r>V; llk ag^^Ka 3. ’ Digitized by the Internet Archive in 2015 - : -, « i •’ ' > •v ' ; *• >'• https://archive.org/details/b21304038_0003 KING’S College LONDON ~î ~oMH& Qui fl 1 4/J Library gtvwvu vu 'H/l e m b/ft'ijâvet pi hUidTHZ. tvA-7 97. d' H I S T O I R E NATURELLE. 5 quélle il sacrifioit ses propres intérêts. Dès i685 il avoit attiré, du fond de la Provence, Tournefort(i),quesa réputa- tion avoit devancé à Paris, et, mettant à part tout senti ment de rivalité, il lui avoit transmis sa chaire de botanique. Ce savant, devenu depuis si célèbre, ne fut pas plutôt installé dans ses nouvelles fonctions, qu’il chercha à en- richir le jardin par les mêmes moyens qui a voient réussi à Fagon. Il visita l’Espagne , le Portugal , l’Angleterre et la Hollande , et rapporta de ces divers pays une ample moisson. Les savans les plus estimés de chaque lieu acceptèrent avec plaisir les relations qu’il leur proposoit, et il refusa, .par attachement pour son pays, une place très-supérieure à la sienne, qui lui fut offerte chez les étrangers. Revenu a Paris, entouré des richesses nouvelles qu’il avoit acquises. (1) Josepli Pitton de Tournefort , né en i656 à Aix en Provence, renonça à l’état ecclésiastique auquel sou père le destinoit, pour s’occuper des sciences physiques et sur-lout de l’élude des plantes qui avoient pour lui un attrait particulier.il étudia l’anatomie et la médecine à Montpellier , et après avoir visité le jardin de cette université , il parcourut encore le Roussillon , la Catalogne, les Pyrénées , le Languedoc, le Dauphiné, les Alpes, la Provence, et revint à Aix mettre en ordre les objets qu’il avoit recueillis. Il étoit médecin dans l’université d’Orange* la plus voisine de sa patrie. Lorsqu’il fut à Paris , Fagon le détermina à se faire recevoir encore dans la faculté de cette ville pour prévenir de nouvelles ini- mitiés de corps ; il prit le bonnet de docteur en 1696 , après avoir parcouru la licence. L’académie des sciences l’a voit adopté en 169.1. H fut professeur de médecine au collège royal de France en 1706, et après avoir joint la pratique a ses autres occupations , après avoir rempli pendant quelques, années la place de médecin des incurables , il mourut en 1708 , à la suite d’un coup reçu de l’essieu d’une voiture. Soit domieile étoit rue Saint-Victor, entre celles de le Montagne SainlerGeneviève et de Saint-Nicolas. Il fut inhumé dans le petit cimetière de la paroisse Saint-Etienne-du-Mont. Fontenelle a fait son éloge dans lesMém. de l’Acad. des sciences, 1708, p. i43. * 1 4 ANNALES DU MUSEUM il les rassembla en i6g4 dans ses Eléniens de botanique , qui présentaient les plantes disposées suivant une méthode nouvelle. Cet ouvrage lit une révolution dans la science, dont la marche étoit auparavant vague et incertaine; Fauteur en donna, en 1700, une édition latine sous le titre d’ Institutiones rei herbariœ. Après cette publication qui devoit accélérer les progrès de la botanique , il désira connoître Fhistoire naturelle du Levant, et particulièrement les plantes qui y croissent. Fagon, instruit de son projet, lui facilita les moyens de Fexécuter. Il fut envoyé en 1700, aux frais du gouverne- ment, en Grèce, en Asie, et en Egypte, et se fit adjoindre pour ce voyage, Aubriet, peintre du jardin, avec Gun- delsheiiner(i) , excellent médecin allemand très- versé dans la science des antiquités. Pendant son absence, qui dura deux ans, Morin (2), son ami et son confrère, remplit sa place de (1) Il lai dédia, sous le nom de Gundelia , un des nouveaux genres découverts dans ce voyage. (2) Louis Morin, né au Mans en i635, médecin de la faculté de Paris en 1666, reçu à l’académie des sciences en 1699 comme botaniste, avoit travaille avec Fagon au catalogne des plantes du jardin, qui parut en i665 sous le nom de Vallot et de Jonquet. Grand admirateur de Tournefort, il rectteilloit tout ce qui sortoit de la plume de cet auteur. Il transcrivit littéralement toutes ses lettres écrites du Levant , qui ont fourni les matériaux du voyage imprimé, et son manuscrit existe maintenant dans la bibliothèque de l’auteur de cette notice. Morin médecin de l’Hôtel-Dieu , remeltoit dans le tronc de la maison les appoin- lemens qu’il recevoit. Retiré dans l’enceinte de Saint-Victor , et visitant chaque jour le jardin des Plantes , il vécut ainsi jusqu’en 1715. Tourneforl donna son nom à un de ses nouveaux genres du Levant. Voyez son éloge par Fontenelle , Mém. de l’Acad. des sciences, 1715, p. 68. Un autre botaniste, Pierre Blondin , fut quelquefois chargé par Tournefort de faire pour lui les leçons, lorsque celui- 5 d’ histoire naturelle. professeur. Après son retour il reprit ses fonctions, et publia dans un supplément sous le nom de Corollaire, les plantes, au nombre de plus de i5oo, recueillies dans les pays parcourus; il avoit auparavant donné Thistoire des plantes des environs de Paris : son dernier ouvrage fut la rédaction de son voyage , dont le premier volume parut de son vivant, et le second après sa mort, arrivée en 1708. Ce voyage, Fun des plus estimés, soit pour le fonds, soit pour la manière dont il est rédigé, peut servir de modèle aux autres ouvrages du même genre. La botanicpie lit une grande perte dans sa personne; il avoit formé une science et ouvert une nouvelle route aux recherches. Ce n’est pas ici le lieu de porter un jugement sur ses travaux: la pos- térité a assigné à ce grand homme la place qu’il doit occu- per parmi les savans ; il en mérite une particulière soit parmi les bienfaiteurs du jardin auquel il légua son herbier et sa collection d’histoire naturelle, soit parmi ceux qui ont illustré cet établissement. Dans le même temps, un autre savant concouroit de son côté à l’avancement de la même science. Vaillant (1), pé~ ci étoit malade. L’académie des sciences l’admit dans son sein en 1 7 1 2 , et il mourut l’année suivante , à l’âge de 3i ans , laissant un herbier assez considérable. Tourne- fort en faisoit beaucoup de cas , ce qui laisse de lui une bonne opinion. Son éloge est dans lesMém. de l’Acad iji3, p. 78. (1) Sébastien Vaillant, né en 1669 à Vigny près Pontoise , étudia seul dès l’âge le plus tendre les plantes de son pays , qu’il "assembla dans le jardin de son père, sans en connoître le nom. Il fit ensuite ses études à Pontoise, où il apprit aussi la musique qu’il posséda bientôt assez pour pouvoir, à l’âge de 11 ans, remplir dans une église du lieu , les fonctions d’organiste. Il prit de plus dans l’Hôtel-Diett de cette ville, les premières notions d’anatomie et de chirurgie, et 6 ANNALES DU MUSEUM uétré du même amour pour les plantes, élève assidu ^de Tournefort dont il médita les ouvrages avec fruit, fit des remarques judicieuses sur ces travaux de son maître. Fagon, qui connut le mérite de cet élève observateur, se rattacha d’abord comme secrétaire; ensuite il crut faire le bien du jardin en lui confiant la direction de ses cultures, auparavant confiée à un intendant dont le titre, créé pour la Brosse, avoit été supprimé en i655 sous Vallot, après le décès ou alla en 1688 travailler sons un maître à Evreux. Il devint, en iGgo, chirurgien d’armée, et assista en cette qualités la bataille de Fleurus. Reçu comme externe en i6gt .à l’Hôtel-Dieu de Paris, il put alors pour la première fois assister aux leçons de Tournefort dont il devint un des élèves les plus zélés. Fagon eut 1’o.c- casion Ae le counoîlre , et en le prenant pour son secrétaire , lui facilita les moyens d’herboriser dans tous les parcs des maisons royales. Il se .composa un herbier nombreux, augmentaeeux.de Fagon et de Tournefort, et ajouta de nou- velles plantes dans l’école du jardin de Paris , ce qui détermina Fagon à lui donner la direction des cultures de ce jardin avec un logement dans son enceinte. Environ huit ans après ( en 1708) il le nomma sous-démonstrateur : c’est en celte qualité que Vaillant fut chargé, en 1716, de commencer les leçons dans le jardin en l’absence du professeur. Son discours d’ouverture, qui a été imprimé , présente l’annonce du sexe des végétaux jusqu’alors inconnu ou contesté , et que Tournefort n’avoit pas aperçu. L’ouvrage de Vaillant sur les plantes des environs de Paris, qui exigeoit des avances auxquelles les libraires se refusoient , n’auroit peut-être pas été publié sans les soins généreux de Boerbaave qui fit ces avances en payant les dessins et gravures, et dirigea lui-même l’impression, comme ü « avoit déjà fait pour d’autres ouvrages utiles d’une impression dispendieuse. Il mit à la tète de celui-ci une préface qui contient, sur la vie de cet auteur , des notices dont on a extrait ici quelques faits principaux. Vaillant fut reçu à l’académie des sciences en.1716, et y lut plusieurs mémoires, principalement sur les plantes composées : on ne trouve point son éloge dans ce recueil. Il avoit une très- belle écriture. -, l’auteur de cette notice possède deux manuscrits 1 nombre d’auditeurs , qu’il y a peu de gens qui aiment leur profession , qui ne 3) s’y soient rencontrés. » (4) Jean Devaux , chirurgien estimé , mort en 172g , auteur de \ Index funereus Clifrurgorum parisiensium..... publié en 1728, donne la qualification de démons- trateur au jardin royal a plusieurs chirurgiens , tels que Gigot , Martin, Arnaud , Poncelet qui ont existé de 17x3 à 1726. ï6 ANNALES DU MUSEUM étoient occupées par des savans qui jouissoient de l’estime publique , et ceux qui les secondoient pour les démonstra- tions partageoient cette estime. Un nouvel amphithéâtre (i) avoit été construit pour faciliter l’instruction. La culture étoit dirigée par un homme instruit et vigilant ; le nombre des plantes augmentoit chaque jour. Les fonds pour toutes les dépenses étoient fournis exactement. Une concession d’eau de la Seine avoit été ajoutée à celle des eaux d’Ar- cueil. Le droguier commençoit à prendre une forme de cabinet qui faisoit pressentir de nouveaux agrandissemens. Le peintre Aubriet, successeur de Joubert, et logé au jardin , continuoit à dessiner les plantes nouvelles pour augmenter la collection (2) des vélins, commencée par Gaston d’Orléans. Telle étoit, en 1716, la situation de cet établissement, lorsque Louis XIV mourut laissant le trône à son succes- seur encore enfant. Fagon, âgé et infirme, demanda sa retraite, et la place de premier médecin du jeune roi fut donnée à Poirier, qui avoit été son médecin particulier; mais le duc d’Orléans regent crut devoir conserver à Fagon, pendant sa vie, la surintendance du jardin des plantes. Ce (1) Cet amphithéâtre qui pouvoit contenir 600 élèves, étoit placé dans le bâtiment situé entre la grande porte d’entrée du jardin , et la terrasse de la grande hutte; son laboratoire étoit adossé à cette terrasse. 11 a subsisté jusqu’à l’époque où l’on a construit celui qui existe maintenant; plusieurs des professeurs actuels y ont donné leurs leçons, (2) Celte collection avoit été confiée à Fagon qui en resta dépositaire jusqu’à la mort de Louis XIV. A cette époque il la remit dans le cabinet du roi pour lequel Colbert l’avoit acheté. Le régent la fit ensuite transporter à la bibliothèque nationale. d’ HISTOIRE NATURELLE. .1 7 vieillard respectable, voulant passer ses derniers jours dans une retraite douce et tranquille , vint habiter le lieu qui l’avoit vu naître , et s’occupa dans son loisir du soin de le faire prospérer, en secondant les vues de ceux qu’il avoit associés à ses travaux. Ils eurent l’avantage de le conserver encore pendant trois années au milieu d’eux, et le per- dirent le 11 mars 1718 (1). Sa mémoire sera toujours en vénération dans l’établissement auquel il procura de nom- breuses collections, des locaux propres à les recevoir, des moyens de les conserver, et sur-tout des professeurs qui honorèrent leurs places. (1) Il mourut à l’âge de 80 ans, dans l’appartement où il étoit né et qui a été depuis changé en salles de minéralogie des galeries d’histoire naturelle. L’académie des sciences l’avoit admis en 1699 parmi ses membres honoraires. Il étoit doyen d’âge de la faculté de médecine qui conserva le souvenir de ses services. Obiit.... pir immortalitate dignus et in facultatem benijicentissimus , omni laude major } virtute , scientiâ et probitate nemini impar. Comment, fac. ann. 1718. Son corps repose dans l’église de Saint-Médard. l8 ANNALES DU MUSEUM MÉMOIRE Sur quelques fossiles rares de Vestena Nova dans le Véronais, qui n’ont pas été décrits , et que M. de Gazola a donnés au Muséum national d’histoire na- turelle en l’an 1 1 . par FAUJAS-SAINT-FOND. La collection des poissons fossiles de Vestena Nova dans le Véronais, dont le Muséum national d’histoire naturelle s’est enrichi, doit être considérée comme unique en son genre ; il falloit être animé d’un noble enthousiasme pour l’avancement des connoissances qui tiennent à la théorie du globe, ainsi que l’a étéM. de Gazola, pour mettre autant d’activité et de constance dans ses recherches ; il falloit avoir sa fortune et son désintéressement pour sacrifier de grandes sommes à l’acquisition de plusieurs cabinets, et pour faire fouiller pendant plus de trente ans dans le sein d’une montagne recouverte de lave; c’est de cette manière que ce savant a obtenu la plus nombreuse réunion d’objets en ce genre qu’un particulier puisse se procurer. Cette étonnante collection fait à présent un des principaux ornemens des galeries du Muséum d’histoire naturelle. M. de Gazola se propose encore de l’augmenter en j réunissant géné- reusement le fruit de ses nouvelles recherches. Cet homme (> / Jio<ŸSi/(\s' Festencfy /iou as dans Is ÿ&ro iuzi deux qui sont court au bout du creux du corps sont les plus gros et les plus » longs, les deux suivans , en-deçà , au-delà un peu moindres, les deux antres quü 3> sont plus à côté, sont les plus petits de tous. « Rondelet , histoire des poissons , édition française de i558, in-fol. pag. 2 4 ANNALES DU MUSEUM connus dans le commerce sous le nom de chevrettes ou crevettes , qui se rapportent au genre Palæmon et crangon de Fabricius. Cancer (astacus) squilla Herbst, planche XXVII , fig. 1. Cancer , (astacus) crangon du même, planche XXIX , fig. 3 et 4. Mais le Cancer squilla étant beaucoup plus petit que le fossile, il seroit plus convenable de le rapporter au crangon qui est plus gros ; telle est l’opinion de M. Latreille , que j’ai été bien aise de consulter. Cepen- dant, malgré la déférence que mérite le sentiment de ce naturaliste très-versé dans la connoissance des insectes et des crustacés , j’inclinerois beaucoup à regarder le crabe fossile dont il est question^ comme plus voisin du cancer pedunculatus de Herbst, figuré par ce savant dans sa 43.e planche coloriée , fig. 5. Mais comme ce dernier, qui est exotique , est rare , et qu’il n’existe pas dans les collec- tions du Muséum, on ne peut s’en rapporter qu’à la figure; il est donc prudent de suspendre son opinion, jusqu’à ce que des circonstances plus favorables nous mettent à portée d’examiner l’insecte en nature. Je pourrai publier , dans les Annales du Muséum , la des- cription de quelques autres objets inédits de VestenaNova, me bornant à ceux qui sont étrangers à la belle suite de poissons du même lieu, qui doit former l’yctiologie du Véronais, dont le travail appartient à M.le chanoine Volta; je me serois même fait une délicatesse de glaner dans un champ qui lui appartient, et qu’il sait cultiver avec tant d’avantage pour le profit de l’histoire naturelle, si M. de Gazola ne m’avoit assuré que le travail de M. Volta devoit être exclusivement consacré à la description des poissons fossiles de cette montagne. d’ HISTOIRE NATURELLE, 2:5 Sf"r^ss=. - . ». ■-■ SUR LA CRÉNATULE, r~ •' « NOUVEAU GENP.E DE COQUILLAGE. Par LAMARCK. Il paroît, par ce qui est déjà connu, et par la quantité d’objets nouveaux que les naturalistes recueillent encore tous les jours dans leurs voyages, que les Mollusques qui vivent renfermés dans une coquille, sont extrêmement nombreux dans la nature. L’étude de ces animaux, sous la considération de leur organisation et sous celle de leur grande diversité , a obtenu, avec beaucoup de raison, sur-tout depuis quelques années, l’attention des naturalistes ; et quant à la méthode la plus convenable de classer les animaux dont il s’agit, et de dé- terminer les genres parmi eux, on sait maintenant que les rapports qui existent entre l’animal et la forme de la coquille dans laquelle ils habitent, permettent d’employer, sans inconvénient, la considération même de la coquille, au lieu de celle de l’animal. L’emploi de cette considération rend l’usage de la méthode plus facile et plus commode, et 5. 4 les objets dont elle se sert ont l’avantage d’ètre en tout temps plus reconnoissables , de se conserver en meilleur état dans nos collections, et d’intéresser singulièrement par l’extrême diversité des formes, et par l’admirable variété de leurs couleurs. Ainsi, depuis qu’il est reconnu que la forme générale des coquilles rappelle celle de l’animal même, et indique ce qu’il y a d’essentiel dans son organisation ; depuis qu’on sait que jusqu’aux moindres particularités de ces enveloppes pierreuses , toutes sont dépendantes de celles de l’animal qui les a formés, l’étude des coquillages n’est plus bornée à satisfaire une curiosité stérile, et la collection de ces objets n’est plus restreinte à offrir une suite de corps singuliers qui n’intéressoient que par la variété infinie des formes et des couleurs , et que par la rareté et le prix considérable de certains d’entre eux. Cette étude est celle d’une branche intéressante de l’histoire naturelle, et son objet est d’étendre nos connoissances sur cette partie des productions de la nature , afin de ne laisser nulle part aucun vide à remplir, relativement à tout ce que la nature présente à nos observations. Linné, vraisemblablement pénétré de ces vérités, ne négligea point la considération des coquilles dans son système de la nature, et il fixa les parties delà coquille qui étoient les plus propres à offrir de bons caractères pour la détermination des genres, en n’empruntant ceux des coquilles univalves que de la considération de leur ouverture, et ceux des coquilles bivalves que de celle des particularités de leur charnière. Mais après avoir établi des principes pour classer et îf HISTOIRE NATURELLE, 2^ caractériser les coquillages,, il ne lit, en quelque manière, qu’une esquisse du travail qu’exige cette partie de la zoolo- gie : en sorte que plusieurs des naturalistes qui sont venus après lui, reconnoissant le fondement des principes qu’il a posé, ont été forcés, en les adoptant, de perfectionner la méthode en étendant ses divisions, et de multiplier les genres à raison de la quantité d’objets nouveaux qui furent successivement découverts. Dans son esquisse des vers testacés , le genre ostrea , qu’établit Linné , fut, comme la plupart de ses autres genres de coquillages, beaucoup trop étendu; puisqu’il comprenoit , outre les véritables huîtres , le beau genre des peignes, celui des limes , celui des pernes , et plusieurs avicules. Bruguière fit en grande partie disparoî tre cet inconvénient , en séparant du genre de l’huître, les peignes et les pernes qui constituent deux genres naturels, très-distincts, ht singulièrement remarquables par les caractères qui leur sont propres. Depuis, Bruguière, adoptant comme lui les principes et la méthode de l’illustre naturaliste Suédois, avec quelques modifications jugées nécessaires ; j’ai déterminé les genres lime, houlette, avicule, marteau, vulselkq et gryphée que Linné comprenoit parmi ses ostrea » Aujourd’hui je propose aux naturalistes l’établissement d’un nouveau genre de coquillage, de la division des bivalves irrégulières, qui paroît très-voisin des pernes par beaucoup de rapports, et malgré cela qui en est éminemment distinct par plusieurs caractères remarquables qui lui sont particuliers: en voici l’énoncé» 4 * 28 ANNALES DU MUSEUM CRENATULE. Crenatula. Coq. bivalve, irrégulière, aplatie, fermée, ne donnant passage à aucun byssus ; charnière linéaire , composée d’une rangée de crénelures, à disque concave, qui reçoivent le ligament. Testa bivalvis , irregularis, complanata , clausa , bjssum nullum exerens ; cardo linearis , sérié fossularum liga - mentum excipientium excavatus et crenatus. OBSERVATIONS. Dans le genre remarquable des pernes que Bruguière établit avec Yostrea perna , Yostrea isogonuni , Yostrea ephipium de Linné, et avec quelques autres espèces non décrites, la charnière est linéaire, coupée d’une multitude de sillons transverses, allongés, paralles, qui reçoivent le ligament, et dont les interstices présentent des dents linéaires qui s’appliquent les unes contre les autres lors- que les valves s’ouvrent, et ne s’interposent point comme celles des arches. Dans ces mêmes coquilles, le côté antérieur de chaque valve offre dans le voisinage des crochets, une callosité lamelle use , et une ouverture qui donne passage au byssus de l’animal. Au contraire, dans la crénatule, la charnière ne pré- sente qu’une rangée de fossettes qui la font paroître crénelée, et dont les interstices ne sont point des dents linéaires. D’ailleurs on ne remarque aucune callosité sur le bord des valves, et lorsque les valves sont fermées, on ne voit d’ histoire naturelle. 29 aucune ouverture qui puisse donner passage à un byssus de l’animal. Je 11e connois encore que deux espèces qui appartiennent au genre crénatule; l’une et l’autre me paroissent nou- velles et très-rares : voici leurs caractères. ESPÈCES. 1. CrÉNATULE AVICULAIRE. Crenatula ( avicularis ) subrhombea , compresso-membranacea 5 obsoletè squamosa j lineis ondulatis radiatim picla j val vis ince- qualibus. n. Cette jolie crénatule est d’une forme presque romboïdale , qui ap- proche de celle d’une ayicule , et particulièrement de celle repré- sentée dans l’encyclopédie , planche 177 , f. 5 et 6. Elle a les valves minces, presque membraneuses, fragiles, jaunâtres ou orangées à l’extérieur , avec des lignes blanches onduleuses , qui partent des crochets et s’étendent en rayonnant sur toute la superficie des valves. Leur face interne est blanchâtre , nacrée comme argentée et irisée à la place qu’occupoit l’animal. Les deux crochets réunis forment à la base de la coquille un bec court et obtus. La longueur de cette coquille est d’environ 7 centimètres ( à-peu- près 2 pouces 7 lignes, ) sur une largeur de 5 centimètres ( environ 1 pouce et 10 lignes ). La crénatule aviculaire a été rapportée des Antilles par le capi- taine Baudin , et fait maintenant partie de la riche collection du Muséum. Nota. La valve supérieure est plus bombée ou convexe que l’infé- rieure , et son renflement est irrégulier et presque en bosse. La co- quille n’offre nulle apparence d’avoir eu de l’adhérence avec des corps marins. 00 ANNALES DU MUSEUM 2. Crénatule mytiloïde.. C rénal nia ( mytiloïde s ) oblonga } lævis , violacea anticè super-* nèque compressa- carinata ; natibus intàs lamellis submembrcinaceis arcuatim fornicatis. n. Lorsque la coquille est fermée , il n’est personne qui ne la prenne pour une moule , et même pour un grand individu de l’espèce que l’on mange. Mais dès qu’on a séparé les valves, on est surpris de voir à la place où s’attache le ligament , sur le bord postérieur de chaque valve, une rangée de fossettes qui caractérisent sa charnière et la rendent crénelée. Ainsi la crénatule mytiloïde est fortement distincte de l’espèce qui précède , puisqu’elle a l’aspect d’une uioule ; mais comme elle lui ressemble par les caractères du genre , elle confirme l’existence dans la nature de ce singulier genre de bivalve, c’est-à-dire d’un groupe ou d’une série d’espèces qui , quoique très-distinctes , sont liées entre elles par des caractères communs. La crénatule mytiloïde est unicolor , d’un violet noirâtre ; et inté- rieurement on distingue la place de l’animal par un espace alongé , brillant nacré et fortement irisé , également marqué sur chaque valve. Ladongueur de cette coquille est de 7 5 millimètres, (environ 2 pouces 9 lignes ) et dans sa partie la plus large , elle a 4 centimètres ( à peu- près un pouce et demi ) de largeur. Cette coquille se trouve dans la Mer Rouge. L’individu que je possède adhéroit à une éponge, et en porte encore des fragmens. 3. Crénatule aile de faisan. Crenatula ( phasianoptera ) oblonga } violacea , lineis cinereis et unclatis virgala. Coucha ctlam phasiani represenians. Cliemn. conch. 7 , p. 245, tab. 58, f. 5y5. Ostrea picta. Gmel. n.° 127 , Arcci...* Martin, Besch. Berl. natur. f. 5, t. 7 , f. 20 , 24, D* HISTOIRE NATURELLE. 5l Je n*ai point vu cette coquille ; mais d’après ce que nous apprennent les auteurs qui en ont traité , il n’y a nul doute que ce ne soit une espèce de crénatule , et qu’elle ne soit fort rapprochée de la précé- dente par la plupart de ses caractères. Elle a effectivement la forme générale d’une moule, à l’exception de ses crochets ( nates) qui sont obtus; et sa charnière est celle d’une crénatule. C’est une coquille oblongue, mince, fragile, de couleur violette avec des lignes grisâtres et ondées qui partent de ses crochets , et s’en écartent comme de» rayons. On la trouve dans la Mer Rouge. Peut-être que cette coquille n’est qu’une variété de la crénatule mytiloide , dont elle diffère par les rayons colorés de ses valves. Chemnitz la représente d’un brun jaunâtre , avec des rayons d’une couleur plus foncée, ANNALES DU MUSEUM i*" _ 02 DESCRIPTION OSTÉOLOGIQUE D U RHINOCÉROS UNICORNE. Pau CUVIER. Comme je me propose de publier dans ces annales une partie des recherches que j’ai faites pour reconnoître à quelles espèces ont appartenu les ossemens fossiles, je dois donner, ayant tout , l’ostéologie de quelques quadrupèdes qui n’ont point encore été décrits sous ce rapport. Lorsque Pallas fit connoître le premier , dans le trei- zième volume des Novi Commentarii de Pétersbourg , les dépouilles fossiles de rhinocéros trouvées en différentes contrées de la Sibérie, il témoigna ses regrets de ne trouver dans aucun des ouvrages des naturalistes, une description de l’ostéologie du rhinocéros vivant , et sur-tout de son crâne. Camper eut quelque temps après l’occasion de lui pro- curer une partie de ce qu’il désiroit ; il adressa à l’académie de Pétersbourg une description et des figures de la tête et du crâne du rhinocéros bicorne du Cap de Bonne-Espé- I ■ . • . D* HISTOIRE NATURELLE. 55 rance. Son mémoire fut inséré dans le premier tome des actes pour l’année 1777, part. 2, lequel ne fut imprimé qu’en 1780. Ce grand anatomiste 11’avoit alors aucune connoissance des dilférences de dents qui caractérisent les deux rhi- nocéros ; et comme il n’avoit point trouvé d’incisives à son espèce bicorne, il accusa d’erreur Parsons, Linné et Buf- fon, pour en avoir attribué à l’epèce unicorne. Mais pendant le temps même qu’on se disposoit à im- primer son mémoire, il vint à Paris, et observa le rhi- nocéros unicorne qui vivoit alors à la ménagerie de Ver- sailles ; il reconnut ses dents incisives ; il se procura même la tête d’un jeune individu de cette espèce, et en dessina les alvéoles : il envoya la note de tous ces faits à Pallas , assez tôt pour qu’ils fussent imprimés avec son mémoire principal. Il rapporta les mêmes faits dans sa dissertation hollan- daise sur le rhinocéros bicorne, imprimée en 1782 , dont les ligures furent les mêmes que celles qu’il avoit adressées à l’académie de Pétersbourg. Il les confirma en 1785, qu’il dessina encore une tête d’ unicorne au Muséum britannique ; et en ayant acquis lui-même une plus âgée que celle qu’il avoit eue d’abord , il la fit graver, en 1787 , par Vinkeles avec son ancienne figure de bicorne , dans une superbe planche in - folio , dédiée à Jacques Vandersteege, planche qu’il n’a point publiée, mais dont il a seulement donné quelques exem- plaires à ses amis. J’en dois un aux bontés dont son fils veut bien m’honorer. Cette figure de la tête de Punicorne est imparfaite , en 3, * 5 34 annales Dû MUSEUM ce que plusieurs ligamens y couvrent encore la vraie figure des os; il y en a notamment un derrière l’orbite, qui pour- roit tromper les personnes peu au fait, et passer pour une cloison osseuse qui sépareroit cette fosse de celle des tempes^ Cependant M. Blumenbach a fait copier cette planche en petit , dans son recueil de figures d’histoire naturelle , premier cahier, n.° 7. Enfin, M. Faujas a fait dessiner en petit, par Maréchal, la tète osseuse du squelette adulte du rhinocéros unicorné qui est au Muséum , et l’a fait graver à la planche X.mc de ses Essais de géologie ; mais cette figure n’est pas plus accompagnée de description que celle de Camper ; d’ail- leurs, quoiqu’assez exacte au total, elle est embrouillée par des rugosités trop marquées par le graveur , et l’on n’y voit point les sutures. Si l’on ajoute à ce que je viens d’exposer , les excellentes figures de la face inférieure du crâne et de la mâchoire inférieure du rhinocéros bicorne, qüe M. Merck a données également sans description dans sa troisième lettre sur les os fossiles, imprimée à Darmstadt en 1786, on aura, je crois , le résumé complet des matériaux publiés jusqu’ici sur l’ostéologie de ce genre remarquable de quadrupèdes, et l’on voit que je n’étois pas dispensé de reprendre ce sujet , et de le traiter avec une étendue proportionnée à son im-* portance. Les pièces qui vont servir de base â ma description. Sont le beau squelette préparé par M. Mertrud , du rhinocéros qui a vécu vingt-un ans à la ménagerie de Versailles, le même qui a été observé vivant par Meckel et Pierre Camper, et la tète d’un rhinocéros plus jeune , que notre Muséum doit à ü’ HISTOIRE NATURELLE. 35 la générosité de M. Adrien Camper , et qui est précisément celle qui a servi d’original à la planche de son illustre père, dont j’ai parlé tout à l’heure. z.° Ta Tête , Ce qui frappe le plus dans la forme de la tête du rhino- céros, c’est la saillie pyramidale de son crâne : l’occipital en fait la face postérieure , les fosses temporales font les faces des cotés ; la continuation obliquement ascendante du front la face antérieure ; au lieu de pointe le sommet est une ligne transversale. L’occipital monte obliquement d’arrière en avant , cela est propre au rhinocéros, et rend sa pyramide presque droite. Le cochon même qui a une pyramide presque sem- blable, l’a inclinée en arrière. Le contour de l’occipital est une demi-ellipse qui s’élargit vers sa base, pour produire une lame saillante derrière le trou de l’oreille , et la base postérieure de l’arcade zygo- matique. La ligne de la base présente à son milieu les condyles , et aux côtés les apophyses mastoïdes pointues et crochues; dans le cochon elles sont précisément sous les condyles. En avant de chacune de ces apophyses, il y en a une autre fort grande qui appartient à l’os temporal , et qui contribue à la formation de l’articulation de la mâchoire j elle l’empêche de se mouvoir beaucoup de droite à gauche, et elle correspond à une échancrure située à l’extrémité interne du condyle. Entre ces deux apophyses , mais un peu plus en dedans 5 * 36 ANNALES DU MUSEUM est une autre apophyse courte , dont le bout est creux et reçoit l’os styloïde. Les impressions des muscles divisent la face occipitale en quatre fosses; la face antérieure de la pyramide descend en s’élargissant jusque entre les yeux, où les apophyses post- orbitaires du frontal sont ses limites les plus écartées. La pointe du nez achève de former le rhomboïde qui carac- térise la face supérieure de tout le crâne. La région d’entre les yeux est concave dans le sens longitudinal, et plane dans le transverse ; celle des os de nez redevient convexe en tout sens. Les pariétaux commencent un peu en avant du sommet de ta pyramide; ils finissent vers le milieu de l’espace entre cette crête et les apophyses orbitaires. Les frontaux finissent un peu en avant des apophyses. Les sutures analogues à la coronale et à la lamdoïde sont parfaitement transverses. La suture écailleuse, ou la limite du pariétal et du tem- poral , dans la fosse de ce dernier nom , est parallèle à la direction de la face antérieure de la pyramide. La grande aile du sphénoïde ne monte que très-peu dans la fosse temporale, et cet os ne s’articule point avec le pariétal. La moitié postérieure de l’arcade zygomatique appar- tient au temporal, tout le reste est de l’os jugal ou de la pommette. La direction de l’arcade est comme une S italique des- cendant obliquement d’arrière en avant : son bord infé- rieur est très-épais et très-saillant dans notre individu adulte ; il l’est beaucoup moins dans le jeûne sujet donné par M. Camper. d’histoire NATURELLE. 37 Le maxillaire s’avance sous l’orbite et y forme un plan- cher : il n’y a point d’apophyse , ni du frontal, ni du jugal pour joindre l’arcade zygomatique au front et fermer l’orbite en arrière. Le trou sous orbitaire est petit , plus haut que large, et voisin du fond de l’échancrure nasale. Les os maxillaires forment en avant une apophyse sail- lante parallèle aux os du nez et située sous eux, qui s’ar- ticule avec les incisifs. Les alvéoles des incisives forment ensemble un angle de plus de quatre-vingt degrés dans l’adulte, mais qui n’en a pas soixante dans le jeune. Le -trou incisif est très-grand, elliptique, et non divisé en deux. Les os incisifs ont à leur bord supérieur une petite apo- physe en lame carrée, qui s’élève vers le plafond formé par les os du nez. Ceux-ci sont d’une grosseur et d’une épaisseur dont il n’y a nul exemple dans les autres quadrupèdes; ils forment une voûte, qui surplombe sur les os incisifs, et qui porte la corne. Dans notre individu adulte, leur face supérieure est grenue comme une tête de chou-fleur. Entre eux et les os incisifs, ainsi que la partie des maxil- laires qui porte ceux-ci , est cette grande échancrure na- sale qui caractérise, au premier coüp-d’oeil, le crâne des rhinocéros. Il résulte de la profondeur de cette échan- crure, que dans cét animal trois paires d'os, les nasaux, les incisifs et les maxillaires contribuent à former le con- tour des ouvertures extérieures des narines ; tandis qu’il n’y a que les deüx premiers dans les autres quadrupèdes, le tapir excepté. L’os lacrymal est petit et avance peu sur / 58 annales du muséum îa joue. lia un canal lacrymal très-large, en ayant duquel est une petite apophyse pointue. Le vomcr n’est ossifié que dans sa partie la plus reculée f et il n’en reste rien dans les | de sa longueur , même dans notre rhinocéros parfaitement adulte , et où toutes les sutures étoient effacées; cette remarque est essentielle pour la comparaison des rhinocéros vivans, aux fossiles. L’échancrure postérieure du palais est très-profonde , car elle s’avance jusque vis-à-vis la cinquième molaire. La suture qui sépare les os palatins des maxillaires répond à l’intervalle de la quatrième à la cinquième molaire. Les apophyses ptérygoïdes sont courtes dans le sens lonr gitudinal, mais très-hautes dans le vertical, sipiples et seulement un peu fourchues vers le bout. La”partie moyenne du sphénoïde est étroite , et se porte beaucoup plus en arrière que ses ailes ptérygoïdes; son articulation avec la partie basilaire de l’occipital forme une saillie très-sensible. Le long du milieu de cette partie basilaire est une arête saillante qui s’élargit et s’aplatit vers le bord inférieur du trou occipital. Le rocher est petit et très-irrégulier ; le trou déchiré est grand , et s’étend tout le long du bord interne du rocher. (1) (1) Longueur de la tète depuis le bord du trou occipital jusqu’aux bords des os incisifs , 0,6. Distance entre la partie la plus saillante des apophyses zigomatiques . 0,4 3. Hauteur de l’occiput à compter du bord inférieur du trou occipital. . . 0,26. Largeur entre les apophyses placées derrière les trous des oreilles . . o,3i. " Entre les apophyses orbitaires du frontal. ........ 0,23; Profondeur de l’échancrure nasale. . . . . . .. . . . » . . 0,1 5. Sa hauteur 0,09 5. 1)’ HISTOIRE NATURELLE, r* 09 2.0 Les Denis < La connoissance du nombre et de la position des dents, mais sur-tout de leurs changemens de figures dans les différens âges, est de première importance dans l’étude de la nature des animaux en général , mais sur-tout dans la recherche des espèces auxquelles ont appartenu les os fossiles ; aussi nous y sommes-nous attachés plus qu’à aucune autre partie. Cela étoit sur-tout nécessaire par rapport au rhinocéros; le défaut de bons moyens d’observer avoit fait varier plu- sieurs naturalistes à cet égard ; et M. Faujas , qui en à traité le dernier, n’a, pour ainsi dire, fait qu’augmenter les doutes ; l’intérêt de' la vérité nous force de relever ce qu’il vient de dire à ce sujet. Nos observations sont d’autant plus nécessaires, que ce savant géologiste a tiré de ces faits mal vus, des conclu- sions qu’il croit destructives des bases sur lesquelles re- posent les méthodes zoologiques. Or, les personnes qui ne sont pas à portée de vérifier les faits en question , et qui , d’un autre côté, ne connoissent point les fondemens ra- tionnels des méthodes, poürroient adopter trop vite deS conclusions avancées par un naturaliste d’une aussi grande autorité , ce qui reculeroit encore beaucoup l’époque où les véritables principes de la zoologie seront généralement avoués. Nous disons donc en général, qUe tous les rhinocéros ont Sept molaires de chaque côté, tant en haut qu’en bas; vingt- huit en tout; 4o A K N A L E S -DU :;M U 3 É U M La tête du bicorne de notre Muséum n’en montre, il est vrai, que vingt d’apparentes, à cause de la jeunesse de l’individu dont elle provient ; mais les anatomistes ne se trompent point dans ces sortes de cas, parce qu’ils savent retrouver dans les loges du fonds des mâchoires les germes des dents qui n’ont pas encore paru , et ces germes ont existé en effet dans cette tête , qui auroit eu vingt-huijt dents comme toutes celles de son espèce, si l’animal qui la portoit n’avoit été tué trop jeune. Le squelette d’unicorne, qui fait l’objet principal de notre description actuelle , montre encore , il est vrai , cf’un côté de sa mâchoire inférieure , six dents ou tronçons de deqts , et de l’autre sept ; mais ce n’est aussi là qu’une apparence qui ne peut tromper, lorsqu’on a étudié les lois de la croissance des dents , sur-tout d’après la méthode de M. Tenon. Tous les animaux herbivores , à commencer par le cheval, usent leurs dents jusqu’à la racine, parce qu’à mesure que la couronne diminue par la trituration, l’ai- véole se remplit et pousse Ja racine en-dehors. Lorsque cette racine est composée de deux branches, comme dans le rhinocéros, et que le fust de la dent est entièrement usé, jl reste deux tronçons de racine : ces tronçons tombent l’un après l’autre toujours diminués par la trituration, et poussés au-dehors par l’accroissement de l’os dans l’intérieur de l’al- véole. A la fin les alvéoles mêmes s’effacent entièrement. C’est ce qui est arrivé en partie à notre rhinocéros ; il avoit déjà perdu ses deux premières molaires, et les ajvéoles s’en étoient presque effacés ; il avoit poussé la dé? trition des deux suivantes jusqu’aux racines, et même il d'histoire naturelle. 4i avoit déjà perdu d’un coté l’un des tronçons de la racine, tandis que ceux de l’autre coté étoient encore restés tous les deux. D’ailleurs aucun animal n’a les dents en nombre im- pair , ni ne peut les y avoir, vu la symétrie des côtés de la tête, et la suture qui, divisant les os maxillaires, empêche qu’il n’y ait un alvéole au milieu : ainsi lorsqu’on trouve d’un côté une dent de plus que de l’autre , on en ajoute par la pensée une de celui-ci. Mais si ce rhinocéros avoit perdu des molaires avec l’âge, il n’avoit pas gagné des incisives ; cela n’arrive pas plus à lui qu’aux autres animaux qui vieillissent. Les deux petites incisives intermédiaires de la mâchoire d’en bas, existent dès la jeunesse, comme on le voit par la tête donnée au cabinet par M. Adrien Camper, et encore mieux par le bout de mâ- choire inférieure d’un très-jeune sujet, dessiné par son père, dansles actes de Pétersbourg pour 1777, pl. IX , f. 3 y mais elles restent en tout temps cachées sous la gencive, et voilà pourquoi Meckel ne les avoit pas vues dans l’animal vivant, tandis qu’elles se sont montrées dans le squelette. M. Thomas, chirurgien de Londres, qui vient de publier quelques obser- vations anatomiques sur le rhinocéros unicorne, a aussi trouvé ces petites dents dans le squelette d’un individu de quatre ans. Mais ce que personne à ma connoissance n’a encore publié, c’est que le rhinocéros a aussi , pendant un certain temps de sa vie, deux pareilles incisives à la mâchoire supérieure ; seulement elles y sont en dehors des grandes , tandis qu’à la mâchoire inférieure elles sont entre les grandes. Cela pouvoit déjà se conclure du dessin de l’os intermaxii- 3. 6 4 2 ANNALES DU MUSEUM' laire du très-jeune rhinocéros, donné par Camper le père, dans les actes cités, pi. IX, f. 2. Pavois même cru d’abord que cet os devoit nécessairement provenir d’une autre espèce. Mais en examinant les dessins dë l’anatomie de notre rhinocéros, faits avec le plus grand soin par Maréchal, sous les yeux de Viq-d’Azir et de Mertrud , je reconnus la ligure d’une très-petite dent en dehors de la grande incisive su- périeure du côté droit ; et je vis dans l’explication qui ac^- compagne ce dessin, et qui est de la propre main de Yiq- d’Azir, qu’il y avoit en effet de ce côté une petite dent qui manquoit de l’autre; je courus au squelette, j’y trouvai d’un côté un reste d’alvéole, mais la dent déjà trop déra- cinée s’étoit perdue lors de là macération; de l’autre côté - l’alvéole même s’étoit effacé. Il est facile de voir que toutes ces observations ne prou- vent rien contre l’importance qu’ont en zoologie les carac- tères pris des dents; mais il faut sans doute, pour employer par exemple leur nombre comme caractère, prendre les précautions convenables pour s’assurer quel il est , et en général se munir avant tout des connoissances prélimi- naires que la chose exige. Alors on ne s’expose point à créer des espèces qui n’ont point existé , faute qui au reste seroit tout aussi fâcheuse dans la simple histoire des animaux,., et dans ses méthodes systématiques;, que dans la géologie; car si l’histoire naturelle a besoin de vérité, c’est sur-tout? dans celles de ses parties qui n’ont rien de conjectural.(i) (0 Voyez les Essais de géologie de M. Faujas , tom. 1 , p. 193 à 196. d’histoire naturelle. 43 Après cette digression nécessaire, je reviens à mon sujet, -et je continue à décrire les dents de mon rhinocéros. Pour bien connoître les dents des herbivores, il ne suffit pas de les voir comme celles des carnivores, à une seule époque de la vie; comme ces dents s’usent continuellement, la figure de leur couronne change aussi continuellement, et le naturaliste doit les suivre depuis l’instant où elles percent la gencive , jusqu’à celui où elles tombent hors de la bouche. Au reste, il n’est pas toujours nécessaire pour cela d’avoir à sa disposition des individus de tous les âges. Comme les dents du devant paroissent plutôt, elles s’usent aussi plus vite; et l’on peut souvent suivre sur une seule mâchoire tous les degrés de détrition, en allant des dents postérieures aux antérieures. Voici donc ce qui se remarque sur les dents du rhino- céros; d’abord sur les supérieures : la base ou le collet de la dent est quadrangulaire ; le côté interne et le postérieur sont un peu plus courts que l’antérieur et l’extérieur; par conséquent ceux-ci interceptent un angle aigu, et les autres un obtus. Sur cette base ( en supposant le côté de la racine en bas ) s’élèvent des colines dont le sommet est tranchant et tout recouvert d’émail, tant que la dent n’a point été usée. L’une de ces collines suit exactement le bord externe de la dent, ou plutôt le forme: elle a une côte verticale saillante vers le tiers antérieur. La seconde colline est vers le bord antérieur ; elle se joint à la première à l’angle antérieur externe, puis se porte vers l’antérieur interne, mais en allant un peu plus en arrière que le bord antérieur de la base. La troisième colline part du tiers postérieur de la pre- 6 * 44 ANNALES DU MUSÉUM uiière, se porte d’abord directement en dedans, puis se bifurque ; une de ses branches se rend en ayant , l’autre obliquement en arrière vers l’angle interne postérieur. Ces collines tranchantes , et assez éloignées l’une de l’autre par leurs sommets, ont des bases évasées qui se touchent ; le premier effet de la détrition est d’user l’émail du sommet , et de découvrir par - tout une ligne de matière osseuse bordée de deux lignes d’émail. A mesure que la détrition augmente et descend à la partie épaisse des collines , la largeur de la partie osseuse augmente, et celle des creux entre les collines diminue. Lorsqu’elle avance encore davantage, le crochet antérieur de la troisième colline se joint à la seconde, et il reste un creux rond vers le milieu de la dent ; un peu plus tard , l’autre branche de la troisième colline s’unit au bord pos- térieur de la dent , et il reste un second creux en arrière ; ensuite ces deux collines transverses s’unissent par leur extrémité interne, et laissent entre elles un grand creux ovale et oblique en avant de la dent. Enfin, quand la dé- trition est allée jusqu’à la base des collines, les creux eux- mèmes disparoissent , et la couronne n’offre plus qu’une surface unie de matière osseuse entourée d’un bord d’émail. On peut suivre ces différons états dans nos figures de la planche II , dont l’une présente les dents d’un bicorne encore jeune, l’autre celles d’un unicorne adulte : on peut y suivre aussi les variations des molaires d’en bas, qui sont beaucoup moins considérables. Elles sont composées de deux collines contournées en portion de cylindre, et placées obliquement l’une derrière d’ histoire naturelle, 45 l’autre ; de manière que leur concavité est dirigée en de- dans et un peu en avant. La détrition ne fait qu’élargir les croissans de leurs sommets ; mais cette figure de double croissant se conserve jusqu’à ce que les collines soient usées à leur base, époque où la dent devient quadrangulaire et simple. C’est faute d’avoir bien connu cette variation des figures des dents par la détrition , que Merck , à qui nous devons cependant les premiers efforts pour le débrouillement de cette partie de l’histoire des rhinocéros , a cru pouvoir avancer dans la troisième lettre sur les os fossiles, p. 10 , un fait que le citoyen Faujas a reproduit d’après lui dans ses Essais de géologie , tom. i.er p. 2075 c’est que l’on trouve en Allemagne des dents fossiles des deux espèces vivantes de rhinocéros. Quand même ce fait seroit vrai, il seroit impossible de le prouver, parce que les dents des deux espèces se res- semblent quand elles sont du même âge ; mais Merck pos- sédoit une tête d’un jeune bicorne. Toutes les dents fossiles qui ressembloient à celles de cette tête , passoient à ses yeux pour venir du bicorne, et celles qui étoient plus avancées, pour venir de l’unicorne. Au fond ces dents ne venoient ni de l’un ni de l’autre, comme nous le prouverons ailleurs , mais d’une troisième espèce qui diffère des deux premières autrement que par les dents. Nous donnons, dans notre troisième planche, des échan- tillons de ces dents fossiles de rhinocéros : on y verra que sans les règles que nous venons d’établir par l’observation 5 46 annales du muséum tout le monde pourroit être tenté de les attribuer à des animaux très-différens. La figure i.re représente une molaire supérieure du coté droit , fort usée ; l’original est dans notre Muséum. La figure 2.e offre une portion de mâchoire supérieure avec deux dents , dont une entière , encore absolument intacte. Ce morceau, du cabinet de Joubert, a été trouvé près du village d’Issel, le long des dernières pentes de la montagne Noire. L’individu devoit être de petite taille. Figure 5.e du même cabinet, est une des dents infé- rieure encore peu usée. Elle vient des environs d’Avignonet. Figure 4.e est un germe de molaire supérieure, à-peu- près pareil à ceux de la figure 2.e II est au Muséum : on en ignore l’origine. Figure 5.e molaire supérieure postérieure du côté droit, peu usée , des environs de Canstadt. Elle m’a été commu- niquée par M. Autenrieth, professeur à Tubingen. Figure 6.e est un germe de molaire supérieure posté- rieure gauche , du rhinocéros bicorne vivant. Figure 7.® une molaire supérieure antérieure d’un grand individu , de la collection du Muséum : on en ignore l’origine. Figure 8.e une molaire inférieure des environs de Cans- tadt. Elle m’a été aussi communiquée par M. Autenrieth. Nous reviendrons sur ces diverses dents, dans un autre mémoire. 5.° Les Vertèbres. Il y en a 56 en tout , 7 Cervicales. 19 Dorsales. d’ïIISTO lit E NAT U R ELL E. A~j 5 Lombaires. 5 Sacrées. 22 Coccygiennes. E’attas a ses apophyses transverses grandes et larges, au- tant qu’aucun autre animal. Elles ont un trou au lieu de l’échancrure de la base de leur bord antérieur. L’épineuse n’est qu’un gros tubercule. Il y a sous le corps une petite crête longitudinale. Les apophyses transverses de l’axis sont petites et diri- gées en arrière : celles des suivantes sont très -larges, et descendent vers les côtés; elles ont trois angles, un anté- rieur et deux postérieurs. La septième n’en a qu’une petite qui touche à la sixième, ce qui doit beaucoup gêner leur mouvement respectif. Les apophyses épineuses vont en croissant ; la troisième vertèbre n’a la sienne que de o,o4 , la septième de o,25. Celle de la deuxième dorsale est la plus longue , elle a o,4o ; elle est de plus très-grosse : elles vont ensuite en diminuant de longueur, et en s’aplatissant par les côtés jusqu’à la trei- zième qui en est la plus basse ; elle a o, 1 2 , et elles augmentent de nouveau. La première lombaire a o,i 5. Les trois apophyses épineuses dès lombaires sont verticales, toutes celles du dos sont dirigées en arrière. Les apophyses transverses sont très- courtes et présentent aux tubercules des côtes de facettes presque verticales : celles des lombes sont un peu plus longues. Les cinq apophyses épineuses de l’os sacrum sont soudées en une crête. Les six premières vertèbres de la queue ont une partie annulaire et des apophyses épineuses et transverses. 48 ANNALES D(J MUSÉUM Les seize autres sont simplement pyramidales et vont én diminuant de grosseur. (1) 4.° Les cotes. Il y en a dix-neuf paires dont sept vraies. Celles de la première paire sont soudées ensemble par le bas. Le ster- num est composé de quatre os. Le premier est comprimé en soc de charrue, et fait une saillie pointue en avant de la première côte. 5.° L’ extrémité antérieure. L’omoplate est oblongue ; sa plus grande largeur est à son quart supérieur : son bord postérieur est relevé et épaissi à cet endroit là. La crête a une apophyse très-sail- lante, au tiers supérieur, un peu dirigée en arrière; elle finit au quart inférieur de roinoplale. Il n’y a par consé- quent nul acromion ; une tubérosité remplace le bec cora- coïde ; la cavité glénoïde est presque ronde. Cette figure de l’omoplate des rhinocéros la distinguera toujours de celles des autres grands quadrupèdes; celle de (i) Longueur depuis l’extrémité de la mâchoire supérieure jusqu’à l’origine de la queue 2,9. Delà partie cervicale de l’épine o,5. * De la partie dorsale o,3. Lombaire 0,2, — Sacrée. 0,2. Coccygienne 0,7. D HISTOIRE NATURELLE 49 l’éléphant, par exemple, est en triangle presque équilatéral , .■et l’épine a une grande apophyse récurrente. L’humérus est très-remarquable , en ce que sa grosse tubérosité est une large crête qui se porte d’avant en ar- rière, et que la ligne âpre qui se trouve par là triangu- laire au lieu de linéaire , se termine en bas par un crochet très-saillant. L’extrémité antérieure de la grosse tubérosité fait un crochet en avant : la petite en produit un pareil ; entre deux est un large canal sans doute pour le passage du tendon du biceps. Tous ces caractères distingueront en- core très-bien l’humérus du rhinocéros, de celui de tout autre quadrupède de sa taille. Le condyle externe est peu saillant ; l’autre ne l’est pas du tout : l’articulation infé- rieure est en simple poulie, à milieu creux. Le radius occupe en haut tout le devant de l’avant-bras; sa tète est faite en simple poulie saillante ; il ne peut què se fléchir et non tourner ; en bas il s’élargit à-peu-près autant qu’en haut, et se termine par deux courtesapophyses: une pointue interne, et une tronquée; celle-ci reçoit le semilunaire : entre elles est une fosse qui reçoit le scaphoïde. Son plus grand rétrécissement est vers son tiers supérieur. Le cubitus presque triangulaire par-tout, a vers le bas un creux qui reçoit une saillie du radius : il se termine par une cavité pour l’os cunéiforme ; l’olécrane est très-com- primé, renflé au bout et fait le quart de tout l’os, (1) (1) Longueur de l’omoplate o,53. Largeur à son tiers supérieur 0,23» Largeur au col o;og. Hauteur de la tubérosité de l’épine . . 0,1 5. Longueur de l’humérus o,44. Largeur en haut 0,3 3 7 5o annales du muséum Le carpe est composé de huit os. Le scaphoïde et Funci- forme sont très-grands. Le pisiforme est à-peu-près arrondi. Sur le scaphoïde et le trapésoïde , est un os hors de rang qui est l’analogue du trapèze et le seul vestige de pouce. Le sémilunaire, le grand os , qui ici est un des plus petits, et l’unciforme ont de très-grandes protubérances à la face palmaire. (1) Le métacarpien externe s’articule avec Funciforme, et a à son côté interne deux facettes pour le moyen ; celui-ci s’articule avec le grand os par une facette très-concave, et avec Funciforce, par une petite. L’interne s’articule avec le trapézoïde et le grand os, et touche au moyen par une petite facette triangulaire. 6.° L’ extrémité postérieure. Le bassin est extrêmement large ; la partie évasée de l’os des îles ayant o,5 de largeur ; son épine est fourchue , ce qui le distingue tout de suite de l’os des îles de l’éléphant; l’angle qui touche au sacrum est aussi plus relevé ; le cou sur- tout est beaucoup plus long et plus étroit: il a o,i5 de En bas 0,17. Diamètre du corps 0,08. Longueur du radius 0,38. Largeur en haut 0,12. ' En bas Ibid, . Longueur du cubitus o,5. De l’olécrane. 0,12. Hauteur de l’olécrane 0,1. Diamètre du corps du cubitus o,o5. ' He sa tête inférieure 0,08. (1) Longueur du carpe 0,109. Longueur du métacarpien du milieu 0,18. Longueur du doigt du milieu % . . . 0,12 5i d’ histoire naturelle. long , 0,08 de large ; le bord externe de cet os est à-peu- près aussi grand que l’interne , tandis que dans l’éléphant il est beaucoup plus petit ; la crête du pubis commence dès le haut du cou de l’os des îles. Les trous ovalaires sont plus larges que longs; la tubérosité de l’ischion est par le haut très-grosse et en forme de crochet. Le fémur du rhinocéros est peut-être encore plus remar- quable que son humérus ; sa partie supérieure est extrê- mement aplatie d’avant en arrière ; l’éminence que j’ap- pelle troisième trochantère est extrêmement saillante et forme un crochet qui remonte pour toucher un crochet descendant du grand trochantère ordinaire , de manière qu’il reste un trou ovale entre ces deux éminences. La poulie inférieure est très- étroite par-devant ; le condyle interne y est beaucoup plus saillant , et monte plus haut que l’autre. Par derrière les deux condyles sont plus écartés que par-devant, mais ils font à-peu-près la meme saillie. Le tibia a sa tète en triangle équilatéral , seulement l’angle interne postérieur fait une saillie en crochet; l’angle anté- rieur fait une tubérosité très-forte au-dessous de la rotule. Le bas du tibia est un peu aplati d’avant en arrière. Le péroné est grêle , comprimé latéralement et renflé à ses deux extrémités. (1) (1) Longueur du foemur ' o ,5. Sa largeur en haut 0,2. En bas 0,1 5. Longueur du tibia o,4. Sa largeur en haut o,i4. * En bas . . 0,11. Diamètre du corps . . . . . . j . 0,09. Longueur du péroné o,34. Largeur en bas o,o5. 7* 52 annales du muséum Le calcanéum est gros et court. Sa face antérieure ou astragalienne est triangulaire. Il y a deux larges facettes pour l’astragale; celle du coté interne se prolonge en une espèce de queue tout le long du bord inférieur de cette face; je crois que c’est un caractère propre à distinguer l’espèce. La facette qui touche au cuboïde est très-petite ; les facettes de l’astragale sont la contre-épreuve de celles du calcanéum ;• les deux bords de sa poulie sont d’égale hauteur. La partie de la face antérieure qui touche au cuboïde est étroite. Le cuboïde a en arrière une longue et grosse protubé- rance. Au côté interne du pied en est une pareille produite par un os surnuméraire attaché au scaphoïde , au cunéi- forme interne et au métatarsien interne. Le scaphoïde a donc trois facettes articulaires a sa face antérieure ; le cu- néiforme interne est beaucoup plus petit que l’autre. Le métatarsien externe ne s’articule qu’avec le cuboïde , et touche par deux facettes du bord interne de sa tête, au métatarsien moyen : celui-ci ne s’articule qu’avec le grand cunéiforme; il a deux facettes plus petites pour l’externe. Ce dernier touche par le côté interne au précédent et au grand cunéiforme, et par l’externe à l’os surnuméraire. Il a pour lui une seule facette. Les phalanges sont toutes plus larges que longues, (i) p) Longueur du calcanéum à son bord externe ........ 0>i3» Largeur de sa face articulaire o;t). Largeur de l’astragale t . i . 0,8. Longueur de l’os moyen du métatarse . . 6,i65» Longueur du doigt moyen . . , . ... . , . , . , , , , o,iï. L9 HISTOIRE NATURELLE, 5a MÉMOIRE SUR UNE DISTRIBUTION MÉTHODIQUE DES MOUVEMENS PROGRESSIFS DES ANIMAUX; Par F. M. D A U D I N, La zoologie ou l’histoire naturelle des animaux doit sé diviser en deux parties : la première comprend tout ce qui est relatif à la conformation extérieure et à l’anatomie, et peut être facilement démontrée dans des cabinets d’his- toire naturelle sur les animaux morts; l’autre consiste, au contraire, dans tout ce qui est relatif aux animaux consi- dérés en mouvement et doués de leurs fonctions vitales: ces deux parties sont tellement importantes, que tous les zoologistes en général , et les professeurs du Muséum d’his- toire naturelle en particulier, les ont toujoürs réunies dans leurs travaux et leurs leçons ; et quoique celle qui est re* 54 A JS N A L LES DU MUSEUM lative aux divers mouvemens et aux habitudes si variées des animaux , ait été la plus négligée jusqu’à ce jour, il ne faut pas cependant la regarder comme la moins impor- tante. Elle ne doit son moindre avancement qu’aux diffi- cultés nombreuses que l’on trouve à observer la plupart des êtres animés, sur-tout ceux qui vivent dans des lieux déserts ou au fond des eaux, et dont l’organisation est la plus éloignée de la nôtre. Ce n’est donc pas s’écarter du but que l’on s’est proposé dans la publication de Ces an- nales, que d’y insérer une distribution méthodique des animaux, entièrement fondée sur des faits incontestables, et non sur des théories ou sur de vains systèmes. Il existemaintenant un certain nombre de bons ouvrages sur les organes qui servent aux mouvemens progressifs des animaux : plusieurs savans anatomistes et quelques obser- vateurs instruits se sont occupés avec succès, sur-tout vers la fin du dernier siècle, de cette partie importante de l’or- ganisation animale. Quelques-uns de ces ouvrages sont même portés à un tel degré de perfection, qu’ils peuvent fournir aux physiologistes des résultats avantageux , et leur offrir les moyens de completter et de perfectionner leurs travaux. Nous savons tous combien sont précieux, pour la physiologie, les ouvrages de Fabrice d’Aquapendente, de Willis, de Haller, de Blumenbach, de Hamberger , de Monro , de Vicq-d’Azyr , de Camper, de Borelli, de Bour- gelat, de Silbersclilag , de Mauduyt, de Daubenton, etc. sur les mouvemens progressifs de l'homme, des quadru- pèdes vivipares, des oiseaux et des poissons; mais Borelli est jusqu’à présent celui de tous ces auteurs qui a traité cette partie de la physiologie le plus en détail , car il a D* HISTOIRE NATURELLE. 55 suivi chaque modification de ces mouvemens dans les quatre premières classes du règne animal. Son ouvrage de motu animalium est rempli de recherches infiniment savantes , de définitions exactes. Cependant, comme il écrivoit dans un temps où l’on n’avoit pas encore observé avec une at- tention assez scrupuleuse, les différences qui existent entre les animaux les moins parfaits, on ne doit pas être étonné que cet observateur , justement célèbre, ait négligé ou omis certains faits de première importance, et qu’il ait défini d’une manière trop générale quelques-unes des modifica- tions dépendantes des mouvemens progressifs. L’ouvrage de Barthez , intitulé Mécanique des mouvemens des animaux , doit être considéré plutôt comme un recueil d’observations critiques sur celui de Borelli, que comme un traité complet sur cette branche de la physiologie. On est même porté à croire, lorsqu’on a lu ces deux auteurs, que Borelli est plus exact et plus clair dans l’exposé des faits, et dans les explications qu’il en donne. Si l’on exa- mine avec attention tous les ouvrages publiés sur cet objet, on reconnoît que les mouvemens progressifs de l’homme et de quelques autres animaux ont été décrits avec infi- niment d’exactitude, mais on est aussi forcé de convenir qu’il n’existe pas encore de travail réellement complet sur la locomobililé des insectes, des mollusques et des vers, et que pour faire un traité aussi parfait qu’il est possible sur cette partie, il faudroit nécessairement que l’auteur de ce traité fût à-la-fois très-versé sur toutes les branches de l’anatomie , de la zoologie, et qu’il connût également les parties de la physique qui sont relatives aux lois du mou- vement. L’ouvrage sur l’anatomie des animaux , dont le 56 ANNALES D U M ü S E U M professeur Cuvier a déjà publié deux volumes , ne peut manquer de satisfaire complètement les désirs des personnes qui cultivent les sciences ou qui s’intéressent à leurs progrès. Le mémoire que je présente ici , doit être considéré comme le plan d’un travail qu’il importe d’exécuter sur le mouvement volontaire des animaux, et comme un exposé succinct de toutes les modifications qui dépendent de cette fonction si importante à l’existence de ces êtres et à leur conservation. Il peut offrir aux naturalistes et aux physiologistes un moyen simple de disposer méthodique- ment toutes les recherches qu’ils feront sur cette partie de l’anatomie , qui touche de si près à l’histoire naturelle des êtres doués de la faculté de se mouvoir et de se trans- porter volontairement d’un lieu à un autre. DIVISION DES MODIFICATIONS DÉPENDANTES DU MOUVEMENT VOLONTAIRE. Les modifications différentes qui dépendent du mouve-* nient volontaire sont au nombre de neuf. I.reLa station. IL La faculté de se mouvoir sans changer de place. III. La faculté de se cramponner, de saisir et d’empoigner. IV. Le marcher ou la marche. V. Le grimper. VI. Le saut. VII. Le ramper, la faculté de se traîner, et le glisser. VIII. Le nager ou la natation. IX. Et le vofi § I. De la Station f La station ne peut s’exécuter que de deux manières : il iaut que toutes les parties de l’animal soient en équilibre par rapport au centre de gravité ; ou bien lorsqu’une partie d’ H I S T O ï R E N ATURELLE. 5j do l’animal est hors du centre de gravité, il est nécessaire que la résistance opérée par les muscles soit suffisante pour compenser le manque d’équilibre. Comme la station est relative à la position respective de la tête et du corps par rapport aux organes du mouvement, elle a également lieu dans l’état de repos des animaux et pendant leurs mouve- mens progressifs. § II. De la faculté de se mouvoir volontairement sans changer de place. Le mouvement volontaire doit servir à distinguer les animaux des végétaux. Les animaux les plus parfaits ont la double faculté de se remuer sans changer dé place , et de se transporter d’un lieu à l’autre, tandis que les zoophytes ( ou animaux-plantes ) sont toujours fixes et stationnaires au moins par leur base. Quelques vers aquatiques ne doivent pas être rangés dans cette seconde section, parce qu’ils ne peuvent se mouvoir sans changer de place ; tels sont entre autres les vibrions. § III. De la faculté de se cramponner , de saisir et d’em- poigner. Cette faculté est propre à plusieurs animaux qui vivent sur terre ou dans l’eau. Elle a lieu pendant leur station ou lorsqu’ils marchent j ils peuvent se cramponner ou saisir de quatre manières. A. Par une forte succion opérée, i..° A l’aide d’un ou de deux disques placés aux deux ex- trémités du corps. 3, 8 58 annales du muséum Exemple. Les sangsues. 2.0 A L’aide de verrues concaves qui recouvrent des bras et qui agissent comme des ventouses. Ex. Les céphalopodes. Lorsque ces animaux sont fixés au fond de l’eau , seule- ment à l'aide «les verrues ou cupules placées au bout de leurs deux longs bras , on peut dire alors qu’ils se tiennent à ■l’ancre. o.° A l’aide du ventre qui est appliqué sur le sol. Ex. Les actinies, les astéries et les gastéropodes. 4.° A l’aide de pelottes placées au bout des doigts. Ex. Les rainettes, les geckos , les anolis. B. En appuyant les doigts contre la paume de la main. Ex. L’homme, les singes, les makis les tarsiers , etc. L’action d’empoigner doit se rapporter particulièrement à cette sorte et à la suivante. C. En appuyant le pouce ou deux doigts contre les autres doigts. Ex. L’homme , les singes , les makis, les caméléons, les perroquets , etc. lorsqu’ils veulent saisir ou grimper. L’action de pincer ne. diffère de cette troisième sorte que parce qu’elle a lieu en serrant fortement entre l’extrémité de deux doigts. D. En serrant et embrassant en quelque sorte la surface du sol par le moyen de deux petites pattes ou de plusieurs paires de pattes qui s’y cramponnent en sens contraire. Ex. Les chenilles et plusieurs autres larves d’insectes , les iules, etc. E. En mordant un corps solide par le moyen des deux mandibules ou mâchoires. Ex.' Les larves apodes des insectes hyménoptères , les perroquets. $ IV. Du marcher ou de la marche. Le marcher consiste dans un mouvement a l’aide duquel le corps est mu et transporté alternativement par une partie des extrémités, et soutenu par l’autre sur le sol ou sur / d’ HISTOIRE NATURELLE. 69 d’autres solides d’une densité plus grande que celle de l’animal. Cette fonction se divise en cinq sortes, savoir: A. Le marcher proprement dit : il a lieu de trois manières ; i.° Sur deux pieds mus alternativement, le corps étant soulevé. Ex. L’iiomme et les oiseaux. a.° Sur quatre pieds, en posant alternativement sur le sol les deux pieds droit antérieur et gauche postérieur, puis les deux pieds gauche antérieur et droit posté- rieur, et successivement. Ex. La p’upart des quadrupèdes. 5.° Sur six ou huit pattes, en tirant le corps en avant avec la paire de pattes antérieures, en le soulevant avec la paire ou les deux paires de pattes intermédiaires , et le poussant en avant avec la paire de^ pattes pos- térieures. Ex. La plupart des insectes. La course consiste dans un marcher proprement dit lorsqu’il est très-rapide , et dans une suite de sauts bas , chez l’homme et les oiseaux. Elle ne consiste au contraire que dans un marcher proprement dit très-rapide dans les quadrupèdes et dans les insectes à six ou lirait pattes. L’amble n’a lieu que dans quelques quadrupèdes solipèdes. Il diffère du marcher proprement dit , en ce que le corps est posé alternativement sur deux pieds du même côté , ce qui oblige l’animal de balancer son corps à droite et à gauche. B. Le marcher arpentant : il a lieu en posant et en fixant sur le sol les extrémités antérieures , et en rapprochant contre elles les extrémités postérieures. Ex. Les lapins , les lièvres , les gerboises et les kanguroos ; lorsque ces ani- maux marchent sur un terrain horizontal, ils paroissent arpenter le terrain. Si au contraire ils montent lentement sur un terrain incliné , leur allure se rapporte alors au marcher proprement dit. Si le marcher arpentant de ces quadrupèdes est très-rapide , il peut alors être regardé comme une sorte de galop , mais avec celte différence que pendant le galop des quadrupèdes rongeurs , le corps n’est jamais soulevé entièrement au- 8 * 6b annales du muséum dessus du sol, tandis que le contraire a lieu dans le galop forcé du cheval, des- autres solipèdes et des ruminans. Ce dernier galop doit être regardé comme une modification du saut. C’est encore au marcher arpentant qu’il faut rapporter non-seulement le mou- vement progressif des chenilles arpenteuses , mais encore celui des sangsues. Cès dernières ont à chaque extrémité de leur corps un disque qui les attache sur les corps solides , et qui remplit la même fonction que les pieds antérieurs et posté- rieurs des chenilles arpenteuses. Ces disques agissent comme des suçoirs ou ventouses ; ils peuvent être comparés aux verrues concaves des bras des céphalopodes que ces animaux emploient pour se cramponner après la surface des corps. C. Le marcher culbutant ;il est produit sur deux piedaanté- rieurs courts, sur deux postérieurs très-longs, et sur la queue. Il s’exécute de la manière suivante : le train de derrière est très-soulevé, de façon à culbuter pres- qu’à terre le train de devant par le déploiement des pieds postérieurs, et par un effort de la queue contre le sol; le corps est ensuite soutenu sur les pieds anté- rieurs et la queue, et c’est alors que l’autre paire de pieds se reporte en avant. Ex. Le kanguroos. J’ai observé deux kanguroos vivans au Muséum d’histoire naturelle de Paris , dans la ménagerie. D. Le marcher rameur : il est produit en soulevant le corps et en le portant en avant à l’aide de quatre pattes situées latéralement et qui semblent se mouvoir toutes en même temps et dans la même direction , comme des rames. Ex. Les tortues marines ou chélones, les hydromètres , les notonectes. E. L*e marcher rampant : il a lieu par le moyen des pattes ou d’organes particuliers qui traînent le corps d’un lieu à l’autre, et qui sont trop courts et trop foibles pour le soulager de manière à empêcher le ventre de traîner contre terre. Il s’exécute de quatre manières , savoir : d’ histoire naturelle. 61 ï.° En avant. Ex. Les loutres ; plusieurs reptiles , entre autres les scinques , les seps et les ehalcides -, les lopliies ; les mollusques acéphales qui sont munis d’un muscle ex- tensible qu’on a comparé à un pied. 2.0 Directement en arrière., et en s’aidant avec la queue. Ex. Les écrevisses et les larves des fourmilions. 5.° En sens obliques,. Ex. Les crabes* 4.° En tous sens. Ex. Les étoiles de mer , les oursins , les actinies , les méduses.- E. Le marcher par ondulation : il est produit sur six pattes au moins ou sur un certain nombre d’organes très- courts qui en tiennent lieu, et à l’aide d’ondulations successives des diverses parties du corps. Ex. Les chenilles et presque toutes les larves d’insectes, les iules, les scolo- pendres , les aphrodites. § Y. Du grimper „ Le grimper consiste à s’élever avec effort , à l’aide des pieds, sur des corps solides redressés : et il a lieu de cinq manières , savoir : 1. ° En empoignant seulement avec les doigts les inégalités de ces corps. Ex. L’homme , les makis , et les singes à queue non prenante. 2. ° En empoignant avec les doigts et à l’aide d’une queue prenante les inégalités de ces corps. Ex. Les sapajous , les alouattes , le kinkajou , plusieurs mammifères à bourse , un porc-épic d’Amérique , les fourmiliers et les caméléons. 3. ° En empoignant avec les doigts et à l’aide du bec les iné- galités de ces corps. Ex. Les perroquets. 4. ° En s’accrochant alternativement avec les ongles crochus i de chaque pied après les inégalités de ces corps. £>2 annales bu muséum" Ex. Les chais, les ours, les paresseux, les écureuils, les pies, le torcol , les lalapiots, le grimpereau de muraille, les lézards, les fourmis et la plupart des insectes. 5.° En s’accrochant après les inégalités de ces corps, et en les pinçant à l’aide de plusieurs paires de pattes. Ex. Les chenilles et plusieurs autres larves d’insectes , les iules et les scolopendres, $ VI. Du saut . Le saut différa du marcher, parce qu’il consiste dans un élancement de l’animal au-dessus du sol à l’aide du déploie- ment rapide des pieds postérieurs, du corps ou de ses ex- trémités inférieures. Il y a sept sortes de sauts, savoir: A. Le saut à l’aide de deux pieds, le corps étant redressé. Ex. L’homme, les gerboises, sur-tout celle qui est connue sous le nom de lièvre sauteur ; les oiseaux, les kanguroos. Ces derniers pendant la station s’ap- puient sur leur queue comme sur un troisième pied. B. Lésant à l’aide des pieds postérieurs, le corps étant presque horizontal, et soulevé par les pieds postérieurs; i.° Les pieds au nombre de quatre. Ex. Tous les quadrupèdes dont les pieds postérieurs sont plus longs que les antérieurs. C’est ici qu’il faut rapporter le trot et le galop des solipèdes , des ruminans et des pachydermes , seulement comme deux modifications distinctes. Le trot est une course produite par une suite de sauts has, après chacun des- quels les pieds opposés en diagonale tombent en même temps , et chaque paire de pieds alternativement. Le galop diffère principalement du trot , parce que chaque pas est formé par l’élancement du train antérieur en avant, à l’aide du déploiement de celui de derrière. Dans le galop ordinaire , les pieds antérieurs tombent l’un ^après l’autre ; tandis qu’ils tombent ensemble , de même que les pieds de derrière , et de ma- nière à arpenter le terrain , dans le galop forcé. 2.0 I-es pieds au nombre de six. Ex. Tous les insectes dont les pieds postérieurs sont beaucoup plus longs que les quatre antérieurs, ou dont les cuisses postérieures jsont très-renflées, tels son|; k Df HISTOIRE NATURELLE. 63 les grillons, les criquets, les sauterelles , les truxales , les altises , le cyphon sauteur, le rhynehène du peuplier, les puces, les chalcis. C. Des bonds ou V action de bondir qui consiste clans une suite de sauts opérés par le déploiement subit des quatre pieds qui s’élèvent en même temps au-dessus du sol. Ex. Les chèvres, les gazelles et les autres ruminans, ainsi que les solipètles. Les hydromètres bondissent aussi quelquefois, à l’aide de leurs quatre pieds nageurs, sur la surface de l’eau. D. Le saut par l’élasticité du corps qui se courbe et se dé- ploie subitement et avec force par le moyen d’un or- gane particulier qui fait ressort. Ex. Les taupins. E. Le saut par la seule élasticité du corps qui se courbe et se déploie subitement sans le secours d’un organe par- ticulier. Ex. La larve qui vit dans le fromage et qui provient de la mouche putride ( musca putris Fab. ) C’est à cette sorte qu’il faut aussi rapporter le saut des carpes et de plusieurs autres poissons , soit qu’ils paroissent au-dessus de l’eau, soit lors- qu'on les a posés à sec sur un corps solide. Le blennie sauteur se sert de ses longues nageoires pectorales pour sauter. F. Le saut par le moyen de la queue qui se déploie et se courbe subitement comme un ressort. Ex. Les lépismes ou podures. G. Le saut qui consiste en ce que l’animal d’aborcî suspendu par la queue après une branche, s’y balance plusieurs fois, déroule ensuite sa queue, et s’élance de-là dans un autre lieu. Ex. Les sapajous, les alouattes et tous les singes à queue prenante. § VII. Du ramper y de la faculté de se traîner , et du glisser. Le ramper et le glisser diffèrent essentiellement du mar- cher rampant que nous avons défini précédemment. Ils sont 84 A N N A L E 'S D V M U S É U M produits par un mouvement en avant , ondulé ou alterna- tif d’une ou de plusieurs parties du corps sur le sol. A. Le ramper a lieu de quatre manières différentes, savoir; i.° Par ondulations verticales» Ex. La couleuvre esculape , etc. 2.0 Par ondulations horizontales. Ex. La couleuvre à collier, la lisse, etc. 3, ° Par deux ou trois ondulations formées avec le tiers postérieur du corps , tandis que les deux tiers anté- rieurs sont redressés verticalement. 'Ex. Le naja ou serpent à lunettes. 4. ° Par de petites ondulations formées en partie par le mou? veinent alternatif des plaques ou des rangées d’écailles situées sous le corps , et en partie par une élasticité 4e tout le corps. Ex. La couleuvre boiga , la verte , le fil, etc. •, les orvets. B. La faculté de se traîner consiste à fixer sur le sol la partie antérieure du corps, et à rapprocher ensuite contre elle la partie postérieure en la traînant sur le sol, sans former d’ondulations et sans le secours des pattes. Cette faculté diffère essentiellement du marcher rampant, parce que ce mouvement progressif a lieu sans que l’animal marche réellement et sans qu’il rampe. Ex. Les larves apodes des insectes hyménoptères. Nota. Elles sont destinées par la nature à rester immobiles ou stationnaires dans des trous ou rayons où elles subissent leurs métamorphoses. Elles n’ont ni tenta- cules, ni pattes pour marcher -, mais celles qui sont expulsées de leur retraite, parviennent à se traîner en s’accrochant par les deux mandibules ou crochets dont leur bouche est munie , à la surface des corps sur lesquels elles reposent. Afin d’avoir plus de force, et pour diminuer le frottement, elles ont la partie antérieure de leur corps courbé en un arc. Plusieurs mollusqi^es testacés bivalves, munis d’un pied, se traînent sur la .vase a l’aide de cet organe. i d’ HISTOIRE NATURELLE. 65 C. Le glisser diffère du ramper et de la faculté de se traîner, parce qu’il est produit par une ou plusieurs impulsions rapides sur un corps lisse , ou bien par des ondulations partielles du dessous du corps et tellement foibles, que l’animal s’avance sur le sol sans paroîtrc faire des mouvemens. Il y a cinq sortes de glisser. 1. ° Le glisser par impulsion sur un corps lisse et horizontal, à l’aide d’un premier élancement rapide de l’animal posé debout et en équilibre sur ses pieds postérieurs. Il se prolonge par des élancemens alternatifs des pieds sur ce corps lisse. Ex. C’est à cette sorte qu’il faut rapporter la faculté que l’homme à de glisser et de -patiner sur la glace. 2. ° Le glisser par uneimpulsion sur un corpsincliné , l’ani- mal étant couché. Ex. Les mordelles. Ces insectes ont la tête grosse, le corps aminci, et toute leur surface lisse. Lorsqu’on veut les prendre, ils s’échappent en repliant leurs pattes en arrière sous le ventre , et en se donnant , par ce moyen , une première impulsion qui les fait glisser de haut en bas et la tête en avant. 3. ° Le glisser à l’aide de petites ondulations formées par le rapprochement et l’écartement alternatifs des plis qui sont sur la peau des flancs. . Il a lieu sur des plans horizontaux ou peu inclinés. Ex. Les ibiares. 4. ° Le glissera l’aide de petites, ondulations successives du ventre sur une liqueur visqueuse qui suinte de sa surface. Il a lieu sur des plans verticaux et horizontaux. Ex. Les limaces et les autres mollusques gastéropodes. On peut encore citer pour exemple les planaires, dont tout le corps est susceptible de contraction et de dilatation. 5. ° Le glisser sans ondulations; qui est formé seulement par le 66 ANNALES D U MUSEUM rapprochement et l’écartement alternatifs des anneaux du corps. Ex. Les amphisbènes, les lombrics. $ VIII. De la natation . Cette fonction consiste dans une suite d’élancemens ef de mouvemens qui soutiennent l’animal au milieu de l’eau ou à sa surface, par le moyen des refoulemens du fluide” ou bien il est produit par Faction du vent sur des mem- branes en forme de voiles. Les animaux nageurs peuvent être divisés en trois ordres,* savoir; les terrestres, les amphibies et les aquatiques. i.° Les animaux terrestres vivent sur terre; ceux qui peu- vent aller sur l’eau , nagent sur la surface deFeau, y plongent quelquefois , et viennent respirer au-dehors. Ex. L’art du plongeur est foiîdé sur ce principe. 2.0 Les animaux réellement amphibies vivent sur terre, nagent sous la surface de l’eau , et respirent en avalant Fair au-dehors. Ex. Les quadrupèdes amphibies , tels que le castor , l’hippopotame , les loutres les phoques, les grenouilles, les insectes amphibies, etc. 3.° Les animaux aquatiques nagent sous la surface de Peau , et respirent en exprimant Fair de l’eau par le moyen des branchies ou d’organes équivaîens. Ex. Les têtards de batraciens, le pi’oté anguillard, la sirène, les cruslacées, les poissons. On peut distinguer dix sortes de natations dans les ani- maux. Savoir : , A* Le nager par le refoulement du fluide à l’aide des pieds postérieurs, et dirigé au gré de l’animal; i.° Par le moyen des bras ou des pieds antérieurs. r» Ex. L’homme , les quadrupèdes nageurs dont la queue n’est pas en rame , les grenouilles, les dytiques, les hydropbyles. C’est encore à cette modification qu’il faut rapporter le nager des notonectes. Ces insectes ont le dos convexe et assez semblable par sa forme à la carène d’un vaisseau, suivant l’expression de quelques naturalistes; aussi nagent-elles toujours sur le dos et avec beaucoup d’agilité. Elles sont pourvues de deux longues pattes de derrière qu’elles allongent latéralement, et avec lesquelles elles frappent l’eau de la même manière qu’un batelier avec ses rames. 2.0 Par une impulsion du corps. Ex. Les oiseaux nageurs. B. Le nager parle refoulement du fluide à l’aide de quatre pieds rameurs. Ex. Les tortues marines , les hydromètres , les nèpes. C. Le nager par le refoulement du fluide à Faide de la queue, et dirigé au gré de l’animal. 1. ° Par le moyen des pattes. Ex. Les castors, l’ondatra , les crocodiles, les basilics , les geckos à queue plate, les salamandres aquatiques. 2. ° Par le moyen des pattes et de branchies natatoires. Ex. Les têtards de grenouilles et de salamandres , le proté auguillard , la sirène. 3. ° Par le moyen des nageoires. Ex. Les cétacées, les poissons. D. Le nager par le refoulement du fluide à l’aide d’ondula- tions formées par la partie antérieure du corps et successi- vement par les autres parties, et dirigé au gré de L’animal^ 1. ° Sans le concours d’organes natatoires. Ex. Les serpens , les dragonneaux. 2. ° A l’aide de nageoires. Ex. Les anguilles et les autres poissons anguilliformes. 