WM itlpff'ç 5^ = ^ Kings College LONDON Library r ^ A'h/U ^ (\/^VUy//\i pfrfisMai /V/5 "((// 2 f ti C i10 A. Thouin ..... . Culture et naturalisation des végétaux. Geoffroy Mammifères et oiseaux 1 Lacépède Reptiles et poissons ! Lamarck Insectes , coquilles , madrépores ,/ 00 °§ie> etc J Portai. , . Anatpmie de l’homme. Cuvier Anatomie des animaux. VanspaeNDONCK. . . . Iconographie ", ou l’art de peindre et de dessiner les productions de la Nature. Digitized by the Internet Archive in 2015 . https://archive.org/details/b21304038_0004 Fossiles de Farts pieds de derrière .RM- QUATRIÈME NOTICE HISTORIQUE SUR v LE MUSÉUM D’HISTOIRE NATURELLE. PAR A. L. JUSSIEU. \ ___________________ § IV. Depuis iyi8 jusqu'en Poirier, devenu surintendant du jardin des Plantes en sa qualité de premier médecin (1), n’eut pas le temps d’exercer les nouvelles fonctions attachées à sa place. Il mourut dix- neuf jours après Fagon,le 3omars 1718, avec la réputation d’un homme sage, d’un médecin éclairé et d’un véritable ami des sciences. Le poste éminent qu’il laissoit vacant fut brigué par plusieurs médecins. L’opinion publique y appeloit Chirac, qui, après avoir rempli avec distinction une chaire dans l’université de Montpellier , avoit été attiré à Paris par le (1) Louis Poirier , de Richelieu dans le Poitou, médecin de la faculté de Paris en 1676 , doyen en 1706, médecin de Louis XV avant qu’il fût roi , continua à soigner sa santé après son avènement au trône. Il jouissoit de l’estime publique et de l’attachement de ses confrères. 4. 1 2 ANNALES DU MUSEUM duc d’Orléans, régent, dont il étoit devenu le premier mé- decin; mais des raisons politiques ne permirent pas à ce prince de confier à son médecin la santé du jeune roi. Il nomma à cette place Dodart (1) qui avoit été premier mé- decin du dauphin père de Louis XY ; et pour dédommager Chirac, il lui donna l’administration du jardin des Plantes qui fut de nouveau détachée de la première place par une déclaration du roi , en date du 5l mars 1718. La nomina- tion de ce nouvel administrateur fut l’objet d’une autre déclaration du 8 avril suivant , qui ne lui accordoit que le titre d’intendant, mais avec toutes les attributions et pré- rogatives dont jouissoit Fagon. Le devoir d’historien nous force de dire que celte nomi- nation fut un malheur pour l’établissement. Chirac (2), en- (1) Claude-Jean-Baptiste Dodart , médecin de la faculté de Paris en 1688, fut en 1708 médecin du duc de Bourgogne , devenu dauphin en 1711. Celte fonction exercée par lui fut un titre pour parvenir à la première place qu’il remplit jusqu’en 1730. Il étoit fils de Denis Dodart, médecin de la même faculté et membre de l’académie des sciences , auteur des mémoires pour servir à l’histoire des plantes , et recommandable par un grand travail sur la transpiration animale. Tournefort avoit consacré à sa mémoire un nouveau genre de plante du Levant , qui est encore connu sous le nom de do cia r lia - (2) Pierre Chirac , né en i65o à Conques dans le Rouergue, d’abord ecclé- siastique, fut instituteur des fils de Chicoisneau , chancelier de l’université de Montpellier, qui lui fit changer de profession et l’engagea à suivre la médecine. Reçu docteur en 1682, et parvenu bientôt à une place de professeur dans la même université , il se distingua dans l’enseignement , et attira beaucoup d’élèves; ensuite il se livra avec succès à la pratique. En 1692 il fut médecin de l’armée du Roussillon. En 1706 il accompagna à l’année d’Italie le duc d’Orléans , et lui sauva le bras dangereusement affecté par suite d’une blessure. Il vint ensuite à Paris, y acheta une charge qui lui donnoil le droit de pra- D1 H I S T O I R E NATURELLE. ù iièrement livré à la pratique de la médecine dans laquelle il excelloit, faisoit moins decas des sciences naturelles qu’il ne regardoit apparemment que comme des accessoires peu nécessaires. Loin de favoriser le jardin , il lui retrancha une partie des fonds assignés pour son entretien, dont il ne rendit jamais aucun compte. Par suite de son caractère dur et im- périeux, il voulut asserv ir les professeurs et les diriger pour la forme, la nature, l’heure et la durée de leurs leçons. tiquer, et acquit bientôt dans celte ville une grande réputation. En i7i5 il succéda à M. Homberg, médecin du duc d’Orléans alors régent. L’aca- démie des sciences l’admit dans son sein en 1716; et deux ans après il fut chargé de l'administration du jardin des Plantes. 11 s’éloit proposé en 1720 pour aller traiter la peste/ de Marseille , mais son offre ne fut pas acceptée , et trois médecins de Montpellier, indiqués par lui, furent chargés de cette mis- sion honorable eL périlleuse. Une académie de médecine étoit , selon lui, une institution utile qui manquoit à l’art de guéi'ir, et dont il pouvoil tirer de grands avantages; il en forma le plan qui auroit été exécuté, si le régent qui l’approuvoit 11e fût mort en 1723. La même idée reproduite depuis parVicq- d’Azyr en 1776,8011s une autre forme et dans une circonstance plus heu- reuse , eut un meilleur succès. Chirac , devenu indépendant , se livra plus exclusivement à la pratique dans laquelle il obtint une prépondérance marquée sur ses confrères. En 1750 .il fut appelé par la voix publique à la place de premier médecin du roi; mais il n’en jouit pas assez pour avoir le temps d’établir son académie de médecine à laquelle il lenoit toujours, et il mourut en 1752 , laissant pour son successeur , dans la place de premier médecin , Cliicoisneau , professeur de Montpellier , qui avoit été son élève, et qui, devenu son gendre , avoit été attiré par lui à la cour. Chirac avoit du mérite comme savant et sur- tout comme médecin, quoiqu’il n’ait publié aucun ouvrage qui répondît à sa réputation; mais il avoit un caractère dur , entêté et peu complaisant. Tenant fortement à ses idées , il souffroit si impatiemment les contradictions , qu’il fit exiler deux des médecins de la faculté les plus opposans à la création de son académie. Aslruc a écrit sa vie dans son histoire de la faculté de Mont- pellier , p. 276; et son éloge est dans les mémoires de l’académie des sciences , année 1702 , p. 120. * 1 ANNALES DU MUSEUM 4 Contre la disposition du réglement du 28 avril 1729(1), qui spécifie que les seules personnes brévetées par le roi, pour- rontêtre employées dans le jardin, il y plaça un inspecteur tiré delà classe des artisans, qui troubla plusieurs fois les professeurs dans leur exercice , et qu’un ordre supérieur le força enfin de renvoyer. Il vouloit que tout passât par ses mains ou celles de son agent, et qu’aucune graine ou plante 11e fut donnée ou reçue que par son canal. Ces diverses in- novations occasionnèrent des retards dans la réception des objets, interrompirent les correspondances et excitèrent les justes réclamations des professeurs. Antoine de Jussieu se vit forcé, pendant quatre années de suite, de faire de ses propres deniers la dépense des engrais et instrumens de culture, qui ne lui fut jamais remboursée. Le sous-démons- trateur Bernard de Jussieu, revenant d’Angleterre en 1727, (1) Ce réglement, rédigé par Chirac, fixoit les droits et les devoirs de l’intendant qui étoit autorisé à déterminer le nombre des leçons à faire , et l’arrangement des plantes dans la démonstration, et auquel les professeurs- étoient très-subordonnés. Ilexigeoit du peintre, tous les ans, 80 dessins de plantes à commencer par les usuelles, avec injonction de ne dessiner les plantes rares ou curieuses qu’à défaut des premières. Il défendoit au sous-démonstrateur de correspondre avec les étrangers autrement que d’après les vues de l’inten- dant auquel seroient adressées les caisses , qui ne pourroienlêtre ouvertes qu’en sa présence, et il assignoitun fonds de i4oo liv. pour les frais de ports et cor- respondance. Il enjoignoit aux professeurs de donner tous les ans au moins huit feuilles d’impression sur les matières qu’ils enseignoient , au choix et sous îa direction de l’intendant, , et spéeifioit à ceux de botanique l’ordre particulier de travailler à l’augmentation du cabinet d’histoire naturelle , en y portant toutes les raretés qui viendroient des pays étrangers dans les caisses de plantes ou autrement etc. Un pareil réglement , dicté par le despotisme , deyoit rester sans exécution , et en effet il ne fut pas observé. o 5 d’ histoire naturelliK fut aussi obligé de payer le transport de cent plantes vi- vantes qu’il en rapportoit pour le jardin. Cependant non- seulement un fonds de 2000 liv. étoit alors destiné pour les dépenses de culture, mais encore l’intendant avoit obtenu un supplément annuel de 1.00 liv. pour des frais extraor- dinaires dans lesquels étoient compris ceux de ports et de correspondances. Il fut difficile aux professeurs d’obtenir justice ; Chirac jouissoit d’un grand crédit , et ce crédit fut encore augmenté par la place de premier médecin du roi qu’il obtint en 1730 , après la mort de Dodart. Au lieu d’en user pour enrichir et améliorer l’établissement confié à ses soins, il ne l’em- ploya que pour empêcher l’effet des réclamations des pro- fesseurs. « Les plantes étrangères , dit Fontenelle (1), s’amai* » grissoient dans des serres mal entretenues et qu’on lais— » soit tomber. Quand ces plantes avoient péri , on ne les » renouveloit point ; on ne réparoit pas même les brèches » des murs de clôture, et de grands terrains restoient en » friche. Les influences favorables qui ne pouvoient venir )) que d’en haut , manquoient absolument, et tout s’en res- )) sentoit. Cependant les professeurs de botanique faisoient » toujours leurs leçons avec la même assiduité et d’autant » plus de zèle, que leur science, qui n’étoit plus soutenue » que par eux, en avoit plus de besoin. » Les autres parties de l’enseignement dans le jardin , n’éprouvoient pas autant d’obstacles de la part de l’inten- dant , parce qu’elles n’exigeoient ni la même continuité de (1) Histoire de l’académie des sciences 1739, p. 77. .6 ANNALES DU MUSEUM relations avec lui, ni les mêmes dépenses ; d’ailleurs, il en l'aisoit plus de cas, et lui-même avoit donné à Montpel- lier des leçons d’anatomie. Lorsqu’il fut chargé de l’administration du jardin, cette science étoit encore professée par le célèbre Duverney , qui comptoit alors près de quarante ans d’exercice. Dans les pre~ miers temps, il démontroit lui-même les parties qu’il avoit préparées; mais la foiblesse de sa poitrine (1) ne lui permit pas de remplir toujours cette fonction. « Un habile chi- » rurgien qu’il choisissoit, faisoit sous lui les démonstra- » tions, et il ne lui restoit plus que les discours dans lesquels )) il avoit peine à se renfermer. C’est lui qui a le premier » enseigné dans ce lieu l’ostéologie et les maladies des os (2). (1) Chomel, dans son éloge historique du fameux Molin , plus connu sous le nom de Dumoulin, rapporte que ce médecin remplaça , en l’année 1690 ou 1691 , le professeur d’anatomie du jardin royal qui étoit tombé malade, et lit le cours public avec la plus grande distinction , suivant le témoignage du chirurgien Malaval qui avoit été du nombre des auditeurs. Molin avoit alors moins de 26 ans. (2) Ces faits sont consignés dans son éloge fait par Fontenelle( hist. de l’acad. des sciences 1780 , p. 128). Duverney avoit donné des leçons d’anatomie au dauphin , fils de Louis XIV , en présence d’un auditoire distingué dont le duc de Montausier et Bossuet faisoient partie. Il inspiroit le goût de cette science à ceux qui assistoient à ses démonstrations , et il l’a voit mise tellement à la mode , même parmi les gens du monde , qu’ils portoient sur eux des pièces anatomiques préparées par lui pour les montrer dans les compagnies, et que l’on alloit par ton assister à ses dissections ; ce que Boileau a consigné dans une de ses satires. Son débit animé et ses formes oratoires attiroienl , â ses leçons , les hommes qui étudioient par état l’art de la déclamaalion , et l’on assure qu’il eut plusieurs fois pour auditeur Baron , célèbre comédien. Les fatigues de son état lui causèrent un mal de poitrine si violent qu’on lui crut / d’ HISTOIRE NATURELLE. J . Ce choix fait par le professeur semble prouver qu’à cette époque on n’avoit pas encore créé une place fixe de démons- trateur d’anatomie, et que les démonstrations furent succes- sivement confiées à divers chirurgiens qui les faisoient sans être attachés à l’établissement. On sera dès-lors moins sur- pris de ne pas avoir la liste chronologique de ces démons- trateurs , et de ne trouver dans cette notice que quelques noms conservés par la tradition, ou consignés dans des ouvrages contemporains. Pierre Duverney* i), chirurgien de Paris, frère du profes- un ulcère au poumon. Tl en revint cependant , bien résolu de se ménager davantage à l’avenir , mais il s’oublia souvent sur ce point. Il disséqua beau- coup d’animaux dont les descriptions sont insérées dans les premiers volumes de l’académie des sciences, et sur-tout dans l’histoire latine de cette académie,' publiée par Duhamel en 1701. On y retrouve celle de l’éléphant qu’il dissé- qua en 1681 , et dont le squelette est conservé dans la collection du Muséum. Quoique Duverney ait beaucoup travaillé, il a publié seulement , outre ses mémoires académiques . un traité sur l’organe de l’ouïe dont il préparoit sur la fin une nouvelle édition qui n’a pas paru. Ilavoit aussi un ouvrage sur les insectes qui exigeoit beaucoup de recherches et d’observations» Plus infirme dans les dernières années de sa vie , et ne pouvant continuer ses leçons , il se fit remplacer par "Winslow , l’un des premiers anatomistes de son temps. L’académie dont il ne fréquentoit plus les assemblées , lui accorda le titre et les droits de pensionnaire vétéran qui étoient bien dus à ses longs travaux. Il habiloit une petite maison isolée , située à l’extrémité du jardin des Plantes , du côté de la rivière , et qui est marquée dans' le plan figuré à la tête du pre- mier volume des Annales ; celte maison dont ses successeurs ont toujoui’s eu la disposition , n’a été abattue qu’en 1786 à l’époque de l’agrandissement du jardin. Elle étoit placée sur la terrasse qui borde le terrain bas des couches , à-peu-près vers l’endroit où l’on a pratiqué un passage souterrain qui les fait communiquer avec l’école des plantes. (1) Nous l’avions indiqué dans la troisième notice comme neveu du pro- t S ANNALES DU MUSEUM seur, fut probablement le compagnon de ses premiers tra- vaux, puisque l’académie des sciences l’admit dans son sein en 1781 , comme anatomiste ; mais sa retraite de ce corps, en 1716, sans être conservé parmi les académiciens vété- rans, paroît prouver qu’il ne suivit pas toujours cette car- rière , et qu’il se livra plus exclusivement à la pratique de la chirurgie dans laquelle il étoit très-versé. Gigot, autre chirurgien deParis(i) , mort en 1713, avoit fait les démonstrations d’anatomie au jardin des Plantes , suivant le témoignage de Devaux. On lit aussi, dans l’éloge de Lapeyronnie par Fontenelle (2), que ce chirurgien, déjà célèbre à Montpellier, fut agrégé en 1715 au collège de fesseur , mais les registres de l’école de chirurgie et l'index funereus chirur- gorum parisiensium , l’édigé par Devaux, l’annoncent comme son frère. Après avoir quitté l’académie en 17 15, il abandonna aussi le séjour de Paris en 1724, et mourut dans une province en 1728, âgé de 78 ans. On n’a de lui qu’un petit nombre de mémoires sur diverses espèces d’hydropîsie et sur les ovaires de quelques animaux ruminans, imprimés dans les premiers volumes de l’académie. Il laissa un fils, Jacques-François-Marie Duverney, qui fut élève du professeur, agrégé au collège de chirurgie en 1731 , et premier démonstrateur d’anatomie en litre au jardin des Plantes. Il y a eu encore un médecin du même nom , Maurice-Emmanuel Duverney , fils du professeur, reçu en 1718 à la faculté, désigné dans ses diverses listes avec le titre de son survivancier ; mais il ne paroît pas qu’il ail jamais exercé la place ; on peut même présumer qu’il n’a pas suivi la même partie , puisqu’il n’a pas été membre de l’académie des sciences. (1) Nie. Maurit. Gigot films , nmplâ bonarum arlium supellectile ins- tructifs et nativâ ac facili publicè dicendi Jac.ultate prœditus , sectiones ana - tomicas et chirurgiens operationes in horti regii lectionibus , medicorum scholis et anatomico chirurgorum amphiiheatro firequenter monstravil. Devaux ind. fun. chirurg. Paris. (2) Histoire de l’académie des sciences 1747 , p. x35. d’ HISTOIRE NATUREtLE. 0 chirurgie de Paris, et chargé peu de temps après des mêmes dé- monstrations au jardin; mais honoré bientôt delà confiance du roi qui le nomma, en 1717, son premier chirurgien en sur- vivance, il fut obligé de renoncer à l’enseignement public. On voit figurer à-peu-près dans le même temps, comme démonstrateurs dans cet établissement, les chirurgiens Mar- tin, Arnaud et Poncelet (1) , dont le premier est mort en 1720, le second en 1723, et le troisième en 17 26. Ils faisoient leurs démonstrations, tantôt au jardin des Plantes ou dans l’amphithéâtre de chirurgie , tantôt aux écoles de médecine ouïe professeur , renouvellé lui-même chaque année , choi- sjssoit son démonstrateur dont les fonctions étoient aussi passagères : ce changement annuel pouvoit bien être usité également dans le jardin. Un des derniers coopérateurs de Duverney a été son neveu, fils du chirurgien, qui dans la suite est devenu le premier démonstrateur titulaire d’ana- tomie au jardin; mais aucune indication 11e nous fait con- noître s’il y a fait quelque démonstration pendant la vie de son oncle, Duverney qui, dans ses dernières années avoit chargé (1) Mich. Bened. Martin filius , vir litteratus , démons trationes anato - micas et chirurgiens in societatis amphitheatro et in horto regio cum laude fecerat. — Roland. Paul. Arnaud filius anatomicis dissectionibus serib addictus } vix chirurgorum parisiensium societati adscriptus , ad démons - trationes chirurgiens et anatomicas sectiones in medicorum scholis , socie- tatis amphitheatro ac prœsertim in horto regio , per 2 J annos perficiendas , acclamante auditorum cœlu, in procinctu eral. — Jac. Poncelet ,parisinus , demonstraiiones a?iato?nicas et chirurgicas in horto regio , in medicorum scholis et in suce societatis amphitheatro sæpè gesserat. Devaux ind, fun, jçhirurg. paris. / % 3 10 annales du muséum "Win slow de faire les leçons pour lui , termina sa longue carrière en 1750 , dans la 82. e année de son âge et la 5i.e de son professorat. Il eut été convenable de lui donner pour successeur celui qui avoit rempli quelquefois ses fonctions , et qui s’étoitfait un nom dans la science, mais un des élèves deWinslow lui fut préféré par suite d’un arrangement parti- culier. (( Hunaud qui, de concert avec Duverney , avoit ob-> » tenu auparavant de la cour l’agrément de cette place > » lui succéda , âgé seulement de vingt-huit ans. Malgré une » disproportion d’âge si marquée, et la circonstance encore )) plus à craindre d’un prédécesseur si célèbre, il se fit une » réputation peu différente de celle que Duverney y » avoit acquise. Bientôt ses démonstrations anatomiques » lui attirèrent un si grand concours d’étudians, qu’ils » ne pouvoient tenir dans l’amphithéâtre où elles se » faisoient. Il réunissoit aux qualités essentielles de son art, » une grande facilité de s’énoncer, et ces qualités extérieures )) qui ne l’emportent que trop souvent sur les premières n et qui n’avoient pas peu servi à concilier beaucoup de » suffrages à son prédécesseur. (1) » Pendant que la chaire d’anatomie passoit à un nouveau professeur, un pareil changement avoitlieu dans la chimie. Elle étoit professée depuis 1710 par Geoffroy, qu’il suffit de (1) Histoire de l’académie 1742, p. 209. François-Joseph Hunaud , né en 1701 à Châïèau-Briant dans la Bretagne, fut reçu à l’académie des sciences en 1724 , niais forcé de s’absenter pour accompagner , en qualité de médecin, le duc de Richelieu , ambassadeur à "V ienne , il ne commença à remplir les devoirs d’académicien qu’en 1728. Son ardeur pour l’anatomie étoit sans bornes , il en embrassoit toutes les parties , et avoit fait cependant une élude particulière de l’ostéologie et des maladies des os. 1 1 d'iiistoire naturelle. nommer pour rappeler le .souvenir d’un savant modeste et d’un maître habile. Il avoit contribué aux progrès de cette science par l’heureuse invention de la table des affinités, qui présente dans une seule page les rapports existans entre les principes constituans des corps, et qui explique les princi- paux phénomènes de leur analyse et de leur récomposition. Pour ajouter un nouvel intérêt à ses leçons, il joignit à la chimie des instructions sur la matière médicale qu’il a traitée d’une manière supérieure dans son grand ouvrage, l’un des meilleurs guides pour l’étude de cette partie inté- ressante de l’art de guérir. Personne ne pouvoit mieux que lui présenter aux élèves la série des expériences chimiques et celle des médicamens simples que la médecine emploie pour traiter les maladies. La liaison de ces deux sciences dans un même cours étoit un moyen de plus pour compléter l’instruction , puisqu’elle fournissoit l’occasion d’enseigner la manière de réunir plusieurs médicamens pour fortifier ou tempérer leur action et combattre la maladie avec plus de succès. Ce professeur étoit secondé par Simon Boulduc quirem- plissoit déjà, dans le siècle précédent, les fonctions de dé- monstrateur, et dont le savoir est constaté par ses divers mémoires insérés dans le recueil de l’académie. Ce vieillard respectable, toujours animé d’un grand zèle pour la science, mais affoibli par l’âge, termina sa carrière en 1729, laissant pour successeur de sa place et de ses talens , son fils Gilles- François Boulduc (1), déjà initié depuis long-temps dans la (1) Né à Paris en 1675 . reçu pharmacien en 1695, membre de l’académie en 1699 , premier apothicaire du roi en 1712 , de la reine en 1735 , Boulduc 2 * 1-2 ANNALES DU MUSEUM meme science, et qui avoit fait pour lui les démonstrations pendant les dernières années de sa vie. Geoffroy (1) ne lui survécut que deux ans, et mourut en 1731, regretté de ses amis qui étoient nombreux, de la faculté de médecine à la- quelle il avoit rendu de grands services pendant sondécanat, et de ses élèves qui ne pouvoient trouver ailleurs une ins- sut allier les devoirs des places qu’il possëdoit à la cour , avec ceux d'acadé- micien. Il s’occupa beaucoup de diverses analyses d’eaux minérales et de pur- gatifs résineux ou salins. Son ami Grosse , savant chimiste allemand , qu’il logea chez lui pendant les trente dernières années de sa vie , le secondoit dans ses travaux. (1) Son fils Etienne-Louis Geoffroy , reçu à la faculté en 1748, s’est partagé entre la pratique de la médecine dans laquelle il a acquis une grande répu- tation , et l’élude de quelques parties de l’histoire naturelle , sui’-tout de la zoologie. Son Histoire des insectes des environs de Paris , l’un des ouvrages d’entomologie les plus estimés , présente une bonne méthode de distribution et des genres très-naturels. Dans un autre ouvrage sur les coquilles fluviatiles et terrestres des mêmes environs , il a fondé ses caractères sur l’organisation des animaux et non sur la forme de leur enveloppe. Son Hygiène en vers latins annonce son savoir dans cette partie et son goût pour la belle latinité. Dans ses momens de loisir il a rédigé en latin , sur toutes les maladies f un grand ouvrage qui n’a pas encore paru. Enfin , après cinquante ans de pratique, il s’est retiré dans une campagne où maintenant il se délasse en soignant un petit jardin de botanique. Il ne peut cependant refuser ses conseils aux culti- vateurs du voisinage, et dans sa retraite il a composé pour leur utilité un manuel de médecine-pratique destiné à l’instruction des officiers de santé ré- pandus dans les campagnes. Un de ses fils ( René-Claude Geoffroy) suit à Paris , avec succès la carrière delà médecine , après avoir voyagé au Sénégal et à Saint- Domingue où il a fait des recherches sur l’histoire naturelle , et des collections précieuses. Les galeries du Muséum renferment plusieurs objets rares et même uniques donnés par lui. Ainsi le goût des sciences est héréditaire dans cette famille , et l’histoire naturelle qui lui doit beaucoup , peut encore espérer d’elle de nouveaux services. d’histoire naturelle. ï 3 traction plus solide. Sa place fut donnée à Louis Lemery (i) qui avoit déjà fait pour Saint-Yon les leçons en 1707. Plus jeune que Geoffroy de quelques années seulement, il étoit cependant son ancien dans la faculté de médecine, et il avoit été reçu avec lui en 1699 à l’académie en qualité de chimiste. Fils d’un savant illustre dans la même partie, digne de porter le même nom, il jouissoit depuis long-temps d’une grande réputation , et personne nepouvoit, mieux que lui, diminuer les regrets de la perte de son prédécesseur. Àubriet dessinoit toujours les plantes du jardin et va- quoit à ce travail avec le même zèle et le même talent. Les cultures étoient surveillées par Bernard de Jussieu, de qui le jardinier nommé Saintard recevoit les ordres directs, et qui en sa qualité de sous-démonstrateur avoit succédé aux diverses fonctions de son prédécesseur Vaillant, Il avoit aussi eu la garde du droguier qui commençoit à prendre le nom de cabinet d’histoire naturelle, comme on le voit dans le texte du réglement de 1729, et qu’il avoit enrichi de plu- (1) Louis Lemery, né à Paris en 1677 , docteur de la faculté en 1798, étoit fils du fameux Nicolas Lemery , auteur du cours de chimie , traduit en plu- sieurs langues, de la pharmacopée universelle , du traité universel des drogues, etc. « qui le premier , dit Fontenelle, dissipa les ténèbres naturelles et affectées de » la chimie , qui la réduisit à des idées plus nettes et plus simples, qui abolit h la barbarie inutile de son langage , et ne promit de sa part que ce qu’il la » connoissoit capable d’exécuter. » ( Hist. de l’acad. 1715, p. 76. ) Son fils fut un de ses meilleurs élèves. Il donna à l’académie plus de quarante mé- moires sur le fer , le nitre et autres sels , sur les analyses végétales et animales, sur l’origine des monstres, etc. II avoit aussi publié en 1702 un traité des alï- mens, ouvrage estimé. Quoiqu’il se livrât aux travaux chimiques, il se dis- tingua aussi dans la pratique de la médecine , et fut pendant trente-trois ans médecin de l’Hôtel-Dieu. l4 ANNALES DU MUSEUM sieurs acquisitions précieuses. Cependant Chirac lui retira cette garde pour la confier, d’abord à Demours qui est de- venu depuis un célèbre médecin oculiste, ensuite au médecin Noguez qui laissa bientôt cette fonction vacante en allant voyager dans les pays étrangers. Tel étoit, en 1732, l’état du jardin, lorsque Chirac mourut le i.er mars de cette année, estimé comme médecin , mais peu regretté comme administrateur d’un établisse- ment qu’il avoit laissé dépérir. Il n’avoit joui que quinze mois du titre de premier médecin, mais ce temps lui suffit pour préparer à Chicoisneau , son gendre, les moyens de parvenir, après lui, à la même place. Celui-ci ne put pas succéder également à l’administration du jardin. On avoit reconnu l’inconvénient de confier cette direction au premier médecin qui devoit être perpétuellement détourné par d’autres fonctions plus importantes. En rappelant le passé , on se souvenoit que parmi ceux qui avoient réuni ces deux fonctions , Bouvard avoit eu presque le seul mérite de seconder le zèle du fondateur Labrosse ; que Vautier , Vallot et Daquin avoient été des administrateurs infidèles ou peu affectionnés à l’établissement. Fagon qui aimoit le lieu où il étoit né et les sciences qu’on y professoit, l’avoit favo- risé de tous ses moyens ; mais son successeur avoit détruit le bien opéré avec tant de persévérance. Ainsi depuis la fondation, un seul surintendant avoit administré avec sa- gesse et distinction un établissement qui exigeoit une sur- veillance active et des soins assidus. La direction du jardin fut donc jugée digne d’une atten- tion particulière et soutenue ; on la détacha pour toujours de la place de premier médecin, et le roi la confia, sous le d’ histoire naturelle. ï 5 nom d’intendance, à Dufay (1), membre de l’Académie, amateur éclairé qui possédoit assez les sciences mathéma- tiques et physiques pour donner dans chacune des mémoires dignes d’être présentés au public. Avec ce goût général, il convenoit mieux à la place qui lui étoit confiée, que s’il eût affectionné plus particulièrement une seule science, et il devoit favoriser également celles qui étoient enseignées dans le jardin des Plantes. Cependant il fut obligé de porter sa principale attention sur la botanique qui avoit été la plus négligée par son prédécesseur, et il chercha à réparer promptement les dégradations. Ami des deux frères de Jussieu qui avoient gémi sur les désordres passés, il profita de leurs avis pour remettre tout dans un meilleur ordre ; cette bonne intelligence entre eux fut avantageuse pour le jardin. Dans un voyage en Hollande, il établit des corres- pondances avec les savans; il alla aussi en Angleterre pour le même objet , en 1754, et fut accompagné dans cette ex- (1) Charles-François de Cislernai Dufay , né à Paris en 1698 , d’une ancienne famille de la Touraine , fils et petit-fils de militaires distingués , entouré dans son enfance de sa vans qui forinoient la soeiélé de son père, fut également élevé pour les sciences et pour les armes. Après avoir servi avec distinction , il changea d’état pour se livrer aux travaux de l’académie des sciences qui l’avoil admis dans son sein , en 172D ,en qualité de chimiste. Il s’occupa tantôt de divers phosphores , du sel de chaux , de la dissolution du verre , de la sensitive , de l’anatomie de quelques salamandres, tantôt de la caloptrique, des parhelies , de la lumière des diamans , de la double réfraction du cristal d’Is- lande , des baromètres lumineux , des pompes à incendie. L’aimant et l’élec- tricité alors peu connus furent l’objet de ses recherches plus suivies. Il fit aussi, par ordre du Gouvernement, des travaux sur les teintures pour déterminer les épreuves auxquelles 011 devoit les soumettre avant de les recevoir dans le commerce. / lô ANNALES DU MUSEUM eursion par Bernard de Jussieu qui, à son retour, rapporta dans un pot deux petits pieds de cèdre du Liban , et les planta F un dans l’ancienne école des arbres , alors située au côté méridional du parterre où il a subsisté long-temps, l’autre sur la pente de la grande butte où il domine main* tenant tous les arbres verds qui l’entourent (1). « La correspondance avec les étrangers qui fut le résultat » de ces voyages , établit un commerce qui nous étoit d’abord » désavantageux, dit Fontenelle, parce que nous étions dans » la nécessité humiliante ou d’acheter ou de recevoir des )) présens; mais on en vint dans la suite à faire des échanges » avec égalité et même enfin avec supériorité. Une chose qui » y contribua beaucoup , ce fut une autre correspondance » établie avec des médecins ou des chirurgiens, qui ayant » été instruits dans le jardin, alloient se répandre dans les » colonies. A mesure que le nombre des plantes augmentoit » par la bonne administration, on construisoit de nouvelles » serres pour les loger, avec l’attention d’y faire desdispo- » sitions intérieures qui pussent représenter les différens » climats pour les plantes qui exigent divers degrés de cha* » leur. De plus, Dufay qui avoit beaucoup de goût pour » les choses de pur agrément, donna à ces petits édifices toute >> l’élégance que leur destination pouvoit permettre {2). Ti (1) Ce cèdre assez élevé et dont les rameaux inférieurs s’étendent beaucoup dans une direction horizontale , est le plus ancien de ceux qui existent erç France. On en voit trois autres plus jeunes et assez beaux dans le jardin Marboeuf , à l’extrémité des Champs-Elysées. (2) Ces deux serres construites sur le même plan par ordre de Dufay , sont placées aux deux côtés du haut de la pente qui conduit du parterre au ter. rain des buttes. d’histoire NATURELLE. ïj >> etoit parvenu à remettre le jardin dans un degré d’amé- » lioralion tel , que les étrangers le regardoient comme su- » périeuràceux qui avoient alors la meme destination chez » les autres nations de l’Europe, )) Sa grande activité ne lui auroit pas suffi pour exé- r cuter en si peu de temps tous ses desseins sur le jardin , )) s’il n’y eût employé que les fonds destinés naturellement » à cet établissement; il falloit obtenir, et obtenir souvent )) des grâces extraordinaires de la cour. Heureusement il » avoit un accès facile chez les ministres ; il savoit préparer » de loin ses demandes et les faire à propos ; d’ailleurs les )) ministres étoient bien convaincus qu’ils n’avoient rien à » craindre de tout son art qui ne tendoitqu’à des fins utiles )) au public et glorieuses pour eux-mêmes. Quelquefois » Dufay étoit obligé d’aller au-delà des sommes accordées, » et n’hésitant pas de s’engager dans des avances assez con? » sidérables, il risquoit tout pour un établissement qui lui » étoit cher. » Ces divers cbangemens furent l’ouvrage de sept années. » Il sembloit sentir le prix du temps, et prévoir qu’il ne » pourroit long-temps s’occuper des intérêts du jardin qui » étoient devenus les siens. Il fut attaqué en 1709 de la )) petite vérole dont il connut bientôt tout le danger > et il )) mourut le j6 juillet, après sept jours de maladie. Per- » sonne ne l’a connu qui ne Fait regretté , et aucun éloge )) funèbre fait par le public ne fut plus net, plus exempt )) de restrictions que le sien. Il avoit des moeurs douces , » une gaietéfort égale, une grande envie de servir et d’obliger, w On ne pouvoit pas regarder son extrême activité comme » l’inquiétude d’un homme qui ne cherchoit qu’à se fuir l8 ANNALES DU MUSÉUM j) lui-même par les mouvemens qu’il se donnoit au-dehors )> on en voyoit trop les principes honorables pour lui et les )) effets souvent avantageux aux autres. (1) » Pendant son administration, il n’avoit pas eu le dé- plaisir de faire remplacer quelqu’un des professeurs; tous ceux qu’il avoit trouvé installés lui survécurent. Il con- tribua seulement à rendre stable la place de démonstra- teur d’anatomie jusqu’alors exercée par des chirurgiens renouvelles tous les ans. Il la fit donner à J. F. M. Duverney, neveu du professeur, qui avoit été élevé à l’école de son oncle , et qui s’étoit montré digne d’un tel maître. La date de sa nomination remonte au-delà de 1736 (2). Pour soulager le peintre Aubriet, qui dans un âge avancé ne pouvoit plus remplir ses fonctions avec le même zèle , Dufay lui nomma pour adjoint Magdelaine Rasseporte son élève, qui s’étoit adonnée au même genre de peinture. Le nommé Bertamboise fut mis àla place du jardinier Saintard qui étoit mort. Dufay avoit encore, dès 1732, rendu à Bernard de Jussieu la garde du cabinet d’histoire naturelle vacante par l’absence de Noguez, et à laquelle étoit attaché un appoin- fement de 4oo liv. Par ses soins, ce cabinet avoit été aug- menté et embelli ; il avoit obtenu que les coquilles du roi (1) Ces faits et ces reflexions sur l’administration et le caractère de Dufay, sont extraits presque littéralement de son éloge par Fontenelle ( Hist. del’acad. des sciences 1739 , pag. 78-85 ) , et la tradition du jardin en confirme la vérité. (2) On le trouve cité , ainsi que mademoiselle Basseporte , dans l’almanach royal de 1736 où, pour la première fois, est inséré l’état des personnes en exer eice ait jardin des Plantes. M* d’histoire NATURELLE. *9 y fussent transportées , et par son testament, il lui légua sa collection de pierres précieuses. Ainsi le dernier acte de sa volonté fut un nouveau bienfait pour le jardin auquel il rendit encore un service signalé, en écrivant sur son lit de mort au ministre (1) pour demander que Bulfon fût nommé son successeur. (1) L’auteur de cette notice tient de son oncle que Dufay, lorsqu’il tomba malade , étoil en quelque mésintelligence avec Buffon , que d’ailleurs il estimoit comme savant. Hellot de l’académie , ami de l’un et de l’autre , voulant les rapprocher et servir Bulfon , conseilla à Dufay de le demander pour son suc- cesseur par une lettre adressée au ministre, ajoutant que ce procédé de sa part flatteroit beaucoup celui qui en seroit l’objet, et opéreroit une réconcilia- tion. La lettre fut envoyée et contribua à faire pencher la balance en faveur de Bulfon. Il n’avoit pas encore composé ces immortels ouvrages qui ont étendu sa réputation dans les deux mondes. Duhamel Dumonceau son concurrent, “qui s’étoit déjà beaucoup occupé de physique végétale , de culture d’arbres étrangers , de travaux sur les bois , paroissoit avoir des titres supérieurs aux siens; mais il fut nommé dans le même temps inspecteur de la marine, et Maurepai^ alors ministre, ne crut pas devoir cumuler sur la même tête deux places si importantes. &Ü ANNALES D U M U S É U M OBSERVATIONS SUR LE THÉ- Par DESFONTAINES, Hill, Linnæus et autres ont cm devoir distinguer deux: espèces de thé; savoir, le thé bou, Thea boheci , et le thé vert, Thea viridis , parce que suivant eux , l’un a six pétales et l’autre neuf; Linnæus ajoute encore que les feuilles du premier sont plus alongées que celles du second. Tels sont les seuls caractères qui en établissent la différence ; mais d’après les observations de Lettsom, publiées à Londres en 1799, le nombre des pétales du thé vert et du thé bou est sujet à varier depuis trois jusqu’à neuf, de sorte que le prin- cipal caractère indiqué par Hill et par Linnæus, n’est pas admissible et Lettsom n’ayant pu en découvrir aucun autre, regarde avec raison le thé vert et le thé bou comme deux variétés dues à l’influence du sol ou du climat. Thunberg, dans sa flore du Japon, n’en admet non plus qu’une espèce^ et il pense que le thé vert est une variété du thé bou. Kempfer n’en reconnoît pareillement qu’une seule qui, comme toutes les plantes cultivées, a produit plusieurs variétés. Enfin les observations que j’ai faites sur quelques individus que l’on cultive au Muséum et dont deux ont fleuri abondam- tfli ISTO IltE NATURELLE. 2t ment l’an lice dernière, ont servi à me convaincre de Inexac- titude de celies de Kempfer , de Thunberg et de Lcttsom. Le thé est un arbrisseau rameux et toujours vert qui croît à la hauteur de cinq à six pieds, suivant Kempfer et Thun- berg, quoique d’autres voyageurs assurent qu’il s’élève quel- quefois jusqu’à trente. Ses feuilles sont alternes, dures , ovales-alongées ou ellip- tiques, d’un vert un peu luisant,' entières près de la base, dentées en scie dans le reste de leur longueur, et portées sur un pétiole court et demi-cylindrique. Les bourgeons sont aigus et accompagnés d’une écaille qui se détache et tombe à l’époque de leur développement. . Les fleurs naissent ou solitaires ou plus rarement deux à deux dans les aisselles des feuilles sur des pédoncules courts et un peu épais. - Le calice est petit , persistant et à cinq divisions obtuses. La corolle a le plus communément six pétales blancs , arrondis et ouverts, les deux extérieurs sont plus petits et inégaux. Sa largeur est d’environ 5 centimètres, f Les étamines au nombre de plus de deux cents sont plus courtes que la corolle , et attachées sous l’ovaire. Chaque anthère est à deux loges. L’ovaire, qui est d’une forme triangulaire-arrondie et sur- monté d’un style partagé en trois stigmates filiformes, de- vient une capsule à trois loges rondes, monospermes, réunies par la base et s’ouvrant longitudinalement d’un seul côté. Les graines sont sphériques , anguleuses intérieure- ment, de la grosseur d’une aveline, revêtues d’une peau mince , luisante , un peu dure et de couleur marrom Le 2 2 ANNALES DU M U S É U îî noyau est huileux, d’une saveur amère et désagréable qui excite la salivation et occasionne même des nausées. Le thé fleurit souvent en Europe , mais il est rare qu’il y fructifie. Il appartient à la classe et à l’ordre de la Polyan- drie monogynie de Linnæus,et M. de Jussieu l’a rangé dans la famille des orangers , auprès du Camélia. On le cultive depuis Canton jusqu’à Pékin, où l’hiver, d’après les observations des missionnaires, est plus rigou- reux qu’à Paris* Il seroit sans doute possible d’élever et de propager en France cette plante précieuse, si l’onpouvoit se procurer un assez grand nombre d’individus pour en faire des essais de culture dans différens sols et sous des climats différens. Cet objet mérite l’attention du Gouvernement , parce que la consommation du thé est immense , et que le commerce de cette denrée s’élève, tous les ans, à des sommes très-considérables dont l’Europe s’est rendue tributaire en- vers la Chine. Les graines de thé qui nous viennent de ce pays se rancissent et se gâtent à la mer, de sorte que sur des milliers il en lève à peine quelques-unes. Il faudroit que les voyageurs qui vont à la Chine, s’en procurassent de bien fraîches , et qu’ils eussent la précaution de les semer dans des caisses remplies d’une terre légère avant de les embarquer ; elles lèveroient pendant la traversée. Il suffl- roit de les arroser de temps en temps r et de les préserver de l’eau de la mer, alors les jeunes plants pourroient arriver à bon port. On asssure que les Chinois vendent sou- vent aux Européens des graines de Camélia pour des graines de thé qui leur ressemblent beaucoup ; c’est une supercherie dont il faut se méfier , et qu’il est facile de prévenir. Ce que j’ai à dire sur la culture, la préparation et les, d’ HISTOIRE NATURELLE. 2 J usages du thé, est pris dans Kempfer et autres voyageurs dignes de foi, et quoique je n’aie presque rien à ajouter à ce qu’ils ont dit , j’espère que eet extrait n’en sera pas moins utile , parce qu’il offrira dans un seul tableau la réunion de plusieurs faits épars et peu connus. Au Japon , on sème le thé dans le courant de février, d’espace en espace sur la lisière des champs cultivés, afin que son ombre ne soit pas nuisible aux moissons, et qu’on en puisse ramasser les feuilles avec plus de commodité , et comme les graines sont sujettes à se détériorer très-promp- tement, on en sème ensemble depuis six jusqu’à douze dans le même trou, parce qu’il n’en lève guère qu’un cinquième* En Chine , on le cultive en plein champ. Il se plaît parti- culièrement sur la pente des coteaux exposés au midi et dans le voisinage des rivières et des ruisseaux. Lorsque les jeunes plants ont atteint l’âge de trois ans, on peut en cueillir les feuilles. A sept ans, ils n’en produisent pins qu’une petite quantité ; alors on coupe le tronc près de la racine , parce que la souche repousse de nouveaux rejet- tons qui procurent d’abondantes récoltes; quelquefois on diffère cette opération jusqu’à la dixième année. On détache les feuilles du thé une à une; le meilleur est celui que l’on cueille à la fin de février ou dans le commen- cement de mars , lorsque les feuilles sont encore tendres et non développées en entier. Ce thé est rare, cher et ré- servé pour les grands et les riches. Les Japonois le nomment thé impérial, fleur de thé ou thé hou; c’est le plus estimé. La seconde récolte se fait un mois plus tard; on prend indistinctement les feuilles développées et celles qui ne le sont pas encore , puis on les sépare en plusieurs tas suivant ^4 ANNALES DU MUSEUM leurs divers degrés d’ancienneté. Enfin, un mois après cette seconde récolte , on fait la troisième et dernière; c’est la plus abondante, mais elle donne un thé de moindre valeur que le peuple consomme. Le thé de première qualité ou thé hou, que les Japonois. appellent aussi Ficki-tsj aa , dont nous venons de parler, est broyé et réduit en une poudre fine que l’on prend infusée dans l’eau bouillante. Sa qualité varie cependant encore à raison du sol , du climat et de l’âge des arbrisseaux qui l’ont produit. Le thé de la seconde récolte qu’on nomme thé chinois, et qui est aussi appelé too-tsjaa , se distingue ordinairement en quatre classes relativement à ses dilférens degrés de bonté. Celui de la troisième qu’ils nomment Bctn-tjaa, composé de feuilles plus anciennes, plus dures et préparées avec moins de soin, a aussi ses divers degrés de valeur. Lorsque la récolte du thé est achevée, on la célèbre par des fêtes publiques et par des divertissemens. Le thé le plus estimé du Japon, suivant Kempfer, croît dans les environs delà petite ville d 'Uclsi, située dans le voisinage de la mer; là se trouve une montagne fameuse employée toute entière à la culture de celui dont l’empereur fait usage. Cette montagne qui offre un aspect riant et pit- toresque, est entourée d’un large fossé pour que tout accès en soit interdit aux hommes et aux animaux. Les plantations y sont alignées et disposées d’une manière extrêmement agréable à l’oeil, et tous les jours on lave et on nettoye les arbrisseaux. Pendant la récolte, les hommes qui en sont chargés, se baignent deux ou trois fois le jour, et ils ne N D7 HISTOIRE NATURELLE. a5 cueillent les feuilles que les mains enveloppées de gants, de crainte de les salir. Lorsqu’elles sont torréfiées et bien pré- parées, on les enferme dans des vases précieux , et elles sont portées en grande pompe au palais de l’empereur. On prépare le thé dans des maisons publiques où se trouvent les instrumens nécessaires à cette opération ; elle consiste à mettre à-la-fois quelques livres de feuilles nou- vellement cueillies dans une espèce de poêle de fer mince, large, peu profonde, d’une forme circulaire ou carrée, et cbaulfée au moyen d’un fourneau destiné à cet usage , dont Ketnpfer a donné la description. On les agite et on les retourne rapidement avec les mains pour qu’elles se torré- fient le plus également qu’il est possible, et l’on continue jusqu’à ce qu’elles fassent entendre un petit craquement sur la plaque de fer. La chaleur, en les dépouillant de leurs sucs, leur fait perdre la qualité enivrante eLnuisible qu’elles ont naturellement. Il faut les torréfier très-fraîches, parce que si on les conservoit quelques joui s, elles noirciroient et per- droientde leur prix. La chaleur de la poêle doit être telle que les mains aient de la peine à la supporter. En Chine on les trempe dans l’eau bouillante l’espace d’une demi-minute avant de les rôtir. Quand elles le sont convenablement, on les ôte de la poêle avec une spatule de bois, et on les distri- bue à des personnes chargées spécialement du soin de les rouler. On les roule rapidement et d’un mouvement uni- forme avec la paume des mains sur des tables peu élevées et recouvertes de tapis tissus de brins de joncs très-déliés. La compression légère qu’elles éprouvent alors , en exprime un suc d’un jaune verdâtre qui occasionne aux mains une ardeur presque insupportable ; néanmoins il 4. 4 ✓ \ 26 ANNALES DU MUSEUM faut continuer l’opération jusqu’à ce qu’elles soient re- froidies , car elles ne se roulent que quand elles sont chaudes, et pour qu’elles ne se déroulent pas, il est essen- tiel qu’elles se refroidissent sous les mains. Plus le refroi- dissement est rapide, mieux elles restent roulées; on le hâte même en agitant l’air avec une sorte d’évantail, mais quelque soin que Ton prenne , il y en a toujours un certain nombre qui se déroulent. On continue de les rouler encore et l’on torréfie une seconde fois celles qui, faute d’avoir été assez desséchées, ne sont pas susceptibles de se rouler, en ayant cependant la précaution de ralentir l’action du feu , de crainte de les noircir et de les calciner. Il y en a qui les rôtissent et les roulent jusqu’à cinq fois en diminuant gra- duellement l’intensité du feu ; par cette pratique, elles con- servent mieux leur couleur verte et s’altèrent moins. À chaque fois que l’on recommence l’opération, on lave la poêle avec de l’eau chaude, pour en enlever les sucs et autres parties hétérogènes qui pourroient s’y être attachées. On met sur un tapis les feuilles ainsi préparées, et l’on sé- pare celles qui sont épaisses , mal roulées ou trop brûlées. Les feuilles du thé de première qualité doivent être plus rôties que les autres , afin qu’elles se pulvérisent plus faci- lement. Lorsqu’on les a cueillies très-jeunes et extrêmement tendres, on se borne à les tremper dans l’eau chaude, puis on les fait sécher à la chaleur du charbon, étendues sur un carton, et on se dispense de les rouler à cause de leur petitesse. Les habitans des campagnes torréfient le thé sans beau- coup de précaution en l’agitant dans des vases de terre ex- posés au feu. Souvent ce thé est de bonne qualité, quoi- qu’il se vende à bas prix, et M. Cossigni assure qu’à la d’ H I S T O I R E NATURELLE. 2*J Cochinchine on n’est pas non plus dans l’usage de le rouler. Au bout de quelques mois, on ôte le thé des vases où il est enfermé , et on l’expose de nouveau à une douce chaleur , pour le priver de toute humidité , et pour qu’il ne coure pas risque de se détériorer lorsqu’on l’y renferme pour toujours. Pour que le thé se conserve , il faut qu’il soit dans des vases bien clos et entièrement à l’abri du contact de l’air, Kempfer assure que celui qu’on apporte en Europe a tou- jours perdu de sa qualité, et qu’il ne lui a jamais trouvé cette saveur agréable, ce parfum délicat et fin qu’il a dans son pays natal. Les Japonois le renferment dans des vases d’étain laminé , et lorsqu’ils sont d’une grande capacité, on les met dans des caisses de sapin pour les soutenir et leur donner plus de force , et on bouche, avec du , papier les fentes des caisses tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Celui qui est destiné à l’empereur et aux grands est mis dans des vases de porcelaine ou d’autre matière d’un grand prix. Il s’y conserve parfaitement, et l’on assure même qu’il s’y améliore. La troisième sorte de thé est moins susceptible de s’altérer. Les gens de la campagne le conservent dans des barils de paille qirfils suspendent aux lambris de leurs mai- sons. Macartney dit qu’en Chine on entasse le thé et qu’on le foule aux pieds dans de grandes caisses de bois doublées de lames de plomb. On parfume le thé avec les fleurs d’une espèce d’armoise, avec celles de l’olivier odorant, du Camélia sesanqua , du jasmin d’Arabie , du Curcuma ou safran des Indes , etc. Quelques auteurs ont avancé qu’on torréfioit le thé sur des plaques de cuivre , et que sa couleur étoit particulière- ment due au vert-de-gris 5 mais Kempfer dit positivement 28 ANNALES DU MUSEUM qu’on îe torréfie sur des plaques de fer. Macartney l’assuré également , et Lettsom n’a jamais pu y découvrir un atome de substance cuivreuse, quelques tentatives qu’il ait faites sur un grand nombre d’espèces de thé, de manière que cette imputation est dénuée de fondement. Les uns prennent le thé en infusion, d’autres le pulvé- rissent avec de petites meules de pierre qu’on tourne à la main. Ils le broyent la veille ou le jour même qu’ils veulent en prendre. Cet usage est commun chez les gens riches. On verse de l’eau bouillante dans les tasses, et l’on y jette une certaine quantité de thé pulvérisé que l’on prend avec une cuillère , puis on le mêle avec une sorte de inoussoir de bois qu’on agite circulairement avec la main. La troisième manière de prendre le thé est en décoction ; celle-ci n’est en usage que chez les gens de la campagne. Ils font bouillir de l’eau dans une marmite, puis ilsy jettent quelques poignées de feuilles de thé de troisième qualité, plus ou moins, suivant le nombre des personnes qui veulent en prendre; ils le boivent préparé de cette manière , pour étancher leur soif. Quelquefois ils font bouillir les feuilles de thé enfermées dans un sac, afin qu’elles ne se mêlent pas avec l’eau. Celui qui a perdu sa vertu est employé à teindre les soies auxquelles il communique une belle cou- leur brune. Le thé frais a une propriété enivrante qui agace et irrite les nerfs, et que la torréfaction ne lui fait pas perdre entière- ment; on prétend même qu’il n’en est totalement privé qu’au bout de dix a douze mois; alors il est sain, agréable > et donne de la gaieté. Les Japonois ne le boivent jamais frais sans y mêler une égale quantité de vieux thé. Il lève les obstructions, excite les urines , aide la digestion en donnant d’ HISTOIRE NATUfiELLÉ. 20 Je Faction à f’estomac, et on ne commît point de plante dont on puisse boire l’infusion si fréquemment , en si grande quantité etsans dégoût. Les Chinois le regardent comme très- salubre. Ils n’y mêlent ni lait , ni sirop , ni liqueurs fortes, ils le prennent pur avec un peu de sucre candi qu’ils tien- nent dans la bouche, et l’usage habituel que ces peuples en font depuis tant de siècles , prouve qu’il n’a pas de qualités nuisibles quand il est bien préparé. Ils en retirent aussi un extrait qu’ils prennent délayé dans une grande quantité d’eau , et auquel ils attribuent d’excellens effets dans plu- sieurs maladies. Kalm assure que le thé est très-utile pour corriger la mauvaise qualité de l’eau, qu’il ranime lesforees et qu’il lui a été d’un grand secours dans ses voyages. Dans le commerce, on distingue huit sortes principales de thé dont trois de thé vert et cinq de thé bou; mais nous observerons que le thé bou du commerce n’est point le meme que celui auquel les Chinois vont donné ce nom. Les trois sortes de thé vert sont , i.° le thé impérial ou fleur de thé , ses feuilles ne sont pas roulées , elles sont d’un vert clair, et ont un parfum agréable, 2.0 le thé haisven ou hysson , il tire son nom d’un marchand indien qui l’apporta en Eu- rope, ses feuilles sont petites et roulées fortement, elles ont Yme couleur Verte tirant sur le bleu, 5.° le thé smglo ou souglo , qui comme plusieurs autres a tiré son nom du lieu où on le cultive. Les cinq sortes de thé bou du commerce les plus géné- ralement connues sont , 1 .° le souchong dont les feuilles sont larges, non roulées et d’une couleur tirantsur le jaune. Il est partagé en paquets d’une demi-livre, et apporté par les caravanes de Russie, 2.0 le thé sumlo qui a le parfum de la violette, et dont l’infusion est pâle, 3.° le thé cojigou 00 ANNALES DU MUSEUM dont les feuilles sont larges et l’infusion colorée, 4.° le tlié pelo que l’on reconnoît à de petites feuilles blanches qui y sont mêlées, 5.° le thé bou ; ses feuilles sont d’un vert brun et d’une couleur uniforme. Il nous vient en outre de Chine une sorte de thé roulé en boules de diverses gros- seurs dont les feuilles sont réunies par une substance glu- tineuse qui n’en altère pas la qualité. Il existe aussi des boules d’un thé médicinal , composées de feuilles imbibées d’une décoction de rhubarbe; enfin on en connoît encore plusieurs autres variétés dont nous n’avons pas cru devoir faire mention (i). Ce sont les Hollandois qui les premiers ont introduit le thé en Europe. En i64i Tulpius , médecin célèbre et consul d’Amsterdam , en loua les bonnes qualités. On assure même qu’il le fit d’après l’invitation de la compagnie hollandaise des Indes , et qu’elle le récompensa en lui donnant une somme d’argent considérable. En 1667, Jonquet, médecin français, en fit pareillement l’éloge. En 1678, Bontekoe , médecin de l’électeur de Brandebourg, qui jouissoit d’une grande réputation , en loua aussi beaucoup les vertus dans une dissertation qu’il publia sur le café , le thé et le cho- colat. Cet écrit eut du succès , et ne contribua pas peu à en répandre l’usage, et avant la fin du siècle, la consom- mation en devint très-considérable. Depuis ce temps , elle a encore beaucoup augmenté. D’après le tableau imprimé dans l’ouvrage de Lettsom, la quantité de thé exportée de Chine en Europe depuis 1776 jusqu’en 1794, a été annuel- lement de i5 , ‘20, 25, 2 q et même 56 millions pesant, (1) M. Boucherant , commerçant de thé très-renommé , résidant rue Vivienne, m’adonné les renscignemens que je désirois sur les variétés les plus répandues dans le commerce, et jereconnois avec plaisir quej’a eu autant à me louer de sa complai- sance que de son extrèmp politesse^ D’ïIISTOiRK NATURELLE. 5 1 consommation énorme pour laquelle l’Europe paie tous les ans une somme très-considérable dont elle pourroit sans doute s’affranchir. L’usage du thé en Chine remonte à la plus haute antiquité, et il est tellement répandu parmi toutes les classesdes citoyens de ce vaste empire, que Macartney assure que quand bien même lesEuropéens en abandonneroient le commerce, cela n’en feroit pas diminuer de beaucoup la valeur dans le pays. Les Japonois attribuent au thé une origine miraculeuse. Ils disent que Darma , prince très-religieux et troisième fils d’un roi des Indes nommé Kosjuswo , aborda en Chine l’an 5io de l’ère chrétienne, qu’il employa tous ses soins à ré- pandre dans ce pays la connoissance du vrai Dieu et de la vraie religion , et que voulant exciter les hommes par son exemple , il s’imposoit des privations et des mortifications de tout genre, vivant en plein air et consacrant les jours et les nuits à la prière et à la contemplation. Il arriva ce- pendant qu’après plusieurs années , excédé de fatigues , il s’endormit malgré lui ; mais croyant avoir violé son ser- ment., et pour le remplir fidèlement à l’avenir, il se coupa les paupières et les jeta sur la terre. Le lendemain étant retourné au même lieu, il les trouva changées en un arbris- seau que la terre n’avoitpas encore produit; il en mangea des feuilles, elles lui donnèrent de la gaieté, et lui rendirent sa première vigueur; ayant recommandé le même aliment à ses disciples et à ses sectateurs , la réputation du thé se répandit , et depuis ce temps on a continué d’en faire usage. Kempfer, dans ses aménités exotiques, a donné l’histoire et le portrait de ce saint fort rénommé a la Chine et an Japon. On voit sous les pieds de Darma un roseau qui in- dique qu’il avoit traversé les mers et les fleuves. 32 ANNALES DU MUSEUM NOTICE Sur les dégâts occasionnés dans le jardin du Muséum National d’histoire naturelle , par l’ouragan du 6 nivôse an XII. Par A. T H O U I N. ]Nous ne parlerons pas de l’ouragan en lui-même, parce que notre collègue, le citoyen Lamarck, l’a observé avec soin, et l’a décrit dans les papiers publics. Nous nous con- tenterons d’indiquer ses effets sur les plantations du jardin , et les moyens que nous avons employés pour remédier aux accidens qu’il a occasionnés. Des 8,200 arbres tant indigènes qu’étrangers et de toutes les dimensions, qui bordent les allées , composent les bos- quets, forment les massifs, garnissent les parcs de la mé- nagerie et les buttes du jardin, il en est peu qui, tour- mentés par le vent , n’aient perdu des rameaux. La terre, après la tempête , en étoit jonchée et couverte dans plusieurs parties, à une assez grande épaisseur. Mais cette rupture des rameaux ne peut avoir aucune suite fâcheuse, parce que la sève des végétaux, se trouvant alors dans son état de repos, les petites plaies qu’elle a occasionnées, se cicatriseront d’elles-mêmes, et ne laisseront pas échapper le fluide séveux. Le dommage auroit été infiniment plus considérable si les d’histoire naturelle. 35 arbres eussent été en pleine végétation et garnis de leurs feuillages, parce qu’indépendamment de ce qu’ils auroient donné une plus grande prise aux vents, les ruptures plus multipliées des rameaux eussent laissé écouler la sève dans une plus grande abondance, et occasionné des plaies sou- vent mortelles. Parmi ces arbres, les plus jeunes qui ont été plantés dans les six ou huit dernières années , outre la perte de quelques rameaux , ont été ébranlés dans leurs racines, et beaucoup d’entre eux renversés et couchés sur la terre. Ce double accident n’aura vraisemblablement pas de suites plus fu- nestes que le précédent, parce qu’on a eu soin de relever sur-le-champ les jeunes arbres renversés, de les soutenir avec des tuteurs, de fermer les gersures qui, s’étant formées dans la terre par l’ébranlement des racines, donnoient une trop libre entrée à l’air extérieur. Quelques-uns des plus délicats et des plus fatigués ont été buttés avec des terres neuves, et arrosés copieusement pour raffermir la terre au- tour de leurs racines. .Un petit nombre de ces arbres, sur-tout parmi les plus vieux et les plus élevés, ont perdu, par la violence des vents, de grosses branches, vers l’extrémité de leurs têtes. Le seul remède à employer dans cette circonstance , étoit de parer avec soin les plaies (i) qu’avoit occasionnées cette rupture. (1) En terme de jardinage , parer une plaie c’est la couper jusqu’à l’endroit où le bois est sain et entier , sans qu’il reste d’esquilles de bois proémin ntss, de petites fentes par lesquelles l’eau puisse s’introduire , vicier la sève , et occasionner l’exca- vation du corps ligneux. On unit exactement cette coupe enîui donnant beaucoup de talus , et on la couvre d’onguent de Saint-Fiacre pour l’abriter du contact de 34 ANNALES B U M U S É U M aux parties des arbres qui restoient sur pied , afin d’em- pêcher qu’il ne s’établît des caries dangereuses à l’existence des individus, et ce moyen a été aussitôt employé. En général il n’y a eu dans toutes les parties du jardin du Muséum, que soixante-neufarbres qui aient été maltraités grièvement, de différentes manières, et à différens degrés. Nous les réunirons par groupes , suivant la nature de leurs blessures, afin de généraliser les objets et d’éviter les répé- titions. Nous commencerons par les troispl us gros tilleuls (1) des deux grandes allées de l’ancien jardin, plantés par Buffon en 1740. Ces arbres d’environ o,65 cent. ( 2 pieds ) de diamètre à leur base , sur 4 mètres ( 12 pieds) de tronc, sous branches, ont depuis i4 mètres 60 cent. (45 pieds) jusqu’à 20 mètres ( 60 pieds ) de hauteur. Ils ont été fendus en deux parties presqu’égales, parla violence du vent, dans toute la longueur de leurs troncs, jusqu’à o,53cent.(i pied) au-dessus du collet de leurs racines. Les deux parties sépa- rées étoient écartées l’une de l’autre par le haut , dans l’un des individus, de 0,11 cent. (4 pouces), dans l’autre de 0,1b cent. (6 pouces ), et dans le troisième de 0,28 centim. ( i5 pouces). Cet accident a été occasionné par une cause ancienne et bien éloignée ; elle provient, en grande partie, de l’opération meurtrière qu’on leur a fait éprouver en les plantant. Suivant l’usage d’alors, et qui n’est encore que l’air, et opérer le recouvrement de la plaie. Cet onguent n’est autre chose que de la terre forte , argileuse , mêlée avec de la bouse de vache , et délayée en consis- tance de mortier. (1) Tilia Europæa Belgica, I)' if I 3 T O f II E N A T ü R E L L E, 55 trop suivi, même à présent, on coupoit la tète de tous les arbres que l’on pîantoit afin d’en assurer la reprise, et de donner plus de grâces à la plantation. On faisoit consister la beauté d’une plantation d’agrément dans le choix d’arbres de même espèce, de même grosseur, de même hauteur, et disposés sur des lignes parfaitement régulières. On pou- voit se procurer trois de ces conditions sans contrarier la nature; mais pour obtenir la quatrième , il étoit indispen- sable de couper la tête aux jeunes arbres pour les rendre égaux en élévation. En faisant cette amputation à des indi- vidus d’une certaine grosseur, comme par exemple d’un décimètre, ( 4 pouces environ) de diamètre et au-dessus, quelque soin qu’on prenne de parer la plaie, il se forme toujours, par l’effet du baie , de l’humidité et de la sécheresse, de petites fentes dans le corps ligneux qui vont du centre à la circonférence. L’eau des rosées et des pluies s’y intro- duit, elle s’insinue dans la moelle, la vicie et occasionne la carie; maladie lente qui va toujours en augmentant, abrège la vie des arbres , les rend plus susceptibles d’être brisés par les vents, corrompt et détruit le coeur du bois, et le rend peu propre, ou même entièrement inutile aux arts. Les tilleuls qui bordent les deux grandes allées de l’an- cien jardin, offrent la preuve de ce fait. Les deux tiers des arbres qui les composent sont viciés dans leur intérieur, et la carie a fait de tels progrès, qu’elle se laisse apercevoir au dehors dans beaucoup d’individus. Il n’en est pas ainsi des arbres de même espèce qui font la prolongation des mêmes allées dans le terrain ajouté à l’ancien jardin. Plantés très-forts avec leur tète et une grande partie de leurs ra- cines, ils sont vigoureux et très-sains dans toutes leurs par- 5* 56 ANNALES DU MUSEUM ties, ainsi que toutes les autres espèces d’arbres qui ont été' plantés de la même manière. Mais revenons aux trois tilleuls qui ont donné lieu à cette observation. C’eût été diminuer la jouissance du public que d’abattre trois arbres qui, en laissant de grands vides dans leurs lignes, l’eussent privé de l’ombre qu’il recherche en été , et auroient produit un effet désagréable à l’oeil. Pour éviter ces désagrémens, on a rapproché le plus exactement possible, les deux parties des arbres qui étoient séparées , et on les a solidement assujetties avec des cercles de fer en forme de collier, retenus avec des clavettes. Les fentes lon- gitudinales ont été bouchées avec de l’onguent de Saint- Fiacre, et l’on s’aperçoit à peine de l’accident qu’ils ont éprouvé. Il est bien certain que les parties ligneuses ne se réuniront pas , elles ne feront que se soutenir mutuellement; mais les écorces se souderont ensemble, boucheront les vides extérieurs, et ces arbres vivront autant que les autres des mêmes allées. Un ailante glanduleux, (1) mal-à-propos nommé vernis du Japon , a éprouvé à-peu-près le même sort que les tilleuls. Cet arbre d’environ o,53 centimètres ( i pied ) de diamètre, frappé par un froid de 17 degrés et demi dans l’hiver de l’an III , avoit été gelé dans la moitié de sa cir- conférence du côté du nord. Mais son écorce étant tombée des suites de cet accident, il s’en forma une nouvelle qui dans ce moment recouvroit la plaie aux trois-quarts de sa largeur. Le vent ayant fortement agité cet arbre, il s’est (1) Ajlanthias glandulosa. Desfontaines ; mémoires de l’academie des sciences de Paris, I»’ HISTOIRE NATURELLE 07 rompu dans la partie privée d’écorce et vers le milieu de la hauteur de son tronc. En observant cette fracture, il a été aisé de voir que l’arbre étoit attaqué de la gclivure, et que presque tout le coeur de son bois étoit mort. Il ne res- toit de vivant, du côté du midi, que l’épaisseur de 0,1 1 cent. ( 4 pouces ) environ d’écorce et de nouvelles couches li- gneuses qui s’étoient formées sur le bois gelé ou mort qui se trouvoit au centre du tronc. Comme ce bois n’est pas d’une consistance très-dure, et que d’ailleurs il commençoit à se décomposer, on l’a enlevé, depuis un pied de terre jusqu’à la hauteur des branches. Après avoir gratté la plaie jusqu’au vif pour n’y laisser aucun germe de pourriture, on l’a remplie par un cylindre de bois qui occupe le vide aussi exactement que possible 5 des liens solides fixent le cylindre à l’arbre, et les interstices ont été fermés par l’on- guent dont nous avons parlé ci-dessus. Un grand nombre de faits nous prouvent que des corps étrangers, tels que des cornes d’animaux, des pierres, du fer et autres métaux .qui se trouvent renfermés dans le tronc des arbres, ne les empêchent pas de croître, de prospérer et de fournir leur longue carrière. 1) Il est à croire que celui-ci aura le même avantage. Nous avons fait une opération à-peu- prés semblable à un très-gros arbre dont une des branches qui formoit la moitié de sa tête a voit, en se rompant, emporté un tiers de l’épais- seur du tronc, dans les trois-quarts de sa hauteur. On a taillé le tronc d’un robinier de Virginie (2) nouvellement 1 ■■■ — » r-- 1 1 — ■ - -- - — " ■■■■■ " ■ ■'» (1) On peut voir dans les galeries du Muséum un tronc d’arbre dans lequel se trouve implantée une corne de cerf^ et un autre au milieu duquel on voit Une fourche de fer à trois dents et d’une grande dimension. (2) Ilohinia pseudo-acacia. L. / 58 A N N A I> E S ï) U M U S É U M abattu, auquei on a donné la forme de la partie de l’arbre cassé. On l’a mis à sa place , l’écorce tournée en dehors , et l’on a réuni avec trois cercles de fer assujettis avec des cla- vettes, cette sorte d’éclisse, à l’arbre fracturé. Par ce moyen, la partie qui reste vivante de cet individu , a autant de force qu’il lui en faut pour se défendre d’un nouveau coup de vent. Onze autres arbres ont été beaucoup plus maltraités par l’ouragan. Plusieurs ont perdu de très-fortes branches jus- qu’au niveau de leurs troncs, et d’autres ont eu les têtes entièrement cassées à 2 mètres 60 cent, ou 3 mètres (8 ou 9 pieds) de terre. Ce sont six ifs, (1) un peuplier de Vir- ginie, (2) dont l’individu mâle est nommé dans les pépi- nières de Paris et des environs, peuplier suisse, et l’individu femelle peuplier de Canada ; un pin du lord Weimouth, (3) un cèdre duLiban(4), un argousier ou rhamnoïde(5) , et une bacchante de Virginie (6). Les plaies qu’ont occasionné les fractures survenues à ces arbres, avoient depuis 1 déci- mètre jusqu’à o,54 cent. ( 4 pouces jusqu’à 20 ) de large. Elles ont été parées avec soin et ensuite couvertes d’onguent de Saint-Fiacre, pour les préserver du hâle, du soleil et de la pluie, et garantir les troncs de la carie. Pour varier les chances, on s’est servi du ciment imaginé par M. For- (1) Taxus-Baccata. L. (2) Populus virginiana. L. (3) Pinus strobus. L. (4) Larix cedrus. M. P. Pinus cedrus. L. (5) Hyppophaë rhamnoïdes. L. (6) Baccharis halimi folia, L. I)’ HISTOIRE NATURELLE. J() syth (1) , particulièrement pour les plaies des arbres rési- neux toujours verds. Ces plaies sont beaucoup plus longues et plus difficiles à se cicatriser que celles des arbres qui se dépouillent de leurs feuilles. Le suc propre des arbres verds s’extravase pendant long-temps par les plaies, et empêche qu’elles ne se ferment. Le ciment de M. Forsyth devenant très-dur, s’opposera à l’écoulement de la résine, et facili- tera la croissance de l’écorce qui doit recouvrir les cica- trices. Sans doute les troncs de ces arbres dépouillés de leurs branches ou de leurs tètes, ne formeront jamais des indi- vidus d’un port aussi beau que ceux auxquels il n’est point arrivé de semblables accidens. Mais les arbres sont si long- temps à croître, et notre existence est si courte ! Il est d’ailleurs si difficile de faire prospérer de jeunes sujets nou- vellement placés sous des massifs de plantations où les vieux arbres absorbent à eux seuls les fluides aériformes , en même temps que leurs racines s’emparent du terrain, qu’il faut employer tous les moyens possibles pour conserver ceux qu’on possède, quoique d’une forme et d’une venue moins belle que les autres. Il y a eu ensuite trente-quatre autres gros arbres répartis dans le jardin, qui ont été déracinés et renversés par l’ou- ragan , dans la direction de l’ouest à l’est , et qui ne tenoient (1) Voyez une brochure ayant pour titre : Observations sur les maladies, les blessures et autres imperfections des arbres fruitiers et forestiers, avec une méthode particulière de les guérir, par M. William Forsyth , traduite de l’anglais 3 chez Théophile Barrois jeune , quaides Augustins, n.° 18. Edit. 1791. Elle renferme les procédés de la composition de l’amalgame , ctla manière de s’en servir. 4o Annales dtt muséum plus à la terre que par leurs racines du côté du levant. De ce nombre étoient sept ifs, huit thuyas de la Chine(i), cinq cyprès (2) et une sapinette noire (5) placés sur la hutte. Dans le bas jardin on comptait deux peupliers de Virginie, un guainier ou arbre de Judée (4),un pommier hybride (b), cinq peupliers blancs de Hollande (6), trois sorbiers de Laponie (7) et un mérisier à grappes (8). Les plus petits de ces arbres avoient 16 centimètres(6 pouces) de diamètre, à leurs bases, et les plus gros o,4g centimètres( 18 pouces) environ. Une partie du chevelu, beaucoup de petites racines et quelques- unes des plus grosses étoient rompues; mais il restoit suffi- samment des unes et des autres pour faire espérer que les arbres pourroient vivre encore s’ils étoient redressés sur-le- champ et avec les précautions nécessaires. Voici les procédés qui ont été employés. On a commencé par enlever sous les arbres dans la partie abandonnée par les racines qui étoient en l’air, une couche de terre d’enyiron 0,65 centimètres ( 2 pieds) d’épaisseur. Elle étoit extrêmement durcie par le poids progressif des arbres qu’elle supportoit , quelques-uns, tels que les ifs, de- puis plus de 60 ans. Déplus, elle étoit très-sèche et dépour- vue de tout humus végétal. Cette terre stérile a été rem- (1) Thuya orientalis.L. (2) Cupressus semper virens. L. (3) Allies nigra , liort. Kew. (4) Cereis siliquastrum. L. (5) Malus hybrida. L. (6) Populus alba grisea. Mus. parisi. (7) Sorbus hybrida. L. (8) Prunus- padus. L. d’ histoire NATURELLE. 4i placée par une nouvelle terre de bonne nature, et riche en substance animale et végétale. L’extrémité des racines a été parée avec la serpette pour unir les plaies, et toutes celles qui offroient des contusions , des fractures et quelque com- mencement de pourriture, ont été supprimées jusqu’au vif. Pour redresser les arbres, on s’est servi pour les plus gros et les plus pesans, d’une chèvre, et pour les moins forts, d’un cric et d’un auban. Il est inutile de dire que sous la corde de la chèvre qui embrassoit les arbres au haut du tronc , à la naissance des branches, et sur les dents du cric qui arcboutoit contre les tiges, on avoit placé des bourrelets qui préservoient l’écorce de toute meurtrissure, et sur-tout de toute déchirure ; c’est une précaution qui est de rigueur et que doivent avoir en pareil cas tous les cultivateurs. Les arbres redressés progressivement et sans secousses, pour ne pas rompre de racines, ont été renversés d’environ o, 16 centimètres (b pouces) en surplomb du coté opposé à celui où ils étoient tombés. Ensuite on a comblé les trous avec de la terre fine de bonne nature etpresque sèche qui , s’in- sinuant entre les plus petites racines, remplissoit les inter- valles et bouchoit tous les vides. Pour atteindre plus sûre- ment ce but essentiel, on s’est servi d’un manche de bêche qui , à mesure qu’on jetoit la terre, la faisoit couler entre les racines et l’y affermissoit. Un arrosement copieux donné aux pieds des arbres, en délayant la terre, la faisoit couler avec l’eau, et remplissoit , parce moyen, les plus petites cavités. Enfin, on a établi une butte de terre pesante au pied de chacun de ces arbres, que des cordes attachées à des pieux placés dans leur voisinage, ou des étais, main- tiennent dans la position où on lésa mis. Ces supports ne 4 . 6 4-2 ANNALES D U M TJ S É U M seront ôtés que lorsqu’on présumera que les arbrespourronfc s’en passer et se soutenir d’eux-mêmes. Pour en accélérer l’époque , on a cm devoir supprimer quelques branches du coté où ils étoient tombés, afin que la pesanteur de la tête des arbres se trouvant plus considé- rable du côté opposé, ils offrissent une résistance plus forte dans la partie dont les racines ne pourront, pendant plu- sieurs années , les défendre des vents. Ce moyen nous a réussi sur des arbres qui ont éprouvé le même sort il ,y a huit à dix ans, et pour en redresser d’autres qui étoient en surplomb d’un côté, de plusieurs pieds. Enfin des soixante-neuf arbres grièvement maltraités , les vingt derniers dont il nous reste à parler , sont perdus sans ressource ; ce sont , i.° un sorbier des chasseurs ou oise- leurs (l);-2.° deux ypréaux ou peupliers blancs (2); 5.° un ailante glanduleux ; 4.° un févier a épines à trois pointes , (5) carié dans l’intérieur du tronc; 5.° un peuplier liard(4) placé dans un terrain peu analogue à sa nature aquatique; 6.° huit peupliers mâles de Virginie (5), faisant partie d’une allée d’arbres de cette espèce laquelle formoit un rideau placé en travers du point de l’horizon d’où venoit lèvent; 7.0 un cyprès pyramidal nommé improprement femelle ; 8.° et enfin cinq ifs très-vieux et cangrenés dans leur intérieur. L’état où se trou voient ces arbres après leur chute, n’offroit aucune (1) Sorbusaucuparia. L. (2) Populus alba. L. (S) Glodilsia îriacatbos. L. (4) Populus viminea. Mus. Parisi. (5) Populus virginiana, L. d’hISTOIRE NATURELLE. 43 ressource pour leur conservation ; leurs racines, pour la plu- part, étoient rompues et restées en terre; les autres individus étoient brisés à rez-terre; de ce nombre étoit l’ailante, ou vernis du Japon, dont l’accident pourra être utile aux pro- grès des connoissances économiques. Cet arbre planté en 1784, à sa troisième année de pépi- nière, étoit le premier d’une ligne formant une allée com- posée de 18 individus de même âge et d’égale force. Ilavoit un mètre 5o centimètres ( 4 pieds ) de tour à la base; et q mètres 76 centimètres (3o pieds de hauteur. Son tronc avoit 3 mètres (9 pieds) de haut, et se divisoit en six grosses branches très-rameuses, dont l’ensemble présentoit une tête arrondie dans sa base , et.oblongue dans son élévation. En l’an III, il fut frappé par la gelée de ce terrible hiver, ainsi que tous les individus de son espèce qui sont au Muséum. Il perdit son écorce dans le tiers de son diamètre exposé au nord, tant sur le tronc que sur ses plus grosses branches, et beaucoup de ses rameaux les plus jeunes périrent; mais il parut se rétablir de cet accident , et continua de pousser ainsique ses voisins avec vigueur; il a même fleuri plusieurs fois depuis ce temps avec abondance; étant le premier de sa ligne et du côté d’où souffleit le vent, il a éprouvé toute l’impétuosité de son choc, et a été rompu net au collet de sa racine. En sciant son tronc, on a remarqué qu’une partie du corps ligneux étoit oblitéré et sec dans son intérieur, et que toutes les racines qui appartenaient à ce côté étoient mortes et la plupart pourries. Cette partie ligneuse sèche étoit plus solide et plus dure que celle qui étoit vivante ; mais l’une et l’autre offroient un bois d’un jaune pâle, veiné agréablement et d’une consistance qui paroît tenir le milieu 6* u \ 44 ANNALES D U MUSE U M outre les bois durs et les bois tendres. Il n’est pas douteux qu’on ne puisse en tirer un parti avantageux dans la char- pente légère, dans la menuiserie sur-tout, et peut-être dans l’ébénisterie. Ces qualités qui ont déjà été observées par le citoyen Rast (1), cultivateur distingué à Lyon , doivent mériter à cet arbre une place particulière dans les planta- tions. Il en est peu qui se multiplient aussi facilement, qui croissent aussi vite dans les terrains secs de médiocre qua- lité, et qui soient aussi peu délicats sur le choix des expo- sitions. Lorsque le tronc que nous avons mis en réserve sera sec, nous le ferons débiter, et nous rendrons compte des observations que nous aura fourni son bois et ses pro- priétés. D’après ce qui vient d’être dit, il est aisé de juger que la perte qu’a éprouvée le jardin du Muséum, en végétaux, est de peu de valeur , considérée du coté de l’instruction ,, puisqu’il n’a perdu aucune espèce unique. Du côté de l’uti- lité elle est plus considérable. L’ouragan l’a privé de plu- sieurs vieux arbres dont les graines entroient dans la dis- tribution des semences que fait annuellement le Muséum aux cultivateurs des départemens. Sousle rapport de l’agré- ment du public, cette perte est plus grave ; il sera privé de plusieurs grands et beaux arbres qui laissent des vides dans les lieux où ils étoient plantés , et la belle allée de peupliers de Virginie est perdue pour sa jouissance, au moins pour long-temps. Les dégâts qu’ont éprouvés les bâtimens de l’établissement (i) Elles sont publiées dans un mémoire lu à la société d’agriculture du dépar- tement du Rhône ? et imprimées dans le recueil de ses trayaux en l’an XI, d’ HISTOIRE NATURELLE. 45 occasionneront une dépense de réparations d’environ 3ooo francs. Toutes ces pertes, qu’on peut réparer avec de l’argent et du temps, sont peu de chose en comparaison de l’existence des hommes; aussi la plus affligeante qu’ait éprouvée le Mu- séum, est celle d’un des chefs d’ateliers des hâtimens de~ l’établissement (1) , qui, victime de son zèle, a été tué en vaquant à des réparations nécessitées par ce terrible ouragan. (i) Le citoyen Riener, chef de l’atelier de vitrerie, attaché au Muséum depuis 22 ans , étoit l’un des employés de l’établissement, qui par son exacte probité sa mo- ralité douce , son zèle infatigable et son intelligence dans son état , rendoit le plus de services à l’établissement. Le 25 nivôse dernier , il est tombé du toit de l’amphi- théâtre public , où il travailloit à réparer les vitraux. Il n’a survécu que quelques instans à sa chute. Il laisse une femme enceinte et trois enfans en bas âge. L’ad- ministration fera tout ce qui est en son pouvoir pour adoucir le malheur de cette famille infortunée, et lui tenir compte des bons et utiles services de sonçhef. 46 ANNALES DU MUSÉUM SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles des environs de Paris. Par LAMARCK. * Ouverture entière , n’ayant à sa base ni échancrure , ni canal. GENRE XXVII. Troque ou Toupie. Trockus. Charac. gen. Testa univalvis , conica , spiralis ; aperturâ trans versé depressd , subquadrangulari ; axe obliquato. OBSERVATIONS. T i es coquilles connues vulgairement sous le nom de lima- çons à bouche aplatie , forment , sous le nom de trochus , dans le systema naturœ de Linnæus, un genre assez na- turel. Néanmoins , il m’a paru convenable d’en séparer les cadrans et quelques nionodontes qu’on y réunissoit; parce que ces deux derniers genres s’en distinguent par des ca- ractères particuliers que l’on saisit facilement. Les troques sont des coquilles uïiivalves, aspire plus ou moins élevée selon les espèces. Leur base est plate ou con- ü’ HISTOIRE NATURELLE. ^ cave, et leur ouverture qui s’y trouve est sensiblement déprimée et presque quadrangulaire. Cette ouverture coupe de biais la direction du dernier tour , et laisse voir une pe- tite portion de la columellc qui est constamment torse ou arquée. Ces coquilles reposent parfaitement sur leur base, mais leur axe est toujours incliné d’environ 20 degrés. En parlant des calyptrèes (Annales, vol. 1, p. 585) j’ai fait remarquer que ce genre que Linné avoit confondu avec les patelles, s’en éloignoit beaucoup, et qu’il avoit de si grands rapports avec les trochus , qu’à l’égard de plusieurs espèces il est assez difficile de se décider pour les rapporter à l’un ou à l’autre de ces deux genres. En effet, dans les trochus , la cavité intérieure de la coquille forme autour de l’axe une spirale complète, tandis que dans les calyptrèes la ca- vité intérieure ne présente qu’une spirale commencée par la languette en cornet qui s’épanouit latéralement en un diaphragme courant en spirale. Or , cette spirale commencée est plus ou moins avancée selon les espèces. Outre les rapports que les troques ont avec les calyptrèes, ils en ont encore de très-grands aves les cadrans, lesmono- dontes et les sabots. Le nombre des coquilles connues est déjà si considérable , que presque par- tout on trouve des espèces qui effacent en quelque sorte les caractères des genres, de quelque manière qu’on s’y prenne pour les cir- conscrire, c’est-à-dire pour les détacher nettement les uns des autres. Tous les troques sont des coquillages marins dont l’animal est un mollusque céphalé, rampant sur un disque charnu auquel est attaché un petit opercule mince, corné et orbi- culaire. 48 ANNALES DU MUSEUM Ces testacés composent un genre qui, malgré les réduc- tions qu’il a subi, est encore fort nombreux en espèces. Elles présentent beaucoup de diversité dans leur figure, et sur-tout dans les couleurs dont leur coquille est ornée. On en trouve dans presque toutes les mers, mais plus abon-^ damment dans celles des climats chauds. Il y en a qui ont paru si intéressantes par leur rareté et par certaines parti- cularités de leur forme , qu’elles sont très-recherchées des amateurs. Sous une écorce mince de ces coquilles, on rencontre une nacre extrêmement brillante; et la plupart des individus fossiles conservent encore cette nacre dans presque tout son éclat. ESPECES FOSSILES. ï. Troque crénulaire. Vélin , n.° 1 5 , fig. 1. Trochus ( crenularis ) pyramidatus , transversim tuberculatus ; anfractuum mar 4 gine inferiore crasso tuberculis majoribus crenato j columellâ truncatâ. n. L. n. Grignon. Ce troque fossile n’est point rare à Grignon. 11 a de si grands rapports avec le trochus mauritianus de Gmelin ( voyez martini Concli. vol. 5, p. 42 , t. i63 , f. i547 , i548 ) ; que je crois qu’il n’en est qu’une variété de l’analogue , dans l’état fossile. 11 forme un cône pyramidal qui a 28 à 3o mil- limètres de hauteur , et qui offre des rangées transverses de petit tubercules obliques. Le bord inférieur de chaque tour est épais et garni de tubercules plus grands, obliques , didymes , qui le font paroître crénelé. La face inférieure de la coquille présente des stries circulaires , concentriques , au nombre de 6 ou 7. Elle n’est point ombiliquée. Mon cabinet. 2. Troque porte-collier. Trochus ( monilifer ) conicus imperforatus transversè granulatus ; anfractibus seriebus granorum quaternis; columellâ obliqua subtruncatâ. n. Trochus nodulosus. Brand. foss. haut. p. 10, t. 1 , fig. 6. L. n. Louvres , aux environs de Paris. Cette coquille est un cône court , pointu , haut de 2 centimètres. Chaque tour de spire offre quatre rangées transverses de grains ou de tubercules granuleux , assez égaux dans chaque rangée, et I / d’ HISTOIRE NATURELLE. qui ressemblent à des rangs de collier. On voit sur la base aplatie de la coquille huit rangées circulaires et concentriques de petits grains , etdc fines stries rayonnantes qui les traversent. La columelle est arquée, tronquée, courante sur le bord de l’ouverture. Cabinet de M. Defrance. ?. Troque sillonné. Vélin , n.° i5, f. 2. Trochus ( sulcatus ) conicus , subperforatus , transoersim eleganterque sulcatus j margine inferiore prominente. k. Testa maculosa ; sulcis anfractuum tenuissimis suhdnodenis. fi. Testa i/nmaculata ; sulcis prof undioribus subnovenis. Vélin , n.° 1 5 , f. 5. L. n. Grignon , et les environs de Pontchartrin. C’est une jolie espèce qui a des rapports avec le trochus granulatus Ae. Borne, (t. i2,f. g et îo) et avec le trochus conulus. La coquille forme un cône pointu au sommet, haut de i5 ou 1 6 millimètres , à tours de spire sans convexité , et tous élégamment striés en travers. La base de chaque tour est un peu élevée et bien séparée du som- met du tour suivant par sa saillie. La columelle se fond dans la base du bord droit de l’ouverture. On voit sur la face inférieure un petit ombilic , en partie recouvert. La coquille «e , quoique fossile , est encore légèrement tachetée. La strie du bord inférieur de chaque tour est obscurément granuleuse. La variété fi est assez remarquable par ses sillons plus profonds et un peu moins nombreux. Le cabinet de M. Defrance et le mien. 4. Troque cerclé. Trochus ( alligatus ) conicus imperforatus maculosus ; anfract'ibus cingulis fili- formibus inœqualibus subsenis : infimâ crassiore, n. L. n. Ben , près Pontchartrain. Cette espèce ressemble tellement à la précédente par son aspect, que je l’avois d’abord confondue avec elle dans ma collection. Elle présente un cône pointu, long de 18 millimètres , obscurément tacheté, quoique fossile , et dont les tours de spire n’ont aucune convexité. On voit sur chaque tour six cordonnets transverses , inégaux , et dont celui qui borde le tour inférieurement est plus gros que les autres. Yers le sommet de la spire , ce cordonnet inférieur est armé de tubercules écartés , et le supérieur est cré- nelé. La columelle se courbe vers la base du bord droit de l’ouverture. Mon cabinet. 5. Troque orné. Trochus ( ornatus ) conicus, imperforatus ; anfractuum parte superioro costell/s crebris et obliquis ornatâ : inferiore tuberculis minimis biserialibus. n. 4. 7 DO ANNALES DU MUSEUM L. h Je possède plusieurs individus de cette espèce que je crois être des environs de Paris ; cependant je ne trouve aucune note indicative du lieu où elle a été recueillie. Elle a de grands rapports avec la troque crénulaire ïi.° 1. Mais les tubercules de la partie inférieure de chaque tour sont beaucoup plus petits , et la coquille est moins pyramidale. Elle est sur-tout remarquable par les petites côtes obliques et multipliées qui ornent la partie supérieure de chaque tour de spire. Cette coquille a un peu plus de 2 centimètres de lon- gueur. Sa base est large, sillonnée circulairement. Enfin sa columelle est tronquée et épaisse à son extrémité. Mon cabinet. 6. Troque subcariné. Vélin , n.° i5, fig. 4. Trochus ( subcarinatus ) abbreviato-conicus , perforatus ; anfractibus lœvibus . margine inferiore prominulo subcarinatis. n. g. Idem anfractuum margine inferiore non exserto. Vélin , n.° i5 , f. 3. y. Idem, anfractibus infimis superioribus involventïbus. Vélin, n.° i5, f. 5. L. n. Grignon et Pontchartrain. Cette petite coquille ressemble un peu par son aspect à Yhelix elegans de Draparnaud ( tableau des moll. p. 70 , n.° 3 ) ; mais c’est une coquille marine dont le test assez épais, conserve encore sa substance nacrée. Elle présente un cône raccourci dont la longueur n’est que de 8 ou g millimètres. Les tours de sa spire, au nombre de 5 ou 6, sont lisses, n’offrent d’autres stries que celles formées par les différens accroissemens delà coquille, et ont leur bord inférieur un peu saillant en carène obtuse. La base de la co- quille est un peu convexe , finement striée circulairement , et perforée à la columelle. L’ouverture est médiocrement déprimée. Dans la variété g , le bord inférieur de chaque tour ne déborde presque pas ; et dans la variété y , il est renfoncé, et c’est le supérieur qui déborde. D’ailleurs on aperçoit dan& cette seconde variété quelques stries transverses assez remarquables. Cabinet de M. Defrance. 7. Troque bicariné. Trochus ( bicarinatus ) conicus , imperforaius ; anfractibus lœvibus , cariais binis remotis. n. L. n. Longjumeaux. Autre petite espèce très-distincte de la précédente, quoi- qu’elle en soit rapprochée par plusieurs rapports. Cette coquille forme un petit cône moins raccourci, long d’environ 5 millimètres, et dont les tours de la spire sont lisses, munis chacun de deux carènes, l’une à la base du tour , et l’autre près de son sommet. On ne voit sur la face inférieure de la coquille aucune strie circulaire. La columelle Se confond avec le bord droit de l’ouverture. Cabinet de M. Defrance* , ' ' -V / * D7 II I S T O I II E NATURELLE. 5 1 B. Troque agglutinant. Vélin, n.° i5, fig. 6. Trochus ( agglutinant; ) depresso-conicus , basi dilatatus ; anfractibus externè ru,' dibus , irregularibus , polyedris ; umbilico intus plicato. n. Trochus umbilicaris. Brand. fossil. haut. p. îo, t. 1, f. 4 et 5 non Linnæi. L. n. Grignon. C’est une coquille extrêmement curieuse par la faculté dont jouit l’animal en la formant, d’y agglutiner dilférens corps étrangers, comme de petits cailloux ou d’autres coquilles qui se moulent sur la sienne et y produisent des facettes de différentes grandeurs et proportionnelles aux portions des corps qui y ont adhérés. Celte coquille est non-seulement une véritable fripière fossile , mais ce n’est même réellement qu’une médiocre variété de la fripière ordinaire, c’est-à-dire, du trochus conchyliophorus de Borne ( mus. cœs. vindeb. t. 12 , f. 21, 22) qui vit actuellement dans les mers de l’Amé- rique méridionale. Si la coquille de Borne n’est point ombiliquée , ce qui se rencontre en effet dans quelques individus de cette espèce , beaucoup d’autres ( et j’en possède de tels ) le sont éminemment sans offrir d’ailleurs aucune autre différence , et on en trouve dont l’ombilic est en partie recouvert. Le troque agglutinant présente un cône très-surbaissé, pointu au sommet, dilaté à sa base , à bord tranchant avec des angles et des sinus irréguliers. La face inférieure est aplatie, un peu concave, et son ouverture est très- déprimée. L’ombilic , aussi en partie recouvert , comme dans le trochus conchyliophorus } est plissé intérieurement. Mon cabinet. GENRE XXVIII. Cadran. Solarium . Char act. gen. Testa univalvis > conico-depressa , subdiscoidea , umbi- licata : umbilico ad margines anfractuum crenulato S. dentato. A 'pertura subquadrangularis. OBSERVATIONS. Les cadrans ont paru avoir, avec les troques, des rapports si considérables , que Linné les a rapporté à son genre 7 * 52 ANNALES DU MUSEUM trochus, et que depuis la détermination de l’illustre natura- liste suédois , les zoologistes qui ont écrit sur les coquilles ont adopté cette détermination. Ces rapports sont, à la vé- rité assez remarquables, sur-tout si l’on compare les ca- drans avec les troques dont la base se termine par un bord orbiculaire tranchant, comme le trochus indiens de Gmelin, figuré dans le couchyliologie de Chemnitz ( vol. 5, 1. 172, f. 1697, 1698), le trochus Solaris de Linné, le trochus eouchyliophorus et notre trochus agglutinans. Néanmoins les cadrans ont des rapports beaucoup plus grands encore avec les planorbes qu’avec les troques ; car l’examen des espèces fossiles nous montre qu’il est même assez difficile d’établir entre les cadrans et les planorbes des limites bien tranchées. Quoi qu’il en soit , le genre dont nous traitons mainte- nant, paroît très-naturel et se fait remarquer par un aspect particulier dans la disposition des tours de la spire commun à toutes les espèces qu’il embrasse. Ce sont des coquilles univalves or biculaires, subdiscoïdes, en cône fort déprimé, et ayant dans leur base qui est large, plane ou concave, un ombilic ouvert en entonnoir. Le ca- ractère essentiel de ce genre consiste en ce que le bord in- terne et en spirale de l’ombilic est crénelé ou denté. On pourroit même dire de ces coquilles qu’elles sont, ainsi que les planorbes, dépourvues de columelle. Les cadrans habitent dans la mer. On n’en connoît qu’un petit nombre d’espèces recueillies vivantes ou dans l’état frais; telles sont le trochus perspectivus de Linné , son trochus hybridus , le tore h us variegatus , et le trochus stra- mineus de Gmelin. 