur était combinée. Après avoir expulsé par la dessication l'excès d'acide, on met en liberté l’alumine par du sulfhydrate d’am- moniaque , et l’on cherche dans la liqueur les bases qui l’accompa- gnaient; la silice est séparée par les moyens ordinaires, Tout en admettant , sous un point de vue scientifique, la su- périorité de l’analyse rationnelle, nous pensons néanmoins que les résultats ne doivent pas être considérés comme nets et susceptibles d’être représentés par des formules rigoureuses. En effet, si on jette les yeux sur le tableau n° 2 (annexé à ce mémoire), on verra que sur 51 argiles kaoliniques, il n’y en a que trois qui n’aient pas donné, outre l’alumine , de la chaux, de la magnésie, de la potasse ou de la soude ; et la quantité collective de ces dernières bases a oscillé entre 9,17 et 0,50 pour cent d'argile pure. Les analyses de M. Forchham- Arouives D0 Musium, tome I]. 29 226 MÉMOIRE mer, faites par le même procédé, donnent lieu à la même réflexion. Or, ces quantités quelconques de bases étrangères à largile, ne peuvent se trouver mélangées avec elles qu’à état de silicate : la quan- tité totale de silice obtenue par l’action des alcalis doit donc repré- senter non-seulement la quantité qui appartient à la véritable argile, mais encore la quantité qui était liée aux bases qui accompagnent. Maintenant, quelle règle suivre pour séparer par la pensée ces deux quantités? I y a donc, malgré la supériorité incontestable du pro- cédé rationnel, une incertitude dans les résultats, qui force à ne tirer des conclusions qu'avec réserve, et c’est précisément ce que nous entendons faire dans le cours de ce mémoire. $ IV. Dès que l'analyse rationnelle ne permet pas en général de se faire une idée rigoureusement exacte de la composition absolue de lar- sile, il est naturel de supposer que l’examen comparé des parties pierreuses qui accompagnent , ou, en d’autres termes, l'examen comparé des résidus pourrait être d’une grande utilité pour résoudre, ou au moins pour examiner avec succès le problème de la nature et de la dérivation des kaolins. En effet, les kaolins résultent de la décomposition d’une roche ; il est probable que les débris de la roche indécomposée, qui se trou- vent mêlés aux kaolins, appartiennent à la roche primitive d’où le kaolin tire son origine. Mais dans le fait, rien n’amènerait à des conclusions plus vagues que lexamen des substances complexes, extrêmement riches en quarz, et qui ne contiendraient que peu ou point du minéral qui aurait donné naissance au kaolin. En opérant sur les grandes masses, la question ne changerait pas beaucoup. Il est vrai que par les lavages et les décantations on pourrait parvenir SUR LES KAOLINS,. 227 à séparer une grande partie du quarz étranger, mais le résidu don- neraït également à l’analyse des résultats douteux et qui, tout au plus, permettraient de hasarder une supposition. Nous ajouterons qu'il serait permis de demander si le résidu d’une argile kaolinique , au lieu de représenter le minéral qui lui aurait donné naissance, ne représenterait pas plutôt Les minéraux non sus- ceptibles de décomposition, qui se seraient trouvés accidentelle- ment dans la roche altérée. De ce qu’on trouve des kaolins dont les résidus sont formés de quarz et de quelques paillettes de mica, on ne doit pas conclure qu'ils proviennent de la décomposition du gneiss, tandis que tout porte à croire qu'ils dérivent de la pegmatite dont les grandes masses renferment toujours des lames de mica. L'étude de 31 résidus, faite sur une grande échelle, exigeant un travail très-pénible et très-long, qui n’aurait donné, nous en sommes convaincus, que des résultats extrêmement douteux, nous avons jugé convenable d'y renoncer. S V. Le tableau n° 5 contient la composition des véritables argiles kao- liniques (abstraction faite des corps étrangers qui leur sont mêlés) et les formules immédiates qui les représentent. Nous nous sommes déja expliqués plus haut ($ LIT) sur limportance que méritent ces for- mules, et nous ne les donnons que pour mieux faire sentir la difficulté qu’il y a à établir une différence réelle entre des formules si rappro- chées. Cependant, sur 51 argiles kaoliniques, il y en a 24 qui ont pour ainsi dire un lien commun dans la proportion d’eau comparée à celle de lalumine prise pour unité. S'il est donc possible de trouver quelques rapprochements dans cette multitude de kaolins de composition si différente, c’est certai= 298 MÉMOIRE nement dans les 24, dont lalumine et l’eau sont dans le rapport de 1 à 2. Or, sur ces 24 kaolins, il y en a 19 dont les différences de compo- sition ne sont pas assez considérables (eu égard à la nature de ces substances et aux remarques faites au 6 LIT) pour établir, malgré les différentes formules, des séparations bien tranchées(voir les 19 kaolins du tableau n° 3, marqués d’astérisques). En outre, si par un moyen convenable on parvenait à faire disparaitre ces différences, ou à les rendre encore plus faibles, il nous semble que lon pourrait considérer chimiquement ce groupe si nombreux comme composé de substances de nature et de provenance identiques, sauf les objections d’un ordre exclusivement géognostique. Pour cela nous ne nous sommes pas éloignés des méthodes chimiques les plus rigoureuses. On sait que lorsqu'on a des motifs pour comparer la nature intime de deux corps différents entre eux par les caractères, où même par la composition, on a recours aux réactions qu'ils exercent sous Pin- fluence de certains agents appliqués dans les mêmes circonstances. Nous avons donc raisonné de la manière suivante : Supposons que ces 19 kaolins représentent réellement 3 ou 4 espèces différentes de silicates alumineux ; si nous les traitons également par un agent tel qu’une dissolution de potasse d’une densité constante ; que le temps, la température, la masse relative, toutes les circonstances enfin soient les mêmes, nous devrons enlever de la silice et de l’alumine, dont les rapports varieront suivant la nature du silicate alumineux auquel ces deux corps appartenaient. Nous avions compté qu’une action de cette nature n'aurait exercé aucune influence, ni sur le quarz, ni sur les débris de roches désagrégéesqui accompagnent toujoursleskaolins, et qu’elle ne se serait portée exclusivement que sur la véritable argile. Dès nos premiers essais dans cette direction, nous avons remarqué un phénomène qui, tout en détruisant l'efficacité du procédé que SUR LES KAOLINS. 220 nous avions imaginé, suffisait par lui seul à simplifier singulièrement le problème que nous nous étions proposé. Nous avons vu que lorsqu'on fait bouillir une argile kaolinique pendant une minute, ou tout au plus pendant une minute et demie, dans une dissolution aqueuse de potasse à alcool, de la densité 1,075, elle abandonne une certaine quantité de silice, sans trace d’alumine. Si l’on applique ce traitement à une grande quantité d’argiles kaolini- ques en proportionnant leur masse à leur contenance réelle d’argile, on arrivera, à peu d’exceptions près, à enlever une telle proportion de silice, que les formules primitives en sont remarquablement mo- difiées; et, dans la plus grande partie des cas, elles prennent une expression très-simple et uniforme. Ce sont les formules ainsi mo- difiées que nous appellerons formules définitives. Nous nous sommes arrêtés de préférence sur les 24 kaolins, dans lesquels le rapport de l’alumine à l’eau est constant. Les détails des expériences et les résultats sont consignés dans le tableau n° 4. Par linspection de ce tableau, on voit que 16 kaolins sur 24 ont cédé à Paction de la potasse faible, assez de silice pour se laisser suffisamment représenter par la formule S À + 2 À q; suffisamment, avons nous dit, car il ne faut pas exiger dans ces sortes de substances un accord très-rigoureux entre les quantités trouvées et les formules déduites. Les huit kaolins restant, ou n’ont pas assez perdu de silice pour changer leurs formules, ou bien, si ces formules ont changé, c’est d’une manière différente du plus grand nombre. En ajoutant que les sept kaolins qui complètent la série totale des kaolins analysés et qui contiennent de l’alumine et de l’eau, hors du rapport de un à deux, ont presque tous cédé de la silice à l’action de la potasse seule (voir le tableau n° 5), nous croyons pouvoir atti- rer l'attention des savants sur le fait général que les kaolins (et nous avons des motifs pour dire encore les argiles) renferment de la silice 230 MÉMOIRE qui n’est ni & l’état de quarz ni à l’état de combinaison. Nous nous empressons cependant de remarquer que l’on pourrait interpréter ce fait comme le résultat de la décomposition de Pargile kaolinique, produite par l’action de la potasse ; mais une pareille interprétation nous paraissant très-peu probable, nous nous bornons à la signaler, sans y adhérer en aucune manière. $ VI. Si maintenant on se reporte au tableau n° 1, où l’on peut com- parer la composition des felspaths et des kaolins qui ont une localité commune ; si l’on consulte lessai d’un tableau de distribution géolo- gique des gites de kaolin (premier mémoire, pages 295 et suivantes), on verra que la plus grande partie des kaolins qui ont la même com- position (AS) appartiennent aux mêmes terrains, éminemment fel- spathiques, et paraissent avoir la même origine. IL est vrai cependant qu’à ces mêmes terrains appartiennent aussi des kaolins qui ne rentrent pas dans la généralité énoncée. Mais nous ferons remarquer que leur nombre est très-limité, et que, pour la plus grande partie, la différence de composition n’est pas considé- rable, comme on peut le vérifier en comparant les formules défini- tives des kaolins des Pieux, de Louhossoa, de Sosa, etc., avec celles des kaolins de Limoges, d’Aue, de Sedlitz, etc., etc. ; de manière que lon pourrait demander si c’est à des difficullés d'expérimentation où bien à leur propre nature qu'ils doivent de ne pas être semblables au plus grand nombre. Nous essaierons de développer notre manière de voir sur l’inter- prétation des phénomènes chimiques qui constituent la transforma- üon du felspath. La composition la plus ordinaire du felspath est 4° AS". Quelle SUR LES KAOLINS. 231 que soit la cause de son altération, nous supposons qu'il se transforme en A°S" (véritable argile) et K S”; or, le silicate alcalin KS”, d’après des expériences directes, n’est pas soluble; mais il le deviendrait en se transformant sous l'influence de la même action décomposante, en Æ S* et S'. Le silicate X S5, qui d’après les expériences de M. Forchhammer est soluble, serait entrainé par les eaux, et S° res- terait à l’état de mélange avec l’argile A°S°. De même que l’on voit une substance complexe, soumise à un courant électrique, se décom- poser en deux substances moins complexes, qui plus tard finissent par se décomposer à leur tour ; de même on peut voir cette action électrique (que nous avons déjà admise comme une cause probable de l’altération du felspath}) s'exercer d’abord sur le felspath, et plus tard sur un de ces produits. Sans attacher plus d'importance à ces idées qu’une théorie sur une pareille matière peut en mériter, nous ferons remarquer néanmoins que celle que nous proposons ici explique très-facilement plusieurs faits. La silice, qui à l’état gélalineux se trouverait mélangée à la véri- table argile, ne pourrait pas être constante, à cause de l’action dissol- vante que l’eau exercerait sur elle : de là on expliquerait pourquoi on trouverait des compositions si variables quiseraient ramenées àune composition seule etuniforme, par l’action de la potasse caustique ; on expliquerait pourquoi un kaolin de ia même localité, examiné à diffé- rentes époques, n’a pas donné absolument le même résultat, comme il est facile de le voir en comparant les analyses du kaolin apparte- nant au même endroit, faites par différents chimistes; on expliquerait aussi pourquoi on trouverait tantôt un kaolin affecté de la formule typique ou normale (A° S° ou A S) ne rien céder à la potasse, comme le kaolin d’Oporto, et tantôt un autre kaolin, d’une composition qui parait identique (comme celui de Wilmington), céder à la potasse 232 MÉMOIRE de la silice, et perdre par conséquent la simplicité de la formule. C’est que dans le premier cas (Oporto) la véritable argile se serait débarrassée, par l’action de l’eau ou de toute autre cause, de la silice qui lui était mélangée ; tandis que dans l'autre cas (Wilmington) l'argile réelle, d’une nature particulière et provenant d’un felspath également particulier, ou même du felspath ordinaire, mais décom- posé par des actions spéciales, resterait déguisée par la présence d’une certaine quantité de silice gélatineuse, dérivée de la décomposition secondaire d’un silicate quelconque. Les faits que nous venons de signaler et les considérations qu'il nous ont suggérées donnent un appui remarquable à l’opinion que M. Berthier avait émise, il y a longtemps, relativement à la compo- sition normale des kaolins. Ce savant avait pensé que le felspath, en se décomposant, donnait naissance à un silicate d’alumine qui se rapprochait plus ou moins de la formule 8. En adhérant à cette opinion, nous croyons l’avoir non-seulement précisée, mais conso- lidée par lexpérience. Nous pouvons tirer des faits, des expériences et des considéra- tions qui précèdent, les conclusions suivantes sur la composition réelle des argiles kaoliniques. 1° Les kaolins normaux à l’état brut, et seulement débarrassés par le lavage des corps grossiers qui leur sont étrangers, «Sont un mélange d'argile kaolinique et d’un résidu insoluble dans « les acides et les alealis, renfermant des silicates à diverses bases. » 2 L’argile kaolinique est séparée de ce résidu par Paction dis- solvante successive de l'acide sulfurique et de la potasse caustique. Cest ce qui constitue ce que nous avons appelé l'analyse ration- nelle. 5° Cette argile est une combinaison de silice, d’alumine et d’eau dans des proportions définies toujours à peu près les mêmes, et qu’on SUR LES KAOLINS. 283 peut indiquer par une formule invariable. Cette formule quel- conque nous l’appelons immédiate. 4 Maïs il y a encore dans beaucoup de ces argiles un excès de silice hors de combinaison , susceptible d’être dissoute, suivant cer- taines règles, dans la potasse caustique et qui se sépare nettement du silicate d’alumine hydraté, qui constitue la véritable argile kaolinique. Le silicate d’alumine hydraté restant donne une formule plus simple et plus générale que nous appelons formule définitive , AS +2 Aq. 5° Cet excès de silice dans les argiles kaoliniques, séparée du kaolin par le moyen rappelé ci-dessus, peut être attribué à une dé- composition électrique et successive du felspath qui d’abord a trans- formé le felspath en argile de kaolin A* S° et en silicate de potasse insoluble KS”, puis qui a transformé, par une nouvelle action, ce dernier en silicate de potasse soluble KS° et en silice S', qui reste dans le mélange avec l'argile. 6° Enfin, la variabilité dans la proportion de cet excès de silice, dans les différentes argiles kaoliniques, peut être attribuée à une action postérieure des eaux naturelles qui ont enlevé à ces argiles une plus ou moins grande quantité de la silice isolée et dissoluble. ARTICLE V. Expériences et théories sur la formation des kaolns. N 1e On à émis dans le premier mémoire l’idée que les felspaths au- raient pu être décomposés par l’action de l'électricité voltaïque ou de contact. Cette idée avait été suggérée à l’un de nous (M. Bron- Arcuives Du Muséum, our []. 30 284 MÉMOIRE, gniart) par le mémoire de Gehlen sur les kaolins de Passau et par une conversation qu'il avait eue autrefois à Munich avec cet habile chimiste. M. Fournet, dans son mémoire sur la décomposition des miné- raux d’origine ignée !, a attribué l’altération de ces minéraux d’abord à leur tendance au dimorphisme qui, lors de leur refroidissement, les a désagrégés , et ensuite à action électrique déterminée principale- nent par le contact de roches de nature différente. Ces idées hypothétiques nous ont paru fortement appuyées par les observations de gisement que lun de nous a faites et qu’il a rap- portées dans le premier mémoire sur les circonstances remarquables qui accompagnent les kaolins dans leurs gisements. On se rappelle les rapports constants des kaolins avec des roches ferrugineuses, rap- ports qui pouvaient faire croire que le felspath , ayant été jadis en- gagé dans des systèmes électriques, s'était trouvé dans les condi- tions favorables pour être décomposé, à part la nature des causes qui auront fait fonctionner ces grands systèmes. Nous avions intérêt de vérifier par des expériences les conjectures déduites de ces observations, et de voir si le felspath pouvait se décom- poser par l'influence d’un courant électrique ; nous avons fait deux sortes d'expériences propres à Le constater. Dans la première , nous nous sommes servis d’une batterie de 2b0 éléments, de 55 millim. carrés, et la seconde fois d’une batterie de 300, chargée avec une dissolution de sulfate de cuivre. La quantité de felspath très-pur soumis à l’expérience a été chaque fois de 5 grammes. Le liquide qui fermait le circuit était une très- faible dissolution de sel ammoniac, et l’expérience n’a jamais duré au-delà de six heures. Dans le premier essai, on a trouvé que * Annales de chimie et de physique, 1833, &. LV, p. 225. SUR LES KAOLINS. 285 0 gr. 098 mill. de felspath s'étaient décomposés en o gr. 030 mil. d’a- lumine et potasse, qui se trouvaient dissous dans le liquide , et 0 gr. 068 mill. de silice, restés en mélange avec le felspath non décomposé. Dans la deuxième expérience, on a décomposé o gr. 159 mill. de felspath en o gr. 054 mill. d’alumine et de potasse qu’on a trou- vés dans le liquide , et en o gr. 105 mill. de silice que l’on a trouvés dans le résidu. SA Nous avons également tenté la décomposition du felspath par un courant très-faible, et cette décomposition a parfaitement réussi. Nous avons placé dans un tube recourbé en U, du felspath pur en poudre que nous avons recouvert d’eau distillée , de manière que chaque branche du tube en contenait jusqu’à la distance de 3 cen- timètres de l’ouverture. Nous avons suspendu , dans une des co- lonnes liquides, une petite lame de cuivre et dans l’autre colonne une petite lame de zinc. Les deux lames ont été mises en communication par un fil métallique qui traversait les bouchons de liége destinés à fermer les ouvertures du tube. Après quinze jours, nous avons remarqué que la colonne zinc était trouble, tandis que la colonne cuivre était limpide ; cette différence a été constatée jusqu’au moment où l’on a ouvert l’appareil, au bout d'environ deux ans. À cette époque, nous avons trouvé que le liquide cuivre, très- limpide, était fortement alcalin, faisait effervescence avec les acides, et contenait exclusivement du carbonate de potasse !. * Il n’y a pas à douter que l’action ne fût suspendue depuis longtemps. La lame de zinc a été trouvée complétement recouverte d’une matière grenue et dure, qui a dû nécessairement 286 MÉMOIRE Le liquide zic était neutre, et la matière blanche qui le rendait trouble et qui adhérait en partie aux parois sous la forme d’une croûte granuleuse, était complétement soluble dans une dis- solution alcaline, d’où l’on pouvait la retirer par les moyens ordi- naires sous la forme de silice et d’alumine. Avons-nous obtenu dans ce cas un silicite alumineux ? C’est ce que nous n’avons pas pu décider, la matière dont nous pouvions disposer étant en trop petite quantité pour en faire un examen approfondi; mais le fait principal que nous désirions constater était la décomposition du felspath par lélectricite ; or nous croyons l'avoir obtenue de la manière la plus évidente. $ JL. Nous avons voulu essayer de décomposer le felspath par la seule action de l’eau en vapeur à une haute température. M. Forchhammer croit la chose possible et dit l'avoir essayée. Nous n'avons pas réussi ; mais nous devons cependant dire comment nous avons opéré. Nous avons mis environ 60 grammes de pegmatite pulvérisée dans un petit récipient dont la forme était telle que la vapeur, mais non l’eau , put y pénétrer ; on a placé ce récipient, ainsi chargé, dans la partie supérieure de la chaudière à vapeur de la manufacture des produits chimiques de M. Payen à Grenelle. Cet appareil y est resté pendant deux mois sous une pression d'environ deux atmosphères. Au bout de ce temps on le retira. La pegmatite, qui n’acquiert dans l’eau aucune plasticité, était réduite en une bouillie très-plastique, ce qui pouvait faire supposer une profonde altération. Mais examen empècher l'action de se prolonger. D'un autre côté, le felspath non décomposé s'étant amassé dans la courbure du tube, de manière à former une espèce de cloison, a empêchéles deux li- quides de se méler; il en est résulté que le liquide alcalin a absorbé l'acide carbonique de l'air qui pénétrait dans l’appareïl imparfaitement bouché. SUR LES KAOLINS. 257 de cette bouillie prouva le contraire. On procéda à cet examen comme il suit : on lava la masse à l’eau distillée. Les eaux de lavage furent évaporées au bain-marie ; elles ne laissèrent aucun résidu. Or, s’il y avait eu décomposition, les produits de cette décomposition n'étaient donc pas solubles dans l’eau. Pour vérifier sil avait eu chan- gement chimique ou formation de quelque hydrate, on soumit à l’ac- tion d’une haute température une portion de cette bouillie desséchée dans le vide; il n’y eut aucune perte. On étudia ensuite l’action successive de l’acide sulfurique et de la potasse sur des portions de la matière desséchée à + 100, et, pour apprécier la valeur de ce résultat, on traita également deux portions de la même pegmatite qui n’avait point été soumise à l’action combinée de l’eau, dela pression et d’une haute température. Il n’y eut aucune différence dans les résultats ; la potasse et l'acide sulfurique n’avaient rien enlevé ni à lune ni à l’autre pegmatite. Nous pouvons donc conclure que dans les con- ditions de l'expérience que nous avions faite, il n’y avait pas eu d’altération chimique. Mais nous ne disons pas que dans toute autre condition, telle que de l’eau en vapeur, injectée par jets dans les fissures d’une pegmatite, de l’eau en vapeur accompagnée d’acide carbonique, ayant cette ac- tion puissante que M. Fournet a reconnue à celle qui sort des fissures du granite à la mine de Pongibault, nous n’affirmons pas que de l’eau en vapeur dans de telles conditions ne puisse agir sur la pegmatite avec une énergie capable de la décomposer. Ce sont de nouvelles expé- riences à faire, mais ce sont des expériences longues et difficiles, et d’autant plus difficiles que, sans vouloir approcher des puissants moyens de la nature, en masse, en action et en temps, on ne peut cependant espérer aucun succès d'expériences faites sur une trop petite échelle. 288 MÉMOIRE ARTICLE VI. Pétes de porcelaines artificielles. SE La différence de composition des kaolins employés dans la fabri- cation des porcelaines, résultant des proportions assez variables, même dans les kaolins d’une même carrière, entre l'argile kaoli- nique proprement dite et ce que nous avons appelé résidu, apporte dans les qualités des pâtes qui en sont faites, des différences consi- dérables. On ne peut arriver à faire des pâtes à peu près semblables par la couleur, la transparence , le degré de fusibilité au feu de cuisson , ayant les mêmes rapports de dilatabilité avec le vernis ou couverte , ayant la même solidité, c’est-à-dire opposant la même résistance au choc et aux changements de température, présentant enfin la même retraite où diminution de volume à la cuisson, on ne peut, dis-je ', arriver à réunir toutes ces qualités dans deux mêmes pâtes que par de nombreux tâtonnements. Il y a longtemps que j'ai pensé qu’il fallait que la manufacture de Sèvres parvint, s’il était possible, à trouver des principes scientifiques pour obtenir des pâtes qui fussent toujours les mêmes, et qu'il fallait d’abord s'assurer que les mêmes éléments y seraient constamment dans les mêmes proportions. * Les recherches et expériences techniques rapportées dans cet article étant nécessairement étrangères , par leur époque et leur nature, aux travaux principalement chimiques de son savant collaborateur, M. Brongniart a été obligé de se mettre seul en nom dans tous les cas où, par sa position, il a dû établir et poursuivre ces recherches techniques avec l’aide des tra- vaux chimiques de MM. A. Laurent et Malaguti. SUR LES KAOLINS. 289 En conséquence, après avoir cherché, au moyen de l’analyse faite par M. A. Laurent des onze plus belles porcelaines fabri- quées à Sèvres depuis 1770 jusqu’à ce jour, quels étaient les éléments en silice, alumine, chaux et potasse qui constituaient ces pâtes, j'ai, depuis 1838, profité des talents de MM. Laurent et Malaguti pour connaître la composition exacte des kaolins, des felspaths et des au- tres matières qui devaient entrer dans la composition des pâtes, afin de les mêler de manière à avoir toujours des pâtes composées de ces mêmes éléments. Le succès a généralement confirmé l'efficacité de cette marche scientifique, et, depuis que je l’ai adoptée, je n’ai plus éprouvé dans les qualités des pâtes aucune de ces différences et de ces défauts qu’on ne savait comment éviter ou corriger. $ II. Je viens de dire que les qualités des pâtes avaient été généralement et sensiblement les mêmes. Elles ne l'ont donc pas été constamment, ni d’une manière absolue. Or, les pâtes qui présentaient après leur fa- brication et leur cuisson quelque différence dans leurs qualités, ayant été analysées de nouveau, elles ont montré la méme composition, ce qui a prouvé qu’il n’y avait point eu d’erreur , ni dans l’analyse des matériaux, ni dans leur mélange. Je soupçonnais depuis longtemps que la nature des éléments ne faisait pas tout dans la composition des pâtes céramiques, mais que le mode d’agrégation, que l’état moléculaire de ces éléments pouvait avoir la plus grande influence sur leurs qualités, même les plus caracté- ristiques , telles que la fusibilité, la retraite, etc., et qu’il n’était pas indifférent de prendre ces éléments dans toutes les espèces de pierres ou de roches qui les renferment, mais qu'il fallait avoir égard à la 290 MÉMOIRE contexture de ces roches, et probablement aussi à la manière dont ces éléments étaient combinés entre eux. $ IL. En conséquence , j'ai établi la série d'expériences suivante : La pâte de porcelaine de Sèvres, telle qu’elle a été faite pendant soixante ans sans qu’on le sût, et telle qu’elle est faite depuis 1836, mais rationnellement est composée de Side 16810; Alumine . . 34,5 Cox et uns) Potasset. 0570 F 100,0 Le tout supposé privé d’eau par une chaleur incandescente *. Ces éléments sont pris, 1° dansles kaolins nommés argileux et cail- louteux; tous deux donnant de la silice, mais le premier donnant en outre et principalement , l’alumine et le second la potasse, 2° dans le sable quarzeux pur de la butte d’Aumont, et 5° dans la craie de Bougival ou de Meudon. J'ai donc cherché à prendre ces éléments dans d’autres matières, et même à introduire dans les mélanges un ou deux éléments obte- nus purs par préparation chimique. Jai cherché enfin, à faire une ! La ressemblance de composition de ces pâtes, faites empiriquement, est frappante, depuis 1778 surtout, dans la proportion de potasse qui a été constamment de 3 pour 0/0, au point que M. Laurent pensait que la composition de la porcelaine de Sèvres pouvait être repré- sentée par la formule 15 S* Al. ES. (ca. K. Mg). Les porcelaines d'Allemagne contiennent au plus 3 pour 0/0 de potasse. Les porcelaines de Paris et de France en renferment jusqu'à 5 pour o/o, excepté celle de Bayeux qui n’en contient que 1,5? SUR LES KAOLINS. 291 porcelaine uniquement composée d’alumine extraite de l’alun, de silice précipitée de sa dissolution alcaline, de chaux pure et de po- tasse. On va voir qu’à mesure que le mélange se compose d’un plus grand nombre d’éléments préparés artificiellement , la pâte s’é- loigne d’autant, par toutes ses propriétés, de la vraie pâte de por- celaine. $ IV. Je commence par les substitutions les plus simples, prises dans des matériaux naturels, et qui ont donné des résultats auxquels on pouvait s'attendre. 1° Pâte de porcelaine dans laquelle le marbre blanc , ne renfer- mant que du carbonate de chaux sans silice ni magnésie, a été substi- tué à la craie. Cette pâte n’a présenté, ni dans son emploi, c’est-à-dire au fa- connage, ni après la cuisson , aucune différence d’avec la pâte nor- male. Ainsi la craie, malgré qu’elle n’ait pas la pureté du marbre, malgré qu’elle ait un tout autre mode d’agrégation, pourrait être remplacée dans la pâte de Sèvres par du marbre blanc. 2° Le silex pyromaque remplaçant le quarz du sable d’Aumont. Ce remplacement ne parait avoir apporté aucune différence ni dans l'emploi de la pâte, ni dans les qualités de la porcelaine. 3° Jai voulu ensuite faire une pâte de porcelaine composée des matières élémentaires qui la constituent, obtenues par des prépara- tions chimiques, et mêlées ensuite dans des proportions exactement les mêmes que dans la porcelaine de Sèvres. Jai donc fait, suivant les règles de l’art, une pâte composée comme il suit : Arcuives pu Muséuw, rowe If. 31 292 MÉMOIRE Silice pure obtenue par précipitation de sa dissolution alcaline set et af. uit ni RMI Et cher _ ; z ME : . 58,00 Silice renfermée dans la fritte préparée pour avoir la POLASSE EU ETAPE NOT D 2 ONU) Alumine pure extraite de l’alun ordinaire par lammonia- que et desséchée à la chaleur incandescente . . . . . . . 34,50 Potasse/prise dans la frite. 7e ee un Chaux prise dans un marbre dont la pureté était connue. 4,50 100,00 Ces matières ont été longtemps broyées ensemble, mais en raison de la cherté des éléments, on n’a pu faire que 5 hectog. de cette pâte, cequi pouvait néanmoins suflire pour faire connaitre ses pro- priétés. Cette pâte, extrêmement courte, a été très-dificile, tant à tourner, qu'à mouler; nous nous y attendions. Cependant un adroit tour- neur est venu à bout d’en faire de petites tasses minces et une pla- que à dimension déterminée. Ces pièces passées au four à porcelaine, dans la partie où la tempé- rature est le moins élévée, ont toutes fondu en une masse d’un blanc d’émail, remplie de bulles. M. Malaguti s’est assuré, par un examen rigoureux de lalumine, que cette terre ne renfermait plus de potasse. On a recommencé cet essai en diminuant la proportion de la fritte d’un tiers, pour diminuer d'autant la potasse. Les plaques passéesseulement au feu de dégourdi, n’ont pas fondu ; mais elles ont pris 18 pour 100 de retrait; au grand feu elles ne s'étaient que ramollies; on a pu mesurer son retrait qui a été jus- qu’à 28 pour 100. Ces expériences répétées plusieurs fois et un peu variées, de ma- SUR LES KAOLINS. 293 nière à diminuer la fusibilité, tantôt en introduisant dans les nou- velles pâtes de la poudre des pièces déjà cuites, tantôt en employant du quarz broyé au lieu de silice précipitée, ont donné à peu près les mêmes résultats, c’est-à-dire toujours une pâte ayant une fusibilité beaucoup supérieure à celle que présente la porcelaine exposée à la plus haute température. $ VI. Il résultait de ces expériences, que des éléments de même nature, combinés dans les mêmes proportions, donnaient un composé bien plus fusible lorsqu’on les présentait isolés que quand ils formaient déjà des combinaisons, et qu’il n’était pas indifférent, sous ce rap- port, de mêler ensemble de la silice, de l’alumine et même une fritte de potasse, ou bien des silicates d’alumine et de potasse , déjà tous formés. D’après ces considérations, nous avons renoncé à faire de la por- celaine par la réunion immédiate de ses éléments isolés; mais nous avons voulu savoir si on pourrait arriver à faire cette belle poterie en prenant ses éléments déjà combinés, dans d’autres matières ter- reuses que le kaolin. $ VII. Nous avons d’abord pris l'argile comme le corps qui s’approchait le plus du kaolin, devant nous contenter de regarder comme porce- laine la pâte qui, cuite à haute température, aurait la densité, la solidité, linfusibilité et la translucidité qui caractérisent cette sorte de poterie, mais sans y exiger la blancheur, qui n’est qu’une qualité secondaire. 294 MÉMOIRE Il manquait deux choses à l'argile infusible et sensiblement exempte de chaux qu’on nomme argile plastique : 1° La quantité d’alumine que renferment, en général, les kaolins employés à Sèvres; 2° La potasse, qui n’y est, comme on le sait par les expériences de M. Mitscherlich, qu’en très-faible proportion. Les expériences suivantes vont montrer comment nous avons tâché d’y suppléer. $ VIII. L’argile plastique de Dreux remplaçant le kaolin. Nous avons éprouvé ici beaucoup de difficultés à opérer ce rem- placement. Nous avions prévu celle qui devait résulter de emploi, l'argile plastique étant beaucoup plus liante que le kaolin ; mais cette argile ne renfermant pas la quantité de potasse qui était nécessaire pour arriver aux mêmes proportions de matières élémentaires de la porcelaine de Sèvres, il a fallu aller la chercher dans des corps qui n'étaient plus des matières argileuses. Étant obligés, à cause de la composition de la fritte, de diminuer la proportion de largile plastique, nous avons dù prendre lalumine qui nous manquait par suite de cette réduction, dans l’alumine pure résultant de la décomposition de l’alun. La potasse, à cause de sa dis- solubilité, ne peut être introduite immédiatement dans une pâte : il a donc fallu l’enfermer dans une fritte. On détermina, par lana- lyse , la composition de cette fritte ; mais comme dans cette pre- mière expérience la fritte ajoutait à la pâte une grande quantité de silice, il fallut réduire d’autant la proportion de Pargile plastique de Dreux et remplacer l’alumine, que cette réduction enlevait, par de l’alumine artificielle. SUR LES KAOLINS. 295 On arriva à faire une pâte qui fut composée de Silice: | Alumine. | Chaux Potasse. — 9,72 d'argile plastique de Dreux. privée d’eau.........., 44,44| 27,89 soi defritten ils .eus Mre 103,67 60,80| 34,50! 4,50 Proportions normales de la pâte de porcelaine de Sèvres. Geite pâte se travaillait facilement, mais acquérait, à un fort feu de dégourdi, la compacité et la dureté du grès, en se déformant considérablement ; elle ne s'émaillait que très-difficilement , ne présentait qu’une très-faible translucidité au grand feu, et prenait un retrait qui allait jusqu’à 16 pour 100; elle était enfin couverte de bouillons. Plusieurs expériences, dont nous ne rapportons pas les détails, nous ont fait voir que l’alumine selon qu'elle avait été préparée, se lon qu’elle avait été comme calcinée au feu incandescent du dé gourdi ou seulement desséchée, donnait des résultats en couleurs, retrait, bouillonnement et déformation très-différents entre eux. Ceite poterie n’était donc pas de la porcelaine, quoique composée rigoureusement des mêmes éléments. 296 MÉMOIRE SEX Nous avons voulu changer les matières, en conservant toujours les mêmes éléments dans les mêmes proportions; et pour y arriver, nous avons fait une fritte qui, contenant beaucoup moins de silice que la précédente, ne nous forçait pas de réduire les proportions d'argile plastique et nous permettait de supprimer lalumine artifi- cielle. Nous avons obtenu une pâte composée comme il suit : Silice. | Alumine.| Chaux. | Potasse. 58,00| 34,50| 4,5o| 3,00 Les pièces faites avec ces matières, et cuites au dégourdi, avaient déjà acquis la compacité et la dureté du grès, elles étaient ondu- lées, bosselées, déformées; elles avaient pris un retrait d'environ 16 pour 100; mais elles étaient plus blanches, moins déformées, moins bouillonnées que les précédentes, et avaient acquis même un com- mencement de translucidité. Ainsi, il a suffi de remplacer le kaolin, généralement peu plasti- que, par une argile très-plastique, pour qu’une pâte faite avec cette argile, dans les mêmes proportions élémentaires que la porcelaine, ne présentât plus les qualités caractéristiques de cette poterie. SUR LES KAOLINS.: 207 S X. On connaissait déjà ce résultat, car il était très-naturel que dans les contrées où il n’y a pas de kaolin, mais de belle argile, on eût cherché à faire de la porcelaine, en substituant cette argile au kao- lin : on n’y était jamais parvenu. Il fallait, pour approcher de cette poterie dure, translucide et prenant bien la couverte, toujours asso- cier, comme dans les hygiocérames, du kaolin à Pargile :. Mais on pouvait croire que tous les éléments de la porcelaine à kaolin ne se trouvaient pas dans les pâtes de porcelaine tentées avec de l’argile seule : or, les expériences précédentes, faites sur des pâtes de composition chimique exactement la même que celle de la porcelaine, prouvent que c’est bien dans l’état des parties, et non dans leur nature, que consistent plusieurs des propriétés céramiques caractéristiques des pâtes. $ XI. On a vu qu'il y avait une assez grande difficulté à introduire, dans les pâtes artificielles de porcelaine, les 3 pour 100 de potasse néces- saires à leur composition ; qu’on ne pouvait le faire directement, à cause de la solubilité de cet alcali et qu'il fallait se servir, pour véhi- cule, d’un corps vitreux, et par conséquent d’un composé qui était dans un état très-différent de celui où est la potasse dans le felspath. Pour compléter toutes les tentatives de pâtes arüficielles, nous ! On connaît deux fabriques de porcelaine dans lesquelles le silicate de magnésie semble remplacer entièrement le kaolin , celle de Retiro près Madrid et celle de Vineuf ou Viñovo près Turin ; mais en examinant la composition de cette dernière porcelaine , qui est la seule que l’on connaisse bien par les travaux de Gioanetti et de Giobert , on voit d’abord l'intro- duction du felspath de Frossasco comme fondant dans la pâte, puis celle de l'argile de Barges, espèce de kaolin talqueux, mais mélé de débris de felspath, comme matière plastique et fondante. Voilà donc encore une vraie roche felspathique nécessairement introduite dans la composition de cette porcelaine. 298 MÉMOIRE , avons voulu voir si, en prenant la potasse nécessaire dans une autre pierre que le felspath, nous pourrions, sans le secours de ce minéral, faire une pâte semblable à la porcelaine. En recherchant quelle serait l’espèce minérale qui nous fournirait le plus de potasse, nous avons choisi l’amphigène, comme étant la pierre qui remplirait le plus complétement les conditions que nous voulions y trouver réunies. On a répété, dans ce but, l’analyse de l’amphigène sur des échan- tillons pris dans deux états différents. Les uns présentaient l’amphigène sans altération sensible ; dans les autres, ce minéral était altéré et devenu blanc opaque et friable : dans les uns et les autres, il restait des parties de laves engagées ou adhérentes, mais qui ne pouvaient avoir aucune influence sur le but que nous voulions atteindre, puisqu'il ne s'agissait pas de faire une nouvelle analyse de l’espèce, mais de connaitre les éléments de la matière minérale que nous voulions employer. Amphigène. Non aliéié | Nonaltéré? Aliéré, (An. d’Arf- | Mêlé d’un peu blanc, veison). de lave. friuble. SUCER MEURT QUE AE LEP ET TE ; 56,10 62,10 AlüMINER PRE PANIQUE DIE NSP EU 23,10 24,00 Potasse te ER ere eee Cent 21,1 9,00 Mapgnésié. eurent 0 Re e oNT EEE 0,76 CET RE EE cree DS 80 1,08 Peroxide de fer et magnésie. .......... 0,95 ob Ho Pa Mr Ne Enr cu EE Aloe 1,10 101,30 | 99,00 v « SUR LES KAOLINS. 299 _ Ainsi, sans examiner quelles peuvent être les causes de la diffé- | rénce de ées deux analyses entre elles et avec celles de Klaproth et Ê _ es nous trouvions dans cette PA sous le rapport de la Silice. | Alumine.| Chaux. | Poiasse. a 179 37 argile plastique de Dreux simple- ment sèche. .......... RENE 33,48 20:28: PL A0 En Res Mi ve re 21,00| 8,32| 0,60! 3,00 3,92 sable quarzeux d'Aumont. ..….. SE DR 0 PES LE A EL DIT 7,00 craie.......... een ARTE A É SA ARE 3,90 là | 444,22 (à cause de l’eau de l'argile non | 58,00! 34,50| 4,50! 3,00 calcinée et de l'acide carbonique de la craie). : _ Pour ôter à l'argile de Dreux cette trop grande plasticité, qui _ donne aux, pâtes les graves inconvénients de gauchir, nous avons, _ dans un des deux essais, introduit la moitié de largile à l’état de ce nr on appelle ciment, c’est-à-dire d’argile calcinée au rouge et ré- me calcinée, a donné une vraie pâte de ee mais très- boursoufflée; la seconde a donné une porcelaine plus parfaite quoi- à qu encore un peu bouillonnée, mais prenant bien la couverte, ne se déformant pas à la cuisson, ayant acquis la translucidité de la porce- laine > prenant au dégourdi,10 pour 100 *E retrait et au grand feu 12 pour 100. L PSM Arouives pu Muséuu, TOuz II. ' 32 300 MÉMOIRE FE $ XII. , Il n’était pas nécessaire de pousser plus loin les expériences, pour prouver que dans les pâtes céramiques l’état des éléments a la plus grande influence sur la facilité de la fabrication et sur les qualités les plus intimes de ces pâtes, selon que l’on prend ces éléments, soit dans l’état d'isolement, soit déja combinés entre eux, ou selon qu’on les prend ayant leurs parties, soit dans un état de finesse ou d’arran- gement-différent (telles que cristallisées ou en poussière tenue), soit dans des positions relatives différentes, telles qu’écartées par la pré- sence de l’eau ou déjà rapprochées par l’expulsion complète de ce corps à l’aide d’une chaleur incandescente”. $ XI. Il nous semble que ces expériences nous permettent de conclure que, dans les fabrications industrielles où l’action chimique a beau- coup de part, il est important de porter la plus grande attention sur Vétat de combinaison et de structure où se trouvent les, matériaux que l’on emploie. Ces recherches et leurs résultats pourront expli- quer les anomalies si fréquentes que présentent des produits dans lesquels on fait entrer les mêmes corps dans les mêmes proportions, mais dont l’état moléculaire était, sans qu’on y fit assez d’attention, extrémement différent. MM. Eckeberg et Thaer (01. brit. agricult. t. 17) ont fait, il y a déjà longtemps, quel- ques recherches sur le remplacement, dans les mélanges, de l'argile par l'alumine , et ils avaient déjà vu que ces mélanges artificiels différaient notablement des mélanges fournis par la nature ; mais leur but et leur méthode d'expérimentation étaient tout autre que les nôtres. M\ TABLEAU N° : De la composition de huit felspath. A. Nerrcastle, | Sarzadelos. Hall. Quabenstein Oporto. Dixonplace Calabre. Serdobole F Wilnioglon. (Finlande) 7 silice 62,00! 62,76| 61,37] 62,06| 58,70 65,87 _ JAlumine EE à 19,78| 19,48| 19,20 | 20,23| 19,61] 23,95 | 20,60! 16,47 …Potasse. ..... 5 54 |Traces. — 20 etmangan.|' : Ê D RAA ED nat er. aces. aces.|. -.. umidité. .. —————— || ————— | | —————_—_— | ————— | —————— |————— | ———— | RTS AK+:S | AK+1S | AK+:S |AK+1S | AK+:S |A‘K: : Si°| AN+S AK+*S Tableau de la composition des kaolins dont les localités sont les mémes que celles d'une partie des felspath précédents. B. SARGADELOS More Drexporr Ororro. WiL #1°GTON (Gallice) prés de Hall. près Hafoerszell. tDelaware). (N° 37 du T.) Re 39 du T.) | (N° 25 du T.) | (No 56 du T.) |(N 58 du T )(1 NuwcASTLE (Delaware). (N° 39 du 1.) CH 3. 4- 5. 6. |, | [| —Û———"—"— | ————]————— 43,25 26,10 28,61 40,62 32,69 37,38 22,50 25,75 45,94 43,94 12,83 709 9,60 14,62 12,12 Mules im-|A* S‘+Aq‘|A* S*' Aq°|A° S+Aq°|A* S’+Aq médiates qui ou ou ou ou AS+2 Aq.| AS+2 Aq. en dérivent. |A‘ S“+Aq*|A* S° Aq°|A* Sÿ+Aq*|A*S‘+Aqt° | Mules défi nilives. (*). ..[AS+2 Aq. 15+2 Aq.|AS+2 Aq.[AS +2 Aq.| AS+2 Aq.|AS +6 Aq. (*) Ces numéros se rapportent aux kaolins dont l'analyse a été donnée dans le 1°* mémoire. (4/r- chives du Muséum d'hist. nat. t. 1, p. 249. (#) On a vu à la page 229 ce que l’on entendait par formule définitive. Ÿ É TABLEAU N° 2. 3 "a Des analyses rationnelles des différents kaolins, faites au laboratoire de Sevres: Numéros F L RE Chaux, Chaux, ants da gnési ési LOCALITES. ietableau | Silice. |Alomine. | Een [ane [onde Mémoire. . Argile de kaolin de Limoges (1838) 34,65 | 12,17 | 1,33 . Louhossoa, près Bayonne. . . 33,00 | 23,00 |: +": - Des Pieux, près Cherbourg. . 34,51 | 12,09 | 1,39 . Mercus (Arriè 20,00 | 9,03 | 1,24 . Mende (Lozère 22,33 | 9,70 | 4,32 . Clos de Madame (Allier). . . . 36,37 («12,94 | 1,80 . Chabrol (Puy-de-Dôme). . . . | 29,88 | 10,73 | 1,56 |. . . . . Breage, en Cornouailles. . . . $ 24,060] 8,74| 0,60 |Soud:tr. . Plymton (Devonshire). . . . . 36,81 | 12,74 | 1,55 . Chiesi (Ile d'Elbe) 32,24 | 11,36 | 3,21 . Bourgmanero (Piémont).. . . 21,14 | 7542]. + - -|. . . . Tretto, près de Schio 25.28 | 6,64| 6,33 \ . Rama (Passau) 37,08 | 12,83 | 2,85 . Auerbach (Passau) 29,45 | 10,50 | 1,13 . Diendorf, près Hafnerszell (Passau) 25,75 | 9,60! 1,57 . Aue, près Schneeberg. . . . . ? 34,12 | 11,09 | 0,69 ; ae np eMail Laye £ 25,00 | 9,80] 0,71 |: . . . . Seilitz, près Meissen.. . . . . ; 34,16 | 12,10 | 0,60 |Soud. tr. . Schletta, près Meissen.. . . . ; 20,92 | 7,26 | 3,98 . Morl, près de Hall 9 29,50 | 277,00 |e 0e. - Sosa, près Johanngeorgen- Ca.mg. stadt 30 b. 38,15 | 9.69 | 1,8 . Zetlitz (Carlsbad) 26,66 | 9,55| 1,13 . Munchsoff (Carlsbad).. . . . 40,61 | 13,56 | 0,95 . Prinzdorff (Hongrie). . ... .|: 15,17 | 5,22] 1,83 |. . Bornholm (Scandinavie). . . : 34,99 | 12,52 | 0,54 . Risanski (Russie) 5 Â75831|L22,23|.0.0 . Oporto (Portugal) 43,94 | 14,62 |. . . |. . Sargadelos (Galice) 3 37,38 | 12,83 | 0,88 . Wilmington (Delaware).. . . 35,04 | 12,12 | 1,14 . Newcastle (Delaware). . . . .]39 20,001 085041 EC RIE Chine mes NPA 40 c. 9,80 | 2,62 | potass.|. . . . 3,08 # (1) Dans le tableau général du 1° Mémoire, p. 250, n° 16 #, il faut lire 24,06 alumine, au lieu de 20,06. ° k° Lis TABLEAU N° 3. De la composition de 31 argiles kaoliniques et de leurs formules immédiates, abstraction faite des mélanges qui les accompagnent. Ra ls LOCALITÉS. Silice. a En. mm Ale. Pres, et l’eau. 1. Kaolin de Limoges (1838).147,33138,98/13,69| A° S*+ Ag ha 2.7 2. Louhossoa, près Bayonne.|43,12|33,00 23,00| A? S+ Ad |::1 : 4: 3. Des Pieux, près Cherbourg. 47,50|38,81|13,59| A° S‘ + Ag‘ 14:2 |: 4. Mercus (Arriège\. ....... 48,40|35,55/16,05| A? S°+ Aq° Dh 5. Mende (Lozère). ........ 52,65133,01/14,34| A‘ S+Aq'° |::2 : 5 At S° + Aq° 6. Clos de Madame (Allier). |44,74|40,76[14,50 aus Ag La :2 | | .7. Chabrol (Puy-de-Dôme). .|44,78|40,63 14,59 Id. | 8. Bréage en Cornouailles.. .|58,71|30,29|11,00| AS? + Aq° 47,20|39,23/13,57| A S*+ Agq° 44,82136,37/12,81| A° S5+ Aq* | 9. Plymton (Devonshire). - 110. Chiesi (ile d’Elbe)....... 11. Bourgmanero (Piémont)... 12. Tretto, près de Schio..... 13. Rama (Passau). ......... 8 4 0 se > à Eh à à à ba .. [4 Auerbach (Passau). a 44,86/40,65|14,49 Ge Ss'} Aqi® : 2 C 115. Diendorf, près Hafnerzell (Ibid.)]44,73 40,25 15,00 Id. 1:21 16. Aue, près Schneeberg. .. .[44,33|42,02|13,65| A5 S5 : Aqîe 1:21 17. Kaschna, près Meissen.. . .|45,82|38,92|15,26| A: S*+Aq° 1:92 | 18. Seilitz, près Meissen. ..... 46,86/39,24/13,90| A° St+ Aq° 1:21: 19. Schletta, près Meissen. . . .[58,12|31,09 10,79| A* S*+Aq° 1:2 A5 St 6 20. Morl, près de Hall....... 46,56/40,00|13,44 He el 1 | :2 |. ë 3 + Mn pres Johanngeorgen- 48,52|41,06/10,42| A° St: Ages) PT dt. ....,........... A3 St AG 22. Letlitz (Carlsbad'. .. ....148,42|37,98 13,60! Fe rs | 1:21. : At S5. Ad 23. Munchshoff (Ibid.)....... 44,90|41,31 13,79) # ss" ne É :2 |. 24. Prinzdorff.............. 56,76132,17/11,07| AS? Ag° 1::4 : 2 | A* S5-+ A 25: Bornholm.... ::........ 44,82|40,64|14,54 rè Fee L: 1:21: 2eMRisanski. .....:........ 29,30|47,83]22,23| A°S®+Aq8, |:: 3 : 8 PROD CE TU IE 40,62/43,94/14,62| A S +Aq° | ACT 3 A° S*+Aq° 28. Sargadelos (Galice). ..... 46,26|39,99/13,75 A8 ST A 41 10 De 29. Wilmington (Delaware).. .|40,06/43,86 15,18] AS +Aq° (rate 30. Newcastle (Delaware) 46,27|39,82|13 à p | , Sheet. 27199,02119,91 A! 55°: Ad 4 2 + 2 Lg LU SRE ONARRE EEE 52,49/37,49|10,02| A? S° + Aq‘ |: 2: 3 2 60 TABLEAU N° 4. ati # Des résultats obtenus en traitant par une dissolution faible de potasse les 24 argiles du mn, à n° 3, qui renferment l’alumine et l'eau, dans le rapport atomrstique de 1 a 2. dk à AS Quantite sitio! NOM ET FORMULE miqu ée d'apré FORMULES L s pe 5 À soumise diminution de la Dhs en— de l'argile kaolinique soumise au traitement de quste | SLICE OBTENUE. r la potasse. qui en Le, aus le traitemenl la dissolution faible de potasse. . RE DEEE résultent. AS‘: 6Aq. 5,06[0,556 10,98 (31, 09|34,65|12 17/45 CE » A] Kaolin de Limoges (1838). 6 S'+ 6 À Des Pieux, prèsCherbourg. Id. 15,06110,123 2,43139,88134,5: 12,09! 44 S5+ 8 Aq Clos de Madame (Allier). TETE 15,043 0,135 = 2,67|37,24136,37|12,94 |AS + 2 aq. {? 7:79l25,14129,88/10,73 [AS + 2 Aq.|N - 1,27145,36,24,06| 8,74 |AS +2 Aq'IM 10,19134,07/36,81112,74 |AS + 2 Ag}! Chabrol QE ren Id. 6,1 19 0,477 Breage en Cornouailles. Are + 2 Aq.|5,665|0,072 PIy rmton (Devonshire).... A°S'-- 6 Aq. 4,797 0,489 - Chiesi (ile d'Elbe). . .'AS5+ 4Agq.|5,07710,059 - 1,16143,87|32,2411,36 |A? S°+ 4 Aq:| Bourgmanero (Piémont). - AtS°+ 8 Aq. 8,571 0,68 6, 62117,32/22,14 7,42 AS + 2 Ag. | Rama (Passau). ......... Id. 4,88810,475 - 9,71/36,77 37:38 12,83 Id. Auerbach (Passau). fé S+ 8Aq- (6 ,212/0,443 13125,35/29,45110,50 _ Id LEE > PE ASS5-10Aq.{ ? | re LD Le LE Diengorf, près Hafnerszell. Id. 7,035|0,505 — 7517 21,44/25,75| 9,60 Id. Aue, près Schneeberg.... | ASS5+10Aq.|6,950|0,112 76134,22|34,12|11,09 Id. | Kaschna, près Meissen. . | ASSt 6Agq.|7,010|0,127 = 1 80 27,60/25,00! 9,80 |A S$ —- Ag. Seilitz, près Meissen. .... Id. 5,18410,472 — 9,10|31,68 HE 12,10 AS + 2 Aq:| Schletta, près Meissen. ... | A'S°+ 2Aq.|6,68810,045 0,67 38 48|20,9 7 26 Morl, près de Hall... ns 7 ++ |8,014l0,356— 4,441:1,66122,50! 7,55 Zetlitz (Carlsbad).. ...... | Id. 16, 41110,318 = 4,95/29,03/26,66| 9,55 [1 Munchshoff (Ibid.) ...... Er RAA \4,578 0,110— 2,40/41,72/40,61113,56 Pripzdornt. PACE | AS" + 2 Aq.'9,54410,096 = 1,00/25,76/15,17| 5,22 Bormholmn: Pt 00e HER 0,368 - 7,04131,53134,99/12,52 OPOrtO NET MERCURE Fear a 14,53710,169— 3,72136,90/43,93/14,62 Sargadelos (Gallice).. ., . COM Bag ft 814l0,312 6,48136,77|37,38 12,83 Wilmington (Delaware)..|AS — 2Aq.|5, 637 0,689 —12,23/20,46135,01\12,12 [AS 6Aq.| 7,002/0,658 9,39/20,34125,59) 8 Newcastle (Delaware).. . ‘A‘S5+ 8 Aq.{ a TABLEAU N° 5. Formules immédiates et définitives des sept argiles favliniques qui contien- nent de lalumune et de l'eau, hors du rapport de 1 à 2. (Voir page 229). À NUMÉROS À FORMULES IMMÉDIATES FORMULES DÉFINITIVES Pers LOCALITÉS. déduites ARS 2. 0 re 44 de Lagee A tonpelles par la potasse. | Fr BE UN 6 Louhossoa, près Bayonne. .| A*S° + 8 Aq. | —A S +4 aq. || 40" |Mercus (Ariège). 42% ....l"A°S + 5 Ag. | = A S + : aq. | [Mende (Lozère). ........ A*S7+10 Agq. | —A*S+5 aq. | 20 |Tretto, près Schio. ....| A°S°+ 2 Aq. | -—A?S'+2 aq. #| 302. Sosa, Johanngeorgenstadt.| A°St+ 4fAq. | —A‘S+6 aq. | 35 /Risanski....... NRA EE A°S°-+ 8 Aq. | —A°S +5! aq. AO Chine 4. Re A°S°+ 3 Aq. | —A*S+3 Aq. . vw + 4 : 24 À + | | ERRATA. à » x x £ Page 295; tableau. — Silice. iN " à + 44,44 mètlez : 41,64 Total. 60,80 meltez : 58,00 AATONTE] # : LE 4 ; à : j ll 1 4 . ‘ y $ TABLE DES MATIÈRES DU SECOND MÉMOIRE SUR LES KAOLINS. * à er “y Le à NC MER MNT js JA tar re 4 : à: à "à à qu " Ne 0 4 à d Eu L. y 7 Fi. ART. IV. De la AA rationnelle des kaolins; A entre la composition des felspaths et celle de la partie inattequable des kaolins. ART. V. Expériences et théories sur la formation des kaolins. ART. VI. Pâtes de porcelaines artificielles. CHR LA Rae 1h eau Tableaux n° 1, 2, 5, 4et 5. RENE 1! or etsuiv. » ? Mb 24 k Aion 1, ! (Errata, à la fin du tableau n° 5.) % ; L : AE OV : N ou ë PAL ON " Æ PPERS 41 # RATS è # | # NOUVELLES RECHERCHES SUR LE NAUTILE FLAMBÉ (Nautilus Pompilius Lam.) M. A. VALENCIENNES. Quoique certains passages de leurs écrits puissent faire présumer que les anciens ont eu connaissance du nautile , quoique la coquille élégante du mollusque ait été déjà connue et figurée du temps de Belon, les premières notions positives que l’on a eues sur animal ne remontent pas au-delà de 1710, époque dela publication de l'ouvrage de Rumphius :. La description de cet habile naturaliste aurait été com- prise des zoologistes, malgré ses imperfections, s’il eût accompagnée d’une figure où l’on eût pu y mieux distinguer les parties qui y sont trop ramassées et trop incomplétement reproduites. D’après ce qu’il . dit de la perte des dessins qui devaient d’abord accompagner son texte, je suis porté à croire que Rumphius a fait une représentation de mé- moire , où l’on retrouve bien quelques souvenirs de la nature, mais où il est impossible de se reconnaitre quand on n’a pas encore * Rumphius, 4mb. rar. liv. 2, p. 59 et suiv. Ancuives pu Muséun, Tone II. 33 298 NOUVELLES RECHERCHES observé avec soin l'animal lui-même. Ainsi, Rumphius a représenté (Z. cit. pl. X VIE, B) l'animal détaché de sa coquille et renversé, c’est-à- dire que les parties inférieures de la tête sont en dessus et les supé- rieures en dessous. L’œil étant supposé à peu près à sa place , Penton- noir occupe le haut du dessin au-dessus de l’organe de la vue, et ia paire de bras supérieure, ou la coiffe, comme la appelée sir R. Owen, est en dessous. La division secondaire de ce bras y est assez bien indi- quée, ainsi que sa forme postérieure, dont le contour suit l’ondula- üon dela portion noire du test. On y voitaussiles petites granulations et les taches de la peau. Tout le large bord du manteau, qui s'étend en avant jusqu’à recouvrir lentonnoir et le bord inférieur de l'œil, a été rejeté en arrière et irrégulièrement plissé; ces plis cachent les im- pressions musculaires ; l'arrière de l'abdomen n’est pas assez arrondi, et enfin, il y a une première articulation du syphon. Mais, jele répète, pour reconnaitre ces parties, il faut avoir eu l’animal sous les yeux. Quant au texte , on y trouve des observations curieuses sur les ha- bitudes de animal. Les plus habiles naturalistes qui vinrent après le voyageur hol- landais en restèrent à désirer de connaitre ce curieux mollusque, lorsqu'un membre du collége royal des chirurgiens de Londres, M. Georges Bennett, trouva, dans un voyage aux iles de la Polyné- sie, un nautile qui fut pris dans les circonstances suivantes : Dans la soirée du 24 août 1829, dans la baie de Marekini, côte sud-ouest de l'ile d'Erromanga , l’une des Nouvelles-Hébrides, on vit un nautile flottant à la surface de l’eau , non loin du vaisseau, et ressemblant, suivant l'expression des matelots, à une carapace de tortue. Il fut pris d’un coup de gaffe, qui malheureusement brisa la partie supérieure de la coquille, et blessa le mollusque en le traversant au-dessous de l'œil. Le naturaliste qui fut assez heureux pour faire cette intéressante capture, détacha immédiatement l'animal de la co- SUR LE NAUTILE FLAMBÉE. 259 quille brisée et à laquelle il adhérait par deux muscles. On le conserva dans lalkool après-en avoir fait un premier eroquis. Le nautile avait alors fortement contracté toutes ses parties et surtout ses tentacules. M. Bennett dit qu'ayant soigneusement ouvert la portion cellulaire de la coquille, il trouva les loges remplies d’eau. L'auteur ne s’est malheu- reusement pas assez expliqué sur ce qu’il appelle la partie supérieure de la coquille. Est-ce la portion bombée du côté de la grande loge, ou la portion roulée en spirale? Il semblerait que ce n’est pas ce dernier côté, parce qu’alors M. Bennett n’aurait pas eu besoin de prendre des précautions pour ouvrir les cellules, puisque le test en avait été cassé ; et cependant, d’après la manière dont le mollusque adhère à sa coquille et y avance en grandissant, il est difficile de con- cevoir que les loges ne soient pas complétement vides. S'il y a des gaz ou des liquides contenus dans les chambres, ce ne serait que par une sécrétion de l’animal qu'ils pourraient y pénétrer, quoique j'avoue que cela soit difficile à supposer. Il reste donc là un nou- veau sujet de recherches pour ceux qui seront à même d’observer Panimal vivant. Près de deux ans après la possession de l'animal, M. Bennett ar- riva en Angleterre , fit hommage de son mollusque au collége royal des chirurgiens, et ce fut sur ce sujet que sir Richard Owen publia son beau et intéressant mémoire sur le nautile. C’est donc de l’année 1852 que date seulement la connaissance exacte du mollusque cons- tructeur de cette curieuse coquille, si intéressante par les données qu’elle fournit à la palæontologie et à la géologie. Le Muséum de Paris n’avait pas encore pu se procurer un sem- blable animal, malgré des demandes répétées aux nombreux voya- geurs qui sillonnent les mers de l’Océanie, lorsqu’en novembre 1840, administration reçut une lettre de M. J. C. Meder, amateur fort éclairé de conchyliologie et négociant hollandais établi à Batavia, 260 NOUVELLES RECHERCHES qui lui annonçait le don généreux qu’il faisait au cabinet du Roi. Voici les termes de sa lettre : = 2 « Depuis dix ans je n’épargne ni peines ni argent pour me pro- curer l'animal du nautile flambé (Nautilus pompilius Lam. ), toutes mes recherches restaient infructueuses, lorsque tout à coup, il y a quelques jours, par un simple hasard, je me trouve en pos- session de deux superbes exemplaires de ce mollusque si rare, si recherché, qu’on venait d'apporter de la Nouvelle-Guinée, et dont le propriétaire paraissait ne pas connaitre la valeur. « Je conviens, messieurs, qu'il est au-dessus de mes forces de tirer de cette acquisition tout le parti possible pour la science, et par cette raison, je me suis décidé immédiatement d’en présenter un exemplaire à mon souverain, S. M. le roi des Pays-Bas, pour le musée de Leyde, et à offrir l’autre ou à la France ou à Angleterre. « Longtemps mon choix a balancé, mais le développement qu’a reçu chez vous cette branche de l’histoire naturelle si intéres- sante, et la lumière que vous y répandez, par les écrits et les re- cherches de vos naturalistes distingués, m'ont décidé à le destiner au musée de Paris. « Daignez, messieurs, en agréer l’hommage, en acceptant comme un simple tribut de admiration que je porte aux travaux de la France; et si La valeur pour vous n’est pas de Pimportance que j'ai cru devoir y attacher, par suite de la difficulté de se pro- curer le nautile, je vous prie de vouloir bien m’excuser et de prendre en considération ma bonne volonté de vous être utile. » L'animal qui était si gracieusement et si généreusement offert à l'administration, arriva effectivement bientôt après; il était très-bien conservé dans l’alkoo!, mais malheureusement on l'avait retiré de sa coquille, et les viscères digestifs et générateurs contenus dans le fond du sac palléal avaient été arrachés. Malgré cela, le mollusque était SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 261 bien précieux pour nos collections; il me fut remis comme profes- seur de zoologie chargé de l’histoire naturelle des mollusques. J'avoue qu’en le recevant je pensais n'avoir en quelque sorte qu’à le confronter au mémoire de M. R. Owen, mais je ne tardai pas à m’assurer qu’il restait encore plusieurs observations impor- tantes à présenter aux naturalistes. L'animal que j'ai eu n’a pas été très-contracté par lalkool, les cirrhes des bras sont libres et flottent au dehors de leurs ventouses allongées en gaine, ils ne sont point retractés. La tête avait ses parties extérieures et voisines très- intactes. C’est à cause de ce meilleur état de conservation, et de la moin- dre contraction des parties de la tête, qu’il m’a été possible de voir ce qui avait échappé à l’habile scalpel de M. Owen; de sorte que mon mémoire va devenir un complément du sien. Outre la curiosité qui m’excitait à examiner un si beau mollusque, je devais aussi, par un mémoire détaillé, témoigner à M. Meder la reconnaissance de l’administration du muséum pour le don précieux qu’il venait de lui faire. L'animal présenté dans une coquille de nautile sciée par la moitié se replace si bien dans le test, sy adapte si parfaitement, que j'ai pensé pouvoir encore ajouter au mémoire du savant anatomiste du collége des chirurgiens, en donnant de nouvelles figures de ce nau- tile, qui feront mieux comprendre encore les rapports du mollusque avec la coquille, afin qu'il ne reste plus de doute sur la position quil occupe dans le test. J’ai eu surtout de la confiance en ces figures, parce que je pouvais les présenter , exécutées par le crayon habile de mon ami M. Laurillard, à qui les sciences anatomiques et natu- relles seront redevables de tant de beaux dessins d’une exactitude qui ne laisse rien à désirer. Le nautile replacé dans le test (p/. VILLE, Zg. 1 | occupe toute la 262 NOUVELLES RECHERCHES grande cavité de la coquille; par la partie arrondie de son corps, il s'appuie sur la dernière cloison, et le syphon qui la perce traverse toutes les autres. Le bord libre de son manteau suit les contours de l’ouverture du test; la partie relevée et creuse 77? (pl. IX, fig. 1) re- couvre la portion enroulée de la coquille, et cette languette est ca- chée par la face postérieure et creuse de la paire des gros bras & (pl. VIT & IX, fig. 1). L’auricule S de ce bras s'étend sur l’ombi- lique du test, et y accumule ce dépôt blanc et vitreux qui lépaissit en lPobstruant. Dans cette position, la portion supérieure ou si l’on veut dorsale du mollusque est le côté de ce bras &, car c’est de ce côté qu’en ouvrant lanimal on trouve le cerveau ou la portion annulaire du collier supérieur à l’œsophage, donnant les nerfs olfactifs, optiques et acoustiques. C'est aussi de ce côté supérieur qu’est la plus petite mandibule du bec corné; or, cette disposition est conforme à celle observée dans ious les autres céphalopodes, et au-dessous est l’entonnoir, qui, comme dans tous les céphalopodes, est du côté ventral de la bourse. L'animal est donc placé dans sa coquille de la même manière que l’argonaute se loge dans la sienne; car l’entonnoir de l’un et de l’autre est près du bord et dans une sorte d’échancrure médiane plus ou moins profonde. Le dessus de la tête et du corps répond à la portion enroulée de la coquille. Seulement, les bras supérieurs de l’argonaute dont on faisait des voiles, s'étendent sur le test, servent à y maintenir le mollusque qui n’est pas autrement fixé; le nautile, au contraire, adhère à sa coquille par deux gros muscles, et ses bras courts ne dépassent pas le bord de la dernière loge. Quant à la spirule, sa coquille tout-à-fait interne est logée dans une cavité du manteau qui ne communique pas avec la cavité viscé- SUR LE NAUTILE FLAMBÉ 263 rale, absolument comme l'os de la sèche est contenu dans son en- veloppe; elle ne peut donc en aucune façon être comparée à celle du nautile, quoiqu’elle soit enroulée en spirale et divisée en cloisons intérieures, et percée près du bord interne par un syphon cal- caire et conique, qui est tapissé ou traversé par un tube membra- neux. Ce que l’on sait aussi du mollusque de la spirule qui n’a, comme la sèche, que deux branchies, une de chaque côté, et dont la tête est surmontée de tentacules faits sur le même plan, confirme d’ail- leurs l’éloignement des deux genres. La spirule et la belemnite sont très-voisines l’une de l’autre; toutes les découvertes récentes faites sur ces dernières, confirment cette similitude ; je crois qu’on peut appeler ces fossiles des spirules à co- quille droite. Quant aux lames cornées des belemnites qui s’étendent sur Le dos au devant de la cavité alvéolaire et chambrée, je crois que la spirule manque des organes analogues, car il ne faut pas les cher- cher dans les deux petits cartilages céphaliques internes qui existent au devant de la coquille; elle n’y touche pas. Ces deux pièces, sur lesquelles on voit à la face supérieure une petite ampoule qui est certainement l’ouie, font partie du crâne de ce mollusque. J'avais d’abord pensé que ces petites lames, par la similitude de leurs formes, étaient les analogues des Aptychus , mais depuis que j'ai vu le cartilage du nautile, j'incline, mais avec beaucoup d’hé- sitation encore, à reconnaitre dans ces valves les analogues des pièces des Aptychus. La position de l’animal dans sa coquille étant établie, et ayant déterminé ce que nous devons entendre par régions supérieures ou dorsales et inférieures ou ventrales, nous allons passer à la descrip- tion des différentes parties. 26/4 NOUVELLES RECHERCHES $ I. — De la bourse. En l’examinant hors du test, nous voyons que le corps du cepha- lopode qui habite la coquille du nautile et qui se la construit doit, comme celui des autres animaux de sa classe, et en particulier comme la sèche, le calmar et autres espèces voisines, sa forme gé- nérale à ce que le manteau 7” (p/. VILLE, eg. 1)se replie pour consti- tuer un grand sac libre dans tout son pourtour antérieur, d’où sort en avant la tête et les organes qui la couronnent; ce sac contenant en arrière les organes respiratoires, circulatoires, digestifs et repro- ducteurs. Il est membraneux et sert de moule à la dernière loge de la coquille qui a exactement sa forme. Protégées par ce corps dur et calcaire, les parois membraneuses en sont très-minces, et le deviennent surtout dans la partie postérieure, dont les tuniques n’ont guères plus d’épaisseur que celles qui revêtent la portion enroulée de l'abdomen des gastéropodes enfermés dans une coquille turriculée. Le bord supérieur de ce manteau se relève en une languette 7? (pl. IX, fig. 1) convexe en avant, creuse en arrière, et s'appuyant sur la portion dorsale de la coquille colorée en noir foncé. Le bord du manteau se continue par un profil sinueux à double courbure, concave sous l’auricule du bras supérieur, près de Pombilique de la coquille, convexe en arrière de l'œil, redevenant concave sous cet organe pour être de nouveau convexe avant de s’abaisser et de for- mer le sinus concave et impair du milieu de la grande courbure ven- trale de la coquille, et par l’échancrure duquel sort l’entonnoir # (pl. IX, fig. 1). Le bord du sac a un petit liseré fin et étroit à peine de 0" ,001 de large dont la tranche interne présente de petits cryptes irréguliers, qui ne peuvent faire douter de la nature glandulaire de cet organe. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 265 C’est l’analogue de ce qui, en devenant plus renflé dans les gasté- ropodes, forme le collier du manteau. Il a le même usage, celui de déposer les premières lamelles d’accroissement du test, qui s’épaissit ensuite par les autres dépôts que reçoit cette première couche. On peut diviser la cavité du sac en deux autres secondaires : Pune antérieure la plus grande, c’est la cavité respiratrice, ses parois sont plus épaisses, et d’une nature musculaire plus évidente que celle de la suivante, F'(pl. VIIE, Ag. 1), qui loge les organes circula- toires, les organes digestifs, et, les organes reproducteurs qui s'ouvrent, soit directement, soit par leurs annexes dans la grande cavité branchiale. Cette seconde cavité, tapissée intérieurement par le péritoine, est subdivisée par les replis de cette membrane en quatre autres, une antérieure et inférieure, contenant les princi- paux organes de l'appareil circulatoire; une seconde postérieure à celle-ci renferme le jabot et le foie; le gésier est dans une troi- sième supérieure à la première et du côté ganche, et à sa droite est la cavité des organes de la reproduction. De la portion postérieure et médiane sort le syphon qui tra- verse toutes les cloisons de la coquille. Ce tube membraneux n’a aucune communication avec l'extérieur, du moins dans la por- tion que j'ai vue. Il est divisé par de petits étranglements, où la peau devient mince et transparente en autant d’articulations qu'il y a de loges à la coquille; chaque étranglement répondant à la cloison que le syphon traverse en passant dans un petit tube cal- caire. La portion du syphon G (pl. IX, fig. 1) restée à notre animal se compose de neuf articulations. Elles communiquent toutes entre elles, car j'ai fait passer du mercure de l’une dans l’autre. Comme les viscères digestifs et reproducteurs ont été arrachés de la cavité abdominale, je n’ai pu retrouver que les traces de l'artère du syphon qu’a injectée sir Richard Owen. Arouives pu Muséum, Tous II. 34 266 NOUVELLES RECHERCHES Tout le corps du mollusque conservé dans de lalkool, donne à peu près les rapports suivants entre les différents diamètres de ces cavités : la plus grande épaisseur est environ du tiers de la longueur totale, et en mesurant cette même épaisseur sur le test, on ne la trouve qu’un peu plus grande; elle serait environ deux fois et demie dans la longueur totale de la grande loge. La hauteur de Pouverture du sac est à peu près des trois quarts de la longueur totale, et comme cette mesure n’est que moitié de la longueur de la dernière loge sur la coquille, on doit en conclure que la nature des téguments, etla direction des fibres ont permis dans ce sensune con- traction moindre que celle qui a eu lieu dans Pautre. On voit à l'extérieur de cette bourse, la surface triangulaire P (pl. VUE, eg. 1) du grand muscle par lequel l'animal adhère à sa co- quille. Ce triangle a sa base postérieure et verticale un peu sinueuse, et sa convexité est tournée du côté de la bouche. Les deux autres côtés du triangle sont aussi convexes; le supérieur, plus petit, est plus arqué que linférieur ; la convexité de ces deux arcs est exté- rieure au triangle. L’angle du sommet est donc antérieur; il est très-obtus et arrondi. Des deux autres angles, on voit naitre une bandelette p, p’ (pl. VIIE, fig. 1) d’une apparence aponévrotique ou tendineuse, dont la supérieure remonte sur le côté dorsal du sac pour se porter dans le fond de la portion rentrée et concave de la languette supérieure de la bourse : cette bandelette se réunit à celle du côté opposé. L’angle inférieur donne aussi une bandelette aponévrotique qui forme une ceinture sous la région ventrale du manteau. Ces deux bandelettes forment aussi une adhérence annu- laire de toute la base de la cavité branchiale avec celle de la coquille, à laquelle l'animal tient par une plus grande force au moyen des deux muscles d'attache. La surface par laquelle le muscle adhère est lisse ; il ne nva pas été possible de saisir une direction dans l'insertion SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 267 des fibres qui arrivent perpendiculairement au test, tandis que sur les bandelettes on voit assez facilement la direction que suivaient ces der- nières, elles étaient longitudinales et parallèles. Ces organes ont dù se contracter beaucoup par l’action de lalkool; la base du muscle à 0”,056 delarge ; la hauteur n’est que de 0",021 ; l'épaisseur de la ban- delette inférieure n’est que de 0 ,004, et la supérieure est encore plus étroite. En examinant les impressions de ces parties sur différentes co- quilles, on arrive aux résultats suivants : sur un premier nautile dont la cavité répond assez bien à la grandeur de notre mollusque con- tracté, je trouve que la bandelette supérieure change de dimension beaucoup moins que les autres parties, elle n’a guère que 0",003 de large ; l'impression du muscle est tout autrement faite; car le côté pos- térieur, qui forme sur le mollusque cette sorte de base d’un triangle sphérique et qui est convexe en avant, présente ici une grande cour- bure saillante et très-convexe en arrière et par conséquent très-creuse en avant. La portion antérieure a moins changé de forme; cepen- dant l'angle antérieur est plus couvert et plus arrondi; la hauteur du muscle, mesuré ici par une ligne horizontale, est sur la coquille de 0",048, c’est-à-dire qu’elle a beaucoup plus que le double du muscle de notre mollusque. L'autre dimension porte 0",042 ; le muscle s’est donc beaucoup moins contracté dans ce sens. Quant à la ban- delette ventrale , je trouve son impression large de 0",011 a0",012, c’est-à-dire qu’elle a diminué des deux tiers. Dans toutes les co- quilles que j'ai sous les yeux, je trouve les impressions du muscle et des bandelettes de même forme. Sur une coquille plus grande que celle dont je viens de prendre les mesures, impression musculaire a 0"026; eelle de la bandelette dorsale est o”",005, et celle de la ventrale est 0",021. La profondeur de la dernière loge étant de 0”,155. Un autre plus grand nautile, dont la dernière loge a 0”,224 de 268 NOUVELLES RECHERCHES profondeur, a une impression musculaire de 0",080 de largeur, et la bandelette a 0”,044. On voit aussi à l’extérieur de cette bourse, à peu près au milieu de la longueur inférieure de la courbe, un corps arrondi d’une ap- parence plus épaisse, et qui indique à l'extérieur la place de l’organe lamelleux 72 (pl. VITE, fig. 1, pl. IX, fig. 1 et pl. X, fig. 1) annexé à l'ovaire dans la femelle disséquée par M. R. Owen. Cet organe est contenu dans une sorte de poche formée par le repli de la membrane interne z (pl. X, fig. 1) de la cavité branchiale. Les bords de cette peau se réunissent en avant sur une sorte de raphé o qui entre dans la poche et se porte à droite et à gauche en p, p’ et divise ainsi les lamelles dont le nombre est de vingt au moins. Ces lames sont réunies entre elles par des petites brides allant de lune à l’autre à des distances inégales, et forment des petites mailles ou cel- lules de grandeur diverse ; en arrière de ces lames, on voit trois mamelons très-petits, et plus en arrière un petit trou z qui , ‘suivant M. Owen, est l’ouverture de l’ovaire. Il est probable que les œufs, après avoir été fécondés reçoivent, à leur sortie de lovaire, une matière protectrice sécrétée par l'organe lamelleux, ou peut-être mème font-ils dans cet organe un séjour dont nous ignorons la durée. $ IL. — Des piliers charnus. Ces gros muscles P (p£. VILLE, fg. 1, et pl. X, fig. 4) qui fixent l'animal à sa coquille, traversent comme deux piliers la portion su- périeure de la cavité branchiale en se portant en avant vers la tête. Il est trés-facile de les voir en renversant la membrane de la bourse de manière à la retourner. Chacun constitue une masse musculaire assez haute , et d’autant plus comprimée qu’elle se porte plus en avant. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 269 La surface 2 (pl. XI, fig. 4) en est toute ridée ; ces rides, dues à la contraction, plissent la peau extrêmement fine qui les recouvre; ces deux gros muscles $attachent en avant sur le corps du cartilage, et, en se rapprochant par leur bord inférieur et arrondi, forment une rainure au fond de laquelle existe la membrane interne du sac, et oùse cache, sur le fond supérieur, l’ouverture plissée et arrondie du rectum w (pl. X, fig. 1 et pl. XI, fig. 4). Ces deux piliers charnus portent au-dessus d’eux la tête et tous ses appendices. Ils donnent aussi en avant des fibres qui se perdent dans les valves de l’enton- noir. De la face supérieure de leur base remonte une membrane 4 (pl. XI, fig. 3) qui suit dans sa courbure la languette supérieure 7° du manteau et occupe la concavité dont le bras supérieur a est creusé en arrière. On voit cette cavité en à de la fig. 5 p/. IX, où l’on a dessiné l’animal, vu par derrière, de manière à offrir d’abord le syphon g, la cavité abdominale F, la languette 77° dont la moitié a été coupée et rejetée sur le sac abdominal pour montrer la mem- brane Æ et le fond de la cavité du bras supérieur. $ III. — De l’entonnotr. Cet organe , qui répond évidemment à celui du même nom chez les sèches, les poulpes et autres céphalopodes, est autrement fait que chez eux. Sa principale différence consiste en ce qu’il est fendu longitudinalement et en dessous, au lieu d’être continu et en cy- lindre creux comme chez les mollusques avec lesquels je le com- pare. J’appelle valves de l’entonnoir ces deux grandes lames repliées dont les bords inférieurs sont superposés pour former le tube ou Pinfundibulum. Chaque lame, attachée et continue avec celle du côté opposé sur 270 NOUVELLES RECHERCHES la partie supérieure de l’entonnoir, et à laquelle sont adhérentes les parties inférieures des muscles de la tête ou des bras, se détache pour devenir libre à partir du dessous de lauricule du bras supérieur au- delà de l'œil. Le bord de la lame descend dans la cavité respiratrice, entre la tunique du manteau et la face externe du grand pilier charnu en suivant la courbure de ce muscle. La lame de gauche £ s’enchevêtre sous la lame droite #”, et le tube de l’entonnoir se trouve ainsi formé en un cône dont la base s’appuiesur les gros piliers charnus, etsouvent au-dessous d’eux dans la grande cavité intérieure, à partir de la moi- tié de la longueur du tube mesuré de l’œil, Pentonnoir se replie pour remonter vers le haut sous la naissance des cirrhes qui entourent la bouche. En écartant les deux lames # et £” (pl. XI, fig. 4) pour ou- vrir le tube, on trouve dans l’intérieur une grande languette ou valvule linguiforme } (p/. XI, fig. 4), dont la longueur égale la moitié seulement de la portion redressée de l’entonnoir. Cette valvule mince est pliée en gouttière renversée ou en demi-cornet; elle adhère par sa base à la portion supérieure du syphon; son bord libre est très- mince. Plus en arrière, sous la portion élargie des valves sont deux faisceaux musculaires +, (pl. XI, fée. 4), aplatis et enveloppés dans une peau mince. Ces lames vont de la face interne de la valve à la ligne médiane au-dessus du pilier charnu, et s’insèrent sur le cartilage interne, Ces muscles ont donc pour effet de rapprocher la base des deux valves lune de Pautre. Leur bord libre et posté- rieur contient sous la peau quantité de petites glandes que l’on voit aussi sous la partie postérieure et interne en o (pl. XI, ag. 4). Les valves sont formées de deux plans de fibres musculaires et lon- gitudinales pour l’interne, et transversales pour l’externe ; celles-ci se replient en dedans par arrière de Pentonnoir. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 274 $ IV.— Du cartilage de l’entonnoir. Ces valves sont soutenues en dedans par un cartilage sur lequel s’insèrent les fibres musculaires que je viens de signaler. La position que cette pièce cartilagineuse occupe dans l’entonnoir a été marquée par des lignes ponctuées (pl. IX, fig. 1), et la pièce elle-même détachée et retirée du corps, a été représentée vue de profil ( /£g. 4), en dessus ( /g. 5) et en dessous ( /g. 6). Ce cartilage remarquable se compose de deux lames 4, 4’irrégu- lièrement trapézoïdale, dont le bord supérieur D, L?, ainsi que l’an- gle supérieur et postérieur, se prolonge en une corne arrondie qui remonte jusque sous les anneaux nerveux qui entourent l’œsophage. À la naissance de la corne est un tubercule c assez saillant qui forme avec le corps de la corne, le bord de la lame, et un second tuber- cule d, d’, une gouttière qui donne passage au bord externe du collier nerveux d (pl. VIE, fig. 4); la portion centrale et inférieure de ce collier c étant reçue dans l’espace e qui sépare la base des deux cornes. Celles-ci, comme nous le verrons plus bas, ont un usage de première importance dans l'économie de lPanimal, puis- qu’elles sont une sorte de rocher contenant l'oreille interne. Les deux bords postérieurs des lames 4, 4 se réunissent en un seul corps & (Ag. 4, 5, 6) qui, vu par derrière, présente la forme d’un cœur de carte à jouer dont la pointe serait prolongée. C’est sur cette face que viennent s’insérer les fibres des piliers musculaires. Le bord inférieur de la lame est arqué, l’antérieur est très-étroit, et leur angle infé- rieur g, g° se prolonge en une sorte de bec contourné selon le repli de la valve de l’entonnoir. Les fibres du muscle transverse de l’en- tonnoir #, + (pl. XI, /22. 4), s’insèrent également sur le cartilage, près de son corps. 