3. ° A l’aide de branchies ou de soies disposées sur les côtés. Ex. Les aphrodites, les amphinomes , les néréides, les nayades. E. Le nager par le refoulement du fluide à l’aide de cour- bures alternatives et rapides de tout le corps en sens opposés. q *' 68 ANNALES DU MUSEUM Ex. Les vibrions, entre autres celui connu sous le nom d’ anguille du vinaigré. F. Le nager par bonds ; il est produit par le refoulement du fluide à l’aide de plusieurs élancemens subits de tout le corps , qui se courbe et se détend ensuite avec rapi- dité au milieu de l’eau , à-peu-près comme un ressort. Ex. Les salicoques , les écrevisses, la daphnie puce. G. Le nager rotatoire qui consiste dans un mouvement de rotation. Ex. Les vorticelles, les volvoces, les rotifères. II. Le nager circulaire à la surface de l’eau. Ex. Les gyrins ou tourniquets. I. Le nager par le seul moyen de deux valves que l’animal ouvre et ferme ensuite subitement , ce qui refoule l’eau en avant , et le fait reculer du côté de sa charnière. Ex. Plusieurs mollusques bivalves, entré autres les moules et les huîtres lors- qu’elles ne sont pas attachées au fond de l’eau. J. Le nager à la surface de l’eau par l’impulsion du vent dans des membranes en forme de voiles que l’animal dirige et étend à son gré. Ex. Les argonautes. Pour surnager» l'animal introduit de l’air sous lui et dans lu coquille ; par ce procédé , il se fait une vessie artificielle assez comparable à celle des poissons. Les insectes nageurs se soutiennent dans l’eau par un moyen a-peu-près semblable, car ils sont munis d’une ou de plusieurs bulles d’air à ï!a surface de leur corps. Tels sont les ditiques,les gyrins, les hydrophiles , l'araignée aquatique , etc. S IX. Du vol Le vol est produit par des mouvemens successifs et ra^* pides des ailes dans l’air; et il faut qu’elles poussent l’àir avec force au-dessous d’elles, qu’elles se rapprochent ensuite l’un contre l’autre, ou sur le corps après chaque mouve- ment, de manière qu’elles ne puissent pas émpêcher l’ani- mal de fendre l’air qui est au-devant de lui. ±f HISTOIRE NATURELLE. Oq Le vol a lieu de huit manières, savoir: i.° A l’aide de deux ailes emplumées. Ex. Tous les oiseaux ,, excepté les autrichiers et les apténodiens. sà.° A l’aide de la peau des flancs prolongée en forme d’ailes. Ex. Les polatouches et les taguans. 5. ° A l’aide d’ailes membraneuses qui revêtent les os des bras et des pieds postérieurs. Ex. Les galéopithèquês. 4.° A l’aide d’ailes membraneuses qui revêtent les cotes ver- tébrales. Ex. Les dragons. 6. ° A l’aide de membranes qui revêtent les rayons des longues nageoires pectorales. Ex. Les poissons volans. 6.° A l’aide de quatre ailes membraneuses sans os nirayons* Ex. Les papillons , les abeilles , les cigales et autres insectes à quatre ailes. 7*° A l’aide de deux ailes membraneuses sans os ni rayons, et non recouvertes par des élytres. Ex. Les insectes diptères ou à deux ailes. B.° A l’aide de deux ailes membraneuses sans os ni rayons, et qui peuvent se replier sous deux élytres ou fourreaux coriaces. Ex. Les insectes éleutérates* ' ‘ a • • . . ■ • •;> ' '.4 ■. • . ‘ ■ • ' ’ ■ ’ ' J. t . J; ; ; ; j. 70 ANNALES D U MUSEUM MÉMOIRE SUE. LE T H O U I N I A , (0 Nouveau genre de la famille des Savoniers > Sapindi ^ Juss» Par P O I T E A U. (2) Caractère essentiel , Calice profondément divisé en quatre parties. Quatre pétales garnis d’une touffe de poils vers le milieu du côté intérieur. Huit étamines libres. Un style ; trois stigmates,. (1) LeThouinia de Thumberg et de Swartz étant une véritable espèce de Cbio- nanthus,et celui de Smitli étant un Endrachium jus., p. i33, unHunabertia Lamarck illust. pl. io5 , j’espère être plus heureux que les célèbres botanistes que je viens de citer , et que le genre que je dédie au professeur Thouin , persistera comme ma sincère reconnoissance envers ce savant estimable , à l’indulgente bonté de qui je dois ma foible instruction. (2) Le citoyen Poiteau, d’abord jardinier botaniste au Muséum, a été envoyé à Saint-Domingue en l’an IV, et y est resté jusqu’en l’an IX. Pendant ce temps il s’est occupé à recueillir , décrire et dessiner les végétaux du pays. Il a rapporté une collection de graines et un herbier considérable qu’il a donnés au Muséum. Ii se propose de publier le résultat de ses travaux* Note ies éditeurs. ?ea7< (7e/ 1 H O IT I A IA S mipli cilbli a fe/7/er tPcu/p i>* H ï T O I R E NATURELLE. 7 1 Trois capsules monospermes , réunies à la base du style , terminées supérieurement en une aile membraneuse. Calix 4 partitus. Petala 4 , intùs meclio villosd. Stamina 8. Stylus i. Sbigmata 5. Capsulœ 5 monospermœ , imo stylo affixce , in alam divergentem cipice desinentes . Ce genre ne contient encore que deux espèces, toutes deux de Saint-Domingue ; l’une découverte par moi aux environs de la ville du Cap j l’autre par M. Deschisaux aux environs du Fort Dauphin, et dont j’ai trouvé un exem- plaire dans l’herbier de Jussieu. 3. Thouinia simplicifolia. Foliis simplicibus . Arbrisseau produisant une multitude de tiges simples , arquées , roides , quoique souvent soutenues par les arbrisseaux voisins , longues de huit à quinze pieds ; bois très-dur. Feuilles alternes , pétiolées , lancéolées , aiguës , roides , dentées eii scie, glabres en dessus , réticulées et un peu tomenteuses en dessous, longues de 3-5 pouces $ nervures latérales nombreuses , parallèles , saillantes en dessous , terminées chacune par une dent à la circon- férence. Pétiole court , cylindrique , n’ayant pas de stipules à sa base* Fleurs petites , blanchâtres , naissant en épis axillaires plus courts que les feuilles. Calice campanulé , persistant , à quatre divisions profondes , ovales , obtuses , concaves ; deux opposées sont plus étroites. Quatre pétales cunéiformes , concaves , un peu plus longs que le calice , alternes avec ses divisions , garnis d’une touffe de poils vers le milieu du côté intérieur, insérés à la base extérieure d’un bourrelet glanduleux à quatre lobes. Huit étamines. Filamens simples libres , de la hauteur des pétales, insérés sous le germe , entourés à la base par le bourrelet glanduleux $ anthères ovales , bilobées , biloculaires. *'2 ANNALES DU M U S E U M i Germe supérieur trigone : style droit , persistant, plus long que foi étamines ; trois stigmates subulés , ouverts. Fruit composé de trois capsules monospermes ne s’ouvrant pas , attachées à la base du style, terminées en une aile membraneuse. Semence ovale , attachée au bas de la loge , recouverte d’une seule tunique, composée d’un embrion dont la radicule est subulée, dirigée vers la base et dont les deux cotilédons sont inégalement repliés vers la radicule.- 2. Tkouima trifoliata. Foliis tematis. I I Anonimos arbor , flore rcicemoso albo , fructu tricilato. Deschisaux in herb. jus. Arbre. Feuilles alternes , ternées , pétiolées ; folioles de forme ovale renversé , dentées en scie , glabres des deux côtés , luisantes en dessus , profondément sillonnées par les nervures latérales qui sont saillantes en dessous et munies d’un petit tas de poils dans chaque angle; fo- liole intermédiaire plus grande que les latérales, longue de 5-4 pouces. Pétiole commun long de deux pouces , sans stipules à sa base. Même mode d’inflorescence que dans l’espèce précédente. Fleurs également petites et blanchâtres , mais un peu plus ouvertes ; pétales en forme de spatule. Les fruits n’offrent aucune différence remarquable. Dans l’une et F autre espèce , ils ont quelquefois une partie de moins , mais c’est par avortement , car les trois stigmates sont toujours présens. i •' * } Observations . La position du bourelet glanduleux entre les pétales et les étamines et non entre les étamines et l’ovaire , est un caractère qui n’a encore été observé que dans un petit nombre de plantes. Je l’ai trouvé dans les fleurs de quatre espèces de Serjania et dans celles du Cupania, en Amérique t d’ histoire naturelle. 70 et je suis porté à croire qu’il existe dans la plupart des genres de la famille des savoniers qui ont leurs étamines libres. Explication des figures. 1. Thouinïa simplicifolia. a. Fleur entière plusieurs fois grossie, b. La même sans corolle, c. Calice, d. Pétale, e. Etamines et pistil, f Fruit de grandeur naturelle, g. Le même ayant l’une des capsules coupée transversalement et lais- sant voir la semence, h. Semence, i. La même coupée transversalement. /. Embrion un peu grossi , vu des deux côtés opposés et dans sa position naturelle, m, Le même dont on a développé et étendu de force les deux cotylédons. 3. 10 / - 74 annales dit muséum VOYAGE AU SOMMET/ DU MON T-P E R D U, Lu à la séance publiquede la classe des sciences physique® et mathématiques de V Institut national de France Par le citoyen R AM ON D, J’avois tenté plusieurs fois l’ascension du Mont-Perdu, ef j’avois toujours été arrêté à une petite distance de sa cime* par des amas de glace et des escarpemens qu’il étoit impos- sible de franchir. Il m’iinportoit cependant de l’atteindre, soit pour vérifier, à l’aide du baromètre, l’élévation de cette montagne qui paroît être la plus haute des Pyrénées, soit pour reconnoître la nature et la disposition des bancs dont ses sommités sont formées, et mettre ainsi au-dessus de toute contestation un des phénomènes géologiques les plus singuliers que l’on ait observés. De toutes les faces du Mont-Perdu, il n’y avoit plus que sa pente orientale qui m’offrît encore quelques chances de succès. Là se trouve un col fort élevé que de hardis mon- tagnards franchissent quelquefois pour se rendre directe- ment de la vallée de Béousse à la vallée de Fanlo: c’est cq d’h I S T O I 11 G NATURELLE. 70 qu’on appelle le col de Niscle. J’étois persuadé qu’en par- tant de ce col, le pic lui-même seroit peu difficile à gravir, si toutefois l’intervalle qui l’en sépare n’avoit pas dérobé à ma vue quelqu’obstacle qu’il fût impossible de surmonter. J’envoyai donc deux de mes meilleurs guides à la décou- verte, et je les suivis moi-même quatre jours après: je ne m’étois point trompé 5 j’avois deviné la véritable route du Mont-Perdu. Je fis ma première station au haut du port de Pinède. Dans les Pyrénées 011 donne le nom de ports à ces cols qui servent de passage pour communiquer d’une vallée à l’autre. Celui-ci est sur la limite d’Espagne, et son élévation est considérable. L’observation du baromètre la porte à 25i6m ou 1291% ce qui fait 98 mètres de plus que le col du Grand Saint-Bernard ; cependant il s’en faut de beau coup que le port de Pinède soit le passage le plus élevé de cette partie des Pyrénées. D’ici on voit le col de Niscle en face ; mais on en est séparé par les précipices de la vallée de Béousse. Nous des- cendîmes donc en nous dirigeant obliquement vers les énormes murailles qui soutiennent le lac du Mont-Perdu et sa terrasse, et nous arrivâmes au point où le torrent de décharge tombe en une épouventable cataracte, jusqu’au fond de la vallée. Là, nous passâmes la nuit en plein air, environné de la vapeur des cascades supérieures, le Mont- Perdu suspendu sur nos têtes, un abîme sous les pieds, et l’orage grondant de toutes parts autour de nous. Le premier travail de la matinée fut de traverser à gué le torrent de décharge du lac ; sa profondeur, son extrême rapidité et sur-tout le froid de l’eau rendirent cette opé- ration assez pénible. L’eau ne faisoit monter le thermo- * 10 mètre qu’à deux degrés au-dessus du terme de la con- gélation. De-là , jusqu’au haut du col de Niscle, nous n’éprou- vâmes d’autre difficulté que celle qui naissoit de la forte inclinaison des pentes. Je vérifiai la hauteur de ce col; il est précisément au niveau du port de Pinède , et un peu au-dessous de celui du lac. C’est à Foccident du col que se montrent les derniers gradins du Mont-Perdu, et ils s’élèvent tout-à-coup avec une fierté qui annonce dignement les avenues de sa cime. Quatre ou cinq terrasses empilées les unes sur les autres, forment autant d’étages dont les degrés sont comblés en partie de neiges éternelles et de débris qui facilitent un peu l’accès de ces murailles, autrement inaccessibles. Les pre- miers de ces débris sont d’assez gros blocs de grès renfer- mant des testacés; avec eux, je trouvai des fragmens d’une calcaire schisteuse, fortement souillée d’argile, et toute par- semée de petits pompiers auxquels je ne connois point d’a- nalogues, et qui paroissent constituer un genre nouveau. Plus haut, les débris s’amenuisent de plus en plus, et le plus grand nombre appartient à une pierre calcaire com- pacte , noirâtre, d’une fétidité singulière : le froissement qu’elle éprouvoit sous nos pas, suffisoit pour infecter l’air d’une odeur fade et nauséabonde, qu’il m’étoit impossible de rapporter à aucune de celles que la percussion déve- loppe dans les pierres hépatiques et bitumineuses ordi- naires. Nous employâmes plus d’une heure à traverser ces im- menses ruines, et cette partie du voyage nous excéda de fatigue par Felfort qu’il falloit faire, tant pour gravir des pentes fort rudes, que pour lutter contre la tendance qui if HISTOIRE NATURELLE. 77 entraînoit incessamment ce terrain mobile et nous, vers le précipice. Enfin, nous parvînmes à la terrasse supérieure, etnous nous trouvâmes sur une bande de rocliers solides. Cette bande n’est d’abord qu’une étroite arête, taillée comme le faîte d’un toit ; mais peu-à-peu elle s’élargit et conduit de plein pied à une espèce de vallon où commencent les glaciers dont le pic est entouré. Ce sont là les derniers rochers que j’aie pu observer en place :1a neige et la glace couvrent tout le reste. J’j reconnus la répétition des bancs calcaires lardés de silex, que j’avois observés au port de Pinède. De même ils affectent une situation voisine de la verticale , et une direction parallèle à celle de la chaîne; et ils sont accompagnés de feuillets d’un autre pierre calcaire très-chargée de sable , et qui renferme une si grande quan- titéde lenticulaires numismates , que souvent elle en semble presqu’entièremen t formée. Au terme de cette terrasse, il fallut aborder ces glaciers dont les escarpemens inférieurs m’avoient jusqu’à présent arrêté, et que j’attaquai cette fois à leur origine, et par conséquent dans le lieu où ils ont la moindre inclinaison, La traversée en fut cependant désagréable et assez péril- leuse. Tantôt leur surface étoit glissante, dure, et résistoit aux crampons; tantôt nous enfoncions dans les neiges nouvelles qui étaient tombées sur les cimes , vers la fin de messidor: sous ces neiges, nous sentions des crevasses où nous courrions à chaque instant risque de nous perdre. D’ autres crevasses étaient ouvertes et contrarioient notre marche. Peu s’en fallut même que la dernière ne nous arrètât*à 200 mètres au-dessous de la cime ; celle-là s’éten- doit transversalement depuis la naissance du glacier jus™ «8 annales bu muséum qu’aux précipices de la vallée de Béousse ; il n’y avoit d’autre ressource que de franchir l’intervalle , et cela en sautant de bas en haut : nous y réussîmes, c’étoit le der- nier obstacle que nous eussions à vaincre. J’ai mesuré la profondeur visible de cette crevasse j elle avoit i3 mètres ou 4o pieds, et comme le lieu où nous la passâmes répon- doit à la convexité de la montagne , il est clair que c’étoit aussi le lieu où le glacier avoit le moins d’épaisseur. De-là je voyois la cime qui m’a voit été constamment cachée par la disposition des pentes que j’avois parcourues. Elle se montroit sous la forme d’un cône obtus, tout res- plendissant de neiges sans tache. Le soleil brilloit de l’éclat le plus pur, mais son disque étoit à peine rayonnant , et le ciel paroissoit d’un bleu noir si fortement teint de vert, que mes guides même furent frappés de son étrange ap- parence. La première nuance a été observée sur toutes les hautes montagnes ; mais il n’y a point d’exemple de la seconde, et je ne sais à quoi attribuer cette singulière illu.- sion d’optique. A onze heures un quart j’atteignis le sommet, et j’eus le plaisir de voir enfin toutes les Pyrénées sous mes pieds. Je mis aussitôt mes instrumens en expérience. Il régnoit un vent furieux d’O. S. O. qui rendit cette opération assez difficile, et qui a jeté quelque trouble dans les résultats. A midi, je notai les hauteurs du baromètre et du ther- momètre. Les observations correspondantes se faisoient à Tarbes. Là, le baromètre étoit, toute correction faite, à 2yPi,!47, et thermomètre à 20°,5o de l’échelle de Réau- mur. Au sommet du pic, j’avois le baromètre à i8pii1,i4, et le thermomètre à 5°,5o au-dessus du terme de la congé- lation. La hauteur que donne le calcul de ces observations d’histoire naturelle. yg est d’environ 72 mètres ou 87 toises au-dessous de celle que donnent les opérations trigonométriques} mais cette diffé- rence paroît appartenir à l’état orageux de l’atmosphère, et c’est au moins ce que je suis fondé à inférer, de plus de 600 observations semblables que j’ai faites à toutes les hauteurs , dans la vue d’apprécier la nature et l’étendue de l’influence que les diverses modifications de l’atmosphèr e exercent sur les mesures obtenues à l’aide du baromètre. Lepic est couvert de neige jusqu’à sa cime, ces neiges sont continues au nord ; elles se transforment en un vaste glacier qui descend d’étages en étages jusqu’aux bords du lac et dont la hauteur verticale est d’environ 800 mètres. Au sud, au contraire, la face du pic est découverte, ce qui résulte moins de l’action de la chaleur que de la roideur de l’escarpement : les neiges ne peuvent s’y soutenir ; elles tombent continuellement du haut de la montagne sur un talus situé à six ou sept cents mètres au-dessous, et elles y forment un glacier assez considérable pour résister à la char leur directe et réverbérée à laquelle cette situation l’expose, La partie découverte du sommet ne m’a présenté aucune couche en place : ce n’est qu’un amas de débris divisés par le temps, macérés par les neiges, tourmentés par les vents et frappés par la foudre dont la plupart portent les em- preintes; ils appartiennent tous à la pierre calcaire com- pacte, fétide, qui alterne ici avec les pierres coquillières. Je F ai examinée avec une attention proportionnée à l’impor- tance que lui donne sa situation ; elle contient une petite quantité de sablon fin , du charbon , un peu de fer et un principe de fétidité cadavéreuse qui paroît tenir à un bitume d’origine animale. Cette dernière conjecture est assurément bien justifiée $0 annales du muséum par l’épouvantable destruction d’animaux marins qui a accompagné la formation de ces montagnes ; aussi cette fétidité n’est-elle point exclusivement annexée aux conciles de marbre qu’on y rencontre. On la reconnoît en brisant les grès même dont le carbonate de chaux constitue la moindre partie, de même que l’on rencontre le sable jus- que dans les marbres où l’on seroit le moins tenté d’en soupçonner la présence. Toutes ces masses sont des mé- langes divers de matières semblables. Le sable, la chaux carbonatée fétide , l’argile , les coquilles, associés dans toutes les proportions possibles au gré des accidens qui modifioient sur chaque point l’influence des causes générales; tels sont les élémens de toutes ces couches, de toutes ces veines qui se remplacent ici avec tant de caprice, et se succèdent avec tant d’irrégularité. Du haut du Mont-Perdu, l’oeil saisit à-la-fois tout ce système de montagnes semblables; c’est une longue suite de sommités à couches redressées , qui se rangent sur une même ligne, et qui partagent l’immense horizon du specta- teur en deux parties aussi différentes de niveau , que dis- tinctes par la forme des montagnes dont elles sont hérissées. Au nord, s’élèvent les montagnes primitives; leurs cimes aiguës et déchirées s’enchaînent étroitement et forment une large bande, dont l’élévation intercepte totalement la vue des plaines de France. Au midi , le spectacle est bien différent , tout s’abaisse tout-à-coup et à-la-fois. C’est un précipice de mille à onze cents mètres , dont le fond est le sommet des plus hautes montagnes de cette partie de l’Espagne. Aucune n’atteint à 25oo mètres d’élévation absolue, et elles dégénèrent bientôt en collines basses et arrondies au-delà desquelles 8* D* H I S T O I R E NATURELLE. s’ouvre l’immense perspective des plaines de l’Arragon. Mais ce qui attiroit sur-tout mon attention , c’étoit l’as- pect de cette bande méridionale des Pyrénées, sur laquelle mes regards plongeoient comme du haut des nues. Elle me sembloit nettement divisée en deux parties distinctes; la plus voisine des plaines offroit à ma vue ces longs dos et ces vallées évasées que forment ordinairement les coteaux calcaires sur la lisière des grandes chaînes. La bande, au contraire, qui tient au Mont-Perdu, et qui lui sert de base, conservoit l’étrange apparence qui signale tout ce qui appartient à cette singulière montagne. C’est un vaste et long plateau dont toute la surface, vue de cette hau- teur, paroît à-peu-près de niveau. Quelques mamelons seulement y figurent autant de monticules peu élevés , que séparent des vallons larges et peu profonds. Mais au milieu de ces inégalités superficielles qu’ont tracées d’anciens -courans, s’ouvrent quatre énormes crevasses à parois exac- tement verticales. Elles partent, en divergeant, des bases du pic, et se prolongent jusqu’aux limites du plateau dont elles partagent indifféremment et les protubérances et les vallons, et qu’elles divisent lui-même jusqu’à ses fonde- mens. Elles en absorbent aussi les eaux, et récèlent d’épaisses forêts que l’on aperçoit dans leurs profondeurs. Ces cre- vasses , si nettes qu’on les croiroit formées de la veille, ont si bien conservé leurs anglès saillans et rentrans, que tout se correspond parfaitement départ et d’autre, et les saillies et les enfoncemens, et les sinuosités des parois et les ondu- lations des sommités: on croiroit que leurs bords n’attendent, pour se rejoindre, qu’un nouvel effort de la puissance qui les a désunis. En vain on parcourroit ces crevasses, si on ne les a voit vues o. 11 82 ANNALES DU MUSEUM de haut. Leur étendue, leur profondeur , la grandeur gi- gantesque de toutes les proportions , ne permettroient guère d’en deviner l’origine et la nature ; je les ai visitées : pour les aborder il faut en chercher l’ouverture dans le val de Broto ou de Fanlo. Ce sont de vastes et majestueuses vallées couvertes de forêts aussi vieilles que le monde, et qui ne sont connues que de quelques pâtres qui y conduisent de loin en loin leurs troupeaux voyageurs. J’ai marché deux jours dans celle qui porte le nom de V^al d’ Ordésa. Je n’ai rien vu de plus imposant et de plus extraordinaire ; le sol est une suite de gradins parfaitement horizontaux, et formés par des bancs de grès entre lesquels on remarque le grès rouge que les géologues considèrent comme l’un des plus anciens du globe. Le torrent y tombe en cascades si régulières, que la longue rampe qu’il parcourt , semble façonnée de main d’homme. De part et d’autre s’élèvent, à perte de vue, les parois de cette vaste fissure, disposés en étages d’une hau- teur prodigieuse, et dont l’à-plomb, la matière, la couleur et les joints rappellent à tel point les structures humaines, qu’on croiroit voir un immense édifice en ruines. Du fond de cette crevasse j’ai gravi sur le plateau. Son élévation est de 243om ou 1200* au-dessus du niveau de la mer; et la profondeur de la crevasse est de 900 mètres ou 46o toises vers son milieu, et de 1287 mètres ou 645 toises vers son embouchure. Tout est secondaire dans ces énormes amas. Les pou- dingues, les grès, le calcaire coquillier et fétide, tels en sont les matériaux; et dans le nombre des corps marins qui y sont enfermés, le genre qui l’emporte sur tous les autres, est celui des numismates que l’on rencontre par-tout dans une si prodigieuse abondance, qu’elle épouvante l’esprit le plus ü’ HISTOIRE NATURELLE. 85 accoutumé à l’idée des grandes destructions de la nature. Quant au plateau lui-même, c’est un affreux désert. Déjà trop élevé pour nourrir des arbres , il repousse encore la petite végétation par la mobilité des débris dont il est cou- vert ; à peine on y aperçoit çà et là quelques maigres ga- zons. Les hauteurs même du Mont-Perdu n’en sont pas à ce point dépourvues $ jusqu’à ses derniers étages, j’ai trouvé des plantes rares et superbes, et j’ai recueilli, à quelques mètres au-dessous de sa cime, le cerastium alpinumel l’«- retici atpinci en pleine fleur ; jamais même je n’avois vu cette dernière aussi vigoureuse et aussi belle que je l’ai vue à une élévation qui est peut-être la plus grande où l’on ait observé des plantes parfaites, à cette latitude. Au reste, ces êtres organiques sont les derniers que j’aie rencontrés à la cime du Mont-Perdu. J’y ai séjourné deux heures, et à quelque distance que j’aie porté mes regards, je n’ai rien aperçu de vivant qu’un aigle qui passa au- dessus de nous, volant directement contre le vent avec une inconcevable rapidité: en moins d’une minute nous le per- dîmes de vue. Nous luttions nous-mêmes contre ce vent impétueux dont un aigle triomphoit si aisément, et il nous faisoit éprou- ver un froid considérable. Aucun vent ne diminue aussi promptement la chaleur sensible, que ne le fait celui du sud quand on est exposé à son action dans les régions su- périeures de l’atmosphère : il doit cette propriété à sa sé- cheresse et à sa rapidité , qui sollicitent et hâtent l’évapo-* ration des corps qui en sont susceptibles. Nous étions transis, quoique le thermomètre n’indiquât pas une très-basse température. Cette incommodité , au reste , est la seule que j’aie ressentie. Nous respirions sans peine cet air déjà 84 annales du muséum si léger et qui ne suffit plus à la respiration de bien d’autres. J’ai vu plus d’une fois des personnes vigoureuses être forcées de s’arrêter à des hauteurs beaucoup moindres ; et au col du Géant , où l’air n’étoit qu’au même degré de raréfaction , Saussure éprouvoit de l’essoufflement et un commencement de malaise dès qu’il se livroit à des mouvemens un peu plus qu’ordinaires. Ici nous n’avons rien éprouvé de sem- blable ; seulement l’état du pouls indiquoit une altération indépendante de l’agitation du voyage : le repos ne le cal- moit point. Pendant tout le temps que nous restâmes au sommet , il demeura petit, sec, tendu, et accéléré dans le rapport de 5 à 4; cette fièvre, qui est nerveuse, annon- çoit assez le malaise que nous aurions ressenti à une hau- teur plus grande ; mais au point où nous en étions affectés, elle produisoit un effet tout opposé à celui qu’un degré de plus auroit produit. Bien loin d’occasionner de l’abattement, il sembloit qu’elle soutenoit mes forces , et qu’elle excitoit mes esprits. Je suis persuadé que nous lui devons souvent cette agilité des membres, cette finesse des sens, cet élan de la pensée qui dissipent tout-à-coup l’accablement de la fatigue et l’appréhension du danger; et il ne faut peut-être pas chercher ailleurs le secret de l’enthousiasme qui perce dans les récits de tous ceux qu’on a vus s’élever au-dessus des hauteurs ordinaires; si toutefois il ne convient pas d’accorder aussi quelque chose à l’empire même des lieux, à la majesté du spectacle, à l’émotion qu’excitent des aspects si imposans et si nouveaux , lorsque seul , sur ces cimes qui sont les vé- ritables extrémités de la terre, l’observateur invité au re- cueillement par la grandeur des objets et le silence de la nature, contemple sur sa tête l’immensité de l’espace, et sous ses pieds la profondeur des temps. d’ H I S T O I II JE NATUREL L E» $5 ESSAI JDe classification des produits volcaniques , ou prodrome de leur arrangement méthodique * Par FAUJAS-SAÏNT-FOND. Plus l’on étudie l’histoire naturelle des volcans brulans, ainsi que celle des volcans éteints , plus l’on doit être con- vaincu que la différence d’opinion qui règne au sujet de ces derniers, et qui divise plusieurs naturaliste d’Allemagne d’avec ceux de la France et de l’Italie, qui ont une manière de voir différente, tient particulièrement à ce qu’on ne s’est jamais bien entendu, tant sur les mots que sur les choses. Dans une question qui a des rapports si immédiats avec les révolutions de la terre, il paroît, d’après des faits, que quel- ques savans ont confondu certains produits de la nature, qui doivent leur origine aux eaux, avec d’autres produits en quel- ques sortes analogues, qui sont le résultat de l’action des feux souterrains: nous devons dire aussi avec la même franchise, que ceux qui marchent sous les bannières de Neptune , ont poussé les choses plus loin encore , en attribuant au fluide 86 annales du muséum aqueux des matières qui ont été incontestablement dans un état de fusion; c’est de-là qu’à pris naissance la secte des neptunistes et des vulcanisbes . Je ne connois qu’un seul exemple où des naturalistes français ont été induits en erreur au sujet des trapps et des amigdaloïdes du Palatinat, qui ont, au premier aspect, une telle ressemblance avec des produits volcaniques, qu’il n’est point étonnant qu’ils aient pu tromper ceux qui ne les observoient pas sur les lieux; mais lorsqu’à mon retour d’Allemagne je lis une longue station à Kini , à Oberstei/i et à R echembach , et que j’y recueillis une suite nombreuse de trapps et d’amigdaloïdes, que je lis voir à ces mêmes naturalistes, et que je partagai avec eux , ils s’empressèrent de revenir de leur erreur. (1) Les trapps et les amigdaloïdes du derbischire qui ressem- blent à ceux du Palatinat , avoient trompé de mémo M. Whitehurstqui les a considérés comme des produits du feu, dans son livre sur la théorie delà terre; mais comme il m’avoit invité à observer ces pierres avec attention, lors- que jevoyageois dans cette contrée de l’Angleterre, si riche en minéraux, je lui lis part de mon opinion entièrement (1) Lamanon s’étoit trompé aussi, au sujet des trapps et des amigdaloïdes de la montagne de Druvciire dans les Hautes- Alpes du Cliampsaur \ mais non-seulement il se rétracta , lorsque j’eus combattu son opinion , mais il supprima aussitôt l’ouvrage qu’il avoit fait imprimera ce sujet, et n’en réserva que douze exemplaires, auxquels il ajouta sa rétractation. Je possède un de ces exemplaires, qu’il m’envoya en témoignage de son amour pour la vérité. Au reste, il ne faut pas blâmer les na- turalistes qui ont quelquefois confondu les trapps et les amigdaloïdes avec certaines laves j car il y a de véritables laves qui doivent leur origine à des trapgs et à de£ amigdaloïdes. d’iIISTO IRE NATURELLE. 8? opposée à la sienne, et j’eus l’honneur de lui écrire que je n’avois rien trouvé de volcanique dans tout ce pays. Je ne rapporte ici ces détails que pour prouver à ceux qui regardent les vulcanistes comme des hommes qui ne voient par-tout que les traces du feu , qu’on a tort de les juger ainsi. Je passe à présent au tableau systématique de tous les produits volcaniques dont je vais esquisser ici le prodrome, î I-er Laves compactes homogènes à hase de trapps, c’est-à-dire, dans lesquelles les mêmes élémens qui entrent dans la com- i.re division. Jposition des trapps, se trouvent réunis et confondus de manière qu’on ne sauroit en distinguer aucun en particulier à l’oeil nu. Ces laves sont noires, et quelques-unes ont le grain très-fin. $ IL Laves trappéennes homogènes, Variété de la même espèce dont le grain 97 d’ histoire naturelle. / eme _ l4. DIVISION. Pouzzolanes. $ I.er Pouzzolanes graveleuses formées par le I dèlritus des laves poreuses, rouges de (briques, rougeâtres, brunes, noires. $ II. Pouzzolanes terreuses formées par la dé- composition plus ou moins avancée des laves de diverses espèces. OBSERVATIONS SUR LES POUZZOLANES. Les pouzzolanes sont un objet d’utilité première dans les construc- tions hydrauliques, l’on ne peut bâtir avec solidité dans la mer, sans employer cette production des volcans, en la mélangeant avec deux portions de chaux sur une de ce ciment naturel , dont on forme un mortier bien corroyé. Vitruve a consacré , dans son architecture , un chapitre sur l’origine de cette matière , et sur la propriété qu’elle a de prendre corps très-promptement dans l’eau de la mer ainsi que dans l’eau douce , lorsqu’elle a été amalgamée avec de la chaux forte , elle résiste alors parfaitement à l’action corrosive du sel marin. Nous avons en Vivarais , en Velay , ainsi qu’en Auvergne , des mines de pouzzolanes aussi bonnes que celles d’Italie; et cependant, nous faisons encore usage des pouzzolanes des environs de Naples ; ce qui prouve qu’il faut beaucoup de temps pour changer les habi- tudes des hommes , même dans les choses les plus simples. Le trass des environs d’Andernach sur la rive gauche du Rhin , est une sorte de pouzzolane formée de petits fragmens de pierre ponce , et de diverses espèces de laves plus ou moins altérées et agglu- tinées à la manière des tuffcis volcaniques. (1) On transporte par (i) J’ai donné la description des carrières de trass, dans le premier cahier des Annales du Muséum d’histoire naturelle , tome a. f)8 ANNALES DU MUSEUM eau jusqu’à Dordrecht , les pierres de trciss , pour les réduire en poudre dans des moulins à boccards que le vent fait mouvoir. Le trciss ainsi pulvérisé , circule dans toute la Hollande , et est employé avec le plus grand succès pour toutes les constructions en maçonnerie, dans un pays où l’on trouve l’eau par-tout en creusant la terre : les Hollandais fournissent aussi du trciss à l’Angleterre. 5r DIVISION. Laves décomposées par les vapeurs acides et parles gaz. U" Laves oxidées de diverses couleurs. § II. Laves blanches compactes ou poreuses plus ou moins altérées. § III. Laves altérées à leur superficie par Faction de l’air atmosphérique. 16. DIVISION. Lithologie des vol- cans, ou des pierres' diverses qui ont été accidentellement en- veloppées par les la- ves. § Ler Laves avec du granit. 5 II. Avec du porphyre. - 5 III. Avec du feldspath. $ IV. Avec du quartz. 5 V. Avec du silex. $ VI. Avec du pechstein ou pierre de poix. D7 HISTOIRE NATURELLE. 99 5 VU. Avec du grès quartzeux. § VIII. Avec de l’horn-blende S IX. Avec du pyroxène. 5 X. Avec de la tourmaline. § XI. Avec du saphir. § XII. Avec du grenat. § XIII. Avec de l’hyacinte , zircon de Haiiy. $ XIV. — Avec spath calcaires, arragonite, i marbres, pierres calcaires. S XV. — —Avec du charbon. $ XVI. Avec du soufre. § XVII. Avec des pyrites. $ XVIII. — — Avec du fer et autres métaux. \ 100 ANNALES DU MUSEUM TABLEAU GÉNÉRAL. I.ere DIVISION. Laves trapéennes homogènes. IL* DIVISION. Laves porphyriques. III.* DIVISION. Laves à base de feldspath. IVe DIVISION. Laves amigdaloïdes. V.e DIVISION. Laves granitiques. VI.e DIVISION. Configurations diverses des laves. VII.e DI VISIO N. Laves poreuses de diverses espèces. VIII.e DIVISION. Vitrification des laves. IXe DIVISION. Sublimation des sels. X.e DIVISION. Sublimation du soufre. XI.e DIVISION. Sublimation des matières métalliques. XII.e DIVISION. Brèches et Poudingues volcaniques formées par la voie sèche. XIII.e DIVISION. Produ its vol caniques dans la formation desquels l’eau est entrée en concur- rence avec le feu. XIV.6 DIVISION. Pouzzalanet. XV,e DIVISION. Laves décomposées par les vapeurs acides et par les gaz. XVI." DIVISION. Lithologie des volcans, ou de pierres diverses qui ont été accidentelle- ment enveloppées par les laves. d’histoire N A 'I U R ELLE, 101 MÉMOIRE Sur les Pierres tombées de V atmosphère , et spécialement sur celles tombées auprès de V Aigle , le 6 floréal an XI. Lu à la Séance publique de la classe des sciences physiques et mathématiques de l’Institut national le 28 fructidor an XI. § I. Sujet de ce Mémoire. Il y a dans l’histoire naturelle quelques faits si extraor- dinaires , que les hommes les plus accoutumés aux mer- veilles et à la puissance de la nature , restent long-temps dans le doute ou dans l’incertitude sur l’existence même de ces faits. Tel est celui de la chute des pierres de l’at- mosphère ou du ciel sur la terre: depuis Pline jusqu’à nos jours, les naturalistes et les physiciens les ont reléguées parmi les fables ou les préjugés populaires. Cependant des récits exacts et assez multipliés de corps pierreux tombés de l’atmosphère sur la terre , depuis six à huit années, l’accord des phénomènes météoriques qui ont accompagné leurs chutes , l’analogie de forme, de struc- ture et de couleur observées sur cinq à six pierres tombées à des temps différens et dans des lieux très-éloignés les uns des autres; enfin la non-existence de pareilles pierres dans 3» 102 ANNALES DU MUSEUM aucune des mines ou carrières connues de notre globe, ont engagé M. Howard, chimiste anglais, à faire l’ana- lyse de ces productions inconnues jusqu’à lui. L’examen chimique lui a présenté non-seulement une parfaite iden- tité entre elles, mais encore une différence marquée d’avec toutes les autres matières minérales analysées jusqu’à pré- sent. Il a trouvé qu’elles contiennent en général depuis le i jusqu’aux J de leur poids de silice, un tiers de fer, un 6.e ou un 7.® de magnésie, et quelques centièmes de soufre et de nickel ; il a de plus reconnu que la pâte principale de ces pierres tient enveloppés des globules de fer allié de nickel et d’un peu de soufre, et des fragmens d’une pyrite composée de fer et de nickel sulfurés. Les mêmes résultats ont été ensuite obtenus par Vau- quelin sur trois des mêmes pierres, et sur deux pierres tombées en France, l’une à Barbotan en juillet 1789, et l’autre à Créon , paroisse de Juliac, en juillet 1790. D’après l’intérêt que lui ont inspiré ces premiers résultats, la classe a paru désirer que je communiquasse au public quelques détails sur les pierres tombées, le 6 floréal der- nier, aux environs de l’Aigle, et l’examen chimique de cette production ; j’y joindrai l’analyse comparative de la pierre d’Ensisheim, si fameuse par sa masse, et si intéressante par sa nature trop peu connue encore. § II. Description et analyse des pierres tombées auprès de V Aigle , le 6 floréal an XI. Je rapporterai d’abord l’extrait de plusieurs lettres sur les pierres tombées près de l’Aigle ; la première dont j’ai eu d’ histoire naturelle. io3 connoissance , et que m’a communiquée le citoyen Vau- quelin , a été écrite quelques jours après leur chute, par un habitant de l’Aigle ; j’en conserverai les propres ex- pressions. « Il vient de se passer dans notre pays, dit l’auteur de )) cette lettre , un phénomène assez surprenant. » Mardi dernier, 6 floréal, entre une et deux heures n après midi, il a été entendu un roulement semblable » au tonnerre ; nous sortîmes et fûmes surpris de voir l’at- » mosphère assez nette, à quelques petits nuages près qui )> n’étoient pas assez épais pour nous dérober la clarté du » soleil. Nous crûmes que c’étoit le bruit d’un cabriolet ou )> le feu qui étoit dans le voisinage. Nous fûmes alors dans » le pré pour découvrir d’où venoit ce bruit , et nous vîmes » tous les habitans du Pont-de-Pierre qui étoient à leurs » fenêtres et dans leurs jardins, regardant avec étonne- » ment un nuage qui passoit dans la direction du sud au » nord, d’où partoit ce bruit. La surprise fut bien plus » grande, lorsqu’on apprit qu’il étoit tombé de ce nuage )) des pierres très-grosses et en grande quantité, parmi les- » quelles il y en avoit de dix , onze, jusqu’à dix-sept livres, )) depuis l’habitation des Buat jusqu’à Gloz, en passant » par Saint-Nicolas , Saint-Pierre , etc., etc.» Voilà comment s’expliquent tous ceux qui ont été les témoins de cet événement extraordinaire ; « ils enten- » dirent comme un coup de canon, ensuite un coup double )) plus fort que le précédent, et celui-ci fut suivi d’unrou- » lement qui a duré environ dix minutes , et qui étoit ac- » compagné de sifflement; c’est ce dernier bruit que nous » entendîmes à l’Aigle. Tous les paysans furent très- i4 * Î0'4- ANNALES DU MUSEUM » effrayés, sur-tout les femmes qui crojoient que la fin du )> monde étoit proche. Le morceau qui accompagne ma » lettre a été séparé d’une grosse pierre qui pesoit onze u livres ; elle a été trouvée entre les Buat et le Futey. Les » plus grosses ont été lancées si violemment , qu’elles sont :» entrées dans la terre au moins à un pied de profondeur. » Elles sont noires extérieurement, et grisâtres intérieure» )> ment: il semble qu’il y ait dedans une espèce de métal. )) Il en est tombé une tout près de M. Bois-de-la-ville, qui » demeure auprès de Gloz; il eut beaucoup de peur, et i-1 » se sauva sous un arbre; il en a trouvé une grande quan- » tilé de différentes grosseurs dans sa cour, ses blés, etc. , )> sans compter toutes celles que les paysans ont ramassées » ailleurs. )) Le Buat l’aîné vient d’arriver et nous fait ajouter qu’on )> a vu un globe de feu planer sur la prairie. )> Notre confrère Leblond qui habite l’Aigle depuis plu- sieurs années, a donné aussi quelques détails intéressans sur ce phénomène dans deux lettres adressées le i4 et le 5o floréal au citoyen Lenofr, administrateur du musée des monumens français. Voici comme il s’explique dans la pre- mière. « Le 6 de ce mois, à une heure après midi, l’air » étant plus froid que chaud, le ciel serein, on entendit )) dans l’espace de deux myriamètres, aux environs de » l’Aigle, un bruit de tonnerre fort extraordinaire par son )) roulement continu qui dura cinq à six minutes, et ac- » compagné d’explosions fréquentes semblables à des dé- » charges de inousqueterie : la direction de cet orage, ou )> plutôt de ce phénomène, étoit du midi au nord. Comme » cet événement a répandu la terreur dans tous les lieux î)’ H l S T O I R E NATURELLE. Ï0,$ 5) où on l’a remarqué, plusieurs personnes en ont fait des » relations verbales, mêlées sans doute de quelques exagé- » rations , et parce qu’on aime à augmenter le danger au* » quel on s’est cru exposé, et parce que ceux qui font de )) tels récits ne sont pas ordinairement physiciens; le résultat » de tous les récits m’a présenté deux faits qui ont fixé mon )) attention. » i.° Un orage qu’on peut regarder comme extraordi- » naire, parce qu’il a été subit, qu’il s’est manifesté dans » une assez grande étendue, à la même heure, dans un » court intervalle de temps, et que l’effroi s’est répandu » par-tout où ce phénomène a eu lieu. » 2.0 Des pierres trouvées, à la suite de ce phénomène, » à des distances considérables les unes des autres ; pierres » que le pays n’offre point ordinairement, qui présentent » un certain éclat métallique, et qui ont tous les caractères » de substances soumises à un feu violent; j’en ai eu sept » entre les mains, recueillies dans des lieux différens : la » plus forte pesoit dix-sept livres et demie.» Dans la seconde lettre, le citoyen Leblond donne des détails plus positifs encore. «Une grande explosion eut lieu » dans le village de la Vassollerie ; on y avoit remarqué un » nuage électrique , sans pluie ni grêle. L’explosion fut » suivie d’un bruit sourd et violent semblable à celui de la » chute d’un corps très-lourd; six personnes se transpor- » tèrent au lieu d’où ce bruit partoit : à 5o mètres de dis- » tance, elles virent à l’entrée d’un pré, un trou du dia- » mètre d’un boulet de vingt-quatre, et profond do près » de cinq décimètres. On en retira une pierre pesant neuf » kilogrammes. Quelques jours après, le citoyen Leblond io6 ANNALES DU MUSEUM )) se transporta lui-même dans la prairie ; il vit que la » pierre s’étoit arrêtée sur une couche de silex , que de » petites touffes de gazon avoient été éparpillées à Fen tour; u on lui apporta successivement neuf pierres tombées à » la même heure, à Saint-Nicolas de Sommaire, au Fon- » tanil, et dans toute cette région du midi au nord, l’espace » de deux à quatre kilomètres de distance. » Outre les deux pierres qui m’ont été envoyées par le citoyen Leblond, l’une entière, et l’autre ayant fait partie de celle de neuf kilogrammes, j’en ai vu une douzaine à Paris , entre les mains de marchands qui en font un com- merce fort avantageux par le haut prix qu’ils y attachent. Elles sont en général irrégulières, polygones, souvent cuboïdes, quelquefois subcunéiformes, de diamètres et de poids très-variés ; toutes recouvertes d’une croûte noire, graveleuse, d’une matière fondue et remplie de petits grains de fer agglutinés. La plupart sont cassées dans plusieurs de leurs angles, soit par leur choc entre elles, soit par la rencontre des silex sur la terre; leur intérieur ressemble à toutes les pierres analysées par MM. Howard et Yauquelin ; elles sont grises, un peu variées dans leur nuance, grenues et comme écailleuses, fendillées dans beaucoup de points, et remplies de parties brillantes métalliques du même as- pect, absolument comme celles des autres pierres analogues. Nous en avons fait l’analyse, le citoyen Yauquelin et moi, de la manière suivante, déjà adoptée pour un travail pa- reil. Sur la pierre réduite en poudre fine , on a versé de l’acide muriatique un peu foible ; il s’est produit une effer- vescence assez vive; il s’est répandu une odeur de gaz hy- drogène sulfuré ; et la liqueur a pris une couleur verte très- d’histoire naturelle. 107 prononcée. Le gaz qu’on en a recueilli n’étoit pas entière- ment sulfuré. On a passé deux fois de suite de l’acide mu- riatique pour décolorer la partie insoluble qui s’est trouvée après un lavage exact de la silice pure , faisant plus de la moitié du poids total de la pierre. La dissolution muriatique avec excès d’acide a été traitée par l’ammoniaque qui en a précipité le fer oxidé et en a retenu la magnésie et le nickel ; on a séparé complètement le fer en faisant bouillir la liqueur, et on a obtenu près de trente-six pour cent de ce métal foiblement oxidé. La liqueur contenant un muriate triple d’ammoniaque de nickel et de magnésie, a été mêlée avec une solution de potasse pour précipiter la magnésie qui a entraîné avec elle une petite portion de nickel. On a eu à-peu-près neuf pour cent de terre magnésienne ; l’eau chargée d’hydrogène sulfuré nous a servi ensuite pour sé- parer l’oxide de nickel dont nous avons trouvé environ trois pour cent. Nous ne parlerons pas ici de quelques difficultés quise présentent dans lesdétailsde cette analyse, nousles ré- serverons pour un mémoire particulier; nous nous conten- terons d’énoncer le résultat de cet examen. Il nous a donné pour matériaux constituans de la pierre de l’Aigle, à très- peu près, les proportions suivantes: Silice 55 Fer oxidé . . 36 Magnésie. . . q Nickel .... 5 Soufre .... 2 Chaux .... 1 Les quatre pour cent d’augmentation tiennent àî’oxida- tion des métaux opérée par l’analyse elle-même. annales du muséum ioB $ III. Analyse de la Pierre d’ Ensisheim. La pierre d’Ensisheim tombée sur la terre vers la fin du i5.e sièele , a fait le sujet de beaucoup de récits plus ou moins fabuleux. Les auteurs contemporains en parlent pres- que tous. M. Dutenschoen , professeur d’histoire à l’école centrale de Colmar , m’a communiqué plusieurs passages intéressans sur la chute de cette pierre. Comme M. Dedrée en a fait mention dans le mémoire très-intéressant qu’il a donné à la classe sur cette matière, je n’exposerai ici que quelques traits principaux de cette histoire remarquable. Une chronique manuscrite en allemand, dit que le 7 no- vembre de l’an i4g2, entre les onze heures et midi, on a entendu dans les environs d’Ensisheim un terrible coup de tonnerre, et qu’un enfant a vu tomber et frapper dans un champ de froment une énorme pierre qui y étoit entrée à la profondeur de trois pieds environ ; elle pesoit alors 260 livres. Maximilien , roi des Romains, après en avoir fait détacher quelques morceaux , la fit suspendre dans l’église paroissiale d’Ensisheim. Depuis la révolution elle a été transportée à Colmar, et déposée dans la bibliothèque j elle ne pesoit plus que 171 livres. M. Barthoidi, professeur de chimie à l’école centrale du Haut-Rhin, a donné, il y a plus de trois ans, une ana- lyse de cette pierre : outre la silice, le fer, le soufre et la magnésie, il y annonce 0,17 d’alumine, et il la présente comme une pierre secondaire argilo-ferrugineuse, prove- nant delà décomposition des roches primitives, qui aura pu être déplacée d’une montagne voisine, d’ HISTOIRE NATURELLE. 1 oq La méthode d’analyse que ce professeur a suivie,, ne lui a pas permis de reconnoître assez exactement les terres composan t cette production , puisqu’il y admet de l’alumine qu’aucune expérience n’a pu nous y faire reconnoître. Il n’y a pas non plus trouvé de nickel, et les moyens qu’il a employés ne dévoient pas en effet le lui montrer. Le préfet du Haut-Rhin, le citoyen Félix Desportes, toujours disposé à favoriser les recherches utiles aux sciences , m’a envoyé un fragment de plusieurs kilogrammes de la pierre d’Ensisheim, contenant d’un côté une portion de la croûte fondue noire, un peu oxidée, et présentant d’ail- leurs toutes les propriétés extérieures des autres pierres tombées de l’atmosphère. On y trouve des espèces de petits filons de sulfure de fer et de nickel gris et brillant. Nous n’y avons pas rencontré de globules de fer très-sensibles. Cent parties de cette pierre traitée par les procédés déjà décrits, nous ont donné. Silice. ... 56 Fer oxidé . 3o Magnésie . 12 Nickel. . . 2,4 Soufre ... 5, 5 Chaux ... i,4 Elle contient donc les mêmes principes que la pierre de l’Aigle; elle n’en diffère que par un peu moins de fer et de nickel, et un peu plus de magnésie et de silice : encore cette différence ne va-t-elle qu’à quelques centièmes. En comparant l’analyse de ces deux pierres à celles déjà faites par MM. Howard et Vauquelin, on y trouve la plus 5. i5 io5.5 1 10 ANNALES DU MUSEUM frappante analogie de nature , et il est impossible de ne pas reconnoître une identité frappante de composition entre ces pierres» $ IV. Conclusion : Réflexions sur l’origine des pierres tombées de V atmosphère , Voilà donc maintenant neuf pierres toutes bien recon- nues pour être tombées de l’atmosphère, avec bruit, déto- nation, météores lumineux , toutes recouvertes d’une croûte noire et fondue, toutes grises , grenues, métallifères dans leur intérieur, donnant absolument les mêmes produits à l'analyse , ne contenant point d’alumine, contenant beau- coup de silice, un peu de magnésie, et une combinaison singulière de fer , de nickel et de soufre, toutes en un mot, semblables entre elles, et également différentes des miné- raux connus sur notre globe. On ne doit pas trouver étrange qu’une si frappante ana- logie physique et chimique ait fait penser que ces pierres ont toutes la même origine, et que comme elles forment un ordre de composés différons de tout ce qu’on a vu jusqu’ici parmi les minéraux, quelques physiciens en ayent conclu qu’elles n’appartiennent point aux fossiles de notre globe. Aussi a-t-on imaginé, depuis quelques mois, plusieurs hypothèses nouvelles pour expliquer la formation de ces singuliers produits. Les uns soutiennent que ce sont des minéraux élevés et projetés de la terre par des volcans ; quelques autres les regardent comme des pierres de notre globe frappées et fondues à l’extérieur parle tonnerre. Plu- sieurs chimistes croient que les matériaux terreux et me- 111 d’ histoire naturelle. talliques de ces pierres, élevés dans l’air , s’y sont agglu- tinés ou agglomérés pour former les masses tombées. Il est des physiciens qui pensent que ces pierres sont formées des élémens meme des terres et des métaux , élémens qu’ils supposent à l’état gazeux dans une grande hauteur de l’atmosphère , et dont ils admettent le rappro- chement et la condensation par des causes météoriques. Cette opinion admet plusieurs hypothèses trop éloignées de ce qu’on sait encore, pour ne pas offrir des difficultés insolubles dans l’état actuel de nos connoissances. L’une est le mélange de grains ferrugineux et de sulfures à deux métaux isolés les uns des autres, dans une pâte à-peu-près homogène, composée de silice, de magnésie, de fer et de nickel. L’autre est relative à l’identité de toutes ces pierres, qui supposèrent que la nature, en n’admettant dans son vaste laboratoire atmosphérique que les élémens de leurs maté- riaux constituans, en rejetteroit donc ceux de l’alumine et de beaucoup d’autres métaux dont la formation ne doit pas lui coûter plus que celle du fer et du nickel. Ces difficultés qui existent aussi pour les hypothèses précédentes , en ont fait imaginer une dernière moins in- vraisemblable qu’elles , quoique peut-être plus extraordi- naire encore. C’est celle de quelques géomètres qui regardent ces pierres comme projetées par les volcans de la lune hors de sa sphère d’attraction , et jusqu’aux confins de celle de la terre. Si le premier énoncé de cette opinion semble être re- poussé par tout ce que nous avons appris et pensé jusqu’içi, elle semble cependant répugner moins à la raison , que les i5* 112 ANNALES DU MUSEUM quatre précédentes hypothèses. Au reste, dans une pa- reille matière, on est forcé de choisir entre des idées tout aussi insolites les unes que les autres ; et ce n’est qu’en éli- minant l’absurde ou l’impossible, qu’on se trouve forcé d’adopter ce qui auroit d’abord paru presque incroyable. On trouvera toutes ces opinions nouvelles très-claire- ment exposées et discutées dans la lithologie atmosphé- rique du citoyen Izarn , premier recueil précieux publié sur cette matière. (1) (1) Lithologie atmosphérique présentant la marche et l’état actuel de la science sur le phénomène des pierres de foudre, pluies de pierre, pierres tombées du ciel, etc. par Joseph Izarn j chez Delalaia fils , libraire , quai des Augustiüs, N.° 38 > au coiu de la rue Payée. Jï'rere^ (ZeZ. CATST TTTA PYRTFOLIA . Ji&Zran if czcZp ■ ■ f .. . . jFrere& cle/. CANTTIA BUXTFOXilA.. J&hran/ oc a. ta , cre- nato-sinucita ; flores dense, corymbosi terminales corymbo intràfolia- ceo subsessili ; calix quincjuejidus ; corolla tubulosa duplb Ion gior , limbi dioisuris acutis ; stamina plurimùm exserta. Ex Périma. Pipiso incolis. 5. C. ovata Cavan. icon. 4,p. 45, t. 565. — Peripliragmos uniflorus, Ruiz-Pav. Peruv. 2 , p. 18. — Folia subpetiolalci ovato-oblonga acu- minata glabra integerrima ( in rctmulis regerminantibus utrinque b i cl en lata ) ; flores supremis foliis axillares solitarii pedunculo bi aut triphyllo ; calix dentatus • corolla tubulosa triplo longior , quinque- loba lobis ohcordcitis • stamirba exserta inæqualia. Ex Peruviâ. Cart- tuttica incolis. 4. C. ligustrifolia Juss. herb. — Peripliragmos fætidus Ruiz-Pav. Peruv. 2 , p. 17 j t. 1 52. — Frutex fætidus y folia conferta sessilia , ovcito lanceolata ( Ligustri ) integerrima glabra y flores in ramulis ter- minales aut supremis foliis axillares , pedunculis solitariis bi aut tri- f loris 7 calix dentatus y corolla tubulosa triplo longior , faite e villosâ , limbo quinquefido • stamina plurimùm exserta ; stigma vix bifidum . Ex Peruviâ. Guevillguevill incolis. 5. C, buxifolia(T. VIII.) Juss. herb. ; Ijam.dict. 1, p. 600. Illustr. 1, p. 470,1. 106, f. 25 Wilden. sp. i,p. 878. — Periphragmos dépendons Ruiz- Pav. Peruv. 2 , p. 18 , t. i55. — Folia ( Buxi ) subsessilia obovata acu- minuta integerrima , junior a pubescentia , adtiltiora glabra ; flores subcorymbosi terminales ; calix quinquefidus pubescens ; corolla tu- hulosa , triplo longior , limbo quinquelobo ; stamina non exserta. Ex Peruviâ. Cantua incolis , undè generis nomen. G. C. Tomentosa Cavan. icon. 4, p. 45 , t. 564. Differt à C. buxifoliâ, ramis, foliis et calice subquinquef do hirsutis j folia insuper longior a tl angusliora ; stamina paululùm exserici : an varieîas ? Ex Peruviâ. D HISTOIRE NATURELLE. H9 7. C. Cordata Juss. lierb. — Ramuîi oppositi sarmenlosi ; folia in ramulis pubescentibus subopposita cordata pubescentia ; flores axil- lares solitarii pedunculati ; calix brevis quinquefidus pubescens ; co~ rolla multô longior , tubulosa ad limbum quinqueloba , antheris ex- sertis ; fructus ignotus. Ex Peruviâ. An congener ? 2. Süffruticosæ aut Herbaceæ. Folia pinnatifida. 8. C. thyrsoidea Juss. herb. — Quamoclitpennatumfloribus inThyr- sum digestis Dill. Elth. 3'Ji , t. 24i , f. 3i2. — Polemonium rubrum Linn. sp. 1 63.. — Tpomæa rubra Murr. Syst. Linn. 171 . — Cantua pinna- lifida Lara. 111. 1, p. 473. — C. coronopifolia Wilden. sp. Linn. i,p. 87g. — Iporaopsis elegans Mich. fl. Amer. 1 , p. i4a. — Folia ( Quamoclit ) pinnatifida lobis linearibus integris oblongis ; flores paniculato-thyr- soidei terminales ( rnbri )j corolla latè tubulosa , calice quinquefido duplo longior ; stamina non exserta. Ex Carolinâ. g. C. gloineriflora Juss. — Phlox pinnata Cavan. icon. 6,p. 17 , t. 528, f. 1 . Sujfrutex] folia pinnatifida lobis linearibus integris longis y pedunculi axillares solitarii , apice subquinqueflori floribus glo- mei'atis. Corolla auguste tubulosa , calice quinquefido tripla longior; stamina non exserta. Ex Bonariâ. 10. C. breviflora Juss. herb. — Thouinia multifida Domb. herb. — Gilia laciniata Ruiz~Pav. Peruv. 2,p. 17, t. 123. — Herba annua subpedalis ; folia ( Coronopi ) pinnatifida lobis oblongis angustis si- nuatis ; pedunculi axillares solitarii uni biaut triflori ; corolla calice quinquefido vix longior tubulosa ; stamina non exserta. ExPeruyia. Explication des figures des planches VII et VIII. a. Calice et pistil, b. Corolle ouverte, c. Capsule, d. La même ouverte, e. Graine, Ces deux gravures faisoient , avec la suivante, partie d’une collection exécutée en 1781 , et dont la publication fut suspendue par d’autres travaux : on a cru pouvoir les joindre ici, quoique les plantes aient été depuis gravées dans d’autres ouvrages. 120 ANNALES DU MUSEUM SUR LE SOLANUM CORNUTUM DU MEXIQUE. Par A. L. JUSSIEU. Lorsque Thiery de Menonville fut envoyé au Mexique en 1777, parle Gouvernement français, pour y prendre la cochenille, et la transporter dans la colonie de Saint-Do- mingue , il recueillit aux environs de la Yera - Crux des graines d’une centaine de plantes , et les envoya directement en France ; c’est dans ce nombre que se trouvoient le ti- thonia et le jalap , tous deux décrits dans nos annales par Desfontaines. Le meme envoi renfermoit des graines d’un solarium très-épineux à feuilles pinnées et folioles pinnat fides , dont les fleurs jaunes et grandes, rassemblées en bouquets comme celles du lycôpersicon , offroient de plus un caractère très- remarquable : une des cinq étamines étoit deux fois plus grosse et plus longue que les autres. Cette organisation assez singulière m’avoit déterminé à le nommer solarium heterandrum , parce qu’elle le distinguoit parfaitement de toute autre espèce du meme genre, et je le démontrai sous ce nom dans les leçons du jardin, dont j’étois alors chargé. Je le fis même dessiner par Freret, habile dessinateur, avec beaucoup d’autres plantes que je me proposois de publier 1JZ.IX. 3- IfreredrcZeZ > 5;ot, Aisnnvr roRNUTTJJVT 121 d’ histoire naturelle. par fascicules. Quelques-unes furent gravées dans le même temps, et ce solarium étoit de ce nombre. D’autres occu- pations interrompirent ce travail qui ne fut pas suivi. La plante ne subsista au jardin que quelques années , et n’y fructifia point; on en a seulement conservé des échantillons > dansles herbiers. Lamarck la publia, en 1793, dans ses Illus- trations, vol. 2, p. 25, et en 1794, dans l’Encyclopédie mé- thodique , vol. 4, p. 3o8, sous le nom de Solarium cornutum , avec la phrase suivante : Solanum aculeatum , foliis pin- nato-pinnatifidis aculeatis , antheris déclinâtes cor ni) or mi- bus , irijîmâ maximâ productissimd. On retrouve à la suite, dans l’Encyclopédie , une description détaillée ; mais il pa- roi t que Lamarck ignoroit le lieu natal de la plante, puis- qu’il la croit originaire du Brésil , sans cependant le certifier. Comme elle n’est ci tée dans aucun autre ouvrage, ni figurée nulle part, j’ai pensé qu’il seroit utile d’en présenter la gra- vure dans lés Annales, et je joins ici celle que j’avois fait exécuter en 1781 ; on n’y trouvera pas le fruit bien exprimé, parce que celui qui contenoit les graines envoyées du Mexique, et qui étoit unique , se trou voit dans un état de dessication tel qu’il se rompit comme une capsule, sans qu’on pensât dans le moment à vérifier le nombre de ses loges; on peut cependant présumer, par analogie, que c’est une baye à deux loges, Explication des figures. ( PI. IX.) a. Calice et style, b. Corolle ouverte pour laisser apercevoir les étamines, c. Une des petites étamines, d. Grande étamine, e. Calice refermé sur le fruit./! Le même ouvert dans lequel on voit les restes du fruit ouvert et les grainesportées sur un réceptacle. g. Graine séparée. 122 ANNALES DU MUSEUM DESCRIPTION OSTÉOLOGIQUE DU TAPIR. P a n G. CUVIER. \ Le tapir est encore une de ces espèces intéressantes par une organisation singulière, dont les naturalistes se sont trop peu occupés : on n’a rien d’imprimé sur son ostéolo- gie : à peine semble-t-il, à lire les ouvrages les plus récens des naturalistes, que l’on ait quelque chose de certain sur le nombre de ses dents. Margrave, long-temps le seul auteur où l’on trouvât une description passable de cet animal, lui attribuoit quarante dents , savoir dix incisives et dix molaires à chaque mâ- choire , sans canines. Il est impossible de savoir ce qui avoit pu causer une telle erreur dans l’ouvrage de ce voyageur d’ailleurs si esti- mable, mais son assertion a passé dans les livres de tous ses successeurs. Buffon , dans le corps de son Histoire , n’a fait que copier d’ H I S T O I R E NATURELLE. 1 2.5 Margrave; Allamand ajouta dans l’édition de Hollande, une description faite sur deux individus vivans, mais qui ne lui permirent pas d’examiner leurs dents. Bajon , chi- rurgien à Cayenne, qui pouvoit observer le tapir aussi souvent qu’il vouloit , répète dans un mémoire adressé à l’académie en 1774, et inséré dans les supplémcns de Buffon , tome 6, in-4.°, le nombre de quarante dents; seulement , dit-il, on observe de la variété dans le nombre des incisives ; il annonce aussi l’existence des canines. Il est probable que s’étant aperçu que les dents antérieures n’étoient pas tout-à-fait comme on les décrivoit, il ne poussa pas l’observation assez loin , et n’osa contredire ouverte- ment ses prédécesseurs. Buffon lui-même, qui fit disséquer un tapir sous ses yeux , par M. Mertrud , négligea d’indiquer le nombre des dents, dans ce qu’il en écrivit dans ses supplémens. Linnæus,Pen- nant, Gmelin ne firent que s’en rapporter à Margrave. Mon savant ami M. Geoffroy, est le premier qui ait fait connoître la vérité par rapport au nombre des incisives qui est de six, et à l’existence de quatre canines. Il consi- gna ces faits dans le Bulletin de la société philomathique, pour ventôse an IV. Je les reproduisis dans mon Tableau élémentaire des animaux , imprimé en l’an VI. Ils furent confirmés par ce que dit de son côté Don Félix d’Àzzara , dans son histoire des animaux du Paraguay, dont la tra- duction française a paru en 1801 ; et cependant nous trou- vons encoreune énumération conforme à celle de Margrave dans la 6.e édition du manuel de M. Blumenbach, qui est de 1799, et dans sa traduction française qui a paru cette année même i8o3^ nous la trouvons encore dans la zoologie de 124 ANNALES DU MUSEUM Shaw, imprimée en 1801, avec un doute fondé seulement sur l’autorité de Bajon ; tant la vérité la plus simple a de peine à se faire jour quand l’erreur s’est une fois glissée dans des ouvrages accrédités. M. Wiedeman, dans sa courte description du crâne du tapir, archives zootomiques, tom. II, p. y4, s’est borné à répéter ce que M. Geoffroy et moi avions dit des incisives et des canines. (1) Le fait est que le tapir a quarante-deux dents; savoir, sept molaires de chaque côté en haut, six en bas, vingt-six en tout; une canine aussi de chaque côté, c’est-à-dire, quatre, et six incisives à chaque mâchoire, en tout douze, J’ai examiné, pour les molaires, trois crânes entiers; savoir, celui de notre squelette que je vais décrire , et deux que possède mon savant confrère Tenon; et pour les dents de devant, j’ai eu encore les deux animaux entiers qui sont dans la galerie des quadrupèdes du Muséum. Notre squelette qui est celui d’un jeune individu , n’avoit à la vérité que cinq molaires apparentes en haut, et quatre en bas; mais il nous a été facile de retrouver les huit germes de plus dans le fond des mâchoires. L’un des deux que possède M. Tenon, est d’ailleurs par- faitement adulte , et ne laisse lieu à aucun doute. Ces molaires avant d’être usées, sont toutes composées de deux collines transverses et tranchantes, presque droites aux dents d’en bas , augmentées dans celles d’en haut à (1) Cette description est accompagnée d’une figure de la tête, pl. 1 , f. 4, que M. Wiedeman a fait copier sur une épreuve que je lui avoisdonnée il y a long- temps, de la planche du squelette entier, que je publie aujourd'hui. d’histoire NATURELLE. 125 leur extrémité externe, d’un petit retour qui fait un angle avec la ligne principale. Il y a déplus un talon peu élevé en arrière , dans la cinquième molaire et dans les sui- vantes. À mesure que ces dents s’usent, la partie supérieure de la colline s’élargit ; les deux collines se confondent d’abord dans leur milieu : alors la dent présente deux surfaces ellip- tiques planes; enfin, elles se confondent tout-à-fait, et la dent est à-peu-près carrée. Les quatre incisives supérieures intermédiaires sont cou- pées carrément et en coin, comme celles de l’homme. Les deux latérales sont pointues, ce qui lésa fait prendre pour des premières canines par Don Félix d’Azzara. A en juger par les alvéoles d’un crâne adulte , appar- tenant à M. Tenon, elles deviennent même, à un certain âge, plus grandes que les vraies canines. A la mâchoire d’en bas, lesquatreincisivesintermédiaires sont semblables aux supérieures, seulement un peu plus étroites. Les latérales sont aussi en coin, mais de moitié plus petites que les autres, parce qu’elles font place aux latérales d’en haut : elles sont même sujettes à disparoître à un certain âge ; celle d’un coté étoit tombée au crâne du cabinet de M. Tenon, et n’y avoit pas laissé de trace de son alvéole. Les canines ressemblent assez à celles des animaux car- nassiers. Notre figure les montre petites, parce que l’ani- mal étoit jeune; mais elles sont plus grandes dans les crânes deM. Tenon. Cependant elles ne sortent jamais de la bouche, comme semble l’indiquer la première figure de Buffon , qui lui avoit été donnée par la Condamine. L’espace vide entre les canines et les molaires est assez 5, 17 126 ANNALES DU MUSEUM considérable, plus en bas qu’en haut, parce que la canine supérieure se place derrière l’inférieure lorsque la bouche se ferme. On peut voir tous ces faits dans les figure de notre II. e planche. 2. Est la mâchoire supérieure. 5. La mâchoire inférieure. 4. Un germe de molaire inférieure. 5. Un de supérieure. On peut y voir en même-temps le profil entier de la tête J on y est frappé d’abord de l’élévation de la pyramide du crâne, qui rappelle ce qu’on voit dans le cochon ; mais en quoi le tapir, diffère beaucoup, c’est que sa pyramide n’a que trois faces, et que sa ligne antérieure est formée parla rencontre des faces latérales. Ce n’est que vers le devant qu’elle se trouve dilatée en un triangle qui appartient aux os frontaux. Au milieu de la base de ce triangle, à laquelle s’articulent les os du nez, est une pointe qui pénètre entre eux ; et des deux cotés au-dessus des orbites, descend un canal produit par le redressement du bord supérieur de l’orbite qui aboutit vers le trou sous-orbitaire. La partie du crâne, qui est dans la fosse temporale, est bombée. L’occiput est un petit demi-ovale extrêmement concave, parce que la crête occipitale est très-saillante en arrière. Les os du nez frappent également, parce qu’ils sont très- courts, articulés à ceux du front par leur base, et à ceux des mâchoires par une apophyse descendante, mais libres et saillans comme un auvent triangulaire sur la cavité des narines. Cette forme , qui rappelle celle de l’éléphant, indiqué la présence d’une trompe mobile. n’ h r s t o ire nature l l e. 127 Les os maxillaires s’avancent bien au-delà desos du nez, pour former la partie avancée du museau , où ils portent les os intermaxillaires, qui (chose remarquable) étoient soudés dans notre individu, quoique très-jeune, et n’en fai soient par conséquent qu’un seul. Ces mêmes os maxillaires forment un plancher sous l’orbite. Le bord inférieur de l’orbite et la moitié de l’arcade sont dus à l’os de la pommette, le reste à l’os temporal. L’os unguis s’avance peu sur la joue, mais beaucoup dans l’orbite. Il y a deux trous lacrymaux séparés par une apophyse, et dont le supérieur est le plus grand. Le trou incisif est elliptique et très-long. Les fosses nasales postérieures échancrent le palais vers la cinquième molaire. La suture qui sépare les palatins des maxillaires , répond à la troisième. Les palatins contribuent beaucoup à la formation des ailes ptérygoïdes , le sphénoïde très-peu; ces ailes sont simples. Le sphénoïde ne va pas jusqu’au pa- riétal dans la fosse temporale. Derrière la cavité glenoïde qui répond à l’articulation de la mâchoire inférieure, est une lame demi-circulaire , des- cendant verticalement, dont le bord interne est un peu en avant, et répond à un enfoncement de l’extrémité interne du condyle dont elle gène le mouvement latéral. La mâchoire inférieure offre une largeur frappante à sa branche montante; toutes les deux sont un peu creusées latéralement à l’intervalle vide de dents. Les apophyses mastoïdes de l’occipital sont coniques et rentrent en dedans. (1) (1) Longueur de la tête depuis le bord du trou occipital jusqu’aux bore7 s des os incisifs t « ... . 0^2, k 17 328 ANNALES DIT MUSEUM L’atlas a ses apophyses latérales élargies, mais peu éten- dues; l’épineuse de l’axis est une crête fort élevée ; ses trans- verses sont petites et triangulaires: celles des trois vertèbres suivantes descendent obliquement, sont élargies et coupées carrément; leurs épineuses sont très-petites. La cinquième cervicale a une petite apophyse sur son apophyse trans- verse, qui du reste ressemble à celle des précédentes : son épineuse est un peu plus longue; encore plus celle de la septième dont la transverse est très-petite. Les facettes ar- ticulaires des cervicales montent obliquement de dedans en dehors. Il y a vingt vertèbres dorsales ; l’apophyse épi- neuse delà seconde est la plus longue; elles décroissent et s’inclinent en arrière jusqu’à la onzième, à partir de la- quelle elles sont droites , carrées et à-peu-près égales. Il y a vingt paires de côtes dont huit vraies : le sternum est com- posé de cinq os; sa partie antérieure est comprimée et saillante en forme de soc de charrue. Il y a quatre vertèbres lombaires dont les apophyses transverses sont assez grandes j Hauteur verticale 0,22, Distance entre l’occiput et le bout des os du nez 0,22. — Le fond de l’échancrure nasale et le bord des os incisifs. . o,i5. Longueur de l’intervalle dépourvu de dents. o,o3. La mâchoire inférieure ... 0,2 d. Hauteur de son condyle 0,10, Son apophyse coronoïde o,i4. Largeur de sa branche montante 0,0g. Profondeur de l’échancrure postérieure du palais . o,o5. Longueur du trou incisif . o,o5. Hauteur de l’occiput à compter du bord inférieur du trou occipital. . . 0,08. Sa largeur o,ôg. Ecartement des devis tyrcadeç zigorpatigu? . . . o,x6. D’ HISTOIRE NATURELLE. 12q les épineuses sont carrées comme celles des dernières dorsales. L’os sacrum contient quatre vertèbres dont les apophyses épineuses sont distinctes et inclinées en arrière : la queue en contient onze. (1) L’omoplate a une forte échancrure demi-circulaire vers le basde son bord antérieur; le reste de ce bord est arrondi : le postérieur fait un angle vers le haut , et redescend ensuite un peu concave. Il n’y a ni acromion , ni bec coracoïde: l’épine huit au tiers inférieur; sa plus grande saillie estau milieu. (2) La tète de l’humérus est fort en arrière de l’axe de l’os: sa grosse tubérosité est divisée en deux; la ligne âpre est peu marquée; les condyles ne sont pas très-saillans : la face articulaire est divisée par une cote saillante en une poulie entière du côté interne , et une demie du côté ex- terne; l’une et l’autre répondent à des saillies du radius, de manière que celui-ci n’a point de rotation. Il est même probable qu’avec l’âge, il se soude au cubitus qui reste dans (1) Longueur delà partie cervicale de l’épine. . . . Sa partie dorsale, . . . • . , . . • . 0,2'. . 0,52. • — • — — Coccygiène • UjTx • . 0,2. Hauteur de la seconde apophyse épineuse dorsale . . 0,1. La onzième ........ (2) Longueur de l’omoplate , . , . 0,19. Plus grande largeur ......... . . . . 0,10. Largeur à l’endroit de l’échancrure, . •. ... » . . « o,o35. Longueur de l’épine ...... . . • . . 0,1 S. Plus grande, hauteur ». , . , . . . . o,o3. 100 annales du muséum toute sa longueur au bord externe du bras. Le premier rangdu carpe est composé de quatre os, dont deux répondent au radius un au cubitus, et un hors de rang. Au second rang du carpe, il J a d’abord extérieurement un os qui répond au second et au troisième du premier rang, et qui porte les deux os externes du métacarpe , puis un qui ré- pond au premier os du premier rang, et qui porte le mé- tacarpien du médius ; enfin un qui répond encore à ce pre- mier os, et qui porte le métacarpien de l’index, On voit à son bord interne une facette qui indique l’existence d’un quatrième os destiné à porter le rudiment de pouce ; mais cetosétoit perdu dans notre squelette. ( i ) La partie évasée de l’os des îles est fort large transversa- lement, un peu concave en dehors. Le bord externe de cet os est plus grand que l’interne; son col est étroit par rap^- port à sa longueur: les trous ovalaires sont plus longs que larges, et l’extrémité postérieure de Fos ischion, finit en pointe, très-écartée de sa correspondante, (2) (1) Longueur de l’humérus 0,2. Dislance de l’extrémité postérieure de la tête à l’extrémité antérieure de la grosse tubérosité. 0,075, Largeur entre les deux condyles. 0,060. Diamètre du corps. . . , . 0,02 5. Longueur du radius ................. 0,170. Du cubitus 0,220, Du carpe ^ o,o45. Du plus grand os du métacarpe , . .......... . 0,010, (2) Longueur de l’os des îles . o,i3. Largeur à sa partie évasée . .............. o,i4. — De son cou 0,02, Distance entre les épines des deux os , 0,3» d’hISTOIRE NATURELLE.' i5t Le fémur a son grand trochantère pointu et faisant une saillie en arrière. Outre les deux trochantères ordinaires, il en a un troisième aplati et reèourbéen avant. Les deux bords de la poulie intérieure sont à-peu-près égaux. Le péroné est courbé en dehors , ce qui l’écarte un peu du tibia. La facette intérieure du calcanéum est petite, et le cuboïde touche à une petite facette particulière de l’astra- galle ; il n’y a que deux os cunéiformes : mais on voit, par une petite facette du scaphoïde , qu’il devoit yen avoir un très-petit destiné sans doute à porter un rudiment de pouce ; ou bien c’étoit un os surnuméraire analogue à celui que nous avons décrit dans le rhinocéros ; il s’est également perdu dans ce squelette. (1) (1) Longueur du fémur o,25o. Largeur en haut. 0,070. En bas 0,0 55. Diamètre du corps - 0,025. Longueur du tibia ........ 0,200, Largeur en haut 0,06 5. * En bas o,o4o. Longueur du péroné .... .... 0,180. - — Base 0,110. Longueur de l’apophyse postérieure du calcanéum o,o4o. r — ■ L’os métacarpien du milieu 0,100, î ■ . - >. :'v- ; i i . i;;p • 4 ; J h ' j i; :u :i i oie ." .i; ! “ ■ ov - ’d ; j. -y: . - ? 1 ' ■. '■ . ■ y '- r 0 i3a ANNALES Dû MUSEUM SUR QUELQUES DENTS ET OS TROUVES EN FRANCE, 7 • QUI PA ROI S SENT AVOIR APPARTENU A DES ANIMAUX DU GENRE DU TAPIR. i.° Du petit Tapir fossile. Le tapir est un de ces animaux qui n’existent pas dans l’ancien continent , au moins depuis que les naturalistes y observent, et qui sont absolument propres au nouveau, comme les lamas , les vigognes, les cabiais, les pécaris, et en général tous les animaux terrestres de l’Amérique mé- ridionale; car on sait que ce vaste pays ne produisoit au- cun des quadrupèdes de notre Europe , ni même de l’Asie ou de l’Afrique, et que toutes les espèces y furent nouvelles pour les Espagnols , lorsqu’ils en firent la découverte. Cependant le sol de la France récèle des os d’un animal qui , s’il n’étoit pas le tapir lui-même, devoit avoir avec lui les plus grands rapports. On Cn doit la connoissance aux soins que prenoit feu M. de Joubert, d’enrichir son cabinet de tout ce qui lui paroissoit important pour la théorie de la terre. M. de Drée, qui a acquis et considérablement augmenté ce cabinet, et qui en fait le plus noble usage en l’ouvrant avec la plus aimable facilité à ceux qui croyent pouvoir en tirer des résultats utiles, ayant bien voulu me permettre d’étudier à loisir les os fossiles de quadrupèdes qui s’y trouvent , mon TA1 liv- U- . \1 l . I w T d’histoire naturelle. i35 attention se porta d’abord sur deux portions de mâchoire inférieure , dont je ne méconnus pas long-temps l’analogie avec celle du tapir. L’une d’elle portoit cette inscription: Mâchoire fossile pétrifiée dont les dents sont converties en agate, trouvée le long des dernières pentes de la Mon- tagne Noire , (1) près le village d’Issel. Au reste ces dents ne sont pas véritablement agatisées; le brillant de leur émail avoit fait illusion à l’auteur de la note ; elles sont brunes, foncées, luisantes, leur cassure est matte , noire et couleur de rouille. L’os est teint d’une couleur noirâtre; l’intervalle des branches et des dents est rempli d’un gros sable mêlé de petits cailloux agglutinés par un ciment qui paroît calcaire. Le côté droit a sa branche montante cassée et emportée en aa\ il y a une fissure entre la dernière molaire b et la pénultième c. Du côté gauche , il y a deux fentes: une der- rière la troisième molaire Je, et une derrière la cinquième l. La troisième , la quatrième et la cinquième molaires h l m sont cassées au niveau de l’alvéole. Le morceau qui contenoit la sixième n, l’est plus profondément ; il ne reste rien de l’extrémité postérieure de la mâchoire. Les deux canines o p sont cassées : la gauche p l’est plus bas que la droite o; les trois incisives du côté gauche manquent; mais il y en a trois bien entières au côté droit, qrs. Cette mâchoire mesurée au côté droit, est longue de 0,28. Les six molaires y occupent un espace de 0,1 53; puis il y a un (1) On appelle ainsi une chaîne de montagnes du Languedoc , qui s’étend du sud- est au nord-est, depuis les environs de Carcassonne jusque vers le Tarn; Issel est près de Saint-Papoul. 3. 18 espace vide et rétréci de 0,02, jusqu’à la canine. La lar- geur entre les deux cinquièmes molaires est de 0,06; entre les deux premières de o,o4. La dernière molaire b est longue de o,o4; elle a deux hautes collines Or, B transverses, tranchantes, qui du côté externe produisent en avant une arête descendant obli- quement en dedans. Derrière ces deux collines en est une troisième moins haute, ou une espèce de talon. La pénultième molaire c est longue de o,o3 ; elle n’a que deux collines saillantes, déjà un peu usées, et présentant aulieu d’un tranchant , un aplatissement étroit qui s’élargit un peu en dehors. L’antépénultième ci est longue de 0,02b, et cassée à sa face externe. La détrition de ses collines a formé deux triangles dont la pointe est en dedans. Celle qui précède e, ou la troisième molaire , a en avant une colline trans verse, aussi usée en triangle, et en ar- rière une autre triangulaire, mais de moitié moins large dans le sens transverse. La deuxième/* a la même forme; elle est seulement un peu plus usée que la troisième. La première g a une colline oblique, une petite pointe en arrière, et une encore plus petite en avant; tout cela est pris du côté droit : les deux canines o p sont cassées, mais 011 voit qu’elles étoient grosses, coniques, un peu penchées en avant, et recourbées en dessus. Les incisives ne sont pas en coin régulier, mais en pointe oblique. Les molaires et les incisives ont un bourrelet saillant très-marqué à leur base. Ï1 y a deux trous mentonniers sous la première molaire d’ H ï S T O I R E NATURELLE. l55 du coté droit , t u, pi. IV , f / ; un seul sous celle de l’autre, et un sous la troisième molaire. L'autre portion de mâchoire, III, f 2, ne montre que l’extrémité antérieure; elle auroitcontenu les deux mo- laires antérieures de chaque côté, mais elles y sont cassées jusqu’à la racine a b. La canine droite est remplacée par du sablée; la gauche manque tout-à-fait. Il n’y a d’inci- sive que l’externe gauche d. Du reste , ce morceau long de 0,1, large à l’endroit du rétrécissement ef de o,o55,estdu même lieu que l’autre; il est revêtu du même mortier, et teint de la même couleur. La ressemblance de ces mâchoires avec celle du tapir , devoit frapper quiconque connoissoit celle-ci : même nom- bre dans chaque sorte de dent, même forme caractéris- tique dans les molaires , jusqu’à l’incisive externe plus petite que les autres, tout rappeloit le tapir. J’annonçai donc cette mâchoire comme ne différant point sensiblement de celle du tapir, dans le Bulletin des sciences, N.° 54, pour nivôse an VIII ; et dans le programme de l’ou- vrage actuel , ( p. 6 vers le bas ) je commençai à indiquer l’une des différences que j’entrevoyois ; mais il se glissa une faute d’impression à cet endroit , et au lieu de placer cette différence aux premières molaires , comme elle y est en effet, on imprima , les dernières. Cette faute doit être relevée ici, attendu qu’elle a acquis de l’importance, en étant copiée par un auteur célèbre. M. Faujas, Essais de géologie , 1. 1, p. 076, s’exprime en ces termes : « M. de Drée possède aussi dans sa collée- » tion une seconde tête de tapir trouvée dans le même lieu » que la précédente ; elle est d’une grosseur égale à celle 18 * i i56 N N A L E S DU MUSÉUM )> du tapir ordinaire , mais elle en diffère par la forme » des dernières molaires. » D’abord on a vu par ce cpii précède , que M. de Drée ne possède pas une tête, mais seulement une mâchoire in- férieure. Ensuite, la différence assignée dans les molaires postérieures , ne vient comme j’ai dit tout à l’heure, que de l’erreur de mon imprimeur. Il est évident que ce sont les antérieures qui diffèrent. En effet, dans le tapir d’Amérique , toutes les molaires ont leur couronne divisée en deux collines transversales, d’égale largeur; et l’on voit que dans l’animal fossile, les trois premières dents ont eu, au lieu de collines, des es- pèces de pointes ou de pyramides dont l’antérieure étoit plus large que celle qui la suivoit. Mais lorsque l’on compare avec attention la mâchoire fossile avec celle du tapir vivant , on y voit bien d’autres différences qui confirment celle des dents, et ne laissent aucun doute sur celle qui existoit entre ces espèces. La principale est à la partie antérieure du museau, beaucoup plus étroite et plus alongée dans le tapir ordinaire , que dans notre animal. Celui-ci avoit , pour l’intervalle des deux cin- quièmes molaires 0,06 Et pour la largeur de l’espace vide et rétréci derrière les canines o,o55 Ces deux divisions sont dans le tapir de . o,o5o Et de 0,022 Dans le premier cas, la seconde est de h de l’autre, c’est-à-dire moitié plus un douzième : dans l’autre cas c’est près d’un seizième de «joins que moitié. d’ HISTOIRE NATURELLE. ' l%*f La longueur de cet intervalle vide , promenée sur celle des cinq premières molaires, y va quatre fois et demie dans l’animal fossile , et pas tout-à-fait (|eux dans le vrai tapir. La première molaire du tapir est plus longue qu’au- cune des quatre ou cinq suivantes ; c’est la plus courte de toutes dans l’animal fossile. Un coup-d’oeil jeté sur les li- gures 1 et 2 de la planche III, i de la pl. IV, et une com- paraison avec les figures 1 et 5 de la planche II, dira en un instant à l’imagination , ce que nos mesures lui ap- prennent, peut-être plus sûrement, mais aussi plus pé- niblement. S’il est permis , comme je le crois, de juger d’un ani- mal par un seul de ses os , nous pouvons donc croire que ces fossiles de la Montagne Noire viennent d’une espèce voisine du tapir, mais qui n’étoit pas précisément la même. Et quand ces différences n’auroient pas autant d’impor- tance que nous nous croyons fondés à leur en attribuer, le fait en lui-même n’en seroit guère moins curieux pour la géologie. Jusqu’ici on n’a guère trouvé fossiles en Europe que des genres ou des espèces plus ou moins analogues à ceux de l’ancien continent, si l’on excepte l’animal de Simore, qui n’a de congénère que celui de l’ohio. M. Faujas va même plus loin ; il donne, sinon comme un fait certain, du moins comme un résultat probable des faits , que otre nord n’a guère que des ossemens d’animaux asiatique . (î) Et pour ajouter du poids à ce résultat, il va jusqu’à (i) Essais de Géologie ; p, 23o } etc. !58 annales du muséum nier l’existence d’ossemens fossiles d’hippopotames (1), quoi- qu’il y en ait peut-être plus certainement que de tout autre animal, comme nous le verrons dans un autre endroit. Or, voici un animal fossile qui, s’il existe encore vivant aujourd’hui, ne peut être que dans l’Amérique méridio- nale. Il est clair que toutes les hypothèses fondées sur l’ori- gine asiatique de nos fossiles, sont détruites par-là ; et je crois que dans l’état actuel de la géologie, ce qu’on peut faire de plus utile pour elle, est de porter ainsi la pierre de touche sur les systèmes de ceux qui croyent avoir tout ex" pliqué, lorsqu’ils n’ont fait simplement qu’oublier la plupart des faits qui demandoient une explication ; c’est à ceuxqui n’expliquent rien qu’on peut s’en fier, pour rappeler aux autres toute l’étendue de leur tâche. 2.0 D'un grand animal qui pourvoit avoir été voisin du Tapir . Le premier morceau de cette espèce, qui ait été publié, est une dent molaire postérieure, décrite , et assez mal représentée dans le journal de physique de février 1772 ; elle avoit été trouvée dans les environs de Vienne, par M. Gaillard , et déposée dans le cabinet de M. Imbert , qui en avoit donné un modèle en terre , au Muséum de Paris. En passant à Lyon , au mois de brumaire an XII , je cher- chai à voir cette dent , qui doit avoir été placée dans le cabinet de l’école centrale du Rhône, avec le reste du cabinet de M. Imbert, mais il fut impossible de la retrouver; je suis donc obligé d’en donner la figure d’après le modèle men- (q) Essais de géologie, tome x , p. 36o et suivantes. ü’ HISTOIRE NATURELLE. 1 5$ donné ci-dessus, et qui paroit avoir été fait avec soin; on la voit,/?/. IV, f 2. Sa longueur étoit de 0,096 d’à en b rsa largeur de 0,076 de b en c. Le second morceau dont je donne la représentation pl.IIyf 7, a été trouvé près Saint-Lary en Comminge, par MM. Gillet-Laumont et Lelièvre, membres du conseil des mines; il est conservé dans le cabinet du premier, qui a bien voulu me le confier. Le troisième morceau qui est le plus considérable de tous , consiste dans deux moitiés assez mutilées d’une même mâchoire, contenant chacune cinq dents molaires, acquises autrefois par feu M. de Joubert, sans qu’il ait laissé de note sur le lieu de leur origine, et appartenantes aujourd’hui à M. de Drée. J’ai fait représenter aux £ de leur grandeur naturelle, les deux séries de dents, dans une planche dont on a distribué quelques épreuves avec le Bulletin des sciences, de nivôse an VIII, et que je reproduis ici, pi. V. Le quatrième morceau est un germe qui appartient de- puis long-temps au Muséum national, et dont on ignore également l’origine. On le voit pl. II , fig. 6. Enfin, le Muséum possède encore une autre dent qui se rapproche jusqu’à un certain point, des précédentes. (Voyez pl. IV, fig. 3,4, et 5 ,) et sur laquelle nous reviendrons. Mon savant et célèbre ami M. Fabbroni, m’a assuré qu’il y a aussi des dents semblables en Italie , et qu’on en voit quelques-unes dans le cabinet de M. Targioni Tozzetti. Voilà tous les morceaux que j’ai vus, ou dont j’ai en tendu parler; et je ne crois pas que personne en ait vu, OU du moins en ait publié d’autres. À la vérité M. Faujas, Essais de géologie , tome II , i 40 ANNALES du MUSÉ U M P 3y5 , en rappelant ce que j’ai dit de cette espèce dan9 mon programme , sous le titre de Tapu p^i^antesc^uc ^ ajoute que M. de Drée en possède une tête pétrifiée et bien con- servée. Malheureusement M. de Drée et M. de Joubert n’ont eu que les deux portions mutilées de mâchoire inférieure que j’ai citées plus haut. La partie osseuse y est tellement altérée et encroûtée de sable , qu’on n’y reconnoît aucune forme , et c’est ce qui m’a déterminé à n’en représenter que les dents. Celle des deux séries qui est mieux conservée, celle delà figure 1 a o,5o de longueur totale, c’est-à-dire, près d’un pied, la cinquième dent ou la plus grande a 0,08 de long, et 0,06 de large ; les autres vont en diminuant. On voit que dans les deux séries, les quatre dernières dents étoient divisées en deux collines transversales, qui s’usoient graduellement, et en une espèce de talon situé en arrière, qui devient plus grand dans les dents postérieures que dans les autres. La molaire de devant a seule une couronne plane et sans aucune saillie. L’individu à qui ces dents appartenoient ne pouvoit pas être fort âgé, puisque ses collines sont si peu usées, et parce qu’il luimanquoit au moins encore une dent. En effet , le morceau trouvé à Vienne en Dauphiné, qui n’étoit pas encore sorti de la gencive , a trois collines et un talon ; si donc il appartenoit à cette espèce , comme on n’en peut guère douter , il devoit être placé derrière la dernière des molaires des morceaux de la planche V ; car dans les her- bivores, les dents composées de plus de pièces sont tou- jours derrière les autres. La dent de M. Gillet , pi. avoit aussi trois col- D* HISTOIRE NATURELLE. lll lines lorsqu’elle étoit entière, et confirme ce que celle de Vienne avoit appris ; elle le confirme d’autant mieux , qu’elle ressemble parfaitement aux dents du cabinet de M. de Drée, par l’état de sa détrition , la couleur de son émail et la nature du sable qui l’incruste, au point qu’on est porté à croire que les deux grandes portions de mâchoire dont l’ori- gine est inconnue, ont pu venir du meme endroit qu’elle, c’est-à-dire des environs de Comminges. Cet animal avoit donc au moins six dents molaires, et elles occupoient ensemble un espace d’aumoins o,38 à o,4. En supposant qu’il ait eu les mêmes proportions que le tapir, cette dimension lui assigneroit une taille supérieure d’un quart, à celle du rhinocéros. Si l’on enpossédoit la tête bien conservée , ou si Ion avoit seulement ses incisives et ses canines , on seroit en état de dire positivement s’il est ou non du genre du tapir; mais ne le connoissant que par ses molaires, il n’est pas si aisé de prononcer. En effet, le tapir n’est pas le seul mammi- fère qui ait ses dents à collines transverses sur leur cou- ronne; le lamantin et le kanguroo sont dans le même cas. Le lamantin sur-tout présente une ressemblance vraiment remarquable; ses collines transverses ont dans le germe de petites crénelures , comme celles de notre animal, quoique moins nombreuses. Les dents supérieures ont deux grandes collines et deux petites, ou talons, dont un en avant et un en arrière. Les inférieures ont trois collines. Dans le kanguroo on voit aussi deux collines, et même il y a une ligne descendante obliquement au bord interne , comme dans le germe de lapl. II, f. 6. 3. *9 l42 annales du muséum Mais dans tous les cas, cet animal fossile n’en seroit pas moins inconnu et gigantesque dans son genre, car il seroit cinq fois plus long que le lamantin , et huit fois plus que le kanguroo, en supposant qu’il eût les mêmes proportions que les espèces du genre auquel il appartiendroit. Le germe du cabinet du Muséum , pl. II , fi g. 6 , paroît avoir été dans un terrain ferrugineux \ son émail est teint de brun roussâtre et de noirâtre. Sa surface est creusée de petits enfoncemens ; les crêtes de ses collines , de son talon et de ses lignes descendantes sont crénelées assez réguliè- ment. De pareilles crénelure sont imitées sur le modèle de la dent trouvée à Vienne. Ce germe est long de 0,086, et large de 0,075. Il est done un peu plus grand que la dernière dent des mâchoires du cabinet de M. de Drée. Une autre dent, également du Muséum , et dont l’origine est aussi inconnue, ne me paroît pas s’écarter assez des dents décrites jusqu’ici, pour qu’on ne puisse pas la croire an moins d’une espèce très-voisine. Elle est représentée,^/. IV,fig. 3 , 4 et 5. Sa largeur d’a en b, est de o,o58 ; sa longueur d’a en ds de o,o45. La colline transverse a b ressembleroit assez à celles des dents précédentes, sans la saillie des deux extrémités et l’enfoncement de la partie moyenne. Ces deux circons- tances sont encore mieux marquées dans la seconde col- line d e , qui a ses deux extrémités en forme de cônes obtus, et sa partie moyenne tout-à-fait enfoncée. Cette colline n’étant pas usée , donne la véritable forme des dents du genre. Cette dent est incrustée dans une pierre calcaire tendre , à gros grains, ou espèce de tuf; son émail est teint de noi- râtre ; sa substance est peu altérée. \ 144 annales eu muséum DESCRIPTION DE LA PIE-GRIÈCHE A GORGE ROUGE, Et Notice sur les familles clés Colluriens , des Mouche* rolles et des Tourdes. Par F. M. D A U D I N. PLANCHE XV. L’oiseau que je vais décrire sous le nom de Pie-grièche à gorge rouge, du Congo, est un de ceux si difficiles à classer, parce qu’il semble réunir les caractères qui sont propres à plusieurs genres, sur-tout si l’on ne considère que sa forme extérieure , sans la comparer avec celle de certains oiseaux dont il ne diffère seulement que par les couleurs. En effet, le bec est comprimé latéralement dès sa base, et muni vers l’extrémité de la mandibule supérieure d’une petite échancrure sans dent saillante bien marquée : son chant est une sorte de sifflement sonore qu’on pourroit com- parer à celui des cailles d’Europe 3 et comme les merles, il * n~ Pie yrze "c/u a yory