53 d’ histoire naturelle. ESPÈCES FOSSILES. i. Cadran évasé. Vélin , n.° i5 , fig. 9. Solarium ( patulum ) convexum ; anfractibus sublœvibus : marginibus carinatiè et crenulatis ; umbilico patulo. n. L. n. Grignon. Belle espèce tout-à-fait conforme au solarium perspectivum par la disposition des tours de sa spire , et par son large ombilic. C’est une co- quille orbiculaire , convexe, à tours de spire, paroissant lisses, quoiqu’ils soient finement striés dans leur longueur , et formant en leur bord une carène en spirale, légèrement crénelée. La base de ces coquilles est discoïde , a 18 ou 19 millimètres de diamètre, et présente un ombilic en entonnoir évasé, dont le bord est orné de crénelures. L’ouverture de la coquille est petite , subtétragone. Mon cabinet. 2. Cadran sillonné. Solarium ( sulcatum ) convexum , subtus radiatim suie ai um ; anfractibus lœvibus margine bisulcatis ; umbilico mediocri fornicato. n. L. n. Grignon. Ce cadran est à-peu-près de la grandeur de celui qui précède. Ses tours de spire sont lisses en dessus, à bords non carinés , mais garnis de deux sillons ou de deux petits bourrelets contigus. La face inférieure de la coquille est lisse, avec des sillons rayonnans. Elle offre dans son centre un ombilic de grandeur médiocre , à bords crénelés et concaves en dessous. Mon cabinet. .8. Cadran canal iculé. Solarium ( canaliculatum ) convexum , suprà infràque sulcis transversis granosis sculptum ; umbilico crcnato , ad latera canaliculato. n. Turbo. Brand . foss. haut. p. 10, t. 1 , f. 7 et 8. L. n. Grignon. C’est une espèce fort jolie , bien caractérisée , et qui se dis- tingue des deux précédentes , en ce qu’elle est chargée en dessus et en des- sous de sillons ou cordonnets contigus, granuleux, inégaux et trausverses. L’ombilic est assez grand, infundibuliforme , crénelé et canaliculé sur le côté interne de chaque tour. Le diamètre de la coquille est de i4 millimètres. Cabinet de M. Défi ance et le mien. 4. Cadran plissé. Vélin, n.° i5 , f. 7. Solarium (plicatum) convexo-depressum , rugosum ; rugis verticaliter sulcqtis ; umbilico mediocri , plicis grossis crenalo. n. L. n. Grignon, 11 est bien distingué du précédent en ce qu’il est plus déprimé; 54 ANNALES DU MUSEUM que ses tours sont garnis en dessus de rides ou de cordonnets transverses t striés verticalement ; et que son ombilic est beaucoup moins large , et crénelé par de gros plis. Ce cadran n’a que 10 millimètres de largeur. Cabinet de M. Defrance et le mien. 5. Cadran à gouttière. Vélin , n.° i5 , f. 8. Solarium ( spiratum ) conoideum , lœve , sub striatum ; anfractibus suprâ planis t subcanaliculatis , crenulatis ; umbilico crenato intùs granulato. n. L. n. Grignon. Petit cadran bien caractérisé , fort élégant et remarquable en ce qu’il est moins déprimé que les autres. Il forme un cône court , ayant six tours lisses, bien distingués les uns des autres par une rampe un peu en gouttière que forme leur bord supérieur. Le bord de cette rampe est légère- ment crénelé , et la coquille est finement striée en travers , mais d’une ma- nière à peine perceptible. L’ombilic est en entonnoir peu évasé, crénelé sur le bord , et granuleux intérieurement. Cabinet de M. Defrance. 6. Cadran corne-daramon. Vélin , n.° i5, f. il. Solarium ( ammonites ) depressum , discoideum ; spirâ complanatâ ; anfractuunv rugis verticaliter sulcatis ; umbilico patulo crenato. n. L. n. Grignon. C’est une des espèces les plus jolies et les plus remarquables de ce genre. Elle ressemble à une très-petite corne d’ammon , et n’a que 3 millimètres de diamètre. Cette petite coquille est orbiculaire, discoïde, à spire aplatie , ayant sur chaque tour trois rides ou cordonnets contigus , sil- lonnés presque verticalement , ce qui les fait paroître crénelés. L’ombilic est évasé , crénelé , et offre latéralement un ambulacre en spirale qui domine régulièrement dans sa largeur jusqu’au centre. Cabinet de M. Defrance. y. Cadran petit-plat. , Solarium {jpatellatum} depressum , discoideum , carinatum ; spiriî complanatâ ; anfractibus lœvibus marginatis ; umbilico crateriformi , margine suberenu - lato. n. L. n. Grignon. Cette espèce bien singulière effleure la limite des planorbes. Elle n’a que 7 millimètres de largeur. C’est une coquille orbiculaire , aplatie , dis- coïde , carinée sur les bords , à spire presque plane , n’ayant que quatre ou cinq tours ; ces tours sont lisses , un peu marginés sur les bords. Lorsqu’on la pose sur la spire , sa face inférieure se présente sous la forme d’un petit plat dont l’ombilic fort évasé et à peine crénelé en son bord , et exprime la cavité du plat. L’ouverture de la coquille est fart petite, Cabinet de M. Defrance, d’histoire naturelle. 5ô 8. Cadran disjoint. Vélin , n.° i5,f. 12. Solarium ( disjuncium ) discoideiim , carinatum , læve ; spirâ planâ ; facie infe- feriore converti -, anfractu ultimo dis) une to ■ umbilico subserrato. n. fi. Id. Marginé vix carinato. L. n. Grignon. Voici la plus singulière des espèces dé ce genre. C’est une co- quille tout-à-fait discoïde comme un planorbe , plane du côté de la spire, très-convexe en dessous, carinée dans son pourtour , lisse, sans granulations,- Sans stries transverses , et dont le dernier tour enveloppe les autres. Il sc dis- joint ensuite presque comme dans les spirules. Le côté inférieur et convexe de la coquille présente un ombilic à bord voûté , tranchant , denté en scie. Il n’y a pas de doute, selon moi, que cette coquille ne soit marine et n’appar- tienne à ce genre , malgré sa singulière conformation. Mon cabinet et celui de M. Defrance. g. Cadran à deux faces. Vélin , n.° iG, fig. 2. Solarium ( bifrons) discoideum , obtusum , læve , utrinque subumbilicatum ; an* fractu ultimo alios obtegente ; umbilicis superjîcialibus serratis. n. Jj. n. Grignon. Celle-ci n’est pas moins remarquable que la précédente par sa forme singulière, et s’en rapproche par beaucoup de rapports. Elle est entière- ment discoïde, plus obtuse que carinée dans son pourtour, lisse, plane dit côté de la spire dont le sommet est enfoncé , et offre un léger aplatissement de l’autre côté. Le dernier tour enveloppe et recouvre les autres. Les deux ombilics sont presque sans prfondeur, et bordés de petites dents aiguës» La coquille n’a que 8 millimètres de diamètre, Cabinet de M. Defrance. 56 ANNALES DU MUSEUM MÉMOIRE Sur un nouveau genre de Mammifères à bourse , nommé PÉRAMÈLES. Par E. GEOFFROY. «* Les animaux à bourse qui ont les premiers fixé l’attention des naturalistes , sont connus comme originaires d’Amé- rique : ce sont des animaux carnivores qui viennent faci- lement à bout de leur proie au moyen de longues dents canines , et qui la divisent aisément en y employant celles de leurs dents molaires qui sont latéralement comprimées et terminées par trois pointes ; ils peuvent , ainsi que les singes des mêmes contrées se servir de leurs pieds de der- rière comme d’une main, le pouce étant tout aussi écarté des autres doigts, et s’accrocher de même au moyen de leur longue queue qui est préhensible, nue et écailleuse. Ils sont en outre plus particulièrement caractérisés , en ce que c’est dans ces seuls mammifères qu’on compte dix dents incisives à la mâchoire supérieure, et huit à celle d’en bas. Linnæus connut ces animaux sous le nom de didelphis : cette dénomination , en exprimant qu’ils sont pourvus de deux matrices , a l’avantage de rappeler un des faits les plus remarquables de leur organisation , l’existence d’une ,fVV PE RAME LE S O BE S U L A • d’ S r S T O I R E NATURELLE. 5y bourse sous le ventre des femelles où s’achève en quelque sorte la gestation commencée dans la véritable matrice. Le genre clidelphis fut à peine établi, qu’on découvrit dans l’Archipel indien de nouveaux animaux à poches ; ils ne furent, dans le principe, décrits que d’une manière assez vague. On sut toutefois que les femelles avoient leurs mamelles renfermées dans une bourse , et sur ce renseigne- ment , on n’hésita pas à comprendre ces nouveaux quadru- pèdes parmi les didelphes. Ce ne fut qu’assez long-temps après qu’on apprit que les marsupiaux de l’Inde différoient de ceux du Nouveau-Monde par des organes importans , tels que ceux de la mastication, de la digestion, du mou- vement et de la préhension : mais on étoit alors si accou- tumé à les désigner par le même nom générique , qu’on se fit un scrupule de faire à cet égard aucun changement, et comme par ce respect pour un usage qui s’étoit introduit contre les règles, on avoit retenu dans le genre didelphis des espèces qui étoient anomales, on se vit par-là encouragé, lors de l’importante découverte des kanguroos, à ranger en- core ceux-ci parmi les didelphes, quoiqu’ils en fussent bien plus éloignés. Enfin comme si après tant de désordre il eut été permis de tout oser, on vit Gmelin admettre dans ce même genre un quadrumane bien reconnu pour tel, que mon illustre maître Daubenton avoit publié sous le nom de tarsier. Je conçus, en l’an IV, l’idée de mettre les naturalistes dans le cas d’estimer avec quelque précision les distances qu’il y a entre ces différens animaux, et dans une dissertation qui parut dans le g.e tome du Magasin encyclopédique , je 4. 8 58 ANNALES DU MUSÉUM soumis à une sorte de révision , le dernier travail de Gmelin a l’égard du genre didelphis. Mon premier soin fut de ramener ce genre à son état pri- mitif ; je rfy laissai que les animaux à poches de l’Amé- rique , auxquels tous les caractères assignés par Linnæus, conviennent sans exception ; ce groupe , déduction faite de trois animaux qui y sont placés en double emploi , sera porté à neuf espèces par mes publications futures. Je proposai ensuite de former, sous le nom de phalanger, un genre des marsupiaux de l’ Archipel indien qui ont la mâ- choire supérieure armée d’incisives et de canines comme les carnivores, et dans lesquels cependant on ne trouve plus à la mâchoire inférieure que le système de dentition qui ca- ractérise les animaux rongeurs. Quatorze espèces dont pres- que la moitié sont à publier , réunissent les traits caracté- ristiques de ces deux grands ordres, avec cette différence que sept d’entre elles sont douées de la faculté de sauter d’arbres en arbres, et devolLiger au moyen de membranes étendues sur les flancs; tandis que les sept autres, dépourvues de ces membranes, ne trouvent de facilité pour exister sur les arbres, que dans leur queue qui est prenante comme celle des didelphes , et nue en tout ou en partie. Les kanguroos si remarquables par la disproportion de leurs extrémités, l’absence de toute dent canine et du pouce des pieds de derrière, formoient mon troisième genre ; et le quatrième étoit composé des dasyures sur lesquels j’ai écrit une monographie imprimée dans le 5.e tome de cet ouvrage , page 555. Je me plaisois à croire qu’à ces quatre genres seroit borné l’ordre des marsupiaux que je me proposois d’établir. Ils d’ II I S T O I R E NATURELLE. 5 9 formoient une série directe et bien naturelle. Au moyen des dasyures et des didelpbes, cette série se rattachoit aux animaux carnivores ; et par les phalangers et les kangu- roos, elle alloit se fondre en quelque sorte parmi les nom- breuses espèces dé rongeurs. Il n’y avoit aucune interrup- tion, aucune lacune, soit que l’on considérât les organes de la mastication et de la digestion en particulier , soit que l’on portât seulement son attention sur les organes du mou- vement et delà préhension. Mais ce résultat, assez piquant pour que dans le temps je crusse devoir le faire remarquer, étoit susceptible d’être changé par la découverte d’une nou- velle famille, la nature ne connoissant pas, à proprement parler, de séries continues, ni de chaînes dans une direction unique. Deux nouveaux genres sont venus en effet détruire toute la simplicité de cette combinaison ; le premier est celui des phascolomes dont j’ai tracé les caractères dans le 2.e volume des Annales, page 364 ; et le second est le nou- veau genre que je publie aujourd’hui sous le nom de péra~ mêles ( blaireau à poche ). $ I.er Description du gem'e. Les péramèles sont des animaux qui au premier aspect ont assez de ressemblance avec les didelphes , mais leur tête est encore plus longue et leur museau bien plus effilé : il s’en faut aussi de beaucoup qu’ils participent aux habi- tudes de ces mammifères, et qu’ils puissent aller habiter le sommet des plus grands arbres. Toute leur économie indique qu’ils vivent à terre; comme dans les blaireaux , leur nez est alongé , leur poil roide, et leurs pieds terminés 8 * 6o ANNALES DU MUSEUM par de grands ongles presque droits : aussi il n’y a pas de doute qu’ils ne se creusent un terrier, et peut-être le font- ils avec plus de dextérité qu’aucun autre animal, n’ayant à craindre ni que leurs ongles se brisent ni qu’ils se dé- tachent; avantage dont ils sont redevables à la forme de leur dernière phalange des doigts, qui se trouve, comme dans les paresseux , les pangolins et les myrmecophages, fendue à son extrémité libre. On ne s’étonnera pas que j’emploie ici ce dernier carac- tère au nombre de ceux qui peuvent servir à la détermi- nation des genres, si l’on se rappelle le résultat auquel mon estimable collègue le citoyen Duméril a été conduit par ses savantes recherches sur les diverses sortes de configu- ration de l’os ongléal. 11 est tout simple en effet que cet os- selet, terminant les doigts et servant de moule à la -matière cornée dont ils sont recouverts , contribue plus que toutes les autres parties de la main aux déterminations des ani- maux fondées sur le toucher. Les pieds des péramèles déjà remarquables par la con- formation de la dernière phalange, le sont aussi par la com- binaison numérique et l’arrangement des doigts; aux pieds de devant, il n’y a que les trois doigts du milieu qui puissent être appuyés sur terre pendant la marché , ceux des cotés sont si courts qu’ils n’existent qu’en rudiment, et qu’on ne les aperçoit derrière le pied que sous la forme d’ergot. Les pieds de derrière ont beaucoup d’analogie avec ceux des kanguroos : le quatrième doigt est le plus long et le plus gros: le deuxième et le troisième sont réunis et enveloppés sous les tégumens communs. On les distingue cependant à leurs ongles qui sont libres ; ces deux doigts sont d’ailleurs d’ histoire NATURELLE 6 l plus courts et moins épais que le dernier ou le cinquième. Le caractère par lequel les pieds des péramèles diffèrent pourtant de ceux des kanguroos, est la présence d’un pouce qui y existe véritablement, quoiqu’il soit fort court. Il est inutile sans doute d’ajouter que ce pouce est dépourvu d’ongle, puisque c’est un des attributs distinctifs de tous les marsupiaux. Les organes de la mastication se présentent aussi dans notre nouvelle famille des péramèles dans un ordre qui ne s’est point encore offert à l’observation. Les dents canines et molaires ressemblent à la vérité pour le nombre, la forme et l’arrangement à ce qui est connu à l’égard des da s jures et des didelphes , c’est-à-dire que l’on compte chez les pé- ramèles quatre longues canines et vingt -huit molaires. Mais il n’en est pas de même à l’égard des dents incisives : car si comme dans les didelphes il s’en trouve dix à la mâchoire supérieure, l’ordonnance en est différente. La dernière incisive de chaque coté est fort écartée tant de ses congénères en avant que de la dent canine en arrière , et cette incisive a de plus la forme et fait la fonction d’une deuxième canine'; toutefois elle est implantée dans l’os inter- maxillaire ou incisif : de plus, à la mâchoire inférieure il n’j a que six dents; anomalie curieuse , puisque c’est la pre- mière foisqu’on rencontre parmi les mammifères cette com- binaison de dix et de six incisives ; la dernière incisive d’en bas est un peu plus large que les autres et à demi partagée par un petit sillon. Tous les marsupiaux parviennent à s’aider plus ou moins facilement de leur queue; il ne paroîtpas, au contraire, que les péramèles puissent employer la leur à quelque chose* elle est trop courte, à poil raz , et sans faculté pour la préhension. Leur museau beaucoup trop long leur donne un air stu- pide au dernier degré; mais ils doivent racheter eette phy- sionomie triste et désagréable par la de légèreté dans les mou- vemens,etde la grâce dans l’allure, puisqu'ils ont les extré- mités postérieures deux fois longues comme celles de devant. Nous leur avions déjà remarqué, à l’égard des pieds de der- rière, quelqu’analogie de forme avec les kanguroos : cette disproportion entre les pattes , les en rapproche dava - tage ; c’est au point que je ne doute pas qu’ils n’ayent les moyens , tout aussi bien que ceux-ci, de s’élever sur les jambes de derrière, et des?en servir pour fournir des bonds presque aussi étendus. Enfin il est probable que les organes de la génération des péramèles, tout en se montrant avec cette analogie de forme qui caractérise tous les marsupiaux, nous auroient aussi offert quelques différences génériques, mais nous avons été privés d’occasions de les étudier. Toutefois ces considérations sur lesquelles nous venons de nous étendre, nous ont paru commander impérieuse- ment l’établissement de la nouvelle famille des péramèles : dans l’ordre naturel, elle devra être placée entre les didelphes et les kanguroos. $ II. Description des espèces. Ce genre n’est jusqu’à présent composé que de deux es- pèces , de celle que M. Shaw a publiée sous le nom de di - delphis obesula , et d’une seconde qui est nouvelle et à la- quelle j’ai donné le nom de nasuta. i. Péramèles nasuta , pl. 44. La longueur du museau et du nez de ce péramèle, en forme le principal caractère. d’ HISTOIRE NATURELLE. 63 Mesuré depuis l’extrémité des lèvres jusqu’à l’origine de la queue, il a, en longueur, o,m45. — Sa tête, o,mn. — Sa queue, o,mi6. — Ses extrémités antérieures, o,mo8. — Ses extrémités de derrière, o,mi6. Sa dernière incisive, la dent canine et les premières mo- laires, au lieu d’être contiguës sont très-écartées les unes des autres , d’où vient la si grande longueur du museau : les molaires tranchantes sont lobées et à trois pointes ; celles du fond de la bouche , à base plus large et à couronne plate ne paroissent point avoir été usées : elles sont transversale- ment sillonnées, en sorte que leur couronne est hérissée de plusieurs petites pointes qui sont les sommets de ces mo- laires. Cette observation feroit soupçonner que le P. nasuta ne supplée pas, comme le font les dasjures etlesdidelphes, au défaut de chair, par un régime végétal, mais qu’alors ce marsupial se contente d’insectes; et il y a en effet tout lieu de penser qu’il fait même de ceux-ci sa principale nour- riture , son museau ayant trop de longueur pour qu’il puisse se présenter avantageusement au combat; ses pieds fossoyeurs qui lui donnent une si grande facilité pour creuser la terre en y cherchant les alimens de son choix, 111’en paroissent une autre preuve. Quoi qu’il en soit, les oreilles du P. nasuta sontcourteset oblongues, etsesyeux très-petits. Son poil est médiocrement fourni , plus abondant et plus rcicle sur le garrot, mélangé d’un peu de feutre et de beaucoup de soies, cendré à son origine , et fauve ou noir à la pointe ; la teinte générale est en-dessus d’un brun clair , tout le dessous du corps est blanc, et les ongles sont jaunâtres. La queue pourroit bien être assez forte et assez résistante pour contribuer de la même ma- nière que celle des kanguroos, au mouvement progressif j 64 ANNALES DIT MUSÉUM elle est d’ailleurs d’une teinte plus décidée, brune tirant sur le maron, en -dessus et en - dessous d’une couleur châtain. 2 . P emmêles obe sula, pl.45. Quoique je n’aperçoive nulle- nient en quoi cet animai est plus gras que ses congénères, je lui conserverai toutefois le nom trivial que lui a donné M. Shaw. Je crois que Ton ne sauroit être trop réservé quand il s’agit de changer une dénomination consacrée par l’usage. Il y a long-temps que je connoissois, par le Naturalise JSdïscellany , la figure du didelphis obesula , mais c’étoit en- vain que je m’étois occupé à en déterminer les rapports ; je n’étois mis sur la voie de cette recherche , ni par l’ana- logie, puisque cette espèce n’appartenoit à aucun de mes genres de l’ordre des marsupiaux , ni par la description de M. Shaw , puisqu’il n’en qualifie les dents que par l’épi- thète de nombreuses. J’eus toutefois le pressentiment que ce pouvoit être le type d’une nouvelle famille, et dans cette persuasion , sachant que Y obesula faisoit partie de la col- lection de Hun ter, je m’adressai en Angleterre à l’habile naturaliste Parkinson pour en obtenir les renseignemensque je désirois; j’en reçus pour réponse la peinture que j’ai fait graver pour accompagner ce mémoire. Ce ne fut donc que lorsque je vis le premier péramèle dont j’ai parlé , que je pus suppléer, par des conjectures, aux notions qui me manquoient toujours , et attribuer à Yobes ula les dents du nasuta. Je ne crois pas que l’analogie me trompe plus en cette circonstance que je ne l’ai jusqu’à pré- sent éprouvé: les organes du mouvement sont trop parfai- tement semblables dans ces deux péramèles , pour qu’il n’en soit pas de même à l’égard des organes de la mastication. On sait dans quels rapports ils sont toujours ensemble. d’ HISTOIRE NATURELLE. 65 llobesula est gravé, pl. 45 de grandeur .naturelle : il ressemble pour les proportions du corps au précédent ; il n’en diffère que par sa tète plus courte, et si j’en crois le dessin que j’ai sous les yeux, parce qu’il est aussi un peu plus arqué. Les oreilles sont en outre plus larges et tout-à- fait arrondies ; enfin le poil est également mêlé de soies noirâtres à leur extrémité : la couleur en est généralement jaune tirant sur leroussâtre : le ventre estblanc. Je rapporte avec doute à cette espèce un individu de la collection du Muséum, et qui nous vient aussi de la Nouvelle-Hollande. Il m’est parvenu dans un mauvais état de conservation, manquant de queue et de quelques doigts; il surpasse de plus du double la taille de Yobesula , il lui res- semble au surplus par ses oreilles arrondies , son museau court et les couleurs du poil qui tirent cependant un peu plus sur le brun ; sa tête n’est pas non plus aussi arquée. J’en ai fait graver le crâne , pl. 45 pour qu’on puisse le comparer avec celui du nasuta. La différence dans leurs proportions est frappante : la dernière des incisives d’en haut est bien plus proche de celle qui la précède, les pre- mières molaires sont parfaitement triangulaires et contiguës; celles du fond de la bouche ont leur couronne usée, ce qui feroit croire ce péramèle plus parfaitement omnivore que l’autre. La dernière incisive d’en bas n’est presque pas lobée : l’intervalle qui la sépare de la dent canine, n’est que de l’é- paisseur d’une dent , etc. tous caractères par lesquels ce crâne diffère de celui du P. nasuta . Explication de la planche 45. A. Crâne du P. naauta. — B. Pied de derrière. — C. Pied de devant,— D. Extré- mité de la mâchoire inférieure. — E. Extrémité de la supérieure. I 66 ANNALES DU MUSEUM SUITE DES RECHERCHES Sur les os fossiles cle la pierre à plâtre des environs de Paris » Par G. CUVIER. CINQUIÈME M É M O I R E. (1) Sur les os du Tronc. Première Section. Description d'wi squelette presque entier trouvé dans les carrières de Pantin. J’ a vois déjà découvert le nombre et la forme des dents ÿ j’étois parvenu à reconstituer des tètes; j’avois trouvé ou j’avois rétabli des pieds complets ; j’avois rassemblé des omoplates, des humérus, des fémurs: que je désespérois en- core de déterminer jamais ce qui est relatif à i’ostéologie du tronc. En effet, les os de nos carrières sont presque tous détachés , épars, souvent même ilsétoient déjà brisés avant d’être incrustés; on pouvoitdonc croire qu’on reconnoîtroit la forme dequelques vertèbres , la longueur de quelques côtes; mais comment se flatter de savoir jamais le nombre de ces parties, qui est si variable dans la nature , que même des espèces congénères diffèrent entre elles à cet égard. L’aï et (1) La seconde section du troisième mémoire qui traitera des pieds de devant, et le quatrième mémoire où seront décrits les os des épaules , des bassins des bras et des jambes, n’attendent pour paroîtreque quelques objets nécessaires pourles compléter. Il) ! mm !ji ilili !, (! Ijli jjjîii lÜ toiiii iif ll ’J î l-M 1:^' ï d’ HISTOIRE NATURELLE. 6? r unau , par exemple, ont , l’un 9, l’autre 7 vertèbres cer- vicales ; l’un i4 , l’autre 25 vertèbres dorsales; l’un 4, l’autre 2 vertèbres lombaires. Le premier a i3 vertèbres coccygiennes , l’autre n’en a cpie 7 ou 8, etc. J’a vois à la vérité déjà en mon pouvoir quelques mor- ceaux où l’on voyoit soit un certain nombre de côtes, soit un certain nombre de vertèbres àlasuiteles unes desautres, et dans leur connexion naturelle ; mais il s’en falloit bien qu ils me donnassent dans son entier, même une seule des divisions du tronc, comme les lombes, ou le thorax, ou la queue. Un morceau du cabinet de l’académie, aujourd’hui appar- tenant à l’institut, et représenté par Guettard dans ses mé- moires sur différentes parties des sciences et des arts, tom I , PL IV, le plus complet de tous ceux de ce genre que j’eusse encore vus , ne m’offroit cependant que neuf côtes. Le hasard voulut qu’au moment où je me croyois pour jamais arrêté dans mes recherches , on découvrît un mor- ceau précisément propre à m’éclaircir , sur une grande partie des points qui m’avoient m ' bisque -là. Il fut trouvé à Pantin, et M. de Saint -L . s’est occupé long - temps de la recherche des os te s de nos car- rières, et dont la collection m’a été si utile pour mes mé- moires précédens, s’empressa de me donner avis de cette im- portante découverte. Les ouvriers s’imaginèrent que c’étoit le squelette d’un bélier , et l’on en parla sous ce titre dans les papiers publics; mais M. Frochot, préfet du dépar- tement ayant acquis ce morceau, et en ayant fait présent à notre Muséum au nom de la commune de Paris, il me fut aisé de voir que c’étoit un squelette presque entier de l’un de mes palæotheriums. 9 * 68 ANNALES DU MUSEUM Il y a deux pièces qui sont lacontre épreuve l’une de l’autre, les os se partageant presque toujours en deux, lorsque la pierre se fend ; je n’ai fait graver que la moitié où il est resté le plus d’os, mais l’autre m’a servi à compléter la des- cription. La ligure est très-exacte , et représente l’objet à moitié de sa grandeur. Après la première inspection , on s’aperçoit qu’outre le grand squelette, dont les os sont à leur place, il y a entre A et B des os épars d’un autre individu beaucoup plus jeune, car ils sont tous épiphysés. Le graveur a eu soin de donner à cette partie de sa figure, un ton plus clair qu’au reste , afin de rendre la distinction des deux individus plus facile. Le grand squelette appartenoit à un animal adulte ; on n’y voit plus d’épiphyses, et il est probable que si la pierre eût été cassée plus heureusement, ou si les ouvriers eussent recherché les fragmens qui tenoient à ses bords, nous n’aurions plus rien à désirer pour la connoissance com- plète de cette espèce ; mais la tête est presque entièrement enlevée en C \ l’avant-bras est cassé près du poignet en D ; la jambe à son tiers inférieur en E; la tète du fémur est for- tement entamée en F ; la queue et presque tout le bassin sont emportés sur la ligne F A G. Ainsi ce sont précisément les extrémités, c’est-à-dire les parties les plus caractéristiques pour les naturalistes, qui sont enlevées dans ce morceau. Heureusement il nous en reste quelques-unes qui, d’a- près nos recherches précédentes , peuvent suffire pour déterminer l’espèce : ce sont la dent molaire supé- rieure entière a , et la moitié de molaire inférieure b \ celle- ci sur-tout qui est encore en place, et qui a par consé- quent bien certainement appartenu à cet individu, est dé- cisive par sa forme cylindrique , et prouve que l’animal étoit du genre palœotherium. Sa grandeur ne laisse ensuite aucun doute sur son espèce qui ne peut être , parmi celles que nous connoissons, que le palœotherium minus , et nous verrons plus bas que tout contribue à faire croire que ce l’est réellement. Ce morceau nous montre d’abord toute la branche mon- tante de la mâchoire inférieure c, d, e ; et l’on voitqu’clle est dans cette espèce comme dans les autres de palœothe- rium et d’anoplotherium , très-large à sa partie inférieure. La proportion entre l’apophyse coronoïde cet le condyle d, est aussi la même. On voit ensuite des portions de six vertèbres cervicales, fg , h , i , l\ l’atlas est la seule qui manque. Elles forment ensemble une longueur de o, 125, et le cou tout entier pou- voit avoir o,i4o. L’omoplate m, n , o n’a laissé qu’une partie de son em- preinte , mais l’épine est dans l’autre moitié de la pierre. La longueur de cet os est de 0,110 ; sa largeur vers mn , paroît avoir été de o,o53, et celle vers 00’ est de 0,025. Il n’y a point d’apophyse coracoïde, et l’on ne peut dé- terminer l’endroit où l’épine fesoit le plus de saillie. Nous ne faisons pas de doute que l’acromion n’ait manqué comme dans tous les animaux à sabot. L’humérus p, q , r est presque entier ; sa tête inférieure r l’est tout-à-fait. Il a o,io5delong, et o,o55 de large en d q. L’avant- bras s, t, u se compose de deux os; le cubitus s u, et le radius t , lesquels restent distincts dans toute leur lon- gueur , ce qui prouve bien que l’animal n’est point un ru- rjo ANNALES DU MUSEUM minant, car dans cet ordre le cubitus ne consiste plus que dans l’olécrane , qui n’est lui-même qu’un appendice du ra- dius, auquel il se soude entièrement. D’un autre côté, on peut juger par la position du radius, entièrement en avant du cubitus, et par la forme de la tète inférieure de l’humérus, que le radius n’avoit point de mouvement sur son axe longitudinal , et que la main ne tournoit pas, ce qui éloigne aussi notre animal des familles des quadrupèdes et des carnassiers; il n’y auroit que les ron- geurs et les pachydermes qui pussent le réclamer sous ce rapport. Ce qu’on voit du cubitus, fait une longueur de o,i43; l’olécrane a o,o34 de long , 0,017 de haut. Il y a dix côtes presque entières (de 2 à 11 ), et l’on voit en arrière d’elles des portions de cinq autres (de 12 à 16) dont tout le reste est demeuré dans la seconde moitié de pierre, celle que j e n’ai pas fait dessiner ; de plus la largeur de l’espace vide entre l’humérus et la première côte visible, ainsi que la longueur de celle-ci, fait présumer qu’il y avoit au moins une côte en avant , qui n’a pas subsisté dans ce morceau ; c’est pour cela que j’ai mis le 11. 0 2 à la première côte vi- sible. L’animal en auroit donc eu au moins seize et peut-être dix-septde chaque côté. Ce n’est guère que parmi les édentés, les solipèdes et les pachydermes que ce nombre est surpassé ; aucun ruminant n’a plus de quatorze côtes, et parmi les carnassiers il n’y a que l’hyène et le glouton qui en aient seize. Il est impossible de dire combien de ces côtes s’attachoient au sternum, et combien étoient simplement de fausses côtes, car il ne reste aucun vestige du sternum. d’histoire naturelle. 71 Les douze premières vertèbres dorsales ont entièrement disparu dans les deux moitiés de la pierre ; on ne voit que les quatre dernières (de XIII à XVI). La seizième côte est même disposée de manière qu’on voit qu’elle répond à-la- fois à la dernière vertèbre dorsale et à la première lom- baire. La XIII. eme dorsale montre une apophyse assez forte, <2 , et son apophyse épineuse est encore assez obliquement di- rigée en arrière ; celle de la XIV. eme l’est un peu moins ; la XV.eme, laXVI.eme et les trois premières lombaires, I, II, III l’ont dirigée en avant. Les deuxième et troisième lombaires II et III montrent de fortes et larges apophyses trans verses /3 et y. Je n’ose pas dire positivement jusqu’où vont les lombes , ni si les vertèbres marquées de IV à VII y appartiennent toutes : on scroit porté à le croire d’après la forme de leur corps. La longueur de la partie dorsale de son épine a dû être de 0,26. Ce qu’on voit de la partie lombaire est de 0,128, c’est-à-dire plus de moitié. Aucun pachyderme ni aucun édenté n’a tant de vertèbres lombaires; le chameau seul, parmi les animaux à sabot, en a ce nombre de sept; mais il est très-commun parmi les rongeurs et ies quadrumanes, et un peu moins parmi les carnassiers. Nous ne pouvons rien dire sur les vertèbres sacrées et coccygiennes , puisqu’elles avoient absolument disparu de notre morceau ; il n’y restoit non plus qu’un petit fragment du bassin situé vers A, à un pouce de profondeur , et qu’il ANNALES DU M U S É U M est impossible d’apercevoir dans la figure. Il est fâcheux que nous soyons privés de ce moyen puissant de déter- mination. Il l’est encore plus que le fémur ne soit pas resté entier. Ce qu’on en voit a 0,12 de long de F en/’, mais il n’est pas possible de dire au juste combien il en manque, quoi- qu’on voie bien que la partie manquante ne peut pas être considérable. Ce fémur, ainsi que l’humérus, avoit eu ses parois écrasées et affaissées ; il s’étoit élargi en s’aplatissant. Ce qu’il y a le plus à regretter, c’est qu’on ne puisse juger s’il avoit ou non le troisième trochanter, qui caractérise le cheval , le rhinocéros et le tapir , et que nous avons retrouvé dans ceux des fémurs de nos carrières que nous attribuons au genre palœotherium. Ce qui reste du tibia y est long de 0,076; ce qu’il offre de plus remarquable est sa forme triangulaire bien mar- quée; le péroné z posé dessus est grêle et distinct dans toute la portion qu’on en voit ; il est à-peu-près droit , et devoit très-peu s’écarter en dehors du tibia. La même dis- position a lieu dans les autres pachydermes, mais non dans les ruminans qui n’ont point de péroné distinct ; ainsi c’est une nouvelle preuve que notre animal ne vient point de cet ordre. Il y a en x une rotule qui n’offre rien de particulier. Voilà tout ce que ce squelette m’a présenté pour la con- noissance ostéologique de l’espèce à laquelle il a appartenu; j’ai cherché , à la vérité , à examiner les os de jeune in- dividu qui sont incrustés dans la même pierre, afin de voir s’ils ne me donneroient pas quelques-unes des parties qui DHISTOIRE NATURELLE. 7 O manquent à l’individu adulte; mais excepté trois dents, toutes les trois molaires supérieures, je n’ai rien trouvé d’entièrement reconnoissable , tant ces jeunes os sont con- fondus et mêlés, et tant leur fragilité les a fait s’altérer lorsque la pierre s’est brisée. Ce n’est donc qu’en cherchant à adapter aux pièces que nous trouvons dans cette pierre quelques-unes de celles que nous avons décrites dans nos mémoires précédons , que nous parviendrons à réintégrer ce squelette. Or nous avons une portion de mâchoire inférieure qui s’arrangeroit très-bien pour la grandeur avec la portion restée dans cette pierre-ci ; c’est celle du palæotherium minus indiquée dans notre deuxième mémoire sur les fossiles de nos environs, article I, $ II, et représentée ib. pl. XI , % >• . Ces deux portions dévoient appartenir à une tète d’en- viron 0,1 5 de longueur, c’est-à-dire un peu plus grande que celle d’un renard, qui n’en aqueo,i45. Les proportions du cou et du corps sont de même un peu plus grandes que celles d’un renard. Le cou est, comme nous l’avons vu ,de 0,1 4 dans notre animal, de o,i25 dans le renard. Le dos et les lombes pris ensemble de 0,67 dans notre animal, et de 0,32 dans le renard ; mais la proportion des lombes au dos est plus grande dans le renard, où elle est comme i5 à 17 , que dans notre animal , où elle est, ainsi que nous l’avons vu plus haut , comme 1 à 2 ; c’est que le renard est d’une forme beaucoup plus grêle. Nous trouvons parmi les pieds de derrière que nous avons décrits dans notre troisième mémoire, celui de l’article VII, et de la pl. VI , qui est long de o,i4, ce qui revient aussi. 10 7 4 ANNALES DU MUSEUM comme nous l’avons dit, à la longueur du pied du renard. Rien ne s’oppose à ce que ce pied ne s’adapte à la jambe de notre squelette, car le pied seroitau fémur comme 7 à 6 ou 6,5; et dans le cochon ces deux parties sont Comme 10 à g. Les animaux à sabots, à formes plus légères, ont le pied plus long; il est dans le boeuf comme 5 à 5, et dans le cerf la proportion est encore plus en faveur du pied ; mais ceux dont les formes sont plus lourdes ont des proportions in- verses. Dans le rhinocéros, le pied est plus court que La. cuisse d’un huitième. Il n’y a non plus rien que de naturel dans la proportion de la tête au pied ; nous avons déjà vu que cette proportion est presque réalisée dans le renard qui a la tête de o,i45, et le pied de 0,1 5. Notre animal, au contraire , a la tête un peu plus longue, comme i5 à i4 ; mais il y a bien d’autres es- pèces dans ce cas, et le cochon entre autres l’a comme g à 8. Si nous examinons maintenant les proportions du cou et des membres, nous verrons que l’humérus ayant o,io5, le cubitus sans l’olécrane 0,1 1 ; supposant à la main que nous n’avons pas, une proportion à-peu-près pareille à celle du cochon, elle auroit aussi environ 0,11; retranchant quel- que chose à cause des plis du coude et de l’épaule, on auroit à-peu-près o,5 pour la hauteur du membre de devant : or nous avons vu plus haut que le cou a o,i4 de long, etnous avons jugé que la tête en devoit avoir o,i5, c’est 0,2g pour la longueur totale. Il résulte de cette égalité que l’animal pouvoit paître et boire très-commodément, sur- tout si, comme sa qualité de palœotherium doit le faire croire , il a voit une petite trompe pour compléter ce qui manque à son cou et à sa tête pour égaler son train de devant. I)’ fl I S T O I R È NATURELLE. 75 Le fémur a du avoir à-peu-près 0,12 ou o,i3; le pied avoit o,i4, et sans le calcanéum 0,12 , nous pouvons aisément donner autant à la jambe ; ce sera pour l’extrémité posté- rieure o,36. Nous avons vu que l’extrémité antérieure a dû avoir o,3, c’est-à-dire 0,06 de moins, proportion très-or- dinaire et assez commode pour donner à l’animal de la fa- cilité à la course. Nous sommes donc à présent les maîtres de dessiner le squelette presque entier de notre animal ; et le squelette une fois reconstitué , il n’y a rien de si aisé que d’y attacher des muscles, puisque les limites des muscles sont déterminées d’une manière absolue par les apophyses des os auxquelles ils prennent les attaches. Le pied de devant nous manque encore à la vérité, mais comme nous connoissons celui du palæotherium medium, nous ne serons pas bien téméraires en supposant que le pied du paîæotherium minus n’en différoit que par la grandeur^ et non par le nombre des doigts. ANNALES DU M Ü S É U II ?6 CORRESPONDANCE. : Note adressée à V Institut national par AI. Ortéga. La compagnie des professeurs envoyés par le roi d’Espagne pour faire des découvertes au Mexique, a parcouru un es- pace d’environ îooolieues, c’est-à-dire depuis le cap d’Urenas, sur la côte méridionale de Nicaragua, jusqu’à l’emboucliure de la rivière Jaqui dans le golfe de la Californie. Comme au lieu de suivre la ligne droite N. S. ces savans ont fait plu- sieurs détours E. O. pour visiter le Mexique , le Guatimala et plusieurs provinces intérieures de ces deux royaumes , on peut compter que leur voyage dans cette partie a été de plus de 5ooo lieues. Ils ont poussé leurs excursions jusqu’à l’en- trée du Prince Guillaume, la baie de Bucarelli , l’île Char- lotte, Nutka, le détroit de Fuca et la presqu’île de Californie dans l’Océan Pacifique, enfin aux îles de Cuba et de Portô- Pvico dans l’Atlantique. Ces voyageurs ont observé de près quelques volcans, ana- lysé plusieurs sources d’eaux minérales, et ramassé une collection d’animaux et de végétaux qui sera bientôt publiée. Le nombre des animaux est de plus de 1000, et celui des végétaux d’environ 3ooo. Il y a un grand nombre d’espèces nouvelles, et à-peu-près 200 genres nouveaux, sans y com- prendre ceux que ces naturalistes ont trouvé déjà publiés à leur retour , parce que pendant leur voyage ils en avoient eux-mèmes envoyé les graines en Europe. d’h istoire naturelle. 77 NOTICE D’ une suite de recherches sur le nouveau métal qui existe dans le platine brut , extrait dé un deuxième mémoire lu à V Institut y le 2b pluviôse an XII J a r A. F. F O ü R C ROY.. J’Aidit, dans le mémoire précédent, que le platine traité par les acides laissoit une poudre noire insoluble, dans laquelle la fusion par la potasse et le traitement successif par l’acide muriatique qui la dissolvoit après cette fusion , avoit montré la présence du fer, du chrome et d’un métal nouveau. C’est sur cette poudre que nos recherches continuées avec ardeur, nous ont présenté les faits suivans : i.° Partie égale de potasse en favorise mieux l’oxidation et la division , ainsi que la dissolubilité par l’acide muria- tique, que ne le font trois ou quatre parties de cet alcali. 2.0 Ainsi traitée, la poudre laisse des grains métalliques blancs , fragiles, insolubles du nouveau métal pur. 5.° A chaque fusion avec la potasse, la poudre exhale, au moment où on la lessive avec de l’eau, une odeur âcre, pi- quante, comme styptique. Ces lessives distillées fournissent une liqueur très-odorante, d’une saveur astringente, don- nant par sa vapeur une couleur bleue foncée aux bouchons de liège, tachant la peau d’une couleur brune indélébile, 4. 11 78 ANNALES DU MUSEUM devenant d’un très-beau bleu par la noix de galle, et for- mant ainsi une espèce d’encre indestructible sur le papier. 4.° Cette singulière liqueur distillée devient rouge par lesprussiates,etcerouge passe au violet par l’acide nitrique. Une lame de zinc y forme, avec une couleur purpurine qui devient bleue, un précipité noir indissoluble du nouveau métal. Le sulfate de fer et l’hydrogène sulfuré y produisent les mêmes couleurs qui sont accompagnées de la destruc- tion de l’odeur. Enfin ce produit qui ne contient ni alcali, ni acide , est une véritable dissolution incolore du nouveau métal, dont le caractère principal consiste dans Codeur et la volatilité, puisqu’il passe à la distillation, et puisqu’il affecte l’odorat , comme ce qu’on Dominait l’esprit rec- teur ou l’arôme des végétaux. 5. ° Il n’y a cependant qu’une portion du nouveau métal, rendue par cette oxidation alcaline , soluble dans l’eau , volatile et odorante, puisqu’en jetant de l’acide nitrique dans la lessive alcaline avant sa distillation , elle se décolore et précipite des flocons bruns, sans cesser de fournir, par la distillation, après cette décomposition par l’acide, le pro- duit blanc volatil et odorant dont j’ai parlé. 6. ° Le précipité formé par l’acide nitrique dans la lessive alcaline de la poudre résidu du platine, est rouge-violet quand il est humide ; il passe au bleu et au noir quand il est sec. Il se dissout dans l’acide muriatique avec l’odeur âcre déjà indiquée , et cette dissolution distillée donne un produit acide, odorant, âpre et styptique, qui présente , par les réactifs , des propriétés analogues au produit distillé de la lessive alcaline. Le métal nouveau porté à un certain d’ histoire naturelle. 79 point d’oxidation, est donc volatil et odorant avec les acides comme avec l’eau. 7.0 Pour obtenir le nouveau métal pur, après avoir fait fondre et oxider la poudre résidu du platine qui contient du chrome, du fer et de la silice, onia lessive, on dissout la matière qui reste dans l’acide muriatique, on a d’abord une dissolution verte à cause du fer qu’elle contient , et qui devient d’un bleu-foncé. On évapore la dissolution acide qui passe au rouge , on en sépare la silice qui se précipite par la chaleur, et on plonge dans la liqueur décantée, du zinc en lames, après y avoir ajouté quelques gouttes d’acide mu- riatique; sa couleur rouge repasse au vert et au bleu, et elle dépose bientôt, en se troublant, des flocons noirs brillans qui sont le métal nouveau en poussière fine. On peut aussi calciner dans un creuset d’argent le muriate du nouveau métal, après l’avoir lessivé avec l’alcool qui en sépare le muriate de fer. On peut encore précipiter son muriate étendu d’eau par le gaz hydrogène sulfuré qui entraîne le nouveau métal uni au soufre sans précipiter le fer. Dans le second procédé, l’acide muriatique s’échappe, et dans le troisième, le soufre se volatilise par la sublimation, en lais- sant également le métal pur. 8.° Quoique nous n’ayons encore obtenu que quelques grammes du nouveau métal par les procédés indiqués , ces petites quantités nous ont suffi pour y reconnoître les pro- priétés suivantes : a. Il est dur, brillant, blanc grisâtre, et très-fragile. b. Sa poussière chauffée fortement au chalumeau se vo- latilise sans se fondre en une fumée blanche. c. Quand on le traite avec du borax à un grand feu, 011 11 8o ANNALES DU MUSEUM l’obtient en petites masses fondues, adhérentes entre elles, blanches, brillantes, fragiles, et qui ont perdu beaucoup de leur poids. d. Ce métal est indissoluble dans tous les acides, meme le nitro-muriatique le plus fort, employé à la dose de trois ou quatre cents parties. Il ne de vient dissoluble qu’après avoir été fondu avec la potasse qui l’oxide assez fortement et en raison du contact de l’air; après cette fusion et oxidation, les acides sulfurique et muriatique le dissolvent et donnent des dissolutions vertes qui deviennent bleues par l’addition de l’eau, et rouges par la chaleur. L’acide- nitrique prend toujours une couleur rouge dans cette dissolution. e. Le prussiate de potasse ne précipite pasles dissolutions acides du métal nouveau. La noix de galle les fait passer au violet et y forme un précipité rouge-brun. L’hydrogène sul- furé les décolore et y donne un précipité pulvérulent d’un brun-noir. Beaucoup de métaux, et sur-tout le zinc changent les couleurs de ses dissolutions, et en séparant le nouveau mé- tal sous la forme d’une poussière verte foncée ou noire. j^De toutes les expériences faites jusqu’ici sur le métal nou- veau qui accompagne le platine et qui reste après la dissolu- tion de celui-ci par l’acide nitro-muriatique, il résulte évi- demment que ce métal a très-peu d’attraction pourl’oxigène, ou est très-peu combustible ; que beaucoup d’autres corps ont la propriété de lui enlever ce principe; que cependant il est susceptible d’en absorber de l’air pendant sa fusion avec la potasse , et d’en absorber des quantités diverses qui lui donnent des propriétés un peu différentes, et sur-tout des couleurs variées , verte , bleue, rouge et même blanche. g.- Les mêmes expériences nous ont appris que le nouveau d’histoire naturelle. i8 métal n’est pas uni au chrome et au fer, comme nous l’a vions déjà pensé d’après nos premiers essais, mais qu’il y est libre, isolé, ou tout au plus uni à du platine, tandis que le chrômale de fer n’y est que mélangé. Ces premiers faits ne sont au reste que les plus impor- tuns résultats d’un grand travail que nous avons entrepris depuis plus d’un an, le citoyen Vauquelin et moi; il reste une longue suite d’expériences à faire encore sur ce métal singulier si différent de tous les métaux, sur ses propriétés caractéristiques , et sur ce qu’il peut présenter de remar- quable pour la chimie et l’histoire naturelle. Nous conti- nuons nos recherches avec persévérance ; et je consignerai, dans les Annales du Muséum, ce qu’elles nous auront fourni d’important et d’utile, à mesure que notre travail avancera, et qu’il donnera lieu à de nouvelles découvertes» 8a ANNALES DU MUSEUM MÉMOIRE Sur le Grewia, genre de plantes de la famille des Tiliacées. Par A. L. JUSSIEU. Lorsque l’abbé Gallois revint de Chine en 176b , il en rapporta plusieurs végétaux vivans dans le nombre des- quels étoient deux petits arbrisseaux inconnus. Le premier, donné par lui sous le nom du vrai Thé , et déposé dans le jardin de Trianon, fut jugé très-différent par Bernard de Jussieu qui le prit pour une nouvelle espèce d’orme, et son soupçon ne fut confirmé que long-temps après, lors- que l’arbrisseau multiplié de bouture et distribué dans divers jardins , donna enfin ses fleurs et ses fruits. Le second à feuilles alternes, ovales et stipulées, ayant le port d’un Grewia , fut donné à la princesse de Marsan à laquelle Lemonnier, son médecin et son ami , avoit inspiré le goût de la botanique et des collections de plantes étrangères. Il fut placé dans sa petite maison de Montreuil près Versailles, où elle avoit établi ses serres et ses cultures. Lorsque Lemonnier devint propriétaire de cette maison et de tous les végétaux qui y étoient conservés, l’arbrisseau de Chine fit partie de cette collection. Il n’a voit point encore fleuri quoiqu’il eût acquis 1 PL, JLLP/L, 1. GREWLA MULTIELORA 2 . GlïEWIA JVITIR A d’histoire naturelle. 85 une certaine croissance ; cependant on le regardoit toujours comme un Grewia, et Lamarck, en 1789, le citoit dans l’Encyclopédie méthodique, comme ayant quelques rapports avec son Grewia pilosa. Lemonnier espérant qu’il fleuriroit plutôt dans la grande serre de Mesdames de France à Bel- Jtfvue, le céda à ces princesses ; mais il continua à végéter dans ce local sans donner aucune fleur. Il fut transporté, il y a environ dix ans, au Muséum d’histoire naturelle avec d’autres plantes de la meme collection, et déposé dans la grande serre du jardin où il s’est élevé à la hauteur de douze pieds, produisant un feuillage assez épais et d’un verd très-agréable. Enfin, après une longue attente, il a produit une seule fleur l’automne dernier, et l’on a pu s’assurer que c’étoit un Grewia , comme onl’avoit toujours présumé; c’est donc une espèce nouvelle à ajouter à celles déjà connues. Le genre Grewia que l’on a traduit en français sous le nom de greuvier, a été établi par Linnæus en 1737, dans la première édition de son Généra plantarum. Il a des caractères assez frappans pour être distingué de tout autre. Son calice est à cinq divisions profondes colorées dans leur intérieur; ses pétales au nombre de cinq, garnis à leur onglet d’une écaille intérieure ou d’une glande velue dans son con- tour, sont attachés au bas d’un support central plus ou moins élevé, qui porte à son sommet des étamines nom- breuses et distinctes dont les anthères sont arrondies, et qui entourent un pistil central élevé sur le même support. Il est surmonté d’un style simple terminé par un stigmate à plusieurs lobes, et devient une baie charnue contenant ordinairement quatre noyaux osseux, chacun à deux loges t 84 ANNALES DU MUSÉUM remplies d’une seule graine, dont l’embrion aplati est re- couvert d’un périsperme charnu. Ce genre qui d’après cette description appartient à la famille des Tiliacées, n’est com- posé que d’arbrisseaux ou petits arbres dont les feuilles sont toujours alternes, simples, stipulées; et les fleurs disposées, au nombre de deux à six, en ombelle sur des pédoncules axillaires garnis d’écailles qui entourent la base defombelle. Le support central qui élève les étamines et le pistil, forme avec les écailles ou glandes des pétales, le principal carac- tère distinctif du Grewia , et ne lui est commun dans cette famille qu’avec le Colona, genre nouveau de Cavanilles; mais celui-ci diffère du premier par son fruit sec, divisé à sa ma- turité en quatre parties anguleuses du côté de leur contact, convexes et ailées du côté extérieur, remplies chacune de deux loges et d’autant de graines. Linnæus, qui avoit placé le Grewia dans sa gynandrie à cause du support sur lequel les étamines sont élevées , publia, en 1737, la première espèce connue alors vivante dans le jardin de Clififort, c’étoit son G. occiclejitalis ; il indiqua en même temps une seconde espèce mentionnée dans l’hort. malab. vol. 5 , p. 91 , t. 4g , sous le nom de Pai - paroea , qu’il rapporta peu après à son G. orientalis , et qui dans la suite fut jugée différente. Dans son premier M antis sa , en 1767, il ajouta une troisième espèce, G. asiatica , et dans la douzième édition de son systema pu- bliée quelques mois après, il réunit au Grewia son genre Microcos j auparavant séparé et placé dans sa polyandrie, parcequ’il n’y avoit pas remarqué d’abordle pivotccntral, ni les glandes des pétales , ni les quatre noyaux biloculaires du fruit. Cette addition n’enrichit le genre que d’une espèce, le d’ histoire naturelle. 85 Microcos paniculata , qui fut nommée G. microcos ; une autre, M. lateriflora , fut confondue par cet auteur avec le G. asiatica. Forsteravoit publié, en 1776, dans sa flore australe un genre nouveau , sous le nom de Mallococca dont il n’avoit qu’une espèce. Quoiqu’il ne fît pas mention du support des étamines et des glandes des pétales, ses autres rapports avec le Grewia étoient si frappans que l’on pouvoit supposer l’existence de ces deux caractères, et Linnæus fils, dans son supplementum publié en 1781, le nomma G. mallococca. Il ajouta aussi une sixième espèce, G. salvifolia , reconnue depuis pour appartenir au genre Alangiam placé loin de là dans une autre famille, et même dans une classe diffé- rente. Yahl et Lamarck, en 1789, ont encore réuni au Grewia le genre que Forskal , dans sa flore d’Arabie, nomme Chadara , et qui renferme trois espèces maintenant désignées par Yahl dans ses Symbolœ sous les noms de G. populifolia , G. excelsa et G. vclutinaMc même auteur en ajoute quatre autres, G. lœvigata , G. glandulosa , G. hirsuta , G.tiliœ- folia , et rapporte à cette dernière le Microcos laterifolia que Linnæus avoit réuni à une autre espèce. Lamarck re- tranche le G. orientalis qu’il ne connoît pas , pour y subs- tituer son G. pilosa que quelques botanistes pourront croire le même décrit avec plus d’exactitude. Enfin YVdldenow, n’admettant pas ce changement de nomenclature, et plaçant plus naturellement le Grewia dans la Polyandrie, rappelle, en 1799 , dansson édition de Linnæus , onze des espèces précé- demment énoncées. Il en sépare le G. microcos qu’il rétablit comme genre distinct , parce que le fruit, selon lui, ne contient qu’un noyau à trois loges, et que ses pétales sont nus à leur 4. 12 86 ANNALES DU MUSEUM onglet. Nous nous sommes assurés , par plusieurs observa- tions, de l’existence du support central et des pétales glan- duleux dans cette plante; ce qui nous fait présumer que l’autre différence observée dans le fruit tient à quelque avor- tement, et que ces deux genres ne peuvent être séparés. Ainsi le Grewia d’abord formé sur une seule espèce, a été grossi successivement, soit par l’addition d’autres es- pèces, soit par la réunion de trois genres voisins. Nous pouvons maintenant au moins le doubler en y ajoutantl’es- pèce qui vient de fleurir au jardin après trente-huit années d’attente, et plusieurs nouvelles dont divers voyageurs ont enrichi nos herbiers. Nous en devons une des Philippines à Commcrson, une de Madagascar à Aubert du Petit- Thouars , trois d’Oware sur les côtes d’Afrique à Palisot- Beauvois, trois du Sénégal à Adanson, sept de Java et de l’Inde au jardinier Laliaye qui a accompagné le navigateur d’Enlrecasteauxdans sa recherche de l’infortuné Laperouse. Ce surcroît considérable nous a paru assez important pour mériter d’être consigné dans un mémoire qui présentera la description abrégée de ces espèces, et leur distribution dans le genre. Le. désir de répandre sur ce travail plus de clarté, nous engagera à comparer dans ces descriptions les espèces nouvelles aux anciennes, et à présenter une courte mono- graphie du genre, après l’avoir fait précéder par les obser- vations suivantes : i.° Le plus grand nombre a les feuilles marquées à leur base en dessous de trois nervures principales dont les deux latérales se prolongent plus ou moins ; quatre ou cinq espèces seulement ont cinq nervures , et dans celles-ci les feuilles sont ordinairement plus larges relativement à leur longueur. - Nous avons cru devoir employer ce caractère en second^ d’ HISTOIRE NATURELLE. pour établir des divisions dans le genre. Le silence des au- teurs dans l’énumération de ces nervures pour les espèces que nous n’avons pas vues , nous a quelquefois embarrassé pour les bien placer. 2.0 Le pivot qui élève les organes sexuels est ordinaire- - ment glanduleux dans son contour, et suinte de toute sa surface une liqueur mielleuse ; supérieurement il est bordé par un bourrelet ou renflement souvent garni de poils qui entoure le point d’attache des étamines. Les pétales insérés au bas de ce pivot, le recouvrent par leur base élargie et droite que tapisse intérieurement un corps charnu ou une glande dont le contour est dessiné par un rang de très- petits poils disposés en auréole; le diamètre vertical de chaque glande égale toujours la hauteur du pivot, et les bases des pétales rapprochées présentent ensemble la forme d’un godet ; si ce pivot est très-court, la glande est presque nulle. 5.° La partie du pétale qui se prolonge en dessus de la glande varie dans les espèces. Dans les unes elle est très- courte, ayant moins d’une ligne de longueur; et cecaractèrc se remarque particulièrement dans plusieurs de celles dont les feuilles sont plus alongées. Dans d’autres elle s’élève à la hauteur de la moitié ou des deux tiers des divisions du calice, ou plus rarement elle leur est égale, et dans tous ces cas elle ne conserve 'pas la direction verticale ; cette conformation a lieu ordinairement dans les espèces à feuilles plus courtes. Les auteurs n’ont pas toujours indiqué exac- tement ce caractère qui nous a paru le plus naturel pour diviser le genre , puisqu’il a quelques rapports avec les di- mensions des feuilles. 4.° Dans le nombre des espèces nouvelles, quelques-unes * 12 88 ANNALES DU MUSEUM offrent des particularités remarquables. Le G. apetala , d’après des observations répétées sur plusieurs fleurs et même sur des boutons ouverts avec précaution, n’a que quatre divisions au calice , et manque absolument de pétales comme le Sloanea, le Ryanici,\eFlacurtia, autres genres de la même famille ; mais il a , comme le Grewia , les organes sexuels élevés sur un pivot, et le calice coloré intérieurement. Il est difficile de l’éloigner de ce genre dont il a d’ailleurs tout le port, mais il faudroit voir le fruit pour mieux décider s’il doit lui rester réuni ou former un genre voisin. Le pédoncule des fleurs plusieurs fois rameux, présente une nouvelle différence dans cette même plante. 5. ° Le G. eriocaipa n’a point de pivot sous les étamines, ou, s’il existe, il est si court qu’on le remarque difficile- ment. Comme nous n’avons qu’un échantillon en fruits déjà noués , le calice n’a pu être observé qu’imparfaitement; il n’y reste aussi qu’une portion des étamines qui ont la même forme que celles du Grewia , et quelques pétales très-petits linéaires non glanduleux , qui paroissent éloigner cette plante, malgré son port semblable. Nous sommes portés à croire que le G. velutina , et le G. eeltidifolia mieux connusse confondront ensemble, et rentreront facilement dans une des sections qui les précèdent. 6. ° Nous avons figuré douze espèces nouvelles et deux de celles qui sont dans le symboles de Yahl , en ne donnant que le trait suffisant pour les faire reconnoître, afin de ménager les moyens d’en présenter un plus grand nombre. Plusieurs retrouvées dans différens herbiers existansà Paris , ne nous ont été connues que lorsque les gravures étoient terminées et presqu’au moment où le mémoire étoit livré à l’impres- sion. Celles que l’on n’a pu dessiner, soit par défaut de temps, soit pour ne pas surcharger l’ouvrage, ont été désignées assez exactement dans la description, pour qu’on puisse les reconnoître. Nous ajouterons ici que, parmi toutes ces espèces déterminées la plupart sur des échantillons set s et isolés, quelques-unes pourront dans la suite, malgré l’at- tention donnée à ce travail , se confondre dans la même , ou former de simples variétés , lorsqu’elles auront été véri- fiées sur un plus grand nombre d’individus. i. Petala brevissima. Folia basi trinervia. r. G. Mdltiflora. (pl. xlvii , f, 1.) Folia tripollicaria ovato-lanceolata , sermta , glaberrima ; pedunculi 2-4 juncti , graciles longi , 3-4 jlori ; calicis laciniœ parvæ lanceolutce ,staminibus longiores.Fructus ignolus. Ex insulis Philippin is. Car.es siccâ. 2. G. guazumæfolia. (pl. xlyiii, f. 3.) Folia quadripollicaria ovato-oblonga acumi - nata , dentato-crenata crenis inferioribus glandulosis remotioribus , suprct glabra , subtùs subtomentosa ; pedunculi solitarii longi i-Z- Jlori ; calicis laciniœ longœ angustœ, staminibus vix duplo longiores. Fructus ignotus. Ex Javâ. Car. ex siccâ. 3. G. tomentosa. (pl. xxix, f.i) Folia quinquepollicaria , ovato-lanceolata longa utrinque tomentosa , h inc latiora et basi productiora ( ut in celtide ) , inœqualiter dentata ; pedunculi brèves multiflori ; calix oblongus staminibus subœqualis. Fruc- tus ignotus. Ex Javâ. Car. ex siccâ. 4. G. iiirsuta. Vahl symb. e p. 34; Lin. Wild. 2, p. 1166. Folia (ex Vahl), lanceolata acuminata basi rotundata, altéra latere breviora , mollia subtùs villo- ■siora, inœqualiter serrata; pedunculi terni , a ut interdùm solitarii , trijlori, floribus ses- silibusypetalabrevissima ciliata.TLxlmWà orientali.Car. exVahl.An præcedenti aiïinis? 5. G. mallococca. Lin. fil. suppt. 409 ; Lin. Murr. ed. i4,p. 827 ; Lam. dict. 3, p. 44 ; Lin. Wild. 2, p. n65. — Mallococca crenata Forst. gen. 3g. Folia ovata erenata subscabra , suprà virentia , subtùs pallidiora , spitkamœa ; pedunculi ge- mini, unciales trijlori ; calicis laciniœ ovatœ crassœ , staminibus longiores ; drupa villosissima quadriloba. Exinsulà Tongatabu. Car. ex Forst. mss. qui petala dicit brevissima, basi carnosa, rnedio villosa, et stipitem germinis nec memorat nec delineat. 6. G.MiCRocos. Lin. syst. ed. 12 , p. 602; Lam. dict. 3, p. 44; Lin. Gmel. p.818. -Microeos.... Burm. Zeyl. i5g , t. 74. — Microcos paniculata Lin. sp. 1 , p. 5i4 ; Lin. Wild. 2, 1168,— Schageri-cottam hort Malab. i-, t. 56. — Folia semipedalia magna i)0 ANNALES DU M U S É ÏÏ M ovato-lanceolata acuminata glabra , subtils venosa , sub integra aut vix crenulata \ flores paniculati terminales paroi; calicis laciniœ stamin ibus longiores^ petala ii selon triplà bre viora- fructus glaber. Ex Tndiâ orientali. Germen vidi yerè stipilalum slipite brevi et petala basi glandulosa. Car. ex siccâ. 2. Petala oblonga. Folia basi trinervia . 7. G. VEünucosA. Folia bipollicaria ovato-oblonga , margine inæqualia et serrata , supra subscabra sœpè verrucosa , subtùs tomentosa ; pedunculi solitarii brèves 1-2- flori , flor ibus parvis; calicis laciniœ angustœ staminibus longiores ; petala iisdem breviora ; fructus lœvis , sphœricus aut didymus. Ex Java. Car. ex specimine for- san adulterato et ex flore unico malè observato. AfFmis sequenti et hujus forte va- rietasex Yahl apud nos ipsam observante. 8. G. excelsa. Yahl symb. 1 , p. 35. — Lin. Wild. 2, 1 166. — Chadara arbo- re® Forsk. ægypt. p. io5. — G. arborea Lam. dict. 3, p. 45. Folia oblonga , inœ- qualiter obtuse serrata , supra lœvia , subtus incana j pedunculi sœpè solitarii , tri- flori; calicis laciniœ lanceolatœ staminibus et petalis longiores. Fructus ignotus. Ex Ægypto et Arabiâ ubi Sœrach dicitur. Car. ex Vabl et Forskal 9. G. eicoloh. ( pl. l , f.2. ) Folia bipollicaria ovato-oblonga obtusa , glabra ar • gutè serrulata quasi integra , supra nigro-virentia , subtùs incana ; pedunculi 2-3, oblongi , apice 2-3-flori ; calicis laciniœ angustœ , staminibus et petalis œqualibus paulo longiores. Fructus ignotus. Ex Sénégal. Car. ex siccâ. 10. G. cuNEiFOLiA. ( Pl. xr.ix, f. 2. ) Folia sesquipollicaria cuneiformia crassiuscula glabra , apice rotundato crenata , basi cuneatâ integra ; pedunculi solitarii oblongi b i flori ; calicis laciniœ angustœ , staminibus et petalis œqualibus paulo longiores* Fructus ignotus. Ex Madagascariâ. Car. ex siccâ. 1 1 . G. NiTiDA.(pl Xï.xu,î.2)Folia bipollicaria ovato-oblonga crenulata glabra , lœtè virentia -, pedunculi solitarii brèves \-2- flori • calicis laciniœ ovatœ , petalis ovatis eb staminibus œqualibus longiores. Fructus ignotus. Ex China. Caracterex vivâ in hort„ paris. , tandem observatus in flore unico. 12. G. ovalifolia. Folia bipollicaria ovalia apice attenuato , crenulata, glabra , virentia ; pedunculi 2-3- flori , solitarii axillares aut in ramulis termi~ nales -, calicis laciniœ longœ , staminibus subœquales , petalis duplb longiores : fruc- tus glaber. Ex Coromandelia. Car. ex siccâ. Folia non aspera ut in sequenti neo fructus pilis obsitus. 13. G. orientales. Lin. sp. ed. 1 , 964 ; Lin. Wild. 2 , p. n65. — Pai-paroëa hort. Malab. 5 ,t. 46. — Frutex.... Pluken. t. 5o,f. 4. — Folia bipollicaria ovalia oblonga , obtusè acuminata , subtùs subaspera ( more ulmi ), crenata ; pedunculi axillares aut terminales 3- k- flori ; calicis laciniœ longœ staminibus œquales et pe-4 d’ histoire naturelle. 91 talistriplù longiores ; germen villosissimum ; fructus ex Rheedio/n7osw,s quadrilobus. Ex Indiâ orientali. Car. ex siccâ. A sequenti discrepat foliis angustioribus acuminatis non crassiusculis et petalis multo brevioribus : undè huic , potiùs quàrn G. pilosæ, additur nomenLinnæanuin cum synonymià Plukenelii etpræcipuè Rbeediiqui folia describit acuminata et petala brévia delineat. 14. G. pilosa. Lam. dict. 3 j p. 43. Folia bipollicaria ovata crassiuscula subas- pera ( more ulmi ) , crenata ; pedunculi 2 -6-flori axillares et terminales ; fructus pi - losus. Ex India orientali. Car. ex siccâ apud Lamark. Florera non vidi. Petala , ex Laraark, calicinis divisuris linearibus oblongis paulô breviora. 1 5. G. glandulosa. (pl. xl vin , f. 1 .) Yahl symb. 1 , p. 34 ; Lin. Wild. 2, p. 11 66. Folia tripollicaria ovato-laneeolata acuminata utrinque Iccvia , crenulata , crenis in- ferioribus gland ulosis ; pedunculi solitarii brèves crassi sub trifori ; calicis laciniœ oblongæ petalis ovatis majores , slaminibus œquales. Fructus ignotus. Ex iusulà Mauvilianâ. Car. ex siccâ. 16. G. lævigata. Vahl symb. 1, p. 34 ; Lin. Wild. 2, p. 11 66.- Folia a-3-polli- caria elliptica , obtuse acuminata , utrinque lœvia ,apice serrata , basi integerrima ; pedunculi solitarii longi trijlori. Ex Indià orientali. Car. ex Yahl. 17. G. mollis. Folia tripollicaria ovalo-lanceolata , dentato-serrata dentibus in- finis distantibus crassiusculis , mollia , supra glabra, subtùs tomenlosa , brevè pe- tiolata ; pedunculi subsolilarii ,petiolis longiores sœpè trifori ; calicis laciniœ lotigce angustœ , stamina vix superanles et petalis duplo longiores ; geimen basi villosum „ Fructus ignotus. Ex Sénégal et Owarià. Car. ex siccâ. 18. G. flavescens. Folia bipollicaria , ovato-oblonga acuta , sub apïce obtuse an- gulata , inœqualiter. serrata , utrinque pilis stellatis conspersa , brevè petiolata ; sti- pulai lineares petiolo longiores ; pedunculi eidem œquales , subsolilarii trifori \ calicis laciniœ longœ, staminibus et petalis [fa vescen tibus'j subœqualibus paulo longiores Fructus ignotus. Ex Indiâ orientali. Car. ex siccâ. AfKnis sequenti. 19. Gkewia acuminata. ( pl. xl vin, f. 2. ) Folia tripollicaria ovato-oblonga , acu- mincta crenulata basi subrotunda glabra ) pedunculi sœpè geminati , longi 2-3-fori, calicis laciniœ longœ pollicares , petalis triplé et staminibus quadrante longiores ; ger- men tomentosum. Fructus ignotus. Ex Javâ. Caracter ex siccâ. 20. G. CARFiNiFOLiA. ( pl. li, f. 1. ) Folia bipollicaria ovata , basi cordata, apice acuta ( ut in carpino ), seirata, supra lœvia , subtùs subaspera ; pedunculi 1-2 brèves sub trifori ; calicis laciniœ longœ angustœ staminibus œquales , petalis longiores 7 fructus lœvis pisiformis. Ex Guineâ et Owarià. Car. ex siccâ. 21» G. megalocarpa. Folia ( pi'ini ) vix sesquipollicaria oblonga , obtuse acumi- nata serrata lœvia ; pedunculi solitarii ob longi \-3-flori ■ fructus magnus ( prœ con— generibus ) , glaber quadrilobus esculentus. Flos non observatus. Ex Owarià ; naos à Palisot-Beauvois delineanda. Car. ex siccâ. 92 ANNALES DU MUSEUM 22. G. obliqua. Folia sesqnipollicaria lanceolata dentibus crassiusculis , altero latere latiora indè obliqua , utrinque pilis stellatis conspersa , brevè petiolàta ; sti- pulée Hneares petiolo œquales; pedunculi eodem longiores solitarii triflori ; stamina petalis longiora, calice oblongo breoiora. Fructus ignotus. Ex Indiâ oriental!. Car. ex siccâ. 23. G. oceiDKNTALis. Lin. Sp. ed. 1, g64 j Lin. Wild. 2 , n65; Lam. dict. 3, p. 4a. — Lirai folia.... Pluken. t. 237, f. i;Comm. hort. 1 , t. 85 ; Seba V. 1 , t. 26 , f. 3. Folia pollicaria ovcilia crenata glabra ; pedunculi solitarii 1 -3 -jlori ; calicis laciniæ oblongœ angustæ , staminibus paulo longiores , pelalis conformibus œquales ; fructus glaber. Ex Ælhiopiâ et Capite-bonæ-Spei. Car. ex vivà. Petala oblonga. Folia basi quinquenervia. 24. G. populifolia. Vahl symb. 1 , p. 33 ; Lin. Wild. 2, p. 11 65. — Chadara tenax Forsk. ægypt. p. io5. — G. chadara Lam. dict. 3, p. 44. Folia orbiculata ( populi tremulœ ) inœqualiter obtuse dentato-crenata , suprà glaberrima , subtàs vix pubescentia ; pedunculi solitarii filiformes longi uniflori ; calicis laciniæ lineares oblongœ , albidœ , staminibus longiores , petalis albis dimidio minores ; fructus co- riaceus glaber sœpè bilobus et dispermus. Ex Ægypto et Arabiâ, Arabibus Chadar. Car. ex Forsk. et Vahl. An Folia quinquenervia ? 25. G. BETULÆFOLIA. (Pi x., £. x.) Folia pollicaria cordata serrata subvillosa ; pedunculi solitarii graciles longi abortu unifori ; calicis laciniæ longœ staminibus et petalis œqualibus paulo longiores. Fructus ignotus. Ex Sénégal. Car. ex siccâ. Anteà culta in borto parisiensi ubi dicta G. foliis angulatis , fltire albo. An eadem cum præcedenti ? 26. G. rotundifoua. ( pl. l, f. 3. ) Folia semipollicaria rotunda ( fer'e betulœ pu- milce ), crenulata subtomentosa albida ; pedunculi 2-3 oblongi i-5-flori floribus parois ; calicis laciniæ oblongœ staminibus subæquales , petalis duplo longiores ; germen albidum tomentosum. Fructus ignotus. Ex Coromandeliâ. Car. ex siccâ. 27. G. asiatica. Lin. mant. 122. Syst. ed. 12, p. 6o3 ; Lin. Wild. 2 , p. 1167 ; Sonner, it. ind. 2 , p. 244 , t. i38 ; Lam. dict. 3 , p. 43 ; Vahl symb. 1 , p. 35. Folia ( tiliœ ) '2-3-pollicaria , cordato-subrotunda , inœqualiter acutè serrata , suprà glabra , subtàs canescentia , petiolo brevi incrassatoy pedunculi 2-4 longi sœpè triflori ; calicis laciniæ oblongœ staminibus paulo longiores ;petala ouata , calice duplo breviora ; germen tomentosum. Fructus ex Sonnerat cerasiformis glaber , rubens acidulus edulis. Ex Coromandeliâ ubi Falsé dicitur. Car. ex siccâ. 28. G. abutilifolia. Vent. herb. Folia 5-pollicaria latissima cordata , apice Smuato an gulata , inœqualiter dentata , suprà subscabra , subtàs subtomentosa , pe- tiolo oblongo y pedunculi 2-3 ? petiolis duplo breviores , triflori y calicis lattiniœ ob- d’histoire NATURELLE. çp longer, , slaminibus subœquales etpetalis duplo longiores ; germen villosum ; fructus cerasiformis glaber. Ex Java. Car. ex slccà apud Ventenat. AfïinisG. tiliaefoliae , sed flores et fructus majores ; folia majora apice sinuala , et horum nervi latérales infimi breviores ac tenuiores. 2g. G. tilxæfolia. ( pl. ni’, f. 2. ) Yahl symb. î, p. 35 ; Lin. Wiltl. 2 , p. 1167.- Microcos laterifolia Lin. Sp. ed. 1 , p. 5i4, ex Vahl. Folia ( tiliœ ) tripollicaria cordato-subrotunda, obtuse et subœqualiter serrata,allero baseos latsre interdùm paulà latiore , utrinque glabra ,petiolo oblongo non incrassalo ; pedunculi 2-3 , petiolis bre - viores trijlori foribus parois ; calicis laciniæ angustœ, staminibus et petalis angnstis longiores ; fructus pisiformis , scepè bilobus et dispermus. Exlndià orienlaliet Zey- lonà. Car. ex Yahl et ex siccâ. IV. Species dubiœ cuit minus cognitæ. 30. G. atetala. (pl. xi.ix, f. 3.) Folia tripollicaria obovata basi cuneiformia et tri - nervia , crenulata subaspera ;pedunculi axillares subsolilarii ramosi , divisuris brac- teatis i-o-jloris ; calix oblongus quadripartitus ; petala nulla ; stamina calice paulo hreviora , summo stipiti pistillifero inserta ; germen unistylum. Fructus ignotus. Ex Java. Car. exsiccâ.Defectus petalorum et calix cjuadripartitus etpedunculus ramosus affinitatem minuunt. 3 1 . G. ekiocarpa. ( pl. li , f. 3. ) Folia ( fere coryli ) tripollicaria ouata , obtuse ser- rata , suprà glabra , subtùs tomentosa , basi quinquenervia et hîne quandoque paulo laliora , brevè petiolata ; pedunculi 1-3 axillares ohlongi sœpè trijlori ; calix parvus ; petala angustissima parva , staminibus et calice hreviora , non basi glan- dulosa : germen lanatum albidum , non aut vix stipitatum. Fructus ignotus. Ex Java. Car. ex siccâ. A genere difiert petalis non glandulosis et stipitis defectu , habitu tamen affinis. 32. G. celtidifolia. Folia à-pollicaria ovato-oblonga , basi latiore et Tiinc pro- duction semicordata ( ut in celtide ) sub quinquenervia , apice rotundato cicuminata, dense crenata , suprà passim ad nervos pilosa , subtùs tomentosa , brevè petiolata ; pedunculi 1 -3,imis ramulorum foliis axillares , petiolis paulo longiores trijlori. Flos nondàm observatus. Fructus in immaturo observatus , stipitatus pisiformis tomen - tosus canescens. Ex Java. Car. ex siccâ. Affinis G. tomentosæ sed folia subquinquer- via , suprà minus pilosa, apice non acuto sed acuminato , et flores non terminales. An petala brevissima ? 33. G. velutina. Vahl symb. 1 , p. 35 ; Lam. dict. 3 , p. 45; Lin. Wild. 2 , p. 1197. — Chadara velutina Forsk. ægypt. p. 106. — Folia pollicaria ovata obtusè et remotè serrata, utrinque mollissimci , subtùs subtomentosa albida , basi latere altero obliqua , brevè petiolata ; pedunculi 2-3 axillares brèves 3-Jlori Jloribus parvis. Vœtera ignota. Ex Arabiâ ubi Nescham dicitur. Car. Yahl. 4. i3 94 ANNALES DU MUSÉUM MOUVEMENS DE LA MENAGERIE, \A rticle où Von fait connoître quelques faits nouveaux relatifs à V histoire naturelle du Jaguar , du Paca , du J^autour royal , des Chiens-mulets et de V Agouti. Par E. GEOFFROY. § I.er Du Jaguar . Nous devons aux recherches que le générai Leclerc a fait faire dans le continent de l’Amérique, et au zèle éclairé du citoyen Daure, préfet colonial, qui l’a secondédanscet objet, la possession de plusieurs animaux intéressans par les ren- seignemens qu’ils nous ont procurés; ce sont trois jaguars et le roi des vautours dans son premier plumage. On appelle jaguar, felis onza , un grand animal de la fa- mille des tigres dont la peau est couverte de taches oeillées sur un fond fauve ou jaunâtre; la plupart des voyageurs dans l’Amérique méridionale lui attribuent une grande taille. Us s’élendent sur-tout sur ses cruautés et ses dévas- tations, qui remplissent tout le pays de la plus grande ter- reur; mais aucun, si ce n’est tout récemment M. d’Azzara , ne l’avoit décrit de manière à le bien faire reconnoître : encore la description de ce savant estimable n’assigne-t-elle au jaguar d’autre différence, d’avec la panthère, qu’une taille plus considérable et des taches annulaires plus larges. Buffon qui crut en publier deux figures, l’une tom. g, ph i8> d' HISTOIRE NATURELLE. fc)5 et l’autre tom. 3 (les supplémens, pl. 39 , ne fit, ainsi que l’a remarqué mon savant et célèbre confrère M. Cuvier, que répéter la figure de l’ocelot ,felis pardalis . Nous 11’avions donc sur ce sujet que des idées fort incer- taines, lorsque nous vîmes arriver de Saint-Domingue un jaguar ; nous le trouvâmes au premier aperçu si semblable aux panthères vivantes dans la ménagerie, que nous le ju- geâmes de la même espèce; et comme nous ne perdons pas de vue que Bufïon a parfaitement bien démontré que les animaux de la zone torride d’un continent lui sont exclu- sivement propres, nous supposâmes, (mais à tort, ainsique nous l’apprîmes dans la suite) que ce jaguar étoit une vraie panthère d’Afrique qu’on avoit trouvée à bord d’une prise, et qu’on nous avoit ensuite expédiée. Nous nous étions ar- retés à cette conjecture, lorsque le général Rochambeau nous fit un second envoi de jaguars, avec l’avis bien po- sitif qu’ils avoient été tirés du continent ; de plus, l’auteur de l’histoire des quadrupèdes du Paraguay, M. cPAzzara ,. que nous avons le bonheur de posséder en ce moment à Paris, nous sachant encore quelques doutes à cet égard, voulut bien se transporter avec nous dans la ménagerie pour nous faire part de ses observations ; il reconnut nos jaguars pour les animaux qu’il avoitvus etdécritsdans le Paraguay, de manière que nous crûmes un moment que cette espèce ressembloit tout-à-fait à la panthère, et qu’ainsi la loi que Buffon avoit établie sur la nature des animaux des contrées méridionales, étoit en ce point frappée d’une exception. Mais nous fûmes bientôt avertis de notre erreur, quand les jaguars se mirent à crier; leur voix, Jioua , houa , tient plus de l’aboiement du chien que du miaulement du chat y 96 ANNALES DU MUSÉUM celle des panthères, au contraire, qui ont comme les jaguars l’habitude de se faire entendre après les repas, se rapproche davantage du rugissement du tigre; c’est un son rauque assez bien rendu par le bruit que fait une scie de long en mou- vement. Nous devions conclure de ces différences dans la voix , qui en font présumer d’assez grandes dans l’organe qui la produit , que nous avions sous les yeux deux espèces distinctes. Déjà Pennant les avoit réunies en une seule qu’il regardoit comme commune à la zone torride des deux conlinens. Je me suis dès-lors attaché à comparer ces deux animaux avec soin, et je leur ai trouvé les différences sui- vantes dont j’ai depuis vérifié la constance sur un très- grand nombre de peaux, dans le riche magasin de fourrures du citoyen Bechem. La panthère ne grandit jamais au-delà de i4 à i5 déci- mètres ; le jaguar arrive à une taille presque double. Les taches en roses sont plus petites et plus nombreuses sur la première ; quoiqu’elles ne soient pas distribuées régulière- ment en lignes , on peut estimer qu’il s’en trouve de chaque côté huit ou dix rangées , tandis qu’011 en compte quatre , cinq ou six seulement dans le jaguar ; l’arète dorsale est formée dans celui-ci par une ou deux séries de taches noires en totalité ; rien de semblable ne se voit dans la panthère qui a le dos et la croupe ornés de taches oeillées comme les flancs; la queue du jaguar est terminée par des anneaux noirs : celle delà panthère n’a, vers son extrémité supérieure, que des demi-anneaux de cette couleur; le jaguar diffère aussi de la panthère par ses formes : il est plus vigoureux et plus trapu; sesmembres sontplus épais , son corps moins svelte ; sa queue a un peu moins de longueur ; mais sur- d’ histoire naturelle 97 tout sa tète est plus courte et plus large :1e chanfrein en est sensiblement plus saillant. Nous nous sommes assurés que c’est à cette espèce que les fourreurs donnent le nom de panthère, tandis qu’ils con- noissent sous le nom de tigre la vraie panthère dont les peaux leur arrivent d’Afrique. La peau de jaguar que nous avions si long- temps méconnue dans les visites que nous allons quelquefois rendre aux four- reurs , est la plus abondante de toutes les peaux tigrées, et cela nedoitpasnoussurprendre aujourd’hui que nousconnoissons la source d’où on la tire : nos relations sont plus fréquentes avec l’Amérique, et le théâtre où on les chasse bien plus étendu. Nous aurions lieu même d’ètre étonnés si, parmi les figures attribuées jusqu’ici à la panthère, il n’y en avoit pas qui fussent faites d’après un vrai jaguar. Nous présu- mons que la planche 12 du 9.° volume de Bufifon , (\\Vepa?i- thère femelle j est dans ce cas: cette figure a été faite d’après un animal qui vivoit à la ménagerie de Versailles, et dont on ignoroit l’origine; la grandeur des taches de ce quadrupède, et la description qu’en a faite Daubenton, ne conviennent en effet qu’au jaguar. Cet article, en répandant quelques lumières sur l’histoire naturelle des animaux tigrés, est bien loin de répondre à toutes les questions qu’on seroit tenté de faire à leur sujet. S’en trouve-t-il deux espèces distinctes en Afrique, l’une vers les cotes de la Méditerranée, l’autre en Guinée, ainsi que* l’a cru Buffon, et qu’il l’a établi sous les noms de panthères et de léopards ; ou devons-nous, comme le pense le citoyen Cuvier, les réduire à une seule? Enfin faut-il aussi sur le. témoignage de Marg Grave etdeM. d’Azzara, croire àl’exis- N ANNAMS DU MUSÉUM tence de deux espèces de jaguar en Amérique? M.d’Azzara n’a pas vu par lui-même ces deux espèces, mais on Fa in- formé qu’il y en avoit une dont le naturel étoit moins fé- roce , la peau moins belle , les jambes plus longues et les pieds de devant plus petits; et que l’autre, au contraire, quoique de même taille, étoit plus basse sur jambes , qu’elle avoit la tète et les membres plus gros, et les pieds de devant sensiblement plus étendus; ce qui avoit valu à cette dernière le nom de jaguar popé ou jaguar à large main . Suivant les mêmes rapports, ce popé a le pélage plus rougeâtre, les taches noires d’une nuance plus claire , et le poil plus court, luisant et couché. Ce popé est aussi plus fort, plus féroce et plus audacieux, et l’on assure qu’il attaque , tue et mange les hommes, ce que n’ose entreprendre le jaguar à main étroite. Quoi qu’il en soit, il est certain qu’il existe déplus en Amé- rique un autre animal tigré de même taille, dont les auteurs systématiques ont négligé de faire mention ; c’est un qua- drupède à taches œillées comme le jaguar, dont le fond du pélage est noirâtre; ces taches en roses se détachent sur ce fond, parce qu’elles sont d’un noir plus foncé. M. d’Azzara l’a connu sur ouï-dire; il est fort rare au Paraguay: nous le savons vivant à la ménagerie du roi d’Angleterre. Ce n’est vraisemblablement qu’une variété du jaguar ordinaire. En attendant que nous puissions nous faire une opinion sur ces diverses questions, nous demanderons à nos cor- respondansde ne jamais nous envoyer de peaux tigrées sans prendre la peine de nous indiquer leur origine et la taille où arrivent les animaux d’où elles proviennent; ces four- rures étant un objet important de commerce, tout rensei- gnement qui les concerne est précieux. 99 D* HISTOIRE NATURELLE. § II. Du Paca. Le général César Berthier à son retour de Tabago, a fait présent à la ménagerie d’un paca et de deux agoutis. Ces animaux sont entrés en amour dans les derniers jours de nivôse. C’est cet événement qui a causé la mort du paca: il avoit jusqu’alors patiemment supporté sa captivité ; mais pressé sans doute d’aller à la recherche d’une femelle, il voulut sortir de sa cage , et crut y réussir en s’élançant avec force contre les barreaux de sa loge , ou en cherchant à les écarter par une forte pression de sa tète : il finit par se blesser grièvement, et par périr. On lit la description du paca dans presque tous les voyages qui traitent de l’Amérique méridionale, et dans les ouvrages des zoologistes ; cependant nous ignorions encore un des faits les plus curieux de son organisation. Daubenton, dans sa description du squelette , s’est borné à remarquer que X arcade zygomatique étoit très-large et descendoit très-bas. Cette partie du crâne ne présente cette anomalie que parce que l’os de la pommette est d’une étendue très- considérable. C’est une particularité qui mérite d’ètre dé- crite avec détail. Dans un crâne d’un décimètre et demi de long, cet os a de devant en arrière 6 centimètres sur 4 de hauteur; sa forme est celle d’un demi-ellipsoïde alongé : de manièrt qu’indépendamment de sa grandeur, il contribue encore, par sa convexité, à donner à la tète une largeur considérable ; sa surface extérieure est toute mammelonnée ; l’interne est lisse : il est par son bord postérieur articulé avec une branche de l’os temporal qui se trouve de la même étendue (de 4 cen- timètres de long sur G de hauteur), pareillement sillonnée voo ANNALES DU MUSEUM’ en dehors,, et terminée en arrière par une arête circulaire. Depuis long-temps nous avions remarqué cette organisation dans notre squelette du paca, sans soupçonner quel en pou- yoit être l’objet. Nous fûmes donc très-étonnés lorsque nous pûmes, à notre aise, examiner le paca qui venoit de mourir, de découvrir une large fente au-dessous de la saillie des pommettes. Nous apprîmes , en sondant , que cette ouver- ture conduisoit aune cavité assez profonde, et nous vîmes que cette bourse étoit formée par un large repli des tégu- mens communs : en effet, la peau après avoir recouvert Fos de la pommette à sa surface extérieure, se replioit vers le bord libre de cette pièce osseuse , pour l’enfermer dans sa presque totalité , ou pour en aller du moins tapisser la face interne: elle revenoit ensuite sur elle-même pour con- tribuer à former la lèvre supérieure. Indépendamment de cette poche qui s’ouvre au-dehors, et à laquelle il est difficile d’assigner un usage , le paca est pourvu d’abajoues ; elles sont si grandes que lorsqu’elles se trouvent gonflées par la présence de quelques corps étrangers, elles remplissent tout l’espace compris sous l’os de la pom- mette: dans ce cas-là , les deux replis de la peau dont l’un tapisse la face interne de cet os , et l’autre forme les tégu- mens extérieurs de l’abajoue s’appliquent l’un sur l’autre, et dès-lors on n’aperçoit plus de fente sur les côtés de la bouche. En dernière analyse , l’os de la pommette fait , à l’égard de ces abajoues, l’office d’une calotte ou d’une es- pèce de boîte qui les préserve de tout contact fâcheux 3 mais en même temps le paca est privé de la faculté qu’ont les singes de comprimer du poing l’abajoue quand elle est pleine pour faire glisser sous les dents tout ou partie des alimens 5 nous n’avons pas vu qu’il portât ses doigts dans 4 D* HISTOIRE NAT U R E L L E. lOI la fente au-dessous des pommettes pour agir sur les objets emmagasinés dans ses abajoues; aussi il pourroit bien se faire que cette espèce de calotte ne procurât aux abajoues qu’un protecteur beaucoup plus préjudiciable qu’utile et agréable à l’animal. t * ' *' § III. Du Vautour royal dans son premier âge. Quoique ce vautour , le V. papa des naturalistes , ait resté quelque temps en route, il n’avoit pas changé ses pre- mières plumes: une maladie qui l’a beaucoup fait souffrir , et qui a causé sa mort, l’avoit empêché de muer à l’époque ordinaire. Cette circonstance nous procure l’avantage de posséder ce vautour dans son premier plumage ; nous l’avions déjà dans sa seconde année, tel à-peu-près que le citoyen Levaillant l’a figuré dans ses oiseaux d’Afrique , pl. XIII. A cette occasion nous rendrons justice à la sagacité de cet habile et estimable naturaliste qui, d’aprèsl’état du deuxième plumage, a parfaitement deviné les couleurs du premier qu’il ne connoissoit point alors, et qui n’avoient été en effet décrites par personne. Le vautour qui vient d’ètre adressé au Muséum , est en- tièrement noir; sous ses plumes apparentes en sont d’autres qui sont blanches, et qui ne se voyent que quand le plu- mage est dérangé : les cuisses et les flancs sont les premiers à blanchir; la partie nue du cou n’a pas les couleurs vives que l’on remarque dans l’oiseau adulte; elle est d’un brun- rouge uniforme ; la crête des narines ne faisoit que com- mencer à croître , et le plumage de la tête s’annonçoit seule- ment par un duvet noirâtre assez clair semé. 4. i4 302 ANNALES DU MUSÉUM $ IV. Des Chiens-mulets. Il est né, le 5 pluviôse dernier , à la ménagerie, huit mu- lets provenant d’un dogue de forte race , et d’une louve qui avoit perdu une de ses pattes dans un picge. Ces deux ani- maux ont vécu ensemble dans une petite cour par où l’on fait le service de la ménagerie; la louve avoit assez de douceur ; on pouvoit l’approcher et la toucher sans en re- cevoir de mauvais traitemens. Le dogue couchoit la nuit dans son voisinage, et passoit souvent le jour auprès d’elle. Cependant on ne vit pas qu’il s’établît entre eux de familia- rité, jusqu’au moment où la louve devint en chaleur. L’ac- couplement eut lieu le 4 frimaire , et fut renouvelé le sur- lendemain. Ce fait a eu des témoins dignes de foi ; j’en fus informé dès cette époque par le rapportqui m’est fait chaque jour en ma qualité de premier administrateur de la mé- nagerie; il n’y a pas de doute à élever sur ce fait , puisque les chiens-mulets sont presqu’entièrement semblables à leur père , et on sait qu’elle différence il y a entre un dogue à tète carrée, et une louve dont le museau est pointu et assez effilé. L’existence de chiens-mulets a été quelque temps con- testée d’après des expériences qui n’avoient pas obtenu de succès, mais on commença à n’en plus douter dès 3775. Buffon lui-même écrivit, dans le 7.® volume de ses supplé- mens, l’histoire d’une famille de chiens-mulets qui fut suivie jusqu’à la quatrième génération: il remarque que ces métis tenoient beaucoup plus de leur père qui étoit un chien braque, mais que cependant ils avoient plusieurs traits de ressemblance avec la louve leur mère. Le fait dont nous rendons compte prouve beaucoup plus absolument l’influence D* HISTOIRE NATURELLE. lo3 du père sur le produit de la génération. Les louveteaux naissent avec un duvet droit et frisé, avec la queue très- courte et le museau fin et aigu. Nos chiens-loups, au con- traire, ont le poil d’une seule nature, roide , fourni et cou- ché. Ils ont la queue assez longue pour former le quart de la longueur totale; leur museau est large et les lèvres supé- rieures déjà pendantes. Les huit chiens de cette portée sont entre eux tout-à-fait semblables du coté de la forme et de la taille , mais ils diffèrent par les couleurs : Ils ont tous l’ex- trémité du museau , le ventre , les doigts et l’extrémité de la queue blancs : dans deux individus , cette couleur est plus étendue sur la queue , les pattes, la tête, le cou et les flancs; et dans un de ces deux-ci, il y a en outre une tache sur la croupe. Quant aux couleurs du dos, six sont bruns, et les deux autres du même fauve que la mère; tous ont l’arête dorsale plus foncée et les oreilles et une partie du museau noirs ; enfin des deux individus dans lesquels la couleur blanche domine, l’un est fauve en-dessus, et l’autre brun. On voit, d’après cela, qu’on ne trouve dans aucun de ces animaux le pélage des louveteaux nouveaux-nés : aucun d’eux n’offre aussi les couleurs du père qui avoit le poil d’un très- beau blanc relevé par de larges taches couleur de café au lait. Nous avons donné la moitié de la portée à allaiter à une chienne; la louve a beaucoup de soin de ceux qu’on lui a laissés: elle est devenue inquiète et féroce même, par ten- dresse pour ses petits. Nous en avons pourtant perdu plu^ sieurs: à mesure que ceux qui nous restent croîtront en âge , nous étudierons leurs moeurs , et nous en rendrons compte dans nos Annales. i4 * îo4 A N N A L É S DU MUSÉUM § V. j De V Agouti. L’accouplement des agoutis a eu lieu le 26 nivôse : le mâle fut forcé d’employer plusieurs jours à y résoudre sa femelle ; la résistance de celle-ci ne fit, comme on le pense bien, qu’accroître la vivacité de ses désirs; ainsi faisant usage de ses dents incisives, il commença par la saisir au cou, dans la vue seulement de se procurer un point d’appui; mais bientôt lassé delà voir toujours ou se soustraire à ses poursuites, ou se rouler sur elle-même lorsqu’il Favoit atteint, il n’eut plus pour elle les mêmes ménagemens. Animé d’une fureur difficile à peindre, il s’attacha à la ré- duire par le sentiment de la douleur, et il en obtint effec- tivement , au moyen de larges blessures à la nuque du cou, la docilité qu’il lui souhaitoit. Il n’y a pas lieu d’être étonné, à l’égard de l’agouti , de ce défaut d’intelligence dans les deux sexes, pour l’accomplissement de l’acte de génération; l’intromission de la verge ne peut se faire qu’en causant à la femelle les douleurs les plus vives, attendu que le mâle a le gland du pénis non-seulement armé comme celui des chats, de papilles dures et aiguës, mais en outre de deux petites lames osseuses dont le bord tranchant est dentelé en. scie, et dont les dents sont dirigées en avant. d’ histoire naturelle, 100 SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles des environs de Paris. Par LAMARC K. GENRE XXIX. Sabot. Turbo. Charact. gen. Testa univalvis , conoidea vel subturrita. A per tara in- * tegra , rotundata , edentula ; marginibus supernè semper disjunctis ; columellà basi planulatâ. OBSERVATIONS. Lés sabots que les amateurs de coquilles nomment lima- çons à bouche 7'ouge , ne diffèrent des monodontes que parce que la base de leur columellese confond dans le bord droit, et ne forme point une dent saillante dansl’ouverture. Ces coquilles ont do grands rapports avec les hélices; elles semblent même ne s’en distinguer que par des caractères peu prononcés. Néanmoins ce sont des coquilles marines dont l’animal porte un opercule, et qui ont toujours une épais- seur remarquable ; au lieu que les hélices sont toutes ter- restres, et n’ont jamais d’opercule adhérent à l’animal. D’ailleurs la rondeur de l’ouverture des sabots n’est point Io6 ANNALES DU MUSEUM altérée ou échancrée par la saillie de Favant-dcrnier tour de spire, comme dans les hélices, ce qui les en distingue au premier aspect. Il est plus facile de se tromper à l’égard des jeunes cy- clostomes, et de les prendre alors pour des sabots ; parce que la plupart des cyclostomes non adultes, ont encore les bords de leur ouverture disjoints supérieurement. Par la suite ces bords se réunissent circulairemeni ; au lieu que dans les sabots ils ne se réunissent jamais. On connoît un grand nombre de sabots actuellement vivans et que l’on a recueillis dans l’état frais : tels sont le turbo marmoreus de Linné, son turbo argyrostomus , etc. Mais on ne possède encore qu’un très-petit nombre d’es- pèces de ce genre dans l’état fossile. ESPÈCES FOSSILES, x. Sabot à petites écailles. Turbo ( squamulosus ) conoideus , acutus , umbilicatus ; sulcis anfractuurn quinis squamulosis : squamis fornicatis. n. L. n. Presles , Grignon. Cette coquille , quoique sans couleur par son état fossile , ressemble un peu par son aspect au troclius pharaonis de Linné ; mais son ouverture n’offre pas les mêmes caractères. C’est un cône court , à sommet pointu, et à base élargie. Les tours despire sont convexes , un peu canaliculé en leur bord supérieur , et chargés chacun de cinq sillons écailleux et trans- verses. Le dernier tour est plus grand que tous les autres pris ensemble. La base de la coquille est légèrement sillonnée , et présente un ombilic un peu en spirale. Ce sabot n’a qu’un centimètre de hauteur. Mon cabinet. 