272 NOUVELLES RECHERCHES On voit donc que le cartilage est le point d’appui interne de tout le système du mouvement du nautile. Les deux grands muscles qui attachent l’animal à la coquille y trouvant leur insertion, les muscles de l’entonnoir et l’élasticité des lames du cartilage serviront à faire jaillir, avec une force proportionnée à la puissance musculaire , l’eau contenue dans la cavité branchiale, l’animal sera poussé dans une direction opposée à ce jet; c’est donc un mode de progression semblable à celui de notre poulpe commun, et à celui du mollus- que qui habite l’élégante coquille de largonaute. Maïs les moyens de la nature ont varié suivant sa puissante fécondité. Dansles poul- pes, la tunique du sac est assez forte pour se contracter et faire jaillir l’eau par le tube quiest passif dans ce mouvement. Dans le nautile, la cavité branchiale enveloppée dans une tunique mince, peu forte et collée contre une coquille solide, ne pouvait se contracter, la nature a usé alors de l’entonnoir ; en le fendant, en donnant du mou- vement et de la force à ses valves, elle a trouvé ses ressources dans le cartilage de cet entonnoir. Les muscles de l'appareil de la bouche et ceux des bras trouvent un appui moins direct sur le cartilage, mais ils profitent de la fixité que les muscles inférieurs prennent sur lui. Il joue aussi un rôle important dans le système sensitif de ce mollusque, puisqu'il sert de base au collier nerveux de l’œsophage, et qu'il contient un des organes des sens. $ V. — De la téte. 1° Des bras ou tentacules. La tête appuyée sur les piliers charnus, forme une masse assez régulièrement conique, surtout si on y comprend lentonnoir : elle est couchée horizontalement sur l’ouverture de la cavité branchiale qu’elle dépasse presqu’en entier. Quand on a rejeté le manteau, on SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 273 peut aussi la décrire comme un cuboïde irrégulier Æ, en arrière sur la portion enroulée de la coquille, plane en dessus, et atténuée en avant ou se fait la réunion des cirrhes. Cette masse céphalique mon- tre sur le côté les yeux e ( p£. IX, fag. à, et pl. XE, fig. 1 ) entourés des deux tentacules z, à, et d’un troisième 4 (PL.TXK, fig. 1) que je considère comme lun des organes des sens ; sur les côtés et au devant des yeux les nombreuses divisions tentaculaires que l’on a regardées Jusqu'à présent comme les bras de ces céphalopodes, et au centre de cette masse celle de la bouche r et s (pl. XI, fig. 1), avec son bec corné o. | De nombreux organes dont les fonctions sont plus ou moins fa- ciles à bien apprécier viennent compliquer cette partie du corps du nautile, et en exiger une description détaillée. Quand on examine avec soin les différentes parties de ces bras, on voit qu'il existe au-dessus des yeux une forte masse charnue a; & (pl. IX, fig. 1), réunie sur la ligne médiane à celle du coté opposé, et formant une sorte de grand capuchon, comme la ap- pelé sir Rich. Owen. Il est creux en arrière en à (pl. XE, fig. 3) pour se mouler sur la surface arrondie et convexe de la coquille que ce corps embrasse. Les deux bords supérieurs réunis et itronqués for- mentun plan musculaire (p/. IX, fig. 1) uni 1 qui devient la partie la plus élevée du corps du mollusque. Le bord latéral externe aminci, Cache un peu l’œil e, et forme en arrière une sorte d’auri- cule 3 qui sétend sur l’ombilic de la coquille. Ce même bord 9 s’amincit en avant de l’œil, et recouvre une seconde partie char- nue @&, épaisse et fortement unie au reste de la grosse portion moyenne el supérieure, toutes deux $'avançant comme le tranchant d’un coin jusqu’à l’extrémité antérieure 4. Chaque partie est creusée d’un trou profond et tubulaire d’où Ageuives Du Muséuy, rome II. 35 274 NOUVELLES RECHERCHES l'animal fait sortir un cirrhe rétractile , # (pl. VII, IX et XF, fig. à et 2) plus ou moins long. Sous ces deux premières parties et au devant de l'œil est un second groupe de cirrhes 8, F, 5”, 5”,ete., et de gaines charnues à, D’, b”, b??, etc. (pl. IX, fig. 1) qui les contiennent; on en compte facilement huit à l'extérieur sans déplacer aucun autre organe. Mais en soule- vant le faisceau entier, on trouve que les gaines et par conséquent les cirrhes sont au nombre de dix-sept. Chaque gaine est triangu- laire et leurs arêtes s'étendent en crètes ou feuillets. Les plus courtes n’ont que 0”,022 de longueur, les plus longues ont jusqu’à 0",050 ; elles ne sont pas libres sur toute cette longueur, mais réunies avec leurs voisines sur une étendue plus ou moins grande. De ces gaines b, b, b”, b””, sortent les cirrhes B, 8, 8”, 6”, plus ou moins exten- sibles. En tirant de côté les gaines externes, on en voit d’autres des- sous qui sont portées sur la même base charnue, et l’ensemble des dix-sept gaines qui s'élèvent de chaque côté du bec forme un groupe non moins distinct que les deux premiers composés chacun de & et @ qui s’étendaient en coiffe sur le dessus de la tête. En écartant maintenant ces quatre groupes externes, on en dé- couvre dans l’intérieur , immédiatement autour du bec, quatre autres , disposés aussi par paires, placées symétriquement de chaque côté de lui. La paire supérieure est accolée sous la face du capuchon, son pédoncule charnu €, €’ (pl. IX, fég. 1) est assez haut, compri- mé, et il porte sur la tranche, rangées irrégulièrement sur deux rangs, treize gaines plutôt tétraèdres que trièdres, et d’où sortent un nombre égal de cirrhes x, x,*°,*7, etc. arrondis, plus courts que ceux des gaines externes. Leur hauteur est d'environ 0",021, et la largeur du pédoncule qui les porte toutes, est d'environ 6",300. Le pédoncule inférieur d, d’ s’insérant sous la masse buccale, est plus long, mais plus étroit que le supérieur; il a 0",035 de long, SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 279 tandis que sa plus grande largeur n’est que de 0:,013. Il est plié en une espèce de petit cuilleron qui embrasse le dessous de la mandi- bule inférieure. Il porte sur sa tranche une rangée de treize petites gaines qui ne sont pas séparées l’une de l’autre, et que l’on ne peut distinguer que par le sillon tracé sur le bord du pédoncule. De ces gaines sortent treize tentacules », 9’, 9”, 3”, etc. arrondis, plus courts et plus pointus que ceux du groupe supérieur. La masse céphalique du nautile est donc formée de gaines charnues plus où moins grosses, creuses, laissant sortir de leur tube un cirrhe tentaculaire rétractile. Ces gaines sont réunies par groupes sur des pédoncules musculaires au nombre de huit seulement. En comparant le nautile aux autres céphalopodes, il parait logique de considérer les huit pédoncules comme les analogues des huit bras du poulpe; l’on pourrait aller jusqu’à dire que les gaines sont analogues aux ventouses qui ont été allongées, et que le cirrhe est le mamelon du fond de la ventouse du poulpe, plus allongé que la gaine. Cest ce que l’on peut aisément comprendre par une coupe idéale représentée pl. IX, fig. 2, où l’on voit en o le bec, en r la lèvre plissée qui le recouvre avec toute la masse buccale; en X la coupe de l’entonnoir, en celle du manteau , et où l’on retrouve en a et @ la section des deux bras supérieurs, avec l’orifice des deux gaines en « « qui livrent sortie aux tentacules, en b, b’, b”, b”, etc. la section du bras inférieur, et les orifices des dix-sept gaines d’où sortent les cirrhes 6, &, &”, BG”, etc. et au-devant en £, £ la section de l’organe lamellaire qui y est adhérent; en c, c’ situés au- dessus de la bouche la coupe du bras supérieur interne et en d, d’ celle du bras inférieur avec la section de organe lamellaire z, con- sidéré par M. R. Owen comme l’organe olfactif de ce céphalopode. Dans cette manière de voir je ramène au nombre ordinaire des bras des céphalopodes en général le nombre de ceux du nautile, 276 NOUVELLES RECHERCHES puisque les quatre-vingt-huit cirrhes, considérés avant moi comme bras du nautile, ne sont plus que desappendices sortant des ventouses allongées en gaines. IL n’est pas surprenant et hors d’analogie de regarder les cirrhes comme des appendices des ventouses, puisque nous trouvons ces organes pourvus de griffes cornées dans les ony- chotheuthys, de cercles épineux dans les calmars, etc., ayant dans les poulpes cette sorte de mamelon court et central que j'ai déjà signalé. Mais ne voulant pas pousser ces analogies au-delà de ce qui peut en quelque sorte se démontrer, je me hâte d’ajouter que si les bras du nautile ressemblent à ceux du poulpe par leur position autour du bec, ils sont toutefois bien différents par leur forme et leur structure, malgré l’espèce d’analogie que nous venons d'indiquer entre les cirrhes de lun et les ventouses de l’autre. En ouvrant une gaine du bras externe et latéral , e(p/. IX, fig .1) on reconnait que le tube descend jusqu’à la base du pédoncule, de telle sorte que certaines d’entre elles ont jusqu'a 0",055 de longueur, la paroi interne en est lisse, on ne voit aucun repli à sa membrane, Tout au fond est un petit bouton charnu sur lequel le cirrhe est inséré. Les plus longs d’entre eux, mesurés dans toutes leur longueur, ont jusqu'à 0",125. Ils sont trièdres, aplatis du côté interne, l’angle opposé étant mousse; leur structure est un tissu homogène, qui doit être éminemment contractile, à en juger par les rides nombreuses qui froncent l'extérieur des ces organes. Ils ne sortent ou ne rentrent dans la gaine que par action de leur propre contracüon, et non par un déplissement d’un tube intérieur rentrant dans celui de la gaine externe, à la manière de la trompe des mollusques gastéropodes, Les gaines du bras interne et supérieur n’ont que o",019 de pro- fondeur, et la longueur totale du cirrhe n’est que de 0",041. Ces SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 277 cirrhes sont plus aplatis, et beaucoup plus profondément ridés que ceux du bras externe, ce qui me fait supposer qu'ils doivent s’é- tendre beaucoup quand Panimal veut les porter en avant. Le bras interne inférieur a ses gaines très-peu profondes; je ne leur trouve que 0",006, et pour longueur totale du cirrhe 0",028. Les deux bras inférieurs et D, D? externes sont réunis en dessous par une lame mince et creusée en un canal profond qui reçoit l’en- tonnoir. De chaque côté de la ligne médiane de jonction, au-des- sus des gaines et sur la face interne, il existe un organe lamellaire tout particulier. Il est constitué en un disque ovale irrégulier, dont le plus grand diamètre est dans le sens de la longueur et a 0",024 ; sur la membrane de ce disque, dont le bord est détaché de la base du bras, s'élèvent cinquante lamelles au moins, très-minces, plissées et plus hautes sur le côté qui touche à l’organe opposé que dn côté externe. Ces lames sont droites et longitudinales à l’angle interne et antérieur et horizontales au bas de l’organe. Comme elles tendent à se rapprocher les unes des autres, en conservant cette direction, il en résulte qu’elles se plient à angle droit pour venir toucher à l’autre bord. Ces lamelles ont été signalées par M. Owen, ainsi qu'il a bien voulu me le confirmer dans sa correspondance ; mais je crois qu’il ne les a pas indiquées avec assez de détails. Nous observons aussi un autre organe lamelleux z, mais impair, déja décrit et bien plus nettement représenté par M. R. Owen. Entre les deux bras internes et inférieurs d et d, il y a sur la ligne médiane, un disque presque rond dont le diamètre transversal est de 0",015, et le longitudinal de o",o10. Les lames, dans le sens du plus petit diamètre, sont serrées Pune contre l’autre, mais assez épaisses comparativement aux précédentes, et au nombre de seize ou dix-sept seulement. L'usage de cette réunion de lames en trois paquets£ P et 4 me parait 278 NOUVELLES RECHERCHES encore très-difficile à déterminer. Il me semble qu’elles constituent un organe analogue aux palpes, autres que les antennes, dont la na- ture a entouré la bouche de certains crustacées. D'ailleurs, je ne puis croire que le sens de lolfaction ait été placé à la fois sur ces trois disques lamellaires, surtout quand on examine la nature de l’organe creux que j'ai découvert sous l'œil, et que je crois être le véritable siége de l’odorat. 2° Des parties extérieures de la bouche. En fendant par le côté l’un des bras inférieurs et externes (pl. XE, fig. 2) et en écartant les deux portions, on dégage la masse de la bouche lorsque l’on a fait descendre Pincision jusque sur les muscles mêmes qui meuvent en arrière le bec. La masse buccale se présente alors à l’observateur sous la forme d’un corps ovalaire dont le diamètre vertical est compris une fois et demie dans la dis- tance de la pointe du bec inférieur à la base des muscles de la bou- che, l'épaisseur en travers égale à peu près la hauteur verticale ; une lèvre 7 assez épaisse et haute entoure la portion libre de cette par- tie. Elle est frangée sur tout le bord antérieur et peut se froncer sur l'extrémité du bec o et le cacher plus ou moins complétement. Elle est formée de deux membranes. L'une s mince et externe, tout-à-fait lisse se replie à la base, pour se continuer sur la peau qui recouvre les bras. L'autre s’ semblable, mais interne, s'étend, en s’amincissant beau- coup, sur la mandibule inférieure. Des muscles minces, les uns à fibres longitudinales z, z”, 2”, les autres à fibres transversales y vont se perdre en avant entre les deux feuillets, et en arrière; ils s’'insè- rent sur le collier musculeux qui entoure l’ésophage. En fendant cette lèvre, on découvre le bec o, o (pl. VILLE, fig. 5); il est formé, dans l'espèce que j'ai sous les yeux, de deux mandibules entièrement cor- SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 279 nées. La supérieure o” est plus courte et plus tronquée que l’inférieure, el, en cela, le bec est tout-à-fait semblable à celui des poulpes et des sèches. Il faut d’abord parler de la mandibule inférieure, parce que c’est elle qui est la première apparente et qui, à cause de sa grandeur, embrasse la mandibule supérieure. 3° Du bec. Quand on fend les lèvres par le côté, nous venons de dire que l’on aperçoit d’abord la mandibule inférieure. On ne voit que sa portion recourbée o (pl. XL, fig. 2) en écartant la lèvre. Cette ex- trémité est pointue, convexe en dessous > Sa pointe a une très-pe- tite échancrure, les bords en sont lisses et arrondis; la partie interne est formée par un repli de la lame cornée externe qui constitue la mandibule. Cette lame interne est écartée de l’externe, elle est creusée en une profonde gouttière qui contient la langue et ses annexes antérieures. La partie découverte n’a que 0”,015 de largeur par le profil, et l'épaisseur transversale du bec est de 0",017. En fendant la lèvre pour dégager la mandibule des muscles moteurs auxquels elle donne insertion, on découvre une large plaque cornée, arrondie, dont la plus grande hauteur est de 0",025, marquée de stries concentriques parallèles au bord. La surface interne est plus lisse; on voit cette mandibnle en entier. pl. VII, fig. 5, en ©. La mandibule supérieure est toute différente de l'inférieure; la lame externe est ici la plus petite, et l’interne est au con- traire très-grande. Ses deux lames repliées ont un bord arrondi, lé- gèrement convexe en dessous, pointue à la symphyse. La plus grande épaisseur de cette mandibule n’est que 0,014, et la partie découverte par la lèvre est de 0",008. La lame interne a depuis sa pointe jusqu’au bord postérieur engagée sous le repli de la masse 280 NOUVELLES RECHERCHES musculaire 0,853 de longueur; la hauteur de la lame est 0",028, et Pépaisseur du bec est 0,"018; le bord postérieur est légèrement festonné, les deux mandibules sont tout-à-fait cornées, aucune secrétion calcaire n'existait sur le bord, et je ne vois pas même comment une enveloppe calcaire pourrait adhérer sur ces parties cornées. 4° De la langue et du pharynx. En ouvrant le bec, et même en lenlevani pour mieux voir la forme des parties internes, on trouve d’abord une langue a (pl. X, fig. 5 et 4) non moins remarquable par son volume que par son or- ganisation. Élle constitue un fort pilier charnu , cylindrique, mousse en avant, et entouré d’une membrane mince et fibreuse qui vaz (fig. 4) lembrasser en dessous pour former une sorte de cavité au fond de laquelle est le corps glandulaire #, qui sécrète les lames cor- nées hérissées de papilles de même nature dont la langue est armée. Ces lames et leurs pointes sont formées au fond de cette cavité, et, comme elles sont noirâtres, elles paraissent , par le transparent de la membrane qui les reçoit, comme une grande tache bleuâtre. À me- sure qu'une lame est formée, elle pousse devant elle les lames pré- cédemment sécrétées, de sorte que l'enveloppe cornée de la langue s’avance sur le corps charnu qui en fait la base ; et en se contournant sur le bout obtus et convexe, pour s’enfoncer vers le pharynx, les papilles cornées c se redressent, comme on les voit sur la langue. L'action de ce mollusque, qui doit être très-avide à en juger par son appareil digestif, doit limer promptement ces papilles ; mais il est fa- cile de voir comment la nature les remplace promptement aussi par de nouvelles sécrétions. Sous la langue et en avant, une double Jan- guette charnue et garnie de papilles molles, doit remplir le creux de la mandibule cornée, et être un organe de goût chez ce mollusque. SUR LE NAUTILE FLAMBÉE. 284 En s’avançant vers le pharynx, on voit la base de Ja langue revêtue d’une membrane également pourvue de nombreuses papilles f, et celles-ci se continuentavec deux corps sécréteurs qui paraissent faire fonctions des glandes salivaires g- Chacune forme une petite lamelle libre plus épaisse du côté interne et hérissée en haut de nombreuses papilles , le bas étant une muqueuse simplement plissée. La région des plis est séparée des papilles par une petite crête sur laquelle est un trou petit, mais très-facile à trouver, et qui est l’orifice excréteur du liquide sécrété par ces glandes. Toutes ces papilles charnues se con- tinuent assez loin dans la partie inférieure du pharynx et même de l’ésophage, mais toute la voûte supérieure du pharynx est en- tièérement lisse. Cest ici que devrait suivre la description des organes digestifs de ce mollusque; mais en tirant l'animal de sa coquille, les viscères ont été arrachés, de sorte que je ne puis que renvoyer le lecteur an mémoire de mon honorable ami sir Richard Owen. 5 VI. — Des organes de la resptration et de la circulation. 1° Des branchies. La cavité respiratoire du nautile est , comme je l'ai dit plus haut, antérieure et légèrement ouverte par tout le bord du manteau. Elle est inférieure en supposant l’animal flottant sur l’eau et rampant à la surface de la mer par la paire supérieure de ses bras. Il suffit d’en écarter un peu les bords, ou mieux, de retourner le manteau pour voir les branchies qui y sont placées, tel que cela est représenté pl. IE, fig. 1, où le manteau Z est retourné et rejeté en arrière. Il ÿ en a quatre dans cette cavité, deux de chaque côté /et ?, attachées au bord antérieur du grand muscle d'insertion à la coquille. Ancuves pu Muséum, rowr II. 36 282 NOUVELLES RECHERCHES Chaque branchie forme un arbre pyramidal libre dans toute son étendue et flottant dans la cavité respiratoire en se dirigeant oblique- ment d’arrière en avant et de bas en haut, parce qu’elle n’est fixée que par l'extrémité de son pédoncule. L’externe /, un peu anté- rieure , est plus longue que l’autre ?. La première a 0,052, tandis que l’autre n’a que 0",038 de longueur. Je compte quarante et une lamelles branchiales à la plus grande, et trente-trois à la seconde. D'ailleurs, je crois ces nombres un peu variables. Les lamelles sont minces, gaufrées ou fraisées par une multitude de lamelles secon- daires plus tenues, et sur toute cette surface très-étendue rampent les vaisseaux sanguins. L’axe de la branchie est un tube charnu assez fort, creux dans toute sa longueur, sur lequel on voit, en l'ouvrant, les orifices des vaisseaux sanguins qui entrent ou qui sortent des lames branchiales. Les pre- miers sont les artérioles qui arrivent de la grande artère branchiale a, & (pl. X, fig. 2), vaisseau qui longe le bord antérieur de l’axe. La veine de la branchie », à; ’, vu’ est du côté opposé. 2° Du cœur. Les branchies reçoivent le sang par une artère pulmonaire (pl. X, fig. 2, a, a; & ,«&), qui elle-même vient du grand sinus veineux (pl. X, fig. 2 8), ou plutôt de la véritable oreillette qui reçoit la grande veine cave Æ du corps. Le sang s’hématose dans l’organe pulmo- naire et revient au cœur par quatre veines (pl X, fig. 2, v, a; 2”, 2’) qui marchent libres et sans aucun organe accessoire de la branchie jusqu’à leur entrée dans l'organe cireulatoire. Le cœur est très-musculeux , de forme quadrilatère; sa plus grande largeur est de 0",023 ; dans l’autre sens, il n’a que 0",012. Il est si- tué en travers dans la cavité du péricarde. Il reçoit à chacun de ses SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 283 angles les veines pulmonaires, et des valvules sont disposées à ces orifices pour empécher le retour du sang dans ces vaisseaux lors de la contraction du ventricule. On voit que le bord postérieur de ce quadrilatère est un peu con- cave et fait vers le milieu une sorte d’angle. C’est par ce travers et sur la face supérieure ou ventrale du cœur et un peu à droite que nait l’aorte, dont l’origine musculaire forme une sorte de tube ou d’entonnoir allongé, musculeux comme le cœur, et que M. Owen compare au bulbe de Paorte des poissons. Le bord postérieur de ce ventricule donne aussi naissance à une petite aorte d’où sortent les artères du syphon, de l'organe générateur et de l'intestin, telles qu’on les voit en 13, 14, 15. Pour établir les rapports du cœur et de la cavité qui le renferme avec le reste du corps, il faut se souvenir que la cavité viscérale est ainsi divisée : le péritoine, par ses plis, forme une première poche si- tuée vers le bas et à l'arrière de l'abdomen qui contient le jabot ou la première dilatation de l’ésophage, puis le foie. Au-dessus existent deux autres cavités : l’une à gauche loge le gésier, assez semblable à celui du poulpe; l’autre, à droite, contient les organes de la gé- nération. Mais le péritoine dans ses replis forme aussi antérieurement et vers le bas un quatrième sac placé au bas, mais en avant du foie. Cette cavité antérieure , très-complexe, contient le cœur, mais elle doit, ce me semble, être divisée, comme M. Cuvier Va fait dans son anatomie du poulpe, en cavité veineuse, et en une seconde analogue au péricarde. Si l’on ouvre la tunique externe du corps sous le grand muscle P (pl. VIIL, fig. 1), on trouve immédiatement le cœur. En rejetant les parois à, 6, b (pl. X, fig. 2), on voit une large membrane fine c, c, c, adhérente au bord postérieur du cœur ; elle se détache ensuite du ventricule sur le côté, passe sous les veines 284 NOUVELLES RECHERCHES pulmonaires, sans y prendre la moindre adhérence, et va faire le plafond supérieur de la cavité que j'appelle particulièrement le péricarde, ou le fond de la cavité veineuse. Cette membrane est percée dans son milieu d’un grand trou, tel qu'il est représenté en 7° (pl. X, fig. 2); je l'ai supposée coupée d’un côté pour laisser voir au dessus d’elle la veine cave, les artères pulmonaires et les or- ganes en houppe qu’elles portent , tandis que de Pautre côté elle est entière. La membrane fine qui s'attache au ventricule donne aussi de son milieu une autre bride d’une ténuité extrême qui d’un bord s'at- tache sur le milieu du cœur, et de l’autre maintient l’artère récur- rente du syphon. On voit donc que le ventricule est dans une cavité distincte de celle qui contient l'oreillette 8, la terminaison de la veine cave 4 et les artères pulmonaires. Il y a de plus une remarque à laquelle il faut faire bien attention, c’est que les mots de péricarde, d’oreillette, empruntés à l'anatomie des animaux vertébrés, doivent être acceptés avec les modifications que la nature différente de ces êtres organisés comporte ; car ici l'oreillette est séparée du ventricule aortique; elle serait mieux désignée par le nom de ventricule branchial, puisqu'elle pousse directement le sang dans la branchie. Toutefois il n’y a pas encore similitude entre les organes du mollusque et le cœur bran- chial des poissons qui a son oreillette et son ventricule constituant un ensemble analogue et comparable au cœur pulmonaire des mam- mifères et des oiseaux. Dans ces animaux, le péricarde contient non- seulement les ventricules, mais les oreillettes qui sont connexes avec eux; ici il n’y a plus qu'un ventricule recevant sans oreillette, le sang de retour de Porgane pulmonaire. Il y a donc une différence plus grande entre le cœur du mollusque et celui de tous les ver- tébrés que les mots employés ne sembleraient d’abord létablir. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 285 3 De la cavité veineuse et de ses poches accessoires. Entre la base des deux pédoncules branchiaux insérés à une dis- tance de o",o14, s'élève un petit tubercule arrondi ; (pl. IEL, fig. 1). Au bord postérieur du pédoncule de la grande branchie /, on trouve deux petites ouvertures y, », pratiquées par deux fentes oblongues qui ont de 0,003 à 0,004 de longueur. Une seule ouverture semblable £ est à la base du pédoncale de la petite branchie. Chaque ouver- ture donne dans une poche 6, 8, 8” que j'ai facilement gonflée. L'air y entre aisément et les poches se tiennent bien distendues, parce que lun des bords de la fente forme en $'avançant sous l’autre , une sorte de valvule qui en ferme Porifice. Chaque poche a une membrane propre très-mince, qui adhère, peut-être par continuation, à la membrane qui tapisse le haut de la cavité du péricarde. Cette paroi très-mince est d’ailleurs renforcée au fond de la grande cavité branchiale par la peau qui s'étend des- sus, et que l’on peut avec quelques précautions fendre et séparer de la membrane propre de la poche. Chaque sac est complétement aveugle, n'ayant d’autre communication avec l'extérieur que par l'ouverture désignée ci-dessus. En la gonflant d'air, je mai jamais vu ce fluide passer, soit d’une poche dans Pautre, soit dans la ca- vité qui contient le cœur. Je ne crois donc pas qu'il y ait de communication entre la cavité branchiale ou l’extérieur, et la ca- vité du péricarde. Comme j’avance là un fait contraire à ce que nous lisons dans le beau mémoire de sir R. Owen, j'aflirme avoir répété plusieurs fois les insufilations et n’avoir jamais pu faire sortir l'air de la poche que par l’orifice d’entrée de la poche, même après avoir fendu le pé- ricarde et avoir écarté le cœur. 286 NOUVELLES RECHERCHES Chaque artère pulmonaire passe entre deux poches, et dans ce trajet la membrane du sac adhère tellement à la tunique des vais- seaux qu’elles semblent se confondre lune et l’autre. Il résulte aussi de là qu'une poche, la mitoyenne #, peut servir aux deux artères pulmonaires, et que les poches externes 8 et 6” ne servent qu’une seule artère. On voit, par leur face supérieure , les trois poches gonflées sur la fig. 1 de la pl. X, et sur la fig. 2, on les voit par leur face infé- rieure, du côté où elles n’ont pas été ouvertes. Les artères pulmonaires portent , pendant leur trajet entre les pa- rois de la poche, des houppes de corps folliculaires, probablement analogues aux corps spongieux des autres céphalopodes, tels que le poulpe, la sèche, le calmar ; ils ont toutefois une forme différente de ceux de ces mollusques. Ces corps ne sont pas aussi semblables entre eux. En ouvrant la poche 6”, j’ai vu renfermé dans elle un corps plissé ou fraisé, à bord épais et arrondi, et une petite portion mise sous le microscope m’a montré de très-nombreux vais- seaux. Un second corps semblable, adhérent à Pautre artère, est dans la poche 9. Maintenant je trouve deux autres houppes, une à chaque artère, telles que sir R. Owen les a vues et les décrit. Elles sont for- mées de petits cœcums réunis sur une tige ou pédoncule commun par houppes; ces appendices sont courts ; chaque pédoncule s'ouvre dans Partère. Je ne doute pas que M. Owen n'ait assigné à ces organes leur véritable fonction physiologique. Ce sont des espèces de branchies supplémentaires analogues à celles que nous observons dans les poissons, et qui doivent devenir un déverticulum du sang , lorsque le nautile plonge à de grandes profondeurs. J'ai trouvé ces follicules libres et flottants dans les sacs où il n’y SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 287 avait rien qui ressemblât à cette substance coagulée indiquée dans la description du savant professeur du collége des chirurgiens. Ainsi que je V’ai déjà dit, les artères pulmonaires quittent le si- nus veineux transversal qui reçoit le sang de la veine cave dans une cavité particulière où pénètre cette veine. M. Rich. Owen en à vu la structure, comme on devait s’y attendre d’un aussi habile anatomiste , avec la plus grande exactitude; j'ai observé un plus grand nombre de perforations, car j’en ai compté vingt- deux de grandeur inégale. La veine est aplatie, a une tunique où l’on aperçoit facilement les fibres musculaires qui servent à ouvrir ou à fermer les ouvertures qui laisseraient le sang pénétrer directe- ment dans la cavité abdominale. $ VIL — Du système nerveux. Le système nerveux du nautile a été si bien décrit par M.R. Owen, que j'ai peu de chose à ajouter à ce qu'il a dit; cependant il na laissé un fait très-important à établir, c’est la présence de l'organe de l’ouïe dans ce mollusque. 1° Du cerveau et des nerfs principaux. Le cerveau n’est pas contenu dans un cartilage faisant fonction, comme dans le poulpe ou la sèche, de boite cérébrale. Aucun corps de cette nature ne recouvre en dessus l’anneau céphalique; cepen- dant le cartilage qui soutient en dessous les valves de lentonnoir, se trouve en liaison avec les grands centresnerveux, puisque c’est sur lui que s'appuie le cordon d (pl. I, fig. 2) de l’anneau antérieur du collier, et que sa corne contient l'oreille. Quand on a fendu la masse supérieure de muscles qui fait la base 268 NOUVELLES RECHERCHES du cône de la bouche un peu en avant de l'œil, on découvre lPan- neau supérieur du cerveau a (pl. VIIL, fig. 2 et fig. 3). Cet anneau s'épaissit un peu vers son angle externe où sont insérés les deux nerfs de l'organe de l’odorat 1 et de la vue , n° 2, et dont on voit la sec- tion en 1” et 2. En les coupant, on voit alors les trois filets nerveux 3, 5, 3 qui se rendent à l'organe de louie; ce cordon donne en- core d’autres nerfs, et alors il se contourne pour passer au-dessous de l’ésophage E et l’entourer de deux autres anneaux. L'un anté- rieur d (fig. 3etfig 4), et l'autre postérieur c. Le gros renflement 1, 2, 1”, 2’ donne en avant du nerf optique 2, un nerf 6 qui se rend au tentacule oculaire z, et en arrière un autre nerf 7 se rend au second tentacule &’; du bord antérieur de l’anneau sus-ésophagien sortént quatre paires de nerfs 4 et 5 (pl. VIIL, fig. 2 et fig. 5) qui animent la masse des muscles de la bouche et les lèvres. Du bord antérieur de l’anneau inférieur b (fig. 3 et 4) sortent les nombreuses paires de nerfs 10 et 11 quise perdent dans les tenta- cules des bras et dans les organes lamellaires £ et w (pl. IV, fig. 1)de la base de ces bras. L’anneau postérieur c envoie les deux grands nerfs qui donnent le ganglion étoilé et les autres nombreux filets qui vont aux or- ganes abdominaux. 2° De l'œil. L'œil est gros et saillant sur les côtés de la tête, tout-à-fait libre et détaché des tentacules sur la base desquels il s’insère par un pé- doncule. Il est ovoide, son diamètre longitudinal me parait un peu plus long que le vertical; il a 0",026. Le pourtour est élargi parce que cet organe, situé en e (pl. EX, fig. : ou pl. XE, fig. 1), est bordé SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 289 dans ses deux tiers inférieurs par un repli libre et saillant de la peau, lequel laisse vers le bas une échancrure sabouchant avee un sillon vertical 5 remontant vers le trou de la pupille 1 qui n’est pas cen- tral, et qui est extrêmement petit; car il n’a guères qu’un millimètre de diamètre. La surface de la peau qui recouvre l'arrière de l'œil est lisse, celle qui est au devant et qui s'étend sur les côtés de ce bord membraneux, est ridée et creusée d’un grand nombre de petits enfoncements qui sont peut-être des cryptes sécrétoirs, ou qui sont dus à la contraction de l'organe par l’action de l’alkool. L'œil a été vidé et je n’ai pu observer aucune des humeurs qu’il contient. En le fendant selon son diamètre, on voit évidemment les trois tuniques qui forment l’enveloppe de l'œil. Une interne x (pl. VILLE, fig. 2) qui est la rétine, car elle est l'expansion du nerf optique 2 qui s’y rend. Entre cette membrane et l’externe >, en est une seconde 6 d’un tissu plus serré et plus jaune que l’externe. Tout l’intérieur de Vœil est couvert d’un pigment noir très-in- tense. L’œil devrait être peu apparent sur les côtés de la tête, quand l’a- nimal est dans sa coquille, car il semble que le manteau 77 par en bas, et le tentacule supérieur a (pl. VILLE, fig. 1) le cachent en entier, à moins que pendant la vie de animal, ce qui est probable, le bras supérieur moins contracté ne dégage l’œil en s'étendant sur la spire de la coquille. Mais on le voit représenté e (pl. VILLE, fig. 1) ca- ché telque nous l’observons sur notre animal conservé dans l’alkool. En relevant le bord du bras & on met à découvert les deux ten- tacules dont l’œil e est précédé ou suivi. [ls sont tout-à-fait sembla- bles à ceux du bras. C’est une gaine charnue de laquelle sort par extension ou dans laquelle rentre par contraction un filet tentacu- laire et charnu, trièdre, plissé en travers, et qui reçoit le nerf 6 et 7, sortant du cerveau. Anouives 0 Muséux, rome JI. 37 290 NOUVELLES RECHERCHES 3 De l’odorat. Sous l'œil existe un troisième tentacule que M. R. Owen n’a pas vu, parce que cet organe avait été détruit, par le coup de gaffe, lors dela prise de son exemplaire. Ce tentacule 2 (pl. IX, fig. 1) esttrès- différent pour la forme et par la structure des deux tentacules sus- orbitaires décrits plus haut. Il est trièdre, creux et son ouverture est recouverte par une petite papille x. Au-dessus et à la base de ce tentacule est une petite cavité aveugle T5 l’ouverture de cet organe et la papille qui la surmonte est représentée à part (pl. IE, fig. 2). Si on l’ouvre, comme dans la figure 3, pl. IX, on voit l’intérieur du tube recouvert d’une muqueuse plissée par une suite de replis dis- posés comme les barbes d’une plume sur un axe commun, et le nerf 1 (pl. VILLE, fig. 2) se rendre à cet organe. La structure que Je viens de décrire est tellement différente de celle des autres tentacules, qu’on ne peut assimiler ces deux organes ; le volume du nerf qui s’y rend en fait certainement un des organes sensitifs du mollusque, et la structure des plis de la muqueuse in- terne est tellement semblable à celle de la narine des poissons, que je ne puis hésiter à considérer cet organe comme étant le véritable siége de lolfaction de cet animal. M. R. Owen avait considéré les lamelles # qu'il a observées à la base des bras internes d et @ (pl. IV, fig. 1) comme le siége de lo- dorat du nautile, Je COnçÇois que mon célèbre ami n’ayant pas trouvé les restes de l’organe Z (pl. IL, fig. 1), et trouvant des filets nerveux qui vont à ces lamelles, ait eu l’idée qu'il a émise; mais comme on ne peut nier la ressemblance des lamelles z, avec celle des deux au- tres bras &, a, figurées en 4, il devient difficile d'admettre que la na- ture aurait divisé en trois parties l’organe olfactif du nautile. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 291 4° De l’ouïe. Le cartilage qui soutient les valves de l’entonnoir # (pl. IL, fig. 1) donne, comme nous l'avons dit, deux cornes qui remontent en arrière jusque sous les angles de la bride d (pl. I, fig. 4) qui réunit l’anneau sous-ésophagien du cerveau. Cette corne est creusée d’une cavité linéaire à (pl. IT, fig, 4 et fig. 6); c’est évidemment l'oreille interne : elle est longue de 0",015 et n’a guère qu’un millimètre de largeur. Elle était remplie d’une pulpe homogène et ne contenait aucune sorte de concrétions, quel que soit le soin que j'aie mis à m’assurer de leur présence. Trois filets nerveux 3 (pl. E, fig. 2) pénètrent chacun par un trou particulier dans la cavité de l’oreille, ainsi qu’on le voit sur la bran- che o du cartilage coupé et laissé en place (pl. IL, fig. 1). Au-dessus de la base du tentacule olfactif il y a un petit enfonce- ment y (pl. IX, fig. 1), qui pourrait bien être en rapport avec l’o- reille interne, etserait par conséquent une sorte d'oreille externe ru- dimentaire. Telles sont les observations que j’ai faites sur le seul individu que j'ai pu examiner et placer dans les collections du Muséum, grâces à la noble générosité d’un étranger ami des sciences, Nous n’avons en effet, au moment où j'écris, aucun autre nautile dans les collections zoologiques de établissement ; c’est le seul qui y soit venu. En résumant la description que je viens de donner dans ce mé- moire, les zoologistes verront que j'ai déterminé l'organe de l’ouie, encore inconnu, que j'ai démontré qu'il existe sous l’œil un organe que je crois devoir considérer comme le siége de l’olfaction, quoique 292 NOUVELLES RECHERCHES Von puisse m'objecter une opinion contraire et d’un grand poids pour moi, celle de mon ami M. Richard Owen. J'ai aussi ramené, par des considérations philosophiques que je crois vraies, le nombre des bras du nautile à celui qui se rencontre chez les autres céphalopodes, classe de mollusques à laquelle il ap- partient incontestablement. En confirmant la manière de voir de sir R. Owen, si juste et si conforme à la nature, j'ai établi l’animal dans la vraie place occupée par lui dans sa coquille. Je ne laisse plus aucune discussion raison- nable possible sur ce point; et je crois que, sur les planches de mon mémoire, on prendra une idée plus exacte de la manière dont le manteau vient recouvrir jusqu’à l’entonnoir. On ne suit pas assez bien sur la planche de M. Owen, le contour antérieur de ce sac palléal autour de la base des bras et de l’entonnoir que M. Owen a presque entièrement mis à découvert. J'ai fait mieux connaitre la forme et la structure du cartilage des valves; on voit qu'il ne ressemble pas à la figure donnée par l’ana- tomiste qui m'a précédé dans ce genre de recherches. M. Owen à qui j'ai communiqué immédiatement tous mes dessins, m'a dit dans sa réponse que n'ayant pas pu observer le cartilage en entier, il ajou- tait une entière confiance à mes figures qu’il regarde comme plus dé- taillées que la sienne, mais il ne pense pas que les différences obser- vées entre les deux pièces puissent servir à des caractères spécifiques. Cependant, c’est ici le lieu de rappeler que le bec de mon nautile est tout-à-fait corné, aucune molécule calcaire n'existait sur le bord. J'ai examiné ses mâchoires avec beaucoup de soin, parce qu'après avoir fendu la lèvre pour dégager les deux mandibules, je me suis aperçu avec surprise qu’elles étaient entièrement cornées. J’ai cher- ché les bords calcaires décrits par M. Owen, et je n’ai rien vu de semblable. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 293 Ce zoologiste me dit dans sa lettre que l’on pourrait supposer que les pièces calcaires ont pu être détachées du bec ou dissoutes par l’action de l’alkool, pendant le séjour de Panimal dans cette liqueur préservatrice. À cela je réponds que les parties de la tête étaient tou- tes trop bien conservées, trop intactes pour que si les pièces cal- caires ayant existé, eussent été détachées, elles ne fussent pas restées entre les tentacules internes. L'action de l’alkool rend certes plus friables les coquilles des mollusques que nous y conservons, mais elle ne les dissout pas assez complétement pour qu'il n’en reste pas de vestiges. On trouvera aussi dans mon mémoire une représentation de l’or- gane lamellaire attaché à la base interne de chacun des grands bras inférieurs plus claire que celle donnée par M. Owen, car les petites lignes obliques et très-effacées qui indiquent dans le mémoire an- glais sur la planche IE, fig. 2, au-dessous de p, de chaque côté de q ne donnent pas une idée suflisante de l'importance et de la grandeur de ces organes. Enfin, en ce qui touche la cavité veineuse et celle du péricarde , j'établis : 1° que lacavitéqui renferme le cœur ne contient rien autre que l’extrémité des quatre veines pulmonaires qui versent le sang dans ce ventricule, et la naissance de la grande et de la petite aorte qui en sortent; 2° que la veine cave et sa dilatation sont contenues dans une cavité distincte, et 3° qu’au-dessous de cette cavité existent trois poches de chaque côté, ouvrant chacune par un trou pratiqué dans la peau indiqué dans le texte et sur la planche; que j'ai insufflé plu- sieurs fois ces-poches ; que je les ai vues tenir l'air, et qu’en ouvrant celles d’un côté, j'ai trouvé les organes spongieux et accessoires des artères pulmonaires flottant dans ces sacs. Le nautile qui a été donné par M. Meder vient, comme on l’a vu plus haut, des mers de la Nouvelle-Guinée. Celui de M. Bennett 294 NOUVELLES RECHERCHES a été pris à une distance de 1100 lieues marines de ces parages. Je tiens de M. Louis Rousseau, aide-naturaliste du Muséum, qui vient de faire un voyage intéressant pour l’histoire naturelle des mollus- ques dans les mers de l’Inde, que le nautile se trouve aussi aux iles Nicobar où il arrive en telle abondance quand la mousson porte sur cet archipel, que les habitants de cesiles font boucaner ce mollusque pour le conserver en provision et le manger après cette préparation. Les différences que j’ai signalées entre mon nautile et celui du Musée de Londres, navaient suggéré la pensée que peut-être nous n'avons pas, M. Owen et moi, disséqué deux animaux de la même espèce, Mais le professeur du musée des chirurgiens, à qui j'ai en- voyé mes dessins, pense le contraire et les regarde comme iden- tiques. Je me range volontiers à cette opinion, parce que la forme des auricules du bras supérieur me parait la même dans les deux individus, et l'examen de la coquille du nautile nommé Nautilus umbilicalus, me fait croire que la paire de bras supérieure qui forme le disque charnu sur lequel rampe le mollusque, doit être ici plus différente. En examinant les rapports de Panimal avec la coquille, on con- çoit très-facilement comment ce mollusque à corps arrondi en ar- rière, comme celui du poulpe, de l’argonaute, fait une coquille en- roulée en spirale, nécessairement dans un même plan. L'animal adhère par les deux muscles de chaque côté dans la der- nière loge qu'il remplit. Je trouve dans la riche collection du Mu- séum une coquille de laquelle l'animal a été arraché pendant qu'il était encore vivant. On peut le conclure de la pellicule charnue qui adhère encore à impression musculaire et le long de Ja bandelette transverse qui va d’un muscle à l’autre; les impressions des museles ont la forme que nous leur voyons sur l'animal contracté dans l’esprit de vin, elles sont plus grandes seulement, SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 29h La bandelette supérieure laisse une impression qui suit le sinus de l’'auricule, descend ensuite pour embrasser le contour de la coquille et rejoindre ainsi l’angle supérieur du muscle opposé. Dans la ligne moyenne, et en face du trou du syphon, cette bande a une petite dépression en +, dont la concavité est du côté de la tête, Cette zone d'insertion, élargie à lendroit où les muscles prennent leur point d'attache, ferme done complétement , comme l’a remarqué très- judicieusement M. Owen, le fond de la grande loge contenant la cavité respiratrice et la tête et lesentourages de cet organe, et sépare complétement cette partie antérieure de la loge de la portion pos- térieure qui contient le cœur, les viscères digestifs et générateurs. Ainsi, cette seconde partie, située en arrière des muscles et de la zone d'attache, n’a jamais de communication avec l'extérieur, avec l'élément ambiant quel qu'il soit. Il faut donc aussi conclure de cette remarque que la lame qui ferme la première loge et devient cloi- son pour les loges suivantes, forme un espace qui ne pourrait avoir de communication avec la seconde portion de la grande cavité que par l'ouverture pratiquée au centre de la cloison pour le passage du syphon. Mais cette ouverture est certainement bien remplie par le tube charnu, qui est plus gros en arrière de la cloison qu’à l'endroit où il la perce, puisqu’il se rétrécit et devient transparent à cette sorte de nœud. Les loges du nautile n’ont donc aucune communication avec l’é- lément extérieur. Quand Panimal grandit dans sa coquille, il dépose, comme tous les autres mollusques, par le contour glanduleux de son manteau, les couches mucoso-crétacées qui forment le test dont on suit parfaite- ment les accroissements par les stries parallèles au bord. Elles sont plus rapprochées ou plus serrées autour de l’auricule que vers le bord inférieur, et cela devait étre ainsi pour satisfaire aux conditions de 296 NOUVELLES RECHERCHES l’enroulement en spirale. Ce dépôt est blanc sous un épiderme ver- dâtre excessivement mince. Mais en même temps, comme danstous lesmollusques, le manteau sécrète à l’intérieur le dépôt vitreux qui épaissit le test. Il se forme aussi sous l’insertion du muscle, et il donne naissance à cette couche mince qui permet le déplacement de cet organe et son acheminement dans la coquille sans que l’adhérence cesse un seul instant, la lame se déposant à l’état moléculaire le plus parfait. Quand on examine la tranche très-mince d’un nautile scié, on voit, avec un peu d'attention, les deux couches superpo- sées que je viens d'indiquer. Mais une troisième couche, et externe, est encore déposée sur la coquille; c’est celle que lon voit sur la portion enroulée du test, et sur laquelle sont peintes ces flammes orangéesou rougeûtres qui ont valu aunautile l’épithète de flambé qu’on lui a généralement donné. I]me parait que ce dépôt est formé par la transudation du bras supérieur a qui doit s'étendre sur la coquille pendant la vie de l’animal et l’em- brasser en arrière. La forme en chevron de ces flammes, dont le sommet répond à léchancrure médiane des bras prouve parfai- tement le rapport de ces deux parties ; la teinte rougeâtre uniforme qui est autour du point d’enroulement, prouve que Pauricule du pied, constamment appuyé sur ce point, a déposé plus constamment la matière colorante. Cette couche externe et colorée de la coquille est done produite de la même manière que la couche colorée et ex- terne des porcelaines, des olives ou des autres coquilles analogues. Elle est si mince qu’elle ne fait pas disparaitre les inégalités des stries d'accroissement ; mais le poli naturel de la portion supérieure de la spire, montre qu’elle est frottée constamment par un corps; le- quel ne peut étre autre que le bras supérieur du mollusque. La portion de la grande loge qui reste blanche ou verdätre, quand la coquille a conservé son drap marin, manque de flammes SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 297 rouges, parce que le bras, dans son extension , ne peut pas atteindre jusqu’au-delà de la couche supérieure de la spire. Quant à la portion noire, elle est déposée par la lame supérieure 7? du manteau qui s'applique dessus. À mesure que l’animal prend de l’accroissement dans la coquille dont nous venons d’étudier la formation et la coloration extérieure, il avance dans sa dernière loge et laisse, après quelque temps, un espace libre entre le bord postérieur de son manteau et la dernière loge; le syphon a augmenté comme toutes les parties du mollus- que ; il est probable alors que le nautile reste dans un état de tran- quillité pareille à celui que prennent les murex, les casques et autres gastéropodes qui font ces côtes saillantes et plus où moins découpées sur leur test; de sorte que l’on peut regarder ces lames internes de notre céphalopode comme les analogues des bourrelets qui sont au-dessus des coquilles des gastéropodes ; mais les varices d’un murex sont le produit de dépôts calcaires semblables à ceux de la lame externe de la coquille, tandis que les lames des cloisons du nautile sont faites de dépôt vitreux, comme les cloisons des turri- telles, des turbos et d’autres mollusques. Le dépôt vitreux et nacré s’'accumule sur le manteau en en suivant tous les contours et les ondu- lations, et c’est ainsi qu'est construite la cloison qui divise en segments l’intérieur. On voit aisément sur une coquille sciée le trait de séparation dis- tinguant la couche extérieure de la lame unie au bord de la chambre par un biseau si aigu que la ligne de démarcation a jusqu’à o",o10 on 0",012 de longueur. La cloison est plus saillante à sa partie moyenne et supérieure que sur les côtés, et cette partie supérieure et saillante Vest moins que l’inférieure. La partie moyenne et supérieure laisse aussi un petit enfoncement qui correspond à l’échancrure de la languette d'insertion de la coquille au test. Cette petite cavité est Ancuives pu Muséux, rowe II. 38 295 NOUVELLES RECHERCHES très-sensible sur les premières cloisons. Il y a donc dans le nautile vivant un commencement de ces ondulations qui se montrent plus prononcées dans quelques espèces fossiles. Le nombre des cloisons est très-variable dans les divers indivi- dus; les plus petits que j'ai vus n’ont que 0",018 de diamètre et j'y compte huit cloisons ; un autre un peu plus grand et qui a 0”,055 de diamètre, est divisé par dix cloisons ; mais j’en trouve douze sur un autre que je crois être de même taille. Dans un quatrième qui a0",154 de largeur, je compte ving-neuf ou trente lames cloisonnaires ; et il y en a trente-deux dans un autre nautile qui a 0”",162 de diamètre. Il parait, d’après des observations faites par M. Hook et rapportées par le révérend docteur Buckland qu'il y a des individus divisés par quarante cloisons. En étudiant ces trois petits nautiles, l’on aperçoit mieux que sur les grands individus les premiers enroulements. Lors- que animal commence à se développer, il est logé dans une coquille dont la cavité intérieure n’est pas encore eloisonnée ; le syphon sat- tache à la paroi interne du test qui forme à ce premier âge un sac moulé sur le corps du mollusque ; Panimal avance dans cette coquille en tournant autour de laxe des deux muscles d'attache ; le manteau s'agrandit plus vite inférieurement que supérieurement, de là nait l’enroulement en spirale. En quittant le fond de la coquille, il dé- pose une première lame traversée par le syphon et ainsi de suite pour toutes les autres. Les cloisons, donnant nécessairement passage au syphon autour duquel elles se déposent, sont aussi nécessairement percées d’un trou; ou mieux, la lame se prolonge, dans les deux espèces actuellement vivantes en un tube court formé très-exacte- ment de la même matière que la cloison. Au-delà de cette partie, le syphon était entouré d’une sorte de dépôt mucoso-crétacé très- mince, devenant très-friable par la dessication , et dont on voit fré- quemment les restes dans les nautiles sciés, restes qui forment des SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 299 tubes continus souvent assez longs. Le Muséum possède un de ces tubes conservé depuis son origine jusqu’à la vingt-troisième cloison , et ayant une longueur de 0”,135. Ces petits tubes se sont moulés sur le syphon, et il est facile de juger qu’ils ne peuvent changer de diamètre en se dilatant ou se contractant, selon que le ferait le syphon charnu sil était destiné à remplir cette fonction. Pendant les premiers enroulements, les auricules du bras supé- rieur ne recouvrent pas les tours contigus du nautile flambé, de sorte que le centre de la spire laisse souvent un petit trou qui tra- verse de part en part l’axe de la coquille ; mais peu à peu le dépôt vitreux vient oblitérer cette petite ouverture. Je dois ici faire re- marquer que parmi six petits nautiles de 0",025 à 0",030 de diamètre, je n’en ai qu’un seul qui ait sa dernière loge complète , dont le bord de l'ouverture n’ait pas été limé par des marchands trompeurs, de sorte qu'il est très-difficile de dire quelque chose de certain sur la colo- ration de ces petits nautiles. Ils montrent cependant que les premières stries d’accroissemeut sont plus élevées que sur les derniers tours. On peut déduire de ce que nous venons de dire sur la coquille ainsi que sur l’animal du nautile, que ce mollusque, et Rumphius la déjà indiqué, nage avec facilité dans le sein des eaux comme nos poulpes, nos sèches, nos argonautes, en faisant sortir avec force la grande quantité d’eau contenue dans sa cavité branchiale dont le jet le fait cheminer en arrière de la même manière que les mollusques cités tout-à-l’heure. Il peut aussi venir à la surface de l’eau et ramper au moyen du disque de ses deux bras céphaliques, comme le font les planorbes et les lymnées de nos étangs. Mais il y a ici cette différence dans la position respective des animaux, que les premiers sontrenver- sés dans cette allure, c’est-à-dire que le ganglion cérébriforme est alors inférieur à l’ésophage, tandis que le nautile conserve son cerveau au- dessus du tube digestif, ce qui prouve qu’il conserve Les parties supé- Us 300 NOUVELLES RECHERCHES rieures en haut et les inférieures vers le bas. Si sur le fond des mers, à des profondeurs plus ou moins considérables, le nautile rampe sur le disque charnu de ses deux bras, c’est alors qu’il se renverse. Quant au rôle que jouent dans ces mouvements les concaméra- tions de la coquille, je crois qu’elles n’ont d’autre but que de mettre l'animal et sa coquille en équilibre statique dans le sein des eaux; de telle façon qu’il ne faille que le plus léger effort musculaire pour faire monter ou descendre l'animal. L'on conçoit alors la né- cessité d’accroitre le nombre des loges à mesure que l’animal grandit et augmente sa pesanteur; il fallut plus de loges pour main- tenir cet état d'équilibre. Ces bras élargis en disques charnus, sont-ils un passage que la na- ture va établir entre les céphalopodes et les gastéropodes? Le nau- tile est-il en quelque sorte une ébauche de ceux-ci. Je ne pense pas qu’il soit logique et d’une saine philosophie dans l'étude des sciences naturelles d’arriver à ces conclusions. On ne peut comparer le disque charnu des bras supérieurs du nautile à celui des gastéropodes; car le premier est au-dessus de la tête. I recouvre le cerveau, la bouche et la plus petite des deux mandibules. Au contraire, le pied des gastéropodes est sous le canal digestif, sous la bouche, à plus forte raison sous le cerveau ; il n°y a donc aucun rapport de connexion entre ces deux organes pour les considérer comme similaires. En plaçant l’animal de manière à pou- voir le comparer à un gastéropode, je sais bien que l’on va trouver au- dessus de la tête une grande cavité branchiale au fond de laquelle est le cœur, que lentonnoir deviendrait l’analogue du canal fendu qui conduit Peau aux branchies; ces rapports énoncés ainsi généralement paraissent d’abord spécieux, mais si l’on étudie plus en détail ces simi- litudes apparentes, on se convainct bientôt que tout est différent. Dans un gastéropode la cavité branchiale limitée par le manteau SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 301 est fermée par l’adhérence du collier avec la partie supérieure du cou de l'animal. Une simple fente pratiquée sur le bord de ce manteau y laisse pénétrer le fluide nécessaire à la respiration. Quand il y aun tube ou une trompe, on peut dire que ce sont les deux bords de l’échan- crure qui se sont avancés et qui forment ce demi-canal ouvert et tou- jours fendu inférieurement ; les branchies d’un gastéropode ne sont pas aussi libres ni faites en arbuscules tripinnatifides; enfin le cœur, que l’on trouve dans son péricarde au fond de la cavité branchiale, est toujours aortique et simple; dans le nautile la cavité branchiale est ouverte sur le pourtour comme dans les céphalopodes, le cœur est complexe comme celui des sèches ou des poulpes, et l’entonnoir ne nait plus du bord du manteau, mais du plafond musculaire des pi- liers charnus; sa fente est supérieure et non inférieure. À ces con- sidérations, il ne faut pas oublier d’ajouter qu’en voulant faire du nautile un mollusque déjà construit sur le modèle des gastéropodes, et en le faisant ramper sur le disque charnu des bras comme une tonne ou murex rampe sur son pied , l’on place le cerveau, les yeux et les oreilles sous l’ésophage, la plus grande mâchoire devient la supérieure, la langue qu’elle contient est au-dessus de l'entrée du pharynx, enfin tout est renversé. J'ai exposé ma manière de voir sur la position à donner au nau- tile, qui me parait construit par la nature pour être un véritable cépha- lopode, mais différent des sèches, des argonautes et des poulpes; j’ai essayé de faire connaitre la formation de sa coquille, j’ai dit comment je concevaisles fonctionsremplies par les chambres vides de sa portion roulée en spirale, j'avoue que celles du syphon me paraissent beau- coup plus difficiles à reconnaitre : mais l’anatomie nous apprend à réfuter complétement les idées théoriques imaginées par M. Buckland pour donner à cet organe un rôle qu'il ne peut remplir. Cet habile géologue a supposé que l’eau peut entrer de la cavité 302 NOUVELLES RECHERCHES du péricarde jusque dans le syphon, en dilater les articulations, et rendre alors la coquille plus pesante; que les contractions des parois musculaires du syphon en font sortir cette eau, et que par suite la coquille en devient plus légère; et il explique alors las- cension ou l'immersion de l’animal par la différence de pesanteur spécifique de la coquille chambrée du nautile. Mais j'affirme de nouveau que le syphon ne s'ouvre pas même dans la cavité postérieure de l'abdomen, celle qui contient le foie et le jabot; que la communication marquée par un stylet noir sur la figure pl. 54 de sa Géologie, entre le syphon etla cavité du péri- carde, et celles marquées par les stylets entre ce péricarde et la ca- vité branchiale, n'existent pas. D’ailleurs quand elles existeraient, M. Buckland n’a pas réfléchi que le syphon est contenu dans un étui mince à la vérité, mais crétacé, et qui ne reviendrait pas sur lui-même après une dilatation. D’un autre côté, si M. Buckland avait fait attention à l’épaisseur et à la solidité du syphon du nautile fossile de Dax (Nautilus Aluri Basterot, que M. Buckland nomme Nau- tilus Scypho, pl. 45, fig. 1, de sa Géologie)", il ne pourrait pas croire que le syphon de cet être antédiluvien ait pu jamais se dilater dans cette espèce; le syphon calcaire traverse toute la chambre, et s'enfonce comme un tube d’entonnoir dans celui qui précède. Dans un Nautilus striatus de Voolithe conservé au Muséum, on voit bien dis- tinctement que son syphon dilaté ou renflé entre chaque loge, est cal- caire et continu avec la lame de la cloison ; la forme noueuse de ce syphon me parait donc congéniale et un caractère spécifique de l’es- pèce. Il y a aussi des nœuds au syphon du Nautilus hexagonus, et leur forme méme offre de bons caractères spécifiques. Je crois par ce " Ici je ferai remarquer que les concamérations moulées et figurées par M. Buckland, pl. 43, fig. 4 et fig. 3, sous le nom de Nautilus Zizzag, n’est autre chose que le moule intérieur du Nautilus Aturi Bast. où Naut. Scypho Buckl. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 303 peu de mots réfuter complétement la théorie du géologue anglais, car le fluide péricardial supposé par M. Buckland, et sans que excellent mémoire de M. Owen lui ait donné le droit de l’admettre, ne peut physiquement entrer dans le syphon. Je ne vois pasnon plus comment M. Hook peut établir que les chambres sont alternativement remplies par de l'air et par de l’eau, ou comment M. Parkinson peut croire que les chambres peuvent contenir de l’eau, et que de l'air et de l’eau peuvent s’introduire alternativement dansle syphon. La ceinture d'attache et les muscles ferment hermétiquement le fond de la cavité abdominale, et le séparent de la partie antérieure de la loge que l’on pourrait nommer branchiale; s’il existe dans les chambres de l'air ou toutautre gaz,ou bien même desliquides, ils ne sont, sans aucun doute, que le produit d’une sécrétion des tuniques de l'animal. Mais dans ce cas, il devient bien difficile d'admettre qu'il y ait une absorp- tion assez prompte, et une reproduction assez abondante pour faire monter où descendre le mollusque aussi vite que sa volonté l’exi- gerait. Nous trouvons dans les très-légères ondulations des cloisons de notre nautile, un commencement de ces inflexions qui, plus pro- noncées dans les espèces fossiles, donnent naissance à des selles et des lobes encore entiers dans le Nautilus Aturi, mais qui devenant plus nombreuses dans les goniatites et les cératites, finissent par se décou- per dans les ammonites. La forme de la dernière loge de celles-ci nous montre aussi que leur corps ou peut-être mieux la cavité branchiale, étaient beaucoup plus longs ; que la cavité abdominale, comme celle des calmars était cylindrique, et enroulée sur elle-même, dans toute l’étendue du dernier tour ; qu’à cause de l'allongement de la cavité respiratrice qui était plus étroite que celle du nautile, il est possible que l’entonnoir fût composé de deux valves ne contenant plus dans leur intérieur un cartilage entièrement caché et perdu dans les muscles ; 304 NOUVELLES RECHERCHES mais que cet entonnoir dépassant par quelques ailes l’ouverture de l’ammonite, dont la bouche festonnée ou lobée peut bien faire sup- poser l’existence, les parties antérieures étaient protégées par les valves recouvertes de ces corps singuliers, dont M. Hermann Meyer a fait le genre Aptychus. Ces corps ainsi placés sur ces lobes aliformes res- taient quelquefois cornés; comme les aptychus des ammonites falci- fères; ou bien ces valves d’aptychus attachées à lammonite, par leur lame cornée, se recouvraient d’un dépôt vitreux , tantôt imbriqué , tantôt celluleux, et non moins variable dans sa forme que l’opercule des Trochus et des Turbos, dont les espèces voisines ont des opercules cornées ou calcaires. La présence du dépôt calcaire sur les aptychus, fait nécessairement regarder ces corps comme ayant été extérieurs, tandis que le cartilage du nautile est intérieur et analogue au squelette des vertébrés; mais la forme de ce cartilage me porte cependant à croire qu’on peut trouver aussi une certaine affinité entre lui etlesaptychus. Dans ces hypothèses, on voit que les aptychus, comme M. Ruppell en a d’abord conçu lidée, suivie avec tant de persévérance par M. Voltz, auraient beaucoup d’analogie avec l’opercule des gastéropo- des. Il est même très-possible qu’à cause de l’étroitesse de la cavité branchiale , l’entonnoir de l’'ammonite n’eüt passervi a faire nager le mollusque à la manière du nautile et du poulpe, mais que déployé et étendu, il y eût été un grand disque ailé placé près de la tête de animal, et servant à la natation comme le disque charnu des atlantes. Ainsi, par la comparaison de la dernière loge de Pammonite avec celle du nautile, et par ce que nous connaissons de la forme de ce mol- lusque, je crois qu'il faut admettre que l’entonnoir de lammonite, s’il était formé de deux valves, ne contenait pas de cartilage interne; mais que cette pièce était remplacée par un organe extérieur com- posé de deux pièces paires symétriques comme le sont les aptychus, SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 305 et que ces deux pièces étant externes, ont dü être formées d’une substance cornée qui, dans quelques cas, s’est recouverte d’un dé- pôt calcaire. C’est la seule analogie que je leur trouve avec les opercules des mollusques univalves. Je prie toutefois de remarquer que je n’avance ces hypothèses qu'avec beaucoup de doute et de circonspection. On ne connait jusqu’à présent que deux espèces de nautiles vi- vantes dans les mers de l’Inde et trop bien caractérisées pour qu’il soit utile de s'étendre longuement sur les caractères spécifiques qu’a of- fert l'examen de leur coquille. L'une est le nautilé flambé. NAUTILUS romprrzrus Linn. testa suborbiculari; anfractibus dorso lateribusque lævibus ; apertura oblongo-cordata, umbilico tecto. Lam. syst. an. sans vert. 7, pag. 632, n° 1. Et l'autre est le nautile ombiliqué. NAUTILUS umgrcicaTus {esta suborbiculari, utrinque umbilicata ; anfractibus omnibus in utroqueumbilico perspicuis; anfractuum lateribus obtusé rugrosis ; apertura rotundato-cordata. Lam. ibid., pag. 633, n° 2. Les espèces fossiles sont au contraire très-nombreuses, le nombre de celles qui sont connues et réunies dans les différents catalogues, s'élève à plus de soixante. Aucune d’elles n’est analogue de l’une des deux espèces qui vivent aujourd’hui dans nos mers. Il est assez étonnant que Lamark, si habile conchyliologiste ait cru à l'identité du nautile de Dax (Nautilus AluriB.) avec lespèce actuelle, car il avait remarqué, mais sans y faire assez d’attention, la nature solide et calcaire du syphon qui s'étend d’une cloison à l’autre. Je suis même étonné que ce caractère très-saillant n’ait pas encore déterminé à séparer génériquement ces fossiles à syphon calcaire et continu Arouves pu Muséum, Towe II. 39 306 NOUVELLES RECHERCHES des espèces vivantes, dontle tube calcaire du syphon est interrompu à chaque lame ; une simple membrane mucoso-calcaire, servant à établir sa continuité. Toutes ces espèces fossiles sont disséminées dans les nombreux étages géologiques, depuis les couches supérieures de formations tertiaires, jusque dans les plus basses du calcaire de transition. M. Alc. d’Orbigny, qui en a décrit plusieurs en traitant dans sa Paléontologie française, de celles qui appartiennent aux terrains cré- tacés, a cru devoir donner une nouvelle diagnose du genre nautile, et en voulant l’établir sur des caractères trés de l'animal. Or, il me semble que cet auteur a bien mal compris le mémoire de M: R. Owen, pour dire que l'animal a en-dessous un appendice pédi- forme pouvant se rabattre sur les tentacules; et sans doute, des- tiné à ramper. \ me parait que M. d’Orbigny entend nommer ap- pendice pédiforme, ce que M. Owen a désigné par l’expression de coiffe. C’est ce dont je fais l’analogue de la paire de bras supé- rieurs. Quelle que soit l'opinion que l’on ait sur l’analogie de cet organe, il est placé à la région supérieure de l’animal, du côté du dos, puisqu'il recouvre le cerveau, centre nerveux situé entre cet appen- dice et l’ésophage. M. R. Owen assigne positivement à cet organe la région supérieure , et met l’entonnoir en dessous ; et aussi dans sa dia- gnose, il dit capul supra disco ambulatorio (munitum, instructum ). M. d’Orbigny a établi une famille des zaulitidæ dans l’ordre des tetrabranchiata de M. R. Owen. Je crois cette division tout-à-fait uaturelle, et établie sur de bons caractères. Elle ne comprend plus que des genres réunis, suivant des affinités naturelles, quand on en retire, comme M. d’Orbigny l’a fait avec raison, le genre des spi- rules. Je crois que le genre des NAUTILES comprenant des mollusques de l’ordre céphalopodes tétrabranches, doit être ainsi caractérisé. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 307 Genus NAUTILUS. Corpus oblongum, infra posteriusque pallio membranaceo, in syphonem gracilem postice porrecto, obtectum. CaPuT superum tentaculis numerosis cirrigeris in fasciculos octo- nos fastigialis, coronalum. Ocurr bi, magni, sessiles, bientaculau. NaREs #2 vaginam elongatam, cirrum œmulantem infra oculos. AURIS EXTERNA ? fossulam versus, inter oculos et nares. Os corneum, vel ad apicem mandibulæ calcareo-corneum ; labio Jimbriato crumeniformi circumtectum. TUBULUS EXCRETORIUS, Ze/ INFUNDIBULUM tnférum partelibus in- Jferné soluls, scelete cartilagineo suf- Jultum. BRANCHIÆ qualuor. TestTA dscoidea, spiralis polythalanua. ANFRACTUS CO7IguL. SEPTA fransversa anlticé concava : margtuubus plus minusve undulatis, simplicibus, et nec non lobats , vel folaceo- lobaus : syphone calcareo, interruplo, aut continuo, lamellas seplorum perforante. Je regarde comme un travail d’une grande utilité, de pré- senter une monographie des nombreuses espèces fossiles de ce genre. Mais j'attends pour me livrer à ces recherches, que j'aie pu en réunir un assez grand nombre dans les collections du Muséum pour entreprendre cette publication. 308 Fig. NOUVELLES RECHERCHES EXPILCATION DES PLANCHES. PLANCHE VIII. 1. Animal du NAUTILE FLAMBÉ ( Nautilus pompilius Lam. ) replacé dans une coquille autre que la sienne propre, mais qui lui convenait pour la grandeur, afin de montrer les rapports du mollusque avec la coquille. a @ les deux gaînes du bras supérieur; a la plus grande dont le bord 1 est élargi et aplati en disque; 2 son bord inférieur et sinueux; 3 son auricule qui s'étend sur l’ombilic; 4 son extrémité antérieure; & la plus petite d’où l’on voit sortir son cirrhe +. b b° b” b”” les gaînes du bras latéral et inférieur, d’où sortent les cirrhes 86 8° 67; etc. e l'œil. fla cavité viscérale, ou celle qui occupe le fond du sac du manteau et con- tient le foie, le jabot, le gésier , l'intestin, les organes de la génération , et ceux de la circulation. m la place et la saillie externe de l’organe lamellaire annexe des organes de la reproduction. P le muscle d’attache à la coquille. P; p la bandelette ou ceinture d’insertion du manteau à la coquille. v le manteau. 2. Cerveau et principaux nerfs du nautile, vus par la région supérieure, au-des- sus de l’ésophage. a le ganglion transverse du cerveau se continuant sur les côtés en d, d’ pour former le collier nerveux. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 309 1 nerfs olfactifs, sortant du renflement ou ganglion nerveux latéral et se ren- dant à l'organe olfactif A. 2 nerfoptique. 1’, 2 section de ces deux nerfs coupés à leur racine pour montrer les filets nerveux des nerfs acoustiques. 3 nerfs acoustiques. 4 origine des nerfs qui se rendent à la langue et à la couche interne des mus- cles de la bouche. 5 nerfs qui se distribuent à la couche externe des muscles de la bouche. 6 nerf du tentacule antérieur de l’œil z. 7 nerf du tentacule postérieur de l'œil ?. e l'œil ouvert, p l'ouverture de la pupille, : la retine, 8la tunique moyenne ou la choroïde, 7 la tunique externe ou la sclérotique. h le tentacule olfactif ouvert pour montrer ses lamelles internes. 0 la partie supérieure de la corne du cartilage contenant la cavité de l’oreille interne, et détachée pour montrer comment les filets 3 du nerf acoustique y pénètrent, E l’ésophage traversant le collier nerveux. y muscle transverse de l’ésophage et du bec. z muscles longitudinaux et moteurs des mandibules. N. B. que ce dessin a été gravé la partie antérieure par en bas. Fig. 3. Cerveau et collier nerveux du nautile vus de profil. a la portion supérieur de l’anneau du cerveau. b anneau antérieur du collier. c anneau postérieur. 1 nerfolfactif; 2 nerf optique; 5 nerfde la couche externe des muscles de la bouche; 6 section à la racine du nerf du tentacule antérieur de l'œil; 8 ori- gime des nerfs qui se distribuent aux organes de la respiration et de la di- gestion. 9 origine des nerfs qui se distribuent aux grands muscles de la coquille. 10 origine des nerfs de l'organe lamellaire situé sur la base des tentacules ou bras. 11 origine des nerfs des bras. 0 la mandibule supérieure ; o’ les inférieures; r la lèvre; s sa tunique externe; s sa membrane interne. Y Z, Z, z les mêmes muscles que dans la figure précédente. 310 NOUVELLES RECHERCHES E l’ésophage. Fig. 4. Cerveau et collier nerveux vus par la face inférieure, de manière à ne pas montrer la portion supérieure de l’anneau a des figures 2 et 3. b anneau antérieur; c anneau postérieur. d ganglion latéral qui les réunit. 1 racine du nerf olfactif; 2 celle du nerf optique; 3 celle du nerf acous- tique; 8 des viscères respiratoires et digestifs; 9 des muscles de la coquille; 10 des organes lamellaires; 11 des bras. PLANCHE IX. Fig. 1. L'animal hors de la coquille et dont le manteau a été rejeté en arrière pour montrer l’intérieur de la cavité respiratrice , et les autres organes qu'il cache. a et & la paire supérieure des tentacules et ses cirrhes #, #. b, D, b”, b”? les gaînes du bras latéral externe et inférieur et ses cirrhes B> BP 6”; P, etc. e l'œil; 1 l'ouverture de la pupille ; 2 le bord libre et membraneux du globe; 3 le sillon qui va rejoindre la pupille. f la cavité postérieure du manteau contenant les viscères de la digestion de la génération et de la circulation. g la portion du syphon restée attachée à l’animal, et composée de neuf articu- lations. h le tentacule olfactif; x la pupille qui s’avance sur son orifice; y cavité qui est à la base de ce tentacule, et qui correspond peut-être à l'oreille. £ l'entonnoir ; on a marqué par une ligne ponctuée la place occupée par le cartilage qui est dans l’épaisseur des valves. PE les deux branchies d’un même côté. m l'organe lamelleux annexe à l'ovaire. P la place du muscle d'insertion du mollusque à la coquille. la portion inférieure du manteau rejetée est vue par sa face interne. P° la languette supérieure du manteau qui s'appuie sur la portion noire et enroulée de la coquille, et qui est recouverte par la base creuse du tentacule supérieur a. fig. 2. Le tentacule olfactif vu de face pour montrer la forme et l’étendue de la pupille x qui recouvre l’orifice. Fig. 5. Le même tentacule fendu pour en montrer les lamelles internes. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 311 Fig. 4. Le cartilage interne vu de profil; A la lame latérale droite ; A’ celle du côté gauche (fig. 5 et 6); B la pièce impaire qui réunit les lames des deux côtés; a la grande corne de ce cartilage; 2 la cavité de l'oreille; 6 le bord supé- rieur ; € tubercule sur lequel repose le bord de l’anneau nerveux (pl: 1, fig. 2, 5, 4); d second tubercule antérieur; e le bord inférieur ; f l’anté- rieur; g l’angle inférieur. Fig. 5. Le même cartilage vu par-dessus. Fig. 6. Le même cartilage vu par- dessous. Les mêmes lettres ont été mises dans ces deux figures 5 et 6, aux parties sembla- bles, et indiquent par conséquent la même chose que sur la figure 4. PLANCHE X. Fig. 1. Le nautile vu par-dessous et dont le manteau a été rejeté en arrière pour laisser voir les parties recouvertes par cette membrane. a « les deux gaînes supérieures du côté gauche d’où sortent les cirrhes x # vus par leur face inférieure, parce que les gaînes b, L’, b”, etc., du bras infé- rieur ont été enlevées de ce côté, gaînes dont on voit la section en 2. b, L, b”, LD”, Bb”, etc., gaînes du bras inférieur droit et leur cirrhes BF 8 87 ete. c c’ gaînes du bras interne et supérieur avec leurs cirres &, &, #&”. c la section de ce bras du côté gauche. & l’entonnoir; #, #, ses valves. LP les branchies. m les feuillets de Porgane lamellaire annexe de l'ovaire. n bord du manteau rejeté pour laisser voir les feuillets. 0 raphé commun antérieur, qui se divise en deux autres internes et latéraux R , R au fond de la cavité des feuillets. P, P muscles d'attache du mollusque à sa coquille. g ouverture très-petite pratiquée devant quatre petits mamelons, et que M. R. Owen considère comme l'ouverture de l'ovaire. R, R, raphé interne des lames de l’organe annexe de l'ovaire. r la lèvre. 7 tubercule imperforé entre les pédoncules des deux branchies. 6, &, 9” poches ou sacs aveugles situés au-dessus du péricarde, et ne commu- niquant pas avec lui. 312 NOUVELLES RECHERCHES z fente ou ouverture de la poche antérieure 9. » ouverture de la seconde poche 6. £ ouverture de la fente de la dernière poche 6”. “ anus, situé au fond de la rainure formée par les deux muscles P. P. Fig. 2. Coupe faite à travers l’abdomen au-devant des replis du péritome, conte- nant le foie, le gésier, etc., pour montrer le cœur et les parties y annexées. A tronc de la veine cave se rendant dans l'oreillette ou grand sinus vei- neux B. c le cœur. 9, 8,6” poches du côté gauche situées au-dessous et au-devant du cœur, vues par leur côté postérieur, et déjà représentées fig. 1, par leur face antérieure; du côté droit les membranes ont été enlevées pour montrer l’intérieur de ces poches. a, & artères branchiales sortant de l'oreillette et portant le sang dans la bran- chie 1, l. r organe attaché et communiquant à la veine, et flottant dans la poche 0”. r organe semblable de la veine & et flottant dans la poche 6. p, P autres organes attachés aux veines a et &’ et flottant dans la cavité 6. », v veines pulmonaires sortant de la branchie et revenant au ventricule c. b la tunique du manteau coupée. c bride très-mince qui soutient le cœur, et qui est percée d’un trou F pour le passage du rectum. d bride qui soutient la veine pulmonaire antérieure. e coupe du manteau à la base du muscle d’attache. 13 l'artère de l'ovaire, 14 l'artère du syphon, } suivant M. R. Owen. 15 l'artère de l'intestin, Fig. 5. La bouche ouverte après avoir enlevé les mandibules cornées pour faire voir Ja langue par devant. a langue. c ses papilles cornées. d, e appendices couverts de papilles molles et un peu charnues. groupe de papilles charnues au-devant du pharynx &. g organe probablement glanduleux, papillaire, percé d’un petit trou 4. & l'entrée de l’ésophage ou le pharynx. r la lèvre frangée écartée. SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 313 Fig. 4. La langue et les organes qui l’avoisinent vus de profil. a la langue. b l'organe qui sécrète les papilles cornées. c les épines cornées. d, e, f papilles molles et charnues. g corps glanduleux percé d’un trou central A. z section des muscles qui s’altachent sur les mandibules. D l'entrée de l’ésophage ou le pharynx. E V'ésophage. PLANCHE XI. Fig. 1. Tête détachée et dont on a fendu par le côté gauche, la masse charnue des tentacules, pour faire voir leur disposition. a, & les tenlacules ou gaînes supérieures avec leur cirrhes +. b, b', D”, b” les gaînes du bras latéral inférieur et externe avec ses cirrhes 8, &', 8’; on a pu suivre du côté gauche en €, e l’intérieur de la gaîne et le cirrbe qui y pénètre et s’y retire. À c le bras interne gauche ou base des gaînes d’où sortent les cirrhes k, k’, k”?, k°”. d le pédicule du bras interne inférieur gauche. d' le même du côté droit, avec ses cirrhes à, d’, 9”, 9°”, etc, e l'œil; 1 sa pupille; 2 sop bord membraneux. z tentacule postérieur de l'œil. o la mandibule supérieure, 0’ l’inférieure. r la lèvre. s,s repli de la peau des lèvres, qui passe inférieurement sur les muscles de la bouche pour s’unir au bras. £ l'organe lamelleux du grand bras gauche. Il y en a un autre symétrique- ment placé sur le bras du côté droit. u l'organe lamelleux impair, à la base des deux bras internes inférieurs. Fig. 2. Coupe idéale et transverse des appareils de la tête. a, & les deux gaînes suptrieures et leurs cirrhes +, a. b, D’, b”, b” coupe des deux bras inférieurs et de leurs cirrhes D, b’, b”, etc. e, c’ les bras supérieurs internes et leurs cirrhes. 4 @ les inférieurs internes et leurs cirrhes, Acuives pu Muséuw, roue II. NOUVELLES RECHERCHES SUR LE NAUTILE FLAMBÉ. 314 Æ coupe de l’entonnoir. o le bec corné. r la lèvre. 1 l'organe lamelleux des bras inférieurs externes. u l'organe lamelleux des internes que M. Owen a considéré comme l'organe de l’odorat. Fig. 3. L’animal tiré de sa coquille et vu par-derrière, pour montrer le creux pra- tiqué sur la face postérieure des deux bras supérieurs pour s'appuyer sur la coquille et embrasser le test. A membrane interne qui se voit quand on a rejeté la languette 7? du manteau, la moitié droite est supposée coupée et abaissée sur le sac viscéral. B cavité de la portion postérieure du bras supérieur, qui recouvre la lan- guette A, laquelle repose sur le manteau 7”. fe sac viscéral. g le syphon. P la zone d’attache du manteau. Fig. 4. L’entonnoir vu par sa face interne et inférieure , et dont on a écarté les valves k, k, pour montrer la valvule } dont il est garni intérieurement. P, P les deux grands muscles d'attache de l’animal à sa coquille. 7, r muscle adduteur des valves de l’entonnoir. « Vouverture de l’anus. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES OS ET DES DENTS, PAR M. FLOURENS. CHAPITRE PREMIER. Action de la garance sur les os. SI Antoine Mizaud, médecin de Paris, parait avoir remarqué le premier, vers le milieu du seizième siècle, l’action singulière de la garance sur les os. Mais il faut avouer que l’observation de Mi- zaud' était entièrement oubliée, lorsque, plus d’un siècle et demi "Voici d’ailleurs tout ce que dit Mizaud : Erythrodanum, vuloû rubia ténctorum dictum, ossa pecudum rubentr'el sandycino colore imbuit, si dies aliquot depastæ sintoves, eliam intacta radice, que rutila existit. Res ea simuliter perspici potest in carnibus hujus pecoris elixis et assatis. Nam rubicundæ apparent, siculi eliam ova in decocto ejus radicis elixata ; putamine enim rubello non 316 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT après lui, Belchier et Duhamel appelèrent, sur le fait important dont il s’agit, l'attention des anatomnistes. Tout le monde sait que Belchier, chirurgien de Londres, dinant un jour chez un teinturier en toiles peintes, s'aperçut que les os d’un morceau de porc frais, servi sur table, étaient rouges. Or, l’animal dont les os offraient cette couleur rouge, avait été nourri avec du son chargé de l'infusion de garance, employée pour la teinture des toiles peintes. Le fait de l’action de la garance sur les os, fait aujourd’hui en- core unique en son genre, fait perdu depuis Mizaud, était donc re- trouvé, et retrouvé, comme on voit, par un pur hasard. Cependant la garance employée par les teinturiers ne l’était pas seule. Il fallait donc, pour se bien assurer de FPaction propre de cette substance, commencer par la dégager de toute autre ; et c’est ce que fit Belchier. Il méla de la racine de garance en poudre aux aliments dont il nourrit un coq. Au bout de seize jours, cet animal mourut; et tous ses os se trouvèrent rouges. Et les os seuls : les muscles, les mem- branes, les cartilages, toutes les autres parties, conservaient leur couleur ordinaire’. C’est donc la garance, et la garance seule, qui rougit les os ; et, ce qui n’est pas moins remarquable , elle ne rougit que les os. Les choses en étaient là, lorsque Duhamel, dont on connait le goût pour les faits curieux et le talent admirable pour les expé- riences, fut instruit de celle de Belchier. Il sempressa de la répé- ter sur des poulets, sur des pigeons, sur des cochons; il vit partout minüs hinc vestiuntur, quam si cum ramentis et præsegminibus brasiliant lient percocta essent , vel cum radicibus anchusæ. Antonii Mizaldi, Memorabilium, sive arcanorum omnis gencris, ele. Centuriæ, p.161. 1572. ? Philosoph. Trans. vol. 39. 1736. DES OS:ET DES DENTS. 