KRinrM K LATUM d’ HISTOIRE NATURELLE. l5q MÉMOIRE Sur quelques espèces du genre Hypericum. Par A. L. JUSSIEU. Le genre de P Hypericum ou Millepertuis, qui renferme des arbres, des arbrisseaux et des herbes, offre dans toutes ses espèces un assez beau feuillage et des fleurs agréables par leur disposition , leur forme et leur couleur. Il cons- titue, à coté de la famille des Guttifères, une famille sé- parée, facile à distinguer par son fruit capsulaire et ses semences nombreuses et menues , à laquelle se réunissent YAscyrum de Linnæus , Y Eucryphia de Cavanilles, le Vismia de Vandelli, Y Arungana nouveau genre de Ma- dagascar, et le Palava de Ruiz et Pavon. D’autres genres seront encore ajoutés à cette famille, si l’on observe que Y Hypericum , qui contient beaucoup d’espèces, peut être divisé naturellement d’après la considération du nombre des styles qui indique celui des loges du fruit, de la réunion des filets d’étamines en plusieurs paquets, de la présence ou absence de corps glanduleux à la base de l’ovaire et des pétales. Cette division paroîtra utile lorsque l’on rappellera ici que les espèces de ce genre, au nombre de quarante- deux dans la dernière édition de Linnæus par Murrai, de soixante-quatre dans celle de Gmelin, ont été portées à quatre-vingt-deux par Lamarck dans l’Encyclopédie , à 21 * V ;1^0 ANNALES du muséum quatre-vingt-huit par Wildenow dans son volume des Species publié récemment , et s’élèvent maintenant à en- viron cent quarante, en réunissant les espèces nouvelles publiées par Ventenat, Michaux, Loureiro, etc. , et celles qui existent dans plusieurs herbiers. En attendant que le temps nous permette d’entreprendre cette division du genre et la monographie de la famille entière, nous laissons sub- sister le partage de X Hyper icum en trois sections principales , caractérisées par le nombre de 5, 5 et 2 styles, et nous ne parlerons aujourd’hui que de quatre espèces de la section désignée par le nombre de trois styles. La première (T .XVI, f. 1.), trouvée au Pérou par Joseph de Jussieu, et faisant partie de son herbier, est un sous-arbrisseau. Elle a le port et le feuillage d’une bruyère ou de l 'Hypericum coris ; mais sa tige est plus forte et s’élève davantage , à en juger par les échantillons secs que nous avons sous les yeux. Ses feuilles, qui couvrent les jeunes rameaux , sont opposées , linéaires , courtes , et laissent échapper de leur aisselle deux ou plusieurs feuilles pareilles qui présen tent , avec les premières , l’apparence de feuilles tantôt verticillées au nombre de six , tantôt réunies en faisceaux. Ces faux ver- ticilles sont très-rapprochés, sur-tout vers les sommités de la plante. Les derniers rameaux courts et grêles , terminés chacun par une seule fleur , sont latéraux ou quel- quefois disposés en petits corymbes latéraux. Les fleursde grandeur moyenne offrent un calice à cinq divisions étroites, aiguës et non glanduleuses ; cinq pétales alongés ; beaucoup d’étamines dont les filets sont légèrement réunis par le bas en plusieurs paquets, comme dans l’espèce ordinaire; un ovaire surmonté de trois styles longs terminés par des stigmates simples , qui devient une capsule à troisloges. La forme et la disposition des feuilles en petits faisceaux, ressemblant un peu à celles du mélèze, nous a déterminé à nommer cette espèce Hypericum, laricifolium. Si on conserve dans le genre les sections indiquées par le nombre des styles, et si dans chacune on établit des sous-divisions caractérisées parles tiges ligneuses ou herbacées , par le calice nu ou glanduleux, cette plante sera placée parmi les tristylées ligneuses à calice nu , et l’on ajoutera seulement pour sa phrase descriptive : foliis linearibus subulatis brevibus fasciculatis , jloribus lateralibus aut tenninalibus subcorymbosis. L’herbier du Pérou de Dombey, faisant partie des collections du Muséum d’his- toire naturelle , renferme une seconde espèce ( T. XVI , f. 2. a .) qui a de l’affinité avec la précédente , et se place dans la même sous-division. Elle est en général plus grêle et plus droite; ses feuilles de même forme, mais un peu plus larges et plus aiguës, assez semblables à celles du genevrier ordinaire , ou delà struthiole d’ HISTOIRE NATURELLE. l6l droite , sont simplement opposées, et n’ont pas à leur aisselle des faisceaux d’autres feuilles qui leur donnent l’apparence verticillée, excepté vers le sommet des ra- meaux. Ceux-ci sont plusieurs fois bifurqués et dans une direction verticale. Les fleurs grandes comme celle de Y Hyperieum laricifolium , naissent solitaires dans les bifurca- tions supérieures et à l'extrémité des jeunes rameaux. Leur calice est également à cinq divisions étroites et aiguës ; les cinq pétales sont longs et étroits ; les étamines nombreuses et plus courtes, entourent l’ovaire dont les trois styles s’élèvent peu. La capsule petite à trois loges, s’ouvre en ti'ois valves. Cette plante portée sur une tige plus basse et moins forte que la précédente, a beaucoup mieux le port d’une bruyère ou d’une strutbiole, et conserve, comme l’une et l’autre, sur ses rameaux nus les vestiges des feuilles tombées. D’après cette double considéi’ation , et en sup- primant les cai'actères déjà énoncés dans la sous-division , nous désignerons l’espèce de la manière suivante: Hyperieum ( sirulhiolœfolium ) foliis angustis subulatis brevibus , floribus parvis in ramulorum apice et dichotomiâ solitariis. Il existe danslemême herbier quelques échantillons d’une plante (T. XVI, f. 2. b.) réunie à la précédente et qui offre la même disposition dans toutes ses parties ; mais elle est plus petite et plu smenue. Ses tiges sont très-grêles , ses feuilles plus étroites et semblables à celles du Bruni a lanuginosa ; ses fleurs d’un moindre volumé ainsi que les capsules, sont solitaires aux aisselles des rameaux supérieurs et à leur extrémité ; les divisions du calice ont la même forme ; les pétales plus étroits sont également alongés et débordent les étamines au-dessus desquelles les trois stj les s’élèvent peu. Il sera difficile delà séparer de la précédente , et ses rapports sont tels que l’on peut la regarder comme une simple variété à feuilles et fleurs plus petites. Dombey a trouvé au Péi'ou une autre espèce ( T. XYI , f. 3. ) qu’il nomme Ily- pericum buplevrifolium , mais qui a moins les feuilles d’un buplèvre que celles d’un hélianlhème ou d’un silène ; elles sont opposées , sessiles , lancéolées , de grandeur moyenne, à bords quelquefois repliés en dessus. De la racine s’élèvent plusieurs tiges herbacées, basses et feuillées ; quelques-unes , à la bauteurde quatre ou cinq pouces , se partagent en deux pédoncules entre lesquels naît une fleur solitaire presque sessile , grande comme celles des espèces précédentes. Chaque pédoncule porte d’un seul côté trois à cinq fleurs pareilles, sessiles, écartées à distances iné- gales, munies d’une bractée linéaire. Quelquefois de la base d’une de ces fleurs s’échappe du côté intérieur un pédicule plus petit, terminé par une autre fleur et formant ainsi une seconde dichotomie. Les divisions du calice sont étroites, aiguës et non glanduleuses ; les pétales lancéolés atteignent la longueur des étamines dont le nombre et la forme sont comme dans toute ltt famille; les trois styles s’élèvent davantage ; la capsule est à trois loges , et s’ouvre en trois valves aiguës. Les rap- ports de cette espèce avec plusieurs silène, soit dans la forme des feuilles, soit encore plus dans la disposition des fleurs, indiquent son nom spécifique le pluscon- i ANNALES D U MUSÉUM venable ; nous la nommerons iiÿpericum silenoïdes , en ajoutant pour caractères distinctifs herbaeeumfoliis Icinceolalis , pedunculo terminait bipartito multifloro , flore in dichotomiâ unico , cœteris distantibus secundis. Elle sera placée dans la sec- tion des tristylées herbacées à calice nu. Une dernière espèce (T. XVII.) différente de celles que l’on vient de décrire , quoique dans la division des deux premières, a beaucoup d’affinité avec la toute-saine, Hypericum androsœmum , par sa tige haute de trois ou quatre pieds, marquée dans salongueurde deux lignes opposées ;ses feuilles sessiles, grandes etovales ; son calice à lobes arrondis et subsistans ; ses pétales également ronds. Elle en diffère par ses styles beaucoup plus longs, terminés par des stigmates de couleur foncée , par son fruit non charnu mais capsulaire, à valves setdement un peu épaissies et couronnées par les styles qui ne tombent pas. Cette espèce est vivante dans l’école du Mu- séum , depuis 1780, et nous l’avons démontrée, à cette époque, sous le nom d’//y- pericum frutescent,- , parce qu’elle avoit la tige plus forte et plus élevée que celle des autres espèces. Son pays natal ne nous a point été indiqué dans le temps ; cependant nous pouvons croire qu’elle vient des Canaries, puisque dans le pre- mier voyage de Baudin , le jardinier Riedlé avoit rapporté de Ténériffe une espèce presqu’en tout semblable et différente seulement par ses pétales plus alongés. Lamarck a décrit , dans l’Encyclopédie méthodique , celle du Muséum sous le nom d’ Hypericum elatuin , parce cju’il a pensé, mais avec doute , que c’est la même qui est ainsi nommée dans XHortus Kewensis d’Aitone , et que cet auteur dit originaire de l’Amérique septentrionale. On peut croire , d’après la phrase des- criptive d’Aitone', que la plante de Kew est celle que nous possédons. Comme elle 11’est pas encore figurée, nous avons cru pouvoir, en abrégeant la description assez détaillée dans l’Encyclopédie , présenter ici sa gravure qui faisoit partie de la col- lection mentionnée dans le cahier précédent, et l’ajouter à celle des trois autres espèces du Pérou. Il conviendra seulement de dire que cette plante n’est point , comme Lamarck le soupçonne , l’ Hypericum orientale fœtido simile sed inodorum Tourn. cor. p. 19 , qu’il n’avoit pas vue; celui-ci a les tiges marquées de crêtes op- posées plus saillantes , les feuilles trois fois plus petites , et semblables à celles du camérisier , les lobes du calrce et les pétales lancéolés aigiis et non arrondis. Tour- nefort le compare avec raison dans sa phrase à X Hypericum hircinum avec lequel il a de plus grands rapports par la forme de son feuillage, et dont il diffère seule- ment par une moindre proportion dans ses parties, ses pétales plus étroits et égaux yn longueur aux filets des étamines, et sim-tout parce qu’il est inodore. Tournefort a trouvé dans la Cappadoce celle espèce que Wildenow rétablit sous le nom d Hypericum inodorum . eu admettant séparément l’ Hypericum elatum d’Aitone. d’ histoire NATURELLE. i63 SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles des environs de Paris . Par L A M A R C K. GENRE XXV. Pleurotome. Pleurotojna. Charact. gen. Testa univalvis , fusiformis aut subturritâ ; aperturct basi canaliculata ; labro supernè fissura vel sinu emarginato. OBSERVATIONS. J usqu’a présent les pleurotomes ont été confondus avec les murex par Linnée , et avec les fuseaux par Bruguière ; ils sont cependant fortement distingués les uns des autres par X échancrure singulière qui se trouve au bord droit de la coquille, dans sa partie supérieure. Cette échancrure résulte nécessairement d’un organe par- ticulier de l’animal qui l’occasionne sur la coquille, et dont les mollusques qui forment les murex , les fuseaux et les pyrules sont apparemment dépourvus, puisque les coquilles de ces genres n’en offrent point de semblables. ]64 annales du muséum D’ailleurs le même motif qui m’a autorisé à séparer les èmarginules des patelles , doit m’autoriser encore à ne pas confondre les fuseaux avec les pleurotomes , quoique ces deux derniers genres aient entre eux de grands rapports. Enfin j’ajoute que la distinction établie entre les fuseaux et les pleurotomes est en quelque sorte indiquée par la na- ture elle-même, à raison du grand nombre d’espèces qu’elle nous offre dans chacun de ces genres. Comme le canal en forme de queue qui est à la base de l’ouverture de la coquille, est tantôt fort alongé, et tantôt raccourci avec toutes les nuances intermédiaires , selon les espèces ; il me paroît que les clavatules du système des ani- maux sans vertèbi'es (p. 84 ) ne sont réellement que des pleurotomes à canal plus court, qui leur donne une forme plus ou moins turriculée. Les pleurotomes sont des coquillages marins, ayant un petit opercule corné, attaché au pied ou au disque charnu sur lequel rampe l’animal. On en trouve dans les mers des différens climats ; il paroît néanmoins que les espèces qui vivent dans les mers des pays chauds sont plus nombreuses. Les principales espèces connues qu’on doit rapporter à ce genre, sont le mut'ex babylonius , et le murex javana de Linnée, le murex australis de Chemnitz, Couch. vol. XI, p. III, t. igo, fig. 1827 et 1828, etc. ESPECES FOSSILES. 1. Pleurotome à filets. Vélin , n.° 7 , f. g. Pleurotoma ( filosa ) ovalo-fusiformis } lineis transiterais elevatis distinctis cincta ; labro alœformi. 11. L. n. Grignon. Ce pleurotome renflé dans son milieu comme un petit baril, est rétréci en cône ou en pointe courte à ses extrémités , et se fait particuv D* HISTOIRE NATURELLE. l65 librement remarquer par le bord droit de son ouverture qui est tranchant et arrondi en forme d’aile. Toute sa superficie est chargée de lignes transverses, séparées, élevées, et qui semblent autant de fils entortillés autour de la coquille. Entre ces lignes transverses, on aperçoit des stries longitudinales obliques et serrées. Le canal de la base est court et ne forme point de queue. Cette espèce est fort commune à Grignon. Les plus grands individus ont trente-huit millimètres de longueur (près d’un pouce et demi. ) Mon cabinet. 2. Pleurotome à petites lignes. Vélin, n.° 7 , f. 10. Pleurotoma ( lineolnta ) ovato-fusiformis , lineis transversis coloratis subinterruptis cincta ; labro alœformi. n. L. n. Grignon. 11 semble que ce pleurotome ne soit qu’une variété du précé- dent ; car il en a exactement la forme. Mais il est plus lisse dans son milieu ou sa partie renflée , et au lieu de stries saillantes , il offre des lignes transverses, colorées en jaune orangé , et le plus souvent interrompues d’une manière assez régulière et même élégante. Cette coquille n’est pas rare à Grignon; les plus grands individus n’ont que vingt-huit millimètres de longueur. Dans une variété , les lignes transverses ne présentent que des points colorés. Mon cabinet. o. Pleurotome claviculaire. Vélin ,n.° 7 , f. u, et vélin, n.° 8 , f. 4. Pleurotoma ( clavicularis ) fusiformi-turrita , subglabra , basi transversé suie ata ; marginïbus anfractuum striato-marginatis ; labro alœformi. n. L. n. Grignon. Cette espèce est beaucoup plus grande que celles qui précèdent; car les grands individus ont au moins cinquante millimètres de longueur. Elle est ridée transversalement à sa base , lisse sur le ventre de ses tours de spire ; mais le bord supérieur de chacun de ces tours est accompagné de trois ou quatre stries qui lui sont parallèles, et qui le font paroître marginé. Le bord droit de l’ouverture est tranchant et arrondi en aile , comme dans les deux pleurotomes ci-dessus. Mon cabinet. M. Defrance en possède une vaidété qui a soixante-quinze millimètres ( deux pouces huit lignes ) de longueur , et dont les stries marginales ne sont plus apparentes. Elle a été trouvée à Betz près Crêpy. 4. Pleurotome lisse. Vélin , n .° j , f. 7. Pleurotoma(glabrata) fusiformis , glahra , subnitida ; labro alœformi supernè sinu terminato . n. L. n Grignon. Ce pleui'otome est moins ventru que les précédens ; mais il a, comme eux, le bord droit de Son ouverture arrondi en aile et tranchante O. 22 i66 ANNALES DU MUSEUM et le sinus qui le termine supérieurement est contigu à l’avant-dernier tour de la spire. Cette coquille est lisse et un peu luisante ; et ce n’est qu’à sa base qu’elle est sillonnée transversalement. Les plus grands individus ont trefite- cinq millimètres de longueur. Mon cabinet. 5. Pleurotome marginé. Vélin , n.° 7 , f. 8. Pleurotoma ( marginata ) fusiformis , glabriuscula , basi transversé sulcata y sulcis et anfractuum marginibus impresso-punctatis. n. j3. Eadem minus ventrico sa. Vélin, n.° 8 , f. 10. y. Eadem sulcis crispatis , impunctatis. L. n. Grignon. Ce qui caractérise cette espèce , c’est d’avoir le bord supérieur de chaque tour de la spire , garni d’un cordonnet détaché par un ou deux sillons qui offrent des points enfoncés. Toute la partie inférieure de la co- quille est sillonnée transversalement , et les sillons présentent aussi des points enfoncés ou de petites stries longitudinales. Cette coquille est longue de quinze à vingt millimètres , et a le bord droit de son ouverture tranchant et arrondi en aile comme dans les précédentes. La variété y. est plus grande, et a ses sillons transverses croisés par des stries longitudinales très-fines. Cabinet de M. Defrance. 6. Pleurotome transversaire. Pleurotoma ( transversarici) fusiformis , transversim sulcata , infernè decusscda ; sinu tnaximo ; anfractuum niedio subcarinato. n. L. n. Betz près Crêpy. C’est une belle et assez grande espèce qui a entièrement la forme d’un fuseau , mais qui s’en distingue par le sinus profond placé an sommet du bord droit de son ouverture. Sa longueur est de sept centimètres (plus de deux pouces et demi); elle est fortement sillonnée transversalement, et le milieu de chaque tour de sa spire est un peu relevé en carène. Cabinet de M. Defrance. 7. Pleurotome à chenettes. Vélin, n.° 45 , f. 2. Pleurotoma ( catenata ) fusiformis , undiquè decussata ; striis transversis majo- ribus subtuberculatis catenatis • spirâ nodosâ. n. L. n. Grignon. Espèce bien tranchée par le caractère de sa spire et de ses stries transverses. Elle est longue de cinquante-quatre millimètres (environ deux pouces) et a la forme d’un fuseau. Une rangée de gros tubercules placés au- delà du milieu de chaque tour, rend la spire noueuse et presqu’épineuse. Cette coquille est chargée par-tout de stries qui se croisent ; mais les trans- versales sont plus grossesque les autres , un peu tuberculeuses, et ressemblent à de petites chaînes entortillées autour de la coquille, Sur le dernier tour , D? HISTOIRE NATURELLE. 167 trois de ces stries à tubercules alongés et plus éminens, forment trois chaînes séparées assez remarquables. Le sinus du bord dr oit est contigu à l’avant der- nier tour. Cabinet de M. Defrance. 8. Pleurotome denté. Vélin , n.°. 8, f. 7. Pleurotoma ( dentata ) f uni for mis , striis transversis tenuissimis subundatis ; an*. , fractibus medio carinato-nodosis. n. An amure x exortus ? Brand. foss. p. 20, f. 3a. /3. Eadem eaudâ abbreviatâ. Vélin , n.° 8 , f. 5. y. Eadem spirâprœlongâ multidentatâ. L. n. Grignon. Ce pleurotome est bien caractérisé par sa spire dont le milieu de chaque tour est élevé en carène garnie d’une rangée de dents presque comme une scie. Il est fusiforme , long de quarante à quarante-cinq milli- mètres , et se termine inférieurement par un canal en forme de queue plus ou moins alongé selon les variétés et l’Age de la coquille. Les stries trans- verses sont très-fines , serrées , un peu onduleuses , et se croisent d’une ma- nière obscure avec des stries longitudinales très-peu apparentes. Cabinet de M. Defrance. La variété y. que je possède , est remarquable par sa spire fort alongée , à dents plus nombreuses , et par les rides transverses et grossières de sa base. g. Pleurotome ondé. Vélin , n.® 8 , f. 1 3. Pleurotoma ( undatd) f usiformi-turrita , transver sim striata ; spira eostellis un- dato-arcuatis crenulatâ ; eaudâ breviusculâ. n. /3. Eadem anfractuum eostellis eminentioribus etbiserialibus. n. L. n. Grignon. Ce joli pleurotome n’est pas rare à Grignon, et se distingue des autres par la manière élégante dont sa spire est en quelque sorte sculptée. Toute la coquille est striée transversalement; et dans la moitié supérieure de chaque tour de la spire , une rangée double de petites côtes arquées donne à cette spire l’apparence d’une double crénelure de dents obliques , menues et inégales. Le canal assez court de la base , fait paroître la coquille plus turriculée que fusiforme. On trouve des individus de toute grandeur jusqu’à trente-cinq millimètres , qui est la longueur des plus grandes. Mon cabinet. 10. Pleurotome multinode. Vélin , n.° 7 , f. i4. Pleurotoma ( multinoda ) f usiformi-turrita , transversim striata ; anfractïbut submarginatis , medio nodulosis. n. L. n. Grignon. Cette espèce paroît avoir beaucoup de rapport avec le pleurotome ondé 3 mais on l’en distingue au premier aspect par les côtes plus renflées de 22* 368 annales du muséum chaque tour de la spire qui s’y montrent en rangée noduleuse. Les petites côtes marginales de chaque tour y existent cependant ; mais elles sont pro- noncées si foiblement , qu’on ne remarque facilement que les nœuds du milieu de chaque tour. Les plus grands individus de ce pleurotome ont deux cen- timètres de longueur. Cabinet de M. Defrance. Dans une variété de cette espèce , les petits nœuds de la rangée marginale de chaque tour sont mieux exprimés ; mais leur forme subglobuleuse distingue toujours l’espèce du pleurotome ondée Même cabinet. ïi. Pleurotome crénulé. Pleurotoma ( crenulcita )fusiformi-turrita , transversè striata ; anfractibus me~ dio costellis serialibus rotatïm crenulatis. n. L. n. Grignon. Les plus grands individus de ce pleurotome n’ont que dix-huit millimètres de longueur. Us font partie d’une espèce très-remarquable , en ce que chaque tour de la spire est garnie dans son milieu d’une rangée de petites côtes droites qui imitent les dents d’une roue de montre. L’ouverture de la coquille est petite et resserrée à sa base en canal étroit qui forme une queue courte. Ce n’est que sur le dernier tour que les stries transverses sont bien apparentes. Cabinet de M. Defrance. 12. Pleurotome double chaîne. Pleurotoma ( bicatena ) , fusiformi-turrita , transversè striata ; anfractibus su J pernè biseriatim nodosis : nodis marginalibus minoribus . L. n. Grignon. Le seul individu que j’ai vu de cette espèce est long de dix-neuf millimètres. C’est une coquille plus turriculée que fusiforme , à cause du canal court de sa base. Elle est striée transversalement , et chaque tour de la spire offre dans sa moitié supérieure deux rangées de petits nœuds qui semblent une double chaîne entortillée autour de la coquille. Les nœuds de la rangée marginale sont les plus petits. Cabinet de M. Defrance. î3. Pleurotome à petites côtes. Vélin , n,° 7 , f. i5. Pleurotoma ( costellala ) ovato-fusif ormis , transversim striata ; costellis longi - tudinalibus. n. L. n. Grignon. Ce pleurotome est ovale-fusiforme, strié par-tout transversale- ment, et garni régulièrement de petites côtes longitudinales plus relevées dans la partie supérieure de chaque tour de la spire que vers leur base. La Longueur de la coquille est d’environ quinze millimètres. Il n’y a qu’un sinus médiocre au sommet de son bord droit. Cabinet de M. Defrance. D’ HISTOIRE NATURELLE. 14. Pleurotome plissé. Vélin , n.°44, f. x. Pleurotoma ( plicata ) fusiformi-turrita • striis transver sis exiguis j costellis lon- gitudinalibus plicæ-fonnibus , curvidis. n. L. n. Grignon. C’est'une espèce voisine de celle qni précède, par beaucoup de rapports. Mais on l’en distingue constamment par l’ouverture plus raccourcie de la coquille. Elle est remarquable par ses côtes longitudinales assez nom- breuses, bien exprimées , courbées et qui ressemblent à des plis. La coquille n’a que cinq ou six millimètres de longueur. Cabinet de M. Défiance. 15. Pleurotome sillonné. Vélin, n.° 8 , f. 12. Pleurotoma ( sulcata ) fusiformi-turrita, infernè decussata , costellis crebris cur- vuliscjue Ion gitudin aliter sulcata. n. L. n. Grignon. Ce pleurotome a des côtes longitudinales plus petites et plus nombreuses que le précédent, et paroît sillonné dans sa longueur. Ses stries transverses, par leur croissemeut avec les petites côtes, le rendent treillisé inférieurement. Les plus grands individus de cette espece sont longs d’un centimètre. Cabinet de M. Defrance. 16. Pleurotome à côtes courbes. Vélin , n.° 8, f. 6. Pleurotoma (curvicosta) ovato-fusiformis , transversim sulcata ; costellis curvis supernè subbifdis ; caudâ brevi. n. L. n. Grignon. Le dernier tour de la spire étant un peu ventru, donne à cette coquille une forme ovale-conique, et chacun de ses tours est garni d’une multitude de petites côtes arquées, qui semblent divisées ou bifides .à leur sommet. Le canal de la base de l’ouverture est court. Les plus grands indi- vidus n’ont que i5 millimètres de longueur. Cabinet de M. Defrance. 17. Pleurotome fourebu. Vélin , n.° 8 , f. 1. Pleurotoma ( furcatci ) fusiformi-turrita , transversè striata • costellis ultra medium coarctatis : infinis basi furcatis. n. /S. Eadem minor et gracilior ; costellis undato-curvis. L. n. Grignon. Deux caractères i-endent cette espèce remarquable et très-dis- tincte ; le premier consiste en ce que les petites côtes de chaque tour de la spire sont rétrécies ou ont un étranglement un peu au-delà de leur partie moyenne, ce qui les fait paroître terminées supérieurement par une petite tête 5 le second , c’est que les petites côtes du tour inférieur sont bifides et fourchues à leur base. La coquille n’a que quatorze millimètres de longueur. La variété /3 est plus petite , plus grêle ? et a ses petites côtes simplement ondées. Cabinet de M. Defrance. a.8. Pleurotome noduleux. Pleurotoma ( nodulosa ) ovatofusiformis j striis transversis obsoletis ; spyrâ pyra - midatâ , nonifariam nodulosâ. n. (i. Eadem ? spirâ breviore , octofariam nodulosâ. L. n. Grignon. Ce pleurotome est long d’environ quatorze millimètres. Sa spire est pyramidale , garnie de neuf rangées longitudinales de petites côtes courtes et convexes qui la rendent par-tout noduleuse. Dans la variété (i , la spire est un peu plus courte , et les stries transverses , quoique très-fines, sont plus apparentes. L’ouverture de la coquille dans l’un et l’autre se ter- mine à la base par un canal un peu court. Cabinet de M, Defrance, » 'f JJ a n i et n 1 Lyr a x . Cl ... • d’histoire naturelle. 171 DESCRIPTION OSTÉO LOGIQUE ET COMPARATIVE v ' A DU DAMAN. Hyrax C A P T3 N S I S* Par G. CUVIEK. Il n’est point de quadrupède qui prouve mieux que le daman la nécessité de recourir à l’anatomie, pour déter- miner les véritables rapports des animaux. Les colons hollandais l’ont nommé Blaireau du Cap ; Kolbe, premier auteur qui en ait parlé, a préféré le nom de Marmotte y adopté depuis par Vosmaër et par Bujfon , qui consacra ensuite celui de daman. M. Blumenbach , qui est cependant un naturaliste rigoureux, l’a encore laissé récemment parmi les marmottes. M. Pallas qui l’a décrit le premier méthodiquement , l’a placé dans le genre cavia établi par Klein, pour les agoutis , cochons d’inde , etc. , tout en remarquant qu’il s’en distingue à l’intérieur par des différences insignes; insigniter diffèrt. Feu Herman pro- posa ensuite pour le daman l’établissement d’un genre ANNALES DU MUSEUM 172 particulier qu’il nomma Hyrax , et qui fut adopté par Sc h reber et par Gmelin , mais qui resta toujours dans l’ordre des rongeurs , même dans mon tableau élémentaire des animaux. Mon objet est aujourd’hui de prouver en détail la pro- position que j’ai avancée le premier dans mes leçons d’ana- tomie comparée, tome II , p. 66 , ainsi que dans le 2.m® tableau du i.er vol. ; c’est que le daman est un vrai pachy- derme; qu’on doit même, malgré la petitesse de sa taille, le considérer comme intermédiaire entre les rhinocéros et le tapir. M. Wiedeman , qui adonné depuis dans ses archives zoo- tomiques, tome III, p. 42, une bonne description du crâne du daman, reconnoît aussi qu’on ne peut le regarder comme un rongeur, mais il ne s’explique point sur la place qu’il faut lui donner. Pour expliquer comment la véritable famille du daman a été si long-temps méconnue , il suffit de savoir que Pallas, le seul naturaliste qui ait décrit cet animal anatomique- ment, ne put en obtenir la tête et les pieds, parties les plus caractéristiques du squelette , qui restèrent dans la peau empaillée. A la vérité , la tête du daman étoit déjà décrite à la fin du i5.e volume de l’histoire des quadrupèdes, mais sous le titre de tête d’z in animal inconnu aux naturalistes , et l’artimal l’étoit en effet quand cette description fut faite. On s’aperçut si peu depuis que cette tête appartenoit au daman , qu’elle reparut gravée dans le tome VII du sup- plément in-4.° , pl. 37, long-temps après les descriptions de l’animal entier, et que par une erreur presque mconce- d’histoire NATÏÏRELliE.’ 173 Table, elle fut attribuée au loris paresseux du Bengale , avec lequel elle n’a aucun rapport ni de grandeur, ni de forme, ni de composition. La description détaillée mais sans ligure, de M. Wiede- 211 an , ne fait que de paroître. De plus , le squelette du rhinocéros lui-même n’étoit point connu, et n’a encore été publié que dans le présent ouvrage. Ainsi les naturalistes n’avoient pas les matériaux néces- saires pour la solution du problème ; j’espère donc qu’ils me sauront gré de produire à-la-fois et le fait et ses preuves. Je me sers, comme Bulfon, du mot daman qui est arabe, pour désigner Vhyrax , mais je n’ose y ajouter, comme lui, d’épithète d’espèce , parce que je ne vois point de différence entièrement certaine entre le daman de Syrie et celui du Cap ; Buffon dit, d’après les conversations ou les notes de Bruce, que le premier n’a point cet ongle oblique et tran- chant du pied de derrière qui caractérise l’autre ; mais il suffit de voir la figure que lu même Bruce a donnée de son ashlcokoo qui est ce daman, pour y distinguer cet ongle. Gmelin semble croire que les autres doigts de derrière n’ont pas d’ongle du tout dans le daman du Cap; mais je me suis assuré du contraire : il y a des ongles arron- dis et qui rappellent très-bien en petit les sabots du rhinocéros. La différence relative aux poils ou soies plus longues que les autres qui hérissent le corps du daman de Syrie et non celui du daman du Cap, n’a rien de plus certain; car Pallas parle clairement de ces soies dans sa description , et si la figuré de 3. 25 1 y 4 ANNALES DU MUSEUM Bruce les montre plus fortes que celles des individus du Cap de nos cabinets, elle est une autorité suffisante pour établir une espèce sur ce seul caractère. On peut cepen- dant ajouter ce que j’ai observé sur les têtes de ces deux damans que nous possédons au Muséum ; celle du Cap , quoique adulte, toutes ses dents étant développées, est plus courte que celle de Syrie qui n’a pas ses dernières molaires tout- à-fait sorties, de 0,08 ; et comme la première est néanmoins aussi large , les proportions sont un peu différentes* La composition générale du tronc , connue de Pallas, par rapport au daman , mais non par rapport au rhinocéros , indique déjà une certaine analogie. Ce daman a vingt-une côtes de chaque côté, nombre supérieur à celui de tous les autres quadrupèdes , l’unau excepté , qui en a vingt-trois.; et ceux qui en ont le plus après le daman , appartiennent précisément à cet ordre des pachydermes dans lequel nous voulons le ranger; l’éléphant et le tapir en ont chacun vingt; le rhinocéros en particulier en a dix-neuf ; les solipèdes qui approchent beaucoup des pachydermes, en ont dix-huit. La - plupart des rongeurs n’en ont au contraire que douze ou treize, et le castor, qui en a le plus parmi eux , n’en a que quinze. Neuf de ces côtes sont vraies dans le daman. Les sept dernières fausses côtes n’ont point de tubérosités et ne s’appuyent point sur les apophyses transverses des vertèbres; les cinq dernières du rhinocéros sont dans ce cas-là : le sternum est composé de sept os , et d’un carti- lage xyphoïde ovale. Il y a six vertèbres lombaires, et treize tant sacrées que d’histoire naturelle. 176 eoccygiènes, car il est difficile de distinguer ces deux der- nières espèces dans le squelette encore un peu jeune que nous possédons. Le rhinocéros commence à s’écarter ici sensiblement de notre daman , il n’a que trois vertèbres lombaires, quatre sacrées et vingt-une ou vingt-deux caudales 5 mais ce der- nier point tient à la longueur de sa queue , caractère peu important en zoologie. La différence devient plus sensible par la forme du bassin , où les os des îles sont très-larges dans le rhinocéros, et assez étroits dans le daman ; elle est notable encore pour les os des cuisses, auxquels la dilatation des trochanters extérieurs donne une largeur extraordinaire dans le rhinocéros ; tandis que le daman ne montre à cet égard rien de particulier. Mais dans tous ces points, le cochon et le tapir s’écartent du rhinocéros, au moins autant que notre daman , ainsi il n’y a rien là qui doive contrarier son aggrégation à cet ordre. C’est sur-tout par l’ostéologie de la tête que le daman annonce qu’il s’éloigne des rongeurs, et qu’il se rapproche des pachydermes, et en particulier du rhinocéros. A la vérité, comme son nez n’a point de corne à sup- porter , ses os du nez n’ont point reçu comme dans le rhi- nocéros l’épaisseur nécessaire pour servir -de base à cette arme défensive. Mais les os maxillaires s’écartent sur-le-champ de ceux des rongeurs par la petitesse du trou sous-orbilaire qui est énorme dans cette classe. Les incisives supérieures sont au nombre de deux, en 25* 176 ANNALES du muséum quoi le daman ressemble également aux rongeurs et an rhinocéros unicorne ; mais il y en quatre inférieures, ce qui ne se trouve qu’en lui et dans ce même rhinocéros unicorne. Les incisives supérieures du daman ne sont d’ailleurs point faites comme celles des rongeurs, en prisme quadran- gulaire ou en cylindre, courbé et terminé par une tronca- ture ou par un tranchant de coin. Elles sont triangulaires et terminées en pointe, et rappellent très-bien les canines de l’hippopotame* Les incisives inférieures sont couchées en avant comme celle du cochon, plates et dentelées dans la jeunesse, mais s’usant bientôt par leur frottement contre les supérieures. Les molaires représentent , à s’y méprendre , celles du rhinocéros et pour le nombre et pour la forme ; il y en a sept de chaque côté tant en haut qu’en bas ; vingt-huit en tout. Pallas, qui n’en a compté que seize ou vingt, en ajou- tant celle qu’il appelle accessoire antérieure , et qui a été suivi par Gmelin, n’avoit vu que celles d’individus très- jeunes. Celles d’en bas sont formées de deux croissans simples , placés à la suite les unes des autres; celles d’en haut ont la couronne carrée; une ligne à leur bord externe formant deux angles saillans en en bas, et deux lignes transversales perpendiculaires à la première. Il faut remarquer qu’ici, comme dans la plupart des qua- drupèdes, la pénultième ou l’antépénultième molaire est toujours la plus grosse , et que les autres vont en dimi- nuant , soit en avant soit en arrière. Notre daman est sujet, comme tous les animaux, à n’avoir d' histoire NATURELLE. 177 pas le meme nombre de dénis à tons les âges. Ses molaires antérieures tombent aussi, comme celles de la plupart des herbivores, à une certaine époque où le développement des postérieures ne leur laisse plus de place. Nous avons, par exemple, une mâchoire inférieure d’un jeune où il y a encore sept dents d’un coté, et l’alvéole de la première déjà vide de l’autre; et une d’un adulte où les deux antérieures , tombées depuis long-temps, n’ont plus laissé de traces de leurs alvéoles, et où il n’y a par consé- quent que six dents de chaque coté. Dans un très-jeune individu qui n’a, comme celui que M. Pallas a décrit, que quatre molaires par-tout, il y a en avant, près de la suture qui sépare l’os maxillaire de l’os incisif, une très-petite dent pointue qui est sans doute celle que le grand naturaliste que nous venons de citer, appelle dent accessoire } mais que nous ne ferions aucun scrupule de nommer canine ; car nous voyons dans les phalangers et même dans quelques-unes des nouvelles espèces de kan- guroo dont M. Geoffroy enrichira bientôt la zoologie, des* canines encore plus petites que cellesdà. Cette canine achève de séparer le daman des rongeurs, et de le rapprocher des pachydermes plus intimement encore , que le rhinocéros lui-même qui n’a jamais aucune canine. Le condyle de la mâchoire inférieure est très-différent de tout ce qu’on voit dans les rongeurs; chez ceux-ci il est toujours comprimé longitudinalement , de manière qu’outre le mouvement ordinaire de bascule, il ne permet à la mâchoire de se mouvoir dans le sens horizontal que d’arrière en avant et d’avant en arrière. Dans le daman , il est comprimé transversalement , comme iyg annales du muséum dans les pachydermes et dans tous les autres herbivores non rongeurs, s’appuyant d’ailleurs sur une surface plane de l’os temporal, ce qui lui permet de se mouvoir plus ou moins horizontalement de droite à gauche et de gauche à droite, et ce qui le distingue éminemment de tous les car- nivores, ouïe condyle transversal à la vérité, mais entrant dans un creux profond de l’os des tempes, ne permet à la mâchoire d’autre mouvement que celui de bascule. Il n’y a parmi les animaux qu’on pourroit être tenté de placer avec les rongeurs, que les kanguroos et les phasco- lomes qui partagent avec le daman cette forme de condyle; aussi trouve-t-on dans les couronnes des dents de ces trois genres, des caractères communs qui se rapportent à cette forme. C’est que lorsque leurs dents sont sorties de la gencive et usées par la trituration, elles agissent principalement par leurs bords latéraux qui restent saillans , la couronne ayant aussi cette figure de croissant, quoique plus large que dans le daman et le rhinocéros. Le kanguroo arrive à cette forme plus tard que les autres, et les couronnes de ses molaires sont long-temps composées comme celles du tapir, de deux collines transversales saillantes. Un des caractères les plus constans des rongeurs est de n’avoir qu’un seul pariétal sans suture, avec deux frontaux, ce qui est précisément le contraire de l’homme : dans le daman comme dans les pachydermes et les carnassiers, il y a deux frontaux et deux pariétaux. Dans les rongeurs, l’os de la pommette ne fait que la partie intermédiaire et la plus petite de l’arcade zigoma- tique; dans le daman comme dans le rhinocéros, cet os d’ histoire NATURELLE. 17g commence dès la base antérieure de l’arcade, et règne jus- qu’à son autre extrémité. Les molaires supérieures des rongeurs ont leurs cou- ronnes dirigées en dehors ; et leurs deux séries sont par conséquent plus rapprochées que celles des inférieures, et reçues entre ces dernières. C’est le contraire pour les deux points dans le daman comme dans les pachydermes. Le nombre des doigts du daman est de quatre devant , et de trois derrière , précisément comme dans le tapir ; à la vérité, quelques rongeurs et particulièrement le cabiai , ( cavia capybara ) ont le meme nombre, et les dernières phalanges de cette espèce se rapprochent aussi de la forme aplatie de celles des pachydermes , mais leurs doigts plus alongés et plus libres, décèlent leur famille. Le daman a les doigts réunis par la peau jusqu’à l’ongle. Comme l’éléphant et le rhinocéros, et plus que de tapir et l’hippopotame ; à plus forte raison davantage que le cochon. Ses oncles sont si minces que Pallas semble ne les avoir pas reconnus pour des ongles. Voici la manière obscure dont il s’énonce à leursujet: ( Miscell . zool. p. 2Ô. ) « Pctl- » mœ margine qucidrilobœ , lobi obtusissimi , callo soleœ )> subrejlexo prœniuniti , cœteroquin mutici , supraque ve- » lut vestigio un guis muniti. » Ces ongles représentent cependant très-bien en petit ceux de l’éléphant, tant par leur figure que par la manière dont ils sont placés sur le pied. Il n’y a, comme tous les naturalistes précédens l’ont fort bien observé, que le doigt interne despieds de derrière qui se détache et qui soit armé d’un ongle crochu et oblique, contourné autour de l’extrémité. La phalange qui porte $ $e A n n Axes dit muséum cet ongle est peut-être unique dans la classe des quadru- pèdes, car elle est fourchue, et ses deux pointes sont Tune au-dessus de l’autre; dans les fourmiliers et les pangolins, il j a aussi des phalanges fourchues, mais les deux pointes sont à coté Tune de l’autre. Le carpe du daman ne dilfère de celui du tapir que par .de légers traits dans la configuration des os, et parce que l’os trapézoïde est divisé transversalement en deux , comme dans les singes et quelques rongeurs : c’est un point que le daman a encore de commun avec le cabiaij mais il diffère de celui-ci en ce que son scaphoïde et son sémilunaire ne sont pas réunis, mais restent distincts comme dans l’homme et les pachydermes. Comme il n’y a pas de pouces, le tra- pèze est fort petit et ne porte qu’un seul osselet. Il n’y a point d’os hors de rang du coté du pouce. Le pied de derrière n’a que ses trois doigts sans rudimens de pouce; ainsi le scaphoïde est simple, et porte deux os cunéiformes seulement. Le cuboïde ne porte qu’un seul os du métatarse; il n’y a point cette partie interne divisée du reste du scaphoïde, qui se fait remarquer dans quelques rongeurs, et meme dans le cabiai, quoiqu’elle n’y ait qu’un rudiment de pouce à porter; de sorte que le daman est plus pachyderme encore par cette partie que par toutes les autres. Maintenant que je crois avoir suffisamment développé et comparé aux espèces voisines , les points de l’ostéologie du daman qui lui assignent une place parmi les pachydermes , je vais donner une description absolue, mais abrégée, du reste de son squelette , dont la connoissance sera très-important# pour mes recherches ultérieures. ïi’d I ST O I R E NATURELLE. l8l La tête il’un adulte a, du sommet de la crête occipitale au bout des os du nez, 0,077. La distance est la même entre le bord inférieur du trou occipital et l’antérieur des os intermaxillaires. Du même sommet au-dessous de la mâchoire inférieure , en ligne verticale , o,o65. Les parties les plus saillantes des arcades zigomatiques sont écartées de o;o 53. La fosse temporale a en ligne horizontale o,o38 , l’orbite 0,02. Les sept dents molaires supérieures forment ensemble une longueur de o,o3g ; et les inférieures de 0,0 36. Le plus grand écartement des bords externes des supé- rieures estdeo,o5i; celui des inférieures de o, 024. Au reste, on peut prendre une idée plus nette de la figure et des proportions de celte tête et des os qui la com- posent , dans la planche que j’ai dessinée moi-iuême d’après des procédés rigou- reux , qu’on ne le feroit dans aucune description. On y remarquera sur-tout l’extrême largeur de la branche montante de la mâ- choire inférieure , et la courbe qu’elle fait en arrière : cette circonstance est impor- tante , parce que nous la retrouverons dans quelques animaux fossiles. Cette lar- geur est ici de 0,029 7 hauteur de o,o43;la longueur totale, sans les incisives, 0,07 2. Dans un jeune individu dont nous avons le squelette entier, la tête longue de 0,o55 , faisoit un peu plus du quart de la longueur totale qui étoit 0,225; mais il est probable que sa proportion seroit moindre dans un adulte. Le col avoit 0,024 ; le dos 0,07 1 ; les lombes o,o3 ; le sacrum et le coccyx ensemble o,o42 de longueur. Le bassin étoit long de o,o45, et large de 0,029 enlre les épines des os des îles; chaque os des îles avoit 0,029 de l°ng > el o,oi3 de large. Longueur de l’omoplate 0,027. Largeur en haut. 0,017. L’épine avoit sa plus grande saillie à son tiers inférieur ; point d’acromion ni de clavicule ; une petite épiphyse en avant de la tête de l’omoplate paroissoit devoir tenir lieu de ce dernier os. Longueur de l’humérus 0,0.37. Du cubitus o,o32. Du radius 0.022. Le radius répond par sa tête supérieure aux deux saillies du cubitus, et par conséquent il ne peut tourner sur son axe , mais il est réduit à se fléchir ou à s’étendre avec le cubitus. Longueur de la main 0,02. Il y a au premier rang du carpe trois os qui répondent au radius , et un hor de rang ou pisiforme assez gros ; au second rang, un petit trapèze hor s de ran 3. ' 24 ï8a annales du muséum portant un très-petit rudiment de pouce; un trapézoïde divisé transversalement en deux , et portant le métacarpien de l’index ; un grand os répondant à l’index et au médius ; un cunéiforme qui répond un peu au médius, à tout l’annulaire, et qui porte sur son bord externe tout le petit doigt. Longueur du fémur o,o4. Longueur des deux os de la jambe. . • 0,0 36. Longueur du pied 0,037. Le tibia est exactement triangulaire dans sa moitié supérieure : le péroné est grêle et comprimé. L’astragale louche un peu le cuboïde. Le scaphoïde porte deux cunéiformes : un petit pour le premier doigt ; un grand qui répond un peu au premier et à tout le moyen. Le cuboïde ne porte que le troisième doigt. Le calcanéum reçoit l’astragale sur deux facettes, une grande ovale à double lace en arrière, et une très-petite à l’angle interne et inférieur. d’ histoire naturelle. i83 NOTE SUR LA CULTURE DES PATATES ET DES POMMES DE TERRE. Par A. T H O U I N. Ext ait d’une lettre du citoyen Lormerie , Commis- saire du Gouvernement pour V agriculture à Phila- delphie, dans les Etats-Unis j adressée au C.enA.TnouiN. «Je vous envoie une boîte remplie de tubercules de pa- tates (i)et d’une variété de pommes de terre (2) la plus liâ- tive de toutes celles qu’on cultive dans ce pays. » Ces dernières, quoique récoltées au commencement de messidor , sont aussi grosses que celles qu’on recueille en automne dans la partie du centre de la France, et leur saveur est plus agréable. » Quant aux patates , elles sont petites , mais sucrées et d’une excellente qualité. Je n’ai pu en obtenir des graines parce qu’il est très-rare que cette plante en produise dans ce climat ; ses racines sont bonnes à manger ici, vers le commencement de thermidor , et l’on en fait des charge- mens de bateaux pour différens pays. » (1) Convolvulus batatas. E. (2) Solarium tuberosum. L. 24* i84 annales eu muséü m On cultive depuis long-temps dans les serres du Muséum deux variétés de patates , la blanche et la rouge ; elles y produisent , chaque année , des tubercules de la grosseur de ceux des pommes de terre. La Variété rouge, transportée dans les départemens méridionaux , commence à se natu- raliser aux environs de Toulouse, par les soins du citoyen Lapérouze, maire de cette ville, et professeur d’histoire naturelle à l’école centrale. Ce savant nous a fait voir des produits de sa récolte de l’an IX, qui nous ont paru aussi beaux que ceux qu’on obtient dans les Antilles et qui ont été trouvés par des créoles même, aussi savoureux qu’en Amérique. Il est probable que cette plante utile se répan- dra bientôt dans tout le midi de la France. Mais comme cette variété de patate est originaire des climats les plus chauds, et qu’elle ne donne point de graine chez nous, il est à craindre qu’elle ne se naturalise pas dans les parties froides ou même tempérées de la république. Celle de Pensylvanie(i) nousparoît plus propre à remplir cet objet, comme étant d’un pays plus analogue à la température de ces derniers climats; pour s’en assurer, l’administration du Muséum a fait passer dans les départemens delà Drôme, de l’Hérault, des deux Nethes et de l’Escaut la plus grande partie des racines envoyées par le citoyen Lormerie; elles ont été remises à des agriculteurs instruits et zélés, qui mettront de l’intérêt à les multiplier et à les répandre dans les environs. Ce qui reste sera cultivé dans les jardins du Muséum et dans quelques-uns des départemens du centre. (') Convolvulus batatas angulosus. Mus. par . V D1 H I S T O I 11 E NATURELLE. l85 On saura bientôt ce qu’on peut attendre de cet essai, et par les observations qu’on aura faites sur la culture de cette racine dans trois climats différons, on connoîtrà quels sont ceux qui lui sont les plus favorables. En attendant, nous pensons que pour faire prospérer cette culture, il convient de conserver les racines qui doi- vent en être l’objet , dans des vases remplis d’un sable sec et fin ; de les tenir à l’abri de l’humidité dans un lieu où le thermomètre ne descende pas à plus de 4 ou 5 degrés au-dessus de zéro; et de ne les planter en pleine terre que lorsqu’il n’y aura plus de gelées à craindre, et que la terre échauffée par les rayons du soleil , commencera d’en- trer en fermentation; de les mettre dans un terrain meuble et substantiel, susceptible d’être arrosé au besoin et sur- tout de les tenir à une exposition chaude et bien abritée du nord. Dans cet état et avec ces précautions, elles ne tarderont pas à pousser des tiges qu’il faudra marcotter lorsqu’elles au- ront à-peu-près 48 centim. ou 18 pouces de longueur. Pour cela , il nes’agira que de courber chaque tige dans le milieu , en forme d’anse de panier, et de coucher dans une petite fosse faite exprès, la partie ainsi courbée que l’on recou- vrira de i3 à 16 centimètres ( 5 à 6 pouces) de terre ; et comme toutes ces tiges continueront toujours des’alonger , on répé- tera cette opération deux ou trois fois dans le courant de l’été, suivant la vigueur des plantes. De ces marcottes sortiront un grand nombre de racines, qui , d’année en année, propageront l’espèce. On peut encore multiplier ces plantes de boutures, avec des branches un peu boiseuses , lorsque la terre est fraîche , et en choisissant l86 ANNALES DU MUSEUM un temps chaud et humide ; c’est de cette manière qu’on les multiplie dans les Antilles, pendant la saison des pluies. Dans les climats du nord et du centre de la France, il sera indispensable de lever à la fin de l’automne et à l’approche des gelées, toutes les racines de patates , et de conserver celles qu’on voudra replanter, en suivant le procédé que nous avons indiqué. Quant à celles qui seront plantées dans le midi, et sur-tout dans les pays où la terre gèle rarement à plus de 5 ou 8 centimètres ( 2 ou 5 pouces) de profondeur, on pourra se contenter de couvrir, avec des feuilles sèches , de la litière ou meme de la terre en forme de petites buttes coniques de 2 décimètres ( 8 pouces) de haut, les mères touffes destinées à fournir des tubercules pour la plantation du printemps suivant, et d’arracher celles qui doivent servir à la consommation à mesure qu’on en aura besoin. Nous ne sommes entré dans ces détails que parce que nous avons remarqué qu’un grand nombre de cultivateurs assimilent la culture de la patate à celle de la pomme de terre , et ne mettent entre elles aucune différence. Cepen- dant il en existe de bien sensibles dans la nature de ces deux plantes. La pomme de terre est vivace par ses racines seulement ; ses tiges sont droites et meurent chaque année, même dans son pays natal , et ses tubercules ont la faculté de rester hors de terre , pendant près de sept mois, sans en souffrir ou se détériorer. La patate, il est vrai , est aussi une plante vivace, mais ses tiges sont permanentes dans les climats d’où elle est originaire ; elles rampent et s’é- tendent sur la terre a une grande distance du lieu où elles ont pris .naissance. Devenues ligneuses, elles poussent des racines de tous leurs noeuds, et forment sur la terre un D5 II I S T 0 I R E NATURELLE. 187 Yaste réseau qui souvent couvre une étendue très-considé- rable. Les racines de celles-ci toujours en végétation , ne peuvent rester hors de terre plus d’un mois et demi ou deux mois sans fermenter, se pourrir ou se dessécher. Des différences aussi marquées dans ces deux végétaux , en doivent nécessiter dans les procédés de leur culture, de leur multiplication et de leur conservation, et c’est ce que nous avons tâché d’indiquer. Quant aux pommes de terre jaunes envoyées par le ci- toyen Lormerie, elles sont presque rondes; leur diamètre est d’environ 8 centimètres ou 3 pouces, et leur saveur est plus agréable que celle de la plupart de nos races ou variétés; mais leur principal mérite est d’être plus pré- coces que les nôtres. Si elles conservent cette propriété dans notre climat, comme il est propable qu’elle la con- serveront dans les départemens méridionaux de la France, leur introduction ne sera pas d’une petite importance pour ses habitans, et celui qui nous les a procurées aura droit à la reconnoissance de ses concitoyens. En effet, ces racines pouvant être récoltées à une époque où les habitans de la campagne ont consommé, pour l’ordinaire, toutes les cé- réales qu’ils avoient recueillies, et où les grains encore sur pied et à plus d’un mois de leur maturité, ne leur offrent pendant cet intervalle, aucun moyen de pourvoir à leur subsistance ; de quelle ressource ne seront-elles pas à cette classe nombreuse et intéressante de la société, à laquelle elles procureront un alimen t aussi sain qu’agréable et nour- rissant. D’ailleurs, il devient urgent de régénérer nos races de pommes de terre qui , dans beaucoup de départemens sont visiblement appauyries, produisent beaucoup moins et perdent en même-temps de leurs qualités nutritives. l88 ANNALES DIT MUSEUM Cette détérioration tient à plusieurs causes : elle vient i.° de l’habitude où sont les agriculteurs en général d’éta- blir chaque année leur culture de pommes de terre avec les tubercules qu’ils en ont retiré, pratique qui a le même inconvénient que la multiplication par boutures; 2.0 de ce qu’ils ne mettent pasun intervalle de temps assez considérable entre les plantations de ces tubercules dans le même terrain ; 3.° et enfin de ce qu’ils négligent de faire venir, des cantons qui jouissent de quelque réputation en ce genre, les ra- cines destinées à planter leurs champs, ou même de faire usage du moyen si avantageux d’échanger les productions de même espèce, d’un climat avec celles d’un autre. Mais de toutes ces causes , la première est sans doute la plus active, et celle qui influe le plus directement sur l’a- pauvrissemeot de la race des pommes de terre en Europe, puisqu’on multipliant cette plante, d’année en année, par ses racines, on ne propage ni l’espèce (1) , ni la variété (2)^ mais seulement le même individu (5). C’est ainsi que lors- (1) Suivant l’opinion des cultivateurs, l’espèce est composée de toutes les ■variétés provenues des graines de cette même espèce. Si ces variétés, qu’on nomme souvent espèces jardinières, offrent peu d’intérêt à l’étude de la botanique, elles en présentent un très-grand aux agriculteurs, puisque ce sont elles qui fournissent en général les produits les plus abondans et de meilleure qualité. Les espèces sou- mises à l’état de domesticité par une longue culture, produisent par leur semis un très-grand nombre de variétés propres à lè^végénérer. (2) Les variétés se composent de races diverses qui ne diffèrent pas entre elles par leurs parties extérieures , mais bien dans leurs habitudes , comme de fructifier plutôt ou plus lard, de pouvoir supporter différentes températures, et de fournir des produits de saveurs différentes. (3) La collection des individus qui ont les mêmes habitudes forme les races, d’ HISTOIRE NATURELLE. l8cj qu’on multiplie un arbre pendant une longue succession de temps, par la voie des marcottes et des boutures, on ne propage cpie l’individu. On étend son existence et l’on prolonge sa durée, mais il perd graduellement de ses qua- lités primitives. Ses parties les plus éloignées de la souche originale , deviennent maigres, s’apauvrissent, et finissent par ne plus produire de fruits , ou n’en donnent que de stériles; caractère la caducité dans les végétaux comme dans les animaux. Il est possible qu’un grand nombre des races de pommes de terre cultivées actuellement en Europe proviennent d’individus apportés d’Amérique peu de temps après la découverte de cette quatrième partie du monde, et que ces races aient deux siècles d’ancien- neté. Cela ne seroit rien ou peu de chose pour des arbres qui vivent de huit à neuf cents ans; mais cela doit influer beaucoup sur des plantes vivaces , herbacées , dont l’exis- tence, dans l’état de nature, est bornée à moins de vingt années. Le moyen de régénérer ces races est de faire beaucoup de semis avec des graines récoltées dans notre climat (h). Alors on obtiendra un grand nombre de variétés qui ne seront pas toutes, à la vérité, également intéressantes; Celles-ci constituent les variétés dont le caractère est de différer dans les démen- tions des parties ; et la collection des variétés forme l’espèce comme nous venons de le dire. Nous donnerons dans un mémoire particulier plus de dé- veloppement à ces définitions , et nous les accompagnerons d’exemples et d’expériences. (1) La régénération seroit plus sûre et plus durable si l’on pouvoit l’opérer avec des graines récoltées dans leur pays natal ; et sur des individus de choix qui se trouvent encore dans l’état de nature. 3. 25 igO ANNALES DU MUSEUM mais si les unes sont inférieures en qualité à celles que nous possédons, les autres leur seront supérieures, et celles- ci cultivées avec soin et jouissant de toute la vigueur du jeune âge, se pefectionneront encore, et donneront des produits aussi utiles qu’abondans. Pour mettre ce moyen en pratique, il suffit de ramas- ser des graines de cette plante dans les années chaudes où elles parviennent à leur maturité, et de les semer dans une planche de terre bien amepdée. On obtiendra, dès l’au- tomne de cette même année, une multitude de tubercules de la grosseur d’une aveline, qui serviront aux plantations du printemps suivant. Celles ci produiront, à la fin de la saison, des récoltes plus abondantes et de meilleure qua- lité que celles qu’on obtiendroit par les plantations des tu- bercules des anciennes races; et pour se procurer un tel avantage, il n’en coûtera que l’emploi d’une planche de terrain de quelques mètres d’étendue. Il’ HISTOIRE NATURELLE. Ï91 NOTICE HISTORIQUE Sur André MICHAUX. Par DELEUZE. Les végétaux qui enrichissent nos campagnes sont pres- que tous des conquêtes de l’industrie. Nos légumes et nos fruits viennent de diverses contrées , et dans leur état sau- vage , ils étoient bien inférieurs à ce qu’ils sont dans nos jardins. L’observation les a successivement fait découvrir dans leur terre natale, la culture les a perfectionnés, et le commerce les a fait passer d’un pays à l’autre. Après diffé- rens essais, on a fait choix des espèces les plus productives, de celles qui convenoient le mieux à chaque terrain , et tel canton où quelques habitans trouvoicnt à peine leur nour- riture, a offert d’abondantes récoltes à une population nombreuse. Sur environ 260 espèces d’arbres qui couvrent aujour- d’hui le sol de la France, plus des trois quarts sont d’origine étrangère. Parmi ces arbres exotiques , les uns nous donnent des fruits délicieux, d’autres sont employés pour les cons- tructions et pour les arts , d’autres enfin servent à la déco- ration des jardins, et nous font trouver dans nos parcs les sites pittoresques des contrées les plus favorisées de la 26 * ig 2 ANN AL ES DU MUSEUM nature. Le noyer nous vient de Pont, le cerisier de Céra- sonte, l’olivier d’Athènes, l’amandier d’Orient, le pêcher de Perse, le mûrier de Chine, le figuier de Syrie, -l’abrico- tier d’Arménie, le grenadier de Carthage, l’oranger de l’Inde. Il en est de même des plantes : la patrie du blé est inconnue, mais plusieurs de nos légumes et des meilleurs four- rages sont originaires d’Asie. La découverte de l’Amérique nous a procuré le maïs qui fait la principale nourriture de plusieurs peuples de notre continent, la pomme de terre qui a augmenté la population de l’Irlande et de la Suisse, et qui est dans le nord de l’Europe d’une si grande res- source, et une foule d’arbres utiles, tels que l’acacia, le tulipier, des sapins, des frênes, des érables, etc. Ces richesses peuvent s’accroître tous les jours, mais pour se les procurer il ne suffit plus de s’en rapporter auxcom- merçans qui n’envoyent que ce qui se trouve sur les cotes, il faut que des naturalistes s’enfoncent dans l’intérieur des terres, qu’ils sachent distinguer et choisir ce qui peut être utile. Nous nous sommes permis ces réflexions pour mieux faire sentir combien on doit de reconnoissance à ces hommes courageux, qui pour servir la société renoncent à ses dou- ceurs, et vont chercher les trésors inconnus de la nature dans des pays déserts et sauvages. Elles ne sont point étrangères à notre sujet. L’homme dont nous allons parler a droit d’être compté au nombre des bienfaiteurs de l’humanité; en traçant le tableau de sa vie laborieuse , nous montrerons comment la passion des sciences et de l’agriculture , unie au plus ardent amour de la patrie, lui fît concevoir les plans les plus vastes , et lui d’histoire naturelle. ï g3 donna pour leur exécution cette intrépidité qui brave les dangers, et cette force qui résiste aux fatigues et surmonte les obstacles. André Michaux naquit à Satory , domaine du roi, situé dans le parc de Versailles, le 7 mars 1746. A dix ans, il fut envoyé en pension avec sOn frère cadet , mais tous deux 11 ’y restèrent que quatre ans. Leur père, qui les destinoit à lui succéder dans l’exploitation de la ferme de Satory dont il étoit chargé, crut inutile de leur laisser pousser plus loin leurs études, il les rappela près de lui, et s’attacha a leur donner de bonne heure l’habitude des travaux cham- pêtres et le goût de la simplicité. Le jeune André que la nature avoit doué d’une extrême activité, prit bientôt pour l’agriculture le goût le plus vif. Il observoit les productions de la terre, tentoit des expé- riences, alloit examiner les jardins, et voulant joindre la théorie à la pratique, il employoit à s’instruire tousses momens de loisir. Il perdit son père en 176s, et sa mère en 1766. Déposi- taire de la fortune de ses soeurs, il partagea avec son frère les soins de la ferme jusqu’en 1769 qu’ils séparèrent leurs intérêts. Pendant cet intervalle, il étudia les élémens de la langue grecque, et se perfectionna dans la langue latine. En octobre 1769, il épousa Cécile Claye , fille d’un riche fermier de la Beauce. Il la perdit en septembre 1770, après en avoir eu un fils, et cette perte le plongea dans le déses- poir. M. Le Monnier, informé de sa situation, prit à lui l’intérêt le plus tendre, et l’engagea à venir le voir fré- quemment dans son jardin de Montreuil près Versailles. Cet homme célèbre, si recherché à la cour, employoit ses 1 g4 ANNALES DU MUSEUM heures de loisir à s’entretenir avec le malheureux André ; il cherchoit à le distraire en lui donnant des notions de bo- tanique et des principes sur la naturalisation des végétaux étrangers. La ferme de Satory ayant cinq cents arpens, il lui conseilla d’en consacrer quelques-uns à faire des expé- riences; Michaux y sema la garance et l’orge nu qui réus- sirent à merveilles : alors M. Le Monnier parla de lui à M. d’Angiviller qui le chargea de faire des essais sur la culture du tef d’Abyssinie, excellent fourrage dont le che- valier Bruce avoit envoyé des graines. Le compte qu’il en rendit, donna de lui l’idée la plus avantageuse. Cependant il étoit accablé de tristesse : le souvenir de celle qu’il avoit perdue lui étoit sans cesse rappelé par les lieux qu’il habitoit. Cet état d’inquiétude réveilla en lui le désir de voyager qu’il avoit eu dès son enfance. Nous lui avons entendu dire qu’ayant expliqué Quintecurce à quatorze ans, la description que fait cet auteur des pays con- quis par Alexandre, enflamma son imagination à tel point, qu’il soupiroit continuellement après le bonheur de par- courir les contrées orientales. Cette impression n’avoit point été détruite par l’âge , elle avoit seulement été soumise à l’examen de la raison: ce n’étoit plus un désir vague de voir de nouveaux pays ; en quittant un séjour pénible pour son coeur, Michaux vouloit se rendre utile à sa patrie : pour cela il forma le projet d’aller dans des contrées peu connues, situées sous un climat analogue à celui de la France, d’en rapporter les productions, et de les acclimater parmi nous. N’ayanU point assez de connoissances pour voyager avec fruit , il d’ HISTOIRE NATURELLE. 1 q5 se démit de sa ferme en faveur de son frère, et il se livra à l’étude avec une nouvelle ardeur. En 1777 il s’établit à Trianon pour y étudier la bota- nique sous Bernard de Jussieu , à qui M. Le Monnier l’avoit recommandé, et en 1779 il vint se loger à Paris près du jardin des Plantes, pour y prendre des notions sur diverses parties de l’histoire naturelle. Ces études finies , il pensa que la profession de voyageur exige, comme toute autre, un apprentissage particulier, et qu’on s’y soit exercé dans des pays où l’on peut trouver des secours avant de s’enfoncer dans des contrées inconnues et désertes. Il alla d’abord en Angleterre : les Anglais s’oc- cupoient alors presqu’exclusiveinent de la culture des végé- taux étrangers. Michaux fut transporté à la vue de leurs collections, et il en rapporta un grand nombre d’arbres qu’il planta dans les jardins de M. Le Monnier et de M. le maréchal de Noailles, où ils réussirent parfaitement. Sou- vent il prenoit dans ces jardins un paquet de greffes, et parcourant les bois de Versailles, il y greffoit une multi- tude d’arbres , employant pour cela des méthodes qui lui étoient particulières. En 1780 il alla herboriser sur les montagnes d’Auvergne avec plusieurs botanistes , MM. de Lamarck et Thouin étoient du nombre. Ces savans nous ont raconté qu’aussi- tôt qu’ils avoient quitté le lieu où ils avoient passé la nuit, Michaux chargé d’un fusil , d’un havresac, d’un porte-feuille et de plusieurs boîtes de fer blanc , couroit devant eux et montoit rapidement sur les sommets. Il avoit dans sa poche des graines de cèdre du Liban qu’il semoit dans les endroits favorables j on le voyoit au loin s’arrêter avec les bergers. ICjG ANNALES DU MUSEUM on l’entendoit tirer des coups de fusils, et le soir il reve- noit au rendez-vous, chargé d’une collection non-seule- ment de plantes, mais d’oiseaux, de minéraux, d’insectes. Sitôt après son retour d’Auvergne, il alla parcourir les Pyrénées, et passa de-là en Espagne : il en rapporta des graines qui furent distribuées au jardin des Plantes et aux botanistes cultivateurs. Il s’adressa alors à M. Le Monnier et le pria de lui obtenir une commission pour voyager dans des pays où il put trouver des choses nouvelles. M. Le Monnier lui promit de saisir la première occasion. Elle se présenta bientôt. M. llousseau, neveu du célèbre Prousseau de Genève, venoit d’arriver à Paris : il était né à Ispahan , et avoit été nommé consul en Perse. Michaux fut autorisé à l’accompagner, et Mon- sieur, frère du roi, lui assigna 1200 liv. d’appointeniens. Michaux ne se permit aucune observation sur l’insuffi- sance de cette somme ; il fit à ses frais toutes les dépenses nécessaires, et partit avec le consul en 1782. Ils allèrent d’abord à Àlep (1), et de-là à Bagdad où ils arrivèrent après (1) Je joins ici l’extrait d’une lettre de Michaux à M. Thouin, qui m’a paru assez intéressante pour être conservée. Alep , 5o juillet 1782. Monsieur et cher ami. Je débarquai à Alexandrette le 3o mars. Je ne puis vous exprimer avec quelle joie j’allai visiter les campagnes. En considérant cette multitude de plantes dont les prairies étoient couvertes, j’étois souvent ébloui et forcé de me tranquilbser pour quelques momens. La nuit je ne pouvois dormir, et j’attendois le jour avec im- patience. Quelle satisfaction de me trouver en Asie et de parcourir à mon choix de hautes montagnes et des vallées couvertes de liliacées , d’orchis, de daphnés , de lauriers roses, de Yitex, de myrtes , d’andrachnés , de styrax , de palmiers, et autres végétaux différens de ceux d’Europe ! Les bords de la mer étoient couverts de coquillages variés par la forme et la couleur ; des oiseaux terrestres et aquatiques D5 H 1 S T DIRE NA T U II E L L E. 3 97 quarante jours de marche à travers le désert. Là, Michaux quitta le consul; il parcourut ces pays autrefois si florissans, venoient le matin pour s’en nourrir; les flamands s’y rendoient par troupes de trois ou quatre cents, Les marécages étoient remplis de reptiles. Malheureusement la plupart des plantes 11’étoient pas encore en fleur, elles montagnes étoient in- festées parles Bayas qui, l’année dernière, pillèrent la caravane d’Alexandrelte , et qui peu de jours avant notre débarquement ont mis en fuite les troupes en- voyées dans cette ville , et brûlé plusieurs maisons. Depuis mon arrivée à Àlep, j’ai fait deux courses dans les montagnes : la ville est sur le bord d’un vallon où sont des jardins remplis d’arbres dont aucun n’est grelfé. Le reste du pays est sec , pierreux et inculte. A. six lieues à la ronde, on 11e voit pas un seul arbre ou arbrisseau. Au-delà sont de vastes plaines dont la fertilité seroit prodigieuse si elles étoient cultivées. Il y avoit autrefois des villages qui ont été successivement ruinés; le prédécesseur du pacha actuel en a détruit plus de quatre-vingt, sous prétexte que les habitans s’éloient jadis révoltés. Ses soldats y ont commis des cruautés inouies ; ils entroient dans les maisons et cou- poient la tête aux femmes et aux enfans pour prendre les pièces d’or qui sont l’ornement de leur coiffure. C’est par de telles vexations que les pachas s’indem- nisent des tributs qu’ils payent au Grand -Seigneur. Ces villages ruinés sont aujour- d’hui des repaires -de brigands. Les voyages sont aussi pénibles que dangereux dans toute cette partie de l’Asie qui s’étend depuis la Syrie jusqu’aux frontières de l’Inde. On porte toutes ses pro- visions ; on couche en rase campagne, et l’on évite les caravenserais à cause des insectes et de la malpropreté. Il faut suivre les caravanes, sans cela on seroit dé- pouillé par les Arabes dans les plaines, et par les Curdes dans les montagnes. Ces caravanes sont souvent attaquées. Au mois de mars, on a enlevé trois cent quatre-vingt chameaux à celle d’Alexandrette ; et celle qui vient de partir a été forcée de s’arrêter dix jours , en attendant des troupes que le pacha d’Alep et d’An- tioche ont envoyées pour l’escorter. On est obligé d’avoir à soi un arménien avec lequel on veille alternativement, parce que les conducteurs des caravanes sont pour la plupart des filoux qui cherchent à voler sans être aperçus En attendant le départ pour Bagdad , qui n’aura lieu que dans un mois, je vais faire une herborisation de cent cinquante lieues. Je passerai par Laodicée, Antioche, Séleuie. J’espère trouver des médailles dans cette dernière ville. A mon retour , je vous ferai un bel envoi de graines , ainsi qu’à M. de Malesherbes. Les consuls et les négocians sont témoins que personne ne travaille avec autant d’ardeur pour aa fortune, que moi pour la botanique, etc, 3. 