2. Sabot à petits rayons. Turbo ( radiosus ) globoso-conoideus ; anfractibus tnedio profundè sulcosis ; supra infraque rndiatim strialis. L . n. Grignon. Petite coquille bien distincte comme espèce , qui semble se rapprocher beaucoup des cyclostomes, et que je crois néanmoins appartenir au genre des sabots par l’accolement du bord droit de son ouverture àl’avant- d’ histoire naturelle. 107 dernier tour. La coquille est globuleuse , conoïde , large et longue de 6 0117 millimètres. Elle n’a que cinq tours de spire dont le dernier est beaucoup plus grand que les autres. Ces tours sont très-convexes , sillonnés fortement ou pro- fondément dans leur milieu , «à sillons un pen carinés, et le dessus de chaque tour, ainsi que le dessous du tour inférieur, portent des stries fines et en rayons qui sont très-remarquables. L’ouverture est bien arrondie. Cabinet de M. Defrance. 3. Sabot liélicinoïde. Vélin , n.° 46 , fig. 12. Turbo ( helicinoïdes) clepresso-conoideus , nitidus , submaculosus ; anfractïbuslce- vissimis ; basi subcallosâ. n. L. n. Grignon. Petite coquille orbiculaire-conoïde , un peu aplatie, et qui n’a que 4 ou 5 millimètres de largeur. Elle ressemble tellement au trochus ves- tiarius de Linné par son aspect , qu’on pourroit soupçonner qu’elle n’est qu’une variété de son analogue dans l’état fossile. Néanmoins son ouverture est plus arrondie, et sa base est moins calleuse. Les tours de sa spire sont lisses , luisans , tachetés ou comme marbrés, convexes , au nombre de 4. Cabinet de M. Defrance. 4. Sabot dentelé. Vélin, n.° 16, fig. 6 et 7. Turbo ( denticulatus ) globoso-conoideus , transversim striatus ; anfractibus medio subbicarinatis : carinis denticulatis ; ba.si umbilicalâ. n. L. n. Grignon. Espèce fort petite qui se rapproche un peu du turbo rugosus de Linné. La coquille a quatre tours de spire , est striée transversalement , et la partie moyenne de chaque tour offre deux crêtes ou carènes dentelées, armées en éperon, dont l’inférieure est un peu plus grande. La base de la coquille est sillonnée circulairement , et on voit au milieu un ombilic étroit , à demi- recouvert. Cette coquille n’a que 2 millimètres de largeur. Peut-être seroit-il plus convenable de la placer parmi les dauphinules. Cabinet de M. Defrance. OBSERVATIONS. On connoît dans les eolleetions plusieurs espèces de mo- nodontes dans l’état fossile; mais on n’en a pas encore ren- contré dans les environs de Paris : au moins je n’en ai pas connoissance. Xo8 ANNALES DU - MUSEUM GENRE XXX. Dauphjnule. Delphinula , Charact, gen. Testa univalvis , subiscoidea vel abbreviato-conica , so- lida , margaritacea , umbilicata; anfractibus subas - péris. Apertura rotundata : marginibus orbiculatim connexis. OBSERVATIONS. Les coquillages que je propose ici comme devant cons- tituer un genre nouveau, ont été rapportés par Linnæus à son genre turbo ; mais ce genre établi sur la simple consi- dération de l’ouverture arrondie et entière de la coquille, réunissoit des familles très-différentes, et particulièrement un grand nombre de coquillages terrestres et de coquillages marins. Pour faciliter l’avancement de nosconnoissances dans la nombreuse classe des mollusques, j’ai cru convenable de séparer du genre turbo de Linnæus, toutes les coquilles dont les deux bords de l’ouverture se réunissent circulairement , et de réduire le genre turbo à n’embrasser que des coquilles marines à ouverture arrondie, dont les deux bords sont constamment désunis vers la columelle. En réduisant ainsi les turbo , les coquillages qu’il n’a pu comprendre m’ont donné occasion d’établir les genres turritelle , scalaire , maillot et cyclostome. Cependant le genre cyclostome , tel que je l’ai présenté dans mon système des animaux sans vertèbres , eomprenoit d’ H I S T O I R E NATURELLE I09 encore, comme le turbo de Linneeus, des coquilles marines et des coquilles terrestres , ce qui est un inconvénient qu’on ne sauroit se dissimuler : car il n’est pas vraisemblable que l’animal qui habite les eaux marines, soit en tout conforme à celui qui vit sur la terre, et qu’il appartienne au même genre ; et en effet , la coquille d’un cyclostomc marin, comme le turbo delphinus de Linné, son turbo distortus , le bord- straps des Hollandais (Favane , pl. 79 , fig. c , c. ), coquille très-rare que je nommerai dauphinule trigonostome , etc. est fort différente de celle d’un cyclostome terrestre, tel que le turbo lincina , le turbo labeo , le turbo elega/is ( l’élé- gante striée de Geoffroy) , etc., etc. C’est pour parer à cet inconvénient grave, que je propose aujourd’hui de former, avec les cyclostomes marins, un genre particulier, sous le nom de dauphinule dont je viens d’exposer le caractère, et de réserver pour constituer les cyclostomes proprement dits, toutes les coquilles terrestres qui peuvent se rapporter à ce genre, et dont le caractère réformé sera exposé après celui-ci. Les dauphinules sont des coquilles univalves en spirale discoïde , formant dans le plus grand nombre un cône très- abaissé. Elles ont l’ouverture ronde entière, à bords réunis circulairement comme dans les cyclostomes, mais non ré- fléchis en dehors. Ces coquilles sont toutes marines, assez épaisses, nacrées intérieurement ou sous leur couche externe, et la plupart sont hérissées d’épines onde tubercules écail- leux, ou ont des stries longitudinales scabres. Les tours de leur spire sont en général comme anguleux , ou offrent un angle ou un bourrelet à l’entrée de l’ombilic. On 11e leur voit point de columelle. Les coquilles fossiles qui appar- 4. ' i5 11 O ANNALES DÛ MUSÉUM’ tiennent à ce genre, sont encore en petit nombre. Voici celiez cju’on trouve clans les environs de Paris. ESPÈCES FOSSILES. i. Dauphinule en éperon. Vélin , n.° 16, fig. 3. Delphinula ( ccilcar ) spira depressa ; cmfractibus scabris , medio carinatis : ca- nna spinis armai A. n. • L. n. Grignon. Cette coquille a beaucoup de rapport avec le turbo calcar de, Linné et avec son turbo delphinus ; niais la première n’a pas les deux bords de son ouverture réunis circulairement en un cylindre détaché , et la seconde a des épines rameuses que notre coquille fossile ne présente pas. Elle estsub- discoïde , à spire déprimée, et large d’environ 25 millimètres. Les tours de spire ont dans leur longueur des cordonnets parallèles chargés de petites, écailles concaves qui les rendent rudes au toucher , et dans leur milieu une carène munie d’épines comprimées qui lui donnent la forme d’une roue ou d’une mollete d’éperon. Mon cabinet. 2. Dauphinule râpe. Delphinulu ( lima ) orbiculato-convexa ; scabra ,transversim striata ; striis squa- mulis concavis echinatis : anfraclibus subangulatis teretibus. n. An turbo n.° 7 et 8 : Brand.jfoss. lianton. p. 10, t. 1 , f. 7 et 8. L. n. Courtagnon. Cette espèce est fort rapprochée de la précédente par ses rapports, mais elle manque de ces épines grandes et comprimées qui donnent à la première la figure d’un éperon. Celle-ci est orbiculaire, convexe ou en cône- court et obtus. Ses tours sont cy- lindracés un peu anguleux, et ont des stries transverses , parallèles , chargées de petites écailles concaves qui rendent toute la coquille rude ou scabre comme une râpe. L’ombilic est en grande partie lisse intérieurement. Le dia- mètre de ceite coquille est de 22 millimètres. Mon cabinet. 3, Dauphinule conique. Vélin , n.° 16 , fig. 5. Delpliinula ( conica ) conieo - pyramidata ; anfractibus lœvïbus bicarinatis : ul- timo disjuncto. n. L. n. Ben, près Pontcliartrain. Petite coquille assez jolie, bien caractérisée, d’une forme conique, et à spire pointue au sommet. Elle est haute de 7 millimètres, et sa base en a 4 à 5 de largeur. Sa superficie est lisse, n’offre ni tubercules ni écailles j mais les tours de sa spire présentent deux carènes d’ II I S T O t R E NATUREL I. E. 111 écartées et courantes. Le dernier tour se sépare des autres à sa base. L’om- bilic est étroit et un peu en rampe d’escalier. Mon cabinet. 4. Dauphin ule turbinoïde. Vélin , n.° îfi , fig. 4. Delphinula ( turhinoïdes ) obtuse conica ; anfractibus obsolète carinath; striis transversis verticalibusque minimis. n. L. n. Grignon. Quoique celte petite coquille soit très-distincte comme espèce , elle n’offre aucune particularité bien saillante. C’est un cône court, un peu obtus, et dont la hauteur n’est que de 5 ou 6 millimètres. 11 a des stries verticales et d’autres transverses très-fines. On voit sur chaque tour de là spire deux, ou trois carènes peu élevées qui les rendent légèrement anguleux. L’ombilic est finement strié intérieurement. Malgré l étal fossile de la coquille, on trouve encore des individus qui conservent des couleurs , formant des taches rougeâtres. Cabinet de M. Defrance. 5. Dauphinule à bourrelet. Vélin, n.° 16, fig. 8. Delph inula ( margincUa ) orbioulato-convexa \ anfractibus lœvïbus ; umbilici mar- gine incrassato subplicato . n. L. n. Grignon. Cette dauphinule est presque globuleuse , de la grosseur d'un pois dans sa maturité , et est composée de quatre ou cinq tours de spire lisses , dont ceux du sommet sont striés très-finement. Elle est très-remar- quable en ce que l’ombilic qui est à la base de la coquille, est rétréci à son orifice par un bourrelet un peu plissé qui en forme le bord. La coquille a 8 millimètres de largeur. Mon cabinet. 6. Dauphinule striée. Vélin, n.°. 19 , fig. g. Delphinula ( striata ) orbiculato-convexa , transversim striata ; anfractibus sub - angulatis; umbilico spirali. n. L. n. Grignon. Celle coquille qui est assez commune à Grignon ainsi que la précédente , se rapproche un peu par ses rapports de la dauphinule turbi- noïde n." 4 ; mais elle est moins conique, et s’en distingue en outre par son ombilic qui présente une rampe en spirale. Malgré son état fossile , on ren- contre des individus de cette espèce qui ont encore des taches d’un rouge brun disposées en raies ou flammes verticales. La coquille n’a que 6 milli- mètres de largeur. Mon cabinet. 7. Dauphinule sillonnée. Vélin, n.° 4 fl, f. 17. Delphinula ( sulcata ) orbiculato-convexa , depressiuscula j anfractibus profonde sulcatis j labro serrato . n. * 1 12 ANNALES DU MUSEUM [î. Eadern milcis minoribus. L. n. Grignon. Petite coquille fort remarquable par la profondeur des sillons qui ornent sa superficie. Elle est orbiculaire , convexe, un peu déprimée, et n’a que 6 ou 7 millimètres de largeur. Le bord droit de l’ouverture est un peu sinué et comme denté en scie par l’eflet des sillons qui s'y terminent. . Cabinet de M. Defrance. 8. Dauphinulc canalifère. Vélin , n.® 16, fig. 10. Delphinula ( canalisera ) orbiculato-convexa , lœvigala 5 umbilici margine sub- plicaio ; canali spirato umbilicum obvallanle. n. ! L. n. Grignon. Celle-ci est un peu plus petite que la précédente, lisse à sa su- perficie, et n’a que trois tours de spire. Vue en dessous, elle a l’aspect d’un petit nautile ombiliqué. Le bord de son ombilic est froncé ou comme plissé, et dans son intérieur on aperçoit un canal qui tourne en spirale autour de l’axe de cet ombilic. Cabinet de M. Defrance. GENRE XXXI. Cyclostome. Cyclostoma. ClIARACT. GEN. Testa uni val vis , discoidea vel convexo-conica , subdia- phana ; anfractïbus cylindraceis. Apertura circinata : marginïbus orbiculatim connexis , acutis pantenti- reflexis. OBSERVATIONS. Le genre maintenant réformé des cyclostomes ne com- prend que des coquillages terrestres voisins par leurs rap- ports, des hélices, des planorbes et des maillots, et n’en admet plus de marins comme avant sa réforme. Les coquilles terrestres dont il s’agit , n’ont jamais leur test nacré, et ont en général si peu d’épaisseur, que la plu- part sont transparens. D* HISTOIRE NATURELLE. 1 1 3 Ainsi, quoique dans les daupbinules et les cyclostomes l’ouverture de la coquille soit ronde et à bords réunis cir- culairement, comme les bords de l’ouverture sont dilatés , ouverts et réfléchis en dehors dans les cyclostomes adultes, et qu’ils ne le sont point dans les dauphinules, que celles-ci aient ou non un bourrelet marginal ; comme ensuite les cy- clostomes n’ont jamais leur coquille nacrée, on distinguera toujours facilement au premier cou-pd’oeil la coquille d’un cyclostome de celle d’un dauphinule, et des objets si diffé- rens parleurs rapports et sur-tout par les habitudes des animaux qui s’y rapportent , ne seront plus confondus dans le même genre. Les principales espèces qui appartiennent au genre des cyclostomes, sont le turbo lincina de Linné , son turbo la - beo , le turbo elegans de Gmelin, son turbo carinatus , Y hélix tricarinata ( Martini conclu vol. 9, t. 126, f. 1 io5 et 1 io4) , V hélix volvulus et X hélix involvulus de Muller , etc. Il me semble qu’on 11e devroit pas ranger parmi les véri- tables fossiles, et sur-tout considérer comme des monu- mens utiles à l’avancement de la géologie, les coquilles ter- restres et fluviatiles qu’on rencontre souvent parmi les co- quillages marins fossiles, et qui paroissent fossiles elles- mêmes par la destruction de leurs parties animales et de leurs couleurs. On sait qu’il ne faut que l’intervalle de quel- ques années d’exposition de ces coquilles aux influences du soleil et des météores pour les réduire dans cet état; et quant à celles un peu enfoncées dans la terre, et que l’on trouve parmi les coquillages marins fossiles, il y a lieu de croire qu’elles ont été transportées dans la mer par les ri- vières et les fleuves, ou qu’elles y ont été précipitées par les Il4 ANNALES DU MUSE U M suites cPalluvions pluviales et des éboulemens. J’en vais néanmoins mentionner quelques-unes que l’on trouve à Grignon. ESPECES DANS L’ÉTAT FOSSILE. 1 . Cyclostome cornet de pasteur. Cyclostoma ( cornu pastoris ) orbicidato-eonvexa , transver sim striata ; anj'rac- tibus teretibus basi solulis. n. L. n. Grignon. Petite coquille dont le diamètre en largeur n’a que 2 millimètres. Elle est blanche , orbiculaire, convexe , formée de quatre tours de spirale dont le dernier se détache un peu à sa base. On voit en sa face inférieure un om- bilic infundibuliforme qui remplace sa columelle. La coquille est finement striée en travers. Cabinet de M. Défi ance. 2. Cyclostome spiruloïde. Vélin , n.° ,' fig. 4. Cyclostoma ( spimloides ) orbiculata , Iceviuscüla , pellucida , nitida ; anfractn ultimo soluto. n. L, n. Grignon. En considérant celle coquille, il semble aü premier aspect qu’elle ne soit qu’un jeune individu de la spirule que Linné nommoit nautilus spirula. Elle offre trois tours despire disposés circulaîrement comme dans lesplanorbes et dont le dernier est libre et détaché des autres. Elle est transparente, lui- sante , presque lisse à sa surface, et sa largeur esta peine de trois millimètres., Cabinet de M. Defrance. 3. Cyclostome planorbule. Cyclostoma (planorbula ) orbiculata , lœvis , solidula, infernè umbilicala.rx. L. n. Grignon. Cette petite coquille seroit un planorbe si son ouvertiîre n’étoit entièrement ronde , ne laissant dans son intérieur aucune saillie à l'avant- dernier tour de sa spire. Elle est lisse, un peu épaisse, sans transparence, et n’a que 2 millimètres de largeur. Cabinet de M. Defrance. 4. Cyclostome à grande bouche. Cyclostoma ( macrostoma ) orbiculata , lœvis , pellucida ; aperturû patulâ , maxi~ ma , subellipticâ. n. L. n. Grignon. Coquille extrêmement petite et singulière par la grandeur dis- proportionnée de son ouverture, qui la rapproche en quelque sorte de Yhelix auricularia de Linné. Elle est mince , transparente ^ lisse , et n’a qu’un milli- d’ H I ST O I R E NATURELLE. Il 5 mètre de largeur. L’ombilic est recouvert, et les bords de son ouverture sont réunis. Cabinet de M. Defrance. 5. Cyclosfome en momie. Vélin, 16 , fig. 12. Cyclostoma ( mumia ) cylindraoèo-conica , solidala ; suais transvcrsis longitudi- nalibusque ob soleils ; aperturn subrotundo-ovatâ. n. L. n. Grignon. On la trouve aussi dans les environs de Vannes, dans le Mor- bihan. Je doute du genre de cette coquille , et ce n’est que provisoirement, que je la range parmi les cycloslomes , son épaisseur me faisant soupçonner qu’elle est marine , comme les mumia , et non terrestre. Elle est longue de 25 ou 26 millimètres ( environ 10 lignes), et forme un cône cylindracé in- férieurement, pointu au sommet , composé de 8 ou 9 tours de spire légère- ment convexes. Elle a des stries transverses peu élevées, et des stries longi- tudinales très-fines qui se croisent avec les premières, et qui ont peu d’appa- rence. L’ouverture est arrondie-ovale , oblique, à bords réunis, à peine réflé- chis , et épaissis en un petit bourrelet marginal. Cabinet de M. Defrance et le mien. 6. Cyclostome turritellé. Vélin, n.° 10, f. 12 et vélin , n.° 16, f. i4. Cyclostoma ( turritellala) turrita ; anfractibus convexis , striis tt'ctnsversis verti- calibusque subdecussatis. n. L. n. Grignon. Cette coquille paroît marine et est dans le même cas que la pré- cédente. Sa forme alongée et turriculée indique qu’il y a un genre à établir, qui comprendra les coquilles alongées ou lurriculées dont l’ouverture est ar- rondie, et à bords réunis comme dans les cycloslomes, mais point dilatés et réfléchis en dehors. Celle-ci n’a que 5 ou 6 millimètres de longueur. Elle est composée de 10 tours despire convexes, bien distincts, chargés de stries fines et transverses qui se croisent avec d’antres stries verticales produites par les divers accroissemens de la coquille, La base ou la face inférieure de la coquille est lisse et n’offre aucune strie. Cabinet de M. Defrance. 1 16 ANNALES DU MUSEUM MÉMOIRE Sur l’Ibis clés Anciens Egyptiens. Par G. CUVIER. rJ1 2 3ouT le monde a entendu parler de l’ibis, de cet oiseau à qui les anciens Egyptiens rendoient un culte religieux, qu’ils élevoient dans l’enceinte de leurs temples, qu’ils lais— soient errer librement dans leurs villes, dont le meurtrier même involontaire étoit puni de mort (1), qu’ils embau- moient avec autant de soin que leurs propres parens ; de cet oiseau auquel ils attribuoient une pureté virginale , un attachement inviolable à leur pays dont il étoit l’em- blème, attachement tel qu’il se laissoit périr de faim quand on vouloit le transporter ailleurs ; de cet oiseau qui avoit assez d’instinct pour connoître le cours et le décours de la lune, et pour régler dessus la quantité de sa nourriture journalière et le développement de ses petits, qui arrêtoit aux frontières de l’Egypte les serpens qui auroient porté la destruction dans cette terre sacrée, (2) et qui leur inspiroit tant de frayeur, qu’ils en redoutoient jusqu’aux plumes (3); (1) Herod. 1. 2. (2) Ælian. liv. II , c. 35 et 38. (3) Ib. % I, c. 38. Jbûr.PU. PL. LJ/. Q/f yus/j/f? < %/<(> < //*<' /e wvv/r//^ t %tJ J (S> yy /tfü?y?irC- ^ ct/çac- a y 7ur/~: (/e/ . a// fc’/U < /s J a yra/tt/etf r, I/w.Pl.Æ. PL . LUI. àjy . • ■ • • - - . , ■ /i>ù. /y. /// pi. û. /fesy /r/e que la poule de Pharaon n’est autre chose que le rachama ou le petit vautour blanc à ailes »oires, vultur percnopterus , Linn.; oiseau très-différent de celui que nous avons prouvé plus haut être l’ibis. Pokocke dit qu’il paroît, par les descriptions qu’on donne de l’ibis , et par les figures qu’il en a vues dans les temples de la Haute-Egypte, que c’étoit une espèce de grue. J’ai vu , ajoute-t-il, quantité de ces oiseaux dans les îles du Nil; ils étoient la plupart grisâtres. ( Trad. franç. , édit. in-12 , tom. II, pag. 1 53 ). Ce peu de mots suffit pour prou- ver qu’il n’a pas connu l’ibis mieux que les autres. Les érudits n’ont pas été plus heureux dans leurs con- jectures que les voyageurs . Middleton rapporte à l’ibis une figure de bronze d’un oiseau dont le bec est arqué mais court, le cou très-long et la tète garnie d’une petite huppe. T 5 2 A N N A L E S DU M US É U M figure qui n’eut jamais aucune ressemblance avec l’oiseau des Egyptiens. ^4niiq. monum. , tab. X, pag. 129. Cette figure 11’est d’ailleurs point du tout dansle style égyptien , etMidd- îeton lui-mème convient qu’elle doit avoir été Faite à Rome. Saumaise sur Solin ne dit rien qui se rapporte à la question actuelle. L’erreur qui règne à présent touchant l’ibis blanc, a commencé par Perrault qui est même le premier qui ait décrit le tantalus ibis d’aujourd’hui. Cette erreur adoptée par Brissonet par Bubon , a passé dans la douzième édition de Linné , où elle s’est mêlée à celle d’Hasselquist qui avoit été insérée dans la dixième pour former avec elle un com^ posé tout-à-fait monstrueux. Elle étoit fondée sur l’idée bien naturelle , qu’il falloir pour dévorer lesserpens un bec tranchant et plus ou moins analogue à celui de la cigogne et du héron; cette idée est même la seule bonne objection qu’on puisse faire contre l’identité de notre oiseau avec l’ibis. Comment, dira-t-on, un oiseau à bec foible, un courlis pouvoit-il dévorer ces reptiles dangereux ? Mais outre qu’une raison de cette nature ne peut tenir contre des preuves positives, telles que des descriptions, des figures et des momies ; outre que les serpens dont les ibis délivroient l’Egypte, nous sont représentés comme Irès-vénimeux, mais non pas comme très-grands, je puis répondre directement que les oiseaux momifiés qui avoient un bec absolument semblable à celui de notre oiseau, étoient de vrais mangeurs de serpens, car j’ai trouvé dans une de leurs momies des débris non encore digérés de peau et d’ histoire naturelle. i55 d’écailles de serpens; je les conserve dans nos galeries ana- tomiques. Cela détruit l’objection qu’on pourroit tirer d’un passage de Cicéron où il donne à l’ibis un bec corné et fort (1). N’ayant jamais été en Egypte , il se figuroit que cela devoit être ainsi par simple analogie. Je sais aussi que Strabon dit quelque part que 1 ibis res- semble à la cigogne par la forme et par la grandeur (-2), et que cet auteur devoit bien le connoître, puisqu’ilassure que de son temps les rues et les carrefours d’Alexandrie en. étoient tellement remplis, qu’il en résultoit une grande incommodité; mais il en aura parlé de mémoire : son té- moignage 11e peut être recevable lorsqu’il contrarie tous les autres, et sur-tout lorsque l’oiseau lui-même est là pour le démentir. C’est ainsi que je ne m’inquiéterai guère non plus du pas- sage oùÆlien rapporte, d’après les embaumeurs égyptiens, que les intestins de l’ibis ont 90 coudées de longueur. On pourroit encore me faire une objection tirée des longues plumes effilées et noires qui recouvrent le croupion de notre oiseau , et dont on voit aussi quelques traces dans la ligure de l’abou-hannès de Bruce. Les anciens, dira-t-on, n’en parlent point dans leurs des- criptions, et leurs figures ne les expriment pas; mais j’ai (1) Àvisexcelsa, cruribus rigidis, comeo proceroque rostro. Cic. de nat. deor* lib. I. (2) Strasb. lib. XVII. 18 4. l54 ANNALES DU MUSEUM beaucoup mieux à cet égard qu’un témoignage écrit ou qu’une image tracée. J’ai trouvé précisément les mêmes plumes dans l’une desmomies de Saccara* je les conserve pré- cieusement comme étant à-la-fois un monument singulier d’antiquité, et une preuve péremptoire de l’identité d’espèce. Ces plumes ayant une forme peu commune , et ne se trou- vant, je crois, dans aucun autre courlis, ne laissent en effet aucune espèce de doute sur l’exactitude démon opinion. Je termine ce mémoire par l’exposé de ses résultats. i.° Le tantalus ibis de Linné doit rester en un genre séparé avec le tantalus loculator. Leur caractère sera rostrum validum arcualum , apice emarginatum. 2.0 Les autres tantalus des dernières éditions doivent former un genre avec les courlis ordinaires : on peut leur donner le nom de numenius. Leur caractère sera rostrum teres gracile , arcuatum , apice mutico . 0. ° L ’ibis des anciens n’est point l’ibis de Perrault et de Buffon , qui est un tantalus , ni l’ibis d’Hasselquist , qui est un ardea , ni l’ibis de Maillet, qui est un vautour ; maisc’est un numenius ou courlis qui n’a été décrit et figuré au plus que par Bruce sous le nom d’abou-hannès. Je le nomme numenius ibis, albus , capite et collo nudis , remigum api- cibus , rostro et pedibus nigrisà remigibus secundariis elon- gatis nigro-violaceis. 4.° Le tantalus ibis de Linné , dans l’état actuel de la synonymie , comprend quatre espèces de trois genres diffé- rens; savoir, 1. ° Un tantalus ; Y ibis de Perrault et de Buffon. i35 » d’ HISTOIRE NATURELLE, 2.° Un ardea; Y ibis d’Hasselquist. 5.° et 4.° Deux numenius\ Y ibis de Belon, et l’ox-bird de Shaw. Qu’on juge par cet exemple et par tant d’autres, de l’état où se trouve encore cet ouvrage du systema naburœ, qu’il seroit si important de purger par degré des erreurs dont il fourmille, et qu’on semble en surcharger toujours d’avantage, en entassant sans choix et sans critique les es- pèces , les caractères et les synonymes. 18 * i3 6 ANNALES DU MUSEUM NOTICE HISTORIQUE Sur Joseph DOMBEY Par J. P. F. D E L E U Z E. Lorsqu’un savant s’est fait une réputation par ses écrits , son nom passe à la postérité avec les vérités qu’il a dé- couvertes; si on ne lui a pas rendu justice, si l’envie a cher- ché à obscurcir son mérite , ses ouvrages sont un monu- ment durable qui fixe la place qu’il doit occuper. L’histoire de sa vie est utile pour montrer par quels degrés il s’est élevé , pour faire connoître plus généralement le résultat de ses travaux, mais elle n’est pas nécessaire à sa gloire. Il n’en est pas ainsi de ceux qui , s’arrachant à la dou- ceur des études de cabinet, ont sacrifié leur temps, leur fortune et leur santé pour aller dans des pays peu connus chercher les matériaux sans lesquels les hommes de génie ne pourroient élever des théories solides. Ces voyageurs ont souvent communiqué leurs observations à mesure qu’ils les faisoient, ils nous ont enrichis des diverses productions du globe, ils ont éclairci la géographie, ils ont offert de nouvelles richesses au commerce, de nouvelles ressources à l’industrie ; et plusieurs d’entre eux, victimes de leur zèle, sont morts avant d’avoir terminé leurs entreprises, avant d’avoir publié une notice de leurs travaux et de leurs d’histoire naturelle. i37 découvertes. Ils ont des droits à la reconnoissance , et ce- pendant leur noin resteroit dans l’oubli, si on ne s’em- pressoit de leur paj'er le tribut d’éloges qu’ils méritent. C’est donc un devoir d’offrir à leur mémoire ces hommages dont on regrette qu’ils n’ayent pu jouir. Pénétrés de ces principes, les professeurs du Muséum veulent publier dans leurs annales les services que Joseph Dombey a rendus aux sciences naturelles, et en particulier à cet établissement. Je m’estime heureux d’avoir à remplir cette tâche. Un nom célèbre à la tète d’une notice historique excite d’abord la curiosité ; mais si je réussis à peindre avec exactitude le caractère et les travaux de celui dont je vais parler, il inspirera de l’intérêt, et sa mémoire sera chère aux amis des sciences et de l’humanité. Joseph Dombey naquit à Maçon le 22 février 1742. Nous n’avons point cherché à recueillir des anecdotes sur sa jeu- nesse : nous nous bornerons à dire qu’il fut reçu docteur en médecine à Montpellier. Il prit dans cette ville la passion de l’histoire naturelle et sur-tout de la botanique qu’il étu- dia sous M. Gouan ; né avec un caractère vif et léger, en- nemi de toute contrainte , regardant son patrimoine comme suffisant, il ne s’occupa point à tirer parti de son état. Il étoit d’une figure agréable , d’un esprit gai, d’une taille avantageuse , d’une constitution forte ; il se livrait avec la même ardeur à l’étude et aux plaisirs de son âge, et ne songeoit ni à la fortune ni à la réputation. Aimable et généreux, il se répand oit dans la société, et ne cal eu loi t ni la perte du temps ni la dépense ; le lendemain étoit pour lui un avenir éloigné. [L’hiver il ne paroissoit occupé que des amusemens du la ville, mais sitôt que le printemps ra- l38 A N N nus DU M U S £ Ü M nimoit la végétation, il étoit appelé à la campagne parles fleurs : il voyageoit dans les provinces du Midi et le long des bords de la mer; la floraison des plantes cessoit-elle dans la plaine, il alloit parcourir les montagnes; il y atten- doit que les neiges vinssent l’en chasser, et l’on étoit plu- sieurs mois sans entendre parler de lui, sans savoir même où on pourroit le trouver. Avoit-il de l’argent , il n’épar- gnoit rien pour faciliter ses courses : n’en avoit-il plus, il sa voit s’en passer , aller à pied , et vivre avec la frugalité d’un anachorète, jusqu’à ce qu’il rencontrât quelqu’un qui voulut bien lui en prêter. Alors calculant qu’il auroit bientôt de quoi s’acquitter, il ne craignoit pas de donner un inté- rêt exorbitant; et comme il continuoit de dépenser sans compter , l’époque du remboursement arrivée , il se trouvoit inquiété pour ses dettes , et avoit recours à des ressources ruineuses. A cette inconséquence, il joignoit une extrême délicatesse : une parole d’honneur étoit un engage- ment sacré pour lui. Egalement confiant et désintéressé, il étoit d’un commerce doux et facile, et il joignoit à cette douceur, de la fermeté, de la bravoure et une sorte de fierté convenable à l’homme qui se respecte lui-même. Etant venu à Paris en 1772 pour se perfectionner dans la botanique , il offrit à M. Bernard de Jussieu un très- bel herbier des Pyrénées; il suivit les leçons de ce maître et celles de M. Lemonnier. Il se lia particulièrement avec M. Thouin, et ces savans prirent la plus haute idée de ses lalens et de ses qualités morales. J. J. Rousseau lassé d’une célébrité fatale à son repos, cherchoit alors des consola- tions dans l’étude des plantes : Dornbey qu’il avoit rencontré par hasard , lui plut tellement par sa franchise , et sur-tout d’iï ISTOIRE NATURELLE. 1^9 parce que la botanique étoit la seule chose dont il lui parlât, que le philosophe désira l’avoir pour compagnon de ses herborisations, et prit pour lui une tendre amitié. En 1776, M. Turgot, contrôleur-général, ayant demandé à M. de Jussieu un botaniste pour aller au Pérou cher- cher les végétaux qu’on pourroit naturaliser en Europe , ce savant lui indiqua Dombey comme très-propre à rem- plir ses vues, et le ministre demanda à le voir. Dombey, de retour d’un voyage qu’il avoit fait à Berne pour voir le grand Haller, étoit alors à courir les Alpes. M. Thouin lui écrivit en même temps plusieurs lettres à différons endroits, et notre botaniste reçut, le l3 août 1775, celle qui lui étoit adressée à Saint-Claude. Il vient à l’instant à Paris, se présente chez M. Turgot, et reçoit ordre de se tenir prêt à partir pour Madrid, d’où il devoit aller au Pérou. lise procure les objets qu’il croit nécessaires , il s’arrange avec ses créanciers à qui il délègue une partie des appointemens de 3ooo liv. qui lui étoient assignés : son impatience étoit extrême: mais comme il falloit faire agréer ce projet à la cour d’Espagne, il fut obligé d’attendre jus- qu’à l’automne de l’année suivante. Il employa ce temps à acquérir des connoissances dans toutes les parties de l’his- toire naturelle , etsur-tout à s’instruire plus particulièrement de ce qui étoit relatif à l’objet de son voyage. Arrivé à Madrid le 5 novembre 1776, son caractère se trouva en opposition avecle flègme espagnol. On lui montra une lenteur qui le contrarioit, une méfiance qu’il ne pou- voit supporter. M. de Galvez, ministre des Indes, voulut joindre à lui des botanistes qui travaillassent pour l’Es- pagne en même temps qu’il travailleroit pour la France. l4o ANNALES DU MUSEUM On nomma pour cela deux jeunes élèves de M. Ortéga, et deux dessinateurs. On leur donna à chacun 10,000 liv. d’ap- pointemens. On dressa des instructions, on en donnamème de particulières à Dombey : on le chargea de faire des ex- périences sur la culture de la cannelle qu’on croyoit indigène au Pérou, et de se livrer à diverses recherches sur les mines. Tout cela entraîna de tels délais, que l’expédifion ne fut prête à partir qu’au bout de dix mois. Cependant malgré les sollicitations de Dombey, on négligea de leur fournir beaucoup de choses nécessaires, ét il fut obligé d’acheter à ses frais du papier , des instrument, eto. Il se rendit à Cadix le 17 septembre 1776. Il avoit vécu à Madrid avec beaucoup d’économie , mais son traitement n’avoit pu lui suffire : Ce qu’il avoit acheté lui aVoit coûté trois fois plus cher qu’à Paris. Quoique ses appointemens eussent étédoublés> ils étaient fort au-dessous de ceux de ses compagnons de voyage. C’était un sujet d’inquiétude; mais le moment du départ arrivé, les diffi- cultés et lès dangers du voyage s’évanouirent à ses yeux ^ franchissant parla pensée l’espace qui lêséparoitdu Nou- veau-Monde , il jouissoit d’avâdce du bonheur de voir des plantes nouvelles, et de se rendre Utile à sa patrie et à l’Es- pagne. Il s’embarqua à Cadix le 20 octobre 1777, sur le vaisseau le Péruvien dê 60 canons, commandé par M. de Cordua, et il arriva au port de Callao, le 7 avril 1778. Le lendemain il se rendit à Lima où il fut très-bien accueilli de don Emmanuel de Guirrior, vice-roi du Pérou. A la vue de l’ancien royaume des In cas , son enthousiasme redouble; il contemploit de loin les cimes des Cordillères, mais il fallut séjourner plusieurs mois à Lima. Il ne pleut d’histoire naturelle. l4ï jamais dans cette ville ; en hiver, un brouillard continuel cache le soleil et entretient la végétation, mais à la fin du printemps tout est aride et brûlé. Il profita de la saison pour recueillir des graines, non sur les plantes, mais sur le sable dans les lieux où elles avoientété amoncelées parles fourmis, et où la sécheresse neleurpermettoit pasde germer. M. de Bordenave , chanoine à Lima , ancien ami de M. J. de Jussieu, le pressa d’accepter chez lui le logement et la table: c’étoit une grande ressource dans un pays dont le séjour est aussi dispendieux, mais il refusa parce qu’il ne vou- loit pas se séparer de ses compagnons. Au printemps , il alla avec eux faire un voyage le long des cotes jusqu’à la ligne près de Quito. Ils furent exposés à de grands dangers, auxquels ils n’échappèrent que par leur courage. Attaqués par une bande de nègres fugitifs , il fallut livrer un combat ; ils tuèrent un nègre et en emmenèrent trois prisonniers. On ne prit à Lima aucune information sur cet événement. Dombey rapporta de ce voyage beaucoup de plantes et divers objets de curiosité et d’antiquités extrêmement pré- cieux, tels que des vases trouvés dans les tombeaux des an- ciens Péruviens, et un habillement des Incas. 11 fit dessiner 5oo plantes parmi lesquelles étoient plusieurs genres nou- veaux , mais il ne put obtenir une copie d’aucun de ces dessins, pas meme des genres qu’il avoit dédiés à ses pro- tecteurs et à ses amis. Cette circonstance ne fut pasla seule qui lui fit sentir que l’art du dessin est une des connoissances les plus essentielles à un naturaliste et sur - tout à un voyageur. De retour à Lima, Dombey apprit que le vaisseau le Bon-Conseil alloit bientôt partir pour Cadix : il voulut en 4. 19 j42 annales du muséum profiter ; il encaissa tons les objets. La collection déplantés étoit très-considérable ; il avoit desséché douze échantillons de chaque espèce: il en tira deux herbiers dont un pour la France et l’autre pour le roi d’Espagne: il joignit à cet envoi les vases et l’habillement qu’il prioit M. d’Angivillers de présenter au roi de France ; divers échantillons de mines; 58 livres de platine destinée pour le cabinet du roi, pour l’académie, pour M. Sage ; un paquet de graines de Qninoa (i) , etc. Enfin il adressa par la même occa- sion, à M. de Galvez, un mémoire .sur le prétendu can- nelier des environs de Quito : il y prouvoit que ce n’étoit point le cannelier de Ceylan , mais une espèce de laurier ( Laurus quixos. Lamarck, Encycl. ) qui ne pouvoit être employée aux mêmes usages, et qu’il seroit inutile d’en essayer la culture. Il envoya aussi un mémoire sur une maladie cruelle très-commune au Pérou, et qu’il attribue à l’abus qu’on y fait du piment ( capsicum annuum ) du coqueret pubescent ( phy salis pubescens) et de la tomate ( solarium lycopersicum ). En avril 1779 , il reçut ordre du vice-roi d’aller à Ceu- chin faire l’analyse des eaux minérales. Après avoir rempli cette commission à ses frais, il s’établit dans la province de Tarma, au-delà des Cordillères, et suivit les torrens qui se jettent dans leMaragnon ou fleuve des Amazones. Dans (t) Le Quinoa chenopodium quinoa L. est cultivé au Pérou et au Chili- On en inange les feuilles comme des épinards , et sa graine est la principale nourriture du peuple. Dombey assure qu’elle est presque aussi bonne que le riz. Comme la plante est annuelle elle réussiroit en France ; malheureusement les graines en- voyées à M. Thouin n’ont pu être semées que deux ans après avoir été cueillies., et elles n’ont pas levé. d’ histoire naturelle. i43 ce canton le sol estmontueux, et si varié que chaque vallée offre une botanique différente : mais les précipices, la hau- teur des montagnes elles alternatives du froid et du chaud rendent les herborisations pénibles et dangereuses. Il partit ensuite pour Huanuco,où il arriva au commencement de mai 1780. Cette ville est le terme des établissemens espa- gnols ; plus loin sont de vastes forêts où croît en abon- dance le quinquina quin’étoit auparavant connu qu’à Loxa. Les Espagnols en avoient été avertis depuis un an, mais il étoit important de cons-tater le fait et de s’assurer si c’étoit la même espèce. Pour aller herboriser dans ces forêts , il fallut prendre des mules, des domestiques, des guides in- diens, et faire les mêmes provisions que pour un voyage de mer. Tandis qu’on s’occupoit des préparatifs, Dombey eut le courage de prendre ses compagnons pour aller à la recherche du quinquina. Ces forêts sont impénétrables : les arbres y sont réunis par un grand nombre d’espèces de lianes grimpantes ; on ne peut se frayer un chemin qu’avec la hache. Pour chaque plante on est obligé d’abattre un arbre, souvent même deux , parce que la plupart sont dioïques. Nos voyageurs souffrirent beaucoup. Dans ces forêts épaisses le défaut de circulation de l’air rend la chaleur accablante ; les salaisons furent bientôt gâtées, et le biscuit étoit rem- pli d’insectes. Ils avoient établi le dépôt de leurs collections dans le petit poste de Cochero où l’on ne trouve rien : iis auroient cependant prolongé leur séjour s’ils n’eussent été avertis que deux cents sauvages venoient les attaquer pour les piller ; il fallut partir au milieu de la nuit et s’enfuir au travers des précipices pour regagner Huanuco. Dombey revint à Lima chercher des secours. Les deux domestiques 19* \ ï44 ANNALES DU MUSEUM qu’il avoit été obligé de prendre lui coûtoient au-delà de ses appointemens ; les objets qu’il avoit aehetés excédoient de beaucoup tout l’argent qu’on lui avoit donné. M. Necker lui avoit fait compter 10,000 liv. d’extraordinaire, maisles frais seuls d’emballage avoient absorbé cette somme, et quoique ses compagnons eussent 10,000 liv. d’appointe- mens, il avoit été obligé de leur prêter 8,000 liv. On doit se demander où il trouvoit des ressources : arrêtons-nous un moment pour expliquer cette énigme. J’ai dit que Dombey rapportoit à Lima le fruit de ses herborisations. Dans cette ville, il s^occupoit à rédiger ses descriptions qu’il écrivoit au moins à double, à arranger ses herbiers , à se procurer tous les objets qui pouvoient l’intéresser : ces soins auxquels il se livroit avec ardeur n’ab- sorboient cependant pas tout son temps. Il avoit d’abord été bien reçu ainsi que ses compagnons; mais bientôt, dans un pays où le luxe est excessif, où la richesse est tout , où les sciences sont si peu connues, des hommes qui alloient à pied, qui ramassoient des herbes, furent l’objet de la raillerie et du mépris. Quelques personnes seulement à qui ils avoient été recommandés, les traitoient avec distinction» Il y avoit contre Dombey une prévention plus défavorable: les ouvrages des philosophes et des littérateurs français avoient scandalisé le clergé espagnol, et tout Français pas- soit pour hérétique. « Je suis exact à me conformer aux pra- tiques religieuses, écrivoit-il, malgré cela l’inquisition ne me laisseroit pas libre un seul jour si je'n’étois envoyé du roi. » Cependant il se conduisit avec une prudence qui lui concilia bientôt l’estime et enfin la considération. Il étoit médecin , et il alloit voir les malades ; quelque prévention d’ HISTOIRE NATURELLE. l45 qu’on eût contre lui, on ne le regardoit pas moins comme plus habile que les médecins du pays; il visitoit également les riches et les pauvres : il n’acceptoit absolument aucun salaire de personne ; il distribuoit aux pauvres les remèdes gratis , il leur donnoit même de l’argent. S’il travailloit sans relâche jusqu’à la nuit, il alloit ensuite dans la société, évi- tant seulement de se trouver dans les mêmes maisons que ses compagnons de voyage. Les femmes du Pérou sont très- agréables, elles aiment beaucoup le plaisir, mais elles n’ont aucuneinstruction. Dombeynerecherchoit point leur société particulière , mais il leur faisoit sa cour dans les assemblées. Le jeu est leur principale occupation; faire leur partie est le plus sûr moyen d’être bien accueilli : comme elles n’at- tachent point de prix à l’argent , elles font peu d’attention à leur jeu. Dombey se prêtant à leurs amusemens, jouoit les jeux de commerce d’une manière noble et désinté- ressée, mais avec attention : il étoit heureux, et il gagnoit; c’étoit pour lui une ressource, et il est assez singulier qu’un goût si souvent ruineux, et presque toujours opposé à celui de l’étude, lui ait été utile et l’ait mis à même de faire des acquisitions d’objets d’histoire naturelle. En se conformant aux usages, en se distinguant auprès des femmes par une galanterie respectueuse , Dombey acquit bientôt une grande réputation. Pour les gens frivoles, c’étoit un des hommes les plus aimables qu’on pût rencontrer; pour ceux qui savent apprécier le mérite, il étoit recommandable par ses moeurs et ses connoissances ; enfin par la douceur de son commerce, par sa franchise, par les services qu’il avoit rendus, il s’étoit fait des amis qui lui olfroient l’argent dont il avoit besoin , et ne vouloient être remboursés qu’a- I±6 ANNALES DU MUSEUM près son retour en France : un d’eux lui prêta à-la-fois 4o,ooo liv. , cependant il ne faisoit point d’économies ; avoit-il gagné , il payoit d’abord ses dettes, il faisoit ensuite des acquisitions, et s’il lui resloit quelque chose, illedonnoit aux malheureux. Voilà pourquoi on le vit tantôt faisant de grandes dépenses , tantôt réduit à n’avoir pas même un do- mestique, et travaillant avec le même zèle dans toutes les circonstances. Si le Gouvernement espagnol est souvent méfiant, si le peuple est livré à l’indolence et avili par la superstition, il y a chez cette nation, peut-être plus que chez toute autre, des hommes d’une ame élevée et généreuse, qui sont en- flammés par tout ce qui porte le caractère de la grandeur, et qui ne comptent pour rien les sacrifices : il y a des hommes éclairés qui font d’autant plus de cas des lumières, qu’elles sont plus rares et qu’ils en sentent mieux le besoin. Ce fut dans cette classe que Dombey trouva des admirateurs et des amis. Ils s’estimèrent heureux de lui offrir leurs services, de lui ouvrir leur bourse , et de coopérer ainsi au bien qu’il faisoit. On verra bientôt que plusieurs traits de sa conduite dévoient exciter leur enthousiasme. Lorsque Dombey se fut procuré les fonds nécessaires , et qu’il eut encaissé les objets qu’il avoit recueillis, il voulut retourner à Huanuco où il avoit laissé ses compagnons. Ce voyage présentoit alors les plus grands dangers; toutes les provinces voisines de Lima étoient en feu: flndien Tapac- Maro, se faisant passerpour le descendant des Incas, s’étoit mis à la tête d’un parti considérable ; il avoit entraîné dans sa révolte une foule de villages : déjà cette guerre avoit coûté la vie à plusieurs milliers d’habitans, et l’on craignoit r d’iIIS TOIRE NATURELLE. que le Pérou 11e fût perdu pour sa majesté catholique. Ces circonstances allarmantes ne changent point les projets de Dombey: il arrive à Huanuco à la fin de décembre 1780 5 il trouve la ville plongée dans la consternation et réduite à la plus affreuse détresse : on n’avoit ni vivres ni argent. Il se présente au chef du conseil général de la ville, et lui offre, pour soutenir les troupes, une somme de mille piastres et vingt charges de grain. Le conseil s’assemble et avec lui tous les officiers. Dombey renouvelle son offre, il y joint celle de lever deux régimens à ses frais, de se mettre à leur tête, et de marcher lui-même contre les rebelles. On l’écoute avec enthousiasme , on ne croit pas devoir accepter sa pro- position , mais les officiers excités par la générosité d’un Français, s’engagent à fournir les mille piastres, et à sou- tenir les troupes à leurs frais, chacun à tour de rôle. Des remercîmens furent votés à Dombey par le conseil , par les officiers, par les autorités civiles , par l’évêque , et on reconnut que c’étoit à lui qu’on devoit la conservation de la ville et peut-être la fin de cette guerre qui jusqu’à la prise de Tapac-Maro fit périr 100,000 hommes. Dombey ne voulant pas profiter du refus qu’on avoit fait de ses dons, les fit remettre à l’hôpital de Saint-Jean-de-Dieu pour être distribués aux pauvres (i). A son départ d’Huanuco, Dombey fut accompagné des (1) J’ai sous les yeux les procès-verbaux , certificats , remercîmens , lettres ministérielles , et autres pièces relatives à cette affaire. Je regrette que les bornes de cet écrit ne me pex-mettent pas d’en transcrire quelque chose , pour montrer et l’importance du service rendu par Dombey, et avec quelle énergie les magistrats, les officiers espagnols , ete. expriment leur admiration et leur reconnoissance pour lu. l48 ANNALES DIT MUSEUM bénédictions de tout le peuple. Mais il étoit impossible que la gloire dont il s’étoit couvert n’excitât pas quelque ja- lousie. Revenu à Lima ; il y apprit une nouvelle bien affligeante. Le vaisseau le Bon-Conseil avoit été pris par les Anglois, et la collection dont il étoit chargé ayant été rachetée à Lisbone pour le compte des Espagnols, M. Or- téga avoit présenté à sa majesté catholique les vases, l’ha- billement des ïncas et autres objets précieux destinés pour le roi de France. On avoit seulement fait passer à Paris les doubles des plantes sèches et des graines. Quoique la col- lection ayant été prise par les Anglais et rachetée par les Espagnols, le roi de France n’y eût plus aucun droit, ce procédé étoit trop opposé aux sentimens élevés de Dombey, pour qu’il n’en fût pas blessé. Il ne témoigna cependant aucun mécontentement; mais il fut indigné que ceux qui avoient acquis le fruit de ses travaux osassent encore lui faire des reproches, et il les repoussa avec fermeté. « Le » ministre des Indes , lui dit le vice-roi , m’a écrit de » vous avertir que le roi d’Espagne a trouvé fort » étrange que l’herbier destiné pour lui ne fût pas aussi » considérable que celui destiné pour la France. — Le mi- » nistre de France a-t-il également écrit à votre excel- )> lence pour se plaindre de ce que messieurs les Espagnols » ne lui ont pas envoyé une copie de nos dessins, et un )> double de ce qu’ils ont recueilli? — Non , sans doute ; » mais messieurs les Espagnols ne doivent rien à la France. » — Et que dois-je à l’Espagne , monseigneur? Le roi d’Es- » pagne me donne-t-il des appointemens ? Vous pouvez » répondre que puisqu’on exige je n’enverrai plus rien)). Le vice - roi qui avoit autant de douceur que de dignité , d’ HISTOIRE NATURELLE. l4q ne fut point blessé de la fierté de Dombey, il le tran- quillisa et l’engagea à écrire poliment au ministre des Indes. Dombey qui résistoit à des ordres injustes, cédoit à l’instant à des sollicitations honnêtes: il continua d’envoyer à l’Espagne deux exemplaires de chaque plante , ayant seulement la précaution d’en demander un reçu pour pou- voir donner à sa cour la preuve de ses procédés. Dombey, épuisé par les fatigues, désiroit retourner en Europe , mais il vouloit auparavant voir le Chili. Ce pays «toit d’autant plus intéressant pour lui , que le climat en «tant analogue à celui de la France , il pou voit espérer d’en naturaliser chez nous les productions végétales. Il fit vingt caisses de ce qu’il avoit recueilli ; il les déposa à Lima pour être embarquées après la paix, et il se disposa à partir. •Ce voyage exigeoit d’énormes dépenses ; il ne pouvoit plus se passer de deux domestiques qu’il avoit dressés et qui exigeoient des sommes considérables ; il falloit de l’argent pour les préparatifs , pour le séjour, pour faire l’acquisi- tion des divers objets de curiosité qu’il pourroit rencontrer. Mais il avoit inspiré un tel zèle pour ses succès, qu’on lui olfrit 5o,ooo liv. Il porta aussi des lettres de recommanda' tion pour les hommes les plus distingués, et il arriva à la Conception au commencement de 1782. Une maladie contagieuse faisoit alors des ravages affreux dansla ville : elle avoit fait périr beaucoup de monde; cha- cun se renfermoit dans sa maison , et les malades étoient abandonnés. On conseilla à Dombey de se soustraire au danger: en effet, que pouvoit avoir à craindre un botaniste dont l’emploi étoit de courir les campagnes, et qui dans un climat si doux pouvoit éviter toute habitation suspecte. 4. 20 lÔO ANNALES DU MUSEUM Mais Dombey n’étoit pas seulement botaniste, il étoit mé- decin, et son humanité lui lit tout braver. Il s’établit dans la ville : il s’interdit l’entrée des maisons où la contagion n’avoit pas pénétré, et il consacre tout son temps à visiter les pauvres. Il leur distribue des alimens, des remèdes, du vinaigre, du sucre, des lits; il leur paie même des gardes à 5 liv. par jour. S’apercevant que la maladie n’est aussi meurtrière que parce qu’elle n’est pas traitée convenable- ment, il se dévoue avec un courage infatigable. Lorsqu’on voit qu’il guérit les autres sans être atteint lui-même , la confiance se rétablit, les malades soiit mieux soignés, e;t enfin l’épidémie disparoît totalement. Bientôt Dombey fu,t regardé comme un envoyé du ciel ; on lui fit des remer- eîmens au nom de tout le pays, et on lui offrit la place de médecin de la ville avec 10,000 liv. d’appointemens. On employa même d’autres moyens pour le retenir : il avoit vu avec beaucoup dfintérèt une jeune femme fort belle et fort riche qui elle-même étoit touchée de son mérite; l’évêque de la Conception voulut la lui faire épouser. Dombey y étoit porté par le voeu de son cœur bien plus que par l’as- surance de la fortune et de la réputation ; mais réfléchissant qu’il ne pourroit retourner dans sa patrie et lui offrir le fruit de ses voyages, il résista, et pour n’avoir plus à lutter, il quitta la Conception, et alla à Saint-Iago. Il sentoit bien qu’il en auroit peut-être un jour du regret : mais il re- gardoit comme un devoir de remplir la mission dont il avoit été chargé ; et plut au ciel qu’il eût cédé aux sollici- tations de la reconnoissance ! il vivroit encore; il auroit en- voyé du Chili en Europe ce qu’il auroit pu recueillir; il n’auroitpas eu la douleur de se voir priver de la plus grande d’ PI I S T O I R E NATURELLE. 1 5 1 partie du fruit de ses travaux; il n’auroit pas été en proie aux chagrins qui empoisonnèrent son existence et faillirent troubler sa raison ; il n’auroit pas été témoin de ce spectacle de terreur et de barbarie qui le força à quitter la France; il n’auroit pas enfin péri misérablement dans des lieux ou il n’avoit ni parens ni amis... Mais n’anticipons point suç les événemcns. Dombey partit pour Saint-Iago, après avoir fait vingt caisses , dont six déplantés, les autres de miné- raux et de coquilles , et avoir fait exécuter un grand nombre de dessins. Pendant son séjour dans cette ville, la réputation qu’il avoit comme savant le fit charger, par le Gouvernement espagnol, d’une commission bien pénible. Les mines de mer- cure de Huanca-Yelica avoient été ruinées par des éboule- mens, et celles d’Almaden ne fournissant pas assez de mer- cure pour l’exploitation des mines d’or du Pérou et du Chili, le régent de l’audience du Chili reçut ordre d’en faire cher- cher d’autres. On s’adressa à Dombey, il alla dans les Cor- dillères examiner la mine de Coquimbo abandonnée depuis plus de 5o ans ; il la fit nettoyer et en fit lever le plan. Il découvrit à Xarilla une mine de deux lieues d’étendue ; il rapporta des échantillons du minerai, et les expériences qui furent faites ne laissèrent aucun doute sur l’importance de la découverte. Ces recherches l’ayant mis à portée d’ob- server attentivement le gissement et l’exploitation des mines, les signes auxquels on pouvoit les reconnoître et les moyens d’en tirer parti ; il adressa sur cet objet un mémoire à la cour d’Espagne; il lui indiqua en même temps une nouvelle mine d’or ; et d’après ses instructions on envoya des minéralo- gistes au Chili. 20 * 302 ANNALES DU MUSEUM Cette excursion de Dombey dans les Cordillères avoit été de cent lieues, et le travail pénible auquel il s’étoit livré, l’avoit rendu presque sourd. Il avoit dépensé i5,oooliv. ; on lui en offrit le remboursement : il refusa en disant qu’il s’estimoit heureux de sacrifier son temps et ses soins pour être utile à l’Espagne; qu’il croyoit seconder en cela les in- tentions de la France, mais qu’il ne pouvoit présenter ses comptes qu’à la cour dont il étoit l’envoyé. Il fit également à ses frais l’analyse des eaux de Caxatumbo. Au milieu de ces travaux divers il ne négligeoit point la botanique. Il retrouva au Chili l’un des plus beaux arbres du monde. Cet arbre déjà observé par Molina qui l’a décrit imparfaitement sous le nom de pinus araucaria , est propre à la mature ; son tronc, droit comme une flèche, est de i5o pieds. M. Daubentonen a parlé dans les mémoires de la société d’agriculture et lui a donné le nom de Basilaire( i ). M. de Lamarck l’a décrit sous le nom de Dombeya , et M. de Jussieu sous celui d’Araucaria. Dombey ayant indi- qué à l’Espagne l’usage qu’on en pourroit faire , et en ayant donné pour preuve qu’un vaisseau qui avoit perdu ses mâts avoit été réparé à peu de frais ; le ministre des Indes lui fit des remercîmens de la part de sa majesté catholique. Il est fâcheux que les graines qu’il a rapportées de cet arbre n’ayent pas levé. On a lieu de croire qu’il réussiroit en pleine terre dans nos départemens méridionaux, et qu’il seroit de la (1) Voyez mém. de la soc. d’agric. de Paris , 1787, trimestre d’hiver ; le mém. de M. d’Aubenton a pour titre , ohserv. sur un grand arbre du Chili. Il donne la figure et la description du bois, de l’écorce et des fruits de Basilaire apportés par Dombey. d’ histoire naturelle. î 53 plus grande utilité. Ses amandes sont bonnes à manger. On a dans la collection du Muséum ses cônes, ses chatons, et des planches de son bois(i). Après avoir fait au Chili une collection considérable et avoir reçu les honneurs qu’il méritoit, Dombey revint à Lima pour repasser en Europe. L’éclat de sa réputation avoit réveillé l’envie: on avoit cherché à lui nuire, à le désigner même comme ayant des intelligences avec les anglais. Lorsqu’il alla avec ses compagnons de voyage chez M. le visiteur-général, celui-ci prévenu sans doute par des calomnies, le reçut avec mépris, et lui tint des propos in- jurieux. Dombey que la puissance n’effrayoit point , lui ré- pondit d’un ton calme : « Je ne souffrirois pas vos insultes si » je n’étois qu’un voyageur ordinaire. — Et qu’auriez-vous » fait ? — Je vous aurois déjà percé le coeur; mais comme » c’est au roi de France, que je vais instruire de vos pro- )) cédés , à m’obtenir justice , je dois rester tranquille. » Et il sortit. Le visiteur mieux informé crut qu’il étoit de son devoir de réparer ses torts; il lit rappeler celui qu’il avoit injustement outragé , lui témoigna ses regrets et son estime en présence d’une assemblée nombreuse, et exigea qu'il informât le vice-roi de la satisfaction qu’il avoit reçue. En attendant le départ du vaisseau qui devoit le ramener (1) D’après les expériences faites depuis peu au Chili et en Porlugal sur l’Arau- caria, on a trouvé qu’il n’étoit pas aussi bon pour la mâture qu’on l’avoit cru d’abord , parce que son bois est trop tendre. On a découvert deux outres espèces d’Araucaria. Celle qui croît dans l’île de Norfolck , située à l’est de la Nouvelle- Hollande par les 29 degrés de lat. mérid. , est actuellement cultivée au jardin de lvew,sous le nom de Colombia. La beauté de ces arbres a engagé les Anglais à leur donner le nom de celui qui découvrit le Nouveau-Monde. 3 54 ANNALES DU MUSEUM en France, Dombey s’occupa sans relâche à mettre en ordre les objets qu’il avoit rassemblés , et il les fit placer avec beaucoup de précaution dans soixante-treize caisses qui lui coûtèrent 18,000 liv. Il étoit alors si malade qu’il avoit bien peu d’espérance de revoir sa patrie. Mais la crainte de la mort l’affectoit bien moins que l’idée que sa collection pourroit être perdue. Il écrivit à M. Thouin pour lui envoyer un état de ce qui étoit contenu dans les caisses, et le prier, dans le cas où elles arriveroient à Cadix sans lui, d’obtenir du roi de France une commission pour aller les recevoir. « Si les caisses , lui disoit-il , sont ouvertes en _ votre absence, tout sera dégradé. J’ai fait une boîte à part de mes manuscrits; vous disposerez de toutpour l’utilité de ma patrie. )) Cependant il se rétablit et il partit avec sa col- lection le i4 avril 1784 sur le vaisseau le Péruvien, commandé par Don M. J. de Echenique. La navigation fut heureuse jus- qu’au 5o.e degré, mais aux approches du Cap Horn les vents furent tellement contraires et la mer si forte , que le vais- seau fut démâté, endommagé par-tout , et qu’il mit un mois à courir dix degrés. L’équipage étoit excédé de fatigue et transi de froid; déjà trente-deux hommes étoient morts et soixante-treize étoient malades. Il falloit cependant réparer le bâtiment, et pour remédier aux voies d’eau on avoit besoin de plongeurs; les matelots abattus ne pouvoient se résoudre à entrer dans la mer par un temps si froid. Dom- bey voyant le danger offre i5oo liv. au premier qui se jet- tera à l’eau. L’espoir de cette récompense donne de l’ardeur, et douze hommes se présentent : le bâtiment ne peut gou- verner, mais il ne risque plus d’être submergé, et le vent soufflant du sud on arriva à Rio-Janeiro, le 4 août 1784. ) ü’ HISTOIRE NATURELLE. 1 55 Là on fut obligé de s’arrêter pendant quatre mois pour radouber le vaisseau. Dombey qui n’avoit pas cru relâcher en route , n’avoit pris nulles précautions pour ce séjour; il n’étoit muni d’aucune lettre de recommandation ; mais sa réputation l’avoit précédé : le bruit de ce qu’il avoit fait à Huanuco et à la Conception avoit pénétré au Brésil. Le vice- roi Vasconcellos , informé de son arrivée , lui envoya son carrosse , le combla de marques de distinction , et le con- duisit dans une maison de campagne où il lui fit voir une belle collection d’oiseaux empaillés, d’insectes et de pa- pillons, et lui en fit choisir de quoi composer une caisse. Elle étoit si belle que Dombey donna 1000 liv. à celui qui la lui remit de la part du vice-roi; il nes’attendoit pas qu’elle seroit brisée à Cadix par ceux qui voudroient la visiter. La saison pluvieuse ne lui permettant pas de longues her- borisations, il ne recueillit qu’environ deux cents plantes nouvelles; mais il se procura, à Rio-Janeiro, des graines d’une espèce de Waltheria dont on fait de très-bonnes cordes, des papillons qui sont encore les plus beaux de ceux qu’on admire dans les galeries du Muséum, un saphir précieux, des topazes de deux couleurs, et une superbe aigue-marine de la grosseur d’un oeuf de pigeon , qu’il paya i5oo liv. Après avoir pris congé du vice-roi dont il reçut de nouveau les témoignages d’estime les plus flatteurs, il partit à la fin de novembre 1784, et il entra dans le port de Cadix, le 22 février 1785. Malgré l’affoiblissement de sa sanlé, il étoit au comble de la joie de toucher au mo- ment d’offrir à sa patrie le fruit de ses voyages ; il ne soup- çonnoit pas que c’étoit le commencement de ses malheurs. La collection faite par MM. Ruiz et Pavon , réunie aux î56 ANNALES DU MUSEUM doubles que Dombey cédoit au roi d’Espagne, avoit été embarquée sur le vaisseau le Saint-Pierre dé Alcantara qui fut séparé du Péruvien par la tempête, et n’arriva point à sa destination. Celle que portoit le Péruvien appartenoit tout entière à la France, comme le capitaine qui en étoit chargé le déclare par une reconnoissance que j’ai sous les yeux (i). Les botanistes espagnols avoient eu ordre de ne pas revenir encore. Dombey s’attendoit que sa collection seroit affranchie de toute visite aux douanes et adressée en France au ministre des affaires étrangères; en effet , si on craignoit qu’elle ne contînt quelques objets prohibés, on pouvoit écrire à Paris à l’ambassadeur d’Espagne de se concerter avec le ministre pour charger des personnes instruites d’assister à l’ouver- ture des caisses : l’usage exigeoit-il qu’elles fussent visitées à Cadix, il falloit que cette formalité fût remplie prompte- ment et avec de telles précautions que rien ne fût endom- magé : si ces égards sembloient dus à un naturaliste envoyé par la cour de France, la conduite que Dombey avoit tenue en Amérique en méritoit bien plus. Son généreux dévoue- ment avoit sauvé la vie à une foule de gens pendant une maladie contagieuse, et il avoit fait connoître les moyens de guérir et de prévenir cette épidémie qui ravage fréquem- ment le Chili. Il avoit trouvé une mine de mercure qui suppléoit à celles dont l’exploitation étoit devenue insuffi- sante ; -il avoit découvert de nouvelles mines d’or et d’ar- (i) Cetle reconnoissance porte que les 73 caisses contenant des productions na- turelles recueillies par Dombey , aux frais du roi de France sont destinées pour îç .cabinet et le jardin du roi à Paris. D7 HISTOIRE NATURELLE, 167 gent, et indiqué les signes auxquels on pouvoit les recon- noître et les moyens d’en tirer parti ; il avoit soutenu les troupes contre la rébellion de Tapac-Maro, et l’on recon- noissoit que la conservation de la province d’Huanuco étoit due à son zèle. Il avoit cédé un double de ses plantes et de ses descriptions sans rien demander en échange; i] n’avoit jamais rien accepté de la cour d’Espagne, et il avoit dé- pensé plus de 200,000 liv. pour lui rendre des services. Malgré cela on arrête d’abord que toutes les caisses se- ront ouvertes. Ces caisses avoient été faites avec beaucoup de soin; elles étoient doubles, c’est-à-dire que chacune étoit renfermée dans une autre, elles étoient collées et revêtues de peau pour les préserver des insectes et de l’humidité. Les ouvrir et les refaire étoit un travail bien long et qui exigeoit beaucoup d’adresse et de précaution, sur-tout pour celles qui contenoient desobjets fragiles. Aussiyen eut-il plu- sieurs qui furent endommagées. Ensuite pour réparer la perle de la collection du roi d’Espagne, on demande à Dombey de donner la moitié de la sienne : une collection où les objets forment une série ne peut être divisée sans perdre beaucoup de sa valeur : Dombey refuse : 011 obtient une permission de la cour de France, il est obligé de céder , et on nomme des Espagnols qui doivent venir de Madrid pour assister au partage. Pendant ce temps les caisses sont placées dans des magasins bas et humides où il n’a pas même la permis- sion d’entrer : il ne peut en retirer les graines qu’il étoit pressant d’envoyer pour qu’elles fussent semées. On lui offre d’évaluer sa collection; il répond que l’ayant faite pour la France , il ne peut y mettre un prix , et qu’il ne veut rien vendre. Une partie étoit incontestablement sa propriété , 4. 2 1 1 53 ANNALES DU MUSEUM on ne la respecte point: on ouvre meme les caisses faites a Rio-Janciro en pays portugais , et où se trouvoient le* objets qui lui avoient été donnés par le vice-roi. Pendant ce temps Dombey est forcé de rester à Cadix sans argent, sans crédit, sans ressources; il est traité avec mépris et obligé de contenir son indignation. Ses réclama- tions ne sont point écoutées; il est même surveillé. Lassé de ces tracasseries, il est tenté de renoncer à tout et de venir mourir dans le sein de sa famille : un espoir le sou- tient encore, celui de publier le fruit de ses travaux; mais la jalousie de ceux qui étoient à la tête de l’intrigue le prive de cette consolation. On prend une copie exacte des descriptions et des notes historiques qu’il avoit jointes à son herbier. On ne consent à lui rendre la moitié de sa collection , et à le laisser partir qu’autant qu’il donnera , par écrit, une promesse de ne rien publier qu’après le re- tour de ses compagnons de voyage , et ses compagnons sont retenus au Pérou par des ordres supérieurs. On l’alarme tellement , qu’il écrit en France pour prier M. L’héritier de ne point faire paroître la description et la gravure de quel-" ques plantes nouvelles dont il avoit envoyé précédemment les graines, et qui avoient fleuri dans les jardins. Il croit ne pouvoir se sauver qu’en rentrant dans l’oubli. Le dé- sespoir s’empare de son ame, il s’exagère l’horreur de sa position , il perd cette force qui lutte contre les obstacles, et sa mémoire, sa raison même sont affaiblies. Oh combien il regrette ces belles contrées où sous un climat délicieux il observoit et recueilloit les productions de la nature, où il trouvoit de l’attrait aux dangers mêmes qu’il bravoit pour secourir les malades, où il s’étoit fait des amis, où l’amour d’iiistoire naturelle. 169 même pouvoit lui donner une nouvelle patrie! mais tout est fini pour lui : quelquefois son énergie se ranimant, il songe que seul s’il retournoit au Pérou, il pourroit y exciter un soulèvement , mais l’idée d’une vengeance criminelle est à l’instant repoussée avec horreur , et il retombe dans l’abattement. Enfin après un séjour de dix mois , il embarque ses caisses pour le Havre, et il revient à Paris. La collec- tion arrive , il semble n’y attacher plus de prix : on veut qu’il la publie, il s’y refuse. Il dit que la promesse qu’il a faite , quoiqu’elle lui ait été arrachée par la force, n’en est pas moins un engagement sacré pour lui. D’après son refus M. de Buffon, après lui avoir fait accorder une somme de 60,000 liv. pour payer ses dettes , et une pension de 6000 1. , fait prendre chez lui son herbier, et le remet à M. L’hé- ritier qu’on charge de le décrire et d’en faire graver les plantes nouvelles. Le ministère espagnol informé de cette mesure, fait des réclamations, et la cour de France ne vou- lant pas indisposer la cour d’Espagne, M. de Buffon reçoit l’ordre de retirer l’herbier. Ce fut alors que M. L’héritier partit secrètement pour l’Angleterre avec cet herbier, et qu’il y resta quinze mois pour le décrire. Cependant ce tra- vail n’a point vu le jour, lès malheurs de la révolution empêchèrent ce savant de le continuer, etDombey est mort sans en voir rien paroître. L’héritier a péri lui-même par la plus affreuse catastrophe avant de l’avoir terminé ; et X . X 7 MM. Ruiz et Pavon étant revenus en septembre j 788, c’est en Espagne qu’on a publié ce magnifique ouvrage de la flore du Pérou. Nous sommes forcés de faire à ce sujet une réflexion. Le vaisseau qui portoit la collection du roi d’Espagne ayant fait * 21 iGo ANNALES DU MUSEUM naufrage, c’est sur les échantillons recueillis par Dombey., c’est sur scs descriptions , c’est d’après les dessins exécutés sous sa direction, qu’une partie de l’ouvrage a été faite. Je dis une partie, parce que MM. Ruiz et Pavon ayant séjourné quatre ans de plus au Pérou, et y ayant eu de nouveaux collaborateurs, ils ont sans doute beaucoup ajouté au tra- vail fait par Dombey, mais celui-ci auroit du être cité dans le titre du livre (1). Il est sans doute indifférent aux progrès des sciences que cet ouvrage ait été publié par la France ou par l’Espagne: mais il importe à la gloire de Dombey qu’on sache com- bien il y a contribué; il importe même à la France qu’on ne s’empare pas des découvertes d’un Français envoyé par le Gouvernement. Je ne veux point montrer ici par quels motifs on a cher- ché à s’approprier les travaux de Dombey , comment on a séduit le ministère espagnol, et étouffé les réclamations d’un voyageur qui n’avoit plus de protection, et qui, éloi- gné de ses compagnons, ne pouvoit même invoquer leur témoignage; pourquoi m’arrêter à dévoiler une intrigue odieuse, lorsque mes yeux se fixent avec admiration sur un homme d’un caractère élevé, victime de la jalousie et de (1) A la vérité on convient dans Ja préface qu’on n’auroit pu donner l’histoire des plantes du Chili, si Dombey n’avoit remis les doubles de sa collection. Etnisi j O. O. M. Eombeyum incolumeni servasset , qui gades pervertit , et prout ab expédi- tion is initio prœstabilitum f uerat , plantas, quas multipliai numéro eo ço.cilio ex- sic carat , communicasset ,jacturam stirpium Chilensium penitùs irreparabilem ad- hüc deploraremus. Mais il n’est nullement prouvé que Dombey eût promis le doubles de ses plantes , et quand cela seroit, cette condition avoit déjà été rems plie, puisqu’il avoit tout partagé ayant de partir de Callao. d’histoire naturelle. 161 l’infortune. J’ai prouvé qu’il avoit fait de grandes choses, j’ai montré qu’il n’en fut pas récompensé. Je tire le rideau sur des détails affligeans. Le projet dese retirer dansunesolitude au pied du Mont- Jura , et d’y finir paisiblement ses jours auprès d’un bon cultivateur qu’il avoit jadis connu, étoit le seul qui occupât Dombey. Toutes ses dettes étoient payées, et il se trouvoit assez riche. Dégoûté de la célébrité, dégoûté des sciences qu’il avoit aimées si passionnément, il donna à ses amis tout ce dont il pouvoit disposer, et rompit toute corres- pondance avec les naturalistes qu’il avoit connus en pays étranger. Seulement il conserva des relations d’amitié avec M. Pavon. La mort de M. Guettard ayant laissé, en 1786, une place vacante à l’académie, les savans jettèrent les yeux sur lui, et M. de Jussieu l’engagea à se présenter; il refusa obstinément. L’ambassadeur de Russie lui ayant proposé de la part de l’impératrice, 100,000 liv. pour les doubles qui lui restaient, il remercia en disant qu’une aug- mentation de fortune ne vaudroit pas pour lui le plaisir d’offrir gratuitement à des naturalistes français des objets qui lui avoient coûté tant de peines. Enfin M. de Galvez voulant le dédommager en quelque sorte des sacrifices qu’il avoit exigés de lui en Espagne, lui écrivit pour lui offrir une somme très-considérable qu’il refusa sans balancer (1). Le plan qu’il avoit formé de se fixer à la campagne n’ayant pu être exécuté aussi promptement qu’il le désiroit, il s’étoit, en attendant, retiré à Lyon chez des dames ses pa- (1) Ce fait m’a été attesté par M. Michel, docteur en médecine à Tullinset ami de Dombey , qui alu la lettre de M. de Galvez. l6a ANNALES DU MUSÉUM rentes : il y vivoit en misantrope, et ne voyoit presque per- sonne. Il s’y trouva lors du siège de cette ville. Quoiqu’il fût étranger aux événemens, et qu’il ne fît aucun cas de la vie, la désolation publique, les dangers dont on étoit sans cesse menacé , portèrent l’épouvante dans son ame. Il re- prit cependant du courage pour secourir des malades, pour soulager quelques-uns des infortunés qui succomboienl aux horreurs de la famine. Après la prise de la ville, il se hâta de quitter un lieu de carnage et de dévastation , pour aller chercher un asile paisible; mais alors le sang ruisseloit par- tout, et le spectacle dont il avoit été témoin, ayantencore aigri ses douleurs, ilne pouvoitplus supporter le séjourdela France; comme il falloitun ordre pour s’en éloigner, il solli- cita une commission qui l’autorisât à voyager en Amérique. Le comité d’instruction publique ayant invité le comité de salut public à l’envoyer présenter aux Etats-Unis l’étalon des nouvelles mesures ; le comité de salut public lui donna cette commission par un arrêté du 26 frimaire an IL On le chargea aussi d’acheter aux Etats-Unis des grains pour la France, et on lui remit une série de questions relatives à des objets de science, de commerce et de géographie. En conséquence, il partit du Havre le 24 nivôse an II , sur un brig américain. Mais la tempête l’ayant obligé de relâcher à la Guadeloupe , il débarqua au Port-à-Pitre le 2 1 ventôse. La Guadeloupe étoit alors déchirée comme la France ; la faction révolutionnaire dominoit au Port-à-Pitre ; le gouverneur étoit à Basse-Terre, réuni à ceux qui vouloient maintenir l’ancien ordre dans la colonie. Dombey fut très- bien accueilli en qualité d’envoyé de la République, et par cette raison il devint suspect au gouverneur qui lui donna d’ histoire naturelle i65 ordre de venir le trouver. Quoique ses principes fussent opposés à ceux des factieux, il ne jugea pas à propos de se rendre à l’ordre, et il résolut de partir avec des députés du corps représentatif révolutionnaire qui avoient frété un petit bâtiment pour se rendre à Philadelphie. 11 partit donc de la Pointe-à-Pitre, le i.cr germinal, et alla le soir sur un islot où le vaisseau devoit le prendre le lendemain. Pendant la nuit il fut enlevé et mis en prison à la haie Mahaut. Les liabitans de la Pointe-à-Pitre vinrent en foule demander que l’envoyé du comité d’instruction publique fût relâché, ce qui fut exécuté à l’instant. Quand on le vit paroître, les têtes s’échauffèrent, et pour le venger du traitement qu’il avoit essuyé, on vouloit aller s’emparer de ceux qui en étoient les auteurs. Dombey ayant inutilement employé les prières pour s’opposer à cette violence, se mit au-devant des chefs, et ce fut en luttant contre eux qu’il tomba dans la rivière salée d’où on le tira sans connois- sanee. Cet accident détourna l’attention du peuple, et il obtint qu’on s’en retournât paisiblement : ainsi le dernier acte de sa liberté fut de défendre ceux dont il avoit à se plaindre. Cependant sa chute et l’agitation qu’il avoit éprouvée lui causèrent une fièvre violente. Dès qu’il fut rétabli, il jugea que pour éviter de nouveaux troubles, le parti le plus sûr étoit de se rendre chez le gouverneur. Il y fut interrogé : on jugea que c’étoit un homme droit , étranger à tout esprit de parti. On lui ordonna cependant de quitter la colonie et de s’embarquer sur le vaisseau américain qui l’avoit amené, et qui alloit remettre à la voile. A peine ce vaisseau étoit-il sorti de la rade, qu’il fut pour- suivi par deux corsaires contre lesquels il ne put se dé- l64 ANNALES DU MUSEUM fendre. Dombey qui s’étoit déguisé en matelot espagnol , fut reconnu et conduit dans les prisons de Mont-Serrat où la maladie , les chagrins, les mauvais traitemens eurent bientôt terminé sa carrière. On ignora long-temps son sort. La France étoit en proie à de telles convulsions, qu’on ne pou voit s’occuper des malheurs d’un absent. Enfin la nou- velle de sa mort parvint à New-York, d’où elle fut com- muniquée au comité d’instruction publique, le 27 vendé- miaire an III, environ six mois après l’événement. Dombey passa sa vie dans une agitation continuelle ; il fut exposé à mille dangers; il fut victime de l’injustice et privé du fruit de ses travaux , il périt loin de sa patrie , loin de toute consolation , et dans les fers : il augmente le nombre de ceux qui ont été martyrs de leur zèle pour l’histoire naturelle. Mais en plaignant sa destinée , ne la jugeons pas aussi affreuse qu’elle le paroît d’abord. Sa mort arriva à la meme époque où tant d’hommes de mérite furent frappés par la hache révolutionnaire ; et pendant le cours de sa vie on voit que les sentimens de bienfaisance, de patriotisme et de générosité ne s’affoiblirent jamais dans son coeur. On voit que l’idée d’enrichir son pays l’occupoit sans cesse ; que l’amour des sciences le soutenoit au milieu des dangers ; que sa misantropie, en l’éloignant des indiffé- rens, le rapprochoit de quelques amis : on voit enfin que si la mélancolie jetta du sombre sur ses derniers jours, elle n’altéra jamais la douceur de son caractère. Heureux du bien qu’il faisoit à ses contemporains , heureux de celui qu’il avoit préparé à la postérité par ses découvertes , il sut trouver des jouissances qu’il n’est pas au pouvoir des hommes d’empoisonner. Fatigué parles contrariétés, il re- d’ histoire naturelle i65 nonça à tout projet , à toute espérance ; il méprisa la fortune et la gloire: au milieu des circonstances les plus orageuses, il n'exista plus que pour l’amitié et la vertu. J’ai dit que la collection de Dombey a voit été partagée avec l’Espagne, qu’à Paris il avoit donné à ses protecteurs, à ses amis et à divers naturalistes les doubles dont il pou- voit disposer sans diminuer le prix delà collection destinée pour le Gouvernement. La minéralogie lui doit deux espèces nouvelles ; savoir, le cuivre muriaté ou sable vert du Pérou, et l’éuclase, dont le cristal le plus beau se trouve dans le cabinet de M.deDrée. On possède à l’école des mines plusieurs morceaux précieux qui viennent de lui, mais c’est au Muséum que sont la plu- part des objets rapportés de ses voyages. La galerie des minéraux lui doit, outre les deux subs- tances que nous avons nommées , des cristaux de quartz hyalin prismé; une très-belle émeraude primitive du Pérou, ayant pour gangue une couche de chaux lamellaire ; plu- sieurs morceaux d’or natif ramuleux dans le quartz ; une portion d’un filon très-riche en argent , du poids de 16 kilo- grammes ( plus de 3o livres ) ; ce métal y est sous la forme de rameaux divergens ; de superbes morceaux d’argent mu- riaté, avec cristaux granuliformeséclatans delà même subs- tance; une masse d’argent muriaté compacte du poids d’en- viron 6 kilogrammes ( plus de 12 livres ) ; des échantillons des mines de mercure ; du grès pliant; des ossemens fossiles de l’animal gigantesque de l’Ohio incrustés d’argent, etc. Celle de zoologie a reçu de lui la mouffette du Chili , décrite dans les supplémens de Buffon ; plusieurs oiseaux, 4. 22 1 66 ANNALES DU MUSEUM parmi lesquels on remarque diverses espèces de Tangara; plusieurs poissons, dont un , qui n’étoit pas connu, a été décrit par M. de Lacépède sous le nom de Gastrobranche de Dombey; lés magnifiques papillons du Brésil, et plusieurs espèces de charansons et de zygènes(i). Son herbier, composé d’environ i5oo plantes bien con- servées, est aussi déposé au Muséum ; sur ces i5oo plantes , se trouvent environ Go genres nouveaux qui, presque tous, ont été publiés par Ruys et Pavon sous des noms différens de ceux que Dombey leur avoit donnés. Il est accompagné d’un manuscrit renfermant l’histoire des plantes du Pérou et du Chili; l’établissement des genres, la description des espèces, et l’histoire de leurs usages (a). On y trouve aussi beaucoup d’observations sur les mines du Chili. Le jardin du Muséum doit à Dombey beaucoup de plantes curieuses qui se sont ensuite répandues dans les principaux jardins de l’Europe. Tel est cet arbrisseau connu sous le nom de Floripondio (3) qui pendant plusieurs mois de l’an- née produit dans nos parterres un effet si pittoresque, èt (1) Parmi ces papillons il y en a deux qui sont très-rares et delà plus grande beauté; l’un a été nommé par M. Fabricius papilio laertes ; l’autre est une espèce inédite , voisine de celle qu’on a nommée papillon hécube. Les charansons ne sont pas moins remarquables : l’un est le curulio imperialis de Fabricius ; les deux autres sont le curulio fastuosus et le sumptuosus, que M. Olivier a décrits d’après les indi- vidus du Muséum. Les noms qu’on a donnés à ces trois charansons indiquent assez combien ils sont plus grands et plus beaux que ceux qu’on avoit observés jus- qu’alors. (2) En comparant ce manuscrit avec le Flora peruviana , on voit que les auteurs espagnols ont souvent copié les descriptions du botaniste français. (3) 11 est cultivé au Pérou , mais Dombey assure qu’il y a été apporté du Chili. d’ HISTOIRE NATURELLE. 167 se fait remarquer de loin par ses fleurs en cloche, longues d’un pied, suspendues et flottantes à l’extrémité des ra- meaux : telle est l’Aristotelia maqui, dontles baies donnent une liqueur rafraîchissante qui fut à Dombey d’une grande ressource pour la guérison de la maladie contagieuse du Chili : telle est encore cette sauge que L’héritier a nommée salvia formosa, la belle sauge, dontles grandes fleurs écar- lates ont l’éclat le plus vif. Mais de toutes les plantes que Dombey nous a fait connoître, la plus intéressante est la verveine à odeur de citron ( verbena triphylla L’her. ) Cet arbrisseau, qui s’élève à i5 pieds, est de tous les végétaux qu’on peut cultiver en Europe , celui dont le feuillage a le parfum le plus délicieux. A Paris on est obligé de l’abriter dans l’orangerie pendant les fortes gelées ; dans les climats plus tempérés , il passe l’hiver en pleine terre. Déjà on en voit des haies à Florence , et M. de Ruffo l’a cultivé avec succès dans le département des Basses-Alpes(i). Lorsqu’il sera plus répandu dans le midi de la France , il y bordera les chemins et y formera de petits bosquets qui , par l’élégance des arbrisseaux, la légèreté de leurs panicules de fleurs d’un gris de lin, le vert gai de leur feuillage, et sur-tout par leur parfum suave et vivifiant, paroîtront bien préférables aux bosquets de myrte tant célébrés par les poètes. Les feuilles desséchées conservent toute leur odeur, et l’infu- sion en est très-agréable et très-salutaire. Si comme quel- ques auteurs l’ont pensé, cet arbrisseau devoit être séparé f' * * (1) Voyez les Annales du Muséum, tom. I, page 253. 22 l68 ANNALES DU MUSÉUM des verveines et faire un genre à part, c’est à lui que nous désirerions qu’on donnât le nom de Dombey (i). Les jardins et les cabinets d’histoire naturelle ne sont pas les seuls établissemens qui ayent été enrichis parles voyages de Dombey. Le cabinet des antiques de la bibliothèque nationale a reçu de lui des vases trouvés dans les tombeaux des Incas, et divers monumens curieux des anciens Pé- ruviens. On n’a rien imprimé de Dombey , si ce n’est une lettre dans le journal de physique ( tom. i5 ) , sur le salpêtre quise trouve au Pérou, etsurlamer lumineuse. Ici il observe que la mer pa- roi t phosphorique seulement dans les pays chauds ou tem- pérés, et qu’elle l’est d’autant plus lorsque le temps est disposé à l’orage. En lisant ce que nous avons dit des voyages de Dombey, des obstacles qu’il a eus à vaincre et des dangers qu’il a courus, on a dû se rappeler le célèbre et infatigable voya- geur qui parcourt depuis cinq ans les mêmes contrées , et qui, versé dans toutes les sciences, rapportera bientôt en Europe les collections les plus précieuses et les observations les plus intéressantes. Puissent Alexandre de Humbolt et son (1) Voici encore le nom de quelques-unes des plantes que Dombey a introduites en Europe. Poa peruviana Jacq. — Alstroemoria salsillaL. — Amaryllis tubiflora, maculata et chilénsis Lher. — Illecebrum frulescens L’her. — I. Porrigens Jacq. — Salvia scabiosæfolia H. P. — Hemitomus fruticosus L’her. — Physalis prostrata L’her. — Solanum corymbosum Wild. ; S. reclinatum L’her. ; S. pinnatifidum Lmk. — Cestrum parqui L’her. — Tourrelia lappacea Wild. — Convotvulus hermanniæ L’her. — Lobelia tupa L. — Buphfalinum sericeum L’her — Encelia canescens Lmk. — Siegesbeckia flosculosa L’her. — Spilanlhus albus L’her. — Allionia incar- nala L’her. — Palaya malvæfolia Car, — Malope parvillora L’her. — Mal*ya scopa- d’histoire NATURELLE. lfi<} ami Bonplant revenir bientôt parmi nous, et jouir en paix du fruit de leurs sacrifices et de leurs travaux (i). ria L’her. — Sida paniculata L. Sida ricinoides, jatrophoides, pterosperma , nudi- flora , et cisliflora L’her. — Tetragonia cristalliua L’her. — Œnotliera rosea L. — - Celastrus octogonus L’her. — Bégonia octopelala L’her. (1) Je n’ai rien négligé pour m’assurer de la vérité des faits contenus dans celle notice. Les pièces justificatives sont déposées au secrétariat du Muséum où on peut les consulter. On y trouve l’extrait baptistaire de Dombey ; sa correspondance avec M. Thouin et avec M de Jussieu; une copie authentique des lettres ministérielles qui lui ont été écrites , et des certificats qui lui ont été donnés en Amérique; une copie des lettres adressées au comité de Salut public qui contiennent les faits relatifs à son séjour à la Guadeloupe, et la nouvelle de sa mort. Le certificat du capitaine de vaisseau le Péruvien , qui atteste que toute la collection dont il est chargé appartient à Dombey et esl destinée pour la France, etc. J’ai aussi consulté les personnes avec qui Dombey a eu des relations , et MM. Gili- bert, professeur d’histoire naturelle à Lyon ; Yillar , professeur à Grenoble; Le- blond qui a herborisé avec lui au Pérou; Michel, médecin à Tullius, chez qui il avoit resté quelques mois , ont bien voulu me communiquer des notes intéres- santes que j’ai jointes aux pièces déposées au Muséum. J’avois moi-même connu Dombey, et je lui avois entendu raconter quelques particularités de son voyage. Ne pouvant donner plus d’étendue à celte notice, j’ai été forcé de passer sous silence une loule d’anecdotes qui toutes auroient donné de nouvelles preuves de sa générosité et de l’élévation de son caractère. Ainsi un de scs amis m’a écrit qu’ayant été mis en prison pendant la terreur , Dombey alla le trouver et lui porta cent louis qui étoient le fruit de ses économies. Celui-ci ayant refusé ; eh bien lui dit Dombey, je les réserve pour votre famille dans le cas où elle aura besoin de secours. M. Gilibert a publié dans le recueil des actes de la société de santé de Lyon , an VI, p. 453, une notice sur la vie et les travaux de Dombey. On y trouve des laits intéressans ; mais on voit que l’auteur n’a pas en les mêmes ressources que moi'/ 170 ANNALES D U MUSEUM NOTE sur le don fait au Muséum d’un herbier et d’un ouvrage ayant pour tilre : Histoiredes végétaux recueillis sur les îles de France , laRéu- nion et Madagascar , contenant les descriptions et figures des plantes qui forment des genres nouveaux ou qui perfectionnent les anciens , accom~ pagnée de dissertations sur dijférens points de Botanique , par Aubert- du-Petit-Thouars. Paris , chez Bevrault et Schoell , libraires , rue de Semey hôtel de la Rochefoucault. JLes professeurs du Muséum se proposent de consacrer un article dans les Annales à témoigner leur reconnoissance aux auteurs qui donnent leurs ou- vrages à la bibliothèque de l’établissement , comme ils l’ont fait pour ceux qui ont envoyé des plantes au jardin. Mais il est étranger au plan des Annales de rendre compte des livres nouveaux ; si nous faisons mention de celui-ci , c’est à cause d’une circonstance particulière pour laquelle on doit des remercîmens à l’auteur. En remettant à la bibliothèque le premier cahier de son histoire des végétaux des Iles-de-France , la Réunion et Madagascar, M. Aubert-du-Petit-Thouars a présenté à l’assemblée des professeurs un second exemplaire où les gravures et les descriptions sont jointes à un échantillon des plantes qui leur ont servi de modèle , et il a promis de faire la même chose pour les cahiers suivans. Ces plantes déposées au cabinet seront un type qui rendra leur nomenclature certaine , et constatera l’exactitude des figures. Elles pourront au besoin lever les doutes de ceux qui ayant recueilli les mêmes espèces voudront s'assurer- de l’identité. M. du Petit-Thouars a adopté dans ses descriptions une méthode nouvelle dont M. Correa de Serra est l’inventeur. Elle consiste à considérer non-seu- lement les parties de la fructification comme l’a fait Linné , mais encore le fruit dans toutes ses parties , et à la manière de Gærtner. Si celte méthode , amenée par les pi’ogrès de la science , est généralement adoptée , elle en recu- lera encore les limites» Quoique le célèbre Commerçon eût visité les îles de l’Afrique Australe, M. du Petit-Thouars y a découvert plusieurs plantes qui avoient échappé à cet infatigable naturaliste ; c’est le fruit d’un séjour de sept ans uniquement employés à herboriser et à observer. Comme il a lui-même dessiné les figures , on peut compter sur leur exactitude ; elles sont simplement gravées au trait , ce qui rend l’ouvrage moins cher sans diminuer son mérite aux yeux de ceux qui regardent les livres comme des moyens d’instruction et non comme des meubles de luxe» JD. NO TE sur les animaux vivans venus à bord du Géographe. L’expédition de découvertes confiée au capitaine Baudin , étoit , comme on l’a su dans le temps, composée de deux corvettes de l’Etat, le Naturaliste et le Géographe : nous avons annoncé , il y a huit mois , l’arrivée de la première ; le Géographe est également de retour , il vient de mouiller dans le port de l’Orient, le 5 floréal dernier. Ce bâtiment, commandé par le capitaine de frégate Milius , en l’absence de M. Baudin , décédé à l’Ile-de-France , apporte les derniers résultats des travaux de l’expédition tant en géographie qu’en histoire naturelle. Les objets recueillis en histoire naturelle dont M. E. Geoffroy est allé à l’Orient prendre possession au nom du Gouvernement , forment le plus riche envoi qu’ait encore reçu le Muséum d’histoire naturelle. Les animaux vivans y sont au nombre de 72 , les plantes en pleine vé- gétation quatre fois plus nombreuses , et les caisses d’histoire natu- relle au nombre de 80 , parmi lesquelles il s’en trouve 5 de minéra- logie, 8 de graines, fruits , racines et plantes préparées pour l’herbier général , et 67 d’objets de zoologie de tous genres. I.es professeurs du Muséum comptent mettre incessamment sous les yeux du Gouvernement un aperçu de la valeur de ces importantes collections , eL recommander aussi à la bienveillance publique le nom des hommes dévoués qui les ont formées. (1) En attendant , nous donnerons ici un tableau exact des animaux débarqués de la corvette le Géographe. M A M 3VI I F È R E S. i.° Un couple de Singe venant de l’intérieur de l’Afrique : l’espèce en est nouvelle; elle se rapproche du papion duBuffom Sa couleur est le brun-foncé. 2.0 Trois Taris (Lemurmacaco) dont un individu femelle exacte- ment semblable à la variété décrite par M. E. Geoffroy, sous le nom de vari à ceinture 5.° D eux Mongous ( Lernur mon go z ). 4. ° Une Hyène mouchetée dont parlent différens voyageurs au Cap, mais qui pourtant est une espèce indéterminée dans les auteurs systé- matiques, parce que ceux-ci l’ont confondue avec une autre hyène tachetée dont le fond du pélage est jaune : le poil de V hyène du Cap est au contraire d’un gris blanc. 5. ° Deux jeunes Lionnes. (1) Ces naturalistes sont , pour la zoologie , MM. Perron , Lesueur , Maugé et Levillain ; pour la1 botanique, MM. Riedlé , Leschenaux et Guichenot ; et pour la minéralogie , MM. Bailly et De- puch. Nous avons eu le malheur de perdre quatre d’entre eux , MM. Maugé , Levillain, Riedle et Depuch : tous les autres sont de retour , à l’exception de M. Leschenavtx resté À Batavia où il est occupé à de nouvelles recherches. 172 ANNALES DU MUSEUM 6.° Trois Panthères ( Felis pardalis ). Il en est une qui paroît âgée: elle est très-petite , et sa robe esl parsemée de taches en roses plus nombreuses que dans les panthères de Tunis et d’Alger. 7.0 Le Felis mêlas. C’est ainsi que dans son catalogue M. .Perron dé- signe une nouvelle espèce de tigre ou de panthère dont lepélage est d’un noir foncé. Cet animal, plus petit que la vraie panthère , vient de Java ; il est d’une férocité sans exemple. T oujours tapi au fond de sa loge , il est toujours en chasse , l’oeil fixe et la gueule dans un état constant de contraction. 8.° Une Genette du Cap. 9.0 Deux Mangoustes nems mâle et femelle ; les mêmes dont M. E. Geoffroy a déjà traité dans les Annales , vol. II , p. 248. 10. ° Le Kanguroo géant. Sa taille passoit un mètre et demi; il n’a pu supporter les fatigues de la route. M. Cuvier en a étudié l’organi- sation intérieure. 1 1 . ° Le Kanguroo de King. C’est unç espèce non décrite ainsi nommée par M. Perron^ parce que ce voyageur l’a trouvée dans Pile King, placée à l’entrée du détroit de Bass. 1 2.0 Deux Forc-épics ( Hystrix cristata ) mâle et femelle. 13. ° Un Cerf et une Biche du Gange ( Cervus axis ). 14. °Un Gnou. Le plus singulier animal, et sans contredit le plus précieux de cette collection; c’est mal-à-propos qu’on l’avoit placé dans le genre des antilopes : il a plus d’affinité avec les bœufs. 15. °Un Zèbre femelle ( Equus zébra ). Il se laisse monter, etmontre toute la docilité du cheval. OISEAUX. 16. 0 Deux Casoars êmious. C’est le casoar sans casque de la Nou- velle-Hollande, que le commodore Philipp nous a le premier fait connoître. !7.° Un Casoar des Moluques. x8.° Une Autruche. if).° Le Secrétaire du Cap ( Falco serpent arius ). 20.0 Trois Poules sultanes ( Fulica porphirio ). 21.0 Cinq Perroquets royaux de la Nouvelle-Hollande. 22.0 Deux Pigeons couronnés ( Columba coronata ). 23.