347 la garance rougir les os , ne rougir que les os ; et cette action cons- tante, cette action exclusive de la garance sur les os, fut désormais un fait acquis à la science. Dans les animaux qui avaient été soumis au régime de la garance, dit Duhamel, « ni les plumes, ni la corne du bec, ni les ongles « n’avaient changé de couleur... La peau de tout le corps avait sa « couleur naturelle; le cerveau, les nerfs, les muscles, les tendons, « les cartilages, les membranes, n’offraient rien de contraire à l’état « ordinaire de ces parties. Mais les longs tendons osseux qui se « prolongent le long du gros os qu’on appelle improprement la « jambe des oiseaux , étaient rouges vers le milieu de leur longueur « qui en est la partie la plus dure. Tous les vrais os, même les plus « déliés, étaient rouges comme du carmin. » Il ajoute : « Le cœur, le poumon, la plèvre se sont trouvés de leur « couleur naturelle. Il n’y avait rien de remarquable au foie, aux « reins, non plus qu’à l’extérieur du gésier..... La veloutée du ja- « bot et des intestins paraissait d’abord comme injectée; cependant « en l’examinant avec une loupe, je vis distinctement que ce n’é- « tait pas une liqueur teinte qui fût contenue dans des vaisseaux, « mais que c'était simplement une espèce de fécule arrêtée dans le « velouté de ces membranes”. » Tels sont les premiers faits vus par Duhamel, et revus depuis par tous les physiologistes (Haller, Dethleef, J. Hunter, etc., etc.) qui ont répété ses expériences. La garance n’agit donc ni sur les viscères, ni sur les muscles, ni sur les membranes, ni sur les cartilages, ni sur les tendons, etc. : elle n’agit que sur les os, mais elle agit sur tous les os ; et nul point d’ossification, quelque délié qu'il soit, quelque * Mém. de l’ Acad. des scienc. 1739: * Ibid. 318 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT isolé qu'il soit du reste du système, n'échappe à son action. Duhamel ne sen tint pas à ces premiers faits. Ayant remis au régime ordinaire quelques animaux dont les os étaient déjà devenus rouges par le régime de la garance , ces os lui parurent se décolorer et redevenir blancs; il en conclut que «le changement de « nourriture faisait évanouir leur couleur‘. » Une observation plus approfondie le détrompa. Dans les os étudiés par Duhamel, la cou- leur rouge n'avait pas disparu : seulement les couches rouges de los se trouvaient recouvertes par des couches blanches; des couches blanches étaient venues se placer sur les couches rouges. Ainsi, par exemple, les os de jeunes animaux, de jeunes cochons, soumis alternativement au régime de la garance et au régime ordinaire?, lui offrirent alternativement des couches rouges et des couches blan- ches®; fait capital , et première base, comme on le verra plus loin, de sa théorie sur le développement des os. C’est cette théorie célèbre de Duhamel sur le développement des os, tour à tour admise ou combattue par les physiologistes, que je me suis proposé d'examiner de nouveau, et dans tous les faits qui la constituent. Or, de tous les faits vus par Duhamel, ceux qu'il a dus à action de la garance sont, sans contredit, les plus im- portants; el c’est aussi par ceux-là que j'ai commencé. 6 IL. J’ai soumis tout à la fois à mes expériences des oiseaux et des mammiferes. Les expériences sur les mammifères feront l’objet du ! Mém. de l'Acad. des scienc. 1739. 2 C'est-à-dire à la nourriture mélée de garance et à la nourriture ordinaire, Ÿ Mém. de l’ Acad. des sciences 1842. DES OS ET DES DENTS. 319 second chapitre de cet ouvrage. Je ne parle ici que de celles sur les oiseaux. Ces expériences sur les oiseaux ont été faites comparativement avec de la garance d’ Alsace, de la garance d'Avignon et de l’'a- lizarine ; et, pour être plus sûr des substances que j'employais, c’est au savant chimiste M. Robiquet que je les ai demandées. Dans mes expériences, la garance a été mélée en poudre aux ali- ments ordinaires de l’animal : c’est ce mélange de la garance avec les aliments ordinaires que j'appelle régime de la garance. Ja- vertis aussi que les pigeons dont je me suis servi étaient de très- jeunes pigeons, des pigeons de deux ou trois semaines au plus. 6 ILL. La pièce n° 2° est le squelette d’un pigeon qui a été soumis pen- dant quatorze jours au régime de la garance ® Avignon. Les os sont d’un-beau rouge, mais d’un rouge bien moins foncé que ceux du squelette n° 3. Cependant ce squelette n° 3? est celui d’un pigeon qui n’a été sou- mis au régune de la garance d’ Alsace que pendant six jours. Et cette moindre intensité d’action de la garance d’ Avignon, par rap- port à la garance d’ Alsace, s’est reproduite dans toutes mes expé- riences. Il n’a toujours fallu un temps plus long et une dose de substance plus forte pour obtenir un résultat donné avec la £a- rance d Avignon qu'avec la garance d Alsace ; et même, comme on en voit un exemple dans les deux squelettes que je compare ici, le résultat définitif a toujours été moins prononcé avec la garance d'Avignon qu'avec la garance d’ Alsace. ! Voyez planche I, fig. 2. 2 Même planche, fig. 3. 320 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT La pièce n° 1‘ est le squelette d’un pigeon dont les aliments ont été mêlés, pendant deux jours, avec de Palizarine”. L'animal n’a pris, en tout, que deux ou trois grammes à peu près” d’alizarine ; et ses os néanmoins sont très-rouges, quoique d’un rouge moins foncé, plus terne que ceux du pigeon soumis au régime de la garance d Alsace, lequel, à la vérité, a été soumis à ce régime de la garance d’ Al- sace pendant six jours. Jai, dans ma collection, le squelette d’un pigeon dont les ali- ments ont été mêlés, pendant un jour seulement , avec de l’alza- rine‘; et les os, quoique moins rouges encore que dans le pigeon précédent, sont néanmoins d’un rouge très-prononcé. Dans les expériences qui précèdent, la garance n’avait été donnée à l’animal que mêlée avec les aliments ordinaires. Jai, dans ma collection, le squelette d’un pigeon à qui la ga- rance d Alsace à été donnée seule. L'animal en a pris quarante grammes en deux repas, de vingt grammes chacun. Pendant les premières vingt-quatre heures, il n’y a point eu d'effet sur les 05°; le jabot et l’œsophage étaient fortement contractés, et à ce point qu’il a été impossible, pendant assez longtemps, de faire boire l’a- nimal. Ce pigeon est mort au bout de cinquante-deux heures. Les os sont d’un rouge très-foncé. J’ai fait conserver, dans tous ces squelettes, les cartilages, les h- * Voyez planche [, fig. 1. * Extrait alcoolique de garance en poudre, L'alizarine en cristaux ne m'a jamais donné de résultat ; l'animal rendait ces petits cristaux avec les excréments. 3 Je dis à peu prés, car, quelque attention qu'on y mette, il se perd toujours beaucoup de matière. 11 en reste aux paroïs du vase dont on se sert, on en laisse tomber en gorgeant l'animal ; souvent on la retrouve dans le jabot, ete., etc. # Extrait alcuolique de garance hydraté. $ Jesuis, dans mes expériences, les cflets de la garance, en découvrant de temps en tempa quelque point d’un os superficiel, d’un os de l'avant-bras, par exemple, DES OS ET DES DENTS. 3921 gaments, des portions de périoste. On ne peut se lasser d'admirer cette précision avec laquelle la garance atteint, découvre, décèle toutes les parties osseuses et respecte toutes les autres. Tous les os sont rouges, et les os seuls ; les ligaments, les tendons, les cartilages, conservent leur couleur ordinaire. Dans chaque os, tout ce qui est encore cartilage garde sa couleur ordinaire ; dans chaque cartilage, tout ce qui déjà est os a pris la couleur rouge. * 6 IV. La figure n° 4 de la Planche IE, représente l'os hyoïde, le larynx et la trachée-artère du pigeon soumis à la garance d’Avignon'. Toutes les parties de l’hyoïde , d’ailleurs si fines et si déliées dans les jeunes pigeons, sont teintes du plus beau rouge. Dans le larynx, la plaque osseuse antérieure, qui répond au cartilage thyroïde des mammi- fères, est également du plus beau rouge; enfin, tout ce qu'il y a de points d’ossification dans les anneaux de la trachée-artère, et particulièrement dans les deux derniers, voisins de la bifurcation des bronches, est aussi très-rouge. Et voici quelque chose de plus curieux encore. Je disais tout-à- V’heure d’après Duhamel que, les os mis à part, aucune partie ne se colore, ni les viscères (le cœur, les poumons, le foie, les reins, etc.), ni les muscles, nilesmembranes, ni les cartilages, niles tendons, etc.; et ce que je disais d’après Duhamel, toutes mes expériences le con- firment. Cependant Duhamel avait cru apercevoir un commencement de coloration dans quelques parties de l'œil. «Les yeux de ces animaux « (des animaux soumis au régime de la garance), les yeux de ces ani- ! Voyez planche I, n° 2. Ancnives pu Muséum, To Il. É 41 332 RECHERCHES SÛR LE DÉVELOPPEMENT « maux encore vivants paraissaient, dit-il, rouges comme ceux de quel- « ques perroquets. Je crus, ajoute-t-il, après les avoir disséqués, qu'il « n’y avait de teint que la capsule, ou plutôt le chaton qui recoit le « cristallin... » J'ai vu aussi dans tous Les pigeons soumis au régime de la garance, un cercle rouge autour de l'iris; et la dissection m’en a bientôt ré- vélé le siége. Ce cerele qui se colore en rouge, et qui est la seule partie de Pœil qui se colore en rouge (car, ni le cristallin, ni sa cap- sule, ni Le corps vitré, ni sa membrane, etc., ne changent jamais de couleur), est ce cercle de petites pièces osseuses qui, dans Pœil des oiseaux , se trouve entre les deux lames de la partie antérieure de la cornée. Aussi les yeux des mammifères, soumis à l’action de la ga- rance, moffrent-ils jamais de cercle rouge, parce que en effet il w’y a pas de cercle osseux dans leur cornée. Les pièces 4 et 5° montrent sur des yeux de pigeons, le cercle osseux de la cornée devenu rouge par l'action de la garance. Nous pouvons donc conclure aujourd’hui, et avec plus de certitude encore que Duhamel, que, dans les animaux nourris avec la garance, les os seuls se colorent, mais que tout ce qui est os, quel- que fin, quelque délié, quelque délicat qu'il soit, se colore. (He Rapidité de l'action de la garance. Je passe à des considérations d’un autre genre. Belchier avait vu les os d’un coq soumis au régime de la garance, devenir rouges au bout de seize jours; et cette promptitude d’action ! Mém. de l’ Acad. des scienc. 1739. 3 Planche 1, fig 4 et 5. DES OS ET DES DENTS. 323 l'avait étonné. Duhamel ne tarda pas à reconnaitre qu’il faut bien moins de temps pour rougjir les os. Il obtint des os très-rouges en trois jours; il en obtint d’un rose vif en trente-six heures, et de couleur de chair (je me sers de ses expressions) en vingt-quatre heures. Les pièces n° 1 et 2 de la Planche IT, offrent, sous ce rapport, des résultats plus frappants encore. La pièce n° 1 est le squelette d’un pigeon qui n’a fait qu'un seul repas de garance d Alsace, et que je n’ai laissé survivre que vingt- quatre heures à ce repasunique. Cependant tous les os sont du rouge le plus vif. La pièce n° 2 est le squelette d’un pigeon qui n’a fait aussi qu'un seul repas de garance; et que, de plus, je n’ai laissé survivre que cinq heures à ce repas. Les os sont moins rouges que ceux du précédent; et cependant ils sont encore très-rouges. J'ajoute que l'animal n’a pris, dans ce repas unique, que six grammes de ga- rance. Ainsi, pour que la garance ait parcouru toutes les voies orga- niques de la nutrition, pour qu’elle ait pénétré, pour qu’elle se soit incorporée dans le tissu intime des parties, et jusque dans les os, c’est-à-dire jusque dans les parties les plus profondes de économie, il n’a fallu que cinq heures de temps. 6 VI. © Je rappelle que ces résultats ont été obtenus sur des pigeons de deux à trois semaines au plus. Les résultats les plus prompts l'ont été sur des pigeons de quinze à seize jours. Des pigeons adultes, au contraire, offrent à peine un commencement de coloration après plusieurs jours du régime de la garance, et toujours leflet de la 324 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT garance est d'autant plus faible que l’animal est plus vieux, et, par- conséquent, que son ossification est terminée depuis plus longtemps. De vieux pigeons, après dix-huit et même vingt-deux jours du ré- gine de la garance, ne mont offert, dans les os, aucune trace de coloration. La pièce n° 3 de la Planche IF, est le squelette d’un pigeon adulte, qui a été soumis au régime de la garance pendant plusieurs. mois, et dont les os sont à peine de couleur rosée. CHAPITRE If. Développement des os en grosseur. 6 I. Je n’ai parlé, dans le précédent chapitre, que de mes expériences sur les oiseaux. J’expose, dans celui-ci, les principaux résultats de mes expériences sur les mammifères. On a vu, par mes expériences sur les oiseaux, avec quelle rapi- dité la garance rougit les os. Mes expériences sur les mammifères montrent comment la coloration des os, ou plutôt comment les cou- ches osseuses colorées disparaissent peu à peu, et quelle est la mar- che qu’elles suivent pour disparaitre. Duhamel avait cru d’abord que la coloration des os se dissipait, dès qu’on suspendait l'usage de la garance ; et il se trompait. Il crut ensuite que la coloration des os, une fois acquise, ne disparaissait plus; et, dans le sens où il entendait, il se trompait encore. La co- loration, une fois acquise, ne disparait plus; mais les couches colo rées disparaissent; et c’est ce que Duhamel n’a pas vu. DÉS OS ET DES DENTS. 325 Îl dit, dans son premier Mémoire : « L'expérience me confirma « que le changement de nourriture (la cessation de l’usage de la « garance) faisait évanouir la couleur des os‘. » Il soupçonna plus tard, quand il en fut venu à sa théorie de l’ac- croissement des os par couches successives et superposées, que «les « couches rouges pouvaient bien être restées, ét que si on ne les « apercevait plus à la superficie des os, c’était parce qu’elles étaient « recouvertes par des couches osseuses blanches qui s'étaient formées « depuis la cessation de l’usage de la garance * »; soupçon qui fut, pour lui, un trait de lumière, et auquel il dut le fait, sans contredit, le plus important de tout son travail. Voici comment il rend compte lui-même de ce beau fait. « Trois cochons, dit-il, furent destinés à éclaircir mes doutes. « Le premier qui était âgé de six semaines, fut nourri pendant un « mois avec la nourriture ordinaire, dans laquelle on mettait tous « les jours une once de garance; au bout du mois on supprima la « garance, et l'ayant nourri à l’ordinaire pendant six semaines, on « le tua. « Je sciai transversalement les os de ses cuisses et de ses jambes, « et j’eus le plaisir de m’assurer que j'avais bien prévu ce qui devait « arriver. La moëlle était environnée par une couche d’os blanc « assez épaisse; c'était la portion d’os qui s’était formée pendant les « six semaines que ce cochon avait vécu d’abord sans garance. « Ce cercle d’os blanc était environné par une zone aussi épaisse « d'os rouge; c’était la portion d’os qui s'était formée pendant l’u- « sage de la garance. « Enfin cette couche rouge était recouverte par une couche assez * Mém. de l'Acad. des scienc. 1739. : Mém. de l’Acad. des scienc. 1742. 326 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT « épaisse d’os blanc ; c’était la couche d'os qui s'était formée depuis «€ qu'on avait retranché la garance à cet animal. « Le second animal était âgé de deux mois quand on le mit à « Pusage de la garance ; on lui en donna pendant un mois; puis on « le remit aux aliments ordinaires; enfin, on lui donna encore pen- « dant un mois de la garance, et on le tua. « Les os de la jambe de cet animal avaient alternativement deux « couches blanches et deux couches rouges, parce qu’on l’avait re- « mis deux fois à l’usage de la garance. « À l'égard du troisième, il a été traité comme celui dont je viens « de parler, excepté qu’on a fini par le remettre à l’usage de la nourriture ordinaire pendant plusieurs mois, ce qui fait que ses os sont recouverts par une couche blanche, et qu'il faut les scier pour découvrir les deux couches rouges !. » $ II. ATP R AR = R Tout, dans ces trois expériences de Duhamel, est à remarquer. On avait vu, par les expériences de son premier Mémoire, qu’entre toutes les parties de l’économie animale, la garance n’atteint que les os. On voit, par celles-ci, que, dans les os mêmes, la garance n’at- temmt que les portions d’os qui se forment. Tout ce qui, dans un os, se forme * pendant l’usage de la garance devient rouge; tout ce qui était formé avant l’usage de la garance, conserve sa couleur ordinaire. La garance déméle donc, dans chaque os, les parties nouvelles des parties anciennes, les parties qui se forment des par- ties formées: elle suit, pas à pas, le progrès de l’ossification; elle marque la véritable marche de l'accroissement des os. * Mém. de l Acad. des scienc. 1742. 2 À parler plus rigoureusement, est en état de formation. Cette distinction que je ne fais qu'énoncer ici, sera développée plus loin. DES OS ET DES DENTS. 327 Or, cette véritable marche de l’accroissement des os consiste dans la formation de couches successives et superposées. Et cette suc- cession, cette superposition de couches sont ici de toute évidence. L’os de l'animal qu’on nourrit de garance se revêt d’une couche rouge; l’os de Panimal qui, après avoir été nourri de garance, est rendu à la nourriture ordinaire, se revêt d’une couche blanche, la- quelle se place sur la couche rouge. C’est donc par couches qui se superposent, par couches qui se forment les unes par-dessus les au- tres, que les os croissent. Mais cette suraddition, cette superposition de couches, est-ce là tout ce qui se passe pendant accroissement des os? Non sans doute. À mesure que les parois des os s’accroissent par la suraddr- ion de couches externes, leur canal médullaire $accroit par la ré- sorplion des couches internes. Ce sont là deux faits, desquels Duha- mel n’a vu que le premier, et qui, réunis, constituent tout le méca- msme du développement des os en grosseur ‘. 6 HI. La pièce n° 3 de la Planche IV, est une portion du fémur d’un jeune porc de quatre à cinq semaines, qui n’a été soumis au régime de la garance* que pendant vingt-quatre heures. Et néanmoins cette portion de fémur (comme au reste tous les os du squelette auquel elle appartient et que j’ai dans ma collection ), est déjà d’une couleur rose. C’est un nouvel exemple (et le premier de ce genre dans les mammifères) de la rapidité avec laquelle la garance agit sur les os. La pièce n° 4 est une portion de fémur d’un jeune pore du même âge que le précédent, mais qui a été soumis au régime de : Le développement en longueur fera l’objet d’un autre chapitre. ? Garance mêlée à la nourriture ordinaire. Voyez le précédent chapitre. 328 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT la garance pendant un mois. Cette portion de fémur ( comme tous les os du squelette auquel elle appartient) est du plus beau rouge. Enfin, la pièce n° 5 est une portion de fémur d’un jeune porc qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu à la nourri- ture ordinaire pendant un mois et demi. Cette portion de fémur est blanche à l’extérieur, comme tous les os du squelette auquel elle ap- partient, et pour apercevoir, dans ces os, ce qui reste encore de la coloration produite par la garance, il faut enlever les couches blan- ches qui recouvrent les couches rouges. Je dis que tous ces os sont blancs à l'extérieur ; et ils le sont, en effet, dans la plus grande partie de leur étendue. Mais quelques points sont demeurés rouges. Et ces points demeurés rouges sont précisément ceux dont l’ossification était le plus avancée : au moment où l'animal a été rendu à la nourriture ordinaire; ceux qui se sont le moins développés depuis, ceux qui, par conséquent, ont eu le moins à se recouvrir de nouvelles couches, et de couches blanches puisque l’animal n’a plus été soumis au régime de la garance. J'ai réuni dans cette Planche IV une série de portions d’os longs, sciés en travers. La pièce n° 3, est, comme je l'ai déjà dit, une portion de lun des fémurs d’un jeune porc*, animal qui a été soumis au ré- gime de la garance, pendant quelques heures. On y voit deux cer- cles, un extérieur rouge et un intérieur blanc. La pièce n° 4 est une portion du fémur d’un jeune porc qui a été soumis au régime de la garance pendant un mois. Toute lépaisseur de los est rouge, sauf une mince couche interne qui est blanches. ! La même chose arrive quand l'os se colore en rouge. Les points de l'os, complétement formés, restent blancs. - # Tous les animaux soumis à ces expériences étaient du même âge, de quatre à cinq semaines à peu près. 3 Cette mince couche, interne et blanche, est tout ce qui reste de ce qui formait l'os avant DES OS ET DES DENTS. 329 La pièce n° 5 est une portion du fémur d’un jeune porc qui, après un mois du régune de la zarance, a été rendu au régime ordinaire pendant un mois et demi, et il y a trois cercles : un interne, très- mince et blanc; un intermédiaire, plus épais et rouge ; et un externe blanc. La pièce n° 6 est une portion du fémur d’un porc qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu au régime ordinaire pendant trois mois; et il n’y a plus que deux cercles : un interne rouge et un externe blanc. Enfin, la huitième et la neuvième pièces sont les deux portions du fémur d’un porc qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu au régime ordinaire pendant six mois; et la dixième pièce est une portion du cubitus du même pore. Dans le fémur, le cercle rouge est très-mince; déja même il y manque dans quelques points; et dans le cubitus, ce cercle rouge manque partout?. Ainsi donc, le cercle rouge est d’abord extérieur ; puis il est placé entre deux cercles blancs; puis il devient tout-à-fait interne, et le cercle blanc qu'il recouvrait a disparu; puis il disparait à son tour. À mesure donc que los se recouvre de nouvelles couches par sa face externe, par celle qui répond au périoste proprement dit, il en perd d’autres par sa face interne, par celle quirépond à la membrane médullaire : double travail de suraddition externe et de résorp- tion interne, dans lequel consiste, comme je ai déjà dit, tout le mé- canisme de l’accroissement desos, et qui est ici démontré aux yeux‘. le régime de la garance. J'ai trouvé cette couche interne et blanche, reste de l’ancien os, beau- coup plus épaisse dans d’autres expériences. La rapidité de la résorption varie beaucoup, même à égalité d'âge, d’un individu à l’autre. * Ou du moins, à peine subsiste-t-il quelques traces du cercle intérieur, primitif et blanc. 2 Voyez, pour quelques autres détails, l'explication même des figures de cette IV® planche, 3 Je ne parle pas ici du mécanisme particulier selon lequel se forme le tissu spongieux, le tissu intérieur de l'os. Ce mécanisme particulier fera l’objet d’un autre chapitre. Arcuives pu Muséum, Tome II. 42 330 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT 6 IV. Dans l'accroissement des os en grosseur, il y a deux faits : l’accrois- sement en épaisseur des parois mêmes de los, et l'élargissement de son canal ; et ces deux faits sont simultanés. Plus les parois de los prennent de lépaisseur, plus le canal s’élargit. C’est là ee qui embar- rassait Duhamel. IL expliquait très-bien l'accroissement en épaisseur des parois de los par la suradditiorr des couches externes, qu'il avait vue. Mais, comme il ne sétait pas aperçu de la résorption par les couches internes, il ne savait comment expliquer l'élargissement du canal médullaire, du eanal de l'os. « Sitôt, dit-l, qu'on sait que le canal médullaire augmente de « diamètre, on peut en conclure que leslames osseuses s'étendent”. » Il dit encore : « La superaddition des lames osseuses ne peut « servir à rendre raison de l’agrandissement du canal médullaire, il « faut donc que l’extension des lames osseuses concoure à l’augmen- « tation de grosseur des os°. » Pour expliquer l’agrandissement du canal médullaire, Duhamel imagine donc une prétendue ex/ension des lames osseuses; mais il ne l’imagine que parce qu’il ignore la cause réelle, c’est-à-dire la résorp- ion. Il entoura l'os d’un jeune pigeon d’un anneau de fil d'argent, placé immédiatement sur le périoste. Or, au bout de quelque temps, l'anneau qui, primitivement, recouvrait l'os, se trouva recouvert par los. Duhamel explique ce singulier renversement des choses par ! Mém. de l' Acad. des science. 1743. 2 Ibid. 3 Ibid. « J’entourai l'os d'un pigeonneau vivant, dit Duhamel, avec un anneau de fil d'ar- “ gent qui était placé sous les tendons et sur le périoste ; je laïssai cet anneau pour recon- « naître ce qui arriverait aux couches osseuses déjà formées, supposé qu'elles vinssent à s'é- DES OS ET DES DENTS. 331 extension des lames osseuses, par leur rupture vis-à-vis Panneau, par leur rejonction par-dessus cet anneau; et chacun voit que toute son explication ne roule que sur une suite de suppositions gratuites. Il ny a eu ni ex{ension, ni ruplure des lames osseuses. Toute la portion d’os, entourée d’abord par l’anneau, a disparu; toute celle qui l’a entouré plus tard, s’est formée depuis. Il s’est fait un os nou- veau à la place de los ancien, ou plutôt par-dessus l’os ancien. 6 V. Je ne fais qu'indiquer ici la théorie de Duhamel. Selon Duhamel, tout los vient du périoste. « Les lames du périoste, dit-il, « d’abord membraneuses, deviennent ensuite car- « tilagineuses, et elles acquièrent enfin la dureté des os.» Il dit encore : «Les os croissent en grosseur par l’addition des couches « osseuses qui tirent leur origine du périoste?. » Les trois points qui constituent la théorie de Duhamel, sont : la suraddition des couches externes, l'extension des lames os- seuses, et la formation de l'os aux dépens des lames du périoste. Or, de ces trois points, le premier est un fait; et ce fait vient d’être prouvé; le second n’est qu’une supposition gratuite; le troisième sera examiné plus tard. tendre, car je pensais que mon anneau était plus fort qu’il ne fallait pour résister à l'effort que ces lames osseuses feraient pour s'étendre ; il résista en effet, et les couches osseuses qui n'étaient pas encore fort dures, ne pouvant s'étendre vis-à-vis l'anneau, se coupérent. Ce qui prouve bien l’extension des couches osseuses, c'est qu'ayant disséqué la partie, je trouvai que le diamètre de l'anneau n’était pas plus grand que celui du canal médul- a aire. » * Mém. de l'Acad. des sciences, 1743. 3 Tbid. 332 KRECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT CHAPITRE HT. Développement des os en longueur. $ 12 Je me suis servi, dans le précédent chapitre, de l’action de la garance, pour suivre la marche de accroissement des os en grosseur. C'est ce que Duhamel, c’est ce que J. Hunter avaient déjà fait avant moi, du moins en partie. Mais ni Duhamel, ni J. Hunter n'avaient songé à profiter de Paction de la garance pour déméler et suivre la marche de l'accroissement des os en longueur. Et cependant l’action de la garance ne donne pas moins l’accroisse- ment des os en longueur que leur accroissement en grosseur. On peut s’en assurer par les pièces que j'ai fait représenter dans la plan- che IV. 6 I. La pièce n° 12 de cette planche est l’humérus (scié en long) d’un jeune porc. L'animal a d’abord été soumis au régime de la garance' pendant un mois; puis il a été rendu à la nourriture ordinaire pendant qua- tre mois; enfin, il a été soumis, de nouveau, au régime de la sarance pendant un mois; et il a été tué. L’humérus, scié en long, offre, selon toute sa longueur, troislignes ou couches parfaitement distinctes : une interne , rouge; une inter- médiaire , blanche; et une externe, rouge. La couche interne est la portion d’os qui s'était formée pendant le 1 Régime de la garance, c'est-à-dire garance mêlée à la nourriture ordinaire. Voyez les deux précédents chapitres. DES OS ET DES DENTS. 333 régime de la garance*; Vintermédiaire est la portion d'os formée pendant l’usage de la nourriture ordinaire; et l'externe est la por- tion dos formée pendant le second et dernier régime de la ga- rance. Mais, ce qui nous importe surtout ici, où il ‘agit de déméler et de suivre, comme je viens de le dire, l'accroissement de l’os en lon- gueur, c’est que, si l’on examine les deux extrémités de los, tant la supérieure que l'inférieure, on y voit deux masses où portions de tissu spongieux ou réticulaire, juxta-posées et parfaitement dis- tinctes l’une de l'autre par leur couleur. La première de ces masses, celle qui touche au canal médul- laire, est blanche’; et la seconde, celle qui termine los, est rouge. Or, de ces deux masses, l’interne ou la plus ancienne, puisqu'elle répond aux quatre mois du régime ordinaire 5, est blanche; et la terminale ou la plus nouvelle, puisqu'elle répond au dernier régime de la garance, est rouge. Donc les os croissent en longueur, en allant du centre aux extrémités, par masses ou couches qui se juxta- posent, comme ils croïissent en grosseur, en allant de dedans en dehors, par lames ou couches qui se superposent. La pièce n° 13 est une portion de fénur du même porc. Le corps de l'os a été scié en travers, et l’on y voit très-dis- ‘ Cette couche rouge est actuellement la couche la plus ancienne ; mais elle avait été pré- cédée par une autre, laquelle était blanche (car l'animal ne se nourrissait pas encore de ga- rance), et a disparu par la résorption. : Il y avait eu précédemment une couche rouge plus interne que la couche blanche ac- tuelle, et qui répondait au premier régime de la garance, mais qui a déjà disparu par la résorption ; car la résorption marche très-vite dans le tissu spongieux des os. 3 La couche plus ancienne encore, et qui répondait au premier régime de la garance, à disparu par la résorption. 334 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT tinctement trois cercles ou couches : une interne, rouge , qui ré- pond au premier régime de la garance ; une intermédiaire, blan- che, qui répond aux quatre mois de la nourriture ordinaire; et une externe, rouge, qui répond au dernier régime de la garance. J'ai, dansma collection, les deux extrémités de ce même os, sciées enlong, etellesoffrentdeux masses distinctes : l’une interne et blanche, qui s’est formée pendant les quatre mois de la nourriture ordinaire; l'autre externe ou terminale et rouge, qui s’est formée pendant le dernier régime de la garance. Une masse plus ancienne, et qui s'était formée pendant le premier régime de la garance, a déjà disparu par la résorption. Des deux masses qui restent, la plus ancienne est donc la plus in- terne ; la plus nouvelle est la plus externe. Les os croissent donc en longueur par couches qui se juxta-posent, comme ils croissent en grosseur par couches qui se superposent. L’os n° 14 est l’aumérus d’un jeune porc qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu à la nourriture ordinaire pendant six mois. Cet humérus a été scié en long; et lon y voit, selon toute sa longueur, deux lignes ou couches, lune interne , très-mince et rouge, l’autre externe, très-épaisse et blan- che. La couche interne et rouge , presqu’entièrement résorbée sur quelques points, est celle qui s'était formée pendant le régime de la garance ; la couche externe et blanche, beaucoup plus épaisse, est toute la portion d'os qui s’est formée pendant les six mois de la nourriture ordinaire. Voilà pour l’accroissement de l’os en grosseur. Pour juger tout aussi sûrement de accroissement en longueur, il 1 Le cercle qui avait précédé la couche qui existait et qui formait los avant le premier régime de la garance , a disparu par la résorption. Voyez les deux précédents chapitres. DES OS ET DES DENTS. 335 suflit de remarquer que la couche rouge ne règne que sur le corps de los, et que tout ce qui est extrémité est blanc. Or, ce qui est extrémité, ce qui est blanc, est ce qui s’est fait de- puis que le régime de la garance à cessé: ce qui est blane est ce qui s’est fait après ce qui est rouge, puisque le régime de la garance avait précédé la nourriture ordinaire; c’est donc par leurs extrémités que les os s’allongent. Les os des fig. 1, 2, 12 et 14 sont des os sciés en long. Et partout, dans tous ces os, la couche rouge marque par sa limite, et quelle était la longueur de l’os au moment où le régime de la garance à cessé, et quelle est l'étendue de la portion d’os qui s’est formée de- puis que l’animal a été rendu à la nourriture ordinaire. C’est donc, encore une fois, par couches externes et juxta-posées que les os croissent en longueur, comme c’est par couches externes et superposées qu’ils croissent en grosseur. En d’autres termes, et en un seul mot, c’est par l'addition de nouvelles couches, déposées à la surface externe des couches déjà formées, que l'accroissement des os s'opère. L’action de la garance donne donc l'accroissement des os en longueur, comme il donne leur accroissement en grosseur. $ III. Il est singulier que Duhamel et J. Hunter ne s’en soient pas aperçus, eux qui, d’ailleurs, pour découvrir et pour démontrer l’ac- croissement des os en longueur, ont imaginé des expériences si in- génieuses et susceptibles d’une si grande précision. Duhamel perça le #ibia d’un jeune poulet: de plusieurs trous, placés à une égale distance les uns des autres. Au bout d’un certain temps, la position respective des trous n’avait pas changé ; tout l’ac- : Je choisis cette expérience de Duhamelentre plusieurs autres, parce que, de toutes celles 336 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT croissement s'était fait aux extrémités de los, et par-delà les trous. Voici cette belle expérience de Duhamel, qui n’a pas été assez re- marquée, et que lui-même a mal comprise”. « On choisit, ditl, un poulet d'environ six semaines ; los de sa « jambe avait deux pouces de longueur; on le perça avec un foret à « un demi-pouce de l’articulation du pied ; on fit un autre trou un « demi-pouce plus haut; enfin, on fit un troisième trou encore « un demi-pouce plus haut; et ce dernier trou était éloigné de « larticulation du genou d’un demi-pouce ; de sorte que toute la « longueur de los était divisée par demi-pouces. « Je fis passer un fil d'argent dans chacun de ces trous, et on «_en fit des anneaux qui embrassaient la moitié des chairs ou des « muscles de la jambe. « Ce poulet fut tué sept semaines après qu’on lui avait piqué los « de la jambe... ; et alors l’os tibia avait trois pouces de lon- « gueur au lieu de deux qu'il avait au commencement de Pexpé- « rience. « IL est question de savoir, continue Duhamel, à quelle partie de « cet os s’est fait cet allongement, et c’est ce qu’il est aisé de con- « naître par le moyen des trous qui divisaient los de sa jambe en & quatre parties égales. Le premier qui, au commencement de lex- « périence, était à six lignes de Pextrémité inférieure, était à la fin « de l'expérience à neuf lignes ; ainsi los s'était allongé de troislignes « en cet endroit. Le deuxième trou était, à a fin de l’expérience, qu'il a faites dans cette vue, c’est celle qui se rapproche le plus de l'expérience décisive de J. Hunter. Voyez le mémoire de Duhamel sur la Crue des os suivant leur longueur. Mém. de l'Acad. des scienc. année 1743. ! ‘Trompé par d’autres expériences faites sur des animaux plus jeunes, et dans lesquelles il avait cru voir les srous s'éloigner, plus ou moins, les uns des autres : moins à la partie moyenne, et plus aux extrémités. D'où il concluait que les os s'allongent dans toutes leurs parties , mais surtout dans leurs parties extrémes. Voyez son mémoire déjà cité. DES OS ET DES DENTS. 337 « comme au commencement, à six lignes du premier et du troi- « sième trou; il n’y avait donc eu aucun allongement entre le « premier et le troisième trou. Mais, ce troisième trou qui, au « commencement de l'expérience, était éloigné de six lignes de « lextrémité supérieure du tibia, en était éloigné à la fin de quinze « lignes; ainsi il y avait neuf lignes d’allongement à cette partie...» L'expérience de J. Hunter brille par plus de clarté encore. Le tibia d’un jeune porc fut percé de deux trous. L'intervalle de ces deux trous fut exactement mesuré. Au bout de plusieurs mois, l'animal fut tué. Il avait beaucoup grandi, son #bia s'était fort allongé; et ce- pendant l'intervalle entre les deux trous était resté le même. Que l’on consulte les expériences mécaniques ou les expériences par la garance, il faut donc toujours conclure que c’est par leurs extré- mités, et par leurs extrémités seules, que les os s’allongent. ÿ IV. Je reviens à mes expériences par la garance, et je cherche à voir, d’une vue générale, le mécanisme singulier par lequel les os crois- sent et se développent. Or, ce mécanisme du développement des os consiste évidemment dans une mulalion continuelle de toutes les parties qui les compo- sent. Cet os que je considère et qui se développe n’a plus, en ce mo- ment, aucune des parties qu’il avait il y a quelque temps, et bientôt il n'aura plus aucune de celles qu’il a aujourd’hui. Et, dans tout ce renouvellement perpétuel de matière, sa forme change très-peu. Là est une des premières et fondamentales lois qui régissent les ! Voyez Transactions of a Society for the improvement of medical and chirurgical Knowledge, .2, p.277 : Experiments and Observations on the grow!h of bones, etc. Anouives pu Muséum, voue II. 43 338 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT organismes. Dans tout ce qui a vie, la forme est plus persistante que la matière. Buffon l'avait déjà remarqué. « Ce qu'il y a, dit-il, de plus cons- « tant, de plus invariable dans la nature, c’est empreinte ou le « moule de chaque espèce; ce qu’il y a de plus variable et de plus « corruptible , c’est la substance’. » Georges Cuvier s’est plu à développer cette belle idée. « Dans les « corps vivants, dit-il, aucune molécule ne reste en place; toutes « entrent et sortent successivement : la vie est un tourbillon conti- « nuel, dont la direction, toute compliquée qu’elle est, demeure « constante, ainsi que l’espèce des molécules qui y sont entrainées, « mais non les molécules individuelles elles-mêmes ; au contraire, la « matière actuelle du corps vivant n’y sera bientôt plus, et cepen- « dant elle est dépositaire de la force qui contraindra la matière fu- « ture à marcher dans le même sens qu’elle. Ainsi, la forme de ces « corps leur est plus essentielle que la matière, puisque celle-ci « change sans cesse, tandis que l’autre se conserve”. » On peut dire que cette grande vue de la rnutalion continuelle de la matière, fruit d’une méditation abstraite plus encore que des faits mêmes pour Buffon et pour Cuvier, se convertit en un fait matériel dans mes expériences par la garance. Si je considère, en effet, l’accroissement en grosseur sur un de ces os que j'ai représentés dans la planche IV, sur l’humérus de ce jeune porc qui, après avoir été soumis au régwne de la garance pendant un mois, a été rendu à la nourriture ordinaire pendant six mois, je vois à l’intérieur une couche rouge; mais, avant que cette couche rouge se füt formée, il en existait une autre qui ! Buffon : Æistoire du Cerf. = Rapport historique sur les progrès des sciences naturelles. DES OS ET DES DENTS. 339 était blanche et qui a déjà disparu. Cette couche rouge, qui est à pré- sent la plus ancienne, était donc naguère la plus nouvelle ; et, quand elle était la plus nouvelle, elle qui bientôt ne sera plus, toutes les couches blanches, qui se sont formées depuis, n’existaient pas encore. L’accroissement en longueur me donne les mêmes faits, et peut- être de plus surprenants encore. Les extrémités de los, ce qu’on ap- pelle ses fétes, changent complétement pendant qu’il s'accroit. En effet, la £fe ou extrémité de los qui se trouvait au point où finit la couche rouge, et qui avait alors elle-même une couche rouge, n’est plus; elle a été résorbée; et celle qui est maintenant n’existait pas alors; elle s’est formée depuis. Tout change donc, dans l'os, pendant qu’il s’accroit. Toutes ses parties paraissent et disparaissent ; toutes sont, successivement, for- mées et résorbées ; et chacune, commele dit admirablement Georges Cuvier, est dépositaire , tandis qu’elle existe, de la force qui con- traint celle qui lui succède, et à marcher dans le méme sens qu’elle, et à revêtir sa forme. ve Le squelette n° 3 de la Planche I est celui d’un jeune pigeon qui n’a été soumis au régime de la garance que pendant six jours. Les os sont du rouge le plus vif. La pièce n° 3 de la Planche IT est le squelette d’un pigeon adulte qui a été soumis au même régime pendant plusieurs mois; et cependant les os sont à peine de couleur rosée. Le mouvement par lequel s'opère l'accroissement dans le jeune animal, se continue donc dans l’animal adulte, puisque les os de l'animal adulte se colorent par la garance; mais il ne s’y continue 340 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT que très-ralenti, puisque, après plusieurs mois du régime de la garance, les os de l’animal adulte sont beaucoup moins colorés que ceux du jeune animal après quelques jours seulement de ce régime, et je pourrais dire même, en rappelant les expériences du premier chapitre de cet ouvrage”, après quelques heures. L'action de la garance transforme donc en faits qui peuvent être suivis à l’œil, la marche de l’accroissement des os. Elle marque même, et la rapidité première et le ralentissement progressif de ce mouve- ment que Georges Cuvier appelle le tourbillon vital, et par lequel toutes les parties des os se renouvellent et se succèdent. CHAPITRE IV. Formation et résorption des couches osseuses. Gr On a vu, par mes précédentes expériences, quel est le mécanisme précis selon lequel s'opère le développement des os. Il y a, dans un os qui se développe, deux faits à expliquer : l'accroissement en épaisseur des parois mêmes de l'os, et l’accroisse- ment du canal médullaire. Or tout os a deux faces, l’une externe et l’autre interne. Du côté de l’externe s'ajoutent sans cesse de nouvelles couches, addition qui fait accroissement en épaisseur des parois de los; du côté de l'interne sont résorbées sans cesse des couches anciennes, résorption qui fait l’accroissement du canal médullaire. Il y a donc, dans tout os, deux faces à phénomènes inverses et : Voyez ci-dessus, p. 323. DES OS ET DES DENTS. 341 opposés, et, si je puis ainsi dire, un ezdroit et un envers : un en- droit par lequel il reçoit sans cesse des molécules nouvelles, et un envers par lequel il perd sans cesse les molécules anciennes. L’os se forme donc par couches, il est résorbé par couches; mais quel est le mécanisme particulier de cette Jormation et de cette résorplion ? Question nouvelle, et dont la solution réelle , la solu- tion complète aura été, pour la première fois peut-être, tentée dans ce chapitre. Je pose en fait que le véritable rôle du périoste dans la forma- tion des os, malgré tout ce qui a été écrit sur ce sujet depuis Du- hamel, n’est point connu. Pour ce qui concerne Ja résorption, on est bien moins avancé encore. On ne sait pas même sil y a un or- gane particulier pour ce phénomène. J. Hunter a beau dire qu’il n’est pas plus difficile de concevoir la résorplion par les vaisseaux absorbants que la formation par les artères. Une explication aussi vague n’explique rien". Sans doute il faut toujours poser l’action générale, et des ar- tères pour la formation, et des vaisseaux absorbants ; Soit lympha- tiques, soit veineux”, pour la résorption. Mais, indépendamment de cette action générale et commune, il faut ici une action spéciale et déterminée; il faut un appareil particulier pour la formation ; il faut un appareil particulier pour la résorption; et, je le répète, le premier de ces appareils a été à peine indiqué jusqu'ici, le se- cond n’a pas même été soupçonné encore. ? C'est ce qu’Alexandre Macdonald avait déjà remarqué. Voici ce qu'il dit:J. Hunterus credit partes solidas absorberi actione, uti vocat, contraria actiont arteriarum qua formantur ; et diffi- cultatem fugit dicendo, æque difficile esse animo concipere , vasis absorbentibus os removert ; ac artertis os formari. Alex. Macdonald , Disputatio inaug * Surtout veneux, si l'on en juge du moins par 1 sorption, uralis de necrosi ac callo, 1799. es dernières expériences sur l'ab- Ce ES w RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT $ I. L'opinion de Duhamel sur le rôle que joue le périoste dans la formation des os, est connue de tout le monde. Selon Duhamel, l'os n’est que le périoste ossifié. « « J'ai tâché d'établir, dit-il, que les os croissent en grosseur par la suraddition des couches du périoste, lesquelles, en s’ossifiant , forment l’épaississement des parois du canal médullaire‘. » Il dit ailleurs : «Le fait n’est pas douteux ; sûrement les lames du périoste s’ossifient et contribuent* à l'augmentation de grosseur des os°. » Il dit encore : « Les os commencent par n'être que du périoste, car je regarde les cartilages comme un périoste fort épais *. » Il dit enfin : «Les os augmentent en grosseur par l'addition de lames très-minces qui faisaient partie du périoste avant que d’être adhérentes aux os, avant que d’en avoir acquis la dureté. » Parle-t-il du cal? Voici comment il s'exprime. «Jai fait voir, ditl, que le cal n’est point, comme on le croyait, un épanche- ment de suc osseux, mais qu’on en est redevable à l’épaississement et à l’ossification de plusieurs lames du périoste qui forment une es- pèce de virole osseuse, laquelle assujettit les bouts d’os rompus; 22 j'ai fait voir que ces lames du périoste qui étaient membraneuses, ? Voyez Mémoire sur les os , p. 111. Mém. de l'Acad. des scienc. année 1743. » Contribuent, parce qu'il suppose le concours de l'extension, laquelle, comme je l'ai rouvé, n’est qu'une supposition gratuite. 1 3 Duhamel, 1V® Mémoire sur les os, p.101. Mém. de l'Acad. des sctenc. année 1743. #4 VE Mémoire sur les os , p. 315. Ibid. 1743. 5 IVe Mémorre sur les os, p. 88. DES OS ET DES DENTS. 343 « deviennent ensuite cartilagineuses, et qu’elles acquièrent enfin « la dureté des ost. » « C’est le périoste, dit-il encore, qui après avoir rempli la plaie « des os, ou s'être épaissi autour de leurs fractures, prend ensuite la « consistance de cartilage et acquiert enfin la dureté des 05°. » Telle est done l'opinion formelle de Duhamel : l’ossification n’est que la transformation du périoste en os. = 6 III. J'ai répété toutes les expériences de Duhamel. J’ai vu, comme lui, tantôt le périoste entourer les bouts fracturés de los, et, en s’ossi- fiant, former autour de ces bouts fracturés, une sorte de airole os- seuse, tantôt pénétrer entre ces bouts fracturés, et, en sossifiant encore, les unir lun à l’autre par une sorte de continuité os- seuse‘. J'ai vu, comme lui, le périoste s’épaissir, se tuméfier d’a- bord ; puis, les lames internes de ce périoste tuméfié se transformer en cartilage ; et puis ces lames cartilagineuses se transformer en os. Comment se fait-il donc qu’une opinion si nettement expri- mée , et fondée sur des expériences si sûres, n’ait pas été générale- ment admise, ou plutôt, et à parler plus exactement, comment se fait-il que, à commencer par Haller, elle ait été combattue par presque tous les physiologistes ? 1 III: Mémoire sur les os, p. 355 : Mém. de l’Acad. des scienc. année 1742. 2 I Mémoire sur les os , p. 107. Ibid. année 1741. 5 « J'ai quelquefois remarqué, dit Duhamel, que l’épaississement du périoste qui enve- loppe les fractures se prolongeait pour remplir l'intervalle qui se trouve entre les bouts d'os rompus, précisément comme j'ai dit que le périoste s'allongeait pour remplir les petites plaies d'os ; or, cette interposition est bien propre à rendre l'union de l'os plus exacte qu’elle ne le serait, si les os n'étaient assujettis que par la virole osseuse... » T° Mémoire sur les os , p. 108. Mém. de l' Acad. des scienc. année 1741. 344 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Je n’hésite pas à le dire : c’est que ces physiologistes, pour juger l’o- pinion de Duhamel, se sont bornés à répéter ses expériences mêmes, et que ces expériences n'étaient pas, x beaucoup près, les plus propres à résoudre la difficulté. Pour mon compte, j'avais déjà répété toutes les expériences de Duhamel, que la plupart de mes doutessubsistaient encore, I] fallait donc agrandir et varier le champ de l'expérience. Il fallait surtout se faire une idée plus juste des expériences qu’on employait. | Vous fracturez un os, et vous croyez avoir produit un fait simple. Mais vous n’avez pu rompre l'os sans rompre le périoste, et par con- séquent les vaisseaux de ce périoste, et très-souvent aussi les vaisseaux des parties voisines. De là effusion de lymphe, de sang; puis endur- cissement de cette lymphe et de ce sang épanchés; et, en un mot, tout ce qui se rapporte au prétendu cal provisoire. Le véritable cal est une portion d’os nouvelle. Et, comme on le verra bientôt, cette portion d'os nouvelle résulte de lossification d’une portion du périoste. Le prétendu ca/ provisoire est un fait étranger à la formation de los proprement dite, Le prétendu ca/ pro- visorre n’est que le résultat de la rupture des vaisseaux, soit du pé- rioste, soit des parties voisines. Pour déméler, pour saisir le vrai mécanisme de la formation du cal, ou, à parler plus généralement, de la formation des os, il fallait donc des expériences dans lesquelles on ne touchät ni au périoste, ni aux parties voisines, ni par conséquent aux vaisseaux de ce pé- rioste et de ces parties. Je dis plus : il ne fallait pas même toucher à l'os, du moins à la face de os qui répond au périoste. Car, en effet, c’est entre cette face de Pos et le périoste que doivent se passer tous les phénomènes qu’on se propose d'observer. Or, ce mode expérimental dans lequel on ne touche ni au périoste, ni à la face de l’os qui répond au périoste, ni, à plus forte raison, aux DES OS ET DES DENTS. 34? parties voisines, ce sont les expériences de Troja qui me lont fourni. On connait ces grandes et belles expériences. Troja sciait un os long en travers, un os des membres par exemple; et puis, portant un stylet dans le canal médullaire de cet os, il en détruisait toute la membrane. Au bout de quelque temps, l’os dont la membrane mé- dullaire avait été détruite, tombait en nécrose; et, tout autour de cet os nécrosé, il se formait un os nouveau. Or, dans cette expérience, n’est-il pas évident qu’on ne touche qu’à la membrane médullaire et à la face interne de os? On ne tou- che ni à la face externe de los, ni au périoste, c’est-à-dire à aucune des deux parties entre lesquelles doit se passer le phénomène qu'il s'agit d'observer. Ce sont des expériences faites à la manière de Troja qui nvont permis enfin de juger, et, si je ne me trompe, de confirmer la théorie de Duhamel. Mais ces expériences ne s’en sont pas tenues là. Tout en me donnant, dans le périoste externe, l'appareil de la for- mation des os, elles m'ont donné, dans la membrane médullaire ou périoste interne, l’appareïl de leur résorption. IL y a donc, dans les os, un appareil de formation, et c’est Le pé- rioste externe; il y a un appareil de résorption, et c’est la mem- brane médullaire ou périoste interne ; et ces deux propositions sont démontrées, je crois, jusqu’à la dernière évidence par les pièces que j'ai fait représenter dans les Planches V et VI. La pièce n° 1 de la Planche V est la moitié d’un radius de bouc, scié en long. Ce radius est un os entièrement nouveau; et, dans cet os nouveau, se trouve enfermé de toute part un os ancien, un os nécrosé, un os dont la membrane médullaire avait été détruite. Voici comment l’expérience qui n’a fourni ce résultat , beaucoup Arcmves pu Muséum, rome II. 44 346 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT plus complet qu'aucun de ceux obtenus par Troja lui-même, a été conduite. Troja', et tous ceux qui ont répété ses expériences, nom- mément Alexandre Macdonald”, le plus habile de tous, Troja, dis- je, et tous ceux qui sont venus après lui, commencçaient par scier en travers l’os dont ils voulaient détruire la membrane médullaire, c’est-à-dire qu’ils commençaient par pratiquer l’amputation du mem- bre. Il n’y avait donc qu’une portion d’os qui fàt conservée, qui fût soumise à l'expérience, et qui par conséquent püt se reproduire. Le reste de los et du membre était perdu. J’ai voulu, dans mon expérience, conserver los entier. Je me suis donc borné à pratiquer un trou sur le radius; et puis, portant un stylet, par ce trou, dans le canal médullaire, jen ai détruit toute la membrane. Ainsi, tout l'os a été conservé, et tout los a pu se reproduire. C’est en effet ce qui a eu lieu. Le radius, conservé tout entier, s’est reproduit tout entier?. Et ce n’est pas tout. Tout comme il s’est formé un os entièrement nouveau, il s’est formé aussi une membrane médullaire entière- ment nouvelle. Quant à los ancien , il est enfermé de toute part, comme je viens de le dire, dans los nouveau; mais il y est mobile, mais il en est sé- paré partout par la nouvelle membrane médullaire, et déjà même il est en partie résorbé, en partie détruit par elle, car c’est elle qui, comme on le verra bientôt, constitue l’organe particulier de la ré- sorption des os. Le radius que je décris ici, examiné de dehors en dedans, et sur * De novorum ossium, in integris aut maximis, ob morbos, deperditionibus , regeneratione experimenta , 1775. * Disputatio inauguralis de necrosi ac cullo, 1799. 5 Voyez planche V, fig. 1, 2 et 3. DES OS ET DES DENTS. 347 la coupe, offre donc d’abord, le périoste, puis l’os nouveau, puis la membrane médullaire nouvelle, puis los ancien, et, dans l’os ancien, les débris de la membrane médullaire ancienne , de la membrane médullaire qui a été détruite. Lors donc qu’on détruit la membrane médullaire d’un os entier , cet os entier meurt, et il se forme, tout autour de cet os mort, un os nouveau qui l’embrasse de toutes parts. De plus, los nouveau est absolument semblable à los ancien ; il en reproduit la forme, la structure, et jusqu'aux plus petits détails de forme et de structure *. Enfin, il se forme une nouvelle membrane médullaire, tout comme il s’est formé un os nouveau; et l’os ancien, contenu dans Vos nouveau, est peu à peu détruit et résorbé par cette membrane. La piéce n° 2 est la seconde moitié du radius que je décris. Mais on a séparé, de cette moitié, los ancien, los nécrosé, los qui for- mait séquestre. Il ne reste donc plus ici que la nouvelle membrane médullaire et l'os nouveau. Enfin, la pièce n° 3 est ce même os ancien et nécrosé, séparé, comme je viens de le dire, de la seconde moitié du radius nou- veau. Cet os ancien est vu ici par sa face externe. Or, on remarquera, d'abord, que cette face externe est tout usée , toute corrodée, et Von remarquera ensuite que le corps seul de l'os subsiste ; les deux extrémités, tant la supérieure que inférieure, ont déjà disparu, dé- iruites et résorbées par la membrane médullaire. La pièce n° 4 est la moitié d’un radius de cochon, scié en long. L'animal avait été opéré de la même manière que le précédent ; * Planche V, fig. 1. * Le radius que j'examine, comparé au radius de l’autre jambe du même animal, s’est trouvé seulement plus gros. C’est qu’il contenait l'os ancien sur lequel il s'était formé. 348 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT mais il a survécu beaucoup moins longtemps à l’expérience. Aussi, d’une part, l’os nouveau n'est-il pas encore entièrement formé, et, de lautre, la résorption de l'os ancien est-elle beaucoup moins avancée. On voit, dans l’intérieur de la pièce n° 4, l’os ancien et nécrosé, los dont la membrane médullaire a été détruite. Autour de cet os ancien est une membrane épaisse, laquelle est la membrane médullaire nouvelle ; et, entre cette membrane médul- laire nouvelle et le périoste, également très-épais, se forme l’os nou- veau dont Possification n’est encore complète que sur quelques points. La pièce n° 5 est la seconde moitié de ce même radius, dont on a ôté l'os ancien , Pos nécrosé et qui formait le séquestre. Tout, dans la pièce que j'examine en ce moment, est à re- marquer. Dans les points où le nouvel os est déjà formé, cet os nouveau se irouve placé entre le périoste et la nouvelle membrane médullaire. Dans les points où il ne parait pas encore, ces deux membranes (la membrane médullaire nouvelle et le périoste) sont unies l’une à l’autre, et semblent n’en faire qu’une ; et cette membrane , qui pa- rait unique, est pourtant très-facilement divisible en plusieurs lames ou feuillets distincts. Enfin, et ceci est plus remarquable encore, à la face interne de la membrane médullaire nouvelle se voit un tissu d’un aspect singulier, ou plutôt une surface toute parsemée de petits mamelons et de pe- üts creux. C’est par cette surface, tour à tour creuse et mamelon- née, que la membrane médullaire nouvelle agit sur los ancien, le saisit, le ronge et finit par le résorber. Et ce que je dis est démontré aux yeux par la pièce n° 6. Cette pièce n°6 est l’os ancien, retiré de la pièce même que je viens de décrire. ei DES OS ET DES DENTS. . 43 Or, cet os ancien, vu par sa face externe, est tout usé, tout corro- dé; et, ce qui paraîtra sans doute plus décisif encore, c’est que partout l'érosion de los répond aux points de la nouvelle membrane mé- dullaire à surface tour à tour creuse et mamelonnée, c’est que par- tout à chaque creux de l’os répond un mamelon de la membrane médullaire, et à chaque creux de la membrane médullaire une saillie de los. ÿ V. Les pièces que je viens de décrire montrent : 1° Que la destruction de la membrane médullaire d’un os est sui- vie, d’abord , de la mort de cet os, et ensuite de la formation d’une membrane médullaire nouvelle et d’un os nouveau; 2° Que l’os nouveau se forme entre la membrane médullaire nou- velle et Le périoste ; 3° Que cette membrane médullaire nouvelle et ce périoste ne forment d’abord qu’une seule et même membrane, très-épaisse , et divisible en plusieurs feuillets ; # Que la membrane médullaire nouvelle, d’abord unie au pé- rioste, s’en sépare peu à peu, et par l’interposition même de l'os nouveau, lequel, comme il vient d’être dit, se forme entre ces deux membranes ; 5° Que le tissu de la membrane médullaire nouvelle, d’abord très-épais, très-dense, comme on le voit dans les pièces n° 4 et 5, et fort semblable au tissu fibreux du périoste, alors très-épais aussi, prend peu à peu une texture plus délicate, plus fine, se remplit de sucs, et présente enfin une membrane médullaire nouvelle, tout aussi régulière, tout aussi parfaite que la primitive, comme on le voit dans les pièces n° 1 et 2 ; 350 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Et 6° que la face interne de la membrane médullaire nouvelle, tour à tour creuse et mamelonnée, dissout et ronge peu à peu l'os ancien et finit par le résorber. La membrane médullaire des os est donc lappareil de leur résorption. 6 VI. Tels sont les faits qui résultent des pièces que je viens d’exami- ner. Les pièces qui suivent jettent un jour nouveau sur ces premiers faits ; car elles en donnent la succession, la marche, et, si je puis ainsi dire, la génération complète. Mais je commence par avertir que les expériences auxquelles ces nouvelles pièces sont dues, ont toutes été faites à la manière de Troja et de Macdonald, c’est-à-dire qu’on a commencé sur chaque animal soumis à l'expérience, par pratiquer l’amputation du membre. Après cela, un stylet a été porté dans le canal médullaire de l'os scié en travers, et la membrane médullaire a été détruite. Quatre lapins ont été opérés de la manière que je viens de dire. De ces quatre lapins, le premier a été tué 792 heures, le second 96 heures, le troisième 7 jours, et le quatrième 8 jours après l’opération. La pièce n° 7 est le tibia du premier lapin , du lapin qui n’a sur- vécu que 72 heures à l’opération. Je viens de le dire, et il sera inutile de le répéter pour les pièces suivantes, ce tibia avait été scié en travers, et la membrane médul- laire en avait été totalement détruite. Sur la pièce que j’examine, le périoste a été fendu longitudina- lement, et détaché ensuite de los par la dissection. Or, sur la face externe et sur le bout inférieur de los, mis à nu, DES OS ET DES DENTS. 351 se voit une petite couche blanche de consistance cartilagineuse. Cette couche cartilagineuse, déja même ossifiée sur quelques points, est le commencement du tibia nouveau. Mais, ce qu'il importe surtout de remarquer ici, c’est que cette couche cartilagineuse, germe d’un os nouveau, se continue avec le périoste, devenu très-épais, qu’elle en émane et qu’elle le suit, ou ne s’en détache qu'avec déchirure, quand on fait effort pour l’en séparer. Dans la pièce n° 8 le fait que j'indique en ce moment, se montre avec plus d’évidence encore. Cette pièce est le tibia du lapin qui a survécu 96 heures à l’expérience. D'abord, la couche cartilagineuse a beaucoup plus d’étendue; elle recouvre l’os entier; et, en second lieu, elle se continue, de la ma- nière la plus manifeste, avec le périoste. Ainsi donc, lorsque la membrane médullaire d’un os a été détruite : 1° Le périoste, auquel pourtant il n’a point été touché, s’épaissit et se gonfle ; 2° Il se forme sur la face externe de los ancien une couche cartilagineuse ; 5° Cette couche cartilagineuse émane du périoste et ne peut en être détachée que par déchirure ; Et 4° cette couche cartilagineuse est le premier germe dé l'os nouveau. Aïnsi donc, l'os se forme dans le cartilage ; le cartilage est formé par le périoste; l’ossification n’est donc que la transformation du périoste en os. La pièce n° 9 est le tibia du lapin qui a survécu 7 jours à lo- pération. Une portion d’os nouveau est déjà formée vers le bout inférieur de l'os ancien, et ce n’est pas seulement un os nouveau qui paraît en ce 352 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT point, c’est, de plus, une membrane médullaire nouvelle, qui déjà paraît aussi, et qui déjà, partout où l'os nouveau est complétement formé, le sépare complétement de los ancien. Enfin , la pièce n° 10, c’est-à-dire le tibia du lapin qui a survécu 8 jours à l’opération, offre un os nouveau entièrement formé; et, dans cet os nouveau, une membrane médullaire nouvelle ; et, dans cette nouvelle membrane médullaire, l'os ancien, déjà presque” par- tout séparé par elle de l’os nouveau. On le voit donc : un rapport constant lie la production d’une nou- velle membrane médullaire à la production d’un nouvel os. À me- sure qu’il se forme un os nouveau, il se forme une nouvelle mem- brane médullaire. Mais d’où provient cette membrane médullaire nouvelle ? $ VII. Elle provient du périoste. On a vu, dans les pièces n°* 4 et 5, la membrane médullaire nouvelle tenir au périoste. On voit ici, dans les pièces n° ÿ et 10, le périoste, parvenu au bout inférieur de los, au bout scié , se replier et se porter entre les deux os, l’ancien et le nouveau, pour y former la membrane médullaire. Et cette continuité de la membrane médullaire et du périoste, se voit encore mieux dans la pièce n° 11. On a détaché, sur cette pièce, le périoste et la membrane médul- laire dans une certaine étendue; et, dans toute cette étendue, on voit ces deux membranes se continuer l’une avec l’autre de la ma- nière la plus complète. Le périoste ne forme donc pas seulement los nouveau; il forme, ! Je dis presque, parce que , sur cette pièce, la membrane médullaire n’est pas encore, en effet, complétement formée. DES OS ET DES DENTS. 353 quoique par un mécanisme très-distinct, et l’os nouveau et la membrane médullaire nouvelle. La pièce n° 12 est une portion de radius de bouc. Sur cette portion d'os, le périoste avait été entièrement détruit, et il s’y était entièrement reproduit. On voit, sur cette pièce, une lame d’os qui se continue avec une lame de périoste. Une même lame est ainsi, os sur un point, et périoste sur l’autre. La pièce n° 13 est une portion du tibia d’un lapin, portion d’os sur laquelle il avait été pratiqué un trou. On voit sur cette pièce, d’un côté, le trou de l’os qui subsiste en- core; et, de l’autre, un prolongement du périoste qui pénétrait dans ce trou, et qui, en s’ossifiant, l’aurait rempli. $ VIII. Il ne me reste plus qu’à examiner deux pièces. Ces deux pièces, marquées des n° 14 et 1, sont les deux moitiés du tibia d’un canard. Sur les animaux de mes premières expériences, c’est la membrane médullaire qui avait été détruite et le périoste qui était resté intact. Aussi, l'os qui s'était formé, s’était-il formé du côté du périoste et à l’extérieur de los ancien. Sur le canard dont je parle en ce moment, j’ai fait une expérience inverse. La membrane médullaire a été respectée, et tout le pé- rioste a été détruit. Aussi l’os nouveau $est-il formé du côté de la membrane médullaire et dans l’intérieur de l’os ancien. Les deux pièces n° 14 et 15, montrent d’abord le périoste qui s’est entièrement reproduit ; et ensuite l'os nouveau, contenu dans los ancien. Arcuives pu Muséum, Toue II. 45 354 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Lorsque le périoste externe a été détruit, la membrane médullaire, ou périosle interne, partage donc le privilége du périoste externe et le remplace, jusqu’à un certain point, pour la reproduction et la formation des os. La Planche VIIT présente une série de pièces qui mettent, dans tout son jour, ce fait non moins curieux que nouveau, savoir, que le périoste interne a, dans certains cas, le privilége de produire et de former l’os'. GX, Je tire, des expériences contenues dans ce chapitre, ces quatre conclusions générales : 1° I y a, dans les os, un appareil de formation, et cet appareil est le périoste; 2° Il y a un appareil de résorption, et cet appareil est la mem- brane médullaire ; 5° La membrane médullaire, ou périoste interne, n’est qu’une continuation du périoste externe ; 4 Le périoste interne produit los dans certains cas, comme le périoste externe le produit généralement. Je n’ai traité, dans ce chapitre, que du mécanisme général de la formation des os; je traiterai, dans le suivant, du mécanisme parti- culier de la formation du cal. ! On verra même bientôt que la membrane médullaire , ou périoste interne, est l'organe producteur du tissu spongieux, ou de la portion intérieure de l'os. DES OS ET DES DENIS. 355 CHAPITRE V. + Formation du cal. 6 I. La formation du cal n’est qu’un cas particulier du cas général de la formation des os. Avoir donné le mécanisme de la formation des os, comme je l'ai fait dans le précédent chapitre, c’est done avoir donné aussi, et par cela même, le mécanisme de la formation du cal. Le cal est une portion d'os, et cette portion d’os se forme comme Vos entier. C’est le périoste qui produit le cal, comme il pro- duit los. Or, on a déjà vu comment le périoste produit l'os; il ne reste donc plus qu’à faire voir comment il produit le cal. 6 II. Quatre opinions principales ont successivement régné sur la forma- tion du cal. Les deux premières sont celles qui ont précédé Duhamel; la troisième est celle de Duhamel lui-même; la quatrième est celle de Haller. Voici comment Duhamel rend compte des opinions qui régnaient avant lui. « On se contente d'admettre ordinairement, dit-il, que cette & grosseur osseuse qu’on nomme le cal, et quiréunit les os fracturés, « est formée par un épanchement de suc osseux qu’on suppose qui « transsude ou de l’os même, ou des parties voisines, et l’on croit 356 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT que ce suc osseux soude lun à l’autre les deux bouts d’os rompus « à peu près comme les plombiers soudent avec de Pétain deux « « bouts de tuyau’. » « D’autres, ajoute-t-il, ont cru qu’outre cet épanchement du suc osseux, les extrémités des fibres osseuses rompues s’allongeaient et se joignaient les unes aux autres à peu près comme le font les = # « « parties molles”. » D’après ces deux opinions, la réunion des bouts d’os rompus se faisait done, soit par le simple épanchement d’un suc osseux, soit 2 2 par cet épanchement combiné avec l'allongement des fibres osseuses. Telles étaient les idées reçues, avant Duhamel, sur la formation du cal. 6 IL. Duhamel ne tarda pas à s’en faire d’autres. Dès ses premières expériences, tantôt fracturant les os, tantôt se bornant à pratiquer sur ces os de simples trous, il vit toujours le pé- rioste ou s’ossilier autour des bouts d’os fracturés pour les unir par une sorte de virole osseuse, ou pénétrer entre ces bouts pour les uuir par une sorte de conlinuilé osseuse’, ou s'enfoncer enfin dans les trous des os pour remplir ces trous. Et voici les conclusions qu'il tira de ces faits. « Ces expériences, dit-il, lèvent, je crois, les principales diffi- « cultés qu’on avait sur la réunion des fractures et sur la formation * Observations sur la réunion des fractures des os, I Mémoire, p. 99. Mém. de l Acad. des scienc. année 17/1. : Ibid. p. id. 3 Voyez ce que j'ai déjà dit là-dessus dans le chapitre précédent. DES OS ET DES DENTS. 357 = « des cicatrices qui opèrent la guérison des plaies des os; car si on « avait peine à concevoir que des fibres dures et roides, comme le « sont celles des os, fussent capables de s’allonger , de s'étendre , et « de se souder les unes aux autres, on a lieu d’être satisfait quand on « voit que ce sont les fibres molles, ductiles et expansibles du pé- « rioste qui se gonflent, qui prêtent, qui s’allongent, qui se « soudent*. » « On ne sera point non plus en peine, continue-t-il, de savoir « d’où transsude le suc osseux qu’on croyait nécessaire pour former « le cal, puisqu'on voit que c’est le périoste qui, après avoir rem- « pli les plaies des os, ou s'être épaissi autour de leurs fractures, « prend ensuite la consistance de cartilage, et acquiert enfin la du- « reté des os°. » Il n’y a donc, selon Duhamel, ni suc osseux épanché, ni allon- gement des fibres osseuses : le cal n’est que l’endurcissement du périosteÿ. 6 IV. À peine cette opinion de Duhamel fut-elle connue, que Haller se hâta de la combattre; et, s’il est permis de le dire, il se häta trop. Alexandre Macdonald la déjà remarqué : on voit trop, dans Haller, le parti pris de combattre les idées de Duhamel. « Aussi, « ajoute Alexandre Macdonald, paraît-il beaucoup plus occupé ! Observations sur la réunion des fractures des os, °° Mémorre , p. 107. Mém. de l Acad. des scienc. année 1741. * Ibid. p. id. 5 Ce sont ses propres expressions. Zbid. p. id. 358 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT « d’accommoder les expériences à son opinion que son opinion aux « expériences!. » La plupart des objections de Haller ne portent pas plus, au reste, contre l'opinion de Duhamel, qu’elles ne porteraient contre toute autre opinion quelconque. Par exemple, après avoir dit que «l'état primordial de l’os est « celui d’une glu”, et que la formation des os est due à la coagula- « tion et à l’endureissement dun suc”, » Haller fait à Duhamel cette objection : « Je ne comprends pas, lui dit-il, que la dure-mère ait pu for- « mer un os aussi composé que l’est los pierreux , ni que la mem- « brane tendre et délicate de la coquille, ou des canaux demi-cir- « culaires, ait pu servir de moule à l’os pierreux ou lui imprimer ses « spirales et ses contours'. » Duhamel aurait pu lui demander s’il comprenait mieux, lui Haller, comment ces canaux, ces contours, ces spirales, avaient pu se for- mer par l’endurcissement d’une glu, ou la coagulation d’un suc. Voici une autre objection de Haller, laquelle accuse peut-être plus de précipitation encore. « Les couches osseuses, dit-il, qui se forment dans un animal « nourri de garance sont rouges, et le périoste reste blanc, donc les « couches osseuses ne sont point formées par le périoste 5. » = À A 1 Sc opinionem præclari hujus physiologi de ossium formatione animo contemplemur, non possumus non extistimare illum præjudicatam opinionem , contra sententiam Hamelii accepisse , ideoque experimenta ad opinionem , potius quam opinionem ad experimenta animo accomodasse. Alex. Macdonald , Désput. inaug. de necrost ac callo , p.38. 3 Voyez, dans les Mémoires sur les os, réunis par Fougeroux, les mémoires de Haller et de Dethleef, sur la Formation des os, p. 181. SPAS: 4 Ibid. p. 149. 5 Ibid. F° Mémotre de Fougeroux, p. 24. DES OS ET DES DENTS. 359 Fougeroux lui répond très-bien : « En faisant un raisonnement « tout pareil, je dirais : la grande apophyse du sternum des oiseaux « ne prend aucune teinte de rouge tant qu’elle est cartilagineuse, « quoique ces animaux usent dans leurs aliments de beaucoup de « garance ; l’apophyse du sternum des oiseaux , lorsqu'elle est con- « vertie en os, prend très-bien, au contraire, la teinture de la ga- « rance; donc l’apophyse du sternum des oiseaux n’est pas formée € par le cartilage qui en occupait la place!. » En effet, le cartilage ne rougit pas plus” que le périoste ; et si l’ar- gument avait quelque force contre le périoste, il n’en aurait pas moins contre le cartilage. Or, le cartilage se transforme en os; Hal- ler n’en doutait pas. La 7207-coloration ne prouve donc pas plus contre le périoste qu’elle ne prouve contre le cartilage. Mais, venons à des propositions plus précises, à des assertions plus raisonnées, plus réfléchies de Haller. Selon Haller, « le cal de los est formé par un suc gélati- « neux qui suinte des extrémités fracturées de los, surtout de la 2 « moëlle, et qui s’épanche autour de la fracture’. » Il affirme, d’un autre côté, que « le périoste n’a aucune part à la « réunion des os, qu’il ne fait pas partie du cal, qu'il n’est pas at- « taché au calé. » Telles sont les deux propositions fondamentales de Haller. Par la première, il établit sa théorie. Par la seconde, il veut ren- verser la théorie de Duhamel. Chacune de ces propositions mérite donc un examen sérieux. ! Ibid. p. 24. » Le cartilage ne rougit, comme je l'ai déjà dit bien des fois, qu’en recevant le sel terreux, le phosphate calcaire, c'est-à-dire qu’en s’ossifiant. 3 Mémoires sur les os , réunis par Fougeroux. Mémoire de Haller, p. 174. 4 Ibid. p.175. 360 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Haller veut que la formation de los, que la formation du cal, ne soient que l’endurcissement d’un suc gélalineux*. C’est là sa théo- rie ; et c’est aussi, à de très-légères modifications près, celle de pres- que tous les physiologistes qui sont venus après lui. On peut en juger par ces paroles de Béclard. € Dans la réunion d’une fracture, il y a successivement, dit Bé- € clard, agglutination des fragments par un liquide organisable dont « Le sang fournit les matériaux ; ossification de ce liquide infiltré tout « autour de la fracture, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ; enfin « réunion vasculaire et osseuse entre les fragments eux-mêmes”. » Je nai pas besoin de faire remarquer que ce liquide organisable® qui, successivement , s’'épanche, s’ossifie et réunit les fragments os- seux, n’est que le suc gélatineux de Haller. La théorie la plus ré- cente, la théorie actuelle n’est donc au fond, comme je viens de le dire, que celle de Haller. Or, on a vu, par le précédent chapitre, ce qu'il faut penser de cette théorie. Dans les expériences, faites à la manière de Troja, il n’y a pas de suc épanché entre le périoste et l'os; et ce- pendant , entre le périoste et l'os, un nouvel os se forme; la forma- !« Ce suc, dit-il, s'épaissit, devient une gelée tremblante , passe par d’autres degrés de « consistance, et devient à la fin cartilagineux. » Zbid. Mémoires de Haller, p. 174. ? Béclard, Anatomie générale, p. 521. $ Ou, comme on s'exprime plus communément aujourd'hui , /ymphe organisable. Duha- mel avait aussi vu cette brmphe sanguinolente ( c’est l'expression dont il se sert); mais il la compare très-judicieusement « aux épanchements qui se font dans toutes les occasions où il « arrive rupture de vaisseaux. » Mémoires sur les os, recueillis par Fougeroux. Second Mé- motre de Fougeroux , p. 123. DES OS ET DES DENTS. 361 tion de los n’est donc pas le simple endurcissement, la simple ossi- fication d’un suc. Je passe à la seconde proposition de Haller. L'examen de cette proposition fera même l’objet principal de ce chapitre. 6 VI. Haller dit que « le périoste n’a aucune part à la réunion des os, « qu'il ne fait pas partie du cal, qu’il n’est pas attaché au cal. » Voilà ce que dit Haller. Mais les pièces marquées, dans la pl. VIT, des n* 6, 7, 8,9, 10, 11, 12, 15 14, 15 et 16 prouvent toutes le contraire. Les deux pièces, n°“ 9 et 10, sont les deux moitiés d’un radius de chien’. L’os a été scié en long. L'animal avait été opéré le 27 juin : quinze jours après l'opération, il fut tué. Or, la matière qui forme le cal, la matière qui réunit les bouts rompus de los, est déjà cartilagineuse; et cette matière cartilagi- neuse tient, de la manière la plus évidente, au périoste. Et quand je dis Zent, je m’exprime mal. Si elle ne faisait que tenir, si elle ne faisait gu'adhérer, on pourrait conserver du doute. Mais elle se continue avec le périoste ; mais, en plus d’un point, elle est encore le périoste même ; et le doute n’est plus possible. Les pièces n° 11 et 12, sont les deux moitiés du radius d’un autre chien. Los est toujours scié en long. L'animal n’a survécu à l’opé- ration , c’est-à-dire à la fracture de l’os, que douze jours. Aussi le cal n'est-il pas encore complétement cartilagineux. C’est le périoste même qui pénètre entre les bouts d’os rompus, et qui les unit l’un à l’autre. ! Ce chien, ainsi que les deux qui suivent, était âgé d'environ six semaines au moment de J'opération. Aacmves pu Muséum, Tone Il. 46 362 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Il faut en dire autant des pièces n°* 15 et 14. Ces deux pièces sont les deux moitiés d’un eubitus de chien. L'animal n’a également survécu que douze jours à opération ; et la matière du cal n’est également qu’à demi-cartilagineuse. Ce n’est encore qu’un fibro-cartilage ; mais ce fibro-cartilage se continue de la manière la plus complète, d’une part, avec le périoste, et de l’au- tre, avec les bouts d'os rompus. Les deux pièces n°° 15 et 16, sont les deux moitiés d’un radius de pigeon. L'animal avait été nourri avec de la garance, et l’os est rouge. Ces deux pièces sont une preuve nouvelle et plus décisive encore, sil est possible, de ce que je viens de dire. L'animal était adulte, et il a survécu à la fracture de los à peu pres un mois. Or, sur les deux moitiés de cet os, scié en long, on voit à l'endroit de la fracture, le périoste pénétrer entre Les bouts d’os rompus, sy transformer en fibro-cartilage, en cartilage; et, au milieu de ce cartilage qui tient au périoste, au milieu de ce périoste qui tient aux bouts d'os rompus, on voit un noyau osseux, lequel est rouge -ainsi que l’os, parce que, comme je viens de le dire, Panimal avait été soumis au régime de la garance. Enfin, la pièce n° 17 est l’humérus d’un pigeon qui, comme le précédent, a survécu à la fracture de los à peu près un mois. Les bouts rompus de l'os sont unis par un fibro-cartilage déjà fort épais; et, au milieu de ce fibro-cartilage, se voit un noyau osseux, lequel est rouge ainsi que l'os, parce que l’animal avait été soumis, comme le précédent, au régime de la garance. Je pourrais présenter encore un grand nombre de pièces, mais elles ne feraient toutes que prouver la même chose. On verrait tou- jours le périoste pénétrer entre les bouts d’os fracturés pour y DES OS ET DES DENTS. 363 former le fibro-cartilage qui les unit, et ce fibro-cartilage s’ossifier pour former le cal. Le cal est donc formé par le périoste. f VII. Haller et ses partisans ont beau soutenir le contraire. Ici tout dépend du fait. Et si je ne me trompe point, si ces pièces que je décris en ce lien, je les ai bien vues : le périoste produit le fibro- cartilage, et le fibro-cartilage produit le cal. Au reste, ce fait capital, ce fait qui décide tout, ce fait de l’adhé- rence du périoste au cal, je ne suis pas le seul , tant s’en faut, qui lait revu depuis Duhamel. Fougeroux dit : «Lorsque je disséquais le périoste, en commen- «€ Gant par l'extrémité de l'os, et en conduisant la dissection vers la « tumeur, j'ai toujours été obligé d’emporter avec le périoste la « substance en apparence mucilagineuse ou devenue cartilagineuse ; « bien plus, j'ai toujours trouvé des lames du périoste qui se per- © daient dans le cal en partie ossifié!. » On pourrait craindre , à la vérité, que Fougeroux n’eût l'esprit trop prévenu pour Duhamel. Il observait trop près de lui, pour ne Pas voir un peu par ses yeux. Mais Troja, mais Macdonald ne partageaient pas assurément la prévention de Fougeroux pour Duhamel. Ils soutiennent tous deux Vopinion de Haller, que le cal n’est dù qu’à l’endurcissement d’une matière gélatineuse. Et cependant ils conviennent tous deux, car ils sont aussi consciencieux qu'habiles, qu'ils on vu souvent le périoste tenir à cette matière. Troja avoue qu’il n’a pas toujours réussi, quelques précautions = © Mémoires sur les os, réunis par Fougeroux. Second Mémoire de Fougeroux, p.120. 