26 \ ANNALES DU MUSÉUM aujourd’hui si dévastés, situés entre le Tigre et l’Euphrate, et se rendit à Bassora, où il séjourna quelques mois pour prendre des informations sur le pays, et s’instruire à fonds de la langue persanne. Il écrivit un dictionnaire de cette langue que j’ai sous les yeux, et qui forme un très-gros volume. La Perse étoit alors en proie aux guerres civiles, et les Arabes en ravageoient les frontières. Michaux essaya d'y entrer par Boucher, port du golphe persique , mais il fut pris et dépouillé par les Arabes qui ne lui laissèrent que ses livres. Nu, sans ressources, il ne savoit ce qu’il alloit devenir lorsqu’il fut réclamé par M. de la Touche, consul anglais à Bassora , quoique la paix ne fût point encore conclue entre l’Angleterre et la France. M. de la Touche pensa qu’un naturaliste , qui voyageoit pour le bien de l’hu- manité, devoit être protégé par toutes les nations; et il lui fournit des moyens pour continuer son voyage. Michaux réussit à arriver à Schiras ; il y resta quelque temps , et se rendit à Ispahan. De-là traversant des chaînes de mon- tagnes et des déserts, il parcourut pendant deux ans la Perse, depuis la mer des Indes jusqu’à la mer Caspienne. Il y vérifia que les provinces situées entre le 55. e et le 45.e degré de latitude sont la patrie de la plupart des arbres et des plantes qui enrichissent nos campagnes. Là croissent naturellement le noyer, le cerisier, la vigne, l’épautre, la luzerne , le sainfo n dit de Malte, le pois chiche, l’oignon, le lys, la tulipe, etc. Il fit aussi des observations sur la culture du dattier, et constata un fait très-remarquable, déjà avancé par Koempfer ; c’est que les fleurs mâles du y’ H I S T O I 11 E NA T U REEL E. 199 dattier, conservées pendant un an , sont encore propres à féconder les femelles (i). Quoique la botanique fût son principal objet, il ne né- gligea point ce qui pouvoit intéresser les autres parties des sciences. Nous lui devons un monument persépolitain très-curieux et très-bien conservé, trouvé à une journée au-dessous de Bagdad , dans les ruines d’un palais connu sous le nom de jardin de Sémiramis, près du Tigre, et déposé aujour- d’hui au cabinet des antiques de la bibliothèque nationale. C’est une pierre en forme de poire , un peu aplatie des deux côtés, haute de 48 centimètres ( îpiedî) large de 32 cen- timètres ( 1 pied) et du poids de 44 livres. Elle est travaillée sur ses deux faces; dans la partie supérieure, sont diverses figures symboliques; au-dessous est une longue inscription sur deux colonnes, l’une de 26, l’autre de 26 lignes. L’ex- plication de ce monument, que M. Millin vient de publier, ( Monum . antiq. T. I , p. 58 ) a donné lieu à beaucoup de discussions ; mais on est encore réduit à des conjectures. O11 conçoit à peine comment Michaux a pu faire tant de choses avec de si foibles ressources, dans un pays agité par la guerre , où des bandes de voleurs infestoient les cam- pagnes , où il falloit marcher toujours armé, se réunir sou- vent à des caravanes pour aller d’une contrée à l’autre, et tantôt éviter les brigands, tantôt les mettre en fuite par une vigoureuse défense. Son caractère se montre dans les notes de ses1 journaux : en racontant un voyage qu’il faisoit en bateau sur le Tigre, (1) Voyez un mémoire de Michaux, lu à l’Institut national le 6 floréal an 7 ; et imprimé dans le journal de physique de floréal an g, 26* 200 ANNALES DU MUSEUM il regrette de n’avoir pu , pendant quelques heures qu’on s’étoit arrêté, aller herboriser sur un coteau voisin. « Les )) Arabes m’avoient pris mes souliers, dit-il, et le sol étoit » si brûlant, qu’il m’étoit impossible de poser les pieds ail- » leurs que dans les endroits couverts d’eau. )) En pei- gnant sa situation, la seule perte dont il paroisse affecté , c’est celle d’une occasion favorable à scs recherches. Michaux revint à Paris au mois de juin 1786. Il rapporta un herbier magnifique et une nombreuse collection degraines.On doit à ce voyage plusieurs plantes aujourd’hui cultivées dans- les jardins des amateurs , telles que /osa simplicifoUa, zoegea leptaurea , michauxia camp anulata ,(1) etc. Les sa van s l’ac- cueillirent avec distinction; eux seuls pouvoient apprécier le mérite d’un homme qui ne cherchoit point à se faire valoir. Ils jugeoient que les services qu’il a voit rendus et les sacri- fices qu’il avoit faits méritaient une récompense ; Michaux demandait seulement qu’on le chargeât défaire un nouveau voyage; il désiroit retourner en Asie, visiter les contrées à l’est de la mer Caspienne , et aller ensuite dans le TJiibet et le royaume de Cachemire dont les productions sont peu connues, et où il existe des objets de commerce, et des- manufactures qu’il vouioit introduire en France, mais ses sollicitations furent inutiles. Le gouvernement désirant d’enrichir la France de plusieurs arbres qui croissent dans l’Amérique septentrionale, on le choisit pour cette com- mission , et il partit le i.cr septembre 178b. (1) C’eslM. L’Héritier qui , en publiant la ligure et la description de ce genre, l’a consacré à la mémoire de Michaux. Le nom de Micliauxi a été adopté par MM. Aylon , Lamarck , Ventenat ; et M. de Jussieuse propose de l’adopter aussi daqs la nouvelle édition de son Généra plantarum. 201 îf HISTOIRE NATURELLE. Par les instructions qui lui furent remises, il étoit chargé de parcourir les Etats-Unis, d’y recueillir des graines et des plants d’arbres et arbustes, d’en faire un entrepôt au voisinage de New-Yorck, et de les faire passer en France, où le parc de Pianibouillet étoit destiné à les recevoir. Comme on vouloit en avoir le plus grand nombre possible et les distribuer ensuite , on exigea qu’il n’en envoyât point à d’autres: il lui fut seulement permis de faire parvenir deux boîtes par an à M. Le Monnier, et deux au jardin des Plantes, On lui demanda aussi d’envoyer des gibiers d’Amérique qu’on vouloit acclimater dans les plan tâtions des arbres de leur pays. Michaux arriva à New- Yorck en octobre 1786, il y lit sa principale résidence pendant près de deux ans , y établit un jardin, parcourut le New-Jersey, la Pensylvanie et le Maryland , et dès la première année , il envoya douze caisses de graines, cinq mille pieds d’arbres, et des perdrix du Canada qui se multiplièrent à Versailles. En septembre 1787 il partit pour la Caroline, et regardant Charlestown comme un point central d’où il pouvoit voyager dans les contrées méridionales et boréales, et visiter la chaîne des monts Àlléganis, il se décida à y faire son établissement; il y acheta, à trois lieues de la ville, un terrain destiné à recevoir les graines et les jeunes plants qu’il rapporteroit de ses voyages, afin de ne faire passer en France que des sujets de belle venue, bien préférables à ceux qu’on trouve dans les bois. Quand il s’enfonçoit dans l’intérieur des terres , il laissoit son fils à Charlestown, et le chargeoit de dirigerlescultures.il avoit perfectionné l’emballage au point de faire entrer dans une caisse plusieurs centaines de pieds d’arbres qui arrivoient en France dans toute leur fraîcheur. Les envois étoient toujours accompagnés d’instructions sur 202 ANNALES DU MUSEUM la culture convenable aux divers arbres, et sur l’utilité qu’on en pouvoit retirer. Cette correspondance étoit entre lui et l’abbé Nolin , directeur des pépinières. Au mois d’avril il partit pour reconnoître les sources de la Savannah : ce fut là qu’il découvrit le magnolia auricu- lata , Yazalea coccmea , un halmia nouveau, le rhododen- drum minus , le rohinia viscosa, plusieurs chênes, et divers arbres qui, quoiqu’ils ne fussent pas inconnus des bota- nistes, n’étoient point encore cultivés dans nos jardins. Encouragé par ces découvertes, il veut parvenir jusqu’à la cime des monts Alléganis. Il se lie d’amitié avec les sau- vages , il prend parmi eux de nouveaux guides , il leur paye d’avance une partie du prix convenu, leur promet une ré- compense au retour, et remonte avec eux les rivières qui se jettent dans la Savannah. Dans ces pays inhabités , les forêts sont impénétrables ; il n’y a de sentiers que ceux ouverts par les ours. Le lit des torrens est la seule route qu’on puisse suivre ; il faut les passer souvent à guai ou sur un tronc d’arbre qu’on jette en travers; sur les bords sont tantôt des marais où l’on enfonce, tantôt des lianes épineuses qui vous déchirent. On ne peut vivre que du produit incertain de sa chasse ou de quelques fruits acerbes que le hasard fait rencontrer. Mi- chaux avoit perdu deux de ses chevaux, et il réservoit le troisième pour les plantes qu’il pouvoit recueillir ; eut-il porté des provisions, les sauvages n’auroient pas été assez prévoyans pour les ménager. Il se confioit à leur bonne-foi dont il n’eut jamais à se plaindre ; mais leur défaut de com- plaisance lui donnoit des inquiétudes : il ne falloit pas les perdre de vue ; il falloit même courir quelquefois pour t>* HISTOIRE NATURELLE. 2o3 n’être pas séparé d’eux: il avoit pris leur hardiesse. De tous les Européens qu’ils avoient connu , c’étoit à leur avis celui qui avoit le plus d ^esprit. « Les gens de votre pays sont » bien bêtes, lui disoient-ils; ils ne savent comment vivre )) dans une forêt, et s’ils se sont égarés, ils ne peuvent re- » trouver leur chemin. » Quand Michaux rencontroit un site agréable , il coupoit des branches d’arbres, il construisoit une petite cabane, et faisant des courses aux environs, il venoit y passer la nuit, et y déposer ce qu’il avoit ramassé. Les sauvages alloient à la chasse , et revenoient le soir allumer du feu et faire cuire le gibier. Je remarquerai à ce sujet qu’ils faisoient bouillir et non rôtir la viande. Apprêtée de cette dernière manière, elle est plus agréable au goût; mais lorsqu’on est forcé de la manger sans légumes, elle échauffe et altère au bout de quelques jours. Je ne m’arrêterai point à peindre les dangers que courut notre voyageur dans ces solitudes, où il faut sans cesse gravir sur des rochers escarpés, franchir des torrens, marcher sur des troncs d’arbres pourris qui s’enfoncent sous les pas; où une obscurité effrayante règne dans les forêts, obscurité produite par l’épaisseur des arbres , par les lianes qui réunissent leurs branches, et plus encore par un brouillard presque continuel qui couvre ces montagnes humides. .Mi- chaux avoit trouvé une nouvelle espèce d e pcwia , de c/e- thra , d’e izctlea, de rhododendrum ; renthousiasme l’ani- moit et ne lui laissoit pas même sentir la fatigue. Arrivé aux sources de la rivière Ténassé, de l’autre côté desmonts, il y trouva une plaine charmante d’un mille d’étendue , couverte de fraises délicieuses dont il recueillit des plants 2 0-4 ANNALES DU MUSEUM qui ont réussi en France. Ce fut le terme de son voyage: il revint à Charles town, où il arriva le 6 juillet, après avoir fait trois cents lieues au travers de la Caroline et de la Géorgie. C’est du midi de cette dernière province cpi’il rapporta un genre voisin du quinquina dont les habitans du pays se servent pour la guérison des fièvres, et qui chez nous sera probablement très-utile à la médecine. Cet arbre qu’il a fait connoître sous le nom de pinkneya pubens , peut supporter les hivers de nos départemens méridionaux. Il est aujourd’hui cultivé chez M. Cels et au jardin du Muséum. L’automne suivant, Michaux forma le projet de visiter la Floride espagnole ; ayant obtenu des passe-ports de Don Lespedez qui en étoit gouverneur, il se rendit à Saint- Augustin, où il arriva en février 1788, avec son fils et un nègrequilui étoit fort attaché. Le gouverneur à qui il s’étoit annoncé comme un botaniste qui voyageoit pour s’instruire, ne lui permit , qu’après un long examen , de pénétrer dans les terres; mais peu de jours après ayant appris que sur l’adresse des lettres envoyées de Charlestown, Michaux étoit qualifié botaniste du roi, il le traita avec beaucoup d’égards, et lui offrit une escorte pour l’accompagner. On juge bien que cette offre ne changea rien au plan de notre voyageur. Il resta à Saint-Augustin jusqu’au 12 mars pour voir les environs, et prendre des informations sur l’intérieur du pays qui est aujourd’hui absolument inhabité , et ayant loué un guide minorquin , il se rendit à l’embouchure de la Tomakow: il y acheta un des canots dont on se sert dans le pays pour naviguer sur les rivières. Ces canots faits d’un seul tronc de cyprès chauve ( cupressus clisticha ) creusé dans sa longueur, sont longs de 22 pieds, mais leur largeur est d’ HISTOIRE NATURELLE. 2o5 à peine de 3 pieds et leur profondeur de 2 \ ; on 11e peut s’y placer à côté, mais seulement l’un devant l’autre. Michaux, son fils, son nègre et leur guide étoient tous quatre assis dans cette longue nacelle, et il restoit au milieu beaucoup d’espace pour loger les plantes. On ramoit tour-à-tour , et on remonta ainsi la rivière en s’enfonçant dans les lagunes. Michaux fîxoit ses yeux sur les bords : voyoit-il un site intéressant, il attachoit le canot, descendoit à terre, et herborisoit à d’assez grandes distances. Il étoit sous un climat tout différent de ceux qu’il avoit parcourus les années précédentes; ici les orangers crois- soient presque sans aucun soin, et la canne à sucre avoit même été cultivée quelques années auparavant. Mais le voyage 11e fut pas moins pénible ; souvent dans les lagunes il n’y a pas assez d’eau pour que le canot puisse être à flot: il faut alors le rouler sur des troncs d’arbres , et trans- porter le bagage dont on l’avoit chargé. Il ne vivoit que de poisson et des oranges qu’il trouvoit dans les bois : ces oranges ne sont pas douces, mais il n’en fut jamais incom- modé. Il entra ensuite dans la rivière Saint-Jean, et par- vint, après cinq jours, dans le lac Saint-Georges, où se jette une autre petite rivière qu’il remonta encore, non sans rouler souvent le canot. Cette rivière très-profonde et très- poissonneuse présente un phénomène singulier; ses eaux sont d’un goût détestable, d’une couleur de soufre, et ce- pendant d’une telle limpidité, qu’on voit dans le fonds les plus petites branches des arbres qui y ont été renversés. Elle prend naissance dans un étang où l’on aperçoit plu- sieurs jets-d’eau de i5 à 18 pouces. Il trouva sur ses bords un anis étoilé à fleur jaune, aussi parfumé que celui de la 3. 27 ANNALES DU MUSEUM 206 Chine, et qui peut servir aux memes usages. Ce voyage dura cinq semaines; il dit dans ses notes qu’il l’avoit trouvé très-agréable et très-commode, parce que n’ayant point de chevaux , il ne craignoit pas que ses collections fussent éga- rées. Ce trait prouve qu’il ne comptoit pour rien la fatigue. En prenant congé du gouverneur, il lui remit une caisse de graines pour le jardin de Madrid : il voulut aller à Sa- vannah par les lagunes, malgré le danger d’ètre attaqué par les sauvages Créeks qui étoient alors en guerre avec les Anglo-Américains ; de Savannah il se rendit par mer à Charlestown. Le anis étoilés se trouvèrent en bon état, et cette nouvelle espèce, préférable à celle qu’on trouve près de Pensacola, fut bientôt répandue dans les environs. Mi- chaux croit que cultivé en grand dans la Caroline méridio- nale, il ne reviendra pas en France à plus de 18 s. la livre. Rentré dans son jardin il l’enrichit de nouvelles plan- tations , et fit en France des envois considérables. Il s’étoit assuré des correspondances dans tous les lieux où il avoit passé : il envoyoit aux habitans des graines et des légumes d’Europe en échange des plantes du pays, qu’il avoit eu soin d’indiquer pour qu’on les arrachât dans la saison conve- nable. Il voyageoit ordinairement depuis le mois d’avril jusqu’au mois d’octobre : et pendant son absence, deux jardiniers et un nègre qu’il avoit instruits, cultivoient son jardin, et recueilloient soigneusement les graines. En hiver, il faisoit des courses moins éloignées pour aller chercher quelques jeunes arbres dans les endroits où il les avoit re- marqués pendant la belle saison. Quoique la température des îles Bahama et des îles Lu- cayes diffère trop de celle d’Europe, pour qu’on puisse en d’ HISTOIRE NATURELLE. 207 naturaliser les productions chez nous, le désir de donner une flore complète de l’Amérique septentrionale, depuis le tropique jusqu’à la haie d’Hudson , engagea Michaux à les visiter. Il arriva à New-Providence le 26 février 1780, et fut très-bien reçu du gouverneur de la colonie à qui il donna des graines pour M. Banks. Il recueillit dans ces îles 860 pieds d’arbres ou arbustes, et il engagea le gouverneur à y introduire la culture de la vigne et celle du dattier qui, vu la nature du sol, dévoient y réussir. Il lui promit de lui faire passer de jeunes plants de dattier, et l’on juge bien qu’il tint parole. Il en envoya aussi à Saint-Augustin, où se trou voit depuis long-temps un dattier femelle de 4o pieds , mais qui étant seul ne pouvoit donner de fruit. De retour à Charlestown le i.ei mai 1789, Michaux y apprit les événemens qui agitoient la France ; il éprouva beaucoup de difficultés à toucher des fonds pour ses dé- penses, et craignant d’ètre bientôt rappelé, il se hâta d’aller visiter les plus hautes montagnes de la Caroline. Il partit le 5o mai, et se rendit à Morganton, village situé à cent lieues de la côte; il y prit un guide, et s’enfonça dans les forêts. Il étoit à plusieurs journées de distance de toute habitation , lorsque ce guide ayant voulu se jeter sur un ours qu’il avoit abattu, en fut blessé et faillit périr. Mi- chaux observe à ce sujet que dans ces solitudes il est essen- tiel d’avoir deux guides ; mille accidens peuvent en faire périr un, et il seroit impossible à un Européen de retrouver son chemin. On ne peut suivre le lit des torrensinterompus par des cascades, bordés de précipices, de rochers minés par les eaux, et qui s’écroulant sous les pas, peuvent vous entraîner dans leur chute : s’élève-t-on sur une montagne, 27 * 2o8 annales du muséum on n’aperçoit , aussi loin quela vue peut s’étendre, que les cimes de montagnes semblables, et dans les intervalles de vastes terrains couverts de rhododendrum } de hahnia , d’a- zalea , au-dessus desquels quelques grands arbres s’élèventde distance en distance. Ces bois sont souvent impénétrables; les sauvages seuls savent y découvrir des sentiers , et un Européen ne peut concevoir comment ils se dirigent dans ces immenses déserts. Ce voyage que Michaux fit avec son fils dura moins qu’il ne l’avoit projeté , parce que les sauvages s’étant brouillés avec les habitans de la Virginie , un Européen couroit risque d’ètre massacré: il retourna donc àJNew-Yorck, de- là à Philadelphie , etde-là à Charlestown , où il arriva cinq mois et demi après son départ. La guerre ayanL été déclarée entre la France et l’Angle- terre,ses correspondances avec l’Europe furentinterrompues pendant deux ans. Il employa ce temps à augmenter ses pépinières, à naturaliser dans son jardin plusieurs arbres d’Asie dont il s’étoit procuré des graines par les capitaines de vaisseaux américains qui font le voyage de la Chine, enfin à répandre parmi les habitans la culture des plantes utiles ; ayant trouvé dans ses voyages beaucoup deginsenk, ( panax quinquefoliiun. L. ) il leur enseigna comment et à quelle époque il falloit récolter cette plante précieuse, pour qu’elle eut les qualités qui la font rechercher à la Chine. Enfin il communiqua ses observations à la société d’agri- culture de Charlestown, et cette société l’admit au nombre de ses membres. Cependant ses moyens s’épuisoient, et il craignoit d’être forcé à quitter l’Amérique : il étoit depuis long-temps occupé d’ histoire naturelle. 209 d’un projet infiniment utile pour les sciences : c’étoit de déterminer quel est le lieu natal de tous les arbres de l’Amé- rique septentrionale, à quelle latitude ils commencent de croître, à quelle latitude ils deviennent rares, chétifs, et disparoissent entièrement, enfin à quelle hauteur ils se trouvent sur les montagnes, et dans quel sol ils prospèrent le mieux. Il regardoit comme la patrie d’un arbre, la contrée où il est le plus multiplié, et où il acquiert le plus de hau- teur et de grosseur; ainsi il jugeoit que le tulipier est ori- ginaire du Kentucky, parce qu’il y forme de vastes forets, et y a communément 7 à 8 pieds de diamètre, et J20 pieds d’élévation, dans les terrains frais etargilleuxqui cependant ne sont pas inondés. En remontant et en descendant, et dans des terrains dénaturé différente, ces arbres deviennent plus rares et plus peti ts. C’étoit dans la vue de tracer ainsi la topographie bota- nique de l’Amérique septentrionale , que Michaux avoit visité les Florides ; mais en partant du tropique, il falfoit aller jusqu’à la baie d’Hudson. Il fit usage de ses dernières ressources pour exécuter ce projet : il s’adressa à des négo- ciais qui avoientune entière confiance en lui, et reçut d’eux tout l’argent dont il avoit besoin, en leur remettant des lettres-de-change sur ceux qui étoient à Paris dépositaires de ses biens patrimoniaux. Ce voyage étoit le plus long , le plus pénible qu’il eût encore entrepris, mais il de voit être le plus utile. Après avoir tout disposé à Cbarlestown pour que ses plantations fussent soignées pendant son ab- sence, il en partit le 18 avril 1792 : il passa par New- Yorck, où il donna également des ordres pour la culture de son jardin, et se rendit par terre à Québec, où il arriva le 10 juin. 2 ] O ANNALES DU MUSEUM A Québec il prit des informations sur les environs de la baie d’Hudson; il se munit de provisions et d’objets d’échange, et remontant le fleuve Saint-Laurent, il se rendit à Ta- doussac, misérable village situé à rembouchure de la ri- vière Sagueney , à 5o lieues de Québec; c’est un entrepôt où les sauvages viennent faire le commerce des pelleteries; là il acheta deux canots d’écorce. Les sauvages font ces canots avec l’écorce du bouleau, nommé par Ayton Betula papyrifera : pour cela ils choi- sissent au printemps les bouleaux les plus gros et les plus unis; ils font sur les troncs deux incisions circulaires à quatre ou cinq pieds de distance, et une incision longitudinale de chaque côté. L’écorce se détache assez facilement lorsque l’arbre est en sève. On fait les courbes avec des lattes fort minces du cèdre blanc ( cupressus thuyoïdes 1 ; on réunit les plaques d’écorce en les cousant, au moyen d’une aleine, avec les racines fibreuses delà sapinette blanche {abies alba) qu’on a fait bouillir pour la dépouiller, et on recouvre les jointures avec de la résine tirée du beaumier de Gilead ( abies balsamea . ) Ces canots pèsent environ 5o livres ; ils portent quatre hommes et leur bagage et durent fort long-temps. Lorsque les sauvages vont faire des chasses lointaines, leurs femmes les accompagnent, et ce sont elles qui portent le canot dans les intervalles d’un torrent à l’autre. Michaux prit avec lui trois sauvages et un métis , et il s’embarqua sur la Chicoutoumé , pour la remonter jusqu’au lac Saint-Jean. Cette rivière est très-rapide , tantôt large, tantôt res- serrée; d’énormes rochers embarrassent son cours : le pays / d’ histoire NATURELLE. 211 étant extrêmement montueux , elle se précipite souvent par cascades. Alors on est obligé de porter le canot et de remonter à pied, en faisant un détour quelquefois de plu- sieurs centaines de toises. Après six jours de navigation , Michaux entra dans le lac Saint-Jean; il herborisa sur ses bords, et ramassa beaucoup de plantes : là se trouve, pour le commerce des fourrures, le dernier poste situé dans les contrées boréales. Il remonta ensuite la rivière dite de Mistassin ; quoiqu’elle ne sorte pas du lac de ce nom, il y vit une cascade dont tout ce qu’il avoit ouï-dire n’avoit pu lui donner l’idée. La rivière divisée en plusieurs branches , occupe une largeur de 200 toises ; elle se précipite d’une montagne d’environ 260 toises de hauteur, coupée en amphithéâtre; sur les degrés de cet amphithéâtre croissent des arbres qu’on aperçoit au travers de la nappe d’eau , courbée en voûte au-dessus de leur cime. En tombant avec un fracas épouvantable , elle se brise, et les vapeurs s’élevant comme un nuage , baignent au loin les environs : les flots repoussés dans leur chute par les bords opposés, forment des ondulations qui, entre deux courans bouillonans et couverts d’écume, laissent des es- paces où l’eau est tranquille ; les sauvages font glisser le canot dans ces sinuosités. Michaux ne pouvoit concevoir leur adresse : pour nous , c’est son audace qui est incon- cevable; on frémit en le voyant pénétrer entre les deux bras de la cascade pour cueillir quelques plantes sur les rocs inondés , et s’arrêter à contempler cette scène imposante. En re- montant la rivière, il trouva une cabane où il fut bien reçu et régalé avec de la viande de castor bouillie et des confi- tures de vaccinium. C’est dans ces pays reculés que les 2 1 2 ANNALES DU MUSEUM castors vivent en société: leurs habitations, d’une architec- ture ingénieuse et solide , rendent la navigation difficile ; il faut souvent décharger le canot pour le soulever au-dessus des digues qu’ils ont construites. Comme les naturels du pays leur font la guerre , on n’en trouve plus que dans les contrées les plus au nord et les plus désertes. Après avoir traversé beaucoup de montagnes dont les in- tervalles sont remplis d’eaux stagnantes, Michaux entra le 5 août dans une petite rivière qui conduisoit au lac Mis- tassin. Il faisoit alors un froid excessif; il lomboitde la neige, cependant il continua sa route, et arriva le 4 septembre dans le lac Mistassin : après en avoir reconnu les bords , il descendit une rivière qui communique à la baie d’Hudson; il la suivit pendant deux jours, et il n’étoit plus qu’à une petite distance de cette baie, lorsque les sauvages croyant dangereux de s’avancer plus au nord dans cette saison , vou- lurent absolument revenir; ils assurèrent que si les neiges continuoient , le retour deviendroit impossible. Michaux avoit reconnu la position des lieux, et déter- miné quels étoient les points les plus élevés, et quelle étoit la communication entre les divers lacs et la baie d’Hudson. Il avoit exactement marqué à quelle latitude finissent de croître les arbres du nord : il ne trouvoit plus dans ces so- litudes qu’une végétation chétive ; c’étoient des sapins noirs qui fructifioient à quatre pieds de terre, des pins rabougris, des bouleaux et des sorbiers nains, un genevrier rampant, le groseiller noir , la linnæa borealis, le ledum et quelques espèces de vaccinium, mais plus aucun des beaux arbres qui croissent aux environs de Québec. Le retour fut très-pénible ; les torrens étoient gonflés ; 2 10 B’ HISTOIRE NATURELLE, les sauvages les descendoient avec une vélocité inconce- vable, en faisant passer le canot entre les rochers ; mais les terrains marécageux au travers desquels il falloit porter le canot , étoient un obstacle qu’on ne pouvoit surmonter qu’à force de courage. Dans ces marais tout couverts de sphagnum palustre , où croissent des ledum, des vaccinium, on enfonce jusqu’au genou , et l’on est continuellement mouillé. En revenant, il rencontra deux compagnies d« sau- vages, et ce fut pour lui un grand plaisir d’aller à la chasse avec eux. Enfin Michaux arriva à Tadoussac le i.er octobre; là il prit congé de ses compagnons de voyage, qui lui avoient rendu tous les services qu’il pouvoit attendre d’eux, avec beaucoup de zèle et la plus scrupuleuse fidélité. Nous lui avons souvent entendu dire que lorsque les sau- vages du Canada ne sont point en guerre avec les colons américains, on est sûr de trouver chez eux un accueil fa- vorable. On les évite cependant , parce qu’on est exposé à être dépouillé de ses provisions. Quand on les rencontre , s’ils ont tué du gibier, s’ils sont à faire leur repas, on peut sans rien dire s’asseoir et partager avec eux ce qu’ils ont ; mais si eux-mêmes ont faim, ils prennent ce que vous avez , jusqu’à ce que leur faim soit appaisée, vous laissant ce qu’ils ne mangent pas. Comme ils passent souvent plusieurs jours sans nourriture, leurs repas sont plus longs et bien plus considérables que ceux des Européens. Au reste, les sau- vages du Canada et ceux du haut Mississipi ont un atta- chement particulier pour les Français , et les reconnoissent au premier coup-d’oeil. De Tadoussac, Michaux retourna à Philadelphie, où il 3. - 28 2 14 annales du muséum arriva le 8 décembre : il étoit parti de Charlestown depuis huit mois; et ilavoit employé trois mois et dix-huit jours à aller de Québec jusqu’au-dessus du lac Mistassin, sous le Ô2.e degré de latitude, à 160 lieues de toute habitation. Peu de temps après son retour, il présenta à la société philosophique de Philadelphie un plan de voyage dont le but étoit de reconnoître les vastes contrées situées à l’ouest du Mississipi, et de déterminer exactement la position des montagnes qui traversent le nouveau Mexique. Il fit sentir les avantages que les Etats-Unis pourroient retirer de ce voyage, et son plan fut très-bien accueilli par M. Jefferson. Il ailoit être exécuté; une souscription de 5ooo piastres (26000 liv.) étoit déjà remplie, et tous les arrangemens étoient pris, lorsqu’arriva à Philadelphie le citoyen Genest, ministre de la République française, qui réclama les services de Michaux, et le chargea d’une négociation auprès d’un général américain , habitant du Kentucky. Il y fut envoyé avec le titre d’agent civil et politique. Comme on avoit la guerre avec l’Espagne, on vouloit s’emparer de la Loui- sianne, et 011 envoyoit Michaux au général qui devoit com- mander les troupes pour concerter avec lui les moyens d’exécution; on le chargeoit aussi d’aller sur les bords du Mississipi pour traiter avec les sauvages, et les engager dans les intérêts de la France. Cette commission politique ne convenoit point aux goûts paisibles de Michaux, mais il ne pouvoit refuser à sa patrie les services qu’elle exigeoit de lui : il partit le i5 juillet 1796; il passa les monts Àlléganis, et il descendit l’Ohio jusqu’à Louisville. Trois mois après, des affaires relatives à sa mission l’obligèrent à retourner à Philadelphie. Pour d’ HISTOIRE NATURELLE. 21 5 s’y rendre par la voie la plus courte , il falloit entrer en Virginie , d’où l’on est séparé par de vastes bois habités uniquement par quelques sauvages qui attaquent les voya- geurs. Il traversa ces déserts avec une caravane de douze personnes: après cinq jours d’une marche forcée , la troupe se sépara à Holston, et Michaux accompagné de ses guides, se rendit à Philadelphie en vingt-quatre jours, malgré la rigueur de la saison et la difficulté des chemins ; il y arriva le 12 décembre 1795 , après avoir fait 800 lieues. Il trouva que Genest avoit été remplacé par Fauchet, et qu’il n’étoit plus question de l’invasion de la Louisiane : il se décida alors à retourner à Charlestown ; pour être rendu dans son jardin au commencement du printemps, et ne pas manquer la saison des semis, il partit le 9 février 1794, et fit la route par terre en trente-six jours, recueillant tou- jours ce qu’il trouvoit de remarquable. Le i4 juillet suivant, il partit de nouveau pour visiter l’intérieur de la Caroline septentrionale et les plus hautes montagnes des Alléganis ; revenu le 2 obtobre, il s’occupa à recueillir les plantes d’automne, à cultiver son jardin, et à mettre en ordre les collections qu’il devoit envoyer en France. Le séjour qu’il avoit fait au Kentucky avoit été trop court pour qu’il eût pu en recueillir les richesses; il regrettoit aussi de n’avoir pu suivre les bords du Mississipi, et aller dans le pays des Illinois. Une distance de 4oo lieues n’étoit rien pour lui :en engageant encore sa fortune, il sut trouver des ressources, et ce voyage, qui dura près d’un an, lui pro- cura un grand nombre de plantes précieuses. Nous ne nous arrêterons pointa décrire les obstacles qu’ileut à surmonter; 28 * 2 16 ANNALES DU MUSEUM les aventures qu’il eut chez les sauvages, nous en avons assez dit pour faire connoître son intrépidité et son zèle pour la science ; nous remarquerons seulement que connoissant bien la géographie du pays, il alloit de temps en temps dans les établissemens européens situés sur les bords des fleuves, et y laissoit des caisses qui dévoient être envoyées chez lui ; et dont le port seroit payé à un prix considérable si on les recevoit à l’époque convenue. De retour à Charlestown le 11 avril 1796, il trouva son jardin dans l’état le plus florissant : ses pépinières étoient magnifiques, elles étoient composées non-seulement d’arbres du pays, mais d’un grand nombre d’arbres d’Europe et d’Asie qu’il avoit entrepris dénaturaliser en Amérique, et dont plusieurs le sont déjà, tels que l’arbre à suif ( croton sebiferurn. L.), l’olivier odorant ( olea fragans. L.) , l’arbre de soie {miinosajulibnzin)_ , le sterculia platanifolia , L. un gre- nadier de Perse, etc. Son habitation lui devenoit plus chère tous les jours, mais il avoit épuisé ses dernières ressources, il ne lui restoit d’autre moyen pour vivre que de se mettre à la solde d’un Gouvernement étranger, ou de vendre des arbres qu’il avoit destinés pour sa patrie ; ne pouvant s’y résoudre, il se détermina à revenir en France. Il partit de Charles- town le 27 thermidor an 4 ( i3 août 1796) ; la traversée ne fut pas malheureuse , mais le 18 vendémiaire, comme on étoit à la vue des côtes de Hollande , il s’éleva une af- freuse tempête: les voiles furent déchirées, les mâts brisés, et le navire échoua et s’entrouvrit sur les rochers ; matelots et passagers tout étoit épuisé par les fatigues, et la plupart auroient péri, sileshabitans d’Egmond, petit village voisin, ne leur eussent donné du secours. Michaux étoit attaché d’histoire naturelle. 217 aune vergue, et il avoit perdu connoissance , lorsqu’on l’emporta au village; il ne la reprit que quelques heures après, se trouvant auprès du feu avec d’autres habits et en- touré d’environ cinquante personnes. Sa première pensée en revenant à lui , fut de demander des nouvelles de ses collections.il apprit que les males qui contenoient ses effets se trouvant sur le pont, elles avoientété emportées par les vagues, mais on lui dit que les caisses placées à fonds de cale avoientété retirées, et il fut consolé. Malgré le mauvais état de sa santé , il fut obligé de rester un mois et demi à Egmond , et d’y travailler jour et nuit : ses plantes ayant été mouillées par l’eau de la mer, il'fallut les tremper toutes dans l’eau douce, et les sécher l’une après l’autre dans de nouveau papier. Le 5 frimaire, 25 novembre, il se rendit à Amsterdam où il étoit attendu , et on l’autorisa à faire voyager ses caisses sans qu’elles fussent visitées aux douanes.il partit le 10, et arriva à Paris le 3 nivôse; le 4 il vint voir les professeurs du Muséum. Il fut accueilli de la manière la plus flatteuse par les sa- vans, parles membres du Gouvernement, par l’institut na- tional dont il étoit membre associé ; il avoit la douceur de se réunir à sa famille et à des amis dont il étoit éloigné depuis dix ans , mais un chagrin cruel empoisonnoit ces jouissances ; de plus de 60,000 pieds d’arbres qu’il avoit envoyés en France, il n’en restoit qu’un petit nombre, les belles pépinières de Rambouillet ayant été ravagées pen- dant les orages de la révolution : cependant voyant le calme rétabli , et se sentant la force de recommencer ses travaux, il se consola par l’espoir de réparer ses pertes. Il s’occupa 2 iS ANNALES DU MUSEUM d’abord à mettre en ordre les graines de ses derniers Voyages, et il les partagea entre le Muséum , M. Cels et M, Le Mon* nier : il pria l’institut de faire un rapport sur ses collections i et MM. de Lacépède, Dolomieu , Jussieu et Cels en furent chargés ; les deux premiers relativement à la zoologie et à la minéralogie , les deux autres relativement à la botanique et à l’agriculture. Il présenta au ministre des mémoires sur l’état où il a voit laissé ses pépinières d’Amérique, et sollicita les moyens de se rendre encore plus utile qu’il ne l’avoit été. Ce ne fut qu’après avoir terminé ces objets, qu’il s’oc- cupa de ses affaires pécuniaires. Depuis sept ans sesappoin- temens ne lui avoient point été payés , mais la guerre néces- sitoit alors de si grandes dépenses , qu’on ne lui accorda que de légères indemnités, et qu’on se crut dispensé de tenir les engagemens pris par l’ancien Gouvernement. Pour la première fois Michaux sentoit des inquiétudes sur sa situation ; il se reprochoit d’avoir consumé la fortune de son fils; en travaillant pour sa patrie, il n’avoit pas songé à s’enrichir, mais il s’étoit flatté de recouvrer son patrimoine qu’il avoit sacrifié pour ses voyages. Déchu de ses espérances, ayant en vain sollicité une commission pour retourner en Amérique, et regardant comme un devoir de ne plus tenter à ses frais aucune entreprise, il étoit dévoré par le chagrin; mais comme il avoit une ame forte, il ne se laissa pas abattre. Il se livra au travail , et s’occupa à rédiger les observations qu’il avoit faites, à mettre en ordre son histoire des chênes, et à disposer les matériaux d’une flore de l’Amérique septentrionale, et il vécut à Paris avec la même simplicité que s’il eût été encore parmi les sauvages. Cependant M. Le Monnier ayant été attaqué delà maladie D* HISTOIRE NATURELLE. 2 ] 9 qui l’a enlevé aux sciences et à ses amis, Michaux quitta tout pour aller passer auprès de lui les momens où il croyoit pouvoir lui être utile ; et après la mort de ce pro- tecteur respectable, il alla s’établir dans sa maison pour prendre soin de son jardin, et rendre à sa veuve les services dont il se croyoit capable; il oublioit tout pour ces devoirs chéris de la reconnoissance et de l’amitié. Le manuscrit de l’histoire des chênes étoit imprimé, mais les gravures n’étoient pas terminées, lorsqu’on proposa à Mi- chaux d’accompagner le capitaine Baudin dans l’expédition de la Nou velle-Hollande:Michaux auroit préféré de retourner en Amérique, mais dans l’impossibilité d’y aller àses frais, il consentit à être de l’embarquement, y mettant cette con- dition que si, arrivé à l’Ile-de-France, il croyoit pouvoir employer son temps d’une manière plus utile , il n’iroitpas plus loin. Il partit en effet avec le capitaine Baudin le 27 ven- démiaire an 9, et il arriva à l’Ile-de-France le 2.5 ventôse. Pendant la traversée, tous ses compagnons de voyage s’attachèrent à lui :son âge et son caractère lui avoient fait prendre un ascendant extraordinaire sur les autres natu- ralistes; il enflammoit leur zèle, chacun vouloit l’imiter. Les vaisseaux ayant relâché à Ténérif , il alla herboriser sur les montagnes; il ne rentroit que bien avant dans la nuit et toujours chargé de graines et de plants enracinés. A l’Ile-de-France, le luxe de la végétation le transporta : les plantes lui paroissoient avoir un port plus magnifique que celles de Perse et de l’Amérique septentrionale. Il passoit sou- vent plusieurs jours dans les bois seul avec un nègre, n’ayant d’autre nourriture qu’un morceau de pain; dormant sous les arbres, et ne revenant que lorsqu’il avoit fait une 2 20 ANNALES DU MUSEUM abondante récolte. Dans ces herborisations il portoit toujours des graines des arbres qu’il croyoit pouvoir se naturaliser dans le pays ; et M. Deschamps qui arrive de l’Ile-de-France, nous a assuré qu’en herborisant sur les montagnes, il y avoit trouvé un grand nombre de chênes de quelques pouces de hauteur quivenoient très-bien , et qui a voient été semés par Michaux. Un jour , pendant son absence, on enfonça la porte de son appartement, on lui prit cent piastres et un rubis pré- cieux qu’il avoit apporté de Perse : craignant de perdre du temps en démarches infructueuses , il ne fit aucunes re- cherches, il ne se plaignit même pas. Il accepta franche- ment les services de l’amitié qui lui furent offerts par le docteur Stadman, savant naturaliste, et par M. Martin de Montcamp, dont il avoit été le compagnon de voyage dans les déserts de l’Arabie. Celui-ci l’engagea à s’établir dans son habitation , où il lui donna un carré de terre et un noir pour le servir ; bientôt ce carré fut planté des productions les plus intéressantes de l’Ile ; il étoit nécessaire de les réu- nir et de les élever ainsi dans un dépôt pour les envoyer ensuite au Muséum. Déjà six mois s’étoient écoulés depuis le débarquement, et le capitaine Baudin se préparoit à faire voile pour la Nouvelle-Hollande , mais Michaux qui avoit pris des in- formations sur Madagascar, brûloit du désir d’aller seul visiter cette île. Il jugeoit que le nombre des botanistes étant assez considérable sur les vaisseaux, il se rendroit plus utile en exploitant une contrée moins éloignée de la France, et dont les productions ne nous sont pas mieux connues. Comme en annonçant son projet il craignoit d’en-* 22 1 D* HISTOIRE NATURELLE. traîner quelques personnes de l’équipage, il garda le secret jusqu’à F avant-veille du départ ; quoiqu’en prenant si peu de temps’, il courût risque de perdre une partie de ses effets. Il se sépara donc du capitaine Baudin, en promettant de lui re- mettre à son retour, une riche collection. Il écrivit à P 3 ris au ministre de l’intérieur pour lui faire part de ses motifs, et il adressa à un membre de l’institut des instructions très-dé- taillées sur les cultures de la colonie et sur les moyens de la rendre plus florissante. Il écrivit en même-temps à son frère et à son fils pour leur demander les choses nécessaires à l’exécution de son projet. M. Bory-Saint-Vincent , avec qui il s’étoit lié d’amitié pen- dant le voyage, et qui étoit aussi resté à l’Ile-de-France, partant pour l’Ile de Bourbon dont il vouloit étudier l’his- toire naturelle, Michaux le pria de lui envoyer toutes les graines qu’il pourroit recueillir , et beaucoup de plants enracinés. M. Bory n’y manqua point, et en repassant pour revenir en France, il trouva ces plants dans le meilleur état. Michaux étoit sur le point d’aller à Madagascar; il exposa à M. Bory les détails de son plan : il avoit appris que l’île est habitée par trois races d’hommes ; sur la côte occi- dentale ce sont des nègres; au nord et à l’est ce sont des Arabes qui y sont venus depuis environ trois cents ans ; dans l’intérieur est un peuple assez civilisé, soumis à un gouvernement régulier, ayant des arts, désirant acquérir des connoissances, et hospitalier quoique se méfiant des étrangers. C’étoitchez ce peuple qu’il vouloit aller s’établir; il se flat toit d’y être bien reçu, d’y introduire la culture des légumes et des fruits d’Europe, d’élever auprès de son habitation de jeunes plants, et de les faire passer à l’Ile- 3. 29 < 222 ANNALES DtT MI/SÉUM de-France, où ilsseroient soignés, en attendant une occasion favorable pour Paris. Il partit donc pour Madagascar à la fin de prairial, après s’être assuré des moyens de corres- pondance. Il aborda sur la côte orientale, et la parcourut l’espace de vingt lieues. Avant d’aller dans le centre de File, il vouloit avoir établi sur la côte un jardin où un homme intelligent pût recevoir et cultiver les jeunes plants qu’il lui enverroit. Ayant trouvé près de Tamatade un ter- rain favorable à ses vues, il se mit à le défricher. Les Ma- degasses qu’il employoit travaillant trop lentement à son gré , il se mettoit lui-même à l’ouvrage avant le jour, et ne quittait qu’après le coucher du soleil. Le sol une fois préparé, il le planta de tout ce qu’il put recueillir dans ses herborisations. Ses amis, connoissant le danger du climat r avoient voulu le détourner de son projet, ils lui avoient sur-- tout recommandé d’éviter la fatigue , et de ne point sé- journer dans les plaines voisines de la mer: mais il préten- doit s’être fait un tempérament qui résistait à tout , et il ne voulut jamais s’assujettira aucune précaution. Sa santé ne fut point altérée pendant quatre mois, mais au commen- cement de frimaire an XI , comme il se disposoit à partir pour le centre de File , il fut attaqué de la fièvre du pays qui l’emporta au second accès. Quelques jours plus tard, il se fût trouvé dans les montagnes où l’air est salubre. Il était dans la force de l’age : pendant dix ans encore, i3 pouvoit être le bienfaiteur des peuples chez lesquels il seroit a lé chercher des végétaux propres à enrichir sa patrie; Il avoit laissé des amis dans tous les pays où il avoit vécu ; sa perte y fera verser des larmes, et son nom y sera conservé d’autant plus long-temps, que par-tout il est attaché à des services rendus ? dont les témoignages existent et serenou- 223 d’ HISTOIRE NATURELLE. vellent. Depuis la Floride jusqu’au Canada, il a introduit des plantes nouvelles, et l’on ne voyagera ni en Perse, ni en Afrique , ni dans le vaste continent de l’Amérique sep- tentrionale , sans trouver quelque famille qui dise : «Voilà des arbres que nous devons à André Michaux. » En France le jardin du Muséum, ceux de M. Gels, de M. Le Mon nier et de plusieurs curieux offrent un grand nombre de plantes qu’on doit à ses recherches : mais ce qui est infiniment plus utile , c’est qu’il a répandu parmi nos cultivateurs une foule d’arbres dont il a envoyé une grande quantité de graines. Ces arbres étoient connus, maison en trouvoit seulement quelques individus fort jeunes chez des amateurs : ils sont aujourd’hui très-multipliés, et seront bientôt une grande richesse pour le sol de la France, où ils réussissent en pleine terre : de ce nombre sont le noyer pacanier (jugions pacan. Ayt. ) dont le bois est très-beau pour faire des meubles, et dont la noix donne une huile excellente ; le cyprès chauve ( cupressus disticha. L. ) qui vient si bien dans les terrains inondés où d’autres arbres ne peuvent croître, et qui est employé à divers usages ; une nouvelle espèce de tupelo (nyssa caroliniana. hsima.rck.) très- propre à faire des moyeux de roue ; le quercitron ( quercus tinctoria. Bart. ) si recherché pour la tannerie et la tein- ture; le chêne verd de Caroline ( quercus virens. Ayt.) qui prend un accroissement rapide dans les plages sablon- neuses exposées aux vents orageux de l’océan , où presque aucun arbre ne peut exister , et dont le bois est excellent pour la construction des navires; le cirier de Pensyl- vanie , qui pourroit féconder les landes marécageuses des environs de Bordeaux; des frênes* des érables, des tuli- A9. * 224 ANNALES DU MUSÉUM piers , etc. qui dans certains terrains sont bien préférables aux arbres indigènes, et pour leur beauté et pour les usages auxquels ils peuvent être employés. Enfin plu- sieurs plantes qui sont des objets de commerce, telles que l’anis étoilé et le jalap : il a trouvé ce dernier en Caroline , il l’a élevé dans son jardin , et son fils l’ayant apporté au Muséum , on s’est assuré qu’il est le même que celui de la Véra-Crux , et qu’il résistera aux hivers dans nos départe- mens du midi. Une constitution robuste, une santé qui n’avoit point été altérée, l’habitude de se suffire à lui-même, donnoient à Michaux une grande confiance en ses forces; à cinquante- deux ans, il ne prévoyoit pas même que son tempérament dut s’affoiblir. Toujours occupé de son voyage en Amé- rique, il en avoit arrêté le plan dans tous les détails, et l’exé- cution de ce plan exigeoit dix ans de fatigues. C’étoit après avoir connu toutes les contrées situées à l’ouest des Apa- laches , depuis le Mexique jusqu’au pays des Esquimaux, après avoir établi des relations entre les Etats-Unis et les peuplades dispersées dans ces régions immenses, entre l’Amérique et l’Europe, qu’il se proposoit de revenir en France. Ilparoît difficile de trouver un voyageur qui nesoit point effrayé d’une telle entreprise. D’ailleurs Michaux étoit accoutumé à vivre avec les sauvages ; il savoit plusieurs langues, il étoit connu dans les cantons les plus reculés de l’Amérique septentrionale. Son fils ayant été envoyé par le Gouvernement pour faire revenir de Charlestownles arbres qui restoient dans ses pépinières, et pour disposer ensuite du terrain , profita de quelques mois qui lui restoient pour aller visiter le Kentucky et ]e Tenassée dont son père lui avoit souvent parlé avec enthousiasme. Il s’enfonça à 3oo d’histoire NATURELLE. 225 lieues dans les terres au-delà des Alléganis, en descendant l’Ohio. Les habitations sont fort écartées les unes des autres. Dès qu’il se nommoit, ou lui faisoit un accueil amical, et on alloit chercher des gens qui avoient connu son père, et qui ayant reçu de lui soit des graines, soit des instruc- tions sur la culture, bénissoient sa mémoire et faisoient des voeux pour son retour. Michaux étoit d’un caractère franc quoique d’unehumeur taçiturne ; il faisoit peu de démonstrations d’amitié, mais si on lui demandoit un service, rien ne lui sembloit difficile. Ayant rencontré en Amérique plusieurs Français infortunés , il leur ouvrit sa bourse, et leur procura des ressources : on en voit la preuve dans la note de ses dépenses , où le nom de ceux qu’il avoit obligés est en blanc. Son extrême sim- plicité et le goût de l’indépendance qu’il avoit pris dans sa vie errante et solitaire , lui donnoient un extérieur singu- lier , mais cette singularité ne tenoit nullement au désir de se faire remarquer. Ses manières n’étoient celles d’aucun pays particulier, parce qu’elles convenoient également à tous. Il n’étoit ni un Français, ni un Anglais, ni un Ca- nadien , mais par-tout on le trouvoit plus rapproché des naturels que ne l’auroit été tout autre étranger. Il prenoit peu de part à la conversation , parce qu’il ne disoit et n’écou- toitquedes choses utiles. Passoit-il dans une ville, ilvisitoit lesmarchés, et s’informoit d’où venoient toutes les denrées; dans les campagnes, il interrogeoitles habitans sur les plus petits détails relatifs à la culture; à une activité qui ne lui permettoit pas de perdre un moment, il réunissoit une patience qui ne se lassoit jamais. Ses qualités morales étoient si bien connues > que lorsqu ’on 22 6 ANNALES DU M U SE U M l’envoya en Amérique , après avoir fixé son traitement , on lui donna une lettre de crédit illimitée, avec laquelle il pouvoit toucher , dans les villes où il passeroit , tout l’argent nécessaire pour les acquisitions qu’i^ jugeroit convenables, et pour les frais de ses voyages : s6n reçu étoit une lettre- de-change que le Gouvernement promettoit d’acquitter. Michaux ne fit jamais usage de cette lettre que pour l’objet particulier auquel elle étoit destinée, et ne se fit jami#s payer de scs appointemens ; aussi n’a-t-il laissé à son fils que la plus petite partie de la fortune avec laquelle il étoit né. Mais il reste à ce jeune homme un nom considéré, les connoissances acquises par ses travaux et ses voyages avec son père, et des titres à la faveur du Gouvernement. Michaux n’a pas laissé beaucoup d’ouvrages, parce que voyageant continuellement il n’a pas eu le temps de rédiger ses observations; il a jugé plus utile d’introduire en Europe des plantes nouvelles, que de les décrire. Nous avons ce- pendant de lui , i.° une histoire des chênes de l’Amérique septentrionale, écrite en Français, et précédée d’une in- troduction qui contient des remarques curieuses sur les chênes en général. Elle présente la description et la figure de vingt espèces et de plusieurs variétés, rangées dans un ordre méthodique , d’après la forme des feuilles et la fructi- fication annuelle et bisannuelle. Rien de ce qui est relatif à la culture n’y est oublié, et on indique avec soin les par- ties de la France où il seroit avantageux de naturaliser chaque espèce. 2.0 Un mémoire sur les dattiers, avec des observations sur les moyens de faire fleurir l’agriculture dans les colo~ nies occidentales , en y introduisant plusieurs arbres de d’histoire naturelle. 227 l’ancien continent. ( T^oyez journ. de phjs. floréal an g. ) 3.° Une flore de l’Amérique septentrionale , publiée de- puis son départ, d’après ses notes et ses herbiers. Cette flore écrite en latin , et enrichie de 52 gravures , présente le ca- ractère de plus de 1700 plantes sur lesquelles il y a environ 4o genres nouveaux. Ce qui rend cet ouvrage précieux , c’est l’indication exacte des localités. En nous disant à quelle latitude, à quelle élévation, et dans quel sol se trouvent les plantes , il nous apprend non-seulement où l’on peut les retrouver, mais encore sous quel climat elles peuvent être cultivées avec succès. L’administration du Muséum sentant le prix des services qu’André Michaux a rendus aux sciences naturelles , et en particulier à cet établissement, a arrêté que son buste seroit placé sur la façade de la ser^e tempérée, avec ceuxdeCom- merson , deDombey et des autres voyageurs qui ont enrichi ses collections. 228 annales dü muséum CORRESPONDANCE. LETTRE DE MONSIEUR A. DE HUMBOLDT. 8 I P t k1 supérieur à neuf faces; le reste comme dans la variété pré- cédente. Incidence de t sur t, i48 degrés 5q 5o"; de t sur t, n5 degrés 22' 36"; de t sur P, i5o degrés 47' 38"; de t sur s, i43 degrés 18' 3". Cette variété a offert pour la pre- 2 mière fois le résultat de la loi D qui donne les faces t , et qui est la même que celle d’où dépend la variété de chaux carbonatée appelée métastatique. Voilà donc encore une espèce de moins en minéralogie^ et j’espère qu’on me pardonnera d’ajouter ici quelques ré- flexions sur les avantages de ces sortes de réductions pour le progrès de la science. Les anciens minéralogistes ne se a4i D’ HISTOIRE NATURELLE, déterniinoient que difficilement à introduire de nouvelles espèces dans la méthode. Ils avoient plutôt pour hut de ra- mener à des espècesdéjà connues, les substances récemment découvertes qui leur paroissent avoir quelques rapports avec elles. Mais comme ces rapports étoient souvent fondés sur des caractères accidentels, il en résultoit des rapproche- mens vicieux qu’une connoissance plus approfondie des mi- néraux a fait disparoître. Ainsi Wallerius réunissoit dans une même espèce la tourmaline et la zéolithe, d’après la manière dont l’une et l’autre se fondoient selon lui, en de- venant phosphorescentes au moment même de la fusion, et en finissant par donner un verre d’une couleur blanche. On sait combien de substances différentes ont porté le nom de schorl ; il sembloit qu’on étoit convenu d’associer à cette prétendue espèce tous les minéraux que l’on eût été embarrassé de placer ailleurs. Il est remarquable que Rome del’Isle, l’un des savansqui ait le plus contribué aux progrès de la minéralogie, n’ait pas ajouté un seul nom nouveau à la nomenclature de cette science. Il auroitpu, par exemple, séparer de son hyacinthe la substance que nous appelons idocrase, d’après la différence qu’il a voit observée entre les angles de leurs cristaux; mais il se contente d’indiquer cette différence, et continue de donner aux idocrases le nom d '‘hyacinthes ; seulement il les appelle hyacinthes du Vé- suve, pour les distinguer des cristaux de Zircon dodé- caèdre, qu’il nomme simplement hyacinthes. Plusieurs des minéralogistes qui ont écrit depuis quel- ques années, sont tombés dans le défaut contraire, par la fa- cilité avec laquelle ils se sont permis d’ériger en nouvelles espèces des minéraux qui, mieux examinés, auroient laissé 3. 32 > 242 ANNALES D U MUSÉUM apercevoir les points communs par lesquels ils tenoient à des espèces anciennement connues. Lorsqu’une substance se montre pour la première fois avec un air de nouveauté, si l’on commençoit par en étudier attentivement les carac- tères physiques, géométriques et physiques, pour les com- parer avec ceux des substances déjà classées dans la méthode , on trouveroit souvent qu’elle rentre dans quelqu’une d’elles comme simple variété. Maison la considère trep isolément -y on se laisse séduire par l’idée flatteuse d’annoncer une dé- couverte , et de la faire ressortir par la nouveauté même du nom que l’on a créé pour la substance qui en estl’objet; et en s’applaudissant d’avoir fait faire un pas de plus à la science, on ne s’aperçoit pas que l’on s’est exposé à la faire rétrograder, en l’écartant de sa véritable perfection , qui exige que le tableau des êtres qu’elle embrasse, ait toute la simplicité dont il est susceptible. Un autre minéralogiste vient-il ensuiteà faire la véritable découverte, en dévoilant les rapports qui lient la prétendue espèce avec la substance dont elle n’est qu’une variété ? L’honneur d’en avoir en- richi la science s’évanouit, et le nom dont on l’a voit dé- corée , ne sert plus qu’à surcharger la synonymie du minéral qui lui a communiqué le sien. En un mot, au lieu que le premier aspect d’un corps, qui paroît ne ressembler à rien de ce qu’on a vu , fait naître l’espérance que ce sera une nouvelle espèce, ilseroit bien plus avantageux qu’il inspirât le désir que ce n’en fût pas une. Il me reste à faire connoître les analyses de la tourma- line de Sibérie dont la date est postérieure à celle que nous devons à M. Bindheim, et que j’ai déjà citée. L’une de ces analyses a été faite par deux jeunes chimistes, Garin et I)’ HISTOIRE NATURELLE, 243 Pécheur, élèves de l’école polytechnique, qui ont obtenu pour résultat : ’ ' Alumine . , 48, o Silice 36,o Chaux . . 3,5 Oxide de manganèse 9,o Perte 3,5 100,0 Vauquelin qui, dans le même temps, analysoit à l’école des mines la tourmaline de Sibérie , en a retiré , Alumine . . 45,46 Silice 47,27 Chaux 1,78 Oxide de manganèse 5,4g 100,00 Les deux résultats précédens ont été pris sur des mor- ceaux cristallisés en aiguilles fasciculées, semblables à celui qui a été le sujet des observations de Lhermina. Vauquelin a répété depuis deux fois cette analyse avec une partie des cristaux envoyés par M. le comte de Mus- sin Puskin : les uns qui étoient transparens et d’un rouge violet ont donné , Silice 4ss Alumine. . . 4o Oxide de manganèse mêlé d’un peu d’oxide de fer. 7 Soude. 10 Perte . 1 32 * 100 244 ANNALES DU MUSEUM D’autres cristaux d’un violet noirâtre ont donné, Silice 45 Alumine , . . . 5o ♦ • • • • ■ • * Oxide de manganèse mêlé d’oxide de fer . . . i5 Soude 10 Perte a îoo On voit ici une quantité de soude égale à h delà masse, tandis que cette substance est nulle dans les deux premiers résultats. Vauquelin n’en avoit pas trouvé non plus en ana- lysant, il y a quelques années, la tourmaline verte transpa- rente du Brésil, qui lui a offert le résultat suivant: Silice. . .. . . *. .... 4o,oo Alumine ........ 3g, oo Chaux . . . 3,84 Oxide de fer i^,5o Oxide de manganèse. .... 2,oo Perte 2,66 100,00 Du reste, les quantités relatives des deux principes les plus abondans, savoir; la silice et l’alumine, sont ici pres- que les mêmes que dans la tourmaline violette transparente de Sibérie. On se persuadera difficilement que des substances, dont l’identité paroît d’ailleurs si bien prouvée, aient entre elles une différence de composition aussi notable que celle qu’in- dique la comparaison des résultats qui viennent d’être cités. Il est bien plus probable que le défaut d’accord entre ces ré- sultats, annonce dansceux dont la détermination est récente, un plus grand degré d’exactitude amené par les progrès de l’analyse. V * \V. ‘ . \ • \ . sl . AN E M O N E fum ariœfo lia ANEMONE ail) a s- I 1* ' i ont . JJJ ■ ANRMONR ïmlnWa r, A 1\T TT A/r TVTT7 /U ~ 1 ' j D* HISTOIRE NATURELLE. 245 MÉMOIRE Sur quelques nouvelles espèces cTAnémones. Par A. L. JUSSIEU. T J F, genre de l’Anémone , qui fait partie de la famille des Re~ nonculacées, est caractérisé par l’absence d’un calice que remplace un involucre composé de deux ou plus souvent trois feuilles florales disposées en anneaux autour du pé- doncule , à quelque distance de la fleur. L’existence de cet involucre ainsi composé, distingue suffisamment ce genre du thalictrum ou Pigamon qui a également les fleurs sans calice, mais non involucrées. Ce caractère paroît devoir être préféré à celui que fournit le nombre variable des pétales dont Linnæus et d’autres ont fait choix pour déterminer ces deux genres, et qui tend à faire séparer des espèces vé- ritablement congénères. On compte vingt-huit anémones dans la dernière édition de Linnæus , publiée par Murrai, Le même nombre se re- trouve dans la nouvelle Encyclopédie rédigée par Lamarck ; il est augmenté d’une seule espèce dans les Species dont Murrai est l’éditeur. Cependant ces deux derniers ouvrages présentent chacun plusieurs espèces nouvelles qui ne se re- trouvent point dans les autres. Cette omission provient de 2-16 ANNALES DU MUSEUM ce que ces auteurs n’ont pas connu les plantes annoncées par ceux qui avoient écrit avant eux, qu’ils ont craint peut- être de citer celles dont les descriptions ne leur paroissoient pas assez détaillées , ou qu’ils les ont réduit quelquefois à l’état de simples variétés. Ainsi Y Anemone fragifera L. est réunie à Y A. baldensis L. ; VA. sulphurea L. se confond avec VA. apiifolia Jacq.; F A . fasciculataV. est variété de VA. nar- cissiflora L. , et le nombre des espèces de Murrai se trouve par ces réunions réduit à vingt-cinq. Lamarck en retranche encore trois, savoir VA. cernu'a L. qu’il omet entièrement, VA. apiifolia Jacq. qu’il rapporte comme variété kVA. al~ pma L. , et VA pensylvanicaYi. semblable , selon lui, à son A. irregularis. Il présente avec cette dernière quatre autres espèces nouvelles, A.rubra , A .capensis , A.pavonina,A. angulosa , quiparoissent devoir être conservées ; cependant Wildenow n’en fait aucune mention, et rétablissant les espèces supprimées par Lamarclc il ajoute encore VA. liai- leri d’Allioni , VA. triternata de Vahl, Y Anemone reflexa de Stephani, et VA. umbellata tirée du corollaire des ins- tituts de Tournefort. Walther, dans sa flore de la Caroline, désigne sous le nom iYA. caroliniana , p. i56, une espèces peut-être nouvelle, mais caractérisée trop imparfaitement dans sa description. La flore de l’Amérique-septentrionale , rédigée par Michaux , offre une autre espèce véritablement neuve qu’il nomme A. parviflora , vol. i , p. 3i 6. Ce genre, devenu plus nombreux par ces diverses additions, peut en- core être enrichi de quatre nouvelles espèces dont nous pré- sentons ici la description et le dessin. Elles appartiennent toutes à la section des anémones proprement dites, dont les graines ne sont point terminées supérieurement par une T> HISTOIRE NATURELLE. 24? queue ou barbe velue ; la section des anémones pulsatilles dont la graine est ainsi terminée, n’offre en ce moment au- cune espèce nouvelle. Nous n’avons également aucune addi- tion à proposer pour celle des anémones hépatiques, carac- térisée par un in voîucre rapproché de la fleur qui, présen- tant la forme d’un véritable calice, les distingue du genre jLnemone , et les rapproche du ficaria dont elles sont peut- être congénères. La première des espèces nouvelles d’anémones à graines non terminées en queue barbue , a été trouvée par Commerson , auprès de Montevideo à l’embouchure de la rivière de la Plata. Elle a beaucoup d’affinité avec VA. baldensis ; sa racine est un petit tubercule; ses feuilles radicales bi ou trilernées sont terminées par des folioles très-petites et irrégulièrement trilobées , à lobes tantôt arrondis, tantôt aigus et même alongés , presque semblables par leur ensemble aux. feuilles de la Fumeterre ou de la Eue des murailles Asplénium ruta muraria. Ses tiges simples et basses s’é- lèvent du milieu des feuilles à la hauteur de trois ou quatre pouces ; elles sont garnies vers leur milieu d’un involucre à trois feuilles sessiles, entières par le bas, irrégulièrement divisées et subdivisées par le haut en lobes linéaires. La fleur soli- taire terminale, est composée de douze à quinze pétales lancéolés. Les ovaires nombreux portés sur un axe ou réceptacle alongé, deviennent des graines ou cap- sules monospermes, couvertes de duvet , et terminées supérieurement par une petite pointe. Cette plante dilFère de l’ Anemone baldensis par ses feuilles triternées à lobes plus menus, ses pétales plus nombreux et plus petits , son involucre plus finement découpé. Nous la nommerons Anemone fumariœfolia , à cause de la res- semblance de ses feuilles avec celles de la fumeterre, et nous ajouterons pour sa phrase descriptive, caule unijloro brovi foliis bi cnit iritomntis , Joliolis obtuse aut acntè lobalis , involucro triphyllo multifido , seminibus lanatis. Elle est figurée ( pl. XX , fig. i ) avec des folioles à lobes arrondis ; il paroît que la même est repré- sentée avec des feuilles plus divisées et des lobes plus aigus , dans la partie des Illustrations de Làmarck, t. 4y6, f. 3 , dont les gravures ne sont pas encore accom- pagnées de descriptions. La seconde espèce cueillie eucore par Commerson dans les mêmes parages, a le port et la plupart des caractères de VA. palmata dont elle diffère par ses feuilles profondément trilobées à lobes arrondis et souvent sinués , ses fleurs plus petites, blanches en dedans , et purpurines en dehors , composées de dix à douze pétales dont les plus extérieurs sont ; ainsi que les pédoncules , chargés d’un duvet ar- 248 ANNALES DU MUSÉUM genlé. Sa raclée est également tubéreuse ; ses feuilles sont toutes radicales, por- tées sur de longs pétioles j ses liges simples et ordinairement solitaires, terminées par une seule fleur, s’élèvent à la hauteur de cinq ou six pouces-, son involucre se partage en trois feuilles sessiles cunéiformes, entières par le bas , divisées et subdivisées par le haut en trois lobes alongés et aigus. Elle seroit mieux nommée A- palmata que celle qui porte ce nom, et dont les feuilles sont divisées moins profondément -, mais pour ne pas changer une nomenclature reçue, nous la dési- gnerons par la phrase suivante : Alternons (irilobala) foliis subcordatis profundè trilobatïs , involucris triphyllis bis trifidis , corollis subdodecapetalis. (Pl. XXI, f. 1.) A la suite de cette espèce, nous rappellerons celle que Michaux a trouvée près la baie d’Hudson , sur le bord de la rivière des Goélands , et qui est consignée dans sa flore de l’Amérique méridionale , sous le nom d’ Anemojie parviflora. Elle a quelques rapports avec la précédente ; mais elle s’élève à la hauteur d’un pied. Ses feuilles toutes radicales sont petites , composées de trois folioles lisses , cunéi- formes, entières par le bas, presque tronquées et crénelées supérieurement , à crénelures plus ou moins profondes. La tige est simple , solitaire, droite, grêle et très-alongée au-dessus de l’involucre formé de trois folioles sessiles , également cunéiformes et crénelées. Nous n’avons vu dans l’herbier de Michaux aucun indi- vidu en fleur. Ses graines chargées de duvet et terminées par une pointe , sont rassemblées en une petite tête sphérique. Il ne paroit pas que la fleur puisse être plus petite, que dans toute autre espèce, et dès-lors sa dénomination la caractérise moins que celle d 'A. cuneifolici que Michaux lui avoit d’abord donnée dans son herbier. Nous proposons de la rétablir , pour désigner celte plante , avec quelques changemens dans sa phrase descriptive , qui peut être ainsi présentée : Anemone {cuiiei folia) foliis trif oliatis } fpliolis cuneiformibus apipe truncato crenatis, involucro iriphyllo cuneato conformi , seminibus capitato-globosis , lanatis acuminatis. Comme elle n’a pas été figurée par Michaux, nous en présentons ici la gravure. ( Pl. XXI, f. 2. ) Le voyageur Patrin qui, pendant un séjour de plusieurs années en Sibérie, y a fait des recherches étendues dans la minéralogie, n’a point négligé aussi de recueillir des plantes qui lui ont paru nouvelles. Les pays qu’il a parcourus avoient été déjà visités par Gmelin , Pallas et d’autres savans botanistes dont les découvertes sont consignées dans leurs ouvrages. Cependant Patrin possède encore dans sa collection des espèces nouvelles , et nous devons souhaiter qu’il en enrichisse la relation de son voyage , lorsque le temps lui permettra d’y mettre la dernière main pour en faire jouir le public. Dans le nombre de ces plantes est un anémone qu’il m’a communiquée sous le nom (VA. alba , et qu’il a recueillie dans les prairies tour- beuses de la Daourie ou Sibérie orientale , près de Tchita ; elle a le port de VA. sylvestris , et peut-être n’en est-elle qu’une variété distincte par quelques légères D' HISTOIRE NATURELLE. nuances dans les formes et par une moindre proportion dans toutes ses parties ; sa racine est fibreuse; ses feuilles sont radicales, portées sur des pétioles inégaux, presque digitées , à cinq lobes obtus ou aigus , irrégulièrement sinués par le haut. Les trois feuilles de son involucre conformées de même , sont plus longues que les pétioles qui les supportent. La tige, élevée de cinq ou six pouces au-dessus de l’involucre , est terminée par une fleur blanche à cinq pétales plus arrondis et plus petits de moitié que ceux de VA. sylvestris ; quelquefois une seconde fleur plus basse sort du milieu du même involucre. Nous ne connoissons pas les graines , mais on peut présumer par analogie qu’elles sont courtes, arrondies, chargées d’un duvet blanc et laineux. Cette plante doit encore ressembler à VA. sïbirica d’après la description que Linnæus donne de cette dernière, qui cependant est distinguée par ses pétales de couleur fauve et au nombre de six. L 'A. alba est intermédiaire entre celle-ci et VA. sylvestris , et l’on est porté à croire que ces trois especes, éprouvées par la culture, se réduiront à une seule. Nous joignons ici, pl. XX, f. 2 , le dessin de celle de la Daourie , qui restera séparée pour le présent sous le nom d ’ Anemone ( alba ) caule simplici subunijloro , foliis quinquepartitis , lobis apice sinuato-dentatis , involucro triphyllo conformi. En parcourant dans notre herbier les diverses espèces de ce genre, nous avons trouvé avec VA. ranunculoides une plante assez voisine , mais différente par ses feuilles portées sur des pétioles beaucoup plus longs, divisés par le haut en trois ramifications dont chacune est terminée par trois folioles ; elles sont minces , irré- gulièrement cunéiformes, tantôt lobées profondément à lobes obtus , tantôt sim- plement crénelées , semblables pour la forme à celles du capillaire de Montpellier, ou , mieux encore , de V Isopyrum thalictroides. La tige simple peu élevée , est garnie vers son milieu d’un involucre à trois feuilles pétiolées, subdivisées cha- cune en trois folioles ovales alongées , sinuées et crénelées par le haut ; elle s’amin- cit au-dessus de l’involucre , et supporte à son sommet une seule fleur composée de quelques pétales alongés et étroits. Les graines, ramassées en tête, sont arrondies et terminées par une petite pointe. Nous ignorons le lieu natal de celte plante, que l’on distinguera aisément de VA. nemorosa et de VA. ranunculoides par ses pétales allongés , les folioles de son involucre plus courtes et moins aiguës, ses pé- tioles ramifiés, ses feuilles divisées, ses folioles cunéiformes obtuses et plus écartées. Nous la nommerons Anemone ( isopyroides ) foliis longé petiolatis biternatis , foliolis subeuneiformibus sinuato-crenatis , involucro triphyllo lernato , petalis oblongis. { PL XX , f. 3. ) Nous terminerons ce mémoire par qnelques observations suri 'Anemone thalic~ froides L. déjà connue des botanistes , et figurée par Plukenet,t. 106, f. 4. Cette plante a , comme la précédente ,, les pétioles divisés et subdivisés en trois , et les 3. nrr Oô 200 ANNALES DU MUSÉUM feuilles toutes radicales sont ainsi partagées en neuf folioles écartées, minces, ar- rondies, légèrement trilobées parle liaut. La racine est composée de deux ou trois petits tubercules alongés et réunis à leur collet garni de plusieurs écailles du milieu desquelles sortent les feuilles et la tige; celle-ci est droite, ornée à son sommet d’un involucre composé de quatre à huit feuilles simples, pétiolées, de même forme que les folioles déjà décrites. Du milieu de cet involucre s’élèvent deux à cinq pédoncules grêles, uniflores, de même longueur que ses pétioles. Chaque fleur a cinq ou six pétales blancs et arrondis , plus petits que ceux de VA. nemorosa ; les graines ramassées en tête sont ovales oblongues, lisses et striées. Cette anémone, qui croît dans l’Amérique septentrionale et y a été recueillie par Michaux, présente dans son herbier, tantôt des feuilles assez grandes avec despetites fleurs, tantôt des grandes fleurs avec des petites feuilles. Kous avons cru devoir figurer ici de nouveau celte plante médiocrement représentée dans l’ouvrage de Plukenet. On verra dans la pl. XXI, f. 3 a , la première variété dans toute sa gran- deur; et pour donner une idée de la seconde, on a dessiné simplement, f. 3 ô, d’une part la sommité d’une de ses feuilles, et de l’autre l’extrémité de sa tige garnie de son involucre et de ses fleurs: c’est à cette dernière que paroît devoir être "b rapportée la figure de Plukenet, quoiqu’elle diffère par des pétales plus alongés et au nombre de huit. Celte plante désignée par lui sous le nom de Ranunculus } par Gronovius sous celui de Thalictrum , réunie ensuite à X Anemone par Linnæus, conservée dans ce genre par tous les autres botanistes, a été de nouveau reportée au Thalictrum par Michaux, sous le nom de T. anemonoides fl. Amer. î p. 322» J1 aura pu être déterminé à ce changement par les involucres conformés diffé- remment , et sur-tout par les graines alongées et striées comme celles du Thalic- trummais si d’après les rapports naturels on refuse un involucre au Thalictrum , et si on l’assigne comme caractère principal de Y Anemone ; si de plus on suit stric- tement l’indication de Linnæus qui conserve dans ce dernier genre la plante qui a plus de cinq pétales , alors on sera doublement forcé de n’en point séparer celle qui fait l’objet de cette discussion, et qui servira seulement à établir une transition, de l’un à l’autre genre. ^ .... . r . ... * ... . . . . • • 't • ; V. J. Jn//o»Aore varù&hesF. 2 ■ C/urosceA ' , ✓ DE LA NOUVELLE-HOLLANDE, Par LAMARCK. Les naturalistes savent maintenant qu’un grand nombre des productions naturelles recueillies dans la Nouvelle-Hol- lande diffèrent assez considérablement de celles qu on a observé jusqu’à présent dans les autres parties de notre globe, au moins relativement aux corps vivans ou orga- nisés. Mais il me semble que c’est sur-tout parmi ceux de ces corps dont l’organisation est la plus compliquée ou la plus parfaite, que les différences dont il s agit sont les plus remarquables j car dans le règne animal, c est principale- ment dans les mammifères delà Nouvelle-Hollande ,qu on trouve à l’égard des caractères extérieurs de ces animaux, les singularités les plus frappantes, comme le prouvent les Icanguerous , les échidnèes , les phascolomes et peut-etreles orn ithorynq u es. Les autres classes des animaux de ce pays 11e laissent pas néanmoins que d’offrir encore des différences très— notables, comparativement à celles des animaux des autres parties du globe; cependant il m’a paru que les grandes dissemblances qui paroissent en quelque sorte isoler les animaux de la I)1 H ! S T O ï R É NATURELLE. 261 Nouvelle-Hollande, de ceux qui habitent dans d’autres ré- gions ne se montraient plus, ou étoient moins prononcées dans les animaux qui font partie des dernières classes du règne animal. En effet, dans les molluques les insectes et les animaux des classes postérieures à celles-ci , qui nous ont été apportés de la Nouvelle-Hollande , je n’en vois aucuns jusqu’à présent qui s’écartent des ordres et des familles déjà connus; 011 ne trouve meme qu’un petit nombre de genres nouveaux à établir. Des deux genres que je vais proposer aux entomologistes, .le premier est un coléoptère qui appartient à la famille des ténébrions, et auquel je donne le nom de ckiroscelis (jambe ou patte terminée par une main ). Le second est un dip- tère faisant partie de la famille des bombyles : je le nomme panops ( pemops ) , voulant exprimer que cet insecte semble voir de tous côtés, à cause de la disposition de ses grands yeux à facettes. Voici le caractère du premier de ces deux genres : CHIROSCELIS. CaRACT GEN. Antennes moniliformes, composées de onze articles :1e dernier plus gros et en bouton ; lèvre supérieure plate, sail- lante, arrondie, entière; le dernier article des palpes anté- rieurs plus grand et sécuriforine. Menton très-grand, en coeur fortement échancré , cachant la base des palpes ; corcelet bordé , tronqué aux deux ex- trémités, et séparé desélytres par un étranglement; élytres connés. 262 ANNALES DU MUSÉUM OBSERVATIONS. Le genre chiroscelis appartient à l’ordre des coléoptères , c’est-à-dire qu’il comprend des insectes qui ont des mandi- bules et des mâchoires, et qui sont munis d’élytres durs et coriaces sous lesquels dans le plus grand nombre existent deux ailes membraneuses pliées transversalement. Les chiroscelis ont cinq articles aux tarses des quatre pre- mières pattes , et quatre seulement à ceux des deux der- nières. Ils font partie de la famille des ténéb rions , et pa- roissent très- voisins des éroclies par leurs rapports naturels ; mais on doit les distinguer des érodies, i.°par les dix pre- miers articles de leurs antennes qui sont presque égaux ; 2.° par le dernier article de leurs palpes maxillaires ou an- térieurs qui sont épais et en forme de hache ; 3.° par le menton très-grand et en coeur qui cache la base des palpes; 4.° enfin par la forme alongée de leur corps et par l’écusson qui se trouve entre leurs élytres , près des lieux où elles s’attachent. Dans ces insectes comme dans la plupart de ceux de la même famille, les élytres sont soudées ensemble, et les ailes manquent. Mais il y a apparence que ces animaux , privés de la faculté de voler , courent avec vivacité , fuyent la lumière, et se tiennentordinairement cachés pendant le jour. Je ne connois qu’une espèce de ce genre , que je nomme ainsi qu’il suit : 1. Chiroscelis a deux lacunes. Chiroscelis hifenestra. Cette insecte a le corps alongé, parallélipipède , et ressemble à un passale par son aspect général, et sur-tout par l’étranglement qui écarte le corcelet des élytres. Il est par-tout entièrement noir , et a un peu plus de 4 centimètres ( un pouce et demi) de longueur. J1 a la tête plate et le corcelet lisse , légèrement convexe, bordé , tronqué an-; d’ HISTOIRE NATURELLE. 263 térieurement et postérieurement, presque carré. Les deux angles antérieurs du coreelet font une saillie en devant qui le rendent comme auriculé. Les élylres sont réunies, cannelées longitudinalement, et leurs cannelures pa- roissent dentelées sur les bords. Ces élylres couvrent entièrement l’abdomen. Les deux pattes antérieures sont palmées , c’est-à-dire, sont terminées chacune comme par une main ouverte; enfin, l’article en boulon qui termine les antennes est pubescent. Mais parmi les particularités qui distinguent cet insecte , les deux plus remar- quables sont , i.° Le menton singulier ou la ganache qui se trouve sous la bouche de l’animal ; c’est une pièce assez grande , chagrinée , ayant la forme d’un cœur. 2.0 Deux taches rousses , formant comme deux lacunes particulières , situées en- dessous ; une de chaque côté , sur le second anneau de l’abdomen. Ces taches sont ovales, et la peau dans cet endroit paroît membraneuse, plutôt que coriace ou cornée comme elle est dans tout le reste du corps ; elles sont couvertes d’un duvet très-fin ; et comme elles ne consistent pas en une seule différence de coloration , mais dans une nature différente de celte partie du tégument, il y a lieu de croire qu’elles sont le résultat de quelque fonction particulière des organes ou de quelque faculté dont jouit cet insecte. Peut-être que ces lacunes servent à transmettre quelque lumière phosphorique qui se produit dans l’intérieur de l’animal , comme les deux taches orbiculaires du taupin lumineux ( el lier noctilucus de Linné) et du taupin phosphorique ( elater phosphoreus de Fabricius). Ce coléoptère habite vraisemblablement dans la Nouvelle-Hollande; car il se trou- voit parmi ceux de cette contrée que le capitaine Baudin a envoyé par le vaisseau le Naturaliste. Il est représenté dans la planche 22 , fig. 2. La lettre a indique la figure de l’animal entier vu en dessus et de grandeur naturelle. b , la tête grossie et vue en dessous pour montrer la ganache en cœur qui est sous la bouche. c , l’une des deux pattes antérieures grossie. d, les quatres derniers anneaux de l’abdomen vu en dessous et les deux lacunes du second anneau. e , une des deux pattes postérieures , pour faire voir le tarse. Je passe à l’exposition du second genre que je propose dans ce mémoire. P À N O P S. Panops. Caract. gen. Antennes cylindriques, en pointe, de trois articles : les 204 ANNALES du MUS É U M deux premiers très-courts ; le dernier fort alongé ; trompe fort longue, cylindrique, bifide à l’extrémité, abaissée contre la poitrine , et dépassant l’origine des pattes pos- térieures. Corps comme dans les bombyles : les ailes écartées ; les cuillerons très-grands; trois pelottes aux tarses. OBSERVATIONS. Le genre panops fait partie de l’ordre des diptères , et comprend en conséquence des insectes dont la bouche offre une trompe non articulée, servant de gaine à un suçoir, et qui ont deuxailes nues, membraneuses, veinées, et deux balanciers. Les panops appartiennent à la famille des bombyles , et plus particulièrement à celle des diptères vésiculcux du citoyen Latreille. Ces insectes sont remarquables par leur trompe fort longue, toujours saillante, non coudée comme celle des conops, des myopes et des stomoxes; mais droite comme dans les bombyles et dans les empis. La situation de la trompe des panops , au moins lors- que l’insecte n’en fait pas usage, les distingue fortement des bombyles et des empis. En effet, dans les bombyles , la trompe longue, grêle , presque sétacée, est toujours di- rigée en avant, c’est-à-dire, est dans le plan de l’axe du corps; et dans les empis, la trompe pareillement longue et fort grêle est perpendiculaire à l’axe du corps, au lieu que dans les panops , non-seulement la trompe n’est pas dirigée en avant, ni perpendiculaire à Laxe du corps; mais elle est abaissée contre la poitrine, exactement comme celle des hémiptères. Ce caractère remarquable confirme en quel- d’ HISTOIRE NATURELLE. 265 que sorte la convenance du rapprochement que j’ai fait entre les hémiptères et les diptères , d’après la considéra- tion importante des parties de la bouche de ces insectes. Le corps des panops est convexe., un peu court., velu , et offre à-peu-près le même aspect que celui des bombyles. Les ailes sont écartées; les cuillerons très-grands, velus en dessus; et le dernier article des tarses porte trois petites pelottes entre ses deux crochets. Je nomme ainsi qu’il suit la seule espèce de ce genre que je connois. Panops de Baudin. Panops Baudini. Ce diptère ressemble un peu par Vhabitus à une abeille bourdon de moyenne taille ; son corps est long de i4 à i5 millimètres ; il a la tête courte , inclinée, conformée en hémisphère fort aplatie en dessus , et dont l’étendue dans cette partie est presqu’entièrement occupée par deux grands yeux à réseau qui ne sont séparés que par une suture en forme de sillon. Les antennes sont insérées sur la partie postérieure de la tête , très-rapprochées ou contiguës à leur insertion , et n’ont au- cune soie latérale ou terminale 5 le corcelet est uni et très-convexe. Des poils d’un fauve grisâtre ou cendré recouvrent en partie les côtés du corcelet, les pattes et les interstices des anneaux de l’abdomen. Les cuillerons sont deux plaques trans- parentes, larges , ovales-arrondies, marginées, hispides en dessus. Cet insecte se trouvoit parmi ceux que le capitaine Baudin a envoyé de la Nou- velle-Hollande, et y habite probablement. On l’a représenté dans la figure 3 de la planche 22. La lettre a indique la figure de l’insecte vu en dessus et de grandeur naturelle. b offre une partie de l’insecte grossie et vue en dessous, pour faire voir sa trompe. c , une aile détachée. d, le tarse et les trois pelottes qui terminent ses pattes. 3. 266 ANNALES DU MUSEUM SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles des environs de Paris. Par LAMARCK. ïg. Pleurotome ventru. Vélin, n.°8,fig. 8. Pleurotoma{ ventricosa ) ovato-fusiformis , caudata , medio venlricosa ; striis transversis ; anfractïbus costellis brevissimis œmulantibus. n. L. n. Grignon. On reconnoît au premier aspect cette espèce par le renflement du dernier tour qui se trouve au milieu de la coquille, et qui se termine inférieurement par uil canal en forme de queue. Elle est striée transversa- lement, et une multitude de petites côtes fort courtes rendent ses tours de spire un peu crénelés. Sa longueur est de 12 millimètres. Cabinet de M. Defrance. 20. Pleurotome térébrale. Vélin, n.