° Et enfin trente-deux Tortues d’eau douce et de terre , provenant de l’Ile-de-France, de Madagascar et du Cap de Bonne-Espérance. A l’exception des Kanguroos , des Casoars émious et des PerroqueLs , tous les autres animaux ont été ou donnés au Gouvernement français parM. Jansens, gouverneur général du Cap , ouacquis à l’Ile-de-France par les soins du capitaine général M. Decaen, E. G. d’ HISTOIRE NA T U R E L L E. 17a MÉMOIRE Sur les principes constituans de Veau minérale et médi- cinale de Balance . Par A. BRONGNIART. Les bons effets que j’ai ressentis de l’usage de l’eau de Balaruc, m’ont déterminé à en faire l’analyse. Plusieurs auteurs en ont parlé comme je le dirai par la suite, mais ils ne pou voient faire cette analyse avec exactitude, faute de moyens et d’instrumens. J’ai priéM. Laugier, dont nous connoissons tous l’expérience et la sagacité, de coopérer avec moi à cette analyse. La foiblesse de ma santé et l’ex- trême confiance qu’il mérite , m’ont déterminé à l’associer à mon travail , et il a fait les expériences dont j’offre ici la série et le résultat. Analyse de Veau de Balaruc. Parmi les eaux minérales de la nature de celles que l’on nomme salines, l’eau de Balaruc tient un rang distingué, et par la confiance que d’habiles praticiens lui ont accordée, et par ses propriétés constatées par une longue expérience. Les effets salutaires que l’on a obtenus de l’administration 4. a3 174 ANNALES DU MUSEUM de ce remède, ont du faire naître la curiosité de connoître sa nature et de rechercher les principes auxquels ils sont dus. Leroi, de Montpellier, médecin et chimiste distingué, est celui qui a entrepris cette recherche avec le plus de succès , et son travail sur cet objet ne laisseroit sans doute rien à désirer, si la science chimique eût eu alors à sa dis- position toutes les ressources qu’elle possède aujourd’hui. A mesure que la chimie agrandit son domaine, à mesure que ses moyens augmentent , on sentie besoin de reprendre des travaux qui n’ont pas toute la perfection que l’on dé- sire , et il n’est pas invraisemblable qu’avant la fin du siècle, nos successeurs, forts de notre expérience et de celle qu’ils auront acquise, ne jugent convenable de recommencer ce travail trop imparfait pour eux. Telles sont les réflexions d’après lesquelles on a entrepris de nouveau l’analyse de l’eau de Balaruc, et l’on a pensé qu’elle pourroit être de quelqu’utilité. On a procédé de la manière suivante à l’exa- men de cette eau minérale. Propriétés physiques ; examen par les réactifs . L’eau de Balaruc transportée et observée à Paris, a une limpidité parfaite ; elle est absolument sans couleur, sa saveur d’abord fortement salée, se change bientôt en une saveur fade et nauséabonde. Elle ne rougit la teinture de tournesol que d’une ma- nière presqu’insensible, mais assez pour exclure la présence d’une substance alcaline libre, aussi ne verdit-elle pas le sirop de violette , et ne brunit-elle pas le papier de Curcuma. La teinture de noix de galles ne la noircit pas} elle ne b’ HISTOIRE NATURELLE. Ij5 semble d’abord y produire aucun changement, mais au bout de quelque temps le mélange se trouble, peu-à-peu la substance qui en altéroit la transparence se dépose, et la liqueur prend une teinte verdâtre très-sensible. Le nitrate d’argent y occasionne un précipité abondant, lourd et floconneux. Le muriate de baryte y forme un précipité moins volu- mineux et pulvérulent. L’eau de chaux , un précipité floconneux soluble sans effervescence bien sensible dans les acides. L’ammoniaque, un précipité de la même nature; La potaste caustique , un précipité plus abondant que les deux précédens ; L’acide oxalique y forme des stries ou filamens blancs ; Les acides n*y occasionnent aucune effervescence ; le prus- siate de potasse n’en altère nullement la couleur. On doit naturellement conclure de ces essais, 1 . ° Que l’eau de Balaruc ne contient qu’une très-légère portion d’acide, point d’alcalis à l’état de liberté ; 2. ° Qu’il s’y trouve du carbonate de chaux, quoique les acides n’y occasionnent aucune effervescence ; d’où il suit que la teinture de noix de galles est un réactif plus puissant qu’eux pour décéler la présence d’une très-petite quantité de ce sel terreux ; 3. ° Que l’eau de Balaruc contient de l’acide muriatique eu abondance, de l’acide sulfurique, delà magnésie, de la chaux ; enfin qu’elle ne tient en dissolution aucune subs- tance métallique. Après ces essais propres à éclairer assez exactement sur 23* la nature des principales substances contenues dans l’eau de Balaruc, on a procédé à l’évaporation de ce liquide * moyen indispensable pour confirmer les conjectures qu’on avoit pour but de connoître. Evaporation de Veau de Balaruc ; examen du résidu. Un kilogramme de cette eau a été évaporé à une cha- leur douce dans une capsule de porcelaine. Elle n’a pas changé de couleur; il ne s’en est dégagé aucune odeur. Peu d’instans après avoir été exposée à la chaleur , elle s’est troublée; il s’est bientôt formé à sa surface une pellicule légère qui s’est déposée peu-à-peu au fond du vase évapo- ratoire. On s’est assuré que ce dépôt étoit en partie formé de carbonate et de sulfate de chaux. On a continué l’évaporation jusqu’à siccité. Le résidu pesé encore chaud a fourni 9 grammes 2b centigrammes ou environ le cent dixième du poids total de l’eau. Ce ré- sidu parfaitement blanc , abandonné quelque temps à l’air, en attiroit assez fortement l’humidité. On a suivi le procédé le plus ordinaire, parce qu’il est le plus exact pour séparer les substances qui composoient le résidu, c’est-à- dire qu’on l’a traité successivement par l’alcool , l’eau dis- tillée, et l’acide acétique. Traitejnent du résidu par T alcool. On a fait chauffer sur le résidu douze à quinze fois son poids d’alcool rectifié marquant 38 degrés à l’aréomètre de Cartier. On a eu la précaution de le diviser en deux por- tions , pour que son action, en quelque sorte doublée, fût d’ histoire naturelle. 177 par cela même plus puissante pour séparer les sels déliques- cens que le résidu pouvoit contenir. Après une suffisante digestion, le résidu séparé et séché ne pesoit plus que 7 grammes 20 centigrammes ; l’alcool avoit donc enlevé 2 grammes 5 centigrammes. La dissolution alcoolique essayée par les réactifs a fourni les résultats suivans. Le nitrate d’argent y occasionnoit un précipité blanc, lourd et sous la forme de flocons - l’am- moniaque un précipité léger , floconneux et abondant; l’acide oxalique un précipité blanc , pulvérulent et moins volumineux. Ces phénomènes indiquent la présence du muriatc de magnésie et du muriate de chaux. Il restoit à s’assurer si la dissolution 11c contenoit pas de nitrates, et à connoître les proportions des sels ci-dessus énoncés ; pour parvenir à ce double but , on a fait éva- porer jusqu’à siccité la dissolution alcoolique , et on a versé sur son résidu qui attiroit fortement l’humidité de l’air et se résolvoit en liqueur, de l’acide sulfurique concentré; il s’est dégagé sur-le-champ une fumée grise qui rom gissoit le papier de tournesol exposé à son contact, qui devenoit plus épaisse par l’approche d’un corps imbibé d’ammoniaque, et qui avoit tous les caractères du gaz acide muriatique. Ce gaz n’étoit mêlé d’aucune vapeur rouge qui n’auroit pas manqué de se dégager, s’il s’étoit trouvé un nitrate avec les muriates. Après avoir versé plus d’acide qu’il n’en étoit besoin pour opérer leur décompo- sition totale , on a fait évaporer et calciner le mélange pour en séparer l’excès d’acide , et on a versé sur le résidu de l’eau distillée froide qui devoit dissoudre le sulfate de ma- gnésie sans toucher au sulfate de chaux. La dissolution î^g ANNALES DU MUSEUM séparée par le filtre de la portion insoluble ayant été éva- porée à siccité et redissoute dans l’eau , a laissé une matière insoluble peu abondante que l’on a reconnue pour du sul- fate de cliaux , entraîné vraisemblablement parle sulfate de magnésie. La dissolution de ce sel chauffée convenablement a fourni des cristaux en prismes aiguillés dont le poids total étoit de 5 grammes i5 centigrammes, qui représentent un gramme 45 centigrammes de muriate de magnésie. Le poids du sulfate de chaux a représenté 60 centigrammes de mu^ riate de chaux. Traitement du résidu par Veau. Le résidu de 7 grammes 20 centigrammes dont l’alcool avoit séparé les sels déliquescens , a été traité par une suf- fisante quantité d’eau distillée froide , dans la vue de lui en- lever les sels solubles dans ce liquide. Lorsque la dissolu- tion a été jugée complète , on a jeté le tout sur un filtre. La portion insoluble séchée à l’air ne pesoit plus que 85 cen- tigrammes, d’où il suit que l’eau lui avoit enlevé 6 grammes 55 centigrammes. La dissolution précipitoit très-abondam- ment par le nitrate d’argent, mais légèrement par la disso- lution de muriate de baryte et par celle d’oxalate d’ammo- niaque, d’où l’on peut conclure que l’eau avoit dissous une petite quantité de sulfate de chaux, ce qui s’explique facile- ment par l’extrême division où ce sel existe dans les eaux minérales. Elle n’a donné aucune odeur d’ammoniaque par les alcalis caustiques, et convenablement évaporée elle n’a fourni aucun cristaux de sulfate de soude , ni de nitrate de potasse. On a continué l’évaporation jusqu’à siccité et on d’histoire naturelle. 179 a obtenu une quantité de sel très-blanc , d’une saveur salée très-franche, sans aucun goût d’amertume, du poids de 6 grammes 10 centigrammes, mais souillée par une portion de sulfate de chaux , que l’on en a séparée en le redissol- vant dans l’eau. Comme ce sel pouvoit être mêlé d’un peu de muriate de potasse , on a cru devoir le traiter avec de l’acide sulfurique, mais la totalité du sel que l’on a obtenue étoit du sulfate de soude; on ne peut donc douter que le muriate de soude ne fût parfaitement pur. Traitement du résidu par V acide acétique . On se rappelle que la portion du résidu sur laquelle l’eau n’avoit point eu d’action, pesoit 85 centigrammes; on se rappelle aussi que la dissolution alcoolique de noix de galles avoit annoncé la présence du carbonate de chaux dans l’eau de Balaruc. Le procédé le plus avantageux pour séparer ce sel des autres substances que le résidu pouvoit contenir, étoit de le traiter par l’acide acétique; on en a donc versé une quantité suffisante sur ce résidu. L’effervescence vive et prolongée qui s’est manifestée , le dégagement d’un gaz recon- noissable par son odeur vive et piquante, n’a plus laissé de doute sur l’existence d’un carbonate. Pour aider l’action de l’acide on a fai t digérer le mélange pendant quelques instans, et après avoir jeté le tout sur un filtre, on a lavé la portion demeurée intacte qui ne pesoit plus que 35 centigrammes, l’acide avoit donc dissous 5o centigrammes ; la dissolution rapprochée légèrement, puis abandonnée à l’évaporation spontanée , a donné un sel terreux en filamens, comme de la mousse , selon les expressions du célèbre Bergman , mais iSo ANNALES DU MUSEUM qui s’humectoità Pair d’une manière presque insensible , en un mot, un mélange d’acélates de chaux et de magnésie. Ce sel, en se dissolvant dans l’eau, a laissé une substance pesant quelques centigrammes et qui avoit tous les caractères du sul- fate de chaux. On voit que le sulfate de chaux lorsqu’il a été amené à l’état de division qu’exige sa dissolution dans les eaux minérales , jouit d’une solubilité plus grande que celle qu’on lui attribue , puisque tous les dissolvans employés dans l’analyse en ont retenu une certaine quantité. Le mé- lange d’acélates de magnésie et de chaux décomposé par la calcination a donné pour résidu une quantité de chaux et de magnésie qui représentoit oq centigrammes de carbo- nate de chaux, et 4 centigrammes et demi de carbonate de magnésie. Examen du résidu insoluble dans V 'alcool, l’eau et l’acide acétique. Ap rès l’action successive de l’alcool, de l’eau et de l’acide acétique sur le résidu de l’évaporation de l’eau deBalaruc, il ne restoit plus qu’une matière insipide, d’un blanc gri- sâtre, et dont le poids ne s’élevoit qu’à 55 centigrammes. Elle se dissolvoit dans une grande quantité d’eau bouillante, et la dissolution précipitoit par l’oxalate d’ammoniaque et le muriate de baryte, d’où l’on pou voit conclure que c’étoit du sulfate de chaux. Mais pour s’assurer qu’elle n’étoit mêlée à aucune autre substance, on l’a fait bouillir long-temps avec du carbonate de soude , et l’on a obtenu un précipité qui se dissolvoit avec beaucoup d’effervescence et en to- talité dans un acide, et qui, par son poids représentoit très- d’ HISTOIRE NATURELLE. l8l exactement la quantité de chaux que les 55 centigrammes de sulfate de chaux dévoient contenir. Résumé de V analyse. En résumant ce qui a été dit plus haut, on ne peut douter que l’eau de Balaruc ne contienne six substances bien dis- tinctes, savoir : Des muriates de soude , de magnésie et de chaux* Des carbonates de chaux et de magnésie et du sulfate de chaux. Ces sels s’y trouvent dans les proportions suivantes : Le muriate de soude forme à-peu-près les deux tiers de la totalité du ré^du obtenu par l’évaporation; Celui de magnésie un peu moins du 6.e; Celui de chaux moins du i5.c ; Le sulfate de chaux environ le i6.e; Le carbonate de chaux le 25.e ; Et le carbonate de magnésie le 23o.e Ou plus exactement un kilogramme d’eau de Balaruc contient : Muriate de soude . . . Muriate de magnésie . . Muriate de chaux . . . Sulfate de chaux. . . . Carbonate de chaux. Carbonate de magnésie 6, >, )) )) )) )) 25 c. 4o 6l 58 3? 4 9 25 On n’a pas cru devoir tenir compte ici d’une perte d’en- viron 3o centigrammes; outre que cette perte est inévitable 4. 24 102 ANNALES DU MUSEUM dans ressortes d’anal y ses, et sur-tout en travaillant sur des quantités aussi foibles, il est vraisemblable qu'elle doit être attribuée à la difficulté que l’on éprouve pour amener ces sels isolés au même point de désiccation. JDifférences entre les résultats de cette analyse et ceux des analyses précédemment faites des eaux de Balaruc. Plusieurs chimistes se sont successivement occupés de l’examen de ces eaux. Duclos y avoit reconnu la présence du sel marin ; Regis et Deidier avoient observé de plus qu’elles rougissoient les couleurs bleues végétales, et ils avoient conclu de’cette observation, qu’elles contenoientun acide libre. Le travail entrepris postérieurement à ces essais, par Leroi, médecin de Montpellier, est le plus complet qu’on ait fait jusqu’à nos jours. Outre l’acide et le sel marin indiqués par ses prédécesseurs, il y avoit découvert de la sélénite, une terre absorbante, et un sel déliquescent. Ces résultats annoncent que le célèbre chimiste de Montpellier avoit vu une grande partie des substances tenues en disso- lution dans ces eaux. Quelques moyens de plus à sa dispo- sition, et il est probable qu’il n’auroit laissé rien à faire. Avec les ressources que la chimie possède aujourd’hui, il auroit déterminé la nature de cette terre absorbante, son union avec une autre terre qui en diffère par ses propriétés, et la combinaison de ces deux terres avec le même acide dont il avoit, sans le connoître , indiqué l’existence dans ces eaux j il auroit vu que ce sel déliquescent étoit un mé- lange de deux sels qui, semblables en apparence, diffèrent réellement par leurs bases que l’on peut aisément séparer de d’ histoire naturelle. i85 l’acide qui leur est commun; enfin il eut assigné exacte- ment les proportions de chacune de ces substances. Bergman dans son savant traité de l’analyse des eaux ; le citoyen Fourcroy dans sa belle analyse de l’eau d’Enghien, déclarent que c’est à leur source que l’on fait l’examen des eaux minérales avec le plus d’avantage. L’analyse qu’on vient de décrire offre une preuve -convaincante de cette as- sertion. L’eau de Balaruc, au rapport de tous ceux qui l’ont examinée sur les liqux, contient une quantité notable d’acide libre , les carbonates qu’elle tient en dissolution ne laissent aucun doute sur l’existence de cet acide; cependant on est forcé d’avouer que les réactifs ordinaires y ont à peine in- diqué sa présence ; la teinture de tournesol n’a été que très- foiblement rougie par l’eau de Balaruc , et les acides qu’on y a versés n’y ont occasionné aucune effervescence sensible. Il est vraisemblable que l’eau de Balaruc prise à sa source, contient une quantité de gaz acide carbonique plus consi- dérable que celle que l’on vend à Paris ; et que la majeure partie de ce gaz en est dégagée soit par l’agitation qu’elle éprouve en la transvasant, soit par le trajet qu’on lui fait faire pour la transporter dans des lieux éloignés. En terminant cette analyse , on ne se permettra aucune réflexion sur les propriétés médicamenteuses de l’eau de Balaruc , ni sur son application à l’art de guérir ; c’est aux praticiens à tirer de sa composition les inductions les plus convenables, et à prononcer sur son utilité ; le chimiste doit se renfermer dans les limites qui lui sont prescrites et qui consistent essentiellement dans l’indication de la nature et des proportions des principes constituans des corps soumis à son examen. 24 * i84 ANNALES DU MUSEUM MEMOIRE « Sur plusieurs animaux de la Nouvelle-Hollande dont la description n’a pas encore été publiée. Par LACÉPÈDE. Le 3.e joui' Complémentaire de l’an XI. La Nouvelle-Hollande est une des contrées du globe les plus dignes d’exciter la curiosité des naturalistes , et les plus propres à leur procurer de nouvelles lumières. Son intérieur est entièrement inconnu; aucun Européen n’y a pénétré ; et à peine avons-nous une idée vague de sa circonférence. Les Anglais qui ont formé un bel établisse- ment à Botany-Bay , n’ont pas achevé de reconnoître la côte orientale de la Nouvelle-Hollande, entre le i2.eet i5.e degré de latitude. Ce n’est que depuis le voyage d’Entre- casteaux , dont nous devons la relation à notre confrère La- billardière, que nous avons des notions exactes sur la terre de Nuits, sur quelques îles ou rivages voisins , sur la côte méridionale de la terre de Diémen. La découverte du dé- troit de Bciss est encore plus récente. Tous les résultats des recherches du capitaine anglais Flenders 11e sont pas connus. Le capitaine Baudin parcourt dans ce moment la mer qui baigne la terre d’Endracht, la terre de Witt, celle d’Aa- rheim, et la Carpentarie. Mais il n’a pu nous faire parvenir d’ HISTOIRE NATURELLE. l85 qu’un exposé succinct de la découverte qu’il a faite de la cote occidentale de la Nouvelle-Hollande, depuis le détroit de Bass, jusqu’au point où d’Entrecasteaux fut obligé de regagner la pleine mer. Cette côte borde la partie méri- dionale de la Nouvelle-Hollande , cette portion plus étroite de plus de la moitié que le reste de cette contrée, et qui s’avançant vers le sud en forme de triangle irrégulier , et semblable aune grande péninsule, est prolongée par l’ilc de Diémen, comme la terre Magellanique par la terre de Feu , ou comme la presqu’île de l’Inde par l’île de Ceylan. Cette portion distincte et triangulaire est donc une véritable péninsule; et comme les naturalistes auront dorénavant un besoin très-fréquent de ne pas la confondre avec la Nouvelle- Hollande proprement dite, je propose de l’appeler la pres- qu’île de la Nouvelle-Hollande. Cette péninsule s’étend depuis le 33. e degré de latitude australe ou environ , jusqu’au détroit de Bass, vers le 5g.e degré ; et c’est sur sa côte orientale que sont situés le port Jackson et la colonie de Botany-Bay. L’ensemble formé par cette presqu’île et par le reste de la Nouvelle-Hollande, a de 27 à 28 degrés de longueur ; et sa plus grande largeur est de 4o degrés ou environ. Cette immense contrée paroît être une continuation du grand continent de l’Asie qu’elle prolonge vers le pôle aus- tral , comme l’Afrique est prolongée vers le même pôle, par les terres qui se terminent au Cap de Bonne-Espérance, et comme l’Amérique l’est par le pays des Patagons, jusqu’au détroit de Magellan. De ces trois grands appendices qui con- vergent vers le pôle Antarctique, le plus- voisin de cé pôle l8G ANNALES DU M U S E U M est celui de l’Amérique; mais celui que forme la Nouvelle- Hollande est plus avancé que la pointe d’Afrique. La Nouvelle-Hollande est liée avec l’Asie par cette multi- tude d’îles, d’ilots, de rochers et de bas-fondsau milieu des- quels on distingue deux séries principales, l’occidentale qui comprend Timor, Bali, Java, Sumatra, et va s’attacher à la presqu’île Mala je ; et l’orientale qui, composée de la Nouvelle-Guinée, de Banda, d’Amboine, de Céram, de Gilolo , des Célèbes et des Philippines, se réunit par l’île Formose à la cote orientale delà Chine. Entre ces deux séries et dans l’angle qu’elles forment du côté de la Nouvelle- Hollande, on voit la grande île de Bornéo; et ce qu’il faut remarquer avec soin, elles embrassent trois mers intérieures ou méditerranées, celle que notre confrère Fleurieu a dé- signée dans sa nouvelle nomenclature hydrographique , par le nom de Mer de Chine , celle qu’il appelle Mer de Bornéo , et qui est comprise entre l’île de Bornéo et l’île de Java, et celle qu’il nomme Mer de la Nouvelle- Guinée , etqui, placée entre Timor et la terre d’Aarheim , se termine dans le golfe de la Carpentarie. C’est par cette composition d’une vaste partie de la sur- face du globe ; c’est par cette distribution d’un grand nombre d’îles qui se touchent pour ainsi dire autour de trois mers intérieures, que la nature qui dans l’arrangement de ses productions les fait presque toujours succéder les unes aux autres par des nuances très-multipliées , a établi une sorte de transition graduée entre la constitution du continent de l’Asie, et celle du continent de la Nouvelle-Hollande. Si les îles très-rapprocbées qui entourent la mer de Bor- néo par exemple , n’étoient séparées par aucun intervalle. d’ histoire naturelle. 187 il y auroit un très-grand rapport entre la contrée qu’elles composeroient, et la Nouvelle-Hollande. En effet on a parcouru toute la circonférence de la Nou- velle-Hollande et de sa presqu’île , sans trouver l’embou- chure d’aucun grand fleuve ; on n’a vu qu’un très-petit nombre de rivières très-peu considérables. La Nouvelle- Hollande est cependant sous le tropique, et par conséquent dans un des endroits du globe où tombent les pluies les plus abondantes. Si les immenses amas d’eau qui se précipitent de l’atmosphère sur une surface de plus de 26 mille myria- mètres carrés, ou déplus de cent quatre mille lieues carrées, s’écouloient vers la mer, ils formeroient nécessairement de larges fleuves dont on auroit reconnu les embouchures plus larges encore. On doit donc supposer, ainsi que je l’ai in- diqué dans un mémoire publié en l’an VI, que les chaînes de montagnes qui s’élèvent sur la Nouvelle-Hollande , sont situées très-près des rivages de la mer. Le grand Océan reçoit l’eau qui tombe de l’atmosphère sur cette bandepeu étendue, laquelle enceint la Nouvelle-Hollande, et sépare des rivages de cet océan , les cimes des montagnes. Mais de l’autre côté de ces mêmes cimes, c’est-à-dire vers l’intérieur , le terrain doit aller en pente vers le centre du continent. Les eaux qui tombent dans l’enceinte formée par cette chaîne de montagnes environnantes, doivent se rendre vers ce même centre; et la partie de ces eaux que l’évaporation ne dissipe pas dans l’atmosphère , doit y former une mer intérieure semblable à la mer Caspienne, et analogue à ce que seroit la mer delà Nouvelle-Guinée, la mer de Bornéo, et la mer de la Chine, si les îles de Bornéo, Formose, Philippines , Célèbes, Moluques, de la Nouvelle-Guinée, de Timor, de l88 ANNALES DU MUSEUM Bali , de Java et de Sumatra, étoient un peu plus rappro- chées les unes des autres qu’elles ne le sont. Celte conjecture est confirmée par ce qu’ont dit des natu- rels de la Nouvelle - Hollande à des Anglais de Botany- Bay. Ils leur ont annoncé qu’en s’avançant vers l’intérieur, et après avoir franchi une chaîne de montagnes nommées Montagnes bleues , on arrivoit à une grande rivière d’eau salée (i). Je ne crois pas qu’il y ait de rivière proprement dite au-delà de ces montagnes bleues ; mais il est très-pré- sumable qu’il y a un immense amas d’eau salée. On peut donc croire que ce continent de la Nouvelle- Hollande n’est qu’une large bande disposée comme un vaste anneau autour d’une mer intérieure , et pour lequel la presqu’île de la Nouvelle-Hollande est un grand appendice qui s’avance vers le pôle austral, et se réunit presque avec la terre de Diémen dont elle n’est séparée que par le détroit de Bass. Mais quoi qu’il en soit, la terre, beau et l’air de ce conti- nent, exercent une influence toute particulière sur les corps organisés qui s’y développent. Ils leur donnent des traits extraordinaires qui les lient entre eux et les éloignent des êtres organisés des autres contrées du globe. Plusieurs natu- ralistes l’ont déjà remarqué; mais cette vérité va être mise dans un nouveau jour, par la considération des animaux et des plantes de la Nouvelle -Hollande que le capitaine Baudin vient de faire parvenir en France, et qui ont été recueillis, préparés et décrits par les naturalistes de l’ex- (i) Lettre du capitaine Baudin à notre confrère de Jussieu. d’ fl I S T O I a E NATURELLE l8q pédition que commande ce navigateur , notamment par les citoyens Péron et Léchenaud, et par Maugé, Bledley , et Juevücdn qu’une mort honorable vient de ravir aux sciences sur cette terre lointaine, au milieu de leurs utiles travaux. On s’en convaincra en lisant les mémoires que mes collègues du Muséum ont déjà publiés ou publieront incessamment sur les plantes, et sur un grand nombre de ces animaux envoyés parle capitaine Baudin; et je vais en donner quel- ques preuves en faisant connoître les espèces de quadrupèdes ovipares, de serpens et de poissons dont on trouve des individus dans la collection faite par les compagnons de ce capitaine, et dont les naturalistes d’Europe ignorent encore l’existence. Mais je crois devoir commencer pardonner une descrip- tion un peu plus étendue d’une tortue d’eau douce dont un individu a été envoyé par le capitaine Baudin, et vit encore dans le Muséum d’histoire naturelle. Elle est nommée tortue à long cou (1). De tous les animaux à sang froid et vertébrés , elle est celui dont le cou est le plus long à propor- tion du corps. La longueur de son cou est égale en effet au tiers ou à-peu-près de la longueur totale. L’habitude de vivre dans l’eau et dans la vase des marais, fait qu’elle aime à se reposer sur son plastron , les pattes étendues, son cou très-alongé, tendu et redressé, et sa tête appuyée comme son corps. Dans cette position , il lui est facile de lever sa tète au bout de son long cou , de manière que l’ouver- ture de sa bouche se trouve fréquemment au-dessus de (1) General zoology by George Shaw , vol. III , partie x. Zoologie de la, Nouvelle - Hollande , part. 5, 4. 25 1C)Q ANNALES DU MUSEUM Peau, et qu’elle puisse respirer sans se déplacer et sans être forcée de s’élever en nageant, jusqu’à la surface du marais. Sa tète dont le dessus est uni et dénué de petites écailles, ressemble beaucoup à celle des couleuvres les plus sveltes. La carapace qui présente un léger enfoncement lon- gitudinal , est recouverte de treize grandes pièces d’un marron foncé, lisses, d’une souplesse semblable à celle du cuir, et disposées sur trois rangs dont celui du milieu renferme cinq de ces grandes lames. Ce disque est bordé de vingt- cinq petites pièces dont le dessous et une partie du côté extérieur sont blanchâtres avec des bandes transversales noirâtres. On voit à chaque pied cinq doigts réunis par une membrane, garnis d’ongles longs, déliés, pointus et noirs, excepté le cinquième qui en est entièrement dénué (1). (i) La tortue au long cou a les mouvemens assez vifs 5 ses formes sont agréables; son museau est pointu; ses yeux sont grands, saillans , ovales, rapprochés l’un de l’autre , et forment, avec le bout du museau, un triangle presque équilatéral ; l'iris est couleur d’or; les deux paupières sont mobiles, et le regard est très- doux. Les deux orifices des narines sont placés au bout du museau; l’ouverture de la bouche est assez grande ; la mâchoire supérieure avance plus que celle d’en bas. L’animal peut raccourcir son long cou et retirer sa tête vers sa carapace ; mais il me peut pas la cacher sous ce bouclier. Treize pièces inégales blanchâtres et bor- dées de noir revêtent le plastron; elles forment six rangs :1e premier de deux pièces ; le second de trois ; et les autres de deux. Ce plastron est échancré par derrière pour laisser passer la queue qui est grosse , pointue , et si courte qu’elle ne déborde pas la carapace. La peau du cou , des pattes et de la queue est ridée extensible , très-brune , et garnie d’écailles ovales , un peu aplaties et tuberculeuses. 11 y a des bandes écailleuses et étroites le long des plis transversaux des pattes de devant qui sont plus courtes que celles de derrière. L’individu de celte espèce que nous avons vu vivant, avoit le plastron plat , et par conséquent éloit femelle. Voici ses principales dimensions. Longueur de la tête. 5 f cent. »# HISTOIRE NATURELLE. 191 A la suite de la toi'tue au long cou , nous placerons un lézard dont la peau est revêtue de petits tubercules qui la font paroître comme chagrinée , et dont la queue très- aplatie et très-élargie auprès de son origine, représente un véritable disque à-peu-près de la grandeur de la tète do l’animal , et qui contraste beaucoup avec le peu de largeur et la forme déliée de l’extrémité de cette même queue. Nous avons nommé ce lézard discosure ( queue en forme de disque). Il a de très-grands rapports avec le lézard décrit sous le nom de lacerta platura dans la zoologie générale de M. George Shaw, membre de la société royale de Londres, ( vol. III , partie I , pag. 247 ) , et dans le voyage de M. White à la Nouvelle-Galles, p. 245. Un autre lézard de la collection envoyée de la Nouvelle- Hollande , a la tête aplatie , alongée et triangulaire ; les yeux gros; la langue plate et non fendue; le dessous du ventre chagriné , et le dessus de la tète et du corps parsemés de tubercules épineux. Je le nomme lézard ou agame gros yeux. Cette même collection renferme plusieurs lézards qui , par leurs proportions , la forme et la disposition de leurs Largèur de la tète 3. cent. Longueur de la tête et du cou, jusqu’au bord antérieur delà carapace. i4. Longueur de la carapace 16. Largeur de la carapace 1 5. Longueur du plastron . . , 1 5. Largeur du plastron g. Longueur des pattes de devant - . 6. Longueur des pattes de derrière 8. Longueur totale 3o, r * 20 * 1CJ2 ANNALES DU MUSEUM écailles, la conformation de leur langue, etc. ont les plus grands rapports avec celui auquel j’ai conservé le nom de doré, avec le scinque d’Egypte , avec 1 emabouya. On trouve parmi ces quadrupèdes ovipares le scinque à bandes laie * raies de Java, décrit par le citoyen Daudin, et que le- pro- fesseur Schneider avoit nommé scinque varié ( scincus va- rie galus ) ; mais ne parlons dans ce moment que des espèces encore inconnues. Cette petite famille de lézards-scinques en renferme trois dont la description n’a pas encore été publiée L’un, qui se rapproche du scinque huitraies du citoyen Daudin, a le dessus du corps noir avec dix raies blanchâtres , et les pattes rayées longitudinalement de blanchâtre et de noir. Le nom spécifique de dix raies le distingue (i). Le second , qui ressemble beaucoup au scinque sloanien du citoyen Daudin , a sur les pattes des taches noires et blan- châtres, et sur le dos quatre raies noires tachées de blanc. Je propose de lui donner le nom de whitien , en l’honneur du naturaliste White qui a fait connoître un grand nombre de productions de la Nouvelle-Hollande. Ces deux lézards ont la queue plus longue que la tête et le corps pris ensemble (2). Le troisième, que je nomme tempe noire parce qu’il a sur chaque tempe une raie noirâtre longitudinale et inter- rompue, mais qui s’étend au-dessus de l’oeil, présente des bandes transversales blanchâtres. La queue de l’individu (1) Le dessous du corps est blanc. (a) Les écailles qui forment sous la queue la rangée longitudinale du milieu , sont plus grandes que les autres. ■ d’h ISTOIRE NATURELLE. 19$ que j’ai mesuré étoit longue de 19 centimètres, et la lon- gueur totale de l’animal étoit de 42. Mais passons à un reptile plus curieux. Il doit être com- pris parmi les bipèdes. L’on ne connoît encore que deux espèces de reptiles qui n’aient que deux pieds lorsqu’ils sont entièrement développés ; le sheltopusich que notre confrère Pallas a fait connoîlre, qui n’a que deux pieds de derrière, et que le célèbre naturaliste de Russie a découvert auprès des bords du Volga, et le ccumelé àowl j’ai le premier publié la description, qui n’a que deux pieds de devant , et qui m’avoit été envoyé du Mexique. Nous venons d’en recevoir une troisième espèce de la Nouvelle-Hollande : elle n’a que deux pieds de derrière ; mais elle diffère du sheltopusich par des caractères nombreux et remarquables qui la sé- parent aussi du cannelé, et dont on ne peut pas douter de la constance, puisque nous les avons trouvés dans six indi- vidus envoyés par le capitaine Baudin. Le corps et la queue de ce reptile bipède sont presque cylindriques, très-déliés, et un peu semblables à ceux du serpent que l’on nomme orvet , et que l’on rencontre dans plusieurs contrées de France. Le dessus de la tète est couvert de sept grandes lames disposées autour d’une huitième pièce un peu plus grande que les autres. De petits globules écailleux entourent chaque oeil. L’ouverture de la bouche est assez large ; les dents sont égales et petites. La langue est plate, longue et sans échancrure. O11 voit un orifice auditif auprès de la commissure des lèvres. Les écailles qui revêtent le dessus du corps sont taillées en losange, striées et petites, sur - tout celles qui recouvrent la partie la plus éle- vée du dos; mais les écailles qui garnissent le dessous du \ Iq4 ANNALES «U M Ü S É U M ventre et de la queue, sont hexagones et lisses, et celles des deux rangées longitudinales du milieu sont plus grandes que celles des rangées latérales. On découvre au devant de l’anus dix tubercules creux , percés par le bout et rangés de manière à présenter deux portions de cercle dont la con- cavité est tournée vers la gorge. A chaque extrémité de la courbe formée par ces tubercules, on voit un pied dans lequel on ne distingue aucun doigt , et qui est environné d’écailles très-petites sur sa partie inférieure , et un peu moins petites sur la face de dessus. C’est à cause de ces écailles disposées autour du pied , que je donne au bipède de la Nouvelle-Hollande le nom de lépidopode. Dans un des six individus que j’ai examinés , chaque pied avoit 10 millimètres de longueur sur 4 millimètres de large. La longueur de la queue étoit de 320 millimètres, etlalon- gueur totale de l’animal étoit de 470. La couleur du Lépidopode est verdâtre, relevée par quel- ques taches très-petites et noires. Nous n’avons pas besoin de faire remarquer que ce rep- tile, placé comme les autres bipèdes entre les quadrupèdes ovipares et les serpens, tient aux seconds par ses formes générales ainsi que par la ligure , la proportion et la dis- tribution de ses écailles , pendant qu’il se rapproche des premiers par ses trous auditifs , et par les tubercules creux qu’il montre auprès de l’anus. Examinons cependant dans la collection que nous venons de recevoir de la Nouvelle-Hollande , des 6erpens encore inconnus. Parmi ces reptiles, une grande et belle couleuvre que d’histoire NATURELLE. 3 95 nous nommons spilote (1) à cause de plusieurs rangées lon- gitudinales de taches qu’elle présentera la tète grosse , les mâchoires dénuées de crochets à venin, le dessus delà tète garni d’écailles semblables à celles du dos; la partie supé- rieure du corps et de la queue , couverte d’écailles petites, lisses et séparées l’une de l’autre sur la partie antérieure du corps ; deux cent soixante-seize plaques courtes et luisantes sous le corps; quatre - vingt- neuf paires de petites plaques sous la queue qui est déliée, mais dont la longueur n’est que le huitième ou environ de la longueur totale de la couleuvre ; et enfin une longueur de plus de deux mètres. Nous avons vu ensuite un boa dont le dessus de la tète présente sept ou huit lames disposées sur trois ou quatre rangs; dont les écailles sont lisses et en losange; dont le dessous du corps est revêtu de cent soixante grandes plaques; dont le dessous de la queue, qui n’a de longueur que le sep- tième de la longueur totale , montre cependant cinquante grandes plaques; et dont la couleur est relevée par des bandes transversales blanchâtres , irrégulières et interrompues. Nous nommons ce serpent boa lisse (2). Mais nous allons décrire rapidement des serpens dont les formes diffèrent assez de celles des autres reptiles connus, pour que nous devions les placer dans des genres différens de ceux que les naturalistes ont déjà établis ou adoptés. Le premier de ces genres a, pour caractères distinctifs, des (1) Spilotos , en grec, veut dire , taché. (2) Ce boa n’a pas de crochets à venin. Ï96 ANNALES DU MUSEUM crochets à venin attachés à la mâchoire supérieure ; une rangée de grandes plaques placées sous le corps, et le des- sous de la queue garni de paires de petites plaques auprès de l’anus, revêtu ensuite de grandes plaques, et couvert enfin de nouvelles paires de petites plaques. Ce genre portera le nom de trimérésure (1), à cause de cette division apparente de la queue en trois portions. Nous comptons déjà deux vipères dans' ce genre. La pre- mière sera nommée petite tête h cause de la petitesse de cette partie dont le dessus est garni comme celui de la tête des couleuvres non venimeuses, de neuf grandes lames dis- posées sur quatre rangs , et présente par conséquent un té- gument très-différent de celui que l’on voit sur la tête de presque tous les serpens armés de crochets venimeux. L e trimer ésure petite tête a d’ailleurs les écailles lisses, excepté celles qui composent les quatre ou cinq rangées longitudinales du milieu du dos , lesquelles sont relevées par une arête. Sa queue est très-déliée; la longueur de cette partie égale à-peu-près le huitième de la longueur totale; la couleur du reptile est uniforme et sombre ; ses grandes plaques sont bordées d’une nuance plus foncée. Nous avons vu deux individus qui montrent les caractères génériques et spécifiques que nous venons d’indiquer. Le plus grand de ces individus avoit i85 centimètres de longueur; le second n’en avoitque 123; tous les deux présentoient cent quatre-vingt- sept grandes plaques sous le corps, quarante-deux paires de petites plaques, neuf grandes plaques, et enfin deux paires de petites plaques sous la queue. (1) Trimeres, signifie en grec; partagé en trois ; et oura , signifie, queue. d’ HISTOIRE N A T U R E L L E. I97 Une seconde espèce, le trimérésure vert , a toute sa sur- face verte ; le dessus de la tète couvert d’écailles semblables à celles du dos ; cent soixante-cinq plaques sous le corps ; soixan te-onze paires de petites plaques, trois grandes plaques, et enfin une autre paire de petites plaques sous la queue dont la longueur surpasse le quart de la longueur totale. De deux trimérésures verts envoyés par le capitaine Baudin, le plus grand étoit long de 5q centimètres. Le genre des trimérésures doit être placé à la suite des bongares. On pourra inscrire avant le genre des langahas , celui au- quel nous donnons le nom déaipysure (î).Dans ce nouveau genre, la queue est un peu semblable à celle des anguis à queue plate ou lancéolée que le citoyen Daudin a décrits eous le nom de pélamides et d 'hydrophis , et que l’on trouve dans les Indes orientales , ainsi que dans les îles du grand Océan équinoxial. Elle a aussi beaucoup de rapports avec Celle des enhydres et des platures qui comprennent la cou- leuvre à queue plate de mon histoire naturelle ( coluber la - ticaudatus de Linné) dont nous avons trouvé un individu dans la collection envoyée par le capitaine Baudin. Cette queue très-comprimée, mince et élevée, représente une sorte de nageoire qui se prolonge par une saillie longitu- dinale depuis l’anus jusque vers le milieu du corps. Elle est d’ailleurs revêtue sur toute sa surface d’écailles semblables à celles du dos. De grandes plaques garnissent le dessous du corps 3 le cou est à proportion des autres parties du reptile. (1) vî ipys , signifie , élevé, 4. 26 1 98 ANNALES DU MUSEUM aussi gros que celui du naja ou serpent à lunettes. Les écailles qui le recouvrent sont séparées l’une de l’autre ; et ce cou paroît d’autant plus large , que la tête est petite et courte. Elle est d’ailleurs aplatie et couverte de treize lames dont les sept premières , du côté du museau , forment deux rangées de deux pièces, et une rangée de trois, et dont la huitième est entourée de cinq autrespièces disposées comme les pétales d’une rose. Les serpens que nous comprenons dans ce genre, n’ont pas de crochets à venin. L’espèce qu’ils forment et que nous nommons aipy- sure lisse , a les écailles unies et en losange ; cent cinquante- une grandes plaques sous le corps; vingt-huit petites écailles sous la queue ; le corps près de huit fois plus long que la queue, et une longueur au moins de 129 centimètres. Le genre que nous distinguerons par la dénomination de léiosélasme (1) a beaucoup de rapports avec le précédent. Dans ce groupe , la queue est très-comprimée, comme dans les aipy sures ; elle est étendue en haut et en bas par une saillie longitudinale qui règne depuis l’anus jusqu’à son ex- trémité. On voit sous le corps et sous la queue un rang lon- gitudinal de petites plaques. La surface unie de ces petites lames contraste dans l’es- pèce de léiosélasme à laquelle nous donnons le nom de striée y avec les écailles qui recouvrent la partie supérieure de la queue et du corps du reptile, et qui sont relevées par une arête. Ces dernières écailles sont d’ailleurs en losange. Le bout du museau paroît comme tronqué; le dessus {1) Elasmos , en grec, signifie lame ; et leios , lisse . D HISTOIRE N À T U R E L L E. iqg de la tete est revêtu de neul lames disposées sur quatre langs; on aperçoit une tache sur chaque petite plaque du dessous du corps et de la queue ; la longueur de celte der- nière partie est à peine le dixième de la longueur totale ; un individu de cette espèce, que nous avons mesuré, étoit long de ioo centimètres ; il avoit trois cent quatre-vingt- cinq petites plaques sous le corps , et quarante-sept sous la queue. Les clisteires ( i) qui forment, parmi les serpens envoyés par le capitaine Baudin , un quatrième genre encore inconnu des natui alistcs , ont la queue en forme de nageoire verti- cale, comme les aipy sures et les lèiosélasw — ^ “essous de la queue offre une rarmép rl’épaiiw presque semblables à celles du dos ; et le dessous du corps présente un rang lon- gitudinal de petites lames relevées par deux arêtes. Dans l’espèce à laquelle on pourra donner le nom spécifique de cerclée j les écailles qui revêtent le dessus du corps et dé la queue , ont une strie saillante , et sont pointues. Il n’y a pas de crochets à venin. La queue forme le huitième delà longueur totale. Une rangée de quarante-huit écailles en garantit la partie inférieure. Le dessous du corps est revêtu de trois écailles lisses placées sous la gorge, et de deux cent vingt-trois écailles doublement striées. Neuf lames distribuées en quatre rangées couvrent la tête. La couleur générale est relevée par des cercles irréguliers et blanchâtres; et la lon- gueur totale surpasse 80 centimètres. Nous avons trouvé aussi parmi les animaux adressés au Mu- 26 ( 1 ) Steira , signifie carène , saillie longitudinale et inférieure , etc. 200 ANNALES DU MUSEUM séum d’histoire naturelle parlesnaturalitescle l’expédition du capitaine Baaclin, ce reptile singulier décrit par Merrem sous le nom d eschlingende natter , et par le citoyen Daudin sons le nom d’ acantophis cèrastin , et dont l’extrémité de la queue est armée d’une pointe écailleuse ou cornée, un peu courbée et un peu semblable à celle qui termine la queue du scor- pion , quoiqu’elle ne soit pas creuse comme celle de cet insecte. Nous sommes assurésque l’acantophis est venimeux. Avant de passer à la description des poissons envoyés de la Nouvelle-Hollande, et que nous ne connoissions pas en- core, faisons remarquer que les traits les plus frappans pio_, leS quadrupèdes ovipares ou par les serpens c e cette tene si cu^P)l^ ou c|eg pes voisines, consistent clans 1 aplatissement de la tête ; la prolongation du museau ; la longueur extraordinaire du cou; l’enveloppe écailleuse des pieds; l'aplatissement horizontal de la queue étendue en disque, comme pour céder à une dépression produite par un poids ; la compression latérale de cette même queue qui , relevee en nageoire verticale , indique le séjour de l’animal auquel elle appartient , dans l’eau des marais ou dans celle des lacs et des rivières; un aiguillon situé à l’extrémité d’une queue conique ; de petites plaques doublement ca- rénées; la reunion des caractères de diverses espèces, tels cjue des écailles lisses et des écailles striées, de la tête et du cou du naja qui fuit l’humidité, et de quelques formes des serpens qui se plaisent dans l’eau, de crochets venimeux, et de grandes lames qui couronnent, pour ainsi dire, la tête ces couleuvres dénuées de venin; le mélange des signes particuliers à divers genres, comme, par exemple, de grandes plaques, et de petites écailles sur la partie infé- 20 L D’ HISTOIRE NATURELLE. rieure du reptile ; et enfin , le rapprochement de traits propres à différens ordres on à différentes classes, tels que les té- gumens du plus grand nombre de serpens et les tubercules creux, ainsi que les orifices auditifs de tant de quadrupèdes ovipares. Ajoutons encore que lorsque j’ai commencé d’écrire l’his- toire naturelle des serpens , Linné et les autres natura- listes qui mavoient précédé, n’avoient eu besoin de distri- buer ces reptiles qu’en six genres, et qu’une seule collec- tion envoyée des cotes de la Nouvelle-Hollande, vient de m obliger a établir quatre genres nouveaux. Nommons maintenant les poissons envov^ cai caP*~ taine Banrlir», f|Hl Or\r»è viivoie inconnus des naturalistes. La 7'ciie croisée appartient à la troisième section de son genre, et par conséquent a des dents obtuses. Plusieurs rap- ports la lient avec la raie torpille. Sa surface est lisse; mais on voit un ou deux aiguillons dentelés auprès de la na- geoire ovale et verticale qui termine sa queue et borde l’ex- trémité de cette partie. La queue est d’ailleurs grosse et conique : il n’y a pas de nageoire dorsale. La couleur géné- rale est grisâtre. Une bandelette noire et un peu large s’étend depuis l’entre-deux des yeux jusqu’aux aiguillons de la queue. Des taches noires croisent cette bandelette , comme autant de petites bandes transversales. D’autres taches de la meme couleur accompagnent parallèlement la bandelette longitudinale. Des taches semblables sont répan- dues aussi sur les côtés de la raie, auprès de l’œil, sur l’œil , et auprès du museau (1). (i) L’individu que j’ai observé, éloit mâle , et ayoit des appendices très-courts. 202 A N N A L E S DU M U S É U M La lophie hérissée doit être comprise dans la seconde section de son genre. Elle a le corps comprimé latéralement; la surface blanchâtre et parsemée de très-petits piquans noirâtres ; la lèvre supérieure, extensible ; un filament ter- miné par une petite masse charnue , et placé sur le museau; une première dorsale triangulaire, soutenue par deux rayons non articulés, et située entre les yeux; dix-neuf îayons a la seconde dorsale ; sept à chaque pectorale ; quatre à chaque jugulaire; dix à l’anale, et neuf a la nageoire de la queue, dont la forme imite celle d’un fer de lance. La lophie lisse n’a point de piquans ni déniasse charnue au i., f,|ament qui se balance sur le museau. On compte dix-sept rayons a ici ^ — .«/i^rïnrsale ; six à chaque pectorale ; quatre à chaque jugulaire ; huit à la nageoire de l’anus (j). Le haliste galonné n’ayant qu’un rayon à sa première dorsale et à sa thorachique, appartient à la quatrième section de son genre, où l’on doit le placer auprès du monocéros. Le rayon unique que l’on voit à la première nageoire du dos , est dentelé des deux côtés. Il y a trente-huit rayons à la seconde dorsale ; trente-cinq à l’anale; onze à la nageoire de la queue qui est arrondie; trois ou quatre raies longitu- dinales relèvent la couleur générale (2). ostracion quatorze piquans est aisé à reconnoître. Il a en effet un aiguillon auprès de chaque oeil ; quatre aiguillons sur le dos, où ils sont disposés sur deux rangs ; six sur le ventre, où ils forment deux rangées ; et un sur le milieu de chaque (1) La lophie lisse est d’ailleurs semblable à la lophie hérissée. (2) Chaque pectorale du haliste galonné est soutenue par treize rayons. d’histoire NATURELLE. 2o5 côté du corps. Cet ostracion doit être inscrit dans la qua- trième section de son genre, et par conséquent il est qua- drangulaire. Des raies longitudinales noires font ressortir sa couleur générale (1). Le tètrodon argente a la tête et le dos parsemés de pi- quans presque imperceptibles, mais dont on peut voir ce- pendant que la base est divisée en trois racines. Des piquans semblables, mais un peu plus grands, hérissent le ventre. La caudale est en croissant; la ligne latérale sinueuse, di- rigée d’abord vers le haut, et ensuite vers le bas; l’œil ovale et très-grand. On trouve au fond du palais douze dents irrégulières , presque hémisphériques , et disposées sur quatre rangs. Le dessus du corps est brun et présente un grand nombre de petites taches noirâtres ; mais ce qui frappe d’abord l’observateur, c’est une raie longitudinale, large, argentée et très-brillante qui s’étend de chaque côté de l’animal. Ce tètrodon vit près de la côte occidentale de la Nouvelle-Hol- lande, suivant une note laissée par le naturaliste Levïlain qui l’avoit dessiné : il fait entendre un bruissement très-sen- sible lorsqu’on le prend; ses mâchoires sont très-fortes, et il parvient à une longueur de plus de 60 centimètres (2). Le syngnathe à banderolles est dénué de pectorales , de (1) 11 ray. à la dorsale de l’ostracion quatorze piquans. 11 à chaque pectorale. i3 à la nageoire de l’anus. ti à celle de la queue qui est arrondie. (2) i3ray. à la dorsale du tètrodon argenté, 18 à chaque pectorale. 1 1 ou 1 2 à la nageoire de la queue, 2o4 annales du muséum caudale, et de nageoire de l’anus(i).Un piquant double, deux aiguillons, et une rangée de petites pointes hérissent le tour de l’orbite. On voit un aiguillon très-long et terminé par une petite banderolle membraneuse , non-seulement très- près de la nuque, et au-dessus de la partie antérieure du corps, mais encore à une petite distance de chaque côté de l’anus, et sur trois points difTérens de chaque côté de la face supérieure de la queue. On compte donc dix de ces dards garnis d’une sorte de petite flamme ; de plus presque tout le corps et la partie antérieure de la queue forment un solide à sept faces longitudinales, et la queue, excepté sa portion antérieure, n’en présente que quatre (2). On a trouvé ce syngnathe dans le détroit de Bass. (1) 29 ou 3o rayons à la dorsale du syngnathe à banderolles. (2) Le syngnathe à banderolles parvient au moins à la longueur d’un tiers de mètre. La queue est aussi longue que la tête et le corps pris ensemble. Des taches arrondies , irrégulières , blanchâtres et très-petites relèvcntla couleur générale qui -est rousse. L’oeil est gros ; l’opercule convexe, presque ovale , et strié en rayons divergens. Les aiguillons garnis de banderolles, que l’on voit au-dessus delà partie antérieure du corps , auprès de l’anus , et de chaque côté de la face supérieure de la queue , sont dentelés par devant et par derrière. Le corps proprement dit , présente d’abord à-peu-près la même grosseur que le derrière de la tête, se rétrécit après l’aiguillon cylindrique et à banderolle , augmente ensuite insensi- blement, et tout d’un coup s’agrandit vers le haut et vers le bas, de manière que sa hauteur égale presque la longueur de la tête. Cette troisième partie du corps est plus comprimée que. la seconde, et la seconde plus que la première qui est parsemée de tubercules très-petits et inégaux. De chaque côté de celte première partie , et un peu au-dessous de son extrémité antérieure , on voit placé oblique- ment un bouclier convexe , relevé dans son milieu par une pointe dure, et terminé par derrière par un rebord double et tuberculeux. Chacune des sept arêtes longi- tudinales de la seconde partie du corps, est couverte par une série de quatre ou cinq boucliers presque ovales , et relevés par çles stries convergentes vers une pointe 2o5 D* HISTOIRE NATURELLE. Le labre a l’opercule d’une seule pièce et pro- longé en arrière par un appendice; la caudale échancrée en croissant , et opaque dans le haut ainsi que dans le bas ; le premier et le dernier rayons de cette nageoire , très-alongés; de grandes écailles sur le corps et sur la queue ; la tète dénuée de petites écailles ; une raie longitudinale sur la nageoire du dos et sur celle de l’anus ; une tache grande et noirâtre sur chaque pectorale (1). Le prionure microlêpidote (2) ne peut être inscrit dans aucun des genres connus jusqu’à présent. Il devra être placé entre les acanthures et les aipy sures avec lesquels il a beau- coup de rapports. Ses caractères génériques consistent dans la forme des dents qui sont dentelées comme les bords d’une dure qui est placée au centre. Les sept arêtes longitudinales dp la troisième partie du corps sont couvertes comme celles de la seconde ; mais les boucliers latéraux sont plus hauts , et les boucliers supérieurs se redressent de manière à faire compter huit pans au lieu de sept. La première partie de la queue s’étend vers le bas , beaucoup moins que la troi- sième partie du corps. Elle est d’ailleurs à sept pans , a des boucliers placés sur ses arêtes, et soutient presque la totalité de la nageoire dorsale. La seconde partie de la queue est trois ou quatre fois plus longue que la pre- mière. Elle présente des boucliers sur chacune de ses arêtes , mais elle n’a que quatre pans longitudinaux. Au reste, chaque arête a dix-sept boucliers depuis la tête jusqu’à l’anus, et trente-un depuis l’anus jusqu’à l’extrémité delà queue. Deux piquans dentelés , courts et dénués de banderolles sont situés au-devant de l’anus, et deux autres semblables auprès du commencement delà dorsale. (1) 7 ray. aig. et i4 ray. art. à la nageoire du dos du labre demi-lune, i4 ray. à chaque pectorale. 1 ray. aig. et 5 ray. art. à chaque thoracine. 2 ray. aig. et n ray. art. à la nageoire de l’anus. 1 1 ray. à celle de la queue, (2) Priori, en grec , signifie scie. 4. 206 annales du muséum scie, et clans la présence d’une ou plusieurs lames dentelées comme les dents, et placées de champ sur chacun des côtés de la queue. Le priànure microlèpidote a dix de ces lames dechaque côté, six grandes et quatre petites. Les six grandes lames sont disposées sur une seule rangée; les petites en forment deux et sont plus rapprochées de la caudale que les six premières. L’opercule esL composé de deux pièces , et ne présente pas d’aiguillons ; les écailles sont très-petites et très-difficiles à voir. La ligne latérale suit la courbure du dos :1a caudale est arrondie (1). Les dessins et descriptions de feu le naturaliste Levilain , envoyés par le capitaine Baudin, avec les objets dont nous Tenons de parler , nous ont fait connoître un poisson dont les amis des sciences naturelles ignorent encore l’existence, et qui doit appartenir, comme le prionure microlèpidote , à un genre différent de tous ceux que l’on a proposés. Nous le nommons le platypode fourche. Sa place est parmi les thoracins de la première division des osseux , après le ma - cropode. Ce dernier a les nageoires inférieures que l’on a comparées à des pieds, très- longues : le platypode les a très-larges et arrondies. Elles sont soutenues dans le platy- pode au moins par huit rayons qui dépassent la membrane. Elles ressemblent à un éventail ou plutôt aux pectorales de plusieurs poissons volans. Il n*y a qu’une dorsale ; et cette nageoire qui est un peu moins basse vers la tète qu’au-dessus de la queue, s’étend depuis la nuque jusqu’à la caudaleo (1) 8 ray. aig. et 22 ray. art. à la nageoire du dos du prionui'e microlèpidote iray. aig. et 5 ray. art. à chaque thoracine. 3 ray. aig. et 21 ray. art. à la nageoire de l’anus. d’ H 1 S T O X 11 13 N À T U R ELLE 207 Voilà les caractères du genre; voici ceux de l’espèce. La lon- gueur de la caudale est presque égale au tiers de la longueur totale du poisson. Elle est fourchue , et ses deux lobes sont très-étroits, très-longs et réunis sous un angle très-aigu. La tète , le corps et la queue forment un ovoïde très-alongé; l’extrémité de la queue est très-étroite ; l’ouverture de la bouche petite ; la couleur générale argentée ; neuf bandes transversales, ondulées, inégales, iri'égulièreset d’un bleu mêlé de noir relèvent l’éclat de ce beau poisson dont les nageoires sont transparentes et d’un blanc bleuâtre (1). Quels sont cependant les traits les plus remarquables des poissons que nous venons de décrire ? Des dents plates et dentelées; des nageoires inférieures ti'ès-étroites et com- posées d’un seul rayon , ou très-étendues et formées par plus de quatorze ; des lames semblables à celles d’une scie , et placées de champ sur les côtés de la queue ; des aiguillons très-forts et très-multipliés; des piquans dentelés et garnis à leur extrémité de petites banderolles membi'aneuses;- des filaments très-alongés et se balançant sur la tête; des couleurs argentées très-brillantes; des raies très-larges ou disposées dans un ordre peu commun. Réunissons ces traits aux caractères distinctifs, très-dignes d’observation , que montrent les quadrupèdes ovipares et les serpens dont nous venons de faire connoître les princi- pales formes. Réunissons-les encore avec les traits curieux . (1) L’anale est très-basse, et étendue depuis l’anus jusqu’à la nageoire de la queue. Des laclies irrégulières d’un noir mêlé de bleu sont répandues sur les larges thoracines ; les pectorales petites et ovales 5 les deux mâchoires aussi avancées l’une que l’autre. L’œil est gros et rond , et l’iris argenté ou doré. 27 * 208 i ANNALES DU MUSEUM quoique bien connus , qui appartiennent aux tupinambis , aux sourcilleux , aux lézards à tête fourchue, aux galéotes , aux mabouyas, aux scinques variés de Schneider, aux geckos proprement dits, aux lézards turciques, aux geckos à queue turbinée du citoyen Daudin, aux lézards dragons, aux acantophis cérastins , aux squales barbus , aux balistes hérissés, aux chimères antarctiques , aux murènes tachetées, aux calliomores indiens , aux trachines vives , aux batra- choïdes, aux scorpènes marseilloises, auxspares gros-yeux, aux tænianotes triacanthes, aux ésoces bélones, aux muges céphales , aux murénophis hélènes , aux murénophis colu- brines , aux murénophis étoilées, et aux murénophis de Haüy que le capitaine Baudin a envoyés au Muséum d’his- toire naturelle, avec les poissons, les serpens et les quadru- pèdes ovipares décrits dans ce mémoire. On verra, par la seule considération de ces animaux, combien, en proposant aux naturalistes une nouvelle divi- sion zoologique du globe , nous avons été fondés à croire que la Nouvelle-Hollande devoit composer une des vingt-six régions naturelles que nous avons comptées sur la surface sèche de la terre. Caractères distinctifs de quadrupèdes o cipares , serpens , et poissons de la N ou celle- Hollande dont on n’a voit pas publié la descrip- tion le troisième jour complémentaire de l'an XI. Le lézard ou l’agame gros yeux (lacerta seu agama graniloculis ). — La tête alongée , aplatie et triangulaire ; la langue plate et non fendue ; les yeux gros ; le dessous du ventre chagriné ; le dessus de la tête et du corps parsemé de tubercules épineux. Le lézard ou le scinque dix raies ( lacerta seu scincus decemlineatus ). — La tête , le corps et la queue couverts d' 'écailles placées les unes au-dessus des autres ; ht i . le Jéijiede lepidop o de . 2. . la Taie croisées « 3 . la ZopJue hérissée/, é ■ la Z opine lisses. V ciel. . Tardieu, . /e Trunerésure peâ/e fefe -2-- de/ 7e J}unl eresure verc/ ■ 3 . Ziip vsnre Itsse . ZeéeÆzr ScuZp 1 V V • • PI Je/. i. /a Zeiosélasme j/rieeP. ,z . /a Disteire cerc/Z Jourc/tm, Jeu. * \ ' — I .1.1 ,sy ‘V-'.Y’ • k.\ d’ histoire naturelle. 209 queue plus longue que la tête et le corps pris ensemble ; le dessous de la queue revêtu d'une rangée longitudinale d’ écailles plus grandes que les autres ; dix raies blanchâtres sur le corps dont le dessus est noirâtre . Le lézard ou le scinque whiticn ( locerla seu scineus whitii ). — La tête , le corps' et la queue couverts d‘ écailles placées les unes au-dessus des autres ; la queue plus longue que la tête et le corps ensemble ; le dessous de la queue revêtu d'une rangée longitudinale d' écailles plus grandes que les autres ; (quatre raies noires et tachées de blanc , sur le dos. Le lézard ou scinque tempenoire ( lacerta seu scineus crolapliomelas). — La tête , le corps et la queue couverts d' écailles placées les unes au-dessus des autres ; la longueur de la queue égale à celle du corps ; une raie noirâtre , longitudinale et interrompue sur chaque œil g des bandes transversales blanchâtres. Le bipède lépidopode (bipes lepidopodus). — LJoint de pieds de devant ; les pieds de derrière enveloppés dans de petites écailles qui ne permettent de distinguer aucun doigt ; les écailles du dessus du corps et de la queue taillées en losange , striées et petites ; celles de la partie inférieure du reptile , hexagones et lisses ; dix tuber- cules creux auprès de l’anus. La couleuvre spilote ( coluber spilotus'). — Deux cent soixante-seize grandes plaques; quatre-vingt-trois paires de petites plaques ; la longueur de la queue égale au hui- tième de la longueur totale ; point de crochets à venin; le dessus de la tête garni d' écailles semblables a celles du dos, qui sont petites et lisses ; la tête grosse j plusieurs rangées longitudinales de taches. Le boa lisse (boalævis). — Cent soixante grandes plaques sous le corps ; cinquante sous laqueue; la longueur de la queue égale au septième de la Ion gueur totale ; point de crochets à venin ; sept ou huit lames sur la tête ; les écailles lisses et en losange -, des bandes transversales , irrégulières , interrompues et blanchâtres. Les serpens trimérésures. — Des Crochets à venin à la mâchoire supérieure-, de grandes plaques sous le corps ; de petites plaques , de grandes plaques et de pi élites plaques sous la queue. 1. — Le trimérésnre petite tête. ( trimeresnrusleptocepbalus ). — Cent quatre-vingt- sept grandes plaques sous le corps -, quarante-deux paires de petites plaques sous la queue; neuf grandes lames sur la tète ; les écailles de la partie supérieure du dos , striées ; les autres lisses. 2. — Le trimérésure vert ( trimeresurus viridis ). — Cent soixante-cinq grandes plaques sous le corps j soixante-onze paires de petites plaques , trois grandes plaques 210 ANNALES DU MUSEUM et une paire de petites plaques sous la queue. Le dessus de la tête couvert d’ écailles semblables à celles du dos ; toute la surface verte. Les serpens aipysures. — Point de crochets à venin -, la queue garnie , fig. 4, 5,6, qui remplit la plus grande partie du côté droit ; un oviduc- tus de médiocre longueur ; un testicule , /3 , fig. 6 , presque aussi fort que l’ovaire , et un canal déférent commun. La verge est encore ici un organe tout-à-fait séparé du testicule ; elle est placée , comme je l’ai dit , sous l’œsophage, repliée sur elle-même, et sort par un trou situé en avant et un peu au-dessous de celui de la bouche. On la voit sous le cerveau, fig. 7, et à part, fig. 8. Le cerveau fig- 6 et 7. La bouche est une niasse charnue considérable , qui sc termine en arrière en deux appendices, charnus aussi , dont j’ignore l’usage, rr, fig. 7 et 8. La langue est revêtue de petites épines, dirigées en arrière pour aider la déglu- tion, s , fig. 8, comme dans beaucoup d’autres mollusques. Cette partie postérieure de la bouche où est la langue, est séparée de l’antérieure, u, fig. 7 et 8, qui n’est que mem- braneuse , par un rétrécissement charnu, où l’on voit trois tubercules, 1 1 1 , fig. 8. Le bord de la bouche est garni de deux paquets de ten- tacules, cc , fig. 1 et 8 qui représentent deux jolis panaches : l’animal peut, à volonté, les faire rentrer dans la bouche ou les développer en les faisant sortir. Ces tentacules sont des filets terminés chacun par un petit tubercule dont le milieu D* HISTOIRE NATURELLE. 2 01 est creux. Peut-être l’animal les emploie-t-il comme des suçoirs, pour s’attacher aux autres corps, comme le font les seiches. Les glandes salivaires, vv , fig. 7 et 8, sont longues et- amples; leur canal extérieur a en avant du cerveau un ren- flement marqué, x x , ib. Le cerveau est un ruban transversal assez étroit,^, fig. 7 ; parmi les nerfs qu’il donne, il en est deux de chaque côté qui vont former sous la bouche un groupe de six ganglions: quatre grands au milieu ; deux très-petits aux côtés, z , % 9- - ; Je n’ai rien à dire de particulier sur les organes de la génération : ils sont les mêmes que dans Vhyale et le clio. La verge est petite et située sous la bouche, & , fig. 9. Elle sort entre les deux petites lèvres de la face antérieure de la tète , dd, fig. 1 et 5. Le canal commun des oeufs et de la génération, s’ouvre un peu en avant de l’anus, et se pro- longe en dehors en un sillon qui se dirige en avant, /3, % 7- Il est facile de voir que l’animal décrit jusqu’ici, diffère du clio et de Xliyale , principalement par la position de ses branchies à la surface extérieure de la peau. Celui qui s’en rapproche le plus, est l’hyale qui a ces mêmes branchies dans le fond d’un repli de là peau; mais outre cette diffé- rence qui est déjà très-importante, la présence d’une co- quille dans l’hyale , et celle des nombreux tentacules et des deux petites lèvres , et de l’appendice charnue dans mon animal, m’autorisent suffisamment a faire un genre de ce dernier. 5o * 2^2 ANNALES DU MUSEUM Je le nomme P neumo-dernte , parce que son organe res- piratoire est sur la peau. Je dois le pneumo-derme ainsi que Vhyale aux soins que s’est donnés M. Péron, l’un des naturalistes employés dans l’expédition du capitaine Baudin , et spécialement chargé de l’anatomie comparée , de m’adresser un grand nombre d’échantillons tant de préparations anatomiques que d’ani- maux entiers, pour en enrichir la collection que j’ad- ministre. Le pneiuno - derme a été trouvé dans l’océan atlan- tique. Quiconque comparera Vhyale et le pneumo - derme avec le clio , verra que tous les trois ont de commun avec les mollusques la présence d’un cerveau , d’un coeur et d’un foie ; qu’ils ressemblent en particulier à la plupart des gastéropodes par l’hermaphroditisme ; qu’on ne peut cependant les ranger dans cet ordre , puisqu’ils n’ont aucun pied , et qu’ils ne rampent ni sur le ventre , nj autrement; qu’on ne peut non plus les regarder comme des céphalopodes, puisqu’ils n’ont qu’un coeur, et qu’ils n’ont point de bras : personne ne sera tenté d’en faire des acéphales ; je crois donc qu’il faut les ériger en famille nouvelle, et je leur donnerai le nom de ptéropodes ou de mollusques à nageoires , mollusca pinnata. Le caractère de cet ordre sera, corps libre nageant ± tête distincte ; point cV autre membre que des nageoires „ Les trois genres que je range dans cet ordre, auront les caractères particuliers suivans : Clio. Corps nu; deux nageoires aux côtés» Les branchies à la surface des nageoires. Pneumo-derme. Corps nu ; deux nageoires aux côtés du d’histoire NATURELLE. 253 cou ; deux panaches de tentacules à la bouche. Les branchies à la surface de la partie postérieure du corps. Hyale. Corps revêtu d’une coquille fendue par les côtés; deux nageoires aux côtés de la bouche. Les branchies au fonds des replis de la peau , vis-à-vis des fentes de la co- quille. Le genre des firoles ou ptérotrachées devra peut-être aussi appartenir à cette famille, je m’en occuperai dans un autre mémoire. Explication de la planche . A. V Hyale et ses détails. 1. L’hyale entière, avec sa coquille, vue du côté de la valve bombée. S. La même du côté de la valve plane. 3. L’byale débarrassée de sa coquille , les lobes du manteau tirés et étendus , du côté bombé. 4. La même du côté plane ; on voit une partie des viscères au travers de la membrane du manteau , et on distingue les fibres musculaires de celui-ci. 5. L’hyale grossie ; le manteau ouvert du côté plane pour montrer le muscle et les viscères en position. 6. La même les viscères développés. y. La même du côté opposé; la membrane du cou fendue jusqu’à la bouche pour montrer la position respective du cerveau , de l’oeso- phage , de la verge et des lanières du muscle. 8. La verge à part. g. Le jabot et le gésier ouverts. B. Le Pneumo-derme et ses détails . 1. Le pneumo-derme de grandeur naturelle , face antérieure. 254 ANNA X. ES DU MUSÉUM 2. Le même , face postérieure. 5. Le même , la tête en bas , le côté droit en avant pour montrer les branchies. 4. Le même , dans la position de fig. i \ la peau fendue pour montrer la tunique charnue et le péricarde en position. 5. Le même , la tunique charnue et le péritoine fendus pour montrer les viscères en position. 6. Le même, les viscères un peu développés. y. Le même , les organes de la génération mis de côté ; l’estomac ou- vert , et la peau de la tête fendue pour montrer sa bouche et ses appartenances. 8. Le corps de la bouche détaché et fendu pour en montrer l’in- térieur. g. L’intérieur de la peau de la tête après qu’on a enlevé le corps de la bouche , afin de montrer la verge et les ganglions inférieurs. ■ - . . . .r , . , ^ r , f r . _ ..... ' - • N. B. La même lettre désigne la même partie dans toutes les figures relatives au même animal. \ S TF/VEN SIA ^oileau t/ef d’ histoire naturelle. 255 S T EV EN SIA (0, Nouveau genre de la famille des Rubiacées, Par P O I T E A U. Caractère essentiel générique. Calix limbo bifido deciduo. Corolla tubulosa limba piano 6 -y fi do. Stamina 6-y sessïlia , fauci corollœ inserta. Capsula bilocularis 3 polysperma , apice 4- fariam dehiscens , a calici vestiente solutilis. St EV EN SI A BVXIFOLIA. r - ’ * ’ r ’ ' • r7 ^ .« , r . D v * ) Arbrisseau raineux , droite roide , haut de dix à douze pieds , d’un bois très-dur couvert d’une écorce cendrée et crevassée : les jeunes pousses sont enduites d’une résine visqueuse. Feuilles opposées, pétiolées , oblongues > atténuées à la base et au sommet, longues d’une pouce à un pouce et (i) En dédiant ce genre au docteur Edouard Slevens, je joins une foible marque de ma reconnoissance à celle du grand nombre de Français à qui ce savant a rendu d’imporlans services à Saint-Domingue, pendant son consulat dans cette île pour les Etats-Unis d’Amérique. m g56 ANNALES DU MUSEUM demi , assez roides, glabres et luisantes au-dessus, blan- châtres et réticulées en dessous; pétioles courts, unis deux à deux par une stipule entière formant une petite gaine qui entoure la tige. Fleurs solitaires, axillaires, blanches , odorantes, portées sur un péduncule de la longueur du pétiole, munies à la base immédiatement sous le germe, d’une bractée cali- ciforme à quatre divisions , dont deux opposées sont courtes, obtuses, et deux plus grandes lancéolées se changeant quel- quefois en petites feuilles. Calice pérygine , globuleux à la base, ayant le limbe divisé en deux découpures lancéolées se desséchant et tom- bant avant la maturité du fruit. Corolle monopétale , tubuleuse, légèrement soyeuse en dehors ; tube cylindrique de la hauteur du limbe calicinale, à peine renflé au sommet, terminé par un limbe à six ou sept divisions oblongues , obtuses , planes ou réfléchies en dehors. Six ou sept anthères sessiles, oblongues , droites, bilobées, biloculaires , insérées vers le haut du tube de la corolle. Germe globuleux faisant corps avec le calice. Style droit de la hauteur du tube de la corolle ; stigmate formé de deux lames ouvertes, très- vertes ainsi que le style. Le fruit est une capsule sphérique de la grosseur d’un pois, faisant corps avec le calice , et -couronnée d’abord par ses deux divisions qui tombent ensuite; elle est à deux loges, s’ouvrant par le haut en deux coques ou loges un peu osseuses, dont les bords rentrans forment une cloison intérieure double, de sorte que chaque valve constitue sa loge propre ; ces valves se divisent encore depuis le haut d’ HISTOIRE NATURELLE. âSj jusque vers la base , et alors la capsule paroît être par- tagée en quatre. Par cet écartement, la portion de calice qui recouvre ces valves , s’en détache, se divise aussi en quatre , et les laisse à nu. Les graines sont nombreuses, menues, généralement ovales ou oblongues, un peu comprimées , jaunâtres, en- tourées d’une membrane élargie en manière de petite aile dans la partie supérieure, et rétrécie en pointe à la base par où elles sont attachées à un réceptacle hémisphérique, chagriné, appliqué contre le point de réunion des bords in- térieurs des valves formant la cloison. L’embrion composé d’une radicule cylindrique, inférieure, surmontée de deux cotilédons, oblongs parallèles, est contenu dans un albumen ovale, médiocrement corné, et ayant la direction de la graine. J’ai trouvé et observé cet arbrisseau à Saint-Domingue, dans îe département du Jîord , notamment sur le morne de la Vigie du Cap-Français. Explication clés figures. a. Fleur en bouton, b. Fleur épanouie vue par devant, c. La même Vue par derrière, d. Calice et pistil, e. Corolle ouvert, f Capsule mûre surmontée du limbe calicinale. g. La même , dépourvue du limbe ca- licinale. h. La même commençant à s’ouvrir, i. La même coupée en travers. I. La même ouverte naturellement, m . La même plus ouverte ayant les deux coques ou loges séparées, n. Deux coques vides , vues l’une en dedans et l’autre en dehors, o. Deux réceptacles dépourvus de graines , vus , l’un du côté du point d’attache , et l’autre du côté opposé, p. Graines de grandeur naturelle, q. Deux graines grossies, r. L’une de ces graines coupée du haut en bas , laissant voir l’albumen et l’embrion dans leur position naturelle, s. Embrion nu de la figure précédente, t. Le même plus grossi pour faire voix les deux cotilédons^ 4, 3i 2o8 annales du muséum Sur la belle Couleur vei'te que le chrome peut fournir à la peinture. Par GODON-SAINT-MEMIN. Lorsque M. Vauquelin fît connoître son beau travail sur le plomb rouge de Sibérie, la suite intéressante d’analyses qu’il publia, lui faisant voir le chrome répandu sur divers points du globe , puisque l’Amérique le présente dans l’éme- raude , l’Inde dans le spinelle, la Sibérie dans le plomb ehrômaté, il pressentit qu’on trouveroit un jour ce métal assez abondamment dans la nature, pour en faire des applications utiles aux arts; et dans son mémoire (Annal, de chimie , fév. 98), il un indique déjà toute l’importance. Bientôt la découverte d’une mine de fer ehrômaté trouvé sur le soî même de la France, vint confirmer les heureuses conjectures de cet illustre chimiste, et achever de nous convaincre que la connoissance du chrome étoit un présent de grande valeur fait à la science et à la société. M’occupant en ce moment de l’étude des propriétés chi- miques de ce métal , j’ai particulièrement dirigé mes obser- vations vers son oxide ou les combinaisons qu’il peut pré- senter avec les terres, dans l’espoir de trouver la couleur verte élémentaire désirée depuis si long-temps par la pein- ture. Une suite d’expériences m’a mis à portée de publier dés résultats assez satisfaisans, pour faire espérer de voir bientôt le vert de chrome figurer sur la palette du peintre ,, d’ iî I S T O I ft E NATURELLE. 2Dg à coté des belles couleurs dont l’art est redevable depuis quelque temps à ceux qui s’occupent des sciences naturelles. Après avoir préparé par les procédés connus un chrô- mate alcalin, j’y ai versé une dissolution de mercure au minimum, il s’est formé un précipité d’un assez beau rouge, n’éprouvant pas à l’air de changement sensible. Ce chrômate m’offrant une combinaison très-propre à fournir l’oxide de chrome par une décomposition facile, j’ai pensé que ce sel mélangé avec une terre, me donneroit, à l’aide du feu, la couleur que je désirois. Trois parties de chrômate de mercure et une d’alumine ont été_ chauffées très-vivement dans un creuset. Le résultat a présenté une substance jaune, légèrement verdâtre aux parties en contact avec l’air, et que j’ai reconnu, être un chrômate d’alumine. J’ai répété la même expérience avec les mêmes propor- tions , mais à un feu beaucoup plus violent, et j’ai obtenu une belle couleur verte, ayant beaucoup de corps, n’éprou- vant aucune altération ni par l’air ni par la lumière. La suite de mes expériences m’a conduit naturellement à faire l’analyse du chrômate de mercure que je présente ici, comme pouvant guider ceux qui désireront se procurer l’oxide de chrome, ou la couleur verte propre à la peinture. Analyse du chrômate de mercure . Cinquante grammes de chrômate de mercure ont été in- troduits dans une cornue au col de laquelle étoit adapté un tube de verre qui plongeoit dans une cuvette ; un flacon étant disposé pour recueillir le gaz qui devoit se dégager pendant l’opération, 3i * a4o annales du muséum Après un feu de 5o minutes et très-vif dans les derniers momens, j’ai pensé que tout le mercure devoit avoir passé, j’ai démonté l’appareil. Le total du mercure condensé dans la cuvette s’est trouvé de 4o grammes; dans la cornue, j’ai trouvé le chrome oxidé sous forme d’une fécule légère, d’un vert extrêmement intense, et dont le poids ne s’éle- voit qu’à o6,5. \ Le col de la cornue étoit tapissé légèrement de quelques petites portions d’oxide vert et d’une substance d’un rouge plus foncé que celui du chromate de mercure, mais que je suppose être la même combinaison avec quelques modi- fications. Je n’ai point encore déterminé le poids du gaz oxi- gène , mais il est aisé de voir que le déficit o3,7 moins la quantité d’oxigène qui constitue l’oxide du mercure au minimum, exprime à-peu-près la différence qui existe entre l’état d’oxidation et celui d’acidité du chrome. Cet oxide seul par son mélange avec Je carbonate de plomb (blanc de plomb) fournit des teintes solides et va- riées , mais il est plus avantageux sans doute de l’employer à l’état de combinaison avec une terre ; car il paroît certain que dans cette circonstance les couleurs des oxides métal- liques acquièrent plus de brillant et de solidité, comme nous en avons l’exemple dans le bleu d’outremer, le bleu de Cobalt, la terre de Sienne , etc. Le vert de chrome outre l’avantage de servir à la pein- ture à l’huile et à la gouache, offre celui de pouvoir, avec la quantité de fondant nécessaire, être appliqué immédia- tement sur la porcelaine, et de supporter le plus grand feu sans éprouver d’altération. Il peut servir à peindre sur d’ histoire NATURELLE. 2 4.\ verre, sur émail, à communiquer au cristal la couleur de la plus belle émeraude. Il peut servir en général pour l’ornement de toute espèce de poterie. D’après mes aperçus, je suis assuré que la préparation peut s’en faire à un prix à la portée de toutes les fabrications. Les différons essais que j’ai l’honneur de mettre sous les jeux de l’adminis- tration, me paroissent suffisans pour faire. croire que cette couleur deviendra un jour d’une grande ressource dans nos fabriques. Je me propose de faire connoître d’autres observations propres à servir à l’histoire du chrome , ainsi que quelques préparations qui peut-être deviendront , ainsi que le chrô- mate de plomb artificiel déjà introduit dans la peinture, de quelqu’intérêt pour les arts; mais je désire avoir le temps de présenter avec ordre les notes que j’aurai été à porté» de faire sur cette substance d’autant plus intéressante à étudier, que le territoire de la France paroît la fournir abondamment. Résumé de V analyse du clirôniate de mercure. Oxide de chrome de mercure . Dif. de l’état d’oxidation à celui d’acidité du chrome 12. 6, 85. 4. *4. 100, q. g 4 ;i ANNALES, DU MUSEUM ■ - - - 1 ' * MÉMOIRE Sur les espèces de Frênes connues des anciens. Par A. J. C. A. DURE AU DE L AMALLE , fils. ]\Jon objet dans ce mémoire est de montrer que l’arbre désignépar Théophraste sous le uoinàe B oumélia ou grand frêne , a reçu des Latins le nom d’ Ornus , et n’est pas le Fraxinus ornus de Linné ; et de plus qu’il est probable que le frêne décrit par Aristophane, Théophraste etDioscoride sous le nom spécifique de Mélia, a reçu plus particulière- ment le nom de fraxinus chez les Latins, et est notre frêne à fleurs à qui Linné avoit donné à tort le nom d e/r. ornus. En effet sous le nom de Boumélia, Théophraste (i) décrit un frêne très-élevé, très-élancé, ayant le hois hlanc avec de larges veines, les folioles opposées portées sur des pé- tioles opposés aussi , les feuilles semblables au sorbier, l’écorce lisse , d’un jaune pâle, les racines nombreuses et s’étendant à la superficie de la terre. Les habitans de l’Ida , dit ce na- turaliste, croyent que le grand frêne n’a ni fruits ni fleurs, mais au fait il a dans son lobe un petit fruit semblable pour la forme, et un peu amer au goût, comme celui des amandes sauvages; et il porte aussi de petites grappes (2) de fleurs (1) Liv. 3, cap. 11 , pag. 181, ed. de Stapel. (2) C’est ce passage mal traduit par Gaza qui a jeté dans l’erreur les botanistes , et qui a empêché d’appliquer au frêne des anciens son vrai nom. On sait que le grand frêne n’a que des étamines serrées en grappe au bout des rameaux. Or d’ Histoire naturelle. ^43 disposées comme celle du laurier, excepté qu’elles sont plus serrées : chaque grappe en elle-même est à-peu-" près sphéroïde comme celles des platanes ; mais dans les unes les parties de la fructification sont rassemblées au bout des rameaux, dans les autres elles en sont suspendues assez loin. Le frêne à écorce lisse croît plus volontiers dans les lieux ombragés et humides. Les Macédoniens la nomment Boumélia ou Grand Frêne. Le Boumélia est beaucoup plus grand et plus élancé que l’autre, à qui Théophraste donne seulement le nom de Mèlia. Nous allons voir maintenant que l’ornus des Latins est un frêne de la plus haute taille , ce qui parmi les frênes d’Europe, ne peut convenir qu’au fraxinus excelsior de Linné. Columelle (i) dit que les ornus sont des frênes fo- restiers , mais à feuilles un peu plus grandes que les autres frênes. Orni silvestres jraxini sunt paulo latiorïbus tcimen Joliis quccm ceterœ Jraxini ; et Virgile (2) compare à un ornus le géant Orion qu’il peint traversant à gué la pleine le mot Bpvov signifie à-la-fois muscus , sphagnus, uva ; et Gaza a rendu par des mousses ce que Théophraste entendoit des grappes de fleurs du frêne. Fert alia quqedam muscos quemadmodum laurus. Théophraste(i), Pollux et Saumaise fixent de la manière la plus précise le sens de ce mot. Le premier l’applique presque toujours aux fleurs qui n’ont que des étamines sans corolle, ra fipuov ro fyvïttv le chaton du chêne; Saumaise, Plia, exercit. t. 1 , p. 235 vous dit, Ppiuv est proprie scatere et aliquâ re abundare , hinc flos condensus et instar capillorum confestus et constipatus propice jîpvov. (1) De arboribus , lib. îG, caput i. (2) Æneid. lib. io,v. y 63. (1) Iiist. plant», lib. 3 , cap. 6. c^o «44 ANNALES DU MUSÉUM mer et la dominant de toute la tète, ou marchant sur la terre et cachant son front dans les nuages. Quam magnus Orion Cum pedes incedit medii per maxima Nerci Stagna , viam scindens, humero supercininet undas , Aut suramis referens annosam montibus ornum , Ingrediturque solo et caput inter nubila condit. (1) Dans deux autres passages (2) il semble indiquer par l’har- monie imitative de son vers , la différence de la grandeur du fraxinus et de l’ornus. Ferro sonat icta bipenni Fraxinus , advolvunt ingéniés montibus ornos. Silius Italicus est encore plus précis, car il place l’ornus dans une haute futaie , et l’associe aux plus grands arbres de nos climats. Sonat acta bipenni frondosis siloa alla jugis: hinc ornus et albæ Populus alta comæ, yalidis accisa lacertis Scinditur, bine ilex proavorura condita seclo Devolvuntquercuset araantera littora pinum (3). Valerius Flaccus le peint aussi comme un arbre énorme(4). Petit excelsas tirynthius ornos ; aeriam perfertur ad onium , ingenti detrahit orno. Enfin ce même poète et Ausone appliquent avec beaucoup de précision le nom d’ornus au frêne du Pélion dont Chiron avoit formé la lance de Pelée, et qu’Homère et Pline nous peignent comme un arbre im- mense, enfin comme le grand frêne de nos forêts. C’est ce qu’on ne peut s’empêcher de reconnoître, bien que ces deux (1) Æneid. lib’ 10 , v. 7 63. (2) Æneid. lib. 11 , v. i35 ; et lib. G , v. 1 82. (3) Bell, punie, lib. io,v. 53o. (4) Argonautiç, lib. 3, y, 485. L. 8 , r, 11 3, L. 7 , v. 163, d’ HISTOIRE NATURELLE, 245 auteurs n’aient employé pour le désigner dans ce cas que les noms génériques d eMélia et de Fraxinus. En effet, le mot Mélia est quelquefois générique chez le Grecs, comme celui de Fraxinus chez les Latins, celui de Frêne chez nous ; mais par le nomdeBouméliaqui signifie grand frêne, la particule /3cv abréviation de taroxù répondant au mot major , les Grecs désignent le fraxinus exceïsior , et ce mot a été rendu chez les Romains, par le nom d’ornus ; au contraire , par le nom simple de 3Iélia que les Latins ont traduit par Fraxinus , les anciens désignent un petit frêne dont la description paroît se rapporter au frêne à fleurs avec beaucoup d’exactitude. Ausone(i) en parlant de cette lance qu’Àchille avoit reçu de son père , la nomme vibrabilis ornus ^ tchillei , et Valé- rius (2) donne ainsi que Théophraste et Pline au frêne dont elle étoit formée, une taille très-élevée, et pour habitation la Thessalie. Tantum Jlcec aliis exceïsior hastis Quantum Peliacas in vertice vicerat ornos. Or, Pline (3) en parlant du genre du Frêne, le nomme, à la vérité, fraxinus. Mais il revient tout de suite à l’un de ces arbres auquel il donne aussi une grande élévation, en ajou- tant qu’il est illustré par les louanges d’Homère et par la lance d’Achille. Multumque Homeri prœconio et Achillis liastd nobilitata. Virgile (4) et Claudien (5) donnent encore à Yornus l’épithète de sterilis qui ne peut s’appliquer qu’au grand Frêne dans lequel il y a toujours au moins la moitié (1) Carm. 4i 7 , v. 108. (2) Argonanlic. lib. 1 , v. 4o 5, (3) Lib. 1 G , cap. 24. (4) Georg. liv. 2 , v. 111. (5) Rapt. Proserp. 1. 3, y. ]3> çj4f) ANNALES DU MUSEUM des individus stériles par avortement, tandis que dans le frêne à fleurs tous les individus sont fertiles. Homère ( 0 le plus exact des anciens dans ses peintures d’objets et de lieux, nous offre de l’autre frêne une des- cription qui seroit à elle seule caractéristique si elle étoit donnée par un botaniste. Il compare Imbrius, jeune homme à la fleur de l’Age et de la beauté, qui, percé sous l’oreille du javelot de Teucer, tombe sur la poussière , la tête pen- chée en avant, Homère, dis-je, compare ce beau jeune homme paré de sa longue chevelure, au Mèlici ou Frêne ci fleurs qui, coupé par le fer sur le sommet cl’ un mont élevé, tombe , et étend sur la terre ses tendres pétales de couleur pâle. Re- marquez que les Scholiastes, Didjme et Eustathe rapportent aussi au frêne à fleurs l’arbre décrit par ce grand poète. Je trouve ensuite pour ce même arbre un passage d’Aris- tophane (2 qui offre beaucoup de précision, et qui appuie fortement la description d’Homère. Cet auteur décrit un mèlia aux pétales en forme de chevelure, croissant dans les taillis sur le sommet des monts ; et l’on sait que le frêne A fleurs est le seul des frênes d’Europe qui soit pourvu de pé- tales. On pourra peut-être m’objecter qu’un caractère fourni par un poète comique ne mérite pas une très-grande confiance; mais il faut observer que ce frêne se trouve décrit dans une comédie intitulée Les Oiseaux , et où l’auteur a décrit chaque arbre avec un soin particulier, comme étant le lieu de la scène de ses acteurs. Il faut observer que Théophraste (5), auteur comtemporain, donne aussi le même nomdeMélia (î)lliad. N. 178. (2) Aves. vers. jZS. Sqflorem fraxinum nec ante conditas folia demittere. (1) Lib. îS, c. 24 , ed. dlïardouin et de Broltier. (2) Lib. 1 , cap. 108 , ed. Mathiol. (3) Lib. 6, cap. 17. Lib. 4 et lib. 5 , cap. 6. L. 5. (4) Isidore (de re rustieâ , lib. 17 , p. 1247, ed. Godefroi) donne une étymo" logiedu mot fraxinus qui viendroit encore à l'appui des habitudes que lui attri- buent successivement Aristophane , Théophraste , Columelle et Pline. Il vous dit t ■h Fraxinus vocari l'ertur quod magis in asperis locis montanisque fragis nascaCur. Hinc per derivationem fraxinus, sicut a monte montanus. 248 ANNALES DU MUSEUM Enfin Pline (1) peint la foliation de cet arbre auquel il donne encore le nom de Fraxinus comme étant très-hâtive et durant très-long-temps de même que celle des amandiers et des sureaux. Quœdcim arbores primœ germinanb et inter novissimas nudentur ut amygdalœ , fraxini, sambuci. Or, le frêne à fleurs développe ses feuilles quinze jours plutôt, et les perd quinze jours plus tard que les autres frênes d’Eu- rope , ce que MM. Thouin m’ont assuré avoir constamment observé depuis vingt ans au jardin des Plantes. Il me semble donc que les caractères de la grandeur, de la stérilité de beaucoup d’individus de l’un de ces arbres , de ses grappes serrées qui n’ayant pas de pétales , ont l’air, au premier coup-d’œil de n’avoir pas de fleurs , suffisent pour décider avec assez de certitude que le Boumélia de Théo- phraste est l’Ornus des Latins, le Fraxinus excelsior de Linné, le grand frêne de nos forêts; et que de plus, ceux de l’habitation sur les montagnes, de la taille de l’autre, de sa foliation hâtive et durable, de ses tendres pétales de cou- leur pâle en forme de chevelure, peuvent établir , avec une grande probabilité , que le Mélia d’Homère , d’Aristo- phane, de Théophraste et de Dioscoride, est le petit Fraxi- nus de Pline et de Columelle, le Fraxinus ornusde Linné, et le Frêne à fleurs de nos jardins. Jean Bauliin avoit commencé à rapporter le Boumélia de Théophraste à notre grand frêne , et Michel i , sans en donner de raison , avoit établi un genre Ornus où il plaçoit le grand Frêne. Les autres auteurs a voient tous confondus ces deux arbres. (0L&.. i6,cap.34»LiY. n* d’h rSTOÏRE NATURELLE. ANALYSE D’ une pierre tombée de V atmosphère. Par L A U G I E P T iA pierre dont on donne ici l’analyse, est tombée le i5 vendémiaire an XII, sur les dix heures du matin, dans la commune de Saurette près d’Apt , département de Vaucluse ; sa chute a été accompagnée des phénomènes que l’on re- marque en pareille circonstance ; elle a été envoyée au citoyen Chaptal , ministre de l’intérieur qui, après l’avoir mise sous les yeux de l’Institut national, a bien voulu en faire don au Muséum d’histoire naturelle. Les professeurs , administrateurs de cet établissement, désirant de s’assurer si cette pierre contenoit les mêmes principes que celles qui avoient été précédemment analysées, ont chargé le citoyen Laugier, aide-chimiste pour les analyses, de l’examiner. Voici le résultat de l’examen qu’il en a fait. Propriétés physiques. La pierre d’Apt, déposée au cabinet du Muséum d’his- toire naturelle , pèse sept livres six onces. Elle ne diffère pas en apparence des autres pierres du même genre qui , comme Ton sait , se ressemblent toutes, si ce n’est que leur 4. 33 200 ANNALES DU MUSEUM cassure est plus ou moins grenue, et que les globules de fer et les pyrites qu’elles renferment y sont diversement dissé- minés. Néanmoins, de toutes les pierres déjà connues, les pierres tombées à l’Aigle au mois de prairial an XL, sont celles avec lesquelles elle semble avoir le plus d’analogie par ses caractères extérieurs. Son grain est fin, sa couleur est grise , sa croûte noire et peu épaisse. Les globules de fer et pyriteux qu’elle contient en abondance sont si peu volu- mineux , qu’ils sont à peine visibles dans sa cassure fraîche- Première expérience. Six grammes delà pierre d’Àpt réduite en poudre autant que les globules de fer qu’elle contient en abondance ont pu le permettre, ont été traités avec une suffisante quan- tité d’acide nitrique. Après une ébullition soutenue pendant une heure, on a décanté l’acide, et on en a ajouté une nouvelle portion que l’on a fait digérer de la même ma- nière. Le tout a été étendu d’eau et jeté sur un filtre. Le résidu lavé et séché convenablement pesoit 2,96 c- Deuxième expérience . Une portion de ce résidu placée sur les charbons ardens brüloit avec une flamme bleue, et exhaloit une odeur d’a- cide sulfureux. Pour déterminer la quantité de soufre que le résidu pouvoit contenir , on l’a introduit dans une petite cor- nue de verre adaptée à un récipient, et on l’a soumis à la dis- tillation; le soufre s’est sublimé à la voûte de la cornue. Lors- qu’il ne s’est plus dégagé de vapeurs sulfureuses , on a déluté l’appareil, on a pesé le résidu, il ayoit perdu. 0,28 centi- d’histoire NATURELLE. 201 grammes. Cette perte doit être attribuée au soufre, et peut- être à une très-petite quantité d’humidité que le résidu auroit pu contenir. • ... Troisième expérience, La dissolution de l’expérience n.