364 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT qu'il ait prises, à séparer, sans déchirure, la matière cartilagineuse d'avec le périoste’. Il dit que cette matière parait naître des lames du périoste?; que si on enlève le périoste, elle le suit; et que ces deux choses sont si unies qu’elles semblent n’en faire qu’une. Macdonald dit aussi qu'il a vu le périoste tenir à la matière carti- lagineuse, et y adhérer à tel point qu’on ne pouvait l'enlever sans enlever une partie de cette matière*. Voilà ce que disent Troja et Macdonald; et je ne ferai sur ce qu'ils disent qu’une remarque. C’est que vingt cas où le périoste aura paru ne pas se continuer avec la matière du cal ne prouvent pas, car la discontinuité peut-être du fait de l’anatomiste, et qu’un seul cas où l’on aura vu le périoste tenir évidemment à la matière du cal prouve, car la continuilé ne saurait être du fait de l’anatomiste. ÿ VIII. Je termine ce chapitre en rappelant les points principaux de la théorie de Duhamel. Duhamel dit que, dans celles de ses expériences où l'os avait été | FeRE sEMPER, sÛ excepero quando ninis sollicite procedebam, periosteum , sive internam perioster laminam , ab interna tumoris superficie secerrere potui. ( De novorum ossium , in rnte- gris aut maximis ob morbos deperditionibus, regeneratione, ete. p. 191.) + Hac relata crusta, primis diebus.…., ex periostei laminis ortri videbatur. Ibid. p. 76. Basse Si profundabatur ad os usque, et ex ossis superficie sublevalionis initium ducebatur, pertosteum gelatina comitabatur; et unum et altera, ambo simul unita, sic videbantur conti- nuata ut affirmare non dubitasses solum fuisse periosteum eo modo tumefactum. Ibid. p. 49. + Materta ipsa gelatinosa renato periosteo adeo adhærebat, ut maximam cjus partem , una cum hoc detraxerim. Alex. Macdonald, Disput. inaug. de necrosi ac callo, p. 55. — Ab énitio periosleurn arcte cum effuso humore gelalinoso conjunctum observavimus ; ità ut uauD Rand difficillime a se invicem separarertur. Ibid. p.68. DES OS ET DES DENTS. 365 percé par un trou, il a vu le périoste se porter dans ce trou et le rem- plir'. Je montre, dans la pièce n° 13°, d’un côté le trou de los, et de Vautre, le prolongement du périoste qui se portait dans ce trou et le remplissait. Duhamel dit qu'il a vu des lames en partie membraneuses et en partie osseuses *. Je montre, dans la pièce n° 12°, une lame qui est o$ par un bout et périoste par l’autre. Duhamel dit qu'il a vu le périoste fournir par ses lames internes les lames de l’os°. Je montre, dans les pièces n° 7 et 8°, la couche cartilagineuse, premier germe du nouvel os, tenant à la lame in- terne du périoste. l « Je pris, dit Duhamel, deux pigeonneaux, un petit chien et un jeune agneau. Je pi- « quai assez profondément le gros os de la jambe de ces animaux... Un des pigeonneaux « fut tué trois jours après qu'on lui eut fait les petites plaies dont je viens de parler. L'autre « pigeonneau ne fut tué que huit jours après le commencement de l'expérience. On laissa le “ petit chien vivre quinze jours et l'agneau un mois. « Dans l'examen que je fis de l'os du pigeonneau qui avait été tué le premier, je vis que Le « périoste s’épaississait vis-à-vis le petit trou qu’on avait fait à l'os, et ce trou était rempli « par un bouchon que formait l’épaississement du périoste. Je disséquai cette membrane... « et, sans la moindre difliculté, le petit bouchon sortit du trou et resta attaché au périoste, « dont on voyait clairement qu'il faisait partie. « En disséquant le second pigeonneau , je trouvai le petit mamelon beaucoup plus adhé- rent à l'os. « L’adhérence était si considérable dans le petit chien qu’il ne me fut pas possible de le « détacher de l'os... Enfin, l'union était si parfaite à l'os de l'agneau, qu’on avait beaucoup « de peine à reconnaitre l'endroit de la piqûre. » Observations sur la réunion des fractures des os, I Mémoire, p. 106. Mém. de l’ Acad. des scienc. année 1741. * Planche V. 3 « Je m'assurai qu'il y avait plusieurs lames qui étaient partie périoste et partie osseuses.» IV: Mémoire sur les os, p. 100. Mém. de l'Acad. des scienc. année 1743. “ Planche V. 5 « J'ai fait voir que les lames intérieures du périoste s'ossifient, et qu’elles augmentent « la grosseur des os.» Pr Mémotre sur les os, p. 121. Mém. del’ Acad. des scienc. année 1743. 5 Planche V. 366 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Enfin, Duhamel dit qu'il a constamment vu le périoste tenir au cal"; et je montre, dans les pièces n° 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15 et 16 de la planche VII, les preuves les plus complètes de cette assertion. La théorie de Duhamel, théorie qui ne voit dans l’ossification que la transformation du périoste en os, me parait donc prouvée par toutes mes expériences. CHAPITRE VI. Suite de l'Examen des objections de Haller. ; f I. Il est facile de ne laisser aucune objetion de Haller sans ré- ponse. Il dit que « le périoste ne précède pas la formation du cal, mais « qu'il la suit, et qu'il ne renaît que lorsque le cal est bien « avancé ?. » La reproduction du périoste précède toujours, au contraire, la formation du cal *. ! Voyez ci-dessus, p. 355, tout ce que j'ai rapporté de Duhamel, à propos du ca. 2 Mémoires sur les os, réunis par Fougeroux : Mém. de Haller sur la formation des os, pag. 175. 5 Macdonald l'avait bien vu : Priusquam materia ossea deponi possit, ut periosteum rege- nerelur necesse videtur; quo regenerato, os more solito renovatur. De necrost ac callo, p. 74. Il dit plus loin : oc vero clarissime demonstrat, periosteum ad novum os formandum pluri- mum conferre. Ibid. pag. 96. Il avait déjà dit : Zn omnibus experimentis in quibus periosteum a quadam ossis parte abrasum erat, periosleum renatum invent, aique primario coalescens ; pag: 79. DES OS ET DES DENTS. 367 Les pièces 6 et 7 de la Planche VII montrent le périoste déjà complétement reproduit; et cependant le cal ne paraît point en- core. La pièce 8 montre le périoste reproduit; et, au milieu de ce pé- rioste reproduit, deux points d’ossification qui paraissent. ÿ II. Haller dit que « si le périoste formait les lames osseuses, on de- « vrait, en enlevant le périoste, enlever des lames osseuses‘. » Et il a raison; mais c’est aussi ce qui a toujours lieu. On voit dans les pièces 1, 2 et 3 de la Planche VIH, le périoste divisé en plusieurs lames; et, sur toutes ces pièces, la lame interne du périoste se con- tinue avec la lame externe de los Voilà pour Le cas normal. Dans le cas de la reproduction de los, dans le cas de la formation du cal, le périoste tient toujours et à l’os qui se reproduit et au cal qui se forme * : ces deux points sont dé- montrés dans le chapitre qui précède; le périoste tient donc tou- jours à l'os. ÿ I. Haller dit : « L’ossification se fait au milieu de los où le périoste « n’est point adhérent *. » * Mémoires sur les os, réunis par Fougeroux, etc. pag. 177. 2 Voici encore une observation de Macdonald qui doit être ajoutée à celles que j'ai citées dans le chapitre précédent ( Voyez ci-dessus, p. 364) : Znitio, hoc novum periosteum densum, sed, morbo procedente, naturaliter tenue evasit. Quin etiam ab initio ARCTE CUM CALLO SUBJ4- GENTE CONJUNGTUM ERAT. De necrost ac callo, elc. pag. 95. 3 Mémoires sur les os , réunis par Fougeroux, etc. pag. 178. 368 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT La pièce 5 de la Planche VIE, est le milieu, le corps du tibia; et l’on y voit, três-manifestement, les nombreux filaments qui vont du périoste à los. Haller ajoute : « En préparant des squelettes de fœtus, je cerne le périoste en deçà de Porigine des épiphyses, parce qu'il se déchirerait, si lon tentait de le séparer d’elles : le reste du périoste qui couvre le corps s’enlève avec facilité; et tous les muscles avec lui quittent l’os, comme un gant quitte la main, sans y laisser « de lambeau ni de vestige !. » Quand le périoste quitte los comme un gant quitte la main, c’est qu'il y a eu macération. Dans le fœtus, comme dans l’adulte, le pé- rioste tient toujours à l’os par des filaments nombreux ; pour séparer los du périoste, il faut toujours rompre ces filaments. La pièce 4 de la Planche VIL est le corps du fémur d’un très- jeune fœtus; et l’on y voit les filaments nombreux qui vont du pé- rioste à l’os. (av: Haller dit : « Le périoste n’a pas ce qu’il faut pour nourrir l'os : il est blanc et ses vaisseaux sont invisibles, pendant que ceux du corps de los sont des plus apparents. On a cru, ajoute-tl, que les gouttes sanglantes étaient des vaisseaux qui passent du périoste « dans los : elles ne le sont point; ce sont de véritables vaisseaux qu'on ne fait que découvrir en enlevant le périoste qui les couvre « et ne les fournit pas*. » Les goulles sanglantes, pour me servir de l'expression de Haller, ! Ibid. pag. 178. * Ibid. pag. 4179. PE RER DES 08 ET DES DENTS. 369 sont de véritables vaisseaux qui se rompent, quand on détache le périoste de los. Rien n’est plus certain, d’ailleurs, que le contraire de ce que pré- tend Haller : il dit qu'il « ne passe point de vaisseaux du périoste à « los. » Il passe, au contraire, un nombre infini de vaisseaux du périoste à l'os; et ces vaisseaux sont très-visibles. Ils sont aujour- d’hui connus de tous les anatomistes ‘; et je les ai fait représenter (tels qu'ils paraissent, quand ils sont injectés) dans la pièce 5 de la Planche VII. Mais, ce n’est pas tout. Des vaisseaux nombreux qui se rendent à l'os, les uns passent, pour arriver à l'os, par le périoste; Les autres passent par la membrane médullaire. « Les vaisseaux sanguins des os, dit Béclard, se distinguent en « ceux qui se ramifient d’abord dans le périoste externe, et qui « pénètrent ensuite dans les petits trous nourriciers de la sub- ( stance compacte, el en ceux qui pénètrent, sans se ramifier, « dans le canal médullaire, où ils se distribuent à la membrane de « ce nom, et pénètrent ensuite par la face interne, dans la subs- « tance compacte, oùils communiquent avec les précédents, ELC-120) « L'usage du périoste externe, dit Macdonald, est de conduire « les vaisseaux qui forment l'os, le nourrissent ; le conser- « vent, etc. ® » — « On voit, dit-il encore, les artères passer du « périoste à l’os ‘. » " « Le périoste, dit Béclard, a des vaisseaux sanguins trés-nombreux. » E/éments d’anat. génér. pag. 448. « La surface interne du périoste, dit-il encore, est unie à l'os par d'in- « nombrables prolongements qui accompagnent les vaisseaux dansson intérieur et dans son « épaisseur. » Zbrd. pag. 447. : Ibid. pag. 490. Usus periosteï externi est, vasa conducere quæ os forment, nutriant ac conservent. De ne- crosi ac callo, etc. p. 6. #* Arteriæ.…...…, ex periosteo ad os transire conspiciuntur. Ibid. pag. 7. Ancuaiyes pu Muséum, rome Il. 47 370 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Il dit enfin : «Les vaisseaux du périoste interne communiquent « avec les vaisseaux de l'os et du périoste externe; » et il ajoute que «ces vaisseaux s'unissent si étroitement et dépendent tellement « les uns des autres, que l'os souffre des maladies des deux périostes, « et les deux périostes des maladies de los‘. » Cette connexion étroite des vaisseaux des deux périostes dans lin- térieur de los, est ici le fait capital ; car elle explique tout : et pour- quoi l’os meurt, quand on détruit la membrane médullaire ou le périoste interne; et pourquoi il se forme alors un os nouveau par le périoste externe. Et c’est ce que Macdonald a parfaitement vu. Voici ce qu’il dit : Dum qualis essel ossium fabrica describerem, mentionem fecr, quam arcte periosleis suis os conneclerelur , el quo modo valetu- do unius partis ab altera penderet. Ex horum notitia, quemad- modum formelur novum os, explicandum est. Nam si medulla unà cum periosleo interno, vi pereat, inflammaho staim sequilur, et præ VASORUM CONNECTIONE , L@c inflammato, ossi, el ‘periosteo præcipue exlerno , communicatur. Hac etiamn inflammatione pe- riosteum tumet, et, vel ex parte, vel ex toto, ab osse separatur. Hic enimvero tumor, el periostei ab osse separalio, primus, ad os Jormandum, gradus est”. * Vasa periostei internt, cum vasis ossis alque periostei externi comimunicant. Adeo arcte enim conjuncta sunt, alque adeo a se invicem dependent, ut, si allerutrum periosteum morbo af- ficiatur, cœæterum quoque et os afficiantur ; et, st 0s male se habeat, male quoque se habeant pe- riosica. Ibid. p. 7. * Ibid. pag. 65. DES OS ET DES DENTS. 371 J'arrive enfin à une objection de Haller, qui a dù paraitre bien décisive, car il n’est pas un de ses successeurs qui ne la répète. « Le périoste est si peu, dit-il, la matière de los, qu’une grande « partie des os naît sans en avoir. Je parle des noyaux osseux qui « naissent au milieu du cartilage, qui n’ont aucun périoste visible, « et qui sont isolés de tous côtés, à l’égard du périoste du reste « de Post. » Bordenave, qui a reproduit, contre Duhamel, la plupart des objections de Haller, s’est bien gardé d'oublier celle-ci. « Les extrémités des os longs commencent, dit-il, par être car- « tilage avant que d’être os, et ne doivent par conséquent point « leur naissance au périoste*. » Enfin, il n’est pas jusqu’à Béclard qui ne revienne à objection de Haller. | « On attribue sans preuve, dit-il, au périoste, l’usage de former « les os, car on voit l’ossification des os courts commencer au cen- « tre du cartilage, et loin du périoste par conséquents. » Ainsi donc, los naït dans le cartilage ; et, puisqu'il nait dans le cartilage , il ne naït pas du périoste; et par conséquent Duhamel se trompe. Voilà tout le raisonnement de Haller, de Bordenave et de Béclard. : Mémoires sur les os, réunis par Fougeroux, etc. pag. 178. Ce qu'il ajoute est très-vrai en soï, et confirme ce que j'ai dit dans le chapitre précédent (p. 355) à propos du ca/. « Les * os nouveaux qui se forment, dit-il, après les fractures , naïssent parfaitement de même : * ce sont des points rouges qui durcissent au milieu du cartilage. » Jbid. pag. id. ? Mémoires sur les os , réunis par Fougeroux : Mém. de Bordenave , p. 208. 3 Eléments d'anat. génér. p. 448. 372 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Mais Duhamel ne dit nulle part que l’os naisse immédiatement du périoste ; il dit au contraire, partout, que le périoste se transforme en cartilage, et que c’est le cartilage qui se transforme en os. « J’ai fait voir, dit-il, que les lames du périoste, qui étaient « d’abord membraneuses, devenaient ensuite cartilagineuses, et « qu’elles acquéraient enfin la dureté des ost. » Il dit ailleurs : « Ce qui doit devenir os est cartilagineux”*. » Il dit encore : QIl ya, dans la jambe d’un petit embryon, un « cartilage qui occupe la place du tibia, et qui, acquérant ensuite « de la dureté, cessera d’être un cartilage, et deviendra véritable- « ment l'os tibia de cet embryon. » Duhamel a donc parfaitement vu que l'os naît dans le cartilage ; il la vu et dit avant Haller, avant Bordenave, avant Béclard; et l'idée de lui opposer ce fait, ne peut étre que le résultat d’une étrange distraction. VIE Ilya, dans la théorie de Duhamel, deux faits successifs : le fait de la transformation du périoste en cartilage, et le fait de la transfor- mation du cartilage en os “. * ITS Mem. sur le développement des os, p.355. (Mém. de l'Acad. des Scien. année 1742). * Ibid. p. 368. (Tbid. ann. id.) 5 IV® Mémoire, pag. 88. ( Ibid. ann. 1743.) 4 « Les os commencent, dit-il, par n’être que du périoste, car je regarde les cartilages « comme un périoste fort épais, et effectivement le périoste tuméfié sur les fractures ressemble « beaucoup à un cartilage. » W1* Mémoire sur les os, p. 315. (Mém. de l'Acad. des scienc. année 1743.) Il dit ailleurs : « C’est le périoste qui, après avoir rempli les plaies des os, . ou s'être épaissi autour de leurs fractures, prend ensuite la consistance de cartilage, et « acquiert enfin la dureté des os. » 1° Mémoire sur les os, p. 107. (Mém. de l' Acad. des scienc. année 1741.) DES OS ET DES DENTS. 373 Or, de ces deux faits, le second, celui de la transformation du cartilage en os, n’est point en question; et Duhamel l’a vu comme tout le monde. Le premier seul est en question; et Duhamel est le premier qui Pait vu. La transformation du périoste en cartilage est donc le seul fat spécial de la doctrine de Duhamel; et ce fait spécial de la doctrine de Duhamel, toutes mes expériences le reproduisent. 6 VII. Le périoste passe donc par deux états successifs : il devient d’a- bord cartilage, et puis il devient os. Le périoste se transférme en cartilage ; le cartilage se transforme en os. Et c’est là, je le répète, ce qui est démontré par toutes mes expériences. CHAPITRE VII. Du périoste. GT: Duhamel a bien vu la disposition lamelleuse du périoste. « Le périoste, dit-il, recouvre tous les os; il est plus épais dans « les jeunes sujets que dans les vieux ; on peut, par la macération, « le diviser en plusieurs lames; et, en examinant des morceaux de « périoste, tuméfiés à l’occasion de quelque fracture ou de quelque « violente contusion, il m’a paru qu'ils étaient composés d’un nom- « bre considérable de couches; ces mêmes périostes tuméfiés m'ont « fait connaitre que les lames intérieures étaient cartilagineuses, et 374 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT « par conséquent plus solides que les extérieures qui n'étaient que « membraneuses‘. » Les pièces 1, 2 et 3 de la planche VIT, montrent avec évidence la disposition lamelleuse du périoste. La pièce n° 1 est l’extrémité inférieure du tibia droit d’un fœtus humain. On y voit le périoste divisé en trois lames parfaitement distinctes. La première forme la capsule fibreuse de Particulation; la seconde enveloppe le cartilage articulaire; le troisième se continue, d’une part avec le cartilage de l’épiphyse, et, de l’autre, avec l'os. La pièce n° 2 offre une lame de plus, laquelle est placée par-des- sus toutes les précédentes, et, passant d’un os à l’autre, enveloppe tout le squelette. La pièce n° 3 offre deux lames : celle qui enveloppe le cartilage arüculaire, et celle qui se continue avec l'os. Le périoste se compose donc de quatre lames principales : la première, ou la plus superficielle, passe par-dessus les articula- tions et enveloppe tout le squelette; la seconde forme la capsule fibreuse de chaque articulation ; la troisième passe par - dessus le cartilage articulaire et l'enveloppe; la quatrième se continue avec l’os?, ‘Ie Mémoire sur le développement des os, pag. 357. (Mém. de l Acad. des Sciences , année 1742.) : Duhamel a vu, à peu de chose près, toute cette disposition. « Le périoste, dit-il, s'é- tend sur le corps de l'os ; il se prolonge entre l'épiphyse et le corps de l'os pour y former r le cartilage intermédiaire; il jette un nombre prodigieux de fibres dans le corps de l'épi- « physe; le cartilage de l'articulation qui revêt la tête de l'épiphyse lui est continu ; il en est « de même des cartilages semi-lunaires ; enfin la membrane capsulaire m'a paru être encore « une continuation du périoste. » Ile Mém. pag. 357, ann. 1742. 1 dit encore : « Je dépouillai de ses muscles l'os de la jambe d’un veau mort-né âgé d'en- r viron six mois... Alors, ayant commencé à disséquer le périoste vers la partie moyenne = DES OS ET DES DENTS. 375 $ HI. Je viens de dire que le périoste passe successivement de l’état membraneux, de l’état de périoste proprement dit, à l’état cartila- gineux , et de l’état cartilagineux à l’état osseux. Suivons la marche de ces phénomènes, et prenons le cas le plus simple, celui de la formation d’un os nouveau par suite de la des- truction de la membrane médullaire. Immédiatement après la destruction de la membrane médullaire : le périoste se gonfle, et l’os meurt. « j'entrepris de le détacher de l'os en remontant vers le genou; je le détachai effectivement « avec assez de facilité; mais quand je fus parvenu près de l'épiphyse , je m'apercus queje ne « levais pas tout le périoste, qu'il y en avait une lame qui restait adhérente à l'os, quoique le « périoste queje disséquais parût conserver assez exactement la même épaisseur. Ilme vint à « la pensée de lever cette lame inférieure du périoste, en commencant à la disséquer en sens « contraire, c’est-à-dire de l'extrémité de l'os vers sa partie moyenne ; je le fis effectivement, « mais avec assez de peine, car l’adhérence du périoste à l'os, de même que la fermeté du pé- « roste, augmentait à mesure que j'approchais de la partie moyenne ; ce périoste perdit en- « finsa transparence ; il commencait à tenir de la nature de l'os, et bientôt je me trouvai avoir « à détacher une lame d'os. » IV? Mém. sur les 05, p. 98. (Mém. del’ Acad. roy. des scienc. ann, 1743.) — Il rapporte que « de La Haye, Chirurgien-major de la Marine à Rochefort, ayant disséqué, à sa prière, un fœtus de cinq à six mois, cet anatomiste remarqua : « Que le périoste augmentait d'épaisseur vers les extrémités des os ; « Qu'en approchant des bords de l'épiphyse, cette membrane paraissait se séparer en deux « lames, dont la plus externe formait le ligament capsulaire, et l’interne, le cartilage uni et glissant qui garnit les éminences et les cavités articulaires ; « Que par-dessus la portion de périoste présentement décrite, il y en avait une autre qui se prolongeaitentre l’épiphyse et l'os pour y former le cartilage intermédiaire, et que quand celte lame eut été disséquée jusqu’au bord de l'os, l'épiphyse se détacha très-aisément de “ l'os, cette seconde couche restant attachée à l'épiphyse; enfin, qu'en enlevant le périoste autour du tibia, il avait en même temps enlevé le ligament interosseux. » #° Mémoire sur les os, p. 121. Mém. de l'Acad. des science. ann. 1743. e # 4 376 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Le gonflement du périoste est donc le premier fait; le second est la séparation du périoste tuméfié d'avec l’os mort. Macdonald a vu ces deux choses : ic enim tumor, dit-il, et pe- riostei ab osse separatio primus ad os formandum gradus est”. Duhamel avait dit avant lui : « On voit que le périoste se tuméfie; « c’est une observation qui ne peut être affaiblie par les raison- nements*. » Le périoste se tuméfie donc; et alors il est divisible en un nombre presque infini de lames. Or, de ces lames, les plus internes (lesquelles sont toujours les plus tuméfiées), les plus internes prennent bientôt une consistance fibro-gélatineuse ; c’est là le troisième fait; et ce troisième fait est bientôt suivi d’un quatrième, savoir, le détachement, la séparation d’une de ces couches #bro-gélatineuses d'avec les autres. Un cinquième fait est la transformation de cette couche /bro- gélatineuse*, séparée ou détachée des autres, en un vrai cartilage. Le sixième et dernier fait est la transformation de ce cartilageenos. 6 IL. Le périoste ne se transforme donc pas immédiatement en os, comme on suppose (tout-à-fait à tort, il est vrai) que Duhamel l’a dit. Le périoste ne devient os que par une suite de transformations régulières. ! De necrosi ac callo, etc. pag. 65. 2 Observations sur la réunion des fractures des os , pag. 106. (Mém. de l'Acad. des Scienc, année 1741.) 5 Dans les expériences que je rappelle ici, la couche fibro-gélatineuse se dépose ou s'ap- plique sur los mort. Voyez les fig. 7 et 8 de la pl. V. 5 DES OS ET DES DENTS. 377 Il est d’abord membraneux ; il passe ensuite à l’état fdro-gélali- neux; puis il devient cartilage; puis il devient os. 6 I. Le périoste est donc la matière, l’organe, l’éoffé qui sert à toutes ces reproductions merveilleuses. Et quand je dis merveilleuses, je ne dis pas trop, car nous avons vu des os entiers se reproduire complé- tement, et cela jusque dans les animaux les plus parfaits'. Mais, encore une fois, qui n’a vu le périoste que dans son état ordinaire, ne se fait pas une idée de ce qu’il est quand il est #- méfié, et, si je puis ainsi dire, en puissance de reproduction. Plusieurs figures des Planches de cet ouvrage, et nommément les figures 4 et 5 de la Planche V, le représentent dans l’état que j'indi- que ici. On le voit là, sur ces deux figures, tel qu’il est lorsqu'il est le plus tuméfié, le plus gorgé, le plus épais, et, par suite, le plus facilement divisible en un nombre presque infini de lames. On voit là l'os nouveau se former entre les lames du périoste; on voit les lames internes du périoste se transformer en une nouvelle membrane mé- dullaire, etc., etc. $ V. Le périoste est donc l’organe qui produit les os, et l'organe qui les reproduit. Aussi nulle autre partie de l’économie animale ne jouit- elle à un plus haut degré de la faculté de se reproduire elle-même. ! Voyez, à la PI. V, les fig. 41 et 2, c'est-à-dire les deux moitiés d’un radius de bouc, en- tièrement reproduit. Anscuves ou Muséum, voue II. 48 378 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT La reproduction du périoste est très-prompte : quelques jours y suffisent. La reproduction du périoste est inépuisable. Jai détruit le périoste sur le milieu du fémur de plusieurs lapins ; je lai détruit sur le milieu des frontaux de plusieurs pigeons, et sur chacun de ces os, sur chacun de ces animaux, il s’est reproduit. J'ai détruit alors la portion de périoste reproduite, et elle s’est de nouveau reproduite. Je l’ai détruite encore, et elle s’est reproduite encore. Une portion donnée du périoste a été détruite ainsi jusqu’à trois reprises successives; et jusqu’à trois reprises successives, elle s’est reproduite. $ VI, Le périoste, qui reproduit l'os, se reproduit donc aussi, ou plu- tôt, et à parler plus exactement, la force qui produit et reproduit sans cesse le périoste est la force même qui produit et reproduit Vos. Nous connaissons le mécanisme de la production de l'os ; nous ver- rons plus tard quel est le mécanisme de la production du périoste. CHAPITRE VIII. . Action de la garance sur les dents. SI. Je n'ai parlé, dans les précédents chapitres de cet ouvrage : que de l’action de la garance sur les os; je vais m'occuper, dans celui-ci, de l’action de la garance sur les dents. L'action de la garance sur les dents a été peu étudiée; cependant Belchier Pavait déjà remarquée. « En examinant ces os (les os des DES OS ET DES DENTS. 379 « porcs soumis à l’usage dela garance), j'observai, dit-il, que les par- « Lies les plus solides sont en général les plus colorées, et ez2 parti- « culier les dents, excepté l'émail, qui est d’une substance diffé- « rente”. » Duhamel ne dit rien de l’action de la garance sur les dents; mais Fougeroux supplée à cet oubli. « Les racines des dents, dit-il, sont de vrais os.....; et la garance « a fait connaître à M. Duhamel que ces os se forment par des « couches qui se recouvrent les unes les autres, et qu'on peut « comparer à des gobelets qu'on mettrait les uns dans les au- « tres *. » J. Hunter a vu également la coloration des dents par la garance, et il a remarqué de plus, comme Belchier, que la seule partie osseuse se colore et non l’énal. Enfin, M. Blake, qui, comme Belchier, comme Duhamel, comme J. Hunter, a vu la coloration de la partie osseuse de la dent, croit pouvoir avancer que l'émail se colore aussi jusqu’à un certain point. Voici commentil s'exprime : Dentes possideo ex porcellis, tempore quo reipsa formabantur dentes, desumptos, in quibus pars ossea colore rubro vividissime rubia inficitur ; cortex vere striatus , quamvis certe quodammodo tinctus, longe alium colorem ex- hüibet *. $ IT. Le fait de la coloration des dents par la garance est donc connu, ! Trans. phil. ann. 1736. * Mémoires sur les os, réunis par Fougeroux, pag. 47. 5 Nat. hist. ofthe teeth, pag. 35. 4 De dentium formatione et structura, etc. pag. 118. 380 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT du moins d’une manière vague. Mais on n’a pas suivi la marche de la garance dans la dent; mais on ne s’est pas servi de cette #7arche pour suivre le développement même de la dent; mais on n’a pas connu ce développement, lequel est d'autant plus curieux qu’il est absolument inverse de celui des os. Dans les os, le développement se compose de deux faits: la sur- addition de lames externes et la résorplion de lames internes. Dans la dent, il y a aussi suraddilion et résorplion de lames distinctes; mais, à l'inverse de los, la suraddilion se fait par la face interne, et la résorplion par Ja face externe. Le développement des dents et celui des os suivent donc une marche inverse, et c’est là ce que montrent les pièces représentées dans la Planche IX. 6 IN. La pièce n° 1 est une dent molaire d’un jeune porc, lequel a été soumis au régime de la garance’ pendant quinze jours. Cette dent a été scice par le milieu*?, et lon y voit deux couches distinctes : une interne rouge et une externe blanche. La couche externe, la couche blanche, est la partie de la dent qui s'était formée avant que lanimal fit usage de la garance; c’est la partie ancienne. La couche interne, la couche rouge, est au con- traire la partie qui s’est formée pendant Pusage de la garance; c’est la partie nouvelle, la partie qui est formée après l’autre. Les dents croissent donc par couches internes. La pièce n° 2 est une dent molaire d’un jeune porc qui, après * Garance mélée à la nourriture ordinaire. Voyez les précédents chapitres. * Comme toutes les dents qui suivent. C'est le seul moyen de mettre à jour la disposition relative des couches. DES OS ET DES DENTS. 381 quinze jours du régime de la garance, à été remis à la nourriture ordinaire pendant vingt jours. Et lordre des couches est ren- versé. Dans la dent précédente, la couche blanche est externe et la rouge interne. [ci, au contraire, c’est la couche rouge qui est ex- terne et la couche blanche qui est interne ; et c’est en effet la cou- che rouge qui estici ancienne, celle qui s’est formée pendant l’usage de la garance, tandis que la couche blanche est au contraire la couche nouvelle, la couche qui s’est formée depuis la cessation de l'usage de la garance. Selon donc que l’animal a fini par l’usage de la garance ou par la nourriture ordinaire, la couche interne est rouge ou blanche. La couche formée la dernière, la couche nouvelle, est donc toujours interne, et, par conséquent, c’est donc, encore une fois, par couches internes que les dents croiïssent. La pièce n° 5 est une dent molaire d’un jeune porc qui, après avoir été soumis, comme le précédent, au régime de la garance pendant quinze jours, a été rendu à la nourriture ordinaire pendant un mois. La dent, sciée par le milieu, offre pareïllement , et une couche rouge externe, et une couche blanche interne. Je dis que, dans ces deux dernières dents (les dents n° 2 et 5), la couche rouge est externe. Elle ne l’est pas, absolument parlant; elle ne l’est que relativement à la couche blanche qui s’est formée depuis la cessation du régime de la garance. À parler absolument, la couche rouge se trouve placée, dans ces deux dents, entre deux couches blanches, savoir : la couche blanche formée avant l’usage de la garance, et la couche blanche formée depuis la cessation de l’usage de la garance. Dans les dents qui suivent (c’est-à-dire dans les dents n° 4, 5, 382 RECHERCHES SUR LE DEVELOPPEMENT 6, 7 et 8), la couche rouge est tout-à-fait externe’: la couche blanche primitive, la couche bianche qui s’était formée avant l'usage de la garance, la couche qui est externe dans les deux dents précédentes, cette couche a tout-à-fait disparu *. À mesure que, dans le développement de la dent, il se forme des couches internes, il disparait donc des couches externes. La pièce n° 4 est une dent molaire d’un jeune porc qui, après un mois du régime de la garance, a été rendu à la nourriture or- dinaire pendant un mois et demi; et la couche rouge est déjà plus mince, par rapport à la couche blanche, que dans la pièce n° 3. La pièce n° 5 est une dent molaire d’un jeune porc qui, après un mois du régüne de la garance, a été rendu à la nourriture ordinaire pendant trois mois; et la couche rouge, la couche ancienne, tou- jours comparée à la couche nouvelle, à la couche blanche, est en- core plus mince. Enfin, la pièce n° 6 est la dent molaire d’un jeune porc qui, après un mois du régwne de la garance, a été rendu à la nourriture or- dinaire pendant six mois; et la couche rouge, la couche ancienne, est plus mince encore. J'ai déjà dit que dans ces trois dernières dents la couche blanche primitive , la couche blanche formée avant l'usage de la garance, a totalement disparu. Je viens de dire, en outre, que dans ces trois dents (les dents 4, 5 et 6) la couche blanche interne se montre de plus en plus épaisse. C’est qu’en effet, et comme je viens de le dire aussi, animal auquel chacune de ces dents se rapporte a survéeu de plus en plus longtemps à la cessation du régime de la garance. L'animal auquel se rapporte ! Ou à très-peu près. * Ou à très-peu près. DES OS ET DES DENTS. 383 la dent n° 4 a survécu au régime de la garance pendant un mois et demi; celui auquel se rapporte la dent n° 5, y a survécu trois mois; et celui auquel se rapporte la dent n° 6, y a survécu six mois. A mesure donc qu’il se forme de nouvelles couches par la face interne de la dent, par la face qui répond au bulbe , il en dis- parait d’autres par la face externe, par celle qui répond à l'émail. Mais ce qu’il importe de bien remarquer ici, c’est que tout cela n’est vrai que de l’zvorre ou de la partie osseuse de la dent. C’est cette partie osseuse seule qui se colore. L’érnail ne se colore point; il reste blanc; il ne rougit pas, et c’est ce qui se voit avec évidence sur toutes les pièces de la Planche que je décris. 6 IV. De tout ce qui précède, il suit : 1° Que les dents croissent comme les os, par couches distinctes et juxta-posées. 2° Que dans le développement des dents, comme dans celui des os, il y a tout à la fois suraddition de lames par un côté et résorp- tion de lames par l’autre. 3° Que cette surdddition et cette résorplion se font dans la dent en sens inverse de ce qui a lieu dans los : la suraddilion, qui est externe dans los, étant interne dans la dent, et la résorplion, qui est interne dans l’os, étant externe dans la dent. Et 4 que la seule partie de la dent qui se colore est la partie osseuse. L’énail ne se colore point. ÿ V. Je passe à un autre objet. Tout le monde connait les belles ex- périences de Hérissant, lequel, plongeant un os dans un acide mi- 384 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT néral, dépouilla le premier cet os' de toute la partie morte, de toute la partie terreuse , et restitua la partie vivante, le cartilage primitifet flexible?. La pièce n° 13 est une dent qui, après avoir été colorée par la garance, a été plongée dans de Vacide hydrochlorique étendu d’eau. L’acide a enlevé tous les sels terreux de la dent; il ne reste que le cartilage pur et flexible; et cependant la,coloration n’a pas entière- ment disparu. La même chose arrive aux os colorés, lorsqu'on les plonge dans de l'acide Aydrochlorique très-étendu; ils conservent leur coloration , du moins en partie; ilsne la perdent totalement que dans acide très- concentré. j Maisje reviens à la dent, et à la manière dont l’acide y dépouille le cartilage des sels terreux , je reviens à ce développement que j'ai fait connaitre, inverse pour la marche, quoique au fond le même, comparé à celui de l'os, et, je le demande, tout cela ne prouve-t-il pas que ceux qui pensent que toute la partie solide de la dent, que toute la dent proprement dite, est une partie morte, ne se font pas une idée juste des choses ? ÿ VI. M. Cuvier, qui, dans ses belles études sur les dents de Pélé- phant, a trés-bien saisi la marche des couches de dedans en de- hors, n’y voit, pour me servir de ses expressions, qu'un e- boilement, qu'un enclavement mécanique *. 1 Soit un os proprement dit, soit la partic osseuse des dents. * Hérissant : Mém. de l'Académie des Sciences. 1758. * Recherches sur les ossements fossiles, t. 1, pag. 57, 3° édition. DES OS ET DES DENTS. 385 € La substance osseuse, dit-il, n’a de commun avec les os ordi- « naires que sa nature chimique, consistant également en gélatine et « en phosphate calcaire; mais elle ne leur ressemble ni par son « tissu, ni par sa manière de se déposer, ni par celle de croitre'. » Or, tout le monde voit que toute cette théorie du développement mécanique des dents est en opposition formelle avec les faits qui viennent d’être décrits, et qui sont représentés dans la Planche IX. On voit que la substance osseuse de la dent ressemble aux os par son lissu, par sa manière de se déposer, par sa manière de croitre. On voit qu’elle se forme dans un Premier noyau cartilagi- neux, lequel est successivement pénétré par des molécules ter- reuses; qu'elle croët par un mouvement général et simultané de loules ses parties’. On voit enfin que cette substance osseuse est un véritable os ; qu'elle doit en porter le nom, et que l'opération qui la durcit est une ossificalion réelle. La théorie mécanique de M. Cuvier, théorie qui ne suppose dans la partie osseuse de la dent que de simples couches terreuses, que de simples couches mortes transsudées par le noyau pulpeux, n’est donc pas exacte. La théorie organique, proposée par M. Owen, et qui explique la formation de la partie osseuse de la dent par l’ossifr- calion mème du noyau pulpeux *, me parait la vraie. La formation de la substance osseuse des dents est donc une véritable osst/ication , qui se fait dans un véritable cartilage, lequel se forme aux dépens des lames du bulbe ou du noyau -pulpeux, le- quel est successivement pénétré par les rrolécules terreuses € : Ibid. pag. 36. * Par un double mouvement vital de suraddition et de résorplion. * Voyez les Comptes-rendus des séances de l'Académie des sciences : séance du 16 dé- cembre 1839, p. 784. Aneuves pu Muséum, Tome Il. 49 386 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT subsiste même sous ces molécules terreuses, puisque les acides, en le dépouillant de ces molécules, le reslituent ou le rendent à son état primitif et flexible. $ VIE Je dis que le cartilage de la dent se forme aux dépens des lames du bulbe ou du noyau pulpeux. Et ce fait me parait démontré par la pièce n° 16 de la Planche IX. On voit sur cette pièce plusieurs lames de la dent, qui sont osseuses à leur sommet, cartilagineuses à leur partie moyenne, et gélatineuses, ou de la substance même du noyau pulpeux , à leur base’. Le noyau pulpeux est donc à la dent ce que le périoste est à l'os. Il produit la dent comme le périoste produit los, par une suite de transformations. Il se transforme d’abord en cartilage; et ce cartilage se transforme ensuite en os. $ VEIL. Je termine ce chapitre par l'examen d’un autre point de la structure des dents. M. Cuvier a cru voir entre l’émail et la partie osseuse des dents, une membrane particulière. « I faut remarquer, dit-il, qu'entre la prétendue substance 1 Ceci décide tout. La même lame ( car l'ossification va toujours du sommet de chaque lame à sa base) est gélatineuse, est noyau pulpeux à sa base, cartilagineuse à sa partie moyenne, osseuse à son sommet. D’autres lames, moins avancées, sont gélatineuses à leur base et carti- lagineuses à leur sommet. Il n’y a donc pas exsudation, excrétion de la partie osseuse de la dent par le noyau pulpeux, mais véritable durcissement, véritable ossification des lames mêmes du noyau pulpeux. DES OS ET DES DENTS. 387 « osseuse et l’émail il y a encore une membrane très-fine que je « crois avoir découverte. Lorsqu'il n’y a encore aucune partie de « la première substance de transsudée, cette membrane enveloppe « immédiatement le petit mur gélatineux, et le serre de très-près. « À mesure que ce petit mur transsude cette substance, il se ra- petisse, se retire en dedans et s'éloigne de la membrane, qui lui « sert néanmoins toujours de tunique, mais de tunique commune à « lui et à la matière qu'il a transsudée sous elle. « L’émail, de son côté, est déposé sur cette tunique par les pro- « ductions de la lame interne de la capsule, et il la comprime tel- « lement contre la substance interne ou osseuse qu’elle sépare « de lui, que bientôt cette tunique devient imperceptible dans les « portions durcies de la dent, ou du moins qu’elle n’y parait que « sur la coupe, comme une ligne grisâtre fort fine qui sépare l’émail « de la substance interne. Mais on voit toujours alors que c’est elle « seule qui attache ces parties durcies au fond de la capsule; car « sans elle il y aurait solution de continuité’. » [( # fix Voilà ce que dit M. Cuvier. Mais : 1° Lorsqu'il ry a encore aucune partie de la substance osseuse de transsudée, je n’ai jamais vu de membrane qui erveloppät immédiatement le petit mur géla- lineux. Et 2° lorsque la substance osseuse est formée, lorsque l'émail est déposé, la prétendue ligne grisätre fort fine qui se voit sur la coupe m'a toujours paru n'être que le simple effet d’une #/usion optique * Recherches sur les ossements fossiles , t. 1, p. 33 (3° édition). 388 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT due à la direction différente, d’une part, des fibres de la substance osseuse, et, de l’autre, des brins de l’émail. À moins donc que je ne me trompe, la membrane particulière de M. Cuvier n'existe point. Mais il ne faut pas croire pour cela qu’il y ait solution de continuité entre le noyau pulpeux et les parties durcies de la dent. Les parties durcies de la dent ne sont dues, comme je viens dele dire , qu’à l’ossification, qu'au durcissement des lames mêmes du noyau pulpeux. Les parties durcies de la dent ne sont que les lames memes du noyau pulpeux durcies où devenues dures. Il y a donc toujours continuité entre les parties durcies de la dent et les lames du noyau pulpeux. D'un autre côté, les lames du noyau pulpeux vivent ; elles reçoivent des nerfs, des vaisseaux; ces lames, en s’ossifiant, restent cartilagineuses comme celles de los : en un mot, la partie osseuse de la dent est os, se forme comme Pos, vit comme l'os; elle a son périoste dans le zoyau pulpeux; elle a son carlilage, et ce cartilage, permanent comme celui de los, est reslilué, comme celui de Pos, par l’action des acides qui dissolvent et enlèvent Les parties terreuses. CHAPITRE IX. Rôle de la membrane médullaire, ou du périoste interne , dans la Jormation de l'os. SI. Je n’ai considéré jusqu'ici la membrane médullaire, ou le périoste interne , que comme organe de la résorption des os. Mais ce périoste DES OS ET DES DENTS. 389 interne est aussi organe de la formation des os; et c’est ce qu’on a déjà vu par une de mes précédentes expériences *. Dans cette expérience, tout le périoste externe a été détruit sur le tibia d’un canard. Et tout ce périoste externe s’est reproduit. Mais tandis qu’il n’était pas encore reproduit, tandis qu'il n’exis- tait pas encore, l’action formatrice normale* du périoste interne s’est trouvée accrue, et il s'est formé un os nouveau dans l’intérieur de l’os ancien; il s’est formé un os nouveau dans l’intérieur du canal médullaire *. Indépendamment de sa force de résorption , le périoste interne a donc une force de formalion , et cette force de formation devient surtout évidente ( parce qu’elle se trouve alors accrue) quand le périoste externe est détruit. 6 IL. dé J’ai réuni, dans la Planche VITE, une série de pièces ou d’os qui montrent tous les progrès successifs de la formation de l’os nouveau dans l’intérieur de los ancien. Sur tous ces os, le périoste externe a été détruit, tantôt dans toute l'étendue de l'os, et tantôt dans un seul point de los. Or, lorsque le périoste externe a été détruit dans toute l’étendue de los, il s’est formé un nouvel os dans tout l’intérieur du canal mé- dullaire; et lorsque le périoste externe n’a été détruit que sur un 1 Voyez ci-devant, chap. IV, p. 353. * Le périoste interne a, en effet, une action formatrice normale, laquelle produit et repro- duit sans cesse le tissu intérieur ou spongieux de l'os. C'est ce qui sera démontré dans le chapitre suivant. 5 Voyez les fig. 14 et 15 de la planche V. 390 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT point de l'os, il ne s’est formé un nouvel os que sur le point cor- respondant de l’intérieur du canal médullaire. 6 III. La pièce n° 1 ‘est la moitié du tibia gauche d’un canard. L'animal n’a été soumis à aucune expérience, l’os n’a subi aucune opération, et le canal médullaire est, par conséquent, à l’état normal. On voit dans ce canal médullaire, très-large, une membrane médul- laire (ou périoste interne) très-développée. Cet os & l’élat normal est placé ici pour servir de terme de comparaison relativement aux os qui suivent, os dans lesquels le canal médullaire se montre de plus en plus obstrué par un os nouveau. Les pièces n° 2 et 5 sont les deux moitiés du tibia droit d’un canard. Le périoste externe n’avait été détruit que sur la portion moyenne de los. Aussile canal médullaire ne commence-t-il à s’oblitérer, par suite d’une nouvelle production osseuse, que dans le point corres- pondant à la région moyenne. L'animal a été tué six jours après l’opération. Il faut étudier sur les deux pièces que je décris ici le périoste ex- terne à la région moyenne de los, c’est-à-dire à la région même où il avait été détruit et où il s’est reproduit. On voit là ce périoste nouveau très-gonflé, très-développé, comme le périoste l’est toujours lorsqu'il est nouveau, et surtout lorsqu'il est nouvellement reproduit. On Py voit, de plus, détaché de l'os ancien, auquel il ne tardera pas à se rattacher. À. l’intérieur de los, on voit (toujours à la région moyenne) le ! Cetos, comme tous ceux de cette planche, est scié en long. DES OS ET DES DENTS. 391 canal médullaire qui commence à s’oblitérer par l'accroissement en épaisseur des parois de l’os ancien. Je dis accroissement en épaisseur : Vos nouveau qui, dans les expériences qui m’occupent en ce moment, se forme dans le canal médullaire de los ancien, se forme toujours en effet par couches ré- gulièrement déposées sur la face interne de l'os ancien. Les parois de cet os ancien ne font ainsi que s’accroitre en épaisseur. Enfin, par-delà la région moyenne, c’est-à-dire en allant de cette région moyenne vers chaque extrémité de los, on voit le canal mé- dullaire à l’éfat normal, avec toute sa largeur ordinaire, avec sa membrane médullaire complétement développée. Les pièces 4 et 5 sont les deux moitiés du tibia droit d’un canard. Le périoste a été détruit partout, hors à la région supérieure de l'os, et le canal médullaire est à peu près oblitéré partout, hors à sa région supérieure. L'animal a survécu sept jours à l’expérience. Les pièces 6 et 7, les pièces 8 et 9 reproduisent, à quelques légères différences près, les faits que je viens de décrire sur les pièces 4 et 5, 2 et 3. 6 IV. Ainsi donc, d’une part, la destruction du périoste externe est toujours suivie de l’oblitération du canal médullaire par suite d’une production osseuse nouvelle; et, d’autre part, les points oblitérés du canal répondent toujours par leur position à la position des points du périoste externe détruits. 392 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT ÿ V. La membrane médullaire de los, le périoste interne, a donc une force propre de formation; et, comme je le disais en commen- çant ce chapitre, cette force est surtout évidente (parce qu’elle se trouve alors accrue) quand on a détruit le périoste externe. Deux forces concourent donc à la formation de l'os : la force du périoste externe , et la force du périoste interne. Dans l’état normal, dans l’état ordinaire, l’action de chacune de ces deux forces garde ses limites propres : le périoste externe produit ou répare sans cesse l’os extérieur ; le périoste interne pro- duit ou répare sans cesse’ l’os intérieur, le tissu spongieux de l'os. Dans l’état ordinaire, il se fait donc une sorte de contrebalance- ment entre ces deux forces. Mais si l’on détruit le périoste interne, la force, dès-lors accrue et seule en action, du périoste externe produit tout un os nouveau à l'extérieur de Vos ancien ; et si l’on détruit, au contraire, le périoste exlerne, la force, dès-lors accrue et seule en action, du périoste interne produit tout un os nouveau à l’intérieur de Vos ancien. $ VI. Le périoste interne, la membrane médullaire, a donc une force formatrice ou de production. Nous venons de voir cette force portée à son plus haut degré d’action; nous la verrons, davs le chapitre qui suit, à l’état normal. ! Comme on le verra dans le chapitre suivant. DES OS ET DES DENTS. 303 CHAPITRE X. Formation du tissu spongieux de l'os ou de la portion interne de l'os. SI. La formation de la portion extérieure de l'os, de la portion qui répond au périoste externe, est maintenant connue. Mais, outre l’os proprement dit , il y a Le tissu spongieux de l'os; il y a ce 4ssu, cette portion d’os qui est séparée du périoste externe par toute l’épaisseur de los existant. Or, cette portion d’ostout-à-fait intérieure ne peut évidemment ni se former ni se reproduire par le périoste externe. Quel est donc l’or- gane par lequel elle se forme et se reproduit? Cet organe (les ex- périences contenues dans le chapitre précédent le font assez pres- sentir), cet organe est le périoste interne. 6 IL. Quand on soumet un animal à l’usage de la garance, outre le cercle rouge extérieur, lequel entoure l'os, il se fait encore une coloration interne : tout le tissu intérieur, tout le tissu spongieux de l'os se colore. Il y a donc ainsi deux colorations : l’une externe et l’autre interne , l’une qui colore los proprement dit, l’autre qui colore le tissu spongieux de los. Duhamel et J. Hunter ne parlent que de la coloration extérieure, que du cercle externe; la coloration inté- rieure parait avoir échappé à leur attention. Pour moi, j'observais depuis longtemps cette coloration interne Arouives pu Muséum, Tome Il. 50 394 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT sans pouvoir me rendre compte de sa formation, lorsque tout à coup les faits que j'ai rapportés dans le chapitre qui précède vinrent m'éclairer d’un jour nouveau, et, en me dévoilant la force for- matrice du périoste interne, me montrer dans ce périoste même l'organe producteur de tout le tissu spongieux de los, de tout l'os interne. $ III. La Planche X réunit plusieurs pièces où se voient très-distincte- ment les deux colorations rouges, l’externe et l’interne : l’externe, placée dans la portion d’os qui dépend du périoste externe; et l’in- terne, placée dans la portion d’os qui dépend du périoste in- terne. La pièce n° 6 est une portion de l’un des humérus d’un jeune porc qui a été tué après avoir été soumis pendant un mois au régime de la garance. Cette portion d’humérus, vue sur la coupe, offre très-nette- ment : 1° Un cercle rouge extérieur complet ; 2° Un cercle blanc placé sous le cercle rouge et d’une épaisseur à peu près double; 3° A l’angle antérieur et aigu de l'os, une certaine masse de tissu spongieux rouge. Presque tout le reste de l’intérieur de l’os est blanc. La pièce 1 est un radius de porc. Ce radius, vu par sa face ex- terne, offre une certaine portion d’os restée blanche :. ‘Il y a toujours certaines portions de l'os qui restent blanches. Voyez, plus particu- lièrement, ces portions blanches sur les os représentés dans la Planche JIT. DES OS ET DES DENTS. 395 La pièce 2 est ce même radius scié en travers. Vu sur la coupe, il offre tout un côté de l'os resté blanc dans toute son épais- seur. La pièce 4 est une portion de l’humérus d’un porc qui, après un mois et demi environ du régime de la garance, a été rendu à la nourriture ordinaire pendant quarante jours. On y voit, au-dessous d’une couche blanche, un cercle rouge extérieur complet, puis un cercle blanc, puis, à l'angle antérieur de l'os un commencement de cercle rouge tout-à-fait interne. Ce commencement de cercle rouge interne a son siége dans le tissu spongieux. Une couche de tissu compacte et blanche, sépare même, en ce point, le cercle rouge externe complet du commencement de cercle rouge interne. La pièce n° 10! est une portion d’un os du canon d’un chevreau qui a été soumis au régime de la garance pendant un mois. L’os qui, primitivement, était double, comme on sait, a encore sa cloison intermédiaire. On voit sur la coupe deux cercles rouges complets : lun tout-à-fait externe, l’autre tout-à-fait interne ; entre les deux cercles rouges, très-minces, est un cercle blanc beaucoup plus épais. Le cercle rouge, interne et complet, se voit encore très-net- tement sur la pièce n° 25. Cette pièce est une portion de l’un des deux radius d’un autre che- vreau. L'animal avait été soumis également au régime de la garance pendant un mois. ! Toutes ces pièces ou portions d’os ont été sciées en travers. 396 RÉCHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT 6 IV. Les trois pièces que je vais décrire” offrent un intérêt d’un genre nouveau. Ces trois pièces appartiennent au tibia droit d’un cochon d’Inde. Sur ce cochon d'Inde, la membrane médullaire du tibia droit a été détruite, et puis l’animal a été soumis au régime de la ga- rance pendant douze jours. Au bout de ce temps, il a été tué. Le tibia, soumis à l'expérience, m'a offert : 1° à l’extérieur, un os nouveau entièrement rouge, et 2°, à l’intérieur, l’os ancien for- mant séquestre et entièrement blanc. Les pièces 11 et 12 * sont les deux moitiés du tibia nouveau. Ces deux moitiés sont rouges. La pièce 13 est l’os ancien, l’os qui formait séquestre dans l'os nouveau ; et cet os ancien est entièrement blanc. ÿ V. Je conclus des faits rassemblés dans ce chapitre : 1° Que lorsqu'on soumet un animal au régime de la garance, il se produit, du moins dans la plupart des cas’, un cercle rouge à l'intérieur, comme il s’en produit un à l'extérieur ; 2° Que la formation du cercle rouge intérieur tient à la formation même du tissu spongieux de los; ! Savoir, les pièces 11, 12 et 13. ? Toujours de la Planche X. $ Je dis dans la plupart des cas; car souvent la coloration interne est très-incomplète , ou même ne paraît pas. DES OS ET DES DENTS. 397 Et 3° que le périoste interne, ou membrane médullaire, est lor- gane producteur des formations osseuses internes. 6 VI. J'ajoute que l’on voit ici, par les pièces 13, et 14, que los mort ne se colore point. Le séquestre, dans ces pièces, est en- tièrement blanc. Il est entièrement blanc, et évidemment il doit l’être. Car com- ment se serait-il coloré? il a perdu ses deux périostes', et, en perdant ses deux périostes, il a perdu, comme nous avons vu”, ses deux circulations, l’interne et l’externe. CHAPITRE XI. Expériences mécaniques concernant le développement des os en grosseur. LE Les expériences faites avec la garance nous ont appris que les os se développent en grosseur par couches successives et superposées. Les expériences que je vais décrire sont, relativement à ce point, plus décisives encore. L'interne, puisque, dans l'expérience dont il s’agit, il a été détruit ; et l’externe, puisque, comme nous l'avons vu, il se détache toujours de l'os, quand le périoste interne a été détruit. * Voyez ci-dessus, chap. VI, pag. 369. 3 Voyez le chapitre II de cet ouvrage, p. 324. 398 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT 6 IL. Jai rapporté, dans le chapitre IT de cet ouvrage‘, une belle expé- rience de Duhamel. Duhamel entoura d’un fil d'argent le tibia d’un jeune pigeon. Au bout de quelque temps, l'anneau de fil d'argent, qui d’abord entou- rait os, se trouva entouré par los et contenu dans le canal médul- laire. Les expériences qui suivent ont été faites à limitation de celle de Duhamel. J'ai entouré d’un fil de platine divers os longs sur plusieurs animaux, sur des chiens, des lapins, des cochons d'Inde, etc. ; et voici ce que j’ai observé. 6 IL. La pièce n° 19 de la Planche X est le tibia droit d’un jeune lapin*. Sur cet animal, on a d’abord entouré le tibia d’un fil de pla- tine, placé immédiatement sur le périoste. On a laissé ensuite l’a- nimal survivre pendant vingt-huit jours à l’expérience. Après ces vingt-huit jours, il a été tué. On voit, à peu près vers le milieu de l'os, l'anneau de fil de platine; et l’on voit de plus que cet anneau, dans certains points recouvre ce qui reste encore du périoste ancien, et, dans d’autres points, est recouvert par un périoste nouveau. Aïnsi, et c’est là le premier point à noter, le périoste qui se ! Voyez ci-devant, p. 330. + Les lapins sur lesquels ont été faites ces expériences , étaient âgés d’un mois et demi à deux mois. DES OS ET DES DENTS. 399 forme, se forme par-dessus celui qui est déjà formé; le périoste nouveau se forme par-dessus l’ancien. 6 IV. La pièce n° 20 est Le tibia droit d’un second lapin opéré le même jour que le précédent, mais qui n’a été tué que trente-huit jours après l’expérience. Ici, non-seulement l'anneau de platine est recouvert tout entier par le périoste, mais il est recouvert, de plus, dans une certaine éten- due, par une couche osseuse. Ainsi, et c’est là le second point à noter, le nouvel os, l'os qui s'est formé depuis l'application de l'anneau, ce nouvel os s’est formé par-dessus l'anneau; encore une fois, los se forme donc par couches externes et superposées. 6 Y. La pièce ne 21 est le tibia droit d’un troisième lapin opéré le même jour que les deux précédents, mais qui a survécu qua- rante-trois jours à l'expérience. L’anneau de platine est déja recouvert, et dans une étendue déjà plus grande que sur la pièce n° 20, par de nouvelles couches osseuses”. 6 VI. Enfin, les trois pièces qui suivent (les pièces 22, 23 et 24) appar- tiennent au tibia d’un quatrième lapin. 1 Ces couches sont seulement un peu plus minces que sur la pièce précédente. Je l'ai déjà dit : la rapidité de l'ossification , même à égalité d'âge, varie toujours un peu d'un individu à un autre. {00 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT La pièce n° 24 est le tibia entier. L'animal a survécu cinquante- trois jours à l'expérience. Aussi l'anneau de fil de platine est-il re- couvert par une portion d'os nouveau, beaucoup plus étendue et beaucoup plus épaisse que sur les deux derniers lapins. Les pièces n° 22 et 23 sont les deux moitiés du tibia qui vient d’être décrit. L’os, après avoir été représenté dans la figure 24, a été scié en long. Où voit, sur la coupe de chaque moitié, le bout de l’anneau qui a été scié avec l’os. Les pièces 16, 17 et 18 appartiennent au tibia droit d’un cochon d'Inde. Los a été entouré d’un fil de platine. Cela fait, l'animal a été soumis immédiatement au régime de la garance; le vingt-quatrième jour de l'expérience, il a été tué. La pièce 18 est le tibia entier. Tout l’anneau est déjà recou- vert par de nouvelles couches osseuses. Les pièces 16 et 17 sont les deux moitiés de l’os scie en long. On voit, sur la coupe de chaque moitié, et à peu près dans le milieu même de lépaisseur de l'os, les bouts de l’anneau qui a élé scié avec l'os. 6 VII. On ne peut plus, ce me semble, conserver aucun doute : l'expérience faite avec un fil métallique parle comme l’expérience faite avec la garance. Le nouvel os, l’os qui n'existait pas lorsque l’anneau a été placé, se forme par-dessus l'anneau ; l'os se forme donc par couches externes et superposées. Une seule objection pourrait être faite, et cette objection nous ramènerait à l’idée de Duhamel. DES OS ET DES DENTS. 4o1 Duhamel ayant vu, dans cette belle expérience que je reproduis ici par les miennes, l’anneau qui d’abord recouvrait los, recou- vert ensuite par los, supposa que les fibres de l'os ez s'étendant, s'étaient rompues vis-à-vis l’anneau, et qu'après s’être rompues, elles s'étaient rejointes. Il suffit d’examiner avec quelque soin les pièces que je viens dé décrire, et particulièrement les pièces n° 20, 21 et 24, pour se con- vaincre qu'il n’y a eu ni exfension, ni ruplure, ni rejonclion des fibres osseuses. Sur ces trois pièces, on voit l'os, dans les endroits où il est en- core recouvert par l’anneau , parfaitement lisse, poli, sans aucun in- dice de rupture quelconque; et, dans les endroits où il est déjà recouvert par des lames osseuses, on voit que ces lames sont de formation nouvelle. Mais enfin, comme l’objection que j’examine en ce moment est la seule qui puisse être faite, J'ai eu recours à des expériences qui me paraissent la résoudre d’une manière encore plus complète. ÿ VIIL. Voici quelles ont été ces expériences. En même temps que j’entourais, sur un animal, un os long d’un anneau de fil de platine, je faisais sur ce même animal lamputation de los correspondant du côté opposé, et cet os du côté opposé qui devait me servir de terme de comparaison, était conservé. Puis l’animal était abandonné à lui-même, et tué au bout d’un temps plus ou moins long. Or, les résultats que m’ont donnés ces nouvelles expériences ne font que reproduire les résultats que m’avaient donnés toutes les autres. Il est donc prouvé que l'os ne se distend point, qu'il ne se Arcuives pu Muséum, Tome II. 51 402 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT rompt point, et que tout l’os nouveau se forme par-dessus Vos an- cien. 6 IX. La pièce n° 14* est le tibia droit d’un cochon d’Inde. Ce tibia a été entouré d’un fil de platine. En même temps on a amputé le tibia du côté opposé, et ce tibia opposé a été con- servé. Il forme ici la pièce n° 15. L'animal ainsi opéré a survécu douze jours à l’expérience ; et pen- dant ces douze jours, il a été soumis au régime de la garance. Au bout de ces douze jours il a été tué. La portion À du tibia représenté dans la fig. 14, est la portion supérieure de Pos. À l’endroit marqué de la lettre a, est un bourrelet ou renfle- ment circulaire formé par l’os nouveau; et, depuis la tête de los jusqu’à ce bourrelet, tout est rouge. Où finit ce bourrelet se trouve l’anneau de platine. Enfin six ou huit millimètres au-dessous de l’anneau, los a été rompu de ma- mière à laisser voir los ancien, qui est parfaitement blanc. Sur cette pièce, on voit donc tout l’os nouveau, marqué par ce qui est rouge, et tout l’os ancien, marqué par ce qui est blanc. Or, que l’on compare l'extrémité de la portion blanche de cette pièce, c’est-à-dire extrémité de l’os ancien, avec l’extrémité de la por- tion À de la pièce 15, pièce qui est Le tibia du côté opposé”, et l’on trou vera que le diamètre de ces deux extrémités est exactement le même. Que l’on examine encore la portion B du tibia représenté dans la * Toujours de la planche X. ? Tibia qui, comme je l'ai déjà dit, a été amputé au moment même où celui-ci a été en- touré d’un anneau, et qui a été conservé. . DES OS ET DES DENTS. 403 fig. 14, et l’on y trouvera une nouvelle preuve, et non moins pé- remptoire, de la zon-rupture, de la non-extension de l'os. Cette portion B est la portion inférieure du tibia. Au point marqué b, on a détaché, à dessein, les couches supé- rieures de los. Ces couches supérieures, rouges et plus tendres, sont tout ce qu'il y a eu d’os formé depuis l’application de l'anneau, depuis le régime de la garance. L’os qui se voit au-dessous est plus dur et il est blanc; et le dia- mètre de cet os blanc est le même que celui du point correspondant, que celui du point à de la portion B dutibia du côté opposé !, du tibia représenté dans la fig. 15. 6 X. Ainsi, dans cette expérience, tout l’os nouveau est parfaitement distinct de tout l’os l’ancien. Tout los nouveau est rouge, tout los ancien est blanc. Tout l’os nouveau est tendre, tout l’os ancien est dur. Tout l’os nouveau est par-dessus l'anneau, tout l’os ancien est par-dessous l’anneau. Enfin, cet os ancien a le même diamètre que los du côté opposé, lequel a été amputé le même jour qu’on entourait celui-ci d’un anneau, et offre par conséquent un terme de comparaison sûr. 6 XI. Or, si, d’un côté, le diamètre de l'os ancien, lequel se reconnait et à sa couleur, et à ce qu'il est entouré par l’anneau, est le même que * Lequel, comme je l'ai déjà dit, a été amputé au moment où l’on entourait d'un anneau le tibia représenté dans la fig. 14. 404 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT celui de l'os amputé, cet os ancien ne s’est donc point élendu; n’y a donc point eu extension de ses lames. Et si, d’un autre côté, il y a par-dessus cet os ancien, et dont l’anneau qui l’entoure marque la limite propre, sil y a, dis-je, par- dessus cet os ancien des couches osseuses qui sont plus tendres, des couches qui sont rouges, comme le demande le dernier régime auquel l'animal a été soumis, n'est-il pas évident que ces couches plus tendres, que ces couches rouges, que ces couches placées par-dessus la portion d’os entourée de lanneau, que ces couches placées par-dessus l'anneau, sont les couches nouvelles? L’osse forme donc par couches, par couches externes, par couches superposées. CHAPITRE XI. Expériences mécaniques concernant le développement ides os en longueur. 6 I. J’ai rapporté dans le chapitre IT de cet ouvrage deux belles ex- périences, l’une de Duhamel, l’autre de J. Hunter. Duhamel perça le tibia d’an jeune poulet de plusieurs trous. Au bout d’un certain temps, l’os s'était allongé, mais il ne s’était allongé que par ses extrémités : la position relative des trous n'avait point changé. J. Hunter fit sur le tibia d’un jeune cochon deux trous. Au bout d’un certain temps, l’animal s'était beaucoup accru ; son tibia s'était notablement allongé; mais la distance entre les deux trous était restée la même. » A: DES OS ET DES DENTS. 4oÿ $ II. J'ai pratiqué sur le tibia de plusieurs lapins deux trous. L’intervalle entre ces deux trous a été mesuré très-exactement. Et, en même temps que je perçais ainsi le tibia d’un côté de deux trous, j'amputais le tibia du côté opposé, et je le conservais pour que, lorsque le moment en serait venu, il pût me servir de terme de comparaison. 6 III. La pièce n° 2 de la Planche XI est le tibia gauche dun lapin. Ce tibia a été détaché du corps par amputation le jour même où l’on pratiquait deux trous, à intervalle exactement mesuré, sur le tibia droit. La pièce n° 1 est le tibia droit. Aux pointsmarqués a, a, se voient les deux trous dont je parle et les petits clous d’argent que jy avais enfoncés. L'animal a survécu vingt-huit jours à l'expérience. Or, quand lexpérience a été faite, il y avait entre les deux trous vingt-deux millimètres de distance; et au moment où l'animal a été tué, il n’y avait entre les deux trous que vingt-deux millimètres de distance. L’intervalle entre les deux trous était donc resté le même. Et cependant animal s’était sensiblement accru; le tibia, en par- ticulier, s'était allongé de douze millimètres. Le tibia n° 2 offre la longueur au moment de l’expérience. Cette longueur est de soixante-huit millimètres. 406 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Le tibia n° 1 offre la longueur à la fin de l'expérience. Cette lon- gueur est de quatre-vingt millimètres. 6 IV. La pièce n° 4 est le tibia gauche d’un lapin. Ce tibia a été amputé le jour même où l’on a pratiqué deux trous sur le tibia droit. La pièce n° 5 est le tibia droit. Aux points marqués à,a, sont les deux trous, et les clous d’argent enfoncés dans ces trous. L’animal a survécu cinquante-trois jours à l’expérience. Au bout de ce temps, le tibia soumis à l’expérience, comparé au tibia amputé, se trouve à peu près d’un tiers plus long. Le tibia amputé au moment de l’expérience a soixante-trois mil- limètres de longueur. Le tibia conservé a, à la fin de l’expérience, quatre-vingt-quatorze millimètres. L’intervalle entre les deux trous était de vingt millimètres au commencement de l’expérience; il est, à la fin de l’expérience, de vingt millimètres. l'UE La pièce n° 6 est le tibia gauche d’un lapin, le tibia amputé au moment de l’expérience. La pièce n° 5 est le tibia droit du même lapin, le tibia soumis à expérience. L'animal a survécu quatre-vingt-sept jours à l'expérience. Le tibia amputé au commencement de l'expérience, a soixante-six millimètres de longueur. Le tibia conservé a, à la fin de l’expérience, cent quatre milli- mètres de longueur. DES OS ET DES DENTS. 407 La différence de longueur entre les deux tibias est donc de trente- huit millimètres, c’est-à-dire de plus d’un tiers. Et cependant l'intervalle entre les deux trous qui, au commence- ment de l’expérience, était de vingt millimètres, est de vingt milli- mètres à la fin de l’expérience. Tout l’accroissement de los s’est fait par de là les trous. 6 VI. Les expériences mécaniques parlent donc encore ici eomme les expériences par la garance. Quand on pratique deux trous sur un os et qu’on laisse l’animal survivre pendant un certain temps à Pexpé- rience, l'intervalle entre ces deux trous reste le même, et cependant Vos s’allonge. L’os ne s’allonge donc que par ses extrémités: il ne croit en longueur que par couches terminales et juxta-posées. CHAPITRE XI. Mutation continuelle de la matière. SI. Une seule opinion régnait, avant Duhamel, touchant le mécanisme de l'accroissement des parties. On supposait que les molécules nouvelles s’interposaient entre les molécules anciennes, et que, en s’interposant entre ces molécules, elles les écartaient les unes des autres : de là même suivait l’ac- croissement total, l'accroissement en tous sens des parties. Or, cette interposition supposée n’a point lieu. Les molécules nouvelles ne s’interposent point entre les molécules anciennes; elles 408 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT se déposent toujours, au contraire, par couches distinctes et sé- - parées. L'action de la garance, qui marque les molécules nouvelles d’un signe particulier et distinctif, démontre aux yeux tout ce méca- nisme. Les couches rouges, c’est-à-dire les couches nouvelles”, ne s’inter- posent point entre les couches blanches, c’est-à-dire entre les cou- ches anciennes; les couches rouges se déposent sur les couches blanches, c’est-à-dire sur les couches anciennes. En un mot, l’os se forme par couches superposées. 6 IL. Duhamel a fait, sur ce point, des remarques pleines de justesse. « Les os sont composés, dit-il, de lames très-minces qui s’enve- « loppent les unes les autres; donc les os ne croissent pas unique- « ment par linterposition du suc nourricier, qui écarte les parties de « los précédemment formé : une telle mécanique produirait une «€ masse et non pas des lames”. » « Siles os, dit-l encore, croissaient uniquement à la façon de « Havers, obtiendrait-on des couches alternativement rouges et « blanches * ? » « Suivant le sentiment de Havers, ditil enfin, les molécules * Je suppose ici que l'animal dont on examine les os, a été tué pendant l'usage de la garance. ‘ IV Mémoire sur les os, p.93. Mém. de l'Acad. roy. des sc. ann. 1743. 3 Il cite particulièrement Havers, parce que Havers est, en effet, un de ceux qui ont le plus fait valoir l'opinion de l'énterposition du suc nourricier. Voyez l'Osteologia nova, ete. de Clo- pton Havers. Francfort, 1692, p. 171......... Illæ particulæ quæ inter extremitates eorum (c'est-à-dire des os) adact@ sunt, dilatant interstitia, ibique hærentes, singulas ossearum parti- cularum series, el consequenter os universum in longum producunt, etc. DES OS ET DES DENTS. 40g « rouges, étant charriées par le suc nourricier, s'interposeraient « entre les molécules blanches, et elles formeraient une mosaique «& très-fine, qui donnerait une teinte rougeâtre à toute la substance « de los, ce qui n'arrive point’. » Tout cela, je le répète, est plein de justesse. L’interposition des molécules ne produirait qu’une mosaïque; elle ne produirait pas des couches superposées. Donc, puisqu'il n’y a pas mosaique , mais couches distinctes et superposées, l’accroissement se fait, non par interposition, mais par superposition. $ III. Et cependant ce même Duhamel qui voit si nettement la syper- position des couches, conserve l’exfension de Havers°. ? Jbid. p. id. Il peut arriver pourtant qu'il se fasse une mosaïque : mais c’est qu'alors, dans une couche osseuse donnée, il y a tout à la fois et des parties formées qui ne rougis- sent pas malgré l'usage de la garance, et des parties non formées qui rougissent. « Je suppose, « dit Duhamel, que, quand on met un animal à l'usage de la garance, une des lames qui com- posent le canal médullaire soit à moitié ou aux deux tiers endurcie ou ossifiée, assurément toutes les molécules déjà ossifiées resteront blanches malgré l'usage de la garance, puisque lesuc colorant n’agit point sur les parties qui sont endurcies précédemment à l’usage de la « garance ; néanmoins cette lame acquerra dans la suite une teinte rouge, car puisque j'ai « supposé que cette lame n’était pas entièrement ossifiée, il faut pour qu’elle acquière toute sa dureté, que des molécules qui n'étaient pas endurcies parviennent à l'être... Ces par- « ticules seront dans le cas de recevoir le suc colorant de la garance, puisqu'elles s'endurcis- « sent pendant que l'animal en usera dans sa nourriture. Voilà donc des particules rouges « qui s'interposeront entre les particules blanches, et qui feront une mosaïque, si fine, à la vérité, que l'œil ne pourra pas distinguer les molécules blanches des molécules rouges, mais « qui donnera à cette lame une teinte rouge plus ou moins forte, suivant qu’il y aura plus « ou moins de parties rouges interposées entre les particules blanches. » IV° Mém. p. 103. # « Le diamètre du canal médullaire augmente, et il augmente sûrement par l'extension des lames osseuses qui forment ce canal.» IV° Mén. p. 108. « Je pense que l'augmentation de grosseur des os, qui dépend de l'élargissement du canal médullaire, est uniquement produite par l'extension des lames osseuses. » 2bid. p.109. Arouives pu Muséum, tome II. 52 « « « a 410 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Chose étrange, il conserve l’extension de Havers, et il nie la cause par laquelle Havers l’explique (et la seule même par laquelle elle puisse être expliquée), c’est-à-dire l’interposition des molécules nou- velles. En effet, l'extension est déterminée, dans la théorie de Havers, par l'interposition des molécules nouvelles; mais par quoi serait-elle déterminée, dans la théorie de Duhamel ? Duhamel ne conserve donc l'extension, cause supposée, que parce qu'il ne voit pas la cause réelle, ou la résorption. La superposition des couches osseuses externes, vue par Duhamel, est le premier fait ; la résorption des couches osseuses internes, vue par J. Hunter’, est le second; ces deux faits réunis donnent tout le mécanisme de l’accroissement des os. 6 IV. Mais si, d’une part, des molécules nouvelles sont incessamment déposées, si, d’autre part, des molécules anciennes sont incessam- ment résorbées, il y a done mutation continuelle de la matière. La mutation continuelle de la matière est le résultat général, et le résultat le plus important, de toutes les expériences de cet ouvrage. 6 V. Je vois, dans mes expériences par la garance, les couches in- ternes de los disparaître; elles sont donc résorbées. Je vois le canal médullaire de l'os s’accroitre; et des expériences sûres me montrent qu'il n’y a point exfension de Vos : il ny a ! Voyez, dans la traduction francaise des OEuvres de J. Hunter par M. Richelot, le chap. VI dut. III. F DES OS ET DES DENTS. 4it point extension de l'os, il y a donc résorphon de l'os; car il faut nécessairement l’une ou l’autre de ces deux choses pour que le canal médullaire s’accroisse, et si l’une n’est point, l’autre est donc. Je vois, dans mes expériences mécaniques, que l’os placé sous lanneau 72e s’élend pas, ne se rompl pas, ne se rejoint pas par-dessus l'anneau, comme l'avait dit Duhamel. Et cependant le canal médul- laire s’accroit; les lames internes de l’os sont donc résorbées. Je fracture un os long sur un animal jeune, très-jeune. Au bout de quelque temps, les bouts séparés se rejoignent ; mais ils portent des traces de leur jonction. J’attends quelque temps et ces traces sont déjà bien effacées. J'attends quelque temps encore, et ces traces ont disparu. Elles ont disparu, et par conséquent aussi les couches qui les portaient, et par conséquent ces couches ont été résorbées. Je détruis la membrane médullaire d’un os : cet os meurt; un . nouvel os se forme autour de cet os mort; une nouvelle membrane médullaire sinsinue entre l’os nouveau et l’os mort; enfin cet os mort diminue peu à peu de volume, il Samoindrit, il finit par dis- paraître; il est donc résorbé. J’examine l'os long d’un fœtus (l’humérus, le fémur, le radius, par exemple) et je trouve le canal médullaire plein de tissu spon- gieux. J’examine ce même os long dans l’animal adulte, et je trouve toute la région moyenne du canal médullaire, toute la région qui répond au corps de l’os, vide ou sans tissu spongieux *. Ce tissu spon- gieux a disparu ; il a donc été résorbé*. * Voyez les pièces 7 et 8, de la Planche XI. Les pièces marquées du n° 7, sont les deux moitiés du tibia gauche d’un fœtus humain : tout l'intérieur de l'os, hors une petite portion de la région moyenne de la pièce A, est plein de tissu spongieux. Les pièces, marquées du n°8, sont les deux moitiés de l'humérus droit d’un chat, mort au moment de sa naissance. Tout le canal médullaire est exactement plein de tissu spongieux. J. Hunter donnait déjà, pour preuves de la résorption des os, les racines des dents de la 412 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT 6 VI. J'ai rapporté, dans le IIF chapitre de cet ouvrage', ces belles paroles de Buffon: « Ce qu'il y a de plus variable et de plus cor- « ruptible dans la nature, c’est la substance.» J’y ai rapporté aussi de belles paroles de G. Cuvier qui a défini la vie « un tourbillon continuel. » Ce même G. Cuvier a dit encore : «Le corps vivant ne garde pas « un instant le même état ni la même composition ; plus sa vie est « active, plus ses échanges et ses métamorphoses sont continuels; et « le moment indivisible de repos absolu, que l’on appelle /4 mort « complète, n’est que le précurseur des mouvements nouveaux de la « putréfaction?. » Encore une fois, car je l'ai déjà dit ailleurs, l'expérience ne semble-t-elle pas ici transformer en faits les belles paroles de Buffon et de G. Cuvier ? $ VIL. « Je ne décide point, dit Duhamel, si, dans le périoste d’un « enfant, toutes les couches qui doivent se développer successive « ment y sont contenues en raccourci, ou s’il s’en forme de nou- « velles..….. Ces questions ne peuvent être éclaircies par des ex- « périences”. » première dentition qui, poussées par les dents de la seconde dentition, s’usent et disparais- sent; la cloison que le cal forme dans le canal médullaire et qui disparaît; la diminution de poids de la plupart des os dans la vieillesse ; il donnait pour preuve de la résorption en général la disparition de la membrane pupillaire, du thymus, etc., etc. Voyez ses OEuvres complètes (traduction francaise), t. IT, chap. VI. ! Voyez ci-dessus, p. 338. > Rapport historique sur les progrès des sciences naturelles. S IVe Mém. sur les os, p. 98. DES OS ET DES DENIS. 413 Ces questions ne peuvent étre éclaircies par des expériences : et pourquoi ? l'expérience les résout, au contraire, de la manière la plus formelle. Il se forme sans cesse des couches nouvelles; et, loin que, dans le périoste d’un enfant, se trouvent ez raccourci, toutes les cou- ches qui devront se développer plus tard, le périoste actuel, le périoste actuel tout entier, aura bientôt disparu, et, à sa place, il se sera formé un périoste nouveau, et entièrement nouveau. Il y a donc formation continuelle de couches nouvelles, résorplion continuelle de couches anciennes, en un mot, #zutation continuelle de la matière; et, pour emprunter ici encore à G. Cuvier une ad- mirable parole : « C’est se faire une idée fausse de la vie, que de la « considérer comme un simple lien qui retiendrait ensemble les « éléments du corps vivant, tandis qu’elle est, au contraire, un « ressort qui les meut et les transporte sans cesset. » CHAPITRE XIV. n RE Du moule intérieur de Buffon. 6 I. Il y a donc, d’un côté, mutation continuelle de la matière ; il y a, de l’autre, persistance des formes. Mais comment la mutation continuelle de la matière peut-elle s'allier avec la persistance des formes ? C’est ici que se rapporte l’idée du moule intérieur de Buffon. Buffon n’imagine, évidemment, un moule intérieur que pour conci- lier l’idée de la mutation de la matière avec l’idée de la persistance des formes. ! Rapport historique sur les progrès des sciences naturelles. 414 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT 6 I. « Le corps d’un animal, dit Buffon, est une espèce de roule « intérieur, dans lequel la matière qui sert à son accroissement se « modèle et s’assimile au total’. » La contradiction que présentent ces mots, moule intérieur, à été remarquée par tout le monde. Elle lavait été par Buffon lui- même : «On peut nous opposer, dit-il, que cette expression, moule « tnlérieur, parait d’abord renfermer deux idées contradictoires, « que celle du moule ne peut se rapporter qu’à la surface, et que « celle de l’intérieur doit ici avoir rapport à la masse ; c’est comme « si on voulait joindre ensemble l’idée de la surface et l’idée de « la masse, et on dirait tout aussi bien une surface massive qu’un « moule intérieur?. » Au reste, ce qu'a d’obscur, au premier aspect, l'expression de moule intérieur disparait bientôt, car le moule intérieur n’est que le corps même de l’animal. « Il nous parait certain, dit Buffon, que le corps de l'animal ou « du végétal est un moule intérieur qui a une forme constante, mais « dont la masse et le volume peuvent augmenter proportionnelle- « ment, et que l'accroissement, ou, si l’on veut, le développement « de lanimal ou du végétal, ne se fait que par l'extension de ce « moule dans toutes ses dimensions extérieures et intérieures ; que « cette extension se fait par l’intussusception d’une matière accessoire « et étrangère qui pénètre dans l’intérieur, qui devient semblable à « la forme et identique avec la matière du moules. » 1 T. I, p. 60 : édition in-12 de l'Imprimerie Royale. * Ibid. p. 51. 