° 44, fig. 4. PleuroLoma [terebralis ) fusiformis , sub ventricosa • striis transversis eleganter granulcitis ; anfractïbus exquisité carinatis : carinis dentatis rotœformïbus. n. L. n. Parnes. C’est une des espèces de ce genre les plus jolies et les plus remar- quables. Elle est fusiforme, un peu ventrue au milieu, se termine inférieure- ment par un canal rétréci en forme de queue, et offre dans sa moitié supé- rieure une spire conique, taillée en vis de pressoir. Les carènes fort élevées des tours de cette spire sont dentées et ressemblent à de petites roues. Les stries transverses de la coquille sont granulées et imitent des rangées de pe- tites perles. Ce pleurotome a environ i4 millimètres de longueur. Cabinet de M. Defrance. 21. Pleurotome granulé. Vélin , n.° 8 , fig. 2. Pleurotoma ( granulata ) subturrita , undiquè granulata ; granulorum seriebus transversis , in anfractuum medio elevatioribus ; caudâbrevissimâ. n. L. n. Parnes. C’est encore une espèce fort jolie et bien distincte des autres par son caractère. Elle est presque turrieulée , ayant son ouverture fort petite et d’ HISTOIRE NATURELLE. 267 le canal de sa hase très-court. Toute sa surface présente des rangées trans- verses de petits grains , dont celle du milieu de chaque tour de la spire est un peu plus élevée que les autres. Ce pleurolome est long de 11 millimètres. Dans une variété, la rangée de grains qui accompagne le bord supérieur de chaque tour est un peu plus grosse que les autres. Cabinet de M. Défi ance. 22. Pleurotome à côtes pliées. Vélin , n.° 44 , fig. 5. Pleurotoma ( inflexa ) subturrita , transversim striata ; costellis plurimis medio injlexis ; anf ractibus carind granulatd distinctis. n. L. n. Grignon. Celte coquille est presque lurriculée, à ouverture fort petite, dont la hase est un canal très-court. Sa longueur n’est que de 8 millimètres (environ 3 lignes et demie). Sa spire est alongée , et présente sur chaque tour une rangée de très petites côtes pliées et comme brisées dans leur milieu, en outre , une carène granulée , peu saillante. Cabinet de M. Defrance. a3. Pleurotome tourelle. Vélin , n.° 8, fig. S. Pleurotoma ( turrella ) subturrita , transversim striata ; anfractibus carinatis ; spirâ supernè tuberculatâ. n. fi. Eadem , tuberculis spirœ nullis. L. n. Grignon. Petit pleurolome assez distinct de tous les autres, et remar- quable par ses tours de spire légèrement carénés un peu au-dessous de leur partie moyenne. Ses stries transverses sont bien apparentes ; mais les longi- tudinales sont presqu’entièrement effacées. Dans la partie supérieure de la spire, la carène de chaque tour est médiocrement tuberculeuse. On n’aper- çoit plus ces tubercules dans la variété fi. La coquille est longue de 6 à g millimètres : son ouverture est petite , et son canal fort court. Cabinet de M. Defrance. 24. Pleurotome striarelle. Pleurotoma ( striarella ) fusiformi-turrita , muticct ; striis transversis tenuissimis contiguis ; costis raris obsoletis. n. L. n. Grignon. La superficie de ce pleurotome dépourvue de tubercules, de grains et de côtes bien distinctes , à l’apparence d’être unie et presque lisse ; mais elle est ornée de stries transverses extrêmement fines et serrées qui la rendent remarquable. On aperçoit sur chaque tour de la spire quelques côtes longi- tudinales très-obscures et peu sensibles. Cette coquille est longue de 8 milli- mètres ; elle a presque l’aspect d’un petit buccin. Cabinet de M. Defrance. 25. Pleurotome treillissé. 35* 268 ANNALES DU MUSEUM Pleuroloma ( ’decussatd ) fusi-formi-turrita j striis transversis longiludinulibusque decussata , spirâ nodulosâ. n. L. 11. Grignon. Cette coquille est longue de 16 millimètres : elle offre une spire alongée, lurriculée, garnie de tubercules noduleux dans toute sa longueur. Chaque tour de cette spire a deux rangées de ces tubercules : l’une qui est presque au milieu, présente les tubercules les plus gros; l’autre n’en offre que de petits, et se trouve située au bord supérieur du tour. Sous la rangée des gros tubercules , on voit des stries qui se croisent, et dont les longitudi- nales sont obliques. Mon cabinet. GENRE XXV L C É r i t e. Cej'ithium . ClIAB-AC. GEN. Testa univalvis , turrita. apertura obliqua , basi cana- liculo brevi truncalo vel j'ecurvo terminata. Labrum supernè in canalem subdistinctum desmens. OBSERVATIONS. C’est à Bruguière qu’on doit l’établissement du beau genre des Cérites. Linnæus avoit confondu la plupart de ces coquilles parmi ses inurex , et rapportoit les autres soit à son genre strombus , soit â celui du trochus. Bruguière ayant senti que des coquilles éminemment turriculées ou conformées en vis, et munies d’un canal court à leur base, dévoient être distinguées des murex ; jugea convenable d’en former un genre particulier auquel il assigna de bons ca- ractères pour le reconnoître , et le nom générique de cérite qu’il emprunta d’une de ses espèces ainsi nommée par le citoyen Adanson. L’examen des coquilles connues a prouvé depuis que toutes celles qui se rapportent k ce nouveau genre, for- moient un groupe ou un assemblage très-naturel , d’après la considération des rapports qui lient les espèces les unes aux autres; ainsi il y a lieu de croire que les naturalistes adopteront ce beau genre. L’ouverture qui constitue ce qu’on nomme vulgairement la bouche de ces coquilles , est courte, un peu oblique, et offre, dans sa partie supérieure, un sillon en gouttière ren- versée, qui est plus ou moins exprimé ou distinct selon les espèces. La spire forme au moins les deux tiers de la longueur de la coquille, parce que son dernier tour n’excède en gros- seur celui qui le précède que d’une médiocre quantité : elle se présente sous la forme d’un cône alongé en pyramide , dont la surface est rarement lisse, mais presque toujours chargée de stries, de granulations, de tubercules, d’épines et quelquefois de varices ou bourrelets persislans , qui sont diversifiés d’une manière admirable dans les espèces. Le genre des cérites est très-nombreux en espèces ; et déjà l’on en connoît un très-grand nombre soit fraîches ou marines, soit dans l’état fossile. Or, comme l’extrême diversité des parties protubérantes de la surface de ces co- quilles, ainsi que la régularité et l’élégance de leur distri- bution, ne laisse presque aucune forme possible dont la na- ture n’offre ici des exemples; on peut dire que l’architec- ture trou veroit dans les espèces de ce genre , de même que dans celles des pleurotomes et des fuseaux , un choix cfe modèles pour l’ornement des colonnes, et que ces modèles seroient très-dignes d’être employés. J’ai déjà fait remarquer que plus nos collections des pro- ductions de la nature s’enrichissent, plus la détermination O ANNALES DU MUSEUM des genres et sur-tout des espèces devient difficiles , les la-- cunes que nous prenons pour des limites imposées par la nature , se trouvant proportionnellement remplies. Les em- barras que j’ai éprouvés pour fixer le caractère de chaque espèce de cérite me permettent d’avancer que c’est princi- palement dans ce genre que cette vérité se montre avec le plus d’évidence, parce que nous sommes fort avancés dans la collection de ces coquillages. Les cérites vivent toutes dans la mer, et doivent leur existence à un molluque céphalé qui rampe sur un disque charnu auquel est attaché un petit opercule orbiculaire mince et corné. Elles sont très-voisines des pleurotomes par leurs rapports , et particulièrement des espèces que j’avois nommées clavatules. L’étude des espèces de ce genre est d’autant plus inté- ressante, que parmi les fossiles dont notre continent se trouve en différens lieux si abondamment rempli, un grand nombre de ces fossiles nous présente une suite considérable de cérites qu’il importe de connoître, non-seulement pour l’avancement de l’histoire naturelle, mais encore pour celui de la théorie des mutations qu’a éprouvé la surface de notre globe. ESPÈCES FOSSILES. Canal de la base à-peu-près droit ou tronqué. P i. Cérite interrompue. Vélin , n.° *4, fig. 1 et 2. Cerithium ( interruptum ) pyramidatum , subvaricosum , transversè striatum ; striis altérais minoribus ; costellis longitudinalibus arcuatis ; infimo anfractu ven- tricoso. n. fi- Id. Anfractibus subcarinatis. Vélin , n.° l3 , fig. 3. L. n. Grignon. Cette coquille est du nombre de celles qui portent des bourrelets d’histoire naturelle 271 épars , formant des saillies obtuses , interrompues et quelquefois rares sur la spire. Elle présente un cône pyramidal , pointue au sommet, et composé de 12 à 1 5 tours de spire un peu convexes ; des stries transverses , au nombre de 7 à 10, alternativement grosses et petites, et des côtes longitudinales , arqués , plus ou moins saillantes, se croisent sur les tours, et les font paroître treil- lissés. Le tour inférieur de la spire est ventru , et offre des lames arquées qui sont les restes des anciens bords droits. L’ouverture est courte , large , oblique ainsi que le canal de sa base. Les plus grands individus de cette espèce ont près de 5 centimètres de longueur. Cabinet de M. Defrance et le mien. 2. Cérite hexagone. Vélin , n.° 11 , fig. 5. Cerithium ( hexagonum ) pyramidatum , hexagonum ; striis transversis granosis ; anfractu infimo turgido , supernè tuberculis subacutis spinoso. n. Cerithium hexagonum. Brug. dict. n.° 3i. Murex hexagonus. Chemn. Conch. 10. p. 261, t. 162, f. i554, i555. L. n. Houdan et Courtagnon. Cette espèce est fort remarquable par les cinq ou six côtes longitudinales qui se prolongent dans toute la longueur de la spire, par les faces aplaties qui se trouvent entre ces côtes , et qui donnent à la coquille la forme d’une pyramide hexagone. Ses stries transverses sont munies de petits tubercules granuleux ; le tour inférieur est renflé , et chargé supé- rieurement de 5 ou 6 gros tubercules épineux ou à pointe comprimée. Les plus grands individus de cette espèce ont plus de 6 centimètres de longueur : elle n’est pas rare à Courtagnon. Mon cabinet. L’analogue vivant de cette coquille a été trouvé dans la mer du Sud, pendant les voyages du capitaine Cooch. Bruguière en a vu un individu très-bien conservé dans la collection précieuse de M. Hwass. 3. Cérite à dents de scie. Vélin , n.° i3, fig. 1. Cerithium ( serratum, ) turritum , e chinât um ■ cinfractuum costis binis transversis serrato-spinosis ; serraturis compressis ; costâ inferiori minimd. n. Cerithium serratum. Brug. dict. n.° i5. Rubusy th. martyns, univers. Conch. tom 2 , t. 58. L. n. Grignon, Courtagnon, etc. Cette belle coquille, qui est assez commune dans l’état fossile à Courtagnon , Grignon et ailleurs , habite maintenant dans la mer du Sud -, car son analogue vivant ou dans l’état marin, a été découvert à l’île des Amis , pendant le voyage du capitaine Coock. Elle est longue d’environ 8 centimètres ( près de 3 pouces ) , et ressemble à une vis par-tout hérissée de rangées transverses de dents presque épineuses. Sa spire présente un cfrne alongé en pyramide, composé d’environ 18 tours -, et sur , « chaque tour on voit deux rangées de dents comprimées , dont la supérieure est grande , bien remarquable , tandis que l’inférieure est fort petite. L’ou- verture de la coquille est courte , oblique , ainsi que le canal de sa base. Son bord droit offre quatre plis intérieurement. Mon cabinet. 4. Cérite tricariné Cerithium ( tricarinatum ) pyramidatum , asperum ; anfractuum carinis tribus transversis denticulatis : infimâ majore ; labro angulato lamelloso. n. fi. Id. Carinâ intennediâ minimâ. L. n. Grignon , Houdan. Elle présente une vis très-pointue au sommet, et dis- tinguée dans toute sa longueur par des carènes ou crêtes transversales, iné- gales et denliculées. Sur chaque tour de la spire on voit trois de ces carènes , dont les deux supérieures sont fort petites , tandis que l’inférieure est beau- coup plus grande. L’ouverture est courte , oblique , ainsi que le canal de sa base. La coquille est longue de 5y millimètres ( 2 pouces une ligne ). Dans la variété fi , la carène supérieure de chaque tour est un peu plus éminente que celle du milieu. Cabinet deM. Defrance. 5. Cérite à bandes. Vélin , n.° i3, fig. 4. Cerithium ( vittatum ) turritum ; anfractibus supernè lœvïbus , infernè tricarinatis ; carinis transversis subtuberculosis : super iore majore, n. L. n. Courtagnon. C'est une coquille turriculée, longue d’environ 55 millimètres ( 2 pouces ). Elle est remarquable en ce que la partie supérieure de chaque tour est lisse ; tandis que l’inférieure est munie de trois carènes transverses, un peu tuberculeuses , et dont la supérieure est la plus grande. De petites côtes verticales et tuberculeuses sont très-apparentes vers le sommet delà spire ; et s’effacent insensiblement vers la base de la coquille. Son tour inférieur est strié transversalement , et le bord droit de l’ouverture a un sinus obtus et peu profond. Mon cabinet. 6. Cérite clavatulée. Vélin , n.°. 8, fig. ix. Cerithium, (clavatulatum') sub asperum ; anfractibus costis transversis carinalo- tuberculosis : infimo unicostalo ;■ superiorïbus bi S. tricostatis ; labro emar~ ginato. n. L. n. Gourtagnon , Grignon et Houdan. Peut-être aurois-je dû l’apporter cette coquille au genre pleurotome à cause du sinus du bord droit de son ouver- ture. Mais comme elle a d’ailleurs le caractère des cérites , et qu’elle se rap- jproclie de plusieurs autres espèces de ce genre par ses rapports, je ne l’eq ^histoire naturelle. 273 D H 1 . e de 35 millimètres , turrieulée, et offre des ai pis séparée. Elle est longue d , ui solitaires sur le tout- côtes ou carènes transversales ait, ^ ^ tottrs, et même an nombre de inférieur, gémtnees sur ^ P P de la spire. L’ouvertnre est ovale lrois sur les caual court (à* et se termine a la hase p Mon cabinet. . Cérite échidnoïde. Vélin , n.» 11 c0:iüs W„is trinv.ve transmit Cerithium ( echidnoides) asperumi anfractuum tuberculat'j murieatis masquait us. n. d(, obscurémenl heptagone, L. n. Grignon. Celte c»ïm ® de tubercules un peu pointus. Sa sp.re est et hérissée dans toute sa longue» Je ^ et quelquefo.s composée de douze à quatorze ton* La longueur de cette * ‘T “rVeXretmi,Ioetresi quoique fossiles, certains individus offrent encore des lignes transverses d’un rouge orange. Mon cabinet. srcérim ancien*. ^ transaersè Cerithium ( angulosum, . . casrinali, angulatis ; canalibremsmn . • ^ Art Cerithium decussatum? B.ug. 1 • ^ d'environ 42 millimètres ( un L. n. Grignon. La longueur de cette ^ ^ ^ ^ transversalement pouce et demi). Sa spire est comp cocue est hérissée dans son et élevés en carène dans leur mi ic • ^ Ja partiesaiUante et moyenne contour par desangles à pointe co ïCrlicalement les tours, et " £ :::isd:t -rslol droits dqVonverture-, cetteouvertnreest ^„e roi, et son canal est extrêmement court. Mon cabinet. i3 Ta atJnf^cLm carinâ brevissimâ écéAenle parplusieurs rap- t n Grignon. Cette espèce se rapproche de la P ^ ^ tour .q_ ports; mais elle n’est carène transvema.e assez férieur. Sur ’le milieu de cliaqu de chaque côté de la caréné, tranchante et dentelée. On von achaqu ^ La coquille n>a que 1-ébauche d’une petite côte verticale a peine pp ^ 3- -'2y 4 ANNALES DU MUSEUM 3o à 35 millimètres de longueur ; dans la variété £, la carène de chaque tour est très-peu élevée. Cabinet de M. Defrance et le mien pour la variété. 30. Cérite calcitrapoïde. Vélin , n.° i4, fig. 4. Cerithium ( calcitrapoides ) turritum , echinatum ; anfractuum costû transversali mediâ tubercules compressés muricatâ ; striis transversis nullis. n. ;3. Id. Anfractuum margine infimo crenato. L. n. Grignon. Il est assez facile de reconnoître cette espèce à son défaut de stries transverses et à la rangée de tubercules comprimés et en pointe qui occupent transversalement le milieu de chaque tour de la spire. La coquille est longue de 32 millimètres, et présente une pyramide très-pointue, mu- riquée dans toute sa longueur. Les tours de la spire sont au nombre de douze ou environ. Dans la variété /2 , le bord inférieur de chaque tour est crénelé ; l’espèce n’est pas rare . Mon cabinet. il. Cérite dentelé. Vélin, n.° io , fig. i. Cerithium ( denticulatum') pyramidato-subulatum ; anfractibus supernè carinâ denticulatâ coronatis ; posticè stria transvers â unie â vel geminâ tuberculatâ. n. / 3 . Id. Spirâ supernè subulatâ muticâ. L. n. Grignon. Cette espèce paroît très-voisine par ses rapports du Cérite à ombrelles. Sa spire est tantôt pyramidale et hérissée de petites dents pres- que dans toute sa longueur , et tantôt vers son sommet elle s’alonge en alêne r et sa surface y est unie , simplement ponctuée. Chaque tour de la spire porte à son bord supérieur une carène élevée et à dents de scie qui couronne le tour ; et au-dessous on voit une ou deux stries transverses un peu tubercu- leuses. C’est ce dernier caractère qui distingue cette espèce de la suivante. La coquille est longue de 20 à 2Ô millimètres. Cabinet de M. Defranee. Si . .Tri/ A?. ■3$ .r* - f.-'u s ■ -C'f *> / i LES ESPÈCES D’ANIMAUX DONT PROVIENNENT LES OS FOSSILES Répandus dans la pierre, à plâtre des environs de Paris. Par G. CUVIER. PREMIER MÉMOIRE. Restitution de la tète. PREMIÈRE SECTION. Rétablissement de la série des dents et de leurs figures dans les deux mâchoires de l’espèce la plus commune ; Création du genre palœotherium. 1 ia première chose à faire dans l’étude d’un animal fos- sile , est de reconnoître la forme de ses dents molaires ; on 36* 276 ANNALES EU MUSEUM détermine par-là s’il est carnivore ou herbivore, et dans ce dernier cas, on peut s’assurer jusqu’à un certain point de l’ordre d’herbivores auquel il appartient. Un examen superficiel me montra bientôt que presque tous les animaux de nos carrières à plâtre , avoient des dents molaires d’herbivores pachydermes. En effet, celles de leur mâchoire inférieure ont une cou- ronne représentant deux ou trois croissans simples, placés à la suite l’un de l’autre; configuration qui n’existe que dans les rhinocéros et les damans, deux genres de pachydermes. Les ruminans ont bien des molaires composées aussi de deux ou trois croissans, mais leurs croissans sont doubles, et il y a dans chacun quatre lignes d’émail, tandis queceux- ci qui sont simples , n’ont que deux de ces lignes. Les molaires supérieures confirmèrent ce que les infé- rieures m’avoient appris. Leur face externe a trois côtes saillantes qui la divisent en deux enfoncemens peu pro- fonds ; leur couronne est carrée, et présente des inégalités que j’expliquerai par la suite. Ces points éloignent nos ani- maux des carrières à plâtre des ruminans, et les rappro- chent encore des damans et des rhinocéros, autant qu’il est possible que des genres différens se rapprochent. En poursuivant mes recherches plus loin, je m’aperçus qu’il y avoit de ces dents de plusieurs grandeurs différentes ; je les classai d’après cette circonstance, et ayant remarqué que celles d’une grandeur moyenne sont plus communes que les plus grandes et les plus petites, j’eus l’espoir d’ar- river plutôt à la connoissance de la série complète dans cette O x. d’ histoire naturelle. 277 espèce moyenne que dans les autres, je m’y attachai donc plus particulièrement. Mais à force d’observer des mâchoires plus ou moins com- plètes , je parvins à m’assurer que ces dents de grandeur moyenne provenoient encore de deux espèces différentes dont l’une étoit pourvue de dents canines , et dont l’autre en manquoit. Je vis meme bientôt que les dents molaires de ces deux espèces , quoique fort semblables au premier coup-d’oeil , offrent cependant des caractères qui n’échappent point à un examen attentif , en sorte qu’il n’est pas nécessaire que la dent canine existe dans le morceau, pour qu’on sache de laquelle des deux espèces de moyenne taille il est provenu. Dès ce moment, ma marche fut assurée; aucune diffi- culté ne m’arrêta plus, je pus remettre chaque dent à sa place et en établir la série totale. Je vais commencer par l’espèce à dents canines, la pre- mière que j’aye déterminée. Le morceau qui m’a le premier appris le nombre de ses molaires inférieures , existe à la collection de l’école des mines, et m’a été gracieusement communiqué par M. Ton- nelier, mon savant confrère à la société philomatique, con- servateur de cette collection. ( Voyez-en la jig. pi. I ,fig> /.) C’est une portion du côté gauche (1) de la mâchoire infé- rieure; le bord inférieur est emporté presque tout du long (1) La planche n’ayant pas été gradée au miroir , représente le côté droit» 278 ANNALES DU MUSEUM de a en b, et de c en d ; l’apophyse coron oïde et le condyle le sont également. La partie qui contenoit les canines et les incisives a e f , a aussi été enlevée, mais elle a laissé son empreinte. La moitié du fonds de l’alvéole de la canine est restée en g-, le sommet de la canine h , et une incisives sont restées en place adhérentes au plâtre. Ilya sept molaires : la première k est petite , comprimée et un peu tranchante. Les autres Z, m, n , o,p, q, ont leur face extérieure en forme de deux portionsde cylindres. ( Voyez fig. 2 , où ce même morceau est représenté par sa face externe. ) La septième seule q a trois de ces portions au lieu de deux. A la hase est une ceinture saillante ou espèce de bourrelet, sous laquelle est une racine pour chaque por- tion cylindrique. Les sommets usés de ces portions cylindriques forment précisément les croissans qui caractérisent selon nous les molaires inférieures de notre animal. ( Voyez la fig. 3. ) Dans ce morceau , la septième molaire q qui est naturelle- ment la moins usée de toutes, a ces croissans étroits et dis- tincts. La pénultième p les a plus larges, parce qu’elle est un peu plus usée, mais ils y sont encore distincts. Ils se réu- nissentdans l’antépénultième o, etdans toutes celles qui sont au-devant. La2.eet la 3.e molaire Z, 7?z, qui de vroient être les plus usées de toutes, ont cependant encore leurs croissans très-étroits; mais cela vient sans doute de ce qu’elles avoient nouvelle- ment remplacé les molaires de lait, et qu’elles servoient depuis moins long-temps que celles qui sont derrière elles. J’ai trouvé dans un morceau de ma collection dont j’ai / d’ histoire naturelle. 279 fait depuis don au Muséum national, la preuve que le rem- placement des dents avoit lieu dans notre animal, à-peu- près comme mon savant et respectable confrère Tenon l’a découvert dans le cheval et les autres herbivores. On voit dans ce morceau , représenté pl. VIII ,fig. 5 , la troisième mo- laire b, nouvellement sortie, encore bien intacte à son som- met, et la quatrième c toute usée et prête à tomber; mais sous elle une nouvelle dentg-, toute formée, à Texception des racines, et disposée à la remplacer. Pour revenir à nos dents, leur face interne, pl. I,fig* 1 , est un peu la contre-épreuve de l’externe; il y a vis-à-vis la concavité de chaque croissant, un creux qui se rétrécit en descendant sur cette face interne, et par conséquent il y a des saillies larges à leur base , et se rétrécissant vers le Haut où elles distinguent lescroissans les uns des autres; ces saillies sont nécessairement au nombre de quatre dans la dent a trois croissans q , et de trois dans les autres. Cette face interne a, comme l’externe, une ceinture saillante à sa base. Voilà la description exacte des molaires inférieures de l’es- pèce moyenne à dents canines. Pour empêcher que dans les examens successifs qui nous restent à faire, on ne soit dans le cas de les confondre avec celles de l’espèce sans dents ca- nines, c’est ici le lieu d’en indiquer les principaux ca- ractères. Le plus apparent, c’est que la face externe 11’a pas ses deux convexités cylindriques mais coniques, et se rétré- cissant beaucoup par le haut. Vers le bas, leur courbure de- vient double, c’est-à-dire qu’elles y sont convexes en tout sens , et non dans le sens transversal seulement. Enfin elles 2'8o annales du muséum n’ont point de bourrelet saillant à leur base. ( i) Elles offrent encore beaucoup d’autres différences que nous exposerons ailleurs. Au surplus, ces caractères précis ne sont nécessaires que pour les trois dernières molaires a, b ,c de l’espèce sans canines. Les autres d,e , etc . sont si différentes qu’on ne peut du tout les confondre. Revenons à notre espèce à canines: on voit que ses mo- laires inférieures sont au nombre de sept de chaque côté, et par conséquent qu’elles ressemblent à celles du rhino- céros et du daman , par ce point comme par celui de la forme. Tous les morceaux que j’ai vus depuis au nombre de plus de trente, et dont je conserve plusieurs dans ma collection , m’ont confirmé ce fait. La dent à trois croissans y est tou- jours la dernière, et la petite dent comprimée la première; et jamais il n’y en a plus de cinq entre elles. Il pouvoit rester quelque doute sur l’intervalle f, pl. I, fig i , de cette première petite molaire à la canine. Le mor- ceau de l’école des mines le montre bien vide; mais l’est-il toujours? c’est ce dont je me suis assuré par quelques autres morceaux. L’un d’eux est représenté,/)/. II , fig. 1, et appartient à M. de Saint-Genis, à Pantin, qui a eu la complaisance de me le prêter pour le dessiner ; on y voit les cinq pre- (1) On voit un exemple de la face extérieure de ces dents , pl. II , fig. 2, où est représentée une portion très-considéi’able du côté gauche de la mâchoire in- férieure de cette espèce sans dents canines. Ce beau morceau appartient à M. Hé- ricarl-Thury , ingénieur des mines, quia bien voulu me le communiquer. I)' H I S T O I R E NATURELLE. 38 1 mières molaires d’a en b , l’empreinte de la 6.e en c. Ces dents ont les mêmes formes que dans le morceau de l’école des mines, et l’on voit entre la petite molaire comprimée b , et la canine d , le même intervalle vide f M. Le Camus, ancien directeur de l’école polytechnique, et possesseur d’une très-belle collection de minéralogie , m’a aussi fait voir un morceau où les dents de la mâchoire in- férieure ont toutes laissé, soit leurs couronnes , soit leurs empreintes; il n’y a rien à l’endroit en question. Je possède moi-même un morceau où l’on voit la dent canine et l’alvéole de la première molaire ; l’intervalle est encore vide. Un second que je possède aussi présente les cinq pre- mières molaires, et notamment la petite comprimée. Il y a en avant une partie de l’os qui ne s’étend pourtant pas jusqu’à la canine. Cette partie n’a point d’alvéoles. Ainsi nul doute sur le nombre et la forme des molaires inférieures, sur l’intervalle vide entre la première, et la canine du même côté. Nul doute non plus sur l’existence de la canine, et par conséquent sur un caractère qui com- mence déjà à éloigner beaucoup notre animal du rhinocéros et du daman , dont ses molaires le rapprochoient pour le- placer près du tapir et du cochon. La canine n’est point une défense, qui sorte de la bouche, comme il y en a dans tant d’espèces de cochons. Elle dcvoit être cachée par les lèvres comme dans le tapir , l’hippopo- tame et le cochon pécari ; c’est un simple cône oblique, un peu arqué, dont la face interne est un peu plane, et l’ex- terne plus qu’un demi-cône. Ces faces sont distinguées par deux arêtes longitudinales, et leur base est entourée de la 3. 3y 282 ANNALES DU MUSEUM même ceinture que l’on voit aux molaires. La racine en est fort grosse , et pénètre très-avant dans l’os mandibulaire , et jusque sous l’alvéole de la première molaire. C'est ce que je recueille du morceau de l’école des mines , pl. I ,fig. 1 , de celui de M. de Saint-Genis , pi. II , fig. 1 , du mien dont j’ai parlé plus haut, et de trois autres que j’aurai occasion de citer encore. Entre les canines doivent être les incisives. Le morceau de l’école des mines commença à m’apprendre que notre animal n’en étoit pas dépourvu ; celui de M. de Saint-Genis me donna des indices de leur nombre. Ce morceau, représenté pl. //, fig. /,en montre quatre; mais il est aisé de voir à leur courbure et à leur position , que trois d’entre elles e, g, h, appartiennent à un côté de la mâchoire, et que la quatrième écommençoit la série de l’autre côté; il y en auroit donc six. Un autre morceau de ma collection que j’aurai occasion de faire reparoître pour constater d’autres points, confirme ce résultat. (Voyez pl. V, fig. /.)Ony voit la canine droite a, et Ta racine de la gauche b : entre deux sont cinq incL sives c, d , e ,f , g ; mais outre que les dents ne sont jamais en nombre impair, on voit clairement qu’il reste de la place pour une sixième, et pour une sixième seulement. Ces incisives ont une forme très-ordinaire; celle de coins ; leur tranchant s’émousse par l’usage ,et change avec l’âge en une surface plate, assez large d’qvant en arrière. C’est ce que me montre encore le morceau de ma collection que je viens de citer. Dans celui de M. de Saint-Genis, les inci- sives ne sont pas si usées. Ce nombre de six est précisément celui des incisives du D? HISTOIRE NATURELLE. â83 tapir, ainsi que mon collègue Geoffroy favoit annoncé, et que je l’ai fait voir dans ma description ostéologique de cet animal. La forme de nos incisives est encore assez semblable à celle du tapir; seulement la plus extérieure est moins pe- tite, proportionnellement aux autres, que dans le tapir. Les dents de la mâchoire inférieure étant établies , et pour les espèces, et pour le nombre, et pour la forme, passons à celles de l’autre mâchoire. Je trouve d’abord dans le morceau de la collection de M. Saint-Genis, pl.II, Jîg. / , une partie antérieure d’un côté de la mâchoire supérieure ; on y voit les empreintes de 3 molaires k , Z 3m , dont une y a aussi une partie de son alvéole, une canine bien entière n, deux incisives égale- ment entières o , p , et l’empreinte d’une troisième q. Il est d’abord très-probable que ce sont là les dents inci- sives d’un seul côté , et par conséquent qu’il y en avoit six en haut comme en bas. Ce nombre est pleinement confirmé par un superbe mor- ceau de ma collection, que l’on a eu toutes les peines pos- sibles à dégager du gypse , et qui montre presque tout le pourtour de la mâchoire supérieure. ( Voyez pi. III, fig. 3.) Les dents antérieures n’y sont plus , mais les alvéoles y sont bien conservées ; six pour les incisives dont la figure montre quatre, a, b , c , cl , et deux grandes pour les canines, dont la figure ne peut montrer qu’une e. Ainsi nul doute que cet animal n’ait encore ressemblé au tapir par ses incisives supérieures; leur forme étoit pareille à celle des incisives d’en bas. L’existence et la forme des canines de cette même ma- 37* 284 ANNALES DU MUSEUM choire supérieure déjà constatée par le morceau de M. de Saint-Genis, et par celui que je viens de citer, est confir- mée par le morceau de ma^collection où sont les cinq in- cisives, et que j’ai fait représenter/?/. V. On y voit en haut une forte canine n , répondant à celle d’en bas, et qui de voit croiser sa pointe en avant de la sienne. Cette canine supérieure n’a qu’une arête- longitudinale; du reste elle est conique , dirigée en en bas , et ne sortoit pas plus de la bouche que celles du pécari et du tapir. Derrière la canine supérieure , est un petit intervalle vide et enfoncé, dans lequel se loge sans doute l’inférieure lors- que la bouche se ferme. On le voit , pi. III ,fig-3 , en f Les molaires supérieures ne sont pas aussi aisées à décrire que les inférieures. En général leurs couronnes sont presque carrées ; elles ont quatre racines, tandis que les inférieures n’en ont que deux. Les antérieures seules sont un peu plus étroites à propor- tion que les autres. Pour bien faire entendre les changemens de leur confi- guration, il faut la décrire d’abord dans le germe. ( Voyez phi7 , fi g. 3,4, 5 ; et pl. If7 , fi g. 2 , 3 et 4.) Le coté externe a h estle plus long des quatre ; l’interne c d est le plus court, ensuite le postérieur h d, de manière que l’antérieur a c rentre obliquement en arrière, et que l’angle antérieur externe a est le plus aigu. La face externe s’incline fortement en dedans en des- cendant ; elle est divisée par trois arêtes longitudinales saillantes a, h, e, en deux concavités/, g , arrondies vers la racine, et terminées en pointe vers la surface qui broyé. Les anglesrentrans fi,i,k {ph IT7 > fig. 2.) , quiproduisent d’hI S .T O r'R E NATURELLE. ^85 les pointes, aboutissent aux arêtes. Cette ligne en W est saillante à la face qui broyé, et moyennant l’inclinaison et les concavités de la face externe, elle y forme aussi, dans le sens horizontal, une figure de double W. ( T~oyez les fig. 3 , pi. 7/'; et 3 , 4, pi. V. ).De son extrémité postérieure naît une autre ligne saillante qui se porte vers l’angle in- terne postérieur de la dent, où elle forme une colline /, puis se renfonce en se rapprochant de l’angle intermédiaire du double W. Une autre ligne pareille va de l’extrémité opposée de la ligne en W, vers l’angle antérieur interne où elle forme une colline, mais sans aller au-delà. Une troisième colline m, tout-à-fait conique, que je nommerai l’intermédiaire, est tout près de celle-là. Toute la base est entourée d’une ceinture comme dans les molaires d’en bas ; voilà le germe de la dent. Nous n’aurons plus à présent nulle difficulté à suivre les divers changemens que la détrition produit sur sa couronne. Ce germe est tout couvert par l’émail : du moment où quelqu’une de ses saillies vient à s’user, il s’y manifeste naturellement une surface de substance osseuse à nu , bordée de deux lignes d’érnail, et cette surface augmente de largeur à mesure que la dent s’use. Lorsque la détrition arrive jusqu’aux bases des collines et des autres parties saillantes, les différens disques ou linéamens osseux se con- fondent graduellement. C’est ainsi qu’on peut suivre l’effet de la trituration sur les dents de notre animal dans les figures. La 3.c de la planche IV est la moins usée; la 4.e l’est un peu davantage; la 5.e l’est encore plus; la 3.e de la planche IV, l’est un aSlî Annales du musé ü m. peu moins en arrière, et un peu plus en avant, je ne sais par quel accident. Il suffit d’une légère comparaison de ces dents de notre animal , avec les molaires supérieures des rhinocéros , telles que je les ai décrites dans mon mémoire sur l’ostéo- logie de ce dernier genre , pour voir qu’elles offrent des ressemblances très-grandes, accompagnées cependant de différences sensibles. Même forme carrée ; mêmes côtes longitudinales à la face externe, même ligne en W; mais une autre distribu- tion dans les éminences de la couronne, et par consé- quent une autre configuration de celle-ci. Cette description de la figure des molaires supérieures ne peut m’être contestée, puisque je peux en montrer les diverses variations dans plusieurs dents soit isolées, soit encore adhérentes ; mais on a droit de me demander com- ment je sais que ces molaires supérieures carrées, appar- tiennent au même animal, que les inférieures à croissans , décrites plus haut. Je l’ai appris d’abord par un superbe morceau dé jà col- lection de M. Joubert, aujourd’hui appartenante à M. de Drée, qui a bien voulu m’en confier tout ce qui pouvoit être utile à mes recherches. Ce morceau que je représente, pl. IJ^t fig'i , offre un côté presque entier de la tête d’un jeune sujet; et l’on y voit les molaires des deux mâchoires se correspondant les unes aux autres. Il est vrai que dans ce morceau les incisives el les canines sont imparfaites ; mais M. Adrien Camper m’a envoyé le dessin, pl. III ,fig. /, d’une portion de mâchoire supé- rieure qu'il a acquise autrefois à Paris, et qu’il conserve D’ Jï I S T 0 r R E NATURELLE. 287 avec la célèbre collection d’anatomie comparée , formée par son illustre père. On y voit des molaires de l’espèce que nous avons décrites, et une forte canine a. La portion de mâchoire supérieure qui m’appartient , et dont j’ai déjà parlé , pl. III , fig. J, montre aussi l’union de ces molaires avec des incisives et des canines. Ces deux morceaux se rattachent avec celui de M. de Saint-Genis, représenté, pl. II y fig. /, lequel nous ramène à son tour à nos molaires inférieures à doubles croissans. Ainsi rien de mieux prouvé que la co-existence de ces deux sortes de molaires dans le même animal. Le nombre des molaires supérieures est donc à présent la Seule chose qui nous reste à trouver. Aucun des morceaux cités ci-dessus , ne me le donne d’une manière absolue. La demi-tête de M. Drée,pl. IV, fig. /, en montré trois entières a, b , c;les alvéoles de deux i,k, et en arrière la place d’une sixième r, mais l’individu n’étoitpas adulte, ainsi qu’on le prouve par la loge m où étoit enfermé un genre de molaire postérieure inférieure. Un autre morceau de la même collection que je repré- sente, pl. VI y fig. 2 , en montre six, a, b , c, d, e,ff mais on voit qu’il devoit y en avoir encore une en avant vers g. Ma grandeportionde mâchoire supérieure, pL III, fig. 3 -, en a cinq , et l’alvéole d’une sixième en avant, mais elle est fort mutilée en arrière. J’en ai encore une série de six re^ présentée , pl. III , fig. 2 : le morceau de M. Camper, fi- guré même planche, fig. 1 , en a six, et n’est point complet en arrière. Je ne doute point , d’après tous ces morceaux , que le vén- I 288 .ANNALES DU MUSEU M table nombre ne soit de sept, comme à la mâchoire d’en bas; tous l’indiquent : ces dents ayant d’ailleurs la même longueur que celles d’en bas , doivent être en même nombre pour leur correspondre entièrement. 11 nous paroît donc évidemment résulter de nos recher- ches, ce premier fait: Que parmi les animaux dont les ossemens sont ensevelis dans le gypse de nos carrières, il en existoit un qui avoit 28 molaires, 12 incisives, 4 canines, dont les molaires inférieures étoient formées de deux ou de trois croissans simples. Et les supérieures carrées, et a plusieurs linéamens sur leur couronne; Dont enfin les canines 11e sortoient pas de la bouche. Or aucun naturaliste instruit 11e nous contestera qu’un tel animal ne soit un herbivore, et qu’à moins que la structure des pieds ne vienne à s’y opposer (1) , il ne doive appartenir à l’ordre des pachydermes , et former dans cet ordre un genre très-voisin du tapir par le nombre de ses dents, mais se rapprochant du rhinocéros par la forme de ses molaires. Aucun naturaliste instruit ne pourra non plus nous contes- ter qu’un tel animal ne soit encore à découvrir sur la surface de la terre, ni prétendre qu’on l’y ait jamais observé vivant. (1) Nous -vex-rons par la suite qu’elle confirme au contraire ce résultat. d’histoire NATURELLE. Nous sommes donc en droit d’établir dès-à-présent ce genre, nous réservant d’en compléter le caractère , lors- que nous aurons déterminé, dans les mémoires suivans, la forme de sa tête et celle de ses pieds, et nous le nom- mons palæotherium. L’espèce qui nous a seule occupés jusqu’ici, portera le nom spécifique de medium. 5. 58 290 ANNALES DB MUSÉUM DEUXIÈME SECTION. Rétablissement de la forme de la tête dans le Palœothe-* riutn medium. Nous avons vu combien l’espèce d’animal qui a fourni les ossemens les plus communs dans nos carrières à plâtre -, avoit de dents, de quelles sortes ses dents étoient, et quelle configuration elles offroient. Nous en avons conclu son ordre , son genre, sa famille ; nous avons vu que c’étoit nécessairement un mammifère pachyderme, et qu’il devoit former un genre inconnu jus- qu’ici, et intermédiaire entre le tapir et le rhinocéros. Mais ce genre n’avoit-il point d’autres caractères que ceux que lui assignent ses dents? Portoit-il un boutoirpour creuser la terre, comme le cochon? ou une trompe pour saisir les corps, comme le tapir et l’éléphant? ou sa lèvre se prolongeoit-elle pour le même objet, comme celle du rhi- nocéros? Son nez étoit-il armé, comme dans ce dernier , d’une corne menaçante ? son mulîle étoit-il élargi et renflé comme celui de l’hippopotame ? quelle étoit la position de son oeil, de son oreille? Voilà autant de questions intéres- santes auxquelles nous serons en état de répondre si nous parvenons à déterminer les formes de sa tête osseuse. INous en devons chercher d’abord la forme générale, et passer ensuite aux détails de chaque partie. d’histoire naturelle. 291 La forme générale exige que nous déterminions le plan , le profil et la coupe ; et comme la figure d’un crâne est extrêmement irrégulière , il faut en prendre des coupes à plusieurs endroits différens. Cette partie de mon travail est celle que j’ai eu le plus de peine à terminer; dans l’état où sont les os de nos car- rières, il n’étoit pas possible d’espérer une tête complète; les fragmens que les ouvriers apportent, déjà fort mutilés par eux, tombent en miettes lorsqu’on veut les dégager du plâtre qui les enveloppe; il faut dessiner à mesure qu’on creuse dans ce plâtre , et fixer ainsi les traces de pièces qu’on détruit nécessairement à mesure qu’on les observe; il faut aussi plus de détails dans la description , et d’atten- tion de la part du lecteur, parce que les formes deviennent si compliquées, qu’elles échappent à presque tous les termes que nous pouvons employer pour les décrire. J’espère qu’a- vec un peu de cette attention , on trouvera cependant que mes résultats ne sont ni moins heureux ni moins évidens que ceux de ma première section. Le plus important de tous les morceaux qui m’ont servi à déterminer le profil, est cette moitié de tête représentée pl. IV fig. /, dont j’ai déjà parlé à l’article des dents , et qui provient du cabinet de feu Joubert , trésorier des Etats de Languedoc, aujourd’hui possédé par M. de Drée. Feu Lamanon l’a déjà fait figurer dans le journal de physique, mars 1782, pl. //, fig. / ; mais quoique son dessin représente le même objet individuel que le nôtre , il diffère tant de celui-ci, que quelques observations sont né-< cessaires à ce sujet. D’abord Lamanon dit que sa figure est de grandeur na- 38 * 202 ANNALES DU MUSEUM turelle, tandis qu’elle est réduite d’un tiers; la mienne a été dessinée par moi-même au compas. De plus, le morceau n’étoit pas alors dans le même état qu’à présent ; la mâchoire inférieure étoit plus entière ; on y voyoit des empreintes d’incisives qui n’y sont plus , et dont la gravure exagère sûrement une partie. Enfin l’on n’avoit pas enlevé le plâtre qui remplissoit la fosse temporale , et qui en déroboit les formes. Lamanon voulut juger d’après ce seul morceau, de l’es- pèce de l’animal , et conclut que c’étoit un amphibie qui vivoit à-la-fois d’herbe et de poisson. Je n’ai pas besoin aujourd’hui de réfuter cette idée; le rétablissement complet de la série des dents que j’ai fait sur l’examen d’un grand nombre de morceaux ne laissant aucun doute sur la véri- table famille de l’animal. La pièce que nous examinons vient, comme je l’ai déjà dit, d’un jeune sujet qui n’avoit encore que cinq molaires de sorties; le germe d’une sixième étoit déjà formé dans l’arrière mâchoire, et y occupoit une loge assez grande. La canine sortoit à peine de son alvéole, et toutes les sutures du crâne étoient encore bien marquées. Tout le devant de la tête est à-peu-près entier, sauf quelques feuillets de la surface des os qui ont été enlevés, mais qui ont laissé le diploë qui étoit dessous; il manque une partie considérable de la mâchoire inférieure vers son angle postérieur : l’occi- put est aussi en partie enlevé. Ce morceau nous donne cependant, d’une manière très- exacte, la plus grande partie du profil de notre animal. Le premier trait qui frappe en considérant ce profil, c’est la forme et la position des os propres du nez. n’ HISTOIRE NATURELLE. 2g3 Dans la plupart des quadrupèdes , les os recouvrent comme une voûte la longueur des fosses nasales, jusque vers l’ex- trémité du museau; ils s’attachent dans toute cette longueur aux os maxillaires , et l’ouverture extérieure des narines est cernée par les os du nez et par les os intermaxillaires. Ici les choses ne sont pas telles , les os intermaxillaires ne touchent point aux os propres du nez. Le bord supérieur des os maxillaires est plein , sans eré- nelure, sans aucune disposition à une suture; ils remontent ainsi très-haut , laissant la fosse nasale osseuse toute ouverte supérieurement ; les os du nez attachés par leur bord pos- térieur à ceux du front, et à une très-petite partie des maxillaires seulement, sont suspendus ou surplombent comme un auvent sur le dessus des fosses nasales. Voyez l’un de ces os en place , pl.IF~, fig. /, r; et l’autre hors de place en R. Suivez aussi le bord s s du maxillaire légèrement concave , et parfaitement entier. Ce premier fait relatif au profil, étant d’une nature ex- traordinaire, je dus en chercher des confirmations : elles ne se présentèrent pas si vite que celles des faits qui ont les dents pour objet, parce que les os du crâne plus fragiles , sont presque toujours brisés dans la pierre; j’en trouvai cependant. La première me fut fournie par le morceau delà planche V, qui m’appartient, et que j’ai déjà cité pour les dents. On voit d’un côté l’empreinte i, i , d’une grande partie du museau, et particulièrement de tout le contour de l’ouverture extérieure des narines. On y aperçoit très-bien lagrandeur de l’échancrure nasale Æ, et la trace de l’os nasal /, qui surplombe. Les os eux-même qui avoient formé cette empreinte, tant 294 ANNALES DU MUSÉUM le nasal que le maxillaire, sont restés en grande partie sur 'la pierre opposée et séparée de la première. La figure 2 les représente : les choses sont parfaitement ici comme dans lu morceau de la planche IV. Celui de M. Camper, pl. III ,fig. /, nous montre en- core le bord de l’os maxillaire parfaitement entier, et n’ayant point du s’engrener avec un autre os. Mon morceau , même planche fig. 3, montre une partie considérable de l’inter- maxillaire , dont la rondeur et la position horizontale font assez voir qu’il ne remontoit pas pour entourer une ouver- ture nasale de forme ordinaire. Ce premier point est donc hors de doute: notre animal avoit l’ouverture extérieure des narines oblique et très- longue; elle étoit entourée de trois paires d’os, les inter- maxillaires , les maxillaires et les nasaux; et ces derniers, loin d’arriver jusqu’au bout du museau, étoient très-courts, et surplomboient seulement sur la partie postérieure de l’ouverture. Or il n’y a que trois genres d’animaux qui aient trois paires d’os aux narines externes; ce sont les rhinocéros, Jes éléphans et les tapirs ; et parmi les trois, il n’y en a que deux , les éléphans et les tapirs , qui aient les os propres du nez, minces et courts comme notre animal. Dans les rhino- céros, au contraire, ces os sont aussi longs que le museau, et d’une épaisseur extraordinaire , à cause de la corne qu’ils doivent supporter. De cette similitude dans la charpente osseuse, on peut à bon droit en conclure une pareille dans les parties molles qui s’attachoient à cette charpente ; et comme les éiéphatu i !>’ HISTOIRE NATURELLE. 2g& et les tapirs ont une trompe, il n’y a guère lieu de douter que notre animal n’en ait aussi porté une. Mais comme il y a de grandes différences entre la trompe de l’éléphant et celle du tapir pour la longueur et pour la structure, il faut encore se décider entre les deux. t/ Lorsque nous aurons décrit le pied de devant , on verra que notre animal n’étoit pas élevé sur jambes, et il sera aisé de conclure qu’il devoit avoir la trompe courte comme le tapir. La structure particulière à la trompe de l’éléphant sup- pose cette hauteur d’alvéole qui vient elle-même de la gran- deur des défenses de cet animal. Les larges parois de l’os intermaxillaire qui contient ces alvéoles, offrent ainsi la surface nécessaire pour attacher les innombrables muscles qui composent la trompe. Notre animal n’ayant point de pareils os intermaxillaircs, n’a pu avoir une trompe composée comme celle de l’éléphant: elle aura donc ressemblé à celle du tapir , c’est-à-dire qu’elle n’aura été qu’un prolongement membraneux des canaux des narines, mû parles muscles des lèvres et par un tendon moyen, commun à deux muscles venant des côtés des os du nez, à peu-près comme on en voit un à la lèvre supé- rieure du cheval. Le nerf maxillaire supérieur qui animoit cette trompe, ne devoit pas être fort grand , car le trou sous-orhilaire t , yl. 1J \ fig. 1 , par où il passoit, est petit et placé comme dans le tapir ; tandis qu’il est énorme dans l’éléphant. C’est une nouvelle preuve que la trompe de notre animal n’a voit ni le volume, ni l’énergie de mouvement de celle de l’é- léphant. 2yG annales du muséum Continuons l’examen des autres objets que le profil nous présente. Après le nez vient l’oeil : nous ne pouvons espérer de trouver dans nos pièces fossiles que des restes de l’orbite. Le mor- ceau de M. Drée nous en montre quelques vestiges; on y voit la saillie u qui sépare la fosse orbitaire de la temporale, et qui est beaucoup plus marquée que dans le tapir : l’or- bite v est aussi plus éloigné du nez et plus abaissé, ce qui devoit donner à la physionomie quelque chose de plus ignoble. Le morceau de M. Drée ne me donne pas la partie infé- rieure du cadre de l’orbite, parce que l’arcade zygomatique en est enlevée. Il ne donne pas non plus le bord postérieur, parce que l’apophyse orbitaire externe du frontal y est cas- sée en w. J’ai trouvé l’une et l’autre dans une tête de ma collection dont je reparlerai bientôt; l’apophyse de l’arcade zygomatique qui termine l’orbite en arrière , est courte comme dans le tapir, et appartient à l’os de la pomette. Elle répond verticalement au-dessus delà dernière molaire. ( Voyez pl. VII, fig. 5 ). Celle du frontal, pi. VII, fig . 4 forme un crochet assez long, ce qui, parmi les pachydermes, ne se retrouve que dans le cochon : comme l’orbite étoit petit , l’oeil nepouvoit être grand, et tout porte à croire que notre animal ressembloit encore au cochon par son regard stupide. Les deux apophyses qui limitent l’orbite en arrière, ne se réunissent pas : il n’est donc pas séparé de la fosse tempo- rale par une cloison, comme cela a lieu dans les solipèdes et les ruminans, et cette seule circonstance suffiroit pour faire placer notre animal parmi les pachydermes. / d’ HISTOIRE NATURELLE. 297 Le morceau de M. Drée, pl. IV,fig. /, me montre que la fosse temporale x étoit vaste et profonde. C’est ce que d’autres pièces prouveront mieux encore parla suite ; mais ni ce morceau, ni aucun autre ne me donne complètement le sommet de la tête et la crête occipitale dont j’aurois besoin pour terminer le profil du crâne. Venons maintenant au plan horizontal du crâne. On peut le considérera deux hauteurs principales; à celle des dents, qui donne la largeur et la figure du palais ; et à celle des arcades zygomatiques, qui donne la largeur réelle delà tète. J’ai eu pour le palais un morceau de la collection de M. Drée, que j’ai déjà cité, pl. V^I ,fig. 2, où la plupart des molaires supérieures ont laissé leurs couronnes, et un autre de ma collection qui ne diffère de celui-là que parce qu’il a une molaire de moins, et que je n’ai pas jugé nécessaire de faire graver. Ces deux morceaux, outre la largeur ab- solue , nous font voir que les molaires de chaque côté sont Sur une ligne un peu convexe en dehors, et que ces deux lignes se rapprochent un peu en avant. Je complète le plan du palais au moyen d’un troisième morceau de ma collec- tion , que j’ai aussi cité plusieurs fois, pl. III, fig. 3 , le- quel me donne le léger rétrécissement en avant de la pre- mière molaire, et toute la courbure antérieure du museau. Ce même morceau m’offre aussi le trou incisityj/j très-grand, de figure elliptique, un peu plus large en avant; ainsi j’ai le palais tout entier , excepté son bord postérieur qu’aucun morceau ne m’a encore fourni. En comparant ce palais avec celui du tapir, je vois que là partie antérieure de celui-ci est un peu plus longue et plus grêle, ce qui s’accorde avec les proportions que m’a- 5. 39 298 ANNALES DU MUSEUM voient fournies les pièces relatives au profil. Les molaires ont leurs couronnes un peu dirigées en dedans, d’où il ré- sulte que les molaires inférieures doivent former deux séries plus rapprochées que les supérieures, ce que nous verrons être en effet. Remontant plus haut , nous trouvons le plan des arcades zygomatiques: je l’ai déterminé d’après une masse de ma collection qui contenoit une tète presque entière, mais dans un tel état de décomposition, qu’il a fallu la dessiner à mesure qu’on la découvroit ; j’en ai sauvé plusieurs débris qui attesteront l’exactitude du dessin général que j’en ai fait. Ce sont ces débris qui m’ont fourni les deux apophyses or- bitaires postérieures que j’ai décrites plus haut. Cette pièce montre encore les dimensions du crâne, à la hauteur des arcades il y étoit fort étroit, d’où il résulte que la fosse temporale étoit fort profonde. Le profil nous a déjà montré que cette fosse est très-étendue en hauteur : nous en pouvons conclure que le muscle crotaphite étoit fort épais, et que notre animal avoit beaucoup de force dans les mâ- choires. L’article le plus important à reconnoître dans l’arcade zygomatique, est la forme de la cavité glénoïde qui reçoit le condyle de la mâchoire inférieure. Elle détermine les divers mouvemens que la mâchoire peut exécuter, et influe par conséquent d’une manière puissante sur l’économie de l’animal. La pièce dont je viens de parler m’a complètement fourni cette cavité. ( Voyez pl. VII, fig. 1 et2,a,a.)Elle esttout-à-fait plane ; elle n’a point de saillie pour l’articulation, comme on en voit dans l’homme, le cochon, les solipèdes, etc. 3 d’ HISTOIRE NATURELLE. 299 elle n’a pas non plus de creux , comme il y en a dans les carnassiers: elle ressemble par cette face plane à celle du tapir; elle est encore bornée en arrière comme celle-ci par une lame verticale transversale b ,b , mais en quoi les deux lames diffèrent beaucoup , c’est que celle du tapir a son bord in- terne plus en avant, et rexterneplusen arrière, tandis que c’est tout le contraire dans notre animal. Le cbeval a cette lame qui borde la cavité glénoïde en arrière , très-courte de droite à gauche : les ruminans l’ont peu saillante , et tout-à-fait transverse ou même comme le tapir plus reculée, au bord externe. Elle fait encore moins de saillie dans le cochon : celle du rhinocéros n’est point en arrière, mais au bord interne de la cavité glénoïde. L’élé- phant n’en a point du tout; ainsi l’on peut dire qu’aucun animal connu n’a la cavité glénoïde faite comme notre pa- læotherium. D errière cette lame à la face externe du temporal, est le trou de l’oreille, petit, de figure ovale, et dont les rebords ne sont nullement saillans. Le canal ne s’élève point, comme par exemple dans le rhinocéros; par conséquent l’oreille devoit être attachée fort bas. Entre la lame b et le trou auditif c, est le trou de la septième paire. Derrière le trou auditif, commence l’apophyse mastoïde,c/. Elle a la forme d’une pyramide triangulaire, un peu compri- mée d’avant en arrière , et émoussée par le bout. Elle est beaucoup plus longue à proportion que dans le tapir, et se rapproche de la forme du cheval ; mais au total cette dis- position de la région située derrière la cavité glénoïde , res- semble aussi peu à ce que nous observons dans les animaux 39 * • é 5oo annales du muséum connus, que tout ce que nous avons vu jusqu’ici du palæo- therium. Sous le trou auriculaire est la petite saillie raboteuse du rocher f à laquelle tenoit la branche de l’os hyoïde. Les condyles occipitaux e e n’ont rien de particulier : au- dessus de l’un d’eux, on voit dans le morceau qui m’a fourni ces derniers détails, une crête osseuse qui me fait penser que la face occipitale du crâne étoît plus petite encore que dans le cochon et le tapir. J’ai un autre morceau qui me paroît confirmer cette conjecture ; mais il se pourroit qu’il vînt de l’espèce sans canines, et ce doute suffit pour m’emr pêcher de l’employer dans mes combinaisons. Cette petitesse de la face occipitale peut faire conclure que la tête n’étoit pas bien pesante, puisque les muscles qui la supportoient n’avoient pas une attache bien étendue; et c’est une nouvelle raison de croire que la trompe n’étoit pas bien longue. On n’imagine guère que je sois aussi en état de donner quelques traits de la description du cerveau d’un animal qui paroît détruit depuis tant de siècles : un hasard heureux m’a cependant procuré cette faculté. La tête dont je viens d© parler étoit toute environnée d’un mélange de glaise et de gypse , et c’est précisément ce qui l’avoit rendue si friable ; car les os contenus dans la marne , se brisent généralement quand on veut les en tirer, sans doute parce que cette terre ne les a pas préservés de l’humidité , comme fait le gypse ; mais dans ce cas-ci, sa présence a été heureuse : elle s’est moulée dans la cavité du crâne ; et comme cette cavité elle- même dans ranimai vivant s’étoit moulée sur le cerveau, la glaise nous représente nécessairement la vraie forme de ï)7 HISTOIRE NATURELLE. 5<>l Celui-ci , pi. VII ,fig‘ 3 ; il étoit peu volumineux à propor- tion, aplati horizontalement : ses hémisphères ne mon- troient pas des circonvolutions , mais on voyoit seulement Un enfoncement longitudinal peu profondsur chacun. T outes les lois de l’analogie nous autorisent à conclure que notre animal étoit fort dépourvu d’intelligence. Il faudroit, pour que la conclusion fût anatomiquement rigoureuse, con- noître les formes de la hase du cerveau , et sur-tout la pro- portion de sa largeur avec celle de la moelle alongée ; mais cette base n’est pas bien conservée dans notre moule. Voilà , je pense, le crâne et la mâchoire supérieure bien restitués. Passons à la mâchoire inférieure. Nous avons à déterminer l’angle que forment ses deux branches horizon- tales , la figure de ses branches montantes et la forme de son condyle. J’ai eu trois morceaux pour la détermination complète de l’angle : un est dans la collection de M. Drée, pl. VI , jîg. i j un autre dans celle de M. Le Camus ; le troi- sième est dans la mienne. Tous les trois donnent cet angle pour être d’environ 5o degrés. La distance absolue des deux séries de dents est moindre qu’à la mâchoire supérieure ; ainsi les dents d’en bas sont serrées entre celles d’en haut, et les couronnes des premières regardent un peu en dehors, pour rencontrer celles des autres qui regardent un peu en dedans. La forme des branches montantes est remarquable: elles sont très-larges d’avant en arrière , et leur bord postérieur est convexe : c’est un rapport manifeste avec le tapir et avec le daman. J’ai dans ma collection un morceau où le condyle est en- tier ; il est fort étendu transversalement , mais fort peu 5o2 annales du muséum d’avant en arrière : sa convexité est presque celle d’un cy- lindre. Il est seulement un peu plus mince en dedans qu’en dehors. L’échancrure qui sépare le condyle de l’apophyse coro- noïde n’est ni large ni profonde. Cette apophyse s’élève au- dessus de lui, et a la forme d’un crochet. On voit qu’aucune partie de la tête, la crête occipitale exceptée, n’est restée sans description; j’ai rapproché toutes ces parties , et j’ai refait la tête entière au moyen du dessin. (Voyez pl. V^ll, fig. 6 la base du crâne, ethg. 7, le profil.) Chacun des traits qu’on y remarque diffère tellement des autres animaux, que cette section-ci à elle seule prouveroit que le palæotherium est un être inconnu jusqu’ici; cette vérité subsisteroit quand elle ne seroit pas déjà invincible- ment établie par la considération des dents, et même dans le cas où nous n’aurions encore déterminé aucune de ces dents. Seulement alors on pourroit m’opposer un doute ; 011 pourroit me demander comment je sais que je n’ai pas réuni des pièces de têtes différentes , et même encore à présent on a droit d’exiger la preuve que la tête que j’ai formée est précisément celle du même animal dont j’ai décrit les dents dans mon mémoire précédent. La réponse est facile :1e lecteur pourroit même se la faire. S’il examine les morceaux que j’ai employés dans les com- binaisons de cette section, il verra qu’il n’en est aucun qui n’ait contenu quelques dents, et que toutes ces dents étoient de l’espèce qui fait l’objet de la section précédente. Nous sommes à présent en état de prendre des notions Éissez justes sur la taille de notre palæotherium 7jiediumt b’ HISTOIRE NATURELLE. 5o3 Sa tète devoit, dans les individusles plus ordinaires , avoir trois décimètres , un ou deux centimètres de longueur de- puis le bord du trou occipital jusqu’à celui des incisives. Cette dimension est à-peu-près la même que dans le jeune tapir dont nous avons le squelette au Muséum ; et la tête de tapir adulte du cabinet de M. Tenon, n’a que 3 centi- mètres de plus. Un sanglier ordinaire a 35 centimètres, mais sa tête est plus grosse à proportion de son corps que celle du tapir. En jugeant donc en gros du volume du corps par celui de la tête, nous pouvons conclure que le palæotherium medium étoit un peu au-dessous du tapir ; et à-peu-près de la taille d’un cochon ordinaire. 5o4 !a N N A L E S DU MUSEUM ANALYSE ^ T • P. :v , . f ^ r-f . j * r r * . D es calculs de la vessie urinaire d’une chienne . par A. F.J.OÜRCROY. J’ai déjà parlé dans les Annales, des calculs des animaux ou des bézoards; j’ai fait remarquer qu’ayant eu occasion d’analyser des calculs urinaires du cheval, du bœuf, du cochon et du rat, ils se sont trouvés formés de carbonate de chaux; tandis que les calculs intestinaux des mêmesani- maux sont constamment formés de phosphate ainmoniaco- magnésien. J’ai tiré de cette différence frappante entre les concrétions calculeuses humaines et celles des animaux, la même conclusion que de l’analyse comparée des urines de l’homme et des mammifères; j’ai fait voir que l’urine de ces derniers ne contenant pas de phosphates , ces sels sor- toient parleur transpiration, se rassembloient dans leurs poils ou leurs ongles, ou se portoient dans leurs intestins. Mais en publiant ces observations que j’ai cru très-im- portantes pour la physique animale, jen’avois eu à exami- ner, et par conséquent jen’avois pu faire connoître que les cal- culs des animaux herbivores ou frugivores. Je désirois beau- coup avoir l’occasion d’analyser les calculs urinaires et D1 HISTOIRE NATURELLE. 3o5 intestinaux des animaux carnivores. La difficulté que j’avois eue à m’en procurer, m’avoit fait penser que ces calculs étoient beaucoup plus rares que ceux des frugivores, puis- que sept années de recherches et de demandes ne m’en avoient fourni aucun. Cette occasion si désirée vient de se présenter il y a quel- ques jours; le citoyen Dufresne, aide naturaliste, qui ne néglige aucune circonstance favorable à l’avancement des sciences naturelles, ayant eu à préparer une chienne, fut fort étonné de trouver sa vessie urinaire remplie de calculs arrangés les uns à côté des autres, comme les pièces d’une mosaïque. On a vu plusieurs fois la même chose dans la vessie humaine, et plus souvent encore dans la vésicule du fiel. Le citoyen Dufresne a bien voulu m’apporter ces calculs, et je me suis empressé de les faire soumettre à l’ana- lyse, par le citoyen Laugier, aide chimiste, dont les talens et l’exactitude sont bien connus. Témoin de nos nombreuses analyses des calculs et des bézoards, guidé par le mode qu’il nous a vu suivre, il a examiné avec le soin convenable cette nouvelle espèce de calculs qui n’avoit point encore été analysée; j’ai d’ailleurs dirigé ses expériences, et j’en ai ob- servé les phénomènes. Les calculs dont il est question, étoient au nombre de cinquante-sept ; ils remplissoient entièrement la capacité de la vessie. Les uns sont arrondis et de la grosseur du bout du doigt ; la plupart beaucoup plus petits , offrent trois faces usées et une forme tétraèdre; tous sont lisses à leur surface et d’une couleur blanche, légèrement jaunâtre. Ces concrétions fragiles et presque polies à leur extérieur, sont 3. 4o 7 3o6 ANNALES DU MUSEUM formées de couches concentriques qui se séparent avec facilité ; leur surface intérieure est tapissée de petits cris- taux brillans; elles ont dans leur centre un noyau mobile de la même nature que les couches concentriques. L’animal chez lequel ces calculs ont pris naissance, étoit une chienne âgée de sept ans. On déclare que plusieurs fois elle avoit été en chaleur , mais qu’on avoit pris tous les moyens possibles pour la dérober aux approches des chiens , et l’on assure qu’elle n’avoit jamais été couverte. On re- marque encore que malgré sa maladie elle étoit fort grasse, et qu’on lui donnoit à manger beaucoup de sucreries. i.° Plusieurs de ces calculs ont été réduits en poudre et triturés avec de la potasse caustique ; il s’en est dégagé une grande quantité d’ammoniaque. 2.0 Traités au chalumeau, le même dégagement a eu lieu ; il s’est développé de plus une odeur de matières ani- males brûlées; après la formation du charbon , la poussière a blanchi, s’est ramollie; il s’en est échappé des lueurs phos- phoriques, et on a obtenu enfin un globule transparent qui est devenu opaque par le refroidissement. 3. ° Ces calculs entiers mis dans l’acide muriatique s’y sont dissous très-bien et sans aucune effervescence. Ils ont laissé après leur dissolution une substance animale membraneuse qui se présente de même dans tous les calculs blancs, dê quelque nature qu’ils soient. 4. e En versant dans cette dissolution de l’oxalate d’am- moniaque, il s’est formé un précipité peu abondantqui avoit toutes les propriétés de l’oxalate de chaux. 5 ° De l’ammoniaque versée dans la même dissolution d’ histoire naturelle. £07 d’oùl’on avoit séparéle premier précipité d’oxalate de chaux, y a produit un nouveau précipité volumineux et floconneux, blanc et opaque, qui s’est redissous aisément par l’addition de quelques gouttes d’acide sulfurique, et dont la nature magnésienne étoit très-manifeste. 6.° Les calculs broyés dans l’eau s’y sont dissous en partie par l’ébullition , et cette dissolution adonné tous les indices de la présence du phosphate aminoniaco-magnésien. Ces six expériences prouvent très-exactement que les calculs vésicaux du chien sont formés d’une grande quan- tité de phosphate ammoniaco-magnésien , d’une petite por- tion de phosphate de chaux , et d’une matière animale membraniforme. Voilà donc dans un carnivore des concrétions vésicales très-differentes de celles des animaux herbivores, et sem- blables d’ailleurs à celles de quelques calculs vésicaux hu- mains. Voilà les phosphates terreux déposés de l’urine dans les quadrupèdes comme dans l’homme. Ce fait prouve que le genre de nourriture influe et sur la nature des humeurs et sur celle des matières qui s’en séparent. Au lieu de détruire ou même d’affoiblir les assertions pré- cédentes sur les calculs des herbivores, très - differens de ceux de l’homme, ce nouveau résultat ne peut que les confirmer en faisant comparer les phénomènes qui se passent dans le corps humain, à ceux qui ont lieu dans le corps de ceux des mammifères qui prennent le même genre de nourriture que l’homme. A la vérité, il faudra faire encore l’analyse des calculs vésicaux de plusieurs espèces de carnivores, pour obtenir ■ \ • ■ * 5o8 ANNALES DU MUSEUM un résultat plus concluant, comme je l’ai fait par rapport aux herbivores dont quatre espèces m’ont fourni des con- crétions urinaires. Il faudra joindre encore à ce premier résultat, celui de l’analyse des concrétions intestinales des memes animaux carnivores. Ici la difficulté sera plus lente àlever, parce que l’expérience anatomique montre ces ani- maux comme beaucoup moins sujets que les frugivores aux calculs des intestins. Mais toutes ces données demandent des occasions rares , et ne peuvent être que le fruit du temps. Il suffira d’annoncer que dans le Muséum aucune de ces occasions n’est perdue , et qu’il y a lieu d’espérer qu’il s’en présentera aux aides naturalistes qui s’occupent de la dissec- tion et de la préparation des animaux. d’histoire naturelle. 3°9 OBSERVATIONS SUR L' ÉLECTRICITÉ DES SUBSTANCES MÉTALLIQUES. par H A U Y, Les différentes manières de faire naître dans les corps la vertu électrique , fournissent des caractères dont on peut tirer un parti avantageux pour la distinction des minéraux. Le plus remarquable est celui qui résulte de l’électricité produite par la chaleur, et qui n’a été observé jusqu’ici que dans six espèces minérales, savoir ; la tourmaline, la magnésie boratée , la topaze, la mésotype, la prehnite, et le zinc oxydé. Un autre moyen d’exciter la vertu électrique, consiste dans le frottement que l’on fait subir aux substances idio-électriques. Cette vertu est, comme l’on sait, de deux espèces; l’une que nous appelons électricité vitrée , et qui appartient en général aux substances terreuses et acidifères; e,t l’autre qui porte le nom d’ électricité résineuse , et qui dis- tingue plus particulièrement les substances combustibles non métalliques, à l’exception du diamant dont l’électricité 5. 4i ÔlO ANNAL- ES DU MUSÉUM est vitrée. Restent les substances anélectriques qui ont besoin , pour acquérir la vertu électrique, d’être mises en commu- nication avec un conducteur déjà doué de cette même vertu. Les métaux à l’état métallique possèdent éminemment la faculté de devenir électriques par ce moyen qui peut être employé pour décéler un métal engagé dans une substance pierreuse; c’est ce qui a lieu par rapport au fer qui entre dans la composition du jaspe, et dont la présence s’annonce par les étincelles que donne la pierre, lorsqu’on en ap- proche le doigt , tandis qu’elle est en contact avec un con- ducteur électrisé. J’ai conçu l’idée d’employer d’une autre manière l’élec- tricité des substances métalliques, en les isolant, et en les fai- sant passer avec frottement sur une substance idio-électrique. Cette dernière acquiert alors une électricité dont l’espèce varie suivant la nature du métal qui sert de frottoir, et , par une suite nécessaire, le métal prend l’électricité op- posée, et la conserve, au moins pendant un instant, parce qu’il est isolé. Par exemple, si l’on se sert de l’étain pour frotter un ruban de soie , il y produit une électricité vitrée au lieu de l’électricité résineuse qui auroit lieu par le frot- tement de la main, et c’est au contraire l’étain qui s’élec- trise résineusement : ayant donc observé que les différent métaux éprouvés de cette manière acquéroient , les un» l’électricité vitrée, et les autres la résineuse, j’ai pensé que cette diversité d’états pou voit augmenter le nombre des caractères distinctifs que la minéralogie emprunte de la physique. Pour faire les expériences relatives à cet objet, j’isole un d’histoire naturelle. 5lï fragment du métal que je veux éprouver, en l’attachant, avec de la cire ordinaire, à l’extrémité d’un bâton dé gomme laque ou de cire d’Espagne , puis tenant ce bâton à, la main , je passe à plusieurs reprises le fragment métallique sur un morceau de drap. Si la surface du fragment étoit raboteuse, il faudroit commencer par l’unir à l’aide de la lime. Aprèscinq ou six frictions, je fais toucher le fragment métallique au bouton du plateau collecteur de l’instrument très-connu , imaginé par Volta , pour servir à-la-fois de condensateur et d’électromètre, dans les expériences d’élec- tricité galvanique (1). Je réitère plusieurs fois cette opéra- tion , puis ayant enlevé le disque qui fait la fonction de condensateur, je détermine, à la manière ordinaire, l’espèce d’électricité qui produit l’écartement des deux pailles de l’électromètre. Je vais présenter le tableau des divers métaux que j’ai soumis à l’expérience, avec l’indication du résultat que chacun d’eux a donné. Je comprends dans cette liste les métaux qui n’ont pas encore été trouvés dans la nature à l’état métallique, et que l’on n’obtient dans cet état, qu’en les séparant des principes qui les minéralisent. J’ai eu soin de noter les substances dans lesquelles le frottement déve- loppe la vertu électrique avec plus de facilité et d’une ma- nière plus énergique que dans les autres. (1) Voyez la description et l’usage de cet instrument, Traité élémentaire de j&hysique , t. ï , p. 4o8, ' ' 512 ANNALES D U MUSÉUM Métaux qui acquiérent V électricité vitrée. Zinc. Forte. Argent. Bismuth. Forte. Cuivre. Plomb. Fer oligiste. Métaux qui acquièrent T électricité résineuse . Platine» Or. Etain. Antimoine. Cuivre gris. Forte. Cuivre sulfuré. Forte. Cuivre pyriteux. Forte. Plomb sulfuré. Tellure de nagyac. Forte. Argent antimonial. Argent sulfuré. Forte. Nickel. Cobalt gris. Cobalt arsenical. Antimoine sulfuré. Fer sulfuré. Fer oxydulé. Dans les épreuves relatives à l’argent , au cuivre et aux autres métaux que l’on trouve natifs, j’ai opéré sur des mor- ceaux qui étoient dans cet état, et sur d’autres qui provë- noient de la fonte de ces métaux. J’ai répété mes expériences un grand nombre de fois r et j’ai obtenu presque toujours les memes résultats. Il n’y a t)’ HISTOIRE NATURELLE. 3 1 3 guère que le fer oxydulé et le fer oligiste qui aient présenté des anomalies, en acquérant, dans certaines circonstances, une électricité différente de celle qu’indique le tableau. L’acier qui en général s’électrise vitreusement, a donné aussi quelques exceptions qui provenoient vraisemblable- ment d’une différence dans la quantité de charbon unie au fer, ou peut-être dans l’effet de la trempe. Ceux qui sont exercés aux expériences électriques savent que la faculté d’acquérir une espèce d’électricité plutôt que l’autre, à l’aide du frottement, tient quelquefois à des nuances si légères, qu’elles échappent à l’observateur le plus attentif. Si l’on compare entre elles les deux parties du tableau que l’on voit ci-dessus, on pourra remarquer que des subs- tances métalliques qui ont le même aspect , diffèrent l’une de l’autre par les résultats de l’électrisation. Ainsi on évi- tera, d’après ces seuls résultats, de confondre l’argent avec le platine, la même espèce d’argent avec l’argent antimo- nial, le cuivre natif avec le cuivre pyriteux, le fer oligiste âvec le cuivre gris, etc. , toutes les premières substances donnant des signes d’électricité vitrée lorsqu’elles ont été frottées, tandis que toutes les secondes manifestent l’élec- tricité contraire. Il existe aussi quelques substances métalliques qui ac- quièrent, dans le même cas, une électricité si sensible , que la seule énergie de ses effets peut servir à confirmer les indications offertes par les autres caractères. Tels sont le cuivre sulfuré et le cuivre gris qui n’ont besoin que d’être passés huit ou dix fois sur le drap , pour que le premier contact avec le plateau collecteur produise souvent entre 5i4 annales du muséum les pailles de l’électromètre une répulsion, en vertu de laquelle ces pailles vont toucher les parois du flacon de verre au milieu duquel elles sont suspendues. Au reste, les métaux ont d’ailleurs des propriétés qui les distinguent si nettement les uns des autres, que les ca- ractères tirés des expériences précédentes paraîtront de surabondance ; mais j’ai pensé que du moins il ne seroit pas indifférent de recueillir et de faire connoître les résultats de ces expériences, en ne les considérant que comme de simples faits liés à une branche de physique qui est devenue depuis quelques années doublement intéressante par les belles découvertes auxquelles les substances métalliques elles-mêmes ont donné naissance. / i zr JT. .Z oi>j£zz^t : JiïtafAr. T^rcyrutrwt d’histoire naturelle. 3i5 ae— » OBSERVATIONS Sur la famille des plantes onagraires. Par A. L. JUSSIEU. L’ordre de plantes nommé dans plusieurs ouvrages fa- mille des Onagres du nom de l’un de ses genres les pins connus, et que Yentenat a désigné depuis sous celui des Epilobiènes tiré d’un autre genre, sera peut-être mieux indiqué par la dénomination de famille des Onagraires qui rappelle l’idée du premier nom donné à cette réunion de végétaux, et de l’organisation du genre principal commune à ceux qui lui sont associés, en même temps que par une terminaison différente elle empêche de confondre la partie avec le tout, le genre avec la famille. Les Onagraires sont bien caractérisées par un ovaire ren-* fermé dans le calice et faisant corps avec lui 5 par leurs pétales insérés au sommet de ce calice au-dessous de son limbe, égaux en nombre à ses divisions; par les étamines attachées au même point , en nombre défini , égal ou double de celui des pétales; par le fruit multiloculaire rempli ordinairement de plusieurs graines dont le point d’attache est au sommet de chaque loge ; enfin par l’absence d’un périsperme dans la graine dont la radicule , dirigée supé« 5l6 ANNALES DU MUSÉUM rieurement, est généralement plus longue que les dieux lobes. Ce caractère appartient spécialement aux véritables Onagraires qui ont de plus un seul style, et qui peuvent être divisées en deux sections dont l’une a un nombre d’éta- mines double de celui des pétales, et l’autre un nombre égal. Nous n’avons à présent aucun changement , aucune ad- dition à proposer dans la première de ces sections qui est en même temps la plus nombreuse. La seconde contient quatre genres , savoir le montinia , le serpicula , le circœa et le luclwigia. Ces trois derniers appartiennent certaine- ment à la famille dont ils présentent tous les caractères. Quant au montinia , il mérite un nouvel examen sur des individus bien conservés, pour que l’on puisse vérifier si la différence qui existe dans son port est une indication juste de celle de son organisation. En supposant qu’il doive être écarté , on le remplacera par deux autres genres qui ne peuvent plus s’éloigner de cette famille. Le premier est le trapa , connu vulgairement sous le nom de mâcre ou châ- taigne d’eau, qui avoit été laissé, comme dans les familles de Trianon, parmi les monocotylédones , parce que son embrion avoit paru indiyis, et conséquemment muni d’un seul lobe ; mais ses divers caractères et sur-tout son port le ramenoient près des Onagraires et laissoient soupçonner un embrion à deux lobes. Ce doute exprimé dans les familles d’Àdanson et dans le généra plant arum , a été changé en certitude par l’observation de Gærtner qui a vu ( vol. 1 p. 127 , t. 26. ) dans le jeune fruit deux loges monospermes dont les ovules ou jeunes graines avoient une insertion supé-? fleure, et dans }a graine nuire , seule subsistante, un embrion d’histoire naturelle. 517 sans périspcrme composé d’un très-grand lobe occupant tout l’intérieur, et d’un autre très-petit en forme d’écaille placé au collet de la radicule contre la plumule qu’il cache en partie. Dès-lors le lieu naturel du trapa est invariable- ment fixé entre le circœaz t le ludwigia auprès desquels il a déjà été placé par Yentenat dans son Tableau du règne végétal, rempli d’observations précieuses et de rapproche- mens heureux. Le même a réuni à cette famille le lopesia, genre nou- veau de Cavanilles qui a le port du circæa , et la même or- ganisation dans divers points; mais ces deux auteurs dif- fèrent entre eux dans le nom qu’ils donnent aux mêmes parties de la fleur. Cavanilles décrit un calice à quatre di- visions, cinq pétales dont trois supérieurs droits et deux inférieurs coudés dans leur milieu, une seule étamine pla- cée entre les deux pétales inférieurs et embrassant la base du style avec la partie inférieure de son filet. Yentenat lais- sant aux trois pétales supérieurs leur premier nom, regarde les deux inférieurs différemment construits comme deux étamines avortées; et il admet, dans un calice à quatre di- visions, trois pétales d’un côté de la fleur et trois étamines au côté opposé. Une troisième manière de considérer ces organes paroîtroit plus naturelle et plus conforme à l’or- ganisation de la famille qui offre toujours des pétales en nombre égal à celui des divisions du calice et alternes avec elles. Ainsi puisque le lopesia a un calice quadrifide , il doit avoir quatre pétales, et l’on conservera ce nom, soit aux deux pétales inférieurs coudés et de couleur rouge , soit à deux des pétales supérieurs qui ont la même couleur. Le troisième pétale supérieur intermédiaire qui est blanc et 3. 4« 5i8 ANNALES DU MUSEUM dont la base plus intérieure embrasse un côté du style, peu-* dant que le filet de l’étamine, également blanc, embrasse le côté opposé, paroît devoir être une seconde étamine avor- tée. Dès-lors le lopesia sera regardé comme un genre à quatre pétales et deux étamines, ce qui répugne moins que le nombre non correspondant de Cavanilles et la disposi- tion respective inusitée de Ventenat. La seule différence remarquable entre le lopesici et les autres genres de la même section, consiste en ce que dans ceux-ci les étamines et les pétales sont en nombre égal, et dans la nouvelle plante les pétales offrent l’exemple unique d’un nombre double de celui des étamines. Nous avions joint aux deux sections d’Onagraires précé- demment énoncées, deux autres petites séries de plantes dont l’une, offrant le port et beaucoup de caractères des Myrtées, n’en diffère que par un nombre défini d’étamines ; elle avoit été désignée, par cette raison , sous le nom deMyr- toïdes. Sans changer de place dans la série générale, elle formera peut-être dans la suite une famille intermédiaire distincte , sur-tout lorsque le nombre de ses genres sera augmenté. C’est à elle que se rapportent le fuchsia mairn- tenant si recherché des curieux , le scutula de Loureiro , le memecylon , le sirium , le scinialum , etc. Il faut en sé- parer maintenant Yescallonia qui a la plus grande affinité avec le vaccinium dans les Ericées ou Bruyères, le mouriria d’Aublet ou petalomaàe Swartz , plus voisin des meîastomes selon Richard, le bœckea auquel Gærtner attribue un pé* xisperme charnu qui n’existe pas dans les Myrtoïdes, et peut-être le jambolifera dont le caractère est diversement décrit par les auteurs. D* HISTOIRE NATURELLE. 