° i, contenant un excès d’acide suffisant pour ne pas permettre la précipitation delà magnésie, on y a versé une dissolution d’ammoniaque ; il s’y est formé sur-le-champ un précipité rouge , abondant, que l’on en a séparé par le filtre, après avoir fait bouillir pendant quelque temps le mélange pour faciliter l’isolement complet de l’oxidc de fer dont l’excès d’ammoniaque, sans cette précaution , retiendroit une certaine portion. L’oxide de fer bien lavé et encore humide a été mis en digestion avec une dissolution de potasse caustique , dans l’intention d’en séparer l’alumine qui auroit pu y être mêlé. On a versé dans la dissolution alcaline filtrée une dissolution de muriate d’ammoniaque, mais au lieu d’un précipité, on n’a obtenu qu’un léger louche ; d’où l’on peut conclure que la pierre ne contenoit aucune portion d’alumine , au moins d’une manière bien sensible. L’oxide de fer lavé et rougi dans un creuset de platine pesoit 176 centigrammes. On a remarqué que cet oxide avoit une couleur noire et un aspect comme vitreux ; on l’a mis à part dans l’intention de l’examiner. Quatrième expérience. Comme il étoit vraisemblable qu’une portion du soufre de la pierre d’Àpt avoit été brûlée à l’aide de l’acide nitrique, et convertie en acide sulfurique , on a jugé nécessaire , dans 53 * 252 ANNALES DU MUSÉUM la vue de déterminer exactement la proportion de ce corps combustible, de verser dans la dissolution d’oul’on avoit sé- paré le fer, une suffisante quantité de nitrate de baryte; on a en effet obtenu un précipité abondant de sulfate de baryte qui, séché et pesé, a donné 1,88 centigrammes. Cette quantité représente 26 centigrammes de soufre. Cinquième expérience. La dissolution de l’expérience n.° 3, étoit presque inco- lore ; elle n’offroit pas sensiblement cette teinte verdâtre ou bleuâtre qui annonce dans ces sortes d’analyses la pré- sence du nikel. On y a versé une dissolution de potasse caustique qui y a bientôt occasionné un précipité léger et floconneux qui caractérise la magnésie; on a fait bouillir quelque temps le mélange pour hâter le dégagement de l’ammoniaque et favoriser la précipitation de la magnésie. Celle-ci lavée et séchée à l’air avoit une couleur légèrement grisâtre , mais elle a blanchi par la calcination , et les 80 centigrammes qu’on en a obtenus se sont dissous aisément dans l’acide sulfurique étendu d’eau , à l’exception d’une quantité inappréciable de sulfate de chaux ; ils ont fourni de beaux cristaux en prismes quadrangulaires dont le poids correspondoit exactement à celui de la base qui les avoit formés. Sixième expérience . Le résidu siliceux de la première expérience ne parois- sant pas très-pur, à en juger par sa couleur grise-sale , et par les petites molécules noirâtres qui y étoient dissé- minées, on a jugé indispensable de le traiter de nouveau: d’ H I S ï O I R Ê NATURELLE. 2 53 on l’a donc fait fondre dans un creuset de platine , avec trois parties de potasse caustique. La masse avoit une cou- leur verte foncée qu’elle a communiquée à l’eau dont on s’est servi pour la délayer. On a versé dans le mélange de l’acide muriatique qui y a développé une couleur rou- geâtre; un léger excès d’acide a suffi pour dissoudre le tout, et la dissolution verdâtre a été évaporée à siccité après avoir donné vers la fin de l’évaporation une gelée abondante. Le résidu pulvérulent de couleur jaune citrin foncé a été de nouveau délayé dans l’eau distillée, et à l’aide d’un léger excès d’acide ajouté dans le mélange , pour redis- soudre la partie colorante que l’évaporation la mieux soi- gnée a coutume de séparer , on a obtenu de la silice par- faitement blanche, dont le poids, après la calcination, étoit de J,g5centig. Septième expérience . La dissolution muriatique de l’expérience précédente ayant été mêlée avec de l’ammoniaque liquide, a donné un précipité ferrugineux qui, après le lavage et la calcination, pesoit 76 centigrammes, et dont la couleur étoit un peu moins rembrunie que celle du fer précédemment obtenu. La potasse caustique ajoutée dans la dissolution n’y a occa- sionné aucun précipité, à l’exception d’une petite quantité évaluée un centigramme, d’une substance rougeâtre dont la nature ne tardera pas à être connue. Huitième expérience . Jusqu’à présent, cette analyse n’avoit offert aucune trace de la présence du nikel trouvé dans toutes les pierres de la 254 ANNALES DU MUSEUM nature de celle que nous examinons. On avoit poussé la recherche de cette substance jusqu’à faire évaporer à sic- cité les deux dissolutions dont on a parlé , mais les muriate et nitrate de potasse obtenus parfaitement blancs, n’avoient annoncé , en aucune manière , l’existence d’une substance métallique colorante. La seule ressource qui restoit pour découvrir le métal dont il s’agit, étoit d’examiner les deux portions de fer qui, d’ailleurs par leur couleur noire et leur aspect vitreux , excitoient la curiosité. On a donc jugé con- venable de traiter le fer avec deux parties de potasse caus- tique. La masse obtenue étoit verdâtre; un cercle d’un vert très-beau occupoit la partie supérieure du creuset, et l’eau versée dessus prenoit une couleur verte-foncée très-belle. Le fer seul ne pouvant donner lieu à ce phénomène, on conclut qu'il devoit être attribué à une substance étran- gère soluble dans la potasse , dont il falloit reconnoître la nature. On a procédé à son examen de la manière sui- vante : une portion de la dissolution alcaline a été chauffée dans une capsule de porcelaine; au premier contact de la chaleur, de petites molécules d’un jaune sale très-différent de la couleur du fer se sont séparées ; à mesure que leur nombre augmentoit, la couleur verte s’affoiblissoit, et bien- tôt elle a disparu entièrement. Evaporée à siccité, et dès l’instant où la potasse privée d’eau a pu réagir sur la subs- tance jaune , le résidu a repris la couleur verte ; chauffé plus fortement dans un creuset , il est devenu bleuâtre , puis rose ; il est facile de reconnoître à ces variations de cou- leur le caméléon minéral de schèele, ou la combinaison artificielle de la potasse et de l’oxide de manganèse. La dissolution alcaline verte a perdu entièrement sa cou- 255 d’ histoire naturelle leur par son exposition à l’air durant deux fois vingt-quatre heures ; il s’est formé en meme temps un précipité jau- nâtre qui, recueilli sur un filtre, est devenu brun à l’air, et noir par la calcination. En se dissolvant dans l’acide muriatique, il a exhalé une odeur très-prononcée de gaz acide muriatique oxigéné; sa dissolution a donné par le carbonate de potasse un précipité blanc j le prussiate de potasse y a formé un précipité blanc jaunâtre. Traité au chalumeau avec du borax, il a communiqué à ce fondant une couleur purpurine violacée. Tous ces essais ne peuvent laisser de doute sur l’exis- tence du manganèse dans la pierre d’Apt , dont la présence dans une autre pierre du même genre avoitdéjà été annoncée par le chimiste Proust. La quantité qu’on en a obtenue, réunie à celle qui s’est séparée par l’évaporation des eaux de lavage, ainsi qu’on l’a dit, s’élève à 5 centigrammes. La dissolution alcaline devenue claire et incolore par le repos ayant été saturée par l’acide muriatique, il s’est formé un précipité blanc qui a offert toutes les propriétés de la silice. Calcinée et rougie, elle pesoit 8 centigrammes , qui, ajoutés aux i,q5 centigrammes déjà obtenus, donnent une somme totale de 2o5 centigrammes. Neuvième expérience . Si la pierre d’Apt contenoit du nikel , comme cela étoit vraisemblable, à en juger par l’existence de ce métal dans toutes les pierres du même genre déjà soumises à l’analye, il devoit se trouver avec l'oxide de fer où la potasse avoit décéié la présence du manganèse. Pour s’en assurer, on a â56 ANNALES DU MUSEUM fait digérer cet oxide avec de l’acide sulfurique étendu d’une certaine quantité d’eau; on a évaporé la dissolution, et on a calciné le résidu qui avoit une couleur blanche ver- dâtre dans un creuset de platine , jusqu’à ce que la masse ait pris une couleur rouge ; on a lavé cette masse, et on a fait évaporer de nouveau l’eau du lavage jusqu’à siccité ; on a répété la calcination, le lavage et l’évaporation jus- qu’à ce qu’il ne se séparât plus d’oxide de fer par la chaleur, alors on a obtenu une liqueur d’une couleur verte qui n’étoit pas précisément celle du fer , mais qui pourtant précipitait encore en bleu par le prussiate de potasse. On a étendu d’eau cette liqueur, et on y a versé de l’ammoniaque en excès; il s’est fait un précipité d’oxide de fer, mais on a remarqué que la liqueur surnageante é toit d’un vert bleuâtre qui annonce la présence du nikel. On en a bientôt acquis la preuve en versant dans cette dissolution ammoniacale filtrée de l’hydrosulfure de potasse qui a formé un préci- pité noir tel qu’on l’obtient par ce réactif dans les mêmes circonstances. Ce précipité recueilli avec soin pesoit 2 cen- tigrammes. L’acide sulfurique , à l’aide duquel on avoit séparé le nikel du fer, lui avoit enlevé une petite portion de magnésie que ce métal avoit entraînée dans sa précipi- tation, et dont le poids étoit de 7 centigrammes. Il résulte des expériences ci-dessus décrites, que 600 par-- lies de la pierre d’Àpt contiennent: De silice 20a Fer 25o Magnésie 87 Soufre 54 d’ HISTOIRE NATURELLE. Manganèse 3 Nikel 2 58 1 Eau et perte 19 6oo . > pii donne pour îoo parties. Silice 34, oo ;per 38, o3 Magnésie *4, 3o Soufre 9> 00 Manganèse )) 83 Nikel )> 33 Eau et perte 3, 3i 100, oo 54 ANNALES DU MUSEUM 258 MÉMOIRE J v_» Sur le Gymnostyles , genre nouveau de la famille des plantes Corymbifères . Par A. L. JUSSIEU. Parmi les plantes qui ont levé dans les terres sorties des- caisses d’arbrisseaux vivans apportées de la Nouvelle-Hol- lande au Muséum d’histoire naturelle , il s’en trouve une Composée qui offre dans son organisation des différence» remarquables suffisantes pour caractériser un genre nouveau, et qu’il convient de faire connoître. Elle a le feuillage et le port d’une camomille. Sa tige ramifiée dès la racine, s’étend latéralement à un ou deux pouces sans s’élever, et chaque rameau se termine en une touffe de feuilles pinnées à folioles découpées, du milieu de laquelle sort une tète de fleurs sessile , placée entre deux jeunes rameaux non développés. Chaque fleur ou tête de fleurs a un calice commun, composé de plusieurs feuilles disposées sur un seul rang, qui renferme beaucoup de pe- tites fleurettes disposées en tète presque hémisphériques. Celles en petit nombre qui occupent le centre sont mâles * elles ont une corolle très-petite , tubulée à trois ou quatre dents, renfermant autant d’étamines dont les anthères sont réunies. L’ovaire qui la supporte est à peine visible , et avorte toujours; son style est simple, terminé par un stig- mate en tête. Les fleurs de la circonférence disposées sur ifiYMN OSTYLE S . andiemifolia.. 2. GYMNOSTYLES nasùirùifolia. 3. GYMN O STYLES pierosperm|| ^fW Je&er A PI. Oj \ ■ d’histoiiie naturelle. 269 plusieurs rangs sont femelles, c’est-à-dire, dépourvues d’éta- mines, et de plus elles manquent absolument de corolle. Leur ovaire , plus renflé, est surmonté d’un style terminé par le stigmate bifide et subsistant. La graine qui succède est nue, comprimée, en forme de coin , lisse et égale sur l’une de ses faces, un peu creusée dans le milieu de la face opposée, et rélevée sur les angles de plusieurs petites iné- galités ou rides transversales; elle porte à son sommet quel- ques poils qui ne peuvent être assimilés à une aigrette, et le style qui subsiste en forme d’arête. Le réceptacle est nu. En résumant ce caractère, on voit que cette plante ap- partient à la famille des Corymbifères et à la section de celles qui ont la graine et le réceptaclenus et les fleurs à fleurons. Par son port et une partie de ses caractères, elle a beau- coup d’affinité avec les genres Cotula, Struchium , Grangea et Hippia ; mais elle en diffère par la persistance du style sur la graine qui n’a pas d’autre couronnement, et sur-tout par le défaut de corolle dans les fleurons femelles. Plusieurs autres composées, telles que le Gnaphalium , X A rtemisia , le Bcicclictris , le Cotula , etc. avoient été indiquées par Lin- næus comme ayant quelques fleurs femelles apétales mêlées dans le même calice avec des fleurs à fleurons; mais en les examinant avec soin , Bernard de Jussieu avoit vu qu’elles avoient une corolle tubulée très-entière à son sommet, for- mant autour du style une gaine si serrée et si mince, qu’au premier examen elle paroissoit n’en être pas distincte et se confondre avec lui. On pouvoit croire que la même or ganisation avoit lieu dans la plante que nous décrivons; cependant les plus fortes loupes et les instrumens tranchans 34* ^6o ANNALES DU MUSÉUM les plus fins n’ont pu faire apercevoir aucune trace de corolle dans ses fleurs femelles. M. Richard, accoutumé aux obser- vations microscopiques et aux analyses d’organes très-petits, qui a bien voulu vérifier celle-ci , a vu également dans les fleurs de la circonférence des styles absolument nus qui doivent constituer le caractère principal de ce nouveau genre, et il a proposé de lui donner pour cette raison le nom de Gymnostyles que nous avons adopté. Sa désignation générique, ajoutée aux caractères de la famille et de la section , consistera dans un calice commun multiflore, à plusieurs feuilles égales disposées sur un seul rang; des fleu- rons du centre mâles tubulés; des fleurs de la circonférence femelles apétales; des graines comprimées et portées sur un réceptacle nu, terminées supérieurement par quelques pe- tites dents , par quelques poils épars et par le style persistant. Nous trouvons dans l’berbier fait par Commerson à l’em- bouchure de la Plata, dans les environs de Buenos-aires et de Montevideo, deux plantes herbacées dont le caractère générique se rapporte à celui du Gymnostyles , et qui ont le même port, c’est-à-dire, une ramification très-courte, appliquée contre terre, de sorte que toutes les feuilles paroissent disposées en touffes radicales, du milieu desquelles naissent des fleurs sessiles dans le point de ramification des tiges. La première est l’ Hippiaminuta de Linnæus fils, décrite dans son supplementum , p. 58g, et certifiée telle par M. Correa qui l’a vu ainsi étiquetée dans les herbiers d’An- gleterre. Son caractère n’est pas tout-à-fait conforme à la description qui admet des fleurs pédonculées à pédoncules plus longs que les feuilles, et des fleurs composées de fleu* d’histoire NATURELLE. yGl rons , soit au centre, soit à la circonférence ; mais on peut présumer que Linnæus n’avoit pas assez examiné les fleurs, et qu’il a pris les dernières ramifications pour des pédon- cules. Quoiqu’il en soit, la plante que nous présentons ici diffère de la précédente par ses ramifications plus grêles , ses feuilles simplement pinnatifides à lobes obtus et entiers, ou quelquefois sinués, semblables à celles de Y Hippia ou de plusieursespèces de Nasturtium de T ournefort réunies main- tenant au genre JLepidium. Ses fleurs pareillement en tête hémisphérique , sont plus petites que celles de l’espèce pri- mitive, et plus chargées de duvet. Les graines ont , à leur sommet, un rebord plus élargi et à dents plus saillantes. La seconde présente des différences plus remarquables; ses ramifications sont un peu plus étendues, mais toujours couchées sur terre. Ses feuilles irrégulièrement bipinnées à lobes aigus, plus alongés et plus étroits, ressemblent un peu à celles de la pulsatille. Ses têtes de fleurs assez grandes con- tiennent pareillement un très-petit nombre de fleurons mâles dans le centre, entourés d’un grand nombre de fleurs fe- melles apétales qui consistent en un ovaire applati presque membraneux, terminé par trois pointes ou arêtes dont celle du milieu est un style subsistant terminé par deux stigmates. Cet ovaire devient une graine aplatie, épanouie à sa base en queue d’oiseau, garnie sur ses côtés de deux grandes ailes ou appendices tronquées par le bas , et formant par leur prolongement supérieur les deux pointes latérales qui accompagnent le style , persistent avec lui , et se recour- bent souvent en dedans, comme on le voit dans la pl. LXI fig. 3. Cette forme de la graine , qui représente un oiseau volant, diffère assez des deux précédentes, pour que l’on 2 fi 2 ANNALES DU MUSEUM puisse en faire un genre séparé ; mais comme dans l’ordre naturel ce genre nouveau ne pourroit s’éloigner du G-ymnos - tyles dont il conserve les principaux caractères, et sur-tout celui des fleurs femelles apétales, il n’est point nécessaire de le détacher, sur-tout lorsqu’on n’a qu’une espèce. Il suf- fira de généraliser le caractère du genre, en ne spécifiant pas la forme de la graine. On rappellera seulement tous les caractères communs aux trois espèces de la manière sui- vante , en ajoutant à chacune en particulier une courte des- cription spécifique. Gymnostyles. Cctlix simplici ordine polypJiyllus , multiflorus. Flosculi centrales pauci , masculi , iubulosi • marginales numerosi fœminei apetali. Semina compressa , apice subdentata, stylo persistente aristata. — Herbœ subacaules rcimis brevibus luimifusis ; folia in ramorum divisuris conferta subradicalia ; flores inter folia in iisdem divisuris sessiles subsolitarii. G. antiiemifolia. (PL LXI, fig. i .) Folia ( Antliemidis ) quadripollicaria pinnala , foliolis decompositis linearibus , pluriès acutè lobatis-, semina cuneiformia , apict subdentata et pilosa. Ex Australasiâ. Caracter ex vivâ in liort. Paris. G. Nasturtiifolia. (PI. LXI , fig. 2.) Hippia minuta Lin. fil. suppl. 38g — Folia ( Nasturtii ) vix pollicaria pinnatifida , lobis oblorigis obtusis , integris aut rariàs uniclentatis ; semina cuneiformia apice subdentata et pilosa. Ex Bonariâ. Car. ex siccâ in herb. Commers. G.pterosperma. (PI. LXI, fig. 3.) Folia ( Pulsatillœ ) sesquipollicaria subbipin- nata linearia , foliolis decompositis oblongis acutis ,petiolis pilosis ; semina basi et margine membranaceo-alala , apice tridentata denlibus aristatis. Ex Bonariâ. Car. ex siccâ in herb. Commers. An congener Hippia stolonifera Broier. Pliyt. Lusit. 1 , p. i4 , lierba similiter Jiqmifusa et stolonifera , floribus radicalibus scssilibus , foliis pinnatifldis ? Huie tamen, ex Aulore , flosculi omnes flosculosiet corolla in fœ mine is stylo arclè adhcerens. Explication des Figures. PL LXI, fig. 1 , a. Calice coupé dans son milieu, montrant ses fleurons mâles dans le centre , et ses fleurs femelles à la circonférence, b. Fleuron mâle grossi, enlourré de poils, c. Le même desséché et nu. d Fleur femelle grossie vue d’un côté. e. La même vue du côté opposé, fi Réceptacle entouré du calice rabattu. Lig. 2 , a , b. Graine grossie vue de deux côtés- l' ig. 3 , a. Graine grossie dont les deux pointes latérales sont repliées eu dedans. !>’ HISTOIRE NATURELLE. 265 description z>u Jardin des Semis du Muséum d’ Histoire naturelle , de sa culture et de ses usages . Par A. T H O U I N. PREMIÈRE PARTIE. Un grand jardin de plantes destiné à l’instruction publique, ne peut ni s’accroître ni se maintenir sans avoir des dépôts particuliers, affectés à l’éducation, à la conservation et à a multiplication des végétaux de toutes les parties du globe. Ces dépôts sont les terrains consacrés aux semis, les pépi- nières de toutes les sortes , et les abris naturels ou artificiels de tous les genres. De tous ces dépôts dont le jardin du useum est pourvu, et que nous décrirons successive- ment, celui destiné aux semis est un de ceux dont la euh ture exige le plus de connoissances , le plus de soins, et la p us grande quantité de moyens d’exécution. On n’en sera point étonné, si l’on fait attention à la va- riété infinie des moyens qu’emploie la nature pour faire réussir les germes que répandent les végétaux , chaque an- née , sur la surface de la terre, moyens que l’on doit imiter autant qu’il est possible, si l’on veut obtenir des résultats satisfaisans. On en sera moins surpris encore, si l’on réfléchit à l’innombrable quantité de semences répandues, tous les 264 ANNALES DU MUSEUM ans, par la nature, en pure perte pour la reproduction. Les unes manquent de place pour croître et prospérer, les autres tombent dans des lieux où elles ne peuvent lever ; une grande quantité est détruite par l’intempérie des saisons, ou l’effet désastreux des météores; une quantité plus grande encore, ou plutôt une immense quantité sert de nourriture aux animaux de toute espèce(i).Ce qui échappe à ces acci- dens, quoiqu’infiniment peu considérable , en raison de ce qui existoit , suffit cependant pour remplir le voeu de la nature, qui est la conservation des espèces. .Mais les moyens du cultivateur sont très-bornés ; ne pos- sédant ordinairement qu’une fort petite quantité de semences des plantes qu’il veut multiplier , il ne peut les abandonner au hasard sans risquer de tout perdre. Il doit écarter toutes les chances défavorables à ses semis, en même temps qu’il doit rassembler toutes celles qui peuvent leur être utiles. Il attachera d’autant plus d’importance à cette opération , que les semis sont la base et l’élément de toutes ses autres cultures. Ainsi il portera son attention , d’abord sur le choix du local le plus propre à la réussite de ses semis, sur son exposition , sur sa situation, sur la nature du terrain et la qualité des eaux. Les moyens de le garantir des intempéries des saisons, ainsi que de le préserver des animaux nuisibles, sera le second objet qu’il prendra en considération. Le troisième aura pour but la distribution du local qu’il aura soin de pourvoir ensuite des fabriques, des ustensiles et de toutes les substances employées en jardinage , tant (1) Unseulpicd de mais produit jusqu’à 3, 000 semences , l’héliante annuelle en donne jusqu’à 4, 000 , le pavot somnifère 32,ooo , et on en compte 4o,320 sur'fnn seul et même pied de tabac ordinaire. d’histoire NATURELLE. 265 pour hâter les cultures, que pour les conserver et les faire prospérer. Telles sont les vues qu’on doit se proposer dans le chois d’un local propre aux semis. Celui, qui est affecté à cet usage au Muséum, les remplit en très-grande partie. La descrip- tion que nous allons en donner , mettra ceux qui ne le con- noîtroient pas à portée de s’en convaincre. Le jardin des semis ou des couches, comme on le nomme indistinctement(i) , a été acquis pour cet usage en 1785 , parle célèbre Buffon, créateur de l’établissement. Il est composé de 3362 mètres ou 885 toises quarrées de super- ficie, qui ont été payés trente francs la toise. Situé dans les terrains ajoutés à l’ancien jardin, il se trouve enfoncé au- dessous du niveau du sol d’environ 3 mètres 25 centimètres (10 pieds). Ses limites sont, du côté du Nord, la grande serre tempérée , et la terrasse de 65 mètres (200 pieds ) de longueur qui l’accompagne, laquelle occupant tout le fond de ce jardin , et s’élevant de 16 mètres 25 centimètres ( 5o pieds) au-dessus du niveau de son sol, le garantit des fu- nestes effets du vent du Nord. Du côté de l’Ouest, il est borné par la terrasse qui termine la petite bute dont l’élé- vation est de 3 mètres 4o centimètres (îopiedst). Les arbres toujours verts dont est couronnée cette monticule, font en- (r) Le nom de jardin des semis doit être préféré , parce que c’est dans ce lieu ’ HISTOIRE NATURELLE, 269 connoissances en botanique,, et fournir peut-être de nou- velles ressources agricoles, économiques et commerciales pour tout un pays. Combien d’autres dangers n’y auroit- il pas encore ! Aussi est-ce pour prévenir tous ces inconvéniens, assurer les progrès de la science , et préparer au public des jouis- sances durables, que l’administration s’est interdit de donner les clefs de ce jardin à toute autre personne qu’au jardinier en chef, chargé de le cultiver, et aux professeurs de cul- ture et de botanique dont ce lieu est le laboratoire parti- culier pour faire des expériences délicates, et pour observer et décrire avec tranquillité les productions nouvelles. Les savans et même les amateurs de botanique y sont admiset accompagnés par les personnes qui en ont la clef, et qui s’empressent de leur faire remarquer tout ce qui peut les intéresser. Il résulte de cet ordre établi , que les plantes uniques sont multipliées et répandues ensuite dans les autres parties du jardin , d’où bientôt elles passent, au moyen de la correspondance, dans les différentes écoles de botanique delà France, et ensuite de l’Europe. Ainsi la sûreté de ce dépôt des semis est aussi grande qu’elle puisse être dans un établissement national. Nous allons parler actuellement de la qualité du sol. Quoique la nature du terrain paroisse être de peu d’im- portance dans un lieu où la plus grande partie des semis se fait dans des vases ou dans des terres de composition, il n’est pas moins essentiel que le sol superficiel repose sur un fond de bonne qualité. Très-souvent le fond fait le principal mérite de la surface, et c’est, en général , par le défaut de cette observation , qu’on est souvent trompé sur 2 7 O A N MALES DU M USÉ U M la propriété des terrains. Celui du jardin- des semis à la profondeur d’un mètre 5o centimètres , ou un mètre 62 centimètres ( 4 ou 5 pieds) , est du sable quartzeux, comme tous les lieux voisins de la Seine , et qui visiblement ont lait partie du lit de ce fleuve. Mais depuis que ses eaux ont diminué de volume, qu’elles ont été circonscrites par des rives plus rétrécies, et que le sol environnant s’est exhaussé par des alluvions, et sur-tout par les produits de la végéta- tion, il s’est établi sur le banc de sable dont l’épaisseur considérable est inconnue , un lit d’argile d’environ 0,97 centimètres (5 pieds ). C’est sur ce lit que repose la terre végétale. Elle est composée , en grande partie, de débris de matières calcaires, quartzeuses, et d’humus végétal et ani- mal , parce que ce terrain, depuis son dessèchement , a,été planté en saules (i) , etqu’ensuite étant devenu propre aux légumes, il a été cuUivé en marais légumier (2). La couche de terre qui recouvre l’argile est compacte, visqueuse, et d’un jaune d’ocre dans un pied d’épaisseur; le reste d’en- viron o,4 1 à4q centim. (i5 à 18 pouces), qui forme la couche extérieure, est d’un brun noirâtre , d’autant plus meuble et plus légère , qu’elle approche davantage de la surface du sol. (1) U faisoit pai lle du terrain qu’on appeloil la Saulsaie , défriché et mis en culture par Bouillon, fermier de l’abbaye Saint-Victor. 11 communiquoil au clos f alouillet , deux noms qui annoncent assez la nature aquatique de ces terrains. (2) C’est dans les terrains où l’on emploie une masse aussi considérable de fu- miers , chaque année , qu’on peut observer , avec facilité , la formation de l’argile et celle delà terre calcaire. La première, comme l’on sait , est le produit de la décomposition des végétaux , et la seconde de celle des matières animales. Nous rendrons compte, par la suite, de quelques observations à cç sujet, qui pourrons jeter quelques lumières sur l’emploi des engrais. D1 HISTOIRE NATURELLE. 27 1 Un semblable terrain, par sa couleur , est plus propre que tout autre à recevoir la chaleur. Il s’en imprègne, comme une éponge s’imbibe d’eau , et la recèle pendant long-temps. Cette qualité très-avantageuse à la culture des plantes annuelles des tropiques, et à beaucoup d’autres delà meme nature qui croissent sous la zone torride , exige des soins assujettissans pour les arrosemens d’été. Elle est en même- temps favorable à la végétation des plantes vivaces de l’Asie- Mineure, des parties tempérées de l’Amérique et de plu- sieurs autres pays, parce qu’ayant des racines longues et qui descendent à une profondeur assez considérable , elles trouvent le degré de fraîcheur qui leur convient dans la couche de terre compacte qui précède l’argile bleuâtre. Celle-ci en conservant l’eau des pluies tombées pendant l’hiver elle printemps, fournit dans la saison chaude une grande partie de l’humidité nécessaire à la fertilité des couches supérieures. D’après cela, le terrain est de la na- ture la plus convenable à la culture à laquelle il est destiné. Mais on ne peut pas en dire autant des eaux employées aux arrosemens. Ce fluide, comme l’on sait , est aussi né- cessaire , si même il ne l’est plus que la terre, à l’existence des végétaux. Us en absorbent, chaque jour, une quantité d’autant plus grande, que l’endroit où ils se trouvent est plus chaud, qu’ils sont réunis en plus grand nombre dans un petit espace, et que pour la plupart ce sont des plantes annuelles dont la végétation est abondante et rapide (1), (1) C’est pour celle raison qu’on appelle ceîlf*s-ci plantes voraces qui effritent Te terrain et le rendent stérile pendant quelques années, pour des herbes de meme espèce. 272 ANNALES DU MUSEUM L’eau employée à leur arrosement est fournie par un puits placé vers le milieu du jardin des semis, ou tirée du grand puits de la ci-devant régie des liacres. Les sources qui ali- mentent ces deux dépôts sont probablement les mêmes, puis- que l’eau a la même propriété malfaisante. Elle tient en dissolution, d’après l’analyse qu’en a fait le citoyen Four- croy avec beaucoup de méthode et de précision, près du 4oo.eme de son poids, de sels de diverses espèces ( 1). Ses effets, peu sensibles sur la végétation des plantes annuelles, par- ce que leur vie est trop courte, se font facilement remar- quer sur les arbres et arbustes, et particulièrement sur ceux qui ont besoin d’arrosemens plus fréquens. Leur ma- ladie s’annonce par la diminution de l’étendue de leurs feuilles, la teinte jaunâtre qu’elles prennent, la cessation de la croissance des individus , le dessèchement de l’extré- mité des rameaux, la mort des tiges, et enfin de la plante entière. Cette maladie dure de trois à quatre ans dans les arbustes rustiques * elle se termine plutôt dans ceux qui sont délicats, et il suffit souvent d’une saison pour faire périr les bruyères étrangères et autres plantes de leur fa- mille. Si après leur mort, on examine avec la loupe les racines de ces plantes, sur-tout de celles qui ont langui plus long- temps , on observe qu’elles sont encroûtées d’une matière séléniteuse, blanche, cristalline et dure qui , bou- chant les pores des racines, les empêchent déporter dans l’économie végétale les fluides nécessaires au développement et à la nutrition des plantes. (2) ployez l’analyse de celle eau dans les Annales du Muséum nalional d’histoire naturelle , tome 2 , page 427. d’histoire NATURELLE. 273 Pour corriger la qualité malfaisante de ces eaux, on a employé différens moyens que nous indiquerons ici pour faire voir leur insuffisance , et dispenser les cultivateurs de faire des tentatives infructueuses. On avoit cru qu’il suffi- soit de laisser cette eau exposée à l’air libre et sur-tout au soleil pendant vingt-quatre ou trente-six heures avant que de s’en servir, et c’est ce qui avoit déterminé la cons- truction du bassin qui se trouve placé au milieu de ce jardin. Mais ce moyen n’a produit que très-peu ou point d’effet. Ensuite on a présumé que la différence de température qui ’ existe entre l’eau sortant du puits et celle qui' a séjourné dans le bassin, pouvoit en apporter dans le degré de satu- ration des matières salines dont ces eaux sont imprégnées, et on les y a laissé séjourner quelque temps. Cette pratique n’a fait que les rendre moins crues, et par conséquent un peu moins défavorables à la végétation, mais ne les a pas dépouillées des substances qu’elles tiennent en dissolution, principe de leur mauvaise qualité. Enfin, on a déposé dans le bassin rempli de ces eaux , de la bouse de vache et du fumier de mouton que l’on renouveloit de temps à autre $ ces substances n’ont produit d’autre effet que de porter aux pieds des plantes, avec l’eau des arrosemens, un engrais qui a pu aviver la végétation de celles dont les racines n’étoient pas encore entièrement encroûtées , mais non détruire le vice de l’eau. D’après ces tentatives, il paroît que le plus sûr moyen de prévenir ses effets funestes, se- roit de s’en passer pour les arrosemens. Mais il n’y en a point d’autre dans cette partie du jardin, et le besoin est souvent tel, qu’on est forcé de s’en servir. Nous allons actuellement donner .la description des 4. . 36 274 ANNALES DU MUSEUM divisions du terrain qui compose le jardin des semis, et indiquer l’usage de chacune de ses parties; mais aupara- vant, qu’il nous soit permis de développer quelques prin- cipes de théorie générale qui doivent servir de base à cette culture ainsi qu’aux autres que nous devons décrire dans la suite. Pour mettre de l’ordre dans une culture qui embrasse les semis et l’éducation première des jeunes plants qui proviennent de végétaux des diverses parties du globe , rendre la surveillance plus sûre et plus facile , il convient de réunir par séries de climats les plantes qui, croissant sous les mêmes zones, ont besoin du même degré de chaleur, et exigent à-peu-près la même culture. Sans cet ordre, on île parviendroit pas au but qu’on se propose, et voici les bases d’après lesquelles celui qui est suivi au Muséum, est établi. Tout le monde sait que chaque climat a ses productions végétales qui lui sont propres et particulières, excepté un petit nombre de plantes qui , douées d’une plus grande énergie, se rencontrent dans plusieurs climats à la fois, et y prospèrent. Le nombre des végétaux dans lesquels cette faculté est reconnue , est peu étendu, mais peut-être est-il plus considérable qu’on 11e le présume. Quoiqu’il en soit, il n’y a aucun inconvénient à cultiver ces plantes de la même manière que celles des climats d’où elles sont en- voyées, parce qu’elles ont contracté, par leur séjour, les mêmes habitudes que les indigènes. Mais il est difficile, pour ne pas dire impossible , d’établir autant de modes de culture qu’il existe de variétés de climats dans la nature ; il faut donc se borner à imiter les propriétés essentielles D'HISTOIRE NATURELLE. 27J des principaux climats. Nous en reconnoissons cinq bien distincts qui partagent le globe dans les deux hémisphères, en larges bandes, et que, pour cette raison, l’on nomme zones. Ces zones sont la Glaciale, la Froide, la Tempérée, la Chaude et la Brûlante. Elles sont d’inégale étendue pour le froid et la chaleur dans les deux hémisphères, puisque les voyageurs vont jusqu’au 8i.e degré vers le pôle- nord, et que des montagnes de glaces les arrêtent dès le 62e degré vers le pôle-sud. Nous indiquerons bientôt les limites qui circonscrivent ces zones, afin de les distinguer d’une manière exacte. Il est encore une considération essentielle : les chaînes de hautes montagnes, les vastes bassins terrestres qui s’en trouvent environnés , le gisement des terres, les courans d’air réguliers modifient et changent souvent les propriétés de la zone sous laquelle se trouvent les plantes. Il est donc indispensable d’avoir égard à ces différentes circonstances, et de les faire entrer dans la division des zones. Cela est d’autant plus essentiel, que de très-hautes montagnes de la zone tempérée offrent, pour ainsi dire, tous les climats, et peuvent réunir les végétaux des différentes zones. Au-des- sous de leur cime couverte de glaces éternelles, croissent les végétaux de la zone glaciale. Plus bas se trouvent ceux de la zone froide , ensuite ceux de la zone tempérée ; à ceux- ci succèdent les plantes de la zone chaude ; et à la base, dans les endroits les plus abrités du nord, on rencontre celles des climats brûlans(i) .Nous n’avons pu qu’indiquer ces anomalies. £1) C’esi dans une pareille situation qu’il seroit à désirer qu’on pût établir un jar^ü#. 4. 56* 276 ANNALES DU MUSEUM parce que les élémensnous manquent pour les préciser da- vantage. Passons à la circonscription des zones. La première en descendant des pôles à l’équateur, est la zone glaciale qui , sous le pôle arctique , n’a que dix degrés de largeur ; elle est renfermée entre le 90. e et le 80. e, tandis que sous le pôle antarctique elle s’étend jusqu’au 60. e; ainsi son étendue dans les deux hémisphères , est de 4o degrés. Cette zone doit peu occuper les cultivateurs , puisque , livrée à des glaces éternelles, elle n’offre sur le peu de terres qu’elle recèle, qu’un petit nombre d’espèces de cryp- togames , et sur ses rivages que des plantes marines qui se rencontrent dans la zone froide, pour la plupart. Ces plan tes intéressent foiblement la botanique, fort peu le jardinage, et nullement l’agriculture. Les sommets des hautes mon- tagnes couvertes de glaces permanentes , sous quelques zones qu’elles se trouvent, doivent appartenir à celle-ci. La seconde que nous limitons entre le 8o.e et le 6o.c degré du pôle arctique, et le 6o.e et le 4o.e du pôle antarctique, est celle que nous nommons la zone froide ; elle offre,, par conséquent une étendue de 4o degrés. À cette zone corres- pond la partie des hautes montagnes des deux hémisphères sous quelque latitude qu’elles se trouvent situées, qui sont couvertes de neiges et de glaces seulement une partie de l’année. île botanique ou plutôt un lieu de naturalisation ; chaque pas qu’on feroil, soit en élévation , soit en circonférence , offriroit , avec les plantes de tous les climats du inonde et leur ensemble , le spectacle magnifique des richesses végétales de la nature. d’ histoire naturelle. 277 Celle-ci est plus étendue en terres que la précédente , mais moins que les deux suivantes. Elle est couverte de glaces, de neiges et de frimats les deux tiers de Tannée. L’intensité du froid n’a pu être observée exactement dans plusieurs parties , faute d’instrumens pour l’apprécier. Les végétaux qui s’y rencontrent sont nombreux en individus d’un petit nombre d’espèces différentes. Ce sont des cryp- togames, des graminées, des saxifrages, des légumineuses , une petite quantité d’arbustes du genre des airelles, des rosages, des spiroea, et parmi les arbres, des bouleaux, des peupliers, des sapins, des pins et autres végétaux en- core peu connus. Les graines des plantes qui arrivent de ces climats réus- sissent en général lorsqu’on les sème à la mi-ventôse sur des banquettes de terre à l’exposition du nord, dans un sol meuble très-perméable â l’évaporation des eaux, laquelle occasionne un degré de fraîcheur favorable à leur germi- nation. Mais à défaut des neiges dont ces plantes sont cou- vertes dans leur pays natal jusqu’aux premières chaleurs , ce qui les garantit des grands froids, il convient de les cou- vrir à l’approche des gelées, pour préserver les racines de leur action. La zone tempérée ou la troisième qui embrasse 20 degrés, à prendre du 6o.e au 4o.e sous notre hémisphère, n’en em- brasse que 10 sous l’hémisphère opposé, lesquels sont com- pris entre le 4o.e et le 5o.e, ce qui donne à cette zone 3o degrés d’étendue. Les plantes qui croissent sur les parties des montagnes élevées de 6 à 900 toises au-dessus du niveau de la mer , dans les zones chaudes et brûlantes* appar- tiennent à celle-ci. 37^ ANNALES DU MUSEUM La zone tempérée est celle qui contient le plus de terres cultivables et qui offre une plus grande quantité d’espèces de végétaux dont les herbacées forment à peu près les neuf dixièmes. Parmi les ligneux, les arbres 11e sont que dans la proportion d’un septième environ. En général, les graines des plantes de cettezone doivent être semées dans notre climat au commencement de ger- minal, à l’air libre , et peuvent se passer du secours de la chaleur artificielle. Si on leur procure celle des couches sourdes ou chaudes, elle activera leur végétation, ce qui peut être utile pour les plantes herbacées, mais souvent nuisible aux végétaux ligneux. Si les graines sont tirées d’un pays plus méridional que le notre , et qui participe plus de la zone chaude que de la zone tempérée, les jeunes plants provenus de ces semis doivent être abrités à l’au- tomne ou rentrés pendant les gelées dans les serres froides ou les orangeries. La quatrième zone ou la zone chaude est composée de 25 degrés d’étendue du côté du pôle arctique, à compter du 4o.e au i5.e , et de i5 degrés seulement du côté du pôle antarctique, lesquels sont compris entre le 5o,e et le i5.e degré. Les plantes de la zone précédente qui croissent sur les coteaux bas et secs, dans un sol calcaire, granitique et sur-tout volcanique, noirâtre, et qui sont garantis des vents du nord, du nord-est et du nord-ouest par des abris natu- rels tels que des chaînes de montagnes, appartiennent à la zone chaude, et doivent être traitées comme les plantes de cette zone. Les graines des végétaux qu’elle produit doivent être semées sur des couches chaudes, dès la fin de ventôse, et tf HISTOIRE NATURELLE. 279 couvertes avec des châssis ou des cloches qui entretiennent les semis à une température de 18 à 20 degrés de chaleur. Les jeunes plants qui en proviennent ont besoin , pour se conserver , d’être rentrés à l’automne dans une serre chaude pour y passer l’hiver. La cinquième et dernière zone du globe, connue sous le nom de zone torride , mais que nous nommerons brûlante parce que nous lui assignons d’autres limites plus en rapport avec notre objet, que celles adoptées jus- qu’à présent, s’étend de i5 degrés des deux cotés de l’équa- teur, dans toute la circonférence de la terre; ce qui donne à cette zone 5o degrés de largeur partagés par la ligne équi- noxiale en deux parties égales. Cette zone est, après la tempérée, celle qui renferme le plus de terres cultivables, et peut-être le plus de productions végétales dont les arbres et les arbustes font la plus grande partie. Ils ont presque tous, comme ceux de la zone pré- cédente, la propriété de conserver leur feuillage toute l’an- née, et les gemma du plus grand nombre d’entre eux sont dépourvus des enveloppes ou des écailles dont sont munies la plupart de ceux des zones froides et tempérées. Beaucoup de ces arbres portent des fruits qui servent à la nourriture des hommes. D’autres fournissent les épiceries et les plus beaux bois de teinture et d’ébénisterie. Parmi les plantes , beau- coup sont parasites ; mais il s’en trouve aussi plusieurs dont les racines sont la base de la nourriture des habitansde ces climats. Les graines des végétaux de ces régions doivent être se- mées, savoir : celles à noyaux durs et osseux qui appar- tiennent à des arbres, dès la mi-pluviose, et celles desplantes î8 ) ANNALES DU MUSEUM herbacées, à la mi- ventôse, sur des couches très-chaudes et sous des châssis où la chaleur soit maintenue à 24 degrés environ. Les jeunes plants qui en proviennent ne doivent sortir des châssis que pour passer sous des haches à ananas, et être placés à l’automne dans les couches de tannée des serres chaudes. Nous n’entrerons pas ici dans le détail des motifs qui nous ont déterminés dans la circonscription de ces zones , cela nous meneroit trop loin et nous écarteroit de notre objet. Ces développemens trouveront leur place dans la description que nous nous proposons de faire des différentes sortes d’abris artificiels ; nous dirons seulement que ces motifs sont basés, i.° sur les observations de plusieurs voyageurs sur la nature des climats qu’ils ont parcourus (i); a.0 et sur les facultés d’un assez grand nombre de végétaux des dif- férentes parties du globe que nous avons été à même de cultiver. Cependant nous sommes loin de croire que cette circonscription soit exacte en tout, et qu’on ne puisse s’en écarter dans quelques points : mais il nous en manquoit une pour nous guider dans la culture des semis de graines qui nous arrivent des pays étrangers, et nous avons adopté celle-ci que nous publions, moins pour engager les cultiva- teurs de plantes étrangères à la suivre aveuglément, que pour en provoquer une meilleure. A ces renseignemens généraux qui peuvent mettre sur (i) On doit distinguer celles consignées dans le dernier ouvrage du citoyen Voinay pour la partie de l’Amérique septentrionale. Troyez le tableau du climat et du sol des Etats-Unis d’Amérique. Il seroit à désirer qu’on eût des renseigne-, mens aussi étendus sur les autres parties du monde. d’histoire naturelle. 281 la voie pour faire réussir les semis de graines dont on ne connoît que le nom des pays d’où elles sont envoyées, il s’en joint d’autres plus aisés à saisir. Ceux-ci servent d’indi- cations assez sûres pour déterminer la nature de la terre qui convient aux graines , et l’épaisseur dont elles doivent en être recouvertes. Ces objets sont essentiels à la réussite des semis; car si une terre est trop compacte ou trop lé- gère , et si les graines sont trop ou trop peu recouvertes, elles réussissent mal ou même ne lèvent point. Ces ren- seignemens sont fournis par la grosseur des semences. En général , la terre la plus favorable à la germina- tion du plus grand nombre d’espèces de graines est celle qui permet aux radicules et aux plus foibles chevelus des plantules de s’étendre librement. Elle doit s’imprégner ai- sément de l’eau nécessaire à la végétation des plantes et la retenir long-temps sans la corrompre. Il faut que cette terre ne devienne ni trop limoneuse par son imbibition, ni trop dure à sa surface par son dessèchement. Elle doit oc- casionner, par son mélange avec des substances en décom- position, une légère fermentation qui fournisse des gaz, les- quels étant absorbés par les racines, les tiges et sur-tout par les feuilles , servent à l’accroissement des végétaux. Cette sorte de terre est celle qui réunit dans de justes propor- tions de l’alumine, de la silice, de la terre calcaire et de l’humus. Comme il est rare de la rencontrer dans les jar- dins composée telle qu’on la désire, on peut l’obtenir du mélange des substances suivantes : i.° la terre qu’on appelle franche dans laquelle croissent les beaux fromens, celle qui est jaune, onctueuse et grasse au toucher , fournit l’alumine dans l’état le plus favorable à la germination ; 2.0 la terre 4. 37 282 ANNALES DU MUSEUM d’ancienne prairie, de couleur noire et qui repose sur des couches calcaires, donne cette dernière matière dans un degré convenable ; 5.° les terreaux de substances végétales et animales procurent l’humus avant que de passer à l’état calcaire ou alumineux; 4.° et enfin, le sable très-divisé produit la silice qui complète le mélange, opère la divi- sion de ses parties, facilite l’extension des racines, et em- pêche les eaux de se corrompre trop promptement. Quant à la quantité que l’on doit prendre de chacune pour com- poser ce mélange, il est difficile de l’indiquer exactement, parce que chacune de ces terres est elle-même un mélange qui les contient ordinairement toutes dans des proportions très-variables. Mais comme il n’est pas nécessaire d’avoir une précision mathématique , voici les proportions que nous suivons pour le plus grand nombre d’espèces de semis. 1. ° Alumine produite par la terre franche . . 2 parties, 2 . ° Matière calcaire fournie par la terre de pré. 4 id. 3. ° Humus donné par des terreaux de fumiers. 3 id. 4. " Silice fournie par le sable fin 1 id. Total . .10 parties composant le mélange. En variant ces doses en raison de la force ou de la déli- catesse des plantes , on obtient un mélange approprié à leur nature. Mais dans tous les cas, et toutes choses égales d’ailleurs, la meilleure composition sera toujours celle qui aura été faite depuis plus long-temps , dans laquelle le mé- lange des terres sera plus exact , et dont on aura eu soin d’ôter les pierres et autres corps étrangers. d’ H I S T O I R Ê NATURELLE. 285 Les graines séparées de leurs enveloppes extérieures in- diquent assez exactement, par leur volume, la profondeur à laquelle elles doivent être enterrées ou recouvertes de terre. Les plus fines, comme celles des mousses, des lychens, qui ne sont pas visibles à l’oeil nu , ne doivent point être recouvertes de terre, mais simplement semées à la surface, placées dans un lieu humide et abritées de tout rayon du soleil. Les secondes en grosseur, telles que celles des fougères, des orchis et autres, doivent être semées sur une. terre composée d’humus végétal pour la plus grande partie, et couvertes simplement dùme légère couche de mousse. Mais il faut que les vases qui renferment ces semis soient pla- cés dans des terrines où il y ait toujours de l’eau , et qu’ils soient exposés à la température de la zone sous laquelle les plantes croissent naturellement. Les graines du volume de la raiponce (i), des milleper- tuis (2) , des bruyères (5) , des rosages (4) , etc. ne doivent être recouvertes que de l’épaisseur d’un millimètre (une demi - ligne ) de terre très-di visée, telle que du terreau de bruyère passé au tamis de crin très-fin. On enfonce en terre, d’environ 20 millimètres ( 9 lignes) celles de la grosseur d’un pois (5) j les graines du volume (1) Campanuta rapunculus. L. (2) Hypericum. (3) Erica. (4) Rhpdodendra. (5) Pisum satiyura. L, 284 ANNALES DU MUSEUM des noyaux de pêches (1), des noix (a) ont besoin d’être en- terrées à la profondeur de 55 à 70 millimètres ( 2 pouces à 2 pouces et demi. ) Enfin, les plus grosses connues , telles que celles de» cocos des maldives (3), doivent être enfoncées en terre à la profondeur de 1 5 à 16 centimètres ( 5 ou 6 pouces ). Les semences d’un volume intermédiaire entre les grosseurs dési- gnées ci-dessus, doivent être couvertes de terre enproportion de ce qu’elles se rapprochent ou s’éloignent davantage de ces termes mitoyens. Mais comme il existe plusieurs séries de graines qui ne se sèment point dans de la terre, il est à piopos de les indi- quer ici d’une manière générale pour ne plus y revenir , et terminer cet article des semis. Plusieurs Jungermannia, beaucoup d’espèces de mousses, grand nombre de lychens et autres plantes de cette famille qui croissent naturellement sur des pierres dans les zones glaciales, froides et tempérées, se sèment et se propagent sur de petites murailles construites et orientées de la ma- nière suivante. Avec des pierres calcaires coquilîères, des granits et des laves poreuses de couleur et de densité différentes, exposés à l’air libre depuis plusieurs années, on construit de petites murailles auxquelles on donne la hauteur, la forme et la direction qu’on désire. La hauteur la plus convenable pour observer d’aussi petites plantes, est d’environ un mètre 62 (1) Amygdalus persica. L. (2) Juglans regia. L. (3) Lontarus de Rumphius , Lodoicea de Commerçon, Borassus de Jussieu et Lo- doicea de Lamarck. Dict. de Bot. n.° 11. d’histo IRE NATURELLE. 285 centimètres( 5 pieds). La forme qui offre le plus de saillie et d’enfoncement dans toutes ses surfaces, doit être préférée, parce qu’elle varie les expositions , et donne par ce moyen la facilité de cultiver un plus grand nombre d’espèces diffé- rentes. Quant à la direction, il n’y en a point de plus favo- rable que celle qui va en serpentant, et présente des aspects variés à toutes les expositions. La ligne droite est la plus ingrate; mais dans tous les cas, il est utile que cette mu- raille soit abritée du soleil du midi par des arbres un peu éloignés d’elle ; s’il étoit possible qu’elle fût construite dans un chemin creux au-dessus duquel passassent les vents , et que l’endroit fût humide, il en résulteroit plus d’avan- tages pour la culture , et l’on pourroit , en même temps , ajouter aux plantes que nous avons indiquées beaucoup d’espèces de fougères des mêmes zones (i). Toutes les plantes parasites, série nombreuse , 11e crois- sent point dans la terre ; les unes vivent sur des arbres morts, et d’autres sur des arbres vivans. Pour se procurer les premières, il ne s’agit que de mettre en terre de vieilles souches de différens arbres. Lorsqu’elles y auront passé quel- que temps, on verra croître dessus des agarics , des bolets, pezize, clavaire, etc. dont les semences y auront été trans- portées par les vents. Veut-on ne pas attendre et les avoir plutôt? On peut se les procurer en plaçant ces plantes1- sur les souches, dans la même position où elles se trouvoient na- turellement, et bientôtelles se multiplieront abondamment» (1) Il existe une fabrique de cette espèce dans le jardin de la Reine d’Angle- terre, àKew, près Londres. Elle a été imaginée par M. Aiton, directeur de ce jardin , et présente une collection de cryptogames très-nombreuse. 286 ANNALES DU MUSEUM Quant aux plantes parasites qui croissent sur les végétaux vivans, telles que \c& loranthus , les guys(i), les cuscutes , les cassitci, plusieurs mousses, différentes fougères, et beaucoup de lychens, on peut choisir dans les forêts ombragées et hu- mides de jeunes arbres qui en soient chargés , elles planter dans des situations à peu près semblables à celles d’où on les a tirés. Ces plantes ne souffriront pas de la transplantation^ elles vivront sur les arbres jusqu’à ce qu’elles les ayent fait périr eux-mêmes. Il n’est pas besoin de recourir à ce moyen pour avoir des loranthus et des guys , il suffit d’en prendre des semences et de les implanter dans l’écorce d’arbres vivans , en choisissant de préférence les fourches des branches dans lesquelles l’humidité séjourne plus long- temps. Ces procédés peuvent être employés pour toutes les plantes parasites; mais celles des zones chaudes et brûlantes veulent être dans les serres chaudes et sous des bâches à ananas. On peut voir dans les serres du Muséum des tillandsia bro- jnelioïdes , L. des vanilles (2), des cactus, des çlusia , et autres parasites qui croissent sur des arbres vivans, sur des souches de palmiers et dans du bois en décomposition. Enfin , il est des plantes dont il faut semer les graines dans l’eau à differentes profondeurs, pour les faire lever ; ce sont celles connues sous la dénomination générale de plantes aquatiques, telles que les nymphæa, lesnelumbo, les trapa ou châtaignes d’eau, les stratiotes, les potamo~ geton, les chara , ou lustre d’eau, quelques renoncules, les (1) Viscum. (2) Epidendrum. d’ HISTOIRE NATURELLE. 287 naïades, et parmi les céréales, la zizania ou folle avoine, 3a manne de Pologne (1) et le ritz (2). Beaucoup d’autres , comme les conferves; les lentilles d’eau (5)et les ul va n’ont pas besoin d’être semées ; il suffit d’avoir des eaux stagnantes pour les voir croître et s’étendre d’une manière nuisible. Mais pour les autres il faut avoir des bassins particuliers ou des vases propres à recevoir leurs semis. L’extrême pé- nurie d’eau dans le jardin .du Muséum fait qu’on n’a pu donner à cette partie de culture l’extension qu’elle exige , et qu’on est obligé de se servir d’auges de pierres. Après avoir développé , autant qu’il nous a paru néces- saire, la théorie d’après laquelle se font les semis dans le jardin du Muséum, il nous reste à faire connoître la pratique qui est suivie pour l’exécution 5 ce sera l’objet de la seconde partie de ce mémoire. TABLE DES RENVOIS. Planche 62. Figure 1 1 K. Petite salle servant d’abri pour les travaux délicats. B. Ligne de huit châssis pour la culture des semis de plantes des zones chaudes et brûlantes. C. Châssis en maçonnerie, employés à la culture des plantes bulbeuses et tubéreuses du Cap de Bonne-Espérance. D. Couches simples destinées aux semis des graines de plantes delà zone tempérée. (1) Festuca fluilans, L. (2) Oryza satvya. L, (3) Lenina, 288 ANNALES DU MUSÉUM E. Couches sourdes à l’exposition du nord , pour les semis des végétaux des zones froides. F. Couches froides pour les transplantations des semis en pots des plantes des zones froides et tempérées. G. Couches sourdes pour les semis tardifs. H. Gradin employé aux semis et à la culture des plantes des Zones glaciales et froides. I. Plate-bande pour les semis des plantes vivaces et des arbustes des zones froides et glaciales , et la culture première de ces végétaux. K. Rangée d’auges de pierre pour les semis de plantes aquatiques et de marais. L. Planches affectées aux semis et aux transplantations des plantes annuelles pour fournir des graines. M. Palissade de thuyas de la Chine formant un brise-vent. N. Emplacement pour la division des semis faits dans des vases , et pour les appro- visionnemens des terres propres aux cultures en pots. O. Puisard qui reçoit les eaux pluviales de la terrasse supérieure et la répand dans la plate-bande indiquée par la lettre I. P. Passage voûté qui communique du jardin des semis à l’école de botanique générale. QQ. Deux petits escaliers pour communiquer avec la terrasse de la grande serre tempérée. R. Mur d’appui qui sépare la terrasse de la grande serre tempérée du jardin des semis. S. Puits duquel on tire une partie de l’eau nécessaire aux arrosemens. T. Bassin pour recevoir l’eau du puits. Y. Vases de marbre garnis de plantes étrangères qui ornent la terrasse. W. Ligne méridienne. j Figure II. Coupe du jardin des semis sur sa longueur. Figure III. Coupe du même jardin sur sa largeur depuis la grande serre tempérée , jus- qu’à la grille de l’école de botanique générale. H i pp o p otam e PI. : . b’ HISTOIRE NATURELLE. aS9 SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles clés environs de Paris . Par LAMARCK, ^■1 ■ ■■ .——a GENRE XXXV. Bulime. Bulimus. ChARACT. GEN. Testa univalvis , ovata vel oblonga } subturrita. ^4 per- lura integra, oblonga , longitudinalis : in adultis , margine exteriore l'eflexo. Columella lœvis} basi inte- gra , non ejjusa. OBSERVATIONS. Le genre bulime , beaucoup trop étendu par la détermi- nation qu’en a présenté Bruguière, puisqu’alors il réunis- soit des coquillages les uns terrestres, les autres fluviatiles, et les autres marins dont les animaux ne se ressemblent pas , étoit en général confondu dans le systema naturœ de Linné parmi ses hélix. En adoptant pour caractère de ce genre la principale con- sidération qu’employoit Bruguière , savoir l’ouverture ob-- longue et longitudinale de la coquille , je l’ai néanmoins considérablement réduit àl’aide de quelques caractères essen- tiels ajoutés, et j’en ai séparé les genres agathine, lymnée, mélanie , auricule et maillot. 4. 2g0 ANNALES DU MUSEUM Malgré cette réduction que j’ai cru pouvoir exécuter, que Bruguière lui-même prévoyoit devoir être un jour néces- saire , le genre bulime n’en est pas moins encore très-nom- breux en espèces. Il me paroît maintenant fort naturel, et comprend des coquillages terrestres, ornés la plupart de couleurs vives, variées, fort agréables; et parmi ces co- quillages il y en a beaucoup de rares et qui sont très - re- cherchés. Ces mêmes coquillages sont privés d’opercule. Ils ont cela de commun avec les hélices qui sont aussi tous ter- restres, et il convient de remarquer queles animaux des hé- lices et ceux des buliines se ressemblent à beaucoup d’égards. ^Néanmoins ces deux genres d’animaux diffèrent entre eux dans les proportions de leur forme générale ; puisque ceux des hélices donnent naissance à une coquille ronde ou or- biculaire, ayant l’ouverture plus large que longue; tandis que ceux des bulimes produisent une coquille oblongue, conique ou turriculée , dont l’ouverture est constamment plus longue que large. Les uns et les autres ont sur la tête quatre tentacules, dont deux plus grands portent les yeux à leur sommet. Ils vivent d’herbes tendres et de jeunes pousses d’arbustes. Les bulimes ont les deux bords de leur ouverture désunis supérieurement, et vers ce lieu de leur désunion, l’avant- dernier tour de la spire s’avance dans l’ouverture et en échanere ou en rétrécit inégalement la forme. On distingue les bulimes des mélanies, parce que les pre- miers n’ont aucun évasement à la base de leur ouverture ; et on ne les confond point avec les lymnées, parce que leur columelle n’offre pas un pli trè-ohlique et distinct, comme dans ces dernières. Les mêlâmes et les lymnées habitent les eaux douces ; les bulimes , au contraire, vivent dans les parties découvertes du globe, c’est-à-dire, sur les continenset dans les îles , hors des eaux, mais dans les lieux frais ou ombragés. On en trouve dans tous les climats, mais principalement dans les climats chauds où existent les grandes espèces. Espèces fossiles ou qui paraissent l’être. î. Bulime Blanchâtre. Bulimus ( albidus ) ovatus , lœ ai galas ] anfractibus convexiusculis t subsenis% ciperturâ semi-ovatâ. n. [An buccinum Guallieri , ôzcLpag. et table 5 , fig. 55. L. n. Les environs de Crépy en Vallois. Celte coquille par ses caractères n® paroît pas être fluviatile , quoique la phrase de Gualtieri l’indique positive- ment. Elle est ovale , longue de i5 a 20 millimètres, blanchâtre, lisse, et n’offre d’autres stries que celles que forment les traces légères de ses divers accroissent] ens. La coquille a six ou sept tours de spire , dont le dernier est beaucoup plus grand que les autres. L’ombilic de la base de sa columelle est presque entièrement recouvert par le bord gauche de son ouverture. L’indi- vidu fossille m’a été communiqué par M. de Thuri ; j’en possède d’autres dans l’état frais et qui paroissent en être les analogues. 2. Bulime petite-harpe. Bulimus (cithare lins') ovalo-conicus , transversè s triai us ; costris crebris longi - tudinalibus ; apice mamilloso. n. L. n. Parnes. Je doute fort que cette coquille soit convenablement placée parmi les bulimes ; et en effet, son aspect, sou épaisseur et ses côtes longitudinales- indiquent que c’est un coquillage marin ; enfin , un léger renflement vers le milieu de sa columelle me fait soupçonner que c’est une auricule mal ca- ractérisée. La coquille est ovale-conique , n’a que quatre tours despire, et Cst à peine longue de quatre millimètres. Cabinet de M. Défi ance. 5. Bulime en tarrière. Vélin , n.° 18, f. 1. Bulimus ( lerebellalus ) umbilicatus , turritus ; anfractibus lœvissimis ; aperturâ ovatâ utrinque acuta, n. furbo terebelLum , etc. Çhemn. couch. vol. 10, p. 3o2 , tab. i65 , f. 1592 , i5g3a 58 * L. n. Grignon. Cette coquille très-singulière par la forme de son ombilic et de son ouverture est vraisemblablement marine, et par conséquent mal placée parmi les bulimes. Peut-être devra-t-elle constituer un genre particulier , et en attendant je la mentionne ici , parce qu’elle se rapproche plus des bulimes que de tout autre genre connu ; mais elle en diffère en ce que l’avant-der- nier tour de la spire ne fait aucune saillie dans l’ouverture. Elle est longue de deux centimètres, turriculée. comme une vis , très-lisse à sa surface , et offre environ douze tours de spire distincts et légèrement con- vexes. Sa base est carinée , et offre un ombilic infundibuliforme qui s’étend dans toute la longueur de la columelle. L’ouverture de la coquille est ovale et se termine par un angle aigu à chaque extrémité. Mon cabinet. 4. Bulime aciculaïre* Vélin , n.° 18, fïg. 12. Bulimus ( acicularis) elongato-lurr.lu s , gracilis ; anfractibus lœvibus numerosis, aperturâ ovali minimâ. n. L. n. Gi'ignon. Petite coquille turriculée , fort grêle , et dont la spire est alongée et aiguë presque comme une épingle. Sa longueur est de six ou sept milli- mètres. Elle est composée de treize ou quatorze tours petits, très-lisses et même luisans. L’ouverture est fort petite , ovale et à bords désunis supé- rieurement. M. Defrance en possède une variété ou des individus plus jeunes, dont la spire n’a que six à neuf tours. Le bulime aciculaire a beaucoup de rapports avec le bulime octone n.° 47 de Bruguière. Cabinet de M. Defrance. 5. Bulime luisant. Vélin , n.° 18, f. 10. Bulimus ( nitidus ) turritus , lœvissimus ; anfractibus convexiusculis ; aperturâ oblongâ : labro arcuato. n. L. n. Parn. et Grignon. Cette coquille se rapproche extrêmement du bulime ai- guillette n.a 22 de Bruguière; mais sa spire est plus pointue, et ses tours sont plus nombreux. La coquille est longue de 6 millimètres, turriculée^ très-lisse , luisante , et composée de neuf tours un peu convexes. L’ouverture est oblongue, à bord droit un peu arqué. Il semble que la base de Pou- versure soit légèrement évasée comme dans les mélanies. Cabinet de M. Defrance. fi. Bulime sextone. Vélin , n.° 18 , fig. 6. Bulimus (sextonus) turritus ; anfractibus convexis lœvigatis subsenis ; aperturâ ovatâ. n. L» n. "Villiers et Grignon. Cette coquille est petite et ressemble beaucoup au bulime brillant (. bulimus lubricus ) de Bruguière. Son ouverture néanmoins d’ HISTOIRE NATURELLE. 2g3 est un peu plus courte , et le sommet de la spire est moins obtus. La coquille est longue de 4 à 5 millimètres. Cabinet de M. Defrance. On y voit une variété dont les tours ressemblent plus à ceux du bulime octone. 7. Bulime petit-cône. Félin ,'n.° 18, f. 7. Bulimiis ( conulas ) conicus, lœvigatus ; anfractuum margine superiore subcctna- liculato ; spirâ acuta, n, L. n. Grignon. Petite coquille, conique , pointue au sommet, lisse, et composée de sept tours de spire médiocrement convexes. Le bord supérieur de chaque tour est enfoncé et semble canaliculé. La longueur de la coquille est de 4 à 5 millimètres ; son ouverture est ovale. Cabinet de M. Defrance. 8. Bulime chevillette. Bulimus ( clavidus ) turrilus ; anfractibus planulatis ; striis transversis ob~ soletis. n. L. n. Grignon. Autre petite coquille turriculée , presque cylindrique, pointue , longue de 3 millimètres, et composée de six tours un peu aplatis. Elle a des stries transverses très- fines et à peine apparentes. Son ouverture est ovale- oblongue. * Cabinet de M. Defrance. g. Bulime striatule. Vélin, n.° i8,fig. iï. Bulimus^ striatulus') ovato-conicus abbreviatus ; anfractibus convexis , trans-* versim tenuissimèque striatis. n. L. n. Grignon. Ce bulime n’a que 2 millimètres de longueur. C’est une coquille ovale-conique, pointue au sommet, et composée de cinq tours despire bien convexes , sur lesquels on aperçoit des stries transverses très-fines. Son ou~ verture est ovale , grande proportionellement au volume de la coquille. Cabinet de M. Defrance. 10. Bulime nain. Vélin, n-° i8,fig. 8. Bulimus ( nanus ) ovato-conicus , niinimus ; anfractibus convexis, verticalitér plicatis : plicis exiguis. n. * L. n. Grignon. Cette espèce est presque aussi p'etite que le bulime pygmée de Bruguière ( B. minimus n.° 21 ), qui vraisemblablement est d’un autre genre, étant une coquille fluviatiïe. Celle-ci est longue de 2 millimètres au plus: elle est ovale-conique , composée de cinq tours convexes, ornés de plis verticaux nombreux et fort petits. Son ouverture est exactement ovale» Cabinet de M. Defrance, i»94 ANNALES D, TJ M U S E U M Espèces d’un genre douteux. * Bulime buccinal. Védîn , n.° 18 , fig. 7. Bulirnus ( bucciiialls} oblongo-conicus , trcpisversim strialus ] anfractibus con- vexis ; aperturâ integra , basi subangulatâ. n. L. n. Grignon. Celte coquille , quoique peu épaisse , semble marine et a l’as- pect d’un buccin ; mais elle n’a aucune échancrure à sa base. Elle est ob- longue , conique, éminemment striée en travers, et offre environ sept tours de spire convexes, dont le dernier est beaucoup plus grand que les autres. L’ouverture, au lieu d’être arrondie à base, y forme un angle assez re- marquable. Son bord droit est garni en dehors d’un bourrelet médiocre. Cette coquille est longue d’un nentimètre. Cabinet de M. Defrance. * Bulime turbiné. Bulimus ( turbinatus ) ovato-conicus abbreviatus verticaliter costatus, siriislrans - versis minimis intercostalibus ; aperturâ subrotundo-ovatâ. n. L. n. Ponchartrain. Il y a apparence que celte coquille se rapproche plus des turbo que des bulimes ; mais son ouverture n’est pas véritablement ronde, et ses bords se réunissent de manière à ne permettre aucune saillie dans l’ouverture à l’avant-dernier tour. Elle est longue de 5 ou 6 millimètres, ovale-conique , courte pour sa grosseur , munie de cotes verticales bien dis- tinctes, et offre six ou sept tours de spire dont le dernier est beaucoup plus grand que les autres. Sur le tour inférieur on aperçoit des stries trans- verses très - fines , placées entre les côtes. Cabinet de M. Defrance. * Bulime treillissé, Bulimus ( decussatus ) conicus ; slriis transversis verticalibusque decussalis ; aper- turâ basi ejfusâ. L. n. Douvres, . L’évasement singulier de la base de son ouverture, indique que cette coquille devroit être rangée parmi les mélanies ; cependant je doute , qu’elle soit fluviatile. Ellç gst conique , longue à peine de 4 millimètres, et composée de six ou sept tours convexes , élégamment treillissés par le croi- sement de ses stries traiwersps(el!longitudjn - - r v ; (-> ( : . .. . v„{; . Il est sans doute très-peu convenable de ranger des ani-* maux terrestres et des animaux fluviatiles dans le même genre ; car les animaux qui offrent ces différences d’habi- tudes^ en présentent aussi dans leur conformation. C’est cependant ce qu’avoit fait Bruguière en rapportant à son genre bulime , les lymnèes et les mêlantes , ne considérant pour caractère des bulimes que l’ouverture de la coquille qui est entière et plus longue que large. Je crois avoir fait disparoître ce défaut en distinguant des bulimes toutes les coquilles qui ont le caractère que Bru- guière leur assigne , mais qui offrent sur la columelle un bourrelet formant un pli très-oblique qui rentre dans 4. 39 298 ANNALES DU MUSÉUM l’ouverture (ce qui est propre aux lymnèes ) ou qui ont l’ou- verture évasée ou versante à la base de la columelle ( ce qui est propre aux mêlâmes.) O11 ne connoît dans l’état fossile que très-peu de Iymnées. Ces fossiles ne présentent d’ailleurs qu’un médiocre intérêt f parce qu’on ne peut les considérer comme des monumens des révolutions du globe , ni même comme des restes bien anciens des animaux qui les ont formés. ESPÈCES FOSSILES. ; l ï. Lymnée des marais. Ly?nnœa (palustris) ohlonga substriata ; anfractibus conuexiusculis ; aper titra ouata. • v Bulimus palustris. Brug. dict. n.° i3. Lymnœa palustris. Draparn. p. 5 o, n.° 4. L. n. Grignon el Nogeant FArtault dans la prerre calcaire tendre. Cette co- quille constamment distincte du lymnœa stagnalis ( le grand Buccin Geoff. ) se trouve en abondance dans des masses pierreuses calcaires, peut-être un peu marneuses , qui paroissent n’être que des dépôts de vase qui auront enveloppé les individus et se seront durcis et pétrifiés à l’aide du temps. J’en possède de gros morceaux pris aux environs de Paris, qui en sont remplis , et qui forment des pierres assez dures. d’ histoire naturelle. *9» SUR L’HIPPOPOTAME ' ' ~ , ■ ’ : ! . • . A E T SUR SON OSTÉOLOGIE. P a R G. CUVIER. L’hippopotame a toujours été et est encore celui de tous les grands quadrupèdes dont on a le moins connu l’histoire et l’organisation. Quoiqu’il soit assez vraisemblable que c’est le behemoth de Job ( Bochart. hierozoic. præf. p. 57 ), ce qui en est dit dans ce livre est trop vague pour le caractériser. La description qu’ Aristote donne de son hippopotame * Hist. anim., liv. II, chap. 7 , est si éloignée de l’animal que nous connoissons aujourd’hui sous ce nom, qu’on 11e sait comment expliquer un tel assemblage d’erreurs. Il lui assigne, il est vrai, l’Egypte pour patrie; mais il lui attri- bue aussi la taille de Veine , la crinière et la voix du che- val et le pied fourchu du boeuf ( Jl’Wi fü£ç ) Son museau est camus , sa bouche est médiocrement fen- due , ses dents un peu sorties , et sa queue pareille à celle du sanglier ; la peau de son clos est si épaisse , qu’on en fabrique des javelots. On est d’autant plus étonné de cette description bizarre , qu’en remontant aux sources on trouve qu’elle est presque entièrement empruntée d’Hérodote , écrivain si exact pour ce qu’il a vu par lui-même. Il a seulement une erreur % * 500 .ANNALES DU MUSÉUM de plus qu’ Aristote; car il dit que la queue de V hippopotame est aussi semblable à celle du cheval ; mais en revanche il en aune autre de moins en donnant à cet animal la gran- deur des plus grands bœufs . Herod. Euterp. ou liv. II , 7 i,(i). On seroit tenté, d’après ces deux descriptions, de croire que le nom $ Hippopotame s’appliquoit alors à une autre espèce qu’à présent, si Diodore de Sicile ne nous rame- noit évidemment à celle-ci. D’abord il rend à l’hippopo- tame sa vraie taille ; il a cinq coudées de long , dit-il, et sa masse approche de celle de V éléphant. Il décrit ensuite ses dents de devant : Il a de chaque coté trois dents saillantes plus grandes que les défenses du sanglier ; seulement il lui laisse les pieds fourchus du bœuf Diod. Sic. liv. 1., Pline qui auroit pu connoître la description de Diodore, s’est borné à copier celle d’Aristote, excepté pour la gran- deur qu’il ne détermine pas, et l’emploi de la peau qu’il dit seulement propre à faire des casques et des boucliers im- pénétrables tant qu'ils ne sont point mouillés. Liv. VIII , cap. 26, sub fin. Il ajoute à tout cela une erreur de plus, que V hippopotame est couvert de poils comme le phoque „ .Lib. IX , cap. 12. Il auroit dû cependant pouvoir se procurer de meilleurs renseignemens , même indépendamment de l’aulorité de Diodore, puisqu’il dit lui-mème qu’un hippopotame fut montré à Rome par Scaurus , dans son édilité. Lib. VIII, cap. 26. Et nous savons par Dion qu’ Auguste en montra (1) Une chose assez remarquable , et qui n’est sans doute due qu’au hagard, c’est que , l’oubli des cornes excepté, la description d’Hérodote se rapporte parfais temcnt au gnou ( antilope gnu. L. ) d’histoire naturelle Sol un autre lorsqu? il triompha de Cléopâtre. Dion. «lib. LI , p. 655, ed. Reimari. On vit encore beaucoup d’hippopotames après la mort de Pline, jlntonin en fit voir un troisième au rapport de Jules Capitolin. Hist. Aug. ed. Salmas. p. 21. b. Dion, lib. LXXII, p. 1211 etp. 1219, assure encore que Commode en montra cinq dans une occasion , et en tua de sa propre main un dans une autre . Héliogabale en eut aussi un , selon Lampride, Hist. Aug. p. 111, et Gordieii un autre, selon Jules Capitolin, ib. p. lib XXII, cap. i5. Néanmoins, les auteurs anciens postérieurs à Pline, ne nous ont point donné de meilleure description de cet ani- mal. À111 mien lui attribue encore lafiorme du cheval, une queue courte et le pied fourchu. Il est vrai que selon lui les hippopotames avoient déjà , dès le temps de V empereur Julien , disparu de V Egypte. Am. Marc, lib. XXII , cap. i5. C’est pour avoir confondu l’addition de Gylius avec le texte d’Ælien,qu’Àldrovande, Quad. dig. lib. I, p. 181, et Jonston, de quadr. p. 76, attribuent à celui-ci une description que Gylius a tirée de Diodore, mais sans citer son auteur. Ælian. G ylii. lib. XI , cap. 45. Les artistes anciens ont mieux rendu cet animal que les naturalistes et que les historiens. Il est représenté d’une manière très-reconnoissable, avec l’ibis, le crocodile et la plantedu Lotus, sur la plinthe de la statue du Nil qui ornoit autrefois le ÏBelvèdère à Rome, et qui va bientôt être placée au Muséum Napoléon ; seulement les détails des pieds et des dents n’y sont pas exacts; la mosaïque dePalestrineoii l’on s’est plu à représenter les animaux de l’Egypte et de l’Ethiopie, offre trois figures excellentes d’hippopotames. 3o2 annales dû-muséum vferslebas à gauche, dont deux percées de flèches par des chasseurs nègres, et une à demi-plongée dans le fleuve; mais ces figures n’y sont point accompagnées d’un nom comme la plupart des autres. Les médailles d 'Adrien qui représentent si souvent l’Egypte et ses attributs , offrent aussi l’hippopotame avec le crocodile et la figure du Nil. On voit une de ces médailles dans l’hist. aug. d’Angeloni, pl. i4q, fig. 58, et une aütre daris'les numismat. imp. roin. de Jacob. Bræus,pl. 89, fig. 7. L’hippopotame est monté par un enfant dans la pre- mière de ces médailles ; il est accompagné du crocodile dans l’une et dans l’autre. ' Ces monumens suppléent à ce que les descriptions ont de défectueux , et ne laissent point de doute sur la véri- table application du nom d’hippopotame. On voit toujours sa figure parmi celles qui doivent servir de symbole à F Egypte, comme on voit toujours son nom parmi ceux des animaux propres et caractéristiques de ce pays. Il seroit tout naturel d’en Conclure, quand même on n’en auroit aucune autre preuve, que ce nom et cette figure se rap- portent au même être. L’Europe chrétienne n’a point vu d’hippopotame vivant; et Béloji est le premier moderne qui l’ait observé par lui- même. Il en vit un à Constantinople dont il parle de mémoire dans son livre des poissons, y ajoutant la figure prise de la médaille d’Adrien. Il rectifia l’erreur de la statue du Nil qui donne à l’animal cinq doigts au lieu de quatre, mais ne parle des dents que pour dire qu 1 elles tiennent de celles du cheval. Nat. et divers, des poissons, p. i8et 19. 1 -- d’histoire naturelle. 5o3 Gessner n’eut autre chose à faire que de copier Bélon. Gesn. pisc. art. hippop. Gyliiis , qui diaprés sa lettre au cardinal d’Armagnac, citée par Prosper Alp . de reb. œg. I , ^48, paroît aussi avoir vu un de ces animaux à Constantinople, et peut-être le même individu que Bélon, se borna cependant, comme nous l’avons vu, à copier la description de Diodore. Un demi-siècle après Bélon, un chirurgien italien nommé Zerenghi, apporta d’Egypte des préaux d’hippopotamesde s deux sexes, et publia même une très-bonne description de l’espèce, avec une figure de la femelle. Aldrovande à qui Zerenghi avoit montré cette même femelle , l’avoit fait dessiner pour son histoire des animaux ; cependant ce ne fut point cette figure-là qu’il publia, mais une autre qui lui avoit été envoyée, dit-il, de Padoue,et sans doute par Prosper Alpin , car c’est la même qui revient dans l’ouvrage de celui-ci > publié seulement en 1735, pag. 247. On la voit dans Aldrovande de quadr. dig. viv. lib. ï, pag. i84 , edit. de Bol. 1 638 , et la tête séparément, la gueule ouverte, p. i85. Le savant Fabricius Columna avoit aussi fait faire de son côté, de l’animal rapporté par Zerenghi, un dessin beau- coup meilleur, qui parut, avec unebonne description, dans ses Aquat. obs. p. 3o, en s6i6> et par conséquent avant celui d’ Aldrovande , quoique ce dernier eût été fait plutôt , même en le supposant de Prosper Alpin ; car ce médecin quitta l’Egÿpte en 1 583; il y avoit passé les trois années pré- cédentes, et mourut professeur à Padôue , en 1617; son traité sur les affaires d’Egypte , qu’on ne publia , comme je 3o4 ANN A L:E S B TT :M USÉ U M viens de îc dire , qu'en 1735 , fat cause que la matière eem- mença à s'embrouiller. . , \ Il intitule son chapitre XII : du CJiœropotame et de V hippopotame ; il y donne d’abord la figure de deux peaux empaillées ^ Tune d’un grand animal femelle, et l’autre de son fétus, qu’il avoit vuesdans la maison du pacha du Caire ; ce sont évidemment deux pe^ux de ,110s hippopotames d’au- jourd’hui, mais dont le crâne et par conséquent les dents , avoient été enlevées avec le reste de la chair et des os. Il conclut de cette absence des dents que ce ne pouvoit être là l’hippopotame des Grecs, puisque celui-ci doit avoir les dents un peu sorties $ et ayant vu, peu de temps après, à Alexandrie , une autre peau avec son crâne et ses dents > il en donna aussi la figure , la même qu’Aldrovande avoit déjà publiée, et il déclara que celle-ci seule provenoit du véritable hippopotame, comme si elle s’étoit mieux accordée avec la description donnée par les Grecs. Il pensa par la même raison que les figures de la plinthe de la statue du Nil et celles des médailles d’Adrien ne représentent point l’hippopotame, mais ce prétendu animal différent dont il avoit vu la peau sans dents. Cette erreur des anciens que les dents de l’hippopotame sortent de la bouche, étoit difficile à éviter, lorsqu’on n’avoit pas vu l’animal vivant. Ces dents, sur-tout les ca- nines , sont si grandes qu’on a peine à concevoir qu’elles puissent tenir sous les lèvres; or, les anciens voyoientdéjà beaucoup de ces dents , même lorsqu’ils n’avoient encore aucune idée de la taille de l’animal , et qu’ils le croyoient au plus égal à un âne; elles faisoient un objet de com- d’ HISTOIRE NATURELLE. 5o5 merce, eton lesemployoit au lieu d’ivoire dans iesouvrages les plus précieux de l’art. Pausanias parle d’une statue de déesse dont la face était faite de ces dents. Pausan. Àrcad. ed. hanau. i6i3, p. 53o. Et Cosmas, du temps de l’empereur Justin, rapporte en avoir vu une du poids de i5 livres; les plus grandes que nous ayons ici n’en pèsent que six. Néanmoins c’est un fait constant que l’hippopotame ne montre nullement ses dents quand sa gueule est fermée,; plusieurs témoins oculaires en font foi , et les têtes qui ont conservé leur peau sans l’avoir retirée par le dessèchement ,, le prouvent encore mieux : nous en avous une telle au Muséum. Les figures antiques en question nous présentent donc des images fidèles de cet animal , et il est inutile de sup- poser l’existence d’une autre espèce, pour les expliquer. Prosper Alpin la supposa , comme nous l’avons vu, et donna à cette prétendue espèce le nom de porc de rivière 0 appelé , dit-il , chœropotame par les Grecs. Or, aucun ancien Grec, du moins à moi connu, n’a em- ployé ce mot de chœropotame pour désigner un animal dé- terminé. La mosaïque de Palestrine 3 qu’au reste Prosper Alpin ne connoissoit pas, montre un quadrupède avec quel- ques lettres à peine déchiffrables , où l’on à cru lire ^o/poTr. Mais comme les anciens avoient un chœropithèque ou singe cochon qui était très-probablement le mandrill ou quelque cynocéphale , et que la figure en question n’est pas absolument éloignée de ressembler à ce dernier , on n’en peut rien conclure pour l’existence d’un chœropotame. Cependant Herman , dans son tableau des rapports des 4. 4a 5<>G ANNALES DU MUSÉUM animaux, Joh. Uermanni, tabula affinitatum animalium, pag. 96, admet cette existence pour ainsi dire comme si elle étoit démontrée; il va jusqu’à dire que Prospéra bien développé la différence du chæropotame et de l’hippopotame, disertis verbis distinguit . C’est ainsi que les plus habiles gens sont entraînés à des erreurs lorsque celles-ci sont fa- vorables à leurs sj^stèmes généraux. Herman cherchoit à prouver que tous les animaux tiennent les uns aux autres par une infinité de chaînons. Il trouvoit les genres de la classe des paclrydermes trop isolés pour justifier son idée; il dut donc chercher à se faire croire à lui-même qu’il y a encore beaucoup d’espèces inconnues de cette classe; et tout ce qui pou voit faire supposer l’existence de quelqu’une, étoit avidement recueilli par lui. Peut-être dira-t-on que l’objet actuel de nos recherches nous donne en quelque sorte un intérêt contraire , et que nous devons être sans cesse tenté d’effacer les traces qui pour- roient conduire à des espèces vivantes inconnues, afin de rendre le nombre des perdues plus considérable. Nous avons senti d’abord que nous courrions ce danger , et nous cherche- rons toujours à l’éviter; en ce moment même nous sommes loin de nier l’existence d’espèces pareilles à celles dont il est question ;nousdirons seulementqu’il n’y ena aucunepreuve. On ne sait trop comment les deux hippopotames de Ze- renghi , et le premier de ceux de Prosper Alpin s’étoient égarés près de Damiette, ni d’où venoit le second que Prosper vit à Alexandrie, mais il est certain qu’il n’y a plus aujourd’hui de ces animaux au-dessous des Cataractes. Tous ceux qui ont voyagé en Egypte dans le 18. e siècle, sont d’ac- cord à ce sujet , et les savans attachés à notre expédition d’ histoire naturelle. 007 d’Egypte, qui ont remonté le Nil jusqu’au de-là de Sienne , n’en ont pas rencontré un seul ; ce n’est que dans les pays de l’Afrique, au midi de l’Atlas, et sur-tout au Sénégal et au Cap qu’on a pu observer l’hippopotame dans ces derniers temps. C’est du Sénégal que venoient le fétus décrit par Dau- benton, Hist. nat. tome XI , et le jeune hippopotame du cabinet de Chantilly , déposé aujourd’hui dans celui du Mu- séum , représenté , suppl. tome III, pi. C’est du Cap qu’ont été apportés l’hippopotame adulte du cabinet de Leyden , décrit par Allamand , Hist. nat. ed. d’Holl. tome XII , p. 28 , et celui du cabinet du Sta- thouder que nous possédons aussi aujourd’hui au Muséum, et qui fut préparé par Klockner, et décrit par lui, Hist. nat. suppl. tome III, p. 3o6 et 3o8. Enfin c’est au Cap que Sparman a observé l’hippopotame, et que Gordon en a fait la description et les figures pu- bliées par Allamand, Hist. nat. ed. d’Holl. suppl. , tome V, pl. 1 et 2, et ensuite par Buffon , suppl. tome VI, pl. IV et V. Ces divers travaux n’ont rien laissé à désirer pour la connoissance extérieure de l’animal; il ne reste que de circonscrire plus rigoureusement les limites des pays qu’il habite. Outre le Cap et le Sénégal, on sait par Barbot et par beaucoup d’autres voyageurs qu’il y en a quantité en Gui- née et au Congo. Bruce assure qu’ils sont très-nombreux dans le Nil d’Abyssinie , et dans le lac Tzana. Levaillant en a vu dans toutes les parties de la Cafrerie qu’il a par- courues ; ainsi l’Afrique méridionale en est peuplée presque par-tout. Mais n’y en a-t-il que dans cette partie du monde? 4o * 3o8 ANNALES DU MUSÉUM C’est une ancienne opinion. Strabon, lib. XV, p. 1015, À. ed. Àmsterd. 1707, sur le témoignage d’Eratosthênes, nie déjà qu’il y en ait aux Indes , quoiqu’il avoue qu’Onésicrite l’eut affirmé. Aucun voyageur accrédité n’a en effet rapporté depuis qu’on en trouvât sur le continent de l’Inde, même au-delà du Gange; et je ne sais sur quelle autorité Linnæus le croyoit et l’a dit dans ses éditions X et XII; M. Faujas paroissoit donc autorisé à ne point y admettre l’existence de l’hippopotame ; mais il n’auroit pa& dû étendre sa négation à l’Asie entière : car M.. Marsden , auteur déconsidération, assure qu’on le trouve dans l’île de Sumatra. Hist. of. Sumatra, 1784. C’est une question importante pour la zoologie et pour la théorie de la terre ; il sera sur-tout intéressant de savoir, au cas qu’il y ait quelque chose d’exact dans l’assertion de M. Marsden, si cet hippopotame de Sumatra ressemble en tout à celui d’Afrique? Ce seroit une chose très-remar- quable et peu d’accord avec ce qu’on sait d’ailleurs de la répartition géographique des grandes espèces. Peut-être cet hippopotame de Sumatra et le succofyro de Java, représentépar Neuhof, ne sont-ils qu’un seul et même animal, un peu défiguré par l’un de ses auteurs, et mal nommé par l’autre. Quoiqu’il en soit, cette recherche est la plus curieuse que puissent faire les naturalistes qui se trouveront dans ces contrées éloignées. Je ne me suis occupé dans ce qui précède que des travaux relatifs à l’extérieur de l’hippopotame; ce qui concerne son anatomie est infiniment moins complet. Nehemias Qrew publia le premier une figure de l’ostéo- d’ H I S T O IH É NATURELLE. 3og Iogiede la tète avec quelques remarques , dans son Muséum regalis societatis , imprimé en 1&81. Antoine de Jussieu donna de la meme partie , des fi- gures meilleures et une description plus détaillée dans le# mémoires de l’académie pour 1724. Il y ajouta des détails sur les dents et sur l’ostéologie des doigts de devant. Dciubenlon donna en 1764, dans le XL® volume de l’his- toire naturelle, une figure et une description encore meil- leures de la tète, l’ostéologie des doigts de devant et de der- rière, et celle du deuxième rang du carpe, le tout d’après des adultes; et comme il avoit eu, en 1762, occasion de rechercher l’origine de quelques os fossiles, et particulière- ment d’un fémur de l’animal de l’Ohio, il enleva le fémur d’un fétus d’hippopotame qui était au cabinet , le décrivit et le fit graver pour montrer que ce n’étoit pas à lui que rassemblent celui de l’animal fossile. Cependant ces trois auteurs négligèrent d’examiner assez attentivement et de décrire en détail les dents; Daubenton même alla jusqu’à trouver à celle de l’Ohio et de Simore, une analogie avec celle de l’hippopotame qu’elles n’ont cer- tainement point ; il intitula même celles qu’on trouve à Simore , dents d’hippopotame. Desc. du cab. du roi, dans PHist. nat.,tome XII, in-4.°, p. de 74 à 78. Pallas ayant reçu de Sibérie des dents semblables à celles de l’Ohio, et voulant vérifier ce que leur comparaison avec- celle de l’hippopotame avoit de réel , demanda à Camper et en obtint une bonne figure de dent mâchelière qu’il fit graver dans les mémoires de Pétersbourg , pour 1777, part. Il, pl. VIII, fig. 3, afin de montrer combien elle différoit de celles- de ces grands animaux fossiles. Enfin Buffon dans les notes justificatives de ses époques 3 10 ANNALES' DU MUSEUM de la nature, imprimées en 1777, suppl. tomeV', pl. VI, fit encore représenter une molaire d’hippopotame , dans la même vue que Pallas, c’est-à-dire , pour prouver combien elle diffère de celles de l’animal de l’Ohio, lorsque celles-ci ne sont point usees. Il est vrai qu’au même endroit il regarde d’autres dents de l’Ohio qui avoient changé de forme par la trituration, comme étant des dents d’hippopotame; mais c’est là une erreur particulière dont nous parlerons ailleurs. Voilà l’exposé complet de tout ce qui est parvenu à ma connoissanee sur l’ostéologie de ce grand quadrupède ; à la vérité, il javoit déjà , dans ces documens, des moyens suffi* sans de reconnoître plusieurs morceaux fossiles, tels que toutes les espèces de dents’, les fragmens de tète, etc.; et comme il existe de ces morceaux dans les collections, tout autant que de ceux des autres parties du corps dont l’ostéologie étoit encore inconnue, on n’auroit pas dû mettre en doute l’existence des os fossiles d’hippopotames, comme l’a fait mon célèbre collègue Faujas-de-Saint-Fond , dans ses essais de géologie. Quoique je fusse parfaitement con- vaincu de l’espèce des fossiles en question, je sentis cepen- dant que je serois mieux en état de mettre la vérité dans tout son jour, lorsque le squelette entier de l’animal seroit connu ; et après plusieurs efforts pour m’en procurer un d’adulte', efforts qui n’ont point encore obtenu de succès ; voyant que la suite de mes recherches sur les quadrupèdes fossiles exigeoit que je m’occupasse enfin de cet objet, je pris le parti auquel Daubenton avoil eu recours dans une occasion semblable. Il avoit extrait un seul os d’un corps de fétus 5 je iis préparer le reste du squelette; mais comme d’ HISTOIRE NATURELLE. 3 1 1 les parties non encore ossifiées se seroient raccornies par le dessèchement, et auroient perdu leur vraie forme, je fis conserver le tout dans la liqueur. De cette manière, j’ai obtenu, à peu de chose près, la forme de tous les os , la - tète exceptée, et j’en ai composé la figure de squelette que je donne au public. La tête étoit trop grande à proportion, et comme les dents n’y étoient pas toutes sorties de l’al- véole, ni les sinus développés, sa forme étoit très-diffe- rente de celle de l’adulte. J’y ai suppléé en la remplaçant dans ma figure de squelette par une tète dessinée d’aprèsl’adulte; il ne falloit, pour cela, qu’estimer jusqu’à quel point celle-ci devoit être réduite pour l’adapter à mon petit squelette? ou, ce qui revient au même, combien la longueur de la tète est comprise de fois dans celle du corps entier de l’adulte ‘ les dimensions extérieures données par divers auteurs, et les individus empaillés d’hippopotames, à ma disposition , me donnoient bien cette proportion, mais je ne la trouvois pas égale par tout. Par exemple, selon Zerenghi, le corps entier a n\ 2 La tète, 2'. 4"., ou un peu plus d’un cinquième. Selon Columna, i3. — 3. ou un peu moins du quart. Lafigurede Columna, fait la tête au corps comme 2 ày. Selon Daubenton, pour le fétus, 1'. 5". 7 — 5". 0". ou plus du tiers. L’hippopotame de Leyden selon Allamand, — 9. 4". 8 '. — 1'. 11". ou un peu moins du quart. L’hippopotame deLaHayeselon Klokner, — 13. — 2.9. id . La figure du petit hippopotame de Chantilly , fait la tête au corps comme 1 à 4. 5 12 ANNALES DU MUSÉUM Selon Gordon , le mâle , — 1 1\ 4". 9"'. — 2r. 8". , presque comme selon Zerenghi. — La femelle, — 11. — 2. 4. — id. D’après ces différentes proportions, j’ai cru pouvoir, sans beaucoup m’écarter du vrai , donner à la tète à peu-près le quart de la longueur totale , la queue non comprise, et ce fut sur ce pied que je dessinai mon squelette. Quant aux dimensions effectives des differentes parties , il n’auroit pas suffi de donner celles actuelles de mon petit squelette de fétus. lime parut plus commode pour le lecteur de calculer celles que l’adulte devoit avoir, et pour cet effet, je supposai que la tête de cet adulte auroit 60 centi- mètres, comme elle les a en effet souvent ; je m’en fis alors une échelle à laquelle je rapportai les autres parties. Je crois que de cette manière je n’ai pu m’écarter beaucoup des proportions réelles. j Dimensions absolues d’une tête d’hippopotame adulte en mètres. TÏOMS DES PARTIES. Depuis le sommet de la crête occipitale jusqu’au bord de l’ouverture extérieure des narines , partie supérieure o,53o Depuis le même endroit, jusque vis-à-vis le bord alvéolaire des in- cisives moyennes * o.24o Du bord supérieur d’un orbite à l’autre o,24o De la partie la plus saillante d’une arcade zygomatique à l’autre . . o.4oo Largeur de la crête occipitale . 0,190 Largeur de la tête prise en-dessus , vis-à-vis des trous sous-orbitaires 0,120 Largeur de la tête prise en dessus , de l’alvéole d’une canine à l’autre o,3oo Même largeur prise en-dessous , de la partie la plus extérieure de la tubérosité qui répond aux deux canines d’un côté , à celle du côté opposé . , o,23o fauteur de la tête prise vis-à-vis le trou sous-orbitairç , depuis le bord alvéolaire 0,1 3o D HISTOIRE NATURELLE. r-> pt OU Distance de l’extrémité de l’apophyse zygomatique de l’os de la pomette jusqu’au bord du trou sous-orbitaire - . o,270.mètres De cette même extrémité à la partie moyenne delà crête occipitale . 0,260. Diamètre des orbites 0,070 Profondeur de la fosse zygomatique prise depuis la face interne de la partie de l’arcade la plus éloignée du crâne, jusqu’à celui-ci . . o,i3o Hauteur de la tête prise du bord supérieur du trou occipital, au mi- lieu de la crête du même nom . . o,i4o Largeur de la tète dans le même endroit , prise d’un angle inférieur de la crête occipitale à l’autre 0,280 Hauteur du trou occipital . , o,o4o Largeur du même trou o,o5q Longueur du bord alvéolaire des molaires 0,260 Distance de l’extrémité antérieure du bord alvéolaire des molaires, à l’alvéole de la canine. . . . . . .0,110 Du même endroit à l’alvéole de l’incisive moyenne . . . . . .0,170 Du trou occipital à l’épine postérieure de la voûte palatine. . . . o,i5o Hauteur de l’ouverture des arrières narines o,o5® Largeur 0,070 Mâchoire inférieure. Largeur delà mâchoire prise du bord alvéolaire d’une canine à l’autre. 