3 T. II, p. 62. Il dit encore : « Comme les corps organisés ont une certaine forme que DES OS ET DES DENTS. 445 Le moule intérieur, c’est-à-dire le corps même de l'animal, ne saccroit donc que par extension; cette exlension se fait par 4n- lussusceplion, par interposilion; et par conséquent l’idée de Buffon, sérieusement examinée, n’est, au fond, que l’idée commune. Or, cette idée commune n’est pas exacte : ce serait plutôt une idée inverse qui se trouverait ici être l’idée vraie. Ce qu'il y a de premièrement formé dans l’animal, ce qui préextsle, ce n’est pas un moule, mais un 20yau. ÿ III. Dans toutes mes expériences, los se forme toujours par couches externes, et par conséquent, toujours de plus en plus grandes, puisque les nouvelles renferment toujours les anciennes; voilà la raison mécanique de l'accroissement de l'os. D'un autre côté, les couches nouvelles qui se déposent sur les couches anciennes se modèlent sur elles; voila la raison méca- nique de la persistance des formes. Les couches anciennes sont donc le type intérieur, le 70yau sur lequel se forment les couches nouvelles ; il ÿ a donc, dans chaque partie, un 2oyau primitif; et l'accroissement d’un organe n’est que la reproduction, de plus en plus agrandie ou développée, de ce 710yau. « nous avons appelée le moule intérieur, les parties organiques poussées par l’action de la « force pénétrante, ne peuvent y entrer que dans un certain ordre relatif à cette forme, ce «“ qui par conséquent ne la peut pas changer, mais seulement en augmenter toutes les di- « mensions, tant extérieures qu'intérieures, et produire ainsi l'accroissement des corps or- « ganisés et leur développement, » (T. UE, p. 67.) 416 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT 6 IV. Du noyau primitif donné semblent donc dépendre et l’accrois- sement des parties, et la persistance des formes. Mais, comment s’est formé ce premier noyau? Question d’un tout autre genre que celles qui n’occupent ici, et sur laquelle on ne voit pas même encore comment l'expérience directe pourrait avoir prise. CHAPITRE XV. Rapidité de la coloration des os par la garance. $ I. On a vu combien la coloration des os par la garance est rapide. Dans une de mes expériences, tout le squelette avait déja une coloration marquée au bout cinq heures. Au bout de douze heures, on a une coloration plus marquée encore ; au bout de vingt-quatre heures, elle est très-intense, etc. Comment expliquer cette rapidité de coloration ? 6 IL. Il faut se rappeler d’abord que les parties qui se forment sont les seules qui se colorent. Les parties complétement formées ne se colorent pas'. 1 Voyez ci-dessus, chapitre II, p. 326. DES OS ET DES DENTS. 417 Je dis complétement formées ; en effet, toute partie qui est ez état de formation se colore, et se colore toujours d’autant plus que la formation y est plus active. 6 II. Le sang arrive aux os par leurs deux périostes : par le périoste externe, et par le périoste interne. Aussi les os peuvent-ils être colorés par leurs deux faces, par la face interne et par la face externe; car c’est le sang qui apporte à l'os le principe colorant de la garance. Plus donc il arrivera de sang dans un point donné de los, plus il y arrivera aussi nécessairement de principe colorant, et plus par conséquent il y aura de coloration, plus ce point sera coloré, 6 IV. Or, jamais un point quelconque d’un os ne reçoit plus de sang que lorsqu'il est ez élat de formation. Et plus la formation y est ac- tive, plus il reçoit de sang. Si donc tout l'os est ezz état de formakon, tout los se colorera. Cest ce qui arrive en effet, quand on soumet à lusage de la garance un animal très-jeune; dans ce cas, toute ’épaisseur des os se colore. Les fig. marquées du numéro 10, dans la Planche XI, sont les deux moitiés du tibia droit d’un jeune pigeon qui a été soumis à Paction de la garance pendant quatre mois et seize jours. Toute l’épais- seur de los est rouge. Les fig. marquées du numéro 7, dans la Planche XIT, sont les deux moitiés du fémur d’un pigeon de quinze jours à peu près. L’a- Arcuives pu Muséum, roue If. | 53 418 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT nimal na été soumis à l’action de la garance que pendant vingt- quatre heures. Toute l'épaisseur de los est rouge. $ V. A mesure qu’une portion d'os est formée, la circulation y di- minue, le sang y arrive en moindre abondance, et par conséquent le principe colorant aussi. Enfin, la portion d’os complétement formée n’admet que le principe colorant du sang même; le principe colorant de la garance n’y arrive plus’. 6 VI. Aïnsi donc : 1° c’est le sang qui apporte le principe colorant de la garance ; 2° Les portions d’os qui sont en état de formalion , étant celles qui reçoivent le plus de sang, sont aussi celles qui reçoivent le plus de principe colorant, et par conséquent qui se colorent le plus; 5° À mesure qu’une portion d’os est formée, la circulation s’y af- faiblit; et par conséquent aussi l’abord du principe colorant, et par conséquent aussi la coloration. 6 VII. Il ne faut pas croire que la couche qui se colore soit une couche qui se dépose en même temps que la coloration se fait. * MM. Serres et Doyère, qui ont vu les deux colorations et la couche blanche qui les sépare, supposent, pour expliquer la non-coloration de cette couche intermédiaire, que le sang n'y arrive que «après s'être dépouillé (à son passage dans les couches qu’il a déjà traversées ) de toute la matière colorante qu'il contenait. » (Voyez les Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, séance du 21 février 1842, p. 304.) DES OS ET DES DENTS. 419 L’extrême rapidité de la coloration prouve que cela n’est point. Les molécules ne sont donc pas apportées toutes rougies. Les molécules sont déjà déposées, elles sont déjà en place quand le sang leur apporte le principe colorant qui les rougit. Enfin , les seules couches qui rougissent sont les couches qui se trouvent en voie de formation ; et cela, parce qu’elles reçoi- vent beaucoup de sang, et que, recevant beaucoup de sang, elles reçoivent aussi beaucoup de principe colorant. CHAPITRE XVI. Inégalité de coloration dans les divers points des os.— Cercles rouges, in- térieurs et extérieurs , incomplets. SI. Il ÿ a presque toujours, dans un os qui se colore, des points qui restent blancs. Par exemple, dans les os longs, certains points, placés à la partie externe de lost. C’est que ces points étaient complétement formés quand l’animal a été mis à l’usage de la garance, et qu'ils ne se sont pas dévelop- pés depuis. $ IL. Les cercles rouges, tant l’extérieur que l’intérieur (quand il y en a un), sont ordinairement complets. Voyez, en particulier, les figures 10 et 25 de la Planche X. ! Voyez la fig. 1 de la Planche X ; voyez les figures de la Planche IN, etc. etc. 420 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Cependant, il arrive souvent que l’un ou l’autre, ou même Pun et l’autre, sont incomplets'. C’est que lossification se fait, tantôt dans tout le pourtour intérieur et extérieur de l'os, et alors les cer- cles, intérieur et extérieur, sont complets; et que tantôt elle ne se fait que dans une portion du pourtour interne et externe, et alors les cercles sont incomplets. CHAPITRE XVII. Mécanisme de la reproduction du périoste. ÿ1: Le périoste se reproduit, comme l'os, par couches externes et superposées. Les expériences mécaniques, faites au moyen d’un anneau de fil de platine passé autour du périoste, le prouvent avec évidence. Dans ces expériences, l’anneau est placé par-dessus le périoste; et l’on voit encore ce périoste ancien sous l'anneau , que déjà un périoste nouveau se forme par-dessus cet anneau et le recouvre. 6 IL. La Hg. 19 de la Planche X montre, sur un point de l'os, l’an- cien périoste recouvert par l’anneau; et, sur un autre point, le périoste nouveau recouvrant déjà l'anneau. 6 IL. Le fait que le périoste recouvre l'anneau, est de toute évi- dence dans les fig. 19, 20, 21, 22, 23 et 24 de la Planche X. ! Voyez la fig. 28 de la Planche X. DES OS ET DES DENTS. 421 Mais le périoste ancien pressé par l’anneau aurait pu, dira-t-on, se rompre et se rejoindre ensuite par-dessus l’anneau. La fig. 19 de la Planche X, figure déjà citée, lève toute espèce de doute à cet égard. Là le périoste ancien subsiste, il ne s’est point rompu, et un autre périoste, c’est-à-dire un périoste nouveau, recouvre l'anneau. 6 IV. Le périoste se forme et se reproduit donc par couches externes et superposées. CHAPITRE XVIIL. Forces de la vie. SI. Il est impossible, pour peu que l’on ait suivi avec quelque atten- tion les expériences de cet ouvrage, que l’on ne soit pas frappé de l'aspect nouveau sous lequel se présentent les forces de la vie. La matière n’est, selon l’heureuse expression de G. Cuvier, que dépositaire de ces forces. La matière actuelle ne les a qu’en dépôt; elle les a reçues de la matière qui l’a précédée; et ne les a re- çues de cette matière qui l’a précédée que pour les transmettre à celle qui doit la remplacer elle-même. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT pes de] 6 IL. Ainsi donc, la matière passe et les forces restent. Or, ce sont ces forces qui donnent aux êtres et le mouvement et la forme. La physiologie, bien vue, est proprement l'étude des forces. Sans doute, ces forces se manifestent par la matière; sans doute, elles résident successivement en chacune de ces molécules de la ma- tière qui se succèdent; mais d’abord, la matière n’est pas stable, et la force l’est; et, en second lieu, la matière qui s'écoule sans cesse, ne fait pas l'individu, l'être; ce qui fait individu, être, n’est pas ce qui passe mais ce qui reste, Cest-à-dire la force. CHAPITRE XIX. Examen de quelques objections faites, à différentes époques, contre la théorie du renouvellement des organes. SI. La théorie du renouvellement des organes n’est pas nouvelle. Les objections contre cette théorie ne le sont pas non plus. La ré- futation même de la plupart de ces objections ne lest pas. « Comme plusieurs auteurs et des plus accrédités, disait déja « Haller, se sont opposés à la consomption des parties solides du « corps animal, il parait nécessaire d’en donner des preuves « exactes. « On tire une objection des cicatrices qu’on dit ineffaçables.…...; « on ajoute à cet exemple celui des figures qu’on trace sur la « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « « DES OS ET DES DENTS. 423 peau avec de la poudre à canon, etc. Ces cicatrices, ces figures, durent autant que la vie, dit-on; les parties solides ne se re- nouvellent et ne changent donc pas; car si elles se consumaient, elles seraient remplacées par des parties nouvelles. @ Il est sûr cependant que les sucs osseux se renouvellent, j'en- tends les sucs fixés dans la substance des os et qui en font une par- tie effective. On à fait beaucoup d'expériences avec la garance : elle teint en peu de temps les os des animaux : ce sont les parti- cules colorantes qui se déposent entre les éléments de la terre animale des os... « Or, dès qu’on retranche la garance de la nourriture de lanimal, la rougeur de ses os disparaît en peu de temps et la blancheur na- turelle reprend le dessus. Il faut donc que les particules de la garance , qui étaient déposées entre les éléments terrreux, se re- pompent, rentrent dans le sang et qu’elles abandonnent cette lerres « Rien n’est plus connu de nos jours que l’amollissement des os. Pour amollir un os qui a été dur, il faut que les éléments terreux déposés dans la cellulosité de l'os rentrent dans la masse des hu- meurs”, et abandonnent les lames osseuses et la colle animale qui leur donne une consistance de cartilage... « Mais si, dans l’animal nourri de garance, les parties solides des os sont rentrées dans le sang,.…. rien ne nous porte à croire qu'il se fasse alors une circulation d'éléments terreux qui n’ait pas lieu dans le cours ordinaire de la nature... ! Ici Haller se trompe; ce ne sont pas les particules colorantes qui abandonnent les parti- cules terreuses ; ce sont les particules terreuses colorées qui, elles-mêmes, sont résorbées. C'est là ce que démontrent toutes les expériences de cet ouvrage. Au reste, Haller lui-même va bientôt le dire aussi, 2 Voilà que Haller dit, en effet, que ce sont les particules terreuses elles-mêmes qui rentrent dans la masse des humeurs. 424 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT « On a vu d’ailleurs, et le cas n’est pas rare, les os diminuer de « poids et d'épaisseur... « Rien n’est plus commun encore que les membranes qui se dé- « tachent des intestins et qui se réparent..…. « L’épiderme se consume et se répare avec rapidité, etc., etc.! » 6 II. De nos jours, un ingénieux physiologiste, M. Isid. Bourdon, a reproduit quelques-unes des objections, déjà combattues par Haller. Examinons donc encore une fois, et l’une après l’autre, chacune de ces objections. Les passages marqués de guillemets, sont les objections mêmes de M. Isid. Bourdon. Après chaque objection vient ma réponse. 1° « La garance ne colore d’une manière sensible que les os, etc :. » Sans doute. C’est que Les os seuls contiennent du phosphate cal- caire, et que le principe colorant de la garance ne s'attache qu’au phosphate calcaire. 2 « La garance ne rougit pas toute l’étendue, toute l'épaisseur « d’un os, elle n’en rougit que la surface. » C’est ce que l’on croyait avant moi. Mes expériences montrent que toute l'épaisseur de l'os est souvent rougie*. Toute l'épaisseur de l'os est rougie, quand toute l'épaisseur de los est ex état de formaltior.. « 3° L’absorption enlève aux tissus vivants tout ce qui leur est ® Voyez, dans l'Encyclopédie de Diderot et de d' Alembert, Y'axticle intitulé : Preuves de la consomplion des parties solides du corps animal (à la suite de l’article Nutrition). * Principes de physiologie comparée , etc., 1830. T. I, p. 574 et suiv. 3 Voyez les fig. marquées du n° 10, dans la Planche XI ; les fig. marquées du n° 7, dans la Planche XIT, etc., etc. DES OS ET LES DENTS. 425 « étranger ; mais gardons-nous d’en tirer la conséquence que ces « tissus, formant trame vivante, éprouvent une rénovation. » Ou je me suis complétement trompé, ou mes expériences mon- trent que c’est le issu méme des organes qui est renouvelé. Je lai déjà dit : la couleur d’un os disparait, non parce que les particules colorantes sont résorbées et enlevées, mais parce que l’os même disparait. 4 « Il est des taches, des empreintes, des colorations d’organes, « qui persistent toute la vie sans jamais disparaître. » S'il est des {aches, des empreintes, des colorations d'organes qui persistent toute la vie, pourquoi n’en serait-il pas de même des colorations produites par la garance? Quand une particule du principe colorant de la garance s’est combinée avec une parti- cule du phosphate calcaire de Vos, cette particule de phosphate calcaire reste colorée, tant qu’elle reste dans los. Si l’on soumet à l’action de la garance un animal qui touche au terme de son ac- croissement , ses os se colorent : que l’on suspende alors le régime de la garance, et les os de l’animal resteront colorés’. Il est un moment où les dents de la première dentition cessent de croitre” ; si elles se trouvent colorées à ce moment, elles le restent toujours. « 5° La teinte noire produite par la pierre infernale, les figures « tracées capricieusement sur la peau de nos soldats, cette sorte de « tatouage est indélébile. » Je n’ai pas eu occasion d’étudier la coloration produite par a pierre infernale. Quant au tatouage, il est z2délébile parce qu'il résulte d’une opé- 1 Du moins pendant très-longtemps, parce que, dans l'animal adulte, le mouvement qui renouvelle les particules de l'os est, ainsi qu’on l’a déjà vu, très-lent. * C'est-à-dire cessent d’éprouver le mouvement rapide qui en renouvelle les particules, tant qu'elles croissent. Arcmives pu Muséum, tome III. 54 426 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT ration toute mécanique. Il n’y a rien de vital dans le {atouage. Une matiére colorante est mécaniquement portée dans les interstices de la peau. Elle y est déposée et y reste en dépôt. Elle y reste matière étrangère, sans combinaison chimique, sans union organique, avec la peau. Autour d’elle, tout vit et se renouvelle; elle seule qui ne vit pas’, ne se renouvelle pas. 6 « Les cicatrices non plus ne disparaissent jamais. » IL y a des cicatrices qui s’effacent. Une simple incision de la peau se guérit sans laisser de cicatrice’. Quand il y a eu perte de subs- tance , il se forme une peau nouvelle; et cette peau nouvelle est ce qu'on appelle vulgairement une cicatrice. Or, cette peau nouvelle a sa structure propre ; et vouloir que les cicatrices disparaissent, c’est vouloir que cette peau nouvelle, que cet organe nouveau dis- parausse. 7° & Il'est démontré qu'aucune partie des organes ne se repro- duit, » Le contraire est démontré par toutes mes expériences, par toutes celles de Troja, par celles de Macdonald, etc. Quand on a détruit la membrane médullaire d’un os, los entier se reproduit. 8" « Si un organe pouvait se renouveler totalement, comment « par la mème raison, pourrait-il ne pas se reproduire, quand il est « détruit ou mutilé. » Il ÿ a une grande différence, pour un organe, entre se renouveler et se reproduire. Si vous coupez un membre à une salamandre, à " C'est-à-dire qui ne fait pas un avec un principe quelconque de la peau, comme le prin- cipe colorant de la garance fait ur avec le phosphate calcaire de l'os. 2 Je me suis assuré bien souvent, dans des expériences que je publierai bientôt, que la simple incision de la peau est suivie d’une réunion qui, au bout de quelque temps, ne laisse : plus de cicatrice sensible. 3 Voyez ci-dessus, p. 346. DES OS ET DES DENTS. 427 une écrevisse, elc., ce membre se reproduit ; si vous détruisez, sur un animal à sang chaud, la membrane médullaire d’un os, cet os se reproduit ; si vous détruisez l’épiderme, lépiderme se repro- duit, etc. Voilà de vrais exemples de reproduction. La rénovalion est tout autre chose. Je nourris un animal avec de la garance , et bientôt une couche rouge se forme sur la face externe des os. J’interromps alors usage de la garance; et voici ce qui arrive. Cette couche rouge, qui était externe , se recouvre d’abord de cou- ches blanches, et alors elle se trouve placée entre des couches blan- ches externes et des couches blanches internes ; puisles couches blan- ches internes disparaissent ; puis la couche rouge, devenue interne d’externe qu’elle était d’abord, disparait à son tour. Il y a donc eu ré- novalion entière de l'os; cependant ce même os, mutilé, retranchc (car je parle ici d’un animal à sang chaud), ne se serait pas reproduit. La rénovation n’est donc pas la reproduction. 9° « Alors même qu’il serait prouvé queles os éprouvent une sorte « de rénovation, il n’en faudrait rien conclure pour la masse des « organes. » Non, assurément. Il ne faut conclure la rénovation pour chaque organe”, que d'expériences faites sur chaque organe. La rénovation d’un organe ne prouve pas celle des autres; elle la rend seulement probable. 10° « Des sels abondants remplissent les mailles de leur tissu (du « tissu des os) et l’on conçoit que ces sels se renouvellent, sans que « les tissus éprouvent de pareils changements. » Je le répète : ou je me suis complétement trompé, ou mes expé- riences démontrent que ce ne sont pas seulement les se/s qui se re- nouvellent (ce qui pourtant serait déja beaucoup), maisle #ssu meme. ? Comme pour chaque espèce d'animal. 428 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Et d’ailleurs, le périoste se reproduit ; l’épiderme se reproduit ; il n’y a pas là seulement rérovation de sels : un os entier se reproduit ; il y a là plus qu'une simple réovation de sels. Concluons que les os se renouvellent, et que ce qui est prouvé pour ces parties, est au moins très-probable pour les autres. 6 II. Après M. Isid. Bourdon, est venu M. Gabillot. 1° « Si l’on plonge, dit M. Gabillot, un os dans une décoction « de garance, il rougit'.» Il rougit, mais il ne rougit pas comme l'os coloré sur l'animal vivant par le régime de la garance. La coloration de los mort, plongé dans une décoction de ga- rance, n’a ni le siége, ni la circonscription du cercle rouge, formé sur un animal vivant par le régime de la garance. J’ai fait repré- senter dans la fig. 14 de la Planche XI, un tibia de chien qui a été plongé pendant deux jours dans une décoction de garance. Que l’on compare la coloration de cet os avec la coloration des autres os, représentés dans les Planches de cet ouvrage. 2° « Si l’on place les mêmes os rouges dans un bain d’eau aci- « dulée ou alcaline, on ne tarde pas à obtenir, dans le méme ordre, « l'expulsion de proche en proche de la matière colorante. » La décoloration a lieu ici dans le méme ordre que la colo- ration. Los, plongé dans une décoction de garance, se colore de l'extérieur à l’intérieur : plongé dans un bain d’eau acidulée, il se décolore de l'extérieur à l’intérieur. ! Voyez les Comptes rendus des séances de l'Académie des Sciences ; séance du 14 février 1842, p. 279. DES OS ET DES DENTS. 429 Voilà ce qui arrive sur l’os mort. Eh bien, la marche du phéno- mène, dans les expériences sur l’animal vivant, est précisément in- verse. Les couches nouvelles se déposent à l’extérieur; les couches anciennes sont résorbées à l’intérieur. De plus, et je l'ai déjà répété bien des fois : dans mes expériences, il n’y a jamais proprement décoloration. Jamais la matière colorante west isolément résorbée. Cette matière colorante reste toujours dans la couche d’os qui la contient; c’est cette couche d’os même qui finit par être résorbée, et avec elle, par conséquent , la matière colorante. Il n’y a donc pas successivement coloration et décoloration ; mais coloration de couches, et résorption de ces couches colorées au bout d’un certain temps, c’est-à-dire, quand par la résorption des cou- ches anciennes et intérieures de l'os, les couches colorées, d’abord les plus nouvelles et les plus extérieures, ont fini par devenir les plus anciennes et les plus intérieures par conséquent. Enfin M. Gabillot dit que le phénomène dont il sagit est pure- ment chimique. Je demande, moi, comment il pourrait se faire qu'il ne füt pas chimique, et purement clumique. 6 IV. « Rutherford, dit Béclard, a expliqué l'effet de la garance sur « les os seuls, et à l'exclusion de toutes les autres parties du corps, « par une affinité chimique de la matière colorante de la garance « pour la substance terreuse des os. » « La coloration des os d’un animal vivant par l'usage de la ga- l Eléments d'anat. génér. p.507. 5 P 7 430 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT « rance, dit Rutherford lui-même, est entièrement analogue à la « formation des /aques'.» —« Le phosphate de chaux, ajoute-t-il, «est un excellent mordant pour la garance ; il a une grande affinité « pour elle, et par conséquent est admirablement disposé pour offrir une base à la matière colorante de cette substance *». Il dit encore que : « Si lon combine, à linstant de sa formation, du phosphate « de chaux (fait artificiellement) avec de la matière colorante de « la garance, il se fait une laque rouge, précisément de la même « couleur que celle des os des jeunes animaux, qui sont nourris avec «C « de la garance*. » Pris en soi, le fait de la coloration des os par la garance, n’est M. Blake, désput. inaug. de dentium formatione, 1789, p. 121. 2 Jbid. pag. id. 3 Ibid. pag. 422. La coloration étant ainsi expliquée par la combinaison du phosphate calcaire de Vos avec le principe colorant de la garance, reste à expliquer la décoloration. Selon moi, iln’y a pas décoloration , mais résorption des particules osseuses colorées. Au reste, voici ce que je lis dans un article de la Gazette médicale de Paris, t. VII (1840), p. 204, sur un travail de M. Paget, travail récent, et que je regrette de n'avoir pu me procurer. « L'auteur se propose dans cette communication de rendre aux expériences faites avec la garance sur le développement des os , l'importance qu'elles avaient à peu près perdue de- . puis la publication du travail de Gibson sur ce sujet ; il rappelle d’abord que, bien que Hérissant eût le premier reconnu que c’est à la matière terreuse des os seulement que s’u- nit la garance qui les colore, cependant c'est le docteur Rutherford qui le premier démon- « tra que cette union s'opère dans les os, sous l'influence des lois de l’affinité chimique qui agissent dans le corps vivant et qu'elle ne diffère pas de la méthode bien connue des tein- £ « turiers, par laquelle on obtient une couleur fixe en combinant une matière colorante so- luble avec une matière insoluble qu'on appelle mordant. La couleur rouge des os des ani- maux soumis à une alimentation avec la garance et la disparition de cette couleur dans les 2 « animaux , quelque temps après qu'on avait cessé de leur administrer cette substance colo- rante, s'expliquaient tout simplement, dans cette hypothèse, comme un effet de la nutrition intersticielle, qui enlève continuellement d'anciennes particules organiques pour en met- . tre de nouvelles à la place; mais Gibson chercha à prouver que ces expériences indui- saient les physiologistes en erreur, en supposant que le retour des os au blanc, après » avoir été rougis par l'usage de la garance, n’était pas un effet de la nutrition, mais dé- DES OS ET DES DENTS. 431 que le fait de la combinaison du phosphate calcaire de Vos avec le principe colorant de la garance; pris en soi, le fait de la co- loration des os par la garance n’est donc qu’un fait chimique et pu- rement chimique. 6 V. MM. Serres et Doyère ont lu à l’Académie, le 21 février 1842, un Mémoire dans lequel ils proposent aussi quelques objections _contre la théorie du renouvellement des organes”. Pour les auteurs, le fait de la coloration des os par la garance n'a pas une grande importance physiologique *. Pour eux le fait dont il s’agit n’est qu'un phénomene de teinture *, n’est qu'un fait chimique. | Oui, sans doute, il y a dans ce fait, il y a dans tout fait de nutri- tion, d’accroissement, de sécrétion, etc., une partie chimique. " pendait de ce que le sérum du sang ayant une plus grande affinité pour la matière colo- rante que le phosphate de chaux des os, cette matière colorante pouvait être enlevée aux « os, sans que la substance terreuse à laquelle elle était unie primitivement, fût entraînée « avec elle... Il résulte, au contraire, des expériences de M. Paget, que le phosphate de chaux a une plus forte affinité que le sérum avec la matière colorante de la garance ; il e la lui enlève donc, et chaque particule de phosphate de chaux qui est déposée pendant que l'animal prend la garance, s'empare de la matière colorante que contient le sérum, et « donne aux os une couleur rouge... Si l'os rouge perd sa couleur quelque temps après « que l'animal ne prend plus de garance,.….… c’est probablement par la décomposition de a la garance elle-même... » ! Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences. Séance du 21 février 1842. Je n'examine ici, de ce Mémoire, que la partie proprement physiologique. J'en examinerai la partie microscopique dans un travail qui suivra celui-ci. Quant à la partie chimique, elle n’est ni de ma compétence, ni de mon sujet. * Ibid. p. 295. 3 Ibid. p. 298. 132 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Mais (ai-je besoin de le dire?) la difiiculté n’est pas de prouver qu'il y a dans ces faits une partie chimique, la difficulté est de dé- méler, dans ces faits, la partie chimique de la partie physiolo- gique. 6 VI. Voyons donc les expériences des auteurs. 1° Expérience. « Un fragment d’os plongé dans une dissolution « de garance, se colore!. » L’os plongé dans une décoction de garance se colore; mais, je lai déjà dit, il ne se colore pas de la même manière, il ne se colore pas suivant les mêmes lois que l’os qui se colore dans un animal vi- vant, sous l'influence du régime de la garance. Il y a circonscription régulière et déterminée dans la coloration de los vivant; et cette circonscription qui fait toute la différence, cette circonscription qui, ici, est tout, n’a point lieu dans los mort”. « La coloration est aussi fixe, elle pénètre au moins aussi pro- « fondément.…. Elle se conduit de la même manière avec les acides, « les alcalis, ete. * » Tout cela n’est que le côté chimique du phénomène. Mais, dans l’animal vivant, la coloration est déterminée par les lois du déve- loppement ; elle ne se fait qu’où ces lois le veulent; elle est donc l'expression de ces lois; et c’est là ce qui en fait l'importance phy- siologique. 1 Ibid. p. id. : Voyez la fig. 15 de la Planche. XI. Mém. cit. p. 298. DES OS ET DES DENTS. 433 6 VIL. 2° Expérience. Un fragment d'os est introduit dans les chairs d’un animal nourri de garance, et il se colore *. Comment en serait-il autrement? Il se colore comme se colore un fragment d’os plongé dans une décoction de garance : ici le pro- cédé seul diffère, le fait est le même *. $ VIII. 3° Expérience. La coloration est produite par l'injection du prin- cipe colorant de la garance dans le système artériel *. Pourquoi non ? Pourquoi le principe colorant de la garance, in- jecté dans le système artériel, c’est-à-dire porté par le système arté- riel à los, ne colorerait-il pas los? Mais, encore une fois (car ceci fait toute la question), la coloration se produit-elle, dans le squelette injecté, suivant les mêmes lois que sur l’animal vivant? Sy circons- crit-elle comme dans l’animal vivant? Point du tout. Et, pour s’en convaincre, il n’y a qu’à comparer les fig. marquées du n° 16 de la Planche XI, avec celles des autres Planches de cet ouvrage. 6 IX. Toutes ces expériences, en dernière analyse, ne font qu’une expérience *, car elles ne font toutes que mettre en contact le prin- * Ibid. p. id. ? Voyez les fig. 17 et 18 de la Planche XI. 3 Mém. cit. p. 298. 4 Je ne parle pas de l'expérience où une portion d'os se colore, quoique dépouillée de son périoste (Mém. cit. p. 299), parce que je ne l’ai pas encore répétée. Je n’y vois , d’ailleurs, Arcuives pu Musiuw, roue Il. 55 434 RECHERCIES SUR LE DÉVELOPPEMENT cipe colorant de la garance avec le phosphate calcaire de los : elles ne reproduisent toutes que la partie chimique du phénomène. La partie itale, où propre à l'organisme vivant, est dans les /ois de coloratiort qui sont les /ois mêmes de formation. Sans doute que le principe colorant, dans le cas d'injection, arrive à l'os, comme lorsqu'il y est porté par la circulation; mais il y ar- rive, en suivant d’autres lois, et ce sont ces autres lois qu’il importe de bien comprendre. La partie rouge du sang n'arrive pas dans le cartilage ; dès qu’elle y arrive, l’os parait. Los formé, le principe colorant du sang y arrive seul ; le principe colorant de la garance n’arrive que dans les portions d’os qui se forment ; et voilà pourquoi la marche de la coloration marque la marche de la formation de l'os; voilà pourquoi la coloration des os, sur un animal vivant, a une très-grande importance physiologique. ÿ X. Enfin (et voici, au surplus, la seule expérience directe contre le renouvellement des organes), les auteurs ont soumis un pigeon au régime de la garance pendant un certain temps; puis, ils ont inter- rompu le régime de la garance, et au moment où ils l'ont inter- rompu, ils ont coupé une aile à l'animal. Au bout de huit mois, ils ont tué l’animal, et l'aile conservée s’est trouvée avoir la même couleur que l'aile amputée *. qu'une modification des trois précédentes. N'est-ce pas toujours le sang ( ici le sang qui s'écoule des vaisseaux ouverts } qui porte à l'os le principe colorant de la garance ? Et, cela étant, pourquoi l'os, mis en contact avec le principe colorant de la garance, ne se colorerait- il pas? " Mém. cit. p. 307. DES OS ET DES DENTS. 435 $ XI. Je montre, dans la fig. 10 dela Planche XI, le squelette d’un pigeon qui, après avoir été rougi par l’usage de la garance, est rede- venu tout blanc, ou à très-peu près. Le pigeon dont il s’agit, après avoir été soumis au régime de la garance pendant vingt-quatre heures, avait tous ses os du même rouge que les deux pièces marquées du n° 7. Ces deux pièces sont les deux moitiés du fémur d’un jeune pigeon qui, en effet, a été soumis au régime de la garance pendant vingt-quatre heures. Je reviens au pigeon dont le squelette est représenté dans la fig. 10. Ce pigeon, au moment où tous ses os étaient rouges, avait à peu près trois semaines. À partir de ce moment, il a été rendu à la nourriture ordinaire pendant dix-huit mois; et tout, ou à peu près tout, s’est renouvelé dans ses os, car tout, ou à peu près tout, y est blanc *. En résumé, dans le phénomène de la coloration des os par la garance , il y a deux faits : le fait de la combinaison du principe co- lorant de la garance avec le phosphate calcaire de los, fait qui constitue la partie chimique du phénomène; et l’ordre que suit la marche de cette combinaison, ordre qui constitue la partie physio- logique du phénomène. : Toujours de la planche XI). 2 J'ai, dans ma Collection, le squelette d’un pigeon qui, après avoir eu ses os rougis par l'usage de la garance, a été rendu à la nourriture ordinaire pendant huit mois. La couleur des os est moins vive qu’elle ne l'était d'abord, mais elle subsiste. Et dans le squelette même du pigeon qui a survécu dix-huit mois à l'usage de la garance, quelques points osseux sont encore rouges. 436 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Or, un pareil ordre, un ordre déterminé existe : toutes mes expé- riences le démontrent. Et, puisqu'il y a un ordre donné, un ordre déterminé par les lois mêmes de la vie, il y a donc une partie physiologique dans le phénomène. CHAPITRE XX. Je termine ici la première partie de mon travail. La seconde partie se composera : 1° D’un grand nombre d’expériences non encore terminées ; Et 2° d’un grand nombre d’autres qui m'ont été suggérées par les résultats mêmes de celles que je viens d’exposer dans cet ou- vrage. DES OS ET DES DENTS. 437 NOTES. Je place ici deux Notes : La première est l’extrait d’un travail que feu M. Robiquet, mon célèbre confrère à l'Académie, avait commencé à ma prière. M. Robiquet avait trouvé dans la garance deux principes colorants, il a retrouvé ces deux principes dans les os colorés par le régime de la garance. La seconde Nofe est de M. Chossat, si connu par ses beaux travaux en physiologie. Les faits observés par M. Chossat démontrent, de la manière la plus formelle , la résorption incessante ‘du phosphate calcaire. On sent combien il est à désirer que des faits, si curieux, soient répétés avee le plus grand soin, soit par M. Chossat lui-même, soit par d’autres physiolosistes, ? B pr Le Recherches concernant la nature de la substance qui colore en rouge les os des animaux soumis au régime de la garance. — (Extrait d’une lettre adressée par M. Robiquet à M. Flourens.) « J'ai opéré sur deux squelettes, l’un appartenant à un pigeon soumis au régime de la garance d'Avignon, l’autre à celui de la garance d’Alsace. « Après avoir décanté l'alcool qui baïgnaït ces squelettes, je les ai fait macérer dans l'acide hydro-chlorique faible, pour enlever tout le phosphate calcaire des par- ties osseuses. Je pensais arriver par ce moyen à l'élimination de la matière colorante qui n’est pas soluble dans l’eau acidulée ; mais cette matière, au lieu de se précipiter au fond du vase, comme je m’y attendais, s’est combinée avec toutes les parties mol- les du squelette, et leur a communiqué une teinte rosée uniforme qui a résisté même aux lavages alcalins. Pour pouvoir enlever la matière colorante, j'ai été obligé de broyer les débris des squelettes , et de les faire bouillir avec une solution concentrée d’alun. Cette opération a parfaitement réussi , et cela démontre bien que cette colora- tion est due à la garance, car nulle autre matière colorante ne produit le même effet. Il y a plus, c’est que la belle teinte rose que prend la solution alunée m’a démontré que 438 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT c’élait plutôt la purpurine que l’alizarine : qui se fixe sur les parties osseuses. Ge qui a achevé de me convaincre à cet égard, c’est que le squelette du pigeon soumis au ré- gime de la garance d'Alsace, a fourni à la solution alunée une teinte rose beaucoup plus riche et plus franche. Or, nous avons précisément reconnu, M. Colin et moi, que la purpurine était plus abondante dans cette variété de garance que dans les au- tres 2. Vous voyez donc, mon très-honoré collègue, que si la petite quantité de ma- tière colorante ne m’a permis d’en opérer l'isolement complet, du moins j'ai pu DRrt eue Re Nr acquérir l'entière conviction que la coloration était due à la garance. » Note sur le système osseux, par M. Chossat. « La question intéressante qui s'est débattue devant l’Académie des sciences , dans sa séance du lundi 21 février, m'engage à lui faire part, d’une manière anticipée, il est vrai, et pour prendre date seulement , du résultat sommaire d'expériences sur le même sujet, dont je m'occupe depuis près de deux ans. « Les physiologistes qui, dans ces derniers temps, se sont occups de la nutrition du système osseux, ont tous suivi la marche tracée par Duhamel : savoir, celle de re- chercher les modifications qu’apporte dans l'apparence du tissu osseux l'usage d’une alimentation plus ou moins chargée de garance. La méthode que j’ai adoptée, est ab- solument différente; elle attaque la question plus directement. J'avais eu l’occasion de m’assurer, dans mes expériences sur l'inanition, du besoin qu’ont les pigeons d’a- jouter une certaine quantité de substances calcaires à celle que leur aliment habituel renferme naturellement. Ce besoin, peu prononcé d'abord , devenant ensuite assez impérieux, j'ai vu là une indication à suivre, et je me suis mis à étudier les effets qui pouvaient résulter de la privation de cctte quantité additionnelle des principes eal- caires. J'ai été conduit ainsi à des faits qui me paraissent très-dignes d'intérêt. « Ces expériences sont d’une durée très-prolongée; il en est quise sont étendues jusqu’au dixième mois, et celles que j'ai actuellement en voie d’extcution, paraissent * « Nous avons, M. Colin et moi, distingué dans la garance deux matières colorantes prin- cipales : l’une, l'alizarine, qui est la base de toute teinture solide en garance ; l’autre, la pur- pürine, qui est la base des belles laques roses de garance qu’on emploie pour la einture. » (Note de M. Robiquet.) 2 Et l'on à vu aussi, dans mes expériences, que la coloration des os a toujours été beaucoup plus marquée sous l'influence de la garance d'Alsace que sous l'influence de la garance d'Aviinon. DES OS ET DES DENIS. 439 devoirse prolonger bien plus longtemps encore. C’est même là, pour ledire en passant, ce qui n'à empêché jusqu’à présent d'obtenir le nombre d'expériences nécessaire pour motiver mes conclusions comme je désire qu’elles le soient. « Mes pigcons n’ont été nourris que de blé, et d’un blé soigneusement trié grain par grain, afin de le débarrasser, soit des petites pierres qui s’y rencontrent, soit encore de tout grain étranger ou gâté qui pourrait altérer la régularité de lalimenta- tion. Je leur ingérais chaque jour un poids fixe et déterminé de ce blé, et je leur four- nissais de l’eau à volonté. « Ces animaux supportaient d’abord très-bien, et sans inconvénient apparent, ce mode d'alimentation; seulement ils picotaient leur cage plus souvent qu'ils ne l’au- ra ent fait sans cela, Ils commençaient, en général, par engraisser et par augmenter beaucoup de poids. Mais au bout de un, de deux ou de trois mois de ce régime, l'animal augmenlait ses boissons, et les portait successivement à deux, trois, quatre , cinq, six et même sept à huit fois leur quantité normale et primitive; les excréments, de solides qu'ils étaient en commencant , devenaient de plus en plus mous et diffluents; une diarrhée s’établissait, d'abord modérée, énorme ensuite; le poids du corps di- minuail graduellement ; et enfin, l'animal fnissail par succomber entre le huitième et le dixième mois, à dater du début de l'expérience. C’est là une diarrhée qu’on pour- rait appeler par insuflisance de principes calcaires, maladie dont on retrouve d’assez fréquents exemples chez l’homme, surtout lors du travail de l’ossification, mais dont Ja cause a été méconnue jusqu’à présent. Elle se prévient et se guérit par l’usage des préparations calcaires. «Mais le résultat le plus remarquable de ces expériences , c’est l’altération du sys- tème osseux qui en a été la conséquence. En effet, la privation prolongée des substan- ces calcaires (je parle de la portion de ces substances que nos animaux ajoutent instine- livement à leurs aliments), finissait par rendre les os tellement minces, que, même pendant la vie, ils se fracturaient avec une grande facilité. Ainsi, chez l’un de mes pigeons, j'ai trouvé tout à la fois le fémur gauche et les deux tibias fracturés. Peut - être l'animal avait-il engagé ses pattes entre les barreaux de sa cage; mais ceux-ci étant placés à un intervalle d’au moins deux centimètres les uns des autres, il aurait pu fa- cilement les retirer. Quoi qu’il en soit, cet animal cessa dès-lors de boire et de digérer, et la mort survint quelques jours après par suite de sa triple fracture. C'était vers le commencement du huitième mois de expérience. « Après la mort, j'ai retrouvé la même fragilité des os. Ainsi chez un autre pigeon, ayant cherché à étendre avec précaulion la cuisse qui s’était refroidie dans la flexion, j'ai fracturé également le fémur. 44o RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT « Chez ce même animal, le sternum était aussi singulièrement altéré. Avant de commencer l’autopsie, je trouvai la crête de cet os mobile, presque comme si elle élait devenue cartilagineuse ; l'ayant examiné après l’incision du corps, la substance osseuse avait disparu en beaucoup d’endroits, et ne paraissait remplacée que par le pé- rioste. Après la macération , l’os s’est trouvé très-aminci, perforé d’un grand nombre de petits trous; il est devenu très-cassant, en sorte qu’il s’est divisé en un certain nom- bre de fragments minces et irréguliers, et qu’il se brisait même quand on essayait de le nettoyer avec la barbe d’une plume. Au reste, je tiens cette pièce à la disposition de l’Académie, et je suis prêt, si elle le désire, à la soumettre à son examen. «Jai soumis des animaux à l’usage du carbonate de chaux et à celui du sous- phosphate de chaux : je n'entre dans aucun détail sur ces expériences, soit parce qu'elles ne sont pas encore assez multipliées, soit parce que je suis encore loin d’avoir parcouru tout le champ que je me propose d'examiner. Il me suffira de dire que jus- qu’à présent il résulte de mon travail : « 1° Que les sels calcaires déposés dans le tissu osseux, peuvent être résorbés dans une très-forte proportion ; « 2° Que cette résorption a lieu, lorsque l’animal ne trouve pas dans l'aliment qu’on lui donne une quantité de principes calcaires suflisante ; « 3° Que jusqu’à présent cette résorption s’est toujours faite d’une manière lente el graduelle; « 4° Que par là le système osseux s’atténue insensiblement, et qu’en général les animaux finissent par tomber dans l’état dit de fragilité des os; « 5° Enfin, que ces mêmes animaux peuvent être maintenus dans un état de nutrition qui paraît à tous égards complet, en ajoutant à leur blé un peu de carbo- nate dechanx. » DES OS ET DES DENTS. 41 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE I". Fig. 1°°. Squelette d’un jeune pigeon soumis pendant deux jours au régime de l’a- lizarine. Fig. 2. Squelette d’un jeune pigeon soumis au régime de la garance d'Avignon pendant quatorze jours. Fig. 5. Squelette d’un jeune pigeon soumis au régime de la garance d’Alsace pendant six jours. Fig. 4 et 5. Yeux d’un pigeon soumis au régime de la garance ; a cercle osseux de la cornée devenu rouge pendant ce régime. PLANCHE II. Fig. 1°°. Squelette d’un jeune pigeon tué vingt-quatre heures après un seul repas de garance d'Alsace. Fig. 2. Squelette d’un jeune pigeon tué cinq heures après un seul repas de garance d'Alsace. Fig. 5. Squelette d’un pigeon adulte, soumis pendant quatre mois et neuf jours au régime de la garance, et tué pendant ce régime. Fig. 4. Os hyoïde, larynx et trachée-artère d’un pigeon soumis pendant deux jours à un régime d’alizarine. PLANCHE lil. Fig. 1°°. Tête d’un porc soumis au régime de la garance. Arouives pu Muséum, voue II. 56 Fig. Fig. Fig. Fig. RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT 2. Humérus droit du même porc, vu par sa face interne. 3. Omoplate gauche, vue par sa face postérieure. 4. Fémur gauche, vu par sa face antérieure. 5. 5° vertèbre cervicale, vue par sa face postérieure. PLANCHE IV. 1, Moitié de l’humérus gauche d’un jeune porc soumis pendant vingt jours au régime de la garance, et tué pendant ce régime. a couche formée pendant le régime de la garance. b couche osseuse qui existait avant que l'animal fût soumis à ce régime. 2. Moitié du fémur gauche d’un jeune porc soumis pendant un mois au régime de la garance, et tué pendant ce régime. Tout los est rouge à l’exception du point b, où se voit encore une portion de l'os qui existait avant le régime de la garance. 5. Portion de fémur d’un jeune porc soumis pendant vingt-quatre heures au régime de la garance, et tué pendant ce régime. L’os a été scié en travers : a couche formée pendant ce régime. b couche qui s’était formée avant ce régime. 4. Portion de fémur (scié en travers) d’un jeune porc soumis au régime de la ga- rance pendant un mois, et tué pendant ce régime : a couche formée pendant le régime de la garance; elle est plus épaisse que dans la fig. 5; b couche très-mince et blanche, reste de los qui existait avant ce régime. 5. Portion de fémur (scié en travers) d’un jeune porc qui, après un mois du ré- gime de la garance, a été rendu au régime ordinaire pendant un mois et demi : l'animal a été tué à la fin de ce régime. Le cercle blanc intérieur est presque complétement résorbé, a couche formée pendant le régime de la garance. b couche formée pendant le régime ordinaire qui a suivi lerégime de la garance. 6. Portion de fémur (scié en travers) d’un jeune porc, soumis d’abord pendant un mois au régime de la garance, et puis rendu pendant trois mois au régime ordinaire : au bout de ce temps l'animal a été tué. On voit encore dans un point une petite portion du cercle blanc, interne et ancien. DES OS ET DES DENTS. 443 a couche formée pendant le régime de la garance. B couche formée pendant le régime ordinaire, et plus épaisse que dans la fig. 5. Fig. 7. Portion de radius (scié en travers) d’un porc soumis pendant un mois au ré- gime de la garance; et puis rendu pendant six mois au régime ordinaire. L’a - nimal a été tué à la fin de ce dernier régime. a couche formée pendant le régime de la garance, et déjà en partie résorbée. B couche formée pendant le régime ordinaire. Fig. 8 et 9. Portions de l’un des fémurs (scié en travers), du même porc. a couche formée pendant le régime de la garance, et déjà en grande partie ré- sorbée; on en voit encore une trace en &°. B couche formée pendant le régime ordinaire. Fig. 10. Portion de cubitus, scié en travers, du même porc. Le cerelerouge a complé- tement disparu. Fig. 11. Rotule d’un jeune pore, sciée par le milieu. L’animal a été soumis au régime de la garance, et la portion osseuse qui s’est formée pendant ce régime porte des traces (en a) de ce régime. Fig. 12. Moitié de l'humérus gauche d’un porc soumis pendant un mois au régime de la garance, rendu pendant quatre mois au régime ordinaire, et puis soumis de nouveau pendant un mois au régime de la garance. L'animal a été tué à la fin de ce dernier régime. Les épiphyses manquent. a couche formée pendant le dernier régime de la garance. b couche formée pendant le régime ordinaire. c couche formée pendant le premier régime de la garance; elle est résorbée vers les extrémités de l’os. Fig. 15. Portion de fémur, scié en travers, du même porc. a couche formée pendant le second régime de la garance. B couche formée pendant le régime ordinaire, c couche formée pendant le premier régime de la garance, et déjà à moilié ré- sorbce. Fig. 14. Moitié de l’humérus (les épiphyses manquent) gauche d’un jeune porc qui, après avoir été soumis pendant un mois au régime de garance, a été tué après six mois de régime ordinaire. a couche formée pendant le régime de la garance, et en partie résorbée. b couche formée pendant le régime ordinaire. Fig. 15, 16 et 17. Portions de fémur, scié en travers,d’un porc soumis à deux régimes de garance , séparés par un régime ordinaire. Ajoutez que, après le second 444 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT régime colorant, l’animal a été rendu de nouveau au régime ordinaire : à la fin de ce dernier régime, il a été tué. a couche formée pendant le premier régime colorant. b couche formée pendant le régime ordinaire. c couche formée pendant le second régime colorant. d couche formée pendant le second régime ordinaire. e couche qui existait avant le premier régime colorant. Fig. 18. Extrémité supérieure d’une moitié du fémur droit d’un jeune chien. a &’ noyaux osseux. Fig. 19. Extrémité inférieure d’une moitié de los du canon d’un veau mort-né. a & noyaux osseux. PLANCHE V. Fig. 1°. Moitié du radius droit d’un bouc. L'animal a été tué trois mois après la destruction de la membrane médullaire. L’os, ici représenté, est un os en- tiérement nouveau. a périosle de l’os nouveau. b os nouveau. ce membrane médullaire de l’os nouveau. | d'os ancien, contenu dans l’os nouveau. Fig. 2. Autre moitié du même radius d’où l’os ancien a été retiré. a périoste de l’os nouveau. b os nouveau. c membrane médullaire de l’os nouveau. Fig. 3. Os ancien et nécrosé retiré de l’intérieur de l’os nouveau. La surface externe est usée et corrodée. Fig. 4. Moitié du radius gauche d’un porc. L'animal à été tué le vingt et unième jour après la destruction de la membrane médullaire. a périoste de l’os nouveau. b os nouveau. ce membrane médullaire de l’os nouveau. d os ancien et nécrosé. Fig. 5. Autre moitié du même radius. a périoste nouveau. b os nouveau. DES OS ET DES DENTS. 445 c membrane médullaire de l’os nouveau. Fig. 6. Os ancien et nécrosé, retiré de la cavité du radius de nouvelle formation. On le voit ici par sa face externe qui est usée et corrodée. Fig. 7. Tibia droit d’un lapin âgé de six semaines. Ce tibia a été amputé à sa partie inférieure, et la membrane médullaire a été détruite. L'animal a été tué soixante-douze heures après l'expérience. a périoste fendu. b couche cartilagineuse de nouvelle formation. c tractus du périoste qui montre la continuité de ce périoste avec la couche cartilagineuse (germe du nouvel os) appliquée sur l’os ancien. Fig. 8. Tibia droit d’un lapin âgé de six semaines. L’os a été amputé à sa partie inférieure, et la membrane médullaire a été détruite. L'animal a été tué quatre-vingt-seize heures après l'expérience. a périoste fendu. b couche cartilagineuse de nouvelle formation adhérente à l'os. c tractus du périoste qui monire la continuité de ce périoste avec la couche cartilagineuse adhérente à l’os ancien. Fig. 9. Tibia droit d’un lapin âgé de six semaines. L’os a été amputé à sa partie in- férieure, la membrane médullaire a été détruite. On voit ici os scié dans le sens de sa longueur. L’animal a été tué sept jours après l'expérience. a périoste. b os nouveau. c membrane médullaire nouvelle. d os ancien. Fig. 10. Tibia droit d’un lapin âgé de six semaines. L’os a été amputé à sa partie inférieure, la membrane médullaire a été détruite. L’os se voit ici scié dans le sens de sa longueur. L’animal a été tué huit jours après l’expérience. a périoste. D os nouveau. c os ancien. Fig. 11. Portion de tibia d’un lapin, montrant dans le point où la section a été pra- tiquée : a le périoste se continuant avec b la membrane médullaire nouvelle. Fig. 12. Portion de radius d’un bouc, scié en long. Le périoste qui avait été détruit 446 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT s’est reformé. On voit une lame d’os a, se continuant avec une lame de pé- rioste b. Fig. 15. Moitié inférieure du tibia droit d’un lapin : a périoste détaché de l'os ; b trou pratiqué dans los pendant la vie de l’animal ; c prolongement du périoste qui pénétrait dans ce trou. Fig. 14 et 15. Les deux moitiés d’un tibia de canard, scié en long. Le périoste avait été détruit. a périoste nouveau, b os ancien ou extérieur. c os nouveau et intérieur. PLANCHE VI. Fig. 1, 2 et 3. Tibias droits de trois cochons d’Inde. Ces os ont éte amputés vers leur extrémité inférieure. La membrane médullaire a été complétement détruite. L'animal auquel appartenait le tibia représenté dans la fig. 1°, a été tué trois joursaprès l’expérience. Celui dont le tibia est représenté dans la fig. 2 a survécu quatre jours. Le tibia de la fig. 3 est celui d’un cochon d’Inde qui n’a été tué qu'au bout de cinq jours. a périoste. b os nouveau. — La formation de cet os nouveau est d’autant plus avancée, dans ces trois cas comparés, que l’animal a survécu plus longtemps à l’expé- rience. c os ancien. Fig, 4 et b. Tibias droits de deux lapins, Ces os ont été amputés vers leur exlrémité inférieure. La membrane médullaire a été complétement détruite. L’animal dont le tibia est représenté dans la fig. 4 a été tué six jours après l’expérience, Celui auquel appartenait le tibia que représente la fig. 5 a survécu neuf jours à l'expérience. a périoste se continuant avec b, première couche de los nouveau dont la for- mation est plus avancée dans la fig, 5 que dans la fig. 4. c os ancien. dtractus qui montre la continuité du périoste a avec b, première couche de l'os nouveau. Fig. 6. Une moitié du libia droit d’un lapin. L’os a été amputé vers son extrémité DES OS ET DES DENTS, 447 inférieure. La membrane médullaire a été détruite, L'animal a été iné dix- neuf jours après l’expérience. a périoste rentrant dans l’intérieur de & l’os nouveau, pour y former d la membrane médullaire nouvelle. € l'os ancien nécrosé : il forme un séquestre qui est séparé de la cavité médul- laire de l'os nouveau. Fig. 7et8. Les deux moitiés du tibia droit d’un lapm. L’os a été scié vers son extrémité inférieure, et la membrane médullaire a été détruite. L'animal à été tué quatorze jours après l’expérience. a périoste contournant l'extrémité inférieure de à l'os nouveau, pour s’y porter de la face externe à la face interne. c l'os ancien presque complétement résorbé. La portion qui reste de cet os ancien est détachée en ©’ dans la fig. 8. Fig. 9, 10, 11, 12,15, 14 et 15. Tibias droits de lapins. La membrane médullaire a été détruite après la section de l'os vers son extrémité inférieure. Ces fi- gures représentent les progrès de l’ossification. Les animaux ont été tués : ce- lui dela fig. 9, trois jours; celui de la fig. 10, quatre jours; celui de la fig. 11, cinq jours; celui de la fig. 12, six jours; celui de la fig. 13, huit jours, celui de la fig. 14, dix jours, celui de la fig. 15, onze jours, après l’expé- rience. a périoste se continuant avec b l’os nouveau. c os ancien, lequel a déjà presque entièrement disparu dans les fig. 14 et 15. Fig. 16. Une moitié du tibia droit d’un cochon d’Inde. L’os a été scié vers son extrémité inférieure, et la membrane médullaire a été détruite, L'animal a survécu dix-huit jours à l'expérience. a périoste. b os nouveau. c os ancien et nécrosé, ôté de d la cavité médullaire de l’os nouveau. Fig. 17. Extrémité inférieure de l’une des moitiés du tibia représenté fig. 6. a périoste détaché de l'os et renversé au point où il contourne le rebord de b l'os nouveau pour se porter sur sa face interne. Fig. 18 et 19. Les deux moitiés du tibia droit d’un lapin. Le membre a été amputé vers son extrémité inférieure. La membrane médullaire a été détruite. L’ani- mal a été tué quarante jours après l'expérience, a périoste, b os nouveau. 448 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT c os ancien dont il ne reste plus qu’une petite portion, retirée de d la cavité médullaire de l’os nouveau. Fig. 20 et 21. Les deux moitiés du tibia droit d’un lapin. L’os a été scié vers son extrémité inférieure. La membrane médullaire a été détruite et l’animal a survécu quarante et un jours à l'expérience. a périoste. b os nouveau. c portion de l'os ancien nécrosé, retirée de d la cavité médullaire de l'os nouveau, Fig. 22 et 23. Les deux moitiés du tibia droit d’un lapin; la membrane médullaire a été détruite aprés la section de los vers son extrémité inférieure; l’animal a été tué au bout de dix-huit jours. a périoste détaché et renversé; il rentrait dans D, canal médullaire de l'os nouveau. D os nouveau. c péroné auquel il n’a pas été touché. d cavité médullaire. Cette cavité, dans la fig. 25, commence à se fermer par une véritable cloison osseuse. Fig. 24 et 25. Les deux moitiés du tibia droit d’un lapin. L’os a été scié vers son extrémité inférieure. La membrane médullaire a été détruite, et l'animal a élé tué vingt jours après l’expérience. a périoste, b os nouveau, c péroné auquel il n’a pas été touché. d cavité médullaire de l’os nouveau complétement fermée à son extrémité infé- rieure par une cloison osseuse. PLANCHE VII. Fig. 1°. Extrémité inférieure du tibia gauche d’un fœtus humain, b 2° lame du périoste (la 1"° lame a été enlevée), c 3° lame du périoste, d 4° lame du périoste, Fig. 2. Extrémité inférieure du membre abdominal gauche d’un fœtus humain. Les deux os de la jambe ont été sciés à 0,05 au-dessus des malléoles. a 1° lame du périoste passant par-dessus les articulations tibio-tarsienne et tarso-métatarsiennes. DES OS ET DES DENTS. 449 b 2° lame du périoste passant par-dessus l'articulation tibio-tarsienne. c 5° lame du périoste recouvrant le cartilage articulaire. d 4° lame du périoste se confondant avec l'os. e lame externe de l'os. Fig. 3. Extrémité inférieure d’un tibia de chien. c lame du périoste recouvrant le cartilage articulaire. d lame du périoste se continuant avec los. e lame externe de l'os, qui se continuait , par les points déchirés d d’, avec la lame interne du périoste. Fig. 4. Portion de tibia d’un fœtus de lapin de vingt jours environ. a tibia. d périoste fen du et tractus qui vont du périoste à los. Fig. 5. Portion d’un tibia d'homme. a périoste injecté et incisé. b, c, d, e, vaisseaux artériels se portant du périoste dans le tissu même de l’os. Fig. 6et 7. Moitiés d’un tibia de cochon d’Inde. L’animal a été tué cinq jours après la fracture de l’os. a fragment supérieur. b fragment inférieur. c périoste adhérant aux deux des fragments de l'os. d os nouveau commençant à se former dans un point même du périoste. Fig. 8. Moitié du tibia droit d’un cochon d'Inde. L’animal a été tué vingt-un jours après la fracture de l’os. a fragment supérieur. b fragment inférieur. c le périoste s’interposant entre les deux fragments et adhérant à l’un et à l'autre. d, d deux noyaux osseux se formant entre les deux os au milieu du pér ioste. Fig. get10. Les deux moitiés du radius gauche d’un chien âgé de six semaines. L’animal a été tué quinze jours après la fracture de l'os. a fragment supérieur. b fragment inférieur. c périoste se continuant avec d la matière cartilagineuse qui réunit les deux bouts de los rompu. Fig. 11 et 12. Moitiés de radius de chien. L’animal a été tué douze jours après la fracture de l’os. - Arouives pu Muséum, Tome Il. 57 450 -"" RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT a fragment supérieur. D fragment inférieur. c périoste pénétrant entre les bouts d’os rompus et les unissant l’un à l’autre. Fig. 15 et14. Les deux moitiés d’un cubitus de chien. L’animal a été tué douze jours après l'expérience. a fragment supérieur. b fragment inférieur. c périoste se continuant avec d la matière fibro- cartilagineuse du cal. Fig. 15 el16. Les deux moitiés d’un radius de pigeon. L'animal a été soumis au régime de la garance après la fracture de l’os, et tué au bout d’un mois. a fragment supérieur. b fragment inférieur. c périoste se continuant avec d la matière fibro- cartilagineuse du cal au milieu de laquelle se voit (en e) un point osseux rougi par la garance. Fig. 17. Humérus de pigeon. L'animal, à partir du jour de la fracture jusqu'au mo- ment où il a été tué, c’est-à-dire pendant un mois, a été soumis au régime de la garance. a fragment supérieur. b fragment inférieur. € fibro-cartilage qui unit les deux fragments, et au milieu duquel se voit (en d) un noyau osseux rougi par la garance. PLANCHE VIII. Cette planche montre le développement de l’os nouveau dans l’intérieur de l'os an- cien, os ancien dont le périoste a été détruit dans une étendue plus ou moins grande. Fig. 1°. Tibia gauche d’un canard, scié dans le sens de sa longueur : on n’a repré- senté qu’une des moitiés de cet os, sur lequel aucune lésion n’a été faite. Cet os, à l’état normal, doit servir de terme de comparaison relativement aux autres os représentés dans cette planche. Fig. 2 et 5. Moitiés de tibia d’un canard. Le périoste n’a été détruit que sur la por- üon moyenne de l'os. L'animal a été tué six jours après l’expérience. a périoste nouveau. b os ancien. c os nouveau. d canal médullaire de los ancien. s : DES OS ET DES DENTS. 451 Fig. 4 et 5. Les deux moitiés du tibia droit d’un canard. Le périoste a élé détruit dans presque toute l’étendue de l'os. L'animal a été tué sept jours après l'expérience. a perioste nouveau. b os ancien. c os nouveau remplissant le canal médullaire dans une plus grande étendue que dans les fig. 2 et 3. d canal médullaire de l’os ancien. Fig. 6 et 7. Les deux moitiés du tibia droit d’un canard. Le périoste a été détruit dans presque toute l’étendue de l'os. L'animal a été tué neuf jours après l’ex- périence. a périoste nouveau et fort épais. b os ancien. c os nouveau remplissant dans une plus grande étendue encore (d d’) le canat médullaire de l’os ancien. Fig. 8 et 9. Les deux moitiés du tibia droit d’un canard. Le périoste à été détruit dans presque toute l'étendue de Vos. L'animal a été tué dix-huit jours après l'expérience. a périoste nouveau. b os ancien: dans quelques points il est confondu avec c l'os nouveau qui rem- plit, à l'exception de quelques points d d’, toute la cavité médullaire de l'os ancien. PLANCHE IX. Fig. 17°. Moitié d’une dent molaire d’un jeune porc soumis pendant quinzejours au régime de la garance, et tué pendant ce régime. a couche d’émail. b couche d’os coloré, formée pendant le régime de la garance. c portion de la dent qui existait avant que l'animal fût mis à ce régime. Fig. 2. Moitié d’une dent molaire d’un jeune pore soumis pendant quinze jours au régime de la garance, puis rendu pendant vingt jours au régime ordinaire : au bout de ce temps l'animal a été tué. a couche d’émail. b couche colorée, formée pendant le régime de la garance. c couche formée pendant le régime ordinaire qui a succédé au régime de la garance. 452 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Fig. 3. Moitié d’une dent molaire d’un jeune porc soumis d’abord, pendant quinze jours, au régime de la garance, rendu ensuite, pendant un mois, au régime or- dinaire, et tué pendant ce régime. a couche d’émail. b couche formée pendant le régime de la garance. c couche formée pendant le régime ordinaire; elle est plus épaisse que dans la fig. 2. Fig. 4. Moitié d’une dent molaire d’un jeune pore soumis pendant un mois au régime de la garance, et puis rendu au régime ordinaire pendant un mois et demi; Panimal a été tué au bout de ce temps. a couche d’émail. b couche formée pendant le régime de la garance. ce couche formée pendant le régime ordinaire, plus épaisse que dans la fi- gure 5. Fis. 5. Moitié d’une dent molaire d’un jeune porc soumis pendant un mois au régime de la garance, et tué au bout de trois mois de régime ordinaire. a couche d’émail. b D’ couche formée pendant le régime de la garance. cc’ couche, plus interne, formée pendant le régime ordinaire; elle est plus épaisse en c que la couche correspondante de la fig. 4; l'animal a survécu, en effet, plus longtemps au régime de la garance. d cavité de la dent. Fig. 6. Moitié d’une dent molaire d’un jeune porc soumis pendant un mois au régime de la garance; puis rendu pendant six mois au régime ordinaire, et tué à la fin de ce second régime. a couche d’émail. b b’ couche formée pendant le régime de la garance. d la cavité dentaire. c c’ couche, fort épaisse, formée pendant le régime ordinaire. Fig. 7 et 8. Moitiés d’une dent molaire d’un jeune porc soumis pendant un mois au régime colorant, rendu pendant quatre mois au régime ordinaire, soumis de nouveau pendant un mois au régime de la garance, et, au bout de ce temps, tué. a couche d’émail. b couche formée pendant le régime colorant. ce couche intermédiaire formée pendant le régime ordinaire, DES OS ET DES DENTS. 453 d couche formée à la partie la plus interne de la dent pendant le second ré- gime de la garance. Fig. 9. Moitié d’une dent canine d’un jeune porc tué au bout d’un mois du régime colorant. a couche d’émail. b couche formée pendant que l’animal a été nourri avec de la garance. La dent est rouge dans toute son épaisseur. Fig. 10 et11. Moitiés d’une dent canine d’un jeune porc soumis pendant un mois au régime de la garance, et tué après avoir été rendu pendant trois mois à la nourriture ordinaire. a couche d’émail. B couche formée pendant que l'animal était soumis au régime de la garance c couche formée pendant le régime ordinaire. Fig. 12. Moitié de dent canine d’un jeune porc dont le régime ordinaire, qui succé- dait à un mois de régime colorant, a duré six mois. a couche d’émail. b couche formée pendant le régime colorant, et déjà en partie résorbée. c couche, beaucoup plus épaisse, formée pendant le régime ordinaire. d cavité de la dent. Fig. 13. Dent molaire de porc. Après avoir été colorée par la garance, cette dent a été soumise à l’action de l’acide hydrochlorique étendu d’eau. Fig. 14. Dent molaire de porc laissant voir, dans son intérieur, le bulbe. Fig. 15. Bulbe de dent molaire de veau mort-né. Fig. 16. Dent molaire de veau mort-né montrant la continuité des lames du bulbe avec les parties cartilagineuses de la dent. Fig. 17. Portion de dent d'hippopotame qui a été soumise à l’action de l'acide hy- drochlorique. Fig. 18. Portion de dent d’hippopotame, à l’état naturel, PLANCHE X. Pig. 1"°. Radius de porc vu par sa face antérieure. 8" P Le membre auquel appartenait ce radius a été amputé pendant que l'animal était soumis au régime de la carance. On remarque, en d, un espace où il n’y a pas de coloration. 454 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT Fig. 2. Coupe de ce même os. a cercle rouge extérieur : il manque dans le point de la circonférence de los qui correspond à la face antérieure. b cercle blanc. & traces de coloration à la face interne de l’os. Fig. 3. Portion de l’un des fémurs d’un porc tué pendant qu'il était soumis au régime de la garance. a couche rouge formée pendant ce régime. - b couche blanche. Elle était formée avant que le porc füt soumis à ce ré- gime. Fig. 4. Portion de l’un des humérus d’un porc, tué après un régime ordinaire de quarante jours succédant à un régime de garance. a couche rouge formée pendant le régime de la garance. & traces de coloration à la face interne de l’os. b couche blanche qui s'était formée avant que l’animal fût soumis au régime de la garance. c couche blanche extérieure formée pendant le régime ordinaire qui succédait au régime de la garance. Fig. 5. Portion de fémur d’un porc, mort après six mois et demi d’un régime or- dinaire succédant à un régime de garance. a couche rouge formée pendant le régime de la garance. b couche blanche interne qui s’était formée avant que lanimal fût soumis au régime de la garance. c couche blanche externe formée pendant le régime ordinaire qui succédait au régime colorant. Fig. 6. Portion d'humérus de porc. Le membre auquel appartenait cet humérus a été amputé pendant que l’animal était soumis au régime de la garance. a couche rouge formée pendant ce régime. & traces de coloration à la face interne de los. b couche blanche qui était formée avant que l'animal fût soumis au régime de la matière colorante, Fig. 7 et 8. Extrémité inférieure de lun des tibias d’un porc, tué après un régime ordinaire de quarante jours succédant à un régime de garance. L’os a été scié dans le sens de la longueur, afin de montrer e la portion d'os formée pendant le régime ordinaire. a portions rouges d’os formées pendant le régime colorant. DES OS ET DES DENTS. 455 A Epiphyse. Fio. 9. Le même os, vu par sa tranche, avant la section longitudinale. a couche rouge qui occupe presque toute l’épaisseur de l'os. a’ trace de coloration rouge dans B la portion d’os qui était formée avant que le porc eût mangé de la ga- rance. Fig. 10. Canon de chevreau scié transversalement. Lorsque le membre auquel appartient cet os a été amputé, l’animal était soumis au régime de la garance depuis un mois. a couche rouge externe formée pendant ce régime. a couche rouge, formée également pendant ce régime, à la face interne de l'os. Fig. 11 et 12. Tibia droit de cochon d'Inde. L’amputation du membre postérieur a été faite vers l'extrémité inférieure du tibia, puis la membrane médullaire de cet os a été détruite à l’aide d’un stylet. L’animal a été mis immédiatement au régime de la garance, et au bout de douze jours il a été tué. L'os est scié longitudinalement. a os nouveau formé pendant le régime colorant. b périoste de l’os nouveau se continuant au-dessous de la section de los. c membrane médullaire de l’os nouveau. Fig. 15. Os ancien à l’état de séquestre, sans aucune trace de coloration; il est ôté de la cavité médullaire de l'os nouveau. Fig. 14. Tibia droit de cochon d’Inde. L’os a été entouré dans le point qui répond à la section, d’un anneau de fil de platine. L'animal a été soumis immédiatement au régime de la garance, et puis tué au bont de douze jours. L’os a été cassé un peu au-dessous de l’anneau. a os nouveau formé pendant le régime colorant. b os ancien qu’entourait l’anneau. Fig. 19. Tibia gauche de ce cochon d’Inde. Ge libia gauche avait été amputé le jour où l’anneau avait été placé sur le tibia droit. Il a été scié, proportionnellement à ses dimensions, au point qui répond à la fracture de l’autre os. On voit que cet os, et que celui qui est com- pris dans l’intérieur de l’os nouveau, ont absolument la même gros- seur. Fig. 16 et 17. Tibia droit de cochon d'Inde. 456 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT L'os a été entouré d’un anneau de fil de platine. L'animal a été soumis immédiatement au régime de la garance, et tué le vingt-quatrième jour après l'expérience. L’os est scié dans le sens de la longueur. a os nouveau formé pendant le régime de la garance. On voit au milieu du tissu osseux rouge ! : À anneau de fil de platine coupé par la scie. b portion de l'os ancien contenue dans la cavité médullaire de los nou- veau, | ig. 18. Le même os avant qu’on l’eût scié; il est vu par sa face externe. Fig. 19, 20, 21,22, 25 et 24. Tibias droits de lapins. Tous ces libias ont été soumis à la même expérience : sur tous un anneau de fil de platine a été placé autour de los. Immédiatement après l’expérience, les animaux ont été mis au ré- gime de la garance, Fig. 19. Le lapin auquel appartenait ce tibia a été tué le vingt-huitième jour après l'expérience. tee L’os est complétement rouge. À l’anneau, recouvert dans quelques points par b le ptrioste. Fig. 20. Le lapin auquel cet os appartenait a été tué le trente-huitième jour après l'expérience. L’os est également rouge. b le périoste fendu et tenu écarté par des airignes. A l'anneau, recouvert dans un point par a une couche d’os nouveau, Fig. 21. Le lapin auquel cet os appartenait a été tué quarante-trois jours après l'expérience. A l’anneau recouvert dans quelques points par a une couche très-mince et presque transparente d’os nouveau. b périoste fendu et tenu écarté par des airignes. Fig. 22 et 23. Les deux moitiés du tibia d’un lapin tué le cinquante-troisième jour après l'expérience, * Au milieu du tissu osseux rouge, parce que, en ce point, l'anneau ne serrait pas exacte- ment los ancien. Aussi quelques couches rouges, c'est-à-dire quelques couches nouvelles, ont-elles pu se former, en ce point, sous l'anneau. L2 DES OS ET DES DENTS. 457 a os nouveau fortement coloré, dans l'épaisseur duquel : est compris À l'anneau coupé par la scie. b os ancien, blanc. Fig. 24. Le même os vu avant la section. A l’anneau complétement caché sous a l'os nouveau. Fig. 25. Coupe du cubitus droit d’un chevreau, vue de face. L'animal a été amputé après un mois du régime de la garance. a couche rouge externe formée pendant le régime de la garance. & couche rouge interne, formée pendant ce même régime. b couche blanche, placée entre les deux couches rouges. Fig. 26 et 27. Portions du cubitus droit du même chevreau, scié dans le sens de sa longueur. a couche extérieure, rouge. æ& couche interne également rouge. b couche blanche, intermédiaire aux deux couches rouges. Fig. 28. Coupe d’un humérus de pore, vue de face. L'animal a été tué après un régime ordinaire (d’une durte de quarante jours), succédant à un régime de ga- rance. La coupe montre une irrégularité dans la disposition des couches. a cercle rouge externe incomplet. & cercle rouge interne également incomplet. b cercle blanc intermédiaire aux deux cercles rouges et également incomplet. PLANCHE XI. Les six premières figures de cette planche sont destinées à faire connaître le résultat des expériences mécaniques, relatives à l'accroissement dcsos en longueur. Ces expériences ont été faites de la manière suivante : sur la face interne du Ubia droit de trois lapins, deux trous ont élé pratiqués à une certaine distance lun de l’autre. Cette distance a été exactement mesurée. Dans chacun des deux trous, on à fait pénétrer un petit clou d’argent auquel on a laissé faire à peine saillie. Quelques points de suture ont rapproché les lèvres de la plaie. Afin de s'assurer d’une manière exacte de l’accroissement que pourrait prendre l'os * 1] faut reproduire ici la remarque déjà faite dans la note de la page précédente. Arcuives pu Muséum, roue II. 58 458 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT sur lequel était pratiquée l'expérience, on a fait sur chacun des lapinsuneamputation, dans l'articulation tibio-fémorale, du tibia du côté opposé, et chacun de ces tibias amputés a été conservé avec l'indication du lapin auquel il appartenait. Les fig. 1, 5 et 5 représentent les tibias droits sur lesquels ont été placés les clous, et les fig. 2, 4 et 6 les tibias gauches correspondants, amputés le jour même de l’expé- rience. Fig. 1°. Le lapin auquel appartenait ce tibia a été tué vingt-huit jours après l’expé- rience. a a clous d'argent. La longueur de l'intervalle compris entre ces deux clous est comme le jour de l'expérience de 0,022. Cependant los a 0",o12 de plus. En effet, il a maintenant une longueur de 0"80, tandis que, comme l’in- dique la fig. 2, cette longueur n’était alors que de 0068. Fig. 2. Tibia gauche du même lapin, amputéle jour de l’expérience, long de 0"068. fig. 5. Le lapin auquel appartenait ce tibia a été tué cinquante-trois jours après l'expérience. L’intervalle compris entre a a les clous d'argent, est de o"020, comme le jour de l’expérience. L’accroisse - ment de l’os en longueur a été de 0"031, puisque au lieu de 0°065 qu'il avait à ce moment-là, ainsi que le montre la fig. 4, il en a 0"094. Fig. 4. Tibia gauche du même lapin, amputé le jour de l'expérience, long de 0"065. Fig. 5. Le lapin auquel appartenait ce tibia a survécu quatre-vingt-sept jours à l’ex- périence. a a clous d'argent distants l’un de l’autre de o"o20, comme au jour de l’expé- rience. L’os a pris un accroissement de 0"038, car il n’a plus comme au mo- ment de l’expérience 0° 066 de longueur, mais bien 0"104. Fig. 6. Tibia gauche du même lapin, amputé le jour de l’expérience. Sa longueur est de 0"066. Fig. 7. Les deux moitiés A et B du tibia gauche d’un fœtus humain à terme : cet os est scié dans le sens de sa longueur. a a tissu spongieux remplissant la cavité médullaire. b point où la cavité médullaire ne contient point de tissu spongieux. Fig. 8. Les deux moitiés de l’humérus gauche d’un fœtus de chat, âgé de deux jours. a a cavité médullaire complétement remplie de tissu spongieux. Fig. g. Les deux moitiés du tibia gauche d’un vieux pigeon. » a a cavité médullaire complétement dépourvue de tissu spongieux. Fig. 10. Les deux moitiés du tibia droit d’un pigeon âgé d’un an, soumis à un ré- DES OS ET DES DENIS. 459 gime de garance pendant quatre mois et seize jours. Le tibia avait été frac- turé au commencement de ce régime. a a point où a eu lieu la fracture. b b cavité médullaire entièrement remplie de tissu spongieux. Fig. 11. Moitié externe du fémur gauche du même pigeon. La cavité médullaire est également remplie de tissu spongieux:. Fig. 12. Extrémité inférieure d’un humérus de porc qui a élé tué aprés un régime ordinaire d’une durée de quarante jours, succédant à un régime de garance ; cette extrémité est vue par sa face interne. a a lames osseuses nouvelles, formées par-dessus l’os ancien. Fig. 13. Portion de crâne de veau mort-né montrant (en &) au niveau de la fontanelle antérieure, la continuité du périoste externeavec la dure-mére2. Fig. 14. Tibia de chien, coloré par une immersion dans une solution de garance. Fig. 15. Coupe du même os, vue de face. Fig. 16. Fémur de cochon d’Inde, animal sur lequel a été faite une injection avec une solution de garance. Fig. 17. Fragment osseux qui avait été placé dans un des muscles pectoraux d’un pigeon très-jeune, et qui y a passé les quatre-vingt-scize heures pendant lesquelles cet animal a été soumis au régime de la garance : au bout de ce temps l’animal a été tué. a & points rouges. Fig. 18. Fragment osseux qui avait été placé dans un des muscles pectoraux d’un pigeon très-jeune, et qui y a passé douze jours pendant lesquels l'animal a été soumis au régime de la garance. Au bout de ce temps, l’animal a été tué. a a points rouges. PLANCHE XII. Fig. 1°°. Dent molaire de vache. Immédiatement après son extraction de l’alvéole, celle dent a été plongée dans de l'acide chlorhydrique étendu d’eau : elle y a été laissée pendant quarante-huit heures. a a capsule de la dent ouverte; les bords de l’ouverture sont renversés. ‘ Les fig. 10 et 11 représentent un cas anomal. Ordinairement, le tissu spongieux a dis- paru dans les pigeons de cet âge. * Ce fait est précieux : il montre nettement, et sans le secours de l'expérience, la continuité des périostes externe et interne. 460 RECHERCHES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES OS ET DES DENTS. Fig. 2. Dent molaire de cheval vue par sa face latérale. Cette dent, plus d’une année après son extraction de l’alvtole, a été plongée dans de l’acide chlor- hydrique étendu d'eau : elle y a été laissée pendant quarante-huit heures. a a capsule de la dent ouverte; les bords de l’ouverlure sont renversts. Fig. 5. La même dent vue par sa couronne. a un lambeau de la capsule détaché et relevé. Fig. 47 Morceau de dent canine d’hippopotame, vue par sa face externe. a a membrane capsulaire soulevée :. Fig. 5et6. Portions d’un radius d’homme qui sont restées pendant plus de deux mois dans de l’acide sulfurique étendu d’eau. a a a (fig. 5) filaments cartilagineux. a a (Gg. 6) lame externe de los soulevée 2. Fig. 7. Les deux moitiés d’un fémur de pigeon âgé de quinze jours environ, soumis pendant vingt quatre heures au régime de la garance. L’os est complétement rouge. Fig. 8. Portion d’un fémur d'homme; cet os est resté pendant plusieurs mois dans de l'acide sulfurique étendu d’eau. a a lames osseuses soulevées 3. E 9. Squelette de pigeon, âgé de quelques jours, et qui a été soumis pendant quatre-vingt-seize heures à un régime de garance, après lequel il a été tué. Pendant toute la durée de ce régime, l’animal a conservé dans un de ses 3 & muscles pectoraux un fragment d’os vu en À, et qui présente en a a destra ces de coloration. Tout le squelette est d’un rouge très-intense. Fig. 10. Squelette de pigeon qui, après avoir été très-fortement coloré à la suite d’un régime de garance qui n’avait duré que vingt-quatre heures, a été rendu pendant dix-huit mois au régime ordinaire: au bout de ce temps il a été tué. a a traces, encore persistantes, de la coloration due au régime de la garance. * ‘ ? Ces quatre figures (are, 2e, 3° et /e) présentent un fait remarquable, savoir, la persis- tance de la capsule sur les dents (quoique complétement sorties de leurs alvéoles) des rumi- nants et des solipèdes. : | 2: Cette lame externe de l'os rendue à l'état d'une sorte de membrane cartilagineuse par l'action de l'acide, représente la dernière couche osseuse formée, la dernière lame du périoste qui se soit transformée en os. 5 Lames osseuses externes rendues à l’état cartilagineux, dernières lames du périoste qui se soient transformées en os. DESCRIPTION DES CRUSTACÉS NOUVEAUX OÙ PEU CONNUS CONSERVÉS DANS LA COLLECTION DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE ; PAR MM. MILNE EDWARDS ET H. LUCAS. Nous avions formé le projet, M. Audouin et moi, d'insérer dans ces Archives une série de notes sur les crustacés les plus intéressants de la collection du Muséum, et nous venions de donner à ce projet un commencement d’exécution', lorsque la mort de mon savant colla- borateur et excellent ami est venue interrompre notre travail. Appelé à lui succéder dans la chaire d’Entomologie, j'ai considéré comme un de mes devoirs la continuation de notre publication, et, afin de mieux remplir cette tâche, je me suis associé un des jeunes zoolo- gistes attachés à mon laboratoire, M. Lucas, qui depuis longtemps 1 Voyez le Mémoire sur Les Séroles et la note sur l'Ecrevisse de Madagascar, insérés dans le premier cahier de ce volume, page 5. A l’occasion du premier de ces articles, je crois de- voir rectifier ici une légère erreur qui s’est glissée dans l’explication des planches; en don- nant aux appendices de l'abdomen des Séroles des numéros d’ordre, on a omis de compter la seconde paire des fausses pattes branchiales, de facon que les appendices de l'anneau caudal portent le n° 5, au lieu du n° 6 qu’il aurait fallu leur donner. Arouives pu Muséuu, roue II. 59 462 CRUSTACÉS | avait fait des crustacés une étude spéciale, et qui est connu des na- _ turalistes par plusieurs travaux intéressants sur les animaux articulés. Nous continuerons donc en commun ce que mon prédécesseur avait commencé avec moi, et dans les livraisons successives de ce recueil, nous ferons connaitre les espèces nouvelles les plus remarquables parmi les crustacés dont notre collection enrichit chaque jour. M. E. DU MUSÉUM. 