3iq L’autre série plus éloignée des Myrtéés se distingue des véritables Onagraires par la pluralité des styles qui la rap- proche des derniers genres de la famille des Fico'èdes. Elle contenoit d’abord le mocanera ou visnea de Linnæus fils, le vahlia de Thunberg, et le cercodea de Solandcr, ou haloragis de Forster. A l’époque où ce rapprochement fut fait , nous ne connoissions le mocanera que d’après une des- cription insuffisante; et sans M. Valil nous n’aurions pas eu l’idée d’appliquer ce nom à un arbrisseau des Canaries , dé- signé dans nos herbiers sous le nom de royena , et que le jardinier Riedlé avoit ainsi étiqueté dans sa collection de Ténériffe, tant ses rapports extérieurs avec le royena sont frappans. Ce genre doit donc être séparé des Onagraires , réformé dans quelques points et reporté ensuite aux Ebé- nacées ou Plaqueminiers. Le vahlia n’existe pas en assez bon état dans nos herbiers pour que l’on puisse déterminer sa véritable place dans l’ordre naturel ; son port l’écarte des Onagraires , quoique son caractère décrit l’en rapproche. Le cercodea, mieux placé, tient véritablement le milieu entre les Onagraires et les Ficoïdes, et présente, comme les unes et les autres, le calice adhérent à l’ovaire, portant à son sommet les pétales et les étamines. Il appartient aux premières par son port et par le nombre des étamines , double de celui des pétales; il se rapproche des secondes par la pluralité des styles et la présence d’un périsperme charnu que Gærtner a observé ( vol. 1 , p. i64, t. 32 J. Sui- vant cet auteur, sa graine est recouverte d’une seule mem- brane au lieu de deux qui existent généralement dans toutes les graines ; ce qui paroît faire présumer que son périsperme ' n’est que la membrane intérieure épaissie, Au reste , ce pé- 4a *, 3:20 ANNALES DU MUSEUM risperme, quelle que soit sa nature, pourra déterminer l’existence d’une nouvelle famille intermédiaire entre les deux énoncées, et caractérisée par cette structure de la graine , par la situation de l’ovaire dans le calice , par la pluralité des styles et le nombre défini des étamines. Il existe un autre genre que son port et son caractère rapprochent beaucoup du cercodea , et qui ne peut plus en être séparé ; c’est le proserpînaca qui , regardé probable- ment comme monocotyledone, avoit été placé dans les or- dînes naturelles de Linnæus auprès du potamogeton , dans les familles d’Adanson et de Bernard de Jussieu à la suite de Yhydrocharis. Je l’avois laissé pareillement dans la famille des Hydrocharidées , ne connoissant pas alors cette plante ; mais en meme temps j’annonçois une incertitude sur le nombre des lobes de son embrion. Gærtner décrit ce genre sous le nom de trixis ( vol. i , p. ] i5, t. 24) qui lui avoit été donné d’abord par Mitchell, et qu’Adanson avoit aussi conservé. Il a trouvé dans le centre d’un périsperme charnu un em- brion cylindrique, muni d’une longue radicule et de deux lobes plus petits. Si l’on ajoute à ces caractères un ovaire adhérent, trois étamines attachées au sommet du calice au- dessous de ses divisions en pareil non , trois stigmates sans styles, un noyau recouvert d’un trou et contenant trois loges monospermes , on reconnoît l’affinité de ce genre avec le cercodea dont il diffère seulement par les étamines en nombre égal et non double des divisions du calice, par les loges de son fruit réduits à trois, et sur-tout par l’ab- sence des pétales. Cette dernière circonstance ne s’oppose point au rapprochement de ces genres, puisque dans le tetragonia réuni aux Ficoïdes , et dans quelques ludwigia d’ HISTOIRE NATURELLE. 3-21 parmi les Onagraires on retrouve également des plantes apétales. Le périsperme dont parle Gærtner, qui n’admet en même temps qu’une enveloppe dans la graine, est de la même nature que celui du cercodea. Cependant un carac- tère énoncé par cet auteur , présente un contraste frappant : il dit que dans ce dernier genre la graine est attachée au sommet de la loge, et dans son trixis , c’est au bas de la loge qu’il place cette insertion. Cette différence tendroit à séparer ces genres , d’ailleurs si voisins ; mais Richard a levé la diffi- culté depuis la lecture de ce mémoire, en nous communi- quant l’analyse faite par lui de la fleur et du fruit du pro- serpinaca qu’il nous a permis de faire graver d’après son dessin. (PL XXX f. j ).Ony retrouvera l’attache, lenombre et la forme des parties; on y verra sur-tout que la graine est attachée au sommet de la loge, et la radicule dirigée supérieurement comme dans le cercodea ; ce qui, selon Richard, est un caractère principal dans cette petite série de végétaux. Il fortifie cette affinité en présentant un em- brion plus court qu’il n’est indiqué par Gærtner, et plus semblable en ce point à celui du premier genre. Un troisième, maintenant mieux connu , vient se réunir aux précédens; c’est le myriophyllum ou volant d’eau placé jusqu’à présent parmi les plantes dont la germination tient le milieu entre les Àcotylédones et les Monocotylédon es, et que nous avions associé aux Naïades , en observant néan- moins que si son embrion est dicotylédone et son ovaire adhérent, il devroit être ramené à l’ordre des Onagraires. Ce point a été éclairci par Gærtner qui a changé le doute en certitude pour les deux caractères. Il décrit ( vol. 1 , p. 53 1, t. 58 ) dans le M. spicatum des fleurs mâles et des O 22 ANNALES DU MUSÉUM femelles , tantôt dépourvues, tantôt munies de pétales qu’il ne porte qu’au nombre de deux ; Vaillant, Haller et d’autres en a voient vu quatre, mais cette différence est peut-être une sui te de celle que l’on observe dans le fruit qui a tantôt deux tantôt quatre graines. Richard, qui a aussi examiné ce genre, a compté quatre pétales dans la fleur mâle du M. verticilla - tum , et n’en a trouvé aucun dans la fleur femelle. Desfon- taines a fait la meme observation ; ce qui explique la di- versité des observations relatives à l’existence des pétales. Richard a vu d’ailleurs , comme Gærtner , huit étamines in- séréesau sommet d’un calice à quatre divisions, quatre stig- ma tes sessiles, un ovaire adhérenfc,un fruit à quatre loges mo- nospermes, des graines attachées au sommet de chaque loge , et un emhrion dicotyiédone à lobes courtes, a ra- dicule supérieure plus longue. Il admet aussi unpérisperme semblable à celui des genres précédons, en quoi il diffère un peu de Gærtner qui ne parle que d’une membrane in- térieure épaissie. Comme le dessin de Richard paroît plus complet et plus exact que celui de Gærtner , nous le pré- sentons ici (pi. XXX f. 2) de son aveu , et nous pensonsqu’il confirmera l’affinité de ce genre avec le Gercodea et le pro- serpinaca entre lesquels il peut même servir à établir une transition, puisque sa fleur mâle avec ses pétales ressemble beaucoup à celle du premier, et sa fleur femelle, dépourvue de corolle, se rapproche en ce point du second. Si l’on compare encore l’organisation de ces trois genres avec celle du trapa mentionné précédemment, et du galira que Gærtner décrit, vol. 2 , p. 206, t. 127, on trouvera entre elles beaucoup d’affinité malgré l’absence du péris- penne et la présence des pétales dans ces deux derniers P d’ histoire naturelle. 5s3 et on en conclura avec certitude que les deux genres rap- prochés ici du cercodea , sont aussi voisins des Onagraires. Il faudroit examiner des individus vivans, i.° du genre ammcinia dont plusieurs espèces, semblables par le porta quelques onagraires, s’y rapporteraient entièrement si l’o- vaire étoit reconnu adhérent au calice ; 2.0 du nciias qui a aussi un port semblable, mais dont l’embrion n’a pas été assez examiné ; 3.° du callitriche qui , annoncé par Gærtner (vol 1, p. 53 o , t. 68) comme dicotylédone, paraît avoir beaucoup d’affinité avec les précédens par une organisation conforme en plusieurs points. On devra encore étudier Yhippuris qui , dans les séries réputées naturelles, a toujours été associé comme le rnyrio - phyllum aux plantes aquatiques intermédiaires entre les Acotylédones et les Monocotylédones. Ses fleurs, placées aux aisselles des feuilles verticillées , sont hermaphrodites ou fe- melles; leur calice adhérent à l’ovaire forme au-dessus un petit rebord presque entier, au paroi intérieur duquel est insérée une étamine unique ; un style simple surmonte cet ovaire qui devient un fruit monosperme couronné par le limbe subsistant du calice. Gærtner ajoute que l’embrion cylindrique dont la radicule se dirige vers le bas, est en- touré d’un périsperme charnu , et il ne dit point s’il est entier ou divisé en deux lobes. Richard dans des obser- vations manuscrites dont nous lui devons encore la commu- nication , complète et rectifie celle de Gærtner. Il montre avec exactitude dans son dessin que nous joignons ici ( pi. XXX, fig. 3 ), la situation et la forme des diverses parties. Selon lui , la graine est attachée au sommet de la loge comme dans les genres que nous avons examinés; l’embrion pareille- 024 ANNALES DU MUSEUM ment cylindrique est entouré non d’un périsperme, mais d’une membrane un peu charnue ; sa radicule est dirigée vers le haut , et sa base se divise en deux petits lobes. Faut- il en conclure une analogie de Vhippuris avec les véritables Oaagraires qui n’ont qu’un style, quoique ce genre soit uni- loculaire monosperme, dépourvu de pétales et à calice non divisé ? Auroit-il un rapport plus marqué avec la famille des Chalefs elœagni, également apétale à fruit adhérent et remplie d’une seule graine dont l’embrion dicotylédone est dépourvu de périsperme ? Avant de prononcer sur cette ques- tion, il faut soumettre les Chalefs à un nouvel examen, en séparer une section entière qui formera une famille dis- tincte, et détacher de l’autre section des genres que la présence d’un périsperme ou d’autres considérations doivent faire porter ailleurs. Lorqu’elle sera ainsi dégagée de ces associations étrangères, on connoîtra mieux ses rapports, et on jugera peut-être que Vhippuris qui a quelques carac- tères communs avec elle, en cache d’autres plus importans qui l’éloignent et qui sont indiqués par un port différent et des habitudes contraires. Explication des figures de la Planche XXX. F. 1. a. Fleur du proserpinaca grossie, b. La même dont le limbe du calice est entrouvert pour montrer les trois étamines et les trois styles, c. Etamine séparée. d. Fruit coupé en travers , divisé en trois loges, e. Le même coupé perpendicu- lairement , dans lequel on voit l’attache des graines, f. Graine coupée en travers , laissant apercevoir la situation respective de l’embrion et de son périsperme. g. La même coupée dans sa longueur , montrant l’embrion entier, h. Embriou séparé. F. 2. a. Fleur mâle grossie du myrîophyllum verticillatum , munie de ses pé- tales et de ses étamines, b. La même dont on a ôté les pétales et les étamines d’ HISTOIRE NATURELLE. 02 5 pour laisser voir leur point d’attache, c. Etamine séparée, d. Fleur femelle grossie, dépourvue de pétales et d’étamines, couronnée par les dents du calice et lès quatre stigmates, e. Son fruit grossi , coupé en travers , contenant quatre loges, f. Le même coupé dans sa longueur pour montrer l’attache des graines, g. Graine séparée. 7i. La même coupée dans sa longueur, montrant la situation de l’embrion. i. La même coupée en travers. F. 3. a. Portion d’une tige d ’hippuris vulgaris garnie de ses feuilles et de ses fleurs de grandeur naturelle, b. Fleur séparée et grossie, c. Etamine séparée. d. Ovaire coupé dans sa longueur, dans lequel on voit la situation de la graine. e. Fruit de grandeur naturelle./-. Le même grossi, g. Le même coupé en travers. li. Le même coupé dans sa longueur pour montrer l’embrion. F. 4. a. Fleur grossie du Lopezia, dans laquelle on voit au-dessus de l’ovaire les quatre divisions du calice , les deux pétales supérieurs droits , les deux infé- rieurs coudés dans leur milieu, le style dont la partie inférieure est entourée immédiatement d’un côté par la base élargie du filet de l’étamine fertile , de l’autre par celle du filet stérile qui a la forme d’un pétale, b. Un des pétales supérieurs, c. Un des inférieurs, d. Ovaire surmonté de son style entouré des deux étamines. 326 ANNALES DU MUSÉUM NOTICE Sur V introduction des Bruyères en Europe , et sur leur culture dans les Jardins. (1) Par A. T H O U I N. Le genre clés bruyères , considéré sous le rapport d’agréw ment, doit être mis en première ligne avec les protéa, les diosina et les daphnés , dans les jardins consacrés à la cul- ture des plantes étrangères. Presque toutes les espèces qui le composent sont originaires d’Afrique. L’Ethiopie , le Cap de Bonne-Espérance, les montagnes des îles de France, (1) Cette notice doit faire suite au Mémoire sur les bruyères, imprimé dans le second volume des Annales du Muséum , pag. 444. Elle n’a pour objet que d’in- diquer les grandes collections d’espèces vivantes de ce genre , qui existent en Europe. Pour les détails sur l’époque de l’arrivée de chacune des espèces en particulier, on peut consulter i.° une dissertation de Jaeq. Beruh. Struve , pu- bliée sous la présidence de M. Thunberg en 1785, dans laquelle on trouvera le nom de tous les auteurs qui ont traité des bruyères jusqu’à celle époque, avec l’indication deleurs ouvrages -, 2.0 Vhortus kewensis de M. Alton, qui fait connoître les botanistes, les voyageurs ou cultivateurs qui ont introduit ces plantes en, Angleterre jusqu’en 1789, époque delà publication de son. ouvrage ; 3.° et enfin r le bel ouvrage de M. Andrews, dans lequel se trouve peinte avec élégance, une partie de ces arbrisseaux. I)’ HISTOIRE NATURELLE. 027 de la Réunion et de Madagascar, en fournissent plusieurs centaines d’espèces. L’Europe n’en a offert aux recherches des botanistes qu’une vingtaine, y compris leurs variétés. L’Asie 11’en a produit que trois à quatre, et jusqu’à présent on n’en a pas découvert une seule dans toute l’Amérique. Ce genre si nombreux en espèces a donné son nom à la famille naturelle des bruyères que quelques botanistes ont nommé bicornes, en raison de la configuration des étamines d’un grand nombre d’entre elles. Il fait partie de la classe de i’octandrie monogynie de Linnæus. Les bruyères sont des arbustes, des sous-arbrisseaux et de grands arbrisseaux qui s’élèvent depuis 1 décimètre jusqu’à 6 mètres (4 pouces jusqu’à 20 pieds). Leur verdure de différentes teintes, est en général très-agréable à l’oeil, et se conserve toute l’année avec divers degrés d’intensité, suivant le cours des saisons. Leur porta de la grâce ; quelques espèces forment de petites touffes arrondies et aplaties contre terre, lesquelles composent des tapis serrés de plusieurs lieues d’étendue; d’autres des buissons touffus de figure pittoresque, et le plus grand nombre prend des formes pyramidales très-va- riées. Mais c’est sur-tout par la forme, la multitude et l’éclat de leurs fleurs, que les’bruyères sont remarquables. Leur forme est pour l’ordinaire sphérique ou ovale et d’un volume plus ou moins considérable. Il s’en trouve qui ont depuis la grosseur d’une tête d’épingle jusqu’à celle d’un gros pois. D’autres espèces ont leurs fleurs en forme de tube , dont quelques-uns ont jusqu’à 4 décimètres( 1 pouce et demi) de long. Leur couleur est extrêmement variée ; on en voit d’un vert herbacé, de blanches, de violettes, de lilas, de jaunes, d’aurore, de ponceau, de rouge et de couleur de feu très- 43* 528 ANNALES DU MUSEUM éclatante. Chacune de ces fleurs , avant que d’arriver à sa couleur la plus intense, passe par toutes les teintes qui lui appartiennent; de manière que l’arbuste qui les produit offre un bouquet dont les couleurs sont agréablement nuan- cées; elles, sont d’autant plus apparentes , qu’elles tranchent avec le vert foncé et souvent rembruni , des feuilles qui les accompagnent. Ces arbustes, en outre, joignent à cet avan- tage celui de fleurir jeunes; de conserver leur fleur quel- quefois pendant un mois, et de produire des fleurs, suivant les espèces, dans toutes les saisons de l’année; il en est même plusieurs qui fleurissent deux fois par an. Ce sont toutes ces qualités, difficiles à réunir dans un même genre, qui rendent ces arbrisseaux si propres à l’ornement des serres, qui les font rechercher desamateurset leur font désirer de pouvoir rassembler le plus grand nombre d’espèces qu’il est possible. L’Europe, comme nous venons de le dire, ne possédoit qu’une vingtaine d’espèces ou variétés de bruyères; mais répandues dans diverses contrées, on ne lestrouvoit jamais réunies dans les jardins de botanique, même les mieux assortis. Ce ne fut que vers l’année 1771 que MM. Lée et Kennedy reçurent du cap de Bonne-Espérance les graines de Yericci tubiflora et abietina, qu’ils parvinrent à faire lever. La vue de ces belles espèces inspira le désir de s’en procurer un plus grand nombre , et ce désir ne tarda pas à être satisfait en partie. M. Masson , botaniste voyageur , fit passer dans sa patrie, en 1774, parmi un grand nombre d’autres plantes nouvelles, beaucoup d’espèces de bruyères inconnues: de ce nombre sont les èrica curviflora , lutéa , cruenta , perso luta 3 baccans , marifolia , corifolia , parti- culata , empetrifolia , spumo sa , capitata , conspicuct, ce - d’ HISTOIRE NATURELLE. 329 rlnthoïdes , viscaria, pluknetii , petio lata , petiverii , et plu- sieurs autres non moins intéressantes. Le mérite encore plus distingué de la plupart de ces espèces ne fît qu’accroître l’envie d’en posséder une plus grande quantité. Les Hol- landais, possesseurs du cap de Bonne-Espérance, en firent venir un grand nombre, et les répandirent, par le com- merce , dans différens jardins de l’Europe. Les voyages de MM. Sparmann , Thunberg et autres bo- tanistes, tant au cap de Bonne-Espérance, qu’aux îles de France, de la Réunion et de Madagascar, augmentèrent le nombre des espèces connues, et le portèrent à soixante- quatorze. Les noms de ces nouvelles espèces sont consignés dans le Systema vegetabilium de Murray, édition de 1784. Depuis ce temps , le zèle des voyageurs de toutes les na- tions ne s’étant pas ralenti, le nombre des espèces s’est ac- cru dans une proportion considérable. Willdenow dans l’édition du Species plantarum de Linnæus qu’il a donnée en l’an VIII (ou 1799 ), le porte à cent trente-sept espèces différentes. Il étoit difficile de croire qu’en trois années cette col- lection pût être augmentée de cent espèces: c’est cependant ce qui est arrivé. M. Hibbert possédoit dans son jardin de Claphan, en Angleterre, au mois de germinal an X( avril 1801 ),deux cent trente-six espèces de bruyères; elles lui ont été envoyées en graines ou apportées en nature par M. Niven, botaniste, voyageur aussi instruit qu’infatigable. Cette collection est sans doute la plus nombreuse de toutes celles qui existent vivantes en Europe. Après elle, vient celle de MM. Kennedy et Lée; elle renferme deux cent vingt' huit espèces distinctes ; celle de Kew occupe letroi- 55o Annales du muséum sième rang, et il en est beaucoup d’autres en Angleterre qui sont inférieures à cette dernière. Après ces immenses collections de bruyères , viennent celles des Hollandais : elles sont moins nombreuses qu’en Angleterre, et ne contiennent pas autant d’espèces. On es- time par les dififérens catalogues qu’on possède des assorti- mens qui se rencontrent dans cette République, qu’il s’y trouve environ cent quatre-vingt espèces ou variétés dé- terminées. En Franee, on est plus arriéré sur la possession des bruyères vivantes; on y compte quatre collections remar- quables , savoir ; celle de madame Bonaparte à la Mal- maison ; celles des citoyens Cels ^t Dumont-Courset, et celle du Muséum national d’histoire naturelle. Ces quatre collections réunies présentent à-peu-près cent soixante es- pèces ou variétés distinctes et caractérisées. Les collections de l’impératrice de Russie à Pétersbourg, et de l’empereur d’Allemagne à Sehoenbrun , acquises en Angleterre et en Hollande, peuvent s’élever à une cen- taine d’espèces ; enfin beaucoup d’autres jardins de l’Eu- rope renferment des assortimens de bruyères choisies parmi les espèces les plus remarquables pour la beauté de leur port et l’éclat de leurs fleurs, mais aucun d’eux ne peut entrer en comparaison, pour la quantité des espèces, avec les collections que nous avons citées plus haut. Quoique le nombre des bruyères cultivées en Europe soit très-considérable, on est encore fort éloigné de possé- der toutes les espèces connues qui existent et qu’on peut se procurer. Si l’on consulte les herbiers de Commerson , de Sonnerat, de Chapellier f de Brugnière, de M. Hibbert, ü’ HISTOIRE NATURELLE. 55 1 du citoyen Bory-Saint-Vincent et autres botanistes et voya- geurs, on s’assurera qu’il peut être augmenté de plus du double en belles espèces aussi agréables que celles que nous possédons. Celles des montagnes des îles Canaries, de la Réunion et de Madagascar sont remarquables par leur haute stature. Plusieurs sont de grands arbrisseaux dont les tiges acquièrent la grosseur de la jambe, et forment des buissons touffus d’une verdure perpétuelle; l’un de ces derniers se couvre d’une multitude de fleurs de couleur lilas tendre, extrêmement douces à la vue. Quelques voyageurs assurent que le miel vert si estimé par son parfum et ses qualités , est recueilli par les abeilles de Madagascar, sur plusieurs espèces de bruyères qui croissent sur les hautes montagnes de cette grande île. Ces insectes d’une part, qu’on assure être d’une espèce différente des nôtres, et de l’autre la pos- session de ces beaux arbrisseaux, sont bien dignes d’exciter l’ambition des Européens parles avantages qui résulteroient de leur naturalisation , soit pour l’agrément , soit pour l’utilité. La culture des bruyères exotiques est encore peu connue en Europe ; elle y est regardée comme difficile , et c’est la raison pour laquelle ces arbustes sont si peu répandus dans les jardins de cette partie du monde. En Angleterre, elle est plus avancée que par-tout ailleurs : ce sont MM. Lée et Kennedy qui ont le plus contribué à la perfectionner. Nous allons indiquer les procédés qu’ils employent, et qui nous ont été communiqués en partie par M. Joffrin; nous y ajouterons ceux que l’expérience nous a fait reconnoître avantageux. Les bruyères, comme la plus grande partie des végétaux 532 ANNALES DU MUSÉUM ligneux, se multiplient de graines , de boutures et de mar- cottes. La multiplication par les graines est la plus lente, mais la plus abondante , celle qui procure des sujets plus vigoureux et de nouvelles variétés plus pu moins intéres- santes. La voie des boutures est la plus éxpéditive ; elle ac- célère la jouissance de plus d’une année, mais elle ne fait que propager les espèces qu’on possède déjà. Quant à celle des marcottes, elle est peu employée par la raison qu’elle est moins productive; que les jouissances qu’elle promet sont plus tardives et plus incertaines , et qu’elle occasionne sou- vent la perte des individus dont on a marcotté les rameaux ; aussi est-elle presque généralement abandonnée : nous n’en parlerons donc pas ici; d’ailleurs elle n’offre aucun procéd qui lui soit particulier. Nous ne croyons pas que l’art de la greffe ait été employé jusqu’à présent pour la multiplica- tion de ces arbrisseaux; il pourroit cependant être de quel- qu’utilité pour propager des espèces rares qui poussent foi- blement et ne fructifient pas dans notre climat. La bruyère à balai ( erica scoparia Lin. ) paroît devoir fournir un bon sujet dans les pays où cette espèce est abondante. Les graines de bruyères perdent promptement leurs pro- priétés germinatives lorsqu’elles sont nues et séparées de leurs capsules ; mais elles la conservent plus d’une année 'quand elles sont renfermées dans leur enveloppe, et qu’elles restent attachées aux rameaux qui les ont produites. Le temps le plus favorable à leur semis, est vers le 25 ventôse, à l’approche du printemps. On choisit des pots de terre cuite, d’une grandeur proportionnée à la quantité de se- mences qu’on possède de chacune des espèces , de manière que les jeunes plants se trouvent très-rapprochés les uns * d’ histoire naturelle. 353 des autres, sans cependant se nuire mutuellement. Il vaut mieux que les pots soient plus petits que trop grands, parce que l’humidité surabondante que ces derniers récéleroient long-temps , feroit périr les jeunes plantules à mesure qu’elles naîtroient. On met au fond de chacun des vases, de menus tessons de pots jusqu’à la hauteur de 8 décimètres (3 pouces) au-dessous de leur bord supérieur ; ensuite on remplit le reste du vide avec du terreau de bruyère passé au tamis fin. (î) On le comprime assez fortement pour qu’il 'forme un plancher qui ne laisse que de très-petites cavités dans son intérieur , et on l’unit exactement à la surface. Les graines séparées de leurs capsules doivent être répandues le plus exactement possible sur toute la surface de la terre du vase qui doit être d’environ i5 millimètres (6 lignes) au-dessous de son bord supérieur. Enfin pour terminer le semis, on répand sur les graines autant de terreau de bruyère qu’il en faut pour les cacher lorsqu’elles sont très- fines, comme celles de Yerica cinereah.) et l’on recouvre à- peu-près du double de cette épaisseur celles qui, comme les semences de l’mca pluhnetii L. sont plus grosses. Quelques personnes recommandent de couvrir la terre des semis d’une légère couche de mousse fraîche (2) pour entretenir une humidité favorable à la germination des graines. Nous avons employé ce moyen avec succès , mais il en résulte (1) On peut consulter notre mémoire publié dans la collection des mémoires de l’Académie royale des sciences, imprimé en 1787 , sur l’usage du terreau de bruyère dans la culture des arbres étrangers, page 48 1 et suivantes. (2) Voyez l’intéressant ouvrage du citoyen Dumont-Courset, intitulé ; le Bota- niste cultivateur, tom»2,pag. 283# 3. 44 534 ANNALES DU MUSÉUM quelquefois un inconvénient grave ; la mousse renferme sou- vent une très-grande quantité de germes d’animalcules qui , se développant par l’humidité chaude du lieu où l’on place les semis , mangent et détruisent les plantules à mesure qu’elles naissent. Le moyen de remédier à cet inconvénient , est de faire passer la mousse dans un four échauffé à 60 degrés environ, et de l’y laisser pendant 10 minutes. On est bieiLsûr alors qu’elle ne récèle ni insectes vivans ni oeufs susceptibles d’en produire , et elle n’en est pas moins propre à remplir l’objet qu’on se propose, qui est d’abriter de la trop vive lumière , les semences au moment de la ger- mination. Les semis une fois faits, il faut que les vases qui les con- tiennent soient placés le plus horizontalement possible sur une couche tiède couverte d’un châssis, et enterrés jus- qu’au niveau de leurs bords supérieurs dans le terreau de la couche. Les arrosemens doivent être fréquens, mais très-légers,, pour ne pas découvrir les graines et les faire couler hors des vases. On se sert d’un arrosoir à pomme bombée, dont les trous sont très-petits , et qui, versant l’eau en forme de rosée, imbibe la terre sans la battre et sans déranger les graines de leur place. Cette opération doit être répétée trois ou quatre fois par jour jusqu’à ce que les graines ^yant germé, les feuilles séminales des jeunes plantules commencent à sortir de terre ; alors on modère les arro- semens, et on ne les administre qu’en proportion du besoin des jeunes plants. Il est essentiel à la réussite de ces semis de renouveler souvent l’air des châssis sous lesquels on les tient : pour cet effet , on lève les vitraux des châssis toutes D- HISTOIRE NATURELLE. 535 les fois que le temps est doux , qu’il ne tombe pas de pluie trop abondante , et que les rayons du soleil ne sont pas tropardens; il faut, au contraire, les en garantir avec soin par des paillassons à claires-voies, des nattes, pet mieux encore par des toiles de canevas très-claires ; au moyen de cette culture, les jeunes plants croissent et s’élèvent, et lorsqu’ils ont atteint la hauteur de 4 ou 5 centimètres ( i pouce et demi à 2 pouces,) on les transplante avec les pré- cautions qui seront détaillées ci-après. Toutes les bruyères se propagent plus ou moins par la voie des boutures , mais leur réussite exige des soins as- sidus et quelques procédés particuliers : nous allons indi- quer les plus essentiels. La saison la plus favorable à leur reprise est celle dans laquelle les arbustes entrent en végé- tation, et lorsqu’ils y sont depuis huit à dix jours, cequ’on reconnoît aisément aux jeunesbourgeonsde2 à 4 millimètres de long(i à 2 lignes) qui poussent à l’extrémité des ra- meaux, et qui sont d’une teinte de verdure plus tendre que celle des branches. On choisit des bourgeons , longs d’environ 26 millimètres ( 1 pouce) sains et vigoureux; on les sépare de leurs branches sans les couper , mais bien en les arrachant de haut en bas, afin qu’il reste à leur base le petit noeud qui les attache à leur tige, et même une lé- gère portion de celle-ci pour former ce qu’on appelle le talon de la bouture. Si l’on a lieu de craindre que cette opération ne nuise à l’existence de l’arbuste sur lequel on l’a fait , ce qui arrive souvent lorsque les individus sont jeunes et fluets, on coupe de jeunes branches avec la ser- pette , et l’on en éclate les rameaux propres à faire les boutures. Celles-ci doivent être dépouillées depuis leur base 44 * 336 ANNALES DU MUSEUM ou leur talon jusques vers les 2 tiers de leur hauteur, des feuilles qui les couvrent ordinairement , et pour faire cette opération, on se sert de ciseaux fins qui coupent les feuilles à rase des rameaux , sans déchirer leur épiderme. Les vases les plus propres à la réussite des boutures de bruyère, sont les pots de terre cuite, minces, un peu poreux, et d’environ 2 décimètres ( 7 pouces et demi ) de diamètre par le haut ; on les remplit à moitié avec de menus tessons de pots et de la même manière que ceux pour les semis ; mais la terre destinée à combler le vase doit être préparée d’une manière différente : il faut qu’elle soit plus compacte et plus forte ; on la compose d’un tiers de terre grasse, douce au toucher et un peu sablonneuse , et de deux autres tiers de terreau de bruyère, le tout passé au crible et mêlé ensemble le plus exactement possible. Après l’avoir com- primée modérément dans le vase, on y plante les bou- tures avec un plantoir ; elles doivent être enfoncées en terre d’environ les 2 tiers de leur longueur, et espacées entre elles d’à-peu-près i3 millimètres (un demi pouce ) dans toute la surface de la terre et jusqu’à 56 millimètres ( 1 pouce) du bord du pot. 11 convient que la terre soit bien affermie autour des boutures , et que le bord du vase la surmonte d’à-peu-près i5 millimètres ( 6 lignes). L’opéra- tion de couper les boutures , de les préparer, de les plan ter et de les abriter de l’air ambiant, doit se faire instantané- ment • et si l’on étoit forcé de mettre quelqu’intervalle entre la coupe et la plantation, il faudroit tenir les jeunes rameaux enveloppés de mousse fraîche, pour empêcher qu’ils ne se desséchassent avant que d’être plantés. La plantation faite, on arrose copieusement les pots^ de î>’ HISTOIRE NATURELLE. Ù O? manière à imbiber la masse de terre qu’ils contiennent ; en- suite on les enfonce jusqu’à leur bord supérieur dans le terreau d’une couche chaude de i5 à 18 degrés. Après cela, on couvre la terre de chaque pot de boutures , avec de pe- tites cloches de verre blanc ou des entonnoirs de pareille matière. Il convient que ces cloches ou entonnoirs soient d’un diamètre de i3 millimètres ( 6 lignes) moins grands que celui des pots, et qu’ils soient enfoncés en terre de 9 millimètres (4 lignes ) pour empêcher l’entrée de l’air exté- rieur. Par la même raison , on bouche avec un morceau de liège l’orifice du tube de l’entonnoir, si l’on a donné la pré- férence à cette sorte de vase. A notre avis elle la mérite, i.° parce qu’au moyen du tube dont on ouvre ou ferme l’ou- verture à volonté , on a la possibilité de renouveler l’air des boutures et de laisser échapper au dehors les gaz qui se développent par la fermentation de la terre et de la végé- tation ; 2.0 et parce qu’on les trouve plus communément , qu’ils coûtent beaucoup moins et remplissent le même objet que les cloches. Les boutures étant couvertes de leurs en- tonnoirs, on recouvre ceux-ci avec des cloches d’un verre épais et obscur assez grandes pour renfermer cinq entonnoirs ou petites cloches de boutures, ou trois au moins, rangées dans une forme circulaire. A défaut de ces grandes cloches qu’on rencontre rarement en France, on peut se servir de châssis ordinaires, mais ils ne sont pas aussi favorables à la réussite de l’opération. Les soins à donner aux boutures consistent j .° à entretenir, sous les grandes cloches ou sous les châssis , une tempéra- ture de 12 à i5 degrés de chaleur; 2.0 à les abriter des rayons du soleil pendant les huit ou dix premiers jours d® 538 ANNALES DU MUSÉUM- leur plantation , à les en préserver seulement depuis neuf heures du matin jusqu’à trois de l’après-midi dans les six jours suivans, et à les en garantir pendant les deux ou trois heures les plus chaudes de la journée, les quatreoucinq derniers jours de leur reprise ; 3.° à les visiter souvent pour voir si la terre des vases ne se dessèche pas trop, et dans ce cas pour l’humecter en faisant couler de l’eau entre le bord du pot et celui de la cloche qui le recouvre particulière- ment. Cette précaution est nécessaire , sur-tout après les dix premiers jours que les boutures ont été faites. S’il s’établis- soit sous les cloches une humidité surabondante qui don- nât lieu à la croissance de la moisissure ( mucor ou bissus), ce qui arrive souvent, il fau droit alors lever les cloches de dessus les boutures , laisser celles-ci pendant quelques ins- tans à l’air libre en les garantissant du contact de la lumière vive, diviser la terre de la surface des pots jusqu’à 6 ou 9 millimètres (3 ou 4 lignes) de profondeur , avec une mince spatule de bois , et enlever les feuilles tombées et les bou~ tures qui n’ajant pas repris , seroient mortes. Au bout de vingt ou vingt-cinq jours on est à-peu-près sûr de la réussite des boutures qui n’ont perdu qu’une par^ tie de leurs feuilles et dont la végétation s’est continuée. Il n’est pas rare d’en voir, après cet espace de temps, dont les rameaux se sont alongés de plusieurs centimètres ( 1 p. ou 2), alors il convient de renouveler l’air souvent , de les accoutumer par degrés à supporter la lumière du soleil et de les arroser légèrement pour activer leur végétation. Lors- qu’elles sont bien reprises , on supprime les cloches , on les retire des châssis et on les met en plein air à l’abri du hâle et des coups de soleil du midL D* HISTOIRE NATURELLE. 03$ La transplantation des jeunes bruyères , provenues de boutures ou de semis, n’est pas sans danger ; cependant il y a moins de risques à courir lorsqu’elles sont jeunes et bien enracinées, que lorsqu’elles sont fortes et boiseuses. Le moment le plus favorable à leur réussite est, comme pour toutes les boutures , celui où elles commencent à entrer en végétation. On dépote les jeunes plants réunis dans un seul vase , et après avoir enlevé la motte de terre qui reste moulée sous la forme du vase qui la contenoit, on en sépare la masse de tessons qui garnissoit le fond du pot; ensuite, à l’aide d’un couteau bien tranchant, on taille autour de chaque arbuste une petite motte de terre dans la- quelle se rencontre le plus de racines qu’il est possible. A mesure qu’on détache ces jeunes plants de la masse de terre principale, on les plante séparément. Les plus petits pots, c’est-à-dire ceux de 8 centimètres ( 3 pouces de diamètre ) doivent être préférés pour ce premier empotage; de plus grands vases en récélant une humidité trop stagnante, nui- roient à la végétation de ces plantes délicates, et en feroient périr un grand nombre. La terre qui leur est la plus favo- rable est celle qui a été composée comme pour les boutures ; seulement elle doit être un peu moins fine, afin d’être plus en rapport avec l’âge et la force des plants. Les jeunes individus provenus de semis ne pouvant être séparés de la même manière que ceux obtenus de boutures, parce qu’ils sont souvent très-rapprochés les uns des autres, on emploie un autre moyen. Après avoir dépoté la motte de terre dans laquelle ils se trouvent , on la presse doucement entre les deux mains, de telle sorte que la terre qui entoure les racines des plantules s’écoule elles laisse libres, sans qu’il 54o ANNALES DU MüsiüM s’en rompe qui soient nécessaires à leur reprise. On les étend à l’ombre sur une terre humide, et on les recouvre d’une légère couche delà même terre , de mousse fraîche ou d’un linge mouillé. Cette précaution est essentielle pour empêcher que l’air ne dessèche le chevelu fin, délié et d’une consistance sèche, dont les racines de ces arbustes sont garnies ; ce qui ne manqueroit pas d’arriver en moins d’un quart-d’heure si elles restoient exposées à l’air libre par un temps sec. On prend ensuite chaque jeune plant parle colet de sa racine, on le. place au milieu d’un vase de la dimension indiquée ci-dessus, au fond duquel on a mis un tesson de pot pour faciliter l’écoulement de l’eau, recouvert de i3 millimètres (6 lignes ) de terre. On contourne les racines dont la longueur est plus considérable que la hauteur du vase, et l’on remplit le reste de terre jusqu’à son bord supérieur; on la tasse pour l’affermir autour des racines, et n’y point laisser de vide , et on l’arrose copieusement. Ces jeunes plants doivent ensuite être placés sur une couche tiède, couverte d’un châssis ombragé et gouverné comme tous les autres arbustes délicats nouvellement trans^ plantés. Lorsque leurs racines remplissent la capacité de leur pot et qu’ils commencent à ne pousser que foiblement, on les change et on les place dans des vases plus grands, mais de quelques millimètres (ou lignes) seulement ; je le répète, il périt un plus grand nombre de ces plantes pour avoir été mises dans un trop grand vase, qu’ils n’en meurt pour avoir été placées un peu trop à l’étroit. A l’approche de l’hiver , on rentre les bruyères , savoir , les jeunes individus d’un à deux ans , sous des châssis abrités du nord et bien exposés au midi , et les arbustes assez forts pour d’histoire naturelle. 54 i donner des fleurs, dans des serres sèches; les plus propres à leur conservation sont celles orientées au midi , dérivant un peu vers l’est, de 2 tiers plus hautes que profondes, vi- trées par-dessus et dans toute leur surface du côté du midi , et garnies de gradins qui couvrent le mur de fond et qui soient propres à recevoir ces arbustes. L’air doit y être renouvelé le plusfréquemmentpossible, et la température entretenue par le moyen du feu à 6 ou 8 degrés. L’humidité stagnante est plus à craindre pour ces plantes que le froid ; elles peuvent éprouver passagèrement un degré ou deux au-dessous de zéro sans en être sensiblement affectées. Les bruyères produisent un effet plus agréable à l’œil lorsqu’elles sont réunies ensemble que quand elles sont mê- lées avec d’autres arbustes qui ont les feuilles larges, qui sont plus élevés et d’une nature plus robuste ; et en général elles prospèrent davantage. La délicatesse et l’élégance de leur feuillage contrastent trop avec les feuilles volumi- neuses des autres plantes , auxquelles elles donnent un port roide et pesant,tandisque celles-ci attirant l’œil parleur masse considérable, font paroître les bruyères petites et chetives. Les unes et les autres ne peuvent donc que gagner à être séparées ; d’ailleurs il n’est pas douteux que le mélange des bruyères avec d’autres plantes beaucoup plus robustes ne nuise à leur végétation. Les plantes robustes ne sont telles en général que parce qu’elles ont une grande quan- tité de vaisseaux absorbans répandus sur leurs feuilles, sur leurs branches et sur leurs tiges , lesquels tirent de l’at- mosphère les fluides aériformes qui contribuent en grande partie à leur vigueur; mêlées dans une même serre dont ’atuitOsphère est très-circonscrite, avec des arbustes fluets 3. 45 Y 542 ANNALES DÜ MTJSÊUIil dont les feuilles pour la plupart linéaires, n’ont qu’un petit nombre de vaisseaux absorbans, fort rétrécis, elles tirent à elles seules les gaz nourrissans qui s’y rencontrent, et les autres en sont privées ; de plus , ces plantes voraees ab- sorbent une grande quantité de l’eau des arrosemens qu’on est obligé de leur donner souvent; celles qu’elles rendent parla transpiration, dans l’obscurité, ayant été dénaturée par l’organisation végétale, se répand dans l’atmosphère de la serre, vicie l’air qui produit sur les végétaux le même effet que sur les animaux. Il en résulte que les bruyères qui aiment un air vif et pur, se trouvant dans une atmos~ phère épaisse et corrompue , languissent et périssent sou- vent. Cesinconvéniens dont on a senti les effets, sâns se donner la peine d’en rechercher les causes, ont fait que dans les jardins de goût où l’on attache du prix à la possession des bruyères, on les mêle rarement avec des arbrisseaux de nature plus robuste. L’été on en compose des masses en plein air, abritées du soleil du midi par l’ombrage léger de grands arbres assez éloignés pour que leurs racines ne viennent pas s’emparer des banquettes de terreau de bruyère dans lesquelles on met les plantes avec leurs pots, et l’hiver on les rentre dans de petites serres dont elles composent à elles seules la décoration, tout au plus on leur adjoint les hrunia , passerina , melaleuca , leptospermum , métro si-* «Zéros, quelques mimosa de la Nouvelle-Hollande, et autres arbustes de cette nature. C’est le moyen de jouir le plus agréablement et le plus complètement possible de ces char- inans arbrisseaux. 343 D’ HISTOIRE NATURELLE. SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles des environs de Paris. Par LAMARCK, a 2. Cérite à ombrelles. Cerithium ( umbrellatum ) anfractibus supernè carinâ dentitulatâ coronatis ; marJ. gine inferiore dilatato , crenato ; spirâ apice muticâ subpunctatâ. n. L. n. Grignon. On peut regarder cette coquille comme une espèce bien dis- tincte de toutes les autres \ parce qu’elle est la seule connue qui ait au bord supérieur de chaque tour de la spire une carène dentelée un peu inclinée en parasol , et dont le bord inférieur des tours soit dilaté , crénelé et appuyé sur la couronne du tour suivant. Le milieu des tours est lisse , et nulle part on n’observe de stries transverses. La spire vers son sommet est mu tique, elle n’est point hérissée de dents , mais est simplement ponctuée. La longueur de cette coquille est de 35 millimètres. Mon cabinet. Cérite lamelleus. Vélin , n. 11, fig. 2. Cerithium ( lamellosum ) turritiim , longitudinaliter costatum subplicalum ; slriiâ transversis distantibus ; utlimo anfractu basi trilamelloso. n. Cerithium lamellosum. Brug. dict. n.° 22. Jj. n. Grignon. C’est une très-jolie espèce et qui est des plus faciles à recon- noître par le caractère singulier des trois lames qui courent transversalement sur la base du tour inférieur , et qui y forment trois carènes. Comme Bruguière en a donné une description complète , je me bornerai à dire que les plus grands individus ont 44 millimètres de longueur* Mon cabinet, ' T . ' ‘ ) : ) î • ’ ri y 4. Cérite tiare. Vélin , n.° n,fig. 4. Cerithium (thiara) turritum ; anfractibus supra planis } tulerculoso-coronatis ^ pmnibus transversè striatis ; aperturâ obliqua, n, 45 * 544- ANNALES DU MUSEUM /?. Id. Anfractibus inferioribus infrà coronam sublœvibus ; êupremis costatis et striatis. Vélin , n.° n ^ fig. 6. y. Id. Anfractibus omnibus vix striatis. L. n. Grignon , Courtagnon, Betz , etc. Les plus grands individus de cette es- pèce n’ont que 24 ou 525 millimètres (à peine n lignes) de longueur. Dans toutes les variétés l’espèce se fait remarquer par la forme cylindrique et sans convexité jle ses tours de spire ; par leur bord supérieur épais , aplati en des- sus , et couronné de tubercules saillans ; enfin par l’ouverture petite, oblique, à canal très-court et à bord droit arrondi en aile. Cette cérite à un aspect particulier qui la distingue. Mon cabinet. 15. Cérite changeant. Vélin , n.° i4 , fig. i3. Cerithium ( mutabile ) anfr ctibus transversè tristriatis : infimorum stria supremâ tuberculato coronatâ ; superiorum slriis omnibus subœqualibus punctatis . n. /3. Id. Granulis sfriarum transver s arum eminentioribus. y. Id. Anfractibus infimis vix coronatis. L. n. Grignon. Les variétés de cette espèce rendent ^on caractère assez difficile à saisir. Néanmoins on la reconnoîtra i.° en ce que sur chaque tour elle a trois stries transverses ; 52.° en ce que dans les tours inférieurs la strie supérieure porte des tubercules élevés et écartés qui couronnent le tour, les deux autres étant plus fines , inégales, ponctuées ou granuleuses; 3.“ enfin en ce que dans les tours supérieurs de la spire les trois stries sont presque égales et simple- ment ponctuées. La longueur de la coquille n’excède pas 34 millimètres. C’est peut-être le cerithium coronatum de Bruguière , dicl. n.° 32 , et dans ce cas il prenoit le bord inférieur de chaque tour pour une quatrième strie ou cote transverse. 1 6. Cérite demi-couronné. Vélin , xi.° i3 ,fig. 2. Cerithium ( semi-coronatum ) turritum ; anfractuum striis transversis tribus gra- nosis : superiore tuberculatâ ; columellâ uniplicatâ. n. L. n. Grignon. Celte espèce semble tenir le milieu entre la précédente et celle qui suit. C’est une coquille turriculée conique , longue d’environ 4o milli- mètres , ayant sur chaque tour de la spire 3 stries transverses, granuleuses, inégales, et dont la supérieure plus épaisse et tuberçuleuse rend le sommet du tour comme couronné. Dans la partie supérieure de la spire, les stries granuleuses sont plus égales ; il semble même que les tours soient renversés, les stries de leur base s’élevant graduellement plus que les autres. L’ouver- ture est très-courte ainsi que son canat; on voit un plis sur la çolumelle. Cabinet de M. Defrançe. J’en possède un individu trouvé à Saint- Chaumont. 545 d’ H I S T O 1 H E NATURELLE. 17. Cérite cerclé. Vélin , n.°. i4, f. 11. Ceritliium (cinctum) conico-turritum ; anfractuum costis transversis tribus sub- œqualibus granosis ; suturis subcanaliculatis ; columellâ uniplicatâ. n. Ceritliium cinctum. Brug. dict. n.° 3o. /3 Id. Anfractuum costis granosis inœqualibus: L. n. Pontchartrain, Beynes, Lafalaise de Houdan, etc. C’est une espèce très- remarquable par ses stries transverses , granuleuses et assez égales qui couvrent toute la surface extérieure de la coquille. Elle est très-voisine de la précé- dente par ses rapports ; mais ses tours inférieurs ne sont pas éminemment couronnés. Les plus grands individus ont 52 millimètres de longueur (presque deux poucés ). 18. Cérite plissé. Vélin , n.° i4 , f. 12. Ceritliium ( plicatum ) turrilum , subcylindricum ; anfractibus longitudinalifer plicatis , transversim tri s. quadrisulcatis ; labro crenulato. n. /3. Id. Plicis anfractuum profundioribus et distinctioribus. Ceritliium plicatum , Brug. dict, n.° 21. L. n. Pontchartrain. Cette espèce est moins grande que la précédente , et paroît comme elle par-tout chargée de granulations. Mais les tubercules granuleux qui la couvrent sont rangés par petites côtes longitudinales qui font paroître la coquille et ses tours plissés longitudinalement. Sur chaque tour, 3 ou 4 sillons transverses concourent à former les granulations, et dans les sillons des tours inférieurs, on aperçoit une strie très-fine et peu saillante. La co- quille est longue de 25 à 28 millimètres. Cabinet de M. Defrance ; et le mien pour la variété /3. 19. Cérite conoïde. Cerithium ( conoideum ^conicum , breve ; anfractuum striis transver sis quaternis trinisque granulatis ; anfractibus distinctis supra spiratis. n. L. n. Houdan. La forme de cette coquille est un cône raccourci qui fait recon- noître l’espèce au premier aspect. Elle est chargée de stries transverses , gra- nuleuses, un peu inégales , au nombre de quatre dans les tours inférieurs , et de trois dans ceux du sommet de la spire. Les tours sont séparés de manière que le bord supérieur de chacun excède sensiblement par son épaisseur celui qui le précède ; d’où il résulte qu’il règne entre les tours une rampe qui tourne autour de la coquille. La longueur de cette coquille est de 25 milli- mètres. Sa columelle n’offre aucun pli; ne seroit-ce pas le cérite conique n.° 16 de Bruguière ? Cabinet do- M. Defrance. 20. Cérite confluent. Vélin , n.° i4, f. 10, 546 ANNALES DU MUSEUM Cerithium [confuens ) turritum ; anfractibus carinis tribus transiter sis granulath% injimâ eminentiore ; granulis conjluentibus.vi. L. n. Beynes. La coquille est longue d’environ 20 millimètres. Les tours de sa spire offrent chacun trois carènes ou côtes transverses granuleuses dont l’in- férieure est la plus relevée, et forme postérieurement un talus jusqu’à la suture. Les granulations des trois côtes sont comme liées entre elles de haut en bas, par une confluence obscurément prononcée qui donne à la coquille happa- rence d’avoir de petites côtes longitudinales ébauchées ou imparfaites. Cabinet de M. Defrance. 21. Cérite clou. Vélin , n.° 12, f. 4. Cerithium ( cia vu s ) tereti-subulatum ; anfractibus striis , transver sis binis granvA latis ; granulis ver tic aliter conjluentibus ; canali contorto, n. fi. Id. Anfractuum striis transversis ternis , y. Id. Granulis vix confluentibus. L. n. Beynes. Cette coquille est grêle , cylindrique-subulée, presque comme ui* clou sans tête, et longue de 22 millimètres. Elle n’a sur chaque tour que deux et rarement trois stries transverses granulifères ; et comme les grains de la strie supérieure sont réunis verticalement avec ceux de l’inférieure, les tours paroissent ornés d’une multitude de côtes longitudinales très-courtes. Le canal de la base est contourné quoique fort court , et donne lieu à un pli sur la co- lumelle. Dans la variété /3 il y a sur chaque tour trois stries dont les grains sont confluens et dans la variété y. Les grains des trois stries sont presque em? tièrement libres. , Cabinet de M. Defrance. 22. Cérite bâtonnet. Vélin , n.° 10, fig. 7. Cerithium ( bacillum ) tereti-subulatum ; anfractuum striis transversis subocfonis obscure granulosis inœqualibus ; costis longitudinalibus obsoletis. n. L. n. Beynes. Espèce assez remarquable par ses stries transverses qui sont iné- gales , obscurément granuleuses et au nombre de 8 ou 9 sur chaque tour. Les tours n’offrent presque point de convexité dans leur milieu ; ils sont transverses par des côtes longitudinales fort peu élevées , obtuses , inégales et qui 11e sont que des varices ou d’anciens bourrelets de l’ouverture. La strie marginale ou supérieure de chaque tour est garnie de grains plus gros et plus écartés que ceux des autres stries. Cette coquille a environ 20 millimètres de longueur:. Cabinet de M. Defrance, 23. Cérite scabre. Cerithium ( scabrum ) pyramidalum ecfiinatum ; anfractibus bicarinaôis ; carinis dentatis ; inferiore majore, n, d’histoire NATURELLE. 547 A la. Carinarum dentibus minoribus et crebrioribus. Vélin, n.° x4,fig. 9. L. n. Grignon. Cette coquille a , sous une forme pyramidale , douze ou treize tours qui composent sa spire , et est hérissée dans toute sa longueur de petites dents comprimées qui la rendent rude au toucher. Chaque tour a deux crêtes ou carènes transversales et dentées -, la supérieure est fort petite , tandis que celle qui est au-dessous est beaucoup plus grande et présente un talus remarquable < de chaque côté. La longueur de la coquille est de |22 millimètres. Elle varie à dents des carènes plus petites et plus nombreuses, et à carènes plus rap- prochées. Cabinet de M. DefrancC. 24. Cérite asperelle. Vélin , n.° i4, fig. 3. Cerithium ( asperellutn) conicum ,• anfractibus bi-carinalis : ccirinis multidenlatis , obsolète costatis , subœqualibus. n. /a . Id. Spira procluctiore _ ; anfractibus vix costellatis. Vélin , n.° ï4, fig. 8. L. n. Grignon, Ponlchartrain. Ce n’est peut-être ici qu’une variété delà pré- cédente. Néanmoins la coquille est plus raccourcie , et les deux crêtes ou ca- rènes transversales de chaque tour sont presque égales , à dents fort petites ; ces dents sont un peu confluentes verticalement d’une crête à l’autre , ce qui donne lieu à de très-petites côtes longitudinales. La longueur de la coquille est à peine de 12 millimètres. Cabinet de M. Defrance. 25. Cérite turriteïlé. Cerithium ( tur rite liât uni') turriturU ; anfractibus convexis , trctnsversim striatis l striis tribus eminentioribus ; costellis verticalibus subarcuatis. n. fi. ïd. Costellis brevioribus et rarioribus. y. Id. Costellis minoribus, mugis confettis et arcuatis. Vélin, n.® ix, fig. 8. Malet,* L. n. Beyrtes. Cette espèce a l’ouverture presque arrondie comme dans une tur- rit'elle; mais on observe un très -petit canal à sa base. Ses tours de spire sont Convexes, munies de stries transverses dont trois sont plus éminentes. De pe- tites côtes verticales , courtes et arquées coupent les stries transversalement. Les plus grands individus de cette espèce ont 25 à 26 millimètres de longueur. La variété y est celle qui est la plus remarquable par le rapprochement et le peu de saillie de ses côtes verticales. * Cabinet de M. Defrance. 26. Cérite mitre. Cerithium {mitra ) conicum ; anfractibus supra depressis , transversim quadri- striatis: infimis dentato-eoronatis 5 supremis costellis granosis verticalibus n- 548 ANNALES Dt T MUSÉÜM L. n. Beynes , Grignon. Il est conique, pointu au sommet, et n’a que 17 mil- limètres de longueur. Les tours de la spire ont quatre stries transverses, et sont traversés verticalement par de petites côtes granuleuses. Ceux qui sont in- férieurs ont leur bord supérieur couronné de dents, et le dessus de ces tours est aplati et forme une rampe. Cabinet de M. Defrance. 27. Cérite pleurotomoïde. Vélin, -a.? i4, f. 7. Cerithium ( pleurotomoides ) conico-turritum y anfractibus tuberculis obtusis bi- serialibus y labro emarginato rotundato. n. L. n. Grignon et Crépy en Yalois. 11 a, comme le cérite clavatulé n.® 6 , un sinus au bord droit de son ouverture, qui lui donne des rapports avec les pleuro- tomes. On distingue aussi sur l’une et l’autre espèce quelques lignes transverses d’un jaune orangé que leur état fossile n’a pas encore détruit. Celle-ci a une forme conique , un peu turriculéte , et porte sur chaque tour deux rangées de tubercules obtus qui s’effacent vers le sommet de la spire. La coquille est longue de 1 1 millimètres. Cabinet de M. Defrance. 28. Cérite enveloppé. Cerithium ( irwolutum ) conico-turritum y anfractibus planis involuto-imbricatis .* infer'wrïbus lœvibus y superioribus striato- granulatis . n. L. n. Houdan. Il n’a que 28 millimètres de longueur. Ses tours sont enveloppés les uns dans les autres et comme imbriqués : les inférieurs paroissent lisses» n’ayant que quelques stries transverses à peine perceptibles ; mais ceux du sommet ont des stries granulées bien apparentes. La columelle est torse. Cabinet de M. Defrance. 29. Cérite tuberculeux. Cerithium ( tuberculosum ) iurritum echinatum •, anfractuum costis transversis binis tuberculatis : superiori tuberculis validioribus ; margine inferiore crenato. n. L. n. Courtagnon. Cette coquille est turriculée , par-tout hérissée de tubercules , et longue de 38 millimètres. On voit sur chaque tour de la spire deux côtes transverses tuberculeuses dont la supérieure a les tubercules plus gros et plus grands que ceux de l’inférieure qui sont d’ailleurs un peu comprimés. Entre ces deux rangées de tubercules on aperçoit une strie granulée souvent fort petite. Le bord inférieur de chaque tour est crénelé. L’ouverture est oblique. Mon cabinet. 3 0. Cérite bicariné. Cerithium ( bicarinatum ) turritum y anfractibusbicarinatis ; carinis subangulatis. n. L. n. De Betz,près Crépy. Cette espèce se rapproche un-peu, par son aspect , da cérite turritellé( n.° 25). La coquille n’a que 23 millimètres de longueur, et chaque tourprésenle deux crêtes ou carènes transverses , un peu anguleuses qui rendent la spire rude au toucher. On observe sur la base du tour infe- rieur quatre stries transversales et assez élevées. M(jn cabinet. Si. Cérite cabestan. Vélin , n.° 10, fig. 5. Cerithium { trochleare ) conicum , subturritum , multi-carinatum ; anfractibus septis verticalibus subfavosis ; canali contorto. n. L. n. Grignon, Ponlchartrain. Cette coquille est un peu courte , conique ou lé- gèrement turriculée. Elle a sur chaque tour deux crêtes ou carènes trans- versales, élevées , un peu dentées, et entre lesquelles on voit de petites côtes ou cloisons verticales , écartées les unes des autres, et qui rendent la surface des tours comme alvéolée. Cabinet de M. Defrance. 32. Cérite trochiforine. Vélin, n.® îo , fig. 8. Ceriihium ( trochiforme ) conicum, breve ; slriis transver sis obsoletis • costis Ion- gitudinalibus serialibus , crenulatis ; ap&rturâ subquadratâ. n. L. n. Beynes. Quoiqu’appartenant réellement au genre des cérites , cette co- quille a l’aspect d’un petit tronchus. Elle n’a que 6 millimètres de longueur, «t présente , sous la forme d’un cône raccourci, dix à onze tours de spire qui ont chacun trois stries transverses plus ou moins apparentes, et de petites côtes longitudinales crénelées par les stries qui les traversent. L’ouverture est presque carrée , et a un très-petit canal à sa base. Cabinet de M. Defrance. 33. Cérite muricoïde. V élin , n.° 3 , f. 22. Cerithium ( muricoides ) ventricoso-çonicum , breve , transver sh striatum ; striis tu- berculatis et striis granosis intermixtis $ anfractibus convexis. n. L. n. Grignon. On prendroit au premier aspect , cette espèce pour un petit murex Elle est renflée à la base, se termine en cône raccourci , et n’a que sept tours de spire. Sa longueur est d’environ i5 millimètres. Elle présente dans ses stries transverses des rangées de points ou de granulations très-fines , entremêlées de rangées de tubercules assez gros. Sou ouverture occupe le tiers de la longueur de la coquille. Cabinet de M. Defrance et le mien. 34. Cérite pourpre. Cerithium {purpura') conicum , breve , transver sè striatum ; anfractibus carinatis , tuberculosis • tuberculis compfessis distantïbus. n. Ii. n. Grignon. Cette espèce ressemble , comme la précédente , à une pourpre ou 35o ANNALES DU MUSÉUM à un petit murex, et semble n’en être qu’une variété. Elle se distingue néan- moins en ce que ses tours de spire sont carénés , que les carènes portent des tubercules comprimés et distans , et que les stries ne paroissent point gra- nuleuses. Cabinet de M. Defrance. 35. Cérite conoïdale. Cerithium ( conoidale ) conoideum , breve , transversè striatum ; striis inœqualibus j aliis punctatis , aliis subtuberculosis ; anfractibus planulatis. n. L. il. Grignon. Malgré les nombreux rapports qui rapprochent cette espèce des deux précédentes, elle s’en distingue au premier coup-d’ceil , en ce que ses tours de spire ne sont ni carinés, ni convexes, et qu’ils ne présentent point de tubercules gros et saillans. Son ouverture est petite et n’occupe que le quart ou à-peu-près de la longueur de la coquille. Cette longueur est de il ou 12 millimètres. Cabinet de M. Defrance. 36. Cérite subulé. Vélin , n.° îo, f. 6. Cerithium ( subulatum ) turrito-subulatum • costellis longitudinalibus noduliformi - bus ; striis transversis obsoletis j spirâ subulatâ. n. fi. Id. Costellis lœvigatis n. L. n. Grignon. C’est une espèce assez remarquable et bien distincte par sa forme alongée , par son sommet aigu comme une alêne ; par ses stries transverses écartées entre elles et plus ou moins apparentes ; enfin par son ouverture oblongue. Elle a néanmoins d’assez grands rapports avec le cérite Lamel- leux, n.° i3, et elle varie en ce que ses stries transverses paroissent quelque- fois très-peu , ce qui rend alors les petites côtes verticales presque lisses. Cabinet de M. Defrance et le mien. 3j. Cérite des pierres. Vélin, n.° i3 , f. 6. Cerithium, ( lapidorum ) turritum • anfractibus convexis , oblusis , medio subtuber- culosis -, costellis verticalibus arcuatis obsoletissimis. n. fi. Id. Anfractibus lœvigatis ; striis transversis subbinis. y. Id. Anfractibus multistriatis. Vélin , n.° i4, f. 6. L. n. Les champs près de Grignon et dans les pierres des environs de Paris. Il y a des rapports nombreux entre cette espèce et la cérite à crêtes n.° g • mais ici les tours de spire ne sont point carénés ou tranchans dans leur mi- lieu. On voit à la place de la carène une rangée transversale de tubercule* obtus à peine saillans. En outre , on observe sur les tours une multitude de côtes verticales arquées , à peine distinctes , et qui ne paroissent que comme des stries imparfaites. Les plus grands individus ont 34 millimètres de Ion- D* HISTOIRE NATURELLE 55 L gueur. L’ouverture est fort courte et oblique ainsi que son canal. On trouve une variété de cette espèce dont les tours de la spire offrent deux ou trois stries transvèrses et sont tout-à-fait dépourvus de tubercules. Mon cabinet. La variété y dont les tours sont régulièrement convexes, sans aucune apparence de tubercules et ont quatre ou cinq stries transverses , existe dans le cabinet de M. Defrance. 38. Cérite pétricole. Cerithium ( petrlcolum ) turritum lœvigatum ; anfractibus margine super ïore crasse supraque depresso coronatis : infimis transversè sulcatis. n. fi Td. Anfractuum margine superiore tuberculis raris coronato. L. n. La plupart des pierres des carrières des environs de Paris, dans lesquels il est incrusté. Cette cérite paroît être plus anciennement dans l’état fossile que les autres; car on ne la trouve jamais libre. Elle a de si grands rapports avec le cérite cordonné Brug. dict. n.° i4 ( murex lorulosa L. ) qu’on pourroit soupçonner qu’elle en est un analogue très-ancien. Cependant on n’en aper- çoit point les stries fines et transversales, ni les plis noduleux du sommet de la spire , ni enfin les sillons verticaux du bourrelet qui couronne chaque tour. La coquille qu’il est difficile de se procurer bien entière, a 25 ou 3o milli- mètres de longueur. Dans la variété fi, le cordon épais qui couronne chaque tour porte des tubercules rares comme dans le cérite bordé n.° 29 de Bruguière. Mon cabinet. 3g. Cérite à rampe. Cerithium^ spiratum ) ter eti- turritum , lœvigatum ; anfractibus planiusculis , su- pra canaliculatis , basi subunisulcatis ; caudâ extùs plicatâ. n. Coquille fossile ; favanne , Couchy. pl. 66 , fig. o. 6. L. n. Chaumont. Espèce fort remarquable par sa forme particulière , et sur-tout très-facile à reconnoître par le caractère de la rampe canaliculée qui sépare les tours, et par celui du canal de la base de l’ouverture qui est plissé en dehors. Cette belle coquille est longue de 72 millimètres (plusde2 pouces et demi), cylindracée dans sa moitié inférieure , conique vers son sommet, et a ses tours lisses , un peu aplatis , à bord supérieur muni d’un canal en dessus, et à bord inférieur accompagné d’un ou deux sillons. L’ouverture est presque quadran- gulaire. Mon cabinet. 4o. Cérite en colonne. Cerithium ( columnare ) tereti-subulatum , striis verticalibus et transver sis decussa- tum ; anfractibus infra marginem superiorem sulco marginatis. n. L. n. Les environs de Nogent-sur-Marne. La longueur de cette coquille parok 46 * 352 ANNALES Dû MUSEUM être de 26 a 28 millimètres. Les stries verticales des tours de sa spire se croisent avec des stries transverses qui sont un peu plus fines, font paroître la coquille treillissée , et un sillon placé au-dessous du bord supérieur de chaque tour , rendent les tours comme bordés d’une manière remarquable. L’ouverture est ôblongue, à columelle torse , et à canal recourbé. Mon cabinet. 4 1 . Cérite substrié. Cerithium (sub striatum ) conico-turriturn sublœvigatum ; anfractibus inferioribus striis transversis Iaxis simplicibus : superioribus striis obsolète crenatis. n. L. n. Maulette. Ce cérite est long de 32 millimètres, conique-turriculé , presque lisse, et remarquable en ce que ses tours inférieurs ont des stries transverses, simples et lâches, inégalement écartées entre elles; tandis que les supérieurs en ont de plus serrées et qui semblent crénelées par de petits tubercules oblongs. L’ouverture est ovale , terminée à sa base par un petit canal oblique. Cabinet de M. Defrance et le mien. .42. Cérite à quatre sillons. Vélin , n.° 9 , f. 3. Cerithium ( quadrisulcatum ) turrito-subu latum ; anfractibus planis transversim subquadrisulcatis y aperturâ quadratâ. n. fi- Id. Anfractibus obsolète convexis , sulcis profondioribus. L. n. Grignon. Cette coquille est turriculée , presque subulée , longue d’environ 20 millimètres, et remarquable en ce que la grosseur de sa spire décroît régu- lièrement jusqu’au sommet avec uniformité dans le plan des tours. On voit sur chaque tour 4 sillons peu profonds et transverses. Dans la variété fi , les tours sont un peu moins aplatis , et les sillons ont plus de profondeur. Cabinet de M. Defrance. MÉMOIRE 0 Sur les espèces du genre Dasy ure. Par E. GEOFFROY. M ’occupant en l’an IV, de la détermination des diverses fa- milles,mal-à-propos confondues par les continuateurs de Lin- néus, sous le nom générique de didelphis , j’ai cherché à me rendre compte des caractères distinctifs du spotted opossum , publié parle capitaine Phillip, et dont John White, chirur- gien de marine, a voit pareillement traité dans la relation de son voyage à la Nouvelle-Hollande : j’avois été engagé dans cette recherche par l’impression de surprise que j’éprouvai lorsqu’en parcourant les relations de ces deux célèbres na- vigateurs , j’aperçus au milieu des espèces paisibles de l’Aus- tralasie, un animal pourvu des mêmes moyens d’attaque que les carnivores, et qui paroissoit avoir les plus grands rapports avec les vrais didelphes. ( Ceux-ci, comme on le sait , sont des animaux à bourse , caractérisés par la présence de dix dents incisives à la mâchoire * supérieure , et de huit à celle d’en bas). J’eus lieu d’être d’autant plus étonné de l’existence d’un didelphe à la Nouvelle-Hollande, que je venois d’acquérir de nouvelles preuves de l’opinion de Buffon qui place tout ce genre d’animaux dans T Amérique } / 354 A N N A L E S DU M U S É U M ainsi il étoit évident pour moi que le philander maximus orientalis de Seba étoit le même que le crabier de la Gujanne didelphis cancrivora , et de même , que le sarigue, didelphis opossum , qu’on m’avoit , à differentes fois envoyé de Cayenne, n’avoit été réputé venir aussi des Indes, que par l’effet d’une méprise dont la connoissance de quelques indi- vidus de la collection stathoudérienne me donna bientôt la clef ; j’étois donc bien convaincu que s’il y avoit dans les contrées orientales des mammifères en qui l’on trouve , comme dans les didelphes, un arrangement particulier des organes de la génération, une poche sous le ventre des fe- melles, un appareil enfin approprié à ce singulier état de choses, ces mammifères en differoient essentiellement, au point même de fairepartie d’un autre ordre d’animaux. Ce ne sont plusni ces dents nombreuses qui remplissent la bouche des didelphes, ni cet appétit véhément qu’ils ont pour la chair, ni cette inquiétude triste qui leur est habituelle, les mar- supiaux des Indes et de l’Australasie sont doux, innocens et sans défiance. Privés de dents canines, quelques fruits, des graines, un peu d’herbe sont la seule nourriture qu’ils re- cherchent ; tels sont en effet ces animaux de nouvelle ac- quisition pour la science, dont la singulière conformation a si fort étonné les naturalistes , et qui nous ont sur-tout in- téressé parleur affinité avec les rongeurs et les carnivores , les deux plus nombreuses familles des mammifères, dont jusqu’alors on n’avoit pas encore soupçonné les points de contact; ces animaux bien connus aujourd’hui, le sont sous les noms génériques de phalangers et de kanguroos. On devoit donc s’attendre qu’en cas qu’on découvrît dans les contrées orientales de nouvelles espèces, elles partici- 3}’ H I S T O I R E NATURELLE. 355 peroient plus ou moins de la nature de ces deux genres. Non-seulement c’est ce qui n’étoit pas à l’égard du spotted opossum , mais de plus celui-ci, au premier aperçu, ne paroissoit pas différent des didelphes ; ainsi donc la nature auroit, à la Nouvelle-Hollande, reproduit les formes cons- titutives de ce genre, et l’analogie en cette circonstance nous auroit totalement mis en défaut. Quoique je fusse naturel- lement conduit à cette conséquence, la confiance quej’avois dans la sagacité et le pressentiment de Buffon , m’empêchoit de m’y rendre : ce grand homme avoit paru croire qu’on ne trouveroit jamais de didelphes hors du Nouveau-Monde $ c’en étoit assez pour me persuader que tous les traits qui caractérisent ces animaux n’étoient pas rigoureusement reproduits dans le spotted opossum : j’osai dès-lors consi- dérer celui-ci comme une espèce sui genei'is , comme le type d’une nouvelle famille autour de laquelle on devoit espérer, qu’à mesure que les terres de la Nouvelle-Hol- lande seroient mieux connues, d’autres espèces viendroient se grouper ; ainsi ne connoissant encore que l’animal publié par Phillip, et ne le connoissant même que par les des- criptions de deux navigateurs peu exercés à la manière des naturalistes, je ne laissai pas que de constituer, en faveur du spotted opossum, un nouveau genre auquel je donnai le nom de Dasyure. On va voir toutefois comment dès cette époque j’y étois suffisamment autorisé, et comment, depuis, le temps, par les nouveautés qu’il nous a fait connoître, est venu justifier notre entreprise. Quand je mis en effet plus d’attention à comparer mon » dasyure avec les didelphes, je m’aperçus bientôt que ces deux genres différoient par des caractères susceptibles d’ap- 556 ANNALES DU MUSEUM porter quelques changemens dans leurs habitudes naturelles. Les didelphes se tiennent le plus souvent sur la cime des plus grands arbres; ils y trouvent plus de sûreté pour leur famille , et de facilité pour poursuivre et atteindre leur proie : la nature de leur queue leur en fournit les moyens ; elle est fortement préhensible, nue et couverte de petites écailles: leurs pieds de derrière, munis d’un pouce long, écarté et susceptible de s’opposer aux autres doigts, convertis enfin en véritables mains, sont aussi employés au même usage. Tant de facilités pour grimper aux arbres, s’y suspendre et s’y balancer, règlent leurs habitudes, en font des animaux légers et sauteurs, et les placent au milieu des oiseaux qui deviennent ainsi la proie pour laquelle ils ont le plus de goût. Les dasyures au contraire sont condamnés à toujours rester à la surface de la terre. Je n’ai rien appris touchant leurs moeurs , mais-je n’en suis pas moins fondé à le croire, puis- que c’est un fait qui résulte nécessairement de leur orga- nisation : leur queue est en effet lâche, et aussi couverte de longs poils que celle des mouffettes, et ils n’ont aux pieds de derrière qu’un rudiment de pouce; ce qui les constitue sans moyen pour la préhension, de sorte que placés dans une autre sphère que les didelphes, leurs moeurs ne peu- vent manquer de se ressentir de cette autre position. Mais ce n’est pas seulement en quoi consistent toutes les différences de ces deux genres: il n’arrive jamais que les or- ganes du mouvement soient / dans une espèce , modifiés en un point quelconque , que ce changement n’ait une in- fluence marquée sur les organes de la digestion ; j’ai été privé d’étudier ces organes en totalité, mais j’ai pu du d’ histoire naturelle. 35y moins m’adresser aux caractères qui en sont les indicateurs les plus certains, les dents. Les canines et les molaires n’offrent aucune différence dans les dasyures de ce qu’elles sont chez les didelphes pour le nombre et la forme. O11 compte également dans ces deux genres, quatre longues canines et vingt-huit molaires; des sept molaires existantes de chaque côté des mâchoires, il y en a trois qui sont com- primées et tranchantes comme les molaires des carnivores, lorsque les quatre autres, dans le fond de la bouche, ont une couronne plate parsemée de petits mamelons ; mais il n’en est pas de même à l’égard des incisives, les dasyures en ont à chaque mâchoire deux de moins , huit en haut et six en bas. Par contre-coup, cette privation de deux inci- sives est ce qui imprime à la physionomie de ces animaux un caractère plus noble et plus gracieux ; car les os du nez sont bien moins longs, et le museau moins aigu que dans les didelphes ; de même les oreilles , qui sont larges , nues et membraneuses dans ceux-ci , courtes et velues dans les dasyures, couronnent bien plus agréablement le derrière de leur tête. En général, c’est moins aux didelphes qu’aux genettes et aux fossanes que ressemblent les dasyures, si l’on ne consulte que leur port : leur poil est doux et laineux et non parsemé de soies comme celui de la plupart des di- delphes. On peut, d’après ce qui précède, juger des données sur lesquelles reposoit l’existence du genre dasyure : il étoit motivé sur des différences dans les moeurs , dans les organes du mouvement et dans ceux de la mastication. Mais ce qui aujourd’hui assure d’une manière non équivoque son main- tien, est le sceau que les nouvelles acquisitions que la science 3. 47 558 ANNALES DU MUSEUM a faites , viennent de lui imprimer. L’événement a justifié nos pressentimens : le spotted opossum n’est plus seul dans son genre; les travaux de quelques zoologistes anglais, et ceux de nos estimables naturalistes, les citoyens Perron et Mangé, employés dans l’expédition commandée par le ca- pitaine Baudin, ont porté le nombre des dasyures à six es- pèces; à l’exception d’une seule, nous venons de les rece- voir par la corvette le Naturaliste , et nous nous empres- sons de les faire connoître. 1. Dasyurus macrourus. Ce dasyure à longue queue fut publié dans la relation du voyage du capitaine Phillip, à la même époque que le spotted opossujn ; mais on se méprit alors sur ses vrais caractères génériques. Phillip en le décrivant , pag. 276 , sous le nom de fouine tachetée{spoU ted martin ) persuada à ses lecteurs que ce dasyure appar- tenoit au genre des martes ou des civettes; malheureuse- ment la figure assez soignée qu’il en donna, pl. 46, n’étoit pas dans le cas de prémunir contre cette erreur, puisque, comme je l’ai déjà observé, tous les dasyures ont le port des civettes et des fossanes; aussi M. Shaw suivit-il le sen- timent du voyageur anglais, lorsque, dans sa zoologie gé- nérale, tom. i,p. 433, il reproduisit sous le nom de vi - verra maculata la description de cette espèce. J’ai eu depuis occasion de m’assurer qu’elle avoit huit incisives à la mâ- choire supérieure, et que ses organes de la génération la classoit parmi les animaux à bourse. Le dasyure à longue queue , la plus grande espèce de genre, a un pied et demi de longueur ; sa queue en offre presque autant. XJn petit intervalle, en haut comme en bas, éloigne l’une de l’autre ses deux incisives intermédiaires ; ce bel animal a les oreilles courtes, le museau ni aussi fin, ni aussi alongé qu’on le voit dans la figure de Phillip , le poilserréet bien moins doux au toucher que dans les autres dasjures; son pélage est toutefois d’un ton de couleur assez agréable, marron, delà même teinte que la robe de la loutre: le fond en est relevé par des taches d’un blanc pur qui va- rient de grandeur; elles sont d’abord si petites sur le dos, qu’on les distingue à peine , puis ensuite un peu plus grandes, et larges enfin , sur les flancs, de près d’un pouce : je n’en décris point la forme, parce que dans deux individus que j’ai sous les jeux, elles ne sont pas exactement semblables: au surplus, le ventre est d’un blanc sale, la tête d’un roux marron plus clair que le dos, et les pattes antérieures jau- nâtres; la queue a les mêmes mouchetures que les cotés du corps , caractère qui distingue sur-tout ce dasjure des deux suivans: elle n’est pas non plus aussi touffue; ses poils dimi- nuent de grandeur en s’approchant de l’extrémité. Le ca- pitaine Phillip a voit trouvé son spotted martina.ux environs du port Jackson. 2. Dasyurus Maugei. C’est àMaugé que nous devons la découverte et la préparation des trois dépouilles de ce dasjure que nous avons reçues par la corvette le Natura- liste , je lui ai dédié cette espèce qui est nouvelle. Ce da- sjure est plus petit de quatre pouces que le précédent ; son museau m’a paru plus alongé et plus délié , les oreilles un peu plus grandes, les pieds plus profondément divisés, et son poil plus long et plus doux au toucher; son pélage oli- vâtre en dessus et cendré en dessous, est d’un effet au moins aussi agréable; il est moucheté de blanc comme le macrourus , avec cette différence que les taches sont répan- 56o ANNALES DU MUSEUM dues plus également sur tout le corps, et sont toutes à-peu- près de même grandeur. La queue est d’une même teinte , de la couleur du dos, tirant cependant davantage sur le roux ; les poils ne sont verdâtres qu’à leur pointe ; ils sont dans le reste de leur longueur, cendrés; ceux au contraire qui forment les mouchetures blanches, sont tout-à-fait de cette couleur. 3. Dasyurus viverrinus. Ce nom trivial de viver* rinus a été consacré par M. Shaw (Z. G. 1. 1 , pag. 491 ) pour désigner l’opossum tacheté ou le spottecl opossum du capitaine Phillip : il est figuré dans l’ouvrage de ce naviga- teur, élevé sur les deux pieds de derrière, et dans une atti- tude contrainte et peu naturelle. John White,au contraire, lVreprésenté marchant à quatre pattes qui est J’allure qui lui convient uniquement. La planche de John White seroit très-exacte , si les taches au lieu d’être terminées par des hachures, étoient plus arrondies. M. Shaw a préféré, avec raison, cette dernière figure, et l’a fait copier, pl. ni. Le dasyure viverrin n’a que 12 pouces de long; il res- semble si parfaitement au maugei, que j’ai balancé à le considérer comme une espèce qui en fût distincte ; on y retrouve les mêmes mouchetures blanches : mais le fond du pélage est noir et le ventre gris ; il m’a paru en outre que ses oreilles étoient plus courtes et plus ovales, et que sa queue étoit plus étranglée à son origine, et beaucoup plus touffue à son extrémité: John White n’en a parlé que comme d’une variété de l’espèce suivante. 4. JJasyrus tafa. Tafa est le nom de cet animal à-~ la Nouvelle-Hollande ; je ne connois cette espèce que par la description et la figure de John White ; elle est plus d’ HISTOIRE NATURELLE. o6l petite que la précédente ; son pélage est d’un brun uni- forme ainsi que la queue qui est formée de longs poils. M. Shaw a également fait copier le tafa de John White, en le donnant, comme celui-ci, pour une variété du viverrin ; privé de me former à cet égard une opinion d’après mes observations, j’aurois suivi ces erreinens, si aujourd’hui que nous connoissons plusieurs espèces de dasyure , il étoit possible de décider à laquelle il convient de rapporter le tafa; je le considère donc ici provisoirement comme une espèce distincte. 5. Dasyurus penicillatus. Nous devons la publica- tion de cette espèce à M. Shaw qui la décrite sous le nom de diclelphis penicillata , page 5o2 ; mais malgré qu’il nous en ait aussi donné une très-bonne ligure, pl. n3, sa des- cription laisse trop à désirer , pour qu’il fût possible , «ur des renseignemens aussi vagues , de ramener ce da- syure à son véritable genre ; il est même échappé à cet estimable naturaliste une méprise propre à faire à croire que ce dasyure appartenoit plutôt au genre des phalangers volans : car dans son texte et non dans sa planche , il lui attribue à tort une membrane prolongée sur les flancs. Le dasyure à pinceau s’éloigne sensiblement des quatre précédens : il est long de 8 pouces; sa tête a plus de rondeur , son front est plus élevé, ses oreilles sont plus grandes et plus dégarnies de poils; les deux dents incisives du milieu, dans les deux mâchoires, sont beau- coup plus grandes que leurs voisines ; enfin la queue est re- vêtue de poils qui deviennent plus gros, plus longs et plus roides à mesure qu’ils se rapprochent de son extrémité; le corps est couvert d’un poil touffu, laineux, gris-cendré en 362 ANNALES DU MUSEUM dessus, et blanc sous le ventre; les soies qui garnissent la queue sont au contraire d’un noir foncé. 6. Dasyurus minimus. Cette espèce est nouvelle , et, comme son nom l’indique , la plus petite des six; elle a tout au plus 4 pouces de long; sa queue en forme les deux tiers : celle-ci est en outre remarquable en ce qu’elle n’est couverte que de poils très-courts. Ce dasyure nain s’éloigne aussi pour la forme de la tête de ses congénères; sa figure alongée et plus exactement conique, rend mieux la charge des didelphes. Ses oreilles sont courtes, larges et arrondies; son pouce aux pieds de derrière est sensiblement plus long ; son poil est fort épais, doux au toucher, roux à la pointe, et d’un cendré noirâtre à son origine ; enfin il a de plus toutes ses dents incisives bien égales et parfaitement con- tiguës. Tous les animaux dont nous venons de parler, et dont les dépouilles font maintenant partie de la plus riche col- lection de mammifères qui existe, proviennent de la Nou- velle Hollande ; nous en sommes redevables aux soins des naturalistes employés dans l’expédition dirigée par le capi- taine Baudin. Nous terminons cette monographie par le tableau de ces six espèces et de leurs caractères distinctifs. DASYURE. Dasyurus. Carnet, naturel. Les organes de la génération, les os sur- numéraires au bassin , la bourse chez les femelles , le gland partagé en deux , comme dans les animaux marsupiaux. d’ histoire naturelle. 365 8 dents incisives supérieures : 6 infé- rieures. 2 canines à chaque mâchoire. i4 molaires, dont 6 tranchantes et 8 machelières. La tête terminée en cône.; le museau garni de grandes moustaches ; la queue lâche et fournie de longs poils, etc. 5 doigts à chaque pied , tous bien sé- parés ; le pouce des pieds de derrière ex- trêmement court. Patrie . La nouvelle-Hollande. Garact. essentiel. 8 dents incisives supérieures : 6 infé- rieures. 1 .*re Espèce. Le Dasyure a longue queue. Dasyurus macrourus. Le pélage marron , moucheté de blanc ; la queue également tachetée. Spotted martin. Phil. Voyagea la Nouv.-Hol. , pag. 276. — Viverra ma- culata. Shaw. Zool. gen. ,tom. x , p. 433. 2. e Espèce. Le Dasyure de Maugé. Dasyurus Maugei. Le pélage olivâtre , moucheté de blanc ; la queue sans taches. 3. e Espèce. Le Dasyure viverrin. Dasyurus viverrinus. Le pélage noir, moucheté de blanc ; la queue sans taches. Spotted opossum. Phil. Voy. pag. i4 7. — Tapoa tafa, var. John Wiiite. Voyez pag. ettab.285. — Dasyure tacheté. Cuv. tab. el. pag. 125. — Didèlphis maculata. Turton. Syst. nat. — Didèlphis viverrina. Shaw. tom. x, pag. 4g 1 , tab. 111. — Dasyure tacheté. Desm. nouv. dict. d’H. n. 4. ® Espèce. Le Dasyure tafa. Dasyurus tafa. Le pélage brun , non moucheté ; la queue de même couleur. Tapoa tafa. John Wiiite. Voy. pag. et tab. 281. 5. e Espèce. Le Dasyure a pinceau. Dasyurus penicillatus . Le pélage cendré , non moucheté ; la queue noire. Didèlphis penicillata. SiiAW.t. 5o2 , pl. n3. 6. * Le Dasyure nain. Dasyurus minimus. Le pélage roux, non moucheté j la queue de même couleur. 564 ANNALES DU MUSÉUM SUITE DES RECHERCHES Sur les os fossiles de la pierre à plâtre des environs de Paris. Par G. CUVIER. DEUXIÈME MÉMOIRE. Examen des dents et des portions de têtes éparses dans 710s carrières à plâtre , qui diffèrent du Palæotherium medium , soit par V espèce , soit même par le genre. J’ai réintégré la tête du palæotherium medium à-peu-près dans son entier; je n’ai pas couru le risque de réunir des parties étrangères les unes aux autres , d’en composer un monstre ou un être chimérique, parce que tous les mor- ceaux que j’ai employés m’ont offert quelques parties com- munes qui les lioient ensemble. Mais cette précaution ne peut plus me servir pour les autres parties du corps. Ja- mais ou presque jamais celles-ci ne sont auprès des têtes ; j’ai annoncé précédemment qu’il y avoit des têtes et des dents de plusieurs espèces; si je trouve de même, comme cela ne peut manquer , des pieds, des jambes , des bras dif- férens, comment discernerai-je ceux qui appartiennent à mon palæotherium , et ceux qui ne lui appartiennent pas? Il n’y avoit qu’une voie à suivre ; tâcher de déterminer le Grave, par Cuvier et T. Drouet ■ Grave par Cuvier et T.D \ / / * »’ HiSTOIRE NATURELLE. 