0,^20 Largeur du bord alvéolaire des incisives 0,170 Distance d’un condyleà l’autre, prise de la partie la plus extérieure de chaque condyle o,35o D’une apophyse coronoïde à l’autre .0,220 Intervalle entre une apophyse coronoïde elle condyle du même côté. 0,090 Hauteur des branches de la mâchoire, prise depuis l’angle jusqu’au som- met du condyle o,3oo Longueur de la mâchoire depuis le bord supérieur de l’alvéole d’une canine, jusqu’à la partie la plus reculée de la branche du même côté. o,5io Longueur du bord alvéolaire des molaires. 0,290 Distance des angles inférieurs . o,35o 4. 4i 3i4 A NK A LES B TJ MUSEUM Mesures du squelette de V hippopotame. NOMS DES PARTIES, Dimensions abso- Dimensions coû-i lues du fétus. dues pour l’adulte» Longueur du col . » ........ , o,o65 «— Du dos o,i4o — Des lombes . . o,o55 — Depuis l’orifice de l’os sacrum jusque vis-à-vis la tubérosité de l’ischion 0,090 o;35q La tète, si l’animal étoil adulte, devroit être un peu * moins du quart 0,080 Elle est. réellement de o,i3o Celle d’un adulte est de Pour avoir les dimensions des os de l’adulte , il faudra les supposer à celles du fétus, comme £0 à 8, c’est-à-dire, multiplier les dimensions cor- respondantes du fétus par 7 Longueur de I’omoplate depuis le bord supérieur o,Goo de la cav.cot. jusqu’à l’angle post. sup. . . . Depuis le bord infér. de cette cav. jusqu’à l’angle 0,0 65 o,4 S7 postérieur inférieur. ......... Longueur du bord compris entre les deux angles o,o55 o,4 12 postérieurs o,o3o 0,225 Largeur du col. ........... 0,0 r 5 0,1 12 Longueur de l’épine .......... o,o44 o,33o Elévation de l’épine .......... 0,007 0,052 Longueur de la cav, cotyl o,oi 6 o, 1 20 Largeur Elévation de l’apoph. cor. au-dessus du bord de la 0,01 3 °;097 cavité Longueur de I’humébus ; sommet de la grande tu- o,ox4 0,1 o5 bérosilé jusqu’au bas du condylc externe . 0,070 0.525 Diamètre antéro-postérieur de sa tête supérieure . o,o3o 0,225 Diamètre transversc 0,020 0 *o 0 Diamètre delà tête inférieure d’uncondyle à l’autre 0,025 0,187 Largeur transversc desa poulie articulaire . , . 0,020 0,1 5o D’ HISTOIRE NATURELLE. 5l5 NOMS DES PARTIES. Dimensions abso- lues du fétus. Diamètre antéro-postérieur de la gorge la plus étroite de cette poulie o,01i Diamètre du segment de sphère qui forme la facette arthrodiale de sa tête supérieure ...... 0,018 Diamètre de l’endroit le plus mince de l’os. . . 0,010 Distance de cet endroit au sommet de la grande tu- bérosité o,o35 - — A la jointure de l’épipliyse au bord postérieur . 0,02^ Longueur du cubitus. . o,o65 — De sa facette sygmoïdale 0,01 4 — Del’olécrâne; du bord postérieur de l’articulat. 0,016 Hauteur de l’olécrâne . , 0,020 Longueur de la facette carpienne . . . i . . o,po5 Longueur du radius .......... o,o45 Grand diamètre de sa facette humérale . . . ; 0,019 Petit 0,010 Grand diamètre de sa face carpienne .... 0,019 Petit . 0,010 Diamètre du milieu de l’os 0,007 Largeur de la crête antérieure de l’os dis îles entre ses deux épines o,o5o Distance entre son épine antérieure et le bord an- térieur de la cavité cotyl . o,o3o Endroit le plus étroit du col ....... 0,01 3 Diamètre de la cavité cotyl 0,020 Distance entre le bord postérieur de la cav. cot. et la tubérosité de I’ischion o,o35 Distance entre son bord inférieur et l’extrémité antérieure de la symphise. ....... 0,020 Longueur de la symphise. . o,o32 Longueur du trou ovalaire 0,021 Largeur 0,01 2 Distance entre l’extrémité postérieure de la sym- phise et la tubérosité de l'ischion 0,021 Distance entre lçs épines ex.tera.es de l’os des îles * 0,100 Dimensions con-* dues pour l’adulte.' 0,082 0,1 35 0,075 0,262 0,180 0/187 o,io5 0,120 o,i5o o,o3f] 0,122 0,075 0,122 0,075 o,o52 0,375 0,22$ 0,097 o,i5o 0,262 o,i5o o,24o 0,1 5f 0,090 o,i5f 0,75® 4i * 5i 6 ANNALES DU M U S É U M NOMS DES PARTIES. Dimensions abso- lues du fétus. Dimensions con- clues pour l’adulte. Distance d’une épine tle l’ischion à l’autre . . . 0,021 0,157 Distance des deux tubéuosités ischiatiques. . . o,oi5 0,1 12 Plus grande largeur de l’os sacrum à sa face antér. Longueur du fémur , du sommet de sa tête supé- o;o4a 0,3 1 5 rieure au bas du condyle interne Plus grande largeur supérieure de la plus grande 0,080 0,600 saillie de la tête à celle du grand trochanter . 0,028 0,210 Diamètre de la tète. 0,016 0,120 Diamètre du col dans le sens de la longueur de l’os 0,01 5 0,1 12 — D’avant en arrière .......... 0,010 0,075 . — A sa face supérieure Plus grande largeur inférieure entre les deux con- 0,006 o,o45 dyles Distance entre le bord postérieur du coud. int. et 0,028 0,210 l’angle ant. int. de la poulie articulaire . . . — Entre le bord post. du cond. ext. et l’angle ant. o,o36 0,270 ext. de la poulie . 0,028 0,210 Longueur de la poulie articul 0,021 0,157 Largeur o,oi5 0,1 12 Diam. de l’endroit le plus mince de l’os . . . Longueur du tibia depuis le milieu de sa tête su- 0,010 10 r. O O périeure jusqu’au milieu de l’inférieure . . . 0,052 O 'oq to 0 Diamètre transverse de sa tête sup 0,028 0,210 ■ — Antéro-postér. entre ses deux facettes aticulaires. 0,020 o,i 5o Longueur de la face externe. ....... — Interne 0,022 0,022 • — Postérieure 0,021 0,167 Diamètre transv. de la tête inférieure. .... 0,021 0,167 — Antéro-postérieur 0,01 5 0,1 12 Saillie de la malléole interne vers le bas . . . . 0,007 0,062 Diamètre transv. de l’endroit le pltjs mince. . 0,010 0,076 Longueur du péroné 0,042 o,3 1 5 Longueur du caecaneum o,o32 o,24o — De sa saillie postérieure . . . . 0,018 o,t 35 — De sa plus grande facette astragalienne . . . 0,01 4 If) O O V NOMS DES PARTIES. Dimensions abso- Dimensions con- lues du fétus. dues pour l’adulte. Largeur 0,009 0,047 Longueur de la plus petite 0,007 o,o52 Largeur o,oo4 o,o3o Longueur de sa facette cuboïdienne 0,010 0,075 Largeur o,oo4 o,o3o Longueur de I’astragale 0,020 0,1 5o Largeur ; . . . 0,016 0,120 Hauteur 0,011 0,082 Largeur de la portion cuboïdienne de sa poulie in- férieure 0,011 0,082 —-De la scaphoïdienne 0,011 0,082 Largeur du cuboïde. o,oi3 0,097 Longueur 0,011 0,082 Epaisseur o,oo5 o,o3 7 Largeur du scaphoïde ; 0,008 0,060 Longueur . 0,010 0,075 Epaisseur. o,oo3 0,022 Longueur des deux grands os du métatarse . . 0,024 o,o3o Largeur au milieu 0,007 o,o5a Longueur des deux petits 0,016 0,120 Largeur au milieu o,oo4 o,o3o Longueur des deux premières Phalanges du milieu 0,012 0,090 — Des deux latérales 0,010 0,076 La tète de Fhippopotame est d’une forme très-extraor- dinaire ; i.° Par la ligne droite du cliamfrein , depuis la crête occi- pitale , jusqu’au bord du nez, a,b , pl. I , fig. 1 ; 2.0 Parla saillie des voûtes orbitaires en deux sens, sa- voir, au-dessus de cette ligne droite c, c, ib., de manière que les yeux sont très-relevés, et en dehors de la ligne moyenne, de manière que les axes des orbites font avec elle une espèce- de croix. 5 1 8 ANNALES DU MUSEUM 3.° Par la forme d’abord presque cylindrique du mu- seau c , c, pl. II, fig. a, qui s’élargit ensuite subitement en quatre grosses boursouflures, une de chaque côté, pour con- tenir les alvéoles des incisives, a , pl. Il, fig. 2 , et une plus extérieure pour celle de la canine b , ïb. Un sillon oblique et profond cl , sépare ces boursoufl ures , et contient la suture qui distingue l’os incisif du maxillaire. La racine du museau est aplatie et évasée pour couvrir la partie antérieure des orbites. Cet évasement est formé par l’os lacrymal et la base du jugal. Le lacrymal est beau- coup plus large du côté du nez que vers le bord de l’orbite où il produit une petite échancrure. Lé trou lacrymal est cependant creusé assez dans la profondeur de l’orbite où l’os lacrymal se réfléchit. Les fosses temporales sont si enfoncées que le crâne est encore un peu moins large que la portion moyenne du mu- seau, voyez en e, pl. Il , fig. 2. Elles laissent entre elles une crête en ligne droite , et l’angle frontal qui les sépare en avant est très-obtus. Le frontal est concave entre les deux orbites. L’os de la pomette produit une apophyse aiguë qui s’é- lève en arrière de l’orbite, et en termine presque le cercle. Il reste cependant un petit intervalle entre le sommet de çette apophyse et le bord de l’arcade sourcilière du frontal ; on sait que les quadrumanes, les ruminans et les solipèdes ont seuls cet intervalle rempli par l’os. Le frontal , après avoir formé l’arcade surcijière, continue de former une crête qui se porte obliquement en arrière, distinguant par sa saillie la fosse temporale de l’orbite. Cette crête se con- tinue sur le pariétal et sur le sphénoïde, d’ histoire naturelle. 019 Le pariétal ne s’unit au sphénoïde dans le fond de la fosse, que sur un intervalle de quelques millimètres. L’arcade zygomatique est droite tant dans le sens longi- tudinal cl , e , pl. I. fig. 1 , que dans son plan horizontal/^ g s Pi. 11 , fig. 2 ; dans celui-ci elle se porte en dehors à me- sure qu’elle va en arrière. Sa partie la plus saillante g est presque vis-à-vis l’articulation de la mâchoire. La suture qui distingue l’apophyse du temporal de l’os jugal , descend obliquement en arrière depuis l’apophyse post-orbitaire de celui-ci, jusque vers l’articulation de la mâchoire ( Voyez d , e , lig. I , pl. 1. ). Comme la fosse temporale est fort profonde, la distance entre le crâne et l’arcade e , h , pl. II , fig. 2 , est un peu plus grande que la largeur du crâne e, e, ih. Le trou de l’oreille est excessivement petit, dirigé en haut, et placé tout en arrière de l’arrête supérieure de l’arcade. Les os du nez sont très-longs et étroits 5 ils s’élargissent à leur hase par une petite pointe qui se porte en dehors entre le frontal et le lacrymal. Le trou sous-orbitaire est placé dans le milieu de la partie rétrécie du museau et assez grand. L’ouverture extérieure des narines est verticale et à peu près ronde; elle n’est entourée que des os nazaux et incisifs. La face inférieure du crâne, pl. Il, fig. 2 , est remar- quable par ce singulier élargissement du museau en avant, formé sur-tout par les alvéoles des canines , et parce que les deux séries de molaires sont ou parallèles ou même un peu écartées en avant; cette dernière circonstance n’a lieu, que je sache , dans aucun autre animal. 020 ANNALES DU MUSEUM Le palais est fortement éehancré en avant , u , entre les incisives; il y a un double trou incisif, vf u; et la suture qui sépare l’incisif du maxillaire, fait ensuite une forte pointe en arrière , w. L’os maxillaire présente un autre grand trou où commence un petit canal qui se termine à un autre trou incisif en y. Il paroît en général que les énormes lèvres de l’iiippopotame exigeoient de gros nerfs pour le passage desquels ces trous sont pratiqués ; les os palatins avancent jusqu’en z , vis-à-vis l’intervalle de la quatrième et de la cinquième molaire. L’échancrure posté- rieure &, répond à la fin de la série des dents. Le sphé- noïde n’occupe qu’une petite place dans l’aile ptérigoïde, laquelle est absolument simple. Il y forme un très-petit crochet, a ; le rocher /3 /3 est irrégulier, anguleux, peu sail- lant ; la caisse ne forme point une grande capsule osseuse, comme dans tant de quadrupèdes; l’apophyse mastoïde est pointue et courte. En général, toute la partie basilaire du crâne est petite à proportion. La facette glénoïde du temporal est peu concave, et se porte obliquement de dehors en dedans , et un peu de haut en bas et en arrière. La forme de la mâchoire inférieure est aussi fort remar- quable ; ses deux branches, presque parallèles, a, b , fig. i, Pi. u , au lieu de former un rétrécissement à l’endroit de leur réunion , s’y élargissent en un espace presque carré, au bord antérieur duquel , c, d, les incisives sont implantées sur une ligne droite , et dont les angles e saillent oblique- ment en avant pour porter les canines. Considérée par le côté,la branche de la mâchoire est remar- quable par l’angle extrêmement saillant/Jpl. I,fig.i, en forme d’ HISTOIRE NATURELLE. 3.2 1 de demi-croissant qu’elle fait en-dessous , et qui est déter- miné par une large échancrure en demi-cercle , g. Le bord postérieur delà branche montante est singulièrement épais. Le condyle est en cylindre* irrégulier , et descend de dehors en dedans ; les trous pour la sortie du nerf sont au nombre de deux ou trois, au-dessous de la première mo- laire, et un peu plus en avant. Il n’y a point d’animal qui ait besoin plus que l’hippo- potame d’ètre étudié à différons âges , pour bien faire con- noître ses dents molaires ; elles changent de forme, de nombre et de position. Le nombre définitif est de six de chaque coté, en haut et en bas, vingt-quatre en tout; et comme dans le cheval il y en a en avant trois qui se renouvellent , et les trois pos- térieures ne se renouvellent point. Il y a de plus, comme dans le cheval, une dent en avant qui tombe sans être remplacée. Il y a donc quatre molaires de lait ; trois molaires de rem- placement, et trois arrière-molaires. Les trois premières molaires de lait et les trois molaires de remplacement ont une forme particulière, conique et beaucoup plus simple que celle des arrière- molaires. La quatrième molaire de lait, au contraire, ressemble aux arrière-molaires par sa forme compliquée. Elle est rem- placée par une molaire simple; mais comme à la même époque la dernière arrière molaire sort de la mâchoire, le nombre des molaires compliquées reste toujours le même , c’est-à-dire, de trois. C’est une règle générale que les molaires de lait parti- cipent dans tous les animaux de la forme compliquée des 4. 4 a 522 ANNALES DU MUSEUM arrière-molaires , plus que ne le font les molaires de rem- placement; et la raison en est bien simple, c’est que les molaires de lait doivent en partie remplir les fonctions des arrière-molaires qui n’existent pas toutes encore. Cette forme que je nomme compliquée , consiste essen- tiellement dans l’hippopotame en quatre collines coniques, adossées deux à deux , de manière qu’une paire soit devant l’autre, en travers. Ces collines sont creusées chacune , à la lace par laquelle elles ne se regardent point , d’un profond sillon longitudinal, de manière que la couronne de la dent lorsqu’elle commence à s’user, présente la figure d’un double trèfle pour chaque paire de collines. Lorsque la dé- trition est descendue jusqu’à la hauteur où les collines s’unissent, il se forme une figure quadrilobée pour chaque paire; quand les deux paires s’unissent , on ne voit plus qu’un grand carré curviligne occupant toute la couronne de la dent. Les deux dernières molaires de la mâchoire d’en bas ont de plus que les autres, une colline simple en arrière des deux autres; elle forme sur la couronne, par ladétrition, un ovale placé en arrière des deux paires de trèfles. Les trois premières molaires de lait ont une forme de cônç comprimé par les cotés , aigu et presque tranchant. Les trois molaires de remplacement qui succèdent aux trois dernières de lait, sont en forme de cône, moins com- primé, marqué de deux sillons sur la face externe, de ma- nière que la détri tion donne aussi à leur couronne une fi- gure lobée. Les figures 1 et 2 de la planche II représentent les mâ- choires d’un hippopotame adulte. Il ne reste plus ni en haut ni en bas de vestige de l’alvéole de la première mo- laire de lait qui étoit en f et en g. En h, i, Je sont les trois moiaires de remplacement infé- rieures; et en /, m , n, les supérieures. La troisième d’en bas, k, est encore peu usée, et celle d’en haut, n, ne l’est pas du tout, parce qu’elle ne fait que sortir de l’alvéole, tandis que la première arrière- molaire , o et p , est fort usée aux deux mâchoires, et ne montre plusses trèfles ; mais on les voit très-bien dans les deux dernières molaires tant d’en bas, q, r , qued’enhaut, s , t\ q , r, montrent de plus le petit talon qui distingue les deux dernières molaires d’en bas de celles d’en haut. Telles sont les choses dans l’hippopotame qui a changé toutes ses dents. Ce que j’ai dit des autres états de cet ani- mal a été observé sur une suite de sept têtes, toutes de dif- férens âges , où l’on peut observer chaque dent depuis son état de germe, avec toutes ses collines encore intactes, et toutes couvertes d’émail, jusqu’à celui de la détrition complète. Nous voilà donc pourvus de moyens de reconnoître les molaires fossiles d’hippopotames, si nous en rencontrons, à quelque âge et dans quelque état qu’elles soient tombées. Les incisives et les canines sont encore plus aisées à recon- noître. Les incisives inférieures sont couchées en avant comme dans le cochon ; elles sont cylindriques , et s’usent un peu en pointe; leur partie radicale ou renfermée dans l’alvéole qui est très-longue , est cannelée longitudinalement dans son pourtour. Les deux du milieu, v , v , fig. 1 pl. Il, sont beaucoup plus grosses, et trois fois plus longues, quant à leur partie externe , que les deux latérales cf d\ C’est la position des incisives supérieures qui détermine cette différence. Elles sont courbées, presque verticalement en bas, et les externes z, fig. 2, sont placées beaucoup 42* 5-24 ANNALES DU MUSEUM plus en arrière que les intermédiaires « ; de manière qu’elles ne permettent point aux latérales d’en. bas cè, de se porter en avant. Les supérieures intermédiaires sont usées sur leur face interne; les latérales sur leur face externe et un peu pos- térieure. C’est le contraire pour les incisives inférieures. Les canines inférieures n , sont énormes, courbées en arc de cercle, triangulaires sur leur coupe , cannelées à leurs deux faces antérieures, et usées sur presque toute la pos- térieure. Les supérieures £ , sont beaucoup plus courtes, égale- ment triangulaires, et la détrition produit un plan oblique qui entame leurs deux faces antérieures. La postérieure est creusée d’un sillon profond et longitudinal. Les douze dents antérieures de l’iiippopotame sont au reste toujours reconnoissables au tissu particulier de leur substance osseuse. Elle est de la plus grande dureté, et si bien polie qu’elle soit, on voit toujours sur sa coupe des stries extrêmement fines et serrées, toutes concentriques au contour de la dent. L’émail en est médiocrement épais. L’hippopotame a donc en tout trente-six dents , savoir: huit incisives, quatre canines et vingt-quatre molaires; et en comptant les molaires antérieures quLtombent sans être remplacées, il y en a quarante. Il y a sept vertèbres cervicales , quinze dorsales , cinq lom- baires , trois sacrées, et dix-sept coccygiennes ; quarante-sept en tout. L’atlas et l’axis ont des formes assez ordinaires dans les grands animaux. La crête supérieure de l’axis est longue et prononcée. L es apophyses trans verses des vertèbres sui- vantes vont en s’élargissant jusqu’à la sixième cervicale qui d’ HISTOIRE NATURELLE 020 a la sienne très-large et coupée carrément. La septième F a très-courte. C’est la troisième dorsale qui a son apophyse épineuse Il plus longue; mais il s’en faut bien que la saillie du garrot approche de ce qu’elle est dans le rhinocéros par exemple. Toutes les apophyses épineuses des vertèbres dorsales sont dirigées en arrière ; toutes cellesdes lombaires, excepté la première , reviennent en avant. Les trans verses des lombaires paroissent très-longues ; mais en général , les formes des vertèbres ne sont pas tou t-à-fait assez prononcées dans mon fétus, pour que j’en puisse donner une description exacte; je n’ai même pu dessiner d’une manière nette celles de la queue. Il y a quinze côtes, dont sept vraies et huit Fausses. La par- tie antérieure du sternum, est comprimée en soc de charrue. L "omoplate , pl.f , fig. i. A, et fig. 6 , est facile à distin- guer de ceux du Rhinocéros et de l’éléphant. Il est assez large en arrière ; son épine a, c, fait plus de saillie en avant que par - tout ailleurs; elle y produit une apophyse ou es- pèce d’acromion , a, qui avance plus que sa hase dy son arrête est très-grosse dans le milieu de sa longueur ô; il y a pour tout bec coracoïde un tubercule obtus e. L’échan- crure antérieure f est assez forte; la cavité glénoïde g, h, et ib. fig. 5 , est elliptique. L’ humérus , pl. I, fig. î , B, et fig. 2 , 3 et 4 a sa grande tubérosité, a , très élevée, et se divisant en deux lobes dont le postérieur a est plus petit ; la petite h est plus basse; la tète articulaire c se porte très-en arrière et est ovâle. La ligne âpre est peu saillante; elle se perd obliquement du dehors en dedans sur le devant de l’os, d, e , fig. 2 ;le con- dyie externe g est plus saillant que l’interne f ; la poulie ar- 5^6 ANNALES DU MUSÉUM ticulairc h est simple, oblique du dehors en dedans, n’ayant qu’une seule gorge peu concave. En arrière, entre les deux eondyles, est une fosse pour l’olécrane très-profonde, mais ne perçant pas l’os. II n’y a pas non plus au condyle in- terne de trou pour l’artère cubitale. Le radias E, fig. 1 , pl. I, et a , b , fig. 3 , pl. II, est gros et court, un peu aplati d’avant en arrière; sa tête supérieure c,d, fig. 7, ib. est transversalement oblongue , un peu saillante dans son milieu e, ce qui ne lui permet qu’un mou- vement de flexion sur l’humérus. Sa tête inférieure e,f, fig. 4, offre deux facettes obliques g et h, pour les deux premiers os du carpe. Le cubitus F, pl. I, fig. î, et c, cl, pl. Il, fig. 3, est com- primé ; l’olécrane c est peu prolongé ; la facette sygmoïdale f, fig. 3 et 7 , est étroite. La facette inférieure, pour le troisième os du carpe i , fig. 4, est très petite. Il y a quatre os au premier rang du carpe , en comptant le pisiforme ou hors de rang , Je , l, m , n , pl. II, fig. 3 et 5, et trois au se- cond , o , p ,q , fig. 3 et 6. On voit de plus vers r un très- petit os qui est l’unique vestige de pouce. Les faces anté- rieures de ces quatre os sont représentées fig. 5 , et les supé- rieures, fig. 5 et 6.11 seroit,je crois , superflu de donner plus d’étendue à leur description verbale ; ce que nous en avons dessiné devant suffire pour les reconnoître. La facette inférieure des os du métacarpe n’est pas sensi- blement en poulie , et doit laisser beaucoup de liberté aux doigts. Celle des premières phalanges est un peu plus creuses; les secondes sont plus larges que longues, et les troisièmes presque en demi-cercle. Le bassin , représenté à part et de face , pl. III, fig. 7 , s’y trouve placé sens-dessus-dessous par l’inadvertance du d’histoire NATURELLE. 327 graveur. On en voit leprofil au grand squelette,pl.I,fig. i,G,H. Le sacrum a, b , est très-large ; la partie externe des os des îles c , cl , esttrès-évasée et presque dans le même plan. Leur partie située en arrière ou plutôt en-dessus du sacrum se relève un peu. Le col de l’os e, e , est large et court, et l’os lui-même est plus large que long; son bord externe est aussi long que l’interne ; sa face postérieure est concave ; ce qu’on voit de l’antérieure , en n’ôtant pas le sacrum, est plane. Les pubis f,f, sont peu saillans, de manière que la cavité du bassin est petite. Le diamètre antéro-postérieur gs h , est néanmoins plus long d’un tiers que le transverse i,h ( cette proportion ne peut se juger dans la figure à cause de la perspective.) Le plan du détroit antérieur est obliqueen arrière. La partie postérieure de l’ischion m , m , est fort élargie. Le fémur KK, pl. I , fig. 1, et pl. III, fig. 8 et 6, n’a rien de particulier; son grand trochanter a , ne dépasse pas la hauteur de sa tête ô; le petit c est médiocre. Il n’y en a point de troisième comme dans le’ rhinocéros , le tapir et le cheval. La tète inférieure est fort grosse. Le tibia L L, pl. I, fig. 1, et pl. III, fig. 1 , est gros et court beaucoup plus aux extrémités qu’ailleurs , et triangu- laire par-tout ; seulement son arrête antérieure, a , b , dé- rive en dedans vers la malléole interne 6; la malléole ex- terne est formée, comme dans le cochon et les ruminans , par un osselet particulier c, qui s’articule avec le péroné, le tibia , l’astragale et une facette particulière du calcanéum., Yaq péroné cl est très-grêle, et fort écarté du tibia par-tout, hors ses deux extrémités. Le corps de F astragale , pl. III, fig. 2 et 3 , est très-court, et fos fort gros. Sa face inférieure se divise comme dans les 02 8 ANNALES DU MUSEUM ruminans etîe cochon, en deux gorges, a, b, séparées par une arrête mousse. L’externe a répond au cuboïde; l’interne b , au scaphoïde. La poulie tibiale c est bien prononcée ; il y a à la face postérieure une grande facette cl pour l’articu- lation avec le calcanéum, et deux autres à la face externe. Cette face en montre de plus une g pour l’articulation avec l’osselet malléolaire, c, lig. I , et il y en a une presque pa- reille à la face interne, pour la malléole interne tibiale. Le calcanéum , pl. III, fig. 6, est assez étroit pour sa longueur; il a en dehors un rebord saillant a, pour son articulation avec l’osselet malléolaire ; à la face interne de cette saillie, est une facette b pour l’astragale ; il y en a une autre grandec, et une plus petite c?;sous celle-ci, est cellecqui termine l’os en l’articulant avec le cuboïde ; elle est étroite. Le cuboïde, fig. 4 , A, correspond, par sa forme aux deux osprécédens ; sa facette calcanienne a , est plus étroite que l’astragalienne b ; et sa face antérieure c est un peu en équerre. L’inférieure A., fig. 5, offre deux facettesa, 6, pour les deux os externes du métatarse. Le scaphoïde B , fig. 4 et 5 , est petit et mince. Sa face inférieure offre trois facettes dont deux, a et b , pour les deux os cunéiformes D etE, fig. 4 , qui répondent aux deux os externes du métatarse , et la troisième c pour un osselet surnuméraire qui tient lieu de pouce, et qu’on voit en F, fig. 4; ce que nous avons dit des doigts de devant, convient aussi à ceux de derrière. Je pense que les notes , les dimensions et les figures cpne je viens de donner nous mettront en état de reconnoître les ossemensde l’hippopotame, etde les distinguer dans tous les cas de ceux des autres grands animaux, tels que l’éléphant, le rhinocéros, lagiraffe, etc. d’histoire naturelle. 3s Ç) MÉMOIRE Sur la nature chimique et la classification des calculs ou concrétions qui naissent dans les animaux , et que l’on connoît sous le nom de Bézoards. Par MM. FOURCROY et VAUQUELIN. Lorsque l’illustre Schèele eut découvert , en 1776, l’acide concret et insoluble des calculs urinaires humains, on étoit loin de prévoir que cette découverte 11e fut que le com- mencement d’un grand travail sur la nature variée de ces calculs. Plus de vingt ans se sont écoulés sans qu’on ait ajouté d’autre fait à celui du chimiste suédois, que la pré- sence du phosphate de chaux accompagnant l’acide bézoar- dique;et il est d’autant plus permis d’être étonné de cette interruption dans les découvertes chimiques, que Schèele avoit assuré plus positivement que le calcul de la vessie humaine n’étoit formé que de ce seul acide concret. A peine cependant eûmes-nous pris, M. Yauquelin et moi, pour sujets de nos recherches , les pierres de la vessie humaine, que nous trouvâmes, outre cetacide, le phosphate de chaux, le phosphate ammoniaco-magnésien , i’urate d’ammoniaque, et l’oxalate de chaux , comme matériaux des calculs uri- naires, et que nous fûmes amenés à les distinguer en plu- seu rs espèces simples et mélangées. 4. 43 33o ANNALES DIT MUSEUM Nous avons déjà rendu compte à l’institut du résultat de nos recherches sur cette matière , et nous ne faisons que le rappeler ici pour le lier à celui que nous nous proposons d’an- noncer aujourd’hui sur les calculs des animaux connus plus particulièrement sous le nom de bézoards. En examinant depuis plusieurs années une suite nombreuse de calculs hu- mains, en recueillant toutes les variétés possibles de ces con- crétions, notre travail s’est étendu sur les bézoards ou sur les calculs des animaux , qui sont plus spécialement et même exclusivement nommés bézoards par les naturalistes : et après en avoir ramassé une quantité assez considérable, nous avons recherché leur nature par une analyse aussi exacte que celle que nous avions déjà employée pour les calculs du corps humain. Déjà j’ai donné, dans un premier mémoire inséré dans les Annales du Muséum d’histoire naturelle pour le mois prairial an XI, tome II, quelques idées générales sur les bézoards; mais notre travail s’étant beaucoup accru, et le nombre des espèces examinées depuis une année étant beau- coup plus multiplié qu’il ne l’avoit été avant cette époque, nous avons cru, M. Yauquelin et moi , devoir faire con- noître aujourd’hui les nouvelles données que nos recherches nous ont fournies. Nous distinguerons d’abord les bézoards en deux classes; la première comprendra les calculs intestinaux; et la se- conde les calculs urinaires ou vésicaux. Les uns et les autres, quoique souvent très-multipliés dans les collections d’his- toire naturelle où nous les avons trouvés , sont, le plus or- dinairement, très-faciles à reconnoître. Les concrétions formées dans les intestins des animaux d’ histoire naturelle. 53 i sont beaucoup plus fréquentes dans les animaux que dans l’homme ; elles ont constamment pour base un ou plusieurs corps étrangers qui ne peuvent être admis que par la déglu- tition, tels que des pierres, des cailloux, des grains , et le plus communément , des fruits secs ou des noyaux de fruits. Fréquemment aussi ces calculs intestinaux sont mêlés de semences , de feuilles , d’écorces ou de brins d’herbes très- faciles à reconnoître \ c’est dans cette classe que sont ren- fermés ces bézoards énormes , ces calculs gigantesques , conservés dans les cabinets , et qui proviennent des grandes espèces d’animaux sauvages ou domestiques comme l’élé- phant, le rhinocéros , le boeuf et le cheval. Ils ont encore une forme générale, un aspect, un tissu,» un ensemble de couches facilement séparables et à stries serrées, ou de cristaux agglutinés qu’on reconnoît fort aisé- ment lorsqu’on en a examiné et brisé quelques espèces. Nos recherches sur cette première classe nous y ont fait reconnoître sept espèces bien distinctes dont nous allons indiquer la nature. I.re CLASSE. B EZOARDS INTESTINAUX. Lre Espèce. Béz. intest, de phosphate acidulé de chaux. Cette espèce est formée de couches concentriques faciles à séparer les unes des autres , et très-fragiles. Elle rougit les couleurs bleues végétales ; elle se dissout un peu dans l’eau. On peut la comparer à la matière des os, et ce- pendant elle en diffère par la présence de l’acide phospho- rique à nu, et par moins de matière animale qui d’ailleurs 45 * 55-2 ANNALES DU MUSEUM n’est pas la même cpie celle du tissu osseux. Elle contient souvent un peu de phosphate magnésien. II. e Espece. Bez. intest, de phosphate de magnésie. Cette espèce, moins fréquente que la première et la troi- sième, est demi-transparente, et presque toujours d’une couleur jaunâtre. Sa pesanteur spécifique est de 2160. Les couches dont elle est formée ne sont ni aussi nombreuses, ni aussi faciles à séparer que la première espèce. Elle a un tissu plus rapproché de ce qu’on nomme le tissu spathique. Quelquefois on y trouve un léger excès d’acide. III.e Espèce. Bez. intest .. de phosphate ammoniaco- niagnèsien. Cette troisième espèce est la plus fréquente dans les bézoards intestinaux. C’est elle qui forme la plupart des bézoards conservés dans les cabinets, et les plus volumi- neux d’entre eux. Elle est très-facile à reconnoître par sa forme. On n’y trouve point les couches des deux premières espèces, mais une cristallisation en rayons divergens du centre à la circonférence. La couleur de cette espèce est ordinairement grise ou brune; on trouve souvent entre les cristaux qui la constituent des nuances brunes, jaunes ou vertes, provenant des matières végétales qui y sont mêlées; elle contient plus de substance animale liant ou aggluti- nant des cristaux, que les autres espèces; aussi exhale-t-elle une odeur très-fétide, et laisse-t-elle un charbon très-abon- dant lorsqu’on la chauffe dans un creuset. d’histoire naturelle, 533 Ou trouve spécialement cette espèce dans les animaux herbivores ou granivores. C’est à sa surface que nous avons plusieurs fois reconnu une couche blanche comme effleurie de sulfate ammoniaco-magnésien dont il ne nous a pas été possible de déterminer l’origine, IV.C Espèce, Béz. intest, biliaires. Nous nommons biliaire une espèce de bézoard qui pa- roît formé dans les intestins par la matière grasse ou hui- leuse de la bile. Cette espèce est rouge-brune ou jaune rou- geâtre. Elle ne contient point de véritable couches • mais elle est formée de grumeaux agglutinés. Elle a quelque fois une odeur de musc qui appartient manifestement à la bile altérée- Eli e se fond par la chaleur; sedissout facilement dansles al- calis. L’alcohol n’en dissout qu’une partie qui lui donne une couleur verte et une saveur très-amère. Elle fournit une belle couleur jaune orangée à la peinture, qui emploie sur- tout la variété de celte concrétion existant assez souvent dans les intestins et la vésicule du fiel de boeuf. V.e Espèce. Béz. intest, résineux. Nous distinguons de la précédente, avec laquelle on pour- - roit facilement la confondre , et sous le nom particulier de résineux, une espèce de bézoards intestinaux, fusible et combustible, formée découches lisses, douces au toucher,, très-polies, cassantes, en tout ou en partie volatile et so- luble dans l’alcohol , dont la matière n’appartient point ou n’appartient qu’en partie à labile, et paroit manifestement venir du dehors. 534 ANNALES DU MUSEUM C’est dans cette espèce que rentrent les bézoards orien- taux , et c’est de sa nature âcre, volatile, que dépendent et les idées anciennes qu’on avoit sur les remèdes bézoardiques et la sophistication qu’on en a faite pendant plus d’un siècle. Notre analyse d’un nombre assez considérable de ces es- pèces de bézoards, à quelques-uns desquels on attachoit autre- fois un si grand prix qu’on les enfermoit dans des boîtes, des cassoletes , des filagrammes d’or ou d’argent, nous a fait distinguer parmi eux deux variétés. La première d’un vert pâle, d’une saveur légèrement amère, presque entièrement volatile , donnant par le feu un produit concret, tenace, soluble en entier dansl’alcohol chaud, et s’en séparant en partie sous forme cristalline par le refroidissement, formée de deux matières, l’une ressem- blant à la substance biliaire; l’autre résineuse, sèche et incolore. La seconde variété d’une couleur brune ou violacée, sans saveur amère, presque insoluble dans l’alcohol, entièrement soluble dans les alcalis, donnant dans cette dernière disso- lution une liqueur qui devient rouge purpurine, lorsqu’elle s’épaissit et se sèche àl’air; fournissant à la distillation un su- blimé concret, jaune, d’une saveur et d’une odeur de suie insoluble dans l’eau et dans l’alcohol. Cette espèce comprend des bézoards toujours ovoïdes , polis à leur surface, en couches minces, sèches, cassantes, d’un volume assez petit , et qui excède rarement celui d’un gros œuf de pigeon ou d’un petit œuf de poule. Ces bézoards par couches concentriques ont presque tou- jours pour noyaux des coques d’un fruit gros comme une noisette ou au-dessous. Ils appartiennent à des animaux I d’histoire naturelle. 535 de l’Asie ou de l’Afrique, presque toujours inconnus ; ils paroissent être dus à des résines séparées des végétaux ser- vant de nourriture ou de lest aux animaux qui les fournissent. Ce sont aussi ces variétés de calculs résineux qu’on a imités à une époque où ils étoient très-chers et très-estimés pour les maladies malignes. Mais les bézoards factices com- posés de mélanges de résines colorées et fondues ensemble, souvent recouverts et mêlés de feuilles d’or, sont très-re- connoissables par le défaut de couches, par leur masse d’une seule pièce depuis leur surface jusqu’au centre, et par l’ab- sence du noyau de fruit végétal. VI.e Espèce. Bez. intest, fongueux. Nous avons trouvé des bézoards intestinaux formés de débris de boletus igniarius ou d’amadouvier , disposés par couches, brûlant à la manière de l’amadou, dus manifes- tement à cette espèce de bolet avalé par les animaux , et agglutiné dans leurs intestins par un suc animal. Ces bé- zoards quelquefois recouverts d’une croûte de phosphate ammoniaco-magnésien, sont toujours très-légers. YÏI.e Espèce. Bez. intest, pileux. Ægagropiles. Cette espèce est formée par des poils avalés et agglutinés ; elle est très-connue. Nous en distinguons quatre variétés, A. L’égagropile à poils bruns feutrés. Celui des boeufs est particulièrement de cette variété. B» L’ègagropile à poils jaunes ou fauves feutrés . C’est 556 ANNALES DU MUSEUM celui des veaux ou du Phoca pusilla. M. Perron , natura- liste de la dernière expédition de Baudin, en a rapporté plusieurs provenant de ce dernier animal. C. L ’ égagropile brun à couche extérieure luisante . Les poils y sont recouverts d’une matière animale sèche et brillante. D. L’ ègagropile mêlé de débris végétaux. Les poils y sont mêlés de foin, de paille, de racines, d’écorces et de mousses, II.e CLASSE. Bézoards urinaires. Les bézoards qui se forment dans les voies urinaires des animaux sont, en général , moins fréquens que ceux qui se forment dans les mêmes organes chez l’homme. Il nous avoit d’abord paru que l’urine des animaux qui contient moins de phosphate terreux que celle de l’homme, n’étoit pas si disposée en raison de sa nature à la formation des concrétions calculeuses ; nous avions même cru , dans les premières années de notre travail, que l’absence des phos- phates dans l’urine des animaux expliquoit très-naturelle- ment ce peu de disposition aux calculs urinaires , et la nature différente de ces calculs , lorsqu’il en existe dans leurs voies urinaires. Mais depuis que nous avons multiplié nos recherches sur les concrétions vésicales des animaux, compa- rées à celles de l’homme, nos premières idées ont du éprouver des modifications , elles nouveaux faits qui se sont offerts à nous , ont apporté et des lumières nouvelles et des résultats inattendus que nous allons faire connoître. Il y a trois espèces aujourd’hui bien déterminées de cal- culs urinaires des animaux. I)’ HISTOIRE NATURELLE. 337 I.re Espèce. Béz. vésicaux calcaires. La première est formé de carbonate de chaux ; c’est la seule que nous ayons d’abord reconnue , et que nous avons cru être constamment comme exclusivement appartenante aux animaux. A la vérité, nous n’avions examiné encore que les calculs vésicaux du cheval, du bœuf et du lapin - et il résulte en effet de l’état actuel de nos recherches , que les calculs de carbonate calcaire appartiennent presque ex- clusivement aux animaux herbivores ou granivores dont l’urine donne un précipité de la même nature. Les calculs de cette espèce sont très-bien caractérisés par leur couleur blanchâtre , leur opacité, leur solidité, leur dissolution avec effervescence dans des acides foibles , par- la nature écumeuse de cette effervescence, due à la pré- sence d’une matière animale. Nous y avons trouvé quelquefois un peu de phosphate de chaux. I.e Espèce. Béz. vésicaux de phosphate terreux . Il y a des bézoards vésicaux formés par du phosphate de chaux quelquefois mêlé de phosphate magnésien. Ces bé- zoards. appartiennent à des animaux carnivores; nous en avons trouvé de pareils dans le chien, le cochon, le rat et le chat. Parce caractère, ces animaux se rapprochent de l’homme; et c’est un des nouveaux faits de nos derniers travaux qui, ajouté à ce que j’ai déjà publié, il ya un an, sur les bézoards doit changer quelque chose aux résultats que j’avois alors présentés. 4. 44 538 f ANNALES DU MUSEUM III. 6 Espèce. Béz. vésicaux d’oxalaie de chaux . Cette troisième espèce de bézoard est encore le produit des dernières recherches auxquelles nous nous sommes livrés depuis un an. Nous avons eu à examiner des calculs tirés de la vessie du chien et du rat qui n’ont dans leurs caractères ex- térieurs aucune des propriétés des deux précédentes espèces. Ces calculs sont cristallisés à l’extérieur en lames quarrées rhomboïdales ou en octaèdres. Ils sont très-durs , peu et difficilement solubles dans les acides. Ils répandent une lueur phosphorique au chalumeau, et laissent un résidu blanc qui se dissout avec effervescence dans les acides. Il y a lieu de croire que l’on trouvera de pareils calculs vésicaux dans tous les animaux carnivores. Ainsi ces animaux se rapprochent de l’homme par la nature de leurs concrétions vésicales, et il y a entre eux et les animaux herbivores ou frugivores une différence très-grande sous le rapport de leurs urines et des calculs auxquels elles donnent naissance. Ce que j’ai dit dans le mémoire cité plus haut sur les phosphates terreux conditionnés dans les intestins des ani- maux et sur leur absence dans les voies urinaires des ani- maux, ainsi que sur leur remplacement par le carbonate de chaux, ne doit donc s’entendre que des animaux qui vivent d’herbes , de racines , d’écorces , de fruits et de graines. Nous devons cependant remarquer ici que l’acide urique et ses combinaisons avec l’ammoniaque et la soude qui sont d’ HISTOIRE NATURELLE. 53g si fréquens dans les calculs urinaires et les concrétions arthritiques de l’homme, ne se sont point encore présentés à nous dans les bézoards des animaux. Ce fait très-singu- lier peut tenir à ce qu’il n’a pas encore été facile d’analyser les urines des animaux carnassiers, non plus que leurs cal- culs urinaires ; car il est difficile de concevoir comment ces urines qui contiennent, comme celle de l’homme , l’urée d’où paroît provenir l’acide urique , ne se trouvent pas dans les circonstances qui favorisent et font naître le passage de la première de ces matières à la seconde. / u± Mo ANNALES DU MUSEUM MEMOIRE Sur le Paullinia , genre de plantes de la famille des Sapindacées. Par A. L. JUSSIEU. Dans le nombre des genres de plantes d’Amérique , tracés par le botaniste Plumier , on en trouve deux qui ont beaucoup de rapports entre eux par l’ensemble de leurs caractères , et diffèrent par un seul. Le Cururu et le Ser~ jania étoient caractérisés, selon lui , par une corolle â quatre pétales et un pistil qui devenoit un fruit, pyriforme et rem- pli de trois loges et d’autant de graines dans le premier, composé de trois capsules monospermes et ailées par le bas dans le second. Linnæus a réuni ces deux genres en un seul sous le nom de Paullinia , auquel il assigne un calice à quatre feuilles , quatre pétales hypogynes garnis chacun à leur base inté- rieure d’une écaille qu’il nomme nectaire, huit étamines, un ovaire surmonté de trois styles et d’autant de stigmates, une capsule à trois loges monospermes. On voit d’abord une assez grande différence dans la manière de caractériser, adoptée par les deux auteurs, et celle de Linnæus obtient la préférence comme plus étendue. Torrv.4> de 7, uùjué o/yp/zy//«, diffé- rente de celles que Linnæus et M. Jacquin ont désignées sous le même nom, et qui se rapportent probablement au Serja- nia. A ces huit espèce s,nous en ajouterons quatre nouvelles. La première originaire du Brésil où elle a été recueillie par Commerson, a les feuilles pennées composées de trois rangs de folioles lancéolées, légèrement velues en dessous, et garnies de dents écartées, les deux folioles inférieures sont elles-mêmes encore divisées en trois plus petites. Le pétiole commun est nu à sa base et ailé au-dessus des fo- lioles. Les pédoncules solitaires aux aisselles des feuilles, ne les débordent pas; ils sont garnis à leur sommet de deux vrilles, et se prolongent au-dessus en une grappe très- courte dont les fleurs donnent des capsules ovales coriaces, rétrécies à la base et portées sur un pivot, garnies de trois ai les qui partent du sommet de ce pivot, et se terminent a la base des styles subsistans. Nous n’avons pas vu la fleur; mais les caractères que Fou n’a pas observés, sont suflisam- 544 ANNALES DU MUSEUM nient indiqués par ceux que l’on connoît. La forme des feuilles assez semblables à celles de l’Azedarach des Indes, Melia azadiracktci , nous a déterminés à nommer cette es- pèce P. meliæfoUa dont on verra la figure pl. LXYI fîg. 2. La seconde trouvée également dans le Brésil p"ar Com- merson, a la tige légèrement velue; ses feuilles sont com- posées de huit rangs de folioles portées sur un pétiole com- mun non ailé ; elles sont simples dans les quatre premiers rangs supérieurs, ternées dans le cinquième, pennées dans le sixième et le septième, demi-bipennées dans le rang in- férieur ; chaque foliole simple est petite ovale, entière ou à peine dentée, et ressemble un peu à celles du thalictrum ou Pigamon, d’où vient le nom de P. thalictrlfoUa que nous lui avons donné. Le pétiole commun et les pétioles particu- liers sont nus et chargés d’un léger duvet comme la tige. Nous n’avons pas vu les fleurs; les capsules en petit nombre étoient rassemblées en grappe courte et serrée , à l’extré- mité d’un pédoncule axillaire tourné en spirale , plus court que les feuilles. Elles sont coriaces comme celles de l’espèce précédente , mais elles n’ont pas de même un pivot qui les élève au-dessus du calice. Les trois ailes dont elles sont pourvues partent immédiatement de la base , et vont tou- jours en s’élargissant jusqu’au sommet; ce qui leur donne une forme triangulaire assez particulière. On en voit le dessin pl. LXYI , fîg. 1. La troisième espèce a été observée au Sénégal par M. Adanson. Elle paroît avoir beaucoup de rapport avec le P. tomentosa que M. Jacquin a figuré dans ses Observcitiones , t. 10; mais dans celui-ci toute la plante est chargée de duvet ; le pédoncule est de la longueur des feuilles dont toutes d’ histoire naturelle 545 les folioles sont presque égales, et le pétiole est nu à sa base. Dansla nouvelle que nous nommons P. Seize galensis , à défaut d’un meilleur nom spécifique, la tige et les feuilles sont glabres; la foliole impaire est beaucoup plus grande que les folioles latérales; le pétiole est par-tout ailé; le pé- doncule est plus court que les feuilles. L’une et l’autre ont le fruit très-petit, un peu velu , de forme ovale, les feuilles simplement pennées et un port à-peu-près semblable. Nous n’avons pas pensé qu’il fût nécessaire d’en donner le dessin. M. Richard a trouvé dans les forêts de la Guiane la quatrième espèce qui a, comme la précédente, les feuilles pennées , composées de cinq folioles lisses , verdâtres, ovales, crénelées par intervalles, terminées en pointe obtuse, por- tées sur un pétiole nu à sa base, légèrement aile dans sa partie supérieure. Le pédoncule de la longueur des feuilles est à moitié nu. Le fruit, de la grosseur d’une cerise, est globuleux et lisse, d’où vient le nom de P. sphœrocarpa donné par l’auteur à cette plante. Comme il se propose de la publier dans une flore de la Guiane, qui contiendra beau- coup d’objets très-nouveaux, nous nous dispenserons de la figurer , et nous n’en offrons ici qu’une description sommaire tirée de ses manuscrits ainsi que quelques-unes des notes génériques énoncées plus haut/ Après avoir fait l’énumération de douze espèces qui ap- partiennent certainement au Paullinia , nous pouvons ajouter à la fin comme douteuses celles que divers auteurs ont rapportées à ce genre, mais que le défaut de connois- sance de leur fruit ne permet pas encore d’y réunir avec certitude, quoique leur port indique une grande analogie. Telles sont les P. no cio sa , cari h agenen s is , diversifolia et 4. 45 546 ANNALES DU MUSEUM caiiliflora de M. Jacquin. Son P. caribæci présente un ca- ractère particulier qui peut faire présumer qu’il n’appartient pas à ce genre, ni meme à la famille des Sapindacées. Il a des épines sur les rameaux et sur les pétioles, et cette organi- sation qui n’existe dans aucune plante de cette famille ( car il ne faut pas prendre des bases de pétioles subsistantes pour des épines ) , semble indiquer un plus grand rapport avec le Toddalia ou le Fagara dans les Térébintacées : mais „ ce doute sera aisément levé lorsqu’on verra la fructification. Il en sera de meme du P.jciponica de M. Tlmnberg dont la description est insuffisante pour déterminer son genre avec précision. Le nombre des espèces douteuses peut encore être aug- menté par cinq autres que M. Richard a recueillies dans les forêts de la Guiane, mais dont il n’a pu voir le fruit. Il les possède dans son herbier sous les noms de P. cupa- niœfolia , connarifolia , jîbulata , rnfescens et ingæ- folia. Pour éviter des répétitions, nous en présenterons seu- lement la description abrégée dans la série monographique qui termine ce mémoire, et dans laquelle on remarquera que le Paullinia , déj à composé de douze ou quatorze espèces, en acquiert neuf nouvelles parle travail que nous mettons sous les jeux du public. i. Capsula pyriformis, valvis nudis. i Paullinia cururu Linn. sp. ecl. i , p. 365, etl. Wild. 2. 46o ; Jacq. obs. 3 , p. 1 1 , t. 6i , f. 4 ; Schumach. Act. Soc. Nat. Hafn. 3 , part. 2 , p. 121 . — Cururu scan- dens triphylla , Plum. gen. 34 , ic. 1 1 1 , f. 2. — Caulis subangulatus glaber ; folia ter- nata , folio lis sessilibus oblongis remotè clentalis ; petiolus commuais marginatus ; pedunculus vix folio œqualisbasi nudus ; acirrhosus. In ins, Anlillanis. Caractères ticcâ. D1 H I S T O I li E NATURELLE. 547 2. P. pinnata. Linn. sp. ed. 1 , p. 366 , ed. Wild. 2, 46a; Jacq. obs. 3, p. 12, t. 61 , f, 12; Schum. ASNH. 3. 2. p. 121. — Cururu scandens pentaphylla. Plum. gen. 34. Amer. 76,t. 91. — Cururu-ape Marcg. 22 ; Pis. n4. — Caulis angulosus sulcatus glaber ; folia pinnaia glabra , foliolis bijugis sessilibus tripollicaribus ovato-lanceolatis , remotè crenatis , obtuse acuminatis ; petiolus omninô marginatus ; pedunculus folio subœqualis , basi nudus , medio cirrhosus et ultra forifer ; capsula junior apice trituberculosa , tuberibus maluritate evanidis. la ias. Aulillanis et Brasilia et Africâ æyuinoctiali. Car. ex siccâ. 2. Capsula pyriforaiis, valais carinatis alatis. 3. P. vespertilio. Swartz prod. 64.11. occid. 2. 6g5; Linn. sp. ed. Gmel. 612. ed. Wild. 2. 462 ; Schum ASNH. 3. 2. p. 122, t. 1 1 , f. 1. — Caulis vix angulosus lœvis ; folia pinnata , foliolis bijugis quadripollicaribus ovato-oblongis glabris , remotè crenatis , obtusè acuminatis ; petiolus commuais omninù nudus ; pedunculus folio pmulb brevior, apice cirrhosus et supra forifer ; capsula valais basi midis , apice in alam horisontalem semipollicarem productis. In ins. Antillanis. Car. fruclùs ex Sw. et Schum. , cœtera ex siccâ. 4. P. tetragona. Auhl. Guian. 355 ; Schum. ASNH. 3. 2. p. 1 22; Linn. ed. Wild. 2. p. 462. — Caulis tetragonus -, folia pinnata ; foliolis ovatis subserratis acutis gla- bris ; petiolus commuais nudus ; capsula tricarinata tricornis. In Guianâ ubi liane quarrée dicilur. Car. ex Aubl. et Schum. — An species Aubletiana a P. pinnatâ salis dislincta , mtfnente D. Richard ? An cjusdem capsula verè tricarinata t; icornis? 5. P. MELIAEEOL1A. PI. lxvi. f. 2. — Caulis sulcatus ; folia pinnata , foliolis tri- jugis sub sessilibus lanceolatis remotè denlatis subtils pubescentibus , in inferiori jugo ternatis ; petiolus commuais inter foliola marginatus , sub iisdem ferè nudus ; pedun- culus axillaris longus foliis subœqualis, apice cirrhosus et supra pauciforus ; fructus pyr if or mis par vus , alis apice prominulis et in styli persistentis basim confuentibus. In Brasilia. Car. ex siccâ in herb. Commers. 6. P. THALicTRiFOLiA. PL lxvi. f . i . — Caulis subtomentosus ; folia subtripinnata, pinnis sub octoj agis , summis siinplicjfoliis , mediis triphyllis aut pinnatis , infinis semi-bipinnatis-, foliola ovata parva , integra aut rariiis subdentata ; petiolus commuais nudus subtomentosus ; pedunculus axillaris spirctlis , foliis duplo brevior , apice cirrhosus et supra pauci foras ; capsulçt d basi tricilata alis sensim dilatatis } apice latioribus et divaricatis. In Brasilia. Car. ex siccâ in herb. Commers. 3. Capsula ovata. 7. P. tomentosa. Jacq. enum. Amer. 37 ; obs. 1. p. 19, t. io,et3, p. i3 t. 61, f. ? 3. — Linn. sp. ed, Murr. 3i4. ed. Wild. 2. 463. —-Schum. ASNH, 3. 2. 45 * 348 ANNALES DU MUSEUM 121. — Caulis angulatus subtomentosus ; folia pinnata , foliolis bijugis subsessilibus ovato-oblongrs remotè crenatis , utrinque tomentosis aut vetustaLe glabris ; petiolus inter foliota marginatus , sub iisdem nudus tomenlosus ; pedunculus foliis subœqualis, apice racemijlorus ; capsiîlà tomentosa. In ins. Anlillanis. Car. ex Jacq. 8. P. Senegalensis. — Caulis angulatus subtomentosus y folia pimiata ,foliolis bi- jugis sessilibus , ovatis remotè crenatis , impari cœteris duplo majore -, petiolus in- ter foliota et sub iisdem marginatus -, pedunculus foliis paulo brevior , apice cirrhosus et supra racemosus racemo brevi • fructus obovatus , obtusè trigonus , parais. — A P. tomentosa discrepat petiolo omnino marginato et foliis minoribus. In Sénégal aL Adansonio lecta. Car. ex siccâ. g. P. sphær ocarpa . Rich. — Caulis teres ; folia pinnata foliolis bijugis tripollicari- bus subsessilibus ovatis , remotè crenatis , obtusè acuminatis , virentibus glabris; petiolus basi nudus , ultra vix marginatus y pedunculus foliis œqualis, ad medium nudus, ultra racemijlorus ; fructus sphœriceus lœvis. In Guianâ. Car. ex siccâ in herb. D. Richard. îo. P. earbadensis. Jacq. enum. Amer. 36. obs. 3. p. 12, t. 61 , £ g. ; Linn. sp. ed. Murr. 3i4. ed. Wild. 2. 46i ; Sclium. ASNH. 3. 2. ’i23. — Caulis teres glaber y folia biternalci , foliolis ovatis parvis , inte gris aut vix crenatis ; petiolus basi nudus, supra ad foliota media marginatus longior , ad lateralia brevis nuclus-, pe- dunculus basi breviore nudus , in racemum semipedalem desinens. In ins. Antillanis., Car. ex Jacq. 11. P. curassavica. Linn. Sp. ed. 1 , p. 366. ed. Wild. 2. 46 1 ; Jacq. obs. 3.p. 12 , t. 61 , f. 8 ; Sw. obs. i5i ; Schum. ASNH. 3. 2. 123. t. 11, £2. — Cururu scandens enneaphylla.... Plum. gen. 34. ic. 111, £ 1. — Caulis sulcatus angulis villoso-ferrugineis ; folia biternata foliolis ovalibus glabris remotè crenatis ; petiolus commuais basi nudus ; petioli partiales vix marginali ; pedunculus a basi racemi- florus , racemo foliis œquali. In ins. Antillanis et Curassao Car. ex Jacq. et exsiccâ. 12. P. Polyphylla. Sclium. ASNH. 3. 2. p. 462; Linn. ed. Wild. 2. 46i. — Caulis....-, folia suprà-decomposita , foliolis ovato-cuneatis , apice crenatis suprct glabris , subtàs villosis ; petiolus villosus ; capsula valvis semiobovatis. In America calidiore. Car. ex Schumach. — An eademV. polyphylla. Jacq. obs. 3. p. 12 , t. 61, £10 ,cui folia ex Jacq. triternata. Diversa cerlè P. polyphylla Lin. s eu P. triternata. Jacq. Am. 110. t. 180, £ 32, quœ «wncSerjania triternata. Wild. 2. 466, 4. Fructus ignotus. 13. P. nodosa. Jacq. enum. Amer. 35. obs. 3. p. 1 1 , t. 61 ,£ 3; Linn. ed. Mur. 3i4. ed. Wild. 2, 46o, — Caulis sulcatus glaber ; folia ternata ovata subcoriacea glcibra d’ histoire naturelle. oig subdentata , foliolo medio cœteris duplù majore ; petiolus nudus ; racemus semipe- dalis lignosus , liinc indè incrassatus et no do sus. In ins. Antillanis. Car. ex Jacq. 14. P. cüpaniæfolia. Rich. — Kami teretes glabri ; folia pinnata foliolis {ferè cupaniœ ) bijugis sessilibus quadripollicaribus ovato-oblongis remotè crenatis , ob- tuse acuminatis , glaberrimis nitidis • petiolus infra foliota Ion gus nudus , ultra sub- alatus ; pedunculus folio brevior , in summis ramulis acirr/iosus et à basi florifer ; ger- me n ovatum villosum. In sylvis Guianæ. Car. ex siccâ in herb. Rick. 15. P. CONNAKIFOLIA Rich. — Rami teretes ferruginei ; folia ( connari ) pinnata foliolis bijugis sessilibus bipollicaribus , coriaceis ferrugineis glabris , ovatis obtuse mncronatis , integris aut vix denticulatis ; petiolus nudus ; pedunculus folio longior , infrà nudus , ultra absque cirrhis racemiflorus. In sylvis ripariis Guianæ. Car. ex siccâ in herb. Rich. 16. P. fibulata Rich. — Rami teretes ferruginei ; folia pinnata , foliolis bijugis quinquepollicaribus , breve petiolatis ovatis subcoriaceis ferrugineis , integris aut vix denticulatis , subtils vix tomentosis , obtuse subacuminatis ; petiolus omnino nu- dus ; pedunculus folio longior , ultra medium nudus , suprà cirrhosus cirrhis incras- satis fibulœformïbus solidis etforifer. In sylvisripariis Guianæ , Galibiensibus ILeré- amoucairi , ici est, patte de chauve souris , quia cirrhis validis fibulantibus arbori viciniori adhæret. Car. ex siccâ in herb. Rich. 17. P. rufescens Rich. — Rami subangulati ferruginei ; folia pinnata foliolis bijugis 3-h-pollicaribus , brevè petiolatis, ovato-lw.ceolatis , remotè crenatis , obtusè acuminatis , subtùs tomentoso ferruginei s , suprà glabris nigro-virentibus ; petioli omnino midi ; pedunculi mine foliis breviores acirrhosi omnino foriferi, nunc lon- giores , ad medium midi , ultra cirrhosi et foriferi. In sylvis ripariis Guianæ. Car. ex siccâ in herb. Rich. 18. P. carthagenensis. Jacq. obs. 3. p. 11 , t. 61 , f. 6 ; Linn. ed. Murr. 3i4. ed. Wild. 2. 46o. — Folia biternata , foliolis ovato-oblongis sinuatis ; petioli marginati. In Àmericâ propè Carlhagenam. Car. ex Jacq. 19. P. caux.ifl.6r a . Jacq. ic. rar. 3. t. 458 ; Linn. ed. Wild. 2. 463. — Folia pin- nata trijuga , jugo infimo ternato -, petioli basi nudi , apice marginati ; fores corym- boso-capitati axillares et terminales. In Americâ propè Caracas. Car. ex Jacq. 20. P. ingæfolia. Rich. — Rami teretes striati punctato-scabri ; folia magna pinnata trijuga , jugis duobus superioribus simplicifoliis , infimo utrinque triphyllo ; foliota 3-5-pollicaria, nigro-virentia coriacea glabra , obtusè acuminata ; petiolus commuais basi et in jugo inferiore nudus , ultra marginatus ( more Ingœ ) ; pedun- culi axillares nunc ramoso-paniculati , nunc simplices , ad medium nudi , ultra cir- 55û ANNALES DU MUS EU M rhosl et floriferi. In Guianæ sylvis flumini Amazonio conterminis. Car. ex siccà in herb. Rich. 21. P. mvERsiroLiA. Jacq. enum. Amer. 36. obs. 3. p. 12, t. 61 , f. i4; Linn. Sp. ed. Murr. 3x4. ed. Wild. 464. — Caulis leres glaber-, folia pinnala quadrijuga , jugo superiore sim] >li ci folio , inferioribus duobus trifoliis, infnno utrinque pinnato pentaphyllo foliota minima ovata glabra , integra aut vix dentata • petiolus basi rnidus , suprà marginatus ; pedunculus infrà nudus , ultra cirrhosus et florifer. In ins. Antillanis. Car. ex Jacq. An potiùs Serjaniæ species ut et P. polyphylla Linn. eui affinis ? Obs. An è généré eliminanda, tùm P. Japonica Thunb. Jap. 170. Linn.Sp. ed. Wild. 2. 463 , cujus caracter ex descriptione dubius , tùm P. Caribæa Jacq. obs. 3. p. il, t. 61 , f J , Linn. Sp. ed. Wild,, 2. 46i , qucc in ramis et petiolis aculeata, indè Sapindaceis minus affinis ? d’ HISTOIRE NATURELLE. 35l SUR Une nouvelle espèce de Trigonie , et sur une nouvelle d’ Huître, découvertes dans le voyage du capitaine Baudin. Par LAMARCK. Parmi les conquêtes nombreuses que les naturalistes font chaque jour sur les productions de la nature, en parcou- rant diverses parties de la surface du globe, il en est qui sont d’autant plus intéressantes qu’on avoit moins d’espoir de pouvoir les faire. Ainsi pour le naturaliste qui s’occupe de l’étude des mollusques, et qui cherche à découvrir de nou- veaux coquillages, afin de diminuer les lacunes qui nous empêchent de compléter leur histoire, trouver une bélem- nite, ou une hippurite, ou une ammonite, ou une gryphée, ou enfin une trigonie vivante ou dans l’état frais, seroitunc découverte d’autant plus satisfaisante pour lui, qu’il croit moins pouvoir parvenir à en faire de semblable. En effet, il est un certain nombre de genres de coquillages marins dont nous trouvons en abondance dans les parties nues du globe, et particulièrement dans le sol argilleux ou chisteux des montagnes dites de première formation, des espèces dans l’état fossile, et dont on ne rencontre jamais les analogues ni même des espèces du même genre dans l’état frais ou vivant. Cette considération a fait penser que r 502 ANNALES DU MUSEUM ces espèces j que leur genre même qui avoient eu autrefois l’existence , étoient perdues et ne se trouvoient plus main- tenant dans la nature. Bruguière qui s’est beaucoup occupé de ces objets, pensa différemment, et se persuada que parmi les mollusques qui sont enveloppés dans une coquille, il y a des genres et même des familles qui ne vivent que dans les grandes profondeurs des mers. Il en résulte que ces animaux ainsi que leurs dé- pouilles sont hors de la portée des recherches de l’homme, échappent à tous les moyens que lui suggère son industrie, et que conséquemment il peut rencontrer les restes de ces animaux dans l’état fossile au milieu des dépôts abondans que la mer a laissés à son passage sur tous les points du globe; mais qu’il lui est extrêmement difficile de se procurer des individus de ceux qui vivent actuellement dans les lieux où. la nature les a placés. Cette considération a engagé Bruguière à distinguer les coquillages marins, en coquillages pélagienset en coquillages littoraux. Je crois effectivement que si dans le règne animal il y a reéllement des espèces perdues, ce ne peut être que parmi les animaux terrestres d’une certaine grosseur : l’homme s’étant multiplié et répandu sur toutes les régions du globe, a diminué par sa présence le nombre ou l’étendue des dé- serts et des lieux inhabités, a pu détruire des espèces sau- vages en les chassant et s’emparant de leurs asiles. Mais quant aux petites espèces, et sur-tout quant à celles qui vivent dans le sein des eaux, elles ont des moyens pour lui échapper, et vraisemblablement parmi celles-ci il ne s’en trouve point qui soient réellement perdues. Elles ont xi d’histoire naturelle. 553 pu seulement avoir subi des mutations par l’influence des circonstances qui agissent sur elles et qui ont elles-mème changées ; en sorte que les débris que nous recueillons de celles qui ont vécu dans la plus grande antiquité peuvent nous offrir quelques différences d’avec ceux des animaux de même espèce qui vivent maintenant, et qui néanmoins en proviennent. Quoique les térébratules , les gryphées et les encrinites soient des animaux pélagiens , c’est-à-dire , qui vivent dans le fond des mers, on est malgré cela parvenu à en recueillir des espèces dans l’état frais : ainsi l’on connoît maintenant dans cet état plusieurs espèces de térébratules. On possède au Muséum une encrinite non fossile(i), et l’on sait qu’il existe dansun cabinet, à Paris, une giyphèe dans l’état frais ou marin (a) ; mais on ne connoît pas encore une seule espèce de belemnite, ni d’hippurite, ni d’ammo- nite, ni de radiolite dans l’état non non fossile. Il en étoit de même du genre des trigonies dont plusieurs espèces dans l’état fossile ornent depuis long-temps nos col- lections, et l’on n’espéroit pas plus de réussir à se procurer une trigonie fraîche ou vivante, qu’on n’espère encore maintenant de découvrir une ammonite , ou une hippurite, ou une belemnite dans le même état. Cependant M. Pérou , naturaliste éclairé et plein d’ar- (1) Encrinus caput medusœ. n. isis asteria. Lin. encrinus Ellis encrin. iy64. 4. t. i3 , f. i4. (2) Gryphœa angulata. n. C’est l’huître gryphile dont parle Bruguière dans son Diction, des vers à la page 56j. 4. 46 554 ANNALES DU MUSEUM deur , qui a voyagé avec le capitaine Baudin sur les cotes delà Nouvelle-Hollande, et qui vient d’enrichir le Muséum de quantité d’objets propres à l’avancement des sciences naturelles , a recueilli une belle espèce de trigonie dans Fétat frais, que les courans ou les tempêtes auront sans doute jetée sur le rivage. Je vais essayer d’en donner la description après avoir rétabli et complété d’après elle le caractère gé- nérique des trigonies. Le genre trigonie fut établi par Bruguière sur l’examen d’un individu fossile rempli de vase durcie ou pétrifiée dont îlparvint à dégager la charnière d’une valve pour l’observer. Mais Bruguière ne connut que la charnière de la valve droite qui n’olFre que deux dents, et il ne sut point que la valve gauche en avoit quatre disposées par paires et dans une situation propre à recevoir entre elles les deux dents de l’autre valve. Je crois donc devoir rédiger de la manière suivante le caractère générique des trigonies. Coq. bivalve , inéquilatérale , trigone ou suborbiculaire. Valve droite : deux dents cardinales oblongues , plates , divergentes , sillonnées transversalement de chaque côté. Valve gauche : quatre dents cardinales applaties, dispo- sées par paires divergentes et sillonnées transversale- ment d’un seul côté. Ligament court et extérieur; deux impressions muscu- laires dans chaque valve. Les trigonies sont des coquilles régulières, libres qui se rapprochent un peu des carditeset des bucardes par leurs d’histoire naturelle. 355 rapports, et qui paroissent vivre principalement dans le fond des mers. Elles sont en général sillonnées à l’extérieur ou garnies de rangées de tubercules. Les espèces que l’on connoît dans l’état fossile, ont le corcelet très-grand et fort remarquable. Elles sont au nombre de quatre, et on en voit les figures dans les planches de l’Encyclopédie (Coquille, pl. 258 ). L’espèce non fossile et nouvellement découverte se dis- tingue des autres en ce qu’elle est moins trigone, et que son corcelet est à peine apparent. Voici ses caractères et le nom que je lui assigne. Trigonie nacrée. Pl. LXVII. fig. 2. Trigonia ( margaritacea ) suborbiculata ; costis longitu- clinalibus tuberculoso-granosis ; pube subnullâ ; valvis intùs margaritaceis. n. L. n. Les côtes australes de la Nouvelle-Hollande. La trigonie nacrée ayant ses valves closes, a entièrement l’aspect d’un cardium. C’est une coquille presque orbicu- laire, inéquilatérale, à valves médiocrement bombées ou convexes, chargées en dehors d’environ vingt-deux côtes longitudinales qui partent des crochets (ex natibus ) , se terminent au bord, et divergent comme des rayons. Elles sont comme crénelées par des tubercules en croissant et granuleux qui régnent dans leur longueur. La face intérieure des valves est recouverte d’une nacre argentée, un peu irisée et très-brillante , sur laquelle on voit 46 * 356 ANNALES DU MUSÉUM vers le bord supérieur des sillons qui correspondent aux côtes de l’extérieur , et qui rendent le bord des valves crénelé. Les impressions musculaires sont latérales et avoisinent les dents de la charnière. Quant à cette charnière , elle est fort remarquable ; car elle olfre sur la valve droite deux dents plates , un peu épaisses,, sillonnées transversalement de chaque côté; et sur la valve gauche quatre dents ou deux dents doubles et di- vergentes comme les deux jambes d’un A. Ces dents ne sont sillonnées que d’un seul côté, et c’est dans la cavité que présente chaque paire de dents que s’engrainent les dents de l’autre valve , lorsque la coquille est fermée. La plus grande longueur de cette coquille est de 44 mil- limètres, et sa plus grande largeur de 46, c’est-à-dire , un peu moins de 2 pouces. Quoique les trigonies paroissent habiter le fond des mers, il est possible , il est même vraisemblable que la trigonie nacrée vive habituellement à une moindre distance des côtes que les autres espèces, ou au moins que les espèces dont nous possédons des individus dans l’état fossile. Comme en effet elle s’éloigne un peu de ces dernières par sa forme générale, il y a lieu de croire qu’elle s’en éloigne aussi par ses habitudes. AuYeste, la découverte de cette coquille intéressante dont nous sommes redevables à M. Péron , nous a en même temps mis à portée de connoître complètement le caractère des trigonies. Ce sera un des nombreux services que ce natu- raliste aura rendu à la zoologie. d’ H I S T O I R E NATURELLE. 357 La trigonie nacrée à été trouvée vivante et récemment jetée sur le rivage , à l’île King; et quelques valves séparées de la meme coquille un peu altérées à l’air par le frotte- ment, ont été recueillies à l’île Maria et à File de Kangue- roos, autour de la terre de Diemen. Sur Vhuître tuberculée. \ On a nommé coquilles irrégulières toutes celles dont la forme est si peu constante qu’il est à-peu-près impossible , parmi les individus d’une même espèce, d’ën trouver deux exactement semblables. Le genre de l’huître est générale- ment dans ce cas, ainsi que quelques autres genres qui ont comme l’huître une coquille bivalve. Cependant il y a parmi les huîtres, comme dans toutes les autres productions de la nature, des espèces ou des races qu’il importe là comme ailleurs de reconnoître et de dé- terminer. Le genre de l’huître convenablement réduit depuis qu’on en a séparé les peignes, les gryphées, les vulselles et quel- ques autres genres qu’on y associoit auparavant, n’en est pas moins encore très-nombreux en espèces. Il comprend des coquilles bivalves , irrégulières , fixées sur des corps marins ou sur d’autres coquilles , ayant leurs valves inégales, et dont le test est généralement feuilleté ou lamelleux. La charnière de ces coquilles n’offre aucune dent , mais seulement une fossete oblongue , incomplètement in- térieure, et qui reçoit le ligament des valves. On sait que les huîtres se partagent en deux divisions assez distinctes , savoir : 358 ANNALES DU MUSÉUM i.° Celles dont les bords des valves sont simples et unis; 2.0 Celles qui ont les bords des valves plissées ou en crêtes. C’est à la première de ces deux divisions qu’il faut rap- porter l’espèce nouvelle que je vais décrire; je l’ai nommée et caractérisée de la manière suivante. Huître tuberculée. PL LXVII. fig. 1. Ostrea ( tuberculata ) ovcito-cuneiformis : vcilvcî inferiore- subtus tuberculis semiglobosis , margine laceris bul - latâj basi rostratâ. n. C’est une huître bien singulière par les tubercules con- vexes ou semi-globuleux et frangés sur les bords , dont le dessous de sa valve inférieure est presque entièrement re- couvert. Ces tubercules sont nombreux , varient dans leur grosseur et un peu dans, leur forme , et vont en s’abaissant jusqu’au point de s’effacer tout-à-fait à mesure qu’ils sont plus voisins du bord supérieur de la valve. La base de la valve inférieure dont il s’agit, se prolonge en un talon presqu’en forme de bec, un peu en pointe à son extrémité, applati en dessus, et laissant apercevoir sur cette face plane les traces des anciennes insertions du ligament des valves. La valve supérieure est beaucoup moins grande et moins longue que l’autre. Elle est presque plane en dessus, dépour- vue de tubercules bulleux, et sa base subitement tronquée laisee à découvert le talon de l’autre valve. La face interne de l’une et l’autre valve est lisse, légère- d’ HISTOIRE NATURELLE. 559 ment nacrée, et offre sur chacune d’elles une seule impres- sion musculaire comme les autres espèces. Enfin les bords latéraux inférieurs de chaque valve présentent de chaque côté douze à quinze petites dents peu remarquables qui res- semblent à de légères crénelures. Cette huître singulière est longue d’un décimètre ( envi- ron 3 pouces 8 lignes), sur 6 à 7 centimètres ) près de 2 pouces et demi ) de largeur. Elle a été trouvée par M. Péron, à l’île de Timor où elle adhère aux madrépores que la mer basse laisse à découvert. Quant au talon en forme de bec de sa valve inférieure, il provient de ce que dans cette espèce la valve supérieure se déplace assez rapidement pendant la vie de l’animal , ainsi que le ligament qui réunit les valves. Cette particu- larité très-tonnante a lieu dans les spondyles et dans toutes les huîtres \ mais il paraît que dans certaines espèces , le déplacement progressif de la valve supérieure se fait moins lentement que dans d’autres. 56o ANNALES BU MUSEUM MÉMOIRE Sur les THALIE>ES ( Thalia. Brown. ), et sur les BIPHORES ( Salpa. Forskaohl. ) Par G. CU V IER. Lorsque le capitaine Baudin partit pour sa seconde expé- dition, aucun naturaliste n’avoit vu, depuis Brown, les ani- maux appelés par lui Thalia , ni depuis Forskaohl ceux que ce dernier a nommés Salpa, et auxquels Bruguière a en- suite appliqué le nom de Biphores ; on n’a voit aucune notion précise sur leur organisation , et c’étoit absolument au ha- sard qu’on les avoit rangés dans les méthodes. Je dus donc rendre les naturalistes, qui partoient avec ce capitaine, attentifs à ce besoin de la science , et je recom- mandai particulièrement à M. Pérou qui avoit pour mission spéciale tout ce qui regardoit l’antropologie et l’anatomie comparée , d’observer et de recueillir , le plus qu’il pourroit, de ces animaux. Dans l’intervalle, M. Bosc fit son voyage d’Amérique ; il décrivit, dans sa traversée, plusieurs espèces nouvelles de salpa, et fut conduit à l’idée que les thalia de Brown, ne diffèrent point des salpa pour le genre; c’est ce qu’il a pu- blié , avec plusieurs remarques curieuses sur les habitudes de ces animaux , dans son Histoire naturelle des vers , qui D* HISTOIRE NATURELLE. 56l lait suite au Buffon de Déterville, et qui a été imprimée en l’an X , tome II, pag. 168 et suiv. Un peu auparavant, M. Tilesius , naturaliste allemand 9 naviguant près des côtes de Portugal, y avoit aussi observé et décrit une grande espèce de salpa\ mais il en méconnut ie genre, et la publia sous le nom tout-à-fait impropre de tethys vagina dans son Annuaire d’histoire naturelle , Léipsick, 1802, p. ]5o, et pl. Y et VI; de manière que loin d’éclaircir la matière, il l’embrouilla davantage. Voilà où en étoient les choses , quand le second navire de l’expédition de Baudin nous arriva. Quoique M. Pérou , par la mort , ou par la retraite de plusieurs de ses cama- rades ait été contraint de s’occuper de toutes les parties de la zoologie , il ne s’en éloit pas moins acquitté avec un bril- lant succès, de la branche à laquelle il s’étoit voué d’abord; et il me rapportoit, entre autres, six espèces de ce genre salpa que j’étois si désireux de voir ; j’en reconnus une au premier coup-d’œil pour être une des thalia de Brown et l’organisation de celle-là s’étant trouvée semblable à celle des autres pour l’essentiel , la conjecture de M. Bosc , sur l’identité des deux genres , fut complètement vérifiée. Je reconnus de plus par l’anatomie, comme nous le ver- rons, que les salpa sont des Mollusques acéphales , c’est- à-dire, analogues à ceux qui habitent les coquilles bivalves; ainsi une simple inspection termina l’embarras où Tonétoit sur ce genre si bisarrement balotté. Rappelons en peu de mots l’histoire de ce que les naturalistes ont fait à son sujet. Brown en fut donc le premier créateur , et en publia 4. 47 362 ANNALES DU. MUSÉUM trois espèces sous le nom de thalia , Hist. naturelle de la Jamaïque , pag. 284. Linnœus , par une première erreur , dans son édition X.e , I. 667, réunit ces trois animaux avec Yarethusa du même Brown, qui ne leur ressemble en rien, qui même est un ~vrai zoophyte, comme je le montrerai ailleurs ; il les réu- nit, dit-je, sous le nom d 1 holothuria. Ce nom étoit mal appliqué à tous égards. Il signifie dans Aristote un animal qui , sans être attaché, ne peut néan- moins se mouvoir ( Hist. an. lib. T , cap. I ), et qui ne dij - fère des éponges que parce qu il est détaché ( de part. an. lib. IV, c.V.) Pline , lib. IX , c. 47, fait participer Y holothurie à la nature de la plante ; il conserve le mot grec qui en effet se- roit difficile à traduire, car l’étimologie n’en est rien moins que claire. Gaza l’a remplacé par celui de tuber. Il n’y avoit assurément dans tout cela rien qui indiquât les thalia, animaux qui nagent, et qui n’ont point une analogie si marquée avec les plantes. L’usage que les mo- dernes avoientfait du mot, 11e conduisoit pas non plus à l’appliquer aux thalia , car Rondelet , hist. pisc. ( de ins. et zooph. p. ia5 ), l’avoit donné précisément à celles que Linnœus ajouta depuis aux premières, et dont nous allons parler. O11 peut dire effectivement qu’à la mauvaise combinaison qu’il avoit opérée d’abord, Linnœus en ajouta une seconde bien plus mauvaise encore dans sa XII. e édition, p. 1089, 1091 , en joignant à ces quatre premiers animaux , hol. phy salis , thalia , cciudata et denudata , quatre autres es- pèces totalement différentes par la forme extérieure et par d’h istoire naturelle. 565 l’organisation intérieure, savoir : hol . frondosa , phanta,' pus y tr émula , et pentactes , et en les plaçant les unes au commencement, les autres à la lin du genre, de manière à ne pas même laisser soupçonner que celui-ci pouvoit au moins contenir deux sous-genres distincts. Pallas condamna bien cette réunion ( miscell. zool. p. i53 , et spic. zool. X , 26) , mais il proposa de joindre ces nouvelles ou plutôt ces anciennes holothuries de Rondelet, aux actinies quine leur ressemblent guère plus, idée qui ne pouvoit avoir de succès ; et il eut d’ailleurs le tort d’approuver la prétendue analogie établie entre Yarethusa et les thalia. Pallas décrivit en même temps une quatrième espèce vraiment analogue aux trois thalia ou aux holothuries de Linnœus de la première forme ; c’est Yholothuria zonaria spic. zool. X, tab. I , fig. 17 , A. B. C. ; mais Forskaohl qui ob- serva, quelque temps après, onze animaux tous semblables , n’en saisit point le rapport avec les thalia ou holothuries de première forme , et en ayant fait un genre sous le nom de salpa, on ne les compta pas parmi les holothuries dans l’édition XIII.6 du systema naturœ , quoiqu’on aitbien rap- porté au genre holothuria les espèces que Forskaohl nom- moit jistularia , et qui n’étoient semblables qu’aux holo- thuries de seconde forme. Muller et Fabricius de leur coté multiplièrent beaucoup ces holothuries de la seconde forme, je veux dire semblables à celles de Rondelet , à celles ajou- tées au genre dans la douzième édition , à celles que Fors- kaohl avoitnommées jistularia , de manière qu’aujourd’hui cette seconde forme qui n’auroit pas du appartenir au genre , 4/ * 564 ANNALES DIT MUSEUM en occupe la plus grande partie, et que Gmelin s’écrie , â propos des trois talia de Brown , an hujus generis ? Ainsi par le revirement de nomenclature le plusbisarrer on conteste leur place dans, le genre, aux espèces qui le constituoient seules autrefois; eeiles qui s’y sont introduites contre toute raison , en chassent les véritables propriétaires; et ce qu’il y a de plus plaisant dans cette révolution , c’est que pendant que les espèces changeoient ainsi du tout au tout , le caractère générique restoit presque le même, et qu’un ou deux mots seulement s’y glissant à chaque édition, le rapprochoient par degrés de ce qu’il devoit être, pour indiquer réellement les espèces qui marchoient sous sa bannière. ïl est sur que dans l’état actuel des choses, il est infini- ment plus commode, en oubliant tout ce qui a pu se passer auparavant, de détacher du genre actuel des holothuries la famille la moins nombreuse, et comme à cause de l’établis- sement du genre salpa , c’est la première forme, celle des thalia qui comprend le moins d’espèces, c’est celle que nous séparerons. De cette manière nous altérerons moins la no- menclature aujourd’hui reçue, qui d’ailleurs se rapportera alors entièrement à la nomenclature la plus ancienne de toutes , celle de Rondelet Bruguière avoit déjà pris ce parti , non pas à la vérité dans le texte de son Dictionnaire des vers , mais seulement dans les planches, où les thalles figurent à la suite des holo- thuries, Apparemment que ce ne fut qu’au moment où il recueillit dans les différons ouvrages les figures dont il com- posa ces planches , qu’il s’apperçut que deux formes aussi d’histoire NATURELLE. 265 différentes ne pouvoient rester ensemble. Voyez Encycl. meth. planches d’hist. nat. vers. pi. 88 et 89. Je l’imitai dans mon tableau élémentaire des animaux 9 impr imé en l’an V, p. 389,01 M. delà Mark dans son sys- tème des animaux sans vertèbres, p. 356, en changeant toutefois le nom de thàlia en thalis , parce qu’il y a déjà une plante nommée thulia. . M. de la Mark sépare de plus Y are- thuse , des thalies , dont elle diffère en effet beaucoup, et la nomma physalia. Mais ni M. de la Mark ni moi , ne fumes assez hardis pour réunir les thalies aux biphores ou salpa , et nous n’eûmes ni l’un ni l’autre les données nécessaires pour leur assigner leur véritable place dans la méthode naturelle. En rangeant les biphores comme ils doivent l’ètre parmi les mollusques acéphales , je mis les thaï ides parmi les mollusques gastéropodes. M. de la Mark les mit encore plus loin de leur vraie place, parmi ses radiaires qui répondent aux premières familles de mes zoophytes; mais il laissa les biphores parmi les acéphales. M. Bosc qui avoit cependant vu des unes et des autres vivantes , compléta l’interversion en plaçant et biphores et thalides dans les radiaires , tout en avouant que leur organisation extérieure ressemble plus à celles ascidies qu’à celles des méduses. C/est en effet à coté des ascidies , c’est-à-dire, dans l’ordre des mollusques acéphales , et dans la division des acéphales nus qu’il faut placer tous ces animaux, et ce mémoire va, j’espère, le démontrer. ' J’ai eu à ma disposition , comme je Fai dit plus haut , six espèces de ce genre, toutes rapportées par M. Pérou. La première meparoit être la même que le troisième t ha lia 566 ANNALES BU MUSEUM de B rown ( holothuria denudata de Linnæus ) , et peut-être que le deuxième salpa de Forslcaohl ( salpa pinnata. L. ) La seconde qui est plus analogue aux salpa ordinaires, est à coup sûr le même animal que le prétendu tethis vagina de Tilesius. , . Les quatre autres me paroissent à-peu-près nouvelles; mais leur analogie avec les espèces de Forslcaohl et de Bosc , est assez grande pour que je puisse juger de l’organisation de celles-ci d’après celle des miennes , et pour me faire étendreà toutes, les résultats généraux que m’ontfournis ces dernières. M. Péron en a décrit, et MMi Petit et Lesueur , dessi- nateurs de l’expédition, en ont représenté plusieurs autres, en grande partie nouvelles, qu’ils n’ont point rapportées, et dont je ne parlerai point dans ce mémoire, parce que ces messieurs les publieront bientôt, ainsique les observations intéressantes qu’ils ont faites sur ce genre et sur tant d’autres. Ce que je dirai suffit à mon objet, et résulte démon propre travail sur les espèces existantes au Muséum. Je commence par décrire la première, représentée entière par le côté gauche , lig. 1 , et ouverte , fig. 5. Espèce première. SALPA C R I S T A T A. Cette espèce, comme toutes les autres, est revêtue d’une double enveloppe. L’extérieure est d’une nature intermédiaire entre le car- tilage et la simple gelée; son épaisseur est fort grande dans per tains endroits, et sa transparence parfaite. d’ histoire naturelle. 56y L’intérieure est membraneuse, mince, d’un tissu ferme, tenace et en apparence homogène. Le corps est d’une forme oblongue, légèrement comprimé par les cotés, et ouvert aux deux bouts. La partie dorsale est plus épaisse que la ventrale; on voit sur son tiers posté- rieur une crête coupée carrément, «nfig. 1 , dont on ignore l’usage, et à sa partie antérieure une protubérance arrondie , b, dans l’intérieure de laquelle se loge l’estomac, c. L’ouverture postérieure du corps, d, est fort large, coupée en travers, et on l’a comparée à la gueule d’un ani- mal. C’est sans doute ce qui a fait que tous les auteurs l’ont prise jusqu’à ce jour pour la bouche du biphore. La lèvre inférieure de cette ouverture, d., f> g, est mince et tranchante. La supérieure d , e , g , ne présente en dehors qu’une saillie arrondie en tout sens ; c’est que la peau qui la forme, se réfléchit en dedans, pour y former avec son bord rentrant une véritable valvule semi-lunaire qui laisse bien entrer l’eau dans le corps quand l’animal se dilate, mais qui ne la laisse point sortir quand il se contracte. O11 peut voir la structure de cette valvule dans la lig. 2 où les deux lèvres sont séparées ; d,f,g , est la lèvre inférieure simple ; d,e, g , est la lèvre supérieure réfléchie, et qui a son véritable bord en h. Donner entrée à l’eau est en effet la seule fonction immé- diate de cette ouverture postérieure ou prétendue bouche. Ce liquide sort par l’ouverture opposée qui est l’antérieure, puisque c’est celle qui est voisine de la vraie bouche de l’ani- mal. On la voit en i, ]c , lig. 1 et 2. C’est un simple tuyau cylindrique, terminé par une large ouverture ronde sans talvule ; apparemment que quand l’animal se dilate , il ferme 568 ANNALES D TJ MUSÉUM cette ouverture au moyen des anneaux musculaires dont elle est comme cerclée, et qu’il empêche ainsi que l’eau n’entre par là. On conçoit que ce mouvement de dilatation et de con- traction peut servir à l’animal à changer de lieu; lorsqu’il chasse l’eau hors de lui par son ouverture antérieure , la résistance doit pousser tout son corps en arrière. La tunique intérieure du corps forme un tuyau membra- neux qui va d’une ouverture à l’autre, et qui est absolument vide, à l’exception de la branchie Z, m, n , qui le traverse en descendant obliquement d’avant en arrière dans un plan vertical. Les autres viscères sont tous entre la turique ex- térieure et l’intérieure. La tunique intérieure est garnie de bandes colorées en blanchâtre ou en grisâtre qui ont d’abord une apparence vasculaire, mais qui , examinées de plus près, se trouvent être des muscles. Elles ont une disposition particulière et constante pour chacune des espèces, et peuvent bien servir à distinguer celles-ci les unes des autres. Dans l’espèce que nous décrivons, il y en a d’abord en avant deux, o, r , q , p , qui se rapprochent en deux points de leurs cours, s et t, pour former de grandes mailles rhom- boïdales ; puis en vient une simplement circulaire u ; ensuite deux autres encore réunies en mailles, v et w\ mais leurs points de réunion x et y , au lieu d’être latéraux, comme ceux s et t , des deux premières bandes o , r , q , p, sont l’un en dessus, l’autre en dessous. La dernière bande tu, donne plusieurs branches z9 a , j0, qui se portent en arrière et se distribuent dans les deux lèvres de l’ouverture posté- rieure. rD’ HISTOIRE NATURELLE 36g De deux bandes v eto^partent deux languettes de chaque côté, «T, qui se réunissent chacune avec sa correspondante, pour monter dans la crête a , a , l’une à son bord anté- rieur, l’autre au postérieur. L’organe l, m , n, qui traverse obliquement le grand vide de la tunique intérieure, et que quelques-uns ont comparé à une trachée artère, n’est autre que la branchie, mais c’est une branchie singulière. C’est une double membrane formée par un repli de la tunique intérieure , et fixée d’une part en /, à la partie dorsale et tout près de la bouche , de l’autre en n , à la partie ventrale, derrière la dernière grande bande musculaire a'. Le bord supérieur de cette espèce de mésentère, est garni d’une infinité de petits vaisseaux transverses tous parallèles entre eux, ce qui rappelle parfaitement la structure des branchies dans les acéphales ordinaires ou coquillages bi- valves. Seulement dans ceux-ci il y a quatre feuillets bran- chiaux , et dans nos biphores il n’y en a qu’un seul. On verra par la suite une autre modification de cet organe dans les ascidies. Il y a vers l’extrémité u , un petit cercle irrégulier , vas- culaire ou nerveux que j’ai pris long-temps pour une ou- verture, et que je supposois conduire dans l’intérieur de la branchie, mais je ne l’ai point trouvé percé , et il m’a été impossible d’y introduire le sou fie. De l’extrémité l de la série des petits vaisseaux, il en part un plus grand z, qui reçoit sans doute le fluide qui a circulé dans la branchie. Il traverse sous la bouche, et va gagner le coeur situé au côté gauche, en cf. Ce cœur est mince, en forme de fuseau , en- veloppé dans son péricarde, et l’un et l’autre sont si trans- 4. 48 37O ANNALES DU MUSEUM parens, qu’on a toutes les peines du monde à les voir; mais sa nature de cœur n’est pas douteuse, car M. Pérou en a observé les pulsations sur l’animal vivant ; il en a vu sortir un sang un peu jaunâtre. Il paroît que le cœur ayant reçu le fluide qu’il a respiré, le distribue au corps , et sur- tout aux viscères; on revoit un vaisseau sortir vers A, de la masse des viscères, et se reporter vers l’extrémité n, de la branchie. Il est probable que c’est l’artère pulmonaire ; mais tontes ces parties étant si frêles et si transparentes qu’il est impossible de les injecter, ni d’y voir des valvules s’il y en a, on ne peut rien donner comme absolument certain à l’égard de la marche de la circulation. La bouche u, fig. 2 , est une ouverture ronde dont les bords sont lâches et plissés; elle est située à l’origine supé- rieure de la branchie, vers le côté par où l’eau sort du corps. Lorsqu’on y souffle, on remplit restomac et le canal in- testinal. L’estomac C est dirigé en sens contraire du reste du canal; c’est un cul de sac , situé précisément dans l’épaisseur de la protubérance arrondie b, fig. 1, de la tunique exté- rieure. Il est membraneux, transparent, et contient d’or- dinaire un peu d’une humeur grisâtre. Le canal intestinal, ^ est un hoyau tout simple, partant de la bouche, et allant directement vers la partie postérieure où il s’ouvre en un anus assez large , vr. Les matières contenues dans cette portion du canal sont verdâtres et filamenteuses. La seule partie qui puisse être le foie, est celle marquée 63 ; mais son tissu est différent de celui que ce viscère a ordinairement* Elle est composée comme de gros filamens d’ HISTOIRE NATURELLE. 571 rangés parallèlement ; sa couleur d’un blanc opaque n’est pas non plus celle qu’on voit à la plupart des foies. Cepen- dant l’analogie me force à lui en supposer les fonctions. Elle se termine en arrière en un petit filet pointu Z. Tous ces viscères, estomac, foie, coeur, intestin, sont situés en dehors de la tunique intérieure, au-dessus d’elle, sous l’extérieure et dans la position de la fîg. 3 5 ils sont re- couverts par la première. On remarque encore de ce côté dorsal, et parallèlement à ce paquet de viscères, une fente longitudinale ou plutôt un repli creux de la tunique intérieure , qui con- tient plusieurs rides; lorsqu’on en écarte les bords, on y voit plusieurs petits filamens blanchâtres et courts, sem- blables à de petits vers qui y reposent librement et sans y être attachés ; on peut aisément les extraire : j’ignore ce qu’ils sont; peut-être sont-ce des oeufs. Enfin le dernièr viscère qui nous reste à décrire, con- siste en deux corps oblongs, situés aussi entre la tunique intérieure et l’extérieure, mais à l’opposite des viscères précédens . c’est-à-dire , au côté ventral du corps. Ils s’étendent depuis la bande musculaires, jusqu’à la bande v , et sont parallèles entre eux et à l’axe du corps. On les voit en A la loupe on voit qu’ils consistent chacun en un ci- lindre replié en zic-zac, d’une substance grenue, et je ne doute pas que ce 11e soient les ovaires. On voit qu’il 11e manque plus que le système nerveux pour connoître parfaitement les caractères organiques de cet animal, mais on a été si long- temps à découvrir ce système dans les autres acéphales , que l’on peut bien 48* d’histoire naturelle. croire à son existence dans ceux-ci, quoiqu’on ne l’ait pas encore vu. Toutes leurs parties sont si transparentes, que je ne serois peut-être pas parvenu à découvrir même celles que j’ai décrites, si l’analogie ne m’avoit guidé ; il n’y a donc rien d’étonnant à ce que le système nerveux, qui est toujours le plus difficile à voir, ne s’y soit point manifesté. Je n’ai pas besoin d’insister sur la place de l’animal dans le système : une branchie, un coeur, un foie; voilà bien un mollusque : le corps enveloppé dans un sac , point de tête saillante , pour toute branche un trou conduisant directe- ment à l’estomac ; voilà bien un mollusque acéphale ; au reste, les espèces suivantes nous conduisent encore plus di- rectement à cette famille. En comparant cet animal avec les trois thalia de Brown , il est impossible d’en méconnoîlre l’analogie; même forme générale ; mêmes ouvertures aux deux bouts; même pro- tubérance sur une extrémité; même crête sur l’autre. En examinant plus particulièrement la troisième figure, on est sur-tout tenté de la prendre pour une image grossière de notre espèce ; car quoique la phrase qui s’y rapporte dise qu’elle est destituée de crête et de queue, c’est-à-dire, de ce que nous appelons crête et protubérance , on y voit ce- pendant l’une et l’autre quoique plus petites que dans la pre- mière figure, et à peu près dans la même proportion que dans la nôtre. De plus, les lignes que cette figure exprime, répondent à celles que forment dans la nôtre les viscères supérieurs et les deux ovaires. Il ne manque donc que les bandes musculaires; mais le dessinateur de Brown peut fort bien les avoir négligées ; car il paroît , d’après les des- sins en couleurs faits sur nature vivante par les peintres de d’ HISTOIRE NATURELLE. ZqZ l’expédition j qu’elles sont très-peu apparentes dans les in- dividus frais , même dans des espèces où l’immersion dans l’esprit-de-vin les rend encore plus opaques et plus brunes que dans celle-ci. Elles ne feroient d’ailleurs au plus qu’une différence spécifique, et non une générique. Quant aux rapports de notre animal avec les scdpa de Forskaohl en général , ils ne sont pas moins apparens. Par exemple, la grande figure que cet auteur donne de son salpa gigantea , offre les mêmes deux ouvertures dont une coupée en travers; le même organe branchial oblique et strié, la même ligne opaque, répondant au sillon du dos. Elle ne diffère que par les deux pointes, situées l’une sur l’ouver- ture postérieure , l’autre sur l’antérieure , et par ce que Forskaohl nomme nucléus lequel n’est qu’un autre arrange- ment des viscères; et il est clair que ce ne sont là que dés différences spécifiques. Nous retrouverons d’ailleurs des con- formations analogues dans les espèces suivantes. Il y a plus, c’est que si l’on ne s’arrête point aux mau- vaises figures d e Forskaohl, mais qu’on lise avec attention ses descriptions, on trouvera que son salpa pinnata doit avoir extrêmement ressemblé à celui-ci. Il ne lui donne point de noyau comme aux autres, mais deux lignes régnant le long du dos , dont l’une jaune , ( l’intestin ) ; X autre blanche , et commençant moinsprès de la bouche ( c’est-à-dire , selon notre manière de voir , se por~ tant moins près de l’ouverture postérieure que Forskaohl prenoit pour la bouche; c’est ce que nous appelons le foie). Puis en- dessous de chaque côté une ligne, violette beaucoup plus courte que la dorsale ( ce sont liés deux ovaires ). Il décrit ensuite la branchie et la nageoire située près de la «374 ANNALES DU MUSEUM bouche ; ( c’est-à-dire, toujours de l’ouverture postérieure), et variant en grandeur et en figure ; seulement il ne parle point des bandes musculaires , mais j’ai déjà dit qu’elles sont peu visibles, et que dans quelques circonstances elles peu- vent ne Tètre pas du tout. Forskaohl parle ensuite d’une variété dont les lignes laté- rales étoient plus longues et interrojjipues. Je crois aussi avoir vu un individu auquel cette phrase convient, et même dans une circonstance très-semblable à celle où Forskaohl paroît l’avoir vu ; car c’est à son article qu’il dit qu on trouve quelquefois de petits salpa dans l'intérieur des gj'ands, y nageant librement. Mon petit individu étoit dans l’intérieur d’un salpa de l’espèce dont je traite actuellement, mais il y adhéroit vers l’extrémité antérieure de l’un des ovaires. Je l’ai représenté , fig. 11 , de grandeur naturelle. On voit les lignes latérales interrompues, et les premiers vestiges de muscles transverses. L’estomac C est beaucoup plus grand à proportion , et l’on voit en un corps arrondi, rougeâtre dont les autres individus, tant de l’espèce ac- tuelle que des suivantes, ne nous offrent point l’analogue. C’estpar là qu’il adhéroit à l’animal dans lequel je l’ai trouvé, et le pédicule par lequel il tenoit, a été rompu en X. Cette espèce de biphore seroit-elle vivipare ? Ce petit individu seroit-il son fétus? Ce corp rond ? seroit-il un organe ser- vant uniquement pendant le temps de la gestation pour établir l’union entre la mère et son petit, et qui Feffaceroit ensuite ? On sent bien que des observations ultérieures pourront seules répondre à toutes ces questions. d’ HISTOIRE NATURELLE. Espèce IL* SALPA TÏLESII. La seconde espèce portera le- nom de celui qui l’a décrite le premier , quoique sa description ne soit rien moins qu’exacte. On là voit, fig. 5 ; mais pour la comparer avec la précé- dente, il faut remarquer qu’elle est représentée du côté droit, et que la fig. 1 est du côté gauche. On voit cette seconde espèce ouverte, fig-. 6. les lettres de ces deux ligures 5 et 6 ont les memes significations que les correspondantes des ligures 1 et 5. Ce salpa tilesii a comme l’autre une double enveloppe ; son ouverture postérieure est de même en gueule, et sa lèvre supérieure se réfléchit aussi pour former une valvule. L’ouverture antérieure , i, h y est un peu plus conique, et les muscles dont elle est garnie sont disposés en deux ligures de plumes fort régulières. À, À. Les autres musclés du corps sont aussi très-dilférens de ceux de la première espèce. Us formcnt-six bandes B, C, D , E, F , G, presque parallèles, excepté les 5.e, 4.e et 5.e, D, E , F, qui sont un peu en rayons de cercle. Toutes ces bandes sont interrompues dans leur partie moyenne ou ven- trale, et aucune ne remonte au-delà du milieu de la hauteur du corps. La première B est un peu fourchue. La dernière G donne quelques branches dans la lèvre inférieure, et va se joindre vers l’angle des lèvres à un paquet rayonnant d’autres bandes qui se perdent dans la lèvre supérieure. L’enveloppe extérieure est plus dure que dans l’espèce J76 ANNALES DU MUSEUM précédente. La protubérance b qui enveloppe l’estomac et le foie est surtout d’une dureté tout-à-fait cartilagineuse , sans être pour cela moins transparente que le reste. De petites épines cartilagineuses sont répandues sur divers endroits de cette enveloppe. Il y en a plusieurs sur la pro- tubérance b , il yen a aussi un assez grand nombre sur toute la face inférieure du corps. Il y a de plus à différens endroits de petites tumeurs per- cées d’une fente. Six sont placées assez régulièrement sous la partie ventrale. M. Tilesius leur a donné le nom de spircicula. Il y en a aussi une sur la petite protubérance située sur l’ouverture postérieure. Cette protubérance rem- place la crête de l’espèce précédente , mais on ne voit point dans l’intérieur de celle-ci les deux organes que j’ai pris pour des ovaires dans l’autre. La brancbie l , m, n, l’anneau irrégulier qui la ter- mine en arrière, n , le coeur avec son péricarde eT, n’offrent rien de différent de ce qu’on voit dans l’espèce précédente; la bouche ** est placée au même endroit, mais les viscères de la digestion sont autrement configurés. Ils sont ramassés en une seule masse ovale, % composée du foie, et des cir- convolutions de l’intestin. Celui-ci fait deux tours de spi- rale, et se termine subitement à l’anus *■ , près de l’origine de la brancbie ; l’anus est donc placé tout autrement que dans la première espèce ; et tout l’espace qui règne entre la masse des viscères digestifs et l’extrémité postérieure du corps n’est occupée que par le sillon c3_ , °3', M. Tilesius qui a observé cette espèce vivante , dit qu’elle est transparente, et que de loin elle paroît d’un beau bleu de ciel avec les reflets de l’Iris; que le globe de ses viscères b’ histoire naturelle. 377 est d’un rouge ardent, et qu’elle répand la nuit une forte lueurphosphorique. Cette dernière faculté est attribuée par M. Péron à la plupart des espèces. Ses mouvemens sont très-lents, et ses signes de vie très-foibles. Quelques indivi- dus se rapprochoient et s’attachoient ensemble par paires. Il leur sortoit du corps, par l’ouverture que je nomme anté- rieure, mais à laquelle, comme presque tous les auteurs, M. Tllesius donne le nom contraire, faute d’avoir remarqué la véritable bouche , de longs filamens jaunâtresqui peuvent se retirer en dedans. Il paroît qu’ils ont quelque rapport avec la génération. M. Tllesius semble croire que la masse des viscères ou le noyau en est entièrement composé, en quoi il se trompe évidemment. Sa description des viscères est ttrès-obscure , et a tenu à ses mauvais moyens anatomiques. Il trouva dans l’intérieur plusieurs petits animaux marins. M. Tllesius termine son article en rapportant qu’ayant consulté ses amis sur le genre dans lequel cet animal devoit être placé, ils jugèrent, après une longue discus- sion que c’étoit un tethys. Mes lecteurs voient sans doute suffisamment que c’est un salpa. En lisant mon mémoire sur les tethys , its seront encore plus convaincus que l’animal de M. Tllesius n’en est pas un , car les tethys de Linnæus , le fimbrla de Bohatsch , etc. sont de vrais gastéropodes très* voisins des limaces . Espèce III. SALPA SCUTIGERA. La troisième espèce me paroît nouvelle. Les figures 4 et 5 la représentent. 4. 49 678 ANNALES DÎT MUSÉUM Ses deux enveloppes, ses deux ouvertures, sa branchie son cœur sont comme dans les deux précédentes. Ses vis- cères sont réunis, comme dans la dernière , en une masse ovale, protégée par une proéminence cartilagineuse et dure, mais moins avancée du côté de l’ouverture antérieure, et dépourvue d’épines ainsi que tout les reste de la surface. Néanmoins cette espèce a trois caractères dont deux très- particuliers. D’abord ses bandes musculeuses sont moins nombreuses ; il y en a au milieu quatre , rapprochées dans leur partie moyenne , et représentant des X ; puis on en voit quelques autres petites vers les deux ouvertures. Le second caractère consiste dans un viscère marqué O dans les deux ligures ; il est placé au-dessus de la masse du foie et des boyaux; contourné en portion de cercle, in- terrompue vers le côté droit , et sa structure consiste en petits lobes, ou mieux en petites lames comme enfilées à la suite les unes des autres ; et qui semblent autant de petites capsules. La ressemblance de cet organe avec les ovaires de cer- tains mollusques gastéropodes, que je décrirai ailleurs, me fait lui attribuer les mêmes fonctions. Forskciojil semble in- diquer quelque chose de semblable à l’article de son salpa fasciata , en ces termes : suprà nucleum , quasi intestinum parvum , filiforme Iran s versé striata ni ; primo curvatum , dein apice incurvum magis , longitudine unguis. M. Pérou m’a non-seulement confirmé dans l’idée que c’étoit là l’ovaire , mais il a observé que les biphores le rendent tout entier , et il croit que les petits biphores qu’il contient restent unis pendant long-temps comme ilsl’étoient d’ HISTOIRE NATURELLE. 879 dans l’ovaire, et que c’est là l’origine de ces chaînes de biplioressi remarquables. A un certain âge, ces animaux se séparent, dit M. Pérou, car tous les grands individus sont solitaires. Enfin ce qui achève de distinguer cette espèce, c’est un amas de petits grains bruns formant un disque ovale , dans l’épaisseur de la protubérance transparente , au - dessus des viscères de la digestion et de l’ovaire. Est-ce un premier germe ou vestige de coquille ? sont-ce les oeufs avant qu’ils entrent dans ce viscère que nous avons nommé ovaire, et qui ne seroit alors qu’un très-singnlier oviductus. Cette dernière conjecture prend quelque vraisemblance, de ce que dans quatre individus que j’ai observés, ceux qui avoient le boyau strié plus gonflé , avoient cet amas plus petit, et l’un d’eux même ne l’a voit presque pas apparent. On voit facilement que cette espèce est très- voisine de celle nommée salpa gïbba , par M. Bosc , Hist. nat. des vers. II, 178, pl. 20. fig. 5. Il ne manque à la nôtre pour ressembler à celle-ci, qu’une saillie pointue au-dessus de l’ouverture postérieure. Il fautremarquerque M. Bosc qui a pris comme Borshaohl cette ouverture postérieure pour la bouche , a donné à la saillie qui est au-dessus, le nom de front , mais très-improprement. Espèce I Y. SALPA OCTOFORA. La quatrième espèce, fig. 7, est très-différente des précé- dentes pour la forme générale. Elle varie davantage pour 4g * 58o ANNALES DU M U S É U M la grandeur., et il y en a des individus deux fois plusgrands que celui que j’ai représenté. Le corps est ovoïde; la partie étroite de l’œuf est vers l’ouverture postérieure; la partie large est en avant ; mais ici l’ouverture?, h, n’est pas terminale; elle est à la face inférieure du corps ; c’est la protubérance cartilagineuse, b b , qui forme la partie large et arrondie de l’œuf. Cette pro- tubérance est ici très-grande et en forme de demi-sphère. Elle contient dans son centre la masse «, des viscères digestifs, qui n’a au reste rien de différent de ce qu’on voit dans les deux espèces précédentes; il en est de même de la branchie l , m , n , et du sillon