463 SUR LA LITHODE A COURTES PATTES. (Lrrnopes 8revipes, Nob.) Le genre LITHODE établi par Latreille ‘ ne se composait, pendant longtemps, que d’une seule espèce propre aux mers du Nord, et dé- signée sous les noms de Cancer maja par Linné ?, de Parthenope maja® et d’Inachus maja* par Fabricius, et de Maja vulgaris par Bose 5. Cette division offrait cependant beaucoup d'intérêt à raïi- son des anomalies de structure que l’on y apercevait, et elle a donné lieu aux opinions les plus divergentes relativement à la place qu’elle doit occuper dans la classification carcinologique. Effectivement , Latreille, Lamarck°, Leach” et Desmarest® ont rangé les Lithodes parmi les Oxyrhinques ou Triangulaires; l’un de nous a cru devoir les éloigner de tous les Brachyures ordinaires pour les placer dans un groupe particulier composé des Homoles, des Hippes, des Pagures et autres Décapodes à abdomen anormal ?, et les arguments apportés à Vappui de cette opinion ont déterminé Latreille à modifier sa pre- mière classification, et à établir pour les Lithodes et les Homoles une 1 Genera crustaceorum et insectorum, t. 1, p. 39 (1806). 2 Fauna Suecica (2° éd., 1761), p. 493. 3 Supplementum Entomologiæ systematicæ, p. 354 (1798). 4 Op. cit. p. 358 (double emploi). ® Hist. nat. des crustacés, t. 1, p.251 (anxou1 709). 5 Genera, loc. cit.; Familles naturelles du règne animal, p. 272 (1825). 7 Hist. des anim. sans vertèbres, t. 5, p. 239 (1818). 8 Considérations sur les crustacés, p. 159 (1825). 2 Recherches sur l’organisation et la classification des crustacés décapodes, lues à l'Acad. le 30 mai 1831, et imprimées dans les Annales des sciences naturelles (1"° série), t. 25, p. 298 (1832). 464 CRUSTACÉS nouvelle division distincte de celle des Oxyrhinqnes, et désignée sous le nom de Hypophthalma". Enfin, des observations ultérieures sont venues confirmer les vues qui avaient conduit à l'innovation signalée ci-dessus , et dans l’ou- vrage le plus récent sur l’histoire générale des crustacés, le genre dont nous nous occupons ici se trouve rangé dans la section des Décapodes anomoures*; mais plusieurs naturalistes se refusent encore à adopter cette classification. Cette discordance d’opinion parait dépendre principalement de limperfection de nos connaissances sur la structure des Lithodes et des groupes voisins. Aussi, en décrivant ici une espèce nouvelle ap- partenant à ce genre curieux, nous avons pensé qu'il serait utile d’é- tudier avec quelque détail toutes les parties du squelette tégumen- taire de ces animaux, et nous regrettons que l’état de dessication de nos individus ne nous ait pas permis d'étendre cette investigation aux parties molles. La LiruopE dontil va être question a été cédée au Muséum par un de nos correspondants du port de Cherbourg, et nous a été indiquée comme provenant des parties australes de l'Océan Pacifique; mais nous ne savons rien de certain sur sa patrie, et ce défaut de ren- seignements précis est d'autant plus ficheux que le mode de distri- bution géographique des Lithodes est très-remarquable. En effet, ce genre est représenté par trois espèces distinctes dans la région scan- dinave, dans les mers de Kamtschatka et à l’extrémité australe de l'Amérique, mais ne parait pas exister danstoute la partie chaude du globe intermédiaire entre ces points si éloignés géographiquement, mais si analogues sous le rapport du climat. ! Cours d'Entomologie, p. 364 (1831). * Milne Edwards, Hist, nat. des crustacés, t. 2, p. 184 (1837). % DU MUSEUM. 465 Notre Lithode se distingue au premier coup d’œil des espèces déja connues, par sa forme trapue, par la brièveté de son rostre et de ses pattes, et par quelques autres particularités dont il sera bientôt question ; on peut la caractériser brièvement de la manière suivante, et nous la désignerons sous le nom de : LITHODE A COURTES PATTES. Liraopes BREvIPES, Nob. Planches 24, 25, 26, 27. L. omnind fulva ; rostro brevi, curvato , crasso, obtuso, tribus sptrus ar- mato ; tesit& lat&, spiris longissimis armat&; pedibus brevibus, robusuis, aculeatrs. La carapace, plus large que longue, est subtriangulaire et légère- ment bombée en-dessus; sa surface supérieure et ses bords sont hé- rissés d’une multitude de grosses épines coniques, dont la disposition n'offre rien d’important à noter et se voit suffisamment dans les fi- gures jointes à ce mémoire. Entre la base de ces épines, le test ne présente aucune trace de granulations ni d’aspérités, comme chez la Lithode arctique, mais est au contraire tout-à-fait lisse. Un sillon transversal assez profond sépare la région cordiale de la région gé- nitale qui est confondue antérieurement avec la région stomacale, et, de chaque coté de cette dernière, on remarque une fossette ovalaire. Le rostre est court, obtus et courbé en bas vers sa base ; il ne dé- passe pas le pédoncule des antennes externes, et présente en-dessus trois où quatre épines dont une très-petite occupe la ligne mé- diane et deux, assez grosses, sont placées latéralement près de sa base, au-dessus du canthus interne de l’œil. Les orbites sont 466 CRUSTACÉS bien distinctes en-dessus, mais manquent entièrement de parois en dessous, et leur angle externe est occupé par une grosse épine conique. Les régions ptérygostomiennes de la carapace sont presque verticales et présentent, près de leur bord supé- rieur, une suture presque horizontale résultant de l’union de la pièce tergale avec les pièces épimériennes de ce grand bou- clier; ces dernières offrent une disposition très-remarquable, car au lieu d’être uniques de chaque côté du corps, elles sont di- visées en plusieurs portions par des sutures verticales ou obli- ques, parfaitement distinctes ‘. La première portion occupe les côtés de la bouche et présente en avant une forte épine placée sous l'insertion de l'antenne externe; la seconde est également très-grande et correspond à l’espace occupé par la base des pattes des trois premières paires; enfin on trouve encore trois autres pièces au-dessus de la base des pattes suivantes, mais elles sont courtes et très-étroites. Les yeux sont très-petits et dépassent à peine le bord de l'orbite; leur pédoncule naît très-près de la ligne médiane, et l'anneau rudimentaire qui les porte, n’est pas enveloppé par un pro- longement du front, comme cela se remarque chez les Brachyures, mais il se voit extérieurement entre le rostre et le bord antérieur de l’épistome. Les antennes internes * sont assez grandes et s’insèrent à nu à quelque distance en arrière et en dehors des pédoncules ocu- laires, de façon que leur base touche à l’épine de l’angle externe de l'orbite et tient lieu de paroi inférieure de cette cavité, disposition qui du reste se remarque aussi chez les autres espèces du même genre. L'article basilaire de ces appendices n’est pas élargi comme MPI#29 0002 PI 20" 60 1 DU MUSÉUM. 467 chez les Brachyures, mais cylindrique et dirigé en avant; les deux articles suivants ne présentent dans leur forme rien de particulier, mais ils ne peuvent se reployer sous le front et se dirigent en avant, à peu près de la même manière que chez les Paguriens; enfin les fi- lets terminaux de ces antennes sont très-courts. Les antennes exter- nes s'insèrent presque sur la même ligne que les précédentes, mais beaucoup plus en dehors, sous la portion du bord antérieur du test, située entre l’angle orbitaire externe et l’épine qui garnit l’angle la- téro-antérieur de ce bouclier. Leur article basilaire est beaucoup plus grand et plus épineux que dans les autres espèces de ce genre, mais ce qu’elles offrent de plus remarquable, c’est un appendice peu mobile qui, implanté au-dessus de l’insertion du second article, pa- rait être l’analogue de la lame dont le pédoncule de ces appendices est garni chez presque tous les Macroures; seulement ici cette pièce, au lieu d’être squammiforme, constitue un tubercule hérissé de quatre épines coniques, dont une petite dirigée en avant et les trois autres plus où moins obliquement en dehors". Le second article de ces an- tennes est très-court, et le troisième est de longueur médiocre, mais dépasse à peine le second article des antennes externes et le rostre, et avance moins loin que les épines dont il vient d’être question. La tige terminale ne présente rien de particulier. La portion du test qui porte ces antennes a la forme d’un gros tubercule, et se trouve séparée de la région ptérygostomienne et de la portion dorsale de la carapace par un sillon profond ; en dehors elle se continue sans in- terruption avec lépistome, et à l'angle interne de sa base se trouve la fossette auditive. L’épistome est grand, à peu près carré, et n’est pas séparé de l’espace prélabial, de façon que le cadre buc- cal manque complétement en avant. Latéralement au contraire, les DPI 25;ifie N- 468 CRUSTACÉS bords de ce cadre sont bien marqués et on distingue à leur angle antérieur une forte épine qui s’avance au-dessous de la base des an - tennes externes ‘. L'appareil buccal? présente la disposition ordi- naire, mais semble être pour ainsi dire refoulé en avant; la lèvre supérieure dépasse le niveau des points occupés par les organes auditifs. Les #7andibules * et les mächoires* w’offrent rien de re- marquable. Les pattes-mâchoires ® ne portent pas d’appendice fla- belliforme comme chez les Brachyures et ressemblent beaucoup à celles des Birgus®. En jetant les yeux sur les figures qui accompa- gnent ce mémoire, on remarquera la longueur considérable des pattes-mâchoires antérieures ? et l’état rudimentaire du lobe externe de la portion principale, qui chez les Brachyures offre d'ordinaire un développement très-considérable et s’'élargit à son extrémité pour clore en-dessous le canal efférent de l'appareil respiratoire. Les pattes-mâchoires de Va seconde paire * ne présentent rien qu’il soit essentiel de noter, et celles de la première paire° sont robustes et subpédiformes au lieu d’être operculaires comme chez les Maïas et les autres Brachyures, auxquels la plupart des entomologistes réu- nissent, à tort, les Lithodes. La structure de la portion thoracique du corps éloigne égale- ment ces crustacés de tous les Brachyures proprement dits. Ainsi * PI. 25, fig. 1 et fig. 2. 21Pl 25, fig:1e 3 PI. 25, fig. 3. 4 PL. 25, fig. 4. 5 PI. 25, fig. 5,6 et 7. 6 Voyez la grande édition du Règne animal de Cuvier, atlas des Crustacés, par M. Milne Edwards, pl. 43, fig. 1°, 1,17. 5 PI. 25, fig. 6. * PI. 25, fig. 7. a PI. 25, fig. 8. DU MUSÉUM. 469 que l’un de nous l’a déjà fait remarquer, le sternum ‘ est linéaire en- tre la base des pattes de la première paire et le plastron, s’élargit ensuite graduellement d'avant en arrière; il n’y existe pas de suture médiane, et le dernier anneau thoracique n’entre pas dans sa com- position. Cet anneau n’est représenté inférieurement que par deux pièces latérales servant à l’insertion des pattes postérieures qui ne se rencontrent pas sur la ligne médiane et qui ne sont unies au plastron que par la membrane dont le prolongement va constituer la paroi ventrale de l’abdomen; or, cette disposition, dont nous ne connaissons pas d'exemple parmi les Brachyures proprement dits, est analogue à celle qui se rencontre chez les Paguriens et plusieurs autres Décapodes anomoures. Les cloisons épimériennes sont peu développées et ne se réunis- sent pas sur la ligne médiane, de façon que les cellules des flancs n’occupent que les côtés du thorax et ne constituent pas en arrière une selle turcique postérieure, comme cela a lieu chez les Bra- chyures. Les pattes des Lithodes offrent, comme on le voit, une ano- malie dont il n’existe pas d'exemple chez les vrais Brachyures, mais qui n’est pas rare dans la section des Anomoures ; savoir l’état presque rudimentaire des membres thoraciques de la dernière paire, qui sont trop petits pour servir à la locomotion et sont re- ployés sous les parties latérales de la carapace *, de sorte qu’au premier abord on pourrait prendre ces crustacés pour des Octo- podes *. Il est aussi à noter que dans ce genre, la main ne peut se reployer contre la région buccale, et que sa face interne est beau- ! Pl. 26, fig.1,a MP #26; 69-41; 3 Pl 26, fig: 1. 4SPIN 04 64" Ancuives pu Muséux, roms II. 60 A7o CRUSTACÉS coup plus renflée que d'ordinaire chez les Brachyures. Quant aux particularités spécifiques qu’offrent les pattes de la Lithode, dont la description nous occupe ici, il est seulement à noter que ces orga- nés sont beaucoup moins larges, plus robustes et plus épineux que dans les autres espèces de ce genre; les épines de forme conique que l’on y remarque, sont aussi développées sur le pénultième ar- ticle que, sur la cuisse ; enfin le tarse est en outre armé en dessous d’une rangée de pointes acérées, disposées comme les dents d’un peigne. L’abdomen varie beaucoup suivant les sexes; mais offre toujours un caractère remarquable dépendant du fractionnement de la por- tion tergale de son squelette tégumentaire’. Dans l’un et l’autre sexe , le premier anneau est rudimentaire, tandis que le second est très-développé et se compose de cinq pièces, dont les trois dorsales sont soudées entre elles et représentent lé tergum et les épimères, tandis que les deux pièces latérales sont libres et semblent être les analogues des épisternums. Chez le mäle*, la portion suivante de l'abdomen est triangulaire et symétrique; on y distingue latéralement trois paires de grandes plaques tuberculeuses que lon peut considérer comme les épimères des 3°, 4° et 5° segments abdominaux; plus en arrière, se voient deux pièces médianes qui représentent le 6° et le 7° anneau, et l’espace médian compris entre Pespèce de bor- dure ainsi formée, est occupé par une multitude de petites pièces tuberculiformes isolées entre elles, et placées par rangées trans- versales; enfin la face sternale de l'abdomen est complétement membraneuse et ne porte aucun appendice. Chez la femelle”, Pab- domen est conformé de la même manière, si ce n’est qu’au lieu 1 PI 27, fig. 1, 2. "Pl lier 3 PI. 27, fig. 1. DU MUSÉUM. 474 d’être symétrique, il est très-développé du côté gauche et de grandeur médiocre à droite, d’où résulte un contournement analogue à celui qui existe chez les Pagures. Le système appendiculaire de cette portion du corps présente un autre point de ressemblance avec le mode de conformation ordinaire chez les Birgus et les Pagures ; en effet, il n'existe chez la femelle que quatre fausses pattes ovifères, appartenant toutes au côté gauche du corps et insérées sur une ligne courbe’; disposition que Kreusenstern avait depuis longtemps si- gnalée dans la Lithode de Kamtschatka. Dans cette espèce, de même que chez la Lithode des mers du nord: les vulves sont percées dans l’article basilaire des pattes de la troi- sième paire* au lieu d'occuper le plastron sternal, comme chez les Brachyures. Enfin, les branchiesi sont disposées de la même manière que chez la Lithode arctique où l’un de nous les avait déjà décrites et offrent par conséquent , dans tout ce genre, un caractère qui ne se rencontre jamais chez les vrais Brachyures, tandis qu'il est très-commun chez les anomoures; savoir : l’existence de ces organes sur le pénultième anneau thoracique; on en compte de cha- que côté trois, dont deux attachées à la membrane articulaire de la quatrième patte et une, fixée beaucoup plus haut, à la voûte des flancs qui est percée dans ce point. Deux autres pyramides branchiales sinsèrent sous le bord des flancs à la membrane articulaire de cha- cune des pattes précédentes et tout-à-fait en avant, on distingue en- core deux autres branchies rudimentaires placées de la même ma- nière, au-dessus de la base de la patte-mächoire externe; par conséquent le nombre total de ces organes est de onze paires. 1 F-20682. * Voyez Hist. nat. des crustacés, t. 2, p. 185. 5 PI. 26, fig. 1. 4 PL 25. fig. 9. 472 CRUSTACÉS Nous regrettons de ne pouvoir rien ajouter sur la conformation des parties molles de notre Lithode; les deux individus soumis à notre examen étant desséchés; mais d’après les détails sur lesquels nous nous sommes arrêtés, On a pu voir non-seulement, que ce crustacé ne ressemble aux Maïa et aux autres Oxyrhinques par rien d’essentiel , mais aussi qu'il offre beaucoup d’analogie avec les Birgus, et que de même que ceux-ci, il est réellement intermédiaire aux Brachyures proprement dits et aux Macroures. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 24. LITHODE A COURTES PATTES , Zathodes brevipes, Nob. de grandeur na- turelle. PLANCHE 5. Fig. 1. Portion céphalique du corps vue en-dessous. a rostre. — b régions ptérygostomiennes de la carapace.—c antennes internes. d antennes externes.— d’ pièce épineuse fixée au-dessus de la base de ces an- tennes.—d” filet terminal. —e patte-mâchoire externe du côté droit ; du côté opposé cet appendice a été enlevé, — fpatte-mâchoire de la seconde paire recouvrant en partie les autres appendices buccaux. DU MUSÉUM. 473 Fig. 2. Portion céphalo-thoracique du corps, vue de côté. a, a portion dorsale de la carapace. — B rostre.— c première pièce de la por- tion épimérienne de la carapace. — d seconde pièce.— e pièces terminales de la même partie.—f, f base des pattes. — s patte-mächoire externe. Fig. 3. Mandibule. Fig. 4. Mâchoire de la première paire. Fig. 5. Mâchoire de la deuxième paire. Fig. 6. Patte-mâchoire de la première paire. Fig. 7. Patte-mâchoire de la deuxième paire. Fig. 8. Patte-mâchoire de la troisième paire. Fig. 9. Appareil branchial du côté droit. a base de la patte antérieure. — à base de la patte de la quatrième paire. — c patte de la cinquième paire.— d voûte des flancs. — e première branchie. — f pénultième branchie. —g dernière branchie fixée à l’anneau thoracique qui porte les pattes postérieures. PLANCHE 26. Fig. 1. Thorax vu en dessous, avec la base des pattes. a plastron sternal. — f pièces mobiles représentant le dernier anneau thora- cique. — c pattes de la dernière paire. — d, d base des pattes de la première paire. — e vulves percées dans l’article basilaire des pattes de la troisième paire. Fig. 2. L’abdomen de la femelle, vu du côté sternal. & premier segment et bandes de la membrane articulaire thoracique, — b der- nier segment et anus. —c, c appendices ovifères. PLANCHE 27. Fig. 1. Abdomen de la femelle, vu du côté externe. a, a bord postérieur du thorax. — 6, b pattes postérieures. — c pièce tergale du deuxième segment. — d, d pièces épimériennes du même segment. — e, e pièces épisternales du même.—f dernier anneau. Fig. 2. Abdomen du mâle. a portion postérieure de la carapace. 474 CRUSTACÉS DESCRIPTION DE L'ALBUNHIPPE ÉPINEUSE, TYPE D'UN GENRE NOUVEAU DANS LA TRIBU DES HIPPIENS. La petite tribu des Hippiens ne renferme encore que trois genres connus sous les noms de Hippe, de Remipède et d’Albunée, et of- frant entre eux des différences assez considérables dans la confor- mation des pattes et des antennes. Le crustacé anomoure que nous allons faire connaitre ici, présente les mêmes caractères essentiels que ces deux décapodes et appartient évidemment à la même tribu , mais ne peut prendre place dans aucune des trois divisions déjà établies dans ce groupe ; il semble établir le passage entre les Albunées et les Hippes, et c’est pour rappeler sa place dans les sé- ries naturelles que nous proposons de le désigner sous le nom géné- rique d’ALBUNHIPPE ( A/bun/luppa, Nob.). Ce crustacé' est de forme allongée et par son aspect général res- semble beaucoup aux Albunées. La carapace est ovalaire, beau- coup plus longue que large, bombée en-dessus, et entièrement lisse ; antérieurement elle est fortement échancrée, et du milieu de cette échancrure frontale qui est finement denticulée, nait une épine mé- diane qui se dirige en avant et représente le rostre ; latéralement le front estterminé par une forte dent triangulaire dirigée également en avant, et plus saillante que la précédente; une seconde épine mé- diane se voit vers la partie antérieure de la région stomacale, qui est en outre marquée de plusieurs lignes transversales; un sillon trans- ! PI. 28, fig. 4. DU MUSEUM. 475 vérsal plus profond limite en arrière la région dont il vient d’étre question. De chaque côté, la carapace est armée de quatre épines, dont la dernière est située à peu près au niveau de la région gé- nitale. Enfin, au bord postérieur de ce bouclier dorsal est une petite échancrure semi-lunaire servant à l’insertion de l’abdo- men. Les pédoncules oculaires sont longs, gréles, composés de deux articles mobiles et disposés comme ceux des Hippes. Les antennes de la première paire‘ sont presqu’aussi longues que celles de la seconde paire; leur pédoncule est fortement coudé et se compose de trois articles allongés «et à peu près de même forme ; enfin ellesse terminent par deux tigelles multiarticulées, dont l’une assez longue et l’autre très-petite. Les antennes externes’ sont beaucoup plus grosses que les internes, et n’ont qu'environ les deux tiers de la longueur de la carapace; leur pédoncule est cylindrique et porte à sa base une forte dent; la tigelle terminale est moins longue que le pédoncule, et ne se compose que d’environ seize articles. L'appareil buccal diffère aussi, à plusieurs égards, de ce qui existe chez les autres Hippiens. Les #7andibules* ressemblent beaucoup à celles des Brachyures, si ce n’est que le palpe est un peu plus long. Les rnâchotres! n’offrent rien d’important à noter. Les paites-m- chotres de la première paire sont grandes et lamelleuses; le pro- longement qui représente le palpe est élargi vers le bout et forte- ment cilié; enfin on aperçoit du côte extérieur de la base de ces organes, un appendice presque membraneux , et foliacé qui est l’a- nalogue du fouet ou branche externe du membre. Les pattes- ! PL. 28, fig. 2. 2 PL 28, fig. 3. 3 PI. 28, fig. 4. PL. 28, fig. 5. 5 PI. 28. fig. 6. > 476 CRUSTACÉS mâchotres de la deuxième paire’ sont subpédiformes et portent un palpe très-développé qui se termine par une tigelle multiarticulée. Enfin, les pattes-mächoires externes® sont également subpédiformes et diffèrent de celles de tous les autres Hippiens par l’existence d’un palpe ; leur second article est un peu élargi en dedans et finement dentelé; le troisième article est allongé, et les trois suivants sont presque cylindriques et très-forts; il est aussi à noter que le palpe est lamelleux et courbé en dedans vers le bout, mais ne porte pas de tigelle terminale. Le sternum est linéaire. Les pattes de la première paire’ sont assez fortes , et se terminent par une main didactyle, dont la forme est assez semblable à celle de l’Albunée symniste ; une forte épine se remarque sur la face inférieure du troisième article de ces mem- bres; le carpe est très-comprimé en dedans, et son bord supérieur se termine par une dent aigué ; la main est petite et armée de quel- ques épines, dont deux sur sa face externe et une sur son bord interne; enfin, le doigt mobile est très-oblique, mince et hérissé d’épines à sa base. Les pattes des trois paires suivantes sont à peu près de même grandeur, et se terminent par un article lamelleux et falci- forme à peu près comme chez les Albunées; celles de la cin- quième paire sont aussi fort petites, très-grêles et monodactyless. Enfin la conformation de l'abdomen” est également semblable à ce qui existe chez l’Albunée symniste, si ce n’est que les trois an- neaux qui suivent le premier, sont un peu moins élargis et que anneau caudal est un peu plus grand. 1 PL. 28, fig. 8. * PI. 28, fig. 9. 5 PL. 5, fig. 1. 4 PL. 28, fig, 10. 5 PI 28, fig. 14. DU MUSÉUM. 477 En résumé, on voit que ce crustacé, tout en se rapprochant beaucoup des Albunées, offre quelques caractères propres aux Hip- P6$, et ne peut prendre place dans aucune des petites divisions géné- riques déjà établies dans la tribu des Hippiens. Nous croyons par conséquent devoir en fournir le type d’un genre particulier, auquel On peut assigner les caractères suivants : CRUSTACÉS DÉCAPODES ANOMOURES. TRIBU DES HIPPIENS. GENRE ALBUNHIPPE (Albunhippa, Nob. ). Antennæ quatuor, ferè æquales , intermedis apice bifidis , externis que crassis ; pedunculi oculorum cyündracet, graciles; pedes duo antici manu didactylæ. Sp. ALBUNHIPPE ÉPINEUSE. Albunhippa spinosa, Nob. Planche 28, fig. 1-13. A. virescens, testé lævigaté, anterius ad lateraque spinis armatd ; Jronte denticulaté; manibus spinosis. Long. 23 millim., larg. 20 millim. ; patrie inconnue. Ancuives Du Muséum, rome II. 61 478 CRUSTACÉS EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 28. Fig. 1. ALBUNHIPPE ÉPINEUSE, de grandeue naturelle. Fig. 2. Antenne interne, grossie. Fig. 3. Antenne de la deuxième paire. Fig. 4. Mandibule. ! Fig. 5. Mâchoire de la première paire. Fig. 6. Mâchoire de la deuxième paire. Fig. 7. Patte-mâchoire de la première paire. Fig. 8. Patte-mâchoire de la deuxième paire. Fig. g. Patte-mâchoire de la troisième paire. Fig. 10. Patte thoracique de la cinquième paire. Fig. 11. Abdomen. À Fig. 12. L'un des filets ovifères. Fig. 13. Appendice natatoire de la queue. (Les autres figures de cette planche se rapportent aux Srtieles suivants.) gene is 0 DU MUSÉUM. 479 DESCRIPTION DE DEUX CRUSTACÉS NOUVEAUX DE LA FAMILLE DES PARTHÉNOPIENS. $ L. — Sur L'EURYNOLAMBRE. Ce crustacé, qui a été donné au Muséum par M. Marion de Procé, médecin à Nantes, habite les mers de la Nouvelle-Zélande, et comme son nom l'indique, établit à plusieurs égards le passage entre les Eurynomes et les Lambres, mais il se rapproche aussi des Cryptopodies. La carapace de ce Décapode* est beaucoup plus large que lon- gue, à peu près plane, légèrement déclive antérieurement et presque horizontale dans le sens transversal; sa grande lar- geur dépend de deux prolongements lamelleux qui savancent au-dessus de la base des pattes mitoyennes, et qui ressemblent par leur structure aux prolongements latéraux du bouclier dorsal des Calappes. La face supérieure de la carapace est chagrinée ou plutot verruqueuse, et on y aperçoit quatre dépressions, dont deux situées vers le point d’union des régions hépatiques, stomacale, branchiales et génitale, les autres au milieu des régions branchiales; son bord latéral est semi-circulaire, mince et subdentelé. Le front est petit, incliné et divisé en deux lobes subtriangulaires. Les orbites sont ovalaires et offrent en dessus une petite fissure. Les antennes in- ternes n’offrent rien de particulier. L’article basilaire des antennes 1 PL. 28, fig. 14. 480 CRUSTACÉS externes” est très-grand, se soude au front, dépasse angle orbitaire interne, et donne insertion à Particle suivant vers son angle antéro- interne, de façon que la tige mobile de ces appendices, logée sous le bord du front, se trouve séparée de l'orbite par un espace considé- rable qu’occupe un gros tubereule formé par la terminaison de lar- ticle basilaire; les deux premiers articles de cette tige sont très- petits, et le filet zwlfiarticulé qu'ils portent parait être peu déve- loppé. L’épistome, le cadre buccal et les pattes-mâchoires externes ne présentent rien de particulier, mais les régions ptérygostomiennes offrent une disposition très-singulière dont nous avons du reste un exemple chez le Cancer sculplus. On y remarque en effet entre les régions hépatique et branchiale une fossette très-profonde, dont il est difficile de deviner Pusage, Le plastron sternal est très-concave entre la base des pattes-mâchoires et profondément sillonné en tra- vers dans sa moitié postérieure. Les pattes de la première paire sont de grandeur médiocre et ne se reploient pas contre la face inférieure du corps comme chez les Lambres; la main est renflée, arrondie et irrégulièrement piquetée; enfin les pinces sont grêles, acérées et lé- gèrement recourbées en bas. Les pattes suivantes sont garnies de crêtes longitudinales très-saillantes et se terminent par un petit ar- ticle styliforme. Quant à l'abdomen, il offre le mode de confor- mation ordinaire parmi les Parthénopiens. Les particularités de structure que nous venons de signaler ne per- mettent de ranger ce crustacé dans aucun des genres déjà établis dans la tribu des Parthénopiens, et nous semblent motiver la for- mation d’une nouvelle division, que l’on peut caractériser de la manière suivante. DPI fig; ta: DU MUSÉUM. 484 Genre Eurywozamere (Eurynolambrus, Nob.). Testa ad latera maximè dilatata, Jemora secundi tertique tectens; an- tennæ externæ articulo basilari maximo, anticè fronti ferruminato; portione 2 mobili Propè foveolam antenne internæ insert&. Sp. EURYNOLAMBRE AU STRAL. Eurynolambrus austratis, Nob. . Planche 28, fig. 14, 15. £. omninà rubescens ; testé trianguliformi, tuberculatd, utrinque subden- tatd ; pedibus anticis crassiusculis ; aliis cristatis. Long. 28 millim. ; larg. 42 millim. Habite les mers de la Nouvelle-Zélande. La femelle nous est inconnue. Ô IT. — SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DU GENRE CRYPTOPODIE. Le genre Crytopodie, établi par l’un de nous', pour recevoir un crustacé confondu jusqu'alors , tantôt avec les Parthénopes, tantét avec les Maïa et d’autrefois avec les Calappes ou avec les Æthres, est très-remarquable par la forme lamelleuse et l'énorme développe- ment de la carapace, mais ne renferme encore qu'une seule espéce, la Cryptopodia fornicata. Une seconde espèce du même genre, se trouve dans la collection du Muséum et mérite d’étre dé crite; nous la désignerons sous le nom de : CRYPTOPODIE ANGULEUSE. CRYPTOPODIA ANGULATA, Nob. Planche, 28, fig. 16-19. C. testé pentagond, margine crenatt. Long. 28 millim.; larg. 60 millim. * Milne Edwards : Hist. Natur. des Crustacés, t. [, p. 360: 482 CRUSTACÉS La carapace est très-large et pentagonale; son plus grand dia- mètre correspond aux angles latéro-antérieurs, et son bord posté- rieur est droit; en dessus elle est lisse, si ce n’est le long de quelques lignes saillantes sur lesquelles on remarque une multitude de petites granulations; le rostre ‘ est triangulaire, aussi long que large, concave à sa base, et dentelé sur les bords. Les bords latéro-antérieurs sont un peu sinueux et divisés en une dizaine de crénelures subdi- visées à leur tour par des dentelures; vers leur extrémité on re- marque de chaque côté une épine saillante, et il en existe une se- conde au point de rencontre de ces bords avec les bords latéraux, qui se dirigent obliquement en arrière et sont finement crénelés, comme l'est aussi le bord postérieur ; enfin il est encore à noter que les an- gles latéro-postérieurs se prolongent en forme de dent pointue et qu'il existe une paire d’épines semblables vers le milieu du bord postérieur. La région antennaire* et les pattes-mächoires externes * n’offrent rien de particulier. Le plastron slernal est pentagonal comme la carapace. Les pales de la première paire sont extrême- ment grandes, élargies, subtriangulaires et lisses, si ce n’est sur leurs bords qui se prolongent en forme de crêtes, et sont hérissées de dents pointues. Les pattes des quatre dernières paires sont pgti- tes, gréles et complétement cachées sous les voûtes lamelleuses for- mées par les parties latérales de la carapace; leur troisième article est garni en dessus d’une petite crête dentelée et le tarse est lamel- leux. Enfin l'abdomen offre sept segments distincts dans les deux sexes, et est bosselé au milieu. Nous ignorons la patrie de ce crustacé, dont la couleur est grisatre. 1NPl. 28 fs. 18; 3 PI. 28, fig. 18°. 3 PI. 23, fig. 19- DU MUSEUM. 453 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 8. + 14. EURYNOLAMBRE AUSTRAL, de grandeur naturelle. : 15. Le même, grossi et vu en dessous; les pattes du côté gauche du corps ont été enlevées pour montrer le prolongement clypéiforme de la carapace et les. fossettes de la région ptérygostomienne. 16. CRYPTOPODIE ANGULEUSE, de grandeur naturelle, 17. Le mâle, vu en dessous. 18. Région antennaire grossie. individu femelle. 19. Patte-mâchoire externe grossie. tx | DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES NOUVEAUX OÙ IMPARFAITEMENT CONNUS DE LA COLLECTION DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE , ET REMARQUES SUR LA CLASSIFICATION ET LES CARACTÈRES DES MAMMIFÈRES. PREMIER MEMOIRE. FAMILLE DES SINGES. Par M. Isinore GEOFFROY SAINT-HILAIRE. 2e Les collections mammalogiques et ornithologiques du Muséum n’ont jamais cessé, sous la longue administration de mon père’, d’être ouvertes aux études et aux recherches des savants de tous _ les pays, avec une libéralité à laquelle on a rendu une entière jus- tice. Cet exemple a été fidèlement suivi jusqu’à ce jour, et il continuera à l’étre, comme non moins conforme aux véritables in- * Voyez, à la fin du mémoire, la Note. Arcaives pu Muséum, Tome II. 62 486 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. térêts du Muséum qu’à ceux de la science. J’attache, pour ma part, peu d'importance au vain honneur de dénommer par moi-même quelques espèces ou quelques genres nouveaux de plus : mais je mets le plus grand prix à représenter chaque espèce, dans les collec- tions dont le soin et la direction me sont confiés, par un ou plusieurs des individus sur lesquels elle a été établie, en d’autres termes, par un ou plusieurs de ses types originaux. C’est ainsi que les ga- leries mammalogiques et ornithologiques du Muséum offrent au- jourd’hui, et offriront de plus en plus, pour les naturalistes qui les fréquentent, l’inappréciable avantage de réunir à quelques-uns des types, encore aujourd’hui conservés, des descriptions de Buffon, de Daubenton, de Sonnerat , de Levaillant, non-seulement les ori- ginaux de presque toutes les figures ou descriptions de George et de Frédéric Cuvier, de mon père, de Péron, de Desmarest, de Vieillot, de MM. de Blainville, Lesson, Quoy, Gaimard, et de tant d’autres de nos compatriotes, mais aussi les types, et parfois les types uniques, d'espèces plus ou moins récemment décrites en Hollande, en Angleterre, en Allemagne, en Suède, en Italie, et jusque dans les Etats-Unis. En continuant à ouvrir aussi librement et aussi libéralement à tous les zoologistes l'accès des collections, et surtout en mettant les au- teurs de monographies à même d’examiner et de décrire tous les objets qui peuvent leur être utiles, je suis d’ailleurs loin de renoncer à prendre moi-même une part active à la mise en œuvre des nom- breux matériaux que possède le Muséum. Ce -que j'ai fait jusqu’à présent, mais d’une manière incomplète, par mes Mémoires spéciaux, par la publication de mes Études zoologiques", et par divers travaux ‘ Cet ouvrage devait contenir réunis, et reliés entre eux par uve introduction générale ; tous les Mémoires ou Notices z0ologiques que j'ai successivement publiés dans le Magasin de LE p RE SINGES. 487 insérés dans le Ÿ’oyage aux Indes de M. Bélanger, dans celui de Jacquemont, et dans l’ouvrage sur la Morée, je le ferai à l’avenir, plus régulièrement, par une suite de Mémoires ou de Notices, publiés dans les Ærchuives du Muséum, et dans lesquels seront successivement passés en revue tous les groupes que je croirai pouvoir enrichir de quelques espèces inédites ou de quelques genres nouveaux. M. Flo- rent Prévost, aide-naturaliste de zoologie au Muséum, et M. le doc- teur Pucheran, attaché aux galeries dezoologie, me préteront parfois, lun pour les Oiseaux, l’autre pour les Mammifères, leur précieuse collaboration ; et c’est ainsi que les deux premières classes du règne animal pourront être, en peu d’années, passées tout entières en revue. Le travail que je publie aujourd’hui', de même que la plupart des Mémoires ou Notices qui le suivront, sera divisé en denx par- ties. Dans la première, je présenterai quelques remarques géné- rales sur la classification et les caractères du groupe qui en est le sujet. Dans la seconde, appuyé sur ces notions préliminaires, je décrirai les genres nouveaux et les espèces inédites ou imparfaite- ment connues, dont la détermination peut être obtenue à l’aide des matériaux existant dans les collections du Muséum, et de ceux qu'il sera possible de puiser à d’autres sources. Zovlogie de M. Guérin-Méneville. Malheureusement la retraite du premier éditeur du Ma- zasin, bientôt suivie de la mort de son successeur, et d’autres circonstances qu'il serait inu- tile et peu convenable d'indiquer ici , ont suspendu depuis plusieurs années la publication de mes Études. ! Ce travail comprend des généralités sur l’ensemble de la grande famille des Singes , et la description des espèces nouvelles ou imparfaitement connues des deux premières tribus, les Pithéciens et les Cynopithéciens. Le second Mémoire, ayant pour objet la description des espèces des deux dernières tribus , les Cébiens et les Hapaliens, est déjà en partie rédigé, et sera prochaivement livré à l'impression. 488 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. PREMIÈRE PARTIE. REMARQUES SUR LA CLASSIFICATION ET LES CARACTÈRES DES PRIMATES‘, ET SPECIALEMENT DES SINGES. I. REMARQUES PRÉLIMINAIRES SUR LA CLASSIFICATION. L'une des règles qui se déduisent le plus directement des principes fondamentaux de la méthode naturelle, est la suivante : dans toute division, qu’il s'agisse de partager une classe en ordres, un ordre en familles, ou de fractionner une famille en tribuset en genres, le clas- sificateur doit se déterminer uniquement d’après la valeur des carac- tères qu'il observe, et non d’après le nombre des êtres que pourront comprendre ces groupes. En un mot, 7/ doit peser les caractères, et non compler les espèces. Les résultats auxquels le conduira la stricte observation de cette règle, pourront sembler singuliers, dans quelques cas, par lextrême inégalité numérique qu'ils établiront entre les divers groupes du même rang : ils seront toujours, en réalité, très-rationnels et très-conformes à la nature, qui tantôt se plait à reproduire presqu’à l’infini le même type, et tantôt nous étonne par le spectacle de ces êtres si souvent appelés paradoxaux, et qui ne sont qu’isolés dans la création. Cette règle n’a jamais été contestée en théorie; et il serait su- perflu de la démontrer de nouveau. Mais les zoologistes ont laissée \ Voyez, à la fin du mémoire, la Note II, SINGES. 489 souvent dans loubli, et n’en ont point tenu compte dans la pratique; et il était nécessaire de la rappeler ici, avant d'indiquer des ré- sultats qui, jugés d’un autre point de vue, pourraient sembler inadmissibles. Selon la classification des Primates à laquelle je suis arrivé il y a quelques années', et que toutes mes recherches ultérieures ont confirmée, le premier ordre” de la classe des Mammifères ne se divise pas, comme dans la plupart des méthodes, en deux fa- milles seulement, celles des Singes et des Lémuridés, ou en trois, celles des Singes de l’Ancien-Monde , des Singes améri- cains et des Lémuridés, mais en quatre, savoir : dans un pre- mier sous-ordre, celles des SINGES, des LÉMURIDÉS, des T'ARSIDÉS, et dans un second, celle des CHerromyDÉs5. La répartition des Primates entre ces quatre familles est numériquement fort inégale : la troisième ne possède que le gerre Tarsius, et la dernière qu’un seul genre, Cheiromys, et même qu’une seule espèce, Cheiromys madagascariensis ; encore n’en existe-t-il en Europe qu’un seul in- dividu , celui que Sonnerat découvrit vers 1775 dans la partie occi- ! Voyez les divers exposés de ma classification qui out été successivement publiés par M. Gervais, dans l' Echo du monde savant, ann. 1835, et dans une publication intitulée : Ré- sumé des leçons de mammalogie de M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire, in-8, Paris 1836; par M. Guérin Méneville, dans la Revue zoologique, année 1838, p. 218, et par M. Ch. d'Orbi- goy, dans sa Description des mammiferes, in-8, Paris 1840, p. vij. On peut voir dans mes Essais de zoologie sénérale (p. 481), par quels motifs j'ai cru devoir m'abstenir de publier jusqu’à ce jour les classifications mammalogique etornithologique qui, depuis plusieurs années, servent de base à mon enseignement. 2 L'ordre des Bimanes me paraît en effet entièrement inadmissible, à quelque point de vue qu’on veuille se placer dans l'étude de l'homme. Voyez l’article Bimanes du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, dans lequel j'ai ré- _sumé des considérations depuis longtemps présentées dans mes cours, et déjà indiquées, dans diverses publications, par quelques-uns de mes auditeurs. 5 Voyez, à la fin du mémoire, la Note III. 490 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. dentale de l’ile de Madagascar, que Buffon décrivit dans son dernier Supplément, et qui est conservé depuis plus d’un demi-siècle dans nos collections, dont il est resté l’une des plus grandes raretés. Voici donc parmi les Primates, deux familles représentées chacune par un genre, fort limité quant au nombre des espèces. Au contraire, on connait à Madagascar six genres de Lémuridés, dont lun est très- riche en espèces; deux autres genres habitent l’Inde et l'archipel Indien, un neuvième enfin le continent africain. La famille des Singes est bien plus vaste encore : ses genres sont en nombre presque triple de ceux qui composent le groupe des Lémuridés, et parmi ces genres, la moitié environ renferme de dix à vingt espèces, ou même davantage encore. Si, après avoir rappelé cette division des Primates en quatre familles d’une étendue si inégale, nous passons à la subdivision des Singes en tribus, nous allons trouver des résultats analogues. La classification des Singes à laquelle j’ai cru devoir m’arrêter, et que j'ai exposée avec détail dans mon dernier cours de Mamma- logie, n’est, comme toutes les autres classifications publiées depuis trente ans pour ce groupe de Mammifères, qu’une modification de celle que mon père a proposée en 1812"; et celle-ci, à son tour, avait pour bases les célèbres observations de Buffon sur les diffé- rences organiques existant entre les Singes de l’Ancien-Monde et les Singes américains. Les premiers, savoir, les Singes, les Babouins et les Guenons de Buffon, ou les CATARRIHININS, selon la dénomination générale pro- posée par mon père, ont tous, dit Buffon*, la cloison du nez mince, et lesnarines ouvertes, à peu près comme celles de ’Homme, » Voyez Tableau des Quadrumanes, dans les Annales du Muséum, t. XIX, p. 85 et p. 146, * Histoire naturelle, 1. XIV, p. 13 etsuivantes, : SINGES. 4gt au-dessous du nez. Chez ces Primates, selon Buffon, il existe souvent des callosités ischiatiques et des abajoues; mais la queue, qu’elle soit longue ou courte, n’est jamais prenante, et parfois elle est nulle. Les seconds, Sapajous et Sagouins de Buffon, PLATYRRHININS de mon père, ont, selon Buffon, la cloison des narines large et épaisse, et les ouvertures des narines placées à côté et non pas au-dessous du nez. Chez ces Primates, on ne trouve jamais ni callosités ischia- tiques, ni abajoues; mais la queue, qui est souvent prenante, est toujours longue. Cette célèbre division des Singes en deux groupes principaux dis- tincts par leur patrie aussi bien que par leurs caractères généraux, a été admise depuis mon pêre, par un assez grand nombre d’auteurs. Parmi eux, les uns ont adopté pour ces deux groupes les noms de Catarrhinins et de Platyrrhinins. D’autres ont préféré des déno- minations nouvelles. Ainsi, les Pitheci et les Pitheciæ de M. de Blainville, dans sa première classification publiée en 1816’; les Hominidæ (moins l'Honime qui se trouve ici tout-à-fait hors de place), et les Sariguidæ de M. Gray° en 1825; les Singes et les Sa- pajous de M. Frédéric Cuvier* en 1829; les Sir et les Simiadæ de M. Ogilby* en 1856; les Pitheci et les Cebi de M. de Blainville, dans la dernière classification de ce célèbre zoologiste5, ne sont, sous d’autres noms, que les Catarrhinins et les Platyrrhinins de mon père. Seulement, en même temps qu'ils donnent de nouveaux ® Prodrome d’une nouvelle distribution systématique du règne animal, dans le Bulletin de La Société philomatique , ann. 1816. * Dans les Annals of philosophy, 2° série, t. X, p. 337. # Article Zoologie du Dictionnaire des Sciences naturelles , t. LIX. 4 Observations on the opposable Power of the Thumb in certain Mammals, dans London’s Magasine of nat. History, nouvelle série, t. 1, p. 449, ann. 1837. — Entre les Simiæ et les Simiadæ, l'auteur intercale les Lemuridæ. 5 Voyez son Ostéographie , fascicules I et Il. 492 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. noms à ces deux groupes, MM. Gray, Frédéric Cuvier, Ogilby et de Blainville les considèrent, non plus comme de simples tribus, mais comme des familles distinctes. C’est dans un autre sens que j’ai cru devoir m’écarter de la classi- fication de mon père. Ainsi que lui, je considère les Singes comme composant une famille unique; mais les rapports différents de ces animaux me paraissent ne pouvoir être exactement exprimés sans l'admission de quatre divisions primaires ou tribus au lieu de deux. Dès 1827 et 1829, dans divers articles du Dictionnaire clas- sique d’lustoire naturelle’, je crois avoir démontré la nécessité de considérer les Ouistitis comme constituant à eux seuls l’une des di- visions primaires de la grande famille des Singes. Selon cet ar- rangement que Bowdich avait indiqué dès 1821°, et que plusieurs zoologistes distingués, entre autres M. J. B. Fischer*, M. Duvernoy ‘ et le prince de Canino’ ont récemment adopté, le groupe des Pla- tyrrhinins de mon père se résout en deux tribus, lune comprenant les Ouistitis, l'autre tous les autres Singes américains. * Articles Ouistiti, Sapajous et Singes, dans les t. XIT et XV. > An analysisof thenatural classifications of Mammalia, Paris, in-8°.—L'auteur suit pres- que partout le Regne animal de G. Cuvier ; mais il s’en écarte à l'égard des Singes qu'il divise ainsi : Apes proper. Aves. 3 sub-genera : Sapajoos or american Apes. Wistitis. 5 Synopsis mammalium, in-8°, Stuttgardt, 1829. 4 Voyez les Tableaux de la classification de M. Duvernoy, publiés par M. Lereboullet , dans les Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Strasbourg, t. WI. 5 Voyez Synopsis vertebratorum systematis, in-8°, 1839, et Tableaux de classification des vertébrés ; in-plano, 18/0. La classification mammalogique du prince Charles Bonaparte, classification fort remarquable à plusieurs égards, avait déjà été publiée par extrait dans les Comptes rendus hebdom. de l'Acad. des Sciences, t. VIL, p. 656 et dans la Revue Zoo- logique, n° de septembre 1838. Les noms que ce célèbre zoologiste donne aux trois groupes qu’il admet sous le nom de sub-/amiliæ, sont les suivants : Simina, Cebina, Hapalina, mr TS w 4 2 FA CT SINGES. 493 }’ai été conduit beaucoup plus récemment à modifier d’une ma- nière analogue le groupe des Singes de l’Ancien-Monde ou Catarrhi- ins de mon père; c’est-à-dire à le partager aussi en deux tribus, dont l’une comprend le plus grand nombre des Singes de l’Ancien- Monde, l’autre quelques Smges exceptionnels, fort remarquables par les nombreuses similitudes de leur organisation avec celle de l'Homme. Tels sont les trois genres Troglodyte, Orang et Gibbon qui, aux traits généraux de la famille des Singes, joignent quélques caractères étrangers au reste de cette famille, et n’ayant d’analo- gues que dans l’organisation humaine; par exemple, une poitrine, et spécialement un sternum large’; les os des iles pareillement élargis; le canal intestinal pourvu d’un appendice cæcal; le foie lobé comme chez Homme, et l’encéphale se distinguant seulement de celui de notre espèce par des différences dans la proportion de ses parties. De plus, ces Singes, s'ils ne sont pas bipèdes à la manière de l'Homme, ne sont pas non plus quadrupèdes à à la ma- nière des autres Singes. De tels animaux, sans qu’on doive aller jusqu’à les associer à Homme comme l’a fait autrefois Linné pour l’un d’entre eux’, et comme Vont fait récemment M. Lesson® pour plusieurs, et * Voyez l'Ostéographie de M. de Blainville, fase. I. 2 Troglodytes niger, Gxorr. S. H. ; tour-à-tour désigné par Linné, dans les diverses édi- tions de son Systema natura ; sous les noms d’Homotroglodytes et de Simia troglodytes. 3 Species des mammifères bimanes et quadrumanes , in-8°, Paris, 1840, et Nouveau tableau du règne animal, grand in-8', Paris, 1842. Dans le premier de ces ouvrages, l'ordre des Primates est divisé en deux familles, les How- xipe# comprenant le genre Aomo,et les AnraroPomoRPHE# comprenant les genres Troglodytes et Satyrus (Pithecus des autres auteurs). Tous les autres Singes de l'ancien continent com- posent ensemble la tribu des Pitheci, appartenant à la famille des Simiadæ et à l'ordre des Quadrumana. Dans le Nouveau tableau , la classification suivie par M. Lesson, est à peu près la même Ancusves pu Muséum, Tome li. 63 494 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. M. Bory de Saint-Vincent’ pour tous, ne peuvent continuer à être confondus avec les autres Singes de l’Ancien-Monde : ils difièrent évidemment beaucoup plus de ceux-ci, que ceux-ci ne diffèrent entre eux. De là, la nécessité non-seulement de placer ces Singes à la tête de la famille; mais aussi de les séparer des genres suivants, dans la classification, par un intervalle plus grand et proportion- nel à la valeur différentielle de leurs caractères; en d’autres termes d'établir pour eux une Tribu distincte. Selon ces vues qu'il serait hors de lieu de développer ici, la fa- mille des Singes doit être partagée, non pas en deux groupes primai- res, comme dans les ouvrages de mon père, de MM. de Blainville, Gray, Frédéric Cuvier et Ogilby; non pas en trois, comme dans ceux de MM. Bowdich, J. B. Fischer et Duvernoy, du prince de Canino, et dans mes ouvrages antérieurs, mais en quatre, comme Daubenton l'avait déjà fait il y a un demi-siècle, mais d’après des. considérations toutes différentes et aujourd’hui inadmissibles*. On peut assigner à ces quatre groupes primaires ou tribus, les caractères indicateurs suivants : que dans l'ouvrage précédent. Les différences que j'aurais à signaler, sont surtout relatives à la nomenclature, et il n’y a pas lieu d'insister ici sur elles. * Articles Bimanes, Homme et Oranz du Dictionnaire classique d'hist. naturelle, t. 3 VI et XI. M. Bory fait des genres Homo, Troglodytes, Pithecus et Hylobates ; réunis sous le nom de Bimanes, le premier ordre des Mammifères. 2 Voyez la classification mammalogique de Daubenton , dans le Système anatomique des quadrupédes de Vicq d’Azyr, t. LE, p. xcy. (Ouvrage faisant partie de l'Encyclopédie métho- dique). Daubenton divise les Singes de l’Ancien-Monde d'après la présence ou l'absence de la queue. De même, la queue, non prenante chez les uns, prenante chez les autres, fournit les éléments d'une division binaire parmi les Singes américains. La classification des Singes donnée par Daubenton, c'est donc la classification de Buffon avec un seul, mais utile change- ment, la réunion des Guenons et des Babouins en un seul groupe que Daubenton nomme Cer- copithéciens. Ses trois autres groupes portent les noms suivants, dont les deux derniers sont. empruntés à Buffon : Pithéciens (ce sont les Singes sans queue), Sagouins et Sapajous. SINGES. 495 Tribu L. Prrnécrens', Puhecina : Singes à cinq molaires (32 dents en tout), à ongles courts, à membres antérieurs plus longs que les postérieurs. Cette tribu, dont on ne faisait autrefois qu’un seul genre , sous le nom d’Orang, Pithecus, se compose aujourd’hui de trois genres, Troglodytes, Pithecus et Hylobates, le premier à proportions pres- que humaines, les deux autres à membres antérieurs extrêmement allongés. Tribu IL. CyNorrTHÉcIENS", Cyropithecina : Singes à cinq mo- laires (32 dents), à ongles courts, à membres postérieurs plus longs que les antérieurs; d’où résulte, dans la marche, une allure fran- chement quadrupède. Tous les genres de l’Ancien-Monde, moins les trois qui viennent d’être nommés, se rapportent à cette tribu. Les premiers ont la face courte ; les suivants, le museau allongé; les derniers, le mu- seau très-allongé et les narines terminales. Tribu II. CÉBIENS, Cebinas. Singes à six molaires (36 dents), à ongles courts. Les Cebus et tous les autres Singes américains, viennent ici se placer. Ils se subdivisent naturellement d’après la conformation de leur cerveau et d’après celle de leur queue, de leurs organes sen- siuifs et de leurs dents. Tribu IV. Hapartens, Hapalina : Singes à cinq molaires (32 dents), à griffes. 1 Pithéciens , Daus. — Il faut remarquer que, d’après la définition de Daubenton, le Magot faisait aussi partie du groupe des Pithéciens. 2 Voyez, à la fin du mémoire, la note IV. 3 Cebina, Pr. de Caw., dans ses Tableaux cités plus haut. + Hapalina, Pr. de Can., tbid.; Hapalineæ, Less., Species des bim. et des qua//r., p. 183. — Ce dernier groupe avait recu, dès 1812, de mon père, dans son Tableau des Quadrumanes, 496 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. Un seul genre, celui des Ouistitis, Hapale, compose cette tribu. Cet exposé préliminaire de la classification et de la nomencla- ture que j'ai cru devoir adopter pour les Primates et spécialement pour la grande famille des Singes, devait précéder les considé- rations que j'ai à présenter sur les caractères de ces animaux. Il me permettra d’être plus clair et plus concis dans cette seconde partie de mon travail, où j’essaierai de compléter, parfois aussi de faire voir sous un point de vue plus juste ou de rectifier les faits généraux de l’histoire des Singes. L2 IT. — REMARQUES SUR LES CARACTÈRES. GI. — REMARQUES SUR LES CARACTÈRES FOURNIS PAR LES MAINS, ET SUR LA DÉFINITION DE CE MOT. On a admis pendant longtemps que les Singes ont généralement les quatre extrémités pourvues de pouces bien développés et oppo- sables, et que ce caractère, normal pour la famille, manque dans quelques espèces seulement, par une grave et singulière ex- ception. Aujourd’hui l'exception s’est tellement étendue que lon connaît au moins autant de Singes à pouces antérieurs imparfaits et point ou peu opposables, que de Singes à mains antérieures confor - mées selon ce qu’on appelait le type commun de la famille. Modifications des mains antérieures. — Les mains antérieures, en ce qui concerne les pouces, sont susceptibles de quatre genres le nom fort bien choisi d’Arctopithéciens. J'ai cru devoir néanmoins adopter de préférence le nom d'Hapaliens. Le prince de Canino n’a, il est vrai, proposé et employé ce mot que récemment ; mais son emploi, d’après les règles que je suis (voyez, à la fin de ce Mémoire, les Notes IT, III, IV et VI ), est la conséquence nécessaire de l’adoption du mot Hapale dont il dérive, et qui est le plus ancien des noms génériques proposés et encore usités aujour- d'hui pour ces Singes. SINGES. 497 de modifications, tendant à les rendre imparfaites à des degrés divers. Les pouces peuvent être, en eflet, ou entièrement nuls, ou rudimentaires, ou très-courts, ou bien enfin allongés, mais peu ou point opposables aux autres doigts. L'existence de Singes tétradactyles est un fait connu depuis fort longtemps. Une espèce offrant ce caractère a été décrite dès 1750, par Brisson; une autre en 1767, par Buflon'. Toutefois ces auteurs, et longtemps encore après eux, tous les zoologistes ne croyaient qu’à l'existence isolée et anomale de quelques espèces tétra- dactyles. Le premier, en 1806, mon père: fit voir qu'il existe en Amérique un certain nombre d’espèces tétradactyles, dont il donna les caractères distinctifs, et établit les rapports naturels : ce qui le conduisit à réunir ces espèces dans le nouveau genre Atèle, Æteles, aujourd’hui universellement admis. En 1811, un second genre de Singes tétradactyles, non plus américain, mais propre à l’Afrique, fut fondé par Illiger, sous le nom de Colobus. Enfin, j'ai moi- même® , en 1829, fait de l’'Arachnoïde, espèce tétradactyle, amé- ricaine comme les Atèles , le type d’un troisième genre com- posé de trois espèces, et nommé Ériode, Eriodes. Voici donc aujourd’hui trois genres dont les espèces, assez nombreuses, ont, pour la plupart, les pouces antérieurs réduits à des rudiments assez faibles pour n’être pas même apparents à l’extérieur. Par compensa- tion, et conformément au principe général que mon père a établi sous le nom de Los du balancement des organes, les autres doigts, "TT. XV. s Mémoire sur les Singes à mains imparfaites ou Atèles, dans les Annales du Muséum, t. VII, p. 260. — Voyez aussi Description de deux Singes d'Amérique, même recueil , t. XIII, p. 89. 3 Remarques sur les caractères généraux des Singes américains ; et description d'un genre nouveau , sous le nom d’Ériode, dans les Mémoires du Muséum, t. XVII. 498 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. et même la totalité des membres, soit antérieurs, soit postérieurs, sont extrêmement allongés chez tous les Singes à mains antérieures tétradactyles. Si l’atrophie du pouce est portée moins loin, ce doigt, au lieu d’être représenté seulement par quelques rudiments cachés sous la peau, se montre à l’extérieur sous la forme d’une petite éminence ou tubercule, unguiculé ou non. Spix’ a proposé de faire, en 1825, des Singes américains qui offrent ce caractère, un genre distinct nommé Court-pouce, Brachyteles : mais ce genre, fondé sur un caractère dénué de toute importance, n’a pu être adopté, et les Brachyteles de Spix ont du être reportés, les uns parmi les Atèles, les autres parmi les Ériodes. Les deux genres de Singes américains à mains impar- faites, renferment donc aujourd’hui à la fois des espèces chez les- quelles les rudiments du pouce sont cachés sous la peau, tels que les Aleles paniscus, A. Belzebuth, A. hybridus, Eriodes arach- noïdes ; et d'autres chez lesquels ces rudiments sont visibles à l’ex- térieur, tels que les Æ/eles pentadactylus, Eriodes tuberifer et E. hemidactylus. Le mème fait se retrouve aussi parmi les Singes africains qui composent le genre Colobe : les Colobus verus et C. Guereza ont les mains antérieures tétradactyles; les C. fuk- ginosus et C. vellerosus ont des rudiments, extérieurement visibles, de pouces antérieurs. Et ici, aux considérations par lesquelles j'ai motivé”, en 1829, le rejet du genre Court-pouce ou Brachyteles de Spix, j'ajouterai deux faits qui montreront combien il serait irra- tionnel de fonder un genre sur le degré d’atrophie du pouce, réduit à l’état de rudiments, tantôt sous-cutanés, tantôt visibles extérieure- ! Simiarum et Vespertiliorum Brasiliensium species novæ, grand in-folio, Munich, 1823. 2 Voyez le Mémoire déjà cité sur les Singes américains, et l’article Sapajous du Diction- naire classique d'hist. naturelle, 1. XV, p. 140.—Cet article a été inséré en outre par M. Les- son, dans son Complément de Buffon, t. IV, p. 159-225. ë SINGES. 499: ment. Chez un 4eles pentadactylus que j'ai examiné il y a quelques années, il existait à l’une des mains un tubercule pollicaire assez dé- veloppé; à l’autre on ne voyait, au contraire, aucun rudiment de pouce, et la main avait l'apparence de celle d'un 4. paniscus où d’un 4. «ter : pour Spix, ce Singe eut donc offert, d’un côté, les caractères génériques d’un Brachyteles , de Vautre, ceux d’un vé- ritable Æteles. De même, parmi les Singes africains, un Co/obus Guereza, envoyé au Muséum de Paris par MM. Petit et Quartin Dillon, m'a présenté à l’une des mains, précisément au lieu où serait le pouce, un petit repli ou lobule cutané, dans lequel on ne peut méconnaitre un vestige de ce doigt : cet individa est d’ail- leurs parfaitement semblable au C. Guereza que M. Ruppell a cédé au Muséum de Paris, et chez lequel on n’aperçoit, aux mains an- térieures, aucun vestige extérieur de pouce. Quelques variations paraissent même exister d’individu à indi- vidu, relativement à la présence des ongles. M. Ogilby décrit le Colobus fuliginosus, espèce par lui établie, comme ayant le pouce représenté seulement par un petit tubercule sans ongle (by & small nailles tubercle). C’est en effet ce que j'ai vu sur plusieurs individus : mais, chez un autre, j'ai observé un petit ongle sur chaque tuber- cule. | Parmi les quatre genres de modifications que j'ai distingués plus haut, le troisième résulte de la brièveté des pouces antérieurs ; caractère qui est à l’existence de simples tubercules, ce que celle-ci est à la présence de vestiges seulement sous-cutanés. Le genre Nasique et surtout le genre Semnopithèque, tous deux asiatiques, sont ceux chez lesquels on observe cette extrême brièveté d’un doigt, qui est d’ailleurs régulièrement conformé; et je n’ai rien à ajouter à ce qu'a dit de ce caractère M. Frédéric Cuvier, fondateur du genre Semnopithèque. ? 5oo DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. Le quatrième cas est presque l'inverse du précédent. Le pouce s’écarte du type normal, non en ce qu'il est très-court, mais en ce qu'il n’est que peu ou point opposable; c’est-à-dire, peu ou point susceptible de mouvements propres, étendus, variés et indépendants de ceux des autres doigts. Ce caractère est depuis longtemps connu à l'égard des Singes de la quatrième tribu, les Hapaliens, et il est indiqué dans tous les traités de zoologie : « Les pouces de devant des Ouistitis, dit M. Cuvier dans le Re- « gne animal", S'écartent si peu des autres doigts, qu’on ne leur « donne qu’en hésitant le nom de quadrumanes. » En 1829, j'ai fait connaitre que cette disposition, considérée par les auteurs comme propre aux Hapaliens, et comme caractéristique pour eux, se re- trouve parmi les Cébiens ou Singes américains de la troisième tribu*. Enfin, en 1836, M. Ogilby, dans un mémoire spécial?, sur les pouces opposables, a confirmé mes remarques ( qui du reste lui étaient restées inconnues‘ }, et les a étendues à l’ensemble des Singes amé- ! Première édition, t. 1, p. 416; 2° édition, t. I, p. 105. 2 Dans l’article Sapajous déjà cité. 3 Loc. cit., année 4837. Un extrait du Mémoire de M. Ogilby avait été publié à l'avance dans les Procced'nss ofthe z00/. soc. of London, mars 1836. 4 Sauf trois observations isolées d’Azara, qu'il a eu le soin de citer, M. Ogilby croyait avoir le premier signalé l'imperfection des pouces antérieurs chez les Singes américains de la troi- sième tribu : « À strict and attentive search, howewer, dit-il, convinced me that the observa- tion had not been made by Linnœus, Buffon , Pennant , Erxleben, Iliger, Geoffroy-S aint-Hi- laire , the Cuvier, Desmarest, Humboldt, nor even by the accurate and minute Daubenton » Voici les passages de mon travail qui avaient échappe à l'attention de M. Ogilby : « Huncevns ou Arouares.—Ce genre, très -naturel et très-bien circonscrit, est caractérisé par... son pouce antérieur de moitié moins long que le second doigt, très-peu libre dans ses mouvements, et à peine opposable. » ( Dict. classique, t. XV, p. 131, mai 1829). Et ailleurs : « Sagous ou Saragous proprement dits. — Les pouces antérieurs sont peu allongés , peu libres dans leurs mouvements, et peu opposables aux autres doigts ; absolument comme chez les Hurleurs et les Lagothriches (Jbid., p.146). SINGES. 5oi ricains, qu'il rejette même, en raison de l’imperfection constante de leurs mains antérieures, loin des Singes de l’Ancien-Monde. En résumant les faits que je viens de rappeler ou d’exposer , on voit qu'il est aussi peu rare de trouver les pouces antérieurs réduits à des conditions très-imparfaites, que de les trouver établis sur le prétendu type commun des Primates ou Quadrumanes. On voit aussi par ce qui précède, que la main, chez les Singes, s’écarte d'autant plus de la conformation de celle de l'Homme, que l’on descend de la première tribu à la seconde, de la seconde à la troisième, de celle-ci enfin à la quatrième. à Aïnsi, chez les Pithéciens, le pouce antérieur est toujours par- _ faitement opposable. Parmi les Cynopithéciens, il est parfaitement opposable dans quelques genres, tels que les Cynocéphales; opposable, mais avec une modification résultant de sa moindre longueur, dans plusieurs autres genres; moins opposable encore dans deux autres, les Sem- nopithèques et les Nasiques, chez lesquels il est très-court. Viennent ensuite les Colobes chez lesquels il n’y a plus de pouce opposable, mais seulement un tubercule ou même des rudiments sous-cutanés. Chez les Cébiens, ce n’est plus dans un genre seulement, mais dans deux, que le pouce est extérieurement nul ou presque nul; et chez tous les autres, le pouce, peu développé, jouit à peine de mouvements propres et de la faculté de s'opposer aux autres doigts. Enfin, chez les Hapaliens, le pouce est moins opposable encore : conformé comme les autres doigts, armé même, aussi bien qu'eux, d’une véritable griffe, il ne porte plus, que par analogie, le nom de pouce. Définition zoologique du mot Main. — En faisant voir que la moitié au moins des Primates est dépourvue de pouces oppo- Arcuives ou Muséum, Tower II]. 64 502 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. sables, j’ai par-là même posé cette question : Les Singes peuvent- ils, d’une manière générale, être dits Quadrumanes ? Sont-ils réel- lement pourvus de quatre mains? Les contradictions dans lesquelles sont tombés la plupart des au- teurs au sujet du mot Mains, sont telles, que lon pourrait trouver à volonté, dans leurs écrits, les éléments d’une réponse négative et ceux d’une réponse aflirmative. Convaincu que l’un des besoins les plus impérieux de toute science, est la rigueur dans les termes usités; convaincu que rien ne saurait être plus funeste à la zoologie que ce vague déplorable, que cet arbitraire dans lequel flotte encore notre terminologie", j'ai essayé ici, comme sur quelques autres points, d'arriver à une défi - nition à la fois précise et applicable aux faits. Le résultat auquel jai été conduit, est que l’on peut et que l’on doit, dans un langage rigoureux, employer ce mot absolument comme lont fait la plupart des auteurs, en d’autres termes, lui conserver exactement la même valeur; et cependant, tant ils se sont mis en contradiction avec eux-mêmes, lui donner une définition toute différente de celle qu'ont adoptée et fait prévaloir ces mêmes auteurs. Selon le sens que le mot Main a reçu de lusage général, toute extrémité modifiée pour la préhension, est une Main. C’est ainsi que non-seulement tous les naturalistes, quelques définitions qu'ils aient d’ailleurs écrites dans leurslivres, mais le vulgaire même donne le nom de Mains aux quatre extrémités des Primates. Ce sens est aussi celui que j'ai adopté : seulement j’ai dû m’efforcer de substi- tuer à cette détermination fondée sur une vague appréciation des rapports naturels, une définition précise, déduite d’une étude 1 On connaît cette maxime si souvent rappelée par Linné : Nomina si nescis, perit cognilio rerum. SINGES. 503 exacte et Comparative des mains, chez tous les animaux pourvus de telles extrémités. Les observations que J'ai faites, me conduisent à caractériser comme une Main toute extrémité pourvue de doigts allongés, pro- fondément divisés , très-mobiles, très-flexibles, et par conséquent susceplibles de saisir entre eux et la paume, les objets placés à leur portée. Si ces objets sont légers et non fixes, l'animal peut les atti- rer vers lui; par exemple, les porter à sa bouche, ou les mouvoir dans toute autre direction. S'ils sont lourds ou fixes, il peut s’accrocher à eux, et s’en servir pour se mouvoir lui-même. En définissant ainsi la Main, il est rigoureusement vrai de dire que tous les Primates ont quatre Mains; qu'ils sont Quadrumanes. Et non-seulement ce caractère est général; mais il est à la fois Ze caractère indicateur de l'ordre et l’un des faits les plus essentiels de l’organisation des animaux qui le composent. La faculté de saisir, celle de grimper en dérivent directement; par conséquent aussi, l'habitat sur les arbres ou sur des rochers abruptes, et plus indirecte- ment, en raison de la coordination harmonique des divers systèmes et appareils, le régime, au moins en grande partie végétal, et plu- sieurs autres traits des habitudes générales des Primates. Dans la définition que je viens de donner de la Main, j'ai eu soin de ne faire intervenir, ni l'existence, si peu rare chez les Mammi- fères, de pouces opposables à deux où même aux quatre extré- mités, ni la faculté que possèdent quelques autres animaux, d’op- poser deux de leurs doigts aux autres. Je considère ces différentes dispositions, lorsqu'elles existent, comme ajoutant à la perfection de la Main, mais comme ne la caractérisant pas. En effet, pour ce qui concerne spécialement les Primates, ce n’est pas l’existence d’un pouce opposable qui les constitue préhenseurs; mais bien la disposition générale de leurs doigts longs, profondément divisés , 504 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. trés-flexibles. C’est ce que l’on voit avec évidence dans un grand nombre d’espèces qui, sans pouces opposables ou même sans aucune trace extérieure de pouce aux membres de devant, sont cependant préhenseurs et grimpeurs, aussi bien que tous les autres Primates. La définition qui précède, me semble la seule qui puisse concilier la rigueur logique sans laquelle il n’est point de science, et l’ob- servation des rapports naturels, sans laquelle nos classifications ne seraient que de vaines et irrationnelles conventions. En caractérisant la Main par l'existence d'un pouce opposable, comme ils ont fait généralement jusqu’à ce jour, les auteurs se sont placés, par cela même, dans la nécessité, ou de ranger parmi les caractères géné- raux des Primates, des caractères que tous les Primates ne présen- tent pas, ou de briser, en raison de quelques caractères secondaires, l'unité de groupes véritablement naturels. M. Cuvier, dont l’exemple a été suivi très-généralement, a accepté le premier de ces inconvénients pour éviter le second, beaucoup plus grave à ses yeux. Aïnsi, il conserve le groupe natu- rel des Primates; il le caractérise, comme le font presque tous les auteurs, et comme je le fais aussi, par l'existence de Mains aux quatre extrémités; il lui donne même le nom de Quadrumanes ; 1 adopte, en un mot, des limites, des caractères, un nom, parfaitement con- formes à la définition que j'ai donnée; et cependant, lui-même ve- nait de poser une définition toute différente! Selon celle-ci, qui me parait bien plutôt la description d’une Main parfaite, que la défini- tion de la Main en général, la Main est constituée par /a faculté d’opposer le pouce aux autres doigts pour saisir les plus petites choses. ! Règne animal, 1"° édition, t. T, p. 79; 2° édition, t. I, p. 67. ? Jbid., 17° édition, p. 78 ; 2° éd., p. 67. SINGES. 505 Il est évident que, selon cette définition , tous les Primates sans pouces antérieurs ou à pouces antérieurs non opposables, où même à pouces antérieurs imparfaitement opposables, ne seraient point quadrumanes, mais seulement bimanes. Mais M. Cuvier s’est dé- terminé ici comme il l’a fait dans tous les cas analogues : attachant la plus grande importance à rendre sa classification naturelle, et ayant renoncé à la rendre en même temps rigoureuse, il a sacrifié sans hésiter la rigueur logique à l'observation des rapports naturels. C’est le contraire qu’a fait récemment M. Ogilby*, dans un mémoire que plusieurs observations intéressantes et nouvelles re- commandent d’ailleurs à lattention et à l'intérêt des zoologistes. Voulant, selon les termes de la définition qu'il admet, restreindre le nom de Quadrumanes aux seules espèces réellement pourvues de quatre pouces opposables, M. Ogilby réunit, dans un même groupe qu'il appelle Pédimanes, le Cheiromys, tous les Singes américains et plusieurs Marsupiaux ; dans un autre, auquel il réserve le nom de Quadrumanes, les Singes de l’Ancien-Monde et les Lémuridés*. 1 M. Cuvier a toujours cru à l'impossibilité d’une méthode naturelle et rigoureuse. De là, la facilité avec laquelle il s’est si souvent contenté, comme Linné avant lui, et comme tant d’autres depuis , de caractéristiques applicables seulement à une partie des êtres qu’elles em- brassent. C’est aussi cette conviction , encore si générale parmi les zoologistes , qui a décidé M. Cuvier à assigner à plusieurs groupes, dans sa classification, des places différentes de celles qu’ils devraient vccuper, comme il le dit lui-même, et selon ses propres expressions, dans un système rigoureux. % Loc. ci. 3 Voici, sous la forme synoptique, le résumé de sa classification : on the anterior extreruilies - only.................... 111 Tr emcodocaiconoednddedcon Homo. on both anterior and pos- SIMTÆ,------.. Pithecus etc. A ca ÉRR CHFIROPODA. terior extremities....... QUADRUMANA À Doom VERS PRES MVith opposable thumbs on the posterior extremities SIMIADÆe..uu. Cebus etc. onlÿ.................. PEDIMANA.....4 GLIRIDÆ........ Cheiromys. DinecPHi0Æ....Didelphis etc. 206 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. Cette réforme, tentée par M. Ogilby, n’a point trouvé de partisans : elle rompait tous les rapports naturels ; et au prix même du sacri- fice qu’il faisait de ceux-ci à la rigueur de la définition, M. Ogilby n’atteignait pas son but : car l’Ancien-Monde possède aussi, comme on l’a vu, des Singes à deux pouces opposables seulement, et par conséquent pourvus de deux mains, et non quadrumanes, selon la définition de M. Cuvier, de M. Ogilby et de tous les auteurs. Conformation des Mains postérieures.—Je ne terminerai pas ce paragraphe sansinsister sur un fait fort remarquable par sa généralité, que j'ai déjà indiqué dans un autre travail’. Autant sont variables, chez les Singes, les conditions des mains antérieures, autant le sont peu celles des mains postérieures : celles-ci non-seulement ont tou- jours un pouce ; mais toujours aussi ce pouce est libre dans ses mou- vements, et opposable aux autres doigts. Les Hapaliens sont ceux chez lesquels la conformation des pouces postérieurs est la moins parfaite : ces doigts sont en effet beaucoup plus courts que chez les Singes des trois premières tribus; mais ils restent libres, bien mobiles, oppo- sables; et contrairement à ce qui a lieu aux membres antérieurs, ils conservent les caractères de véritables pouces, aussi bien par la forme de leurs ongles, qui sont courts et aplatis, que par leur mobilité. L’inverse de ce qui a lieu chez l'Homme, s’observe donc chez les Singes qui n’ont de pouces opposables qu'à une paire d’extrémités : celle paire est constamment la postérieure. Et sil existe des pouces aux quatre extrémités à la fois, ce sont constamment aussi, les pou- ces postérieurs qui sont le mieux conformés, le plus libres dans leurs mouvements et le plus opposables. Ce qui est vrai à cet égard des Singes, l’est aussi des Primates en 1 Article Quadrumanes du Dictionnaire classique d'histoire naturelle, t XIV, p. 402, an- néc 1828. La PA PE. F » esta chbutéais 4 Î . SINGES. 507 général. Les pouces antérieurs chez les Lémuridés et les Tarsidés, sont constamment moins développés et moins opposables que les postérieurs ; et chez lAye-Aye ou Cheiromys, ces derniers sont seuls opposables. Et même, si nous franchissons les limites de l'ordre des Primates, nous retrouvons encore la même disposition parmi les Marsupiaux, chez les Didelphidés, chez les Phalangidés, chez le Koala et chez le Tarsipède. En résumant tous ces faits, il existe donc un très-grand nom- bre de Mammifères, appartenant à plusieurs familles différentes, qui ont des mains aux extrémités postérieures, sans en avoir aux antérieures : tels sont plusieurs genres de Singes, l'Aye-Aye, tous les Didelphidés, le Koala, le Tarsipède et tous les Phalangidés; mais il n’est qu’un seul être chez lequel on trouve le système in- verse; et cet être remarquable par cette unique exception, c’est l'Homme. $ IL. — REMARQUES SUR LES CARACTÈRES FOURNIS PAR LA CONFORMATION DE LA TÈTE, ET SPÉCIALEMENT PAR CELLE DE L'ENCÉPIHALE. Modifications de la forme générale de la téte.—1 n’est point de famille naturelle où la conformation de la tête » où les propor- tions de la face et du crâne, en particulier, présentent, d’un genre à l’autre, des différences aussi nombreuses et aussi remarquables que chez les Singes. En comparant, parmi les Cynopithéciens, un ! Le pied de l’homme, non comprises même les conditions qui se lient plus directement et plus nécessairement avec la marche bipède, n’est pas moins exceptionnel à d'autres égards. En même temps qu'il présente, par la brièveté des orteils, une conformation très-différente de celle qui caractérise la main, le gros orteil, loin d'offrir la conformation d’un doigt ordi- naire, est analogue au pouce d’une main très-parfaite, soit en raison de son développement considérable, soit parce qu'il est pourvu, comme un véritable pouce opposable, d’un ad- ducteur, d'un abducteur, d’un extenseur et de deux fléchisseurs propres. 508 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. Semnopithèque et un Cynocéphale, parmi les Cébiens, un Saimiri et un Hurleur, on aperçoit entre eux, relativement aux proportions du crâne et de la face, plus de différences qu’il n’en existe souvent entre des animaux d'ordres différents. Dans important travail que M. Cuvier et mon père ont publié, en 1795, sur les Orangs et sur les Singes en général!, ils ont trouvé l’angle facial égal à 60° chez les Gibbons et les Sajous, à 5o chez les Cercopithèques, à 40 chez le Magot, à 30 seulement chez les Cynocéphales et chez les Hurleurs. Il existe donc dans la seconde et dans la troisième tribus, des Singes chez lesquels l'angle facial se trouve réduit à la moitié de ce qu'il est chez d’autres Singes. J'ai cherché il y a quelques années’ à me rendre compte de ces faits, et à expliquer comment des diversités si nombreuses et si remar- quables peuvent se concilier avec l'unité d’une famille dont les di- verses espèces, sous presque tous les autres points de vue, se lient par des rapports si complétement naturels et si intimes. L’explication que je cherchais, et qu’il suflira de rappeler ici, na été fournie par la théorie si féconde des arrêts ou mieux des inégalités de dévelop- pement. En comparant entre eux les différents groupes de Cynopithé- ciens, et spécialement les Semnopithèques, les Cercopithèques, les Macaques et les Cynocéphales, j’ai fait voir que le dernier de ces genres, par rapport à tous les autres, l’avant-dernier, par rapport aux deux qui le précèdent, enfin, le second par rapport au premier, sont essentiellement caractérisés par des degrés plus avancés dans le développement d’un type crânien qui, au fond, est le même chez 1 Dansle Magasin encyclopédique, t. I, p. 451. — Le Mémoire a pour titre : Histoire naturelle des Orangs-Outangs. 