56 5 nombre des espèces auxquelles ont appartenu les portions de têtes; recueillir et déterminer les différens pieds, et at- tribuer ceux-ci à leurs têtes respectives par des considéra- tions tirées de la grandeur et des affinités zoologiques. C’est la première moitié de ce travail qui va m’occuper dans ce mémoire; j’y traiterai des têtes, et comme dérai- son, c’est par les dents que je commencerai leur examen. Article premier. j Des animaux qui ne diffèrent du Palæotherium medium que par l’espèce, mais qui appartiennent au même genre. Une partie de ces dents ressemble parfaitement, pour la forme , à celles du palæotherium medium, et n’en diffère que pour la grandeur; les unes sont plus grandes, les autres plus petites. § I.er De la grande espèce. La première occasion de connoître les grandes , me fut fournie par un morceau de la collection de M. de Drée, représenté pl. IX , fig . 3. C’est une portion de la mâ- choire inférieure contenant la dernière et l’avant-dernière molaire , et les montrant par leur face externe. Même di- vision en trois et en deux cylindres, mêmes figures de crois» sans sur la couronne, même ceinture saillante autour de la base du fust ; mais grandeur à-peu-près double sur toutes leurs dimensions. Les dents ordinaires à deux croissans ont, en effet , de 3. 48 566 ANNALES DU MUSEUM 0,02, à 0,022 ou 0,024 de longueur; la première de nos deux grosses dents en a o,o43 ; la seconde, celle à 3 crois- sans en a, o,o55. Une pareille différence n’entre plus dans les limites ordi- naires des variations de grandeur, du moins dans les espères qui ne sont pas soumises à l’esclavage domestique : je con- clus donc bien vite qu’il avoit existé une espèce d epalœo- tïierium beaucoup plus grande que l’ordinaire. Une foule de pièces vinrent se joindre à la précédente. On en voit une ,pl. VIII , fig. î , qui offre aussi deux mo- laires inférieures, mais vues à leur face interne; elles ont la même ressemblance rigoureuse ^avec celles du palæothe- rium medium, et la même supériorité de grosseur que celles du morceau précédent. M. Le Camus me fit voir, dans sa collection, un morceau où presque toutes les dents de la mâchoire inférieure de la grande espèce avoient laissé leurs couronnes ou leurs em- preintes. J’y vis que le grand palæotherium avoit le même nombre et les mêmes sortes de dents que l’autre. Je trouvai, quelque temps après, une canine et trois in- cisives , beaucoup trop grosses pour être provenues de l’es- pèce commune, et que j’attribuai à celle-ci ; on les a figurées pi. VIII, fig. 2. M. Camper m’envoyàle dessin d’un morceau qui contient toutes les molaires d’un côté de la mâchoire supérieure , une grande partie de celle de l’autre et une canine. J’y vis les mêmes traits de ressemblance avec l’espèce moyenne , que dans les dents de la mâchoire inférieure ; je me pro- curai moi-même la face externe d’une pareille grande mo- d’histoire NATURELLE. 5G7 laire supérieure. \oyezpl. IX, fig. 8, que j’ai donnée de- puis à M. Brugmans, célèbre professeur de Leyden. Je découvris chez M. Drée, une empreinte d’un côté de tête de cette grande espèce, où l’on voyoit très-bien les traces des deux sortes de molaires , et leur correspon- dance réciproque. Ainsi, il ne me manqua absolument rien pour me con- vaincre que ce grand animal avoit les mêmes caractères génériques que l’autre, je le plaçai donc dans le genre pa~ læotherium, et je le nommai palœotherium magnum. Celui-là doit avoir eu à-peu-près toutes ses dimensions doubles de celles du moyen -, ainsi il doit avoir égalé une vache détaillé ordinaire, ou un petit cheval. J’ai un germe de molaire supérieure qui, par sa grandeur, me paroît devoir appartenir à cette espèce. Il est repré- senté pL XI , fig. 4 , sa face externe est bien comme dans toutes les molaires supérieures de palæotherium ; mais sa couronne a ses collines et ses enfoncemens un peu autre- ment disposés. De l’angle rentrant antérieur du double W, part une ligne saillante transverse qui, arrivée au milieu de la largeur de la dent , se recourbe en arrière et se ter- mine au milieu de la longueur de cette même dent. Une autre ligne saillante part de l’angle rentrant postérieur du double W, et va directement au bord interne en donnant un crochet qui se dirige en avant dans le vallon , entre le bord externe et la seconde partie de la première crête. § II. De la petite espèce. J’ai trouvé aussi quelques morceaux qui indiquent l’exis- 48 * 568 ANNALES DU MUSEUM tence d’une espèce plus petite que l’ordinaire : on en voit un de ma collection , pl. XI , fig. 1 qui contient les sept molaires, sauf la seconde qui est tombée. Toutes sont par- faitement sorties et entièrement semblables à celles du pa- læotherium moyen, et du grand, excepté la première qui est un peu plus pointue que celle du moyen ; ces sept dents ensemble n’occupoient qu’une longueur de 0,069, tandis que dans l’espèce moyenne, elles avoient (dans le morceau de l’école des mines) 0,1 3 1 , c’est-à-dire presque le double. Ce palæotherium étant sous-double du moyen, doit avoir eu à-peu-près le volume d’un mouton médiocre. J III. D’un animal très-voisin du Palæotherium des en- virons d’ Orléans. Je vais faire ici une digression qui , sans être d’un intérêt direct pour les ossemens de nos carrières des environs de Paris , complétera cependant l’histoire du genre palæothe- rium. M. Defay, très-habile naturaliste et professeur d’Orléans, parle dans son ouvrage intitulé : La nature considérée dans plusieurs de ses opérations , Paris, 1783, p. 56, de plusieurs ossemens trouvés depuis 1778 jusqu’à 1781 , à Montabuzard, hameau dépendant d’Ingré, à une lieu ouest d’Orléans, à 16 ou 18 pieds de profondeur , dans un banc continu de pierre calcaire, de 5 à 6 pieds d’épaisseur, sans aucune couche apparente. Il cite une dent qu’il suppose d’hippopotame ; une autre analogue à celle de l’animal de l’Ohio, quelques-unes du genre du cerf et plusieurs d’animaux inconnus. if HISTOIRE NATURELLE. 56g M. Defay a eu la bonté de m’envoyer une partie de ces objets pour que je pusse les examiner à loisir j j’y trouvai en effet plusieurs dents et os remarquables sur lesquels je reviendrai dans un autre mémoire ; mais ce qui me frappa le plus, fut d’y voir plusieurs dents parfaitement analogues à celles de notre palœotherium. Je les ai fait représenter , pL XII. Celles des figures 5,6,8 et 9, n’offrent qu’une seule différence , c’est que la rencontre des deux arcs de la cou- ronne forme une double pointe au milieu de la face interne, tandis que cette pointe est toujours simple dans le palæotlie- rium ordinaire. Les seconde et troisième molaires qui sont avec la pre- mière dans le morceau de la figure 3, ont leurs croissans plus irréguliers, et leur face interne n’est pas non plus si décidément cylindrique. La dent fig. 7 paroît avoir été une dernière molaire, mais elle diffère assez de celle de l’espèce commune ; sa troi- sième portion- est en cône et non en croissant. Les molaires supérieures diffèrent un peu davantage de celle de notre palœotberium : on les a dessinées, fig. 1 et 2, et la couronne vue perpendiculairement, fig. 10 et 11 ; elles ont bien la ligne en double W ; les trois côtes de la face ex- terne , les deux collines de l’interne ; mais ces deux collines se joignent à la ligne externe par deux lignes saillantes dont la première va à l’angle antérieur externe, et l’autre dans l’angle intermédiaire du double W. Pour rendre la- ressem- blance avec le palæotherium complète, il faudroit qu’il y eût, près de la première colline, une colline intermédiaire, et que la colline postérieure se joignît à l’angle postérieur externe par une autre ligne saillante. Voyez pl. F", fig* 4 57Ô ANNALES DU MUSÉUM Fl y a , au lieu de cette ligne , une petite saillie en chevron, jig. io, a. Ces caractères rapprochent un peu cet animal d’Orléans, du rhinocéros et sur-tout du daman. Je dois même remarquer expressément que tant que nous u’aurons pas vu ses incisives et ses canines , adhérentes à la •mâchoire avec quelques-unes de ses molaires , nous ne pour- rons , sur la seule inspection de ces dernières , le considérer comme appartenant certainement au genre palæotherium. C’est sur-tout dans une matière comme celle-ci , qui est nécessairement un peu suspecte puisqu’elle tient de si près à la géologie, science à bon droit si décriée , par la ma- nière dont on l’a presque toujours traitée; c’est sur-tout, dis- je , dans une toile matière , qu’il faut s’en tenir rigoureuse- ment aux faits. Les dents des environs d’Orléans sont un peu plus petites que celles du palæotherium medium, Article II. Des animaux qui diffèrent du Palæotherium pour le genre , mais qui sont de même ordre , et particulière - ment du genre Ànoplotherium , et de ses espèces . $ I.er De Z’Anoplotherium le plus commun dans les carrières. Un animal plus remarquable que les précédens, est celui qui a fourni ces dents de même grandeur que celles du pa? læotherium medium , mais d’une forme un peu differente, fjue j’ai caractérisées dans mon I.er mémoire. Je fus très- B9 H I S T O I R E NATURELLE. ^7 1 long-temps avant de les distinguer , et elles m’embarras- sèrent bien souvent , jusqu’à l’instant où je démêlai qu’elles ne venoient pas de la même espèce. Pour ne pas donner au lecteur les mêmes peines qu’à moi , je vais décrire de suite les morceaux de conviction , ceux que je n’ai vu que les derniers, et qui mr’auroient évité tout embarras, s’ils se fussent offerts d’abord. Le plus important fut celui qui m’apprit que cette espèce n’a point de dents canines j il est représenté, pl. XIII , jlg. 2 ; il contient une série de neuf dents qui conduit , sans interruption aucune , depuis la dernière molaire à trois crois- sans a f jusqu’aux incisives latérales h > i. Les trois dernières de ces molaires, a , b , c , sont bien divisées extérieurement en portions presque cylindriques , dont trois à la dernière, et deux aux autres; mais comme je l’ai dit, les bases de ces portions sont bombées presque sphériquement; et elles n’ont point de ceinture saillante. Les trois molaires antérieures à celles que je viens de dé- crire, d , e ,/ , sont conformées autrement que dans le pa- læotherium, et j’y reviendrai. Pour me borner aux trois que j’ai décrites d’abord , je cherchai, d’après les principes de la croissance des dents , quelque morceau où je pusse les observer soit en germe , soit fraîchement sorties, et non encore usées. J’en obtins un , pL XIII , fig. / , et je vis que les por- tions bombées s’amincissent vers la couronne en pointe co- nique ; que la couronne elle-même n’est pas dans le germe un simple tranchant courbé en arc de cercle, comme cela a lieu dans le palæotherium, mais qu’après avoir formé la pointe de la face externe , a, ce tranchant en forme deux, /3, y Sp2 ANNALES DU MUSEUM à laface interne dansla moitié antérieure de la dent, et une seule cT dans la moitié postérieure. La dernière dent qui est composée de trois portions, a les deux premières faites comme dans la pénultième et l’an- tépénultième. La troisième est en simple arc de cercle. Voyez pi. XI II y fig. 2. et. Il doit, résulter de cette forme du germe, que pendant un certain temps la détrition ne doit pas produire un croissant simple sur la couronne, mais que dans la première portion, les deux pointes du croissant, doivent se dilater en petits appendices, /3 et y , fig. 2 , et que dans l’autre il doit y avoir un disque ovale vis-à-vis la concavité du croissant, d, fig. 2, lequel s’unira tôt ou tard à l’une des pointes, et ensuite à toutes les deux. Enfin , lorsque ces dents seront encore plus usées , il y aura des demi-cercles ou même des demi-ellipses, c’est-à-dire que les croissans y seront beaucoup plus larges de droite à gauche que dans le palæotherium. Voyez , fig. 2. c. C’est ce qui ne manqua pas de se trouver dans toutes les dents usées de cette espèce que j’observai depuis. Je me vis donc en état de la distinguer toutes les fois que je trouve- rois ses trois dernières molaires, et je lui rendis, en effet, plusieurs morceaux que j’avois cru long-temps venir du palæotherium. Tel est celui du cabinet de M. Héricart-Thury, pi. Il y fig. 2 , où l’on voit six molaires et la place delà seconde qui manque et qui auroit complété le nombre de sept et une in- cisive. Celui que j’ai déposé au Muséum, pl. V^III, fig. 5 , qui contient cinq molaires ; un troisième que j’ai donné à M- Brugmans, célèbre professeur de Leyden , et qui contient d’histoire NATURELLE. 375 cinq molaires, deux incisives et une large brèche entre les unes et les autres, pl. X,fig. 1 ,2,3. J’en possède encore un qui contient quatre molaires, deux intervalles vides, trois incisives , et où la dernière molaire n’est pas encore sortie , pi. XIII , fig. 1 ; et un autre où l’on voit les quatre premières molaires, et l’empreinte où les restes des trois dernières. Enfin, M. Camper m’a envoyé le dessin d’une mâchoire de jeune si^jet qui n’a que cinq molaires, parce que les deux dernières n’y sont pas développées. Toutes, ces pièces me montrent, comme ma grande série de neuf dents, que les molaires antérieures ont une forme différente des trois dernières, et encore plus différente de celles du palæotherium. Nous allons les décrire en commençant en arrière. Celle qui précède l’antépénultième; c’est-à-dire, la der- nière, moins trois ,pl. X , fig. 1 et 2 , d ,pl. XIII , fig. 2 , d , a dans son état frais , trois convexités légères à sa face externe, et trois pointes à sa couronne ; celle-ci forme donc en s’usant une ligne ondulée , mais elle donne , à-peu-près vers son milieu , une branche qui se porte vers la face in- terne et qui s’y bifurque. ( Voyez pl. XI, fig. 8. ) Les deux qui précèdent celle que nous venons de décrire, pl. XIII , fig. 2 et f , ont bien aussi trois pointes et trois convexités, mais leur couronne n’a point de branche ren- trante, ou s’il y en a une petite dans la seconde des deux , elle ne se bifurque point. ( Voyez pl. XI , fig. g. ) En avant de ces deux , en est une qui représente la pre- mière du palæotherium. Elle est également simple , com- primée et d’ordinaire pointue,/»/. XIII , fig. 2 , g. Il y auroit à présent dans le palæotherium un espace " 3- 49 3y4 ANNALES DU MUSEUM vide, suivi d’une forte canine : c’est ce que ne montre point notre animal actuel; mais immédiatement en avant de la dent que je viens de décrire, il en a trois autres à-peu- près pareilles, mais de plus en plus pointues , pl. XIII, fig. 2 , h et i ; ib. fig. / , i et k. Il n’y a que la dernière incisive, c’est-à-dire la plus antérieure qui se termine au coin simple le plus souvent arrondi par son tranchant,/)/. XIII, fig. i , 1. On voit une dent semblable séparée , pi. XIII 9 fig, S. Voilà ce que je recueille en comparant mon morceau à neuf dents de suite, pl. XIII, fig. 2 , avec celui où sont trois in- cisives,/;/. XIII, fig. i ; et avec celui de M. Brugmans, pl. X,fig. i. Ce résultat est confirmé par un morceau de la collection de mon célèbre collègue M. Fauj as-Sain t-Fond , quijparoît contenir toute l’extrémité antérieure d’un côté de la mâ- choire inférieure; il est représenté, pl. XI f fig. 2. On y voit l’empreinte d’une incisive simple a, deux incisives un peubilobées, b et c; une autre en triangle d; ces deux-ci nous paroissent répondre aux deux premières de notre morceau à neuf dents. Il en vient ensuite une e, qui pour- roit passer pour la première molaire, g , pl. XIII , fig. 2. Ce résultat n’est contrarié par aucun des autres mor- ceaux de cette espèce; on peut donc l’admettre comme constant, et dire que parmi les animaux qui ont fourni les ossemens de nos carrières , il y avoit , outre les palæo- theriums, une espèce de pachydermes à-peu-près de la taille du palæotherium medium , mais dont les incisives infé- rieures se joignoient aux molaires, sans canine et sans es- pace vide ; et ce trait joint à ceux que nous fournit la cou- d’ HISTOIRE NATURELLE, 575 Tonne des molaires, nous autorise suffisamment à établir encore un genre , et à lui donner un nom. En effet , parmi les pachydermes il n’y a que les rhinocéros et les damans qui manquent de canines, mais ils n’ont que quatre incisives inférieures, ou bien ils en manquent tout- à-fait , et lorsqu’ils en ont, il y a toujours un intervalle entre la dernière incisive et la première molaire. Il ne faut pas croire qu’on puisse trouver quelque chose de plus semblable, hors de la classe des pachydermes; les rongeurs, les ruminans, les solipèdes ont tous cet inter- valle vide. Les carnassiers ordinaires et les quadrumanes ont tous une grande canine ; il n’y a que les hérissons et les musaraignes qui pourroient offrir quelque analogie dans la co-ordination des dents ; leurs incisives latérales sont ainsi obliquement aiguës , et leurs canines ou leurs premières mo- laires ressemblent fort aux incisives; mais sans parler de l’énorme différence de grandeur, le nombre des molaires et la forme des mâchoires sont tout autres , quoique nous ne puissions nier qu’il n’y ait quelque ressemblance dans la forme des molaires. Le nom à? cinoplotherium que nous choisissons pour dési- gner ce genre , a rapport à cette absence d’armes offensives ou de dents canines plus longues que les autres, par laquelle il se caractérise. Je devois être curieux de connoître la mâchoire supé- rieure de cet anoplotherium ; comme il n’y avoit point de vide à celle d’en bas, j’imaginois bien qu’il n’y avoit pas non plus de forte canine à celle d’en haut; mais ce n’étoit pas assez d’une conjecture plausible , je voulois des faits: les mâchoires supérieures sont en général beaucoup plus rares 49* sur-tout leur partie antérieure , et cela est aisé à expliquer, parce que leur forme a dû les exposer à plus de fractures, avant d’être incrustés par le gypse, et que cette même forme rend leur extraction hors du gypse, beaucoup plus difficile. J’en trouvai cependant une portion considérable que je juge, sans aucun doute, avoir appartenu à notre anoplotherium , à cause de sa grandeur, de la forme et du nombre de ses incisives, et sur-tout à cause qu’elle est pri- vée de canines. On l’a dessinée, pl. XI ,fig. 3. Le morceau est très-fracturé, parce qu’il étoit entièrement enveloppé de glaise et de gypse; on y voit cependant encore tout le bord alvéolaire supérieur du côté gauche assez bien conservé , et les dents de ce côté en place, excepté la cinquième et celles qui suivent la neuvième. On distingue le trou incisif ab , et la suture antérieure des os intermaxillaires, de ma- nière qu’on est sur qu’il ne manque aucune des dents de devant. La première incisive c seulement est cassée, mais elle a conservé son fust et sa racine. Les deux suivantes 7 * JLa cinquième molaire supérieure est bien différente de celles qui la précèdent. Elle ressemble même tellement à celles du palæotherium , qu’il me paroît impossible de lui assigner des caractères certains pour l’en distinguer; les li- néamens de la couronne et le contour de la face externe sont absolument les mêmes. La sixième et la septième molaire manquent à mon mor- ceau , mais il est assez probable qu’elles ressembloient à la cinquième; ainsi les trois dernières molaires tant de la mâ- choire supérieure que de l’inférieure auroient eu les plus grands rapports de forme dans les deux genres palœothe - riurn et anoplotherium, tandis que les quatre premières s’écartoient sensiblement. J’ai trouvé dans plusieurs morceaux la forme de la mâ- choire inférieure de cet anoplotherium ; on en voit l’em- preinte,/?/. II y fig. 2. Elle est elle-même presque entière, pl. V^IIIy fig. 5. Par-tout elle montre cette grande largeur de ses branches montantes , et cette convexité de son bord postérieur qui ne se retrouvent guère parmi les quadrupèdes vivans , que dans le daman et dans le tapir. L’apophyse coronoïde est large en forme de crochet, et remonte beau- coup au-dessus du condyle. J’aurois bien voulu avoir quelque morceau qui m’indi- quât la forme de la tête ; mais c’est vainement que j’en ai cherché jusqu’ici. Le petit nombre de pièces reconnoissables d’histoire naturelle. 679 qui me sont parvenues, appartenoient au palæotherium , et je les ai employées dans sa description. Il faut donc que je me taise où les matériaux manquent. A juger de la taille de cette espèce la plus commune # anoplotherium par ses mâchoires entières ,„ et notamment par celle du cabinet de M. Héricart-Thury , il devoit être un peu plus grand que le palæotherium medium , c’est-à- dire encore supérieur à nos sangliers; mais j’ai trouvé des indices de deux espèces beaucoup plus petites. § II. Des petites espèces qui paroissent voisines de Z’ano- plotherium. Je rapporte d’abord ici une moitié de mâchoire inférieure de la collection de M. Drée, pl.IX,jig.2 . La dernière molaire n’est pas encore venue ; l’avant-dernière même n’a pas quitté l’alvéole. La troisième est tombée ; mais toutes celles qui existent , et sur-tout les deux premières rappellent les formes de l’anoplotherium. La longueur qu’occupent les six premières molaires est 0,061 , ce qui est à-peu-près sous- double de î’anoplotherium commune. Ainsi cette espèce avoit la taille d’un mouton ordinaire. Je l’appellerai anoplo- therium medium. Une autre espèce plus petite , appartient bien sûre- ment à ce genre. J’en ai dans ma collection un côté pres- que entier de mâchoire inférieure , représenté , de grandeur naturelle, pl. IXyJig. 7. On y voit bien la forme de la mâ- choire dont la branche montante est un peu plus étroite à sa partie supérieure, et sur-tout à son apophyse coronoïde que dans l’espèce ordinaire. Le bord antérieur de cette apo^ \ 58o ANNALES DU MUSEUM physe y fuit aussi plus rapidement en arrière. Les trois der- nières molaires y sont bien conservées, et ressemblent à leurs analogues dans l’espèce commune , par leur face ex- terne. Leur couronne est un peu différente; il y a au côté interne une pointe vis-à-vis chacune de celles du côté ex- terne; la première détrition y produit donc des paires de disques arrondis; ensuite des disques alongés dans le sens transversal , ou des espèces de collines transverses qui rapprochent un peu ces dents de celles du tapir (1). En avant de ces trois molaires, il y a la place de deux, mais elles n’y ont laissé que leurs alvéoles. En avant encore vient une dent tranchante à deux racines, à trois pointes dont celle du milieu beaucoup plus grande , puis deux dents obliquement aigues, à une seule racine; la place vide d’une ou même de deux dents pareilles, et une dernière dent ou incisive antérieure qui est tronquée dans ce morceau-ci. On voit évidemment que toute cette partie antérieure de la série des dents est extrêmement semblable à la même partie de Y anoplotherium. Un morceau de la même espèce, de la collection de mon savant ami M. Alexandre Brongniard , pl. XIII , fig. 4 , m’a été bien précieux en ce qu’il m’a donné précisément la dent qui manquoit dans le mien , celle qui précède l’anté- pénultième. Elle y est à trois pointe comme dans Y ano- plotherium ordinaire, ce qui confirme bien l’affinité de cette petite espèce. (1) Depuis que ce morceau est gravé, il a perdu la première de ces trois molaires. . Il faut qu’elle soit bien rare dans nos carrières , car je n’en ai vu qu’un troisième morceau représenté, pl. V7II , fig. 3. Il contient trois molaires en partie mutilées , et ne m’a rien appris. Ses proportions sont un peu plus grandes que celles des deux autres. (1) Cette espèce devoit être 'de très-peu plus grande qu’un lièvre; je ne crois pas pouvoir me tromper beaucoup en la rangeant dans les anoplotlierium. Je lui donne le nom spé- cifique de minus. Je possède deux fragmens de mâchoire inférieure, d’une espèce plus petite et plus rare encore ; l’un d’eux ,pl. VIII , fig. 6 , n’est mutilé que par devant : il contient les quatre dernières molaires. Leur forme est la même que dans l’es- pèce précédente; mais les pointes de ses dents sont mieux conservées, apparemment parce qu’il vivoit d’alimens moins propres à les user. La configuration de sa branche montante est toute différente, ce qui achève de constater la distinction de l’espèce. La grandeur est d’ailleurs moitié moindre. Mon second fragment,/)/. VIII f fig. j , ne contient que trois molaires : dans l’un et dans l’autre les pointes disposées par paires sont un peu comprimées latéralement. C’est un pre- mier rapport qui tend à rapprocher cette espèce de l’ordre des ruminans. N’ayant pas vu ses incisives, ni même au- cune de ses dents antérieures , il m’est impossible de déci- der si c’est vraiment un anoplotherium ; dans ce cas nous (1) Pendant l’impression de ce mémoire , j’en ai reçu un quatrième qui contient les six dernières molaires bien entières. Il confirme ce que les premières m’avoient appris. On le voit ,pl. XIII ,fig. 4. Il est probable, à en juger par la grandeur, que la base de crâne très-jncomplette , représentée/?/. XI, fig. 5 , vient aussi de la même espèce. 3. 5o 382 ANNALES DU MUSÉUM pourrions l’appeler minimum : sa taille devoit être un peu moindre que celle d’un lapin. Voilà donc dans nos carrières les dents et les mâchoires d’aumoins six espèces de quadrupèdes pachydermes , dont aucune n’a été rue vivante aujourd’hui sur la terre; mais on y trouve encore celles de quelques animaux d’un autre ordre, et il est nécessaire que nous les indiquions ici, pour éviter toute méprise dans les recherches que nous aurons ensuite à faire sur les pieds. Article III. Des portions de tête de nos carrières qui indiquent des animaux non pachydermes. (j I.er Mâchoire inférieure de carnassier. Fatigué en quelque sorte par cette longue suite d’animauS dont je ne connoissois pas un, je me sentis l’imagination soulagée lorsque je vis arriver des carrières une mâchoire que je crus reconnoître pour celle d’un chien ou d’un re- nard; elle est représentée , pt. XII ,fig. 12. L’apohyse condyloïde a très-élevée , le bord postérieur h échancré en arc de cercle sous le condjlec, l’angle posté- rieur d en forme de crochet, la molaire tranchante , trian- gulaire et dentelée, ne me laissoient aucun doute sur la classe; c’étoit bien sûrement un carnassier. Entre cette mo- laire et la canine i, étoient les alvéoles des racines de deux autres molaires fet g-, et la place d’une troisième h: der- rière elle en k étoit le fragment d’une autre plus grande, et assez de place vers l pour en loger deux. Je concluois de-là que cette mâchoire étoit du genre canis\ le genre felis n’a que trois ou quatre molaires au plus; dans les ours d’iiistoire naturelle. 583 proprement dits, il n’y en a aussi que quatre grandes dont aucune n’est tranchante. Il y a d’autres différences qu’il est inutile que j’explique ici, pour les ratons, les coatis , les civettes , etc.;enmn mot, de tous les carnassiers , il n’y a que le genre canis auquel on puisse rapporter cette mâchoire. Mais quelle fut ma sur- prise, lorsque la comparant avec les différentes espèces de canis, je n’en trouvai pas une qui lui convînt entièrement. Le loup, le renard, toutes les variétés de nos chiens do- mestiques, le renard de Virginie, le chacal, examinés avec la plus scrupuleuse attention, se ressemblent parfaitement entre eux par des points dans lesquels ils diffèrent tous éga- lement de notre carnassier actuel. Mais on est très-embarrassé de faire saisir des différences qui, faciles à voir pour l’oeil habitué, sont très-difficiles à rendre à l’esprit par des paroles. Essayons cependant de nous faire entendre. La dent e est évidemment la quatrième molaire de ce côté; comparée pour la grandeur avec la pareille des autres espèces , on trouve que c’est du renard qu’elle approche le plus. La distance des deux trous sous-mentonniers, celle entre la dent e , et la hase j de la portion extérieure de la canine zi, donne à - peu - près le meme résultat. Maintenant si l’on prend la hauteur e o , de la branche à cet endroit , on trouve que le renard a un sixième de moins. Si l’on suit le bord inférieur en arrière, on trouve qu’il est presque droit dans notre animal, et que dans le renard il remonte de manière que l’angle d se porte en L’apophyse coronoïde est bien plus différente encore ; elle est beaucoup plus courte et plus étroite dans le renard que 5o * 384 ANNALES DU MUSÉUM dans notre animal. La ligne JV, par exemple , dans le re- nard ne fait pas tout-à-fait les 3 quarts de la ligne d p qui lui correspond dans notre animal. La ligne eTa, est encore un peu plus petite par rapport à la ligne dci. Ainsi non-seulement la mâchoire du renard, à longueur à-peu-près égale, a certaines de ses dimensions moinsgrandes que la mâchoire fossile; mais ces dimensions ne diminuent pas uniformément , puisque vers eo , c’est d’un sixième, et vers da et d p , c’est de plus d’un quart que les lignes du renard sont au-dessous de leurs correspondantes dans notre animal. Ceci répond d’avance à l’objection qu’on pourroit nous faire, que nous ne pouvons avoir bien juste la longueur dq de notre mâchoire fossile, à cause de la cassure rs de la pierre. On voit que nous nous sommes abstenu d’employer cette longueur dans nos comparaisons. Quelque mâchoire du genre canis que notis examinions, nous y trouvons les mêmes différences dans le contour et les proportions de la partie postérieure : les variétés des chiens domestiques, le mâtin, par exemple, et le doguin ne diffèrent pas autant l’une de l’autre à cet égard, que cet animal ne diffère des canis que nous lui avons comparés. Il est donc très-probable que ce carnassier étoit comme les herbivores, d’une espèce inconnue aujourd’hui. Nous croirions même pouvoir dire que cela est certain , si nous avions le squelette de quelques espèces telles que Y isatis , le chacal du Cap ; mais quoique nous soyons bien persuadés d’avance que les mâchoires de ces espèces ressem- blent à celles des autres, nous ne prononcerons point ici , afin de ne rien laisser de douteux dans notre travail. d’Ji istoire naturelle. 385 § II. Portions de têtes de tortues et d’autres reptiles. Je n’en parle ici qu’en passant, et pour empêcher, lors- que nous trouverons des os d’autres parties du corps, que nous n’oublions de chercher s’ils ne peuvent pas aussi venir de quelques reptiles. M. Faujas a déjà indiqué quelques ossemens de tortues dans les annales du Muséum d’histoire naturelle ; j’en ai moi-même plusieurs j j’ai encore une portion de tête qui ne peut provenir que d’une espèce de lézard voisine du cro- codile. Ce n’est pas ici le lieu de déterminer précisément les es- pèces d’où proviennent ces débris ; il suffit d’en avoir rap- pelé l’existence. On sait encore qu’on trouve par-ci par-là, dans nos carrières, des ossemens d’oiseaux; j’en ai déterrqiné la nature, à ce que je crois, le premier avec rigueur ; plusieurs naturalistes ont ajouté depuis, de nouveaux faits aux miens. Je reviendrai ailleurs sur ces divers débris étrangers à la classe des quadrupèdes qui doit seule m’occuper en ce moment. Article IV. Réflexions générales. On peut s’étonner que dans une contrée aussi étendue que celle qu’occupent nos carrières, et qui a plus de vingt lieues de l’est à l’ouest , on n’ait presque trouvé que des os d’animaux d’une seule famille , et que le petit nombre d’es- 586 ANNALES DU MUSEUM pèces étrangères à cette famille principale, y soient d’une rareté extrême. On ne sauroit guère douter que la proportion dans le nombre des os de chaque espèce ne soit à-peu-près relative à l’abondance de l’espèce même lorsque les animaux vi- voient ; car on ne conçoit guère une cause destructive qui ait pu frapper, ou entraîner, ou enfin incruster dans le gypse, les os de certaines espèces, de préférence à ceux des autres. Or il est certain que dans l’état actuel du globe, les pays qui font partie des deux grands continens, par exemple, les différentes contrées de l’Europe ou de l’Amérique, sont habitées par des animaux à peu-près de toutes les familles , chacune selon sa latitude et la qualité de son sol. Mais il n’en est pas de même des grandes îles, et la Nou- velle-Hollande, en particulier, peut nous éclairer par son état actuel, sur l’état où devoit être le pays qu’habitoient les animaux de nos carrières. Les cinq sixièmes des quadrupèdes de la Nouvelle-Hol- lande appartiennent à une seule et même famille , celles des animaux à bourse j les dasyures,les phalangers, les pe- taurus , les péramèles , les kanguroos et les phascolomes , forment six genres très-voisins les uns des autres, et qui n’ont d’analogue dans le reste du monde, que les seuls di- delphes de la partie chaude de l’Amérique. Le nombre des espèces comprises dans ces six genres, va aujourd’hui , d’après les nouvelles découvertes du capi- taine Baudin , à plus de quarante ; et on n’a trouvé encore dans ce même pays que huit ou dix espèces qui soient étrgn-* d’histoire NATURELLE. 387 gères à cette famille des animaux à bourse , savoir ; un chien sauvage , deux rats et quelques chauve-souris. Voilà donc une région considérable, mais isolée, qui offre encore de nos jours, dans la proportion des familles des quadrupèdes qui l’habitent, quelque chose de très-sem- blable à ce qui existoit autrefois dans le pays des ani- maux de nos carrières. On trouve parmi ceux-ci huit pachydermes contre un seul carnassier. Nous verrons par la suite combien cette ressemblance peut devenir importante, lorsque nous voudrons établir quelques conjectures sur l’état de la surface du globe 3 à l’époque où vivoiejit les espèces décrites jusqu’ici. 588 ANNALES DU MUSÉUM ■ - - - ■■ - DES LANGOUSTES DU MUSEUM NATIONAL D’ HISTOIRE NATURELLE. Par P. A. LATREILLE. En m’occupant de la détermination des différentes espèces du genre des langoustes qui font partie de la collection na- tionale, je me suis aperçu qu’on n’avoit pas encore de no- tions bien distinctes sur l’espèce la plus commune, la lan- gouste de nos côtes, de celles de la Méditerranée sur-tout, et dont ont parlé la plupart des anciens naturalistes. Com- parant, en effet, les caractères de ce crustacé, avec ceux des espèces décrites par Fabricius, j’ai vu que ses notes in- dicatives ne pouvoient tomber que sur l’espèce qu’il nomme quadricomis : or cette langouste a pour patrie, suivant lui, l’Amérique méridionale ; cet auteur ne dit pas qu’elle se ren- contre ailleurs, et il ne cite qu’un seul synonyme, savoir, une figure d’Herbst. L’espèce appelée homarus, qui n’a cer- tainement pas les traits de la langouste indigène, et quiparoît être propre aux Indes, attire, au contraire à elle, presque toute la synonymie; ainsi voilà en quelque sorte notre lan- gouste tellement méconnue , qu’il est difficile de la retrou- ver dans les écrits de Fabricius, ou que l’on peut se mé- prendre sur son compte. Olivier, qui a eu occasion de bien connoître ce crustacé, puisqu’il a fait ses premières re- cherches entomologiques sur les côtes de la ci-devant Pro- vence, contrée qui l’a vu naître, a décrit cette espèce;mais en manifestant des doutes sur l’application qu’on a faite des figures de Marcgrave , de Rumphius, deSéba, etc., à cette langouste , il la prend néanmoins pour le cancer homarus de Linnæus, et pour Y astacus homarus de Fabricius, quoique la description du premier, publiée dans son ouvrage inti- tulé: Muséum Ludovicœ Ulricæ , soit très-insuffisante pour servir à établir une opinion , et quoique le second natura- liste se soit mépris sur la langouste commune . Si nous con- sultons l’ouvrage le plus complet que nous ayons encore sur les crustacés , celui d’FIerbst, nous ne serons pas plus éclairés. Son cancer homarus , la langouste qui a le même nom spécifique dans Fabricius, crustacé très-différent de notre langouste, devient encore le point de ralliement des auteurs, particulièrement des iconographes; Herbstauroit du voir dans son cancer elephas la langouste de Rondelet, d’Aldrovande, en un mot, la commune. Il est donc prouvé qu’il règne une assez grande obscurité sur cette espèce qu’il nous importe cependant le plus de connoître, i.p parce que le père des historiens des animaux, Aristote, en a parlé avec détail sous le nom de carabos\ li.° parce que les auteurs latins en font aussi souvent mention , en l’appelant locusta ; 3.° par- ce qu’elle nous rappelle un trait de barbarie de l’empereur 3, 5i DÿO ANNAL E S DU MUSEUM Tibère, qui fit déchirer le visage d’un pêcheur avec le test épineux de ce crustacé , sans qu’il le méritât; 4.° enfin, parce que cette langouste est un mets recherché. Il faut encore observer que ce genre de crustacés est le plus intéressant , si on le considère sous les rapports de la grandeur, de la diver- sité et de la beauté des couleurs qui ornent le test de la plu- part des espèces. Ce genre est un des mieux caractérisés. Parmi les ani- maux de cette classe de la division des pédiocles et de celle des macroures du professeur Lamarck , les langoustes et les scyllares sont les seuls genres où les pattes antérieures soient simples, ou n’ayent pas la forme de bras, terminés chacun par une sorte de main. Les scyllares sont distingués des langoustes y ou mieux, de tous les crustacés , par la forme singulière de leurs antennes extérieures qui représentent une sorte de crête. Les langoustes ont ces antennes en forme de filets, de même que dans les autres genres; mais elles ont un caractère qui me semble unique dans cette classe : leurs yeux sont portés sur un pédoncule commun et transversal. C’est dans Rondelet, dans Belon, qu’il faut chercher le peu de faits historiques que nous ayons sur ces crustacés. Ceux qui aiment le merveilleux trouveront de quoi se con- tenter dans Y Histoire naturelle des plus rares curiosités * de la mer des Indes de Louis Renard. Il leur apprendra qu’une espèce de langouste de File de Loeven, dont la lon- gueur est de trois à quatre pieds, grimpe sur les arbres pour y pâturer, et que bien différente du plus grand nombre de crustacés, elle ne pond que de douze à qua- d’ H ISTO IRE NATURELLE. 5t)l torze oeufs ; ces oeufs sont d’un bleu céleste , picotés de rouge ; elle les enfouit dans le sable. Laissons-là ces contes, et caractérisons les cinq espèces de langoustes qui nous sont mises sous les yeux. * Epines situées au-dessus des yeux dentées. 1. Langouste commune. Paliriurus vulgaris. Palinurus quadricornis. Fab. Suppl, entom . system.pag. 4oi. — Astacus homarus , Oliv. Encyclop. méthod. hist. nat. tom. El , pag. 343. — Cancer elephas , Herbst. Crus- tac. tab. 2p ,fig. i. — Petiver, mus.pl. i54 , n.° 5. — Lan- gouste, Rondelet, edit. franc. liv.iS , chap.i. — Astacus , Belon , de aquat. pag. 35o. (i) — Locusta marina, Gesner , de aquat. lib. 3 , pag. 5i3. — Locusta marina , Àldrov. Crust. lia. 2 , pag. 102. C’est aussi, à ce qu’il me paroît , Y astacus de Gronovius. Zoop. n.° p8i. On trouve dans l’Amérique méridionale une langouste que Marcgrave nomme potiquiqu’iya. Elle est voisine de celle-ci ; mais sa figure et sa description ne peuvent satis- faire à cet égard. Sloane qui en a parlé dans, son Histoire naturelle de la Jamaïque, tom. 2 , pag. 370 , y rapporte la synonymie de notre espèce. „ , Cette espèce est bien distincte par les dentelures des deux ,, . y • ; . J . ■/; -, ; (1) Cet auteur traite de la langouste commune dans deux, articles et sous deui noms diffère ns ; d’abord sous celui de locusta marina , et ce qu’il dit à. ce sujet ne lui est pas propre ; ensuite sous celui ftastacos , y rapportant mal-à-propos le crustacé auquel les Grecs donnoient cette dénonfittation , et l’écrevisse dite homard. 5i * 5g2 annales du muséum épines ou pointes situées au-dessus des yeux, et par celles des extrémités latérales des anneaux de sa queue ; ces mêmes anneaux ont un sillon interrompu sur le milieu du dos , ce qui lui est propre; ses pattes de devant sont plus grosses que celles des autres espèces, et leur avant-dernière articu- lation, près de leur extrémité, a une forte dent. La partie antérieure et supérieure du testa deux fortes arêtes; la cou- leur du corps est rougeâtre, avec deux rangées de taches jaunâtres sur la queue. * * Epines situées au-dessus des jeux n’ayant pas de dentelures . f Segmens de l’abdomen ayant chacun un sillon transversal. T 2. Langouste mouchetée. Palinurus guttatus. Cette espèce est, hors de doute, le palinurus homcirus de M. Fabricius. {Suppl. ento?n. System, pag. 4oo ). C’est aussi probablement le cancer homarus de Linnæus; system. nat. edit. 12 , tom. 2 , pag. io53 , n.° y 4. — Ejusd. Mus. Ludov. Ulr.pag. 45 y. Herbst Fa représentée, quoiqu’assez mal, pl. 3i ,fig. 1. Voyez Séba , thés. tom. 3 ,pl. 21 , n.° 5. Elle a beaucoup d’affinité avec la suivante; mais l’inter- valle situé entre les antennes latérales , en dessus, ou la partie supérieure de la tête,, n’a que deux épines; son corps est bleu ou rougeâtre, moucheté de blanc; on ne Toit pas sur sa quëue les taches oculaires qué nous observe- rons dans l’espèce suivante. Le nom spécifique d’ homarus est mauvais. U ne convient \ b’ HISTOIRE NATURELLE. Oq5 rigoureusement qu’à X écrevisse de mer, astacus marinas , Fab. C’est Belon qui a probablement induit en erreur Linnæus. Cette espèce se trouve dans les mers des Grandes-Indes. La figure de Rumphius, Mus. tcib.i , jig. A , rapportée à cette langouste, fait voir quatre épines sur la partie an- térieure et supérieure du test : ce ne peut donc être cette espèce. La figure de Petiver. Amboin, pl. Pl ,fig. /, ne diffère pas de celle de l’auteur précédent. 3. Langouste argus. Palinurus argus. La partie antérieure et supérieure de la tète , située entre les antennes latérales, a quatre petites épines, dis- posées sur deux rangs transversaux, ou formant un carré long. Le corps est bleu, mêlé de nuances de la même cou- leur plus foncées, de rougeâtre, et tacheté de blanc-jaunâtre; la queue offre quatre grandes taches de cette dernière teinte, rondes et bordées de bleu plus foncé. Je la soupçonne des Grandes-Indes : elle est voisine du palinurus fasciatus de Fabricius. f f Segmens de V abdomen sans sillon , ou lisses. 4. Langouste polyphage. Palinurus polyphagus. Je rapporte à cette espèce le cancer polyphagus d’Herbst, pl. 32. Le fond de la couleur est différent de celui de notre individu; mais les caractères essentiels sont les mêmes. Son test est moins épineux que celui des espèces dont nous ve* 3q4 ANNALES DU jtf U S É U M nons de parler. L'intervalle qui se trouve entre les an- tennes latérales a deux épines sur une ligne transverse : le bord postérieur des anneaux de l’abdomen est d’un vert pâle , et cette bande est d’un jaunâtre clair au bord intérieur. Cette espèce paroît être le palinurus ornatus de Fa- bricius. Suppl, entom. System, pag. 4oo. 5. Langouste versicolor. Palinurus versicolor. Cette jolie espèce nous est arrivée par la frégate le Naturaliste. Les individus entiers sont petits ; mais nous en conservons les débris d’un qui a dû être fort grand. La partie antérieure et supérieure du test a quatre petites épines disposées en carré. Le corcelet ou le test est d’un roux-brun foncé, coupé par des taches et des -traits d’un blanc jaunâtre. Les anneaux de l’abdomen sont d’un rougeâtre clair, avec une raie blanchâtre trans- verse, au milieu d’une bande , d’un rouge brun foncé, au bord postérieur : les pattes sont rayées alternativement de ces deux dernières couleurs. Clusius, curœ posterior , pag. pi , a donné une bonne figure de cette espèce. L’individu qu’il a décrit avoit un pied romain de longueur , sans compter les antennes qui étoient longues de vingt pouces. Nous avons trouvé dans le dernier envoi du capitaine Baudin , les débris d’une sixième espèce de langouste , qui devoil être fort jolie. Le professeur Lamarck en possède une grande espèce décrite dans l’ Encyclopédie méthodique , sous le nom d Ver <2- visse pénicillée. d’histoire NATURELLE. 395 On voit aussi une très-belle langouste dans le Muséum de feu Gigot d’Orci. Il est à désirer que des temps plus heureux nous per- mettent de publier une monographie des crustacés, accom- pagnée de figures ; l’ouvrage d’Herbst sur cette partie n’en offre qu’un petit nombre d’originales et de bonnes. Je n’ai pas cité dans la synonymie ma Gammarologie et celle de Bosc , ayant suivi l’un et l’autre , à cet égard , M. Fabricius. / 3g6 ANNALES DU MUSEUM CORRESPONDANCE. Alexandre Humboldt et le çitoyen Bompland , à V Insti- tut national cle France. Ç itoyens , \ i Depuis le mois de brumaire an VII , ou depuis le commencement de l’expédition dans laquelle nous nous sommes engagés pour le progrès des sciences physiques, nous n’avons cessé de chercher des moyens pour vous faire parvenir des objets dignes d’êtrë conservés dans le Musée national. Sans compter les collections nombreuses de graines adressées au jardin des Plantes de Paris, et les produits de l’Orénoque dont le citoyen Bresseau , ci-devant agent de la République à la Guadeloupe , s’est chargé, nous vous avons envoyé de Santa-Fé de Bogota et de Cartbagène des Indes , deux caisses accompagnées de lettres, datées de messidor an IX. L’une de ces caisses con- tient un travail sur le quinquina du royaume de la Nou- velle-Grenade, savoir, des dessins enluminés de sept espèces de Cinchona, avec l’anatomie de la fructification, des échan- tillons d’herbier en fleurs et en graines, et les écorces sèches de ce produit précieux digne d’une nouvelle analyse chi- mique. L’autre caisse renferme une centaine de dessins en grand folio, représentant de nouveaux genres et de nou- velles espèces de la flore de Bogota, C’est le célèbre Mutis qui nous a fait ce cadeau aussi intéressant pour la nouveauté des végétaux que pour la grande beauté des planches colo- riées. Nous avons cru , citoyens , que ces collections seroient plus utiles aux progrès de la botanique en les offrant à l’Ins- titut national comme une foible marque de notre recon- noissance. De Quito et Guayaquil, nous vous avons adressé une caisse de minéraux très-curieux pour les recherches géologiques, contenant des roches porphyritiques et des produits vol- caniques du Cotopaxi, de l’Antisana, de Pichincha, et sur- tout du Chimborazo sur lequel nous avons réussi à porter des instrumens à l’énorme hauteur de 5,849 mètres, ou 3,oi 5 toises ( formule de Trembley). Voyant descendre le mercure dans le baromètre à j5 pouces n f lignes, le thermomètre étant à i°,3 Réaumur,au-dessous de zéro. Cette dernière collection est partie par le Cap-Horn dans la fré- gate la Guadeloupe que nous savons être arrivée heu- reusement à Cadix, et je ne doute pas que M. Hergen , pro- fesseur de minéralogie au cabinet de Madrid, à qui j’ai adressé ces objets, ne les ait déjà remis à l’ambassadeur de la République en Espagne. Quoique nous ayons pris toutes les précautions imagi- nables pour assurer les differens envois que nous avons pris la liberté de vous faire, nous nous trouvons cependant jus- qu’aujourd’hui dans la plus cruelle incertitude à ce sujet, n’ayant eu depuis plus de deux ans aucune nouvelle d’Eu- rope ; vraisemblablement notre séjour dans l’intérieur des missions de T Amérique méridionale à l’est des Andes , 3. 52 comme celui sur les côtes de la mer du sud, nous a privé de cette consolation. Accoutumés à des privations et des revers plus grands, nous continuons sans relâche des tra- vaux que nous croyons utiles aux hommes, et nous nous hâtons de profiter de l’occasion qui se présente en ce moment pour vous réitérer , citoyens, les assurances d’un dévoue- ment auquel vos bontés nous obligent à jamais. Une grande partie de nos collections se trouvant encore à Acapulco , nous ne pouvons vous offrir cette fois-ci que le peu d’objets que renferme la caisse ci-jointe. Parmi les roches de la Cordillère des Andes adressées à M. Hergen, à Madrid, se trouvent des obsidiennes très- curieuses des volcans du Quito, sur-tout du Quinché, des obsidiennesnoires, vertes, jaunes, blanches et rouges, mê- lées de fossiles problématiques. Pour compléter l’histoire de cette roche si intéressante pour la géologie, nous vous of- frons aujourd’hui une collection d’obsidiennes du royaume de la Nouvelle-Espagne. La grande facilité avec laquelle quelques variétés, les noires et les vertes se convertissent au feu en une masse blanche spongieuse, quelquefois fi- breuse, (augmentant 7-8 fois son volume) et la grande résistance avec laquelle d’autres obsidiennes , sur-tout les rouges et lesbrunes, conserventleur état primitif, indiquent des différences de mélanges que l’analyse chimique décou- vrira facilement. Pendant que l’obsidienne incandescente se gonfle, il échappe une substance gazeuse qui mériteroit bien d’être recueillie en travaillant dans des cornues de fer. Dans aucune partie du monde, le porphyre n’est en plus grande abondance, et ne forme des masses plus énormes que sous les Tropiques. Occupés de mesurer , dans les différons d’h I S T 0,1 R E NATURELLE. O99 climats, tantôt par un nivellement barométrique, tantôt par des opérations géométriques , la hauteur à laquelle s’élèvent les différentes roches et l’épaisseur de leurs couches, nous avons trouvé que les porphyres des environs de Riobamba et du Tunguragua, par exemple, ont 4,o4o mètres, ou près de 2,080 toises d’épaisseur. On voyage des mois entiers dans la Cordillère des Andes, sans voir l’ardoise, le schiste micacé, le gneis, et sur-tout sans observer le moindre ves- tige du granit, qui en Europe et dans toutes les zones tem- pérées occupe les plus hautes parties du globe. Au Pérou, sur-tout dans les environs des volcans, le granit ne vient au jour que dans les régions les plus basses, dans les vallées profondes. Depuis 2,000 à 6,000 mètres de hauteur sur le niveau de la mer du sud, la roche granitique est par-tout couverte de porphyres, d’amygdaloïdes , de basaltes , et d’autres roches de la formation des trapps. Le porphyre y est par-tout le site du feu volcanique : c’est dans ces por- phyres enchâssant du feld-spath vitreux, de la cornéenne, ( hornhlend des Allemands) et même de l’olivin que gisent les obsidiennes tantôt en couches, tantôt en rochers de figure grotesque et à demi détruits par les révolutions qui ont dé- chiré cette partie du monde; la réunion des circonstances indiquées fait que dans les volcans de Popayan, dans ceux de Pasto , de Quito et d’autres parties des Andes, le feu vol- canique a exercé ses forces sur les obsidiennes. De grandes masses de ce fossile sont sorties des cratères, et les parois de ces gouffres que nous avons examinés de près, consistent en porphyres dont la hase tient le milieu entre l’obsidienne et la pierre de poix. (Pechstein). Ces mêmes phénomènes nous ont frappé au sommet du pic de Teyde, montagne 52 * 400 ANNALES 13 U MUSEUM dans laquelle on distingue clairement les roches chan- gées par le feu des couches porphyri tiques qui ont con- servé leur état primitif, et qui ont préexisté à toute érup- tion volcanique. Etudiant l’histoire de notre planette dans les monumens antiques qu’elle nous présente ; appliquant les faits chimiques à la géologie, nous ne pouvons énoncer les phénomènes que tels qu’ils s’olfrent à nos yeux. Nous n’ignorons pas que des minéralogistes respectables conti- nuent de regarder le basalte, le porphyre basaltique, et sur-tout l’obsidienne comme des produits volcaniques ; mais il nous paroît qu’un fossile qui, comme l’obsidienne des Andes et du Mexique, se décolore, se gonfle et devient spongieux et fibreux au moindre degré de chaleur d’un four, ne peut pas être le produit du feu des volcans ; au contraire, cette énorme augmentation de volume de l’ob- sidienne incandescente, et la quantité de gaz qu’elle dégage, ne seroit-on pas en droit de les regarder comme une des causes des secousses volcaniques dans les Andes ? L’élévation à laquelle les porphyres se trouvent dans la plus grande abondance dans le nouveau continent, est à 1,800 à 1,900 mètres au-dessus du niveau de la mer. C’est au-dessus de cette limite que nous avons observé le plus d’obsidiennes. Près de Popayan aux volcans de Puracé et Sotara, les obsidiennes commencent à4,56o mètres de hau- teur; dans la province de Quito, elles abondent à 2,700 mètres. Dans le royaume de la Nouvelle-Espagne, les ob- sidiennes de POyamel et du Cerros de Las-Navajas ( que la caisse ci-jointe contient J, se trouvent depuis 2,292 mètres à 2,948 mètres au nord-est de la capitale du Mexique dont la place major a, d’après la formule de Trembley, -2,266 401 !>’ HISTOIRE NATURE LL E. mètres on n63 toises, et d’après les formules de Deluc, 2,138 mètres ou 1 1 53 sur la mer du sud. Cette contrée étoit infi- niment intéressante pour les anciens habilans d’Anahuac. Quoique le fer soit très-abondant au Pérou et au Mexique, ou près de Toluca et dans les provinces du nord on trouve de grandes masses de fer natif éparses sur les champs ( masses semblables à celle du Chaco et de la Sibérie, et d’une ori- gine également problématique), les anciens habitans de ces contrées ne se servoient cependant pour des instrumens tranchans que du cuivre et de trois sortes de pierres dont nous trouvons encore l’usage dans les mers du sud et chez lessauvages del’Orénoque. Ces fossiles sont le jade, la pierre lidique de Werner, souvent confondue avec le basalte , et l’itztli ou l’obsidienne. Hernandès vit encore travailler des couteliers mexicains qui faisoient dans une heure plus de cent couteaux d’obsidiennes. Cortès raconte dans une de ses lettres à l’empereur Charles Y, qu’il vit à Tenochtitlan des rasoirs d’obsidienne avec lesquels les Espagnols se fai- soient faire la barbe. C’est entre Moran, Totoapa et le village indien de Tulancingo, au pied des rochers porphyritiques du Jacal, que la nature a déposé cette immensité d’obsi- diennes; c’est là que les sujets de Montezuma fabriquaient leurs couteaux ; circonstance qui a fait donner à cette cor- dillère le nom de CerrodeLas Navajas, qui veut dire mon- tagne des couteaux. On y voit encore une immensité de puits dont les Mexicains tiroient cette matière précieuse ; on distingue les vestiges des ateliers, et on y trouve des pièces à demi achevées. Il paroît que quelques milliers d’in- diens y travaillaient sur plus de deux lieues carrées. J’ai observé à Moran, un peu au sud de ces mines d’obsidiennes par Antares, la latitude de 20° 9' 26". 402 ANNALES DU MUSEUM Les numéros de la caisse sont : N.° î. Obsidienne chatoyante du Cerra de Las Navajas, élevé de 6g4 mètres au- dessus du niveau du lac de Tescuco, et de 2,948 mètres au-dessus de celui de la mer. Des stries transversales causent au soleil un reflet métallique analogue à celui de l’avanturine. N.os 2,5,6. Obsidiennes remarquables par leur surface. N.os 4 , 8. Obsidiennes striées et soyeuses. N.° 3. Obsidiennes brunes, verdâtres, d’un mélange chimique, très-different des N.os 2 et 8. N.os 9 , 10 et 11. Obsidiennes qui contiennent un fossile qui se rapproche de la pierre perlée. ( Pechstein de Werner). N.° 17. Fossile neuf inconnu , également digne d’analyse , de Zina-Pequaro, près de Yalladolid. MM. Texada et Delrio ont décrit ce fossile sous le nom de Wernerite. Il forme des compartimens 3-4-5 gulaires , comme dans les Echiniles. Gravité spéci- fique 3,464. Il se dissout au chalumeau avec effervescence dans Falkali, mais non dans le horax. Cette substance contient quelquefois dans ses compartimens de très- petits cristaux d’obsidiennes d’un vert d’olive et transparent. Ce sont des tables qua- ch angulaires avec les arêtes en biseau et les coins tronqués. N.° i5. Soufre natif dans une couche de quartz qui passe à la pierre de corne, de la grande montagne de soufre de la province de Quito , entre Alausi et Ticsan , élevée de 2,3i 2 mètres. Ce soufre qui en Europe se trouve constamment dans des mon- tagnes secondaires , sur-tout dans du gypse , forme ici , avec le quartz, une couche dans une montagne primitive , dans du schiste micacé. Voilà sans doute un phéno- mène bien rare en géologie ! Nous publierons deux autres soufrières de la province de Quito , toutes deux dans du porphyre primitif; l’Azufral à l’occident de Cuesaca , près de la ville de Ibarra et au volcan de l’Antisana, au Machay de Saint-Simon , à plus de 4,85o mètres d’élévation. N.° i4. Mine de plomb brune de Zimapan, analogue à celle de Zehoppan en Saxe , cleHoff en Hongrie, et de Pollawen en Bretagne. C’est dans cette mine de plomb de Zimapan , que M. Delrio, professeur de minéralogie au Mexique , a dé- couvert une substance métallique très-différente du chrome et de l’uranium, et de laquelle nous avons déjà parlé dans une lettre au citoyen Chaptal, M. Delrio la croit nouvelle, et la nomme érithrone , parce que les sels érithronates ont la propriété d’y prendre une belle couleur rouge au feu et avec les acides. La mine contient, 80,72 d’oxide jaune de plomb , i4,8o d’érithrone, un peu d’arsenic et de l’oxide de fer. N.° i3. Hyalites de Zimapan , analogues au verre de Muller ou de Francfort , se trouvant sur des filons d’opale dans des porphyres. N.° 12. Mine d’étain fibreuse de Goanaxoato, identique avec le wood-tin de Cor- nouailles. N.° 16. Une nouvelle cristallisation du quartz , quartz rhomboïdal ou plutôt quartz ü’ HISTOIRE N A T U R R L L E. 4o3 prismatique quadrangulaire , de Goanexoata, digne d’être examiné par lecit. Haiiy. N.° 7. Obsidienne dont la surface a pris un lustre d’argent , la plata incantada du peuple, de Zinapara. N.° 18. Le porphyre polarisant delà province de Pasto ; nous l’avons découvert dans le village indien de Voisaca, ( en frimaire an IX) a i,g4o mètres de hauteur. Les plus petits fragmens de ce porphyre ont des pôles magnétiques. Nous en avons envoyé des échantillons plus grands dans la caisse adressée au Musée national par la voie de M. Hergen à Madrid. C’est un phénomène analogue à celui de la serpen- tine polaire qu’un de nous a découvert en Allemagne, et de laquelle il a été sou- vent parlé dans les journaux. N.° 19. Mine de cuivre rouge vitreuse, mêlée de cuivre natif des mines de Ch i— guagua dans le royaume de la Nouvelle-Biscaye. Voilà les objets que nous avons l’honneur de vous pré- senter, citoyens, et qui mériteront peut-être l’attention des citoyens Haüy , Vauquclin, Cliaptal, Bertholet , Guyton et 'Fourcroy dont les travaux ont tant contribué au progrès de la minéralogie et de la, chimie analytique. Le vomissement noir et la fièvre jaune qui font, dans ce moment , de cruels ravages à Véra-Crux, nous empêchent de descendre vers la côte avant le mois de brumaire , de sorte que nous ne pouvons espérer de nous rendre en Europe que vers floréal de l’année prochaine. Après un séjour de plus d’un an dans laprovince de Quito, dans les forêts de Loxa , la province de Jean de Bracamoros et la rivière des Ama- zones, nous partîmes de Lima où l’un de nous a observé la fin du passage de Mercure , en nivôse an XI. Nous nous arrêtâmes à Guayaquil, près d’un mois et demi, étant pres- que témoins deda cruelle explosion que fit dans ce temps le grand volcan de Cotopaxi. Notre navigation à Acapulco, par la mer du sud , a été très-heureuse malgré une forte tempête que nous essuyâmes vis-à-vis les volcans de Guati- mala, quoique plus de 3oo lieues plus à l’ouest , parage où cette mer ne mérite pas le nom d’Océan pacifique ; l’état de loi A NN ALES DU MUSEUM nos instrumens endommagés par des voyages de terre de plus de 2,000 lieues, les démarches inutiles que nous avons faites pour nous en procurer de nouveaux, l’impossibilité de rejoindre le capitaine Baudin que nous attendîmes en vain sur les côtes de la mer du sud, le regret de traverser un immense océan sur un bâtiment marchand , sans relâ- cher a aucune de ces îles intéressantes pour les naturalistes ; mais sur-tout la considération du progrès rapide des sciences, et la nécessité de se mettre au courant des nouvelles décou- vertes, après 4 à 5 ans d’absence Voilà les motifs qui nous ont fait abandonner l’idée de nous en retourner par les Philippines , la mer Rouge et l’Egypte , comme nous l’avions projeté. Malgré la protection distinguée de laquelle le roi d’Espagne nous a honoré dans ces climats, un parti- culier qui voyage à ses propres frais trouve mille difficultés inconnues aux expéditions envoyées par ordre d’un gou- vernement. Nous ne nous occuperons désormais qu’à rédi- ger et publier nos observations faites sous les Tropiques. Peu avancés en âge , accoutumés aux dangers et à toutes sortes de privations, nous ne cessons cependant de tourner nos regards vers l’Asie et les îles qui en sont voisines. Munis de connoissances plus solides et d’instrumens plus exacts , nous pourrons peut-être un jour entreprendre une seconde expédition dont le plan nous occupe comme un rêve sé- duisant. Agréez, Citoyens , les assurances de notre attachement respectueux. • A 1a capitale du Mexique , le 2 messidor an IX. Signé Humboldt. «- \ H y . : . ■ X- Os Fossiles de Fa/'iset d Orléans, especes PI .JÜL d’ HISTOIRE NATURELLE. 4o5 MÉMOIRE /Sur un nouveau minéral de V Ile-de-France , reconnu par V analyse pour un véritable phosphate de fer pur et cristallisé. PAR A. F. FOÜRCROI. § I.er Introduction ; histoire du minéral ; premiers essais. Quelques progrès qu’ait faits ia minéralogie, sur-tout d’après les derniers travaux des célèbres professeurs Werner et Haiiy , quelque clarté et quelque profondeur que tes habiles minéralogistes aient portées dans la connoissance des minéraux par l’examen de leurs caractères apparens et de leurs propriétés physiques , ils ne sont point encore par- venus à déterminer, par ces seuls caractères, la nature intime des fossiles qu’ils voyent pour la première fois. La description la plus exacte n’apprend rien sur la composition des miné- raux ; et lorsqu’on veut par elle prononcer à priori sur cette composition, on ne peut éviter les erreurs. C’est ainsi qu’un prétendu Mica vert des minéralogistes, a offert aux chimistes l’oxide du nouveau métal nommé uranej que l’ancien schorl rouge du Limousin estun autre métal nommé Titane; que le wolfram est un tunstate de fer. C’est ainsi que ia S. 55 4o6 ANNALES DU MUSEUM chrysolile rangée long-temps parmi les pierres précieuses y les gemmes ou les tourmalines d’après ses caractères exté- rieurs, a été reconnue pour du phosphate de chaux cris- tallisé. C’est encore ainsi que le schorl bleu du Dauphiné, Foisanite de quelques minéralogistes ou l’anataze du citoyen Haüy, a été rapproché d’après l’analyse des oxides de titane auxquels il appartient , quoiqu’on ne pût tirer aucune indication de cette nature par ses caractères exté- rieurs. Sans analyse chimique, auroit-on trouvé, par les propriétés physiques, que le rubis, l’émeraude, la topaze et le saphir d’Orient ne sont que de l’alumine, et le diamant que du carbone cristallisé; que le quartz cubique des miné- ralogistes estun borate de magnésie ; que quelques feldspaths contiennent de l’alcali fixe; que le prétendu grenat blanc du Vésuve, ou la leucite, ainsi que plusieurs produits vol- caniques, récèlent jusqu’à un cinquième de leur poids de po- tasse dans leur composition ; qu’il en est de même de plu- sieurs stéatites ; que la terre de Baudissero, regardée si long- temps comme une argile, n’est presque que de la magnésie. Il nie seroit très-aisé de prouver que la plupart des minéraux actuellement bien déterminés par les expériences chimiques ont été pris d’abord par les minéralogistes pour d’autres substances que ce qu’ils sont, et que sans la chimie, les dénominations et les classifications minéralogiques , n’eussent été que des erreurs et des méprises continuelles : presque tous les sels terreux, les carbonates , les sulfates, les phos- phates, les fluates, les tunstates , etc. de chaux, de barite, de strontiane, tous les sels métalliques sans exception, serôient toujours restés dans la classe vague et indéterminée des pierres ou des mines , malgré la description la plus po- d’histoire, naturelle. 407 sitive de leurs caractères physiques , si la chimie n’avoit pas appris à séparer leurs matériaux constituans. On sent bien que cette assertion ne doit diminuer en rien du mérite éminent des minéralogistes modernes et du prix qu’on doit attacher à leurs travaux. Ils sont eux-mêmes et sur-tout ceux que j’ai cités, les premiers à invoquer les secours de l’analyse, et ils ne prononcent point sur la nature des corps qu’ils ont le plus étudiés et le mieux décrits , sans avoir consulté les résultats des expériences chimiques. C’est même d’après ce résultat qu’ils établissent les premières distinc- tions, les plus utiles classifications dans leurs méthodes. S’il falloit ajouter encore une nouvelle preuve à celles que j’ai présentées plus haut pour montrer que l’aspect extérieur et l’ensemble des propriétés apparentes ne suffisent pas pour la détermination des fossiles, elle pourroit être tirée de l’histoire du minéral qui fait le sujet de ce mémoire. Ce minéral lamelleux, fragile et d’un bleu foncé, a été donné d’abord à M. Geoffroy par M. Roch, ancien chirur- gien et propriétaire à l’Ile-de-France, à son arrivée de cette colonie, deux morceaux d’un volume assez gros, l’un d’eux roulé et arrondi , ont été placés dans la collection des ga- leries , et un fragment de quelques grammes m’a été remis aussi par M. Geoffroy pour l’analyse. A la vue de ce mor- ceau formé de lames irrégulières assez peu adhérentes les unes aux autres et très-faciles à séparer , quelques miné- ralogistes avoient d’abord pensé que ce pouvoit être un sul- fate de chaux sali par une matière pulvérulente d’un bleu sale. À peine le morceau dont je parle fut-il transporté au laboratoire des recherches chimiques du Muséum , que le citoyen Laugier, aide-chimiste, chargé d’en faire l’examen 53 * 4o8 ANNALES D TJ MUSEUM et de le soumettre aux expériences que jelui avois indiquées, le montra au citoyen Yauquelin dont les conseils sont si utiles, et dont les connoissances minéralogiques sont si étendues. Au premier aspect , le citoyen Yauquelin reconnut le fossile de l’Ile-de-France pour être tout-à-fait semblable à un minéral qu’il avoit reçu d’Abildgaard, quelques mois avant sa mort , sous le nom de phosphate de fer du Brésil. u y reconnut la même couleur, les mêmes laines, le même tissu; il nous apprit qu’ayant essayé ce morceau du Brésil, il l’avoit trouvé entièrement dissoluble dans les acides , et qu’en précipitant cette dissolution par la potasse en grande quantité, il avoit eu d’une part de l’oxide de fer déposé, et de l’autre du phosphate alcalin. Il assura que le minéral de l’Ile-de-France étoit de la même nature, et qu’il présenteroit les mêmes propriétés; et en effet, quelques lames de ce dernier ayant été broyées , elles donnèrent une poudre d’un assez beau bleu clair , absolument semblable à celle du phosphate de fer du Brésil, et qui, comme celui- ci, fut promptement dissoute dans l’acide nitrique foible , sans laisser presque de résidu sensible. Ainsi dès le premier essai, le fossile que nous avions à examiner, nous offrit les mêmes caractères apparens et la même dissolubilité dans les acides que celui du Brésil , de sorte que nous reconnûmes au même instant l’existence du même minéral dans deux contrées fort éloignées l’une de l’autre. Mais la singularité même de ce premier essai , et sa diffé- rence d’avec le premier aperçu de plusieurs minéralogistes, nous fit sentir la nécessité d’entreprendre une analyse très- exacte du minéral de l’Ile-de-France , et de porter les expé- D5 HISTOIRE NATURELLE. 4og riences aussi loin que la petite quantité qui nous en avoit été donnée, pourroit nous le permettre. Le citoyen Laugier s’est livré, sous ma direction, aux rc~ cherches nécessaires à cette analyse avec un soin et ujie exactitude que je ne saurois trop louer; elle lui a fourni l’occasion de trouver quelques faits nouveaux et un procédé intéressant , propres à perfectionner ce genre de travail si utile pour la connoissance des minéraux. La description de ses expériences , toutes vérifiées par Vauquelin et moi, pourra faire apprécier l’importance de l’établissement du laboratoire de recherches dans le Muséum, et ses grands avantages pour les progrès de l’histoire naturelle. § II. Analyse du minéral de V Ile-de-France entier , On a commencé par réduire en poudre ce minéral entier, et sans essayer d’en isoler les lames, la légère poussière qui les recouvre en dehors, et les portions opaques qui en al- tèrent la transparence. i.° Cette poudre d’un bleu pâle agréable, adhérent au papier sur lequel on la frotte et lui donnant sa couleur , exposée à la chaleur, perd bientôt sa nuance et prend une couleur jaune d’oxide de fer. Cette opération faite dans un creuset , donne une perte de près du tiers de son poids; car aux 0,28 qu’on y trouve de moins , il faut ajouter l’addition de l’oxigène dont le fer se charge ; à une très-forte tempé- rature, le minéral se vitrifie, comme on le dira en parlant de faction du chalumeau. 2.0 Cent parties du minéral en poudre ont été introduites dans une petite cornue de verre qui a été placée dans un 4lO ANNALES DU’ MUSÉUM fourneau de réverbère et à laquelle on a adapté un petit ballon. On a assujetti ces deux vaisseaux avec une bande de papier enduit de colle de farine , et on a mis quelques charbons allumés à peu de distance de la panse de la cornue. A la moindre chaleur, la poudre a perdu sa couleur bleue qui s’est convertie en une couleur jaune de fer. Bientôt après les parois de la cornue jusque vers son orifice se sont ta- pissées d’une rosée abondante. Celle-ci , par l’augmentation de la chaleur, s’est condensée en goutelettes d’eau qui se sont réunies dans le récipient. Lorsqu’on a vu qu’il ne se dégageoit plus de vapeurs, on a cessé l’opération, on a cassé la cornue pour obtenir le résidu bien sec, et on s’est assuré qu’il avoit perdu 28 pour 100 de son poids. Cette perte n’a pas pu être constatée exactement par le poids de l’eau obtenue dans le ré- cipient, parce qu’elle étoit en trop petite quantité pour per- mettre cette appréciation exacte. D’ailleurs il devoit y avoir plus d’eau dégagée que 28 pour 100, d’après l’oxidation en jaune du résidu qui avoit absorbé une portion d’oxigène de l’air contenu dans la cornue. On peut donc estimer l’eau à environ 3i pour 100. 3.° Quatre grammes du minéral de l’Ile-de-France , réduits en poudre bleue, ont été arrosés avec deux parties et demie d’acide nitrique étendu de la moitié de son poids d’eau dis- tillée. Il j a eu une légère effervescence , et un léger déga- gement de gaz nitreux , dus à l’oxidation subite du fer qui en effet a passé sur-le-champ au rouge ; bientôt et à l’aide d’une douce chaleur, la totalité du minéral a été dissoute, à l’exception d’une très-petite portion de substance jau- nâtre qui, séparée par le filtre et séchée, ne pesoit que cinq d’ histoire NATURELLE 4 11 centigrammes , ou un peu plus d’un centième du minéral employé. On l’a conservée pour l’examiner plus tard. 4. ° La dissolution qui avoit une couleur jaune verdâtre a été précipitée par l’ammoniaque. Comme on avoit ajouté un grand excès de cet alcali , le précipité abondant qui s’étoit formé d’abord a été entièrement redissous du soir aü lendemain, et il n’a reparu qu’après avoir fait bouillir long- temps le mélange, et en avoir ainsi séparé l’excès d’ammo- niaque qui avoit opéré la dissolution. On croit devoir remarquer ici que l’attraction du phos- phate de fer pour l’ammoniaque est très-considérable, que celle-ci adhère au sel ferrugineux avec une sorte d’opiniâ- treté, et que cette propriété peut donner un très-bon moyen de séparer ce phosphate de quelques autres sels du même genre , tels que le phosphate de chaux , etc. Le précipité occasionné par Fammoniaque a été recueilli sur un filtre; il avoit une couleur rouge foncé, un aspect gélatineux, et par la dissécation, il en a pris une brune noirâtre; il pesoit 3 grammes 70 centigrammes. 5. ° Dans l’intention d’analyser Complètement ceprécipité et d’isoler l’oxide de fer de l’acide phosphorique, on a pul- vérisé ce précipité, et on l’a traité au feu dans un creuset de platine avec le double de son poids de soude caustique. Le creuset retiré du feu et presque refroidi , on a versé sur la masse de l’eau distillée, on a agité le mélange, on l’a- filtré, et on a lavé la partie insoluble jusqu’à ce que l’eau en sortît insipide. 6. ° On a versé dans la lessive alcaline dont on vient de parler , une dissolution de muriate d’ammoniaque qui a occasionné un précipité peu abondant, lequeh s’est séparé 4.12 ANNALES DU MUSEUM sur-le-champ a présenté les caractères de l’alumine, et s’est trouvé peser après la désiecation 20 centigrammes ou un peu plus du vingtième du précipité. 7.0 Comme on soupçonnoit que la lessive alcaline conte- noit du phosphate de soude qu’on vouloit décomposer par l’eau de chaux, et comme il étoit à craindre que la soude en excès ayant vraisemblablement absorbé de l’acide car- bonique n’apportât quelque infidélité dans l’expérience , en donnant lieu à la formation d’une certaine quantité decar^ bonate de chaux, on a jugé convenable de saturer l’excès d’alcali avec l’acide nitrique , et de faire bouillir le mélange pour en séparer totalement l’acide carbonique. Cela fait , on a versé de l’eau de chaux qui a occasionné un précipité volumineux, gélatineux, ayant les caractères de phosphate de chaux ; il se dissolvoit dans les acides sans effervescence, il en étoit précipité sous la forme floconneuse par l’ammo- niaque. Sa dissolution dans les acides donnoit un précipité abondant par l’acide oxalique. Ce phosphate de chaux lavé et calciné pesoit 1 gramme 75 centigrammes, qui donnent 77 centigrammds d’acide phosphorique , ou un peu moins dit cinquième du minéral entier. 8.° La portion insoluble dans l’alcali de l’expérience 5.°, a été séchée et calcinée ; elle pesoit j gramme 65 centigrammes^ traitée par l’acide muriatique, sa dissolution précipitoit en bleu foncé par le prussiate de potasse, en jaune par l’am- moniaque : c’étoit donc de l’oxide de fer qui forme plus du tiers du poids du minéral entier. g.Q On a vu que dans la troisième expérience une matière du poids de 5 centigrammes avoit constamment résisté à l’acide nitriqu&oGe résidu a été fondu avec trois parties d’ HISTOIRE NATURELLE, 4l3 de potasse caustique, la masse retirée du feuavoit une cou- leur verdâtre. Délayée avec l’eau distillée, et arrosée d’a- cide muriatique, elle s’y est dissoute, et la dissolution ayant été évaporée à siccité, le résidu lavé a laissé une quantité inappréciable de silice; on l’a cependant évaluée à un cen- tigramme. La portion soluble a donné du bleu de Prusse par le prussiate de potasse ; c’étoit donc une petite portion de fer qui avoil échappé à l’action de l’acide, sans doute à cause de sa forte attraction pour la silice, et parce qu’il n’étoit pas uni à l’acide phosphorique. 10. ° Les produits recueillis, savoir l’acide phosphorique, l’oxide de fer, l’alumine et la silice étant loin de former la totalité du minéral soumis à l’expérience, il étoit naturel, de penser que l’eau contenue asse^ abondamment dans ce minéral , étoit la véritable cause de la perte éprouvée. Ce- pendant pour ne laisser, autant que possible, aucune in- certitude , on a essayé la première dissolution nitrique qui auroit pu contenir quelques substances étrangères au phos- phate de fer. On s’est assuré du contraire en versant i.° de l’oxalate d’ammoniaque qui n’a annoncé la présence d’au-* cune portion bien sensible de chaux; 2.°une dissolution de nitrate de baryte qui n’a donné aucun signe de l’existence de l’acide sulfurique. 11. ° On ne se dissimuloit pas pourtant que dans le cas où l’on de voit attribuer à l’eau seulement le déficit trouvé dans l’ana- lyse,on pouvoit tirer du récit même desexpériences énoncées, une objection plausible en apparence ; pourquoi, en effet , si la perle devoit être attribuée à l’eau de cristallisation faisant plus du quart , cette perte n’a-t-elle été que de oo,6 immé- 5. _ 54 4x4 annales du muséum diatement après la précipitation du phosphate de fer par l’ammoniaque. On va répondre à cette objection par un fait auquel on étoit loin de s’attendre, et qui n’est peut-être pas dénué de tout intérêt. Une nouvelle portion du minéral, réservée pour le be- soin, à été dissoute dans une suffisante quantité d’acide nitrique; le précipité obtenu par l’ammoniaque, après avoir été soigneusement lavé, a été trituré encore humide avec deux parties de soude, au lieu d’être traité brusquement dans un creuset comme dans la cinquième expérience. A peine ces deux corps ont-ils été en contact, qu’il s’est fait un dégagement considérable d’ammoniaque, et ce phéno- mène a duré l’espace de dix minutes. On doit conclure naturellement de ce fait, qu’il se forme dans ce cas un sel triple, un phosphate d’ammoniaque et de fer, que consé- quemment une partie de l’ammoniaque qui sert à la préci- pitation du sel métallique, s’y combine et se précipiteavec lui; enfin que cet alcali prenant la place de l’eau de cristallisa- tion, masque au moins en partie la perte que l’on avoit faite de ce liquide contenu dans le minéral, et s’oppose à ce qu’elle soit aussi sensible qu’elle devroit être. 12.°I1 résulte de l’analyse ci-dessus, que 4 grammes ou 4oo centigrammes du minéral de l’Ile-de-France sont composés: De fer 1 65 centigrammes Acide phosphorique . . • 77 Eau ........ 125 Alumine 20 Silice combinée à du fer . 5 Perte 8 4io d’ HISTOIRE NATURELLE. 4l5 Ou que 100 parties contiennent Fer 4i, 25 Acide îg, ^5 Eau 3i, 25 Alumine 5, ( Voyez n.° ]6 ) Silice ferruginée . . i, 25 Perte 2, 100 (1) $ III. Nouvelles expériences sur les deux parties trans- parente et opaque du minéral de V Ile-de-France. i.° Quelque exactitude qu’on eût apportée au travail chi- mique qui vient d’être décrit, il restoit encore dans son résultat une incertitude d’après une objection faite par le citoyen Haüy, et il étoit important de faire disparoître cette incertitude. Le professeur de minéralogie voyant que le minéral de l’Ile-de-France étoit formé de lames trans- lucides presque incolores, et de portions opaques plus co- (1) Ou assure que l’auteur d’un nouveau dictionnaire de chimie, le citoyen Cadet, pharmacien de Paris , qui marche sur les traces de son père . a communiqué à la dernière séance de la société libre des pharmaciens de Paris, une analyse du mi- néral de l’Ile-de-France, qu’il tient , comme le Muséum, du citoyen Roch ; il n’y a trouvé que de l’oxide de fer , de l’eau , de l’alumine, et un peu de silice. La présence de l’acide phosphorique lui a échappé, quoiqu’il y soit à la quantité de près d’un cinquième. Jlparoît qu’il n’a pas suivi assez loin ses expériences, et qu’il s’est contenté de celles qui lui annonçoientla présence du fer et de la silice en assez grande quantité. • 54* */T 4l6 ANNALES DU MUSEUM lorées en bleu , formant la poussière dont les lames lui paroissoient recouvertes ou tachées, pensoit que ces deux matières pourroient bien être différentes Tune de l’autre , et il avoit paru long-temps porté à croire que la portion opaque et bleue foncée étoit du phosphate de fer, semblable au bleu de Vorau, analysé par M. Klaproth, et que la partie translucide n’étoit pas de la même nature. Pour résoudre cette difficulté, j’ai invité le citoyen Lau- gier à faire tout ce qui lui seroit possible pour isoler quel- ques fragmens de ces deux parties différentes du minéral de flle-de-France, et pour les soumettre chacune à un examen isolé. J’avouerai que la grande proportion d’acide phosphorique et d’oxide defer trouvée dans le minéral entier, ne me laissoit aucun doute, mais il falloit aussi n’en laisser aucun à notre collègue dont l’opinion eut laissé subsister ce doute pour tous ceux qui s’occupent de minéralogie ; je vais donc indiquer les expériences sur chacune des deux parties dont le minéral de l’Ile*de France est formé ; je décrirai d’abord ces deux parties, et j’exposerai la manière dont on a traité chacune d’elles. 2.0 Le phosphate defer natif est composé de petites lames faciles à séparer, qui semblent être des prismes quadran- gulaires très-comprimés , et dont les faces les plus étroites taillées en biseau, sont très-brillan.tes. Présentées au jour, le plus grand nombre de ses lames sont en partie translu- cides et en partie opaques, ou pour mieux dire, comme coupées tantôt transversalement , tantôt obliquement par de petites zones d’une substance qui laisse plus difficilement passer la lumière. Quelques-unes sont totalement trans- n’ histoire naturelle 4 17 lucides, mais elles n’en ont pas moins une teinte verdâtre; on pourroit croire d’abord que ces deux nuances indiquent la présence de deux substances de nature différente , ou bien encore, puisque l’analyse repousse celte idée, que la même substance y existe sous deux états différens : mais un exa- men plus approfondi des deux portions traitées séparément ne permet d’adopter ni l’une ni l’autre de ces conjectures. 5.°Des lames complètement translucides, pulvérisées sépa- rémen t et en certaine quantité, ont donné une poudre bleuâtre qui, frottée sur du papier blanc, lui ont communiqué une teinte bleue verdâtre; une même quantité de lames en partie opaques, ont fourni une poudre bleuâtre un peu plus fon- cée, et ont laissé sur le papier une teinte bleuâtre égale- ment plus foncée et moins verte. 4. ° Les deux sortes de lames chauffées successivement au chalumeau, ont pris une couleur jaune de fer, au premier contact de la chaleur. En augmentant la chaleur, elles se sont fondues toutes deux en un globule brillant métallique du même diamètre, et que l’oeil du minéralogiste le plus exercé n’auroit pu distinguer. 5. ° Les deux matières pulvérisées, jetées en égale quantité dans quelques gouttes d’acide nitrique étendu d’eau, s’y sont dissoutes sur-le-champ avec la même facilité et sans le secours de la chaleur. 6. ° Que conclure de ces faits, si ce n’est que ces deux substances qui diffèrent en apparence, sont réellement de la même nature: on trouve d’ailleurs l’explication de cette différence, apparente dans les faits nombreux de ce genre qui s’offrent chaque jour aux chimistes. Par exemple, si 4 1 8 ANNALES DU MUSEUM l’on prend une dissolution saline, tellement saturée que le sel n’ait précisément que la quantité d’eau nécessaire à sa cristallisation, et que l’on y projette une petite quantité du même sel en poudre sèche, voici ce qui arrive :1a portion de sel dissoute prendra bientôt la forme cristalline à l’aide de l’eau dont elle est saturée, tandis que la portion ajoutée ne trouvant pas d’eau pour sa dissolution , et ne pouvant cristalliser, restera sous l’apparence d’une petite masse informe à l’endroit même où elle sera tombée, et au milieu des cristaux dont elle troublera la transparence; dans ce cas pourroit-on dire que le cristal translucide qui entoure- roit la petite masse opaque seroit d’une autre nature qu’elle, parce qu’il auroit nécessairement une teinte plus foncée, non sans doute. 