Il faut toujours se rappeler qu’il prenoit "pour anus ce que nous avons montré être 1 '"ouverture antérieure du sac, ouverture à la vérité par laquelle l’eau sort. ■ n. s#. b To Jy-*- d’ histoire naturelle. 583 MÉMOIRE Sur un gâteau de ruche d’ une Abeille des Grandes Indes , et sur les différences des Abeilles proprement dites, ou vivant en grande société 3 de V ancien continent et du nouveau . Planche L X I X. Par P. A. L A T R E I L L E. D, nombre des divisions que j’ai formées dans le genre considérable des Abeilles, apis , de Linnæus, il en est une uniquement consacrée à ceux de ces insectes qui vivent en grande société , et sont depuis des siècles l’objet de l’atten- tion de ragriculteur , du naturaliste et du ph}rsicien. Abeille domestique , ce petit animal dont les moeurs et les travaux sont encore un écueil pour le philosophe, est, le type spécial de ce groupe. Les espèces qui le com- posent conservent seules la dénomination- d’Àbeilles. Il m’a semblé que les caractères différentiels de ce groupe d’in- sectes avoient une valeur générique; mais évitant à cet égard toute discussion, et soumettant mon opinion à celle des hommes instruits, je crois pouvoir cependant assurer que cette division est à-la-fois naturelle et nécessaire. Réau- mur favoit indiquée, et certes lorsqu’on se dirige d’après les idées d’un si grand maître, on ne peut guère tomber dans l’erreur. 5S4 ANNALES DU MUSEUM Un grand nombre de voyageurs ont fait mention de plu- sieurs sortes d’Abeilles étrangères réunies aussi , comme celle de nos ruches, en grande société, et dont l’industrie tourne également au profit des peuples qui ont la même patrie que ces Abeilles ; mais ces voyageurs n’ont pas vu avec les yeux du naturaliste , soit parce que l’étude des insectes n’étant encore de leur temps que dans l’enfance , de voit être négligée relativement aux détails, soit parce que ces hommes manquoient de lumières et de zèle. Bien des années, même après le grand Linnæus, notre Abeille domes- tique s’est trouvée la seule dont l'économie admirable n’eut pas d’analogue connue. Fabricius et Olivier ont décrit, les premiers , trois à quatre abeilles qui, par les moeurs, semblent enfin devoir se ranger autour de la précédente ; je dis par les moeurs , car ces deux savans entomologistes ne nous donnent même pas, dans leurs observations sur ces espèces , des indices qui nous permettent de conjecturer que ce sont des Abeilles proprement dites. M’étant spécialement occupé de l’étude de ces insectes , j’ai pu à cet égard rassembler un plus grand nombre de faits que mes prédécesseurs. Mes regards se sont portés non seulement sur les Abeilles des deux Indes, mais encore sur celles de diffé- rentes contrées de l’Europe; j’ai comparé avec soin l’Abeille domestique de ces pays divers avec la nôtre, et j’ai eu des résultats curieux dont je me contenterai de vous offrir ici le sommaire , mon mémoire ayant un autre objet. Je déduis de mes recherches les conclusions suivantes : j .° Les Abeilles propres au nouveau continen t et qui on t le plus de ressemblance avec la noire, ont des caractères parti- culiers d’où ces insectes de l’Amérique me paroissent se d’ HISTOIRE NATURELLE. 585 rapprocher des Abeilles vivant en société moins nombreuse , connues sous les noms d '.Abeilles villageoises , de Sour- dons ; j’exposerai dans ce mémoire ces différences qui si- gnalent d’une manière spéciale les Abeilles des Indes Occi- dentales. 2.0 L’Abeille domestique des environs de Paris est essentiellement la même que celle que l’on cultive dans le plus grand nombre des départemens de la France, en Es- pagne, en Portugal, sur les côtes de Barbarie; mais Gênes nous offre une autre espèce d’Abeille domestique qui res- semble parfaitement à celle de l’Egypte, rapportée de ce pays par Savigny. Cette abeille , qui est bien une espèce nouvelle , est-elle originaire de l’Italie , ou les Liguriens la reçurent -ils des Grecs, et ceux-ci des Egyptiens? Voilà des questions sur lesquelles je n’ai pas assez de données pour répondre avec probabilité. 3.° Le Sénégal nous offre une seconde espèce inédite d’Abeille proprement dite; son habitation s’étend peut-être assez au loin dans l’intérieur de l’Afrique, et peut-être encore est-ce de cette espèce dont les voyageurs en Guinée , en Abyssinie , ont parlé. 4.° L’ïsle- de-France , les Grandes-Indes , notamment Pondichéri, le Bengale , les Moluques m’en ont fourni cinq autres es- pèces bien distinctes, dont une seule connue; je vous en- tretiendrai particulièrement de celle-ci. Le non veau continent m’en a présenté quatre, ou du moins deux bien tranchées; car il seroit possible de lie considérer les deux autres que comme des variétés d’une de ces deux. Voilà donc cette division de l’ancien genre des Abeilles accrue de plusieurs espèces nouvelles; mais je vous inpire- rois un intérêt plus vif, si j’exposois à vos yeux le fruit des travaux de ces insectes, ou du moins de quelqu’une de ces 4. 5o 586 ANNALES DU MUSEUM espèces. Il semble que la fortune a prévu vos désirset les miens. Avec les richesses entoniologiques amassées au Ben- gale par Massé et faisant partie de la collection nationale du Muséum , s’est trouvé un gâteau de ruche d’une Abeille de ces climats , et trois Abeilles proprement dites du nombre de celles qui sont propres aux Indes orientales. C’est de ce gâteau, c’est de deux de ces Abeilles que je vais parler; je vous développerai ensuite les caractères qui distinguent les Abeilles du nouveau continent de celles de l’ancien. La matière dont est composé ce gâteau paroît être de la même nature que celle des gâteaux de nos ruches; la diffé- rence dans ces matières ne doit tenir qu’à la diversité du pollen et du miel , des fleurs d’Europe , et de celles du Bengale. Les cellules sont également héxagonales, disposées de même sur deux plans, et opposées respectivement par leurs bases; mais ces cellules étant plus petites que les nôtres, leur en- semble offre un coup-d’oeil plus agréable que les gâteaux de notre Abeille domestique. Ce gâteau de ruche indienne , ou plutôt cette portion de gâteau , a une figure triangulaire ; mais ce qui le rend bien remarquable , c’est qu’un de ses coins est occupé par un grand nombre de cellules beaucoup plus grandes, moins hexagones , remplissant un espace triangulaire , et destinées peut-être à renfermer le couvain des mâles. Ce gâteau, à cet égard, est très-différent de ceux de l’Abeille domestique européenne. Je vais donner les di- mensions générales et partielles de ce gâteau de ruche in- dienne. 587 d’ HISTOIRE NATURELLE. î.® Longueur du gâteau , prise dans son milieu , en menant une ligne des grands alvéoles au milieu du côté opposé 2. ° Longueur de ce côté opposé aux. grands alvéoles, ou de la base du triangle 3. ° Epaisseur du gâteau prise sur un des bords, et dans la portion où sont les petits alvéoles 4. ° Longueur de cinquante alvéoles , d’un bord à l’autre et hors d’œuvre (i) 5. ° Hauteur de l’espace triangulaire rempli par les alvéoles les plus grands 6. ° Sa base . , 7.0 Diamètre d’un alvéole ordinaire 8.° Profondeur . g.0 Diamètre d’un grand alvéole îo.° Profondeur omet. i63. 0 190. 0 oi5 0 i48 0 o4i 0 080 0 oo3 0 009 0 o55 0 012 J’ai mesuré une longueur de quatorze alvéoles ordinaires d’un gâteau de notre Abeille domestique , prise en ligne droite, et dans un rayon dirigé du bord extérieur vers l’al- véole, destiné pour la femelle, et placé vers le milieu du gâteau : j’ai trouvé 76 millimètres ; chaque cellule a donc un diamètre de 5 millimètres, et un peu plus de ’ de mil. Le rapport des cellules de l’Abeille ouvrière de l’Inde et de celles de la nôtre sont donc, à-peu-près, comme trois est à cinq. Ainsi la longueur d’une série de dix-huit alvéoles, et I0 d’alvéole d’un gâteau de nos ruches, égale un décimètre, tandis qu’avec le gâteau de la ruche in- dienne, il faudroit, pour atteindre cette dimension, prendre la longueur de trente-trois cellules et deux tiers. L’on en doit tirer cette conséquence, que si les ruches de cette (1) Le diamètre transversal de çhaque cellule est d’un neuvième trop grand dans Le dessin que l’on en donne. 5o* 588 ANNALES DU MUSEUM espèce exotique sont de la meme grandeur que les nôtres , leur population doit être beaucoup plus considérable; car donnons à nos ruches européennes douze gâteaux ^suppo- sons que chacun d’eux réponde à une surface carrée dont chaque coté ait environ trente-six alvéoles, nous aurons 1,296 alvéoles pour une seule surface , et comme le plan opposé du gâteau ou l’autre surface en a autant, nous trou- verons que chaque gâteau a 2,692 cellules. Chaque côté d’un gâteau de notre ruche indienne étant supposé avoir la même longueur que chaque côté d’un gâteau de nos ruches d’Europe , sera formé de soixante- six cellules; élevons ce nombre au carré , et doublons à raison des deux surfaces, nous aurons 8,712 alvéoles par gâteau. La population ordinaire d’une de nos ruches étant portée à .24,000 Abeilles, celle de la ruche indienne sera donc de 80,000. Observons en outre que les essaims de cette dernière doivent être plus nombreux que ceux des nôtres, la terre dans ces climats étant sans discontinuité couverte de fleurs, et la nature y étant beaucoup plus active que dans nos contrées. J’ai dit que j’avois mesuré les alvéoles du gâteau de nos ruches, en partant du hord et gagnant le milieu du plan. L’indication de cette manière de mesurer étoit nécessaire, m’étant aperçu que la même longueur, prise dans un sens à-peu-près parallèle au bord, ou transversalement, ne ré- pondoit pas exactement à la même quantité de cellules ; ainsi les 76 millimètres qui ont servi d’élémens à mon pre- mier calcul, au lieu de ne comprendre que quatorze al- véoles, en renferment ici la moitié d’une de plus. Réaumur croyoit avoir découvert dans la constante uni- d’ HISTOIRE NATURELLE. 58c) formité de rétendue de ces cellules , un moyen de former une sorte, de mesure universelle. Une telle idée prouve que ce grand homme cherchoit toujours à utiliser les plus petits résultats. Nous avons dit, en effet, que dix-huit al- véoles et quatre dixièmes répondoient à un de nos déci- mètres; mais notre Abeille n’est pas répandue sur toute la surface du globe; il n’est pas d’ailleurs démontré que l’in- fluence de la température, changeant suivant les climats, ne puisse modifier les dimensions de ces alvéoles. J’ai vu une portion de gâteau d’une ruche de notre Abeille domes- tique transplantée à Saint-Domingue, et il m’a paru que ses cellules étoient ici un peu plus grandes que celles des gâteaux de nos ruches d’Europe. Une telle mesure ne sera jamais employée que par l’homme privé accidentellement d’une échelle comparative rigoureuse, et ce cas est extraor- dinaire. Quelle est maintenant l’Abeille à l’industrie de laquelle nous devons le gâteau de cire que je viens de vous faire connoîlre; parmi les insectes arrivés avec ce gâteau étoient trois espèces d’Aheilles, mais dont deux seules ont trait à notre discussion. Feu Riche les avoit aussi recueillies dans son voyage , sous le commandement d’Entrecasteaux. La \ première de ces deux espèces est l’Abeille indienne , A pis indica de M. Fabricius. La seconde espèce est pour moi l’A. sociale, A. socialis. La première , ou Î’A. indienne a sept millimètres de longueur, et la seconde neuf Nous avons vu que la profondeur d’un alvéole ordinaire du gâteau de la ruche indienne étoit de neuf millimètres. Comme l’on peut supposer que l’Abeille ouvrière parvenue à son der- nier période de croissance , ne remplit pas très-exactement / 3cjO ANNALES DU MUSEUM l’intérieur de l’Alvéole , l’on pourroit en déduire que lespro- por lions des cellules delà ruche indienne s’accordent mieux avec la longueur du corps de l’A. indienne, qu’avec les di- mensions de celui de l’A. sociale; mais dans l’impossibilité de prononcer à cet égard, je donnerai la description des deux espèces. 1. Abeille indienne. Apis indica. Fab. (ouvrière. ) Longueur, Omet.,007. Elle est noire , couverte en majeure partie d’un léger duvet cendré; Fabdomen est presque glabre, luisant , avec les deux premiers anneaux , et même la base du troisième d’un rouge marron. La brosse qui garnit la face interne du premier article des tarses postérieurs est d’un brun rous- sâtre. Les ailes ont des nervures brunes. Au Bengale et à Pondicheri. 2. Abeille sociale. Apis socialis. { Ouvrière) Longueur , omet-,oo9- Son corps est d’un noirâtre brun , avec des poils d’un gris obscur. Le devant de la tête a un duvet cendré ; la lèvre supérieure, les mandibules et l’écusson sont d’un brun rou- geâtre. L’abdomen est presque glabre et luisant; les trois premiers anneaux et la naissance des deux suivans sont en dessus d’un rougeâtre brun ; leur bord postérieur et les deux derniers anneaux sont d’un brun foncé; on voit à la base du second anneau et des suivans, en dessus, une petite raie grisâtre et transverse, formée par un duvet. La brosse des tarses postérieurs est d’un brun roussâtre foncé. La cote des ailes supérieures et leurs nervures sont noirâtres, Au Bengale. d’histoire naturelle. 091 Le point qu’il me reste à traiter est la différence essen- tielle que l’on observe entre les Abeilles de l’ancien conti- nent et celles du nouveau. Les recherches que j’ai faites afin de me procurer le plus grand nombre possible d’abeilles de ce genre , m’ont con- duit à en connoitre quatre de l’Amérique, ainsi que_j_e l’ai dit plus haut. Je ne cite pas notre abeille domestique que l’on y rencontre aussi, parce que les Européens l’y ont portée, et qu’elle a fini par se naturaliser dans les forêts de plusieurs parties septentrionales de ce nouveau monde. Or, ces quatre espèces d’abeilles qui lui sont propres, s’éloignent de celles d< l’ancien continent par la forme du corps, parcelles des tarses postérieurs, souvent par les mandibules, et enfin oar les nérvues des ailes. Les Abeilles de l’amien continent sont proportionnelle- ment plus alongées ; eur abdomen est plus long que le corcelet , d’une forme ovoïdo-conique , et tronqué à sa base. Dans les abeilLs du nouveau continent , cet abdo- men est à peine de lalongueur du corcelet, souvent même plus court; son plus grand diamètre transversal surpasse ou égale st longueur; sa figure est plus arrondie ; aussi les ailes supéreures paroissent-elles plus grandes; les trois petits yeux lisse , ici sont presque situés sur une même ligne trans- versale ; à ils forment le triangle, l’un d’eux étant placé au-dessas des deux autres, et faisant le sommet de ce triangbqui est renversé. Maises pattes postérieures de ces insectes nous offrent les différeres les plus sensibles. L’on sait que ces pattes sont les instumens avec lesquels ils ramassent le pollen des fleurs et le trasportent en pelotte dans la ruche. Toutes les abeilles 5cj2 annales du muséum vivant en grande société, celles dont la réunion est com- posée de trois sortes d’individus, de mâles, de femelles et d’ouvrières ou de mulets, les bourdons , en un mot, et mes abeilles proprement dites, ont toutes dans les ouvrières et les femelles ces caractères distinctifs : r.° leurs jambes pos- térieures ont leur face extérieure unie et marquée d’un en- foncement très-visible à son extrémité; cette face est bordée de poils dans son contour; cette pièce est la palette trian- gulaire de Réaumur; son enfoncement avec les poils qui sont autour peut être nommé avec lii , la corbeille. 2.0 Le premier article des tarses de ces patt«s est très-grand, fort comprimé , en carré long et garni su; la face interne d’un duvet très-court, très-serré ; c’est la Irosse de Réaumur; la face extérieure est aussi concave à ia base ; mais dans les abeilles ouvrières proprement dites la brosse est formée de plusieurs rangs transversaux et pirallèles , ce qui la fait paroître striée; près de l’angle extérieur de la base de cette pièce est un petit sinus, et l’angle ensuite se prolonge un peu en une petite pointe que Kirby appelle oreillète , au- ricula. Dans les abeilles du nouveau continent cette brosse n’est pas striée ; ce premier ar ide du arse n’a ni sinus ni oreillète ; par ce défaut de stries à la irosse , ces dernières abeilles sont plus voisines des bourdonsque de nos abeilles. Les crochets qui terminent le dernier cticle des tarses des abeilles ouvrières de l’Amérique n’ontooint de dentelures ; ils en ont chacun une dans les abeilh de l’an- cien continent et dans les bourdons. Les abeilles de l’ancien continent ont à leurs aes supé- rieures une petite aréole étroite, alongée, obîiqi, située immédiatement sous la grande aréole qui est à la 5 te et au d’ HISTOIRE NATURELLE. 5q3 bout de ces ailes ; dans les abeilles de l’Amérique , cette pe- petite aréole oblique ne se voit point; à peine croit-on en découvrir les vestiges d’une , et cette foible aréole est trian- gulaire. Les mandibules de ces derniers insectes sont à-peu-près conformées de la même manière que celles de nos abeilles ; mais celle qu’Olivier a décrite sous le nom d ' Amalthèe s et deux autres qui en sont très-voisines ont ces parties denti- culées à leur extrémité. L’A. ruchaire, A.fcivosa n’a point ce caractère. De cette diversité d’organisation des abeilles de l’ancien et du nouveau monde, l’on peut présumer qu’il y a une dif- férence plus ou moins grande dans leur industrie. Les ou- vrages des abeilles villageoises de Réaumur, ou desbourdons, étant moins parfaits que ceux de notre abeille domestique, et les abeilles de l’Amérique se rapprochant , sous plusieurs points, des bourdons, leurs travaux doivent aussi participer davantage de ceux des derniers. L’abeille ruchaire (fa vosci) 11’ayant point ses mandibules dentées et propres à arracher des portions d’écorce de bois, ne peut guère se construire de ruche ou d’enveloppe qui renferme les productions de son industrie et les germes de sa postérité ; elle nidifie dans les troncs d’arbres creux , dans les fentes des rochers ; mais l’abeille amcdbhèe ayant au contraire ses mandibules den- telées , pourra , de même que les guêpes cartonnières, déta- cher des arbres des matières dont elle composera une pâte qu’elle façonnera et qui sera la maison où elle établira ses ateliers , et où elle nourrira scs petits. Et en effet , cette abeille , au rapport de Renaud ( Olivier , En- cjcl. mèth. Abeille Amalthée ) , se construit au sommet 4. 5i des arbres lin nid en forme de cornemuse. Pison dit aussi que les abeilles eirlcu qui sont plus grandes, qui ne piquent pas et qui font un bon miel, quoique n’étant pas d’un usage journalier , font leurs nids dans le creux des arbres; que les abeilles eixu copii , plus petites et noirâtres , fixent leur ruche , disposée en rayons comme les nôtres, après l’écorce des arbres. Ces gâteaux sont formés de cire blanche , et le miel que l’on en retire est excellent. Les abeilles munbuca sont petites, jaunes, et nidifient aussi dans les arbres; leur miel est de peu de valeur. Je décrirai dans un autre mémoire les autres espèces d’abeilles proprement dites. Planche LXIX. Explication des figures . Fig. l. Portion de gâteau d’une ruche indienne , de grandeur naturelle; a, a , alvéoles ordinaires ou ceux d’ouvrières ; b , alvéoles plus grands , ceux des inâles. Fig. 2. Coupe d’un morceau de ce gâteau ; a, a , alvéoles ordinaires; b , b , al- véoles plus grands des mâles. Fig. 3. Abeille indienne , ouvrière, de grandeur naturelle. Fig. 4. Abeille sociale , ouvrière, de grandeur naturelle. Fig. 5. patte postérieure et grossie de V Abeille domestique d’Europe, ouvrière ; fl, la jambe , la palette triangulaire ; b , premier article du tarse vu du côté delà brosse; cette partie est striée transversalement ; c , oreillète ; d, d , crochets uni- dentés. Fig. 6. Patte postérieure et grossie de l’ Abeille' ruchaire ( favosa , Fab. ); fl, la jambe, la palette triangulaire ; b le premier article du tarse vu du côté de la brosse; cette brosse n’a pas de stries; c , rétrécissement ; d,d, crochets simples ou sans dentelures. Fig. 7 . Aile supérieure et amplifiée de V Abeille domestique d’Europe, ouvrière; a, aréole terminale et située à la côte ; b , aréole étroite et oblique située sous la précédente. Fig, 8. Aile supérieure et amplifiée de X Abeille ruchaire ( favosa. Fab. ) ; fl , aréole terminale et située à la côte ; b , aréole peu apparente et triangulaire. d’ histoire naturellf. 595 DE LA VÉGÉTATION SUR LES MONTAGNES. Pau M. R A M O N D. La première chose qui frappe l’observateur des plantes, à l’entrée des hautes montagnes de nos régions tempérées, c’est la vigueur et le luxe de la végétation. Tout ce qu’il a vu dans les plaines adjacentes , a subitement changé de dimensions, d’aspect et de forme. Il reconnoît à peine les plantes les plus communes sous la nouvelle parure qu’elles ont revêtue. Les tiges se sont élevées, les fleurs se sont agrandies, les feuilles même des arbres ont acquis une ampleur qui laisse souvent en doute sur l’identité des espèces. Les ombrages sont plus touffus, les gazons plus serrés et plus garnis; un verd plus vif, plus tendre, plus brillant anime et colore tout, depuis les profondeurs des vallées jusqu’à ces hauteurs où l’oeil ne discerne plus que des rochers nuds et des neiges éternelles. Ainsi, douées d’une vigueur de végétation, ailleurs in- connue, les plantes tendent avec plus d’énergie à parcourir les périodes de leur existence. Le tems qui en règle les époques, le tems se traîne dans nos plaines; dans les montagnes il vole. Tout se presse avec lui; les météores se succèdent avec une extrême rapidité ; l’air est dans une continuelle agitation. Toutes les causes déterminantes agis- sent à-la-fois de toute leur puissance. Le signal de la germi- 5i * N ANNALES DU MUSEUM nation, de la floraison, de la fructification est donné en même tems à tous les individus places dans les mêmes conditions. La décoration des prés, des gazons, des forêts change subitement au gré d’un souffle du vent du sud , d’une ondée, d’un ouragan, d’un coup de soleil qui affecte égale- ment la totalité de telle ou telle espèce, et chaque jour de la belle saison est le printems d’un ordre de végétaux ou d’une des régions qu’ils habitent. A ce premier coup d’oeil, un second succède. Que l’on parcoure les montagnes et les vallées: chaque site a son sol et chaque région son climat. De ces régions diverses , cha- cune a ses productions particulières, chacune a ses végétaux caractéristiques, qui se distinguent dans le nombre de ces plantes cosmopolites, dont le tempérament plus robuste ou plus flexible semble se prêter à tous les sols, et triompher de tous les climats. Dans les plaines, ces végétations locales occupent des espaces immenses, dont les limites elles-mêmes sont trop étendues et trop indécises pour être aisément per- ceptibles. Dans les montagnes, au contraire, tout se confine dans d’étroits circuits que l’oeil embrasse souvent en entier. Une humble colline prolongée entre deux vallons, une arrête de rochers , quelques degrés que le voyageur parcourt en quelques instans, telles sont les barrières à jamais insur- montables que la nature a élevées entre ce qu’il lui a plu de séparer. Dans ces diverses causes de séparation , une cause plus apparente semble d’abord régir toutes les autres : c’est l’élé- vation relative des divers étages des montagnes. Chaque centaine de mètres de hauteur abaisse la température d’environ un demi-degré de la division commune de nos thermomètres. Et si l’on prend pour terme du refroidisse- ment, celui qui exclut généralement la présence de la végé- d’ HISTOIRE NATURELLE. 897 talion , les glaces éternelles dont les sommités sont chargées , représenteront les glaces également éternelles dont le pôle est couvert, et chaque centaine de mètres d’élévation ver- ticale correspondra à un degré de la distance de la montagne au pôle. C’est sur cette courte échelle que se resserrent et se pres- sent les phénomènes des climats qui se succèdent à la surface de la terre. Les circonstances sont différentes : les résultats sont à-peu-près les mêmes. D’un côté, le refroidissement est accompagné du raccourcissement de la colonne d’air; de l’autre , il l’est de l’obliquité des rayons du soleil. Les végétaux n’en sont pas moins distribués d’une manière à-peu- près semblable , et cette conformité nous apprendà exclure du nombre des causes qui agissent sur cette distribution, celles qui ne sont point communes aux deux échelles sur lesquelles la nature l’a exécutée. Ainsi, dans les Alpes et les Pyrénées, les arbres s’arrêtent vers 24oo à 2000 mètres d’élévation absolue, comme ils font vers le yo.e degré de latitude ; et la bande des montagnes que ces grands végétaux occupent, se partage en autant de bandes particulières, qu’ils constituent eux-mêmes des genres différens. Les chênes demeurent dans les fonds. Le hêtre s’emparè des hauteurs moyennes. Au-dessus s’étendent les sapins et les ifs qui font place bientôt aux pins, et ces pins sont ceux d’Ecosse et de Riga dans les Pyrénées comme dans les Alpes, tandis que cette dernière chaîne possède de plus le cembro et le mélèse qui sont étrangers à la première, comme elle manque elle-même du cèdre qui croît dans le Li- ban, et qui prospéreroit sans doute également sur nos mon- tagnes d’Europe , si la nature le leur avoit confié comme aux montagnes de l’Asie. Mais tel est le mystère de la dissémina- tion originaire des végétaux, que la nature semble indiffé- ANNALES DU MUSEUM rente tour-à-tour à la similitude des lieux et aux distances qui les séparent; tantôt rappelant dans les climats pareils ïes plantes des contrées les plus éloignées , et tantôt refusant cette conformité de productions à des régions qui réunissent toutes les conformités du sol et de la température. Dans la zone des arbres , se montre un arbrisseau com- mun à toutes les montagnes de l’Europe, et qui leur est en même tems particulier. Il n’en sort point. Indocile à la cul- ture, il languit dans nos jardins.il lui faut le sol, l’air , les eaux , les neiges de sa patrie ; il lui faut les montagnes, et là même il lui faut une situation particulière et déterminée : c’est le Rhododendron. Rien n’est brillant comme cet ar- buste en fleur, mais rien n’est à ce point intraitable et délicat. Il paroît dans les Pyrénées à 1600 mètres juste de hauteur absolue. Il s’arrête à 2600 juste. Mais entre les li- mites où il s’est confiné, il est si abondant et si vigoureux, qu’il seroit presque aussi difficile de l’y extirper, que de l’en faire sortir. Le genévrier traverse cette bande et la laisse bien en arrière. Je l’ai trouvé jusqu’à 2900 mètres au-dessus du ni- veau de la mer; mais à chaque étage où il s’élève, il perd quelque chose des traits qui le distinguent dans nos plaines. Dans la haute région, c’est le genévrier de la Suède etdela Laponie, bas, étalé, couché, son tronc rampe à terre pour aller chercher un abri entre les quartiers de roche qui se trouvent à sa portée. Là, conduit par la nature comme il le seroit par l’instinct, il cherche, il trouve, sans se tromper jamais , les faces des rochers qui sont exposées au midi ou au couchant , se soulève contre elles et y étale ses rameaux en espalier, avec une régularité que l’art atteindroit à peine. Plus haut , la rigueur du climat ne souffre plus que des sous -arbrisseaux que les premières neiges peuvent couvrir tout entiers. Encore plus haut , cet ah ri même est insuffisant contre l’âpreté du froid et la longueur des hivers : rien ne subsiste que ce que la terre renferme ; il n’y a plus que des herbes à racine vivace , et la nature a presque’entièrement banni de ces lieux les plantes annuelles qui tromperoient son espérance , lorsque dans le cours d’un été réduit à quel- ques jours et souvent à quelques heures, un coup de vent, un brouillard peut flétrir les fleurs à peine épanouies, ra- mener l’hiver, et terminer l’année. Aucune élévation , au contraire, n’arrête ces espèces vi- vaces qui, aux approches des grands froids, restent tout en- tières sous le double abri de la neige et de la terre , et re- naissent de leurs racines aux premiers beaux jours. Leur durée épuise toutes les chances des saisons pour atteindre tôt ou tard l’année favorable à la maturation des semences qui doivent les renouveler. La zone végétale n’a réellement d’autres limites que celles de la terre. Le Pic du midi est élevé de 5ooo mètres. J’y suis monté vingt-six fois , et jamais je n’y ai vu le thermomètre au tempéré. Là, sur un rocher nu, j’ai trouvé quarante- huit espèces de plantes phanérogames dont une seule annuelle que peut-être je n’y retrouverai plus. A Néouvieîle , à une élévation qui excède celle du Pic du midi de 25o mètres, et où le thermomètre ne monte en été qu’à huit degrés, j’ai recueilli en cinq voyages douze espèces toutes vivaces. Au sommet du Mont-Perdu, à 35oo mètres d’élévation ab- solue, au sein même des neiges permanentes, mais sur des rochers que l’inclinaison de leur pente en avoit déba- rassés, j’ai recueilli six espèces toutes très- vigoureuses. Ici dans une des journées les plus chaudes d’une année remar- quable pour sa chaleur, le thermomètre ne montoit qu’à 400 ANNALES DU MUSEUM 5.°5 au-dessus du terme delà congélation, et il descend cer- tainement en hiver à 25 et 3o ; et ces plantes que j’ai trou- vées ici découvertes dans une année où les neiges avoient subi une diminution extraordinaire, est-il certain même qu’elles s’en dégagent tous les ans? Ailleurs , j’en ai vu re- paroître qui subsistant sur la lisière des neiges permanentes, demeurent presque toujours ensevelies sous leurs extensions. Elles ne voyent peut-être pas le jour dix fois en un siècle, et parcourent alors le cercle de la végétation dans le court espace de quelques semaines , pour se rendormir aussitôt dans un hiver de plusieurs années. Des plantes soumises à des conditions d’existence aussi singulières , on ne s’attendra point à les retrouver au nombre des espèces que nous observons dans les plaines de nos climats tempérés ; ou bien elles appartiennent ex- clusivement aux plus hautes sommités des montagnes, ou bien elles se représentent uniquement dans les contrée polaires de l’Europe. C’est la Norwège, c’est .la Laponie, c’est le Groenland qui fournissent les analogues des plantes qui croissent a la cime des Alpes et de Pyrénées. Ce n’est ni la Sibérie ni le Kamtschatka, et ce ne sont pas plus les contrées polaires de l’Amérique que celles de l’Asie, quoi- qu’il soit aussi mal aisé de concevoir la diversité qui règne entre les productions végétales de contrées si semblables et si voisines, qu’il est difficile d’expliquer la conformité qui existe entre la végétation de l’une d’elles et celle de quel- ques sommités de montagnes qui en sont éloignées de4o deg. Mais l’observation apprend que la propagation des vé- gétaux ne s’est pas toujours faite parallèlement à l’équateur; que si un certain nombre de plantes, confinées par leur tem- péramment dans un climat déterminé, se retrouvent jus- qu’à quelque distance sous les mêmes latitudes, beaucoup d’histoire naturelle. 4oi d’autres , au contraire, semblent avoir été entraînées dans le sens où nos continens se séparent, et s’ètre répandues dans la direction- des méridiens. Au sud , l’Amérique , l’Afrique et l’Asie ; au nord , l’Europe, l’Asie et l’Amérique sont bien loin d’offrir la même végétation sur les mêmes parallèles, tandis qu’une multitude de plantes, fidèles à chacune de ces parties du monde , fidèles même à certaines subdivisions de ces grandes divisions, bravent tous les ob- stacles que la diversité des températures leur opposent, pour se propager dans un sens absolument contraire à celui où la conformité des climats les appelle. Et pour ne point sortir du sujet qui nous occupe, c’est ainsi, par exemple, que plusieurs végétaux remarquables de la Sardaigne , de la Sicile, de l’Italie, remontent les Alpes, les franchissent , et vont se répandre jusque dans la basse Allemagne, sans se livrer aux invitations du climat qui les porteroit de notre coté. C’est ainsi encore que les Py- rénées reçoivent de l’Espagne un grand nombre de plantes de la Barbarie et les rendent à la France occidentale. La Mérendere qui croît au nord de l’Afrique , se montre dans l’Andalousie, la Castille, l’Arragon, les Pyrénées , et des- cend jusqu’au département des Landes. La Jacinte tardive y le Narcisse bulbocode ont la même origine, et suivent la même route. IJ Nnthèric bicolore , parti d’Alger, traverse la même chaîne, et arrive jusqu’en Anjou. La Scille à ombelles , le Safran multifide vont des Pyrénées jusqu’en Angleterre, sans qu’aucune de ces plantes se porte latéra- lement à la rencontre de celles que les Alpes reçoivent de même du midi pour les rendre aux parties septentrionalesdcs pays germaniques. Mais c’est dans les grandes vallées des Py- rénées, dans ces vallées toutes creusées du nord au sud, que 4. 52 4 02 ANNALES DIT MUSEUM ces directions prennent un caractère tout-à-fait frappant et singulier. Je trouve le grand œillet frangé ( Dianthus superbus ) à l’entrée de la vallée de Campan et de Gavarnie. Il les parcourt tout entières sans s’engager dans aucune des vallées obliques qui y débouchent. Le J^erbascum inyconi , cette belle et rare plante qui n’appartient ni au genre où Linné l’a placée , ni peut-être même à aucune famille do plantes actuellement constituée , et qui portant un air étranger au milieu de nos végétaux d’Europe, se distingue entre eux comme l’alcyon parmi nos oiseaux indigènes , le J'^erbascum myconi alfecte la même préférence pour la même direction. On le trouve dans toutes les grandes val- lées des Pyrénées où il se montre indifférent à tous les sols, à toutes les expositions ; et les mêmes sols et les mêmes ex- positions ne l’attirent dans aucune des vallées collatérales. Je citerais une foule d’exemples du même fait; il suffit d’en alléguer encore un : celui du buis. Cet arbrisseau si robuste se comporte dans les montagnes comme les arbustes les plus délicats. Sur les premiers degrés des Pyrénées , il couvre tous les coteaux tant du coté de la France que du coté de l’Espagne. Là s’ouvre n t devant 1 ui les grandes vallées orientées du nord au midi ; il s’y jette, mais c’est pour n’en plus sortir; en vain les embranchemensdeces vallées lui offrent de toutes parts d’autres valions à peupler , il franchit ces ouvertures ; et continuant sa route dans la direction qu’il a adoptée, il monte du nord au midi , s’arrête au pied de la crête de la chaîne , vers 2000 mètres d’élévation absolue , et reparois- sant de l’autre coté à la même hauteur , il descend au midi , dans cette même direction dont il a constamment refusé de s’écarter. C’est ainsi que les premiers dessins de la nature conservent d’ histoire naturelle. 4o3 des traits plus déterminés dans les montagnes, où chaque ordre de végétaux se confine entre des limites plus tranchées et plus difficiles à franchir , et où l’influence des lieux ré- siste plus puissamment à l’influence des causes secondes , qui tendent incessamment à confondre ce que les causes pre- mières avaient séparé. Et là, cependant , combien de mo- difications n’ont pas déjà introduit le laps des siècles, et sur- tout la présence de l’homme ! Je parcours les immenses déserts des hautes montagnes : tout-à-coup, parmi les plantes rares qui en composent les herbages, je reconnois quelques- unes de nos plantes triviales. La verdure prend une teinte foncée qui contraste avec le verdgai des gazons alpestres; j’avance : les débris d’une hutte , ou un rocher noirci par la fumée , m’expliquent ce mystère. Autour de cet asile de l’homme , se sont naturalisées les plantes qui environ» nent nos habitations rustiques : la mauve commune, l’ortie, le mouron des oiseaux, les chenopodes et les patiences vul- gaires, avec lesquelles se mêle la patience des Alpes, comme on voit le chamois s’approcher des chèvres domestiques. Un berger a séjourné là quelques semaines , il y a peut-être plu- sieurs années. En y conduisant ses troupeaux, il y a amené, sans le savoir , les oiseaux , les insectes de scs vallées ; il y a porté le germe des plantes de son village. Il n’y reviendra peut-être plus; mais ces sauvages contrées ont reçu en un instant l’empreinte indélébile de la domination de l’homme, tant un être de cette importance a de poids dans la balance de la nature ! Ailleurs, c’est par des destructions qu’il a signalé sa pré- sence. En abordant les montagnes, il a déchiré de toutes parts le voile immense des forêts qui en couvroient les bases. Les bois ne sont point la demeure de l’homme. II 4o4 ANNALES D U MUSEUM redoute les détours de ce vaste labyrinthe ; il en suspecte les ombres ; il y regrette le soleil, vers lequel il tourne un regard de respect et d’espérance. 11 n’y pénètre que pour y porter le fer et le feu. Le germe des plantes némorales s’endort dans une terre desséchée , qui n’est plus propre à leur développement ; d’autres végétaux les remplacent ; le climat lui-même a changé et attire de nouvelles espèces. La température s’élève , les pluies sont plus rares et plus abondantes , les vents plus inconstans et plus fougueux , les torrens , les lavanges se multiplient, les pentes se sil- lonnent de ravins , les rochers se dépouillent de la terre qui les couvroit et des plantes dont ils étoient ornés. Tout vieillit avec une rapidité croissante : un siècle de l’homme pèse sur la terre plus que vingt siècles de la nature. Et cependant c’est encore là que les lieux et leurs pro- ductions ont le plus conservé de leur caractère originaire. C’est là que la distribution primitive des végétaux a été moins troublée , que les circonscriptions sont plus forte- ment tracées , que l’influence du sol et du climat est le plus perceptible. C’est là que le rapprochement des objets en fait ressortir tour-à-tour la symétrie elles contrastes, et que l’œil peut embrasser à-la-fois tout ce qui provoque l’observation et détermine le jugement j et si c’est dans la structure des grandes chaînes de montagnes que le géolo- gue doit étudier la structure de la terre et l’histoire des grandes catastrophes qui lui ont imprimé sa dernière forme, c’est dans les montagnes aussi que le botaniste essayera de pénétrer le mystère de la dissémination originaire des végétaux et de leur propagation successive. ■4P- ■ f' 1 0771- £ ■ l'Huître tubereulée. . •*: 2e. T. la Tricorne nacrée. . • ' - : d’histoire naturelle. 4o5 EXPÉRIENCES COMPARÉES Sur V Arragonite cT Auvergne, et le Carbonate de chaux d'Islande. Par MM. FOURCROY et VAU QUE LIN. J usqu’icl la géométrie des minéraux, cette stéréotomie des solides naturels, créée et poussée presque jusqu’à ses der- nières limites par les observations et les découvertes de notre célèbre collègue M. Haüy, s’étoit toujours trouvée d’accord avec l’analyse chimique. Ce que l’une de ces sciences annonçoit , étoit constamment confirmé par l’autre; mais cet accord si intéressant qui, en montrant la certitude des principes sur lesquels reposent ces deux sciences, est si propre à leur concilier la confiance des sa- vans , semble ctre détruit aujourd’hui par un minéral nommé arragonite. La chimie, malgré le désir qu’elle a de se rencontrer avec la géométrie, n’a pu reconnoître dans cette substance que de la chaux , de l’acide carbonique et de l’eau, tandis que de son côté la minéralogie trouve que sa forme primitive, sa dureté, sa pesanteur spécifique, son tissu vitreux ne conviennent pas au carbonate de chaux ordinaire. S’il étoit généralement reconnu , s’il étoit démontré que la forme cristalline fut un caractère infaillible pour pou- 4 53 4o6 ANNALES DU MÜSÉü'm voir prononcer sur la nature des corps, la chimie devroit aujourd’hui ou se condamner au silence, ou avouer que ses moyens pour le cas présent sont entièrement illu- soires; mais quels que soient ces moyens, pour que l’on puisse en juger dans la suite, et sur- tout pour que l’on puisse en trouver de meilleurs, il nous paroît nécessaire de les exposer tels qu’ils ont été employés avec toute l’oppo- sition qu’ils présentent à la géométrie minéralogique , comme avec la discordance qu’ils établissent entre cette science si fidèle dans ses résultats, et ceux que nous ont fournis nos expériences. Peut-être aussi donneront-ils à la minéralogie l’occasion de rechercher s’il ne seroit pas pos- sible que la même substance composée pût prendre des formes primitives différentes , suivant des circonstances qui , pour nous être encore cachées, se montreront tût ou tard aux observateurs. Expérience J.ere Cent parties d’arragonite dans l’acide nitrique ont perdu pendant leur dissolution , 45 centièmes; il en est donc resté 5j dans la dissolution. Expérience II. Cent parties de carbonate de chaux pur, bien cristallisé et transparent , la variété nommée primitive, de forme rhomboïdale , et connue sous le nom de spath d’Islande, pendant leur dissolution dans l’acide nitrique , ont perdu 43 centièmes et demi : donc il en est resté b6 £ dans la dissolution. Différence entre les deux résultats, ’. d’ histoire naturelle. 407 Expérience III. Cent parties d’arragonite ont fourni par la calcination 55 centièmes de chaux ; donc 45 se sont volatilisées. „ 1 Expérience IE. Cent parties de carbonate de chaux ont donné par la calcination 56 de chaux : donc 44 de volatilisées. Différence entre les deux résultats, 1. Expérience V. Vingt grammes d’arragonite décomposés dans une cornue ont fourni, outre l’acide carbonique, une petite quantité d’eau qui s’est condensée en gouttelettes dans l’intérieur des tubes et du flacon qu’on avoit environné de glace; mais il y en avoit si peu, qu’il a été impossible de l’apprécier , le tout rassemblé n’auroit pas formé deux gouttes ordinaires. Expérience El. La même opération a été faite sur vingt grammes de carbonate de chaux; elle a de même donné des traces d’humidité qui ont paru un peu plus considérables que celles de l’arragonite , sans cependant qu’on puisse l’assurer , n’ayant pu les peser. ■* Expérience EU. La chaux laissée dans la cornue par l’arragonite pesoit 53 * 4o8 ANNALES DU MUSEUM il grammes 5o centièmes, et celle laissée par le carbonate de chaux pesoit 11 grammes 68 •centièmes; ce qui fait pour la première 58 i de chaux pour cen' , et bq pour le second. ( Di de rence i et r). Il est vrai que la chaux provenant de la décomposition du spath d Islande laissoit encore échapper quelques bulles de gaz en se dissolvant dans l’acide nitrique, tandis que celle de l’arragonite n’en pré- sentait pas la plus petite trace. Il est inutile de dire que nous avons fait beaucoup d’ex- périences sur les résidus des deux substances décomposées par le feu, et sur leurs dissolutions dans le* acides, et qu’aucune ne nous a fait apercevoir entre eux la plus lé- gère différence. Expérience EUT. Voyant que par ces expérience répétées plusieurs fois, toujours avec le même succès , nous ne pouvions acquérir aucune lumière sur la différence prétendue de ces substances^ et convaincus d’ailleurs que les légères variations tantôt en plus, tantôt en moins, ne pouvoient provenir que de la grossièreté de nos instriunens et des petites perles inévi- tables dans ce genre de travail , nous avons cru devoir porter notre attention sur la nature des gaz que donnent ces sels pierreux naturels. En conséquence , nous avons décomposé à l’appareil pneumato-chimique des quantités égales d’arragonite et de carbonate de chaux, et nous avons recueilli les gaz à trois époques différentes de l’opération , savoir : au commencement , au milieu et à la fin. Les quan- tités absolues de ces gaz retirés de l’une et de l’autre sub- stance, étoient à-peu-près les mêmes. Nous avons ensuite agité ces différentes quantités de gaz sur une dissolution de potasse caustique , pour savoir si l’acide carbonique étoit pur ; et voici ce que nous avons observé pour celui de l’arragonite. I. eie portion l environ d’absorbés, l de résidu. II. e portion ] absorbés , - de résidu. III. e portion i absorbés, 5 de résidu. Nous soupçonnâmes d’abord que ces résidus qui refusoicnt de se combiner à la potasse, pouvoient être la cause de la différence que la minéralogie indique entre les deux ma- tières dont il est question ; maisnousfûmesbicntôt détournés de cette idée, en voyant que le gaz produit par le carbonate de chaux ordinaire et rhomboïdal laissoit à-peu-près les mêmes quantités de résidu, après avoir été agité avec la lessive de potasse. Expérience IX. Il falloit ensuite savoir si ces résidus gazeux étoient de la même nature: pour y parvenir, nous avons plongé dans chacun de ces résidus un cilindre de phosphore qui a pro- duit dans les uns comme dans les autres, c’est-à-dire, de l’arragonite et du carbonate de chaux, une diminution de q 1 à 11 { pour cent, et les résidus nous ont présenté toutes les propriétés du gaz azote. Cependant nous n’assurerions pas qu’ils ne contenoient rien d’étranger. La nature de ce gaz ne peut laisser aucun doute sur son origine; il est certain que c’est de l’air atmosphérique en partie décomposé par les charbons , qui a passé par les pores dilatés de la cornue, et qui a été ensuite entraîné par l’acide 4 10 ANNALES DU MUSEUM carbonique, jusque dans le récipient. Or on doit sentir que la quantité et la nature de cet air doivent variera l’infini suivant la température du foyer et la masse de charbon. Il nous est arrivé, dans une opération où nous avons chauffé pendant long-temps et assez fortement, de n’obtenir presque que l’air ainsi en partie décomposé, ce qui semble- roit annoncer que l’acide carbonique ne passe pas aussi facilement à travers les vases. Cependant la cornue dont nous nous sommes servis étoit d’une porcelaine bien cuite; elle retenoit parfaitement l’air comprimé quand elle étoit froide; néanmoins on n’en voyoit aucune trace sortir à travers l’eau où on la plon- geoit. C’est donc à la dilatation des pores qu’est due la pré- sence de l’air que nous avons trouvé avec l’acide carbonique ; ce qui doit mettre en garde les chimistes lorsqu’ils feront des expériences sur les gaz dans des vaisseaux de terre. D’après les expériences que nous avons rapportées dans cette notice , il n’est plus permis de douter , ou toutes les règles de la chimie sont fausses, que l’arragonite ne soit composée des mêmes élémens que le carbonate calcaire, et que ces mêmes élémens ne soient dans l’une et l’autre substance combinés dans des proportions égales. Mais comment expliquer à présent les différences phy- siques réelles qui existent entre ces deux minéraux, telles que la forme, la pesanteur spécifique, la dureté, la cassure et l’éclat. Ces quatre dernières propriétés sont sensiblement plus grandes dans l’arragonite que dans le spath calcaire rhomboïdal ou carbonate de chaux ordinaire. Si l’on peut compter sur les résultats de la chimie, il faudra avoir recours, pour cette explication, à des circonstances accès- HISTOIRE NATURELLE. 4 1 1 soires à la formation de ces substances , différentes dans les deux cas. On demandera ensuite quelles sont ces circonstances, et quelle influence elles peuvent apporter sur la forme delà molécule intégrante et les autres propriétés ? Nous l’igno- rons parfaitement; mais combien d’autres faits bien avérés, qui font dans toutes les sciences exception à la théorie gé- nérale, et dont nous ne pouvons donner d’explication sa- tisfaisante ? Au surplus, nous désirons que des mains plus habiles puissent un jour trouver dans la composition chi- mique de ces substances, des moyens de rendre raison des différences physiques qu’elles nous offrent. Nous terminerons cette notice par quelques réflexions sur les résultats obtenus dans nos expériences. D’abord , ce qui nous a frappé, c’est la coincidence de la perte qu’éprouvent l’arragonite et le carbonate de chaux par les acides et par le feu. Cela prouve sans réplique que s’il y a de l’eau dans ces deux substances, c’est en quantités à très-peu-près semblables, et que l’acide carbonique l’em- porte toute entière avec lui en se dégageant du milieu d’un liquide. Cela prouve aussi que s’il existe 11 pour cent d’eau dans le spath calcaire, comme Bergman l’a annoncé, l’acide carbonique contient, à la température de 12 degrés, près d’un quart de son poids d’eau. D’après cela, nous pensons que les gouttelettes d’eau que nous avons remarquées dans les tubes de nos appareils , pro- venoient plutôt du bouchon de liège placé à l’ouverture de la cornue, que du carbonate de chaux et de Farragonite , puisqu’elles ont autant perdu en se dissolvant dans les acides, qu'en se décomposant au feu. ANNALES DU MUSÉUM ANALYSE DE^L’ ÉMERI DE G E R S E Y. Par M. Y A U Q U E L I N. On avoitcru jusqu’à ces derniers temps que la substance de l’émeri étoit formée de silice et d’oxide de fer, et c’est pour cette raison que M. Uoily l’a nommée fer oxidé quartzifère. Mais la dureté et la pesanteur de l’émeril étant incom- parablement plus grande que celle des principes qu’on croyoit entrer dans sa composition, on a eu recours à l’affi- nité chimique , pour rendre raison de ces propriétés. L’analyse que M. Tennant, chimiste anglais, a faite dernièrement de l’éméri de File de Naxos, a répandu sur les propriétés de cette substance une lumière très-propre à les faire concevoir. Il dit qu’après avoir séparé le fer de l’émeri, par des procédés convenables, le reste lui a fourni de l’alumine et de la silice dans les memes proportions que celles trouvées dans le corrindon , par M. Klaproth. Cette découverte m’a paru assez intéressante pour mé- riter d’ètre vérifiée sur d’autres espèces d’émeri. Je me suis en conséquence procuré, à la manufacture des glaces de Paris, de l’émeri de File de Gersey, qui est employé pour donner le douci aux glaces. HISTOIRE NATURELLE 4 15 Cet émeri en roclia a une couleur grise brunâtre; sa poussière est d’un rouge foncé ; sa pesanteur spécifique de âooo, et sa dureté très-grande : il raye le verre avec presque autant de facilité que le diamant. Il ne fait que très-légère- ment mouvoir le barreau aimanté. Quelques lames ou feuillets de talc blanc argentin sont disséminés sur diffé-' rens points de sa masse. Cent parties de cette substance réduite en poudre fine clans un mortier de jaspe, ont augmenté d’un dixième de leur poids. J’ai traité avec trois parties de potasse l’émeri ainsi pub vérisé, et j’ai délayé le mélange dans une grande quantité d’eau. Mais au lieu de saturer directement par un acide, comme cela se pratique ordinairement pour l’analyse des pierres, j’ai filtré la liqueur , et j’ai bien lavé la partie qui ne s’étoit pas dissoute dans l’eau. J’avois dessein de savoir, par cette manière d’opérer, si la totalité de l’alumine seroit dissoute par l’alcali, et si la silice, en cas qu’il s’y en trouvât, resteroit avec le fer. Mais le résidu non dissous par l’alcali pesant encore 58 i, je le traitai de nouveau avec deux parties d’alcali , et j’opérai comme la première fois ; la portion non dissoute par la potasse ne pesoit plus alors que 4o Après avoir réuni les deux dissolutions alcalines , je les saturai par l’acide muriatique, et je les fis évaporer à sic- cité , mais la matière s’étant rédissoute dans l’eau sans laisser aucune trace de résidu, j’en conclus que l’alcali n’avoit pas dissous de silice: l’alumine séparée de cette dis-*, solution étoit du poids de 4g 4 Cette expérience fait yoir que la silice qui se trouvoit 4. 54 / 4 l4 ANNALES DU MUSÉUM dans îa poussière de l’émeri n’a point été dissoute par l’alcali , et qu’elle est restée toute entière dans le fer , parce que probablement, à l’aide d’une affinité supérieure, l’alu- mine a saturé la propriété dissolvante de l’alcali, et que la silice est restée avec le fer par une cause semblable. Il ne faudroit cependant pas conclure de-là que la silice ne s’est pas unie à l’alcali pendant la fusion, mais seule- ment qu’elle n’en a pas trouvé suffisamment pour devenir soluble dans l’eau. Ce qui le prouve, c’est que si l’on traite par un acide le résidu laissé par l’alcali et non calciné, il s’y dissout tout entier, et la liqueur fournit de la silice par l’évaporation. Pour savoir maintenant si le fer dissous par l’acide muriatique ne contenoit pas de l’alumine en même temps que de la silice, j’ai fait évaporer sa dissolution à siccité • j’ai rédissous dans l’eau, et j’ai eu pour reste douze parties un tiers d’une poudre blanche qui présentoit tous les ca- ractères de la silice ; j’ai ensuite décomposé la dissolution par l’ammoniaque, et j’ai traité le précipité par la potasse caustique en liqueur, laquelle en a effectivement séparé 4 parties i d’alumine qui réunis aux 4q 4 font la somme de 53 l. Ces quaire parties d’alumine étoient sans doute unies à la silice, et peut-être au fer, au moyen de l’alcali. Le 1er séparé de l’alumine et de la silice ne pesoit plus que 24 enfin la liqueur d’où le fer et l’alumine avoient été précipités par l’ammoniaque, a donné, au moyen du carbonate de potasse, une petite quantité de chaux qui s’élevoit à une partie \ d’histoire naturelle. 4i5 Les produits résultans de cette analyse sont donc entre eux ainsi qu’il suit: i.° Alumine 53 I. a.0 Fer 24 f, 3. ° Silice 12 |, 4. ° Chaux 1 t. Perte pour la calcination ... 1 i II.a ESSAI. Le but de cet essai étoit de savoir si l’oxide de fer se / trouvoit en combinaison avec les autres principes de l’émeri. S’il en étoit ainsi, les acides ne dévoient le dissoudre qu’après avoir décomposé la matière , et la dissolution devoit contenir de l’alumine dans la même proportion que celle où elle existe dans l’émeri. J’ai donc fait bouillir cent parties du même émeri en poudre line avec de l’acide mu- riatique, qui bientôt a pris une couleur jaune ; cette opé- ration répétée plusieurs fois , jusqu’à ce que l’acide ne se soit plus coloré, a donné pour résidu une poudre blanche pesant 66 -, et qui paroît être la base de l’émeri et la cause de sa dureté. La dissolution provenant de l’action de l’acide muria- tique sur cet émeri, décomposée par les moyens ordinaires , a donné 28 parties de fer et 4 parties et demi d’alumine. Cette expérience nous apprend que l’oxide de fer n’est véritablement pas en combinaison avec les autres principes de l’émeri, car la totalité de ce métal paroît avoir été dis- soute, tandis que sur 66 parties d’alumine qui existent 54* 4l6 ANNALES DU MUSEUM réellement dans un quintal d’émeri, ainsi qu’on le verra par l’analyse suivante , 4 et demi seulement ont été dissoutes. D’ailleurs, en supposant qu’il y eût combinaison entre le fer et les autres élémens de l’émeri, et que l’alumine, contre toute probabilité, n’eût pu se dissoudre, il auroit fallu au moins que ses parties se fussent séparées, et alors elle auroit occupé un grand volume, comme cela se voit pour les zéolites, et c’est ce qui n’est pas arrivé; la ma- tière est restée sous forme de poussière lourde, dure et de peu de volume. I I I.e ESSAI. Comme l’émeri avoit enlevé au mortier de jaspe, pen- dant la pulvérisation, un dixième de son poids, et qu’il n’a donné que 12 centièmes j de silice à l’analyse , j’ai pensé qu’il ne contenoit pas de silice par lui-même , et cela d’autant plus volontiers que les traces de talc dont il est mêlé pou voient bien avoir fourni cet excédent de silice. Mais pour faire disparoître tout doute à cet égard, j’ai pulvérisé cent parties/ du même émeri dans un mortier de fonte de fer , et en traitant cette matière par les moyens employés pour l’analyse des pierres, je n’en ai obtenu que 4 parties de silice, mais la quantité d’alumine a été plus considérable, elle s’élevoit h 65 Ainsi il est vraisemblable, d’après ce résultat, que si fémeri eût été exempt de gangue talqucuse, il n’auroit fourni que de l’alumine et du fer; car la légère trace de chaux que j’y ai trouvée peut aussi provenir du talc. L’émeri de Gersey, supposé privé de talc, seroit donc un mélange d’alumine et d’oxide de fer dans la proportion d’en- viron 70 de la première , et de 5o du second. d’ histoire naturelle. 417 Mais dans quel état l’alumine s’y trouve-t-elle? C’est ce que nous ne pouvons pas savoir quant à sa forme, puisqu’on ne trouve jamais l’émeri cristallisé , seulement si nous en jugeons d’après sa pesanteur et sa dureté, nous serons obligés d’admettre que les parties de l’alumine y doivent être extrêmement rapprochées , et comme aucune autre pierre , excepté le corrindon, ne jouissent de ces pro- priétés dans un aussi haut degré, nous conclurons que l’alumine est dans l’émeri à l’état de spath adamantin. L’on peut encore conclure de ces expériences que le corrindon ne doit être autre chose que de la télésie, puisque je n’y ai pas trouvé sensiblement de silice. Au surplus, l’analogie des formes a déjà conduit M, Uaüy au même résultat; et l’analyse que fait en ce moment M. Laugier dit spath adamantin , paroît devoir confirmer la bonté de ce rapprochement. Je terminerai donc cette notice en disant que l’émeri de Gersey a pour base la pierre la plus dure que l’on con- noisse, la télésie ; qu’il ressemble , sous ce rapport, à l’émeri de l’ile de Naxos, analysé par M. Tennanf] et qu’enfin la nature n’a pas été si avare dans la formation de cette pierre , qu’on le pensoit autrefois. 4 f 4 1 8 ANNALES DU MUSÉUM V . . . . __ * , ' - T , MÉMOIRE Sur V O perçu lari a , genre de plantes voisin de la famille des jDipsacées. Par A. L. JUSSIEU. P armi les genres nouveaux de plantes que nous ont fourni les riches contrées de la Nouvelle-Hollande , on peut remar- quer que la plupart ont une organisation très-différente de cel’e des végétaux des autres parties du monde, qu elles ont pour ainsi dire , une physionomie particulière ; et qu’elles doivent ou former les rudimens de nouvelles familles, ou présenter dans les familles connues de nouvelles considé- rations. De ce nombre est une plante que Solander , bota- niste anglais, compagnon du chevalier Bancks dans le pre- mier voyage du fameux navigateur Cook, observa le pre- mier, et qu’il nomma Pomax umbellata. Sa description n’a point été imprimée \ nous n’en connoissons le caractère que par le court énoncé deGærtncr qui, parlant de la fleur, dit simplement qu’il existe un calice commun monophylle, denté à son limbe, fermé à son ouverture par un réceptacle qui porte supérieurement plusieurs fleurs , et recouvre au- tant de graines placées au-dessous. Il ajoute que ces fleurs sontsouvent au nombrede trois, monopétales, à troisdentsj PL . LXX. tu c/e i , 1 . 0 p er cul aria asp er a 2 . Op e reularia sessiliilora. no I Eitphnzj . Picy Uenot , cf ty, ■■ ■ : ■ J PL. I.Opercularia hyssopifolia. 2 . Opercularia ligiistrifoli a . 5. Opereularia ocimifolia. q {ecw del ■ Ëujjhratf . Piocjueruj t S ciilp . d’histoire naturelle. 4 i g qu’elles ont une seule étamine et un style simple ou double. Le caractère du fruit est plus détaillé ; le réceptacle est de nature fongueuse , plane et tronqué au sommet, fermant exactement l’ouverture du calice; il s’atténue au-dessous en forme de pyramide renversée dont les angles amincis sont des cloisons qui , appliquées contre les parois du calice com- mun , le partagent en autant de loges qu’il y a de fleurs sur l’opercule. Chaque loge contient une seule graine qui correspond à une des fleurs , et qui est attachée au réceptacle sous son plateau supérieur. Cette graine est oblongue ovale, grenue ou raboteuse à sa surface, convexe d’un côté, sillonnée du côté opposé; ell^ est remplie par un périsperme charnu et ferme, dans l’axe duquel est un embryon presque cylin- driquedontla radicule , plus longue que les lobes, est droite et dirigée inférieurement. Ce réceptacle qui bouche le calice en forme d’opercule , constitue ici un caractère très-particulier qui a déterminé Goertner à substituer au nom de Pomax , celui à’Opercu- laria plus significatif. Il a figuré, t. a4, un bouquet de ces calices multiflores portés chacun sur un pédoncule propre et disposé en ombelle accompagnée à sa base par deux feuilles opposées. Nous ajouterons à ces caractères, d’après des échantillons secs et en fruit communiqués par MM. Banks et Smith , que la plante est herbacée et très-basse ; les tiges sont arrondies , les feuilles opposées munies de chaque côté de deux stipules intermédiaires et linéaires; les ombelles de fleurs sont terminales. Gærtner réunit à ce genre deux autres espèces de la Nou- velle-Zélande, observées également par MM. Banks et So- landér qui les rapprochoient de la Carence. Il les nomme 4-20 ANNALES DU M II S É U ïl O. asperct et O. dïphyllci. Elles dirent la même organisa- tion clans les points principaux , et sur-tout dans l'intérieur de la graine; mais les calices multiflores, au lieu d’être pé- doncules séparément, sont sessiles, rassemblés en tête sphé- rkjuc et tellement serrés, qu’ils se confondent ensemble. Chaque calice contient un réceptacle ou opercule chargé de quatre à six fleurs dans la première espèce, de trois ou quatre dans la seconde. Ces fleurs auxquelles Cœrtner, aidé des descriptions des deux voyageurs, n’attribue aucun calice particulier, sont monopétaîes en entonnoir, découpées par le haut en quatre ou cinq lobes aigus dans FO. aspera , et renferment autant d’étamines distinctes dont les fdets sont insérés non au tube de la corolle, mais au réceptacle. Le style est profondément bifide, et la graine est marquée de deux sillons d’un côté. Dans FO. dipliylla , les calices communs sont chargés de quelques poils, les étamines sont au nombre de quatre, et la graine ne présente d’un côté qu’un seul siiSon. M. Young décrit et figure , dans le troisième volume des Actes de la société d’histoire naturelle de Londres, p. 5o, t. 5, une quatrième espèce à fleurs en tête comme dans les deux précédentes, et conforme à FO. umbellcita dans les parties étrangères à la fructification, qu’il nomme O. pa- leata , et dont il présente le caractère sous une autre forme. Selon lui, il existe pour chaque tête de fleurs un petit calice à six divisions dont deux plus grandes représentent des feuilles, et quatre plus petites répondent aux stipules inter- médiaires observées sur la tige. Ce calice contient environ vingt fleurs portées sur un réceptacle commun , et séparées les unes des autres par des écailles très-serrées réunies et D* HISTOIRE NATURELLE. 421 agglutinées par le bas, libres à leur extrémité terminée en alêne. Trois de ces écailles forment, par leur réunion et pour chaque fleur un calice regardé comme supérieur ou adhérent. La corolle plus longue que les divisions de ce calice, est petite, campanulée à quatre divisions aigues, ren- fermant quatre étamines attachées au réceptacle. L’ovaire simple et inférieur est surmonté d’un style terminé par deux longs stigmates. Chaque ovaire, enveloppé de son ca- lice, devient avec lui une capsule monosperme qui s’ouvre dans sa longueur en deux valves, de manière qu’une des valves reste adhérente à quatre ou cinq de ses voisines ap- partenant à d’autres capsules. Cette forme de description offre une organisation plus analogue à celle des plantes qui peuvent avoir quelques rapports avec Y opercularia. Elle attribue à chaque corolle son calice propre, son ovaire et sa graine, et dès-lors ce que Gærtner nommoit calice commun dans Y opercularia umbellata , n’est que la réunion des valves ou écailles ex- térieures de chaque fleur en un seulgodet de forme conique, pendant que les écailles intérieures unies ensemble consti- tuentcet opercule si singulier qui remplit la cavité du godet, et ne laisse que les interstices nécessaires pour la place des graines. Il est encore utile de trouver dans le même O. umbellata ces calices multiflores détachés les uns des autres, et portés chacun sur un pédoncule particulier, pour se former une idée des mêmes calices sessiles dans lesautres espèces et rap- prochés en tète tellement serrée qu’ils paroissent faire corps ensemble. On auroit pu former ici deux genres distincts, en rétablissant pour l’espèce à fleurs en ombelles , la déno- 422 ANNALES DU MUSEUM mination de pomax , et laissant aux autres celle YC opercula- ria ; l’unité d’étamines dans la première, et la pluralité dans les autres auroit encore aidé à motiver cette distinction; mais comme l’organe nommé opercule est commun à toutes les espèces; comme d’ailleurs la méthode naturelle ne per- met pas de les séparer, il a paru plus convenable de les laisser dans le même, genre pour forcer ainsi les botanistes systématiques qui se laissent maîtriser quelquefois dans leur classification par des caractères isolés, à ne point reporter à différentes classes des plantes qui ont entre elles des rap- ports si intimes. Nous avons plus d’intérêt à fixer la place de Y opercula- ria dans l’ordre naturel , et ce ne sera pas le point le plus facile de cette discussion. Trois familles pourroient , au premier aspect , se disputer ce genre , savoir : les nicta- ginées, les rubiacées et les dipsacées. Si l’on avoit égard au caractère indiqué par Gærtner et M. Young qui disent les étamines insérées au réceptacle, on seroit tenté de rapprocher F opercularia des nictaginées, sur-tout si avèc Gærtner on ne faisoit mention que d’une enveloppe florale qu’il nomme corolle * et que l’on pourroit transformer en calice , en supposant encore qu’elle ne porte pas les étamines. Mais on ne comprend pas bien la valeur réelle du mot réceptacle employé par ces deux auteurs. Ce ne peut être la base sur laquelle reposent les ovaires, à la- quelle les filets des étamines ne peuvent parvenir à travers l’étranglement formé par la partie supérieure de l’opercule au-dessus de l’ovaire. En disséquant avec soin ces parties dans l’0. ocimifolia , nous n’avons point aperçu ce prolon- gement propre aux nictaginées, et dès-lors on ne peut leur. d’ HISTOIRE NATURELLE. 423 associer ce genre. D’ailleurs elles ont un embryon qui en- toure et embrasse un moule central (le la nature des péris- pennes ; clans Y opercularia au contraire l’embryon est cylin- drique, caché dans l’axe du périsperme qui occupe l’intér rieur de la graine. Il auroit plus de rapport avec les rubiacées, soit par la gaine de ses feuilles, munie de quatre languettes en forme de stipules intermédiaires, soit par la position respective du calice propre , de la corolle et de l’ovaire , par la situation de l’embryon dans le centre d’un périsperme ; mais le nombre de ses étamines n’est pas toujours, comme dans les rubiacées, égal à celui des lobes de la corolle , puisque l’ O. umhellata n’a qu’une étamine dans une corolle triHde , et que dans une autre espèce, dont nous parlerons plus bas , une corolle à cinq divisions ne renferme qu’une ou deux étamines. De plus, l’ovaire dans ce genre produit une seule graine, pen- dant que dans les rubiacées il y en a toujours vau moins deux qui ont chacune leur loge. On trouvera peut-être encore moins d’analogie entre l’o- percularia et les dipsacées proprement dites, telles que la scabieuse, la cardère, etc. qui different par les feuilles non stipulées , le double calice , l’embryon à lobes élargis, occu- pant une place plus grande dans le centre d’un périsperme mince et presque nul. Mais à la suite de cette famille est la valériane placée dans une section distincte, et remarquable comme Y opercularia par la variation du nombre des éta- mines qui , dans les diverses espèces s’élevant de un à quatre , ne correspond pas ordinairement avec celui des divisions de la corolle. Ce genre dans lequel Linnæus en avoit réuni deux de Touimcfort, a été de nouveau divisé par Adanson 55 * 4^4 ANNÀLES'DU MUSEUM et Gærlner. Laissant aux espèces à fruit aigretté le nom de va ériane, ils ont réuni sous celui de fedia les mâches dont le fruit , couronné par un limbe membraneux, devient une cap- sule ordinairement uniloculaire et monosperme, qui déplus présente dans la plupart l’apparence de deux loges avortées. Les fleurs sont rassemblées en tête dans le jF. coronatciet le .F!. vesicariciy les calices de plusieurscontractent quelquefois dans l’un et dans l’autre une véritable adhérence ; leur corolle à cinq divisions ne renferme le plus souvent que trois étamines; implantée dans le F. corojiata sur un disque plane bordé par le limbe calicinal , et qui couronne l’ovaire , elle ne laisse apercevoir après sa chute aucune ouverture qui com- munique avec le fruit, parce que le passage a été oblitéré de bonne heure ; alors ce disque ressemble à l’opercule du genre de la Nouvelle-Hollande , avec cette différence qu’il ne se détache pas du calice dans son contour, qu’il ne porte qu’une corolle et ne recouvre qu’un ovaire et une graine. Celle-ci présente encore dans sa forme et scs sillons laté- raux une nouvelle analogie avec la graine de Y opercular ici : il paroît seulement que son embryon occupe tout ou presque tout l’intérieur de la graine, et que sa radicule est dirigée supérieurement ; mais ces organes sont si petits qu’il est facile de se tromper sur leur structure et leur position. Enfin un dernier rapport entre ces genres est indiqué par un fait que le hasard a fourni. On sait que les oiseaux mangent avec plaisir les sommités de mâches, et n’attaquent pas de même les plantes rubiacées : un pot d’O. ocimifolia couvert de fruits encore verts avoit été laissé sur une fenêtre ; en quelques heures ils furent presque tous enlevés par les moineaux du voisinage, et l’on fut obligé de retirer la plante. X)’ HISTOIRE NATÙRELLE, 4s5 Tous ces faits réunis semblent prouver que Y opercularia tient le milieu entre les dipsacées et les rubiacées; qu’il a plus de rapport avec le fedia ou la mâche qu’avec toute autre plante , et qu’il conviendra peut-être de former entre les deux familles un nouvel ordre intermédiaire auquel on rapportcroit dans deux sections différentes, d’une part, la valériane et la mâche, de l’autre, Y opercularia. Cette addi- tion seroit utile, parce qu’elle paroît être dans la nature, qu’elle faciliteroit les moyens de simplifier le caractère gé- néral des dipsacées, et de ménager une transition heureuse entre les deux familles. Après avoir ainsi établi à-peu-près le lieu que doit occu- per Y opercularia dans l’ordre naturel, il nous reste à faire connoître plusieurs espèces nouvelles dont ce genre est en- richi. Le Muséum en possède trois vivantes provenant des collections faites dans la Nouvelle-Hollande par natu- ralistes qui accompagnoient le capitaine Baudin. Une de ces plantes, O. aspera , a été mentionnée plus haut. La se- conde que nous nommerons O. scssiliflora est facile à dis- tinguer par ses feuilles linéaires et ses têtes de fleurs sessiles dans la bifurcation des rameaux. La troisième qui a les feuilles semblables à celles du basilic, sera nommée O. ocimifolia, et l’on y trouvera quelques rapports avec Y O. paleata dont M. Young a donné la description. M. Labillardière a rapporté de son voyage avec d’Entrecasteaux trois autres espèces qu’il a déjà fait graver pour la publication de son grand ouvrage sur les plantes de la Nouvelle-Hollande, et qu’il nomme O. apiciflora , spermacocea , vaginata ; nous n’en offrirons ici que la description sommaire qu’il nous a communiquée. Enfin dans le nombre des plantes sèches données en Espagne 426 ANNALES DU MUSEUM à M. Thibaut!, professeur de botanique à Strasbourg, par le voyageur Née qui avoit visité la Nouvelle-Hollande, il s’en est trouvé deux appartenant évidemment au même genre. Ces divers supplémens rendent maintenant ce genre assez nombreux pour qu’il soit utile d’en présenter la mo- nographie abrégée, après avoir d’abord fixé avec précision son caractère générique. Opercularia. Gærtn. — Calix superus limbo partlto. Corollci epigyna , monopetala tubulosa 3-5-fida. Stamina 1-5 , imœ corollœ inserta aut epigyna , filamentis et antheris distinctis. Germen inferum ; Stylus 1 ; stigma bipartitum. Semen unicum , calice inclusum persistente ac demùm bivalvi , hinc \-2-sulcum , in de convexum. Embrio cilindricus , in perispermo earnoso solulo centralis , lobis brevïbus , radi- culâ Ion giore inféra. Calicum plurium ( 2-6) partialium valvœ exteriores connatœ in calicem communem monophyllum turbinalum , margine dentatum ; valvœ inte- riores compactœ in receptaculum centrale spongiosum , supra latiùs planum et calicis communis faucem obturans instar operculi( undè nomen ) et ad margines corollife- rum lacinulis calicinis necnon corollulis 2-6 minimis supereminentïbus ,subtùs angus- tatum et angulatum angulis 2-6 prominulis et constituentibus dissepimenta loculos totidem distinguentia monospermos, tandem solubile liberum et cum seminibus cir- cumpositis ac infra eidem affixis deciduum. — Herbœ ( quœdam basi lignosœ ) mul- ticaules , diffuses aut erectœ , opposite aut dichotomè ramosœ. Folia opposita sim- plicia } basi eonnata in vaginam utrinque bilingulatam seu bistipulaceam. — Calices multifori seu communes , nùne distincti pedicellati et umbellati ( Pomax Soland. ), nànc sœpiàs sessiles et in capitulum dense aggregatiaut connati (Rubioïdes Soland). Involucrum umbellœ et capituli 6-partitum ( calix communis Young)_, laciniis 2 majoribus foliorum œmulis , 4 minoribus stipulœ formibus. Umbella plerumque ter- minalis ; capitulum rariùs terminale , sœpiùs in ramulorum dichotomiâ solitarium } sessile aut pedunculatum. — Stipulœ interdàm simphees. 1. Flores umbellati. i. O. umbellata. Gærtn. î, n2. t. 24 ; Linn. sp. ed. Gmel. 2^2. ed. Wild. 563 . Lara. 111. î. 256. t. 58. f. i. dict. 4. 56o. — Pomax umbellata Soland. mss. — Caules semipedales teretes pilosi; folia minima ovato-lanceolata pilosa ; calix 6-Q-dentatus 2-4- fonts , corollulis trif dis monandris ( antheris non ex serti s ? ) ; receptaculum décidais floribus apice planum truncatum , subtùs 2-b-spermum seminibus granu- latis î -sulcis. In Australasiâ. Car. floris ex Gærtn; cætera ex siccâ à D, Banks missâ çui consonat icon Gærlneri. d’ HISTOIRE NATURELLE. 427 Obs. Dissertatione nondùm typis omnino impressâ , prodit nùnc in herbario Mu- sæi ex Australasià nuper adveclo specimen înullicaule , simillimum frustulo à D. Smith misso et ab eodem O. umbellata dieto, à specimine tamen Banksiano discre- paus caule pilosiore albido, foliis angustioribus verè lanceolatis pilosissimis et indè canescentibus , stipulis forte brevioribus, corollulis tetrandris majaribus et pariter pilosis , starninibus exsertis. An varietas præcedenlis ; an species distincta? Conferan- tur ulriusque specimina majora ac perfecliora. 2. Floees capïtati. 2. O. aspeea. ( PI. lxx , fig. 1 ) — Caules pedales diffusi , pilis numerosis subas- péri , sulcati subtetragoni ; folia minima ovata pilosa • capitula in dichotomiis ramu- lorum pedicellata , nutantia ,pisiformia laciniis calicinis echinala ; calices 8-io in eodem capitulo , singuli 3-5-flori corollulis 5-fidis i-a-andris ; semina bisulca. fn Australasià. Car. ex vivâ in liort. Paris. — An Rubioides aspera Soland. mss. , quæ O. aspera Gærtn. î. 112. t. 24; Linn. sp, ed. Grael. 23S.ed.Wild. 1. 564 ; Lam. ill. 1. 256. t. 58. f. 2. dict. 4.55o? a. Corolla plurimùm aucta , laciniis calicis proprii infra stipata. b. Eadem aperla, styluin et stamina pandens. c. Calices communes aggregati , receplaculo deciduo. d. Receptaculum operculiforme segregatum, seminibus circumpositis onustum. e. Idem seminibus orbatum. f. Semen hinc convexum, indè sulcatum, utrinquè deli- nealum. g. Idem utrinquè auctum. 3. O. SESSILIFLORA. ( PI. lxx , f. 2.) — Caules pedales diffusi glabri , graciles vix sulcati ; folia ( linariœ ) pollicaria linearia glabra ; capitula minima hemisphœricct in ramulorum dichotomiis sessilia ; calices 4-5 in eodem capitulo , singuli 2-hJlori , corollulis 5-fidis 1-2 -andrisj semina sulcata. In Australasià. Car. ex \ivâ in hort. Paris. a. Corolla aucta, calicinis laciniis stipata. b. Eadem aperta. c. Stylus auctusintrà calicis proprii lacinias. d. Calix communis, emisso receptaculo. e. Receptaculum seminiferum. 4. O. apiciflora. Bill. — Caules pedalis diffasi glabri, gracillimi sulcati ; folia ( Sallii ) linearia brévia ; capitula minima hemisphœrica terminalia. Calices 1-3 in eodem capitulo , singuli 3-i-JIori ; corollulœ.... ; semina 2.- striata. In Australasià. Car. ex siccâ fructiferâ apud D. Labillardière. 5. G. spermacocea. Bill.- Caules pedales basi lignosi ,erecti glabri, subteretes; folia ( ericce ) vix semipollicaria linearia subtriquetra ; horum vagina brevis ; capitula sphœricea echinata, in summis ramulorum dichotomiis longe pedunculala , pedunculo erecto ramulis lateralibus longiore et indè quasi termina li ; calices 5-g in eodem ca- pitulo , singuli circiter k-jlori; corollulœ. . . ; semina sulcata. Habitus spermacoces ver- ticillatœ. In Australasià. Car. ex siccâ fructiferâ apud D. Labillardière. 428 ANNALES £>U MUSEUM 6. O. vaginata. Bill. — Caules subaingulati ; fol a ptusquàm senti pollicaria y hjferiorum pagina très lineas longa , tnullo major quant in conreneribus ; capitula ruine tantùm in dichotomiis , nunc r arias simili terminalia nuda. Cœtera omninà ut- in O. spennacoceâ. In Australasiâ. Car. ex siccâ fructiferâ apud D. Labillardière. 7. O. hyssqpifolia. ( PL Lxxi , f. 1.) — Caules erecti subangulati vix pilosi ; folia ( hyssopi ) lanceolata angusta vix pollicaria , margine subeiliata ; capitula sphœricea piso minora, in ramulorurn dichotomiis pedicellata ; calices cir citer 5 in eodem capi~ . tulo singuli 2-h-flori ; corollulæ.. . ; semina..... In Australasiâ. Car. ex siccâ vixfruc- tiferâ quara a D. Née acceptara communicavit D. Thibaut!. ». O. FIGUStrifolia. (PI.LXXijf. 2. ) — Folia (ligustrij majora sesquipollicaria lanceolata. Semina bisulca. Cœtera omnino ut in O. hyssopifoliâ cujus conterranea. et fortè varielas. Car. ex siccâ fructiferâ ab eodem D. Tliihaud communicatâ. O.paleata. Young act.soc. nal. Linn. Lond. 3. p. 3o. t. 5. -Caules h-pedales erecti tetragoni substriati glabri ; folia pollicaria ovalo - lanceolata glabra -, stipulas bipar- ti tœ subtrisetosœ ; capitula sphœricea in ramulorurn dichotomiis brevè pedunculata, nutantia ; calices in eodem çapitulo plures , singuli 5-G-fori , corollulis quadrifdis tetrandris ; semina scabra , hinc subquadrisulcata. Odor et sapor olerum putrescen- tiiun. In Australasiâ. Car. exD. Young. Conter cum O. ligustrifoliâ cujus folia an- gustiora et capitula minora , el cum O.ocimifoliâ cuicaulis humilior, folia laliora , stipulæ siraplices, capitula majora, corollulæ non letrandræ. To. O. ocimifoIiIa. ( PI. Lxxi , f. 3.) — Caules pedales diffusi quadrangulares suU cati glabri; folia [ocitni) pollicaria peliolata ovato-oblonga glaberrima ; stipulæ sim- plices ; capitula sphœricea piso majora, in dichotomiis brevè pedunculata, nutcintia ; calices j- g in eodem çapitulo , singuli 4-G-ftori corollulis 3-h-fdis 2-o-andris ; semina bisulca. — Odor nullus. In Australasiâ. Car. ex vivâ in bort. Paris. Hujus addilur in icône capitulipars resecta plarimùm aucta. — Confer cum O.paleata. il. O. RUBioiDES. — Caules ”( sesquipedales erecti ? ) tetragoni substriati glabri ; folia ( rubiœ ) sessilia pollicaria , lanceolata subcoriacea , marginibus revolutis , iis- dem etnervo medio subtits scabris , cœteràm utrinque lœvia ; stipulæ mine integrœ , nunc bifidœ ; capitula sphœricea piso majora , in dichotomiis et apice caulium brevè pedunculata, nutantia ; calices 6-7 in eodem çapitulo , singuli 5 -6-Jlori corollulis 4- 5-fidis 3-4-andris ; semina.... In Australasiâ. Car. ex siccâ in Musæi herbario nuper^ riuic observatâ et ideô non delinealâ. Huic habitus O . ligustrifuliœ , sed folia sessilia crassiora basi laliora scabra , et capitula triplo majora. 12.O. divhylla. Gærln. 1. 1 13 ; Liun. sp. ed. Gmel. 233. ed. Wild. 1.564; Lara, dict. 4. 56o. — Rubioïdes dipbylla Solaud. mss. — Caules....-, folia....-, capitula sphœricea parva , in dichotomiis ramulorurn stipitata ; calices sêtis rigidis hispidi, plures in eodem çapitulo , singuli 3-4 -flori corollulis tetrandris ; ssmina tuberculis undique exasperala , hinc sulcata. In novâ Zeelandià. Car. ex Gærln. , non viso 3 nobis spccimine. An servanda species; au alleri iulcr preemissas addcod» ? d’ histoire naturelle. 429 f SUITE DES MÉMOIRES Sur les fossiles des environs de Paris . Par LAMARCK. GENRE XXXVIII. Mélanie. Melania. Charact. gen. Testa univalvis , turrita. Apertura integra ovata vel oblonga , ad basim columellœ ejfusa. Columella lœvis . OBSERVATIONS. On ne peut disconvenir qu’il y ait beaucoup de rapports entre les mélanies et les lymnées, puisque les unes et les autres sont des coquilles fluviatiles, univalves, et à ouver- ture entière plus longue que large; mais dans les mélanies , on remarque à la base de l’ouverture un évasement ou une espèce de sinus qui ne se trouve point dans les lymnées, et la columelle n’offre aucun pli. Les mélanies connues sont étrangères à l’Europe, et la plupart ont l’épiderme brun ou noirâtre. Les principales espèces qui se rapportent à ce genre sont Yhélix amarula de Linné ( bulime tiare n.° 19 de Brug. ); la melania semi- 4. - 56 4ôO ANNALES DU MUSEUM plicala (. bulimus citer, Act. de la soc. d’hist. nat. de Paris, p. 126, n.°iB); la mélanie auriculée ( bulimus auritus . Brug. dict. n.° 58 ); le bulime rembruni de Brug. dict. n.° 60, etc. etc. Voici les espèces que l’on trouve dans -Pétât fossile , aux environs de Paris. ESPECES FOSSILES. 3. Mélanie à petites côtes. Vélin , n.° 19, f. i. Melania ( costellata ) turrito-subulata , transversè striata ; costellis verticalibus crebis 5 labro antico intàs canaliculalo. n. L. n. Grignon où elle est très-commune. C’est une coquille longue de 48 milli- mètres ( environ 1 pouce 9 lignes) , turriculée, à spire pointue ou en alêne , et qui a douze ou treize tours de spirale. Elle est striée transversalement, et en outre chacun de ses tours présente une multitude de petites côtes verti- cales qui font paroître la coquille plissée longitudinalement. Son ouverture est ovale , évasée à sa hase et la partie supérieure de son hord droit est cana- liculée en dedans , formant à l’extérieur un pli anguleux qui vient s’appliquer contre l’avant-dernier tour de la spire. N Mon cabinet. 2. Mélanie lactée. Vélin , n.° 18 , f. 1 3. Melania ( lactea ) turrita crassa \ anfractibus convexiuseulis : inferioribus lœvibus, supremis verticaliter striatis. n. Bulimus lacteus. Brug. dict. n.° 45. /3. Eaclem anfractibus omnibus transversè striatis. L. n. Courtagnon , Grignon et en d’autres lieux. Celte espèce est un peu moins grande que celle qui précède , car les plus grands individus n’ont que 3 centimètres ou à-peu-près de longueur. Elle est turriculée , pointue au som- met, et n’a que neuf ou dix tours de spire. Les tours intérieurs sont lisses; mais les supérieurs offrent quelques stries transverses , et des si ries verticales très-distinctes. Dans la partie supérieure de l’ouverture , la columelle est un peu épaisse et calleuse. Mon cabinet. 