2? Zoologie du Voyage aux Indes de M. Belanger, p. 64 (ann. 1830-1831); Études Zooto- giques, 1" livr. 1832, et Magasin de Zoologie, année 1839, article sur les Hurleurs. mdr". L SINGES. à 509 tous. Ainsi, le Cynocéphale lui-même, à museau si allongé dans état adulte, a eu, lorsqu'il était jeune, les proportions crâniennes et l’angle facial d’un Macaque ; et avant ceux-ci, il avait eu ceux d’un Cercopithèque, et même, si l’on remonte à l’état fœtal, d’un Semno- pithèque. Le Cynocéphale, et il en serait de même du Macaque et du Cercopithèque, a donc présenté successivement et d’une manière transitoire, les conditions crâniennes que l’on observe d’une ma- nière permanente chez les autres; il a traversé les divers degrés de développement qui caractérisent ceux-ci, pour arriver à ceux qui le caractérisent lui-même : par conséquent , il n’en est véritable- ment qu'un degré, et si l’on peut s'exprimer ainsi, qu'un âge plus avancé. Et ce qu'il y a de plus remarquable, ce n’est pas la con- formation seule de la tête, mais aussi le naturel qui se transforme à mesure que l’animal avance dans la série des développements. Un jeune Macaque, un très-jeune Cynocéphale, sont loin d’avoir les mœurs propres à leur genre : ils ont bien plutôt le naturel malin et irascible, mais non méchant, la pétulance et l’adresse d’un Cercopithèque, comme ils en ont le cerveau volumineux et la tête arrondie. De semblables considérations sont applicables aux Cébiens. Ces Singes, et spécialement les Saïmiris, les Sajous, les Atèles, les Hurleurs, forment une série comparable à celle des Cynopithé- ciens, et dans laquelle on voit de même le cerveau diminuer et la face sallonger d’un genre à l’autre, comme on le voit, dans la même espèce, d’un âge à l’autre. Ici encore, soit pour les formes crâniennes, soit pour d’autres caractères, et notamment pour ceux que fournit l’hyoïde, si remarquable dans cette tribu, il est vrai de dire que les divers genres' nous représentent tous un seul et ! Peut-être en exceptant le dernier de tous, celui des Sakis. Ancmves pu Muséum, Tome Il. 65 510 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. même type dans des degrés divers de développement, et que les genres chez lesquels nous observons un degré plus avancé’, offrent momentanément avant d’y parvenir, et pour ainsi dire traversent les degrés moins avancés qui, pour les autres, constituent les condi- tions normales et définitives. Les Singes de l’Ancien et ceux du Nouveau-Monde, plus spécia- lement les Cynopithéciens qui comprennent la plupart des premiers, et les Cébiens parmi lesquels se rangent presque tous les seconds, forment donc deux séries parallèles, composées de termes entre les- quels on peut établir, sous divers rapports, une corrélation plus ou moins exacte et plus ou moins manifeste. Dans l’un comme dans l’autre, l’encéphale diminue de volume, la face s’allonge au contraire et la tête devient moins arrondie, à mesure que l’on descend des pre- miers termes aux derniers, mais avec cette différence que l’encéphale est toujours, proportion gardée, plus volumineux dans la seconde que dans la première. C’est ce qui est également vrai, et ce que l’on reconnaitra avec une égale évidence, soit que l’on prenne la moyenne du volume de l’encéphale dans les deux séries, soit que l’on compare les Saimiris, premier terme de la série des Cébiens, aux Semnopi- thèques, premier terme de celle des Cynopithéciens, soit que l’on mette, au contraire, en rapport les derniers termes de l’une et de l’autre, savoir, les Hurleurs d’une part, les Cynocéphales de lautre. De ces rapports généraux, une conséquence importante semble- rait devoir être déduite relativement à la classification : linfériorité des Cynopithéciens par rapport aux Cébiens, plus voisins de l’homme par le volume de leur encéphale. Et même il y a plus : non-seule- ment les Cébiens ont tous l’encéphale plus ou moins volumineux et ! Ilest à peine utile de faire remarquer que les genres qui, sous ce rapport, présentent le degré le plus avancé, les Hurleurs, par exemple, sont précisément ceux qui s’éloignent le plus de l'homme. " e nee nds À LS à om an SINGES. 511 la face plus ou moins courte; mais à ces caractères apparents de supériorité se joint, chez quelques-uns d’entre eux, un trait qui mé- rite au plus haut degré de fixer l'attention. Je veux parler de l’élé- vation des frontaux au-dessus du niveau des arcades surcilières; en d’autres termes, de l’existence d’un véritable front. Certes, si l’on ignorait dans quels genres de Singes se présente un tel caractère, on serait porté à l’attribuer aux Pithéciens, si voisins de l'Homme par l’ensemble de leur conformation. Et cependant il n’en est rien. Quelques-uns, tels que les Orangs, ont, il est vrai, un front, et même un front très-développé dans leur enfance; mais à mesure que l’animal avance en âge, les mâchoires s’allongent, le front s’affaisse, et semble faire place à des crêtes surcilières très- proéminentes dont la présence change entièrement la physionomie. Chez les Singes de la seconde tribu, les effets de l’âge s'étendent beaucoup plus loin encore : non-seulement les mâchoires s’allongent davantage; mais le front s’efface presque complétement, compléte- ment même dans les derniers genres. Chez presque tous les Singes américains au contraire, mais surtout dans plusieurs genres de la troisième tribu, l’âge n’imprime à la forme générale de la tête que des modifications beaucoup moins remarquables : la déformation du crâne s’arrête, pour ainsi dire, dès les premiers pas, et le front subsiste jusque dans l’état adulte. Sous ce dernier point de vue, ces Singes sont exactement compa- rables à l'Homme lui-même. Chez lui aussi, le front plus saillant, l'angle facial plus ouvert dans l’enfance, tendent à diminuer, et la face tend à s’allonger, à mesure que de la première enfance il s’avance vers l’âge adulte ; mais, bien loin que ces changements se prononcent de plus en plus, et qu'ils finissent, comme cela a lieu chez les Orangs, par amener la tête à un type tout différent, ils s'arrêtent bientôt, et le même type, un peu modifié seulement, un peu plus ou un peu b12 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. moins, selon les races", se conserve pendant toute la vie; absolument comme il arrive dans quelques genres de Cébiens, et particuliè- rement chez les Saiïmiris. Mais là s'arrête la similitude entre le crâne de ceux-ci et celui de l'Homme. L'examen extérieur suffit pour révéler des différences remarquables, parmi lesquelles les principales sont relatives à la conformation du front lui-même. Chacun sait que chez Homme, la plus grande saillie du front a lieu latéralement, aux points qui, à droite et à gauche, correspondent aux extrémités antérieures des hémisphères cérébraux. Entre les deux saillies droite et gauche, ou, selon le langage le plus ordinairement employé, entre les deux bosses frontales, est une dépression verticale, plus ou moins pro- fonde et plus ou moins marquée, selon les individus. Chez les Smges américains qui ont un front, comme aussi chez les jeunes Pithé- ciens, dans l’âge où ils ont un front, la plus grande saillie frontale est. médiane; et le front fuit à droite et à gauche. Ici la saillie frontale correspond donc non aux hémisphères eux-mêmes, mais à l'intervalle qui les sépare en avant, et à la faux. Modifications de l'encéphale.—Si de Vexamen extérieur on passe à l’observation des caractères intérieurs, des différences bien plus importantes que les précédentes, se présentent aussitôt. Telles sont celles qui se rapportent à la structure de l’encéphale, et en parti- culier à la disposition, au nombre et à l’existence même des cir- convolutions. { Moins chez la race caucasique, plus chez la race éthiopique. À un certain âge, l'Homme éthiopique a l'angle facial aussi ouvert qu'il l'est normalement chez l'homme caucasique adulte , absolument comme un Macaque a d’abord l'angle facial d’un Cercopithèque ; mais la face continuant à se développer, et par suite l’angle facial à diminuer, l'Homme de race éthiopique acquiert, en dépassant les conditions du type caucasique, celles qui caractéri= sent son propre type: en D SINGES, 513 Sans parler ici des Pithéciens ou Singes de la première tribu, dont l’encéphale présente, avec des proportions différentes, presque tous les traits caractéristiques de l’encéphale humain’, on sait que chez les Cynopithéciens, l’encéphale présente de nombreuses cir- convolutions séparées par de profondes anfractuosités. Il en est ainsi très-généralement de ces Singes, sans excepter les Cynocéphales, à crâne si déprimé, à museau si prolongé, à angle facial de 30° seule- ment ; et même l’on ne voit pas que, sous ce point de vue, ceux-ci le cédent aux autres. En est-il de même des Singes de la troisième et de la quatrième tribu ? Parmi les Singes américains, ceux qui sont le plus fréquemment amenés dans nos climats, et ceux dont on connait le mieux l’encé- phale, sont les Sapajous ou Sajous proprement dits. Le Sapajou Saï, Cebus capucinus, est, par exemple, le seul Singe américain dont M. Tiedemann figure l’encéphale dans ses Zcones cerebri Simia- rum*; et c’est aussi une espèce du même genre, le Cebus apella, que M. Serres à décrit dans son grand ouvrage sur l’anatomie com- parée du cerveau. Or, l’encéphale des Sapajous est plutôt différent de celui des Cynopithéciens® par sa forme générale et par la dispo- sition de ses circonvolutions, que par le nombre de celles-ci; et { Voy. Tiedemann, dans le Zeitschrift für Physiologie, 1827, t. Il, p.17, et On the Brain of the Negro, etc., dans les Pailosophical transactions, 1836, partie 1, p. 497. L'auteur qui, dans le premier de ces Mémoires avait comparé l'Homme caucasique et l'Orang, compare, dans le second, l'Homme caucasique, le Nègre, l'Orang et le Troglodyte. Il montre que chez ces deux Singes , l'encéphale ne diffère de celui de l'Homme que par des dimensions moindres ; que la différence de volume porte spécialement sur les hémisphères, et que les circonvolu- tious et les anfractuosités sont moins nombreuses. Ces circonvolutions et anfractuosités sont plus régulièrement symétriques chez l'Orang et chez le Troglodyte que chez l'Homme cau- casique; mais le même caractère existe chez le Nègre. ? In-folio, Heidelberg, 1821. 3 Mais non des Pithéciens. L’encéphale de ceux-ci est remarquable par l'existence de plu- sieurs caractères qu’il partage seulement avec l’encéphale de l'homme. D14 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. les zoologistes ont été naturellement portés à étendre les caractères observés chez les Sapajous, à l’ensemble des Singes américains. Comment supposer , surtout lorsque l’on considérait tous les Singes américains comme appartenant à la même tribu, en d’autres termes comme établis sur le même type; comment soupçonner la pos- sibilité, que les uns aient des circonvolutions assez nombreuses, et que d’autres, au contraire, aient le cerveau lisse et comparable, sous ce point de vue, à celui d’un Insectivore ou d’un Rongeur ? Pendant que les zoologistes plaçaient explicitement l'existence des circonvolutions au rang des caractères généraux des Singes, un zootomiste distingué, M. Desmoulins, dans l’ouvrage qu’il a publié en commun avec M. Magendie, en faisait un caractère propre aux Singes de l’Ancien-Monde. «Il n’y a pas non plus « de sillons, dit M. Desmoulins : , au cerveau du Ouistiti, du « Saï?, du Saïmiriet de tous les Singes américains jusqu'ici « observés. Or, ces Saïmiris, ces Sajous, ces Ouistitis, ont & à proportion le cerveau plus volumineux que l'Homme. Tous « les Singes de lAncien-Continent ont au contraire le cerveau « plissé. » Quelque explicite que fût ce passage, il ne changea pas les idées reçues parmi les zoologistes, soit qu'ils ne Paient pas connu, soit que sachant l’assertion de l’auteur complètement fausse à l’égard des Sapajous, ils se crussent fondés à n’y avoir non plus aucun égard, en ce qui concerne les Ouistitis et les = = Saimiris. Je crus donc avoir obtenu un résultat intéressant, lorsqu’en 1840, je pus me convaincre par moi-même de l’absence des circonvolutions ? Sur les systèmes nerveux, t. 1 (1825), p. 276.— Voyez aussi l’article Cérébro-spinat du Dictionnaire classique d'histoire naturelle , t. WT, p. 367, ann. 1823. ? Au moment où M. Desmoulins écrivait ce passage, il y avait quatre ans déjà que les circonvolutions du Saï avaient été figurées par M. Tiedemann. (Voyez ci-dessus, p. 513.) : A, PES ET dt nn 2e Fe PACA ve Lu meer SINGES, 515 sur un Ouistiti, le Marikina ou Singe-lion, Hapale rosalia ; fait que la même année je fis voir dans mon cours du Muséum, d’où il passa bientôt dans l’enseignement des facultés et même des colléges. Chez ce Marikina, et depuis j’ai vérifié la même disposition chez deux Ouistitis ordinaires, Æ .jacchus, je constatai qu'il n'existait à la surface de chaque hémisphère cérébral, qu’un seul sillon: : celui qui sépare le lobe antérieur du lobe moyen, avec lequel se confond exactement, en arrière, le lobe postérieur. Et ce fait est d’autant plus remarquable que ce cerveau, si semblable à cet égard au cer- veau des Rongeurs, se place sous un autre point de vue, relative- ment à son volume, à l’autre extrémité de la série, et au-dessus même des cerveaux de la plupart des Singes à circonvolutions bien développées. Non-seulement les hémisphères recouvrent en arrière le cervelet; non-seulement cette disposition qui est l’un des carac- tères généraux des Primates, et spécialement des Singes, existe ici, mais elle y existe aussi complétement que chez aucun Singe de l’An- cien-Monde, les hémisphères cérébraux dépassant très-sensiblement le bord postérieur du cervelet. Ce fait une fois connu chez des Singes de la quatrième tribu, il \ avait lieu de rechercher s'il est propre aux Hapaliens, ou sil se re- trouve aussi chez quelques-uns des Cébiens. Il me parut surtout intéressant d’examiner dans quelles conditions se trouvent sous ce point de vue les Saïmiris, si remarquables par le volume de leur encéphale. M. de Blainville voulut bien faire retirer, à ma de- mande, l’encéphale d’un Saïmiri sciurin conservé dans l’alcohol, au Musée d'anatomie comparée; et bientôt après, deux autres indivi- dus de la même espèce étant morts à Paris chez des particuliers, En ne comptant pas quelques sillons linéaires, correspondant au trajet des vaisseaux de la pie mère, et ne pouvant être assimilés à des anfractuosités. 516 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. je parvins à me procurer d’autres encéphales de Saïmiris, et je pus examiner ceux-ci d’une manière plus complète que le pre- mier. Le caractère sans contredit le plus remarquable de l’encéphale des Saïmiris, c’est l’extrême développement de la partie postérieure des hémisphères. Ceux-ci dépassent le lobe moyen du cervelet qui est très-développé et très-saillant en arrière, de près d’un centimè- tre, et les lobes latéraux, de près d’un centimètre et demi; ce qui est relativement considérable, l’encéphale tout entier n’ayant qu’en- viron cinq centimètres et demi de long. En avant les hémisphères cérébraux finissent plus en pointe que chez les Sapajous; genre dans lequel la coupe du cerveau représente dans son ensemble une ellipse presque parfaite, ayant ses deux axes dans le rapport de 3 à 2. Le rétrécissement des hémisphères en avant chez les Saimiris, donne à leur cerveau la forme d’un ovale assez allongé, plutôt que d’une ellipse. Quant aux circonvolutions, il en existe plusieurs chez les Saimiris, très-supérieurs par conséquent sous ce rapport aux Ouisti- tis, mais très-sensiblement inférieurs aux Sapajous, surtout en ce qui concerne les lobes antérieurs : la surface de ces lobes est, en effet, lisse dans la plus grande partie de leur étendue. Il en est de même des lobes postérieurs; mais ce dernier caractère est commun aux Singes des trois dernières tribus, et par conséquent appartient aux Sapajous comme aux Saïmiris. L'état des circonvolutions est aussi à peu près le même chez les Callitriches, si longtemps confondus avec les Saïmiris, mais si diffé- rents de ceux-ci par le volume de leur encéphale et par d’autres caractères. Je nai, du reste, pu faire du cerveau des Callitriches qu'un examen superficiel et imparfait ; et j'ignore plus complétement encore quelles sont les conditions de l’encéphale chez les Nyctipithè- ques et chez les Sakis; genres dont l'étude, sous ce point de vue, SINGES. 517 serait d’un très-grand intérêt, mais dont les espèces ne sont malheu- reusement amenées que rarement dans nos climats. Quoi qu’il en soit, et sans que j'aie à suivre plus loin, dans ce mémoire purement zoologique, des faits sur lesquels je me propose d’ailleurs de revenir, les remarques qui précèdent suffisent pour éta- blir, relativement à la classification, une conséquence qui se place naturellement ici. Les circonvolutions, très-développées dans la première tribu, sont nombreuses encore dans la seconde, moins nombreuses, à des degrés d’ailleurs assez différents, dans la troi- sième, et presque entièrement effacées dans la quatrième. L'ordre dans lequel j'ai placé les quatre tribus, sil n’est pas entièrement conforme aux modifications de la forme générale de la tête et du volume de l’encéphale, concorde donc parfaitement avec les diffé- rences relatives aux circonvolutions et aux anfractuosités du cerveau. Je ne terminerai pas ce paragraphe sans faire remarquer quelles graves objections peuvent étre déduites de l'existence de Singes à cerveau lisse, contre quelques idées récemment émises, et qui tendraient à placer, au nombre des bases principales de la classifi- cation des Mammifères, les caractères fournis, soit par la division de l’encéphale en deux ou trois lobes, soit surtout par l'existence ou l'absence des circonvolutions. Sans doute, il y a lieu de tirer plus de parti pour la classification qu'on ne l’a fait jusqu’à présent, des diverses modifications du sys- tème nerveux, trop subordonné dans les méthodes ordinaires (et il en est de même de tous les organes de la vie de relation ) aux appa- reils de la vie organique. Je partage à cet égard, et depuis long- temps', en ce qu’elles ont d’essentiel, les vues qu'a récemment développées et appliquées l’un de nos plus savants mammalogistes, ! Voyez, à la fin du Mémoire, la Note V. Arcuives pu Muséun, rome II. 66 518 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. M. Jourdan! ; vues aux quelles Pun des juges les plus compétents en pareille matière, le prince de Canino”, s’est empressé de donner son assentiment, et dont il a fait habilement usage pour le perfec- tionnement de sa propre classification. Mais, d’après ce qui précède, on voit que l'application de ces vues ne doit étre faite qu'avec une extrême réserve. Parmi les caractères que fournit le système nerveux, ceux que lon pou- vait être porté, & priort, à considérer comme les plus importants, ne sont pas en réalité d’un ordre très-élevé, et ne peuvent être consi- dérés comme des conditions auxquelles se subordonnent les modifi- cations de l’ensemble de l’organisme. | Il en est ainsi, en particulier, de l’existence des circonvolutions, puisqu'elles sont à demi effacées chez plusieurs Cébiens, etmanquent chez les Hapaliens. Il en est encore ainsi de la division des hé- misphères cérébraux en deux ou en trois lobes*, puisque le lobe * Notesur le Muséum d'histoire naturelle de Lyon , et sur sa classification zoologique, classi- fication basée sur le système nerveux. Cette note, ou plutôt ce mémoire, fort remarquable, et renfermant le résultat de laborieuses et profondes recherches , a été présenté à l’Académie des Sciences en octobre 1837, mais n'a point encore été publié. Le Musée zoologique de Lyon, le plus beau qui existe dans aucun de nos départements, est rangé selon la classifi- cation de M. Jourdan, aux soins éclairés et au zèle duquel est due sa création. D'après M. Jourdan, c'est dans le nombre des lobes cérébraux, le degré de développe- ment des lobes optiques et la présence ou l'absence des circonvolutions, qu’il faut prendre les bases principales de la classification. 2? Voyez le Synopsis de sa classification et le tableau déjà cité. C’est d’après les idées de M. Jourdan , mais en les modifiant d'après ses vues propres , qu'il divise ses Mammalia pla- centalia en educabilia, à 2 ou 3 lobes cérébraux, et les ireducabrlia, à 1 seul lobe cérébral. & C'est ce qu'a déjà parfaitement compris le prince de Canino. Dans son tableau déjà cité, il a réuni, contrairement aux premières vues de M. Jourdan, les Mammifères à trois lobes cérébraux, et ceux qui n’en ontque deux. Il exprime, en effet, ainsi le caractère général de ses Zducabilia. « Seorxo I. Epucariia. Cerchrum bi- (vel tri-) lobum. » Aux Inrpuca- æiria il donne au contraire, pour caractère, ainsi que l'avait fait M. Jourdan : Cerebrum uni- lobum. SINGES. 519 postérieur, distinct encore dans la plupart des Singes, se con- fond entièrement avec le second chez les Hapaliens. Enfin, il en est de même encore du volume plus où moins considérable des hémisphères cérébraux, soit qu'on le détermine relativement au volume du corps en général, soit qu’on le compare à celui des au- tres organes encéphaliques en particulier ; car il existe à cet égard une très-grande différence, non-seulement entre les diverses tribus, mais aussi, et plus encore, entre divers genres appartenant aux mêmes tribus, par exemple entre les Cynocéphales et les Semnopi- thèques, entre les Hurleurs et les Saïmiris : dernier genre chez lequel les hémisphères cérébraux n’atteignent pas seulement, mais dépassent considérablement en arrière le bord du cervelet, et chez lequel la masse encéphalique est, proportion gardée, plus considé- rable que chez l’homme lui-même. $ HI.—Remanques sur QUELQUES AUTRES CARACTÈRES. Après les caractères que fournissent, soit à l’ensemble de la fa- mille des Singes, soit à ses diverses tribus, la conformation des mains et celle de la tête, j'aurais à traiter des caractères qui peuvent être tirés du système dentaire, de la disposition des organes sensitifs, des abajoues, des callosités, des ongles et de la queue. Mais quel - ques mots sufliront sur ces divers points, déjà traités, soit par moi- même , Soit par d’autres zoologistes, dans d’autres mémoires ou ouvrages auxquels il me suflira presque de renvoyer le lecteur. Dents. — Les caractères fournis par le système dentaire, ont été exposés avec tant de détail, de soin et d’exactitude par M. de Blain- ville dans son Ostéographie*, que je me bornerais à renvoyer à cet ! Fascicules I et II. 520 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. ouvrage, si je n'avais à insister sur les conséquences qui résultent du travail de M. Blainville relativement à la classification. On à vu que parmi les quatre tribus de la famille des Singes, la troisième a 36 dents, les autres 52 comme l'Homme ; mais ces dif- férences numériques ne sont pas les seules sur lesquelles il importe de fixer l'attention. Les incisives sont verticales ou sub-verticales dans la première et la quatrième tribu. Chez le plus grand nombre des Cynopithéciens et des Cébiens elles affectent cette même direction. Chez les autres elles sont obliques en avant. Les canines, très-longues chez plusieurs Singes de PAncien- Monde, s’écartent généralement peu de la direction verticale. Il existe, à la mâchoire supérieure, entre la canine et l’incisive ex- terne, un intervalle proportionnel au développement de la canine inférieure; intervalle qui reçoit celle-ci quand les mächoires se ferment. Les cinq ou six molaires se divisent, dans les deux tribus de lAncien-Monde, en deux petites molaires et trois mâchelières à tubercules mousses; chez les Cébiens, en trois petites molaires et trois mächelières à tubercules, tantôt mousses, tantôt pointues; chez les Hapaliens, en trois petites molaires et deux mâchelières à tubercules pointus. Les Hapaliens, loin de pouvoir être assimilés pour le système dentaire, comme on eût pu le supposer d’après notre premier énoncé, aux Singes de l’'Ancien-Monde, forment donc, sous ce point vue aussi, ne tribu parfaitement tranchée. Le nom- bre total des molaires, et par conséquent des dents en général, est, il est vrai, le même que dans les deux premières tribus; mais le nombre des petites molaires est le même que dans la troisième, et le nombre des grosses molaires ou mâchelières, inférieur à celui de tous les autres Singes. SINGES. 521 C’est ce qu'on aperçoit d’un seul coup d’œil par la comparaison des formules dentaires suivantes” : Træus Let IL... 4(214+C+2m+3M)— 532 D." Tr. IL... 4(21+C+3m+5M)—56 D.’ Œr. IV... 4(21+C+3m+2M)=320D. Après ces différences de disposition et de nombre viennent di- verses modifications d’un ordre inférieur, sur lesquelles il n’y a pas lieu d’insister ici. ! IL est à peine utile de faire remarquer que, dans les formules que l'on va lire, les lettres 1, C, m, M désignent les éncrsives, les canines, les petites molaires ou fausses-molaires, et les grosses molaires ou méchelières. I] est de même facile de voir que le chiffre 4 qui multiplie tous les nombres dentaires placés à sa suite, exprime la répétition de ces nombres des deux côtés et aux deux mâchoires. On a fait ici une simplification qui est particulière aux cas où les nombres dentaires se répètent d’une mâchoire à l’autre. Voyez au sujet des nouvelles formules dentaires que j'emploie ici, la note VI, à la fin de ce Mémoire. ? J'ai récemment observé et déjà indiqué dans l’article Cercopithèque du Dictionnaire uni- versel d'Histoire naturelle (t. 1, p. 306), une anomalie trop rare pour ne pas être mention- née ici. C’est la présence d’une mâchelière surnuméraire, de chaque côté, à la mâchoire in- férieure, chez un Cercopithèque Malbrouck. La formule dentaire était, chez cet individu, la suivante : AGN SAM ET —2(214+C+om+4{M) 3 J'ai décrit il y a quelques années, chez deux Singes de la troisième tribu, un Sajou et un Atèle Chameck, deux anomalies dentaires non moins remarquables que la précédente. Chez le premier de ces Singes, déjà observé avant moï par mon père, il existait une molaire surnuméraire de chaque côté à la mâchoire supérieure; chez le second, une molaire surnu- méraire, du côté gauche seulement, mais à l’une et à l’autre mâchoire. (Voyez mon Mémoire _ déjà cité sur les Caractères généraux des Singes américains, et mon Histoire générale des ano- malies, t. 1, p.600.) M. de Blainville a décrit de nouveau, et de plus figuré ces deux dernières anomalies, dans son mémoire Sur quelques anomalies du système dentaire, dans les Annales d'anatomie et de physiologie, t. 1, 1838. 522 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. Narines. —La disposition des narines, ouvertes au-dessous du nez chez les Singes de l’Ancien-Monde, et percées latéralement chez ceux du Nouveau, a fourni à Buffon des caractères différen- tiels peu remarquables en eux-mêmes, mais qui le sont beaucoup par leur parfaite concorcordance avec la distribution géographi- que de ces animaux. Les auteurs modernes, et mon père en par- ticulier, ont confirmé et complété ces caractères, en constatant que les os du nez sont ordinairement soudés avant la chute des dents de lait chez les Singes de l’Ancien-Monde, tandis que les os nasaux restent séparés jusque dans un âge avancé chez les Singes américains. Tous ces caractères tendraient à établir, non-seulement une diffé- rence, mais presque une opposition très-marquée , et à mettre un grand intervalle entre les Singes de l’'Ancien-Monde, à cloison in- ter-nasale mince et à narines zrférteures, et les Singes américains, à cloison large et épaisse et à narines latérales. Mais, plus récemment, un fait recueilli par Spix', et mes obser- vations sur divers Singes des deux continents m'ont conduit à des résultats qui diminuent limportance des caractères fournis par les narines, et qui réduisent presque à rien, quant à ces caractères, l'intervalle qui paraissait séparer les deux tribus des deux dernières. Comme je l'ai fait voir’, il est deux genres américains, celui au- quel j'ai donné le nom d’Ériode, et les Lagotriches de mon père, chez lesquels la cloison est non-seulement beaucoup moins large que chez tous les autres, mais même assez étroite pour que les nari- nes doivent être considérées comme inférieures plutôt que comme latérales. Dans ces deux genres, et aussi, mais à un moindre degré chez les Nyctipithèques*, nous voyons donc en quelque 1 Simiarum et Vespertiionun Brasiliensium species novæ, gr. in-fol. Munich, 1823. 2 Mémoire déjà cité sur les Caractères généraux des Singes américains. 3 D'après des observations que j'ai faites récemment. Nr d - SINGES. 523 sorte les Singes américains se rapprocher, en ce qui concerne la disposition des narines, des Singes de VAncien-Monde, et pour ainsi dire, marcher vers ceux-ci. Mais cette transition n’est pas la seule que j’aie à signaler : l'inverse a lieu aussi, la cloison interna- sale acquérant, chez certains Singes de lAncien-Continent, une épaisseur plus grande qu’on ne le suppose généralement. Cest ce qui a lieu parmi les Singes africains, chez le Talapoin de Buffon, type de mon nouveau genre Miopithèque, et parmi les Singes asia- tiques, mais à un moindre degré, chez les Semnopithèques. Ainsi, l'intervalle qui, selon les idées jusqu'alors admises, séparait les Singes de lAncien-Monde et ceux du N Ouveau, se trouve presque entièrement comblé, d’un côté, par les Ériodes, les Lagotriches et par les Nyctipithèques, Singes américains qui tendent à se confon- dre, pour la disposition de leurs narines, avec les Singes de l’Ancien- Monde; de l’autre, par les Semnopithèques et surtout par les Mio- pithèques, qui se rapprochent, sous le même point de vue, des Singes américains. Toutefois, on doit se garder de croire qu'il ne reste rien de ces caractères que Buffon avait jugés si importants, et qu'il croyait absolument généraux. Ils subsistent dans toute leur rigueur, parmi les Singes de l’Ancien-Monde, pour la première tribu, et parmi ceux du Nouveau, pour la dernière. Et il est même permis de con- server à ces caractères toute leur généralité, à la condition d’en modifier l’expression, la cloison internasale étant toujours mince où médiocrement épaisse, jamais large chez les Singes de l’An- cien-Monde, à quelque tribu qu’ils appartiennent; large où mé- diocrement épaisse, jamais mince chez les Singes américains. Æbajoues. — Ces poches buccales se retrouvent chez un grand nombre de Singes; mais elles ne donnent lieu à aucune remarque générale, si ce n’est qu’elles manquent constamment dans la pre- 524 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. mière, dans la troisième et dans la quatrième tribu. Elles existent le plus souvent dans la troisième. Callosités ischiatiques. — Elles manquent de même dans les deux dernières tribus; mais elles existent constamment dans la seconde, et le plus souvent dans la première. Ongles. — L'existence d’ongles plats dont on fait ordinairement l’un des caractères généraux des Singes’, n’est même pas un carac- tère de tribu. Les ongles sont tantôt plats et tantôt en gouttière, mais toujours courts dans la première et dans la seconde tribu ; en gouttière où comprimés, et toujours courts ou, du moins, très- peu allongés dans la troisième; toujours comprimés, longs, acérés, c’est-à-dire ex griffes dans la quatrième. : En cherchant à substituer au prétendu caractère général que four- nit la forme aplatie des ongles, un véritable caractère général tiré des ongles, on arrive au suivant : tous les Singes ont es ongles similaires, à Vexception de ceux des pouces qui sont plus larges*. En même temps que ce caractère existe chez tous les Singes, il manque dans les deux familles suivantes. Queue. — Elle est nulle dans la première tribu, variable dans la seconde, toujours longue dans les deux tribus américaines. * Presque tous les auteurs ont copié M. Cuvier, qui définit ainsi les Singes dans le Régne animal : « Les Singes sont tous les quadrumanes qui ont à chaque mâchoire quatre dents « incisives droites, et à tous les doigts des ongles plats. » Le premier de ces caractères, de même que le second, ne doit pas être considéré dans une méthode rigoureuse (et la science ne peut plus en admettre d'autre), comme un véritable caractère général : mais c’est, du moins, un caractère commun à la plupart des espèces. Les derniers genres des deux tribus intermé- diaires sont les seuls qui n'aient pas les incisives verticales ou subverticales. ? Mon père avait déja, dans son Tableau des Quadrumanes , caractérisé ainsi les Singes : ongles de méme forme, sauf celut du pouce, qui est plus aplati. Dans ce cas comme dans beau- coup d’autres, mon père avait donné l'exemple, rarement suivi par les zoologistes, de n’ad- mettre dans ses diagnoses que des caractères vraiment généraux, et dans ses définitions que des termes exacts. SINGES. 525 À ces caractères que l’on trouve énoncés dans tous les ouvrages classiques, les auteurs ajoutent, d’après Buffon, que la queue n’est prenante que chez une partie des Singes américains. Il y a ici une dis- ünction à faire. Ce qui appartient en propre à une partie des Sin- ges américains (tous de la tribu des Cébiens, à l'exclusion de la pre- mière, de la seconde et de la quatrième tribus), c’est l'existence d’une ‘queue prenante par son extrénuté, soit que celle-ci soit velue comme le reste de l'organe, soit qu’elle se trouve inférieurement nue et cal- leuse dans une étendue plus où moins considérable. Je puis affirmer que plusieurs Singes africains, remarquables par la Jongueur de leur queue, se servent aussi plus où moins fréquemment de cet organe Pour assurer leur station ou faciliter leur locomotion; mais ils le font selon un mode qui leur est propre, savoir : en enroulant autour des corps placés à leur portée, non pas seulement l'extrémité de la queue, mais celle-ci dans sa presque totalité, J’ai constaté pour la première fois cette habitude dans une espèce du genre Cer- copithèque qui sera décrite plus bas sous le nom de Cercopi- thecus monoïdes ; et depuis j'ai acquis la certitude’ qu’elle existe aussi chez d’autres Cynopithéciens africains, pareillement remar- quables par la longueur de leur prolongement caudal. Ici encore, comme à l’égard des narines, les caractères généraux établis par notre immortel Buffon et par Daubenton, subsistent dans toute leur généralité ; mais il y à lieu d’en modifier légère- ment l'expression, et de diminuer l'intervalle que l’on admettait entre les Singes à queue prenante d'Amérique et les Singes de l’An- cien-Monde. 1 En partie d'après mes propres observations; en partie aussi d'après les observations qu'avait faites de son côté notre habile iconographe M. Werner. ARCHIVES pu Muséum, Tome Il. 6- 520 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. DEUXIÈME PARTIE. DESCRIPTION DE PLUSIEURS SINGES NOUVEAUX OÙ IMPAR- FAITEMENT CONNUS, APPARTENANT AUX DEUX TRIBUS DE L'ANCIEN MONDE. I. PITHÉCIENS. 1. L'ORANG BICOLORE, Pithecus bicolor!. Caractéristique. — VPélage roux supérieurement et au milieu du ventre, fauve-blanchâtre sur le bas-ventre, les flancs, les aisselles, la portion intérne des cuisses et le tour de la bouche. Habitat. — Sumatra. Synonynue. — O. roux, Temminck, Monographies de mammalogre , t. 11, p. 136, 1838.—0. Ouran, Temm., sbid. , 1. II, p. 368, 1841. — P. B1COLOR, Is. Geoffroy, 444 della terza riurnione degli scienziati italiant, p. 333, 1841 (simple indication d’après une communication faite par le prince de Canino), et Comptes-rendus des séances de l’Académie des Sciences, t. XV, pag. 720, 1842. Le nom d’Orang roux, que M. Temminck n'avait d’ailleurs proposé que comme provisoire, n’a pu être adopté comme appartenant déjà à la synony- mie de l'Orang Outan. Cette espèce est établie sur un jeune individu male, venu de Su- 1 Voyez à la fin de ce Mémoire, la Note VII. Je n'ai point fait représenter ici l'Orang bicolore; mais on peut consulter les belles figures, de grandeur naturelle, faites et publiées en 1836 par M. Werner. SINGES. 527 matra' par la voie du commerce, et qui a vécu à la ménagerie du Muséum en 1836 et 1837. On n’a pas oublié à quel degré ce Singe excita, lors de son arrivée, l'intérêt des zoologistes® et la curiosité du public parisien. On voit par la synonymie qui vient d’être donnée, que M. Tem- minck avait considéré d’abord l’Orang de la ménagerie comme le type d’une espèce distincte, mais que plus tard, il n’a plus vu en lui qu’un jeune Orang Outan. Je crois utile de faire remarquer que le travail dans lequel M. Temminck a supprimé l’espèce qu’il ad- mettait d’abord, est postérieur de trois ans au premier travail de ce célèbre zoologiste, et de cinq à l’examen qu'il avait fait à la mé- nagerie de notre jeune Orang. Il est permis de supposer qu’à cette époque les caractères différentiels qui avaient d’abord vivement frappé M. Temminck, n’étaient plus aussi présents à sa mémoire; et de là sans doute l'abandon qu’il a fait d’une opinion dont la rec- titude me semble hors de doute. Ce n’est d’ailleurs pas par la nuance plus rousse de son pelage, comme le dit M. Temminck , que l’Orang bicolore diffère surtout de l’Orang Outan. Celui-ci est d’un roux-foncé dont la nuance est trop variable selon les âges, pour qu’on puisse l’ériger en caractère M. Temminck (Loc. cit. p.117), doutait d'abord de cette origine, et pensait que cette espèce pourrait bien appartenir au continent. Cette conjecture ne reposait sur atcun fondement réel; M. Temminck l'a lui-même reconnu avec la bonne foi d’un véritable ami de la science. C’est au contraire avec toute raison que M. Temminck a révoqué en doute l'origine d’une peau mutilée, arrivée en France avec le jeune Orang bicolore. : Les Comptes-rendus de l Académie des Sciences pour l'année 1836, renferment plusieurs communications faites, soit sur ce Singe lui-même, soit à son occasion, sur le genre Orang, par M. Marion de Procé (t. IT, p.425). et par mon père (Ibid., p. 581, Go; t. IT, p. 4, 27). 3 M. Temminck nous apprend lui-même (/oc. cit.) que son examen n'avait été que très- superficiel, vu l'affluence prodigieuse des spectateurs, et il qualifie ses observations de hasar- dées. En lisant son article sur l'Orang roux, il semble d'ailleurs manifeste que M. Temminck écrivait de souvenir, et non d’après des notes prises au moment même, et rédigées avec soin. 528 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. spécifique : les adultes sont d’un roux-brun très-foncé, et qui peut même passer au brun-noir sur le milieu du dos et de la poitrine; les jeunes, au contraire, d’un roux médiocrement foncé et peu dif- férent de la couleur de notre individu. Les caractères de pelage de celui-ci se trouvent donc ailleurs : ils consistent dans la coloration en fauve-blanchätre, et non en roux, d’une partie de la face anté- rieure du corps, des membres et de la face. C’est ce qu’exprime la caractéristique que j’ai donnée de lespèce, et ce que rappelle aussi le nom de P. bicolor sous lequel je la désigne. D’autres caractères sont fournis par la forme des cavités orbi- taires. Chez le P. salyrus, dans tous les âges, les orbites, très- rapprochées Pune de Pautre, sont ovalaires, le diamètre transversal étant le plus petit. Les os du nez, ou plutôt à cause de leur soudure précoce , l’unique os nasal n’est qu’une languette fort étroite. Chez le P. bicolor, les orbites, au lieu d’être ovalaires, sont remarqua- blement quadrangulaires, et à peine plus longues que larges. Le nasal est médiocrement large. Notre individu a des ongles à tous les doigts. Il était d’ailleurs fort jeune encore; car sa taille,. ainsi que le montre sa dépouillé montée avec beaucoup de soin, et aujourd’hui placée dans les ga- leries de zoologie, était de moins de neuf décimètres. Malgré le développement imparfait de notre individu, je tiens pour certain qu'il diffère spécifiquement de lOrang Outan, dont tous les âges me sont aujourd’hui bien connus. Mais diffère-t-1l de même des autres espèces successivement décrites ou indiquées par divers auteurs, et qui sont les suivantes : A. L’Orang de Wurmb, espèce ainsi nommée par mon père, admise aussi par M. J.-B. Fischer, dans son Sy 70psis mamunalium, ! Cours de l'histoire naturelle des mammifères, \econ VI, p. 27-314, 1829. PRET SINGES. 529 sous le nom de Stmia Ffurmbü, et par M. de Blainville dans un mémoire spécial’, sous celui de Pongo de Bornéo. Cette espèce a pour type le Singe, devenu si célèbre, que Wurmb a décrit, en 1780, comme un Orang adulte”; que mon père’ a considéré, en 1798, comme une espèce nouvelle, fort différente de lOrang Outan ; dont presque tous les auteurs, à exemple de Lacépède, ont long- temps formé un genre distinct”, et qu’enfin M. Cuvier‘, éclairé par l’arrivée de nouveau matériaux, a définitivement rétabli, en 1818, dans le genre Orang. La détermination générique de ce Singe n’offre plus aujourd’hui de difficultés; mais il n’en est pas de même de sa détermination spé- cifique. Les uns voient dans le Sénia F/urmbü un véritable P. saty- rus; selon les autres, particulièrement selon mon père, dansson Cours sur les Mamnu/ères, et selon M. de Blainville, dans le Mémoire plus haut cité, on doit le considérer comme voisin, mais distinct, de celui-ci; en d’autres termes, comme une espèce congénère. Les caractères sur lesquels ces deux zoologistes fondent cette distinc- tion, et auxquels on peut en ajouter quelques autres déjà indiqués par Harwood”, sont principalement tirés du crânet. Les fosses orbi- ! Voyez les Comptes-rendus hebdomadaires de l'Académie des Sciences, t. I, p. 76, 1836. 2 Voyez Beschrijving van de groote Borneoosche Orang Outang, dans les F’erhandelingen van het balaviasch Genooschap, t. W, p. 137. Le mémoire de Wurmb esttraduit dans la Décade philosophique, n° 79, p. 1. 3 Journal de Physique, t. XVI, p. 342. # Voyez ses tableaux de classification, publiés à part en l'an vit, etréimprimés, en l'an 1x, dans les Mémoires de l'Institut (élasse des Sciences), t. MX, p. 489. 5 M. Latreille, au contraire, dans son Æistoire des Singes, Va associé au Mandrill sous le nom de Papio urmbir. 6 Voyez le Régne animal, 2e édit., t. I, p. 88. 7 Voyez Transact. linn. society, t. XV, p. 471. 8 Voyez aussi Muller, dans l'Archiv für Anatomie, ann. 1836. Ce savant professeur admet trois espèces d'Orangs. 530 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. taires ont, presque comme chez le P. bicolor, les diamètres à peu près égaux, et offrent par conséquent une forme très-différente de celle que lon connaît chez l’Orang Outan. L’os nasal est aussi beau- coup plus large. Mais quels caractères extérieurs répondent à ces ca- ractères ostéologiques? Malgré les assertions contraires de plusieurs auteurs, nul ne saurait le dire dans l’état présent de la science. C’est à tort que l’on a eru pouvoir caractériser extérieurement l’Orang de Wurmb par l’absence des lobes cutanés des pommettes qui rendent si remarquables les mâles adultes du P. satyrus. Cette assertion, émise par un de nos plus célèbres zoologistes, a été répétée de con- fiance par plusieurs auteurs; mais, en remontant aux sources, j'ai trouvé que Wurmb signale de la manière la plus explicite, Pexis- tence chez son individu d’une large excroissance charnue, s’élen - dant démesurément sur chaque joue. La coloration notre du pelage ne doit pas davantage être mise au rang des caractères spécifiques de VOrang de Wurmb; car l'animal n’est pas décrit par l’auteur origi- nal, comme 7oir, mais comme brun; expression dont plusieurs auteurs se sont de même servis pour désigner la couleur de POrang Outan. L’Orang de Wurmb est donc une espèce dont l'existence est vrai- semblable; mais qu'il est impossible d'introduire dès à présent dans la classification. B. Le Pongo Abelii de M. Lesson', Simuia Abel de M. J.-B. Fischer, ou Orang d Abel de M. de Blainville. Cette espèce qui ha- biterait Sumatra, a pour type l'individu décrit par M. Clarke Abel, dans les Æsialic researches’. Sa taille serait presque gigantesque. Quand celle des autres Orangs connus est comprise entre un mètre ? Manuel de mammalorie, 1827, p. 32. FT. XW- SINGES. 531 et un mêtre et demi, celui-ci atteindrait 7 pieds anglais ou environ 2 mètres. Ce caractère distinctif serait sans nul doute d’une valeur réelle, si les mesures eussent été prises avec exactitude ; mais les circonstances n’ont pas permis de le faire:, C. L’Orang de F'allich. Cette espèce, admise par M. de Blain- ville, repose uniquement sur un crâne semi-adulte, envoyé de Cal- Cutta, en 1818, par M. Wallich, le même dont l'examen a conduit M. Cuvier à rétablir le Pongo parmi les Orangs. Ce crâne est fort différent de celui de l’Orang Outan ; mais il se rapproche beaucoup de celui de lOrang de Wurmb. Il importe de remarquer que ce crâne, bien qu'il ait été envoyé de Calcutta, n’établit nullement l'existence du genre Orang sur le continent. On ignore, en effet, si M. Wallich s’est procuré ce crâne dans la presqu’ile Malaise ou dans l'archipel Indien. D. Simia morio de M. Owen’. Cette espèce, habitant Bornéo, reposerait principalement sur des caractères dentaires, qui peuvent être attribués à une différence d'âge, aussi bien qu'a une diffé- rence spécifique. Toutes ces espèces restent, comme on le voit, plus ou moins douteuses. Parmi les auteurs récents, deux zoologistes distingués, MM. Dumortier 3 et Temminck 4, sesont même fortement prononcés, quoique connaissant les travaux qui viennent d’être cités > pour Vunité spécifique de tous les Orangs découverts jusqu’à ce jour. On verra avec intérêt, dans leurs Mémoires, les objections, souvent * Les dimensions considérables, d'abord attribuées à l'Orang d’Abel, ont même été dé- menties dans des ouvrages postérieurement publiés en Angleterre. ? Dans les Transact. 200. sociely, t. 11, part. II, P: 168. — Voyez aussi Jardine, Monkeys. 3 Voyez les Bulletins de | Acad. des sciences de Bruxelles, 1836. # Loc. cit. p. 366 et suivantes. 532 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. très-péremptoires, qu'ils opposent aux arguments des auteurs qui sou- tiennent la multiplicité des espèces du genre Orang. En ce moment mème, M. Dumortier prépare un grand travail dans lequel tous ces arguments seront repris, discutés d’une manière approfondie, et appuyés de nouveaux faits. Un grand nombre de planches dont dix-huit sont déjà lithographiées, éclaireront et orneront ce travail. Il m’a semblé qu’à la veille d’une œuvre aussi importante et par son étendue et par le nom de son auteur , il n’y avait pas lieu à pu- blier de mon côté, sur les Orangs, un travail ex-professo dont je me suis aussi occupé depuis quelques années. C’est pourquoi je me suis borné ici à donner une description suceincte du P. bicolor, et à pré- senter quelques remarques sur les autres espèces, vraies où nomi- nales de ce genre, me réservant de reprendre plus tard ce sujet dans un Mémoire spécial ; mémoire dans lequel je serai heureux de mettre à profit les faits nouveaux dont M. Dumortier ne manquera pas d'enrichir la science. Je me propose aussi, dans le même travail, de faire connaitre les habitudes de notre jeune Orang, et les preuves remarquables d'intelligence qu'il a données en diverses circons- tances; et jentrerai, à ce sujet, dans des détails qui pourront r’être pas sans intérêt pour la psychologie, mais auxquels il eût été im- possible de donner place dans ce Mémoire déjà très-étendu. 2. Le GIBBON ENTELLOÏDE, Hylobales entelloïdes. (Planche 1.) ar. —- Pelage d’un fauve très-clair; le tour de la face blanc; face et paumes noires. Callosités petites, arrondies. Second et troi- sième doigts postérieurs réunis jusqu’à l'articulation de la première phalange avec la seconde (par une membrane disposée comme 02 SINGES. 533 la membrane interdigitale de la plupart des Gallinacés et des Echassiers). Hab.—L'Inde continentale. Syn.— H. ENrELLO1DES, Is. Geoff., Comptes-rendus hebdomadaires de l’Académie des Sciences , t. XV, p. 717, 1842. Cette espèce m’est connue par l’examen de trois individus, sa- voir : un mäle adulte, une femelle adulte et un jeune male. M. Barre, missionnaire apostolique dans Inde et en Malaisie, au- quel le Muséum doit la possession du Gibbon entelloïde, a eu, en outre, un quatrième individu qu’il se proposait d'envoyer à la mé- nagerie , mais qui n’y est jamais parvenu. M. Barre s'était procuré ces Gibbons dans la presqu'ile Malaise, vers le douzième degré de latitude nord. La caractéristique que j'ai donnée plus haut, résume les carac- tères de l’espèce. Je la compléterai ici par une description plus détaillée. Le pelage, très-laineux, touffu et un peu plus long sur la tête et sur le dos, est généralement d’un fauve blanchâtre (couleur de filasse claire), les poils étant roussâtres à leur origine, et d’une couleur très-claire dans leur portion terminale. La face interne des bras, le dedans des coudes et le cou présentent une teinte générale rous- sâtre, beaucoup plus marquée chez la femelle , et tirant même un peu chez elle sur le doré, principalement sur la partie posté- rieure des joues. Les poils du dessus de la tête, assez longs, sont couchés et dirigés en arrière ; les poils des joues, assez longs aussi , sont, au contraire, redressés, et peuvent être comparés, aussi bien que dans d’autres espèces, à de larges, mais courts favoris. Un ban- deau blanc, assez large, occupe la partie antérieure du front, et se Q Arcuives pu Muséum, mome IT. 63 534 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. fond presque insensiblement avec les poils d’un fauve très-clair qui couvrent le reste de la tête. Il en est surtont ainsi chez notre jeune sujet qui, d’ailleurs, ressemble généralement à la femelle. Le men- ton est également blanc, ainsi que la partie antérieure des joues chez la femelle et les joues presque entières chez le mâle. Dans les deux sexes, la face est donc encadrée de blanc : il y a toutefois cette dif- férence, que l'encadrement blanc s’élargit sur les joues chez le mâle, ce qui n’a pas lieu chez la femelle ; celle-ci a les joues roussatres en arrière. Les sourcils sont roux. La face est noirâtre, et les ongles paraissent aussi de couleur foncée. Les callosités sont peu étendues et de forme arrondie. La disposition des mains postérieures m’a présenté un caractère assez remarquable. Le doigt indicateur et le médian sont réunis par une membrane interdigitale jusque vers larticulation de la première et de la seconde phalange. Dans notre individu mäle, la réunion dépasse même cette articulation, et la membrane interdigitale borde une grande partie de la face interne du médius. Les doigts de la femelle étaient malheureusement en mauvais état; et il ne m’a pas été possible de constater exactement jusqu'où s’étendait Punion. La taille de cette espèce, sensiblement la même que celle de la plupart de ses congénères, est (l'animal étant supposé tout-à-fait debout) d’un peu plus de 0,80. de Par l’ensemble de ces caractères, et spécialement par les teintes claires de son pelage qui contrastent d’une manière remarquable avec la couleur foncée de la face, ce Gibbon rappelle au premier aspect un autre Singe indien généralement connu, le Semnopithè- que entelle. De là le nom que j'ai donné à cette espèce; nom qui rappelle à la fois la similitude de patrie et la similitude de colora- £ tion. Il m'a d’ailleurs paru qu’il valait mieux indiquer seulement, qu’exprimer exactement par la dénomination spécifique, la colora- 1 | 4 | | | à È | SINGES. 535 ton remarquable de ce Singe. Il existe de si nombreuses variétés de couleur parmi les Gibbons, que je dois regarder comme très- vraisemblable l'existence de Gibbons entelloïdes ; assez différents par leur pelage, des individus que j’ai décrits. La possibilité que de telles variations de couleur se présentent aussi chez l'A. entelloïdes, rend nécessaires quelques remarques de plus sur les différences caractéristiques de cette espèce. Toute confusion est en premier lieu impossible avec les espèces suivantes : A. HI. Syndactylus, beaucoup plus grand, à gorge nue, à doigts plus réunis encore, et à pelage presque aussi différent par sa nature que par sa couleur. B. FH. Rafflei, et les autres espèces voisines qui habitent les iles de la Sonde. Ces Gibbons ont les doigts postérieurs moins réunis, et leur tête présente un autre mode de coloration. Chez la plupart d’entre eux, les favoris sont aussi beaucoup plus longs et plus touffus. C. H. leucogenys, chez lequel existe encore plus marqué ce dernier caractère, et qui a les poils du dessus la tête dirigés en haut. D. Æ. choromandus qui a aussi les poils du dessus de la tête longs et redressés. E. 4. Hooloch, si distinct, même en n’ayant égard qu’à la dis- position de ses couleurs, par sa bande frontale non prolongée laté- ralement. Ces Gibbons étant éliminés de la comparaison, il ne reste plus qu’une seule espèce, appartenant à l'Inde continentale, comme l'. entelloides, savoir, V H. albimanus. L'un et l’autre se ressem- blent par leurs proportions, la disposition des poils de la tête, et de plus par l'encadrement blanc de la face. Au premier aspect, une 536 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. confusion pourrait done être faite, sinon entre l’'H. entelloides tel que je lai décrit, et A. albimanus tel qu'il se présente normale- ment à l'observation, du moins entre |’. entelloïdes et les variétés fauves de V7. albimanus, où bien encore entre l’état normal de celui-ci et les variétés foncées de H. entelloides, si Von venait à en en rencontrer de telles. J’insiste donc sur trois caractères dis- ünctfs : 1° L’encadrement blanc de la face, tout en établissant une ana- logie de plus entre les deux espèces, peut fournir lui-même un caractère distinctif. Le bandeau frontal est beaucoup plus large chez V7. entelloides que chez VF. albimanus, et de plus, il est composé de poils de même nature que ceux du reste de la tête. Aussi, chez l’'H. entelloides, le bandeau frontal se fond-il peu à peu dans la partie uniforme du dessus de la tête. Chez V7. albr- manus, les poils du bandeau frontal sont très-foncés, roides, pres- que durs, et aussi différents par leur nature que par leur couleur de ceux du dessus de la tête. Dans les cas d’albinisme incomplet qu’on observe chez ce der- nier, ce caractère subsiste très-distinct. Le bandeau frontal blanc ou gris-blanchätre ne contraste plus, il est vrai, avec le brun du dessus de la tête, qui est remplacé par du fauve-clair; mais il reste encore assez de différences entre lun et Pautre, pour que l’on aperçoive nettement les limites du bandeau frontal qui, comme à ordinaire, n’est composé que de poils rudes et très-frisés. J’ajouterai que j'ai trouvé chez VA. albimanus, dans le cas d’albinisme incomplet, les sourcils noirs et non roux. Du reste, la teinte générale est peu différente de celle de nos 7. ‘entelloïdes , et il y a même similitude parfaite dans quelques régions. 2° La réunion de lPindex et du médius postérieurs jusque vers Varticulation de la première avec la seconde phalange, a déjà 2 ARS g] , CRE SINGES. 537 été indiquée chez l’'Æ. entelloides. J'ai dit jusqu'où cette réunion s'étend chez le mâle; mais je n’ai pu déterminer avec une exactitude suffisante, la disposition des doigts chez la femelle. Je me borne donc à rappeler ici ce caractère. 3° Bien que la conformation du crâne soit essentiellement la même chez tous les Gibbons, chaque espèce présente quelques légères modifications du type commun, à l’aide desquelles on peut distin- guer les espèces, comme on le fait généralement à l'extérieur par les caractères de coloration et de disposition des poils. De plus, et c’est ce qu'on aurait pu prévoir à l’avance, les caractères crà- niers concordent très-bien avec les caractères extérieurs. Ainsi, P 47. syndactylus qui s'écarte le plus, par ses caractères extérieurs, du type commun des Gibbons, est aussi celui dont le crâne est le plus nettement caractérisé. Pour me borner ici à deux caractères très-dignes d’attention, la face est, chez V'Æ7. syndactylus plus al- longée et plus comprimée que chez ses congénères ; et la mâchoire inférieure ne présente point à la jonction des branches horizontales (ou corps) et des branches montantes un rétrécissement aussi mar- qué; rétrécissement qui, pour me faire clairement comprendre, tient à ce que Le bord inférieur de Vos et son bord supérieur ou al- véolaire sont moins distants l’un de l’autre en arrière, au lieu in- diqué, qu’en avant. Les autres Gibbons, par exemple, lÆ7. agilis et l'A. Rafflei, ont au contraire ce rétrécissement très-marqué, et la face est chez eux plus courte et moins comprimée , la différence ne s'étendant d’ailleurs pas au-delà des diversités que l’on est accoutumé à rencontrer entre les espèces d’un même genre naturel. Par ses caractères crâniens, comme par ses caractères extérieurs, VA. entelloides se place entre V. syndactylus et ses congénères à doigts non réunis, et c’est de ces derniers qu’il se rapproche da- vantage. Ainsi, la face est un peu plus large et le rétrécissement 538 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. de la mächoire inférieure plus marqué que chez 7. syndacty lus et moins que chez ses congénères. Comparé spécialement à l'A. albimanus, V H. entelloides à les orbites plus rapprochées l’une de l’autre. Il ÿ a une distance plus grande entre la partie supérieure de cette cavité et les fosses nasales. Les branches montantes de la mâchoire inférieure sont des parallé- logrammes plus étendus de haut en bas que d’avant et arrière. Chez V7. albimanus, ces branches sont d’une forme plus irrégulière, et aussi larges où même plus larges que hautes. Enfin, par suite de la forme généralement comprimée de sa tête, V7. entelloïdes a la boite cérébrale sensiblement plus allongée. II. CYNOPITHÉCIENS. 5. Le SEMNOrITHÈQUE DussuMIEeR, Sernnopithecus Dussumiert. (Planche 2.) Car. — Pelage dun brun-grisâtre sur le corps et fauve sur la tête, le cou, les flancs et le dessous du corps; queue et membres d’un brun qui passe au noir sur une grande partie de la queue, les avant-bras et les quatre mains; poils divergeant sur la tête. Hab. — L'Inde continentale. Syn.—$8. Jornrr, r4r., Linnæus Martin, General introduction to the natural history of Mamnmuferous animals, p. 489, 1841.—S. Dussumiert, Is. Geoffroy, Comptes-rendus hebdomadaires de l’Académie des Sciences , t. XV, p.719, 1842. E La caractéristique que je viens de donner du Semnopithèque Dussumier, est rigoureuse à l'égard de toutes les espèces congé- nères déja connues. Je vais d’ailleurs la compléter par une des- SINGES. 539 cription détaillée et par quelques remarques sur les caractères de coloration que présente le jeune âge. La tête est couverte de poils fauves en dessus, en dessous et sur les côtés; cette même couleur s'étend sur la nuque et le cou, et forme à l’animal une sorte de capuchon plus clair que la couleur générale du pelage. Gette même couleur fauve occupe la partie inférieure du corps, la face externe des bras, le bas des fesses et les flancs. Le reste du pelage est de couleur plus foncée. La partie supé- rieure du corps est d’un brun-grisâtre. Les membres sont de cette même couleur dans la portion la plus rapprochée du tronc; mais d’un brun plus foncé sur les épaules, les bras et sur la plus grande partie des membres postérieurs. Enfin, les avant-bras et les quatre membres sont noirs. La queue présente une disposition inverse de celle des membres. Elle est noire dans ses deux premiers tiers : dans le dernier tiers, le poil passe au brun, puis à un brun-grisâtre semblable à celui du dos. La face est noire et encadrée de poils noirs. En effet, outre des sourcils noirs, il existe, sur les parties latérales, des soies noires di- rigées en arrière. De telles soies se voient aussi sur les deux lèvres et sur la face interne des oreilles. La disposition générale et la direction des poils ne présentent rien de remarquable, si ce n’est à la tête. Ceux du dessus de la tête sont divergents à partir d’un point central, situé sur la ligne médiane, à quelque distance de la partie antérieure du front‘ : à partir de ce point, les poils antérieurs se dirigent en avant, les pos- ! La distance entre le point central et les poils noirs qui bordent le front en avant, est chez l'adulte d’un peu plus de 2 centimètres. ne 540 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. térieurs en arrière et les latéraux de côté. Les poils de la joue et ceux du dessus de la tête sont assez longs; mais il n’existe ni huppe, ni bouquet de poils divergents sur les joues, ainsi que cela se voit chez plusieurs autres Semnopithèques. Au contraire, un bouquet de poils fauves se voit sous le menton, et offre la disposition que chacun connait chez le Cercopithecus Diana. Les dimensions sont les suivantes : ms Distance du bout du museau à l’origine de la queue. . , . . 0,62. Longueur, .delx queue. Mme RE He ET 0 14 ALOPODE Lonbuenr def man. fi): SRE Ce NS MIE Lonpoeur,du,poute/antemeur. De 0 «20 el 00,02. Larreuradelasmain el ES RAR UE ON RE CT OLD: Longuenr du pied ie RSS EPST RE 28 IR IC IDR Largeur dû Pied." 7e, MON TS DOME NE L'individu qui a servi de type à cette description est une fe- melle adulte. M. Dussumier a rapporté avec elle un jeune individu qu'elle allaitait lorsqu'on l’a tuée. Ce jeune sujet, dont la taille est seulement de trois décimètres (non compris la queue), est géné- ralement noirâtre, la tête étant seulement un peu plus claire que le corps. Les seules parties qui ne soient pas de cette couleur, sont la poitrine et la gorge, sur lesquelles on ne voit qu’un petit nombre de poils fauves, et le menton sous lequel le bouquet de poils fauves que j'ai décrit chez l'adulte, est déjà bien caractérisé. Cette espèce, contrairement à ce qui a lieu chez ses congénères, passe donc, sur plusieurs parties, d’une couleur plus foncée à une couleur plus claire. Les deux individus que possède le Muséum, sont les seuls que je connaisse ; mais M, Dussumier a vu des troupes de cette espèce. J'ai d’ailleurs le regret de ne posséder aucun détail sur ses mœurs, SINGES. 541 J'ai depuis plusieurs années, dans mes cours au Muséum, décrit le Semnopithèque Dussumier, comme une espèce nouvelle, et c’est ce qu'indiquaient les étiquettes de nos individus. M. Linnæus Mar- tin en a toutefois jugé autrement, Étant venu visiter la collection du Muséum de Paris, avant de publier son ouvrage plus haut cité sur l'Homme et sur les Singes ; ayant examiné les individus que je viens de décrire, il a cru ne pas devoir les considérer avec moi comme les types d’une espèce nouvelle. Il les mentionne, en effet, comme de simples variétés d’un autre Semnopithèque, précédemment décrit par moi, sous le nom de S, cucullatus. Afin qu’on puisse juger, soit des affinités, soit des différences qui existent entre celui-ci et le S. Dussumiert, je vais reproduire, dans le paragraphe suivant, la caractéristique du premier, et présenter sur lui quelques remarques. 4. Le SEMNOPITHÈQUE À CAPUCHON, S. cucullatus. Car. — Corps brun; queue et membres noirs; tête d’un brun- fauve. Poils de la tête couchés et dirigés en arrière à partir du front. Queue très-longue. Hab.— L'Inde continentale, particulièrement les Gates. Synr. — SEMNOPITHÈQUE A CAPUCHON, S. CUCULLATUS, Is. Geoffroy, Zoo- logie du Voyage de Belanger, 1830-1831 ; Sal. Muller et Schlegel, oc. cit., 1842. — Hoonen Monkey (Singe à capuchon), 8. Joanr1, L. Martin, loc. cit., 1841. Cette espèce est, en somme, très-voisine à plusieurs égards de la précédente ; elle s’en rapproche surtout par la coloration de la tête, dont les poils forment de même une sorte de capuchon de couleur plus claire que le reste des parties supérieures. Mais ce capuchon est Anromves pu Muséum, roue II. 69 542 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. d’un brun-fauve chez le $. cucullatus , qui a le corps brun, et d’un fauve-clair chez le $. Dussurniert, qui a le corps d’un brun-grisâtre assez clair. C’est donc la même disposition; mais ce ne sont pas les mêmes couleurs. Le S. cucullatus peut ainsi être distingué, dès le premier aspect, par son pelage beaucoup plus foncé, et qui est en même temps de couleur beaucoup plus uniforme, et composé de poils plus longs. Cette différence très-marquée de coloration con- corde d’ailleurs avec une disposition très-différente et très-caraté- ristique des poils de la tête, qui, chez le S. cucullatus , sont couchés et dirigés en arrière à partir de la partie antérieure du front, et qui, chez le $. Dussumieri, sont divergents à partir d’un point central, assez distant de la partie antérieure du front. C’est donc à tort que M. Martin a considéré notre S. Dussumieri et notre S. cucullatus comme une variété d’une seule et même espèce à laquelle il donne en anglais le nom de Singes à capu- chon (Hooded Monkey), et en latin celui de Semnopithecus Johnit, du nom de John qui, dès 1795, avait indiqué‘ une espèce qui est ou le S. cucullalus, où une espèce voisine®. ! Sous le nom d’Affe aus Tellicherie, dans les Neue Schrifi. der ges. naturforsch. Freunde, t TI, p. 215 (1795). L'Afe aus Tellicherie est le Simia John de J.-B. Fischer, Synops. Mammalium. * Depuis que j'ai écrit ce passage, j'ai eu de nouveaux motifs pour considérer le Singe de John comme très-vraisemblablement différent du $. cucullatus. W paraît même que le $. Johnii a été retrouvé par les zoologistes anglais. Voici, en ellet, ce que jelis dans une note ma- nuscrite que M. Gervais, au retour d’un voyage récemment fait à Londres, a eu l'obligeance de me remettre sur les collections mammalogiques de cette ville : « Le Semnopithecus Johnir du British Museum est moins voisin de l'Entelle que le Cucullatus, et se rapproche plus de l'Albo-cinereus (c'est-à-dire du C. obscurus). Je ne crois pas que ce soit la même espèce que le cucullatus. Sa tèle est couverte de poils châtain-fauve, un peu luisants, lisses, assez longs, et couchés en arrière. Tout son corps est noir ainsi que sa queue. Sa région fessière est, au contraire, grisâtre-cendrée, J'ai vu une peau de cette espèce chez un marchand de Paris. Je la crois de Malacca. » ass DR DR nn +89 SINGES. 943 G'aER SEMNOPITHÈQUE AUX MAINS JAUNES, Semnopithecus flavimanus. Car. — Une huppe comprimée sur le milieu de la tête et à l’occi- put. Cette huppe composée de poils gris en arrière, de poils noirâtres en avant; côtés de la tête variant du fauve-clair an roux-doré; par- ties supérieures du corps d’un brun-roussâtre ; parties inférieures blanches; queue d’un roux-brunätre en dessus, blanchâtre en des- sous, et rousse à l'extrémité ; membres d’un roux-clair en dehors, blancs en dedans; mains d’un Jaune roussâtre. Hab.— Sumatra. Java? Syn.— Simpar ou Simret des naturels de Sumatra, — FLAVIMANUS, Is. Geoffroy , dans la Centurie zoologique de M. Lesson, P. 109, 1830 , et dans la Zoologie du Voyage aux Indes de M. Belanger, 1830-1831 ; Linn. Martin, loc. cit., 1841; Sal. Muller et Schlegel, Monographisch overzigt van het Ges. Semnopithecus , janvier 1842; dans le grand ouvrage Over de 48 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. On voit que le S. rzzgrimanus a quelques rapports de coloration avec le S. leucoprymnus, et présente, en particulier, le caractère qui a valu à cette dernière espèce le nom spécifique qu’elle porte : en effet, les fesses sont de même blanches chez le S. rigrimanus. Toutefois elles ne sont que partiellement blanches chez ce dernier ; et sous ce point de vue même il y a autant de différence que d’a- nalogie entre les $. /eucoprymnus et nigrimanus. Des rapports plus intimes lient notre nouvelle espèce à cette pe- tite section des Semnopithèques que caractérise l’existence d’une crête ou huppe r1édiane comprimée, commençant sur le vertex, et se prolongeant jusque sur la nuque et même jusque sur le col. Cette disposition remarquable des poils, déjà connue dans plusieurs espè- ces!, 5. mitratus, S. flavimanus, S. melalophos et S. rubicundus, se reproduit chez le S. nigrimanus; et si celui-ci est réellement de Java, avec cette analogie de disposition, coïncide une remarquable analogie d'habitat. En effet, ces quatre espèces sont toutes aussi des iles de la Sonde, savoir : les deux premières, de Java et de Sumatra, la troisième, de Sumatra, et la dernière, de Bornéo. Entre ces quatre espèces si semblables par leurs caractères de pe- lage, il en est d’ailleurs trois que leur couleur générale, d’un roux plus ou moins vif, permet de distinguer, dès le premier coup d'œil, du S. zigrimanus. Au contraire, le S. mütratus est cendré comme celui-ci, et pourrait être facilement confondu avec lui, si lon n’a- vait égard aux caractères que présentent, chez le S. rutratus, la queue blanche inférieurement, la huppe noire, les fesses et les cuisses cendrées, et les mains grises ou blanchâtres. Le S. leucoprymnus étant, soit par la disposition de son pelage, soit même par sa coloration, l’espèce la plus voisine du S. 7grima- ! Quatre, non compris Je $. nobrlis dont il vient d'être fait mention. Voyez p. 545. SINGES, 549 us, on est fondé à supposer que ce dernier doit avoir aussi la der- nière molaire inférieure seulement quadri-tuberculée. Malheureuse- ment, je nai pu me procurer le crâne adulte du $. Tiorimanus, et je n'ai pu faire une vérification, d’autant plus nécessaire que d’autres Semnopithèques, très-voisins aussi du S$. milralus, ont, comme on la vu plus haut, la cinquième molaire inférieure à cinq tubercules. 7- Le MioPrTHÈQUE TALAPoIN, Miopithecus talapoin. Caractéristique générique. — Formes grêles. Membres et queue longs. Mains assez allongées, ayant les doigts réunis à la base par des membranes. Pouces antérieurs bien développés (bien moins ce- pendant que les postérieurs). — Ongles en gouttières. Cräne volumineux, s’élevant Supérieurement au-dessus des orbi- tes. Museau très-court. Yeux très-grands. — Conques auriculaires très-grandes. Nez très-peu saillant; cloison inter-nasale assez épaisse; narines de forme allongée, Ouvertes, non pas seulement sous le nez, mais & /a Sois inférieurement et latéralement :. — Des callosités ischiatiques. Des abajoues.— Incisives médianes supérieures très-développées. Canines supérieures longues (chez les adultes), tranchantes pos- iérieurement. Aux deux machoires, les deux premières mâche- lières quadrangulaires, à quatre tubercules, dont les deux externes à la mâchoire supérieure, et surtout les deux internes à linférieure, sont saillants et pointus. Dernière molaire de chaque mächoire plus pelile que les précédentes; l’infèrieure se rétrécissant en ar- ! J'en ai figuré la disposition ; comparable à celle que présentent plusieurs Singes américains (Voyez plus haut, p. 523), dans mon Mémoire, déjà cité, sur les caractères de ces derniers. Ancuives pu Musium, roms Il. 70 550 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. rière, n'ayant que trois tubercules, savoir : deux antérieurs, dis- posés comme ceux des autres mâchelières, e£ ur talon, plus étroit que le reste de la dent. La supérieure offrant une disposition ana- logue, et beaucoup moins étendue d'avant en arrière que transver- salement. Taille très-inférieure à celle de tous les autres Singes de l’Ancien- Monde (environ trois décimètres). Car. spécifique.—Le nez noir; le pelage vert, avec les parties inférieures du corps et internes des membres, blanches; les poils du front relevés et formant une sorte de huppe large et courte. Hab. —L'Afrique, côte occidentale (?). Synonymie générique. CrrcoPrrxecus, Erxleben, et presque tous les au- teurs postérieurs à Erxleben. — Mioprraëque, Miorrrmecus, Is. Geoffroy, Comptes-rendus hebdomadaires de l'Académie des Sciences, t. XV, p. 720 et 1037, 18/2, et article Cercopithèque du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, 1. III, p. 308, 1842. Syn. spéc.—TaLapoin, Buffon et Daubenton, Histoire naturelle, t. XIV. — SrurA TA1.4P0IN, Lin.; Schreb. ; J. B. Fisch.—CERCOPITHECUS TALA4- POIN, Erxleb. 1777, et un grand nombre d’autres zoologistes. — C. T414- PoIN et C. PILEATUS, Geoffroy-St-Hilaire, Tableau des quadrumanes, 1812; Desmarest, Mammalogie, 1820; Lesson, Manuel, 1827. — TALAPOIN ou MÉLARHINE , Fréd. Cuvier, Mammifères de la ménagerie, livraison XLIH, août 1824. — MioPITHÈQUE TALAPOIN, M. TALAPOIN, Is. Geoffroy, locis cit. Dans la Zoologie du Voyage de M. Belanger, j'avais fait remarquer que le Cercopithecus pileatus des auteurs modernes est établi sur un Talapoin dé- coloré par l’action longtemps prolongée de l’alcohol. Quelques auteurs mo- dernes, en suivant cette indication, ont cru à tort devoir ajouter à la syno- nymie du Talapoin, la Guenon couronnée de Buffon, qui est le Sëmia pileata de Shaw. Ce dernier, comme j'avais eu le soin de le dire, est un Ma- caque. C’est ici le lieu de rectifier aussi une erreur commise par moi-même. En indiquant , pour la première fois, dans les Comptes-rendus de V Académue , SINGES. 551 el en décrivant sommairement, dans le Dictionnaire universel, le genre Mio- pithèque , j'avais présenté ce genre comme composé dès-lors de deux es pèces. Comme je me suis empressé de le déclarer dans les Comptes-rendus (loc. cit., p. 1037), la seconde espèce est purement nominale, et doit être entièrement effacée de la liste des Mammifères. J'avais été conduit à l’ad mettre, d’après l'examen d’une peau bourrée, sans crâne, qui avait été ar- üificiellement déformée, et dont on à fait reparaître, en la ramollissant, les véritables caractères, Le Talapoin reste donc jusqu’à présent le seul Miopithèque connu. Dès 1829, dans mon Mémoire sur les caractères des Singes amé- ricains , j'avais fait connaitre que le Talapoin de Buffon, quoique africain ‘, diffère par la disposition de ses narines, soit de l’ensem- ble des Singes de l'Ancien Monde, soit, par conséquent, en particu- lier, des vrais Cercopithèques ou Guenons, au milieu desquels le rangent tous les auteurs. Une étude plus complète m'a montré qu'il diffère aussi des Cercopithèques par plusieurs autres caractères re- marquables, et quil doit étre érigé en un genre distinct. Parmi les caractères compris dans la caractéristique , j’insiste- rai ici sur la forme générale de Ja tête et la briéveté du mu- seau, et sur ceux qui sont relatifs au système dentaire. Par les premiers, les Miopithèques, selon le nom que j'ai donné au genre dont le Talapoin est le type, se placent nécessairement au- dessus des vrais Cercopithèques, et se lient avec les Semnopithè- ques. Par les seconds, et particulièrement par l'existence à la der- mère molaire inférieure, de trois tubercules seulement, ils sont au * Buffon croyait le Talapoin originaire de l'Inde, et de là le nom sous lequel il a désigné ce Singe. On le regarde aujourd'hui, mais non sur des preuves suflisantes, comme venant de la côte occidentale d'Afrique. 55 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. contraire dans des conditions toutes spéciales et nettement caracté- ristiques. Chacun sait, en effet, que la dernière molaire inférieure a quatre tubercules chez les Cercopithèques et chez quelques autres Singes de l’Ancien Continent, et qu’elle en a cinq chez les Semnopi- thèques!, les Macaques et la plupart des genres de la seconde tribu. A ces traits distinctifs et à ceux qui sont résumés avec eux dans la caractéristique générique, j’ajouterai les caractères ostéologiques suivants?. L'ouverture antérieure des fosses nasales, fait déjà signalé par Daubenton, remonte jusqu’au-dessus du niveau inférieur des fosses orbitaires. Ce caractère remarquable résulte, à la fois, de la plus grande étendue longitudinale de cette ouverture, de la brièveté de la face, et du diamètre considérable des orbites. Celles-ci, dont l’ouverture antérieure est très-grande, et a presque autant de hauteur que de largeur, sont très-profondes. Elles ne sont séparées intérieurement que par une cloison osseuse très-mince, transparente même dans une partie de son étendue, comme chez plusieurs Singes américains. Le diamètre antéro-postérieur du grand trou occipital est moim- dre que son diamètre transversal. On sait que le contraire a ordi- nairement lieu. Enfin, j’ajouterai que les mains postérieures, et spécialement les métatarses, sont très-allongés, beaucoup plus que chez les Cerco- pithèques. En résumé, le Talapoin, dans lequel on n’avait vu qu’un Cercopi- thèque, qu'Erxleben considérait, avec doute toutefois, comme le ? Sauf quelques exceptions rappelées plus haut. Voyez p.54 et 549. ? M. de Blainville a récemment donné dans son Ostéographie, une bonne figure de sque- lette entier du Talapoin. tri + dé 7e ie RQ NE RAR PART ET Cr + : SINGES. 993 jeune âge du Cercopithecus cephus, et dans lequel M. G. Cuvier lui-même" inclinait à ne voir qu’un jeune C. cynosurus, le Tala- poin se sépare des Cercopithèques par des modifications dont la valeur générique ne saurait être contestée. D’une part, le système dentaire qui offre des caractères qu’on ne retrouve chez aucun au- autre Singe; d’une autre part, la conformation très-caractéristique des organes des sens; enfin, le volume considérable de l’encéphale, fournissent à ces Singes des caractères à la fois importants physiolo- giquement, et très-tranchés au point de vue zoologique. IL est à remarquer que toutes les modifications organiques qui dis- tinguent, le Talapoin ou mieux, d’une manière plus générale, les Miopithèques des Cercopithèques et de tousles autres Singes de l’An- cien-Monde, tendent à les rapprocher des Singes américains. Il en est ainsi du volume de l’encéphale et des globes oculaires, de l’extrême brièveté de la face, de l’étendue des conques auriculaires, de la dis- position très-remarquable des narines, de la petitesse de la dernière molaire (mais non toutefois de l’existence de trois tubercules seu- lement), de la saillie et de la forme pointue des tubercules des mâchelières, et enfin de la petitesse de la taille. Aussi, lorsque la ménagerie du Muséum a possédé des Miopithèques, les ai-je vu prendre plusieurs fois pour des Singes américains, sinon par des zoologistes instruits, au moins par des personnes qui n'étaient pas étrangères à la science. Le nom que jai donné à ce nouveau genre, Miopithecus*, rap- pelle la petite taille du Talapoin, qui en est le type. C’est la consi- dération de cette petite taille qui, avec la remarque déjà faite sur les 1 Voyez le Règne animal, 1° édition, t. I. 2 Miopithecus, Meoridnzos, plus petit Singe : de Meiuv, moindre, plus petit, où M:ïov, moins, et de Iléÿn£ ou Iéfnxos, Singe. je { 554 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. narines, ma conduit à examiner et à revoir avec soin les caractères génériques du Talapoin. Les résultats auxquels je suis arrivé, con- cordent parfaitement avec les résultats généraux de mes recherches sur les lois des variations de la taille dans le règne animal‘; et en- core ici je nai qu'à m’applaudir d’avoir suivi, dans l’une de ses conséquences, le principe que j'ai posé, il y a douze ans, sur la similitude de la taille des espèces véritablement congénères. Les mœurs des Miopithèques, dans l'état sauvage, ne sont nulle- ment connues. En captivité, à Paris el à Londres, quelques indivi- dus ont pu être étudiés, et tous les observateurs, quand ils n’avaient pas sous les yeux des individus épuisés par la maladie, ont été frappés, comme je l'ai été moi-même, de la grâce, de la gentilesse et de la douceur de ces Singes. Je puis donc répéter de leur na- turel, ce que j'ai dit de leurs caractères organiques : il diffère no- . tablement de celui des Cercopithèques, et se rapproche de celui des Singes américains, notamment de ces petites et élégantes espèces insectivores, à cerveau et à organes des sens si développés, les Callitriches et les Saïmiris, qu'ils semblent représenter parmi les Singes de l’Ancien-Monde. Autant il était nécessaire de revenir sur les caractères génériques du Talapoin , autant il serait superflu de développer ici la caracté- ristique spécifique. La description et la figure de M. Frédéric Cu- vier*, donnent en particulier une idée fort exacte de la coloration du Talapoin et des autres caractères extérieurs que l’on doit con- sidérer comme de valeur spécifique. * Recherches zoologiques et physiologiques sur les variations de la taille chez les animaux sauvages et domestiques, ct dans les races humaines. Voyez le Recueil des Mémoires des sa- vants étrangers, publiés par l'Académie des Sciences, t. INE, p. 503 à 572, et mes Essais de Zoologie générale, p. 330 et suivantes. ? Loc.\cit, Qt Qt Qt SINGES, 3. Le CERCOPITHÈQUE AUX LÈVRES BLANCHES, Cercopithecus labiatus. Car. — Pelage long et bien fourni. Parties supérieures d’un gris foncé très tiqueté de jaune pâle olivâtre; parties inférieures d’un blanc sale ; une tache noire sur la face au-dessus de la commissure des lèvres ; le reste du tour de la bouche blanc ; les quatre mains et la face externe des membres de devant, noires; face externe des membres postérieurs, cendré-brunätre; face interne des uns et des autres, cendrée ; queue d’un fauve sale inférieurement dans une assez grande étendue, variée de roux et de noir en dessus dans la même portion ; le reste de cet appendice noir. Hab. — L'Afrique, côte occidentale ? Syn.—C. r4B14Tu058, Is. Geoffroy dans les Comptes-rendus hebdomadaires de l’Académie des Sciences, 1. XV, p. 1038, et dans l’article Cercopithè- que du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, 1. WI, p. 302 , 1842. Cette espèce ne nest encore connue que par un seul individu, venu, par la voie du commerce, d'Afrique, vraisemblablement de l’Afrique occidentale. Elle a le pelage long et bien fourni; les poils du dos sont couchés et dirigés en arrière. Il existe sur chaque joue un bouquet de longs poils dirigés aussi en arrière. Les oreilles sont garnies intérieure- ment de poils gris et roussâtres; caractère par lequel le C. /abiatus rappelle le C. erythrotis de M. Waterhouse. Le sommet de la tête est d’un noir tiqueté de jaune-verdädre. Le front et les joues sont au contraire d’un jaune-verdâtre tiqueté de noir, parce qu'ici ce sont les anneaux clairs qui dominent. 