7.0 Une autre fait vient à l’appui de cette explication naturelle : si l’on traite au chalumeau un cristal du phos- phate de fer complètement lucide , il décrépite fortement et saute loin du support. Au contraire , un cristal opaque ne décrépite pas sensiblement. Cette différence n’a-t-elle pas pour cause, dans le premier cas, la présence de l’eau de cristallisation , et dans le second , la privation totale de ce liquide ? 8.° Enfin, la pesanteur spécifique du phosphate de fer n’est que de 2,6 ; elle est donc inférieure à celle que l’on rencontre le plus ordinairement dans les sels métalliques opaques; mais il faut d’abord observer que le tissu du phos- phate de fer natif, ou sa contexture lamelleuse, laisse des interstices nombreux et considérables entre ses lames, et qu’il doit en résulter une incertitude qui ne permet pas de DV HISTOIRE NATURELLE. 4ig compter, en aucune manière, sur l’expérience. En second lieu, ce sel natif contient, comme on l’a vu, une grande quantité d’eau de cristallisation (3i pour 100 ) qui doit di- minuer de beaucoup sa pesanteur spécifique; comme on le voit pour le sulfate de fer et le sulfate de zinc transparens, contenant aussi beaucoup d’eau, dont la pesanteur est bien inférieure à celle des minéraux métalliques salins et opaques. 420 ANNALES DU MUSEUM MÉMOIRE S u r la culture des Dahlia , et sur .leur usage dans V ornement des jardins . Par A. T H O U I N. Le Dahlia, genre de plante institué par M. Ca vanilles (i) en Thonneur de M. Dahl, botaniste suédois, appartient à la grande et belle famille naturelle des Radiées de la troi- sième section de laquelle il fait partie dans l’arrangement actuel de l’école de botanique du Muséum. (2) Il se rapproche beaucoup des genres de YAlsina et du Polymnia entre lesquels il se trouve placé. Les espèces qui composent ce genre ne sont encore qu’au nombre de trois, connues sous les noms de Dahlia rose(3), ponceau (4) et pourpre (5), toutes décrites et figurées par M. Cavanilles. Elles sont originaires du Mexique, d’où elles ont été apportées dans le jardin de botanique de Madrid en Espagne. Ce sont des plantes vivaces par leurs racines. (1) En 1791 j dans ses Icônes plantarum , vol. 1 , page 56. (2) C’est-à-dire des plantes à fleurs radiées dont le réceptacle est garni de paillettes, et dont les graines sont dépourvues d’aigrettes, mais quelquefois couronnées de membrane. (3) Dahlia rosea , Cav. icon. pl. vol. 3 , pag. 33 , tab. a65. (4) Dahlia coccinea , Cav. icon. pl. vol. 3, pag. 33 , tab. 2 66. (5) Dahlia pinnata, Cav. icon. pl. vol. 1 , pag. 5j , tab. 80. 421 d’ HISTOIRE NATURELLE, qui perdent leurs tiges chaque année, au commencement de l’hiver , pour ne les reprendre que vers la lin du prin- temps suivant. Leurs racines sont des tubercules charnus, d’une consistance solide, disposés comme ceux de l’As- pliodèle, moins nombreux, mais ordinairement plus gros. Des racines de ces trois Dahlia furent remises par M. Ca- vanilles, directeur du jardin de Madrid, au citoyen Thi- baud, médecin français, qui se trouvoit alors en Espagne, et qui les fit passer au Muséum dans le mois de pluviôse de l’an X. Elles furent plantées dans de grands pots avec une terre substancielle, et placées sous un châssis à une tempé- rature de 12 à i5 degrés de chaleur. Ce ne fut qu’en prai- rial qu’elles commencèrent à pousser, d’abord foiblement; mais les chaleurs de l’été étant arrivées, leurs tiges s’éle- vèrent avec promptitude, et elles fleurirent à la fin de l’au- tomne de la même année. Quoique les Dahlia aient été figurés et décrits métho- diquement par M. Ca vanilles , nous croyons que pour com- pléter son travail estimable, il convient de faire connoître le port de ces plantes, d’indiquer leurs habitùdes, et de don ner leurs figures coloriées. Le plus sûr moyen pour se bien faire entendre , est de parler en même temps à l’esprit et aux yeux. Les descriptions indiquent ce que la gravure ne peut rendre, et celle-ci fait voir ce que le discours ne peut exprimer. En traitant ici de chacune de ces trois espèces, nous passerons légèrement sur les parties qui ont été exac- tement décrites par l’auteur que nous avons cité. La première espèce ou le Dahlia rose , (Voyez planche 3y figure 3 ) est une plante herbacée dont les tiges ramifiées dès leur base , s’élèvent jusqu’à la hauteur de 2 mètres , 27 cent. 3. 55 42 2 ANNALES DU MUSEUM ( 7 pieds ). Elles sont garnies de feuilles opposées , composées de cinq follioles dans le bas, et assez souvent de neuf dans le haut. Ces feuilles sont d’ùn vert gai en dessus, et d’un vert pâle en-dessous. Les rameaux et les tiges se terminent le plus ordinairement par des fleurs de la grandeur de la marguerite reine (i) dont elles ont la ressemblance. Elles sont formées d’une rangée de demi-fleurons, ordinaire- ment au nombre de huit , d’un rouge pâle tirant sur la couleur de chair. Le milieu ouïe disque de la fleur, est occupé par une multitude de fleurons d’un jaune doré. Le diamètre de ces fleurs est d’environ 0,094 millim. ( 3 pouces et demi). Chacune d’elles dure quatre ou cinq jours; elles paroissent en fructidor et se succèdent pendant près de deux mois. Les premières fleurs, et particulièrement celles qui ter- minent les tiges principales, donnent des graines de bonne qualité dans notre climat. Cette espèce est la plus touffue, la plus grande des trois , et celle qui fleurit le plutôt. La deuxième nommée Dahlia ponceau (2) , ( Voyez PI. 37, fig. 2), ne s’élève guère qu’à 1 mètre 5 cent. (4 pieds ) de haut. Ses tiges sont grêles, rameuses et couvertes d’une efflo- rescence cendrée. Ses feuilles sont composées de pinnules, dont les deux inférieures sont divisées en trois. Elles sont d’un vert blanchâtre en-dessous , et d’un vert luisant en- dessus. Les fleurs sont supportées par de longs pédoncules qui terminent les tiges principales et quelques-uns des ra- meaux supérieurs. Plus petites que celles des deux autres (1) Àsler chinensis. L, (.2) Dahiia cocciaea , Cav. icon. PI. tom. 3 , pag. 33, tab. 26C. \ 4^3 d’ HISTOIRE NATURELLE. espèces, elles sont d’un rouge orangé, composées de huit ou neuf deini-fleurons qui bordent la circonférence, se renver- sent en arrière, etlemilieu est occupé parles fleurons. Ceux- ci sont d’un beau jaune tirant sur la couleur de For ; ils forment un bouton hémisphérique au centre delà fleur, dont le diamètre est d’environ o,o55 millimètres, ( 2 pouces). La floraison de la plante commence en vendémiaire, et se continue jusque vers la moitié du mois suivant. Nous n’en avons pas encore obtenu de graines fertiles, ce qu’on peut at- tribuer à la jeunesse de l’individu que nous possédons. Cette espèce est la plus grêle, la moins élevée, la plus délicate et celle qui fleurit la seconde des trois espèces. Le Dahlia pourpre. (1) (Voyez la planche 37, fig. 1 ) où la troisième et dernière espèce qui nous reste à décrire , est supérieure en beauté aux deux précédentes dont elle se distingue par toutes ses parties. Sa racine tubéreuse est cou- verte d’un épiderme cendré comme celle de ses congénères, mais au-dessous duquel est une pellicule d’un violet foncé semblable à celui de la fleur. Ses tiges acquièrent la hauteur de 1 mètre 35 centimètres ( 5 pieds ) ; elles ne pro- duisent de rameaux que vers leur partie supérieure. Les feuilles sont tantôt opposéefîdeux à deux, tantôt verticillées trois à trois , et quelquefois alternes vers le haut de la plante. Les fleurs sont solitaires et terminent les tiges et les (1) Dahlia pinnata. Cav. icon. PL vol. i , page 56, pl. 80. Nous n’avons pas cru devoir traduire en français le mol pinnata par celui de pinnée ; d’abord parce que toutes les espèces de ce genre ont leurs feuilles composées de pinnules ; et en second lieu, parce que nous nous serions écartés de la marche de l’auteur lui-même qui a tiré la désignation de ses autres espèces de la couleur des fleurs. 55* 4-24 ANNALES DU MUSEUM rameaux. Leur diamètre est de 8 centimètres ( 5 pouces ) j elles sont formées de quatre à six rangs de demi-fleurons , dont les languettes qui ressemblent à des pétales, se recou- vrent les unes les autres en diminuant d’étendue de la circonférence au centre , et se renversent en arrière. Leur couleur est d’un beau violet pourpre, approchant de la fleur de la pensée (i), et plus encore de la prune de Monsieur (2). Elle est chatoyante comme cette dernière , ou plutôt comme la gorge d’un pigeon. Le centre de cette fleur est occupé par les fleurons qui, de même que dans les autres espèces , sont d’un jaune doré , lequel tranche beaucoup plus agréablement avec la couleur des demi-fleurons. Cette espèce est la plus ramassée, la plus belle à tous égards, celle dont la verdure est la plus foncée, et en même temps la plus tardive à donner ses fleurs. Elles com- mencent à paroître à la fin de vendémiaire, et se succèdent pendant tout le mois suivant. Cette espèce n’a produit jusqu’à présent qu’un très-petit nombre de semences fertiles. Il résulte de ce que nous venons de dire, que les Dahlia sont intéressans et par l’élévation de leurs tiges qui égalent celles des sous-arbrisseaux, par l’élégance de leur feuillage non moins varié dans sa forme que dans sa teinte de ver- dure, et enfin par la grandeur, la forme et la couleur de leurs fleurs. C’est sans contredit un beau présent fait à l’Eu- rope ; et si M. Cavanilles qui en a enrichi le Muséum, a de justes droits à notre reconnoissance et à celle des culti- (1) Viola tricolor. L. (2) Prunus magno fructu , globoso pulchrè violaceo. Duhamel , traité des arbre,? fruitiers, au genre prunier , n.° i5, pl. 7. d’ HISTOIRE NATURELLE. 4â5 vateurs de plantes étrangères , le citoyen Th i b au cl qui a bien voulu se charger de nous les faire passer, mérite tous nos remerciemens. Nous allons actuellement indiquer la cul- ture qui paroît leur convenir. La culture des Dahlia n’est pas encore parfaitement con- nue en Europe , parce que ces plantes n’y sont que depuis trop peu de temps, et qu’on n’a pas encore eu celui de varier les procédés pour connoître ceux qui leur sont les plus favorables. D’ailleurs ces végétaux nouvellement ap- portés de leur pays natal, conservent encore les habitudes originelles que leur a fait contracter le climat et le sol dans lesquels ils sont nés. Ce ne sera qu’après un laps de temps plus considérable qu’on pourra parvenir à connoître leur nature , et à y adapter les moyens de culture les* plus propres à leur développement et à leur multiplication. Si nous anticipons sur cette époque encore reculée pour pré- senter nos vues , c’est moins pour donner aux cultivateurs des procédés certains et irrécusables , que pour éveiller leur attention sur cet objet. Si l’on examine la consistance solide des racines des Dahlia , leur volume considérable et leur configuration, il sera facile de conjecturer que ces plantes ont besoin d’une terre pro- fonde, argileuse, mélangée de sable gras; et si l’on consi- dère la quantité de fannage qu’elles ont à fournir pendant leur végétation rapide et annuelle, on se persuadera aisé- ment qu’il faut que cette terre soit riche en humus. Cette terre qui diffère peu de celle qu’on compose dans les jardins pour les orangers, a été celle que nous avons employée jus- qu’à présent ; et d’après la vigueur avec laquelle ces plantes ont poussé, il paroît qu’elle a satisfait à leurs besoins. Mais 4-26 ANNALES DU MUSEUM elle doit êlre renouvelée, au moins en partie, chaque année, parce que l’eau des arrosemens 'et la végétation occasionnent une grande déperdition d’humus. Les arrosemens doivent être multipliés et copieux en raison du plus ou moins d’activité de la végétation, de la sécheresse et sur-tout de la chaleur du temps ; mais il est inutile d’insister sur cet objet, parce que les plantes elles- mêmes font connoître leurs besoins en ce genre, aux yeux les moins exercés. Nous observerons seulement qu’il est es- sentiel de suspendre tout arrosement lorsque les fannes sont amorties, et que toute végétation est cessée, et de maintenir la terre dans un état de sécheresse pendant l’hi- ver et jusqu’à l’époque où les racines entrent en végétation : sans ces attentions on court les risques de faire pourrir les tubercules de ces plantes. D’après la latitude du Mexique, situé sous le Tropique du Cancer, lieu d’où ces plantes ont été apportées, comme nous l’avons dit plus haut , il est à présumer qu’elles ont besoin d’un degré de chaleur plus considérable que celle de notre climat , et qu’il est nécessaire de les conserver dans la serre chaude pendant l’hiver. Mais si les Dahlia crois- saient sur les montagnes dont le Mexique est traversé , et où se trouvent même les plus élevées du globe (1) la lati- tude seroit un indice bien peu certain sur la température (1) C’est ce que nous ne savons pas , et ce qu’il eût été important de savoir pour éviter destâtonnemens souvent nuisibles à la culture des plantes. On ne sauroit trop recommander aux. voyageurs d'observer la situation des lieux où ils rencontrent les plantes qu’ils envoyent en Europe. C’est une chose aussi essentielle que de connoître la latitude où elles croissent. d’ H 1 S T O I R E NATURELLE. 4:2 7 qui leur est nécessaire, puisque, comme on lésait , les régions élevées offrent successivement, à quelques différences près, le meme degré de froid que l’on éprouve sous toutes les zones de la terre, en descendant des pôles vers l’Equateur, et pré- sentent souvent les mêmes végétaux, ou au moins des plantes congénères. Il s’en suivroit alors que les Dahlia pourroiehi vivre en pleine terre chez nous et même sous des climats plus froids que le nôtre. Cependant nous ne le pensons pas, et voici les raisons qui déterminent notre opinion. i.° Des végétaux herbacés dont les tiges sont aussi hautes et aussi tendres que celles des Dahlia, ne se trouvent pas ordinairement sur des montagnes élevées, séjour des vents, des neiges et des tempêtes. Dans cette position , leurs tiges étant brisées à mesure qu’elles croîtroient, ils ne pourroienl fructifier, ni par conséquent se multiplier; ce qui est con- traire au vœu de la nature, et à la sagesse de son plan. 2.0 Les Dahlia exposés chez nous à l’air, à une tempé- rature de sept ou huit degrés au-dessus de zéro, jaunissent et annoncent un état de langueur et de malaise. 5.° Ils n’entrent en végétation dans notre climat qu’au commencement de l’été, et il faut pour les déterminer à fleurir , une chaleur forte et long-temps soutenue. 4.° Enfin, nous avons la preuve que des racines de ces plantes exposées à un froid de cinq degrés ont gelé com- plètement et sans ressource dans l’espace d’une seule nuit; ce qui prouve ou au moins donne de très-fortes présomp- tions pour croire que ces plantes n’habitent pas les régions froides du Mexique, mais les parties chaudes, ou tout au moins celles qui sont tempérées. Malgré cela , nous ne devons pas désespérer de voir un 428 ANNALES DU MUSÉUM jour ces plantes croître en pleine terre dans notre climat, et y produire tout l’agrément dont elles sont susceptibles. Il ne faut, pour remplir cet objet, que les amener insen- siblement et par une culture adroitement dirigée, à croître au printemps, et à terminer leur végétation à l’automne, au lieu de pousser au commencement de l’été, et de cesser de végéter en hiver, comme elles en ont l’habitude dans notre climat. Qu’on ne croie pas que la différence de cha- leur des deux pays , soit un obstacle invincible à cette mo- dification. Si la chaleur de notre zone est moins forte que celle du Mexique , nos jours d’été sont beaucoup plus longs , les nuits moins fraîches, ce qui doit établir, dans un temps donné , une masse de chaleur dans notre climat aussi grande et peut-être plus forte qu’au Mexique. D’ailleurs, nevoyonsr nous pas souvent, à raison de l’intensité plus ou moins grande delà chaleur de nos saisons, des variations dans la durée delà végétation des plantes herbacées. La terre a-t-elle acquis une somme déterminée de chaleur, alors les récoltes mûrissent. Quand au contraire la chaleur est foible, là végétation se pro- longe, et la maturité des récoltes arrive plus tard. C’est ce qui fait que quarante jours suffisent à la végétation complètede l’orge, en Russie, où les chaleurs de l’été sont très- vives; tandis qu’elle exige six mois dans le nord de la France ; ainsi la durée remplace l’intensité de la chaleur pour les plantes herbacées. Nous pourrions citer plusieurs faits à l’appui de notre opi- nion. Il nous suffira d’en rapporter un seul qu’on ne peut révoquer en doute , parce qu’il est connu de la plupart des cultivateurs. La Belle-de-nuit à longues fleurs (1) est origi- (1) Mirabilis longiflora. L, d’ HISTOIRE naturelle. 42g Maire du Mexique, comme les Dahlia. Ses racines sont tubéreuses , épaisses et du même volume que celles des plantes auxquelles nous la comparons. Ses tiges sont de même herbacées et meurent chaque année. Enfin et ses tiges et ses racines gèlent aux mêmes degrés de froid que celles des Dahlia. L’affinité ne peut être plus rapprochée , excepté que ces plantes sont de familles différentes. Lors- que cette Belle-de-nuit fut apportée en France vers l’an- née 1760, on la cultiva dans la serre chaude. Les individus provenus de semences récoltées dans notre climat, furent placés pendant l’hiver dans la serre tempérée. Ceux aux- quels ces derniers donnèrent naissance, furent mis dans l’orangerie , et dans ce moment on cultive leurs descendans en pleine terre; mais on a encore la précaution, à Paris et dans les pays plus septentrionaux , de couvrir leurs racines à l’approche de l’hiver pour les garantir des gelées , ou ce qui est plus sûr, de les retirer de terre à l’automne, et de les placer dans du sable sec , à l’abri des froids et de l’humidité. Cette Belle-de-nuit, ainsi que toutes les autres plantes du même pays, avoit l’habitude de pousser très-tard au printemps , et de continuer sa végétation pendant le com- mencement de l’hiver. Elle la conserve encore un peu , puisqu’elle est souvent arrêtée dans sa croissance par les gelées précoces de deux ou trois degrés , et que si on l’en préserve, en la plaçant dans l’orangerie, elle continue d’exister jusqu’en nivôse , mais elle n’en fleurit pas moins dès la fin de prairial, et fournit sa carrière végétative, an- nuelle, avant les froids. Enfin , elle s’est mise pour ainsi dire à l’unisson de nos plantes indigènes. Nous citerions égale- 3. 56 45o ANNALES DÜ M TT S i TT M ment la Belle-de-nuit ordinaire ou faux jalap, (1) et ses variétés, originaires du Pérou, pays encore plus voisin de l’Equateur que n’est le Mexique, si le premier exemple ne suffisoit pour démontrer la possibilité de naturaliser les Dahlia en France. Cette Belle-de-nuit, faux Jalap, en raison de l’éloignement de son introduction en Europe, qui date de i5q6, se distingue peu de nos plantes indigènes pour ses habitudes ; elle se sème d’elle-même dans les lieux où elle a été plantée, et particulièrement dans le Midi. D’après ces exemples, nous sommes fondés à croire que les Dahlia se naturaliseront chez nous de la même manière que les plantes que nous avons citées. Les moyens d’opérer cette naturalisation sont simples : c’est de faire pousser leurs racines au commencement du printemps, en employant les procédés connus qui sont de les tenir dans une atmosphère vaporeuse, de leur donner une chaleur souterraine douce, humide, et des arrosemens fréquens mais légers, sur-tout lorsqu’elles ont été exposées aux rayons du soleil; mais le plus sur de tous les moyens est de faire beaucoup de semis de graines de ces plantes avec des semences récoltées dans le pays où l’on désire les propager. Ce n’est pas à la première , à la seconde ni à la dixième génération qu’on y parviendra, mais peut-être à la vingtième ou à la trentième, obtiendra-t-on ce résultat. Les Dahlia se multiplient de graines, de racines et meme de boutures, quoique leurs tiges soient herbacées et annuelles.. Les semences de ces plantes, comme celles de beaucoup p) Mirabilis jalapa, L., d’ HISTOIRE NATURELLE. 43l d’autres de la même famille qui sont vivaces , sont peu nombreuses, avortent souvent et vieillissent promptement. Il est rare qu’en les faisant venir de leur pays natal on parvienne à les faire lever. Mais celles que nous avons recueillies dans le jardin du Muséum, et que nous avons semées sur-le-champ, nous ont très-bien réussi. La manière de les semer et les soins de leur culture ne différant pas de ceux qui sont pratiqués par- tout pour les semis de plantes des Tropiques , nous nous abstiendrons d’en parler. Nous observerons seulement que les individus obtenus de semences ne fleurissent pas dans l’année de leur naissance; qu’à la fin de leur seconde année ils donnent quelques fleurs d’un petit volume qui se flétrissent promp- tement ; et que ce n’est qu’à la troisième qu’ils sont ordi- nairement assez forts pour produire de belles fleurs et fructifier. Malgré la lenteur de cette voie de multiplica- tion, elle doit être employée conjointement avec les autres, parce qu’elle est susceptible de procurer de nouvelles va- riétés, et que d’ailleurs c’est un des moyens les plus sûrs d’acclimater ces plantes , comme nous l’avons dit ci-dessus. Les racines des Dahlia sont des espèces de raves, réunies au nombre de cinq ou six, en forme de bottes de navets, desquelles sortent une ou plusieurs tiges chaque année. Que ces racines soient pourvues d’oeils ou de rudimens de bourgeons, ou qu’elles en soient dépourvues, on peut, en les séparant, former de nouveaux pieds, et multiplier ces plantes par ce moyen ; mais il convient de choisir des racines au moins de la grosseur du pouce , et de ne les détacher de leurs souches que peu de jours avant qu’elles entrent ;en végétation. Après qu’elles ont été séparées, on les laisse un 56 * 4d2 annale* du muséum ou deux jours à l’ombre, dans un lieu sec et aéré, pour donner aux plaies occasionnées par l’amputatiôn , le temps de se cicatriser. Ensuite on les plante dans des pots propor- tionnés au volume de chacune d’elles, avec de la terre à oranger rendue plus meuble et plus légère par l’additiott d’un sixième de terreau de couche, et par un criblage plus fin. Il convient que cette terre plus sèche qu’humide ne soit arrosée que très-légèrement jusqu’à ce que les tiges com- mencent à se montrer. Si l’on place les pots qui renferment ces racines sur une couche d’une chaleur douce , comme de quinze à dix-huit degrés, dont l’atmosphère soit un peu humide, et qu’on les couvre d’un châssis, on accélérera la végétation des plantes. Si quelques-unes de ces Racines res- toient dans l’inaction -, ce qui arrive quelquefois-, en tenant la terre dans un état de sécheresse qui ne leur permette pas de pourrir, elles pousseront à la saison suivante. Pour les propager de boutures, on choisit de jeunes rameaux qui poussent assez souvent sur les tiges principales. Lorsqu’il ne s’en trouve pas ou qu’ils sont en trop petit nombre, on peut employer un moyen pour déterminer leur croissance, c’est d’arrêter, en la pinçant, l’extrémité d’une tige principale qu’on sacrifie à cet usagev; alors elle pousse de tous ses noeuds un grand nombre de rameaux. Lorsqu’ils ont i3 à 16 centimètres (5 à 6 pouces ) de long, on les sépare de leurs tiges en les arrachant, pour obtenir un talon boiseux à leur base; on coupe leurs feuilles, et on les plante à la manière ordinaire. La terre qui leur convient le mieux est celle qui est très-divisée, un peu forte et riche en humus. On les place sur une couche tiède, rouverte d’une cloche, et on les gouverne comme toutes les d’histoire naturelle. 435 boutures. Le moment le plus favorable à leur réussite, est celui ou la plante est la plus vigoureuse , et ou l’air est imprégné d’une humidité chaude ; on doit choisir de pré- férence le temps voisin de FëquinOxe. Ce moyen de multi- plication peut encore contribuer à faire perdre aux Dahlia leurs habitudes de croître chez nous dans des saisons défa- vorables à leur existence. Les boutures étant faites à l’au- tomne , leur végétation se continue pendant l’hiver ; elle s’accélère pendant l’été, et s’amortit en automne. Le point difficile est de leur faire passer le premier hiver. Les indi- vidus obtenus par cette voie de multiplication, ne fleurissent parfaitement qu’à leur seconde Ou troisième année. Tels sont les principes généraux de culture, démultiplication et de naturalisation de ces plantes; actuellement noué allons passer à l’indication de leurs usages dansl’ornement dès jaidins. Les Dahlia par leur stature élevée qui se rapproche de celle des sous-arbrisseaux, par leur port pittoresque et léger, par la grandeur de leurs fleurs, leurs formes gracieuses et l’éclat de leurs couleurs, occupent un rang distingué parmi les belles plantes étrangères herbacées. Comme ils fleurissent à la fin de l’automne, ils sont très-propres à orner les serres dans cette saison ; placés dans des banquettes ou sur des gradins parmi les arbrisseaux qui n’offrent alors que des massifs de verdure , ils y jettent de la variété par leur forme, en même temps qu’ils les ém aillent de fleurs dont la grandeur et sur-tout les couleurs sont rares dans cette saison. Mais si ces plantes parvenoient à s’acclimater assez pour croître et fleurir en pleine terre, comme tout porte à le faire espérer, elles deviendroient d’une utilité beaucoup 434 ANNALES DU MUSEUM plus étendue ; alors onpourroit les employer comme fleurs de milieu, dans les plate-bandes des grands parterres des jardins symmétriques. Dans les jardins paysagistes elles seroient d’une grande ressource , soit pour décorer des lisières de plantations parmi les arbrisseaux , soit pour entrer dans la composition des masses de plantes vivaces , au moyen desquelles on coupe l’uniformité des pièces de gazon. Elles produiroient un effet d’autant plus intéressant, qu’à la lin de l’automne, il n’existe que des fleurs jaunes, bleuâtres ou gris de lin , et que la couleur de celles des Dahlia trancheroit agréablement avec elles. Quant à l’usage de ces, plantes dans l’économie domes- tique et dans les arts, nous ne le cormoissons pas. Mais n’est-il pas à présumer que des racines d’un aussi gros vo- lume, et qui semblent contenir une substance farineuse, peu vept être employées soit à la nourriture des hommes, soit à celle des animaux , soit à fournir une fécule propre aux arts, comme le soleil topinambour, (1) plante vivace, originaire de la même partie du monde , qui est de la même famille , et, de plus, de la même section? Ces rapports sont bien faits pour exciter l’attention des cultivateurs, et les déterminer à suivre des expériences sur le parti qu’on peut tirer des racines de ces belles plantes. La bonté est souvent dans les végétaux la compagne de la beauté. (i) Helianthus tuberosus. L. d’histoire naturelle, 443 Explication des figures. Fig. i. Dahlia pourpre. Dahlia ( pinnata )foliis oppositis , impari-pdnnatis ; pinnulis qùinque ovatisy crenalo-dentatis. Cav. Icon. PL vol. I; pag. 5j , n.° 88 , tab. 8o. Fig. 2. Dahlia ponceau. Dahlia(coccinea) foliis bipinnatis : pinnulis ovato-acuminaiis , serratis. Cav, Icon. PI. vol. III, n.°2gi, pag. 33 , lab. 266. Fig. 3. Dahlia rose. Dahlia (rosea') foliis oppositis ,connatis , impari-bip innatis : pinnulis secun- dariisut plurimum altérais. Cav. Icon. Pl. vol. III ; pag. 33 , n.° 290, tab. 265. t Nota. En gravant les noms au bas de la planche , il a été fait des erreurs qu’il est essentiel de, rectifier. : • .y\y, Au lieu de Dalilea ; lisez, Dahlia : -/ A-, / ,'> Et au lieu de Dali le a pur pur ea ; lisez , Dahlia coccinea. . , 1 ‘ ‘ ’ ■ ! • ■ -r > ">•■■■ ; >Ü IK? ■ !!: '■■ ■ • ■ 1 /r: , Unau y ; oJnob* , I h . , ; ■ : f>! 1 M .... ; - .-'..'ai « Jini ■ • : 70 >_ 1 . Ht J'. -y..-, - •■JO qO ,'iZfî ■ tuibiin . • — •; < ' r ’.r» . jv.V \ .v..\ -j*j ' nV: d - - - 'A . . , . \ . il !•'. A' . ".c ■ \\ ; ) ’i\v, n'j SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles clés environs de Paris . . rf : fût .gnq . r ::°.a . T .lov o Par LA MA R C K. - i 43. Cérite ombiliqtié. Vélin , n.® 12 , fig. 3. 1 : / Cerithium ( urribilicatum ) turrito-subulatum ; anfractibus planis transversim qua - drisulcatis -, columellâ umbilicatâ. n. ' L. n. Grignon. Yoici une coquille singulière : elle se rapproche de l’espèce pré- cédente au point de n’en paroître qu’une variété ; mais elle a la columefie ombiliquée , c’est-à-dire qu’elle est perforée à sa base dans la direction de son axe. Ce caractère ne lui est commun qu’avec l’espèce suivante. La coquille est longue de i3 millimètres. 44. Cérite perforé. Vélin , n.° 12, fig. 2. Cerithium ( perforatum ) subulatum ; anfractibus convexiusculis transversim mul~ tistriatis ; columellâ perforatâ. n. £. Id. Lœvigatius-, striis transversis subnullis ; anfractibus 'obsolète carinatis. Vélin , n.° 12, fig. 5. L. n. Grignon. Il n’est pas douteux que cette espèce ne soit très-rapprochée de la précédente par ses rapports *, néanmoins on l’en distingue facilement en ce que ses tours sont convexes et ont six ou sept stries transverses plus ou moins apparentes. Dans la variété /3 où les stries sont presque nulles , le milieu de chaque tour est un peu élevé en carène. En général , la coquille est grêle, su- bulée, perforée à sa base dans la direction de son axe, et longue de 16 mil- limètres. Cabinet de M. Defrance. 45. Cérite en cheville. Cerithium ( clavosum ) turritum , lœvigatum ; striis transversis obsoletissimis ; an- fractibus planis , inf erioribus superiores involventibus. n. L. n. Betz et dans d’autres lieux en France.4 C’est une des grandes espèces de ce genre, L’individu que j’ai sous les yeux, ayant près de i4 centimètres (plus de F 6. g F F 2 F. 6 . - 9 ü’ HISTOIRE NATURELLE. 445 de la grande espèce de mes animaux, réunis dans le meme morceau; j’ai cependant tellement réussi à les rapprocher, que je crois connoître la forme de son pied de derrière, aussi bien que celle de quelque espèce vivante que ce soit. Voici comment je m’y suis pris pour cela. Parmi les os que les ouvriers trouvent journellement, iî y en a beaucoup du tarse et du carpe, entièrement con- servés ; comme toutes leurs dimensions sont à-peu-près égales, ils sont plus solides que les autres; on ne trouve pas un fémur ni un humérus entier, mais les ealcanéums, les astragales, etc. sont très-communs. J’ai donc réuni, tous les grands astragales que j’ai pu me procurer, tous les grands ealcanéums, tous les sca- phoïdes; en un mot, tous les os du tarse de grande di- mension, je les ai comparés exactement les uns aux autres, chacun dans sa sorte , par la. forme et par les facettes articulaires; quand j7ai vu que tous ces ealcanéums se res- sembloient entre eux; qu’il en étoit de même de tous les astragales, etc. j’ai choisi dans chaque sorte un os, de ma- nière à le faire à-peu-près correspondre par la grandeur à celui de l’autre sorte que je voulois lui associer ; j’ai vu si leurs facettes articulaires se correspondoient exactement ; lorsque cela a eu lieu pour les deux premiers os, je leur en ai cherché un troisième qui s’arrangeât encore avec eux, et en continuant de cette manière, j’ai refait tout le tarse. J’ai vu alors combien il me présentait de facettes pour des os du métatarse, et j’ai jugé par-là du nombre des doigts complets. Comme j’avois aussi beaucoup d’os du métatarse et de 444 ANNALES DU MUSEUM phalanges, je les ai ajustés également chacun dans son arti- culation, et j’ai eu tout le pied. D’ailleurs, chacun de ces os pris à part, et indépendam- ment de sa connexion avec les autres, porte l’empreinte de sa classe et de son genre, et l’anatomiste pourroit juger l’une et l’autre sans avoir besoin du pied entier. Le premier qui se présente à l’examen est le calcanéum. Celui du coté droit est représenté aux deux tiers de sa grandeur, PI. I, lig. 1: on y voit d’abord une facette plane à-peu-près ronde, a, qui le coupe presque verticalement aux deux tiers de sa longueur, et qui est destinée à servir d’appui principal à l’astragale. C’est déjà un point qui n’est commun qu’à notre animal et aux ruminans. Tous les autres quadrupèdes ont deux facettes principales pour porter l’astragale. Dans l’homme , l’externe est plus haute, convexe, plus grande, l’interne est concave, plus petite, et eu a souvent une troisième au- dessous d’elle. Dans les carnassiers l’externe , est aussi con- vexe et l’interne concave, mais elles ne diffèrent point de grandeur ; il n’y en a point de troisième. Dans les pachydermes, les choses varient. Dans les solipèdes, l’externe est plus haute et forme deux plans ; le calcanéum fait, à son côté externe, une avance qui porte deux petites facettes surnuméraires. Dans les ruminans , les deux facettes principales sont réunies en une seule. L’avance du côté externe du calca- néum a à son bord inférieur une longue facette accessoire, mais ce qui distingue sur-tout cette classe, c’est que le dessus de cette avance est fait en poulie, et sert au mouvement du petit osselet que l’on nomme vulgairement péronien , \ d’ HISTOIRE NATURELLE. 437 einqpouces ) de longueur / mais il est fruste, et la partie supérieurede la spire manque. Cette coquille est turrieulée, lisse, et ressemble à une cheville. Son ouverture est ovale, terminée inférieurement par un canal court, un peu oblique. Cabinet de M. Défiance. 46. Cérite caucellé. Cerithium ( cancellatum ) turrito-subulütum ; anfractibus convexis, striis trans- versis et verticalibus cancellatis • columellâ subplicatâ. n. L. n. Grignon. Espèce petite, grêle, presque subulée et dont la longueur n’ex- cède pas 10 millimètres. Les tours de sa spire sont convexes et élégamment cancellés ou grillés par des stries fines, verticales et transverses qui se croisent sur leur surface. 4 7. Cérite demi-granuleux. Vélin , n. 9 , fig. 4. Cerithium ( semi-granosum ) turritum , paricosum ; anfractibus striis transversis et verticalibus decussatis subgranosis. Canali brevissimo. n. fi. Id. Varieibus nullis. Vélin , n.° 9 , fig. 5. L. n. Grignon. Il a beaucoup de rapport avec le précédent-, mais la coquille est moins grêle , et le croisement des stries la fait paroître granuleuse. Cette coquille est longue de 12 millimètres , et elle porte des bourrelets épars. Dans la variété fi, on ne voit aucun de ces bourrelets. Cabinet de M. Defrance. 48. Cérite aiguillette. Cerithium ( acicula ) subulatum , lœviusculum ; anfractibus subcarinatis ; striis transver sis raris vix perspicuis ; aperturâ qucidratâ. n. L. n. Parnes. Petite coquille grêle , subidée, longue de i3 millimètres ou environ. Elle a quatorze ou quinze tours convexes , un peu carénés, et chargés de quel- ques stries transverses , peu apparentes. L’ouverture est presque quarrée , et son canal est extrêmement court, Cabinet de M. Defrance. 4g. Cérite vissé. Vélin , n.° 10, fig. 11. Cerithium ( terebrale ) turritum , muticum, subvaricosum \ anfractibus convexis : striis transversis obsoletis. n. fi. Id. Brevius et latius 5 striis nullis. L. n. Grignon. Cette cérite est turrieulée , longue de 8 ou 9 millimètres , sans aspérités, et chargée de quelques bourrelets épars , peu apparens. Sa spire est composée de onze tours convexes, arrondis , munis de stries transverses pres- qu’imperceptibles. On voit fréquemment incrusté dans les pierres une coquille 3, 67 4 58 ANNALES DU MUSEUM en vis , dont les tours sont arrondis , formant une spirale plus ou moins serrée et qui semble avoir des rapports avec cette cérite. Cabinet de M. Defrance. 5o. Cérite inverse. Vélin , n.° 9 , fig. 8. Cerithium ( inversum ) turritum s. turrito-subulatum , sinistrorsuni \ anfractibus carinis tribus transversis , striisque vcrticcilibus subobliquis cancellcttis et gra~ nulatis. <3. Id. Longius et gracilius. Vélin , n.° 9 , fig. 7. L. n. Grignon. Espèce très-curieuse en ce que la spire tourne de gauche à droite, c’est-à-dire dans un sens inverse de celui de presque toutes les autres. Elle paroît avoir de grands rapports avec le cerithium perversum de Bruguière , n.° 36', et sur-tout avec la coquille de Chemnitz ( Goneh. vol. 9, p. 126, t. n3, fig. 966 ) ;mais elle est moins renflée inférieurement. La forme du ceri- thium maroccanum de Bruguière en approcherait davantage si l’ouverture ne paroissoit pas différente. * Le cérite inverse est une coquille turriculée, grêle, subulée , longue de 18 à 20 millimètres , et composée de vingt à vingt-deux, tours aplatis et sans con- vexité particulière. Sur chaque tour on voit trois stries transverses qui se croisent avec une multitude de stries verticales rapprochées et obliques, et qui forment autant de rangées de granulations. Quelquefois les rangées verti- cales ont leurs grains confluens , et constituent alors autant de petites côtes obliques. L’ouverture est petite et un peu carrée. Çahinct de M. Defrance. Je possède dans ma collection l’analogue frais ou marin de celle espèce. s 5x. Cérite mélanoïde. Vélin, n.0 10, fig. 1 3. Cerithium ( melanoides ) ovato-turritum , transversè tenuissimèque striatum ; aper- tui'â ovatâ , basi sinu obliquo terminalâ. n. L. n. Grignon. Celle-ci est ovale-lurriculée , à peine longue de 6 ou 7 millimètres, et n’a que neuf tours de spire. Ses stries sont transverses , fines et assez nom- breuses. Elle se rapproche des mélanies par le caractère de son ouverture ; car en place de canal , elle n’offre à sa base qu’un sinus oblique. Je lui trouve quelque rapport avec le cérite unisillonné, n.° 5g. Cabinet de M. Defrance. Ô2- Cérite larve. Cerithium ( larva ) cylindrico-turritum ) anfractibus carinis transversis binis gra nosis œqualibus. n. L. n. Grignon. Très-petite espèce offrant une coquille un peu cylindrique, tur- xiçulée , par-tout granuleuse , et longue de 3 millimètres. Son ouverture est \ 4 D7 HISTOIRE NATURELLE. petite , avec un canal court et oblique. On voit sur chaque tour deux carènes transverses et granuleuses. Cabinet de M. Defrance. 53. Cérite grêle. Vélin, n.° 12, fig. 6. Cerithium ( gracile ) turrito-subulatum ; anfractibus inverso-imbricatis ; striis tribus tranversis obscure granosis. n. L. n. Grignon. Sa forme grêle , effilée, presque en alêne, et ses tours [de spire qui semblent des entonnoirs renversés posés les uns sur les autres, rendent cette coquille assez remarquable. Elle a environ 9 millimètres de longueur. Son ouverture est très-courte, un peu quadrangulaire. Cabinet de M. Defrance. 54. Cérite indécis. Cerithium ( incertum ) turritum ; anfractibus convexis ; striis transversis distan- tibus : verticalibus crebrioribus ; aperturâ rotundatâ. n. L. n. Grignon. Cette coquille est bien réellement une cérite; mais les caractères de son[espèce n’offrent rien qui soit tranchant et remarquable. Elle est longue de 7 ou 8 millimètres. Cabinet de M. Defrance. 55. Cérite émarginé. Vélin , n.° i3 , fig. 4. Cerithium (emarginatum) turritum , transversè sulcatum ; sulcis superioribus gra- nulatis ; anfractibus margine superiore subcanaliculatis ; labro emarginato. n. L. n. Grignon. Cette coquille seroit une turrilelle à cause du sinus qui est au bord droit de son ouverture , si cette ouverture n’avoit un petit canal oblique à sa base. Elle est longue de 52 millimètres (près de 2 pouces), et offre, sous une forme turriculée douze ou treize tours de spire sillonnés transver- salement, et dont les sillons ou les stries transverses des tours supérieurs présentent des rangées de grains; les tours sont bien distingués les uns des autres , en ce que leur bord supérieur est un peu canaliculé en-dessus.^ Cabinet de M. Defrance. / 56. Cérite ridé. Vélin, n.° il, fig. 3. Cerithium ( rugosum ) turritum ; anfractibus superior ibus decussato-granulatis ; inferioribus lœvïbus subunisulcatis : infuno subtus rugoso. n. L. n. Grignon. Il a des rapports avec le précédent; mais il est plus petit, moins sillonné transversalement , et le tour inférieur est éminemment ridé en des- sous. La longueur de cette coquille est de 36 millimètres. Cabinet de M. Defrance. 57. Cérite géant. Vélin, n.° 12, fig. 1. Cerithium ( giganteum ) turritum ; longissimum , transversè striatum ; anfractibus supernè tuberculato-nodosis ; columellâ uniplicatâ. n. 57 * annales du muséum 442 SUITE DES RECHERCHES > ' * ’ - ,x Su nies os fossiles de la pierre à plâtre des environs de Paris. P A ii G. CUVIER. : i (> TROISIÈME MÉMOIRE. Restitution des pieds. Première Section. Restitution des différons pieds de derrière . Article premier. . ; C i . 1 l -Dw cfe derrière le plus grand . Je traite d’abord des pieds de derrière, parce que j’ai mieux réussi dans leur restitution que dans celle des pieds de devant. Cela vient , d’une part, de ce que le hasard m’en a procuré davantage de la première espèce que de la seconde ; et, d’autre part, de ce que les articulations des os du tarse sont plus faciles à déterminer , et leurs formes plus faciles à reconnoître que celles des os du carpe. Ainsi , quoique je n’aye jamais trouvé tous les os du tarse d’ HISTOIRE NATURELLE. 445 mais qui me paroît être plutôt une portion détachée de la tête inférieure du tibia. Cela pourroit se prouver par l’exemple du cochon quia cet osselet comme les ruminans: quoique son péroné soit d’ailleurs bien complet ; il a aussi cette avance du calcanéum , mais elle y est un peu moins considérable. Sa facette principale est encore unique et ar- rondie comme dans les ruminans. Notre animal a cette même avance du calcanéum ; elle est de même disposée en poulie à sa partie supérieure b , et a aussi une facette longue et étroite à son bord infé- rieur c. Voilà donc trois rapports marqués avec les ruminans et avec le cochon , mais il y a une différence essentielle. La facette principale a se continue un peu au-dessous de son bord inférieur d, parce qu’elle reçoit là une petite saillie de l’astragale. Cette saillie qui doit donner plus de fermeté à l’assemblage du tarse lors de l’extension, manque dans les ruminans, ainsi que le petit rebord de la facette. L’astragale, outre la petite saillie dont je viens de parler , qui est située sous le bord inférieur de sa facette posté- rieure ou calcanéum , laquelle saillie arrête l’extension , a à sa face externe, un crochet qui entre dans une échancrure située à la base interne et supérieure de l’apophyse péro- nienne du calcanéum, et qui doit puissamment contribuer à raffermir le tarse , lors de la flexion. Les ruminans Font moins marquées. Les solipèdes ne l’ont pas du tout et n’en ont pasbesoin, vu que la partie externe de leur çalcanéuip ne s’élève pas vers le péroné. La partie inférieure de notre astragale a une ressem 3, 58 $46 ANNALES DÜ M Û S 1 tl M blance bien marquée avec celui des ruminans, elle est en forme de poulie et divisée par une arête en deux parties ; une grande concave pour le scaphoïde a , PL I, fig. 2, et une plus petite pour le cuboïde b. ib. Cela n’a lieu ni dans l’homme ni dans les carnassiers. Le cuboïde ne s’y articule qa’avec le calcanéum. Dans le che- val , il n’y a pour le cuboïde qu’une petite facette rhom- boïdale; et pour le scaphoïde une grande, plane, en forme de fer à cheval. Le rhinocéros, le cochon et le tapir, sur-tout les deux premiers ,, participent, avec notre animal et avec lesrumi- nans, à cette disposition.. - La facette cuboïdienne du calcanéum avance un peu plus que celle de l’astragale. La partie du cuboïde qui répond à l’astragale a , PL I, fig. 3, doit donc être un peu saillante, et celle qui répond au calcanéum b , un peu creuse. Il y a à la facette du bord inférieur de la face interne de l’avance du calcanéum, une partie triangulaire e, fig. j , qui répond à cette partie sail- lante du cuboïde. Il résulte de-là que la face antérieure du cuboïde cc, PL I, fig. 3, ressemble à une L ou à une équerre. Le cochon est le seul pachyderme où l’on retrouve cette forme ; elle est aussi dans le chameau, le seul de tous les ruminans où le cuboïde soit distinct du scaphoïde. Dans tous les ruminans ordinaires, ces deux os sont confondus en un seul ; mais on y voit à l’endroit qui répond au cu- boïde, une échancrure qui, si cet os étoit distinct, le ren- droit assez semblable à celui de notre animal, du chameau et du cochon. d’ HISTOIRE NATURELLE. 44f Le cuboïde a deux facettes pour son union avec le sca- phoïde. L’antérieure se prolonge un peu plus bas que ce dernier os, et sert à articuler le cuboïde avec le grand cu- néiforme. Tout cela se retrouve dans le chameau , le cochon, le tapir , excepté que dans ceux-ci la partie du cuboïde qui dépasse le scaphoïde en en bas, est plus longue , ce qui fait que le cunéiforme est plus épais. La facette astragalienne du scaphoïde n’a rien de parti- culier; elle est la contre-preuve de la facette scaphoïdienne de l’astragale. Le cuboïde et le scaphoïde sont terminés l’un et l’autre en arrière par une tubérosité. Le cuboïde, PL I, fig. 3 et 4, a à sa face inférieure une facette articulaire à-peu-près arrondie a , fig. 4. Le scaphoïde ib. , fig. 5 et 6, en a une a , fig. 6, qui reçoit un cunéi- forme mince, lequel reproduit à son tour une pareille fa- cette qui se trouve alors au niveau de celle du cuboïde. Mais le scaphoïde a de plus une autre facette, ib. b , beau- coup plus petite, en amère de la grande. Elle de voit porter un petit cunéiforme que je n’ai pas retrouvé dans les mor- ceaux qui m’ont passé sous les yeux. Ainsi le tarse de notre animal offre à son métatarse trois facettes articulaires, deux grandes et une petite. Lenombre des facettes n’indique pas absolument le nombre des os du métatarse. Les ruminans, par exemple, ont trois facettes, et ne portent qu’un seul os; nous pouvons cepen- dant déjà juger qu’il n’y a pas plus de deux os ni de deux doigts parfaits, parce que dans tous ces pachydermes et autres quadrupèdes à sabots, il y a au moins une facette de plus qu’il n’y a de doigts parfaits, et cette facette porte 58* 448 A N N A h E S T) U MUSÉU M un os surnuméraire , vestige de l’un des doigts qui manquent. Ainsi le rhinocéros et le tapir, qui ont chacun trois doigts, ont quatre facettes, etc. Mais ce qu’on ne pouvoit prévoir, c’est que notre ani- mal, avec ses deux doigts parfaits, a encore deux os du métatarse, distincts et séparés pendant toute la vie. Ce point est déjà prouvé par l’inspection de ces os eux- mêmes, considérés isolément. La face articulaire de chacun d’eux ne correspond, par sa grandeur, qu’à l’une des deux grandes facettes que présente le tarse ; eux-mêmes ont, du coté par lequel ils se regardent, chacun deux facettes pour leur articulation réciproque, lesquelles se correspondent exactement. L’un des deux, celui qui s’articule avec le cuboïde, n’a aucune facette à son côté externe, ce qui prouve qu’il n’y avoit point d’autre os métatarsien de ce côté-là. L’autre, c’est-à-dire celui qui s’articule au scaphoïde par l’intermède de l’os cunéiforme, a à son côté interne une facette triangulaire qui fait suite au bord inférieur d’une aussi petite de la face interne du cunéiforme , et toutes deux ensemble dévoient donner appui à l’os surnuméraire que portoit la seconde ou petite facette du scaphoïde. Ainsi, l’inspection des os métatarsiens de cette espèce, vus isolément, annonce qu’il y en avoit deux, et seulement deux , dans le pied. Voyez ces os; savoir celui qui s’articule avec le cunéi- forme, PI. I, fig. 7 , et celui qui tient au cuboïde, ib. lïg. 9; et les facettes a, /3, y , <4, par lesquelles ils se correspondent. Ces deux ôs n’étant pas d’un même pied, ne sont pas de V I)’ H I S T O 1 R E NATURELLE. 44q même grandeur. Leurs figures, ainsi que toutes celles des os du tarse de cette espèce, sont plus petites d’un tiers que la nature. Tous les morceaux où ces os se trouvent réunis, con- firment ce que leur structure annonçoit. On en voit un, PI. II, il est composé de deux pièces qui se recou vroient. L’une, fig. 1, a passé dans la coflection de M. Lecamus; l’autre, fig. 2 , dans celle deM. Alexandre Brongniart , mais on ne peut en méconnoîlre la corres- pondance. Elles montrent le pied composé , commeje l’avois deviné, d’après la forme de ses os. Il n’y a aucun vestige de troi- sième doigt \ les deux os du métatarse y sont. J’ai un autre morceau qui contient un calcanéum, un os du métatarse , et les phalanges de deux doigts. J’en ai. un troisième où les deux os du métatarse sont dans leur situation naturelle. Nous verrons d’ailleurs bientôt le pied entier d’une espèce voisine, qui a aussi ces deux os avec deux doigts seulement. Ainsi la composition représentée, PL I,fig. 12, est suffisam- ment justifiée, quoiqu’elle ne soit qu’un résultat de com- paraisons. Or, tous les naturalistes savent que cette composition de pied est absolument inconnue parmi les animaux vivans \ les ruminans seuls ont deux doigts aux pieds de derrière , car le paresseux didactyle et le fourmilier didactyle, les seuls quadrupèdes onguiculés qui n’ayent que deux doigts aux pieds de devant, en ont, le premier trois, le second cinq à ceux de derrière ; et tous les ruminans, même le chameau , qui d’ailleurs ressemble à notre animal par la < 45o ANNALES DU MUSEUM séparation du scaphoïde et du cuboïde, ont leurs os du métatarse soudés dans toute leur longueur, en une seule pièce que les anatomistes nomment l’os du canon, et qui ne décèle son origine double, que parce qu’il se bifurque vers le bas pour fournir une poulie articulaire à chacun des deux doigts. Ainsi ce premier pied de derrière que je viens de refaire, indiqueroit à lui seul, et quand meme nous nç saurions encore rien sur les tètes, qu’il a existé parmi les animaux qui ont fourni les ossemens de nos carrières , une espèce absolument inconnue aujourd’hui. Il n’est pas difficile de voir encore , par la seule inspection de ce pied de derrière, que cette espèce tenoit, par rapport à cette partie, d’une part aux pachydermes, de l’autre aux ruminans, auxquels elle se lioit par l’intermédiaire du chameau. C’est ici le lieu de remarquer que le chameau n’appar- tient pas aussi complètement à la classe des ruminans ou pieds fourchus, que les autres genres que l’on a coutume d’y ranger. D’abord son pied n’est point entièrement fourchu; les deux doigts sont réunis en-dessous par une semelle com- mune ; il n’a point des sabots complets, mais seulement des espèces d’ongles attachés , comme ceux de l’éléphant, devant le bout de chaque doigt ; sa dernière phalange n’a rien de la forme propre aux ruminans , qui consiste à être plus haute que large , plane au côté interne , bombée à l’ex- terne , etc. Elle est très-petite , et de la forme de celle des pachydermes. Enhn , quoique ses molaires soient tout-à- fait de ruminans, il se distingue éminemment de toute cette D* HISTOIRE NATURELLE. 43 1 classe par les deux dents pointues qu’il a implantées dans l’os incisif. Ces observations ne sont pas hors de notre sujet; nous aurons encore d’autres occasions de remarquer des rapports entre nos animaux des carrières , et le chameau. Ils en ont un très-prononcé, par exemple, dans la forme des phalanges. Les dernières sont aussi très-petites et symé- triques ; les premières s’articulent avec les os du métatarse par une espèce d’arthrodie , et non comme dans le boeuf par un gynglyme compliqué qui ne permet aucun écarte- ment aux doigts. ( Voyez, PI. I , fig. 7, abc. H J a assez communément des os sésamoïdes, épars dans les divers morceaux où se trouvent des doigts, mais il seroit assez difficile de juger leur position autrement que par analogie. Le calcanéum de ce grand pied , a 0,10 de longueur, à- peu-près comme dans un petit cheval ou un grand âne; la partie externe du scaphoïde 0,02 ; les os du métatarse, 0,11 à 0,12. La première phalange, o,o55;la seconde, 0,02 ; la troisième, o,o3. C’est pour le pied entier, à compter du talon, et en ajoutant quelque chose pour les cartilages, en- viron o,33 ou un pied. C’est beaucoup moins long à pro- portion que dans les chevaux et les boeufs; et cependant les os du coude-pied approchoient de ceux de ces animaux. Cette différence tient à ce que les os du métatarse et les pha- langes sont gros et courts, et nous pouvons déjà conclure de-là que l’animal que ces os soutenoient , avoit une gros- seur considérable à proportion de sa hauteur. Nous verrons ailleurs que les os de la jambe et de la cuisse confirment cette proportion présumée. 45j2 ANNALES DU MUSEUM Article II. D ’u?i autre pied à deux doigts et à deux os distincts au métatarse , mais plus petit , et sur-tout plus grêle que le précèdent . Cette composition de pied de derrière que je viens de retrouver par une sorte de calcul ou de combinaison, peut encore laisser quelque doute dans l’esprit du naturaliste trop habitué aux idées que lui donne la nature actuelle, et qui ne se porte qu’en hésitant vers cette nature d’autrefois , dont il ne lui reste que ces vestiges déjà demi-décomposés. Voici un autre pied sur la composition duquel il n’y a rien d’équivoque ; mon imagination ni ma main n’y sont entrées pour rien. Je l’ai trouvé dans la pierre tel qu’il y est encore, et dans son état complet. Il est cependant formé absolument des mêmes pièces que le précédent, quoique dans d’autres proportions , et il achève de prouver l’an- cienne existence d’un type générique inconnu aujourd’hui. Ce précieux morceau représenté PL III , fig. 1 , appar- tient au Muséum national d’histoire naturelle j il y étoit, depuis long-tems, dans les magasins, sans qu’on en connût l’importance, qui ne s’est découverte que lorsqu’on a creusé la pierre qui le contenoit. On y voit un pied gauche presque entier et une grande partie du droit. Le calcanéum a , et la poulie tibiale de l’astragale b ont été brisés, mais on voit très-bien sa poulie tarsienne, c c , divisée en deux gorges, comme clans l’espèce précédente ; l’une pour le scaphoïde, l’autre pour le cuboïde. H* HISTOIRE NATURELLE. 453 Celui-ci cl, a sa face antérieure également en équerre. À la suite du scaphoïde e vient un cunéiforme f plus épais , à proportion que dans l’autre espèce ; et enfin deux os du métatarse g- h, distincts,, singulièrement grêles et alongés. Les premières phalanges i k s’articulent sur eux comme dans la grande espèce. Elles participent à la forme grêle des osdu métatarse. Les derniers lin, sont presque semblables à celles des petits rumin&ns, par leur forme comprimée. Le pied droit, tout mutilé qu’il est, nous est cependant utile, en nous montrant le petit cunéiforme et l’osselet surnu- méraire o qui s’y rattache, deux circonstances que nous n’avions pu observer dans la grande espèce, mais que l’ana- logie nous y a voit fait présumer d’avance, et qu’elle nous confirme par la structure de cette espèce-ci. Ce même pied droit nous montre la face externe du sca- phoïde p , que nous n’avions pas vue en e. La fig. 4 nous fait voir sa face inférieure avec les deux facettes r , pour le grand et le petit cunéiformes. Voilà donc encore bien certainement, et même plus certainement , s’il est possible , que dans l’espèce précédente, un pied fourchu à deux os dans le métatarse , c’est-à-dire un pied tel qu’aucun animal aujourd’hui connu ne nous en offre. La longueur de ce pied, à compter du bas de l’astragale, est de 0,-2; sa largeur, en comprenant lesdeux os, deo,oi3* Les os du métatarse en particulier, ont o,i5. C’est la longueur du pied d’un mouton de moyenne taille ; et comme l’identité de composition ne laisse aucun doute que l’animal à qui ce pied a appartenu, ne fut du même genre que le précédent ) il en faudra conclure que cette r- r 0. 5g 454 ANNALES DU MUSEUM petite espèce étoit d’une stature beaucoup plus élancée et plus légère que la grande. Cette différence entre deux es- pèces d’un même genre ne doit pas surprendre ; nous en avons un autre exemple dans un genre voisin , celui des cochons. Le Babiroussa ou cochon-cerf des Indes J comparé au sanglier d Ethiopie , ne fait pas un contraste moins marqué. Outre ce beau morceau , j’ai encore un astragale presque entier de la même espèce , fig. 3 ; et trois os du métatarse isolés , semblables à ceux que je viens de décrire. Article III. Indice d’un pied semblable aux deux précédens , mais de moitié plus petit que le dernier. Le pied ne m’est indiqué que par son seul astragale ; je n’en ai point eu d’autre morceau. Mais cet astragale, PL III , fig. 7 , est si semblable àceux des deuxpieds précédens, que je ne doute pas qu’il ne portât également deux doigts parfaits en tout. Nous ne pouvons juger de la grandeur de ce pied par son seul astragale, puisque la proportion des os du métatarse est si variable; mais il n’est pas impossible de juger du vo- lume du corps, sauf à ne rien fixer sur la forme et la légè- reté des jambes. Article IV. D ’un pied de moyenne grandeur , ayant trois os au mé- tatarse , et un os surnuméraire. Je n’entrerai encore pour rien dans la composition de ce d’ histoire naturelle. 455 pied-ci; je l’ai trouvé tout entier, ou du moins ses parties caractéristiques, enfermé dans une même pierre. Ces parties sont représentées ensemble. Pi. IV, fig. i et 2. L’astragale et le calcanéum, vus par leur face tarsienne, fig. 3, ët quelques-uns de pièces séparées, fig. 6, 7, 8. Le calcanéum A , PL IV, fig. 1 et 2 et fig. 6, ressemble singulièrement à celui du tapir. Il a de même trois facettes astragaliennes; une supérieure <2, ovale, trans verse, se con- tournant un peu sur le dos de l’os en b ; une interne c, placée sur une avance latérale du bord interne, et plus oblongue que celle du tapir; une inférieure d , concave dans son milieu , et touchant par son bord inférieur la facette cu- boïdienne e. Dans le rhinocéros , la facette d s’uniroit à la facette c. Dans le cheval , il y auroit au bord externe f une quatrième facette. Dans le cochon et les ruminans , il y auroit à ce bord la facette pour l’os tibial surnuméraire; ainsi nul doute sur la véritable affinité de ce calcanéum II est d’un quart plus petit que celui du tapir , même un peu jeune. La facette cuboïdienne e , PL IV, est oblongue et plus large à proportion que le tapir. L’astragale B , PL IV, fig. 1, 2, 3, outre ses facettes cal- caniennes, en a une scaphoïdienne g , fig. 3, grande, rhomboïdale, peu convexe d’avant en arrière, peu concave de droite à gauche , et une cuboïdienne h , étroite, un peu convexe en avant, avec un petit creux en arrière i. Ces choses sont tout-à-fait pareilles dans le tapir et le rhinocéros, La facette cuboïdienne du cheval est beaucoup plus petite; celle du cochon et des ruminans est beaucoup plus grande, et vraiment en portion de poulie. 456 ANNALES DU 'M U S EU M Le cuboïde C , PL IV, fig. 1 et 8, appuyé donc sur Pas- iragale par une facette, sur le calcanéum par une autre ; il en a à sa face interne deux pour le frottement latéral contre le scaphoïde , et un peu plus bas , deux pour celui qu’il exerce, aussi latéralement sur le grand cunéiforme. Enfin il a une facette métatarsienne. Le scaphoïde JD, PL IV, fig. 1 , 2 et fig. 7 , s’appliqua exactement à la facette de l’astragale qui le concerne. Il a a sa face opposée trois facettes, une grande en croissant, ciy PL IV, fig. 73 une moyenne b , et une petite c. Lune et l’autre ovale. La grande et la moyenne portent chacune un cunéiforme, JE et F , PL IV, fig. 1 et 2 , et ceux-ci portent des os mé- tatarsiens. La petite porte un os surnuméraire G , PL IV, fig. 2 r plus long que les cunéiformes, mais qui n’a point de facette à son extrémité, et qui par conséquent ne portoit aucun os du métatarse : il représentoit le pouce. Le tapir en a un pareil. Le cuboïde devoit aussi porter un os du métatarse ; il a une facette pour cela, c/, PL IV, fig. 1 et 8, et le grand os du métatarse en a une e , PL IV, fig. 1, pour frotter contre celui que ce cuboïde portoit. Mais cet os ne s’est pas trouvé dans la pierre d’où j’ai tiré ce pied. Je ne doute cependant nullement qu’il n’ai t existé, parce que dansla série des pieds desanimaux connus, on ne voit jamais le cuboïde perdre tous les siens, tant que le scaphoïde en garde deux, et à plus forte raison lorsqu’il en porte deux entiers et un imparfait comme cela a lieu ici. Ainsi, dans notre palæotherium magnum, et dans le minus, le cuboïde porte encore un doigt quoique le scaphoïde n’en ail conservé qu’un seul. Il suffit de voir, PL IV, fig. 5 , les trois facettes que le tarse présente au métatarse , pour juger que les deux os latéraux dévoient être beaucoup plus petits que l’intermé- diaire , et pour conclure qu’il devoit y avoir la même diffé- rence dans les doigts. Je n’ai eu que la partie supérieure de l’os du côté interne. Il étoit un peu moins large et beaucoup plus mince que celui du milieu. Je ne puis dire si ces os latéraux descendoient aussi bas que celui du milieu ; ce qui me fait croire qu’ils étoient en général plus petits et plus fragiles , c’est que j’ai retrouvé deux ou trois fois celui du milieu isolé, et que je n’ai jamais revu les autres. Je ne peux pas dire de ce pied -ci comme des précédens, qu’il ne ressemble par sa composition à celui d’aucun ani- mal connu. Il y a huit quadrupèdes qui ont trois doigts seu- lement au pied de derrière ; savoir , le rhinocéros, le tapir, le cabiai, l’agouti , l’acouchi ,- le cochon d’inde, l’unau et l’aï dont les squelettes sont bien connus , et deux dont je n’ai pas le squelette; savoir, le tapeti,etle quouiyiade d’Az- zara; mais comme ces deux derniers appartiennent l’un et l’autre au genre çctvia , on doit présumer qu’ils ont une structure semblable à celle des autres espèces tridactyles de ce genre ; d’ailleurs le tapeti ainsi que le cochon d’inde, l’agouti et l’acouchi ne peuvent être comparés par la gran- deur à l’animal dont venoit ce pied-ci : et ces trois derniers animaux , ainsi que le cabiai , ont au côté interne du pied deux os surnuméraires , dont l’un est sous le bord interne infé- 458 ANNALES DU MUSEUM rieur de l’astragale , et l’autre sous celui du scaphoïde du petit cunéiforme , et sous l’origine du métatarsien interne. Deux paresseux j Y unau et Yaï , outre la différence de taille , ont leurs trois os du métatarse soudés ensemble à leur base ; deux petits os surnuméraires grêles , un de chaque côté ; et leur astragale a une forme toute particu- lière que je décrirai ailleurs. Le rhinocéros est infiniment plus grand que notre animal. Il ne reste donc que le tapir sur lequel on puisse con- server des doutes. Nous avons déjà indiqué des différences sensibles de son calcanéum au nôtre; son astragale en a aussi ; il est plus large à proportion de sa longueur. La facette de son scaphoïde, qui répond au grand cunéiforme , est beaucoup moins échancrée : enfin, et ceci est capital, la facette par laquelle le scaphoïde et le cuboïde frottent l’un sur l’autre est très-grande, et occupe moitié de la face interne du dernier ; elle est très-petite dans notre animal. Si on ajoute que le tapir est plus grand d’un tiers, on re- connoîtra que ce n’est pas de lui que venoit ce pied , et que l’animal qui l’a fourni , quoique se rapprochant un peu plus que les deuxprécédens des formes aujourd’hui usitées par la nature, n’en est pas moins encore inconnu des naturalistes. Le calcanéum a de longueur . . . 0,067 Le scaphoïde de hauteur .... 0,01 Le grand cunéiforme 0,01 L’os moyen du métatarse de long . 0,1 o5 C’est pour le pied sans les phalanges 0,182 C’est à-peu-près la longueur de la même partie dans un cochon de taille ordinaire ; un cochon de Siam l’a plus petite de 2 centimètres. d’histoire naturelle. 45g Article Y. D'un pied composé comme le précèdent , mais plus court et plus épais. Je n’ai pas tiré celui-ci de la pierre ; je n’y ai vu que son empreinte et des portions des os qui le composoient, mais comme j’ai eu les pieds des deux côtés, ce qui m’a manqué dans l’un s’est en grande partie retrouvé dans l’autre, de manière qu’il n’y a non plus rien de conjectural dans sa description. Les deux morceaux qui me l’ont fourni , appartiennent à l’Institut , et étoient depuis long-temps dans le cabinet de l’académie des sciences; c’est M. Sage qui a bien voulu me les faire remarquer avec plusieurs autres morceaux tirés des carrières de nos environs. Ils sont dessinés à moitié de leur grandeur naturelle, PL Y, fig. 1 et 2. Le plus entier est celui de la fig. i ; on y voit toute la longueur du tibia ab, le péronné c d , une portion considérable d’astragale ef> une partie d’empreinte du même os g, l’empreinte entière et quelques portions du calcanéum h i , un fragment du cuboïde k , le scaphoïde entier Z, deux portions du grand cunéiforme m n, quelques parties d’un os surnuméraire o , deux os du métatarse , le moyen p , et l’externe q en partie cassés , et quelques por- tions de phalanges et d’os sésamoïdes en r s. Il étoit évident que ce pied présentoit son bord externe, puisque le calcanéum et le cuboïde étoient à la surface, et que l’astragale et le scaphoïde étoient enfoncés : par la même raison, c’étoit nécessairement le pied gauche; je n’y 46o ANNAL L S DU MUSÉUM voyois que deux doigts, et dans le désir que j’avois de trouver aussi pour le paLœotherium medium un pied di- dactyle, comme j’en avois trouvé pour les deux autres espèces, j’aurois bien voulu me contenter de cette appa- rence, mais je fus bientôt détrompé. Ayant vu que le scaphoïde et la portion scaphoïdienne de l’astragale étoient conservés en entier, j’en lis l’extrac- tion. La facette de l’astragale n’étoit point èn poulie comme dans les pieds didactyles ; je prévis dès-lors ce que j’allois trouver. En effet , le scaphoïde me montra deux grandes facettes, et une petite surnuméraire. 11 est représenté, PL V, fig. 3 , de grandeur naturelle. Je conclus qu’il y avoit trois doigts, et je creusai dans ce morceau pour y trouver le doigt interne ou second sca- phoïde qui me manquoit encore. Il ne s’y trouva pas; j’eus alors recours au deuxième morceau, représenté fig. 2. Celui-là offroit le pied droit à son côté interne ; on y voit la partie inférieure du tibia a h , un petit fragment d’as** tragalec, une portion considérable de scaphoïde d , legrand cunéiforme e , et le cuboïde f presque entiers : une portion d’os surnuméraire g , une moitié complète du grand mé- tatarsien h , comme s’il eût été fondu par son milieu, et les trois phalanges, divisées de même , i,k , Z; l’empreinte m, du métatarsien interne ou petit scaphoïde, avec quelque fragment n , resté adhérent, et quelques portions de pha- langes et d’os sésamoïdes o p. Je jugeai que l’on trouveroit, sous ces deux portions de doigts, au moins des traces du troi- sième, et je ne me trompai pas. Ayant enlevé tout le plâtre qui avoit reçu l’empreinte m , et une partie de l’os A, je trouvai le troisième métatarsien , »’ HISTOIRE NATURELLE. 46l On voit en fig. 4, l’état où je mis le morceau par mon opération f e st le cuboïde mis à découvert; d une partie d’empreinte du scaphoïde; e celle du grand cunéiforme; h ce qui reste du grand métatarsien ; g , i , h , /, n , o , p , désignent les memes choses que dans la ligure 2 ; q q q est le métatarsien externe ou cuboïdal que j’ai découvert en creusant la pierre, et r la facette du cuboïde à laquelle il s’articuloit. Ainsi ce pied est bien composé, comme le précédent, de trois doigts et d’un os surnuméraire ; et les os qui entrent dans son tarse , sont aussi en même nombre ; leurs formes sont même si voisines, que sans les différences de propor- tion des os du métatarse, je l’aurois cru de la même espèce: on peut voir cependant , en comparant le scaphoïde de celui-ci, fig. 3 , pl. Y, avec celui de l’autre, PI. IV, fig. 7, que dans le premier la petite facette métatarsienne est séparée de la grande par un sillon élargi aux deux bouts , .qui 11’est pas dans le second. Les os p et h ont de longueur 0,087. Ceux de l’espèce pré- cédente en ont o,io5; et cependant leur largeur est à-peu- près la même. La longueur du doigt entier A, i , k,l, fig. 2, est de 0,127 ; celle du tarse entier, fig. 1, est de o,o84 : c’est pour tout le pied, 0,211. Le tarse et le métatarse avoient 0,171 , et dans l’espèce précédente , 0,182 ; et cependant le calcanéum de l’espèce actuelle est le plus gros. Car son empreinte h i , fig. 1, a, de t en u , 0,026, et la même dimension n’est dans l’espèce précédente que de 0,02. Ce pied a 0,02 de moins que celui d’un cochon de Siam; mais en revanche, la jambe dont ce 5» 60 402 ANNALES DU MUSÉUM même morceau nous donne la longueur , a o,o45 de plus que dans ce cochon. Article Y I. Indication d’un pied composé comme les deux précédons , mais du double plus grand. Je n’en ai que le calcanéum , et je ne l’ai trouvé qu’une seule fois. Il est parfaitement semblable à celui de l’article IV pour la forme , ainsi que pour le nombre des facettes et leur arrangement; mais ses dimensions sont à-peu-près doubles; il est aussi plus gros à proportion. Il n’y a nul doute qu’il n’ait fait partie d’un pied à trois doigts, et l’on peut juger que l’animal auquel ce pied appartenoit, étoit aussi à-peu-près double en dimensions linéaires de ceux dont proviennent les deux précédens. Cet animal a dû être Tare dans nos carrières ; car voilà le seul vestige de son pied que je trouve, tandis qu’il y en a tant du grand pied à deux doigts qui est à-peu-près de même grandeur que celui-ci. Yoyez ce calcanéum, PL II , fig. 5. Article VII. ■D’un autre pied plus petit que le précèdent , ayant trois os au métatarse y sans surnuméraire. J’ai eu le bonheur de trouver deux fois les pièces essen- tielles de ce pied réunies; la première, elles l’étoient assez > confusément , dans un morceau , représenté PL III, fig. 2. D? HISTOIRE NATURELLE, 463 Les os du métatarse abc étoient rompus par en bas, et il n’y avoit point de phalanges ; maisles os du tarse étoient bien entiers: le calcanéum en cl, l’astragale eue, le scaphoïde f, le cuboïde g , et les deux cunéiformes h et i. Il n’a fallu que les rassembler comme on les voit, PL VI, fig. 1 et 2. L’autre fois ces memes pièces étoient encore dans leur arran- gement naturel, PL VI, fig. 7. Les phalanges du doigt du milieu existoient, mais une partie de l’astragale et du sca- phoïde étoient emportés. Dans un troisième morceau, j’ai trouvé l’astragale et le scaphoïde seuls bien conservés. Ainsi il ne me manque rien du tout pour la description complète de ce pied-ci. Il ressemble à celui de l’article IV pour l’essentiel; seu- lement il est d’un tiers plus petit, et il n’a point d’os surnuméraire articulé sur le scaphoïde. La facette cuboï- dienne du calcanéum, Pl. VI, fig. 5 a , est un peu plus étroite. Le scaphoïde , ïb. fig. 5, n’a que deux facettes. Ainsi le tarse n’en présente que trois au métatarse. Des trois os de celui-ci , il n’y a que l’intermédiaire qui soit cylin- drique : les deux autres sont comprimés, et dans leur po- sition naturelle, ils sont placés derrière le premier. Ils se terminent cinq décimètres plus haut que lui, etcomncla première des phalanges qu’ils portent, PL VI, fig. 8 a, est aussi beaucoup plus courte que la première phalange du milieu , ( a, ib. fig. i ). Quoique je n’aye pas vu le reste des doigts latéraux, j’ai tout lieu de croire qu’ils sont beau- coup moins longs que celui du milieu, et qu’ils ne font que toucher la terre sur laquelle celui-ci porte en entier. La longueur de ce pied , de l’extrémité postérieure du calcanéum , à l’antérieure de la dernière phalange du doigt 6q * 464 ANNALES EU MUSEUM du milieu , est de 0,14 ; ce qui revient à-peu-près à la lon- gueur du pied du renard. Article Y I I I. Astragale différent de tous ceux qui entrent dans les pieds pj'écédens. On le voit, PL III, fig. 8 et 9 : la partie tibiale, et la partie tarsienne , sont tellement portées en sens différent, que je Pavois pris d’abord pour un astragale de carnassier ; mais un examen attentif m’a détrompé. La face scaphoïdienne des carnassiers est toute uniformément convexe. Ici elle est presque plane et a même un peu de concave vers a. Il j a aussi en b une facette cuboïdienne que les carnassiers n’ont pas. Toute comparaison faite, c’est au tapir que cet astragale ressemble le plus, quoiqu’il s’en écarte sensiblement en plu- sieurs points. J’ai cru un instant que cepouvoit être l’astragale du pied de l’article V et de la PL YI , mais les fragmens restés dans les morceaux de la PL Y ne s’accordent point avec lui. J’en ai eu deux exemplaires, roulés tous les deux, contre ce qui est le plus ordinaire dans les os de nos carrières. Article IX. Indice d’un pied de carnassier. Je n’ai eu que l’astragale, mais il est de carnassier, sans aucune difficulté. On le voit PL 3 fig. 6; il est d’environ un b’ HISTOIRE NATURELLE. 465 tiers pins petit qu’il ne faudroit, pour avoir appartenu au même animal , que la mâchoire décrite dans notre II.e mémoire , Art. III , § I. Ainsi il y a dans nos carrières les ossemens d’au moins deux espèces de carnassiers. Cet astragale pouvoir très-bien venir aussi du genre canis ; ses différences, assez grandes pour être spécifiques, ne pa- roi ssent pas assez importantes pour être génériques. On peut juger ses facettes sur la figure qui est exacte. Il a 0,017 de longueur, et 0,009 de largeur à sa facette sca- phoïdale.Ce sont à-peu-près les dimensions d’un chat domes- tique; mais dans les chats, en général , la partie scaphoïdale est plus courte. Article X. Répartition probable de ces diffèrens pieds , entre leurs têtes respectives. Il résulte de nos descriptions, que nos carrières con- tiennent des pieds de derrière de deux genres diffèrens , sans compter ceux de carnassiers; l’un de ces genres porte trois doigts complets ; l’autre n’en porte que deux. Nous avons montré, dans nofre mémoire précédent , qu’il y a aussi des tètes de deux genres diffèrens, dont les unes ont des dents canines , et les autres en manquent. L’idée la plus naturelle, est sans doute que chacun de ces deux genres de têtes doit s’approprier l’un de ces deux genres de pieds. Nous trouvons une correspondance pareille entre la dentition et la forme des pieds, établie pour ainsi dire dans toute la nature animale ; ainsi sans sortir de la classe des pachydermes , on pourroit à volonté caractériser 466 A N*N AL ES BU MUSEUM les genres par le nombre des doigts , ou par les combinaisons des dents. L’un est aussi fixe que l’autre dans chaque genre. Tous les cochons ont quatre doigts, dont deux plus courts; tous les rhinocéros en ont trois ; tous les éléphans cinq, etc. Nous n’avons pas besoin de citer les genres qui n’ont qu’une espèce. Il est vrai que dans d’autres ordres , et sur-tout dans les édentés , on trouve de fortes exceptions à cette règle ; il y a des fourmiliers à deux et à quatre doigts ; des pares- seux à deux et à trois ; mais c’est pour les pieds de devant seulement ; pour ceux de derrière, je ne connois guère que le genre cavia qui varie ; le paca a deux très-petits doigts de plus que les autres espèces ; mais ces variations dans le nombre des doigts en entraînent fort peu dans la compo- sition et la forme des os du tarse et du carpe ; au lieu que dans les pieds de nos carrières , il y a , comme nous l’avons vu, deux compositions du tarse faites sur des types tout- à-fait différens. Nous croyons donc, et les naturalistes penseront sans doute avec nous , que tant qu’il n’y aura pas de preuves directes du contraire, il y aura plus d’apparence de vérité, à mettre tous les pieds d’un genre et toutes les têtes d’un genre d’un coté ; et à mettre de l’autre tous les pieds, ainsi que toutes les têtes du genre opposé. Mais comment faire ce partage ? les pieds à trois doigts appartiennent-ils aux têtes à dents canines , et ceux à deux doigts aux têtes qui manquent de ces dents , ou bien estjce la combinaison con- traire qui est la véritable ? Nous n’avons que deux moyens à notre disposition pour résoudre ce problème ; savoir , les affinités zoologiques et les grandeurs respectives des têtes et des pieds. d’ HISTOIRE NATURELLE. 467 Ce dernier moyen ne nous est pas très-utile , parce que nous n’avons pas toutes les espèces de part et d’autre. Car quoique nous ayons sept tètes et huit pieds, nous n’avons pas des pieds pour toutes nos têtes, ni des tètes pour tous nos pieds. Ainsi nous trouvons dans les têtes à dents ca- nines, c’est-à-dire dans celles du genre palœotherium : Une espèce de la grandeur d’un petit cheval ; Une de celle d’un sanglier , et une de celle d’un petit mouton; Et dans les têtes- sans dents canines, c’est-à-dire du genre anoplotherium , nous en trouvons. Une de la grandeur d’un gros sanglier ; Une de celle d’un mouton ; Une troisième de celle d’un lièvre; Et une quatrième de celle d’un cochon d’inde. Or, parmi les pieds de derrière, nous en trouvons de la grandeur de petit cheval , tant dans un genre que dans l’autre. Ainsi il nous manque la tête au moins d’une de ces deux espèces-là. Il n’y auroit donc point dans la gran- deur de raison suffisante pour appliquer la seule grande tête que nous possédons, à l’un de nos grands pieds plutôt qu’à l’autre. Nous trouvons de même parmi nos pieds à deux doigts , une espèce à-peu-près de la grandeur d’un mouton : mais parmi nos têtes nous en trouvons une de cette grandeur dans chaque genre ; à laquelle des deux têtes attacherons- nous ce pied? Autre embarras ! nous avons deux têtes de grandeur de cochon , et aussi deux pieds à-peu-près de cette grandeur: mais les deux têtes sont de genres différens; il y en a une 468 ANNALES DU MUSEUM de palæotherium , et l’autre d’anoplotherium , et les deux pieds sont du même genre; ils sont l’un et l’autre tridac- tyles. La considération delà grandeur l’eïnportera-t-elle ici sur celle de l’affinité zoologique ? Dans les degrés inférieurs, nous trouvons quelque chose de plus décidé : il y a une tête ftanoplotherium de la gran- deur de celle d’un lièvre , et un pied didactyle aussi de la grandeur de celui d’un lièvre. Voilà un commencement d’accord. Il nous reste après cela un pied de grandeur de renard qui ne trouve point de tête de sa taille , et une tète de gran- deur de cochon d’inde qui ne trouve point de pied. h y a encore l’astragale de l’article VIII qui ne trouveroit point de tète. Et si on ne vouloit pas joindre la même forme de pied aux deux genres de têtes , un de» pieds de grandeur de cochon seroit aussi sans tête , et une des tètes de même grandeur, sans pied. Ce calcul porteroit à onze le nombre des espèces de pa- chydermes enfermées dans nos carrières. Mais il y a une idée qui peut aider à mettre plus d’ordre dans notre répartition, et à réduire ce nombre d’espèces. Il n’est pas absolument nécessaire que tous ces animaux ayent eu les mêmes proportions entre leurs têtes et leurs pieds. Ainsi nous voyons que le cochon a la longueur de sa tète à celle de son pied comme à tandis que dans le cheval ces deux dimensions sont comme à Supposons un instant que le palæotherium ait eu, comme le cochon, la tête très-grosse à proportion des pieds, et que l’anopiotherium l’ait eue très-petite ; comme le cerf, par D5 HISTOIRE NATURELLE. 46S En graiiics de divers climats 95 4,o84 TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES Contenus dans ce troisième volume. H A U Y. Mémoire sur les Tourmalines de Sibérie. Observations sur l’ électricité des substances métalliques. FA U J AS-SAINT-FOND. Mémoire sur quelques Fossiles rares de Pestena-Nôva dans le V éronais , qui n’ont pas été décrits , et que M. de Gazola à donnés au Muséum d’histoire naturelle en l’an XI. 18 Essai de classification des produits volcaniques , ou prodrome de leur arrangement méthodique . 85 F O Ü R C R O Y. Mémoire sur les pierres tombées de l’ atmosphère , et spécialement sur celles tombées auprès de l’Aigle , le 6 floréal an XI. lot Premier résultat des nouvelles recherches sur le platine brut , et an- nonce d’un nouveau métal qui accompagne cette espèce de mine. i4y Analyse des calculs de la vessie urinaire d’une chienne* 3o4 Mémoire sur un nouveau minéral de l’ Ile-de-France , reconnu par l’analyse pour un véritable phosphate de fer pur et cris- tallisé. f 4o5. 3. page 233 3oÿ 65 486 TABLE DES MEMOIRES JUSSIEU. Troisième Notice historique sur le Muséum d’histoire naturelle , de^ puis 4682 jusqu’en iji8. / Mémoire sur le Cantua 3 genre de plantes de là famille des Polé - moniées. 1 i3 Sur le Solarium cornutum du Mexique. 1 20 Mémoire sur quelques espèces du genre Hypericum. i5<) Mémoire sur quelques nouvelles espèces d’anémones. 245 Observations sur la famille des plantes onagraires. 3i5 Supplément à ce mémoire. 4j3. T H O U I N. Note sur la culture des patates et des pommes de terre. 1 83, Notice sur l’introduction des bruyères en Europe , et sur leur culture dans les jardins. 326 Mémoire sur la culture des Dahlia et sur leur usage dans l’ornement des jardins. 420 GEOFFROY. Mémoire sur les espèces du genre Dasyure. 353 L A M A R C K. Sur la Crénatule , nouveau genre de coquillages. 25 Sur deux nouveaux genres d’insectes de la Nouvelle- Hollande. 260 Suite des mémoires sur les coquilles fossiles des environs de Paris } contenant les genres pleurotome et cérite , i63 — 266 — 343 — 436t CUVIER. Description ostéologique du rhinocér'os unicorne. 32 Description ostéologique du tapir. 122 Description ostéologique et comparative du daman , Hyrax capensis. 4 y* ET NOTÏCES. 487 Sur les espèces d’animaux dont proviennent les os fossiles répandus dans la pierre à plâtre des environs de Paris. Premier mé- moire. Restitution de la tête. ay5 Suite des recherches sur les os fossiles de la pierre à plâtre des envi- rons de Paris. Deuxième mémoire. Examen des dents etc. 364 Suite des recherches , etc. Troisième mémoire. Restitution des pieds. DAUDIN. Mémoire sur une distribution méthodique des mouvemens progressifs des animaux. 53 Description de la pie-grièche à gorge rouge , et notice sur les familles des colluriens , des moucherolles et des tourdes. i44 DELEUZE. Notice historique sur André Michaux. ipi LATREILLE. Observations sur l’Abeille pariétine de M. Fabricius et considéra- tions sur le genre auquel elle se rapporte. ü5i Des Langoustes du Muséum national d’histoire naturelle . 4 83. R A M O N D. Voyage au sommet du Mont-Perdu. P O I T E A U. Mémoire sur le Thouinia , nouveau genre de la famille des Savoniers Sapindi 3 Juss. y a CORRESPONDANCE. Lettre de M. A. de Humboldt au citoyen Delambre , membre de l’Institut national^ datée du Mexique. 65* 488 TABLE DES MÉMOIRES Lettre de MM. A. de Humboldt et Bompland à l’Institut national. 3 96 Lettre du capitaine Baudin. 4j5 Etat des graines et des végétaux vivans donnés au Muséum par les établissemens et les particuliers avec lesquels il est en corres- pondance, depuis le 1 ,er vendémiaire jusqu’au i.er messidor an XI. 4 y j Indication des Gravures du troisième volume. Planche I. Fossiles de Vestena-Nova. Page fS II. Fig. 1 et 2. Crénatule avicula'üre j jîg.3 et 4. Crénatule mytiloide. 2.5 N. B. Les chiffres ayant été transposés sur la planche , la Crénatule aviculaire qui est représentée fig. 1 et 2, est nommée my tiloïde , et réciproquement. Il est essen- tiel de corriger cette faute. III. Squelette du rhinocéros unicorne. 3 2 IV. Mâchoires du rhinocéros unicorne et du rhinocéros bi - corne. ibid. V. Dents fossiles du rhinocéros . ibid. VI. Thouinia simplicifolia. 7° VII. Canlua pyrifolia. 1 13 VIII. Cantua simplicifolia. ibid. IX. Solanum cornutum. 120 X. Squelette du tapir. i3a XI ^ XII, XIII