3. Mélanie bordée. Vélin , n.o if, fig. 4. Melania ( marginata ) conico-turrita j striis transver sis remotiusculis ; anfrac- tibus supernè subcanaliculàtis ; aperturâ marginatà, n, Bulimus turricula. Brug. dict. n.° 44. d’ histoire naturelle. 43i L. n. Courtagnon , Grignon,, etc. Cette mélanie est d’une figure assez élégante et présente des caractères si remarquables qu’on la distingue facilement des autres au premier aspect. Elle est longue de 3 centimètres ( un pouce une ligne ), conique-lurriculée , et a onze ou douze tours de spire aplatis ou sans convexité, dont le bord supérieur saillant et un peu aplati forme une rampe qui tourne autour de la spire. Les stries transverses, au nombre de cinq sur chaque tour, sont un peu écartées les unes des autres : le tour in- férieur en a davantage. Autour de celle coquille on voit un rebord épais , un peu large et qui forme un bourrelet remarquable. Mon cabinet. 4. Mélanie grain d’orge. Mêlan t a ( hordacea ) turrita , transversè striata • anfractibus vix convexis j apzr- turâ perparvâ. n. jS. Eadem anfractibus sublœvibus. L. n. Houdan. Petite coquille turriculée, longue d’un centimètre ou environ, et qui ressemble à une chevillette ou à une petite corne. Elle a huit ou dix tours de spire à peine convexes , séparés les uns des autres par un petit étranglement, et munis chacun de cinq stries transverses. L’ouverture est fort petite, ovale, rétrécie en pointe à son sommet. La variété /3 a ses tours lisses, au moins les inférieurs. Dans cette espèce l’évasement de la base de l’ouverture est médiocre et peu remarquable. Cabinet de M. Defrance. 5. Mélanie caniculaire. Melania ( canicularis ) turrito-subulata ; anfractibus convexiusculis transversim tenuissimèque striatis ; ciperturâ minimâ. n. L. n. Grignon. Celte mélanie est très-voisine de la précédente par ses rap- ports, et n’a que n millimètres de longueur. C’est une petite coquille tur- riculée, presque subulée, grêle, et qui ressemble à une dent canine aiguë. Elle a douze tours de spire un peu convexes, finement striés en travers. Son ouverture est ovale et fort petite. Cabinet de M. Defrance. S. Mélanie fronssée. Vélin , n.° ig, fig. 2. Melania ( corrugata ) turrita , transversè rugosa j anfractuum parte super iore de- cussatâ , plicato-crispâ. n. L. n. Pontchartrain. Espèce très-belle et fort remarquable par ses stries trans- verses et par leur croisement sur les tours supérieurs ainsi que sur la moitié supérieure des autres tours , avec des rides verticales qui font paroître la coquille plissée , fronssée et comme granuleuse en sa superficie. La longueur 56 * i 452 ANNALES DU MUSÉUM de cette coquille est de 22 à 25 millimètres. Son ouverture est ovale-ob- longue , bien évasée à sa base. Cabinet de M. Defrance. 7 . Mélanie demi-plissée. Melania ( semiplicata ) abbreviata , conicct, transversè striata ; anfractibus ver < ticaliter subplicatis ; aperturœ sinu productiusculo. n. L. n. Parnes. Cette mélanie est courte , conique, un peu renflée inférieurement, et singulière en ce que l’évasement de la base de son ouverture forme un sinus qui s’avance un peu en bec de lampe. Cette coquille est finement striée en travers, avec des plis verticaux peu éminens. Elle est longue de a 9 millimètres, et a dix tours de spire. Cabinet de M. Defrance. 8. Mélanie brillante. Vélin, n.° 19, fig. 5. Melania ( nithla ) subulata ; anfractibus omnibus lœvïbus nitidissimis. n. L. n. Grignon et Parnes. Aucune espèce n’est plus facile à reconnoitre que celle-ci : c’est une petite coquille turriculée , subulée , grêle , fort aiguë au sommet, et par-tout lisse, polie et brillante. Elle a quatorze ou quinze tours de spire ; son ouverture est petite, ovale, légèrement évasée à la base; sa longueur est de 11 ou 12 millimètres. Cabinet de M. Defrance. g. Mélanie demi-striée. Melania ( semistriata ) oblonga , subturrita ; anfractibus superioribus striis verr- tica’ibus tenuisshnis : inferioribus lœvibus. n. L. n. Grignon. Celle-ci a les tours inférieurs lisses et polis comme dans la pré- cédente -, mais les supérieurs sont ornés de stries verticales très-fines. Sa spire d’ailleurs n’est point subulée et aiguë au sommet. Son ouverture, est ovale-oblongue , bien évasée à la base. Cette coquille a à peine 9 millimètres de longueur. Cabinet de M. Defrance. îo. Mélanie cuilleronne. Vélin , n.° 18, fig. i4. Melania ( cochlearella ) abbreviato-turrita ; sulcis longitudinalibus exiguis -labro brevi productiusculo , margine incrassato. n. /3. Eadem longior , labro minus productu. Vélin, n.° 44 f. 18. L. n. Grignon. Cette mélanie semble avoisiner les cérites par la forme de son ouverture, dont le bord droit s’avance un peu formant le cuilleron, et dont la base s’évase en un petit sinus, mais sans former aucun canal. La coquille est conique turriculée, pointue an sommet, longue de 10 ou 12 millimètres, et chargée de sillons verticaux, nombreux, très-fins, un peu courbes» d’ histoire naturelle. 433 L’ouverture est ovale, oblique , à bord droit épaissi et presque marginé. Cabinet de M. Defrance. 11. Mélanie fragile. Vélin , n.° 18, fig. i5, et n.° 44, fig. 17. Melania ( fragilis ) subturrita , tennis ; sulcis exiguis longitudinalibus ; anfrac - tibus convexis. n. L. n. Grignon. Il semble que cette mélanie soit fort rapprochée de la précé- dente, ses sillons longitudinaux étant assez semblables : mais son ouverture est différente , et son bord droit ne s’avance point en cuilleron. Les tours de spire sont convexes et au nombre de sept. Cette coquille est mince , fragile et longue de 5 à 6 millimètres. Cabinet de M._Defrance. 12. Mélanie douteuse. Vélin, n.° 9, fig. 1. Melania ( dubia ) ovato-conica , verticaliter costata j striis transversis minimis; aperturœ sinu subcanaliculato. n. L. n. Pontchartrain. Je soupçonne que cette coquille n’est qu’un rocher ( murex ) à canal obsolète ou imparfait. Elle est ovale-conique , longue de 7 millimètres, chargée de stries transverses très-fines , et de côtes verticales un peu gros- sières qui s’effacent ou disparoissent presque entièrement sur le dernier tour. L’évasement/ de la base de l’ouverture tronque ou raccourcit la base de la columelle, et semble être le commencement d’un petit canal. Cabinet de M. Defrance. GENRE XXXIX. ÀujEticuLE. jLuricula. ChAKAC. GEN. Testa univalvis , ovata, vel oblo ngo -pyram ùla ta : spïrâ exsertâ. vlpertura integra , oblonga , supernè angus - tata. Columella plicata : plicis labro reverso alienis. OBSERVATIONS. Toutes les volutes de Linné dont l’ouverture n’offre au- cune échancrure à la base , Bruguière les a transportés dans 434 ANNALES DU MUSEUM son genre Bulime, et pour cela il n’eut aucun égard à la considération des plis de la columelle. Cependant ces plis indiquent évidemment une organisation particulière aux animaux qui les forment j ensorte qu’on peut assurer que les animaux dont il s’agit sont essentiellement différens de ceux qui produisent des coquilles à columelle non plissée, comme les vrais bulimes. Ces considérations m’ont engagé à ne pas confondre les auricules avec les bulimes, puisqu’elles en sont si éminem- ment distinguées, et que d’ailleurs il paroît que les ani- maux de chacun de ces deux genres ont des habitudes différentes. Les auricules sont des coquillages aquatiques , fluviatiles pour la plupart. On en connoît déjà un assez grand nombre d’espèces dans l’état vivant , telles que le voluta auris medoe de Linné, son voluta auris judoe , son voluta tornatilis , son hélix scarabœus , et de Bruguière le bulimus auris sileni , le bulimus pedipes , le bulimus auricula , le bulimus auris j élis , le bulimus conulus , le bulimus otaheitanus , etc. A ces coquilles véritablement congénères, il faut réunir les pyramidèles , parce qu’elles n’ont pas toutes la columelle saillante et perforée, comme dans le bulimus dolabratus et le bulimus terebellum de Bruguière. Voici les auricules fossiles qu’on trouve aux environs de Paris. Espèces Fossiles. i. Auricule sillonnée. Vélin , n.° 19, f. 7. Auricula ( sulcata ) ovcito-conica } trunsvZïsim sulcatn jspira acuta j columellA uniplicatâ. n. d’histoire naturelle. 435 L. n, Grignon. Jolie coquille qui paroît fort voisine par ses rapports de l’au- ricule brocard ( Bulimus variegafus Brug. n.e 67, mais dont la spire est un peu plus élevée et aiguë. Celte coquille est longue de 18 millimètres (env. 7 lignes ) , ovale conique , pointue au sommet, régulièrement sillonnée trans- versalement dans toute sa longueur, et a huit tours de spire. L’ouverture est oblongue , rétrécie supérieurement, et offre sur la columelle un seul pli tout- à-fait semblable à celui de l’auricule brocard. Le huila simulata de Brander 3 n.° 61 , ressemble beaucoup à notre espèce ; mais on lui assigne deux plis à la columelle. Mon cabinet et celui de M. Defrance. 2. Auricule ovale. Vélin , n.° 19, f. 8. Auricula, ( ouata ) ovato-acuta , subventricosa , lœvis ; labro intus marginato ; columellâ subtriplicatâ. n. L. n. Grignon. Celle-ci est moins alongée que la précédente, et a sa superficie lisse , non sillonnée transversalement. C’est une coquille ovale , un peu pointue au sommet , et longue de 12 à i5 millimètres. Elle a trois plis à la columelle } dont le supérieur est fort petit et presque effacé. Un petit bourrelet bordant intérieurement le bord droit de l’ouverture, lui forme un limbe ou rebord aplati, et rend la coquille très-remarquable. Cabinet de M. Defrance. 3. Auricule grimaçante. Vélin , n.° 19, f. 12. Auricula ( ringens ) ovato-acuta , turgidula , transversim striata • aperturce Ynar- ginihus calloso-marginatis ; columellâ subtriplicatâ. n. L. n. Grignon. On la trouve aussi dans les environs de Bordeaux. C’est une petite coquille assez jolie et fort singulière. Elle n’a que 4 ou 5 millimètres de longueur , et cinq ou six tours de spire. Celte coquille est ovale , un peu renflée inférieurement, pointue au sommet, et finement striée en travers. Les deux bords de l’ouverture sont épais, calleux, marginés, surtout le bord droit qui a un bourrelet saillant à l’extérieur. Ce bord droit est finement strié intérieurement. La columelle offre trois plis dans la jeune coquille; mais dans la coquille adulte, on n’en aperçoit plus que deux. Cette coquille est très- voisine par ses rapports de l’auricule pictin ( bulimus pedipes. Brug. n.° 73 ). Mon cabinet et celui de M. Defrance. 4. Auricule tniliole. Vélin , n.° 19, f. 11. Mala. Auricula ( miliola ) ovato-conica , lœvis ; columellâ uniplicatâ. n. L. n. Grignon. Petite coquille peu remarquable par sa forme, et qui n’est pas beaucoup plus grosse qu’un grain de millet. Elle est ovale-conique , lisse , longue de 4 millimètres, et a cinq tours de spire. Son ouverture est ovale- oblongue, et laisse voir un pli sur la columelle. 436 ANNALES DU MUSEUM Cabinet de M. Defrance. 5 Auricule grain d’orge. Vélin, n.° 19, f. i3. Auricula (hordeola) ovato-conica , lævigata ; labro intàs striato ; columellâ uni- plicatâ. n. fi. Eadem magis elongata, nitida ; labro obsolète striato. Vélin , n.° 47 , f. 22. L. n. Grignon. Cette auricule est un peu plus conique ou plus alongée que la précédente , et s’en distingue principalement par son bord droit dont la face interne est striée d’une manière plus ou moins sensible. Elle est ovale-conique ou oblongue , et a six ou sept tours de spire. Sa longueur est de 5 à 8 milli- mètres. Cabinet de M. Defrance. 6. Auricule aiguillette. Vélin, n.° 19 , f. 9. Auricula ( acicula ) turrito-cylindrica, lævigata ; aperturâ brevi , ovatâ ; cola - mellâ uniplicatâ. n. L. n. Grignon. Celle-ci est singulière par sa forme alongée et grêle , et en manière d’aiguillette. Elle est longue de 8 ou 9 millimètres, lisse, cylindrique,- aiguë au sommet, et a onze ou douze tours de spire. L’ouverture est petite, ovale , et laisse voir un pli sur la columelle. Dans quelques individus la face interne du bord droit est un peu striée. Cabinet de M. Defrance. 7. Auricule en tarrière. Vélin , n.° 19 , f. 6. Auricnla ( terebellata ) turrita, lœvis ; aperturâ brevi, semiovatâ ; columellâ tri- plie ata. L. n. Grignon. Cette coquille seroit une pyramidelle , si je n’eusse trouvé conve-. nable de supprimer ce genre pour en réunir les espèces avec les auricules. Néanmoins sa columelle n’est point perforée. Elle est turriculée , lisse, longue de 10 à 1 3 millimètres, et a neuf ou dix tours de spire. Son ouverture est petite , demi-ovale , et la face interne du bord droit ne paroît pas striée. La columelle a trois plis, et forme un angle droit avec la portion du bord droit qui s’unit à sa base. Cabinet de M. Defrance. /Y. 72 Py r o s o m a Atl anli c 11 m d’ HISTOIRE NATURELLE.-. 4Î7 MEMOIRE Sur le nouveau genre Pyrosoma . Par M. P ER ON. Si l’étude des Mollusques et des Zoophytes mous fut long-temps négligée par les naturalistes, elle le fut bien davantage encore par les voyageurs. A cette indifférence des uns et des autres, plusieurs causes également puis- santes peuvent être assignées. La première c’est l’espèce de dégoût que la plupart de ces animaux inspirent; des formes bisarres, inconstantes , également difficiles à décrire, à dessiner, à conserver; des couleurs le plus souvent ternes, obscures et désagréables ; une substance mollasse, visqueuse et dégoûtante au toucher ; une odeur fade ou même nauséeuse; dans plusieurs espèces, des fluides âcres et corrosifs; dans toutes, une décomposi- tion rapide et presqu’instantanée , telles furent les pre- mières raisons qui durent éloigner les naturalistes de ce genre de recherches. Le peu d’intérêt apparent decette étude, l’inutilité même dont ellesembloit devoir être toujours, devenoient de nou- veaux motifs de la négliger. On étoit loin de soupçonner alors les résultats intéressans auxquels est parvenu M. Cu- vier ; on étoit loin de prévoir que cette portion des ani- 4. , 57 458 ANNALES DU MUSEUM maux si dédaignée, si rebutante, pourroit un jour éclairer à-la-fois l’anatomie, la physiologie, et changer la face de quelques autres branches de l’histoire naturelle. D’ailleurs, la plupart de ces animaux sont fixés aux ri- vages de l’Océan, ou relégués au milieu des mers; ils sont encore plus difficiles à conserver qu’à décrire; enfin, on a manqué long-temps de bons ouvrages pour se guider dans cette étude difficile et délicate. Heureusement je me suis trouvé dans des circonstances plus favorables qu’aucun des voyageurs qui m’avoient de- vancé dans cette carrière. L’inutilité supposée des recherches de ce genre ajoutoit naguères au dégoût qu’elles inspirent; leur intérêt avoué par-tout aujourd’hui, devenoit un grand sujet d’émulation pour moi. Les bons ouvrages avoient manqué toujours à mes pré- décesseurs, et moi formé pendant quatre ans à l’école de M. Cuvier, j’avois pour guide non-seulement sa méthode et ses principes, mais encore des instructions manuscrites qu’il avoit eu la bonté de rédiger pour moi lors de mon départ. Mon ami Lesueur dont les naturalistes et les artistes les plus distingués admirent également les dessins et les pein- tures, fut toujours mon collaborateur et mon compagnon ; ce que je m’appliquois à décrire avec soin et dans tous ses détails, il le dessinoit ou le peignoit lui-même avec la plus parfaite exactitude. Tous nos travaux, toutes nos observa- tions se faisoient sur des animaux vivans, en présence de toutes les personnes de l’état-major de notre vaisseau , qui sont autant de garans du soin que nous leur donnions. Enfin, l’immensité du théâtre sur lequel je me suis trouvé d’ histoire naturelle 43g placé pendant près de quatre ans, la nouveauté des rivages que nous avons parcourus, le défaut d’observations anté- rieures dans ces parages, dévoient donner un grand degré de développement et d’intérêt à mon travail; en effet, que de régions diverses nous avons explorées successsivement ! Que de mers nous avons sillonnées ! Deux fois nous avons parcouru l’Océan atlantique dans toute sa longueur; deux fois nous avons doublé le Cap de Bonne-Espérance ; autant de fois encore nous avons fait le tour de la terre de Van- Diéinen, et doublé le cap le plus sud du monde dans cette partie; à cinq ou six reprises, nous avons traversé le détroit de Basse; à deux époques différentes, nous avons prolongé une partie de la cote orientale de la Nouvelle-Hollande, et cette côte du S. O. plus intéressante encore; deux fois nous visitâmes l’archipel des îles Saint-Pierre et Saint- François,parcourùmes à deux reprises les mers qui baignent la terre de Nujts; trois fois nous doublâmes le cap Leuwin, explorâmes autant de fois les côtes d’Edels, de Whyt et d’Endracht , prolongeâmes nos courses j usqu’aux îles Arrow , et ne revîmes l’Europe qu’après avoir traversé quatre ou cinq fois la mer des Indes dans plusieurs directions, et coupé sept fois le tropique du Capricorne par des longitudes différentes, parcourant ainsi du nord au sud une ligne de plus de 6o.° ( 1800 lieues) et de l’ouest à l’est décrivant une route de plus de 190. 0 ( 58oo lieues ). Qu’on se figure maintenant qu’au milieu de tant de ré- gions diverses, l’une de mes occupations les plus constantes et les plus chères fut celle de recueillir et d’observer les ani- maux dont nous parlons, et que suspendus tour-à-tour aux côtés de notre bâtiment, mon ami Lesueur et moi, nous 440 ANNALES LU MUSÉUM n’en laissions, pour ainsi dire, échapper aucun, on conce- vra bien aisément sans doute de quelle importance peut être notre travail sur ces animaux. Aussi ne craignons-nous pas de répéter, d’après les personnes les plus capables de l’apprécier, que jusqu’à ce jour, il n’en avoit pas été fait d’aussi important et d’aussi complet. Non-seulement nous avons doublé ou meme triplé le nombre des espèces con- nues de presque tous les genres, mais encore nous en avons observé plusieurs qui ne sauroient rentrer dans aucun de ceux précédemment établis, et qui par conséquent doivent former autant de coupes nouvelles dans la classe nombreuse des mollusques et dans celle des zoophytes. A la tète de ces nouveaux genres paroît celui qui fait l’objet de ce mémoire , et que toutes les personnes des deux vaisseaux de notre expédition observèrent avec une égale admiration au milieu des flots de l’Océan atlantique, pen- dant notre traversée d’Europe à l’Ile de France. Sa pro- priété phosphorique véritablement prodigieuse, le rend un des plus beaux zoophytes connus , et son organisation le place au milieu des plus singuliers d’entre eux. P YROSOMA. Corpus liberum, subconicum , extremitate amplioreaper- tum , vacuum , aperturœ margine intâs tubercules cincto. Pyrosoma atlanticum. Æquatorio-atlanticum , gregariè-pelagi-vagum vividis- simè phosphorescens , coloribus eximiis tune ejf ul- gens, in aquis vigintiduobus reaumurianis calidioribus occurens , io-12-i4-i6 centimetros œquans. d’histoire naturelle. ~ 44 i Déjà depuis long-temps nous étions retenus par les calmes au milieu des régions équatoriales ; nous ne pouvions avancer en latitude qu’à l’aide de ces petits ouragans particuliers à ces climats, et que les marins désignent sous le nom de grains des tropiques. Le i3 frimaire au soir nous venions d’en éprouver un des plus forts ; le ciel de toutes parts étoit chargé de gros nuages ; l’obscurité par- tout étoit profonde; le vent soufhoit avec violence , et le sillage de notre navire étoit rapide. Tout-à-coup on découvrit, à quelque distance, comme une large écharpe de phosphore étendue sur les flots ; elle occupoit un grand espace en avant de nous. Ce spectacle, au milieu des circonstances que je viens d’ex- poser, avoit quelque chose de romanesque, d’imposant et de majestueux qui fixa tous les regards. Tout le monde à bord des deux vaisseaux se précipite sur le pont pour jouir d’un coup d’oeil aussi singulier. Bientôt nous eûmes atteint cette portion embrasée de l’Océan, et nous recon- üûrnes que cet éclat prodigieux avoit pour cause unique et certaine la présence d’une innombrable quantité de gros animaux qui, soulevés par les vagues, entraînés par elles, nageoient à diverses profondeurs, et paroissoient alfecter différentes formes. Eneffet, les individus plus profondément situés sous une apparence plus incertaine, présentoient assez bien l’idée de grosses masses de matière embrasée, ou plutôt d’énormes boulets rouges, tandis que ceux qui se dessinoient à la surface des flots, ressembloient parfaitement à de gros cilindres de fer incandescent. Cependant tous les naturalistes des deux vaisseaux s’ern- pressoient également pour se procurer de ces singuliers ani- maux. Le bon Maugé parmi nous fut le premier qui par- 44S ANNALES D U MUSEUM vint à les obtenir ; il en retira dans un instant plus de 5o ou 4o sur lesquels je pus faire différentes observations dont je vais rendre compte dans la description elle-même de cette espèce intéressante. Tous ces animaux parfaitement semblables entre eux pour la forme, la couleur, la substance, la propriété phos- phorique , ne différoient que par les proportions qui varioient de 3 à 4, 6 et même 7 pouces. Tous étoient libres et non réunis. Leur forme étoit alongée, presque cyindrique; leur por- tion antérieure étoit plus grosse et perpendiculairement tronquée ; une large ouverture circulaire laissoit voir aisé- ment tout l’intérieur de l’animal qui se trouvoit tubuleux et vide, sans offrir aucune autre trace d’organe qu’un ré- seau vasculaire très-délicat qui tapissoit toute la paroi in- térieure de cette cavité. Un anneau de gros tubercules occu- poit tout le rebord intérieur de l’ouverture antérieure, et diminuoit ainsi de près de moitié le diamètre d’ailleurs très- grand de cette espèce de boucbe. L’extrémité postérieure moins grosse , obtuse, ne présen- tait absolument aucune trace d’ouverture même à la loupe. Toute la surface extérieure de l’animal étoit hérissée de gros tubercules alongés plus fermes que le reste de la sub- stance, plus diaphanes aussi, brillans et polis comme au- tant de diamans ; c’est là que se trouve le siège principal de la phosphorescence merveilleuse dont je vais parler bientôt. Entre ces gros tubercules on en distingue d’autres plus courts et plus obtus, très-rapprochés entre eux , et jouissant aussi de la propriété phosphorique. Enfin dans l’intérieur de la substance elle-même, on aper- D* HISTOIRE NATURELLE. 443 çoit, à la faveur de sa transparence, une multitude de pe- tites glandes alongées, étroites, d’un millimètre de longueur environ, et qui jouissent également au plus haut degré de la vertu phosphorique. Quant à la couleur de ces animaux, lorsqu’ils sont en repos ou qu’ils viennent de mourir, die est d’un jaune opa- lin, mêlé de verd assez désagréable; mais dans les mou- vemens de contraction spontanés qu’il exerce , dans ceux que l’observateur peut déterminer à son gré par la plus légère irritation, l’animal s’embrase, si l’on peut ainsi parler, il devient presque instantanément d’un rouge de fer fondu , d’un éclat extrêmement vif; mais de même que ce métal, à mesure qu’il se refroidit, affecte diverses nuances déco- loration, de même aussi notre animal, à proportion qu’il perd sa phosphorescence, passe successivement par une foule de teintes extrêmement agréables, légères et variées, telles sont le rouge , l’aurore , l’orangé , le verdâtre et le bleu d’azur. Cette dernière nuance sur-tout est aussi vive qu’elle est pure. C’est dans cet état que mon ami Lesueur a cru devoir le peindre, non pas seulement parce que cette teinte est de toutes celles qu’il présente, la plus gracieuse et la plus propre à donner de cette charmante espèce l’idée réelle qu’on doit en avoir, mais encore parce qu’elle est, pour ainsi dire, intermédiaire entre le rouge de fer fondu qu’il affecte dans son état de phosphorescence extrême, et le jaune opalin qu’on observe dans son état d’affaissement ou de repos absolu. A l’égard de cette phosphorescence elle-même , quelle qu’en puisse être la nature, quels que puissent être les moyens propres à la développer, à l’entretenir, tou jours est-il qu’elle 4 14 ANNALES DU M U S É U M se présente, clans cette espece, avec tous les caractères crime fonction régulière et naturelle. En effet, si l’on abandonne clans un vase rempli d’eau de mer un ou plu- sieurs individus de ce genre, on les voit à des intervalles isochrones, éprouver un léger mouvement alternatif de con- traction et de dilatation analogues à ceux de l’inspiration et de l’expiration dans les animaux plus parfaits. Avec chacun de ces mouvemens , on voit la phosphorescence se développer dans la contraction, s’affoiblir ensuite insen- siblement, disparoître tout-à-faitpour se reproduire bientôt dans le mouvement de contraction suivant. On peut, à son gré, l’entretenir plus long-temps, la développer plus ou moins vivement, suivant qu’on irrite l’animai , plus ou moins fortement pendant un temps plus ou moins long, soit en le touchant avec quelque chose , soit simplement en agitant l’eau dans lequel il est plongé. Dans tous les cas, elle est tellement dépendante de l’organisation et delà vie de l’indi- vidu, que dès qu’il est mort, cette propriété ne sauroit plus se reproduire jamais. Au reste , les pyrosomes ont cela de commun avec tous les autres animaux marins phospho- riques, et je ne fais qu’indiquer ici cet objet important sur lequel jaurai dans la suite occasion de revenir très-en détail , lorsque je traiterai la question de la phosphorescence des eaux de la incr, phénomène auquel, pendant tout le cours de notre voyage, j’ai donné l’attention la plus grande et la plus constante. La faculté locomotive encore plus que la vie paroit obscure et bornée dans cet animal; elle semble en effet consisterex- clusi veinent dans ce léger mouvement de contraction que je viens de décrire, et dont l’effet nécessaire est de déler- 445 d’h isïoire naturelle. miner lin léger mouvement de répulsion , et conséquem- ment de progression rétrograde; c’est du moins ce que j’ai pu moi-même observer à cet égard. Pour ce qui concerne le mode de nutrition de cet animal , j’avoue qu’il me seroit impossible de rien dire de positif sur cet objet, seulement je soupçonne la manière suivante: J’ai parlé d’un anneau de gros tubercules disposés au pour- tour intérieur de l’ouverture antérieure du corps, et res- treignant de près de moitié le diamètre de cette espèce de bouche. Ne seroit-il pas possible que l’animal, averti par l’ir- ritation que de petits mollusques entrés avec l’eau qui la remplit toujours dans l’interieur de la cavité tubuleuse dont nous avons parlé, doivent exciter, opérât une contraction assez forte pour déterminer un rapprochement tel de chacun des points de l’anneau antérieur, que l’ouverture de cette partie se trouvât entièrement fermée ; dès lors les petits mollusques restés dans l’intérieur du tube, forcés d’y séjour- ner, pourroient peut-être y subir une sorte de décomposi- tion, de dissolution qui les rendit propres à être absorbés par les extrémités du réseau vasculaire que nous avons décrit. ' Je ne parlerai pas du mode de génération particulier à cette espèce, j’avoue franchement que malgré mes observa- tions et mes méditations à cet égard , il me seroit impossible d’y rien concevoir de positif. Comme dans certaines espèces de polypes à la classe desquels ce genre appartient , la régé- nération s’opèreroit-elle par une espèce de bouture? Quel- . ques-uns des longs tubercules dont j’ai parlé, se détache- roient-ilsà des époques plus ou moins avancées pour devenir eux-mêmes autant d’individus distincts? Et dans ce cas, les . 4. 58 446 ANNALES DU MUSEUM tubercules plus courts, plus déprimés qui couvrent le reste de la surface , seroient-ils destinés à remplacer les plus grands , à mesure qu’ils se détachent pour devenir à leur tour des animaux organisés? J’avoue que ce sont là des conjectures qu’il ne in’a pas été possible d’éclaircir assez pour leur mériter quelque degré de confiance. Cependant si l’on réfléchit sur la simplicité d’organisation de ces ani- maux, et sur-tout sur le nombre prodigieux que nous en observâmes, et qui suppose nécessairement une multiplica- tion rapide, peut-être sera-t-on moins porté à rejeter une idée qui paroît s’accorder à-la-fois avec la simplicité d’or- ganisation de l’animal, avec sa multiplication prodigieuse, et que l’analogie senibleroit elle-même devoir nous autoriser à soupçonner. Je dois cependant a jouter ici que malgré nos courses longues et multipliées au milieu de tant de mers différentes, nous n’eumes jamais depuis occasion d’observer aucune tribu de ce genre. Il paroît donc cantonné entre le iq.eetle 2 o.e degrés de longitude à l’ouest du méridien de Paris, et Ie3.eet4.e de latitude boréale où nous l’observâmes. La température des eaux de la mer à sa surface étant alors de 22.0 du thermo- mètre de Réaumur. J’indique avec soin ces dernières circon- stances, parce qu’on pourra voir dans la suite démon tra- vail, que les différentes espèces de polypes et de mollusques pélagiens ne sont pas disséminées au hasard sur la surface de l’Océan, mais que chacune d’elles, fixée toujours à de certaines latitudes, à de certaines longitudes, se reproduit constammentaux mêmes lieux , où la température, vraisem- blabh ment plus que toute autre chose, la contraint de se- reléguer. D HISTOIRE NATURELLE. 447 a>.ï*taw*i MÉMOIRE Sur le Genre D O R I S , Par G. CUVIER. i.° Remarques générales. Nous avons déjà vu , d’une manière sommaire, à Fartic'e des Tritonia, combien le genre Doris a été embrouillé par Linnœus et ses commentateurs j retraçons-en l’histoire en peu de mots. Les anciens ne disent rien qui y ait un rapport évident quoiqu’on ait voulu en retrouver une indication fam>AéElien\ ni Rondelet y ni Gessner n’en parlèrent ; le premier mo- derne qui en ait donné une figure est Fabius Columna , dans les Observationes aquabilium qui sont à la suite dé son Fcphrasis , pag. 22. Il regardoit son animal comme une espèce de lièvre marin ; sa figure est très-mauvaise. ^ dldrovande en donna une autre fort grossière , aussi sous le nom de lièvre marin, hist. an. exs. p. 82, qui fut copiée par Jonston , exs. pl. I, fig. 6. Ces deux figures ne sont pas à beaucoup près assez pré- cises pour qu’il soit possible de déterminer quelle espèce de doris elles représentent. 58* 448 ANNALES DU MUSEUM Aussi Linnæus n’eut-il aucun égard ni à l’une ni à l’autre quand il forma le genre Dorisj dans sa io.e édition. Il n’en avoit alors observé qu une espèce, probablement celle que nous décrirons plus bas sous le nom de verrucosa\ du moins c’est elle que semble représenter la figure qu’il cite, Seba.II, t.6L, fig. 5. Si toutefoiscette figure représente un Doris, ce dont je doute beaucoup, car elle me paroît plutôt être l’image d’un oscahrion. Le limax verrucosa , liumph. amb. rarit. cam 58 , est aussi un oscabrion selon toutes les apparences , à en juger par la mauvaise descrip- tion sans figure de cet auteur. Linnæus en examinant cette espèce unique, se trompa sur la position de la bouche; prit l’anus pour elle, et considéra les branchies comme des tentacules. Voilà pourquoi il fit entrer dans le caractère générique ces mots : tentacula ad os circiter octo , qui autre- ment ne peuvent du tout s’expliquer. Il réforma le caractère du genre dansîa 12.0 édition , lors- qu’il y fit entrer Y argus deBohatsch ; il reconnut que dans celui-ci , l’ouverture entourée de franges , étoit l’anus ; mais oubliant apparemment l’analogie de ces franges avec celles du doris verrucosa qu’il n’avoit peut-etre plus sous les yeux, il laissa toujours dans la description spécifique de celui-ci, ces prétendus huit tentacules autour de la bouche. Il ajouta dans cette édition au genre Doris, deux espèces, observées par Koenig en Islande, et évidemment analogues à l’argus. JJ. bilamelldta et lœvis. C’étoit donc cet argus qu’il prenoit désormais pour type de ses doris ; et nous l’imiterons en ce point, ne laissant parmi les doris que celles qui ressemblent à Y argus dans les articles génériques, tels que Linnæus lui -même les * d’histoire NATURELLE. 449 donne, et dont le principal consiste dans ces branchies en forme de franges qui entourent l’anus; anus posterius in dorso suprà , cinctus ciliis. C’est la circonscription que j’ai proposée depuis long- temps dans mon Tableau élémentaire , p. 687 , et qui a été adoptée ensuite par M. Lamarck ( an. sans vert., p. 66 ). M. Bosc l’a adoptée aussi ( vers. 1 , 90 ) , mais en l’attri- buant à M. Lamarck, ainsi que la création du genre tri- tonie , quoique toutes deux m’appartiennent également. M. Bosc n’a d’ailleurs pas été fidèle au caractère qu’il avoit adopté, puisqu’il a laissé dans sesDoris, l’ arborescens et 1 çfrondosa qui sont des tritonies. Or , si après s’être bien pénétré du vrai caractère géné- rique, on parcourt l’énumération de Gmelin et si on le compare avec les écrits des naturalistes contemporains ou postérieurs à Linnæus, on remarque bientôt, j.° Que sept espèces seulement sur les vingt-cinq dont le genre se compose , y appartiennent en réalité, et d’une manière certaine, savoir: D. argo { l’argus de Bohatsch), stellata , fusca ( le bilamellata de l’édit. XII ) loevis , obve- lata , muricata et pilosa. Gmelin les a toutes comprises dans sa seconde section. 2.0 Que le D. verrucosa , si c’est réellement celui que je vais décrire , appartient aussi au genre , quoique Gmelin Fait laissé dans sa première section, dont les autres espèces, n’y appartiennent pas, mais sont ou des tritonies{\) , ou des (solides {2) , ou des cavolines (3) , ou des glaucus (4). s- - (1) Dor. clavigera , auriculata ? cervina , coronata , arborescens et f rondo sa, (g) Dor. Fasciculata , papillosa lacinulata , minima ? et pennata . (3) Dor. Peregrina et ajjînis. (4) Dor. Radiata. 450 ANNALES DU MUSEUM. N 5.° Que les caractères assignés à ces huit espèces, ne les distinguent pas les unes des autres , de manière qu’on ne sait si plusieurs ne reviennent pas à lamême; ce qu’on dit pour V argus , par exemple , ano ciliato phrygio , et ce qu’on dit pour le stellata , stellct ad anum octo radiata radlis va - mosis, sont des expressions différentes pour dire une même chose , et une chose non-seulement commune à ces deux espèces là, maitoutes ucelles qis à appartiennent vérita- blement au genre , etc. 4.° Que les divers synonymes cités, 11e sont pas à beau- coup près tous certains ; par exemple: La limace ctplante , Dicquemare , journ. de pliys. 177g , juillet, qu’on rapporte à V argus, est du double plus grande, et tout autrement colorée ; c’est une belle espèce tout-à-fait distincte.. Le coucha sine testa , plane, app. t. Y, fig. G et H, ne ressemble pas plus clairement à Yobvelata sous lequel on le range, qu’à bien d’autres espèces ; tout ce qu’on peut en dire , c’est que c’est un do ris , et voilà tout. Il en est absolument de même, comme nous l’avons vu , du lepus marinus aller minor de Columna. J’ai eu à ma disposition treize espèces de véritables doris , toutes caractérisées par un cercle de houppes branchiales autour de l’anus, et par des tentacules supérieurs pouvant se retirer dans une cavité. Dix de ces espèces appartiennent à la seconde des divisions établies par Gmelin, c’est-à-dire, qu’elles ont Je corps plane, ol?tus par les deux bouts , et dé- bordant le pied de toute part ( Corpus utrinque obtusum , planum , tectum ). Les trois autres appartiendront à la première section, parce que leur corps est, pour ainsi dire; d’ histoire naturelle 45 i prismatique, se terminant néanmoins quelquefois en pointe par derrière , et que le manteau au lieu de déborder le pied , se réfléchit vers le haut ( Corpus rétro rsu/n acumi- natum , suprà convcxum nudum ). Mais elles ne ressemblent pas pour cela aux espèces que Gmelin a introduites dans cette section , comme nous l’avons vu tout à l’heure. Sur les dix espèces de première sorte , trois sont certai- nement comprises dans l’énumération de Gmelin, savoir: les Boris pilosa , stellata et lœvis ; une quatrième me pa- raît y être aussi, quoique moins évidemment ; celle que je nomme JJ. verrucosa ; et tout le reste me semble ne s’y point trouver, sans que je veuille soutenir cependant qu’il n’en soit point parlé dans d’autres auteurs. J'ai trouvé deux de ces espèces, les D. verrucosa et tu- berculata , dans l’ancienne collection du cabinet d’histoire naturelle; une troisième , le JJ. lœvis , m’a été procurée par feu M. Théodore Homberg du Havre, jeune homme plein de mérite, qui étoit pénétré d un véritable amour de îa science, et que la mort vient d’enlever lorsqu’il se pré- paroit à rendre publics les fruits de ses grandes recherches sur les animaux marins. J’acquitte un devoir bien cher , quoique bien douloureux, en rendant témoignage ici de toutes les obligations que j’avois à son amitié. Trois autres, les JJ. stellata, pilosa et tonientosa , m’ont ét 'adressées avec un ïnAiv\à \ àu tubzrculata , par M. Fieu- riau de Bellevue , naturaliste très-instruit et très-zélé, qui réside à la Rochelle, et auquel je dois beaucoup d’autres mollusques, dont j’enrichirai cette suite de Mémoires. M. de Bellevue a joint à son envoi des observations faites par lui-même, et-d’autant plus précieuses , que les do ris , ainsi 4&2 ANNALES DU MUSEUM que les autres mollusques, ont rarement été vus vivanspar de vrais naturalistes. J’ai observé et recueilli moi-même à Marseille, une sep- tième espèce, le JD. limbatci. Mais les six espèces les plus belles , les D. solea , lacera , s cabra, pustulosa , jnciculosactatro-marginata, nouvelles toutes les six, et dont les trois premières sont en même temps, avec l’espèce de Dicquemare , les plus grandes qu’on ait encore décrites , m’ontété apportées de la mer des Indes, par M. Pérou , l’un des savans qui ont accompagné le capi- taine Baudin, et certainement l’un des voyageurs qui au- ront le plus enrichi l’histoire naturelle dans ces derniers temps. Je n’anticiperai point dans ce Mémoire sur ce queM. Péron doit dire de ces animaux dans la relation de son voyage ; il est trop juste qu’il publie lui-même ce qu’il a eu tant de peine à découvrir ; je me bornerai aux observations ana- tomiques faites par moi dans mon cabinet , sur les indi- vidus qu’il est allé chercher avec tant de dangers, à une autre extrémité du globe. J’ai plus particulièrement disséqué cinq de ces espèces , savoir : lesZ). lacera , solea , scabra , tuberculata et ver- rucosa. Mais les deux premières m’ayant donné plus de facilité à cause de leur grandeur, j’en ferai l’objet principal de ma description, ne parlant des autres que quand elles différe- ront en quelque point de celles-là. Ces deux espèces ont en même temps l’avantage d’être chacune le type d’une des deux grandes subdivisions du genre ; D. lacera des prismatiques , JD. solea des planes . d’ HISTOIRE NATURELLE. 453 2.0 Description extérieure du Doris lacera. l’ai représenté le D. lacera, pl. I, fig. i ; sa longueur est à-peu-près de 3 à 4 pouces; sa largeur de î à i et demi, selon qu’il s’étend dans un sens ou dans l’autre; il est plus étroit à proportion que les Doris ordinaires; les bords de son manteau, a , a , s’étendent peu au-delà de ceux du pied, h , 6; ils sont minces, très-inégalement repliés, en partie réfléchis, et tellement découpés qu’ils semblent avoir été déchirés. La peau du dos est comme renflée en grosses vésicules inégales , irrégulièrement placées , c, c, c, et dont l’inté- rieur n’est rempli que d’une cellulosité lâche. Les deux tentacules supérieurs, d, d , sont comme dans tous les Doris que j’ai vus en forme de massue , c’est-à- dire, portés sur un pédicule plus mince que leur corps; celui-ci se termine en pointe et est finement strié entravers. Sous le rebord intérieur du manteau sont deux autres ten- tacules, e, e, charnus, larges, plats et légèrement dentelés entre lesquels est la bouche ou la trompe. Sur la partie postérieure du corps sont les houpes bran- chiales,/, /, au nombre de huit ou dix, en forme, de petits arbres irréguliers. Elles ne sont point, comme dans les Doris planes, rapprochées par leurs pédicules de manière à représenter plus ou moins exactement une espèce de fleur ou d’étoile, comme on les voit, par exemple, dans mon Doris solea , pl. II , fig. î ; mais elles sont disposées autour de l’anus en un cercle ou en une couronne dont le diamètre intérieur est d’un centimètre et demi. L’anus g est au centre de ce cercle ; et à son côté droit, 4. 5g 454 ANNALES D U MUSÉUM un peu en avant , est une autre petite ouverture, h , que j’ai retrouvée dans tous les vrais Doris , et dont aucun autre n’a voit encore fait mention. Elle est très-remarquable, parce qu’elle donne issue à une excrétion fort singulière par scs sources dont nous parlerons en décrivant l’in- térieur. Les organes de la génération ont leur issue par deux petits trous percés dans un tubercule, i, du côté droit du corps sous le rebord du manteau , vers le quart antérieur; ce tubercule offre à-la-fois les orifices des deux sexes. Toutes ces ouvertures sont en même nombre et placées aux mêmes endroits dans les autres doris , même dans les planes; la seule différence essentielle de celles-ci consistant dans la forme du corps et la position réciproque des ra- meaux des branchies. Leurs tentacules inférieurs sont aussi simplement pointus. Dicquemarre figure l’organe mâle de la génération sorti , dans sa limace à plante', il y est au même endroit que dans les nôtres. M. de Bellevue a fait la même remarque sur les individus vivans qu’il a observés. 5.° Ouverture du corps et position des viscères. \ \ La figure II de la pl. i représente le D. lacera ouvert, et ses viscères à-peu-près dans leur situation naturelle ; pour les voir ainsi, il faut enlever un péritoine membraneux assez épais, qui les enveloppe, et qui se retrouve dans tous les autres Doris. a est la trompe , retirée au dedans du corps , par les deux muscles g, b est le cerveau, placé comme à l’ordinaire \ & D* HISTOIRE NATURELLE. '455 sur l’origmo de l’oesophage; c, est cet oesophage et la masse de li ha si ehe d’où il part; en donne encore un v , qui se porte en arrière entre les deux lobes, se tenant cependant plus près du droit. La distribution des artères est à peu de chose près la même dans les Doris planes, comme on peut en juger par les fig. 1 et 2 de la pl. II , où les lettres sont placées sur les mêmes parties que dans celles de la pl. I. 5.° Organes des sensations. Le système nerveux des Doris est aussi simple que celui des tritonies; il consiste, comme je l’ai déjà annoncé, en un cerveau unique et sans ganglions épars, comme il y en a dans Xaplysie , le colimaçon , etc. On peut faire la même remarque que dans Yaplysie, à l’égard de l’ampleur des enveloppes de ce système. Le vrai cerveau n’occupe pas la moitié de l’espace que lui fournit la dure mère, ainsi qu’on peut le voir, pl. I, fig. 5 en b. -:■« Dans le doris lacera , le cerveau ne forme qu’une masse 458 ANNALES DU MUSEUM ovale, de petits globules brunâtres, mais dans le dons so- lea, il est divisé en quatre lobes. Le premier nerf, i, 1, pl. I, fig. 2 et 5, va au tentacule supérieur; le second, 2, 2, passe sous le premier et sous le muscle transverse de la trompe, pour se rendre à toutes les parties antérieures du museau, et probablement aux tentacules inférieurs. Les suivans, 3 — 10, se rendent en gé- néral dans les parties latérales , pour se distribuer aux muscles. Les deux dernières paires n et 12, serrent de près î’œso- phagc , et passent dessous , 11 , pour y former par sa réu- nion deux petits ganglions, d’où naissentles nerfs de l’œso- pliage et de l’estomac, et 12, pour compléter le collier ner- veux qui entoure ce canal. Cette disposition est absolument la meme que j’ai décrite et représentée à l’article du tritonia. {Y oyez cet article, pl. Il, fig. 1 et 2. ) Les tentacules supérieurs des Dorisse logent dans deux gaines cylindriques et courtes qui lui sont fournies par une saillie circulaire de la peau. Ils ressemblent en cela à ceux des bribonies , mais ils en diffèrent beaucoup pour la forme. Ceux des tritonies sont souvent branclius ; ceux des do ris sont toujours composés de petits feuillets extraordinaire- ment minces, empilés les uns sur les autres, et comme en- filés dans un pédicule commun. Je les ai trouvés tels dans toutes les espèces que j’ai observées tant mortes que vi- vantes. Il est vrai que Bohatsch décrit autrement ceux de son argus. Ils sont , dit-il , semblables à une morille dont la tète seroit garnie de petits tubercules ou points noirs: son dessin les représente en effet comme deux petites grapes; il d’ H I S T O î R E NATURELLE, 45g regarde ces points comme autant d’yeux , et c’est meme de cette multiplicité d’yeux qu’il a tire le nom Ràrgus qu’il donne à cet animal. J’avoue que l’analogie si constante des autres espèces, j. me force de soupçonner cet auteur estimable d’avoir été induit en erreur, et aucun autre exemple dans la nature ne me rend vraisemblable une différence aussi grande , dans un organe si important, entre des animaux qui se ressemblent tant d’ailleurs. Les tentacules inférieurs ne sont pas aussi constamment semblables. Le doris lacera les a comme la tri tonie, en forme de deux larges lèvres ou feuillets charnus et crénelés. Dans le doris solea et dans les doris planes en général, ce sont deux petites pointes ou cornes coniques, placées aux deux côtés de la base de la trompe. Bohatscli les a bien exprimées dans sa figure de l’argus. On ne comprend donc pas trop pourquoi Linnæus dans sa XII.e édition, ne donne que deux tentacules aux do7'is ; ni pourquoi Gmelin , en leur en attribuant quelquefois quatre, les place tous au-dessus du corps; tentacula 2 ad 4 , suprà corpus antrorsum , intrà foramiua rctractilia. 6.° Organes de la digestion . a. Bouche. Les doris diffèrent éminemment des trito nies par la bouche en trompe et sans dents dans les premières, courte et armée de mâchoires tranchantes dens les secondes. 46o ANNALES DU MUSEUM Il me semble que c’est une règle générale que les gas et ropodes à trompe sont dépourvues de mâchoires. On voit la trompe du cloris lacera en a , pi. I , fig. 2 et 5, dans son état de rétraction. Cet état est produit par les muscles marqués e,quiforment autour d’elle une tunique conique, et dont l’attache à l’en- veloppe du corps est en arrière. Ceux marqués AA, pro- duisent l’effet contraire; leur attache est immédiatement derrière les précédons, et ils s’insèrent en arrière sous la masse de la bouchée, c, qu’ils portent en avant, et qui pousse la trompe devant elle. Celle-ci est en outre pourvue de fibres propres, pour s’allonger et se raccourcir. Sa tunique intérieure ou veloutée est extrêmement ridée lors de la contraction. Au fond de la trompe est une fente verticale, étroite, dont les parois sont revêtues d’une veloutée un peu carti- lagineuse ; derrière est la langue qui ressemble à celle de la tri tonie et de l’apljsie. L’oesophage y , est assez long et replié sur lui-même ; son intérieur est extrêmement ridé ; les glandes salivaires du dons lacerai, sont longues et minces; elles s’insèrent dans l’œsophage près de sa naissance; leur extrémité pos- térieure s’y rattache près de son insertion à l’estomac. Celles du doris solea sont d’abord assez grosses, et en pas- sant au travers du collier nerveux qui entoure l’œsophage , elles deviennent si minces qu’on est tenté de les prendre pour des nerfs qui iroient à l’estomac. Outre les vraies glandes salivaires, il y a sur la naissance de F œsophage un grand corps glanduleux que j’ai long- temps pris pour elles. Il recouvre en partie le cerveau et d’ HISTOIRE NATURELLE. 46 1 la masse de la bouche, et se trouve généralement dans tous les Doris. Je l’ai marqué cT; sa couleur est brunâtre ; il reçoit une forte branche artérielle , et doit par consé- quent produire quelque sécrétion abondante, mais je n’ai pu encore découvrir où se porte l’humeur qu’il sépare. b. Canal intestinal. L’estomac des doris est membraneux et mince; il n’a rien qui ressemble à un gézier ; sa surface interne n’a d’iné- galités que vers le cardia où les rides de l’oesophage se prolongent et se divisent en papilles. Le pylore est près du cardia, à gauche, et le duodénum croise l’oesophage en- dessus, pour se porter vers la droite. Le fond du cul-de-sac stomachal est percé de beaucoup de grands trous qui sont les orifices des vaisseaux biliaires. On conçoit à peine com- ment les alimens ne pénètrent point dans ces vaisseaux et ne les engorgent pas. On peut voir les orifices de ceux du doris lacera en c , fig. 5, pl. I. Ceux du doris solea, e , [pl. II, fig. 2, sont moins nombreux. Outre les vaisseaux biliaires, il y r dans les deux espèces une vésicule, 0 , fig. 3 , pl. I , et fig. 1 et 2 , pl. II , qui verse une liqueur quelconque dans l’estomac. Sasurface intérieure est toute hérissée de papilles coniques, mais elle n’a point de communication directe avec le parenchyme du foie. Il faut que sa sécrétion soit assez abondante, car elle reçoit un fort rameau artériel, de l’une des artères hépatiques. Le canal intestinal est court à proportion. Il va assez direc- 4. ' • 60 462 ANNALES DU MUSEUM tement à l’anus en restant logé dans un sillon du lobe droit du foie. c. Glandes. Le foie, ainsi qu’on a pu le voir, est très-volumineux, et reçoit un nombre considérable d’artères; il se divise longi- tudinalement en deux lobes; sa substance est grenue ; jus- que là il ne diffère pas beaucoup de ceux des autres mol- lusques; mais une circonstance l’en distingue éminemment. C’est ce canal qui aboutit à l’ouverture située près de l’anus; il est marqué y , pl. I,fig. 3, et pl. II, fig. 2. Il n’y a nul doute que c’est de la substance du foie qu’il tire ses branches; c’est un fait vérifié autant qu’il est possible par l’inspection anatomique ; il faut donc que ce viscère, outre la bile qui se rend dans l’estomac, sépare encore quelque liqueur excrémentielle. En voilà le premier exemple dans la nature , et la chose etoit assez singulière pour 111e faire douter long-temps, et pour me faire mettre dans cet exa- men toutes les précautions possibles. Il n’y a qu’une seule supposition à faire qui soit contraire à mon idée ; c’est que les lobules de deux glandes différentes seroient tellement entrelacés, qu’on ne pourroit les distinguer à la vue; une partie de ces lobules seroit hépatique , et produiroit la bile; l’autre donneroit la liqueur que le canal en question transmet au dehors. Je sais que Monro , dans son anatomie du calmar qui est à la suite de sa physiologie des poissons, regarde aussi l’encre que cet animal rejette comme une production excré- mentielle du foie , mais son opinion se réfute aisément; car si dans le calmar et dans le poulpe, la glande qui produit d’histoire naturelle. 463 l’encre est rapprochée du foie , si elle en est meme enve- loppée, dans la seiche elle est située dans une partie du corps fort opposée; et dans la poulpe même où le foie l’en- veloppe, il est aisé de l’en séparer, car elle en est distinguée par une double membrane. Il y a une différence pour ce canal , entre le doris solea et le doris lacera ; dans la première, il remonte plushaut , et se contourne autour de la partie antérieure du foie, avant de s’enfoncer entièrement dans sa substance; dans l’autre, il se perd dès le milieu de la face supérieure du viscère. Celui du doris solea cache entièrement à la vue la veine hé- patique; mais celui du doris lacera marche simplement à côté, et ne la couvre point. Un peu avant de sortir du corps, ce canal communique par un petit conduit, avec une vésicule marquée z, dans les figures des deux espèces; elle est fort plissée intérieure- ment sans l’être à l’extérieur, et paroît un peu musculeuse. Il est probable qu’elle sert de réservoir à la liqueur sécrétée, pour que l’animal puisse ne la faire sortir que quand il le juge à propos. J’ai trouvé ce canal dans tous les doris , et cependant le doris limbala que j’ai vu vivant, n’a rien fait sortir devant moi, que j’aye pu remarquer. M. Péron croit se rappeler qu’il a vu répandre à quelques-unes de ces grandes espèees des liqueurs colorées. M. de Bellevue ne parle de rien de semblable , et je n’en trouve rien non plus dans les auteurs qui m’ont précédé; ce sera un sujet de remarque pour les observateurs. 60 * 464 ANNALES DU MUSÉUM 7.0 Organes de la génération . Ils sont composés dans les doris des mêmes parties essen- tielles que dans les autres gastéropodes hermaphrodites , avec quelques circonstances accessoires de plus. L’ovaire est caché dans l’épaisseur du foie ; l’oviductus /3, /3 , est long et tortillé comme à l’ordinaire; arrivé au testicule , il s’y colle intiméinent, et continue jusqu’à sa sortie. Le testicule % est gros et arrondi; dans le doris solea3 il a l’air d’être fait des replis d’un vaisseau blanchâtre entor- tillé de mille manières; dans le lacera , il est creux, mais une partie de ses parois est épaisse et remplie de petits vais- seaux sans doute sécréteurs de la semence. La vessie, *, nommée par Swammerdam de la pourpre ( mais assez mal-à-propos, ainsi que nous l’avons insinué à l’article de Yaplysia ) , et qui communique ordinairement avec le canal propre du testicule, a ici deux communica- tions; l’une ç, avec le canal que je viens de dire, et l’autre w , qui va s’ouvrir près de l’extrémité de la verge. Dans le doris lacera, ces deux canaux s’unissent en un seul , avant d’arriver à la vessie , s ; dans le solea, ils s’y rendent chacun séparément. La verge elle-même, a, a, donne en arrière un canal de communication,”,”, avec celui du testicule, qui y aboutit fort près de celui de la vessie ,?, et de l’oviductus/3. C’est la première fois que j’ai observé dans les gastéropodes ces deux communications en quelque sorte surnuméraires. La verge du doris lacera est fort longue ; son canal de 465 d’ HISTOIRE NATURELLE. communication, ” est très-mince; il se renfle en^, avant d’aboutir au testicule. Dans le solect, elle est mince, aboutit à une grosse bourse charnue qui reçoit son canal de commu- nication " , avec le testicule. Ce qu’on voit sans autre incision de la verge du doris lacera, n’en est proprement que l’enveloppe charnue ; la véritable verge est au dedans , en forme de filet , d’un violet pâle. Elle se laisse aisément tirer de son enveloppe vers le dehors. Il j a encore une petite vésicule , antérieure est en forme de plumet rond et fauve; le reste » est uni, blanc et transparent. Ils sortent d’un étui court » et lascinié, qui paroît seul quand ils sont repliés. d’histoire naturelle 471 )) La bouche fendue verticalement se prolonge en forme » de trompe, quelquefois au-delà du manteau. Je n’ai pu » apercevoir les jeux. )) L’organe de la génération est, comme dans les limaces, » du côté droit, sous le manteau, à peu de distance du u tentacule. Il consiste en un corps saillant , sortant d’un » trou plus grand que ce corps; ce trou est ouvert posté- )) rieu renient. » Ces animaux rampent sur leur pied et s’attacîient assez )) fortement par son moyen, même sur le vernis de la » fayence , faculté qui leur permet de résister à l’action des )) flots. Ils nagent aussi , mais d’une manière curieuse. Leur » position , dans ce cas, est inverse de la précédente. Le )) pied, étendu au-dessus de la surface de l’eau, devient )> un peu concave, et s’alonge en forme de gouvernail, )) tandis que leurs tentacules, et sur-tout le développement » de leur manteau les fait avancer comme un bateau à la » rame, ou plutôt comme une barque pontée et sans mâts. » C’est aussi la manière de nager de la tritonie. )> Mis dans l’eau douce, ils replient leurs tentacules, et )) presque toutes leurs branchies, et s’enveloppent entière- )) ment de leur manteau ; ils y meurent bientôt après. Ils » perdent près de la moitié de leurs dimensions dans l’eau )> de vie. n Ces animaux, sans être communs, ne sont point très- » rares sur notre côte ; j’en ai eu successivement jusqu’à six, » qui ont vécu plusieurs jours. Le plus petit que je vous u remets paroît dépourvu de tubercules ; il ressembloit » d’ailleurs tellement aux autres, que j’attribue cette diffé* » rence à ce qu’il est encore jeune, etc. )) 61 * ■:tJ2 ANNALES DIT MUSEUM J’ai cru apercevoir entre les animaux envoyés par M. cîe Bellevue, des différences qui , si elles ne sont pas certaine- ment spécifiques, ont pu le paroître aux naturalistes qui m’ont précédé , et que je crois avoir motivé la distinction entre le doris stellatci et le pilosa. Les individus que je rapporte au premier, sont un peu moins bombés, plus bruns, et leur manteau est recouvert de petits tubercules arrondis ; ceux que je rapporte au second, sont beaucoup plus bombés, tout-à-fait blanchâtres, et leurs tubercules sont en cônes alongés , flasques et retom- bans, de manière à représenter des poils. Je leur trouve aussi neuf feuilles aux branchies,, tandis que les autres nm paroissent n’en avoir que sept. La figure de Bommé, Mém. deFlessingue, tome III, fig.. 4, que Gmelin cite sous D. stellata , se rapporte très-bien n nos premiers animaux.. Quant au petit individu dontM. de Bellevue parle à la lin de sa note , il a le manteau plus débordant le pied ret sa sur- face est tout-à-fait couverte de ce tissu un peu laineux au tou- cher,et comme feutré , que lesbotanistes nomment superficies tomentosa. Ses branchies sont entièrement rentrées et ca- chées dans leur calice,, ce qui n’arrive à pas une des autres espèces. Je crois donc encore pouvoir hardiment le considérer comme une espèce à part- ie. Le doris lœvis . Il n’y a au lieu de tubercules que de petits points blan - châtres sensibles à la vue plus qu’au toucher. Le corps est plus oblong, plus convexe dans le sens de l’axe, et les ten- D* HISTOIRE NATURELLE. 4y5 tacules plus longs que dans les trois espèces différentes. La grandeur est à peu près la même. La couleur est blanchâtre autant qu’on en peut juger dans la liqueur. Il y a aux bran- chies neuf feuilles bien distinctes. M. Hombergl’a observé souvent aux environs du Havre. B. Les D ORIS PRISMATIQUES. 1. Le doris lacera. Suffisamment décrit au commencement de ce mémoire, surpasse de plus du double en grandeur tous les autres doris prismatiques. M. Péron l’a rapporté de Timor, ainsi que les deux espèces suivantes. m. Le doris atro-marginala. Mérite bien ce nom par la ligne étroite, d’un noir foncé, qui règne sur tout le pourtour de l’arrête qui distingue le dos des flancs. Le reste du corps est blanchâtre ; la partie postérieure finit en pointe aigue. PL II , fi g. 5. n. Le doris pustulosa . Tout le corps est blanchâtre et garni de papilles larges très-peu élevées, dont le milieu est marqué d’un point en- foncé. La terminaison du corps est arrondie. Je laisse à M. Péron à donner plus de détails sur ces espèces , ainsi que sur la multitude d’autres mollusques et zoophytes qu’il a découverts. 4y4 ANNALES DU MUSEUM JVo te sur la perte de trois Animaux de la Ménagerie. Nous avons à regretter la perle de trois de nos plus précieux animaux de la menagerie; de ce nombre est le grand lion dé Tunis dont M. Lacepède a donné, dans l’ouvrage intitulé , Ménagerie nationale , une si intéressante histoire. Ce bel animal avoit été le père des lionceaux nés dans notre établissement. Dans une précédente maladie , il avoit encore conservé du goût pour de la viande de mouton , mais dans celte dernière, il n’a pris d’autre nourriture que du lait : sa respiration devenant de plus en plus difficile et douloureuse, il garda obstinément le fond de sa loge jusqu’à sa mort. A l’ouverture de son cadavre , on a observé que tout Je système glanduleux avoit éprouvé une obstruction presque générale Le tigre femelle a péri aussi au bout de sept ou huit jours de maladie ; ses pou- mons ont été trouvés presqu’enlièrement détruits. Dans le même temps son mâle nous offroit un spectacle qui prouve que cette espèce est plus qu’on ne l’avoit cru jusqu’ici, susceptible d’affection et de recon- noissance. Ce tigre se trouvoit depuis quelques jours incommodé d’une large blessure à l’épaule gauche : les pansemens qu’on lui faisoit n’en opéroient que len- tement la guérison. Nous fûmes surpris devoir qu’il en fut tout-à-fait redevable à un petit chien qui vit habituellement au milieu des animaux , et qui ayant trouvé moyen de se glisser dans sa loge , alloit d’abord la nuit, pendant le sommeil de ce terrible animal , et ensuite plusieurs fois le jour , lui lécher sa plaie ; depuis cette époque , le tigre accueille avec amitié son bienfaiteur qui de son son coté lui con- tinue ses soins. Enfin, notre perte la plus sensible est celle de l’éléphant mâle que nous acquîmes il y a un an ; il a péri d’une inflammation de poitrine , sans, pour ainsi dire , avoir été malade; car il ri’a cessé , que dans sa dernière journée, de prendre de la la nourriture. Nous l’avions vu, dans uue autre circonstance, tourmenté de la colique et de la fièvre, le ventre très-tendu et la peau excessivement chaude. Quoi- qu’il parut fort affaissé , il resta constamment debout ; mais dans eetle situation sa tète et ses défenses parurent lui procurer un poids insupportable; il cherchoit à s’en débarrasser en partie en s’appuyant sur la muraille : cet expédient ne lui réussissant pas 'eomplétemént, et la fièvre augmentant , on le vit roidir sa trompe, et en la rendant pussi ferme et aussi droite qu’un fût de colonne, abandonner dessus tout le poids de sa tête. Ainsi pour donner du repos aux muscles du cou, il opéroit avec un effort très-violent la contraction de ceux de la trompe. D1 HISTOIRE NATURELLE. 4y5 CORRESPONDANCE. Nota. Eu attendant que M. de Humboldtqui vient d’arriver à Paris, veuille Bien nous donner quelques détails plus étendus sur son voj'age , nous pensons qu’on lira avec plaisir la traduction d'une lettre qu’il avoit écrite en espagnol à M. Cavanilles, et que celui-ci a publiée dans le i3.e n.° de l’ouvrage intitulé : Anales de ciencias naturales. Lettre de M. A. de Humboldt à JD. /. A. Cavanilles . Mexico, 11 avril iSo5. M. ' Nous 11e faisons que d’arriver dans cette grande et magnifique ville de Mexico , je m’empresse de vous écrire , espérant que cette lettre aura une meilleure des- tinée que mes précédentes. Mon ami JBompland et moi nous avons toujours con- servé une santé robuste, malgré le défaut d’abri et la faim que nous avons éprouvée dans les déserts, et quoique nous ayons beaucoup souffert par le chan- gement de température et par la fatigue dans nos voyages, ^ur-tout dans le dernier de Loxa à Jaen-de~Bracamoros ; dans celui sur les bords du fleuve des Amazones , dont les environs sont couverts de bougainvillea d’andira et de go- doya , et dans le district que nous avons traversé pour arriver à Lima. Plusieurs européens ont exagéré l’influence de ces climats sur l’esprit ; ils ont soutenu qu’on ne pouvoit s’y livrer à des travaux scientifiques; nous pouvons assurer le contraire. Nous n’avons jamais été doués de plus de force de tête qu’en contemplant dans ces pays la magnificence de la nature. La vue de ses pro- ductions innombrables et nouvelles pour nous, nous éleclrisoit ; elle nous trans- portait de joie, et nous rendoit pour ainsi dire invulnérables. C’est ainsi que nous travaillions exposés trois heures de suite au soleil brûlant d’Acapulco et de Gilayaquil, sans en etre sensiblemet incommodés ; c’est ainsique nous foulions les neiges glacees des Audes , que nous traversions des déserts , que nous par- courions des bois épais ou des marais bourbeux , sans que notre courage eu fût affoibli, sans même que notre gaitéenfut altérée. Nous sortîmes de Lima le 25 décembre 1802 ; nous nous arrêtâmes un 476 annales dit muséum mois à Guayaquil où nous eûmes la satifaction d’herboriser avec deux bofâ* niâtes distingués, MM. Tafalla et Manzanilla , et nous arrivâmes à Acapulco , le 22 mars , après avoir éprouvé une horrible tempête, vis-à-vis du golfe de Nicoya. Le volcan de Cotopaxi sur lequel j’avois marché tranquillement l’année précédente , fit, le 5 janvier, une explosion si terrible , que naviguant à soixante lieues de distance, nous en entendîmes le fracas. Il a vomi des torrens de flammes et des nuées de cendres , et la neige s’est, entièrement détachée de son sommet. Il ne paroît pas qu’il ait jusqu’à présent causé le moindre dommage , mais comme il n’est point éteint , l'alarme est continuelle dans la province de Quito. Vous connoissez l’ardeur et l’enthousiasme de mon ami et compagnon Bom- pland, et vous pouvez juger combien nous avons recueilli de richesses en par- courant des pays qui n’ont été visités par aucun botaniste, et où la nature s’esfc plue à multiplier des végétaux dont la forme et la fructification est toute diffé- rente de celle des végétaux connus. Notre collection excède 42oo plantes , parmi lesquelles sont beaucoup de genres nouveaux et un grand nombre de gramens et de palmiers. Nous avons dans notre herbier plus de cent mélastomes, quoi- que nous n’ayons pas toutes celles de Linné. Nous avons fait la description des 4200 plantes, et nous en avons dessiné un très-grand nombre d’après les originaux vivans. Nous ne pouvons fixer aujourd’hui le nombre de celles qui sont nouvelles; il faut pour cela que nous soyons de retour en Europe, et que nous les comparions avec celles qui ont été publiées : mais nous espérons avoir recueilli assez de matériaux pour former un ouvrage digne de l'attention des naturalistes. L’anatomie comparée a été , ainsi que la botanique , une partie ac- cessoire à l’objet principal de notre voyage; nous nous en sommes occupés, et nous rapportons beaucoup de pièces préparées par mon compagnon Bompland. J’ai dessiné plusieurs profils ou cartes géographiques, avec des échelles hygro- matiques, eudiométriques, etc. pour déterminer les qualités physiques qui ont tant d’influence dans la physiologie végétale, de manière que je puis indiquer en toises à quelle élévation au-dessus du niveau de la mer se trouve chaque espèce d’arbre sous les tropiques. J’ai vu avec peine ce qu’on a écrit sur les quinquinas, parce que les sciences ne gagnent rien lorsqu’on mele des personnalités aux discussions ; et j ai ete vraiment affligé de la manière dont on a traité le vénérable Mutis. On a ré- pandu en Europe les idées les plus fausses sur le caractère de cet homme célèbre. Il nous traita à Santa-Fé avec cette franchise qui paroissoit le caractère parti- culier de Bailles. Il nous communiqua sans réserve toutes ses richesses en bota- D* HISTOIRE NATURELLE. 477 nique, en zoologie el en physique ; il compara ses plantes aux nôtres, et il nous permit de prendre toutes les notes que nous désirions sur les genres nou- veaux de la ilora de Santa-Fé. Il est déjà vieux, et cependant on est étonné des travaux qu’il a faits et de ceux qu’il prépare pour la postérité; on admire qu’un seul homme ait été capable de concevoir et d’exécuter un si vaste plan. M. Lopezme communiqua son Mémoire sur le quinquina avant de l’impri- mer, et je lui dis que ce Mémoire même prouvoil évidemment que M. Mutis avoit découvert le quinquina dans les montagnes de Tena en 1772 , et que lui Lopez l’avoit vu près de Honda, en 1774. \ Quant à l’arbre qui donne le quinquina fin de Loxa , nous l’avons examiné dans son pays natal, et nous croyons qu’il n’est pas même déorit. Nous l'avons comparé avec le ci/ichona que nous avons vu dans les provinces de Santa-Fé , de Popayan , du Pérou et de Jaen. Par ses feuilles , il se rapproche du cinchona glandulijera de la flora du Pérou , mais il en diffère par ses fleurs. Nous avons envoyé en France une collection de quinquinas de la Nouvelle- Grenade, qui consistoit en écorces choisies , en beaux échantillons en fleurs et en fruits, et en magnifiques dessins enluminés dont le généreux Mutis nous avoit fait présent : nous y avons ajouté quelques os fossiles d’éléphans trouvés sur la Cordillière des Andes , à i4oo toises de hauteur- (1) Je vous fais mes remercîmens des éloges peu mérités dont on m’a comblé dans le n.° i5 de vos Annales. Je leur ai cette obligation que dans un des numéros suivans 011 avertit que dans la carte gravée à Madrid , les hauteurs ont toujours 4o à 70 toises déplus qu’elles nedevroient. Une telle différence, dans des obser- vations de cette nature doit sans doute être rectifiée. Ma facilite à communiquer à tout le monde en Amérique mes cartes fondées sur des observations astrono- miques, ainsi que mes remarques sur la géographie des plantes et les mesures géodésiques, a sans doute été cause qu’il en est parvenu des copies en Europe où elles se sont multipliées par le zèle de ceux quiprenoienl intérêt à cette partie de la géologie : mais ces copies faites à la hâte et sur des Mémoires auxquels je n’avois pas mis la dernière main, sont très-différentes de celle que j’ai et que je publierai dans mou ouvrage sur la construction du globe. Si la franchise avec laquelle j’ai communiqué mes plantes, mes animaux , mes cartes géographiques et mes observations, en consentant que chacun copiât ce qu’il désiroil, a donné lieu aux équivoques qu’on a remarquées, elle m'a (1) Ces objets sont actuellement de'pose's au Muséum. 4. 6* 478 A N AN LL ES DU MUSEUM fourni l’occasion de rectifier la localité de plusieurs points irnportans, d’après- les renseignemens qui m’onl élé donnés par des hommes habiles. Je voudrois qu’on n’itnp rimât que ce que j’écris moi-même dans mes lettres ou Mémoires: les premières idées ne sont qu’un esquisse qu’il faut terminer , et les calculs et les mesures exigent un examen ultérieur qui ne peut se faire qu’avec du temps eL de la tranquillité. Les savans Lacondamine et Bouguer, nous ont donné une preuve de cette vérité j regardant leurs opérations comme exactes et ter- minées, ils firent graver sur une pierre du collège des Jésuites, eu sortant de Quito, la longitude de cette ville, et cette longilude diffère d’un degré de celle qu’ils ont depuis adoptée en Europe. J’ai lu avec beaucoup de plaisir vos observations sur les fougères: vos principes me paroissent vraiment physiologiques et indispensables pour établir des genres avec solidité. Vous vous souvenez sans doute de celle substance siliceuse , ressemblante à l’opale que M. Macie analysa en Angleterre. Nous l’avons découverte à l’ouest du volcan de Pichincha , dans les bambous ou gros roseaux appelés gnciduas dans le royaume de Santa-Fé. J’ai fait des expériences chimiques sur le suc de cette graminée colossale, avant que la substance siliceuse se fut déposée, et j’y ai remarqué des phénomènes très-curieux ; il est susceptible d’une putréfaction animale , et paroît annoncer une certaine combinaison d’une terre simple avec l’azote. Nous avons vu aussi que eette plante doit former un genre nouveau très-dif- férent de l’Arundo de Linnoeus et du Bambusa de Schreber. Nous avons eu bien de la peine à trouver ses fleurs , parce qu’elle fleurit si rarement que quoi- que plusieurs botanistes ayenl observé la plante pendant trente ans, dans les Arasles pays où elle est abondante, ils n’ont jamais pu les rencontrer , et que les Indiens nient leur existence. Nous avons été plus heureux, et nous les avons vues- dans le coin du monde le plus reculé. C’est sur la rivière de Casiqniare qui forme la communication de l’Orénoque avec le Maya gnon , et ensuite dans la vallée de Cauca , située dans la province de Popayan où je la dessinai. Nous en avons des échantillons pour vous. Je vous prie de publier notre reconnoissance pour l’accueil que nous ont fait , et les services que nous ont rendus les Espagnols dans toutes les parties de l’Amé- rique que nous avons visitées. Nous ne pouvons donner assez d’éloges à la géné- rosité de votre nation et de voire gouvernement. J’ai l’honneur d’être , etc. TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES Contenus dans ce quatrième volume. F O U R C R O Y. Notice cl* une suite cle recherches sur le nouveau métal qui existe dans le platine brut , extraite d’un deuxième mémoire lu à r Institut , le 23 pluviôse an XII. Page 17 FOURCROY et YAÜQUELIN. Mémoire sur la nature chimique et la cassification des calculs ou concrétions qui naissent dans les animaux , et que Von connoit sous le nom de Bézocirds. 32g Expériences comparées sur V arragonited’ Auvergne et le carbonate de chaux d’ Islande. 4o 5 y A U Q U E L I N. Analyse de l’émeri de Gersey. 4i2 BRONGNIARD. Mémoire sur les principes constituans de Veau minérale et médi- cinale de Balaruc * iq3 JUSSIEU. 1 Quatrième notice historique sur le Muséum. i Mémoire sur le Grewia , genre de plantes de la famille des Tiliacées. 8s 48o TABLE DES MÉMOIRES Mémoire sur le Gymnostyles , genre nouveau de la famille des plantes corymbifères. 2,58 Mémoire sur le P aullinia , genre de plantes de la famille des Sapin- dacées. 34o Mémoire sur V Opercularia , genre de plantes voisin delà famille des Dipsacèes. 4i8 DESFONTAINES Observations sur le thé. 20 T H O U I N. I Notice sur les dégâts occasionnés dans le jardin du Muséum par V ouragan du 6 nivôse an NTT. du Description du jardin des semis du Muséum , de sa culture et de ses usages. * 263 GEOFFROY. Mémoire sur un neuveau genre de mammifères à bourse nommé Péramélès. 56 Mouvemens de la ménagerie du Muséum , article où Von fait con- naître quelques faits nouveaux relatifs à V histoire naturelle du jaguar, du paca , du vautour royal , des chiens-mulets et de Vagouty. p4 Note sur les animaux vivans venus à bord du Géographe. iji Note sur la perte de trois animaux de la ménagerie. 4y4 LACÉPÈDE. Mémoire sur plusieurs animaux de la Nouvelle-Hollande dont la description n} a pas encore été publiée. i84 ' LA MA RC K. Suite des mémoires sur les fossiles des environs de Paris. 46, 1 o5 , •212,2% 9, ^29. Mémoire sur une nouvelle espece de Trigonie . et sur une nouvelle espèce cV huître découverte dans le voyage du capitaineBauclin. 35t ET NOTICES. 281 CUVIER. Suite des recherches sur les os fossiles cle la pierre cl plaire des en- virons de Paris. Cinquième mémoire. 66 Mémoire sur l’Ibis des anciens Egyptiens. 116 Mémoire concernant l’ animal de l’ Hyale , un nouveau genre cle mollusques nus y intermédiaire entre l’ Hyale et le Clio, et V établissement d’un nouvel ordre clans la classe des Mol- lusques. 225 Sur l’Hyppopotame et sur son ostéologie. 299 Mémoire sur les Thalides (Thulia Brown ) et sur les Biphores(Saîpa Forshciohl. ) 3 60 Mémoire sur le genre Doris. 44j LAUGIER. r ' " / Analyse cl’une pierre tombée cle l’atmosphère. 24ÿ LA TREILLE. Mémoire sur un gâteau de ruche cl’une abeille des Grandes Indes , et sur les différences des abeilles proprement dites , ou vivant en grande société , de l’ancien continent et du nouveau. 383 R A M O N D. De la végétation sur les montagnes. 3ÿ5 P É R O N. Mémoire sur le nouveau genre Pyrosoma. gy 4oq P O I T E A U. Stevensia nouveau genre de la famille des Rubiacées. 235 GODON-S AINT-MFM IN. Sur la belle couleur verte que le chrome peut fournir à la peinture. 238 432 TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES. DUREAU-DE-LA-MALLE fils. Mémoire sur les espèces de frênes connues des anciens. $4% D E L E U Z E. Notice historique sur Joseph Dombey. i36 CORRESPONDANCE. Note adressée à V institut national par M. Ortéga. y6 Note sur le don fait au Muséum d’un herbier et d’un ouvrage ayant pour titre : Histoire des * végétaux recueillis sur les Iles-de- France la Réunion et Madagascar. ijo Lettre de M. A. de Humboldt à M. Cavanilles y traduite de l’es- pagnol. 4y5, Indication des Gravures du quatrième volume. Planches. XLIV , Perameles nasuta. page 56 XLV. Perameles obesula. ibid. XL VI. Squelette du P aloeotherium trouvé à Pantin. 66 XLVII. 1 , Grewia multiflora ; 2, G. nitida. 82 XLV1I1. / , G. glandulosa y 2 , G. acuminata , 3 , G. gua- zumœfolia. ibid. XLIX. 1 , G. tomentosa y 2 , G. cuneifolia y 3, G. cipetala. ibid. L. /, G. betulœfolia y 2? G. bicolor; 3 , G. rotundifolia ibid. LI. i , G. carpinifolia y 2 > G. tilicefolici • 3 } G. eriocarpci. ibid. LU. Squelette d’ibis tiré d’une momie d’Egypte. 116 LIII. Numenius ibis. Véritable ibis des anciens. ibid, LIV. 1 , Figure cl’ibis copiée sur des monumem égyptiens y 2, bec tiré d^une momie d’ibis . ibid. 4 8 INDICATION DES GRAVURES. LY. /j Le bijjècle lèpidopode ; 2 ,, la raie croisée ; 5, la lophie hérissée ; 4 la lophie lisse. 208 LV1. 1 , Le Trimèrèsure petite tête; 2 , le trimé résure vert y .3, V Aipy surs lisse. ibid. LVIÏ. 1 , La Leiosélasmè striée ;2 , la Disteire cerclée, ibid. LV1II./, 1/ O stracion quatorze pi quarts y 2 , le Tètroclon argenté ; 3 , le Syngnathe à banderolles. ibid. L1X. / , L’Hyale ; 2, , le Pneumoderme. 22.3 LX. Stevensia buxifolia. 235 LXI. 1 , Gymnostyles anthemi folia ; 2 , G. nasturtiifolia y 3, G. pterosperma. 258 LXII. Plan du jardin des semis du Muséum. 263 LXI!I. Squelette de F Hippopotame. 2ÿÿ LXIV et LXV. Os d’ Hippopotame. ibid. LXVI. / . Paullinia thalictri folia ; 2 , P. meliœ folia. 34o LXVII. 1 , La Trigonie nacrée y 2 3 l’huître tuberculèe. 35i LXVIII. Thalides et Biphores. 36o LXÎX. Gâteau de ruche et abeilles des Indes. 383 LXX. / , Opercularia aspera y 2 , O. sessiliflora. 4i8 LXXI 1 , Opercularia hyssopifolia $ 2 } O. ligustrifolia y 3 , O. ocimifolia. LXXII. Pyrosoma atlanticum. LXXIII Anatomie du Doris lacera . LXXIV. Anatomie du Doris sole a. ibid. 43y 44y ibid. TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES Contenues dans ce quatrième Volume. A. Abeille. Mémoire sur un gâteau de ruclie d’une abeille des Grandes-Indes, et sur les différences des abeilles proprement dites , de l’ancien continent et du nouveau y 383 et suiv. Description de deux espèces indiennes, 3g 2 Ægagropy Le s ou bézoards intestinaux pi- leux. 335 Agouti. Observations sur l’accouplement des agouris du Muséum io4 Allante ou vernis du Japon. Observations sur cet arbre, et sur les divers usages aux- quels son bois peut être employé , 43 et suiv. Aipysurê. Nouveau genre de serpens. Sa des- cription, 197. Caractère distinctif, 210 Analyse chimique des eaux de Balaruc, 1 7 3 et suiv. — du chromate de mercure, 23g etsuiv. . — d’une pierre tombée de l’atmosphère , 24g et suiv. — de l’arragonite d’AuVergne et du carbonate de chaux d’Islande, 4o5 et suiv. — de l’émeri de Gersey , 4 1 2 Anatomie ( démonstrateurs d ’) au jardin des Plantes depuis 1718 jusqu’à 173g, 6 et suiv. Place de démonstrateur d’anatomie rendue stable en 1736, 18 Anatomie comparée ( articles d' ) compris dans ce volume. ( Voyez hippopotame , ibis , mollusques ). Animaux. V. ménagerie et zoologie. Animaux à bourse. A . Péramêlès, Animaux vivans venus à borddu Géographe, 171 Animaux de la Nouvelle-Hollande. V. Hol- lande ( nouvelle ). Anomia tridentata. Forsk. V. Hycile. Arbres. A quelle hauteur ils cessent de croître dans les Alpes et les Pyrénées, 3g7- Occupent diverses bandes selon leurs divers genres, ib. et 4 76 Moyens de guérir les blessures des arbres , de replanter ceux qui ont été arrachés par le vent , de faire reprendre ceux qui ont été fendus ou cas- sés, etc. 32 et suiv. Précautions à prendre lorsqu’on plante des arbres. V. Plan- tations. Arnaud, démonstrateur d’anatomie au jardin des Plantes , g Arragonite. Expériences comparées sur l’ar- ragonite d’Auvergne et le carbonate de chaux d’Islande , 4o5 et suiv. Aubriet , peintre du jardin , i3 Auricule. Observations sur ce genre de co- quilles; et description de sept espèces fos- siles, 434 etsuiv. B. Basseporte ( mademoiselle ) nommée adjoint au peintre Aubriet , 18 Baliste galonné. Nouvelle espèce de poisson. Sa description , 202. Son caractère dis- tinctif, 211 Baudin. Animaux de la Nouvelle-Hollande envoyés par le capitaine Baudin, 188 et suiv. DES MATIERES. jÇe30«rcZ, s. Mémoire sur leur nature chimique , et leur classification . 329 et suiv. Bipède lépidopode ( bipeslepidopodus ). Rep- tile delà Nouvelle-Hollande. Sa descrip- tion , ig3. Son caractère distinctif, 208 Biphore (salpa). Mémoire sur ce genre de Mollusques , auquel on a réuni le thalia 5 et description anatomique de six espèces, 36 o et suiv. Boa lisse delà Nouvelle-Hollande. Descrip- tion de ce serpent, 195. Son caractère dis- ttnctif, 209 Boulduc , père et fils , professeurs de chimie au jardin des Plantes , 1 1 Bulime. Observations sur ce genre de co- quilles, 289. Description de quinze espèces fossiles, 291, et suiv. Bulle. Observations sur ce genre de coquilles, 219. Description de cinq espèces fossiles, 221 C. Cadran ( solarium ). Observations' sur ce genre de coquilles fossiles, 5i. Descrip- tion de neuf especes f2ssiles, 53 Calculs ou concrétions qui naissent dans les animaux. V. Bézoards. Carbonate de chaux dl Islande. V. Arragonite . Cèdre du Liban , planté en 1 734 sur la butte dü jardin, est le plus ancien de ceux qui existent en France , 1 6 Chien de la ménagerie , à guéri un tigre ma- lade d’une plaie , en la léchant. hjh Chiens-mulets ( Observations sur les ) nés au Muséum d’un dogue et d’une louve, 102 Chimie ( Articles de ) contenus dans ce vo- lume. V. Analyse , Bézoards. Professeurs de chimie au jardin des Plantes, depuis 1718 jusqu’en 1739 , 20 et suiv. Chirac, nommé intendant du jardin en 1718, premier médecin du roi en ij3o , forme 485 le plan d’une académie de médecine. Soit caractère. Réglemens qu’il rédige pour le jardin , 2 et suiv. Sa morten 1732 , i4 Chromate de mercure. Son analyse, 23g Chrome. Sur la belle couleur verte que ce métal peut fournir à la peinture , 238 Climats. Division de la terre en cinq climats, relativement aux. végétaux qui y croissent, 274 , et suiv.. Culture convenable aux plantes des divers climats, ibid. Clio. Considérations sur la place que ce mol- lusque doit occuper dans sa classe , 224 Son caractère , 232 Coquillages. V. Huître , Trigonie.. Coquilles. Caractère de plusieurs genres de coquilles , et descriptions des espèces fos- siles des environs de Paris. Y. Ahricule , Bulime , Bulle , Cadran , Cyclostome , Dauphvnule , Lymnée , Mélanie , Phasia- nelle , Sabot , Scalaire, Troque, Turritelle. Couches. Jardin des couches ou des semis du Muséum. V. Jardin. Couleuvre spilote. Sa description, ig5. Son caractère distinctif, 209 Courlis ( numenius ). V. Ibis. Culture. Y . Jardin. Considérations sur la cul- ture propre aux plantes des divers climats , 274 et suiv. Cururu. Nom donné par Plumier aux paul- linia à fruit simple. V. Paullinîa. Cyclostome. Observations sur ce genre de de coquilles, 112. Description de six es- pèces fossiles ,- 1 1 4 D. Dauphinule. (delphinula ). Observations sur ce genre de coquilles , 108. Description de huit espèces fossiles , 110 Didelphis. Considérations sur ce genre de mammifères à bourse, 56 et suiv. 63 4 86 TABLE ALPHABETIQUE Dipsacées. Observations sur cette famille de plantes , et sur Futilité de former un nou- vel ordre intermédiaire entre les dipsacées el les rubiacées, 423 et suiv. Direction du jardin des Plantes détachée de la place de premier médecin du roi en 1702 , et conlice sous le nom d’intendance à Dufay , i4 et suiv. Disteire. Nouveau genre de serpens. Sa des- cription, 199. Son caractère distinctif, 2:0 Dodart ( Denis ) , auteur des mémoires pour servir à l’histoire des plantes , 2 Dodcirl ( C. J. B. ) , fils du précédent, pre- mier médecin du roi en 1718, 2 Dombey. Notice historique sur ce v oyageur naturaliste, i3S et suiv. Ses voyages au Pé- rou et au Chili , téo et suiv. Son retour à Paris, i5g. Son départ pour l’Amérique septentrionale, 1G2. Ses malheurs et sa mort, t63. Indication des principauxobjets dont il a enrichi le Muséum, et desplantes vivantes qu’il a procurées au jardin, i65 et suiv. Doris. Mémoire sur ce genre de mollusques, sur les espèces qui le composent, el sur leur anatomie , 447 et suiv. Dufay , intendant du jardin. Détails sur ses ouvrages et sur le bien qu’il a fait à l'éta- blissement. i5 et suiv. Duverney , professeur d’anatomie au jardin des Plantes. Note sur sa vie et ses travaux , 6 et suiv. Duverney. ( Pierre ) , fils du précédent , 7 et suiv. Duverney ( J. F. M) , fils du précédent, dé- monstrateur d’anatomie au jardin des Plantes , 8 et suiv. E. Eau destinée aux arrosemens. Combien l’eau sélénileuse est nuisible aux plantes ,271^ el suiv. Eaux minérales. Analyse des eaux de Bala- ruc, cL suiv. Comparaison des résultats de eelte analyse avec ceux des analyses précédemment faites des mêmes eaux , 181 et suiv. Eléphant mâle de la ménagerie y sa mort 474 Emeri. ( Analyse de l’ ) de Gersey , 4i 2 el s. F. Floripondio. (Dalura ai boreaL.). Arbrisseau d’ornement apporté par Dombey , 166 Fossiles ( Coquilles ) des environs de Paris. V. Coquilles. Fossiles ( Os ) Y. Os. Frênes. Mémoire sur les espèces de frênes connues des anciens , 242 et suiv. G. \ Genévrier commun. Se trouve dans les Py- rénées à la hauteur de 2900 mètres, mais alors il ale port du genevrier de Laponie,. 398 Genres. Considérations sur rétablissement des genres en histoire naturelle. 2 23 Geoffroy , professeur de chimie au jardin des plantes. Ses ouvrages , 10 et suiv. Geoffroy ( Etienne-Louis) , fils du précédent. Ses ouvrages , 1 2 Gigot, démonstrateur d'anatomie au jardin. 8 Graines. Manière de semer les graines des diverses plantes, relativement à leur gros- seur, à leur nature , au climat d’où elles viennnent. V. Semis. Grewict. Mémoire sur ce nouveau genre de plantes , 82 el suiv. Description de trente- trois espèces , 89 et suiv. Gymuvstyles. Mémoire sur ce nouveau genre DES M.ATII IL E S -Je îa famille des plantes coryinbifères , 258 et suiv. Garaclère du genre et de trois espèces , 262 H. Herbier de Dombey , 166 Herbier donné au Muséum par M. du Petit- Thouars , 170 Herbier de MM. Bompland et Humboldt , 475 Hippia minuta L. fil. est un gyroncstylès. Y. ce mot. Hippopotame. Mémoire sur l’hippopotame et son oslcologie, 299 et suiv. Hollande ( Nouvelle ) , Considérations sur la géographie et l’histoire naturelle de celte contrée, 1 84 et suiv. Quadrupèdes ovipares , serpens et poissons de la Nou- velle-Hollande , 189 et suiv. Nom des naturalistes qui ont accompagné le capi- taine Baudin, 1 7 1 . Remarques sur leurs tra- vaux, 1 38 et suiv. Mollusques envoyés de la Nouvelle-Hollande. Y. Mollusques. Huitre tuberculée ( oslrea tubcrculata ). Nou- velle espèce trouvée à l'ilede Timor par M. Péron , 358 Humboldt ( Lettre de M. de ) 475 et suiv. Hunaud, démonstrateur d’anatomie au jar- din des Plantes , 10 Hyale. Desci iplion anatomique de cet ani- mal qui fait partie d’un nouvel ordre dans la classe desmoUusques , 22 r et suiv. I. Jaguar. Notice sur le jaguar du Muséum, g4 et suiv. Faits nouveaux, relatifs à l’his- toire de cet animal, ibid. Sa différence d’avec la panthère, g5 Ibis. Mémoire sur l’ibis des anciens Egyp- tiens,! 16 et suiv. Méprises des auteurs mo- dernes sur cet oiseau , n 7 et suiv. Momies de l’ancien ibis , 118 et suiv. Description 4 «7 du squelette de cet oiseau faite d’après les momies apportées de Thèbcs , 122. Déter- minationdu véritable ibis qui est un courlis ( Numenius ibis ) , 124. Comparaison de cet oiseau avec ceux qu’011 a confondus avec lui, 125 et suiv. Description qu’Hé- rodoleafaile de l'ibis , 126. Examen de plusieurs monumens antiques sur lesquels on voit la Ggure de l’ibis, 127 et suiv. Ori- gine des erreurs touchant l’ibis, i32. Preuve offerte par les momies que les ibis mangeoient des serpens, ibid. Com- paraison des plumes trouv ées dans les mo- mies avec celles de l’oiseau qu’on a prouvé être l’ibis, i34. Résultat du mémoire i34. et suiv. Jardin. Description du jardin des semis du Muséum ; de sa culture et de ses usages , 2 Pierre tombée de V atmosphère , à Apt , le i5 vendémiaire an XII. Son analyse, 2^9 , et suiv. Plantai ion des arbres. Comment elle doit être faite , et combien est vicieuse la pra- tique de couper la tête des arbres en les plantant' , 3 4 et suiv. Plantes dérrites dans ce volume. Y. Grewia , Gymnostyles , Opercitlaria , Paullinia , Stevensia , Thé. Plantes de la Nouvelle-Hollande; ont une organisation particulière, 4i8 Plantes vivaces ; se conservent un grand nombre d’années sous la neige et fleuris- sent sur les sommets les plus élevés lors- qu’elle vient à se fondre, 3g8 et suiv. Se- lon quelle direclÎ2n s’est faite la propaga- tion des plantes, 4oo et suiv. Plusieurs vont du midi au nord en traversantes Pyrénées, 4ol. Plantes qui dans les déserts des mon- tagnes indiquent l’ancien séjour de l’homme, 4o3 Plantes aquatiques, Plantes parasites , etc. De leur culture , 285 et suiv. Yoy. Jardin , climats , Semis. Platine brut ; (Métal qui existe dans le ). Y". Métal. Platypode. Nouveau genre de poissons. Sa description, 206. Son caractère distinctif, 211 Pneumoderne. Description anatomique de ce nouveau genre de mollusques , 228etsuiv. 4*89? Poirier, sur-intendant du jardin, 1 Poissons de la Nouvelle-Hollande , envoyés' par lecapitaine Baudin, 201 et suiv. Consi-^ dérations sur les traits remarquables des poissons de cel.e contrée , 207. Caractère distinctif des genres nouveaux et des es- pèces nouvelles , 210 et suiv. Poncelet, démonstrateur d’anatomie au jar- din des Plantes , 9 Prionure. Description de ce nouveau genre de poissons, 2o5. Son caractère distinctif, 211 Pyrénées. Y. Végétation. Pyrosojna. Mémoire sur ce nouveau genre de mollusques, h3q et suiv. Q. Quadrupèdes ovipares , envoyés de la Nou- velle-Hollande, 189 et suiv. Considérations sur les caractères les plus frappans que- présentent les quadrupèdes ovipares elles serpens de cette contrée , 200. Caractère- distinctif des espèces nouvelles, 208 Quinquina ( Forêts de ) près d’Huanuco, i43. Quinquina fin de Loxa est une es- pèce qui n’a pas encore été décrite , 477 Quinoa. Plante cultive'e au Pérou, i4 2 R. Raie croisée. Sa description, 201 . Son carac- tère distinctif, 2to Reptile bipède de la Nouvelle-Hollande. Y. Bipède. Rhododendron ferrugineum ; paroit dans les Pyrénées à 1600 mètres de hauteur, et s’arrête à 2600. Roseau et Amérique dont la fructification étoit inconnue, et dont lesuc contient une substance siliceuse , 478 Ruche {Gâteau de ). Y. Abeilles. s. Sabot (Turbo ) Observations sur ce genre de coquilles, io5. Description de quatre es- pèces fossiles , 106 Salpa. Y. Bifore. Scalaire. Observations sur ce genre de co- quilles, 212. Description de cinq espèces fossiles , 2 1 3 Semences clés végétaux. Leur innombrable quantité. Moyens que la nature emploie pour les faire réussir , 263 et suiv. Semis. Leur importance ; les soins qu’ils qu ils exigent. Exposition de la théorie d’après laquelle se font les semis dans le jardin du Muséum, et description du lo- cal qui leur est destiné, 264 et suiv. Epoque à laquelle doivent être fails les semis , • 274 et suiv. Serjania. En quoi celte plante diffère du paullinia , 34 o et 342 Serpens , envoyés de la Nouvelle-Hollande. Leur description , 194 et suiv. Leur carac- tère distinctif, 209. Considérations sur les traits les plus frappans que présentent les serpens de cette contrée, 200 Squelette de palœotherium trouvé dans la pierre à plâtre des environs de Paris. Sa description , 66 et suiv. Stevensia. Description de ce nouveau genre de plantes , 235 et suiv. Syngnathe à banderolles. Description de cette nouvelle espèce de poissons , 2o3. Son caractère distinctif , 211 T. Tantalus ibis. L. N’est point l'ibis des an- ciens. On a confondu sous ce nom quatre espèces de trois genres différens , i34 Terrain propre aux semis des diverses plantes, 269 et suiv. Division du terrain destiné aux semis dans le jardin du Muséum , et usage de chacune de ses parties , 274 et suiv. Terre. Composition et préparation de la terre la plus propre aux semis , 281 Tetrodon argenté. Description de celte nou- velle espèce de poisson , so3. Son carac- tère distinctif, 211 Thulia. Y. Thalides. Thalides et Bifore s. Deux genres de mol- lusques réunis sous le nom de Salpa , 36 o et suiv.. Description anatomique de six es- pèces , 366 et suiv. Thé (Observations sur le) , 20 , 32. Descrip- tion de cet arbrisseau , 22. Sa culture , sa récolte et sa préparation , 22 et suiv. Dif- férentes espèces de thé du commerce , 24 et suiv. Plantes qui servent à parfumer le thé , 27. Introduction du thé en Europe, 3o. Origine fabuleuse que les Japonois lui attribuent, 3i Tigre. Observations sur les animaux qui ont du rapport au tigre , 96. Mort du tigre fe- melle de la ménagerie, 474. Tigre mâle guéri d’une plaie par les soins d’un chien , ibid. Toupie. Yoy. Troque. Tortue à long cou, envoyée de la Nouvelle - Hollande. Sa description, 189 Trigonie. Considérations sur ce genre de co- quilles qui n’éloient connues cpie dans l’état fossile, et description d’une nouvelle espèce trouvée vivante , 35 1 et suiv. Trimérésure. Description de ce nouveau genre de serpens, ig5. Caractère distinctif du genre et de trois espèces , 209 Troque ou Toupie. Observations sur ce genre de coquilles , et description de huit es- pèces fossiles , 46 et suiv. Turritelle. Observations sur ce genre de co- DES MA quilles, et description de dis. espèces fos- siles , 2 1 6 Y. Valériane. Observations sur ce genre de plantes , 423 et suiv. Vautour royal. {N ultur papa ). Observations sur cet oiseau , loi Végétation {de la ) sur les montagnes, 3g 5 et suiv. Verbascum myconi. Plante qui se propage suivant une direction déterminée , 4o2 Vert. Couleur verte que le chrome peut four- nir à la peinture , 238 T I E R E S. 49i Verveine à odeur de citron. Arbrisseau qu’on peut naturaliser en France , 167 Volcan de cotopaxy , 476 W. IV in slow fait des leçonsd’anatomie au jardin à la place de Duverney , 8 et suiv. Z. Zoologie ( Articles de ) renfermés dans ce vo- lume. Y. Abeilles , Coquillages , Hippopo- tame , Ibis , Ménagerie , Mollusques } Péramélès , Poissons , quadrupèdes ovi- pares, Reptile , Serpens. ERRATA. Page 65 , ligne 28 , explication de la planche 45 ; lisez 44. Pag. 77 ,Iig. 3 , extrait ; lisez extraite. Pag. 78, lig. 16 , rendue par cette oxidation alcaline ; lisez que cette oxidation alcaline renye Pag. 80, lig. 18 , et en séparant ; kisez et en séparent. Pag 1 65, lig. 18 , chaux lamellaire ; lisez chaux carbonatée lamellaire. Pag. 166, lig. 18, après floripondio , ajoutez ( datura arborea L. ). %• I 4 ! „• . *