556 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. La coloration des parties supérieures et inférieures du corps, des membres et de la queue, a été décrite dans la caractéristique ; mais j’ajouterai ici que la gorge est d’un blanc sale aussi bien que les autres parties inférieures, et que le tour de l’anus est d’un fauve sale, comme l’est aussi inférieurement la queue dans sa première portion. Notre individu a environ quatre décimètres du bout du museau à l’origine de la queue; et la longueur de celle-ci est de près d’un demi-mètre. La détermination de ce Cercopithèque n’est pas exempte de diffi- cultés, et il peut même rester quelques doutes sur l’existence du C. labiatus comme espèce distincte. D’une part, il n’est connu que par un seul individu; et de l’autre il a des rapports plus ou moins intimes avec quatre autres espèces, C. zuctitans, C. Martini, C. ery- throus et C. Campbelli, dont trois ont été décrites depuis peu d'années, et restent encore imparfaitement connues. Le C. nictitans, décrit par Buffon sous le nom de Guenon à nez blanc proémuünent, et connu en France, depuis Audebert, sous le nom de Æocheur, est peut-être des vingt espèces aujourd’hui com- prises dansle genre Cercopithèque, celle qui se rapproche le plus du C. labiatus. La teinte générale du pelage est la même; la disposition des poils des joues est aussi très-analogue ; et il existe plusieurs autres traits de similitude; mais la coloration des parties inférieures et celle de la queue sont très-différente, et caractérisent nettement le C. /a- bialus par rapport au C. rictitans. Le C. Martini, espèce récemment décrite par M. Waterhouse ', a, comme le C. labiatus, la poitrine d’un blanc sale; mais l’abdo- men est brunâtre. La coloration de la queue n’est pas non plus la * Proceedings of the zoological soctety of London, ann. 1838, p. 58. SINGES. 557 même que chez le C. labiatus > remarque qui s'applique aussi, et beaucoup mieux encore, au C. erythrotis de M. Waterhouse:. Enfin, le C. labiatus diffère du C. Campbell, du même auteur”, Par Sa queue jaunâtre inférieurement dans une partie de son éten- due; par la similitude de la couleur des parties postérieures du corps et de celle des parties antérieures, et par la disposition des poils du dos, tous couchés, dirigés en arrière, et presque pa- rallèles entre eux. 9+ Le CERCOPITHÈQUE À DIADÈME, Cercopihecus leucampyx. Car. — Dessus du corps et joues d’un gris-olivâtre tiqueté de noir ; une tache en forme de croissant sur le front : cette tache est blanche ainsi que le dessous du menton (maïs non toute la gorge et la poitrine ); queue noire tiquetée de blanc. Le reste noir. Hab.—La côte occidentale d'Afrique. Syr.— Diane, r4R., Fr. Cuvier, Mammuÿferes de la ménag. 1824.—Srar. LEUCAMPYX, J. B. Fischer, Synopsis, 1829. — Guexon 4 DIADÉME, C. PIADEMATUS, Is. Geoff., Zoolog. du ’oy. de Belanger, 1830-31; Lesson, Species, 1840. — C. DILOPHOS , Ogilby, Monkeys, 1838. — Diadem Mon- key, C. LEUCAMPYx, Martin, loc. cit., 1841. On voit, par cette Synonymie, que M. J. B. Fischer a le premier, et que j'ai moi-même, peu de temps après, déterminé, comme une espèce distincte, la prétendue variété de la Diane, décrite par M. Frédéric Cuvier. Le nom spécifique Leucampyæ (ayant la même signification que Phadematus) doit être préféré comme ayant l’antériorité d’une année, Il serait superflu de reproduire ici la description de cette espèce, : Jbid., p. 59. © Ibid. p. 61. Anouives pu Muséux, rome il. 71 558 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. décrite avec détail et bien figurée par M. Frédéric Cuvier. Je crois au contraire fort utile d’opposer à la caractéristique du C. /eucam- pyx celle du C. Roloway et celle du véritable C. Diana; trois espèces que l’on a presque toujours confondues entre elles sous le nom de Diane. C Roloway.—Dos brun très-foncé , presque noir. Tête, flancs , cuisses, jambes d’un gris obscur, les poils ayant la pointe blanchâtre. Une ligne blan- che au devant du front. Barbe pointue de même couleur. Dessous du col, poitrine, ventre et face interne des cuisses de couleur blanche tirant sur l'orangé (quand il n’y a pas eu décoloration). C. Diana.— Parties latérales de la face, poils du menton, lesquels forment une barbe pointue et assez longue, gorge, poitrine, partie interne et anté— rieure de l'épaule et du bras, d’un blane pur. Une ligne blanche étroite au devant du front. Milieu du dos marron. Ventre noträtre. Flancs d’un gris foncé tiqueté de blanc. La queue noire. Membres de même couleur, sauf le dedans de la cuisse qui est roux ou roussâtre, et une ligne longitudinale jau- nâtre sur la face externe. Parmi les trois espèces que l’on avait confondues sous le nom de Diane, on voit que l’une, le C. Roloway, a toutes les parties in- férieures blanches, tandis que cette couleur occupe seulement la gorge et la poitrine chez le C. Diana, et le menton chez le C. leucampyx. Ce dernier, en outre, n’a point de barbe, et la bande frontale est plus large. 10. Le CERCOPITHÈQUE MONOÏDE, C. rn1onoïdes. (Planche 3.) Car. — Dessus de la tête et nuque d’un vert-olivâtre tiqueté de noir; parties supérieures d’un roux tiqueté, légèrement lavé de vert; | | SINGES. 559 épaules, une grande partie des membres et de la queue, ventre et bas de la poitrine, grisâtres; devant de 1 gorge blancs. Hab.—L'Afrique, région indéterminée; vraisemblablement la côte occidentale. noirs; a poitrine et Syn.— C. monorpss, Is. Geoffroy, dans les Comptes-rendus hebd. de l’Acad. des Sciences, t. XV, p. 1038, et d ans l’article Cercopithèque déjà cité, p. 303, 1842. Le Cercopithèque monoïde m’est connu par un individu fe- melle, donné à la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle par madame la princesse de Beauveau, et dont la patrie n’était pas exactement déterminée. Cetindividu, déjà vieux lorsqu'il arrriva au Muséum, et très-vieux lorsqu'il mourut, avait les allures et le natu- rel de la Mone et de la Diane. Il est le premier Singe de l’Ancien- Continent que j'aie vu enrouler sa queue autour des corps placés à sa portée, et sen servir pour assurer et faciliter sa locomotion. Cette espèce a le dessus de la tête et la nuque d’un vert-olivâtre tiqueté de noir; le dessus du col, les côtés de la tête > Ÿ Compris de longs poils qui garnissent les joues, et la partie inférieure des flancs, d’un gris tiqueté; le dos et la partie supérieure des flancs d’un roux tiqueté légèrement lavé de vert; les épaules, la face externe des bras, les avant-bras, les quatre mains, une partie des cuisses, et la plus grande partie de la queue, d’un noir pur ; le reste des cuisses et la base de la queue, d’un noir grisonnant; la face externe des cuisses et des jambes, le ventre et le bas de la poi- trine, grisâtres ; enfin, le devant de la poitrine et la gorge blancs. Les oreilles sont garnies supérieurement, à leur face interne, de poils blancs assez longs. 260 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. La distance du bout du museau à Porigine de la queue est d’un demi-mètre environ, et la queue est plus longue d’un sixième que le corps et la tête pris ensemble. On voit que cette espèce, et c’est ce qu'indique à l’avance son nom, a les plus grands rapports avec l’une des espèces les plus jolies et les mieux connues de ce genre, la Mone de Buflon, Simia où C. Mona des auteurs méthodiques. La coloration des parties supérieurs est presque exactement la même que chez celle- ci; et la taille, les formes, les proportions sont aussi les mêmes. Mais la Mone a les parties inférieures d’une couleur très-différente , etil faudrait une extrême imattention pour confondre spécifiquement les C. Mona et C. monoides. Cette nouvelle espèce a aussi quelques rapports avecle C. Cephus, par la couleur de son dos, et avec le C. leucampyx, par la disposi- tion de ses couleurs. La distinction est d’ailleurs trop facile pour qu'il y ait lieu d’insister sur les caractères différentiels. Enfin, le C. mnonoides a aussi de nombreux rapports de colora- üon avec un Singe encore imparfaitement connu, le Semnopithecus ou Cercopithecus albogularis' de M. Sykes; espèce dont ni les affinités naturelles, ni la patrie, ne sont encore rigoureusement dé- terminées. Sans discuter ici cette double question, pour la solution de laquelle les éléments me manquent, je ferai du moins remar- quer que le C. monoides, quoiqu'il ait la gorge blanche comme le S. ou C. albogularis, ne peut être confonda avec celui-ci, chez lequel, d’après les zoologistes anglais, la couleur générale est le gris-tiqueté , passant sur le dos au vert-olivâtre ; chez lequel aussi la poitrine est d’un blanc pur, le pelage long et fin, et qui enfin a les ! Ce Singe, décrit d'abord comme un Semnopithèque par M. Sykes dans les Proceedings of the zoological sociely, ann. 1850-31, a été reporté depuis par M. Sykes lui-même et par MM. Ogilby et Martin parmi les Cercopithèques. SINGES. 561 pouces extérieurs courts; caractère dont aucun ne se retrouve chez le C. monoides. 11. Le CERCOPITHÈQUE DELALANDE, Cercopithecus Lalandi. Car. — Une bande blanche au-devant du front. Pelage long, d’un gris légèrement olivätre sur le dos et les flancs ; parties infé- rieures du corps et externes des membres blanchätres. La face , le menton et les quatre mains, noirs. Queue grise avec l’extrémité noire; l’anus entouré de poils ras d’un roux vif. Hab.—L'Afrique australe, spécialement la Cafrerie. Syn.—GUENON NAINE DELALANDE, C. PUSILLUS DELALANDE, Desmoulins, d’après de jeunes individus, dans l’article Guenon du Dictionnaire classique d'hist. naturelle, 1. WI, p. 568,1825. — C. LaranpDrr, Is. Geoff., dans les Comptes-rendus de l'Acad. des Sciences, t. XV, P. 1038, et dans l’article Cercopithèque du Diction. universel d'hist. naturelle, t. VII, p- 305, 1842. Je conserve à cette espèce le nom du célèbre voyageur qui l’a rap- portée il y a vingt-deux ans de PAfrique australe; mais je suis obligé de modifier le double nom spécifique, C. pusillus Delalande, qui est fort irrégulièment formé, et de plus fort inexact. M. Desmoulins n’a, en effet, attribué au Cercopithèque Delalande une taille naine, que parce qu'ayant vu seulement de jeunes individus, il les a pris pour des adultes. Le C. Lalanduü n’est point rare dans l’Afrique australe, et existe depuis longtemps dans plusieurs collections; mais, à l'exception de M. Desmoulins qui, ainsi qu’on vient de le voir, attribue à l'espèce une taille comparativement très-petite, ce Singe est toujours resté confondu avec le C. pygerythrus de M. Frédéric Cuvier ; erreur commise par M. Frédéric Cuvier lui-même, aussi bien que 562 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. par les autres zoologistes. Le C. Lalandü a, en effet, la même dis- tribution générale de couleurs que le C. pygerythrus, et Vanus est de même entouré de poils roux; mais, si la distribution générale des couleurs est la même dans les deux espèces, leur teinte est dif- férente; le pelage, très-long, n’est véritablement pas vert chez le C. Lalandu, même sur le dos et la téle, mais d’un gris à peine teinté de vert ou d’olivatre. L'erreur qu'a commise M. Frédéric Cuvier en confondant en une seule espèce le C. pygerythrus et le C. Lalandi, ne peut d’ailleurs être imputée à reproche à ce célèbre zoologiste. Longtemps on n’a- vait connu, d’une part, le C. Lalandi: que par de jeunes individus rapportés du Cap par M. Delalande, et le C. pygerythrus, au con- traire, que par deux individus adulles, venus vivants par la voie du commerce , et acquis par la ménagerie du Muséum. Il était naturel d'attribuer à des différences d’âge les caractères différen- tiels que l’on observait entre ces individus, et c’est pourquoi le C. pusillus Delalande de M. Desmoulins fut considéré, par tous les auteurs, comme un double emploi du C. pygerythrus. Mais de nouveaux et riches matériaux sont maintenant à notre disposi- tion. Aux jeunes C. Lalandi rapportés par Delalande, j'ai pu com- parer une belle série d'individus de tout âge et des deux sexes, rapportés par MM. Verreaux ; et c’est sur les résultats de cette com- paraison que je me suis fondé pour considérer le C. Lalandü com- me une espèce voisine, mais distincte du C. pygerythrus. 1 Il est à remarquer que leur patrie est restée inconnue, Si tous les auteurs, d’après M. Frédéric Cuvier, disert le C. pygeryihrus originaire de l'Afrique australe, c’est toujours parce qu’on avait cru devoir rapporter à cette espèce les jeunes Cercopithèques de M. Dela- lande. Quelle est d’ailleurs la patrie du C. pygerythrus, c’est ce que j'ignore complétement. La seule assertion que j'oserais émettre, c’est que cette patrie n’est point le sud de l'Afrique, aujourd'hui si bien connu par les recherches de Delalande, de MM. Verreaux, de M. Smith, et de tant d’autres observateurs. om ne SINGES. 563 12. Le CERCOPITHÈQUE VERVET, Cercopithecus pYrgerythrus. Car.— Une bande blanche au devant du front; pelage d'un verl-jaunûâtre tiqueté de noir sur la tête, le dos, les épaules et les flancs ; gris sur la face externe des membres. La face, /e meruon , les quatre mains dans la totalité, le bout de la queue noirs. Tour de l'anus d’un roux-vif. Hab.— T'Afrique, région encore indéterminée. Syrn.—VERVET, S1MIA4 PYGERYTHRA, Fr. Cuv., Mammuferes, 1894 ; Des- moulins, loc. cit.; Fischer, loc. cit. — C. PYGERYTHRÆUS , Desmarest, Mammalogrie, 1822; Jard, Loc. cit. —C. PYGERYTHRUS, Fr. Cuv., Mamm., 2° éd. ; Geoff. St-Hil., Cours de l'hist. de mammi +3 Lesson; Ogilby; Mar- Un, locrs cit. ——————————— J’ai cru devoir donner ici la caractéristique exacte de cette espèce, non-seulement parce que plusieurs auteurs ont mélangé dans leurs descriptions des traits empruntés en partie au vrai C. pygerythrus, en partie au C. Lalandiü, mais aussi parce que le C. pygerythrus n’a jamais été nettement distingué, même par M. Frédéric Cuvier, de deux autres espèces voisines, le C. Cynosurus où Malbrouck, et le C. griseo-viridis ou Grivet de M. Frédéric Cuvier. C’est, en effet, à tort que ce célèbre zoologiste avait cru le C. PYgerythrus suffisamment caractérisé par la tache rousse circum-anale dont l'existence est rappelée par l’épithète spécifique pygerythrus où Py- gerythræus. Jai reconnu que non-seulement ce caractère existe aussi au même degré chez le C. Lalandi ; mais qu’on le retrouve jusqu’à un certain point chez le C. cynosurus, et dans une autre espèce encore, celle qui va étre décrite sous le nom de C! rufo-vi . ridis. Ces deux derniers Singes ont aussi près de anus des poils 564 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. roux, lesquels toutefois sont moins nombreux et ne forment pas une tache aussi étendue et aussi bien circonscrite. Il est, au con- traire, un autre caractère, la couleur noire du menton, à l’aide du- quel on distinguera toujours nettement le C. pygerythrus, soit du C. Cynosurus, soït du C. griseo-viridis : ce caractère a été omis dans la description de M. Frédéric Cuvier ; mais il est parfaitement exprimé dans la figure qui y est jointe. 15. Le CERCOPITHÈQUE ROUX-VERT, Cercopithecus rufo-viridis. (Planche 4.) Car. — Une bande blanche au devant du front. Face noire. Pe- lage d’un vert-roussâtre en dessus, d’un gris-verdâtre sur les épaules et les cuisses, blanchâtre en dessous, et roux sur les flancs. Hab. — L'Afrique, côte occidentale (?). Syn.—C.ruro-vrripis, Is. Geoffroy, dans les Comptes-rendus hebdo- madaires de V Acad. des Sciences, t. XV, p. 1038, et dans l’article Cercopr- thèque du Dictionnaire univers. d’hist. naturelle, 1. IT, p. 307, 1842. Ce Cercopithèque, qui ne m’est encore connu que par un indi- vidu femelle, appartient essentiellement, par son système de colo- ration, et aussi par ses proportions et sa taille, au groupe que com- posent les C. sabæus, C. pygerythrus et plusieurs autres désignés en commun, par quelques auteurs, sous le nom de Siges-verts. Mais en même temps, dans l’une des régions de son corps, il com- mence à révêtir les couleurs qui caractérisent les Cercopithèques à pelage roux ou Singes-rouges'. ! On connaît aujourd'hui sept espèces à pelage vert ou verdâtre, liées les unes aux autres par des rapports intimes, savoir : C. Lalandü, C. pygerythrus, C. cynosurus, C. griseo-vi- ridis, C. sabœus et C. tantalus (ce dernier, récemment décrit par M. Ogilby, estencore incom- SINGES. 565 Le dessus de la tête et du corps est d’un vert-olivätre, plus lavé de roux sur le corps que sur la tête. Les flancs sont, dans la partie qui se rapproche de l’épaule, d’un vert-roussâtre; les poils laineux sont, dans cette région, lavés de fauve-roux sur une partie de leur étendue, et les poils soyeux, annelés de noir et de vert. Plus en arrière, vers le milieu des flancs, les poils laineux sont presque entièrement d’un fauve-roussâtre-clair, peu différent de la couleur connue sous le nom de zankin, et cette couleur se montre au dehors, chez notre individu du moins, au travers des poils soyeux annelés de vert et de noir, peu nombreux en cette partie. Enfin, plus en arrière, et jusqu'aux aines, les flancs sont d’un fauve-roussâtre presque pur, les poils laineux étant de cette couleur, sauf la racine qui est blanche, et les poils soyeux , tou- jours annelés de vert et de noir, étant extrêmement peu nom- breux. Les épaules et les cuisses sont d’un vert-grisâtre ; la face externe des avant-bras et des jambes, d’un gris tiqueté de verdâtre ; les qua- tre mains, grisonnant. Quant à la face interne des membres, elle est blanche , de même que les parties inférieurs. La queue est en dessus d’un gris tiqueté, en dessous blanchâtre ; son extrémité est noire en dessus. [l existe quelques poils roux entre la queue et les callosités, à peu près comme chez le C. cyrosu- rus. La face est noïre comme comme chez le C. griseo-wiridis, avec an bandeau blanc en avant du front; le menton est noir. Sur les côtés piétement connu). On ne connaît au contraire que deux espèces à pelage rouge : le Singe rouge proprement dit, C. ruber, et le C. pyrrhonotus de MM. Hemprich et Ehrenberg. C'est à tort qu'un illustre zoologiste a rapporté dans ces derniers temps le C. pyrrhonotus au C. ruber. Entre plusieurs caractères différentiels, il suffira ici d’en citer un : le nez est noir chez le C. ruber, et blanc chez le C. pyrrhonotus. Arouives pu Muséum, tome Il. 72 566 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. de la face existent de longs poils blancs, dirigés en arrière et en baut, à peu près comme chez le C. griseo-viridis. Le C. rufo-viridis, quoique très-voisin du C. griseo-viridis et du C. pygerythrus, se distingue nettement de lun et de l’autre. Outre la couleur des flancs, et spécialement celle des poils laineux qui sont blancs dans ces deux espèces, outre quelques autres différences encore, il suffira de rappeler ici, pour le premier, la couleur grise de la face externe des épaules, des cuisses, et à plus forte raison des avant-bras et des jambes, la couleur du menton qui est revêtu de poils blancs, celle du pourtour de Panus où Pon voit aussi de longs poils blancs et point de poils roux ; pour le second, le carac- tère qui lui a valu le nom de C. pyrgerythrus, et la couleur noire des quatre mains. Je regrette de ne pouvoir faire connaitre exactement la patrie de cette jolie espèce. Je me la suis procurée vivante, pour la ménagerie du Muséum , par la voie du commerce, et je ne possède aucun ren- seiynement positif sur son origine. Toutefois, ayant acquis l’indi- vidu , type de cette espèce, avec un Cercopithèque Mone, j'ai pu conjecturer, non sans quelque vraisemblance, que le Cercopi- thèque roux-vert a pour patrie, comme la Mone, la côte occiden- tale d'Afrique. 14. Le MACAQUE ROUX-DORÉ, Macacus aureus. Car. — Dessus du corps d’un beau roux tiqueté de noir; face externe des membres d'un gris clair; dessous du corps et de la queue, face interne des membres, longs poils des joues gris ; face supérieure de la queue noirâtre vers la base, grise dans sa portion terminale. Hab.— Le Bengale, le Pégou, Sumatra, et vraisemblablement Java. | SINGES. 567 Syn.— Carray des habitants de Sumatra. — Crof! des habitants de Java. — Tawy Monkey”, Pennant, Synops. p. 120 (?)—M. aureus, Is. Geoff., Zoologie du Voyage de Belanger, p. 58 et 76, 1830-31 ; Less., Species ; Eydoux, Souleyet et Gervais, Zoologie du Voyage de la Borite, t. 1, p. 6. (Le Singe que ces auteurs ont figuré sous ce nom“, ne me paraît d’ail- leurs pas un véritable M. aureus.) Dans l'ouvrage que je viens de citer en dernier lieu, on a considéré le M. aureus comme identique avec le M. carbonarius, décrit en 1825 par Fr. Cuvier, dans son ouvrage sur les Mammifères de la ménagerie. Ce der- nier a été ainsi appelé, parce qu'il a la face noire, caractère que parait présenter aussi le M. aureus. Mais M. Frédéric Cuvier décrit le M. car- bonarius comme vert-grisätre en dessus et en dehors, tandis que le M. au- reus est d’un roux ou fauve-roussètre doré, seulement teinté de vert. Bien que cette espèce soit décrite par moi depuis plus de douze ! Sous le nom javanais de Croé (très-analogue au nom de Carrey, donné à Sumatra au M. aureus), M. Diard a envoyé de Java au Muséum un Macaque à por!s usés, qui est, sur les par- tes inférieures, d’un cendré sale, et sur les parties supérieures , d’un jaune sale passant au doré sur la tête. Par la longueur de la queue, par la couleur de la base des poils, et par quelques autres caractères que le mauvais état du pelage n'a pu effacer, ce Singe me paraît spécifiquement identique avec le M. aureus. MM. Gervais, Eydoux et Souleyet, dans la Zoo- loge de la Bonite, ont déjà fait ce rapprochement auquel ils avaient été conduits par l'examen du squelette. > Le Tawny Monkey, confondu avec uue autre espèce, est devenu le Siëmie où C. mulatia de quelques auteurs. 5 Aulas zoologique, PI. 11.—Ce Singe, acheté vivant au Bengale, mais dont l’origine n'est pas constatée, a le pelage généralement roux comme le . aureus, mais d'un roux plus foncé, plus tiqueté de noir, et descendant plus bas sur les flancs, qui sont gris chez le M. aureus. De plus , la queue est entièremement noire en dessus, et la face externe des cuisses et des membres antérieurs est plutôt d’un roux-olivâtre que grise. Enfin ce Singe a les poils du dessus du corps presque droits (tandis que ceux du M. aureus sont très-ondu- leux), noirs à leur base, et annelés seulement dans leur seconde moitié environ. Par tous ces caractères, le Singe de l'_A41Zas de la Bonite (aujourd'hui placé dans les galeries du Muséum), se rapproche du Macaque ordinaire, dont il se distingue d’ailleurs par sa face noïre et par la couleur générale de son pelage. 568 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. ans, j'ai cru devoir rappeler ici sommairement les caractères de cette espèce. Ces caractères me fourniront un terme de comparaison né- cessaire pour la description de la variété albine remarquable qui va être décrite ci-après. 15. MACAQUE DES PHILIPPINES, variété albine. (Planche 5.) J'ai cru devoir faire figurer ici, en lui donnant provisoirement le nom de Macacus plulippinensis, un Macaque albinos qui a vécu récemment à la ménagerie du Muséum, et dont la détermination offre d’assez grandes difficultés. Ce Singe, qui a fixé à son arrivée l'attention de tous nos zoologistes et du public, est-il un Macaque ordinaire ou un Macaque roux-doré? Ou bien encore, appartient-il à une troisième espèce, voisine des deux précédentes, et non encore établie dans la science ? Les caractères de coloration ne peuvent fournir le moindre éle- ment pour la détermination de l’espèce. Tousles poils sont d’un blanc légèrement jaunâtre. Toutes les parties nues sont d’un rose tendre. L'iris’ est très-peu colorée, et les yeux, d’ailleurs affectés de strabisme el de myopie?, paraissent, sous certaines influences de la lumière, d’une couleur bleuàtre, sous d’autres, d’un rouge päle. Ce Singe offre, comme on le voit, un exemple d’albinisme complet. La nature du pelage, la longueur des poils, ne peuvent guères plus que leur couleur, fournir de bons caractères; car l’albinisme les modifie aussi à un très-haut degré. Dans lalbinisme les poils 1 Je n’ai pu examiner la Choroïde. 2 Voyez la cinquième planche de ce Mémoire : M. Werner y a rendu avec la plus grande fidélité la physionomie de l'animal. Le dessin de M. Werner n'est pas seulement une bonne figure d'histoire naturelle, c'est un véritable portrait SINGES. 569 deviennent souvent plus moelleux, et surtout plus courts : qu'ils ne le sont dans l’état normal. Il n’y a donc aucune conséquence à tirer de la longueur des poils, moindre chez notre albinos que chez les individus normaux des espèces auxquelles je l'ai particu- lièrement comparé. Mais il est d’autres caractères que ne modifie pas l’albinisme : les uns, relatifs au pelage lui-même, résultent de la disposition et de la direction des poils; d’autres sont ceux que fournissent les formes et les proportions. Or, d’après les premiers, je crois pouvoir affirmer que notre albinos n’est point un Macaque roux-doré, et d’après les seconds, qu’il n’est point un Macaque ordinaire. Chez le Macaque roux-doré, le roux des parties supérieures $a- vance sur la tête en une sorte de triangle, limité à droite et à gau- che par du blanchâtre, et dont le sommet se perd en avant dans quel- ques poils noirs placés entre les deux éminences surcilières. Les poils qui forment ce triangle, sont pour la plupart dirigés obliquement. Chez le Macaque albinos au contraire, les poils du dessus de la tête sont parallèles, et leur ensemble forme sur la tête, non un triangle, mais un rectangle parfaitement limité, au défaut de diffé- rences de couleurs, par la direction différente des poils latéraux. Il faut ajouter que, chez le M. aureus, il existe, sur les côtés du crâne et de la face, de longs poils divergents que l’on ne retrouve pas chez notre albinos : celui-ci a les poils de la région auriculaire cou- chés et dirigés en avant, et ceux des côtés des mâchoires sont couchés et dirigés en arrière. Les uns et les autres se rencontrent selon une ligne qui, commençant un peu en arrière de langle externe de l’or- * Un exemple remarquable de cette anomalie m'est présenté par un Ecureuil d'Hudson, des galeries du Muséum, qui se trouve revêtu, sur une moitié de son corps, de poils de cou- leur et de longueur ordinaires, sur l'autre, de poils également anormaux par leur couleur blanche et par leur brièveté. \ , 570 DESCRIPTION DES MAMMIFERES DU MUSEUM. bite, vient se terminer un peu en arrière de 1 angle de la commissure des lèvres : sur cette ligne de rencontre seulement, les poils sont un peu longs et relevés. Les résultats de cette comparaison ne permettent pas de rapporter à l'espèce du Macaque roux-doré, notre albinos, qui, au contraire, sous ce point de vue, se rapproche du Macaque ordinaire. Mais, à d’autres égards, par ses proportions, et notamment par la longueur plus considérable de sa queue, il se distingue nettement de celui-ci. La distance du bout du museau à Panus étant d’un demi-mètre chez notre individu , la queue est d’environ six décimètres. Chez le Ma- caque ordinaire, la queue forme à peine la moitié de la longueur totale. Le résultat de cette double comparaison est que le Macaque al- binos n’est ni un M. aureus ni un M. cynomolgus, et qu'il appar- tient à une espèce non encore établie dans la science‘. Cette suppo- sition, déjà très-vraisemblable par ce qui précède, est confirmé par l’origine de notre Macaque albinos. M. Adolphe Chenest, qui a fait don au Muséum de ce Singe précieux, l’a acquis à Manille, et il le croit originaire de cette ile; et l’on sait, en effet, qu'il existe , aux * J'avais espéré pouvoir confirmer celte conséquence par la comparaison des caractères crâniens. Mais une difficulté se présente ici. Il est bien vrai que le Macaque albinos est fort remarquable, à l'égard des M. cynomolgus et M. aureus, pax l'épaisseur considérable des bourrelets sus-orbitaires et de toute la paroi supérieure des orbites, par la forme étroite, allongée, presque rectangulaire de l'ouverture des fosses orbitaires, par la brièveté de la face, et par la forme des ouvertures antérieures des narines, à peine plus longues que larges; disposition qui est en rapport avec la brièveté générale de la face. Voilà assurément plusieurs caractères fort remarquables et fort tranchés ; mais est-il certain que ce soient bien des ca- ractères spécifiques ? Ne seraient-ils pas, en partie du moins, anormaux? Pour montrer qu'il y a lieu d'émettre un doute à cet égard, il suffit de dire que la disposition des dents n’est pas non plus la même que chez les M. cynomolgus et M. aureus; et ici l'anomalie est de toute évidence. Les canines, d'une part, sont, chez le Macaque albinos, extraordinairement diver- gentes ; et, de l’autre, les incisives supérieures sont fortement déviées à droite. SINGES. d71 Philippines des Macaques, très-vraisemblablement d’une espèce par- ticulière. Une note manuscrite que M. Gervais a bien voulu me remettre, il ya quelques semaines, au retour d’un voyage en An- gleterre, m’apprend que déjà même un Macaque des Philippines, en pelage normal, a été transporté à Londres, où M. Gervais l’a vu et décrit. Je transcris ici textuellement le passage de cette note, qui est relatif au Macaque des Philippines : « Le Macaque de Manille que j'ai vu vivant à Regent’s-Parck, « est plus olivacé-foncé pour la couleur de son pelage et plus noir « de face que le Macaque ordinaire. Sous ce rapport, il ressemble « plus au Roux-doré. Est-ce une troisième espèce? » La conjecture que faisait ici M. Gervais, me parait acquérir, par l'examen comparatif que j'ai fait plus haut, un très-grand degré de probabilité. Je laisse d’ailleurs aux zoologistes de Londres le soin de prononcer, et de caractériser exactement lespèce dont l’état normal ne m'est pas connu. On avait vu déjà plusieurs fois des Singes albinos. Les collections du Muséum possèdent même des exemples d’albinisme dans un assez grand nombre d’espèces. Tels sont, dans la première tribu, quel- ques Gibbons, chez lesquels l’albinisme n’est, il est vrai, qu'impar- fait; dans la seconde, un Mangabey, dont les auteurs ont fait une espèce, sous le nom de Snia atys ; dans la troisième, plusieurs Sapa- jous, dont les poils étaient en partie décolorés en captivité, et un autre Sapajou, complétement albinos, érigé en espèce sous le nom de Cebus albus; enfin dans la quatrième, des Marikinas, chez lesquels Valbinisme n’est qu'imparfait, et un Hapale melanurus, que lon a considéré comme une espèce, et désigné, à cause de sa couleur en- tièrement blanche, sous le nom de Sénia argentata. Mais ces Singes: * Sauf quelques exceptions d’un genre particulier, relatives à des Sajous et à deux Mari- 572 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. n'avaient point été observés vivants; et notre Macaque albinos est le premier dont on ait pu étudier les habitudes, fort remarquables par leur analogie avec les mœurs et les habitudes des albinos humains. Comme ceux-ci, le Macaque albinos évitait constamment Péclat de la lumière; ses yeux ne pouvaient supporter un jour un peu vif, sinon sans souffrance, au moins sans fatigue et sans gène. On le voyait se tenir habituellement, triste et mélancolique, dans un com de sa loge; et lors même qu’il prenait ses ébats, c’était presque tou- jours avec une gravité et une lenteur qui contrastait avec la vivacité turbulente de ses congénères. Comme les albinos humains, auxquels leurs anomalies imposent une vie et des habitudes exceptionnelles, le Macaque albinos était donc loin d’avoir entièrement le naturel et les mœurs des Macaques. Le parallèle entre les conséquences de l’albinisme chez notre Ma- caque et chez l’homme peut être poussé plus loin. On sait que chez presque tous les peuples encore sauvages où bar- bares, les hommes affectés d’albinisme sont en butte au mépris et aux mauvais traitements de ceux qui les entourent. Dans quelques parties de PAfrique, les Nègres voient en eux, non des hommes, mais des êtres ennemis, qu’ils chasssent des lieux habités. Les noirs de quelques parties de la Guinée, si lon doit en croire des rensei- gnements recueillis dans les colonies, font périr les enfants albinos , dans Pespoir de détourner les calamités dont ils se croient menacés par la naissance de ces malheureux. Dans d’autres parties du monde, dans plusieurs archipels de Océanie, à Pisthme de Panama, le sort des albinos est également digne de pitié. Il en est de même en- core des Bédos , ou albinos de Ceylan : des renseignements re- kinas qui n'étaient point nés albinos , mais qui avaient subi, sous l'influence de la captivité, des décolorations seulement partielles. Voyez mon His. générale des anomalies, t. 1, p. 318, SINGES. 573 cueillis par Buffon, nous apprennent en effet que les Bédos sont réduits à se tenir cachés dans les bois, et à éviter le commerce des autres habitants de l'ile. IL est curieux d’avoir à rapprocher de ces faits, constatés chez l’homme par les relations des voyageurs, des faits complètement ana- logues observés à l’égard de notre Macaque blanc. Dans les rares occasions où cet albinos s’est hasardé à sortir, au milieu de ses con- génères, dans la partie la moins éclairée de la cour des Singes, sa couleur exceptionnelle, sa physionomie singulière, sa démarche embarrassée et incertaine, en ont fait l’objet d’abord de la curiosité très-marquée, puis des mauvais traitements des autres Singes. Aussi, après quelques sorties, dont chacune lui a valu des contusions ou des morsures, s'est-il confiné dans sa loge intérieure, fuyant à la fois, comme le sont les albinos humains, la lumière et ses semblables. 16. Le MACAQUE urRsIN, Macacus arctoïdes. Car.—Pelage brun, tiqueté de roux. Poils longs, plusieurs fois annelés de brun et de roux-clair. Queue excessivement courte. Hab.—La Cochinchine. Syn.— M. maurus, Fr. Cuvier, Mammifères, 1823'. — M. ursin, #1. ARCTOIDES, Is. Geoff., Zoo!. du Foy. de Bélanger, p. 77, 1830-31, et Ma- gas. de zool.—Pirurcus ArCTOIDEUS, Blainv., Ostéographie, fasc.I, p.44, ann. 1833. En décrivant cette espece il y a plus de douze ans, j'avais, sur son identité avecle M. maurus de M. Fr. Cuvier, des doutes qui ne se sont point encore complètement dissipés. Le M. maurusde M. Fr. Cuvier, appelé depuis Magus maurus par M. Lesson dans son Manuel, et Simua Cuvieri par M. J.-B. Fischer dans son Syropsts, serait carac - Ancmves o0 Muséuw, roxr Il. 73 374 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM- térisé par son pelage uniformém entbrun, et sa face zotre, d’où le nom de maurus. Ce dernier caractère, sans parler de quelques autresmoins importants, nese retrouve point chez le M. arcloides, qui a seulement le nez noirâtre, contrastant par sa couleur avec la couleur beaucoup plus claire du reste de la face (vraisemblablement tannée où d’un rose livide). Existerait-il, indépendamment du M. arcloïdes , une espèce à face noire et à pelage brun, à laquelle on dut réserver le nom de M. maurus? Ou faut-il attribuer les prétendus caractères du M. maurus à des erreurs commises dans le dessin peu soigné, d'aprés lequel seul M. Fr. Cuvier a décrit cette espèce? Dans ce dernier cas même, le nom “ein de Maurus ne pourrait être conservé au M. arctoides, puisqu’exprimant un caractère qui n’existe pas chez ce- lui-ci, il induirait nécessairement les zoologistes en erreur. C’est ainsi que déjà un zoologiste distingué a été entrainé, dans l’un de ses ouvrages, à faire, entre le M. maurus de M. Frédéric Cuvier, et le Cynopithecus niger, une confusion que lui-même a, du reste, bientôt après reconnue et rectifiée. 17. Le CYNOPITHÈQUE NÈGRE, Cynopilhecus riger. Caractéristique générique. — Corps court, porté sur des mem- bres assez longs. Mains allongées. Pouces extérieurs assez allongés. —Point de queue. Crâne médiocrement volumineux ; crêtes surcilières très-dé- veloppées. Museau très-allongé, large et aplati, ses côtés étant à angle droit avec sa face supérieure. Yeux médiocres.—Fosses nasales très-étendues; nez plat; z2arines non lubuleusesel non terminales'.—Callosiésischiatiques étendues. ! Dans le crâne que j'ai sous les yeux, l'os nasal a la forme d'un triangle allongé, se termi- SINGES. b75 Des abajoues. — Incisives proclives, les supérieures surtout. Parmi celles-ci, les médianes très-larges, placées plus en avant que les latérales. Dernière mâchelière inférieure à cinq tuber- cules ; les autres inférieures, quadri-tuberculées, un peu plus lon- gues que larges; les supérieures, quadri-tuberculées, et aussi larges que longues. Taille sensiblement la même que celle des Macaques. Caract. spécifique. — Pelage généralement noir; une huppe comprimée. Hab.— Les Moluques et les Philippines, particulièrement Solo. Syn. gén.—Crnorirazcus, Is. Geoff., Zool. du Foy. de Bélanger, p.66, 1830-31, et Lecons recueillies par M. Gervais, p. 16, 1835"; Less., Specres. (Le Singe, type de ce genre, avait d'abord été placé parmi les Cynocéphales.) IL est à remarquer que M. de Blainville dans son Ostéograplue, fasc. T, p. 47, a transporté le nom de Cynopithecus au genre Macaque*. Syn. spéc. — CYNOCEPHALUS NIGER, Desmar., Mammal., Suppl., 1829; Gray, Spicileg. fase. 1; Quoy et Gaimard, Zoologie du Foy. de l'Astrolabe. — CYNOCEPHALUS MALAYANUS, Desmoul., Dict. class., t. V, art. Cynocé-- phale, 1824.—Simi4 Nicr4,d9. B. Fisch., Synops. Mammalium.—Crx\o- PITHECUS NIGER, Less., Species. nant postérieurement en pointe entre les deux maxillaires supérieurs, sans arriver jusqu'au frontal. : 2 Dans le premier de ces ouvrages, les Cynopithèques ne sont encore considérés que comme une simple section des Cynocéphales. Dans le second ils sont élevés au rang de genredistinet. : M. de Blainville a cherché il y a quelques années à régulariser la nomenclature des Sin- ges, en formant à l’imitation des mots Cercopithecus d'Erxleben, Semnopithecus, deM. Fr.Cu- vier, Cynopithecus de moi-même, les noms d’Anthropopithecus, de Brachiopithecus et de Chæ- ropithecus pour les genres antérieurement désignés et aujourd'hui généralement connus sous les noms de Troglodytes, de Pithecus et de Cynocephalus. M. de Blainville, après avoir pro- posé ces trois noms dans ses cours, paraît avoir lui-même abandonné les deux premiers : car, bien que ceux-ci eussent été publiés par M. Sénéchal, en 1839, dans le Dictionnaire pitto- resque d'Histoire Naturelle, et par M. Pouchet, en 1841, dans la seconde édition de sa Zoo logie classique, ils n'ont point été reproduits par M. de Blainville dans son Ostéographie. Le >76 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSEUM. - Le Macacus maurus de M. Lesson, dans le Complément de Buffon, est établi en partie sur cette espèce, en partie sur le M. maurus de M. Frédéric Cuvier”. 18. Le THÉROPITHÈQUE GÉLADA, Theropithecus Gelada. Car. générique. — Corps assez trapu dans l’état adulte. Mem- bres médiocrement allongés; pouces antérieurs assez développés. Queue médiocrement allongée. Crâne peu volumineux, mais globuleux ; point de véritables crêtes surcilières, mais la paroi supérieure de l'orbite étendue, au-des- sus de l’orbite, en une lame horizontale, seulement un peu épaissie à son rebord antérieur*. — Museau étroit, comprimé, très-allongé. Fosses nasales très-étroites; nez plat; narines non tubuleuses et non terminales. — De fortes callosités ischiatiques avec une nudité étendue entre et derrière elles. Des abajoues.—Canines épaisses, convexes, très-lorgues; les su- périeures, en particulier, tranchantesà leur bord postérieur, et vérita- blement énormes. /ncisives presque verticales, petiles, la paire interne de lamächoire supérieure n’ayant elle-même qu’un peu plus de lon- gueur et de largeur que la paire externe. La dernière mâchelière in- férieure, très-allongée, ayant un talon très-large et très-saillant; les " La caractéristique générique des Cynopithèques n'avait jamais été donnée complétement ni par moi, ni, à plus forteraison, par lesauteurs quin’avaient vu dans le Cynopithèque nègre qu'une espèce du genre Cynocéphale. Cette caractéristique eût-elle été déjà donnée, il serait d’ailleurs utile de la rapprocher de celle du genre suivant. Au contraire, après les descrip - tions et les figures qui viennent d'être rappelées dans la synonymie, il serait superflu d'in- sister ici sur les caractères spécifiques du Cynopithèque nègre, et c’est pourquoi je passe immédiatement au Théropithèque Gélada. ? Aussi n’existe-t-il pas, comme chez les Macaques et les Cynocéphales, d'échancrures à la partie externe du bord supérieur de l'orbite. SINGES. 577 autres mâchelières, soit inférieures, soit supérieures, beaucoup moins allongées, mais encore plus longuesque larges, etayant de petitstalons. Car. spéc.—De longs poils bruns sur les parties supérieures; de longs poils fauves sur les flancs et au bout de la queue : les quatre mains noirâtres. Hab.—L’'Abyssinie. Syn. gén.—(Voyez plus bas). Syr. spéc.—GELapa des Abyssins.—M4cacus GELADA, Rupp., Veue Wirbelthiere von Abyssinien, in-fol.— P4P10 Gr 1n1 » Less., Spec. Je ne m’arréterai pas ici sur les caractères spécifiques de ce Singe , étudiés avec tant de soin par Ruppell, et pour lesquels il suffit de renvoyer à l'ouvrage de ce célèbre voyageur. Mais il y a à revenir sur la place qui a été assignée au Gélada dans la classification. M. Ruppell qui a observé ce Singe en Afrique, et qui a rapporté en Europe tous ou presque tous les individus connus, a décrit le pre- mier le Gélada, et l’a placé parmi les Macaques : quelques zoolo- gistes, par exemple, M. Lesson dans son Species, Vont, au con- traire, reporté parmi les Cynocéphales. Le Gélada a, sans nul doute, des rapports intimes avec ces deux genres; mais il ne se confond ni avec l’un ni avec l'autre, et doit devenir le type d’un genre distinct, pour lequel je propose le nom de Théropithèque:. Le museau très-allongé chez le Gélada (moins cependant que - chez les Cynocéphales), le développement considérable des cani- nes, l'étendue longitudinale et la forme plus complexe des molaires, et plusieurs autres caractères, distinguent ce Singe des Macaques, 1 De 6p, béte sauvage; et de rifn£ où rifnzoc, Singe, radical commun des mots Semnopi- thèque, Cercopithèque, Cynopüheèque, etc. 578 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. et tendent à le rapprocher des Cynocéphales, auxquels il ressemble d’ailleurs pour la taille et pour le pelage, et dont il a la patrie. Mais, d’une autre part, les narines, loin d’être terminales, sont disposées comme chez les Macaques, en sorte que le Gélada se trouve privé du trait le plus caractéristique des Cynocéphales. Cette différence suffirait pour que lon ne püt le réunir à ceux-ci : mais elle n’est pas la seule qui existe. Chez le Gélada, la forme du crâne est beaucoup plus arrondie , et le museau moins allongé. Un caractère distinctifremarquable résulte encore dela direction presque verticale des incisives. Après ces caractères dont les uns tendent à séparer le Gélada des Macaques et à le rapprocher des Cynocéphales, les autres à le sé- parer de ceux-ci et à le rapprocher des premiers, il en est d’autres qui nappartiennent ni aux Macaques, ni aux Cynocéphales : tels sont le faible développement des incisives, même de la paire mé- diane supérieure; l'absence de véritables bourrelets sus-orbitaires et des échancrures sus-orbitaires , le rétrécissement des fosses nasales et de la face qui, de chaque côté, au-dessus des arcades dentaires, est creusée de deux fosses étendues et profondes; enfin, la forme de la mâchoire inférieure, très-comprimée en avant’, ayant de cha- que côté, au-dessons des fausses molaires une fosse circulaire pro- fonde, et surtout très-remarquable par l'étendue considérable des branches montantes ; d’ou résulte une disposition oblique de la face, assez analogue à ce que l’on observe chez les Orangs et chez divers Singes américains. ! ‘Au point que les incisives sont placées, comme dans un grand nombre de Chauve- souris, au devant des canines très-1approchées à leurs bases. 122 SINGES. 57q 19. Le CYNOCÉPHALE BaBouIN, Cynocephalus Babouin. (Planche 6.) Car. — Pelage jaune-olivâtre en dessus, blanchâtre en dessous et à la face interne des membres; poils colorés de jaune et de noir par anneaux assez étendus, mais peu nombreux. Hab. — L'Afrique septentrionale, particulièrement l'Égypte et PAbyssinie. Syn.—Papio cyNocrPHALUS, Geoffroy S.-Hilaire, Tableau des quadr. dans les nn. du Muséum, t. XIX, p. 102.—Le Bagouin, Fr. Cuvier, Mém. du Muséum , t. IV, p. 420, et Histoire nat. des Mamm., 1° édit. — C. B:- BoUIN, Desmarest, Mammal., 1820; Fr. Cuvier, Historre nat. des Mamm , 2° édit. , 1826... —C. 4NTIQUOoRU “, Schinz, ‘traduction du Régre animal de Cuvier; Agassiz, Isis, t. XXI, p. 863, 1824. — Srmi4 CYNOCEPHAL1, 3. B. Fischer, Syrops. Mamm.— P 1r10 BABOUIN, Jardme, Monk.; Lesson, Spec.—C.sruynx,Ogilby, Monk.—Pirascous cynoczPH4zus, Blainville, Ostéographie, fase. IV. Cette espèce, à laquelle tous les auteurs modernes donnent le nom de Babouin, et que tous ceux qui n’ont point adopté le mot Cy- nocephalus comme nom générique, appellent Sëmia, Pithecus ou Papio Cynocephalus, est-elle véritablement le Babouin de Buffon et le Cercopithecus Cynocephalus de Brisson, comme on l’a ad- mis? Est-ce une espèce très-voisine du Papion, ou même se con- fondant avec lui, comme on l’a dit aussi récemment? Ces questions semblent parfaitement résolues dans quelques ouvrages modernes ; mais il y a, en réalité, beaucoup à revenir sur ces divers points, et c’est ici un nouvel exemple de la facilité avec laquelle une assertion, une fois émise par un auteur, passe et finit par s'établir dans la science. 580 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. Le Babouin des auteurs modernes est-il le Babouin proprement dit ou petit Papion de Buffon et de Daubenton‘? M. Frédéric Cu- vier, dans un travail spécial sur le Papion et le Babouin*, l’a admis avec doute, et depuis lui on l’a répété d’une manière beaucoup plus affirmative. {1 me semble, au contraire, à peu près certain que le petit Papion n’est pas le Babouin; car Daubenton, toujours si exact, dit que le petit Papion ressemble beaucoup, par Les couleurs du poil, au grand Papion; et la figure montre en effet que les poils étaient finement annelés comme chez le Papion, et non colorés par larges anneaux comme chez le Babouin. On sait d’ailleurs aujourd’hui qu'il existe des différences notables de taille entre les individus de même espèce chez les Cynocéphales, et il n’y a aucune raison de considérer le Babouin comme plus petit, à l’état adulte, que ne Pest le Papion. M. Fr. Cuvier a admis, comme beaucoup plus certaine, l’iden- tité du Cercopithèque cynocéphale de Brisson® avec le Baboun. Or, il est facile de prouver que cette identité n’existe pas : le nom de Cercopithèque cy nocéphale est pour Brisson, non une dénomination spécifique, mais un nom commun à plusieurs Cynocéphales, un vé- ritable nom générique. La phrase française est, il est vrai, peu ex- plicite à cet égard; maisil suflit, pour lever tous les doutes, de recourir à la phrase latine placée en regard de celle-ci. «Plurimas vidi, dit Brisson, Cercopilhecorum cynocephalorum species, magnitudine tantum a se invicem discrepantes. Habitant in Africa.» Quant au caractère tiré de la couleur des poils qui sont dits erdätres et jaunâires, i convient évidemment au Papion au moins aussi Hist. nat.,t. XIV, pl. xiv : Du Cercopithèque de Brisson et du Grand Papion de Buffon. loc. ci. 3 Règne animal (1759), p. 123. SINGES. 581 bien qu’au Babouin ; et Brisson a dû avoir beaucoup plus d’occasions d’observer le premier qui est le seul commun. Si la synonymie, telle que la donne M. Frédéric Cuvier, doit être rectifiée, la caractéristique, telle qu’on la trouve dans le mémoire de ce savant zoologiste, est généralement assez exacte : aussi est-ce depuis son mémoire que le Babouin a définitivement pris place parmi les espèces du genre Cynocéphale. Il faut remarquer tou- tefois que la queue, chez le Babouin, n’est pas aussi courte que l’a dit M. Frédéric Cuvier, et surtout que la face n’est pas couleur de chair, mais presque entièrement noire ; erreur empruntée aux ou- vrages antérieurs, que M. Frédéric Cuvier n’a d’ailleurs commise que dans son texte, et que rectifie la figure coloriée publiée par lui dans son Histoire naturelle des Mammuÿères de la ména- gerte ‘. Le véritable caractère distinctif du Babouin doit étre tiré de ses poils, qui au lieu d’être, comme chez le Papion, finement annelés de jaune et de noir, sont colorés par anneaux très-étendus, mais peu nombreux; d’où il résulte que le pelage du Babouin offre une co- loration jaune-verdatre à peu près uniforme, peu différente de celle du Magot et de divers Macaques, et très-différente de celle du Pa- pion, dont le pelage est généralement strié comme celui de l'Ha- madryas. L'espèce dont le Babouin se rapproche le plus, non par la nuance, mais par la disposition de couleurs de ses poils, est le C. porcarius de l'Afrique australe. Le C. Babouin se lie aussi très-in- üimement avec cette même espèce par la conformation de son cräne, 1 T. I], mars 1819. — Tous les auteurs, et M. G. Cuvier lui-même, dans la seconde édition du Règne animal, ont néanmoins continué à donner pour caractère distinctif au Ba- bouin, son visage couleur de chair. Ancnives pu Muséum, Tome II. 74 582 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. et surtout par celle de sa mâchoire inférieure, dont chaque branche horizontale est creusée, au-dessous des molaires, d’une fosse assez profonde. Cette fosse se retrouve d’ailleurs aussi chez le C. Ænubis de M. Fr. Cuvier; espèce qui est encore fort imparfaitement connue, et qui reste même douteuse encore *. En raison des difficultés que présente encore Phistoire du Ba- bouin, il m’a paru utile de donner de ce Singe, figuré à l’état adulte par M. Fr. Cuvier, une figure qui le représente vers la fin de son ac- croissement, et par suite avec des formes beaucoup plus grêles. On sait les modifications très-remarquables que présentent, dans leurs divers âges, les Cynocéphales, si grèles et si légers lorsqu'ils sont jeunes, si lourds et si trapus lorsqu'ils sont vieux. De là les diffé- rences très-prononcées de proportion que lon remarquera entre l'individu adulte de M. Fr. Cuvier et le sujet de la sixième planche de ce Mémoire. Ce dernier, l’une des précieuses espèces dont S. A. R. le Prince de Joinville a enrichi, dans ses voyages, le Muséum d'histoire natu- relle, a vécu environ un an à la ménagerie, et il était beaucoup plus gréle encore lors de son arrivée qu'il n’est représenté dans notre planche, et que ne l’est sa dépouille montée, aujourd’hui placée dans les galeries de zoologie ?. En le comparant à un individu femelle anciennement existant dans les mêmes galeries, et qui est l'original de presque toutes les descriptions faites en France, celles de M. Fr. Cuvier exceptées, Hist. nat. des mammifères, 1"° eL2° édition. Dans celle-ci, la figure qui avait déjà paru ) ? 8 I J2NE dans la première édition, a été reproduite, mais coloriée beaucoup plus en vert foncé, et indi- quant par suite une différence beaucoup plus marquée par rapportau Babouin, plutôt jaune- olivâtre que vert. 2 L'animal ayant été acquis par les ordres du Prince, durant l’un de ses voyages, et non , , rapporté directement d'Afrique, on n'a pu savoir exactement de quelle région il est ori- ginaire. SINGES. 583 j'ai trouvé entre l’un et l’autre quelques différences qui, quoique d’unetrès-faible importance, doivent être notées ici. Le Cynocéphale figuré dans ce Mémoire, et qui est un mäle un peu plus âgé que l’autre, a le poil généralement plus long, et d’une teinte un tant soit peu grisâtre : différence que j'ai vu exister de même entre divers Papions, les jeunes de cette espèce ayant aussi le pelage plus ras, les sémi-adultes le pelage plus long, et les adultes, une véritable crinière qui couvre toute la moitié antérieure du corps. Une autre différence est que l’ancien Babouin de nos galeries a le dessus de la tête noirâtre; disposition qui résulte de ce que les poils de cette par- tie ont la pointe noire sur une assez grande étendue. Chez l’individu que j'ai fait représenter, le dessus de la tête n’est pas noir; mais les poils de cette partie ont du moins la pointe noire, et peut-être même régnerait-il sur la tête une teinte noire très-marquée, si cette région n’était pas dans un médiocre état de conservation, et même en partie dénudée. & A ces différences près, qui sont d’une très-faible importance, il y a d’ailleurs entre nos deux individus une très-grande ressemblance, l’unet l’autre ayant la face externe des cuisses fortementlavée deroux, les parties inférieures et internes blanchätres, et les doigts, ainsi que le contour de la main, blanchätres, tandis que le reste des mains est, en dessus, de la couleur générale du pelage. Je terminerai en donnant les dimensions de l'individu que j'ai fait représenter au quart de la grandeur naturelle. Distance du bout du museau à ne de la queue. . . . . 0°:,63 Hauteur aux épaules. . . . . . AE 008 Longueur de la queue (non compris ee poils de este émité). 0, »2 À SAGE plug AU 2sours til, CRT LETTRE TTT M ta qui ter deemte is: dhhdlaphe es; à 0. L int abto ati lastiob soaétuaqut afdént-ség seafts dre 56 cut wg aur plbre ni Rois ROME éétul hsciga Los dréhou gaisloun' be, 140 fut nel lrog.et a‘, 0e SAUTER sh, 1atiré RUN ans 49 bb : dr 17740 1:94} ag, ogaloq al.kaus, Joe aéqa Sites wbnesuriof at; atroiquél autre nou eailubesalue :gnolaufy saétog-el étfubit-tinbe arlrii Pgo stpog 0h, sil duar bitious skstcorerués » at} or tte ni sb peoh 98 daoûales sou slt nénoctefl agiogn't. asp leo 90 narrt fie eq Mag. ot sliog 208 op ac mhagliere dr ac Méoguilé.ssufériort ott ghidibaïl sk} .snhaotsolnar sabniavune saiou elniog il tnro-dit ro aiaue à viog ang Rats AA af sf quausbs afr soirs tqué dlatialf side Or lus ls .ati08 81004 af éaio cs sb Mroslane otioast-Aiite GS Aa En ap Mitsé D'une soir stétiahirit distinhs 1 Æ uÿ am. 13. toiierisen0s ob 50h am nb sq 1H \ dé mer limtales prbtraetnenentes ré 8 alitenists la LU 4. aamoqui. pfdiet-eir qu D uno jf Ré aan @lhif eu AE parles, abanss-pu sut ui ibai «pabieou sata emedtithir dun ha tape aosiupaab patotmpataltanveitiett lacuf_… RE Pau giQD ef sa gmtlooatl ssemini 17 sonvétftni évitent aff Let | Hontiantanhstesnal ou aibaot 2euédould aie el sb L'HOTNE ! f À ts tarot à sation ub sleasg wuoliomsl sb: zuesls aû Wroi Lo 4, nrp.mbicibaïl.sb suoianitient inaoirob 8 isvraise ol les ous fous e0-Mlomtegouitheren at off rotin intra fret Cd," 0 , . . : Songe sb vtigio'l à Lasaque of ju f & s D a à Rd. | dpes ua di nr NÉS RER MG AS DIE AE 16 TEA CR EL! n + “ À È ll a c* ; un axe L 0h clio laque )ausupe ak DIPLTTETIE FLAN OUPS y vert < ; + péest é 2rrp(oit pen | PT CADET - TT CL n Lis «7 émane ki mé PET) ii | 0 vor: ee on A SINGES. 85 NOTES. Les notes qui suivent, et dont la plupart ont pour objet les règles de la terminologie zoologique, ont été rejetées à la fin de ce Mémoire, moins en- core à cause de leur étendue qu’en raison de leur sujet. Loin d’appartenir en propre, et par des connexions intimes, au Mémoire qui précède, elles se rapportent également aux divers Mémoires qui seront publiés ultérieurement sur le même plan (Voyez plus haut, p. 487).Sielles se trouvent placées ici, c’est parce qu’elles sont relatives à des questions ou à des faits généraux qui devaient être indiqués, sauf à être repris, développés et discutés plus tard, dès le début de la série de Mémoires dont j'ai entrepris la publication, et dont on vient de lire le premier. NOTE I. (Voyez page 485.) Sur l'accroissement des collections mammalogiques et ornithologiques du Muséum, depuis un demi-siècle. L'administration de mon père a duré quarante-huit années, de 1793 à 1841. Il était entré depuis quelques mois au Jardin des Plantes comme successeur de Lacépède dans l'emploi de démonstrateur, et il avait à peine vingt et un ans, lorsqu'il fut appelé aux fonctions de professeur-administrateur, en exécution de la loi organisatrice du Muséum, rendue le 10 juin 1793, et à laquelle se rattache si honorablement le nom de M. Lakanal. Mon père est resté, et depuis plusieurs années déjà, le seul des douze mem- bres de ce premier et illustre professorat, où il eut pour collègues Daubenton, son maître, son ami, et presque son père d'adoption, Antoine-Laurent de Jussieu, Lamarck, Thouin, Desfontaines, Fourcroy, et plusieurs autres hommes éminents. ps \ » 586 DESCRIPTION DES MAMMIFERES DU MUSEUM. Personne n'ignore à quel degré de splendeur sont aujourd'hui parvenues les collections mammalogiques et ornithologiques du Muséum ; mais on ne sait pas assez ce qu'elles étaient lorsque mon père en fut chargé. J'extrais d’un rapport en date de 1834, le passage suivant qui est la copie textuelle d’une note remise par feu M. Dufresne, nommé aide-natu- raliste et chef du laboratoire de zoologie, peu de temps après l’organisation du Muséum d'histoire naturelle : à « La collection mammalogique ne se composait, il y a quarante ans, que d’un beau Zèbre, « d'un Tapir, existant encore au Muséum, de quelques Singes (il faut lire ici de quelques « Primates), aussi existant au Muséum pour la plupart, et d’un petit nombre d’autres mam- « mifères. » « La collection ornithologique comprenait quatre cent trente-trois oiseaux préparés au « soufre, et brûlés par ce mode vicieux de conservation. » « Il n’y avait point de magasin. » I faut ajouter qu’il n'existait point non plus de ménagerie. NOTE II. (Voyez page 488.) Sur les règles générales de la nomenclature. Le choix que j'ai fait du nom de Primates pour le premier ordre de la classe des Mammi- fères, me fournit, dès le début de ce premier Mémoire, une occasion que je dois saisir, de poser et de faire nettement comprendre les règles de nomenclature que l’on trouvera partout appliquées, soit dans ce Mémoire lui-même, soit dans les travaux qui le suivront. Cet exemple est d’ailleurs l’un des meilleurs auxquels on puisse avoir recours, à cause du grand nombre et de la variété des noms proposés pour le premier ordre des Mammifères. Ces noms, au nombre de quatorze, sont, dans l'ordre chronologique, les suivants : 1. Anthropomorpha, Linné, dans les premières éditions du Systema naturæ. Primates, Linné, dans les dernières éditions du même ouvrage. Primates manuati palmoplantares, Storr, en 1780. Pitheci, Blumenbach, dans les premières éditions du Æandbuch der Naturgeschichte. Manuformes, Boddaert, dans les généralités placées à la tête de l'EZenchus animalium, DE & à en 1789. 6. Quadrumania, Boddaert, dans le corps du mème ouvrage. 7. Pédimanes, Daubenton, en 1792. 8. Quadrumanes, Quadrumana, Blumenbach, dans les préliminaires de son traité De ge- neris humani vartetate nativé, en 1795, et Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, dans leur pre- mière et célèbre classification des Mammifères, pareillement datée de 1795. 9. Poilicata, \liger, en 1811. NOTES. 587 10. Manuata quadrimana, Gotthelf Fischer, en 1813. 11. Primatia (division des CAtropoda), Rafinesque, en 1815. 12. Mammalia manibus orrnata, Wilbrand, en 1826. 13. Chetropoda, Ogilby, en 1836. 14. Primatès ou Singes, Blainville, dans son Ostéographie, 1839-1840. Entre ces quatorze synonymes, celui que j'ai préféré, Parwares, n’est, ni le plus ancien, ni le plus usité en France, ni peut-être le meilleur. Son choix néanmoins n’est nullement arbitraire : il résulte de règles dont la stricte observation pourra seule établir un jour en zoologie une nomenclature invariable et uniforme. Ces règles, que je me propose de comparer, dans un Mémoire spécial, à celles qui ont été récemment proposées en ltalie et en Angleterre, sont au nombre de quatre, et peuvent être ainsi énoncées : I. Rejeter les noms absurdes par eux-mèmes, ou contradictoires avec les faits ou les idées qu'ils sont destinés à exprimer ; car ils sont proscrits par la logique comme causes probables d'erreurs. IT. Rejeter les noms dejà employés dans une autre acception; la logique les proscrit égale- ment comme causes probables de confusion. IT. Considérer comme non avenus (toutefois en les citant en synonymie), les noms tombés en désuétude. En effet, ces noms n’ont réellement plus d’existence dans la science, et leur rétablissement entraînerait tous les mêmes inconvénients que la création de mots nouveaux. IV. Sauf ces trois exceptions, entre plusieurs noms proposés pour un groupe d'un degré quelconque, préférer invariablement le plus anciennement publié. La justice et le respect en- * vers les travaux antérieurs, ne commandent pas seuls cette préférence : la logique la réclame aussi. On doit choisir le nom qui es! le plus ancien, ét non celui qui paraë le meilleur; car, sauf des cas fort rares et exceptionnels, la date d’un nom estun ait incontestable et incon- testé; sa valeur peut être diversement interprétée selon les temps, les lieux et les doctrines. Les quatre règles qui viennent d’être énoncées, peuvent être résumées en une seule : lors- que plusieurs noms LOGIQUEMENT ADMISSIBLES, s0R/ USITÉS pour ur MÊME Jroupe; ADOPTER IN- VARIABLEMENT LE PLUS ANCIEN d’entre eux. En faisant, à titre d'exemple, l'application de ces règles à la détermination du nom qui doit être choisi pour le premier ordre des mammifères, on voit qu'il faut écarter : 1° Anthropomorpha comme tombé en désuétude. (Règle IL.) 2° Quadrumanes, Quadrumana, comme relativement récent. (Règle IV.) 3° Pitheci, Manuformes et tous les autres (les uns inusités dans ce sens, les autres absolu- ment inusités), par ces deux raisons à la fois. (Règles IIT et IV.) Donc il faut adopter PRIMATES, mot logiquement admissible, et le plus ancien des noms usités. (Voyez comme compléments de cette note, les Notes IV et V, relatives aux noms de fa- milles et de tribus, et la Note VII, dans laquelle j'insiste sur la nécessité logique de faire concorder la nomenclature francaise avec la nomenclature latine.) 588 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. NOTE III. (Voyez page 489.) Sur quelques règles subsidiaires de nomenclature, relatives aux noms de familles. L'usage ayant prévalu de réserver la terminaison 1exs (en latin ne), pour les noms de simples tribus, et de donner la terminaison 1pÉs ou és (en latin dec ou eæ) aux noms de familles, j'ai substitué dans ce Mémoire les noms de Lémuridés, de Tarsidés, de Cheiromy- dés, aux noms de Lémuriens, de Tarsiens, de Cheiromyens que j'avais jusqu'alors employés. J'ai conservé d’ailleurs à la première famille le nom de Singes; nom connu et compris de tout le monde, et auquel il n’y aurait aucun avantage à substituer, comme on l'a fait quel- quefois, les noms de Simiadés ou de Pithécidés. Puisque je suis amené à parler des noms de familles et de tribus, je compléterai ce que j'ai dit des règles relatives au choix des noms en général, en soumettant aux zoologistes les règles particulières que j'ai cru devoir suivre en ce qui concerne les noms de famille et de tribu. Ces règles, dont l'utilité m'a été démontrée par une multitude d'applications, et d’où résulte une économie considérable dans le nombre des mots nécessaires, paraissent avoir été admises aussi par les zoologistes anglais les plus distingués et par le prince de Canino. 1. Si une famille ou une tribu correspond à un genre linnéen, lui conserver, en en modifiant la désinence selon les conventions admises, /e nom linnéen. Exemples : de Lemur, de Mus- tela, de Felis, de Phoca, Lémuridés, Phocidés (noms de familles), Mustéliens, Féliens (noms de sous-familles ou tribus). IT. Si une famille ou une tribu ne correspond pas à un genre linnéen, faire dériver le nom de famille du nom du genre principal, et spécialement du genre-type s'il en est un que l'on puisse considérer comme tel. Exemples : de Pithecus, Pithéciens ; de Dasyurus, Dasyuridés. IT. Recourtr, toutefois, à un autre radical, si le nom du genre-type, en raison de sa va- leur propre et de ses données étymologiques, « un sens très-précis et non susceptible de géné- ralisation; d'où il suit qu'on ne saurait, sans inexactitude, l’étendre à la famille ou à la tribu tout entière. (Voyez pour exemple la Note suivante.) Ces règles se concilient avec la règle relative à l'ancienneté (Voyez p. 587), si l’on donne pour date d'ancienneté aux noms de familles et de tribus ainsi formés, celle de la création des noms de genres dont ils sont dérivés, et dans lesquels ils étaient en quelque sorte impli- citement contenus, puisqu'ils s'en déduisent selon des règles fixes et exemptes de tout arbi- traire. I est à peine besoin d'ajouter qu'en formant ces noms dérivés, on doit avoir égard aux règles de la formation des mots dans les langues auxquelles ils sont empruntés. Des noms génériques linnéens Sorez, Mus, Cervus, etc., on doit par exemple déduire pour noms de famille Soricidés, Muridés, Cervidés, etc., et non, comme on l'a fait quelquefois, SINGES. »8g Sorexidés, Musidés, Cervisidés, ete. ILest toutefois quelques cas où l’on est obligé de faire fléchir la rigueur des règles devant les nécessités de l’euphonie, ou bien encore de s’en écarter pour d'indispensables abréviations, dont les exemples ne manquent d’ailleurs pas plus dans les langues latine et grecque que dans la nôtre. NOTE JV. (Voyez page 495.) Sur la formation des noms de familles dans quelques cas particuliers. Parmi lesnoms adoptés, dans ce Mémoire, pour les diverses tribus de la famille des Singes, le premier, Pithéciens, et les deux derniers, Cébiens et Hapaliens, dérivent, sans aucune dificulté, et conformément à la seconde des règles énoncées dans la Note précédente, des noms génériques Pithecus, Cebus et Hapale. Mais il n’en est pas de même du nom que j'ai cru devoir proposer pour la troisième tribu. Le genre Cercopithecus étant le principal et le plus connu de cette tribu, et en représen- tant le type et en quelque sorte la moyenne, il semble que le nom de Cercopithéciens eût dû être adopté pour elle. Mais ce mot, parfaitement convenable pour les Cercopithèques , les Macaques, les Cynocéphales et tous les autres Singes à queue (il dérive en effet de K2p0:, queue, et de Iiÿr£ ou Iliÿ40<), ne saurait être admis comme nom général d’une tribu qui ren- ferme aussi des Singes sans queue. Il serait évidemment absurde de dire que le Magot est un Cercopithécien. Il a donc fallu renoncer ici, conformément à notre troisième règle (Voyez p. 588) à faire dériver le nom de tribu du nom du principal genre. Les noms de Semnopi- théciens, de Colobiens, et tous ceux que l’on eût pu déduire des noms des genres les plus an- ciennement et les plus généralement connus, ont de même dû être rejetés à cause du sens trop précis qui résulte de leurs données étymologiques ; et il a fallu recourir au nom de Cynopithéciens, qui a l'avantage de rappeler, seulement d’une manière générale, la marche quadrupède des Singes du second groupe et leurs afinités plus ou moins marquées avec les Mammifères des ordres suivants. NOTE V. (Voyez page 517.) Sur la possibilité de caractériser les divers groupes du régne animal par les modifications du système nerveux. Le passage suivant, extrait du Dictionnaire classique d'histoire naturelle (t. XIV, p. 659), est écrit depuis près de quinze ans, et publié depuis plus de quatorze : « Le système nerveux, dont l'étude a été depuis quelques années poursuivie avec tant d’ardeur par les anatomistes, maïs en même temps si négligée par les zoologistes, est l'un Aromives pu Museuw, tone I]. 75 590 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉEUM. des systèmes où se lisent avec le plus de netteté les conditions essentielles de l'organisation , parce que nul n’a des rapports physiologiques et anatomiques plus multipliés ; parce que toutes les modifications dans les habitudes et les conditions vitales d’un être, sont nécessai- rement eu rapport avec l'organe central de la vie, et que le cerveau en porte pour ainsi dire l'empreinte. « Sans doute, une classification fondée uniquement sur les modifications du système ner- veux serait vicieuse, comme l’est toute classification basée sur un caractère exclusif. Mais il nous semble que, des belles recherches entreprises depuis quelques années par plusieurs anatomistes illustres, on pourrait, dès aujourd'hui, déduire ce fait zoologique très-impor- tant, que chacune des grandes divisions d’une classe de vertébrés, tous ses ordres, peut-être même ses familles, présentent, dans certaines parties de leur encéphale , des modifications qui peuvent servir à les caractériser, et ont, si l’on peut s'exprimer ainsi, leur constitution cérébrale propre, de même que toutes les grandes divisions du règne animal peuvent être caractérisées par les modifications de l’ensemble de leur système nerveux. « Ce fait... aurait pour premier résultat de nous permettre d'apprécier les véritables rapports de ces êtres désignés ordinairement sous le nom d'anomaux, et que lon a si souvent introduits dans des familles auxquelles ils n'appartiennent pas, et dont ils empêchent qu’on pe puisse assigner avec rigueur et précision les caractères et les limites : tels sont l’'Aye-Aye parmi les Rongeurs, l'Ornithorhynque et les Echidnés parmi les Édentés, et une foule d'autres. » f NOTE VI. (Voyez page 521.) Sur de nouvelles formules dentaires Afin de bien faire saisir le plan des nouvelles formules que j'emploie depuis quelques au- nées dans mes cours, et dont j'ai donné quatre exemples dans le Mémoire qui précède (trois dans le texte et un en note; Voy. p. 521), je citerai ici, comme terme de comparaison, la formule dentaire des Singes de l’Ancien-Monde, telle qu’on la donne ordinairement; par exemple, telle que je la trouve dans la Mammalogie de M. Desmarest, dans le Manuel de M. Lesson, dans le Synopsis de J.-B. Fischer, etc. Cette formule est ainsi : Inc. #, Can. 1, Mol. 55, 52. L'emploi de telles formules me paraît entraîner de graves inconvénients. Bien qu'assez compliquées, elles sont très-incomplètes; car elles ne distinguent pas les diverses sortes de molaires. M. de Blainville a déjà senti cet inconvénient, et c'est pourquoi il a cru nécessaire, comme 1l le dit, d'imaginer des formules dentaires plus complètes. Dans son Mémoire déjà cité sur les Anomalies dentaires, \ donne même pour exemple des nouvelles formules qu'il propose de substituer aux anciennes, l'expression suivante de la dentition du Chien; expression bien plus exacte sans doute et bien plus com- SINGES. 591 plète que la formule ordinaire, mais aussi plus compliquée, et cependant ne renfermant pas l'indication totale du nombre total des dents. Li+C.i+M.$donti+i+a. En employant les formules de M. de Blainville, la dentition des Singes de l’Ancien-Monde que je représente ainsi, comme on l’a vu plus haut : 4G@I+C+2m+3M)—30D, a pour expression : 1.24 0C.5+M.S dont 2 +3. Je dois insister ici sur une objection, également valable contre les anciennes formules et contre les nouvelles et plus exactes expressions employées par M. de Blainville. Est-il rationnel d'exprimer en zoologie les nombres dentaires par des no/ations arithmé- tiques qui, dans toutes les autres sciences, sont usitées avec une valeur toute différente ? À mon sens, +, 3, ne peuvent pas plus, dans un livre zoologique que partout ailleurs, signi- fier autre chose que 5 divisé par 5, 3 divisé par 3, c’est-à-dire l'unité; £, 2, représentent nécessairement des fractions ; et £=£ ne peuvent être interprétés que d’une seule manière, 5 moins 5 divisé par 5 moins 5, c’est-à-dire £ ou le symbole de l'indétermination. NOTE VII. (Voyez page 526.) Sur la concordance nécessaire des nomenclatures latine et française. Le double nom donné au genre Orang, me fournit l’occasion d’une dernière remarque de nomenclature qui complétera utilement les Notes I, III et IV. Comme tous les auteurs, j'adopte, comme nom générique francais, lemot Orang, et, comme nom générique latin, le mot Pithecus. Ces deux noms sont très-différents par leur conson- uance ; leur origine, leur valeur étymologique, leur sens propre, n’ont rien de commun : en un mot, c'esten vain qu’on chercherait une analogie quelconque entre ces deux représentants d'une même idée dans deux langues différentes. C’est là, sans nul doute, un grave incon- vénient et presque une faute contre la logique; mais, malheureusement, c’est un inconvé- nient, c’est une faute consacrée par l’usage général. En fait, il ne peut et ne doit exister qu’une seule nomenclature; c’est celle qui est com- mune aux savants de toutes les nations, la nomenclature latine. Chaque être n’a donc et ne peut avoir qu’un seul nom scientifique, son nom latin, choisi ou formé selon les principes de la nomenclature linnéenne. Ce nom une fois établi dans la science, chaque nation le rend ensuite, autani qu’elle le peut, dans sa propre langue, tantôt y faisant passer ce nom lui-méme avec un léger changement d'orthographe ou de terminaison (Cercopithecus, Cercopithèque ; Tarsius, Tarsier ; Didelphis, Didelphe); tantôt /e traduisant (Felis, Chat; Erinaceus, Héris- 92 DESCRIPTION DES MAMMIFÈRES DU MUSÉUM. son; Sus, Cochon) ; tantôt le remplaçant par un equivalent plus où moins exact (Srentor, Hur- leur; Acheus, Paresseux). Le nom de Pithecus une fois admis dans la nomenclature latine, devrait donc avoir pour équivalent en français, Pithèque; et de même pour les autres langues ; par exemple, Pithek en allemand et dans la plupart des langues du Nord, Péeco en italien, etc. Telle serait l'appli- cation de la règle logique. Mais le mot Orang est consacré, non-seulement dans la langue zoologique, mais aussi dans la langue générale; et il serait aujourd’hui impossible de l’effa- cer de la nomenclature. De là l’accolement de ces deux noms qui ne concordent sous un autre point de vue l’un avec l’autre, et qui, par conséquent, imposent un double travail à la mémoire ; inconvénient fort grave, surtout dans une science où la terminologie logique- ment nécessaire, fût-elle aussi simple et aussi rationnelle qu’on pourrait le désirer, reste- rait encore tellement au-dessus de nos facultés. La même nécessité se reproduit à l'égard d’un grand nombre d’autres genres dans toutes les branches de la Zoologie, mais, plus que partout, en Mammalogie eten Oraithologie. Pen- dant que Linné et ses disciples constituaient la nomenclature zoologique d’après les princi- pes qui régissent encore aujourd’hui la science, Buffon, et à son exemple quelques autres naturalistes français, tels que Levaillant, appliquaient aux Mammifères et aux Oiseaux une nomenclature fondée sur des principes tout autres, ou plutôt dépourvue de principes fixes. De là l'existence, pour un si grand nombre de genres, de deux noms tout différents, l’un la- tin, l’autre francais, également consacrés par l'usage, et pour jamais établis dans la science. Il faut subir ce grave inconvénient, puisque nous .ne saurions l'éviter. Mais, du moins, nous devons nous garder d’y ajouter à l'avenir, et de créer à notre tour de nouvelles difii- cultés à nos successeurs. Sachons ne plus nous écarter de cette règle logique qui veut que chaque groupe d'êtres ou chaque être distinct ait un nom, mars n'en ait qu'un. Et surtout, lorsque nous créons des genres nouveaux, ne nous laissons pas entraîner à accoler, comme on l'a faitencore il y a peu d'années, un nom latin, régulièrement formé selon les règles linnéennes, et un nom français, ou plutôt barbare, tiré d'un nom de pays arbitrairement modifié, parfois même imaginé selon l'idée du moment, et absolument étranger au premier, Nul plus que moi n’honore les travaux de M Frédéric Cuvier, et n'admire ceux de l'illustre auteur du Règne animal; mais leur autorité ne saurait prévaloir sur les principes ; et j'ose- rai dire que ces deux naturalistes éminents ont donné des exemples que l’on doit se garder de suivre, lorsqu'après avoir admis pour noms génériques des mots tels qu'Ailurus, Ictides, Mydaus, Crossarchus, ete., ils ne les ont pas rendus dans notre langue par leurs analogues naturels Ailure, Ictide, Mydas, Crossarque, mais leur ont substitué des synonymes tels que Panda, Benturony, Télagon, Mangue, etc. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE DEUXIÈME VOLUME. Description des crustacés nouveaux ou peu connus, et remarquables par leur 5 organisation, conservés dans la collection du Muséum d’histoire naturelle, par MM. Audouin et Milne-Edwards.. Avec3 planches (pl. 1, 2, 3). CCC Nouvelles recherches sur l’organe électrique du Malapterure électrique; par + M. 4. Valenciennes. .... css ss ses Avec 1 planche (pl. 4). "Notice sur un voyage dans l’Arabie-Heureuse; entrepris par M. Paul-Ermile Botta , naturaliste-voyageur du Muséum Plantes de l’Arabie-Heureuse , recueillies par M. P.-Æ. Bolta, et décrites par M. J. Decaisne, aide de botanique au Muséum. sons Avec 3 planches (pl. 5, 6, 7). Recherches physico-chimiques sur la teinture; par M. Chevreul Second mémoire sur les Kaolins ou argiles à porcelaine, sur Ja nature et l’ori- gine de cette sorte d’argile; par MM. Alexandre Brongniart et Malagutr. Nouvelles recherches sur le Nautile flambé; par M. 4. Valenciennes € à Avec 4 planches (pl. 8, 9, 10, 11). ne Aneuives pu Muséuu, roue II. 76 . EP 1 © va , } LA ch - * 1 L * Pages. Le ‘ + # , 594 TABLE DES MATIÈRES. - ”. Recherches sur le développement des os et des dents; par M. Flourens..... 515 Avec 12 planches (pl. 12 à 23). 1.4 sr e Description des crustacés nouveaux ou peu connus, conservés dans Tcble lection du Muséum d'histoire naturelle; par MM. Milne-Edwards et Avec 6 planches (pl. 24 à 28). + Description des Mammifères nouveaux ou imparfaitement connus de la collec- tion du Muséum d'histoire naturelle, et remarques sur la classification et _ les caractères des Mammifères. Premier Mémoire. Famille des Singes; par M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire................................ 485 : Avec 6 planches (pl. 29 à 34). FIN DE LA TABLE DU DEUXIÈME VOLUME. Archives du Muséum.Tome 2 | PL Audi partes zool, delin, Melle Noiret ac Serole de Gaudichaud,. (Sero/rs Caudichaudir. Ana et Eaw) Archives du Museum. Tome 2, Pie? = | Aud. et Edw partes z001 delin. Mlle Noiret ae. SEROLE SÆROLIS 1-7. S. de Gaudichaud (S.Gaudichaudif AuduEaw) 8-9. S.de D'Orbigny (if Orbronrr And et Edw) 10. S.paradoxe (4. /2radoxa Fabr) 11 S trilobitoide (5. trilobitordes Eiëhts) Archives du Museum.Tome-2, LT, 1 D VO RTMR F A NU on 4 il HAN a Dar! 1 SAT ECREVISSE DE MADAGASCAR. _ ASTACUS MADAGASCARIENSIS AL 20 e FE " x” } or a € n.lome z MALAPTERURE ELECTRIQUI MALAPTERURUS ELECTRICUS Lacep Nix Archives du Museum. Tome 2. PTANA (1) Ar £: Taillant seuls 1 Peousrne del. FRUCTIFICATION DES ALGUES, 1 & duillez utilrs PIENTE Tome 2. _Museum Se S Re a \e \ A SS: Sas = CAUTERPA. B LEVEILLEA À SRE (| # y | | | N HA { ae à 0 4 AN J Re 7 À | J | ÿ ) { Ÿ | 1 y N 1 / DE | 4) | \ VD V UE V \ Â ÿ \ ?] f LEE LL LS SES L = = 4 SELAGINELLA IMBRICATA Spring . P1. VIE (3) MÈE Tiullant scup. > RS de»), Aer, 4 H 4 ÿ en RAR mme 211% t 2/0 (Nautilus pompilius ! ù 1 FLAMBE DE" NADINE 1) ec replacé dansune coquille coup et détails du Système NCTVeUX., ‘ # a « j 4 2" à , robe È en - d9U]QIU) U0S Ja 2 2] } ) [ou PA M'TILNANN 21 o: % # Le 4 + Vu + [7 ss | ns $ N . , = | 4 Dom r J SL À XI Lai IÉPE à 7 4 gite, Sn TP SAT ? 4 : | ; “| 1 4 où) de LP "24 + ' dE + - à 1 x ee + . | AY : 4 Aféhiyes du Muséum. Tome $3 MIRE Î Tiès= e : NE k LR NAUTILE vu par dessous après. avoir rejette le manteau 4 . son appareil circulatoire et la Jatiote, is s) ; > è M" 4 £ Ë fes j ANA hi, L + ‘Archives du Muséum. Te #7 L . Le Li dt (ll K| | le Mal : n des bras, de l'entonnoi® et du syphon De Midu NAUTILE. (1) fé ACTION DE LA GARANCE SUR LES 08. PI. XIIT: Ar ) Q à =. S MIEL ; (25 EN Tree «+ ACTION DE LANGARANCESSUR LES'OS. \rehives du Muséum ‘lome 2 9) Borromée dir ACTION DE LA GARANCH 'SURLES OS. Long de Borsgeurt #1 YŸ PI, XVI . du Muséum. Tome 2. Rive: SBorromeascdezr. OS. 0 GENERATION DES , , à on RIT Transformation du périoste en os. XVII A 0722 ) 6 ( REGENERATION DES OS. 0 Transformation du lérioste en os. Production de la membrane médullaire par le périoste. Li XVI. PIN Î Al er Borrome GT) ! PERTOSTE EN OS. IMRANSIEORMATEON, DU Formation du cal. ge - PI. XIX. LBorrernee dir (8) par la membrane medullaire d'un nouvel os dans l'intérieur dé l'os ancien. Production LA (a n à : 3 “ (a ‘et J'AI SERS -Muséam.Tome 2. FI SS! 2 ts] 4 S 2 7 8 CE 10 2 Ê 13. 14 15 EC lez Î Le | | | N° +--4 Ft AT Il 17 18. (9) Borromcë dir. ACTION DE LA GARANCE SUR LES DENTS. DEVELOPPEMENT DES DENTS. as ie PI: XXI. (10.) - DÉVELOPPEMENT DES OS EN GROSSEUR. Amp Ÿde Bougourd XXII. PI Archives du Museum. Tome 2, Fonromée der Cure) ’ EN LONGUEUR OS DES À. ME VELOPPE . DE Inp % de Pougeart. XXIIL. PI Barromes dir + ; + LE Z Er = UC D ÉD = 2 & = ee Î pese È ER ù en $ In On 2 A] RE n à 5 6 7 ; & ; _ Archives du Muséum. Tome 2. N > IW7 SUAIAYYS S'HGOILLIT SHENV SHLHNO) V HCOILI ‘AIXX "r AUOT, UN SN np SOATUOI\ | Archives du Museum . Tome 2. : PL. XXV. , ORGANISATION DE LA LITHODE A COURTES PATTES. ne. Archives du Museum. Tome 2, 1 PL. XXVI Q * ORGANISATION DE LA LITHODE A COURTES PATTES. Archives du Muséum. Tome 2. PI, XXVIL, ORGANISATION DE LA LITHODE À COURTES PATTES. + Archives du Museum,Tome 2 ALBUNHIPPE ÉPINEUSE ; { AZBUNHIPPA SPINOSA. Nob EURYNOLAMBRE AUSTRAL. | EURYNOLAMBRUS AUSTRALIS. ob, CRYPTOPODIE ANGULEUSE. { CRYPTOPODIA ANCGULATA. Nob. PI, XXVIII & | (Te du Museum. Tome 2, PL. XXIX. tnt par Werner, (or) Diriqé rar Portes GIBBON ENTELLOIDE, HYLOBATES ENTELLOÏDES. À Goff. € CZ Amp de Bougeart Sa CAN { | Archives du Muséum Tome 2 P] l | | | | SEMNOPITHEQU E DUSSUMIER, SZANOPITHECOS DUSSOMIERI, 2 ï « L Ù : die à * 14 # » A 0 h. = . 0 $F . #! A } : & « se ie i ‘ + , 397 ï Es d : ’ n , "4 p + A e - f ; t £ t # o . ï “ : A , L De 7 "q + s l * ï 2 4 4 £ V2 e ; , e ' à . ' # | » à À j l . ; ÉA . : r ” 5 . . + fs ” ” C * ‘ Aruves du Muséum, Tome 2 PI, XXXI | Dirigé par. Bi bnir Herner | | CERCOPITHÈQUE MONOÏDE. CÆRCOPITHECUS MONOÏDES. Z Goff 1 À / D} 07 4? SYUIYIA-ONNY SDODAHIITODYHD HUMASXAO ANOMITL TION HAN Jury, sf um L/4 74 x < ao] “UNOESNIY np SAATUYH AY ls «parvbeg 9p a Aug OUI MOULA SUNIddI'TIHd SHA HAÔVOVH É ASIE SO TOY ouLog né 677 # IXXX Id SO NIHOHFY SIP HIONA I) Lo aUuo] LATE 1 np SYHATUI mes _ 35 % TAN fi He j